heures trente-huit minutes)Le Président (M. Rioux): Alors, mesdames, messieurs, le mandat de la commission de la culture, aujourd'hui, c'est de procéder à l'étude des crédits budgétaires, programme 2 du ministère des Relations internationales, pour l'année financière 2000-2001, Charte de la langue française.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dion (Saint-Hyacinthe) est remplacé par M. Geoffrion (La Prairie) et M. Payne (Vachon) est remplacé par Mme Charest (Rimouski).
Le Président (M. Rioux): Alors, j'aimerais rappeler à tout le monde que l'enveloppe de temps dont nous disposons est d'une heure trente, et nous allons procéder à ce programme et on va essayer de se garder quelques minutes vers la fin ? trois ou quatre minutes ? pour adopter les crédits formellement.
Remarques préliminaires
Alors, je voudrais maintenant céder la parole à Mme la ministre des Relations internationales afin qu'elle procède à quelques remarques préliminaires et je céderai la parole, par après, à l'opposition officielle, au député d'Outremont. Mme la ministre.
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin: Merci, M. le Président, et je vous prie effectivement... Je demande à tous les membres de la commission d'excuser mon léger retard. J'en suis désolée.
Alors, en guise d'introduction à cette défense des crédits, j'aimerais indiquer rapidement quelles sont les grandes préoccupations du gouvernement en ce qui a trait à la politique et à la législation linguistiques.
En accord avec la majorité de la population québécoise, le gouvernement considère que la langue française est toujours menacée au Québec. Ceci tient aux fortes pressions que le français subit de toutes parts, soit de par sa situation dans un environnement nord-américain, bien sûr, où l'anglais domine largement, soit à cause de la concurrence encore plus accentuée de la langue anglaise dans tous les secteurs de la vie publique ou privée, concurrence provoquée par la généralisation de l'informatique et des nouvelles technologies de communication et d'information.
Le gouvernement est, plus que jamais, décidé à se donner les moyens de faire face à ces pressions et à définir une stratégie globale, politique et législative, pour assurer au français son statut de langue officielle et de langue commune du Québec, langue de promotion personnelle, langue surtout du succès professionnel et économique de tous les citoyens du Québec.
n(10 h 40)n C'est pourquoi le gouvernement a constitué un groupe de travail ministériel, que je préside, pour faire le point des tendances lourdes qui affectent la vitalité du français dans la grande région de Montréal et, plus largement, dans toutes les autres régions du Québec, notamment en Estrie et en Outaouais.
Il ressort maintenant de ces premiers travaux dont j'ai fait état récemment ? c'est le 14 avril que j'ai déposé le rapport intérimaire ? qu'une revitalisation de la politique et de la législation linguistiques s'impose, tout autant et encore plus d'ailleurs, je le dirais, qu'un large débat public; il faut un large débat public.
Revitalisation de la politique linguistique, parce que la consolidation de la langue française au Québec relève de plusieurs domaines: par exemple, de l'immigration et de l'insertion sociale et linguistique des immigrants, responsabilité première du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration; de la maîtrise d'un français de qualité par tous les Québécois, comme langue maternelle ou langue seconde, essentielle dans cet univers de la connaissance et de la communication en train de se créer sous nos yeux qui incombe en premier lieu au ministère de l'Éducation; de la manière dont se restructureront nos villes, surtout Montréal et ses voisines des banlieues dont Outremont et la couronne nord et sud, chantier lancé récemment au ministère des Affaires municipales et de la Métropole; de l'insertion des entreprises qui viennent ou se proposent de venir s'installer au Québec en appliquant des programmes de francisation prévus à la Charte de la langue française, responsabilité conjointe du ministère de l'Industrie et du Commerce pour l'aspect prospection d'entreprise, et de l'Office de la langue française pour l'information et l'accueil linguistiques des entreprises. L'énumération n'est pas exhaustive car on pourrait aussi ajouter la politique d'aide au logement urbain, enfin, etc.
En même temps, il faut renouveler la prise de conscience, chez tous les Québécois et Québécoises, du bien-fondé de la Charte, du fait également que l'avenir de la langue française au Québec ne dépend pas du seul gouvernement ou des organismes linguistiques mais de la volonté, du soutien, de l'action de tous et chacun, qu'il s'agit en somme d'une responsabilité collective.
Il faut aussi assumer la défense de la Charte de la langue française face à la guérilla d'une minorité d'activistes anglophones qui multiplient les attaques contre tous les chapitres de la Charte jusque dans les moindres détails. Et vous avez, M. le Président, dans les documents, justement, la liste de toutes les causes qui sont en cours.
Enfin, il faut procéder éventuellement à un examen attentif et critique du texte même de la Charte de la langue française en veillant à ce que cette Charte soit parfaitement adaptée à la situation du Québec et de la langue française en ce début de l'an 2000.
Voilà, M. le Président, les préoccupations qui ont guidé et qui guident le gouvernement en matière de politique et de législation linguistiques.
Nos moyens d'action sont certes modestes au regard des défis à relever, mais, comme ministre, je peux compter sur l'engagement et la compétence du personnel des organismes de la Charte de la langue française, c'est-à-dire le Secrétariat à la politique linguistique, l'Office et le Conseil de la langue française, la Commission de protection de la langue française et la Commission de toponymie, dont nous examinons maintenant les crédits.
Les crédits alloués cette année à la coordination de la politique linguistique et aux organismes de la Charte totalisent 22 578 000 $. L'Office dispose de 15 579 600 $ afin de poursuivre ses activités relatives à l'application de la Charte en ce qui a trait à la langue des communications, du travail, du commerce et des affaires au sein de l'administration et des entreprises. La Commission de toponymie, sous la responsabilité administrative de l'Office, poursuit ses travaux d'inventaire, de traitement et d'officialisation des noms géographiques du Québec.
Près de 1,9 million sont attribués au Conseil de la langue française dont le mandat est de suivre l'évolution de la situation linguistique au Québec quant au statut et à la qualité de la langue française et de conseiller la ministre sur la politique linguistique et sur toute question relative à l'interprétation et à l'application de la Charte. La Commission de protection a le mandat de donner suite aux plaintes que lui adressent les citoyens afin d'assurer le respect de la Charte. Elle dispose de quelque 1,6 million pour remplir ce mandat.
Le Secrétariat à la politique linguistique est responsable auprès de la ministre de la coordination de la politique linguistique et il dispose d'un peu plus de 1 530 000 $, dont une partie est dévolue au soutien d'activités des organismes reliés à la Charte. Il gère également la provision de 2 millions annoncée par Bernard Landry, ministre des Finances, en vue d'intensifier notre action dans deux directions vitales pour l'avenir de la langue française: l'aide aux petites et moyennes entreprises dans le développement de programmes de francisation et, en collaboration avec le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, la formation linguistique des immigrants en milieu de travail qui est le lieu par excellence pour favoriser leur intégration à la majorité de langue française. Le Secrétariat à la politique linguistique, conformément à son mandat, a poursuivi, en 1999-2000, et poursuivra, dans la prochaine année, cette coordination de la politique linguistique.
Dans le cadre du programme d'aide gouvernementale visant à soutenir la diffusion et le développement de fonds québécois de données linguistiques et textuelles, le comité scientifique, dirigé par le Secrétariat, est formé d'un représentant des universités et de l'Office de la langue française, a analysé les 15 projets soumis et a recommandé l'acceptation de 12 d'entre eux. Ainsi, des subventions totalisant 250 000 $ ont été attribuées à quatre équipes de chercheurs dans autant d'universités. Au terme de ce programme de trois ans, le Secrétariat aura soutenu les travaux de développement et d'exploitation des corpus dans Internet de six groupes de chercheurs dans cinq universités québécoises par l'attribution de 850 000 $ de subventions.
Un des objectifs principaux de ce programme, la mise en réseau des corpus subventionnés, est maintenant atteint. En effet, un guichet unique de consultation, installé sur le site Web du Secrétariat, permet d'interroger l'une ou l'autre ou l'ensemble des neuf bases de données qui constituent le réseau des corpus lexicaux québécois, c'est-à-dire plus de 100 millions de mots. Et deux autres corpus viendront s'ajouter au réseau dans les mois à venir.
Le Secrétariat a, en outre, recommandé un élargissement du programme de tournées des écrivains dans les établissements d'enseignement collégial afin de démontrer aux participants que la maîtrise de la langue française est essentielle dans toutes les sphères d'activités. Donc, à la liste des écrivains participants, s'est ajoutée une liste de professionnels de la langue qui se sont illustrés dans leur domaine respectif pour la qualité du français utilisé et, pour mieux refléter cette ouverture, le titre du programme a été remplacé par Parlez-moi d'une langue.
En 1999-2000, 48 écrivains et professionnels de la langue ont participé à 83 activités dans 30 établissements d'enseignement collégial, rejoignant ainsi quelque 5 000 élèves. Ces résultats représentent presque le double de l'année dernière et nous incitent à maintenir ce programme. Ainsi, la préoccupation du gouvernement de veiller à l'amélioration de l'emploi et de la qualité du français s'illustre non seulement par un appui à la littérature québécoise, mais aussi par une démonstration tangible que la langue est essentielle à la réussite personnelle et professionnelle de tous et chacun, et ce, dans tous les domaines.
Le Secrétariat a publié aussi un dépliant intitulé Dynamique des langues ? Un survol que l'on pourra, bien sûr, distribuer. Ce dépliant, à l'aide de tableaux, fait état de la situation du français langue maternelle, langue d'usage, au Québec et dans les autres provinces, de même qu'il fournit des informations telles les transferts linguistiques ou encore les taux d'assimilation et de bilinguisme.
Par ailleurs, grâce au partenariat de huit ministères et organismes détenteurs d'importantes banques de données nominatives, la mise à jour des outils Francis, qui permettent l'utilisation du français intégral dans les communications informatiques, a été complétée. Au cours du prochain exercice financier, le Secrétariat invitera les ministères et organismes à se doter de ces outils de façon à ce que les communications échangées entre l'administration et les citoyens respectent toutes les caractéristiques du français: majuscule, minuscule, accents, etc.
Enfin, je veux également souligner que le prix du Québec Georges-Émile-Lapalme sera décerné, pour une quatrième année, à une personne ayant contribué d'une façon exceptionnelle à la qualité et au rayonnement de la langue française, les trois premiers récipiendaires ayant été, je le rappelle, Pierre Bourgault, Fernand Daoust et Marc Favreau.
En ce qui concerne le corpus de la langue, l'Office de la langue française donne à nouveau la priorité au développement et à la diffusion de sa banque de terminologie maintenant connue sous le nom de Grand dictionnaire terminologique. Ainsi, afin de rejoindre le grand public, il entend le rendre disponible gratuitement dans Internet par une formule très conviviale à partir du 1er septembre 2000. Cela lui permettra de répondre à la volonté gouvernementale d'augmenter la présence de contenu en français dans Internet et d'en faciliter la consultation comme le prône la politique québécoise de l'autoroute. L'Office profitera de cette diffusion pour créer et animer un service d'assistance terminologique de première ligne à l'intention des usagers québécois du Grand dictionnaire terminologique. L'Office veut également faire de ce Grand dictionnaire terminologique l'ouvrage de référence francophone sur le Web, dans les secteurs des technologies de l'information, des sciences de la santé, de l'industrie, en ajoutant ou en mettant à jour environ 11 000 fiches, ce qui représente à peu près 44 000 termes.
L'Office poursuit le développement, amorcé l'an dernier, d'un banc d'essai d'évaluation technolinguistique des logiciels grand public dans le but d'en vérifier la fiabilité linguistique et de favoriser des échanges constructifs avec les entreprises conceptrices de produits informatiques. Il mettra au point, cette année, une procédure de migration, de la version anglaise vers la version française, de logiciels d'exploitation et de certains logiciels d'application dont l'usage est largement répandu dans les entreprises.
L'Office compte aussi examiner la compatibilité, entre l'anglais et le français, d'application logiciel tournant sur serveur Network de Novell dont l'usage est largement répandu dans l'administration publique.
n(10 h 50)n Par ailleurs, j'ai le plaisir de souligner la réussite de la quatrième Francofête, en mars 2000, sous l'impulsion de l'Office et il y aura donc une cinquième Francofête en mars 2001.
La promotion du français dans les technologies de l'information est une préoccupation majeure de l'Office. Celui-ci procédera cette année à la mise à jour et à l'enrichissement de son site Web en y ajoutant notamment des renseignements technologiques et terminologiques dans le domaine des technologies de l'information. À cela, s'ajouteront des conférences et des articles dans des revues sur le français.
Que le français soit et devienne de plus en plus la langue de travail est probablement l'incitatif le plus puissant pour généraliser la connaissance et l'usage du français chez tous nos concitoyens. Bien gagner sa vie en français est le meilleur argument en sa faveur. L'Office joue en la matière un rôle essentiel par l'application de programmes de francisation dans les entreprises. Il a intensifié son action auprès des 239 entreprises dont le programme de francisation en cours est antérieur à janvier 1990 afin de redynamiser le processus de francisation et d'assurer la mise en oeuvre des mesures conduisant à la délivrance du certificat de francisation. Ceci lui permettra, entre autres, de régulariser la situation des entreprises des secteurs de l'automobile et de l'hôtellerie qui ont francisé tout ce qu'il est possible de franciser localement et de procéder à la délivrance d'un certificat ou d'une attestation de francisation. Dans le cas des entreprises qui demeurent dans une situation de non-conformité, un programme de francisation à jour sera préparé. Dans cette opération, on tiendra compte du cas particulier des entreprises confrontées à la dimension internationale de leur production.
D'autre part, dans la foulée du discours sur le budget, l'Office poursuivra la mise en oeuvre des recommandations du rapport Grant, datant de 1997, portant sur la promotion du français auprès des entreprises qui emploient entre 10 et 49 personnes.
Maintenant, en ce qui a trait à l'administration publique, les ministères et organismes ont soumis à l'Office, pour examen et avis, leurs projets de politique linguistique dans une proportion de 96 %. L'Office a donné son avis dans 99 % de ces cas, tandis que 68 ministères et organismes ont approuvé leur politique et en ont entrepris la mise en oeuvre. L'Office a également effectué une vérification de la langue des systèmes de réponse automatisés dans 80 ministères afin de mesurer le degré d'application de l'article 11 de la politique linguistique gouvernementale. Dans près de 90 % des cas, les messages enregistrés étaient conformes. En ce qui concerne les cas de non-conformité, la situation a été corrigée à la suite de l'intervention de l'Office. L'Office verra aussi à poursuivre et parachever l'analyse des politiques linguistiques qui lui ont été soumises et verra à ce que toutes les politiques soient approuvées et mises en oeuvre dans l'ensemble des ministères et organismes. Il fera état, dans son rapport annuel, de la conformité linguistique des sites Web de l'administration ainsi que d'exigences pour les ministères et organismes de traiter de l'application de leur politique linguistique dans leur rapport d'activité.
En terminant sur l'Office, deux dossiers extrêmement importants pour moi et qui ont eu d'ailleurs beaucoup d'écho dans les médias: les films sur disques DVD et les jeux électroniques. L'Office a procédé à une collecte sommaire de données, en janvier dernier, sur la présence d'une piste audio en français sur les DVD. Les résultats montrent, de façon générale, que les films récents diffusés sur DVD ne comptent pas de piste audio en français, alors que ce n'est pas la technique qui manque, là. Il y a huit pistes, normalement. Les films produits par Disney ? je tiens à le souligner ? constituent l'heureuse exception. L'Office compte intervenir auprès des consommateurs afin de les inciter à faire respecter le marché francophone québécois et auprès des distributeurs et producteurs pour convenir avec eux d'une stratégie et établir un plan d'action commun pour faire en sorte qu'il y ait une piste en français sur les DVD. Ce plan d'intervention, qui relève donc du Secrétariat à la politique linguistique et de l'Office de la langue française, est mis en oeuvre actuellement et les premiers contacts ont été établis avec deux grands producteurs: Warners et Columbia. Et, vous le savez aussi, je vous rappelle le débat qui a eu lieu avec Sony et Nintendo sur les jeux électroniques. Heureusement, il y a une partie du problème qui se règle, parce que les nouveaux jeux lancés cette année seront offerts au public québécois avec des guides d'utilisation et des garanties en français.
Toutefois, en ce qui regarde l'emballage de ces produits, la situation n'est pas encore corrigée, mais la Commission de protection de la langue française et l'Office sont en contact avec les compagnies à ce sujet. Une réunion est prévue en juin pour en discuter, des emballages, et il faudra que les compagnies y arrivent dans un délai à déterminer.
La Commission de toponymie ? rapidement donc ? vous le savez, est responsable des inventaires, d'attribuer des noms à des lieux et de nommer, etc. La Commission prévoit apporter certaines améliorations à son site Web. Elle va poursuivre l'actualisation des données du site en créant une trentaine de nouvelles pages, en insistant sur les nouveautés.
La Commission héberge maintenant sur son site celui de la division francophone du groupe d'experts des Nations unies pour les noms géographiques, ce qui est intéressant. Il sera alimenté de données susceptibles d'intéresser les pays de l'aire francophone. Et, ensuite, la Commission de toponymie va mener à terme, cette année, le manuscrit de la toponymie des Hurons-Wendat et celui de la toponymie de la région de Montréal.
Et je veux dire une dernière chose concernant la Commission. Elle a décidé que certaines requêtes ? puis vous savez à quoi je fais référence ? visant à remplacer des noms de lieux consacrés par l'usage feront désormais l'objet de la diffusion d'un avis d'intention, de manière à connaître l'opinion de la population avant tout changement d'appellation.
Maintenant, la Commission de protection de la langue française. C'est intéressant de voir justement que les plaintes sont dorénavant davantage axées sur les emballages, les modes d'emploi, les produits non conformes ? c'est 40 % ? que sur l'affichage, 20 % des plaintes. Les plaintes ont beaucoup augmenté aussi dans le domaine des sites Web, 12 %, par rapport à 5 % l'année dernière, et les plaintes par rapport à la langue de service sont aussi en hausse, 9 %, en regard de 5 % l'an dernier. La Commission a fermé 3 092 dossiers. Elle a expédié 398 mises en demeure; 212 dossiers ont été transmis à la Procureur général; 36 d'entre eux ont fait l'objet d'une condamnation.
Alors, un mot, pour terminer, sur le Conseil de la langue française. Donc, le Conseil a mené à terme plusieurs études ? vous les trouverez dans les documents. Elles portent notamment sur le français langue d'usage public, les perspectives démolinguistiques du Québec et de la région de Montréal à l'aube du XXIe siècle, la qualité de la langue et l'immigration interrégionale des groupes linguistiques au Québec. Le Conseil va rendre publics, cette année, les résultats d'une enquête conjointe avec l'OLF sur l'affichage dans les commerces de l'île de Montréal ainsi qu'une étude sur la langue parlée des futurs enseignants.
À l'été, le Conseil publiera deux rapports sur la qualité de la langue dans les médias écrits et sur la qualité de la langue dans un certain nombre de textes à l'intention du public, dont les sites Web de quelques ministères et organismes gouvernementaux. Et le Conseil va procéder, cette année aussi, à la rédaction d'un avis sur l'affichage des raisons sociales, donc, du nom de l'entreprise, et mettra sur pied un comité de travail sur des indicateurs de qualité de la langue.
Alors, je voudrais terminer tout simplement en disant un mot sur la conférence, la CONFEJES, et sur les Jeux de la francophonie. Vous savez jusqu'à quel point nous nous sommes débattus dans ce dossier, et je veux répéter que l'attitude du gouvernement fédéral dans ce dossier m'a proprement désolée et qu'il a fallu l'appui indéfectible de la France pour arriver à raisonnablement, justement, organiser les futurs Jeux de la francophonie en fonction de quatre principes linguistiques qui font en sorte que, maintenant, nous avons l'assurance que les Jeux ne seront pas bilingues, comme le souhaitait illogiquement le gouvernement canadien.
Voilà, M. le Président, les informations que je voulais vous livrer concernant, donc, les organismes de la Charte. Plus que jamais, je crois, il est essentiel que le gouvernement maintienne fermement les grands axes de sa politique linguistique, ce à quoi je m'engage avec toute la détermination voulue. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme la ministre. Étant donné qu'il y a de nombreuses personnes qui vous accompagnent, des hauts fonctionnaires, des présidents d'organismes, j'aimerais que vous nous les présentiez, Mme la ministre, afin qu'ils soient mieux connus des députés.
Mme Beaudoin: Voilà. Je vais commencer. Alors, M. Jean-Claude Corbeil, qui est le sous-ministre responsable du Secrétariat à la politique linguistique; Mme Assimopoulos, qui est la présidente du Conseil de la langue française; Mme Odette Lapalme, qui est la présidente de la Commission de protection de la langue française; et Mme Nicole René, qui est présidente de l'Office de la langue française.
Le Président (M. Rioux): Merci.
Mme Beaudoin: Et de la Commission de toponymie.
n(11 heures)nLe Président (M. Rioux): Et les autres aussi, bien, bienvenue. Ça nous fait plaisir de vous y voir.
Alors, je cède maintenant la parole au député d'Outremont. M. le député.
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Laporte: M. le Président, je veux d'abord saluer la ministre, que je n'avais pas eu le plaisir de rencontrer depuis un bout de temps, là, et puis ses collaborateurs, et peut-être dire, d'entrée de jeu, que, en ce qui me concerne, je pense que les propos de la ministre témoignent d'une volonté qui me paraît assurée d'affirmer la présence, la vitalité, l'usage et la diffusion du français au Québec, je m'en félicite. Je trouve que Mme la ministre a fait, de ce côté-là, un travail que je trouve remarquable.
Évidemment, il y a un certain nombre d'anicroches et un certain nombre de contrariétés dont, comme député de l'opposition, je suis conscient. On a toujours, disons, des comportements qui des fois frisent un peu le zèle, n'est-ce pas, qui sont portés à notre attention. Je l'ai déjà mentionné dans des interventions aux journaux. J'ai aussi communiqué avec les dirigeants des organismes.
D'ailleurs, je veux mentionner que les dirigeants des organismes, les dirigeantes des organismes, si on peut dire, puisque la féminisation a été très élevée au Sommet, sont toujours extrêmement disponibles à collaborer avec l'opposition officielle pour m'offrir toute espèce de renseignement, de donnée, et ainsi de suite. Ça, je pense qu'on n'est pas dans une relation d'antagonisme, tout au contraire, là-dessus.
Pour être bref, je dirais que, sur la question, disons, des orientations qui ont été prises au cours des années durant lesquelles les organismes sont dirigés par la ministre, il y a deux orientations qui me paraissent être très importantes et nouvelles: il y a certainement l'accent qu'on met sur l'affirmation du français dans les nouvelles technologies de l'information et aussi ce que vous avez mentionné tantôt, à savoir l'accent que vous accordez maintenant à la qualité du français, à la qualité de la langue. Je pense que là, jusqu'à maintenant, tout le monde sera d'accord pour dire que l'accent avait été mis surtout sur la planification de l'usage, de l'emploi des langues, au désavantage d'un accent sur le corpus, alors que là, maintenant, le corpus prend plus d'importance, y compris dans le statut qui est maintenant accordé, par exemple, à la Banque de terminologie sur Internet. Donc, il y a ici un changement important, très important même.
Là où il y a certainement une différence, mais c'est une différence d'appréciation et c'est difficile de se quereller là-dessus, c'est sur l'affirmation qu'a faite la ministre au début de son exposé lorsqu'elle a dit que le français est une langue menacée. Bon. La question, à mon avis, ce n'est pas de savoir si le français est une langue menacée, la question à laquelle j'aimerais beaucoup qu'on me réponde, à un moment donné, c'est qu'on me dise menacée de quoi, n'est-ce pas? Ce n'est certainement pas une langue qui est menacée de disparition. C'est peut-être, comme on le voit dans les études qui sont faites par les démographes ? mais là-dessus il y a des controverses, il y a des débats ? c'est peut-être le statut majoritaire de la langue qui serait éventuellement compromis, compte tenu, entre autres, d'un enjeu qui est extrêmement important pour ce qui est de l'avenir du français au Québec et de l'avenir du Québec, c'est le problème démographique.
Le livre de Jean-François Lisée sur la Sortie de secours est un bel ouvrage de ce point de vue là parce qu'il examine de façon convaincante les conséquences que pourraient avoir sur le français le maintien à travers le temps des tendances démographiques qu'on observe maintenant. C'est sûr que là il y a un véritable problème. J'ai toujours trouvé un peu malheureux que le gouvernement du Québec, que ce soit l'actuel gouvernement ou le gouvernement précédent ? parce que, quand j'étais fonctionnaire, j'ai été mêlé à cette question-là ? hésite à examiner plus attentivement le problème d'une politique de population, qui est un problème extrêmement central pour l'avenir de la collectivité.
Par ailleurs, il est clair, M. le Président, que l'insécurité linguistique est un phénomène au Québec qui a des enracinements que je qualifierais d'écologiques, c'est-à-dire que l'insécurité linguistique de la communauté francophone du Québec et du français québécois, c'est une insécurité existentielle. Sans tomber dans le pessimisme de l'abbé Groulx qui disait que nous appartenons à ce petit nombre de peuples qui ne doivent pas se demander ce qu'ils iraient accomplir dans l'avenir mais s'ils seraient là lorsqu'ils se réveilleraient le lendemain matin, je pense qu'il ne faut pas tomber non plus dans la panique identitaire, là, mais je trouve que l'insécurité linguistique, ça a des fondements, au Québec, qui tiennent à l'écologie même des langues et des rapports linguistiques du français et des autres langues au Canada et en Amérique du Nord.
Et le rôle de l'État là-dedans, c'est, entre autres, à mon avis, de faire en sorte que cette insécurité linguistique, sans être éliminée d'une façon définitive, parce que c'est dans la situation existentielle, disons, ne débouche pas sur des comportements irrationnels ou de peur ou... Et il y a un paradoxe, de ce point de vue là, dans la situation linguistique du Québec. On le voyait, l'autre jour, dans un article qui a été publié dans Le Devoir par Nadeau et Léger, c'est que, malgré ? et ça, c'est un véritable paradoxe ? cet engagement d'énergie et de moyens financiers légaux déployé par les gouvernements successifs pour assurer, disons, la sécurité du français au Québec, les indicateurs d'insécurité linguistique demeurent les mêmes, inchangés.
Est-ce que c'est dû, disons, aux discours que les élites culturelles tiennent sur la condition identitaire du français? Il reste qu'il y a un phénomène qui est assez paradoxal, à savoir que, malgré la présence de cet appareil de protection qui est un appareil de protection important à l'échelle internationale ? il y a peu de communautés où l'appareil de protection est, à mon avis, aussi développé, aussi amplifié que c'est le cas au Québec ? l'insécurité linguistique, à ma connaissance, pour tous les sondages dont j'ai pu prendre connaissance là-dessus depuis les années soixante-dix, ça n'a quasiment pas bougé.
Peut-être que les gens du Conseil de la langue française, un jour, nous diront sur quoi repose cette permanence d'un sentiment collectif, c'est-à-dire d'un sentiment qui est partagé par un large pourcentage de la population, évidemment de la population francophone, alors que, dans les sondages, on voit qu'il y a une certaine empathie pour cette condition insécuritaire qui maintenant est partagée et dont maintenant font preuve les gens dont les ancêtres ne sont pas des descendants des colons de la Nouvelle-France.
Donc, l'insécurité linguistique, c'est un phénomène qui est paradoxal, et ce serait peut-être utile à un moment donné qu'on se penche là-dessus pour essayer de mieux comprendre de quoi il s'agit. Et, surtout, il faudrait éviter de la politiser, l'insécurité linguistique. Et ça, je pense que, pour l'instant, enfin dans le discours politique, il y a toujours un penchant qui vise à politiser l'insécurité, mais il n'y a rien de très excessif là-dedans.
Moi, je ne sais pas si c'est le temps de le faire, M. le Président, mais ce que j'aimerais, ce serait commencer la période des questions parce que j'ai des questions qui portent sur les opérations des organismes et j'ai aussi des questions qui portent sur les orientations de la politique linguistique.
Discussion générale
Le Président (M. Rioux): Alors, j'interprète, M. le député d'Outremont, que vos remarques préliminaires étant terminées, vous voulez procéder tout de suite à un certain nombre de questions. Vous avez la priorité, ensuite, je donnerai la parole au député de Frontenac.
Priorités de l'Office de la langue française
pour les prochaines années
M. Laporte: Merci, M. le Président. D'abord, la première question concerne la francisation des entreprises. Je regardais le document qui nous a été remis là-dessus, et ce qu'on constate ? ce n'est pas une nouvelle, on le savait, mais on peut tout de même se poser des questions un peu nouvelles là-dessus ? c'est qu'actuellement on se retrouve à une certification à 70 %, un peu plus, un peu moins, dépendamment des secteurs des entreprises dont on parle. Donc, même si la tâche de certification n'est pas terminée, elle devrait l'être, à mon avis, au cours de la décennie qui commence.
n(11 h 10)n De plus, la tâche de certification s'allégera d'une façon progressive au cours des prochaines années, en ce sens que ? et je vois bien qu'il y a toujours annuellement des entreprises qui apparaissent et qui s'ajoutent à la liste des entreprises qui sont assujetties à la Charte ? la tâche de certification pour l'Office va devenir, à mon avis, une tâche... enfin, tendanciellement, il est difficile de se défaire de l'impression que la tâche de certification va devenir une tâche moins importante au cours des 10 prochaines années.
Donc, la question qui se pose, c'est celle de l'allocation que l'Office fera de ses énergies dans un avenir prévisible. Et cette question se pose, si on veut, de deux façons, M. le Président. Que faut-il anticiper que seront les priorités de l'Office au cours des cinq ou 10 prochaines années? Dans les documents qui nous ont été présentés, j'ai cru comprendre qu'il y avait un travail de planification stratégique qui était en cours, mais il n'y a pas de perspective d'avenir qui se dégage clairement de ce qu'on nous a donné comme documents à consulter.
Donc, la réponse est loin de sauter aux yeux, principalement parce que nous assistons présentement à une transformation de l'économie, en fait une transformation du capitalisme, qu'on appelle la mondialisation et qui modifiera substantiellement le fonctionnement linguistique des entreprises.
Donc, la première question: Que faut-il envisager que seront les priorités de l'Office au cours de la décennie qui s'ouvre en l'an 2000? Ça, c'est une première question.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, toutes les questions s'adressent à la ministre, et c'est elle qui décide qui pourra intervenir en son nom, le moment venu. Alors, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je voudrais tout simplement faire deux commentaires sur ce que le député d'Outremont a dit dans ses remarques préliminaires et ensuite, justement avec votre accord, laisser la parole à Mme René.
C'est extrêmement intéressant, la question que pose le député d'Outremont à propos de cette permanence concernant l'insécurité linguistique. Moi, la question que je me pose ? en effet, je n'ai pas toutes les réponses: Est-ce que les raisons n'ont pas évolué, cependant? L'insécurité peut demeurer la même et se refléter d'une manière équivalente dans les sondages et depuis 1970, mais je crois que les raisons évoluent.
Quand on regarde justement les raisons qui ont fait en sorte que la Charte de la langue française soit adoptée, vous vous souviendrez, entre autres, qu'il y avait cet écart socioéconomique entre les francophones et les anglophones qui est, en quelque sorte, comblé, à toutes fins utiles. Même si on remarque que, dans les conseils d'administration, dans certaines grandes entreprises, ce n'est pas encore évident que les francophones ont pris toute leur place ? c'est comme pour les femmes, ça, il y a encore de l'espace ? on peut quand même dire que grosso modo l'écart a été comblé.
La question de l'intégration des immigrants ne se posait pas de la même façon, je pense bien, en 1977 qu'elle se pose aujourd'hui, justement parce qu'on n'avait pas encore pris conscience de ce phénomène démographique, même si, quand on regarde les chiffres, l'indice de fécondité déjà avait considérablement diminué dès les années soixante-dix. Mais la prise de conscience de tout ça est venue pas mal plus tard, et c'est surtout le fait que ça dure, ça n'a pas remonté, pas vraiment.
Aussi, sur la question de la mondialisation, je pense que toutes les petites nations... Ce matin, j'étais avec le ministre catalan des Relations internationales. Bien évidemment, la langue catalane est dans une situation bien différente de la nôtre, mais, quand même, ils ont fait un rattrapage extraordinaire. Quand on regarde ça, c'est assez fantastique. Mais ils se retrouvent, eux aussi, comme petite nation, avec une langue extrêmement minoritaire, en quelque sorte. Nous, on espère que le français va demeurer une grande langue universelle. C'est un des atouts qu'on a, d'être 2 % de la population en Amérique du Nord, mais au moins que ce soit une grande langue universelle parlée sur les cinq continents par plus de 100 millions de personnes.
Mais, en tout cas, je pense que tous ces phénomènes-là, qui sont des phénomènes nouveaux, font en sorte qu'en effet cette insécurité... moi, en tout cas, je la ressens comme francophone. Alors, quand on dit: Est-ce que c'est le discours ou est-ce que ce sont les faits, pour moi, ce sont des faits, et le discours reflète des faits. Alors, je vais laisser la parole à...
Le Président (M. Rioux): Mme la ministre, vous avez glissé un mot tout à l'heure sur la mondialisation et ce que ça représente aussi pour notre langue et notre culture. Je vous signale que lundi prochain va se tenir à Québec un grand colloque sur la mondialisation et la diversité culturelle, et je me fais fort de vous transmettre personnellement l'invitation.
Alors, je donne maintenant la parole, sur la planification pour les cinq ou 10 prochaines années, à Mme la présidente.
Mme René (Nicole): Merci. M. Laporte...
Une voix: ...
Mme René (Nicole): M. le Président, c'est à vous que je parle?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, vous vous adressez... C'est ça.
Mme René (Nicole): Excusez-moi.
Le Président (M. Rioux): Et c'est le député d'Outremont. Mais il a un beau nom.
Mme Renée (Nicole): Oui, c'est ça. Il y a deux éléments, je dirais, dans votre question. Le premier a trait aux activités actuelles et à la planification, je dirais, à court terme, et je le prendrais sous deux angles. Premièrement, la certification est un processus continu. Donc, les entreprises qui sont certifiées doivent, en vertu des modifications qui ont été apportées à la Charte en 1993, maintenant, tous les trois ans, remettre un rapport, faire un état de la situation, de façon à rendre compte à l'Office des mesures que l'entreprise a prises pour assurer la permanence de la francisation.
Et je ne vous cacherai pas que ça nous procure une source de travail très, très, très importante, parce que nous nous rendons compte que les entreprises qui ont obtenu leur certificat depuis un certain temps, comme les autres, ont connu une informatisation exclusivement en anglais, et il y a donc une opération de rattrapage qui est très importante et qui se compare à la situation dans des entreprises qui n'ont pas encore obtenu leur certificat de francisation.
Donc, il faut refaire des programmes de francisation pour la majorité des entreprises qui détiennent un certificat de francisation et qui sont tenues, comme je vous l'ai dit, de remettre un rapport à tous les trois ans.
Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont, ça répond à votre question?
M. Laporte: Oui, puis j'ai des questions à poser là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Allez-y donc. Allez, on vous écoute.
Recours à la traduction comme moyen
de soutien à la francisation des entreprises
M. Laporte: Évidemment, la ministre le disait tantôt, si on se place d'une perspective sur le long terme, le changement majeur qui est apparu dans ce qu'on pourrait appeler la stratification linguistique des langues au Québec, c'est la montée du contrôle économique francophone. On peut évidemment s'interroger sur la composition des conseils d'administration, à savoir si c'est assez, mais, lorsqu'on compare la situation d'aujourd'hui à la situation qu'on étudiait à la commission Gendron au début des années soixante-dix, du point de vue du contrôle, il y a eu un changement majeur.
Par ailleurs, ce sur quoi vous venez de mettre le doigt, c'est aussi une réalité importante, c'est-à-dire que... Mais là il faudrait essayer de voir au juste qu'est-ce que ça signifie du point de vue sociolinguistique. C'est-à-dire qu'en même temps que le contrôle francophone des entreprises s'est accru d'une façon substantielle l'emploi du français, ou enfin, je dirais, le bilinguisme dans bon nombre d'entreprises, s'est aussi accru.
Pour revenir à ce que la ministre disait tantôt au sujet du français menacé, moi, disons, mon opinion personnelle là-dessus, mais c'est une opinion, c'est qu'on se retrouve à toutes fins pratiques dans une situation où l'anglais et peut-être d'autres langues sont utilisées, mais pas dans un contexte de domination ethnique, là, au sein des entreprises, mais que cette utilisation-là est fondamentalement une institution instrumentale.
n(11 h 20)n Donc, moi, je ne panique pas à l'observation que les gens sont en situation de bilinguisme instrumental, ça ne me donne pas d'insécurité particulière, ça ne me donne pas d'émotion particulière. Mais là je vois bien que ? je suis d'accord avec Mme René ? il y a tout de même un défi là, parce que, en même temps que le contrôle francophone s'affirme, on ne s'en va pas du même coup vers une situation d'unilinguisme français dans le fonctionnement des entreprises. Et là j'ose croire que l'Office ne se donne pas comme objectif non plus de viser à un régime où... Enfin, on vise à un régime où le français reste et s'affirme comme langue prépondérante, mais sans être une langue exclusive, surtout dans le domaine du travail.
La question que je veux poser là-dessus ? et ça, c'est une question que je me pose en regardant les documents qui nous ont été remis... Bien, je commencerais peut-être par un commentaire. Enfin, encore là, c'est une opinion. À mon avis, depuis que l'aménagement linguistique a pris son ampleur, au Québec, au cours des 25 dernières années, il m'apparaît y avoir toujours eu une attitude négative, à la fois du côté des gouvernements, du côté de l'État et du côté des élites bureaucratiques qui gèrent l'application de la politique, à l'égard de la traduction, à l'égard de la traductique.
Je lisais l'autre jour... peut-être que certains d'entre vous lisent aussi cette revue-là qui s'appelle Ward, il y a un article dans la dernière revue de Ward qui tend à nous convaincre que la traduction automatique est en train de connaître à l'échelle planétaire une véritable révolution. Et la question que je me suis posée, compte tenu de ce que vous venez de dire et compte tenu du fait que les entreprises fonctionnent de plus en plus en réseautage et que la mondialisation fait que les frontières communicationnelles des entreprises ont éclaté: Quel rôle, dans la planification à venir des tâches de l'Office, entend-on consacrer à la ? employons le mot «promotion» ? promotion de cet objectif d'intensifier le recours à la traduction comme moyen d'assurer la permanence du français?
Parce que ? je termine là-dessus ? l'autre jour, j'entendais Jean-François Lisée qui disait, dans un colloque où je n'aurais peut-être pas dû assister, comme membre du Parti libéral, mais j'y suis allé tout de même, c'était votre colloque sur les générations, n'est-ce pas...
Le Président (M. Rioux): C'est votre curiosité intellectuelle qui vous y amenait.
M. Laporte: Je trouvais que Lisée disait quelque chose de fort intéressant, que finalement il faudrait s'assurer que la structure des rapports linguistiques actuels soit reproduite tout au moins maintenant. Donc, la traduction automatique pourrait avoir comme effet d'assurer que la situation dont vous venez de parler, Mme René, se reproduise. Je ne dirais pas que le milieu du travail deviendra nécessairement beaucoup plus français, mais on aura tout de même un plancher de francisation, un niveau de francisation qui, lui, serait stable.
Et la question que je me pose en lisant le document, et je la repose, c'est: Comment, vous, Mme la ministre, envisagez-vous le rôle de la traduction comme dispositif de soutien au niveau de francisation des entreprises? Est-ce qu'il faut mettre l'accent sur la traduction ? mon opinion là-dessus est une opinion personnelle ? ou faut-il continuer à avoir, à l'égard de la traduction, un peu par opposition à la politique du gouvernement fédéral, une attitude qui reste assez, disons, sinon négative, en tout cas, une attitude de réticence à l'égard de la traduction?
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Avant de passer justement la parole à Mme René là-dessus, je voudrais tout simplement... Moi aussi, c'est une opinion, et je ne suis pas une spécialiste de ces questions-là, mais, quand vous dites que, dans le fond, les gouvernements successifs et ce que vous appelez l'élite bureaucratique, ceux qui ont géré les organismes depuis plusieurs années, ont eu une attitude un peu négative, je pense bien que, sociologiquement en tout cas, cette attitude un peu négative peut venir du fait ? et vous avez à la toute fin prononcé le mot ? que le gouvernement fédéral... En fait, on ne veut pas devenir un peuple de traducteurs. À part les porteurs d'eau qui nous ont définis, il y a deux, trois phrases comme celles-là: nés pour un petit pain, porteurs d'eau, traducteurs. Donc, il y a certainement dans l'inconscient, je veux dire, de chacun d'entre nous une certaine perspective par rapport à ça en disant non. Bon.
Et, évidemment, moi, je vous donne un exemple dans un autre secteur ? puis c'est quand vous avez parlé de ça qu'il m'a tout de suite interpellée ? un secteur que je connais mieux, qui est le secteur culturel. Je le connais mieux que celui des entreprises comme tel. Quand on voit le cinéma américain, est-ce que vous pensez que c'est un grand avantage en quelque sorte ou que c'est une grande avancée, bon, d'avoir du cinéma américain, disons, à 90 % probablement aux guichets? Recettes-guichet: 90 %. Alors, quand on regarde ça, on dit: 90 % recettes-guichet, c'est curieux. Ce n'est pas tout en version originale anglaise, comme vous savez, c'est en version traduite, et de plus en plus au Québec aussi, comme vous le savez, puisqu'il y a une industrie du doublage extrêmement importante à laquelle l'industrie tient.
Mais, moi, je veux dire, j'aime mieux quand même finalement qu'on crée aussi, qu'on ne soit pas... Je veux dire que, dans le fond, l'industrie du cinéma, il y ait une section industrie du doublage dans l'industrie du cinéma ou l'industrie de traduction, oui, mais enfin, je veux dire, pour moi, l'essentiel n'est pas là. Et c'est toujours, disons, du cinéma américain à 90 %. J'aimerais ça qu'on diversifie un petit peu, etc. Bon.
Alors évidemment, les premières remarques qui me viennent me viennent là-dessus. Et c'est comme dans Internet dans le fond. Vous savez comme moi qu'il y a sur Internet... c'est 1 milliard de pages dans les dernières données que j'ai vues. Il y en a moins de 3 % en français. Alors, il y a certainement des pages en traduction là-dedans, comme il y a des pages, je dirais, version originale, etc.
Alors, dans ce que je connais, je trouve que c'est un grand débat, mais je pense que c'est une question d'équilibre, à quelque part. Alors, jusqu'où faut-il aller? Puis, quand je parlais de migration de l'anglais vers le français puis que, bon, il y a un certain nombre de logiciels de toute façon ? et vous le savez très bien, c'est ce dont on avait discuté, en commission parlementaire, longuement ensemble au moment des amendements à la Charte, qu'on a faits... On veut qu'il y ait des logiciels en français chez nos détaillants quand la version française existe. Quand elle n'existe pas, on comprend bien qu'il y a certains types de logiciels extrêmement techniques et spécialisés qu'on ne retrouve pas autrement. Mais il y a des entreprises qui font l'effort d'avoir des versions françaises. Bon. Alors, moi, je vais laisser quand même... parce que je pense que c'était plus spécifique que ça, votre question.
Le Président (M. Rioux): Mme René.
Mme René (Nicole): M. le Président, nous intervenons de deux façons. Premièrement, nous avons fait donner à nos conseillers en francisation une formation quant aux outils de traduction assistée par ordinateur qui existent, de façon à leur permettre d'en faire la promotion dans les entreprises auprès desquelles ils interviennent. Ça, c'est un premier niveau. Donc, les conseillers sont incités à faire la promotion de ces outils-là dans les entreprises. Et, deuxièmement, la Banque de terminologie du Québec, qui est elle-même une banque qui est issue d'un effort de traduction, puisque c'est 3 millions de termes et français et anglais, nous l'avons mise à la disposition de plusieurs partenaires qui l'ont utilisée soit pour faire du développement d'outils de traduction, mais à tout le moins pour l'intégrer à leurs outils de traduction, de façon à tenir compte de la terminologie particulièrement développée au Québec. Sans parler de tous les efforts ? et, si on consacre des efforts, c'est bien auprès de cette clientèle-là ? que l'Office fait auprès des concepteurs de logiciels pour les inciter à adapter leurs produits à la clientèle québécoise. On les voit même avec des labels et toutes sortes de choses.
n(11 h 30)nLe Président (M. Rioux): Bien. Alors, on va permettre au député de Frontenac de poser une question rapide. M. le député de Frontenac.
Articles de la Charte de la langue française faisant
l'objet d'une contestation devant les tribunaux
M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme la ministre. Ma question porte sur l'affichage. Vous avez parlé tout à l'heure, dans vos remarques préliminaires, à la page 4, de certains activistes anglophones minoritaires qui mettaient tout en oeuvre pour contester la Charte dans tous ses détails ? je pense que c'est important ? et l'exemple qu'on a eu, un bel exemple, c'est le jugement Bellavance concernant l'affichage. On a eu droit à une guérilla judiciaire de la part de trois mousquetaires ? et, d'ailleurs, ils étaient quatre: Johnson, Anderson, Galganov et Taylor ? lorsque le juge Bellavance a rendu public son jugement. Vous avez mentionné, toujours dans vos remarques préliminaires... vous avez fait allusion à une liste de causes. Alors, moi, j'aimerais en savoir davantage sur ces causes-là, qui se trouvent actuellement devant les tribunaux et qui sont liées à la Charte, évidemment. J'aimerais ça que vous fassiez le bilan ? est-ce qu'il y en a beaucoup? ? puis que vous puissiez nous entretenir là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. En effet, ce que j'ai dit... C'est le droit de chacun, je le répète, bien sûr, de contester la Charte article par article, c'est bien évident. Mais enfin, je peux quand même déplorer, je dirais, l'aspect systématique d'Alliance Québec. Je lisais dans les journaux récemment ? je ne savais pas, là ? qu'il y avait eu une entente, semble-t-il ? je ne sais pas si c'est le Suburban qui a rendu ça public ? entre M. Bill Johnson et M. Housefather, qui veut lui succéder, puis il y a une espèce d'entente, d'alliance, enfin... Donc, qu'est-ce que ça donnera dans le futur? Je ne sais pas. Mais c'est clair qu'Alliance Québec a un programme, puis je ne vois pas le jour où il va en changer, effectivement, et le programme, c'est que le Québec devienne bilingue. Pour ça, une des façons pour eux d'y arriver, à cet objectif, c'est de systématiquement, donc, contester la Charte dans chacun de ses articles.
Alors, le nombre de procédures, il y en a actuellement... Puis vous savez que ça commence par la Cour du Québec, la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême éventuellement. Je ne sais pas si chacun des cas se rendra en Cour suprême, je n'en sais rien, mais il y en a 36 dans le moment, là, 35, 36 d'inscrites. Alors, la francisation des entreprises, il y en a quatre. La langue d'enseignement ? donc tout ce chapitre essentiel, parce qu'on sait que ce qu'il y a eu probablement de plus structurant dans la Charte, c'est cette obligation faite aux nouveaux arrivants d'envoyer leurs enfants à l'école française... L'affichage, il y en a 13; la langue des produits, une; les annonces dans les pages jaunes ? là, je ne peux pas vous dire exactement de quoi il s'agit ? une cause; puis la langue des services, il y en a une aussi. Alors on voit que les articles, c'est 141, l'article 46, les articles 51 et 52.1, 58 et 205, enfin, etc., donc, c'est morceau par morceau. Et ce que j'ai dit, c'est qu'on va défendre la Charte, nous, comme on le fait depuis le début. Donc, on paie deux fois, si je peux dire, parce que le fédéral, par nos taxes, comme vous savez, finance Alliance Québec, et, par ailleurs, nous finançons, bien sûr, les avocats ? qui sont soit du gouvernement ou soit de l'extérieur, je pense que ça dépend des causes.
Alors, voilà où est-ce qu'on en est, et il y en a tous les jours. Là ? je regardais ? à partir de maintenant, il va y avoir des auditions à peu près tous les jours sur un certain nombre de causes. Mais, nous, on est très déterminés. On était évidemment très contents du jugement Bellavance, celui-là était parfait. Voilà.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Boulianne: Est-ce que vous entendez faire une riposte, Mme la ministre? De quelle façon?
Mme Beaudoin: Bien, la seule riposte, c'est de se défendre en cour, et la riposte politique aussi, bien sûr, de démontrer notre détermination à défendre la Charte. Donc, qu'on le veuille ou non, la question linguistique, elle est toujours omniprésente, parce que cette guérilla, depuis 1995, dans le fond, c'est venu après le référendum. On voit bien, je veux dire, comment ça a été pensé et voulu, cette systématisation de la contestation de la Charte, et donc ça ne peut pas être fini. Toute cette question linguistique là, on ne peut pas la mettre de côté et dire: N'en parlons plus. Alors, il faut continuer, puis, pour moi, bien sûr, la riposte, eh bien, c'est de faire en sorte que la population, je veux dire, comprenne bien ce qui se passe et puis, donc, la pédagogie, la mobilisation ? enfin, tout ça ? pour faire en sorte que le français demeure cette seule langue officielle, parce que ce qu'Alliance Québec veut, c'est très clair, ils l'ont dit, c'est l'article 1 de leur programme, c'est le bilinguisme, style Loi des langues officielles, comme à Ottawa.
Le Président (M. Rioux): Merci.
Mme Beaudoin: On sait ce que ça a donné pour les minorités francophones. Vous avez juste à regarder le survol des langues pour comprendre.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, je vais aller du côté de l'opposition et je vais revenir à vous, M. le député de Marguerite-D'Youville. Très bien.
M. Beaulne: Oui. Mais j'aimerais savoir quelle est l'utilisation du temps jusqu'ici.
Le Président (M. Rioux): Ah! L'opposition a eu une bonne partie, mais on sait qu'il y a une règle non écrite qui donne quand même pas mal de place à l'opposition lorsqu'il y a l'étude de crédits.
M. Beaulne: Oui, mais j'aimerais quand même avoir...
Le Président (M. Rioux): Mais vous allez avoir la parole tout à l'heure. M. le député de Chomedey.
Langue de communication avec
l'Inspecteur général des institutions financières
M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. le Président, pour les gens comme mon collègue le député d'Outremont et moi-même, qui connaissons et travaillons dans le dossier linguistique ? et je sais que vous, vous êtes du nombre aussi ? depuis de nombreuses années, il y a quelque chose de toujours préoccupant lorsqu'on entend quelqu'un, comme le député de Frontenac l'a fait tantôt, pointer du doigt des individus. Il ne faut pas qu'on perde de vue qu'ici on est une institution qui est censée être séparée et à part des tribunaux. J'ai apprécié le réflexe de la ministre de dire: C'est le droit des citoyens d'aller devant les tribunaux. Ça me donne froid dans le dos d'entendre surtout un ex-journaliste, mais qui est maintenant député, commencer à pointer du doigt des individus qui ne font qu'aller en cour pour tester leurs droits. Parfois ils gagnent, parfois ils perdent, c'est comme ça.
La ministre reprochait ce qu'elle appelait «l'aspect systématique». J'aimerais, avec l'accord de mon collègue d'Outremont, passer un moment sur cette question-là, parce que, loin de défendre les actions actuelles d'Alliance Québec, effectivement, il y a un aspect qui va au-delà de la simple protection des intérêts de la communauté québécoise d'expression anglaise là-dedans. J'aimerais la mettre en garde contre le fait de trouver qu'il y a juste de l'autre côté un aspect systématique. Je m'explique, M. le Président.
Vous savez, j'ai travaillé pendant plusieurs années comme avocat au Conseil de la langue française, ça, avant de travailler comme directeur des affaires juridiques chez Alliance Québec et, par la suite, être responsable de la révision de la traduction des lois vers le français pour le Procureur général du Manitoba et, ensuite, être membre du tribunal d'appel créé en vertu de la loi n° 101 pour déterminer l'accès à l'école anglaise. Tout ça pour dire que je ne sais pas si c'est moi qui suis le dossier ou le dossier qui me suit, mais c'est un dossier que je connais fort bien.
Il y a des compromis dans la loi 101 qui ont été largement acceptés et respectés par la vaste majorité de la communauté québécoise d'expression anglaise et de la communauté majoritaire au Québec. Un de ces compromis est le fait que, depuis son édiction au mois d'août 1977, la Charte de la langue française prévoit qu'une personne physique aura le droit de communiquer en langue anglaise avec l'administration. Je vois que la ministre me donne raison en hochant de la tête. C'est une distinction avec laquelle nous sommes familiers ici, mais ça vaut peut-être la peine de rappeler qu'une personne physique, c'est-à-dire un individu, en anglais «a natural person»... je ne sais pas d'où ça sort, ce terme-là, mais c'est comme ça qu'on dit en anglais, «as opposed to an unnatural person», mais, en français, «personne physique», en anglais «natural person», en contre-distinction à une «personne morale», c'est-à-dire «a legal person or a corporate entity» en anglais. En clair, si un individu, un particulier travaille au Québec et a des formulaires à produire auprès du gouvernement, même si cette personne-là est enregistrée ? parce que enregistrer, c'est juste se doter d'une raison sociale, mais ça demeure la même personne au yeux de la loi ? le compromis, c'était que la personne physique avait le droit de communiquer avec l'administration en anglais du moment qu'elle avait exprimé ce souhait-là. Once incorporated, you didn't have the right to deal with the administration in the language of your choice anymore. But it's one of those lines that was drawn and it's one of those compromises that's been part of the game ever since.
Mr. Chairman, I think it's important to realize that the systematic aspect of change or trying to force in one direction isn't only on one side. Je vais vous donner un exemple. J'ai ici une lettre ? et, avec la permission de son auteur, je vais dévoiler le contenu ? de Harold Forrester, qui est un citoyen qui habite dans mon comté et qui est propriétaire d'une entreprise, seul, c'est-à-dire que c'est une personne physique, il n'est pas incorporé. Et voici ce qui vient de changer cette année. C'est les formulaires qui viennent de sortir de l'Inspecteur général des institutions financières. Contrairement à l'usage qui est instauré depuis 23 ans maintenant, voici que, cette année, il a reçu ces formulaires en langue anglaise ? parce que c'est une personne physique ? avec, estampillé par-dessus, ceci: «Note. This form is meant to help you to complete the French version of the declaration and so must not be completed.» C'est nouveau, ça vient juste de s'inventer cette année, ça.
Alors, le compromis honorable qui était contenu dans la Charte de la langue française, on est en train de le contourner avec une directive. M. Forrester couvre des documents avec sa lettre, qui dit: Écoute, moi, je ne comprends pas à quoi on joue. Déjà, il était obligé, depuis plus de 20 ans, à chaque année ? parce qu'on refusait de tenir un registre ? il fallait qu'il reformule la demande. Ça, c'est du fligne-flagne administratif. Si quelqu'un ne veut pas tenir un registre, O.K, la personne est obligée de formuler une demande à chaque année. Soit. Ça aurait peut-être été plus facile et moins cher pour le contribuable de constituer un registre à l'IGIF, mais c'était correct.
n(11 h 40)n Je veux savoir de la part de la ministre si elle est au courant de ça, si elle a été consultée là-dessus et, le cas échéant, qu'est-ce qu'elle entend faire pour qu'on respecte le compromis de départ qui était contenu dans la Charte de la langue française.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Alors, non, je n'étais pas au courant, c'est la première nouvelle que j'en ai. Et je me suis retournée vers M. Corbeil, le sous-ministre responsable de la politique linguistique. Visiblement, lui non plus n'était pas au courant. Donc, je n'ai pas été consultée. Ce que je vais faire, je vais...
M. Mulcair: Je vais vous donner une copie.
Mme Beaudoin: C'est ça, vous me donnez une copie, et je vais m'en enquérir, parce que j'ai toujours pensé, en effet, que cette distinction entre personne physique et personne morale faisait partie de la Charte. Et je sais, par exemple, parce que je m'en suis enquise, qu'à la Régie de l'assurance maladie, eh bien, il y a un certain nombre de Québécois ? qui sont autour, je ne sais pas, de 12 %, quelque chose comme ça ? qui demandent les formulaires de la Régie de l'assurance maladie en anglais comme personnes, etc., qui les obtiennent sans aucun problème, et la seule vérification que j'aie faite, ça a été justement auprès de la Régie de l'assurance maladie pour voir comment ça se passait, et on m'a dit que ça se passait bien. Donc, j'en prends connaissance...
Document déposé
Le Président (M. Rioux): Et j'accepte le dépôt du document.
Mme Beaudoin: ... ? c'est ça ? et puis je vous répondrai...
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Beaudoin: ...bien évidemment, dès qu'on aura, quand même, consulté l'Inspecteur général des institutions financières.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Mulcair: J'apprécie beaucoup la réponse et l'attitude de la ministre là-dessus. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.
État de la langue française au Canada
M. Beaulne: Oui, M. le Président. Vous me permettrez, en préambule de ma question, d'apporter certains commentaires à ceux de mon collègue de Chomedey. D'abord, je pense qu'il est important de préciser que notre collègue de Frontenac n'est pas un ancien journaliste mais un ancien professeur, d'une part, et que, deuxièmement, la question qu'il a posée et la manière dont il l'a formulée reflètent très bien la nature du débat qui a lieu en ce moment au Québec, et je dirais même à travers le monde, quant à la survivance et à l'utilisation de langues autres que l'anglais, c'est-à-dire ce débat auquel on est confronté continuellement ici entre, d'une part, ceux qui insistent sur les droits individuels, par rapport à ceux qui veulent y greffer également les droits collectifs. C'est dans ce sens-là que mon collègue a posé la question et c'est dans ce sens-là qu'il faut également l'interpréter.
Ceci étant dit, j'aimerais aussi revenir sur un échange qui s'est déroulé en début de session entre le député d'Outremont et notre collègue ministre quant à la sociologie de la langue. Il y a quelques années, Roger Duhamel, qu'on appelait pendant plusieurs années l'Imprimeur de la reine, natif du Manitoba, avait commenté le jugement de la Cour suprême du Canada obligeant la province du Manitoba à traduire en français toutes ses lois depuis son accès à la fédération canadienne, avait qualifié le jugement de la Cour suprême de la manière suivante, il avait dit: C'est bien joli d'exiger qu'on traduise en français des textes pour des fantômes, dans le sens où il devient de plus en plus préoccupant de constater l'érosion de l'utilisation de la langue française à l'extérieur des frontières du Québec. La sociologie de la langue, je veux bien, mais la sociologie de la langue suppose que, pour qu'une langue soit vivante, il faut qu'il y ait des gens qui la parlent.
Dans ce sens-là, Mme la ministre, dans votre présentation, vous avez fait allusion à la publication d'un document du Secrétariat à la politique linguistique sur l'état de la langue française non seulement au Québec, mais au Canada, et j'aimerais que vous nous en rappeliez certaines des grandes lignes, puisque ça peut expliquer en grande partie pourquoi les Québécois francophones se préoccupent de cette question-là et ont parfois ce que certains appelleraient un sentiment de protection de la langue française.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci, M. le député. Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui. Je pense que c'est en effet une question extrêmement intéressante que vous posez. Je voulais juste ajouter... Dans le fond, quand on parlait, tout à l'heure, pourquoi... C'est parce que c'est une chose, moi aussi, qui me préoccupe énormément, le sentiment d'insécurité, c'est quoi, les faits qui font que... etc., et je crois qu'il faut ajouter à tout ce que j'ai dit tout à l'heure sur la mondialisation, et sur les nouvelles technologies, puis la nouvelle donne internationale, et puis tout ça, cette guérilla judiciaire, parce que le sentiment que, je pense, en tout cas, on peut avoir en regardant tout ça puis en voyant le programme d'Alliance Québec et tout, c'est que... Moi, je souhaite que ce ne soit qu'une minorité, justement, d'anglophones qui pensent ça puis qui veulent ça. Je n'en suis pas tout à fait convaincue, parce que, quand on a fait la commission parlementaire sur la loi n° 40, j'ai été étonnée d'entendre d'autres organismes anglophones et d'autres représentants d'organismes anglophones... Quand je leur posais carrément la question: Est-ce que vous acceptez la loi 101 dans son architecture, disons, générale? On peut ne pas être d'accord avec ceci ou cela. Puis la plupart m'avaient répondu non, qu'ils n'étaient pas d'accord avec la Charte de la langue française. Et je me souviens que la directrice du Devoir de l'époque avait été étonnée de ma surprise, parce que je m'étais déclarée très surprise de ça, puis elle m'avait dit que mon étonnement était étonnant. Donc, est-ce que ça reflète, justement, autre chose? Et donc, de voir ça tous les jours puis: Oui, on conteste ceci, puis c'est ça, on se dit: Oui, ils ne sont pas d'accord. Alors donc, qu'est-ce que ça va donner? Puis les tribunaux puis... Bon. C'est certainement un élément de l'insécurité.
Le taux d'assimilation linguistique de la population francophone au Canada, dans ce magnifique petit document dont je félicite le Secrétariat ? parce qu'il y a tout là-dedans: répartition de la population du Québec selon la langue maternelle, répartition de la population du Québec selon la langue d'usage ? puis c'est bien fait ? le bilinguisme, le taux de bilinguisme français-anglais au Québec, taux de trilinguisme au Québec, le pourcentage d'allophones qui étudient en français au Québec ? alors c'est intéressant, quand même ? l'assimilation vers le français ou l'anglais des allophones et des immigrants allophones du Québec ayant effectué un transfert, enfin, etc... C'est très bien fait, et, moi, je me promène partout avec ça ? c'est non seulement mon bikini et ma brosse à dents, mais c'est aussi le survol, donc, de la dynamique des langues ? parce que c'est très utile à distribuer à nos interlocuteurs qui souvent connaissent mal, que ce soit en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine ou ailleurs, cette question, puis c'est tellement de chiffres qu'à un moment donné, quand on les donne comme ça par coeur sans références, nous-mêmes on est mêlés. Alors donc, c'est un instrument que je vous recommande dans chacun de vos déplacements.
Alors donc, c'est clair qu'au Québec c'est zéro. Ah! C'est formidable. Dans l'Ouest ? donc, on va prendre les provinces une par une ? c'est, en 1996, 71 %, en Colombie-Britannique, le taux d'assimilation; en Alberta, 68 %; en Saskatchewan, 71 %; au Manitoba, 53 %; en Ontario ? c'est peut-être là où c'est le plus inquiétant ? 39 % ? puis on voit qu'ils ne sont pas beaucoup aidés tout le temps, quand on regarde Montfort, Ottawa, etc.; au Nouveau-Brunswick, 8 %; Nouvelle-Écosse, 43 %; Île-du-Prince-Édouard, 47 %; Terre-Neuve, 58 % Territoires du Nord-Ouest, 57 %; Yukon, 53 %. Et vous savez que ce qui est intéressant là-dedans, c'est que ça nous provient du recensement canadien; ce n'est pas nous qui avons cherché et trouvé ces chiffres-là. Alors, voilà.
Puis, si on regarde, dans le fond, le nombre de francophones, si vous voulez, au Canada, c'est, là aussi, un peu inquiétant. Au Québec, on est quand même à 81,5 %, mais vous savez qu'au Canada on est rendu en bas de 24 %, c'est-à-dire à 23,5 %. Je veux dire: Donc, tu sais, il y a une diminution du poids démographique et donc du poids politique des francophones au Canada.
Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont.
Distinction entre assimilation linguistique
et pratique intensive du bilinguisme
M. Laporte: Oui. Moi, je voudrais... Encore là, il s'agit d'une opinion: J'aurais tellement souhaité qu'on examine cette question-là du point de vue sociolinguistique. Mais ça n'a jamais été fait, ni par le fédéral ni par le provincial.
n(11 h 50)n Mais moi, j'ai toujours beaucoup, beaucoup, beaucoup de difficulté à accepter l'indicateur de langue d'usage comme étant une mesure non ambiguë d'assimilation linguistique. Évidemment, là il y a des expériences personnelles. Moi, j'ai deux filles qui vivent à Toronto et j'en ai une qui est mère de famille et j'ai des gendres... J'ai un gendre, en tout cas, qui, en plus d'avoir passé des semaines à Jonquière pour apprendre le français, se fait un honneur de le parler dans toute la mesure du possible, en tout cas, lorsqu'il vient à Montréal. Mon petit-fils, qui a huit ans, est bilingue. Mais il reste que, dans la maison, chez eux, dans la grande majorité des cas, la langue d'usage, c'est l'anglais, n'est-ce pas. Mais qu'on vienne me dire ensuite que ma fille est une assimilée, je vous avoue sincèrement que ça me pose un vrai problème, parce que ce n'est pas une assimilée, O.K., elle continue à parler un français qui est égal à celui qu'elle parlait lorsqu'elle était au Québec, et ainsi de suite.
Donc, dans ces données-là ? et je me suis toujours posé la question ? quelle est la part de ces données qui sont des mesures valides du concept d'assimilation et quelle est la part de ces données qui sont des mesures du concept de bilinguisme, d'une pratique du bilinguisme?
Je vais finir par une anecdote. Un jour, je me trouvais dans un dîner ? il y a tout de même longtemps de ça, peut-être 15 ans ? à Montréal, et j'avais devant moi ? j'étais à ce moment-là à l'Office de la langue française ? à ma table un monsieur qui me dit, comme ça... On parlait, puis il me dit: Vous savez, moi et ma femme, à la maison, on parle anglais. Ah! Bien, j'ai dit: Vous voulez me dire que votre femme est une anglophone? Mais pas du tout! Ma femme, comme il disait, c'est une Québécoise. Oui, mais, j'ai dit, qu'est-ce que c'est que ça, cette pratique de l'anglais à la maison? Il dit: C'est parce qu'on se prépare à partir pour le Manitoba, O.K., puis on pratique notre anglais à la maison.
Donc, il y a quelque chose dans ces données-là... Je ne nie pas qu'il y ait, disons, une assimilation linguistique, mais j'ai toujours pensé qu'il y avait un écart entre ce qui est mesuré comme étant une assimilation linguistique... Puis l'assimilation linguistique ? vous avez parmi vos collaborateurs des gens qui sont capables d'en parler d'une façon savante ? c'est un comportement, c'est un rapport à une langue qui est un rapport très, très, très spécifique. Il y a des études qui ont été faites sur qu'est-ce qui se produit lorsqu'une langue est assimilée et qu'est-ce qui se produit lorsqu'il y a assimilation, et je pense que, dans ces données-là, il y a une partie de ce qu'on mesure comme étant de l'assimilation linguistique qui est une pratique intensive du bilinguisme.
Est-ce qu'il y aurait moyen ? c'est là qu'est ma question, Mme la ministre ? à un moment donné, que vous demandiez au Conseil de la langue française d'essayer, au Québec, de faire une étude qui nous amènerait à pouvoir départager les deux phénomènes qui sont mesurés par le même indicateur? Évidemment, tant et aussi longtemps qu'on tombe dans les données de Charles Castonguay et les données de Termotte, qui ne sont pas des données sociolinguistiques, mais des données de démographie, on se retrouve dans l'incapacité de pouvoir faire le départage. Mais je pense que ce serait utile de pouvoir le faire, et j'ai toujours ce malaise, lorsque je regarde les données, de me dire: Qu'est-ce qui est assimilation, qu'est-ce qui est bilinguisme habituel sans assimilation? Parce que c'est Fishman qui a développé cette théorie de la diglossie dans laquelle il y a du bilinguisme d'assimilation et du bilinguisme de non-assimilation, de complémentarité entre les langues.
Donc, là on revient aux propos que j'ai tenus au début sur la question de l'insécurité linguistique, c'est-à-dire que des données comme ça l'alimentent, l'insécurité linguistique. Est-ce que je peux poser une autre question, M. le Président?
Le Président (M. Rioux): Oui, rapidement, très rapidement.
M. Laporte: Bien là, c'est-à-dire que l'autre question que je voulais poser... J'en avais beaucoup, mais là on n'a pas de...
Le Président (M. Rioux): Ce qu'on va faire, là, c'est que la ministre fera un commentaire sur ce que vous avez dit tout à l'heure ? je pense que ça mérite un commentaire...
M. Laporte: Il y aurait bien des petites questions...
Le Président (M. Rioux): ... ? et allez-y pour votre question, puis on va clore avec ça.
Politique relative aux immigrants allophones
M. Laporte: Il y aurait beaucoup de petites questions particulières que j'aurais à poser à la ministre, mais là, il nous manque de temps; ce n'est pas beaucoup, une heure et demie.
Mais là, ce que je veux savoir, c'est l'opinion de la ministre là-dessus et voir ce qu'ils ont l'intention de faire du point de vue de l'examen de la politique. Je regardais dernièrement des données sur l'immigration, et la ministre disait plus tôt, puis c'est tout à fait exact, que, lorsqu'on examinait les enjeux puis les défis de l'aménagement de la politique linguistique du Québec dans les années soixante-dix, la problématique de l'immigration était bien différente. En 1996, 1997, 1998, au Québec, à Montréal, il y a, parmi les immigrants qui sont entrés ? autour de... je ne sais pas, je n'ai pas le nombre exact, mais c'est certainement plus de 20 000 ? ...
Mme Beaudoin: Oui, oui.
M. Laporte: ... ? il y a 8 000 immigrants qui ne sont ni de langue française ni de langue anglaise. Et, lorsqu'on regarde les statistiques du point de vue de la provenance, à Montréal, la pluralité des immigrants qui sont entrés en 1998 sont de provenance de l'Asie et du Pacifique. Là, évidemment, dans l'Asie, il y a toute la partie des immigrants qui viennent du Vietnam, enfin, qui sont présumément francophones.
Mais la question que je me suis posée en examinant ces données-là ? puis, évidemment, ça recoupe à la fois votre mandat puis celui du ministre des Citoyens, le ministre Perreault: Où est-ce que l'immigration se place dans votre vision des priorités des organismes au cours des prochaines décennies? Parce que là, il y a vraiment un défi majeur, et je vois que, dans vos... J'ai été un peu étonné, par exemple, de constater ? mais peut-être, encore là, est-ce une perception un peu fautive ? que, dans le travail qui est dirigé par M. Plourde, il y a relativement peu d'importance d'accordée à cette question-là.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, Mme la ministre, vous allez nous ramasser ça en deux minutes?
Distinction entre assimilation linguistique
et pratique intensive du bilinguisme (suite)
Mme Beaudoin: Oui, c'est ça. Écoutez, sur toute la question assimilation, etc., je veux juste vous faire remarquer que le taux de bilinguisme des anglophones du Canada est de 6,9 %, pas beaucoup. Il y a encore de l'espace, là. Je veux dire, c'est quand même assez étonnant. Moi, ça, c'est un chiffre que celui-là... Quand on regarde Canada hors Québec, taux de bilinguisme français-anglais au Canada, les francophones hors Québec sont à 84 % bilingues de toute façon, 83,8 %. Les francophones hors Québec, vous me direz, ils n'ont comme pas le choix, là. Bon. Chez nous au Québec, vous voyez que c'est à 33 %. 83 %, et seulement 6,9 % des anglophones du Canada hors Québec, parce que, au Québec, les anglophones sont quand même plus bilingues, comme vous le voyez, les anglophones sont bilingues à 61 %, etc.
Donc, c'est quand même un chiffre inquiétant dans un pays où la loi des langues officielles... puis où tout le monde devait être bilingue ou je ne sais pas quoi. Mais, ceci étant, je le mets quand même en rapport avec le taux d'assimilation, il n'y a pas beaucoup d'anglophones bilingues au Canada, donc c'est pour ça que la langue d'usage, à un moment donné, doit devenir en tout cas ce qu'elle devient.
Politique relative
aux immigrants allophones (suite)
Ce que vous dites sur l'immigration est extrêmement important et extrêmement pertinent. Il faut savoir que le Québec ne choisit, bon an, mal an, qu'environ la moitié de ses immigrants, et, là-dedans, il y a beaucoup d'immigrants investisseurs qui viennent effectivement d'Asie, etc., et c'est là-dessus qu'on peut travailler, c'est seulement sur ceux qu'on choisit. Pendant longtemps, ce n'était que 40 %. C'est tout récent, là, qu'on en a choisi à peu près la moitié sur 30 000.
Donc, le ministre de l'Immigration a fait un énorme effort pour que, dans sa grille, justement, de choix, de sélection, la connaissance de la langue française comme langue première ou seconde, ou encore ce qu'on appelle les francothropes, donc ceux qui auront plus tendance à s'intégrer, donc les Latino, enfin, des Italiens, que sais-je... Mais c'est une problématique qui, pour le XXIe siècle, est fondamentale, compte tenu de ce qu'on disait tout à l'heure, de la dénatalité et de la situation dans laquelle on se trouve, à 1,4 de taux de renouvellement.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, Mme la ministre. Je sais que le temps à consacrer à nos travaux était de 1 h 30 min. On a commencé en retard. Alors, pour dépasser midi, ça me prend un consentement unanime. On aurait huit minutes, il nous resterait huit minutes en banque. Ça nous permettrait une question du côté ministériel et une question du côté de l'opposition.
Mme Beaudoin: Oui.
Des voix: Oui, d'accord.
n(12 heures)nLe Président (M. Rioux): Alors, il y a un accord? Très bien. Alors, je vais donner la parole au député d'Iberville pour une brève question.
Bilan de la présence francophone
sur l'île de Montréal
M. Bergeron: Merci, M. le Président. On est un peu coincé dans le temps.
J'aimerais un peu répliquer à la question de l'insécurité existentielle. Lors de mes études, j'avais lu un livre qui s'appelait L'existentialisme est un humanisme, de Jean-Paul Sartre.
Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!
M. Bergeron:«Existentielle», «existentialisme», nous sommes d'abord doublement humanistes.
Mais je veux parler de Montréal, parce que Montréal ? n'étant pas un député montréalais, mais Montréal, j'y ai fait mes études ? c'est le coeur, c'est le poumon et, en quelque sorte, c'est la vitrine du Québec. Vous avez déposé, je pense, un document de réflexion, Mme la ministre, il y a un certain temps, sur l'avenir du français à Montréal. Je regardais les statistiques sur ce petit document-là, où il y avait des choses que je trouvais... comme la présence des francophones sur l'île de Montréal, qui est très préoccupante. J'aimerais vous entendre, dans le peu de temps qui nous est imparti, sur toute la question montréalaise.
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui. Effectivement, quand on regarde la situation à Montréal, moi, la question fondamentale que je pose, elle est la suivante. Quand on me dit: Ce n'est pas grave si les francophones ? de toutes origines, d'ailleurs; je ne parle pas des francophones de souche, là, mais je parle des francophones de toutes origines... Même s'ils deviennent minoritaires, disons, dans, je ne sais pas, 15 ans, 20 ans ? il y a des démographes qui, en effet, faisant des projections, nous disent ça ? ce n'est pas grave. Moi, la question que je pose ? et je la pose dans le document, en fait, et le gouvernement la pose, puisque ce document auquel vous faites référence a été adopté en Conseil des ministres ? c'est: Est-ce que c'est vrai que ça n'a pas d'importance qu'on soit de moins en moins nombreux, les francophones de toutes origines, pour intégrer en quelque sorte et franciser de plus en plus d'immigrants? Je veux dire, c'est quelque chose de mathématique en quelque part.
Déjà, ce n'est pas facile d'intégrer les immigrants à Montréal, pour une bonne raison: c'est que, c'est normal, l'immigration internationale se concentre à Montréal, et il faut bien dire que l'étalement urbain a été fortement francophone dans les couronnes nord et sud que nous représentons ? je veux dire couronne sud tous les deux, vous encore un peu plus loin, on est rendu dans la troisième couronne chez vous et dans la deuxième chez moi ? et que, donc, l'immigration internationale, justement, est largement non francophone, enfin, etc. Donc, tous ces phénomènes, avec l'accroissement naturel faible dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est l'ensemble de ces tendances, en quelque sorte ? et je pose la question, en effet: Est-ce que... Pour moi, en effet, c'est préoccupant, parce que je crois personnellement qu'il faut être une masse critique, et je le dis avec Marc Levine dans La reconquête de Montréal? d'ailleurs, j'ai mis quelques phrases en exergue, dans mon document, de M. Levine, qui a écrit ces... ? et M. Fishman aussi, qui va publier, me dit-on, bientôt un nouveau livre et qui va faire référence au Québec, à la Catalogne et à Israël, qui sont ses...
Une voix: ...
Mme Beaudoin: Non, mais il en fait un nouveau, là. Alors donc, dans cette perspective de La reconquête de Montréal qui est celle de Marc Levine, eh bien, il dit, lui aussi, et plusieurs sociolinguistes et démographes le disent aussi: Il faut une masse critique. Voilà!
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. Alors, M. le député d'Outremont, vous avez la dernière question. Question rapide, réponse rapide...
M. Laporte: Bien, c'est-à-dire, si je peux faire un commentaire là-dessus, M. le Président...
Le Président (M. Rioux): Vous avez droit à un commentaire.
M. Laporte: Écoutez. D'abord, premièrement, les démographes qui prédisent que le français sera une langue minoritaire à Montréal, je ne les ai pas vus, ceux-là, encore. Lisée en parle d'ailleurs dans son livre, où ce qu'il mentionne bien, à partir des études des démographes, c'est que, malgré tout ? enfin, dans les années qu'on peut prévoir; si on se place dans les années 2099, moi, les prévisions démographiques, j'ai beaucoup de réserves là-dessus ? disons que les francophones vont demeurer la pluralité, le groupe le plus nombreux.
Mme Beaudoin: Ah! O.K., la pluralité.
M. Laporte: Quand on est ministre, peut-être que ce n'est pas la même chose, mais la politique, c'est un peu ce que, moi, ça m'apporte, c'est-à-dire, la politique, ça nous donne des expériences concrètes.
L'autre jour, par exemple, j'ai assisté à une parade de mode dans une école de mon comté qui s'appelle l'école Outremont, qui est une école à 95 % allophone, comme on dit, c'est-à-dire que, vraiment, il y avait très, très peu de descendants des anciens colons français dans cette cérémonie...
Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!
M. Laporte: ...mais tout se déroulait en français. Puis j'ai parlé aux gens, aux professeurs puis je leur ai dit: Écoutez, dans les cours d'école, qu'est-ce qui se passe? Eux autres, ils m'ont dit: Écoute, ça se passe très largement en français dans les cours d'école, mais, évidemment, les gens sont aussi bilingues. Donc, tant et aussi longtemps qu'on garde un encadrement scolaire qui est vigilant du point de vue de la norme, moi, je n'ai pas de problème avec ça. Donc, disons que ça ne stimule pas mon insécurité linguistique, l'école Outremont.
Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!
M. Laporte: Donc, ça, c'est toujours des questions d'opinion, mais une anecdote, par exemple, c'est que ? je l'ai mentionné déjà, mais ça, c'est des données sur lesquelles nous n'avons pas d'écho ? un soir, je me retrouve chez Chapters dans une lecture de poésie et j'entends un jeune poète pakistanais lire ses poèmes en français. Je suis allé le voir ensuite et je lui ai dit: Vous êtes arrivé il y a quoi, quatre générations? Non, non, il dit, moi, je suis né au Pakistan. Donc, il y a des petites tendances. Et ça, j'aimerais donc ça que les organismes qui sont responsables de surveiller la situation nous permettent un regard plus fréquent sur ces petites tendances qui sont favorables au français.
Mesures prévues
en ce qui concerne les villes bilingues
Là, les questions que j'aurais à poser à la ministre, et d'abord, la première question, c'est ? parce que ça, c'est des inquiétudes que je vous communique, là: En ce qui concerne la réorganisation des municipalités, qu'est-ce qui va arriver avec le statut des villes bilingues? J'entendais l'autre jour Peter Trent, de Westmount, qui disait que, dans le ? je n'ai pas vérifié, là ? ...
Mme Beaudoin: Le livre blanc.
M. Laporte: ...livre blanc de Mme Harel, ce qu'on prévoit, c'est que ces villes bilingues, en vertu de l'article 29.1, perdent leur statut d'exception ou leur statut particulier.
Mme Beaudoin: Oui.
Le Président (M. Rioux): Quelques mots là-dessus, Mme la ministre.
Mme Beaudoin: Oui.
Le Président (M. Rioux): S'il vous plaît.
M. Laporte: Ça, ça fait frémir un peu nos...
Le Président (M. Rioux): Ça va, M. le député d'Outremont.
M. Laporte: Ce n'est pas une façon de calmer ce que vous appeliez tantôt l'activisme anglophone d'Alliance Québec.
Mme Beaudoin: Oui. Ce que je veux vous dire quand même là-dessus: C'est vrai, ce que vous a dit M. Trent, et c'est dans le livre blanc de Mme Harel que Montréal, quelle que soit la reconfiguration, etc., donc, demeurera une ville francophone et qu'il n'y aura pas ces districts bilingues, si vous voulez, ou ce qui avait été évoqué. Des districts bilingues, ça n'existe pas dans la Charte de la langue française, puis il n'y aura pas de districts bilingues.
Mais je veux quand même vous faire remarquer, M. le Président, et c'est important: On a vérifié, et il y a quand même 67 % des anglophones de l'île de Montréal qui ne vivent pas sous 29.1. Donc, une forte majorité d'anglophones qui vivent à Outremont, par exemple, je présume ? parce que ce n'est pas une ville bilingue...
M. Laporte: Oui.
Mme Beaudoin: ...Outremont n'est pas sous 29.1 ? et d'autres villes, les autres villes de la Communauté urbaine, etc., il y en a 67 % qui vivent en dehors des villes bilingues et qui reçoivent, comme vous le savez, individuellement les services en anglais dont ils ont besoin, à la ville de Montréal entre autres. Donc, qu'il y en ait 100 % qui soient sous le régime général ou 67 %, je veux dire... En tout cas, on peut en discuter, là, mais, moi, je vous dis que, dans le livre blanc de Mme Harel, en effet, c'est bien ce qui a été dit.
Je voudrais juste terminer en disant: Vive les commissions scolaires linguistiques.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, Mme la ministre...
M. Laporte: Mais, sur ça, M. le Président...
Le Président (M. Rioux): C'est écoulé, mais je vais te permettre rapidement, très, très rapidement.
M. Laporte: ...j'en profiterais pour faire encore un commentaire, mais, encore là...
Le Président (M. Rioux): Ça sera un commentaire.
M. Laporte: ...il faut être vraiment très nuancé, mais c'est sur le discours. Écoutez, dans mon comté, non seulement j'ai des anglophones qui ne vivent pas dans des municipalités exemptées en vertu du 29.1, mais, l'autre jour, je suis allé à un cocktail d'écrivains et d'écrivaines, et, là-bas, dans mon comté, sur la quarantaine de personnes qui étaient dans ce cocktail-là, il y avait cinq ou six personnes qui, dans mon comté, sont des anglophones et qui écrivent des livres en français.
Mme Beaudoin: Bien oui, mais c'est formidable!
M. Laporte: Mme Sodestrom, David Homel...
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, ce qu'on aura compris...
Mme Beaudoin: Oui.
M. Laporte: Mais c'est ça, les petites tendances dont je parle.
Mme Beaudoin: Oui, oui!
Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont...
Mme Beaudoin: Je les perçois, moi aussi.
M. Laporte: Il faudrait...
Mme Beaudoin: Je les perçois, moi aussi, M. le député d'Outremont.
Le Président (M. Rioux): Donc, s'il vous plaît...
Mme Beaudoin: Oui, on est d'accord.
Le Président (M. Rioux): Merci. Bien oui!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Ce que j'ai compris, c'est qu'il veut des analyses un peu plus fines sur «bilinguisation» et «assimilation» et des analyses un peu plus fines sur les petites tendances dont on a parlé.
M. Laporte: De la microgestion de la Charte.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup.
Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!
M. Laporte: Ha, ha, ha!
n(12 h 10)nLe Président (M. Rioux): Je voudrais vous dire, Mme la ministre, en terminant, que je suis très heureux d'un petit paragraphe que vous avez inséré dans votre texte ? qui est passé très vite, hélas: vous avez identifié la langue de travail comme un puissant levier d'intégration des immigrants à la communauté francophone. Il fut un temps, c'était l'école, tout le monde a partagé ça, on a eu l'occasion d'en parler ensemble à quelques reprises. Mais je suis convaincu que, lorsqu'on travaille en français, c'est un excellent moyen d'apprendre la langue et de la faire sienne.
Adoption des crédits
Est-ce que les crédits du programme 2, Charte la langue française, sont adoptés?
Des voix: Adopté.
M. Laporte: Sur division.
Des voix: Ah!
M. Laporte: Ah! Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? La discipline de parti, madame. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires pour l'année financière 2000-2001 du ministère des Relations internationales sont adoptés?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Rioux): Adopté. Est-ce que je dois... Sur division ou adopté tout court?
M. Laporte: Sur division.
Le Président (M. Rioux): Sur division.
M. Laporte: On me dit que ce n'est pas la discipline du parti, mais...
Une voix: Non? Ah, bon.
Le Président (M. Rioux): Alors, chacun sa discipline. Alors, moi, la mienne...
Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): ...c'est de vous dire qu'on ajourne nos travaux. Ça nous a fait plaisir de vous accueillir, Mme la ministre, avec vos collègues et M. le député d'Outremont. Merci, chers collègues. À la prochaine.
(Fin de la séance à 12 h 11)