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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 5 mai 1998 - Vol. 35 N° 116

Étude des crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux


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Table des matières

Volet santé et services sociaux


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Marie Malavoy, présidente suppléante
M. Jean Rochon
Mme Nicole Loiselle
M. Léandre Dion
Mme Michèle Lamquin-Éthier
M. Jean-Claude St-André
M. Yvan Bordeleau
M. Rémy Désilets
*M. Pierre Joubert, ministère de la Santé et des Services sociaux
*Mme Lise Denis, idem
*M. François Turenne, idem
*M. Roger Paquet, idem
*M. Michel Léger, Régie régionale de la santé et
des services sociaux des Laurentides
*M. Claude Boily, Régie régionale de la santé et
des services sociaux de la Montérégie
*Mme Denise Plante, Régie régionale de la santé et
des services sociaux de Montréal-Centre
*Mme Michèle Auclair, Régie régionale de la santé et
des services sociaux de Laval
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante-neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Bonjour à toutes et à tous et bonne journée. Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.


Volet santé et services sociaux

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales est réunie afin d'étudier les crédits budgétaires de la Santé et des Services sociaux pour l'année financière 1998-1999.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

(9 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, c'est à vous de débuter les échanges. Oui, M. le ministre.

M. Rochon: Excusez-moi, M. le Président, je peux prendre juste vraiment quelques secondes? Hier, j'ai omis et je voudrais peut-être présenter les directeurs généraux des régies régionales qui sont ici, de sorte que, si dans la discussion et les questions, il y avait des éléments plus spécifiques qui étaient souhaités, ils ont été invités et sont venus justement pour être à la disposition de la commission.

Alors, avec nous, il y a M. Sanesac, le directeur général de la Régie régionale de l'Abitibi; M. Loiselle, de Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine; M. Thibault, du Saguenay–Lac-Saint-Jean; M. Di Piazza, de la Côte-Nord; M. Paulin Dumas, de Mauricie–Bois-Francs et qui assume présentement aussi la direction de la Conférence des régies régionales depuis que Mme Lise Denis l'a quittée pour assumer les fonctions de sous-ministre; Mme Auclair, de la Régie régionale de Laval; et M. Léger, des Laurentides. Est-ce que j'en oublie?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y a M. Fontaine, de Québec, qui remplace M. Boisjoli, je pense.

M. Rochon: Oui, c'est ça, et il y a plusieurs autres régies régionales dont le directeur général n'a pas pu être ici, mais dont un cadre supérieur est présent, alors je pense que toute l'information qu'on...

Une voix: Il y a M. Bernier.

M. Rochon: Ah oui, j'ai oublié M. Bernier, du Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, on leur souhaite la bienvenue. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Discussion générale (suite)


Bilan du virage ambulatoire et du régime d'assurance-médicaments

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. En commençant, j'aimerais aborder, peut-être, certains thèmes qui ont été utilisés dans le volume III de Plans ministériels de gestion des dépenses pour les crédits, des thèmes qui m'ont fait un petit peu sursauter quand j'en ai pris connaissance. Quand, dans le contexte et les grands enjeux, vous dites que, dans le plan de transformation, on a également permis de prendre avec succès le virage ambulatoire, j'avoue que le mot «succès» était peut-être de trop, aurait pu être évité dans le contexte qu'on connaît actuellement. J'aimerais peut-être rappeler au ministre que, finalement, le succès du virage ambulatoire se fait sur le dos des femmes, au Québec, en grande majorité. J'aimerais lui rappeler certaines déclarations qui ont été faites non pas par l'opposition officielle, mais pas des gens qui font de la recherche et par les organismes communautaires aussi qui reçoivent le pelletage du non-succès de la transformation et du virage ambulatoire qu'on a mis sur pied.

J'aimerais peut-être... Je ne sais pas si le ministre a pris connaissance d'un article qui a paru, par une infirmière qui est à la retraite, Mme Liette Harvey, qui disait: «Le virage ambulatoire, c'est une histoire de femmes faite par des hommes.» Mme Harvey mentionnait que le virage ambulatoire se fait en grande partie sur le dos des femmes. «Le virage ambulatoire, c'est une histoire de femmes faite par des hommes. Bien sûr, dans les documents de la réforme, cela est un non-dit, mais pas besoin d'être très futé pour comprendre que ce que l'on refile aux aidants naturels de la communauté n'est autre chose que des aidantes naturelles, c'est-à-dire des femmes que l'on renvoie encore au rôle traditionnel du service de bénévolat. Ce sont les femmes qui paient la facture des économies réalisées par le gouvernement avec son virage ambulatoire.»

Et aussi, M. le Président, il y a des chercheurs, des scientifiques qui ont fait une étude de l'impact du virage ambulatoire sur les aidants naturels. Je rappelle au ministre les propos de Marie-Andrée Couillard, qui est professeure à l'Université Laval, qui disait: «Peu importent les motifs politiques qui peuvent justifier que l'on ne dénonce pas un tel virage, il reste que, pour nous, chercheurs, il est important que nous nommions les choses telles qu'elles sont, c'est-à-dire que ce virage est conçu pour s'appuyer sur les organismes communautaires. S'il y a lieu de s'inquiéter de l'immense responsabilité qui incombe dorénavant aux groupes communautaires, qui ne disposent ni de ressources ni de l'expertise nécessaire pour soigner les malades...»

Un autre chercheur, un autre professeur d'université, l'Université du Québec à Hull, Mme Denise Côté, elle, disait: «Vie personnelle et vie sociale complètement transformées – en parlant des femmes. Anxiété, dépression, fatigue, nervosité. La détresse semble omniprésente chez bien des personnes, en grande majorité des femmes ayant pris en charge un membre de leur famille malade parce que le virage ambulatoire ne fonctionne pas.»

Je rappelle aussi que ce n'est pas pour rien, M. le Président, que les groupes communautaires ont boycotté, l'automne dernier, le rendez-vous de la santé que le ministre a mis sur pied, parce que les groupes communautaires ont dit que c'était tout à fait incompréhensible que le ministre ou le gouvernement n'accepte pas... S'il fait du pelletage, finalement, de ses responsabilités sur le dos des organismes communautaires, il faudrait au moins avoir la décence que le partage soit accompagné de ressources financières pour aider les groupes communautaires à rendre service aux gens qui se retrouvent souvent... Ma collègue, tantôt, va en faire mention – la députée de Bourassa – des gens malades, des gens désinstitutionnalisés qui se retrouvent finalement dans la rue à cause des modifications et du virage ambulatoire manqué.

M. le Président, il y a d'autres points aussi dans le volume qui m'ont fait sursauter. Quand on parle de l'autre pièce maîtresse de la transformation, c'est la grande réussite de l'assurance-médicaments. Il faut être assez culotté pour dire que l'assurance-médicaments, le nouveau régime d'assurance-médicaments est une grande réussite quand on sait... Et, au moment où on a parlé de mettre en branle ce nouveau régime d'assurance-médicaments, ça a été décrié, certaines facettes. Pas le régime en entier, mais certains volets du régime. Ça a été décrié par les organismes communautaires, ça a été décrié par les gens qui travaillent auprès des plus démunis, ça a été décrié par tous les groupes qui travaillent à la défense des droits des personnes âgées au Québec que, si le ministre ne faisait pas les modifications nécessaires à son régime d'assurance-médicaments, il y aurait des personnes qui seraient obligées de choisir entre se nourrir convenablement ou prendre leurs médicaments, puis qu'il y aurait des personnes, surtout dans le volet des personnes âgées, qui seraient obligées de diminuer leur posologie pour arriver à prendre un certain nombre de médicaments, ce qui fait en bout de piste, finalement, que ces personnes-là se retrouvent en centre hospitalier parce qu'elles n'ont pas pris la bonne posologie de leurs médicaments parce qu'elles n'ont pas l'argent nécessaire. C'est un facteur économique, elles n'ont pas l'argent nécessaire pour se procurer leurs médicaments.

Ça, on l'a dit, là, à satiété au moment du dépôt de l'idée du nouveau projet, au moment aussi du projet de loi, quand ça a été discuté en commission parlementaire et aussi, M. le Président, quand le nouveau programme était en application lors des consultations où tout près de 100 groupes sont venus en commission parlementaire sur la consultation du livre vert sur la réforme de l'aide sociale. Tous les groupes ont mentionné... Et, M. le Président, j'amène le ministre, peut-être, à mettre un recherchiste sur ça, tous les groupes ont dit qu'il y avait des impacts négatifs sur la santé des gens à cause de l'assurance-médicaments. Pour les plus démunis, particulièrement lors de la consultation sur la réforme de l'aide sociale, pour les bénéficiaires de l'aide sociale.

M. le Président, j'attire l'attention du ministre sur un mémoire qui a été présenté tout récemment, il y a quelques semaines, par le groupe de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, de la Clinique communautaire d'Hochelaga-Maisonneuve et du CLSC Faubourgs lors des audiences de la Régie régionale de Montréal qui ont eu lieu à Montréal récemment. En ce qui a trait au programme d'assurance-médicaments, il y a un sondage qui a été fait par un groupe que... Le ministre va dire que... Je ne fais pas de démagogie ici, là, c'est un groupe qu'il connaît bien, le sondage Léger & Léger. Et, d'après le sondage, il y a 11 % des répondants – ça, c'est seulement les personnes qui ont été appelées – qui ont dit que le nouveau régime d'assurance-médicaments a entraîné pour ces personnes-là soit une réduction de consommation de médicaments, soit une obligation de couper ailleurs dans le budget.

Dans le même mémoire de ces trois CLSC qui ont présenté ce mémoire en audience à Montréal, il y a un fait important à souligner: Plus d'une personne sur trois dont le revenu familial est inférieur à 20 000 $ considère que le régime d'assurance-médicaments a signifié un recul dans leurs conditions de vie.

Il faut se rappeler, M. le Président, que le régime d'assurance-médicaments, si, pour des personnes dans la vraie vie, ça a été un recul puis qu'il y a des gens qui ne sont pas capables de se procurer leurs médicaments, bien, il y a eu des économies pour le gouvernement, là. Il y a eu des économies sur le dos des personnes assistées sociales de 81 000 000 $ puis il y a eu des économies, pour les personnes âgées, pour le gouvernement de 256 000 000 $.

Même le dernier rapport d'activité de la Régie de l'assurance-maladie du Québec – c'est assez important, ça vient de la Régie; j'attire l'attention du ministre, ça, c'est la Régie qui parle, M. le Président – reconnaît que la consommation de médicaments des prestataires de la sécurité du revenu a diminué. Ce n'est pas parce qu'ils sont en meilleure santé, M. le ministre, c'est parce qu'ils ne sont pas capables de se procurer leurs médicaments. Le nombre de participants – c'est toujours la Régie de l'assurance-maladie qui parle – a régressé de 5,8 %, alors que le nombre d'ordonnances a chuté de 9,1 %. Et on dit dans le rapport de la RAMQ: «L'introduction de la coassurance et, par la suite, de la franchise pourrait laisser croire à une baisse de consommation due à des facteurs économiques.» Des facteurs économiques, ça veut dire que les gens n'ont pas l'argent dans leurs poches pour aller à la pharmacie pour se procurer leurs médicaments. Même avec l'étalement sur 12 mois, M. le Président. Ça a peut-être eu, pour quelques personnes, un effet bénéfique, mais, dans la grande majorité des cas, les gens, même avec l'étalement sur 12 mois... Quand tu n'as pas l'argent, tu ne peux pas l'étaler sur 12 mois si ta poche est vide. Alors, c'est sûr que ces personnes-là ne sont pas capables d'aller chercher leurs médicaments.

Il faut que je vous rappelle aussi qu'il y a même des docteurs qui sont... Il y a un docteur, à Montréal, de la Coalition pour la justice sociale qui a dû lui-même prendre par la main une jeune fille schizophrène puis l'amener à l'hôpital pour qu'elle puisse prendre ses médicaments parce que cette jeune fille-là n'avait pas son 16,67 $ pour aller chercher ses médicaments puis elle était en crise suicidaire. Puis c'est le docteur qui n'en pouvait plus qui l'a prise, qui l'a mise dans sa voiture puis qui l'a emmenée au Royal Vic pour qu'elle puisse obtenir des médicaments. On est rendu à ça, M. le Président.

(10 heures)

Et j'aimerais attirer... parce que semble-t-il que le gouvernement en entier, le premier ministre... Mais il n'était pas là, alors je ne dois pas dire que c'est lui. Mais les autres ministres pourraient lui rappeler le programme du Parti québécois. Parce que vous vous êtes promenés durant la campagne de 1994, et les députés présents avec un programme en poche qui disait au niveau... Il faut que je le lise, M. le Président, parce que ça démontre tellement que ce gouvernement-là, depuis qu'il est au pouvoir, il dit des choses, il a des beaux mots de compassion, mais le geste est tout à fait contraire. Vous disiez, en campagne électorale: «Pour le Parti québécois, l'avenir de notre santé collective ne peut être marqué de listes d'attente – c'est incroyable – de tickets modérateurs...» Je rappelle au ministre que les personnes âgées payaient 2 $ avant l'arrivée du Parti québécois pour se faire soigner au Québec, pour obtenir leurs médicaments. «De tickets modérateurs, de désassurance...»

Une voix: ...

Mme Loiselle: Bien, réveillez-vous, si vous n'êtes pas au courant, M. le député.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, s'il vous plaît.

Mme Loiselle: «De désassurance, de coupures de services...»

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est correct. S'il vous plaît. S'il vous plaît, j'apprécierais que...

Mme Loiselle: Bien là, M. le Président... Les personnes âgées payaient 2 $ pour obtenir leurs médicaments avant l'arrivée du Parti québécois. Pour obtenir leurs médicaments. Alors...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît...

Mme Loiselle: C'est ça, buvez votre café.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...c'est un échange, il y aura du temps pour répondre de part et d'autre.

Mme Loiselle: «De désassurance, de coupures de services et d'abandon des plus vulnérables...» Ça, M. le Président, c'est dans le programme du Parti québécois, puis on promettait, durant la campagne électorale de 1994, d'abolir le ticket modérateur pour les personnes âgées pour l'obtention de leurs médicaments. Alors, avec tout ce qu'on voit, tout ce qui se passe sur le terrain, des gens qui souffrent, des gens qui ne sont pas capables d'obtenir leurs médicaments, des personnes âgées qui doivent modifier leur posologie parce qu'elles n'ont pas l'argent pour aller se procurer leurs médicaments, est-ce que le ministre, depuis tout près de deux ans, est au courant de ce qui était pour arriver, maintenant, voit ce qui se passe sur le terrain, qu'il y a des gens qui souffrent? Est-ce que le ministre a l'intention, M. le Président, pas en campagne électorale, mais maintenant, de réviser les seuils pour que les gens qui doivent cotiser, ça soit de façon plus humaine, que des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté ne soient pas obligés d'aller dans des organisations comme Jeunesse au Soleil ou d'aller frapper à la porte des pharmaciens pour leur dire: Écoutez, pouvez-vous me faire crédit pour que je puisse obtenir mes médicaments? Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire pour corriger ces mesures éhontées qu'il a faites sur le dos des plus démunis avec son régime d'assurance-médicaments?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Bon. Merci, M. le Président. Je vois qu'on est reparti avec la charge de la cavalerie légère qui oublie ce qui existait avant, qui fait abstraction de ce qui pouvait exister avant et qui, évidemment, bien sûr, n'a aucune notion de ce que ça aurait pu être si ça avait continué comme c'était parti. Alors, je vais essayer de refaire la part des choses un peu.

D'abord, je pense qu'on n'a jamais caché et j'admets que, quand on fait une réorganisation de la nature de la transformation qui a été faite dans les services de santé et les services sociaux au cours des trois dernières années, on ne peut pas faire une réorganisation comme ça... Même si on la prépare avec soin, même si on la suit de très près, même s'il y a partout, au niveau des régions et au niveau des territoires, des professionnels et des gestionnaires compétents qui veillent au grain et qui s'assurent de faire évoluer les choses le plus correctement possible, le rythme de transformation et le contexte financier dans lequel ça s'est fait, c'est bien sûr que ça bouscule, c'est bien sûr qu'il y a des choses à reprendre, à refaire, à préciser, à adapter, et ça fait partie un peu de ce qui est... Une évolution rapide dans n'importe quel domaine, c'est toujours comme ça que ça se passe.

Alors, on sait très bien qu'il y a eu des aspects de la réorganisation qui ont demandé d'être réajustés, qu'ils l'ont été et, en général, de façon relativement rapide et pour s'assurer que les possibles effets pervers, comme on dit, soient limités, soient bloqués rapidement et que les objectifs visés, qui sont, il faut bien se le rappeler, d'assurer une meilleure adaptation des services compte tenu de l'évolution des besoins des gens et d'assurer la plus grande efficacité possible en allant le plus possible aussi vers des interventions de prévention et des interventions les plus précoces possible, que ces objectifs-là sont restés de cap et qu'on y a évolué graduellement.

La députée a fait beaucoup référence aux impacts, résultats possibles, dans certains cas, qui ont peut-être été réels pour les femmes du fait qu'on rapproche les services de la communauté, non seulement qu'on décentralise, mais qu'on rende les services le plus possible accessibles sans institutionnaliser les gens, soit pour l'hospitalisation de courte durée ou pour l'hospitalisation de longue durée. Et il y a des modèles, dans notre culture, notre société, de partage de différentes responsabilités selon le sexe, selon différents rôles qui sont un élément qui peut effectivement créer là aussi un autre genre d'effet pervers qui pourrait être de demander aux femmes d'assumer beaucoup plus que ce qu'on voudrait de tâches ou de responsabilités, mais c'est faux de dire que c'est là un objectif de cette transformation et que cette transformation-là veut restreindre les femmes, les ramener à un rôle ou à des responsabilités qui ont évolué et qui vont continuer d'évoluer dans notre société.

Ce que je voudrais rappeler, tout en admettant que tout n'est pas parfait et qu'il y a des corrections à faire vu la nature de l'opération dans laquelle on est engagé, c'est qu'il y a quand même eu... Et ça, c'est à la fois des gens qui en témoignent, parce qu'il y a deux côtés à la médaille, tout n'est pas noir, loin de là. Il y a à la fois des personnes qui en témoignent et il y a des données. On va dire que c'est technocrate, mais des informations concrètes, précises, factuelles, c'est aussi la vérité, là, et il ne faut pas avoir peur de ça. On sait, par exemple, que sur toute... Si on ne prend que la première ligne des services, Info-Santé, ça n'existait pas partout, loin de là. Ce n'était pas généralisé il y a trois ans. Maintenant, tout le Québec est couvert 24 heures par jour, sept jours par semaine. Il y a un professionnel de la santé qui aide les gens, peut donner de l'information, sûrement, aide à régler un problème. D'ailleurs, la population a tellement reconnu l'utilité de ce service que la difficulté qu'on a présentement, c'est de s'assurer qu'on puisse augmenter les ressources dans les services d'Info-Santé pour que le temps d'attente au bout de la ligne soit diminué. Dans certains cas, on a un problème là, mais ça, c'est le genre de problème qui va avec le succès, le développement et qui n'est pas le signe d'un échec. C'est une difficulté d'adapter, de suivre le rythme de consommation d'un service qui est nouveau, qui ouvre beaucoup notre système en termes d'accessibilité et qui sera une priorité au cours, même, de la prochaine année pour s'assurer qu'on ajuste au niveau du besoin des gens.

Les CLSC, maintenant, ce qui n'était pas le cas il y a trois ans, ont tous une plage de service d'au moins 60 heures par semaine. Certains en ont plus selon les besoins de leur population, et ça aussi, l'évolution permettra de continuer à ajuster à mesure qu'on avance. Le maintien à domicile a augmenté d'à peu près 20 %, je pense, si je me rappelle bien, de budget et de services additionnels qui ont été donnés. Les groupes communautaires, tout ça, on est en période de compression budgétaire et de diminution de crédits, et, malgré ça, les budgets donnés aux groupes communautaires ont augmenté de plus de 50 %. C'est passé de 100 000 000 $ à 150 000 000 $ en ne tenant pas compte de ce qu'on avait vu comme un artefact du transfert des budgets de groupes communautaires qui oeuvrent dans le domaine de la santé mentale qui ont été transférés au programme de soutien aux organismes communautaires. Si on rajoute ce montant-là, c'est de 100 000 000 $ à plus de 180 000 000 $ qu'on est passé.

Donc, il y a eu des difficultés, il y en a encore. Le virage n'est pas complété, la transformation doit se compléter dans la prochaine année, je le souhaite, et commencer à consolider certains points. Il y a encore des ajustements à faire. C'est beau, encore une fois, d'oublier ce qui s'est passé ou ce qui ne s'est pas passé dans les dernières années, d'être débarqué comme ça et de regarder les difficultés d'ajustement d'un système en pleine transformation comme si on n'était pas obligé de porter l'héritage avec lequel on est parti. Ce qui a rendu très difficile cette transformation, en plus des difficultés inhérentes à une organisation de cette envergure, c'est de le faire, d'abord, très tard. Très tard dans la journée. On est probablement un des endroits dans le monde, si on se compare avec ceux de pays comparables sur le plan socioéconomique, sur le plan de l'organisation des services de santé, qui a été le plus tard par quelques années, pour le moins par rapport aux plus lents du peloton, et de cinq, six ans par rapport à ceux qui avaient été sensibilisés plus vite pour réorganiser leurs services de santé. On est parti très tard, et il fallait donc aller vite, essayer de récupérer un peu.

(10 h 10)

En maintien à domicile, vous savez avec quoi nous avait laissé le dernier gouvernement comparativement juste à l'Ontario, par exemple. C'était un écart inimaginable et qu'on n'a pas réussi encore à combler parce que l'Ontario avait commencé bien avant, a continué à allouer plus de ressources en maintien à domicile, et, même si on a augmenté de 20%, 25 %, si je me rappelle bien des proportions, on a encore un décalage, et il faut encore suivre. Donc, il y a une transformation, je pense – contrairement à ce qu'on nous dit quand on regarde un seul côté de la médaille – qui a gardé le cap sur ses objectifs, a déjà fait un immense progrès pour atteindre ses objectifs et avec des gens, encore une fois, qui sont responsables à différents niveaux, qui connaissent très bien les difficultés qui ont été signalées, qui en sont très conscients et qui travaillent de façon efficace pour corriger, adapter et améliorer à mesure qu'on avance. Et, comme on se sort enfin cette année des diminutions de crédits, comme on s'achemine avec assez d'assurance grâce à une économie qui roule bien, semble-t-il, à une époque où on pourra commencer même à réinvestir dans le domaine de la santé, ça va être possible d'accélérer le rythme qui sera celui de progression qui va nous permettre d'atteindre nos objectifs.

Donc, pour cette série de commentaires sur le virage ambulatoire, je conclus et résume en disant que, oui, il y a des difficultés, il y en a eu et il y en a encore, mais, oui, il y a eu et il y a encore des solutions. Et je pense que, dans l'ensemble, si on veut être objectif, on doit reconnaître que, au total, si on avait laissé aller les choses comme elles étaient parties, on serait dans une situation incomparablement pire que ce qu'on peut connaître aujourd'hui et que, si on regarde le point a par rapport au point b, il y a une amélioration et qu'on va tout faire pour que les objectifs soient vraiment réalisés complètement.

L'assurance-médicaments a été un élément important de cette transformation et aussi du virage ambulatoire parce que, comme on l'a dit, le médicament est devenu une technologie très importante dans le domaine de la santé, et, grâce à des médicaments très performants, il y a des gens qui peuvent vivre de façon à peu près normale dans une communauté, dans une famille, qui peuvent retourner au travail, alors que, auparavant, à cause de problèmes de santé physique ou de problèmes psychiatriques, ces gens-là étaient complètement dysfonctionnels et, souvent, devaient être gardés dans des institutions pendant de longues périodes. Alors, le médicament est une technologie importante qui fait partie de cette réorganisation-là.

Bon, bien sûr, le médicament, au Québec, n'est pas gratuit. Il y a une contribution qui est demandée à tout le monde, mais il faut comparer, ça aussi, de quelle situation on est parti. Si les gens qui gagnent moins de 20 000 $ – comme l'exemple auquel s'est référée la députée – peuvent rencontrer certaines difficultés pour obtenir les médicaments dont ils ont besoin, alors qu'avec un revenu... Si c'est une famille, un couple avec des enfants – si je me rappelle bien des échelles – en bas de 20 000 $, ils ne paieront pas de prime. Il y aura un plafond maximal qui ne pourra pas dépasser 750 $ par année de ce qu'ils paieront comme médicaments et ils vont acheter les médicaments, si c'est des gens qui sont couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, avec un plafond qui est même établi sur une base mensuelle.

Des gens qui ont un revenu plus bas, qui sont des prestataires de la sécurité du revenu, il y a un plafond qui va être à 200 $. Ça ne peut pas leur coûter plus que 16,50 $ de médicaments par mois. Et ces gens-là, avant, surtout ceux qui ne sont pas des prestataires de la sécurité du revenu et qui étaient des gens à petits revenus, ils n'avaient aucune protection. Alors, s'ils devaient consommer des médicaments... Et on sait que le prix peut monter vite, là. Un enfant qui a une infection, ou un adulte, puis qui doit prendre des antibiotiques, on monte très, très vite les factures à ce moment-là. Et les gens devaient tout payer à ce moment-là. Ils n'avaient aucune protection. Là, il y a une protection. Tout n'est pas gratuit, mais, contrairement à ce qu'était la situation avant, c'est plafonné, ce que ça peut coûter, et, à chaque mois, il y a un maximum de ce qu'on peut payer. Donc, il n'y a pas de risque qui est encouru par les gens de ce côté-là. Et ça, ce n'est pas seulement quelques personnes, là, c'est à peu près 1 500 000 de personnes, de gens à petits revenus qui n'avaient aucune protection avant, 1 500 000 personnes qui comprennent plus de 300 000 enfants qui ont maintenant cette protection.

Avant, on avait la situation où, effectivement, une personne de 65 ans et plus ne payait que 2 $ par médicament sur sa prescription, mais la personne de 63, 64 ans ou de 60 ans qui, très souvent, va avoir les mêmes problèmes de santé, va consommer les mêmes médicaments et autant, elle, elle payait tout et n'avait aucune protection. Alors, ce que le programme a fait, oui, il a permis de faire une économie. Je ne sais pas, les chiffres qui ont été cités, d'où ça vient, mais l'économie totale que ça a permis, ça a été de l'ordre de 240 000 000 $.

Mme Loiselle: Ça vient de la RAMQ.

M. Rochon: Ce n'est pas 260 000 000 $ plus 80, c'est une économie dans le système de l'ordre de 240 000 000 $ qui a été possible. Mais ce que ça a surtout fait en plus, ce programme-là, c'est qu'on a vraiment partagé, maintenant, de façon complètement solidaire, qu'on a collectivisé le coût du médicament et en l'ajustant le mieux possible aux revenus des gens. Là aussi, il y a des améliorations possibles, et, là aussi, quand on aura plus de revenus globalement et qu'on pourra augmenter nos dépenses dans le domaine de la santé, il y a des pistes d'amélioration, et le médicament pourra être avec une contribution, au moment de l'achat du médicament, de moins en moins grande, mais c'est parce qu'on aura été capable d'investir plus collectivement, selon les revenus, pour le supporter. Parce que ce ne sera jamais gratuit, il faudra toujours l'assumer. C'est la façon dont on assume le coût, et là on le fait de façon beaucoup plus équitable.

Et je rappellerais que l'interprétation qu'on doit faire des changements de consommation à cet égard, il faut le faire de façon prudente parce que, partout où il y a eu des programmes du genre, il y a eu des modifications dans la consommation des médicaments, et, au total, en général, ça a été une moins grande consommation qu'on a vue parce qu'il est aussi très bien documenté que le médicament... Et, encore il n'y a pas longtemps, des pharmaciens s'exprimaient là-dessus... J'ai combien de temps, M. le Président, pour répondre à la question? Je vous vois faire le signe depuis deux, trois fois que je prends trop de temps, là. Je voudrais m'en tenir à mon temps, mais je voudrais être capable de répondre correctement aussi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est bien évident que, quand la question est longue, la réponse est longue. Ce que j'essaie d'appliquer...

M. Rochon: Alors, j'ai combien de temps, là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...comme principe, c'est que... Je vais expliquer ce que j'essaie...

M. Rochon: Ça m'aiderait à...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...d'appliquer comme principe, comme on a fait hier, c'est-à-dire que, si on veut être rigide, on peut dire: La personne qui pose la question peut se servir de son 20 minutes; la personne qui répond peut se servir de son 20 minutes.

Mme Loiselle: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que je peux être le seul à l'expliquer? Ça va être facile à comprendre.

Alors, ce que j'essaie de faire, c'est de rester à l'intérieur d'un 20 minutes, question et réponse, mais c'est bien sûr que, quand la question est longue, la réponse est longue. Même si ça dépasse un peu le 20 minutes, l'important du rôle du président, c'est de s'assurer que c'est équitable pour tout le monde, et je pense que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas de problème de ce côté-là.

M. Rochon: Alors, il me reste combien de temps pour répondre à cette question-là? Je suis capable de gérer mon temps, M. le Président, mais je voudrais connaître les paramètres avant de partir. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je répète que le principe que je veux appliquer, de façon à ce que ce soit vraiment plus intéressant de part et d'autre, sur l'alternance, c'est le 20 minutes total, question et réponse. Quand je fais signe, c'est simplement qu'on se rapproche du 20 minutes total.

M. Rochon: Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Actuellement, on est dépassé, sur le 20 minutes.

M. Rochon: J'ai dépassé mon 20 minutes?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est-à-dire le 20 minutes total, question et réponse.

M. Rochon: Il me reste combien de temps pour finir ma réponse?

Mme Loiselle: Zéro.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, il nous reste cinq minutes sur votre 20 minutes à vous, mais je recommencerai après, là, je veux respecter l'alternance autant que possible et 20 minutes de question et réponse dans la même... J'applique ça depuis que je préside, de façon à ce que... Le règlement rigide, s'il y en a qui aiment ça fouiller dans les règlements, c'est sûr que le ministre peut répondre aussi souvent qu'il veut. On peut prendre 20 minutes par réponse, mais ce que j'essaie de faire, de façon à ce que ce soit à la fois intéressant et qu'on touche le plus de domaines possible, je le répète, c'est 20 minutes, incluant la question et la réponse. Mais je sais aussi que, quand on débute une session, comme on l'a fait hier, c'est toujours un peu plus long, c'est pour ça que j'en accepte un peu plus.

(10 h 20)

M. Rochon: Merci, M. le Président, tout ce que j'essaie de faire, c'est de vous rendre la tâche la plus facile et la plus agréable à faire. Alors, je vais terminer rapidement sur cette question du programme d'assurance-médicaments après les commentaires référant aux personnes qui sont couvertes, qui sont protégées maintenant et la répartition plus équitable du coût du médicament, en se rappelant qu'il faut interpréter avec prudence les changements de consommation parce qu'on sait qu'un des problèmes avec les médicaments – tout le monde le sait, tout le monde le dit – c'est que, très souvent, on utilise mal les médicaments. Il y a des cas de sous-consommation, mais il y a beaucoup de situations de surconsommation, de consommation de plusieurs médicaments en même temps avec des interactions possibles, et on sait que des personnes qui prennent de façon régulière des médicaments pour un problème chronique... Il y a quelques études qui ont été faites, de mémoire, qui rapportent que 20 % – une personne sur cinq qui prend régulièrement des médicaments – vont se retrouver à une consultation, souvent en urgence dans un hôpital pour un problème qui est relié à la consommation du médicament et qu'il y a à peu près la même proportion, 20 % de ces gens-là qui doivent consulter qui devront même être hospitalisés. Et, sans vouloir dramatiser, il y a une province, la Colombie-Britannique, qui avait fait une étude totale sur la consommation d'une année, et il y a même des décès qui sont survenus à cause d'une mauvaise utilisation du médicament. Donc, une diminution de consommation de médicaments ne veut pas nécessairement dire que c'est des médicaments consommés en moins qui devraient être consommés en plus.

Maintenant, ceci dit, autant, je pense, il ne faut pas conclure que, parce que les médicaments baissent, donc, que les gens perdent quelque chose qu'ils devraient utiliser, autant il ne faut pas conclure de l'autre bord que c'est juste un bon effet du régime. Et, à cet égard, on a mis en place, dès le début de la mise en oeuvre de ce programme, un suivi régulier, d'abord, par le Comité de révision de l'utilisation du médicament qui a été mis sur pied et qui suit la consommation et l'évolution et qui l'analyse. Et, en plus de ça, on a une étude faite par un groupe de recherche qui a été lancée pour aller beaucoup plus précisément, beaucoup plus finement dans les données pour s'assurer que, vraiment, les diminutions de consommation de médicaments sont plutôt un reflet d'une meilleure utilisation du médicament et qu'il n'y a pas des gens qui se privent de certains médicaments à cause des contraintes financières, malgré que les plus démunis n'aient pas à payer plus que 16,50 $ par mois, que, malgré ça, il n'y ait pas des gens qui perdent du médicament à cause de ça.

Dans la gestion du programme, je pense qu'il faut le rappeler, les pharmaciens, qui sont tous en lien informatique direct avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec et en collaboration, les pharmaciens, qui ont fait un travail formidable pour appliquer ce programme, qui collaborent bien avec les CLSC... Il y a un système qui est en place de sorte que, quand des situations individuelles peuvent ne pas être bien prises en compte par le fonctionnement d'un programme qui s'applique à 7 000 000 de personnes... Il y a des cas particuliers qu'il faut gérer ad hoc, de façon très personnalisée, et ça, ça a était fait et c'est encore fait depuis le début du programme, où des gens vraiment mal pris... Et on s'aperçoit que ceux qui sont encore vraiment mal pris, ce n'est pas un problème du programme d'assurance-médicaments, c'est des gens qui ont un problème beaucoup plus global, c'est un problème de sécurité sociale. C'est des gens qui ont aussi de la difficulté avec l'alimentation, qui ont aussi de la difficulté avec le logement, qui ont aussi de la difficulté pour s'habiller. C'est des gens qui sont pauvres, qui sont dans la misère, et l'approche pour les aider, c'est un autre développement que le gouvernement a fait du côté de la sécurité du revenu. Alors, il ne faut pas demander à un programme spécifique de régler beaucoup d'autres problèmes qui demandent une toute autre approche.

Alors, je conclurais tout simplement en disant que c'est bon qu'on fasse une analyse critique – et on la fait régulièrement – de cette réorganisation majeure de nos services de santé. Réalisant le temps dans lequel on a dû le faire, compte tenu des pressions, et réalisant le problème financier qu'il a fallu gérer en même temps que ça, moi, je pense qu'il faut surtout reconnaître les mérites de celles et de ceux qui l'ont réalisée, cette transformation-là, qui, largement, en ont fait leur affaire et qui en ont fait un succès qui va, je pense, se confirmer de plus en plus dans les prochains mois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe, suivi de Mme la députée de Bourassa.

M. Dion: Merci, M. le Président. Bien sûr que les médicaments, ce sont des choses qui sont indispensables pour guérir, mais qui conduisent souvent les gens à l'hôpital, vous l'avez très bien expliqué, M. le ministre. Alors, il y a peut-être des mentalités à changer face à l'utilisation du médicament, et le fait d'établir un certain lien de responsabilité entre le médicament, le coût du médicament et la personne qui prétend en avoir besoin, ça peut aider à éviter les abus. On trouvera toujours des gens, probablement, qui seront placés dans des situations où ils diront: Moi, là, je ne peux pas prendre mon médicament et je risque d'en mourir parce que je suis dans une situation extrême. Il y a des situations extrêmes, probablement, qui existent et qui existeront toujours et auxquelles il faudra faire face avec le plus d'humanité possible.

Mais il y a aussi des choses différentes, d'autres types de cas extrêmes, et je voudrais, ici, juste pour montrer les deux côtés de la médaille, juste le relater très rapidement. Quelqu'un se présente à mon bureau il y a un an avec un panier dans les mains. Qu'est-ce qu'il y avait dans le panier? Une douzaine de contenants de médicaments qui avaient appartenu tous à la même personne, qui avaient été ordonnés, par ordonnance par deux ou trois médecins différents sur un espace de deux ans. Il y avait, dans ce panier-là, six contenants de 100 capsules intactes. Il y avait trois ou quatre contenants de 100 capsules plus ou moins consommées, c'est-à-dire qu'il en restait plus ou moins dedans, mais il en restait des quantités importantes. Et il y avait, en plus, quatre ou cinq contenants de toutes sortes d'autres médicaments. C'est quelqu'un – puisque vous avez parlé des gens à l'aide sociale, je ne veux pas les discréditer parce que je pense qu'ils ne sont pas différents des autres quant à la consommation des médicaments – à l'aide sociale qui avait quitté son logement et qui avait laissé ça là. Donc, des extrêmes, on en trouvera toujours. On trouvera toujours des cas extrêmes et, si on essaie de bâtir des systèmes à partir d'exceptions, je pense qu'on n'arrivera à rien.


Pratique des sages-femmes

Mais ma question ne portait pas là-dessus, M. le Président, elle portait plutôt sur un autre sujet, la question des sages-femmes. On sait combien, pendant de nombreuses années, le gouvernement qui nous a précédé a tergiversé sur la question des sages-femmes. Ça a fini par donner quand même un projet-pilote dont il faut leur savoir gré. Vaut mieux un projet-pilote que rien du tout, M. le Président. Là, le temps a passé, le projet-pilote a été, il semblerait bien, un succès, mais j'aimerais que M. le ministre nous fasse le point sur la question des sages-femmes, où on en est dans le projet-pilote et à quel moment on pense pouvoir étendre ça à l'ensemble de la population.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous le répète pour être bien sûr que tout le monde a compris, à partir de maintenant, quand on approchera du 20, 21 minutes, quand je vous ferai signe, c'est le total des deux.

M. Rochon: Merci, M. le Président. La législation qui a été adoptée au début des années quatre-vingt-dix, si je me rappelle bien, prévoyait effectivement que, sur une base un peu d'expérimentation, on développerait huit – finalement, ça a été possible de le faire pour sept – projets-pilotes de maisons de naissances de façon qu'on puisse, compte tenu de différents types de résistance dans notre société à la pratique des sages-femmes, évaluer de façon très rigoureuse dans quelles conditions et selon quelles modalités cette pratique pouvait se faire en assurant un service de qualité et toute la sécurité pour la mère et pour l'enfant dans le suivi de la grossesse et au moment de l'accouchement et, au besoin aussi, dans le suivi après l'accouchement.

Alors, dans l'ensemble, ce projet d'évaluation avec les projets-pilotes s'est très bien passé. Il y a un comité d'évaluation qui, lui aussi, est allé chercher les meilleures connaissances, les meilleurs experts qu'on avait pour évaluer de façon vraiment expérimentale, dans ce sens qu'il y avait la pratique et les accouchements faits par des sages-femmes. Je pense qu'elles en ont fait près de 3 000 pendant cette période de huit ans, à peu près, et chaque accouchement avait été apparié avec une femme qui avait sa grossesse et qui était suivie par un médecin. Il y a donc eu, vraiment, une comparaison de deux groupes pour s'assurer que, pendant le suivi de la grossesse, au moment de l'accouchement et dans les suites de l'accouchement, on avait des résultats comparables pour connaître à quels égards les services étaient différents pour la patiente, pour la personne. Les services offerts par le médecin ou par la sage-femme.

Et les conclusions du projet-pilote ont été très positives. On a fait ressortir que, de façon générale, par exemple, la pratique des sages-femmes était moins interventionniste que celle des médecins. On le suspectait avant, mais ça a été vraiment très bien documenté. Et les résultats sont assez positifs qu'il a été possible, pour le gouvernement, de prendre la décision que, oui, on peut créer un nouvel ordre professionnel et que la pratique des sages-femmes devienne tout à fait légale dans notre société.

(10 h 30)

Ordre professionnel, c'est-à-dire une profession autonome qui pourra pratiquer selon des règles déterminées et surveillées par un ordre professionnel. Ayant pris cette décision, il s'agissait de voir comment, de cette étape d'évaluation et de projet-pilote, on passait à une étape régulière de développement. Il y a des enjeux importants. D'abord, il faut s'assurer d'avoir des programmes de formation de sages-femmes, ce qu'on n'a pas au Québec présentement. Il y a à peu près 70 sages-femmes, présentement, qui ont été reconnues. Parce que, avec le comité d'évaluation, il y a eu aussi un comité qui a fait l'évaluation de chaque personne qui se présentait, ayant obtenu une formation, nécessairement à l'extérieur du Québec, parce qu'on n'en forme pas ici, encore une fois, donc un mécanisme d'agrément pour chacune des personnes. Il y a 70 personnes qui ont été ainsi reconnues et qui avaient le droit, dans le cadre des projets-pilotes, de pratiquer. De 40 à 45 pratiquent présentement, dans les sept projets-pilotes qui sont en fonctionnement. Mais on calcule que, pour en avoir suffisamment, le nombre devra augmenter progressivement au cours, je ne me rappelle pas, je pense que c'est des cinq ou 10 prochaines années, jusqu'à à peu près 200, je pense, qui serait un peu le nombre optimal, compte tenu de ce qu'on a pu connaître, qu'on peut prévoir comme demande pour ce type de service. Donc, un appel d'offres a été fait, et il y a maintenant deux ou trois universités qui sont prêtes. Il y aura un choix à faire parce qu'il n'y a pas assez de personnes à former pour qu'il y ait deux ou trois programmes en compétition. Il y en aura un au Québec, mais il y a au moins deux ou trois propositions qui ont été faites, et la Conférence des recteurs, la CREPUQ devra faire son choix.

Au-delà de la formation, il fallait s'assurer que l'ordre professionnel ainsi créé soit mis sur pied. Ce n'est pas simple de mettre un ordre professionnel sur pied: il faut avoir des règles d'éthique, il faut avoir des règles de pratique établies. Bien sûr que toute l'évaluation va donner tout ce qu'il faut comme information puis comme connaissances pour faire ça, mais il faut l'organiser, présentement. Et il reste une décision à prendre, un choix à faire, ayant décidé de légaliser, comme on dit, la pratique des sages-femmes, à savoir quel type de corporation professionnelle on aura. Et on sait qu'il y a eu une évolution là aussi, au cours des dernières années. L'Office des professions a mené une large consultation. Le Conseil interprofessionnel a eu beaucoup de réflexions et de discussions aussi. Et on considère, par exemple, la possibilité d'avoir des ordres mixtes, dit-on, qui pourraient favoriser une plus grande multidisciplinarité. Au lieu que chaque profession ait nécessairement sa corporation, il pourrait y avoir des corporations qui couvrent deux, trois types de professions, favorisant ainsi une meilleure intégration et de meilleurs échanges de collaboration entre ces professionnels.

Alors, là, il y a une consultation que l'Office des professions va faire pour déterminer si le nouvel ordre professionnel devra être un ordre juste pour les sages-femmes ou s'il pourrait être un ordre mixte. Et, si c'était un ordre mixte, il pourrait être mixte soit avec les infirmières, soit avec les médecins. Alors, dans les prochains mois, ça ne prendra pas des années, ça, il y aura consultation, des recommandations seront faites par l'Office et une décision sera prise à ce sujet-là.

Donc, programme de formation, préparation de tout ce qu'il faut pour faire fonctionner une corporation professionnelle. Après, une décision sur le type de corporation qu'on veut avoir. Alors, il y a un projet de loi qui est présentement devant l'Assemblée nationale, qui propose de faire une extension d'une année de la loi actuelle, de sorte qu'on garde le système mis en place d'évaluation des projets-pilotes, avec certains ajustements au besoin, mais comme système qui va encadrer, dans les projets-pilotes, la continuation de la pratique des sages-femmes. Ça va permettre de recueillir encore plus d'information pour répondre de façon encore plus précise à certaines questions qui ont fait l'objet de l'évaluation. Et le projet de loi prévoit une année, avec une extension possible, par décret, de trois mois, pour être sûr d'ajuster et ce qui a été évalué comme étant à peu près le délai normal, naturel qu'il faudrait pour que les décisions soient prises, les programmes de formation mis en place et qu'on ait un nouvel ordre professionnel créé.

Il restera une décision à prendre pour une gestion complète de la pratique des sages-femmes, qui, là, se fait et se fera donc dans des maisons de naissances qui sont, en général, rattachées ou ralliées de très près à un CLSC, qui sont en lien avec le réseau des établissements et des hôpitaux. Ça n'a pas toujours été facile à faire, mais c'est important qu'il y ait un lien avec les hôpitaux, de sorte que les passerelles de transfert, de référence, de consultation et de transfert puissent se faire de façon harmonieuse.

Les médecins ont évolué de façon assez importante, alors qu'en 1990, la profession médicale, en général, je pense, s'opposait à la pratique des sages-femmes. Maintenant, le Collège des médecins lui-même a demandé, depuis à peu près un an, a proposé une modification de ses propres règlements pour que la pratique de sage-femme soit permise à l'hôpital. Donc, en mettant en place l'ordre professionnel, ça va permettre de régulariser cette partie-là aussi. Donc, il y a deux sites où c'est très clair: l'hôpital ou la maison de naissances. Il reste une question: Est-ce que les sages-femmes pourront faire des accouchements à domicile? Et ça, on pense que c'est l'ordre professionnel qui sera créé qui sera le mieux placé pour voir, oui, et dans quelles conditions et comment? Qu'est-ce que ça veut dire «faire une accouchement à domicile»? Parce qu'il y a effectivement des femmes qui le demandent, qui le souhaitent, d'accoucher à domicile.

Par contre, personne, y compris les femmes qui souhaitent accoucher à domicile, voudrait que ça se fasse en n'appliquant pas le minimum de règles de pratique qui assurent une grande sécurité pour l'enfant et pour la mère. Alors, ça, ça n'a pas été complètement clarifié. Il y a des tenants de thèses différentes, on peut l'imaginer, et ça devra être fait par l'ordre professionnel au cours de la première année de sa mise en application.

Un dernier mot que je dirais là-dessus pour qu'on voie bien tout le portrait. La pratique de sage-femme, qui sera une pratique, une profession autonome, va se faire quand même très en lien avec les réseaux de la santé et des services sociaux. Au niveau des régions, les régies régionales auront, dans le cadre de leur mandat de coordination d'allocation des ressources, à s'assurer que ce type de service est accessible équitablement sur les différents territoires de la région, et la pratique de la sage-femme sera en lien avec le CLSC, qui sera l'organisme responsable d'encadrer sur le terrain cette pratique.

Alors, voilà, je pense, ce qui peut être un résumé à vol d'oiseau de la situation qui conclut, finalement, à une évolution très, très, très positive. Et, dans ce sens, le Québec vient rejoindre enfin le rang de la plupart des pays dans le monde et de la plupart des provinces du Canada d'ailleurs, je pense. C'est sûrement le cas de notre voisine, l'Ontario, qui a depuis longtemps légalisé la pratique des sages-femmes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Dion: Est-ce que je pourrais ajouter juste une question? En termes d'horizon, est-ce qu'on peut prévoir, étant donné qu'il faut tenir compte de la formation des sages-femmes, et tout ça, un horizon précis de cinq ans, de 10 ans pour la généralisation de la pratique de la sage-femme au Québec?

M. Rochon: La généralisation va se faire, va commencer dans un an, quand l'ordre professionnel sera créé. Et là le rythme d'accessibilité à ce service va dépendre du nombre de sages-femmes qu'on a. Et là de mémoire, je ne me rappelle pas, mais je pense que... Je ne sais pas si quelqu'un a cette information-là ici... Je pense que c'est sur une période de 10 ans qu'on prévoit atteindre à peu près 200 sages-femmes. Parce qu'on dit que c'est une période de formation de quatre ans. Alors, partir du moment où on commence, en septembre prochain, on devrait avoir des programmes de formation qui commencent à fonctionner. Ça prend quatre ans avant que le premier groupe de sages-femmes nouvellement formé soit prêt à pratiquer. Et à ce rythme-là, on pourrait... M. le Président, est-ce que je...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, si vous voulez le présenter.

M. Rochon: ...M. Pierre Joubert, qui est à la Direction générale de la planification et de l'évaluation et qui a suivi de très près ce projet, surtout la partie évaluation, a probablement les données plus à l'esprit que je les ai présentement.

M. Joubert (Pierre): Alors, M. le Président, effectivement, M. le ministre a raison de dire qu'il y a un horizon d'environ cinq à six ans, je dirais, pour avoir un rythme de croisière suffisamment important pour qu'il y ait une généralisation dans l'ensemble du Québec. Actuellement, ce qu'on prévoit, c'est qu'à partir du moment où il y a un programme de formation qui est en place dans une université, c'est qu'il va y avoir un rythme d'accroissement des sages-femmes d'à peu près une vingtaine par année. Et donc, on peut penser que dans cinq à six ans, peut-être 10 ans, au plus tard, il y aura environ un contingent de 200 sages-femmes au Québec qui seront en mesure de pratiquer dans l'ensemble du territoire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je vous remercie. Mme la députée de Bourassa, suivie de M. le député de L'Assomption et de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Impacts du virage ambulatoire sur les femmes, les organismes communautaires et sur la privatisation de services

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais faire des commentaires aux commentaires qui ont été formulés par M. le ministre et, dans la deuxième partie, revenir sur la question des aidants naturels, du pelletage clair aux organismes communautaires. Et on ne parle pas, malheureusement, assez de la privatisation. Et, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, il y a actuellement plusieurs signes de privatisation, soit active ou passive, auxquels il faudra être très attentifs.

En 1985, j'aimerais rappeler que c'était la création de la commission Rochon, commission qui était présidée par l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux. En 1988, la commission Rochon avait publié son rapport, et je ne peux m'empêcher de reprendre quelques extraits particuliers, avenants significatifs de ce rapport.

Premièrement, il avait été déclaré: «Nous avons raison d'être fiers de notre système de services de santé et de services sociaux.» La commission réaffirme la nécessité fondamentale du système de santé et des services sociaux, à savoir l'amélioration de la santé et du bien-être. On semble être définitivement beaucoup plus préoccupé par la poursuite du déficit zéro, poursuite vaille que vaille, si je peux dire, que, finalement, par cet engagement de voir à l'amélioration de la santé et du bien-être.

(10 h 40)

La Commission avait identifié deux conditions préalables: la recherche d'une plus grande équité sociale, laquelle se perd de vue de plus en plus, et le développement de l'équilibre social, équilibre qui est sérieusement compromis, certains organismes allant jusqu'à dire qu'il n'y a plus, actuellement, de filet social. Il a été établi depuis longtemps que les mécanismes du marché ne doivent pas s'appliquer aux services sociaux et aux services de santé. Mais, malheureusement, on peut voir, particulièrement pour certains services dispensés au niveau du maintien à domicile, déjà s'appliquer cette loi-là. L'équité en matière d'accessibilité aux services et de distribution des ressources dans la collectivité ne peut être assurée sans le maintien d'un système public fort. Je pense que c'est l'objectif qui ne doit pas être perdu de vue. En 1998, malgré les engagements formels du ministre Rochon d'octobre 1997, on a participé à une émission de télévision ensemble, et vous l'aviez réaffirmé à cette occasion à plus d'une reprise: il avait été question de mettre fin aux compressions dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ces dernières continuent: 158 000 000 $ en 1998-1999 au Québec, dont 55 000 000 $ à Montréal seulement.

Je pense qu'on ne peut pas prétendre que c'est la réorganisation, la transformation du réseau de la santé. Ils sont dans un objectif de poursuite du déficit zéro. Elles se sont faites, et la réorganisation et les transformations, dans un contexte de coupures sans précédent, à un rythme effarant qui laisse des traces sur le terrain, dans la réalité, pour le vrai monde, dans la vraie vie, et on ne peut pas ne pas voir cette réalité-là, parce qu'on ne pourra pas apporter les bonnes solutions aux bons problèmes si on nie en partant le problème ou si on dit que ce problème-là n'est pas aussi important ou qu'il relève de l'anecdote ou encore d'une polémique purement académique.

Vous avez parlé de services pour la communauté ou services dans la communauté. Moi, j'aimerais apporter une distinction extrêmement fondamentale, et on semble la perdre de vue. Lorsqu'on parle de services pour la communauté ou services dans la communauté, ça ne veut pas dire que ces services-là doivent être assumés par la communauté, ce qui est le cas à l'heure actuelle. Jusqu'à preuve du contraire, la mission des établissements de santé n'a pas changé, et on observe une déresponsabilisation à plusieurs niveaux. Ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne parlait des aidants naturels, et on veut bien vous croire. Mais, quand on regarde la réalité et notamment la réalité des aidantes naturelles, ou encore des épuisées naturelles, ou des aidantes surnaturelles, il y a tout lieu de penser que ça n'avait pas été planifié dans les moindres détails. On a pris pour acquis que les femmes reprendraient leur rôle traditionnel d'infirmière et qu'elles seraient auprès des malades. Et ça, vous ne pouvez pas refuser d'admettre que, quand un parent reçoit, à trois heures de la nuit, un appel de l'hôpital qui lui dit: Venez chercher votre conjoint, venez chercher votre père, venez chercher votre mère, c'est le parent ou le conjoint qui va prendre la suite des événements. C'est lui qui va aller le chercher à l'hôpital à trois heures de la nuit. Et c'est très fréquent, parce que vous savez qu'on libère des lits à un rythme effarant, toujours dans la même poursuite de la logique économique à laquelle on assiste. Alors, le parent, à trois heures du matin, part, va à l'hôpital chercher le conjoint, le père ou la mère, revient à la maison. C'est évident que, le lendemain matin, c'est lui qui va être à domicile et c'est lui qui va en prendre charge.

Je ne sais pas si on a soit sous-estimé l'impact sur les femmes, parce que ce sont elles qui assument, dans des proportions variant de 60 % à 80 %, la charge à domicile du parent, du conjoint ou même d'autres membres de la famille, ou si, préférablement, on ne l'a pas estimé du tout. Le Conseil de la santé et du bien-être, dans un avis qu'il faisait parvenir en juin 1997 et portant sur l'évolution des rapports publics-privés dans les services de santé et les services sociaux, à la page 37, disait: Il faut par ailleurs relever une autre difficulté majeure, difficulté que l'on n'arrivera sans doute jamais à surmonter. Et vous vous étiez engagé à faire des analyses, des études en ce qui a trait à la participation des femmes ou au fardeau des femmes. L'impossibilité de mesurer la part réelle des ressources privées de financement – et ça, c'est un problème important à l'heure actuelle et cette part-là s'accroît de plus en plus – et des services offerts par les femmes, les familles, les bénévoles et les organismes communautaires dans le secteur social. Mais elle ne doit cependant pas nous faire oublier que c'est de ce côté que se trouve l'essentiel des services sociaux et des services de soutien aux individus.

Alors, qu'on parle d'aidants naturels ou d'épuisés naturels, de pelletage aux organismes communautaires du terrain, qui l'ont déclaré à plus d'un égard et à plus d'une occasion, et pour le regroupement des organismes de Montréal et pour le regroupement des organismes de Québec, c'est sûr qu'il y a des investissements énormes qui sont faits. Alors, est-ce qu'ils ont été pris en compte? Est-ce qu'on a pris pour acquis que les gens le feraient? On fait du dumpage, et je pense que c'est extrêmement important qu'on s'y arrête.

Vous avez parlé de maintien à domicile. Les gens sont effectivement à domicile, toujours dans la même logique de libérer des lits le plus rapidement possible. Ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne avait raison de dire que les plans de transformation ont également permis de prendre avec succès le virage. Elle a eu raison de dire que l'emploi du terme «succès» la faisait un peu sursauter. Toutes les conditions qui devaient être nécessaires à ce succès ou au succès de ce virage ambulatoire – et il y a juste à regarder les arrimages à Montréal entre les centres hospitaliers, les CLSC, les cliniques privées – ne sont pas faits.

Quand on regarde les investissements qui sont faits par les organismes communautaires, qui, actuellement, ne s'en réfèrent plus au réseau public, mais c'est le réseau public qui dumpe sur le communautaire. C'est sûr, on a manqué un grand pan de la réalité du terrain, de la vraie vie. Les organismes communautaires, à l'heure actuelle, récoltent cette espèce de... Ce n'est pas de la planification, ça. Ce n'est certainement pas une planification qui a été faite dans le moindre détail. On a parlé d'improvisation à plus d'un égard, et c'est certainement un bel exemple. Il faut revoir l'organisation des services, la coordination, les arrimages. Les partenariats, à ma connaissance, encore une fois principalement à Montréal, sont loin d'être arrêtés. Des gens nous appellent dans nos bureaux de comté, et moi plus particulièrement, parce que je suis très sensible à ce secteur-là. Encore des gens partent avec une feuille dans la main, de l'hôpital, parce qu'on libère un lit le plus rapidement possible. L'infirmière de liaison a été coupée, le contact n'a pas été établi avec le CLSC. On demande à la personne de magasiner les soins et les services dont elle aura besoin, et, quand elle appelle aux CLSC, les CLSC sont débordés, sont sous-financés et ne peuvent malheureusement pas répondre aux besoins de ces personnes-là. Et, dans certains cas, c'est encore plus criant: on demande aux gens qui devraient récupérer à domicile, supposément parce qu'on récupère mieux dans son lit, de se rendre au CLSC, parce que le CLSC, il ne se déplace pas.

Les gens n'ont pas le temps de récupérer à l'hôpital, on les met dehors de l'hôpital sans véritable suivi et à leurs risques. Et, encore une fois, lors de la campagne, j'ai vu des gens qui ont perdu un oeil par suite de congés trop rapides, j'ai vu des gens qui étaient singulièrement... et, malheureusement, qui avaient vécu des situations qui étaient absolument non souhaitées et non souhaitables. On suppose que les CLSC, comme on supposait que les femmes prendraient la relève, comme on suppose à l'heure actuelle que les organismes communautaires vont suppléer au dumpage du public. Et, encore une fois, je vous rappelle que le mouvement est inversé: avant, l'organisme communautaire s'en référait au réseau public pour avoir des services, et actuellement c'est le réseau public qui réfère à l'organisme communautaire pour la prise en charge. Alors, il y a un problème épouvantable.

(10 h 50)

On suppose que les CLSC donneront des soins à domicile, mais les gens n'ont pas les services qu'il devraient avoir. Les services de maintien à domicile, sur lesquels était censé s'appuyer le virage ambulatoire, sont inadéquats, constatent un grand nombre d'organismes communautaires. Ces services sont dispensés au terme d'une attente qui peut durer des semaines et des semaines ou des mois et des mois. Ils sont souvent réduits au minimum ou simplement refusés. Tant pis pour ceux et celles qui ne peuvent payer les coûts de ces services «marchandisés» dans l'économie sociale et dans le secteur privé. En fait, souvent, dans les CLSC, on a la philosophie de donner moins de services à plus de personnes – et on parlait d'équité sociale au début; alors, c'est ça, là, on en est rendu là – au lieu de combler l'ensemble des besoins d'une personne. Par exemple, on va aller chez une personne trois fois par semaine au lieu de cinq fois, même si elle a besoin de cinq visites/semaine. Les gens sont de plus en plus affectés par la diminution des services de maintien à domicile. Il y a beaucoup de privatisation dans les services de maintien à domicile, de répit de gardiennage et d'entretien ménager. J'évoque quelques-uns... Bon, il y a une enquête qui a été menée, et c'est récent, on ne parle pas des calendes grecques, on parle d'avril 1998, un rapport d'enquête sur les impacts de la transformation du réseau de la santé et des services sociaux à Montréal, sous le titre Leur équilibre, notre déséquilibre , qui est publié par le regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal, suivant une enquête qui a été conduite très récemment auprès d'un nombre important d'organismes communautaires, plus d'une centaine d'organismes communautaires, dont on trouve d'ailleurs la liste dans le volume.

En plus du virage ambulatoire, le vieillissement de la population accroît considérablement la demande de services à domicile. Tout le monde se targue de faire des statistiques et tout le monde se targue de faire des rapports, peu importe la couleur: blanc, rose, vert. On pouvait prévoir une augmentation de la demande rattachée au vieillissement de la population. Ça, on pouvait le planifier dans le moindre détail, c'était prévisible, ce n'était pas un secret bien gardé, c'était évident. Alors, au lieu de prévoir et d'avoir des argents nécessaires pour faire face à la demande, on a coupé, coupé, coupé sans précédent. Alors, je ne sais pas si c'est ce qu'on peut appeler... C'était prévisible, dit-on ici, depuis longtemps, mais l'État a préféré fermer les yeux.

En ce qui a trait aux aidants naturels, ici on les qualifie de «mamans-providence». Les femmes sont indéniablement plus affectées que les hommes par le désengagement financier de l'État dans le réseau public et par le transfert des responsabilités publiques aux individus et à leur entourage. Ce sont les femmes qui subissent davantage les contrecoups du virage ambulatoire. Et, vous vous souviendrez, M. le ministre, que je vous ai interpellé à ce sujet en décembre 1997, une première fois, et deux fois subséquemment, quant aux organismes communautaires qui lançaient un cri d'alarme, qui dénonçaient vivement le recul dans l'accessibilité des services. Ils dénonçaient souvent le fait qu'ils doivent combler de plus en plus, à ne plus être capables, malgré une bonne foi évidente, les besoins que le réseau public n'assume plus. Et je vous avais également interpellé une autre fois, suivant un appel à l'aide du regroupement des organismes communautaires de la région de Québec, qui lançait également, tout comme ceux de Montréal, un cri d'alarme. Et ils avaient lancé des cris de désespoir qui disaient: Trop, c'est trop. Le ministre parle de cas isolés, ce n'est pas vrai, ce n'est pas du tout ce qui se passe. Le communautaire n'est pas la poubelle du réseau. Le virage est un échec, c'est un dérapage.

Et, vous avez, quant à la question des aidantes naturelles... Je vous avais interpellé également suite à la publication d'un article dans Le Devoir du 24 avril, signé par M. Jean-Robert Sansfaçon, où on disait: «Qu'on ne s'y méprenne pas, les femmes ne vont pas accepter de reprendre leur rôle traditionnel d'infirmière et de servante à temps plein auprès des malades et des personnes âgées.» J'avais fait état de recherches récentes en plus d'une recherche qui avait été menée par Garant et Bolduc. Je vous avais parlé de la recherche de Mme Nancy Guberman, de l'Université du Québec à Montréal, la recherche de Sylvie Lauzon, professeure à l'Université de Montréal ainsi que la recherche de l'Association canadienne pour l'avancement des sciences, lesquelles recherches sont venues confirmer que ce sont bel et bien des femmes qui, dans une proportion de 70 % à 80 %, font les frais du virage ambulatoire, en sacrifiant leur vie personnelle, familiale et sociale, ce qui les confine dans une détresse psychologique importante.

Et je vous avais demandé alors si vous étiez conscient du fardeau que ça impliquait pour les femmes, et vous aviez convenu, je crois, que vous étiez pour faire une analyse, que vous aviez commandé des analyses sur le sujet. Je voudrais savoir si elles sont disponibles, et si nous pouvons y avoir accès, et, deux, quels moyens concrets vous entendez prendre pour éviter que les femmes continuent à supporter, à faire les frais, je pense qu'il ne faut pas avoir peur de l'admettre, ce n'est pas dit de façon... c'est réaliste, ça ne peut pas être plus vrai, je regrette, ce sont les femmes qui font... Moi, j'ai rencontré une femme qui avait une carrière dans le domaine des communications, qui travaillait pour Radio-Canada, qui s'est retrouvée du jour au lendemain comme support à ses parents âgés à domicile et quand elle est venue me voir, ça a été la première partie de la rencontre, un cri de détresse. Épouvantable! Épouvantable! C'était déchirant! Absolument déchirant! Je ne pouvais rien faire d'autre que l'écouter. Dans la deuxième partie, on a tenté de voir ensemble ce qu'elle souhaitait comme solution, ce qu'il y avait de possible. Cette femme-là est en train de mourir, et beaucoup d'autres femmes comme elle actuellement sont en train de mourir.

Et il faut avoir pris la charge d'un parent malade – et Dieu sait qu'on les aime nos parents, nos pères, nos mères, nos conjoints, nos enfants – pour savoir à quel point ça occupe notre temps. Il n'y a pas une minute d'une journée qui n'est pas calculée. Dès que vous mettez les pieds à terre, vous savez que vous êtes réservé à faire des activités qui vont s'enchaîner toute la journée. Vous n'avez plus de liberté. Vous n'avez plus la possibilité d'aller dehors, de téléphoner, de faire vos courses, de rencontrer des amis. Vous êtes captif, pris au piège. Et ça, M. le ministre il faudrait aussi prendre en compte les effets que ça va avoir sur les femmes et les effets futurs que ça va entraîner pour le réseau de la santé et des services sociaux. Il ne faut pas sous-estimer le coût que ça aura. Les impacts seront importants.

Le pelletage des OSBL. J'attire, en plus de ce volume-là, votre attention sur le pelletage des établissements publics. Les communautés, les organismes communautaires en ont plein le dos. Encore là, c'est un mémoire qui est récent, décembre 1997, mémoire sur la transformation du réseau de la santé et des services sociaux et qui est membre du regroupement des organismes communautaires de la région de Québec.

Alors, je pense qu'il faut s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard, et il est déjà très tard. Il y a déjà des brèches importantes. On parlait de privatisation, qu'elle soit active et passive. Vous savez, M. le ministre, quand on est informé de quelque chose et qu'on n'intervient pas pour le régler, par l'inaction, ça contribue une privatisation passive.

Je vous ai envoyé une note en Chambre, une note manuscrite. Je vous avais dit que, quand on parle de l'investissement que font les femmes, ce n'est pas anecdotique, ce n'est pas isolé. C'est répandu, et dans toutes les régions du Québec. C'est important. Je vous invitais à faire l'examen de cette question-là. Et j'avais conclu... Je vous avais aussi sensibilisé pour les organismes communautaires et je vous avais dit: «Vous savez, M. le ministre, si vous ne bougez pas, ça équivaudra, encore une fois, à une autre forme de privatisation, cette fois, passive.» Et cette note-là, je vous l'ai transmise de façon manuscrite en décembre.

Une voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: J'en avais gardé une photocopie, parce que, moi, j'arrive, je ne sais pas comment ça marche. Je peux faire... Note remise en Chambre à M. le ministre, le 9 décembre. Alors, je vous avais dit: «On ne parle plus d'un risque mais bien d'une situation qui se répète de plus en plus.» On évoquait cette fois-là le pelletage sur le dos des organismes communautaires de la région de Québec. Encore une fois, c'est faux de prétendre que le problème n'est pas important. Les ressources allouées au CLSC sont insuffisantes pour leur permettre de faire face à l'ensemble de leurs responsabilités, et Dieu sait si elles en ont. Elles ont été augmentées avec le virage ambulatoire. Elles ont la volonté, mais on ne parle de volonté, ici, on parle de capacité. Les bénévoles – idem pour des familles, des femmes, des conjoints – posent concrètement des actes qui sont du ressort exclusif des professionnels de la santé. Vous savez pertinemment qu'il y a des infirmières-auxiliaires aujourd'hui qui à domicile donnent des injections qui sont du ressort exclusif des infirmières. On le tolère. Il y a une femme qui m'a dit que l'infirmière du CLSC lui avait donné un enseignement d'une heure pour faire une injection à son père. Son père ne voulait pas le recevoir même si sa fille, il l'aimait, parce qu'il était insécure, il avait peur des conséquences. La fille ne voulait pas la faire, mais l'infirmière du CLSC lui a dit: Vous n'avez pas le choix.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, je suis obligé de vous arrêter. Vous avez déjà dépassé 20 minutes. J'avais demandé la collaboration de tout le monde. Des questions courtes pour des réponses courtes. Mais, quand on pose 20 minutes de question, je pense bien qu'on peut permettre le même temps de réponse.

Mme Lamquin-Éthier: Juste deux petites choses, M. le Président. Je vous le jure. Je vous avais dit: En cas d'erreur, qui sera responsable? Le bénévole, la conjointe, la fille, le CLSC, le centre hospitalier? Les questions importantes qui n'ont pas de réponses à l'heure actuelle. Et on parle toujours de planification. Je vous avais dit: Il s'agit d'un transfert de responsabilités qui sont toujours, jusqu'à preuve du contraire ou jusqu'à modification de la loi, celles du réseau. Il s'agit aussi d'une forme de privatisation passive sérieuse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous donne exactement le même temps, M. le ministre. Quand je vous ferai signe, c'est parce que vous serez arrivé au même temps.

(11 heures)

M. Rochon: Merci, M. le Président. À travers tout ce qui a été dit, j'ai essayé de suivre le mieux possible. Je pense qu'il y a trois types de points qui sont soulevés plus ou moins sous forme de commentaires plutôt que de questions. La question des aidants naturels – c'est régulièrement les femmes – les groupes communautaires et la question de la privatisation. Ce que j'ai bien compris, tout ça revenait d'une façon ou d'une autre à un ou l'autre de ces points-là. Si c'est ça, je vais essayer, le plus correctement possible, de donner un peu d'information à cet égard. Deux commentaires un peu préliminaires, quand même, parce que tout ça était enrobé, aussi, dans beaucoup d'opinions et de commentaires faits par la députée.

Une voix: ...

M. Rochon: Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme Lamquin-Éthier: Ils ont été appuyés par des études, par des rapports.

M. Rochon: Oui. Certains, oui. D'abord, mon premier commentaire, c'est que c'est bien sûr qu'il y a des situations très difficiles, parfois très pénibles que des gens vivent. C'est un système de santé et de services sociaux dans sa partie de traitement en dehors de ses activités de prévention et de promotion. Quand on rencontre des gens qui, en bout de ligne, subissent les conséquences de ce qui a été fait ou de ce qui n'a pas été fait, très souvent en dehors du système de santé et de services sociaux, il y a beaucoup de problèmes que les gens vivent qui sont le résultat d'actions faites ou non faites ailleurs. Certains ont déjà décrit le secteur comme le secteur des conséquences. Je pense qu'il faut avoir ça à l'esprit en partant et qu'on a tout un réseau, avec plus de 200 000 personnes qui, à tous les jours, doivent être capables d'avoir beaucoup d'empathie et de compassion pour aider des gens qui sont dans des situations très difficiles. Encore une fois, je voudrais dire qu'on est très sensible au fait qu'un système en réorganisation, surtout dans les conditions où on le fait, parfois peut peut-être voir se faire des effets ou des conséquences non souhaités qui, dans des périodes d'ajustement ou de réajustement, ne donnent pas encore un service tout à fait optimal. Ça, on comprend ça; on en est très conscient. Je pense que tout le monde a un désir très grand de minimiser les impacts de la réorganisation d'un système et de corriger partout le plus vite possible à mesure qu'on avance. C'était mon premier point.

L'autre, je voudrais quand même replacer un peu les pendules. Je comprends, dans le système de démocratie parlementaire où on dit que le rôle de l'opposition, c'est de s'opposer et que, quand c'est bien joué, ça aide beaucoup, parce que c'est une analyse critique qui fait voir des côtés plus négatifs, que, peut-être, le gouvernement pourrait être tenté de ne pas trop remarquer le rôle et la préoccupation du gouvernement. Mais aller jusqu'à s'acharner contre le système de santé pour taper sur tout ce qui bouge et tout ce qui est en difficulté, il y a une limite à ne pas franchir à un moment donné, parce qu'on ne s'aide pas comme société. Il y a des périodes dures à traverser, il y a des gens qui les vivent comme patients, comme clients, comme bénéficiaires, comme usagers – je sais que la députée est sensible au terme; elle ne m'a pas encore suggéré quel terme je devrais utiliser, mais j'attends toujours – mais il y a des gens qui travaillent dans le système qui vivent aussi des situations très difficiles, très tendues et qui ont le souci que ça s'améliore. Alors, je voudrais juste qu'on se rappelle que le système a beau être fort, a beau être capable d'en prendre, il faut arrêter de le décrier outre mesure, surtout que – et là je vais me permettre de le redire – parce que c'est trop facile de venir déblatérer sur toutes les difficultés qu'on a, en n'ayant pas réalisé, encore une fois, tout ce qui ne s'est pas fait quand ça aurait dû se faire.

La députée a fait référence à la Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux, que j'ai eu le bonheur de présider et qui m'a permis d'apprendre un tas de choses sur notre système de santé et sur la société québécoise. Et c'est vrai, M. le Président, de dire que, pendant qu'on faisait ce rapport... On l'a commencé à la fin de 1985 et on l'a terminé à la toute fin de 1987. Et dans les années qui ont suivi, où un gouvernement du Parti libéral, à ce moment-là, a investi deux, trois années à revalider une bonne partie des recommandations pour finalement décider d'appliquer l'essentiel du rapport, où il y a une couple d'années qui ont été investies, ça, ça a été jusqu'à la fin des années quatre-vingt, le début des années quatre-vingt-dix, toujours par le même gouvernement, pour refaire la structure, refaire la législation, je n'avais aucune idée, moi, quand j'étais à la Commission avec mes collègues et dans les années qui ont suivi, que, pendant que le gouvernement validait, discutait, décidait s'il suivrait ou pas, s'embarquait dans la partie restructuration, qu'il fallait faire d'abord sur le plan légal, il fallait refaire la loi, et que, pendant toute cette année-là, le même gouvernement, lui, non seulement il n'agissait pas sur le système de santé et services sociaux pendant ce temps-là, mais il défonçait un budget.

Vous allez le réentendre, là, hein, il faut le faire, six ans de suite, défoncer de 1 000 000 000 $ un déficit déjà prévu au budget et, dans l'espace de sept ans, doubler la dette du Québec. Alors, ça, ça a été une période qui nous a appauvris terriblement. Puis, pendant que l'argent sortait par les fenêtres comme ça, de l'argent qu'on n'avait pas, où on empruntait pour payer l'épicerie, comme on dit, on prenait du recul partout. En 1994-1995 – il faut bien réaliser, là, on a beau dire tout ce qu'on veut dire, que c'est dans le maintien à domicile, actuellement, où on est en retard par rapport à d'autres – l'Ontario avait plus que le double de ce qu'on donnait en maintien à domicile, il y a quatre ans. La réorganisation hospitalière, on avait encore des durées de séjour de deux, trois jours de plus qu'à peu près partout ailleurs, avec tout ce que ça veut dire de non-efficacité dans la façon d'utiliser nos services; les groupes communautaires n'étaient même pas financés à la hauteur de 100 000 000 $.

Donc, on peut passer partout comme ça, là, pendant toute une période cruciale, de 1988 à 1992, il y a de l'action sur le terrain qui aurait dû commencer, qui n'a pas commencé, et, pendant ce temps-là, il y a un gouvernement qui nous a endettés puis appauvris. Ça, je veux bien le rappeler, parce qu'on peut bien décrier tout ce qu'on veut aujourd'hui, faire comme si tout était beau avant, tout était magnifique, tout était beau puis que c'est depuis qu'on réorganise le système que ça va mal, bien, ça, ce n'est pas vrai puis il faut garder un minimum de perspective là-dedans. Et je pense qu'encore une fois la critique, on la souhaite, on en a besoin, on la veut, elle peut nous aider, mais quand ça devient une entreprise d'acharnement, à un moment donné, ça devient moins utile, puis il faut prendre le temps de replacer les pendules un peu.

Bon, alors, ça, réalisant qu'à peu près sur tous les fronts où on était, il y a eu, effectivement, il faut bien le voir, avec toutes les difficultés qu'on a encore, des améliorations, on a bougé puis on a avancé, on n'a pas reculé... Le maintien à domicile, je le disais, c'est 20 %, 25 % qui a été augmenté, de ce côté-là. Dans les soins de longue durée, il y a eu une opération de 2 000 lits que tu enlèves là. Montréal, en plus de l'opération de 2 000 lits, a rehaussé 2 500 lits puis va en rehausser encore 1 000 en termes de capacité de donner des services beaucoup plus intensifs; ça a été un effort énorme qui a été fait. On a fait tout un ramdam, pas aujourd'hui mais dans les derniers mois, sur les urgences, en oubliant que c'était encore bien pire, la situation, il y a cinq ans, que ça l'est aujourd'hui. Les listes d'attente ont commencé à s'améliorer partout. Avant, on ne les gérait même pas, on ne les connaissait pas, les listes d'attente. On réagissait quand il y avait une crise majeure, mais la liste d'attente, c'était un concept qui n'avait jamais été mis en opération, on ne le savait pas qu'on en avait. Alors, je veux rappeler ça, là, parce que c'est trop facile de s'acharner, encore une fois, à décrier les difficultés dans lesquelles on est sans voir le progrès qui a été fait – juste pour être honnête pour le monde qui est impliqué là-dedans – et sans voir, surtout, d'où on partait pour faire ça.

Bon, ceci dit, les points plus spécifiques soulevés par la députée. Pour la question des aidants naturels, qui sont surtout des femmes, il y a différentes analyses qui ont été publiées, il y a différentes choses qui se sont dites. Et, effectivement, j'avais dit qu'on s'assurerait d'avoir une évaluation complète de toute la question, qui tiendrait compte de ce que d'autres rapports ou recherches peuvent avoir mis en lumière, qui regarderait l'ensemble de la question pour voir quel a été l'impact sur les aidants naturels du développement des services en première ligne, du retour de gens dans la communauté pour vivre dans leur milieu naturel, et une évaluation qui permettrait que, à mesure qu'on identifie des difficultés, des problèmes, des glissements qui peuvent avoir lieu, on puisse aussi dégager de là des pistes d'action pour corriger où il faudra corriger et aussi pour éviter que certains glissements se fassent, comme je le souhaite, j'espère, on pourra, dans certains cas, connaître mieux ce qui se passe de façon un peu préventive. Et, effectivement, j'ai la confirmation que le ministère a travaillé là-dessus, qu'il y a un appel d'offres qui a été lancé, je pense, qui bientôt devrait se terminer et que la meilleure proposition qui aura été faite parmi les équipes de chercheurs, de chercheuses du Québec aura un mandat de faire cette analyse complète de la situation, de sorte qu'on sache exactement ce qu'il en est et, encore plus que ça, qu'on voit ce qu'il faut faire pour éviter des glissements et pour corriger si c'est nécessaire.

(11 h 10)

Des groupes communautaires. Quand on parle des services de première ligne, c'est devenu assez bien campé, je pense, maintenant, que la première ligne des services qui prend vraiment, graduellement, une espèce d'autonomie de fonctionnement pour un grand nombre de services qui peuvent être offerts aux gens, c'est l'interaction de trois partenaires majeurs qui sont, d'abord, le CLSC, qui est le responsable. Dans certains cas, c'est des fusions complètes qui ont été faites dans la plupart des régions, sauf les grandes régions métropolitaines où l'arrimage se fait autrement. Mais le même résultat est obtenu: le CLSC a la responsabilité de l'ensemble des services de première ligne, y compris l'accès aux soins de longue durée. Avec le CLSC qui a une mission – je n'entrerai pas dans les détails – quand même bien campée, ce n'est pas vrai de dire que les missions sont floues. Elle est bien campée, elle a bien évolué, la mission du CLSC, elle a une responsabilité très claire, il y a une population très bien identifiée et une responsabilité, maintenant, qui embrasse l'ensemble de la première ligne, de sorte que la continuité des services, qui est très importante, pourrait être beaucoup mieux prise en charge par une organisation, plutôt que deux ou trois organisations qui essaient de s'articuler les unes sur les autres, avec toute la gamme des services qui peuvent être offerts en première ligne.

Un deuxième partenaire très important, c'est le médecin, parce qu'on a encore une culture médicale. Ça varie d'une région à l'autre du Québec. Mais, de façon générale, il y a encore beaucoup de pratique de médecine familiale qui se fait dans le cabinet du médecin. Et là il y a une évolution très importante qui est en train de se faire et de se concrétiser, où les médecins ont accepté que l'impact de la réorganisation des services de santé, et singulièrement de la première ligne, sur la pratique médicale, fait qu'ils comprennent qu'ils ne peuvent plus continuer à fonctionner chacun isolément, seuls ou en petits groupes, dans leur cabinet, et chacun organisant sa pratique comme s'il était une entreprise qui n'est pas conditionnée et qui n'est pas intégrée dans un environnement plus vaste avec un partenaire comme le CLSC. Et on sait que les médecins ont accepté, et on est en train de discuter d'aménagements législatifs pour qu'on puisse mettre sur pied ce qu'on a appelé des départements régionaux de médecine familiale, avec leur instance locale, de sorte que la pratique en cabinet privé soit elle aussi gérée par les médecins eux-mêmes, comme ils le font pour la pratique à l'hôpital, et que les médecins assument collectivement la responsabilité d'offrir à la population d'un territoire, la même que le CLSC, les services médicaux accessibles, la gamme complète qui est nécessaire en première ligne, 24 heures par jour, sept jours par semaine, et ce, en lien avec le CLSC.

Alors, on souhaite, je pense que ce qu'on voudrait, c'est que chaque CLSC ait une équipe médicale qui intègre sa pratique dans le CLSC et que le CLSC, avec cette équipe-là, travaille en collaboration avec les médecins qui, eux, dans leur cabinet, fonctionnent comme un département, comme une grande équipe, même si chacun travaille dans son cabinet privé, de sorte qu'on n'ait pas de risque que trop de monde prennent leurs vacances en même temps et qu'il y ait des creux pendant certaines fins de semaine ou que les gens soient obligés de se rendre à l'urgence d'un hôpital alors que, normalement, le service dont ils ont besoin aurait dû être accessible au cabinet du médecin ou au CLSC, et que les deux s'entendent ensemble pour donner une couverture complète.

Le troisième partenaire qui fait partie de ce trio, ce sont les groupes communautaires. Et je suis très conscient – on a parlé de la Commission d'enquête tout à l'heure – qu'au temps de la Commission, il y avait les mêmes discussions et les mêmes débats sur le délicat équilibre à maintenir entre ce que font les groupes communautaires, ce qu'ils prennent en charge et ce que fait le réseau, et, avec l'évolution et des problèmes et des façons d'intervenir, il y a une évolution de ce côté-là aussi. Et, comme tout équilibre délicat à garder, c'est possible que, dans certains cas, à certains endroits, ça pousse un peu trop fort d'un côté et qu'on en demande trop aux organismes communautaires, alors que le réseau devrait assumer certaines fonctions. Par contre, il est arrivé – et j'ai aussi entendu parfois des commentaires qu'on nous a faits – que le réseau s'appropriait des choses que les groupes communautaires disaient, et souvent correctement, qu'ils pouvaient faire mieux. Ils offraient un service autrement et ils pouvaient faire mieux dans une relation d'entraide plutôt que dans un service trop organisé sur une base professionnelle.

Alors, il y a un équilibre là qui est toujours à ajuster, et la seule façon que les ajustements se fassent toujours régulièrement à mesure que ça évolue et qu'on évite là aussi le fameux mur-à-mur... La façon dont les groupes communautaires travaillent avec les CLSC en Abitibi, sur la Côte-Nord ou à Montréal, ce n'est pas pareil. Et même à Montréal, même à Montréal-Centre, selon les quartiers, ça ne fonctionne pas nécessairement de la même façon. Il faut donc, et c'est ce qu'on est en train de compléter, que la décentralisation veuille dire que cette organisation, comme le CLSC nouvelle génération avec ses deux partenaires, soit vraiment dans une interface qui fonctionne bien pour faire entre eux les ajustements qu'il faut et s'assurer, être imputable que la population ait le service qu'il faut.

Quand on parle de la première ligne, c'est dans ce contexte-là, je pense, qu'il faut voir les groupes communautaires comme les deux autres partenaires. Il y a aussi beaucoup d'activités autour qui, de plus en plus, deviennent, même dans le quotidien, pour des gens sur le terrain, assez intégrées, que ça soit avec l'école, que ça soit avec les municipalités. Toutes les municipalités qui sont dans le mouvement Villes et villages en santé , par exemple, ont beaucoup d'activités qu'elles ont développées dans le cadre de leur mandat municipal où elles viennent en étroite collaboration très souvent avec les travailleurs, les employés du CLSC pour assurer des meilleurs services, que ça soit aux jeunes, par exemple, des interventions qui sont de nature plus préventive pour aider les jeunes et éviter des situations où les jeunes pourraient glisser vers des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie, de prostitution ou des choses comme ça.

La Sécurité publique est aussi un partenaire important, et la Justice, de sorte que le travail des centres jeunesse, avec les CLSC, soit aussi en interface avec les autres personnes. C'est donc très complexe comme fonctionnement. Et on prend bien en compte, pour les CLSC, que cette réorganisation-là fait qu'à un moment donné les choses se bousculent et que, même si on a encore une fois augmenté de 50 %, de 100 000 000 $ à 150 000 000 $, les argents disponibles dans les groupes communautaires, eux, comme les CLSC, comme toute la première ligne, ce sont des priorités où on veut pouvoir finir la transformation, consolider puis, au besoin, rajouter des ressources à cet égard.

Un dernier mot, puis je demanderais si je peux laisser les dernières minutes qui me restent à la sous-ministre, qui rajoutera certains éléments. La question de la privatisation, au besoin j'y reviendrai. C'est une question qui est soulevée. Là-dessus aussi, on est à travailler pour étudier bien à fond cette question-là. Et au besoin j'y reviendrai, M. le Président, parce que je pense qu'il faut décortiquer de quoi on parle quand on parle de privatisation, parce que le même mot sert à identifier différentes réalités. Mais ça a été plus long de trouver l'équipe qu'il nous faut de gens vraiment au-dessus de tout soupçon, qui ne sont pas nécessairement des anti-privés à outrance, ou des anti-publics, ou des pro-privés, je devrais plutôt dire, à outrance, des gens qui sont capables d'examiner cette question-là avec toute l'ouverture qu'il faut, mais en étant assurés, et c'est ça qu'est le message, que le service de santé et de services sociaux qu'on a, qui est un service assumé publiquement, va demeurer un système comme ça. Alors, comment l'interface, les collaborations avec le privé peuvent évoluer? C'est une question qu'on va effectivement creuser au cours de la prochaine année. Je pourrais demander à Mme Denis de...

Mme Denis (Lise): Peut-être en complément d'information, M. le Président. Simplement pour témoigner du fait que l'accès et la continuité aux services ont été au coeur des préoccupations des différentes régions du Québec et que, au moment où on se parle, il y a maintenant à 90 % des endroits, des protocoles ou ententes de services entre les CLSC et les centres hospitaliers pour assurer les corridors d'accès et de continuité de services pour les clientèles du virage ambulatoire. Et on a région par région les objets de ces ententes-là pour, justement, faciliter cet accès aux services.

En complément aussi, peut-être indiquer que, si on prend la préoccupation ou l'effort qui est fait au niveau des personnes âgées, juste pour traduire à titre d'exemple, il y a des régions en arrière qui peuvent en témoigner. Mais, si je prends à Montréal-Centre, par exemple, en 1994-1995 et 1996-1997, on a augmenté le nombre moyen de visites à domicile pour les personnes âgées et donc le service plus personnalisé, je dirais, le lien plus continu avec les personnes. On est passé de 23 visites par personne à presque 30, en 1996-1997. Et on continue d'améliorer la situation. Si je prends une autre région, pour donner un autre exemple des préoccupations au niveau notamment des investissements aux organismes communautaires, à Québec, on est rendu à 18 000 000 $ de prévisions pour 1998-1999 d'investissement par rapport à 11 000 000 $ en 1995-1996. Je pense que ça traduit la priorité que les régions ont mise sur les questions soulevées par la députée.

(11 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: Le ministre a abordé beaucoup de points qui m'intéressaient. Je ne reviendrai pas là-dessus. Trois questions que j'aimerais aborder. Première question d'ordre général, deux questions plus spécifiques, plus pointues.

D'abord, j'aimerais rappeler à quel point la transformation du réseau de la santé était indispensable et nécessaire. Il y a plusieurs raisons, je pense, qui motivaient une telle transformation. D'abord, de nouvelles façons de faire, nouvelles technologies, des contraintes financières également et auxquelles était soumis le gouvernement, et aussi la question de l'équité interrégionale.

Les nouvelles façons de faire, les nouvelles technologies, je pense que le ministre en a déjà largement parlé, je ne voudrais pas insister sur ces deux points-là. Mais les deux autres, par exemple, je pense qu'on ne le dira jamais à quel point, entre autres, les contraintes financières imposées au gouvernement et à l'État ont rendu indispensable la transformation du réseau, et il y en a deux grandes. D'abord, l'héritage, encore une fois, que nous ont légué nos prédécesseurs. Ils ont doublé la dette du Québec en 10 ans. Ils ont défoncé leur cible budgétaire dans les cinq dernières années de leur mandat, systématiquement. Ils nous ont légué un déficit, dans la dernière année, de presque 6 000 000 000 $. Alors, il faut avoir un certain culot et un certain toupet pour venir nous dire ici aujourd'hui que tout allait pour le mieux au moment où ils ont laissé la direction des affaires.

La deuxième contrainte, bien, c'est les coupures fédérales, puis ça, encore une fois, on n'insistera jamais assez sur cet élément-là, également. On parle d'environ 2 000 000 000 $ par année en fonds récurrents dont le gouvernement du Québec est privé et qui servaient à dispenser des soins de santé à la population québécoise. Bien sûr, on s'est engagé dans une opération d'assainissement des finances publiques. On va ramener le déficit à zéro dès l'année prochaine. Et il y a des compressions qu'on a dû effectuer au cours des trois dernières années particulièrement. C'est vrai que ça a été difficile. C'est vrai que ça a été dur. Moi, en tout cas, personnellement, j'ai trouvé ça extrêmement difficile et je suis convaincu que, dans plusieurs décisions que le ministre a dû prendre, il a dû trouver ça difficile lui aussi, et ce n'est certainement pas de gaieté de coeur de ce côté-ci qu'on a dû appliquer un tel niveau de compressions. Puis, moi, j'admets volontiers que, peut-être qu'effectivement on est allé trop loin. Mais, à partir de l'année prochaine, on va parler d'avenir, on va parler d'espoir.

Cette transformation, la transformation du réseau de la santé n'est pas encore terminée. Et, moi, ce que j'aimerais discuter, finalement, avec le ministre aujourd'hui, c'est comment on va développer de nouvelles ressources dont on a besoin dans les prochaines années pour préserver l'intégrité de notre système de santé et de services sociaux.


Équité budgétaire interrégionale

Et il y a un premier point que j'aimerais que le ministre aborde, c'est celui de l'équité interrégionale. Dès qu'il est rentré en fonction, le ministre a abordé cette dimension-là. Le problème d'équilibrage des budgets de santé et des services sociaux dans les différentes régions, j'aimerais particulièrement l'entendre sur le déficit qui était enregistré dans la région que je représente, la région de Lanaudière. J'ai des chiffres devant moi, ici, qui montrent entre autres que dans plusieurs programmes, en santé physique notamment, la région de Lanaudière est la 12e des régions quant au financement des programmes en santé physique; en santé publique, on est 15e; enfance, jeunesse, famille, et Dieu sait à quel point dans la région de Lanaudière, dans le comté que je représente, il y a beaucoup de familles, il y a beaucoup de jeunes enfants, on est 15e; l'alcoolisme et la toxicomanie, on est 10e; personnes âgées en perte d'autonomie, 15e; en déficience physique, 13e; en déficience intellectuelle, on est 14e.

Et dans le cadre des rendez-vous de la santé, dans la région de Lanaudière... C'est une question qui a été abordée par beaucoup d'intervenants de la région. Le ministre en a discuté à ce moment-là. Il a reconnu que la région de Lanaudière et pas seulement la région de Lanaudière, la ceinture autour de Montréal, finalement, éprouve ce problème de rééquilibrage interrégional, à savoir au cours des prochains mois et même des prochaines années, parce que je ne pense pas que c'est à court terme qu'on va pouvoir régler ce problème-là, j'aimerais ça connaître les plans du ministre pour rééquilibrer le financement des régions qui sont en déficit par rapport aux autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Si je comprends, M. le Président, la question est spécifiquement sur ce qu'on appelle communément l'équité interrégionale.

M. St-André: C'est ça.

M. Rochon: Je voudrais dire deux choses là-dessus, M. le Président. D'abord, il faut faire attention maintenant, quand on fait des comparaisons entre les régions sur chacune des enveloppes programmes ou champs d'activité qu'on avait auparavant et qu'on utilisait pour répartir les budgets. C'est à ça, je pense, que faisait référence la question du député: la santé physique, la santé mentale, la santé publique, l'adaptation sociale et l'intégration sociale.

Maintenant, ce sur quoi on a évolué, c'est une enveloppe globale pour la région, et c'est ça qu'il faut comparer entre les régions, parce que la région a la marge de manoeuvre pour allouer ces ressources-là selon les besoins et les priorités de la région, alors, d'avoir moins d'argent. Par exemple, si je ne me trompe pas, la région de Lanaudière, en santé mentale, c'était le secteur où il y avait pas mal plus d'argent que de ressources que dans bien d'autres régions.

M. St-André: C'est vrai.

M. Rochon: Ça, il fallait faire attention parce qu'il y avait là un peu un artefact d'un gros établissement de l'époque passée où on internait du monde pendant une longue période. Et, à cet égard, par contre, il y avait des enveloppes, dans d'autres champs d'activité, beaucoup moins importantes.

Alors, l'ajustement, selon le type de service, dépend des besoins et des priorités de la région. Pour qu'on sache vraiment, qu'on voit comment on évolue sur l'équité, il faut voir maintenant l'enveloppe globale et voir comment, elle, elle est répartie sur les territoires locaux. Il faut faire attention aux artefacts comparés à l'intérieur d'un programme pointu. En avoir moins dans ce programme-là peut cacher le fait qu'on en a plus dans un autre, parce que ça correspond plus aux besoins de la population.

Ceci dit, par contre, c'est le deuxième point de ma réponse. C'est vrai de dire qu'il n'y a pas une équité parfaite encore entre les différentes régions. Comme on est revenu dans une époque où les budgets, dans le domaine de la santé et des services sociaux, étaient répartis selon où se trouvaient être les bâtisses et les établissements et que les différents jeux de rapport de force avaient fait que les établissements... Et avec l'évolution aussi des mouvements de population qui se sont faits, on se retrouve à un moment donné avec des ressources de fonctionnement qui ont suivi les établissements qui avaient été bâtis dans le passé, et ça ne reflète pas nécessairement une répartition équitable.

Maintenant, depuis trois ans, à chaque année, et ce, malgré une période qu'on a connue, de diminution de crédits et de compressions budgétaires, il y a eu des corrections de faites à la marge. C'est nécessairement à la marge, parce que l'essentiel du budget étant pour payer le personnel et la réorganisation à l'intérieur de chaque région libérait un petit peu. Il y avait ce qu'on appelait techniquement «une ponction» de faite sur l'ensemble du budget avant de le répartir aux différentes régions. Ça, c'était redistribué, cette ponction-là, de façon inégale, pour pouvoir corriger. Si je me rappelle bien, entre autres, dans la région de Lanaudière, il y a deux ans... D'une année à l'autre, les régions les plus en difficulté se voyaient l'objet d'un effort particulier, et je pense que ça avait été le cas dans la région de Lanaudière, il y a une couple d'années. À chaque année, je ne me rappelle pas là, peut-être que le sous-ministre aura le type, le montant qu'on a utilisé pour ça, mais c'est un montant significatif quand on pense que les régions qui devaient laisser des ressources pour les transférer, c'est des régions qui faisaient ça, en plus, en tenant compte de ce qui leur était enlevé, comme à tout le monde, pour faire face à la situation qu'on dépensait de l'argent qu'on n'avait pas, qu'elles faisaient des ponctions dans différents établissements pour faire leur propre réallocation interne pour la transformation et qu'en plus de ça on leur demandait un effort additionnel pour pouvoir aider les autres régions.

(11 h 30)

Alors, ça s'est fait régulièrement à chaque année. Ça va se faire encore cette année, malgré la difficulté, et on espère que, sur un horizon, je ne sais pas, de trois à cinq ans, que, graduellement, d'année en année, on va en arriver à avoir à peu près équilibré correctement les différentes régions. Je dis «à peu près» parce que le calcul de ce qui est l'apport équitable de chaque région a toujours fait l'objet de discussions, va continuer à en faire, puis il y aura probablement, sur un petit pourcentage à la marge, toujours un peu un peaufinement qu'on aura à faire dans notre façon de calculer ça. Parce que, on tient compte de la population, on tient compte de la structure démographique, ça va bien jusque-là. Si on veut tenir compte de l'état de santé de la population, ça devient un peu plus difficile d'avoir des indices qui ne créent pas d'artefact. On tient compte de l'isolement pour les régions éloignées où il y a des grandes distances, alors, plus on met de facteurs pour assurer une plus grande équité, plus la formule devient complexe et, parfois, produit des résultats qui, visiblement, ne sont pas toujours en lien avec la réalité.

Donc, tout ça pour dire que ça reste un objectif très clair que j'ai répété, moi, à chaque année, qui est approprié pour l'ensemble des régions. Je pense que tout le monde veut le faire et que tout le monde va continuer à faire les efforts qu'il faut à cet égard.

Mme Denis (Lise): Pour compléter l'information, indiquer que, en termes de réallocation pour des priorités dites nationales, mais qui ont été réparties dans l'ensemble des régions, cependant avec un souci d'équité et donc de rattrapage, je dirais, pour certaines régions, sur les trois dernières années, c'est 330 000 000 $, dont 75 000 000 $ en 1997-1998, 116 000 000 $ en 1996-1997. Et, si je regarde pour Lanaudière particulièrement, 1996-1997, c'est un montant de 5 000 000 $ sur le 116 000 000 $ qui a été attribué et, en 1997-1998, c'est 5 700 000 $. Bien sûr, ça n'éliminait pas le fait que ces régions-là avaient à contribuer aux compressions. Cependant, leur contribution était moindre, et, au net, c'est une région qui s'est retrouvée, je dirais, en moins grande difficulté tout en étant en très grand écart par rapport à l'équité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, est-ce qu'il y a d'autres questions?


Services hospitaliers dans la région de Lanaudière

M. St-André: Oui, il y a d'autres questions, deux autres questions plus pointues que j'aimerais aborder. Afin de permettre à la région de Lanaudière un certain rééquilibrage, on a entrepris le travail déjà depuis quatre ans, un projet de centre ambulatoire, de centre hospitalier à l'intersection de la 40 et de la 640 et la transformation du centre hospitalier Le Gardeur, centre de courte durée actuellement, en centre de soins prolongés.

On comprend que, à ce stade-ci, le projet est dans une phase critique. La construction pourrait débuter très bientôt, je crois savoir qu'on est dans l'attente de l'émission d'un C.T. pour procéder définitivement. En tout cas, c'est les informations dont je dispose sur le terrain. J'aimerais savoir ce qui en est de ce côté-là et, quoi qu'il en soit, j'aimerais ça que le ministre nous informe sur quels sont les échéanciers à suivre pour que le projet, finalement, chemine, à l'intérieur de quel échéancier et quand la construction de ce centre-là pourrait débuter au plus tôt. Le centre ambulatoire et le centre hospitalier.

M. Rochon: Bon, écoutez, M. le Président, à ma connaissance, le projet du centre hospitalier ambulatoire, quant à ce qui va être l'addition de ressources ambulatoires... Assurons-nous de bien nous comprendre, ce qui se passe dans cette région-là, dans le sud de la région de Lanaudière, il y a un centre hospitalier qui existe actuellement qui est Le Gardeur, qui, comme bâtisse, va devenir un centre de soins de longue durée pour compléter l'addition de lits de longue durée dont a besoin cette partie-là de la région. Et, de façon plus centrale, dans la partie sud, il y a un nouvel hôpital qui va avoir le nombre de lits, peut-être un petit peu plus, là...

M. St-André: C'est 272.

M. Rochon: Mais, essentiellement, c'est ça, de 252 à 272, quelque chose du genre.

M. St-André: C'est 232.

M. Rochon: Il y a un petit ajustement qui est fait de lits qu'a déjà cette région-là, mais l'essentiel d'ajout de services hospitaliers va être en tablant sur les technologies qui permettent de développer des services hospitaliers ambulatoires.

Alors, ce projet-là, comme celui de la région voisine de Laval, a demandé un travail assez intense de la part des gens sur le terrain au niveau de la régie régionale et du ministère pour s'assurer que ce concept de centre hospitalier ambulatoire serait bien campé. Et tout le monde était d'accord – je pense que les gens localement aussi – d'éviter de faire juste comme on faisait auparavant puis de se retrouver avec une bâtisse qui risquerait de ne pas être fonctionnelle pour ce qu'on voulait vraiment mettre en place comme services et ce qu'on voulait garder comme potentiel de développement à mesure que les technologies vont permettre d'en faire de plus en plus là-dessus.

Bon. Ça, est-ce que ça aurait entraîné certains délais plus longs qu'autrement? Je ne le sais pas, mais ce qu'on me confirme, c'est qu'il y a un groupe de travail, que les gens appellent un comité synergie, entre les gens, localement, au niveau de la région et du ministère, qui travaille sur le concept et l'arrimage de la partie hospitalisation dans des lits et la partie services hospitaliers sur une base ambulatoire, et que ça progresse, et que ça va permettre même d'arrimer ça avec l'ensemble des services dans la région pour que le réseau de services, le genre d'arrimage avec la première ligne dont on parlait tout à l'heure soit aussi pris en compte en mettant cet hôpital-là sur place, que ce ne soient pas des étapes qui se rajoutent après.

Le terrain, de toute façon, a déjà été retenu. Ça, ça a été des décisions, aussi, pas faciles à prendre à toutes les étapes, mais le terrain, c'est acquis. L'endroit où va être l'hôpital, c'est fait. Et, d'après ce qu'on me dit, peut-être, d'ici la fin de mai ou quelque chose du genre, on devrait être prêt à passer à l'étape suivante qui est... Et là, je ne sais pas, peut-être que M. Paquet pourrait compléter pour nous dire... ou M. Turenne pour dire les...

M. Turenne (François): En fait, la prochaine étape, c'est effectivement, comme vous l'avez mentionné, une demande au Conseil du trésor pour autoriser le projet parce que, compte tenu de l'ampleur de l'investissement concerné...

M. St-André: Cette demande-là n'est pas faite au moment où on se parle?

M. Turenne (François): Elle est prévue d'ici les prochaines semaines. Le projet est en rédaction, ce qui fait que, d'ici la fin mai, il devrait y avoir...

M. St-André: La fin mai, c'est pour présenter la demande au Conseil du trésor?

M. Turenne (François): Pour présenter, dans le fond, l'approbation du programme fonctionnel et technique et l'approbation de l'investissement requis, étant entendu, évidemment, qu'il y a déjà eu une approbation préalable qui avait été donnée, si ma mémoire est bonne, quelque part il y a deux ans, pour faire la mise à l'étude du projet comme tel.

M. Rochon: Au début de 1996.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question, M. le député.

M. St-André: Je n'ai pas déjà épuisé mon 20 minutes?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, non.

M. St-André: Non, mais, toujours sur la même question du C.T., ça va prendre combien de temps avant qu'on ait une réponse du C.T. une fois que la demande va être présentée? Et quand la construction pourrait débuter?

M. Turenne (François): Pour la réponse du C.T., il faudrait demander au Conseil du trésor parce qu'on ne contrôle pas le délai de traitement des demandes. Mais, habituellement, c'est rapide, c'est deux, trois semaines. Quant aux travaux de construction, l'échéancier qui est prévu dans l'hypothèse où il y a une autorisation qui est donnée dans les délais qu'on prévoit...

M. St-André: Ce dont personne ne doute.

M. Turenne (François): Les travaux de construction pourraient débuter à l'automne 1998 ou, au plus tard, on parle du printemps 1999, donc quelque part entre l'automne 1998 et le printemps 1999, puis, évidemment, dépendamment des délais, j'imagine, d'élaboration des plans et devis définitifs parce que c'est quand même un gros projet.


Acquisition d'un scanner par le centre hospitalier Le Gardeur

M. St-André: O.K. Merci. Une dernière question, M. le Président. Depuis déjà un certain nombre d'années, le centre hospitalier Le Gardeur est en demande pour procéder à l'acquisition d'un appareil de tomodensitométrie ou un «scanner». Le ministre a autorisé ou a confirmé une contribution financière, je devrais dire, de 500 000 $ le 3 novembre dernier pour l'acquisition d'un tel appareil, le reste de l'investissement provenant de la fondation de l'hôpital Le Gardeur pour un montant équivalent, donc un investissement total de 1 000 000 $. J'ai cru comprendre qu'il y avait un certain flottement quant à la décision définitive de procéder à l'investissement de la part du ministère et j'aimerais savoir ce qu'il en est de ce côté-là.

M. Rochon: La question précisément, c'est...

(11 h 40)

M. St-André: L'appareil de tomodensitométrie à l'hôpital Le Gardeur, j'ai cru comprendre qu'il y avait un certain flottement de la part du ministère quant à ses intentions de procéder ou de contribuer à cet investissement-là et j'aimerais savoir ce qu'il en est de ce côté-là.

M. Rochon: Bon, là-dessus, M. le Président, je vais me permettre de dire qu'il y a eu flottement, mais le flottement, il n'était pas juste au ministère, il était un peu tout le long de la ligne de production, y compris dans l'établissement.

La question de fond – je vais le redire – dans cette affaire-là, c'est, je pense, que, sur le principe que ce type d'appareil là soit disponible à Le Gardeur, on s'est entendu assez rapidement au niveau de la région et du ministère, mais il y avait un enjeu très important, c'est que l'utilisation puis le développement de ce genre d'instrument là se fassent avec une entente de complémentarité assez claire entre les deux centres hospitaliers majeurs de la région, en pensant surtout que, ça, c'est des développements qui vont se transférer dans le nouvel hôpital dont on parlait tout à l'heure. Et là je n'entrerai pas dans les détails, mais on sait qu'il y a eu des périodes où ce n'était pas facile pour ces deux établissements-là de s'entendre et de s'assurer de collaborer avec la régie régionale pour que le développement d'équipements de ce genre-là se fasse en complémentarité, pas juste pour mettre les équipements, mais pour les utiliser après et s'assurer que ça ne sera pas deux établissements qui fonctionneraient indépendamment l'un de l'autre sans avoir les collaborations nécessaires.

Donc, ça, ça a demandé un peu de temps, à ce qu'on me dit, pour que le monde s'entende là-dessus et s'entende, au-delà des grandes déclarations de principe, là, pour que ce soit quelque chose de clair et de précis sur la façon de travailler ensemble. On me dit que c'est à peu près acquis, cette entente de complémentarité et que, très rapidement, si les gens se sont bien compris, la décision pourrait être confirmée que, oui, l'équipement peut être là.

M. St-André: Alors, qu'est-ce qui manque dans l'état actuel des choses pour qu'on aille définitivement de l'avant?

M. Rochon: Non, je ne pense pas, là, je vous dis: Ce n'est pas à moi à faire des annonces ce matin. D'après ce que je comprends, les gens ont à peu près conclu, et on me dit que c'est prêt à procéder. Je vais m'assurer que c'est bien ça, et, si c'est ça, si personne ne change d'idée dans les prochains jours, qu'il n'y a pas de retour de l'ascenseur, ça va procéder dans les prochaines semaines ou les prochains jours. On me dit qu'on est arrivé à ce point. Avant d'être complètement affirmatif, je veux être bien sûr parce que j'ai entendu ça une couple de fois avant, puis, des fois, ce n'est pas tout à fait ça.

M. St-André: Oui, ça, je comprends que, dans la région de Lanaudière, parfois...

M. Rochon: Je pense que le député sait très bien de quoi je parle.

M. St-André: Oui, oui, bien sûr, on se comprend très bien là-dessus. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Maintenant, c'est Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Bilan du virage ambulatoire et du régime d'assurance-médicaments (suite)

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Je me dois de revenir sur les propos du ministre quand il a répondu à la question de ma collègue la députée de Bourassa, quand le ministre a parlé de l'acharnement de l'opposition officielle – et je prends ses mots – «à décrier les difficultés que vit actuellement le système de la santé et des services sociaux». Il a même fait mention, peut-être, d'un manque d'honnêteté. J'aimerais lui rappeler, là, je l'invite à relire les discours de ses collègues qui étaient, à l'époque, députés péquistes de l'opposition quand le gouvernement libéral a mis en place le 2 $ pour l'obtention de médicaments pour les personnes âgées. 2 $, M. le Président, les députés péquistes de l'époque ont déchiré leur chemise en Chambre, ont parlé d'un geste odieux, inhumain, d'une arnaque, d'un scandale. Ah! ça a été incroyable pour le 2 $ que le gouvernement libéral avait mis en place pour l'obtention de médicaments.

M. le Président, ce même ministre-là qui parle de l'acharnement de l'opposition officielle, c'est lui, comme ministre, qui accepte au nom du Conseil des ministres... Je ne parle pas des députés péquistes parce qu'ils ont été obligés de subir les décisions du Conseil des ministres, mais c'est lui, comme ministre, qui n'est pas assez fort alentour de la table puis qui accepte qu'on lui donne des commandes pour couper plus de 2 000 000 000 $ dans le système de santé et des services sociaux. C'est lui qui vient déstabiliser le système, c'est lui qui coupe dans les services, c'est lui qui est allé chercher des millions et des millions, je l'ai dit tantôt, 81 000 000 $ pour les assistés sociaux, 256 000 000 $ dans les poches des personnes âgées avec son assurance-médicaments. C'est lui qui permet le pelletage des services publics sur le dos des organismes communautaires. C'est lui et ses collègues qui ont mis en place, depuis leur arrivée au pouvoir, des mesures d'appauvrissement sur le dos des plus démunis, comme ça ne s'est jamais vu dans l'histoire du Québec, depuis la venue de ce gouvernement-là en 1994.

C'est ce même Conseil des ministres et ce même ministre qui ne respectent en aucun cas aucune de leurs promesses électorales faites puis marquées noir sur blanc dans leur programme du Parti québécois en ce qui a trait aux plus démunis de notre société. Puis c'est ce même ministre, aujourd'hui, qui parle de manque d'honnêteté de l'opposition, qu'on s'acharne à décrier le système. Le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec n'a aucune leçon à donner à l'opposition officielle. Aucune leçon à donner à l'opposition officielle. Et, si on veut parler de transparence et d'honnêteté, pour la prochaine campagne électorale, quand il va y avoir le petit comité pour les communications, je lui suggère de donner comme slogan L'autre façon de gouverner, c'est le double langage pour mieux vous organiser parce que, M. le Président, là, on va parler de transparence et on va parler d'honnêteté.

Le prochain point, que le député de Saint-Hyacinthe a amené, les sages-femmes. Il faut le rappeler, les sages-femmes, le ministre l'a dit, c'est le Parti libéral qui a mis en place les projets-pilotes, mais ce qu'il a omis de dire, c'est que son projet qu'il nous a déposé en Chambre il y a quelques semaines ou la semaine dernière qui donne une prolongation d'un an, finalement, tout ce qu'on fait, M. le Président – et tout le monde aura compris ça, même l'Association des sages-femmes – c'est qu'on étire l'élastique. On étire l'élastique jusqu'au déclenchement électoral parce que le gouvernement, il n'est pas prêt à mettre ses culottes et à donner la reconnaissance à cet ordre professionnel là. Alors, on s'est dit: En ayant un projet de loi et en inscrivant qu'on prolonge pour diverses raisons les projets-pilotes d'une année, ça va les amener à la campagne électorale, et ils n'auront pas à mettre en place la reconnaissance des sages-femmes au Québec ni à mettre en place la reconnaissance de leur ordre professionnel. Ça, c'est une vérité qui n'a pas été dite tantôt.

J'aimerais revenir aussi sur notre échange au niveau de l'assurance-médicaments parce que j'avais posé au ministre comme question pourquoi il n'accepte pas, étant donné tout ce qu'on connaît, de regarder les seuils au-delà desquels une personne doit cotiser pour obtenir l'assurance-médicaments. Le ministre, pour une fois – la première fois en deux ans – a admis qu'il y avait des effets pervers dans son nouveau régime d'assurance-médicaments. Le ministre, M. le Président, m'a demandé où j'avais pris mes chiffres, tantôt, qui disaient qu'il y avait des changements à la consommation à la baisse, bien, je lui ai dit – peut-être que ça n'avait pas attiré son attention – que c'est dans le dernier rapport d'activité de la RAMQ qui dit très bien, le dernier rapport, qu'il y a une baisse de consommation qui est due à des facteurs économiques.

Et je lui rappelle, M. le Président, les propos de la coalition des médecins pour la justice sociale. Quand je faisais référence, tantôt, à la jeune fille schizophrène qui, pendant une semaine, n'a pas pris ses médicaments parce qu'elle n'avait pas le 16,67 $ pour payer ses médicaments, elle s'est retrouvée à l'hôpital, cette jeune fille là parce que le docteur a dit: Ça n'a pas de sens, elle va se suicider. Il l'a amenée à l'hôpital. Mais, M. le ministre, savez-vous combien ça a coûté au système, ça, parce qu'elle n'a pas été capable d'aller chercher ses médicaments pendant une semaine parce qu'elle n'avait pas son 16,67 $ dans ses poches? Ça a coûté 7 840 $ au système parce que cette jeune fille-là a été hospitalisée pour 14 jours. Le docteur a fait le calcul – le Dr Sahab – et il dit que c'est de quoi payer la franchise de la jeune fille pendant 39 ans. C'est ça que ça a coûté au système, 7 840 $, parce que le ministre n'accepte pas, ferme les yeux, laisse les gens démunis seuls dans leur sort, n'accepte pas de hausser les seuils pour que ces gens-là puissent obtenir gratuitement leurs médicaments ou qu'ils puissent, au moins, avoir à débourser une somme minimale, moins que 16,67 $. Parce qu'il faut qu'il prenne en considération toutes les coupures que ces gens-là ont subies au cours des trois dernières années, et ça, il ne le fait pas.

Il y a eu une brisure dans le filet de sécurité sociale au Québec. Une personne seule, au Québec, reçoit 490 $ pour se loger, se nourrir. En plus, elle doit débourser un 16,67 $ pour ses médicaments. Faites le calcul, il n'y a personne au Québec qui peut vivre avec ça de façon décente, et c'est ça que le gouvernement et le ministre de la Santé s'entêtent à ne pas regarder. Ils ferment les yeux, M. le Président. Il va falloir qu'il y ait un geste qui soit posé le plus tôt possible parce que des petites Patricia comme dans ce cas-ci, il y en a beaucoup, beaucoup au Québec, et ça, c'est des gens sans voix, c'est des gens sans défense. Ce n'est pas tous des gens qui ont un docteur comme le Dr Sahab pour les prendre par la main, les mettre dans le voiture et les amener à l'hôpital. Et, de toute façon, en bout de ligne, ça coûte plus cher au système parce que ces gens-là, ils ne prennent pas leurs médicaments, et on les retrouve hospitalisés en centre hospitalier, et ça coûte beaucoup plus cher, quelqu'un qui passe 14 jours à l'hôpital que quelqu'un... Si elle pouvait prendre sa médication de façon régulière et soutenue, cette personne-là, la petite Patricia, ne se serait pas retrouvée en centre hospitalier pendant deux semaines.

(11 h 50)

J'aimerais maintenant aborder le sujet de la Direction de la protection de la jeunesse. J'ai eu un échange la semaine dernière avec le ministre en Chambre sur les listes d'attente, sur le manque d'effectifs dans la Direction de la protection de la jeunesse, qu'il fallait absolument un ajout de personnel pour pouvoir répondre adéquatement aux besoins des enfants en difficulté, aux enfants abusés, aux enfants qui vivent de la violence au sein de leur domicile. Le ministre, je ne sais pas si c'est de mauvaise foi, ou si c'était pour maquiller la vérité, ou parce que ça paraissait bien à l'écran, m'a parlé du 20 000 000 $ à deux reprises dans ma question principale puis dans l'additionnelle, il est revenu sur le 20 000 000 $ pour laisser sous-entendre aux gens qui écoutent ça puis qui ne connaissent pas profondément le dossier de la DPJ qu'il y avait un 20 000 000 $ qui venait d'être injecté à la Direction de la protection de la jeunesse. M. le Président, qu'on remette les pendules à l'heure, le 20 000 000 $ que le ministre m'a lancé en Chambre la semaine dernière, c'est pour le suicide, pour combattre le fléau du suicide et le fléau de la toxicomanie au Québec. Dans ce 20 000 000 $, il n'y a pas d'argent pour la Direction de la protection de la jeunesse. Il n'y en a pas, alors la réponse n'allait pas avec la question. Ça, on n'est habitué, mais les gens qui écoutent, des fois, peuvent avoir compris, dit: Aïe! le ministre Rochon a mis 20 000 000 $ à la Direction de la protection de la jeunesse. Ce n'est pas ça du tout, c'est trois dossiers tout à fait différents. C'est 20 000 000 $ sur deux ans pour le suicide et aussi pour la toxicomanie, j'imagine 10 000 000 $ – 10 000 000 $, je ne sais pas, il pourra nous le préciser.

Mais, moi, ce que je veux aborder avec le ministre aujourd'hui, c'est qu'il m'a parlé de son plan d'action pour la Direction de la protection de la jeunesse, il m'a dit qu'il y a un plan d'action qui s'amenait bientôt. Je lui rappelle les chiffres qui m'ont été transmis par son ministère, qu'il y a 1 200 enfants, en date du 31 mars, en attente d'évaluation au Québec. Des enfants qui ont été signalés, des enfants qui, j'imagine, dans la majorité des cas, ont été signalés pour des bonnes raisons, des raisons majeures ou des enfants qui vivent de la violence, des abus sexuels, physiques, psychologiques, des enfants qui souffrent, il y en a 1 200 qui attendent sur une liste, quelque part, au Québec. Et il y en a au moins 500 qui sont sur la liste d'attente de prise en charge.

On me dit, M. le Président, d'après des sources sûres, qu'il y a plus d'enfants que ça, de prises en charge, que ce qu'on retrouve sur papier parce que, semble-t-il, une façon de travailler à la DPJ, c'est que les enfants qui sont pris en charge par la DPJ, il y a des dossiers qui s'en vont directement sur le bureau de l'intervenant, et ces dossiers-là ne sont pas compilés dans les listes, les chiffres que l'on me transmet. Alors, on peut soupçonner de bonne foi que, au moins pour les enfants qui sont sur les listes d'attente de prise en charge, c'est beaucoup plus que 500. Dans la réalité de ce qui se vit sur le terrain, il y a beaucoup plus que 500 enfants qui sont dans l'attente de prise en charge à la Direction de la jeunesse.

M. le Président, c'est grave. C'est grave parce qu'on parle d'enfants qui vivent des situations inhumaines, on parle d'enfants, qui sont sans défense, qui sont entourés d'adultes qui abusent d'eux. On parle d'enfants qui n'ont pas de voix. Leur seule voix, c'est l'intervention du réseau. Leur seule voix, à ces enfants, pour les sauver de tout ce qu'ils peuvent vivre, c'est qu'il y ait une intervention rapide de la part du réseau. Une fois qu'un enfant est signalé, c'est notre devoir, en tant que système de santé et des services sociaux, devoir premier, que cet enfant-là, il soit pris en charge, de voir si on peut le retirer, si on doit le retirer de sa famille, mais au moins qu'il soit suivi pour ne pas qu'il y ait d'autres drames qui se produisent comme le drame de Beaumont ou d'autres comme le petit Yannick ou la petite Christiane Blais.

Le ministre a déjà dit qu'il ne pensait pas, lui, que ça pourrait se reproduire, qu'il y a des correctifs qui ont été apportés. Les intervenants disent exactement le contraire, je le lui ai rappelé en Chambre. Les intervenants, le lendemain de sa déclaration, ont dit que c'était faux. Et, même aujourd'hui, la CSN... Je ne sais pas si le ministre a eu le temps de regarder sa revue de presse parce qu'il y a le problème de l'hépatite C, mais la CSN... Plus de ressources en protection de la jeunesse. Je lis, M. le ministre, ce n'est pas juste l'opposition qui demande ça: À moins d'injecter de nouvelles ressources dans le domaine de la protection de la jeunesse, des tragédies semblables à celle de Beaumont pourront se reproduire. C'est ce qu'a affirmé la CSN en conférence de presse en réponse au rapport de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Le vice-président de la CSN, Marc Laviolette, que vous connaissez sûrement, lui, a dit qu'il faut regarder tout l'impact des compressions budgétaires que vous avez fait subir à la DPJ et au manque de personnel. M. Laviolette a insisté sur le fait que le système de protection de la jeunesse se trouvait en bout de ligne et subissait les contrecoups des compressions. Les médecins qui peuvent détecter des cas d'abus sont débordés – puis j'ajoute aussi – autant que le personnel des directions de la protection de la jeunesse, M. le Président. Ils sont débordés, puis il y a un taux de 10 % d'épuisement à la Direction de la protection de la jeunesse. M. Laviolette dit que les médecins qui peuvent détecter les cas d'abus sont débordés, que des postes d'intervenants sociaux ont été éliminés dans les écoles, et ça continue.

M. le Président, au nom de ces enfants-là qui sont laissés à eux-mêmes, qui souffrent et qui sont maltraités, qui sont négligés, dans son plan d'action... Parce que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a des recommandations fort pertinentes au niveau de la formation, au niveau d'une grille d'évaluation, au niveau de mettre en place une équipe interprofessionnelle dans chaque régie régionale, mais la Commission – puis ce n'était peut-être pas son mandat – ne parle pas du fléau puis des conséquences sur les enfants des listes d'attentes, ne parle pas des pénuries de places en famille d'accueil, en maison de réadaptation puis en maison de thérapie pour les enfants, ne parle pas de l'épuisement des intervenants puis du manque d'intervenants, du manque de ressources à la Direction de la protection de la jeunesse, ne parle pas aussi des parents. Il y a des parents qui sont complètement laissés à eux-mêmes, là, qui ont des jeunes puis qui ne savent plus quoi faire, puis leur seule ressource, parce qu'ils sont vraiment complètement déstabilisés, c'est d'aller vers la Direction de la protection de la jeunesse puis de leur crier: Aidez-moi, je ne suis plus capable, je ne contrôle plus mon enfant. Je ne sais plus quoi faire, j'ai tout essayé. Ces parents-là ne reçoivent pas de services.

Dans son plan d'action, est-ce que le ministre peut nous garantir qu'il va travailler à éliminer les listes d'attente pour les enfants en évaluation et en prise en charge, va régler la pénurie de places dans les familles d'accueil, dans les maisons de réadaptation et dans les maisons de thérapie, qu'il va aussi augmenter le nombre d'intervenants, le nombre de travailleurs sociaux à la Direction de la protection de la jeunesse pour pouvoir répondre adéquatement aux besoins des jeunes? Parce que, je vous le rappelle, il y a une augmentation de 10 % des signalements de jeunes juste cette année puis il y a 22 % de ces signalements-là qui ont été retenus. Ça veut dire, ça, dans l'augmentation des signalements, que 22 %, c'est des cas dont la DPJ doit s'occuper. C'est une augmentation, puis il n'y a eu aucun ajout au niveau du personnel. Alors, qu'est-ce que le ministre, dans son plan d'action, va faire, M. le Président, pas pour répondre à mes interrogations, mais pour répondre à ces jeunes enfants là qui souffrent, qui attendent, qui sont sans voix au Québec?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Alors, je vais reprendre au début de l'intervention de la députée pour compléter aussi l'information. D'abord, au sujet des sages-femmes, de dire que le projet de loi qu'on a mis en place, c'est pour éviter de prendre une décision et pour retarder la création d'une nouvelle corporation professionnelle, on se comprend très mal, et les faits, c'est tout à fait le contraire de ça. D'abord, la décision que les sages-femmes sont une profession qui va pratiquer au Québec, elle est prise, elle est annoncée, c'est fait. Le comité d'évaluation proposait – parce qu'il reconnaît puis il connaît lui aussi ce que ça veut dire de mettre une nouvelle corporation en place avec les étapes qu'il faut franchir – de mettre sur pied une structure transitoire qui, sur une période de trois ans, ferait ce transfert pour amener la nouvelle corporation à exister puis à fonctionner.

Alors, ce qu'on a fait, c'est qu'on a raccourci le délai, on a dit: On ne passera pas par une structure transitoire. On en a discuté avec le comité d'évaluation, on ne s'exposera pas au risque d'une structure transitoire – des fois, il n'y a rien de plus permanent que le transitoire – et que ça reste instable pendant une longue période de temps. Après avoir réévalué de façon très serrée les deux ministères ensemble, la Justice, où mon collègue est le ministre de tutelle de l'Office des professions, l'Office des professions et le comité d'évaluation avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, on pense que ce n'est pas trois ans, mais que, dans un an, on peut le faire. On s'est donné un petit tampon de trois mois pour ajuster. Alors, un, la décision est prise. On ne la retarde pas, elle est prise. Deux, au lieu de trois ans, on va le faire en un an. Alors, il ne faudrait pas faire de distorsion de la réalité à ce point.

(12 heures)

Deuxièmement, la question du médicament, c'est sûr que, s'il y a des situations... Et il y a eu ce qu'on a appelé des situations vraiment pathétiques de gens qui sont dans de la misère, et il y en a, au Québec, beaucoup plus qu'on le souhaiterait, des gens dans des situations de misère où le programme d'assurance-médicaments, et surtout des gens qui ont un problème de santé mentale, où il y a plusieurs embûches pour eux à l'accès et à l'utilisation du médicament indépendamment du côté argent... Très souvent, et je pense que c'est très connu, un problème de maladie mentale, c'est difficile d'amener une personne qui passe une période comme ça à réaliser l'importance de prendre ses médicaments et à les prendre. C'est complexe comme situation. Et, comme je vous le rappelais tout à l'heure, il y a eu des soins particuliers d'apportés pour chaque situation, de gens qui ne pouvaient pas composer avec le programme tel qu'il était, dont on s'occupe sur une base personnelle. Bon, est-ce qu'il serait arrivé que quelqu'un n'ait pas vu son pharmacien qui était en mesure – et on l'a fait pour plusieurs personnes – d'aider une personne qui ne pouvait pas payer et de donner les médicaments à la personne si elle n'était pas capable de payer? Ça s'est fait régulièrement. Alors, je ne commenterai pas plus sur un cas particulier que je n'ai pas pu voir dans son ensemble, parce qu'on a souvent vu des cas rapportés hors contexte où la situation avait été un peu simplifiée. Maintenant, ce que je veux dire là-dessus, c'est que la mise en oeuvre du programme a tout fait pour tenir compte des situations vraiment pathétiques où même un montant de 16,60 $ par mois pouvait constituer un obstacle à l'accès médicament, et qu'on s'était occupé, dans chaque cas, de ces personnes-là sur une base personnelle.

Maintenant, on est tous d'accord pour que ce régime-là devienne encore plus généreux et qu'éventuellement la majorité ou tous les médicaments d'ordonnance soient gratuits. Mais on ne peut pas, présentement, améliorer, bonifier le programme à ce point-là tant qu'on ne sera pas capable, collectivement, de payer la facture. Alors, là, il y a vraiment un problème qui revient à ce dont on a discuté tout à l'heure, de se sortir de la situation financière où on est, d'avoir des surplus plutôt que des déficits à se partager et de bonifier nos programmes. Une autre façon de le bonifier plus vite, là, puis si le fédéral est vraiment sérieux quand il dit qu'il regarde la question du médicament, au lieu de perdre du temps à tenter d'inventer un autre programme dit national, c'est qu'il redonne de l'argent aux provinces. Avec toutes les coupures qu'il a faites aux provinces, on l'a dit tout à l'heure, les trois quarts de ce qu'on a dû couper dans les trois dernières années dans la santé étaient directement reliés aux coupures que le fédéral faisait dans ses transferts pour la santé au Québec. Les coupures, elles sont venues de là; elles ont simplement été répercutées sur le Québec et, moi, comme ministre de la Santé, j'ai été obligé de composer avec cette situation-là.

On ne s'est pas amusé à couper par plaisir, on était obligé de faire face à une situation où le fédéral ne donnait plus l'argent qu'il devait nous donner, ce qui faisait qu'on en avait moins, et il a fallu composer avec ça. Alors, si le fédéral nous donne son argent au lieu d'arrêter d'en parler, nous redonne notre argent, je devrais dire, et à mesure qu'on va passer dans une situation où on va être plus riche et on va être capable d'avoir plus de ressources, il y a là un secteur qu'on devrait continuer à améliorer.

Maintenant, il faut faire attention quand on cite hors contexte des phrases du rapport de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. C'est vrai que, en regardant la consommation pour les personnes âgées, elle est demeurée à peu près stable; pour les personnes bénéficiaires de la sécurité du revenu, elle a diminué. Le rapport dit qu'on peut penser que ça peut être à cause de problèmes financiers pour les gens, mais il faut continuer à lire le rapport, là, il ne faut pas sortir une phrase de son contexte comme ça. On dit qu'on peut penser ça, mais on ne le sait pas et, pour le savoir, il y a des études qui ont été commandées, qui sont en place et qui vont, à partir, je pense, de juillet, août et à l'automne prochain, commencer à nous donner de l'information plus fine pour qu'on sache à quoi s'en tenir.

Mais ces études-là, il faut prendre le temps de les faire, puis il faut qu'il se fasse de la consommation un certains temps pour qu'on voie ce qu'il en est. Mais je rappelle que, pendant ce temps-là, il y a des mesures en place, avec les pharmaciens, avec les CLSC, pour aider les gens, sur une base individuelle, qui sont mal pris. Donc, encore là, faisons attention de ne pas interpréter des phrases ou des choses hors contexte. On a des choses qu'il faut encore connaître mieux. Il y a eu déjà pas mal d'ajustements de faits à ce programme-là et, à mesure qu'on va faire des diagnostics précis, il y a des solutions qui vont être apportées.

Ça nous amène aux jeunes et à la DPJ. Alors, là, je vais vous donner deux ou trois points d'information et je vais demander, si c'est possible, M. le Président, que Mme Denis, la sous-ministre, puisse compléter avec d'autres éléments qui sont un peu plus techniques. Je pense que M. Roger Paquet, qui est responsable de la coordination avec le réseau, pourra apporter d'autres informations sur l'évolution de la situation, de sorte qu'on voie vraiment comment ça se passe. Parce que c'est un fait que les 3 %, 4 %, 5 % de jeunes qui sont en difficulté, c'est des jeunes qui sont en grande difficulté, et c'est vrai qu'il faut qu'on fasse plus pour eux et qu'on ait plus d'efficacité pour les aider, ces jeunes-là, à régler les problèmes immédiats et prévenir, pour l'avenir, qu'ils puissent retomber dans le même genre de difficulté. Et on sait que c'est surtout dans certaines régions du Québec où le problème est encore plus grand, en termes de besoins, de ressources, beaucoup la périphérie de Montréal, la Montérégie, Laurentides, à certains égards, Lanaudière, et Chaudière-Appalaches dans la région de la capitale nationale.

Il y a une question qui a été soulevée par la députée: le 20 000 000 $ sur deux ans annoncé par le budget. Le discours du budget dit très bien que c'est donné pour des jeunes en difficulté et, notamment, pour des problèmes reliés aux toxicomanies ou au suicide. Mais pour des jeunes en difficulté. Et là on travaille à faire la ventilation de l'utilisation de ces argents. Il y a d'autres réallocations qu'on pourra peut-être faire dans les prochaines semaines, les prochains mois en fonction du plan de travail qui va sortir bientôt, qui est dû très bientôt, de sorte que ce plan soit accompagné de moyens. Le budget, encore une fois, ne dit pas que c'est donné juste en toxicomanie, juste pour le suicide. C'est donné pour des jeunes en difficulté. Notamment, ces deux problèmes ont été pointés dans le budget parce que tout le monde sait que ça fait partie beaucoup, c'est parmi les problèmes importants des jeunes, en bout de ligne, comme ça, qui ont de grandes difficultés.

Le rapport du comité, on l'attend au cours des prochaines semaines. C'est vraiment dû, on est rendu là. Et ce ne sera pas un... Comme ça va être un rapport qui va être un plan d'action qui est préparé avec beaucoup de monde sur le terrain, c'est un travail assez imposant. Quand on l'aura, par exemple, le temps qui aura été mis à le développer, il va falloir que ce soit un plan qui est utilisable tout de suite. Il n'y aura pas d'étape de consultation longue à faire après.

Maintenant, les budgets qui ont été consacrés à la protection de la jeunesse. Quand on regarde les chiffres bruts, il y a eu une diminution de budget dans les centres jeunesse, mais on me dit qu'il faut faire attention. Ce n'est pas des ressources de moins qui ont été données aux centres jeunesse. Il y a eu un transfert de la santé et des services sociaux vers l'éducation de ce qui s'appelait l'apprentissage. C'étaient des budgets qui étaient comptabilisés à la santé et ces activités-là sont maintenant intégrées avec l'éducation. C'est le fait d'avoir défalqué ce montant-là pour le transférer qui a fait une diminution de budget. Mais, par ailleurs, les budgets à cet égard-là, on n'a pas pu les augmenter en n'ayant rien de plus pour le partager, mais ils ont été maintenus.

Alors, les difficulté viennent, comme l'a dit la députée, que le nombre de jeunes en difficulté a augmenté. On a pu maintenir, à travers les trois années qu'on a traversées, assez constantes les ressources qui ont été là. C'est ça qu'est la réalité, ça a été maintenu. Le budget qui a baissé, c'est un transfert qui a été fait à l'éducation, donc ça va continuer à se faire. Mais il va falloir faire plus. Il va falloir qu'il y ait plus de moyens qui soient utilisés, surtout dans les régions qui en manquent le moins. Alors, là-dessus, pour être plus précis et illustrer mieux comment ça se passe sur le terrain pour des jeunes et avec la liste d'attente qu'on a et à laquelle a fait référence la députée, je vous demanderais la permission de passer la parole à Mme Denis; après, il y a M. Paquet qui va compléter ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Denis.

(12 h 10)

Mme Denis (Lise) : Oui, M. le Président. D'abord, indiquer, parce que je pense que c'est important qu'on soit bien au fait de cette réalité-là, quand il s'agit de jeunes, quand on travaille avec les nombres au niveau des listes d'attente, je pense qu'il faut se donner certaines précautions, notamment quand il s'agit de signalement urgent, puis là on parle de ce qu'il est convenu d'appeler des codes 1, des abus sexuels, des abus physiques. Et je pense qu'il faut être clair, parce qu'il faut rassurer la population là-dessus, ils sont pris en charge en dedans de 24 heures, maximum. Ils sont évalués, et je pense qu'il faut être clair là-dessus, les situations urgentes sont traitées de façon urgente par l'ensemble du système de protection. D'ailleurs, c'est à partir d'une étude qui avait été faite dans les années 1992-1993 avec les rapports Harvey, les rapports Jasmin, à l'époque, sur le processus de fonctionnement des listes d'attente et de la façon dont on recevait les signalements, dont on les évaluait, dont on les prenait en charge, qui ont amené un certain nombre de recommandations d'ajustement et de façon de prioriser. Donc, ça veut dire qu'un enfant qui est signalé pour abus physique, pour abus sexuel, notamment, ou pour une urgence autre que celle-là mais qui doit être évaluée rapidement, il l'est.

Deuxième chose, je pense, qu'il faut aussi indiquer, c'est que, quand on évoque les listes d'attente à la prise en charge, entre autres, il faut voir que ce sont des données de gestion qu'on voit là. Cependant, dans la vraie vie, pour un enfant qui a été signalé et dont l'évaluation est faite, il y a un suivi qui est fait par l'intervenant. L'enfant ne se retrouve pas entre deux chaises. Il n'est pas laissé sans services le temps d'attente au niveau de la prise en charge. Il faut faire bien attention là aussi. C'est plus une question d'affectation d'intervenant à la prise en charge. Cependant, celui qui l'a évalué, bien, il continue à suivre le cas. Je pense que les hommes et les femmes qui travaillent en protection de la jeunesse sont des gens dédiés. Ils ne laisseront pas entre deux chaises un enfant qui a des problèmes et qui mérite un plan d'intervention précis.

J'ajouterais aussi – pour avoir non pas lu, malheureusement, la revue de presse, mais avoir entendu à la radio, ce matin, une entrevue avec le vice-président de la CSN – que j'ai cru comprendre à travers les propos qui étaient amenés que ce qui était sous considération, bien sûr, il y avait une préoccupation autour des services, mais il y avait aussi une préoccupation autour du statut précaire d'un certain nombre d'employés en protection. Ce que je veux simplement évoquer, c'est que je pense qu'il faut traiter cette question-là au mérite. Elle se traite comme l'ensemble du dossier des ressources humaines dans le réseau et du fait qu'il y a un certain nombre d'employés qui, effectivement, au moment où on se parle, bien oui, ils sont à statut précaire, compte tenu de l'ensemble des départs qui ont eu lieu. Donc, je dirais les intérêts, bien sûr, autour du service à la population, mais je pense qu'il y avait aussi sous considération la question des relations de travail, dans l'intervention que j'ai entendue à la radio. Peut-être que M. Paquet peut...

M. Paquet (Roger): En ce qui concerne les enfants en situation d'attente, en tenant compte des informations que Mme Denis a données, au 31 mars 1997, le nombre d'enfants à l'évaluation en attente était de 1 261. Un an plus tard, au 31 mars 1998, ce nombre était de 1 198 enfants. Quant au délai d'attente, la majorité des enfants qui sont en attente d'évaluation dans les centres de protection de la jeunesse sont en attente pour une durée inférieure à un mois, c'est-à-dire qu'il y a 732 enfants dont le délai d'attente a été inférieur à un mois dans la dernière année.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Très, très courte question, Mme la députée.

Mme Loiselle: Oui, seulement pour revenir sur les propos de Mme la sous-ministre. C'est quatre intervenants de la Direction de la protection de la jeunesse qui parlent, ici, et qui disent ceci: Dans les faits, c'est nous qui avons les listes d'attente parce qu'on ne peut pas s'occuper de tous nos cas et qu'il faut établir des priorités. Il arrive même que des dossiers soient confiés à des personnes en vacances et qui ne l'apprennent qu'à leur retour. Personne ne s'est occupé du cas pendant ce temps, mais il n'était sur aucune liste d'attente. Alors, il y a des cas où les jeunes enfants, même s'ils sont sur les listes d'attente, les dossiers sont transmis sur les bureaux des intervenants qui sont partis en vacances, et le dossier mijote sur le bureau pendant que l'intervenant est parti en vacances. Il y a un problème dans le système et, moi, je suis convaincue qu'il y a des jeunes qui sont signalés et il n'y a personne qui s'en occupe actuellement. Ce n'est pas la faute des intervenants, parce que, vous avez raison, madame, ils font un travail extraordinaire, mais c'est parce que c'est un manque de ressources, c'est les effets des compressions budgétaires sur le dos de la DPJ, sur le dos de ces enfants-là.

Je veux seulement dire: Le ministre a dit tantôt que c'est vrai qu'il n'y avait pas eu d'augmentation à la DPJ, mais il y a aussi eu des compressions. Moi, j'ai un tableau, ici, des centres jeunesse des Laurentides, compressions partant de 1995 à 1997-1998 – parce que vous ne parlez jamais du coût du fonctionnement du système, ce qu'on appelle le non-financement, tout ce qui touche le téléphone, les loyers, les augmentations, et tout ça – eux, ont eu des compressions, au cours des trois dernières années, de 3 153 000 $. Alors, il n'y a peut-être pas eu d'augmentation, mais on a oublié de mentionner tantôt que les DPJ ont connu des compressions et les effets de ces compressions-là, c'est l'augmentation des listes d'attente et finalement, en bout de piste, ce sont les enfants que le réseau ne prend pas en main.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, pour répondre à ça, on va mettre ça bien clair, on ne nie pas les difficultés. Dans des incidents malheureux qui sont arrivés comme Beaumont, des directeurs de DPJ ont clairement reconnu qu'il y avait eu de grandes difficultés. Il faut bien dire que les plus grandes difficultés qui ont eu lieu, qui ont fait les manchettes, pour que la population soit vraiment au courant de ce qui se passe, ça s'est passé de 1981, comme dans le cas de Beaumont, jusqu'à 1995. Depuis 1995, il y a déjà des améliorations qui ont été apportées et il y en a d'autres qui vont continuer à être apportées. Je voudrais juste faire attention qu'on ne sorte pas des affaires hors contexte. Et quand ça s'est passé, ces situations-là malheureuses, de 1981 à 1995, ce n'était pas à cause des coupures du virage ambulatoire. C'est là que ça s'est passé, des grands malheurs comme ça. Alors, c'est aujourd'hui que ça sort, au moment où on a commencé à corriger, depuis trois ans, mais ça ne peut pas être à cause du virage ambulatoire qui a causé des affaires alors qu'il n'existait pas. Il faut faire attention.

Mme Loiselle: ...des compressions.

M. Rochon: Maintenant, qu'il y ait encore des difficultés, qu'il y ait encore des améliorations à faire, oui, il s'en fait et il va continuer à s'en faire.

Je vous demanderais juste, M. le Président, la permission de donner brièvement la parole à deux personnes: M. Léger, le directeur général de la Régie régionale des Laurentides, pour qu'on comprenne dans quel contexte cette énorme coupure de 3 000 000 $ s'est faite et ce que ça a eu comme impact, comment ça a été géré; et je demanderais à M. Boily, le directeur de la Régie régionale de la Montérégie, qui est une autre région où il y a des difficultés, qu'il puisse nous dire un peu comment il est intervenu. Je pense que c'est quelque chose de l'ordre de 3 000 000 $ qui a été investi dans les dernières années pour améliorer la situation. Juste pour qu'on ait l'information qu'avec les difficultés actuelles, de distinguer ce qui s'est même passé à une autre époque qui n'est pas nécessairement en lien avec la question des coupures, mais, par contre, que les pratiques et les façons d'intervenir qui présentaient des problèmes, qu'on a reconnus, ce qui se fait pour améliorer la situation. Alors, si je peux, M. Léger.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Léger.

M. Léger (Michel): M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais rappeler que, effectivement, il y a eu une diminution des budgets des centres jeunesse, sur les trois ans dont on parle, d'un montant de 3 000 000 $. J'aimerais qu'on fasse et qu'on mette en parallèle aussi, durant la même période, l'amélioration assez remarquable de la diminution des listes d'attente, tant au niveau de l'évaluation que de la prise en charge. Donc, juste pour montrer que, pendant la même période où il y a eu diminution des budgets, il y a eu aussi amélioration très sensible tant au niveau de l'évaluation qu'au niveau de la prise en charge.

Au niveau de la justification de cette diminution du budget, deux éléments: premier élément, tout établissement de quelque nature qu'il soit a toujours des améliorations à faire au niveau des aspects administratifs et donc, dans ce sens-là, dans notre région comme dans d'autres régions, certainement, tous les établissements, y compris les centres jeunesse, doivent et peuvent faire un certain nombre d'efforts au niveau des rationalisations administratives.

Par ailleurs, la région des Laurentides a convenu, de façon très concertée, avec le centre jeunesse des Laurentides, avec les organismes communautaires, avec les commissions scolaires ou autres, d'adopter une stratégie de consortium, c'est-à-dire de mise en place, dans chacun des territoires de municipalités régionales de comté, d'équipes dans lesquelles nous avons investi, en même temps qu'on diminuait les crédits du côté des centres jeunesse, des montants équivalents au niveau de ces consortiums jeunesse et où on a convenu, à ce moment-là, de pouvoir commencer, dans la région des Laurentides, à travailler un petit peu plus en amont des problèmes et un peu plus dans des stratégies de prévention et un peu plus avec des partenaires du milieu.

Alors, ce à quoi il faut faire attention, c'est de regarder la diminution au niveau des centres jeunesse, mais l'injection d'un montant équivalent dans des équipes jeunesse, au niveau de chacun des territoires, où, dans certains cas, on a convenu soit d'investir davantage dans des CLSC, soit de mettre à contribution des organismes communautaires dans des partenariats particuliers, d'investir en partenariat avec les commissions scolaires ou autres.

Donc, la diminution de ce côté-là, il faut la regarder avec l'injection, beaucoup plus en amont des problèmes et beaucoup plus proches, avant des situations de protection de la jeunesse. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Monsieur... Oui?

Mme Loiselle: Juste une petite, petite, M. le Président. M. Léger, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l'an dernier, devait faire une enquête sur votre région...

M. Léger (Michel): Oui.

Mme Loiselle: ...et on devait avoir un rapport. L'enquête devait avoir lieu l'été passé. Parce qu'il y avait une problématique; on parlait même de tutelle, à un moment donné, pour la région des Laurentides. Est-ce que le rapport a été déposé par M. Filion à cet égard-là? Parce que je n'en ai jamais entendu parler, du rapport sur la DPJ des Laurentides.

M. Léger (Michel): Je l'attends avec impatience.

Mme Loiselle: Vous l'attendez? O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? M. Boily, pour une courte réponse additionnelle. Merci, M. Léger.

M. Boily (Claude): Merci, M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que ce serait trop vous demander, M. Léger, peut-être, quand vous aurez ce rapport-là, s'assurer que la commission en ait une copie? S'il vous plaît.

M. Rochon: M. le Président, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse rend ses rapports publics très vite, en général. Alors...

Mme Loiselle: Heureusement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En plus.

M. Rochon: ...la commission va sûrement l'avoir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Boily.

(12 h 20)

M. Boily (Claude): Alors, M. le Président, M. le ministre, des stratégies, bien sûr, que la Montérégie reconnaît... Il y a encore des difficultés par rapport aux jeunes, mais il y a un certain nombre de stratégies qui ont été développées. Entre autres, on s'est assuré que, malgré les compressions dont tous les établissements devaient assumer une partie, dans le cas des centres jeunesse, la réallocation que faisait la Régie régionale était toujours supérieure, de sorte qu'on a non seulement maintenu les crédits dont disposaient les centres jeunesse, mais on les a augmentés compte tenu de la problématique propre à la Montérégie.

On a aussi développé – et là on parle, l'an passé, de presque 3 000 000 $ – on est à préparer la revue de programmes pour 1998-1999 et, encore là, une de nos priorités, dans la revue de programmes, sera d'affecter des ressources additionnelles aux centres jeunesse dont on reconnaît les grands besoins. Nos échanges avec la Commission, à cet effet-là, ont toujours été transparents pour démontrer quelles étaient les actions posées pour éventuellement en arriver à prendre le contrôle complet de cette situation difficile.

Par ailleurs, dans la réallocation, quand le ministre répond qu'il y a des sommes additionnelles qui, à un moment donné, reviendront aux régions sous une forme ou sous une autre, il est évident que, dans la traduction de l'utilisation de ces sommes-là, ce que ça veut dire, c'est que même si ça revenait affecter à une problématique particulière telle que, par exemple, toxicomanie, ça nous permettrait d'utiliser les sommes qu'on prévoit actuellement en toxicomanie et de les transférer à jeunesse. Alors, d'une façon ou d'une autre, les sommes aboutiront à aider les jeunes en difficulté des centres jeunesse, peu importe la porte qui sera utilisée pour retourner les fonds en région.

Tout ça pour reconnaître, Mme la députée, qu'il y a, oui, des problèmes. On en est très conscient. Je suis un psychologue de profession. Donc, je n'ai pas à être sensibilisé, au-delà de ma connaissance professionnelle, à cette problématique très aiguë des jeunes de difficulté, et je peux vous rassurer que la Régie de la Montérégie fera toujours une priorité des sommes à accorder au traitement de cette problématique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke.


Recours à des services privés

Mme Malavoy: M. le Président, je vais poser ma question, mais je me sens un petit peu gênée par le temps. Quand je vois le temps dont ont disposé les gens et pour poser des questions et...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il y a lieu, la réponse viendra plus tard.

Mme Malavoy: ...pour avoir des réponses...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il n'y a aucun problème. Allez-y, il n'y a pas de problème.

Mme Malavoy: Oui. Je voudrais juste signifier que je ne voudrais pas sauter mon tour juste parce qu'on est à cinq minutes de la fin et que les gens ont faim. Bon.

J'aimerais tout simplement faire une citation, M. le Président. Je pense que ce sera plus éloquent que de poser une question. Je voudrais faire une citation de l'exposé de Marc Renaud, au Forum sur le développement social, à l'ouverture du Forum, il y a une semaine à peu près. C'est un texte, d'ailleurs, que je suggère de lire à tout le monde parce qu'il est vraiment remarquable et il est inspirant. Mais il y a un aspect que je voudrais citer – il y en aurait bien d'autres qui sont fort intéressants – parce qu'on entend parler depuis ce matin de la catastrophe des compressions, des coupures et de ce que le méchant gouvernement que nous avons a été obligé de faire, et je voudrais citer un passage de ce que Marc Renaud dit. Je pense qu'il le dit avec beaucoup d'honnêteté intellectuelle, parce que c'est quelqu'un qui n'est pas un partisan et qui n'est pas un politique. Il dit ceci, commençant un paragraphe...

Une voix: ...

Mme Malavoy: Oui, en passant, il est le président du CRSH, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ce qui lui confère, je pense, beaucoup de crédibilité. Il dit ceci en parlant de l'effort des gouvernements qui se sont mis à chercher à supprimer leurs déficits, et là je cite: «Les gens disent souvent, par exemple, que le gouvernement est en train de détruire notre système universel de soins de santé. Ce que les gens oublient cependant, c'est que, sans la restructuration actuelle, le Québec aurait, selon toute vraisemblance, perdu sa marge de manoeuvre de développement autogéré et on se serait retrouvé avec une médecine de vitesse et un système largement privatisé, comme aux États-Unis.»

Une voix: Point.

Mme Malavoy: Et il poursuit avec des mots... Justement, je devrais dire «point à la ligne», parce qu'il dit: «Sans lutte intelligente au déficit, nous serions» – je vais dire, M. le Président, dans le pétrin, parce que je ne lirai pas le mot qui est écrit ici; il n'est pas bon qu'il soit... Je ne sais pas s'il est parlementaire. Enfin, de toute façon, c'est pour dire que ce que M. Renaud voulait dire, c'est que ce n'est pas une question de fantaisie, c'était une question absolument cruciale.

Moi, ce qui m'intéresse, donc, à travers cette citation, c'est que le ministre puisse clarifier deux choses, et vraiment je le demande parce que, pour moi, cette argumentation, on doit être capable de la faire et de la refaire et de l'utiliser sur toutes les tribunes où on va nous envoyer cette idée des compressions qui sont catastrophiques. J'aimerais que le ministre me réponde en développant un petit peu cette crainte, donc, que, si on n'avait pas fait ce qu'on a fait, on aurait la crainte d'une médecine à deux vitesses. J'aimerais que vous m'expliquiez comment ça nous aurait conduits là.

J'aimerais aussi que vous me disiez, dans la même foulée, comment donc ça contribuerait à un système largement privatisé, que l'on déplore de l'autre côté, mais je crains avoir entendu parler quelqu'un qui aimerait bien prendre ma place, d'ouverture à un système privatisé. Et, moi, je suis absolument contre cette question-là. Mais je sens, dans la citation de Marc Renaud, que ce qu'il nous dit, ce contre quoi il nous met en garde, c'est que, sous prétexte de vouloir avoir peut-être plus de générosité aujourd'hui, on risque vraiment non seulement de détériorer, mais de mettre, à toutes fins pratiques, fin à un système de santé dont jusqu'ici on s'enorgueillissait parce qu'il a un système d'accès parfaitement universel.

Je pose une question, donc, M. le Président, un peu tard. Vous comprendrez que j'aimerais bien avoir droit à une réponse qui soit un peu substantielle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si tout le monde est d'accord, compte tenu qu'on ne peut pas continuer dépassé 12 h 30, si tout le monde est d'accord, je suggérerais qu'on commence par la réponse du ministre au début de la prochaine séance.

Alors, si tout le monde est d'accord, je suspends les travaux à 15 heures, après la période des questions.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux en permettant à M. le ministre de répondre à la députée de Sherbrooke.

(Consultation)

La Présidente (Mme Malavoy): M. le ministre, même si j'ai changé temporairement, très temporairement de fonction, je ne veux pas en abuser, mais je pense qu'on s'était entendus qu'on commencerait par une réponse à une question que j'ai pu poser à la fin de la séance de ce matin. Si vous êtes d'accord, on pourrait commencer comme ceci, ensuite je reprendrai les tours de parole qui étaient enregistrés.

M. Rochon: Oui, Mme la Présidente. Alors, je vais me permettre, si vous voulez, de reformuler votre question, pas pour la modifier ou la biaiser d'aucune façon, mais pour être bien sûr que je l'avais bien comprise et que, dans ce qui s'est passé dans les dernières heures, je n'ai pas perdu le filon.

Vous avez fait référence à ce qui se dit depuis quelque temps – on a fait référence à cela ce matin en commission – sur le risque possible de glissement vers un système à deux vitesses, en interpellant de plus en plus ce qu'on appelle «le privé» pour la dispensation des services de santé. Je pense que c'est plus rare qu'on va y faire allusion pour des services sociaux. Vous demandiez jusqu'à quel point cette réalité est un risque sérieux et comment les actions prises au cours des trois dernières années peuvent nous prémunir contre ce danger. Est-ce que c'est bien le sens de votre question?

La Présidente (Mme Malavoy): Je veux simplement rappeler que je citais une phrase de Marc Renaud, à l'ouverture du Forum sur le développement social, et qui vous donnait raison en disant, justement, qu'il faut éviter ce que vous venez de rappeler.

M. Rochon: C'est ça. Bon. Alors, il y a peut-être brièvement une clarification à apporter pour qu'on s'entende bien sur ce quoi on parle quand on parle de financement privé des services de santé, parce que j'ai évidemment à en discuter, comme la question est soulevée de temps en temps, avec différentes personnes. Je pense que cette appellation de privé ne fait pas référence toujours à la même chose selon les personnes et les contextes.

Il y a présentement du financement de source privée, que les gens paient directement de leurs poches, de services de santé pour une proportion d'à peu près un peu plus que 30 % de ce que les gens dépensent en services de santé au Québec. On en assume près de 70 % collectivement, et à peu près 30 % est payé directement par les gens, sur une base individuelle. Ça, ça comprend beaucoup de services de santé de différentes natures qui n'ont jamais été assurés ni par l'assurance-hospitalisation ni le programme d'assurance-santé: les services optométriques, les soins dentaires, les coûts qu'on paie pour une ambulance, les soins de santé dont les gens ont besoin s'ils sont à l'étranger, sauf si c'est quelqu'un qui se déplace à l'intérieur du Canada. Donc, on a un système qui couvre l'ensemble des services qui correspondent à un concept de «médicalement requis», qui a évolué avec le temps et qui va sûrement continuer à évoluer pour définir de façon concrète la couverture. Mais tous les services que les gens se procurent ne sont pas nécessairement assurés.

(15 h 40)

Un deuxième élément qui fait partie de ce que les gens paient directement de leurs poches, c'est différentes tarifications qui ont toujours fait partie de notre système, surtout pour l'hébergement pour des soins de longue durée, pas pour des hôpitaux de courte durée. Les gens, et là certains disent que c'est une espèce de paiement de transfert, calculent qu'ils paieraient pour leur appartement. S'ils vivent maintenant dans un milieu de vie substitut, alors, on va leur demander une contribution pas pour les services, mais pour le gîte et le couvert. Et ça, c'est demandé selon un tarif établi et décidé par décret par le Conseil des ministres, et qui est appliqué selon le revenu des gens. Alors, des gens qui ont un certain niveau de revenus – je ne me rappelle pas de ces précisions – paieront le plein tarif, si vous voulez, et de façon décroissante, selon ce que les gens ont.

Et il y a un lien... D'ailleurs, on vient d'unifier deux programmes: un programme qu'avaient la sécurité du revenu et la santé. Alors, ce qui est prévu, c'est que des gens qui sont dans un établissement de soins de longue durée, comme nouveau milieu de vie, vont garder un minimum d'argent à eux pour s'acheter différentes choses. Et, si jamais ce qu'ils ont vraiment comme revenus de différentes natures n'est pas suffisant pour correspondre à ce minimum, il y a une prestation de la sécurité du revenu qui leur est donnée. Donc, il y a un tarif, mais appliqué selon le revenu. C'est une deuxième partie importante de ce à quoi on réfère comme des dépenses privées, en plus des services dénaturés.

Finalement et dernièrement, il y a un troisième élément important qui rentre là-dedans et qui est tout ce qu'on appelle «médecine alternative» de différentes natures où, là, il y a un marché qui s'est développé, surtout au cours de la dernière décennie. Et on m'a dit que c'est un marché qui, aussi, dans les trois dernières années, a décrû un peu, mais qui, pendant beaucoup d'années, a augmenté de façon importante. Et tout ça a fait que la consommation globale, totale de ce que la population du Québec fait en soins de santé a augmenté. Cette partie a augmenté de 22 % à 23 % de l'ensemble des dépenses à 30 % à 32 %, présentement. Ça, c'est une partie du privé. Et l'enjeu, à cet égard, c'est de s'assurer que le pourcentage de dépenses privées d'un de ces trois types de dépenses dont je parle ne dépasse pas une certaine proportion. Là, je n'entrerai pas dans toutes les discussions. Il y a toute une discussion de nature d'organisation de santé et d'économique de la santé qu'on peut faire là-dessus.

L'autre élément du privé – et je pense que ce à quoi Marc Renaud faisait référence est plutôt cette autre partie, là – c'est qu'on commence à suggérer, depuis quelque temps, qu'on pourrait avoir, à côté ou en plus de notre système de santé public, des services assurés, contrairement à ce à quoi j'ai référé, des services déjà assurés par nos programmes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie qui pourraient aussi être offerts par des établissements privés. Prenons un exemple concret. On pourrait avoir un hôpital privé qui fonctionnerait complètement en dehors du système et qui serait là pour des gens qui sont prêts à payer plus de leur poche, en plus de ce qu'ils continueraient à contribuer, de toute façon, par leurs taxes au financement de notre système public. Ça, c'est un autre type de proposition. Et là on suggère cette approche-là pour différentes raisons. Certains disent que, s'il y avait un ou quelques hôpitaux privés, les gens qui ne veulent pas attendre et qui sont prêts à payer quelques centaines de dollars de plus ou quelques milliers de dollars de plus, je ne sais pas, selon les types de services qui sont offerts, souhaiteraient peut-être aller dans ces établissements-là et que ça soulagerait le système public. Et ça, c'est une suggestion qui revient de temps en temps, et c'est à ça qu'on réfère quand on parle d'un système à deux vitesses.

Et là effectivement, je pense qu'il y aurait des risques de glissements très, très, très importants, parce que, là, on vient vraiment dire que ceux... Au lieu de maintenir le principe de base, qui est celui de nos systèmes sociaux que l'on a pour les services de santé et les services sociaux, qui dit essentiellement que, pour fins d'équité, on se partage collectivement le coût des services de santé et des services sociaux, chacun paie selon son revenu, pour s'assurer que les services médicalement et socialement requis sont disponibles, sont accessibles, selon le besoin, indépendamment de la capacité de payer des gens. Mais c'est sûr que ce n'est pas gratuit. On les paie, et chacun paie selon ses revenus. Si on a, à côté de ça, en plus, un système où ceux qui sont prêts à payer plus peuvent avoir accès à d'autres types de services, bien, là, c'est là qu'on dit: On est à deux vitesses. Parce qu'il y en a qui, en payant plus, vont passer en avant des feuilles d'attente et ils vont aller chercher ce service-là.

Et c'est ces questions-là, là, quand on les regarde dans leur ensemble, qui méritent d'être approfondies un peu plus. Mais on peut voir tout de suite qu'il faut se questionner sur des effets de glissements possibles. D'abord, si un système fonctionne vraiment en parallèle à un hôpital privé, est-ce qu'il va vraiment fonctionner sans utiliser, d'aucune façon, aucun des services du système public, que ça soit de laboratoire, de référence ou autres? Ça, c'est un assuré.

Pour que ce système-là fonctionne, il reste que la société aura à assumer des coûts de formation de personnel, par exemple, qui deviennent disponibles et qui sont engagés dans un établissement comme ça. Pour avoir un personnel de bonne qualité – c'est un établissement privé, donc, son objectif, c'est de faire des profits – alors, on va offrir des conditions de travail, des salaires les plus compétitifs possible. Donc, on va faire une poussée inflationniste que va devoir compétitionner le système public. En général, un système comme ça qui commence à fonctionner vise un créneau de services qui vont lui permettre de fonctionner comme un bon établissement privé. Donc, ce qui est très complexe comme intervention, ce qui est très spécialisé, en général, on ne prévoit pas, on ne s'attend pas, ceux qui discutent de ces propositions-là, à offrir ces services-là.

Les services de première ligne, en général, on n'est pas tellement intéressé à ça, parce que c'est assez complexe. Il y a des services qui sont simples en première ligne et il y a souvent des situations très, très, très complexes de problèmes chroniques, de suivi de patients. Donc, on va chercher un certain nombre de services en général de type hospitalier qui ne sont pas tellement complexes à donner, qui n'ont pas des longues durées d'hospitalisation. Évidemment, on compte bien que, s'il y a des complications, s'il y a quoi que ce soit, la référence sera faite éventuellement, si c'est nécessaire, au système public. Et il y a une analyse qui dit que, là, il y a un danger terrible, que, si on fait ça, on va peut-être momentanément, au début, transférer une partie de la demande qui va aller vers ce système-là, mais très rapidement on va avoir un système privé en parallèle. C'est une autre possibilité qui va un peu écrémer, si vous voulez, le marché, aller chercher, répondre aux besoins pour lesquels la réponse est assez facile et peut être profitable sur le plan pécuniaire. Et le système public va de plus en plus se retrouver avec ce qui est plus difficile, plus lourd, plus difficile à faire et devoir subir une compétition entre systèmes.

Alors, c'est une problématique qui n'est pas simple. Bon. Ce que disait Marc Renaud, c'est: Devant cette situation-là, une fois qu'on la comprend un peu... Et il voyait la différence de quoi on parle quand on parle de privé, qu'une réforme comme celle qu'on a faite... Et, moi, je pense profondément, sincèrement, et c'est la position du gouvernement... On est convaincu qu'étant passé à travers les périodes difficiles de compressions budgétaires, d'assainissement des finances publiques, et tout ça, il va falloir qu'on pense bientôt à être capable de réinvestir dans le domaine de la santé, maintenant qu'on a réorganisé le système, que les priorités sont plus claires, que le système est plus performant. Il y a une logique qui se développe où l'ensemble du système s'assure que les missions réciproques sont complémentaires pour qu'il y ait une continuité et une véritable couverture complète des besoins, d'où toute la logique d'une première ligne bien organisée, bien structurée, complète, qui fait ce qui doit être fait en première ligne. On voit tous les jours des choses qui nous sont rapportées dans les journaux de gens qui ont attendu, encore récemment, là, cinq heures dans une urgence. Ce n'est pas admissible. Mais, par contre, on voit que le lendemain les gens ont pu aller au CLSC ou voir le médecin de famille, et ça s'est réglé très rapidement. Et c'est là que ça aurait dû se régler le premier coup. Alors, si la première ligne avait été disponible et si les gens avaient su – je ne sais pas quels étaient les faits précis – que c'est là qu'il fallait aller au lieu d'aller là le lendemain après avoir attendu cinq heures à l'urgence, ils seraient allés tout de suite puis ils auraient fait ça.

Donc, pour que la population soit bien servie, il faut une première ligne solide et performante. Il faut qu'on assure à toute la population l'accès aux services pour des problèmes complexes, même si c'est beaucoup moins fréquent, qu'on ait des concentrations efficaces d'équipements, d'équipes spécialisées pour donner ces services-là et qu'entre les deux, là, les services secondaires de niveau spécialisé, on ait une couverture complète aussi, et que, ça, ça fonctionne en réseau équilibré. Et il n'y a pas de raison, croit-on, que les ressources qu'on a présentement dans le domaine de la santé, c'est quand même 13 000 000 000 $, c'est plus de 30 % des dépenses de programmes du gouvernement... Une bonne organisation de ce système-là, une meilleure performance comme le système a développé chaque année avec des investissements additionnels qui devront être faits, mais bien ciblés, correspondant aux besoins des gens et où la demande est la plus forte, et une fluidité pour qu'on ajuste dans le temps, ce qu'on dit dans cette analyse-là, c'est qu'on n'a pas besoin d'un système privé en parallèle pour faire ça.

C'est déjà assez, ce que le système ne couvre pas, les trois premiers éléments que je donnais, que la population doit supporter. Et, surtout, qu'on ne revienne pas, parce que, si on a ce système-là en parallèle, on revient avant les années soixante où on avait un système où les gens payaient. Évidemment, les gens qui ne pouvaient pas payer, on s'en occupait, on faisait la charité. Ce n'était pas...

La Présidente (Mme Malavoy): Un droit.

(15 h 50)

M. Rochon: ...un système où solidairement on s'assure d'un même droit pour les mêmes besoins.

Alors, il y a là un acquis social très important, enviable et envié par des pays qui ne l'ont pas, et ce n'est pas parce qu'on a passé une période difficile et un tourbillon qu'il faut renoncer à consolider ce système-là. Quand on voit, en fait, la façon, vraiment, comment ça se passe – là, je ne veux pas mettre de côté, ni les erreurs, ni les ratés, ni les ajustements qu'il faut faire à travers une transformation complexe comme ça – la population est majoritairement restée satisfaite des services de santé reçus. C'est à 85 %, 90 %, la satisfaction de ceux qui ont utilisé les services. La confiance de la population dans son système public, elle est revenue. C'est allé bas dans la période la plus intense. Maintenant, récemment, des sondages qui ont été faits, et pas des sondages commandés par le système de santé et de services sociaux, rappelaient qu'il y a 70 % de la population qui est convaincue que, même actuellement, malgré toutes les difficultés qui se sont présentées, elle aurait toujours des bons services de santé si elle doit se présenter, même à l'urgence. Et ça, c'est des sondages qui ont été faits pendant une période où les manchettes n'arrêtaient pas de rappeler toutes les difficultés qu'il y avait dans le système de santé.

Évidemment, les gens disent: Ça ne peut pas continuer comme ça. On ne peut plus continuer à en demander à ce système-là. On ne peut plus continuer à comprimer comme ça. Il faut vraiment qu'ayant réorganisé le système, on pense même à réinvestir dans les plus brefs délais possibles pour que la consolidation, ça veuille dire quelque chose de complété. Ça inclut de compléter les services qu'il faut développer en plus grand nombre.

Alors, moi, je pense sincèrement, Mme la Présidente, que c'est à ça que référait Marc Renaud, que, si on n'avait pas fait cette réorganisation pour redéfinir les missions, assurer une complémentarité, une continuité beaucoup plus grande, qu'on n'aurait pas remis le système de santé capable de s'adapter pour répondre mieux aux besoins et, ayant traversé l'orage, là, vraiment, de revenir au système qu'on a eu dans les années passées et même d'être plus fort et plus performant qu'il n'a jamais été jusqu'à présent.

La Présidente (Mme Malavoy): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre. C'est très éclairant. Je passerais la parole à Mme la députée de Bourassa, et ce sera suivi du député de Saint-Hyacinthe.


Frais liés à l'hospitalisation ou à l'hébergement

Mme Lamquin-Éthier: M. le ministre, vous avez parlé de la contribution à l'hébergement des adultes hébergés, alors je vais vous faire une observation à cet égard-là. Je vous encouragerais fortement à réfléchir au rythme d'évolution. La contribution des adultes hébergés a particulièrement augmenté de façon absolument faramineuse, et les augmentations sont bien supérieures à l'inflation. Ce n'est pas une contribution à l'hébergement, mais c'est pour les personnes qui ont économisé toute leur vie et qui voient l'ensemble de leurs revenus fondre comme neige au soleil. C'est plutôt une contribution à l'étranglement. De plus en plus, les gens le dénoncent; ceux qui sont en hébergement le dénoncent. Ils ont mis de l'argent de côté. La contribution est fixée selon l'ensemble des revenus qu'ils ont, et, plus ils en ont, moins il en restera.

La contribution a augmenté de façon extrêmement importante depuis les dernières années sans, par ailleurs, qu'il y ait une augmentation des services. Au contraire, au niveau des centres d'hébergement et de soins de longue durée, on observe une baisse du taux de satisfaction, à travers les années, qui est extrêmement importante. Alors, vous pourriez peut-être regarder attentivement cette contribution-là, encore une fois, qui a augmenté de façon bien supérieure au coût de l'inflation.

Une voix: Mme la Présidente...

Mme Lamquin-Éthier: Et la diminution du taux de satisfaction pour les personnes hébergées. On paie donc le maximum sans avoir, toutefois, les services qui y sont rattachés.

L'allocation pour dépenses personnelles dont vous parliez, c'est un maigre montant qui n'est pas toujours laissé d'ailleurs à l'usager, parce qu'encore bien des établissements ignorent qu'ils doivent laisser une allocation pour dépenses personnelles aux personnes qu'ils hébergent. Et, bien souvent, pour des raisons x, y, z, on va prélever, avant de la remettre, si jamais on la remet, des montants de cette allocation pour dépenses personnelles.

Vous savez qu'il y a un problème important qui se vit actuellement dans de nombreux centres d'hébergement et de soins de longue durée à travers le Québec où des clientèles sont facturées pour des biens ou des services qui devraient être assumés par les établissements de santé. Je vous rappelle les disparités qui peuvent exister entre le respect des règles d'une régie régionale à l'autre quant auxdites circulaires qui émanent pourtant du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui devraient être respectées par l'ensemble des établissements, qui ne le sont pas. On sait que ce n'est pas respecté et aucune mesure n'est encore prise pour faire respecter ladite circulaire. Et, notamment, vous avez été sensibilisé à de nombreuses reprises sur les frais pour le lavage du linge personnel des personnes qui sont hébergées.

Vous disiez que la confiance est revenue au sein de la population. Je vous trouve très optimiste. Nos bureaux sont envahis de citoyens qui viennent nous dire qu'ils ne veulent pas aller à l'hôpital, qu'ils ne veulent même pas être malades, et c'est malheureux. Ils font très souvent la comparaison avec les vétérinaires.

Une voix: Ça dit ce qu'elle veut dire, ce n'est pas drôle.

Mme Lamquin-Éthier: Non, ils ne veulent pas être malades parce qu'ils ne savent à quelle porte frapper, ils ne savent pas qui les recevra, ils ne savent pas la qualité des services qu'ils vont recevoir. Ça, de toute façon, je ne céderai pas dans cet exercice, qui est un petit peu trop facile.

Vous parliez de services. Moi, j'aimerais vous donner des exemples. Il y a un citoyen du comté qui m'a interpellée la semaine dernière pour une opération pour des cataractes; ça fait plus de 10 mois qu'il est sur une liste d'attente. Et vous savez pertinemment que, quand on a un problème, ce serait bien que le réseau nous prenne en charge le plus vite possible. On lui a dit: Écoutez, si vous n'êtes pas content, allez au privé. Sauf qu'il n'avait pas 2 000 $, c'est bien dommage. Alors, il y a beaucoup de personnes à l'heure actuelle qui subissent les listes d'attente, et c'est dommage. Une cataracte, ça peut avoir, si on n'a pas une intervention rapide, des conséquences importantes.

Saviez-vous, M. le ministre, que, dans certains cas, pas dans certains cas, qu'on doit maintenant attendre six ans pour avoir le droit de se payer un nouvel appareil auditif? Est-ce que vous saviez que, si la personne le brise puis qu'elle n'a pas d'argent, c'est bien «too bad», on ne le paie pas? Est-ce que vous savez que maintenant les listes d'attente peuvent durer des mois et des mois pour obtenir des examens spécialisés? Il y a une dame qui me rapportait qu'elle devait subir une résonance magnétique. Le médecin qui l'a reçue lui a dit évidemment que les délais d'attente étaient très longs et qu'on ne pouvait pas... Puis elle avait une masse. Jusqu'à preuve du contraire, une masse, pour une femme, c'est assez important. Ce serait important d'ailleurs pour un homme. Mais cette dame-là s'est fait dire: Écoutez, de toute façon, vous devriez aller au privé, on va vous passer cet examen-là pour 800 $. C'est la même chose à l'heure actuelle pour des scanners.

Au public, il y a des listes d'attente. Alors, on encourage très fortement les gens à aller au privé. Imaginez-vous, ce n'est pas cher, c'est 500 $ dans une clinique pour passer un scanner. Il y a beaucoup d'examens à l'heure actuelle... Lorsqu'on passe des tests à la clinique, les gens vont se faire dire puis les gens me le rapportent: Si tu paies 20 $, tu auras ton résultat demain, si tu vas dans une clinique privée; sinon, tu es aussi bien de t'installer et tu vas attendre. On parle évidemment de réalités terrains. Les dépenses publiques couvraient 83 % des dépenses de santé en 1977; actuellement, elles ne couvrent plus que 68 %.

On a beaucoup parlé de CLSC, et j'aimerais revenir là-dessus. J'aimerais savoir, à l'heure actuelle, quel est le montant par habitant qui est donné, comparativement à l'investissement qui est fait par les femmes, par les familles et par l'entourage. Les femmes vont donner entre 70 % et 80 % de soutien à un conjoint, à un parent ou à quelqu'un qui est à domicile. C'est quoi, la part du CLSC à l'heure actuelle? Est-ce qu'on peut parler d'une contrepartie? Et j'aimerais bien savoir quelle est cette contrepartie.

Il y a, je le répète, actuellement... Et plusieurs spécialistes... Il y a eu des rapports, encore une fois, j'attire l'attention sur le Conseil de la santé et du bien-être, évolution des rapports publics et privés dans le secteur de la santé et des services sociaux, il y a des privatisations dans les services de maintien à domicile, il y a des privatisations dans les services de répit de gardiennage, il y a également des privatisations dans les services d'entretien ménager. Souvent, dans les CLSC, comme je le disais ce matin, la philosophie est de donner moins de services à plus de personnes au lieu de combler l'ensemble des besoins d'une personne. Il y a certainement eu une augmentation de visites par personne, mais cette augmentation-là n'est pas optimale par rapport à l'ensemble des besoins de la personne. On parle d'un ensemble de besoins qui n'est pas comblé. Et, quand on compare un par rapport à zéro, c'est sûr qu'on peut y voir un profit.

(16 heures)

Mais le réseau de la santé devrait toujours chercher à satisfaire à 100 % les besoins des personnes qui sont en besoin de services ou de soins de santé. On ne devrait pas s'honorer de banaliser vers le bas ou d'assister à des désassurances, à des réductions au niveau de l'accessibilité des soins ou une diminution au niveau de la qualité. On ne devrait pas accepter que les personnes hébergées en centre d'hébergement et de soins de longue durée reçoivent un bain par semaine. Et on ne devrait pas reconnaître ce fait comme étant une norme applicable mur à mur au Québec. C'est tout à fait indécent que des personnes âgées, bien souvent alitées, bien souvent en culotte d'incontinence ou autrement, puissent recevoir un seul bain par semaine. C'est honteux. Ça avait été dénoncé par le Vérificateur général du Québec. Et je pense qu'on doit s'attarder à ça parce que je ne crois pas, malheureusement, que la confiance de la population soit revenue envers le réseau de la santé.

J'aimerais, si vous voulez – malheureusement, on n'a pas le temps d'aller plus longuement – parler un peu de santé mentale parce qu'on n'en a pas parlé. En décembre 1997, sur décision unilatérale du ministère de la Santé et des Services sociaux, le comité d'actualisation de la politique en santé mentale voyait ses travaux définitivement suspendus. On a mis en place un autre comité qui s'appelle comité du plan d'action. Sur ce comité-là, il n'y a pas de représentant des usagers – mot que je déteste – et, M. le ministre, vous devriez y voir pendant que vous êtes là, c'est vous qui avez la responsabilité de voir à son changement. J'aimerais savoir pourquoi, un, on a mis fin de façon unilatérale aux travaux de comité d'actualisation de la politique en santé mentale; deux, pourquoi, sur le comité du plan d'action, il n'y a aucun représentant des usagers et aucun représentant des intervenants et des intervenantes du milieu. J'aimerais savoir, M. le ministre, si, afin d'assurer la continuité de l'intervention auprès de personnes souffrant de problèmes de santé mentale, une nouvelle politique de la santé mentale ou encore une politique mise à jour est actuellement disponible et, si elle ne l'était pas, quand elle serait disponible.

En décembre 1996, le Vérificateur général constatait que le Québec est aux prises avec un important surplus de lits en psychiatrie. Parallèlement, il dénonçait qu'on trouve encore peu de services dans la communauté pour les personnes qui en ont besoin. Il recommandait au ministère de la Santé et des Services sociaux et aux régies régionales d'assurer la transformation de l'organisation des services qui sont préconisés par la politique de santé mentale. Il y a eu une stratégie d'action qui a été développée et on disait que ça visait avant tout à soutenir les transformations du réseau. Avant d'y arriver, il était évidemment important de répondre à de nombreuses questions. Conséquemment, en avril 1997, vous avez lancé, en consultation du milieu, un document que j'ai ici avec moi, là, qui s'appelle Orientations pour la transformation des services de santé mentale , document de consultation. Les consultations sur ce document-là se sont terminées en décembre 1997.

J'aimerais savoir, Mme la Présidente, si nous pouvons recevoir la copie du rapport synthèse qui a été transmis au ministre de la Santé au terme de ces consultations. J'aimerais également savoir, M. le ministre, quand va être divulgué le plan d'action de la santé mentale, lequel avait été promis par le ministère de la Santé et des Services sociaux en février et il avait été reporté en mars 1998.

Mme la Présidente, le ministre de la Santé adressait, le 18 avril 1997, une lettre aux régies régionales affirmant que les travaux quant à l'enveloppe population de chaque région du Québec seraient terminés. M. le ministre, j'aimerais savoir si ces travaux-là sont actuellement terminés.

Enfin, sur deux autres points...

M. Rochon: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Malavoy): Je pense qu'on est en train de faire une liste, M. le ministre.

M. Rochon: Oui, ça commence à être long. J'essaie de suivre. On «peut-u» répondre à des questions puis que les autres questions viennent après? Ça aiderait peut-être pour l'intelligence du débat.

Mme Lamquin-Éthier: Non, non, mais je pense que ces questions-là valent, elles se posent...

M. Rochon: Non, non, je ne dis pas qu'elles ne valent pas, mais peut-être qu'on pourrait avoir question-réponse, puis avancer comme ça. Parce que ça commence à en faire une bonne série...

Mme Lamquin-Éthier: Qu'est-ce que vous...

M. Rochon: Ce que vous voudrez, mais...

La Présidente (Mme Malavoy): Bien, moi, tout ce que je dis, c'est qu'il y a une façon de faire qui consiste effectivement à poser une question devant une réponse et revenir. Et, moi, je peux vous assurer d'un ensemble, quand même, dans le temps. Par exemple, s'il vous reste une ou deux questions, on peut les mettre en réserve...

Mme Lamquin-Éthier: Il en reste deux.

La Présidente (Mme Malavoy): ...je peux vous assurer d'y revenir. Mais, si ça peut déjà permettre au ministre de répondre au début de vos questions...

M. Rochon: Si vous aimez mieux en mettre, mettez-en...

La Présidente (Mme Malavoy): ...je vous assure que vous poserez les deux dernières avant de passer au député de Saint-Hyacinthe.

Mme Loiselle: Mme la Présidente, parce qu'on a travaillé différemment depuis le début ce matin, là. Il faudrait s'entendre que ma collègue a son 20 minutes. Comme là, elle a peut-être 11 minutes de faites; le ministre a droit à son 20 minutes. S'il prend 20 minutes pour répondre à ses premières questions, il lui reste toujours, à elle, huit minutes pour intervenir.

La Présidente (Mme Malavoy): Je viens juste de dire que je concevais que...

Mme Loiselle: Parce qu'on ne travaillait pas comme ça ce matin.

M. Rochon: Moi, c'était une suggestion que je faisais, Mme la Présidente. Je vais m'ajuster le mieux possible.

La Présidente (Mme Malavoy): Moi, il me semblait...

M. St-André: Question de règlement.

La Présidente (Mme Malavoy): Attendez un petit peu, je vais interpréter la situation. Il me semblait que ce ne serait pas mauvais pour qui que ce soit, ici, que d'avoir un peu d'alternance, parce que, effectivement, je sais bien que, ce matin, on a peut-être procédé comme ça, mais vous conviendrez avec moi que c'est peut-être un peu lourd quand c'est des blocs de 20 minutes. Dans la mesure où vous aurez tout le temps de finir vos questions, si vous êtes d'accord, on revient à vous tout de suite après. Parce que, effectivement, à moins que je ne me trompe, on passe de sujets fort différents de l'un à l'autre.

Mme Lamquin-Éthier: Non, non. Toujours en santé mentale. Tout à fait.

La Présidente (Mme Malavoy): Vous êtes toujours en santé mentale, mais sur des questions...

Mme Lamquin-Éthier: Non, non, non. Tout à fait logiques. Ça découle, croyez-moi.

M. St-André: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Malavoy): Oui.

M. St-André: Il y a un point que j'aimerais préciser. Il est entendu que le ministre, à partir du moment où il répond aux questions, il a droit à une période de 20 minutes. La députée de Bourassa a mis sur la table une série de questions qui peuvent être longues à répondre. Ce serait tout à fait naturel que le ministre prenne 20 minutes, et si, par la suite, la députée de Bourassa reprend son huit minutes, il est entendu que le ministre, par la suite, a un autre 20 minutes pour répondre. On pourrait même citer des décisions qui ont été prises par d'autres présidents et qui démontent que le ministre, chaque fois qu'il y a une question qui est posée, a 20 minutes pour répondre. C'est la moindre des choses.

La Présidente (Mme Malavoy): Ma préoccupation, moi – attendez un petit peu, je veux répondre à ça – ma préoccupation, étant donné que je ne deviendrai pas une spécialiste des règlements séance tenante, ma préoccupation, c'est de respecter les temps de parole de chacun et le principe de l'alternance, puis de faire en sorte que tous les gens qui sont ici puissent suivre aussi un peu ce qui se déroule en ayant un souci d'équité. Je pense que, jusqu'ici, tout le monde a eu son temps de parole. Alors, je pose simplement la question. Est-ce qu'on demande au ministre de répondre? Ou, si vous tenez à poser vos deux questions tout de suite, faites-le. Je faisais une suggestion de procédure. Mais là on vient de passer cinq minutes... Je parlais à Mme la députée de Bourassa. Je veux savoir si...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Malavoy): Non, mais Mme la députée de Bourassa a un avis prioritaire étant donné que c'est elle qui était dans l'ensemble de ces questions. Alors, je reviens donc à ce que je disais tout à l'heure. Si vous tenez à finir la série de vos questions, on va le faire. Le ministre, de toute façon, les prend en note.

Mme Loiselle: Question de règlement. Il y a eu une entente, Mme la Présidente, ce matin, avec le président et les membres de la commission. On ne peut pas arriver à 16 heures et, tout à coup, par la demande du ministre, changer les règles du jeu. On s'était entendus ce matin. Alors, moi, je dis qu'il faut respecter la décision qui a eu lieu ici ce matin avec les membres de la commission et le président.

Une voix: ...

Mme Loiselle: Si vous n'écoutez pas, ce n'est pas notre problème. On n'a pas à vous le réexpliquer.

La Présidente (Mme Malavoy): Moi, je pense que vous avez une approche qui est absolument légaliste. Ça ne m'ennuie pas qu'on la poursuive. Je pense simplement qu'elle va à l'encontre de ce que ce groupe-ci était en train de vivre, tout simplement. Je pense qu'il y avait une façon d'alléger. Et l'entente de ce matin, si je m'en souviens bien – et on va terminer là-dessus – c'était de dire: On va essayer de tout faire à l'intérieur de 20 minutes: 10 minutes pour les questions, 10 minutes pour les réponses. Nous n'avons pas respecté ça ce matin. Il y a eu des 20 minutes de questions et il y a eu des 20 minutes de réponses, ce qui fait 40 minutes au total. Moi, ma préoccupation était tout simplement d'alléger un peu parce que je trouve qu'à force de respecter des droits de parole on a des conversations très longues, très lourdes et l'auditoire perd sa concentration. Si vous voulez être légaliste, ça m'est complètement égal. Je pense simplement qu'il y avait une façon d'alléger un tout petit peu la procédure. Et, comme le président en titre vient d'arriver, je vais lui céder ma place sans plus tarder. Si Mme la députée de Bourassa veut poursuivre ses questions, on va reprendre comme on le faisait tout à l'heure.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Bourassa, si vous voulez poursuivre.

(16 h 10)

Mme Lamquin-Éthier: Alors, question 6. Le Rassemblement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, comme vous le savez, souhaite que la politique de santé mentale intègre le principe de la gestion autonome de la médication. J'aimerais savoir, M. le ministre, si vous avez pris position sur la question de la gestion autonome des médicaments. Le comité d'actualisation vous a remis, à cet égard, un avis.

J'aimerais également savoir si... Là je ne sais pas si... En février 1998, Sylvie Dillard, qui était alors sous-ministre adjointe à la planification et à l'évaluation au ministère de la Santé et des Services sociaux, avait déclaré qu'un comité du ministère de la Santé et des Services sociaux réfléchissait à la question des centres de sevrage aux psychotropes. M. le ministre, je voudrais avoir la copie, ou pourrions-nous avoir la copie de l'état de situation qui vous a été remis à ce sujet, les centres de sevrage aux psychotropes? J'aimerais également savoir si le ministère a pris position à ce sujet, quant aux centres de sevrage aux psychotropes.

Maintenant, un dernier point qui touche aux droits, au phénomène d'aide et d'accompagnement. Le bilan d'implantation de la politique de santé mentale a touché à cette question-là, et j'évoque ici la page 3 du document Bilan d'implantation de la politique en santé mentale où on parle de l'aide et de l'accompagnement. Ce comité-là avait soumis une synthèse et formulé certaines recommandations dont celle d'accroître la reconnaissance et de consolider le rôle et les mandats des différents mécanismes de promotion, de respect et de protection des droits des usagers, lesquels sont prévus à la politique de santé mentale. Il avait également recommandé de clarifier la question du rattachement administratif des différents mécanismes de promotion et, enfin, de soutenir les intervenants travaillant à la promotion et à la défense des droits des usagers au moyen de la diffusion, auprès des dispensateurs de services, d'une information appropriée quant à leur intervention.

M. le ministre, j'aimerais vous dire que ces recommandations-là sont fort opportunes et, puisque le terrain est peut-être la meilleure illustration, attirer votre attention sur la situation que vit présentement le Groupe nord-côtier de défense des droits en santé mentale. Vous savez que ce Groupe-là a le droit, sur demande d'un usager ou d'une personne, plutôt, qui fait appel à ses services, d'intervenir. Or, le Groupe s'est fait imposer par l'établissement une procédure qui s'appelle PSI-006 que je pourrais vous remettre, qui émane de la Direction des soins infirmiers et également du service de psychiatrie interne.

On peut voir, à la lecture de cette procédure, que les groupes de promotion et de défense de droits, en pratique sur le terrain, vivent encore des résistances importantes de la part du milieu. Il serait donc important de venir clarifier la question du rattachement administratif des différents mécanismes; il serait également important de soutenir les intervenants qui travaillent à la promotion et à la défense des droits des usagers. Si vous voulez avoir une copie de la procédure, ça me fera un plaisir.

Donc, on soumet, malgré qu'on reconnaisse le droit à ces personnes-là d'aider, d'accompagner, d'informer, donc d'intervenir pour ce qui a trait à la promotion, la défense de leurs droits, on va normer sur l'unité les visites en décrétant: À l'intérieur de telle heure, elles sont permises. On va normer en disant que le représentant ou la représentante doit appeler l'infirmière responsable afin de vérifier la présence et la disponibilité de l'usager et prendre un rendez-vous.

Donc, on est en train, par des procédures administratives, de compliquer un recours qui devrait être facilement accessible à une personne qui en a besoin. Ça doit être à la demande du client, ça doit être sur prescription médicale; le temps de visite, pour une première fois, est limité à 20 minutes; le temps de visite, pour les visites subséquentes, est limité à 10 minutes. Donc, on est en train de compliquer un mécanisme qu'on souhaitait ouvert, accessible et dans le sens de la reconnaissance et de la protection des droits.

Et, M. le ministre, je vous ai interpellé, notamment dans une lettre que vous m'adressiez le 18 février 1998, sur l'article 6, la sectorisation ou la géographisation des services en santé mentale. Vous avez répondu, à la page 3, que vous reconnaissiez que les organismes de défense et de promotion des droits constituaient des actions importantes et, conformément à vos propres convictions, elle réaffirmait la nécessité que ces organismes soient présents dans chacune des régions du Québec pour informer et supporter les usagers dans la connaissance et dans la défense des droits. Vous reconnaissez donc que c'est important qu'il y ait de tels organismes, que c'est important pour la promotion et la défense des droits; vous reconnaissez que leur action sur le terrain est valable. Vous parlez même de... «De plus, conformément à mes propres convictions, elle réaffirme la nécessité que ces organismes soient présents dans chacune des régions pour informer et supporter les usagers dans la connaissance et dans la défense des droits.» Alors, ce serait important d'intervenir pour éviter que, dans les faits, les organismes terrains, qui sont là pour informer, pour supporter et pour défendre les droits, vivent des résistances du milieu qui les empêchent de bien aider les personnes qui font appel ou qui, à un certain point, pourront équivaloir à un déni d'exercer un droit.

La dernière chose, c'est la sectorisation géographique. Je vous ai interpellé spécifiquement là-dessus; vous avez eu la gentillesse de me répondre, le 18 février. On peut être d'accord, encore une fois, sur les objectifs premiers qui étaient visés. Le comité bilan de même que le Vérificateur général ont tous deux attiré votre attention sur les problèmes pratiques terrains qui émanent de la sectorisation géographique. Pour ce qui est du bilan d'implantation de la politique en santé mentale, c'est la page 152. Il serait donc important – parce que ça ne va pas ensemble en théorie et en pratique sur le terrain et parce que, dans les faits, sur le terrain, les usagers sont privés de recevoir les services...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: ...parce qu'il y a une sectorisation – de revoir l'objectif premier qui avait été convenu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée, vous avez 20 minutes de passées.

Mme Lamquin-Éthier: Fini.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous avoue que ce n'est pas du tout la table que j'avais voulu...

Mme Lamquin-Éthier: Fini.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ..qu'on respecte aujourd'hui, et on va terminer la journée comme on...

Mme Lamquin-Éthier: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...est actuellement. Mais je permets à M. le ministre 20 minutes, maximum, aussi.

M. Rochon: Alors, M. le Président, je vais essayer d'en couvrir le plus large. On a vraiment pas mal de questions. Si j'en oublie, je fais confiance à la députée qu'elle va bien suivre sa liste et qu'on trouvera le moyen d'y revenir.

Si j'ai bien suivi, on a d'abord commencé à parler, il y a 20 minutes, des contributions que les...

Mme Lamquin-Éthier: C'étaient des observations.

M. Rochon: Là je peux peut-être...

Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui, pour vos commentaires.

M. Rochon: Je «peux-tu» réagir aux observations aussi?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il faudrait qu'on... C'est ça. Le ministre a écouté, je pense, attentivement les remarques. Donc, je pense bien qu'on peut respecter la même chose. M. le ministre.

M. Rochon: C'est ça. Je pense que c'est important de préciser que les contributions qui sont demandées à des gens qui sont hébergés sont demandées pour le gîte et le couvert, elles ne sont pas demandées pour les services. C'est vrai de dire que ça a augmenté: ça a augmenté, depuis 20 ans, à tous les trois ou quatre ans. Le gouvernement précédent aussi a fait ça; à chaque cycle, il y a eu régulièrement des augmentations qui ont suivi l'indexation du coût de la vie, vu que la logique était que c'est le gîte et le couvert auxquels on demande aux gens de contribuer; et graduellement – et ça, ça avait commencé aussi avant – la contribution demandée s'est rapprochée plus du coût réel. Dans des années où il y avait beaucoup d'argent dans le système de santé et on n'avait pas de problèmes dans les finances publiques, le système était plus généreux, il demandait un pourcentage du coût réel; et graduellement – et ça, je le rappelle, ça a commencé bien avant le gouvernement actuel, bien avant la transformation – ça s'est simplement continué dans la même tendance de suivre l'indexation du coût de la vie et de se rapprocher du coût réel du gîte et du couvert, mais toujours avec une échelle qui tient compte des revenus des gens. Il y a des gens, on ne leur demande pas de payer plus qu'ils ne peuvent payer, selon l'échelle qui est utilisée. Ça, c'était un premier commentaire qui était fait; je trouvais que c'était important de rappeler ces précisions-là.

(16 h 20)

La députée a ensuite fait des commentaires – je ne sais pas trop s'il y avait une question ou pas – au sujet de frais qui sont demandés, additionnels, pour l'entretien, le nettoyage des vêtements personnels. C'est vrai qu'il y a des établissements qui ont résisté – je pense qu'il y en a encore quelques-uns qui résistent – à appliquer la directive du ministère que ces frais-là doivent être couverts dans le gîte et le couvert. Le sous-ministre, il y a peut-être deux ans déjà, je pense, M. Malo à l'époque, avait renvoyé une lettre pour rappeler à tout le réseau la directive du ministère qui était toujours la même à cet égard. À ma connaissance, ce qu'on me dit, c'est que l'ensemble des établissements s'y conforment, sauf un certain nombre d'établissements privés conventionnés qui en ont fait un débat pour dire que le ministre ne pouvait leur imposer ça, comme aux établissements publics, parce que, dans le contrat, l'entente qu'ils avaient avec le ministère, ce n'était pas spécifiquement prévu. C'est devenu un petit peu légaliste comme discussion, à mon avis, et certains établissements ont décidé d'aller en cour avec ça. Là, je ne sais pas où c'est rendu, ça se plaide peut-être encore. Quand on s'en va en cour, on sait quand on y arrive, mais on ne sait pas quand on va en sortir.

Alors, c'est vrai qu'il y a certains établissements privés conventionnés qui ont eu cette attitude-là, et on va continuer à prendre tous les moyens qu'on peut légalement et correctement prendre parce que notre directive, elle est claire et, comme pour tous les établissements du réseau, publics et privés conventionnés, ça doit être couvert. J'espère que les récalcitrants vont s'enligner, si vous voulez, s'ajuster dans les meilleurs délais.


Disponibilité et remplacement d'appareils auditifs

Le troisième point que j'ai pris en note: les appareils auditifs. C'est vrai qu'il y a eu, ça aussi, des ajustements qui ont été faits dans les programmes. Le remplacement des appareils est aux six ans; c'est une période qui est plus longue qu'avant. Ça avait été la même chose pour le programme des prothèses mammaires, par exemple, et un certain nombre d'autres programmes du genre, la raison étant que les appareils, maintenant, durent plus longtemps et ont une garantie plus longue du producteur, de ceux qui font les appareils. Et toujours ces programmes-là ont été faits en donnant un appareil pour la période de temps qui était celle couverte par la garantie, de sorte que, s'il arrive quelque chose dans la période, l'appareil est changé de toute façon parce qu'il est défectueux, donc la garantie le couvre, et, à la fin de la garantie, l'appareil est remplacé. Alors, les ajustements qui ont été faits, ça a été de suivre, là aussi, le développement de la technologie et les ajustements à cet égard.

Par contre, il y a quelque chose qu'on regarde de façon plus précise présentement. Il y a eu des changements de faits aussi pour ce qui est de la question, la députée l'a soulevée, des bris d'appareils ou de l'entretien. Il y a une information qu'on avait, qui est confirmée en partie, c'est que ces coûts-là étaient surtout pour des frais d'entretien et qu'ils n'étaient pas importants, de toute façon, et que des gens qui faisaient attention à leur appareil avaient des coûts encore moins importants.

Par contre, c'est vrai que ça a montré qu'à l'usage il y a un petit nombre de personnes qui ont des problèmes importants d'audition et souvent associés... je ne me rappelle pas les détails, mais qu'il y a un petit groupe de personnes pour lesquelles cette mesure-là pourrait être trop rigoureuse. On a un groupe de travail qui regarde ça pour faire un ajustement, au besoin. Ça, on reconnaît que là il y a quelque chose à ajuster. Dans l'ensemble, la mesure a été bonne, mais, pour un petit groupe de personnes qui sont dans une situation particulière, ça peut demander un réajustement, et on va le faire. L'intention n'était pas du tout de priver les gens de ce dont ils ont besoin pour être fonctionnels et autonomes le plus possible, mais de s'ajuster à ce que sont les développements dans ce domaine-là et aussi de responsabiliser un peu les gens en ce qui regarde l'entretien de leurs appareils. Ça, c'était le troisième point, commentaire à une question que j'ai retenue.


Recours à des laboratoires privés

Un quatrième, c'est une référence – j'en ai parlé en réponse à la question de la députée de Sherbrooke – au glissement possible qui se passerait dans le privé pour certains examens. On nous a dit ça, depuis quelques mois, c'est répété, il semble que ça se produirait surtout dans des grands centres urbains, surtout à Montréal, peut-être un peu à Québec. J'ai moins entendu parler que c'est le cas dans d'autres régions où il n'y a pas de grand centre urbain. De toute façon, c'est quelque chose qu'on va regarder de près. Toute cette question de discussion autour de l'équilibre des finances publiques et de la contribution faite par le financement privé, on va aller au fond de cette question-là et, s'il y a des glissements du genre qui se produisent, encore une fois, s'étant sortis de notre période de contraintes budgétaires, commençant à voir poindre le moment où il y a des investissements ciblés qu'on va être capables de faire, ça va sûrement être des secteurs où on va vouloir intervenir.

Je voudrais mentionner, par exemple, que, dans les limites de ce qu'on avait comme capacité d'agir en termes d'organisation du réseau et de financement, il y a deux ans et demi ou trois ans, ce genre de glissement là a même rejoint les laboratoires, les services de laboratoires. On se rappellera, ça a fait, ça aussi, les manchettes à un moment donné, puis où on nous avait dit – on a vérifié, puis ce n'était pas vrai tout le temps, mais c'était vrai dans certains cas – que le temps d'attente – et ça, c'est assez général – était assez long pour avoir un examen d'urine en laboratoire, des choses assez courantes à partir du laboratoire d'un hôpital. Si on allait en face, dans un laboratoire privé, ça ne prenait pas trois mois, ça prenait une ou deux semaines. Et là on a regardé ça et on s'est aperçu que ces laboratoires privés là, c'étaient, en fait, des centres de prélèvements, qu'ils ne faisaient pas l'examen de laboratoire eux-mêmes, en général – il y a peut-être quelques exceptions – et que, dans certains cas, les examens de ce centre de prélèvements dit privé étaient envoyés à l'hôpital, l'hôpital faisait les examens, les renvoyait au centre privé, et ça, ça prenait 15 jours. Ce n'était pas normal.

Là il y a un groupe de travail qui a fait un travail formidable avec l'ensemble des hôpitaux, pas un groupe qui faisait des études, là, un groupe qui est allé sur le terrain avec les régie régionales et qui continue à travailler, parce qu'il y a une réorganisation très importante de tous les laboratoires à partir des unités de mesure d'évaluation, de performance, et le reste. Après à peu près moins d'un an de travail, je pense, ce comité-là – et ça, j'ai eu une revue de la situation récemment, il y a quelques semaines, donc je sais que ça s'est maintenu – avait ramené, corrigé la situation de façon assez impressionnante. Actuellement, on me dit qu'il y a plus de 90 % des quelques centaines d'endroits où se font des examens dans le réseau public qui fonctionnent même sans rendez-vous. Les gens ont besoin d'un examen? Ils se présentent là, les prélèvements sont faits et les résultats sont donnés. Le critère qui est retenu, c'est en moins de deux semaines, je pense, que les résultats sont recommuniqués aux gens; il reste moins de 10 % où les temps d'attente sont encore un peu plus longs. Alors, ça, il y a donc eu, dans la mesure où on pouvait agir, des actions qui ont été prises, des résultats qui ont été obtenus pour tout ce qui est des laboratoires. Et, s'il y a d'autres secteurs où il peut y avoir des glissements comme ça, on va être très vigilant là-dessus puis on va intervenir dans toute la mesure du possible.


Actualisation de la politique en santé mentale

Après ça, je pense qu'on est passé à la santé mentale. Est-ce que c'est bien ça? Je suis bien le parcours? Là il y a plusieurs questions qui ont été soulevées sur la santé mentale, je vais essayer de ne pas en échapper. D'abord, la députée a fait référence au rapport du Vérificateur général; j'ai manqué la date, là, c'est le dernier, je pense, auquel on faisait référence, 1996.

Mme Lamquin-Éthier: Oui. La première question était le comité d'actualisation de la politique en santé mentale...

M. Rochon: Oui, c'est ça. Et là on a rappelé que le Vérificateur général, parce que c'est...

Mme Lamquin-Éthier: ...1996.

M. Rochon: ...important – c'est ça – parce que les actions qui ont été faites par le ministère ont tenu compte des recommandations du Vérificateur général. D'ailleurs, il y a une évaluation faite par le ministère en même temps que le Vérificateur travaillait aussi, qui a été validée essentiellement par le rapport du Vérificateur dans ce sens que les deux évaluations arrivaient aux mêmes conclusions, pour dire, et je pense que c'est ça que vous avez répété, le Vérificateur le disait aussi: On a fait la désinstitutionnalisation, on n'a pas suffisamment développé. Ça s'est fait à la fin des années quatre-vingt; au début des années 1989-1990, c'est là qu'avait été faite la politique de la santé mentale, qui avait un volet important pour la désinstitutionnalisation, puis c'est là que ça s'est fait. Ce qu'on disait, c'est que des gens étaient effectivement sortis des établissements, beaucoup de gens, mais que les ressources n'avaient pas été développées dans la communauté.

Alors, je veux le rappeler, là, parce que ça, ce n'est pas à cause de la transformation, ça commence au début des années quatre-vingt-dix, et les ressources n'ont pas suivi. C'est donc une évaluation sur une période de 1990-1996 qui a été faite, et la réorganisation du réseau a commencé en 1995. Alors, il faut arrêter d'en mettre sur le dos de la réorganisation qui a causé ces problèmes-là. C'est un problème qui était là avant, qu'on n'a pas réussi à corriger encore complètement, mais je vous dirai un peu comment on y vient. Le Vérificateur disait aussi – et je pense que la députée l'a cité – qu'une des choses qu'il fallait changer, c'est qu'on utilisait encore trop de lits dans ce domaine-là et qu'il fallait développer d'autres genres d'interventions et mettre les ressources ailleurs.

Alors, je pense que c'est bon de regarder certaines données parce que ces orientations du ministère en santé mentale, qui sont en consultation présentement, on appelle ça une consultation, mais c'est une consultation au niveau des régions et qui vient après qu'il y a déjà eu beaucoup de consultations pour les élaborer, les orientations. Là, les orientations ont sorti et rejoignaient déjà le consensus de ce que les gens souhaitaient faire, et ce qui se passe depuis un an dans chacune des régions, c'est une consultation sur la mise en oeuvre de ces orientations-là.

(16 h 30)

À peu près toutes les régions ont commencé à les appliquer, et à des degrés différents, de sorte qu'on peut dire... C'est intéressant de regarder quelques données, M. le Président, de ce qui s'est passé de 1994-1995, où ça a commencé, l'élaboration des orientations faite avec les régions, ça se mettait en oeuvre à mesure qu'on élaborait les orientations, de façon plus intensive depuis que la consultation finale se fait. On n'a pas les données 1997-1998, mais 1996-1997, donc deux ans. De 1994-1995 à 1996-1997, les transferts qui sont voulus pour avoir plus de ressources dans la communauté et utiliser moins les ressources lourdes de l'hôpital ont commencé à se faire.

Les organismes communautaires, il y a eu une augmentation de 3 %. 3 %, ce n'est pas beaucoup, mais c'est quand même 5 000 000 $, 4 900 000 $ de plus aux organismes communautaires sur deux ans. Les CLSC, il y a eu une augmentation de 3,2 %. C'est-à-dire, non, excusez, je me trompe, là. C'est passé, les organismes communautaires, de 3 % qu'ils avaient de l'ensemble des ressources en santé mentale, ce qui était 1 100 000 000 $... Ils sont passés de 3,1 % à 3,5 %. C'est juste 0,4 % d'augmentation, mais c'est 5 000 000 $ quand même. C'est significatif. Les CLSC, eux, ont doublé. Ils avaient 3,2 % du budget de santé mentale, ils sont passés à 6,4 %. C'est 37 000 000 $ de plus dans les CLSC pour la santé mentale.

Les soins de longue durée, par contre, avec le transfert, là, il y a eu une diminution de 11 000 000 $ correspondant à ce qui a été transféré dans la communauté.

Les centres hospitaliers psychiatriques sont passés de 38,8 % à 35 %, donc c'est un 38 000 000 $ qui a été transféré. Bon.

Si on regarde les centres, les médicaments ont été maintenus. Ça prenait 6 % du budget, c'est passé à 6,2 %, mais quand même un 3 000 000 $ de plus.

Alors, dans l'ensemble, si on regarde ça sur deux ans, les médecins, là, ça a été maintenu aussi. Les frais des honoraires des médecins étaient de l'ordre de 16,6 %, c'est à 16,5 %.

Mme Lamquin-Éthier: C'est pour combien de médecins?

M. Rochon: Ah, je ne saurais pas dire, je pense que c'est l'ensemble des médecins qui interviennent, les psychiatres. Je ne sais pas si on calcule là-dedans les omnipraticiens. Alors, c'est à la régie à...

Mme Lamquin-Éthier: Ils ont 200 000 $, à peu près...

M. Rochon: Pardon?

Mme Lamquin-Éthier: Ce qui revient à peu près à un total de 200 000 $...

M. Rochon: Ah, comme montant d'argent?

Mme Lamquin-Éthier: ...par médecin?

M. Rochon: On ne peut pas dire par médecin, c'est 187 000 000 $. Maintenant, ça, c'est ce qui est payé aux médecins pour les actes qui sont en rapport avec les diagnostics de maladies psychiatriques. Alors, ce n'est pas des médecins à plein temps qui travaillent là-dessus, ce sont des actes médicaux faits par l'ensemble des médecins omnipraticiens ou spécialistes pour des patients sur un diagnostic.

Bon, alors c'est quelques données, et je ne veux pas qu'on s'enterre dans les chiffres, mais juste pour montrer qu'on est rassuré que ce que sont les orientations du ministère de libérer les gens des établissements, de mettre plus de ressources dans la communauté, c'est ça qui se passe dans chacune des régions, et un programme comme ça, à mesure que ça se met en place, ça gagne du temps, ça, à un moment donné.

La fameuse question des lits où, à tout bout de champ, on a encore tellement peur de ce qui va arriver quand les lits vont diminuer, bien, là, on est parti avec... Le taux de lits qu'on avait, c'était un par 1 000 de population, et on est rendu déjà, au moment où...

Mme Lamquin-Éthier: Courte durée ou longue durée?

M. Rochon: Non, non, les lits psychiatriques.

Mme Lamquin-Éthier: Mais on n'en a pas pour longue durée.

M. Rochon: Les deux.

Mme Lamquin-Éthier: Les deux?

M. Rochon: Courte et longue durée. Ça fait près de 1 %, et là on est rendu à 0,6 %. On est déjà pas loin de l'objectif, qui est 0,4 %, et ça s'est passé, puis on ne s'est pas aperçu de rien, là. Alors, toutes les catastrophes appréhendées, que les lits seraient fermés avant qu'on ait les ressources dans la communauté, ça ne s'est pas passé parce qu'il n'y a pas d'objectif de récupération budgétaire. Il y avait 1 120 000 000 $ en santé mentale en 1994-1995, il y en a 1 14 000 000 $ en 1996-1997.

Alors, dans l'ensemble de ce qui se passe en santé mentale... Et j'espère que le rythme va pouvoir s'accélérer, et ça aussi, c'est un des secteurs de priorité du ministère. Alors, on devrait finalement rejoindre les gens de plus en plus, donner aux gens dans la communauté, à leur famille un meilleur soutien puis un meilleur support. Alors, j'espère que ça répond un peu ou que ça donne l'information qui correspond aux questions soulevées.

Là, il y a une couple de questions soulevées assez pointues, et je vous avoue que je ne suis pas sûr que je peux vous donner l'information présentement. Ou on m'aide autour ou on va chercher l'information puis on la communique. Les centres de sevrage pour les psychotropes, franchement, je ne saurais pas vous répondre aujourd'hui, là, à moins qu'il y ait quelqu'un... On a soulevé des questions au sujet de la gestion autonome des médicaments. Ça, je sais que c'est un sujet, à ce que j'en comprends, qui est un peu délicat. L'avis d'un psychiatre d'un psychologue, d'une infirmière ou de certains groupes communautaires est différent là-dessus, et, à ma connaissance, on n'a pas de politique du ministère là-dessus, c'est vraiment une question de décision clinique, ça, et de pratique professionnelle, à savoir comment...

L'important, je pense, qu'il faut avoir en tête, c'est l'objectif, c'est que les médicaments soient utilisés de façon optimale et de façon sécure par les gens. Des psychotropes, c'est des médicaments qui peuvent être assez puissants. Ce n'est pas neutre de prendre ça. Si on en prend trop, ou pas assez, ou si on ne les prend pas correctement, ça peut causer plus de dommages que de faire du bien à la personne. Je pense que, en général aussi, tout le monde admet qu'un patient doit être le plus actif dans son traitement et doit, le plus possible, participer aux décisions avec les thérapeutes. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus aussi. Est-ce que ça peut en arriver à un point où certaines personnes deviendraient complètement autonomes et n'auraient plus besoin d'avis médicaux ou de l'infirmière ou d'autres professionnels? Je vous avoue que je ne saurais pas. Je ne pense pas que c'est au ministre à prendre position là-dessus, c'est plus une question d'évolution de pratique. Mais, où on est d'accord, par exemple, c'est que les gens ne doivent pas être traités de façon passive, être de plus en plus informés, éduqués et être actifs et se prendre en main...

Mme Lamquin-Éthier: C'est ça, la gestion autonome.

M. Rochon: ...et ça, je pense que la majorité des médecins, probablement, est d'accord là-dessus. La façon de le mettre en pratique, je ne serais pas surpris que, des fois, il y ait des interprétations différentes d'une situation clinique particulière selon les individus qui sont impliqués.

On a parlé aussi des organismes de défense, ils sont maintenus. On en a discuté quand on a regardé la loi sur la protection des gens qui peuvent être une situation dangereuse pour eux-mêmes ou pour d'autres. Ils sont maintenus, et, comme tous les groupes communautaires, on va continuer à vouloir les soutenir de plus en plus et de mieux en mieux.

Et, finalement, sur la sectorisation, dans le temps qui me reste, je pense que tout ce que je peux dire est dans le sens de la lettre que j'avais envoyée à la députée, M. le Président, il s'agit de faire attention de ne pas perdre l'avantage de ce qui était un objectif important. La sectorisation, on peut dire ça aussi des CLSC. D'ailleurs, on fait un amendement à notre Loi sur les services de santé et les services sociaux pour éviter l'effet pervers. Si sectorisation veut dire identifier une population et un territoire pour lesquels un établissement doit assumer une responsabilité de leur donner l'accès aux services et qu'il faut qu'il trouve des moyens pour maintenir l'accès aux services, il ne faut pas que ça veuille dire que l'établissement interprète ça pour dire qu'il ne donnera pas de services à quelqu'un qui vient d'un autre territoire parce que notre loi a un principe plus général dans un article, au début – je ne me rappelle pas lequel – qui dit qu'on a le droit d'avoir les services n'importe où au Québec dans la mesure où les ressources de l'établissement le permettent et que l'établissement fournit ces services-là. Alors, au besoin, on refait les balises et les corrections. On va le faire, comme on le sait, pour les CLSC, pour bien identifier que le CLSC est responsable des services qui sont donnés à la population dans son territoire et non pas de son territoire, dans le sens que c'est d'abord la population qui vit sur son territoire, mais d'autres qui, pour une raison ou une autre, pourraient venir.

Et c'est le même principe qu'on applique aussi en santé mentale. Quand il y a des dérives qui se font, il faut qu'on en soit informé et qu'on corrige. Mais je pense que c'est de plus en plus compris partout, ça, pour appliquer correctement ce principe de sectorisation avec l'avantage d'imputabilité pour la population, de responsabilisation qui est atteint et en évitant des glissements qui amèneraient des effets non désirés.

J'espère, M. le Président, que ça rejoint le principal des préoccupations soulevées par la députée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. J'invite maintenant M. le député de Saint-Hyacinthe, qui sera suivi du député de l'Acadie.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je ne conteste pas que les collègues puissent prendre le temps réglementaire pour poser des questions, je pense que c'est un droit. Cependant, étant donné que je n'ai pas l'intention – c'est difficile de poser une question au président quand il est occupé – de faire de longs discours mais que j'aurais peut-être l'intention de poser deux ou trois questions...

(16 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pas de problème, allez-y, monsieur.


Services aux personnes âgées

M. Dion: Merci beaucoup. Ma première question, M. le ministre, ça serait au sujet des services aux personnes âgées. Bon, moi, j'ai eu l'occasion de constater à bien des reprises que les choses qui sortent parfois dans les médias ne sont pas toujours d'une vérité absolument garantie et, souvent, ont pour effet de faire peur aux gens. Et les gens qui sont les plus fragiles dans la société sont ceux qui sont le plus portés à craindre. Et, il n'y a pas si longtemps, il y a eu une émission où il a été question de l'hôpital de mon coin et où un médecin a dit plus ou moins qu'il accordait la priorité aux plus jeunes et non aux personnes âgées quand il avait à traiter les gens en urgence, et tout ça. Enfin, ce n'était sans doute pas de mauvaise foi, c'était assez ambigu comme expression, mais ça a eu comme effet de faire peur aux personnes âgées, de leur laisser l'impression que, elles, ne seraient pas soignées.

Alors, je suis convaincu que ce n'est pas la politique du ministère et que ce n'est pas la politique des hôpitaux non plus, et ce n'est sans doute pas, non plus, l'attitude générale du corps médical. Je serais très surpris de ça, je suis convaincu du contraire. Cependant, on nous raconte parfois des cas comme ça où on dit qu'on a eu à faire des choix, comme on nous raconte aussi des cas contraires où on nous dit qu'il existe, dans des centres d'accueil pour personnes âgées, parfois, non pas un manque de traitements, mais un surplus de traitements que certains appellent le harcèlement thérapeutique.

Alors, j'aimerais, M. le ministre, que vous puissiez faire le point sur cette question-là des services aux personnes âgées. Je pense que ces personnes-là méritent d'être rassurées sur les politiques du ministère, les mesures qui sont prises pour s'assurer que les personnes âgées n'ont pas à craindre que les services de santé vont leur être donnés de façon parcimonieuse ou qu'elles ne seront pas traitées en fonction de leurs besoins. Alors, est-ce que vous seriez en mesure de nous faire le point sur cette question-là des services aux personnes âgées pour les rassurer et puis qu'elles sachent exactement comment est-ce qu'elles seront traitées?

M. Rochon: M. le Président, à ma connaissance, il n'y a surtout pas d'indications de la part du ministère, d'une régie régionale ou d'un établissement à l'effet de rationaliser des ressources aux dépens de certains groupes de la population par rapport à d'autres groupes. Pour les personnes âgées plus spécialement, ce qui a été fait dans la réorganisation des services de santé, un des éléments importants, ça a été de rééquilibrer toute la chaîne de continuité de service pour les personnes âgées. C'est un morceau important de la transformation parce que c'est un groupe de la population qui, en pourcentage de la population, augmente, on le sait, et va continuer à augmenter de façon très, très importante. Je pense que l'augmentation des gens de 65 ans et plus est deux fois plus rapide que l'augmentation de la population générale, et, pour les gens de 75 et 80 ans et plus, elle est trois à quatre fois plus rapide que la population générale. Donc, il y a un transfert démographique très important qui se produit. Dans la plupart des régions du Québec, on doit être autour de 10 % ou un peu moins de 10 %, probablement, de mémoire, de population de 65 ans et plus et, dans les 50 prochaines années, on va atteindre 20 % à 25 % de la population. Donc, c'est énorme ce qui se passe là.

Maintenant, les services – puis je pense que les personnes âgées commencent à le réaliser un peu plus – auxquels elles ont droit, c'est d'abord des services à domicile, et ça, ça s'est développé beaucoup au cours des dernières années. Des personnes âgées qui reçoivent des services à domicile, présentement il y en a près de 70 000 pour l'année 1997-1998, et je rappelais l'augmentation importante, de l'ordre de 20 %, 25 %, je pense, des budgets et des ressources dans les services de maintien à domicile, pour les soins à domicile. Ça, ça veut dire des infirmières, beaucoup, d'autres professionnels de la santé qui sont aussi disponibles pour aller à domicile, et il n'y a pas un CLSC qui n'a pas, parmi ses activités, un important programme de maintien à domicile. Ça, c'est d'abord ça, mais, comme on l'a dit, il y a des développements encore très importants à faire à cet égard. On n'a pas autant de ressources, en proportion, qui sont investies dans ce domaine-là comparativement à d'autres provinces du Canada et on a un rattrapage qu'on a commencé à faire, mais qui n'est pas terminé. Mais les personnes âgées ont d'abord ça.

Si on prend l'autre bout du continuum de services, c'est quand une personne ne peut plus, malgré tous les soins qu'on peut donner, tous les services, à cause d'une trop grande perte d'autonomie, vivre dans son domicile, ou avec sa famille, ou avec ses colocataires et qu'on doit, à ce moment-là, penser à ce qu'on appelle dans le jargon du réseau un «milieu de vie substitué» qui est celui des soins de longue durée. Donc, on a développé – on y a fait référence dans une autre discussion – un bon nombre de places additionnelles de soins de longue durée, et ce qui devient de plus en plus la réalité, c'est que, comme les services à domicile se développent plus, comme il y a toute une gamme d'autres services dans différentes régions qui se développent d'hôpital de jour, de centre jour et de différentes activités qui répondent graduellement de mieux en mieux aux besoins des personnes âgées, quand une personne ne peut plus fonctionner et doit aller dans un centre pour des soins de longue durée, en général, l'autonomie est affectée de façon très, très importante, bien plus que c'était le cas il y a une dizaine d'années ou même il y a cinq ans, où les services dans la communauté étant moins développés, bien, les gens devaient s'en aller dans des établissements de soins de longue durée avec une perte d'autonomie moins grande parce qu'il y avait moins de services pour qu'ils puissent rester chez eux.

Et ça, ça a expliqué une partie des difficultés dans la transformation où, même si on n'a pas pu ajouter, comme dans le maintien à domicile... Mais, même si on a à peu près maintenu les soins de longue durée au niveau où ils étaient, à chaque année les gens qui y viennent ont de plus en plus une grande perte d'autonomie, et le développement des ressources, dans les soins de longue durée, n'a pas pu suivre, et il va falloir qu'ils soient augmentés pour suivre les besoins qui sont là. Et la nature des besoins des gens a changé aussi quand ils doivent aller dans des soins de longue durée. On me dit que les deux tiers des gens ont une perte d'autonomie qui est reliée à une diminution des facultés cognitives plutôt que physiques. Alors, on peut s'imaginer que c'est un tout autre genre de services, d'entourage et de soutien dont les gens ont besoin.

Alors, une des priorités importantes de la réorganisation des services de santé et de la réallocation de ressources, ça a été, je pense, ce qui les caractérise le plus, d'offrir aux personnes âgées une gamme et une continuité de services. Il faut vraiment qu'ils le voient comme ça. On ne peut pas parler des soins de longue durée et du nombre de places en soins de longue durée sans tenir compte de l'intensité de service qui peut être donnée. On parle de plus en plus de trois et de quatre heures de services par personne par jour dans ces endroits-là. D'avoir des formules intermédiaires, encore, d'hébergement plus léger, ça a encore une place, de centres de jour, d'hôpital de jour, comme je le disais, et de maintien à domicile, et tout ça coordonné par un établissement qui est le CLSC, qui est le guichet unique pour l'entrée et l'accès à ces différents services là.

Et je pense qu'il faut rassurer les gens que c'est une des intentions importantes de toute la réorganisation de se rendre au niveau optimal de service là-dessus. Je vais peut-être demander à la sous-ministre d'ajouter quelques informations additionnelles.

Mme Denis (Lise): Juste en complément, peut-être qu'il faut voir aussi que les regroupements qui se sont faits dans la plupart des territoires du Québec, sauf dans les centres urbains... Mais, dans la plupart des régions du Québec, on a vu dans les trois dernières années émerger des regroupements d'établissements, CLSC et CHSLD, et c'était vraiment dans cet esprit de prioriser une clientèle comme celle des personnes âgées, puisqu'une des choses qui nous a amenés à faire cette restructuration du système était vraiment le vieillissement de la population. Et, dans un territoire local, de pouvoir compter sur le fait que le CLSC et le CHSLD sont regroupés à un titre ou à un autre, ça permet d'avoir une meilleure continuité de service, un interlocuteur unique sur le territoire. Et, quand on le pense en continuité, on pense même à regarder ces services-là comme étant tous des services de base des différentes époques de la vie d'une personne qui vieillit. Mais les modifications qui ont été apportées à la configuration du réseau témoignent aussi, je dirais, de l'importance que les gens ont donnée à cette priorité autour des personnes âgées.

(16 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député, est-ce que ça va? Une autre question? Allez-y.


Chèque emploi-services et services à domicile aux personnes âgées

M. Dion: Oui, j'aurais une autre question à poser. Dans le même ordre d'idées, étant donné l'importance très grande des soins à domicile dans ce contexte des soins aux personnes âgées, je veux, moi, pouvoir rassurer les personnes âgées de chez nous qu'elles ne seront pas seulement aussi bien traités qu'avant, mais qu'elles seront même mieux traitées qu'avant. Alors donc, dans ce contexte-là, je sais que le gouvernement a pensé à une mécanique pour s'assurer que les personnes âgées à domicile pourraient être accompagnées, bien sûr, au niveau des soins de santé, mais aussi des soins généraux, de l'aide à domicile, et, dans ce contexte-là, le chèque emploi-services a été mis en place, je pense. Mais j'aimerais avoir un petit peu d'information sur l'état de la situation quant au chèque emploi-services et ce à quoi on peut s'attendre pour l'avenir dans ce contexte-là.

M. Rochon: Alors, ce que la question du député de Saint-Hyacinthe soulève, M. le Président, c'est d'abord, je pense, la jonction entre des soins à domicile où des professionnels interviennent par rapport à des services d'entretien, de ménage, avec la petite zone grise, là, des services d'hygiène personnelle, dépendant de ce que ça représente au juste, et ça, à quoi ça réfère, là on sort vraiment du réseau de la santé et des services sociaux. Et ce qu'il y a de nouveau qui a commencé à se développer au Québec, c'est des entreprise d'économie sociale pour pouvoir avoir une forme de financement plus adéquate pour ce type de services là que ce que les organismes communautaires, les groupes d'entraide pouvaient offrir. Et, là-dessus, il y a eu une injection intéressante, une des plus intéressantes que le réseau de la santé a pu avoir dans les dernières années, là, à la suite du Sommet sur l'économie et l'emploi – je pense que c'était un montant de près de 70 000 000 $ ou 80 000 000 $ comme ordre de grandeur – pour permettre de développer des entreprises d'économie sociale totalisant, je pense, à peu près 6 000 emplois sur trois ans et une transformation, dans beaucoup de cas, de groupes communautaires en une véritable entreprise qui offre des services.

Le financement de ces entreprises, qui doit être un financement public pour une bonne partie – pas en totalité, mais pour une bonne partie – a fait appel à un mécanisme nouveau qui s'appelle le «chèque emploi-services». Maintenant, ça, le chèque emploi-services, ça vise donc les personnes âgées dont on parlait pour des services à domicile, mais il y a aussi toute une autre clientèle, comme on dit, très importante de ces services-là qui sont des personnes handicapées. Et le chèque emploi-services visait deux types d'objectifs, un qui était les employés qui donnent les services et leur employeur qui, dans le système précédent... Il faut dire d'abord que le chèque emploi-services remplace ce qui était l'allocation directe. Alors, avant, les gens recevaient un certain montant et pouvaient s'engager des gens qui venaient les aider pour ces services domestiques, et ça, ça a créé certains problèmes. Il y en avait plus, même, de problèmes potentiels parce que, selon notre droit civil, il y avait là une relation d'employeur-employé, et des personnes qui employaient quelqu'un pour venir rendre des services pouvaient s'exposer éventuellement à des réclamations si la personne se blessait pendant son travail, et on avait rapporté un certain nombre de situations aussi où la façon dont se négociaient les revenus et l'utilisation de l'allocation directe n'était pas toujours dans un rapport suffisamment égalitaire.

Donc, on venait, en créant le chèque emploi-services, établir une situation où l'employeur d'une personne qui va à domicile devient une organisation d'économie sociale qui l'emploie, et, quand la personne va à la maison, le chèque est un paiement qui est donné, qui permet d'aller à une banque qui va l'encaisser, et c'est encadré par une organisation qui règle ce problème-là de relation employeur-employé entre la personne qui vient aider et la personne qui reçoit le service.

L'autre chose que ça a permis de régler aussi et que ça visait comme objectif, le chèque emploi-services, c'était de blanchir, si vous voulez, ce qui était devenu en fait un réseau de travail au noir où, sans que ça ait un impact financier énorme sur les finances publiques, là, c'était quand même un peu inadmissible que l'État, en dépensant l'argent des taxes du monde pour aider du monde, développe et entretienne un réseau de travail au noir.

Alors, le chèque emploi-services est en application maintenant. Ça a d'abord été fait dans trois régions, trois endroits, trois territoires de CLSC de régions différentes comme pilotes, je pense, pendant les six derniers mois de l'année précédente.

Une voix: De septembre à janvier.

M. Rochon: Le pilote?

Une voix: Oui.

M. Rochon: C'est ça, de septembre à janvier 1997, et là, depuis janvier, il y a une feuille de route très bien établie pour la mise en oeuvre graduelle de ce système-là.

Ce qui est une caractéristique à retenir quand on a fait des endroits pilotes, la manière dont l'application se fait sur le terrain, c'est que c'est vraiment fait territoire de CLSC par CLSC et personne par personne. Ce n'est pas une affaire qu'on a mise en oeuvre un jour J, puis là, à partir de demain, le chèque emploi-services s'emploie partout. L'engagement qui a été pris – et ça a fonctionné avec les projets-pilotes – a été que chaque personne qui reçoit des services – et là les personnes handicapées sont peut-être plus impliquées que les personnes âgées – ne passera pas sur le système du chèque emploi-services tant que ce n'est pas sûr que les gens qui donnaient déjà les services continuent ou que si, pour une raison ou pour une autre, ces gens-là ne veulent pas continuer, il y ait des remplaçants, il y ait d'autres personnes et que le lien, là, entre ceux qui offrent de l'aide et ceux qui la reçoivent soit bien établi. Et je pense que ça suit le calendrier, et, en juin prochain, ça devrait être terminé, normalement, comme implantation sur l'ensemble du Québec.

Il y a eu différents commentaires qui ont été faits. Comme toute nouvelle organisation, comme toute innovation, il faut un certain temps pour bien informer les gens pour que les gens comprennent. Tout le monde n'est pas nécessairement d'accord, et il y a un consensus à développer. On était très conscient de ça, et c'est pour ça qu'il y a eu phase-pilote et mise en oeuvre progressive, et là on suit ça, là, de très près. Il y a un comité de suivi qui regroupe des représentants, aussi, des gens qui reçoivent des services dans chacune des régions et qui s'assurent de faire tous les ajustements nécessaires, là, ce n'est pas une fusée télécommandée, ça, qui a été lancée.

Et là un sondage fait récemment montre que la satisfaction des gens va de 70 % à 80 % ou de sept à huit sur une échelle de 10 et que la satisfaction augmente avec la période de temps où le système a été mis en oeuvre. Alors, pour les bénéficiaires qui sont intégrés, impliqués dans le système du chèque emploi-services depuis moins de trois mois, la satisfaction est autour de sept et, pour ceux que c'est plus de cinq mois, la satisfaction est autour de huit. Alors, il semble que le suivi permet de voir que les gens y adhèrent, que le système s'ajuste, que, plus les gens sont dans le système, bon, bien, plus les gens en sont satisfaits. Je ne sais pas si c'est...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie, M. le ministre. M. le député de l'Acadie, si j'ai bien compris, vous permettez à Mme la députée de Bourassa une courte question. Sur votre temps, évidemment, si je veux respecter l'alternance. Une très courte question, qu'elle m'a promis. Il semblerait que vous vous êtes déjà entendus.


Actualisation de la politique en santé mentale (suite)

Mme Lamquin-Éthier: Je veux juste savoir si nous aurons une nouvelle politique en santé mentale ou une politique mise à jour. Je n'ai pas eu de réponse sur cette question.

Mme Loiselle: Une politique en santé mentale.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce qu'on aura une nouvelle politique en santé mentale, ou de santé mentale, ou une politique mise à jour? Les consultations qui ont été faites...

M. Rochon: O.K. Oui, c'est vrai qu'il y avait une question qu'il y a un comité de la politique qui aurait été...

Mme Lamquin-Éthier: Un comité d'actualisation qui a été...

M. Rochon: ...arrêté par rapport au comité d'actualisation, je pense. Bon.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce qu'il y aura une nouvelle politique en santé mentale?

M. Rochon: On a une politique en santé mentale qui a été évaluée. L'évaluation faite par le ministère et par le Vérificateur général, on en a parlé tout à l'heure, a fait ressortir un certain nombre de difficultés dans l'application de la politique, ce qui a donné lieu à une consultation et à des orientations en santé mentale et qui sont, si vous voulez, l'actualisation de la politique de santé mentale...

Mme Lamquin-Éthier: C'est où, ça?

M. Rochon: ...compte tenu de l'évaluation et qui est maintenant en application dans les différentes régions du Québec.

Mme Lamquin-Éthier: C'est compliqué, hein?

M. Rochon: Non? Je n'ai pas compris la question?

Mme Denis (Lise): Peut-être juste...

Mme Lamquin-Éthier: J'entends, mais je ne comprends pas vraiment, là. Tout le monde s'accordait à...

M. Rochon: Peut-être que la sous-ministre pourrait expliquer plus clairement ou différemment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y donc, Mme Denis.

Mme Denis (Lise): Il y a eu des orientations, comme disait M. Rochon...

Mme Lamquin-Éthier: Ça, ici, là?

Mme Denis (Lise): ...qui sont parties comme en consultation avec des plans d'action...

Mme Lamquin-Éthier: Bien, c'est ça, le document de consultation.

Mme Denis (Lise): C'est-à-dire avec la fabrication des plans d'action en région. Tout ça doit être...

Mme Lamquin-Éthier: Y a-t-il un rapport synthèse?

Mme Denis (Lise): Bien, c'est en fabrication au moment où on se parle, O.K.? Vous évoquiez tantôt la date de février et de mars, et c'est vrai. Maintenant, compte tenu des délais, je dirais, pour travailler au niveau des régions et en refaire la synthèse, c'est en fabrication actuellement, O.K.? Ça devrait tomber sur la table...

Mme Lamquin-Éthier: Le plan d'action est en fabrication?

Mme Denis (Lise): ...du ministère très prochainement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

(17 heures)

M. Rochon: Donc, on a une politique. Il y a eu une évaluation, ça a donné lieu à des orientations à mesure que les consultations... Le document que la députée montre, complète sur le terrain, dans chacune des régions, sur les orientations. On développe ça sous une forme de plan d'action...

Mme Lamquin-Éthier: Ils «sont-u» complétés?

M. Rochon: ...qui sera un plan d'action national, et des plans d'action régionaux. Et, d'ici fin juin, juillet, je pense que pour l'ensemble du Québec ça devrait être terminé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de l'Acadie.

Mme Lamquin-Éthier: Doux Jésus! Comment voulez-vous qu'un usager se retrouve?

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président.

M. Rochon: Oui, bien, là où l'usager se retrouve, M. le Président, c'est que les services... J'ai montré les chiffres tout à l'heure. Les services, ils arrivent. On a lancé une politique en 1989, on a laissé le document aller, on a laissé le monde aller puis on a eu l'évaluation qui a montré que les moyens n'avaient pas suivi. Alors, voilà la différence.

Et il faut faire attention à ce genre de réaction là. Il y a des orientations qui ont été développées sur le terrain avec le monde et, à mesure que ça se développe, il y a de l'action qui se développe sur le terrain, il y a des services qui se réorganisent. J'ai montré, en deux ans, comment il y a eu un transfert de ressources qui s'est fait et que, graduellement, on a des services offerts différemment aux gens. Alors, ce n'est pas juste de développer des documents là, ça...

Mme Lamquin-Éthier: Il y en a eu en bonguienne, des documents!

M. Rochon: ...ces documents-là...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Rochon: ...reflètent une réalité qui évolue et qui se change sur le terrain. Et j'inviterais les députés à aller voir sur le terrain ce qui se passe, et ils vont constater que ces documents-là sont le reflet d'une réalité qui change et qui dans l'ensemble, je pense, sert graduellement de mieux en mieux les gens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. S'il vous plaît! M. le député de l'Acadie.


Gestion du projet de construction ou de relocalisation de 12 centres de soins de longue durée

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors je voudrais aborder un dossier qui concerne la Corporation d'hébergement du Québec, concernant plus précisément l'annonce de la construction ou de la relocalisation des 12 centres de soins de longue durée. Ça va? Alors, juste, peut-être, pour situer un peu le dossier, bon, on sait qu'à l'automne 1997 le gouvernement a annoncé l'intention de relocaliser ou de construire 12 centres de soins de longue durée répartis un peu partout à travers la province. Ça impliquait une dépense de l'ordre de 90 000 000 $ et des coûts de gestion de projet ou de construction qui étaient de l'ordre de 2 500 000 $ environ.

Alors, le gouvernement a procédé dans ce cas-là avec une procédure qui est inhabituelle, en termes qu'il y a eu une dérogation aux règles normales d'appels d'offres. Et je voudrais peut-être d'abord faire lecture d'une lettre qui est adressée au directeur général de la Corporation d'hébergement du Québec, M. Bigras, de la part de l'Association de la construction du Québec. Alors, ça va nous situer un peu sur le dossier.

«Les membres de l'Association de la construction du Québec ont pris connaissance de l'appel d'offres de la Corporation d'hébergement du Québec paru dans différents journaux de la province de Québec le 18 octobre 1997 concernant le projet de relocalisation et de construction de 12 centres d'hébergement de soins de longue durée privés et conventionnés. L'ACQ juge cet appel d'offres inacceptable pour les raisons suivantes: étant donné l'envergure du projet, l'appel d'offres fait en sorte qu'il limite d'une façon excessive le nombre de soumissionnaires; les entrepreneurs généraux y sont exclus systématiquement; et, troisièmement, la perspective régionale n'est aucunement prise en compte.

«En effet, compte tenu de l'ampleur du projet, soit environ 90 000 000 $, peu de gérants de projet et de construction ont la capacité financière de pouvoir y soumissionner. Votre organisme provoque donc des possibilités de collusion entre gérants de projet et de construction, ce qui est à l'encontre de l'intérêt public. De plus, il écarte systématiquement les politiques de régionalisation du gouvernement. Plusieurs gérants de projet et de construction ainsi que des entrepreneurs généraux ne pourront mettre leur expertise et leur expérience dans la construction de bâtiments au service de votre organisme et du ministère de la Santé et des Services sociaux.

«Pour ce qui concerne les grands projets, l'ACQ a, à maintes reprises, demandé soit au gouvernement, soit aux donneurs d'ordre privé le morcellement des contrats afin de maintenir chez nous le savoir des entrepreneurs développé au fil des années. Votre appel d'offres, qui est centralisateur, va à l'encontre des orientations de l'industrie de la construction. De plus, l'ACQ considère que votre changement de politique, soit d'aller en gérance de projet et de construction pour un projet similaire, est un moyen détourné pour favoriser une catégorie de gérants de projet et de construction au détriment tant des autres gérants que de l'ensemble des intervenants dans la construction de bâtiments.

«Dans le cas où vous jugeriez que certains entrepreneurs généraux pourraient soumissionner alors qu'ils n'ont pas les exigences requises, l'ACQ recommande qu'il y ait une préqualification desdits entrepreneurs. Cette préqualification pourrait, par conséquent, vous permettre de juger les candidats qui sont aptes à soumissionner tout en minimisant la bureaucratie que demande l'étude de soumissions par votre corporation. D'ailleurs, il est à notre connaissance que votre organisme a depuis plusieurs mois un comité sur la préqualification au siège des entrepreneurs généraux de notre Association.

«Il va sans dire que nous aurions préféré que vous ayez tenu compte des discussions qui y eurent lieu, avant d'opter pour un appel d'offres tel que publié, allant à l'encontre de la raison d'être du comité créé par votre organisme. L'ACQ considère votre appel d'offres comme étant discriminatoire à l'égard des entrepreneurs généraux et des gérants de projet et de construction de la province de Québec. En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir annuler cet appel d'offres et de procéder à un nouvel appel d'offres afin qu'il soit divisé en 12 projets ou lots distincts, ayant pour objectif de donner une plus grande accessibilité pour les entrepreneurs et gérants de projet de notre industrie.»

Alors, voilà, M. le Président, la réaction de l'ACQ. Alors, il y a eu différentes raisons qu'on a invoquées pour procéder comme on l'a fait, c'est-à-dire en dérogation des règles habituelles qui contrôlent les contrats de services, les appels d'offres. Alors, on a fait référence... Il y a deux points principaux: d'abord, la question de l'urgence; et, l'autre point, la question de donner ça à un gérant de projet, tel qu'on l'a expliqué ici. Pour ce qui est de le faire par un gérant de projet plutôt que de diviser un peu partout, c'est évident que si on demande à un gérant de projet de faire en «fast track» à travers toute la province de Québec, 12 centres, il n'y a pas beaucoup de monde qui peuvent répondre à ça. Ça prend une expertise et une expérience assez particulières. Alors que, si l'appel d'offres avait été divisé en 12 appels d'offres régionaux, oui, à ce moment-là, dans chaque région, les gens pouvaient en construire un centre dans les délais qui étaient prévus. C'est-à-dire que, même dans une situation d'urgence, si on demande à quelqu'un, un entrepreneur général ou un entrepreneur en construction d'en construire un, il peut en construire un, il peut en construire deux, excepté qu'il ne peut pas en superviser 12 à travers toute la province de Québec. Il n'y a pas une entreprise, à part quelques grandes entreprises, qui est disposée à faire ça.

Alors, ça veut dire qu'on passe par-dessus l'existence des contracteurs généraux dans chacune des régions et qu'on va donner la gestion de projet à un organisme qui va le faire à travers toute la province de Québec au complet. Alors, c'est ce qui explique un peu la réaction des gens. Et ça ne me semble pas évident que, malgré le caractère d'urgence, malgré le fait qu'on puisse donner ça à un gestionnaire plutôt qu'à plusieurs gestionnaires, il y ait des économies substantielles ou que ça permette de réaliser plus rapidement ce projet-là de construction de 12 centres, parce que j'ai l'impression qu'un entrepreneur, dans sa région, aurait pu construire, dans les délais qui étaient prévus, ces centres-là, et ça aurait permis de répartir en région, un peu partout, comme on l'a mentionné, la possibilité de maintenir une expérience qui existe déjà et de l'entretenir.

Le deuxième point qui a été invoqué pour déroger aux règles habituelles, c'était l'urgence. Encore là, j'ai de la misère un peu avec ça, à saisir le caractère d'urgence. Il faut se situer dans toute la question des lits de soins de longue durée. En 1994, bon, vous arrivez au pouvoir. En 1995, on annonce, par exemple, dans la région de Montréal, la fermeture de six ou sept centres hospitaliers en disant qu'il fallait rééquilibrer les lits de soins de longue durée et de courte durée, et qu'il y avait un surplus dans la région de Montréal et qu'à ce moment-là on devait fermer des soins de longue durée et éventuellement déplacer les ressources vers des soins de longue durée, fermer des hôpitaux, c'est-à-dire où il y a des lits de courte durée, pour réorienter les ressources. Ça, c'était en 1995. En 1995, on annonce des décisions de cet ordre-là. Alors, on a une idée, là, du problème qui existe sur la question des soins de longue durée.

En 1997, deux ans après, là, je parle, je me souviens qu'à l'automne, au printemps 1995, en mai 1995, à peu près, on annonçait à Montréal la fermeture des hôpitaux. En octobre 1997, deux ans après, là, on se réveille puis on dit: C'est urgent. Là, il faut construire et il faut déroger aux règles habituelles d'appels d'offres parce que c'est très urgent. Ça fait plus de deux ans, deux et demi pratiquement qu'on attend, et on en arrive à cette décision-là. Et là on déroge. Et on fait référence, ici, dans un article où on dit: M. Paré, qui est le secrétaire de l'ACQ, accepte mal que la Corporation d'hébergement invoque le caractère urgent des projets pour déroger à la procédure habituelle, alors que les plans et devis ne sont même pas prêts.

À la Corporation d'hébergement du Québec, on soutient que M. Paré a toute faute, c'est mal rapporté. On cite: «Il y a une urgence parce qu'il y a des gens en danger, actuellement, dans les centres d'hébergement vétustes», affirme le directeur général de la Corporation, M. Herman Bigras.

(17 h 10)

Alors, il y a eu deux ans où il ne s'est passé pratiquement rien, puis tout d'un coup on se réveille, et là ça devient urgent au point où on fait adopter un décret le 1er octobre, le décret 1292-97, où on autorise le ministère à passer outre aux procédures normales pour aller en appel d'offres. On fait un appel d'offres qui est publié dans les journaux le 17 octobre 1997, avec une date limite pour les soumissions qui est fixée au 11 novembre, et on ouvre les appels d'offres le 20 novembre. Alors, entre le 11 et le 20, ce n'était pas suffisamment urgent, je suppose, pour faire ça rapidement; on a perdu 10 jours entre les deux.

Alors, la première question que je me pose à ce niveau-là, je vais les énumérer puis ensuite vous pourrez les reprendre, c'est: Pourquoi exactement on a dérogé aux procédures d'appel d'offres? Pourquoi on a choisi un seul gestionnaire, alors qu'on aurait pu répartir ces travaux-là dans toutes les régions où on aurait, à mon avis, été capable de répondre à des délais assez restreints?

Le deuxième point sur lequel j'aimerais avoir de l'information, c'est: Quel est actuellement l'état des travaux? On sait que, dans l'appel d'offres, la construction des 12 centres doit être terminée, ou, en tout cas, les services doivent être livrés pour le printemps 1999. Alors, j'aimerais savoir actuellement où on en est par rapport à cet échéancier-là. Est-ce qu'il y a des retards qui sont prévus? Est-ce que, au niveau des coûts qui avaient été prévus de 90 000 000 $, il y a déjà, actuellement, des ajouts à ces montants-là qui ont été approuvés? Est-ce que le 2 500 000 $ qui était attribué pour la gérance de ce projet de construction... On avait attribué 2 500 000 $ pour le gestionnaire de ce projet-là, la construction des 12. Est-ce qu'il y a eu des avenants qui ont déjà été approuvés et qui impliquent des sommes additionnelles au niveau des honoraires de gérance?

Le troisième point, c'est: Sur la question du processus comme tel, il y a eu des gens qui ont répondu à l'appel d'offres. J'aimerais savoir combien ont répondu? Combien ont présenté des soumissions? Quels ont été les critères, la grille des critères et la pondération de ces critères-là qui ont servi à évaluer la compétence ou l'expertise de chacune des soumissions ou de chacun des soumissionnaires, plus particulièrement? Parce que les honoraires étaient fixes. Donc, ce n'est pas une question de coût. C'était 2 500 000 $ pour n'importe quel gestionnaire. Mais sur quoi on se basait pour évaluer que tel ou tel gestionnaire avait une meilleure expertise, une meilleure expérience, une meilleure compétence pour assumer ce projet-là? Quel était le nombre d'employés aussi? Souvent, il y a des consortiums qui sont faits...

M. Rochon: Le nombre d'employés?

M. Bordeleau: ...de ces entreprises-là. Des entreprises en question qui ont soumissionné pour avoir l'appel d'offres. Dans plusieurs de ces cas-là, il y a eu des consortiums d'entreprises qui ont été formés. Des fois, deux entreprises se sont mises ensemble ou faisaient une soumission ensemble et formaient par la suite une compagnie si leur proposition était acceptée, ce qui semble avoir été le cas dans celui qui a été retenu. C'est un consortium de deux entreprises.

Alors, quand on appliquait la grille des corrections, je suppose qu'on devait évaluer les deux partenaires, parce que c'est eux autres qui se mettaient ensemble pour, par la suite, assumer un contrat qui était quand même relativement important, compte tenu aussi du contexte d'urgence présumée et du fait que ça devait se réaliser partout à travers la province.

Alors, combien il y a eu de soumissions? Quelle a été la grille d'évaluation de ces soumissionnaires-là? Et le dernier point, c'est: La compagnie qui a été retenue, qui a eu le contrat comme tel, c'est un consortium qui est formé des compagnies J.E. Verreault et Constructions Marton. Alors, j'aimerais savoir, dans ce cas-là en particulier et de façon plus précise, c'est quoi la compétence que les deux partenaires avaient qui fait que les responsables ont jugé que c'était ce groupe-là qui avait la meilleure compétence pour assumer ce projet de construction. Et, encore là, je tiens à le souligner, l'évaluation des deux partenaires, si on engage deux personnes pour réaliser un projet, je suppose qu'on s'assure que les deux personnes apportent une compétence et que la combinaison des deux va faire que c'est l'idéal pour réaliser le projet.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Bon, alors, le député soulève deux questions: Pourquoi on a pris cette voie, qui est effectivement une dérogation à ce qui était la façon habituelle de fonctionner? Et quelles étaient les raisons de l'urgence de la situation, pourquoi il fallait procéder comme ça?

On se rappellera que le besoin de places de soins de longue durée... Prenons d'abord l'urgence de la situation, parce que tout part de là. Pourquoi il fallait procéder rapidement? Le gouvernement actuel avait pris un engagement de développer 2 000 places de soins de longue durée. Dans la pratique, il s'en est fait plus que ça. Si on prend de nouvelles places qui donnent des services de deux heures et demie, trois heures et plus par jour, parce que le député a fait référence à ce projet, les 12, il a fait référence à Montréal aussi, c'est deux affaires différentes, on se comprend bien. Mais il faut se rappeler par exemple que, dans les nouvelles places de soins de longue durée, de deux heures et demie, trois heures et plus, Montréal en a développé 2 500 à peu près, jusqu'à présent, et, d'ici la fin de l'année, va en développer un autre 1 000 ou à peu près. Et, à Montréal, ce qui avait été jugé, c'est qu'on n'a pas besoin d'avoir des nouvelles places, de bâtir des nouvelles places. C'était plus de rééquilibrer un très grand nombre de places qui existaient mais qui n'étaient pas équipées en termes de personnel et d'équipement pour des soins de plus grande intensité. Donc, c'est ce que le jargon a appelé «le rehaussement». Il y a de l'argent qui a été investi pour que la valeur de 2 500, puis ça va se totaliser autour de 3 500, je pense, places qui étaient pour des services de moins d'une heure et demie par jour qui sont devenus des places de deux heures et demie, trois heures et plus par jour. Ça, Montréal a réglé ça comme ça.

Le 2 000 qui avait été un engagement du gouvernement, on s'est aperçu que, où il en fallait surtout, c'était dans la ceinture de Montréal. Sur les 2 000, il y en a 2 600 qui vont se faire là. Je pense que c'est 700 en Montérégie et 300 dans chacune des trois régions du nord, au Nord de Montréal, et les 400 dans d'autres régions au Québec. De ce 2 000 là, on va arriver au projet. Il y en a 1 000 qui ont été faits aussi par rehaussement, à peu près, à différents endroits, et il en faudra un peu plus que 1 000, 1 000 ou 1 200, de toutes nouvelles places, de la construction, du béton.

La question de l'urgence. D'après... Comme on parlait tout à l'heure du vieillissement de la population, qu'il manquait de places, ça, ça va en faire 4 500 au total, de nouvelles places juste dans cette partie-là du Québec, et il y a preneurs. Ça a déjà permis de diminuer le temps d'attente dans cette partie-là du Québec, à Montréal par exemple, de 80 jours à 60 jours avant d'avoir une place dans des soins de longue durée, et il faut que ça diminue encore, ça, comme temps d'attente. Il faut qu'on finisse par permettre que tous les gens qui sont encore dans des hôpitaux de courte durée, en attente d'une place, puissent quitter le plus rapidement possible pour aller dans un endroit qui correspond plus aux besoins qu'ils ont et pour donner aux hôpitaux de courte durée la marge de manoeuvre dont ils ont besoin avec leurs lits. Et on sait que c'est un des éléments importants, entre autres pour le problème des urgences. Donc, il y a tout un jeu de domino bien important qu'il faut avoir en tête.

Alors, nous, on trouvait que c'était pressant d'agir parce que le besoin était là. Puis, là, je peux comprendre que le député a l'air surpris de ça. Parce qu'il faut se rappeler que le gouvernement précédent aussi avait reconnu – c'est quand même des données que le ministère connaît puis le gouvernement précédent les connaissait – ce besoin-là aussi. Il avait reconnu publiquement que, d'ici l'an 2000, il faudrait développer, je pense que c'est 6 000 ou 7 000 places nouvelles. Il a reconnu ça, sauf qu'il en a développé à peu près bien juste le cinquième de ça; il n'en a pas fait. D'après ce que je peux voir, il ne réalise pas, même encore aujourd'hui, que c'était urgent.

(17 h 20)

Alors, c'était urgent d'agir, parce que ce qui avait été identifié comme besoin qui aurait été à peu près 1 000 places par année, que le gouvernement précédent aurait dû faire à partir du début des années quatre-vingt-dix, il s'en est fait à peu près une centaine par année au lieu d'en faire à peu près 1 000 par année. Donc, on était vraiment dans une situation où l'urgence, je pense, pour tout le monde qui connaissait le moindrement la situation, ne se posait pas pantoute comme discussion. Ça, c'était clair qu'il fallait procéder rapidement si on voulait que les hôpitaux puissent libérer les gens qui retenaient les lits qui devaient servir pour la courte durée et si on voulait répondre aux besoins des gens, tout en développant du maintien à domicile, de sorte que des gens qui pouvaient retourner plus tôt à la maison, retournent à la maison. Donc, la question d'urgence, on pourra en discuter plus en détail si vous voulez, mais je pense qu'il n'y a jamais personne qui a mis ça en doute, et là aussi, il y avait un sacré retard qui avait été pris.

Alors, pour procéder plus rapidement, parce que les méthodes classiques font que ça peut prendre jusqu'à quatre ans facilement avant que tu aies fini le processus et que tu puisses livrer le produit, à des places, pour pouvoir recevoir les gens, là, il y a différentes – et là ça nous a pris un bout de temps, parce qu'il a fallu vraiment tout refaire les devoirs partout – formules qui ont été cherchées. D'abord, qui peut être maître d'oeuvre d'une opération comme ça? Et, après avoir regardé comment des partenaires socioéconomiques, comment l'association des privés conventionnés qui ont fait des offres et qu'on a regardées, comparé d'abord les coûts, et il s'est avéré que c'est encore moins coûteux pour, de l'ordre de quoi? On sauvait 1 000 000 $ ou plus, je ne sais pas trop, mais, de façon très importante, c'est encore beaucoup moins coûteux si la Corporation d'hébergement du Québec le faisait. Puis on a vraiment pris le temps, quasiment deux ans, à regarder toutes les formules de financement possibles.

Quand on revenait à la Corporation d'hébergement du Québec, l'inconvénient, c'était que la procédure gouvernementale qu'on utilise était très longue. Alors, on avait le choix, ou bien on dépense plus d'argent, puis des milliers et des milliers de dollars, pour le faire faire dans une procédure plus rapide, soit dans ce qui avait été la façon de fonctionner dans les années soixante avec les privés conventionnés pour développer ça, ou soit avec un partenaire, Solim, je pense, le bras de financement du Fonds de solidarité qui avait fait une proposition, et après avoir tout regardé et amené ces gens-là à baisser leur cotation le plus possible, ils ne pouvaient pas vraiment compétitionner la Corporation d'hébergement du Québec qui, elle, avait l'inconvénient, par contre, qu'au lieu de faire ça en 18 mois, ça leur prenait quatre ans.

Alors, l'analyse a continué, et on a pu voir qu'il était possible de mettre au point une procédure rapide qui pourrait être aussi rapide que ce qu'un des deux autres partenaires aurait pu faire. Alors, là, c'est ça qui est un «fast track», qui s'est appelé que, si on procède... Et une des caractéristiques, à ce que j'ai compris de la procédure «fast track», c'était de donner à un gérant de projet l'ensemble du projet pour développer tout, partout au Québec, en même temps, le projet, plutôt que de procéder par ce qui était la façon d'avant. Et c'est là-dessus que l'Association des constructeurs du Québec a décidé de protester que le système d'avant où, avec une série d'entrepreneurs à travers le Québec, là, on est sur un système où chaque projet est traité individuellement, et, dans l'ensemble, c'est beaucoup plus long.

Maintenant, ceci dit, il faut faire attention, parce que je ne pense pas que la conséquence soit qu'il ne se passe plus rien en région. C'est un gérant de projet pour l'ensemble des 12, mais les professionnels – architectes, ingénieurs et tout ça – je pense, c'est au moins quatre groupes au Québec qui ont pris différentes parties, qui se sont partagé les 12. Et à la mise en oeuvre sur le terrain, les corps de métier qui participent à ces constructions-là, ça, c'est des contrats qui sont donnés régionalement et localement. Donc, ce n'est pas une couple de gros entrepreneurs qui font le tour du Québec pour bâtir ça; c'est vraiment assez décentralisé. Mais c'est vrai qu'il y a une différence: au lieu d'avoir une douzaine d'entrepreneurs, une douzaine de concours d'entrepreneurs, il y a un gérant de projet. Maintenant, le gérant de projet, je vais demander un peu d'aide pour... Je ne sais pas si M. Turenne, même s'il est nouveau dans son poste, peut nous aider un peu à expliquer comment fonctionne ce système-là, des questions que vous soulevez, des critères d'application, nombre de candidats, et tout le reste.

Je vous dirais une chose, qu'on ne pourra pas discuter trop en détail des avantages et inconvénients comme on l'a vu, oui, mais s'il y a quelque chose qui est devenu litigieux, on m'informe que l'Association aurait fait une demande d'injonction – alors, on a un petit sub judice, si je comprends bien, dans cette question-là – pour essayer de vaquer à cette procédure-là. Alors, respectant le sub judice, je pense qu'on peut quand même vous expliquer comment fonctionnait, parce que le système de gérance de projet, c'est quelque chose qui existait comme formule, on l'utilisait spécifiquement pour ça, pour livrer en 18 mois, vers avril 1999, comme la députée a dit, M. le Président. Alors, est-ce que je pourrais, M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Rochon: ...demander à M. Turenne de m'aider pour compléter les informations sur comment fonctionne ce système de gérance de projet, parce que, ça, c'était fait par concours ouvert pour aller chercher qui avait la meilleure soumission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Turenne.

M. Turenne (François): Oui, bien, enfin, je ne suis pas un spécialiste en gérance de projet, mais je peux peut-être tenter de compléter. Peut-être un élément additionnel qui peut expliquer pourquoi le choix a été fait d'avoir un seul gérant de projet. C'est que, dans le fond, le développement de ces centres-là, ce sont des concepts uniformes. Par exemple, dans les 12 centres, il y en a, je pense, sept ou huit qui ont 96 lits. Donc, on ne refait pas à chaque fois des plans et devis. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un concept fonctionnel ou une planification et une programmation fonctionnelles qui sont standardisés. Donc, entre autres, c'est un des éléments, je pense, qui a pu amener une gérance de projet unique. D'autre part, il faut rappeler que, lorsque la réalisation se fait par sous-traitance, dans des métiers spécialisés, c'est fait par appel d'offres, donc, et, généralement, ça se fait localement, dans les régions où sont réalisés les projets.

En ce qui concerne les questions très, très précises qui ont été posées, M. le Président, à savoir quels étaient précisément les critères, les expertises, le nombre d'employés de chaque entreprise qui aurait soumissionné, malheureusement, je n'ai pas ces réponses-là avec moi aujourd'hui, mais on peut s'engager à les déposer peut-être à la prochaine séance, vendredi, toutes les informations très précises. Cependant, je dois dire que, dans un cas semblable, la sélection se fait par un comité de sélection, avec des critères prédéterminés de façon transparente comme se font toutes les sélections de quelque firme que ce soit. Je n'ai pas ces critères-là avec moi, mais c'est un processus transparent de sélection qui a été fait. Maintenant, je ne sais pas qui a soumissionné ou proposé. Donc, on pourra fournir ces informations-là assez rapidement, pour vendredi matin. Si vous voulez voir les... services.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

M. Bordeleau: Disons que ça me convient. Je suis bien conscient que vous n'avez pas tout le détail. Mais j'aimerais avoir ces informations-là, comme vous vous engagez à le faire, à la prochaine séance, pour l'ensemble des questions que j'ai posées. Je voudrais peut-être ajouter aussi un dernier élément. Qui était membre du comité de sélection?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Alors, la prochaine...

M. Bordeleau: Oui, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...et la prochaine séance, pour cette réponse-là, sera vendredi matin, qui sera la dernière pour les crédits. M. le député de Maskinongé.


Nature des soins et nombre de places en hébergement de longue durée

M. Désilets: Merci, M. le Président. Vous nous avez parlé un petit peu, M. le ministre, tantôt des soins de longue durée. Vous mentionniez que c'étaient des soins de deux heures et demie à trois heures/jour. Mais est-ce qu'il y a une norme fixe? Est-ce que c'est deux heures et demie ou c'est trois heures? Ou, en tout cas, est-ce que c'est flottant ou est-ce qu'il y a des normes bien, bien précises? Et puis pourriez-vous nous informer aussi s'il y a des ratios, le ratio par nombre d'habitants, par 1 000 habitants? Présentement, il se trouve autour de quatre, peut-être, je ne sais pas. Est-ce qu'il a tendance à aller vers trois ou vers 2,9? Jusqu'où ça va s'arrêter? On «a-tu» une tête de faite là-dessus, sur la vitesse à laquelle le réseau va se changer, va se transformer?

M. Rochon: Le nombre d'heures de soins ou de services personnels dont a besoin une personne dans un établissement de soins de longue durée, ça, c'est évalué cliniquement, et il y a des normes pour ça. Il y a une formule d'évaluation qui est utilisée depuis longtemps, qui a été développée il y a plusieurs années par un groupe de recherche, avait été validée, le reste... Et ça, c'est la même grille qui est utilisée à travers tout le Québec. La députée de Bourassa, qui connaît bien ce secteur-là, a l'air de me confirmer ça. Et c'est une évaluation clinique. Alors, quand on dit: Deux heures et demie, trois heures ou quatre heures de soins et de services par jour, ça veut dire qu'on sait que, en moyenne, dans un établissement de soins de longue durée d'une centaine de places, les gens ont besoin de ce nombre d'heures.

(17 h 30)

Alors, pour certaines personnes, ça peut être deux heures et demie, une autre trois heures, une autre quatre heures et une autre cinq heures. Mais ça varie, c'est au-dessus de deux heures et demie, comme intensité, quand les gens doivent être dans ces établissements-là, et, à mesure que l'évolution de la perte d'autonomie se fait, ça devient de plus en plus important. Mais où il y a une différence entre le 2,5 % puis le 1,5 %, c'est que l'expérience, la réalité a démontré que, si ce n'est pas cette intensité de service qui est requise, c'est beaucoup plus léger, puis, en général, c'est n'importe où entre une demi-journée puis une journée, une journée et demie, ça joue un peu là-dedans, et c'est beaucoup plus léger comme type de service dont la personne a besoin parce qu'elle a encore un bon degré d'autonomie. Donc, il y a des normes, mais c'est appliqué cliniquement et ajusté à chacun des individus. Ce n'est pas chaque individu qui arrive là qui va avoir trois heures de services par jour dans un établissement, puis un autre donne quatre heures à tout le monde. C'est appliqué sur une base personnelle.

Le nombre de places qui se développent, la norme actuellement qui est utilisée, que l'expérience a validée, c'est autour de quatre, on dit quatre, en moyenne – là aussi, c'est une moyenne – par 100 personnes de 75 ans et plus dans une population. Si on voit comment ça s'est passé dans les différentes régions du Québec, ce qui se fait, c'est que ça varie à quatre plus ou moins deux ou trois, 4,2 ou 4,3, n'importe où, je pense. Je ne sais pas s'il y en a qui sont aussi bas que 3,5, mais il y en a à 3,7 et 3,8 dans certaines régions, puis d'autres à 4,2 ou 4,3, quelque chose du genre. Ça, c'est ce qui fait la différence et c'est là qu'est le rôle d'une régie régionale avec ces établissements-là. Une fois la balise, la moyenne nationale donnée qu'on doit viser, la façon...

Et là je reviens à ce que... Je ne redonnerai pas tous les détails, mais je me réfère à ce que je disais tout à l'heure à la question du député de Saint-Hyacinthe. Les personnes, ce à quoi elles ont accès, c'est un continuum de services. Il faut voir les places de soins de longue durée comme un élément ou un bout de la chaîne de ce continuum et, dépendant de l'intensité qu'on peut donner pour le maintien à domicile, d'autres options ambulatoires qui sont développées, centre de jour, hôpital de jour ou différents autres types de services, ça peut faire qu'il y a plus de services qui sont rendus en ayant besoin de moins de places dans des soins de longue durée et que les gens y arrivent avec un besoin de services plus important quand ils y arrivent, mais qu'il y a plus de services qui sont rendus autrement.

Ça, c'est laissé vraiment à chacune des régions, parce que la façon dont on peut prendre soin de gens dans un milieu urbain, avec la dynamique de vie d'un milieu urbain, c'est différent d'une région plus rurale. Dans un cas ou l'autre, on peut vouloir investir un petit peu plus en places de soins de longue durée, mais, en général, je pense que partout on a voulu développer ces places-là et les équilibrer en faisant toujours, d'abord, l'investissement, le développement le plus important possible dans les formules les plus légères: le domicile, le centre de jour, et le reste, répondant en cela à ce que les gens souhaitent et demandent. C'est-à-dire que le moment où ils devront aller dans un autre établissement, dans une institution, un peu, bien, que ce soit le plus tard possible et que tout ce qui peut leur permettre de continuer à fonctionner dans leur environnement puisse se faire le mieux possible.

Maintenant, là c'est une question de choix des gens aussi. Certaines personnes vont souhaiter, pour différentes raisons, personnelles, d'environnement familial ou social, ou quoi que ce soit, de plutôt avoir accès à un endroit plus institutionnalisé. C'est pour ça qu'on a encore un réseau d'hébergement où l'intensité de services est beaucoup moins grande et qu'au lieu de le faire à domicile il va être là, et que les gens qui, pour une raison ou pour une autre, souhaitent aller là pourront y aller plus rapidement, mais dans un autre type d'établissement différent parce qu'ils sont encore capables de fonctionner.

Alors, je pense que ce qu'il faut retenir là-dedans, c'est que les normes, ce n'est pas des absolus, c'est un indicateur d'autour de quoi on peut atteindre un bon équilibre. L'important pour le monde qui reçoit le service, c'est qu'il y ait la chaîne totale de production la mieux équilibrée possible dans chacune des régions, selon ce que chaque régie régionale peut coordonner.

M. Désilets: Je vous demandais la question tantôt parce que je questionne un peu dans différents... J'ai fait une couple de téléphones et vérifié dans différents centres de soins de longue durée le nombre d'heures, ce qui correspondait. À bien des places, on m'a dit: Nous autres, c'est équivalent à 2,5 heures de moyenne; à d'autres me disent: On rapproche de trois. Chez nous, dans notre MRC, il y en a une qui, de plus en plus, les gens, lorsqu'ils entrent, c'est quatre heures, des fois quatre heures et demie. Je me dis: Quand c'est le temps d'évaluer le nombre de places en fonction de la population de 65 ans et plus, si la plage ou le nombre de lits disponibles, c'est les gens qui demandent un quatre heures ou trois heures et demie de soins par jour, comparativement à d'autres régions qui, à deux heures et demie, elles, ou trois heures, c'est correct, est-ce qu'on a suffisamment d'espace? Parce qu'en disant... Si on s'en va vers les ressources intermédiaires, les ressources intermédiaires, ça, j'ai compris que c'est autour d'une heure, une heure et demie ou peut-être deux heures de soins par jour. Mais, pour être certains de ne pas en échapper, qu'il y ait un service où il n'y a pas de trous – c'est dans ce sens-là, pour voir si on a une évaluation de l'ensemble, parce que je me réfère souvent aux écoles, je viens de ce milieu-là – lorsqu'on a un milieu à risque ou un milieu plus défavorisé, il faut investir davantage que dans un milieu plus à l'aise. C'est un peu dans ce sens-là que je disais: S'il y a un besoin urgent quelque part, est-ce qu'on en tient compte ou c'est le même ratio qui est établi partout?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: La norme moyenne de quatre, ça s'est avéré à l'expérience être ce qui correspond aux besoins d'une population. Si on a à peu près, plus ou moins, disons entre 3,7 et 4,3, ça correspond à la demande qui est formulée par une population au Québec présentement. Ça joue, le petit créneau d'à peu près 3,7 à 4,3, en équilibre avec ce qu'il y a comme options, offres alternatives de services.

L'évolution de deux heures en moyenne, deux heures et demie, trois heures jusque vers quatre heures, je pense qu'on s'aperçoit que plus il y a des options alternatives qui se développent, plus l'équilibre de l'ensemble de la chaîne de services offre des options plus légères et alternatives. C'est un peu normal que, par voie de conséquence, quand les gens doivent aller dans l'établissement de soins de longue durée, leur demande de services soit beaucoup plus importante, parce qu'ils ont fait un bon bout de chemin, plus long, avant. Ça peut vouloir dire qu'on a besoin peut-être d'un peu moins de places à ce moment-là, parce qu'il y a plus de gens qui reçoivent des services autrement, mais que la lourdeur, si on prend notre jargon, va être beaucoup plus grande à ce moment-là.

Maintenant, votre question fait peut-être aussi un peu référence... Vous parlez d'urgence, ou des choses comme ça. Quand on dit que la gamme de services se développe, je pense que maintenant à peu près tous les centres de soins de longue durée qui s'organisent gardent tous un petit nombre de lits – ça peut varier de huit à 12, ou quelque chose comme ça – qu'on appelle de gériatrie plus active, de sorte que, si une personne qui vit à domicile a des problèmes à un moment donné, une personne âgée, et qu'elle ne peut pas rester à domicile, que ce n'est pas le genre de problème pour un hôpital de soins de courte durée, elle va aller dans un centre de soins de longue durée, mais que là il y a une unité de services, de soins, une unité de gériatrie, de médecine interne qui vise plus les besoins des personnes âgées, et, si c'est possible que cette personne-là, après quelques semaines – quelques mois, au besoin, mais je pense que c'est plutôt quelques semaines – peut être restabilisée... Ça peut être quelqu'un, je ne sais pas, moi, qui a un problème de fond, de perte d'autonomie à cause d'un problème respiratoire, et, si ça se complique pas mal mais que ce n'est pas le genre de chose aiguë qui t'amène à l'hôpital, il va aller dans l'établissement, mais il n'est pas obligé de renoncer définitivement et de ne plus retourner à la maison. Donc, c'est possible de revenir.

Les établissements, aussi, gardent tous un certain nombre de lits, dépendamment de la demande, pour aider aussi les familles. Quand c'est une personne âgée qui peut être très âgée, qui a une bonne perte d'autonomie et que le médecin à domicile aide... On a vu ce matin que les femmes, mais aussi les autres membres de la famille, ça peut affecter et changer leur vie si la famille a décidé, a fait le choix que le grand-père, la grand-mère demeure avec la famille. Mais là les gens, souvent, souhaitent ça, veulent ça, mais ils veulent bien aussi, à un moment donné, le reste de la famille, partir en voyage, en vacances pour un mois d'été, ou partir une fin de semaine, ou quelque chose du genre. Alors, ça, ça se développe de plus en plus, ça aussi, qu'il soit possible, surtout en le prévoyant d'avance, que la personne va aller dans l'établissement de soins de longue durée, va avoir un environnement et des services qu'il lui faut d'un milieu substitut, mais pour quelques semaines, pour un mois, et qu'elle retourne dans la famille après. Alors, cette question sur l'urgence, s'il arrive quelque chose de vraiment un peu urgent, ou pour permettre que la personne puisse rester dans son environnement plus longtemps, mais en donnant ce qu'on appelle le répit à une famille, ça, c'est vrai, et c'est vrai aussi pour les personnes âgées, mais aussi pour tout ce qui est la situation des personnes handicapées. Quand on dit: Aider et de soutenir les familles, c'est une gamme de services dont ça, entre autres, au besoin.

(17 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça va?

M. Désilets: Bien, dans un autre ordre d'idées, j'aurais eu...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le temps passe très rapidement. J'accepterais une dernière rapide parce qu'il me reste deux interventions.

M. Désilets: O.K., rapidement. L'inforoute, avec la télémédecine et le télédiagnostic...

M. Rochon: L'inforoute?


Utilisation de la télémédecine

M. Désilets: L'inforoute avec la télémédecine, on prévoit que ça va entrer dans nos établissements à compter de quelle année?

M. Rochon: Ah oui! Ah! Là je ne sais pas ce que je peux vous mettre comme calendrier là-dessus, mais la politique gouvernementale de l'inforoute de l'information a été rendue publique il y a quelques semaines. Pour le secteur de la santé et des services sociaux, il y avait... À cette annonce de la politique gouvernementale générale où on a un volet important pour le secteur de la santé et des services sociaux, a précédé la mise en oeuvre qui a commencé en janvier dernier – il y a eu un appel d'offres qui s'est terminé en janvier dernier – de réorganiser complètement le système de télécommunications du réseau qui était vraiment un système non performant par rapport à ce qu'on a besoin aujourd'hui, qui s'était développé dans différentes régions puis qui n'avait pas nécessairement des bonnes communications.

Alors, ça, il y a un système pour le Québec qui s'installe dans l'ensemble des régions et des établissements avec même le développement qui continue en dehors du réseau de télécommunications pour rejoindre les bureaux des professionnels, comme les médecins qui pourront se connecter là-dessus, et même, éventuellement, les foyers des gens qui pourront communiquer avec leur médecin, avec leur CLSC, avec le système à partir de leur propre résidence.

Ça, c'est l'infrastructure de base pour la télémédecine. Il faut d'abord ça. Télémédecine, ça, on commence à accélérer le pas un peu aussi. C'est un volet important. Il y a eu quelques expériences-pilotes qui ont été faites. Une, entre autres, peut-être la plus importante – que je connaisse, en tout cas – est celle qui avait été faite avec le CHUQ, ici, à Québec, en cardiologie pédiatrique, qui a été un modèle de départ. Là, présentement, il y a un déploiement qui a commencé à se faire, ça aussi pour qu'on puisse graduellement développer dans toutes les régions, à partir du CHU, des centres hospitaliers régionaux, des CLSC, le réseau de télémédecine.

Je ne sais pas si, en termes d'échéancier...

Mme Denis (Lise): Peut-être juste compléter. C'est sûr que, soit pour la télémédecine ou pour un ensemble de systèmes aussi de télécommunications, d'information, et même pour éventuellement la carte à microprocesseur, ça prend comme base que le réseau de télécommunications soit implanté. Effectivement, depuis janvier, il y a des choses en route. On parle d'un calendrier d'une douzaine de mois pour être capable de faire pénétrer le réseau de télécommunications dans l'ensemble des régions du Québec. L'évaluation est en cours quant à la façon de le faire et ce que ça suppose comme travaux, comme organisation dans chacune des régions. Dans le fond, c'est toutes les pièces d'un puzzle, mais le réseau de télécommunications, lui, c'est comme la base pour être capable d'avancer dans télémédecine, entre autres, comme dans d'autres projets.

M. Désilets: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, tout en vous faisant remarquer que j'ai deux interventions: Saint-Henri–Sainte-Anne et L'Assomption. Je voudrais les passer toutes les deux même si on dépasse 18 heures. Ça prendrait la collaboration, évidemment, de tout le monde. Allez-y, Mme la députée.


Services d'aide aux jeunes filles en difficulté

Mme Loiselle: Je vais aller directement aux questions. M. le Président, j'aimerais peut-être échanger avec le ministre sur les questions qui touchent les adolescents et adolescentes. Vous vous souviendrez, l'année dernière, quand vous aviez eu l'idée de couper... La proposition initiale, en tout cas, c'était de fermer toutes les installations, les places pour les jeunes filles en difficulté, les jeunes adolescentes enceintes. Votre proposition a été amendée pour fermer finalement la moitié. Vous êtes parti de 63 places pour en fermer seulement 34.

Au même moment, en grande pompe, la ministre de la Condition féminine, accompagnée du premier ministre, annonçait de son côté le plan d'action pour toutes les Québécoises, plan d'action dans lequel on retrouvait des mesures de prévention et des mesures d'aide pour les jeunes filles adolescentes. Alors, le ministre a été obligé de faire un petit pas ou deux arrière, dans sa décision, et d'appliquer un moratoire – vous vous en souviendrez – sur la fermeture des places en centre d'hébergement et places de foyer pour les jeunes filles en difficulté.

Vous avez dit, au moment où vous avez mis en place le moratoire, que le tout serait revu en 1998, et je vais vous citer pour vous remettre dans le contexte: «On va refaire le point en 1998 et, s'il devait y avoir une diminution de places comme on prévoit que cela pourrait arriver, les services auront d'abord été remplacés à la satisfaction de tous.» Alors, étant donné que nous sommes en 1998, que ça touche des jeunes filles qui vivent des difficultés quand même graves, des jeunes filles enceintes, souvent des jeunes filles qui, une fois qu'elles ont fait l'annonce à leurs parents qu'elles sont enceintes, sont expulsées de la maison, se retrouvent en foyer de groupe ou en famille d'accueil, j'aimerais savoir ce qui se passe avec votre moratoire. Est-ce que les mesures alternatives ont été mises en place ou si le moratoire est prolongé parce que les mesures alternatives ne sont pas mises en place?

M. Rochon: Alors, M. le Président, je voudrais peut-être rappeler les faits, là aussi avec quelques précisions. Ce à quoi fait référence la députée, c'est, si ma mémoire est bonne... D'abord, ça se passait à Montréal, et c'est le...

Mme Loiselle: Centre jeunesse Montréal.

M. Rochon: ...Centre jeunesse Montréal qui avait fait une proposition que, dans la réorganisation qu'eux aussi faisaient... Et dans les services sociaux, il y a la même approche où de plus en plus les pratiques d'intervention visent à travailler avec les jeunes qui ont des difficultés, mais aussi avec leur famille et leur entourage, et qu'on ne sort pas les jeunes de leur milieu pour les traiter puis les retourner dans un milieu qui peut être un peu pathologique et les amener à rechuter dans des problèmes qu'ils ont déjà eus, d'une fois à l'autre étant probablement des rechutes qui sont plus graves comme situation. Donc, c'est cette philosophie-là d'approche générale qui avait amené...

Mme Loiselle: Une précision: je suis seulement sur le dossier des jeunes filles enceintes, pour ne pas déborder.

M. Rochon: Non, non. C'est ça que je veux dire. Oui, ça fait partie de ça, mais ça reste... C'est ça. Ce que le Centre jeunesse... parce que ça faisait partie d'un ensemble de décisions du centre jeunesse, y compris Boscoville à l'époque. On se comprend? O.K. Alors, il y a pas mal de choses dans le portrait. Et c'est une proposition un peu générale que le Centre jeunesse avait sortie, de réorganisation de l'ensemble des services. Je voulais le rappeler parce que ce n'était pas un fait isolé, de dire: On ferme ces places-là.

C'est le Centre jeunesse d'abord, donc les spécialistes du domaine de ces services-là qui sont venus avec cette proposition-là. On se rappelle qu'à leur proposition il y a eu des réactions assez vives et je pense qu'ils ont réalisé qu'il fallait échanger plus d'information et, au besoin, réévaluer un certain nombre de choses. Si je me rappelle bien, le conseil d'administration du Centre jeunesse à ce moment-là a décidé qu'il ferait vraiment des consultations. Ils ont mis une semaine ou deux, autant que je me rappelle, après avoir donné un délai, pour entendre le monde. Les professionnels, les organismes, tout le monde est allé pour réévaluer la proposition qu'ils avaient faite et qui avait provoqué une réaction aussi vive. Et, sur la base de ça, ils ont réajusté leur décision et leur proposition pour les différents éléments de leur plan d'ensemble. Pour les jeunes filles qui avaient besoin d'un foyer, la députée nous rappelle – et mon souvenir, c'est que c'était à peu près ça – qu'ils ont décidé un peu de suspendre l'application de cette décision-là ou de maintenir plus de places disponibles que ce qu'ils avaient prévu dans leur première décision, et de bien s'assurer d'évaluer en cours de route comment les choses évoluaient, et de bien valider ce que des services alternatifs, des offres d'autres types de services pouvaient remplacer celui-là et qu'à mesure que ça avance, de faire les ajustements nécessaires. Je pense que c'est de ça qu'on parle, là.

Maintenant, là il faudrait vérifier – moi, je n'ai pas l'information; je ne sais pas si on l'a ici – où en est le Centre jeunesse, parce que c'est vraiment le Centre jeunesse qui gère cette opération-là. Le ministère n'avait pas eu, jusqu'à ce moment, à intervenir dans cette situation-là. Avant que le ministère intervienne, il y a d'abord la Régie régionale qui a travaillé avec le Centre jeunesse. Un système décentralisé, ça veut dire ça, comme fonctionnement.

Mme Loiselle: Vous êtes intervenu parce que vous avez appliqué un moratoire.

M. Rochon: Non, non, non.

Mme Loiselle: Oui, oui.

M. Rochon: Non, non. Le ministre... Autant que je me rappelle...

Mme Loiselle: Ou votre collègue à la Condition féminine vous a forcé la main pour le moratoire.

M. Rochon: Non, non, non. C'est le Centre jeunesse lui-même qui, quand ils ont vu la réaction... Non, mais c'est vrai. Bien, en tout cas, mon souvenir, c'est que ça s'est passé comme ça. Ces gens-là au Centre jeunesse, il faut bien s'imaginer, ce n'est pas une machine quelque part qui frappe le monde. C'est un conseil d'administration qui prend les décisions.

Mme Loiselle: ...

M. Rochon: Oui, mais c'est ça, le centre jeunesse. C'est composé de gens qui représentent la population, c'est des professionnels de la santé qui travaillent là. Et, quand ils ont vu la réaction, réaction qui a surpris ces gens-là, ils ont réévalué leur position. Nous, autant que je me rappelle, le seule intervention qu'on a faite là-dedans, ça a été de s'assurer avec la Régie et eux qu'ils prenaient bien en compte les réactions qu'il y avait et qu'ils s'assuraient que les changements qu'ils voulaient faire aillent chercher la collaboration et les consensus qui sont nécessaires pour faire des changements comme ça. Mais c'est eux qui ont piloté leur affaire, puis ils l'ont fait avec beaucoup de responsabilité. Je pense qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César, là-dedans.

(17 h 50)

Peut-être que, si la situation s'était compliquée, il aurait fallu que le ministère ou, éventuellement, le ministre intervienne. Mais on n'a pas eu besoin de faire ça, si mon souvenir est bon. Ils ont géré l'affaire directement. Ils ont décidé eux-mêmes d'appliquer leur décision différemment et d'évaluer plus, sur une plus longue période de temps, la façon dont ils pourraient fonctionner dans ce domaine-là.

Mme Denis (Lise): Pour la suite des événements, il y a quelqu'un de la région de Montréal qui est en train de vérifier exactement où en est la situation pour vous donner l'information.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ils sont allés la chercher?

Mme Loiselle: Est-ce que la personne est ici?

Mme Denis (Lise): Pardon?

Mme Loiselle: Est-ce que la personne est ici?

Mme Denis (Lise): Oui, oui, mais là elle est partie téléphoner.

Mme Loiselle: Ah bon! O.K.

M. Rochon: Oui, parce que ça se passe vraiment localement et c'est géré localement. Alors, on va aller chercher l'information puis on va vous la donner.

Mme Loiselle: Bien, je vous rappelle que le moratoire, c'est vous qui l'avez appliqué parce que la ministre de la Condition féminine, elle, venait d'annoncer des mesures alternatives, dans son plan d'action, pour toutes les Québécoises, dans la même semaine. Vous avez été obligé de reculer et, en Chambre, vous avez déclaré un moratoire sur la décision qui devait être prise par les centres jeunesse de Montréal, sur la fermeture, qui était, au départ, à zéro place et ils ont reculé à la moitié des places. Ça, c'est exactement...

M. Rochon: En tout cas, écoutez, là...

Mme Loiselle: Oui, c'est ça, mémoire sélective.

M. Rochon: Non, parce que je sais qu'on est fort sur les moratoires au Québec. Franchement, c'est peut-être ça, mais ce dont je me souviens...

Mme Loiselle: Oui.

M. Rochon: ...c'est que, oui, en réponse à des questions, j'ai sûrement donné l'information en Chambre que cette décision qui avait été prise ne serait pas appliquée comme elle avait été prise. Mais je veux juste être correct vis-à-vis des gens du Centre jeunesse, leur conseil d'administration puis les professionnels, parce que c'est eux qui ont géré la situation, c'est eux qui ont parlé au monde, c'est eux qui ont fait une consultation, et ils ont convenu, sur la base de la consultation puis des discussions qu'ils ont eues, entre autres avec le CLSC qui leur a dit: Écoutez, nous, on peut en faire plus, c'est vrai, mais parlez-nous-en avant, pas après... Le monde s'est parlé, ils ont rajusté puis ils nous ont informés. Alors, j'ai sûrement informé en Chambre, si des questions ont été posées, que les gens avaient décidé. Mais je veux être correct, je n'ai pas eu à leur imposer une décision; ils ont pris leur affaire en main puis ils l'ont fait. Alors, c'est ça. Mais je n'en suis pas sur les détails...

Mme Loiselle: Oui, oui, avec le beau sourire. Oui, oui.

M. Rochon: L'important, c'est que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On s'adresse toujours au président, Mme la députée.

Mme Loiselle: Oui, oui.

M. Rochon: L'important, c'est que le système a eu la sensibilité d'écouter le monde, de discuter avec le monde puis d'ajuster sa décision. Pour moi, c'est ça qui est important, que, quand on prend des décisions, il faut être capable d'arbitrer les choses et d'y aller, il faut être capable de s'ajuster avec la réaction des gens, puis c'est ça qui est important.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez une autre question en attendant que la personne arrive?

Mme Loiselle: Oui. En attendant que la personne arrive, j'aimerais dire au ministre que j'ai reçu des appels de parents vraiment désespérés, de la région de Montréal, des parents qui ont des adolescents et qui, suite à plusieurs rencontres avec des psychologues, les psychologues les ont référés à aller voir un psychiatre au centre Albert-Prévost. Semble-t-il que, dès que les parents ont appelé pour obtenir un rendez-vous pour leur enfant, la période d'attente peut aller jusqu'à six à huit semaines avant qu'un rendez-vous soit accordé à leur enfant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous voulez qu'on passe tout de suite à madame?

Mme Loiselle: Je vais peut-être au moins terminer Albert-Prévost pour ne pas mélanger les choses avec le ministre, là, parce que c'est plusieurs parents qui m'ont appelée, ils sont vraiment désespérés. À cause, je pense, des compressions, il y a eu des coupures... Mais, écoutez, ce n'est pas normal, les psychologues réfèrent les parents, ils disent: Allez à Albert-Prévost, votre enfant a besoin de soins psychiatriques. Les parents appellent, appellent – même qu'ils parlent à des répondeurs parce que, semble-t-il, la personne qui prend les rendez-vous n'est là maintenant que trois jours-semaine au lieu de cinq jours-semaine, il y a eu une diminution de postes – et n'arrivent pas à obtenir des rendez-vous; ça peut prendre jusqu'à huit semaines avant que leur enfant voie un psychiatre. Alors, je veux savoir ce qui se passe, moi, à Albert-Prévost, pour rassurer ces parents-là.

M. Rochon: Alors, M. le Président, c'est très pointu, je n'ai pas cette information. On va s'informer puis on reviendra vendredi.

Mme Loiselle: Est-ce que je vais avoir les informations pour vendredi?

M. Rochon: Oui. Je pense qu'on pourra sûrement voir avec la Régie et l'établissement quelle est la situation. On va sûrement apprendre quelque chose et vous le communiquer vendredi.

Sur l'autre question, Mme Denise Plante, de la régie régionale de Montréal, a obtenu quelques informations, pour le moins. Je pense que ce serait plus simple qu'elle nous les communique elle-même, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Allez-y, Mme Plante. Vous savez la question?

Mme Plante (Denise): Oui. Alors, il n'y a pas eu de moratoire à Montréal sur la fermeture de places pour les jeunes filles en difficulté. Ce qu'il y a eu, en mai 1997, dans le cadre des plans de compressions, Rosalie-Jetté voulait fermer un nombre élevé de places pour les jeunes filles en difficulté et, suite aux audiences publiques, les centres jeunesse de Montréal ont demandé de réduire considérablement le nombre de places. Ce qu'il me manque, c'est le nombre. On pense que le nombre de fermetures était autour d'une soixantaine de places, qui a été considérablement réduit. Je ne suis pas capable, maintenant, de vous donner le nombre.

M. Rochon: Ce qui a été réduit, c'est le nombre de places qu'on avait décidé de fermer.

Mme Plante (Denise): C'est ça.

Mme Loiselle: Oui, oui. Je l'ai expliqué, ça, tantôt. Vous êtes partis de 63; la proposition initiale était de tomber à zéro. Et là il y a eu un recul, on a dit: Zéro, on exagère peut-être, là, et on est arrivé à 34. Il y a eu le moratoire par-dessus ça – parce que vous vous souvenez des échanges qu'on a eus en Chambre – parce que ça n'allait pas avec ce qui avait été annoncé dans le plan d'action pour toutes les Québécoises, que le premier ministre, accompagné de la ministre Harel, avait annoncé.

Moi, ce que je veux savoir...

M. Rochon: Je ne sais pas, là. De quel moratoire parle-t-on? Mme Plante nous dit qu'ils ont fait un ajustement de leur décision, au lieu de 63, c'est 34, et on a dit: On va évaluer à mesure...

Mme Loiselle: Et vous avez dit à plusieurs reprises: Je vais maintenir le nombre de places actuel...

M. Rochon: À 63?

Mme Loiselle: Vous n'aviez jamais dit le nombre, mais, au moment où on se parlait, c'était 63. Vous avez dit: Je vais maintenir le nombre de places actuel jusqu'en 1998, jusqu'à temps que les mesures alternatives qu'on retrouve dans le plan d'action pour toutes les Québécoises, de la ministre Louise Harel, de la Condition féminine, et on verra après. Là on était rendu à 1998. Je veux savoir – parce que là vous m'inquiétez – parce qu'au moment où vous...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Tout en s'adressant au président, Mme la députée, oui.

Mme Loiselle: Oui. Le ministre m'inquiète, M. le Président, parce qu'il avait dit, au moment où on a posé la question, qu'il était pour garantir le nombre de places actuel, qui était à ce moment-là de 63. Alors, j'ai besoin de savoir: au moment où on se parle, il y a combien de places pour ces jeunes filles là? Au moment où on se parle, Mme Plante, il y a combien de places, pour le Centre jeunesse Montréal, de disponibles pour ces jeunes filles là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le président, pour Mme Plante.

Mme Plante (Denise): Oui. Si vous me donnez quelques minutes, je pourrais revenir avec cette information-là, parce qu'on est en train de la vérifier. Mais, moi, je ne peux pas vous la donner maintenant.

M. Rochon: On va l'avoir, l'information, puis on va la donner. Là, parlant de moratoire ou de n'importe quoi. Moi, ce que je me rappelle de la situation, c'est que, quand la proposition a été mise sur la table par le Centre jeunesse – et là les chiffres me reviennent à l'esprit – et qu'ils ont dit: Les 63 places, on n'aura plus besoin de ça parce qu'il va y avoir d'autres genres de services qui vont remplacer ça, il y a eu une très vive réaction. Les gens ont discuté le reste. En même temps, il y avait Boscoville qui provoquait une réaction énorme à l'époque et il y avait peut-être d'autres éléments dans leur décision.

Et Mme Plante nous le rappelle – le fil des événements me revient de plus en plus précis – nous, on a demandé au Centre jeunesse – ça, je me rappelle très bien – on a reparlé avec la régie de Montréal puis on a dit: Écoutez, il faut s'assurer que ces décisions-là, un, sont bien validées et, deux, qu'on n'applique pas ça à bride abattue, qu'on s'entend avec le monde. Prenez le temps d'expliquer, prenez le temps de convaincre les gens que ça peut marcher, votre proposition, sinon voyez quels ajustements vous devez faire. À ce moment-là, le conseil d'administration s'est réuni. Je pense qu'ils étaient eux-mêmes surpris de la réaction parce qu'ils avaient, on m'avait expliqué, préparé leur affaire et, dans certains cas, ils avaient pris des décisions semblables dans d'autres parties de Montréal et ça s'était bien passé. Ils ont décidé de faire des audiences. Ils ont mis une semaine ou deux là-dessus, si je me rappelle bien. Ils ont entendu beaucoup de monde et, après ça, avec les professionnels, le conseil d'administration a décidé qu'ils faisaient l'ajustement que Mme Plante vient de nous résumer.

Moi, ce que je me rappelle avoir dit, c'est qu'on va maintenir le nombre de places qu'il faut pour ces jeunes filles là, et ce qu'on remplacera par mesures alternatives, on va le faire à mesure que ces mesures-là seront développées. Est-ce que le nombre de places, à l'esprit, à ce moment-là était de maintenir les 63 ou maintenir le nombre de places qu'il fallait? J'ai comme le vague souvenir que le nombre de places qui étaient effectivement occupées et utilisées n'était pas les 63 places disponibles – ce serait à revérifier un peu là-dessus – mais, encore une fois, l'intention était que les services qui sont offerts vont être transformés, changés et offerts autrement à mesure que l'alternative va être disponible. Et la décision finale de dire: Ça nous met quoi à l'heure d'aujourd'hui, c'est 63 ou 34 places qui est gardé pour faire la transformation, elle a été prise localement. Là on pourrait revérifier – je n'ai comme même plus le souvenir, mais faire attention et vérifier – que toutes les places n'étaient pas utilisées et que déjà ils pouvaient transformer certaines de ces ressources-là.

Maintenant, ce qui est important – et je ne sais pas à quoi veut en venir la députée – c'est de savoir on en est où, aujourd'hui, quels services sont offerts et comment ça répond aux besoins. Alors, ça, donnez-nous la chance de...

(18 heures)

Mme Loiselle: Et je veux savoir aussi pour vendredi, M. le Président, parce que, vous, comme ministre, vous avez dit, et je vous cite: «On va refaire le point en...

M. Rochon: Oui, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...

Mme Loiselle: ...1998 – nous sommes en 1998 – et, s'il devait y avoir une diminution de places comme on prévoit que cela pourrait arriver, les services alternatifs auront d'abord été remplacés à la satisfaction de tous.»

Moi, je veux savoir, votre mise au point pour 1998, on s'en va vers quoi?

M. Rochon: O.K. C'est ça. On va regarder. C'est ce qui avait été convenu avec la Régie et avec le Centre jeunesse à ce moment-là, que ça se passerait comme ça. C'est ce que j'ai donné comme information. On va vérifier. On est en 1998.

Mme Loiselle: J'ai besoin de savoir également, s'il vous plaît, le nombre de places actuel, au moment où on se parle, pour ces jeunes filles en difficulté, jeunes filles enceintes.

M. Rochon: On va regarder le nombre de places actuel, le nombre de jeunes filles qui les utilisent, ce qui a été développé comme options alternatives s'il y en a eu de développé, et combien de personnes, de jeunes filles utilisent aussi ces places-là. On va faire l'état de la situation le plus complet possible avec le Centre jeunesse et la Régie et ça va être disponible vendredi. Je pense que c'est possible, vendredi, sans problème.

Une voix: Oui.


Services psychiatriques au centre jeunesse Cartier, à Laval

Mme Loiselle: Étant donné que le temps est écoulé, juste une petite question, parce qu'il y a des gens de la Direction de la protection de la jeunesse qui sont ici. Au centre jeunesse Cartier, à Laval, il y avait un article dans le journal qui disait qu'il n'y avait plus de psychiatres, qu'il y avait un psychiatre quelques heures par semaine. J'aimerais savoir ce qui se passe à cet égard-là.

M. Rochon: M. le Président, est-ce qu'on pourrait donner la parole à Mme Michèle Auclair, qui est la directrice générale de la Régie régionale de Laval?

Mme Loiselle: Bonjour, madame.

Mme Auclair (Michèle): Bonjour. M. le Président, effectivement, les services en psychiatrie pour la clientèle jeunesse de nos centres jeunesse à Laval sont obtenus par le biais d'Albert-Prévost. Aussi, avec les problèmes qu'on a eus avec le suicide d'un jeune à Laval, nous sommes actuellement en discussion avec l'institut Albert-Prévost pour une meilleure couverture de services en pédopsychiatrie. Mais, effectivement, nos services nous sont offerts par Albert-Prévost.

Mme Loiselle: C'est assez inquiétant, votre réponse, au niveau de la situation, parce que, moi, les informations que j'ai des parents qui ont de jeunes adolescents qui doivent recevoir des soins psychiatriques d'Albert Prévost, les parents me disent qu'ils ne sont pas capables d'obtenir de rendez-vous pour leur enfant et, vous, vous me dites que vous êtes en train de faire une entente avec Albert-Prévost pour que, j'imagine, des psychiatres se rendent au centre jeunesse Cartier, à Laval. S'il y a un manque de psychiatres, je me demande comment... Il va falloir, M. le ministre, que vous regardiez de près cette situation-là, parce que, moi, je sais qu'à Albert-Prévost il y a seulement un centre d'adolescents pour 10 places, je pense, à Albert-Prévost, pour des jeunes. S'il y a un manque de psychiatres et, vous, vous avez une demande pour obtenir des heures d'un psychiatre pour votre centre, il y a une problématique là.

J'ose espérer que, dans peu de temps, vous allez me revenir sur cette situation-là qui couvre autant le centre dont relève madame que ce qui se passe pour les jeunes filles en centre de jour qui doivent aller obtenir des soins psychiatriques à Albert-Prévost.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Rochon: Oui. Peut-être un petit commentaire là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un dernier commentaire.

M. Rochon: D'ailleurs, le président de l'Association des psychiatres, il n'y a pas longtemps, a aussi affirmé qu'il manquait de psychiatres. En autant que je me rappelle, à différentes périodes au cours des 20 dernières années, on a constaté qu'on manquait de psychiatres. Je pense que les facultés de médecine font tout ce qu'elles peuvent pour s'assurer que les programmes de formation permettent de former le nombre de psychiatres qu'il nous faut. Ce n'est pas simple, former des spécialistes en nombre qu'il faut. Parce que les programmes font de la place, mais encore faut-il qu'on attire des candidats et qu'ils complètent leur formation.

Mais, dans les façons d'assurer des services aux gens, tout le monde travaille beaucoup et ça rejoint les orientations en santé mentale dont on discutait tout à l'heure, parce que les intentions en santé mentale visent beaucoup les malades, les gens qui ont un problème psychiatrique. Ce n'est pas seulement la partie de prévention et la partie sociale de la santé mentale. Il y a de plus en plus de travail qui se fait pour voir comment les psychiatres peuvent travailler en plus étroite collaboration avec les médecins de première ligne pour que peut-être la gamme de services, la collaboration puisse être faite autrement et que des services médicaux appropriés soient disponibles, libérant peut-être les psychiatres de certains types de suivis. Ça, il y a beaucoup d'expériences qui ont été faites ailleurs aussi, à cet égard, où une meilleure collaboration entre le médecin de famille et le psychiatre peut permettre à un nombre de psychiatres qui est celui qu'on a de répondre plus adéquatement aux besoins de la population.

Donc, ce n'est pas quelque chose qui est simple. C'est assez complexe comme équilibrage. Par contre, le côté positif de ça, c'est que ce n'est pas juste le nombre de psychiatres qui est en ligne. Il y a ça. Il y a ça qu'il faut améliorer. Mais, comme on sait que, si on veut améliorer le nombre, ça prend huit ans, neuf ans, former un psychiatre, et on est dépendant aussi de candidats qui veulent s'orienter dans cette pratique-là. Donc, l'organisation de la pratique et le réseau, là aussi, de services deviennent bien importants.

Mme Loiselle: Parce que, M. le Président, quand on se met dans la peau des parents...

M. Rochon: Bien oui.

Mme Loiselle: ...qui ont un enfant malade qui a besoin de soins, puis qu'on leur dit: Ça va prendre deux mois avant d'obtenir un rendez-vous, il faut se battre pour obtenir un rendez-vous, vous comprenez, là, que c'est une problématique inquiétante et que ces parents-là se sentent vraiment laissés à eux-mêmes.

M. Rochon: On va faire le point avec l'institut Albert-Prévost qui va nous aider, là, nous dire comment ils voient, eux, la situation et comment... avec les régies impliquées, les pistes de solution qu'on a, là, sur lesquelles on travaille, à part de ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci à chacune et chacun.

(Fin de la séance à 18 h 6)


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