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(Vingt heures quatre minutes)
Le Président (M. Doyon): La commission de la culture
reprend ses travaux en procédant à l'étude des
crédits du ministère des Communications pour l'année
1993-1994. Je constate qu'il y a consensus pour constater le quorum... Ha, ha,
ha! Je laisse la parole au ministre qui, d'après ce que je comprends, a
quelques remarques préliminaires d'ordre général à
faire. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Lawrence
Cannon
M. Cannon: Oui. Merci, M. le Président. Avant de
débuter les remarques préliminaires, vous me permettrez de vous
présenter mon directeur de cabinet, qui est à ma gauche, M.
Harrison, et, à ma droite, le sous-ministre, M. Michel Roy.
Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.
M. Cannon: Et derrière nous, évidemment, les hommes
et les femmes qui, quotidiennement, font du ministère des Communications
le meilleur ministère au gouvernement du Québec.
Alors, M. le Président, chers collègues, j'ai une nouvelle
fois le privilège de présenter aux membres de la commission de la
culture les crédits du ministère des Communications ainsi que
ceux des trois organismes qui relèvent de ma responsabilité, soit
la Régie des télécommunications, la Commission
d'accès à l'information et la Société de
radio-télévision du Québec.
Dans l'effervescence qui anime le monde actuel, les communications
jouent un rôle prédominant et prépondérant pour
accroître l'efficacité des économies modernes. Par les
inventions qu'elles mettent au service de la production, les communications
contribuent en effet au succès des stratégies économiques
des États. Au niveau mondial, où les règles du commerce
international ont parfois tendance à être
interprétées à la convenance de chacun, il est clair que
les pays qui réussissent à maintenir leur part de marché
ne le font qu'au prix d'une ingéniosité perpétuelle et
renouvelée. La qualité est toujours de mise pour affronter la
concurrence. Mais, à une époque où, chaque jour, de
nouveaux produits envahissent la planète, ceux qui maîtrisent le
mieux leurs communications obtiennent les meilleurs résultats.
Dans la faculté de prendre des décisions rapidement, de
les communiquer avec efficacité aux unités de production et
d'établir des contacts conviviaux avec les clients... dépendent
souvent de la conquête puis le main- tien d'un marché. Parmi les
moyens dont disposent les producteurs ou outils technologiques que constitue...
un système de communications performant peut faire la différence.
c'est ainsi, dans ce contexte, que les pays économiquement
développés redoublent d'efforts pour accroître leur
maîtrise des technologies nouvelles leur permettant de rester
concurrentiels. dans ce ballet économique, le québec occupe une
place tout à fait honorable. les technologies de l'information
constituent en effet l'un des domaines les mieux positionnés de
l'économie québécoise. les derniers chiffres nous
indiquent que c'est plus de 2200 entreprises qui oeuvrent dans le secteur des
services informatiques et du logiciel. ces firmes produisent des revenus qui
dépassent 1 200 000 000 $. si l'on rajoute la production de
l'équipement informatique, c'est 2 000 000 000 $ dont il faut alors
parler, soit plus de 50 % des recettes que cette industrie rapporte dans tout
le canada.
Au niveau des entreprises de services-conseils en informatique, quatre
des cinq plus grandes firmes canadiennes dont le chiffre d'affaires
dépasse chacune 50 000 000 $ sont situées au Québec.
Aujourd'hui, ces sociétés s'appuient sur un réseau bien
structuré dans tout le Canada. En outre, plusieurs d'entre elles ont
déjà réalisé des percées tout à fait
significatives, notamment en Europe, en Australie et aux États-Unis. Ces
entreprises québécoises disposent d'une expertise qui s'affirme
avec grande assurance. Leur avenir est donc fort réjouissant, et c'est
le Québec tout entier qui s'apprête à en retirer les
fruits.
L'autre grand domaine des communications, soit les médias,
présente, lui aussi, des caractéristiques intéressantes.
Ce secteur, perçu habituellement en termes exclusivement culturels, joue
pourtant un rôle de premier plan dans le développement du
Québec. Il faut donc noter son apport considérable à notre
économie, aussi bien en termes d'emplois que des produits
proposés à l'exportation. Les centaines d'entreprises qui
oeuvrent dans le domaine des médias génèrent des revenus
qui dépassent les 3 000 000 000 $ et elles emploient plus de 15 000
personnes. En production télévisuelle seule, le secteur
s'achemine d'année en année vers un statut de véritable
industrie. Par ailleurs, désireuses de tirer profit des nouveaux
marchés, les entreprises québécoises ont
déjà commencé à s'associer à des firmes
françaises et autres, ouvrant ainsi la grande porte du marché de
la francophonie.
J'ai d'abord voulu faire ressortir le rôle moteur que les
communications jouent dans notre développement économique. Voyons
comment, maintenant, le ministère des Communications contribue à
cet épanouissement.
Le mandat du ministère est, d'une part, de susci-
ter, en matière de communications, des retombées positives
aux plans économique, social et culturel. D'autre part, il doit
élaborer et proposer au gouvernement des politiques en matière de
communications. Pour illustrer de quelle façon le ministère
réalise son mandat, j'aimerais rappeler aux membres de la commission de
la culture certaines des réalisations de l'année qui vient de
s'écouler. Un portrait plus complet du travail accompli se trouve dans
le document intitulé «Bilan et orientations» dont les
membres de cette commission ont reçu copie.
D'abord, le 16 décembre dernier, j'ai déposé
à l'Assemblée nationale un projet de loi sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé. Le projet a, par la
suite, été soumis à une consultation populaire. Une
quarantaine d'organismes ont pu présenter leurs mémoires aux
membres de la commission. Ce projet de loi, j'aimerais le rappeler, a pour
objet d'assurer le respect du caractère confidentiel des renseignements
personnels détenus par les entreprises québécoises de tous
les secteurs. Il stipule des règles en matière de collecte, de
conservation, d'utilisation, de communications et d'accès aux
renseignements personnels. Il prévoit, par ailleurs, l'obligation des
entreprises d'obtenir le consentement des personnes concernées avant la
divulgation, la retransmission ou la transmission à un tiers d'une
information les concernant. Il intègre, en outre, le recours possible
des personnes lésées. (20 h 10)
Le projet déposé à l'Assemblée nationale a,
jusqu'à maintenant, été reçu d'une façon
très positive. Suite aux propos que j'ai entendus au cours des deux
semaines d'auditions de la commission parlementaire et qui m'ont
confirmé la valeur du projet, je n'envisage pas de le transformer en
substance. Les modifications proposées seront donc essentiellement
d'ordre technique. Elles auront pour but de faciliter l'application de la loi
en la rendant plus efficace dans son objectif du respect du droit à la
vie privée. Ce projet devra donc voir son aboutissement au cours de
cette année.
Et je tiens, en passant, M. le Président, à vous
féliciter personnellement ainsi que les membres de la commission qui
ont, depuis maintenant deux si ce n'est pas six occasions, discuté de
cette chose et, particulièrement, souligner le travail de mon
collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, qui, tout au
long de ces discussions, a apporté une contribution pour que nous
puissions, comme parlementaires, être très heureux du
déroulement ultime, c'est-à-dire l'adoption de ce projet de
loi.
Le deuxième Séminaire franco-québécois sur
les technologies de l'information organisé à Paris, à
l'initiative du ministère, représente une autre
réalisation intéressante. Les technologies de l'information
occupent en effet une place de premier plan dans les priorités de la
coopération internationale du Québec. Le premier
Séminaire, qui a eu lieu à Québec en 1991, avait
pavé la voie au démarrage de projets majeurs de collaboration
dans le domaine. Le Séminaire de cette année devrait être
l'occasion d'avancer encore plus en se penchant sur la rentabilité des
investissements. L'objectif ultime de telles opérations est, bien
sûr, de créer des conditions favorables à des
opérations de partenariat entre les entreprises et les institutions de
recherche en France et du Québec. Par ailleurs, nous pensons ainsi
pouvoir ouvrir l'accès pour nos entreprises aux grands projets
européens.
Il faut aussi souligner, dans l'optique d'un soutien aux entreprises
québécoises du domaine des technologies de l'information, que
l'année 1992 a amené la création, à
Montréal, du Centre d'essais de conformité aux normes OSI. L'OSI
est un terme employé pour indiquer une conformité aux normes de
l'organisation internationale ISO. Celui-ci coordonne les activités de
normalisation dans 89 pays. La création d'un tel centre constitue une
pièce importante dans la stratégie économique du
Québec en technologies de l'information. Pour un produit, la
conformité à ces normes signifie l'accès, d'emblée,
au marché international.
Le ministère a aussi exercé son influence dans le secteur
des médias en facilitant la mise sur pied d'un centre d'études
géré par l'Institut québécois de recherche sur la
culture. Le Centre québécois d'études sur les
médias a été conçu dans un esprit de partenariat.
Il a pour objet de faire circuler dans l'industrie des résultats de
l'abondante recherche dont on dispose déjà. Par ailleurs, le
Centre s'est fixé comme deuxième priorité de faire
travailler ensemble les chercheurs universitaires, les représentants de
l'industrie et ceux du gouvernement.
Les efforts du gouvernement pour assurer le développement de
l'industrie des communications au Québec trouvent une autre belle
illustration dans les travaux menés au cours des derniers mois dans le
cadre de la stratégie des grappes industrielles. Lancée
officiellement en décembre 1991, cette stratégie repose sur la
conviction que le succès est incompatible avec le court terme et qu'il
nécessite plus que jamais des efforts concertés. En
conséquence, le gouvernement a proposé une démarche vers
la réussite, associant dans un cheminement commun le plus grand nombre
de partenaires possible d'un même secteur.
En communications, deux grappes ont été cernées,
celle des technologies de l'information et celle des médias. La
première grappe regroupe des intervenants qui sont depuis longtemps en
contact les uns avec les autres et qui acceptent d'emblée cette
façon de travailler, les poussant à une synergie constructive.
Par ailleurs, de multiples interrelations existent déjà entre ces
entreprises innovatrices, tant et si bien que l'on estime que cette grappe
située au centre du secteur tertiaire et créatrice d'emplois
permanents de haut niveau est particulièrement prometteuse.
Concrètement, la démarche à laquelle les
partenaires ont été invités à participer s'articule
dans un cadre de prise en charge globale du secteur. Les intervenants qui se
sont réunis au cours du premier trimestre de cette année ont
identifié plusieurs pistes d'action, soit la formation du personnel, la
recherche et développement, la normalisation, la promotion des
exportations et le financement. Les travaux se poursuivent activement par
le biais de tables de concertation pour les sous-grappes de
l'informatique et des télécommunications. À cela, s'ajoute
le travail en sous-groupes pour chacune des pistes d'action et le regroupement
de tous les intervenants pour traiter des questions de financement.
Quant à la table de concertation de la grappe des médias
que j'ai le privilège d'animer, elle vise à former une vision
commune du développement des médias et à proposer des
initiatives conjointes susceptibles de renforcer ce secteur. Les entreprises de
cette grappe partagent en effet les mêmes défis que celles des
autres secteurs industriels.
Afin de matérialiser cette stratégie, le ministère
a invité ses partenaires à poursuivre les discussions
déjà entreprises sur six enjeux prioritaires, soit l'exportation,
le financement, la formation, la recherche et le développement et,
finalement, la technologie. Le travail est conduit dans le même esprit
que celui qui anime la grappe des technologies de l'information.
M. le Président, la dernière réalisation que je me
dois de souligner porte sur le rôle important et efficace que le
ministère a joué en matière de droits d'auteur. Il faut
rappeler qu'en 1990 la Commission du droit d'auteur du Canada avait
évalué les droits à payer pour la retransmission des
signaux éloignés de radio et de télévision se
chiffrant à environ 42 000 000 $. La part du Québec
représentait 22 % de la facture, soit 10 500 000 $. Suite à une
analyse en profondeur du dossier, le ministère des Communications
présentait un mémoire à la Commission. Tout en
étant d'accord avec le principe de droits à payer, nous
soumettions le fait que la spécificité de l'auditoire
francophone, beaucoup plus attaché à sa production propre qu'aux
émissions américaines... la décision rendue par la
Commission en décembre dernier a reconnu ce fait, ce qui entraîne
une réduction de 50 % de la facture des câblodistributeurs du
Québec. Il s'agit donc d'une économie de plus de 4 000 000 $.
Je pense qu'il était nécessaire de mettre, M. le
Président, ces quelques réalisations importantes qui s'inscrivent
au bilan de l'action du ministère.
Je voudrais maintenant, M. le Président, très
brièvement, exposer aux membres de la commission notre proposition
relative aux crédits. J'insiste sur le fait que le contexte
particulièrement difficile des finances publiques qui prévaut
nous a obligés à effectuer des réductions importantes dans
nos dépenses. Nous avons nécessairement tenu compte des
contraintes supérieures de l'État en évitant toutefois le
plus possible d'affecter les clientèles externes. Nos efforts ont donc
porté sur une plus grande rationalisation de nos opérations, tout
en maintenant le niveau des services offerts.
Nous avons procédé, entre autres, à la fusion de la
Direction générale des moyens de communication et de la Direction
générale des publications du Québec pour former la
Direction générale des services de communication. Cette fusion
répond à une logique administrative évidente, car les
services offerts possédaient une affinité naturelle et leur
réunion aurait un effet de synergie. D'autre part, l'examen rigoureux
des activités du ministère a démontré que la
production de documents audiovisuels et la prise de photographies par des
ressources internes ne produisaient pas de valeur ajoutée significative.
C'est pourquoi le ministère confiera désormais ces
activités au secteur privé.
Je tiens à préciser que ces décisions ne mettent
aucunement en cause la compétence ou la qualité des personnes
concernées. Le contexte actuel des finances publiques
québécoises nous force à de telles remises en question. La
réflexion devrait se poursuivre en ce sens et, dans cet esprit, j'ai
moi-même remis publiquement en cause l'existence du ministère des
Communications. Cette réflexion ne constitue pas un jugement sur les
activités du ministère ou un manque d'intérêt pour
son personnel, bien au contraire. J'assume, depuis plus de deux ans et demi,
mes responsabilités actuelles et, au cours de cette période, j'ai
pu apprécier le talent, le sens du devoir et la capacité de
travail de l'équipe qui forme le ministère des Communications.
J'ai aussi pu constater la grande pertinence de l'intervention gouvernementale
dans le domaine des communications et, de ce fait, le rôle important que
joue le ministère. Il faut, par contre, garder l'esprit ouvert afin de
pouvoir envisager de nouvelles façons de distribuer les
responsabilités gouvernementales et qui pourraient se traduire par une
réduction des dépenses et une plus grande efficacité dans
la prestation de services à la population. (20 h 20)
Je reviens maintenant au budget, M. le Président. Je
précise que la réalisation de notre mandat s'appuie sur deux
sources distinctes de financement: les crédits votés par
l'Assemblée et les revenus générés par les quatre
fonds spéciaux dont dispose le ministère présentement. En
1993-1994, les crédits totaux nécessaires à la
réalisation des mandats qui nous sont confiés
s'élèvent à 260 894 700 $. De ce montant, 43 751 700 $
réservés aux activités propres du ministère et 74
916 200 $ mis à la disposition des trois organismes qui relèvent
de mon autorité devront être votés par cette
commission.
Cette année, les crédits de la Régie des
télécommunications, 1 800 000 $, ceux de la Commission
d'accès à l'information, 2 700 000 $, et ceux de la
Société de radio-télévision du Québec, 70
412 100 $, seront présentés de façon distinctive. En ce
qui concerne les revenus des quatre fonds spéciaux qui proviennent de la
facturation adressée aux ministères et organismes gouvernementaux
pour services rendus, il est prévu qu'ils devraient s'établir
globalement à environ 148 228 800 $. En examinant le détail de
ces ressources, il est intéressant de noter que les crédits des
deux principaux fonds, à savoir des services informatiques et des
services de télécommunications, accusent une baisse par rapport
à l'année précédente. Derrière cette
réalité, il faut noter qu'il y a eu une augmentation des services
rendus.
J'ai essayé, M. le Président, de faire valoir le
rôle important des communications dans le développement des
sociétés modernes et, plus particulièrement, au
Québec. Comme ce développement doit s'ajuster aux
préoccupations des Québécois, cela implique que les
mandats du ministère doivent s'interpréter dans une
optique évolutive. C'est ainsi que le souci de la création
et du maintien de l'emploi s'est profilé en toile de fond dans chacun de
nos gestes et décisions, car nous pensons que la construction d'un
Québec fort passe nécessairement par le dynamisme que l'on saura
insuffler à la population.
Je vous remercie de votre attention et je suis maintenant prêt, M.
le Président, à entendre les remarques de mes collègues,
le député de Pointe-aux-Trembles et aussi celui de
Sainte-MarieSaint-Jacques. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Oui. Merci, M. le ministre. Je
signale que nous avons une vingtaine de minutes de prises.
M. Boulerice: Non, on a commencé en retard.
Le Président (M. Doyon): Alors, j'indique, comme on avait
entendu, qu'à 21 heures nous devrons terminer nos travaux...
M. Boulerice: On a commencé en retard.
Le Président (M. Doyon): On a commencé à 20
h 2.
M. Boulerice: Non, non. Ah! non, non. Je conteste.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Sainte-MarieSaint-Jacques, quand vous serez président, vous
tiendrez l'horloge; en attendant, c'est moi. Vous avez la parole.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Les aiguilles tomberont moins, M. le
Président. M. le ministre, chers collègues, en tant que nouveau
porte-parole de l'Opposition en matière de communications, il me fait
évidemment plaisir d'être ici et de participer à cette
étude des crédits. Personnellement, j'ai toujours accordé
une grande importance au dossier des communications, et il en va de même
pour le parti que je représente, comme il en était de même
pour celui qui m'a précédé comme porte-parole.
À l'aube du XXIe siècle, il me semble hors de tout doute
que les communications soient devenues un secteur névralgique dans la
plupart des pays industrialisés. Au niveau mondial, les activités
reliées au secteur des communications s'établissent en centaines
de milliards de dollars pendant qu'au niveau technologique, une
révolution n'attend pas l'autre. Au Québec, ce secteur
représentait une activité économique de 9 300 000 000 $
pour l'année 1989; 21 000 000 000 $ à l'échelle du Canada
pour l'année dernière. Un tiers de l'industrie canadienne des
communications est concentré au Québec. Ce secteur fait
d'ailleurs partie des grappes industrielles identifiées par le ministre
de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
Cependant, de par la nature du produit, l'industrie des communications
représente bien plus qu'un simple domaine économique ou
technologique en plein essor. Le secteur des communications, que ce soit sous
forme d'images ou de sons ou, encore, à travers des productions
culturelles diverses, véhicule essentiellement de l'information. Il ne
s'agit donc pas d'une industrie neutre. Qui dit communications dit valeurs, dit
façon de penser, de voir ou de faire. Laissez-moi, à ce propos,
vous citer quelqu'un que tout le monde connaît bien ici, autour de cette
table, et je le cite: «Pour toutes les sociétés, les
communications représentent le véhicule par excellence de la
culture, un levier exceptionnel de développement économique et un
outil de socialisation.» M. le Président, j'espère que je
n'aurai pas à convaincre le ministre du bien-fondé de ce que je
viens de lire, car c'est lui-même qui tenait ces propos en septembre de
l'année 1991.
En fait, il a bien raison de le dire, de par le monde entier, les
États-nations luttent pour le contrôle du secteur des
communications, sachant très bien qu'il s'agit là d'un domaine
des plus stratégiques, voire vital, pour leur développement. Nos
voisins du Sud, les États-Unis, ont été un des premiers
pays à bien saisir cet enjeu, et ce, bien avant que ce secteur
n'acquière l'importance qu'on lui connaît aujourd'hui. Par
exemple, dès après le deuxième conflit mondial, lors du
fameux plan Marshall, les États-Unis obligeaient des pays comme la
France, sous condition de ne pas recevoir de l'aide économique, à
diffuser un pourcentage considérable de films américains dans les
salles de cinéma français. Le résultat en est aujourd'hui
que 80 % des images télévisuelles mondiales sont produites par
des compagnies américaines, ce qui a permis, d'ailleurs, à la
langue anglaise de s'imposer comme jamais en tant que langue internationale. Et
que dire, M. le Président, de la situation que nous vivons en
Amérique du Nord? D'ailleurs, un document caché de notre
Procureur général l'illustre bien.
Dans cette compétition mondiale pour le contrôle des
communications, les gouvernements du Canada et du Québec ne font pas
exception à la règle. Ils ont, eux aussi, investi le secteur des
communications. Ce qui est particulier dans le cas canadien, c'est le fait que,
au moment où le pays perdait sa première place de leader en
matière de communications, les deux paliers de gouvernement se
lançaient dans une bataille juridique épique pour le
contrôle de cette juridiction, de cette compétence. Dans un
domaine aussi stratégique, le Québec entendait alors exercer un
contrôle substantiel, pour ne pas dire total, en la matière.
À cet effet, il est intéressant de noter que le Québec
s'est doté d'un ministère et d'une politique des communications
avant le gouvernement fédéral. Si le gouvernement
québécois avait agi avec une telle diligence, c'est que l'enjeu
était de taille. Parlant avec fermeté à l'époque,
le premier ministre du Québec déclarait qu'on ne pouvait confier
à une majorité anglophone le soin de protéger la
sécurité culturelle d'une minorité francophone. Et notre
premier ministre promettait, de plus, que la politique de son
gouvernement serait ferme, claire et déterminée. Mais ceci
était sans compter sur les bienfaits qu'exerce sur le Québec le
fédéralisme maintenant coopératif canadien. À
Ottawa, on avait compris l'importance des communications afin de
défendre l'identité canadienne.
Et, que s'est-il passé dans l'histoire canadienne au niveau des
communications? Une compétence qui n'existait pas en 1867. Et bien,
dès 1932, malgré la plaidoirie du Québec en la
matière, ce dernier perdait sa cause devant le Conseil privé de
Londres qui a réfuté, du revers de la main, toutes les
prétentions du gouvernement québécois. Pour le peuple
québécois, en matière de radiodiffusion, il s'agissait
là d'un échec historique qui annonçait déjà
la suite des événements.
Dans les années soixante-dix, lors de la bataille pour le
contrôle du câble, le Québec est à nouveau battu,
cette fois en Cour suprême du Canada. Le jugement fut des plus clairs, et
le Québec dut reculer à nouveau. Dans les années
quatre-vingt, lors de la cause Bell Canada contre la CSST, la Cour
suprême reconnaissait une fois de plus le caractère
fédéral du secteur des communications. Le Québec a
été, une fois de plus, forcé de ravaler ses
prétentions. Maintenant, on arrive aux années quatre-vingt-dix
avec, cette fois, la cause du Procureur général contre la
compagnie Guèvremont. Et bien, qu'est-ce qui s'est passé dans ce
dernier cas? Le Québec a été débouté, et en
Cour supérieure et en Cour d'appel. Et là, M. le
Président, le gouvernement demande la permission d'en appeler en Cour
suprême. Qu'est-ce que vous pensez qu'il va arriver en Cour
suprême? Et bien, on va perdre, M. le Président, parce que,
même dans un dossier vital comme les communications, on perd, on perd et
on perd encore. De revers en échec, de recul en déroute, le
Québec est battu sur toute la ligne. À l'heure actuelle, M. le
Président, si le Québec ne gagne pas en Cour suprême, en
supposant que sa cause y soit plaidable, il risque de perdre toute juridiction
dans le domaine. (20 h 30)
Et que fait le ministre des Communications pendant ce temps-là?
Il nous annonce, en novembre dernier, qu'il n'a plus l'intention de
présenter une nouvelle politique des communications et ce, parce que ses
positions antérieures n'étaient fonction que du débat
constitutionnel. Il s'agissait là d'un inventaire, déclara-t-il,
le tout n'étant qu'une partie de la stratégie constitutionnelle
du gouvernement. J'ai mis dans le texte trois points de suspension.
Franchement, on est en droit de se demander ce qu'il pense vraiment
d'une politique québécoise des communications. Veut-il
bâtir l'avenir ou il veut faire une partie de poker constitutionnel en
usant de «bluff»? Le juge Côté disait jadis que les
communications étaient la voirie de l'intelligence. La bêtise nous
guette donc avec le gouvernement actuel. C'est quoi sa vision des choses? Celle
d'un gouvernement municipal? On informe les citoyens des services et on
gère ce qui, à force de coupures, est en train de devenir une
grosse télévision communautaire. Vos beaux principes d'il n'y a
pas si longtemps, où sont-ils passés? Ou est-ce bien le
même ministre qui nous parlait d'une nouvelle politique
québécoise des communications en septembre 1991? Si tel est le
cas, il doit avoir fait preuve ou d'un manque flagrant de sérieux ou
d'un cynisme à toute épreuve.
Pour terminer, j'aimerais vous citer les paroles d'un ancien ministre
libéral des Communications, homme d'une certaine envergure et je
devrais plutôt dire homme d'une envergure certaine
c'est-à-dire M. Jean-Paul L'Allier.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Celui-ci déclarait, à
l'époque, et je le cite... Je ne comprends pas que l'on rie du maire de
Québec, notre capitale, mais enfin, M. le Président... Je cite ce
que le ministre des Communications, à l'époque, disait: «La
politique des communications d'un gouvernement révèle ses options
fondamentales.» Or, à l'heure où le ministre se
déclare favorable au démembrement de son propre ministère,
on est obligés de conclure que si sa vision et celle de son gouvernement
sont celles de l'abandon et du désespoir, bref celles d'un gouvernement
battu qui, au fond, n'a rien à offrir, rien, du moins, en quoi les
Québécois puissent se reconnaître et dire: Voilà
enfin un projet de société à notre image... C'est triste
à dire, M. le Président, car il n'y a rien de plus triste qu'une
société sans espoir. Malheureusement, c'est la
vérité. L'incohérence et le manque de vision du ministre
et du gouvernement, voilà ce que nous comptons dénoncer durant
cette étude de crédits. Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. Oui, M. le député de Pointe-aux-Trembles,
vous avez des remarques aussi? Non?
M. Cannon: Si vous me permettez juste... Le Président
(M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Cannon: Non, je ne rigolais pas au passage du nom de M.
L'Allier. C'est parce que le député a mentionné qu'il
était ministre fédéral. Je voudrais simplement dire que
c'était un ministre provincial et dans le gouvernement du temps...
M. Boulerice: Libéral, c'est ce que j'ai voulu dire.
Libéral, libéral.
M. Cannon: O.K. Merci. C'est correct. M. Boulerice: C'est
ce que j'ai dit.
M. Cannon: Non, non, c'est correct. C'est parce que
Jean-Paul...
Le Président (M. Doyon): C'est ce qui a
soulevé...
M. Boulerice: Parce qu'il fut une époque où ce
terme était noble.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): C'est ce qui a soulevé des
rires, M. le député. M. le ministre, vous avez d'autres
remarques?
M. Cannon: Je n'ai pas d'autres remarques. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Doyon): Alors, nous allons donc
procéder à l'étude des crédits qui concernent la
Commission d'accès à l'information. M. le ministre, est-ce que
vous voulez entamer la discussion ou si c'est le député de
Sainte-MarieSaint-Jacques qui commence?
M. Boulerice: M. le Président, d'accord avec notre
collègue, si vous le permettez, nous irons à la Commission
d'accès à l'information, compte tenu que M. Comeau est
présent. Alors, on pourrait passer avec mon collègue, le
député de Pointe-aux-Trembles et ministre associé des
Communications. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Alors, M. le député
de Pointe-aux-Trembles.
Commission d'accès à l'information
Coûts reliés à la mise en vigueur de la loi 68
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord souhaiter
la bienvenue au président de la Commission d'accès à
l'information, M. Paul-André Comeau, et, d'entrée de jeu, lui
poser la question: Les crédits qui sont prévus, qui sont 18 000 $
de moins que ce qui a été dépensé l'année
dernière, est-ce que ça lui apparaît suffisant pour
étudier un nombre croissant de plaintes et faire un certain travail en
rapport avec la mise en vigueur, même si ce n'est pas officiel encore, de
la loi 68 sur la protection des renseignements confidentiels dans le secteur
privé?
M. Cannon: M. le Président, si vous permettez... Le
Président (M. Doyon): Oui, M. le ministre.
M. Cannon: ...il serait peut-être important de
préciser deux choses. D'abord, les crédits qui se retrouvent
présentement à l'intérieur du cahier et qui en font
l'objet ne font pas nécessairement effet ou ne donnent pas
nécessairement effet à l'adoption du projet de loi qui est
à l'étude à votre commission, M. le Président, et,
à cette commission, au moment où on se parle, d'une part. D'autre
part, la Commission d'accès à l'information, comme les autres
organismes qui relèvent de ma responsabilité devant les membres
de l'Assemblée natio- nale ne sont pas distincts, ne sont pas
différents des autres organismes gouvernementaux et, en ce sens, doivent
aussi subir les réalités économiques et financières
que l'État leur procure. M. Comeau, sans doute, vous mentionnera que,
oui, il y a une augmentation du nombre de plaintes qui sont
déposées devant sa Commission. Cependant, compte tenu de ce que
j'appellerais son efficacité administrative depuis maintenant un an, un
an et demi, à l'initiative de M. Comeau, la Commission a entamé
des procédures de médiation qui, d'abord, permettent de
régler un certain nombre de dossiers plus rapidement, mais aussi qui
permettent d'alléger la procédure qui, avouons-le, est une
procédure intéressante pour les gens. Alors, dans ce
sens-là, la Commission d'accès à l'information pourra,
avec les budgets qui lui sont attribués, fonctionner, continuer son
travail comme elle l'a fait dans le passé.
Peut-être pour compléter, on m'indique, et sans doute M.
Comeau aurait répondu cette chose-là, qu'à la conclusion
du texte, M. le Président, on note... Et, c'est toujours dans le
document, je cite: «Étude des crédits 1993-1994 de la
Commission d'accès à l'information, mars 1993, programme 5»
et j'invite les collègues à regarder ce texte-là.
4° «Conclusion. Pour toutes ces raisons, le budget de la Commission
passera de 2 628 100 $ en 1992-1993 à 2 706 500 $ en 1993-1994»,
ce qui représente une augmentation.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Bourdon: M. le Président, le ministre a raison de
souligner que les coûts qui seront afférents à la mise en
vigueur de la loi 68 ne pouvaient évidemment pas être
prévus dans ces crédits-ci. Mais, comme il semble acquis que
cette loi va être adoptée avant l'ajournement de cet
été, est-ce qu'on pourrait savoir du président de la
Commission si un estimé a été fait des ressources
financières supplémentaires qui seraient requises pour mettre la
loi en vigueur? Je sais que ce n'est pas dans le cadre strict de l'étude
des crédits, mais c'est pour voir venir un peu, là.
M. Cannon: M. le Président, à l'occasion de la
discussion du projet de loi devant votre commission, il n'y a pas longtemps,
ces questions-là ont été posées. Je crois assurer
le député ou rassurer le député et, si ce n'est pas
le cas, je vais le répéter, la proposition que nous avons faite,
c'était de voir augmenter le nombre de commissaires à la
Commission d'accès à l'information. Le nombre de commissaires,
qui est actuellement de trois, passerait à cinq pour pouvoir
gérer les éléments qui seraient nouvellement
attribués à la Commission d'accès à l'information
et, par conséquent, les estimés budgétaires qui
accompagnent ce genre d'augmentation se retrouveraient là. Donc,
à l'intérieur du ministère des Communications même,
et des virements possibles, et aussi avec des crédits
supplémentaires, nous allons pouvoir. Mais, comme vous avez
mentionné, on ne pouvait pas, au moment où on se parle, estimer.
Et je suis bien content que le député de Pointe-aux-Trembles
me réitère encore une fois son engagement pour que la
commission fasse avec célérité l'examen du projet de loi
68 et que nous puissions procéder, dès le mois de juin, à
l'adoption de ce projet de loi.
M. Bourdon: Ce que je voudrais dire à cet égard,
c'est que ce serait étonnant que les seuls nouveaux coûts
reliés à la mise en vigueur de la loi 68 soient les deux
commissaires supplémentaires, encore que ce sera sûrement requis
s'il y a une loi qui élargit considérablement le mandat et
l'activité de la Commission. C'est pour ça que je pose la
question: Est-ce qu'il est raisonnable de penser que, pour s'acquitter de ses
nouvelles fonctions, par virements ou autrement, la Commission va avoir besoin
presque de doubler les ressources qu'elle a actuellement? (20 h 40)
M. Cannon: C'est-à-dire, il n'y a pas eu de compression
d'effectifs. L'année 1992-1993 à 1993-1994, il y a toujours 39
personnes qui sont à l'emploi de la Commission d'accès à
l'information. Encore une fois, je reviens et je tente de rassurer le
député, mon collègue, qu'au moment de l'examen du projet
de loi on pourra en discuter, mais si vous et moi et les membres de
l'Assemblée nationale conviennent de faire en sorte qu'on puisse adopter
une législation qui entre en application le ou vers le 1er janvier 1994,
définitivement, on va trouver le moyen de financer ça.
Le réseau intégré de
communications informatiques et bureautiques (RICIB)
M. Bourdon: M. le Président, j'aurais d'autres questions
à poser et qui portent, cette fois-ci, sur le super-fichier de
renseignements personnels qui est en voie de se constituer à
l'intérieur du ministère et, d'une certaine façon, je vous
pose, M. le président, la question. C'est que mon collègue de
Sainte-MarieSaint-Jacques va sûrement y revenir pour ce qui est de
la volonté du ministère de coordonner un certain nombre d'efforts
du gouvernement en matière d'informatique, mais, ce qui me touche et me
concerne, c'est les garanties qui devraient être apportées pour ce
qui est de la protection des renseignements confidentiels et, à cet
égard-là, je souhaiterais que la commission et le ministre
laissent peut-être le président de la Commission d'accès
à l'information répondre à mes questions. Parce que, sous
l'angle du ministère, mon collègue de
Sainte-MarieSaint-Jacques y reviendra sans doute demain pour ce qui est
de l'étude des crédits du ministère.
M. Cannon: C'est-à-dire...
Le Président (M. Doyon): II n'y a pas de problème,
sauf que le ministre, évidemment, est maître de la façon
dont il entend vous apporter les réponses aux questions que vous posez.
S'il décide d'avoir recours au président de la Commission, il le
fait et, s'il a les réponses et qu'il calcule qu'il est en mesure de
vous éclairer suffisamment, il lui appartient de le faire. Alors, vous
pouvez toujours, M. le député, poser votre question. M.
Bourdon: D'accord.
M. Cannon: Si vous me permettez, M. le Président. Michel,
quand tu parles de super-fichier à l'intérieur du
ministère je m'excuse, M. le Président, de la
familiarité...
M. Boulerice: Ah! on est en franche camaraderie. Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Cannon: Disons que je suis plus camarade avec le
député de Pointe-aux-Trembles que je connais un petit peu plus,
peut-être plus tard, M. le député de
Sainte-MarieSaint-Jacques... Mais ce que je veux dire, c'est quand vous
parlez d'un super-fichier à l'intérieur du ministère,
j'avoue bien franchement, cher collègue, que j'ai de la misère...
Excusez, M. le Président, j'ai de la misère à comprendre
ce que vous voulez... Je suis bien prêt, moi, à partager et
à échanger avec vous, mais c'est sûr que... Essayons
d'être concis.
M. Bourdon: Pardon, M. le Président, la langue m'a
fourché; je parlais à l'intérieur du gouvernement, je ne
parle pas à l'intérieur du ministère seulement.
M. Cannon: O.K.
M. Bourdon: Et je parle d'un projet, parce que c'est plus facile
de se retrouver quand on utilise le jargon, qui s'appelle le RICIB. À
cet égard-là, je sollicite, dans le fond, l'avis de la Commission
d'accès parce qu'on parle de regrouper, pour l'ensemble de l'appareil
gouvernemental, 14 000 fichiers contenant des renseignements nominatifs. C'est
ça qui est en cause, et je cherche à savoir, parce qu'on
étudie, dans les crédits du ministère des Communications,
ceux de la Commission d'accès... C'est une question sur laquelle la
Commission a réfléchi, et je voudrais essayer de savoir, ce soir,
où en est la réflexion sur les précautions à
prendre, vu qu'au sein du gouvernement, il y a une volonté de regrouper
ensemble l'ensemble des renseignements que l'État détient, ce qui
a inquiété des groupes comme Privacy International et d'autres
qui s'inquiètent de la taille, de l'ampleur et de la capacité de
mettre des renseignements ensemble. Comme la raison d'être de la
Commission d'accès à l'information dont on étudie, ce
soir, les crédits, somme toute, modestes de 2 700 000 $ à peu
près, c'est de protéger les renseignements nominatifs, les
renseignements personnels, bien, je pose la question: Est-ce que la Commission
a fait l'étude? Est-ce que la Commission est préoccupée
par l'impact possible de cette volonté-là, gouvernementale,
d'organiser autrement l'informatique?
M. Cannon: M. le Président, si vous me permettez. Je suis
bien heureux que mon collègue de Pointe-aux-Trembles ait posé la
question, puisque, depuis
quelques mois maintenant, cette question du RICIB, qui est un
réseau intégré de communications, a soulevé
peut-être des questions passionnelles au niveau de l'information qui
pourrait être contenue. Le rôle du ministère des
Communications, comme j'ai pu le mentionner plus tôt, au niveau de son
mandat et particulièrement dans ce cas-ci, il tente de trouver une
efficacité au niveau de sa retransmission du contenu, mais surtout, une
efficacité au niveau du moyen alors, le RICIB se veut ni plus ni
moins une autoroute de renseignements et de permettre au gouvernement de
trouver les économies d'échelle.
Vous savez comme moi que, présentement, le gouvernement du
Québec, le ministère des Communications, il y a quelques mois, a
lancé un appel d'offres. Il y a des soumissionnaires qui ont
présenté, à l'égard de cet appel d'offres, des
soumissions. Les soumissions sont actuellement en processus d'analyse.
L'objectif n'est pas de centrer à un seul endroit ou à un
endroit unique un fichier ou un dossier global sur les individus ou sur la
nature même de l'exercice gouvernemental. Il s'agit simplement de
constituer un réseau. Donc, on se préoccupe du contenant.
À l'égard du contenu, vous savez que la procédure
gouvernementale fait que, comme ministre qui siège au cabinet... Je
siège aussi au COMPACS et, avant d'accepter un tel dossier, il faut que
le COMPACS en soit saisi et qu'il soit accepté. Au moment où je
me présente devant le COMPACS, c'est à titre, non seulement de
ministre des Communications, mais également à titre de
responsable de la Commission d'accès à l'information que je dois
rendre des comptes. Mais, avant même d'aller au COMPACS, j'ai
demandé à M. Comeau et à M. Pierre Boisvert, qui est
sous-ministre à l'informatique de mon ministère, de se rencontrer
afin, précisément, d'estomper ces inquiétudes que vous
formulez et que, oui, d'autres personnes formulent dans ce milieu très
rapidement évolutif en ce qui concerne les technologies et
l'échange de technologies d'information. M. Comeau peut peut-être
vous parler un peu des échanges qu'il a eus à cet
égard-là et, après cela, il pourra vous expliquer
l'analyse qu'il fait du projet.
Le Président (M. Doyon): M. Comeau.
M. Comeau (Paul-André): M. le Président, on a
déjà, il y a un bon moment je pense que c'est à
l'automne 1991 fait une première étude, grâce
à une présentation des responsables du projet, de son contenu.
L'un des spécialistes en informatique chez nous a déjà
étudié le projet à ce moment-là, de fond en comble,
et, lorsque les demandes d'appel d'offres ont été lancées,
il y a quelques mois sans doute, on a demandé également de
refaire l'examen pour voir si, précisément, à la
lumière des données techniques qui étaient là, il
n'y avait pas la possibilité de voir se glisser ce fameux fichier
central dont on parle. Et, la question posée à nos deux
informaticiens qui se sont penchés là-dessus, c'était:
Est-ce qu'il y a vraiment quelque chose comme ça? Leur réponse
là-dessus a été: Non, en fonction des documents dont nous
disposions. C'est là que j'ai demandé à nos gens de
regarder à nouveau.
Ce que nous avons pour le moment en tête, parce que nous verrons
ensuite lorsque les appels d'offres auront été choisis, nous
étudierons à nouveau le soumissionnaire, heureux sans doute, voir
ce qu'il projette dans ces milieux de travail, etc. Mais, il y a un principe
fondamental qui va demeurer, quelle que soit la technique utilisée,
c'est que les échanges de renseignements personnels entre organismes ou
entre ministères de l'État vont être soumis exactement aux
mêmes exigences qu'actuellement, c'est-à-dire qu'ils devront
être soumis à la Commission pour avis, et, à ce
moment-là, on pourra, si vous me permettez de poursuivre l'image, suivre
le trafic sur l'autoroute. Je pense que, pour le moment, c'est là
où nous en sommes. (20 h 50)
M. Bourdon: M. le Président, pour rester...
M. Cannon: Si vous me permettez, M. le député.
M. Bourdon: Oui.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Cannon: À cet égard-là, j'imagine que M.
Comeau va me faire part, en tout cas, d'une analyse du dossier. Il me dit que
oui. Alors, je pourrai, si vous le jugez opportun et s'il y a consentement, M.
le Président, la déposer. Possiblement que cette analyse est
terminée et si, demain, on peut, on pourra la déposer ici.
Le Président (M. Doyon): Volontiers.
Commercialisation des banques d'information
gouvernementales
M. Bourdon: Ça va. Alors, M. le Président, je vais
rester dans l'image forte que le président de la Commission utilisait
quand il parlait du trafic sur l'autoroute, et on me permettra, en passant,
d'être inquiet d'un parallèle que je fais entre deux situations de
fait dans l'appareil gouvernemental.
On a appris récemment que des fonctionnaires du ministère
de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle vendaient des renseignements ou en échangeaient avec
Équifax. La coupure de journal nous renseignait sur le fait que le
ministère les avait suspendus avec solde en attendant d'avoir
complété une enquête. Je n'en demanderai pas des comptes au
ministre des Communications, ce n'est pas son ministère, mais je
rapporte à ça une autre situation d'un autre ministère
où on apprenait, il y a une semaine, qu'un professeur de COFI, qui a
écrit une lettre au Devoir pour critiquer la fermeture des COFI
Saint-Charles et Olivar-Asselin à Montréal, a été
suspendu, lui, sans salaire, pendant deux semaines. Je veux juste dire la
valeur des choses... Je ne demanderai pas au ministre des Communications de
répondre pour sa collé-
gue des Communautés culturelles et de l'Immigration ou pour son
collègue de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle qui, lui, joue un rôle important sur
l'autoroute des renseignements personnels avec Équifax, qui est un peu
la police de cette autoroute. Je veux juste dire qu'il y a comme un ordre de
grandeur et de valeur, que des personnes soupçonnées d'avoir
vendu des renseignements confidentiels sont suspendues avec solde et qu'un
professeur de COFI qui commet le crime d'être en désaccord avec
une politique de son ministère, est suspendu, lui, sans solde. Je veux
juste dire, à cet égard-là, qu'il y a comme deux poids,
deux mesures dans ces cas-ci.
Ça m'amène à poser une question qui est
conséquente, qui fait suite à cette notion d'une autoroute
informatique. Il est question aussi de la commercialisation des données
détenues par le secteur public. Le ministre nous a soumis un
avant-projet à un moment donné, pas un dépôt
officiel à l'Assemblée nationale. Mais j'aimerais savoir du
ministre où ça en est rendu, cette idée de
réglementer la commercialisation des données par le secteur
public.
M. Cannon: Si vous permettez, M. le Président, avant de
répondre au deuxième volet de la question de mon collègue,
je pourrais peut-être effleurer, pour quelques secondes, les
prémisses du départ. Il me disait que, bien sûr, je n'avais
pas à défendre la position de ma collègue, la ministre des
Communautés culturelles, ni celle du ministre de la formation de la
main-d'oeuvre... de la sécurité et de la formation de la
main-d'oeuvre. Il a absolument raison. Néanmoins, il appelle, dans son
préambule, une conclusion qui m'apparaît, au départ, assez
fausse, c'est-à-dire qu'il demande: Pourquoi le ministère a
suspendu avec solde des individus qui sont prétendument accusés
d'avoir violé la Loi sur la fonction publique en vendant des
informations dites nominatives à un organisme à
l'extérieur? Il est très clair que je me permets d'intervenir en
lui rappelant que, si ces gens-là ont été suspendus avec
solde, c'est parce que, présumément, ces individus-là
n'ont encore été trouvés coupables d'aucune faute et que,
comme lui et comme mon collègue, le député de Laporte qui
est ministre de la formation de la main-d'oeuvre, et aussi la ministre des
Communautés culturelles, je dénonce, moi, des attitudes de fraude
qui sont employées à l'intérieur du gouvernement et cette
forme de collusion que certaines entreprises peuvent pratiquer avec des
gens.
Ceci étant dit, pour ce qui est de la politique de la
commercialisation des banques de données, cette politique a
été constituée à partir de la formation, il y a
quelques années, c'est-à-dire il y a un an, de gens de la
Commission d'accès à l'information, de gens du ministère
des Communications et d'autres personnes en autorité qui ont pu faire un
travail exhaustif, et je me permets de le qualifier, exemplaire. Aujourd'hui,
ce document-là et les recommandations qui s'y retrouvent sont
référés au Conseil du trésor pour analyse.
Je peux vous dire que cette proposition-là devrait, je le
souhaite ardemment, voir le jour très prochaine- ment, parce que je sais
que c'était une préoccupation non seulement des gens de
l'Opposition, mais également des membres de la commission de la culture
à l'occasion de l'anniversaire des cinq premières années
de la Commission d'accès à l'information, c'est-à-dire
l'évaluation qui, statutairement, se retrouve à
l'intérieur de la loi. Donc, par conséquent, cette recommandation
a vu, évidemment, une suite et, aujourd'hui, elle se retrouve au Conseil
du trésor pour les analyses normales qui, habituellement, sont faites
par les gens du Trésor.
Le Président (M. Doyon): M. le député.
M. Bourdon: M. le Président, comme le ministre disait, on
parlait de fonctionnaires, c'est sûr qu'à Main-d'oeuvre et
Sécurité du revenu, ce qu'on a appliqué, c'est
l'idée de faire bénéficier les individus de la
présomption d'innocence. Je veux juste dire au ministre que, pour ce qui
est de l'autre ministère, il n'y a pas eu, apparemment, de
présomption d'innocence en matière de délit d'opinions.
Mais je m'écarte.
Je voudrais demander au ministre, pour ce qui est de la
commercialisation des données dans le secteur public, quelles
échéances il entend respecter pour finaliser son travail à
cet égard-là.
M. Cannon: Écoutez. Je vous avoue, M. le Président,
que la question ne me surprend pas, je m'attendais à cette question,
mais, pour une échéance très précise... Si vous me
permettez, demain, je pourrai vous donner des renseignements. Je vais
demander... Un instant, M. le Président. M. Roy, mon sous-ministre, me
dit qu'on attend après le Conseil du trésor. Mais, dès
demain matin, je vais m'enquérir pour savoir l'état du
dossier.
M. Bourdon: O.K. Et, M. le Président, peut-être
parce qu'on doit terminer à 21 heures, je veux remercier le
président de la Commission d'accès à l'information de sa
participation et, peut-être, profiter à nouveau de l'occasion pour
féliciter la Commission et son président du travail qui est fait
avec un budget qui est modeste. Ce n'est pas un gros appareil, mais c'est une
Commission qui a une fonction essentielle, névralgique, importante pour
les citoyens.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le ministre, tout simplement pour dire qu'il est
pratiquement 22 heures, à moins qu'il y ait quelqu'un...
M. Cannon: 21 heures.
Le Président (M. Doyon): 21 heures, je veux dire, oui.
M. Bourdon: ...les mêmes horaires, par exemple. Vous pouvez
décréter qu'il est 22 heures.
Le Président (M. Doyon): II est pratiquement 21 heures.
Alors, j'ajourne les travaux de cette commission
à 10 heures demain matin, à laquelle heure nous
reprendrons l'étude des crédits du ministère des
Communications. Cette commission ajourne donc ses travaux.
(Fin de la séance à 21 heures)