(Quatorze heures deux minutes)
La
Présidente (Mme Vien) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation
ouverte et je demande, évidemment, à tous les collègues, les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Charte de la langue française
La commission est réunie aujourd'hui afin de
procéder à l'étude des crédits budgétaires du volet Charte de la langue française,
relevant du portefeuille Immigration et Communautés culturelles. C'est pour l'exercice
financier 2013‑2014.
Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Richard
(Duplessis) sera remplacée par M. Richer
(Argenteuil).
La
Présidente (Mme Vien) : Nous allons
débuter par les remarques préliminaires. Puis, par la suite, nous allons procéder à une discussion d'ordre général
par blocs d'environ 20 minutes incluant les questions et les réponses.
Et la mise aux voix de ces crédits, à la fin
du temps qui est alloué à l'étude de ce volet, se fera donc à la fin de cette
période. Puisque nous avons débuté nos travaux aux alentours de
14 h 1, nous les finirons, avec votre permission, à 18 h 1.
Je vous invite, aux fins de l'exercice de l'étude
des crédits, à poser de courtes questions, bien entendu. Et, de la même façon, on
invite également Mme la ministre à donner des réponses tout aussi courtes pour,
vous l'avez compris, favoriser les échanges le plus possible.
Remarques préliminaires
Alors, nous débuterons, sans plus tarder,
avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de 10 minutes pour vos remarques d'ouverture. J'ai
été prévenue que les remarques préliminaires pouvaient donc être davantage que
10 minutes, ce qui, incidemment, fait en sorte que le sept minutes serait
pris sur le côté ministériel avec le consentement, bien entendu, de l'ensemble
des collègues. Ça vous va? On vous écoute, madame.
Mme Diane De Courcy
Mme De Courcy : Alors, Mme la Présidente, c'est avec
plaisir que je m'adresse à vous dans le cadre de
l'étude des crédits relatifs à la Charte de la langue française. Permettez-moi,
d'abord, de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui :
M. Alain Lupien, mon chef de cabinet; M. Robert Baril, sous-ministre; M. Jacques
Beauchemin, sous-ministre associé à la langue française; M. Yvan Turcotte,
sous-ministre adjoint à la francisation et à l'intégration; Mme Louise
Marchand, présidente de l'Office québécois de la langue française; M. Robert
Vézina, président du Conseil supérieur de la langue française; M. André Gagnon,
directeur de la Commission de toponymie; et mon équipe ministérielle, et mon
personnel politique.
En 2013‑2014, les crédits de la Charte de la
langue française sont inscrits en tant que programme du ministère de l'Immigration
et des Communautés culturelles. En me nommant ministre de l'Immigration et des
Communautés culturelles et ministre
responsable de la Charte de la langue française, la première ministre du
Québec, Mme Pauline Marois, a fait le pari
audacieux d'associer deux grands enjeux relatifs à la vitalité du français au
Québec et qui m'apparaissent interreliés : l'urgence de renforcer
le statut de la langue française dans le Québec d'aujourd'hui, y compris dans
les parcours d'intégration des personnes immigrantes; la reconnaissance de l'apport
de l'immigration à la vitalité du français au Québec, ce qui est
particulièrement vrai depuis l'entrée en vigueur de la Charte de la langue
française il y a 35 ans.
En 2013‑2014, le total des crédits du ministère
s'élève à 340,6 millions. Ce budget est réparti dans deux programmes : Immigration, intégration et communautés
culturelles, Charte de la langue française. Le budget de dépenses 2013‑2014 consacré au programme Charte de
la langue française atteint près de 29 millions. Ce montant nous
permettra de renforcer la portée de la Charte de la langue française au sein de
notre société, d'assurer la promotion et la diffusion d'un français de qualité
dans tous les secteurs d'activité, notamment en éducation, ainsi que d'élaborer
et de coordonner les politiques et les actions gouvernementales en matière
linguistique.
Ce
budget représente une hausse de plus de 1 million comparativement à l'an
dernier. Cette hausse permettra notamment à l'Office québécois de la langue
française de déployer de nouvelles stratégies en vue d'implanter le français dans les entreprises, d'assurer un suivi
plus efficace des plaintes et de mettre en oeuvre de nouvelles actions
pour promouvoir et maintenir le caractère
français du Québec dans le centre-ville de Montréal, notamment. Lorsqu'on se
rend compte de la place qu'occupent aujourd'hui les francophones dans les
différentes sphères d'activité — économie, sciences et autres — on ne peut que saisir la mesure des transformations majeures
qui se sont produites dans la société
québécoise depuis l'adoption de la Charte de la langue française, il y a
maintenant plus de 35 ans.
Chez les personnes immigrantes qui s'établissent
au Québec, la transformation la plus marquante est sans doute le fait de leur
intégration à la majorité francophone au Québec. Le suivi démolinguistique qu'effectue
l'Office québécois de la langue française révèle que les personnes immigrantes
allophones qui ont adopté une autre langue au foyer
choisissent de plus en plus le français : 75 % de celles qui sont
arrivées entre 1996 et 2006 ont, en effet, choisi le français,
comparativement à 37 % de celles qui sont arrivées avant 1976.
L'adoption
de la Charte de la langue française n'a pas été, bien sûr, la seule action qui
a mené à ce résultat. En immigration, par
exemple, le Québec a intensifié la sélection de candidats francophones ou qui
connaissent déjà le français ainsi
que les programmes de francisation. Mais c'est à la charte que revient le
mérite d'avoir permis le virage vers
l'intégration en français des personnes immigrantes et d'avoir engendré une
génération que nous avons désignée comme les enfants de la loi 101.
Ces progrès marqués du français au Québec
sont, malheureusement, derrière nous. Depuis une quinzaine d'années, on constate un essoufflement des avancées du
français, particulièrement en tant que langue du travail. Selon les dernières études de l'Office québécois de la
langue française, 63 % des travailleurs à l'échelle du Québec utilisent
l'anglais au travail et 82 % à Montréal. La mondialisation de l'économie
et du commerce de même que le développement des technologies de l'information ont intensifié la présence de l'anglais,
en particulier dans les milieux de travail. L'exigence du bilinguisme dans les offres d'emploi se
généralise. Pour bon nombre de personnes immigrantes, cette exigence est
même devenue un obstacle à leur entrée sur le marché du travail. Les
francophones unilingues en sont également lésés.
Il ne s'agit pas d'opposer le français à d'autres
langues, la connaissance de l'anglais au travail étant indispensable dans certaines circonstances. Aussi, comme
la plupart des Québécois, je suis convaincue que la connaissance d'une deuxième et de plusieurs langues est une richesse.
Notre gouvernement est déterminé à renforcer la Charte de la langue
française, car il croit que le Québec est un endroit distinct où chacun peut
vivre, travailler et s'épanouir en français.
Le
5 décembre dernier, j'ai déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 14,
qui vise à modifier la Charte de la langue française, la Charte des droits et
libertés et d'autres dispositions législatives. Un plan de mesures en matière d'immigration complète et appuie la
refonte de la charte. Les 18 mesures qu'il comporte permettent de
renforcer la francisation et l'intégration
des personnes immigrantes et d'accroître leur contribution au développement
démographique, économique, social et
culturel de la société québécoise. J'ai traité de cet aspect lors de l'étude
des crédits du programme Immigration, intégration et communautés
culturelles le 11 février dernier. L'objectif du projet de loi est de renforcer
la Charte de la langue française dans
plusieurs secteurs d'activité en précisant les moyens pour y arriver. J'en
commenterai quelques-uns aujourd'hui.
•
(14 h 10) •
Le
projet de loi n° 14 fait l'objet d'une commission parlementaire dont
les audiences publiques débuteront le 12
mars prochain. Par ailleurs, une consultation en ligne est en marche depuis le
12 février. Le français en tant que langue commune fait consensus au Québec. Le temps est venu d'inscrire cette
volonté de vivre en français dans un document fondamental qui aura
préséance sur toutes les lois. Je veux parler de la Charte des droits et
libertés de la personne. Son préambule sera
donc modifié afin de reconnaître le français comme langue officielle du Québec
et comme élément fondamental de sa
cohésion sociale. Le droit de vivre et de travailler en français y sera
consacré, de même que le droit à apprendre le français.
Le
marché du travail est le lieu privilégié d'intégration à la société pour toutes
les Québécoises et tous les Québécois, de
naissance ou d'adoption. De nouvelles obligations s'ajouteront pour les
entreprises de 10 à 50 employés. Nous nous sommes assurés que chaque
entreprise du Québec participe, à la hauteur de ses moyens, à l'effort
collectif pour généraliser l'usage du
français en milieu de travail. En voici quelques exemples. Les entreprises de
10 employés et plus devront afficher
bien à la vue les droits linguistiques des employés. Les entreprises de 26 à 49
employés devront publier leurs offres d'emploi dans un média francophone
en plus d'évaluer la nécessité de connaître une autre langue que le français
pour un poste avant de l'exiger. Les travailleuses et les travailleurs qui
constatent une infraction pourront porter
plainte. La Commission des normes du travail assurera un accompagnement aux
personnes qui ne sont pas régies par une convention collective.
À ce jour, la Charte de la langue française a
beaucoup contribué à la promotion de l'enseignement en français, particulièrement auprès des enfants immigrants.
Nous voulons que les services de garde soutiennent les enfants dans l'apprentissage du français pour faciliter leur
transition vers l'école. Je l'ai déjà indiqué et je le réitère, il ne s'agit
pas d'imposer l'unilinguisme français au
sein des services de garde. Le projet de loi impose toutefois au responsable
d'un service de garde l'obligation d'ajouter
à son programme éducatif un ensemble d'activités visant à familiariser les
enfants avec la langue française. Cette mesure est pleinement justifiée.
Dans
les établissements scolaires du secondaire et du collégial, nous enrichirons l'enseignement
du français pour tous. Les étudiants du réseau anglais pourront ainsi accroître
leurs compétences en français afin de mieux interagir
et s'épanouir au sein de la société québécoise. Le réseau francophone du
secondaire et du collégial sera invité à rehausser l'offre de cours d'anglais. Avec cette mesure, nous répondons
favorablement au désir des jeunes francophones et allophones d'améliorer leur anglais ainsi qu'au désir d'un grand
nombre de parents qui souhaitent que leurs enfants puissent faire l'apprentissage
d'une deuxième et d'une troisième langue, même.
Par ailleurs, la fréquentation des cégeps
anglais par des étudiants francophones et allophones peut limiter le nombre de places disponibles aux étudiants anglophones
dans ces cégeps. Il faut se rappeler que ces établissements ont été constitués
pour servir en priorité la minorité anglo-québécoise. Nous demanderons à ces
établissements de se doter d'une politique linguistique qui donne priorité à la
sélection d'étudiants anglophones, c'est-à-dire des ayants droit au système
subventionné en anglais au secondaire.
Afin
de bien circonscrire la période de discussion qui suivra, je tiens à préciser d'emblée
que le projet de loi n° 14 ne
traite pas des écoles passerelles. Il s'agit d'un cas très particulier qui
mérite un traitement spécifique, ce que notre gouvernement fera ultérieurement. Nous avons
toutefois proposé de modifier la Charte de la langue française de manière que les parcours illégaux et les
stratagèmes ne donnent pas accès à l'enseignement public en anglais. C'est
une proposition qui s'inscrit en continuité avec la volonté exprimée
unanimement à l'Assemblée nationale par les élus québécois lors de l'adoption
de la loi n° 104.
L'Administration joue un rôle important dans
la promotion et la vitalité du français au Québec et, en ce sens, elle se doit d'être exemplaire. L'administration publique
inclut le gouvernement, ses ministères et ses organismes, les municipalités et
les organismes municipaux, les organismes scolaires et les ordres
professionnels. Ils devront tous utiliser le
français non seulement dans leurs communications avec les personnes morales,
mais également avec toutes les entreprises
établies au Québec. Les modifications proposées à la charte viennent appuyer la
politique linguistique gouvernementale, notamment la disposition visant l'utilisation
généralisée du français en adoptant, le cas échéant, un programme de
francisation.
Le monde municipal a connu d'énormes
changements ces dernières années. Cela ne justifie pas le glissement vers le bilinguisme au
sein de municipalités qui ne détiennent pas de statut de ville bilingue. Nous
assurerons l'accompagnement des municipalités et organismes concernés
pour qu'ils puissent se doter d'une politique linguistique qui respecte les
dispositifs de la charte.
Les établissements de santé devront s'assurer que toute
personne qui en fait la demande puisse obtenir son dossier en français, et ce,
aux frais de l'établissement, et que tout patient puisse être servi en français
par le corps professionnel de l'établissement de la santé.
Les membres des ordres professionnels sont
tenus de veiller à la protection du public. L'aspect de lacommunication est ici
essentielle. Nous allons resserrer la règle qui encadre la maîtrise du français
par ces professionnels pour que le public puisse exercer son droit à un
service en français de qualité.
Pour réaliser cet ambitieux projet qu'est la
refonte de la Charte de la langue française, l'apport et l'expertise des organismes linguistiques seront d'un grand soutien. L'Office
québécois de la langue française joue un rôle central dans la promotion de la langue française et l'application de la charte.
Ses champs d'intervention couvrent notamment le développement d'outils
terminologiques, la francisation des entreprises, le traitement des plaintes et
les recherches sur le suivi de la situation
linguistique. L'office est aussi le principal promoteur de la Francofête, au
cours de laquelle sont décernés les
mérites du français. Durant la dernière année, l'office a publié deux études
importantes : une sur la langue du commerce et des affaires, au mois de juin dernier; et une sur la langue
du travail, au mois de novembre. De plus, pour mener à bien son mandat, l'office a agi de sa propre initiative pour
repérer et faire corriger l'affichage non conforme au centre-ville de
Montréal, et cela se poursuit.
La
Commission de toponymie est rattachée administrativement à l'office. Elle
assure la gestion courante des noms de lieux au Québec et a souligné en 2012
son 100e anniversaire. La commission jouit d'une grande notoriété internationale.
Elle participe présentement à une exposition sur la toponymie au Musée de la
civilisation.
Le Conseil supérieur de la langue française a
pour mission, quant à lui, de me fournir des avis sur les questions que je lui soumets et de me saisir de toute
question qui, selon lui, appelle l'action ou l'attention du gouvernement. Chaque année, il souligne l'apport des personnes
et d'organismes qui se sont distingués en matière de promotion, de
défense ou de qualité de la langue française.
Il organise la remise de l'Ordre des francophones d'Amérique, du Prix du
3-Juillet-1608 et du prix littéraire Émile-Ollivier. Quant aux prix
Jules-Fournier et Raymond-Charette, ils sont attribués à des professionnels des
médias qui contribuent à l'usage d'un français de qualité.
Le Secrétariat à la politique linguistique
assure la cohérence entre les actions des organismes de la charte et les politiques du
gouvernement ainsi que dans les activités de promotion de la langue française.
Il a assuré la coordination de la Stratégie commune d'intervention pour
Montréal 2008-2013. Ce vaste partenariat est à la source d'actions diverses pour la promotion du français en milieu de travail
dans la région métropolitaine, ce qui rejoint la mission du secrétariat.
Il joue un rôle clé pour faire connaître la politique linguistique du Québec,
notamment auprès des nouveaux arrivants avec la diffusion de la brochure Vivre
en français au Québec.
Le secrétariat est responsable du programme
Parlez-moi d'une langue!, qui permet à des milliers d'étudiants des niveaux collégial
et universitaire de rencontrer des écrivains et autres professionnels de la
langue. Il est aussi responsable du Programme
de promotion du français lors d'activités culturelles, qui soutient les milieux
culturels dans la promotion du français.
Je voudrais les remercier au nom de notre gouvernement pour le travail colossal
qu'ils ont accompli et qu'ils continuent
de réaliser. Même si ce n'est pas son but premier, je crois que le projet de
loi n° 14 donnera un nouvel élan à leurs activités et leur
accordera davantage de soutien dans la réalisation de leur mission.
En terminant, j'aimerais rappeler que, depuis
plus de 400 ans, le français est l'un des piliers de notre société et de notre identité. Nous avons la responsabilité de
protéger cette langue, d'assurer sa vitalité et de la transmettre aux prochaines générations. Notre gouvernement agit
pour que le français reprenne toute sa place comme langue officielle et
langue d'usage partout au Québec, mais c'est l'affaire de tous, citoyens et
professionnels, entreprises, travailleurs et politiciens,
de s'assurer qu'au Québec nous puissions vivre et travailler en français. Je
vous remercie, Mme la Présidente.
•
(14 h 20) •
La Présidente (Mme Vien) : C'est moi qui vous remercie, Mme la
ministre. Je vais céder maintenant la parole
au porte-parole de l'opposition officielle
pour la Charte de la langue française, il est également député de LaFontaine…
à faire ses remarques préliminaires. On vous écoute.
M. Marc Tanguay
M.
Tanguay : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. J'aimerais, d'entrée de jeu, saluer Mme la ministre, également
saluer les responsables d'organismes. J'ai salué à l'entrée Mme Marchand,
présidente-directrice générale de l'Office de la langue française, également saluer les autres
responsables d'organismes, MM. les sous-ministres et ainsi que les
collaborateurs qui accompagnent Mme la ministre aujourd'hui, également mes
collègues de la banquette ministérielle — bonjour — et ma collègue du deuxième groupe d'opposition.
Vous
aurez compris, Mme la Présidente, que cette étude de crédits relatifs à la
Charte de la langue française s'inscrit cette année, en 2013, de façon particulière
également à la lumière d'un projet de loi, le projet de loi n° 14. Nous,
membres de l'opposition officielle,
considérons que le projet de loi n° 14, avec une approche coercitive, avec
une approche qui, davantage, fait perdre des droits, qui relègue au
second plan la façon de faire, je crois, en matière d'épanouissement de la langue française, qui est une façon qui se
veut accompagnatrice, qui se doit d'accompagner, de supporter... Nous
croyons que le projet de loi n° 14 va à l'encontre de cette approche-là.
Nous aurons l'occasion, lors des études de crédits — et vous avez eu l'occasion, Mme la Présidente, de le
souligner — de poser plusieurs questions à Mme la ministre, dans la
mesure où il y a beaucoup de termes nouveaux utilisés par ce projet de loi là,
des concepts qui, également, soulèvent beaucoup
de questions quant à leur impact, quant à leur application. Également, nous
voyons... Mme la ministre a référé à des études récentes. Nous
considérons que les études ne démontrent pas la nécessité du projet de loi
n° 14, qui, encore une fois, vient faire perdre des droits de façon inutile
et aborde la question de façon coercitive.
Au
Québec, nous devons toujours être vigilants, nous devons faire en sorte que l'épanouissement
de la langue française soit l'objectif
collectif et qu'il se réalise au jour le jour. Mme la ministre a eu l'occasion
de souligner une initiative du dernier
gouvernement qui était la Stratégie commune d'intervention pour Montréal
2008-2013. Il s'agit là d'une
approche positive, proactive de soutien et d'accompagnement, et c'est par cette
approche-là, et pas d'autres, que nous ferons de grands pas pour
atteindre cet objectif qui est l'épanouissement de la langue française.
Le Parti libéral du Québec — et
c'est un fait, il y a plusieurs faits historiques qui en témoignent — a
toujours été à l'avant-garde de l'épanouissement
du fait français au Québec. En mars 1961, c'est le gouvernement Lesage qui non
seulement a créé le ministère des Affaires culturelles, mais a également mis
sur pied l'Office de la langue française. En
1974, par la loi 22, le français est devenu la langue officielle au Québec, et
c'est un gouvernement libéral de Robert Bourassa qui avait fait cette avancée. Le dernier gouvernement
libéral — je vous ai parlé de la Stratégie commune pour Montréal
2008-2013 — a multiplié également les efforts pour la francisation des
nouveaux arrivants, notamment par un test
standardisé de compétences linguistiques. Nous avons également augmenté de
5 millions annuellement le budget de l'Office québécois de la langue
française, le tout afin d'améliorer la situation du français au Québec.
L'approche
du Parti québécois, Mme la Présidente, malheureusement, est tout autre. La
ministre de l'Éducation, du Loisir et du
Sport, avant les fêtes, a mis la table en qualifiant la langue anglaise de
langue étrangère. La ministre responsable de la Charte de la langue française
voit, malheureusement, le bilinguisme ou l'usage de l'anglais comme une menace qu'il faut éradiquer. Je la cite — lors du 5 décembre dernier, en conférence de presse au
salon rouge, elle affirma et elle vient de refaire le point un peu plus tôt :
«…63 % des travailleurs à l'échelle du Québec et 82 % à
Montréal utilisent l'anglais au travail. Il
s'agit — là — d'une alerte qui indique au gouvernement qu'il faut
agir.» Fin de la citation
Mme
la Présidente, la ministre a souligné la mondialisation. Elle dit qu'elle en
prend acte. Il y a des statistiques qui
parlent beaucoup. Au Québec, nous voulons tirer notre épingle du jeu, nous
voulons que nos enfants, nos travailleurs puissent tirer leur épingle du jeu,
soit dans des postes de haute direction et dirigent les entreprises, et ce, à
toute échelle de grandeur d'une entreprise. Même les PME ne sont pas,
évidemment, à l'abri de ce défi qu'est la mondialisation. 20 % des PME
exportent vers les États-Unis. Près de 50 % des PME importent des
États-Unis. Ça, ça veut dire qu'il y a des employés qui doivent pouvoir
communiquer par courriel, par téléphone, par télécopieur, de toutes les façons
que l'on connaît, et de savoir communiquer en anglais. Et, lorsque l'on dit que
le commerce extérieur du Québec, dans les années 90, a plus que doublé, bien c'est
cette ouverture vers le monde qui fait en sorte, Mme la Présidente, qu'on ne perd pas notre langue. On ne perd pas notre
langue parce qu'on est capables de tirer notre épingle du jeu sur les
marchés internationaux, et c'est une richesse. Mme la ministre l'a souligné,
mais, maintenant, il faut l'appliquer, et le
projet de loi n° 14 va à l'encontre de cette direction-là. C'est une
richesse que d'être capable non seulement de bien posséder sa langue
française, d'être capable de tirer son épingle du jeu en anglais et dans d'autres
langues également. Il s'agit là, donc, du contexte de mondialisation. Nous
sommes capables, au Québec, de tirer notre épingle du jeu.
Soulignons
également au passage l'approche tout à fait ouverte de la communauté
anglophone, au Québec, d'apprendre le français. Le 19 janvier dernier, le
ministre responsable de la région de Montréal écrivait, et je le cite : «Les Anglo-Montréalais sont massivement devenus bilingues
depuis un peu plus d'une génération.» Fin de la citation. Alors, si le bilinguisme est une alerte et que les
Anglo-Montréalais sont devenus bilingues, moi, je ne vois pas là une
alerte. Au contraire, je vois une ouverture
de la communauté anglophone, ouverture de la communauté allophone
également.
Facteurs importants. J'aimerais,
Mme la Présidente, souligner quelques statistiques importantes. D'abord, les immigrants parlent davantage le français en
arrivant au Québec. Cette proportion est passée de 49 % en 2002 à
64 % en 2011. Les anglophones et les allophones vont davantage à l'école
en français. De 1971 à 2010, la proportion des anglophones qui vont à l'école
aux niveaux préscolaire, primaire et secondaire en français, donc les
anglophones, enseignement primaire et secondaire, est passée, en 1971, de
9,5 % à, 2010, 24,5 %. Les allophones, cette proportion est passée, en 1971, de 14,6 % à 85,4 %
en 2010. Également, les inscriptions par les allophones au cégep français
n'ont cessé d'augmenter. À 44 % qu'ils étaient en 1998, c'était 64 %
en 2009.
L'augmentation de l'usage
du français au travail également ne ment pas. 83 %, en 1971 — 83 % des Québécois — utilisaient
principalement le français au travail, et, en 2010, c'était 89 % des Québécois qui utilisaient
principalement le français au travail. Également, le français au sein des
entreprises. Les entreprises de 50 employés et
plus, 86 % des employés utilisent principalement le français. Pour ce qui
est des PME de 50 employés et moins, 87,6 % des employés utilisent
principalement le français.
Alors, vous voyez là, Mme la Présidente, un contexte, des
facteurs qui parlent beaucoup, facteurs également qui nous rappellent à notre objectif
d'équilibre. L'équilibre entre l'objectif commun, qui est de voir le français
s'épanouir au Québec, d'une part, et, d'autre
part, de respecter l'usage des droits et libertés qui sont protégés et pour
lesquels nous ne voulons pas voir d'attaques injustifiées.
Le projet de loi n° 14, Mme la Présidente,
malheureusement — et nous aurons l'occasion lors de l'étude
de ces crédits... — aborde le sujet en retirant des droits à certaines
personnes et en ayant une approche coercitive qui vient, entre autres, alourdir le fardeau des administrés. Et,
lors du lancement, Mme la Présidente… Je pense qu'il s'agit plus que d'une
anecdote, mais, lors du lancement, le 5 décembre dernier ici même, en ce salon
rouge, lors du lancement du projet de loi n° 14, qui était présenté
par Mme la ministre et la première ministre comme étant un projet qui devait rassembler tous les Québécois, bien les Québécois
qui étaient dans la salle, ici, dans le salon rouge, Mme la Présidente, c'étaient, entre autres, 28 présidents de comtés,
d'associations du Parti québécois. C'est un projet de loi, nous soutenons,
qui, davantage, fait écho aux radicaux du
Parti québécois. Nous aurons l'occasion de poser des questions très
précises sur des concepts nouveaux, des approches qui ne sont aucunement
équilibrées…et qui fait en sorte d'atteindre l'équilibre au Québec entre notre
objectif commun de voir l'épanouissement du français et le respect des droits
et libertés.
Encore
une fois, sur les approches que le Parti libéral du Québec a mises de l'avant,
historiquement, nous allons demeurer à être
vigilants pour faire en sorte que le français puisse s'épanouir, mais nous le
ferons non pas par des mesures coercitives
qui retirent des droits, mais par des mesures de soutien, d'aide. Et l'exemple
de la Stratégie commune d'intervention pour Montréal 2008-2013 explique
ces bons résultats.
Alors, en conclusion,
Mme la Présidente, j'aurai beaucoup de questions assez précises, assez pointues
et j'ose espérer que nous pourrons aborder la question en gardant un temps de
réponse proportionnel à la période de question. Merci.
• (14 h 30) •
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup. Vous êtes
très discipliné, M. le député.
Je
crois comprendre, Mme la députée de Montarville, que, le cinq minutes auquel
vous aviez droit pour faire des remarques
préliminaires, vous souhaitez davantage le garder.
Mme Roy
(Montarville) : ...pour des
questions, puisque notre temps est tellement restreint.
Discussion générale
La
Présidente (Mme Vien) : Avec un échange
plus long, je comprends. Bien. Alors, si on est prêts à procéder, procédons. Je cède immédiatement la parole...
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Vien) : Pardon? Oui, oui. Pardon, excusez-moi, oui, à l'opposition officielle,
bien entendu. M. le porte-parole, député de
LaFontaine, la parole est à vous pour un bloc de 20 minutes.
M.
Tanguay : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. La Loi sur les commissions d'enquête est une pièce législative, Mme la Présidente, d'exception. Il y a des
grandes semaines, au Parlement, où on ne l'utilise pas. La Loi sur les
commissions d'enquête est d'application rare, spécifique, pointue, pour faire
toute la lumière sur une situation qui nécessite
que l'on fasse la lumière et qui requiert des pouvoirs, je vous dirais, qui
sortent de l'ordinaire, où l'Assemblée nationale donne des pouvoirs qui
sont hors de l'ordinaire, donc extraordinaires. Chaque mot a un sens, et le
sens des mots est important à préciser.
La
Loi sur les commissions d'enquête fait en sorte qu'aujourd'hui nous avons la
commission Charbonneau qui est à l'oeuvre.
Nous avons également, au niveau de l'Office québécois de la langue française,
dans l'actuelle Charte de la langue française, des dispositions qui permettent
à l'office d'utiliser la Loi sur les commissions d'enquête en nommant des
enquêteurs, en allant faire des cueillettes de documents, en questionnant. Il s'agit,
à plusieurs motifs, à plusieurs critères, à plusieurs catégories, d'un travail
d'enquête qui s'approche beaucoup de ce que fait la police tous les jours.
Le
projet de loi n° 14, à son article 1.3, précise, et je le cite — on
parle de la ministre au masculin: «Il — le ministre chargé de l'application de la langue française — peut enquêter lui-même ou donner par écrit à toute
personne compétente l'autorisation d'enquêter,
à sa place, sur toute affaire se rattachant à ses fonctions.
«Le
ministre ou la personne qu'il délègue a, dans ce cas, pour les fins de cette
enquête, tous les pouvoirs mentionnés aux
articles 9, 10 et 11 de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf celui d'imposer
une peine d'emprisonnement.» Fin de la citation. C'est déjà ça de gagné.
Mme
la Présidente, nous avons de vives préoccupations, et j'aimerais donc entendre
la ministre sur ce pouvoir qu'elle veut se
donner à elle-même et également qu'elle pourra déléguer ce pouvoir-là. Et
combien d'enquêteurs compte-t-elle former sa brigade, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. le député.
Mme la ministre.
Mme
De Courcy :
Merci, M. le député, pour votre question. Ça me permettra de clarifier ces
pouvoirs, qui ont déjà été questionnés, d'ailleurs,
par vous-même et par d'autres collègues de l'Assemblée nationale. Alors, je
trouve tout à fait normal et opportun, donc, que les
responsabilités puis fonctions et pouvoirs du ministre chargé de l'application de la Charte de la langue française
soient consacrés dans la loi. Les modifications introduites à cet
égard-là dans la charte ne constituent pas
un octroi de pouvoirs nouveaux ni exceptionnels. Les fonctions et pouvoirs
étaient, en effet, déjà exercés, dans les faits, par le ministre dans le
cadre du mandat que lui confie le gouvernement. Le projet de loi a cependant le grand avantage de les rendre
explicites — c'est une transparence puis une stabilité souhaitables — en évitant toute confusion, compte tenu des autres attributions et
responsabilités des différents ministres.
En ce qui concerne
plus particulièrement le pouvoir d'enquête, il faut savoir qu'il est déjà accordé
à tous les ministres titulaires d'un ministère dans le cadre de la Loi sur les
commissions d'enquête. Reproduire ce pouvoir dans la Charte de la langue
française a des vertus pédagogiques, tout comme cela été jugé opportun dans bon
nombre de lois constitutives.
Je
vous donne une liste, là, de pouvoirs d'enquête qui prévoient déjà, par
exemple, les lois suivantes : la Loi sur l'immigration au Québec, la Loi sur l'instruction
publique, la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité
sociale, la Loi sur le ministère des Affaires municipales,
des Régions et de l'Occupation du territoire, la Loi sur le ministère des
Ressources naturelles et de la Faune, la Loi sur le ministère du
Transport, la Loi sur le ministère du Travail.
Le
chef de l'opposition officielle, dans ce sens-là, aurait donc pu, par exemple,
utiliser ce pouvoir-là pour creuser la question de l'îlot Voyageur quand il était
ministre de l'Éducation. C'est un exemple de ça. Par ailleurs, le
Commissaire aux langues officielles a, lui aussi, des pouvoirs d'enquête, ce
que, d'ailleurs, a appuyé l'opposition officielle du gouvernement canadien.
Ce
pouvoir d'enquête, donc, ne diminue en rien celui que possède l'Office
québécois de la langue française, chargé d'assurer
le respect de la charte. Puis, à cet égard, le projet de loi fait, d'ailleurs,
en sorte de moderniser l'énoncé des pouvoirs d'inspection et d'enquête de l'office.
Tout comme ses autres collègues ministres, le ministre chargé de l'application de la Charte de la langue française
choisira ou non de se prévaloir de ce pouvoir de désigner un enquêteur
face à une problématique donnée en fonction de sa perspective et de son propre
rôle.
J'aurai
l'occasion probablement… Parce que je ne veux pas éterniser le débat, mais j'aurai
l'occasion de vous revenir sur ce pouvoir d'enquête
là, notamment à travers des questions que j'estime que mes collègues me
poseront.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M. Tanguay : Oui, Mme la Présidente. Alors, je ne partage pas du tout l'avis
qui a été donné à la ministre et qu'elle avance aujourd'hui, qu'il s'agit là de
formaliser de tels pouvoirs qu'elle avait déjà. La référence est tout à fait
nouvelle à la Loi sur les commissions d'enquête, entre autres aux articles 9,
10 et 11. Et questionnée, effectivement, le
6 décembre dernier par le chef de l'opposition, elle avait confirmé, d'une
part, et je la cite : «…les pouvoirs d'enquête que l'office exerce
vont très bien. Par ailleurs, l'indépendance de l'office est bien reconnue, et
nous la respectons.»
Alors,
vous avez, d'une part, l'office, qui est chargé, de façon non partisane, non
aux aléas de l'agenda du jour le jour d'une personne qui est ministre, est chargé
de l'application… et a cette indépendance que fait très, très bien et
met en pratique l'office. Alors, ici, la
ministre avait confirmé le 6 décembre dernier qu'elle voulait maintenant que ce
pouvoir-là d'enquête et de nommer les
enquêteurs pour exiger... Et 9, 10 et 11, c'est très clair, Mme la Présidente,
elle peut exiger, sous peine d'outrage
au tribunal, la production de documents, que l'on réponde suffisamment à toutes
les questions qu'elle posera, et, en
bout de piste, ce sont des pouvoirs extraordinaires qui n'étaient pas dans la
sphère politique pour une raison bien simple, bien évidente, c'est qu'aux
aléas du jour le jour, évidemment, la ministre pourrait décider de donner une direction à une enquête, et ce seraient des
pouvoirs qui sont exorbitants, exorbitants de sa fonction. Alors, encore une
fois, j'aimerais savoir combien d'enquêteurs la ministre a-t-elle l'intention d'engager
et sur quels aspects vont-ils mener les enquêtes.
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy : Je
vais revoir avec le député et vous, Mme la Présidente, là… et rappeler,
rappeler que ces pouvoirs d'enquête là sont présents dans une liste de ministères que je
viens de nommer. Et, si je ne m'abuse, il n'y a pas eu d'abus de la part des ministres. Puis j'ai un
respect immense des fonctions ministérielles, des fonctions
parlementaires, des fonctions législatives,
et, à cet égard-là, ça m'apparaît tout à fait normal que le gouvernement du
Québec puisse prendre ses
responsabilités à travers ses ministres et avoir ce type de pouvoirs d'enquête,
ce qui n'a pas d'influence sur l'organisme indépendant qu'est l'Office
québécois de la langue française.
Je
dois vous dire et vous rappeler que nous ne sommes pas en commission parlementaire pour l'étude du projet de loi, nous
sommes en commission parlementaire pour l'étude des crédits. Et, comme notre
collègue a dû et comme tous les collègues qui sont présents à la
commission ont dû le faire, il a dû examiner les crédits qui lui ont été
proposés et il a, très certainement, constaté qu'il n'y a pas de crédits
consacrés à des enquêteurs supplémentaires.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député.
M. Tanguay : Merci, Mme la Présidente. Le
commentaire de la ministre est justement là où il y a une crainte. La ministre a dit — et nous le confirmerons par la suite — que d'autres ministres bénéficient de pouvoirs
similaires et elle a confirmé qu'il n'y a pas eu d'abus. Donc, il pourrait y
avoir des abus. J'aimerais entendre la ministre sur quels pourraient être ces
abus-là et pourquoi elle nous dit : Donnez-moi les pouvoirs, vous,
Assemblée nationale, et je ferai comme... historiquement, il n'y aura pas d'abus sur les pouvoirs
extraordinaires que vous allez me donner, parce que, donc, elle
reconnaît qu'il y aurait là un manque de balises si tant est que la ministre
chargée d'appliquer la langue française obtenait de tels pouvoirs
extraordinaires.
•
(14 h 40) •
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre, à la question du député.
Mme De Courcy : Bien, le député me permet d'admirer
sa capacité oratoire et de pouvoir voir à quel point il joue bien avec les phrases et les mots. Je répète, tout
simplement, qu'il n'y a pas d'enquêteurs supplémentaires. Et, des cas d'abus, je pense qu'il a toute l'imagination
possible pour voir en quoi ça pourrait être possible, des abus, mais ce
n'est pas, évidemment, l'intention de n'importe
quel législateur. À cet égard-là, d'ailleurs, on ne peut pas prétendre que
ma prédécesseure qui était responsable de la Charte de la langue française,
quand elle a mis des enquêteurs de plus au service,
d'ailleurs, de l'Office québécois de la langue française, pouvait pécher par
abus, au contraire. Alors, on n'est pas dans cette sphère-là d'activité. L'étude des crédits est très claire, il
n'y a pas d'enquêteurs de plus. Et, dans les cas d'abus, je suis
certaine que les mécanismes parlementaires peuvent très bien s'exercer.
La
Présidente (Mme Vien) : À titre
indicatif, M. le député, vous avez 10 minutes de faites dans votre premier
bloc.
M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Je reviens... Vous me permettrez de revenir là-dessus, il s'agit, en quelque sorte, de donner un chèque en
blanc à Mme la ministre chargée de l'application de la Charte de la langue française. Elle a dit : Oui, il
pourrait y avoir des abus, et je suis assez fertile en imagination, me
suggère-t-elle, pour imaginer tous les
abus. Effectivement, j'imagine tous les abus qu'il pourrait y avoir. Elle me
dit que, de façon analogue, de tels pouvoirs avaient été donnés par le
passé à d'autres ministres, puis il n'y avait pas eu d'abus, mais il pourrait y avoir des abus.
Elle me dit que, dans l'étude des
crédits, ne vous en faites pas, vous me donnez le pouvoir d'avoir, en vertu de la Loi sur les
commissions d'enquête, pouvoir d'envoyer des subpoenas, de faire comparaître
des gens, qu'ils répondent suffisamment
à toutes mes questions, qu'ils me produisent tous les documents. J'aurai ces
pouvoirs-là, mais, ne vous en faites
pas, je ne l'appliquerai pas de façon qu'il y ait d'abus. Puis, vous savez,
aussi il n'est pas prévu dans les crédits qu'il y aura des enquêteurs. Alors, je ne l'ai pas prévu cette semaine, mais peut-être
que, dans un mois ou dans deux mois...
Une
voix : ...
M.
Tanguay : Bon, on intervient, Mme la
Présidente.
Une
voix : ...là-dessus, je suis
intraitable...
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, M. le
député.
M. Richer : Il me semble qu'on essaie de prêter
des intentions à la ministre sur des suppositions, des hypothèses. Alors, en vertu de l'article 35, je pense que
vous avez le devoir de rappeler monsieur à l'ordre.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, M. le député. Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
M.
Tanguay : Alors, Mme la Présidente,
je comprends que les questions ne plaisent pas à mon collègue, Mme la Présidente. Je suis tout à fait conscient
de ça, qu'il s'agit d'un aspect — et il y en a plusieurs — un aspect du projet de
loi n° 14 qui est extrêmement nébuleux, qui nous fait poser énormément de
questions. Puis, Mme la Présidente, nonobstant — et
je ne veux pas prêter des intentions à mon collègue — toute
tentative, nous allons poser nos questions et nous allons aller au coeur de la chose. Alors, j'aimerais
entendre la ministre là-dessus. Et, je répète, il aura eu l'occasion, mon collègue, de nous faire perdre du temps.
Malheureusement, la ministre n'aura peut-être pas tout le temps
nécessaire pour étayer et justifier chacune des dispositions, et elle doit le
faire.
Alors, Mme la Présidente, la ministre
nous demande de lui donner un chèque en blanc. De tels pouvoirs similaires existent par le passé, mais il n'y a pas eu d'abus.
Elle aura le pouvoir d'envoyer des subpoenas, de faire ce que fait, en quelque sorte, la commission Charbonneau
présentement, d'entendre des témoins et de les soumettre à un outrage,
le cas échéant, outrage au tribunal. De tels
pouvoirs, qui ne se retrouvent pas de façon aussi explicite, elle les veut en
disant : Vous savez, j'aurai le pouvoir
de déléguer des enquêteurs, mais il n'y en a pas de prévus dans les crédits.
Alors, là-dessus — et je terminerai,
Mme la Présidente — lorsqu'elle a
dit : J'aimerais rappeler à mon collègue que ma prédécesseure avait nommé des enquêteurs, non, la prédécesseure avait
donné les budgets à l'office, organisme indépendant et qui fonctionne bien, pour pouvoir engager des enquêteurs. Ce n'était
pas la police politique de la ministre. Alors, j'aimerais l'entendre là-dessus,
Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre.
Mme De Courcy : Bon. Alors, on va y aller sur des
choses très concrètes, c'est-à-dire qu'on est sur l'étude des crédits. Dans l'étude
des crédits que nous avons devant nous, il n'y a pas de crédits dévolus au
ministère à ma fonction pour engager des enquêteurs. Voilà une assurance
objective assez claire.
Par ailleurs, par ailleurs, est-ce que... Prenons les choses
à l'envers, prenons les choses à l'envers ou
autrement, ou autrement, si la suspicion d'abus possible est à ce point forte
auprès de mon collègue, bien, à ce moment-là, est-ce qu'il faut envisager d'enlever le pouvoir d'enquête à tous les ministres
que j'ai nommés tantôt, Loi sur l'immigration du Québec, Loi sur l'instruction
publique, Loi sur le ministère de l'Agriculture, et etc., que je ne renommerai
pas tous, puisque je les ai nommés tantôt?
Alors, il faudrait vraiment, vraiment être en mesure, là, je dirais, de prendre
le débat avec modération, avec
modération. Ce n'est pas la première fois que j'ai entendu, sur le sujet qui
nous occupe, des propos qui dépassent
l'entendement par moments. Et ce n'est pas ceux qui sont prononcés ici aujourd'hui,
ce n'est pas mon intention, pas du tout, de faire ce reproche-là, mais j'invite
à la modération.
Le
pouvoir d'enquête est présent dans tous les autres ministères. Si on veut
remettre en cause les pouvoirs d'enquête de tous les ministères, nous ferons la
discussion. Mais qu'on associe un pouvoir d'enquête, parce qu'il est cette
fois-ci au niveau de la charte, comme étant quelque chose d'exorbitant — pour reprendre les mots de mon collègue — ou
même de dangereux, ça, c'est de l'abus, à mon avis, vraiment, là, de l'abus de
langage, de la même façon que, dans certains articles publiés tout
récemment, tout récemment, il y a eu encore, encore et encore la
dénomination de «police politique» associée à ce projet de loi là, et ça, je
vous avoue que j'en suis tellement désolée pour toutes les personnes immigrantes au Québec qui ont vécu de
vraies polices politiques dans leur pays, qui en ont été meurtries, qui
en ont été marquées pour la vie. Alors,
associer… faire cette enflure verbale autour du projet de loi ne m'apparaît pas
sage, ne m'apparaît pas sage.
Donc, sur ce qui est des pouvoirs d'enquête, ils sont
similaires à ce que nous voyons ailleurs. Il n'y a pas eu d'abus ailleurs, les parlementaires sont très conscients
de ça. Si on veut remettre la chose en question, bien remettons-la au moment de
la commission parlementaire. Puis, à ce moment-là, bien on élargira le débat et
on ira dans tous les ministères qui ont ces
pouvoirs d'enquête là à discuter ou à rediscuter. Et, pour le reste, ne
transformons pas l'étude des crédits
en mini commission parlementaire étude article par article et… des mémoires. Ce
serait, je pense, travestir l'étude des crédits. Ceci étant dit, je suis
tout à fait à l'aise de répondre aux questions, bien sûr, qui touchent les
orientations de ces crédits.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, Mme la ministre. Le
député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, je vous remercie. L'étude des crédits, la pertinence quant aux
sujets abordés est extrêmement large. Et ça, la jurisprudence parlementaire nous l'enseigne.
Alors, j'aimerais lancer bien amicalement, Mme la Présidente, par votre
entremise, cette mise au point à la ministre, tous les sujets, de façon très,
très large... Et même la jurisprudence nous enseigne de façon beaucoup plus
large que l'étude article par article en commission parlementaire — on va aussi loin que ça selon la jurisprudence — nous permet de poser toutes ces questions.
La
ministre fait référence à ce qui a été vécu et elle réfère par de nouveaux
arrivants dans leur pays d'origine. Je pense
qu'il ne faut pas être réducteur à ce point-là, Mme la Présidente. Ce qui est
demandé en matière de Loi sur les commissions
d'enquête et le pouvoir que l'on confère par cette loi, l'Assemblée nationale
devra décider est-ce qu'on donne à la
ministre, dans un dossier qui requiert un équilibre, un doigté, un respect,
est-ce qu'on va donner à la ministre... Puis qu'elle veut faire du... ou qu'elle utilise l'argument du copier-coller,
moi, ça ne me convainc pas, je suis désolé, là, parce que Tout le
monde le fait, fais-le donc, là, ça n'avait pas été un bon slogan à l'époque.
Alors,
en matière linguistique, de donner le pouvoir à la ministre d'envoyer un
subpoena — c'est le pouvoirqu'elle aura — d'exiger la production de documents, d'exiger que l'on
réponde suffisamment — et c'est le terme utilisé par la Loi sur les commissions d'enquête — à toutes ces questions, par cette approche coercitive, Mme
la Présidente, on vient politiser davantage
le dossier de la langue au gré des stratégies au jour le jour. Et, au-delà du
fait que la ministre, Mme la
Présidente, nous dit : Les autres ministres, il n'y a pas eu d'abus,
faites-moi confiance, il n'y aura pas d'abus, et des enquêteurs, je n'en prévois pas pour ces budgets-ci, donnez-moi le
pouvoir, et peut-être que, dans un an, on en aura, des enquêteurs, alors, Mme la Présidente, c'est
une question tout à fait légitime qui ne cadre pas du tout dans l'approche
qui doit être proactive, qui doit être d'accompagnement dans le dossier de la
langue.
Et,
en ce sens-là, Mme la Présidente, je pense qu'il y a là une modification qui
démontre une approche d'apprenti sorcier. J'aimerais savoir de la ministre
pourquoi, si elle dit : C'est du copier-coller puis c'est tout à fait
usuel, pourquoi elle-même, pour elle-même et pour ses enquêteurs, elle
ne s'est pas gardé une réserve de ne pas être poursuivie en justice pour omission ou acte fait de bonne foi
dans l'exercice de ses fonctions. Parce que l'un des pendants, lorsqu'on
a un pouvoir d'enquête, c'est d'avoir une
certaine immunité qui vous protège. Là, ici, elle ne l'a même pas prévue,
cette immunité-là, ce qui démontre qu'elle aborde un sujet qui...
Malheureusement, les personnes qui l'entourent l'ont mal conseillée parce qu'on
ne vient même pas compléter ce qui doit être fait en matière d'usage. L'article
173 de la Charte de la langue française donne une certaine immunité. Alors, je
pense que c'est un bout, en passant, qu'elle a dû oublier. Je ne sais pas si
elle va amender le projet de loi n° 14 pour le bonifier en ce sens-là.
• (14 h 50) •
La Présidente (Mme Vien) : C'est très ingrat, Mme la ministre,
il vous reste à peu près 20 secondes pour répondre.
Mme De
Courcy : C'est vrai que c'est très
ingrat.
La
Présidente (Mme Vien) : Écoutez, je vais passer la parole aux députés ministériels. Si vous le
souhaitez, vous pourriez, à ce moment-là,
compléter une réponse au ministre de LaFontaine. C'est comme vous souhaitez.
Mme De
Courcy : Si mes collègues sont d'accord.
La Présidente (Mme Vien) : Maisje suis prête à passer la parole. M.
le député de LaFontaine, ça vous va? Le temps
était écoulé. Alors...
Une voix : ...
La Présidente (Mme
Vien) : Oui? Bon.
Mme De
Courcy : Si les collègues sont d'accord,
je prendrai quelques minutes.
La Présidente (Mme
Vien) : Allez-y. C'est sur le temps
des collègues ministériels.
Mme
De Courcy :
Toutes les interventions entourant les pouvoirs additionnels qui ont été faites
par mon collègue m'indiquent qu'il a une très forte suspicion pas seulement quant à la
charte et ce qui pourrait y être inscrit, mais sur toutes les autres lois qui touchent tous les autres
ministères. Parce que je ne le convaincs pas du fait que les parlementaires
ont ce type de pouvoir là. Ça me désole, me sidère un peu, mais je comprends qu'en
commission parlementaire nous aurons l'occasion
de questionner, et, nous-mêmes, de vérifier si, auprès de tous ses collègues,
ils ont très inquiets de tous ces pouvoirs-là qui sont dans d'autres
ministères.
Quant à sa suggestion,
eh bien, comme je le ferai en commission parlementaire, ça va me faire très
plaisir d'entendre les suggestions de bonification du projet de loi. Je crois
profondément en l'intégrité des parlementaires puis au processus parlementaire.
Donc, une suggestion est toujours la bienvenue.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la ministre, merci beaucoup. Je cède la parole au député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, donc, qui s'inscrit
dans le bloc de 20 minutes qui a été entamé avec Mme la ministre.
M.
Breton : Merci,
Mme la Présidente. Écoutez, personnellement, je vais vous dire, honnêtement,
par rapport au dossier du français, je n'ai pas tellement besoin d'imagination, j'ai
surtout besoin de mémoire. Et j'aimerais rappeler au député de
LaFontaine quelques faits suivants, je vais vous lire quelques articles ici.
9
avril 2004 : «Dans son budget déposé le mois dernier, le gouvernement
[libéral] a coupé de 16 % les dépenses du
ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. [...]Le
programme d'intégration linguistique est coupé de moitié — on est en 2004. [Ça] signifie, entre
autres, que les étudiants à temps plein ne recevront plus l'allocation de 150 $ par semaine mais seulement 30 $.» C'est
une compression de près de 20 millions de dollars.
En
2010 , Québec coupe encore : «Plus de 200 moniteurs en francisation
et leurs étudiants ont manifesté hier à Montréal — en 2010, même gouvernement — pour dénoncer la décision de la ministre de l'Immigration
et des Communautés culturelles, Yolande James, d'abolir 31 classes de
francisation pour les nouveaux arrivants, à compter de mai.» 2012, d'autres
coupures.
Donc,
le député de LaFontaine parlait d'équilibre, je suis tout à fait d'accord avec
l'équilibre. Mais moi, ce que je vois, c'est un déséquilibre parce que, pendant ce
temps-là, on a le gouvernement fédéral qui donnait une subvention, il n'y
a pas si longtemps, de 4,4 millions de
dollars pour aider à avoir des cours d'anglais. Dois-je rappeler qu'on est
330 millions d'anglophones en Amérique du Nord? Quand je vois qu'il y a
des coupes dans les cours de français aux immigrants et quand il y a des subventions à l'anglais pour les gens, immigrants qui arrivent
au Québec, je pense qu'il y a effectivement déséquilibre.
Et,
pour ce qui est de l'approche qu'il qualifie de positive... C'est-à-dire, donc,
on dit : L'approche coercitive est une approche qui n'a pas sa place. Moi, je peux
vous dire que, pour avoir travaillé en environnement depuis longtemps,
la simple approche de la carotte sans le bâton, ça a donné les effets qu'on
voit avec l'environnement autour de nous, sur la planète. Donc, très souvent,
ça prend un peu des deux.
Étant
de Montréal, étant né et ayant grandi à Montréal, moi, j'ai vu l'évolution du
français. J'ai grandi dans une école
francophone, à Montréal, où, dans le même pâté de maisons, de l'autre côté de
la cour d'école, il y avait une école
anglophone, où, je me rappelle, quand on était jeunes, on avait dû changer les
heures de récréation et les heures de dîner
pour ne pas qu'on se batte entre nous. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'à
cette époque-là les relations, dans les années 60, début 70, étaient
très tendues entre anglophones et francophones. Je me souviens, quand j'étais
jeune, de me promener à Montréal, dans le centre-ville de Montréal, et de ne
pas être capables de nous faire servir en français. Et ça, ce n'est pas du
folklore puis ce n'est pas de l'histoire, c'est ma jeunesse, puis je ne suis
pas si vieux que ça.
J'ai
vu, avec l'arrivée de la loi 101, un changement, un changement important, des
gens de ma génération et des gens un peu plus jeunes qui se sont mis à
respecter le français, qui se sont mis à respecter les francophones parce que
nous nous respections, parce que nous nous tenions debout. À un moment donné, c'est
nécessaire, ça. Dans les années 90, je peux
vous dire que j'ai beaucoup d'amis anglophones qui se sont mis à apprendre le
français. Et, étant député dans le centre-ville, je peux vous dire que
je vois clairement un recul du français à Montréal. Et, quand je vois des
coupes dans les cours de francisation à
Montréal chez les nouveaux immigrants, je ne peux pas faire autrement qu'être
inquiété.
Je
vais vous donner quelques statistiques ici. Et je veux, justement, parler du
français au Québec, mais évidemment, dans mon cas, le français à Montréal me préoccupe
particulièrement. Conformément au mandat de surveiller l'évolution de la
situation linguistique qui lui est attribué par la Charte de la langue
française, l'Office québécois de la langue française a rendu publiques en
septembre 2011 — donc, tout récemment — cinq études démolinguistiques réalisées en 2010. Cet office disait à ce moment constater
que les grandes tendances déjà observées se maintiennent et que les
études révélaient aussi certains changements indéniables dans les pratiques
linguistiques.
«Les
données portant sur la langue maternelle démontrent en effet que, dans l'ensemble
du Québec, de 1996 à 2006, le poids relatif de la population allophone a
continué d'augmenter pour se situer à 11,4 % et que, dès lors, celui de la
population francophone a diminué à 79 %, alors que la population
anglophone est demeurée relativement stable,
à — environ — 7,7 %». Ça, ce n'est pas de l'imagination. Ça, c'est
des chiffres. «L'immigration internationale en constante progression, le ralentissement de l'accroissement
naturel, le vieillissement de la population, les migrations interprovinciales et intraprovinciales et, dans
une moindre mesure, les substitutions linguistiques influent grandement
sur le portrait démolinguistique du Québec.
«Pour
ce qui est de la langue le plus souvent parlée à la maison, dans l'ensemble du
Québec, en 2006, le poids relatif des francophones a légèrement diminué pour
atteindre 81,1 %, celui des anglophones est demeuré relativement
stable à 10 % et celui des allophones a augmenté pour atteindre
6,5 %.» Pas de l'imagination, des chiffres.
«Basées, pour une
bonne part, sur les trois derniers recensements canadiens disponibles — 1996, 2001 et 2006 — mais issues d'analyses détaillées effectuées par des
chercheurs indépendants, experts en démolinguistique, les études démontrent
que ces phénomènes touchent l'ensemble du territoire du Québec. Ils sont d'autant
plus perceptibles dans la grande
région de Montréal où s'établissent majoritairement les immigrants — et c'est de ça dont on parle — comme c'est le cas
des autres grandes villes canadiennes. Par ailleurs, dans la mesure où l'étalement
urbain est un phénomène mondial, le Québec n'y
échappe pas. Ainsi, de 2001 à 2006, la proportion de francophones sur l'île de
Montréal a décru en raison des
départs vers les autres régions du Québec, notamment vers la couronne
métropolitaine. Étant donné que les anglophones
et les allophones ont aussi accru leur migration vers cette couronne, le poids
relatif des francophones de la grande
région de Montréal a diminué — 67,9 %
en 2006, 68,6 % en 1996, on a diminué, ce n'est pas de l'imagination, c'est des chiffres — en ce qui a trait à la langue le plus souvent parlée à la
maison.»
Moi,
je peux vous dire que, dans ma circonscription, dans Sainte-Marie—Saint-Jacques,
il y a 10 ans, il y avait une maison de jeunes
qui accueillait neuf enfants sur 10 francophones, Québécois d'origine. Aujourd'hui,
la majeure partie des enfants qui vont dans
ce centre-là — et c'est un exemple qui se reflète
dans d'autres centres — neuf sur 10, c'est des enfants de l'immigration, beaucoup du Bangladesh.
Évidemment, ces gens-là ne parlent pas français quand ils arrivent.
«…des
personnes de toutes générations ont effectué une substitution linguistique vers
le français, mais dans des proportions
diverses. Pour l'ensemble du Québec, parmi toutes les personnes ayant effectué
une substitution, les générations 1.0 — c'est-à-dire les
allophones nés à l'étranger de deux parents nés à l'étranger, arrivés après l'âge
de 14 ans — et 1.5 — c'est-à-dire les allophones nés à l'étranger de deux
parents nés à l'étranger, arrivés avant l'âge de 15 ans — ont les plus forts taux de
substitution vers le français — 70 % et
45 %. Pour expliquer ce taux élevé, les
auteurs proposent quatre hypothèses : la connaissance du français avant l'arrivée
des immigrants[...], la sélection en faveur d'immigrants
qui connaissent le français, la durée de présence au Québec et l'obligation
pour certains répondants et pour les enfants
des allophones de fréquenter le système scolaire francophone, ce qui a une
influence sur la langue parlée à la maison. Enfin, comme en 2001, plus de neuf personnes sur 10, toutes langues
maternelles confondues, connaissent le français.
«Selon
les hypothèses les plus probables du scénario de référence tracé dans les perspectives démolinguistiques, le
portrait de l'ensemble du Québec en 2031 se dessinerait ainsi qu'il suit :
en matière de langue le plus souvent parlée à la maison, le poids
démographique des francophones baisserait à 77,9 % — c'est une baisse importante, ça — et celui des
anglophones à 10,1 %, alors que celui des allophones augmenterait à
12,1 %. Dans l'ensemble de la grande région de Montréal — mon coin — le poids des
francophones serait de 63,1 %, celui des anglophones de 16,3 % et
celui des allophones de 20,6 %. Dans le
reste du Québec, la proportion des francophones devrait demeurer au-dessus de
93 % avec une légère diminution
du poids des anglophones à 3,6 % et une augmentation minime du poids des
allophones à 3,1 %.»
La
réalité, c'est que ces baisses-là ne sont peut-être pas si énormes que ça, mais
elles sont constantes. Et, moi, je peux vous le dire, l'état du français à Montréal
est préoccupant. Donc, Mme la ministre, quelles conclusions tirez-vous
de ces données?
• (15 heures) •
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. le député.
Mme la ministre.
Mme
De Courcy : Oui.
Mme la Présidente, sans entrer dans l'étude fine de chaque chiffre mentionné,
on constate un certain recul du français, et
ce, dans les études de l'office comme dans la réalité de tous les jours. L'immigration
francophone et un lent progrès des
transferts linguistiques vers le français permettent de limiter l'ampleur du
recul, et, je dirais, heureusement qu'il y a eu immigration francophone.
Il est donc très important d'augmenter la proportion de personnes immigrantes
maîtrisant bien le français et de nous assurer qu'elles puissent vivre et
travailler en français au Québec.
Ça
m'a beaucoup frappée récemment, lors de visites que j'ai pu faire dans les
différents services du ministère de l'Immigration, où je suis allée voir aux
renseignements généraux, avec les gens qui répondent aux renseignements
généraux, et on m'indiquait qu'il arrive de plus en plus souvent qu'on fasse la
demande de cours d'anglais au ministère de l'Immigration
parce que, manifestement, francophones et francophiles, l'exigence de l'anglais
sur le marché du travail semble très importante et les empêche de se
tailler une place. Ce que ça veut dire, c'est qu'il y a une détérioration qui... Bien sûr, dépendant de la lunette qu'on
prend, on va dire : Le verre est à moitié plein ou le verre est à moitié
vide. Je dis à ça : Il faut être
toujours vigilant. Et ce fléchissement-là, cet essoufflement-là m'apparaît
suffisamment important pour qu'on puisse agir rapidement à travers la
loi, mais aussi à travers la Loi sur l'immigration.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre. En complément, M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques?
M. Breton : Oui. En fait, une chose qui m'intéresse
particulièrement — on en a parlé, d'ailleurs, il n'y a
pas si longtemps — c'est qu'en septembre dernier Mme la première ministre,
Mme Marois, a décidé, lors de la nomination du
Conseil des ministres, de mettre sous la
responsabilité de la même ministre les dossiers du ministère de l'Immigration
et des Communautés culturelles avec ceux de
la Charte de la langue française. Moi, je vais vous dire, personnellement,
je trouve que c'est une excellente idée,
puisqu'on sait tous que l'avenir du français va passer en partie par l'immigration,
parce que, disons-le, on fait moins de bébés
qu'on en faisait, n'est-ce pas? Moi, chez mon père, ils étaient 16; chez
ma mère, ils étaient 14; ce n'est plus tout à fait comme ça.
Donc, est-ce que le fait de mettre sous la responsabilité
d'une même ministre ces deux responsabilités permet une meilleure cohérence dans l'action gouvernementale? C'est
mon intuition, mais j'aimerais en savoir plus.
La
Présidente (Mme Vien) : Je vais
reprendre, si vous me permettez, Mme la ministre... Je me sers de vous, M. le député, pour faire un petit rappel à l'ordre
amical. Les gens qui sont à l'Assemblée nationale, on les interpelle par
leur titre. Alors, c'est Mme la première ministre. Alors, on fait attention
pour ne pas nommer le nom de famille. Pas parce que ce n'est pas beau, mais c'est
la façon de faire...
M.
Breton : ...la première ministre.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, mais
vous avez nommé son nom. Un petit rappel amical, tout simplement.
Une
voix : ...
La
Présidente (Mme Vien) : C'est ça.
Alors, madame...
M.
Breton : …
La
Présidente (Mme Vien) : Voilà, vous
venez de cliquer. Mme la ministre, en réponse, s'il vous plaît.
Mme De Courcy : Bien, Mme la Présidente. Alors, oui,
en effet, j'ai considéré d'abord le grand privilège, un immense privilège que m'a confié la première ministre d'avoir
le mandat de lier le tout, de lier le tout, immigration et langue. J'ajouterai
que, dans le discours d'ouverture, notre première ministre a aussi mentionné qu'elle
en faisait un trio — elle
faisait langue, immigration et emploi — dans une perspective du projet
futur, du projet... dans un futur assez
rapproché et, bien sûr, dans une projection sur 20 ans, sur 30 ans de
ce que serait l'avenir du Québec, quel serait le paysage québécois. Puisque
nous avons reconduit à l'Assemblée nationale, comme mes collègues le savent, la
venue de 50 000 personnes
immigrantes par année, un plan qui est prévu sur trois ans, alors ce visage-là
de l'immigration va être très important. Et, si on veut préserver le
caractère français du Québec, bien il faut donc lier le tout. Alors, ça permet,
donc, une cohésion entre la protection de la langue puis la francisation des
personnes immigrantes.
Le programme du Parti québécois, d'ailleurs,
affirme dès ses premières lignes la primauté de notre langue française, de notre identité et de nos valeurs communes,
sans quoi nous ne pourrons accueillir le monde avec assurance et confiance. C'est donc cette vision d'avenir qui
était proposée. Il énonce, d'ailleurs, que l'aventure du Québec est
celle d'une nation où l'apport des
Québécoises et des Québécois de toutes origines est valorisé. Il faut donc
préserver le caractère français du
Québec et assurer une intégration des personnes immigrantes qui soit
respectueuse de notre caractère distinct.
Je souligne aussi un autre aspect de l'immigration
dont on parle peu, mais qui est un visage très important de cette vision d'avenir,
il s'agit de l'accueil des personnes réfugiées. Comme j'en ai parlé un peu plus
tôt dans cette étude de crédits, je
suis très sensible, et le gouvernement est très sensible au sort qu'ont vécu
ces personnes, et le caractère très humaniste, hein, du
Québec… Et, d'ailleurs, quels que soient les partis confondus, quels que soient
les gouvernements qui se sont succédé,
la question de l'accueil et de l'apport du Québec pour augmenter l'humanisme de
l'humanité en général est très importante.
Et, dans cette vision, donc, de l'immigration, existe aussi cette part-là du
faire sa part en tenant compte de ces personnes et, je le répète, en
tenant compte aussi de la façon dont on a de dire et de faire les choses. Je
pourrais vous raconter, d'ailleurs,
plusieurs anecdotes à cet égard-là, quand j'étais présidente de la commission
scolaire de Montréal, dans une autre
vie pas si lointaine, qui témoignent de l'importance des symboles, de ce que
nous disons. Par exemple, un agent de sécurité qui peut très bien être
interprété comme une police très importante et inquiétante pour ces personnes.
Bref,
langue, immigration, emploi, des axes très importants pour le développement
futur du Québec. Des statistiques, d'ailleurs,
qui avaient été déjà mentionnées dans le passé. L'immigration, c'est réciproque.
On a besoin de cette immigration-là
aussi pour le développement du Québec, le développement de ses régions. Alors,
oui, nous rendons service, bien sûr, nous accueillons avec humanisme,
mais nous avons besoin aussi de ces personnes. J'aurai probablement l'occasion,
j'espère, de pouvoir vous en parler un peu plus tard.
Quelques mesures qui accompagnent la
complémentarité entre langue et immigration. Je vous les mentionne, elles ont été peu nommées, peu connues : en
immigration, une nouvelle grille de sélection, francisation et intégration à l'étranger, des candidats sélectionnés à des cours
de français, une francisation avant l'arrivée et de façon beaucoup plus soutenue et des projets conjoints aussi avec le
MELS pour Télé-Québec, pour faire de l'apprentissage du français en
ligne; un déploiement d'une stratégie interministérielle pour améliorer l'accueil
et le soutien des personnes réfugiées et immigrantes; et, surtout, la
régionalisation et le service aux entreprises. J'aurai l'occasion,
probablement, un peu plus tard, de vous en reparler.
La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. Alors, je suis
maintenant prête à céder la parole à Mme la
députée de Montarville, du deuxième groupe d'opposition.
• (15 h 10) •
Mme Roy
(Montarville) : Voilà. Bonjour. Vous
allez me permettre, d'abord, de vous saluer, de saluer également Mme la
ministre, les sous-ministres, les fonctionnaires qui sont là, les invités qui
sont là, les membres du gouvernement et également mes collègues de l'opposition
officielle.
D'entrée de jeu, je
tiens à vous dire que, pour la Coalition avenir Québec, pour notre deuxième
groupe d'opposition, la langue française est très importante. Il faut la
protéger, il faut la chérir, il faut la développer. Ça, c'est indéniable. Cependant, nous sommes très conscients qu'il existe
actuellement une loi qui s'appelle la loi 101, une loi qui a été
difficile à mettre en oeuvre au fil des années, mais qui existe et qui, aujourd'hui,
est complète en soi. Nous considérons que la loi 101 devrait être appliquée
dans son ensemble parce qu'il y a là-dedans beaucoup, beaucoup de mesures qui nous permettraient de régler
actuellement les irritants majeurs en ce qui concerne la non-application de
la langue française au Québec,
particulièrement dans les entreprises. Il y a actuellement dans la loi 101 des
sanctions, des peines qui sont là et
qui sont, malheureusement, non appliquées, et autant à l'époque du gouvernement
précédent que du nouveau
gouvernement. Nous, nous disons : Tous les outils sont là, mettons-les en
application. Ça, c'est, d'entrée de jeu, la base de ce que nous croyons
en ce qui a trait à la langue française.
Dans
le projet de loi n° 14, il y a certains irritants pour nous dans cette loi, et
on se questionne sur les moyens qui vont être utilisés pour prioriser et sauver,
protéger la langue française. Et, entre autres, on se questionne beaucoup,
entre autres, en ce qui a trait aux
entreprises, puisqu'on croit qu'il y aura de grandes difficultés d'application
avec ce qu'on a dans le projet de loi n° 14. Si vous me permettez, je
vais citer un journaliste que vous connaissez bien, le journaliste Denis Lessard, qui écrivait le 28 novembre
dernier dans La Presse — alors, c'est tout récent : «Déjà, l'Office québécois de la langue
ne parvient pas à appliquer la loi existante auprès des 6 000 grandes
entreprises, confie-t-on dans le milieu.»
Dans les faits, lorsqu'on
regarde les crédits et ce qui a été octroyé dans le dernier budget, le
gouvernement a octroyé 1,1 million pour
les ressources humaines à l'office, et pour le traitement des plaintes, et pour
mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ces nouvelles actions pour
affirmer le visage français dans le centre-ville de Montréal. Parce qu'on s'entend que, là où le bât blesse pour les
francophones, ce n'est pas à Rimouski, où j'ai demeuré et où on se
faisait toujours servir en français, ni à Mont-Joli, ni ailleurs dans notre
beau grand Québec, c'est principalement à Montréal et dans les villes des
couronnes avoisinantes où, là, il peut arriver qu'effectivement on ne se fasse
pas servir en français — ça, c'est surtout à Montréal — et que l'affichage peut ne pas respecter les normes qui
sont déjà dans la charte, la fameuse loi 101.
L'irritant, il est là.
Donc,
on a ces nouveaux crédits, ce 1,1 million, pour, entre autres, faire en
sorte qu'on affirme le visage français de Montréal, mais l'Office québécois de la langue
française, de son côté, lui, il est déjà débordé. Il ne faut pas oublier
que le gouvernement veut étendre ces
nouvelles dispositions, avec son projet de loi n° 14, aux entreprises de 26 à
49 employés. Et ça, permettez-moi de
vous dire que ça fait beaucoup, beaucoup de monde. Si on étend les nouvelles
dispositions aux entreprises de
26 employés et plus, bien les responsabilités de l'office, là, elles sont
déjà très grandes, mais là elles vont exploser de façon exponentielle.
Parce que, si on vérifie les chiffres qui nous ont été fournis, Mme la
ministre, un portrait des entreprises de 11 à 49 employés — un portrait qui a été produit en 2008 par l'Office
québécois de la langue française — démontre qu'il y a
27 000 entreprises de 11 à 49 employés au Québec, dont 72 %
ont entre 11 et 25 employés. Mais ce
qui nous intéresse là aussi, c'est le 28 % d'entreprises au Québec qui ont
entre 26 et 49 employés. C'est surtout à eux… à ces entreprises, à
elles, devrais-je dire, que le projet de loi n° 14 s'adresse. Alors, ça, ce
28 % d'entreprises nouvelles qui viennent s'ajouter, c'est
7 500 nouvelles entreprises.
Il
y en a actuellement, avant le projet de loi n° 14, il y en a 6 225 de ces
entreprises de 50 employés et plus qui sont inscrites à l'Office québécois de la langue
française. Donc, si je fais un petit calcul très simple, là, le
gouvernement veut plus que doubler le nombre d'entreprises qui seront
assujetties aux dispositions du projet de loi n° 14, donc des modifications
apportées à la loi 101. Alors, malgré ce que veut faire croire le gouvernement,
le gouvernement, selon nous, n'a pas donné les ressources nécessaires à l'office
pour bien faire son travail, puisqu'on ajoute 1,1 million de dollars pour
doubler la charge de travail.
À la question 25, on
vous demandait, dans l'étude des crédits que nous avons reçue vendredi, à
16 heures, donc que nous avons regardée en catastrophe ce matin, on vous
demandait quel était le nombre d'inspecteurs sur le terrain parce que c'est ce
qui compte, le terrain, nos commerces qui ne nous répondent pas en français.
Actuellement, en 2012‑2013, il y a sur le terrain neuf inspecteurs. C'est dans
vos crédits, à la question 25. Alors, si j'additionne les anciennes
entreprises qui sont déjà assujetties, les 6 000 quelques, plus les
nouvelles qui seront assujetties, les 7 000 quelques,
on arrive à 13 725 entreprises, au total, qui seront assujetties pour
neuf inspecteurs sur le terrain. Alors, Mme la ministre, je vous demande bien respectueusement : Comment
est-ce qu'on va appliquer, là, toutes ces nouvelles mesures qui sont
inscrites dans le projet de loi n° 14 avec si peu de monde?
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, Mme la
députée de Montarville. Mme la ministre.
Mme
De Courcy :
Bien, Mme la Présidente, je suis, d'abord, heureuse de constater, et dès l'entrée
de jeu de votre intervention, Mme la députée,
que vous vous positionnez en faveur du français à l'honneur au Québec. Je suis
très heureuse de constater ça, ce qui fait que nous ouvrons le dialogue
beaucoup plus facilement à cet égard.
Vous avez fait une démonstration éloquente,
vraiment éloquente que c'est impossible que l'Office québécois de la langue française soit le seul responsable parce qu'à
cet égard-là, dans la situation actuelle, j'ai fait un calcul rapide pour
Montréal, et ça nous donnait 750 personnes à engager seulement pour la
région de Montréal à travers les petites entreprises.
Bref, la méthode actuelle, la méthode actuelle ne fait qu'engendrer, je dirais,
un monstre étatique. Alors, ça ne peut pas
être. C'est pour ça que le projet de loi agit sur différentes facettes et fait
la proposition suivante, que nous aurons
l'occasion de discuter, bien sûr, plus avant en commission parlementaire. Mais,
comme vos questions portent sur cet
aspect, d'abord vous dire que ce n'est pas par le nombre d'inspecteurs
supplémentaires, quoiqu'il y a déjà 12 postes qui devraient être comblés, là, de plus… Parce qu'il
y en avait 25 de prévus — ça, vous
avez dû voir ça aussi dans l'étude des crédits — mais ça ne sera jamais suffisant.
Les
comités sectoriels de main-d'oeuvre et les associations doivent être intimement
reliés à ce projet, et les consultations préliminaires que j'ai faites autour
de ce projet de loi là m'indiquent que ça fait un bon moment que les comités sectoriels de main-d'oeuvre veulent être
mis à contribution de par leurs connaissances puis du fait qu'il faille
se concentrer sur certains secteurs d'activité plus que d'autres. Et qui de
mieux pour agir sur certaines problématiques particulières que ces personnes,
qui sont en parité, d'ailleurs, hein, avec les travailleurs… les grands
entrepreneurs et puis les syndicats, pour qu'on puisse arriver à bien cerner la
chose?
Il faut agir en partenariat avec les comités
sectoriels de main-d'œuvre, les entreprises. Les entreprises elles-mêmes doivent, elles
aussi, être responsabilisées. Comment les responsabiliser? Bien, en étendant
une mesure, une mesure que vous avez
vue dans le projet de loi, qui était bonne pour les entreprises de
50 employés et plus. C'est-à-dire qu'on peut contracter avec le
gouvernement et son Administration, c'est-à-dire commissions scolaires, municipalités, bon, et puis tout — je ne détaillerai pas à chaque fois, là, vous le savez
très bien — si on se conforme. Alors, ça, normalement, l'entrepreneur, là, va être en mesure, là, d'avoir
une motivation supplémentaire pour aller de l'avant. Alors, il faut aussi, bien sûr, accompagner, accompagner et faire
du volume, faire du volume. Et il y a des choses, là, qui ne sont pas faites présentement et qui donnent pourtant du
résultat. D'ailleurs, à l'initiative, entre autres, de l'Office québécois
de la langue française, les vastes campagnes, là, de promotion avec insistance
autour de la question de la francisation donnent un certain nombre de
résultats. C'est donc tous ces facteurs combinés qui vont nous donner du
résultat.
Je présume qu'éventuellement vous allez poser
des questions sur la stratégie commune qu'il y a à Montréal. Alors, je pourrai vous
indiquer les mesures qui ont été les plus probantes à cet égard-là et qui
rejoignent essentiellement ce que je viens de vous dire, Mme la députée.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Mme la députée.
Mme
Roy (Montarville) : Et,
effectivement, nous aurons à en discuter et nous discuterons…
Mme
De Courcy : Bien sûr.
•
(15 h 20) •
Mme Roy (Montarville) : Maintenant, il y a un irritant
particulier pour nous dans le projet de loi n° 14, et on se questionne beaucoup. Comme vous le savez,
actuellement, au Québec, 90 municipalités et arrondissements ont ce qu'on appelle un statut bilingue, des petites
villes où francophones et anglophones vivent en harmonie. Ce sont
surtout des petites villes. Il y en a quelques grandes, mais ce sont surtout
des petites villes. La paix sociale existe au Québec, et elle a été acquise au fil du temps après l'arrivée
de la loi 101, donc il y a 35 ans. Et, au fil des ans... Cette
loi 101 avait fait beaucoup de remous lorsqu'elle est arrivée, mais
elle était nécessaire pour protéger la langue française, pour ne pas que nous
nous fassions assimiler en tant que francophones dans cette mer anglophone qui
nous entoure, et on n'en doute pas, de sa nécessité.
Ce qu'il y a de particulier, cependant — et
ça, il faudrait le prendre en considération — c'est qu'au fil des ans les anglophones du Québec qui étaient farouchement
contre l'application de la loi 101 nous ont quittés pour des raisons qui
sont leurs, et ceux qui sont demeurés avec nous, et qui sont d'ici, et qui sont
Québécois se sont très bien adaptés. D'ailleurs,
la loi 101 a eu, entre autres, comme conséquence que les anglophones que
nous rencontrons un peu partout, eh bien, ils ont été très nombreux à
devenir bilingues et ils maîtrisent très bien le français, pour plusieurs, ce
qui est tout à leur avantage. Les anglophones, au Québec, sont devenus
bilingues.
Cependant, la loi conférait aussi à l'époque — la loi 101 — à certaines municipalités du Québec qui le demandaient un statut
bilingue, compte tenu qu'une majorité de citoyens parlant une autre langue que
la langue française y vivaient. La loi permettait aussi à ces
municipalités de ne plus avoir ce statut si elles en faisaient la demande. Mon
inquiétude, c'est la suivante, Mme la
ministre et Mme la Présidente. Avec ce projet de loi n° 14, la ministre s'octroie
maintenant le droit de retirer ce
statut de municipalité bilingue si elle juge, maintenant, que moins de
50 % de la population qui y vit est anglophone. Et là il n'y a plus
question que les municipalités, qui sont des gouvernements élus, aient leur mot
à dire. Nous croyons que les municipalités
devraient choisir elles-mêmes de conserver, oui ou non, leur statut bilingue si
c'est pertinent pour elles. C'est ce que nous croyons en tant que deuxième
groupe d'opposition.
Alors, la ministre peut-elle nous expliquer
comment elle va s'y prendre pour décider qu'une municipalité perd ou conserve son
statut? On parle de 50 % dans la loi. Son collègue, un autre ministre,
parlait, lui, de 40 %. Ce n'est pas clair pour nous. Et est-ce que la ministre va prendre en considération ces
conseils de ville qui ont commencé à se mobiliser et qui adoptent des
résolutions pour conserver leur statut de municipalité bilingue parce qu'elles
veulent le conserver?
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, Mme la députée. À la question, Mme la ministre.
Mme De Courcy : Même si nous nous éloignons de
beaucoup de l'étude des crédits, ça va me faire plaisir de vous parler de cette
question-là, dont nous n'aurons pas fini de discuter, là, bien sûr. Et prenons
pour acquis que ce que vous avancez aujourd'hui, comme ce que j'avancerai
aujourd'hui, fera objet de délibérations subséquentes lors de la commission
parlementaire et nous permettra de pouvoir faire avancer cette question.
D'abord vous dire que, souvent, on n'a parlé
que du pourcentage, que du pourcentage, puis c'est normal. Quand un projet de
loi vient d'être déposé, on n'en mesure pas toujours ou on n'a pas toujours mis
de l'avant tout ce qui y est accolé. Il faut que vous sachiez que le projet de
loi ne crée pas d'automatisme et qu'il prévoit un mécanisme d'examen périodique de la situation qui fait appel
à une évaluation circonstanciée. Et il y a certains critères, que je
suis certaine qu'on va me donner dans
quelques secondes parce que je ne les ai pas sous les yeux, il y a des
critères, là, qui sont autres que les
pourcentages. Et d'ailleurs, autour des indicateurs, justement, j'ai eu l'occasion
de pouvoir discuter avec M. Fraser, le Commissaire aux langues
officielles, qui a témoigné de son inquiétude pas tant au niveau de l'intention
gouvernementale, mais surtout de l'utilisation unique des pourcentages. Et il a
dit à ce moment-là, dans cette rencontre-là — et ça me fait plaisir de le partager avec vous — qu'il avait fait des études autour d'indicateurs
qualitatifs qui peuvent parler des vitalités des communautés. Et, d'entrée de
jeu, je lui ai dit que, compte tenu que nous
sommes dans un travail en progrès, bien sûr, et en consultation, puisque c'est
l'objet d'une commission parlementaire, que je vais prendre acte de ces
indicateurs-là et tout ce qui permettra de bonifier le projet pour que tous et
toutes, nous nous sentions en situation d'équilibre et en situation d'équité.
Pour ma part, je serai ouverte.
Je donne les critères. On parle de tenir en
compte l'ensemble des circonstances, notamment la présence historique d'une
communauté anglophone. La municipalité, donc, aura... Et on dit bien,
notamment : La municipalité, donc, aura l'opportunité aussi de faire valoir son point de vue. Mais, comme nous
pourrions passer plusieurs heures aujourd'hui à ne travailler que sur la question des villes
bilingues, je vais, au moins, vous donner ce qu'à ce stade-ci le projet de loi
ferait.
Elles n'auront pas, donc, à devenir
unilingues francophones. Elles devront, cependant, clarifier leur fonctionnement en matière de langue. Les anglophones
peuvent recevoir des services en anglais même dans une municipalité unilingue, c'est juste qu'il n'y a pas d'automatisme
bilingue. Par contre, la langue utilisée dans les affaires publiques, la
dénomination, affichage et ses
communications internes, la langue de travail… devront donc être faits en
français, c'est tout.
Et,
pour plusieurs municipalités, ce statut date des années 80, et certaines ne
comptent plus aujourd'hui qu'une faible
proportion de résidents de langue maternelle anglaise. En étant très
conservatrice, si je ne m'abuse, on est à une vingtaine où les taux sont
assez faibles sur 80 % ou 83 %. Des fois, les chiffres oscillent,
83 %, 85 %, là, mais à cause des offices et de certaines choses. Pour
plusieurs municipalités, donc, ce statut date, et, à l'heure actuelle, ce statut ne peut être révoqué qu'à la demande de l'organisme
municipal qui en bénéficie, c'est vrai. Mais on comprend qu'à cause du
caractère très sensible, c'est difficile pour une municipalité de faire cette
demande-là. J'ai donc proposé dans le projet de loi n° 14 de faire un examen
périodique de cette situation-là.
Je voudrais ajouter, en concluant sur cette
matière, que les démocraties de proximité que sont les municipalités, s'il y a une chose qu'elles doivent très bien
traduire dans leur façon de faire, dans leur façon d'être, dans leur façon de
se conduire, c'est bien d'être en assez grande osmose avec la population.
Alors, quand on a un statut bilingue et qu'il ne reste que 10 %, 15 %, 20 % de la population, le statut
bilingue devient un peu à côté de ce que représente la municipalité. Par
ailleurs, le 20 % dont on parle a plein droit pour recevoir des services
dans la langue. Et, à cet égard-là, c'est l'équilibre de ce projet de loi qui
sera toujours présent, préserver les droits des minorités et leurs
institutions. Ça, ça m'apparaît très important que nous notions cela. J'aurai l'occasion
de vous reparler.
Très
certainement, vous allez me poser des questions sur les militaires.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
députée de Montarville, pour deux minutes encore pour votre bloc de
20 minutes. Ça passe vite, hein?
Mme Roy (Montarville) : Oui, c'est court, deux minutes. Mme
la ministre, je vous soumettrais
respectueusement, pour ce qui est de cet
irritant concernant les municipalités, je vous soumettrais de réfléchir à l'idée
que les municipalités puissent décider par elles-mêmes. Et vous dites
que c'est justement quelque chose de sensible, alors peut-être pourraient-elles le faire elles-mêmes par une consultation
de leur propre population, ce qui permettrait d'avoir l'heure juste, de
savoir quelles sont... Il y en a 90. Alors, ces municipalités-là, lesquelles
décideraient de demeurer bilingues dans la
mesure où la population le veut également.
Il est fort possible — nous pourrions avoir des surprises — que certaines municipalités ne le souhaiteraient pas, compte tenu du nombre de citoyens qui se
présenteraient ou qui signeraient un registre quelconque, qui se prononceraient. Alors, je vous soumets respectueusement
cette idée. Et l'idée que nous préconisons, nous, en tant que deuxième
groupe d'opposition, que les municipalités décident elles-mêmes de conserver ou
non leur statut, leur statut bilingue, ça pourrait se faire par une
consultation à l'interne.
Mme De Courcy : J'accueille votre suggestion en
voulant la documenter, surtout dans sa portion de consultation, de consultation. Nous
aurons l'occasion d'en reparler. Vous dites : Elles pourraient consulter
leur population. J'imagine que vous faites référence à des référendums,
de ce type de consultation là.
Et,
je vous signale, le sous-ministre m'indique que les études auxquelles je fais
allusion, M. Fraser nous les a communiquées aujourd'hui. Alors, il me fera
plaisir de les déposer aux membres de la commission aussitôt que j'en aurai
pris connaissance dans leur format.
La Présidente (Mme Vien) : Bien, merci beaucoup, Mme la
ministre. Merci, Mme la députée de
Montarville. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe pour un bloc
de 18 minutes.
• (15 h 30) •
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci,
Mme la Présidente. Je vous félicite pour votre présidence. Je salue Mme la
ministre, les gens qui l'accompagnent, les gens qui sont derrière. Je salue les
députés de l'opposition, de l'opposition officielle et de la deuxième
opposition.
Alors,
Mme la ministre, je vais vous entretenir sur la langue d'accueil et de service
au Québec. Mais, avant, je voudrais revenir sur l'historique, un petit peu, des
lois sur la langue française. Mon collègue de LaFontaine, il a résumé tantôt, et je pense que c'est important de
le mentionner, oui, en 1961, sous Jean Lesage, en 1974, sous les
libéraux de M. Robert Bourassa… Mais, en
1977, ça a été la Charte de la langue française, la loi 101 qui a été adoptée.
Et je pense que c'est à partir de là
qu'il y a eu réellement du mouvement en faveur de la langue française, et on a
senti qu'il y a eu des actions d'entreprises,
les gens… Dans les entreprises, les grandes entreprises, il y a eu des actions dans
les milieux, dans les municipalités,
un peu partout, et là on a vu que la langue française progressait. Elle a
progressé grâce à la loi 101. Par contre, il y a eu quand même le
gouvernement fédéral qui est venu mettre, on peut dire, du... garrocher un pavé
dans la mare, autrement dit, en venant rapetisser la loi 101 dans certains
aspects, et ça, ça a fait mal aussi au Québec. Il ne faut pas se leurrer de ça.
En
2002, il y a eu la loi modifiant la charte, c'est encore sous le Parti
québécois. La loi, elle a été modifiée, on a
fusionné l'Office de la langue française et la Commission de protection de la
langue française au sein de l'Office québécois
de la langue française. Deux nouveaux mandats, puis un des mandats, justement,
c'était au niveau des plaintes, au
niveau des plaintes. Quand on parle de services, bien on parle aussi de
plaintes, hein? Et puis, je regarde ici, au niveau des plaintes, en 2006 — c'est
les statistiques qu'il y a ici — 29,5 % des plaintes
provenaient de la région de Montréal déjà, en 2006. En 2006 aussi, dans la région de l'Outaouais…
24,2 % des plaintes venaient de la région de l'Outaouais. Ce n'est
pas pour rien, la région de l'Outaouais est aussi identifiée comme une région
problématique au niveau de la protection de la langue française parce que,
justement… la proximité de l'Ontario, les services fédéraux qui sont juste de l'autre bord de la rivière, à Gatineau.
Alors, ça, il faut en tenir compte aussi dans notre réflexion globale. Et
le restant des plaintes, bien, disons, on peut dire, c'était en Montérégie,
10,6 % des plaintes provenaient de la Montérégie en 2006.
Alors,
c'est un mandat que l'OQLF occupe actuellement, la responsabilité... Et je
pense bien que c'est à partir de là qu'il faut quand même se poser des questions. S'il
y a tant de plaintes… Puis là je parle de 2006, mais, en 2013, j'imagine
qu'on est rendu encore plus loin. Alors, quand on parle de comment le français
se porte comme langue d'accueil et langue de
service, bien je pense qu'il faut se poser ces questions-là parce qu'il existe
des mécanismes, mais est-ce que les gens
les connaissent tous, les gens s'en servent comme tout… Parce que je pense que
les plaintes, quand elles sont adressées à l'Office de la langue française, il faut que les plaintes soient signées.
Les plaintes qui ne sont pas signées ne sont pas acceptées. Donc, à ce moment-là, les gens, des fois, ils n'osent pas s'identifier
quand ils portent une plainte. Ça aussi, c'est...
Je vais revenir un
petit peu sur la bilinguisation des municipalités — je pense que c'est une belle ouverture — puis les villes bilingues, mais il ne
faudrait pas non plus partir en peur en disant que les anglophones vont perdre des droits.
Les municipalités vont continuer de communiquer avec les anglophones, à leur demande,
en anglais, puis elles vont
communiquer en français aux francophones qui veulent recevoir les services en
français. Mais une chose est sûre, c'est
que, là, il n'y aura plus, peut-être, dans ces villes-là... les francophones
vont recevoir des lettres en français, ils
ne les recevront pas en anglais, tu sais, dans les deux langues. Ça, c'est un
changement, mais je ne pense pas que ça enlève des droits aux
anglophones du Québec, là, les anglophones vont continuer à recevoir leurs
communications dans la langue de leur choix.
Alors,
conformément au mandat de surveiller l'évolution de la situation linguistique
qui lui est attribué par la Charte de la
langue française, l'Office québécois de la langue française a rendu publiques
en juin dernier des études portant sur la
langue d'accueil et la langue de service. L'office a procédé à deux collectes
de données — en 2010 et en 2012 — par des observations
sur le terrain effectuées par des observateurs externes, anonymes, formés par l'office
sur les obligations prescrites par la loi. Le procédé utilisé était une
simulation de la relation commerçant-client auprès d'un échantillon de commerces divers comme les cafés, les restaurants, les
bars, les dépanneurs, les boutiques, les vêtements, les chaussures, les librairies, les garages, etc.
Rappelons tout d'abord que l'objectif de la charte est de faire du
français la langue normale et habituelle de
travail, des communications, de l'enseignement, du commerce et des affaires. La
charte garantit aux citoyens le droit que
les entreprises communiquent avec eux en français, et elle garantit aux
consommateurs le droit d'être informés et
servis en français. Les chercheurs se sont penchés sur la langue dans laquelle
les consommateurs sont accueillis et
servis au centre-ville de Montréal, l'accueil étant la première salutation
reçue à l'entrée du commerce et le service, la langue des échanges entre
le commerçant et le consommateur.
Sur les données
recueillies en 2012 — alors, c'est tout récent,
là, ça ne date pas d'il y a 10 ans — l'accueil se faisait en
français seulement, c'est-à-dire sans aucune autre langue, dans 74 % des
commerces du centre-ville de Montréal, alors que cette proportion se
chiffrait à 89 % en 2010. C'est une baisse de 15 % en deux ans.
L'accueil
bilingue, c'est-à-dire français-anglais, a connu une forte augmentation,
passant de 1 % à 13 %. Il est vrai
que l'accueil bilingue n'est pas une infraction, mais l'augmentation de cette
pratique contribue certainement au sentiment
que la métropole s'anglicise, l'accueil bilingue étant plus répandu dans les
commerces sur rue, 14 %, que dans les centres commerciaux,
9 %; dans les commerces sur rue, l'accueil également plus fréquent lors
des visites du soir et du samedi, 18 %, que lors des visites de jour,
10 %.
L'Office
a également procédé à deux sondages téléphoniques — toujours en 2010 et en 2012 — pour connaître les
expériences des consommateurs en matière d'accueil et de service. En 2010, une
enquête téléphonique a été menée auprès d'adultes
de la région de Montréal afin de connaître leur expérience quant à la langue d'accueil
et de service dans les commerces du
Québec. Pour actualiser les données, l'office a fait effectuer un nouveau
sondage en 2012. En 2010, 27 %
des répondants ont affirmé qu'il leur est arrivé de ne pas être accueillis en
français dans un commerce du Québec au moins une fois au cours des six
mois précédant l'enquête. En 2012, cette proportion était de 40 %. De
27 % à 40 % en deux ans. Les difficultés à être accueilli en français
étaient plus fréquentes dans les établissements de restauration, cafés, bars,
restaurants, dans les magasins de vêtements ou de chaussures ainsi que dans les
dépanneurs.
Lorsque l'accueil n'est pas en français, 64 % des gens
sondés disaient réagir en répondant en français, ce taux atteignant à ce moment-là 73 % chez les
personnes qui parlent uniquement le français à la maison. Lorsque les
consommateurs répondaient en français à un accueil fait dans une autre langue,
82 % des commerçants passaient au français.
En 2010, 25 % des répondants ont déclaré qu'il leur est arrivé à au moins
une reprise au cours des six mois qui ont précédé le sondage de ne pas être servis en français dans un commerce du
Québec. En 2012, cette proportion était de 23 %.
Pour tous les types de
commerces confondus, les consommateurs montréalais ont indiqué avoir reçu un service dans une autre langue que le français au
centre-ville, 43 %, dans l'Ouest-de-l'Île, 29 %, et au Nord-de-l'Île,
22 %.
Alors, vous savez, Mme
la ministre, c'est une analyse, quand même, qui a été faite par l'OQLF et qui
est très sérieuse. Alors, j'aimerais ça,
avoir vos commentaires, savoir ce que vous en pensez et qu'est-ce qui va nous
permettre de faire… dans le futur, avec le projet de loi qui s'en vient, d'intégrer
à ce projet de loi… pour, justement, rendre compte de ces statistiques-là ou de
cette analyse-là faite par l'OQLF.
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
• (15 h 40) •
Mme
De Courcy :
Bien. Alors, bien, merci, d'abord, beaucoup du rappel, M. le député… Mme la Présidente. Merci beaucoup pour ce rappel de cette
analyse-là. On l'oublie, il y a tellement eu d'analyses, de chiffres, hein, qui
circulent. D'ailleurs, ça me permettra de
faire une parenthèse à cet égard. Dans les notes et dans les allocutions que
j'ai prononcées lors du projet de loi, j'ai souvent mentionné qu'il n'y a pas d'indicateurs
gouvernementaux reconnus, complets, sur lesquels les membres de l'Assemblée
nationale peuvent se reposer et dire : Voici les chiffres que nous
reconnaissons tous, et ce sera important, éventuellement, qu'on développe ce
type d'indicateurs.
Donc,
on agit, c'est sûr, pour que le français... Et on a le français à coeur, mais c'est...
On agit, mais c'est l'affaire de tous, et c'est l'objet de ce projet de loi là.
C'est que ce n'est plus que la responsabilité de l'Office québécois de la
langue française. Puis j'en profite pour
souligner son excellent travail, mais ça ne peut pas être que l'office qui soit
vigilant autour de la langue, il faut que nous le soyons tous. Et, entre
autres, il faut qu'on ait des moyens pour l'être, des moyens quand on est un
employeur, des moyens quand on est un employé et quand on est un citoyen. Ce n'est
pas étranger, d'ailleurs, à ce que votre
préambule portait sur comment on fait des plaintes, comment on doit réagir. On
aura peut-être l'occasion d'y revenir, mais, en effet, c'est important
que chacun, chacun, on puisse faire sa part.
Je
rappelle que, l'étude à laquelle vous référez, il y a
seulement 57 % des francophones qui disaient réclamer le service en français lorsque cette offre dans la langue
officielle n'est pas spontanée. Je sais que ce n'est pas toujours facile d'insister, mais nous voulons que le
français demeure notre langue commune, puis il est important que chacun
fasse un petit effort. Et on me disait aussi que, dans ce type d'enquête là,
quand on questionne les gens, on a tendance à vouloir
répondre ce que l'intervieweur nous indique comme le sens de ce qu'on devrait
répondre. Alors, probablement que ce chiffre-là est probablement encore
plus faible que ce que l'on croyait.
Et
il est clair qu'il faut que, d'abord, nous tous, nous soyons conscientisés. Et
moi qui ai participé à la stratégie commune
pour Montréal, j'ai fait partie des premiers comités de travail avec une
contribution qui provenait du milieu
scolaire, tous et toutes, à ce moment-là, chambres de commerce de Montréal
réunies — il y avait du monde, du monde de partout, de tous les milieux — nous avions été sidérés, à l'époque, de constater, en
effet, une forme de résignation ou une forme
d'abandon de la part de nos concitoyens quant à une exigence… Une exigence, d'ailleurs,
qui peut être ferme, mais gentille, qui peut
être ferme et gentille. Et, très souvent, le commerçant ou bien l'entreprise
avec qui on fait affaire, qui reçoit cette demande-là, plus souvent qu'autrement,
va tout de suite vouloir donner ce service-là. Très souvent, il suffit de le
demander.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il vous reste un peu moins de six minutes.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Six minutes. O.K.
Je vous amènerais maintenant, Mme la ministre, sur les étudiants… les services au centre-ville de Montréal surtout. Et on se
rend compte qu'au centre-ville de Montréal il y a quand même beaucoup d'universités
qui sont concentrées dans le milieu de Montréal, et on a souvent beaucoup d'étudiants
étrangers. Puis c'est tant mieux qu'il y en ait; plus on en a, mieux c'est. Je
pense, les étudiants qui viennent étudier ici, c'est le signe d'une qualité, on
a une bonne qualité d'enseignement au niveau des universités, contrairement à
ce qu'on peut laisser voir aujourd'hui. Mais les étudiants étrangers qui
viennent, ils travaillent beaucoup dans les services au centre-ville. Alors,
traditionnellement, les étudiants étrangers bénéficiaient seulement du droit de travailler sur le campus.
Cette situation a changé depuis quelques années parce que le
gouvernement fédéral leur a permis,
maintenant, permis aux étudiants étrangers de travailler hors campus, et, à ce
moment-là, on sait fort bien que c'est un grand bassin de main-d'oeuvre
au centre-ville de Montréal, et largement non francophone aussi.
Alors,
à ce moment-là, Mme la ministre, quelles sont les conséquences sur la langue du
service et sur la langue de travail de la
présence de ces nombreux étudiants dans les commerces au centre-ville de
Montréal? Et qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer leur français ou le
français de ces personnes-là qui viennent étudier au Québec, mais qui... Il
faut qu'ils travaillent au Québec aussi s'ils veulent payer une partie de leurs
études. Alors, j'aimerais ça, avoir votre opinion là-dessus.
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy : Oui.
En effet, Mme la Présidente, c'est plus de 20 000 étudiants qui peuvent,
dès lors, travailler, le plus souvent au
centre-ville de Montréal, et essentiellement dans le secteur des services. On
les retrouve dans les restaurants,
dans les dépanneurs, dans les boutiques de vêtements, dans les magasins, bon,
les librairies, les disquaires. Or, le plus souvent, ces étudiants
étrangers ne parlent pas français, alors qu'ils maîtrisent l'anglais, surtout s'ils
étudient dans les établissements d'enseignement anglophones. La conséquence est
évidente puis elle est palpable au centre-ville
de Montréal, en particulier dans le secteur compris entre les rues Atwater et
Saint-Laurent. Il est de plus en plus
difficile d'être accueilli et d'être servi en français, en outre parce qu'il s'agit
généralement d'entreprises ne comptant, au mieux, que quelques dizaines d'employés répartis sur plusieurs quarts
de travail et que la connaissance de l'anglais est bien souvent exigée
de tous les employés. L'anglais est la langue commune et elle devient, de
facto, la langue de travail.
Alors, il aurait été
souhaitable que les autorités fédérales tiennent compte de la dynamique
linguistique au centre-ville dans leur prise
de décision. Il aurait été, par exemple, tout à fait concevable d'assujettir l'obtention
du permis de travail pour les étudiants étrangers à l'obligation, pour
ceux-ci, de suivre des cours de français dans leur parcours académique… m'apparaît évident. Or, non seulement
le gouvernement fédéral n'a pas eu ce réflexe-là, mais il vient de
prépublier un projet de règlement où il annonce son intention que le permis de
travail soit automatiquement accordé à tous
les étudiants étrangers. J'ai l'intention de sensibiliser le ministre de l'Immigration
du Canada aux conséquences de ce type de décision, mais j'ai peu d'espoir,
là, qu'il modifie ses intentions. Mais on va tenter le coup quand même.
Dans
ce contexte, les renforcements proposés par le projet de loi au chapitre de la
langue de service et de la langue de travail dans les entreprises de 26 à 49
employés prennent tout leur sens. Puis je souhaite également que les
universités agissent en bonnes citoyennes
corporatives et qu'elles incitent les étudiants étrangers non francophones à
entreprendre l'apprentissage du français et à prendre conscience qu'une bonne
partie de la clientèle des commerces du centre-ville est francophone et souhaite se faire servir en français. Ces
orientations devraient figurer dans leur politique linguistique au
niveau des universités.
Vous
verrez aussi qu'il y a eu des bourses qui sont données par l'Office québécois
de la langue française pour inciter... mais c'est
très peu de bourses par rapport à l'ampleur des personnes qui veulent se
prévaloir d'un travail au centre-ville et
qui ne parlent pas français. C'est clair, hein, qu'il y a une limite à la
capacité aussi de francisation, là, quand on est dans un petit milieu de
travail. C'est tout, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Vien) : Il reste
1 min 20 s.
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Vien) : Sur le prochain bloc? Bien sûr, bien entendu. Alors, maintenant, à vous
la parole, cher collègue et député de
LaFontaine.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la Présidente,
quand une personne fait une plainte, formule
une plainte à l'Office québécois de la langue française, évidemment l'office s'en
saisit. Il y a par la suite — première
étape après la réception de la plainte — il y a enquête. L'enquête démontre s'il y a ou pas
infraction. S'il n'y a pas d'infraction, le
dossier s'arrête là. S'il y a infraction, il y a là, je crois comprendre de la
présidente-directrice générale de l'Office
de la langue française, des discussions qui s'entament avec la personne qui
serait fautive. Les discussions font en
sorte, par la suite, lorsque les correctifs ne sont pas mis de l'avant ou
appliqués, il y a une mise en demeure. Il y a une escalade qui est appliquée. Après ça, on envoie
une mise en demeure demandant à la personne formellement de respecter la
Charte de la langue française, lui donne un
délai aussi pour mettre en place les correctifs. Et, si la personne n'obtempère
pas, bien, ultimement, le dossier sera transféré au Directeur des poursuites
criminelles et pénales du Québec.
Ma
question à la ministre : Pourquoi veut-elle formellement enlever l'étape
de mise en demeure dans ce processus?
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme De
Courcy : Sur cette question-là, je n'irai
pas de façon pointue, je pourrai y revenir lors de la commission parlementaire. Honnêtement, je n'ai pas l'intention d'aller
sur les détails, là, du projet de loi, bien que pour certains des participants à cette étude de crédits,
là, on puisse penser que ce n'est pas des détails, et ça n'en est
sûrement pas. Mais, dans le cadre de l'étude des crédits, honnêtement, je n'irai
pas dans le détail des mises en demeure, des mécaniques de l'OQLF et etc. Ça m'apparaît
vraiment, vraiment, et très franchement, éloigné.
Si
j'ai des notes qui me parviennent en cours de rencontre, dans le cadre d'une
question que je pourrai répondre, j'y
reviendrai. Mais, à ce stade-ci, non, je ne répondrai pas à cette question-là,
qui m'apparaît trop éloignée.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, je m'en remets à votre décision. J'ai devant moi — à vous de me dire si c'est
nécessaire — une jurisprudence
constante, article 211 de notre règlement de l'Assemblée nationale, qui fait en
sorte que, «lors de l'étude des crédits
budgétaires, la règle de la pertinence doit être appliquée avec moins de
sévérité que lors de l'étude
détaillée de projets de loi. La jurisprudence indique qu'elle doit être
appliquée [de] façon très large.» Je continue à citer : «Ainsi, les
interventions des membres peuvent se rapporter à l'ensemble des activités d'un
ministère, pour autant que ces interventions aient un lien avec un élément de
programme.»
J'ai, devant moi, Mme
la Présidente, si vous le jugez nécessaire, de la jurisprudence à cet effet-là.
Que la ministre n'ait pas la réponse, c'est
une chose. Mais qu'elle ne veuille pas répondre à la question, qui a un impact
majeur sur notre ministère de la Justice, sur les travaux de l'Office de la
langue française, sur l'approche, justement, du Parti québécois en matière de langue française, qui est plutôt coercitive…
Alors, Mme la Présidente, je vous demanderais de demander à la ministre, même si elle n'a pas un chiffre précis… À ce
stade-ci, je ne lui demandais même pas de chiffre précis.
Puis peut-être que je l'aide, là. Ça fait quoi, trois minutes que je parle,
là... deux minutes, je l'aide, là. Alors, si
elle peut, sur un point de vue philosophique — et je pense que c'est nécessaire — me dire pourquoi ils veulent retirer formellement l'étape de mise en demeure lorsqu'il
y a une infraction de soulignée à l'Office de la langue française.
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme
Vien) : Alors, effectivement, Mme la
ministre, dans le cadre des crédits... de l'étude...
Une voix :
…
La
Présidente (Mme Vien) : Pardon? Si vous permettez. Dans le
cadre de l'étude des crédits budgétaires, il
est de tradition, mais aussi découle d'une décision qu'effectivement les
discussions entre parlementaires se font dans un cadre beaucoup plus large. Je sais que vous le comprenez. Et tout le
monde comprendra également qu'il n'appartient pas à la présidence
également de juger de la qualité ou de la pertinence et de la question ou
encore de la réponse. Alors, j'invite chacun
et chacune des parlementaires autour de la table, ici, à faire preuve de
compréhension en regard du contexte dans
lequel on se trouve actuellement et dans le cadre des discussions dans lequel
on se trouve aussi. Donc, il s'agit d'étude de crédits budgétaires. Moi,
depuis 10 ans que je suis ici, effectivement, ça se fait toujours dans un cadre
beaucoup, beaucoup plus large.
M. le député de
Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez une
question.
M.
Breton : Bien,
en fait, Mme la Présidente, en vertu de l'article 81, peut-être que la réponse
ne fait pas l'affaire du député de LaFontaine,
mais c'est son droit…
La
Présidente (Mme Vien) : A contrario, monsieur, peut-être que la question ne fait pas l'affaire
aussi de certains parlementaires. Alors, je
vous invite à poursuivre, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Alors, même question, Mme la ministre.
Mme
De Courcy :
Bien, je vais vous faire la même réponse que je vous ai faite parce que
probablement que vous ne m'avez pas entendue
correctement ou que je me suis mal exprimée. Mais ce que je vous ai dit, c'est
que j'ai eu un commentaire sur le fait que je trouvais que votre question était
très éloignée. Je vous ai aussi dit qu'en cours de commission, aussitôt que j'aurais potentiellement la réponse, je vous la
donnerais. Je ne l'ai pas maintenant, vous l'aurez plus tard. Soyez
patient.
Et,
dans ce contexte-là, je voudrais vraiment, M. le député, Mme la Présidente, qu'on
ait la sagesse de la présidence. C'est-à-dire
que nous sommes dans des conditions où nous ne sommes pas en commission
parlementaire pour étude article par
article. Vous êtes un juriste renommé, très bien. Mais, à cet égard-là, prenons
la mesure de l'étude des crédits. On est
sur des orientations de fond, on est sur ce que nous allons faire au secrétariat
à la langue, on est aussi sur ce que nous allons faire dans le cadre du
projet de loi, et vous ne m'avez pas vue hésiter une seule seconde de parler du
projet de loi. Maintenant, quand on est dans
des conditions très, très précises, je demande, à cet égard-là, qu'on puisse
prendre le temps nécessaire, et, non,
trois minutes, ce n'est pas suffisant. Et, si jamais, à la commission, le temps
ne me permettait pas d'aller dans des questions très pointues, au moment
où je le signifierai, ça me fera plaisir de donner la réponse à l'ensemble des parlementaires. J'ai trop de
respect pour le travail parlementaire pour ne pas être totalement
disponible à l'étude des crédits, évidemment.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, Mme la
ministre. M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Alors,
Mme la Présidente, je vais aider la ministre dans sa compréhension du projet de
loi qu'elle a déposé le 5 décembre dernier.
Mme De
Courcy : J'aimerais beaucoup...
Excusez-moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Vien) : Je vous en prie, Mme la
ministre.
Mme
De Courcy : Je
pense qu'il faut d'emblée, comme parlementaire… que, lorsqu'une ministre a
déposé un projet
de loi, que, de façon évidente, elle en a une bonne compréhension. Qu'on
veuille avoir des précisions, je conviens. Mais, la compréhension, je
trouve ça un peu trop fort, un peu trop fort. Je vous invite à avoir un bon
ton, M. le député de LaFontaine.
La Présidente (Mme
Vien) : Dans ces circonstances, je
vous invite à vous adresser à la présidence. Alors, M. le député de LaFontaine,
allez-y.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, je comprends qu'il y a des questions importantes qui sont posées à
la ministre, mais le ton a toujours été très
bon. Mais les réponses doivent être données à la population. On parle d'un
équilibre fragile. Lucien Bouchard lui-même nous disait que la langue française — l'ancien premier ministre — ce dossier était un dossier délicat qui demandait du doigté,
un équilibre. Nous soumettons respectueusement que le projet de loi n° 14
est un pavé dans la mare.
Je suis heureux d'apprendre de la bouche même,
Mme la Présidente, de la ministre qu'elle a — et je la cite — une très bonne compréhension du projet de loi que j'ai
déposé. Fin de la citation. Je lui réfère à l'amendement à l'article 177 — je
peux lui donner l'article de la loi, du projet de loi, Mme la Présidente — l'article
52 de son projet de loi qui vient, sur une
base philosophique — et je veux juste l'entendre
sur cette base philosophique là — retirer formellement l'étape de mise en demeure d'un contrevenant
par l'Office de la langue française.
Et, si elle le veut, je peux lui référer au
rapport de la présidente-directrice générale de l'Office de la langue française, qui se
targuait, à raison, de dire que «98 % des dossiers de plainte traités par
l'office se sont réglés sans renvoi au Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec». Fin de la citation. C'est
la page 16, Mme la Présidente, du rapport annuel 2011‑2012 de l'Office
de la langue française. Et ça a toujours été l'approche raisonnée, raisonnable,
respectueuse de l'office, puis c'est un
autre exemple, Mme la Présidente, que le projet de loi n° 14 vient donner
un dur coup. Alors, sur un point de vue philosophique — je ne lui demande pas de chiffres, elle connaît très
bien son projet de loi — pourquoi
retirer l'étape, formellement, de mise en demeure?
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre.
Mme De Courcy : Alors là, j'ai eu le temps nécessaire
qu'on puisse vérifier auprès de Mme Marchand, et
non pas sur les articles. Je ne nommerai pas
les articles, là, on n'est pas à cette étape-ci. Alors, ce que notre P.D.G.
nous indique, c'est que l'OQLF est le seul organisme qui a ce genre d'obligation
là et qu'abolir l'étape de la mise en demeure va simplifier de beaucoup le
travail de l'OQLF, qui pourra agir plus vite. Alors, on dit que la contrainte d'une
telle étape ne se retrouve pas dans d'autres
lois, puis cette obligation-là peut créer des délais inutiles dans les cas où
il paraît plus évident qu'il n'y aura pas de correction utile à la
situation.
Une mise en demeure suppose de donner un délai pour
inciter le contrevenant à corriger la situation. Et, à cet égard-là, j'indique que la philosophie de l'Office
québécois de la langue française m'apparaît tout à fait opportune, tout
à fait intéressante. C'est-à-dire qu'il y a
toujours beaucoup, beaucoup d'accompagnement puis il y a aussi un certain
nombre de mesures coercitives qui peuvent
arriver, et il y a vraiment un très bon équilibre, autant dans ce qui est prévu
par la loi que dans la direction
actuelle. Elle a pour résultante, donc, que l'OQLF est obligé de retourner
faire une inspection pour pouvoir faire une mise à jour de la situation
et permettre la prise d'une poursuite pénale, ce qui alourdit les coûts d'inspection, entre autres. Entre autres, je pense
que ça sera important pour tous de le voir. Sans cette mesure, l'OQLF
sera mieux placé pour exercer sa discrétion, de voir l'opportunité de donner un
avertissement ou de donner une chance de
plus au contrevenant de s'amender. À cet égard-là, on pourra poursuivre le
débat en commission parlementaire, là,
s'il s'avère utile, et voir aussi des... J'espère qu'on recevra des gens qui
vont nous expliquer comment ça a été intéressant d'être accompagné, mais
que, dans certains cas aussi, là, il fallait qu'il y ait aussi d'autres
mesures. Je suis certaine qu'on aura ce type de témoignage. Merci, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Alors, un peu moins de 10 minutes dans ce bloc, M.
le député.
M.
Tanguay : Merci, Mme la Présidente.
Clairement, il nous apparaît qu'il s'agit là d'une judiciarisation des dossiers
des plaintes qui résultent de... à l'Office de la langue française. J'aimerais
utiliser, Mme la Présidente, une analogie — et j'en suis au niveau philosophique pour le bénéfice de
Mme la ministre — il y a un programme de traitement non
judiciaire de certaines infractions criminelles commises par des adultes — et
c'est l'analogie que j'utiliserais — où là il est dit, entre autres... — et c'est son collègue ministre de la Justice qui en
est le garant, de l'application de cette politique-là
auprès de la Direction des poursuites criminelles et pénales — qui
fait en sorte, afin de ne pas engorger les
tribunaux ni restreindre indûment le temps qu'ils peuvent consacrer à la
répression des crimes graves... Il y a là une déjudiciarisation politique, dont
tout le monde verra les bénéfices, où, pour certains crimes, la lettre d'avertissement
peut être envoyée, une mise en demeure
également pourra être envoyée, et on précise même dans cette politique :
L'envoi d'une mise en demeure permet de s'assurer
dans chaque cas particulier que le contrevenant fait fi des accusations,
alors, qui seraient portées et qu'il en soit
donc mis au courant. «La mise en demeure est une lettre que le Procureur aux
poursuites criminelles et pénales envoie au contrevenant pour lui rappeler qu'il
avait une obligation légale à remplir, que les délais pour ce faire sont
expirés et que, s'il ne s'exécute pas rapidement, une dénonciation sera
déposée.»
Alors,
Mme la Présidente, à la ministre, encore une fois au niveau philosophique, en
quoi ce qui serait bon pour des actes
criminels de moindre importance commis, des infractions criminelles commises
par des adultes permettraient une
déjudiciarisation, mais qu'en matière de langue il y aurait nécessité,
contrairement à ce qu'on fait dans ce cas-là, dans l'analogie, d'envoyer
une mise en demeure, bien on retire l'étape de mise en demeure et on va, tout
simplement, judiciariser?
•
(16 heures) •
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre.
Mme De Courcy : Deux choses, mais le débat n'est
certainement pas clos. La première, c'est que je pense que tous les Québécois
et les Québécoises cherchent à ce que nous ayons une bureaucratie plus légère
et que tout ce qui fait en sorte qu'on multiplie les étapes, multiplie
les coûts, ça inquiète l'ensemble de nos concitoyens.
Deuxièmement, malgré tout le respect et l'estime
que j'ai pour l'expérience que nous avons réunie autour de la table en commission
parlementaire, au sein du Parlement, vous comprendrez que l'Office québécois de
la langue française, qui a une expérience très longue en matière de
respect de la loi et des approches très variées… en font pour moi un
interlocuteur extrêmement important en termes de recommandation.
Cependant,
comme je l'ai mentionné en point de presse plus tôt et depuis le début du
projet de loi, je crois profondément dans les processus parlementaires. La
commission parlementaire va nous permettre aisément de pouvoir mesurer nos inquiétudes en termes de judiciarisation ou non.
Mais, à ce stade-ci, je vous dirais que le point de vue de l'OQLF m'apparaît
à tenir en compte très fortement, en n'excluant pas le vôtre, bien entendu, et
en l'analysant en commission parlementaire.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, Mme la Présidente. M.
le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui, Mme la Présidente. Je remarque donc, encore une fois,
l'analyse, qui semble manquer de profondeur
au niveau des impacts. Ma question à la ministre : A-t-elle parlé de cette
déjudiciarisation avec le ministre de la Justice et de ses impacts sur
les procureurs du Québec?
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy : Je
présume que mon collègue sait très bien que le comité législatif est sous la responsabilité du ministre de la Justice et qu'à cet égard
les longues discussions se font autour de chacune des prescriptions qui sont prévues dans une loi. Alors, à cet égard, je pense
que les légistes, qui sont aussi ceux du ministère de l'Immigration,
ceux de l'Office québécois et du gouvernement quand on produit un projet de loi
comme celui-là, ont mesuré et ont fait leur travail.
On aura l'occasion de pousser la question encore plus loin par rapport aux
procureurs en commission parlementaire, bien entendu.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, dernière année, 4 067 plaintes. 98 % ne vont pas aux
poursuites criminelles et pénales, 58 %
des situations sont corrigées et 17 % des interventions incitatives ont
fait corriger les situations. Ma question à
la ministre : S'est-elle, oui ou non, informée quant aux impacts
financiers d'une judiciarisation de toutes les plaintes que recevra l'Office
de la langue française?
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre, à la
question.
Mme
De Courcy : Bon.
Je vais devoir… Et je n'aime pas le faire, mais je vais devoir répéter la même réponse, là, à savoir
que, lorsque nous sommes en comité législatif, tous les légistes d'un
gouvernement mesurent les impacts pour chacun
des articles. Et je vous assure, pour avoir fait l'expérience pour une première
fois... Mais, Mme la Présidente, vous êtes fort probablement habilitée à
savoir à quel point c'est un processus qui est rigoureux.
Maintenant,
pour le caractère plus fouillé de cette prescription-là sur les impacts et sur
l'ensemble des impacts, d'ailleurs, comme je l'avais
annoncé lors du projet de loi, il y a plusieurs impacts, là, qu'il a fallu
vérifier. Et, si cette question-là nous
préoccupe de façon encore plus précise, bien, nous aurons l'occasion de le
faire lors de la commission parlementaire. Puis j'en prends bonne note,
que c'est une inquiétude du député de LaFontaine.
La Présidente (Mme
Vien) : Pour encore
2 min 30 s, à peu près, M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui,
Mme la Présidente. Alors, je salue le travail des gens qui sont à l'Office
québécois de la langue française, qui font un
travail extraordinaire, qui méritent de ne pas être peu fiers des résultats qu'ils
obtiennent par des mesures non coercitives, d'accompagnement, de soutien.
Je
cite le dernier rapport, 2011‑2012, de l'Office québécois de la langue
française, page 16. Je cite : «L'office
doit également assurer le respect de la
charte et traiter les plaintes que le public lui transmet. À cet égard, notre
philosophie d'action a elle aussi porté ses fruits. En témoignent les résultats
des interventions que nous avons menées lorsqu'une dérogation potentielle à la charte nous a été signalée. Ainsi, 98 %
des dossiers de plaintes traités par l'office se sont réglés sans renvoi
au Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec.» Fin de la
citation.
Quand
on parle d'un dossier, tout le monde le reconnaît — tantôt, j'ai cité Lucien Bouchard en tête — le dossier de la langue, qui est un dossier délicat, qui
demande une approche proactive, positive, de soutien, d'accompagnement,
on a là, encore une fois, Mme la Présidente, un autre exemple de l'impact qu'a
le projet de loi n° 14 ou, si, d'aventure, il était adopté, de l'impact qu'il aurait quant au bris de l'équilibre que
nous avons ici. Toujours dans le contexte où nous sommes, comme tout le monde ici, autour de la
table, hein… Personne n'a le monopole de l'importance de voir s'épanouir
la langue française. Les libéraux, les gens du Parti québécois, tous partis
confondus, nous avons cet objectif-là qui est
l'épanouissement de la langue française et nous participerons par des mesures
proactives, contrairement à ce qui nous a été souligné ici. Merci, Mme
la Présidente.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, M. le député, Mme la ministre, ça
met fin à ce
bloc de l'opposition officielle. Alors, je suis prête maintenant, avec votre
permission, à entendre le deuxième groupe de l'opposition officielle.
Et, cette fois-ci, nous entendrons le député de La Peltrie. Bienvenue.
M.
Caire : Merci,
Mme la Présidente. Pouvez-vous me dire de combien de temps je dispose, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Vien) : 6 min 30 s.
M. Caire : Merci, Mme la Présidente. Mme la
Présidente, au Québec, les familles de militaires sont concentrées passablement
sur deux bases — je ne dis pas exclusivement, mais
passablement : Valcartier et Bagotville, deuxrégions très
francophones, là, la ministre va l'admettre avec moi. Or, ils jouissent d'une
exemption qui leur a été octroyée par
la première mouture de la loi 101, votée par René Lévesque, qui leur a été
confirmée par un règlement adopté par le gouvernement de Lucien Bouchard
et que la ministre veut abolir aujourd'hui. Puis j'essaie de voir en quoi, à
part le fait qu'ils portent un drapeau canadien sur leur uniforme, en quoi
cette exemption-là est une menace pour le français.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre.
Mme
De Courcy : Je vais tenter de vous
répondre plus par ce que votre question sous-entend, M. le député. Parce que je pense que vous avez témoigné à
quelques reprises de votre préoccupation à cet égard-là, et j'ai eu l'occasion
de pouvoir entendre des représentants, même si ce n'est pas nécessairement ceux
que vous auriez entendus peut-être vous-même, mais des représentants de la
commission scolaire anglophone qui regroupe les écoles fréquentées par les deux bases de militaires, entre autres, auxquelles
on fait allusion. Une rencontre très riche, d'ailleurs, qui m'a permis
de constater un certain nombre de choses. D'abord, on parle, si les chiffres
sont exacts — que je possède, je
crois qu'ils le sont — de
700 familles. On parle de 700 familles, et l'armée canadienne a, dans des
communications publiques, je dirais, laissé échapper, mais probablement que c'était
correct, je vais juger, par ailleurs, que c'est un chiffre préliminaire…
On parlait de 80 familles qui,
effectivement, voyageaient. Ça m'a préoccupée, m'a préoccupée, et c'est de
cette façon-là... En fait, la
croyance que nous avons tous, c'est que la raison pour laquelle on laisse le
libre choix est une question de mobilité, mais que cette mobilité-là ne serait pas aussi importante que ce que
nous croyons. Alors, les changements survenus au sein des forces armées
concernant notamment la désignation des militaires en séjour temporaire rendent
nécessaires des modifications apportées au
projet de loi. Ces modifications s'inscrivent dans le respect des objectifs
initialement recherchés par ce règlement-là lors de son adoption en
1977.
Ceci
étant dit, ceci étant dit, l'inquiétude de ces présidents de commissions
scolaires et des représentants de l'association,
c'est la fermeture des écoles, la fermeture des écoles. Ou ce qu'ils disent, c'est :
S'il s'avérait que les militaires n'aient plus ce choix-là, bien, ça
mettrait en péril un certain nombre d'écoles. À cet effet-là, ce que j'ai mentionné au président de la commission scolaire
et au groupe — et ils ont accepté de le faire — c'est que nous
puissions, à travers le code permanent des élèves, voir le mouvement, voir le
mouvement des enfants. Et, quand j'aurai pris connaissance
de ce mouvement, bien là nous serons sur une base très concrète, nous serons
sur la base de : Est-ce que des militaires
sont en séjour temporaire? Auquel cas, je réfléchirai à votre commentaire. Ou,
s'ils sont très stables, bien, à cet égard-là, je pense que la réponse à
la question viendra d'elle-même.
•
(16 h 10) •
La
Présidente (Mme Vien) : Compte tenu
du peu de temps...
Mme
De Courcy : Ah! excusez-moi.
La
Présidente (Mme Vien) : ...dont
dispose le deuxième groupe de l'opposition officielle... M. le député.
M. Caire : Merci, Mme la Présidente. Mme la
Présidente, de la réponse de la ministre est exclue jusqu'à date la réalité des
impacts de cette abrogation-là du règlement et de l'article, c'est-à-dire des
enfants qu'on va retirer d'un milieu exclusivement francophone pour les
déménager dans un milieu exclusivement anglophone sans qu'on ait laissé la chance aux parents de les y préparer. Parce que c'est
ça, l'objectif. Et, en aucun temps, je ne comprends la réponse de la ministre, qui me dit : Bien, c'est une
question de nombre, et de mouvement, et de fluidité, et de fermeture d'écoles.
Non, non, on vous parle de parents qui sont appelés à être déployés ailleurs qu'au
Québec et qui veulent préparer leur famille.
Et, je répète, René Lévesque a jugé que ce droit-là n'était pas abusif, et
Lucien Bouchard a reconfirmé, a précisé ce droit-là à nos militaires.
Moi, je veux savoir, là, parce que l'objectif
du projet de loi n° 14, là, c'est de protéger le français, je veux savoir en quoi ce droit-là donné à nos militaires est une
menace pour le français.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre, un peu plus d'une minute.
Mme De Courcy : Écoutez, je considère que ce
privilège qui est accordé est légitime quand on est sur une base, vraiment, d'un séjour temporaire et de va-et-vient,
je peux comprendre. Mais je ne comprends pas, à ce stade-ci, compte tenu des informations que je possède, qu'il
y ait un caractère temporaire à cet effet-là. Et que dire des artistes
qui voyagent partout dans le monde? Que dire
de d'autres catégories de gens qui n'ont pas ce choix-là? Alors, à la
lumière des données que je recevrai au cours
des prochaines semaines, puis en votre compagnie certainement, lors de la
commission parlementaire, bien j'aurai le plaisir de pouvoir partager avec vous
les fondements de là où nous sommes. Là où nous sommes, c'est, quand il y a un certain nombre de privilèges accordés,
encore faut-il qu'ils s'incarnent dans la réalité, et non pas au nom de
principes qui ne se justifient pas dans l'agissement des personnes. Alors, ma
réponse m'apparaît relativement simple.
La Présidente (Mme
Vien) : Les 6 min 30 s
sont écoulées, merci. Alors, je vais maintenant du côté ministériel pour
entendre le député de Bonaventure pour un bloc de 18 minutes.
M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
Mme la ministre. Je tiens à saluer l'ensemble des sous-ministres et toutes les personnes associées au ministère.
Salutations à mes collègues députés.
Écoutez,
bon, je n'ai pas le choix de revenir sur, bon, ce que notre collègue de l'opposition
a dit tout à l'heure. Vous avez fait référence à l'épouvantail de la judiciarisation. J'aimerais
vous rappeler que la loi n° 78 a criminalisé une partie des mouvements sociaux au Québec, a coûté 90 millions de
dollars, sans parler des impacts non encore calculés. Ça fait que,
peut-être qu'avant d'employer à nouveau le terme de judiciarisation, il
faudrait quand même revenir sur le passé au Québec.
Ceci
étant dit, moi, j'aimerais m'entretenir avec la ministre de la langue de travail.
Bon, on sait que le travail, c'est un espace
de socialisation très important. O.K.? Après le temps consacré à l'école, le
travail va réquisitionner une bonne partie
de notre vie active. On va y apprendre et consolider des comportements et des
habitudes diverses. O.K.? Là, vous
comprenez que je vais du général puis je vais m'en venir au particulier tout à
l'heure. On y apprend quoi? Respect de
l'autorité, ponctualité, autonomie, l'imagination, la rigueur. Bref, ce sont
des comportements attendus dans le milieu de travail. Ça répond, en quelque sorte, aux valeurs des entreprises ou des
organisations. Et, si on ne répond pas auxdites valeurs, bien là on a des sanctions : on a une diminution de
salaire, on a une mise à la porte, bon, congé disciplinaire, etc. Donc, les valeurs de notre société sont teintées
des comportements acquis dans le milieu de travail. Les comportements
des individus vont être souvent structurés en fonction de certaines valeurs
prégnantes dans le milieu de travail parce que le milieu de travail est, en
quelque sorte, l'espace qui réquisitionne le plus de temps dans notre vie
adulte.
La valorisation de la langue française et son utilisation
dans le milieu de travail doivent être aussi soutenues et protégées par un
environnement normatif adéquat parce que la socialisation au respect de la
langue en milieu de travail va dépasser le milieu du travail et s'émanciper
dans la société via une valorisation de son utilisation. Donc là, c'est une question, je dirais, métaphysique ou philosophique,
là, mais pourquoi favoriser la culture d'efficience des organismes ou
entreprises et ne pas soutenir l'environnement socioculturel dans lequel baigne
l'espace économique? Deux poids, deux mesures. Ceci étant dit, je vais revenir
à la question principale : Quel est l'état du français comme langue de
travail au Québec?
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre… Est-ce que
vous avez terminé?
M. Roy : Absolument pas, je commence.
La Présidente (Mme
Vien) : Toutes mes excuses.
M. Roy : Ça va.
La Présidente (Mme
Vien) : Poursuivez.
M.
Roy : O.K. Je
vais faire référence à des études et à certaines statistiques. Et là, pour
faire une blague, que j'ai déjà entendue lors d'une ancienne campagne
électorale, un monsieur avait dit : Il y a trois sortes de
menteries : les petites menteries,
les grosses menteries et les statistiques. Donc, je ferme la parenthèse. Ça ne
veut pas dire que je vais être dans le tort,
on peut interpréter les données. Donc, on dit que, depuis la parution de l'étude
de l'Office québécois de la langue française sur la langue du travail,
le 27 novembre dernier, on entend deux sons de cloche dans l'espace public.
Pour les uns, le français serait en perte de
vitesse, et, pour les autres, la situation serait stable, voire encourageante.
Voyons certains faits. Selon les données d'enquête
disponibles, bon, de 1971, 1979, 1989, 2007 et 2010 et présentées par l'Office
québécois de la langue française en novembre
dernier, on constate que, dans l'ensemble du Québec, l'usage du français
comme langue générale du travail, c'est-à-dire
employée 90 % et plus du temps, a progressé de 1971 à 1989 pour
ensuite diminuer jusqu'en 2010. Donc, progression, un pic jusqu'en 1989, et
diminution par la suite.
Toutefois,
en 2010, 66 % de la population du Québec travaillait généralement en
français — encore une fois, 90 % ou plus du temps — alors que ce pourcentage était de 64 % en 1971. De
même, pour la région métropolitaine de
recensement — par la suite, je vais
utiliser l'acronyme RMR pour sauver un peu de temps, bon — donc, la région métropolitaine de recensement de Montréal,
bon, 51 % de la population travaillait généralement en français en 2010, comparativement à 42 % en 1971. Sur cette
seule base, on peut conclure que la situation s'est améliorée depuis 40
ans.
Pourtant,
s'il est vrai que l'examen de l'usage du français au travail sur une période d'une
quarantaine d'années permet de conclure qu'il y a eu globalement un certain progrès, il ne
faut surtout pas oublier de regarder attentivement les tendances plus
récentes. Quelles sont ces tendances? D'abord, il est fort à propos de rappeler
que la situation de 1971 correspond à celle
qui existait avant l'adoption de la Charte de la langue française. Ce qui nous
intéresse avant tout, c'est de tenter
de mesurer les effets de la charte, laquelle a été adoptée en 1977. Rappelons
aussi que le programme de certification des entreprises n'a débuté qu'en 1979. Les effets de la charte sur la
francisation du monde du travail n'ont commencé à se faire sentir qu'à cette époque. On remarque, d'ailleurs,
que l'utilisation du français comme langue générale du travail a
progressé de 1979 à 1989. Dans la RMR de Montréal, la proportion de la
population qui travaillait généralement en français est passée de 51 % à
56 %, et la proportion des personnes qui travaillaient occasionnellement
en français, c'est-à-dire moins de 50 % du temps, est passée de 23 %
à 15 %. On peut parler de progrès remarquable. L'usage du français avait
augmenté significativement et l'usage de l'anglais avait diminué.
• (16 h 20) •
Que s'est-il passé par
la suite? On observe que, globalement, entre 1989 et 2010, l'usage du français
dans le monde du travail a diminué tant à l'échelle du Québec que dans la RMR
de l'île de Montréal. Je citerais quelques pourcentages. En 2010, 66 % de la population
du Québec et 51 % de celle de la région métropolitaine de
recensement de Montréal travaillait
généralement en français — 90 % ou
plus du temps — comparativement à 73 % et
56 % en 1989. La baisse saute aux yeux. Ce qui augmente, c'est le bilinguisme
français-anglais dans le milieu du travail à des degrés divers. En 2010,
12 % de la population du Québec et 21 % de celle de la région
métropolitaine de recensement de Montréal travaillait occasionnellement en
français — moins de 50 %
du temps — comparativement à
9 % et 15 % en 1989. L'évolution va dans le sens contraire de ce que
l'on souhaite. De plus, en 2010, les résidents de la RMR de Montréal étaient
proportionnellement moins nombreux à utiliser généralement le français au
travail que les résidents du reste du
Québec : 51 % contre 66 %. Inutile de rappeler que la grande
majorité des immigrants s'installent dans cette région. On peut alors
craindre que la contribution du monde du travail à l'intégration
socioéconomique et linguistique des néo-Québécois dans une société qui est
majoritairement francophone ne soit pas suffisante.
Que
nous disent les données de recensement sur l'usage du français comme langue du
travail au Québec? Il faut d'abord rappeler que ce n'est que depuis 2001 que
le recensement canadien comporte des questions sur la langue du travail,
deux questions en fait. Première
question : Dans cet emploi, quelle langue cette personne utilisait-elle le
plus souvent? Et la deuxième question : Cette personne
utilisait-elle régulièrement d'autres langues dans cet emploi? Soulignons aussi
que les données de recensement illustrent
une évaluation de situation sur cinq ans seulement. On ne peut donc pas
mesurer l'évolution depuis les années 80 ou
les années 90, mais seulement à partir de 2001. En revanche, les données
d'enquête qui illustrent la baisse de l'utilisation
du français comme langue générale de travail couvrent une période de 21 ans,
soit de 1989 à 2010. Il s'agit d'une distinction majeure qu'il faut toujours
avoir en tête, c'est sur le long terme qu'on peut observer les tendances.
Il est vrai que la langue française est très présente au
travail dans l'ensemble du Québec et même dans la région de Montréal selon les données
de recensement de 2001 et de 2006. En 2006, 94,3 % des travailleurs de l'ensemble
du Québec utilisaient le français au travail à divers degrés. On parle
de 91,9 % de la population travaillant dans la région métropolitaine de
recensement de Montréal, et 88,9 % sur l'île de Montréal. Ce sont ces
statistiques, entre autres, qui conduisent
certains à considérer que tout va pour le mieux au chapitre de la langue du
travail au Québec. En revanche, il ne
faut pas omettre de constater aussi qu'en 2006 40,7 % des travailleurs de
l'ensemble du Québec et 56,6 % de ceux de la région métropolitaine de recensement de Montréal ont déclaré utiliser
l'anglais au travail. Ce n'est pas négligeable. Au surplus, l'enquête de
2010 publiée par l'Office québécois de la langue française révèle que c'est une
majorité de Québécois qui travaillent
exclusivement en français… 63 % des travailleurs avaient recours à l'anglais
à un degré ou à un autre dans leurs
communications professionnelles. Cette situation est encore plus répandue dans
l'île de Montréal, 82 %, et, ailleurs au Québec, 53 %.
Une
question s'impose : Est-ce qu'on s'approche de l'objectif de faire du
français la langue normale et habituelle du travail? Il semble bien que non, l'évolution
des 20 dernières années va dans le sens d'une bilinguisation progressive
du monde du travail à des degrés divers selon les régions, les secteurs d'activité,
les professions, etc. Les données des recensements
de 2001 et de 2006 permettent aussi de mettre en évidence ce phénomène. Elles
confirment que l'usage du français
comme seule langue du travail par la population du Québec a légèrement diminué
sur une période de cinq ans tant dans la région métropolitaine de
recensement de Montréal que dans le reste du Québec. C'est d'ailleurs la même chose en ce qui concerne l'usage unique de l'anglais.
En contrepartie, l'usage des deux langues au travail, à des degrés
divers, augmente. De 47,8 % et de 34,1 % en 2001 dans la région
métropolitaine de recensement de Montréal et dans l'ensemble du Québec, il est
passé de 48,7 % et 35,2 % en 2006. Rappelons qu'il s'agit d'une
évolution sur cinq ans seulement. Rappelons
aussi que les deux questions de recensement qui portent sur la langue sont des
questions d'ordre général qui ne permettent pas de quantifier
précisément l'usage de la langue au travail.
Les données de
recensement analysées dans un des rapports de l'Office québécois de la langue
française permettent toutefois d'observer qu'en 2006 77 % des immigrants
de langue maternelle tierce nés dans un pays de tradition anglaise utilisaient principalement l'anglais au travail et
que 73 % des travailleurs de langue maternelle tierce originaires d'un pays de tradition française
employaient principalement le français au travail. À ce chapitre, la
différence entre les deux groupes est
considérable. On constate qu'il reste beaucoup d'efforts de francisation à
faire pour que la grande majorité des
allophones, peu importe leur origine, puissent travailler en français. En fait,
il reste encore bien des efforts à faire
pour que le français soit effectivement la langue normale et habituelle du
travail pour l'ensemble des Québécois. Finalement, cette situation remet
en question le fait que des parties importantes des milieux de travail ne
soient pas visées par des efforts de francisation, notamment les entreprises de
moins de 50 employés.
Et là j'arrive à ma
question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Vien) : Je vous suis, hein.
M. Roy : Suite à ce constat, j'aimerais connaître la position de la
ministre face à cette problématique.
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre, on vous
écoute.
Mme De
Courcy : Mme la Présidente, les
études de crédits permettent le partage d'informations. C'est manifeste aujourd'hui.
Alors, écoutez, dans ces informations, retenons deux choses : des efforts
de francisation en entreprise et des efforts au niveau de la langue de travail.
C'est ce que ces chiffres-là disent.
Ma collègue de…— il ne faut pas que je dise son
nom — ma collègue d'Emploi et Solidarité sociale, la ministre, a mis de l'avant
avec la Commission des partenaires du marché du travail deux mesures qui m'apparaissent
très importantes pour les personnes
immigrantes. Je vais m'attacher à une en particulier qui est la francisation
des personnes immigrantes en entreprise, ce qui
est différent de la francisation des entreprises. Et, à cet égard-là, on sait
que la Commission des partenaires du marché
du travail a toujours été très sensible à la question du français au travail,
mais on s'est surtout penché de la
francisation des entreprises, on donnait des cours. Mais là on va accentuer la
chose, alors j'en suis très heureuse.
La question de la langue de travail est
fondamentale dans le projet de loi, puis c'est vraiment au coeur de ce projet de loi là, à
telle enseigne, d'ailleurs, que, sur les faits saillants... Les faits saillants
du projet de loi, le premier axe, c'est le droit de travailler en français. Je vous énumère très rapidement ce que
nous devons en retenir. La connaissance d'une autre langue que le français peut être exigée d'un
travailleur dans l'exercice de ses fonctions uniquement si l'accomplissement
de la tâche le nécessite. L'employeur doit évaluer les besoins linguistiques
associés à un poste avant d'exiger pour ce poste
la connaissance d'une autre langue que le français. L'employeur comptant plus
de 10 travailleurs à son emploi affiche sur les lieux de travail les droits du travailleur en matière d'usage du
français au travail. Les travailleurs non syndiqués qui revendiquent le
respect de leur droit de travailler en français pourront être accompagnés dans
leur démarche par la Commission des normes
du travail. Ça, c'était nouveau. Les entreprises de 26 à 49 employés doivent
faire l'examen de leur mode de
fonctionnement pour s'assurer que le français est la langue normale et
habituelle. Il m'en reste juste deux. À la suite de cet examen, elles doivent mettre en place, le cas échéant, des
mesures requises — et ces mesures-là doivent être connues de la part
du personnel : l'utilisation du français dans les réunions, les
communications internes, la politique de mutation et de promotion — ça m'apparaît fondamental — sur
la formation offerte aux employés pour la mise en oeuvre des changements apportés par
l'entreprise et ses outils de travail. Puis, finalement — bien,
je dis finalement, dans cette zone très précise là, parce que la loi n'est pas
étanche d'un aspect à l'autre, bien sûr, et surtout pas la Loi sur l'immigration,
les mesures en immigration — les comités sectoriels de main-d'oeuvre ou tout organisme
similaire soutiennent les entreprises en élaborant des mesures types de
francisation.
On
revient à notre discussion du départ. Ce n'est plus seulement que l'OQLF qui
est responsable de tout ça, nous devenons tous, citoyens, corporations,
organisations, responsables du droit de travailler en français. Merci, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Vien) : M. le député
de Bonaventure, il vous reste un peu moins de deux minutes.
•
(16 h 30) •
M. Roy : Vous savez, Mme la ministre,
plusieurs opposent compétitivité et renforcement de la langue française au travail.
On dit souvent que la langue des affaires, c'est l'anglais. Bon, est-ce qu'un
usage plus fréquent du français comme langue de travail et comme langue
de service à la clientèle nuit ou aide la compétitivité des petites
entreprises?
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre.
Mme De Courcy : Si vous permettez, je vous citerai
comme réponse, ça ne peut pas être mieux… Dans le cadre du Rendez-vous des gens d'affaires
et des partenaires socioéconomiques, c'était important, là, à Montréal, cette
stratégie commune là. Ce qu'ils disaient, c'est : «Selon les partenaires
responsables de cette mesure — gens d'affaires qui étaient là — si la demande en matière de francisation des travailleurs
est croissante, c'est que ceux qui ne parlent pas ou parlent peu le français veulent acquérir une compétence dans cette
langue[...]. Les entreprises — et c'est ça qui est important — y
trouvent aussi leur compte, car elles constatent un gain en productivité lié à
un meilleur travail d'équipe. Les employés peuvent mieux communiquer entre eux,
avec les clients et avec les fournisseurs. De plus, les directives sont
mieux comprises et le climat de travail est bonifié parce que des liens de
collaboration peuvent désormais se créer entre employés.» Parole d'employeur.
Alors, pour ma part, c'est très éloquent comme réponse, oui, ça contribue à l'essor
économique du Québec, mais aussi à l'essor des entreprises.
La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre, pour
ce bloc de 20 minutes du côté
ministériel. Je cède maintenant la parole au porte-parole pour la Charte de la
langue française, à M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Alors, j'ai eu l'occasion, d'entrée de jeu, par les remarques préliminaires, de soulever tout ce qui
avait été fait par une approche constructive, une approche de soutien, d'aide.
Et, là-dessus, je suis heureux de souligner la levée de chapeau, je pense, que
la ministre fait à la Stratégie commune d'intervention
pour Montréal 2008‑2013. Effectivement, je pense que la
ministre a toutes les raisons du monde de
souligner les bienfaits de cette stratégie-là, qui a été mise de l'avant sous
un gouvernement libéral et qui est là toute la philosophie du Parti libéral du
Québec, Mme la Présidente, de faire en sorte que le français s'épanouisse de façon positive, constructive, par le soutien, l'aide,
et non pas par la façon, la manière coercitive, limitative, d'obligation,
et certainement pas en dressant des murs autour du Québec.
J'aimerais entendre de la ministre, Mme la
Présidente, ce qu'entend-elle faire pour la continuation de cette stratégie qui était
signée pour la période 2008‑2013. On se rappellera, c'est une stratégie qui
tenait compte de la réalité profonde des petites entreprises, où le défi quotidien de réussir et de prospérer
mobilisait la quasi-totalité de l'énergie des dirigeants, et les
signataires de cette stratégie commune entreprenaient diverses actions de
promotion, sensibilisation, formation, accompagnement. Donc, j'aimerais savoir
de la ministre, Mme la Présidente, où en sont rendues ces discussions quant à
la reconduction de cette belle initiative.
La
Présidente (Mme Vien) : Très bien, M.
le député. Mme la ministre.
Mme De
Courcy : Alors, d'abord, d'entrée de
jeu, je considère que la réussite de certains travaux de cette stratégie commune d'intervention n'appartient pas
qu'à un seul groupe, et ce serait tellement dommage que de n'y associer qu'un seul parti
politique. Franchement, ça a été une stratégie qui a réuni tout le grand
Montréal. Nous étions là, j'étais là, je
faisais partie du comité initiateur et de travail de cette stratégie-là,
laquelle... D'ailleurs, une éminente citoyenne du Québec, Isabelle
Hudon, était une ardente défenderesse à cette initiative.
Il
y a un certain nombre de choses qui se sont très bien passées; d'autres`, moins
bien. Puis c'est normal dans une stratégie comme celle-là. Ce qui est moins normal,
c'est que la dernière rencontre du mois de juin — et
il n'y en avait pas beaucoup par année, de ces
comités de direction qui devaient se tenir — bien, elle a été annulée par le bureau du premier ministre. Ce que ça a fait, c'est que,
malheureusement... Du premier ministre de l'époque, évidemment. Ce que
ça a fait, c'est que le bilan de toutes les mesures, chacune — et puis il y en avait plusieurs — bien, n'a pas permis, là, d'échanger et de voir à bonifier.
Par ailleurs, j'ai reconduit
évidemment, pour la dernière année, ce programme-là parce que je pense qu'il va
y avoir lieu d'avoir des discussions sur l'efficacité.
En fait, là où ça a été, à mon avis, le plus décevant, c'est sur la
confusion de départ, de départ autour du
carrefour, du carrefour de francisation. La confusion a fait en sorte qu'on a
fait un carrefour pour les entreprises, mais on n'a pas créé le guichet
unique. On n'a pas créé cette instance-là, qui apparaît tellement importante
pour l'ensemble des personnes immigrantes et aussi pour les employeurs, qui ont
un certain nombre de difficultés, là, à se promener dans différents détails.
Alors, ce projet de guichet, donc, unique ne portait pas sur la francisation des personnes immigrantes. Pour ce
qui est de l'offre de service gouvernementale en matière de francisation
des personnes immigrantes, on vient de
rappeler qu'il y a trois ministères qui y contribuent. Puis, à ce moment-là,
pour en avoir discuté avec M. Turcotte, qui était présent, c'était un défi de
taille.
Alors,
le ministère de l'Immigration est, au premier chef, là, responsable de cette
francisation puis a développé à cette fin une gamme variée de programmes qu'il met
en oeuvre avec un réseau de plus de 100 partenaires institutionnels
et communautaires. Mais le MELS, à travers
les interventions des commissions scolaires et les autres types de l'éducation
des adultes, apporte également une large
contribution à cette mission-là. Puis, enfin, Santé et Services sociaux aussi
travaille avec nous. Et les employeurs nous l'avaient dit. Quand on s'était
réunis pour la stratégie, ils nous l'avaient dit : C'est complexe de faire affaire avec le gouvernement; c'est
complexe d'avoir des renseignements autour soit des personnes immigrantes, soit de la francisation comme telle,
soit de pouvoir avoir des candidats spécialisés ou non. Alors, somme
toute, il y a là quelque chose qu'il faille améliorer de façon évidente.
Il
y a eu 15 agents de francisation qui ont été recrutés par
17 partenaires socioéconomiques. Mais ce qu'on doit comprendre, c'est
que cette stratégie-là peut être très intéressante. Mais, comme je le
mentionnais tantôt, compte tenu du nombre très important d'entreprises
qu'il y a sur Montréal et sa métropole, bien, manifestement, ils n'y arriveront
jamais. Ils vont pouvoir en faire un peu,
mais ça ne sera pas suffisant. On ne peut pas penser qu'il y aura 750,
800 agents qui vont être ajoutés pour
accompagner les entreprises. Et je vous dirais que le milieu des gens d'affaires
montréalais serait le premier à être en désaccord avec une inflation
aussi importante.
Il
y a eu des cours de français en milieu de travail qui ont été salués, qui ont
été salués. Et, là-dessus, je pense qu'il faille continuer, mais il faut aussi s'assurer qu'on
puisse utiliser les nouvelles technologies parce que, manifestement, nos
méthodes de travail ne sont pas suffisantes pour répondre à la demande.
Pardonnez-moi.
La
Présidente (Mme Vien) : Non, mais merci pour votre collaboration, Mme la ministre. Puisque le
temps file rapidement, puis, si on veut
favoriser les échanges, M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, j'aimerais demander à Mme la ministre quand compte-t-elle faire, justement, la session de bilan, est-ce qu'une date a été
fixée, où, quand, comment.
Mme
De Courcy : Oui.
En fait, bien, on va rattraper le retard, M. le député de LaFontaine. Ça
va être important parce que ça fait un bon moment qu'il n'y a pas eu ces bilans-là, puis
les gens ont bien hâte qu'on puisse en discuter. Alors, la stratégie
commune va prendre fin en octobre 2013. On va faire ça avant, on va faire les
bilans qui s'imposent. Mais je suis certaine que la contribution des
partenaires du secteur privé... ils vont être, bien sûr, présents.
Je
vous dirais qu'aussitôt qu'on aura terminé... J'aurais l'intention de réunir
tous ces partenaires avant la fin juin,
puisque l'on a des... (panne de son) ...aussi qu'on a réactivés au sein du
ministère qui avaient été abandonnés depuis un
bon moment avec des partenaires économiques. Alors, l'heure des bilans sera là,
puis on fera les recommandations en conséquence, bien entendu.
M. Tanguay : Mme la Présidente, je suis très optimiste pour l'avenir,
et voilà un sommet où, je crois, tout le monde sera là, autour de la table.
J'aimerais revenir sur
une phrase qu'a prononcée Mme la ministre. Elle disait un peu plus tôt, il y a
quelques minutes : C'est complexe de
faire affaire avec le gouvernement, donc ça prend des approches qui nous
permettent de faire affaire avec le gouvernement de façon productive et
de façon efficace. J'aimerais savoir comment, si c'est déjà ardu, et difficile,
et complexe — pour utiliser le terme qu'elle
utilise — de faire affaire avec le
gouvernement en matière réglementaire, en
matière de paperasse, et ainsi de suite, comment pense-t-elle... ou quel sera,
selon elle, l'impact sur les PME de
26-49 employés lorsqu'elles devront évaluer le niveau de connaissance
exigé pour chacun des postes, lorsqu'elles devront, le cas échéant,
faire rapport, recevoir les commentaires, amender, apporter les correctifs — d'autant plus qu'on sait
que, là, il n'y aura plus de mises en demeure — et, le cas échéant, changer les nouveaux logiciels et d'autres outils de
travail? Alors, comment elle entrevoit cette lourdeur, surtout que, d'ores et
déjà, elle reconnaît que c'est complexe de faire, déjà, affaire avec le
gouvernement?
• (16 h 40) •
La
Présidente (Mme Vien) : La question
est posée, Mme la ministre.
Mme De
Courcy : Mme la Présidente, on ne
fera pas des raccourcis, là, on va parler... On a parlé tantôt de francisation, à quel point c'était complexe de
travailler avec trois ministères. Et, là-dessus, je vais me permettre de
vous dire que les retards technologiques depuis
10 ans par des décisions antérieures, sûrement, qui ont été prises de
bonne foi… Mais le résultat net, là, c'est qu'il y a des retards
technologiques graves au ministère de l'Immigration. L'équipe ministérielle, tant administrative que politique,
s'applique, là, à faire progresser ces technologies-là. Je ferme ma
parenthèse parce qu'on ne parle pas de la même chose, là, quand on parle de la
difficulté.
Par
ailleurs, par ailleurs, il est vrai que c'est l'employeur qui connaît déjà les
besoins de son entreprise, c'est le premier concerné par ça. Souvent, il est même
travailleur dans cette entreprise-là. Alors, c'est lui qui connaît cette
affaire. Et les meilleures personnes pour l'accompagner,
ce sont très certainement — je vais peut-être le dire pas
bien, là — les
comités sectoriels de main-d'œuvre… où ils sont représentés dans des secteurs
en particulier.
Alors,
avec cet appui-là, l'appui de l'Office québécois de la langue française, tout
ce qui sera disponible pour aider cet employeur-là, je pense, au contraire, qu'il va
développer des liens beaucoup plus étroits avec le gouvernement. Puis,
si on ajoute... Parce que, quand on fait ce
type de discussion là autour d'une loi, on essaie de regarder aussi pas juste
dans un silo, on dit : Oui, mais qu'est-ce
qui va se passer autour de lui? Bien, autour de lui, je souhaite ardemment qu'on
puisse concrétiser le guichet unique en francisation et qu'on puisse soutenir
davantage le carrefour francisation géré par la chambre de commerce et celui du
portail interactif de la FTQ.
Avec
tout ça, là, normalement, l'employeur va être très bien équipé. Évidemment qu'il
faut sortir du domaine de la légalité, ou des lois, ou des règlements, là. On
est aussi dans des manières de faire, des manières de s'organiser qui ne
sont pas nécessairement toutes détaillées
dans un projet de loi. Et c'est normal, et c'est normal; on va construire tout
ça par la suite, puis il y a des choses dont il faille faire les liens,
évidemment.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, la ministre a affirmé le 5 décembre dernier : «Il
faudra...» Et je la cite par rapport aux
dispositions qui s'appliqueraient, si, d'aventure, le projet de loi était
adopté, aux PME de 26 à 49 employés. La ministre, le 5 décembre
dernier, en conférence de presse, a affirmé, je la cite : «Il faudra
prouver les postes, avoir des politiques de
mutation, avoir une politique linguistique.» Fin de la citation. Lorsque l'on
sait que c'est par des mesures proactives qui sont déjà beaucoup en
place — on vient de faire référence à la Stratégie
commune d'intervention pour Montréal — qui ont donné et qui continuent de donner de bons
résultats, lorsque l'on sait également que la
Fédération canadienne des entreprises
indépendantes témoignera à l'effet que le fardeau réglementaire, la paperasse
également pour les PME sont les deux
premiers écueils, Mme la Présidente, auxquels doivent faire face les
entrepreneurs de partout au Canada, mais du Québec également, et, en ce
sens-là, le fait, comme elle le disait, de prouver les postes, d'avoir des politiques de mutation, politiques linguistiques,
non seulement va augmenter ce fardeau-là, on devra démontrer :
Bien, ici, on parle légèrement en anglais, c'est
une exigence, on devra en faire la démonstration, donc lourdeur administrative,
de un, et, de deux, ça va prendre énormément...
Et je fais référence à un article paru
dans Le Devoir où on parlait d'un sommet de bureaucratisation qui
est devant nous.
L'office aura à gérer, recevoir chacune de ces politiques-là, chacun de ces
postes, les questionner, les approuver. Et, en ce sens-là, c'est là où
on dit qu'il y a une approche qui, bien, en fin de compte, va donner beaucoup
de travail aux fonctionnaires, beaucoup de travail et d'écueils aux dirigeants
de PME mais ne créera pas d'emplois, ne créera pas la richesse, et, en bout de piste, il ne s'agit là pas d'un facteur qui
viendrait voir la langue française s'épanouir davantage.
Ce
qui va faire en sorte que la langue française s'épanouisse davantage, Mme la
Présidente, ce sont, entre autres, des mesures de soutien. Et je réfère la ministre,
pour être sûr qu'elle ne soit pas prise au dépourvu, à la page 98 des
crédits. À la page 98 de l'onglet 3, on constate que, pour plus de
1 million de dollars de subventions ont été accordés depuis mars dernier à
des petites entreprises pour faire la promotion du français, et nous en avons
la liste. J'aimerais savoir de la ministre si elle compte poursuivre dans cette
voie, de un. Mais, de deux, peut-être avant, s'est-elle renseignée quant aux
résultats tangibles que cette approche, que nous avons mise sur pied, aura pu
faire naître?
Mme
De Courcy : Oui,
il y a eu des résultats, que je vais vous fournir en rafale. On aura l'occasion
de les détailler.
Mais,
d'abord et d'entrée de jeu, d'abord et d'entrée de jeu, sur les entreprises de
26 à 49 employés, si on s'entend que besoin il y a — puis moi, je pense que besoin il y a, et je ne suis pas
la seule à le penser — on est donc devant : Après ça, comment on s'y prend? Et, pour ma part, l'employeur
doit être celui qu'on préserve, qu'on aide, qu'on appuie. Maintenant, cet employeur-là et tout ce qui l'entoure
peut, à certains moments, être démuni devant le fait de n'avoir que des mesures incitatives. Je donne un exemple. À
titre de d'exemple, là, quand on s'interroge sur la stratégie commune...
Et ça ne dispose pas de toute la stratégie commune parce que la stratégie
commune, pour tous les points qui étaient en immigration, a donné d'excellents
résultats, d'excellents résultats. En francisation et pour le reste, ça a été
plus difficile, dirons-nous.
Alors,
une lettre a été envoyée, par exemple, dans la stratégie à
7 000 entreprises. 15 ressources à temps plein ont été déployées sur
le terrain, et 182 entreprises ont obtenu leur certificat de francisation.
C'est un ratio de 12 entreprises par employé, et ce, depuis 2008. Mais, soyons généreux, mettons que ça a
pris un an avant de mettre la stratégie en place, on parle de depuis
2009. Alors, entre 2009 et maintenant, 182 entreprises. On les félicite,
ils ont bien fait ça. Mais, franchement, un
ratio de 12 entreprises par employé — c'est le chiffre que je vous
citais un peu plus tôt — si on évalue à un certain nombre d'entreprises... Je pense que c'était
autour… Dites-moi-le donc autour de moi, autour de 7 000?
Une
voix
: Oui.
Mme
De Courcy :
7 000 entreprises, on comprend que ça va être très long et que la
mesure incitative, elle est bonne, il faut la continuer, mais il faut la
renforcer. Et comment la renforcer? Par une loi qui, très clairement, indique
la voie et qui, aussi, implique d'autres
partenaires. Alors, sincèrement, je pense que les dispositions incitatives de
la stratégie doivent être complétées par la stratégie qui est inscrite
dans le projet de loi n° 14.
Maintenant,
est-ce que la Fédération des chambres de commerce du Québec, est-ce que le
Conseil du patronat, qui nous a bien dit qu'il souhaitait qu'on ait une réglementation
intelligente — c'était son terme, «une réglementation
intelligente» — vont nous demander d'alléger
un certain nombre de choses? Oui.
Dans
ce que vous avez mentionné — peut-être, ai-je mal compris,
par ailleurs — c'est... Il n'y a pas d'obligation,
hein, de faire rapport à l'OQLF pour les 26
à 49 employés, là, on n'est pas dans cet ordre-là. Maintenant, en
commission parlementaire, on va avoir l'occasion de rentrer dans ces détails.
La Présidente (Mme
Vien) : ...M. le député.
M. Tanguay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, effectivement, la
ministre faisait référence, il y a quelques minutes et beaucoup plus tôt dans
notre actuelle étude des crédits, à un suivi que requerrait cette application
aux 26-49 employés. On parlait d'un monstre étatique — et c'est l'expression qu'a utilisée Mme la ministre un peu plus tôt — que les enquêteurs ne seraient jamais suffisants pour
faire du volume et que l'impact serait énorme au
niveau du gouvernement du Québec. Alors, quelles analyses, quelles études lui
garantissent que le travail qui sera exigé aux 26-49 employés, de faire rapport, vérifier les rapports qui leur
seront faits, parce que je ne pense pas que la ministre veuille que les rapports soient faits mais soient tenus
dans les tiroirs... quel impact, quelle analyse, quelle étude lui
permettent d'affirmer aujourd'hui qu'en bout de piste il n'y aura pas la
nécessité, justement, de ce qu'elle ne veut pas mettre sur pied, d'un monstre
étatique?
La Présidente (Mme
Vien) : Pour
1 min 30 s, Mme la ministre.
• (16 h 50) •
Mme
De Courcy : Deux
choses doivent être dites. Évidemment que la vaste expérience des personnes qui ont contribué à l'élaboration de ce projet de loi et à ces
mesures, dont les deux organismes consultatifs, les nombreux rapports, etc.,
nous ont convaincus que ces mesures-là étaient tout à fait viables.
Deuxièmement,
j'ai bien indiqué dès le début des travaux, je l'ai indiqué à une rencontre
ultérieure que, dès le début de la commission parlementaire, ça sera important, ça sera
important qu'on puisse, avec des acteurs externes, acteurs externes,
être en mesure, là, de bien évaluer pour les employeurs quels seront les
impacts… non pas du bien-fondé du 26-49 et d'agir,
26-49, mais sur les moyens. Et, là-dessus, je vous avoue que tous les acteurs
économiques que j'ai rencontrés dans
la tournée que j'ai faite mais aussi au moment de l'élaboration du projet de
loi pouvaient être plus ou moins en accord avec ce type d'orientation
là, mais ce qu'ils voulaient expressément, c'est faire partie de la solution.
Alors, les solutions toutes faites, ils n'en
veulent pas. Ce qu'ils veulent, c'est participer à qu'est-ce qu'on va faire
comme mesures, comment on va le faire et etc. Et c'est vrai dans toutes
les portions du projet de loi, puis c'est une façon de gouverner qui me sied
très bien puis qui sied au gouvernement, c'est-à-dire de faire avec les gens
qui font dans la réalité et qui sont dans le milieu économique.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, on fait un saut du côté
ministériel avec le député d'Argenteuil.
M.
Richer : Merci,
Mme la Présidente. Mme la ministre, chers collègues, collègues de l'opposition.
Je voudrais saluer
les membres du ministère qui sont ici et aussi le personnel politique, ainsi
que le personnel de l'hôtel du Parlement.
Mme la Présidente, il
y a un lien historique entre le député de LaFontaine et moi. C'est que nous
avons été élus deux fois avant de siéger à l'Assemblée
nationale, c'est vraiment historique. Alors, j'ai remarqué d'entrée de jeu
que mon collègue le député de LaFontaine
nous avait donné une belle démonstration d'envolée oratoire liée à sa
profession. Alors, je me sens presque obligé
de faire une démonstration liée à ma profession, qui est la pédagogie. Sauf
que, pour faire une démonstration, j'aurais
besoin de temps, de matériel, là. Je n'ai pas de tableau noir, je n'ai pas de
tableau interactif, alors j'ai choisi l'explication pour résumer ma
position.
Or,
un élément important en pédagogie, Mme la Présidente, c'est de faire prendre
conscience aux étudiants du processus
intellectuel nécessaire pour transférer de la perception ce qui est extérieur à
eux, donc perception visuelle, perception auditive, donc le transférer à leur
évocation, ce qui est intérieur, donc évocation qui est liée aux habitudes évocatives de la personne. Parce que tout le monde
n'apprend pas de la même façon, donc il faut que ce transfert-là se
fasse selon ses habitudes évocatives. C'est important, c'est nécessaire, c'est
fondamental en pédagogie. Or, Mme la Présidente,
l'affichage public et commercial constitue l'élément le plus visible du paysage
linguistique. Nous sommes surstimulés de perceptions visuelles. Or, je
constate que des citoyens ont, de toute évidence, fait le transfert entre la perception et leurs habitudes évocatives, puisqu'au
cours des dernières années l'Office québécois de la langue française a
reçu de la part des citoyens un nombre toujours croissant des plaintes portant
sur l'affichage public.
2007‑2008, les plaintes
portant sur l'affichage public représentaient 27 % du total des dossiers d'enquête
ouverts par l'office. En 2009‑2010, elles
représentaient déjà 39 % du total des dossiers d'enquête ouverts. En
2011‑2012, ce
nombre est passé à 46 % du total des dossiers ouverts. Finalement, selon
les données de l'année actuelle, 2012‑2013, jusqu'au 13 décembre dernier, les plaintes contre l'affichage
public représentent maintenant 49 % du total des dossiers ouverts.
En 2012‑2013,
les plaintes concernant l'affichage ont surtout touché les commerces de la
grande région métropolitaine de Montréal. Au
cours de cette période, 95 % des dossiers de plainte ouverts portant sur l'affichage
visaient des contrevenants de la grande région métropolitaine de Montréal, donc
72 % plus spécifiquement sur l'île de Montréal, 15 % en Montérégie,
4 % à Laval, 3 % dans les Laurentides, 1 % dans Lanaudière.
Alors, Mme la
Présidente, comme j'habite les Laurentides, 3 % me paraît quand même élevé
comme taux. Et nous parlons ici de plaintes déposées, la situation réelle est
peut-être plus élevée. Cette crainte est due au fait qu'au début des années 90 j'ai été à même de constater l'état
de la situation chez nous, dans les Laurentides. M. Ryan était, à cette
époque, député de ma circonscription et ministre responsable de la langue
française. En face, à l'opposition, Mme Marois était responsable du dossier de
l'opposition et elle avait demandé — j'étais alors
président du Parti québécois d'Argenteuil — un rapport sur l'affichage
dans la circonscription. Je n'ai pas le chiffre exact du nombre d'affiches publiques et privées qui ne
respectaient pas la loi à ce moment-là, mais je me souviens qu'après une
tournée de mon président jeunes d'avoir fait parvenir à Mme Marois une
pile impressionnante de photos. Le numérique n'existait
pas encore. En tout cas, pas pour moi. Donc, vraiment une pile vraiment
importante de photos dont une qui était prise en face du bureau de
circonscription de M. Ryan.
Par
ailleurs, des études publiées dernièrement par l'office relèvent que, sur l'île
de Montréal, en 2010, presque trois commerces
sur quatre, soit 72 %, affichaient tous le message conformément à la
charte. J'ai entendu, à cette époque-là, le
ministre de l'époque dire que c'était un bon résultat. Or, comme pédagogue,
moi, je dirais que 72 %, dans un bulletin scolaire, c'est très
acceptable. Mais se satisfaire de 72 % quand on parle d'application d'une
loi, c'est douteux. C'est donc dire que 28 % contrevenaient à la loi en
affichant au moins un message non conforme.
Or, préoccupé par la
recrudescence de l'utilisation, à titre de noms d'entreprises, de marques de
commerce qui sont des expressions tirées d'une autre langue que le français, l'Office
québécois de la langue française mène une campagne
de communication pour amener les entreprises à respecter la Charte de la langue
française et en accompagnant ce nom d'un
descriptif en français. L'office agit aussi, depuis l'été 2012, de sa
propre initiative en répétant... en repérant, pardon, les commerçants dont l'affichage déroge à la loi et en posant
des questions... des gestes concrets — la dyslexie, pour un orthopédagogue, c'est grave, excuse — donc en posant des gestes concrets pour que la correction
requise soit apportée.
La
présidente-directrice générale de l'Office québécois de la langue française
peut, en vertu de la Charte de la langue française, exercer seule les pouvoirs de l'office
lorsqu'une plainte est dûment formulée, c'est-à-dire lorsque cette plainte est faite par écrit, qu'elle indique les
motifs pour lesquels elle se fonde ainsi que l'identité du plaignant. Dans
les autres cas, soit lorsqu'il n'y a pas de plainte, la loi prévoit que l'office
peut agir d'office ou de sa propre initiative.
Les
membres de l'office ont adopté en décembre 2011 une résolution déléguant à
la présidente-directrice générale de pouvoir
agir dans le cas d'une situation constatée par un membre du personnel dûment
mandaté. La présidente-directrice générale
de l'Office québécois de la langue française, Mme Marchand, a annoncé que
l'office a entrepris une campagne de
repérage des commerces du centre-ville de Montréal qui semblent déroger à la
charte. La campagne porte sur tout affichage visible de l'extérieur, que
ce soit le nom de l'entreprise ou tout autre message commercial retrouvé sur une enseigne publique, dans une vitrine ou sur un
véhicule commercial. Cette première opération a déjà permis à l'office d'entreprendre des enquêtes visant
414 entreprises dont l'affichage déroge à la loi afin de faire apporter
des corrections nécessaires. Afin d'assurer l'équité dans le traitement
des dossiers et d'éviter les situations arbitraires et subjectives, seuls les
membres du personnel mandatés dans le cadre d'interventions bien définies sont
en mesure de fournir des renseignements visant à faire ouvrir des dossiers d'enquête.
Mme la ministre, l'Office
québécois de la langue françoise... française reçoit des plaintes, elle peut
agir d'elle-même. J'aimerais vous entendre
sur le fait… Qu'est-ce qui s'en vient? Qu'est-ce que vous allez faire pour
supporter tout ce qui se fait déjà à l'Office québécois de la langue française?
La Présidente (Mme
Vien) : Françoise pense à vous. Mme
la ministre.
• (17 heures) •
Mme
De Courcy :
Alors, bien, Mme la Présidente, l'intervention de notre collègue nous permet de
bien connaître le travail de l'Office
québécois de la langue française, puis je vais me permettre un petit
15 secondes pour souligner à nouveau l'excellence
de ce travail imposant et important et de souligner aussi, par ailleurs, que l'office
a besoin d'aide aussi et que cette aide-là passe nécessairement, entre
autres, par les dispositions du projet de loi n° 14 puis aussi d'autres
mesures de soutien qui méritent d'être renforcées. Mais, aussi bon que soit l'OQLF,
ce ne sera pas suffisant. La vigilance des citoyens qui ont le français
à coeur va toujours être de mise, puis il est important que l'office agisse par
lui-même lorsque c'est nécessaire.
Je
souligne aussi la façon de faire de l'office, qui s'assure de dialoguer avec
les employeurs pour les accompagner dans l'application de la loi. Je souligne aussi
que, parfois, le dialogue n'est pas suffisant. Je ne donnerai pas
beaucoup de détails sur un certain nombre d'entreprises
qui ont décidé de contester de façon très virulente certaines dispositions
de la loi, notamment entourant les marques commerciales, malgré un long
processus, un long processus de discussion, d'incitation,
de demande d'adhésion, de compréhension. Je pense qu'on était dans cet univers,
les processus judiciaires vont faire leur travail.
Plusieurs personnes qui ont le français à
coeur portent plainte à l'OQLF et ont l'impression, à tort ou à raison — et ce que je vais dire ne portera pas préjudice à l'OQLF puisque
nous avons eu les échanges avec Mme Marchand à cet égard — que leur plainte n'avance pas. Et ils nous disent
aussi qu'il est un peu étonnant, en 2013, que l'on doive imprimer le formulaire de plainte et la fiche.
Alors, le personnel de mon cabinet, compte tenu de ces commentaires-là que nous recevions, a
comparé les mécanismes de plainte des différentes institutions
gouvernementales, et, effectivement, certaines institutions ont un
processus de plainte en ligne beaucoup plus simple à utiliser que celui de l'OQLF,
comme, par exemple, la Commission des normes du travail, qui est souvent
comparée, hein, en termes de processus.
Cela dit, par ailleurs, je souligne
que l'OQLF n'a pas le pire formulaire de plainte non plus. Il faut bien s'entendre que ce n'est
pas parce qu'on doive s'améliorer qu'on n'est pas bon. Alors, j'ai
effectivement, en effet, émis deux souhaits à l'Office québécois de la
langue française. Premièrement, je souhaite que les personnes puissent faire
leurs plaintes en ligne, par la poste ou au
téléphone, selon ce qu'ils préfèrent. Actuellement, c'est par écrit, et
uniquement par écrit, pour des raisons
qui étaient très légitimes à cette époque, mais faisons-le autrement,
ajustons-nous, ajustons-nous. On peut penser aussi que la jeunesse
québécoise, et même les plus vieux, avec les téléphones intelligents,
pourraient faire un certain nombre de choses, hein, en photographiant, bon,
etc.
Deuxièmement, je souhaite que les personnes
puissent faire le suivi de leurs plaintes en ligne aussi. Évidemment, ça implique
des développements informatiques, mais aussi des vérifications juridiques.
Parce qu'on ne peut pas tout mettre en ligne, là, il y aura des
considérations qui devront être prises en compte. J'ai donc très bon espoir de
pouvoir, à l'étude des crédits de l'année prochaine, vous annoncer que la
situation aura progressé.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. M. le député.
Une
voix : Oui. On est rendus pour le
quatrième bloc?
La
Présidente (Mme Vien) : Non, M. le
député de...
Une
voix : Excusez-moi, vous me
regardiez.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui,
excusez-moi. M. le député d'Argenteuil, pardon.
M.
Richer : Combien de temps me
reste-t-il? Pardon?
La Présidente (Mme Vien) : C'est à vous. Il vous reste à peu
près six minutes. Un peu moins que six
minutes.
M.
Richer : D'accord, merci. Alors, Mme
la Présidente, si le gouvernement avait été en mesure de conduire l'actualisation ou l'application de sa politique
linguistique de manière éclairée, il se doit de s'appuyer sur des
observations fines et détaillées de la situation du français au Québec. Or, en
constatant l'état des analyses propres à cette situation linguistique, laquelle
est éminemment multiforme et complexe, force est d'admettre qu'il y a un
problème quant à la disponibilité de données objectives, fiables et récurrentes.
L'ensemble des données sur l'usage du français au Québec peut être divisé en
trois grandes catégories : les données provenant du recensement canadien,
les données d'enquête et les données administratives.
Les
données de recensement produites par Statistique Canada sont incontournables de
par l'ampleur de leur échantillon et leur
marge d'erreur infime. Concernant les données portant sur la langue proprement
dite, le recensement comprend des
informations sur la langue maternelle, première langue apprise et toujours
utilisée, sur la connaissance des langues officielles, le français et l'anglais,
des langues autochtones et des langues non officielles. Les questions du recensement permettent aussi de recueillir des
données sur l'usage des langues des différentes situations : la langue
d'usage à la maison, au travail. Rappelons que les données de la langue
maternelle et de la langue parlée à la maison ne sont recueillies par le
recensement que depuis 1971.
Par ailleurs, la politique linguistique du
Québec, particulièrement la Charte de la langue française, ne concerne que l'aménagement
de l'usage des langues dans l'espace public. Bien qu'il soit souhaitable que
les effets de la politique linguistique
puissent, de manière indirecte, influencer l'usage du français dans le domaine
privé, ce dernier n'est pas visé directement par la charte. L'usage
public des langues demeure l'objet premier des préoccupations gouvernementales
conformément à l'esprit de la loi.
Pour mesurer les effets de la Charte de la langue
française et de l'ensemble de la politique linguistique du Québec, les données sur
la langue du travail sont d'une importance capitale. Or, le recensement
canadien collecte des données sur ce
sujet depuis 2001 seulement. De plus, pour ce faire, Statistique Canada ne s'appuie
que sur deux questions : Dans cet emploi,
quelle langue cette personne utilise-t-elle le plus souvent? Et cette personne
utilise-t-elle régulièrement d'autres langues dans cet emploi?
Toutefois, l'interprétation de la question sur
un usage dit régulier d'une langue peut varier considérablement. En effet, un répondant
peut se référer à une langue utilisée dans son milieu de travail, et ce, même s'il
n'a pas lui‑même
à l'utiliser ou l'utilise souvent. Donc, à
ces limites quant aux analyses que permettent les données de recensement, il
faut garder en tête l'impact des changements
apportés au recensement de l'année 2011. L'enquête nationale auprès des
ménages, constituée essentiellement à partir
de l'ancien questionnaire long du recensement, qui était obligatoire à l'époque,
a été effectuée non pas sur une base
obligatoire, mais sur une base volontaire. Il y a donc un bris dans la
continuité des données linguistiques. La comparabilité de ces données
produites au recensement de 2011 et de celles des années antérieures en est
alors affectée. Ce changement a été fait contre le voeu du gouvernement du
Québec et de plusieurs spécialistes à la grandeur du Canada.
Donc, ma question à la ministre est la
suivante : Le Québec devrait-il se doter d'indicateurs linguistiques fiables?
La Présidente (Mme
Vien) : Deux minutes, Mme la
ministre.
Mme De Courcy : D'accord. À mon avis, il serait sage,
là, pour le Québec de se doter de ses propres
indicateurs linguistiques constitués de
données objectives, fiables et récurrentes. Là-dessus, l'institut de
statistique Québec devrait être mis à contribution. On devrait, on
devrait être en mesure de pouvoir confier à cet institut-là un certain nombre
de grands travaux.
Autre volet des indicateurs, les indicateurs
doivent appartenir à tous les parlementaires pour qu'année après année ou à tous les
deux ans les parlementaires puissent être en mesure de prendre acte des
indicateurs, de les discuter, de pouvoir voir les mesures. Et l'étude
des crédits fait partiellement ce travail-là, mais pas totalement, hein? L'ensemble
des parlementaires n'est pas ici, on n'est
pas dans quelque chose qui nous est commun, adopté aussi de façon commune
comme indicateurs. Et, aujourd'hui, les
indicateurs dépassent largement les questions, justement, de pourcentage, mais
ils doivent avoir une analyse fine
nous permettant d'avoir une compréhension commune. Parce que, souvent, c'est là
où le bât blesse, nous n'avons pas de compréhension commune de l'état de
santé de notre langue malgré les efforts faits par l'Office québécois de la langue française, qui a ce
mandat-là, bien sûr, mais qui... Et ce mandat-là est complété par tellement
de données externes, non convenues en termes
de véracité scientifique, que ça devient compliqué. Alors, je souhaite
vivement aussi que nous soyons plus
autonomes autour des statistiques et, donc, que nous développions notre
expertise. On peut penser que l'expertise
québécoise est là. On pense à l'office, au conseil supérieur, à l'Institut de
la statistique du Québec et à nos universités.
La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre.
M. le député de LaFontaine et porte-parole
en matière de Charte de la langue française.
M.
Tanguay : Merci, Mme la Présidente.
Alors, ma question à la ministre : Êtes-vous pour ou contre l'application
de la loi 101 aux cégeps?
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre.
•
(17 h 10) •
Mme De Courcy : Bon. Alors, comme j'ai eu l'occasion
de l'expliquer à plusieurs reprises, il ne s'agit pas d'être pour ou contre un moyen, il s'agit de sa finalité.
Les propositions qui ont été mises de l'avant quant à la question de l'application de la loi 101 aux cégeps étaient
pour répondre à toutes sortes de questions. La première question, c'était :
Comment se fait-il que tant de francophones
qui ont grandi dans le réseau des écoles primaires, secondaires décident
d'aller vers le secteur anglophone? Comment
se fait-il qu'ils aient ce comportement-là? L'hypothèse la plus évidente,
c'était qu'ils voulaient parfaire leur
compréhension et leur maîtrise de la langue. Parallèlement à ça, comment
conjuguer des inquiétudes légitimes
de parents d'enfants ayants droit qui, par la popularité des collèges,
voyaient, en fait, leurs enfants manquer
de place éventuellement et faire partie d'une sélection qui, somme toute,
commençait à ne pas leur permettre d'aller
vers un parcours du côté du cégep? Et puis, finalement, quelle était une autre
inquiétude qui était soulevée? Bien, c'était
celle de : Est-ce que l'apprentissage de notre langue, dans tous les
réseaux, qu'ils soient anglophone ou francophone, en français, était
bien maîtrisée, voire très, très bien maîtrisée? Et puis, finalement,
étions-nous dans une perspective d'ouverture sur le monde? Et est-ce que le
niveau collégial, à cet égard-là, répondait à tout cela?
Devant, donc, la conjugaison de tout ceci et
devant aussi un consensus social fragile, fragile, autour de la question de l'application
de la loi 101 aux cégeps, même si c'est une intention qui était, à prime abord,
tout à fait de bonne foi dans la perspective des questionnements que j'ai
mis de l'avant, j'ai choisi de mettre en place d'autres moyens pour parvenir
aux mêmes fins, c'est-à-dire de répondre à toutes les questions qui ont été
mises de l'avant. Pour le bénéfice de la commission, de l'étude des crédits, je
ne reprendrai pas toutes les mesures du projet de loi avec vous, M. le député
de LaFontaine parce que j'étirerais le
plaisir. Alors donc, je veux vraiment vous entendre davantage. Si je n'ai pas
répondu suffisamment précisément à votre
question, faites-le-moi savoir, je vais vous répondre avec plaisir sur les
prescriptions qui vont dans le sens de cette volonté-là.
M.
Tanguay : M. le Président.
Le
Président (M. Breton) : M. le député
de LaFontaine.
M. Tanguay : Je me garde bien, Mme la ministre, d'insinuer
ou de considérer que vous n'aurez pas répondu
de façon complète et satisfaisante à toute question, je m'en garde bien. Par
contre, je crois comprendre de ce que... à la question
qui était très simple : Êtes-vous pour ou contre l'application de la loi
101 aux cégeps?, que vous y voyez là un moyen, mais que, tant que vous
serez ministre, l'article 72, l'application de la loi 101 aux cégeps, ça ne se
fera pas.
Mme
De Courcy : Le projet de loi...
Le
Président (M. Breton) : Mme la
ministre.
Mme De Courcy : ... — excusez-moi, M. le Président — est très clair, il a été présenté, il a reçu l'assentiment de tous
mes collègues, et, à cet égard-là, le gouvernement du Québec, mené par notre
première ministre puis l'équipe à laquelle je fais partie, a été très
clair, ferme sur les objectifs, souple sur les moyens. Voilà un exemple de
souplesse évidente.
M. Tanguay : M. le Président, j'aimerais savoir si
la ministre est en accord ou en désaccord avec toute modification qui aurait pour effet d'admettre un étudiant
au cégep dans un cégep anglophone, donc un étudiant anglophone
au cégep anglophone, parce que, justement, il ferait partie d'une clientèle de
langue anglaise, et ce, au détriment d'un
critère qui est neutre, qui est le dossier académique. Autrement dit, pour
respecter certains quotas, les cégeps anglophones seraient dans l'obligation
d'accueillir un étudiant dit anglophone, même s'il a, par exemple — critère neutre — un dossier académique moins intéressant, moins fort qu'un
étudiant francophone. Seriez-vous d'accord
avec une telle mesure?
Le
Président (M. Breton) : Mme la
ministre.
Mme De Courcy : L'orientation gouvernementale et tout
le projet de loi, tout le projet de loi et toutes les mesures que nous avons mises de l'avant visent au
rehaussement général des connaissances de la langue, de ceci et de cela. Le
nivellement par le bas, dans notre philosophie gouvernementale, n'est pas là.
Nous croyons tous aux talents très importants
qui sont présents au Québec. Et je ne commenterai pas le cas de figure en
particulier parce que vous voulez que je me commette sur des mesures qui
n'appartiendront pas à la ministre, mais qui vont appartenir aux instances
concernées. Ils vont, les cégeps, dans ce cadre-là, se déterminer… Parce que
nous croyons beaucoup aux conseils d'administration de ces collèges, à leur
capacité de gérer une telle mesure, qui doit être une mesure de protection pour
les élèves ayants droit et, en même temps, une mesure ouverte et respectant,
bien sûr, les meilleurs talents.
Je vous dirais que je suis toujours surprise — mais c'est probablement comme ça qu'on trouvera une façon de bonifier davantage
ce projet de loi — je suis toujours surprise qu'on y voie
une attaque à l'excellence ou qu'on puisse...
ce n'est probablement pas votre intention, sûrement pas, mais qu'on puisse y
voir que l'on voudrait diluer de quelque façon
que ce soit soit l'apprentissage de l'anglais, l'apprentissage du français, l'accès
au cégep. Au contraire, et même... On
n'en a pas parlé tantôt quand j'ai parlé des dispositions, mais il faut quand
même le noter, on se souvient aussi qu'est confié au ministre de l'Enseignement
supérieur et à la ministre de l'Éducation le mandat de vérifier, hein, la
qualité de l'enseignement, de s'assurer aussi qu'en formation des maîtres on
puisse avoir rehaussé, là, ce qu'il fallait pour l'enseignement des langues.
Et, de surcroît, on a même prévu que,
sur une base optionnelle, une base optionnelle, les jeunes du Québec, autant dans le réseau francophone que le réseau anglophone — aucune forme de discrimination — que ces deux groupes puissent
accéder à l'apprentissage d'une, deux, trois, quatre, cinq langues
supplémentaires. L'ouverture sur le monde, c'est ça, hein? C'est permettre un important apprentissage de deux
langues, trois langues, quatre langues, cinq langues. C'est la grande
richesse que nous avons au Québec d'avoir la possibilité de le faire.
M. Tanguay : J'aimerais juste bien comprendre
votre réponse, Mme la ministre, donc. Vous avez bien fait de ne pas me prêter de
mauvaises intentions, loin de moi ce désir. Par contre, j'aimerais être clair
et vous donner l'occasion d'être parfaitement claire là-dessus,
seriez-vous en faveur de donner cette capacité à un cégep anglophone de dire à
un étudiant anglophone : Malgré le fait
que ma capacité est atteinte, je te reçois comme étudiant anglophone parce que
tu es étudiant anglophone, et, ce faisant,
tu prendras la place, entre autres, d'un étudiant francophone qui pourrait, par
ailleurs, avoir un meilleur dossier
académique que le tien? Seriez-vous en faveur ou en défaveur de donner cette
opportunité-là aux cégeps?
Mme De Courcy : Le député, Mme la Présidente, le
député de LaFontaine veut que je me transforme,
l'espace de quelques instants, en directrice générale d'un cégep anglophone, je
ne le ferai pas. Il ne s'agit pas de respecter des quotas. On n'est pas dans cet univers-là, on est dans... de donner aux
institutions collégiales anglophones des moyens de remplir leur mission
historique, qui est l'enseignement en anglais pour les clientèles anglophones.
Ils vont le faire très bien. Ils vont le
faire dans l'intérêt du Québec d'abord, je suis certaine. Ils vont le faire
dans l'intérêt des enfants... des jeunes — il ne faut pas dire
des enfants à cet âge-là, des jeunes, même si, par moments... — donc, des jeunes anglophones, et ils vont le faire dans l'intérêt
de tous ceux et celles qui fréquentent…
Les
anglophones, donc, ont droit à leur cégep sous réserve d'un dossier,
évidemment, qui est satisfaisant. Et, là-dessus,
là, le reste, mes collègues, ma collègue de... — c'est parce qu'il ne faut pas que je dise son nom — collègues du
ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, mes deux collègues
vont voir ça avec les cégeps, et je suis persuadée
qu'ils seront très vigilants, tout ce monde-là, pour s'assurer de préserver et
l'accès et l'excellence, et de ne pas être
dans des dilemmes éthiques, évidemment. Ils sont en mesure de régler cette
affaire. Faisons confiance aux institutions québécoises publiques.
Faisons confiance à ces administrateurs, qui ont une large expérience. Et
surtout, comme parlementaires, à mon avis, l'erreur
est d'aller dans la microgestion. L'important, par ailleurs, est très
certainement de...
•
(17 h 20) •
M. Tanguay : ...de rappeler à l'ordre la ministre.
La question est très courte. J'ai beaucoup de questions, c'est un sujet majeur.
Mme
De Courcy : Bien là...
M.
Tanguay : Je pense qu'elle va vouloir
collaborer là-dessus.
Mme
De Courcy : Écoutez, comme je ne
dispose pas des questions toujours et que, par moments, leur brièveté ou leur longueur m'interpelle, bien, il
faut composer aussi avec mes réponses. Elles sont détaillées, j'essaie
de donner le maximum d'information. Elles peuvent ne pas plaire, mais elles
sont complètes, j'en suis certaine.
La Présidente (Mme Vien) : M. le député.
M. Tanguay : Mme la Présidente, ce n'est pas une
question de plaire ou de déplaire, puis je me réserve de qualifier. Par contre,
la ministre vient de nous dire, et c'est important… Quand on dit que le dossier
de la langue, c'est un dossier délicat, je le réitère, Lucien Bouchard
le disait avant nous aujourd'hui, ça prend un équilibre. On en est tous pour l'épanouissement
du français, mais ce n'est pas vrai que tous les moyens justifient la fin.
Alors, en bout de piste, Mme la Présidente,
la ministre vient de nous dire qu'il ne sera aucunement question de quotas. C'est
bien ça que je viens de l'entendre
dire. Bien, elle a raison, il sera question de capacité d'accueil limitée. Ce n'est
peut-être pas «quotas», mais c'est «capacité d'accueil limitée».
La
ministre, projet de loi n° 14, évidemment, veut l'épanouissement du fait
français mais aborde ici des nouveaux concepts
et elle aura l'occasion, effectivement, en commission parlementaire, de l'entendre
de celles et ceux qui administrent les collèges et les universités, le projet
de loi n° 14 dit que les politiques d'établissement, collèges et universitaires, doivent traiter... la politique
doit traiter, lorsque la capacité d'accueil est limitée dans un collège, des
critères et priorités pouvant être établis
dans la sélection des étudiants pour respecter la clientèle de langue anglaise.
Alors, ce n'est pas marqué «quotas», mais c'est «capacité d'accueil d'un
collège».
J'aimerais savoir de
façon très précise à quelle interprétation ou comment interprète-t-elle cette
notion de capacité d'accueil d'un collège et comment elle interprète la notion
de clientèle de langue anglaise.
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy : Bon,
les cégeps... Et la loi sur les cégeps, que nous n'avons pas sous la main,
puisqu'on est dans une étude de crédits qui porte sur le projet de loi n° 14...
vous le savez, ont des encadrements, évidemment, notamment des budgets.
Ils ont des immeubles, ils ont des devis pédagogiques, ils ont des mesures
administratives, des conseils d'administration.
Et ce que la loi n° 14 leur dit et leur mentionne, donne l'orientation ferme de
dire : À travers toutes vos responsabilités,
dans le cadre québécois qui nous occupe, dans la perspective de l'essor
économique et de tous vos mandats, vous devez être vigilants quant à la
capacité que vous avez de répondre aux besoins de la communauté d'expression anglaise, des enfants ayants droit au secondaire.
À cet égard-là, ils vont avoir l'occasion de mettre leur expertise et
leur excellence au profit de cette orientation-là, mais d'abord au profit des
enfants d'expression anglaise ou des étudiants qui profitent à leur cégep.
Le
député de LaFontaine, dans ma compréhension de sa question, veut que j'induise
et que je dise des manières de faire aujourd'hui
en disant : Vous devrez peut-être vous y prendre de cette manière-là pour
répondre à cette orientation-là, et je ne le ferai pas. Il n'appartient pas à
ma fonction de répondre à cette question-là. Par ailleurs, par ailleurs, je me suis assurée, dans le projet de
loi, que les personnes compétentes pour faire cela auront ce mandat.
Lors de la commission parlementaire, ces personnes — et ça sert à ça — vont venir nous dire : Voici comment je peux
faire ce mandat ou je ne peux pas faire ce mandat, et nous les écouterons.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de LaFontaine, pour six
minutes encore.
M. Tanguay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je ne veux pas parler d'improvisation
puis je ne prononcerai pas ce mot-là, Mme la
Présidente, mais il y a des concepts majeurs dans le projet de loi n° 14. Il y
a un équilibre à préserver. L'épanouissement du fait français au Québec — en Amérique du Nord, on représente 2 % de la population — nous en sommes, ce n'est le monopole de personne. D'entrée
de jeu, avec mes remarques préliminaires, j'ai eu l'occasion d'étayer tout ce que nous avions fait, les
libéraux, pour bonifier et épanouir… voir à l'épanouissement du français, et
c'est important d'agir en toute bonne foi, de façon, je vous dirais, bien
raisonnée, bien analysée et de voir l'impact qu'une mesure que l'on propose aura nécessairement. Quand, dans le projet de
loi n° 14, puis là ça fait plusieurs heures qu'on en traite, là, de ce qui est proposé par le
gouvernement ... nous dit, au niveau des cégeps — là,
il y a plusieurs aspects, mais là on est rendu
au niveau des cégeps et des universités — qu'ils devront avoir une politique d'établissement
qui devra traiter de la capacité d'accueil qui est limitée, lorsque la capacité
d'accueil est limitée, des critères qui verront à la priorisation de la
clientèle de langue anglaise, ce que je soumets à la ministre respectueusement,
Mme la Présidente, c'est qu'il y a là des concepts nouveaux.
«Clientèle de langue
anglaise», c'est une notion qu'il faut définir. Je pourrais, mais je n'irai pas
là parce que je pense que la ministre n'est
pas apte aujourd'hui à y répondre… Il y a des définitions multiples à
«clientèle de langue anglaise», tout
comme il y a des définitions multiples à «capacité d'accueil est limitée». Elle
me dit qu'on ne parle pas de quotas, mais je voudrais savoir de quoi on
parle quand on parle de capacité d'accueil limitée. Et, quand on parle de
prioriser un étudiant anglophone dans un cégep anglophone, on vient d'entrer là
aussi sur ce qui était, je vous dirais, une
chasse gardée, et à raison, des administrateurs des cégeps, dont elle fait l'éloge
depuis tout à l'heure, qui disaient que, sur les dossiers… qui lui
diront mieux que moi, sur les dossiers d'admission, le dossier académique a
toujours été un critère neutre de recevabilité et d'accueil, et il n'y a pas
cette notion, qui est introduite, de distinction. Je ne parle pas de
discrimination, mais de distinction basée sur la langue, qu'elle soit
anglophone ou francophone.
Et moi, comme parent, Mme la Présidente, je ne voudrais
pas que ma fille, qui est francophone puis qu'elle aurait 90 % en sciences, n'aurait pas de place au
cégep anglophone parce qu'il y a un anglophone qui a 60 % qui prendrait sa
place, et même les gens de la communauté anglophone n'en veulent pas, de cela.
Alors, c'est important de voir les impacts de ce qu'on propose, et je vais me
redonner une dernière occasion à Mme la ministre de me rassurer, mais de rassurer également les nombreux administrateurs de
cégeps et d'universités que j'ai rencontrés et qui en sont également au
niveau de cette avancée qui est extrêmement préoccupante.
La
Présidente (Mme Vien) : Je sens que
vous avez un élément de réponse, Mme la ministre. Vous avez trois minutes.
Mme
De Courcy : D'accord.
Bien, évidemment qu'il est très difficile de faire progresser le dialogue
quand, depuis des semaines, des semaines maintenant, l'opposition officielle a annoncé
ses couleurs et a dit qu'elle rejetterait le projet de loi n° 14. Alors, en conséquence, vous
comprendrez que je vais continuer à avoir le dialogue, mais je le fais pour
le bénéfice de ceux et celles qui nous
écoutent, et pour la seconde opposition, et pour les députés qui sont autour de
cette table. Et je trouve toujours délicat, quand on parle de… «les gens de la
communauté anglophone». Je n'ai pas la prétention, moi, d'avoir parlé au nom des gens. Non, la commission parlementaire va
nous permettre d'entendre un certain nombre de groupes, puis, avec l'aide de l'ensemble des députés, là, nous aurons
une bonne idée de ce que la population québécoise veut.
Maintenant, c'est
clair qu'en ce qui concerne la Fédération des cégeps et de tous ceux et celles
qui veulent se rassurer ou qui ont des
suggestions, bien, je les attendrai avec plaisir. Mais, quand moi, j'ai fait
des consultations auprès de ces groupes, auprès d'un certain nombre de
ces groupes, la dernière chose qu'ils voulaient, mais vraiment la dernière chose qu'ils voulaient, c'était que la
ministre de l'Immigration, responsable de la charte, dicte les façons de
faire dans chacun de leurs collèges. S'il y
a une autonomie que les collèges veulent bien avoir, c'est bien celle-là. Ils
veulent des orientations claires, par ailleurs. Ce qu'ils ont obtenu.
J'aimerais,
par ailleurs, Mme la Présidente, souligner le fait qu'il est toujours délicat
de qualifier les réponses des uns et des autres. Je souhaite que le député de
LaFontaine prenne la mesure de qualifier que je ne suis pas apte à
répondre. Non, j'ai répondu, je suis apte à
répondre, mais je ne réponds pas ce qu'il souhaite entendre. Ce n'est pas la
même chose. Alors, il faut vraiment,
là-dessus, faire attention. Puis je trouve que les débats parlementaires, qu'on
soit au niveau des études des crédits
ou à l'Assemblée nationale, doivent être empreints de cette prudence-là des uns
par rapport aux autres.
La Présidente (Mme
Vien) : Il vous reste moins d'une minute.
• (17 h 30) •
M.
Tanguay : Moins
d'une minute? Mme la Présidente, je prendrais ma dernière minute pour reprendre
au bond ce que
vient de souligner Mme la ministre en disant qu'il faut faire attention, dans
le débat parlementaire, de la manière dont on dit les choses. Elle a parlé de son aptitude à répondre et elle a dit
que, si les réponses ne me satisfont pas, bien, que c'était, en quelque
sorte... que ce n'était pas son problème, c'était mon problème. Elle répondait
en toute bonne foi, et je suis sûr que la
ministre répond en toute bonne foi. Mais, chose certaine, ce n'est pas en
mettant de côté l'opposition officielle libérale, comme, malheureusement, elle vient de le faire en disant que
nous n'avons que des récriminations... Ce n'est aucunement pas le cas, nous en sommes. Et, historiquement, je l'ai
démontré, nous avons toujours participé activement à l'épanouissement du
français et nous allons continuer à le faire avec vigilance.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup, M. le député.
Alors, pour un bloc, maintenant, de 14 minutes pour les députés ministériels. Il restera par la suite 14 minutes du
côté de l'opposition officielle. Alors, pour M. le député de
Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M.
Breton : Oui.
Merci, Mme la Présidente. J'ai entendu le député de LaFontaine dire qu'il
trouvait la situation, par rapport à la loi n° 14, préoccupante. Et il a dit : Je n'oserai
parler d'improvisation, et il a répété à quelques reprises certains
termes, certaines expressions par rapport à la façon que le gouvernement avait
de voir l'avenir du français au Québec. Moi
aussi, je dois vous avouer que je suis préoccupé. Moi, j'aurais envie de poser
une question. Je ne peux pas la poser,
évidemment, mais est-ce que c'était de l'improvisation lorsque le gouvernement
précédent a coupé dans les fonds pour
l'aide à la francisation des immigrants en 2004, en 2010, en 2012? Est-ce que c'était
improvisé ou c'était voulu? Moi, je
pense que ça fait partie des questions qui sont importantes à être posées. J'aurais
aimé ça, avoir des réponses à ça. Je ne les aurai pas, mais je peux vous
dire que, vu de l'extérieur, c'est, effectivement, préoccupant d'avoir laissé
tomber la francisation des immigrants pendant tant d'années. Et, pendant ce
temps-là, on voyait, évidemment, le gouvernement fédéral donner des subventions
pour aider à l'anglais au Québec. On a parlé d'équilibre, il est revenu sur le
terme «équilibre». Je reviens sur le terme
«équilibre», je suis pour l'équilibre, mais je considère que, quand on coupe
dans la francisation des immigrants
et qu'on subventionne l'anglais, on n'est pas dans l'équilibre, on est dans le
déséquilibre. Je pense que ça doit être dit.
Et,
quand je regarde aussi... Je voudrais parler, pendant qu'on parle d'équilibre,
pendant qu'on parle de francisation, de l'annulation
d'une rencontre de stratégie commune. Il y avait un comité directeur des
orientations de la Stratégie commune d'intervention
pour Montréal 2008‑2013 qui avait été mise en place par le gouvernement
précédent, et ce comité directeur là
s'est réuni en 2009, en 2010, en 2011, mais aucune rencontre ne s'est tenue en
2012. Pourtant, devant moi, j'ai le
député de LaFontaine qui dit que c'est une approche qu'ils ont mise de l'avant,
qui est une approche positive, pour faire en sorte que la francisation
se fasse sans coercition. Mais là ce n'est pas de la coercition, c'est ni du
positif... ce n'est rien, aucune rencontre ne s'est tenue en 2011.
Ma
question, c'est : Pourquoi est-ce que le comité directeur des orientations
communes de la Stratégie commune d'intervention
pour Montréal ne s'est pas réuni depuis juin 2011? Question que je pose à la
ministre.
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy : J'ai
eu l'occasion d'évoquer un peu plus tôt le fait que je sois désolée qu'on n'ait
pas pu tenir cette rencontre-là parce que ça
nous aurait permis de bonifier davantage le programme de cette année. Mais nous
allons nous reprendre. Et cette rencontre-là a été
annulée à la demande du bureau du premier ministre. J'ai posé la question pourquoi, on m'indique que le premier
ministre du précédent gouvernement craignait, à ce moment-là — et on peut s'en souvenir — que l'événement soit perturbé par des manifestations qui
étaient reliées à la grève étudiante et à la
loi spéciale de l'ancien gouvernement. C'était la raison qui était évoquée.
Alors,
par ailleurs, quand on est devant ces situations-là, il ne faut pas jeter le
bébé avec l'eau du bain. Alors, la stratégie est intéressante, elle mérite d'être
améliorée très sérieusement, elle mérite d'être appuyée, et le projet de
loi n° 14, dans ce sens-là, contribue à
améliorer cette stratégie-là de façon significative. Je vous avoue que j'ai
vraiment, vraiment très hâte de pouvoir
rencontrer l'ensemble de ces acteurs, m'asseoir avec eux et voir comment on est
capables d'aller plus loin, et
comment on va concilier les mesures du projet de loi n° 14, si tout va
bien, s'il est adopté, et cette stratégie. Une stratégie qui a démontré
à ce moment-là, d'ailleurs, toute la préoccupation du milieu des gens d'affaires
de préserver le visage français de Montréal.
C'était ça, essentiellement. C'était vraiment une alarme très forte qui était
lancée par les gens d'affaires
montréalais puis la communauté éducative aussi montréalaise. Je dis la
communauté. Je n'ai pas tendance à faire des généralisations, mais, dans
ce cas-ci, nous y étions tous, réunis autour de cette question, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M.
Breton :
Finalement, écoutez, comme, je pense, la plupart des Québécois, moi, je suis
très attaché à la langue française. Et je suis dans une circonscription où
il y a de plus en plus d'immigration, que je salue, mais je veux m'assurer
que cette immigration-là ait les moyens d'avoir une éducation en français, d'avoir
une francisation lorsqu'ils arrivent. Et, à votre avis, Mme la ministre, quel
est le niveau d'attachement des Québécois vis-à-vis le français?
Mme
De Courcy : Il
est très élevé, hein? Le Conseil supérieur de la langue française avait fait
des enquêtes autour de ça, et on était dans des pourcentages, là, de plus de... une forte
majorité. Je vous donne l'exemple, là, on dit : «…une forte
majorité — de plus de 90 %
de la population — est d'accord avec le
fait que toute personne qui demeure au Québec devrait
savoir parler le français [...] et que l'immigrant qui s'établit au Québec
devrait apprendre le français...» Et, lorsqu'il est question de l'importance du français par rapport à l'anglais dans la
participation à la vie collective, les résultats révèlent que plus de 70 % de la population perçoit
généralement que le français est plus important que l'anglais. Tout ça,
c'est dans l'étude parue en 2008... Non, attendez un petit peu que je vous
revienne. C'est : «Dans la foulée de son étude parue en 2008 portant sur
le rapport qu'entretiennent les jeunes Québécois avec le français et les autres
langues, le Conseil supérieur de la langue française
a mené une recherche d'envergure…» Je vous le cite pour que vous ayez en tête
ça vient d'où. «…cette enquête a été
menée auprès de quelque 6 700 répondants entre janvier et mai 2010.» C'est
assez récent, nous permettant de considérer que les résultats sont
probants.
On y apprend aussi qu'«il
y a un consensus au sujet de la priorité que le français devrait avoir dans
diverses situations de communication
publique. Plus spécifiquement, la majorité de la population — soit 67 % — considère que la communication
dans un lieu public entre des personnes de langue française et des personnes d'une
autre langue qui ne se connaissent pas devrait commencer en français...»
Alors,
on a la possibilité de voir cette étude-là, les membres de la commission et l'ensemble
des parlementaires. Ça me permettra... Si vous le voulez bien, Mme la Présidente, j'irais
sur une conclusion avec l'accord de mes collègues, s'ils le veulent
bien. Je suis à combien de minutes restantes sur...
La Présidente (Mme
Vien) : Il y a
6 min 20 s qu'il reste au bloc du parti ministériel.
Mme De
Courcy : Parfait. Et, après ça, bien
sûr que...
La Présidente (Mme
Vien) : Il reste un 14 minutes à l'opposition officielle. Ça vous
va?
Mme De
Courcy : Bien sûr, certainement.
La Présidente (Mme
Vien) : Parfait.
• (17 h 40) •
Mme De
Courcy : Alors, Mme la Présidente, je
voudrais d'abord remercier toutes les personnes qui ont participé aux discussions sur les crédits consacrés au programme Charte
de la langue française pour l'année 2013‑2014. L'étude des crédits est un exercice transparent et démocratique qui
permet notamment de réfléchir sur des sujets sensibles comme celui du statut de la langue française au
Québec. Parce que c'est très important, je voudrais rappeler que le
projet de refonte de la Charte de la langue
française proposé par notre gouvernement s'appuie sur une approche souple,
équilibrée et responsable. Il renforce notre
volonté comme société de vivre, de travailler et de s'épanouir en français au
Québec. Pour atteindre cet objectif,
nous proposons des actions qui tiennent compte des situations concrètes, mais
qui s'inscrivent dans une démarche visant à assurer la pérennité et la
vitalité du français au Québec.
C'est notamment au
travail que le français peut s'affirmer comme langue commune d'usage. C'est
aussi au travail que le français prend tout son sens en tant que langue d'intégration
des personnes immigrantes. La Charte de la langue française a grandement
contribué à faire évoluer le français dans le monde du travail, et
particulièrement au sein des entreprises de 50 employés et plus.
Le projet de loi actuel responsabilise
l'ensemble des entreprises. À partir de 10 employés, les employeurs devront se doter de
mesures pour offrir leurs biens et services en français et pour utiliser le
français dans leurs communications internes. Ils
devront aussi évaluer les besoins linguistiques d'un poste avant d'exiger la
connaissance d'une autre langue que le
français. Les entreprises de 50 employés et plus ont déjà des exigences à
respecter. Nous donnerons à l'Office québécois de la langue française le
soutien et les moyens nécessaires afin qu'il puisse suivre la situation de
près. Chacune à leur façon, les entreprises du Québec doivent contribuer au
renforcement du français au travail.
Dans le secteur de l'éducation, nous avons
tenu compte des attentes des Québécoises et des Québécois en nous assurant de la
qualité de l'enseignement de la langue française au sein des établissements
scolaires. Il n'existe aucune opposition entre l'affirmation du français
comme langue officielle et la pratique du bilinguisme personnel ou le fait de soutenir l'enseignement d'une deuxième et même
d'une troisième langue. Cette qualité du français que nous voulons renforcer dans le système scolaire, nous voulons
aussi qu'elle soit présente dans les centres de la petite enfance. Les
services de garde ont une vocation éducative importante, ils préparent les
enfants à cette étape cruciale de leur vie qu'est leur entrée dans le système scolaire. Aussi, il nous apparaît incongru que
des enfants issus de familles immigrantes et qui, pour une large part, sont nés au Québec doivent, avant
de commencer leur parcours scolaire, passer par des classes d'accueil
parce que leur connaissance du français est insuffisante.
Enfin, je réitère le rôle d'exemplarité des
institutions publiques en matière de langue de travail, langue de services et langue normale et habituelle de communication.
Assurer le statut du français au sein de nos institutions ne nous exempte aucunement de l'obligation de rendre nos
services accessibles aux Québécoises et Québécois anglophones, ce qui,
vous en conviendrez, est loin de nous mener vers le bilinguisme généralisé. Et
ce qui est aussi loin, c'est une communication systématique en anglais avec les
nouveaux arrivants.
Il nous faut également rappeler que les institutions
reconnues anglophones sont aussi tenues d'offrir leurs services aux Québécoises et Québécois francophones. La reconnaissance du
caractère français de nos institutions publiques est primordiale. Le
message que nous transmettons aux personnes qui viennent s'établir au Québec
doit être clair et cohérent : le
français est notre langue commune, notre langue de travail et la langue d'intégration.
La volonté de vivre et de travailler
en français au Québec aura un statut de droit fondamental lorsqu'il sera
inscrit à la Charte des droits et libertés de la personne. C'est le
statut qu'il convient de donner à l'un des fondements de notre histoire et de
notre identité, la langue française.
Je souhaite sincèrement vous avoir convaincus
de la pertinence d'agir maintenant et du bien-fondé de nos actions. Nous avons la
responsabilité de protéger notre langue commune, d'en assurer la vitalité et de
la transmettre aux prochaines générations.
Ce n'est qu'en travaillant ensemble que nous pourrons faire du Québec un
endroit où toutes et tous peuvent vivre, et travailler, et réussir en
français. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Il
reste un peu plus d'une minute au bloc réservé
aux députés ministériels. Souhaitez-vous l'utiliser, utiliser ce temps-là?
M. Breton : Bien, en fait je voudrais simplement
souligner que je veux saluer le travail fait par le ministère, par la ministre, par
son équipe. Parce qu'écoutez, 35 ans après la loi 101, il était plus que temps
de rafraîchir, de renouveler, d'amener pas au goût du jour, parce que ce
n'est pas une question de goût, mais c'est une question de nécessité… de moderniser ce qui avait été excellent mais qui a
été, disons-le, à bien des égards, émasculé par la Cour suprême du
Canada. Et je pense que nous saurons
reconnaître ce travail-là qui, effectivement... C'est une question d'équilibre,
ce n'est pas facile. Mais, dans les
conditions dans lesquelles vous avez travaillé, je trouve que le travail a été
fait de façon responsable et admirable. Je vous en remercie.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup. Alors, M. le député de LaFontaine, pour un dernier bloc.
M.
Tanguay : Oui, merci. Dernier bloc,
je crois, de 14 minutes, n'est-ce pas?
La
Présidente (Mme Vien) : Absolument.
M.
Tanguay : O.K. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. J'aimerais entendre la ministre au niveau du statut bilingue des municipalités. Il y a eu une
discussion un peu plus tôt avec ma collègue du deuxième groupe d'opposition,
et, au niveau du statut bilingue des
municipalités, la ministre soulignait, elle donnait l'exemple, là… Je ne dis
pas que c'est formel, mais elle
donnait l'exemple où une population qui aurait 10 %, 15 % d'anglophones,
de personnes parlant l'anglais,
serait à côté des services à donner si tant est qu'elle gardait son statut
bilingue. Et, après ça, le débat s'en est suivi, et la ministre semblait ouverte au niveau d'une approche
démocratique. Mais elle m'a un peu surpris, et j'aimerais lui donner l'occasion de préciser sa pensée là-dessus,
elle semblait suggérer — elle me corrigera si j'ai tort,
les notes en feront état, d'ailleurs — qu'il pourrait y avoir des
référendums pour chacune de ces municipalités-là, que ça pourrait être une avenue à considérer. J'aimerais l'entendre là-dessus.
Mme De Courcy : Attention, ce que j'ai bien compris
de l'intervention de ma collègue députée de
Montarville, c'est qu'elle faisait une suggestion, à savoir qu'il fallait qu'il
y ait consultation, il fallait qu'il y ait consultation, exactement, des municipalités sans autre forme de
précision, sans autre forme de précision. Nous avons convenu, d'ailleurs,
à ce moment-là que ce n'était pas le lieu de
convenir de ce type de précision. Et, à cet égard, pour comprendre ce qu'elle
entendait par consultation, j'ai voulu, par
l'exemple d'un référendum, dire : Est-ce que c'est une consultation
populaire, publique, consultation que du conseil de ville? Nous nous sommes
entendues que c'était une consultation large, ai-je compris, de la population.
Mais les limites des études de crédits, c'est justement ça, c'est que ça ne nous
permet pas de nous attarder plus précisément sur des modes comme celui-là.
Alors,
il ne faut absolument pas faire aucune enflure verbale autour de… Ai-je dit que
c'était un référendum? Ai-je dit que c'était
un pourcentage? Non, non, on était dans des questions d'éclaircissement autour
d'une suggestion qui m'apparaît fort
valable, à savoir une suggestion qui dit : Y a-t-il lieu de consulter la
population? Je n'ai ni dit oui ni dit non, j'ai dit : Voilà une suggestion constructive. On va y voir, on va
essayer d'en discuter lors de la commission parlementaire.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, pour rassurer, encore une fois, la ministre, qui parle d'enflure
verbale de façon amicale, j'en suis persuadé… Et, d'ailleurs, les notes sténographiques
feront foi de ce qui a été dit, Mme la Présidente. Et je vais prendre du bon côté les commentaires que
la ministre vient de faire, je ne lui imputerai pas des motifs indignes.
Mais les notes sténographiques feront foi de
ce qui a été dit, et ma question était de savoir si elle trouvait qu'il
s'agissait là d'une avenue à considérer, oui ou non.
Mme
De Courcy : Moi,
actuellement, Mme la Présidente, j'examine toutes les avenues, c'est la beauté
du travail parlementaire, et, même, on n'y est
même pas rendus. Actuellement, là, il y a eu 75 à 80 personnes ou groupes qui
se sont donné la peine de nous écrire, de
vouloir venir nous convaincre de leurs arguments soit pour renforcer certains
objets du projet de loi, soit pour en
discuter, soit pour nous dire de modifier, bref, de faire le travail
parlementaire. De plus, il y a des centaines de citoyens qui commencent
à intervenir en ligne pour être en mesure, eux aussi, de nous donner leurs suggestions. Alors, il me semble que c'est bien la
moindre des choses d'accueillir favorablement une suggestion de la part d'une députée de l'Assemblée nationale au même
titre que toutes les autres suggestions. Et l'envie de se commettre très
rapidement sur telle suggestion par rapport
à telle autre est une envie que nous devons tous contrôler parce que le
travail parlementaire doit nous amener à une finalité à partir des éléments qui
vont nous être soumis.
Alors,
à cet égard-là, mon opinion personnelle, à ce stade-ci, n'est pas de mise. Ce
qui est de mise, c'est la capacité d'écoute et l'absolue assurance que doivent avoir
les citoyens qu'ils seront entendus sans autre forme de biais que celui
qui est la présentation d'un projet de loi qui dit : Voilà un projet. Ça
trouve toute son essence, ce terme-là, projet de loi, commission parlementaire publique élargie. Mon seul regret, à vrai dire — et ça, je le sais que nous n'avons pas pu atteindre cet
objectif-là — c'est de ne pas avoir été à la
rencontre des citoyens à travers une commission parlementaire itinérante qui nous aurait permis d'aller à la rencontre
de ceux et celles qui n'ont pas les moyens de venir à Québec. Là, on le fait
par Internet, mais je pense que le produit, par ailleurs, de la tournée que j'ai
faite pourra être très judicieux pour les travaux parlementaires.
• (17 h 50) •
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente, vous me permettrez de souligner de façon très respectueuse et le
sourire dans la voix et aux lèvres que, lorsque la ministre dit qu'à ce stade-ci son
opinion personnelle n'est que secondaire, j'ose espérer, Mme la
Présidente, que, dans le projet de loi n° 14, il y a un peu de l'opinion personnelle de la ministre,
parce que c'est elle qui devra le défendre.
Question
à la ministre, Mme la Présidente : Une ville qui, d'aventure, perdrait son
statut bilingue pourrait-elle communiquer en
anglais à un de ses administrés?
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy : Bon,
je vais profiter de la question que vous me posez pour simplement vous indiquer que le travail
parlementaire amène l'humilité et qu'à cet égard-là, quand on dépose un projet
de loi, il devient le projet de loi de tous
et chacun, même s'il est, évidemment, fortement inspiré par une tonne de
personnes qui ont travaillé avec nous, et, même personnellement, ça
demande de l'humilité.
Je
vais vous donner une statistique que je trouve fort intéressante, d'ailleurs :
186 personnes ont déjà utilisé la consultation
en ligne, et c'est tout à fait récent, hein, c'est seulement depuis le 12
février.
Alors,
à votre question précise, si le statut d'une municipalité changeait, les
anglophones peuvent recevoir des services en
anglais même dans une municipalité unilingue. Par contre, la langue utilisée
dans les affaires publiques, dénomination, affichage et ses communications
internes, la langue de travail… devront être en français, c'est tout. Maintenant, c'est sûr que ce qui est différent, c'est
l'automatisme. Il n'y a pas d'automatisme. Alors, il faut en faire la demande dans ces cas-là, et je pense que les
citoyens de la communauté d'expression anglaise seront sûrement en
mesure de faire cette demande-là dans ce contexte-là.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, Mme la ministre. M. le
député.
M.
Tanguay : Oui,
Mme la Présidente. J'aimerais connaître de la ministre, Mme la Présidente… Au
niveau du Conseil
supérieur de la langue française, l'on sait que le mandat de six de ses membres
est venu à échéance le 30 janvier dernier. J'aimerais savoir de la
ministre, compte-t-elle les renouveler ou les remplacer? Et puis quand?
Mme De Courcy : Alors, vous comprendrez que je ne
veux pas faire durer une vacance, entre guillemets, trop longue au sein de ce conseil. Alors, d'abord, je
ferai les nominations nécessaires à travers les processus prévus très prochainement. À cet égard-là, je souhaite bien
être en mesure de diminuer le délai, on me disait, qui était habituel,
un délai d'au moins quatre à six mois. Il
pouvait être très long, ce délai-là. Alors, j'ai bien l'intention d'y remédier.
Je souhaite aussi, dans les limites de ce qui m'est permis, je souhaite
former un conseil fort, de gens expérimentés, et je souhaite qu'on soit... Et je ne suis pas
en train de discréditer le précédent conseil en aucune façon. Et je souhaite
aussi qu'il y ait un apport scientifique
élargi, dans le sens de ce que je vous ai mentionné tout à l'heure, à savoir
que je suis très préoccupée par le fait
que des indicateurs gouvernementaux ne sont pas disponibles ou, quand ils le
sont, on a des indicateurs sur la langue, mais ils ne sont pas
disponibles sur un plan gouvernemental.
La Présidente (Mme Vien) : Merci, Mme la ministre, de donner des
réponses courtes parce que le temps file à
vive allure. M. le député.
M.
Tanguay : Je veux juste m'assurer d'avoir
bien compris, Mme la Présidente, la ministre. Donc, le délai quant à la
nomination des prochaines personnes… Si, d'aventure, celles dont le mandat se
terminait le 30 janvier n'étaient pas
renouvelées, dois-je comprendre... Vous avez dit : Dans un délai court. On
parle de quel délai ici, là? Vous y faites référence...
Mme De Courcy : Oh! je ne suis pas en mesure, aujourd'hui,
de vous mentionner le nombre — excusez-moi, Mme la Présidente — de semaines, mais je vous dis que je ferai diligence, c'est
certain. Je vous dis qu'il s'est écoulé, en moyenne, 121 jours entre la date de fin de mandat
des membres et celle de leur départ officiel lors de la dernière vague
de renouvellement des membres en 2007-2008,
puis un membre est déjà resté en poste plus de 576 jours après la fin de
son mandat. Ce n'est absolument mon intention d'être dans cet univers, c'est
très clair.
M.
Tanguay : Alors, 620 jours à compter
du 30 janvier.
Mme De Courcy : J'ai bien mentionné que je ne voulais
pas être dans des délais déraisonnables, je voulais faire le plus rapidement possible. On ne m'enfermera pas
dans un nombre de jours prescrits, c'est évident, cet après-midi.
M.
Tanguay : Mme la Présidente, nous
avions demandé la liste des personnes — à une question
particulière, 21 — des personnes qui
avaient été rencontrées pour l'élaboration du projet de loi n° 14. Et, comme l'a
bien dit Mme la ministre, c'est un exercice
qui fait appel à l'humilité. Alors, j'imagine qu'en additionnant les humilités
on arrive à un beau produit. De façon
humble, j'aimerais savoir qui composait le comité d'experts pour l'élaboration
du projet de loi n° 14 parce qu'on
parle d'un comité d'experts pour son élaboration dans la réponse. Alors, j'aimerais
savoir qui étaient ces experts.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre.
Mme
De Courcy : Lorsque nous constituons
ce type de comité… Et mon collègue de LaFontaine, très certainement, pourra convenir qu'il y a des ententes de confidentialité.
Sinon, il est impossible, il est impossible de réunir des gens qui occupent des fonctions d'envergure
autour d'une table et qui décident de travailler à l'élaboration en
sachant que ceci prépare un projet de loi.
Alors, j'ai vérifié les informations obtenues
de l'Assemblée nationale quant aux règles applicables à l'accès aux documents et renseignements personnels dans le cadre d'une
commission parlementaire, et la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels ne s'applique pas dans ce cadre-là, ce sont des règles parlementaires qui ont cours.
Alors, il appartient à la ministre de choisir la teneur plus ou moins
précise de la réponse à apporter à la question soumise. À la lumière de cette
réponse, les députés de l'opposition peuvent, bien entendu, demander davantage d'informations. Cependant, ce que je peux
vous mentionner, c'est les domaines d'expertise, si on me les donne, les
domaines d'expertise. Parce que je ne les ai pas tous en mémoire, les domaines
d'expertise qui ont été consultés. Mais, quant aux noms des personnes...
M.
Tanguay : ...sous réserve de
recevoir, j'aimerais conclure avec la minute qui me reste…
La Présidente (Mme Vien) : Mme la ministre, on pourra recevoir
ces données un petit peu plus tard. Le mot de
la fin, M. le député.
M.
Tanguay : Il reste une minute? 50
secondes?
La
Présidente (Mme Vien) : Oui.
Mme De Courcy : Vous me demandez de déposer les
domaines d'expertise? C'est ce que vous me
demandez?
M.
Tanguay : Oui.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, s'il vous plaît.
Mme
De Courcy : Parfait. Pas de problème.
La
Présidente (Mme Vien) : Il n'y a pas de souci.
Mme De
Courcy : J'avais mal compris.
La
Présidente (Mme Vien) : Pas de
problème. Merci.
M.
Tanguay : Alors,
Mme la Présidente, il s'agissait là, aujourd'hui, d'une occasion, d'un
exercice, et nous aurons l'occasion, en consultation générale, nous aurons
l'occasion de rencontrer les intervenants de différents milieux qui ont décidé de déposer un mémoire. Chose certaine, Mme
la Présidente, pour l'opposition officielle, le Parti libéral du Québec,
l'épanouissement de la langue française a toujours été une préoccupation de
premier plan. L'approche diffère beaucoup quant à l'approche du gouvernement
versus l'approche du Parti libéral du Québec. Nous voulons soutenir, nous
voulons épauler, être proactifs et faire en sorte que le français s'épanouisse,
mais pas de n'importe quelle façon.
Adoption des crédits
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Alors, le temps alloué à l'étude
du volet Charte de la langue française étant
presque écoulé... Il est écoulé, voilà. Nous allons maintenant procéder à la
mise aux voix. Le temps qu'il nous reste, c'est pour, bien sûr, la mise aux
voix. Alors, le programme 2, intitulé Charte de la langue française, est-il
adopté?
Des voix : Adopté.
M. Tanguay : Sur division.
Adoption de l'ensemble des crédits
La
Présidente (Mme Vien) : L'ensemble des crédits budgétaires du portefeuille Immigration et Communautés culturelles pour l'exercice financier
2013-2014 est-il adopté?
Des voix : Adopté.
M. Tanguay : Sur division.
Documents déposés
La Présidente (Mme Vien) : Je dépose les réponses aux demandes
de renseignements de l'opposition officielle. Voilà.
Et la commission ajourne ses travaux au mardi 19 février — demain — 2013, à
10 heures, où elle entreprendra l'étude
des crédits budgétaires du portefeuille Culture et Communications pour l'exercice
financier 2013-2014.
Alors,
j'utilise les droits qui sont les miens comme présidente pour vous remercier
très chaleureusement tous et toutes pour votre
grande collaboration. Mme la ministre, merci. Au plaisir. Au revoir.
(Fin de la séance à 18 heures)