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(Dix heures neuf minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales se réunit pour une
troisième journée, pour procéder à une consultation
particulière sur les horaires de gardes supplémentaires
effectuées par les médecins résidents et internes ainsi
que les unités d'enseignement clinique, et pour examiner
également la planification de la main-d'oeuvre médicale et la
surveillance dans les urgences.
Les membres de la commission sont: M. Beaumier (Nicolet), Mme
Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Bissonnet (Jeanne-Mance), Blouin
(Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Desbiens (Dubuc), Gravel
(Limoilou), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava), Laplante
(Bourassa), Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Leduc
(Fabre), Middlemiss (Pontiac), Paradis (Brome-Missisquoi), Paré
(Shefford), Pratt (Marie-Victorin), Sirros (Laurier). M. Chevrette (Joliette),
ministre des Affaires sociales, est membre de la commission pour
l'exécution de ce mandat.
Je voudrais vous indiquer, Mme la secrétaire, que M. French, le.
député de Westmount, remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance) et que
Mme Dougherty (Jacques-Cartier) remplace M. Sirros (Laurier). Également,
pour l'audition du prochain mémoire, M. Godin, ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, est membre de la
commission.
M. Chevrette: Et M. Bérubé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non. Il vient comme
témoin. Ah! Il est rendu là.
M. Bérubé: Bonjour, madame.
M. Chevrette: Donnez-moi la liste.
M. Bérubé: Permettez-moi de vous saluer, vous
souhaiter un bon avant-midi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est seulement cet
après-midi que vous étiez invité.
M. Bérubé: Avant-midi ou après-midi?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Après-midi,
Avant-midi. C'est M. Godin, cet après-midi.
M. Bérubé: Pour l'instant, je me joins avec
beaucoup de plaisir à vos travaux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, il remplace M.
Lavigne (Beauharnois).
M. Bérubé: Je vous promets d'être sage, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes toujours
sage.
M. Chevrette: Je l'assois à ma droite, madame, et je m'en
occupe.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais inviter
immédiatement le Comité de l'Association des médecins
diplômés hors Québec, dont le président est le Dr
Bien-Aise. Si lui-même et ceux qui, avec lui, doivent intervenir veulent
bien se présenter à la table! Dr Bien-Aise, si vous voulez bien
présenter vos collègues, s'il vous plaît!
M. Bien-Aise (Yves): À ma droite, nous avons le Dr Cornea,
le Dr Van Nho; à ma gauche, le Dr Nasri, le Dr Toussaint, et M. Pereira.
Au centre, c'est le Dr Bien-Aise.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un instant, s'il vous
plaît. Je voudrais simplement rappeler, avant que vous commenciez que le
Comité de l'Association des médecins diplômés hors
Québec, comme je le mentionnais hier, a été en quelque
sorte, en partie du moins, l'élément déclencheur d'un des
aspects que cette commission examine: les effectifs médicaux. C'est
à la suite de plusieurs requêtes qui nous avaient
été adressées de votre part, tant à moi-même
qu'au ministre, que je pense que vous avez aussi rencontré
personnellement, que la commission a décidé d'un commun accord,
tant du côté gouvernemental que du côté
ministériel, de vous entendre pour essayer de faire le plus de
lumière possible sur la situation à laquelle vous faites face.
Nous avons également convoqué pour cet après-midi le
ministre de l'Immigration, qui tout de même a exprimé le
désir de siéger ce matin parce que, comme il est, en ce qui
touche les aspects
de l'immigration, bien au courant des problèmes qui se posent, il
voulait participer à la discussion. Je pense que cela ne pourra
qu'apporter plus de lumière à tous les membres de la commission
et faciliter les décisions qui, par la suite, pourront être prises
par le gouvernement.
Dr Bien-Aise, comme votre mémoire est assez court, je pense que
je n'ai pas besoin de vous demander de vous en tenir à 20 minutes. Je
pense que cela nous donnera plus de temps par la suite pour des questions de
part et d'autre. Si vous voulez y aller, Dr Bien-Aise.
Comité de l'Association des médecins
diplômés hors Québec
M. Bien-Aise: Merci, Mme la Présidente. M. le ministre,
MM. les députés, mesdames et messieurs, aujourd'hui,
l'Association des médecins diplômés hors Québec,
à la suite de l'invitation du ministère des Affaires sociales,
sur demande du leader du gouvernement, se propose d'exposer devant ladite
commission une situation portée maintes fois et sans succès
à l'attention des organismes concernés.
À ce tournant de l'évolution de notre dossier, nous sommes
convaincus que cette concertation saura apporter à notre problème
la solution qu'il requiert.
Notre situation. Nous sommes tous des médecins
diplômés hors Québec établis définitivement
dans la province. Depuis des années, nous avons tous notre lettre
d'admissibilité à l'internat, rotatoire, stage obligatoire qui
doit permettre subséquemment l'obtention de la licence nécessaire
à la pratique de la médecine au Québec. Cependant,
jusqu'à présent, nous nous heurtons à des refus
répétés, pour des raisons que nous tenterons d'expliquer
plus loin.
Causes de cette situation. Du côté du gouvernement, une
politique vraiment trop restrictive au cours de ces dernières
années vis-è-vis des médecins immigrants. En effet, depuis
1981, à la suite d'une directive du ministère des Affaires
sociales, il y a eu réduction de moitié du nombre des postes
d'internat réservés aux médecins diplômés de
l'extérieur. De 60, le nombre de postes est passé à 30 par
année, dont 15 reviennent aux Québécois d'origine ayant
étudié à l'étranger. Les 15 postes restants sont
répartis entre les Néo-Canadiens, immigrants et
réfugiés. De plus, le gouvernement ne se soucie guère du
mode de répartition de ces postes, pourtant en nombre restreint. Est-ce
une façon de ne pas s'immiscer dans le domaine des
universités?
Une mauvaise foi manifeste: l'an dernier, lors des pourparlers avec le
ministère des Affaires sociales, il était entendu que nous irions
pour quelques années dans les régions éloignées
qui, depuis quelque temps, souffrent d'une pénurie de médecins,
moyennant que le gouvernement assouplisse le contingentement imposé,
jusqu'à l'intégration complète des médecins en
attente. Or, seulement 20 postes supplémentaires ont été
accordés.
Cette année, on est retourné à une situation pire
qu'auparavant: le gouvernement n'a pas jusqu'à présent
attribué de postes supplémentaires, mais les 30 médecins
choisis pour 1985-1986 sont avisés qu'ils devront se rendre pour trois
ans en régions éloignées. Nous vous laissons le soin de
juger de pareille attitude.
À ce chapitre, le Dr Toussaint va vous lire l'avis qui nous a
été envoyé.
Mme Toussaint (Edwine): "Le comité de sélection
désire vous aviser que, suite aux entrevues tenues en janvier 1985, 60
candidats à l'internat rotatoire ont été
sélectionnés pour les deux prochaines années, soit
1985-1986 et 1986-1987. Il en résulte que, pour l'internat
débutant le 1er juillet 1985 et le 1er juillet 1986, tous les postes
sont comblés en conformité avec le contingentement imposé
par le gouvernement. Il n'y a donc plus de postes d'internat disponibles avant
le 1er juillet 1987 à moins que les autorités gouvernementales
décident d'accorder des postes supplémentaires. Cet avis vous a
été envoyé afin que vous soyez informés de la
situation et que voua puissiez planifier votre avenir en conséquence.
C'est avec regret que le comité de sélection des facultés
de médecine du Québec ne peut vous aider. Pour et par le
comité de sélection. Le Dr Guy Lamarche. "
M. Bien-Aise: C'étaient les causes de notre situation du
côté du gouvernement. Maintenant, du côté des
universités. Une latitude trop grande est laissée à un
comité de sélection, très peu imbu du problème des
immigrants et de leur dynamique au sein de cette société
québécoise en mutation, d'appliquer à sa guise une
politique déjà très dure en elle-même. En effet, une
discrimination de fait est pratiquée à notre endroit car, depuis
le contingentement, les minorités visibles ont été les
plus pénalisées, si bien qu'actuellement nous formons la
majorité du groupe à problème. Je pense que, Mme la
Présidente, îl suffit de jeter un coup d'oeil et puis c'est
déjà suggestif. De nombreuses données indiquent que
certaines catégories de candidats, notamment de l'Europe francophone,
ont pu accéder sans inconvénient à des postes en nombre
pourtant restreint sans avoir rempli les conditions minimales d'acceptation,
alors que d'autres candidats, avec leur dossier complet, ont été
refusés, c'est-à-dire des Haïtiens, des Égyptiens,
des Pakistanais, des Vietnamiens
et des Indiens. Pour la répartition des postes, ce comité
semble donc curieusement associer compétence et pays d'origine.
De plus, ce comité a décidé, sans préavis
aucun et de façon arbitraire de choisir pour deux années
consécutives, soit 1985-1986 et 1986-1987. Les médecins restants,
constitués, nous le rappelons, en majorité des minorités,
ont été avisés de planifier leur avenir", comme vient de
le dire le Dr Toussaint.
À un système aussi dur pour les groupes minoritaires vient
également s'ajouter un phénomène nouveau, celui des
médecins boursiers de leur pays qui, on ne sait comment, obtiennent un
statut de moniteur et peuvent poursuivre leur formation, ceci totalement en
dehors du système de contingentement.
Les conséquences maintenant de cette situation. Des tendances
dépressives s'installent de plus en plus chez plusieurs d'entre nous.
Les longues années d'attente, les refus répétés, le
mépris du comité de sélection nous poussent de plus en
plus au désespoir. L'aide sociale, à laquelle bon nombre d'entre
nous ont été forcés de recourir, ne fait qu'aggraver notre
frustration et notre sentiment d'être rejetés par une
société à laquelle nous appartenons et à laquelle
nous pouvons être d'un grand service, comme en témoignent nos
propositions d'aller en régions éloignées.
Nos propositions. Depuis plusieurs mois, de multiples démarches
ont été entreprises auprès du ministère des
Affaires sociales en vue d'obtenir une solution définitive à la
situation que nous vivons. Dans un désir évident de conciliation,
nous avons proposé au ministère des Affaires sociales
d'établir, dès cette année, une politique objective visant
à intégrer le groupe de médecins en attente, dans un
délai raisonnable de moins de trois ans. Comme nous l'avions soutenu
depuis l'année dernière, nous sommes toujours disposés
à aller en régions éloignées combler la
pénurie de médecins qui ne cesse de s'aggraver. En
témoigne l'annonce faite par le Conseil régional de la
santé et des services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue dans le
journal La Presse des samedis 30 mars et 6 avril 1985. On comprend
aisément ce cri de désespoir car cette région, à
elle seule, a un besoin urgent de 101 médecins. Je peux vous dire qu'il
y a d'autres régions qui ne sont pas listées ici. Il y a beaucoup
de demandes et, hier encore, au cours de la séance de la commission, on
a entendu des chiffres vraiment astronomiques relativement à cette
pénurie.
En dépit de tout, le gouvernement ne semble pas pressé de
bouger. L'attitude nonchalante du ministère des Affaires sociales en
réponse à nos démarches explique, d'ailleurs, notre
présence devant cette auguste assemblée. Le gouvernement ne se
rend-il pas compte qu'il fait du tort non seulement à ces populations si
durement éprouvées, mais aussi à nous, médecins
établis définitivement dans la province et impatients de mettre
notre savoir à leur service?
Mme la Présidente, je voudrais, en guise de conclusion, faire un
petit laïus pour dire aux membres de la commission parlementaire que
celle-ci est un exemple indiscutable de démocratie. Sur ce, je peux dire
que tout Québécois se doit d'être fier d'appartenir
à cette province. Parlant de la commission parlementaire, je peux dire
qu'elle est bénéfique, en ce sens qu'elle nous a servi de banque
d'informations parce que, jusqu'ici, nous n'en avions pas. À partir des
deux séances antérieures, on a appris des choses qu'on ignorait
jusqu'alors. Je peux dire que, comme il n'y a pas de bonheur sans chagrin,
cette commission a servi aussi à augmenter notre frustration parce que,
face à certaines révélations, on explique facilement cette
augmentation de notre frustration parce qu'on a vu que tout est clair: on
pourrait servir et pourtant, nous sommes là encore à attendre un
poste qui nous a été jusqu'à présent
refusé.
D'un autre côté, je voudrais que vous remarquiez le ton
pacifique de notre exposé. On aurait pu être plus explosifs, mais
nous savons pertinemment que nous sommes des petits, nous sommes
vulnérables, nous sommes faibles; c'est pourquoi on a voulu faire
nôtre la vérité, parce que nous croyons que la seule chose
indestructible est la vérité. On peut détruire l'homme,
mais la vérité, on ne la détruira jamais.
Naturellement, la vérité est indestructible, mais, quand
même, si petite soit-elle, elle peut choquer. Comme le dit le proverbe:
"Toute vérité n'est pas bonne à dire. " Souvent, l'homme a
cela en lui-même. On peut torturer, on peut faire du mal, mais il ne faut
pas réagir. On ne réagit pas, le problème demeure; on
réagit, on nous porte grief. C'est assez drôle.
De toute façon, je pense que c'est écrit même au
frontispice de l'Assemblée: "Dieu et mon droit". Je crois que ce n'est
pas pour rien qu'on l'a mis.
Mme Toussaint: On a ajouté: "Honni soit qui mal y pense!"
Nous sommes en train de défendre notre vie et notre avenir. Ce que nous
disons, c'est la vérité, il n'y a aucune attaque personnelle de
notre part. Alors, honni soit qui mal y pense!
M. Chevrette: Dommage que ceux qui ont défilé ne
soient pas tous ici!
M. Bien-Aise: Donc, pour que la commission soit vraiment
positive, nous espérons que des recommandations objectives seront faites
et seront appliquées dans le
meilleur délai. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup, Dr
Bien-Aise. M. le ministre.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais
remercier nos invités. Je les trouve peu bavards dans leur
mémoire. Durant la brève rencontre que j'ai eue avec vous, il me
semble qu'il y avait plus de jus qu'il n'y en a dans votre mémoire.
C'est pour cela que je vais consacrer quelques minutes à vous faire
répéter ce que vous m'avez confié. On n'ira pas dans les
détails de nos petites farces, mais je vais tenter de vous faire
répéter ce que vous m'avez raconté, tout d'abord sur le
type de sélection à laquelle vous avez assisté ou que vous
avez vécue. J'aimerais qu'on clarifie les entrevues, avant d'aborder le
problème du contingentement comme tel avec vous.
Vous avez vécu des expériences personnelles, vous tous
à la table; j'aimerais que quelques-uns nous racontent comment ils ont
vécu le mode d'entrevue pour recevoir, après dix minutes, une
lettre.
M. Bien-Aise: Je vais essayer de vous répondre le plus
succinctement et le plus clairement possible. D'abord, si nous sommes peu
bavards, c'est parce qu'au départ on a cru que le mémoire devrait
comporter un certain nombre de pages. Nous nous sommes dit que ce
n'était pas obligatoire de tout écrire et que le reste se
ferait...
M. Chevrette: Mais on peut retenir que ce que l'on conçoit
bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent
aisément. Effectivement, c'est très explicite, mais les
détails peuvent quand même. avoir une influence sur les membres de
la commission. C'est ce que je voudrais que vous touchiez.
M. Bien-Aise: Je comprends. Je vais vous dire ce que j'ai
vécu personnellement lors de cette entrevue proprement dite. D'abord, on
nous a écrit pour nous annoncer la date de l'entrevue. Naturellement, on
s'est présenté. On a dû attendre quelques minutes dehors.
On est venu me chercher pour passer l'entrevue proprement dite. Au seuil
même de la porte, le médecin de me dire: Faites vite parce qu'on
n'a que dix minutes. Effectivement, je me suis assis et l'entrevue n'a
duré que six à sept minutes. La teneur de l'entrevue - je le dis
puisque c'est la vérité - était d'une banalité
vraiment déconcertante parce qu'on nous a posé des questions qui,
je pense, ne devraient pas entrer dans le cadre de cette entrevue-là, en
ce sens: D'où venez-vous? Pourquoi avez-vous choisi le Québec?
Votre femme travaille-t-elle? Et j'en passe. Il y avait beaucoup d'autres
questions de ce genre-là.
(10 h 50)
Tout de suite après, cela s'est terminé. Comme
réponse, deux semaines après, on m'a écrit pour me dire
que je n'étais pas accepté, sans savoir pourquoi et le pire,
c'est que je ne suis pas accepté non pas pour une année, mais
pour deux années consécutives, parce qu'ils ont fait des choix
pour deux années consécutives. Autrement dit, c'est à la
suite d'une entrevue de six minutes, avec des questions. C'est un peu bizarre.
On a choisi pour deux années consécutives. On n'aura le droit de
se présenter de nouveau à une entrevue qu'en 1987. Je vous laisse
le soin de penser ce que vous voulez.
M. Chevrette: Où avez-vous fait vos études,
docteur?
M. Bien-Aise: À Haïti.
M. Chevrette: En quelle année avez-vous eu votre
diplôme?
M. Bien-Aise: En 1977-1978.
M. Chevrette: Quand êtes-vous arrivé au
Québec?
M. Bien-Aise: Je suis arrivé en février 1980.
M. Chevrette: Et, depuis ce temps, vous faites des demandes
annuelles.
M. Bien-Aise: Pardon?
M. Chevrette: Depuis ce temps-là, vous faites des demandes
annuelles.
M. Bien-Aise: Chaque année, régulièrement.
Je me présente toujours aux entrevues.
M. Chevrette: Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont vécu ce
type d'entrevues parmi vous?
Mme Toussaint: Oui. Je vais vous raconter mon entrevue. On me
fait chercher par un camarade qui venait d'être interviewé et
j'entre. On me fait asseoir dans une autre petite salle d'attente et là
je suis sous stress à en mourir, mais j'attends. Quelqu'un vient me dire
d'entrer. J'entre. On me dit: Assoyez-vous. Je m'assieds. Bonjour, comment cela
va? Cela va bien. Etc., etc., bla-bla-bla. D'où venez-vous? Depuis quand
êtes-vous là? Mais vous êtes ici depuis ceci? Vous avez
passé vos examens, cela, comme ça. À un certain moment, on
m'a demandé: Parlez-vous français? Alors que j'étais en
train de jaser avec la personnel Mais, bon Dieu, qu'est-ce que je parle? Je me
suis pincée, pour vous dire, est-ce que je rêve?
Je parle, je cause, je suis en train de jaser avec quelqu'un et on me
dit: Vous parlez français? J'ai dit: Oui, on est obligé de parler
français, parce qu'on vient d'un pays où la langue d'ouverture,
c'est le français. On étudie en français.
À ce moment-là, j'ai su que c'était fichu. Pour
moi, cette entrevue, c'était comme une farce. C'est comme si les gens
arrivaient de chez eux avec une série de questions à poser et,
envers et contre tous, ils posaient la question. Quelle que soit l'orientation
de l'interview, la question était à poser et il fallait qu'elle
soit posée. On ne tenait pas compte de la personne en particulier.
Ensuite, je leur ai dit: J'ai fait ceci, j'ai fait cela dans l'espoir que je
serais choisie un jour. Ils m'ont dit: Oui, c'est difficile, maintenant,
à cause du contingentement, mais quand même, on va étudier
votre dossier d'une façon objective et on espère que cela
fonctionnera. C'est fini. Voulez-vous appeler l'autre camarade?
En sortant, j'ai dit: Quand aurai-je une réponse? Dans une
quinzaine de jours. En attendant, priezl Allez prierl Vous voyez l'horreur de
cette situation. Les gens se moquent de vous. Vous comprenez qu'ils se moquent
de vous, mais vous vous sentez vulnérable et vous ne pouvez pas
répondre comme vous auriez pu le faire. Ensuite, on reçoit un
avis disant: "Le comité de sélection désire vous aviser
que suite aux entrevues tenues en janvier 1985..., " cette partie de la phrase,
je ne vois pas ce qu'elle vient faire ici, Mme la Présidente et M. le
ministre. Je conçois difficilement qu'on ait pu choisir quelqu'un
à la suite de ces entrevues qui ont été tenues en janvier
1985. Peut-être que cela a été tenu en janvier, mais ce
n'est pas ce jour-là.
M. Nasri (Nabil): Pour ma part, M. le ministre, j'ai eu une
entrevue d'une façon un peu plus détaillée, parce qu'on
m'a dit: Eh bien, vous avez passé l'examen d'équivalence, soit
l'américain ou le canadien? J'ai passé les deux et je fais ma
maîtrise à l'Université de Montréal. On m'a dit: Eh
bien, on vous laisse pour faire votre maîtrise, l'année 1985-1986
et l'année 1986-1987. J'ai dit: Alors, je n'aurais pas dû parler
de la thèse que je prépare pour qu'on me choisisse. On m'a dit:
On va vous demander, mais qu'est-ce que vous faites maintenant? Si je n'avais
pas mis la thèse, on m'aurait dit: Mais qu'est-ce que vous faites
maintenant? C'est sur ce ton que j'ai terminé mon entrevue.
Mme Toussaint: Je dois vous souligner que, pour ne pas perdre
contact avec le milieu médical et pour que les autorités
concernées ne disent pas que maintenant on a perdu la main, perdu
l'habileté à pratiquer, nous continuons à nous former.
Nous suivons des colloques, nous prenons des abonnements à des revues
pour pouvoir rester à jour, comme on dit, "up to date". Puis, il y en a
certains qui arrivent à se trouver des postes comme observateurs dans
certains hôpitaux. Quand on est observateur, légalement on n'a pas
le droit de toucher aux patients, on n'a pas le droit de poser certains gestes,
mais on est comme un externe II ou comme un interne. On suit les
tournées, on répond aux questions, on participe aux
débats, on va aux grandes réunions et aux grandes
assemblées. On y participe. On fait des présentations. On est
actif, quand on est observateur.
D'autres qui auraient voulu être observateurs pour pouvoir
être vraiment dans le milieu se sont vu refuser l'entrée comme
observateurs dans la plupart des hôpitaux. On ne sait pas pourquoi, parce
que, de toute façon, ce n'est pas quelque chose qui entraîne des
dépenses. C'est seulement pour pouvoir rester avec les autres
confrères québécois qui étudient pour ne pas perdre
la main. Même ceux qui ont fait ce stage d'observateur et qui ont
demandé des lettres d'attestation aux hôpitaux où ils ont
été ont été refusés. Allez voir pour ceux
qui ne l'ont pas fait.
M. Chevrette: Combien comptez-vous de membres dans votre
association présentement?
M. Bien-Aise: On n'a pas de chiffres exacts parce que, pour nous,
tous les dossiers sont confidentiels. Mais on a fait un dénombrement. On
a vu que nous sommes effectivement une centaine.
Mme Toussaint: Une centaine.
M. Chevrette: Oui. Est-ce que vous pouvez me faire une proportion
entre omnipraticiens et spécialistes au niveau des 100?
M. Comea (Gabriel): À peu près un tiers sont des
spécialistes.
M. Chevrette: Est-ce qu'il y a des anesthésistes dans
votre groupe?
M. Cornea: II n'y en a pas.
M. Chevrette: Est-ce qu'il y a des psychiatres?
M. Comea: Non plus.
M. Chevrette: II y en a un? Il y en a au moins un. Il vient de
lever la main. Est-ce qu'il y a des psychiatres? Des cardiologues?
M. Cornea: II y a des pneumologues.
M. Chevrette: Au cours des deux dernières journées,
vous avez écouté les différentes positions qui se sont
exprimées dans cette salle. La Corporation des médecins s'est
montrée assez réticente à l'immigration des
médecins. D'autre part, il y a d'autres groupes qui se sont
montrés assez ouverts par exemple le groupe de l'Abitibi, hier, è
la fin de l'après-midi.
Si j'ai compris votre mémoire, vous recherchez une solution sur
trois ans. Que nous suggérez-vous en termes de démarche? Comment
voyez-vous cela?
M. Bien-Aise: Tout ce que je peux vous dire, M. le ministre,
c'est que ce nous voulons effectivement, c'est notre intégration. Donc,
j'ai dit que ce que l'on veut effectivement, c'est une intégration,
parce qu'on a assez attendu comme cela. Mais, quant aux mécanismes de
cette intégration, je pense que c'est aux organismes concernés de
les appliquer*
M. Chevrette: Est-ce que vous reconnaissez... En fait, j'ai une
question plus directe: Est-ce qu'une solution sur trois ans
étalée dans le temps... On se donne l'objectif de régler
le problème pour ceux qui sont actuellement sur la liste d'attente, il
faut bien se comprendre parce qu'on ne peut pas régler le
problème... Cela fait plusieurs fois qu'on en parle, de toute
façon et non seulement avec vous... Je prends un chiffre
hypothétique parce que je ne suis pas plus certain que vous du chiffre.
À supposer qu'il y en ait 150, il est évident qu'on ne peut
régler le problème d'un seul coup, dans une seule année,
à cause des décisions antérieures, à cause de la
possibilité d'accepter un nombre X. Donc, je suppose qu'on dit trois
ans. Est-ce que la solution que votre association recherche est en fonction de
tous les médecins immigrants sur place ou à venir ou si vous
recherchez une solution précise pour, exclusivement, ceux qui sont sur
la liste présentement?
M. Bien-Aise: Je pense qu'en toute logique, cette solution doit
viser particulièrement ceux qui sont sur place, ceux qui attendent
depuis des années, ceux qui sont, je dirais, légalement inscrits
à la corporation. Autrement dit, ceux qui sont connus.
M. Chevrette: Quand vous dites particulièrement, docteur,
vous laissez déjà la porte à la possibilité d'avoir
une politique à long terme. Je vous pose une question: Vos
revendications se limitent-elles exclusivement à ceux qui sont sur la
liste d'attente actuellement?
M. Bien-Aise: Oui.
M. Chevrette: Vous comprendrez que, même si les
statistiques sont plus ou moins floues... On n'a pas de chiffres précis,
personne. Tous les groupes qui sont passés ont toujours des nuances dans
les statistiques, vous avez remarqué? C'est assez
révélateur, quand même. On peut se rejoindre dans des
proportions, mais les chiffres précis, vous avez remarqué que
cela varie toujours un peu. Si je me fie aux témoignages que j'ai
entendus jusqu'à maintenant, j'ai l'impression qu'on dégagerait
un consensus si on avait une solution pour la liste d'attente actuelle, mais on
ne peut pas présumer d'un consensus en ce qui regarde l'entrée ou
l'ajout d'autres médecins immigrants. Si on se comprend bien
là-dessus, d'accord.
Vous pouvez y aller, Mme la Présidente, Je reviendrai.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le ministre a
déjà posé certaines questions que je voulais vous poser.
La première question que j'aimerais vous poser: Quand vous estimez qu'il
y a de la discrimination à votre endroit - évidemment, comme vous
l'avez signalé, si on regarde le groupe qui est ici, c'est
peut-être un motif qu'on peut invoquer, du moins en apparence - est-ce
que vous auriez des exemples? On peut toujours dire qu'il y a de la
discrimination quand on n'est pas choisi pour quelque chose et qu'un autre nous
est préféré. Est-ce que vous pouvez nous indiquer de
quelle façon cette discrimination s'est exercée? Il me semble que
vous m'aviez dit, lorsque nous nous sommes rencontrés, que certains ont
été admis parmi les derniers qui sont arrivés. Par
exemple, des gens qui sont arrivés en 1985 auraient été
admis; d'autres auraient été admis sans avoir leur certificat
d'admissibilité à l'internat rotatoire. Pourriez-vous
préciser un peu plus pour les collègues ici?
M. Bien-Aise: Mme la Présidente, ce que je veux vous dire,
c'est que cette discrimination s'est manifestée de plusieurs
façons. D'abord, je dois vous rappeler les écrits mêmes du
président du comité de sélection, le Dr Lamarche, dans le
journal La Gazette il n'y a pas longtemps, la semaine dernière. Il a eu
à dire qu'effectivement les Européens ont été
favorisés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous lire au
texte? C'est en anglais évidemment. Je m'excuse, mais c'est que je
voudrais...
M. Pereira (Daniel): Cela vient de la Gazette du 14 mai 1985:
"Statistics supplied by Guy Lamarche, head of the committee that selects
immigrant doctors for internships, indicate that more Europeans are
selected for internships than doctors from other areas. Of 18 interns
selected over about two and a half years, 26 % were Vietnameses, 13 % Arabics,
8 % Haitians, and 35 % from Poland, Romania, Italy and France. The remaining 18
% came from other countries. Mr. Lamarche, however, said that those doctors who
have been waiting four years for an internship are not suitable for admission
because of their age, language or level of competence. "
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord. Évidemment, c'est plutôt le journaliste qui,
à l'examen des statistiques qui lui ont été fournies, a
tiré la conclusion qu'un plus grand nombre originant des pays
européens avait été admis ou, enfin, certaines
catégories plus que d'autres. Ce ne sont pas nécessairement les
propos du Dr Lamarche, sauf quand il ajoute: Parmi ceux qui ont
été refusés, il y en a qui l'ont été
à cause de leur manque de compétence, de la langue, etc.
Mrs. Toussaint: L'âge, la langue et le niveau de
compétence. (10 h 45)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Il faut quand
même tenir compte que, puisqu'ils ne peuvent pas choisir les 200 qui se
présenteraient, à un moment donné certains soient mis de
côté. C'est pour cela qu'on ne peut pas dire au point de
départ que c'est de la discrimination. Peut-être que
l'évaluation est mal faite; cela est une autre chose. Mais qu'on ait ce
type de critères quand on est obligé de se restreindre à
un nombre donné, il ne faut pas nécessairement en conclure que
c'est de la discrimination. Cela peut être objectivement fondé
aussi. Je ne dis pas que cela l'est, mais ça peut l'être. On ne
peut pas conclure. Oui, Dr Bien-Aise.
M. Bien-Aise: Là-dessus, je voudrais vous inviter à
jeter un coup d'oeil circulaire pour voir ceux qui sont
représentés ici: je pense que ce serait assez suggestif,
puisqu'il n'y a que la minorité visible qui y est. On peut faire
référence également à certaines déclarations
faites par le président de la corporation elle-même, lequel a eu
à reconnaître qu'effectivement ce sont les Européens
francophones qui généralement on été choisis. Il y
a une statistique présentée par Radio-Québec, à
l'émission Arrimage. Je pense que, pour ce faire, ils ont dû
consulter la corporation et les universités. On a vu que, sur douze
Européens à se présenter, douze ont été
choisis, tandis que, sur quinze Haïtiens, un seul a été
choisi, quatre Vietnamiens sur une possibilité de 50; aucun
Égyptien, aucun Pakistanais et j'en passe. Je pense que c'est amplement
suggestif, Mme la Présidente.
Mme Toussaint: Mme la Présidente, j'aimerais ajouter
quelque chose.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Toussaint: Quand on arrive au Québec et qu'on soumet
son dossier à la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, ce qu'on nous demande comme critères, c'est d'abord
d'être immigrant ou réfugié ou néo-canadien, enfin,
canadien, donc, c'est d'être légalement dans la province; la
deuxième chose, c'est d'avoir réussi un examen
d'équivalence, soit l'examen d'équivalence américain ou
soit l'examen d'équivalence canadien; il y en a qui ont les deux, mais
on en demande un seul. La troisième chose, quand on a réussi cet
examen, on a droit à une lettre d'admissibilité à un
internat qui nous permettra de faire un internat rotatoire et cette lettre est
délivrée par la corporation professionnelle, ce qui veut dire
qu'on est inscrit à la corporation. On attend seulement de se trouver un
poste comme interne pour pouvoir se replonger dans le milieu médical et
s'accoutumer au système québécois. Ensuite, à la
fin, on passe l'examen de la licence pour avoir le droit de pratique.
Quand on a tous ces critères, Mme la Présidente, je vois
difficilement d'où viennent les influences de l'âge, la langue et
le niveau de compétence. Dans les critères, il n'a jamais
été fait mention que vous devez être âgé de
moins de 30 ans ou de moins de 40 ans. Il n'a jamais été fait
mention de la langue que vous devez parler. En général, on parle
français, anglais au moins; on peut parler l'un beaucoup mieux que
l'autre. Il y a en qui sont allophones: comme langue d'ouverture, ils ont ou
bien le français, ou bien l'anglais. Quand on va aux entrevues, on parle
français ou anglais, le plus souvent français. Donc, je pense
que, jusqu'à maintenant, cela réfute l'influence de la
langue.
Le niveau de compétence. Tous les médecins immigrants qui
ont été choisis par leur action et par leur pratique active dans
la communauté ont prouvé qu'ils sont compétents. Nous, on
ne nous donne même pas la chance d'entrer et on dit que nous sommes
incompétents. On choisit toujours les Européens, alors qu'ils
n'ont pas encore pratiqué ici. Comment se fait-il qu'on sache qu'ils
sont compétents? Comment se fait-il qu'on sache qu'on est
incompétents, alors que nous avons rempli exactement les mêmes
critères? Et de plus, il y a des Québécois qui laissent le
Québec et qui vont faire leurs études en dehors du Québec.
Il y en a qui ont étudié en Haïti, il y en a qui ont
étudié aux Indes, au Pakistan, au Vietnam, n'importe où et
aussi en Europe. Quand ils reviennent, ils sont intégrés, ils
sont acceptés comme internes; ils ont eu
exactement la même formation médicale que nous et on n'a
rien à leur reprocher quand ils rentrent. Donc, si nous avons eu la
même formation qu'eux et que, sans avoir fait un geste malhabile, on nous
accuse d'être incompétents, moi, je crie à la
discrimination. Peut-être qu'il y a un autre mot qui existe, mais je ne
l'ai pas encore trouvé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr
Bien-Aise, quand nous nous sommes rencontrés, vous m'avez dit
qu'il y avait des cas ou, enfin, des individus qui n'avaient pas leur
certificat d'admissibilité ou leur lettre d'admissibilité et qui,
pourtant, ont été choisis pour l'internat rotatoire, enfin,
même avant de parler de compétence et des trois premiers
critères dont j'ai parlé. Est-ce que vous avez - sans les nommer
ici - des noms précis que vous pourriez nous remettre? Je pense qu'on
aurait quelque chose de plus tangible, parce que moi, je ne semble pas
être capable de l'obtenir. Je ne sais pas si le ministère a
accès à ces choses-là, mais nous, on ne l'a pas. Vous,
vous avez l'impression que c'est cela.
Je voudrais attirer l'attention du ministre des Affaires sociales sur le
fait que, dans la revue Les actualités au Québec, du Journal de
l'Association médicale canadienne d'avril 1924...
M. Chevrette: Je n'étais pas là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... je m'excuse, d'avril
1984 - vous n'y étiez pas; même pas moi - on cite le Dr Rochon,
doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, qui
avoue que des candidats, pour la plupart d'origine québécoise,
ont été inscrits au programme d'accueil sans avoir
préalablement passé leur examen d'évaluation; ces
étudiants n'avaient pas encore terminé leur cours de
médecine en France au moment où il fallait se présenter
à l'examen d'évaluation. Il s'agit d'étudiants nés
au Québec. Il faut quand même tenir compte de cela. Mais il semble
que les trois critères...
Une voix: C'est de la discrimination positive.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela. Il est
évident qu'il y a une discrimination positive à leur endroit.
Mais, même eux sont restreints parce qu'il n'y en a que 15 de ceux qui
finissent à l'étranger, de ces Québécois nés
au Québec, qui peuvent être admis - sur les 30 - à
l'internat rotatoire. Certains d'entre eux, J'imagine, doivent être
refusés. Est-ce que vous voulez faire des commentaires là-dessus,
Dr Bien-Aise?
M. Bien-Aise: Là-dessus, je voudrais dire qu'il faudrait
bien comprendre la complexité de la situation. Il y a eu une
réduction de 50 %. Donc, le nombre de postes est passé de 60
à 30. Il y a 15 postes pour les Québécois d'origine qui
ont étudié à l'extérieur et 15 pour les immigrants.
Mais il y a une chose qui n'a pas attiré l'attention de beaucoup
d'intervenants. Parmi les immigrants, il y a une distinction à faire. Il
y a les immigrants qui sont favorisés et ceux qui sont
défavorisés. Donc, ce sont ceux qui sont favorisés qui ont
tiré le gros morceau de ces 15 postes. Nous, les minorités
visibles, nous sommes constamment à quémander une miette qu'on ne
trouve même pas. C'est là, le problème. Donc, de l'autre
côté, il y a ce genre de favoritisme.
Un autre problème, c'est qu'il est de notoriété
publique qu'il y a eu un scandale: des candidats qui n'avaient pas rempli les
conditions nécessaires ont pu trouver des postes. Cette année
encore, on a une très grande impression que ces cas se sont
renouvelés. Comprenez-moi...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'an dernier...
M. Bien-Aise: Pardon"?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous dites que cette
année vous avez l'impression que la même chose s'est
passée...
M. Bien-Aise: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... alors qu'il semble
que vous n'ayez pas les cas en main.
M. Bien-Aise: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, pour ceux de l'an
dernier, est-ce que vous pouvez - sans les nommer, encore une fois -nous
déposer les faits que vous auriez entre les mains?
M. Bien-Aise: Bon. On peut s'arranger pour avoir des noms de
l'année dernière. Mais, cette année encore, on, a certains
noms, comme je vous l'ai dit.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Si vous voulez nous
les remettre.
M. Bien-Aise: Non, je ne donnerai pas de noms. Mais on
soupçonne qu'il y a des candidats qui n'ont pas réussi l'examen
et d'autres qui, actuellement, étudient à l'extérieur du
Québec. On a fait une petite enquête. On n'a pas de banque
d'informations. On est obligé de contacter les hôpitaux pour
obtenir les noms des internes qui ont été acceptés, etc.
On fait
un travail vraiment extraordinaire pour pouvoir obtenir ces
informations.
Mme Toussaint: Mme la Présidente, au sujet des 15
Québécois dont vous avez parlé tout à l'heure qui
ont étudié à l'extérieur et qui reviennent ici,
donc qui sont immédiatement... Jusqu'à présent, il n'y en
a pas 15 par année. Il y en a moins que 15 et le reste est
comblé, pas par nous qui sommes là, mais par ceux qui sont
toujours favorisés. Jusqu'à présent, il n'y en a pas
15...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils sont comblés
par qui?
Mme Toussaint: Ils sont comblés par ceux qui ont
été acceptés, non pas par nous. On réserve 15
postes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors qu'eux en ont
20.
Mme Toussaint: Oui. On réserve 15 postes aux
Québécois.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais ils ne sont pas
nécessairement...
Mme Toussaint: Mais ils ne sont pas 15. S'ils ne sont que 8, les
7 autres places sont comblées par d'autres personnes, non pas par des
Québécois.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela, parfait.
M. Chevrette: Mme la Présidente, pour le
bénéfice des membres de la commission, je pense que je pourrai
déposer la liste des candidats acceptés et des candidats
refusés, je l'ai ici. Comme il y a de l'écriture dessus, on vous
enverra une copie au propre de cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question. Moi, je suis sensible à votre problème et cela, vous le
savez; je pense que vous n'avez pas à avoir de doute dans votre esprit.
Il reste qu'il faut aussi regarder la réalité des choses. En tout
cas, d'après ce qu'on a su hier, même si, comme le ministre le
soulignait, tout le monde ne s'entend pas trop sur les statistiques et les
chiffres, il y a, pris dans sa totalité, un surplus de médecins
au Québec - tout cela est aussi fonction des critères
établis - sauf dans les régions éloignées. Mais
là, je le prends dans sa totalité.
C'est vrai qu'on peut juger sévèrement les
universités - le ministre de l'Éducation qui aura à
répondre à cela ce matin - sur la question du contingentement.
Les contingentements ont été diminués parce qu'on se
retrouverait, dans dix ans, dit-on, avec une main-d'oeuvre vraiment très
coûteuse; on a déjà discuté ensemble du coût
que génère un médecin. Êtes-vous conscient de ce
problème?
M. Bien-Aise: On est bien conscient de ce problème, mais
je dois porter à votre attention, Mme la Présidente, ce fait:
nous sommes les victimes, les prototypes mêmes des gens qui ont
été contingentés pour avoir attendu quatre, cinq, six et
sept ans même un poste d'internat à cause de ce contingentement.
Donc, on l'a vécu suffisamment, il est maintenant temps qu'on trouve un
poste. Avant 1981, le médecin immigrant n'attendait pas tout ce temps,
peut-être un maximum de deux ans. Mais à partir du
contingentement, on a attendu quatre, cinq ou six ans. Contingentement ne veut
pas dire impossibilité. On a attendu parce qu'il y a eu contingentement,
mais il est temps qu'on répare.
M. Nasri: Si je peux ajouter quelque chose. Si on nous avait dit,
à l'ambassade du Canada, par exemple: Vous êtes médecin,
vous irez au Canada, mais vous ne pourrez pas pratiquer, on y aurait
pensé mille et une fois avant de quitter notre pays. Mais tant que nous
sommes là... Enfin, vous devez imaginer ce qu'est l'immigration. On ne
peut pas immigrer deux fois dans notre vie. L'immigration, c'est un genre de
mort.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais être
bien sûre sur ce point particulier, parce qu'il est quand même
fondamental et c'est pour cela qu'on a convoqué le ministre de
l'Immigration cet après-midi. Est-ce que vraiment on vous a dit: Vous
immigrez comme médecin, il y aura de l'emploi pour vous au Canada ou si,
au contraire, on vous a dit: On ne vous garantit pas un emploi comme
médecin au Canada? Qu'est-ce qu'on vous a dit très
précisément?
M. Nasri: Je vais être honnête avec vous, Mme la
Présidente. On nous a dit... Comme je viens de le mentionner j'ai
demandé à l'ambassadeur là-bas: Est-ce impossible de
pratiquer la médecine là-bas? Il m'a dit: Rien n'est impossible,
mais il y a des "réformations" que vous devez faire, c'est-à-dire
que vous devez refaire votre internat, vous devez passer par des examens
d'équivalence. Alors, je n'ai pas vu d'inconvénients et je n'ai
pas vu d'obstacles. J'ai mis les pieds ici, avec tout l'espoir d'un jeune homme
avec sa famille, afin de bâtir un excellent avenir ici, mais je me
retrouve avec je ne sais pas quoi, des confrontations inattendues et je passe
d'un refus à l'autre que je ne peux pas expliquer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-
ce que vous avez eu des pourparlers avec des représentants du
Québec? Au moment de votre arrivée ici, avez-vous eu des contacts
avec le ministère de l'Immigration du Québec?
M. Bien-Aise: En arrivant ici? (11 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, avant ou su moment
de votre arrivée.
M. Nasri: Non, en arrivant ici, je n'ai rencontré personne
à l'échelle politique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Le ministre de
l'Immigration veut vous poser une question. Je vous remercie, je reviendrai
peut-être plus tard. Merci.
M. Godin: Merci, Mme la Présidente. Une question du pur
domaine de l'immigration à M. Bien-Aise. À votre arrivée
ici, étiez-vous ici en tant que réfugié, en tant que
conjoint réuni avec sa famille ou en tant qu'immigrant
indépendant?
M. Bien-Aise: Je suis arrivé ici comme immigrant
indépendant, comme vous dites.
M. Godin: C'est parce qu'il y a trois statuts qu'on peut avoir
à l'arrivée au Québec. Le statut de réfugié,
c'est quand quelqu'un quitte son pays parce qu'il voudrait échapper
à des tourments économiques ou autres. Il peut venir ici comme
conjoint dont l'épouse, la conjointe est déjà au pays, ou
comme immigrant indépendant. Dans votre cas, j'aimerais savoir quel
était votre statut en quittant Haïti.
M. Bien-Aise: La seconde catégorie. Ma femme vivait ici
d'abord et j'étudiais à Haïti.
M. Godin: D'accord, merci.
M. Bien-Aise: II était prévu qu'après mes
études je viendrais ici.
M. Godin: Cela répond à ma question. Merci, M.
Bien-Aise.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Westmount.
M. Frenchs C'est justement là-dessus que je voudrais intervenir
moi-même. J'ai posé une question. Le ministre de l'Immigration et
moi avons discuté de ce sujet-là lors de l'étude des
crédits il y a un an et demi. Le ministre s'est engagé, à
l'époque, è regarder le processus de sélection et à
me dire ce qu'il en était. Malheureusement, il est tombé malade
après. Je ne lui en voudrais pas s'il me disait qu'il n'a pas pu
poursuivre l'examen de la question; je pense que c'est le cas. Je vous avoue
qu'à l'époque on s'est fait dire par le ministre et par ses
fonctionnaires, je crois, que le principe était d'informer les
immigrants potentiels qui étaient médecins ou presque
médecins dans leur pays d'origine que les possibilités de
pratique ici étaient très minimes, sinon nulles.
Il serait extrêmement intéressant de savoir de tous et
chacun des membres de l'association, de tous et chacun des postulants, quel
genre d'informations ils avaient dans leur pays d'origine. Cela serait
très important si nous voulons passer à l'action et implanter une
solution au problème de ceux qui sont déjà sur place, dont
la situation est très pénible. Je pense qu'il y a un consensus
là-dessus et que nous voudrions régler leur problème, mais
avec la meilleure volonté du monde, le décideur public ne peut
pas entreprendre de régler votre problème, madame et messieurs,
si vous faites partie d'un mouvement migratoire qui continuera. La raison est
très simple. Le fils de mon collègue veut être
médecin et il risque d'être refusé à cause des
politiques de contingentement. Nous ne pouvons pas nous mettre dans une
situation où il y a une façon - je ne vous accuse pas d'essayer
ceci - indirecte de venir au Québec à l'âge de 24 ans,
alors que l'étudiant de 18 ans se voit refusé aux écoles
de médecine, même si vous êtes qualifié pour
pratiquer la médecine. Donc, notre problème, effectivement, c'est
de fermer le robinet dans les pays d'origine des médecins immigrants
potentiels d'une façon ou d'une autre.
Je ne sais pas si vous avez des réactions là-dessus, mais,
pour nous, comme décideurs, c'est extrêmement important parce
qu'avant d'entreprendre un projet de récupération à courte
échéance on veut savoir que ce projet-là n'aura pas de vie
éternelle.
Mme Toussaint: Puis-je répondre immédiatement?
M. French: Oui, madame.
Mme Toussaint: Quand nous sommes entrés ici, nous
n'étions pas si nombreux que cela. Quelques années plus tard, on
retrouvait toujours les mêmes visages qui défilaient comme
à une surprise-partie à la corporation pour aller subir une
soi-disant entrevue. Si vous allez regarder dans les papiers le jour de
l'immigration, nous sommes là en pratique depuis cinq ou six ans et le
flot de médecins - je ne dis pas le flot d'immigrants "at large" -
immigrants s'est réduit.
M. French: Le flot d'immigration "at large" s'est aminci
également.
Mme Toussaint: Bon! Et tous ceux qui se plaignent d'avoir
été discriminés, d'avoir été
lésés, sont là depuis cinq ou six ans. Ce que nous vivons
n'est pas facile à vivre. Se voir à l'âge actif de la vie
réduit à être inutile, à ne rien faire et à
vivre une vie d'incertitude face à l'avenir, ce n'est pas facile.
À tous ceux que nous connaissons comme camarades ou amis et
même comme ennemis, nous disons de rester là où ils sont,
de crever là-bas et de ne pas venir. Cela fait qu'au point de vue de
l'immigration nous ne continuons pas d'arriver. Quand on dit qu'il y en a
chaque année 100 ou 150, c'est comme si vous preniez un oignon; il y a
toujours un centre et la pelure, et c'est la pelure qui s'enlève chaque
année. Nous constituons le noyau de ceux qui sont refusés. Chaque
année, il y en a d'autres qui arrivent et ceux-ci sont choisis
immédiatement à leur arrivée. Cela fait que nous sommes
là depuis cinq ou six ans et nous n'avons pas continué à
venir grossir le nombre de ceux qui sont en attente. Au point de vue de
l'immigration, nous ne faisons pas de problème.
M. Nasri: Je veux ajouter quelque chose, M. le
député. Si on m'avait dit que je ne pourrais pas pratiquer la
médecine au Québec, c'est trois ans de ma vie qui se sont
écoulés et que j'ai perdus, j'aurais dû rester dans mon
pays et j'y aurais fait une meilleure vie qu'ici.
M. Van Nho (N'Guyen): M. le député, je m'excuse.
Dans notre cas, il ne reste plus que 25 médecins réfugiés
vietnamiens et il n'y a plus de médecin réfugié vietnamien
qui vient ici. Voulez-vous examiner notre cas?
M. French: Je vous avoue qu'on va peut-être à
l'avenir revoir le problème dans le cas des réfugiés, de
ceux qui ont le statut de réfugiés, leur situation impossible,
cela s'explique et cela s'explique politiquement. Ce qui s'explique moins
facilement, si cela continue, ce serait, encore une fois, les immigrants,
surtout les immigrants indépendants qui étaient médecins
et qui n'ont pas été informés convenablement. Je n'accuse
pas le ministère. Je pense que le ministre le sait.
M. Godin: C'est un problème qui n'existe pas ce que vous
posez comme réalité. Le Québec et le Canada, d'ailleurs,
refusent les médecins qui viendraient ici comme immigrants
indépendants depuis des années, dans la mesure où vous
savez qu'il y a des milliers de gens de métiers que le Canada et le
Québec refusent parce qu'il y a trop de chômage dans ces
métiers-là au Québec ou au Canada. Donc, on les refuse
systématiquement s'ils viennent comme immigrants indépendants.
Ils viennent, par ailleurs, soit comme réfugiés - on ne le leur
reproche pas, au contraire, le Québec a une politique d'accueil aux
réfugiés - ou pour fins de réunification de familles et
c'est la loi fédérale qui fait obligation au Canada d'accepter
des gens qui ont des conjoints ou de la famille au pays. Il n'est pas question
non plus, je ne le pense pas, de changer cette politique car elle serait
discriminatoire et elle irait à rencontre des politiques humanitaires du
pays, aussi bien du Québec que du Canada d'ailleurs. Donc, des
médecins indépendants, il n'y en a aucun. Dans la liste de M.
Bien-Aise, il n'y a aucune - je présume - des personnes qui est venue au
Canada comme médecin indépendant, comme immigrant
indépendant. Elles sont venues avec un autre statut, soit un conjoint
déjà au pays ou la famille au pays, soit comme
réfugiés, et tant mieux et pourquoi pas, s'ils sont maintenant
à l'abri des sévices qu'ils auraient subis chez eux. Mais il faut
trouver une solution pour ce contingent qui est déjà au
Québec et on doit trouver une solution, à mon avis, claire,
connue et précise à ce problème qui se pose pour eux, pour
que ce soit juste et équitable pour tout le monde. C'est l'objectif que
nous visons tous ici avec votre aide.
M. French: Mme la Présidente, le ministre est en train de
nous dire qu'il est d'accord avec l'association pour dire que le flux de
médecins immigrants a au moins diminué substantiellement et que
nous pouvons continuer à garder ce niveau suffisamment bas et que nous
pouvons contrôler la situation. À ce moment-là, nous
pouvons, avec conviction et réalisme, dire à la population que
nous réglons le cas de nos concitoyens ou de nos concitoyens en devenir
qui sont ici dans une situation pénible. Nous pouvons dire avec raison
que cela ne continuera pas indéfiniment et que nous essayons de mettre
en place un programme choc, rapide, sur deux ou trois ans, pour donner à
tous les membres de l'association la possibilité de savoir s'ils peuvent
se conformer aux standards ultimes nécessaires pour pratiquer la
médecine au Québec.
M. Godin: Mme la Présidente, je dirais un programme juste
et équitable, plutôt que rapide. Connaissant l'ensemble des
données du problème aussi bien que vous, je pense qu'il faudrait
une solution juste et équitable au problème, et pas
nécessairement une solution rapide.
M. French: Sauf que je viens de me faire dire que la
rapidité fait partie de la justice et de l'équité.
M. Godin: Oui, "justice delayed is justice denied". Je suis
d'accord avec vous
là-dessus.
M. French: C'est la situation.
M. Godin: Sauf qu'avant que nous ayons trouvé une solution
équitable et juste pour ces candidats à la pratique de la
médecine au Québec, je pense que ce serait mentir à nos
invités que de leur dire que la solution sera rapide. On peut tenter de
l'accélérer, remarquez bien, mais il serait plus juste et plus
honnête de dire que cette solution sera juste et équitable. C'est
du moins l'objectif que nous visons ici avec la collaboration de tous les
partenaires, universités, hôpitaux et le milieu médical en
général. Ce serait plus honnête et plus juste de vous dire
que la solution, en ce qui nous concerne, doit être juste et
équitable pour tout le monde. Nous réfléchirons ensemble
sur une solution à cette question, mais une solution rapide, c'est plus
difficile à promettre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre.
Après, le Dr Bien-Aise.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je voudrais
peut-être ramasser un peu tout ce qui a été dit. Il y a un
des problèmes majeurs, en tout cas, c'est qu'au niveau des ambassades,
on ne vous dise pas carrément l'état de la situation. Je
reconnais que c'est peut-être là une des clés qui
créent autant de frustrations de votre côté. Quand on
laisse percevoir de l'espoir et que, rendu sur place, il n'y en a plus ou qu'il
y en a peu, à mon avis, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a
une lacune à ce niveau.
Cela dit, je pense qu'on n'aura pas d'autre choix, non plus, pour les
immigrants à venir que d'être beaucoup plus clair au niveau
canadien et au niveau québécois, et de dire carrément
à ceux qui viendront: Je m'excuse, mais le robinet est fermé. Au
moment où on se parle, en tout cas, selon nos statistiques, même
si elles peuvent être contestées, c'est quand même 1200
médecins de trop selon l'évaluation qu'on fait, si on regarde le
ratio population - médecin, indépendamment des erreurs qu'on peut
avoir faites et des nuances qu'ont pu y apporter quelques groupes qui
témoignent.
On a eu quelques hypothèses de suggestions comme regarder les
anciennetés de liste, cela peut être une hypothèse à
retenir de ceux qui ont témoigné devant nous; regarder
l'échéancier, établir un échéancier pour
voir comment on peut régler concrètement le problème de
ceux qui sont présentement sur la liste; regarder également s'il
n'y a pas lieu d'en profiter pour pouvoir atténuer les problèmes
vécus au Québec présentement dans le domaine de la
médecine.
Vous avez reconnu vous-mêmes, tantôt, que vous aviez
accepté des conditions en régions périphériques,
par exemple. Il y a des hypothèses que je suis prêt à
regarder avec mes collègues afin de soumettre des hypothèses de
solution au gouvernement dans les meilleurs délais. Je suis prêt
à regarder cela attentivement. Je n'accepte pas beaucoup, surtout dans
le domaine de l'immigration, qu'un individu puisse avoir été
berné, même au départ, sauf pour ceux qui seraient
entrés par la bande. Ce que nous appelons "par la bande", ce sont ceux
qui seraient entrés, mais pas dans des conditions correctes. Là,
je vous avoue qu'il faudrait être quand même très prudent.
Je suis d'accord avec le député de Westmount sur cet aspect.
Autrement, les pelures vont s'ajouter indéfiniment et le coeur risque de
mourir sur la chaise.
Personnellement, en regardant cela avec les problèmes dont on est
responsable collectivement, en regardant les hypothèses à partir
du fait qu'on peut peut-être en profiter pour atténuer les
problèmes qu'on vit au Québec, il y a sans doute moyen de
présenter, d'ici quelques mois, des hypothèses de solutions
concrètes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, vous
vouliez ajouter quelque chose? Ensuite, ce sera le Dr Bien-Aise.
M. Godin: Oui. Je pense que la solution la plus simple sur papier
est celle qu'évoque mon collègue, dans une formule qui l'a rendu
célèbre: fermer le robinet. Sauf que c'est mal connaître la
réalité de l'immigration que de dire qu'on ferme le robinet parce
que le Québec ne veut pas renoncer, ni le Canada d'ailleurs, à sa
politique d'accueil des réfugiés. On a eu déjà la
vague des "boat people" du Vietnam. Il n'est pas interdit de penser qu'à
l'avenir il y aura d'autres groupes que le Canada voudra privilégier et
accueillir ici comme pays de refuge pour refaire leur vie.
On a même eu des cas dont je ne citerai pas les noms,
évidemment, celui entre autres d'un Français qui quitte son pays
en tant qu'immigrant investisseur pour ouvrir un restaurant ici et qui est
médecin de son métier. Il ouvre son restaurant, ne réussit
pas aussi bien qu'il le croyait et se remet à penser à la
médecine. Il fait partie de ce que Mme Toussaint appelait la tranche de
l'oignon qui s'ajoute. Croire que la solution de fermer le robinet est
applicable, c'est impossible et ce serait, d'ailleurs, contre les politiques
d'immigration du Québec et du Canada parce que ce serait de la
discrimination que nous imposerions. (11 h 15)
Deuxièmement, au-delà des groupes de
réfugiés que le Québec va toujours continuer à
accueillir dans l'avenir, il y a toujours les conjoints. Ce serait, à
mon avis, inhumain d'interdire à une famille de se réunir si
elle
le désire. Il est toujours possible, M. le ministre, Mme la
Présidente, que, dans les groupes que nous accueillons comme
réfugiés ou comme réunification de famille, il y ait des
médecins, et pourquoi pas? Mais il faut qu'il y ait pour ces
médecins présents et futurs une méthode non seulement qui
soit juste et équitable, mais qui ait toutes les apparences de la
justice et de l'équité afin d'éviter toute apparence de
discrimination.
Croire que la solution fermer le robinet est applicable, est la
meilleure et la seule, je pense que cela est faux. Ce n'est pas vrai. Ce n'est
pas celle-là qu'on doit viser. On doit plutôt viser une solution
pour après, pour ceux qui sont déjà arrivés ici et
qui veulent pratiquer leur métier de médecin, la profession
médicale. C'est plutôt là-dessus que nous devons chercher
une solution. Je vous le dis en tant que ministre de l'Immigration qui suis
là-dedans depuis bientôt six ans.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr
Bien-Aise.
M. Bien-Aise: Je voudrais apporter une précision à
M. le député qui pensait que d'autres médecins immigrants
pourraient vouloir pratiquer ici.
M. French: En autant de mots le ministre vient de nous dire que
c'est cela: qu'il y aura toujours des médecins qui entrent et qui
veulent pratiquer ici.
M. Bien-Aise: Ce que je veux dire, c'est que...
M. Godin: À moins que le Canada ne change sa loi de
l'immigration complètement - je ne pense pas que ce soit
prévisible maintenant - et que le Québec n'applique une loi de
l'immigration entièrement différente de celle du Canada. Or, ce
n'est pas notre intention et ce n'est l'intention non plus d'aucun membre du
Parlement de Québec.
M. Bien-Aise: Je réponds à ce que le ministre de
l'Immigration a dit. Mais ce que je voulais souligner, c'est de façon
globale. C'est que, à l'exception de ces cas majeurs dont vous parlez,
les médecins qui continuent à arriver au Québec font
partie, justement, de ceux qui sont favorisés: C'est toujours en
provenance de l'Europe francophone, à l'exception de ces cas majeurs. Si
on faisait des études, je dirais, rétrospectives, on verrait que
chez les minorités visibles, le nombre n'a pas augmenté
généralement. Concomitamment, les Français continuent
à venir parce qu'ils savent qu'une fois ici ils vont se trouver un
poste. C'est ce que je voulais porter à l'attention de M. le
député.
Ensuite à l'endroit du ministre Godin, je voulais dire que la
solution serait équitable. Mais vous ne pensez pas qu'il serait bon
qu'on ait une idée du temps que cela peut prendre, parce qu'on peut
obtenir une solution équitable dans cinq, six ans.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous
répondre?
M. Godin: Je pense qu'on doit viser un objectif beaucoup plus
rapproché que cinq, six ans. Déjà, vous avez subi pendant
cinq, six ans les affres décrites dans votre mémoire et dans vos
propos par la suite. Nous ne voulons pas vous imposer ces mêmes examens
bidon à l'avenir. Nous devons donc songer, mes collègues de
l'Enseignement supérieur, des Affaires sociales et moi-même,
également les facultés de médecine, à des solutions
aussi rapides que possible.
Je vous dis, en toute honnêteté, de songer plutôt
à l'équité qu'à la rapidité pour l'instant,
parce que je pense que, dès qu'une solution équitable sera sur la
table, au moins vous saurez à quoi vous en tenir et vous pourrez
planifier un peu mieux ce qui se prépare pour vous dans l'avenir.
Connaissant les partenaires sociaux avec leur comportement passé, je
pense qu'il serait illusoire de croire que, dans quelques semaines, dans
quelques mois, ils vont régler le problème que vous posez, que
vous leur posez et que vous posez au Québec en fait, à juste
titre, d'ailleurs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le Dr
Bien-Aise sait fort bien que ce n'est pas dans six semaines que le
problème des membres de son association va être solutionné.
C'est un échéancier quand même un peu raisonnable: il parle
de l'échelonner sur trois ans. Est-ce qu'il faudrait l'échelonner
sur quatre?
M. Godin: On peut s'engager à un échéancier
humainement acceptable et raisonnable, et surtout qui vous sorte des affres
auxquelles vous êtes soumis présentement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais porter
à l'attention du ministre de l'Immigration que je suis d'accord avec lui
quand il parle des réfugiés. Je pense que c'est une
catégorie à part et cela correspond à une philosophie des
ministères respectifs de l'Immigration du Canada et du Québec. On
ne résoudra jamais le problème si on a trop
d'échappatoires. En tout cas, cela devra être réglé
entre les ministres concernés. Il y a deux ans - vous citez un article
de 1984 - il y avait 150 noms sur la liste d'attente; l'an dernier, on en a
ajouté 30, donc 30 noms supplémentaires. On se retrouve encore
avec au-delà de 150 maintenant. C'est qu'il y a des gens qui se sont
ajoutés. Quand j'en
avais discuté avec le Dr Bien-Aise, c'était pour essayer
de trouver une solution pour les gens qui sont ici et pour le reste sans fermer
le robinet, parce qu'il y a cette catégorie en particulier dont vous
parlez.
M. Godin: II y a deux catégories, en fait, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous parlez des
investisseurs aussi.
M. Godin: Non, la famille et les réfugiés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Pour la famille, on
pourra en reparler cet après-midi de cela aussi.
M. Godin: D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis pour la famille,
mais vous devez le savoir autant que moi, quelquefois cela sert de subterfuge
pour obtenir...
M. Godin:... un accès au pays.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela.
M. Godin: Oui, inévitablement. Je ne pense pas qu'on
puisse interdire à l'époux ou l'épouse d'un citoyen
canadien qui rejoint son conjoint ici de pratiquer la médecine s'il a
les qualifications requises. Vous parlez de 30 cette année qui
s'ajoutent. Si on ne change pas de philosophie humanitaire par rapport aux
personnes réfugiées ou aux membres de la famille - je ne pense
pas qu'on la change du moins à vue de nez et même plus loin -on
peut prévoir que 30 médecins s'ajouteront par année au
contingent de demandeurs d'internat rotatoire au Québec pour les
années futures. On peut difficilement baisser en bas de 30. On peut
s'engager, nous, à ne pas accepter de médecins comme immigrants
indépendants au Québec pour les 20 années futures, mais il
y aura constamment les deux autres groupes dont je parle, et cela
équivaut à 30 médecins par année. Il faudrait qu'on
trouve pour ces 30 médecins par année la solution que
j'évoquais tout à l'heure: claire, équitable et juste,
afin que le gens sachent à quoi s'en tenir et puissent planifier sur un
nombre X de mois ou d'années leur avenir en tant que médecins
pratiquant au Québec plus tard.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dites-vous que, selon les
statistiques que vous avez, il y en aurait 30 qui arriveraient par année
avec un statut...
M. Godin:... avec un chapeau différent...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... avec un chapeau de
famille?
M. Godin:... de celui de médecin.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Il y en aurait 30
qui viendraient rejoindre leur famille.
M. Godin: Non, c'est-à-dire 30 qui viennent soit comme
réfugiés...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... ou soit rejoindre leur
famille.
M. Godin: Oui. Par exemple, un Iranien qui quitte son pays et que
nous acceptons pour des raisons évidentes est peut-être aussi un
médecin en plus d'être un réfugié iranien.
Après avoir fait ses trois ans de séjour au Canada, il obtient sa
citoyenneté, et aucune loi au monde ne peut l'empêcher de
revendiquer un statut de médecin au pays puisqu'il est citoyen comme
tout le monde. Ces deux groupes équivalent à 30 par année.
Donc, on est mieux de penser...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... qu'il y en aura
toujours 30 par année.
M. Godin:... à une solution, bien sûr, pour
régler les cas dont parle le Dr Bien-Aise, mais aussi à une
solution pour les 30 par année qui vont s'ajouter inévitablement
au coeur de l'oignon dont parlait le Dr Toussaint dans une image très
éclairante.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne sais pas si vous
avez d'autres questions, compte tenu qu'une partie de la matinée vous
était particulièrement consacrée. Oui, monsieur.
M. Pereira: Ce n'est pas une question, je veux faire une petite
observation. C'est un fait que les minorités ethniques sont
sous-représentées au sein du gouvernement. Il y a eu des
promesses de la part du gouvernement à savoir qu'il y aurait plus de
représentants des minorités ethniques au, sein du gouvernement.
C'est un programme d'action positive, ce qu'on appelle en anglais "affirmative
action", qui a été promis. On accepte le fait qu'à cause
des problèmes budgétaires, etc., le gouvernement ait de la
difficulté à embaucher plus de représentants des
minorités ethniques au sein de la fonction publique, mais dans ce
domaine-là le gouvernement peut démontrer de la bonne
volonté vis-à-vis des minorités ethniques en acceptant
notre offre de service pour combler des postes qui sont disponibles en
régions éloignées.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Pereira: C'est une observation que je peux faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On prend note de votre
remarque.
M. Van Nho: M. le ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration, Mme la Présidente, je voudrais que vous examiniez les
cas des plus de vingt médecins réfugiés qui sont depuis
plus de cinq ou six ans sans travail.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le ministre
des Affaires sociales a parlé tout à l'heure, par exemple, d'une
liste qui s'étalerait sur trois ou quatre ans, qu'on tienne compte de
certains critères quant à l'acceptation, en commençant
peut-être par ceux qui sont en attente depuis longtemps. Ce n'est pas
à nous d'établir cela, mais je pense qu'il y a fait allusion tout
à l'heure.
M. Godin: Je pense que l'ancienneté peut être un
critère juste et équitable. Les critères
généralement reconnus comme étant justes et
équitables sont l'ancienneté, la compétence, l'excellence,
prouvés par des jurys objectifs autant que possible et moins
superficiels que ceux dont vous avez cité les questions tout à
l'heure, M. Bien-Aise et Mme Toussaint, des questions futiles qui n'ont rien
à voir avec la médecine ou la compétence et l'excellence
médicales. Je pense que nous pouvons nous attendre à une solution
qui tienne compte de critères objectifs tels que l'ancienneté de
la présence au Québec, l'ancienneté de la demande
formulée auprès du jury universitaire dont on parle depuis tout
à l'heure et également les critères de compétence
et d'excellence reconnus par des jurys indépendants et objectifs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui?
Mme Toussaint: M. le ministre et MM. les députés,
dans la solution juste et équitable que vous entrevoyez pour
régler le problème, nous vous demanderons de ne pas oublier de
nous protéger aussi, étant donné qu'on a fait ce qu'on
appelle communément la grande gueule, étant donné que nous
savons que c'est humain qu'il y ait de la rancune et que les vendettas
personnelles existent c'est un fait. Nous demandons, quand nous serons choisis,
que vous ayez un certain droit de regard sur nous. Je sais que c'est un
procès d'intention, mais quand on a eu affaire à un
machiavélisme de ce genre, on sait que quand on sera dans le milieu
hospitalier où les médecins, en tant que médecins, auront
à nous juger, ils peuvent s'arranger. pour prouver qu'on est
incompétents.
M. Godin: Je pense qu'on peut s'engager, Mme la
Présidente, dans nos bureaux de comté qui sont ouverts plusieurs
heures par semaine, à vous recevoir en tout temps pour écouter
vos doléances ou vos craintes, et à vous défendre. M. le
député de Westmount, je pense que M. le député de
Longueuil aussi et Mme la députée de...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La députée
de L'Acadie.
M. Godin:... L'Acadie, nous sommes certainement à votre
disposition en tout temps, en fait, pour prêter une oreille sympathique
à vos témoignages de discrimination d'une façon ou d'une
autre, avant ou après l'acceptation comme médecins.
Mme Toussaint: Parce que c'est un fait qu'il y a eu des
représailles l'année dernière. Le mouvement a
commencé l'année dernière, le regroupement, et celui qui a
fait la plus grande gueule a failli ne pas être accepté. Les
universités ne voulaient rien savoir de lui et en fin de compte c'est
Sherbrooke qui l'a accepté. On l'a accepté, mais on aurait pu ne
pas l'accepter du tout. Pourquoi?Parce qu'il a eu la force de
crier. Nous, on sait que cela peut se répéter. De toute
façon, c'est humain. Mais on demande l'immunité.
M. Godin: En conclusion, madame, je pense que le fait que vous
vous soyez regroupés, Dr Bien-Aise et Dr Toussaint, et que vous vous
soyez tenus debout est la preuve que vous êtes maintenant des citoyens
québécois à part entière et que vous vous tenez
debout. C'est ce que nous attendons de vous en tant que citoyens du
Québec.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Le
ministre des Affaires sociales communiquera, j'imagine, éventuellement
avec le Dr Bien-Aise.
M. Bien-Aise: D'accord. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'est pas ici. Je
prends un engagement à son endroit, mais j'ai l'impression que cela
devrait être ainsi.
M. Bien-Aise: L'association en profite pour remercier tous les
organisateurs de la commission parlementaire. Donc, on attend les
résultats.
Mme Toussaint: Et on espère vous revoir, mais pas dans ces
conditions.
M. Chevrette: Je m'excuse. J'avais une obligation en dehors de la
salle, mais je maintiens ce que j'ai souligné à la fin de mon
exposé tantôt, et j'ose espérer qu'on pourra se revoir dans
un avenir très rapproché. Je vous remercie de votre
témoignage et soyez assurés, en tout cas, de notre collaboration
la plus entière.
M. Bien-Aise: Merci beaucoup, M. le ministre.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 11 h 33).
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II me fait plaisir
d'accueillir le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
recherche...
M. Chevrette: Science et Technologie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pardon, je voudrais bien
dire votre titre tout à fait exactement. Le ministre de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie.
M. Bérubé: Vous pourriez nous rendre un service si
vous pouviez trouver un autre nom pour ce ministère. Je cherche
désespérément et je n'arrive pas à en trouver. Si
jamais l'Opposition...
M. Chevrette: Ministre de la Scientologie.
M. Bérubé: Oui, on m'a proposé Scientologie,
mais j'ai mal réagi à la suggestion.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, je pense
que si vous vous étiez contenté de l'enseignement
supérieur et de la science, cela aurait été suffisant.
Bien non, la technologie...
M. Bérubé: Ce n'est pas si bête comme
amendement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bien oui, écoutez
donc.
M. Bérubé: De temps à autre, l'Opposition
pourrait faire oeuvre utile et nous proposer des amendements de ce type.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je souhaite
également la bienvenue à Mme Fortin, votre sous-ministre
adjointe. Vous n'avez pas participé à nos débats depuis le
début, mais comme l'un des volets partait sur les effectifs
médicaux et que votre ministère a une part très importante
de responsabilité dans la détermination des effectifs
médicaux par le truchement du contingentement ou du nombre de places qui
est alloué dans les facultés de médecine pour les stages
de résidence et d'internat, nous avons cru bon de vous inviter pour que
vous nous indiquiez les bases sur lesquelles vous fonctionnez. Je sais que vous
n'avez pas de mémoire à présenter, mais si vous pouviez au
moins rapidement nous dire sur quoi vous fondez vos décisions de
contingentement et, peut-être, dans une université par rapport
à une autre aussi. Des représentations nous ont été
faites quant à la façon dont chacune des universités est
affectée à la suite de vos politiques de contingentement. Enfin,
globalement, c'est ce qu'on veut vous demander.
M. le ministre des Affaires sociales, avez-vous quelque chose à
ajouter tout de suite?
M. Chevrette: Je pourrais peut-être ajouter, pour le
bénéfice de mon collègue avec qui je n'ai pu parler, que
les positions sont très controversées de la part des groupes qui
ont témoigné devant nous, allant de la méthode "at large"
pour pallier les lacunes de la médecine ou les soins de santé en
région jusqu'à la position contraire du contingentement
très sévère, de sorte que, en ignorant la position que
vous aurez, vous avez une marge entre les deux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.
Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie
M. Bérubé: Mme la Présidente, d'une part, il
est vrai que je n'ai pas de mémoire à présenter.
Cependant, j'ai une certaine mémoire à titre
d'ex-président du Conseil du trésor. Au moment où,
précisément, cette politique fut précisée, je
présidais les décisions du Conseil du trésor.
Je pense que si on devait se poser la question, à savoir combien
a-t-on besoin de médecins au Québec, je vous dirais: Le plus
grand nombre possible. Il n'y a pas de raison de limiter le nombre de
médecins, comme il n'y aucune raison de limiter quelque exercice de
profession que ce soit dans l'univers. En d'autres termes, la
société, lorsqu'elle est en mesure de se payer des avantages,
doit s'offrir le plus grand nombre d'avantages possible. En soi, si vous me
posiez la question: Y a-t-il intérêt à contingenter, je
vous dirais immédiatement: Non, il n'y a aucun avantage à
contingenter le nombre de médecins, pas plus qu'il n'y a
intérêt à contingenter qui que ce soit, nulle part.
Pourquoi contingente-t-on? Essentiellement, parce qu'à un moment
donné on estime que les sommes que nous
consacrons à un type d'activités sont trop importantes par
rapport aux besoins qui se manifestent ailleurs. Gouverner, finalement, c'est
arriver à devoir faire des choix entre différents besoins de la
société et décider que nous mettons nos priorités
ailleurs.
Qu'avons-nous décidé il y a quelques années, vers
1982-1983? Simplement que la croissance du nombre de médecins
était huit fois supérieure à la croissance de la
population. On pouvait bien tenir compte des décès, des
départs, des migrations nettes, on pouvait bien tenir compte de la
modification de la pratique médicale résultant, par exemple, de
la féminisation de la profession et du profil de pratique qui est
observé comme étant différent chez les femmes
médecins, ou encore tenir compte du vieillissement de la population qui
requiert, effectivement, une médicalisation accrue. On peut
effectivement prendre toute une série de points en considération,
dont le fait que nous avons au Québec probablement 10 %, 12 %, 15 % de
plus de médecins qu'en moyenne au Canada, du moins d'après les
statistiques de 1981. Alors, mettez tout cela ensemble et vous constatez que
les coûts de la pratique médicale vont en explosant parce qu'on
observe qu'on ne peut pas contrôler la demande. La demande est infiniment
élastique pour les besoins en soins médicaux et c'est,
finalement, par l'offre qu'on peut arriver à limiter la croissance
explosive des coûts. Donc, sur la base d'une considération qui n'a
rien à voir avec le développement de l'éducation ou le
développement de la santé au Québec, mais purement sur la
base de considérations budgétaires, donc, de croissance explosive
des coûts à la Régie de l'assurance-maladie, le
gouvernement a décidé qu'il devait réduire l'augmentation
du nombre de médecins au Québec.
Car un des corollaires de l'augmentation du nombre de médecins au
Québec et de l'activité médicale, c'est que, si nous
voulons maintenir les coûts globaux, il faut réduire les
coûts unitaires. La seule façon, c'est à ce
moment-là de rémunérer à l'acte ou de
rémunérer nos médecins moins que, par exemple, les niveaux
de rémunération existant ailleurs, de telle sorte que nous avons
plus de médecins, que nous les payons moins et qu'au total on se
retrouve avec des coûts de la santé qui sont, disons, comparables,
ce qui nous permet de dégager des ressources pour les injecter ailleurs,
là où nous estimons qu'il y a des besoins. Donc,
problématique aussi simple que celle qui est reliée à la
rémunération des médecins - comme vous le savez, cette
rémunération fait l'objet de négociations
régulièrement - qui est reliée aussi à la
croissance explosive des coûts des soins de santé.
Partant de là, il y a peut-être deux façons de
régler le problème: restreindre l'accès à la
pratique médicale ou restreindre le nombre de médecins
formés.
Restreindre l'accès à la pratique médicale. Nous
avons un très bel exemple, par les témoignages qui m'ont
précédé, de ce que représente l'impact d'une telle
restriction. En effet, si nous devions restreindre l'accès, par exemple,
à l'assurance-maladie, nous aurions donc un grand nombre de
Québécois qui effectueraient des études en médecine
et qui se retrouveraient, à la fin de leurs études, dans
l'impossibilité de pratiquer pour la simple raison que le nombre de
médecins admis à la pratique médicale, ayant accès
la Régie de l'assurance-maladie, serait limité. Vous voyez le
genre de problèmes que cela pose. Je pense que les témoins
antérieurs sont là pour démontrer qu'il est fort peu
agréable d'avoir appris une profession et de ne pas pouvoir l'exercer
dans la société qui vous accueille. Évidemment, ce serait
la même chose si on devait restreindre l'accès à la
pratique médicale directement par un contrôle sur le nombre de
médecins pouvant pratiquer.
Qu'est-ce qui vous reste? C'est de diminuer le nombre de personnes que
vous formez en médecine. Il nous fut donc demandé de restreindre
sur trois ans l'équivalent d'une centaine de médecins
formés annuellement par rapport à un nombre qui était, si
je ne m'abuse, de l'ordre d'à peu près 600 ou 650, je ne m'en
souviens plus trop trop. Il s'agissait donc de réduire d'à peu
près 100 à 108 sur trois ans. Nous le ferons, en fait, sur quatre
ans.
Comment la répartition s'est-elle faite?Simplement
sur la base de l'activité historique des années 1980, 1981 et
1982 des différentes universités en termes de volume de
diplômés. On aura donc réparti l'effort entre les
universités sur la base du nombre de diplômés.
À l'origine nous voulions épargner l'Université de
Sherbrooke, celle-ci étant une plus petite université qui n'avait
peut-être pas la marge de manoeuvre et qui risquait de se retrouver avec
une faculté de médecine de taille sous-critique.
Ultérieurement, toutefois, il fut décidé d'étendre
à l'ensemble des universités, incluant Sherbrooke sur la
même base que les autres, l'effort de réduction du nombre de
médecins formés. C'est donc ainsi que nous nous retrouvons avec
les objectifs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quelle est votre part de
responsabilité dans le contingentement quant aux postes de
spécialistes et aux postes...
M. Bérubé: Aucune, en ce sens que la politique
concernant les postes d'internes, de résidents, l'internat rotatoire,
l'accès à la spécialisation est élaborée par
le ministère
des Affaires sociales en cherchant à répondre le mieux
possible aux besoins de la société québécoise en
soins médicaux. C'est donc à la suite de l'élaboration de
cette politique par le ministère des Affaires sociales que nous sommes
amenés à l'appliquer dans les universités en limitant, par
exemple, le nombre de nouveaux internes annuellement et le nombre total de
places.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je comprends bien,
vous recevez une commande et vous l'exécutez.
M. Bérubé: Exactement, en ce qui a trait aux
internes et aux résidents plus particulièrement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce que des fois le
ministère des Affaires sociales dit: Ce n'est pas ma
responsabilité, c'est le ministère de l'Éducation. Et
là, vous avez l'air de dire que la commande vient du ministère
des Affaires sociales.
M. Bérubé: Il faut comprendre que, dans la mesure
où nous sommes concernés, dans le secteur de l'Éducation
nous n'avons aucune raison de limiter l'accès, objectivement. La seule
raison qui peut nous amener à limiter l'accès, c'est, à un
moment donné, une croissance explosive des coûts ou encore une
volonté exprimée par le ministère des Affaires sociales
d'établir un équilibre entre les spécialistes et les
omnîpraticiens.
De fait, la volonté du ministère des Affaires sociales a
été d'accroître le nombre d'omnipraticiens, donc de
favoriser le développement de la médecine de première
ligne et, depuis quelques années également, de favoriser le
développement de la médecine familiale. C'est sur la base des
objectifs de santé fixés par le ministère des Affaires
sociales que nous nous entendons avec les universités, sur la base des
étudiants déjà inscrits dans nos universités, quant
à des objectifs d'inscription en internat dans les universités.
(11 h 45)
Mme Fortin, qui m'accompagne, pourrait décrire le
mécanisme plus précis, si vous voulez aller dans le détail
du fonctionnement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme
Fortin.
Mme Fortin (Michèle): Globalement, en ce qui concerne les
internes et résidents, je pense que le ministère des Affaires
sociales a un certain nombre de grands objectifs, dont le 60-40, que nous ne
sommes pas en mesure de contester, certains objectifs concernant le
développement de la médecine familiale, mais la décision
n'est pas prise pour l'ensemble des omnipraticiens, et certains objectifs
spécifiques concernant des spécialités en pénurie:
psychiatrie et anesthésie. Étant donné les objectifs
visés par le ministère des Affaires sociales, nous
procédons annuellement, avec le ministère des Affaires sociales
et la conférence des recteurs, à une analyse des flux
d'étudiants déjà dans le système pour essayer de
déterminer combien de nouveaux entrants nous devons permettre pour
atteindre, premièrement, les objectifs des Affaires sociales sur la
période visée et, deuxièmement, pour permettre aux
étudiants qui sont déjà inscrits dans le système de
terminer leurs études. Au tout début, lorsque nous avons
commencé ce processus, nous fonctionnions avec de grandes masses. Nous
avons dû le réviser l'an dernier, l'année d'avant, pour
tenir compte, par exemple, des allongements de programmes dans certains types
de spécialité ou d'une plus grande demande en médecine
familiale. Globalement, l'objectif est fixé par les Affaires sociales,
l'analyse des processus ou du flux d'étudiants est fait conjointement
entre notre ministère, les Affaires sociales et la conférence des
recteurs. Les objectifs de détermination à l'entrée sont
donc faits conjointement et sont présentés au Conseil des
ministres qui détermine, par décret, année après
année, quels seront les objectifs è l'entrée en
spécialité, en médecine familiale et dans les
spécialités comme l'anesthésie et la psychiatrie à
l'intérieur du contingentement global. Cela se fait selon un
mécanisme récurrent.
L'autre partie de notre responsabilité, c'est de s'assurer que
les universités respectent les objectifs déterminés par le
Conseil des ministres. Nous avons, à l'intérieur des
règles budgétaires, un certain système de contrôle,
de pénalité, pour que, de façon récurrente, nous
ayons l'information, à savoir combien de médecins ont
été formés et si les cibles ont été
respectées; sinon, pour faire varier les cibles de telle sorte que
l'objectif final soit atteint en fin de période.
Sur le plan financier, l'entente que nous avons prise avec les
universités est la suivante: les universités ne sont pas
pénalisées financièrement pour les étudiants
qu'elles contingentent dans les facultés de médecine. Elles ont
une incitation financière à ne pas prendre les étudiants,
mais, par ailleurs, si elles dépassent les contingentements
définis et si elles acceptent des étudiants
supplémentaires, elles sont pénalisées pour
l'équivalent. Donc, sur le plan financier, l'université a une
responsabilité de surveiller l'application de sa politique et les
règtes budgétaires sont le moyen que nous utilisons pour nous
assurer que, sur une longue période, les universités se
conforment à la politique étant donné qu'on n'a pas
d'autres moyens de traiter
avec les universités en ces matières.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je vous comprends
bien, Mme Fortin, en ce qui a trait à une inscription additionnelle
d'étudiants en médecine, elles seraient
pénalisées.
Mme Fortin: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En ce qui a trait au
contingentement des spécialités, je sais qu'une année - je
pense que c'était le Dr Laurin qui était ministre, je crois, de
l'Éducation ou des Affaires sociales - il y avait eu un montant
supplémentaire accordé aux universités pour prévoir
des postes additionnels en anesthésie et en psychiatrie, si je ne
m'abuse.
M. Bérubé: Oui, et en médecine
familiale.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les universités
n'avaient pas utilisé ce montant à cette fin, mais l'avaient
utilisé... Je ne dis pas que ce sont toutes les universités,
mais, dans certains cas, des universités l'auraient utilisé
strictement pour augmenter le contingentement d'une façon
générale ou peut-être dans d'autres
spécialités. À ce moment-là, est-ce qu'il y a une
pénalité?
M. Bérubé: II n'y en a pas eu vraiment, mais on a
renégocié avec la CREPUQ. Disons que c'est la première
année d'application de la politique qui nous a donné -soyons
honnêtes - quelques ennuis. Toutes les facultés de médecine
ne partageaient pas nécessairement la volonté gouvernementale et
disons que la première année il y a eu quelques
difficultés, mais cela s'est complètement résorbé.
Mais il est exact que nous avons dû, la première année,
renégocier un étalement différent de certaines cibles.
Nous avons même dû, dans certains cas, appliquer certaines
pénalités, mais je pense qu'à l'heure actuelle c'est
satisfaisant.
Mme Fortin: Ce qui s'est passé en ce qui concerne
l'anesthésie et la psychiatrie c'est que la première année
où ces spécialités sont devenues prioritaires on a
ajouté un certain nombre de postes avec une condition
générale, en disant: On vous les donne, mais vous devez accepter
tous les candidats admissibles dans ces spécialités; en
général, il faut dire. Ensuite, on s'est rendu compte, de part et
d'autre, que c'était difficile de savoir ce qu'était un candidat
admissible, parce qu'il y a quand même un jugement de dossier
académique et il y avait des gens qui discutaient: Moi, je suis
admissible ou je devrais l'être, etc. On a aussi fait face, lors de
l'élaboration de la politique, l'an dernier, après la
consultation avec les universités, au phénomène que,
étant donné qu'il n'y avait pas de contingentement sur ces
spécialités, on s'en allait vers à peu près la
moitié des facultés de médecine qui formatent des
anesthésistes ou des psychiatres, ce qui, pour la planification de la
main-d'oeuvre médicale à long terme et pour l'équilibre
des structures universitaires, n'était pas nécessairement
intéressant.
Alors, on s'est entendu avec les Affaires sociales et on a des
contingents spécifiques pour les anesthésistes et les psychiatres
qui tiennent compte des capacités de formation des facultés de
médecine et d'un certain équilibrre parce qu'il faut - en tout
cas, de notre point de vue et c'est vraiment un point de vue de l'Enseignement
supérieur - conserver, a l'intérieur des facultés de
médecine, des capacités de formation dans toutes les disciplines
et ne pas faire des virages brusques, c'est-à-dire que trois ans d'une
discipline, trois ans d'une autre, trois ans d'une troisième.
Maintenant, on a des contingents spécifiques pour les
anesthésistes et les psychiatres à l'intérieur du
contingent global, mais l'objectif est toujours déterminé par les
Affaires sociales. Elles pourraient ajouter cinq autres
spécialités, diminuer les contingents; on pourrait s'entendre
pour les mettre hors quota, mais c'est en fonction de leur évaluation
des besoins de la main-d'oeuvre. Nous pouvons participer à cela. Nous
participons plutôt à la relation à l'étude, combien
il faut contingenter ou combien il faut former d'étudiants pour
atteindre les objectifs du MAS, et non combien il faut de psychiatres pour
soigner les Québécois. C'est nettement de leur
côté.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Maintenant, pour
revenir du côté de la psychiatrie et de l'anesthésie, parce
qu'il y a d'autres spécialités maintenant qui commencent à
émerger en termes de carences; on parle un peu de cardiologie,
d'orthopédie, de ces choses-là, mais on revient toujours à
l'anesthésie et à la psychiatrie. Compte tenu que ces mesures ont
été prises depuis au moins deux ans, est-ce qu'on sent que... Je
ne sais plus à qui je dois le demander, si c'est à vous ou
au...
Mme Fortin: Aux Affaires sociales.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... ministère des
Affaires sociales, si on arrive à flot. Il semble que non parce qu'on
vient toujours... Est-ce que les universités réussissent à
remplir les postes que vous allouez dans ces spécialités?
Mme Fortin: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors,
il n'y a pas de problème de ce côté.
Mme Fortin: Écoutez, c'est tout à fait normal.
Étant donné qu'on contingente beaucoup à l'entrée,
souvent, la seule façon de faire une spécialité, c'est
d'aller en anesthésie ou en psychiatrie. Évidemment, la demande
dans ces spécialités est beaucoup plus élevée que
les postes qu'on réserve.
La question qui va se poser, si on veut aller en planification de
main-d'oeuvre fine -cela ne nous concerne pas, mais cela concerne les Affaires
sociales - c'est: Est-ce qu'on fait des contingents spécifiques pour
toutes les spécialités ou si on laisse effectivement les
universités ou les organismes locaux, en fonction de la qualité
des candidats ou d'un équilibre général, faire
eux-mêmes cette planification? Jusqu'à maintenant, on a
laissé les universités, à l'intérieur de leurs
contingents, choisir les étudiants dans la spécialité
qu'elles voulaient, en fonction de la qualité des dossiers
académiques, sauf en anesthésie et en psychiatrie où on a
déterminé des priorités gouvernementales, étant
donné les besoins qui semblaient particulièrement criants du
côté des Affaires sociales.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Maintenant, je
voudrais revenir, Vous ne l'avez probablement pas, mais nous avons reçu
un mémoire, en annexe au mémoire des doyens des facultés
de médecine du Québec, de la faculté de médecine de
l'Université McGill dans lequel on exprime des inquiétudes
vis-à-vis de la politique de contingentement qui a été
mise en oeuvre. Eux parlent de l'année 1979; tout à l'heure, vous
pensiez que c'était 1980-1981. Je pense que cela n'a pas d'importance
pour la discussion.
Je vais le lire exactement: Nous ne cherchons pas à laisser
entendre que les postes accordés aux facultés des autres
universités sont répartis de manière
irréfléchie, mais que les politiques et les conditions actuelles
pénalisent indûment la faculté de médecine de
l'Université McGill, qui voit, semble-t-il, ses postes diminuer
d'année en année. Je pense que vous étiez partis avec
l'hypothèse que McGill et Montréal, du point de vue des postes,
seraient à peu près équivalentes et cela a
été le cas pour, peut-être, jusqu'en 1982. En tout cas,
depuis un an ou deux, il semblerait que des pénalités, prises
dans un sens général, seraient plus fortes à l'endroit de
McGill. Je ne sais pas si vous êtes capable...
Mme Fortin: Premier cycle ou les internes et résidents. Ce
sont deux dossiers différents.
M. Bérubé: Entrées en première
année de médecine?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. Les postes
rémunérés à l'Université McGill.
M. Bérubé: Postes internes et résidents?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non.
Mme Fortin: Rémunérés, ce sont les internes
et résidents.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Internes et
résidents, oui.
M. Bérubé: Moi, j'ai la première
année,
Mme Fortin: Nous, on impose un contingent global.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je peux vous lire l'autre
paragraphe, si vous ne l'avez pas: On compte présentement 603 postes
rémunérés à l'Université McGill; 630
à l'Université de Montréal; 412 à Laval, 226
à Sherbrooke. Les prévisions laissent craindre que les postes
disponibles à la Faculté de médecine de
l'Université McGill deviennent de moins en moins nombreux à moins
qu'on opère un changement dans la méthode d'allocation des postes
ou qu'on reconnaisse à notre faculté son rôle distinct dans
le domaine de l'enseignement médical. J'imagine que McGill a fait des
représentations.
Mme Fortin: Globalement, je pense qu'il y a deux
éléments d'information que je peux vous donner
là-dessus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ce que je voudrais
comprendre.
Mme Fortin: Nous déterminons un contingentement pour
l'ensemble des facultés de médecine. Nous donnons ce
contingentement à la CREPUQ, dans le fond, et il est alloué,
entre les universités par le comité des doyens. En
première année, étant donné que nous avions des
positions, on a proposé une distribution en disant: Si vous avez une
autre proposition à nous faire, on va l'accepter. Sinon, voici ce qu'on
applique: dans le cas des internes et résidents, nous fixons un
contingentement pas par université, nous fixons un contingentement
provincial. Deuxièmement, McGill avait un problème particulier
concernant ses postes d'internes et de résidents pour les
étudiants canadiens et pour les résidents américains,
c'est-à-dire les échanges avec les États-Unis. On a eu des
représentations là-dessus et ce qu'on a fait, étant
donné qu'avec le ministère des Relations internationales toute la
politique de formation des médecins étrangers, et non seulement
américains, devait être considérée... L'an dernier,
McGill demandait 40 postes. On a dit: On va vous en donner dix
réservés aux Américains, en première
année, pendant qu'on examine la situation avec les Relations
internationales pour l'ensemble.
Si, effectivement, cela en prend 40, étant donné que ces
gens doivent faire des cours de quatre ou cinq ans, on pourra en ajouter dix
par année et avoir un contingent de 40 ou 50 à l'intérieur
du corps étudiant de McGill, mais uniquement réservé aux
résidents étrangers américains et en fonction d'une
politique d'échange avec les États-Unis et non en fonction d'une
politique de main-d'oeuvre médicale. Il faut bien se dire - et, pour
nous, c'est important - que, si on donne des postes pour politique
d'échange, c'est l'équivalent de former des médecins chez
nous. Si on forme des Américains ici en échange d'un Canadien qui
se forme là-bas, c'est un médecin de plus qui est formé et
dont on doit tenir compte en fonction des objectifs de main-d'oeuvre des
Affaires sociales. C'est un peu cela qu'est l'enjeu présentement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il n'y a pas un
nombre plus important de Québécois qui sont en internat ou en
résidence ailleurs aux États-Unis que ce que, nous, nous
recevons?
Mme Fortin: Nous avons essayé d'avoir des données
précises là-dessus. Il est très difficile de savoir
combien il y en a, combien il y en a qui font un an ou deux à
l'intérieur de leur programme, qui sont des résidents inscrits
dans nos universités et combien il y en a qui vont revenir. On s'est
entendu avec les universités sur une définition de poste, ce qui
fait que, si vous avez un étudiant qui entre, par exemple, en
première année, qui fait son cours de deuxième
année et qui va en troisième année aux États-Unis
pour parfaire sa formation, l'université peut mettre quelqu'un sur ce
poste pendant un an, mais il doit le lui réserver quand il revient. Nous
devons contrôler les entrées dans les programmes de
spécialité non seulement en première année, mais en
deuxième, troisième, quatrième années parce qu'on
avait des mouvements selon lesquels les gens allaient faire leur
première année ailleurs, la deuxième année ailleurs
et ça entrait de toutes parts. De toute façon, on n'atteignait
jamais notre objectif en fin de période. C'est un peu compliqué.
(12 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas. Une autre
question que je voulais vous poser touche le problème des comités
d'évaluation - je vais les appeler comme cela de sélection,
peut-être davantage, des immigrants par les universités pour
l'admission à l'internat rotatoire. Vous n'y étiez
peut-être pas, mais je pense que le ministre était ici. On a
soulevé tout à l'heure, à tort ou à raison - je ne
veux pas prendre partis là-dessus - l'objectivité ou le type de
décisions qui sont prises à l'endroit des médecins
immigrants quand ils se présentent devant les comités de
sélection. Le ministre l'a entendu? Je voudrais lui demander si la
formule, telle qu'elle est appliquée présentement par les
comités de sélection, lui semble acceptable ou s'il a l'intention
de l'examiner d'un peu plus près. Comme je le dis, je ne peux pas, moi
non plus, prendre position sur le fond, à savoir qui a raison et qui a
tort parce qu'on n'est là ni l'un ni l'autre. Il reste qu'on est venu
ici en commission parlementaire faire des affirmations qui sont quand
même assez sérieuses à l'endroit des comités de
sélection. Je comprends l'autonomie des universités, etc., mais
il reste que l'autonomie ne peut pas être poussée non plus
jusqu'à permettre des situations qui ne seraient pas acceptables.
M. Bérubé: Nous ne sommes pas intervenus dans la
sélection des candidats, justement, au nom de l'autonomie des
universités. Il n'y a pas de loi sur les universités au
Québec et notre contrôle s'effectue au niveau des règles
budgétaires. Il est vrai cependant que les règles
budgétaires sont souvent un instrument tout à fait adéquat
pour, finalement, orienter un système universitaire comme le nôtre
et l'expérience nous montre que le système réagit bien aux
préoccupations financières et qu'en conséquence il atteint
généralement les objectifs qu'on peut se fixer comme
société, sans qu'on ait besoin d'une loi sur les
universités et d'une planification directive de l'État. Mais,
effectivement, en ce qui a trait à l'admission à
l'université, ce sont des politiques internes aux universités
à l'intérieur desquelles nous ne nous sommes jamais
immiscés.
M. Chevrette: Avez-vous eu des plaintes directement de
l'association des médecins immigrants ou si toutes les plaintes sont
acheminées au MAS?
Mme Fortin: Vous nous les envoyez toutes avec une feuille de
transmission pardessus. Alors, on a toutes les mêmes que vous.
M. Chevrette: Mme la sous-ministre, c'est pour cela que je vous
pose la question: Quelles suites avez-vous données aux plaintes qui vous
ont été acheminées par le MAS?
Mme Fortin: En général, les...
M. Chevrette: Oeil pour oeil, dent pour dent, la loi du
talion.
Mme Fortin: Oui. En général, les
plaintes sont de deux ordres. Si vous parlez des plaintes pour
lesquelles il n'y a pas assez de postes, ce qu'on fait, c'est qu'on explique la
politique, les mécanismes, etc. On met les responsabilités
à la bonne place et on répond gentiment.
En termes du choix des candidats, là-dessus, je ne peux que
répéter ce que M. Bérubé disait: S'il y a une
prérogative qui est celle de l'établissement d'enseignement,
c'est de choisir entre deux candidats celui qui, sur dossier, après
interview, etc., est considéré comme le plus apte à faire
des études et à pratiquer la médecine. Là-dessus,
nous avons toujours retourné les candidats auprès des
universités responsables en disant: 11 y a dans les universités
des mécanismes d'appel pour les candidats qui ne sont pas satisfaits.
Dans ce sens-là, c'est la responsabilité de l'université,
qui est beaucoup mieux équipée que nous; elle a un comité
de médecins pour choisir un candidat à la médecine.
Là-dessus, on n'intervient pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On parle des
résidents et des internes, on ne parle plus des étudiants qui
arrivent en première année. Est-ce qu'eux aussi ont le même
droit d'appel? Ils ne sont même pas inscrits à
l'université.
Mme Fortin: Non. On les a retournés au comité qui
avait assuré la sélection, mais nous ne sommes jamais intervenus
là-dedans.
M. Chevrette: Si...
Mme Fortin: Vous allez probablement recevoir les gens des
universités en témoignage là-dessus; il faudrait leur
demander comment ils réagissent.
M. Chevrette: Ce sont deux versions tout à fait
contradictoires, il n'y a pas de cachette.
Mme Fortin: Oui.
M. Chevrette: Je ne me souviens plus du nom du doyen qui
soutenait qu'il n'y a aucune discrimination...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah!
C'est le Dr Lamarche.
M. Chevrette:... et le groupe qui vous a
précédés a dit qu'il y avait discrimination. Des plaintes,
j'en ai reçu et je vous les achemine parce que c'est de la juridiction
du ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie.
M. Bérubé: Pas tout à fait.
M. Chevrette: Dans le sens suivant: la responsabilité...
Le ministre tuteur, si vous voulez, c'est quand même vous.
M. Bérubé: Non, il n'y a pas... Nous sommes dans
une situation un peu particulière. Il y a une loi des collèges et
j'accepte bien à ce moment-là le titre gentil de ministre de
tutelle. Je ne suis pas certain que les collèges le prennent aussi
facilement, mais cela m'étonnerait qu'on puisse utiliser ce vocable pour
décrire la responsabilité du ministre de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie vis-à-vis des
universités. II n'y a pas de tutelle. 11 n'y pas de mineur.
M. Chevrette: Vous savez très bien, M. le ministre, qu'un
ministre de tutelle, c'est celui qui écope de la facture, de toute
façon. D'accord?
M. Bérubé: Ah! Si vous le présentez sous cet
angle-là, oui.
M. Chevrette: À partir de là, je ne parle pas sur
le plan théorique et juridique. Je parle sur le plan pratique.
M. Bérubé: Oui. C'est cela.
M. Chevrette: Moi, quand je reçois une plainte et que
c'est sous ma juridiction, je ne vous enverrai pas la feuille. Si c'est sous
votre juridiction, j'essaie de m'en enquérir et je suis surpris que Mme
Fortin dise: On n'intervient d'aucune façon.
M. Bérubé: On l'envoie à
l'université.
M. Chevrette: Est-ce que cela prendrait une preuve hors de tout
doute raisonnable qui vous obligerait à changer la loi pour intervenir
ou s'il y a une intervention au moins indirecte?
M. Bérubé: À mon avis, il faut
référer à ce moment-là aux lois
générales. Il peut exister dans des entreprises privées,
par exemple, de la discrimination, mais nous avons une charte des droits. Nous
avons effectivement des lois qui protègent les droits des citoyens et
des résidents au Québec. Lorsqu'il n'existe pas de pouvoirs
réglementaires de l'État dans un domaine comme, par exemple,
celui du recrutement et de la sélection des candidats dans les
universités, à ce moment-là, on retombe automatiquement
sur les lois fondamentales du Québec et c'est par le biais de
contestations juridiques de cet ordre qu'il peut y avoir une intervention, mais
non par le biais, si on veut, d'une intervention politique directe qui va
au-delà des juridictions que le Parlement a bien voulu conférer
au ministre responsable. Je pense qu'il faut bien comprendre que la seule loi
que vote le Parlement ici, à l'Assemblée
nationale, et touchant les universités, ce sont les
crédits budgétaires aux universités. Point à la
ligne. Et, à ce moment-là, on peut bien évidemment, par le
biais des règles budgétaires, imposer certaines contraintes, mais
je crois qu'il faut prendre garde à l'utilisation abusive du pouvoir
politique qui consisterait à aller au-delà de la gestion des
deniers publics et à se servir de l'instrument de financement pour
appliquer des politiques. Je pense que, lorsqu'on finance en vue d'obtenir une
certaine qualité du système, on peut, oui, imposer des
contraintes quant à l'utilisation des sommes. Les deniers publics ne
doivent pas être gaspillés. Ils doivent donc être
utilisés à bon escient, mais, lorsqu'on parle de faire appliquer
une loi comme la charte des droits, par exemple, en utilisant des règles
budgétaires, là, c'est plus difficile.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le ministre, comme ces
personnes-là ne sont pas inscrites à l'université, elles
n'ont pas les recours habituels que les étudiants des universités
ont; ce que vous suggérez, c'est que le seul recours qu'elles auraient,
si vraiment elles ont l'impression qu'il y a discrimination véritable,
ce serait de faire appel à la Commission des droits de la personne.
M. Bérubé: À mon avis, car nous
n'établissons pas de politique de sélection dans nos
universités et honnêtement, si vous me demandiez mon avis, je vous
dirais que j'y serais personnellement opposé. Je pense que nous avons un
système universitaire qui est capable de "s'autoréguler", qui est
capable de tendre à des objectifs de grande qualité. Il l'a
démontré par le passé. Il n'est pas parfait et, quand il
n'est pas parfait, il y a lieu pour le pouvoir politique de souligner au
réseau qu'il est imparfait. Il y a lieu, par exemple, d'introduire des
incitations budgétaires à l'amélioration constante de la
performance. Je pense que c'est vraiment le rôle du gouvernement dans son
financement, mais cela ne doit pas aller au-delà de cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Là-dessus, je suis
d'accord avec vous, M. le ministre, à savoir qu'il ne faut pas que le
pouvoir politique commence à s'immiscer dans la régie interne des
universités, mais vous avez glissé une phrase dans vos derniers
propos: On peut laisser savoir à l'université que le
régime est peut-être imparfait. Est-ce que vous n'avez pas dit
quelque chose comme cela? C'est-à-dire que le régime ou que telle
fonction du régime...
M. Bérubé: C'est ce qui fait que nous
transmettons...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Bérubé:... aux universités
concernées les plaintes que nous recevons-La Présidente (Mme
Lavoie-Roux): Oui. M. Bérubé:... et c'est là
l'étendue.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cela avait
été fait dans le cas qui nous préoccupe
présentement?
Mme Fortin: C'est fait dans tous les cas. Souvent, quand nous
avons des plaintes individuelles, on s'informe auprès de
l'université pour avoir une idée exacte de ce qui s'est
passé et pour donner une réponse pertinente. Si nous avions une
plainte collective, effectivement, nous la transmetterions en demandant
à l'université de voir si quelque chose peut être fait
à l'intérieur de cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cela a
été fait dans les cas des médecins immigrants?
Mme Fortin: Écoutez, il faudrait que je relève la
correspondance. Normalement, je dirais oui, mais je ne pourrais pas vous
l'affirmer.
M. Chevrette: On en reparlera. Mais je ne voudrais pas laisser
l'impression... Il y a eu une ambiguïté au départ dans vos
questions. Quand on dit que c'est le MAS qui s'occupe de préparer un
décret, c'est une décision gouvernementale. Il faut bien se
comprendre, dans le contingentement comme tel, le Conseil du trésor
intervient...
M. Bérubé: Cela m'étonnerait que le
ministère des Affaires sociales soit intéressé à
limiter l'accès à la pratique médicale en tant que telle.
C'est contre la mission du ministère, c'est contre la mission du
ministère de l'Enseignement supérieur. Soyons honnêtes.
C'est une décision gouvernementale qui vient d'un choix de
priorités.
M. Chevrette: C'est cela. Donc, c'est une décision
gouvernementale et, à partir de la décision gouvernementale,
nous, on planifie en fonction de nos politiques et le gouvernement applique
cette... D'ailleurs, on signe conjointement la demande du décret
gouvernemental.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Il n'y a pas
d'autres questions? On vous remercie, M. le ministre et Mme la
sous-ministre.
C'était notre programme pour ce matin. Nous ajournons nos travaux
sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 16 h 5)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous nous excusons du retard mais c'était
inévitable et je pense que l'ordre de la Chambre n'a pas encore
été donné pour que nous siégions, mais de
consentement mutuel, nous avons décidé de procéder.
La première personne qui est invitée, c'est le ministre
des Communautés culturelles et de l'Immigration et je le remercie de
s'être encore déplacé cet après-midi puisqu'il
était ici ce matin. Évidemment, nous n'aurons pas beaucoup de
questions à vous poser puisque, déjà, vous avez fait voir
certaines difficultés dans l'application d'une formule possible que nous
recherchons pour tenter de trouver une solution au problème des
médecins immigrants. Peut-être qu'à ce moment-ci,
brièvement et à votre bon jugement, M. le ministre, vous pourriez
essayer de montrer quelles sont les difficultés que vous pourrez...
Évidemment, ce qu'on trouve comme formule la plus simple, c'est de
fermer le robinet, comme disait le ministre des Affaires sociales. À
votre point de vue, même si on règle le problème - disons
dans une période de trois ou quatre ans, peu importe ce qu'on
retiendrait - qu'arrive-t-il de l'avenir? On pourrait se retrouver, dans quatre
ans, encore à cette commission parlementaire, avec un problème
analogue.
M. Chevrette: Mme la Présidente, il faudrait
peut-être que le ministre reprenne la distinction qu'il faisait ce
matin...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Chevrette:... concernant les réfugiés, les
rassemblements de familles et les immigrants indépendants pour qu'on
voie vraiment où le robinet peut être fermé, clos, ou bien,
où il doit nécessairement être entrouvert; j'espère
qu'il n'y en a pas un qui est pleinement ouvert parce qu'on a des
problèmes, comme vous voyez.
Le ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration
M. Godin: Mme la Présidente, je suis à votre
entière disposition et je ne suis ici que pour faire mon devoir de
membre de l'Assemblée nationale. Je suis à votre service ainsi
qu'à celui de mon collègue des Affaires sociales et de tout autre
membre de la commission. Malheureusement, il y en a peu aujourd'hui.
Je vais poser le problème tel qu'on le voit et tel qu'on le vit
à l'Immigration. Je pense que l'idée de fermer entièrement
le robinet est une idée trop simple qui ne résiste pas à
un examen sérieux de la réalité de l'immigration du
Québec comme de n'importe quel pays.
Il y a, comme source d'immigration, dans le Québec, des
immigrants dits indépendants: une personne adulte qui veut immigrer au
Québec pour des raisons économiques, personnelles ou autres dans
l'espoir de refaire sa vie. Comme deuxième famille, il y a les
réfugiés qui, depuis quelques années, sont surtout venus
pour échapper à des catastrophes économiques ou politiques
de leurs pays respectifs, les plus connus étant Haïti et le
Vietnam. Le troisième groupe, c'est la réunification de famille,
c'est-à-dire quelqu'un dont la famille vit au Québec - le
conjoint ou la conjointe -et qui vient la rejoindre. La loi canadienne nous
fait obligation d'accueillir ce troisième groupe. Donc, il y a, pour
reprendre l'expression du ministre plombier des Affaires sociales, trois
robinets et non un seul.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce matin, on avait une
horticultrice!
M. Chevrette: II a été une secousse où je me
croyais plus pompier que plombier.
M. Godin: C'est peut-être une expérience à la
commission Cliche, M. le ministre des Affaires sociales, qui vous a rendu si
sensible au vocabulaire de la plomberie ou de la construction.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Godin: Je vous dirai que le robinet qui, au Canada et au
Québec, est fermé depuis de nombreuses années, c'est celui
des immigrants indépendants. Dès que quelqu'un se déclare
médecin, comme, d'ailleurs, de mille autres métiers, je pense, M.
le sous-ministre...
M. Vigneau (Régis): Oui, effectivement, sur près de
9000 emplois qui sont répertoriés dans le Code canadien de
classification des emplois, le CCDP, il n'y en a que 18 qui, actuellement, sont
admissibles au Québec.
M. Godin: La politique étant que si, au Québec ou
au Canada, il y a surplus de main-d'oeuvre dans les 8982 emplois qui font
l'objet d'un refus, on refuse la personne au nom de l'emploi déjà
occupé ou de l'emploi où il y a surplus. La profession
médicale -les médecins - fait partie des 8982 emplois dont on
refuse les pratiquants parce qu'il y a surplus au Canada et au Québec.
La médecine n'est pas un cas particulier pour ce qui est du refus pour
raison d'emploi dans lequel il y a surplus au pays. Donc, on ferme ce robinet.
Il est fermé depuis de nombreuses années. Il n'y a pas un
médecin qui a été accueilli au Québec en tant
qu'immigrant indépendant et, en tant que médecin depuis de
nombreuses années.
L'autre groupe, l'autre famille de réfugiés - prenons le
cas d'un Vietnamien que le Québec sauve sur un bateau en Thaïlande
ou qui passe par un camp de réfugiés en Thaïlande - on ne
demande pas quelle est sa profession quand on le choisit pour le Québec,
pour des raisons évidentes. On l'accueille ici pour des raisons
humanitaires et c'est en tant que tel qu'on lui demande de remplir des formules
et on ne lui demande même pas sa profession.
De ce deuxième groupe, il est possible que, d'une année
à l'autre, il vienne un nombre X de personnes qui sont médecins
de profession et qui, après avoir fait leur période
d'intégration de trois ans au pays, obtiennent leur citoyenneté
canadienne. Par la suite, ils sont médecins et comme n'importe quel
citoyen canadien, ils peuvent pratiquer la profession au Québec s'ils
répondent aux normes professionnelles connues.
Le troisième groupe, c'est leur indication de famille. Si une
personne est accueillie comme immigrante indépendante, une
Française, une Belge, une Haïtienne, et que son conjoint vient au
Québec la rejoindre et devient citoyen canadien, dès qu'elle est
citoyenne canadienne, cette personne peut alléguer les droits de tout
citoyen canadien pour pratiquer sa profession de médecin ici si,
évidemment, elle répond aux critères et normes des
écoles de médecine et de la pratique médicale au pays.
Donc, il y a un robinet qu'on peut éventuellement fermer, il
l'est d'ailleurs depuis fort longtemps, c'est celui d'immigrant
indépendant. Il y a deux autres groupes, deux autres contingents, qu'on
ne peut pas envisager de fermer à moins qu'il y ait - je ne crois pas
que ce soit l'intention ni de l'Opposition, ni du gouvernement, ni de la
population québécoise - il y a deux autres groupes, dis-je, qui
continueront à faire partie des 15 000 ou 16 000 immigrants qui viennent
chaque année au Québec. Dans les deux tiers du total de ce
nombre, nous estimons qu'environ une trentaine de personnes par année
sont des médecins qui entrent ici avec un chapeau de
réfugié ou d'unification de famille. Ils sont en fait des
médecins et aucune loi, aucune charte des droits ne peut les
empêcher de pratiquer leur métier au Québec.
Le problème se pose maintenant et se posera dans l'avenir de
toute manière à moins de changements profonds dans la politique
canadienne de l'immigration. Si, par exemple, on décidait que la
réunification de familles n'est plus une obligation pour le
ministère de l'Immigration du Québec, cela pourrait affecter un
des deux robinets, mais les réfugiés resteraient là comme
source d'immigration au pays.
En gros, c'est la déclaration ministérielle que je fais au
début pour bien situer le débat et pour que tout le monde
comprenne de quoi il s'agit quand on parle d'immigration et des trois sources
d'immigrants qui viennent au Québec. J'ai terminé, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le premier, c'est
clair, ils sont indépendants. Il y a toujours la possibilité que
quelqu'un arrive au pays, se présente, je ne sais pas, comme
spécialiste ou avec un métier qui pourrait être
accepté et que, deux ans après, il se déclare
médecin. Évidemment, il était médecin dans son
pays. Je me demande quand même, sans manquer de respect aux droits et
libertés de la personne, si on ne peut pas dire: Monsieur ou madame,
vous êtes ici parce que vous répondez à tel critère
quant à l'occupation que vous aviez. À ce compte-là,
même dans vos trois catégories, on va se retrouver avec le
même problème, même avec votre catégorie
d'indépendants.
D'ailleurs, ce matin, vous donniez l'exemple de votre immigrant qui est
venu comme investisseur. Ces choses ont plus ou moins marché puis,
finalement, il dit: Moi, j'ai déjà pratiqué la
médecine chez nous, je voudrais me réorienter là-dedans.
Il n'y a pas eu de fraude, il est venu comme investisseur et il change
d'orientation. Là, même votre premier groupe n'est pas
étanche dans le sens du robinet.
M. Godin: Non plus, non. (16 h 15)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les refuser, je
croîs qu'on n'a pas de problème là-dessus. Je passe
par-dessus, je pense qu'on le dit, c'est ça les conditions des
réfugiés. Dans le cas de réunification des familles,
est-ce que ce serait vraiment enfreindre la Charte des droits et
libertés de la personne si cette personne vient rejoindre son conjoint
ou sa conjointe? Elle le peut. C'est un engagement ou, enfin, une politique que
vous avez de favoriser d'abord la réunification des familles - et
même si cet individu est médecin et qu'il y a une indication qu'il
n'y a pas d'ouverture pour lui en tant que médecin. Mais quel sera
l'état des choses dans quinze ans? On ne le sait pas. À ce
moment-là, il n'y a plus rien d'étanche. Je pense qu'on va tenter
de régler le problème des personnes qui se sont
présentées devant nous ce matin. On peut se retrouver avec le
même problème dans trois ans, avec 150 autres qui se seront
ajoutés. Je me demandais si vraiment c'est enfreindre les droits des
personnes, qu'elles viennent rejoindre un conjoint, une conjointe. Si on trouve
qu'au plan humanitaire c'est important, - ça l'est d'une certaine
façon -est-ce que c'est aussi important ou est-ce
que cela a la même valeur qu'il puisse, en même temps qu'il
vienne rejoindre son conjoint ou sa conjointe - et je parle toujours des cas
à venir, je ne parle pas des cas qui sont ici - à ce
moment-là on dise aussi: Écoutez, cela sera peut-être
difficile, mais il n'y a rien qui peut nous permettre de vous empêcher de
pratiquer la médecine. Sans cela, on se retrouve dans la même
difficulté avec les trois groupes.
M. Godin: Je vous dirai, Mme la Présidente, que nous
faisons signer une déclaration solennelle aux personnes qui
émigrent au Québec et dont on sait qu'ils ou elles sont des
médecins. C'est un questionnaire que je peux déposer au
bénéfice des membres de la commission. Nous le faisons signer
depuis six mois seulement et il a fait l'objet d'une entente-consultation avec
le ministère des Affaires sociales. Il rappelle
précisément que, pour pratiquer la médecine au
Québec, il y a des exigences à respecter qui sont établies
par la Corporation professionnelle des médecins du Québec et
qu'il y a aussi des difficultés pour se qualifier et pour avoir
accès à l'internat rotatoire. Nous informons donc les personnes,
quand on sait qu'elles sont médecins, des problèmes et des
difficultés qu'elles peuvent avoir, au Québec, à pratiquer
leur métier. Elles signent cette déclaration solennelle, mais
sans renoncer pour autant à leurs droits éventuels de pratiquer
la médecine. Ce n'est qu'un avis qu'on leur donne et qui vaut ce qu'il
vaut. Je pense bien qu'au plan du droit, on ne peut pas empêcher une
personne de vouloir pratiquer la médecine ici, mais il faut, à
tout le moins, informer les personnes - je pense que c'est une des
premières obligations que nous avons envers la loi -que pratiquer la
médecine au Québec, quand on arrive comme immigrant, ce n'est pas
facile. Il y a une course à obstacles à franchir et rien ne
garantit que ces personnes pourront pratiquer la médecine ici. Je
pourrais déposer la formule, pour le bénéfice de la
commission et des intervenants.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, sans
vouloir être trop sévère, je me dis que tous les autres qui
sont ici, les membres de l'association, peut-être pas tous, mais un bon
nombre d'entre eux, à certains égards, même s'ils n'ont pas
signé une lettre ou ce genre de formule, avaient sans doute
été mis au courant que ce serait difficile pour eux de pratiquer
la médecine. Mais on n'éliminait pas pour eux la
possibilité d'obtenir éventuellement un internat rotatoire.
Évidemment, c'est peut-être impossible. Ce que je veux
éviter, c'est qu'on se retrouve dans la même situation. Je trouve
qu'une formule comme celle-là, en fait, ce qu'elle dit...
M. Godin: Cela ne garantit rien par rapport aux problèmes
que nous vivons présentement, c'est sûr.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est sûr. "Je
déclare avoir été clairement informé que le
Québec est une région en situation de surplus de médecins,
que les possibilités de pratique médicale sont extrêmement
restreintes compte tenu du contingentement imposé sur le nombre de
postes d'internat et de résident au Québec. " C'est
déjà mieux que quand il n'y avait rien avant! Il n'y a pas de
doute là-dessus. Il faudrait également, je ne sais pas dans
quelle mesure, aller un peu plus loin que cela. C'est à vous d'examiner
cela. Vous êtes les spécialistes. Vous en avez des
spécialistes, là?
M. Godin: Mme la Présidente, je tiens à souligner
que l'article 3, paragraphe g, de la loi du ministère fait obligation au
ministère de prendre les mesures pour établir des normes de
reconnaissance au Québec des diplômes obtenus à
l'étranger, des études qui ont été poursuivies, de
la formation reçue, de l'expérience acquise, en vue de
l'attribution d'équivalences correspondantes. Pour des raisons
très simples. C'est que si on n'avait pas cet article, on se priverait
d'experts. En dehors de la médecine, il y a d'autres métiers
d'experts en quelque métier que ce soit, en quelque profession que ce
soit. La loi nous fait obligation de reconnaître les équivalences
au métier ou à la profession pratiquée par des immigrants
qui viennent au Québec.
La Présidente Mme Lavoie-Roux: C'est moins
nécessaire.
M. Godin: Disons que je ne peux pas ne pas prendre des mesures
pour reconnaître les équivalences aux diplômes obtenus
ailleurs.
M. Chevrette: Ce qui arrive si on se rappelle, vous
n'étiez malheureusement pas ici, hier... mais les doyens des
facultés nous ont bien expliqué qu'ils pouvaient juger tout le
monde compétent, reconnaître les diplômes, comme la
corporation après l'examen. La corporation n'a pas d'autre choix s'ils
réussissent l'examen, elle reconnaît une forme de
compétence. Là où le problème survient vous avez
raison d'aviser au moins qu'il y a des difficultés -c'est au moment
où la personne a fait une preuve de compétence devant la
corporation et qu'elle a réussi à avoir son papier qui lui permet
de solliciter une rencontre avec le comité de sélection. C'est au
comité de sélection qu'il y a une forme de discrimination dans le
sens qu'il doit choisir X personnes sur 150 ou 200.
L'individu qui quitte, quel que soit le pays, qui arrive au
Québec, même s'il
reconnaît qu'il peut y avoir des difficultés, il est bien
évident que s'il se juge compétent, il se dit: Je passerai bien
pardessus ces difficultés, parce que je vais travailler, je vais
m'inscrire à des cours, je vais essayer d'être observateur, je
vais essayer de me recycler au système du Québec, et on ne pourra
faire autrement que de reconnaître, à moyen terme, ma
compétence. Et à ce moment, il y a nécessairement - je ne
parle pas des gens qui sont intervenus ce matin, parce qu'on ne leur a pas dit
qu'il y avait des difficultés avant qu'ils arrivent.
M. Godin: C'est un fait.
M. Chevrette: Au contraire, et c'est là qu'est le dilemme
majeur, comme vous nous dites qu'il n'y a pas de possibilité de fermer
le robinet, vous nous dites à toutes fins utiles: Vous avez un
problème, vous en aurez un autre et vous en aurez toujours un.
M. Godin: Non, c'est-à-dire qu'il faut penser à une
solution, M. le ministre, M. le député de Juliette.
M. Chevrette: Oui, mais vous êtes là pour nous en
donner.
M. Godin: La solution que nous proposons, c'est qu'il y ait des
normes qui s'inspirent peut-être du monde syndical, d'où vous
venez, soit ancienneté, ou examens plus difficiles, peu importent les
méthodes prises, mais les critères connus, acceptés et
respectés par ceux qui s'y soumettent, acceptés et
respectés par ces personnes, de manière qu'il n'y ait pas
apparence d'injustice ni de discrimination, parce que pour l'instant on n'a pas
de preuve de discrimination, enfin c'est très dur à faire ces
preuves de toute manière, mais, les résultats obtenus en fin de
compte donnent à croire, d'après les chiffres qu'on a vus, qu'il
y a apparence de... La preuve n'est pas faite qu'il y a eu discrimination, mais
il y a apparence de, et il faut éviter cela. Et le meilleur moyen est-il
l'ancienneté? S'il y a quinze postes par année ouverts en
internat rotatoire - je pense que c'est le cas, pour les
non-Québécois - qu'au moins ces quinze postes soient
attribués en fonction d'un critère connu qui soit
l'ancienneté, c'est-à-dire à quelle date tel candidat a
passé son examen FMGEMS ou autre.
M. Chevrette: J'ai vécu un problème un peu
analogue, M. Godin, dans mon expérience syndicale justement, où
l'ancienneté joue un rôle, mais c'était libellé
à peu près toujours comme suit: à compétence
égale, l'ancienneté prévaut. Et là, toute la
notion, la dimension, l'analyse de compétence égale, vous
retombez dans une discrétion assez grande, parce que uniquement le
critère d'ancienneté, là vous allez avoir des groupes qui
vont se mettre à crier que vous y allez aux dépens de la
qualité, n'est-ce-pas?
M. Godin: Je pense qu'il appartient précisément
à nos collègues de l'enseignement supérieur et à
nos partenaires du CREPUQ du monde universitaire de voir à
déterminer eux-mêmes les moyens qui leur permettront de
déterminer l'excellence ou la compétence supérieure d'un
candidat par rapport à un autre. C'est à eux... et nous pouvons,
nous, faire partie d'un comité, enfin c'est la vieille solution du
comité, qui est peut-être une fuite en avant me direz-vous, mais
nous sommes prêts à contribuer, à collaborer à un
groupe, quand il sera prêt, le plus tôt possible pour que justice
soit rendue, pour mettre au point une formule qui ait toute apparence de
justice et d'équité et qui respecte les deux critères
généralement reconnus comme étant objectifs,
c'est-à-dire l'ancienneté et la compétence ou
l'excellence.
M. Chevrette: Est-ce que cela aurait du bon sens d'avancer une
hypothèse qui se formulerait à peu près comme suit. Pour
un certain nombre en tout cas, jusqu'à il y a six mois, compte tenu que
des gens n'ont pas été prévenus des difficultés
pour accéder à la médecine au Québec, est-ce que
pour ceux qui sont sur les listes présentement, le critère
d'ancienneté pur joue et que tous ceux qui auraient à venir, vu
que nous ne sommes pas capables de fermer le robinet, ce serait à
compétence égale que l'ancienneté prévaudrait?
Est-ce que cela aurait de l'allure comme formule?
M. Godin: Je pense qu'on s'est mal compris sur les six mois. Ce
que je veux dire, c'est que la formule que je vous soumets est vieille de six
mois. Mais, c'est parce qu'on y travaille régulièrement. C'est
celle qu'on a pondue depuis la dernière mouture, si vous voulez, une
formule qui a existé depuis de nombreuses années et dont on se
sert depuis six mois. Mais, en fait, une formule semblable ou
équivalente, aussi précise et explicite existe depuis plusieurs
années au ministère. On l'a fait signer dans plusieurs pays
où on a des bureaux par les candidats à l'immigration qui sont
médecins de profession.
Mais on pourrait peut-être vérifier si, dans le groupe en
question, il n'y en a pas qui n'ont pas été avisés de
cette obligation au Québec et de cette difficulté. Ce groupe
pourrait bénéficier d'un statut particulier à
l'intérieur du contingent dont on parle. Mais, cela peut être
à vous, à nous ou ensemble ou conjointement à le faire,
mais le plus tôt possible, nous sommes à votre disposition, M. le
ministre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que l'objectif
de notre rencontre d'aujourd'hui, c'est vraiment la nécessité de
trouver une formule, pour reprendre vos termes, qui soit juste et
équitable et, dans l'immédiat, de solutionner le problème
auquel à peu près 150 personnes font face. Je pense bien qu'on ne
trouvera pas la formule idéale cet après-midi, mais j'ai
l'impression... Il me semble qu'on pourrait trouver une formule un peu plus
serrée que celle-là pour les gens à venir.
Dans le fond, si je recevais cela, que je pensais que j'étais un
bon médecin et que je signais cela, je suis informé que c'est
difficile d'exercer la médecine, les possibilités sont
restreintes. Mais ce n'est pas dit que la réalité des choses est
telle que je ne pourrai pas pratiquer la médecine dans un avenir
prévisible, au moins pour dix ans. Parce qu'il reste quand même
que, beaucoup de gens nous ont dit qu'il fallait faire des projections sur une
période de dix ans, vu que pour un spécialiste, cela prend dix
ans, etc. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire que, dans un avenir
prévisible de cinq ans ou de huit ans - c'est aux gens à
établir cela - il n'y aura pas de possibilité de pratiquer la
médecine, à moins qu'on vienne comme médecin chercheur ou
professeur ou quelque chose comme cela? Je trouve qu'elle est pas mal large. En
tout cas, si je la recevais, je me dirais, comme disait le ministre des
Affaires sociales, je vais me débattre et je vais finir par y arriver.
Je pense qu'on en a aussi la démonstration parce qu'on a ici des gens
qui se débattent depuis cinq ou six ans et qui disent: Je vais finir par
y arriver. Au moins, ils sont rendus à l'Assemblée nationale. En
tout cas, je pense que cela reste à examiner.
L'autre question que je voudrais vous poser...
M. Godin: Une chose, Mme la Présidente, sur ce que vous
dites. Effectivement, c'est une formule qui n'est pas étanche parce
qu'il n'existe aucun papier qui soit une renonciation des droits de la
personne. Une personne pourrait même signer une formule beaucoup plus
serrée et aller en cour, supposons la Cour suprême, et se faire
dire qu'elle n'a perdu aucun droit de pratiquer la médecine au
Québec ou au Canada.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, si on peut faire
des prévisions, par exemple, que d'ici cinq ans, on n'a pas besoin de
médecins immigrants qui viennent pratiquer la médecine, on
pourrait venir parler au moins d'un délai, ce qui ne
l'éliminerait pas si un jour cela devient possible. C'est juste pour ne
pas créer, je trouve, de fustrations, de faux espoirs qui, finalement,
ne peuvent pas se réaliser.
M. Godin: Madame, le ministère a envoyé une lettre
à M. Augustin Roy, bien connu comme président de la Corporation
des médecins du Québec, lui proposant de réfléchir
avec lui, avec la corporation et le ministère des Affaires sociales
à une formule qui permettrait de régler autant que possible...
Bien sûr, rien n'est parfait, ni ici, sauf en haut où on sera
peut-être un jour, si Dieu le veut, mais on attend toujours une... On
attend toujours de temps en temps... C'est votre influence, Mme la
députée...
M. Chevrette: Une "inside joke". (16 h 30)
M. Godin: Mais nous sommes prêts à
réfléchir sur toute formule à laquelle seraient
associés la Corporation des médecins, la CREPUQ et le groupe du
Dr Bien-Aise, une formule qui soit juste, équitable, raisonnable et
respectable, au fond, et surtout conforme aux droits des personnes dans ce
pays.
Je vous avoue que ce n'est pas une tâche facile, Mme la
Présidente. Maintenant, si la solution de consultation est mise sur pied
dans un groupe d'étude avec un mandat accéléré ou
si un mandat de résultats accélérés peut satisfaire
cette assemblée, nous sommes disposés à nous mettre
à l'oeuvre dans les plus brefs délais.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous
remercie, M. Godin. Une dernière question. J'imagine que dans le
même sens, si jamais on arrive à une formule qui soit
satisfaisante pour l'avenir, si vous avez des contacts avec le ministère
canadien de l'Immigration, parce que je ne sais pas si vous êtes dans
tous les bureaux où il y a des... Je ne pense pas.
M. Godin: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans tous les pays...
Alors qu'eux laissent la porte ouverte comme si de rien n'était et je ne
sais pas quel est présentement... Vous t'avez indiqué tout
à l'heure que déjà, pour les indépendants, on
n'admet plus de médecins généralement, mais que si on
arrivait à d'autres conclusions, évidemment, il faudrait faire
les mêmes arrangements avec le ministère canadien de
l'Immigration.
M. Godin: De toute façon, nous avons déjà
dans l'organigramme des deux ministères un sous-comité qui se
réunit, au besoin, pour étudier tout problème nouveau qui
peut se présenter et celui-là peut être soumis à ce
comité - qui s'appelle comment, M. le sous-ministre? - Le comité
mixte d'application des ententes Couture-Cullen. On peut donc amener devant ce
comité mixte ce problème nouveau et lui demander quelles
solutions il trouve, pour sa part. S'il se pose dans
d'autres provinces que le Québec, c'est possible qu'ils aient
trouvé quelque chose ailleurs, on ne sait jamais.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Godin: Mais on peut, effectivement, l'inscrire è
l'ordre du jour lors d'une prochaine rencontre du sous-comité mixte.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie
beaucoup, M. le ministre de votre disponibilité ainsi que M. Vigneau. Je
ne sais pas si le ministre des Affaires sociales voulait ajouter un petit
mot.
M. Chevrette: Je remercie mon collègue de son offre de
collaboration. À la fin de cette commission, je pourrai sans doute
officialiser quelque chose dans ce sens qui nous permettra de travailler
ensemble.
M. Godin: À votre service mesdames et messieurs. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup.
M. Chevrette: Votre disponibilité nous enchante.
M. Godin: Elle est traditionnelle. M. Chevrette:
Proverbiale.
Conférence des conseils
régionaux
de la santé et des services sociaux
du Québec
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'invite la
Conférence des conseils régionaux de santé et de services
sociaux du Québec à se présenter. M. Dumas en est le
président. Bonjour, M. Dumas.
M. Dumas (Paulin): Bonjour madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II me semble qu'il y a un
autre nom pour les Joliettains.
M. Chevrette: C'est un Lanaudois. M. Dumas: Je suis un
Lanaudois.
M. Chevrette: Un Lanaudois, Lanaudière.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon! J'imagine qu'il
doit y en avoir d'autres régions. Si vous voulez bien nous les
présenter.
M. Dumas: Oui, madame- Cela me fait plaisir. Je vais vous
présenter Mme Hélène
Maurais, directrice générale de la conférence;
à ma gauche, le Dr Claude Voisine, président du conseil de la
région du SaguenayLac-Saint-Jean; M. Jean-Yves Simard, notaire,
président du conseil régional de la région de
Québec qui composent la délégation, qui sont membres du
conseil d'administration de la conférence.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien. Je sais que
Mme Maurais était ici hier. Alors, vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire et après nous procéderons
à la période des questions. Je pense que vous pouvez même
le lire, il n'y en a pas pour plus de 20 minutes.
M. Dumas: Je n'ai pas l'intention de le lire compte tenu,
d'abord, que vous êtes en fin de commission et je ne veux pas m'attarder
aussi sur la présentation des principes ou de la problématique et
même sur l'ensemble des mandats des conseils régionaux. Je
voudrais m'attarder sur trois volets qui regroupent, effectivement, le contenu
de cela. D'abord, la validité de la position que nous avons prise
à la conférence et que nous avons transmise et les assises des
conseils régionaux, particulièrement pour le problème qui
nous préoccupe, le seul sujet sur lequel nous intervenons,
c'est-à-dire la planification de la main-d'oeuvre médicale. Je
voudrais vous présenter ou vous résumer les trois moyens que nous
proposons pour assurer l'application des mandats des conseils régionaux
dans ce domaine, ainsi que deux moyens qui sont relatifs à la formation
médicale.
Sur la validité, tout ce que je veux répéter, c'est
que la conférence regroupe les douze conseils régionaux; à
la page 2, ils sont listés. Tous ces conseils sont solidaires de la
position qui vous est présentée, en tenant compte - c'est
important - de leur vécu et de leurs différences en région
sur la question des effectifs médicaux comme sur l'ensemble des autres
questions qui constituent le vécu des conseils régionaux et des
établissements avec lesquels nous travaillons quotidiennement.
Quant aux assises des conseils, je voudrais d'abord rappeler que le
gouvernement nous a confié un mandat par règlement concernant
l'approbation des plans d'effectifs médicaux, qui sont
élaborés par les centres hospitaliers avec lesquels nous
travaillons. C'est bien connu de tout le monde. La deuxième assise,
c'est une déclaration de "partnership" entre le ministère des
Affaires sociales et la conférence des conseils régionaux,
signée récemment. Avec votre permission, j'aimerais la
déposer à la commission et, également, la distribuer aux
membres de la commission, si vous n'avez pas d'objection.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Dumas: Nous pourrions le faire immédiatement, si cela
vous agrée, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfaitement.
M. Dumas: Oui.
M. Chevrette: Madame est heureuse de voir qu'il y a bonne
entente.
M. Dumas: Je veux juste dire un mot là-dessus, parce que
c'est important.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Je présume...
M. Dumas: C'est dans ce cadre que nous nous présentons
devant cette commission, parce que dans cette déclaration, qui
dépasse, évidemment, le mandat dont je viens de faire mention, il
y a une volonté explicite, une volonté très claire
d'affermir les relations de partenaires pour l'ensemble des
responsabilités qui sont ou bien très distinctes, ou bien
partagées entre nous, complémentaires. C'est dans ce cadre que
nous nous présentons devant vous pour expliquer, nous le croyons
fermement, des solutions qui, selon nous, vont régler cette question qui
semble si difficile, soit la répartition de la main-d'oeuvre
médicale.
Donc, je vais aborder les trois premiers moyens, qui sont des moyens
pour permettre et pour assurer l'application de notre mandat. Nous les
retrouvons aux pages 7, 8 et 9 du mémoire. Le premier s'intitule:
L'implication des conseils régionaux au processus de négociation.
Je vais tenter, brièvement, d'expliquer pourquoi et, lors de la
période de questions, je serai en mesure d'aller plus loin. C'est, dans
le fond, très simple. Nous avons un mandat d'approbation des plans
d'effectifs médicaux préparés par les
établissements, mais nous savons aussi que dans l'entente avec la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec il
y a un des deux objets de cette entente qui porte, effectivement, sur la
répartition géographique des effectifs médicaux. Je dirais
même que, dans l'entente avec la Fédération des
médecins spécialistes du Québec, il y a des lettres
négociées qui portent aussi sur l'identification des secteurs
isolés et que, dans les deux ententes avec les syndicats
médicaux, c'est sûr que la rémunération ou les
mesures d'incitation ont des effets sur la répartition. Compte tenu de
la responsabilité qu'on a, il nous semble qu'il n'est plus possible
qu'on soit exclu d'un processus qui va avoir des effets et qui a des effets sur
la répartition. Voilà pourquoi nous croyons qu'il serait
très sage et efficace d'intégrer la présence des conseils
régionaux dans le processus de négociation qui est un processus
central.
Quant au deuxième moyen, il s'agit de la gestion régionale
des mesures de répartition géographique. Je n'ai pas envie
d'insister beaucoup là-dessus puisque déjà en mai 1984, il
y a un an, nous avons fait connaître à une commission semblable
notre position à cet égard. Cela touche évidemment les
mesures de la répartition telles les bourses d'études, les primes
d'installation. Nous sommes absolument convaincus que cette question n'est pas
facile à gérer centralement et qu'elle devrait être
gérée en région puisque les conseils régionaux,
quotidiennement, avec leurs établissements, voient l'ensemble de la
problématique et ont une connaissance intime de ces questions. Cela me
permet d'ajouter ceci: on parle aujourd'hui de la répartition des
effectifs médicaux ou de la main-d'oeuvre médicale, mais on a une
chose en tête, c'est que cela doit être intégré
à la répartition des services, à l'organisation des
services de santé et des services sociaux dans les régions pour
répondre aux besoins de la population. Ce n'est pas un dossier à
part qui n'a aucun lien avec la réalité du réseau des
affaires sociales en région. C'est très important de le regarder
dans cette problématique.
Deuxièmement, le mémoire le dit, le mandat est
donné pour que les plans d'effectifs médicaux ne soient
élaborés que dans les centres hospitaliers. Ce mandat ne parle
pas du tout des CLSC, des centres d'accueil ou des autres
établissements. La main-d'oeuvre médicale, que je sache, n'est
pas uniquement dans les centres hospitaliers, mais elle travaille aussi avec
différents types de clientèle et différents types
d'établissements.
Le troisième moyen qui permettrait d'assurer l'application de
notre mandat par rapport à l'approbation des plans d'effectifs
médicaux, c'est la coordination par les conseils des ententes
inter-établissements. J'ai envie de vous dire qu'il faudrait que cela
cesse, que les ententes soient faites par tête de pipe, mais qu'elles
soient faites d'une façon permanente par la responsabilité des
établissements. Tant et aussi longtemps qu'on fera des ententes sur des
personnes, chaque fois qu'une personne quitte pour des raisons qui lui sont
tout à fait personnelles ou autrement, l'entente doit être
recommencée et le vacuum ou la pénurie recommence, on doit
refaire les ententes avec une autre personne. On pourrait avoir des ententes
institutionnalisées qui seraient coordonnées par les conseils
dans une perspective de répartition équilibrée des
ressources en région, mais qui sont des ententes qui lient les
établissements.
Évidemment, on pose des conditions à
cela. Cette gérance doit être faite comme on en parle
à la page 9, selon le respect des principes suivants: l'autosuffisance
des établissements pour les services de base par région;
l'autosuffisance des régions pour les spécialités de base
- on parlait, semble-t-il, hier d'à peu près 17 - et
l'accès à tous aux services surspécialisés qui sont
habituellement dans les grands centres. Ce qu'on veut dire clairement, c'est
qu'on ne veut plus de colonisés, on ne veut plus de colonisateurs. On
veut que les services de base, dans les établissements, et les services
spécialisés de base visant à l'autosuffisance pour
être en mesure, en région, de gérer ces ententes pour viser
à l'autosuffisance. (16 h 45)
Cette question-là, nous pourrons la développer lors de la
période des questions. J'ajoute que les ententes intrarégionales,
c'est-à-dire à l'intérieur d'une même région,
nous sommes favorables à ce qu'elles passent avant les ententes
interrégionales pour des raisons évidentes de concertation entre
les établissements qui savent comment équilibrer et comment faire
des accords entre eux. Il est souhaitable que ces ententes-là soient
incluses aussi dans le processus de planification régionale des
effectifs médicaux - pour nous, c'est une cohérence
évidente - et que les conseils régionaux concernés par les
ententes participent au choix des moyens et aux modalités d'application
des ententes. Enfin, il s'agirait que les instances concernées se
rendent responsables de l'application et de la continuité de ces
ententes. Donc, on institutionnalise les ententes au niveau des
établissements.
Voilà pour le bloc des trois moyens qui, selon nous,
assureraient, à partir de demain matin s'ils étaient
appliqués, la réalisation concrète du mandat qui nous est
confié.
Les deux autres moyens sont relatifs à la formation
médicale; on les retrouve aux pages 11 et 12. Le premier, c'est celui
des stages de formation obligatoires répondant aux besoins des
différentes régions et des différentes catégories
d'établissements. Cela me semble aussi évident qu'il faut donner,
il faut permettre à ceux qui sont en formation médicale de vivre
d'une façon pratique et concrète des modes de pratique
différents dans des régions différentes, dans des
établissements différents et, surtout, pour des clientèles
différentes. Il me semble qu'il y aurait moins de surprise après,
ou moins d'anomalies après, si, finalement, on avait vu passer le train
un peu partout à l'intérieur de ce qu'on appelle la formation
qu'on doit avoir avant de pratiquer professionnellement.
Là-dessus, le dernier paragraphe met l'emphase sur une
collaboration qui nous apparaît évidente entre les
universités et les divers milieux de pratique médicale. C'est
notre plus grand souhait, notre plus grand désir de pouvoir travailler
avec ceux qui sont concernés par cette question.
Le deuxième moyen, c'est celui de l'allocation d'un certain
nombre de postes de résidence en fonction des spécialités
et en fonction des besoins des régions. J'insiste là-dessus pour
vous dire que ce n'est pas strictement un problème de régions
périphériques parce que le premier réflexe qu'on a, c'est
de penser à elles. Nous, on a regardé cela avec l'ensemble de nos
membres et c'est aussi vrai pour les grands centres soi-disant très bien
nantis que pour n'importe quelle autre région du Québec. Il peut
y avoir et il y a, effectivement, des pénuries par
spécialité, par secteur géographique et par région,
autant à Montréal et Québec qu'en Abitibi ou dans ma
région de Laurentides-Lanaudière. Nous pensons qu'il va falloir,
dans les plus brefs délais, allouer un certain nombre de postes qui
seront affectés ailleurs que là où ils le sont
maintenant.
Nous terminons en vous disant qu'un certain mécanisme de
concertation a déjà été proposé ici, il n'y
a pas si longtemps, et nous sommes absolument d'accord que cette table de
concertation soit permanente et qu'elle regroupe tous ceux qui interviennent
dans ce qu'on appelle la répartition des effectifs médicaux et la
formation. Si on est capable de le regarder ensemble, à partir de la
première phase du processus de production jusqu'à la fin, nous
sommes convaincus qu'en dehors des crises ou des négociations annuelles,
on peut de façon permanente régler ces questions par une
communication permanente et institutionnalisée. Cela se fait, des gens
peuvent se parler, on peut travailler ensemble et nous vous listons ce que nous
croyons être les principaux intervenants, les principaux concernés
par cette question.
Mme la Présidente, c'est l'ensemble des moyens que nous proposons
et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos
questions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. le
ministre.
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, je voudrais
remercier la Conférence des CRSSS. J'ai quelques questions. Le
mémoire, en soi, est très clair. Vous reprenez vos principes en
les élaborant. Je voudrais tout d'abord vous questionner sur les mesures
incitatrices pour l'amélioration des services médicaux en
région. Vous dites qu'on ne devrait pas... À toutes fins utiles,
vous reprenez d'une façon un peu différente ce qui nous a
été dit hier par la région de l'Abitibi, se soustraire
à la négociation. Vous dites que vous êtes partie prenante
à la négociation ou si c'est vraiment de soustraire à la
négociation l'ensemble des mesures incitatrices? Vous parlez
d'administration régionale des mesures incitatrices. Donc, il ne sera
pas question de faire l'objet de
négociations d'aucune façon. Est-ce que
j'interprète bien vos propos ou si je les interprète mal?
M. Dumas: Oui. Sur la partie de la gestion des mesures, on vous
dit que cela va être plus simple de gérer cela en région.
Par contre, on vous dit que, étant donné que le processus existe
et qu'il va exister, il y a aussi des enjeux qui sont inscrits dans les objets
des ententes entre la FMOQ et la FMSQ, qui ont des incidences directes sur
cette répartition et on ne peut pas voir comment on va s'amuser
longtemps à faire des papiers avec strictement aucune possibilité
d'en influencer l'application. Je pense que vous êtes un homme pratique
vous aussi et que vous n'avez pas envie de vous amuser à faire du
papier; nous non plus. Si on doit réaliser notre mandat de la
planification des effectifs médicaux, il faut être en mesure
d'être dans le giron de l'application. Comme cela se fait à un
niveau central, dans un premier temps, on vous dit: On va être là
pour vous éclairer et pour influencer, finalement, les accords qui se
préparent et qui se négocient là, toujours parce qu'on a
mandat et toujours parce que, à l'échelle d'une région, on
sait clairement où sont les problèmes de pénurie dans les
établissements. On pourrait, à ce moment-là, ne pas parler
strictement que des centres hospitaliers, mais de l'ensemble des
établissements qui requièrent des services médicaux.
M. Chevrette: On achète cette suggestion qui nous est
faite depuis deux, trois jours par plusieurs groupes. Je pense qu'il se
dégage un consensus à l'effet de l'élargir aux CH, aux
centres d'accueil et même aux CLSC. Hier, je crois que cela nous a
été souligné et on y adhère pleinement. Je pense
que c'est véritablement avoir une vision beaucoup plus globale des
besoins en région, de sorte qu'on n'échappe pas de morceaux et
qu'on ne permet pas à ce moment-là de fausser les
statistiques.
M. Dumas: Êtes-vous en train de me dire, M. le ministre,
que vous acceptez aussi qu'on fasse partie du processus?
M. Chevrette: Partie du processus? M. Dumas: De la
négociation?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, il n'est pas encore
rendu là.
M. Chevrette: Pas tout à fait mais je ne suis pas
rébarbatif aux propos que vous tenez en page 7. Il y a effectivement une
incidence. Je ne sais pas comment cela pourrait se concrétiser.
Effectivement, quand on négocie, si on vous demande de remplir un boulot
et que vous êtes complètement ignoré dans le processus, je
reconnais que cela peut être un problème; on en a eu des preuves
avec la FMRIQ hier et l'AHQ nous a dit - je suis rendu que je parle par sigle,
comme vous...
M. Dumas: Ne faites pas cela.
M. Chevrette:... je vais commencer è les apprendre par
coeur. Je devrais continuer à garder l'habitude que j'avais au
départ, de parler avec des mots complets. Les centres hospitaliers,
hier, nous disaient qu'ils avaient été frustrés de ne pas
avoir participé à la négociation avec la FMRIQ, la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec et, effectivement, je crois que nous devrions chercher des moyens
d'associer nos structures qui ont un rôle bien défini et bien
spécifique, je le reconnais. Sans me geler nécessairement dans la
forme que cela prendrait, je reconnais que c'est tout à fait valable
comme point de vue.
M. Dumas: J'espère que ce ne sera pas par un coup de
téléphone.
M. Chevrette: Ce n'est pas mon habitude. Quand vous voulez me
voir, vous savez où me trouver, M. Dumas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Surtout dans
Lanaudière.
M. Chevrette: La question des ententes
interétablissements. Vous y avez touché. Vous les basez sur le
respect de principes bien précis. Il y en a un sur lequel je voudrais
vous entendre davantage, c'est l'accès aux services
surspécialisés. J'aimerais que vous développiez votre
perspective à partir de ce principe. On a parlé, bien sûr,
depuis quelques mois, d'équiper nos régions au moins
d'équipements minimaux pour donner un ensemble ou une gamme de services
qui soient adéquats dans chacune de nos régions. Mais, quand vous
parlez d'équipements surspécialisés, est-ce que vous
parlez d'équipements qui seraient concentrés dans une capitale
régionale ou lancez-vous ce principe en disant: Voici les trois
principes de base qui doivent nous guider dans l'établissement des
ententes interétablissements?
M. Dumas: D'abord, on accepte le constat que les services
surspécialisés ne sont pas omniprésents en région.
D'accord? C'est clair. Mais, gérer des ententes suppose aussi
gérer ces ententes-là. C'est-à-dire comment as-tu
accès aux services surspécialisés que tu ne peux pas
retrouver à de multiples exemplaires partout?
M. Chevrette: Est-ce que cela irait, par
exemple, au niveau d'une entente entre le bouclier et le CHRDL, quand
vous parlez de gérance d'ententes?
M. Dumas: Ce sont des ententes intrarégionales. Dans ce
cas-là, étant donné qu'il y a une rareté de ces
services, on peut peut-être parler de surspécialisation. C'est
dans le cas des ententes intrarégionaies. Mais cela va aussi avec les
ententes là où les centres ont les services
surspécialisés. Il faut avoir une prise là-dessus qui
répond à des besoins en région. Autrement dit, ce qu'il
faut éviter, c'est de faire des planifications d'effectifs en fonction
des effectifs. On fait une planification d'effectifs en fonction des besoins.
Les besoins sont analysés, identifiés et vécus avec les
établissements et le CRSSS quotidiennement. Il faut donc qu'on soit
capables de libeller ces ententes, de les fabriquer en fonction d'une
réponse à des besoins. Et là, on vous décortique
les principes qui sont les nôtres. Je vous disais tantôt qu'on ne
voulait pas de colonisés et qu'on ne voulait pas de colonisateurs, c'est
qu'on ne veut pas être totalement dépendants de régions
soi-disant bien nanties sur l'ensemble des services. Elles vont venir nous
visiter cinq jours par semaine. En fin de semaine, c'est rare, elles ne
viennent pasî Des affaires comme celles-là, on n'en veut plus!
Les deux premiers objectifs sont de viser l'autosuffisance sur les
services de base par établissement, et l'autosuffisance, par
région, des spécialités de base.
Quant au reste, on doit réaliser des ententes
extrarégionales ou intrarégionales pour pouvoir réaliser
cela sans demander que l'ensemble des services spécialisés se
retrouvent partout dans chacune des régions.
M. Chevrette: Vous partagez donc le point de vue de l'Abitibi sur
l'itinérance?
Mme Maurais (Hélène): Cela rejoint aussi le point
de vue de l'Abitibi et le point de vue de l'Association des hôpitaux
quant à l'autosuffisance de l'établissement pour les services de
base, de la région pour les spécialités de base et
l'interrégional pour des services surspécialisés.
M. Chevrette: Vous pouvez y aller, madame, je vais revenir...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que votre
mémoire est assez clair, enfin, la façon dont il est
divisé et articulé. Il y a une seule question que je voudrais
vous poser et qui est plutôt une question d'information. C'est au sujet
des ententes interétablissements, peut-être même davantage
que les ententes interrégionales ou même... Évidemment, ce
n'est pas une nouveauté. Cela fait longtemps que c'est une de vos
fonctions de planifier les ressources à l'intérieur de la
région entre les établissements. On sait que cela n'est pas
toujours sans difficultés. Est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle
mesure les mentalités évoluent et permettent une planification -
on peut bien l'articuler sur papier - et une coordination véritablement
vécue entre les établissements? On sait que cela tiraille entre
l'un et l'autre et ainsi de suite. Enfin, c'était comme cela. Il y avait
toute une question de mentalité. Chacun demeure maître à
bord de son établissement. Ce qui est une bonne chose, mais je veux dire
qu'il y avait passablement de "concurrence" -entre guillemets - entre les
établissements. Est-ce que ce sont des difficultés qui
s'atténuent, par exemple, entre les hôpitaux de courte
durée et les CLSC, entre les hôpitaux de courte et longue
durée et les centres d'accueil? Enfin, on pourrait en ajouter d'autres.
J'aimerais savoir dans quel sens cela a évolué. Est-ce que c'est
plus facile? Parce que c'est uniquement dans la mesure où cette
coordination sera réussie qu'on pourra parler... Évidemment, il
faudra toujours qu'il y ait une autosuffisance de l'établissement au
point de départ, mais aussi, c'est dans la mesure où cette
collaboration s'établira qu'on pourra parler d'une gamme de services
complète pour les bénéficiaires. (17 heures)
Mme Maurais: Je pense que votre question est très large,
à savoir: Est-ce que les mentalités évoluent? Je peux
affirmer -l'ensemble des conseils régionaux pourraient vous l'affirmer -
que, depuis dix ou cinq ans, il y a effectivement une nette évolution
dans les relations interétablissements et interservices. Cela fait
partie de la préoccupation majeure des conseils régionaux. Ceci
ne se fait pas sans difficulté, sans tenir compte aussi, comme
ressources importantes, du temps et des communications. Je vais demander
à M. Simard d'aller plus loin sur cette question. Mais, c'est
très large. Je pense qu'on pourrait vous en parler longuement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, avant que M. Simard
me réponde, il y a une deuxième question que je voudrais vous
poser immédiatement. Peut-être que M. Simard pourra
l'intégrer. On sait fort bien - j'ai écouté cela à
quelques reprises - que, souvent, dans ce qu'on appelle les
sous-régions, il y a des déficiences de services, même si
elles ne sont pas des régions désignées; il y a une
insuffisance de services. Je voudrais savoir de quelle nature est cette
insuffisance de services dans des sous-régions du Québec.
Mme Maurais: Vous parlez de services de santé...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De santé, sociaux
ou autres.
Mme Maurais:... de façon générale. La
Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Maurais: De quelle nature est l'insuffisance des
services?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Est-ce qu'elle
existe véritablement? Puisque vous êtes des conseils
régionaux, vous faites la planification des régions et des
sous-régions. On a mentionné que, souvent, il y avait des
sous-régions qui étaient mal pourvues, alors que la
région, en soi, n'était pas considérée comme une
région mal pourvue.
M. Simard (Jean-Yves): Cela tombe justement... La région
de Québec est un exemple de votre deuxième question.
Effectivement, lorsqu'on considère le territoire de la région de
Québec, si on parle de la ville de Québec ou de ce qu'on appelle
plus communément le Québec métropolitain, on va
considérer... Je pense qu'on fait consensus pour dire que c'est un
territoire bien pourvu en ressources, de façon générale,
même si on peut identifier, pour certains services très ponctuels
ou certaines spécialités, des déficiences.
Par ailleurs, sont compris dans la région 03 des territoires
comme l'amiante, la Beauce, la région de Charlevoix, qui est la mienne,
et la région surtout la plus éloignée qui est
Rivière-du-Loup, qui est presque aussi éloignée de la
ville de Québec que Montréal l'est de Québec, ce qu'on est
souvent porté à oublier. Ce sont des exemples où,
effectivement, dans ces sous-régions, il y a des manques de ressources
ou d'effectifs médicaux pour répondre, par exemple, aux trois
principes de base ou aux trois principes minimums qu'on expose à la page
9.
Est-ce que vous me permettez de revenir à votre première
question de tout à l'heure, sur la concurrence
interétablissements? La concurrence interétablissements, que vous
avez soulignée, a existé et elle existe probablement encore en
certains milieux. Mais, lorsque nous parlons d'ententes
interétablissements à la page 9 de notre document, à mon
sens, ce n'est pas influencé ou cela ne pose pas de problème
à cause de la concurrence que vous avez mentionnée. Ce dont on
parle ici, ce sont des ententes interétablissements, par exemple, entre
deux hôpitaux de régions différentes ou entre deux
hôpitaux d'une même région pour fournir des services d'un
hôpital bien pourvu à un hôpital moins bien pourvu. Ce qu'on
veut surtout souligner par nos commentaires de la page 9, c'est qu'au lieu que
les ententes reposent uniquement sur des individus ou que ce soient des
ententes ponctuelles avec des équipes bien identifiées, qui n'ont
pas une garantie de stabilité dans le temps, on dit: II faut
institutionnaliser ces ententes en impliquant davantage les
établissements concernés, d'une part, et aussi les conseils
régionaux, d'autre part, et que ces instances soient responsables de la
stabilité et de la continuité des ententes, c'est-à-dire
que si, par exemple, une équipe médicale qui couvrait un service
n'est plus disponible, il faut que les instances, comme les
établissements ou les conseils régionaux, entrent en action
immédiatement pour pouvoir combler le vide, à ce moment, au lieu
de laisser cela uniquement à quelques individus qui, malgré leur
bonne volonté, ne peuvent pas assurer cette continuité.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cette entente
ne pourrait pas être aussi efficace entre individus? Je comprends, si
c'est une équipe médicale avec une autre équipe
médicale, c'est plus aléatoire comme longévité,
c'est fort possible, mais dans le cas d'établissements entre eux, est-ce
que cela ne les rend pas plus responsables quand ils sont eux-mêmes
responsables des ententes et de leur application plutôt que de toujours
se référer, pour utiliser une expression à la mode, au
grand frère qui est le conseil régional? C'est parce que
là vous avez l'air de dire: Les établissements ne peuvent pas le
faire d'une façon satisfaisante. II faudrait qu'on parraine tout cela
aussi.
M. Simard: Lorsqu'on parle des deux instances, on dit: Cela doit
être fait par les établissements avec la collaboration des
conseils régionaux concernés. Ce sont les deux ensemble. Vous
avez raison de dire que si c'étaient uniquement les conseils
régionaux, il y aurait probablement une déficience parce qu'il
faut impliquer les établissements là-dedans aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous
remercie.
M. Dumas: Pour nous, Mme la Présidente quand on parle de
coordination, c'est pour être capables d'assurer la cohérence
à l'échelle de la région. On ne peut pas isoler cela en se
fermant les yeux sur l'ensemble. C'est pour cela que par le biais d'une
coordination du conseil, on va s'assurer que ces ententes sont vraiment dans
une planification régionale et répondant à des besoins
locaux, de toute façon. D'ailleurs, nous faisons ces choses avec les
établissements; nous ne les faisons pas seuls.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M.
Simard.
M. Simard: Je vaudrais juste ajouter un
autre élément pour expliquer l'importance de l'implication
des conseils régionaux avec les établissements. Lorsqu'il y a des
ententes interétablissements, cela implique la plupart du temps, pour
l'établissement qui est en région éloignée qui fait
une entente avec une région bien pourvue, des budgets ou des ressources
en équipement pour soutenir la pratique médicale qu'on fait venir
en région. Comme les conseils régionaux ont aussi des
responsabilités en ce qui concerne la planification des ressources dans
leur région et des budgets, c'est une autre raison importante pour
laquelle ils doivent être impliqués là-dedans.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La dernière
question que je voudrais vous poser, c'est au sujet des équipements dans
les milieux hospitaliers. Je sais que, dernièrement, le ministre a
prévu un certain nombre de mesures. Il y a 7 000 000 $ des 14 000 000 $
- si je l'ai bien écouté hier -qui iront au renouvellement
d'équipements. Mais je m'étais fait dire par un de ses
prédécesseurs - je ne le nommerai pas, d'ailleurs, ce n'est pas
un blâme non plus -que les équipements médicaux, à
l'intérieur des centres hospitaliers en régions
éloignées, étaient satisfaisants. Maintenant, qu'il faille
en ajouter, cela se peut, mais quelle est exactement la qualité des
équipements des centres hospitaliers en régions
éloignées?
M. Dumas: M. Voisine va...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Voisine (Claude): Je viens de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je peux vous dire que dans notre réseau
régional, nous avons des équipements qui sont satisfaisants.
C'est sûr que M. Chevrette va me regarder peut-être drôlement
lorsqu'on songe qu'à Dolbeau, cela a fait l'objet de plusieurs crises,
mais il reste que dans l'ensemble, les équipements, chez nous, sont
satisfaisants. M. Lamonde, il ne faudrait pas qu'il me regarde de travers pour
me dire par la suite: Vous n'en aurez plus besoin d'équipements chez
vous.
Le problème auquel on fait face, chez nous, pour répondre
au premier volet de votre question, Mme Lavoie, en sous-région et dans
la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a des disparités
énormes. Le secteur de Dolbeau en est un. Je dois vous dire que la
répartition des effectifs médicaux, chez nous, si la norme
provinciale et fédérale est d'un psychiatre, par exemple, pour
6500, chez nous, c'est 1 pour 45 000. Chez nous, nous n'avons plus
d'endocrinologue, nous n'aurons plus, à partir de bientôt, un
neurochirurgien qui est superéquipé. Cette
ultraspécialité à l'hôpital de Chicoutimi est
très bien équipée et le seul neurochirurgien qu'on avait
réussi à avoir - un émigré, qui était venu
chez nous; on avait fait les démarches pour qu'il obtienne sa
citoyenneté; après deux ans, il l'a eue - s'en retourne à
Montréal. Dans la sous-région chez nous, nous manquons
d'effectifs et les effectifs que nous avons sont peut-être mal
répartis.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, si je vous ai bien
compris, c'est que du point de vue équipement, c'est satisfaisant...
M. Voisine: Relativement satisfaisant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... c'est du point de vue
des effectifs médicaux. Maintenant, vous dites que du point de vue
sous-régional, vous êtes mal en point. Vous donnez comme exemple
le cas de Doibeau. Comment se fait-il que le CRSSS qui a la
responsabilité de faire la planification des effectifs et des
équipements, en particulier, au niveau régional, comment se
fait-il qu'on retrouve des... Doibeau n'est quand même pas un petit
village. C'est assez gros Doibeau, je ne me souviens plus, j'y suis
déjà allée.
M. Chevrette: C'est très joli, je suis allé
dernièrement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 10 000 de population dans
le coin, c'est une ville quand même d'importance. En tout cas, peu
importe. Comment se fait-il que vous ayez cette responsabilité et que
vous vous retrouviez dans des coins comme cela où il y a
définitivement un décalage au point de vue des ressources?
M. Voisine: À la grandeur du Québec, il y a de ces
décalages. Pour ma part, j'aurais le goût de vous répondre
tout de suite qu'au CRSSS, on peut planifier les choses, mais il faut avoir de
l'argent pour le faire, pour réaliser des choses.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais vous me dites
que par exemple, dans...
M. Voisine: Je vous parle d'équipements
hospitaliers...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je parle
d'équipements. Comment se fait-il que d'autres coins... C'est vous
autres qui avez fait la distribution.
M. Voisine: Qu'on a fait la distribution?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est vous autres qui
avez fait la planification de la distribution, pardon.
M. Voisine: Non, non, vous ne...
M. Chevrette: Me permettez-vous de vous donner un petit bout de
réponse?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, je m'en doute un
peu.
M. Chevrette: Ils vont expliquer comment le revenu allait au pif.
On distribuait l'équipement d'une façon...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais...
M. Chevrette:... tout à fait discrétionnaire, de
sorte qu'on a...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais Il reste que...
Une minute...
M. Chevrette:... bâti des centres hospitaliers bien
équipés et aujourd'hui, cela se fait d'une façon
rationnelle. C'est pour cela qu'on se retrouve en déséquilibre,
mais qu'on est en train de le faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais, M. le
ministre, on ne voudrait quand même pas entrer dans un débat tous
les deux.
M. Chevrette: Oui, mais c'est parce qu'eux n'oseront pas vous le
dire. Ils ne veulent pas faire de politique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, ils ne veulent pas
faire de politique, mais il reste que les CRSSS sont là depuis combien
de temps? Treize ans?
Une voix: Quatorze.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quatorze ans. Alors,
savez-vous qu'il y a... Depuis quatorze ans...
M. Chevrette: Vous avez fait un bout dans les quatorze ans, en
plus de cela, vous avez....
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais vous autres,
cela fait quand même...
M. Chevrette:... fait un grand bout avant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... neuf ans que vous
êtes là. Là, vous avez voulu mettre cela sur un autre
terrain.
M. Chevrette: Cela va bien, avez-vous remarqué, ils sont
satisfaits.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, à Dolbeau,
ils nous disent... Non, ils semblent être satisfaits de ce qu'ils ont eu
avant, mais pas de ce qu'ils ont maintenant puisque Dolbeau est en carence
chronique.
M. Chevrette: Était en carence.
Mme Maurais: Cela a rapport à votre...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela ne fait pas
longtemps que la carence est corrigée.
M. Chevrette: Cela ne fait pas longtemps, mais cela est fait. J'y
suis allé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais ils
débrayaient avant le jour de l'An. Alors...
M. Chevrette: Ah! Ils débrayaient... Bien sûr...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Simard: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne voulais pas
embarquer sur ce terrain-là.
M. Simard:... sans faire de politique, il y a effectivement des
éléments historiques qui expliquent cela d'une part et, d'autre
part, il faut dire et là, cela aussi repose sur une rationnelle, on
n'installe pas des équipements dans des établissements lorqu'il
n'y a personne pour les utiliser.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce
moment-là... Hier, on nous a dit: Si on n'a pas d'équipement, on
n'a pas de personnel.
M. Simard: C'est ce que je vous soulignais tout à l'heure,
que lorqu'on parle d'impliquer les conseils régionaux dans les ententes
interétablissements, si, pour utiliser une expression, on importe dans
un établissement une équipe dans une spécialité
quelconque, c'est important, que les conseils régionaux de toutes les
instances finalement soient impliqués pour que, faisant venir la
main-d'oeuvre médicale, on puisse donner des équipements
appropriés. Mais, d'installer des équipements sans être
sûr d'avoir la main-d'oeuvre pour les utiliser, là...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, c'est un peu comme
la charrue et les boeufs, cela?
M. Chevrette: C'est cela. Il y a peut-être autre chose. On
pourrait ajouter un troisième élément. C'est qu'il y a
peut-être des hôpitaux qui ont été flanqués
à des endroits, à des moments X et qui n'auraient pas dû
être à ces endroits. Il faut dire cela aussi. Cela ne faisait pas
partie d'une
planification... La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui,
c'est...
(17 h 15)
M. Chevrette: C'était quasiment un honneur de mettre un
hôpital à telle place indépendamment de ce qui pouvait se
passer.
Je ne vois aucune planification en termes de développement
démographique, rien du tout.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'ailleurs...
M. Chevrette: C'était la couleur de la brique qui
était importante puis le choix de l'entrepreneur.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'ailleurs, M. le
ministre, si on veut continuer dans la même veine, il faut dire que
Chicoutimi a eu plusieurs ministres importants.
M. Chevrette: II y a un gros hôpital, aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si on remonte à M.
Talbot, en passant par les Harvey auxquels je suis moins familière et
maintenant M. Bédard, c'est peut-être pour cela qu'ils sont tous
à Chicoutimi.
Une voix: M. Tremblay.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, M. Tremblay aussi,
j'avais oublié.
M. Dumas: J'ai deux éléments de réponse
là-dessus. Il faut constater humblement et modestement qu'on ne peut pas
refaire l'histoire en quatorze ans. Mon ami Jean-Claude, le sous-ministre,
disait souvent: On ne peut pas déménager les hôpitaux, ils
ne sont pas sur des roulettes et c'est difficile aussi de
déménager les équipements. Donc, avant de refaire
l'équilibre à partir d'un irrationnel existant depuis de fort
nombreuses années, sans vouloir accuser personne, il faut vraiment
travailler d'une façon très cohérente avec les
établissements là-dessus.
Deuxièmement, je pense bien qu'on est tous conscients que le
mandat des conseils régionaux par rapport à la planification des
effectifs médicaux, ce n'est pas vieux, cela, c'est à toutes fins
utiles lors de la mise en vigueur de la loi 27 pour l'ensemble des conseils
régionaux. Je pense bien qu'on est tous conscients aussi que ce n'est
pas juste un exercice statistique de savoir combien il nous manque de
médecins dans telle spécialité et dans tel secteur.
N'importe qui est capable de faire ça ou à peu près. C'est
plus que ça parce que cela touche aussi la vocation des centres et le
profil de la pratique médicale dans les centres, autant CLSC, centres
d'accueil ou hôpitaux. C'est un exercice qui est très complexe,
qui concerne beaucoup de gens et qui remet en question, finalement, ce qu'on
fait dans ces hôpitaux-là en vocation, en profil, en orientation
des services à donner. C'est vrai en milieu urbain, c'est vrai dans les
milieux périphériques ou intermédiaires et cet outil est
absolument nécessaire pour qu'on puisse arrêter de faire des
erreurs en suréquipements ou être capable de clarifier que, si le
plan est valide et qu'il a été validé par l'ensemble des
intervenants, il va falloir qu'ensuite, dans les cas où il y a des
besoins de services, les services viennent, les budgets, etc.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, je ne
voulais pas vous mettre sur la défensive, je me demandais juste...
Là, on ne sait plus qui est sur la défensive, de toute
façon. Je reviens à ma question initiale. Ce que je voulais
savoir, on l'a su pour la région de Chicoutimi-Lac-Saint-Jean.
J'aimerais avoir une idée; oublions Québec,
Montréal, Sherbrooke pour le moment. Dans les autres régions,
est-ce que... ? Ce que je veux savoir, c'est si le manque d'équipement
est vraiment criant partout ou si le manque... Vous avez dit: Nous autres on
est relativement satisfaits. Quel est le cas en ce qui concerne les autres
régions du Québec?
M. Dumas: Peut-être que Mme Maurais pourrait vous faire
l'ensemble. Si je parle de ma région, je peux vous dire qu'il y a deux
niveaux de problèmes. D'abord, il y a ce que l'on peut appeler les
centres hospitaliers de mission régionale, de nature régionale,
de caractère régional où, la, il faut effectivement donner
un peu plus d'équipement, un peu plus d'équipes professionnelles
parce que les autres hôpitaux, les citoyens de cette
région-là vont se rabattre sur un centre qui est un peu plus
équipé, qu'on appelle un centre régional. Mais on
constate... Il y a quinze jours ou trois semaines, j'étais à un
hôpital qui s'appelle Saint-Eustache. C'est épouvantable, ce n'est
quasiment pas concevable que, dans un bassin autour de 150 000 à 200 000
habitants, on puisse avoir en 1985 autant de carences, autant de
pénuries là-dessus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avec un bon ministre cela
va se corriger.
M. Dumas: Apparemment, on a un excellent ministre, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, à
Saint-Jérôme vous allez avoir cela.
M. Dumas: À Saint-Jérôme, c'est un
hôpital régional.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est ça.
M. Chevrette: C'est fait maintenant.
M. Dumas: Bon, c'est fait. Au centre hospitalier de
Lanaudière, c'est fait. À Saint-Eustache et Lachute, cela s'en
vient, je ne sais pas quand.
M. Chevrette: Lundi après-midi.
M. Dumas: Lundi après-midi, bon, voyez-vous! J'apprends
les nouvelles en même temps que vous, c'est merveilleux. Si on faisait le
tour des régions comme cela, on aurait la question de la mission et des
services qui doivent être dans les hôpitaux dits régionaux
et les hôpitaux périphériques, pas à la capitale, si
vous voulez, qui seraient capables de se rénover un peu puisque parfois,
cela fait 15 ou 20 ans qu'il ne s'y est pas passé grand-chose et la
population a augmenté ou diminué, c'est un des deux.
M. Chevrette: Dans le cas de Lachute, par exemple, en plus d'y
avoir un état de vétusté et de non-fonctionnalité,
je vais vous dire qu'il y a une compétition qui est plus correcte avec
Hawkesbury. Automatiquement, la clientèle va plutôt vers l'Ontario
et la facture est galopante pour les soins à payer à
l'extérieur.
C'est la même chose à Shawville, par exemple, et nous
allons régler cela également prochainement. Cette année on
met le paquet pour ce qui est de la vétusté des
équipements - je pourrai en parler tantôt -pour qu'on puisse
améliorer précisément ces endroits d'une façon plus
particulière.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on ne peut
pas faire tout le tour des régions. Je vais arrêter mes questions
ici.
M. Chevrette: Cela m'aurait permis de faire mes annonces en
double.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pouvez y aller, je
n'ai pas d'objection. Avez-vous d'autres questions à lui poser sur
d'autres régions?
M. Chevrette: Je pense que j'en ai une à vous poser. Je
voudrais que vous me donniez l'état d'avancement des plans d'effectifs
médicaux, mais en particulier dans les régions dites
universitaires.
M. Simard:... de Québec. En fait, pour faire un peu
d'historique, lorsque la région de Québec a eu son premier mandat
pour la planification des effectifs médicaux, cela ne devait concerner
que les hôpitaux universitaires. Cependant, dans la région de
Québec, sur une base volontaire, tous les établissements
hospitaliers ont accepté, à l'époque, de faire un plan
d'effectifs, selon le mandat qui nous avait été confié par
le ministère, de sorte que la région de Québec a des plans
d'effectifs médicaux pour tous ses hôpitaux depuis 1981. Cela a
été fait jusqu'en 1983. À ce stade-ci, nous en sommes
à la révision de ces plans d'effectifs médicaux,
c'est-à-dire dans le cadre d'une deuxième opération.
Ce qu'on peut dire, à la suite de cette expérience de
quelques années, c'est que cela nous a permis de constater un certain
nombre de difficultés d'application et que, pour faire de bons plans
d'effectifs médicaux pour la région, on doit de plus en plus
fonctionner par identification de besoins d'abord et, par la suite, tenter
d'accorder les effectifs appropriés. C'est assez facile è dire
dans une formule comme celle-là mais, lorsqu'on arrive sur le terrain
pour appliquer un principe comme celui-là, cela pose quand même un
certain nombre de difficultés, d'abord, dans l'identification des
besoins, mais davantage encore pour ajuster la maîn-d'oeuvre
médicale à ces besoins. Lorsqu'on arrive dans les
technicités, cela nous oblige à recueillir un certain nombre
d'informations qui sont très diversifiées. On a fait allusion
tout à l'heure, par exemple, aux profils de pratique médicale,
aux endroits où les médecins pratiquent, etc. Cela devient une
opération assez complexe, mais qui est quand même en cours de
route.
Cela implique aussi que les conseils régionaux doivent avoir de
bonnes relations avec les instances de la profession médicale; qu'on
pense tant au Conseil des médecins et dentistes qu'aux
fédérations médicales.
Par ailleurs, sans vouloir répéter tout ce qui a
été dit tout à l'heure là-dessus, la
première opération nous a aussi révélé que
la planification des effectifs médicaux touche aussi à la
vocation de certains centres hospitaliers. Effectivement, au cours de la
première opération, dans notre région, il y a des centres
hospitaliers qui ont modifié leur vocation et des recommandations
à cet effet ont été faites au ministère, qui les a
acceptées dans la plupart des cas.
Cela implique aussi que les établissements doivent poser certains
choix sur les types de services qu'ils offrent à la population et qu'il
doit y avoir une coordination régionale entre les choix que peuvent
faire les divers établissements.
M. Dumas: Je voudrais ajouter, Mme la Présidente, qu'on se
rend compte, à partir de l'expérience du conseil régional
de Québec, avec ses établissements, qui, en 1979, était
une des trois régions qui avaient le mandat de faire cela, que, d'une
part, cela ne se fait pas que sur les hôpitaux universitaires.
Voilà pourquoi eux ont tenté l'expérience
pour les 37 centres hospitaliers.
Deuxièmement, on se rend compte qu'aussi longtemps que l'ensemble
des régions n'aura pas la possibilité de le faire, compte tenu de
ce que cela implique - ce n'est pas juste un jeu de statistiques, je le
répète - on ne pourra pas non plus voir la cohérence entre
le produit de cette planification dans une région et la
conséquence sur les autres. II y a même ici, semble-t-il, des
équipes médicales ou des CMD qui ont utilisé comme outil
rationnel de réponse, d'acceptation ou de refus d'un médecin qui
veut s'ajouter à une équipe le dossier des effectifs
médicaux de Québec. Mais, si cette personne candidate comprend
qu'effectivement ils ne peuvent pas la recevoir pour des raisons bien
évidentes d'un plan bien fait, elle peut aussi bien se retrouver
è Montréal ensuite. Alors, qu'est-ce qu'on vient de
régler? Il faut que l'ensemble de ces plans soit fait selon les besoins
des régions et qu'on puisse être capables de les coordonner, ce
que nous pouvons faire, comme conseils régionaux, à
l'intérieur de la conférence, mais il faut être au
même niveau. Alors, comme les mandats n'ont pas été
donnés aux mêmes dates et au même temps, on se rend compte
que l'exercice doit être absolument fait, mais avec un train de mesures.
Ce sera dans quelques années que vous pourrez juger de
l'efficacité de cet outil qui s'appelle les plans d'effectifs
médicaux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous vous remercions et
nous aurons certainement l'occasion de nous revoir.
M. Chevrette: J'aurais peut-être une question pour Mme
Maurais...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon!
M. Chevrette:... le temps que vous regardez votre petit texte. Je
demanderais à Mme Maurais si elle pourrait me faire un rapport du style
de celui de M. Simard concernant l'Estrie et Montréal?
Mme Maurais: Je me préparais, avant que vous disiez que
vous vouliez conclure, à parler un peu de Montréal.
Malheureusement, ils ne sont pas là pour aller aussi loin que
Québec l'a fait, question d'engagement prioritaire. Montréal
procède à l'approbation des plans d'organisation clinique des
centres hospitaliers depuis 1980 et à la mise à jour des plans
d'organisation clinique. D'autre part, ce processus d'approbation des plans ne
produit peut-être pas les effets désirés d'une meilleure
rationalisation et d'une meilleure répartition ou d'une meilleure
limitation de l'entrée des nouveaux médecins, pour des raisons
que nous avons déjà expliquées quant à la
limitation du champ d'application et des moyens d'application.
Quant à la région de l'Estrie, j'avais une question:
Est-ce que les centres hospitaliers ont élaboré leurs plans
d'organisation clinique? Le conseil régional, pour la région de
Sherbrooke, a une démarche d'analyse des ressources et des besoins, qui
est une démarche globale de planification, qui devra aboutir à
l'approbation de plans d'organisation clinique fondés sur des besoins et
des vocations. Est-ce qu'ils procèdent à l'approbation des plans
strictement selon la lettre de la loi? Je ne le sais pas.
M. Chevrette: Donc, M. Painchaud, pour les fins de
l'enregistrement.
M. Painchaud (Albert): Pour la région de Sherbrooke, on a
fait, en 1981, une préparation de plans pour l'ensemble des
hôpitaux de la région. On s'est rendu compte que ces plans
devenaient difficilement acceptables parce qu'ils étaient davantage
fondés sur du développement plutôt que sur une
reconnaissance de la situation qui était en vigueur à ce
moment-là. La contrainte qu'on a eue aussi là-dedans:
au-delà de la question des plans médicaux, on se retrouvait aussi
avec une question de plans de service ou d'organisation de services dans la
région. De façon complémentaire, ce sur quoi on a
plutôt travaillé depuis 1982 et 1983, c'est sur un ensemble de
mesures de rationalisation de services et de regroupement de services. C'est ce
qui fait que, par exemple, dans la région de l'Estrie, on a
procédé durant les deux dernières années, à
un certain nombre de regroupements, entre autres au niveau des services
d'obstétrique et de pédiatrie, ce qui arrive, d'une certaine
façon, aux mêmes résultats. (17 h 30)
Les autres problèmes qu'on a éprouvés, outre le
fait que cela se passait uniquement dans les régions universitaires,
c'est le fait que les régions, comme Sherbrooke, Montréal ou
Québec, n'aient pas été impliquées dans tout le
processus de négociation...
M. Chevrette:... en 1981 par la loi 27... M. Painchaud:
Oui.
M. Chevrette:... cela s'est étendu à l'ensemble des
hôpitaux.
M. Painchaud: Pardon?
M. Chevrette: C'est depuis 1981 que cela s'étend à
l'ensemble des hôpitaux.
M. Painchaud: Oui, mais disons que les applications ont
commencé plus tard. Ce que je disais, c'est qu'il y a vraiment un
problème d'ensemble, je pense, qui a été vu
dans la région de l'Estrie comme dans les deux autres
régions dont on parlait tantôt. À ce moment-ci, ce qu'on
complète, c'est aussi l'inventaire de l'ensemble des
spécialités médicales et de l'ensemble des
médecins. Ce qu'on vise de façon simultanée au courant de
la prochaine année, c'est, en même temps, de travailler sur un
plan d'effectifs médicaux et aussi d'en arriver à une
espèce de plan directeur des services pour la région. Pour ma
part, je pense qu'on ne peut pas traiter l'un sans l'autre.
M. Chevrette: Merci.
Fédération des médecins
résidents et internes (suite)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie.
Après l'audition du premier mémoire de mardi dernier, qui
était le mémoire de la Fédération des
médecins résidents et internes du Québec, on nous avait
adressé une demande pour se faire entendre de nouveau, pendant un quart
d'heure, à la fin de nos travaux. Je dois vous dire que c'est une mesure
un peu inhabituelle. En fait, on peut strictement le permettre, sauf qu'on
pourrait toujours retrouver quelqu'un qui voudrait réagir à tout
ce qu'il a entendu pendant les journées qui ont suivi.
Compte tenu que, pour une partie, la commission avait été
motivée par des problèmes découlant de la
négociation, après en avoir discuté ensemble, on a
pensé qu'on pouvait lui permettre de revenir nous causer ou nous
présenter son point de vue pendant un quart d'heure additionnel. Alors,
je vous invite à venir en avant.
M. Larose (Michel): Je vous remercie, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, M. Larose.
M. Larose:... d'avoir bien voulu accéder à notre
demande. Sans préambule, je vais passer immédiatement au petit
texte qu'on a préparé.
En fait, sur les quatre points qu'on avait présentés
à l'intérieur de notre mémoire, je voudrais faire une
rétrospective de ce qui, selon nous, a été
présenté comme éléments essentiels lors de la
commission.
En ce qui a trait à la garde, la démonstration que la
norme maximale d'une garde aux quatre jours répond aux objectifs nous
semble désormais faite. Comme en a conclu le Dr Rochon, président
du Comité des doyens, comme l'a reconnu le Dr Richer, président
de la FMOQ, comme l'a accepté indirectement le Dr Desjardins,
président de la FMSQ, qui reconnaît aux doyens et à la
corporation la juridiction sur l'aspect académique de celle-ci, on peut
donc considérer que, désormais, toute dérogation à
cette règle relèvera de l'abus et la FMRIQ réaffirme la
nécessité de mettre en application ces recommandations pour
régler le problème une fois pour toutes.
M. Chevrette: Je suis en train de dire que vous êtes fort
habile, M. Larose.
M. Larose: Je vous remercie, M. Chevrette, mais je ne serai
jamais aussi habile que vous!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De négociateur
à négociateur.
M. Larose: Elle souligne que la réponse de la FMSQ au
ministre, qui tentait de soulever la discussion sur l'importance du
problème, était non seulement très vague, mais qu'elle
faisait mention que, dans certains services, le nombre insuffisant de
résidents rendait impossible le respect de la norme, ce qui, comme
l'affirme la FMRIQ, n'est nullement un aspect académique et renforce sa
position lorsqu'elle demande une rationalisation de ses effectifs.
Elle affirme également la mauvaise foi de certains milieux
hospitaliers et soutient que, lorsque l'on maintient que les mécanismes
actuels assurent le respect de la norme et que les directeurs de
département sont le pour arbitrer la situation, on falsifie la
réalité puisque ce sont souvent ces mêmes directeurs qui
menacent les résidents et les internes.
Elle affirme, en outre, que la situation où un grand nombre de
spécialistes seraient de garde toute leur vie aux deux jours est
exagérée, puisque la majorité de ceux-ci oeuvrent dans les
hôpitaux universitaires des grands centres urbains et sont, en
général, couverts par des résidents ou des internes. Ils
sont ainsi si peu dérangés que certains d'entre eux ne portent
même pas de télé-avertisseur.
Enfin, la FMRIQ rappelle à la commission que le mécanisme
de contrôle qu'elle propose ne se veut pas exclusif, mais
complémentaire à ceux existants, de telle sorte que, si les
autres mécanismes sont réellement efficaces à faire
respecter l'entente signée avec le ministre, aucun
déboursé pour une garde faite au-delà de la norme ne sera
effectué.
Il s'agit donc là d'une garantie qui permettra de passer de la
discussion du problème à sa solution sans que l'odieux de la
plainte repose, dorénavant, sur le résident ou l'interne
lésé dans ses droits.
En ce qui a trait aux unités d'enseignement clinique, la FMRIQ
déplore le peu d'intérêt des milieux universitaires et le
peu de compréhension des médecins spécialistes. Elle
souligne que non seulement il n'a jamais
été demandé au MAS de lier, dans l'entente
collective, les exigences académiques de la formation médicale
mais que, bien au contraire, c'est pour assurer le respect de celles-ci qu'elle
demande que les centres hospitaliers soient contraints, par le biais de
l'entente, à les mettre en application.
L'affirmation de la FMSQ concernant la non-juridiction du
ministère des Affaires sociales en ce domaine est tout à fait
injustifiée car, s'il est vrai que le ministère des Affaires
sociales n'a rien à voir avec l'aspect pédagogique, il peut
néanmoins assurer l'implantation de structures en harmonie avec les
conditions de travail des résidents et internes et permettre ainsi de
réaliser les objectifs pédagogiques qui auront été
élaborés par les universités en collaboration avec la
Corporation professionnelle des médecins du Québec, qui doit
fournir son agrément.
À cet effet, la Fédération des médecins
résidents et internes du Québec remercie de son appui l'ACMDPQ et
elle demeure confiante que la commission s'arrêtera sur ses
recommandations, qui sont celles de jeunes médecins qui constitueront un
corps médical pour la prochaine décennie et dont la
qualité de la formation est garante de l'excellence des soins qu'ils
apporteront à la population québécoise.
En ce qui a trait à la supervision dans les urgences, la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec reconnaît la bonne foi de la Corporation professionnelle
des médecins du Québec et les efforts du Comité des doyens
pour régler le problème malgré l'opposition des centres
hospitaliers. Elle déplore, cependant, qu'il ait fallu plus de quatre
années d'efforts pour que la situation soit reconnue de tous les
intervenants et elle insiste pour que les garanties législatives que
l'on retrouve dans les recommandations de son mémoire soient
adoptées pour assurer que cette situation soit définitivement
réglée.
Elle maintient sa position en ce qui a trait à la présence
physique d'un médecin membre du conseil des médecins et dentistes
à l'urgence parce que des internes ou des résidents en stage y
sont de garde, ceci pour assurer leur supervision et leur dispenser
l'enseignement nécessaire au raffinement de leur jugement clinique et,
surtout, au perfectionnement des techniques propres à la médecine
d'urgence. Elle demande donc à la corporation de respecter ses
engagements en ce sens et de retirer son agrément pour des stages
à l'urgence aux centres hospitaliers dissidents et ce, avant juillet
1985.
Enfin, Mme la Présidente, je vais tenter de détailler
davantage sur la planification des effectifs médicaux. Je tiens d'abord
à affirmer le vif intérêt de la Fédération
des médecins résidents et internes du Québec sur ce sujet
qui touche ses membres, non seulement en ce qui concerne le nombre d'admissions
à la faculté de médecine et le contingentement, mais
également pour ce qui est de la planification à long terme en ce
qui a trait au nombre total prévisible de médecins, à la
proportion de spécialistes par rapport aux omnipraticiens et, surtout,
à la répartition des effectifs dans toute la province.
Ainsi, si la planification à court terme touche nos conditions
académiques et nos conditions de travail immédiates, la
planification à long terme risque d'influencer nos conditions de vie
futures et nous sommes plus qu'intéressés à participer,
non seulement au processus décisionnel, mais également au
règlement des problèmes qui se présentent. À cet
effet, nous ne saurions que féliciter ceux qui, comme par exemple les
doyens, les CRSSS et la FMSQ, suggèrent une concertation permanente des
intervenants dans le but de partager les données statistiques et
d'arriver ensemble à des solutions acceptables pour tous et qui
tiendront compte des impératifs économiques de la province. La
FMRIQ appuie sans réserve cette recommandation et elle l'apprend
à la commission dans son mémoire en soulignant l'urgence de la
mise en application d'un comité statutaire permanent constitué du
ministre des Affaires sociales et des présidents des principaux
regroupements concernés par la situation.
De plus, nous ne saurions mettre suffisamment en garde le
ministère des Affaires sociales contre la mise en application de toute
mesure contraignante visant à répartir, par la force, les futurs
effectifs médicaux québécois. Nous lui rappelons que des
soins dispensés de force à une population, c'est une situation
insensée qui, non seulement va è rencontre de la
démocratie et de la justice sociale, mais menace, de plus, la
qualité de l'acte médical que ne peut raisonnablement poser un
médecin qui, affecté contre sa volonté dans un milieu
incompatible avec ses aspirations personnelles, ne pourra se consacrer à
sa profession avec la liberté d'esprit que celle-ci exige.
La Fédération des médecins résidents et
internes du Québec constate donc avec beaucoup d'inquiétude que
certains organismes exaspérés, et avec raison, par le peu de
main-d'oeuvre médicale de plusieurs milieux périphériques
proposent le contingentement régional avant même que toutes les
mesures incitatives élaborées depuis mai 1984 n'aient
été mises en application.
Soucieuse de solutionner une situation dont ses membres risquent
d'être les premières victimes et qui pénalise de nombreux
citoyens québécois, elle propose donc à la commission de
recommander au ministère des Affaires sociales que,
premièrement, celui-ci reconnaisse que le volontariat est ia base
essentielle du recrutement en milieu périphérique;
deuxièmement, qu'il reconnaisse également que les moyens
incitatifs actuels, incluant la surtarification, c'est-à-dire 115 % pour
les omnipraticiens et 120 % pour les spécialistes, associés
à une exonération du décret pour les jeunes
médecins ayant oeuvré une année en
périphérie, soient les mécanismes favorisés par le
ministère des Affaires sociales; troisièmement, qu'il accepte
que, dès qu'une amélioration sensible aura été
observée, soit ramenée à deux ans la période
d'application du décret pour les jeunes médecins n'ayant pas
choisi de pratiquer une année en périphérie et,
ultérieurement, de réduire successivement cette période
à une année, puis d'abolir complètement le décret
lorsqu'une situation d'équilibre aura été atteinte.
Après en avoir discuté avec plusieurs de ses membres, la
fédération est persuadée que, par la mise en application
de ses recommandations, les milieux périphériques pourront
bénéficier d'une main-d'oeuvre médicale suffisante et,
s'il apparaît que certains milieux ne possèdent pas les facteurs
de rétention professionnels ou sociaux favorisés par les jeunes
médecins, nous observerons alors l'établissement d'une
médecine temporaire, mais néanmoins stable, où il suffira
de planifier la rotation annuelle des effectifs. Ce genre de pratique,
potentialisée par le jumelage, I'itinérance et le
dépannage, réduira néanmoins de beaucoup l'utilisation de
ces derniers et il devrait en résulter une réduction importante
de certains coûts, notamment des coûts de transport.
De plus, Mme la Présidente, sans vouloir faire sensation,
j'aimerais soumettre à la connaissance de la commission et du ministre
des Affaires sociales une situation qui illustre l'incohérence du
système actuel. Il existe actuellement à Gaspé un centre
hospitalier, le sanatorium Ross, dont la vocation est en partie celle d'un
centre hospitalier psychiatrique. Depuis environ huit mois, un psychiatre, un
omnipraticien et un coopérant français en deuxième
année de résidence oeuvrent dans ce milieu où les besoins
d'effectifs psychiatriques seraient de cinq - cinq psychiatres.
La FMRIQ, soucieuse de participer à l'effort du recrutement, a
collaboré activement, dans cet endroit, à la création d'un
comité d'accueil efficace et, parallèlement, par le biais d'une
banque de résidents intéressés à rendre
occasionnellement des services comme omnipraticiens dans les milieux
périphériques afin de les mieux connaître, la
fédération a déjà envoyé à plusieurs
reprises certains de ses membres se spécialiser en psychiatrie pour
réduire, de temps à autre, la tâche des médecins
permanents et leur permettre de vaquer à d'autres activités.
Or, Mme la Présidente, à cause des lacunes de notre
système de santé, ces jeunes médecins, qui rendaient des
services très appréciés par la communauté de
Gaspé, risquent de ne plus pouvoir se rendre dans ce milieu. En effet,
la Régie de l'assurance-maladie du Québec a décidé
récemment qu'ils étaient des hors-la-loi et, non seulement refuse
de les rémunérer pour le travail qu'ils pourraient fournir
à l'avenir, mais retient actuellement leur rémunération
sur le travail déjà fait.
Cette situation, que l'on qualifiera de cas particulier, est l'un des
multiples exemples des difficultés que rencontrent les milieux dans le
recrutement de main-d'oeuvre médicale et dans la dispensation des
services à la population. Une telle situation ne peut plus durer et je
prie le ministre d'intervenir personnellement pour la régler, de telle
sorte que de Gaspé, dont la FMRIQ voulait faire le prototype de
participation en périphérie, il ne résulte pas un
état de découragement qui minerait ses futurs efforts.
Dans la même ligne de pensée et considérant
l'utilité des services offerts par certains résidents oeuvrant,
dans leur temps libres, comme omnipraticiens auprès de la population, la
Fédération des médecins résidents et internes du
Québec s'étonne que la corporation, garante auprès du
public de la qualité des services médicaux qui lui sont offerts,
remette en question cette pratique que l'on nomme "moonlighting". Il faut
réaliser que celle-ci permet de combler plusieurs lacunes du
système de santé en créant un effet tampon qui assouplit
ainsi les changements parfois rapides de la main-d'oeuvre médicale
disponible pour certaines catégories de soins.
Toujours dans la même optique, la Fédération des
médecins résidents et internes du Québec est d'accord avec
la corporation et la Fédération des médecins
omnipraticiens lorsqu'elles affirment que la formation de l'omnipraticien
devrait être portée à deux ans. Elle exprime cependant
certaines réserves sur la formation en spécialité
où on tente actuellement d'établir des programmes où les
résidents ne détiendraient pas de permis de pratique avant la fin
de leur formation d'une durée de cinq ou six ans. Cette situation
abolirait par le fait même la pratique du "moonlighting" et ferait
disparaître des services offerts par une main-d'oeuvre médicale
disponible pour les dispenser. Elle propose donc un mécanisme
d'équivalence, permettant aux résidents d'obtenir leur permis de
pratique en début de spécialité en choisissant des stages
correspondants aux exigences de la formation en omnipratique.
Enfin, en ce qui a trait au contingentement, la fédération
partage l'avis de la Fédération des médecins
spécialistes du
Québec et elle a déjà fait part à la
commission de ses recommandations dans son mémoire. Elle partage de plus
l'avis des doyens en ce qui concerne la création d'une cohorte
réservoir qui permettrait d'éviter de décimer certaines
spécialités. (17 h 45)
En ce qui a trait aux médecins immigrants, et avec tout le
respect qu'elle voue aux groupes minoritaires, la Fédération des
médecins résidents et internes du Québec recommande, en
accord avec le Comité des doyens, que les futurs arrivants soient
avisés avant leur arrivée que leurs droits sont ceux de tout
autre Québécois et que, dans l'esprit où on limite le
nombre de professionnels de la santé au Québec, on ne peut leur
garantir de pratiquer leur profession. Elle recommande de plus, en ce qui
concerne les immigrants déjà sur la liste d'attente de la
corporation, que ceux-ci soient intégrés en tenant compte des
mêmes critères d'excellence que ceux exigés des
Québécois
En ce qui concerne l'engagement de médecins pour fournir des
services en périphérie, la FMRIQ comprend l'aigreur des
représentants de l'Abitibi, aigreur qui ne peut être
qu'exacerbée lorsqu'on observe le porte-parole de la corporation
ridiculiser la publicité de certains milieux qui font des efforts pour
se nantir d'une main-d'oeuvre suffisante. À cet effet, la
fédération porte à l'attention de la commission qu'elle
est d'accord que des médecins étrangers engagés
spécifiquement à cet effet et sur une base temporaire fournissent
des services en périphérie pourvu que les règles du jeu
leur soient expliquées clairement avant leur arrivée et que la
durée totale, de leur engagement soit limitée à trois ans.
Elle a déjà fourni l'an dernier à la Corporation
professionnelle des médecins du Québec une suggestion de contrat
d'engagement qui permettrait à un centre hospitalier
périphérique, conjointement avec celle-ci, de signer une entente
avec un médecin étranger, la corporation étant ainsi
garante de son départ en n'émettant plus son permis de pratique
à la fin de son contrat.
Enfin, en ce qui a trait aux inquiétudes des représentants
de l'Université McGill au sujet des échanges interprovinciaux et
interrégionaux, la fédération ne s'oppose pas à
ceux-ci et elle est même assurée qu'ils contribuent à
l'excellence de la formation. Cependant, elle est d'avis que les individus
ainsi formés devraient être avisés avant leur
arrivée qu'aucune garantie de permis de pratique, à la fin de
leur formation, ne leur est fournie et, sur le principe "à travail
égal, salaire égal", elle exige que ceux-ci soient
intégrés à ses effectifs.
Pour terminer, Mme la Présidente, en mon nom personnel et au nom
de tous les résidents et internes du Québec, je tiens à
vous remercier de votre compréhension et votre collaboration. Je tiens
également à remercier tous les membres de la commission et, en
particulier, le ministre des Affaires sociales, ' M. Chevrette, pour
l'attention qu'il a su apporter à nos revendications. Je ne peux que
l'honorer d'avoir respecté sa parole et de nous avoir appuyés. Je
remercie également tous les organismes qui se sont
présentés à cette commission qui, par leurs
témoignages et leurs recommandations, ont, j'en suis certain,
éclairé la commission sur les sujets qui lui ont
été soumis. Je suis convaincu que, de cette consultation, les
résidents et internes tireront l'argumentation qui leur permettra de
maintenir leur enthousiasme et leurs efforts en vue d'assurer à la
population québécoise une qualité grandissante de sa
main-d'oeuvre médicale et, également, de lui garantir une plus
grande accessibilité à celle-ci. En contrepartie et dans les
mêmes objectifs, il faut souhaiter que le ministère des Affaires
sociales tiendra compte des recommandations qui ont été faites
à la commission et qu'il en fera des réalisations. Je vous
remercie tous de votre attention.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci, M. Larose. J'écoutais la première partie de votre
présentation et je me disais: Heureusement que vous êtes le seul
groupe qu'on a prévu faire revenir pour se faire entendre parce qu'on
aurait pu recommencer la ronde des discussions, particulièrement pour la
première partie.
Alors, M. le ministre, vous aviez...
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente, dans un premier
temps, vous me permettrez de faire état du fait qui a été
souligné par le Dr Larose. Le rapport qui m'a été soumis
pour ce qui est du centre hospitalier de Gaspé, c'est le rapport
suivant. Premièrement, c'est du "moonlighting" qui est fait là.
Deuxièmement, c'est de la facturation qui a été faite pour
la santé communautaire alors que ce sont des services psychiatriques.
Troisièmement, il n'y a jamais eu de démarches préalables
de votre part auprès du ministère pour avoir un arrangement
quelconque. Donc, ce sont les raisons pour lesquelles la RAMQ a cessé de
payer. Voilà pour ce point-là.
Deuxième point, nous signerons dans quelques minutes la
convention collective avec la FMRIQ. Le décret est passé.
Conclusions
À la conclusion des travaux de cette commission, je voudrais
relever quelques points de discussion, non pas pour lancer un nouveau
débat, Mme la Présidente, mais pour regarder les quelques
consensus qui se dégagent et peut-être annoncer certaines
orientations.
Tout d'abord, en ce qui regarde les horaires de gardes
supplémentaires, je croîs que le Dr Larose a raison de dire qu'il
s'est dégagé un consensus, à savoir que la garde est
primordialement d'ordre pédagogique et que les périodes
préétablies, un sur quatre, un sur trois, correspondent grosso
modo aux besoins, avec peut-être un bémol en ce qui regarde
certaines spécialités, en obstétrique par exemple, ce qui
a été soulignée ici, et quelques autres
spécialités chirurgicales.
Maintenant, dans la surveillance des internes dans les salles d'urgence,
on a pu constater que la corporation a pris des positions avant même de
témoigner à cette commission. Effectivement, il semble que tout
serait dans l'ordre le 1er juillet prochain. J'ai été
questionné aujourd'hui sur le sujet. Il est bien évident que ce
sont les conseils des médecins et dentistes - vous avez relaté,
d'ailleurs, l'article de leur loi dans leur propre mémoire - qui ont la
responsabilité, et ils sont eux-mêmes redevables aux conseils
d'administration des centres hospitaliers. Ce que j'ai garanti c'est qu'ils
auraient notre soutien et que j'espérais qu'avec le dialogue on pourrait
en arriver à un correctif complet d'ici le 1er juillet, sans avoir
à se prévaloir des pouvoirs discrétionnaires de la loi du
ministère, en d'autres mots sans avoir à utiliser, par exemple,
les articles nous permettant d'enlever certains privilèges. Je suis
convaincu qu'on est capable dans le dialogue d'en arriver à une
conclusion correcte de ce problème.
Les unités d'enseignement clinique. Je pense qu'il y a
également là-dessus le concept des unités d'enseignement
clinique tel que vécu dans d'autres provinces et, ainsi que le
définit la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, il s'agit là d'une formule pédagogique qui est
davantage une unité fonctionnelle ou opérationnelle qu'une
unité géographique. En ce qui regarde le ministère comme
tel, ce qui nous préoccupe d'abord ce sont les soins de santé. On
peut être assez souple quant aux modèles qui pourraient
s'appliquer en l'occurrence.
La concentration sur les spécialités. Je crois qu'il y a
un accord majoritaire pour favoriser les concentrations en ce qui regarde les
spécialités.
En ce qui regarde les omnipraticiens, la formule
décentralisée, vous savez qu'elle est encouragée par le
ministère présentement puisqu'on y consacre même de
l'argent pour soutenir certaines facultés dans ce secteur.
Pour ce qui est des plans d'effectifs médicaux, je pense que,
oui, on peut prendre l'engagement d'apporter les modifications qui feront des
plans d'effectifs médicaux actuels des plans territoriaux qui
refléteront la totalité des médecins requis dans une
région donnée.
Pour ce qui est de la commission d'enquête sur la santé et
les services sociaux, je vous rappellerai qu'elle sera officialisée fort
probablement la semaine prochaine. J'espère que les groupes qui n'en ont
pas parlé, mais il y en a au moins deux qui, officiellement, se sont
commis, c'est la Corporation des médecins et l'Association des
hôpitaux du Québec... J'espère que tous les autres groupes
collaboreront également à cette commission d'enquête.
Pour ce qui est de la concertation d'études qu'il nous fallait
mener en ce qui regarde les effectifs médicaux, on est heureux de voir
que la Corporation des médecins du Québec nous offre sa
participation pour, peut-être, corriger l'ensemble des statistiques.
Combiné avec les plans qui seront rédigés dans chacune de
nos régions, et avec une notion beaucoup plus globale, cela nous
permettra peut-être, je dis bien peut-être, de
réévaler les perspectives des 60-40. C'est une orientation, bien
sûr, parce qu'on visait, par la désinstitutionnalisation, les
services de première ligne, les services à domicile; on visait
une réponse adéquate. Si jamais les plans d'effectifs et les
statistiques qui nous étaient fournis nous amenaient à corriger
cette perspective, on le fera. On n'est pas figé dans le béton
là-dessus.
En ce qui regarde les médecins immigrants, j'accepte volontiers
la recommandation ou la suggestion qui a été faîte par mon
collègue de l'Immigration. On pourra mettre sur pied un comité
composé d'un représentant de mon ministère, d'un
représentant du ministère de l'Immigration, d'un
représentant de la corporation et d'un représentant du groupe des
médecins immigrants qui pourra nous faire des suggestions en deux
volets. Un volet pour régler le problème des médecins
immigrants qui n'ont pas reçu présentement cet avis de
difficulté préalable; un autre volet, à savoir ce qu'on
fait puisqu'on n'est pas capable de fermer complètement les robinets.
Qu'on puisse nous donner également des suggestions pour ceux qui
viendraient éventuellement s'ajouter.
Pour ce qui est des rencontres, je vous avoue que j'ai compris le
message. Je dirai aux doyens des facultés de médecine que le
ministère est non seulement avec eux, mais avec l'ensemble des
intervenants du réseau. Nous allons tâcher d'accentuer le nombre
de rencontres avec l'ensemble des intervenants. Je pense qu'on y gagne tous
à se parler. C'est à se parler qu'on se comprend. J'ai
découvert, au cours de ces audiences, que tout ce beau monde ne se
parlait pas trop, parce que, s'il y avait eu le moindrement d'échanges
entre certains groupes - et je pense que c'est avec les gens de la corporation
que j'en discutais à l'heure du midi -s'il y avait le moindrement de
dialogue entre certains intervenants, il y aurait beaucoup de problèmes
qui ne seraient même pas soulevés
en commission parlementaire. Pour ce qui est de McGill et son
problème particulier, j'ai rencontré personnellement le doyen. Il
y aura des réponses qui suivront prochainement.
Pour la gestion décentralisée des mesures incitatives,
nous allons étudier la possibilité de remettre aux régions
la gestion administrative et budgétaire des mesures incitatives et nos
efforts iront sûrement dans ce sens.
Pour ce qui est de l'évaluation des mesures incitatives, je dois
dire qu'à ce stade-ci, comme la majorité de ces mesures sont
à peine amorcées, il nous faut quand même prendre un
délai pour voir quels sont les résultats concrets que ces mesures
donnent avant de commencer un processus d'évaluation. Je crois que
plusieurs intervenants nous ont souligné qu'il était trop
tôt pour commencer à porter un jugement sans voir, effectivement,
dans le temps quels sont les résultats concrets.
Le ministère, également, réitère son accord
sur l'ajout d'une année d'internat à la formation des
médecins omnipraticiens et nous espérons que les avis attendus
d'autres partenaires viendront.
En ce qui regarde l'itinérance, je vous dirai personnellement que
je partage d'abord l'objectif de la rétention de la main-d'oeuvre
médicale, des établissements de médecins plutôt que
l'itinérance. Mais, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vu les
effets, il va bien falloir s'accommoder, à court terme, pour certaines
régions, de ce système, mais personnellement je favorise, bien
sûr, l'établissement de médecins en région
même. Cela, c'est clair.
C'étaient là mes principaux commentaires, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Chevrette:... à la suite de cette commission
parlementaire. Je voudrais en profiter pour remercier l'ensemble des
intervenants. Si, à quelques reprises, le ministre des Affaires sociales
a semblé élever la voix, c'est peut-être parce que...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une vieille habitude.
M. Chevrette: Non. Je dirai, Mme la Présidente, que c'est
le contraire. C'est que ma spontanéité et mes convictions me
font, des fois, paraître, exubérant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais à mon
tour, à titre de présidente de la commission permanente des
affaires sociales, remercier tous les groupes qui se sont
présentés devant nous et qui ont apporté un
éclairage important sur des problèmes qui ont des
répercussions considérables sur nos services de santé.
Évidemment, le ministre a touché à toutes les questions
relatives aux problèmes soulevés par la Fédération
des médecins résidents et internes du Québec. Je pense que
d'avoir eu l'occasion de discuter du problème beaucoup plus large des
effectifs médicaux, particulièrement en relation avec les
régions éloignées, nous a rendus bien conscients,
même si de temps à autre les choses remontent à la surface
publiquement, qu'il y a encore beaucoup de choses à résoudre dans
ce domaine. 11 reste, quand même, qu'il y a eu beaucoup de suggestions
extrêmement intéressantes qui ont été faites.
Il y avait un problème plus particulier qui était ma
responsabilité - parce que j'avais un autre chapeau cette fois - en tant
que représentante de l'Opposition officielle, touchant les
médecins immigrants. Je peux assurer l'association que je vais continuer
de talonner le gouvernement, non parce qu'il n'a pas de bonnes intentions
d'agir dans ce domaine, mais pour que les échéanciers
prévus ne soient pas trop longs, parce qu'il y a quand même des
gens qui attendent depuis longtemps.
Quant au reste, je pense qu'il y a également des propositions
concrètes que le ministre vient de souligner. Ce sera toujours, en tant
que membres de l'Assemblée nationale et intéressés au
domaine des affaires sociales, avec mes collègues, notre
responsabilité de continuer à aiguillonner, si je peux dire, le
gouvernement pour que, par exemple, la table de concertation permanente dont il
a été question et la mise à jour de tous les effectifs,
etc., apportent, finalement, des réalisations concrètes.
À M. le ministre et aux deux autres ministres qui se sont
présentés devant nous, à tous les organismes, aux membres
de la commission, tant du côté ministériel que du
côté de l'Opposition, aux fonctionnaires, merci pour votre
collaboration. Je pense que cela a été une commission qui s'est
déroulée sans tension, et l'exubérance du ministre y a
apporté simplement un peu de vie, cela est toujours très bon pour
les débats. Alors, merci à tout le monde.
M. Chevrette: Je voudrais répondre à une question
que j'ai oubliée tantôt pour les équipements. L'an
passé en haute technologie nous avons mis 4 500 000 $; pour
l'année 1986-1987 cela sera 10 000 000 $. Et pour les régions
éloignées, en termes d'équipements, nous y mettrons cette
année 6 500 000 $.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, la commission,
ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 2)