Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Doyon): Je demanderais aux membres de la
commission de bien vouloir prendre place et j'inviterais le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française
à bien vouloir prendre place aussi. Ayant constaté le quorum,
cette commission va débuter ses travaux pour entreprendre l'étude
des crédits budgétaires des organismes qui dépendent du
ministre responsable de l'application de la Charte. Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplaçants?
La Secrétaire: Oui, M. Blais (Masson) est remplacé
par Mme Blackburn (Chicoutimi).
Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors,
bienvenue à tous. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques
préliminaires à faire avant qu'on commence l'étude des
crédits proprement dite?
Mme Blackburn: M. le Président, avant de...
Le Président (M. Doyon): Oui, Mme la
députée.
Mme Blackburn: ...commencer, si vous permettez, j'aimerais
peut-être qu'on arrête un peu les règles de fonctionnement,
qu'on me les rappelle. Habituellement, les remarques préliminaires,
c'est une vingtaine de minutes.
Le Président (M. Doyon): II n'y a pas...
Mme Blackburn: Je vous dis tout de suite que je n'avais pas
l'intention de me faire aussi longue parce que je voulais y aller un peu plus
en profondeur sur chacun des dossiers.
Le Président (M. Doyon): La règle veut que ce soit
20 minutes, sauf qu'il y a une certaine flexibilité là-dessus. M.
le ministre, est-ce que 20 minutes sont suffisantes pour que vous fassiez...
Vous prévoyez prendre combien de temps, M. le ministre?
M. Ryan: À peu près une trentaine de minutes.
Le Président (M. Doyon): 30 minutes. Hier, à
l'étude des crédits des Communications, l'intervention a
été de 28 minutes, au début. Alors, au-delà de 30
minutes, je me verrai dans l'obligation, M. le ministre, de vous rappeler
l'heure qui tourne. Alors, une trentaine de minutes des deux
côtés. Et nous allons procéder élément par
élément comme ils viennent dans le cahier. M. le ministre, vous
avez la parole.
Remarques préliminaires M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, pour une troisième
année consécutive, j'ai l'honneur de présenter devant la
commission parlementaire de la culture les besoins et les projets reliés
à l'application de la Charte de la langue française. Je le fais
avec d'autant plus d'aise qu'au cours de la dernière année le
climat de calme et de stabilité dont je constatais l'existence il y a un
an s'est généralement maintenu dans le domaine linguistique. La
Charte est de plus en plus largement acceptée: même dans les
milieux de langue anglaise, le degré d'adhésion aux objectifs de
la loi a connu une intéressante progression au cours de la
dernière année. Les organismes chargés de veiller à
l'application de la Charte fonctionnent désormais à un niveau
d'efficacité et de continuité qui transcende de plus en plus les
horizons étroitement partisans. Nous disposons, pour évaluer le
chemin parcouru, d'instruments de mesure de plus en plus adéquats et
diversifiés. Nous comprenons mieux, enfin, que, le respect des objectifs
essentiels étant assuré, nous devons de plus en plus faire
confiance au travail de persuasion et d'accompagnement plutôt qu'à
la coercition pour poursuivre, dans le respect des droits et de la
dignité des personnes et des groupes, l'entreprise démocratique
d'affirmation du caractère français de la société
québécoise.
Dans mon message du 17 mai dernier devant cette commission, je signalais
que la francisation des entreprises allait demeurer ma préoccupation
prioritaire en 1990-1991. Vu cet engagement, on ne s'étonnera pas que je
veuille discuter d'abord de ce sujet dans le présent rapport. Cette
tâche sera d'autant plus agréable que je dispose, pour m'en
acquitter, d'un documentation à la fois fraîche et
variée.
Au cours de la dernière année, des pièces
importantes sont venues s'ajouter au dossier de l'information dont nous
disposons sur la francisation des entreprises. Parmi ces nouvelles sources
d'information, je traiterai successivement des rapports en provenance de
l'Office de la langue française, d'un rapport très encourageant
que m'a remis un collaborateur de mon cabinet, M. Rodrigue Dubé, et
enfin d'un rapport d'enquête que vient tout juste de publier le Conseil
de la langue française, sous le titre "L'usage du français au
travail-Situation et tendances".
Conformément à son mandat, l'Office de la langue
française a poursuivi en 1990-1991 son travail de francisation des
entreprises. Par rapport à l'année 1989-1990, le nombre des
certificats émis à des entreprises du secteur privé accuse
une diminution, puisqu'il est passé de 377 à 242. Mais cette
diminution doit être perçue dans la perspective de la nouvelle
orientation que l'Office a voulu donner à son travail auprès des
entreprises. On s'est rendu compte, en effet, qu'il ne suffit pas de
décerner des certificats de francisation aux entreprises. Ce qui compte,
en dernière analyse, ce n'est pas le nombre de certificats émis.
C'est plutôt la manière dont se comportent les entreprises une
fois munies de leurs certificats. À cet égard, l'Office a
donné suite, avec une remarquable efficacité, aux orientations
nouvelles qu'il laissait entrevoir l'an dernier.
En 1990-1991, l'Office a repris contact avec 720 entreprises
déjà munies d'un certificat, soit une performance très
proche de l'objectif de 800 qui avait été fixé au
début de l'année. En outre, 1050 entreprises comptant de 10
à 49 employés et oeuvrant dans sept secteurs différents
(textile, vêtement, plastique, matériel électrique,
première transformation des métaux, équipement de
transport et produits chimiques) ont été rencontrées. J'ai
demandé que des rapports substantiels me soient remis sur les
constatations faites à l'occasion de ces visites et rencontres de
l'Office avec plus de 1800 entreprises. On m'informe que, de manière
générale, les résultats de ces rencontres sont très
encourageants. Les domaines où l'on observe une amélioration dans
les entreprises rencontrées sont: l'affichage interne, la qualité
de la langue écrite et l'utilisation de la terminologie
française. Les domaines où l'on observe des difficultés
sont les documents techniques et la documentation informatique, ainsi que les
communications avec les fournisseurs étrangers.
En 1991-1992, l'Office poursuivra le travail commencé. L'Office
prévoit délivrer environ 250 certificats au cours de la prochaine
année. La priorité sera accordée aux entreprises oeuvrant
dans les secteurs les plus spécialisés et les plus
pénétrés par la mondialisation des marchés. De
plus, quelque 600 entreprises déjà munies d'un certificat de
francisation seront rencontrées. L'Office compte également
rencontrer entre 800 et 1000 entreprises comptant entre 10 et 49
employés.
Plus de 90 % des petites et moyennes entreprises visitées l'an
dernier ont offert un accueil favorable aux représentations de l'Office;
dans bon nombre de cas, les visites ont donné lieu à des offres
de service d'aide de la part de l'Office, voire à de nombreuses
améliorations dans des domaines comme l'utilisation d'une raison sociale
en français, la francisation de l'affichage, l'acquisition de
systèmes informatiques en français, la mise sur pied de
comités de francisation, la publication de lexiques ou d'instruments de
travail en français, etc. Le but de la démarche est d'aider
l'entreprise à mieux s'acquitter du devoir de justice qui lui incombe
à l'endroit de ses employ^ 3 et de sa clientèle en matière
linguistique, non pas de lui être hostile ou
désagréable.
L'Office continuera, en 1991-1992, de s'intéresser de
façon particulière à la promotion du français dans
l'informatique. L'équipe affectée à ce secteur a
été augmentée. Les conseillers en francisation recevront
une formation spécialisée qui leur permettra de mieux
répondre aux besoins des entreprises. L'Office collaborera enfin avec le
ministère des Communications pour la mise en place d'une politique de
francisation des technologies de l'information.
Concernant le travail de l'Office, il m'est agréable de souligner
l'intérêt grandissant que suscite chez les dirigeants
d'entreprises et d'associations de travailleurs le Programme de soutien
financier pour la promotion du français dans les entreprises. Le
programme avait suscité 63 projets, en 1989-1990. Le nombre de projets
soumis est passé, en 1990-1991, à 154. On a noté une nette
amélioration dans la qualité et la diversité des projets.
On signale aussi une augmentation importante du nombre de projets
déposés par de petites et moyennes entreprises (67,5 % de
l'ensemble des projets émanaient, cette année, de cette source,
contre 20,6 % l'année précédente).
Devant ces résultats encourageants, le gouvernement a
décidé de maintenir le programme en 1991-1992. Le gouvernement
maintiendra également le programme de soutien aux centrales syndicales
pour la mise en oeuvre de projets visant la francisation des milieux de
travail. Un budget de 250 000 $ sera réparti à cette fin entre
les trois principales centrales syndicales au prorata de leurs effectifs
respectifs.
Il y a déjà un an et demi, j'avais chargé un
collaborateur de mon cabinet, M. Rodrigue Dubé, d'effectuer une
série de visites dans diverses entreprises afin d'y observer de
manière directe les hauts et les bas du processus de francisation. Dans
l'exercice de ce mandat, M. Dubé a visité plus de 200 entreprises
et organismes oeuvrant dans les secteurs suivants: aéronautique,
informatique, pâtes et papiers, ventes au détail dans les grands
magasins, produits chimiques, produits pharmaceutiques, génie-conseil.
Certaines entreprises furent visitées à plusieurs reprises et un
rapport de presque chacune de ces visites me fut remis. Une attention
particulière fut apportée à des visites auprès
d'une cinquantaine d'entreprises ayant un programme de francisation en cours,
mais n'ayant pas encore obtenu un certificat permanent de francisation.
Au cours de ses visites, M. Dubé s'est particulièrement
intéressé aux aspects suivants de la situation linguistique des
entreprises: état général du dossier de la francisation,
attitude de la
direction à l'égard du dossier, langue des échanges
parlés et écrits dans l'entreprise, langue d'affichage,
procédures utilisées pour la facturation et les commandes, nature
et langue des logiciels utilisés. Dans le rapport qu'il me remettait
récemment à la suite de ses visites, M. Dubé inscrivait,
en guise d'introduction, l'aveu suivant: "L'image que j'avais en tête de
la francisation des entreprises était plutôt sombre. Je croyais
qu'un bon nombre d'entreprises ayant reçu leur certificat de
francisation avaient cessé de fournir des efforts dans ce dossier et
que, dans certaines autres entreprises, la situation se
détériorait. Quant aux entreprises non certifiées, j'avais
l'impression qu'un bon nombre parmi elles boycottaient ce dossier... Enfin, je
craignais de découvrir une situation de laisser-aller dans les
entreprises."
Au terme de sa longue mission, M. Dubé en arrive à des
conclusions fort différentes. Tout d'abord, a-t-il observé, les
dirigeants d'entreprises prennent en générai au sérieux le
certificat de francisation obtenu de l'Office. Dans bien des cas, les
résultats exigés pour l'émission du certificat sont, de
par leur nature même, permanents et durables. Pour ne prendre qu'un
exemple, bon nombre d'entreprises, afin d'obtenir leur certificat, ont dû
traduire en français des centaines de panneaux d'affichage, des guides
d'utilisation des équipements, des milliers de formules de toutes
sortes, des tampons, des gammes de travail, des programmes informatiques, etc.
Souvent, ces travaux ont nécessité la mise au point de guides
linguistiques ou de lexiques. Plus de 700 titres d'ouvrages consacrés
à ces sujets ont été recensés récemment par
un chercheur du Conseil de la langue française. M. Dubé a
constaté des changements notables dans les services d'achat, dans le
travail des magasiniers, dans les services de formation offerts au personnel,
dans la langue des notes internes, dans l'affichage des postes. Il a aussi
constaté que, là où une place plus grande est faite aux
francophones dans les échelons supérieurs de direction, qu'il
s'agisse du conseil d'administration ou du groupe de direction, la francisation
a généralement été favorisée.
Au sujet de l'informatique dans les entreprises, M. Dubé fait les
observations suivantes: "Bien entendu, bon nombre de logiciels demeurent en
anglais, principalement ceux qui sont destinés aux gros systèmes
informatiques. Toutefois, il faut voir les efforts investis par un grand nombre
d'entreprises pour franciser leurs logiciels de gestion. Presque toutes les
entreprises ont francisé leurs sorties informatiques sur imprimantes. Un
certain nombre ont francisé à grands frais les écrans; un
bon nombre sont en voie de compléter ce travail et la plupart des autres
ont pris l'engagement de les franciser". (10 heures)
Signalant que les logiciels les plus populaires en micro-informatique,
traitement de texte, base de données, chiffrier électronique,
sont disponibles en français, M. Dubé ajoute que la
majorité des entreprises sont soucieuses de se les procurer et d'en
répandre l'usage. Dans ce secteur en rapide mouvance, les obstacles
demeurent nombreux et préoccupants. Aussi, faudra-t-il redoubler de
vigilance et de détermination pour obtenir que tous les intervenants
concernés, au premier chef, cela va de soi, ceux du secteur public, ne
négligent aucune occasion de promouvoir une plus grande présence
du français dans ce secteur névralgique que constitue
l'informatique.
Pour des raisons faciles à comprendre, certains seront enclins
à douter de l'impartialité des sources que je viens de citer.
À l'intention de ces critiques, je voudrais ajouter quelques
observations additionnelles dérivant, celles-là, d'une source
moins directement engagée dans l'action. Je veux parler de
l'étude sur l'usage du français au travail,
réalisée par M. Paul Béland sous la responsabilité
du Conseil de la langue française, et dont le rapport vient d'être
rendu public. Au terme d'une enquête conduite auprès de 6414
personnes âgées de 18 ans et plus, résidant au
Québec, travaillant au Québec et y ayant travaillé au
cours des 6 mois précédant l'enquête, à un rythme de
15 heures ou plus par semaine, et qui sont capables de s'exprimer en
français ou en anglais, M. Béland en arrive à une
série de constatations dont la teneur générale converge
avec les observations recueillies à travers les sources
déjà citées.
De l'enquête du Conseil de la langue française, on doit
conclure, selon le jugement du président du Conseil, M. Pierre-Etienne
Laporte, lui-même expert reconnu en matière de travaux de
recherche sur des sujets linguistiques, que le niveau de francisation des
milieux de travail a connu, de 1979 à 1989, une progression qui, sans
être spectaculaire, est réelle et encourageante. "Dans l'ensemble
de la main-d'oeuvre québécoise, constate M. Laporte, et je le
cite, sur environ 2 900 000 personnes, le niveau d'usage du français
comme langue normale et habituelle du travail est passé, entre 1979 et
1989, de 70 % à 73 %... Cependant, ce gain provient essentiellement du
changement survenu dans la grande région métropolitaine de
Montréal où, durant la même période, le niveau de
francisation est passé de 51 % à 56 %, soit une augmentation de 5
points de pourcentage... Par conséquent, 56 % de l'ensemble de la
main-d'oeuvre de la région métropolitaine de Montréal, de
toutes appartenances linguistiques, de tous les secteurs d'activité et
de toute la gamme d'emplois possibles, bref 56 % de cette main-d'oeuvre fait
usage du français durant 90 % ou plus de son temps de travail. À
ces 56 % viennent s'ajouter les 28 % de Montréalais qui travaillent en
français entre 50 % et 90 % de leur temps de travail. Il reste donc une
tranche de 15 % de la main-d'oeuvre qui travaille surtout en anglais, soit
moins de 50 % de son temps de
travail."
M. Laporte signale en outre que l'évolution observée est
survenue surtout dans le secteur privé, c'est-à-dire là
où il y avait et où il reste le plus de travail à
accomplir. Dans le secteur privé, le niveau d'usage du français
comme langue normale et habituelle du travail est passé de 56 % à
61 % entre 1979 et 1989; pendant la même période, la proportion
des personnes utilisant surtout l'anglais au travail a baissé de 24 %
à 17 %, soit une chute de 7 points.
L'une des constatations les plus encourageantes de l'enquête porte
sur le comportement linguistique des non-francophones dans leur milieu de
travail. Autant chez les anglophones que chez les allophones, la proportion des
personnes qui travaillent généralement ou souvent en
français a connu une progression significative depuis 10 ans. Chez les
francophones, par contre, le niveau d'utilisation du français comme
langue normale et habituelle de travail n'a connu qu'une faible progression
d'un point de pourcentage, passant de 62 % à 63 %.
Ainsi que le souligne M. Laporte, il y a certes des obstacles qu'il faut
continuer de combattre à cet égard, telles une certaine forme
d'inertie qui s'oppose dans plusieurs entreprises à la francisation de
l'informatique, la tendance à recourir trop facilement à une
documentation technique et professionnelle surtout rédigée en
anglais, la tendance encore largement répandue à utiliser
l'anglais dans les rapports des cadres subalternes avec leur supérieur,
etc. Mais il existe aussi, pour expliquer la lente évolution
observée par le Conseil, des facteurs objectifs que je suis enclin
à considérer comme des actifs plutôt que des passifs, tels,
entre autres, la composition de la population montréalaise dont la
nature même postule une diversité plus élevée dans
les pratiques linguistiques et aussi la professionnalisation accrue de la
main-d'oeuvre francophone, laquelle rend pratiquement inévitable le
recours accru à l'anglais pour maintes fonctions reliées au
travail. Sans mettre en cause la méthodologie générale de
l'enquête du Conseil, il est permis enfin de se demander si le seuil de
90 % fixé pour l'admission dans la catégorie de ceux qui ont le
français comme langue normale et habituelle de travail tient
suffisamment compte de toute la complexité de la vie économique
et des fonctions de travail dans la région métropolitaine de
Montréal.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas inutile de rappeler, comme le fait
l'auteur de l'enquête, M. Paul Béland, au terme de son rapport,
que, si la Charte de la langue française affirme que le français
doit devenir la langue normale et habituelle du travail, "elle n'en donne pas
de définition mesurable, elle ne précise pas de seuil". "Le
rôle de la recherche, ajoute judicieusement M. Béland, n'est pas
de se substituer au législateur; il ne lui appartient pas de
définir la normalité. Le jugement de valeur repose sur les hommes
d'État, sur les groupes sociaux et les citoyens. Le classement
utilisé dans l'enquête n'a donc pas un statut normatif, mais bien
analytique."
Il est bon, à mo i avis, que le législateur n'ait pas
voulu définir jusque dans le détail l'objectif de la langue
normale et usuelle du travail. Il a jugé préférable de
laisser en ces choses une marge raisonnable à l'expérimentation,
au respect de la diversité, à une connaissance plus approfondie
de la réalité, surtout montréalaise. Le gouvernement
souscrit à cette approche empreinte de réalisme
pédagogique et de respect. Sans perdre de vue l'objectif fixé par
le législateur, il faut éviter de l'encarcaner dans des
définitions étroites qui refuseraient de tenir compte de
l'ensemble de la réalité.
Il y a deux ans à peine, la langue de l'affichage commercial
étaient au centre de nos débats. Fort heureusement, elle occupe
maintenant une place beaucoup moins marquée dans les interventions
publiques traitant de la langue. La raison en est fort simple: depuis
l'adoption de la loi 178, nous avons retrouvé en matière
d'affichage commercial un certain équilibre qui, sans être
parfaitement satisfaisant - et il ne le sera jamais - assure néanmoins
une convivance moins chargée de tension entre les communautés
linguistiques.
Au cours de la dernière année, la Commission de protection
de la langue française a enregistré une baisse notable des
plaintes en provenance de citoyens ou de groupes concernant les infractions aux
dispositions de la Charte traitant de l'affichage commercial. De 3545
l'année précédente, le nombre de plaintes reçues
est passe à 2798 en 1990-1991, soit une baisse de 25 %. Parmi les
plaintes reçues, un certain nombre doivent être rejetées en
raison de leur caractère frivole ou inadmissible. Ainsi, 879 demandes
furent rejetées en 1989-1990 et 740 en 1990-1991. Les quelque 1819
demandes d'enquête jugées réelles ont donné lieu en
1990-1991 à l'ouverture de 1660 dossiers d'enquête. En 1990-1991,
2172 dossiers, y compris un certain nombre de dossiers découlant de
demandes reçues l'année précédente, ont
été réglés. En contrepartie, 120 dossiers ont
donné lieu à des mises en demeure, 54 dossiers ont
été transmis au Procureur général; des poursuites
ont été instituées par le Procureur général
dans 37 dossiers; dans 3 cas, les poursuites ont donné lieu à des
condamnations. Sur les 54 dossiers transmis au Procureur général,
53 portaient sur des questions d'affichage et un dossier était relatif
à un catalogue.
Ainsi que l'a souligné à maintes reprises la
présidente de la Commission de protection de la langue française,
Mme de Fougerolles, cet organisme met l'accent, dans son travail, sur la
méthode du soutien et de la persuasion plutôt que sur des
méthodes rigidement bureaucratiques et tracassières. La
Commission vise à promouvoir
l'adhésion raisonnée à la loi plutôt
qu'à rendre la vie systématiquement difficile aux entreprises.
D'où les étapes nombreuses, et justifiées à mon
sens, qu'elle s'impose avant de recourir à l'ultime moyen qu'est la
transmission d'un dossier au Procureur général. Cette
méthode porte des fruits encourageants puisque la très grande
majorité des situations dont est saisie la Commission se règlent
sans qu'il soit besoin de référer le dossier au Procureur
général.
Grâce au système informatique dont elle a été
dotée l'an dernier, la Commission de protection de la langue
française est maintenant équipée pour assurer le suivi
plus rapide et plus ordonné des demandes d'intervention dont elle est
saisie. Elle est en mesure d'obtenir un portrait précis de la situation
linguistique dans les domaines relevant de sa compétence. Elle peut
aussi assurer la production de statistiques plus complètes et de
meilleure qualité. Elle a déjà commencé à
réduire les délais de traitement des dossiers
d'enquête.
J'ai évoqué tantôt l'étude sur le
français au travail réalisée sous la responsabilité
du Conseil de la langue française. En plus de cette étude, le
Conseil a réalisé plusieurs autres travaux en 1990-1991. Il a
notamment soumis au ministre des avis sur le français, langue
scientifique, sur l'aménagement de la langue et sur la réforme de
l'orthographe.
L'avis sur le français, langue scientifique, a
débouché sur des travaux additionnels qui donneront lieu, au
cours des prochains mois, à une nouvelle intervention du Conseil. L'avis
sur l'aménagement de la langue proposait des avenues très
intéressantes, notamment en ce qui a trait à la création
d'une sorte de trésor commun de la langue, d'un fonds commun où
serait réunies toutes les données découlant des
innombrables travaux réalisés sur la langue parlée et
écrite par le peuple québécois. La mise en route d'un tel
projet eut cependant exigé des ressources financières
importantes, dont ne peut disposer dans l'immédiat le gouvernement.
Aussi, le gouvernement se bornera-t-il, à court terme, à fournir
des subventions d'appoint à des chercheurs des universités Laval
et de Sherbrooke afin qu'ils poussent plus loin l'examen du projet.
Parmi les chantiers qui ont retenu l'attention du Conseil au cours de la
dernière année, un des plus importants pour l'avenir de la
politique linguistique connaîtra bientôt son premier aboutissement.
Dans quelques semaines, le Conseil rendra, en effet, public un recueil
important d'indicateurs statistiques sur la situation linguistique au
Québec. Préparée avec la collaboration de l'Office de la
langue française, de la Commission de protection de la langue
française, du Secrétariat à la politique linguistique et
de plusieurs ministères, dont ceux des Affaires culturelles, des
Communications, de l'Éducation, des Communautés culturelles et de
l'Immigration, de l'Enseignement supérieur et de la Science, la nouvelle
publication contiendra une somme de données statistiques sur la
situation linguistique dans divers secteurs de l'activité au
Québec. Avec les années, d'autres données viendront
s'ajouter à celles qui ont déjà été retenues
pour la première publication.
En ce qui touche la réforme de l'orthographe, le Conseil de la
langue française, de même que l'Office m'ont remis des avis
favorables aux changements proposés par le comité chargé
de conseiller en cette matière le premier ministre de France. Ayant
moi-même accueilli favorablement le projet dès le début, je
m'apprêtais à recommander que le gouvernement du Québec
emboîte le pas a la réforme projetée et ce, dans les
domaines de sa compétence et, notamment, dans l'éducation et
l'administration publique. Mais il fallait, pour que notre action soit
efficace, qu'elle puisse s'appuyer sur le nécessaire leadership de la
France en une matière engageant aussi vitalement un trésor commun
à tous les peuples francophones.
Comme les plus hautes autorités de France, et plus
particulièrement l'Académie française, ont mis en
veilleuse l'implantation de la réforme, j'ai cru
préférable de reporter à plus tard les recommandations que
j'avais souhaité soumettre à ce sujet au gouvernement dès
la présente année. Nous demeurons favorables à une
réforme du type de celle qui avait été proposée.
Nous comptons rouvrir ce sujet dès qu'auront été
réunies les conditions nécessaires à l'implantation
réussie de la réforme. Mais, au nombre de ces conditions, il faut
inscrire au premier rang la nécessaire adhésion de la France. (10
h 15)
Au cours de l'année 1991-1992, le Conseil de la langue
française envisage de remettre au ministre des avis sur le
français, langue scientifique, et sur les industries de la langue. Je
compte, pour ma part, solliciter l'avis du Conseil sur deux projets de
règlements qui attendent d'être implantés depuis
déjà quelques années, mais dont la mise en place me
paraît devoir être assurée le plus tôt possible. Il
s'agit d'un projet de règlement sur la langue du commerce et des
affaires, et d'un projet de règlement sur la langue des entreprises.
J'ai, en outre, demandé au président du Conseil de
considérer la possibilité de me soumettre des avis devant
traiter, l'un, des perspectives démolinguistiques du Québec et
l'autre, du rôle et des responsabilités du Québec envers
les communautés francophones des autres provinces canadiennes.
Parmi les organismes qui se consacrent à la réalisation
des objectifs définis dans la Charte, la Commission de toponymie n'est
pas celui qui fait le plus de bruit. Avec un sens remarquable de la
continuité et à l'aide de méthodes sûres et
rationnelles, la Commission de toponymie n'en accomplit pas moins un travail de
toute première qualité pour l'édification et la
manifestation du visage français du Québec.
En 1990-1991, la Commission a procédé à
l'officialisation de 2663 noms de lieux, soit 1422 toponymes et 1241 odonymes.
En collaboration avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, la Commission a, en outre, établi une procédure pour
améliorer la qualité toponymique dans les territoires de
pourvoiries. Elle a également réalisé les activités
suivantes: traitement et mise à jour des données odonymiques pour
la promotion du Répertoire odonymique de la MRC de Matane;
identification de plusieurs MRC intéressées à un projet de
répertoire, notamment les MRC d'Arthabaska, de La
Côte-de-Beaupré, de Maskinongé, de Memphrémagog, de
Rimouski-Neigette et de Montmagny; refonte de la banque de données
TOPOS; rédaction de 1093 rubriques pour le Dictionnaire illustré
des noms de lieux du Québec, ce qui porte maintenant à 6193 le
nombre des rubriques rédigées. Et, enfin, publication d'une
deuxième édition du Guide toponymique du Québec.
Dans le plan d'action qu'elle m'a soumis pour la prochaine année,
la Commission souligne que, malgré le chemin parcouru jusqu'à
maintenant, il reste un travail considérable à accomplir. Au seul
titre des toponymes, il reste entre 115 000 et 120 000 toponymes à
inventorier sur le territoire du Québec. Parmi les projets
envisagés par la Commission, citons l'analyse et l'officialisation des
noms des infrastructures d'Hydro-Québec, l'analyse et l'officialisation
des noms des immeubles classés biens culturels, l'analyse et
l'officialisation des noms de ports municipaux, l'analyse et l'officialisation
des noms d'entités toponymiques déjà
dénommés. La Commission entend également procéder
à l'examen de bon nombre de lieux auxquels il n'a pas été
possible d'attribuer un nom jusqu'à maintenant. Elle compte poursuivre
le travail très important qu'elle accomplit concernant la
dénomination des voies municipales de communication. Les noms de lieux
autochtones retiendront son attention au cours de la prochaine année
pendant laquelle une révision de la politique de la Commission en cette
matière aura lieu. Le projet majeur de la Commission sera la publication
du Dictionnaire illustré des noms de lieux du Québec; il s'agit
d'une oeuvre monumentale dont la publication est envisagée pour
l'automne 1992.
On me permettra enfin de signaler le travail délicat et discret,
mais très utile qu'accomplit, au service du gouvernement et des
organismes chargés de l'application de la Charte, le Secrétariat
à la politique linguistique. Placé sous l'autorité directe
du ministre, doté d'un équipement fort modeste, le
Secrétariat assure un travail indispensable de liaison entre le
ministre, les organismes chargés de l'application de la Charte et
l'appareil gouvernemental. Au cours de la dernière année...
Le Président (M. Gobé): M. le ministre, je tiens
à vous signaler que le temps tourne et, malgré le grand
intérêt de votre discours, si vous pouviez peut-être
l'accélérer; parce que nous avons déjà
dépassé le temps, mais, par consensus, nous vous avons
laissé aller.
M. Ryan: Dès que vous m'obligez à couper un
paragraphe, vous me forcez à commettre une injustice.
Le Président (M. Gobé): Non, non. Loin de moi cette
idée-là, mais peut-être vous rappeler le règlement
des commissions.
M. Ryan: Là, je continue. Le Secrétariat, nous
aurons l'occasion d'en reparler plus tard. Les crédits, nous aurons
l'occasion d'en reparler également.
En terminant, je veux exprimer ma vive appréciation et celle du
gouvernement à l'endroit des dirigeants et du personnel de chacun des
organismes chargés par le législateur de veiller à la
réalisation des objectifs de la Charte de la langue française. Il
me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent
aujourd'hui à cette table. À ma droite, il y a le
président de l'Office de la langue française, M. Jean-Claude
Rondeau; la présidente de la Commission de protection de la langue
française, Mme Ludmila de Fougerolles; le président de la
Commission de toponymie, M. Mayrand; le président du Conseil de la
langue française est à ma gauche, M. Pierre-Etienne Laporte.
Le travail de chaque organisme a désormais atteint un rythme de
croisière. Entre les organismes, il existe un excellent esprit de
cohésion, une volonté de collaboration dont j'ai observé
à maintes reprises la manifestation chez les dirigeants de chaque
organisme et leurs collaborateurs et collaboratrices. J'ai trouvé enfin
un souci de fidélité agissante envers les objectifs de la Charte
et une volonté de coopération avec le gouvernement que je
n'hésite point à qualifier d'exemplaire. Je souhaite que nous
puissions faire face dans le même esprit aux défis qui nous
attendent au cours de la prochaine année.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Je
vais maintenant demander à Mme la députée de Chicoutimi si
elle a, elle aussi, des remarques préliminaires.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames et
messieurs, l'étude des crédits nous offre, une fois l'an,
l'occasion d'échanger assez longuement avec le ministre sur le dossier
de la langue, de faire un peu le bilan de ce dossier, mais, en même
temps, de nous interroger sur les actions gouvernementales et leur
efficacité, tout ça, évidemment, je me permets de le
rappeler, en vue d'informer plus largement le public qui s'intéresse
à ces questions.
Alors, mes remarques seront assez brèves. Je voudrais les faire
autour de deux grandes questions: l'usage du français au travail, voir
un peu le bilan de la situation après l'adoption, il y a un peu plus de
deux ans, de la loi 178 sur l'affichage et faire quelques commentaires sur les
coupures et compressions budgétaires dont sont l'objet les programmes,
les organismes liés à l'application de la Charte de la langue
française.
D'abord, j'ai lu avec infiniment d'attention le document
déposé par le Conseil de ia langue française, "L'usage du
français au travail, situation et tendances". Je dois dire que je
reconnais dans la lecture qu'en a faite le ministre des données qu'on
retrouve dans ce document. Cependant, je voudrais attirer l'attention du
ministre et de ses collaborateurs sur ce qui me semble être les
éléments les plus marquants de ce rapport.
Pour ce faire, vous allez me permettre de citer quelques paragraphes de
cette étude qui, au-delà de toutes les autres
interprétations qu'on pourrait faire, parle, je pense, sans
ambiguïté. À la page 81, en conclusion, on dit, parlant de
l'étude: "Finalement, ces résultats permettent d'évaluer
un des objectifs énoncés par la commission Gendron: le
français, moyen de communication entre Québécois de toutes
langues et de toute origine. Il faut bien constater que cet objectif n'est pas
atteint. Environ 50 % des francophones en situation de bilinguisme, de contacts
interlinguistiques utilisent surtout l'anglais dans leurs rapports avec les
supérieurs, les subordonnés ou les collègues allophones,
alors que le français est la langue privilégiée dans 50 %
des cas lorsqu'il s'agit d'interlocuteurs allophones."
À la page 80: "Les communications véhiculent de
l'information technique et comportent, à ce titre, une dimension
strictement instrumentale, mais elles constituent plus largement un
échange social qui engage l'identité des interlocuteurs,
identité hiérarchique symbolisée par le vouvoiement, le
tutoiement et identité culturelle. L'usage de la langue du
supérieur indique une reconnaissance et une acceptation de sa culture,
de son identité culturelle, le partage de certaines valeurs de sa
communauté et de celles qu'il transmet dans la gestion de
l'entreprise."
Je poursuivrais: "La conclusion de cette étude, c'est que
l'objectif que le Québec s'était donné de faire du
français la langue normale et courante du travail n'est pas atteint" et
quel qu'il soit, évidemment, dans toute la hiérarchie.
Dans les entreprises privées, l'étude nous apprend qu'il y
a seulement 50 % des travailleurs qui travaillent en français. En
même temps, l'étude nous dit - et je trouve important qu'on le
rappelle - à la page 46: "73 % des employés de ces services
travaillent généralement en français - parce qu'on parle
des services publics - alors que ce pourcentage est de 51 % dans le secteur
privé. Cependant, ce pourcentage tend à surestimer le statut du
français puisque l'usage général du français est
plus élevé lorsque le volume des communications est moins
important. 66 % des travailleurs manuels utilisent généralement
le français contre un maximum de 46 % pour ceux dont le travail consiste
surtout à communiquer."
Alors, d'une part, il y a deux remarques dans ce paragraphe. La
première, c'est que le 51 % est surestimé et cette remarque
revient également à la page 12 du rapport, alors que l'on dit que
l'écart est d'environ 8 % puisqu'il y en a 8 % qui ont dit qu'ils
parlaient 50 % du temps en français et 50 % du temps en anglais. Ce qui
fait que, si vous les aviez balancés d'un côté ou de
l'autre et si, plutôt que de dire: lis parlent français, vous
aviez décidé qu'ils parlaient plus anglais ou mettons 4-4, ce ne
serait plus 51 % que nous aurions; ce serait 43 %, ce qui est vraiment
inquiétant.
À présent, le ministre nous dit: II faudrait
peut-être revoir la règle du 90 % du temps parce que c'est
peut-être un peu haut de demander que les travailleurs à
Montréal travaillent 90 % du temps en français. Ça me
rappelle une autre remarque qui suggérerait qu'on puisse valider un
référendum à partir de 65 %. Quand les données ne
nous conviennent plus, on essaie de les changer. Je trouve ça
plutôt surprenant, surtout quand je pense, en tout cas, à ce qu'on
prétend être la rigueur du ministre.
À présent, le sondage de 1989 confirme les
résultats de la commission Gendron, de 1971, et du Conseil de la langue
française, de 1979. L'usage du français est lié à
la hiérarchie professionnelle. Le français est plus couramment
utilisé dans les emplois inférieurs de la hiérarchie
professionnelle et l'objectif de faire du français la langue habituelle
et normale du travail comme moyen de communication entre
Québécois et Québécoises de toute langue et de
toute origine n'est pas atteint. La langue de la documentation et les relations
professionnelles ont des effets importants sur l'usage général du
français.
Des pas de tortue semblent être faits et le ministre semble s'en .
contenter. Il privilégie l'approche de persuasion, sauf qu'il faut voir
un peu les résultats. Le commentaire que j'ai reçu des milieux
les plus près de cette question quant à la
nécessité, pour ne pas dire à l'urgence, d'étendre
la loi 101 aux entreprises de 50 employés et plus est le suivant. Je le
trouve particulièrement intéressant en ce qu'il ne tente pas de
véhiculer ou de faire de la démagogie. Simplement, ce que les
gens me disent dans ces milieux, c'est qu'au moment où nous avons
établi que la loi s'appliquerait sur les entreprises de 50
employés et plus nous postulions que ça aurait comme effet
d'amener les petites entreprises à communiquer et à travailler en
français. Et c'est l'effet inverse que ça provoque.
Les grandes entreprises qui ont à communi-
quer avec des petites entreprises de moins de 50 employés pour
des contrats de services, par exemple, la fabrication d'une pièce
très spécialisée, d'un outil, d'une machine, d'un produit
et qui parlent anglais n'ont pas le réflexe ou ne pensent pas qu'il
faille insister pour que ces entreprises communiquent avec elles en
français. Donc, le résultat est exactement l'inverse: la
difficulté de communiquer en français avec les petites
entreprises pour les grandes entreprises a un effet de décourager et de
démobiliser les grandes entreprises.
Alors, si on veut qu'il y ait vraiment francisation, il faut absolument
entreprendre une démarche de sensibilisation de façon beaucoup
plus systématique des entreprises qui emploient moins de 50
employés. Je reconnais avec le ministre qu'on ne peut pas utiliser les
mêmes règles qu'on utilise pour les 50 et les 100 employés
et plus. Cependant, on pourrait déjà envisager de l'aborder sous
deux angles: langue des entreprises qui embauchent le plus d'al-lophones et
langue des entreprises à fort contenu technologique ou informatique dans
les entreprises de 50 employés et moins et déjà ça
nous permettrait d'attaquer ce que j'appelle ce noyau dur en matière de
français, langue de travail. (10 h 30)
Évidemment, ce n'est pas en appliquant la loi 101 aux entreprises
de 50 employés et moins qu'on viendra à bout de la
difficulté que pose la valeur hiérarchique de l'utilisation du
français. Plus vous montez dans la hiérarchie, plus vous
travaillez dans des entreprises spécialisées à haute
teneur technologique, moins vous parlez français. Par exemple, dans les
entreprises spécialisées, la langue de travail est de 36 %
seulement en français, alors que, si vous êtes sur les chantiers
de construction, c'est 66 %; vous avez un écart de 30 %. Tout le monde
va reconnaître assez rapidement que, pour les immigrants et les
allophones, la langue de la promotion sociale au travail, à
Montréal, est encore l'anglais parce que la langue de la promotion
sociale, c'est la langue parlée par les cadres, par les
supérieurs, par les professionnels.
À présent, l'étude nous permet de faire une lecture
tout à fait particulière de la situation des allophones, et je
pense que ça mérite qu'on s'y attarde. Les opinions émises
par ce groupe jettent une lumière particulièrement crue sur nos
contradictions et nos faiblesses. J'attire votre attention sur deux
données. À la question: L'immigrant qui s'établit au
Québec devrait-il apprendre le français en premier? vous avez 76
% des allophones qui répondent oui, ce qui est remarquable et qui me
réjouit. Cependant, à la question: Le français doit-il
être la langue normale de travail au Québec? là, vous
descendez à 52 %, ce qui correspond à peu près à la
pratique, à la situation actuelle. Donc, les allophones, les immigrants,
quand ils arrivent chez nous, sont d'accord très majoritairement qu'il
faut apprendre le français, mais ils réalisent que, pour gagner
leur vie, ils n'en ont pas besoin. Et, là, vous avez un écart
important, 24 %, entre: Faut-il travailler en français? et: Faut-il
apprendre le fr&.içais? Donc, on revient quasiment avec l'image qui
était courante dans les années cinquante, soixante: pour les
loisirs, c'est le français; pour le business, c'est l'anglais.
Par ailleurs, il y en a 52 % qui disent que le français doit
être la langue normale de travail au Québec. Cependant, il y en a
seulement 44 % qui travaillent en français, pas parce qu'ils ne veulent
pas travailler en français, parce que l'environnement linguistique ne le
leur permet pas. Je voudrais bien qu'on soit clair ce matin. Il ne s'agit pas,
pour moi, d'une charge contre les allophones; j'estime qu'ils font une lecture
de notre réalité qui correspond tout à fait à la
situation et qui perpétue les ambiguïtés qui sont les
nôtres. Je constate avec plaisir, je le rappelle, que 76 % nous disent
qu'il faut d'abord apprendre le français; moi, ça me
réjouit, je pense qu'on a fait à cet égard des
progrès remarquables. Cependant, il faut d'urgence que l'on s'attaque au
problème du français au travail. Aussi longtemps que les
allophones pourront vivre, travailler, mourir et gagner leur pain, gagner leur
croûte et faire vivre leur famille sans parler un seul mot de
français, comment voulez-vous qu'on légitime l'imposition qu'on
leur fait de l'école française?
Il faut se rappeler, ce qui est bien dit dans ce rapport, que "la
personne partage les valeurs et la culture de la communauté linguistique
de l'interlocuteur qu'elle privilégie." Donc, si 56 % des allophones
travaillent en anglais, évidemment, ils partagent la lecture de la
réalité québécoise qui est celle de la
minorité, donc des anglophones. Je pense qu'il y a, M. le ministre,
quelque chose d'extrêmement important sur ce point en particulier. Et il
ne s'agit pas d'essayer de faire voir une mauvaise volonté de la part
des allophones. Je pense que 76 %, ça nous en dit long par rapport au
respect qu'ils ont de nous. Cependant, la réalité du monde du
travail leur laisse une perception qui fait que seulement 52 % pensent qu'on
devrait travailler en français au Québec. C'était la
deuxième remarque que j'avais sur le rapport.
J'espère que, sur ce rapport, le ministre acceptera d'envisager
deux actions: étendre la loi 101 aux entreprises de moins de 50
employés en privilégiant les entreprises qui embauchent des
allophones parce que 80 % des allophones travaillent dans des PME et des
entreprises à fort contenu technologique ou informatique. La
deuxième remarque plus particulière, c'est celle touchant
l'intégration des allophones au milieu du travail, mais dans la
société, de façon générale. On connaît
les problèmes que pose, par exemple, l'accès à des cours
de français pour les adultes. Le Québec, je le reconnais, a fait
des efforts
assez importants; d'ailleurs, j'avais eu l'occasion de le souligner au
ministre de l'Éducation. Cependant, comme le manque à gagner est
si grand entre les responsabilités qui incombent au Québec et le
retrait graduel du fédéral de ces secteurs de compétence,
où la ministre de l'Immigration estimait qu'il nous manquait, bon an,
mal an, de 12 000 000 $ à 16 000 000 $, ce n'est pas parce que vous en
mettez 3 000 000 $, 4 000 000 $ ou 5 000 000 $ que ça suffit. Il y a
toujours un problème à ce niveau, la francisation des immigrants
et, particulièrement, des immigrants adultes. Évidemment, on n'a
pas touché les écoles, mais c'est un autre dossier.
Je pense qu'il y a deux types d'actions, donc: les entreprises de 50
employés et moins pour toucher à la fois les allophones et les
secteurs de pointe, et des actions plus ponctuelles, plus spécifiques
pour favoriser l'intégration des allophones au marché du travail
et dans la société de façon générale.
En fait, l'image que nous laisse ce sondage d'opinion fait auprès
des immigrants et des allophones, ça reflète notre
incapacité à créer un environnement français au
travail, notre incapacité à faire du français un atout
économique, notre incapacité à faire du français un
outil de promotion dans la hiérarchie professionnelle. Tout ce qui est
progressiste, avant-gardiste: technologie de pointe, administration, gestion,
c'est majoritairement en anglais que ça se passe, malheureusement. Pour
les immigrants, le message est clair: les activités sociales, les
loisirs, c'est en français, mais, quand on fait le business, le travail,
c'est en anglais, et ce n'est pas nornal.
Deuxième sujet, l'affichage. La loi 178 a été
adoptée il y a déjà deux ans, en décembre 1988, le
règlement en juillet 1989. Et, plus de deux ans après l'adoption
de la loi et près de deux ans après l'adoption du
règlement, il faudrait être aveugle pour ne pas constater qu'il y
a encore un nombre important de dérogations a la loi. Le ministre, qui
va à Montréal plus souvent que moi - moi, j'y vais à peu
près deux ou trois fois par mois, ce qui est considérable - n'est
pas sans les voir, à moins d'être aveugle, ce qu'il est
peut-être lorsqu'il s'agit d'affichage. Je pense qu'on est obligé
de constater que tant les affiches qui sont unilingues ou bilingues que celles
qui sont à l'intérieur du commerce, mais destinées
à ceux qui sont à l'extérieur... Vous faites la rue
Sainte-Catherine, vous montez
Saint-Laurent, vous vous en allez du côté de
Guy, à partir de Saint-Hubert et, là, vous allez dans
l'ouest de IHe de Montréal, c'est encore pire, et dans le comté
d'Argenteuil.
Évidemment, depuis la déclaration fracassante du ministre
en Chambre à l'effet que tout allait bien dans le meilleur des mondes,
il y a des citoyens qui ont dit: Madame, ce n'est pas vrai que ça va
aussi bien que ça en matière d'affichage et on a encore de
nombreuses dérogations. Je pense que le ministre n'a peut- être
pas bien réfléchi lorsqu'il a fait cette bravade en disant: Moi,
je préfère la persuasion, parce que, finalement, les gens se sont
réveillés et, là, je reçois des photos. Les gens
disent: Vous voulez en voir, des dérogations? Regardez dans mon
quartier, regardez dans ma ville, dans mon centre commercial. Là, je
reçois des photos; évidemment, j'en ai reçu un nombre
assez important, je dois dire, du comté d'Argenteuil.
À cet égard, on pourrait faire comme le ministre en
disant: La persuasion, la persuasion. Moi, je veux bien la persuasion, mais,
quand, dans le comté du ministre responsable de l'application de la loi
101, on défie le ministre ou encore on ne se sent pas obligé de
respecter le ministre... Parce que c'est curieux, vous savez. Je pense que le
ministre est respecté dans son comté, comme il l'est dans
plusieurs couches de la population. Il est respecté, mais pas assez pour
qu'on respecte la loi dont il a la responsabilité de l'application. De
deux choses l'une: ou le ministre n'a jamais fait d'efforts pour la faire
respecter ou il a pris ça un peu à la légère:
Ça ne m'empêche pas de dormir! Ce qu'a compris tout le monde,
d'ailleurs. C'est la lecture que je faisais quand on a constaté - parce
qu'on m'a envoyé aussi une photo - que M. le ministre tenait sa campagne
électorale dans un édifice sur lequel il y avait deux belles
grandes affiches bilingues. La dernière vient juste de disparaître
il y a quelques mois, c'est-à-dire 18 mois après que le ministre
eut tenu ses activités dans ce local. C'est-à-dire que le
message, à ce moment-là, est clair: Ça ne m'empêche
pas d'utiliser ce local-là et ça ne m'empêche pas de
dormir. Donc, le message est clair un peu partout au Québec,
également. Le message est clair.
Moi, je pense que, sur cette question, on constate également que
le nombre d'enquêtes diminue. On constate également que le nombre
de plaintes jugées irrecevables augmente constamment. Est-ce que les
gens seraient moins compétents pour les remplir? Est-ce que les
exigences seraient de plus en plus strictes? C'est peut-être ce qu'il
faudrait voir. Mais est-ce qu'il est normal et acceptable que le ministre
responsable de la loi ne puisse pas la faire appliquer dans son comté?
D'autant que le ministre a le pouvoir, en vertu de la loi 101, lorsqu'il
constate une dérogation, de faire faire enquête. Il n'a pas besoin
d'attendre que le citoyen dénonce son voisin, ce qui n'est pas vraiment
normal dans le fond. Je n'ai jamais été pour la délation,
quelle qu'elle soit. Sauf que, si le ministre et ses conseillers ne prennent
pas leurs responsabilités, les citoyens vont devoir à nouveau
s'en charger.
Alors j'aborde brièvement les compressions à cette
enveloppe. Je pense qu'on peut - et le ministre va me donner raison
là-dessus - reconnaître l'importance d'un dossier en fonction des
budgets qu'on y consacre. Les dépenses du gouvernement ont
augmenté d'un peu plus de 6 % cette année et les crédits
consacrés à la langue
auront diminué de 3,3 %. L'écart entre les deux, c'est 10
%, entre l'augmentation des dépenses du gouvernement et l'enveloppe, les
crédits des organismes de la langue. Alors, si on avait simplement
indexé l'enveloppe, les crédits de l'an passé, c'est 30
252 000 $ qu'il aurait fallu cette année. Et ce que je constate à
la lecture des budgets et à la répartition des coupures dans les
différents organismes, c'est que les compressions affectent la promotion
de la langue. Promotion de la langue: 1 500 000 $. On en coupe 500 000 $, ni
plus, ni moins. Pour la promotion de la langue, on coupe l'enveloppe du tiers.
Pourtant, ce n'était pas particulièrement élevé.
500 000 $, disparus. Le Conseil de la langue, dans ses compressions: 25 % de
l'enveloppe consacrée aux communications; 28,9 % de l'enveloppe
consacrée aux services. Je présume que c'est aux services
destinés aux entreprises. À la Commission de toponymie, la
même chose, 83 000 $ coupés dans les communications et dans les
services. À la coordination des organismes de la langue, communications
et services, c'est 60 % de l'enveloppe. Partout, dans chacun des organismes,
les coupures affectent les postes de communication - donc d'information, donc
de sensibilisation - avec les tiers et avec les parties et les coupures
affectent les services.
Alors, moi, je pense qu'il faudrait sérieusement, si le ministre
estime qu'il est important de continuer de mener une action efficace pour
franciser le milieu de travail, pour mieux accueillir les immigrants, pour leur
permettre de mieux s'intégrer à la communauté, et puis
pour amener et obliger le respect de la loi 101... Parce que respecter la loi
101, c'est respecter le ministre, c'est respecter le gouvernement, c'est
respecter l'Assemblée nationale, mais c'est respecter la majorité
des Québécois et des Québécoises. On constate
également, à la lumière des programmes, des actions
prioritaires des différents organismes, qu'il y aura moins
d'enquêtes, moins d'inspections, moins de travaux reliés,
finalement, au respect de la loi 101. Alors, nous aurons l'occasion d'y
revenir.
Je conclurais là-dessus, M. le Président, en disant que,
si le ministre est prêt, je serais prête à aborder
l'étude des crédits.
Le Président (M. Gobé): Très bien, madame.
Étant donné que nous avons un autre membre de l'Opposition
à cette table, je voudrais lui demander s'il a, lui aussi, des remarques
préliminaires. M. le député de Westmount.
M. Holden: Je n'ai qu'une remarque, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Je vous en prie, vous
pouvez la faire dans les règles de cette Assemblée.
M. Holden: Dans la fable... Qu'est-ce que c'est, en
français, la fable de la course entre le lapin et le...
Le Président (M. Gobé): "Le lièvre et la
tortue."
M. Holden: Hein?
Le Président (M. Gobé): "Le lièvre et la
tortue."
M. Holden: C'est la tortue qui a gagné, non?
Le Président (M. Gobé): Oui. M. Holden:
Alors... M. Ryan: Ah oui, c'est entendu. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Holden: ...moi, j'approuve les pas de tortue du ministre,
justement, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que cela est
l'essentiel de vos remarques?
M. Holden: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le
député de Westmount. Cela a certainement valeur de symbole. Et
nous allons, sur ces bonnes paroles, commencer l'étude. M. le ministre,
vous voulez répondre à la tortue ou au lièvre?
M. Ryan: Si je pouvais faire quelques observations, ça
me... (10 h 45)
Le Président (M. Gobé): Certainement, dans le cadre
de ces remarques, vous pouvez y aller.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Je vais essayer de le faire brièvement,
cependant. Tout d'abord, en ce qui touche la langue de travail, je voudrais
signaler encore une fois que, dans un milieu comme celui de Montréal
où la composition linguistique de la population est celle que nous
connaissons, il est impensable de s'imaginer, à moins qu'on veuille
abolir la minorité anglophone ou les autres minorités
complètement... Par exemple, une personne qui tient un commerce va
s'adresser à son client dans la langue du client, j'ai l'impression,
à moins qu'elle ne veuille pas avoir de client, et on va l'envoyer au
gouvernement. Au gouvernement, on a le don d'éloigner le client,
souvent. Mais, si on est dans le commerce privé, dans une entreprise, on
va vouloir attirer le
client, on va le servir dans sa langue. Est-ce que c'est s'angliciser
que de servir un client dans sa langue? Bien, voyons donc! Voyons donc! C'est
là que je dis que le 90 % est un critère d'analyse, comme l'a
indiqué M. Béland, mais pas nécessairement un
critère normatif, à moins qu'on ne veuille que la population
change et se torde le cou pour faire plaisir à quelques doctrinaires. Je
ne pense pas que ce soit l'esprit de notre législation.
Je souscris à l'intérêt que la députée
manifeste, à l'instar du gouvernement, d'ailleurs, pour le travail qui
doit être fait dans les entreprises à forte teneur technologique.
On n'insistera jamais trop sur cette nécessité. Je veux assurer
mes collègues de la commission parlementaire que nous portons une
attention particulière à ce secteur. Je mentionne, à titre
d'exemple, la formation toute récente d'un comité spécial
pour la promotion du français dans l'industrie aéronautique.
C'est un comité qui a été formé à la suite
des nombreuses rencontres que nous avons eues avec les dirigeants de ce secteur
très important pour l'économie montréalaise et
québécoise. Je vous assure que nous recevons une collaboration
qui est très encourageante. J'ai moi-même consenti une aide
spéciale à des organismes syndicaux pour qu'ils puissent
déléguer des représentants au sein de ce comité
sans que leur rémunération en soit affectée.
En ce qui touche l'extension de la loi 101 aux entreprises de moins de
50 employés, j'ai indiqué à plusieurs reprises qu'il
n'était pas dans mes intentions de recommander une telle chose au
gouvernement. Nous aurons l'occasion d'en parler plus tard au cours de nos
échanges aujourd'hui, mais mon opinion n'a pas changé à ce
sujet.
En ce qui touche l'affichage, j'ai indiqué souvent que des
données que nous recueillons nous permettent d'affirmer qu'il y a
progrès sensible. J'ai déjà mentionné le cas de la
rue Sherbrooke ouest, par exemple. Sur la rue Sherbrooke ouest, en avril 1989,
le taux de conformité à la Charte dans l'affichage permanent
était de 64,2 %. Entre le 10 et le 14 décembre 1990, soit un an
et demi plus tard, il était de 87,1 %. Il reste toujours la même
attitude: est-ce qu'on va courir après les pécheurs qui restent
pour les envoyer en enfer ou si on va les inviter à se joindre à
ceux de plus en plus nombreux qui sont passés peut-être pas dans
le paradis, mais au moins dans le purgatoire? Question éternelle sur
laquelle nous choisissons la réponse la plus comprehensive, la plus
humaine. Je pense que des chiffres comme ceux-là parlent plus fort que
toutes les petites représentations particulières.
Dans le cas du comté d'Argenteuil, il y a des problèmes
dans le comté d'Argenteuil. C'est un comté dont toute la partie
nord a une forte tradition de bilinguisme, une composition de population
anglophone très enracinée, très convaincue de ses droits.
Pour votre information, il y en a 4000 qui ont voté contre moi à
la dernière élection. Je ne leur en veux pas, j'essaie de les
ramener. J'ai de la misère. Mais on est patients, comme le disait le
député de Westmount, et on est convaincus qu'avec le temps la
tortue finira par l'emporter, mais, pour le moment, ils courent pas mal fort
dans l'autre direction.
Alors, qu'il y ait des cas comme celui dont a parlé la
députée de Chicoutimi, c'est un fait. Dans le cas du local que
nous avions loué, c'était un édifice
désaffecté, ça, pour votre information. C'était un
édifice désaffecté dans toute la partie du bas que nous
avions louée. Cette affiche-là a été
installée en haut. Quand vous organisez une campagne électorale,
c'est bien de valeur, vous ne faites pas toutes ces affaires-là, vous
organisez votre local... On a été très bien
installés; c'était le seul local qui était disponible sur
la rue principale, pour votre information. Je ne sais pas si cette
affiche-là est là maintenant, mais les citoyens, les
péquistes en particulier, qui se sont manifestés au journal Le
Soleil, d'après ce que je comprends, ou par l'intermédiaire
de la députée de Chicoutimi, n'ont jamais établi aucune
communication avec mon bureau à moi, à Lachute, pour se plaindre
de situations comme celle-là et solliciter mon attention. À
supposer qu'ils seraient vraiment intéressés à autre chose
que de la partisanerie, je n'en ai jamais entendu parler.
Deuxièmement, ils ont tous les droits de recours auprès de
la Commission de protection de la langue française qui est ouverte
à tous les citoyens. S'ils veulent s'en prévaloir, ils seront
traités avec toute la courtoisie à laquelle ils ont droit, avec
l'empressement dont fait preuve la Commission de protection de la langue
française. Mais le ministre ne se transformera pas en gendarme pour
faire plaisir à la députée de Chicoutimi, ni à
personne, d'ailleurs, ni à personne. Il a d'autres choses à
faire. Et, si on signale ces cas-là, il va voir à ce que les
organismes chargés de l'application de la loi le fassent le mieux
possible. Le législateur a sagement prévu que l'application de la
loi est confiée à des organismes qui fonctionnent "at arm's
lenght", comme on dit du ministre, à une certaine distance du ministre,
pour ne pas que le ministre se perde dans tous les détails particuliers.
Je pense qu'il faut respecter ça. Il ne faut pas demander au ministre de
faire des choses qui ne relèvent pas de sa compétence
immédiate. Et, même dans sa propre circonscription, il y a des
gens qui ont des convictions différentes.
Je vais vous conter une chose qui va vous intéresser, on est sur
le terrain des vaches. J'ai un de mes amis qui est poursuivi par la Commission
de protection de la langue française, un propriétaire
d'entreprise, il est poursuivi. J'essaie de le persuader depuis cinq ans de
changer d'opinion. Je n'ai pas réussi encore; je l'attends,
je vais réussir. En attendant, des procédures sont
instituées contre lui. Le président peut en témoigner ici.
Il n'y a jamais eu aucune intervention de ma part là-dedans. J'ai dit:
Si tu ne veux pas prendre tes responsabilités, tu iras jusqu'au bout du
processus. Mais, lui, il le fait, non pas parce qu'il est mal
intentionné contre le Québec, c'est un Québécois
authentique, sincère, qui a servi bien des causes depuis longtemps, mais
il est convaincu, c'est une question de principe pour lui. Il en fait une
question de principe. Il relie ça au principe fondamental de la
liberté d'expression.
La loi suit son cours, mais il faut comprendre ces aspects humains. Moi,
ça me fait de la peine, une situation comme celle-là. J'aimerais
mieux qu'il soit de notre côté, qu'il souscrive au jugement
d'opportunité historique que nous avons porté en adoptant la loi
178. Il est d'opinion philosophique et politique contraire. Il est prêt
à payer pour. Au moins, on va y aller avec toute la considération
nécessaire. Ce n'est pas un criminel; j'espère que vous ne le
classez pas dans la même catégorie que les voleurs de banque. Au
point de vue criminalité, il n'y a pas grand-chose là-dedans.
Quelqu'un va me prouver qu'il y a une once de criminalité, je suis
prêt à démissionner demain matin. Alors, ça, c'est
le côté concret de la situation envers lequel, comme ministre
chargé de l'application de la langue, je réitère mon
engagement à faire montre du plus grand degré d'humanité
possible, en même temps que je suis fidèle aux objectifs de la
Charte. Si c'est de l'indifférence, je pense que c'est parce qu'on ne
fréquente pas les mêmes dictionnaires.
Ceci étant dit - je commente brièvement, on va y revenir
tantôt - pour les crédits, c'est évident qu'il y a un petit
sacrifice qui est demandé cette année au secteur de la langue.
Nous l'avons traité princièrement au cours des deux années
précédentes. Nous l'avons traité princièrement
à comparer à tout ce qui avait été fait depuis une
dizaine d'années. Que cette année on lui demande de faire sa
part, comme les autres secteurs de l'administration, je pense que c'est tout
à fait normal. Et, dans la mesure où la politique linguistique
s'inscrit dans les préoccupations normales du gouvernement, il est
logique qu'elle n'échappe point à certaines contraintes qui
frappent l'ensemble de l'appareil. Les secteurs où il y a des
augmentations cette année, M. le Président, c'est celui de la
santé en particulier. La santé, les besoins de nos
hôpitaux, de nos personnes malades, de nos personnes âgées,
il me semble que, dans l'ordre de priorités, ça va passer avant
le projet de recherche no 9 de M. Laporte. Les huit premiers sont très
importants, mais, s'il arrive qu'il faille en sacrifier un ou deux, quand on
est rendus dans ces zones marginales, je pense bien qu'on est capables de
fonctionner comme des gens raisonnables. Il n'y a aucun élément
de tragédie là-dedans.
Au programme de promotion du français, c'est vrai qu'il y a 500
000 $ que nous avons coupés. Nous avions un programme de 10 000 000 $
qui a été indexé, à part ça, il a
été indexé! Moi-même, j'av; ;s
gardé un montant de 1 000 000 $ que je réservais pour des projets
spéciaux. Cette année, je ne l'ai pas dépensé, ce
500 000 $, parce que je suis un ministre qui est économe. Chaque fois
que je peux sauver une piastre j'essaie de la sauver pour le gouvernement.
Alors, j'ai dit: Si je l'ai sauvé cette année, je vais être
capable de le sauver l'an prochain. J'ai consenti à ce qu'on mette
ça dans le pot commun pour aider la santé et les secteurs qui
étaient en situation d'urgence plus immédiate. Alors, c'est
ça qui est la situation, bien simplement. On pourra en parler et
j'accepterai volontiers les critiques et, à plus forte raison, les
questions qu'on voudra nous adresser à ce sujet.
M. Jean-Claude Gobé, président
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
J'avais, juste avant, moi, à titre de membre de cette commission et non
de président, une remarque à faire. J'ai écouté
avec attention vos remarques - et M. le député aussi veut parler
après sur les remarques préliminaires - et vos statistiques sur
le taux des gens qui travaillent en anglais dans la région de
Montréal. Moi-même étant un député de la
région de Montréal, président du caucus de l'est de
Montréal, j'ai à vivre quotidiennement un certain nombre de
situations auxquelles votre remarque m'amène à
répondre.
Un grand nombre d'entreprises de la région de Montréal
requièrent maintenant un personnel bilingue. C'est la
réalité. La nouvelle réalité montréalaise
est que les entreprises font de plus en plus affaire avec l'extérieur,
que ce soit l'Ontario, les États-Unis, les pays européens, le
Japon ou, enfin, la Corée ou Hong Kong. On voit les efforts que nous
mettons pour développer nos marchés. Un certain nombre de ces
entreprises, entre autres, aussi, sont des entreprises de haute technologie qui
ne font pas des produits finis totalement à Montréal. On se rend
compte que, bien souvent, ils sont la pièce, le chaînon d'une
chaîne répartie à travers le continent. On fait à
Montréal un certain nombre de pièces qui vont aller s'assembler
avec une autre pièce qui, elle, est peut-être au Texas dans une
entreprise ou à Toronto, et cette collaboration entre entreprises se
fait, bien entendu, dans la langue du plus grand dénominateur commun et
non du plus petit dénominateur commun et, n'en déplaise à
qui que ce soit, c'est l'anglais.
Alors, on remarque une chose assez paradoxale; c'est que beaucoup de ces
employés maintenant sont issus des communautés culturelles. Il
est vrai que les immigrants, lorsqu'ils viennent au Québec, ont pour
première ambition,
d'abord, de se trouver un emploi, de s'y établir, mais
après, lorsqu'ils ont des enfants, de les envoyer à
l'école. Ils prennent très vite conscience que, pour
accéder à un certain niveau de développement dans les
entreprises, il faut parler une, deux, trois ou quatre langues même. Et
on se retrouve à Montréal avec des enfants d'immigrants de
deuxième génération qui parlent français, anglais,
italien, portugais, grec ou une autre langue.
Quand les entreprises requièrent les services de personnes
bilingues, de personnes connaissant l'anglais parce que c'est nécessaire
dans l'exercice de leur travail, c'est sûr que ce sont ces
jeunes-là qui ont, bien souvent, la job parce que les jeunes
Québécois, malheureusement, je dois le dire, ne parlent pas ou
parlent peu l'anglais, ou en ont une connaissance seulement usuelle
parlée parce qu'ils l'ont appris dans la rue ou à la
télévision. Et c'est là un des problèmes majeurs de
la nouvelle génération québécoise francophone. Et
j'en ai à mon bureau constamment, de la région de
Pointe-aux-Trembles et de Rivière-des-Prairies, des parents qui viennent
me voir et me disent: M. Gobé, mon fils ne peut pas avoir la job, ne
peut pas avoir un emploi parce qu'il n'est pas bilingue. Ça m'arrive
à l'occasion de vérifier pourquoi. Est-ce que c'est parce que le
patron est bilingue, qu'il est anglais et qu'il veut que l'employé parle
en anglais ou est-ce que c'est parce que l'emploi requiert la connaissance de
l'anglais? Je n'ai pas vu, à date, un employé se faire refuser un
emploi parce que le patron était anglais seulement et voulait un gars
qui parlait anglais. Mais c'est souvent et toujours, à ma connaissance,
parce qu'il y a des plans à lire en anglais, il y a des
téléphones à faire avec des techniciens à Toronto
ou avec des gens d'autres compagnies en Europe ou ailleurs et, malheureusement,
le cahier des charges est fait en anglais, et c'est comme ça. C'est la
nouvelle réalité.
On est en train de faire deux générations à
Montréal: une génération de Québécois qui
parlent français. O.K., ils parlent, ils ont un diplôme de la
polyvalente et du cégep en français, mais ils ne sont pas
capables d'avoir des jobs en dehors du gouvernement du Québec et des
petites entreprises québécoises. L'autre groupe qu'on fait, c'est
les enfants des immigrants - moi, j'en suis un et ma fille va en être
à un moment donné - qui, eux, ont accès très
rapidement à des emplois de technologie parce qu'ils possèdent
cette langue-là. Et on ne voit pas tellement ça au Québec;
on voit ça en Europe. Si vous allez à Toulouse, vous allez voir
qu'à Airbus, ça travaille en anglais. Pourtant, Airbus, c'est en
France. Si les jeunes Français ne parlent pas l'anglais, ils ne pourront
pas travailler à Airbus. C'est de valeur, ils vont prendre de jeunes
Allemands ou de jeunes anglophones, de jeunes Anglais de l'Angleterre. C'est
une entreprise européenne. C'est la nouvelle réalité
mondiale. Quand même qu'on le dénon- cerait, c'est ça, la
réalité.
Alors, moi, je dis qu'il faut faire attention avant de lancer des cris
et de dire qu'à Montréal on travaille en anglais. Bien oui!
Montréal, c'est une ville internationale qui vit sur le
libre-échange et qui vit sur le commerce international, puis, tant que
ça va être comme ça, tant qu'on ne fera pas juste affaire
avec nous autres, avec un mur autour du Québec en français, eh
bien, il va falloir qu'on parle d'autres langues pour travailler. Et c'est
comme ça. On peut le déplorer, si on n'est pas d'accord avec
ça, mais on doit en prendre acte et c'est la nouvelle
réalité.
Alors, moi, je crois qu'il faut faire attention avant de dénoncer
ça et d'en faire un épouvantail. Je crois qu'au contraire on doit
valoriser l'apprentissage d'une langue seconde; l'anglais, langue seconde,
devrait être appris par tous les jeunes Québécois qui
veulent aller dans certaines sphères d'activités afin de leur
ouvrir les portes de ces sphères-là qui sont internationales. Je
crois que ne pas faire ça, ce n'est pas donner tous les atouts à
nos jeunes Québécois pour accéder au marché du
travail dans les nouvelles technologie, dans la haute technologie qui,
malheureusement, est continentale et non pas juste
québécoise.
Alors, ceci met fin à mon intervention comme membre de la
commission. Je reprends mon travail de président. Je vais maintenant
passer la parole à M. le député de Richelieu. (11
heures)
Discussion générale
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Vous allez me permettre
de réagir à ce que Mme la députée de Chicoutimi a
amené en essayant de stéréotyper l'allophone comme quoi il
ne peut pas être intégré dans la communauté
francophone. Je m'excuse, Mme la députée, c'est
complètement erroné. Peut-être que c'était un
discours de 1970, 1973, 1976, mais ce n'est pas la vérité, ce
n'est pas la réalité. C'est loin de l'être.
Mme Blackburn: M. le Président...
M. Khelfa: Laissez-moi terminer. Je vous ai laissé
terminer, madame. C'est mon tour.
C'est très dommageable, quand on parle d'intégration,
quand on parle de vouloir ouvrir nos portes pour amener d'autres
communautés à l'intérieur du Québec, qu'on leur
dise: Vous n'êtes pas réalistes, vous ne vous intégrez pas
à la majorité. Ce n'est pas vrai. J'ai fait plusieurs
représentations pour les ministres concernés. À
Montréal même, dans plusieurs communautés
traditionnellement anglophones, je constate que même la langue
d'échange entre ces personnes de ces communautés, c'est en
français que ça se passe parce que le message du gouvernement,
qui est un message incitatif, est clair, voulant dire
que la langue de tous les jours, la langue du travail, c'est le
français.
Ceci étant dit, je vais me permettre d'émettre un
commentaire, M. le ministre. On dit que 41 % des entreprises, en 1961, avaient
des dirigeants francophones. En 1987, ce pourcentage est devenu 61 %. Puis, on
sait - à moins que je ne me trompe, vous pouvez me corriger - que, quand
le dirigeant d'une entreprise est francophone, ça incite à la
francisation de l'entreprise. Comment peut-on avoir une augmentation
d'au-delà de 50 % de dirigeants et, en même temps, avoir le
français qui recule dans les entreprises? Il y a une aberration quelque
part. À moins que la façon dont je l'interprète soit un
peu différente.
Le Président (M. Gobé): M. le ministre.
M. Ryan: Est-ce que la question se formule comme ceci: II y
aurait progression dans la représentation francophone a l'échelon
de la direction et recul du français dans l'entreprise?
M. Khelfa: Oui. Parce que, si on comprend le discours de nos amis
d'en face, il y a un recul quand on a des dirigeants qui augmentent. Les
dirigeants francophones augmentent.
M. Ryan: Oui. Regardez, c'est pour ça que je ne souscris
pas au discours de l'Opposition là-dessus. Je trouve que c'est un
discours erroné, en fait. Notre prétention est contraire, c'est
qu'il y a progrès considérable. Ainsi que l'a illustré,
par exemple, le rapport que m'a remis M. Dubé, ainsi que l'ont
illustré les trois grandes sources que j'ai invoquées ce matin,
il y a progrès considérable dans l'utilisation du français
au sein de l'entreprise et ce progrès est grandement facilité,
comme le député de Richelieu l'a suggéré avec
beaucoup de pertinence, par l'accession grandissante de francophones, soit
à des postes dans les groupes de direction des entreprises, soit
à des postes au sein des conseils d'administration. On constate que,
dans la mesure où la direction de l'entreprise se francise, le processus
de francisation est considérablement facilité.
M. Khelfa: Donc, c'est un résultat des mesures incitatives
concrètes qui donnent des résultats positifs.
M. Ryan: C'est ça. Absolument. M. Khelfa: Merci,
monsieur.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'hésite
toujours à commencer à répondre parce que ça n'a
tellement pas de bon sens. À écouter le discours du
député de LaFontaine, laissons s'angliciser, de toute
façon, la planète est en train de s'angliciser. C'est à
peu près ça, le discours. J'imagine que le ministre a plus de
nuances que ça.
J'écoute le discours du député de...
M. Khelfa: Richelieu. Vous n'allez pas l'oublier.
Mme Blackburn: ...Richelieu. Cependant, je voudrais mettre une
chose bien au clair, et j'ai bien fait attention et pris soin de faire cette
mise au point. Mon propos ne se veut pas une attaque aux allophones et aux
immigrants. Je pense qu'ils ont une perception tout à fait juste de
notre réalité. Ils doivent étudier en français,
inscrire leurs enfants dans les écoles françaises; 76 % disent
que c'est normal, mais, quand ils arrivent au travail, ils disent que 52 %,
disons, devraient travailler en français parce que ça correspond
à la réalité du Québec. Ce n'est pas leur faute,
là, ça correspond à la réalité. Je n'invente
rien. Les chiffres de l'enquête ici sont très clairs. Alors, avant
de dire n'importe quoi, je vous suggérerais de la lire. Après
ça, on pourra échanger. C'est clair, il y a 51 % dans le secteur
privé qui travaillent en français et...
M. Khelfa: Question de privilège.
Mme Blackburn: Non. Je vais terminer. Tout à l'heure, je
vous ai laissé terminer.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu, on va laisser terminer la députée de Chicoutimi et
vous pourrez avoir la parole après.
Mme Blackburn: De toute façon, je comprends qu'on n'ait
pas toujours le temps de lire ces choses-là, elles sont volumineuses et
ce n'est pas toujours dans notre champ d'intérêt. Je dis: II y a
51 %...
M. Khelfa: Question de privilège.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Richelieu, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: ...et ce que dit cette étude
également, c'est qu'à 51 % on exagère un peu parce que, si
on prenait les 8 % qui disent: On parle juste 50 % du temps,
moitié-moitié là, et qu'on les faisait balancer du
côté des anglophones, on tomberait à 43 %. Ce n'est pas moi
qui le dis, c'est l'étude. Je n'invente rien.
M. Khelfa: Oui.
Mme Blackburn: Et quand je dis que les allophones à 76
%...
M. Khelfa: Mais reconnaissons l'amélioration
qui existe.
Mme Blackburn: ...disent que c'est normal de parler
français...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée, je
vous demanderais de vous adresser à la présidence. Je pense que
ce sera plus facile.
Mme Blackburn: Oui, M. le Président. Alors, je dis qu'il y
a des données là-dedans et je n'ai rieri inventé. Je n'ai
rien inventé et je n'ai surtout pas été dire que les
allophones n'étaient pas réalistes, qu'ils ne veulent pas
s'intégrer à la majorité. Je n'ai jamais dit ça.
Alors, je veux que ce soit clair parce que ça porte tellement facilement
ce genre de chose là... Ça n'a jamais été mon
intention, ni mon propos et ça ne correspond pas à ce que j'ai vu
là-dedans. Alors, voilà, c'est ça que je voulais dire, M.
le Président.
M. Khelfa: J'accepte cette précision.
Mme Blackburn: M. le Président, le ministre nous disait
qu'il attacherait un intérêt particulier au français,
langue scientifique. Quand il a pris la direction du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, il a aboli le seul petit
programme que nous avions, qui s'appelait Aide à l'édition
scientifique en français, alors que je l'avais prié de le
maintenir. Il ne s'en rappelle sans doute même plus, là. Ce
n'était pas prétentieux, ce n'était pas un gros programme,
ça ne voulait défoncer rien, mais ça permettait au moins
de faire de la traduction de manuels scientifiques dans des programmes
spécialisés où on n'en trouve pas, l'aéronautique,
entre autres. Et, finalement, ça a été son premier geste
et là, cinq ans après, on revient à peu près dans
la même direction. Alors, je le dis pour le déplorer.
À présent, quand il dit aux citoyens du comté
d'Argenteuil qu'ils veulent faire de la partisanerie, qu'ifs auraient
été mieux de s'adresser à son bureau, est-ce qu'il ne
serait pas plus normal que le ministre se prévale des dispositions de la
loi pour inviter les commissaires à aller faire enquête lorsqu'ils
constatent une dérogation? Pourquoi faut-il que ça soit le
citoyen qui dénonce son voisin? Parce que c'est comme ça que
ça fonctionne. On ne fonctionne que sur des dénonciations. Est-ce
que c'est normal? Est-ce que ça ne serait pas plutôt la
responsabilité des organismes? Est-ce qu'il est normal et sain qu'on
invite les gens à faire de la délation? Non, je ne pense pas.
C'est pourquoi le législateur, dans sa sagesse, disait: Dans le fond, ce
n'est pas de la délation que je veux; je veux que les gens qui sont
payés pour le faire fassent leur job et, quand ils voient des
dérogations à la loi, qu'ils le signalent et qu'ils aillent voir
les propriétaires. C'était ça, l'objectif de la loi. Et,
là, on ne travaille plus que sur des dénonciations et c'est
ça, l'aberration. C'était juste ça que je voulais dire. Je
pense qu'on a renversé le processus et ça n'est pas normal. On a
vu ce que ça donnait, la dénonciation oî !a délation
dans le cas des assistés sociaux. Moi, je pense que ces
exercices-là ne sont sains pour aucun peuple.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je vais ajouter juste une précision. En ce qui
touche la langue de travail, j'ai entendu la députée de
Chicoutimi parler de 51 %. Le vrai chiffre, pour l'ensemble du Québec,
c'est 73 %. Si j'ai bien lu le rapport du Conseil de la langue
française, le pourcentage des personnes qui utilisent le français
dans 90 % ou davantage de leur temps de travail à l'échelle du
Québec est passé de 71 % à 73 % au cours des 10
dernières années. C'est ça qui est le chiffre qu'on doit
retenir, fondamentalement. En plus, il y en a un grand nombre qui l'utilisent
à 89 %, 88 %, 85 %; ceux-là, vous les classez dans les perdus.
Moi, je les considère comme des éléments qui sont fort
encourageants aussi. Ça remet en cause le critère...
Mme Blackburn: Dans mon comté.
M. Ryan: ...de classification analytique qui a été
retenu, sur lequel on pourra revenir, mais n'oublions pas ce chiffre de base.
Si nous voulons parler de l'ensemble du Québec, ce qui est notre
responsabilité, comme membres de l'Assemblée nationale, partons
de ce chiffre-là et ne le déformons point en cours de route.
Mme Blackburn: M. le Président, soyons un peu
réalistes.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: Le ministre ne leurre personne et n'impressionne
personne en livrant des chiffres comme ça. Que ça travaille
à 99,9 % en français à Chicoutimi, c'est évident.
Moi, j'ai l'impression que ça doit être à peu près
ça. Je connais les quelques anglais qu'il y a dans le comté et
ils votent pour moi, a part ça; ils sont fort sympathiques, au
demeurant, et je n'ai jamais eu de problème de communication avec eux.
Mais, chez nous, ça se fait en français, c'est bien
évident. Le vrai problème, et tous nous le reconnaissons, c'est
vraiment à Montréal et Montréal l'île. Ce n'est
même pas vraiment aussi vrai dès qu'on... C'est un peu vrai quand
on tombe dans des entreprises comme Alcan, Abitibi Price, chez nous.
D'ailleurs, depuis que c'est Stone, je sais qu'il y a de plus en plus de
formulaires unilingues anglais qui circulent. Mais je dirais que ce n'est pas
la règle. Et, s'il n'y avait que ces cas au Québec, il ne
faudrait pas s'en alarmer. Mais, quand j'écoute le député
de LaFontaine, je vous jure que...
Office de la langue française Francisation des
entreprises
M. le Président, je voudrais juste qu'on revienne un peu aux
chiffres de l'Office. J'aborderais peut-être cette question-là
avec le ministre pour voir ses intentions quant à l'avenir de cette
partie du programme: Francisation des entreprises et français, langue du
travail, pour essayer de voir un peu, à l'avenir, ce que le ministre
entend mettre sur la table. Alors, si le ministre est prêt, nous
pourrions aborder...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais savoir de quel programme la
députée veut parler, exactement? Est-ce que la
députée veut parler d'un programme en particulier ou de...
Mme Blackburn: Office de la langue, Francisation des
entreprises.
M. Ryan: Très bien. Ça va très bien.
Mme Blackburn: De façon plus générale, on a
un certain nombre d'éléments.
M. Ryan: Oui. Nous avons avec nous ce matin le
président-directeur général de l'Office qui pourra
compléter les informations que je pourrais communiquer là-dessus
et même répondre aux questions que les députés
voudront nous adresser.
La mission à laquelle l'Office a accordé le plus
d'importance en matière de francisation du travail pendant la
première phase de son existence a été l'émission de
certificats de francisation, précédée, dans un grand
nombre de cas, par la mise au point de programmes de francisation dans les
entreprises. Alors, l'Office a émis un nombre considérable de
certificats. Les députés disposent, dans la documentation qui
leur a été communiquée, de toute l'information statistique
nécessaire à ce sujet.
On s'est aperçu, au cours des années plus récentes,
qu'un certain nombre de problèmes fondamentaux n'étaient pas
nécessairement résolus par l'émission du certificat de
francisation. Tout d'abord, il fallait s'assurer qu'une fois émis le
certificat de francisation l'action continue à l'intérieur des
entreprises. Nous avions constaté qu'une fois émis le certificat
de francisation l'Office, à toutes fins utiles, perdait le contact avec
les entreprises, n'avait pas un suivi assidu, pas par manque de
préoccupation et tout. Je ne veux pas entrer dans les raisons, mais
c'est une constatation que nous avions faite.
Il a été convenu que l'Office rétablirait le
contact avec les entreprises déjà munies d'un certificat pour
vérifier le fonctionnement de la francisation, les problèmes qui
peuvent se poser et tout. L'an dernier, le président nous avait
annoncé que 800 entreprises seraient visitées ou
rencontrées par l'Office On nous a fait rapport, récemment, que
720 entreprises ont été rencontrées par l'Office, la
plupart visitées directement par des conseillers en francisation.
Là, on nous a dit ce qui s'est passé dans ces visites-là,
essentiellement. Déjà, de nombreux résultats positifs en
découlent. J'ai demandé un rapport détaillé sur les
constatations faites à l'occasion de ces contacts. Je suis convaincu -
le président pourra nous en parler tantôt - que, de ces
premières reprises de contact, découleront des plans d'action qui
vont entraîner des initiatives nombreuses. Ça, c'est le premier
point très important. Nous allons maintenir ça.
Les certificats. Il y en a moins qui sont émis. L'année
dernière, on en a eu moins. On en prévoit à peu
près 250 la prochaine année. Ce n'est pas un très gros
problème, ça. Il y a une chose qu'il faut se dire, c'est qu'on a
un bon nombre d'entreprises qui ont déjà des programmes de
francisation en marche. Je vais prendre une entreprise - je pense que je vais
la nommer parce qu'elle est tellement de notoriété publique -
Bell Canada. L'entreprise Bell Téléphone n'a pas de certificat
encore, mais le travail est francisé là-dedans à 90 %. Il
reste deux ou trois points à régler, d'après ce que m'ont
communiqué les autorités de l'Office. Ce sont des points
délicats sur lesquels la direction travaille. Mais l'Office est devenu,
avec le temps, prudent également. On ne veut pas émettre un
certificat avant de s'être assuré que les conditions qui
justifient l'émission d'un certificat soient toutes réunies.
Alors, voici un cas où il y a énormément de progrès
qui ont été accomplis. On peut dire que ça a changé
complètement. Pour ceux qui ont connu l'entreprise Bell il y a 40 ans,
c'est un changement radical, mais ce n'est pas encore enregistré dans
les statistiques de l'Office de la langue française; elle n'est pas
encore parmi les entreprises certifiées. (11 h 15)
Cette année, on va en émettre un certain nombre. Moi,
j'aime mieux qu'on prenne son temps pour l'émission des certificats,
mais que le travail de fond se fasse réellement. Dans ce sens-là,
je suis moins pressé que d'autres, mais sur le fond, très,
très intéressé. Ça, c'est un premier point.
Deuxième aspect, les entreprises de moins de 50 employés,
de 10 à 50, qui sont astreintes à l'obligation de francisation et
non pas à l'obligation d'être munies d'un certificat. Là,
nous avons institué un programme de visitation. Nous allons les visiter.
Nous prenons contact avec elles. Il y a un petit dépliant que l'Office a
préparé ici, je ne sais pas si vous en avez des copies pour tout
le monde, M. le Président; ce serait intéressant que tout le
monde connaisse ce dépliant pour voir de quelle manière l'Office
se présente à ces
entreprises. On va les voir. Et déjà, cette
année... C'est combien d'entreprises?
Une voix: Autour de 1000.
M. Ryan: C'est autour de 1000 entreprises qui ont
été visitées, cette année, en 1990-1991.
Une voix: 720, c'est la...
M. Ryan: Non, ça, c'est les entreprises munies d'un
certificat, 720.
Mme Blackburn: Oui, oui.
M. Ryan: En plus, à peu près 1000 entreprises non
munies d'un certificat, comptant entre 10 et 50 employés, ont
été rencontrées par l'Office également - ça,
c'est un deuxième programme - pour être averties, informées
des implications de la Charte de la langue pour le fonctionnement de leur
entreprise, avoir la chance de communiquer leurs préoccupations, de
recevoir des conseils. Déjà, comme je l'ai indiqué dans ma
communication liminaire, de nombreuses initiatives ont découlé de
ces visites et, l'an prochain, nous comptons en faire tout autant. Ça,
ce sont les nouvelles voies qui permettent de coller plus à la
réalité de l'entreprise, en même temps qu'on applique
fidèlement les objectifs de la Charte de la langue française.
Mme Blackburn: M. le Président...
M. Ryan: Alors, voilà l'essentiel, en ce qui me touche,
des objectifs que poursuit l'Office au plan concret. Il y a un programme en
plus de promotion du français; on a inauguré un petit programme
très modeste. On a des crédits de 300 000 $ par année pour
ce programme-là.
Une voix: 400 000 $ cette année.
M. Ryan: 400 000 $ en comptant ce qui va compléter le
programme de l'an dernier; je parle de l'argent pour les choses de cette
année. En tout cas... L'an dernier, on avait eu une cinquantaine de
soumissions. Cette année, il y en a eu 161, je pense. Ce n'est pas
encore énorme, mais ce qu'il y a de bon, c'est que ce
programme-là avait été conçu pour la petite et la
moyenne entreprise. Cette année, les soumissions de projets sont venues
surtout de cette source-là, alors que, la première année,
elles étaient venues surtout de la grande entreprise. Alors, je pense
que ce sont des choses encourageantes. On pourrait avoir 4 000 000 $, mais 400
000 $, c'est déjà beaucoup étant donné les
ressources limitées dont dispose le Québec actuellement. Des
fois, pour une subvention de 30 000 $ découlant du programme, une
entreprise va dépenser 250 000 $ pour la réalisation de son
projet; c'est ça qui est intéressant.
Mme Blackburn: Oui.
M. Ryan: C'est évident que nous ne finançons pas
tout le projet, loin de là, nous exigeons un engagement.
Alors, je ne sais pas... Moi, c'est l'essentiel en ce qui touche le
travail de l'Office concernant la francisation du milieu de travail.
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn:... d'abord, quelques chiffres, parce que, pour
saisir l'importance de votre démarche, il faut avoir une idée de
la tâche à accomplir.
M. Ryan: Bien sûr.
Mme Blackburn: II y a dans le secteur manufacturier seulement, au
Québec, 10 653 entreprises qui ont 50 employés et moins; 42, 4 %
de ces entreprises sont à Montréal. Le Conseil, qui fait cette
lecture-là, évidemment... Je cite le Conseil; ce n'est pas moi,
ça fait partie des statistiques du Québec, un document
colligé en 1989 et publié en octobre 1990. La conclusion de
l'étude du Conseil, c'est la suivante. Il attribue la lente croissance
de l'usage général du français parmi les francophones
à la professionnalisation - plus on monte dans l'échelle, moins
on parle français - à l'internationalisation des marchés,
à l'introduction de nouvelles technologies. Il explique, par ailleu. s:
Son étonnement devant ce résultat peut être alimenté
par le décalage entre l'évolution de la certification des
entreprises et l'usage du français. Le Conseil explique ce
décalage par le fait que les entreprises de moins de 50 employés
ne sont pas visées par la certification et qu'ainsi la certification ne
peut toucher qu'environ 66 % des travailleurs.
Mais, par ailleurs, le Conseil estime que, si 66 % de la main-d'oeuvre
totale du secteur privé travaillent dans les entreprises, seulement 21 %
de l'ensemble du secteur privé du Québec ont été
touchés par l'application du programme visant à accroître
l'usage du français. Alors, c'est ça, le problème. Comment
voulez-vous... Parce que 21 %... Et ça, c'est tiré des
études du Conseil. Je ne les invente pas. Alors, moi, je me dis que
devant... Parce que le ministre ne peut pas se contenter qu'il y ait seulement
une progression de 1 % du nombre de francophones à Montréal qui
peuvent travailler dans leur langue: 1 %, sur 10 ans. Avez-vous compris que,
pour qu'on ait 70 % de francophones de l'île de Montréal qui
travaillent en français, ça nous prendrait 70 ans? Vous ne serez
pas là personne, je peux vous dire ça, à moins de vivre
très vieux. Et ce qui est plus dramatique, dans le fond, parce que le
français n'est pas valorisé... Et j'écoutais encore
le discours du député de LaFontaine, tantôt, ce
n'est pas pour le revaloriser: Si vous voulez avoir des postes de cadres
supérieurs, etc., alors, il faut que ça se fasse en anglais.
Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens de dire des choses
comme ça. On est au Québec.
Bien, je sais tout de suite que ce n'est pas la pensée du
ministre, que ce n'est pas la pensée des présidents d'organismes.
J'en ai la conviction. Cependant, cette image qu'on véhicule finit par
correspondre à la réalité. Plus vous avez des postes de
responsabilité dans les entreprises de la grande région
montréalaise, plus ça se fait et ça se passe en anglais.
En anglais. Ce qui expliquerait sans doute que 40 % des offres d'emplois dans
la région de Montréal exigent l'anglais, sans qu'on se sort
vraiment soucié de savoir si c'était vraiment indispensable. Et,
là, je ne voudrais pas qu'on vienne me dire: C'est bien normal qu'on
parie l'anglais. Bien sûr que c'est bien normal. Ce n'est pas du tout
là la question. Ça n'a aucun rapport. Parlez-en quatre, cinq,
six, c'est encore mieux. Ça n'a pas de rapport. L'important, c'est de
pouvoir travailler dans sa langue au Québec.
Alors, moi, je me demandais si le ministre n'envisageait pas de
commencer tranquillement... S'il ne veut pas aller de 50 à 10, qu'il
commence par ta première couche, 40, 30, progressivement, de
manière à agir sur le milieu du travail, ce que, le ministre doit
le reconnaître, nous n'avons pas réussi parce que le travail
manuel se fait en français et le reste se fait en anglais,
majoritairement. Vous êtes obligé de le reconnaître, c'est
ça les données qu'on a. Bien, je me dis: Est-ce que votre action
d'incitation, de persuasion et de dynamique de groupe, c'est suffisant? Je dis
non.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je remercie la
députée de Chicoutimi de cette interpellation fondée sur
une citation qu'elle a tirée, je pense, de la page 134 de l'étude
du Conseil de la langue française. La citation qu'elle a invoquée
porte sur les certificats, les programmes de francisation. Elle dit que c'est
évident que, là où n'existe pas l'obligation de
certification, les programmes n'ont pas eu le même impact. C'est
évident, ça, mais il faudrait compléter ceci par d'autres
extraits que je tirerais, pour ma part, des pages 40 et 41 de l'étude du
Conseil de la langue française. Là, on a regardé le
pourcentage de la main-d'oeuvre travaillant généralement en
français selon la taille des entreprises. À la page 41, il y a un
tableau. Les entreprises de 50 ou moins, le pourcentage observé: 55 %;
51 et plus: 47 %.
Une voix:...
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Total 51. C'est ça.
M. Ryan: Pour Montréal. Pour la région de
Montréal, ça ici.
Mme Blackburn: Oui, oui.
M. Ryan: La région de Montréal
métropolitain.
Mme Blackburn: Oui, oui.
M. Ryan: Ça va?
Mme Blackburn: Oui, oui.
M. Ryan: On est d'accord là-dessus. Il n'y a pas de
débat entre nous. Nous autres, on ne triture jamais les chiffres. Par
conséquent, il n'y a pas de problème plus grave de ce
côté-là. Il est moins grave, d'un certain
côté. Et c'est évident que, dans la petite et la moyenne
entreprise, c'est là qu'on va trouver le plus cette grande
diversité qui est caractéristique de la région
métropolitaine. Si vous avez, par exemple, un citoyen d'origine grecque
qui tient un restaurant fréquenté surtout par des Grecs ou un
garage fréquenté surtout par une clientèle grecque, qu'ils
fassent leurs affaires et, s'ils réussissent à vivre sans
être obligés de recourir à l'aide sociale, moi, je leur dis
qu'ils sont formidables. Et si je vais là et qu'ils ne veulent pas me
servir en français, je vais tirer mes conclusions immédiatement.
Je vais tirer mes conclusions immédiatement. Un autre va tenir une
entreprise de services. C'est évident que, s'il ne peut pas servir son
client en français - disons qu'il répare des appareils
ménagers - ifs ne le feront pas revenir la prochaine fois, ils vont
dire: Reste chez vous. Pas besoin de l'Office de la langue française
pour ça.
Ce que nous voulons éviter, là, en ne multipliant pas les
dispositions législatives à caractère contraignant, c'est
de créer une bureaucratie plus lourde. On n'est plus capables là
au Québec, on n'est plus capables. On essaie par tous les moyens de
réduire la bureaucratie. C'est ça qui coûte cher. Les
mesures que vous proposez vont en plein dans l'autre direction. C'est pour
ça que nous croyons que c'est plus efficace comme ceci. Les statistiques
nous justifient, d'une manière générale. Je ne
prétends pas en tirer plus qu'elles ne disent. Mais je crois que le
travail peut se faire de ce côté-là. C'est,
évidemment, au niveau de la petite entreprise, surtout, c'est souvent
là que vous rencontrerez les résistances les plus
opiniâtres. La personne dont je parlais tantôt, qui a des
difficultés avec Mme de Fougerolles, c'est une personne qui a bâti
son entreprise, elle n'a pas eu besoin du gouvernement, elle a payé des
taxes toute sa vie. Elle se dit: Là, je suis capable de continuer
à la diriger. Elle veut payer le prix pour une question
de principe. Je me dis: On va essayer de s'accommoder de cette
personne-là, on va lui faire payer ses obligations si elle en a, mais,
pour le reste, je ne voudrais pas qu'on multiplie les intrusions du
législateur dans la conduite de l'entreprise; elle va très bien,
sans vous et moi.
Alors, c'est ça, la philosophie de fond que nous avons. C'est
pour ça que je ne suis pas prêt à laisser entrevoir le
moindre changement de ce côté parce que je n'ai pas la conviction
profonde que c'est bon pour le progrès de la langue à ce
moment-ci de faire ça. Je n'ai pas l'impression que c'est bon pour la
maigreur que doit conserver l'appareil gouvernemental et je n'ai pas
l'impression que c'est bon au point de vue pédagogique. Alors, c'est
ça.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: Oui. Est-ce que le ministre peut me dire pourquoi,
dans le plan de relance des entreprises, 720 cette année et 600 l'an
prochain? Dans la perspective qu'il ne faut pas les harceler, non plus? Parce
que, là, on diminue les actions. Dans le fond, moi, je n'essaie pas
de... Écoutez, je relis toujours les statistiques qui me viennent du
gouvernement du Québec. Il y a 68,4 % des PME qui ont leur
établissement sur le territoire de IHe de Montréal, c'est
là que ça se passe et elles ne sont pas concernées.
Ça donne 4612 entreprises; c'est 42 % de l'ensemble du secteur
manufacturier; bien, dans les PME, c'est 68,4 %, c'est énorme. Ce qui
explique qu'on n'en a pas tant que ça dans notre région. Mais, en
même temps, c'est là que ça se passe, et le ministre le
sait. S'il n'y a pas une action destinée à ce groupe-là -
c'est la conclusion, je pense, de tous ceux qui se sont penchés
là-dessus - ça a un effet de désincitation sur la grande
entreprise qui a des contacts avec les petites entreprises. Alors, le ministre
a pris sa décision. Je le déplore. Qu'est-ce que vous voulez?
Là, voulez-vous m'expliquer pourquoi il faut diminuer aussi la relance
dans les entreprises par rapport à celles qui ont des certificats de
francisation?
M. Ryan: Regardez, je vais vous donner un exemple. Vous parliez
de Lachute; Lachute a l'air à vous intéresser, même si on
voit que vous n'êtes pas trop familière. Je vais vous donner un
exemple. Il y a un restaurant sur la rue principale qui s'appelîe
Carole.
Mme Blackburn: C'est celui-là qui a eu le...
M. Ryan: C'est un restaurant où, il y a quelques
années à peine, l'affichage était bilingue. C'est tenu par
un citoyen d'origine grecque, qui est un de mes bons amis, je vous le dis
franchement. Son affichage, maintenant, est unilingue français. Cette
année, sans que je le sache, il avait soumis un projet de francisation
de son personnel dans le cadre du concours du programme de soutien financier
à la promotion du français danc l'entreprise. Nous avons retenu
son projet pour une aide modeste. Mais je trouve ça tellement
formidable, le progrès qui s'est accompli là. Ça a pris
quelques années avant que la personne comprenne les objectifs de la
Charte et accepte de s'insérer activement dans la poursuite de ses
objectifs. Si on l'avait prise par la force ou la stricte rigueur de la loi, on
en aurait fait un ennemi du Québec, peut-être une personne qui
serait établie à Toronto aujourd'hui. Là, il est
resté à Lachute et c'est un citoyen qui contribue au
développement de son secteur économique dans la région
d'Argenteuil, et nous en sommes très fiers.
Mme Blackburn: Alors, je dois comprendre...
M. Ryan: Mais celui-là n'a pas été
mentionné dans les commérages dont faisait écho le journal
ce matin.
Mme Blackburn: Non, je dois comprendre que ça a
coûté 10 000 $ au ministre.
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: C'est restaurant Carole, le numéro 26388512
inc., 10 000 $...
M. Ryan: Oui, c'est ça.
Mme Blackburn: ...dans le programme de francisation.
M. Ryan: C'est ça. (11 h 30)
Mme Blackburn: Et je voudrais revenir à ce
programme-là, on va passer à cette question. Il y a, au total, 29
entreprises qui ont bénéficié de budgets variant de 30 000
$ à 2940 $, 1500 $ même. Est-ce qu'on pourrait avoir l'adresse des
propriétaires? Parce que c'est un peu court. Par exemple, ça m'a
un peu intriguée, mais en même temps intéressée, je
vois Réal Munger et Réal Munger, si je ne m'abuse, c'est dans ma
région, à moins qu'il y en ait un autre ailleurs, ce qui n'est
pas impossible. Mais je vois Bombardier, ce qui m'intéresse, la Chambre
de commerce de Sherbrooke, la Corporation de gestion Charme. Je me dis:
Qu'est-ce que ça fait dans la vie et pourquoi franciser? Je pensais que
ce qui était en français était nécessairement
charmant, mais ça, c'est autre chose. Mais est-ce qu'on pourrait avoir
les adresses? Comme ce sont des programmes publics, j'imagine que oui.
M. Ryan: L'adresse des entreprises?
Mme Blackburn: Des entreprises qui ont été
subventionnées.
M. Ryan: Sûrement, sûrement, volontiers. L'Office va
vous la fournir. Il n'y a pas de problème.
Mme Blackburn: À présent, le programme est
intéressant, on n'en doute pas, mais je ne sais pas si vous
réalisez que ça touche 29 entreprises dont 16, si je ne m'abuse,
dans les PME, alors que des PME, c'est par dizaines de milliers qu'on en a et,
surtout si on inclut le secteur des services, c'est plus par 100 000,
là: les restaurants, l'alimentation, etc. Alors, c'était deux
choses que je voulais avoir: les adresses, le nom du propriétaire et le
nombre d'employés touchés, parce qu'il me semble que ça a
une importance.
M. Ryan: Oui, M. le Président, avec votre
consentement, je serais prêt à remettre...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: ...aux députés, ce matin, une liste des
entreprises dont les projets ont été subventionnés, avec
le montant de la subvention. Dans certains cas, ça s'échelonne
sur deux ans. Je n'ai pas le nombre d'employés ici, mais on pourra le
faire ajouter.
Mme Blackburn: D'accord, parce que ça
m'intéresse...
M. Ryan: On enverra ce complément d'information.
Mme Blackburn: ...dans le fond, pour se donner une mesure.
M. Ryan: Mais peut-être que ça va intéresser
la députée de l'avoir dès ce matin, si les services
veulent en faire tirer des copies.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Ryan: Si vous n'avez pas d'objection, nous le distribuerons
aux députés.
Le Président (M. Doyon): Très bien, nous allons le
faire, M. le ministre.
M. Ryan: Merci.
Mme Blackburn: À présent, est-ce qu'on a, sur un
paragraphe, une synthèse du projet dans ce document ou si... Non?
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Est-ce qu'on a une brève explication de la
nature du projet qui a été financé dans ce document?
Oui.
M. Ryan: Ce sera ajouté à l'information qui vous
sera donnée, volontiers.
Mme Blackburn: Ça va. L'article 46...
M. Ryan: J'ajoute que ces projets ont été retenus
à la suite d'un examen fait par un jury impartial que présidait
une personne du Mouvement Desjardins.
Mme Blackburn: Ah! ça je n'en doute pas. Le
Président (M. Doyon): M. le ministre.
Mme Blackburn: Et qui était présidé par M
Daoust? Non?
Une voix: M. Labrecque.
M. Ryan: M. Labrecque, de La Sauvegarde, je pense?
Les COFI et la francisation des nouveaux
immigrants
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, vous me
permettrez d'intervenir en ce qui concerne les immigrants qui arrivent au
Québec et qui, en tout cas, le veut-on, doivent s'intégrer
à la société québécoise, qui est une
société française en grosse majorité. J'aimerais
avoir votre opinion, M. le ministre, en ce qui concerne l'action des COFI comme
véhicule de francisation pour les nouveaux immigrants qui arrivent au
Québec. Lors de la consultation que la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration a faite récemment, plusieurs groupes
sont venus devant nous, devant cette commission. Quelques-uns ont
soulevé des questions en ce qui concerne le rôle des COFI envers
la francisation des nouveaux immigrants et quelques-uns ont soulevé la
possibilité que l'action des COFI avait peut-être certains effets
négatifs, en ce sens qu'ils étaient localisés à un
endroit, que les nouveaux arrivants étaient portés à
peut-être occuper des logements qui étaient contigus à cet
endroit-là; en tout cas, question de transport, question de
facilités, que ça avait pour effet de concentrer les immigrants,
de peut-être retarder de cette façon-là
l'intégration, qu'il n'y en avait pas beaucoup, de ces
COFI-là.
Vous avez été, M. le ministre, jusqu'à très
récemment, ministre de l'Éducation, ministre de l'Enseignement
supérieur. La question qui a été soulevée: Est-ce
que, pour les adultes, le ministère de l'Éducation ne serait pas
le mieux placé pour faire l'éducation en français, comme
pour l'ensemble de la population, finalement, ce qui aurait pour effet de
permettre aux gens de fréquenter des écoles de quartier, d'avoir
des cours du soir ou, en tout cas, d'avoir une certaine flexibilité qui
s'étendrait non seulement au niveau de l'horaire comme tel, mais une
flexibilité que j'appellerais géographique. Est-ce
que vous avez une opinion là-dessus? Est-ce que c'est des
discussions qui sont en cours? Comment voyez-vous les choses? Est-ce que votre
expérience de ministre de l'Éducation, qui s'ajoute à
celle que vous avez maintenant depuis trois ans de ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française, vous amène
à tirer certaines conclusions ou à avoir une certaine
réflexion à ce sujet-là?
Mme Blackburn: Un autre rapatriement, M. le ministre.
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Un autre rapatriement de programme.
Le Président (M. Doyon): Non. Ce n'est pas dans ce
sens-là que je le vois.
Mme Blackburn: Ça relève du
fédéral.
Le Président (M. Doyon): Je le vois comme étant une
possibilité pour le ministère de l'Éducation de s'occuper
des immigrants et de tout ce qui touche leur intégration à la
société québécoise.
Mme Blackburn: M. le Président, vous permettez. C'est que
c'est le ministre responsable de la Charte. Il n'est plus responsable de
l'Éducation.
Le Président (M. Doyon): Non, mais comme ministre
responsable...
Mme Blackburn: Et on est aux crédits de la Charte.
Le Président (M. Doyon): Non, je suis d'accord, mais comme
ministre...
Mme Blackburn: Vous permettez. Je ne veux pas contester le
président, mais il me semble que la question serait mieux
indiquée si elle était posée à la ministre de
l'Immigration ou au ministre de l'Éducation.
Le Président (M. Doyon): En tant que président,
vous me permettrez de différer d'opinion.
M. Ryan: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Doyon): Et c'est pour ça que je
pose la question au ministre qui est responsable de l'application de la Charte,
parce qu'il a une responsabilité première, il a une
responsabilité d'atteinte de résultats. Parmi les moyens qui sont
mis à la disposition du gouvernement, il y a celui de l'éducation
et le ministre est sûrement intéressé à ce que
l'objectif qu'il poursuit soit atteint avec les meilleurs moyens possible.
Il est assez accessoire qu'il ait été ministre de
l'Éducation, mais n'aurait-il jamais été ministre de
l'Éducation que je lui poserais la même question parce que la
question se pose pour lui comme elle se pose pour d'autres intervenants qui
sont venus devant cette commission et qui ont soulevé cette
question-là. En même temps qu'ils soulevaient la question, ils
interpellaient, bien sûr, le ministre de l'Éducation, mais ils
interpellaient en même temps le ministre responsable de l'application de
la Charte, et c'est dans le sens-là que je l'invite à nous faire
valoir sa réflexion, s'il en a une à ce sujet-là. M. le
ministre.
M. Ryan: Je vois que vous avez une conception très
élevée, M. le Président, de la mission du ministre
chargé de l'application de la Charte de la langue française. J'ai
été quelque peu étonné de voir que la
députée de Chicoutimi a une certaine tendance à la
minimiser ou à la réduire.
Ceci étant dit, les COFI relèvent de la compétence
de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, et ceci,
en grande partie, en raison de facteurs historiques et fonctionnels. Ce sont
des activités qui sont financées en très grande partie par
le gouvernement fédéral et qui ont donné lieu à des
ententes entre le ministère québécois de l'Immigration et
le ministère fédéral de l'Immigration; en
conséquence de quoi leur application est confiée à la
ministre qui est directement responsable non seulement de la sélection,
mais de l'accueil et de l'intégration des immigrants dans notre
communauté. Mais un travail de liaison important existe entre le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et
celui de l'Éducation.
Je crois personnellement, sans vouloir m'aventurer davantage sur ce
terrain à propos duquel on pourrait soulever à juste titre,
à compter de maintenant, les questions de pertinence ou de
compétence, qu'il est très désirable qu'une liaison plus
étroite existe entre le secteur de l'éducation, celui de
l'immigration et aussi le ministère chargé de l'application de la
Charte de la langue française parce que, au bout de la ligne, le
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française doit rendre compte du progrès général de
la francisation dans notre société, et il y a là des
facteurs absolument vitaux auxquels il ne peut pas être
indifférent ou absent.
Je n'ai pas d'opinion technique à vous donner sur l'endroit
où devraient idéalement loger les COFI. Pour le moment, moi,
j'accepte la détermination qui a été faite il y a quelques
années à cet égard, mais c'est une question qu'il y a lieu
peut-être de se poser à l'intérieur du gouvernement.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. C'est dans
ce sens-là que je posais ma question parce que, à mon avis, en
tout cas, il n'y a pas lieu de "compartimentaliser" les actions
gouvernementales à ce sujet-là. Bien sûr, il y a des
juridictions fédérales, il y a des compétences
provinciales. Il faut tenir compte des raisons historiques qui font que telle
chose se passe de telle façon. Mais où on a peut-être un
petit peu plus de misère, c'est d'aller expliquer à des gens qui
arrivent ici et qui ne sont pas rompus à ces dédales
administratifs moitié fédéraux, moitié provinciaux
et à des rivalités interministérielles pourquoi, quand on
est un adulte immigrant, on s'en va au COFI et pourquoi, quand on est un adulte
québécois, on s'en va a la commission scolaire et à
l'école du quartier à côté, à 8 heures du
soir, à des heures convenables et à des endroits beaucoup plus
commodes. Ces gens-là qui viennent devant nous ne comprennent pas
toujours pourquoi ça se passe comme ça.
Et dans le sens que vous avez souligné, ce qui compte pour vous -
et la députée de Chicou-timi le fait actuellement - c'est de vous
poser des questions sur l'atteinte des objectifs et vous en êtes tenu
responsable. Je ne sache pas que la députée de Chicoutimi
interpelle la ministre de l'Immigrationsur pourquoi ça se passe
de telle façon dans certaines entreprises à Montréal, etc.
C'est vous qui devez en répondre et, à ce moment-là,
peut-être qu'une amélioration des outils qui sont mis à la
portée du gouvernement pourrait vous permettre d'avoir des
résultats qui, même si ceux que vous nous présentez
aujourd'hui sont excellents, pourraient être meilleurs. C'est dans ce
sens-là que je faisais mon intervention.
Mme Blackburn: M. le Président, vous permettez. On est en
train d'étudier les crédits. Il n'y a pas de poste COFI aux
crédits du ministre et on était rendus à l'étude
des crédits et non pas aux remarques préliminaires. Cependant,
vos propos sont fort intéressants. J'ai déjà eu l'occasion
d'échanger là-dessus avec la ministre de l'Immigration. Vous avez
tout à fait raison et vous avez tout à fait compris. C'est ce qui
explique que la très grande majorité des intervenants exigent le
rapatriement total de cette question. Ce n'est pas compliqué. Le
ministre n'a pas voulu aller jusque-là, mais, sur le rapatriement de
l'immigration, à l'exception du rapport Allaire, tout ce qu'on a entendu
à la Commission Bélanger-Campeau, c'est: Rapatrions tout ce
dossier. On ne peut pas rester, comme vous le dites très justement, dans
une situation qui crée l'ambiguïté lorsque les immigrants
arrivent chez nous. Moi, je fermerais là-dessus: je pense que, s'il y a
une question qui fait la quasi unanimité au Québec, c'est
celle-là. Sauf que je pense que ce n'est pas vraiment la place pour en
discuter. Il faudrait aller à Ottawa, il faudrait changer de
ministère et de palier de gouvernement.
Le Président (M. Doyon): M.le ministre.
M. Ryan: Juste une brève remarque. Le dernier accord
survenu entre le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral accroît considérablement l'aire
d'intervention et de responsabilité du gouvernement du Québec. Il
y a certains éléments, aussi longtemps que nous sommes en
régime fédéral, qui devront continuer à relever de
l'autorité fédérale en matière d'immigration.
L'émission d'un certificat d'entrée dans le pays, la
naturalisation, la citoyenneté, je pense que ce sont des choses qui
relèvent de l'autorité commune, aussi longtemps que nous sommes
en régime fédéral. Dans les questions de santé
aussi, il y a des aspects qui doivent relever d'une politique commune. On ne
peut pas avoir une politique de santé à l'Atlantique, puis une
autre au Pacifique. Il faut bien qu'on ait des normes communes de ce point de
vue là. Mais, ceci étant dit, je pense que l'accord survenu dans
un climat de saine négociation permet d'entrevoir que la
responsabilité du Québec sera considérablement accrue.
L'accord sera, d'ailleurs, suivi, dès son application, par des
transferts de ressources importantes qui sont, quand même, la preuve la
plus concrète du caractère substantiel d'une entente. Dans ce
cas-ci, je crois qu'on doit signaler qu'il s'agit d'un progrès
extrêmement important. J'en félicite publiquement la ministre
responsable.
Mme Blackburn: M. le Président, cependant, il faut
rappeler, mais comme on n'est pas à l'Immigration, je donnerais juste
une donnée, que les pouvoirs conférés au Québec
vont toucher à peu près 40 % de l'immigration parce que toute la
reconstitution des familles - je ne me rappelle plus le terme - et les
réfugiés ne sont pas concernés. Vous savez, c'est gros.
Ça veut dire que 60 % échappent encore au Québec. Mais,
quand même, je suis d'accord avec vous: il y a des progrès, sauf
qu'entre les progrès et ce qui serait souhaitable, il reste une
marge.
Sur l'Office de la langue française, M. le
Président...
M. Ryan: Juste...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Me permettez vous juste une remarque là-dessus?
Puisque vous avez soulevé ces points-là, juste une brève
remarque. En ce qui touche les réfugiés, il n'y a personne qui a
de contrôle sur eux autres, pas plus le gouvernement
fédéral Une fois qu'ils sont sur notre sol, il faut avoir une
attitude humaine envers eux. Je pense bien que ça, c'est un premier
point Les pays d'accueil sont pris avec ce problème à
l'échelle internationale aujourd'hui.
Nous avons notre part qui est importante, mais ce n'est pas une grosse,
grosse affaire, finalement. Il n'y a personne qui décide qui va venir.
C'est eux autres qui décident de venir par des moyens qu'ils
emploient.
Deuxièmement, en ce qui touche la réunion des familles, je
pense bien qu'il n'y a personne qui va s'opposer à ce qu'un immigrant
qui est ici fasse venir sa femme, ses enfants et ses parents dans certains cas.
C'est ça qui est la politique. De ce point de vue là, nous
n'avons pas de contrôle immédiat et je pense que c'est des
considérations humanitaires qui passent avant même les questions
de juridiction. J'espère que ça restera comme ça
longtemps. (11 h 45)
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Il faut
reconnaître, en terminant là-dessus, que l'entente
Gagnon-Tremblay-McDougall est une entente qui confie au Québec toute la
question de l'accueil et de l'intégration. C'est dans ce sens-là
que le Québec a acquis des pouvoirs considérables
supplémentaires et c'est dans ce sens-là que nous pouvons
peut-être maintenant envisager, sans modifier du tout la Constitution
canadienne, une meilleure participation des organismes gouvernementaux dans
l'objectif ultime que poursuit le ministre. Et c'est important de le souligner.
Je ne pense pas que cette commission puisse faire abstraction de
l'objectif.
Nous étudions finalement les crédits qui sont
confiés au ministre pour l'application de la Charte de la langue
française qui a, comme objectif, la francisation de la
société québécoise. Et tout ce qui touche à
ça ne peut être étranger à cette commission au
moment où on se parle. Tout ce qui touche la francisation de la
collectivité québécoise, la survie de la langue
française, son développement, son épanouissement doit
être du ressort de cette commission-là dans l'étude des
crédits. Et c'est dans ce sens-là que j'ai invité le
ministre à nous faire part de ses réflexions. Mme la
députée.
Traitement des plaintes par l'OLF
Mme Blackburn: Article 46, oui, de la loi, sur les obligations
faites. Bon. C'est marqué "employés d'Hydro-Québec". Vous
me voyez venir un peu. "Il est interdit à un employeur d'exiger pour
l'accès à un emploi ou à un poste la connaissancce d'une
langue autre que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de
la tâche ne nécessite la connaissance de cette langue. Il incombe
à l'employeur de prouver à la personne intéressée,
à l'association de salariés intéressée ou, le cas
échéant, à l'Office de la langue française que la
connaissance de l'autre langue est nécessaire. L'Office de la langue
française a compétence pour trancher le litige, le cas
échéant."
Et les données qu'on a sont les suivantes, les statistiques:
dossiers en attente: 38, au 1er avril; nouveaux dossiers: 11, pour un total de
49. Dossiers réglés: la décision sur le fond: 1;
désistements: 21, pour 22 dossiers réglés. Alors, la
décision sur le fond, c'était l'anglais n'était pas
nécessaire et j'imagine que la personne a eu gain de cause. Et les
dossiers en attente au 31 mars 1991: 27. Est-ce que ça n'apparaît
pas un peu... Je veux dire, ces désistements, ça veut dire que
les personnes se découragent. Ça prend combien de temps à
traiter ce genre de dossiers là?
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Avec votre consentement, j'aimerais que le
président-directeur général de l'Office de la langue
française fournisse des précisions en réponse à
cette question de la députée de Chicoutimi.
Le Président (M. Doyon): Très bien. M. le directeur
général, voulez-vous vous identifier pour les fins du Journal
des débats, s'il vous plaît?
M. Rondeau (Jean-Claude): M. le Président...
Mme Blackburn: Jean-Claude Rondeau.
M. Rondeau: ...ça se passe de la façon suivante.
Donc, les chiffres que Mme la députée de Chicoutimi a
mentionnés sont exacts. Ce qui explique la situation, je pense qu'il
faut voir les éléments suivants. D'abord, quand l'Office est
saisi de plaintes, il essaie de voir s'il n'y a pas moyen d'arriver à un
accord et on l'a fait auprès d'un certain nombre d'organismes parce que
le nombre de plaintes ne traduit qu'une partie de la réalité.
Dans la plupart des cas, ce ne sont pas des plaintes uniques. Ce sont plusieurs
plaintes qui concernent le même organisme. Par exemple, il y en avait
avec la ville de Montréal, il y en avait avec l'Université de
Montréal, il y en avait avec d'autres organismes du genre.
Ce que l'Office essaie de faire, c'est tenter une dernière
conciliation avant de devoir traiter la plainte, et on doit avouer que l'Office
a réussi, dans un certain nombre de cas. C'est ce qui explique, par
exemple, que cette année il n'y a eu - par exemple, depuis mon
entrée en fonction comme président de l'Office, au début
de septembre 1990 - qu'une seule audience sur un cas. Et, dans les autres cas,
ou bien ça s'est réglé à l'amiable, ou bien il n'a
pas été possible de convoquer les parties. Donc, contrairement
à ce à quoi je m'attendais, qu'il y en aurait de façon
très, très fréquente, c'est reporté.
Mais il est arrivé, et heureusement qu'il y a eu entente, que
l'organisme - parce que c'est
souvent des organismes publics qui sont concernés - a
modifié sa politique et donné raison à la personne qui
portait plainte. Dans d'autres cas, comme la députée de
Chicoutimi l'a indiqué, il y a des personnes ou des plaignants, des
plaignantes qui se sont désistés, de telle sorte qu'on arrive
actuellement à un nombre de plaintes, mais qui ne regroupe, je pense,
que trois ou quatre organismes. On les traite ensemble parce que,
habituellement, ce sont des plaintes qui sont venues du syndicat et le syndicat
a regroupé ces plaintes. Donc, on avait une session qui était
prévue pour jeudi dernier et elle a été annulée
à la dernière minute parce que les parties ne pouvaient pas
être présentes. Ça explique un peu la situation. Les
statistiques démontrent qu'il y a, quand même, une
amélioration sensible, par rapport à la situation qui
prévalait au 31 mars 1990, avec celle qui existe actuellement. Je
pourrais vous indiquer, par exemple, qu'un groupe de plaintes - il y en avait
sept ou huit dans la même action - a été retardé
parce que l'organisme en question a décidé de porter son affaire
devant la Cour supérieure, a demandé de trancher qui avait
juridiction entre l'Office de la langue et un arbitre dans le cadre desrelations de travail. Alors, évidemment, l'Office n'arien
à dire dans un cas pareil. Mais ça explique, par exemple, que
tout un groupe de sept ou huit, actuellement, l'Office n'y touchera pas tant
qu'il n'y aura pas eu un jugement de la Cour supérieure.
Mme Blackburn: Qui est allé à la cour? Parce que
c'est du domaine public.
M. Rondeau: Oui, c'est l'Université de Montréal
Mme Blackburn: L'exemple vient de haut.
M. Rondeau: M. le Président, le geste posé par
l'université est un geste tout à fait légal. C'est que,
dans ce domaine-là de l'examen des plaintes, il y a juridiction
concurrente entre le tribunal d'arbitrage et l'Office de la langue
française. La jurisprudence est à l'effet que le premier des deux
qui intervient le jugement tient. Mais les parties en cause peuvent demander,
ce qui apparaît leur droit absolument strict, une clarification des
responsabilités ou des juridictions auprès du tribunal
compétent. Ça s'est fait de façon tout à fait
civilisée, l'université informant l'Office de la démarche
qu'elle allait faire.
Mme Blackburn: Pourriez-vous nous ventiler les 22,
peut-être en nous faisant tenir, après, comment ça s'est
réparti?
M. Rondeau: Écoutez, de mémoire, si vous vouliez
avoir des détails sur chacun, il faudrait que...
Mme Blackburn: Oui. Les cas réglés par
désistement, par découragement et aussi la durée.
Quelqu'un qui, comme, par exemple, cette employée d'Hydro-Québec
qui s'est vu refuser... "Met à pied une employée temporaire parce
qu'elle ne parle pas suffisamment la langue anglaise", et ça, c'est
daté du 21 mars 1991. Dans ce genre de dossier là, si cette dame
présente son dossier chez vous, elle peut s'attendre à le voir
traité dans combien de temps?
M. Rondeau: M.le Président, je ne peux pas donner
une réponse dans l'abstrait, pour la raison suivante. Comme il s'agit
d'un tribunal administratif qui siège, il faut s'assurer que les parties
peuvent être présentes à une date donnée. Il faut
s'assurer également que les membres de l'Office ont quorum pour entendre
la cause. On a donc un certain nombre de problèmes d'arriver, comme
c'est le cas, je pense, des autres tribunaux administratifs, à trouver
des dates où on peut se...
Mme Blackburn: Bien. Alors, vous allez nous fournir ça, la
ventilation?
M. Rondeau: Oui, mais si, M. le Président, la
députée de Chicoutimi fait allusion à un cas de
congédiement, c'est plutôt...
Mme Blackburn: Oui.
M. Rondeau:... une question qui relève de la Commission de
protection et non de l'Office.
Application de l'article 113 f)
Mme Blackburn: Bien. Alors, le dossier de Rosemère.
À la suite du jugement Reeves prononcé en août dernier, le
Regroupement de la révision du statut linguistique de la ville de
Rosemère avait demandé à l'Office de reprendre la
procédure pour s'assurer que les démarches menant au retrait du
statut accordé par l'article 113 f) soient inattaquables par la ville de
Rosemère. D'abord, il faut rappeler qu'à Rosemère, la
langue maternelle française représente 68 % des résidents,
7104 personnes, la langue maternelle anglaise, 2287, 22 % et maternelle autre,
9, 6 %; donc, majorité aux francophones. Au moment où on a
posé cette question-là, l'Office s'engageait à
déterminer les critères d'appréciation qui lui
permettraient d'avoir une meilleure connaissance de chacune des situations
particulières. Moi, je voudrais savoir où en est le dossier. J'ai
ici des lettres qui ont été échangées entre le
comité et l'Office sur cette question et je me demande qu'est-ce
qui...
D'abord, le ministre nous avait dit, à l'époque, qu'il ne
songeait pas à modifier la loi. Moi, je veux revenir avec cette question
parce que ça n'est pas clair, langue d'usage et langue maternelle. Ce
qui était généralement convenu,
c'était langue maternelle, sauf qu'avec la langue d'usage vous
avez les allophones qui parlent anglais, on le sait, au travail et aussi dans
le commerce, ce qui vient conférer à une ville un statut de ville
bilingue, alors que la majorité des résidents, normalement,
seraient francophones.
Deux questions, donc: dans le cas de Ro-semère, où en
sommes-nous? Dans le cas plus général d'une modification à
la loi en vue de permettre une meilleure identification des groupes
linguistiques aux fins d'obtention d'un statut de ville bilingue, où en
sommes-nous?
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: ...en réponse à la première partie
de la question, je vais demander que vous autorisiez le président de
l'Office à dire où en est le dossier de Rosemère. Ensuite,
je traiterai du deuxième volet de la question, la politique du
gouvernement concernant les modifications possibles au régime actuel.
Ça va?
Le Président (M. Doyon): Très bien.
M. Rondeau: Alors, M. le Président, comme on l'avait
annoncé en conférence de presse après le jugement Reeves
concernant Rosemère, l'Office a décidé de se doter d'une
politique administrative lui permettant d'analyser avec plus de
précision peut-être à la fois les situations de
reconnaissance, donc de reconnaître que des organismes offrent des
services à une population de majorité autre que française,
et d'englober dans la même politique administrative les cas de ce qu'on
pourrait appeler avec un néologisme "déreconnaissance" des
mêmes organismes.
Alors, c'est un processus qui a été relativement long, qui
a impliqué l'ensemble du personnel de l'Office qui travaille sur le
terrain, parce qu'on voulait avoir l'expertise des personnes qui s'y
connaissent dans ces dossiers, ce qu'on appelle les organismes 113 f). On est
arrivé à énoncer à la fois les grandes lignes et
certaines modalités d'une politique administrative qui a
été discutée, dans un premier temps, au conseil de
l'Office, qui n'a pas encore été adoptée de façon
officielle, mais le processus devrait se terminer bientôt. Ce qui avait
été convenu à l'Office et annoncé en public, c'est
que l'Office ne regarderait pas ou n'examinerait pas d'autres situations, tant
qu'il ne se serait pas donné une politique administrative,
espérons-le, la plus claire possible.
Mme Blackburn: Et elle serait prête quand?
M. Rondeau: Très bientôt.
Mme Blackburn: C'est-à-dire encore?
M. Rondeau: C'est difficile de vous l'indiquer. Si je donnais une
date, ça voudrait dire que je pourrais préjuger de la
décision de l'ensemble des collègues de l'Office. Donc, c'est une
décision collégiale. Ce que je peux vous dire, c'est que c'est
à l'ordre du jour de la prochaine rencontre ou de la suivante. Je ne
peux pas préjuger que la décision qui sera prise par les membres
le sera à la première séance où le projet de
politique est à l'ordre du jour.
Mme Blackburn: Et cette politique sera rendue publique?
M. Rondeau: Elle est de nature publique. Est-ce qu'elle sera
rendue publique? À ce moment-là, on n'a pas pensé, M. le
Président, à des modalités. On était plutôt
concentrés sur l'adoption d'une politique qui nous paraîtrait
conforme à l'application de la Charte.
Mme Blackburn: Alors, d'ici le mois de juin, ça devrait
être adopté, si je vous comprends, si c'est rendu au conseil.
Qu'advient-il des 22 municipalités qui ont une situation comparable
à celle de Rosemère?
M. Rondeau: On avait convenu qu'on ne regarderait pas les autres
situations tant qu'on ne se serait pas donné, M. le Président,
une ligne de conduite plus claire. Alors, les chiffres ou les statistiques dont
Mme la députée de Chicoutimi peut faire état, ça
n'a pas fait l'objet de nouvelles analyses de la part du conseil de
l'Office.
Mme Blackburn: Une fois que vous aurez les critères en
main, votre politique en main, vous avez l'intention d'examiner le cas des
autres villes concernées ou faudra-t-il encore qu'on attende des
demandes expresses des citoyens?
M. Rondeau: La décision n'a pas été prise
par l'Office sur la manière de conduire ou d'appliquer la politique. (12
heures)
Mme Blackburn: Est-ce que le ministre a l'intention, M. le
Président, de modifier la loi pour apporter plus de précisions
quant aux classifications linguistiques?
M. Ryan: Quant à la..., à l'identification?
Mme Blackburn: Parce que le problème, si je ne m'abuse,
vient du fait qu'on parle de langue d'usage plutôt que de langue
maternelle.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Oui...
Mme Blackburn: Alors, comme on sait que
la langue d'usage des allophones, je le rappelais tantôt, dans
leurs communications, c'est souvent l'anglais - en tout cas, au travail, c'est
le cas de 58 % d'entre eux et c'est un peu le cas aussi lorsqu'ils vont dans
les centres d'accueil, les CLSC, les hôpitaux, ainsi de suite - est-ce
que le ministre a l'intention de changer, de modifier la loi?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je n'ai pas l'intention de proposer des modifications
à la loi dans l'avenir prévisible, mais je n'en ai pas moins
certaines opinions que je vais vous communiquer en partie. En ce qui touche la
langue des usagers, il n'y a pas de gros problèmes là. On a fait
des vérifications Que vous preniez la langue maternelle ou la langue
d'usage, ça peut comporter une différence d'un, deux ou trois
points de pourcentage en général. Ça ne fait pas une
grosse différence dans les statistiques afférentes à ce
sujet-ci que nous discutons présentement. Je ne pense pas qu'il y ait
lieu de... Je n'envisagerais pas de faire de modifications législatives
là-dessus. Il y aune série de critères qui peuvent
être empruntés, mais, généralement, les
résultats sont assez proches les uns des autres.
Ce qui me préoccupe dans cette disposition législative,
c'est le concept de majorité. Ça, je trouve que c'est un concept
qui est fort discutable, surtout quand il est présenté purement
et simplement dans un texte de loi comme ça. Vous avez une
municipalité qui a 51 % de ses résidents qui sont, disons, de
langue anglaise, conformément aux critères acceptables pour ceci,
que l'on prenne l'un ou l'autre de ceux dont nous avons parlé
tantôt, et ça tombe à 49 % au prochain recensement.
Normalement, si on interprète la loi dans son sens obvie, ça
voudrait dire qu'il faudrait lui enlever son certificat ou sa reconnaissance en
vertu de 113 f), à la lumière du dernier jugement de la Cour
supérieure, qui est un jugement respectable.
Je trouve que ce n'est pas une manière d'administrer la politique
linguistique de façon sage et humaine. Là, ça me pose une
difficulté. J'aimerais mieux que nous eussions, dans la loi, un concept
un petit peu plus souple, comme le concept, par exemple, des personnes, une
proportion substantielle ou quelque chose comme ça et le reste sujet
à interprétation par règlement, mais là on a
établi une norme éthique, morale presque. Il faut que tu sois 51
% pour avoir droit à une quelconque reconnaissance dans ta langue de la
part de ces organismes-là. Ça me paraît un petit peu
excessif.
Deuxièmement, nous sommes, en région
métropolitaine, dans des situations d'une grande mouvance. On a eu le
cas de l'hôpital St. Mary, qui a soulevé beaucoup de
difficultés ces dernières années. On se demandait si la
clientèle était rendue à 48 % francophone ou à 52 %
francophone. À mon point de vue, ça ne fait pas gros de
différence. C'est un très bon hôpital qui offre le service
en français et qui l'offre en anglais aussi. Je me dis: Qu'est-ce qu'ils
veulent de plus? Alors, on peut se poser des questions là-dessus en
être raisonnable et en citoyen à l'esprit ouvert. Je me pose des
questions. Je n'ai pas trouvé encore les réponses. Et c'est pour
ça que, dans l'immédiat, je n'ai pas de modifications que
j'envisage de proposer dans un avenir prévisible, mais ça ne
m'empêche pas de constater certaines imperfections qui tombent sous le
sens commun.
Mme Blackburn: M. le Président..
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn:... ce n'est vraiment pas le cas de
Rosemère. Je voudrais demander au président si les chiffres que
j'ai cités tout à l'heure sont fiables, c'est-à-dire qu'il
y aurait 68, 4 % de la population qui seraient de langue maternelle
française. Est-ce que ça ressemble à la
réalité?
M. Rondeau: M. le Président, ça ne serait
sûrement pas une affirmation sous serment parce que je n'ai pas en
tête les statistiques pour l'ensemble des municipalités, mais je
dirais qu'à première vue les chiffres avancés par Mme la
députée de Chicoutimi m'apparaissent exacts pour la langue
maternelle.
Mme Blackburn: Alors, ceci m'amène à la
réflexion suivante. Le ministre trouve t il normal que les gens
puissent, au Québec, être obligés de faire de telles
démarches lorsqu'ils représentent 68 % de la population d'une
ville? Je trouve ça un peu étonnant. Alors, on va attendre la
suite des événements.
Je voudrais donc aborder l'autre question sur les organismes reconnus en
vertu de l'article 113 f). Vous nous avez remis une liste des organismes de
santé et de services sociaux, et il y a plus que ça
là-dedans. Il y a également des organismes municipaux et des
villes. Ici. je vois le Centre hospitalier de St. Mary - je vois ici le 16 mars
1990 - qui aurait un plan de service, mais qui n'aurait pas de certificat de
conformité, celui justement dont parlait le ministre tout à
l'heure; l'hôpital Douglas, qui n'a ni l'un ni l'autre; l'hôpital
Reine Elizabeth - c'est, quand même, un hôpital important - qui n'a
ni plan de service approuvé, ni certificat de conformité;
l'Hôpital général de Montréal; l'Hôpital
général du Lakeshore Là, j'arrête là-dessus
quelques secondes parce que c'est dans un milieu où on a de plus en plus
de francophones et c'est le seul hôpital dans l'ouest de I'île de
Montréal, pour les petites villes de ce secteur-là. Et il n'a ni
certificat de conformité, ni plan de service.
Est-ce que c'est normal, quand on sait que
l'Hôpital de Chicoutimi, moins d'un an après l'adoption de
la loi 142 sur les services en anglais, avait un plan de service et un
certificat de conformité? Est-ce que c'est normal alors que, à ce
moment-là, la ministre de la Santé et des Services sociaux a
investi, par le biais des conseils régionaux de la santé et des
services sociaux pour s'assurer que les anglophones auraient des services dans
une région comme la mienne où, finalement, ça
représente une minorité? Ce n'est pas que je questionne leur
droit à avoir des services de santé dans leur langue, mais je
questionne la priorité... Quand je regarde dans l'ouest de l'Ile de
Montréal, les petites villes auraient entre - ça varie, là
- 40 % et 60 % des résidents qui sont francophones, et le seul
hôpital dans le secteur est anglophone et n'a même pas de
certificat de conformité non plus que de plan de service. Moi, je veux
bien que le ministre travaille par persuasion, par la dynamique de groupe, mais
je voudrais que ça donne des résultats. Curieusement, c'est
toujours les mêmes qui sont pénalisés.
M. Ryan: Regardez, une couple de remarques préliminaires,
ensuite je vais demander à M. Rondeau de compléter pour les cas
particuliers. D'abord, le progamme de francisation comme celui qui est
exigé des organismes reconnus en vertu de l'article 113 f) n'est pas du
tout de même nature que le programme de fourniture de services en langue
anglaise exigé des organismes de santé et de service social
à travers les différentes régions du Québec. J'ai
vu ces programmes, moi, dans la région des Laurentides et je vous assure
qu'ils n'ont pas changé grand-chose à la situation qui existait.
Les exigences sont réduites au strict minimum, il y a bien des
exceptions qui sont prévues, tandis que les programmes que doivent
mettre au point les organismes reconnus en vertu de l'article 113 f) vont pas
mal plus loin, à ma connaissance. Ça, c'est une première
distinction qui est importante si on veut faire des comparaisons.
Deuxièmement, en ce qui touche l'hôpital St. Mary, le
président de l'Office est allé lui-même remettre le
certificat de francisation récemment, après avoir
été satisfait quant au programme qui devait être mis au
point par cet établissement. Ça, j'en étais très
heureux et c'est pour ça que j'en ai parlé en toute
liberté tantôt.
En ce qui touche les autres établissements, si le
président veut nous dire où il en est rendu dans son travail,
ça va m'instruire autant que la députée de Chicoutimi.
Le Président (M. Doyon): M. le président.
M. Rondeau: M. le Président, il y a, évidemment,
des renseignements globaux qui ont été fournis. Dans le cas des
quelques exemples que Mme la députée de Chicoutimi a
présentés, donc, à part le cas de St. Mary qui, pour nous,
est maintenant réglé, il en reste un certain nombre. Les
conseillers et conseillères, donc, qui travaillent sur le terrain notent
que ça progresse, mais l'un des facteurs qui bloquent le plus est un
facteur, d'ailleurs, prévu dans la Charte, à l'effet que les
mesures à mettre en place pour la francisation doivent tenir compte de
l'âge des personnes qui sont au travail. Et, dans un certain nombre de
cas, je dois dire que c'est un obstacle, c'est-à-dire que, quand on a
des employés qui sont unilingues, qui ont travaillé au
Québec depuis très longtemps et qui, malheureusement, n'ont pas
appris le français, c'est pratiquement inhumain de les forcer à
parler français. Donc, ils ne répondent pas aux exigences de la
Charte. On ne peut pas terminer l'opération, en particulier dans les
centres hospitaliers où c'est le plus fréquent, et ça
explique, en bonne partie, la difficulté de régler rapidement des
dossiers. Mais il n'y a pas de résistance de la part des organismes. Ce
n'est sûrement pas de la mauvaise foi. On avance et, d'ailleurs, la
comparaison des statistiques avec celles de l'année dernière
démontre qu'il y a eu des progrès significatifs dans les trois
secteurs, donc, organismes municipaux, de santé et de services sociaux
et scolaires. Maintenant, pour répondre à chacun, là,
vraiment, je demanderais à quelqu'un d'apporter des précisions
sur chacun des organismes. Je ne pourrais pas répondre séance
tenante sur les difficultés qui sont spécifiques à l'un ou
l'autre des organismes.
Mme Blackburn: Parce que vous savez que ces questions
revêtent un caractère particulier dans des cas plus
spécifiques. Là, je pense à Lakeshore.
M. Rondeau: Oui.
Mme Blackburn: II me semble qu'il devrait y avoir... En
même temps, je reconnais le caractère humanitaire ou la
difficulté que ça pose par rapport aux employés plus
anciens. Cependant, la loi a été adoptée, il faut se le
rappeler ici, en août 1977. Ça va faire 14 ans. Vous savez, 14
ans, je veux bien que cet argument-là serve, mais hein, s'il sert encore
20 ans, ça veut dire 34 ans, là, il y a quelque chose qui ne va
pas, il y a un manque de volonté quelque part.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: ...je pense qu'il est important de tracer le bilan
général de la situation. Nous avons connu une amélioration
considérable depuis deux ans. Je me souviens qu'on avait attiré
l'attention de la commission. La première année où je suis
venu défendre les crédits du ministère responsable de
l'application de la Charte, on s'était rendu compte qu'il y avait
beaucoup
d'organismes reconnus en vertu de l'article 113 f) qui n'avaient pas
soumis de plan de service. Mais, depuis ce temps-là, les choses ont
évolué considérablement. En matière scolaire, par
exemple, le total des organismes reconnus est de 29 et ceux qui ont eu un plan
de service approuvé est de 25. En matière municipale, le total
des organismes reconnus est de 107, dont un certain nombre sont dans mon
comté 90 ont un plan de service qui a été approuvé.
Les municipalités de mon comté ont toutes des plans de service
approuvés. Ceux-là, je pense que vos militants ne les ont pas
vus.
Mais je voudrais dire une chose pour soutenir ce qu'a dit M. Rondeau.
J'ajouterai que, dans mon comté, on vit vieux, je vous avertis. Les gens
durent longtemps. Quand une personne aoccupé un poste, 10 ans
d'application d'une loi, ce n'est pas long pour elle. On en a qui ont des 25,
30, 35 ans d'états de service. Par conséquent, ça prend un
petit peu de temps. C'est comme les chênes: ça mûrît
lentement et puis ça meurt lentement. Mais, dans l'ensemble, je pense
que les statistiques que nous avons indiquent, à n'en point douter, la
progression très encourageante qui s'est produite. Il manque les
organismes du secteur de la santé. Je pense que ça serait
important d'avoir les données aussi: 80 sur 88 ici. 88
établissements reconnus, 80 qui ont des plans de service
approuvés. Mais ça va devenir dangereux parce que nous allons
être près d'une perfection que je ne croyais pas atteignable de
mon vivant.
Mme Blackburn: C'est un genre de perfection qui nem'inquiète pas!
M. Ryan: Qui vous inquiète?
Mme Blackburn: Qui ne m'inquiète pas!
M. Ryan: Ah bon! Là, nous sommes parfaitement
d'accord.
Des voix: Ha,ha, ha!
Mme Blackburn: Et je ne demande pas mieux qu'à vous
féliciter quand ça va bien.
M. Ryan: Merci. Vous voyez qu'il y a plusieurs sujets de
félicitations aujourd'hui.
Mme Blackburn: Ah! Là, laissez-m'en être le
juge.
M. Ryan: Ha,ha, ha!
Mme Blackburn: Vous parlez de vos municipalités et des
citoyens qui n'auraient pas vu ces situations où il y avait eu une
conformité en vertu de l'article 113 f) Est-ce que le ministre ou le
président, M. Rondeau peut nous dire, des 22 autres municipalités
qui sont dans une situa- tions comparable à celle de Rosemère, il
y en a combien dans le comté d'Argenteuil?
M. Ryan: Je le corrigerai s'il nous calomnie M.Rondeau: Vous en avez l'habitude. M. Ryan: Ha,ha, ha!
Mme Blackburn: J'imagine qu'il a dû faire un inventaire.
Connaissant bien M. Rondeau, il a certainement fait un inventaire.
M. Rondeau: M. le Président, pour répondre à
la question de Mme la députée de Chicoutimi, il faudrait que,
déjà, je fasse état des critères que l'Office veut
considérer dans l'examen des situations, donc, des organismes où
il n'y aurait pas la majorité dont parle la loi. L'orientation que prend
l'Office est de travailler avec plusieurs critères. Avant de faire
l'examen des situations que je dirais frontières ou limites, il faut
d'abord que l'Office ait déterminé les critères qu'il veut
retenir comme devant faire partie du jugement de reconnaissance ou de
non-reconnaissance. Quant aux statistiques qui existent et qui sont
publiées par Statistique Canada sur le poids relatif des francophones et
des anglophones, c'est une information en termes de langue maternelle ou de
langue d'usage. Il s'agit là de renseignements publics et qui sont
disponibles. Je n'ai pas d'informations additionnelles. (12 h 15)
Ce que l'Office essaie de faire, c'est regarder, avoir un regard plus
vaste sur cette question-là pour rendre justice aux organismes, à
la fois selon l'esprit et la lettre de la Charte Donc, c'est pour ça
qu'à ce stade-ci je ne pourrais pas donner d'autres informations que
celles qui sont déjà rendues publiques par Statistique
Canada.
Mme Blackburn: Bien. Est-ce que je dois comprendre de votre
réponse qu'indiquer le nombre de municipalités concernées
aurait comme effet de dévoiler un peu vos critères? Est-ce que je
dois comprendre que vous êtes en train de faire, un peu comme le ministre
le faisait tantôt et Ghislain Dufour l'autre jour, que la majorité
ne serait plus une majorité? J'ai vu le ministre s'en aller un petit peu
dans cette direction-là tantôt en disant: Vous savez, la
majorité, moi, je ne suis pas sûr que... Est-ce que c'est
ça que je dois comprendre de votre intervention
M. Ryan: Non.
Mme Blackburn:... que vos critères ou votre politique vont
avoir comme effet d'interpréter la majorité?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre
M. Ryan: Regardez, en ce qui mo touche, je voudrais que les
choses soient claires. J'ai émis une critique à l'endroit de la
loi dans sa teneur actuelle et je la réitère volontiers. Je n'ai
pas dit que j'allais me servir de mon opinion personnelle pour qu'on torde
l'application de la loi. Je n'ai pas dit ça du tout. Je suis responsable
de l'application de la loi. Je ne suis pas obligé de penser comme le
législateur sur tous les points. J'ai droit à mon opinion comme
citoyen.
Mme Blackburn: À ce moment-là, il faut modifier la
loi.
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: À ce moment-là, lorsque le ministre
est responsable de la loi...
M. Ryan: Si la loi n'est pas modifiée, la loi doit
s'appliquer.
Mme Blackburn:... il faut la modifier. M. Ryan: La loi
doit s'appliquer. Mme Blackburn: C'est ça.
M. Ryan: Maintenant, là, il s'agit de
déterminer...
Mme Blackburn: Si elle n'est pas modifiée, ça
peut...
M. Ryan:... certaines modalités suivant lesquelles elle
s'appliquera et c'est là que nous serons saisis prochainement des
nouvelles déterminations qu'est en train d'arrêter l'Office
à cette fin. Mais moi-même - le président peut en
témoigner, je le pense bien - je ne m'ingère point dans le
processus d'examen que poursuit l'Office pour l'instant.
Mme Blackburn: Bien.
M. Ryan: Je n'ai pas compris la question pour Argenteuil. Il y
avait une partie qui regardait Argenteuil dans votre question. Est-ce que
j'ai... Non?
Mme Blackburn: Je ne comprends pas bien.
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Vous dites que?
M. Ryan: Est-ce qu'il y avait une partie de votre question qui
portait sur Argenteuil?
Mme Blackburn: Oui. Je demandais simplement, dans les 22 autres
municipalités répertoriées qui étaient dans la
situation de Rosemère, combien de ces municipalités se
retrouvaient dans le comté d'Argenteuil, convaincue que j'étais
que le président, connaissant son efficacité, était
certainement allé voir.
M. Ryan: Était allé voir?
Mme Blackburn: Pour voir combien il y en avait qui étaient
dans votre comté.
M. Ryan: S'il veut venir dans le canton de Harrington, on va
l'amener.
Le Président (M. Doyon): M. ledéputé
de LaFontaine.
M. Gobé: Merci, M. le Président. Juste pour faire
suite à une remarque de ma collègue de Chicoutimi, que
j'écoute toujours avec beaucoup d'attention. Lorsqu'elle a
mentionné les propos tenus par le président du Conseil du
patronat, M. Ghislain Dufour - et c'est pertinent, vous allez voir, à
votre remarque en particulier - j'ai eu l'occasion, moi aussi, de le lire et
d'en discuter avec lui. Je crois que ce qu'il voulait dire et ce qui est, c'est
que dans certains pays, pour certaines questions et certains sujets
extrêmement importants, à titre d'exemple, la France, lorsqu'on
parle de vote sur des choses aussi importantes que la constitution du pays,
elle doit être adoptée à la majorité des deux tiers.
Bon. Nous aussi, au Québec, on sait qu'on a un certain nombre de votes
qui se prennent pour des nominations de personnages, de présidents. On a
vu que M. Paul-André Comeau, le président de l'office
d'accès à l'information, n'avait pas pu être nommé
parce qu'un député s'était... On n'avait pas obtenu la
majorité. Je crois qu'il faut faire attention avant de laisser courir
des bruits en disant qu'on est prêt à changer les règles de
la majorité, à ne pas les reconnaître.
Ce que M. Dufour voulait dire, c'était que...
Mme Blackburn: M. le Président, si vous permettez. M. le
Président, un rappel à l'ordre, s'il vous plaît.
M. Gobé:... pour les sujets qui concernent la constitution
et, donc, qui sont à même...
Mme Blackburn: M. le Président, ça n'a aucun
rapport avec les crédits du ministre.
Le Président (M. Doyon): M.le
député, je vous demanderais...
M. Gobé: Je termine, M. le Président, parce que
c'est important.
Le Président (M. Doyon): M.le
député, je suis obligé de vous rappeler à
l'ordre.
M. Gobé: Oui, je termine.
Le Président (M. Doyon): Cette question n'a pas de rapport
avec le débat actuel de cette commission.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Doyon): Mme la députée,
vous avez la parole.
Commission de protection de la langue
française
Mme Blackburn: Merci. Alors, donc, le dossier de la Commission de
protection de la langue française et les enquêtes. Les plaintes
portent encore majoritairement sur quatre secteurs, comme on a pu l'apprendre
à la lumière des informations qui nous ont été
fournies: l'affichage public commercial, 1363; inscription des produits et
étiquetage, 419; raisons sociales, 323; droits linguistiques
fondamentaux, 242.
Les inspections En 1988-1989, 3733; 1989-1990, 6121 et 1990-1991, 3834.
L'an dernier, la Commission expliquait le plus grand nombre d'inspections par
un plus grand nombre d'inspecteurs. Il y acomme un rapport direct et
normal. En 1985-1986, ily avait 1584 demandes d'enquête parle public, qui se soldaient par 249 transmissions au Procureur
général; en 1990-1991, le nombre de demandes d'enquête
augmentait à 2798 et le nombre de transmissions au Procureur
général diminuait, chutait à 54. C'est certainement la
mesure persuasive du ministre qui entrait en ligne de compte.
Ces statistiques ne viennent-elles pas appuyer les propos du
président du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec
qui affirmait, récemment, que la réduction constante des
poursuites en matière de langue d'affichage dépend davantage du
manque de volonté politique d'appliquer la loi avec rigueur que de la
volonté des commerces de s'y conformer? C'est la question qu'on...
Plaintes rejetées
J'aurais un certain nombre de questions. Il y a cette question et la
seconde qui touche le nombre de dossiers rejetés. Moi, je dois vous
direque ça, ça m'inquiète et ça me
préoccupe. J'ai ici, parce que les citoyens m'ont envoyé des
photos... Il y en avait une dans Le Soleil, ce matin. J'en ai une
vingtaine qui présentent, d'évidence, à les regarder
là, pas une dérogation, mais un manquement à la loi 101 en
matière d'affichage.
J'imagine que la présidente, quand elle se déplace, le
voit aussi. Le ministre aussi. Ça, c'était dans le comté
du ministre aussi. J'en ai une vingtaine. Si je veux déposer une
plainte, j'ai le nom, l'adresse du propriétaire, la dale où la
photo a été prise. Ça me prend quoi en plus? Parce qu'il y
a un problème. Curieusement, on s'étonne qu'il y ait moins de
plaintes de portées, mais, par ailleurs, il y a de plus en plus de
dossiers qui sont rejetés. L'an passé, c'était 23 % des
dossiers qui étaient rejetés et, là, c'est 26 %. Quelle
formation ça demande à celui qui veut porter plainte pour qu'il
puisse le faire? Est-ce que c'est devenu une affaire de professionnels?
Le Président (M. Doyon): M.le ministre.
M. Ryan: Tout d'abord, une remarque générale
à ce sujet-ci. La députée de Chicoutimi laisse entendre,
dans un article que j'ai lu dans Le Soleil, ce matin, qu'il y aurait une
augmentation inquiétante du nombre de demandes jugées
irrecevables. C'était dans Le Soleil de ce matin, ça,
hein? Regardez. La porte-parole de l'Opposition s'inquiète. Il y a
augmentation du nombre de demandes, de plaintes déclarées
irrecevables. "Est-ce qu'on demande au citoyen de monter un dossier comme s'il
était un avocat? se demande Mme Blackburn. "
Les chiffres parlent un autre langage. Pour l'année 1989-1990,
853 plaintes furent jugées irrecevables et, pour l'année
1990-1991, 717. Donc, c'est une réduction de 136. Ça veut dire
à peu près..., une réduction substantielle, en tout cas.
Par conséquent, il n'y apas le mal dont on a parlé. Si on
veut avoir des explications sur la nature des demandes qui ont
été jugées irrecevables, là, il faut se reporter
d'abord aux dispositions de la loi. On dit que les
commissaires-enquêteurs doivent refuser d'enquêter - ce n'est pas
un caprice, le législateur leur fait un devoir de refuser
d'enquêter - dans les cas où ils n'ont pas la compétence
voulue aux termes de la présente loi.
Alors, si on lui présente un cas qui ne relève pas de la
compétence de la Commission de protection de la langue française,
il est obligé de déclarer que cette plainte-là est
irrecevable en ce qui la touche. Si c'est une question qui relève du
Protecteur du citoyen ou de la Commission des droits de la personne, même
chose. II peut arriver que le motif de la demande n'existe plus au moment
où celle-ci est déposée.
En matière d'affichage, vous avez de l'affichage temporaire. Un
commerce d'alimentation fait une vente d'une journée ou deux. Il y a un
zélote qui a eu le bonheur de passer là ce jour-là; il a
vu ça et, tout de suite, il envoie une plainte à la Commission.
On envoie des gens vérifier le lundi suivant. La vente avait lieu le
samedi; c'est fini. Là, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse?
Mme Blackburn: Est-ce que, dans ces cas-là, il y a au
moins un avertissement qui est fait?
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: Ça veut dire qu'ils n'ont qu'à tenir
leur vente...
M. Ryan: Dans ces cas-là...
Mme Blackburn: ...pendant trois jours et, après
ça...
M. Ryan: On demandera tantôt...
Mme Blackburn: ...ils enlèvent tout ça et c'est
fini. Une semaine après, ils recommencent. C'est ça, le
cycle.
M. Ryan: Le président expliquera la procédure qui
est suivie. Moi, j'essaie de faire voir la complexité du réel
qu'a sagement prévue le législateur, d'ailleurs. "Le motif de la
demande n'existe plus au moment où celle-ci est déposée."
C'est clair. Ils ont la conviction que la demande est frivole ou faite de
mauvaise foi. Il est arrivé même que des fonctionnaires se
servaient de leur temps de travail et des voyages qu'ils faisaient à
l'extérieur pour s'ériger en police linguistique. On leur a
demandé de faire leur travail propre et de ne pas s'ériger en
gardiens de conscience de tout le Québec. Ils avaient un mandat
précis, mais il y en a qui débordaient facilement. Alors, il y a
tous ces cas-là.
À part ça, c'est marqué que "la demande doit
être faite par écrit, acommpagnée de renseignements
établissant les motifs et l'identité des requérants."
Ça doit être une plainte signée, j'imagine. Si on veut
établir clairement une identité, il faut qu'il y ait une
signature. Autrement, juste une mention d'adresse au dactylo, ça ne veut
rien dire. Alors, c'est pour ça qu'il y a ces cas-là. Je pense
que 717 dans une année sur l'ensemble des plaintes reçues, c'est
à peu près le quart. Moi, je ne suis pas étonné
outre mesure. Je pense que c'est mieux que ce tamisage soit fait. Il a
été un temps où il n'était pas fait, le tamisage.
À ma connaissance, c'est chacun qui recevait les plaintes et en
disposait à son libre gré. La présidente a pris
l'initiative d'instituer un comité de tamisage, il y a deux ou trois
ans, qui fait un premier tri. Ensuite, les demandes sont acheminées aux
commissaires-enquêteurs. Je pense que c'est une très bonne
façon de procéder qui permet de gérer ce secteur-là
de façon plus rationnelle, plus ordonnée surtout. Ça
évite que chacun s'érige en juge, ce qui n'est pas le statut de
ces gens-là.
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: ...d'abord, je veux corriger l'impression que le
ministre laisse, encore une fois, que je ne suis pas capable de lire des
chiffres. Quand je dis qu'il y a une augmentation, c'est en pourcentage. Comme
il y a moins de plaintes, qu'on est passé de 3545 à 2798, alors
717 sur 2798, ça fait aux alentours de 26 %. Et 853 sur 3545, ça
fait environ 21 %. Donc, il y a une augmentation réelle des dossiers qui
sont rejetés ou qui ne sont pas retenus.
Ma question était simple: Est-ce que, pour les gens qui veulent
porter plainte... Et, encore une fois, je déplore qu'on laisse cette
responsabilité aux citoyens parce que, normalement, c'est l'Office qui a
la responsabilité de faire ça. Ce n'est pas compliqué.
C'est inscrit dans la loi. L'Office peut mener des enquêtes parce que
c'est exactement...
M. Ryan: C'est une commission.
Mme Blackburn: ...le même problème qui se pose
lorsque la Sûreté ou certains corps de police vous demandent de
dénoncer ceux qui font des excès de vitesse sur la route.
Ça n'a pas de bon sens. Ça s'appelle de la délation et je
n'ai jamais trouvé que c'était très normal. Mais, comme il
faut fonctionner exclusivement sur la présentation de plaintes, peut-on
me dire: Si je vous envoie et que je signe, voilà, je porte plainte,
c'est à telle adresse, route 324, et que, là, j'ai toute une
série de photos, la date, le propriétaire, c'est suffisant?
M. Ryan: Regardez...
Mme Blackburn: En autant que ça rentre dans de l'affichage
public, ce qui m'apparaît évident.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, votre
réponse terminera le temps qui nous est alloué cet avant-midi;
après quoi, nous suspendrons jusqu'après les affaires
courantes.
M. Ryan: Oui, cet après-midi, je souhaite que nous
donnions l'occasion à la présidente de la Commission d'expliquer
un petit peu comment le travail se fait. Je voudrais juste faire une
rectification de faits. Cette année, 1990-1991, le pourcentage des
demandes qui ont été jugées recevables: 26 %, disait la
députée de Chicoutimi. Je pense que le pourcentage est exact.
L'année précédente, elle a dit que c'était la
même chose, 24 %. On fera les calculs chacun de notre côté
pendant l'intermission. Une différence de deux points de pourcentage, il
faudra prendre ça sur une échelle de temps beaucoup plus longue,
ça ne veut rien dire. C'est mon humble opinion.
Le Président (M. Doyon): Merci. Nous prendrons la
réponse de Mme La Présidente après les affaires courantes.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président (M. Gobé): La commission de
la culture va maintenant reprendre ses travaux qui sont de
procéder à l'étude des crédits budgétaires
des organismes relevant du ministre responsable de l'application de la Charte
de la langue française, pour l'année financière
1991-1992.
Alors, nous en étions au programme 1.
Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais savoir combien
il reste de temps.
Le Président (M. Gobé): C'est ça, justement,
que je suis en train de vérifier avec le secrétariat.
Mme Blackburn: Parce que là, ce matin...
Le Président (M. Gobé): II reste 1 heure et 10
minutes, Mme la députée.
Mme Blackburn: 1 heure et 10 minutes, ce matin. Oui.
Le Président (M. Gobé): Nous avons commencé
10 minutes en retard; il reste 1 heure.
Mme Blackburn: Bien.
Le Président (M. Gobé): Donc, il est 15 h 50. Nous
terminerons à 17 h 10.
Mme Blackburn: 15 h 50.
Une voix: II reste 1 heure et 10; on va terminer à 17
heures.
Le Président (M. Gobé): Ah! O. K. Oui, d'accord.
Oui, oui, vous avez raison. Nous terminerons à 17 heures.
Ceci étant dit, je crois que la parole est à M. le
ministre.
M. Ryan: Ce matin...
Mme Blackburn: II y avait une question qui était sur la
table, au moment où on a ajourné.
Le Président (M. Gobé): Je dois dire que je ne
présidais pas à la suspension. Alors, c'est pour ça qu'il
y a un peu...
Mme Blackburn: Oui, d'accord.
M. Ryan: Oui, j'étais en train de compléter une
réponse à une question lorsque nous avons été
interrompus par l'heure du déjeuner. Je pense que j'avais
rectifié une couple de statistiques sur le nombre de demandes qui
avaient été jugées irrecevables. Puis, ensuite, j'avais
laissé entrevoir que nous pourrions peut-être laisser la parole
à la présidente de la Commission de protection de la langue
française pour qu'elle puisse nous dire comment s'accomplit le traite-
ment des demandes dont est saisie la Commission et peut-être qu'elle nous
donne aussi son appréciation sur l'évolution observée au
cours de la dernière année.
Le Président (M. Gobé): Je pense que ça sera
comme ça. Nous allons procéder de cette façon-là,
avec l'accord tacite de Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Pourvu que ce ne soit pas trop long, parce
que...
M. Ryan: Même explicite. Pas seulement tacite,
j'espère.
Le Président (M. Gobé): Ce n'est jamais trop long
avec vous, M. le ministre.
Mme Blackburn: Ce genre de chose là me surprend. Je pense
même qu'il ne se trouve pas drôle.
Le Président (M. Gobé): Nous allons donc
procéder.
Mme de Fougerolles (Ludmila): Alors, brièvement...
Mme Blackburn: Accord tacite et implicite.
Mme de Fougerolles: M.le Président, pour formuler
une plainte à la Commission de protection, pour répondre à
la question de Mme la députée, il faut que la plainte soit
formulée par écrit, que le requérant s'identifie, qu'elle
sort signée et que les motifs de la demande d'enquête soient
précisés En d'autres mots, il faut identifier
l'établissement et la nature de la dérogation.
Lorsque la plainte arrive à la Commission, elle est passée
par un comité de tri qui examine toutes les plaintes et regarde si,
prima facie, la demande d'enquête est recevable ou pas. Les motifs
invoqués pour la non-recevabilité sont ceux qui sont
indiqués à la Charte, aux articles 176 et 177 que M. Ryan avait
indiqués.
Une fois que la plainte est déclarée recevable, un dossier
est ouvert. Il est attribué à un commissaire-enquêteur qui
procède à l'enquête. Donc, brièvement, c'est le
processus d'une enquête recevable. Si la demande d'enquête est
jugée irrecevable par le comité de tri, nous prenons contact avec
le requérant. Il en est avisé. On lui dit pourquoi sa demande
d'enquête n'est pas recevable.
Mme Blackburn: Alors, quand elle n'est pas recevable, c'est que
ça ne relève pas de la compétence de la Commission ou
encore que... Est-ce que vous avez une ventilation?
Mme de Fougerolles: Oui, il y a plusieurs
motifs, en s'appuyant sur les motifs invoqués aux articles 176 et
177. Si ce n'est pas de la compétence... Par exemple, si nous recevons
une plainte sur un établissement fédéral, nous n'avons pas
compétence. Lorsque nous recevons des plaintes sur les marques de
commerce, nous ne pouvons pas intervenir parce que c'est du domaine
fédéral. Lorsqu'il n'y a pas de dérogation, lorsque la
plainte est non fondée... Par exemple, les règlements
spécifient qu'on peut afficher une raison sociale avec un
spécifique en langue étrangère, du moment qu'il est
assorti d'un générique en langue française. Alors, nous
recevons beaucoup de plaintes, par exemple, sur Restaurant Five Seasons. Du
moment qu'il y a "restaurant", il y a un générique, donc, ce
n'est pas contraire à la Charte. C'est permis par l'article 18 du
règlement.
Mme Blackburn: Bien. M. le Président, avec votre
autorisation, je voudrais déposer ce document-là et vous
demander, comme ça, juste à vue de nez, si de telles
dérogations feraient considérer la plainte formulée comme
acceptable.
Le Président (M. Gobé): Oui, on peut le distribuer
pour consultation aux membres. Ce n'est pas un dépôt parce qu'on
n'est pas...
Mme Blackburn: II faudrait peut-être faire des
photocopies.
Le Président (M. Gobé): Faire des photocopies,
peut-être, et le faire distribuer. Il n'y a pas de problème. Vous
auriez pu le faire avant, pour que l'on sache de quoi nous parlons.
Mme de Fougerolles: Je vais d'abord le regarder.
Mme Blackburn: À présent...
M. Ryan: Ça prend le comité pour
décider.
Mme Blackburn: Alors, comme le ministre...
Mme de Fougerolles: Je ne décide pas toute seule, mais
est-ce que...
Mme Blackburn: ...estime toujours que j'en mets plus que moins,
je voudrais lui dire qu'il y a 13 photos là, alors que je parlais de 10,
ce matin, et qu'il y en a autant dans le bureau. Mais c'est celles qu'on a eu
le temps de monter. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'attendre
la réponse. C'est juste pour avoir une appréciation.
Inspections
À la Commission de protection de la langue, certains commissaires
prétendent qu'il y a une espèce de volonté de diminuer le
nombre de plaintes en en jugeant de plus en plus comme étant
irrecevables et que les commissaires-enquêteurs n'auraient pas le droit
ou ne seraient pas invités à signaler les autres contraventions
à la loi, lorsqu'ils se présentent dans un établissement.
Alors, ils y vont sur une plainte pour une enquête et, lorsqu'ils
constatent qu'il y a d'autres infractions a la loi, ils ne seraient pas
invités à enquêter sur les contraventions à la loi,
autres que celle qui a été soumise à l'attention de la
commission.
Mme de Fougerolles: Vous voulez que je réponde, M. le
ministre?
M. Ryan: C'est aussi bien d'avoir la réponse directement
de la source, hein!
Mme de Fougerolles: Effectivement, si nous avons une plainte
portant sur l'affichage, par exemple, si on a une plainte sur l'affichage d'un
camion, alors l'inspecteur qui se présente va vérifier
également l'affichage extérieur, tout ce qui a trait au
même article, c'est-à-dire l'article 58. Mais il ne demandera pas
à l'entreprise de lui montrer, par exemple, les factures, afin de
vérifier les factures, tous les produits, etc. On ne fait pas
d'extension dans ce sens-là.
Mme Blackburn: Alors, ça veut donc dire que, même
s'il les voit comme ça, il fait comme s'il ne les voyait pas. S'il voit
des factures et qu'elles ne sont pas conformes, il fait comme s'il ne les
voyait pas.
Mme de Fougerolles: On ne demande pas à l'entreprise de
nous montrer toutes ses pièces, tout ce qui se rapporte et on ne regarde
pas... Non, on ne le fait pas.
Mme Blackburn: C'est-à-dire qu'un commissaire, donc,
même s'il constate de visu qu'il y a d'autres infractions à la
loi, n'est pas autorisé à pousser son enquête plus loin et
à faire des commentaires, des remarques et des suggestions à
cette entreprise-là.
Mme de Fougerolles: Là, je vais préciser parce que,
généralement, ce n'est pas le commissaire-enquêteur qui se
présente, c'est l'inspecteur parce que nous avons deux
catégories. L'inspecteur est là avec un mandat spécifique
émanant du commissaire-enquêteur et le commissaire-enquêteur
lui demande de vérifier, par exemple, l'affichage, de vérifier la
facture. S'il vérifie la facture, il ne va pas vérifier les
brochures, les catalogues. Mais il n'y a rien qui l'empêche de le
mentionner, de faire de la prévention et de dire à l'entreprise
que sa facture, s'il la voit ou s'il voit une brochure qui n'est pas
conforme..., de lui expliquer la loi.
Mme Blackburn: Mais comment pouvez-vous justifier une telle
façon de faire - moi, j'ai
beaucoup de difficultés - c'est-à-dire que vous ne
répondez que sur plainte, qui plus est, même quand vos
employés et les inspecteurs constatent qu'il y a des infractions
à la loi, vous n'y touchez pas? Moi, je croyais que ce n'était
pas vrai. Je ne vous le cache pas, là. Je croyais vraiment qu'il y avait
une exagération de personnel là-dedans. Je ne croyais jamais que
c'était vrai parce qu'il me semble... Écoutez, vous avez la
responsabilité de faire appliquer la loi. Votre personnel est là.
Il constate des infractions. Vous dites: Fais comme si tu ne l'avais pas vu.
Ça n'a pas de bon sens. Je m'excuse.
Mme de Fougerolles: On ne leur dit pas de faire comme s'ils n'ont
pas vu. On leur demande, étant donné qu'ils traitent une plainte
spécifique, de s'en tenir à l'objet de la plainte
spécifique. Par contre, il n'y a rien qui les empêche de faire une
plainte en leur propre nom.
Mme .Blackburn: Est-ce qu'il y a beaucoup d'inspecteurs qui font
des plaintes en leur propre nom?
Mme de Fougerolles: Je ne dirais pas que c'est la
majorité, mais il y en a qui en font.
Mme Blackburn: Vous recevez combien de plaintes qui sont faites
au nom des inspecteurs qui, je le rappelle, sont ceux qui sont les mieux
placés pour les voir, parce qu'ils ont d'abord les connaissances, les
habiletés, puis une certaine curiosité qui se développe
avec le temps? C'est quel pourcentage?
Mme de Fougerolles: De mémoire, je ne le sais pas. Je ne
peux pas vous le dire de mémoire. C'est une petite...
Mme Blackburn: Je m'excuse. Dans le fond, comment
interprétez-vous l'article 171 de la loi 101, qui dit que "les
commissaires-enquêteurs procèdent à des enquêtes
chaque fois qu'ils ont des raisons de croire que la présente loi n'a pas
été observée". Ça ne stipule pas qu'il faut que ce
soit exclusivement sur présentation de plaintes.
Mme de Fougerolles: Mme Blackburn, ce n'est pas exclusivement sur
présentation de plaintes. Et je vais vous donner des exemples où
on fait de l'extension. Par exemple, nous avons reçu, au cours de cette
année, plusieurs demandes d'enquête sur l'affichage de commerces
franchisés. Comme vous devez le savoir, de plus en plus, il y a des
commerces franchisés, c'est-à-dire les mêmes boutiques qui
se retrouvent un peu partout. Nous avons eu une plainte contre un
établissement particulier, disons, sur la rue Saint-Laurent ou sur la
rue Sainte-Catherine. Nous l'avons traitée au niveau de toutes les
franchises, c'est-à-dire que nous sommes allés au siège
social et nous avons examiné l'affichage dans toutes les franchises,
sans avoir eu de plainte spécifiquement contre tous les
établissements.
Mme Blackburn: Je dis bravo! Mais prenons l'exemple suivant: vous
allez dans un restaurant qui affiche bilingue ou unilingue anglais.
Mme de Fougerolles: O.K.
Mme Blackburn: Vous arrivez là et, dans sa vitrine, il
annonce tout son menu qui est destiné à être vu de
l'extérieur bilingue ou unilingue anglais. Ça veut dire que votre
inspecteur s'en va là pour la marquise, pour l'affiche. Donc, lui, il ne
faut pas qu'il voie que, dans la vitre, il y a autre chose.
Mme de Fougerolles: Mais, dans ce cas spécifique, il n'y a
pas de dérogation à la Charte parce que les menus sont couverts
par l'article 51 et ils peuvent être bilingues. La loi le permet.
Mme Blackburn: Prenez un autre exemple, mon nettoyeur.
M. Ryan: Non, non, celui-là était bon. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Parce que j'en ai vu, des nettoyeurs qui vous
annoncent ça dans une journée. Ce n'est pas permis. Ne me dites
pas aussi que c'est permis pour les nettoyeurs parce que, là, on va
avoir un problème tantôt
Mme de Fougerolles: Comme je vous le dis, on ne va pas faire la
police lorsqu'on va dans un établissement. On ne leur demande pas de
nous ouvrir tous leurs livres.
Mme Blackburn: Mais comment justifiez-vous, en termes
d'efficacité, là...
Mme de Fougerolles: Oui.
Mme Blackburn: Est-ce que ça a toujours été
comme ça et comment justifiez-vous une telle attitude vis-à-vis
des employés? Moi, je vous le dis très sincèrement, je
pensais sérieusement que les gens en remettaient. Quand j'ai lu
ça, j'ai dit: Ça n'a pas de bon sens Et, comme je n'essaie pas
d'entrer par les portes d'en arrière dans les organismes, je ne suis pas
allée aux informations. Je vais dans les lieux plus officiels. Je n'ai
jamais travaillé autrement.
Donc, je ne le croyais pas. J'attendais que vous me disiez: Non, ce
n'est pas vrai, mais je constate que, s'ils y vont sur une plainte, il faut
qu'ils ferment les yeux sur les autres. Vous savez, d'abord, que c'est une
question d'effica-
cité. Je dirais: Tant qu'à mettre les gens un peu dans le
coup du français au Québec, autant les mettre pour la
totalité de leurs activités que pour une affiche, si tant est que
c'est là-dessus que portait la plainte. J'ai beaucoup de peine à
suivre ça et je voudrais demander au ministre s'il a l'intention
d'inviter la Commission à modifier cette façon de faire, de
manière, je pense, à être un petit peu plus cohérent
dans l'approche qu'on a avec les contrevenants, de manière à
couvrir la totalité des... Parce que le propriétaire n'est pas
nécessairement informé et, là, en plus, on y va et on ne
lui dit pas. Franchement! (16 heures)
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Mettons-nous sur le terrain concret. On peut supposer
que la Commission de protection reçoive une plainte concernant
l'affichage au Restaurant Carole, sur la rue Principale à Lachute. Il me
semble que, dans l'ordre élémentaire des choses, l'inspecteur
doit se rendre chez Carole pour vérifier si les affiches qu'on a
dénoncées comme étant contraires aux dispositions de la
Charte existent bel et bien. En même temps, si j'ai bien compris ce qu'a
répondu la présidente tantôt, l'inspecteur va
vérifier l'état général de l'affichage dans
l'établissement. Vous avez bien ajouté ça,
tantôt?
Mme de Fougerolles: Oui.
M. Ryan: Est-ce qu'on va lui dire: Bien, tu vas prendre
prétexte d'une plainte qui regardait une affiche dans la vitrine pour
aller fouiller dans les livres de comptabilité, les instruments de
commande et tout le reste? Je ne pense pas. Si c'est ça que vous voulez
me demander, je vais vous dire non tout de suite.
Mme Blackburn: Ce n'est pas ça et ce n'est pas ce que la
présidente m'a dit. Elle m'a dit: Même lorsqu'il constate,
l'inspecteur, qu'il y a d'autres violations de la loi, il ne peut pas
intervenir là-dessus parce que le commissaire-enquêteur lui a dit:
Bouche-toi les deux yeux. Mets-toi des oeillères et va juste sur le
mandat qu'on te donne.
M. Ryan: Ce n'est pas le cas, à ma connaissance.
Mme Blackburn: Bien...
M. Ryan: Et je termine ma réponse. J'ai été
interrompu, mais je ne m'en plains pas.
Mme Blackburn: Si vous ne vous en plaignez pas, il ne faudrait
pas le dire.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre, continuez.
M. Ryan: Plus les débats sont rudes, mieux c'est. Il me
semble que l'inspecteur, s'il a du jugement, va s'en tenir au domaine
général de l'affichage à propos duquel la Commission a
été saisie d'une plainte. On ne l'a pas assermenté comme
policier spécial de la Sûreté du Québec. Il revient
et, si d'autres choses sont portées à sa connaissance, ce qui est
toujours dans l'ordre du possible, il me semble qu'il va se servir de son
jugement et qu'il va en saisir les autorités. Il n'y a rien qui
l'empêche de dire: J'ai observé telle chose. Mais on lui dit: Ne
prends pas une paire de longues-vues pour aller fouiller dans tous les coins.
Ce n'est pas ton mandat. Il y a un autre organisme qui a un mandat de cette
nature. L'Office de la langue française, lui, a le mandat de la
francisation des lieux de travail. Lui, il se présente dans un endroit
et, là, il va dire aux gens: On s'en vient discuter avec vous. Ils font
des visites dans les établissements qui ont des employés allant
de 10 à 50. Il dit: On vient examiner avec vous la situation. Il a le
droit de l'examiner, là. Il n'émet pas de certificat, mais il a
le droit de vérifier si la loi est observée. Là, il va
entrer dans des détails plus ou moins considérables.
Quand M. Dubé est allé faire des visites pour moi, il est
entré dans une infinité de détails parce que l'application
de la loi, ce n'est pas simplement un cocktail entre le propriétaire de
l'entreprise et le représentant du cabinet du ministre. Il faut qu'on
parle de papiers. Il faut qu'on regarde les choses concrètes et tout.
Mais c'est plutôt la mission de l'Office de faire ce travail
général en ce qui touche la francisation d'une entreprise et la
Commission de protection, de par la nature même de son mandat, doit
circonscrire ses interventions de manière judicieuse de façon
à ne pas transformer ce système en un système qui
ressemblerait à un système de tracasseries policières.
Mme Blackburn: Bien. Tracasseries policières. C'est comme
si le policier se fermait les yeux quand il arrête un automobiliste parce
qu'il n'a pas attaché sa ceinture de sécurité, mais il
constate que les phares ne fonctionnent plus et il dit: Je ne m'en occupe pas.
Je l'ai arrêté pour la ceinture de sécurité.
Je continue. Dossiers d'enquête. Dans les réalisations
majeures 1990-1991, il y a les dossiers d'enquête. La Commission de
protection de la langue française a ouvert 1660 dossiers d'enquête
en 1990-1991 et elle en avait ouvert 3611 en 1989-1990. Comment cela
s'explique-t-il? C'est une diminution de 2000 dossiers.
M. Ryan: Attendez un petit peu. On va reprendre à partir
des données qu'a invoquées la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Elles sont à la page 35 des informations
que vous nous avez fournies; le
cahier explicatif des crédits.
M. Ryan: Regardez. Si je comprends bien, en 1989-1990, il y a un
bon nombre de dossiers qui ont été ouverts, mais qui avaient
déjà été ouverts avant et qui avaient
été fermés par suite du jugement de la Cour suprême.
Là, on les a ouverts de nouveau. Ça fait un nombre assez
élevé en 1989-1990, mais ces dossiers-là, on en a
disposé depuis et, en 1990-1991, le nombre de demandes ayant
été beaucoup moins élevé, on a un nombre de
dossiers ouverts moins élevé. Je pense que ça s'explique
assez bien par ces circonstances particulières.
Mme Blackburn: Maintenant, les inspections. Vous expliquiez ce
matin la diminution du Tiombre d'inspections par la diminution du nombre
d'inspecteurs. Voudriez-vous nous expliquer pourquoi il y a une diminution du
nombre d'inspecteurs? Parce qu'à la page 36, au cours de l'exercice
1990-1991, 3834 inspections ont été effectuées par les
inspecteurs de la Commission de protection de la langue française, alors
que, durant l'exercice précédent, les inspecteurs de la
Commission en avaient réalisé 6121.
M. Ryan: II y a deux explications ici. Tout d'abord, il y avait
plus de dossiers à ce moment-là qu'il y en a actuellement.
Deuxièmement, nous avons insisté pour que les
commissaires-enquêteurs sortent aussi de leurs bureaux, qu'ils ne
s'appuient pas uniquement sur le travail des inspecteurs. On avait un
système à deux étages, là, où il y avait des
gens qui étaient exposés à être assis sur des
coussins de six pouces d'épais pendant que les autres faisaient le
"footwork", comme on dit, le travail de démarchage. On a dit: II serait
peut-être bon que les commissaires-enquêteurs sortent aussi, qu'ils
aillent observer la réalité de leur côté. Il faut
ajouter ce travail qui est fait par les commissaires-enquêteurs à
celui qui a été compilé pour les inspecteurs.
Mme Blackburn: Et pourquoi, cette année, ces personnes qui
étaient assises, selon vous, sur des coussins de quatre pouces
d'épais...
M. Ryan: Qui risquaient d'être assises. Je n'ai pas dit
qu'ils étaient assis sur un coussin. Je regrette infiniment.
Mme Blackburn: Vous avez dit que...
M. Ryan: Qu'ils risquaient d'être assis si on les laissait
trop longtemps à l'intérieur.
Mme Blackburn: Bien. Disons que vous avez dit "risquaient".
M. Ryan: C'est la môme chose pour nous, les politiques.
Vous le savez, madame...
Mme Blackburn: De toute façon, ce n'est pas
là-dessus que va porter ma question.
M. Ryan:... quand on reste trop longtemps dans nos bureaux, on
perd des votes.
Mme Blackburn: Si c'était si efficace, cette
pratique-là, comment peut-on expliquer que cette année on ait eu
seulement 3834 enquêtes plutôt que 6121? L'an passé, vous
expliquiez ça par une diminution du nombre d'enquêteurs.
C'est-à-dire qu'il y en avait eu plus l'an passé; donc, il y
avait eu une augmentation du nombre d'enquêteurs. Cette année,
j'ai regardé dans la répartition du personnel et je n'ai rien
trouvé qui me permettrait d'expliquer ça.
M. Ryan: Là, je pense qu'on va demander à Mme la
présidente de fournir des explications sur la façon dont les
choses sont gérées de plus en plus. Étant donné
l'accent que nous mettons sur le contact, la persuasion, l'accompagnement, des
fois, il peut arriver que, dans un même dossier, la même personne
soit appelée à se rendre sur des lieux à deux, trois ou
quatre reprises, alors qu'autrefois on était davantage porté
à partir avec l'appareil de photographie et à photographier une
affiche. Ah! On l'a pris celui-là, c'est bon! On s'en revient et on lui
envoie une sommation ou un avis de mise en demeure. On a dit: II faut mettre un
peu d'humanité là-dedans et c'est préférable, selon
nous, d'y aller au besoin deux, trois ou quatre fois pour régler le
problème que d'agir de manière à augmenter seulement le
nombre de dossiers dont serait saisi le Procureur général. Parce
que ça fait partie de la pédagogie de fond qui est
employée et que le ministre approuve entièrement.
Mme Blackburn: Alors, si je comprends, votre pédagogie,
ça a été de couper de 50 % le nombre d'enquêtes,
d'inspections menées et effectuées...
M. Ryan: Non, pas du tout.
Mme Blackburn:... au cours de la dernière année.
Parce que c'est ça..
M. Ryan: Pas du tout.
Mme Blackburn:... c'est près de 50 %.
M. Ryan: Je crois comprendre que le nombre d'inspections ne rend
pas nécessairement compte du nombre de visites. Il y a une distinction
ici à faire, d'après les explications que j'ai données
tantôt Et je pense que ce qui est important...
Mme Blackburn: Mais est-ce qu'on peut savoir pourquoi il y a une
telle diminution, dans le fond?
M. Ryan: Pardon? On va demander à Mme la
présidente, tantôt, de fournir cette explication-là. Mais,
moi, ce qui m'intéresse comme ministre, c'est le nombre de cas
résolus par la voie raisonnable par rapport au nombre de cas dont on a
été saisi. C'est ça qui est ma norme de fond. De ce
côté-là, je pense que la performance est très
bonne.
Mme Blackburn: Est-ce que le ministre s'interroge non sur le
nombre de cas qui ont été réglés, mais sur le
nombre de cas restants? Parce que ça va faire 14 ans que la loi est
adoptée. Vous savez, malgré la persuasion, l'amitié,
l'affection, les visites, la courtoisie, la dynamique de groupe, il me semble
qu'à un moment donné il faut que quelqu'un parle. Et, là,
ce que je voudrais savoir: est-ce que le ministre est en mesure de nous dire
son évaluation quant au nombre d'affiches bilingues qui sont là
encore en contravention de la loi 101 et de la loi 178 qui est la sienne? Parce
que ça va faire deux ans au mois de juillet que le règlement est
adopté. Comment ça s'applique? Comment ça se gère?
Combien en reste-t-il? Il me semble que c'est un bilan qui devrait être
fait. 14 ans, la loi, 14 ans.
M. Ryan: Oui. Il y a une chose, là, que je vais souligner.
Tout d'abord, au cours de ces 14 années, un grand nombre d'entreprises
ont été amenées à franciser leur affichage. Si on
va aujourd'hui dans les grands magasins à rayons à
Montréal, l'affichage est français d'un bout à l'autre.
Allez chez Eaton, à La Baie, quel autre magasin? Ogilvy, Steinberg,
évidemment, puis on pourrait continuer. L'affichage est uniquement en
français dans tous ces commerces-là, vous savez. Vous allez chez
Pascal, une grosse quincaillerie, c'est tout en français. Il y a eu un
progrès énorme. Évidemment, ça diminue le nombre de
plaintes. Quand ça marche, les sujets de plainte sont moins nombreux.
Qu'il y ait moins de plaintes aujourd'hui qu'il y en avait il y a trois ou
quatre ans, rien que de plus normal. Je pense qu'on va le concevoir facilement.
Si on s'entend là-dessus, je pense qu'on a fait un gros bout de chemin,
là.
Mme Blackburn: Oui.
M. Ryan: Maintenant, en plus, nous insistons pour que les
plaintes soient traitées plus rapidement. Puis, là, on a des
statistiques qui ont été fournies concernant le nombre de
dossiers ouverts, puis le nombre de dossiers qui ont été
réglés. Et puis, on s'aperçoit que le coefficient de
règlement est très élevé. C'est formidable.
Mme Blackburn: Je suis d'accord avec vous, en autant que le
nombre de dossiers ouverts ne continue pas à diminuer. Effectivement, il
faudrait bien au moins que ça soit efficace, si on en ouvre 50 % de
moins.
M. Ryan: C'est vrai. Maintenant, une autre chose que je veux
ajouter, si vous me permettez, c'est que la vie commerciale et
économique, ce n'est pas statique. Ce n'est pas renferme dans des
manuels, ça évolue beaucoup. Il y a des entreprises qui meurent
en grand nombre, chaque année, surtout en cette période de
récession. D'autres naissent, d'autres changent de forme, passent en
d'autres mains ou connaissent des modifications importantes. Et il va arriver
que des choses qu'on croyait solidement implantées seront
modifiées radicalement par suite d'un changement de propriétaire,
d'un changement de régime ou je ne sais trop quoi. Et, à ce
moment-là, il faut une vigilance continuelle de la population, il faut
un organisme comme la Commission de protection pour réagir lorsque des
citoyens signalent des infractions à la loi.
Et j'ajoute, puis je termine sur ceci, en réponse à une
question qu'a posée la députée de Chicoutimi, que nous
avons un échantillon du taux d'observance de la loi sur un certain
nombre d'artères commerciales dans la région de Montréal.
Dans l'est de Montréal, nous ne sommes pas obligés d'en avoir,
c'est français à 96 %, 98 %. Vous allez dans toutes les parties
de Montréal, sauf la partie ouest, là, puis la partie nord-ouest.
Prenez l'avenue Jean-Talon; il y a des progrès à faire du
côté de l'avenue Jean-Talon ouest. Si vous allez sur Jean-Talon,
à partir du boulevard de L'Acadie jusqu'au boulevard Saint-Laurent,
là, il y a du progrès à faire. C'est un endroit où
il y a du travail à faire. La rue Saint-Laurent s'est
énormément améliorée. L'avenue du Parc s'est
énormément améliorée aussi. Et j'ai pris les
échantillons, moi, de la rue Sherbrooke ouest. Ça, c'est
très important. Prenez la rue Sherbrooke ouest, à partir de Green
jusqu'à Montréal-Ouest. Aujourd'hui, le taux d'observance - je
l'ai dit ce matin - selon les dernières statistiques recueillies par des
membres du personnel de la Commission de protection, est de l'ordre de 87 %,
alors qu'un an et demi plus tôt il était de l'ordre de 64 %. La
rue Monkland, nous l'avons ici quelque part...
Mme Blackburn: Est-ce que la même enquête a
été menée à Hull, Aylmer, Gatineau?
M. Ryan: Non, on pourrait le faire. Si vous désirez que
nous le fassions, on peut prendre des renseignements.
Du côté de l'avenue Monkland, c'est une autre rue...
Mme Blackburn: Parce qu'on me dit que, là
également...
M. Ryan: Pardon?
Mme Blackburn: On me dit que, là égale-
ment, il y a plusieurs établissements qui violent la loi 101.
M. Ryan: On va le vérifier.
Mme Blackburn: Et c'était, d'ailleurs, confirmé par
la lecture qu'en faisait D'Iberville Fortier. Je ne le crois pas tout le temps,
mais...
M. Ryan: Je voudrais juste finir pour l'avenue Monkland, si vous
me permettez, là, j'étais en train de vous donner certaines
précisions. L'avenue Monkland, une rue très importante dans
l'ouest de Montréal, qui traverse Notre-Dame-de-Grâce, c'est
passé de 66, 2 %, en avril 1989, à 83, 9 % en décembre
1990. Ça, c'est l'affichage permanent. Alors, ce sont des choses
intéressantes.
L'avenue Saint-Hubert - nous en parlions tantôt - nous l'avions
inscrite dans celles dont les données m'intéressaient. J'ai
demandé de laisser tomber parce que c'est uniformément fort.
C'est du 92 %, 95 %.
Mme Blackburn: Sur Saint-Hubert, il y a assez de commerces de
fermés. Il ne doit plus rester, dans la Plaza Saint-Hubert, d'affiches
du tout. J'y ai marché un peu l'autre jour.
M. Ryan: La très grande majorité sont encore
ouverts.
Mme Blackburn: M. le Président, peut-être une
dernière question là-dessus.
M. Ryan: Là, je n'ai pas un relevé pour tout le
Québec et je ne pense pas que ça serait intéressant de
l'avoir; ça serait beaucoup trop complexe. Mais je pense qu'en prenant
des artères significatives comme celles-ci, on ne peut pas passer
à côté. Si on veut demander que nous en ajoutions
quelques-unes, je n'ai pas d'objection du tout. Là, vous avez
parlé de Hull; je vais vérifier, je vais voir à...
Mme Blackburn: Hull, Gatineau, Aylmer, les villages
avoisinants.
M. Ryan:... ce que nous consultions le maire de Hull pour qu'il
nous dise quelles artères seraient particulièrement
significatives à son goût. Tout le monde connaît
l'attachement du maire de Hull pour toutes les questions reliées
à la langue française.
Mme Blackburn: Heureusement! (16 h 15)
M. Ryan: Oui, oui, j'apprécie énormément
l'intérêt éclairé que M. Léqère porte
à ces questions.
Mme Blackburn: Mais, sur une question d'équité,
est-ce qu'on trouve normal, 14 ans après l'adoption de la loi, qu'il se
trouve encore des contrevenants? La deuxième chose, une question
d'équité aussi à l'endroit de ceux qui ont respecté
suffisamment l'Assemblée nationale et son gouvernement pour se plier aux
exigences de la loi 101, alors que d'autres ne se sont jamais vus contraints
à changer leurs affiches, à modifier leurs habitudes ou encore
à mettre le moindre sou dans la francisation de la publicité de
leur entreprise: est-ce que c'est normal et est-ce qu'il ne serait pas temps
qu'à un moment donné quelqu'un, quelque part, dise: C'est
fini?
M. Ryan: Je vais vous l'expliquer. Selon moi - encore une fois,
je sais que c'est sujet à débat - l'observance de la loi en
matière d'affichage, nous autres, nous y accordons beaucoup
d'importance, étant donné l'interprétation que nous avons
de la conjoncture historique dans laquelle évolue le Québec
actuellement. D'autres, aussi intelligents que nous parfois, en font une
question de philosophie politique. Ils ne partagent pas notre opinion, tout en
étant, dans certains cas, profondément intéressés
à l'avancement de la culture française, au maintien de la langue
française, le plus bel exemple en étant le député
de Westmount, dont personne ne conteste l'attachement sincère qu'il a
pour la langue française, mais qui voit dans cette partie de la loi 101
une question de principe. Le député de Westmount n'est pas seul.
Il y a neuf juges de la Cour suprême, il y a à peine deux ans, qui
ont exprimé une opinion semblable.
Alors, qu'il y ait une certaine résistance dans une partie de la
population qui n'a pas compris les objectifs que poursuit le gouvernement et
que poursuit le législateur en cette matière, je pense que, sans
l'approuver, nous pouvons essayer de le comprendre. C'est pour ça que
l'approche de la persuasion, l'approche du contact et de l'explication m
apparaît tellement importante dans cette chose, parce qu'il n'y a pas
matière délictueuse, comme c'est le cas dans la plupart des
délits que veulent réprimer nos lois par des sanctions
pénales, pécuniaires ou d'autre ordre. C'est pour ça que,
comme ce n'est pas de même nature, nous devons essayer de comprendre et,
encore une fois, sans approuver et sans encourager d'aucune manière,
bien au contraire, essayer d'amener ces gens-là à se rallier
à un consensus qui a semblé s'élargir beaucoup, ces
dernières années, dans le sens des orientations qu'a
définies le gouvernement dans la loi 178, laquelle est un prolongement
de la loi 101.
Mme Blackburn: Mais le ministre doit, comme moi, je pense bien,
comprendre que, dans cette résistance, il y a une absence de respect des
règles édictées par l'Assemblée nationale du
Québec. Et, dans cette résistance, il est en train de toucher le
noyau dur, c'est-à-dire la poche de résistance Parce que, comme
moi, il a constaté
que les extrêmes se durcissent. De plus en plus de francophones,
dans le sondage du Conseil de la langue, disent: Ça doit se passer en
français. Et la proportion d'anglophones qui disent non s'est durcie.
Alors, là, on commence à trouver le noyau dur et, dans ce
sens-là, une certaine mollesse, un certain laxisme laissent à peu
près la porte ouverte à un ralentissement et, finalement, aux
dérogations qu'on connaît, il faut bien le dire aussi, dans le
comté du ministre.
M. Ryan: Si l'humanité est du laxisme, je confesse
responsabilité, mais, si l'humanité est une façon
différente d'amener les gens à réaliser des objectifs
nobles et élevés, je préfère l'approche
humanitaire.
Mme Blackburn: Oui, je partagerai l'avis du ministre quand on
partagera le même avis en ce qui regarde un autre dossier, les
dérogations à l'âge d'admission.
M. Ryan: Je corrige une chose dans ce qui vient d'être dit.
Il y a une chose qui m'est apparue inexacte. Le point m'échappe. Je
m'excuse, mais il y a une chose que je viens d'entendre et qui m'apparaît
contraire à la réalité, ça va me revenir.
Mme Blackburn: Non, je prenais comme exemple ce qui s'est
passé dans votre comté pour dire simplement qu'il semble qu'il y
a là-dedans une espèce de message de tolérance qui est
envoyé. Vous appelez ça de la tolérance? Moi, je dis:
C'est du laxisme. Dans ce sens-là... Je voudrais aborder un autre
dossier.
M. Ryan: Me permettez-vous juste une précision? Parce que
vous avez dit tantôt que les anglophones se durcissent depuis un certain
temps.
Mme Blackburn: Non, ce que j'ai dit, je me suis
référée à l'étude qui a été
déposée par - ma recherchiste est partie avec - le Conseil de la
langue, qui illustre qu'au plan des opinions, lorsqu'on leur demande leur
opinion sur la place du français, de plus en plus de
Québécois se disent très en faveur, et d'anglophones
très en défaveur. Alors, des deux côtés, ça
se durcit. Il faudrait que j'aie l'étude en main parce que, là,
on l'a prise.
M. Ryan: Mais ce que l'étude révèle
aussi...
Mme Blackburn: Et c'était là-dessus que je le
disais simplement.
M. Ryan: Là, c'est ça. Ce que l'enquête
révèle aussi - puis c'est le point que je voulais souligner -
c'est qu'il y a un nombre croissant d'anglophones qui disent adhérer aux
objectifs généraux...
Mme Blackburn: Oui, c'est juste.
M. Ryan: ...de la loi 101. Ça, c'est important. C'est
peut-être ce qu'il y a de plus important dans tout le portrait. Ça
prouve que notre approche n'est pas si bête qu'on peut le penser.
Mme Blackburn: C'est juste, mais ça illustre ce que je
dis. Il y en a qui se sont rangés, mais les autres qui restent se
durcissent.
M. Ryan: Je sais bien, mais notre tâche, c'est de...
Mme Blackburn: Ce n'est pas moi qui le dis. C'est dans
l'étude.
M. Ryan: ...réduire de plus en plus ce "hard core", ce
noyau dur, de le réduire de plus en plus à peu de chose.
Là, on va avoir fait une oeuvre profondément
démocratique.
Mme Blackburn: Bien. J'aimerais savoir si cette étude qui
a été déposée par le Conseil de la langue sera
suivie d'un avis.
Conseil de la langue française
M. Ryan: M. le président du Conseil de la langue
française serait tout indiqué pour répondre à cette
question.
Mme Blackburn: Parce que, déjà, les conclusions de
la Commission laissent entendre que... Il cite trois aspects des
difficultés, des explications pour justifier la lecture qui est faite
par le sondage et il suggère qu'il devrait y avoir des recommandations.
Est-ce que le Conseil a l'intention d'émettre des avis?
Le Président (M. Doyon): M. le président, en vous
identifiant pour les fins du Journal des débats, s'il vous
plaît.
M. Laporte (Pierre-Etienne): Oui, Pierre-Etienne Laporte,
président du Conseil de la langue française. M. le
Président, à la dernière réunion des membres du
Conseil, on a discuté de la question qui vient d'être
soulevée par l'honorable députée de l'Opposition et la
décision qui a été prise, c'est de ne pas faire un avis
là-dessus. On pourrait néanmoins transmettre peut-être au
ministre, un peu comme on l'a fait déjà, une lettre qui lui fasse
état de certaines recommandations qui se dégagent directement
d'une analyse faite par le Conseil, mais les membres ne sont pas d'avis que
l'étude est suffisante pour qu'on puisse faire un avis comme on en avait
fait un, par exemple, en 1985 ou 1986.
Mme Blackburn: C'est donc dire que, sur toute cette question de
la langue de travail, le Conseil n'a pas l'intention d'approfondir la
question pour donner un avis au ministre.
M. Laporte: Ah oui! Le Conseil a l'intention, justement,
d'approfondir la question en vue de répondre, d'une part, à la
question de savoir quelles seraient les priorités qu'une prochaine
étude du Conseil, qu'on souhaite préparer, là, en cours
d'année, devrait se donner. Et, parce qu'on s'interroge beaucoup, au
Conseil, sur le comportement des allophones ou des immigrants, des membres ont
souhaité que des données de l'étude soient
utilisées ou que des données additionnelles à partir de la
base de données de l'étude nous soient fournies pour qu'on puisse
réfléchir à certaines questions là-dessus. Il se
pourrait qu'en cours de route des membres décident, après avoir
regardé des données additionnelles, qu'il y a lieu de transmettre
au ministre une lettre dans laquelle il y aurait des recommandations, mais
l'avis des membres est à l'effet qu'on ne devrait pas rendre un avis
public sur la question de la langue de travail, pour l'instant.
Mme Blackburn: Vous parliez, tout à l'heure, d'une lettre
au ministre plutôt qu'un avis. Ce que je comprends, c'est que la lettre
est privée alors que l'avis est public.
M. Laporte: Non, je pense que la différence...
Mme Blackburn: La lettre pourrait être rendue publique,
c'est ce que j'entends?
M. Laporte: Oui, la lettre pourrait être rendue publique.
Si les membres souhaitaient que la lettre qu'on transmet au ministre... C'est
un document du Conseil. Donc, ça serait un document officiel, mais je ne
vous annonce pas qu'on va transmettre une lettre au ministre, là. Ce que
je vous dis, c'est qu'à la dernière réunion du Conseil on
a pris une décision de ne pas faire d'avis et on s'est interrogé
sur l'opportunité éventuellement de transmettre au ministre des
suggestions ou des recommandations là-dessus. Mais, il n'y a pas de
décision officielle, de la part du Conseil, de transmettre une lettre au
ministre, disons, dans les semaines ou dans les mois qui viennent. Je pense que
les membres du Conseil vont vouloir réexaminer les données,
réfléchir sur le rapport et, par la suite, prendre une
décision.
Mme Blackburn: Dans sa planification budgétaire, le
Conseil de la langue française prévoit couper, faire des coupes
sombres dans les communications et les services. Il me semble que ça va
tout à fait à l'inverse du discours du ministre qui dit toujours:
C'est l'information, la publicité, la sensibilisation, la persuasion et
la dynamique de groupe. Et, là, vous n'êtes pas le seul, M. le
président. La Commission de toponymie, elle n'en a pas gros avec ses 83
000 $.
Comme elle a un petit budget, on le comprend. À la coordination
des organismes de la langue, ça commence à être un peu plus
important et, à la promotion de la langue, c'est la même chose.
Autrement dit, l'essentiel des coupures se fait dans les postes de
communications et de services, donc, tout ce qui pourrait amener une plus
grande sensibilisation. Voulez-vous m'expliquer comment on a pu prendre une
telle décision qui vient contredire totalement le discours que tient le
ministre depuis que je l'entends sur cette loi?
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Je veux juste apporter une précision. Je pense
que la députée ne m'a jamais entendu préconiser que le
gouvernement devrait se lancer dans des campagnes d'information à tous
crins. C'est contraire à ma philosophie.
Mme Blackburn: Je n'ai pas parlé de campagne...
M. Ryan: Parce que j'ai toujours dit: Quand un
gouvernement...
Mme Blackburn: ...j'ai parlé d'information.
M. Ryan: ...a une bonne cause, il peut faire porter son message
très loin avec un déploiement minimum de moyens. Le plus bel
exemple qu'on a eu de ça depuis un certain temps, c'est la
réforme du financement municipal.
Mme Blackburn: Oui, ça, c'est vrai.
M. Ryan: On n'avait pas besoin d'un budget de publicité
pour celle-là parce que...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Non. C'est sûr qu'avec 500 000 000 $,
ça fait un bon budget de publicité.
M. Ryan: II y a de mes collaborateurs qui avaient
préparé un budget de publicité de 150 000 $. Je leur ai
dit: On n'aura pas besoin de dépenser une cent, ça va venir tout
seul, et les événements ont confirmé mon diagnostic. Ha,
ha, ha!
Mme Blackburn: J'aurais été prête à
parier là-dessus aussi.
M. Ryan: Dans ce cas-ci, je crois que c'est vrai qu'il y a une
certaine réduction de certains postes particuliers, on peut les examiner
l'un après l'autre, mais je ne pense pas que ça justifie le
diagnostic général que tente de porter la députée
de Chicoutimi et surtout que ça justifie le lien qu'elle établit
entre des choses que j'aurais dites et ce qui se passe dans ce
secteur-ci. Chaque responsable d'organisme a été
laissé libre de recommander les aspects sur lesquels pourraient avoir
lieu des compressions, somme toute, très limitées. Je pense que
ce serait bon que chacun puisse avoir l'occasion d'expliquer où il a
recommandé que les compressions portent. Il n'y a pas eu d'imposition
d'en haut, en disant: Allez couper sur les communications ou ceci ou cela. Pas
du tout.
Mme Blackburn: Non, je ne pense pas que vous soyez allé
jusque-là, j'espère bien. Cependant, il me semble qu'il pourrait
y avoir une indication générale quant aux postes qui pourraient
faire l'objet de coupures et, quand, de façon presque
systématique, ce sont toujours les mêmes postes de communications
et de services qui sont affectés, je veux dire, ça a de quoi
inquiéter. Le ministre devrait reconnaître ça.
Les francophones de l'ouest de l'île
Sur un autre dossier qui touche à la fois la Commission de
toponymie, mais une autre question beaucoup plus large, celle de l'Association
des francophones de l'ouest de l'île. Les francophones de l'ouest de
l'île réclament déjà, depuis plusieurs
années, d'être traités comme une majorité. Je ne
suis pas allée plus de sept ou huit fois dans cette
région-là parce que ce n'est pas vraiment... À moins qu'on
y passe pour s'en aller à Dorval sur la grand-route ou quand on va
à Valleyfield, mais, à part ça, je ne peux pas dire que
j'aie vraiment... Sauf que j'y suis allée de façon plus
systématique. J'ai essayé de voir comment les gens et les
francophones pouvaient se sentir dans toutes ces petites villes
champignons.
Et on doit constater que, pour une population francophone ou allophone
qui varie de 45 % à 60 %, ils sont dans une situation de minoritaires.
Le CLSC, les hôpitaux francophones... On ne parlera pas des
hôpitaux parce qu'il n'y en a pas; c'est le Lakeshore et il est anglais.
Le CLSC des francophones relève du CSS Ville-Marie. Il n'y a pas de
cégep. Sur 11, 12 ou 13 cinémas, il y en a un en français.
Pour aller au cégep, il faut qu'ils aillent à Valleyfield; dans
une direction ou dans l'autre, c'est une heure et demie de transport en commun.
Et c'est surprenant, l'espèce d'atmosphère qui règne
là, et c'est particulièrement inquiétant parce qu'il y a
de plus en plus de nouveaux arrivants, immigrants allophones qui s'installent
dans ces secteurs et qui, après avoir fréquenté
l'école française, parce que c'est obligé en vertu de la
loi, se retrouvent dans les cégeps anglais. (16 h 30)
Le ministre nous disait: Écoutez, ça ne doit pas
être mauvais, on a un taux de fréquentation des cégeps dans
cette région-là particulièrement élevé. Oui,
c'est vrai, mais ils glissent du côté des cégeps
anglophones parce que c'est beaucoup plus proche. Alors, une toute
première question: Le ministre, comme ministre responsable de
l'Enseignement supérieur, s'était engagé, il y a un an,
à examiner ce dossier en nous disant: Effectivement, il y a quelque
chose là. Mot, j'avais comme entendu: Si on est capable de construire
Héritage, on devrait être capable de donner quelque chose dans
l'ouest de l'île pour les francophones. Mais on est toujours sans
nouvelle de ce dossier-là et les gens de l'Association des francophones
de l'ouest de l'île ont écrit à plusieurs reprises
là-dessus pour savoir où en était le dossier et qu'est-ce
qui faisait qu'ils n'avaient pas droit, eux, à l'enseignement en
français dans un cégep francophone dans cette région.
Le Président (M. Doyon): M. le ministre.
M. Ryan: Regardez, cette question relève du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science,
évidemment, mais je peux quand même donner l'essentiel du dossier.
En ce qui touche les francophones de la région dont a parlé la
députée de Chicoutimi, ils ont accès à d'autres
cégeps que celui de Valleyfield. Ils ont accès au cégep
André-Laurendeau, qui n'est pas tellement éloigné.
Mme Blackburn: Une heure et demie.
M. Ryan: Ils ont accès au cégep de Saint-Laurent,
également.
Mme Blackburn: Une heure et demie.
M. Ryan: II y en a beaucoup qui vont au cégep de
Bois-de-Boulogne. Il y a beaucoup de jeunes de Montréal qui doivent
fréquenter un cégep à plus de distance que ça et,
si ça vous intéresse, les gens de Lachute et de tout le
comté d'Argenteuil n'ont pas de cégep chez eux. Ils faut qu'ils
aillent à Saint-Jérôme, à
Sainte-Thérèse ou du côte d'Ahuntsic, et c'est là
qu'ils vont. Et ce n'est pas pire de ce côté-là. Il ne faut
pas le faire exprès pour créer des martyrs de toutes
pièces, non plus. Ce que le ministère avait décidé,
c'est qu'il ferait une étude des besoins et des places disponibles dans
les cégeps de l'ensemble de la grande région
métropolitaine, vu que des besoins très pressants avaient
également été exprimés en provenance de la rive sud
de Montréal, de la partie est de ITle de Montréal et de la
région de Repentigny-Mascouche, de toute cette partie-là.
Là, ils sont en train de compléter l'étude et, s'ils
devaient arriver à la conclusion qu'on a 15 000 places disponibles dans
les cégeps de Montréal et qu'on entrevoit une clientèle,
disons, de 12 000 ou 13 000 au cours des 10 prochaines années, je pense
bien qu'ils ne recommanderont pas de bâtir un nouveau cégep. Ils
recommanderont peut-être, cependant, qu'un des cégeps existants
établisse un campus du côté
de l'ouest de Montréal. Ça, c'est une possibilité
qui peut être envisagée très raisonnablement. Mais les
travaux se poursuivent et je crois qu'il ne sont pas complétés
encore. Mais je vais m'enquérir de ça. Je pense que la
députée peut le faire en Chambre également auprès
de la ministre de l'Enseignement supérieur.
Mme Blackburn: Oui, c'est ce que je vais faire, de toute
façon, mais c'est parce que, vous savez, je pense qu'on ne peut pas
comparer ce qui se passe dans le comté d'Argenteuil à ce qui se
passe dans l'ouest de l'île, dans le comté de Melligan, parce que
vous avez là vraiment une concentration et un environnement linguistique
qui est particulier. On a l'impression que les francophones de l'ouest de
l'île sont traités à peu près comme les francophones
du Manitoba. C'est assez surprenant. Vous n'avez pas de cégep, pas de
cinéma, pas de salle culturelle qui leur soient propres. Le CLSC
relève du CSS Ville-Marie, de la structure anglophone là-bas, et
il n'y a pas d'hôpital francophone dans ce coin-là, et les
cégeps, le ministre le sait, sont à une heure et demie de
transport. Et, d'ailleurs, il y a là-dessus toutes les données
pertinentes. Il y a des études qui ont été
réalisées à la fois par la Direction de l'enseignement
collégial et par le collège de Valleyfield.
Alors, je me dis: II y a deux choses là-dedans. Il y a les
francophones qui n'ont pas accès à l'enseignement
collégial en français, mais il y a également le message
qu'on envoie aux allophones qui résident dans ces coins-là. Et,
pour y être allée encore dimanche dernier - j'étais
à Pierrefonds - les gens ne sont pas à l'aise, ne sont pas
heureux dans ce système-là et ils se sentent traités comme
des citoyens de seconde zone. Alors, moi, je dis au ministre: Sur la question
de l'enseignement collégial, j'imagine qu'il avait eu le temps de
pousser sa réflexion plus loin parce que ça fait
déjà au moins quatre ans que ce dossier-là est sur la
table. Je sais que ce n'est plus lui qui a le dossier, mais, comme lui en
particulier avait, me semble-t-il, un intérêt plus grand, compte
tenu que c'était relié à la langue, je pensais qu'on
aurait été un peu plus avancé dans ce dossier.
M. Ryan: Encore une fois, il faut avoir toutes les données
du dossier et les données que nous avions sur la fréquentation
collégiale dans l'ouest de Montréal, je m'en souviens très
bien, indiquaient un taux de fréquentation beaucoup plus
élevé que la moyenne au Québec, infiniment plus
élevé que dans le comté d'Argenteuil, entre
parenthèses. Deuxièmement, il y a un taux d'orientation vers les
établissements francophones très élevé. Ça
ne règle pas certains problèmes dont parle la
députée de Chicoutimi, dont nous sommes conscients. Mais ce que
je dis, c'est qu'en examinant le dossier dans toutes ses composantes on est
parfois exempté de faire des tragédies là où il y a
des problèmes sérieux, mais pas nécessairement une
situation tragique.
Si vous parlez de cette partie-là de I'île, vous devez
convenir qu'au point de vue écoles primaires et secondaires en
français ils sont très bien pourvus aujourd'hui. La commission
scolaire protestante du Lakeshore, avec laquelle j'ai eu de profonds
désaccords sur un certain nombre de sujets, fournit, quand même,
un enseignement en français de très bonne qualité dans
plusieurs de ses écoles maintenant.
Mme Blackburn: Mais vous savez. -.
M. Ryan: La commission scolaire Robert-Baldwin fournit un
enseignement de très bonne qualité également. Ses
élèves se classent toujours parmi les meilleurs de tout le
Québec aux examens du ministère de l'Éducation. On a
beaucoup d'établissements de base qui contribuent, quand même, au
maintien de la vie française dans ce secteur-là.
Cela étant dit, je crois que l'examen se poursuit au
ministère et qu'il est loin d'être complété. On
pourra obtenir davantage de renseignements en s'adressant au ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science, ce que je ferai de mon
côté pour des raisons, comme le rappelait plus tôt notre
président, qui m'intéressent. Comme ministre de ta langue
française, je dois m'intéresser à tout ce qui regarde la
qualité de la vie française au Québec.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le minis tre, avant de
donner la parole au député de LaFontaine. Vous aurez
remarqué, d'ailleurs, dans la dernière remarque, le signal, c'est
que les questions de la députée de Chicoutimi entraient dans le
débat général qui nous intéresse, qui touche la
langue française et ça se rapporte un peu au discours que je
faisais avec vous ce matin. Et c'est dans le même sens que j'ai
été heureux de laisser aller la députée de
Chicoutimi sur quelque chose qui n'avait aucun rapport direct avec les
crédits qui sont sous étude, l'argument valant autant pour elle
qu'il valait pour moi ce matin. Je suis heureux, M. le ministre, que la
dernière remarque le souligne en passant.
M. le député de LaFontaine, vous avez demandé la
parole.
M. Gobé: Oui, M. le Président. Juste pour
reprendre, peut-être préciser et poser quelques questions au
ministre. Je connais assez bien l'ouest de l'île de Montréal pour
y avoir résidé pendant une dizaine d'années, alors que je
résidais à Dorval. Il est vrai qu'il y a une population dans
cette région qui est francophone et il y a une population qui est
anglophone. La population francophone est assez forte à Dorval, un peu
à Pointe-Claire, mais, lorsque vous entrez à Beaconsfield, un peu
plus loin, je peux vous
dire que c'est très, très minime. Alors, les grandes
parties sont à Dorval et à Pointe-Claire. Je dois vous dire que
Pointe-Claire, pour aller à Bois-de-Boulogne, c'est à peu
près 15 à 20 minutes, en gros. Je verrais mieux que
ça.
Moi, j'habitais à Dorval et je travaillais... Mon entreprise,
cependant, était située à Pointe-aux-Trembles, à
l'autre bout de l'île. Ça me prenait 35 minutes pour y aller. Des
fois, il y avait un peu de trafic. Bon, c'était peut-être un
accident, 10 minutes de plus. Ceci pour dire qu'il n'y a quand même pas
une distance si grande entre les gens qui résident dans le West Island
par choix, parce qu'ils l'ont choisi. Moi, j'avais choisi de rester là.
Je savais que c'était un environnement anglophone. Ils ne sont pas
arrivés hier, les anglophones. Ils sont arrivés il y a bien
longtemps. Ce n'est pas des villes champignons. Vous avez mentionné des
villes champignons. Les villes champignons, on dit que c'est construit
rapidement et il n'y a pas longtemps. Donc, ça laisse entendre, ce genre
d'image là... Et je vous comprends parce que vous avez dit
vous-même que vous n'y alliez pas souvent. Mais c'est des villes qui
existent depuis 25 ou 30 ans et où des populations se sont
établies traditionnellement pour des raisons particulières, la
proximité de l'aéroport pour les employés qui
travaillaient là à l'origine. Et il y avait plus d'anglophones
que de francophones. Bon, les institutions se sont développées en
conséquence.
Quand vous parlez d'un cégep pour l'ouest de me, moi, je n'ai
rien contre ça, un cégep pour l'ouest de lUe. Il ne faut quand
même pas charrier parce que, dans l'est de l'Ile, la région de
Pointe-aux-Trembles, Rivière-des-Prairies, Anjou, Montréal-Nord,
on n'en a pas de cégep et on a 350 000 résidents francophones.
Bon, avant de faire un cégep dans ce bout-là... N'oubliez pas
aussi, on dit tout le temps - et votre collègue, la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, sait très bien de quoi
je parle et elle m'appuie là-dedans quand je parle comme ça, j'en
suis certain - que les gens qui résident dans le West Island, qu'ils
soient des anglophones, des allophones, des Canadiens français ou
appelez ça des Québécois, comme vous aimez les appeler,
sont des gens qui font des revenus au-dessus de la moyenne. Ce sont des gens,
ceux qui résident dans le bout de l'île, dans l'ouest de
l'île, parmi les plus favorisés de la société
montréalaise. Quand vous prenez la carte de la CUM, vous voyez que c'est
là les revenus les plus élevés per capita. Alors, ces
gens-là, ils sont capables d'avoir deux véhicules et ils ont tous
deux voitures. Ils sont capables d'amener leurs enfants et, à cet
âge-là, bien souvent de leur acheter une voiture pour aller au
cégep de Bois-de-Boulogne.
Alors que, dans l'est de Montréal, pour les gens de
Pointe-aux-Trembles, Rivière-des-Prairies, Montréal-Nord - et M.
le ministre sait de quoi je parle; son frère est maire depuis 35 ans -
il n'y a pas de cégep. Il y a des trains de banlieue dans le West Island
qui vont à Beacons-field, madame. Un jeune étudiant qui n'est pas
capable de se lever pour prendre le train de Beaconsfield pour se rendre au
cégep, bien, moi, là, il ne mérite pas d'être un
étudiant. Dans l'est de Montréal, il n'y a pas de métro,
il n'y a pas de train de banlieue. Partir du bout de Pointe-aux-Trembles, ma
chère madame, pour se rendre au cégep de Maisonneuve, là,
on parle d'une heure et quart, une heure et demie, et il n'y a même pas
d'autobus direct qui s'y rend. Il faut prendre quatre autobus
différents, traverser les parcs industriels.
Alors, moi, je comprends bien ça, mais, quand même, il faut
ramener les choses dans leur contexte. Il est vrai que l'idéal serait la
solution que vous avancez, mais il ne faut quand même pas, non plus,
crier au martyre et je crois qu'il y a d'autres zones où il y a des
interventions plus importantes à faire avant de les faire dans le West
Island. Et ceci, sans préjudice pour le West Island que j'aime bien; j'y
ai de la famille de mon épouse, qui est canadienne-française et
qui y réside depuis tout le temps. Mon beau-père est l'ancien
maire de la ville de Dorval. Je vais vous dire qu'il est fier d'être
canadien-français et, même si c'est un milieu anglophone, il nous
a toujours parlé français, il ne s'est jamais senti
persécuté et il dirigeait la commission scolaire, en plus de
ça. Il ne m'a jamais fait le genre de remarque que vous faites. Mais
peut-être que vous n'y allez pas assez souvent et, moi, je vous
encouragerais à y aller plus souvent. Vous verriez la vraie
réalité.
Mme Blackburn: M. le Président, M. le
Président...
Le Président (M. Doyon): Mme la députée.
Mme Blackburn: ...j'inviterais le député de
LaFontaine à avoir une bonne conversation avec son collègue
Russell Williams qui s'est porté à la défense du
même dossier dans son comté.
M. Gobé: Madame, M. Williams a ses raisons...
Mme Blackburn: Non, non.
M. Gobé: ...partisanes de défendre son coin.
Mme Blackburn: Je vous dis que cette réalité est
comprise, est partagée par un de vos collègues, Russell Williams,
qui a même, dans son programme électoral de 1989, annoncé
qu'il se porterait à la défense de la création d'un
collège francophone dans l'ouest de l'île.
M. Gobé: Oui.
Mme Blackburn: Donc, il doit y avoir un
besoin.
M. Gobé: Mais je ne le blâme pas.
Mme Blackburn: Alors, parlez-vous un peu entre vous autres.
Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Gobé: En terminant, M. le Président...
Le Président (M. Ooyon): Non, M. le député.
Le ministre a demandé la parole. M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Gobé: M. le Président, en terminant, parce qu'on
me met en cause là...
Le Président (M. Doyon): M. le député! M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Gobé: Mais juste une petite précision.
Le Président (M. Doyon): M. le député! M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Gobé: Bon, on va se rendre à vos demandes.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Gobé: C'est vous, l'autorité.
Le Président (M. Doyon): M le ministre.
M. Ryan: Merci. Non, je pense qu'on comprend mieux, à la
lumière des explications du député de LaFontaine, pourquoi
nous avons jugé nécessaire de prendre le portrait complet de
toute la grande région métropolitaine avant d'arrêter une
décision ponctuelle, dût-elle concerner le secteur dont parle la
députée de Chicoutimi. Et je dois confirmer, connaissant
très bien la partie est de l'île de Montréal, que tous les
faits évoqués par le député de LaFontaine sont
rigoureusement vrais. Et je pense que le ministre ou la ministre qui aura des
représentations ou des recommandations à faire au gouvernement
concernant le développement de l'enseignement collégial devra
être très sensible aux besoins de la partie est de Montréal
en matière d'enseignement collégial public parce que, à
part le cégep de Maisonneuve qui est au coin de Pie IX, de Valois et
Sherbrooke, il n'y a pas de cégep jusqu'au bout de l'île. Et le
premier qu'on a après ça, il est à Joliette.
Mme Blackburn: Je connais ça aussi
M. Ryan: Tout ce qu'on a, c'est le collège Marie-Victorin
qui est sur le boulevard Gouin, au nord, pas tout à fait au boulevard
Gouin, entre
Henri-Bourassa et le boulevard Gouin. Alors, là, il y a un gros
problème dont nous sommes conscients. Sur la rive sud, il y a un
très gros problème également, mais nous notons tout cela
et je pense que c'est bon que ça ait été
rappelé.
Commission de toponymie
Désignation odonymique unilingue anglaise des
villes de l'ouest de Montréal
Mme Blackburn: II y a, je le rappelle, dans cette partie de
l'île de Montréal, un environnement linguistique qui ne favorise
pas l' identification des allophones à la majorité francophone.
Et l'Association des francophones de l'ouest de l'île adressait une
requête à la Commission de toponymie touchant la
désignation odonymique unilingue anglaise des villes de l'ouest de
Montréal. Ils recevaient une lettre, comme il faut, polie
évidemment, courtoise, mais en même temps qui ne disait pas
grand-chose. C'est, d'ailleurs, la remarque que faisait M. Yvon Desrochers
à la lettre du ministre.
Alors, je reprends les principaux éléments de la
dernière lettre qui est adressée par l'Association.
"Pointe-Claire, 6 janvier 1991. Nous vous envoyons la présente pour
faire suite à la vôtre du mois d'août 1990 et à votre
réponse du 7 septembre. Nous constatons que votre dernier envoi
évite soigneusement d'exposer les actions concrètes qui peuvent
être entreprises afin d'amener les villes récalcitrantes qui vous
étaient mentionnées, Beaconsfield, Baie-d'Urfé et
Pointe-Claire, à afficher des génériques français
de désignation odonymique. À défaut
d'éléments d'information contraires, nous serions en droit de
conclure à l'impuissance... " (16 h 45)
Et il continuait: Votre envoi optimiste est peu loquace quant à
la missive du conseil de ville de Pointe-Claire, qui vous envoyait paître
en vous soulignant que tous ces changements en français de leurs
affiches non conformes (lire unilingues anglaises) seraient des dépenses
inadmissibles et puis que, évidemment, la ville de Pointe-Claire n'avait
pas l'intention de procéder parce que ça coûterait cher.
Et, là, je dois dire qu'ils ont un argument additionnel. Avec la
réforme du ministre, ça va coûter encore plus cher. Alors,
est-ce qu'on peut comprendre que l'action de la Commission de toponymie serait
un peu de laisser porter encore un bout de temps? Qu'est-ce qu'on peut
répondre à l'Association? Quelles sont les actions
concrètes que la Commission a l'intention de mettre en place pour
ramener ces municipalités récalcitrantes à un minimum de
décence pour des gens qui paient aussi des taxes, même s'ils
parlent français?
M. Ryan: Je vais laisser M. Mayrand répondre à
cette question, mais avant de demander que vous consentiez à lui laisser
la parole,
je voudrais me réjouir de ce qu'on mentionne le travail de la
Commission de toponymie dans le cadre de nos débats sur les
crédits annuels du ministère chargé de l'application de la
Charte de la langue française. Les années
précédentes, on n'avait pas eu le temps de se rendre
jusque-là.
Mme Blackburn: Oui.
M. Ryan: Et je voudrais souligner le travail excellent
qu'accomplit la Commission de toponymie, comme je l'ai dit dans mon message de
ce matin, pour l'édification et la manifestation du visage
français du Québec. Elle accomplit ce travail dans un climat de
rationalité, suivant des méthodes judicieusement établies.
Je pense qu'on avance progressivement vers la création d'un
héritage toponymique qui pourra être une source de fierté
pour les Québécois pour des générations à
venir. Ça, nous le devons en grande partie au travail judicieux
qu'accomplit la Commission. J'ai eu plusieurs cas de mon comté qui ont
été soumis à l'attention de la Commission ces
dernières années et tous ces cas ont trouvé un
règlement judicieux avec l'aide de la Commission, à la
lumière des principes qu'elle s'est donnés, des grandes
orientations qu'elle a définies, mais toujours en tenant compte de la
réalité concrète aussi, de manière qu'en
général les concernés, comme dit souvent le
député d'Abitibi-Ouest, étaient satisfaits, autant d'un
côté linguistique que de l'autre, et ça, je trouve que
c'est formidable. On fait beaucoup de progrès dans l'affirmation du
caractère français du Québec par ce travail de la
Commission. Je pense que c'est bien important de le souligner à
l'occasion de l'examen annuel des crédits du ministère. Si vous
voulez, M. le Président, permettre au président de la Commission
de toponymie de répondre plus précisément...
Le Président (M. Doyon): Avec beaucoup de plaisir, en
saluant M. Mayrand. On était fonctionnaires ensemble au
ministère. C'est un excollègue au ministère de
l'Éducation, il y a quelques années de ça. M. Mayrand.
M. Mayrand (Rémi): Merci. Pour les besoins de la
Gazette officielle, j'aimerais d'abord m'identifier: Rémi
Mayrand, président de la Commission de toponymie. Mme la
députée, tout d'abord, j'aimerais vous signaler qu'il y a 1500
municipalités environ au Québec et que nous avons
déjà traité et réglé le problème au
niveau de 973, à peu près, à ce jour. Du nombre de celles
qui demeurent encore en suspens, il y en a 40 environ qui sont des 113 f); les
autres sont des municipalités francophones. Je ne voudrais pas enfoncer
le fer dans la plaie, mais l'une d'elles est Chicoutimi, tout de même,
dont vous êtes députée, et j'apprécierais
sûrement que, en vue d'une prochaine visite dans cette région,
vous prépariez le terrain, peut-être.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: M. le Président, c'est un peu de tradition
entre nous. Je ne veux pas sonner la cloche à la ville de Chicoutimi,
mais je m'engage à le faire parce que, effectivement, vous avez raison:
chez nous, se sentant moins menacés, on n'a pas, évidemment,
attaché la même importance à ces questions-là, qui
m'ap-paraissent, à moi, importantes. Parce que le ministre l'a dit - et
là-dessus, je partage son avis - le paysage linguistique et odonymique
s'est particulièrement enrichi de votre travail et on a des trouvailles
particulièrement heureuses. Alors, M. le président, je m'engage
à m'y mettre à la première occasion.
M. Ryan: Tout ce que la députée de Chicoutimi
pourra faire...
Mme Blackburn: II faudra peut-être en même temps...
Oui?
M. Ryan: Excusez, juste un petit mot. Tout ce que la
députée de Chicoutimi pourra faire pour attirer l'attention de
son maire sur d'autres sujets...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: ...que ceux dont il est question dans l'actualité
ne me sera pas désagréable.
Mme Blackburn: On comprend pourquoi ça ne lui coûte
rien pour faire sa publicité! Bien. Alors, cela dit, je reviendrais,
parce que, quand on parle d'environnement linguistique, effectivement, dans ma
ville, chaque fois qu'il apparaît une petite... Il y en avait une. Je me
rappelle un bar qui annonçait le "breakfast" le matin; ça n'a pas
duré deux semaines. C'est que les gens entraient et le lui disaient. Il
y a une espèce de... Alors, ce n'est pas là, évidemment,
qu'on est particulièrement sensibles à ça.
Cependant, le paysage linguistique, paysage parlé, mais paysage
visuel linguistique, est important. Il est important dans les secteurs à
forte densité d'allophones, en particulier. Et je reviens aux
préoccupations de l'Association des francophones de l'ouest de
l'île, qui sont les mêmes qui réclament le cégep
français, mais qui, en même temps, réclament d'être
respectés. Et il me semble qu'on devrait les aider à être
respectés. Et, là, ma question était au président
et il s'apprêtait à y répondre. Qu'est-ce qu'on peut dire
à l'Association des francophones de l'ouest de l'île quant
à l'avenir des décisions qui vous ont été soumises,
à savoir le respect de la loi 101 en matière d'affichage dans ces
villes?
M. Mayrand: Alors, M. le Président, avec votre permission,
j'aimerais ajouter, en réponse à la question de Mme la
députée, que nous avons
déjà constaté, dans l'examen des 973
municipalités, qu'il y avait des problèmes qui se
dégageaient et ceux qui demeurent à traiter dans les autres
municipalités nous permettent peu à peu de développer une
sorte de perception beaucoup plus précise de ces problèmes. Mais,
avant de nous engager dans le règlement ou dans une aventure plus
risquée, à savoir intervenir de façon plus coercitive,
nous croyons qu'il est encore préférable de continuer à
poursuivre notre chemin, étant donné que nous progressons
sérieusement, d'une année à l'autre, dans le traitement
des municipalités qui demeurent à être
analysées.
Et on verra plus tard, d'après nous, comment on pourra
régler ces problèmes plutôt que de perdre beaucoup
d'énergie sur des questions dont, je dois vous dire, les solutions ne
sont pas très claires, tout d'abord parce que les municipalités
et la Commission, nous avons une juridiction concurrente. Nous ne pouvons pas,
dès lors, dire: Vous devez faire telle chose. Ce sont elles, les
municipalités, qui nomment et, par la suite, on tente de les convaincre
que ce qu'elles nous proposent comme dénomination est plus ou moins
conforme. Mais, pour arriver à atteindre des résultats valables,
nous estimons que les citoyens doivent au moins démontrer qu'ils ont
fait des efforts dans leur municipalité, auprès des
autorités de leur municipalité, pour obtenir des changements.
Dans le cas que vous avez mentionné, celui de M. Desrochers, je
suis étonné. Il ne semble pas vous avoir mentionné la
réponse que j'avais faite à sa lettre, où je lui indiquais
ce que je viens de vous dire, à l'effet que nous étions à
accumuler des données pour que, le moment venu, lorsqu'on aura fait le
tour des 1500 municipalités, nous puissions examiner les cas restants
pour essayer de trouver des solutions qui soient, dans la mesure du possible,
non judiciarisées, puisque, si on s'avance trop tôt et qu'on se
fait dire qu'on n'a pas une compétence absolue ou bien que les
situations qu'on veut régler devant les tribunaux trouvent des
applications différentes ailleurs, puisque ce n'est pas toujours aussi
évident que ce qu'on pourrait nous proposer comme solution, on l'a
appliqué partout historiquement... Il y a des traditions, il y a
l'usage. Et puis, en plus, certains articles de la loi ne sont pas très
clairs, à savoir si nous avons absolue juridiction.
Mme Blackburn: Mais, lorsque les affiches dos villes sont
unilingues anglaises, est ce que c'est vous qui intervenez ou la
Commission?
M. Mayrand: Bon, disons qu'il y a trois niveaux peut-être
de juridiction.
Mine Blackburn: C'est la Commission.
M. Mayrand: II y a l'Office de la langue française qui
doit faire état de la situation. Mme Blackburn: D'accord.
M. Mayrand: Nous, nous avons une réserve odonymique qui
intervient à ce moment-là, à savoir qu'il y aura des
suites possibles, une fois que nous aurons analysé la situation et
conclu à des solutions ou des dérogations qui justifient une
intervention de la part de la Commission.
Mme Blackburn: Oui, juste une petite remarque, un commentaire,
dans le fond. C'est que vous nous dites: Quand on aura fait le tour, et il vous
en reste 500. Dans l'ouest de CHe, ils vont attendre encore quelques
années, si je comprends votre réponse.
M. Mayrand: Excusez-moi, madame...
Mme Blackburn: Je voudrais vous offrir mes services, quand vous
viendrez à Chicoutimi...
M. Mayrand: J'apprécie beaucoup.
Mme Blackburn: ...pour aller rencontrer le directeur
général pour essayer de voir comment on peut traiter ce
dosster-ià, pour être certaine qu'aux prochains crédits la
situation sera régularisée. Et, en même temps, vous
pourriez peut-être me dresser le tableau de Ja situation pour l'ensemble
de la région.
M. Mayrand: Je l'ai effectivement. Mme Blackburn: Bien.
Une dernière...
Le Président (M. Gobé): Madame, je dois
malheureusement... Il reste quatre minutes, trois minutes, pardon, disons
quatre minutes; on ne jouera pas sur une. Il y aurait les remarques finales a
faire de votre part et de M. le ministre. Après ça, il faut
adopter le programme et l'ensemble des crédits avant 17 heures, et, vous
voyez, il est...
Mme Blackburn: Très bien. Alors, une toute dernière
question. Avant de la poser, je voudrais féliciter les organismes, les
remercier d'avoir participé aux travaux de cette commission et d'avoir
apporté un éclairage qui, vous le savez tous et toutes,
intéresse au plus haut point les Québécois et les
Québécoises.
Le ministre, je me rappelle, lorsqu'il a modifié la loi 101 pour
adopter la loi 178, disait: Je me suis rendu compte que les
Québécois et les Québécoises étaient
attachés à la loi 101, ne souhaitaient pas qu'on commence
à en diminuer la portée ou à en réduire les effets
Je pense que, s'il y a une chose dont on convient, c'est ça. Et c'est
une question aussi de bien faire comprendre que la majorité veut bien
traiter la minorité, mais qu'elle veut aussi être
respectée.
Uno (lorniore question au ministre des Affaires municipales, qui vient
d'imposer, de pelleter un demi-milliard dans la cour des municipalités.
Est-ce qu'il va se retourner vers les municipalités et leur dire:
Écoutez, la disposition touchant l'obligation de changer les
arrêt-stop en arrêt... Ça vient à terme quelque part
en 1992, juillet-août 1992, cette obligation faite aux
municipalités. Est-ce qu'il a toujours l'intention d'obliger les
municipalités à respecter cette disposition qui prévoit
que tous les panneaux devraient être changés à cette
date?
M. Ryan: Normalement, c'est une décision qui relève
du ministre des Transports.
Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas dans la
pertinence du débat.
M. Ryan: Oui, tout comme des discussions antérieures que
nous avons eues aujourd'hui, il n'y a pas de problème là-dessus.
Je mentionnais seulement cette réserve initiale pour indiquer que c'est
un sujet dont je devrai traiter avec le ministre des Transports pour
connaître d'abord ses intentions à lui. C'est lui qui est
responsable de la sécurité routière. Et je lui ferai part
de mes observations en temps utile. Je pense que c'est un débat qui,
dans son contenu obvie, n'a pas beaucoup d'importance et qui, au point de vue
symbolique, a revêtu une importance non négligeable au
Québec. Dans toute autre société que la nôtre, c'est
un débat qui serait un petit peu à côté du
"mainstream", à côté des préoccupations principales
des gens. Ici, pour les raisons que nous connaissons, il a sa portée. Il
faudra mesurer le pour et le contre. Il n'y a pas beaucoup de doctrine qui est
impliquée là-dedans.
Le Président (M. Gobé): Vos remarques finales, M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Ryan: Remarques finales très brèves, M. le
Président. Je remercie tous les collègues, la deputation en
particulier, vous-même et le président de la Commission pour
l'attention que vous avez portée à nos propos, les
députés pour l'intérêt qu'ils ont porté
à nos échanges. Je remercie la députée de
Chicoutimi de sa vigilance bienvenue, malgré nos réticences
apparentes. Je remercie surtout les dirigeants des organismes qui sont
chargés de l'application concrète de la Charte de la langue
française, d'abord, pour l'excellent travail qu'ils accomplissent au
jour le jour, avec leurs collaborateurs et collaboratrices;
deuxièmement, pour la collaboration empressée et exemplaire dont
ils honorent le ministre chargé de veiller à l'application de la
Charte de la langue française.
Et je veux assurer tous nos concitoyens, toutes nos concitoyennes de
l'intérêt très grand que le gouvernement porte au maintien
et à l'amélioration des conditions dans lesquelles vit et se
développe la langue Irançaise au Québec. Nous sommes
convaincus que nous pouvons assurer ce maintien, ce progrès de la langue
française dans le respect des droits indéniables d'autres
communautés linguistiques, en particulier de la communauté
anglophone. Nous sommes arrivés à un équilibre pratique
depuis une couple d'années, qui rend plus vivable la coexistence
linguistique. Je souhaite que nous passions de cet équilibre encore
quelque peu privatif à un équilibre où l'estime
réciproque et l'acceptation mutuelle étant plus
élevées, nous pourrons échanger encore davantage, nous
influencer réciproquement sans craindre les influences qui pourraient en
découler, mais en les accueillant comme des enrichissements plutôt
que des altérations à notre personnalité propre.
Alors, ceci étant dit, je remercie également mes
collègues du gouvernement et le premier ministre de l'appui constant
qu'ils m'ont accordé dans toutes les choses dont j'ai eu à les
saisir concernant la langue française.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
Avant d'adopter les programmes, au nom des membres de cette commission,
permettez-moi de vous remercier d'être venu devant nous, d'avoir
défendu vos crédits. À tous vos collaborateurs et à
ceux qui ne sont pas là, nous vous demandons de transmettre nos
salutations, ainsi que nos encouragements pour la bonne administration de ce
ministère, de ces organismes pour la prochaine année.
Adoption des crédits
Alors, ceci étant dit, je vais maintenant demander si le
programme 1 est adopté. Est-ce que l'ensemble des crédits
budgétaires des organismes relevant du ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française pour l'année
financière 1991-1992 sont adoptés?
Mme Blackburn: Sur division.
Le Président (M. Gobé): Alors, c'est adopté
sur division. Et, M. le ministre, vous aviez levé le doigt? Non? C'est
terminé? Alors, ceci met fin à l'ensemble de nos travaux. Je vais
donc ajourner les travaux sine die et je vous remercie.
(Fin de la séance à 17 h 2)