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(Vingt heures sept minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
commence ses travaux. Donc, la séance est ouverte.
Je rappelle que la commission a pour mandat de procéder à
l'étude des crédits budgétaires du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration pour l'année
financière 1993-1994.
M. le secrétaire, pourriez-vous nous annoncer les remplacements
s'il y en a?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun)
remplacera M. Fradet (Vimont) et M. Parent (Sauvé) remplacera M. Leclerc
(Taschereau).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, je
souhaite la bienvenue à Mme la ministre, avec le personnel qui l'entoure
et qui l'accompagne. Je suis sûr qu'ils vont nous fournir toutes les
réponses dont nous avons besoin. Je souhaite la bienvenue aux
parlementaires, à M. le député de Pointe-aux-Trembles, M.
le député de Saint-Hyacinthe.
Mme la ministre, vous pouvez y aller des remarques préliminaires
si vous en avez.
Remarques préliminaires Mme Monique
Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, est-ce que vous
aimeriez que je vous présente les gens qui m'accompagnent?
Le Président (M. Doyon): Oui, si vous voulez bien.
Mme Gagnon-Tremblay: M. Norman Riddell, qui est mon
sous-ministre. Vous avez Suzanne Masson, qui est sous-ministre adjoint. Vous
avez, à ma gauche, Suzanne Gilbert, qui est ma directrice de cabinet.
Vous avez, bien sûr, M. Robert Trempe, qui est sous-ministre adjoint, de
même que Nicole Brodeur, et toute l'équipe du ministère et
quelques membres de mon cabinet.
Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tous et
à toutes.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président et chers
collègues, c'est avec plaisir que je m'adresse à cette commission
pour la quatrième année consécutive, à l'occasion
de l'étude des crédits du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration pour l'exercice financier 1993-1994. Dans un
premier temps, j'aimerais...
Oui, au fait, je m'excuse, M. le Président, j'ai
présenté tout le monde, mais j'aimerais aussi, bien sûr,
excuser l'absence de mon collègue, Normand Cherry, ministre
délégué, qui devait nous faire un rapport sur la Semaine
interculturelle, mais, malheureusement, il est retenu par ses occupations
actuellement. Alors, s'il y a des questions, je pourrai quand même y
répondre.
Donc, dans un premier temps, M. le Président, j'aimerais informer
les membres de cette commission des résultats du programme
québécois d'immigration pour l'année 1992 et des
perspectives pour 1993. Dans un deuxième temps, je rappellerai les faits
saillants de l'action ministérielle pour l'intégration des
Québécois d'origine immigrante en 1992 et vous indiquerai nos
priorités pour le présent exercice. (20 h 10)
Quelque 39 300 immigrants ont été accueillis au
Québec en 1992. Ce résultat est en deçà du niveau
de 45 000 qui avait été annoncé pour 1992, notamment en
raison du resserrement du marché de l'emploi au Québec. À
ce résultat s'ajoute cependant un groupe de 8200 personnes qui avaient
revendiqué le statut de réfugié au Québec avant
1989, mais qui ne l'ont obtenu du fédéral qu'en 1992. Donc, en
ajoutant ces revendicateurs régularisés qui demeurent au
Québec depuis au moins 3 ans, 47 500 personnes ont obtenu le droit de
résidence permanence au Québec en 1992. la répartition de
l'immigration entre les catégories est généralement
semblable à celle des années précédentes. environ
la moitié du mouvement, soit 51 %, est composée
d'indépendants; le quart, 26 %, est constitué de conjoints,
d'enfants et de parents admis en vertu du programme de réunification des
familles tandis que le dernier quart, soit 23 %, est formé de
réfugiés. malgré cette stabilité
générale, plusieurs phénomènes ponctuels ont
marqué l'année 1992.
Chez les immigrants indépendants, on retrouve 2
phénomènes en sens inverse l'un de l'autre: une augmentation du
volume des gens d'affaires et une diminution du volume des travailleurs
sélectionnés en fonction de l'adéquation entre leurs
qualifications et les besoins du marché du travail. Le nombre des
immigrants admis dans la sous-catégorie des gens d'affaires, qui
comprend des entrepreneurs et des investisseurs et des travailleurs autonomes,
a augmenté de 60 % en un an, passant de 5100 à 8100. En
franchissant la barre des 8000, le nombre des immigrants gens d'affaires
atteint en fait un sommet qui est historique. étant donné leur
contribution à l'activité économique et dans le contexte
actuel, on peut se réjouir de ce résultat puisque chaque chef de
famille dispose d'un actif moyen de plus de 500 000 $ et, en 1992, il y a eu
près de 2000 de ceux-ci chez les entrepreneurs en particulier, qui
représentent 70 % du mouvement des gens
d'affaires. Chaque projet réalisé a créé
environ 2,8 emplois en moyenne et a requis un investissement moyen de 88 000 $.
Mais cette augmentation spectaculaire découle, il me fait plaisir de le
noter, d'une certaine collaboration fructueuse entre le Québec et le
fédéral. En effet, de nombreux candidats avaient
été sélectionnés je parle des candidats gens
d'affaires par le Québec en 1990 et en 1991 et attendaient que le
fédéral leur délivre le visa qui leur aurait permis de
s'établir au Québec. À la suite d'une négociation
avec le fédéral, celui-ci a pris les moyens nécessaires
pour désengorger ces opérations et principalement dans la
région de Hong-Kong.
Pour 1993, il faut s'attendre toutefois à une baisse du nombre de
gens d'affaires qui s'établiront au Québec. D'abord, parce que la
hausse de 1992 est ponctuelle, ensuite, à cause de la chute du nombre de
candidatures reçues à Hong-Kong en 1992, ce qui apparaîtra
dans les admissions de 1993. Nous nous attacherons cependant à maximiser
les retombées économiques de l'arrivée de ces gens
d'affaires, notamment grâce à une collaboration plus
étroite avec les intervenants économiques régionaux.
Par contre, le nombre d'immigrants sélectionnés en
fonction des besoins du marché du travail a diminué en 1992 pour
atteindre 12 400. Cette diminution est attribuable au resserrement du
marché du travail au Québec depuis 2 ans, qui a pour effet de
rendre le processus de sélection plus exigeant, d'une part, et d'inciter
les candidats déjà sélectionnés à reporter
à plus tard leur venue au Québec, d'autre part.
À ce nombre s'ajoute toutefois une partie des revendicateurs de
statut de réfugié établis au Québec avant 1989 et
régularisés par le fédéral en 1992; 3700 d'entre
eux de sont classés comme indépendants, ce qui porte le nombre
d'admissions, pour les travailleurs sélectionnés, à 16
100.
En ce qui a trait au mouvement de réunification des familles, le
volume d'une année donnée dépend largement du volume des
autres catégories lors des années précédentes. Il
faudra donc s'attendre, au cours des prochaines années, à un
maintien, voire même à une hausse du volume dans cette
catégorie, compte tenu que les cohortes d'immigrants admis depuis
quelques années feront venir leurs familles.
En ce qui a trait aux réfugiés, le Québec en a
accueilli quelque 6700 en 1992, parmi lesquels 6000 étaient des
revendicateurs de statut de réfugié. À ce nombre, il faut
ajouter encore une fois quelque 4000 autres revendicateurs arrivés avant
1989, mais qui n'ont obtenu le droit de résidence permanence qu'en 1992,
pour un total de 10 700. Pour 1993, il y a lieu d'anticiper l'épuisement
de l'arriéré de cas de revendicateurs qui attendaient une
décision finale depuis plusieurs années. Nous verrons
également quel sera l'effet de la récente loi
fédérale sur le nombre de nouvelles demandes de statut de
réfugié au Québec. On ne peut pas prédire l'avenir,
mais on peut anticiper un certain ralentissement à ce niveau.
Quant aux réfugiés sélectionnés à
l'étranger, la diminution amorcée depuis quelques années
s'est poursuivie en 1992, et cette baisse reflète un ensemble de
phénomènes, dont la disparition du programme des exilés
volontaires pour les ressortissants des pays d'Europe de l'Est, d'une part, et
la politique du haut commissariat aux réfugiés, favorisant le
rapatriement de ceux-ci dans leur région d'origine, d'autre part.
L'action humanitaire du Québec est demeurée toutefois
considérable l'an dernier. Ainsi, une entente a été
conclue en septembre avec le Conseil Ismaïli, de manière à
favoriser la venue au Québec de leurs coreligionnaires d'Afghanistan
établis en Inde. Et l'entente prévoit des cours de
français en Inde pour ces réfugiés avant leur
départ pour le Québec et un soutien financier de la part de la
communauté pendant une période d'un an, dès leur
arrivée ici. De plus, le Conseil Ismaïli se charge de trouver un
emploi permanent au chef de chaque famille.
Le Québec a également assumé sa
responsabilité humanitaire dans le cadre du conflit déchirant
l'ex-Yougoslavie. En collaboration avec le haut commissariat aux
réfugiés et la Croix-Rouge internationale, le Québec a
dépêché une mission en Croatie, à l'automne dernier,
qui a permis d'admettre 78 personnes libérées des camps de
détention. J'ai eu le plaisir d'en accueillir une partie en janvier,
lors de leur arrivée dans la ville de Québec.
Sur le plan démographique, la part du Québec dans
l'immigration au Canada s'est établie à 19 % en 1992. C'est
l'équivalent de la part du Québec pour les 5 dernières
années, mais toujours moins que le poids démographique du
Québec dans le Canada. Bien que nous ayons augmenté les niveaux
d'immigration depuis 1986, le Canada les a aussi augmentés, si bien que
notre part demeure à 19 %. Par ailleurs, l'immigration contribue
à freiner le vieillissement de la population québécoise,
puisque seulement 14 % des immigrants avaient 45 ans et plus d'âge, en
1992, par rapport à 32 % dans l'ensemble de la population. Finalement,
le Québec a reçu un peu plus d'hommes que de femmes, 52 % contre
48 %.
Sur le plan de l'origine des immigrants, l'Asie demeure au premier rang
des continents de dernière résidence. La moitié des
admissions en proviennent, tandis que l'Europe en a procuré 17 %,
l'Amérique, 22 % et l'Afrique, 12 %. L'Europe est le seul continent dont
le volume a augmenté en 1992. L'apport économique de
l'immigration se mesure, entre autres, par l'apport de matière grise
qu'elle recèle. En 1992, un tiers de l'immigration possédait 14
années et plus de scolarité, soit l'équivalent
d'études universitaires dans le système québécois.
sur le plan de la connaissance des langues, 36 % des immigrants ont
déclaré connaître le français, en 1992, et 24 %,
l'anglais seulement. la proportion de francophones est donc demeurée
relativement stable, à 36 % par rapport à 37 % l'année
précédente. l'année 1992 a été
marquée par l'augmentation sensible du nombre de gens d'affaires
allophones provenant du bassin asiatique, ce qui a produit une fluctuation
normale sur le pourcentage de francophones. mais l'objectif demeure d'atteindre
40 % d'ici 1995.
Par ailleurs, nous avons posé une série de gestes
structurants, en 1992, afin de poursuivre notre objectif d'accroître la
proportion de l'immigration francophone à partir du niveau de 28 % en
1989. Ainsi, le ministère a ouvert un Service d'immigration du
Québec au Caire, afin de desservir le bassin francophone d'Egypte; il a
aussi augmenté le rythme des opérations à Paris et
à Bruxelles, et travaille à développer un plan de
recrutement de l'immigration francophone. Finalement, il a mis en place un
outil d'évaluation de la connaissance du français des candidats
à l'immigration. Dans l'ensemble, nous avons donc gardé le cap
sur les objectifs établis dans l'énoncé de politique de
1990, tout en absorbant l'impact de plusieurs phénomènes
exogènes, comme la situation économique difficile qu'a connue le
Québec en 1992 et la gestion du mouvement des revendicateurs de statut
de réfugié par le fédéral.
Nous savons, M. le Président, que les actions gouvernementales en
matière d'immigration et d'intégration sont indissociables. Au
cours de l'exercice 1992-1993, nous avons poursuivi les objectifs
d'intégration des immigrants et des Québécois des
communautés culturelles que nous nous sommes fixés dans le plan
d'action lancé en juin 1991. J'aimerais maintenant mettre en relief
quelques-uns de ces objectifs. En matière d'intégration
linguistique, le plan d'action nous engageait à accroître
l'accessibilité et la qualité des services d'apprentissage du
français. Nous avons récemment eu l'occasion, lors de
l'étude des engagements financiers de mon ministère, le 28
janvier dernier, de discuter à fond de la décision d'implanter un
nouveau régime pédagogique dans les COFI. Je me bornerai donc
à 3 remarques à ce sujet: il augmente la capacité
d'accueil du système, et, ce faisant, accroît
l'accessibilité au français; il met en oeuvre un programme
d'études afin d'améliorer la qualité de l'enseignement; et
finalement, il amorce l'évaluation des apprentissages. (20 h 20)
D'abord, le nouveau régime institue un horaire en vertu duquel
les cours offerts le matin ne déborderont plus sur l'après-midi.
Cela facilitera la vie aux stagiaires qui veulent travailler à temps
partiel ou chercher un emploi. De même, les cours offerts
l'après-midi n'empiéteront plus en soirée, ce qui
permettra aux stagiaires de remplir leurs obligations familiales. Nous passons
donc d'un horaire déterminé par des contraintes administratives
à un horaire qui correspond désormais aux réalités
de la vie des clients.
Ensuite, les stagiaires suivront désormais un programme
d'études uniforme comportant des objectifs d'apprentissage et une
évaluation de ceux-ci. On sait que jusqu'à maintenant chaque
professeur avait son propre programme d'études. Nous passons donc d'un
régime axé sur la quantité de ressources consacrées
au système à un régime axé sur les résultats
obtenus par ce système.
Finalement, le ministère développe actuellement une
méthode d'évaluation des stagiaires qui mesurera leur
habileté en français à l'entrée, au milieu du cours
et à la sortie du COFI. Nous passons donc d'un régime où
tous et chacun pouvaient avoir une perception de la qualité de
l'enseignement dispensé en COFI, à un régime où
cette qualité pourra enfin être évaluée
objectivement.
À la lumière de ces faits, M. le Président, on
constatera que l'implantation de ce nouveau régime pédagogique
représente un changement pour le mieux. Et, comme tout changement
dérange les habitudes acquises, je comprends que cela puisse
créer des remous dans le milieu des COFI. Je suis persuadée
qu'après la nécessaire période d'adaptation et de rodage
tous reconnaîtront qu'il s'agit là d'une réforme qui
resitue le stagiaire au centre de nos préoccupations, là
où on doit trouver le client de l'administration publique.
Par ailleurs, nous offrons, depuis le 1er avril, des cours à
temps plein à Laval et à Brassard afin de mieux desservir la
clientèle croissante sur les rives nord et sud de Montréal. Cette
amélioration de l'accessibilité sur le plan physique a
été rendue possible par les économies
générées par la fermeture de deux COFI sur l'île de
Montréal. Et, sur le plan de l'accessibilité, on peut donc
constater que les réalisations s'accumulent. Dès 1991, nous avons
doublé l'offre de cours à temps plein et avons ouvert ces cours
aux immigrants connaissant l'anglais.
En parallèle, nous avons développé des formules
alternatives afin de rejoindre une plus grande part de la clientèle
potentielle. Par exemple, nous avons conclu l'an dernier une entente avec
l'Alliance française en vertu de laquelle cet organisme offre des cours
de français à Hong-Kong, à des immigrants après
qu'ils aient été sélectionnés et avant qu'ils
s'établissent au Québec. Nous avons aussi commencé
à offrir des cours de français aux réfugiés se
destinant au Québec, à Hô Chi Minh-Ville au
Viêt-Nam.
L'amélioration des services d'apprentissage du français
continuera d'être prioritaire cette année. De nouveaux modes
d'apprentissage alternatifs, comme l'enseignement sur les lieux de travail, par
exemple, seront expérimentés dans le but d'en offrir un
éventail attrayant à la clientèle potentielle. Un budget
de 1 000 000 $ a été réservé à cette fin. De
plus, le budget du Programme d'aide à la francisation des immigrants a
été augmenté de 500 000 $ cette année afin de
soutenir davantage les organismes communautaires qui offrent des cours de
français aux immigrants. Je suis persuadée de la valeur
générale du travail accompli par ces organismes, et c'est
pourquoi nous voulons développer ce mode d'apprentissage.
Sur le plan des chiffres, le ministère compte accueillir quelque
10 000 stagiaires à temps plein dans ses COFI, en 1993-1994, soit
quelque 1500 de plus cette année par rapport à l'an dernier.
À cette clientèle à temps plein s'ajoute celle de tous les
programmes à temps partiel. Ainsi, quelque 2200 stagiaires
étudient le soir dans les COFI. De plus, le ministère finance des
cours taillés sur mesure aux besoins des clients et offerts par des
organismes publics et privés. Il finance aussi des cours offerts par des
commissions scolaires, et la clientèle globale de ces 3 modes
d'apprentissage augmentera également cette année. Nous
progressons donc vers
l'objectif de rejoindre une plus grande proportion de la
clientèle potentielle, qui, cette année, se chiffre à
quelque 22 800 adultes, résidents permanents ignorant le
français.
Un autre objectif de notre plan d'action que je veux souligner est celui
de la régionalisation de l'immigration. La pertinence de cet objectif
est évidente, puisque 9 immigrants sur 10 se sont établis dans la
région de Montréal, l'an dernier, par comparaison à 3 %
pour la région de Québec, 2 % pour l'Outaouais et 1 % pour
l'Estrie. Pour la première fois, l'an dernier, nous nous sommes
donné une stratégie en cette matière. Celle-ci se fonde
sur 3 grandes orientations: tout d'abord, il s'agit de miser sur les immigrants
dont le profil correspond aux besoins des régions, que ce soit en termes
de compétences spécialisées ou d'occasions d'affaires.
Ensuite, nous voulons nous assurer du caractère durable de leur
établissement. Finalement, comme nous devons travailler à attirer
les immigrants en région de leur plein gré, plutôt que de
les diriger, nous devons nous associer étroitement aux responsables
régionaux du développement économique.
Afin de vérifier l'intérêt des régions pour
ce projet et développer notre partenariat avec elles, j'ai
effectué une tournée de 7 régions, à l'automne, au
cours de laquelle j'ai présenté notre stratégie aux
leaders socio-économiques. Dans toutes les régions
visitées, les responsables économiques et politiques se sont
montrés intéressés à recevoir plus d'immigrants et,
en particulier, des immmigrants susceptibles de contribuer à leur
développement économique. Depuis lors, le ministère
travaille de concert avec les organismes responsables du développement
économique des régions, afin que l'objectif d'y attirer plus
d'immigrants fasse l'objet d'un plan d'action régional et soit
intégré à la démarche de planification
stratégique présentement en cours. Ces plans permettront de
consacrer le partenariat entre notre ministère et les organismes
régionaux de développement économique.
L'intégration économique constitue un autre objectif
important de notre plan d'action. Nous avons posé 3 gestes significatifs
dans ce domaine l'an dernier: le démarrage du Programme de soutien
à l'insertion en emploi, la création d'un service d'aide à
l'immigration d'affaires au ministère et la création de la
Corporation de développement économique Mathieu Da Costa. Le
Programme de soutien à l'insertion en emploi subventionne les organismes
communautaires qui offrent aux immigrants des ateliers de recherche d'emploi,
des ateliers de formation préparatoire à l'emploi, des stages de
travail ou des banques d'emplois, les aidant ainsi à s'insérer
sur le marché du travail. 24 organismes ont reçu l'aide de ce
nouveau programme l'an dernier, dont le budget a été
augmenté, cette année, de quelque 400 000 $. À l'intention
des immigrants entrepreneurs, nous avons créé le Service d'aide
à l'immigration d'affaires en avril 1992. Ce service se consacre
exclusivement à l'aide aux immigrants qui souhaitent s'établir en
affaires et à ceux qui explorent des occasions d'affaires dans le cadre
d'un voyage de prospection. Plus d'un millier de personnes ont pu profiter de
ces services d'aide et de référence, en 1992, qui ont
été offerts sous la forme d'entrevues particulières et de
séminaires de groupe. Il faut noter la collaboration active des
courtiers en valeurs mobilières, de l'Office de l'expansion
économique de la Communauté urbaine de Montréal, du
Mouvement Desjardins, des ministères de l'Industrie, du Commerce et de
la Technologie et du ministère du Revenu dans le cadre de ces
activités.
Finalement, j'ai annoncé, le mois dernier, l'octroi d'une
subvention de 1 000 000 $ à la Corporation de développement
d'affaires Mathieu Da Costa. Cette nouvelle corporation sans but lucratif a
pour mission de mettre sur pied un fonds de capital de risque afin
d'élargir l'accès des Québécois noirs aux sources
traditionnelles de financement et de soutenir leur entreprenariat. Comme on le
sait, les communautés noires sont aux prises, depuis plusieurs
années, avec des difficultés économiques
particulièrement graves. Ces difficultés ont été
décrites, analysées et déplorées par de nombreux
intervenants. Mais, au-delà des mots, il y a les gestes, et grâce
à l'octroi de cette subvention, financée à même les
crédits de mon ministère, les communautés noires du
Québec obtiennent un outil qui les aidera à rattraper leur retard
dans le domaine économique et à créer des liens durables
avec le monde des affaires québécois.
Le maintien de relations intercommunautaires harmonieuses est un autre
objectif important qu'a poursuivi le ministère. L'an dernier, à
l'intérieur de ce champ d'action, nous avons accordé
priorité aux difficultés particulières des
communautés noires du Québec. Le nouveau programme de relations
intercommunautaires qui a démarré en avril 1992 accorde, en
effet, la priorité aux projets de rapprochement intercommunautaire qui
concernent les minorités visibles et les jeunes. Son budget a
été augmenté de 300 000 $ cette année. Dans la
foulée de la Journée pour l'élimination de la
discrimination raciale, le ministère a effectué une campagne de
publicité dans les journaux, dans les transports en commun à
Montréal, et dans les organismes publics et communautaires, sous le
thème «Montréal en harmonie», au coût de 150
000 $. (20 h 30)
À la suite des événements de la Plaza Saint-Hubert,
impliquant des jeunes Québécois de la communauté
haïtienne, j'ai rencontré le représentant de cette
communauté, et nous avons décidé de créer un groupe
de travail qui proposera une approche globale et un plan de travail
détaillé pour assister l'intégration des jeunes
Québécois d'origine haïtienne. Mon ministère finance
le travail de ce groupe, et nous prendrons en considération ses
recommandations, en collaboration avec nos partenaires.
Nous avons aussi continué, l'an dernier, à soutenir le
travail de la Table de concertation sur la communauté noire d'expression
anglaise. Cette table a mis de l'avant des projets structurants que nous avons
appuyés financièrement, en collaboration avec nos partenaires que
sont la ville de Montréal et le ministère fédéral
du Multiculturalisme et de la Citoyenneté. Le ministère a
égale-
ment offert son soutien financier au plan d'action de la
Communauté urbaine de Montréal pour l'amélioration des
rapports entre la police et les communautés noires.
On peut constater, M. le Président, que l'amélioration des
relations intercommunautaires passe notamment par le soutien aux partenaires
gouvernementaux et institutionnels qui poursuivent cet objectif. Dans
l'ensemble, la collaboration que développe le ministère avec ses
partenaires est largement axée sur la valorisation des minorités
visibles et la lutte à la discrimination. Par exemple, avec la ville de
Montréal, nous participons à l'organisation du Mois de l'histoire
noire. Avec la ville et le ministère fédéral du
Multiculturalisme et de la Citoyenneté, nous soutenons l'organisation de
l'Année de l'harmonie raciale à Montréal. Avec ces
mêmes partenaires ainsi que le Conseil des communautés culturelles
et de l'immigration et la Communauté urbaine de Montréal, nous
organisons la journée du 21 mars pour l'élimination de la
discrimination raciale.
Le fonds d'initiative du ministère est aussi un puissant outil
pour améliorer les relations intercommu-nautaires et pour soutenir
l'adaptation des institutions. Vous vous rappellerez, M. le Président,
que ce fonds de 5000 000 $ sur 3 ans a été instauré en
1991 afin de soutenir les ministères et organismes gouvernementaux dans
la réalisation des mesures du plan d'action en matière
d'intégration. il témoigne de la détermination du
gouvernement de poursuivre les objectifs du plan d'action malgré le
contexte d'austérité budgétaire auquel tout l'appareil de
l'état est confronté.
Parmi les 51 projets soutenus l'an dernier, le ministère de la
Sécurité publique a élaboré une session de
formation sur les relations interculturelles à l'intention des policiers
du Québec. Le ministère de l'Éducation a identifié
les meilleurs moyens pour rapprocher l'école et les parents des
communautés culturelles. La Commission des droits de la personne a
réalisé un vidéo pour informer les minorités
visibles de la discrimination dans le logement et des recours possibles. Cette
année, le maintien de relations intercommunautaires harmonieuses
à l'intérieur des institutions figurera parmi les dossiers
prioritaires, notamment à la suite de l'avis que me remettra
bientôt le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration. À ce sujet, plusieurs organisations publiques et
privées se demandent: De quelle façon et jusqu'à quel
point devraient-elles s'adapter à la réalité
pluriculturelle? Nous tenterons de les éclairer à cet
égard.
Tels sont, M. le Président, les faits saillants de l'action
ministérielle au cours de l'année 1992-1993 et nos principales
priorités pour le présent exercice financier. À l'instar
de l'ensemble des ministères qui, cette année, sont
appelés à faire un effort additionnel pour réduire le
déficit du gouvernement, notre défi sera de faire plus avec
moins. En effet, le budget du ministère passe de 120 000 000 $, l'an
dernier, à 114 000 000 $ cette année. Mais, malgré cette
diminution de 6000 000 $ de notre budget, nous comptons augmenter le nombre
d'immigrants inscrits aux cours de français et accroître le budget
de certains programmes de subven- tions aux organismes communautaires qui
oeuvrent à l'intégration des immigrants. La clé, c'est de
savoir choisir ses priorités budgétaires et d'être
prêts à remettre en question des activités lorsque
celles-ci deviennent moins pertinentes avec le temps.
Nous poursuivrons donc la réalisation de notre plan d'action en
matière d'immigration et d'intégration avec toute la
détermination nécessaire, c'est-à-dire celle qui a permis
d'accumuler jusqu'à maintenant une somme appréciable de
réalisations.
En terminant, je saisis l'occasion, M. le Président, pour saluer
le travail de l'équipe du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, ses dirigeants, employés et
professeurs, de même que celui de notre Conseil, de mon cabinet politique
et, aussi, du cabinet du ministre délégué aux
Communautés culturelles. Voilà!
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre.
C'est maintenant votre tour, M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord saluer la
ministre et les personnes qui l'entourent. Il y a une première
observation qui me vient à l'esprit à écouter le bilan que
la ministre a fait, c'est qu'au plan de l'immigration il y a moins de personnes
qui ont été accueillies qu'on avait d'abord prévu, et
c'est la situation économique, je pense, qui explique principalement cet
état de fait. On avait prévu, je pense, 45 000 immigrants
reçus, et on en a 39 300. Pour ma part, je préfère
comptabiliser à part les 8200 revendicateurs de statut de
réfugié qui ont été admis, parce qu'il ne s'agit
pas d'un influx net de personnes sur le territoire québécois,
mais de la régularisation du statut de personnes qui s'y trouvaient
déjà.
Je voudrais souligner que, sauf erreur, pour la même
période, il y a eu un solde négatif des mouvements
interprovinciaux aussi. Le dernier chiffre que j'ai à l'esprit date de
1991, et je pense qu'il était venu, en gros, en 1991, 28 000 personnes
des autres provinces au Québec et que 40 000 personnes avaient
quitté le Québec pour d'autres provinces. Ce que je veux dire par
là, c'est qu'à mon avis il faut, d'une certaine manière,
déduire des 39 000 personnes accueillies le solde net de 12 000
personnes qui ont quitté le Québec et, habituellement, la
migration québécoise vers les autres pays s'établit
à 5000, ce qui veut dire qu'il y aurait, au total, une perte d'à
peu près 17 000 personnes qui sont allées soit vers d'autres
provinces, soit vers d'autres pays. Je dis ça parce que je pense qu'on
devra, cette année, avoir une discussion également sur le seuil
d'immigration pour l'année à venir, et je pense que ce sont des
données qu'il est important d'avoir en mémoire.
Je ne peux que me réjouir, M. le Président, du fait que le
gouvernement fédéral a réussi à prendre le dessus
en ce qui concerne l'arriéré des personnes réfu-
giées parce que le fait d'avoir à Montréal
principalement à peu près 30 000 personnes qui étaient en
attente d'un statut, ça créait une situation intolérable
à plusieurs égards, et il est heureux que la machine
bureaucratique fédérale se soit ajustée et qu'on ait
trouvé un moyen pour que ces personnes-là sachent plus rapidement
si elles vont rester dans cette terre d'accueil ou si elles devront retourner
chez elles.
Pour ce qui est des COFI, l'impression que je reçois comme
député de l'île de Montréal, c'est que
Montréal a été sacrifiée à la
périphérie. En fait, on a fermé successivement 3 COFI,
Alain-Grandbois et maintenant, prochainement, Olivar-Asselin et Saint-Charles
dans le sud-ouest, ce qui veut dire que, sur l'île de Montréal, il
y a moins de points de service pour ce qui est des COFI et on en ajoute
à Brossard et à Laval. Et, M. le Président, très
franchement, j'aimerais qu'on commence à considérer que, pour
avoir un hôpital à Rivière-des-Prairies, mettons, il n'est
pas nécessaire de l'enlever au centre-ville et, pour mieux servir la
clientèle des COFI à Brossard et à Laval, il ne faut
peut-être pas les enlever à Montréal. À cet
égard-là, je pense que la décision du ministère de
concentrer l'effectif de l'île de Montréal au COFI Du Parc et d'en
fermer 3 en 2 ans qui étaient dans des quartiers francophones est non
seulement discutable, mais, quant à moi, je dirais condamnable.
M. le Président, l'objectif du ministère est d'assurer une
intégration harmonieuse des nouveaux arrivants à la
majorité francophone du Québec et de Montréal et,
pourtant, on a pensé qu'il était mieux d'investir des millions
dans la rénovation d'une polyvalente dans le quartier Parc-Extension et
que, pour faciliter l'opération, il fallait fermer d'autres COFI. (20 h
40) moi, je dis sans ambages, m. le président, que c'est une mauvaise
décision que le ministère a prise et qu'on aurait
été mieux de garder dans pointe-saint-charles un cofi qui
était dans un quartier majoritairement francophone et de garder dans le
centre-nord de la ville de montréal le cofi olivar-asselin qui
était, lui aussi, dans un quartier francophone. je ne suis pas de ceux
qui disent, m. le président, que par osmose, le simple fait d'être
dans un quartier francophone va assurer l'intégration, mais je trouve
que, d'une certaine manière, le cofi du parc ressemble à
l'école saint-luc, où on a concentré un nombre
considérable de nouveaux arrivants qui a fini par représenter 90
% de l'école. j'en parle à l'aise, m. le président, ma
fille a suivi son école primaire dans une école multiethnique,
dépendant de la commission des écoles protestantes du grand
montréal, et il y avait là une proportion correcte: 40 % de
nouveaux arrivants avec 60 % de québécois de souche. mais
là, on a décidé, pour des raisons que j'ignore, d'avoir un
super des supers cofi dans le quartier parc-extension, d'enlever un cofi dans
le sud-ouest, à pointe-saint-charles, d'enlever un autre cofi,
olivar-asselin, dans le nord de la ville, dans la partie centrale. et, m. le
président, je me demande si on pense que c'est positif pour l'accueil
des nouveaux arrivants de leur faire connaître, dès le
départ, une institution québécoise maintenant
révolue, je pense, qui est la grosse polyvalente parce que, en fait, on
parle de 1000 étudiants le matin, 1000 l'après-midi, un certain
nombre le soir. Alors, je ne vois pas pourquoi il fallait mettre dans un des
quartiers les plus cosmopolites de Montréal un gros COFI alors qu'il y
en avait déjà quelques-uns qui remplissaient leurs fonctions.
Alors, à cet égard-là, je pense que c'est discutable.
L'autre aspect de la question que je voudrais aborder ce soir avec Mme
la ministre, c'est la nature de la réforme pédagogique qui a
été apportée. Je le dis parce que ceux que ça n'a
pas convaincu c'est, apparemment, les professeurs de COFI, et on ne peut pas,
je pense, M. le Président, dire que les professeurs de COFI
réagissent comme ça par corporatisme, parce que ça les
dérangerait, parce que les employés de l'État ne veulent
jamais que rien change. Il y a 450 professeurs de COFI et, à la
quasi-unanimité, ils jugent la réforme mauvaise et,
d'évidence, on ne les a pas entendus.
Quand il y en a un, récemment, M. le Président, qui s'est
exprimé dans Le Devoir; la réponse qu'il a reçue,
c'est une suspension de 2 semaines sans salaire. À cet égard, on
me permettra de souligner qu'il est un peu spécial que pour délit
d'opinion, ce soit 2 semaines sans salaire, mais que dans un autre
ministère, pour avoir vendu des renseignements à Équifax,
on donne une suspension avec salaire en attendant la conclusion d'une
enquête. Et, à cet égard, je dis d'entrée de jeu que
cette suspension est inacceptable au plan de la liberté d'expression. On
y reviendra un peu plus tard dans la soirée. Mais disons qu'à cet
égard, dans la mesure où les COFI jouent un rôle
indispensable pour ce qui est d'intégrer les nouveaux arrivants, je
trouve que la réforme pédagogique est au moins discutable et
qu'on devrait la discuter avec les enseignants plutôt que de suspendre
pendant 2 semaines un d'entre eux qui a commis le délit d'écrire
une lettre ouverte au Devoir. Par ailleurs, ce qui se dit dans les COFI,
c'est que le but de la suspension, c'était de faire peur aux
occasionnels qui sont les deux tiers des 450 professeurs de COFI.
Bref, il y a là un mauvais climat, et je pense que changer le
régime pédagogique contre les pédagogues, ça
comporte des difficultés. Comme député de l'île de
Montréal, et je vois qu'il y en a au moins une de l'autre
côté de la table, je trouve indéfendable qu'on ferme le
COFI Olivar-Asselin et qu'on ferme le COFI Saint-Charles pour, à la
place, appliquer au COFI la logique qui a déjà produit des
résultats désastreux dans nos écoles secondaires,
c'est-à-dire les grosses polyvalentes. Par ailleurs, on ferme 2 COFI
dans des quartiers à majorité francophone pour en concentrer un
énorme c'est le seul mot qu'on peut trouver; 2000 à 3000
étudiants dans une école, c'est énorme dans un
quartier multiethnique, où ils vont être en contact avec des gens
d'autres origines et pas avec les Québécois francophones.
L'autre critique qui est faite à la réforme
pédagogique qui a été décidée, c'est de la
trouver par trop
utilitaire. Auparavant, les nouveaux arrivants faisaient au COFI, en 30
semaines, 750 heures de cours. Là, on dit qu'une évaluation va
être faite de la capacité d'apprendre de chacun et chacune et que,
en gros, chacun, chacune fera de 200 à 600 heures avec une
possibilité, à temps partiel, de s'ajouter 200 heures. Et, d'une
certaine manière, je me demande si ça n'aura pas comme tendance
de faire des COFI des écoles Berlitz du secteur public. Il ne s'agit
pas, dans mon esprit, uniquement d'aider les nouveaux arrivants à
s'intégrer au Québec au plan linguistique, cela est une fonction
fondamentale, essentielle, mais je pense que l'intégration est plus
vaste que simplement le plan linguistique. Elle doit être plus large que
ça, et je pense que, notamment, les rapports avec le milieu de la
majorité francophone ne sont pas suffisants et, en clair, je trouve que,
dans la réforme, il y a des raisons sérieuses de penser qu'on va
un peu bâcler et réduire à sa seule dimension linguistique
l'intégration des nouveaux arrivants.
Par ailleurs, je souhaiterais que nous parlions d'un autre sujet qui
m'apparaît essentiel, celui de la possibilité que le gouvernement
modifie les règles du jeu en matière de langue d'enseignement. Le
ministre responsable de la loi 101 a demandé une opinion, M. le
Président, comme vous savez, sur 5 points. Il y en a 4 qui ne sont pas
du ressort de la commission, ici, mais vous êtes placé pour savoir
que le cinquième, la possibilité qu'une partie des nouveaux
arrivants puissent envoyer leurs enfants à l'école anglaise, nous
interpelle et nous concerne. Or, avant-hier, en Chambre, la ministre de
l'Éducation n'a pas, d'aucune façon, indiqué que ce projet
était abandonné. On sait que le Conseil de la langue
française l'a trouvé peu pertinent. Je ne veux pas faire le
débat, ce soir, de la langue d'affichage, c'est vraiment autre chose,
mais, chose certaine, le Conseil général du Parti libéral,
en fin de semaine, va se pencher sur plusieurs résolutions demandant
qu'une partie des immigrants puissent envoyer leurs enfants à
l'école anglaise. Ce n'est pas être partisan que de le dire, il y
a plusieurs circonscriptions du West Island c'est leur droit le plus
absolu qui font cette revendication qu'Alliance Québec fait
déjà. à cet égard, il faudrait qu'on ait plus de
renseignements de la ministre sur l'affirmation d'alliance québec
à l'effet que de permettre à une classe d'immigrants d'aller
à l'école anglaise ne changerait la fréquentation scolaire
que de 1 %. m. le président, je ne suis pas un spécialiste en
chiffres, je pense que 25 % de 25 % des élèves, ça fait
plus proche de 6 % ou 7 % que d'un minime 1 %. mais la question est
posée et concerne, je pense, la ministre des communautés
culturelles et de l'immigration pour une raison bien simple. c'est que, dans le
contrat social, il n'y a que les fils et les filles de nouveaux arrivants qui
vont à l'école française et, à montréal en
particulier, ça fait partie des choses auxquelles les
québécois francophones tiennent. (20 h 50)
J'ajoute à la ministre qu'à certains égards cette
question est stratégique par rapport à la volonté et
à la capacité d'accueil de la société
québécoise. Une des choses qui font accepter aux
québécois l'arrivée de nouveaux arrivants, c'est de savoir
qu'au plan linguistique ils n'iront plus grossir les rangs de la
majorité anglophone du canada et qu'à cet égard la charte
de la langue française procure une protection à la
majorité en disant que les fils et les filles d'immigrants vont
continuer, doivent continuer d'aller à l'école française.
d'ailleurs, les indicateurs linguistiques que publie le conseil de la langue
française nous montrent que, grosso modo, quand le choix de
l'institution d'enseignement devient volontaire en vertu de la charte de la
langue, soit au cégep, on est passé, en 15 ans, de 10 % des
allophones qui allaient au cégep francophone à 37 % ou 38 %.
Donc, c'est une mesure qui a apporté des fruits et qui est
importante pour la société d'accueil. Et je vais chercher
à savoir ce soir si la ministre croit toujours qu'il n'est pas le temps
d'atténuer le message aux immigrants, que le Québec est
majoritairement francophone et que, dans le respect le plus clair des droits de
notre minorité anglophone, on doit dire aux nouveaux arrivants que la
langue officielle, la langue commune, la langue majoritaire de la
société d'accueil, c'est le français. Et, à cet
égard-là, je me permets de déplorer, indépendamment
de la controverse que la partie sur l'affichage peut provoquer, parce que je
pense que ce n'est pas le mandat de la commission ce soir, que le gouvernement
n'ait pas suivi l'avis du Conseil de la langue française et ait
écarté du débat et de la discussion la question
essentielle de la langue d'enseignement pour les nouveaux arrivants.
Sur le budget global du ministère, M. le Président, comme
on va passer à la période plus financière des
crédits demain matin, on pourra peut-être mieux l'établir.
C'est évident que nous, de l'Opposition, nous inquiétons que le
budget diminue de 120 000 000 $ à 114 000 000$. C'est une baisse
sensible. Par ailleurs, j'ai vu ailleurs dans les crédits que les
contributions fédérales augmentent, elles, et c'est un peu
particulier d'avoir rapatrié des budgets qui, on va commencer à
le soupçonner, servent à financer l'ensemble de l'État.
Puisque les contributions fédérales sont relativement
indexées mais que le budget diminue, on peut penser qu'il y a une
espèce de détournement des sommes obtenues vers d'autres missions
du gouvernement du Québec.
Alors ça, ça va faire partie des choses qu'on va
certainement questionner au cours de cette rencontre.
M. le Président, ça conclut mes remarques. Si la ministre
était d'accord, on pourrait, pour ce soir, faire un échange assez
libre comme on a l'habitude de les faire en matière de crédits et
aux engagements financiers, pour devenir peut-être plus technique et
financier demain matin.
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la ministre, vous
êtes d'accord avec cette façon de procéder?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Une
voix: ...
Le Président (M. Doyon): Est-ce que vous en avez, M. le
député?
M. Gautrin: Oui, M. le Président. Mme Gagnon-Tremblay:
Parfaitement.
Le Président (M. Doyon): Alors, M. le
député, nous sommes tout ouïe.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président.
Alors, au cours de cet échange, et là je m'excuse parce
que je suis remplaçant ici, je suis membre aussi d'une autre commission,
moi, j'ai un objectif. Vous savez que cette Chambre s'apprête à
passer un projet de loi, le projet de loi 198, qui a comme objectif de
réduire entendons-nous, une certaine forme de réduction
du personnel d'encadrement dans les ministères et de
réduire aussi le personnel sur un objectif de 3 ans. C'est quelque chose
qu'on essaie d'obtenir par attrition, pas d'une manière brutale. Ce que
j'essaie de faire et je me promène de crédits en
crédits comme ça et je pense que c'est tout à fait la
place pour le faire c'est de voir jusqu'à quel point cet objectif
de réduction est réaliste... d'échanger sur les objectifs
de réduction du personnel d'encadrement dans votre ministère, de
voir jusqu'à quel point on peut réduire encore le personnel,
compte tenu du fait que la loi que nous allons passer du moins
j'espère que l'Assemblée va la passer fixe une
réduction par rapport à une photographie prise au 1er avril 1993
et qu'il faut avoir une idée des objectifs qu'on pourra atteindre,
compte tenu du fait que certains ministères avaient déjà
fait des réductions importantes. Donc, il est important de bien
comprendre que certains ministères ne pourront peut-être pas
atteindre les objectifs de réduction parce que, déjà, ils
ont fait l'effort préliminaire.
C'est dans ce sens-là que j'aimerais pouvoir, M. le
Président, questionner la ministre sur les réductions de
personnel éventuelles.
Le Président (M. Doyon): Alors, vous en aurez le loisir,
M. le député.
M. Gautrin: Merci.
Discussion générale
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Pointe-aux-Trembles, vous avez des questions spécifiques que vous voulez
aborder avec la ministre?
Langue d'enseignement pour les nouveaux
arrivants
M. Bourdon: Oui, M. le Président. La première, je
pense, c'est la langue d'enseignement. La ministre nous avait dit, aux
engagements financiers, que son ministère conduisait certaines
études sur les conséquences possibles d'un scénario
où une partie des immigrants, des nouveaux arrivants pourrait choisir
l'école anglaise.
Est-ce qu'il y a eu, au ministère, des études, à
cet égard-là, sur les chiffres de clientèles que ça
pourrait représenter?
Mme Gagnon-Tremblay: Suite, bien sûr, au rapport qui avait
été déposé par Alliance française, j'ai fait
vérifier par le ministère certains chiffres et, finalement, oui,
nous avons quand même des... J'ai fait faire un travail qui demeure un
travail interne, pour le moment, étant donné que ça va
servir à la ministre pour pouvoir, par exemple, défendre sa
position lorsque le gouvernement sera au stade de prendre une décision.
Mais, pour le moment, je dois vous dire que cette étude, finalement, a
été remise au ministre responsable de l'application de la Charte
de langue française et, dans ce sens-là, il lui est loisible de
l'utiliser à bon escient.
M. Bourdon: Maintenant, M. le Président, la ministre me
permettra de lui demander... En réponse à une question que je lui
posais, hier en Chambre, j'ai compris que, pour elle, les principes qui fondent
l'action du gouvernement en matière de langue d'enseignement pour les
nouveaux arrivants, ce sont ceux contenus dans l'énoncé de
politique en matière d'immigration.
Est-ce que j'ai bien compris que, jusqu'à preuve du contraire,
à moins que le Conseil des ministres décide de changer
d'orientation, c'est celle-là qui, pour elle, est la seule position
reflétant une décision gouvernementale?
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que vous avez bien compris. Quand
même, ces grands principes sont des principes qui ont été
endossés par l'ensemble du Conseil des ministres lors du
dévoilement de la politique d'immigration et d'intégration. Et,
bon, je ne cesserai jamais de dire que, dans l'intérêt de tout
immigrant qui arrive au Québec, la meilleure façon de
s'intégrer au marché de l'emploi ou encore de participer à
toutes les activités de la communauté, c'est, bien sûr, de
parler français, c'est de le comprendre, c'est même de
l'écrire, aussi. C'est dans l'intérêt de l'immigrant de le
faire. Alors, donc, il ne faut pas que ce soit vu comme quelque chose
comment pourrais-je dire? d'anormal. C'est tout à fait normal.
C'est dans l'intérêt et, moi, je travaille dans
l'intérêt des personnes qui arrivent au Québec.
M. Bourdon: Et à cet égard-là, M. le
Président, on me permettra de lire un très bref extrait de cet
énoncé de politique, dès le début, qui dit: Si
l'immigration est devenue un enjeu majeur pour le Québec, c'est parce
qu'elle s'inscrit dans une perspective de développement de la
société distincte. En effet, aujourd'hui davantage qu'hier, le
Québec veut et doit associer l'immigration à 4 défis
largement interdépendants dont dépend son avenir: le redressement
démographique, la
prospérité économique, la pérennité
du fait français et l'ouverture sur le monde. Fin de la citation. (21
heures)
Alors, la ministre me trouve tout à fait d'accord avec elle
à cet égard-là. Mais est-elle d'accord avec moi que, pour
les Québécois francophones, de poser, comme elle l'a fait dans
son document et comme le gouvernement le disait, «que la
pérennité du fait français fait partie de la
dynamique», que, quand on change les règles du jeu ou qu'on parle
de changer les règles du jeu, c'est le degré d'acceptation des
nouveaux arrivants par la société d'accueil qui peut être
en jeu? Je suis d'accord avec la ministre que, pour les nouveaux arrivants, il
y va de leur intérêt d'apprendre le français, de le parler,
de l'écrire, de le comprendre. Mais, pour ceux qui accueillent les
nouveaux arrivants, est-elle d'accord que le fait que leurs fils et leurs
filles vont à l'école française contribue à
maintenir une attitude positive de la majorité francophone à
l'égard des nouveaux arrivants?
Mme Gagnon-Tremblay: Bien, je pense, M. le Président,
qu'on n'a pas nécessairement à faire de dessin. C'est certain que
la population québécoise souhaite que tout immigrant
s'intègre à la société francophone. C'est certain
que si on a cette tolérance ou encore si, par exemple, on accepte un
niveau d'immigration comme on sélectionne actuellement, bien sûr
que c'est parce qu'ils soutaitent aussi que le gouvernement gère
l'immigration, mais aussi s'occupe de l'intégration. Et, pour moi,
l'intégration ça passe bien sûr par l'apprentissage de la
langue française. C'est certain qu'en deuxième lieu il faut
s'intégrer sur le marché du travail et, pour s'intégrer au
marché du travail au Québec, bien, il faut connaître le
français.
Alors, c'est pour ça que je dis que non seulement c'est dans
l'intérêt de l'immigrant, mais c'est aussi ce que veut la
société québécois. Et on a toutes les raisons de
croire également qu'une personne qui n'apprend pas le français a
beaucoup plus de chances de quitter le Québec. Alors, pour nous, la
rétention aussi c'est important. Après tous les efforts que l'on
dépense, par exemple pour sélectionner les immigrants à
l'extérieur, c'est sûr qu'on veut les retenir, ces gens-là.
Et une des façons de les retenir, c'est de leur permettre de participer
pleinement à la société, à la vie de tous les jours
des Québécois et des Québécoises, et ça
passe par la francisation. Je pense qu'on n'a pas à me convaincre du
bien-fondé de l'enseignement du français.
M. Bourdon: M. le Président, je me permets de citer encore
une fois l'énoncé de politique pour dire mon accord, cette phrase
que je trouve résumer la situation, qui dit, et je cite: «C'est
pourquoi le gouvernement est convaincu que l'immigration peut et doit renforcer
le fait français au Québec.» Fin de la citation.
Donc, dans ce sens-là, je pense, M. le Président, que la
ministre a raison de souligner aussi que, dans la mesure où les nouveaux
arrivants s'intègrent à la majorité francophone du
Québec et participent à notre dyna- mique comme
société distincte, ils ont, comme les autres
Québécois, moins tendance à s'en aller ailleurs, puisque,
si on parle la langue du continent, et puis on ne peut pas changer ça,
bien, on est plus attiré, possiblement, par Toronto, Vancouver ou
même Boston que si on trouve un intérêt à vivre dans
une société qui, en Amérique du Nord, a des
particularités.
Alors, M. le Président, je pense qu'on devrait changer de sujet
pour cause d'accord, alors que, des fois, on change de sujet pour cause de
désaccord.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: ...je voudrais peut-être apporter
seulement une précision.
Je ne sais pas si j'ai bien compris mon collège tout à
l'heure, mais, lorsqu'il parlait de langue d'enseignement, il semblait dire que
le gouvernement avait écarté, finalement, la recommandation qui a
été faite par le Conseil de la langue française, et je
veux lui dire, je veux le rassurer, que le gouvernement n'a pas encore pris
position.
M. Bourdon: Non.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, le gouvernement n'a rien
écarté, puisque le gouvernement n'a pas encore pris position. Il
prendra position plus tard, et c'est dans ce sens-là que je vous dis que
sûrement que les grands principes qu'on retrouve déjà dans
l'énoncé de politique seront retenus aussi par ces mêmes
collègues qui ont endossé cette politique d'immigration.
M. Bourdon: Je veux rassurer la ministre, je n'avais pas compris
que le gouvernement aurait commis cette imprudence de se commettre sur la
langue d'enseignement. Il a commis une autre imprudence, mais ce n'est pas
notre mandat ici, ce soir, de l'étudier. Je voudrais cependant dire que
la rumeur qui circule, c'est qu'on écarterait les résolutions
déposées au conseil général en promettant un
débat sur cette question lorsque la ministre de l'Éducation
révisera l'enseignement primaire et secondaire. Et, à cet
égard-là, je veux dire ceci, M. le Président, c'est qu'il
m'apparaît dangereux de laisser traîner cette question-là.
Je pense que c'est une question à régler sans équivoque.
Le rapport Chambers avait de grands mérites, et je pense que le
ministère de l'Éducation a eu raison de mettre en vigueur
plusieurs recommandations du rapport Chambers. Mais, disons, pour n'en citer
qu'une, je trouve que la prise de position du rapport Chambers pour l'abolition
des commissions scolaires confessionnelles sur l'île de Montréal
est plus intéressante que celle sur la langue d'enseignement des
immigrants.
Je me permets donc de poser la question à la ministre. Pour ce
qui est de la capacité de la société
québécoise d'intégrer les nouveaux arrivants, est-ce
qu'elle ne trouve pas l'anachronisme que constitue la
division scolaire de Montréal en 4 secteurs
anglo-protestant, franco-protestant, anglo-catholique, franco-catholique
tout à fait artificiel? Parce que dans un bar à Montréal,
ça fait longtemps que je n'ai pas entendu quelqu'un dire: Je suis
catholique ou je suis protestant. On dit plutôt: Je suis originaire du
Lac-Saint-Jean ou du Sri Lanka. Je pense qu'on ne se définit plus... Or,
il y a des communautés culturelles... Je pense à la
communauté grecque, entre autres, la communauté des
Québécois d'origine grecque de Parc-Extension, qui sont
lésés par un système scolaire où ce n'est pas la
religion qui devrait prévaloir, mais la langue.
Alors, je me permets de demander à la ministre si elle ne pense
pas que, pour aider à l'intégration des nouveaux arrivants, il ne
serait pas urgent qu'on en finisse avec la question des commissions scolaires
confessionnelles sur l'île de Montréal?
Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais, premièrement, M. le
Président, répondre à la première question du
député de Pointe-aux-Trembles, puisqu'il parlait de rumeur, tout
à l'heure. Et comme il s'agit de rumeur, personnellement, je pense que
ce sont des rumeurs, et des rumeurs qui sont non fondées. Maintenant,
quant à la déconfessionnalité, vous connaissez le
système sur l'île de Montréal. Vous savez, par exemple,
qu'on a besoin d'un amendement constitutionnel pour pouvoir modifier tout le
système. Donc, je sais que Québec a déjà fait
valoir quand même comment pourrais-je dire son
intérêt pour modifier ce dossier, sauf que, comme vous le savez,
ce n'est pas quelque chose qui se fait rapidement, et ça ne se fait pas
facilement non plus, puisqu'il s'agit d'un amendement à la
Constitution.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais ajouter que la
loi 105 prévoyant la fin des commissions scolaires confessionnelles a
fait un voyage jusqu'en Cour suprême et doit en revenir...
Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça, bientôt.
M. Bourdon: ...on nous dit incessamment depuis un bon nombre de
mois.
Regroupement d'activités de plusieurs COFI
situés sur l'île de Montréal
Maintenant, M. le Président. Avec votre permission, je voudrais
revenir à la question des COFI. J'aimerais savoir qu'est-ce qui a
amené le ministère à concentrer tous les COFI de
l'île de Montréal dans le même quartier et dans la
même école?
Mme Gagnon-Tremblay: Premièrement, je pense qu'on n'a pas
tout concentré les COFI de l'île de Montréal dans la
même école. Je dois vous dire que lorsqu'on a pris la
décision d'ouvrir à Parc-Extension, c'est parce qu'il y avait
plusieurs objectifs qu'on visait.
Premièrement, c'est qu'on en a fait une direction
régionale où on offre des services à toute la
clientèle qui passe par ce COFI. D'autre part, c'est que naturellement,
il ne faut pas s'imaginer que les immigrants qui viennent au COFI vivent dans
le quartier. On a essayé de trouver une bâtisse qui était
située près d'une bouche de métro pour permettre,
justement, à un grand nombre de nouveaux arrivants sur l'île de
Montréal de venir suivre leurs cours, mais ils n'ont pas à
demeurer dans le quartier même. Et, aussi, ces gens-là sont
là de façon temporaire. Ce n'est pas comme un étudiant qui
passe, par exemple, 4 ans dans la même école pour terminer ses
études. Ces gens-là sont là de façon temporaire. Il
y a un roulement qui est quand même très considérable. Et
ça permet en plus d'organiser des activités très
intéressantes d'intégration.
Alors, c'est un modèle qu'on expérimente actuellement. Je
dois vous dire que c'est quand même très agréable pour les
professeurs on n'a pas de commentaires pour les professeurs qui y
travaillent; il semblerait, en tous les cas, les commentaires que j'en ai,
qu'ils sont très satisfaits de même que pour les
étudiants. (21 h 10)
II ne faut pas oublier aussi que la fermeture des 2 COFI dont vous
faites mention n'est pas uniquement due au fait que nous avons ouvert des cours
sur la rive nord et sur la rive sud. Je vous ai mentionné, tout à
l'heure, que nous avons maintenant un triple horaire. Donc, en utilisant 2 fois
plus les mêmes locaux, on a pu redistribuer sur l'île de
Montréal les places qu'on avait. En plus de ça, ce qui est
très intéressant... Parce que, comme gouvernement, il faut aussi
regarder un peu les finances. On ne peut pas ignorer les finances publiques
dans le contexte actuel. Et, pour donner un aperçu au
député de Pointe-aux-Trembles, une classe à Parc-Extension
coûte actuellement 26 196 $, comparativement à une place au COFI
Olivar-Asselin que nous fermons, 32 665 $ et au COFI Saint-Charles, 40 850 $.
Donc, nous faisons des économies énormes parce que nous louons
à Parc-Extension à un coût moindre que dans les 2 autres
COFI. Le fait qu'on utilise 3 horaires, nous avons transféré des
étudiants de ces COFI dans des COFI qui sont sur l'île de
Montréal. Nous avons pu ouvrir des cours de français sur la rive
nord et la rive sud parce qu'il y a aussi une clientèle qui était
obligée de partir de la rive nord et de la rive sud pour aller sur
l'île de Montréal.
Donc, nous donnons beaucoup plus de services comme ça. Nous
atteignons une clientèle beaucoup plus considérable, et bien
sûr que ça fait des classes aussi beaucoup plus uniformes, en
termes d'apprentissage. Donc, la décision a été prise.
Elle n'a pas été prise à l'improviste. Elle a
été bien étudiée, et je pense que dans ce contexte
et après les explications que je viens de donner au député
de Pointe-aux-Trembles, sûrement qu'il va pouvoir réviser sa
position.
M. Bourdon: M. le Président, la ministre mentionne que le
coût de location de l'ancienne polyvalente de Parc-Extension est moindre
que les autres locaux qui étaient utilisés
précédemment. Mais, il y a eu des travaux de réfection qui
ont été payés par le ministère.
Est-ce qu'on pourrait avoir une idée de l'ordre de grandeur de
ces immobilisations-là qui ont été faites?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Ces coûts d'immobilisations, M.
le Président, sont amortis dans le loyer. Donc, ils sont amortis,
justement, dans les frais, les coûts de classes dont je viens de faire
mention.
M. Bourdon: Et l'autre question que ça soulève,
dans le fond, M. le Président, c'est la question du gigantisme, parce
que, à écouter la ministre, on a un peu l'impression de revivre
ce qu'on a déjà vécu, même dans des écoles
primaires. A un moment donné, on disait: Ça coûte moins
cher. Il y a des enfants qui vont aller à l'école le matin,
d'autres, l'après-midi. Les équipes de nuit n'ont jamais
été envisagées dans notre réseau scolaire. Mais,
dans le fond, est-ce qu'il n'y avait pas des avantages certains d'avoir, dans
la partie nord du centre de Montréal et dans le sud-ouest, des COFI plus
petits où les gens pouvaient avoir un sentiment d'appartenance plus
grand?
Mme Gagnon-Tremblay: Je pense, M. le Président, que la
discussion est... Je pense qu'il faut différencier certaines choses.
C'est tout à fait différent, par exemple, un cégep ou une
école à densité, parce que ces personnes-là passent
seulement 30 semaines aux cours. Ces personnes-là ne passent pas une
année, seulement 30 semaines. Et, compte tenu du type de
clientèle que nous avons...
Vous savez que, dans une classe, nous avons des personnes venant de tous
les pays du monde, avec un degré de connaissances très
varié et, en ayant justement beaucoup plus de personnes à un
même endroit, ça nous permet de mieux évaluer ces personnes
à l'entrée et de faire des classes beaucoup plus homogènes
qu'on peut le faire, par exemple, dans des plus petits COFI. Donc, ça a
des avantages.
Je le répète encore une fois: ce sont,
premièrement, des adultes, non des enfants; ce sont des personnes qui
viennent suivre des cours, qui retournent à leur domicile, qui
retournent dans leur quartier respectif pour vivre. Donc, c'est très,
très différent des classes qu'on retrouve, par exemple, à
partir des commissions scolaires. Il ne faut pas oublier aussi qu'on ne ferme
pas tous les COFI sur l'île de Montréal. Il y a toujours le COFI
Nord qui demeure, il y a toujours le COFI Maurice-Lefebvre, et ces COFI sont
maintenant utilisés au maximum à cause du triple horaire.
Sanction à l'endroit d'un enseignant de
COFI
M. Bourdon: M. le Président, il y a une autre facette de
la question qui m'apparaît importante et qui a fait couler beaucoup
d'encre ces derniers jours, c'est la question de la répression à
l'endroit d'un enseignant de COFI, M. Yvon Comeau, qui n'est pas d'accord avec
la réforme du régime pédagogique et sur la fermeture des
COFI Saint-Charles et Olivar-Asselin.
À cet égard, je voudrais lire un extrait d'un editorial de
Mme Agnes Gruda qui dit, à un moment donné: Cette affaire
soulève 2 questions. D'abord, pourquoi la liberté de parole
serait-elle accordée à un syndicat et non à chacun de ses
membres? Assistons-nous c'est toujours Mme Gruda qui écrit
à la naissance d'une nouvelle nuance juridico-politique faisant la
distinction entre liberté d'opinion collective et individuelle? Et puis,
quelle est au juste l'étendue du devoir de réserve? Car, entre
exiger la loyauté d'un sous-ministre ou d'un cadre de l'appareil
gouvernemental et museler un enseignant, il y a comme un fossé. Fin de
la citation.
À cet égard-là, je me permets de demander à
la ministre qu'est-ce qui justifie d'avoir suspendu cet enseignant plutôt
que d'avoir discuté avec lui puisque son syndicat s'objecte aux
changements qui sont intervenus et que lui, membre de son syndicat, s'est
permis d'écrire une lettre ouverte au Devoir dans le même
sens que son syndicat?
Et l'obligation de réserve, la ministre me permettra de faire
observer qu'elle ne peut pas concerner les 400 000 personnes qui sont dans le
secteur public ou parapublic ou péripublic. L'obligation de
réserve, d'évidence, ça va à des personnes qui ont
accès à des renseignements confidentiels ou qui exercent des
fonctions de responsabilité. Parce que, en clair, si je comprends bien,
ce que M. Comeau a écrit et qui lui a valu d'être suspendu 2
semaines et d'être menacé de congédiement la prochaine fois
qu'il écrira une lettre au Devoir parce qu'il est en
désaccord avec une politique du ministère qui est son employeur,
c'est ce que bien du monde pense.
Est-ce que la ministre ne pense pas que, dans une société
libre, on ne devrait pas ainsi punir une personne pour un délit
d'opinion?
Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Je suis heureuse que le député
de Pointe-aux-Trembles me pose la question, parce que ça va me permettre
peut-être d'éclaircir certains points.
Je dois vous dire au départ qu'il existe dans la fonction
publique un code d'éthique qui a été d'ailleurs
adopté en 1979 sous le règne du Parti québécois.
Et, à la section 1, article 4, on mentionne: Le fonctionnaire qui se
propose de publier un texte ou de se prêter à une interview sur
des questions portant sur des sujets reliés à l'exercice de ses
fonctions ou sur les activités du ministère ou de l'organisme
où il exerce ses fonctions doit préalablement obtenir
l'autorisation du sous-ministre, du dirigeant de l'organisme ou de son
représentant. Alors ça, c'est l'article qu'on retrouve à
la section 1 de la Loi sur la fonction publique sur les normes
d'éthique. (21 h 20)
M. Comeau est un professeur qui a été nommé en
vertu de la Loi sur la fonction publique. M. Comeau n'est pas un employé
d'une commission scolaire. Il n'a pas été embauché par une
commission scolaire. Il est un employé du ministère, donc,
assujetti aux normes d'éthi-
que comme tout autre employé professionnel, cadre ou encore
fonctionnaire. M. Comeau, d'ailleurs, est un homme très
expérimenté. Il est au ministère depuis plusieurs
années et M. Comeau, je pense, savait très bien ce qu'il faisait.
Il n'a pas reçu cette sanction parce qu'il s'est exprimé
parce qu'il a eu la chance de s'exprimer. Il est venu à mon bureau
rencontrer ma directrice de cabinet et une attachée politique pour
remettre une pétition. Il a rencontré le sous-ministre pour faire
valoir son point de vue. Ce n'est pas parce qu'il s'est exprimé, c'est
parce que, d'une part, il a contrevenu à ce règlement sur les
normes d'éthique en publiant l'article sans demander l'autorisation,
mais, plus, parce qu'il a, en plus, commenté son article sans
l'autorisation... même plus que ça, à l'insu...
c'est-à-dire contrevenant ainsi à une décision rendue par
son supérieur. Son supérieur ne lui a pas permis de commenter, en
entrevue, son article puisqu'il n'avait pas reçu l'autorisation pour
publier l'article. Il le savait très bien, il a décidé
quand même d'aller de l'avant.
Donc, c'est un manquement grave aux normes d'éthique, c'est un
acte d'insubordination, et c'est pour ça qu'on lui a servi cette
sanction. Ce n'est pas parce qu'il s'est exprimé, mais parce qu'il n'a
pas suivi les règles du code d'éthique. Et, à ce
moment-là, est-ce qu'on peut permettre à quelqu'un, comme
ça, de déroger à toute discipline d'un
supérieur?
M. Bourdon: M. le Président, on me permettra de ne pas
être d'accord avec la ministre dans le sens que la ministre nous dit: On
ne lui reproche pas de s'être exprimé, on lui reproche de
s'être exprimé sans avoir, au préalable, obtenu la
permission de s'exprimer. C'est...
Mme Gagnon-Tremblay: Mais parce que le code d'éthique est
là.
M. Bourdon: Oui.
Mme Gagnon-Tremblay: Parce qu'il y a un règlement sur les
normes d'éthique de la fonction publique qui doit être suivi. Si
n'importe quel fonctionnaire décide, demain matin, de ne pas
obéir à un ordre d'un supérieur, dans quelle sorte de
régime on va se retrouver? Je pense que ça, c'est important. Il
faut aussi que ces personnes-là aient ce sentiment d'appartenance au
ministère. Ce n'est pas parce qu'elles pratiquent ou qu'elles enseignent
à différents endroits sur l'île de Montréal qu'elles
n'appartiennent pas à ce ministère. C'est très
différent d'une commission scolaire. Alors, c'est important pour nous
qu'on puisse obéir aux ordres d'un supérieur. Quand on
désobéit...
Vous savez, en pratique privée, c'est-à-dire dans le
secteur privé, vous avez un choix. Quand vous êtes en
désaccord avec une décision de votre patron, vous pouvez,
malgré tout, revenir à la charge, faire valoir vos arguments,
mais si le patron croit que c'est pour le bien ou dans l'intérêt
de la collectivité d'aller de l'avant, à ce moment-là,
vous avez le choix de vous ranger ou de quitter votre emploi, d'aller ailleurs.
Alors, c'est un peu la même chose. On n'empêche pas la personne de
s'exprimer. Au contraire, on lui a laissé le choix de s'exprimer.
D'ailleurs, le syndicat s'est exprimé aussi, d'autres professeurs... On
a permis à d'autres professeurs, par exemple, de faire des entrevues, de
donner des entrevues, mais là n'est pas la question. Ce n'est pas parce
que la personne s'est exprimée, mais parce qu'elle l'a fait
malgré un ordre de ne pas le faire de son directeur.
M. Bourdon: M. le Président, on me permettra d'ajouter que
Mme Agnes Gruda, dans La Presse, avait raison d'écrire, et je
cite: «Quant à faire, pourquoi ne pas pousser la logique jusqu'au
bout et étendre le code d'éthique des fonctionnaires à
l'ensemble de la fonction publique et parapublique? Par exemple, aux
infirmières qui ne pourraient plus, sous peine d'être
accusées de haute trahison, protester contre des fermetures de
lits?» Fin de la citation.
Et, à cet égard-là, je suis en total
désaccord avec la ministre en ce sens que M. Yvon Comeau est un
employé du ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, mais il a aussi une qualité plus fondamentale, il est un
citoyen dans une société où la liberté d'expression
est reconnue. Fort heureusement, la ministre ne va pas jusqu'à dire que
son syndicat ne pourrait pas s'exprimer.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais je pense, M. le Président, que
le code d'éthique limite cette liberté.
M. Bourdon: Le code d'éthique va à rencontre de la
Charte des droits, quant à moi, et...
Mme Gagnon-Tremblay: Bien, c'est votre gouvernement, M. le
député de Pointe-aux-Trembles, qui l'avait adopté.
M. Bourdon: Oui. Il a été adopté en 1979.
Voilà une autre preuve, je l'accorde à la ministre
d'entrée de jeu, qu'il n'y a pas un parti politique qui est
infaillible.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourdon: En 1979, dans le code d'éthique, je trouve
qu'on est allé loin. Mais, à mon point de vue, le
ministère est menacé qu'un arbitre trouve que la Charte des
droits a préséance sur un code d'éthique.
Moi, je répète, je ne veux pas prendre beaucoup de temps
sur le sujet, juste de dire que M. Comeau, comme citoyen, comme citoyen
informé de ce qui se passe dans les COFI parce qu'il est professeur de
COFI, avait le droit de donner son opinion et que, d'autre part, il n'y a eu
aucune gradation dans ce que le ministère a fait à son endroit,
dans le sens que, dans le jargon des relations patronales-syndicales, une
suspension de 2 semaines, c'est quelque chose de grave. Avant, il y a le
reproche écrit, il y a la réprimande. Je répète que
le code d'éthique de 1979, quant à moi, ne peut pas avoir
préséance sur la Charte des droits et libertés.
Mais je pense que, là-dessus, on ne s'entend vraiment pas.
Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je pense aussi, M. le
Président... Vous savez, qu'il s'agit d'un dossier de relations du
travail, où l'employé dispose de recours. Il a logé un
grief. Maintenant, bien sûr, le processus est enclenché. Il va
faire valoir sa position. Et, ultimement, un arbitre tranchera la question.
Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci, M.
le député.
M. Bourdon: Oui.
Le Président (M. Doyon): D'autres questions?
Création d'un fonds pour la communauté
noire de Montréal
M. Bourdon: Oui, M. le Président. Mme la ministre a
mentionné, dans son exposé, la création d'un fonds de 1
000 000 $ pour la communauté noire de Montréal. J'aurais un
certain nombre de questions à lui poser.
D'abord, je ne connais pas Mathieu Da Costa. Si elle pouvait me dire,
peut-être, qui il est.
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, Mathieu Da Costa, c'est le premier
Noir qui est arrivé en même temps que Samuel de Champlain en
Nouvelle-France...
M. Bourdon: Ah bon!
Mme Gagnon-Tremblay: ...et qui a servi d'interprète
auprès des Micmacs. C'est le premier qui est arrivé. Donc, c'est
pour vous signifier que les Noirs qui sont arrivés en Nouvelle-France,
ça ne date pas d'aujourd'hui, c'est quand même depuis fort
longtemps.
En passant aussi, je dois vous dire qu'on s'imagine toujours que c'est
de date récente, mais j'ai eu l'occasion, il y a à peu
près 2 mois, de fêter le 90e anniversaire du premier groupe de
femmes noires au Québec. Alors, même au temps où
j'étais à la Condition féminine, je n'ai pas connu un
groupe de femmes qui avait 90 ans d'existence. Donc, lorsque les gens
s'imaginent que les Noirs sont de date récente, c'est tout simplement
pour mentionner qu'ils sont ici depuis fort longtemps.
Et Mathieu Da Costa, finalement, le fait que c'est une personne qui
représente la communauté noire, je trouvais c'est une
suggestion, d'ailleurs, qu'on a eue d'un groupe que ça
représentait bien la communauté noire, puisque le fonds de
développement, l'organisme à la société Mathieu Da
Costa, est un fonds qui sert aussi bien à la communauté noire
anglophone qu'à la communauté haïtienne, qu'à la
communauté africaine.
M. Bourdon: M. le Président, si je me souviens bien, il a
été question de créer ce fonds-là suite à
une rencontre de la communauté noire avec le premier ministre. Et, si je
comprends bien la ministre, l'idée est de faire quelque chose dans une
communauté où le sous-emploi est chronique.
Mais est-ce qu'elle pourrait nous dire de quelle façon va
être géré ce fonds? Ne sera-t-il accessible qu'aux Noirs
anglophones ou est-ce qu'il le sera aussi aux Québécois d'origine
haïtienne? Dans le fond, j'aimerais en savoir un peu plus
là-dessus. (21 h 30)
Mme Gagnon-Tremblay: Alors, l'idée est venue, bien
sûr, en premier lieu, d'une table de concertation que nous avons mise sur
place depuis maintenant 2 ans, d'où a émané plusieurs
projets et, entre autres, ce projet. Mais, au même moment, la
communauté haïtienne nous avait aussi fait une demande pour un
fonds de ce genre, parce qu'on connaît quand même les
difficultés de la communauté noire; on connaît, par
exemple, le taux de chômage qui est quand même considérable,
surtout pour la communauté noire anglophone et même pour la
communauté haïtienne, malgré un taux de scolarité
très élevé. Donc, on s'est demandé comment on
pourrait répondre à leurs demandes.
L'idée nous est venue, justement, de créer un fonds de
développement, non pas uniquement pour la communauté noire
anglophone, mais pour l'ensemble de la communauté noire, parce que les
problèmes étaient les mêmes. Nous avons incorporé
une corporation sous la troisième partie de la Loi des compagnies. Il y
aura un conseil d'administration composé de 15 membres, qui sont
représentatifs des différentes communautés, mais sur
lequel conseil d'administration nous avons réservé des
sièges, aussi, pour des représentants du milieu d'affaires de la
société d'accueil, c'est-à-dire des corporations de
développement économique, ou encore des institutions
financières. Cette corporation sera gérée uniquement par
des gens d'affaires, s'adressera, bien sûr, à la communauté
noire pour l'obtention de prêts ou de garanties de prêts
c'est du capital de risque soit pour du démarrage d'entreprises,
ou encore de l'expansion d'entreprises. Mais je pense que ce qui est important,
c'est aussi toute cette culture de l'entreprise que l'on veut donner à
la communauté noire, et surtout aux jeunes. Donc, il y aura de nombreux
bénévoles aussi qui travailleront avec les membres de la
corporation, pour soutenir, ou encore encadrer les jeunes ou encore les
entrepreneurs qui voudront créer des entreprises.
Et aussi, bien sûr, pour être admissible à ce fonds
de développement, encore faut-il que la personne ait essuyé un
refus, je dirais même 2 refus, d'une institution financière
traditionnelle. La corporation de développement donnera en
sous-traitance l'évaluation des dossiers. Alors, les membres du conseil
d'administration seront nommés bientôt. Nous avons reçu de
nombreux curriculum vitae pour former le conseil d'administration; nous devrons
former bientôt le conseil d'administration, et, par la suite, les fonds
seront transférés pour le démarrage de la corporation.
M. Bourdon: M. le Président, à cet
égard-là, je
voudrais ajouter à la ministre qu'il y a des communautés
noires, à Montréal: il y a ceux d'origine jamaïcaine, entre
autres; il y a les Québécois d'origine haïtienne; il y a
également des Québécois d'origine africaine, d'Afrique
francophone, d'habitude. La ministre a mentionné le fait que,
malgré la scolarisation élevée dans ces
communautés, le chômage est endémique, et je voudrais lui
citer une expérience personnelle.
J'ai rencontré, un soir, un groupe de Québécois
d'origine africaine, à Montréal, et j'ai découvert,
à discuter très librement avec eux, qu'à 80 % à peu
près ils étaient sans emploi, et que, dans la salle,
j'étais la seule personne qui n'avait pas de diplôme
universitaire. Alors, c'est dire qu'il y a un travail à faire. Et je me
permets d'insister auprès de la ministre pour que la corporation
à créer représente toutes les facettes de cette
communauté, parce que c'est évident qu'il y a des Noirs
francophones, anglophones, et chez les francophones, ceux qui sont d'origine
africaine ont des organisations que le ministère finance, d'ailleurs. Il
n'y a pas de difficulté à cet égard-là. Mais qu'il
soit clair que c'est pour l'ensemble de ces communautés que le fonds
existe.
Mme Gagnon-Tremblay: Non. Je veux répéter au
député de Pointe-aux-Trembles, M. le Président,
qu'effectivement, premièrement, la corporation est créée,
et en plus de ça, c'est que c'est pour toute la communauté noire.
Alors, que ce soit la communauté noire anglophone, qu'elle vienne de la
Jamaïque ou d'ailleurs, que ce soit pour la communauté
haïtienne, que ce soit pour la communauté africaine, ce fonds est
pour la communauté noire en général. Et ce qui est
intéressant, au niveau de l'octroi de cette subvention et la
création de ce fonds, c'est que c'est une des rares fois que les
communautés noires, très différentes les unes des autres
parce que, finalement, ce n'est pas parce que vous êtes
Haïtien ou Jamaïcain ou Africain que vous avez la même culture
alors, avec des cultures différentes, on réussit à
s'asseoir à la même table et convenir de modalités d'un
fonds, et ça, parce que, justement, on parle affaires. Alors, c'est
ça qui est intéressant avec ce projet.
M. Bourdon: M. le Président, une autre question: Est-ce
que le fonds va être renouvelable? Parce qu'on peut penser que 1 000 000
$, ça a l'air gros pour un individu, mais pour une centaine de milliers
de personnes, si ce n'est pas un fonds qui est annuel, on peut penser que la
corporation va perdre sa raison d'être peu à peu.
Mme Gagnon-Tremblay: Bon. Il s'agit d'une somme forfaitaire,
c'est-à-dire d'une subvention de 1 000 000 $ que le gouvernement
accorde. Nous avons pris cependant des mesures pour que le fonds ne disparaisse
pas la première année, bien sûr, parce que, dans les
règlements de la corporation, nous avons prévu, par exemple,
l'utilisation du fonds à un certain pourcentage la première
année, un certain pourcentage pour la deuxième année, avec
des frais de fonctionnement très fixes pour permettre, justement,
d'aller plus loin dans le temps et, en plus de ça, c'est que les membres
de la corporation, qui sont tous des gens d'affaires, ont l'intention d'aller
dans le secteur privé. Ils ont l'intention aussi de frapper à la
porte du gouvernement fédéral pour grossir ce fonds. Donc moi,
j'ai bon espoir que, malgré tout, on va pouvoir quand même rendre
d'innombrables services et, aussi, accepter de nombreux projets.
Mais je reviens toujours à l'idée que, pour moi,
même si dans 5 ans le fonds était épuisé, ce qui est
important, c'est cette culture que nous aurons donnée et c'est cet
encadrement et la crédibilité que nous aurons donnés
à la communauté noire auprès des institutions
financières actuelles. Alors, c'est ça qui est important
actuellement, pourquoi ils ne peuvent pas avoir le financement dans le milieu
traditionnel? Nous allons travailler sur ça et nous allons
démontrer aux institutions actuelles que la communauté noire est
une communauté crédible, à qui on peut prêter et
à qui on peut faire confiance.
Relations interraciales et interculturelles à
Montréal
M. Bourdon: M. le Président, ça m'amène,
toujours en parlant de la communauté noire, à parler de la
question des relations avec les corps policiers, surtout sur l'île de
Montréal.
La ministre me permettra de m'inquiéter que, d'une certaine
façon, le rapport Corbo, et avant lui le rapport de M. Jarislowsky,
mettent l'accent sur le ministère de la Sécurité publique.
À n'en pas douter, il y a un aspect sécurité publique,
mais je me demande si le ministère et même le Conseil des
communautés culturelles ne pourraient pas être impliqués
davantage dans cette question-là. Dans les rapports interraciaux
à Montréal, il est sûr que quand Marcellus François
a été abattu ou que M. Kelly a été abattu,
ça a créé une tension très considérable.
Est-ce que le ministère a l'intention de s'impliquer davantage
sur l'étude de ces questions-là?
Mme Gagnon-Tremblay: Le ministère est déjà
impliqué. Il s'implique beaucoup, en collaboration avec le ville de
Montréal. Je vous parlais tout à l'heure du fonds d'initiative.
Nous avons donné, si ma mémoire est fidèle, 100 000 $ pour
la formation des policiers. Aussi, nous avons appuyé, par exemple, les
représentants de la CUM pour la préparation de leur plan
d'action. Nous travaillons en étroite collaboration avec la ville de
Montréal.
D'ailleurs, la ville de Montréal fait partie de cette table de
concertation. Je dois vous dire que nous avons une collaboration qui est
absolument essentielle, mais aussi qui comment pourrais-je dire?
depuis quelques années, est très nouvelle. On se rend compte
justement, parce qu'on travaille tous ensemble, que ce soit, par exemple, le
gouvernement du Québec, que ce soit la
ville de Montréal et même le gouvernement
fédéral à l'occasion, quand on peut mettre tous nos
efforts en commun, c'est beaucoup plus profitable, et c'est ce qu'on essaie de
faire actuellement.
Je dois vous dire que, par exemple, le maire Doré aussi bien que
M. Weiner, à ce sujet-là, sont très collaborateurs et,
comme on est tous là maintenant depuis au-delà de 4 ans, on se
rend compte que la stabilité au poste a permis de débroussailler
et a permis de faire avancer plusieurs dossiers sur lesquels travaillaient
déjà les fonctionnaires. (21 h 40)
M. Bourdon: M. le Président, la ministre me permettra de
trouver que, si je compare, par exemple, le Conseil des communautés
culturelles au Conseil du statut de la femme, ce serait un euphémisme de
dire que le Conseil du statut de la femme est plus volontariste et plus
interventionniste que le Conseil des communautés culturelles. Et je m'en
inquiète parce que dans ces questions de relations interraciales,
interculturelles, de poursuivre une politique de rapprochement, il me semble
que le grand absent, depuis 2 ou 3 ans, c'est le Conseil des communautés
culturelles.
Je ne dis pas que l'action du ministère n'est pas bien
intentionnée puis ne vise pas des fins précises, mais le Conseil
étant formé de personnes issues des communautés
culturelles, est-ce qu'il ne pourrait pas être amené à
jouer un certain rôle puis, au besoin, les envoyer peut-être au
Conseil du statut de la femme voir comment on fait pour intervenir quand on
représente des minorités?
Mme Gagnon-Tremblay: Moi, je pense qu'il y a quand même une
différence entre le Conseil du statut de la femme et le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration, de par le nombre et de par
aussi le budget.
Il faut dire que lorsque le Conseil du statut de la femme a
été créé, si ma mémoire est fidèle,
en 1973, il n'y avait pas de Secrétariat à la condition
féminine. Donc, c'était, à ce moment-là, le Conseil
qui faisait un peu figure de ministère, jusqu'à un certain point,
parce qu'il n'y avait pas de Secrétariat. Alors que le Conseil des
communautés culturelles, bien sûr, est là pour donner des
avis à la ministre, mais il y a, derrière ce Conseil, un
ministère qui existe. Et je dois vous dire qu'avec la
réorganisation du ministère depuis justement 3 ans, c'est
sûr que la dynamique du Conseil, à ce moment-là, a
été drôlement modifiée dans le sens que le
ministère, il y a 3 ans, n'avait pas, par exemple, de direction de
politiques et programmes, ne faisait pas, par exemple, toutes ces recherches
qu'on fait maintenant. Le ministère est mieux équipé.
Donc, dans ce sens-là, le Conseil n'a plus à jouer le même
rôle, par exemple, que joue maintenant le ministère. C'est
sûr qu'il faudra peut-être voir, dans l'avenir, quel rôle
peut jouer davantage le Conseil au niveau, par exemple, des relations
intercommunautaires.
Le Conseil, actuellement, travaille sur un avis très important de
relations sur des accommodements, entre autres, pour pouvoir aider des
institutions ou pour aider des organismes à mieux s'adapter à
cette réalité pluricul-turelle, à savoir jusqu'où
on peut aller dans des changements qu'on veut apporter. Donc, c'est un avis,
pour moi, qui est quand même très important. Le Conseil travaille
actuellement sur cet avis-là, est peut-être moins visible, mais je
peux vous dire aussi que le Conseil a fait récemment une tournée
dans certaines régions pour parler, par exemple, d'intégration
sur le marché du travail. Il est moins visible, on en entend moins
parler, mais je sais cependant que le Conseil, quand même, travaille,
mais peut-être pas de façon aussi visible que vous le
souhaiteriez.
M. Bourdon: Mais, à cet égard-là, je me
permets de souligner aussi que, bien sûr, le ministère est mieux
équipé qu'il l'était. Mais ça n'empêche pas
qu'on puisse déplorer l'absence du Conseil des communautés
culturelles, à toutes fins utiles, des grands débats publics sur
les relations interethniques, interraciales. Il y a un projet de loi qui s'en
vient sur la langue d'affichage. On dit, dans le débat, que l'importance
de garder la disposition actuelle, c'est l'impact que ça peut avoir sur
les nouveaux arrivants, sur les allophones. Pour ce qui est de la partie du
débat qui traite de la langue d'enseignement, ça concerne
directement les communautés culturelles.
En fait, ce dont je m'inquiète, moi, c'est qu'on n'entend pas les
communautés culturelles dans les débats publics qui les
concernent. Puis je le dis en toute objectivité. Que je sois d'accord ou
pas avec elles sur tel ou tel point, bien, la langue d'enseignement pour les
enfants des nouveaux arrivants, il me semble que ça les interpelle et
que ça les concerne. Et, d'une certaine façon, le Conseil,
à mon point de vue, ne joue pas son rôle parce qu'il ne fait pas
entendre sa voix. C'est révélateur que, sur la langue
d'enseignement, c'est le Conseil de la langue française qui a produit un
avis et pas le Conseil des communautés culturelles. Je ne dis pas que
celui du Conseil de la langue française n'était pas requis, mais
est-ce que le Conseil peut parler au nom des communautés culturelles?
Pas que je sache.
Mme Gagnon-Tremblay: Mais je pense aussi que c'est parce que le
ministre qui est responsable de la langue française a demandé
à son Conseil les recommandations et non pas, bien sûr, au Conseil
des communautés culturelles et de l'immigration. Si, par contre, vous
n'entendez pas suffisamment sur la place publique l'intervention des
différentes communautés culturelles, c'est peut-être parce
qu'il est trop tôt dans le débat. Le gouvernement n'a pas encore
proposé des recommandations. Il n'a pas encore mis sur la table des
propositions. Donc, à quoi ça sert, par exemple, d'intervenir ou
de faire quoi que ce soit, alors qu'on ne sait pas sur quoi on aura à se
positionner?
Donc, attendons que le gouvernement fasse son nid, attendons que le
gouvernement décide et, par la suite, je suis persuadée qu'on
entendra non pas seulement les Québécois des communautés
culturelles, mais on pourra entendre toute la population sur ces
différen-
jeune s'adresse à la Société
d'investissement-jeunesse, c'est Société
d'investissement-jeunesse qui va faire l'analyse de ses propres dossiers, sauf
que, nous, pour essayer d'éviter des frais de fonctionnement, les
membres de la corporation ont décidé qu'ils iraient en appel
d'offres pour donner à contrat l'analyse des dossiers pour ainsi
éviter les frais de fonctionnement, de sorte que l'argent puisse servir
vraiment pour les projets.
M. Messier: Principalement aux projets, aux jeunes pour les
projets plus que pour l'administration.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, est-ce que mon
collègue qui m'a parlé du taux d'encadrement va revenir sur sa
question?
Le Président (M. Doyon): Oui, demain. Mme
Gagnon-Tremblay: Oui?
Le Président (M. Doyon): Demain, il veut vous
parler...
Mme Gagnon-Tremblay: Je ne lui réponds pas tout de
suite?
Le Président (M. Doyon): ...non seulement de
l'encadrement, d'après ce que j'ai compris, mais des effectifs, des
diminutions, tout ce qui a trait à la loi 198.
Mme Gagnon-Tremblay: Parfait. Je donnerai la réponse
demain. C'est parce que j'ai hâte de la donner, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Bon. Il va...
Mme Cardinal: Vous avez déjà fait vos devoirs, Mme
la ministre?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui. Mme Cardinal: C'est ce
qu'on a pensé.
Le Président (M. Doyon): C'était un préavis
qu'il vous a donné, Mme la ministre. Il sera de retour demain.
Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Alors, je reviens demain.
Le Président (M. Doyon): Alors, j'ajourne les travaux de
cette commission jusqu'à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 59)