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(Quatorze heures seize minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture ouvre
ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est le suivant: il
s'agit pour elle de procéder à l'étude des crédits
budgétaires des organismes relevant du ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française pour l'année
financière 1993-1994.
Je demanderais à M. le secrétaire de bien vouloir nous
indiquer s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Fradet
(Vimont) est remplacé par M. Lafrance (Iberville); M. Khelfa (Richelieu)
est remplacé par M. Kehoe (Cha-pleau) et M. Leclerc (Taschereau) est
remplacé par M. Houde (Berthier).
Le Président (M. Doyon): Alors, en souhaitant la bienvenue
à M. le ministre, ainsi qu'à tous les membres de cette
commission, ainsi qu'aux fonctionnaires qui accompagnent M. le ministre, je
leur indique que nous commençons maintenant parce qu'il a
été convenu vendredi que nous devancerions l'heure; nous devions
commencer à 14 heures. Ça a été fait de
consentement. Alors, je rappelle ça pour qu'on comprenne bien pourquoi
nous commençons maintenant. Il n'est pas question d'éviter quoi
que ce soit. C'est une entente qu'il y a eu entre les parties. Nous finirons
donc normalement à 18 h 20, un consentement étant requis pour
continuer après 18 heures.
Tout d'abord, j'inviterais M. le ministre, s'il le veut bien, à
nous faire part des remarques préliminaires ou des remarques de nature
générale qu'il peut avoir à nous soumettre et,
après ça, Mme la députée de Chicou-timi pourra
faire la même chose si elle le juge à propos.
M. le ministre, vous avez la parole.
Remarques préliminaires M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, il me fait grand plaisir de
rencontrer de nouveau cette année les membres de la commission de la
culture pour l'examen des crédits du ministère chargé de
l'application de la Charte de la langue française.
À l'occasion de cet examen annuel, nous traçons
généralement un rapide bilan de l'action accomplie au cours de
l'année écoulée et de l'action entrevue au cours de
l'année à venir. Je serai plus bref que d'ordinaire cette
année, parce que nous avons eu amplement l'occasion de discuter au cours
des dernières semaines, et nous l'aurons encore au cours des semaines
à venir. Je m'en tiendrai à certaines données de base qui
devraient me permettre de ramener ma présentation liminaire à une
durée aussi voisine que possible de la période de 20 minutes, qui
est prévue pour l'intervention de chaque député.
Au plan démographique, je voudrais tout d'abord souligner
certaines données qui se dégagent des résultats qui
commencent à nous parvenir au sujet du recensement fédéral
de 1991. Ce recensement contient les données les plus récentes et
les plus complètes concernant l'évolution démographique du
Québec. Il ne sera pas mauvais d'y faire quelques renvois afin d'avoir
une idée juste de la situation de base au sein de laquelle nous sommes
appelés à agir. selon les rapports du recensement de 1991, 83,3 %
des québécois déclaraient posséder le
français comme langue maternelle en 1991 comparativement à 84,6 %
en 1981. à première vue, il s'agit là d'un recul. si l'on
analyse toutefois les données, on constate que l'on inclut pour la
première fois dans le recensement de 1991 les réponses en
provenance de non-résidents. comme les non-résidents qui sont au
pays sont en forte majorité d'une langue autre que le français,
pour des raisons qui sont faciles à comprendre, il faut faire la part
des choses quand on interprète les données. d'ailleurs, fort
heureusement, dans les rapports que nous possédons, on établit
cette distinction de manière à éviter toute confusion.
i
(14 h 20)
On constate également que l'immigration accrue des
dernières années a produit ses effets. En 1985, nous accueillions
au Québec environ 15 000 immigrants par année. Cette
année, nous en accueillerons près de 50 000. Et le nombre total
d'immigrants admis au cours des 5 dernières années a
été supérieur, en moyenne, à 40 000 par
année. Alors, il est inévitable... Comme les immigrants viennent
en très grande majorité de pays de langue autre que la langue
française, il n'est pas étonnant que ces données se
reflètent dans les données générales de la
population.
L'effet combiné de ces 2 facteurs a contribué à
produire ce pourcentage de 83,3 % de Québécois de langue
maternelle française comparé à un pourcentage de 84,6 % en
1981. Remarquons qu'entre ces 2 années, 1981 et 1991, il s'est
également produit une diminution de l'importance relative de l'anglais,
langue maternelle. Même en Ontario, le pourcentage des citoyens de langue
maternelle anglaise est moins élevé en 1991 qu'il ne
l'était en 1981, pour les mêmes raisons que je viens d'invoquer.
Par conséquent, je préviendrais mes collègues contre toute
tentation d'interprétation facile de ces données.
Alors, ces chiffres traduisant une diversification accrue de la
population viennent confirmer des observations qu'il nous est donné de
faire tous les jours dans la vie quotidienne, en particulier pour ceux qui
vivent dans la grande région de Montréal. Vous savez comme moi
qu'au-delà de 92 % des immigrants qui viennent au Québec
s'établissent dans la région de Montréal. Par
conséquent, dans cette région, le phénomène de
diversification est visible à l'oeil nu, et les données du
recensement viennent confirmer ce que savaient déjà, par
l'observation quotidienne, les personnes les moindrement attentives à ce
qui se passe autour d'elles. si l'on examine ensuite les données
relatives à la langue d'usage, on constate que l'importance du
français n'a cessé de progresser depuis 2 décennies. en
1971, 80,8 % des québécois déclaraient avoir le
français comme langue d'usage. en 1981, ce pourcentage était de
82,8 %. abstraction faite des réponses des non-résidents dont
j'ai parlé tantôt, comparant toujours des pommes avec des pommes,
ce pourcentage était de 83,4 % en 1991. en contrepartie, la place de
l'anglais comme langue d'usage a connu une diminution graduelle. elle
était de 14,7 % en 1971, elle est passée à 12,3 % en 1981
et elle n'était plus que de 11,1 % en 1991. en chiffres bruts, la
population ayant le français comme langue d'usage a augmenté de
15,9 % au cours des 20 dernières années, soit une augmentation de
quelque 776 000 personnes. pendant la même période, la population
comptant l'anglais comme langue d'usage a diminué de quelque 130 000
personnes, soit une baisse de 15,6 %. à la lumière de ces
chiffres, il n'est pas étonnant que l'on observe également un
redressement progressif de la situation en ce qui touche les transferts
linguistiques. tout d'abord, l'importance relative des transferts dans
l'ensemble de la population a tendance à diminuer. en outre, on observe
une augmentation significative du pourcentage des transferts qui se font en
faveur du français, et ce, autant chez les anglophones que chez les
allophones. à propos du recensement fédéral de 1991, de
nombreux observateurs ont souligné, à juste titre, l'importance
qu'il faut accorder aux données touchant la région de
montréal. cette région est la plus importante du québec au
plan démographique. elle est celle où la diversité
ethnique et culturelle est la plus forte. elle est aussi celle qui exerce la
plus forte attraction culturelle, sociale et économique sur l'ensemble
du québec. c'est dans la région de montréal que
s'établissent, dans une proportion supérieure à 92 %, les
immigrants qui viennent s'implanter au québec. et, vu l'augmentation
récente de l'immigration, le phénomène n'en est que plus
important.
Nous ne disposons malheureusement pas, à l'heure actuelle, de
données détaillées du recensement concernant l'île
de Montréal et les villes de l'île de Montréal. Nous
disposons de données agrégatives concernant
l'agglomération métropolitaine de Montréal,
c'est-à-dire la région métropolitaine de recensement, qui
est beaucoup plus large que la seule ville ou la seule île de
Montréal. Or, ces données établissent que les langues
maternelles autres que le français ont gagné du terrain au
détriment et du français et de l'anglais entre 1971 et 1981.
pendant cette période, le pourcentage des personnes ayant une langue
maternelle autre que le français est passé de 12 % à 16,1
% dans l'agglomération métropolitaine. la proportion des
personnes ayant le français comme langue maternelle est passée,
elle, de 66,2 % à 68,4 % ça, c'est entre 1971 et 1991, au
cours des 20 dernières années après avoir
touché un sommet de 69,7 % en 1981. le pourcentage des personnes ayant
l'anglais comme langue maternelle est passé de 21,7 % en 1971 à
15,5 % en 1991. même si les données relatives à l'île
de montréal ne sont pas encore disponibles, les observateurs
prévoient cependant une nouvelle augmentation de la place occupée
par les personnes ayant des langues maternelles autres que le français.
selon une estimation faite par le politicologue américain david levine
à l'occasion d'un colloque tenu il y a quelques mois sous les auspices
du conseil de la langue française, il se pourrait que la place relative
du français langue maternelle soit passée, entre 1971 et 1991,
à quelque 55,7 %, que la place de l'anglais soit passée à
quelque 20 % et que celle des autres langues maternelles soit passée
à quelque 23,3 %. ce sont là des pronostics. ces données
doivent être disponibles; elles le sont peut-être pour les experts
à l'heure où nous nous parlons, mais, moi, je n'ai pas eu le
temps d'en prendre connaissance si elles ont été rendues
disponibles au cours des dernières semaines.
Dans ce contexte de plus en plus diversifié, le problème,
ce n'est pas de ratiociner interminablement sur la langue maternelle au sujet
de laquelle nous ne pouvons rien. Si une personne arrive du Cambodge au
Québec, sa langue maternelle, c'est le cambodgien. On pourra faire
toutes les analyses scientifiques qu'on voudra, c'est une donnée
d'expérience commune, d'observation courante. Ce qui est important,
c'est le choix de la langue d'usage que feront ces personnes. D'où
l'importance des mesures prises par le gouvernement pour favoriser
l'intégration des nouveaux venus dans le secteur francophone. et,
à cet égard, je pense pouvoir signaler de nouveau cette
année que des progrès importants ont été accomplis
au cours des dernières années, et je vais en mentionner
quelques-uns rapidement. en matière de fréquentation scolaire, de
1980 à 1990, la proportion du total des élèves qui
étaient inscrits à l'enseignement en français, au primaire
et au secondaire, public et privé subventionné, pour l'ensemble
du québec, est passée de 86,2 % à 90,3 %. de 1980 à
1990, dans la région du grand montréal, la proportion du total
des élèves qui étaient inscrits à l'enseignement en
français est passée de 78,6 % à 85,5 %. et, pour
l'ensemble du québec, de 1980 à 1990, la proportion des
élèves allophones inscrits à l'enseignement en
français est passée de 38,7 % à 75,5 %. au niveau
collégial, les élèves allophones ont choisi en 1990
l'enseignement en français dans une proportion de 41 % comparativement
à 14 % en 1980. au plan de l'économie, je pense que les
progrès accomplis au cours des 20 dernières années
sont
également très significatifs, et je vais en donner
quelques rapides illustrations. (14 h 30) d'abord, la propriété
des entreprises. en 1961, étaient sous contrôle francophone 47,1 %
des entreprises. en 1987, ce pourcentage était passé à 60
%. la part des emplois qui sont sous contrôle francophone ou autre a
connu la même augmentation: 47 % en 1961, et elle est rendue à 60
% en 1987. la représentation francophone dans les cadres et chez les
dirigeants d'entreprise: en 1969, notre représentation était de
34,6 %, en 1987; elle est passée à 58 %. l'utilisation du
français au travail: je pense que m. laporte, président du
conseil de la langue française, qui est avec nous aujourd'hui, pourra
tantôt fournir des explications additionnelles à ce sujet,
à la lumière de travaux récents auxquels le conseil de la
langue française a été associé, mais,
déjà, suivant les dernières données dont nous
disposons pour la mise au point de la publication «indicateurs de la
situation linguistique au québec», édition 1992, on
constatait que le français était utilisé pendant 90 % ou
plus du temps de travail par 73 % des travailleurs dans l'ensemble du
québec et 56 % des travailleurs dans la région du montréal
métropolitain. dans le cas du montréal métropolitain, ceci
représente, pour la période de 1979 à 1989, une
augmentation de 5 points. alors, voilà quelques exemples qui suffisent,
me semble-t-il, à fournir une introduction constructive aux
échanges que nous aurons tantôt.
Je voudrais dire maintenant quelques mots sur les orientations que nous
envisageons pour la prochaine année. Tout d'abord, le travail du
gouvernement continuera de s'effectuer, en matière linguistique, par
l'intermédiaire des organismes institués à cette fin par
l'Assemblée nationale, et je veux dire l'Office de la langue
française, la Commission de protection de la langue française, le
Conseil de la langue française, la Commission de toponymie et enfin
celui-là n'a pas été institué par
législation mais par décision administrative le
Secrétariat à la politique linguistique dont le responsable, M.
Guy Dumas, m'accompagne présentement à cette table.
Au cours des échanges que nous aurons, je souhaite que chaque
président d'organisme ait la chance de dire devant les membres de la
commission les intentions qu'il nourrit pour la prochaine année et de
fournir toutes les explications qu'on voudra requérir sur le travail
à accomplir au cours de l'année 1993-1994. Je me borne à
souligner, pour l'instant, l'appréciation du gouvernement à
l'endroit de chacun de ces organismes et des personnes qui en assurent la
direction ou qui contribuent à l'accomplissement de leur mission
respective. Le travail s'accomplit dans un climat de collaboration, de
complémentarité aussi. Je crois qu'il est nécessaire
d'avoir des organismes qui accomplissent de la façon la plus impartiale
possible la mission délicate que le gouvernement s'est vu confier par
l'Assemblée nationale en matière de promotion du français
comme langue commune des Québécois. Encore une fois,
j'espère que nous aurons l'occasion d'échanger avec les
représentants de ces organismes et que nous pourrons apprendre des
choses très intéressantes.
Les organismes chargés de la langue n'échappent pas
à la discipline budgétaire qu'a dû s'imposer le
gouvernement. Nous avons traité les organismes chargés de la
langue de la même façon que les autres organismes; ils ont
été appelés à faire des sacrifices au point de vue
des effectifs. On leur a demandé d'entrer dans ce programme-là,
de réduction progressive des effectifs administratifs du gouvernement,
qui devrait permettre de réduire de 10 % le total des postes qui
existent actuellement dans la fonction publique, à Québec.
Déjà, pour le présent exercice, celui qui a
commencé le 1er avril, nous pourrons constater, en allant dans les
renseignements plus détaillés, tantôt, que les compressions
ont été effectuées dans l'esprit dont je viens de parler.
Mais, étant sauves ces restrictions, pour le reste, les organismes se
voient attribuer des crédits qui sont sensiblement de même nature,
de même importance que ceux qui leur avaient été
accordés au cours de l'année dernière et des années
précédentes.
On voudra sans doute tantôt et nous le ferons avec plaisir
orienter la discussion du côté des changements que nous
envisageons dans l'ordre législatif. Nous avons laissé entendre
dès l'automne dernier que le gouvernement envisageait de faire un
certain nombre d'ajustements à la Charte de la langue française.
Ce n'était pas un caprice d'un jour, ce n'étaient pas des propos
qui avaient été échappés de manière
improvisée; ces propos traduisaient l'intention du gouvernement. Et,
dans cette veine, je demandais, en décembre dernier, au Conseil de la
langue française de fournir au gouvernement un avis au sujet de 5
questions que je proposais à sa réflexion. Une de ces questions
touchait la langue de l'affichage; une seconde question traitait de la langue
d'enseignement; une troisième question traitait des organismes jouissant
d'une reconnaissance à titre d'organisme pouvant utiliser une langue
autre que le français, en vertu de l'article 113f de la Charte; une
autre question traitait de la santé et la sécurité dans
l'affichage et la signalisation routière et, enfin, la cinquième
question traitait de la langue de travail dans les entreprises comptant moins
de 50 employés. Je remercie le Conseil d'avoir répondu avec
diligence aux questions qui lui avaient été adressées, et
ce, à l'intérieur du délai imparti, ce qui a grandement
facilité le travail d'étude et de réflexion du
gouvernement.
Le Conseil ayant livré son avis, le gouvernement a
également vu à obtenir l'avis du conseil général du
Parti libéral du Québec au cours de la dernière fin de
semaine. Le gouvernement a été attentif également aux
indications que les médias nous ont apportées quant à
l'état de l'opinion publique sur ces questions. Nous avions
indiqué, dès 1988, qu'en matière linguistique il incombe
au gouvernement d'agir en tenant compte de l'état de l'opinion, pas
parce que les indications que nous pouvons détenir aujourd'hui sur
l'état de l'opinion seraient infaillibles ou seraient la mesure ultime
ou absolue à l'aune de laquelle il faudrait définir toute
intention ou intervention gouvernementale, pas du tout.
II y a une certaine correspondance qu'en bon réalisme le
gouvernement doit chercher à réaliser entre ses interventions.
À un moment donné de l'évolution d'une
société, il nous est apparu, à nous, du gouvernement, que
les orientations retenues en fin de semaine par le Parti libéral du
Québec traduisent, en gros, l'état de l'opinion à ce
moment-ci. Et nous croyons que le moment est venu d'agir sur certains aspects
de la Charte de la langue française sur la question de l'affichage. Nous
envisageons de proposer prochainement des modifications législatives qui
permettront de tenir compte, de manière différente de ce qu'on
avait antérieurement défini, de certaines attentes de la
population à cet égard. (14 h 40)
En matière de langue d'enseignement, je pense que la
résolution adoptée en fin de semaine traduit clairement la
volonté du Parti libéral. Je reviens sur la première
question, mais il y a un petit point que je voudrais souligner, M. le
Président, avec votre permission. C'est que j'ai entendu des gens dire:
On retourne vers le bilinguisme intégral. Ce n'est pas exactement le
sens de la résolution. On peut bien l'étirer, la torturer si on
veut ça, ça fait partie du débat public mais
ce que la résolution dit, à ma connaissance, c'est que, d'abord,
il y aura le français obligatoire partout, en tout temps;
deuxièmement, le français devra occuper une place
prédominante, laquelle devra être définie avec une
précision particulière dans le cas des grandes entreprises
comptant plus de 50 employés; on dit, troisièmement, qu'il sera
possible d'utiliser également une autre langue moyennant les conditions
qui ont été employées avant. Il pourra arriver qu'une
autre langue ce soit l'anglais ce sera très souvent l'anglais
il pourra arriver que ce soit l'italien, le grec ou l'hébreu, ou
une autre langue. Le législateur ne va pas dans ces modalités. En
plus, il y a un dernier élément de la proposition adoptée
en fin de semaine qui prévoit que, pour les panneaux-réclame,
pour les modes d'affichage qui ne sont pas faits sur et dans les lieux de
l'entreprise, là, ce sera la règle de l'unilinguisme
français qui continuera de prévaloir.
Voilà la résolution qui a été adoptée
en fin de semaine. Le gouvernement aura à se prononcer sur cette
résolution au cours des 2 prochaines semaines. Il aura à faire
son lit de manière définitive sous la forme d'un projet de loi
qui sera ensuite communiqué à l'Assemblée nationale. Mais
voilà le sens exact. Il comporte 4 éléments. Je pense
qu'on ne peut pas abstraire l'un de ces éléments-là sans
déformer le sens qu'ont voulu lui donner les personnes présentes
à la réunion du conseil général en fin de
semaine.
Seconde question. Sur la langue d'enseignement, je pense que la
réponse apportée par le conseil général est claire.
On dit: Les immigrants devront continuer de fréquenter l'école
française. Dans ce sens, toutes les personnes immigrantes et leurs
enfants devront fréquenter l'école française. J'ai entendu
de nombreux reportages... pas de nombreux, parce que je n'en ai pas
écouté beaucoup. Je vais être franc avec vous, j'en ai
entendu un ce matin en particulier. C'était la deuxième fois que
ça retenait mon attention. On dit: On va élargir sur la langue
d'affichage et, pour la langue d'enseignement, ça demeure la même
chose pour le moment en laissant entendre que demain ça va
peut-être être le contraire. Puis il y avait une espèce de
suggestion disant que ça pouvait être le contraire.
Peut-être qu'ils ont parlé sous l'influence de la
députée de Chicoutimi, mais je crois que vous devez prendre cette
résolution-là au sens qui lui a été donné.
Il appartiendra au gouvernement de se prononcer. Très bien. Mais, pour
le moment, moi, ce que je lis ici, c'est que toutes les personnes immigrantes
et leurs enfants devront fréquenter l'école française.
C'est une orientation qui va plus loin que certaines adaptations qu'on pourra
faire ici et là pour des cas particuliers, comme on a déjà
fait.
Je me souviens, à ce sujet-là, quand nous avons
modifié la Charte pour tenir compte des cas exceptionnellement graves
qui étaient portés à l'attention du législateur, la
députée de Chicoutimi a proclamé partout à travers
le Québec que c'était une porte ouverte et qu'on allait avoir un
débordement, un déferlement d'exceptions. Elle pourra prendre
connaissance des chiffres, ils font partie du dossier que nous sommes
appelés à examiner. Il y a à peu près une trentaine
de dérogations par année depuis 5 ou 6 ans. C'est tout ce qu'il y
a eu. La Commission d'appel a exercé son travail de manière
extrêmement consciencieuse. Elle a tenu compte de certaines situations
qui étaient évidemment et exceptionnellement graves. Mais il
pourrait arriver que des ajustements de cette nature s'imposent encore; on ne
saurait les exclure. Mais la règle de fond demeure ceci, et je pense
qu'à un moment donné il faut bien qu'on prenne les textes pour ce
qu'ils disent; puis ce texte-ci me semble très clair de ce point de vue
là, à moins que je ne sache pas lire. J'étais
présent, et je pense que tout le monde a compris ça parmi les
personnes qui étaient présentes.
J'en viens à la troisième question, la question des
certificats, la reconnaissance accordée à certains organismes par
l'Office de la langue française au titre de la composition de leur
clientèle. Dans le cas des organismes dont la clientèle est en
majorité d'une langue autre que le français, l'organisme doit
accorder une reconnaissance spéciale qui autorise l'affichage bilingue
moyennant que le français soit prédominant, et,
deuxièmement, l'utilisation de l'anglais dans le travail interne, dans
les communications internes, comme langue de travail, etc.
De ce point de vue là, il y a un problème qui se pose,
c'est celui du seuil d'admissibilité qui est fixé actuellement
à une barre très élevée, plus élevée
que ce qu'on trouve dans n'importe quelle législation comparable
ailleurs. Mais ce n'est pas touché dans la résolution du parti.
Le parti ne parle pas de cet aspect-là. Par conséquent, je pense
qu'on peut présumer qu'il n'est pas question de modifications à
ce chapitre-là. Sauf que des problèmes se sont posés
concernant le retrait d'une reconnaissance déjà accordée.
En bonne logique, je dirais, bureaucratique, on pourrait dire: Bien, ce qui a
servi de critère pour l'octroi du statut, on va l'utiliser
également pour le retrait. C'est une forme de raisonnement qui se
défend. On peut également dire: Ce qui a
été donné sous forme de reconnaissance ne peut pas
être enlevé de la même manière que ça a
été donné étant donné les
conséquences. Les conséquences d'une reconnaissance, c'est qu'on
accroît la possibilité d'action souple d'un organisme au service
de sa clientèle. Si vous retirez la reconnaissance, là, vous
limitez ses moyens singulièrement. Puis on est en droit de se demander:
Est-ce que c'est parce que vous êtes rendu à 48 % que vous avez
moins de responsabilités envers votre clientèle que si vous
étiez à 51 %? Ça, c'est la question qui s'est posée
dans la pratique. Et le Parti libéral du Québec en est venu
judicieusement à la conclusion que le retrait n'est pas un acte de
même nature que l'octroi de la reconnaissance. Par conséquent, il
faudrait que le retrait soit assujetti à des conditions
différentes, qui laissent un petit peu plus d'espace pour, respirer aux
organismes concernés et qui les impliquent, même, dans la
décision. Alors, voilà une question au sujet de laquelle des
recommandations seront faites prochainement au gouvernement dans le sens
qu'indique, je pense bien, la résolution adoptée par le Parti
libéral.
Il y avait également des problèmes qui se posaient
concernant l'affichage et la signalisation routière. Sous l'angle de la
santé et de la sécurité publique, il arrive des situations
où l'affichage ne peut présentement être fait qu'en
français, mais qui présentent des dangers graves pour la
sécurité. Je vous donne un exemple: si vous êtes dans un
centre de ski privé, l'affichage dans une autre langue, pour des raisons
de sécurité, n'est pas autorisé par la loi actuelle,
tandis que, si vous êtes dans un centre de ski public, comme le mont
Sainte-Anne, là, on peut utiliser l'affichage dans une autre langue, en
vertu d'un autre article de la Charte. Ça, il y a évidemment une
harmonisation qui s'impose. Je pense que tout le monde en conviendra. Si nous
élargissons les dispositions relatives à l'affichage, il n'y aura
peut-être pas besoin d'avoir quelque chose de spécial
là-dessus; ce sera peut-être couvert dans l'amélioration
générale qui sera apportée.
L'autre cas, c'est celui de la signalisation routière. On avait
formé un comité, il y a quelques années, sous la
présidence de M. Jean-Claude Rondeau, le président-directeur
général de l'Office de la langue française, lequel avait
conclu qu'il n'était pas besoin de recourir à une autre langue
dans l'affichage, qu'on pouvait s'en remettre à des pictogrammes
là où c'était nécessaire d'avoir des indications
pour tout le monde. Je pense bien que la résolution adoptée en
fin de semaine va dans ce sens-là. Il reste les cas où il
n'existerait pas de pictogrammes communément acceptés ou
acceptables. Le plus bel exemple est celui de Sainte-Madeleine, que je cite
souvent. Quand on se dirige vers Québec à partir de
Montréal, il y a une zone où le brouillard est très
dangereux. Il y a une grosse affiche qui a été mise depuis une
couple d'années: «Danger, risques de brouillard»; puis,
ça, il n'existe pas de pictogramme pour celui-là.
Là, le gouvernement est obligé de s'interroger sur des cas
comme ceux-là. Je pense que tout le monde conviendra que, pour des cas
où il n'existera pas de solution par voie de pictogramme, le ministre
est assez grand pour savoir ce qu'il aura à faire. On verra dans le
temps. Vous verrez des textes qui vous seront présentés in
tempore utile, en temps utile, là-dessus. Mais je ne voudrais pas qu'on
parte dans les brancards, parce qu'on risquerait de se casser une jambe pour
peu de chose.
Je finis avec la cinquième question qui avait été
adressée au Conseil: la question traitant de la langue de travail dans
les entreprises de moins de 50 employés. Le Conseil, comme vous le
savez, a recommandé au gouvernement de ne pas recourir à des
méthodes coercitives à l'endroit des entreprises de moins de 50
employés. Il a recommandé de ne pas recourir à des
méthodes coercitives parce que ces méthodes ne sont pas la
meilleure façon de régler les problèmes infiniment
diversifiés auxquels on fait face en matière de langue de travail
dans les petites et moyennes entreprises comptant moins de 50 employés.
(14 h 50) nous sommes très conscients des écueils que
présenterait le recours à des mesures coercitives à cet
égard et nous sommes à mettre au point des modifications qui
permettraient d'améliorer l'efficacité de l'action de l'office de
la langue française auprès des entreprises de 50 employés
et moins. déjà, l'office a institué depuis 2 ou 3 ans un
programme de prise de contact avec ces entreprises. chaque année,
environ 900 à 1000 entreprises ont été visitées par
des représentants de l'office. et on demande aux entreprises, à
l'occasion de ces visites, si l'office peut leur être utile dans la
réalisation des objectifs de la charte à l'intérieur de
l'entreprise. les rapports que l'on m'a remis indiquent que, dans
au-delà de 90 % des cas, l'accueil de l'employeur est très
favorable et qu'il en résulte des échanges construc-tifs, et
souvent des propositions ou des projets qui permettent de porter une attention
plus grande aux problèmes de la langue de travail dans ces entreprises.
nous entendons continuer dans ce sens-là. on verra en temps utile. d'ici
peu de temps, on sera en mesure de faire connaître les intentions
législatives du gouvernement à cet égard, mais nous
verrons à améliorer les conditions dans lesquelles l'office est
appelé à travailler dans ce genre de dossier.
Voilà, M. le Président, pour l'essentiel. Il y a
peut-être un certain nombre d'autres questions sur lesquelles il faudra
s'interroger. Je vous donne juste un exemple: la Charte est
rédigée actuellement comme elle l'était au début,
même dans des chapitres qui ont fait l'objet d'interventions très
importantes des tribunaux. Nous appliquons la clause Canada depuis le jugement
de la Cour suprême rendu sous le Parti québécois, mais le
texte de la Charte en est resté à la formulation de 1977. Il y a
des ajustements qui vont s'imposer. Moi, j'ai un texte ici, c'est marqué
«Dernière modification, 1er janvier 1991». La personne qui
lit ça, de toute bonne foi va être portée à dire:
C'est ça, la loi. Mais ce qu'on dit sur la langue d'enseignement, ce
n'est pas ça. C'est changé depuis ce temps-là. La clause
Canada fait partie de notre manière de fonctionner. Il va falloir se
deman-
der: Est-ce qu'on va ajuster le texte de manière à
respecter la jurisprudence des tribunaux ou si on va continuer de se tromper
soi-même en se disant: Ça, ça n'existe pas pour nous
autres? On a passé une petite résolution, un petit groupe:
Ça n'existe pas pour nous. Il faudra qu'on dise si ça existe ou
non. On va poser la question et on verra quelle sera la réponse. Dans
mon cas à moi, je n'ai pas beaucoup d'hésitation. Je pense que
tout le monde sait mon attachement à la clause Canada. Si je la
pratique, je n'ai aucune hésitation à le dire franchement; et la
place pour le dire, généralement, c'est dans le texte de loi.
Alors, ça, ce sont des exemples de choses qui demandent à
être examinées.
Je pense que j'en ai dit un nombre suffisant d'exemples pour... Le
président me regarde maintenant d'un oeil un peu plus
sévère. Je conclus là-dessus, M. le Président, en
assurant mes collègues que nous allons aborder ce débat dans
l'esprit serein et constructif qui s'impose et dans le seul souci de bien
servir toute la population. Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Alors, Mme la députée de Chicoutimi, vous disposez d'un
temps semblable pour nous faire part de vos remarques préliminaires et
autres réflexions de nature générale.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le Président, membres de la commission, M. le ministre,
membres des différents organismes responsables de l'application de la
Charte, je dois vous dire tout de suite, d'entrée de jeu, que je me suis
réjouie en entendant le ministre nous dire qu'il allait parler 20
minutes, en me disant: Ça va nous changer; l'an passé, il avait
fait 45 minutes. Mais, finalement, donc, j'ai préparé un texte
qui prendra peut-être un peu plus de temps, mais probablement pas plus de
45 minutes.
L'étude des crédits budgétaires est un des rares
moments où les parlementaires peuvent prendre du temps pour passer en
revue, en compagnie du ministre responsable, l'activité de chacun des
ministères. À chaque année, il nous est en effet possible
de scruter de très près les orientations et les actions du
gouvernement. Cette année, l'étude des crédits des
organismes relevant du ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française revêt une importance toute particulière,
car nous aurons à nous prononcer dans quelques semaines sur
d'importantes modifications de la Charte de la langue française. Et
j'ajouterais: ça fait mi-sérieux, le fait qu'on examine les
crédits des organismes, alors que, vraisemblablement, leur avenir est
remis en cause. Est-ce que ça sera dans le courant de l'année,
dans les prochains mois, d'ici le mois de juin? Le ministre, là-dessus,
ne nous a pas donné d'indications très claires, mais on sait
maintenant que le ministre responsable s'apprête à engager tout le
Québec dans un débat déchirant qui mine et gruge beaucoup
de nos énergies. Cette perspective n'a, en ce qui me concerne, rien de
réjouissant, car nous avions atteint une certaine paix linguistique. Ce
climat devrait nous inciter à travailler davantage pour sortir le
Québec de la crise économique majeure où il se trouve
actuellement. Le chômage endémique, la pauvreté, le
décrochage scolaire, le dépeuplement des régions
commandent le déploiement de toutes nos énergies. Le gouvernement
n'est donc pas justifié de nous lancer dans un débat
déchirant qui non seulement ne solutionnera pas la crise actuelle, mais
ne sert, en fait, que d'écran pour la camoufler.
C'est pourtant en utilisant cette toile de fond
d'insécurité économique que le gouvernement tente de
convaincre les Québécois et les Québécoises de la
justesse de sa position dans le dossier linguistique. Sous prétexte que
des dispositions législatives prescrivent l'utilisation de l'anglais
dans l'affichage commercial extérieur, certains affirment que cette loi
indispose d'éventuels investisseurs étrangers. Toutefois, aucun
exemple précis n'est fourni pour appuyer cette prétention. C'est
un peu comme les accidents qui seraient reliés, sur nos routes, aux
affichages unilingues français; je n'ai pas eu beaucoup de
démonstrations à cet effet.
Bien que, dans le rapport Scowen on se rappellera le rapport
Scowen, intitulé «Réglementer mieux et moins», au
sujet des effets de la législation linguistique sur la
compétitivité des entreprises il est dit, et je cite:
«L'impact de la réglementation sur la compétitivité
des entreprises est faible», d'autres parlent de l'accès à
l'école anglaise, invoquent les dispositions de la loi afin de nous
convaincre qu'elles empêchent les étrangers de venir s'installer
au Québec. Encore une fois, la preuve reste à faire. D'autres
invoqueront l'avis du Comité des droits de l'homme de l'ONU pour
justifier le bilinguisme intégral dans l'affichage, et ce, avant
même d'en avoir fait une analyse approfondie.
Le gouvernement optera-t-il pour une interprétation plus
limitative de l'avis du Comité des droits de l'homme ou optera-t-il pour
une interprétation plus extensive de cet avis, sensible qu'il est
à l'humeur de l'électorat anglophone? La réponse est
désormais claire: le Parti libéral, sous la houlette du ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française, a
choisi, en fin de semaine, la seconde voie et s'apprête à
déposer un projet de loi qui ramènera le Québec 15 ans en
arrière quoi qu'en dise le ministre au bilinguisme
intégral tel qu'il existait au moment de l'adoption de la loi 101. Le
Parti libéral a choisi, en fin de semaine, de permettre le bilinguisme
intégral pour toutes les entreprises, qu'elles soient incorporées
ou enregistrées, qu'elles aient 5, 50 ou 500 employés. Bien plus,
le gouvernement affaiblirait les dispositions relatives à l'accès
à l'école anglaise et abolirait les 4 organismes responsables de
l'application de la Charte pour n'en créer qu'un seul.
Sans nous attarder davantage sur cet avis que nous trouvons
décevant, soulignons que, pour la seconde fois, on fait reproche au
gouvernement libéral d'avoir mal défendu la loi 101. La
première fois, ce reproche émanait de la Cour suprême du
Canada qui, en 1988, jugeait les dispositions sur l'affichage commercial
français
comme contrevenant à la Charte des droits de la personne. Le
second reproche vient du Comité des droits de l'homme de l'ONU qui dit,
en page 16, et je cite: «II note le Comité que
l'État partie n'invoque aucun de ces arguments pour défendre la
loi 178. La nécessité de toute restriction reposant sur
l'alinéa a ou b [...] de l'article 19 devrait, en tout état de
cause, être prouvée.» La preuve n'a pas été
faite. Faute de preuve, donc, le Comité pense qu'il n'est pas
nécessaire, pour protéger les francophones en position
vulnérable au Canada, d'interdire la publicité en anglais.
Le reproche qu'on fait au gouvernement: le gouvernement aurait pu et
aurait dû fournir au comité des Nations unies des données,
entre autres sur la perception des allophones sur cette question, sur
l'influence de l'affichage unilingue français quant à la valeur
économique de la langue française et cette influence sur
l'utilisation du français au travail. Le Comité n'a pas
été saisi de telles données. Au-delà de ça,
je dois dire que, pour l'essentiel, la plaidoirie qui a été
présentée aux Nations unies trace un portrait extrêmement
fidèle de la situation de vulnérabilité et de
fragilité de la langue française au Québec. (15
heures)
Alors, à propos de la fragilité de la langue
française, M. le Président, il est évident que le temps
n'est pas encore venu pour des assouplissements majeurs à notre
législation linguistique. La situation du français est encore
fragile. Ce constat de fragilité, de vulnérabilité, c'est
le gouvernement lui-même qui le faisait dans la plaidoirie qu'il
présentait au Comité des droits de l'homme de l'ONU, il y a
à peine 1 an, plaidoirie fort intéressante et qui mérite
d'être citée afin de mieux comprendre le point de vue
gouvernemental en février 1992 et de le comparer aux actions qu'il
entend entreprendre dans les prochaines semaines. La vraie question qui se
pose, par rapport au portrait particulièrement alarmiste, mais
réaliste, je dirais non pas alarmiste, mais réaliste
que trace l'État dans sa plaidoirie: Qu'est-ce qu'il y a de
changé pour qu'on puisse revenir au bilinguisme intégral dans
l'affichage et à des modifications importantes dans différents
autres secteurs? J'y reviendrai. Je cite quelques paragraphes de cette
plaidoirie.
Parlant de la situation minoritaire des francophones, au Canada et en
Amérique du Nord, le gouvernement du Québec affirmait, toujours
en février 1992 ça fait 14 mois: «Tout au long de
leur histoire, les francophones ont dû lutter pour ne pas être
assimilés et pour maintenir l'héritage distinct de leurs
ancêtres demeurés sur le territoire conquis et cédé
à l'Angleterre par le traité de Paris, en 1763, et comprenant les
provinces désignées maintenant comme le Québec et
l'Ontario. Cette lutte a marqué l'histoire constitutionnelle du
Canada.»
Après cette affirmation, la plaidoirie québécoise
fait état d'événements historiques, de défaites
constitutionnelles du Québec, dont la dernière ce n'est
pas vraiment tout à fait la dernière; c'était la
dernière au moment de la rédaction de la plaidoirie celle
de
Meech qui, comme l'affirme le gouvernement, témoigne de la
nécessité pour les francophones, face aux dangers toujours
présents de voir leurs intérêts ignorés et
menacés, de chercher à protéger leur langue et leur
culture. On le constate, il s'agit là d'une affirmation lourde de
conséquences pour un gouvernement qui s'apprête à modifier
en profondeur et à affaiblir la Charte de la langue
française.
La défense du gouvernement du Québec ne s'arrête
pourtant pas là. D'autres extraits du texte sont tout aussi pertinents
et méritent qu'on s'y arrête quelques instants. Ainsi, parlant des
dispositions de la loi 178, qu'on est en train de jeter aux orties, le
gouvernement affirme: «La Charte de la langue française, telle que
modifiée par la loi 178, vise à pallier la situation
d'asymétrie existant entre 2 communautés linguistiques et
à assurer la paix linguistique au Québec.»
Plus loin, on trouve encore, toujours en parlant de la loi 178:
«Ces dispositions se sont révélées historiquement
nécessaires à l'établissement d'une paix linguistique
stable au Québec.» Qu'est-ce qui fait penser au ministre que la
stabilité actuelle est telle que ça ne menacera pas la paix
linguistique au Québec? Les sondages, je trouve ça
extrêmement fragile comme base d'argumentation et d'action en une
matière aussi sensible.
La conclusion de la plaidoirie mérite également
d'être citée pour éclairer les débats qui suivront:
«La Charte de la langue française, telle que modifiée par
la loi 178, vise à donner au Québec les moyens appropriés
pour conserver sa spécificité linguistique et donner aux
francophones un sentiment de sécurité linguistique propre
à assurer leur développement, de façon à les
placer, dans les faits, sur un pied d'égalité avec la
majorité anglophone du Canada, en vue d'assurer une coexistence paisible
de ces 2 groupes linguistiques.»
Après un tel discours, je le redis: Comment le ministre peut-il
prétendre que la question de l'affichage n'est que futilité ou
lubie de nationalistes, à moins qu'il ne le croie, ce qui expliquerait
l'absence de démonstration sur le sujet dans la plaidoirie du
Québec?
M. le Président, quiconque s'intéresse un tant soit peu
à la question de la langue est en droit de se demander ce qui a
changé au Québec depuis 1 an pour expliquer le recul
inquiétant, voire dangereux, que veut amorcer et imposer le gouvernement
du Québec. Il faut se rappeler qu'en 1988, avant l'adoption de la loi
178, le premier ministre se montrait très prudent quant à un
éventuel retour au bilinguisme dans l'affichage. À cet
égard, ses propos rapportés dans le Globe and Mail, du 3
décembre de la même année, sont éloquents. Parlant
de l'affichage bilingue, le premier ministre disait alors: «Je n'ai aucun
doute que de permettre des affiches bilingues dans le centre-ville de
Montréal ne pourrait, à long terme, que mener à
Fanglicisation du centre-ville. Si cette anglicisation se produit, cela aura un
effet infectieux partout ailleurs.» Les propos du premier ministre, sous
sa responsabilité en tant que chef du seul État francophone en
Amérique du Nord, sont encore plus pertinents: «II y a 62
gouvernements, disait-il, en Amérique du Nord, et seulement 1
répond à une majorité
d'électeurs francophones. Si mon gouvernement c'est le
premier ministre qui parle ne fait rien pour protéger la langue
et la culture française, qui le fera?» La question du premier
ministre contient la réponse: Aucun gouvernement, sinon celui du
Québec, ne peut protéger la langue française.
L'importance de l'affichage commercial. L'affichage commercial demeure
un symbole puissant, qui s'adresse d'abord aux Québécois des
communautés culturelles, qu'on tente, avec les outils dont nous
disposons, et qui sont malheureusement encore insuffisants dans ce cadre
fédéral, d'intégrer à la société
québécoise. Quel message lance-t-on? Au Québec, vous avez
le choix, cela se passe dans les 2 langues. Il n'est pas utile de parler le
français pour travailler, pour s'intégrer, pour fonctionner dans
la société québécoise.
Le défi qui nous attend, nous le savons tous, c'est
l'intégration à la majorité francophone des nouvelles et
nouveaux Québécois, qui nous arrivent par milliers chaque
année. Le gouvernement a-t-il fait enquête sur la question
auprès des immigrantes et des immigrants, des travailleuses et des
travailleurs pour mesurer l'influence de l'affichage unilingue sur les
comportements langagiers? S'il l'a fait, j'aimerais les connaître, et
ça pourrait peut-être un peu rafraîchir le débat, et
peut-être, également, nous rassurer quant à ses intentions.
les transferts linguistiques. les transferts linguistiques en faveur du
français demeurent un fait marginal, alors que l'anglais conserve un
pouvoir d'attraction incontestable. selon les données publiées
dans l'édition 1992 des indicateurs linguistiques, en 1986, des 102 620
transferts linguistiques effectués chez les allophones, 62 625,
c'est-à-dire 71 %, se font en faveur de l'anglais, alors que seulement
29 355, soit 29 %, sont favorables au français. c'est plus de 2 fois sur
3. cette situation est d'autant plus inquiétante si l'on se rappelle que
plus de 65 % des immigrantes et immigrants que nous avons accueillis entre 1987
et 1991 ne connaissaient pas le français, non plus évidemment que
l'anglais.
C'est à ces personnes que nous devons présenter un message
clair. Les atermoiements du ministre, de son gouvernement sont dangereux
à cet égard. Les dispositions actuelles de la Charte de la langue
française ne sont donc pas frivoles. La francisation progresse, mais
lentement. Tout à l'heure, j'écoutais le ministre qui nous
parlait il s'en réjouissait; je m'en réjouis
égalementdes progrès réalisés, grâce
à la loi 101, en matière d'accès à l'école
française, mais ça n'a rien à voir avec le laxisme du
présent gouvernement. Plusieurs se montrent favorables à des
modifications à la Charte de la langue française, en affirmant
que les progrès de la francisation sont considérables. Cela est
vrai, mais presque exclusivement dans le domaine scolaire. Ces progrès,
nous les devons aux dispositions de la loi 101, limitant l'accès
à l'école anglaise, loi adoptée par le gouvernement du
Parti québécois, une loi aux principes et aux modalités
d'application clairs, précis, équitables, faciles d'application
et sans rapport avec la concoction indigeste que nous mijote le gouvernement
libéral avec sa loi sur le bilinguisme, la loi du galon à
mesurer, la loi du mètre ou du pied-de-roi, selon la
génération, et, j'ajouterais, de l'échelle et de
l'escabeau, pour aller mesurer l'importance relative du français ou de
l'anglais dans les affiches.
Si la situation du français au travail s'est
améliorée, ses progrès sont fragiles. Les données
disponibles ne nous permettent pas de saisir le degré de francisation
des entreprises en fonction de leur localisation, à moins d'informations
récentes, que je serais heureuse de connaître. Pour le moment,
certaines données nous éclairent sur le pourcentage de temps
travaillé en français, en distinguant la région
métropolitaine du reste du Québec, mais ce n'est pas le cas pour
la certification des entreprises. Les certificats de francisation peuvent et
devraient favoriser l'expansion du français au travail. Y a-t-il un
suivi? A-t-on fait des évaluations pour mesurer les effets de la
certification sur les comportements langagiers des cadres, employés
francophones, anglophones comme allophones?
Rappelons que les dispositions relatives à la certification des
entreprises ne protègent que 1 travailleur sur 3. Sont exclus, les
employés des sociétés fédérales, ceux dont
l'emploi est soumis à la législation fédérale en
matière de langue, les milliers d'entreprises de moins de 50
employés et les quelque 300 sièges sociaux et centres de
recherche qui bénéficient d'exemptions les autorisant à
fonctionner en anglais. Il me semble qu'il serait pertinent que l'Office nous
fournisse ces données. (15 h 10)
Quant aux entreprises de 50 employés et moins, on ne sait rien de
leur degré de francisation. Sur cette question, des mesures
législatives devraient être envisagées dans les meilleurs
délais. Ces entreprises sont souvent le premier contact que les
immigrantes et les immigrants ont avec le marché du travail, et leur
perception quant à la valeur économique du français s'en
trouve profondément imprégnée. À cet égard,
l'avis transmis au ministre par le Conseil de la langue française trace
des pistes d'action pertinentes. Le gouvernement devra cependant accorder des
crédits supplémentaires à l'Office, si on veut que le
travail se fasse aussi sérieusement. le pouvoir d'attraction du
français demeure fragile, et les quelques données qui suivent le
démontrent clairement. les allophones s'inscrivent encore
majoritairement aux collèges et universités de langue anglaise;
en 1990, 55,1 % des allophones choisissaient le cégep de langue
anglaise. faut-il ajouter, pour, un peu, attirer l'attention du ministre, que
les tergiversations de ce gouvernement ont fait passer les inscriptions des
élèves qui étudient en français, des allophones qui
étudient en français dans les écoles françaises,
qui fréquentaient, qui s'inscrivaient, à 81,2 % en 1986, dans les
cégeps français, le font, en 1990, dans une proportion de 72,6 %?
évidemment, je n'ai pas les données plus récentes de 1991
et 1992, mais ce que ça signifie, c'est que, chaque fois qu'on
relâche, chaque fois qu'il y a du laxisme, chaque fois qu'on laisse le
message à l'effet que ce n'est pas important, le français, il y a
une modification dans
les comportements, et je pense que celui-là parle de façon
fort éloquente. en ce qui a trait aux universités, c'est, encore
aujourd'hui c'est toujours les données de 1990 57,1 % qui
fréquentent et s'inscrivent, les allophones, à
l'université anglaise.
La proportion d'élèves francophones dans les écoles
de l'île de Montréal demeure très préoccupante. Ce
n'est un secret pour personne, et encore moins pour le ministre, qui le
signalait tout à l'heure. Il nous dit qu'il n'a pas vraiment de
données là-dessus. Il serait urgent qu'il s'en procure, parce
que, la situation, elle est préoccupante sur l'île de
Montréal. Évidemment, le portrait change totalement, pour ne pas
dire radicalement, quand on prend les données incluant et englobant
toute la grande région métropolitaine; évidemment, que
ça n'a pas le même impact. Mais, si on regarde sur l'île de
Montréal, et particulièrement dans les commissions scolaires
françaises là-bas, c'est inquiétant, parce que, depuis
1971, la proportion des francophones d'origine, dans les écoles de
l'île de Montréal, a constamment décliné, pour
s'établir à 52,5 % en 1989. Avons-nous, actuellement, seulement
les 50 %? On entendra peut-être un organisme nous donner des
données plus précises à cet égard. Le
démographe Michel Paillé prévoit même qu'en 1996 les
écoliers francophones de l'île de Montréal ne formeront
plus la majorité absolue si le nombre d'immigrants par année et
la forte concentration de ceux-ci sur l'île de Montréal demeurent
élevés. Chez les jeunes, surtout, la force d'attraction de
l'anglais dans les pratiques culturelles est inquiétante. En effet,
selon Uli Locher, les médias électroniques anglophones occupent
une place majeure dans la vie culturelle des francophones,
particulièrement aux endroits où l'offre d'émissions
anglophones équivaut à l'offre d'émissions en langue
française, comme à Hull, Montréal, par exemple. Je dirais,
probablement, qu'elle l'excède. Chez les jeunes francophones, la langue
anglaise est très présente dans les films et les spectacles, et
tout à fait dominante pour ce qui est des disques et des cassettes.
Ces quelques données illustrent éloquemment la
fragilité et la vulnérabilité du français, au
Québec, selon les termes mêmes du gouvernement, dans la plaidoirie
au Comité des droits de l'homme des Nations unies.
Évidemment, on pourra élaborer tout à l'heure sur
l'état du français à Montréal. Si on exclut le
secteur public, pour ne prendre que le secteur privé, c'est 51 %
seulement des travailleurs et des travailleuses, à Montréal, qui
travaillent en français pour la majeure partie du temps.
C'est sur cette toile de fond que s'ouvre le débat menant
à l'ultime manche d'une partie de bras de fer entre la majorité
francophone, Alliance Québec et ses porte-voix au sein du Conseil des
ministres. Sachons-le, si c'est l'euphorie chez ces derniers,
c'est-à-dire Alliance Québec, à l'aube du retour au
bilinguisme intégral dans l'affichage commercial, l'objectif
réel, c'est le libre choix en matière d'enseignement. Des
entrevues accordées au cours du conseil général du Parti
libéral, particulièrement par le ministre Ciaccia, il ressort que
ce n'est qu'une question de temps, de conditionnement des mentalités,
pour le moment. La prochaine étape, c'est l'accès des immigrants
à l'école anglaise.
Reconnaissons qu'Alliance Québec n'a jamais lâché
sur cette question. La moindre faille de la loi a été
exploitée sans vergogne. Tous les moyens sont bons pour contourner la
loi en matière d'accès à l'école anglaise:
l'invitation à la désobéissance civile, c'est ce qui nous
a donné les illégaux; l'école privée anglaise non
subventionnée, il s'agit de fréquenter 1 an et ça vous
donne accès à vous et à vos enfants et descendants,
ça constitue le tremplin pour l'accès au réseau public
anglais; les faux séjours temporaires et les raisons humanitaires se
font douteux. Enfin, le ministre responsable de la Charte de la langue
française en rajoute: il veut se donner de nouveaux pouvoirs
discrétionnaires pour affaiblir les dispositions actuelles touchant
l'accès à l'école anglaise.
La révision de la Charte de la langue française. M. le
Président, j'aimerais revenir au rendez-vous auquel nous conviera le
ministre dans les prochaines semaines, soit la révision en profondeur,
de façon marquante et importante, l'affaiblissement, en fait, de la
Charte de la langue française. Je tiens, d'abord, à rappeler au
ministre que ses actions précipitées ne pourront que nous
conduire à de fausses conclusions. Je crois que nous devrions analyser,
dans ses moindres détails, le récent avis du Comité des
droits de l'homme, aux Nations unies, avant de poser quelque geste que ce soit.
Cet avis, au-delà de la question de la liberté d'expression et de
l'affichage commercial, contient d'autres éléments fort
importants, dont il faut évaluer l'impact réel. À ce
chapitre, signalons que le Comité affirme que les
Anglo-Québécois ne sont pas une minorité et qu'à ce
titre ils ne sont pas victimes de discrimination. Nous savions
déjà l'une et l'autre chose, mais nous l'avions oublié,
obnubilés que nous sommes par le discours des pourfendeurs des droits
linguistiques qui, selon l'hypothèse la plus avantageuse, se
réclament soit de la majorité, soit de la minorité, ou
encore invoquent les droits individuels ou collectifs, quand ce n'est pas le
tout à la fois.
Vous en conviendrez avec moi, l'avis du Comité, selon lequel les
anglophones ne sont pas une minorité victime de discrimination, est
lourd de conséquence. Il pourrait, à la limite, avoir des effets
majeurs sur les protections supplémentaires que réclame la
communauté anglophone. Les services et les institutions qu'elle a le
droit d'administrer, en tant que minorité cégeps,
universités, hôpitaux pourraient, sur la base de l'avis de
l'ONU, être remis en question, n'en déplaise aux
représentants d'Alliance Québec. Mais que l'on me comprenne bien,
ce n'est pas la voie que je suggère d'emprunter. Cependant, si le
ministre veut et le gouvernement absolument se draper dans l'avis
des Nations unies, il devra avoir la cohérence de le faire de
façon totale et complète. Pour ma part, le comité des
Nations unies ne m'apprend rien de neuf en décrétant que les
Anglo-Québécois font partie de la majorité. Le rapport du
comité du Parti québécois sur le statut des anglophones
dans un Québec souverain le signalait déjà.
C'est dans la perspective de la souverainté que les
Anglo-Québécois deviendront une minoritée historique, et
c'est dans cette perspective qu'il faut lire les recommandations du rapport du
Parti québécois.
Le Comité reconnaît donc, parlant du comité des
Nations unies, comme l'a plaidé le gouvernement du Québec, que la
minorité, dans le cas qui nous préoccupe, ce sont les
francophones. Ce statut de minorité, comme le démontre avec
beaucoup de justesse Mme Lise Bissonnette dans son editorial de vendredi
dernier, vient en quelque sorte renforcer la légitimité de
l'action gouvernementale à l'égard de la protection de la langue
et de la culture françaises. «En et je cite
reconnaissant que la minorité détentrice de droits
spécifiques est francophone, l'ONU consolide même le fondement de
la loi québécoise.» (15 h 20)
On le constate, l'avis du comité de l'ONU fournit au gouvernement
du Québec, s'il sait en tirer partie, les arguments nécessaires
pour réaffirmer l'État français sur de nouvelles bases.
C'est cette voie que j'invite le ministre à prendre, du moins, c'est
celle que je croyais qu'il allait prendre en relisant le discours qu'il tenait
lors de l'adoption de la loi 178. le ministre disait alors, et je cite:
«Plusieurs soutinrent à l'époque, et je fus un de
ceux-là, que la loi 101 imposant l'unilinguisme allait trop loin et
brimait les droits individuels. Mais plusieurs, y compris celui qui vous parle,
ont découvert en cours de route et, moi, je l'ai fait à
travers 10 années de vie politique; il y en a qui prennent plus de temps
que d'autres à comprendre dans tous les coins du Québec, 2
réalités que j'avais été porté, je l'avoue
en toute simplicité, à sous-estimer en 1978, à savoir:
premièrement, l'attachement profond des Québécois
francophones pour la loi 101 et, deuxièmement, l'identification qui
s'est créée dans l'esprit de notre population francophone entre
le respect de la loi et la défense de la langue
française.»
Malheureusement, il semble clair maintenant que le directeur du
Devoir* qu'il fut jadis, a repris le dessus. Le ministre se fera-t-il
à nouveau le pourfendeur de la loi 101 que nous avons connu? Sera-t-il
tenté par l'élec-toralisme de bas étage qui, dans le cas
présent, menace les progrès difficilement acquis depuis 15
ans?
Je réitère enfin au ministre que toute modification
à la Charte de la langue française ne saurait être
envisageable sans la tenue d'une large consultation publique. Le ministre ne
peut se contenter du point de vue libéral, pas plus qu'il ne peut se
contenter d'une consultation limitée et particulière. En ce qui a
trait aux modifications qu'il entend apporter à la loi 101,
affaiblissement majeur, ça ne peut se faire sans un débat public
important, et il n'y a pas urgence en la matière, faut-il le rappeler,
puisque la clause dérogatoire ne vient à échéance
qu'en décembre prochain.
Le ministre doit faire appel aux solutions que peuvent lui proposer
l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Je
vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la dépu-
tée de Chicoutimi.
M. le député de D'Arcy-McGee, est-ce que vous voulez
intervenir?
M. Libman: Est-ce qu'on peut commencer avec des...
Le Président (M. Doyon): Oui, vous avez droit à des
remarques préliminaires, si vous voulez, oui.
M. Libman: Oh! Je préfère interroger le ministre,
M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Très bien. Est-ce qu'il y
a d'autres remarques préliminaires?
M. le ministre, est-ce que vous avez une réplique?
M. Claude Ryan
M. Ryan: Peut-être quelques commentaires, M. le
Président, si vous me permettez.
Quand j'entendais la députée de Chicoutimi dire: Si le
ministre veut se draper dans l'avis qui a été émis par le
comité de l'ONU sur les droits de l'homme... Je pense que je n'en ai pas
parlé dans ma présentation, je n'en ai pas dit un mot. Je ne
cherche pas à me draper derrière cet avis. Il fait partie du
dossier. Malheureusement, c'est une pièce très importante au
dossier. Si on veut en parler, je n'ai pas d'objection à ce qu'on en
discute, puis autant que possible pour éviter de lui faire dire le
contraire de ce qu'il dit.
J'écoutais, tantôt, la députée défiler
son argumentation puis, à l'écouter, on aurait été
amené à conclure le contraire de ce qu'a conclu le Comité
des droits de l'homme de l'ONU. Il est maître de son opinion. Il nous a
donné une conclusion qui est très forte. Je pense bien que,
à tout le moins, on doit l'accepter pour essayer de le comprendre dans
son contenu obvie. On peut bien dire qu'on n'est pas d'accord sur tel ou tel
point. Moi-même, j'ai dit, l'autre jour, au conseil général
du Parti libéral: Sur le lien que le Comité des droits de l'homme
établit entre le discours commercial et la liberté d'expression,
je garde des réserves. Je garde des réserves, parce que je serais
enclin à rattacher le discours commercial à la liberté du
commerce, laquelle n'est pas définie dans les chartes de droits
fondamentaux, étant donné les énormes difficultés
auxquelles ça aurait donné lieu.
Mais là, il y a toutes sortes de tribunaux qui ont dit qu'ils ne
partageaient pas mon opinion: la Cour supérieure du Québec, la
Cour d'appel du Québec, la Cour suprême du Canada, le
Comité des droits de l'homme des Nations unies. Bien, je me dis:
Peut-être, pour cette génération-ci, qu'ils ont raison sur
moi. Peut-être que, moi, je serai considéré comme un
prophète dans 50 ans. Peut-être que mon opinion sera
complètement oubliée par tout le monde, je n'en sais rien, mais,
pour le moment, il y a quand même une opinio commu-nis, une opinion
commune qui se dégage des débats qui ont eu lieu
là-dessus. Il me semble que l'esprit démocra-
tique doit être capable d'être attentif à ça
aussi, et c'est ça qu'on essaie de faire, quand on examine l'avis des
Nations unies. Pour moi, ce n'est pas une doctrine. J'ai déjà
fait partie d'un comité aux Nations unies, moi, il y a 20 ans, 25 ans
peut-être. J'étais bien content d'avoir fini mon mandat au bout de
2 ans, parce que je trouvais que c'était un peu sec dans ces
hauteurs-là. Mais il n'empêche que c'est une structure que s'est
donnée la famille humaine pour essayer de préserver la paix et
défendre les droits fondamentaux à travers le monde. On doit
écouter avec respect les avis qu'elle nous donne, surtout quand ils
émanent d'un organisme agissant à la lumière d'un pacte
auquel nous avons donné officiellement notre adhésion et à
propos duquel nous nous sommes engagés à respecter des avis qui
pourraient être émis à notre sujet. Voilà le
contexte. Moi, je le prends au sérieux, mais ce n'est pas mon seul point
de référence, loin de là.
Un autre point que je voudrais mentionner. La députée dit:
II n'y a pas urgence à agir, la clause dérogatoire ne vient
à échéance qu'en décembre. C'est justement en
préparation de cette échéance que nous avons
déclenché, dès la fin de l'année dernière,
le processus qui doit conduire à des décisions. Puis, le
débat, là... Peut-être que la députée de
Chicoutimi était trop occupée à essayer de trouver un peu
d'unité à l'intérieur de sa propre formation politique,
mais le débat est en marche depuis le début de l'année,
madame. Le débat se poursuit à travers le Québec pour tous
ceux qui veulent y participer. Les questions ont été mises sur la
table franchement et loyalement; puis, à certaines de ces questions, on
attend encore la réponse du Parti québécois, d'ailleurs.
Je ne pense pas qu'au rythme où ils vont ils seront mûrs pour en
donner une à l'automne. Mais je ne vois pas du tout qu'on nous fasse des
reproches. Quand on a commencé le processus si tôt, on a dit,
justement: On veut agir dans un climat qui va être différent de
celui de 1988, où nous avons dû agir le dos collé au mur
à la suite d'un jugement qui venait de nous arriver juste avant
Noël. Cette fois-ci, nous avons davantage établi un agenda qui se
prête à un cheminement réfléchi de la part de tous
les intéressés.
La députée a fait allusion au plaidoyer que nous avons
présenté devant les Nations unies. Oui, nous avons
résumé l'argumentation comme elle se présentait à
nous au moment où nous avons adopté la loi. Au moment où
nous avons adopté la loi, je me souviens, la députée a
cité le discours que j'avais fait à l'Assemblée nationale.
Elle a bien pris soin d'arrêter là où ça devenait
encore plus intéressant.
On sait clairement que l'attachement des Québécois
à la loi 101 est si fort qu'il n'existe guère d'autres moyens,
à mon point de vue, pour améliorer cette loi ou en corriger
certaines imperfections, que la recherche d'un consensus politique capable de
donner la force nécessaire à toute proposition importante de
changement.
Là, j'ajoutais plus loin que le gouvernement, en adoptant la
clause «nonobstant», n'a fait qu'obéir à une
volonté manifeste et très largement répandue de la popu-
lation. Il n'a fait que constater, sans préjuger en rien de l'avenir,
qu'à ce stade de son évolution la population
québécoise tient très fortement au maintien du visage
français toujours fragile et dangereusement menacé du
Québec.
Nous le croyons encore, mais je pense que la population en est venue
à considérer, comme nous, que ce n'est pas par l'interdiction
d'une autre langue, dans un domaine que tous les tribunaux appelés
à se prononcer jusqu'à maintenant relient au droit et à la
liberté d'expression, que nous allons promouvoir, le plus efficacement,
ce visage français du Québec.
Dans une société démocratique et pluraliste,
l'exclusivisme n'a pas sa place, et n'est pas une voie féconde, à
tout le moins. C'est ça que nous disent les personnes et les organismes
qui se sont adressés à nous depuis quelque temps.
Tous les arguments que nous avons fait valoir sont de bons arguments. On
nous dit, au bout de la ligne: Vous n'avez pas démontré
clairement la nécessité absolue de procéder comme vous le
faites pour affirmer le visage et le caractère français du
Québec.
Je ne sais pas quelle sorte de démonstration... On a tenté
les démonstrations les plus raisonnables qui soient. Nous avons
employé à peu près tous les arguments raisonnablement
invocables. Les gens nous disent: Non! La députée nous reproche
de ne pas avoir utilisé certains critères qui sont inclus dans le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Attendez un petit
peu! Ces critères-là... Les seules circonstances qui peuvent
justifier la nécessité d'une intervention, la nature de
l'interdiction sont les suivantes. Il faut que l'intervention soit
nécessaire au respect des droits ou de la réputation d'autrui. On
n'aurait pas été capable d'invoquer cet argument-là, parce
que... Je pense bien qu'on n'a pas décrété l'unilinguisme
dans l'affichage, parce que d'autres mesures... parce que c'était
indispensable pour le respect des droits ou de la réputation d'autrui.
Ce n'est pas ça qui est visé ici, de toute évidence. (15 h
30)
Puis, l'autre, c'est la sauvegarde de la sécurité
nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité
publique. La moralité publique n'était pas en cause dans cette
affaire-ci, la santé non plus. La sécurité nationale? Pas
à ma connaissance je suis ministre de la Sécurité
publique en même temps pas à ma connaissance! Ensuite,
l'ordre public. L'ordre public, je l'ai bien demandé à nos
conseillers juridiques. Quand on est arrivé, j'ai dit: Pourquoi vous
n'invoquez pas cet argument-là? Vous savez que cette
argumentation-là a été construite au ministère de
la Justice parce que, quand le gouvernement est engagé dans des
procédures judiciaires, c'est le ministère de la Justice qui est
le maître d'oeuvre. On m'a dit: M. Ryan, c'est l'argument qu'invoquent
tous les pays totalitaires quand ils sont cités devant le Comité
des droits de l'homme des Nations unies, ça. Ordre public! Vous savez,
les dictateurs on l'a assez vu pendant 40 ans chaque fois qu'il
se manifestait la moindre indication de dissidence,
ils disaient: Le coupable, emmenez-nous ça en prison, parce qu'il
nuit à l'ordre public. Un facteur extrêmement dangereux à
invoquer. Ce n'est pas parce qu'il y a une manifestation de 60 000 personnes
qu'un gouvernement est justifié de dire que l'ordre public est
menacé. Ça s'est fait dans l'ordre, les manifestations, chez
nous. Il y a eu des actes de vandalisme très nombreux, à une
certaine époque, mais l'ordre public n'était pas menacé
par ça. Je pense que les forces policières ont vu à
protéger l'ordre. Il y a eu la situation qui s'est
présentée à l'automne de 1970, qui était
particulière, la crise d'octobre. Là, le gouvernement
fédéral a cru devoir invoquer des considérations d'ordre
public, mais nous savons tous combien c'est dangereux, et je suis assez fier de
faire partie d'un gouvernement qui n'a pas invoqué ce
critère-là pour défendre sa loi sur la langue de
l'affichage.
Après ça, il n'y en a pas d'autres. Il n'y en a pas
d'autres. Le reste, on peut ratiociner. On peut aller donner des cours au
cégep, ici, à l'université, un tel, ça, on a la
liberté d'enseignement chez nous, mais la liberté d'action des
gouvernements est limitée, fort heureusement d'ailleurs, en particulier
par les chartes auxquelles ils se sont astreints. Alors, je ne vois pas d'autre
facteur. Si la députée peut m'en indiquer d'autres, je serais
très heureux de les connaître. Ça pourrait nous aider pour
la prochaine fois, mais alors...
Il y a une chose dont je n'ai pas parlé, tantôt. Je
voudrais en dire un bref mot, là. Je me suis aperçu que j'avais
omis d'en dire un mot. Une des résolutions adoptées en fin de
semaine parle de regroupement des organismes chargés de l'application de
la langue. Évidemment, nous allons l'étudier avec toute
l'attention qu'il faut, mais il y a certaines considérations dont nous
serons appelés à tenir compte. Je vous donne des exemples. La
Commission de toponymie. La Commission de toponymie est un organisme qui fait
partie actuellement du dispositif de la langue, mais dont la vocation est plus
large que la langue. C'est un organisme qui obéit à une vocation
géographique, une vocation historique, culturelle. La Commission de
toponymie n'existe pas que pour donner des noms français à des
lieux. Elle existe pour donner à des lieux des noms qui soient le reflet
de leur géographie, de leur tradition historique ou de la composition
diverse de la population du Québec. Elle n'a pas comme rôle
exclusif, ni même premier, de mettre le français partout à
tout prix. Son rôle, c'est de nous donner une toponymie qui sera une des
meilleures du monde et, pour ça, ça lui prend une certaine marge
de manoeuvre. Il ne faut pas qu'elle évolue uniquement à
l'intérieur d'un organisme dont la seule mission, c'est la promotion de
la langue française. C'est pour ça que je pense que la Commission
de toponymie n'est peut-être pas mal placée. Dans sa structure
actuelle, on lui évite d'être incorporée dans un
ministère particulier. Moi, aux Affaires municipales, ça
m'intéresse, la toponymie, parce que ce sont les villes qui
décident des noms qu'elles vont donner à leurs rues, à
leurs voies de circulation, à leurs immeubles, à leurs parcs, et
tout. On pourrait demander que ça s'en vienne là, mais la
ministre de l'Énergie et des Ressources est intéressée
égale- ment par la toponymie, et la ministre de la Culture,
également. Alors, il faut se poser des questions.
Le Conseil de la langue française. Est-ce qu'on veut avoir un
organisme indépendant du gouvernement? Est-ce qu'on peut
l'intégrer dans un organisme qui a comme mission l'application des
programmes de francisation du gouvernement? Une grosse question à se
poser. Je pense bien que la réponse ne peut pas être donnée
aujourd'hui. Elle sera donnée d'ici une couple de semaines.
En ce qui touche la Commission de protection, je pense que la question
se pose. La question se pose. On doit se demander... On se l'est
déjà demandé à plusieurs reprises dans le
passé et on verra, par les chiffres qui nous seront soumis un peu plus
tard, aujourd'hui si nous nous rendons jusque-là que le
volume d'affaires de la Commission de protection a sensiblement diminué
au cours des 2 dernières années. On peut se poser
légitimement la question: Est-ce que cette fonction-là pourrait
être assurée à l'intérieur d'un autre organisme,
comme l'Office de la langue française? C'est une question qui est
légitime. Je ne dis pas que les autres ne sont pas légitimes, je
dis qu'elle soulève plus de difficultés dans la pratique. Mais
voilà quelques précisions que j'ai cru devoir donner à
propos de cette recommandation qui a été faite au gouvernement
par le conseil général du Parti libéral en fin de
semaine.
Une dernière question, que je voudrais soulever ça,
ça nous donne une bonne illustration du style alarmiste que le Parti
québécois adopte trop souvent pour parler des questions de langue
la députée disait, tantôt: Prenez, à
Montréal, il y a à peine 50 % des travailleurs qui travaillent en
français, la majeure partie du temps. C'est ça que vous avez dit
tantôt, hein?
Mme Blackburn: Selon les dernières statistiques.
M. Ryan: regardez, on va prendre les indicateurs de la situation
linguistique, à la page 61. là, ce que je lis, à moins que
je lise mal... vous avez parlé du secteur privé, si mes souvenirs
sont bons. en haut de la page... on peut prendre le tableau ensemble, ici, en
haut de la page. c'est marqué: en 1979, il y en avait 62 % qui
travaillaient en français, 90 % ou plus du temps. en 1989, 63 %. si on
va à 50 % et plus, ça fait 93 % en 1989. 93 %, pas 50 %! alors,
ça commence à être assez fort. je trouve que... c'est parce
que c'est le point de référence qu'on a indiqué. c'est
dans la publication «indicateurs de la situation linguistique»;
excellente publication.
C'est juste pour donner un exemple du genre souvent alarmiste... Je
pense à nos bons amis de la presse, qui s'intéressent à
nos échanges. Ils n'ont pas le temps, comme nous autres, de
procéder à toutes les vérifications. C'est un petit
exemple que je tiens à donner, et on va surveiller ça de
près. Les affirmations sur des chiffres demandent toujours à
être vérifiées soigneusement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Je vais maintenant permettre à la députée de
Chi-coutimi de commencer l'échange avec vous. Je suggère que nous
procédions tel que nous le faisons normalement. Donc, nous sommes au
programme 1, qui est la Charte de la langue française, il y a 6
éléments là-dedans, étant entendu que nous
adopterons l'ensemble des crédits dont le ministre est responsable
à la toute fin. Je suggère que nous commencions tout d'abord par
l'Office de la langue française, entendu qu'on pourra déborder;
je ne serai pas strict là-dessus.
Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président!
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): II est permis de rêver. Ha,
ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Si c'est votre rêve, à vous, eh bien,
bravo!
Des voix: Ha, ha, ha!
Discussion générale
Avis du Comité des droits de l'homme des
Nations unies
Mme Blackburn: M. le Président, si vous le permettez, on a
un peu la tradition, ici, d'y aller de façon un peu plus... sans aller
précisément selon les différents éléments.
Peut-être, avant d'amorcer l'échange sur chacun des
éléments ou par organisme, il faudrait quelques questions au
ministre sur ses principaux commentaires. Le ministre me dit et
là je ne peux pas ne pas réagir qu'il est fier de faire
partie d'un gouvernement qui n'a pas invoqué l'ordre public pour
défendre l'affichage commercial. Eh bien, je lui dis qu'il fait partie
du même gouvernement qui avait demandé l'imposition des mesures de
guerre en 1970. Et c'est le même premier ministre qui dirige le
gouvernement. Alors, là-dessus, vous savez, en matière de
leçons...
J'aimerais quand même aller un peu plus loin sur les... Le
ministre et j'avais, à l'époque, été
impressionnée par son discours, mais je dois dire que, depuis, je suis
en train de changer d'avis au moment où on adoptait la loi 178,
avait tenu un discours extrêmement intéressant, à la fois
sur le recours à la clause dérogatoire et puis sur la
nécessité de maintenir une loi et d'adopter une loi sur
l'affichage. Compte tenu des réserves que le ministre a sur l'avis des
Nations unies et j'avais tendance à partager la lecture qu'il
faisait ou la distinction qu'il faisait entre le discours commercial et la
liberté individuelle est-ce qu'il a l'intention d'inter-
préter l'avis des Nations unies dans son acception la plus
limitative?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Tout d'abord, je vais être obligé de faire
une précision à propos de ce qui a été dit en guise
d'introduction. La députée a fait allusion à la
décision qu'avait prise un gouvernement en 1970, d'invoquer l'ordre
public pour suspendre certaines libertés. Je ne faisais pas partie de ce
gouvernement, à l'époque, et je l'avais vivement combattu, sur ce
point en particulier. Plus tard, lorsque vint la crise amérindienne,
nous reçûmes du chef de l'Opposition le conseil de foncer dedans,
de foncer dedans, et nous n'avons pas suivi ce conseil, pour le plus grand bien
de la population du Québec. À maintes reprises, ces
dernières années, depuis 3 ans, autant du côté de
l'Opposition que du côté de certains commentateurs, on a
reproché au gouvernement sa faiblesse: Qu'est-ce qu'ils attendent pour
rentrer dedans? Qu'est-ce qu'ils attendent? On a essayé ça aux
États-Unis, à Waco, de rentrer dedans. Ça se fait dans une
nuit, ça, je l'ai toujours dit, mais dans une nuit dont il faut mesurer
soigneusement les conséquences avant de le faire. Je pense que,
justement, du point de vue de l'ordre public, la responsabilité du
ministre, qui a cette charge-là dans le gouvernement, c'est de faire en
sorte que les interventions du gouvernement se fassent dans le respect des
personnes et de la vie. Et le dossier de notre gouvernement est très,
très éloquent à cet égard, très
éloquent, et j'en suis fier. (15 h 40)
Maintenant, la députée me pose une question. J'ai
émis cette réserve je l'ai fait samedi, je l'ai fait de
nouveau aujourd'hui et je crois qu'au point où nous en sommes ce
débat doit se poursuivre «academia», comme on dit, dans les
milieux universitaires, dans les milieux de recherche, dans la presse, dans les
milieux qui sont un petit peu éloignés de l'action
immédiate. Mais ceux qui sont au pouvoir ne peuvent pas passer leur
temps à s'accrocher à ces arguments, qui n'ont pas encore fait
leur entrée dans cette espèce d'opinio com-munis, dont je parlais
tantôt.
Nous allons continuer. Moi-même, dès que j'aurai
retrouvé ma liberté complète, comme citoyen, je serai plus
libre d'émettre des opinions là-dessus et de baser des
propositions sur des considérations comme celles-là. Mais, comme
membre d'un gouvernement, je dois tenir compte de ce qui a été
dit et ne pas chercher à le triturer ou à le torturer trop. Le
gouvernement donnera dans quelque temps sa réponse à la question
de la députée. Je ne suis pas en mesure, aujourd'hui, de
l'indiquer.
Mme Blackburn: M. le Président, j'ai une autre
question...
M. Ryan: Je ne crois pas que la réponse se trouve dans des
distinctions trop raffinées.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Mme la députée.
Mme Blackburn: D'abord, une correction. Jamais, le chef de
l'Opposition n'a dit, comme ça a été dit, qu'il fallait
faire couler du sang dans les réserves autochtones. Jamais. Alors, je
pense qu'on ne peut pas laisser dire n'importe quoi. C'est vicieux, c'est
désagréable et ça...
M. Tremblay (Rimouski): II a dit de foncer dedans. C'est pas
ça qu'il a dit, il a dit de foncer dedans.
Mme Blackburn: ...oriente mal les débats. M. Tremblay
(Rimouski): ...foncez dedans!
M. Ryan: II ne se rendait pas compte de ce que ça
produirait. Il l'a dit. Il l'a dit, c'est dans le...
M. Tremblay (Rimouski): II l'a confirmé en Chambre,
l'autre jour. Lui-même.
M. Ryan: Bien oui!
Mme Blackburn: Le ministre... Voyons donc! M. le
Président, il ne faut pas dire n'importe quoi...
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mme la députée, sur le sujet qui nous réunit
ici aujourd'hui.
Mme Blackburn: Oui, mais j'apprécierais aussi que vous
rappeliez à l'ordre le député de Rimouski.
Le Président (M. Doyon): Oui, mais vous étiez
rendue en 1970, Mme la députée. Vous avez ouvert la porte, et
ça nous mène où on est maintenant.
Mme Blackburn: M. le Président, c'est le ministre
lui-même qui l'a ouverte. Alors, n'allez pas dire que c'est moi qui l'ai
fait.
Le Président (M. Doyon): Le président vous
ramène au sujet qui fait l'objet de notre rencontre aujourd'hui.
Mme Blackburn: Bien. J'apprécierais que le
président ramène aussi le ministre, à l'occasion.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée,
vous avez à nouveau la parole, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Je vous remercie.
Consultation publique sur l'affichage
commercial
Le ministre, ça fait quelques fois qu'il réagit comme
ça. Il dit: Le débat est lancé. Il est même
lancé depuis l'automne dernier, au moment où il demandait un avis
au Conseil de la langue, avis qui, je le lui rappelle, va beaucoup moins loin
que ce que suggère le Parti libéral du Québec.
Première chose. Seconde: Depuis quand le ministre considère-t-il
qu'il est suffisant de lancer le débat public pour s'imaginer que
ça remplace une consultation générale? Depuis quand?
Depuis quand est-ce que, dans nos coutumes parlementaires, on dit que c'est
similaire on parle de ça, on s'en va dans des hypothèses
ça et une consultation publique?
Un glissement comme ça est dangereux parce que, encore une fois,
le gouvernement va essayer de prendre des raccourcis qui ne rendent pas le
débat très serein. Si le gouvernement n'a pas peur de ce qu'il
avance, s'il est convaincu que les sondages, après avoir trituré
l'opinion publique, c'est conforme à la volonté des
Québécois et des Québécoises, pourquoi est-ce qu'il
ne met pas le débat sur la table? Nous avons le temps, je le rappelle.
Là-dessus, je voudrais avoir la réponse du ministre.
Est-ce qu'il a l'intention de procéder à une consultation
générale et d'arrêter de traiter ces questions à la
pièce, sans avoir une vision plus globale de la situation, parce que le
problème, actuellement, c'est qu'on fonctionne à la pièce?
Un petit morceau là, on en retire un petit peu ici, on change ça.
On ne s'est jamais demandé et le ministre ne m'a pas
répondu là-dessus si l'affichage unilingue français
avait effectivement une influence ou a une influence sur la langue
utilisée au travail. On a eu des sondages là-dessus, qui datent,
qu'on ne peut pas vraiment utiliser, dans les années quatre-vingt, qui
démontraient que ça avait une influence. est-ce qu'on a fait des
nouveaux sondages là-dessus? on en fait sur l'état de l'opinion
publique. est-ce qu'on ne pourrait pas en faire sur cette question
particulière? est-ce que le ministre s'est demandé comment il se
faisait... je pense à des données qui nous ont été
fournies par m. marc levine, à l'occasion d'une communication qu'il
faisait, en novembre dernier, à un séminaire organisé par
le conseil de la langue française, qui démontrent il me
semble que c'est des données sur lesquelles le ministre devrait
réfléchir que, selon une enquête menée par la
commission de protection de la langue française, en 1989 et 1990
c'est la référence qu'on retrouve dans le document de m. levine
dans l'ouest de l'île, l'affichage permanent respectait la loi 178
à 62 %; les quartiers francophones, entre 92 % et 97 %; le centre-ville
de montréal, de 64 % à 87 %; mais, dans les quartiers allophones,
55 %.
Une voix: Quelle année, ça?
Mme Blackburn: C'est des données qui sont tirées,
selon les informations qui me sont fournies, d'une enquête menée
par la Commission de protection de la langue française, entre 1989 et
1990. Alors, est-ce que ça ne fait pas réfléchir, parce
que le ministre, ici, m'avait dit c'est l'an passé qu'il y
avait effectivement
plus d'entreprises, propriétés d'allophones, qui, par
méconnaissance de la loi, en concluaient que ça se passe en
anglais un peu au Québec et, donc, avaient tendance, sans le faire par
désobéissance, par réflexe de commerçants, à
contrevenir aux dispositions de la loi là-dessus. Est-ce que toutes ces
questions-là ont été prises en compte? Est-ce qu'il ne
serait pas important, urgent et fondamental que les Québécois,
qui sont au premier titre concernés, soient consultés avant qu'on
ne vienne charcuter encore une fois la loi 101?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Sur la question de l'affichage, le débat se
poursuit depuis 10 ans au Québec. On a eu l'occasion d'examiner cette
question sous tous les aspects possibles et on en était venu à
une solution de compromis en 1978, qui nous paraissait raisonnable. Les
tribunaux n'auraient pas été favorables à cette solution,
c'est pourquoi nous avons cru plus prudent d'invoquer la clause
«nonobstant». Là, on vient d'entendre un organisme
international nous dire que le recours à la clause
«nonobstant» est un moyen excessif par rapport à l'objectif
qui était poursuivi, que l'objectif qui était poursuivi ne
justifiait pas un recours aussi radical que celui qu'on a voulu couvrir avec la
clause «nonobstant». Alors, ça, le débat a lieu
depuis longtemps, et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui vont
avoir tellement de choses originales à apporter à tout ce que
nous avons déjà dit et entendu, de part et d'autre,
là-dessus. Le moment est venu, cette année, d'en venir à
une conclusion. Le gouvernement a considéré que c'est aussi bien
de régler ce problème-là avant l'été. Je
pense qu'il a raison. Je pense qu'il a raison.
Maintenant, la députée demande: Est-ce qu'il existe des
données établissant des liens entre la langue d'affichage et la
langue du travail? Il n'en existe pas. Dans toute la littérature que
nous connaissons, de recherche... Tantôt, si on peut se rendre
jusque-là, on pourra demander au président du Conseil de la
langue française, qui est un expert en recherche sur les sujets
linguistiques, de nous indiquer ce qu'il en sait ce sera une source
peut-être plus impartiale que le ministre mais j'en causais avec
lui ce matin, et il n'existe pas de tels travaux. Je ne vois pas comment... Le
président s'est interrogé. Quand il a été question
de l'avis, il s'est demandé s'il y aurait des recherches qui pourraient
être faites là-dessus. Pour faire une recherche, il faut que tu
aies une certaine vraisemblance dans l'hypothèse de départ, et ce
n'était pas facile à établir, une affaire comme
celle-là.
Le troisième point. La députée demande: Dans
l'affichage, est-ce qu'il n'y a pas des secteurs où on était
moins avancés dans l'observance de la loi? Sûrement. D'ailleurs,
je devrai dire que, dans la documentation que nous pourrons mettre à
votre disposition tantôt si nous nous rendons jusque-là
il y a des données indiquant les observations faites, au cours
des derniers mois, par la Commission de protection de la langue
française, qui indiquent un taux d'observance de la loi beaucoup plus
élevé que celui auquel faisait allusion la députée
de Chicoutimi tantôt. Il est vrai que, dans certains secteurs de
Montréal où il y a des commerces possédés par des
personnes des communautés ethniques. Je prends l'exemple de la rue
Jean-Talon Ouest; ça, c'est entre Saint-Laurent et L'Acadie, Jean-Talon.
Là, il y a beaucoup de marchands d'origine grecque, mais ce n'est pas
nécessairement parce qu'ils ignoraient la loi. Les Grecs sont des gens
très avertis au point de vue politique. J'ai des nouvelles pour vous
là-dessus, là, ils sont extrêmement sophistiqués.
C'est parce qu'ils se disaient: II y a quelque chose qu'on trouve un petit peu
injuste là-dedans, ou ils estimaient des fois que leur commerce
n'était pas prêt à le faire, et tout. Je ne dirais pas que
c'était par ignorance pure et simple. Peut-être qu'ils se
disaient: On va attendre, on va essayer de marchander, on va voir, et tout. Il
y a bien des choses qui peuvent se passer dans l'esprit des gens, mais je ne
dirais pas qu'ils étaient plus ignorants que les francophones ou les
anglophones. Ce serait bien mal connaître la communauté grecque de
Montréal, qui est une communauté extrêmement avertie au
point de vue politique. C'est ce qui explique, d'ailleurs, qu'elle appuie notre
parti en forte majorité. (15 h 50)
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): M. le député...
Mme Blackburn: Comme...
Le Président (M. Doyon): ...de D'Arcy-McGee.
Mme Blackburn: ...ce n'est pas la seule communauté
à... Peut-être une autre dernière question sur les
luttes...
Le Président (M. Doyon): Oui. Alors, là-dessus,
rapidement, et après...
Mme Blackburn: Alors...
Le Président (M. Doyon): .. .je donnerai la parole au
député de D'Arcy-McGee. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je n'ai jamais dit ni prétendu que les
Grecs étaient ou ignorants ou ignares. Alors, disons les choses comme
elles sont. Je me référais aux propos du ministre lui-même,
qui expliquait le haut taux de manquement à la loi, en matière
d'affichage, par le fait qu'il y avait une mobilité très grande
quant aux propriétaires des petits établissements, qui
connaissaient mal la loi, qui étaient souvent issus des
communautés culturelles et qui, pour cette raison, ne respectaient pas
toujours la loi. Voilà ce que j'ai dit: ni plus, ni moins.
Le ministre nous dit: II y a eu beaucoup d'occasions d'examiner la
question de l'affichage sous tous ses
angles. Est-ce que je peux lui rappeler... Est-ce que je peux lui
rappeler, très respectueusement, que, quand il a fait adopter la loi 178
en Chambre, ça s'est fait sans consultation, et au
bénéfice de la suspension des règles de l'Assemblée
nationale, en décembre 1988? Alors, en guise de consultation, on a
déjà vu mieux. On a déjà vu mieux. Moi, je pense
que le ministre serait fort mal avisé de procéder à la
hâte dans un dossier aussi sensible, aussi sensible, et je l'inviterais
à la prudence. Je l'inviterais à la prudence. S'il est si
sûr de son fait, pourquoi est-ce qu'il ne va pas en consultation?
Pourquoi?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: C'est à propos de consultation, là. Je
n'ai pas dit qu'il n'y aura pas d'occasions pour des organismes de se faire
entendre. Nous avons toujours dit que, lorsque le gouvernement déposera
son projet de loi en Chambre, il indiquera ses intentions en matière de
consultation.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Mme Blackburn: Est-ce qu'il s'agira d'une consultation
générale ou particulière?
M. Ryan: Ça sera indiqué à ce
moment-là. La décision sera prise, là, lorsque le projet
de loi sera déposé.
Mme Blackburn: Parce que, moi, j'annonce tout de suite, M. le
Président, que je suis prête et ouverte à l'idée
d'une consultation générale, quitte à ce qu'on
siège 5 jours semaine. Je n'ai pas vraiment de problème avec
ça, je suis disponible. Je me rappelle d'une commission parlementaire,
que j'ai eu l'occasion de faire avec le ministre, sur le financement des
universités, qui n'avait comme objet que de dégeler les droits de
scolarité, et, finalement, on a siégé pendant, je pense, 6
semaines. Ça a été intéressant. Alors, je suis
prête à en faire autant sur ce dossier.
M. Libman: Pour polariser davantage la population.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Merci, Mme la députée.
M. le député de D'Arcy-McGee.
Langue d'affichage sur les
panneaux-réclame
M. Libman: Merci, M. le Président.
Moi, je trouve pas mal d'exagérations, selon la
députée de Chicoutimi. Évidemment, je pense qu'elle donne
l'impression que sa formation politique va raviver certaines passions dans la
population. Je pense que la meilleure façon d'éviter un
affrontement, la meilleure façon d'éviter un débat
déchirant ou de déranger la paix sociale, au Québec, est,
pour l'Opposition officielle, de se brancher à l'ouverture et à
la tolérance de la majorité des Québécois dans ce
dossier. Je pense que nous pouvons éviter un débat très
polarisé si les.péquistes réalisent que c'est la
volonté de la population d'adoucir certaines restrictions à la
loi 101.
Moi, je veux parler, d'abord, aussi sur la question de l'affichage. Je
veux savoir pourquoi le gouvernement, ou pourquoi le Parti libéral
hésite à aller à toute la distance, en ce qui concerne
l'affichage public, la question des grands panneaux publicitaires. C'est
très clair que le problème devant les tribunaux peut
traîner si on maintient des restrictions sur les grands panneaux. Est-ce
qu'il y a vraiment une grande différence, pour élargir une plus
grande ouverture à ces panneaux? C'est déjà discuté
largement, dans la communauté anglophone, d'amener cette question devant
les tribunaux. Alors, pourquoi arrêter, pourquoi hésiter? La
volonté de la population est là, le moment est venu. Pourquoi
adoucir la question de l'affichage, pour comprendre aussi la question des
grands panneaux. Je ne pense pas qu'on va perdre quelque chose. On aborde le
sujet cette année, il y aura un projet de loi déposé
très bientôt. Pourquoi on hésite? Pourquoi vous ouvrez la
porte, toujours, à une contestation judiciaire, au lieu de régler
le problème une fois pour toutes, cette année?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Mais c'est une question, finalement, de
pédagogie. S'il s'agissait uniquement de prendre position sur des
questions de principe, la politique serait un jeu assez simple, mais il s'agit
de concilier des exigences découlant de la réalité, qui
sont souvent diverses, sinon contradictoires. Parfois, la meilleure
façon d'arriver à un objectif, ce n'est pas de le proclamer tout
d'un coup, tout d'un trait, mais de l'atteindre graduellement.
Je rappelle, à cet égard, que, nonobstant les mauvais
souvenirs que l'on pourra conserver de la loi 178, elle aura quand même
permis d'introduire une amélioration fort importante, à savoir la
possibilité de l'affichage dans une langue autre que le français
à l'intérieur de 80 % de tous les commerces qui existent dans la
province de Québec. Nous avons fait cette modification, dans les
habitudes des commerces et des clientèles, d'une manière qui n'a
soulevé, pratiquement, aucune difficulté véritable. Vous
pourrez le demander, tantôt, à la présidente de la
Commission de protection de la langue française, combien elle a
reçu de plaintes, depuis 4 ans, de personnes qui avaient fait des
constatations sur l'affichage à l'intérieur des commerces. Je
suis convaincu qu'elle en a reçu très, très peu; nous
l'avons fait progressivement. Ça s'est instauré... Moi, il m'est
arrivé souvent d'observer... Je ne prétends pas que mon
observation soit complète ou définitive, loin de là. Mais,
en général, les commerçants ont fait ça un petit
peu comme on respire et comme on sert le client, en tenant compte du fait qu'un
peu partout la très grande majorité de la clientèle est
francophone; puis, ailleurs, du fait qu'une partie importante de la
clientèle est anglophone. Ils l'ont fait, et ils n'avaient pas besoin de
la Commission et de
l'Office pour leur dire: Tu vas prendre ta règle ici, tu vas
prendre ton chose là. Nous autres, on n'a pas exercé de
surveillance mesquine ou tatillonne là-dedans; ça s'est fait.
Là, je pense que le député de D'Arcy-McGee
conviendra que la résolution du Parti libéral permet de franchir
un pas très important dans le sens des conclusions auxquelles en sont
venus les organismes judiciaires ou quasi judiciaires, comme le tribunal des
Nations unies, et qui ont examiné la situation. Le député
trouve que ça ne va pas jusqu'au bout. Il soulève une question
pertinente que nous allons examiner. Là, il y a une recommandation qui a
émané du conseil général du Parti libéral.
Il incombe au gouvernement de prendre une décision définitive
là-dessus. Je pense que la question qui a été
soulevée fait partie de celles que le gouvernement voudra
considérer, sans préjuger de ce que sera la conclusion.
M. Libman: Est-ce que vous avez des analyses juridiques à
l'effet que, cet aspect de la loi, on n'a pas besoin de la clause
«nonobstant» pour l'instaurer? Parce que, en oubliant, pour le
moment, le concept d'un pas à la fois, il y aura certainement des
contestations. Pourquoi on ne ferme pas cette possibilité, qui
crée toujours des tensions au Québec, à certaines de ces
contestations? Pourquoi on ne peut pas fermer la porte? Est-ce que vous avez
des études juridiques qui vous donnent vraiment l'impression que...
M. Ryan: Regardez...
M. Libman: ...ce n'est pas contestable?
M. Ryan: ...je pense que le rationnel socioculturel est facile
à comprendre, hein? Il s'inscrit dans la ligne de l'argumentation que
nous avions soumise aux tribunaux, au Comité des droits de l'homme des
Nations unies. C'est une mesure en vue de protéger, de raffermir le
visage français du Québec. On dit: Si de grandes formes
d'affichage, les panneaux-réclame, les panneaux lumineux qu'on peut
observer quand on circule sur l'autoroute métropolitaine, le boulevard
Métropolitain, par exemple, si c'était uniquement en
français, pour le visage français du Québec, ce serait
excellent. C'est ce qu'a considéré le conseil
général du Parti libéral du Québec, en fin de
semaine.
Maintenant, il faut examiner les implications juridiques. Je ne pense
pas qu'on peut demander à un organisme politique de régler tout
ce problème-là dans une discussion de fin de semaine. Nos experts
examinent très attentivement ces choses-là. La marge qu'il faut
explorer, c'est la suivante. En vertu de la Charte canadienne et de la Charte
québécoise des droits et libertés, un gouvernement peut
restreindre l'exercice des libertés fondamentales pour des motifs
raisonnables. (16 heures)
Alors, qu'est-ce qui est un motif raisonnable? La Cour suprême a
déjà fourni des indications précises, des critères
permettant de mesurer ce que peut être un motif raisonnable. Il faut
examiner très soigneusement la question à la lumière de
ces critères, qui continuent d'évoluer, d'ailleurs. Il n'y en a
pas une définition définitive qui a été
donnée pour être incluse dans la Somme de saint Thomas d'Aquin.
C'est des choses qui évoluent de cause en cause, de jugement en
jugement, mais il existe déjà une jurisprudence abondante, qui
nous donne une bonne idée de ce qui peut être possible de ce
côté-là. Et c'est sur la foi de ces avis, qui ne sont pas
complétés encore, dont l'étude se poursuit, que, moi, je
serai appelé à faire une recommandation au Conseil
exécutif dans 1 semaine ou 2. Mais je prends note de ce que dit le
député de D'Arcy-McGee. (16 heures)
M. Libman: Pardon?
M. Ryan: Je prends note... M. Libman: O.K.
M. Ryan: ...des observations qu'a faites le député
de D'Arcy-McGee, M. le Président.
M. Libman: Une autre chose, M. le Président. Le
Président (M. Doyon): Oui.
Accès à l'enseignement en
anglais
M. Libman: Au même moment que la communauté
anglophone a senti, cette fin de semaine, une plus grande ouverture du
gouvernement par la décision d'assouplir les restrictions sur
l'affichage, il y avait aussi une décision pénible pour nous, qui
a été prise par le gouvernement cette fin de semaine, la question
de l'accès aux écoles anglaises. Vous connaissez très bien
la situation démographique de la communauté anglophone du
Québec. J'aimerais aborder avec vous certains portraits de la
communauté. Je veux vraiment aller au coeur de cette question pour
savoir vraiment si votre gouvernement est sensible, directement sensible ou au
courant de ce qui se passe à l'intérieur de la communauté
anglophone du Québec aujourd'hui.
Il y a quelques semaines, en Chambre, vous avez dit que certains qui
utilisent des statistiques pour créer un portrait du déclin du
réseau scolaire anglophone sont alarmistes, qu'il y avait une certaine
propagande qui se propageait et qu'il y avait eu une stabilisation au cours des
7 ou 8 dernières années. Moi, je veux vous donner, M. le
ministre, un tableau qui sort directement du rapport du groupe de travail
Chambers, qui donne des chiffres qui sont importants. C'est le groupe de
travail créé par votre propre gouvernement. Et je veux vous
citer, M. le ministre, des statistiques qui viennent directement du
ministère de l'Éducation en ce qui concerne les inscriptions dans
les écoles anglaises au Québec. En 1972, il y avait 250 479
étudiants; en 1976, il y avait 230 578 étudiants; en 1981, il y
avait 155 082 étudiants; en 1986, 119 790 étudiants et, en 1990,
107 714. Aussi, dans ces mêmes 20 ans, en 1970, il y avait 519
écoles
anglaises au Québec. Aujourd'hui, il n'y en a que 350. Moi, je
vous cite des statistiques qui viennent du rapport du groupe de travail
Chambers créé par votre gouvernement.
Aussi, il parle de certaines modifications à l'accès aux
écoles anglaises, des modifications qui sont très modestes. Le
rapport parle d'une baisse de seulement 1 % des étudiants dans le
réseau scolaire francophone si on ouvre la porte à l'accès
à l'école anglaise à certains immigrants. Et, en
même temps, ça peut ajouter 10 % aux écoles anglaises au
Québec. Je comprends certains arguments qu'on entend, la création
de 2 classes d'immigrants, mais il y a d'autres critères que, je pense,
le gouvernement ou le ministre doit examiner très
sérieusement.
Il y a la question d'invoquer l'article 23.1a de la Charte canadienne
des droits qui va permettre à tous ceux qui ont une langue maternelle
anglaise au Québec de fréquenter les écoles anglaises. Il
y a d'autres critères qui peuvent exister, qui peuvent être
examinés. Moi, je veux savoir du ministre s'il y a la moindre
façon pour le ministre, dans les 2 prochaines semaines, avant qu'il ne
dépose ce projet de loi, de regarder encore une fois ces statistiques
importantes qui représentent un déclin important de la
communauté anglophone du Québec.
Nous ne sommes pas maintenant dans le contexte «adversarial»
de la période des questions. J'espère pouvoir essayer de trouver
un genre d'ouverture pour vraiment aider le réseau scolaire anglophone
à trouver une façon de se renouveler. Moi, je peux vous citer une
liste des épisodes personnels de la situation de la communauté
anglophone aujourd'hui. Le déclin de notre communauté est
remarquable. Même au cours des 8 dernières années où
vous parlez d'une stabilisation, il y a eu une perte de 20 % des
étudiants dans les écoles anglaises. Moi, je veux savoir s'il y a
la moindre possibilité pour le ministre de vraiment
réévaluer cette situation, d'essayer de trouver une façon
pour que la communauté anglophone du Québec puisse vraiment
regarder le prochain siècle avec un peu d'optimisme au Québec,
une façon législative pour nous de renouveler nos écoles,
qui ne va pas vraiment toucher le réseau scolaire francophone d'une
façon négative.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Tout d'abord, M. le Président, je voudrais
souligner que toute personne qui s'est penchée sur les chiffres et qui
s'est mise à l'écoute des porte-parole de la communauté
anglophone en matière scolaire ne peut rester indifférente aux
perspectives d'avenir que laisse entrevoir l'évolution des
dernières années pour le réseau scolaire anglophone. Les
chiffres qu'a cités le député de D'Arcy-McGee sont des
chiffres qui sont exacts. Évidemment, il y a toutes sortes de
statistiques qu'on peut invoquer aussi. Moi, j'ai parlé en Chambre, il y
a quelque temps, sur la foi d'un autre ensemble de statistiques. J'avais fait
préparer des données sur le nombre d'élèves
considérés admissibles à l'enseignement en langue anglaise
à chaque année depuis une douzaine d'années. Et ces
chiffres indiquent que le nombre d'élèves jugés
admissibles, de langue anglaise, au cours des 6, 7 ou 8 dernières
années, n'a pas connu la même courbe descendante que laisse
entendre le chiffre des inscriptions aux écoles publiques anglaises. Ce
chiffre a gravité entre 12 000 et 13 000. Une année, il
était à 13 000, l'autre année, il descendait à 12
000, l'autre année, il remontait à 12 500; ça pouvait
aller à 13 200 l'année suivante. Mais il n'y a pas eu la courbe
continuellement descendante qu'on indique.
Maintenant, qu'est-il arrivé de ces enfants? Est-ce que certains
ont été inscrits volontairement à l'école
française par leurs parents? Est-ce que certains sont dans des
écoles privées et n'auraient pas été tenus en
compte par les personnes qui nous présentent des statistiques sur
l'enseignement public? C'est possible, ça. Mais, moi, je parlais du
bassin de base auquel s'alimentent les écoles anglophones, et ce bassin,
une fois effectué le redressement inévitable qu'allait
créer la loi 101, m'a semblé vouloir se situer à un
certain palier plus stable. Alors, je me disais: Voilà une donnée
de base qu'on ne peut pas négliger non plus. Nos services continuent
l'examen de ces données avec les porte-parole autorisés de la
communauté anglophone. L'exploration n'est pas finie sur la
signification à donner aux chiffres. Moi, je suis prêt à
entendre toutes les représentations qu'on voudra nous faire à ce
sujet-là.
Et là nous avons été induits à conclure,
à partir de là, que nous devons maintenir la règle qui a
été établie en 1977, qui avait été
déjà énoncée à l'état de principe
dans la loi 22 qui a précédé la loi 101, que les enfants
d'immigrants devraient aller à l'école française. Alors,
ça, cette règle-là a été
réaffirmée par le conseil général du Parti
libéral du Québec. Et je ne pense pas que la réflexion de
la prochaine ou des 2 prochaines semaines amènera une modification
là-dessus.
D'autre part, dans la résolution adoptée par le Parti
libéral en fin de semaine, il est dit, d'une part, que les personnes
immigrantes et leurs enfants devront fréquenter l'école
française, mais que, d'autre part, le Parti libéral demande au
gouvernement de revoir certaines mesures en matière d'admission à
l'école pour faciliter la venue au Québec de personnes qui
pourront être des atouts importants pour le développement de la
société québécoise. Or, ceci, évidemment,
demande à être étudié avec soin,
interprété avec prudence aussi. Il y en a qui ont pensé
que c'était une recommandation qui voulait favoriser la venue des riches
au Québec et non pas des pauvres. Je pense que ce n'est pas ça
que voulait dire le conseil général. (16 h 10)
II y a des cas particuliers qui se posent. Je vais donner seulement un
exemple: en matière de séjour temporaire au Québec,
actuellement, un ménage qui est appelé à venir
séjourner au Québec de manière temporaire pour des raisons
professionnelles peut être autorisé par le ministre à
envoyer ses enfants à l'école anglaise pour une période
pouvant aller jusqu'à 3 ans et susceptible d'être
renouvelée. Mais il arrive des cas où le séjour va durer
plus que 3 ans, le séjour initial. Les gens
veulent savoir à quoi s'en tenir. Il peut arriver que le
séjour entier soit appelé à durer plus que 5 ans.
Là, il y a sûrement des possibilités d'ajustement qu'on
peut examiner, voir si on ne pourrait pas faire en sorte que l'autorisation
d'envoyer les enfants à l'école anglaise soit davantage
alignée sur la durée du séjour que fait le foyer pour des
raisons professionnelles au Québec. C'est seulement un exemple que je
donne. Il y a d'autres exemples qui peuvent être invoqués aussi.
Actuellement, si le ministre refuse l'admission à l'école
anglaise à un ménage qui est en séjour temporaire, il n'a
pas droit d'appel alors qu'on a droit d'appel de ses décisions ou des
décisions des personnes désignées dans d'autres cas.
Peut-être que ceci pourrait être l'objet d'un droit d'appel
également, de manière qu'on puisse tenir compte de circonstances
particulières dans certains cas. Alors, voilà, il y a des
perspectives d'assouplissement qui sont possibles.
Mais je veux assurer le député de D'Arcy-McGee que nous
sommes très conscients de la situation difficile dans laquelle se trouve
le réseau d'écoles anglaises au Québec. Comme le
gouvernement attache une signification hautement positive à la
présence d'une communauté anglophone au Québec, il ne se
désintéresse pas de ce problème. Il cherche des moyens
d'améliorer la situation, et c'est dans ce sens-là que le conseil
général du parti a également adopté une autre
résolution dans laquelle il est demandé qu'on porte une attention
immédiate aux problèmes du réseau scolaire anglophone. Une
recommandation qui a été faite celle-là a
été enlevée de la résolution, si mes souvenirs sont
bons, parce qu'elle créait toutes sortes de problèmes on
m'a dit, moi: II faudrait peut-être, par exemple, qu'on agisse avec
infiniment de prudence dans la fermeture d'écoles, jusqu'au jugement de
la Cour suprême concernant la loi 107. Le jugement de la Cour
suprême est attendu à l'été ou au début de
l'automne. S'il confirme la volonté exprimée par
l'Assemblée nationale et que nous allions vers des commissions scolaires
linguistiques, il va s'ensuivre une réorganisation très
importante du réseau scolaire, alors des 2 réseaux scolaires.
C'est peut-être prudent de ne pas procéder trop vite dans
la mesure où, financièrement, ce sera permis à des
fermetures d'écoles. On est peut-être mieux de dire: On va
attendre que la réorganisation soit faite, de manière qu'on ne se
dise pas: On a fermé cette école-là cette année et,
si on avait su ce qui s'en venait, on ne l'aurait pas fermée. Alors, il
y a des mesures qui peuvent être envisagées, des mesures de
compréhension, de bon sens, de réalisme. Et soyez assuré
qu'on regarde de ce côté-là avec toute la sympathie et
toute l'ouverture possible.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.
Je sais qu'il y a d'autres questions, de part et d'autre, mais je
permettrai maintenant au député de Rimouski de vous poser
quelques questions.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je vous remercie.
Juste pour réagir un peu aux propos «larmoyeux» et, en
même temps, qui déforment la réa- lité de la
députée de Chicoutimi. Elle est impayable à cet
égard. Elle laissait entendre dans son propos, tout à l'heure,
que c'était le bilinguisme intégral, notre proposition. C'est
vraiment ne pas comprendre ce qui a été dit lors de notre conseil
général. Ce n'est pas ça du tout que nous visions.
D'autre part, elle dit qu'il n'y a pas eu de consultation. Depuis 1985
que je suis à l'Assemblée nationale, le 2 décembre 1985,
lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, autant que je sache, il y avait
au moins cent cinquante plaintes qui n'étaient pas
réglées, par votre gouvernement, sur l'affichage. Vous n'avez
rien fait, vous n'avez rien fait, cent cinquante plaintes. Je me rappelle trop
bien M. Johnson. On avait questionné M. Johnson j'étais
justement en arrière de lui et il disait: On ne peut pas agir
pour le moment. L'application de la loi, il ne la faisait pas appliquer. Alors,
que la consultation n'ait pas eu lieu depuis ce temps-là... Le
débat a toujours eu lieu, le débat sur la langue. Il a toujours
eu lieu depuis 1976, et il est encore présent. Il n'est pas exclu non
plus le ministre l'a dit tout à l'heure que, après
le dépôt de la loi, il n'y ait pas une consultation. Ce n'est pas
exclu. Ça pourrait aller dans ce sens-là.
La députée de Chicoutimi a même subventionné
des jeunes étudiants pour aller voir vous vous en rappelez
elle a mis une grosse somme d'argent pour subventionner des jeunes pour aller
identifier dans le Québec, partout, ceux et celles qui ne respectaient
pas la loi 101. C'était bien, ça. Elle pourrait peut-être
en parler à M. Holden, de son côté. Aussi, aujourd'hui,
elle aurait eu une occasion par excellence, une occasion formidable, suite au
conseil général que nous venons de tenir, d'amener ses troupes
ici. Le chef de l'Opposition pourrait être ici aujourd'hui. Votre
critique de l'Éducation pourrait être ici. Votre critique des
Affaires culturelles. Vous êtes seule, madame, pour défendre votre
chasse gardée qui est la langue, comme si la langue, au Québec,
c'était votre seule et unique...
Mme Blackburn: M. le Président, j'appelle le quorum.
Une voix: Madame...
Mme Blackburn: On n'a pas le quorum, actuellement. Ça a
été soulevé, la question, par le député de
Rimouski. On ne l'avait pas soulevée, M. le Président, aussi
longtemps qu'il ne l'a pas soulevée.
Le Président (M. Doyon): Suspension. Qu'on appelle les
députés.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 19)
Le Président (M. Doyon): Nous allons reprendre nos travaux
maintenant que nous avons le quorum.
Alors, M. le député de Rimouski, est-ce que vous
aviez terminé votre intervention?
Office de la langue française
Programme de francisation auprès des petites
entreprises
M. Tremblay (Rimouski): Alors, M. le Président, je vais
terminer par une question, parce que je ne veux pas prolonger le débat.
Là-dessus, moi, j'aimerais entendre M. le ministre au sujet des petites
entreprises de 50 employés et moins. De quelle manière l'Office
de la langue française gère-t-il ces dossiers-là
présentement?
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Juste un bref mot pour commencer. Comme vous le savez,
dans la loi actuelle, seules les entreprises ayant plus de 50 employés
sont tenues de se procurer un certificat de francisation émis par
l'Office de la langue française. Avant de recevoir un tel certificat,
elles doivent avoir mis en oeuvre et réalisé un programme de
francisation qui porte sur la langue du travail, la langue des communications
à l'intérieur de l'entreprise, toutes sortes de facettes, la
langue de documentation de l'entreprise, les factures, les rapports, toutes ces
choses-là. Et, dans le cas des petites entreprises, elles ne sont pas
astreintes à cette obligation, parce que ça avait
été considéré trop lourd, à l'époque.
Mais, depuis plus de 2 ans, l'Office a entrepris un programme de contact avec
les petites entreprises afin de s'assurer que le message de la loi, qui est que
le français soit la langue commune de travail, pénètre
plus efficacement à l'intérieur de ces entreprises.
Et peut-être, à ce stade-ci, M. le Président, avec
votre bienveillante autorisation, que nous pourrions demander au
président-directeur général de l'Office de nous dire
comment ce programme fonctionne et quelles sont les orientations qu'on envisage
à cet égard pour l'année 1993-1994. (16 h 20)
Le Président (M. Doyon): Volontiers. Alors, M. le
directeur général.
M. Rondeau (Jean-Claude): M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Seulement vous identifier pour
les fins de notre Journal des débats.
M. Rondeau: Le programme est commencé, donc...
Le Président (M. Doyon): Voulez-vous donner votre nom,
s'il vous plaît, juste pour qu'on puisse...
M. Rondeau: Jean-Claude Rondeau...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. Rondeau. Oui.
M. Rondeau: ...président de l'Office de la langue
française.
Alors, le programme a été mis sur pied par l'Office durant
l'année 1989-1990 et, jusqu'à maintenant, il y a à peu
près 3000 entreprises qui ont été visitées, donc
des entreprises qui emploient moins de 50 employés, mais qui en
emploient au moins 10, sur un total d'à peu près 18 500, comme en
attestent, donc, les données aux institutions financières.
Ça se fait de la façon suivante: le président de l'Office
envoie une lettre au propriétaire de l'entreprise, dans tous les cas,
pour annoncer la visite d'un conseiller ou d'une conseillère pour aider
l'entreprise à respecter les dispositions générales de la
Charte. Parce que, si ces entreprises ne sont pas astreintes à
l'obtention d'un certificat de francisation, elles sont quand même
obligées de respecter les dispositions générales de la
Charte, par exemple sur l'affichage, sur le service au public. Alors, dans
chacun des cas, donc, le représentant ou la représentante de
l'Office se présente dans l'entreprise et regarde l'ensemble de la
situation linguistique avec le président, ou le propriétaire, ou
le directeur général, selon le cas. Et, comme le ministre l'a
souligné tout à l'heure, dans 9 cas sur 10, l'accueil est
très positif, donc c'est très rare qu'on se fasse fermer la porte
au nez.
Ce qui se passe, c'est qu'il y a un examen rapide qui est fait par le
conseiller ou la conseillère, et il y a des suggestions qui sont faites
quant à la manière de respecter les dispositions de la Charte. Je
dirais que le cas classique, ce serait un restaurateur. Comme on parle beaucoup
de la communauté grecque, je vais peut-être parler d'un
restaurateur grec qui, dans, par exemple, ses menus, ne saurait pas comment
traduire en français les différents plats qu'il offre à sa
clientèle. Alors, le conseiller ou la conseillère va l'aider, va
lui envoyer des exemples de menus en français et, dans la
quasi-totalité des cas, le restaurateur, par la suite, va avoir un menu
dans les 2 langues, comme la loi permet de le faire. Dans d'autres cas, c'est
sur l'affichage, sur le service au public. Donc, c'est un programme qui est
relativement simple, parce qu'on ne peut pas invoquer, par exemple, les
dispositions de l'article 141 de la Charte pour dire: II faut que vous
francisiez ceci, ceci, ceci. Mais c'est plus un programme qui est conçu
dans une perspective de relation d'aide.
Ce qu'on entend faire, pour cette année: on entend intensifier le
programme et réaménager l'utilisation des ressources internes de
l'Office pour qu'il y ait davantage de personnes sur le terrain. Je constate,
au fil des années, que le nombre de personnes qui peuvent aller
travailler directement ou être en contact direct avec les entreprises
n'est pas suffisant. Donc, il y a un réalignement à faire, qui
est déjà commencé à l'interne, à l'Office,
et qui devrait nous permettre d'avoir davantage de ressources dans la
perspective de relation d'aide pour ces petites entreprises.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Rondeau. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui. M. le Président, je me vois dans
l'obligation de corriger des affirmations mensongères qui sont venues,
tout à l'heure, du député de Rimouski. Je n'ai jamais
personnellement donné un sou, ni dans mon enveloppe de comté, ni
personnellement, pour qui que ce soit, pour faire des types d'enquêtes
sur l'état de l'affichage. Ce qui a été octroyé,
c'est loin de... À moins qu'il n'estime que 500 $ ça permet des
enquêtes approfondies. Il me nommera les personnes qui sont en mesure de
faire des enquêtes approfondies avec 500 $ en poche. Et c'est venu de
l'équipe, c'est-à-dire du budget de recherche de l'Opposition,
devant le refus du gouvernement de faire une véritable enquête sur
la situation. On nous disait: Tout va bien dans le meilleur des mondes. Et on
sait que le ministre nous dit: II n'y a plus de plaintes. Nous y reviendrons.
Je m'en réjouis, mais, en même temps, je m'en inquiète
parce qu'il y a gros à parier que, s'il n'y a plus de plaintes sur
l'application de la loi 178 à l'intérieur des commerces, c'est
parce que la loi est inapplicable. Et c'est ce qu'on va voir tantôt.
Quand on va à l'extérieur, je ne vois personne se promener avec
son galon on y reviendra, vous savez son escabeau et sa
boîte à peinture pour savoir comment ça s'applique.
Ça n'a pas de bon sens, à sa face même. il y a des
façons de mesurer l'attrait linguistique au québec: c'est le
transfert linguistique, les inscriptions dans les cégeps et les
universités et la consommation des produits culturels. et, dans ces 3
cas qui illustrent vraiment les glissements, on sait que les transferts
linguistiques vers l'anglais... majoritairement, pour ne pas dire massivement,
les cégeps vont chercher 17 % de toutes les clientèles
québécoises alors qu'ils n'ont même pas de
cégeps dans les régions, là, ou peu, sauf des petits
campus les cégeps anglophones ont 17 % des clientèles,
alors qu'ils ont 10 % des clientèles; les universités, 24 %,
alors qu'elles n'en ont que 10 %. il y a une capacité d'attraction des
universités et des cégeps extrêmement grande qui garantit,
dans une certaine mesure, la vivacité et la vigueur des écoles
anglaises.
Et il faut se rappeler, pour éviter de tomber dans un alarmisme
de mauvais aloi, et qui ne résisterait pas longtemps à la rigueur
d'une analyse, que, sur l'île de Montréal, il y a plus
d'élèves anglophones dans les écoles qu'il n'y a
d'élèves anglophones dans tout le Nouveau-Brunswick.
Évidemment, on ne parle pas de l'île-du-Prince-Édouard,
où il y en a 24 000. Ça ne les empêche pas, au
Nouveau-Brunswick, d'avoir un réseau scolaire qui se tient. Je pense
qu'on ne peut pas dire n'importe quoi à cet égard, et dire qu'ils
vont s'éteindre parce que ça a bougé un peu dans ce
secteur-là.
Mais, là-dessus, je voudrais revenir avec le président, M.
Rondeau, que je salue. L'Office voit son budget amputé de 619 000 $.
Quelles activités vont ainsi se trouver réduites?
M. Rondeau: M. le Président, sans être capable de
vous identifier de façon très précise les activités
qui vont être réduites, je pourrais indiquer de façon
générale qu'à la lumière d'une analyse que nous
venons de conduire quant à l'ensemble de nos programmes, des produits ou
des services de l'Office, c'est dans le secteur du soutien organisational que
les coupures vont être faites, et non pas dans le secteur des relations
directes avec la clientèle, parce que, sur ce plan-là, il
m'ap-paraît que nous devons intensifier nos efforts. Donc, il y a
déjà des coupures qui ont été faites. Dans les
coupures qui sont imposées à l'ensemble de l'appareil public, il
y en a, donc... Et les données attestent qu'il y a des coupures qui ont
été faites à l'Office, que la plupart ont
été faites dans ce que nous appelons, dans notre jargon, le
soutien organisational, et c'est dans cette perspective que ça va devoir
diminuer. Donc, il ne devrait pas y avoir... Et, au contraire, il devrait y
avoir une augmentation des ressources qui se consacrent plutôt aux
contacts auprès des entreprises et des organismes de l'administration ou
qui développent des produits et des services qui sont utilisés de
façon directe par la population.
Utilisation du français au travail et dans les
écoles
Mme Blackburn: le ministre, tout à l'heure, contestait les
chiffres que j'avançais sur le français au travail. c'est votre
organisme qui avait réalisé cette étude dont j'oublie le
titre, qui est tellement devenue un best-seller chez nous qu'on a perdu les 3
copies qu'on avait j'ai tenté d'essayer de les obtenir et
qui faisait l'état de la situation du français au travail
à montréal. ce que le ministre me donne et je suis capable
d'en faire la lecture c'est le français dans la grande
région métropolitaine. mais il y a une publication qui faisait
état de la situation du français à montréal et qui
décomposait le secteur privé du public. et, de mémoire, je
me rappelle ces données: 51 % des travailleurs et des travailleuses
à montréal travaillaient majoritairement en français, mais
c'était 66 % lorsqu'il s'agissait des manoeuvres, des ouvriers, et
ça allait à 34 % pour les techniciens spécialisés.
est-ce que ces données vous disent quelque chose ou vous rappellent
à peu près ce tableau? j'essaie de me rappeler, de
mémoire, le titre de la publication et je ne l'ai pas. vous l'avez
probablement.
M. Rondeau: M. le Président, je pense que Mme la
députée de Chicoutimi fait plutôt référence
à l'étude qui a été conduite par le Conseil de la
langue française, qui...
Mme Blackburn: Alors, vous y étiez.
M. Rondeau: ...était la troisième étape
d'une étude, donc, qui avait été faite 10 ans
précédemment. Je pense que le président du Conseil
pourrait vous en parler avec plus de compétence que moi.
Mme Blackburn: Et c'est vous qui étiez là, alors,
hein? Non? (16 h 30)
M. Rondeau: Non.
Mme Blackburn: Bien. Alors, j'y reviendrai...
Le Président (M. Doyon): Si le président du Conseil
est ici, Mme la ministre, vous préférerez peut-être lui
poser la question tout à l'heure, quand on regardera.
Mme Blackburn: D'accord. Sur l'autre... Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Excusez.
Mme Blackburn: Sur l'autre volet de la question, vous êtes
responsable de l'application de 113f. Il y a une plainte qui a
été portée à votre attention par M. Gateff et qui
invoquait le fait que les communications internes de la section anglaise de
l'école protestante de Rosemère étaient quelquefois
unilingues anglaises. L'Office a donné un avis là-dessus, et la
commission scolaire Laurenval, en janvier dernier, remettait en cause la
décision de l'Office et déclarait ne pas se plier aux exigences
de la loi. Pourriez-vous nous éclairer un peu sur l'état de la
situation actuellement?
Le Président (M. Doyon): M. Rondeau.
M. Rondeau: M. le Président, il y a eu, effectivement, ces
développements. Si vous voulez une réponse plus précise,
je peux demander à M. Racine, qui est le secrétaire de l'Office
et qui a suivi de façon très précise ce dossier; il
pourrait répondre. Je sais que la commission scolaire avait fait cette
réponse générale. Je ne crois pas qu'il y ait eu de
communication nouvelle de la part de M. Gateff, mais M. Racine pourrait
répondre. Je ne veux pas vous induire en erreur. Je sais que le dossier
ne m'a pas été présenté de nouveau et,
habituellement, ça signifie qu'il y a eu au moins une forme
d'arrangement. Maintenant...
Le Président (M. Doyon): Le ministre semble acquiescer
à votre suggestion. Pas d'objection, M. le ministre?
M. Ryan: Pas d'objection, au contraire.
Le Président (M. Doyon): M. Racine, peut-être vous
approcher, juste pour qu'on puisse mieux vous entendre par les micros. Alors,
M. Racine.
M. Racine (Gilles-Louis): Bon, si vous me permettez. Dans le cas
de M. Gateff, dans le dossier Laurenval, il semble que M. Gateff ait eu gain de
cause à un moment donné. On n'a pas suivi, par la suite, les
conséquences de l'exigence de M. Gateff. Il y avait un problème.
Dans le cas de M. Gateff, il y avait un dossier tout à fait personnel,
et le dossier est retourné auprès de la Direction de la
francisation qui a donné suite auprès de la commission scolaire
Laurenval, où on a expliqué les données, les positions de
l'article 24 et 26, notamment, de la Charte de la langue française, et
les relations qui doivent exister, la langue de travail à
l'intérieur de 113f. Et je n'ai pas eu de suite de cette conversation,
sauf une lettre du président de la commission scolaire qui expliquait le
point de vue, la discussion qu'il avait eue avec M. Gateff et où il
semblait qu'il y avait eu entente entre les deux.
Mme Blackburn: Vous n'avez pas, vous-même, ou l'Office,
vérifié si la loi était respectée.
M. Racine: On a fait la vérification. Il y a eu
discussion, il y a eu communication entre le chef du service des relations avec
l'administration, qui était Laurent Bélisle, avec le directeur
général de la commission scolaire Laurenval.
Mme Blackburn: Est-ce qu'il est possible de nous...
M. Racine: Maintenant, je ne peux pas vous dire, à ce
moment-ci, de quelle façon le dossier a abouti. On a vu la
correspondance, mais il semble que M. Gateff ait communiqué avec moi une
fois pour me dire que tout était correct et qu'il était satisfait
de l'arrangement. Pour le reste...
Le Président (M. Doyon): M. Rondeau.
M. Rondeau: M. le Président, si vous permettez, il faut se
rappeler le litige en question. C'était le fait que, quand il y avait
des directives qui étaient émises par la direction de
l'école, elles étaient émises, à l'occasion en tout
cas, uniquement en anglais, ce qui est tout à fait contraire aux
dispositions de la Charte, même pour une commission scolaire qui est
reconnue, parce qu'il s'agissait de directives d'ordre administratif.
Alors, si vous vous rappelez, dans le cas des organismes, à 113f,
les commissions scolaires, il peut y avoir des directives pédagogiques
rédigées uniquement en anglais. Mais, dans le cas des directives
administratives, elles doivent être nécessairement dans les 2
langues. C'était ça qui était l'objet du litige. À
partir du moment où il y a eu communication de l'Office avec la
commission scolaire, nous n'avons pas eu de preuve à l'effet que les
mêmes comportements avaient continué. Et, évidemment,
à moins d'aller s'installer dans l'école, il faut qu'on se fie au
fait que quelqu'un de l'école nous transmet des photocopies, par
exemple, de directives qui continueraient d'être émises en
anglais.
Et là je pense que l'information qu'on peut vous communiquer,
c'est qu'au moins depuis un certain nombre de mois il n'y a eu aucune
communication de la part de M. Gateff ou d'autres enseignants de l'école
à l'effet qu'il y aurait d'autres directives administratives qui
seraient rédigées uniquement en anglais.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Rondeau.
Mme Blackburn: Un autre cas, Val-d'Or. Et la plainte est venue,
là, de M. Simoneau. L'école Percival, qui serait une école
française, a toutes les caractéristiques, l'aspect et le
comportement, et les communications qui en feraient, dans les faits, une
école bilingue. Qu'est-ce qui se passe dans ce dossier?
M. Racine: Dans ce cas-ci...
Le Président (M. Doyon): M. Racine.
M. Racine:... ça fait partie de la commission scolaire de
l'Outaouais, une des commissions scolaires qui a été reconnue. En
fait, il y a eu fusion de 3 ou 4 commissions scolaires dans l'Outaouais pour en
former une qui était, je pense, Western Québec, quelque chose
comme ça.
Mme Blackburn: Western Québec.
M. Racine: Et cette commission scolaire, à Val-d'Or...
Cette école fait partie de la commission scolaire, et c'est une
école qui est mixte, à la fois française et anglaise. Il y
a une partie qui est française. C'est comme si c'étaient 2
entités différentes, mais on la fait dans un même
édifice, dans un même établissement, et le directeur de
l'établissement est un anglophone. La difficulté...
Mme Blackburn: Mais c'est une école française?
M. Racine: L'école est majoritairement française.
En fait, c'est 2 écoles dans un même établissement.
Mme Blackburn: II y a combien d'élèves du
côté français et du côté anglais dans cette
école?
M. Racine: je dirais, en termes de proportions, que c'est environ
70-30, 70 % francophone, 30 % anglophone.
Mme Blackburn: Et le directeur est anglophone. C'est brillant,
ça!
M. Racine: Le directeur est anglophone. C'est une nomination qui
a été faite par la commission scolaire. Écoutez, c'est
que, si ça avait été 2 écoles différentes,
il y aurait eu 2 directeurs. Le problème, c'est que, sur un plan
administratif, c'est considéré comme une seule entité
maintenant. Et cette commission scolaire Western Québec est reconnue au
sens de 113f. Si vous lisez 113f, ça peut paraître un peu ambigu.
Vous vous apercevez qu'on peut reconnaître des organismes comme une
commission scolaire qui dispense des services à une population
majoritairement d'une autre langue que française. Et on peut
également reconnaître, même dans une commission scolaire
francophone, des services ou des unités qui dispensent des services dans
une autre langue que française.
Exemple, à la CECM de Montréal évidem- ment,
c'est une commission scolaire francophone vous avez le secteur anglais
qui est reconnu au sens de 113f. Dans le cas de Western Québec, nulle
part l'article 113 ne parle de reconnaître des services francophones
à l'intérieur d'organismes reconnus en vertu de 113f. C'est une
des difficultés d'application de la loi à ce
niveau-là.
Mme Blackburn: Est-ce qu'on a plusieurs cas au Québec
où, finalement...
M. Racine: À ma connaissance, c'est le seul cas.
Mme Blackburn: C'est assez particulier, vous admettrez avec moi,
parce que de l'aveu même selon l'article de la presse de
l'assistante directrice de l'école Percival c'est Mme Lepage
elle a reconnu que les mémos personnels de culture
française sont, dans la moitié des cas, rédigés
dans les 2 langues, avec priorité à l'anglais. Et là on
est dans une école française.
M. Racine: Oui.
Mme Blackburn: À majorité, 30-70, je pense que
c'est ça.
M. Racine: Oui.
Mme Blackburn: C'était 80 et quelque chose sur 400,
là. C'est ce qu'on m'a dit.
M. Racine: Oui, en termes de pourcentage.
Mme Blackburn: C'est 80-400, selon l'article que j'ai ici. C'est
80 anglophones, 400 francophones, et ça se passe en anglais.
M. Racine: Tout ce que je peux vous dire, Mme la
députée, c'est que ça semble être un cas vraiment
unique, que du côté de la CEPGM, de la Commission des
écoles protestantes du Grand Montréal, cette situation-là
ne se présente pas. Tous les directeurs des écoles
françaises fonctionnent en français. Le cas, vraiment, qui est
cité... (16 h 40)
Mme Blackburn: La question porte sur Rosemè-re.
M. Racine:... ici, est vraiment un cas inusité.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Ar-cy-McGee.
M. Libman: Oui, M. le Président.
Mme Blackburn: Peut-être, toujours sur la même
question, 113f, on termine là-dessus?
Le Président (M. Doyon): Oui, allez.
Reconnaissance du statut de bilinguisme d'un
organisme
Mme Blackburn: Merci. Sur 113f, le statut de la
municipalité de Rosemère. Il se passe dans cette situation
quelque chose d'exceptionnel au Québec, et sans doute du jamais vu. Il y
a un organisme responsable, en vertu de la loi, de l'application de la loi, et
qui décide, par-dessus les élus, qu'il peut ne pas faire
respecter la loi. C'est sans précédent, à ma courte
information, qu'un organisme puisse, sans modification à la loi,
décider, même par résolution au conseil d'administration,
qu'il n'applique pas la loi, pas pour n'importe quelle raison, parce qu'il va y
avoir des modifications présumées à la loi.
Par rapport à notre système parlementaire, c'est
offensant. Je ne sais pas si vous le réalisez, c'est offensant. C'est
offensant pour les parlementaires, c'est offensant pour la fonction qui est la
nôtre et qui vous confie des mandats. Et je dois vous dire que, vous
connaissant, j'ai été surprise, étonnée mais aussi
offensée. Je ne pense pas qu'on aie... Parce que, si on laisse aller une
telle situation, comment ça va se présenter au Québec? On
crée, par exemple, des commissions qui ont un statut quasi juridique
pour faire appliquer des lois, et là, tout à coup, la commission
décréterait qu'il y a une modification de la loi dans le paysage
et qu'on n'est pas obligé de la respecter. Je vous dis que, moi,
à ma connaissance, à moins, M. Rondeau, que vous ayez d'autres
informations, c'est du jamais vu.
M. Ryan: M. le Président, je vais répondre à
ça pour commencer. Dans la loi 101, il n'est pas question du retrait de
reconnaissance. Le législateur n'en a pas parlé. Il y a une
espèce de vacance de la loi.
Mme Blackburn: Mais il y a jugement.
M. Ryan: Attendez un petit peu, on va finir l'explication. Il y a
une vacance. Par conséquent, on n'a aucune indication laissant croire
que le législateur aurait considéré que le retrait
éventuel d'une reconnaissance devrait être traité
exactement de la même manière que l'octroi de la reconnaissance.
Un juge s'est penché là-dessus, au niveau de la Cour
supérieure, a conclu que l'Office avait le pouvoir de retirer un
certificat. Il n'a pas conclu qu'il avait le devoir de le retirer en tout
temps; il a dit qu'il avait le pouvoir de le retirer. Et, à ce
moment-là, moi-même j'ai fait une déclaration publique.
C'est pour ça que j'interviens, étant donné le
caractère tout à fait inédit de cette situation-là,
qui ne s'était pas présentée encore. J'ai dit à
l'Office: Je souhaite que vous puissiez agir avec prudence et discernement dans
ce cas-là. Ça, ça fait partie du dossier public. La
députée connaît très bien cette
déclaration-là, qui remonte à une couple d'années,
ma foi, au moins un an et demi.
Maintenant, c'est une des intentions du gouvernement, je l'ai dit
tantôt, de préciser ce point-là dans le projet de loi qui
sera soumis à l'Assemblée nationale. Et je voudrais indiquer
pourquoi je considère qu'on n'est pas tout à fait dans le
même ordre d'action quand il s'agit de retirer un certificat et quand il
s'agit de l'octroyer. Quand il s'agit de l'octroyer, vous constatez une
situation: une municipalité dessert une clientèle en
majorité d'une langue autre que française, elle présente
une demande et, si elle a fait la démonstration que cette
clientèle est en majorité d'une langue autre que
française, c'est écrit dans la loi que l'Office doit accorder la
reconnaissance pour un certain statut de bilinguisme plus ou moins partiel.
Ça va, ça. Je pense qu'à ce moment-là il s'agit de
reconnaître la réalité d'une clientèle, et tout.
Mais, une fois que la reconnaissance a été
accordée, là, l'organisme vient se situer dans la panoplie des
réseaux qui sont au service de la population en vertu des lois du
Québec. S'il s'agit d'un hôpital ou d'un centre d'accueil, il va
être inscrit, normalement, parmi les centres d'accueil ou les
hôpitaux anglophones. S'il s'agit d'un établissement
d'enseignement, il va être établi dans les établissements
d'enseignement anglophones. Et ça va conditionner les politiques du
gouvernement en matière de «subventionnement», en
matière de répartition des services à travers le
Québec, puis tout. Et, s'il s'agit de retirer la reconnaissance, il faut
tenir compte de toutes ces implications. Qu'est-ce que ça va
entraîner pour l'organisation du réseau dans telle langue?
Supposez qu'il y ait un hôpital pour Italiens à Montréal,
que sa clientèle devienne à 40 % italienne et non plus à
50 %, on peut se poser des questions sur l'interprétation à
donner à «majorité» mais j'évite ce
débat-là, pour l'instant. Là...
Mme Blackburn: Oui, mais on revient à Rosemère,
là.
M. Ryan: ...si... Non, mais je vais prendre... Je vais finir mon
exemple, là. Si on suivait le raisonnement de la députée
de Chicoutimi, là, l'Office aurait le devoir de retirer le statut
à l'hôpital disons que c'est Santa Cabrini, par exemple,
là parce que sa clientèle ne serait plus qu'à 40 %,
45 % anglophone. Le gouvernement, lui, peut avoir de très bonnes raisons
de vouloir garder cet hôpital-là comme hôpital de la
communauté italienne, puis, en vertu de ses politiques de
«subventionnement», ses politiques de répartition des
services sociaux, sanitaires ou éducatifs à travers le
territoire, et tout, il y a toutes sortes d'autres facteurs qui entreront dans
la décision concernant le retrait d'une reconnaissance que ceux dont on
doit tenir compte dans la décision concernant l'octroi de la
reconnaissance. C'est ça, le problème dont on veut essayer de
disposer avec certaines modifications législatives.
Mme Blackburn: M. le Président, M. le
Président...
Le Président (M. Doyon): Oui. Une dernière
question...
Mme Blackburn: ...sur cette question...
Le Président (M. Doyon): ...Mme la
députée.
Mme Blackburn: ...le ministre tente de nous écarter du
sujet. Il nous dit: Ça fait un an et demi que j'ai fait cette
déclaration, se situant au-dessus de l'Assemblée nationale, et
commandant à l'Office une orientation. Il était clair que vous
n'aviez pas beaucoup le choix, je le sais, je le sais. Mais ce qu'on ne dit pas
ici, et ce que le ministre n'a pas dit non plus: Ce n'est pas parce qu'une
municipalité n'a pas son statut de ville bilingue qu'elle n'offre pas
des services. Écoutez, on a quelques citoyens anglophones dans la ville
de Chicouti-mi; il y en a un petit peu plus dans la ville de Jonquière;
il y en a quelques-uns à La Baie. Et, dans toutes ces
municipalités, sans exception, on répond en anglais et on offre
des services dans cette langue. L'hôpital de Chicoutimi n'a pas de statut
d'hôpital bilingue, mais il a une obligation, en vertu d'une disposition
de la loi 142, qui a été intégrée dans 120.
Ça n'a pas de rapport, cette histoire-là. Et ce n'est pas parce
que ça a pris des années avant que les hôpitaux anglophones
ne se donnent un plan d'accueil pour les francophones. Ça ne les
empêchait pas de les accueillir; il faudrait dire, peut-être pas
toujoursj'ai eu l'occasion de le vérifier en 1983 dans des
conditions idéales. Mais ça existait; ça ne les
empêchait pas de l'offrir.
Alors, quand on dit des choses comme ça, là, c'est gros,
c'est gros, et je maintiens que le ministre devrait conserver à cet
égard un devoir de réserve. Quand on est en train de dicter la
conduite à l'Office, je trouve ça malsain.
M. Ryan: Non. Mais j'ajoute seulement, là, qu'en ce qui
regarde le retrait, en l'absence de toute disposition traitant de ce sujet dans
la loi, on peut très bien supposer, comme l'a fait le juge Reeves de la
Cour supérieure, que ce pouvoir était inhérent à
celui qui concerne l'octroi de la reconnaissance. Ça ne veut pas dire
que le législateur eût été satisfait de ce que les
mêmes conditions président au retrait de la reconnaissance
qu'à celui de l'octroi de la reconnaissance. C'est ça qu'on va
essayer de préciser. Il y avait une vacance dans la loi, une marge de
doute importante, et je pense bien que c'est notre devoir, comme
législateurs, d'en être conscients et d'essayer d'y
remédier.
Maintenant, je conviendrais avec vous, M. le Président, que, si
l'Office avait décidé, disons, de retirer le statut,
moi-même je n'avais pas le pouvoir de l'en empêcher,
légalement; légalement, je n'avais pas le pouvoir de l'en
empêcher. Et ce n'est pas ça qui est arrivé, du tout. Mais
j'ai le droit, moi, comme ministre responsable de l'application de la Charte de
la langue française, de dire: II me semble que, dans ce cas-ci,
ça serait plus prudent de faire montre de discernement; ça, c'est
mon devoir de le faire, et je ne demanderai jamais de permission à
personne pour ça.
Mme Blackburn: Est-ce que l'Office, légalement, avait ce
droit?
M. Ryan: Moi, je pense qu'il l'avait. Je pense qu'il l'avait.
Le Président (M. Doyon): Je vais permettre au
député de D'Arcy-McGee de poser des questions à M. le
ministre.
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Ryan: Regardez, le gouvernement n'a pas appelé de la
décision qui a été rendue par le juge Reeves; on n'en a
pas appelé, de la décision. On aurait pu le faire si on avait
été convaincus du contraire.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: M. le Président, il est très
évident que je ne vis pas sur la même planète que la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Non, c'est vrai. Ha, ha, ha! Tout à fait
d'accord.
M. Libman: Franchement, elle parle, elle parle d'une...
Mme Blackburn: On s'entend là-dessus, là. Ça
ne fera pas de chicanes. Ha, ha, ha! (16 h 50)
M. Libman: Elle parle d'une puissance écrasante de la
langue anglaise au Québec. Nous voyons que la communauté
anglophone a subi, dans les 15 dernières années, un déclin
important de ses écoles, de ses institutions, de ses universités,
de ses entreprises. Les municipalités et les familles sont
fracturées géographiquement. Ça, c'est une situation
troublante, et le gouvernement doit agir en conséquence. Je pense que la
députée de Chicoutimi, qui a coprésidé un
comité pour analyser l'avenir de la communauté anglophone au
Québec, oui, à l'intérieur...
Mme Blackburn: Dans un Québec souverain.
M. Libman: ...d'un Québec souverain oui, je sais
mais, au moins, elle devrait avoir la moindre sensibilité
à la réalité qui existe aujourd'hui, et le gouvernement
doit vraiment voir cette situation d'une façon beaucoup plus large et
ouverte et agir en conséquence.
Obligation d'annoncer en français dans les
pages jaunes
Un autre aspect de tout ce débat a un impact assez important sur
la communauté anglophone, aussi important que la loi elle-même et
le zèle de l'Office de la langue française, des fois. Moi, je
fais référence, ici, par exemple, à une décision
rendue publique la semaine passée c'est M. Racine qui l'a rendue
publique, je crois sur l'obligation des petites entreprises anglophones,
si elles veulent mettre une publicité dans les pages
jaunes, de mettre la même publicité en français
aussi. Ça, ce n'est pas quelque chose qui est clair dans la loi. J'ai
posé cette question-là à l'Assemblée nationale le
mois passé, et le ministre a référé cette question
à l'Office.
Et, moi, je veux demander au ministre s'il est d'accord avec la
décision prise par l'Office et rendue publique la semaine passée.
Un petit homme d'affaires, qui a une clientèle exclusivement anglaise,
qui a cette obligation de faire une annonce dans les pages jaunes aussi en
français, une annonce de telle grandeur, par exemple, ça peut
coûter à ce petit homme d'affaires 8000 $ par année. Moi,
je veux savoir si le ministre est d'accord avec cette décision rendue
publique la semaine passée.
M. Ryan: Tout d'abord, M. le Président, je voudrais
m'enquérir de l'état exact du dossier au moment où nous
nous parlons. Est-ce que la décision est effectivement rendue? Quelle
est-elle exactement? Et, après ça, je vous donnerai mon
opinion.
M. Libman: L'Office de la langue française... M. Ryan:
Oui.
M. Libman: ...a annoncé, la semaine passée, qu'il a
décidé que ces restrictions ou cette obligation d'acheter une
annonce en français était conforme à la loi.
C'était l'Office de la langue française, avec
Télé-Direct, qui ont décidé de faire leur propre
amendement à la loi 101, sans vraiment que ça passe à
l'Assemblée nationale.
M. Ryan: M. le Président, peut-être avec votre
permission, on pourrait demander la version de l'Office.
Le Président (M. Doyon): Ah! c'est tout indiqué.
M. Ryan: Ensuite, on pourra discuter.
Le Président (M. Doyon): C'est tout indiqué. M.
Rondeau.
M. Rondeau: M. le Président, il y a eu, effectivement, une
rencontre de l'Office avec les propriétaires de
Télé-Direct pour examiner la situation. Donc, vous vous rappelez
que le départ du litige, c'était justement des commerçants
anglophones qui trouvaient injuste de devoir faire une affiche ou une
publicité également en français dans les pages jaunes.
Parce que le dossier de Télé-Direct, c'est un dossier qui remonte
au tout début de l'adoption de la Charte. Et, jusqu'en 1988,
l'interprétation de l'Office, qui avait été
corroborée par d'autres, c'était à l'effet que les
dispositions relatives à la langue, dans un annuaire, ça devait
être interprété selon l'article 58 de la Charte, tel qu'il
était écrit avant 1988.
Lors de l'adoption de la loi 178, en 1988, est apparue la distinction
intérieur, extérieur. Là, il est apparu que l'on ne
pouvait plus interpréter les disposi- tions relatives à de la
publicité commerciale, parce que, dans les pages jaunes, il faut bien se
rappeler qu'il s'agit de publicité commerciale, et qu'on ne pouvait pas
l'interpréter à la lumière de l'article 58 ou 58.1, mais
qu'il fallait plutôt l'interpréter à la lumière de
l'article 52. L'article 52, on peut le relire, parce que je pense que ça
va aider la compréhension du débat.
Donc, l'article 52 se lit comme suit: «Les catalogues, les
brochures, les dépliants et toute autre publication de même nature
doivent être rédigés en français». Quand une
loi est rédigée de cette manière-là,
«rédigés en français», ça peut aussi
être rédigé dans une autre langue, mais il y a toujours la
nécessité de la version française. Donc, dans la Charte,
quand il s'agit de publicité commerciale, il doit toujours y avoir la
langue française mais il peut y avoir une ou d'autres langues.
Alors, dans la rencontre qui a eu lieu avec Télé-Direct,
les représentants de l'Office et, malheureusement, j'étais
absent, mais je peux quand même vous raconter ce qui s'est passé
les membres de l'Office ont signifié à
Télé-Direct qu'il fallait interpréter les dispositions
relatives aux pages jaunes à la lumière de l'article 52,
même si le mot «annuaire» ne figure pas explicitement dans le
texte de l'article 52.
Concrètement, par rapport aux commerçants anglophones qui
réclament de faire de la publicité commerciale uniquement en
anglais, on est tout à fait conscients que ça ne règle pas
leur problème et que ça ne répond pas à leur
demande. Mais on ne voit pas en vertu de quel article de la Charte on pourrait
autoriser des personnes ou des entreprises à faire de la
publicité commerciale en excluant le français. Ça ne nous
paraît pas possible. Et notre interprétation, nous l'avons
évidemment vérifiée auprès du ministère de
la Justice.
Devant ceci, ce que Télé-Direct a dit et là
c'est une entreprise privée qui fait état de ce qu'elle veut
faire l'entreprise a tout simplement informé l'Office qu'elle
n'entendait pas modifier sa politique commerciale à l'égard de
ses clients. Mais ça, ce n'est pas des affaires de l'Office. L'Office
n'a rien à voir dans les règles commerciales entre une entreprise
et ses clients. Et ils nous ont demandé et c'est peut-être
à ça que le député de D'Arcy-McGee fait allusion
s'il serait possible, dans le cadre de la révision de la Charte,
d'inclure dans l'article 52, d'ajouter le mot «annuaire» pour qu'il
n'y ait pas d'équivoque. Et nous avons dit: Quand nous recevrons votre
demande officiellement parce qu'elle n'avait été transmise
qu'oralement nous transmettrons au ministre votre demande.
Alors, pour faire une histoire courte, il n'y a pas de décision
de l'Office. L'Office n'a pas à décider si l'Office applique ou
non la Charte. On a tout simplement rappelé sur quel article l'Office
s'appuie pour juger de cette situation. Et, quant à la ligne de conduite
de Télé-Direct, je pense qu'il va falloir s'informer
auprès de Télé-Direct qui est une entreprise privée
et qui décide de quelle façon elle va servir ses clients. Mais
l'Office n'a aucunement l'intention de s'ingérer dans la relation
commerciale avec les clients.
M. Libman: Mais est-ce que le ministre n'est pas d'accord que
c'est exactement ce genre de restriction ou de contrainte qui, au moins au plan
moral, ajoute à ce climat de pessimisme et de fatigue dans la
communauté anglophone du Québec aujourd'hui? Est-ce qu'on a
vraiment besoin d'être si sévère pour protéger le
visage français au Québec, pour vraiment que la langue
française s'épanouisse au Québec? Est-ce que c'est
vraiment nécessaire d'aller si loin, de façon si
spécifique, si détaillée pour créer une situation
qui a un résultat très sérieux pour les communautés
minoritaires au Québec?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Regardez, je comprendrais l'entreprise de demander une
modification à l'article 52 pour avoir la garantie que la
décision ne changera pas de nouveau dans 6 ans. Si on l'envoyait sous
58, et là on s'en venait sous 52, vous diriez: Bien, dites-le-nous
clairement pour qu'on sache à quoi s'en tenir. Moi, je tiendrais
à dire que, dès que la suggestion va être arrivée,
on la regardera avec intérêt. Et, si on peut l'intégrer
dans le projet de loi qu'on prépare, on le regardera avec
intérêt.
Et, même si c'était intégré là, il
resterait le problème qui a été soulevé.
D'après ce que je peux comprendre et là vous me corrigerez
si je me trompe; je regarde ça du point de vue d'un homme pratique
là, ce type-là, à la suite d'orientations qui lui
avaient déjà été données, il a
décidé de faire 2 bottins ensemble; il y a son bottin
français, il y a son bottin anglais. Là, on lui dit que ce
n'était peut-être pas nécessaire. S'il y avait une affiche,
par exemple... Disons que votre client, son affiche serait à
prédominance française, puis il y aurait un message anglais
dedans, il pourrait en avoir rien qu'une. Il n'y aurait pas de problème.
Il pourrait le mettre dans une section ou dans l'autre.
M. Rondeau: M. le Président, si vous me permettez.
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Rondeau: II pourrait le mettre dans une section ou dans
l'autre, mais il serait toujours obligé d'avoir un message
français.
M. Libman: Ça double, en effet.
M. Ryan: Oui, mais c'est ça qu'on dit, là. Il
pourrait le mettre là où il veut, dans 1 une ou l'autre des
sections. Mais, moi, ce que je comprends de l'entreprise, pour être
pratique, c'est qu'à la lumière de l'interprétation
nouvelle qui est donnée elle va être appelée à se
demander: Bien, ce n'est peut-être pas nécessaire d'avoir 2
bottins. Peut-être que c'est aussi bien d'en avoir seulement 1 où
il y aura du français et il y aura également de l'anglais,
suivant les règles établies par le législateur. Puis,
peut-être que ça lui crée des problèmes parce qu'il
y avait peut-être de l'argent à faire là-dedans aussi. (17
heures)
Je ne veux pas aller au-delà du champ qui m'incombe en propre,
mais c'est comme ça que le problème se pose. Puis, je pense bien
que la règle de base dans l'affichage commercial et dans les avis
commerciaux du type de ceux qui sont touchés par l'article 52, il faut
la présence obligatoire du français.
Si on veut enlever ça, on va commencer par des petits, on va
mettre des moyens, puis, après ça, ça va être des
gros. Puis, on va inverser l'ordre complètement. Je pense bien qu'il
faut une règle précise, au départ, de toute cette
opération-là.
Mme Blackburn: Les autres vont appeler à la
discrimination.
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Les autres vont invoquer la discrimination.
C'était juste...
M. Libman: Merci, Mme la députée.
M. Ryan: Oui, non, non, mais regardez, je pense qu'on se comprend
là-dessus. Puis, c'est l'intention, je pense, du gouvernement d'avoir un
certain nombre je m'excuse auprès de l'Opposition de cette
prétention de principes clairs à la base de tout
l'édifice. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Excusez-moi. On va en reparler tantôt. Oui,
M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le député
de D'Arcy-McGee, une autre question?
M. Libman: oui. en ce qui concerne 113f, si on regarde d'autres
juridictions, on voit des niveaux beaucoup plus bas que celui de 50 %, qui
existe au québec. est-ce que le ministre a examiné, à
cause des données démographiques, a analysé la
possibilité de diminuer les niveaux de 50 %? en ontario, par exemple, on
offre des services aux communautés minoritaires s'il y a un pourcentage
de 10 % dans une certaine juridiction. dans les autres pays, en europe, c'est
un niveau réduit à 8 %. est-ce que le ministre ne trouve pas que
le niveau, le seuil de 50 % est un peu élevé, à la
lumière des réalités démographiques d'aujourd'hui,
au québec?
M. Ryan: Comme je l'ai indiqué dans mes remarques
liminaires, la question est fort légitime. Je crois que le seuil
d'entrée est élevé au Québec...
M. Libman: Pardon?
M. Ryan: ...est élevé au Québec, et c'est
une question qui se posera sûrement au cours des années à
venir. Je n'envisage pas de faire des recommandations au gouvernement sur ce
point cette fois-ci.
Bien, je n'avais pas eu de représentation avant tout
récemment là-dessus. C'est moi-même qui ai soulevé
la question, une fois, et les gens ne l'avaient pas soulevée. Mais je ne
pense pas que, dans l'ordre de cette pédagogie d'action politique dont
je vous parlais, ça serait opportun de soulever cette question-là
cette fois-ci.
M. Libman: C'est à l'examen. Vous examinez cette
possibilité?
M. Ryan: Ah oui! oui, et ça se pose dans mon esprit
à moi, je le dis en toute ouverture. Il y a beaucoup de questions qui se
posent dans mon esprit et sur lesquelles je ne peux pas
légiférer. Beaucoup!
Le Président (M. Doyon): Très bien, M. le
ministre.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
On m'a fait parvenir par la poste un catalogue publicitaire de la maison
Zellers Soldes du 4 au 24 décembre 1992. Faites vite pour un
meilleur choix! Bon. Ce catalogue et je ne voudrais pas m'étendre
longtemps là-dessus, parce qu'on a beaucoup d'autres sujets je
voudrais le remettre au président de l'Office pour voir s'il est
conforme. Mon grand étonnement, quand on le feuillette, c'est qu'on
constate qu'ils utilisent... C'est bilingue, mais d'une drôle de
manière: certains produits sont annoncés exclusivement en
français, d'autres exclusivement en anglais. Et ça s'en va comme
ça dans les... je ne sais pas combien de pages, là, mais c'est
assez volumineux; je pense que c'est 31 pages c'est ça? 32
pages. Une publication assez importante. Je pense que Zellers a les moyens de
vérifier auprès de l'Office si ces choses-là sont
conformes, et j'aimerais, là-dessus, avoir un avis de l'Office.
Utilisation de l'anglais comme langue de travail
à l'Université de Montréal
Je voudrais revenir un peu sur le français au travail, parce que
le français a un avenir au Québec dans la mesure où le
français a une valeur économique. Je pense que, là-dessus,
tout le monde va être d'accord. Le français a un avenir au
Québec en autant que le français a une valeur économique.
Plus on ouvre de postes bilingues, plus on dit aux futurs travailleurs ou aux
travailleurs: La langue véhiculaire, c'est-à-dire la langue de
communication au sein de l'entreprise, celle qu'il est indispensable de
posséder, c'est l'anglais... Il y a un glissement absolument dangereux.
On aura beau dire n'importe quoi, il y a un glissement actuel dans les
entreprises.
J'ai pris connaissance et j'ai rencontré des
représentants des cadres supérieurs de l'Université de
Montréal d'un dossier sur lequel on a attiré mon
attention. À l'Université de Montréal, pour des raisons
pratiques, au fur et à mesure que s'ouvrent des postes, parce que la
personne a quitté, qu'elle a pris sa retraite, on ajoute une exigence.
Évidemment, là, on parle du personnel de soutien: les
secrétaires et les techniciens en laboratoire. On ajoute une exigence,
le bilinguisme, ce qui, dans les faits, risque de faire passer le nombre de
postes bilingues, en 1989, de 23 qu'il était à quelque 400 au
niveau du personnel de soutien. Ce n'est pas mineur, ça.
Alors, j'y suis allée, parce que je me disais: II ne faut pas
s'en aller dans toutes les directions, je vais vérifier. Donc, j'ai
vérifié. J'ai vérifié auprès des hautes
instances, lors d'une rencontre. On a échangé là-dessus,
pour constater qu'effectivement l'Université pensait même aller
plus loin. Ils pensaient, dans les négociations, identifier des
fonctions comme étant bilingues automatiquement, où que ce soit
dans l'Université, c'est-à-dire que tous les techniciens seraient
bilingues, les secrétaires seraient bilingues, bon! Je pense qu'ils
n'avaient pas vraiment réalisé ce que ça peut vouloir
dire, mais ça illustre ce genre de glissement.
Les arguments qu'on utilise à l'appui d'une telle politique ou
d'une telle volonté à l'Université, c'est de dire: Les
secrétaires, elles reçoivent des appels de l'étranger.
Mais les techniciens, on leur demande d'être bilingues pour
répondre à l'unilinguisme des professeurs-chercheurs. Dans une
perspective comme ça, comment peut-on demander à nos petites
entreprises de travailler en français, si la plus grande
université française en Amérique du Nord
évidemment, il y a Laval et il y a Montréal, dans les grandes
universités est en train de faire un tel glissement? Est-ce qu'on
a attiré l'attention du ministre sur cette situation?
Moi, je pense que l'Université a à donner l'exemple
là-dessus. Et je pense à M. Simard, qui a dirigé le centre
de recherche sur le cancer, dans l'Est de Montréal, qui me racontait
que, quand il a commencé à travailler, à diriger le
centre, ça avait tendance à s'en aller davantage vers l'anglais,
jusqu'à ce que quelques professeurs expliquent qu'ils voulaient
apprendre le français, et que ça devait se passer en
français. Mais l'institut, évidemment, le centre de recherche est
dans l'Est de Montréal et, 10 ans après, vous allez là,
tout se passe en français. Donc, c'est faisable. Donc, c'est
faisable.
Là, on est en train, à l'Université,
inconsciemment, je pense, parce que j'ai peine à croire que la plus
grande université, qui a une responsabilité sociale en
matière d'exemple à fournir aux employés et aux
entreprises, soit en train de faire un tel glissement... Moi, j'ai
été là-dessus absolument surprise, étonnée,
mais inquiète, que quelqu'un, qui occupe un tel poste dans une
université, qui a des responsabilités sociales majeures, s'en
aille dans cette direction-là. Puis, je me dis: Comment est-ce qu'on va
donner des exemples? Comment est-ce que je peux dire à mes jeunes, moi:
C'est important, le français? Vous savez, je n'ai aucune... Alors, je
voudrais, là-dessus, savoir s'il y a eu des interventions, si le
ministre a cru utile d'aller rencontrer l'Université et si la loi
s'applique aussi, en matière de droit du travail, aux universités
à charte, c'est-à-dire le
droit de travailler en français?
M. Ryan: D'abord, je voudrais indiquer une chose. Je crois que la
Charte ne s'applique pas aux universités et aux collèges. Il y a
des exceptions qui sont prévues à la fin, là... Sauf
l'article 46, me souffle le président de l'Office.
On va clarifier la première chose pour commencer. Je regarde,
là: «...à l'exception et l'administration, ça
couvre le gouvernement et ses ministères toutefois des services
de santé, des services sociaux, des collèges d'enseignement
général et professionnel et de l'Université du
Québec.» Donc, ça s'applique à l'Université
de Montréal. C'est assez curieux, ça. C'est correct. Très
bien. Maintenant, là, il y a un article, à plus forte raison, qui
s'applique à l'Université de Montréal. C'est l'article 46,
où il est dit: «II est interdit à un employeur d'exiger
pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance
d'une langue autre que la langue officielle, à moins que
l'accomplissement de la tâche ne nécessite la connaissance de
cette autre langue. «Il incombe à l'employeur de prouver à
la personne intéressée, à l'association de salariés
intéressée ou, le cas échéant, à l'Office
[...] que la connaissance de l'autre langue est nécessaire. L'Office
[...] a compétence pour trancher le litige, le cas
échéant.» (17 h 10)
Je pense que l'exemple qui nous est apporté tombe sous le champ
de cet article-là et, si l'association de salariés,
représentant les employés visés par ces plans ou
décisions envisagées de l'Université de Montréal,
veut saisir l'Office de la langue française, à défaut de
pouvoir s'entendre avec les autorités de l'Université, je pense
qu'elle pourra soumettre le cas. Il pourrait être examiné suivant
les pouvoirs qui sont conférés à l'Office en cette
matière. Mais peut-être que le président a des choses
à nous dire là-dessus. Il a peut-être eu des contacts avec
l'Université ou les salariés concernés.
Mme Blackburn: Je sais que le président a
été saisi de nombreuses plaintes. Est-ce qu'il peut nous dire ce
qu'il en est?
M. Rondeau: M. le Président, effectivement, l'Office en a
été saisi par l'un ou l'autre des syndicats des employés
de l'Université de Montréal et il y a eu des rencontres,
déjà, avec l'Université, sur ce plan-là.
Maintenant, il faut bien voir la portée de la loi. Effectivement,
ça s'applique à l'Université de Montréal, comme
à tous les milieux de travail qui doivent faire la preuve que la
connaissance d'une langue est requise pour exercer un emploi ou pour être
promu dans une entreprise, que ce soit le secteur public ou le secteur
privé.
Maintenant, la loi, telle qu'elle est formulée, c'est qu'on
procède sur plainte. Nous, nous ne pouvons pas agir de façon, je
dirais, péremptoire, uniquement sur des intentions. Sur des intentions,
ça nous a permis d'entrer en contact avec l'Université, pour
expliquer la portée de la loi. Maintenant, si l'Université va
au-delà, ce qu'il va falloir faire, c'est examiner chacun des cas qui va
être porté à notre attention et voir si, dans le cas
précis, la connaissance d'une autre langue était requise. Donc,
nous, on ne peut pas traiter ça par corps d'emploi; on ne peut pas
traiter ça par département ou quoi que ce soit. La loi
prévoit que c'est chaque cas qui doit être examiné. Donc,
si, effectivement, l'Université prend cette décision-là,
s'il y a des plaintes qui sont présentées, soit par des
individus, soit par des associations de salariés, l'Office devra
examiner les plaintes et prendre une décision, comme il le fait pour
d'autres cas, peut-être une dizaine par année.
Mme Blackburn: Mais, vous avez, actuellement, été
saisis de plaintes.
M. Rondeau: On n'a pas été saisis de plaintes. On a
été saisis d'une volonté de l'Université de vouloir
généraliser une mesure.
Mme Blackburn: On ne vous a pas soumis de cas précis?
M. Rondeau: On a eu d'autres cas à l'Université de
Montréal, mais qui sont antérieurs à cette nouvelle
décision, des cas que nous avons traités. Mais vous savez qu'en
vertu de la loi une entreprise ou l'administration peut décider soit
d'aller devant l'Office ou d'aller devant le commissaire du travail, qui ont
des compétences concurrentes. Et il semble que l'Université de
Montréal préfère aller devant le commissaire du travail
que de venir devant l'Office.
Mme Blackburn: Parce que le commissaire du travail... Je pense
qu'il faut le dire, ça coûte cher d'aller devant le commissaire du
travail. C'est pour ça que l'Université, qui a plus de moyens,
évidemment, à même nos revenus et nos impôts, a
tendance à opter pour l'hypothèse la plus coûteuse, ce qui
fait que le syndicat ne peut pas suivre. C'est ça qui est malheureux.
À ce moment-ci, et compte tenu des dispositions de la loi, est-ce que
l'Université peut introduire une clause de portée
générale dans la convention collective, en
décrétant que les fonctions de secrétaire de direction,
par exemple, pour prendre ça, seraient dorénavant bilingues?
Est-ce que ça irait à rencontre de la loi?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: II n'y a rien qui interdit à l'Université
de définir les qualifications qu'elle exige pour certaines
catégories de postes. Il n'y a absolument rien qui lui interdit de faire
ça. Si une personne brigue un poste, qu'on lui dise: On te refuse ce
poste-là à cause des exigences du français, là,
ça peut aller à l'Office. Mais il n'y a pas de contrainte qui
empêche l'Université de définir les exigences pour des
postes, conformément à la connaissance qu'elle en a. Je vous
dirais une chose en complément. S'il s'agit d'une secrétaire d'un
professeur
d'université, j'espère qu'elle va savoir l'anglais. Il me
semble que c'est élémentaire, en Amérique du Nord.
À un moment donné, le professeur reçoit des publications,
qui sont en grande majorité de langue anglaise pour la plupart des
disciplines. À un moment donné, il veut transcrire une partie de
ces textes-là, il veut en faire faire un résumé;
même, des fois, une traduction, par une secrétaire
compétente. Il va être en communication téléphonique
ou autre. Il a des lettres à envoyer en anglais, aussi. La
majorité des textes scientifiques produits par nos professeurs sont
produits en langue anglaise. Le Conseil a fait une étude
là-dessus, et il est arrivé à conclure que c'est
pratiquement impossible qu'il en soit autrement.
Mme Blackburn: Les techniciens de laboratoire?
M. Ryan: Ça, c'est correct. Je suis prêt à
examiner toute décision abusive. Je pense bien que l'Office pourra
l'examiner attentivement. Si, moi-même, on porte à mon attention
une décision de caractère général, qui traduit une
politique, avec des incidences linguistiques importantes, je serai tout
à fait enclin à soulever la question avec les autorités de
l'Université. Mais mon préjugé de départ, surtout
dans un milieu comme l'université, est plutôt en faveur d'une
compétence plus large qu'une compétence plus étroite.
Mme Blackburn: Toujours sur la question du français au
travail, le Conseil du statut de la femme, dans La Gazette des femmes,
mars-avril 1993, publie un article sous la plume de il me semble que
je me le rappelle, c'est Mme D'Amours Martine D'Amours, qui illustre un
peu la situation qui est vécue par le personnel domestique, qui a
l'obligation de résider chez l'employeur, et qui, selon le titre, ouvre
la porte à toutes sortes d'abus.
Alors, la question, c'est... Et on illustre ici des données assez
troublantes sur leur situation. En 1989, il y a 1124 étrangères
qui ont été admises au Québec à titre de
travailleuses domestiques temporaires: 60 % d'entre elles viennent des
Philippines; 8 % de la France; Haïti, le Maroc, la Jamaïque, le
Royaume-Uni fournissent respectivement 2 %, le reste. La vaste majorité
des immigrées travaillent surtout dans la région de
Montréal, et, dans une moindre mesure, dans la région de
Hull.
Selon l'enquête menée par le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration auprès des employeurs
et des ex-employeurs de la grande région de Montréal, l'employeur
type est un Canadien d'origine, dont l'âge varie entre 35 et 45 ans,
parent de 2 ou 3 enfants. Dans la moitié des cas, le revenu annuel brut
du ménage dépasse les 100 000 $. Cependant, près de la
moitié des employeurs interrogés ont refusé de
répondre à la question. La langue la plus parlée et
c'est ça qui m'amenait à la maison est l'anglais, dans
75,6 % des cas. Mais près de la moitié utilisent aussi le
français comme deuxième langue. Les familles qui embauchent une
domestique étrangère le font d'abord parce que tous les deux
travaillent, et puis pour garder les enfants. Il y a peu ou pas de temps
accordé pour que ces personnes puissent s'inscrire, par exemple, aux
programmes de COFI.
Je voulais porter à l'attention du ministre cette situation et,
en même temps, demander au ministre: Est-ce qu'il a fait une intervention
auprès de sa collègue des Communautés culturelles pour
contester avec elle, j'espère, les coupures aux COFI?
Le Président (M. Doyon): Je souligne que nous sommes ici,
bien sûr, pour étudier les crédits qui dépendent du
ministre, et nous avons eu l'occasion, vous étiez la bienvenue
d'ailleurs, Mme la députée, d'étudier les crédits
du ministère des Communautés culturelles. Mes collègues
étaient ici. Cette question-là a été
soulevée par votre collègue, le député de
Pointe-aux-Trembles, et je pense qu'il a reçu des réponses qui
l'ont satisfait.
Mme Blackburn: Ce que je demande, M. le Président... Le
ministre, habituellement, n'est pas gêné. Lorsqu'il ne veut pas
donner d'avis, il n'en parle pas. Là-dessus, comme il me le disait
tantôt, il est assez grand pour savoir ce qu'il fait. Il doit être
assez grand pour savoir ce qu'il veut répondre. Alors, ce que je lui
dis...
Le Président (M. Doyon): J'ai compris que la
réponse du ministre, c'est qu'il ne l'avait pas fait, et
j'indiquais...
Mme Blackburn: Ah!
Le Président (M. Doyon): ...pour votre information, que
ces renseignements-là étaient déjà donnés.
Vous en faites ce que vous voulez.
M. Ryan: Votre jugement est, d'ordinaire, presque infaillible,
mais, dans ce cas-ci, nous étions trop éloignés. Vous
n'avez pas pu voir jusque dans le fond de ma pensée.
Le Président (M. Doyon): Je m'excuse. Je me reprendrai une
deuxième fois, M. le ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Alors, vous allez nous dire le fond de votre
pensée.
M. Ryan: De fait, est-ce que la députée fait
allusion au réalignement des heures, de la durée des programmes
de formation dans les COFI?
Mme Blackburn: Oui, c'est passé de 900 heures à
650.
M. Ryan: Ça, je dois indiquer que la ministre m'a
effectivement consulté là-dessus. J'ai examiné
soigneusement le dossier avec elle et j'ai considéré que,
tout compte fait, la mesure qu'elle prenait garantissait la
qualité de la formation et tenait compte en même temps des
exigences budgétaires du gouvernement. J'ai, par conséquent,
donné mon assentiment, à l'époque. J'ai été
consulté en bonne et due forme.
J'ai passé 2 heures avec la ministre et son équipe pour
discuter de ce sujet-là.
Le Président (M. Doyon): Une autre question, Mme la
députée, ou je permets au député de
D'Arcy-McGee?
Mme Blackburn: Non, moi, ça irait pour l'Office de la
langue. Je serais prête à passer à la Commission.
Le Président (M. Doyon): Bon. Alors, M. le
député de D'Arcy-McGee, vous êtes encore à l'Office
de la langue, peut-être?
M. Libman: Je veux juste savoir... Moi aussi, j'ai des questions
pour la Commission de protection, mais est-ce que je peux juste revenir
à une question que j'ai abordée tantôt avec le ministre?
Vous m'aviez coupé à cause du temps.
Le Président (M. Doyon): M. le député. (17 h
20)
M. Libman: Encore, juste pour revenir à la question de
l'accès aux écoles anglaises, avant qu'on passe à la
Commission de protection. Je veux juste savoir si le ministre peut confirmer
certains chiffres qui existent aujourd'hui: le nombre d'étudiants dans
les écoles françaises au Québec, environ 1 000 000, et le
nombre d'étudiants dans les écoles anglaises, environ 100 000. Si
on ouvre l'accès aux écoles anglaises à ceux qui ont comme
langue maternelle l'anglais, qui est le même critère qui
s'applique à l'article 23(l)a de la Charte canadienne des droits,
ça représente environ 9000 étudiants. Est-ce que c'est
exact? C'est le même chiffre que vous possédez à peu
près?
M. Ryan: C'est dans le même ordre de grandeur. M.
Libman: Alors, si...
M. Ryan: Évidemment, c'est difficile à
préciser, parce que «des enfants de langue maternelle
anglaise», la définition n'est pas facile à donner.
Ça va bien dans une charte, mais toute la législation que nous
avons aujourd'hui procède de difficultés qui ont existé
autrefois autour de la définition du critère de la langue
maternelle.
M. Libman: Mais c'est un critère qui existe dans toutes
les autres provinces au Canada, sauf le Québec.
M. Ryan: Oui, justement.
M. Libman: Le Québec est la seule province qui est
exemptée. Alors, c'est un critère...
M. Ryan: Absolument.
M. Libman: ...qui peut marcher.
M. Ryan: Je vais vous dire pourquoi. C'est parce que, dans la
province de Québec, en raison de l'orientation qu'avaient choisie les
immigrants en matière scolaire, il s'est développé un
climat de méfiance, de soupçons et, je dirais, de malentendus qui
a obligé le gouvernement à préciser les critères.
Un grand nombre d'immigrants se présentaient à leur commission
scolaire et disaient: Nous autres, la langue maternelle, c'est l'anglais, alors
que, souvent, leur langue maternelle n'était pas l'anglais. Comme il
n'existait pas de moyen de procéder à des vérifications,
les choses ont glissé et glissé. Le gouvernement a senti le
besoin de préciser la discipline. Avec la loi 22, on avait d'abord
établi qu'il y aurait des tests d'aptitudes à parler l'anglais,
pour vérifier si, vraiment, l'anglais était la langue maternelle.
L'application des tests a été un échec. C'était
très difficile, et ça a été rejeté par tout
le monde. C'est après ça qu'on est arrivé au
critère de la fréquentation scolaire, de la fréquentation
de l'école primaire par les parents ou par l'enfant. Ça s'est
avéré le critère le plus applicable au plan administratif.
Ce n'est pas le meilleur en soi, mais c'est le plus facilement applicable au
plan administratif, et celui qui est le plus proche de la
réalité, sans être infaillible, loin de là. Il
conduit parfois à des situations difficilement acceptables, mais, de
manière très générale, ça s'est
avéré le critère le plus pratique. C'est pour
ça.
M. Libman: Le rapport Chambers...
M. Ryan: Tant qu'on aura un climat, là, empreint de
méfiance, de soupçons, on ne pourra pas revenir au critère
de la langue maternelle. En longue haleine, c'est loin d'être interdit de
le penser.
M. Libman: Le rapport Chambers recommande la question de pays
anglophones; ça aussi crée des problèmes. Vous
évoquez souvent le concept de 2 classes d'immigrants. Est-ce qu'il y a
un autre moyen, est-ce qu'il y a une autre façon pour le gouvernement
d'examiner cette question? Par exemple, un enfant dont les parents ont
été éduqués en anglais, dans leur pays d'origine,
ça pourrait être une avenue à suivre pour le gouvernement,
pour examiner cette question? Parce que, les statistiques... Comme vous le
savez, si on permet au moins cette ouverture, vous êtes d'accord avec moi
que ça représente un impact négligeable sur le
réseau scolaire francophone. C'est pour ça que je vous ai
demandé ces statistiques pour confirmer. Vous êtes au moins
d'accord que, si on ouvre la porte à 10 000 étudiants par
année, ça représente une perte d'à peu près
1 % dans le réseau scolaire francophone.
M. Ryan: Lorsque arrivera l'examen du projet de loi en commission
parlementaire, nous produirons ces données avec toute la
précision nécessaire. Toutes ces
hypothèses ont été l'objet d'étude de la
part des services des ministères concernés, évidemment.
Mais l'objection de fond, là, qui est celle de catégorisation des
citoyens du Québec, ou des immigrants, n'a pas trouvé de solution
satisfaisante dans notre esprit.
M. Libman: Toujours sur le même sujet, en effet, vous avez
aussi évoqué tout à l'heure une décision imminente
sur la loi 107. Il y a ceux qui disent que ça va aider le nombre
d'écoles dans la communauté anglophone. Il y en a d'autres qui
s'inquiètent de cette décision. Est-ce que vous êtes ouvert
à la possibilité de chercher une protection constitutionnelle ou
une garantie constitutionnelle pour des commissions scolaires linguistiques,
dans le même ordre que les protections qui existent aujourd'hui pour les
commissions scolaires confessionnelles?
M. Ryan: Regardez, ce n'est pas mon mandat de parler de la
position constitutionnelle du gouvernement, ça relève du ministre
des Affaires intergouvernementales et du premier ministre. Maintenant, moi,
personnellement, une fois qu'on aura réglé l'affaire clairement,
au point de vue des tribunaux, la constitutionnalité de la loi 107, si
cette constitutionnalité était confirmée par la Cour
suprême, qu'éventuellement ceci doive faire l'objet d'une
protection constitutionnelle, je n'y aurais, personnellement, pas d'objection.
C'est une opinion personnelle que je vous donne, là, mais pas
nécessairement celle du gouvernement, parce que, je ne dis pas que le
gouvernement est contre, mais c'est parce que ça n'a pas fait l'objet
d'une prise de position du gouvernement. Mais, moi, je peux vous assurer que,
personnellement, je ne serais absolument pas défavorable.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. le ministre, dans un autre ordre d'affaire, les changements qui sont
envisagés, et qui sont de la nature de ceux qu'on a vus en fin de
semaine, ont soulevé des prévisions «cataclysmiques»
de la part d'un certain nombre d'observateurs et de gens qui font
spécialité de ça. Est-ce que vous avez fait une certaine
prospective, M. le ministre, avec l'aide de l'Office, en ce qui concerne...
Moi, je reste convaincu, personnellement, qu'il y a un certain état de
choses qui s'est établi, en ce qui concerne l'affichage, par exemple.
Les choses étant ce qu'elles sont et fonctionnant, ayant donné un
certain nombre de résultats de la part des maisons d'affaires, des
commerces, etc., etc., est-ce que, dans une étude de prospective, faite
avec l'aide de l'Office, par votre ministère ou par le comité
consultatif, vous avez pu regarder ce qu'étaient les intentions
envisagées, advenant une certaine libéralisation qui permet,
justement, l'affichage dans une autre langue que le français? Est-ce
qu'il n'y a pas lieu de croire, par exemple, que tout le monde ne se
précipitera pas pour changer à grands frais des affiches
publicitaires et des annonces qui ont été faites de telle
façon, et qui donnent satisfaction, dans les circonstances? Est-ce que
vous avez des indications à ce sujet-là? Parce que je pense qu'on
exagère de beaucoup, premièrement, l'effet immédiat, et
même l'effet à long terme, de certains changements qui sont
envisagés. Et je suis d'accord qu'ils ne sont pas encore faits; on verra
de quelle nature ils sont, mais en admettant qu'ils seraient dans la ligne de
ce qui nous a été indiqué en fin de semaine.
M. Ryan: Regardez, je vous dirais, en toute franchise, que je
n'ai pas d'indications précises là-dessus. Vous savez, si le
gouvernement avait fait un sondage... D'abord, moi, des sondages, je n'en ai
jamais commandé un depuis que je suis au gouvernement, et ne comptez pas
sur moi, je n'en commanderai pas. Ça, c'est clair, là. Regardez,
dans tous les ministères dont je rends compte: Sondages, 0, ce n'est pas
compliqué. Il y a d'autres manières de sonder l'opinion de la
population, selon moi. Je ne critique pas ceux qui en font, c'est une autre
chose, mais, moi, c'est ma politique.
Cependant, j'ai fait des consultations abondantes là-dessus. Je
crois pouvoir croire qu'en dehors de la région montréalaise il
n'y aura pas de débordement ou de déferlement en matière
d'affichage bilingue. Dans la région de Montréal, il y a un
facteur que personne ne peut maîtriser; quand même j'aurais
été chercher le meilleur psychologue, là, analyste de la
mentalité collective je ne suis pas de cette
catégorie-là il ne le saurait pas, lui non plus, parce
que, là, il y a le facteur économique qui va entrer en ligne de
jeu.
Supposez, par exemple, chez les grands commerces, les grands magasins:
eux autres ne souhaiteraient pas trop de modifications. Mais il y a une chose
à laquelle ils n'ont pas de réponse. Supposez que La Baie
décide de faire un changement important, qu'est-ce qu'Eaton va faire,
après, et qu'est-ce que Sears va faire? Parce qu'il y a l'effet
d'entraînement, au plan économique, là, qui est très
important, aussi. Notre tâche, ça sera d'examiner avec eux des
seuils, des seuils de recours à une autre langue, qui seraient
compatibles avec l'évolution de l'opinion, avec les objectifs de la loi
101, et tout ça. Je peux vous assurer qu'il existe, de leur
côté, un excellent esprit de collaboration. Mais, de là
à mesurer en chiffres, là, la réponse à donner
à la question que vous posez, je ne serais pas capable de le faire. Mais
j'ai toutes raisons de penser qu'on va assister à des
développements qui vont être d'ordre modéré et
responsables, qui tiendront compte, aussi, de la véritable
réalité du Québec.
Le Président (M. Doyon): Madame... Je vous remercie...
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Doyon): ...M. le ministre. Mme la
députée de...
Mme Blackburn: Oui. Dans le sens de... Le Président (M.
Doyon): ...Chicoutimi.
Mme Blackburn: ...l'intervention ensuite, je voudrais
entendre Mme de Fougerolles dans le sens de l'intervention du
président et député de...
Le Président (M. Doyon): Louis-Hébert. Mme
Blackburn: ... Louis-Hébert...
Le Président (M. Doyon): Depuis 12 ans. Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: ...qui habite et représente une
région fortement touristique et historique, dont la curiosité
touristique repose beaucoup sur l'histoire de Québec et du
Québec, qui se retrouve ici réunie, si...
M. Ryan: C'est le nouveau Québec. (17 h 30)
Mme Blackburn: Si... Non, j'ai parlé de la région,
là.
M. Ryan: Ah bon, bon, bon!
Mme Blackburn: J'imagine qu'il passe un peu chez eux, sachant
où est son... il passe un peu ici, aussi.
M. Ryan: Dans son temps, ils passaient tous par le
Séminaire.
Mme Blackburn: Alors, si, dans l'hypothèse où, dans
2 ans, on se retrouve à Québec avec une ville complètement
modifiée, où le bilinguisme dans l'affichage est comme on le
craint et l'appréhende, j'ai la conviction que c'est aussi une
appréhension qui est un peu partagée par les
députés, une ville dont on a un peu défiguré le
caractère hautement français, historique, du Québec
français, qu'est-ce que le gouvernement fait?
M. Ryan: Avec les orientations qui sont envisagées par le
conseil général du Parti libéral, à mon point de
vue, il n'y a pas de danger que ça aille à ce
point-là.
Mme Blackburn: Pourquoi?
M. Ryan: II n'y a pas de danger, parce que l'affichage va
toujours être à prédominance française, à
forte prédominance française, à moins que vous fassiez
abstraction... J'ai dit qu'il y avait 4 éléments dans la prise de
position du Parti; ça, c'est un élément essentiel.
J'ajoute la considération que je viens d'énoncer tantôt,
que, dans les secteurs presque entièrement francophones... Je pense bien
que le bon sens est encore une vertu très solidement implantée
dans la mentalité québécoise. Je pense bien que le bon
sens va jouer son rôle également.
Mme Blackburn: Voyons donc...
M. Ryan: II faut faire confiance à la
liberté...
Mme Blackburn: .. .M. le Président!
M. Ryan: ...et à la responsabilité des gens. Les
guider par la main jusque dans les questions de détail, c'est toujours
une mauvaise attitude pour un gouvernement.
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: ...je pense que le député ministre
ne va pas souvent magasiner en bas, dans le Petit-Champlain. C'est
déjà, déjà beaucoup bilingue dans les petites
affiches...
M. Ryan: Le Petit-Champlain, où est-ce que c'est?
Mme Blackburn: ...c'est un petit peu partout. Ça
traîne déjà dans le paysage...
Une voix: En bas, dans le Vieux-Québec. Une voix: En bas
du Château...
Mme Blackburn: ...à cause de la pression importante,
importante de l'anglais en Amérique du Nord. Vous savez, ça va...
De toute façon, moi, je me dis que j'aime autant ne pas prévoir,
si jamais vous allez dans cette direction, ce à quoi ça va
ressembler dans 2 ou 3 ans. Mais j'ai la conviction qu'on va être
obligé, si on veut vraiment protéger le visage français de
Québec et le caractère français du Québec, de
revenir sur certaines des décisions.
Commission de protection de la langue
française
Je voudrais saluer la présidente de la Commission de protection
de la langue française et lui demander comment elle se sent, puisque le
ministre vient de nous dire qu'on n'aura plus besoin de l'organisme!
Le Président (M. Doyon): Aïe! M. le ministre, est-ce
que je suis allé aussi loin que ça?
M. Ryan: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Oui, oui! Il ne serait plus utile, c'est à
peu près ça. Est-ce que vous vous sentez encore utile, bref?
Mme de Fougerolles (Ludmila): Moi, je dois dire que je me sens en
pleine forme. Je me sens...
Mme Blackburn: Utile?
Mme de Fougerolles: ...très bien.
Le President (M. Doyon): En pleine santé.
Mme de Fougerolles: Utile? Je pense qu'il me reste encore
quelques bonnes années avant de prendre ma retraite. Alors, je me sens
encore...
Mme Blackburn: Alors, vous pensez... Mme de Fougerolles:
...fort utile à la société.
Mme Blackburn: ...que le ministre va vous garder jusqu'à
votre retraite, là?
Mme de Fougerolles: Bien, je l'espère bien!
Mme Blackburn: Bon, voilà!
M. Ryan: Pas nécessairement dans ses...
Mme Blackburn: Le message est lancé.
M. Ryan: ...fonctions actuelles.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Alors, pour assurer les émoluments de la
présidente, on pourrait conserver l'organisme encore quelques
années.
Le Président (M. Doyon): Je demanderais à Mme de
Fougerolles juste de s'identifier, parce que je sais que, pour les gens qui
transcrivent nos débats, c'est toujours un casse-tête.
Mme de Fougerolles: D'accord.
M. Ryan: Je voudrais juste, M. le Président... Si vous me
permettez de suggérer qu'on rappelle un point d'ordre. Les questions
d'ordre politique sont toujours adressées au ministre, même si la
députée ne s'en rend pas compte, c'est le ministre qui
répond. Les questions d'information ou d'ordre technique, c'est pour
ça que le ministre est assisté des officiers des organismes. Mais
je comprends très bien la députée de toujours essayer
d'envoyer les questions d'ordre politique de l'autre côté; je
l'admire, ça ne m'arrive pas toujours! Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: II faut que je prenne le compliment quand il
passe, j'imagine. Ça, on appelait ça, dans le temps, les
étoiles.
M. Ryan: Je pense qu'elle comprendra aussi bien que, moi,
j'essaie de saisir la rondelle et de la renvoyer dans le but des Nordiques!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Vous comprenez que, moi, je suis plutôt
Nordiques, ne serait-ce qu'à cause de la petite fleur de lis...
M. Ryan: C'est bien.
Mme Blackburn: ...sur le chandail. Madame...
Mme de Fougerolles: Alors, M. le Président, je m'appelle
Ludmila de Fougerolles. Je suis présidente de la Commission de
protection de la langue française.
Le Président (M. Doyon): Merci, madame.
Évaluation des plaintes concernant
l'affichage
Mme Blackburn: Le ministre nous disait, tout à l'heure,
que les dispositions de la loi 178 sur l'affichage intérieur avaient peu
ou pas fait l'objet de plaintes. Ça donne combien de plaintes, à
peu près?
Mme de Fougerolles: Je ne peux pas vous donner le nombre exact de
plaintes, au niveau de l'affichage...
Mme Blackburn: Intérieur.
Mme de Fougerolles: ...à l'intérieur, pour cette
année, étant donné que nous avons regroupé tout
l'affichage sous l'article 58. Donc, j'ai les données globales pour
cette année.
Mme Blackburn: Vous n'avez pas décomposé vos
données?
Mme de Fougerolles: C'est parce que, ce qu'il faut
comprendre...
Mme Blackburn: Ce n'est pas mineur, là, il me semble,
comme...
Mme de Fougerolles: Je ne les ai pas. J'ai présenté
les statistiques sous forme de l'article 58...
Mme Blackburn: Oui.
Mme de Fougerolles: ...et de l'article 68. L'article 58 traite,
également, de l'affichage à l'intérieur de certains
commerces. Donc, toutes les plaintes de l'affichage sont couvertes sous
l'article 58. Je peux vous décortiquer ces données...
Mme Blackburn: Oui.
Mme de Fougerolles: ...si ça vous intéresse.
Mme Blackburn: Oui. Est-ce que vous avez les informations qui
nous permettraient de mesurer, comme l'a prétendu le ministre tout
à l'heure, le nombre de plaintes qui ont porté sur l'affichage
intérieur par rapport à celles sur l'affichage
extérieur?
Mme de Fougerolles: C'est très minime comme plaintes. Je
peux vous le dire de mémoire. Je n'ai pas les statistiques exactes, mais
je serai en mesure de vous les fournir.
Mme Blackburn: Est-ce que la présidente peut nous dire
c'est quoi le coffre d'outils d'un commissaire-enquêteur qui va sur une
plainte sur l'affichage commercial intérieur? Tiers, deux tiers?
M. Ryan: J'espère qu'il n'est pas trop gros. Ha, ha,
ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme de Fougerolles: Le coffre d'outils, je ne sais pas si vous
avez eu l'occasion de prendre connaissance du petit dépliant que nous
avons rédigé en 1989, suite à la loi 178. C'est le seul
outil qu'ont mes inspecteurs et mes commissaires, lorsqu'ils vont sur la route,
et également la Charte de la langue française. Et ils
expliquent... Je ne sais pas si vous l'avez déjà vu avant...
Mme Blackburn: Ça va, oui.
Mme de Fougerolles: ...le concept de nette prédominance
est illustré.
Mme Blackburn: Bien. Alors, comme on va avoir affaire au
même modèle à l'extérieur, et que j'imagine que
ça va prendre... Je le dis, vous savez, c'est la loi du galon à
mesurer, du mètre et du pied-de-roi, selon l'âge de celui qui en
parle. Ça va prendre un escabeau, ça va prendre une
échelle, parce que, là, on parle de marquises à
l'extérieur, d'affiches à l'extérieur des commerces.
C'est quoi, le coffre à outils, pour aller mesurer qui a fait
tiers, deux tiers, ou si vous faites juste ça à l'oeil, en vous
disant: Lui, il l'a dans l'oeil, la proportion; c'est vraiment tiers, deux
tiers, puis la longueur, puis la largeur, puis...
Mme de Fougerolles: Moi, j'ai toujours dit que c'était une
question de gros bon sens.
Mme Blackburn: Ah bon! Ah bon!
Mme de Fougerolles: Une question de gros bon sens, et mes gens
ont toujours appliqué la loi avec beaucoup de gros bon sens, je
l'espère.
Mme Blackburn: Ah bon! Mme de Fougerolles: Et...
Mme Blackburn: Ça veut donc dire que... Ce que vous nous
dites, Mme la présidente...
Mme de Fougerolles: Oui.
Mme Blackburn: ...c'est que, selon le
commissaire-enquêteur, ça pourrait... Le gros bon sens, comme ce
n'est pas partagé de façon égale et uniforme, c'est comme
l'intelligence, ça... Alors, comme ce n'est pas partagé de
façon égale et uniforme, le gros bon sens de quelqu'un, ça
pourrait être pas tout à fait le gros bon sens du suivant. Et
là vous introduisez une difficulté d'interprétation.
M. Ryan: Regardez, je pense que...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je pense que, si la députée veut se donner
la peine de lire le texte du règlement définissant la
règle de la prédominance, elle constatera que le règlement
répond par anticipation à ses angoisses.
Mme Blackburn: Ah! parce que tout le monde a la même
définition du gros bon sens? Dites-moi ça, là.
Affirmez-moi ça.
M. Ryan: Non, non, non. Regardez. Le règlement est
formulé de telle manière qu'on y dit que la prédominance
se définit par l'impact visuel plus fort de l'annonce dans une langue
que dans l'autre, dans la langue française. Il y a bien des
façons. L'impact visuel, ça peut être... Il peut arriver
qu'on ait mis un caractère lumineux sur la partie française, qui
ne soit pas sur la partie anglaise; il peut arriver que les lettres soient plus
grosses; il peut arriver que les couleurs soient plus flamboyantes; que la
disposition du tout, le nombre d'affiches soit plus élevé en
français qu'en anglais. Il y a une foule de possibilités. Tout
ça est prévu dans le règlement, puis, au lieu de dire
qu'il faudra faire ça, on dit: Sont réputées se conformer
à la loi, les entreprises qui font ceci, ça. Il pourra y avoir
d'autres modalités, parce qu'il va y avoir de l'inventivité
là-dedans. Les artistes qui font ces messages-là sont très
créateurs, et il y aura d'autres formules. Puis, si c'est jugé
que ça a un impact visuel plus prononcé dans la langue
française que dans une autre, ce sera jugé conforme à la
loi ou au règlement, selon le cas. Je ne sais pas encore si ça
ira dans la loi ou dans le règlement. Mais celui-ci, dans le temps, et
je m'en rappelle, à peu près tous les journalistes se sont
moqués de ce règlement-là. Il y a eu des gros
éclats de rire. Mais, depuis 4 ans, il n'y en a pas eu. Il n'y en a pas
eu.
Mme Blackburn: Oui, mais, M. le Président... M. Ryan:
Pourquoi?
Mme Blackburn: Pourquoi? Parce que ce n'est pas
gérable.
M. Ryan: Non, ce n'est pas ça du tout. On nous l'aurait
dit, et il se serait trouvé un loustic, quelque part, pour écrire
un editorial là-dessus.
Mme Blackburn: Ce n'est pas administrable, le ministre le
sait.
M. Ryan: Mais il n'y en a pas eu, parce que, dans la pratique
quotidienne des choses, ce sont des affaires qui se gèrent beaucoup plus
aisément qu'on ne peut le croire à partir d'un Parlement.
Mme Blackburn: M. le Président, ce que la
présidente vient de nous dire, c'est qu'elle faisait confiance au gros
bon sens de ses commissaires-enquêteurs. Comme ce n'est pas
réparti également, le gros bon sens, on le sait tous, là,
je n'en ai pas plus qu'un autre et probablement que beaucoup d'autres en ont
plus que moi, mais je me dis: Le gros bon sens, vous introduisez un
critère d'inégalité dans le jugement. Première
chose.
Deuxième chose, ce que je comprends, l'impact visuel. Ce qui,
moi, peut m'attirer dans une affiche d'ailleurs, c'est connu en
communications n'attire pas nécessairement le voisin. Là,
au-delà du gros bon sens, la perception même que je me fais d'une
affiche qui est attirante et qui retient mon attention ou pas, c'est variable.
On prendrait une affiche ici, 2, puis on ferait, chacun, son petit choix
à côté. Qu'est-ce qui vous a retenu? Est-ce que cette
affiche-là attire plus l'attention que l'autre? Vous savez très
bien qu'on arriverait probablement à des écarts importants, pour
ne pas dire majeurs. Ensuite, quand on parle du gros bon sens et de l'impact
visuel, ce que je comprends, c'est que, dans vos critères de
sélection, il ne faut pas être daltonien. (17 h 40)
M. Ryan: Regardez, M. le Président, je ne veux pas
embarquer là-dedans. Le règlement dont nous disposons...
Le Président (M. Doyon): Pas aveugle, non plus. Mme
Blackburn: Pas aveugle, non plus.
M. Ryan: ...fut élaboré en 1989, à la suite
de l'adoption de la loi 178. Il fit l'objet d'un prépublication dans la
Gazette officielle du Québec pendant la période
réglementaire, même pendant plus longtemps. On a attendu. Le
règlement fut prépublié vers le mois d'avril, si mes
souvenirs sont bons. Il a été publié officiellement dans
la Gazette du 26 juillet 1989.
Je me souviens très bien. Pendant la période qu'a
duré la prépublication, on a peut-être reçu 2 ou 3
réactions. C'est tout ce qu'on a reçu, parce que... Tout le
monde... La première règle de bon sens, en calcul, c'est 2 plus
1, 2 contre 1. C'est la première chose. Dès qu'on veut faire
quelque chose: 2 fois plus gros, 2 fois plus important. On a pris la
règle de base la plus élémentaire qui pouvait être.
Il n'y en avait pas de plus élémentaire que celle-là.
Dès qu'on entrait dans les demis et dans les quarts, puis tout...
Mme Blackburn: On n'a jamais...
M. Ryan: Le reste, on dit: il y aura l'application de ceci. Il y
a des balises qui sont posées dans le règlement, et c'est
évident qu'on va le mettre en circulation de nouveau. Puis, s'il y a des
gens qui peuvent faire mieux que ça, ils seront les bienvenus, parce que
je n'irai pas solliciter de prix David de littérature avec celui-ci. Ha,
ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Puis, pas le prix du gros bon sens non plus, parce
que la meilleure, la première qualité d'une loi, c'est sa
clarté, sa facilité d'interprétation. On ne peut pas
porter un jugement, c'est-à-dire qu'on ne peut pas s'attendre à
avoir des plaintes sur une loi qui dit: L'affichage va être 2 fois, 1
à 2, double, puis l'impact visuel... C'est tous des critères qui
sont, pour une bonne part, fort subjectifs.
La première qualité d'une loi, c'est qu'elle soit claire.
Elle est loin d'être claire et facile d'interprétation et de
compréhension pour n'importe quel citoyen. Soyez sérieuse et
soyons sérieux. Trouvez-moi quelqu'un qui entre dans une boutique, qui
dit: Est-ce que c'est vraiment 6 pouces, là, puis quelque chose comme
12, là? Est-ce qu'ils en ont mis aussi large là, puis une
moitié là?
Vous savez, ça n'a pas de bon sens. Puis, ça expliquerait
pourquoi vous avez si peu de plaintes. Ça expliquerait pourquoi, par
voie de conséquence, le ministre est capable de nous dire qu'il va
mettre la clé sur votre organisme, parce que, même à
l'extérieur, ça va prendre quelqu'un de culotté pour aller
dire: Moi, mon oeil est meilleur que le publiciste qui a fait l'affiche, puis
ce n'est pas conforme. Vous savez bien que ça n'a pas de bon sens, parce
que c'est ça, l'affaire.
M. Ryan: Regardez.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Là, je vais faire une concession à la
députée de Chicoutimi. En toute bonne grâce, c'est plus
facile d'agir clairement quand on supprime la liberté d'expression dans
1 des 2 langues, plus facile. Ça, je lui concède ça
volontier. Faire une loi qui va définir les obligations d'un
gouvernement envers 2 langues, c'est bien plus facile qu'envers une seule.
Ça ne veut pas dire que ce n'est pas plus civilisé, par exemple.
Ça, c'est une tout autre chose. Mais, ceci étant dit,
peut-être Mme de Fougerolles pourrait donner des précisions
additionnelles sur les problèmes d'application qui découlent d'un
règlement comme celui-là.
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme de Fougerolles.
Mme de Fougerolles: D'accord. M. le Président, d'abord, je
voudrais dire à Mme la députée de Chicoutimi la raison
pour laquelle nous avons très peu de plaintes concernant l'affichage
intérieur. C'est que la plu-
part j'aimerais dire, en fin de compte, 85 % jusqu'à 90 %
des plaintes que nous recevons, concernant l'affichage, proviennent de
très peu d'individus. c'est, en fin de compte, 4 personnes au
québec qui nous donnent 90 % de toutes les plaintes.
Le Président (M. Doyon): Pouvez-vous donner les noms? Ha,
ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme de Fougerolles: Je ne peux pas vous donner les noms, parce
qu'ils sont protégés par la loi. Mais, ceci étant dit, ces
personnes-là font les rues mais n'entrent pas dans les
établissements. C'est pour ça qu'ils ne portent pas de plaintes,
à l'exception d'un de ces 4 individus qui, une fois de temps en temps,
ça lui arrive de rentrer à l'intérieur des
établissements.
Donc, nous avons quelques plaintes à l'intérieur, qui
proviennent de cette même personne. Les autres, ils font les rues. Et,
l'année dernière, je peux vous dire qu'une personne, au courant
de l'été, nous a apporté 1000 plaintes. Elle a fait toutes
les rues de Montréal.
Mme Blackburn: O.K. Mme de Fougerolles: O.K.?
Mme Blackburn: Est-ce qu'elles étaients fondées?
Dans quelle proportion?
Une voix: ...subventionné.
Mme de Fougerolles: II y en avait à peu près le
tiers; généralement, le tiers n'étaient pas
fondées.
Mme Blackburn: Bon, ça veut donc dire, si je vous
comprends bien, que cette personne a fait le travail que la Commission aurait
dû faire, c'est-à-dire de vérifier, ne serait-ce que de
visu, s'il y avait des infractions à la loi. Alors, là, vous
êtes en train de reprocher à un citoyen d'avoir la vigilance que
votre organisme n'a plus, à l'invitation du ministre, qui a dit: Vous
savez, les zélotes de la langue, là, moi... Je me rappelle...
Bien, moi, à parler de zélote de la langue, je
préfère être zélote de la langue que fossoyeur de la
langue.
Mme de Fougerolles: Si je peux vous répondre, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, Mme la
présidente.
Mme de Fougerolles: C'est que, moi, en tant que présidente
d'organisme, mon premier devoir, c'est justement de donner le service à
la clientèle, un service rapide. Donc, si ces gens-là m'ont
porté des plaintes, ma première priorité, c'est de
répondre aux plaintes des citoyens. Étant donné qu'ils ont
fait toutes les rues, ça ne servait à rien que j'aille chercher,
que je refasse, que j'envoie mes inspecteurs une deuxième fois refaire
les mêmes rues. Donc, on n'est pas allé chercher des
dérogations de notre propre chef, parce qu'on nous les a
envoyées.
Mme Blackburn: Alors, qu'est-ce que la Commission aurait fait si
elle n'avait pas eu ces généreux surveillants ou observateurs de
la situation linguistique? Le ministre aurait juste pu mettre la clef plus vite
sur votre...
mme de fougerolles: elle aurait fait ce qu'elle a fait au cours
des 3 derniers mois. nous avons tenu une réunion, la direction de la
commission, avec les inspecteurs et les commissaires. nous sommes
arrivés à la conclusion qu'effectivement les requérants
avaient fait pas mal le tour de tous les commerces de montréal et de
l'extérieur de montréal, qu'il n'y avait plus de
dérogations dans ces mêmes rues, étant donné que le
niveau de conformité de l'affichage était entre 95 % et 98 %.
alors, j'ai demandé à mes inspecteurs et mes commissaires, qui
font les rues et qui se promènent à travers la province:
où pensez-vous qu'on pourrait trouver des dérogations? ils m'ont
dit: allons faire les parcs industriels, parce que nos requérants,
depuis 10 ans, ont évité de se promener dans les parcs
industriels. j'ai dit: très bonne idée. la semaine suivante, on a
commencé à faire le relevé des parcs industriels et,
à la grande déception de tout le monde, ils sont arrivés
avec des taux de conformité qui sont plus élevés que 98
%.
Mme Blackburn: À la grande déception; je dirais, au
grand plaisir, là. Je pense que vous vous trompez dans l'expression.
Mme de Fougerolles: Bien, c'est-à-dire, la grande
déception, parce qu'ils pensaient, justement, avoir trouvé des
endroits où il y aurait beaucoup de dérogations. Ils n'en ont
trouvé que très peu.
M. Ryan: C'est dire que la méthode humaine d'application
de la loi produit des résultats peut-être meilleurs que des
méthodes trop policières.
Mme de Fougerolles: Peut-être. Mme Blackburn: Est-ce
que... M. Ryan: Ce n'est pas mauvais. Mme Blackburn: C'est
drôle que ça...
Le Président (M. Doyon): Une dernière question, Mme
la députée. Après, je permettrai au député
de d'Arcy-McGee de s'adresser au ministre.
Mme Blackburn: Lorsque vos commissaires-enquêteurs vont sur
une plainte, est-ce qu'ils signalent aux commerçants des infractions
à d'autres aspects de la loi 101? Je me rappelle que c'était non,
parce que,
justement, on ne veut pas les stresser. Ce n'est pas vrai qu'on va jouer
aux gendarmes. Comme m'avaient dit des commissaires-enquêteurs, chez
vous, on voit des gens qui, pas de mauvaise foi, n'ont pas les formulaires
requis. On n'a pas le droit de leur dire... Il faut se fermer les yeux et dire:
Écoutez, on ne touche pas à ça, parce que la
présidente et les directives sont claires là-dessus, on ne va que
sur la plainte. Vous auriez beau en avoir 100 à côté, on
n'y touche pas. Est-ce que c'est toujours la même situation?
Mme de Fougerolles: Vous faites référence à
une directive que j'ai mise en vigueur en 1987, l'année où
j'avais reçu 15 000 plaintes. Donc, j'avais effectivement fait une
directive pour mes employés, en leur disant, justement pour pouvoir
traiter toutes ces plaintes-là: Traitez uniquement l'objet de la
plainte. Cette directive a été abrogée, ça fait
déjà 3, 4 ans.
Mme Blackburn: Une toute dernière question, c'est sur un
cas. Combien ça prend...
Le Président (M. Doyon): Oui, oui, rapidement, madame.
Mme Blackburn: Oui. Ça prend combien de temps à
traiter une plainte?
Mme de Fougerolles: Parfois, ça prend 2 semaines,
étant donné que la majorité, la très grande
majorité des plaintes sont de l'affichage temporaire. C'est
affiché sur des affiches manuscrites, qui sont accrochées avec,
parfois, du «Scotch tape». Alors, très souvent, c'est... Je
dirais qu'à peu près 40 % de tous les dossiers sont
réglés après la première visite de l'inspecteur,
parce que c'est enlevé sur le champ, et un autre 30 % sont
réglées d'ici 2 visites. Ça prend 2 visites de
l'inspecteur.
Mme Blackburn: J'ai une plainte, ici, qui a été
portée le 8 mai 1991, et la lettre de la Commission de protection de la
langue française est datée: «Montréal, le 19 avril
1993». Deux ans!
Mme de Fougerolles: Ça, c'est possible. Je porterai
à votre attention également le texte de la défense des
crédits. Je m'en suis moi-même rendu compte, lorsque j'ai fait le
tour de beaucoup de dossiers, qu'il y avait certains commissaires qui n'avaient
pas de système dans leur travail. Donc, j'ai entrepris une grande
opération qualité des services et j'ai justement signalé
ces choses-là à mon directeur des opérations. Je lui ai
demandé de relever la situation et de s'assurer que les plaintes
étaient traitées diligemment.
Mme Blackburn: Est-ce que la Commission ne s'était pas
dotée d'équipement...
M. Ryan: Est-ce qu'il y aurait des employés qui
manqueraient de zèle chez vous? (17 h 50)
Mme Blackburn: Est-ce que la Commission ne s'était pas
dotée d'équipement informatique assez important, il y a quelques
années, qui devait précisément éviter ce genre de
chose?
Mme de Fougerolles: Pas ce genre de chose, parce que le
traitement informatique traite...
Mme Blackburn: Ah bon! Ça ne servait pas à
ça.
Mme de Fougerolles: ...de l'ouverture, nous permet de faire le
jumelage des plaintes des dossiers qu'on a déjà et nous permet de
nous rendre compte si on a déjà des dossiers en traitement. Mais
on n'a pas informatisé toutes les opérations de la Commission,
parce qu'on n'en avait pas, finalement, les ressources, à ce
moment-là. On est allé par la première étape.
M. Ryan: M. le Président, peut-être, juste... Le
Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: ...une question additionnelle à Mme la
présidente, pendant qu'elle est avec nous. Pourriez-vous nous donner le
nombre de plaintes dont vous avez été saisie au cours de
l'année 1992-1993, et comparer ce nombre avec le nombre de plaintes pour
les 2 ou 3 années précédentes, et nous dire les
conclusions que vous seriez portée à tirer de ces
données-là?
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la
présidente.
Mme de Fougerolles: Alors, effectivement, pour l'année
1992-1993, nous avons reçu 1855 plaintes; pour l'année 1991-1992,
3380; l'année 1990-1991, 2798; 1989-1990, 3545. C'est les seuls chiffres
que j'ai avec moi aujourd'hui.
M. Ryan: Maintenant, sur les plaintes que vous avez reçues
pour la dernière année, combien ont été
jugées irrecevables à leur face même?
Mme de Fougerolles: II y en a 515 sur 1855, ce qui a donné
lieu à l'ouverture de 1339 dossiers.
M. Ryan: Et les autres plaintes, pourquoi ont-elles
été jugées irrecevables? Les 500 et quelques...
Mme de Fougerolles: II y a toutes sortes de raisons qui sont
prévues par la loi. Premièrement, souvent, parce qu'il n'y a pas
de dérogation à la loi. Les plaignants ne connaissent pas la loi.
Ils portent plainte, par exemple, contre de l'affichage bilingue à une
librairie qui vend des livres anglais, et ça c'est permis par la loi,
donc on les informe.
M. Ryan: On ne devrait pas.
Le Président (M. Doyon): Combien de ces plain-
tes-là aboutissent chez le Procureur général?
Mme de Fougerolles: Cette année, sur les 185S, nous avons
envoyé 36 dossiers au Procureur général.
Le Président (M. Doyon): Qui sont sous étude.
Mme de Fougerolles: II y en a eu certains qui étaient sous
étude. Il y a eu 22 poursuites, et les autres sont encore à
l'étude.
Le Président (M. Doyon): Combien de condamnations
avez-vous obtenues?
Mme de Fougerolles: Nous avons reçu 8 condamnations et 14
acquittements.
Le Président (M. Doyon): Sur un total de quelque 6000
plaintes.
Mme de Fougerolles: Exactement.
M. Ryan: Je voudrais juste une dernière question.
Le Président (M. Doyon): Merci. C'est une proportion de
combien, en pourcentage? L'avez-vous fait?
Mme de Fougerolles: Ah! je pense que...
Mme Blackburn: Ce n'est pas la prison. C'est ce que vous avez
compris. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Combien, en pourcentage?
mme de fougerolles: c'est moins de 1 %.
Le Président (M. Doyon): Beaucoup moins que 1 %, en
effet.
mme de fougerolles: beaucoup moins de 1 %.
Le Président (M. Doyon): C'est plutôt de l'ordre de
0,1 %.
M. Ryan: Juste une autre question, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui, oui.
M. Ryan: Une dernière question. Pourriez-vous indiquer les
motifs de plaintes, les articles de la loi sur lesquels portent les plaintes
dont vous êtes saisie, pour qu'on ait une idée du genre de travail
que vous êtes appelée à faire?
Mme de Fougerolles: Si on regarde la répartition, par
article de la Charte, des demandes d'enquête...
M. Ryan: ...à vos renseignements que vous avez
demandés.
Le Président (M. Doyon): Oui, oui.
mme de fougerolles: oui, ils sont là. sur les 1855
demandes d'enquête, 1122 portaient sur l'affichage, c'est-à-dire
l'article 58, et 104, sur l'article 68, c'est-à-dire l'affichage des
raisons sociales. donc, je dirais que plus que 85 % des dossiers et des
plaintes sont relatives à de l'affichage.
M. Ryan: On peut donc conclure de ça, M. le
Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: ...que, s'il y a une libéralisation de la loi en
matière d'affichage...
Le Président (M. Doyon): Moins de plaintes.
M. Ryan: ...la raison d'être de la Commission va diminuer
d'autant. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Ça paraît
inéluctable à la présidente, M. le ministre.
M. Ryan: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: En 1985-1986, il y avait 1584 plaintes. On n'a pas
mis la clé pour autant sur la Commission.
Mme de Fougerolles: En quelle année? Je m'excuse, pardon,
madame.
Mme Blackburn: En 1985-1986.
Mme de Fougerolles: Je n'ai pas les...
Mme Blackburn: On les a, c'est vous qui nous les avez
fournis.
Mme de Fougerolles: C'était avant mon arrivée.
Mme Blackburn: Alors, en 1985-1986, 1584 plaintes. Et là
vous êtes en train de nous dire qu'il manque de plaintes, qu'il faut
fermer l'Office. Moi, j'ai...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée, je
vous ai indiqué que c'était le tour du député de
D'Arcy-McGee.
Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: M. le Président, je veux demander à la
présidente: Est-ce qu'un très grand pourcentage des
propriétaires qui ne respectent pas la loi sont des
propriétaires anglophones?
Mme de Fougerolles: Je n'ai pas de chiffres absolument exacts
parce qu'on...
M. Libman: Vous n'avez pas une telle analyse?
Mme de Fougerolles: Parce que je vois toutes les plaintes qui
rentrent et je vois énormément de dossiers, mais je dirais que
c'est très minime, le pourcentage de propriétaires anglophones
qui défient la loi. Il y a autant de francophones, sinon plus...
M. Libman: C'est autant des francophones qui ne respectent pas.
Mais une chose qui est importante, la députée de Chicoutimi a
réalisé que ce que le ministre a dit, c'est que moins il y a de
restrictions, moins on abuse de la loi. C'est ça qu'on doit
réaliser. Moi j'espère qu'on assouplisse les restrictions. On va
voir, peut-être l'année prochaine, aucun abus à cette loi
à cause du fait qu'on libéralise.
Une autre question. La députée a abordé la question
du tourisme dans la région de Québec. Est-ce que le ministre
n'est pas d'accord, surtout dans une région touristique, que, si on
permet le bilinguisme, si on permet la traduction d'une affiche publique, la
traduction de quelque chose qui est écrit sur le mur, dans un
musée, que ça ouvre la porte à l'appréciation de la
langue et de la culture de la place qu'on visite, pour un touriste? Parce que
c'est un irritant pour un touriste de ne pas comprendre ce qu'il vient
d'apprécier. Si on permet une traduction dans un musée ou sur une
affiche, ça peut aider à l'épanouissement ou à
l'appréciation de la langue et de la culture française, pour un
touriste qui vient ici, qui ne comprend pas ça. Mais, au moins,
ça lui donne une fenêtre pour comprendre la langue ou ce qui est
écrit.
M. Ryan: Regardez, je voudrais dire au député de
D'Arcy-McGee, M. le Président... Vu que c'est une question qui invite
à des opinions politiques, ce sujet fait partie de ceux que nous
examinons sérieusement.
M. Libman: Pour des régions touristiques.
M. Ryan: Non, non. Les lieux touristiques dont vous parlez, les
musées et ces choses-là, sont des lieux à propos desquels
nous nous posons des questions sérieuses concernant l'affichage.
M. Libman: O.K. Une autre chose, une question à la
présidente. On voit dans ses documents quelque chose qui s'appelle une
nouvelle directive, qui est datée du 26 mai 1992, qui parle des messages
de civilité ou de politesse. Vous donnez certains exemples qui, selon
vous, ne contreviennent pas à l'article 58 de la Charte. Vous parlez des
mots comme: merci, bonjour, s'il vous plaît, bienvenue, joyeux Noël.
Il y avait le propriétaire d'une entreprise, une pâtisserie
viennoise dans l'ouest de l'île de Montréal, qui est allé
devant les tribunaux, en septembre 1992, pour défendre ses affiches, qui
disent bienvenue dans 32 langues. Je ne sais pas si vous connaissez bien le cas
de M. Schick.
Mme de Fougerolles: Je connais très bien le cas de M.
Schick.
M. Libman: Alors, moi, je vois ces directives datées bien
avant son procès. Je veux savoir pourquoi il a été devant
les tribunaux se défendre, s'il y avait une directive à la
Commission de protection, pour que ces mots sur ses affiches ne contreviennent
pas à la loi.
Mme de Fougerolles: M. Schick... Enfin, le dossier de M. Schick,
il y avait beaucoup d'autres dérogations que les mots
«Welcome», «bienvenue» en 25 langues. En fin de compte,
l'accusation n'a jamais porté sur les mots de bienvenue. Il y avait
l'affichage de sa raison sociale qui était bilingue. Il y avait de
l'affichage à l'intérieur qui était intégralement
bilingue. Donc, il y avait d'autres dérogations. Il n'a jamais
été poursuivi sur «Welcome», «bienvenue»,
dans les 25 langues.
M. Libman: O.K. Juste une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Oui.
Modalités en matière d'étiquetage
de produits étrangers
M. Libman: Je vois aussi, dans l'élément 2... Vous
discutez ici des échanges avec le Commissariat aux langues officielles,
en collaboration avec le Commissariat aux langues officielles, dans le domaine
de l'emballage et de l'étiquetage des produits destinés notamment
au marché québécois. Si vous pouvez élaborer sur ce
que ça veut dire.
Mme de Fougerolles: Étant donné qu'effectivement la
Commission traitait surtout de l'affichage, et qu'il y avait de moins en moins
de dossiers à traiter, on s'est quand même dit qu'il faudrait
aller chercher d'autres avenues pour promouvoir la langue française. Un
des autres articles de loi qui a retenu notre attention, c'est
l'étiquetage des produits. Étant donné que la loi 101 a
des prescriptions concernant l'étiquetage des produits, qu'il existe
également une loi fédérale concernant l'étiquetage
des produits, et que le gouvernement fédéral a quand même
beaucoup plus de pouvoirs au niveau des douanes et des autres ministères
pour s'assurer que les produits arrivent au pays étiquetés dans
les 2 langues, nous avons décidé de collaborer avec le
Commissariat aux langues officielles, de rencontrer les différents
ministères qui sont responsables de l'application de la loi
fédérale et de leur faire part des prescriptions et des exigences
de la loi provinciale, et de leur demander d'être vigilants lorsque,
finalement, il y a des manufac-
tuners étrangers qui s'adressent et qui demandent conseil au
gouvernement fédéral, à savoir quelles sont les
prescriptions fédérales au niveau de l'étiquetage, pour
qu'ils les réfèrent à nous également, parce que les
prescriptions ne sont pas exactement pareilles. Au niveau, par exemple, de
l'affichage relatif à la sécurité et à la
santé concernant les produits, on va ajuster notre tir et travailler en
collaboration. (18 heures)
M. Libman: Mais il n'est pas question ici de rendre unilingue
français l'étiquetage...
Le Président (M. Doyon): Est-ce qu'il y a consentement
pour que nous dépassions l'heure de 18 heures?
Mme Blackburn: Oui, consentement.
Le Président (M. Doyon): Consentement. Très bien.
Oui, M. le député.
M. Libman: Mais il n'est pas question ici de questionner le fait
que l'étiquetage ou l'emballage au Québec...
Mme de Fougerolles: Pas du tout.
M. Libman: ...soit bilingue, toujours dans les 2 langues?
Mme de Fougerolles: L'étiquetage est permis. Du moment
qu'il y a du français, il peut être dans 15 autres langues. La
prescription de l'étiquetage, il n'y a pas de problème. C'est
tout simplement pour assurer la présence du français sur
l'étiquetage.
M. Libman: Pour assurer la présence, mais pas
éliminer.
Mme de Fougerolles: Mais pas interdire les autres,
M. Libman: O.K., parfait.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée, une
autre question?
Mme Blackburn: Oui, je voudrais... Je vous remercie, madame. J'ai
l'intuition que ça risque d'être la dernière année
qu'on vous voit. On va vous souhaiter bonne chance.
Mme de Fougerolles: J'espère que non. Des voix: Ha,
ha, ha! Mme Blackburn: Alors...
M. Ryan: Vous la voyez toute peinée, toute
pei-née.
M. Libman: ...éliminer tous les bureaucrates...
Mme Blackburn: J'aimerais à présent aborder le
Conseil de la langue.
M. Ryan: M. le Président. Le Président (M.
Doyon): Oui.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais juste faire une suggestion?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Ryan: Si on pouvait garder quelques minutes pour la Commission
de toponymie.
Le Président (M. Doyon): Oui, bien sûr, j'allais le
suggérer aussi.
M. Ryan: Mais c'est à l'entière initiative des
députés. C'est juste une suggestion que je fais.
Le Président (M. Doyon):Oui .
M. Ryan: Parce que, au cas où on n'aurait pas le temps, en
tout cas, je voudrais dire quelque chose. C'est que nous avons maintenant un
nouveau président à la Commission de toponymie.
Le Président (M. Doyon): À qui nous souhaitons la
bienvenue, monsieur...
M. Ryan: M. Henri Dorion, qui revient à ce poste qu'il a
déjà occupé avec beaucoup de distinction, et que nous
sommes très fiers de voir à la présidence de la Commission
de toponymie. Si on n'a pas l'occasion, on trouvera une autre occasion de le
rencontrer. Je pense qu'il se fait un travail très important à la
Commission de toponymie, dont la qualité est reconnue
internationalement...
Mme Blackburn: Oui.
M. Ryan: ...en grande partie grâce à la
compétence et à la renommée de M. Dorion. J'ajoute qu'il a
présidé pendant 4 années, aux Nations unies, un organisme
qui était chargé d'examiner la dénomination des lieux dans
les quelques 150 pays qui sont affiliés à FONU. Quant on pense
que ça représente peut-être une quarantaine d'alphabets
différents peut-être 300 ou 400 langues différentes
il a présidé ce comité-là pendant 4
années, et je pense qu'il va avoir des contributions à nous
fournir, pour l'ensemble de la politique linguistique, très
appréciables. Ceci étant dit...
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Alors,
nous partageons vos propos. Mme la députée.
Conseil de la langue française
Situation du français dans l'activité
scientifique et technique
Mme Blackburn: Oui. Le Conseil a rendu public, tout
récemment, un document, «Les priorités stratégiques
du Conseil de la langue française», dans lequel on retrouve les
orientations c'est bien fait les actions qui semblent se diriger
un peu beaucoup vers l'international également. Je me dis: C'est bon,
c'est utile, mais, en même temps, il reste encore beaucoup de chemin
à battre au Québec. Mais ça, ce n'est pas là-dessus
que portera mon propos.
Dans l'introduction, le Conseil dit, et je cite: «Cependant, cette
progression de l'importance du français comme valeur économique
et sociale au Québec s'inscrit dans un contexte où les influences
extérieures renvoient à une incidence de plus en plus grande sur
l'avenir. Ces pressions sont liées à la diffusion de la science,
à la technologie, à la culture de masse, au commerce
international. La diffusion de ces 4 grands domaines se fait de plus en plus en
temps réel et utilise l'anglais comme langue et code international de
communication.» vous avez tout à fait raison, quand on regarde les
données touchant les pratiques des universités au québec,
des universités françaises au québec, en matière de
publications scientifiques. si l'université laval, en 1980, publiait
76,7 % de ses publications scientifiques en anglais, 10 ans plus tard, c'est
93,6 % en anglais. si on va à l'université de montréal, on
est passé de 79 %, en anglais, à 97,5 %. on peut comprendre
qu'à ce titre-là ils aient besoin de personnel bilingue! la
polytechnique, 92 %, déjà, en 1980; 95 %, en 1990. l'uqam, 73,4
%; 91,9 % en 1990, et sherbrooke est à 96 %. autrement dit, c'est devenu
la règle générale. dans ce document, vous dites que 67 %
des grandes entreprises de haute technologie n'ont pas obtenu leur certificat
de francisation; 67 % des entreprises de haute technologie n'ont toujours pas
de certificat de francisation. là, on s'apprête à faire un
virage, un virage sur l'aile, important, et puis on affaiblit la loi 101. mais,
dans ces grands secteurs, que sont la recherche scientifique, les publications
scientifiques, les entreprises de haute technologie, le français se fait
toujours très rare. je dois dire qu'en même temps ça m'a
étonnée. bien, ça m'a étonnée, mais, en
même temps, ça m'a inquiétée, parce que je me dis:
qu'est-ce qu'il en tire comme information, comme conclusion ou comme... comment
ça influence son mode d'action? il dit: entre 1971 et 1986, la
proportion des francophones qui disent connaître les 2 langues est
passée de 38,3 % à 43,8 %. est-ce que la conclusion, par rapport
à ce que vous dites plus haut, c'est que, plus il y aura de bilinguisme
chez les francophones, plus la langue véhiculaire deviendra l'anglais?
est-ce que ça supporte une partie de votre action ou de vos
interventions futures, cette constatation?
M. Laporte (Pierre-Etienne): Bien, je vais commencer par
m'identifïer: Pierre-Etienne Laporte, président du Conseil de la
langue française. À votre question, je répondrais non,
pour plusieurs raisons. D'abord mon cas est éloquent ce
n'est pas parce que des gens déclarent être capables de soutenir
une conversation en français ou en anglais, dans un recensement, qu'ils
utilisent l'anglais dans leur vie quotidienne, au travail. Moi, par exemple, je
suis trilingue, et je n'utilise pas beaucoup l'anglais dans ma vie de tous les
jours. Alors, je pense qu'il y a beaucoup de gens qui sont dans cette... Non,
mais, il y a beaucoup de gens qui sont dans cette situation-là. Il n'y a
pas de rapport entre le fait d'afficher une compétence linguistique dans
un recensement et de l'utiliser dans la vie quotidienne. Je pense que
l'utilisation, au travail, des langues, a à voir avec des facteurs de
situation qui sont autres que la seule compétence. Je pense que
ça a beaucoup à voir, comme on l'a montré dans nos
études, au Conseil, avec la disponibilité de la documentation
technique, avec le type de fonctions qu'exerce l'individu dans sa vie
quotidienne de travail. Donc, je ne pense pas que le fait que les
Québécois de langue française se déclarent plus...
D'ailleurs, il faut bien voir que le fait de se déclarer bilingue, ce
n'est pas nécessairement une mesure très fiable de la
capacité réelle, effective, d'utiliser d'autres langues. Je pense
que ça a été montré dans des études de
Veltman, à Montréal, qui a montré que le niveau de
bilinguisme déclaré, chez les francophones et chez les
anglophones, est habituellement pas mal supérieur à ce que c'est
que le niveau de bilinguisme effectif.
Donc, je ne pense pas que le... Enfin, disons que je n'ai pas de preuve
définitive de ce que j'affirme, mais il me semble qu'on ne peut pas
soutenir que le fait que les francophones se déclarent plus bilingues
devrait entraîner un accroissement, une augmentation du niveau
d'utilisation de l'anglais comme langue véhiculaire. Je vais vous donner
une statistique, qu'on vient de tirer d'un sondage récent. Dans ce
sondage-là, j'ai demandé, à la différence de ce
qu'on avait fait dans les autres sondages, que, cette fois, on demande aux
locuteurs, aux gens à qui on a posé des questions, de nous dire
si, eux, personnellement, ils travaillaient quotidiennement en français
et si le français était leur langue normale et habituelle du
travail, tel que la loi le dit. Eh bien, dans la région
métropolitaine de Montréal, au sein de la population active
francophone, il y a 87 % des gens qui nous ont dit que le français
était leur langue normale et habituelle de travail. Donc, c'est vrai que
le bilinguisme a augmenté déclaré mais il
reste que, dans les sondages qu'on fait, on observe et ça peut
être une statistique assez intéressante, là que le
niveau d'utilisation du français, tel que déclaré par le
locuteur. .. Parce que, là, évidemment, qu'est-ce que ça
veut dire que travailler normalement et habituellement en français? Si
on ne le demande pas aux gens, comment est-ce qu'on s'y prend pour
l'établir? Le niveau d'utilisation du français dans la population
active du secteur privé de la région métropolitaine de
Montréal est élevé au point où je viens de vous le
mentionner.
M. Ryan: M. le président, me permettez-vous une
brève interruption? (18 h 10)
M. Laporte: Bien sûr.
M. Ryan: J'espère que ce n'est pas cette affirmation qui
provoque le départ de notre ami de la presse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Allez-y.
M. Laporte: Oh! je m'excuse.
Le Président (M. Doyon): Ils demeurent les bienvenus. Ils
sont invités à rester.
Mme Blackburn: M. le Président, je dois être
impressionnée par les déclarations du président du Conseil
de la langue, qui me dit qu'il travaille majoritairement en français.
Bravo! Je ne suis pas outrement impressionnée, autrement dit. Les
données que vous nous fournissez, c'est encore pour la grande
région métropolitaine. Ça comprend combien de personnes,
votre grande région métropolitaine?
M. Laporte: Oh! mais ça comprend...
Mme Blackburn: Deux millions et quelque chose?
M. Laporte: Oui, oui.
Mme Blackburn: alors, vous savez bien qu'on ne peut pas jouer
avec ce genre de chiffres. les seuls qui sont disponibles et qui, finalement,
nous intéressent au premier titre, c'est ceux qui concernent la ville de
montréal, l'île de montréal, parce que c'est là. on
n'a jamais prétendu qu'il y avait des problèmes à
saint-hubert, par exemple, à saint-hyacinthe. ce n'est pas là le
problème. le problème est sur l'île de montréal, et
vous avez une étude qui démontre que, là, c'est 51 %.
c'est vous qui l'avez, cette étude-là.
Vous dites à la page 33 de votre rapport, parlant des avis du
Conseil: Comme les conseils jouissent d'une indépendance politique
bravo! et que leurs avis sont publics, leur action est double:
ils agissent sur le gouvernement et sur l'opinion publique. Cependant, le
client du Conseil de la langue est le gouvernement et, plus
particulièrement, le ministre responsable des questions liées
à la langue française. Dans ce contexte, le premier indicateur de
succès, c'est l'attention concrète portée aux avis par le
gouvernement et par les groupes directement concernés.
Avez-vous fait un sondage ou fait un relevé des avis qui avaient
été reçus, entendus et retenus par votre ministre
responsable, le client du Conseil de la langue française?
Le Président (M. Doyon): M. Laporte.
M. Laporte: Je dois dire qu'avant que j'entre en fonction...
Mme Blackburn: C'est quoi, votre moyenne au bâton,
là?
M. Laporte: Bien, avant que j'entre en fonction, ça n'a
pas l'air d'avoir préoccupé beaucoup mes
prédécesseurs, parce que ce n'était pas une question qu'on
s'était posée. Depuis que je suis entré en fonction... Et
ça n'a peut-être rien à voir avec ça, le fait que,
moi, je me suis posé la question. Si on prend, par exemple, l'avis qu'on
a remis au ministre sur l'information scientifique et technique, oui, il y a eu
des mesures qui ont été prises par le ministère de
l'Éducation, le ministère de la Science pour faciliter
l'utilisation du français dans les colloques, par exemple, et dans les
publications scientifiques.
Mme Blackburn: Mais, là-dessus, ça
m'intéresse. Quelle est la proportion de cet avis qui a
été respectée, sur lequel on a pris des mesures
concrètes, parce que ce n'est pas rien. C'est une des questions qui me
préoccupent le plus. Si la langue française n'acquiert pas un peu
plus de pouvoir aux plans scientitique et technologique. .. Là,
évidemment, ça concerne la France, et il y a un glissement
on le sait tous, ça. Une langue, il faut que ça vous fasse vivre,
pas juste que ça vous émeuve et qu'on parle de ça dans les
salons. Il faut que ça vous fasse vivre et aussi manger. Ça
n'alimente pas juste l'âme, il faut que ça alimente le corps
aussi, de temps en temps. C'est comme utile. C'est pour ça que c'est
important, la capacité d'attraction, la valeur économique de la
langue. C'est beaucoup relié à cette question de la
présence, de l'absence ou de la faible présence du
français.
On sait que les communications scientifiques, c'est fait, hein, dans le
monde entier. C'est fait dans le monde entier, à moins qu'il y ait un
virage, qui pourrait venir un peu de l'Allemagne, qui est intéressante
à cet égard. Eux, ils sont en train de dire qu'ils vont revenir
un peu à l'allemand. Il va y avoir des pays comme ça qui vont
faire des virages. Mais, pour l'heure, pour le moment, la culture
américaine pèse très lourd là-dedans.
Au-delà des «mesurettes» qui ont été prises,
est-ce qu'il y a des mesures concrètes qui ont été prises,
par exemple, pour ne serait-ce que faire des résumés des
publications scientifiques qu'on finance, nous, comme citoyens, par le biais
des subventions aux universités? C'est ça que je voudrais savoir.
Ça donne quoi? Ensuite, j'aimerais passer aux autres avis, y compris le
dernier, sur lequel le ministre vous a demandé un avis sur 5 points.
M. Laporte: Ah! je ne peux pas vous donner des statistiques, mais
je pense que, si on prend l'ensemble des recommandations que le Conseil a
faites au ministre, disons à divers ministres, sur l'information
scientifique et technique, si on tient compte de la création de revues
importantes, ce qui faisait partie de nos recommandations, si on tient compte
de l'encouragement à l'utilisa-
tion du français dans les colloques scientifiques, je dirais
qu'il y a peut-être 60 %, 65 %, 70 % des mesures qui ont
été effectivement mises en pratique ou appliquées par les
divers intervenants. Mais il faut bien s'entendre sur une chose, là: les
données que vous avez présentées au début, sur les
décisions d'utiliser l'anglais ou une autre langue par les chercheurs
eux-mêmes, pour des fins de publication scientifique, ça n'a
jamais fait l'objet, ça, d'une recommandation de la part du Conseil.
Le Conseil n'a jamais recommandé aux ministres, non plus qu'aux
universités, de faire en sorte que des pressions soient exercées
sur les scientifiques pour qu'ils utilisent le français comme langue de
publication. On a demandé, par exemple, comme vous le mentionnez, qu'on
fasse des résumés en français dans les revues, et ainsi de
suite. Mais les avis du Conseil là-dessus ont toujours été
très clairs, c'est-à-dire qu'on reconnaît, au
départ, la liberté du scientifique de faire le choix de la langue
qui lui semble la plus opportune pour communiquer le résultat de ses
recherches.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Laporte.
Ça termine, malheureusement, Mme la députée ainsi
que chers collègues, M. le ministre, le temps qui nous était
imparti. Nous avons passé 4 heures à discuter des crédits
des organismes relevant du ministre responsable de l'application de la Charte
de la langue française.
M. le ministre, tout simplement, pour vous remercier, et j'aimerais...
Je sais que vous voudriez aussi nous remercier, mais le temps nous pressant, je
pense qu'on peut considérer que c'est déjà fait.
Adoption des crédits
Est-ce que les crédits du programme 1, tels que nous les avons
étudiés, avec tous les éléments
c'est-à-dire les éléments 1, 2, 3, 4, 5 et 6 sont
adoptés?
Mme Blackburn: Adopté sur division, en raison des coupures
qu'on ne connaît pas, s'il y a modification dans le nombre d'organismes
qui seront éventuellement toujours vivants d'ici quelques mois.
Le Président (M. Doyon): Alors, est-ce que l'ensemble des
crédits budgétaires, pour les organismes relevant du ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française, sont
adoptés?
Une voix: Adopté.
Mme Blackburn: Sur division.
Le Président (M. Doyon): Sur division aussi.
M. Libman: Sur division, pour des raisons adverses.
Le Président (M. Doyon): Alors, maintenant que ces
crédits ont été adoptés, il me reste... Un instant,
s'il vous plaît! Vous vous battrez tantôt! Ha, ha, ha!
Il me reste à ajourner les travaux de cette commission, sine die,
étant donné que la commission a accompli son mandat et que ses
travaux sont terminés. Donc, ajournement sine die.
(Fin de la séance à 18 h 18)