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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le dimanche 16 juin 2019 - Séance extraordinaire

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Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Rendre hommage à M. Normand Groleau, photographe et fondateur de l'organisme
Estrie-Aide inc.

Mme Geneviève Hébert

Rendre hommage à M. Richard Choquette pour son engagement social

M. Jean Rousselle

Rendre hommage à M. Roger Jeffrey, président de l'organisme Oeuvre de la soupe

Mme Marie-Louise Tardif

Souligner le succès du colloque annuel du réseau Les Arts et la ville

Mme Marie-Claude Nichols

Souligner le 10e anniversaire de la résidence Logis-Confort de la Haute-Saint-Charles

M. Sylvain Lévesque

Déplorer la brèche dans nos droits fondamentaux créée par l'adoption du projet de loi
sur la laïcité de l'État

Mme Catherine Dorion

Souligner l'initiative de la Coopérative de solidarité santé Saint-Isidore pour la promotion
de saines habitudes de vie

Mme MarieChantal Chassé

Rendre hommage à M. Aurèle Desjardins pour sa contribution à la communauté de Chapleau

M. Mathieu Lévesque

Souligner les initiatives de jeunes entrepreneurs de la circonscription de Nelligan dans
le cadre de La Grande journée des petits entrepreneurs

M. Monsef Derraji

Intervention portant sur une violation de droit ou de privilège

Question de privilège soulevée le 15 juin 2019 concernant les propos tenus par le député
d'Arthabaska à l'endroit du député de LaFontaine

M. Éric Lefebvre

M. Marc Tanguay

Décision de la présidence

Questions et réponses orales

Recours à la procédure d'exception pour l'adoption du projet de loi sur la laïcité de l'État

M. Pierre Arcand

M. François Legault

M. Pierre Arcand

M. François Legault

M. Pierre Arcand

M. François Legault

M. Pierre Arcand

M. François Legault

Motif d'urgence d'adopter le projet de loi sur la laïcité de l'État

Mme Hélène David

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

M. Simon Jolin-Barrette

Dispositions de dérogation pour l'application du projet de loi sur la laïcité de l'État

M. Marc Tanguay

Mme Sonia LeBel

M. Marc Tanguay

M. Simon Jolin-Barrette

M. Marc Tanguay

M. Simon Jolin-Barrette

Conséquences de l'adoption du projet de loi sur la laïcité de l'État dans les réseaux
de l'éducation et des services de garde

M. Pascal Bérubé

M. François Legault

M. Pascal Bérubé

M. François Legault

M. Pascal Bérubé

M. François Legault

Droits et libertés de la personne abordés dans le projet de loi sur la laïcité de l'État

Mme Manon Massé

M. François Legault

Mme Manon Massé

M. François Legault

Mme Manon Massé

M. François Legault

Application du projet de loi sur la laïcité de l'État dans le réseau de l'éducation

Mme Marwah Rizqy

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Marwah Rizqy

M. Jean-François Roberge

Mme Marwah Rizqy

M. Simon Jolin-Barrette

Attribution du contrat de desserte maritime des Îles-de-la-Madeleine

M. Joël Arseneau

Mme Chantal Rouleau

M. Joël Arseneau

Mme Caroline Proulx

M. Joël Arseneau

Mme Chantal Rouleau

Image du Québec à l'étranger

Mme Paule Robitaille

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Paule Robitaille

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Paule Robitaille

M. Simon Jolin-Barrette

Confiance du premier ministre envers le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation

M. Gaétan Barrette

M. André Lamontagne

Principe de responsabilité ministérielle

M. Gaétan Barrette

M. Simon Jolin-Barrette

Motions sans préavis

Établir la procédure législative d'exception en vue de compléter l'étude du projet de
loi n° 21 — Loi sur la laïcité de l'État

Débat sur la recevabilité

M. Sébastien Proulx

Décision de la présidence

Débat restreint sur le motif de la convocation en séances extraordinaires et sur la motion
de procédure d'exception

M. Mathieu Lévesque

M. Marc Tanguay

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Pascal Bérubé

M. Louis Lemieux

M. Sébastien Proulx

M. Ian Lafrenière

M. Gaétan Barrette

Mise aux voix de la motion proposant d'établir la procédure législative d'exception en
vue de compléter l'étude du projet de loi
n° — Loi sur la laïcité de l'État


Affaires du jour

Dépôt du rapport de la commission qui a fait l'étude détaillée du projet de loi n° 21 — Loi sur
la laïcité de l'État


Projet de loi n° 21 — Loi sur la laïcité de l'État

Commission plénière

Étude détaillée

Document déposé

Prise en considération du rapport de la commission plénière qui en a fait l'étude détaillée
et des amendements transmis

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

M. Sol Zanetti

M. Pascal Bérubé

M. Richard Campeau

M. Marc Tanguay

Mme Nancy Guillemette

Mme Lucie Lecours

Mise aux voix des amendements du ministre

Demande d'inscription au procès-verbal de la dissidence des députés de Québec solidaire

Mise aux voix des amendements de la députée de Marguerite-Bourgeoys

Mise aux voix des amendements du député de Jean-Lesage

Mise aux voix des amendements du député de Matane-Matapédia

Mise aux voix des articles amendés

Mise aux voix des articles non adoptés par la commission

Mise aux voix du préambule

Mise aux voix des intitulés des chapitres

Mise aux voix du titre

Mise aux voix de la motion de renumérotation

Mise aux voix de la motion d'ajustement des références

Mise aux voix du rapport amendé

Adoption

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

M. Sol Zanetti

M. Pascal Bérubé

Mme Agnès Grondin

M. Ian Lafrenière

M. Christopher Skeete

Mme Manon Massé

Mise aux voix

Ajournement au 17 septembre 2019

Journal des débats

(Neuf heures vingt-deux minutes)

Le Président : Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie. Bon dimanche à toutes et à tous.

Affaires courantes

Déclarations de députés

D'abord, débutons à la rubrique Déclarations de députés. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-François.

Rendre hommage à M. Normand Groleau, photographe
et fondateur de l'organisme Estrie-Aide
inc.

Mme Geneviève Hébert

Mme Hébert : Merci, M. le Président. J'en profite pour souhaiter une belle fête des Pères à tous les papas et en particulier aux deux merveilleux papas de ma vie, mon mari et mon père. Bonne fête des Pères! Je vous aime.

Cependant, c'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris le décès de M. Normand Groleau, un grand bénévole, un mari, un papa, un homme de coeur reconnu en Estrie pour sa grande générosité et son désir d'aider les autres.

Originaire de Coaticook, M. Groleau a d'abord fait sa marque comme photographe. Il a su immortaliser de précieux moments dans la vie de nombreuses personnes.

Son grand coeur l'a mené à fonder l'organisme Estrie-Aide et à diriger celui-ci pendant plus de 15 ans. À sa façon, il a donné les moyens à des milliers de personnes moins bien nanties de sortir de la misère. Sa joie de vivre, son apport inestimable à la communauté ne seront jamais oubliés.

Chers membres de sa famille et à tous ses proches, je suis de tout coeur avec vous en ces moments difficiles. Je vous offre mes plus sincères condoléances. Merci, M. le Président.

Le Président : Merci. Je cède la parole à M. le député de Vimont.

Rendre hommage à M. Richard Choquette pour son engagement social

M. Jean Rousselle

M. Rousselle : Merci, M. le Président. J'aimerais souligner aujourd'hui en cette Chambre le travail exceptionnel de quelqu'un de mon comté, M. Richard Choquette.

C'est la personne que je connaisse qui, à ce jour, a eu le plus de distinctions et d'honneurs d'accumulés, d'où la raison pour laquelle je trouve important de souligner tous les efforts, les semaines, les mois et les années de travail que cet homme a faits pour divers organismes et diverses associations. Plusieurs fois, il a travaillé bénévolement, dans l'ombre, laissant parfois même de côté sa vie personnelle pour aider les autres. Ses dernières distinctions sont les suivantes : bâtisseur du Cadre des instructeurs de cadets, certificat du citoyen exceptionnel et la Médaille du souverain pour les bénévoles. Et je n'en nomme que quelques-unes, car M. Choquette en a plusieurs autres, qui, pour lui, sont toutes aussi importantes les unes que les autres.

Un citoyen exceptionnel comme Richard Choquette mérite une déclaration de son député provincial. Et je profite de l'occasion pour lui souhaiter une magnifique journée de la fête des Pères, entouré des membres de sa famille. Merci, M. Choquette, pour tout le bien que vous faites pour la communauté. Merci.

Le Président : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Rendre hommage à M. Roger Jeffrey, président de l'organisme Oeuvre de la soupe

Mme Marie-Louise Tardif

Mme Tardif : Merci, M. le Président. Aujourd'hui, je veux rendre hommage à M. Roger Jeffrey, qui s'implique pour l'organisme l'Oeuvre de la soupe, à La Tuque, et ce, depuis plus de 40 ans. Il est d'ailleurs président depuis une quinzaine d'années.

Homme de coeur et de partage, M. Jeffrey affirme qu'aucun adulte, et encore moins un enfant, ne devrait avoir faim. À tous les jours de la semaine, durant la période scolaire, lui et son équipe de bénévoles sont au travail pour que les jeunes et moins jeunes mangent des repas complets, et ce, gratuitement. Ce sont environ 140 repas qui sont préparés et servis à chaque jour. En plus, il s'occupe de l'accueil, de la discipline des jeunes et aussi des achats en magasinant les rabais. À chaque année, lui et son équipe permettent que 30 000 repas soient servis. Il a été nominé au concours provincial coup de coeur de Radio-Canada.

M. Jeffrey, merci. Merci pour le bien que vous faites chez vous et pour la société québécoise.

Le Président : Merci. La parole à Mme la députée de Vaudreuil.

Souligner le succès du colloque annuel du réseau Les Arts et la ville

Mme Marie-Claude Nichols

Mme Nichols : Merci, M. le Président. C'est avec fierté que la ville de Vaudreuil-Dorion et le réseau Les Arts et la ville ont pu témoigner du succès de la 32e édition de ce colloque qui s'est tenu du 5 au 7 juin derniers. L'événement a permis à 350 participants de découvrir non seulement la région, mais aussi la vie culturelle qui l'habite.

Sachez que toute l'énergie culturelle que développe la ville de Vaudreuil-Dorion rayonne bien au-delà de notre région. Deux invités internationaux de renom, M. Jordi Pascual, venant d'Espagne, créateur de l'Agenda 21 de la culture, et M. Marc Villarubias, directeur des affaires culturelles de la ville de Lyon, en France, étaient présents pour s'imprégner de notre richesse culturelle.

Permettez-moi de féliciter le directeur du Service des loisirs et de la culture de la ville de Vaudreuil-Dorion, M. Michel Vallée, qui a su accueillir et organiser ce colloque avec toute la passion et l'originalité qu'on lui connaît et, bien sûr, avec tout le support du maire, Guy Pilon, et son conseil municipal, qui leur donnent appui de façon significative.

Bravo à tous de faire rayonner notre coin de pays à travers la francophonie canadienne!

Le Président : Merci. M. le député de Chauveau.

Souligner le 10e anniversaire de la résidence Logis-Confort de la Haute-Saint-Charles

M. Sylvain Lévesque

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, M. le Président. Je souligne aujourd'hui le 10e anniversaire de la résidence Logis-Confort du secteur de Loretteville.

C'est en effet en 2009 que cette résidence de 52 logements a vu le jour. Fait à noter, 14 résidents de l'époque y sont toujours. Logis-Confort est un organisme à but non lucratif qui permet à des personnes de 60 ans et plus, autonomes et semi-autonomes, de bénéficier de logements de qualité et sécuritaires à prix abordable. Elle est la seule résidence du genre voisine d'un CLSC, ce qui au départ en faisait un projet unique et novateur.

Salutations à M. Michel Renaud, l'actuel président du conseil d'administration, de même qu'à Mme Line Létourneau, trésorière, ainsi qu'à toute leur équipe. Mention spéciale à M. Serge Gignac, premier président du C.A. et membre du groupe fondateur.

Je tiens également à saluer la grande générosité des bénévoles qui contribuent à créer un climat si chaleureux chez Logis-Confort. Merci, M. le Président.

Le Président : Merci. La parole, maintenant, à Mme la députée de Taschereau.

Déplorer la brèche dans nos droits fondamentaux créée
par l'adoption du projet de loi sur la laïcité de l'État

Mme Catherine Dorion

Mme Dorion : Il y a une quinzaine d'années, j'étais en France et je remarquais une tension sociale palpable, une obsession autour de l'islam, amplifiée par certains médias et récupérée par certains politiciens. Je voyais du monde en envoyer promener d'autres dans la rue. Je regardais ça puis je me disais : Heureusement, au Québec, ça n'arrivera jamais, ça. On est bien trop relax, on est bien trop ouverts, au Québec. On n'est pas comme ça, nous autres. Fiou!

Aujourd'hui, je vois des lois contre le droit à l'avortement être votées aux États-Unis, je vois le droit de manifester être bafoué par une loi en France puis je me dis : Heureusement, au Québec, ça n'arrivera jamais, ça. On est bien trop relax, nous autres, ça n'arrivera pas chez nous. Sauf qu'aujourd'hui, contrairement à jadis, je ressens le besoin de croiser les doigts en le disant. Et je veux dire que chaque personne dans cette Chambre qui va voter pour le projet de loi n° 21 portera la responsabilité de cette première grande brèche à être pratiquée dans la digue qu'on avait fièrement érigée pour protéger les droits fondamentaux de tous les Québécois.

• (9 h 30) •

Le Président : Je cède la parole à Mme la députée de Châteauguay.

Souligner l'initiative de la Coopérative de solidarité santé Saint-Isidore
pour la promotion de saines habitudes de vie

Mme MarieChantal Chassé

Mme Chassé : M. le Président, tous ici savent à quel point la santé me tient à coeur, celle de mes citoyens et celle de notre ministre de l'Immigration tout autant. Aujourd'hui, j'ai l'occasion de souligner l'initiative de la coop santé de Saint-Isidore.

Fondée en 2008, réalisant que l'unique médecin oeuvrant dans leur municipalité se dirigeait vers la retraite, un groupe s'est fédéré en coopérative afin de s'assurer de la continuité des soins de santé pour tous leurs citoyens. En l'honneur de leur 10e anniversaire, ils ont décidé de lancer un nouveau projet de cuisine collective. Oui, dès la fin de l'été, la coop offrira des ateliers pratiques aux familles, aux jeunes et aux aînés de leur communauté afin qu'ils cultivent de saines habitudes alimentaires. Ils seront conviés à mettre en commun temps, argent et compétences pour confectionner des plats économiques, sains et appétissants.

Félicitations à cette résiliente communauté qui sait se prendre en charge et qui récolte jour après jour le fruit de ses belles idées! Merci, M. le Président.

Le Président : Je reconnais maintenant M. le député de Chapleau.

Rendre hommage à M. Aurèle Desjardins pour sa contribution à la communauté de Chapleau

M. Mathieu Lévesque

M. Lévesque (Chapleau) : Merci, M. le Président. En cette journée de fête des Pères, je m'en voudrais de ne pas souhaiter une joyeuse fête des Pères à tous les pères du Québec et à ceux du comté de Chapleau, et particulièrement à mon père, Guy Lévesque, qui est très important pour moi. Je t'aime, papa.

Cela étant dit, je tenais également, aujourd'hui, à saluer et à célébrer un grand citoyen et bénévole de Chapleau, un homme dévoué, engagé et impliqué dans notre communauté, M. Aurèle Desjardins.

M. Desjardins est présentement directeur général des Apprentis, un centre d'apprentissage pour la déficience intellectuelle. Ayant eu la chance de le côtoyer, je peux vous assurer, M. le Président, que la cause de ces adultes vivant avec une déficience intellectuelle lui tient vraiment à coeur. Il est toujours à l'écoute et toujours prêt à défendre la cause des plus vulnérables dans notre société.

Au cours des années, Aurèle Desjardins s'est affilié à plusieurs organismes et associations de la région comme Re-Source Intégration, Campus 3, pour ne nommer que ces derniers. M. Desjardins trouve toujours du temps pour redonner à sa communauté, notamment par l'organisation de plusieurs soupers-bénéfice communautaires. Je tenais à le remercier pour son excellent travail et son dévouement auprès de notre communauté. Merci beaucoup, M. Desjardins.

Le Président : La parole revient maintenant à M. le député de Nelligan.

Souligner les initiatives de jeunes entrepreneurs de la circonscription de
Nelligan dans le cadre de La Grande journée des petits entrepreneurs

M. Monsef Derraji

M. Derraji : Ce samedi, un rassemblement de 40 petites entreprises ont ouvert boutique à Nelligan dans le cadre de La Grande journée des petits entrepreneurs. Alors, qu'est-ce qu'on y retrouve? Eh bien, de tout. Clara vous vendra ses petits savons faits maison. Toma vous fera goûter à ses muffins au goût de la Roumanie, recette transmise par la mamie. Juliette l'écolo vous proposera ses sacs en tissu réutilisable pour pas cher, messieurs dames. Cédric et Félix vous diront que c'est eux qui vendent les meilleurs caramels, pas la peine de faire le tour. Combien je vous sers? Quant à Emma, elle a compris que, l'année prochaine, elle laissera tomber ses cookies pour se spécialiser dans le smoothie, parce que ça se vend mieux.

Quant à ces chers parents, qui ont tenté de récupérer leur mise de fonds... ont vu l'argent rapidement changer de main, car ces jeunes entrepreneurs sont également devenus de jeunes consommateurs.

Une chose est claire, la relève est dynamique, conscientisée, allumée et résolument entrepreneure. Merci à Luis et Katya qui leadent au sein de Nelligan cette magnifique journée de grands entrepreneurs. Merci.

Le Président : Merci à vous toutes et à vous tous. Cela met fin à la rubrique Déclarations de députés.

Avant de poursuivre les affaires courantes, je vous rappelle que nous sommes réunis conformément à la motion adoptée hier, le 15 juin 2019, fixant le cadre temporel de nos séances extraordinaires afin de compléter l'étude des affaires pour lesquelles l'Assemblée a été convoquée.

Intervention portant sur une violation de droit ou de privilège

Question de privilège soulevée le 15 juin 2019 concernant les propos tenus
par le député d'Arthabaska à l'endroit du député de LaFontaine

À ce moment-ci de nos travaux, je comprends que le whip en chef du gouvernement souhaiterait faire une intervention. Je lui cède la parole.

M. Éric Lefebvre

M. Lefebvre : Merci, M. le Président. Ça fait trois ans que j'ai le privilège de siéger ici, à l'Assemblée nationale. M. le Président, je me fais toujours un plaisir de dire que j'ai développé de belles amitiés des deux côtés de la Chambre. Mon leitmotiv, dans la vie, c'est le respect, M. le Président.

Le député de LaFontaine et moi, nous nous sommes toujours respectés, malgré nos différences politiques. Avec le recul, M. le Président, ma réaction d'hier était exagérée. Le député de LaFontaine s'est senti menacé ou intimidé. Je m'en excuse sincèrement, M. le Président, au député de LaFontaine. Merci, M. le Président.

Le Président : Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je tiens à remercier le collègue d'Arthabaska, effectivement, collègue avec lequel on a toujours eu une relation de respect. J'accepte ses excuses. Et, en ce qui me concerne, l'incident est clos et derrière nous, M. le Président. Merci.

Décision de la présidence

Le Président : Alors, je comprends que cela dispose de la question dont j'ai été saisi hier.

Alors, nous poursuivons nos travaux. Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Il n'y a pas de dépôt de documents.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ni de dépôt de pétitions.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole au chef de l'opposition officielle.

Recours à la procédure d'exception pour l'adoption
du projet de loi sur la laïcité de l'État

M. Pierre Arcand

M. Arcand : M. le Président, après l'adoption de la loi anti-immigration ce matin, c'est un autre jour triste pour le Québec et, en fait, c'est du jamais-vu. Au cours des prochaines heures, le Québec sera l'unique endroit en Amérique du Nord où des gens se verront retirer des droits, et ce, en dépit de la Charte des droits et libertés, adoptée à l'unanimité en 1975.

Le gouvernement a présenté le projet de loi n° 21 comme s'il présentait le brouillon d'un travail bâclé. Tout a été mis en scène pour que ce projet de loi soit adopté sous bâillon, et ce, depuis février dernier. Il a confié à un seul ministre, reconnu pour sa rigidité, deux projets de loi majeurs. On parle d'un projet de loi que le gouvernement a choisi de soustraire aux tribunaux. Pour citer Lysiane Gagnon : C'est «une opération de marketing politique [...] pour donner à une législation mesquine et discriminatoire l'apparence d'un grand projet collectif». En 1977, après 10 ans de débats entourant la langue, René Lévesque a déposé un projet de loi qui a soulevé les passions. Pourtant, M. Lévesque a refusé d'utiliser le bâillon; ça aurait été, pour lui, une atteinte à la démocratie. Et les députés ont donc siégé tout l'été. Nous étions prêts à le faire pour une question aussi fondamentale que celle des droits et libertés de la personne.

M. le premier ministre, je pensais que René Lévesque était votre modèle politique, pourquoi n'avez-vous pas suivi son exemple?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, c'est un moment important aujourd'hui, c'est un moment qui est attendu depuis longtemps par les Québécois. C'est très clair, quand on parle aux Québécois, que ceux-ci veulent qu'on interdise les signes religieux pour les personnes qui sont en autorité. Malheureusement, le Parti libéral ne veut même pas interdire, par exemple, le turban chez un policier, la kippa chez un policier, le hidjab chez une policière.

Donc, M. le Président, on a débattu pendant 60 heures en commission parlementaire, et, même si on passait les deux prochaines années en commission parlementaire, on n'arrivera pas à s'entendre, parce que, sur le fond, le Parti libéral n'est pas prêt à écouter les Québécois. Les Québécois demandent depuis longtemps qu'on les écoute, c'est ce qu'on fait aujourd'hui, puis moi, je suis très fier de ça.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : Hier, vous avez invoqué des risques pour la cohésion sociale pour justifier le recours au bâillon. M. le Président, c'est le projet de loi du premier ministre qui, en retirant des droits aux gens, est un grand risque pour la cohésion sociale.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le Parti libéral, depuis quelques années... ce n'était pas le cas dans le temps de Robert Bourassa, mais on voit de plus en plus que le Parti libéral du Québec essaie de défendre les valeurs canadiennes au Québec. Nous, comme gouvernement, ce qu'on essaie de faire, c'est exactement le contraire, de défendre les valeurs québécoises, défendre ce que les Québécois souhaitent, au Canada. C'est ça, être nationaliste, et je suis très fier de l'être.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : M. le Président, le premier ministre n'a même pas été capable de nous dire cette semaine si un jonc, c'était un signe religieux. Le projet de loi n° 21 donnera lieu à une application tout à fait arbitraire. C'est une longue série de débats judiciaires à laquelle nous assisterons. M. le Président, les emplois payants, c'est du côté des avocats que le premier ministre va les créer.

• (9 h 40) •

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, il y a des signes religieux qui sont interdits en Allemagne, en France, en Belgique. M. le Président, les Québécois ont toujours été accueillants, seront toujours accueillants, et jamais, comme premier ministre du Québec, je n'accepterai que le Parti libéral laisse entendre que les Québécois sont intolérants.

Le Président : Troisième complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle. Vous êtes le seul à avoir la parole.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : M. le Président, le premier ministre a dit, dans une récente entrevue : Je ne veux pas que le projet de loi sur les signes religieux soit considéré comme mon legs politique. Vous savez quoi, M. le Président? Son legs, ce sera ce projet de loi bâclé, inapplicable, qui bafoue les droits des minorités. M. le premier ministre, on se souviendra de vous pour ça.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, je suis venu en politique pour qu'il y ait plus de jeunes qui réussissent, donc, pour investir puis modifier les choses en éducation. Je suis venu en politique pour enrichir le Québec, parce que je n'accepte pas que le Québec soit moins riche que l'Ontario, moins riche que le reste du Canada, reçoive de la péréquation. Et M. le Président, oui, mon legs, je le souhaite davantage en éducation puis en économie, mais, en même temps, sur certains dossiers, comme la loi sur la laïcité, c'est important de répondre aux préoccupations puis aux demandes des Québécois. Puis c'est ce qu'on va faire, puis il serait temps que le Parti libéral prenne acte de ce qui s'est passé...

Le Président : En terminant.

M. Legault : ...le 1er octobre dernier.

Le Président : Oui. Question principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Motif d'urgence d'adopter le projet de loi sur la laïcité de l'État

Mme Hélène David

Mme David : Dans quelques heures, nous voterons une loi qui fera fi des droits les plus fondamentaux des Québécois. Depuis le début de ce débat sur la laïcité, j'appelle le ministre au dialogue. Aujourd'hui, je suis forcée de constater que le ministre a été sourd à mes attentes, à nos attentes, à celles des citoyens qui ne pensent pas comme lui. Par sa procédure de bâillon, il dit à tous les Québécois qui ne sont pas d'accord avec lui que leur avis importe peu, que le respect de leurs droits n'est qu'un obstacle que l'on peut facilement contourner.

Avoir le courage de ses convictions, c'est avoir la capacité et la détermination d'en expliquer et d'en défendre chaque aspect, et ce, même dans l'adversité, avoir le courage d'être un démocrate jusqu'à la fin, être un politicien qui travaille avec les outils légitimes de la démocratie plutôt qu'avec les recours les plus autoritaires que sont les dispositions de dérogation et le bâillon parlementaire.

Comment peut-il en être fier?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je suis extrêmement fier du projet de loi n° 21. Savez-vous pourquoi? Parce que, dans le cadre du projet de loi n° 21, M. le Président, on vient faire en sorte d'inscrire, dans nos lois, la laïcité de l'État.

Qu'est-ce que constitue la laïcité de l'État, M. le Président? C'est la séparation formelle entre l'État et les religions. Et, quoi qu'on dise, au Québec et au Canada, il n'y a pas de loi, ce n'est pas prévu dans la Constitution, ce n'est pas prévu dans la Charte des droits et libertés de la personne que l'État québécois, il est laïque. C'est la toute première fois, M. le Président, dans notre histoire législative que ça sera inscrit dans nos lois que l'État québécois, il est laïque, pour la toute première fois. Ce qu'on vient faire, c'est de s'assurer de notre choix de modèle de société, M. le Président. La laïcité, c'est une valeur qui est chère et qui est fondamentale pour les Québécois. Même les collègues du Parti libéral, je les ai entendus dire à de nombreuses reprises : Le Québec est laïque, nos institutions sont laïques. Or, en droit, ce n'est pas le cas, M. le Président.

Alors, c'est une avancée significative, et, dans le cadre du projet de loi, M. le Président, on donne des droits à tous les Québécois de recevoir des services publics laïques. Je pense que, pour la société québécoise...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...pour l'ensemble de la société québécoise, il s'agit d'une avancée importante, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Hélène David

Mme David : M. le Président, le ministre avait le choix. Il n'y avait aucune urgence, même pas l'ombre d'une urgence. Le ministre aurait pu prendre le temps de répondre à chacune de nos questions, des questions soulevées par les gens visés par son projet de loi. Il aurait pu étudier chacun de nos amendements. Il a plutôt choisi d'y mettre fin et d'imposer son projet de loi aux Québécois. Il a choisi la fermeture au dialogue. Il a préféré l'artillerie lourde à la sérénité.

Le ministre peut-il admettre qu'il a fait le mauvais choix?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le gouvernement a fait le bon choix en déposant le projet de loi n° 21. Le gouvernement a fait le bon choix en respectant ses engagements qu'il a pris depuis 2013 et en respectant ses engagements qu'il a pris lors de la dernière campagne électorale. Le gouvernement du Québec avait dit qu'il adopterait une loi sur la laïcité de l'État, qu'il interdirait le port de signes religieux chez certaines personnes en situation d'autorité : les policiers, les juges, les agents de services correctionnels, les procureurs, les enseignants. C'est ce que nous faisons.

L'autre point important, M. le Président, le gouvernement avait dit qu'il allait interdire... qu'il allait obliger les services publics à visage découvert...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...réception à visage découvert. C'est ce que nous faisons, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Hélène David

Mme David : M. le Président, Albert Camus disait : «La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité.» Un véritable leader doit servir le bien commun. Le ministre s'est dit fier hier de recourir au bâillon, il le dit encore : Fier. Fier de renier les droits des parlementaires pour forcer l'adoption de sa loi? Fier de bafouer les chartes des droits et libertés? Fier de brimer les droits des minorités?

C'est vraiment comme ça que le ministre souhaite passer à l'histoire?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est la première fois que la laïcité de l'État est inscrite dans nos lois. Les propos de la députée de Marguerite-Bourgeoys, aujourd'hui, sont quand même durs. Ils ne sont pas partagés par l'ensemble des Québécois. Ça, je tiens à le rappeler, M. le Président. Il est légitime pour une société comme la nôtre de décider de quelle façon les rapports entre l'État et les religions vont s'organiser. Il est légitime de dire qu'au Québec les services publics sont donnés et reçus à visage découvert. Il est légitime dans une société que les policiers ne portent pas de signe religieux lorsqu'ils arrêtent un prévenu. Il est légitime, M. le Président, dans une société de dire que, formellement, l'État et les religions, c'est deux choses. Il est légitime, M. le Président, de donner davantage de droits aux citoyens québécois, des droits collectifs à la nation québécoise...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...pour faire en sorte qu'au Québec c'est la laïcité qui s'applique.

Le Président : Question principale, M. le député de LaFontaine.

Dispositions de dérogation pour l'application
du projet de loi sur la laïcité de l'État

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Oui, M. le Président, le projet de loi n° 21 va à l'encontre de notre charte des droits et libertés. Voulant empêcher les contestations judiciaires, le gouvernement utilise les clauses dérogatoires. On pouvait lire dans La Presse le 20 mars dernier que le projet de loi n° 21 a été déposé, et je cite, «en dépit de l'opposition très ferme de tous les spécialistes du ministère de la Justice», fin de la citation. Au siège social du ministère de la Justice, je cite toujours, «vous ne trouverez pas un seul avocat qui approuve le projet» de loi. Le 26 mars dernier, M. le Président, le président de la commission des droits de la personne a lancé à la ministre de la Justice un appel à la raison. La ministre de la Justice est responsable de faire respecter notre charte des droits. Elle est gardienne de nos droits et libertés. Elle est la première conseillère juridique du gouvernement. La ministre de la Justice n'aurait jamais dû autoriser, M. le Président, le dépôt de ce projet de loi.

Comment, aujourd'hui, peut-elle permettre que son adoption se fasse sous le bâillon?

Le Président : Mme la ministre de la Justice.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Oui. Merci, M. le Président. Effectivement, le député de LaFontaine a très bien résumé mes responsabilités, responsabilités que j'assume pleinement au sein de mon gouvernement. Maintenant, il sait pertinemment bien que je ne peux, ici, en cette Chambre, compte tenu de ces responsabilités-là, exprimer une quelconque opinion ou un quelconque commentaire sur les aspects juridiques de ce projet de loi, aspects juridiques qu'il soulève dans sa question.

Par contre, je veux profiter de l'occasion pour dire que j'appuie haut et fort le principe de la laïcité, M. le Président. J'y crois. L'interdiction du port des signes religieux pour les personnes en état d'autorité, j'y crois. Pendant plus de 25 ans, j'ai été procureure de la couronne dans une salle de cour. J'ai occupé cette position. Jamais je n'aurais pu concevoir afficher mes couleurs ou porter un signe religieux pendant je plaidais pour, contre la liberté d'un citoyen.

Alors, c'est pour cette raison-là qu'aujourd'hui on dépose ce projet de loi et c'est pour cette raison-là que je vais voter pour à toutes les étapes.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît, non! Merci. Ça va bien jusqu'à maintenant. Première complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, la ministre de la Justice... Est-ce que c'est pour ces raisons-là qu'ils doivent avoir recours aux deux clauses dérogatoires? Est-ce que pour ces raisons-là que ça respecterait la charte, mais que ça prend des clauses dérogatoires?

M. le Président, il y a eu un débat important, fin des années 70, la loi 101. Et un grand ministre de la Justice, Marc-André Bédard, avait dit : Nous allons respecter les droits et libertés. Et la clause «nonobstant» avait été retirée du projet initial.

C'est de ça qu'on s'attendrait de notre ministre de la Justice, que le débat se fasse et qu'on respecte nos droits.

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, j'entends le député de LaFontaine. Est-il contre, M. le Président, le fait que, dans la Charte des droits et libertés de la personne, nous insérons le concept même de laïcité, une valeur fondamentale, propre à la société québécoise? Parce que, dans le projet de loi n° 21, c'est ce que nous faisons. Nous faisons en sorte d'inscrire la laïcité dans la loi sur la laïcité, mais également dans la charte.

Relativement à l'utilisation des dispositions de dérogation, M. le Président, il appartient aux membres de cette Assemblée, il appartient au Parlement de déterminer de quelle façon les rapports entre l'État et les religions doivent s'organiser, de quelle façon la société doit s'organiser, de quelle façon est-ce que les rapports sont organisés.

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, il n'appartient pas aux tribunaux de trancher, mais à l'Assemblée de choisir.

• (9 h 50) •

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Le leader du gouvernement me demande : Est-il contre? Je vais vous dire je suis contre quoi, M. le Président. Je suis contre une interdiction des signes religieux avec une définition confuse. Je suis contre une interdiction de toute demande d'accommodement pour motifs religieux. Je suis contre une clause dérogatoire qui suspend tous les droits et libertés de tous les Québécoises et Québécois pour toujours, M. le Président. Ça, c'est du jamais-vu dans l'histoire du Québec, faire en sorte de modifier notre charte des droits sans rechercher l'unanimité et sous le bâillon.

Comment la ministre de la Justice peut-elle accepter tout ça sous sa gouverne?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est fondamental d'inscrire la laïcité de l'État dans la Charte des droits et libertés de la personne. C'est fondamental aussi, M. le Président, que ça soit l'Assemblée nationale du Québec qui détermine de quelle façon les rapports entre l'État et les religions s'organisent. Ce n'est pas aux cours à déterminer de quelle façon est-ce que ces rapports-là doivent s'organiser. Il appartient à tous les parlementaires ici, en tant que représentants de leur population, de déterminer comment s'organiseront ces rapports. Au Québec, on a choisi de faire en sorte que l'État et les religions soient séparés. Aujourd'hui, le projet de loi s'inscrit dans cette continuité-là, M. le Président, notamment relativement à l'interdiction du port de signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité. Et, M. le Président...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...le projet de loi, il est pragmatique, applicable et modéré.

Le Président : Question principale, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

Conséquences de l'adoption du projet de loi sur la laïcité de l'État
dans les réseaux de l'éducation et des services de garde

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, pour nous, débattre et légiférer sur la laïcité, c'est légitime et c'est nécessaire. C'est un choix qu'une société fait. D'ailleurs, c'est un gouvernement du Parti québécois qui a été le premier à vouloir légiférer sur cette question.

Sur le projet de loi n° 21, on est d'accord avec le contenu. Ceci étant dit, l'enjeu, pour nous, c'est la cohérence. Alors, j'ai des questions à poser au premier ministre. Le premier enjeu : si on considère que les enseignants et enseignantes ont des postes d'autorité, pour nous, en CPE puis en service de garde, c'est la même chose. 67 % des Québécois le souhaitent, dans un sondage de mars dernier.

Pourquoi ne pas assujettir les services de garde et les CPE à la loi n° 21?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, d'abord, content de voir que le chef du Parti québécois puis le Parti québécois sont d'accord avec l'essentiel du projet de loi n° 21, c'est-à-dire d'interdire les signes religieux pour les personnes qui sont en autorité. Maintenant, avec raison, le chef du Parti québécois se pose la question qui aurait été la question à débattre : Quelles sont les personnes qui sont en autorité? On sait que, dans la charte des valeurs du Parti québécois, on avait inclus tout le réseau de la santé. Puis, effectivement, on pourrait se poser la question : Est-ce qu'un médecin est en position d'autorité par rapport à un patient? Les CPE, on pourrait se poser effectivement la même question. Parce qu'on a choisi de légiférer dans le domaine public. Techniquement, une garderie a son conseil d'administration, même si c'est financé par le gouvernement du Québec. Donc, on souhaite donner une certaine autonomie aux garderies au Québec. Donc, c'est pour ça qu'on a fait le choix de ne pas l'inclure dans le projet de loi. En même temps, ça rend le projet de loi modéré, comme le sont les Québécois.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du troisième groupe d'opposition, à vous seul la parole.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, j'aimerais ajouter l'étiquette de cohérent aussi au projet de loi.

Deuxième proposition du Parti québécois. Le gouvernement a choisi de ne pas assujettir les écoles privées. Pourtant, la liberté de conscience, c'est bon pour les élèves du primaire et du secondaire dans le réseau public, mais pas dans le réseau privé, je dirais même semi-privé, parce que, collectivement, on envoie 500 millions de dollars annuellement puis on finance à 60 % et plus les élèves du privé. Il me semble que, si on accepte l'argent de l'ensemble des Québécois, on devrait accepter les lois aussi.

Pourquoi ne pas assujettir les écoles privées à la loi n° 21? La liberté de conscience, c'est pour...

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, encore une fois, le chef du Parti québécois fait une bonne proposition. Il faut se rappeler, quand on a déposé le projet de loi n° 21, on a demandé à tout le monde de faire des compromis. Il y a des gens qui trouvaient qu'on allait trop loin, comme les libéraux puis Québec solidaire, puis il y a des gens qui trouvaient, comme le Parti québécois, qu'on n'allait pas assez loin.

Pour ce qui est des écoles privées, bien, le mot le dit, c'est privé. C'est vrai qu'il y a 60 % qui est financé par le public, ça, c'est peut-être un autre débat qu'il faudrait avoir, à savoir est-ce que le gouvernement devrait continuer à financer 60 %. Nous, on pense que oui, le Parti québécois, on n'est pas sûr...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Legault : ...mais il reste que les écoles privées sont des écoles privées.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Nous sommes attentifs à vos propos.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, je veux juste faire remarquer au premier ministre que le visage découvert, ça s'applique aux CPE, donc on est capable d'appliquer les règles qu'on veut au réseau qu'on veut.

Dernière proposition, le cours d'Éthique et culture religieuse. Je lui avais posé la question et le ministre de l'Éducation s'était engagé à modifier le cours.

Est-ce que le premier ministre peut s'engager formellement à ce que ce soit modifié et nous préciser un échéancier pour la partie religieuse du cours Éthique et culture religieuse?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, la CAQ s'est engagée, en campagne électorale, que, durant le mandat, on va modifier le cours d'ECR, étude et culture religieuse. Donc, ce sera fait, comme toutes les promesses, comme tous les engagements qu'on a pris, ce sera respecté pendant le mandat.

Le Président : Question principale, Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition.

Droits et libertés de la personne abordés dans
le projet de loi sur la laïcité de l'État

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, M. le Président. Il y a des jours qui passent à l'histoire pour des bonnes raisons. Je pense notamment au 27 juin 1975, quand les élus du peuple québécois ont adopté, à l'unanimité, la charte québécoise des droits et libertés, le jour où nous sommes devenus assez confiants en nous-mêmes pour reconnaître les citoyens minoritaires comme des citoyens à part entière. Puis il y a des jours qui passent à l'histoire pour des moins bonnes raisons, des jours comme aujourd'hui, quand les élus de la CAQ bâillonnent les oppositions pour suspendre les droits et libertés de nos concitoyennes et nos concitoyens.

M. le Président, toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression. Ça, c'est l'article 3 de notre charte. Il fait la fierté du peuple québécois depuis 45 ans.

Puis le député de L'Assomption est devenu premier ministre. Avec le projet de loi n° 21, il suspend l'article 3, et, juste pour être sûr de sa shot, bien, il suspend la 1, la 2, jusqu'à 38. M. le président, pour joindre l'insulte à l'injure, il le fait en sabotant la délibération démocratique.

J'ai besoin de savoir : Le premier ministre est-il fier de ça?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, il y a quelqu'un qui a dit : Méfiez-vous de ceux qui disent qu'ils aiment le peuple mais qui ne veulent pas écouter ce que demande le peuple. Et je pense qu'on a un bel exemple aujourd'hui. On a un peuple québécois qui est huit millions d'habitants dans un univers de centaines de millions d'anglophones. La situation de ce peuple sera toujours vulnérable. Et il a été prévu, dans la charte, d'avoir une clause dérogatoire. Il y a été prévu que, parfois, il faut invoquer les droits collectifs, et c'est ce qu'on fait aujourd'hui avec le projet de loi n° 21.

Et donc, M. le Président, je pense que les Québécois souhaitent qu'on pose le geste qu'on est en train de poser aujourd'hui, puis la cheffe de Québec solidaire aurait intérêt à se promener dans toutes les régions du Québec.

Le Président : Première complémentaire, Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition.

Mme Manon Massé

Mme Massé : C'est vrai que la clause dérogatoire a déjà été utilisée, mais c'était pour protéger des droits, pas en enlever. C'était pour favoriser l'accès à la justice, pour assurer l'égalité des personnes en situation de handicap, pour protéger nos enfants dans certaines situations à la DPJ. Le projet de loi de la CAQ, là, ce n'est pas ça qu'il fait. Il retire des droits à tous nos concitoyens.

Il ne m'a pas répondu de façon satisfaisante : Est-il vraiment fier de ça?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, tous les Québécois ont constaté que la position de la CAQ a été très claire depuis des années : très claire en campagne électorale, très claire au débat des chefs, où on était, tous les deux, face à face. M. le Président, on ne s'est jamais caché qu'on voulait adopter ce projet de loi là avant la fin du mois de juin.

Maintenant, il y a plus de 60 heures en commission parlementaire...

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : C'est mon privilège de pouvoir invoquer le règlement également. Le chef de la CAQ, premier ministre du Québec, ne peut pas induire cette Chambre en erreur, M. le Président. Il n'y a pas eu 60 heures de travaux parlementaires. Il y a eu, en étude par article, 32 heures, 32 heures, M. le Président, pas 60, ça fait deux fois.

• (10 heures) •

Le Président : On ne peut pas dire «induire en erreur», de un. Secundo, M. le leader du gouvernement, rapidement.

M. Jolin-Barrette : Bien écoutez, le premier ministre a dit : En commission parlementaire. Alors, les consultations particulières, il y a eu 27 heures de consultations particulières plus 32 heures en étude détaillée, M. le Président. M. le Président, ce sont des travaux parlementaires, à moins que le leader de l'opposition officielle me dise que, lorsqu'on a des auditions, des consultations particulières, ce ne sont pas des travaux parlementaires. Ce n'est pas le sens que je donne à ce mot-là.

Alors, lorsqu'on fait 27 plus 32, ça donne 60.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Merci. Revenons... M. le premier ministre, veuillez poursuivre votre réponse, s'il vous plaît.

M. Legault : M. le Président, les Québécois nous ont demandé d'agir. La seule façon d'agir, c'est de procéder comme on procède aujourd'hui. Je pense que le débat, il a assez traîné depuis 11 ans. Il est temps qu'on passe à l'action.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Je trouve le premier ministre bien naïf. C'est sûr que, demain matin, le débat parlementaire sera...

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on doit faire preuve de respect entre les différents parlementaires. On ne peut pas utiliser le qualificatif que la cheffe du deuxième groupe d'opposition a utilisé à l'endroit du premier ministre.

Le Président : Je vais vous demander tout simplement de faire attention aux propos que l'on utilise, s'il vous plaît. Continuons sur un bon ton. Évitez d'utiliser des termes qui suscitent des débats. Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition, poursuivez.

Mme Massé : C'est sûr que, demain matin, le débat parlementaire va être derrière nous, mais, s'il a écouté, là, en commission parlementaire, il sait très bien que plusieurs groupes qui appuient son projet de loi voudraient aller encore plus loin. Ils voudraient enlever encore plus de droits, encore plus de personnes, comme par exemple, le Parti québécois.

Alors, M. le Président, le premier ministre leur ouvre la porte. Il ne peut pas en même temps prétendre la fermer.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, la cheffe du deuxième groupe d'opposition laisse entendre qu'on voudrait étendre le projet de loi. Je la rassure, il n'y a aucune intention. On n'est pas le Parti québécois. La CAQ a une position claire, puis on va continuer de l'appliquer, M. le Président.

Donc, je me dis, tous les Québécois ont compris qu'il est temps que ce projet de loi soit adopté, puis c'est ce qu'on va faire aujourd'hui. Puis je pense que les Québécois vont être très satisfaits du travail qui a été fait.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Saint-Laurent.

Application du projet de loi sur la laïcité de
l'État dans le réseau de l'éducation

Mme Marwah Rizqy

Mme Rizqy : Ce que le gouvernement caquiste s'apprête à faire, c'est vrai que c'est historique pour deux raisons : l'ampleur de l'atteinte à des droits fondamentaux et le recours injustifié à la clause dérogatoire. Le projet de loi n° 21 que le gouvernement s'apprête à adopter avec le bâillon, c'est-à-dire en mettant fin au débat démocratique ici, à l'Assemblée nationale, aura des répercussions sur plusieurs personnes, autant d'hommes, des femmes, et surtout des femmes, dans le réseau de l'éducation.

J'aimerais vraiment entendre le professeur idéaliste, celui-là qui a été très silencieux tout au long de ce débat. J'aimerais entendre ce prof idéaliste pour savoir comment il compte appliquer le projet de loi n° 21, notamment dans les classes de maternelle quatre ans avec des éducatrices et des enseignantes qui auront avec eux les mêmes enfants; certains, leurs droits seront bafoués, d'autres, non.

Est-il toujours idéaliste? Est-ce qu'il est encore cet enseignant qui écoute son réseau? Parce que tant la FAE que la CSQ, une autre centrale syndicale, dit que vous n'avez pas besoin de ce projet de loi. Qu'est-ce que le ministre va faire?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, l'engagement du gouvernement, il était très clair, et ça, depuis... dès 2013. En campagne électorale, on a réitéré notre engagement, M. le Président, relativement à l'effet que les personnes en situation d'autorité, incluant les enseignants, allaient être... n'allaient pas pouvoir porter de signes religieux durant leurs prestations de travail, et ça, c'est très clair.

Le gouvernement a fait un compromis, M. le Président, il a inséré une clause de droits acquis pour les personnes déjà en fonction à la date du dépôt du projet de loi. Le projet de loi que nous avons est un projet de loi modéré et qui est applicable, M. le Président. Les enseignants représentent une figure d'autorité importante pour les enfants, et on fait en sorte de répondre à la volonté des Québécois d'interdire le port de signes religieux chez les enseignants.

Je pense, M. le Président, que la laïcité, et le processus de sécularisation de la société québécoise, a débuté dans nos écoles, notamment avec le rapport Parent, au fil des années. Et par la suite il y a eu la déconfessionnalisation des systèmes scolaires. Et désormais les professeurs ne pourront plus porter de signes religieux, M. le Président. C'est la suite logique de l'évolution de la laïcité au Québec que nous faisons aujourd'hui avec le projet de loi n° 21, en interdisant...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...le port de signes religieux à certaines personnes en situation d'autorité.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Marwah Rizqy

Mme Rizqy : La confiance règne au sein du gouvernement! On empêche le ministre de s'exprimer. Moi, j'aimerais vraiment savoir pourquoi que le ministre de l'Éducation n'a pas le droit de se lever en cette Chambre pour nous expliquer comment qu'il va appliquer le projet de loi n° 21. Pourquoi que le ministre de l'Éducation n'écoute pas le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui dit déjà que le devoir de réserve et l'interdiction de prosélytisme sont déjà encadrés?

Est-ce que le ministre de l'Enseignement supérieur va porter la voix de tous les étudiants qui disent qu'ils veulent accéder à leurs rêves d'être enseignants? Est-ce qu'il va se lever?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : Merci bien, M. le Président. Ce qu'on fait aujourd'hui, c'est extrêmement important et c'est la suite de quelque chose qui a commencé il y a fort longtemps. Quand j'ai commencé à enseigner, à la fin des années 90, c'était dans un système confessionnel. On m'a demandé à ma première année d'enseignement si je voulais enseigner l'enseignement religieux catholique ou protestant ou si j'enseignais le cours de morale. Je pense, la deuxième, la troisième année, déconfessionnalisation du système, commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones. Et on a instauré un cours d'Éthique et culture religieuse, que nous allons revoir en cours de mandat, je le répète, évidemment. Et aujourd'hui, bien, on va plus loin dans la bonne direction en déconfessionnalisant...

Le Président : En terminant.

M. Roberge : ...vraiment et en laïcisant notre réseau de l'école publique, c'est une simple question de cohérence.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Marwah Rizqy

Mme Rizqy : Vous n'avez pas répondu, M. le ministre. Quand que vous avez commencé, c'était une chose. Puis, moi aussi, quand j'ai commencé l'école, c'est vrai que j'avais des soeurs à l'école. Mais, quand j'ai terminé, c'était terminé. Il n'y en avait plus, de religieuses non plus.

Alors, dites-moi, M. le ministre, comment vous allez l'appliquer, le projet de loi n° 21, comment vous allez aussi porter la voix de ces étudiantes qui sont présentement sur les bancs universitaires, qu'elles complètent leur formation... Il y en a d'autres qui sont déjà en stage, vous le savez.

Est-ce que vous avez défendu votre réseau au sein du gouvernement ou vous avez juste fait de l'aplaventrisme?

Le Président : Monsieur...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît. Soyons prudents pour les termes utilisés. Encore une fois, utilisons les termes et soyons de bon ton. M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je crois que le terme utilisé par la députée de Saint-Laurent n'est pas approprié, surtout est interdit en termes de propos parlementaires.

M. le Président, la députée de Saint-Laurent vient de nous dire qu'à l'époque où elle était à l'école c'étaient des religieux qui lui enseignaient. Alors, peut-être peut-elle nous indiquer si elle a fréquenté une institution privée. Ça m'étonnerait que ça soit dans le réseau public que des religieux lui aient enseigné. Alors, dans le cadre du projet de loi sur la laïcité, M. le Président, dans le secteur public, au niveau du primaire, du secondaire, les enseignants ne pourront plus porter de signes religieux. Alors, M. le Président, nous répondons à la volonté des Québécois. L'engagement que nous avons pris était très clair à l'effet que les personnes en situation d'autorité...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...ne pourraient pas porter de signe religieux, incluant les enseignants. Nous respectons notre parole.

Le Président : Question principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

Attribution du contrat de desserte
maritime des Îles-de-la-Madeleine

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Le 17 janvier dernier, le gouvernement a plongé les Madelinots dans l'incertitude en annulant deux décrets en matière de transport maritime. Il était prévu qu'un nouveau navire de croisière serait financé et que la compagnie CTMA opérerait les services pendant les 20 prochaines années. Le ministre des Transports avait promis une nouvelle proposition avant le 12 juin, mais rien n'a encore été annoncé. Il disait vouloir faire un petit pas en arrière pour en faire un plus grand en avant. Il disait vouloir mieux connaître les besoins des Madelinots. Alors, les besoins, M. le Président, c'est un navire neuf et un service cargo-croisière opéré par les Madelinots, et qui leur appartienne.

Ma question, M. le Président : Est-ce que le gouvernement peut rassurer les Madelinots sur l'avenir du lien maritime, qui est crucial non seulement pour l'approvisionnement des insulaires, mais comme projet touristique et économique créateur d'emplois?

Le Président : Mme la ministre déléguée aux Transports.

Mme Chantal Rouleau

Mme Rouleau : Merci, M. le Président. En réponse au député des Îles-de-la-Madeleine, évidemment que le transport maritime est d'une grande importance pour notre gouvernement. Nous sommes d'ailleurs à revoir ce qui s'appelait la Stratégie maritime, qui est issue du Projet Saint-Laurent, la grande idée, le grand projet de société qui a été écrit et pensé par notre premier ministre. Alors, dans ce contexte, le transport maritime prend toute sa place. Transport récréatif, transport des personnes, transport des marchandises : évidemment que ce transport se rend aux Îles-de-la-Madeleine et que nous sommes à voir, avec nos organisations puis avec la Société des traversiers, par exemple, avec notre organisation au ministère des Transports, et en consultation avec les gens du milieu, à travers tout le Saint-Laurent, cette mise en oeuvre, mise en oeuvre du volet maritime.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Première complémentaire. La parole n'appartient qu'au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Je voudrais rappeler que 17 ans après la mise en oeuvre du service cargo-croisière par le gouvernement de Bernard Landry, son succès économique et touristique est indéniable. On parle d'une centaine d'emplois directs, des retombées économiques de plusieurs millions de dollars dans notre milieu. C'est une réussite dont le principal responsable, c'est le transporteur, la CTMA, mais c'est une réussite dont le gouvernement du Québec devrait être fier.

Le gouvernement peut-il confirmer aujourd'hui qu'il va consolider les emplois chez nous, maintenir le partenariat avec la CTMA...

• (10 h 10) •

Le Président : Mme la ministre du Tourisme.

Mme Caroline Proulx

Mme Proulx (Berthier) : Merci, M. le Président. Je tiens à souligner que notre gouvernement a fait le tour de toutes les régions touristiques au cours de l'hiver dernier. C'est avec beaucoup de bonheur qu'on a rencontré les gens des Îles-de-la-Madeleine, qu'on a rassurés, M. le Président. La région touristique des Îles-de-la-Madeleine est prioritaire pour notre gouvernement. Je tiens à préciser que je suis la ministre du Tourisme, mais la ministre du Tourisme de toutes les régions du Québec. Très prochainement, notre gouvernement, nous aurons l'occasion d'annoncer de bonnes nouvelles aux Madelinots. Nous sommes conscients que c'est une région touristique extrêmement importante et nous déployons tous les efforts pour s'assurer que les gens puissent visiter...

Le Président : En terminant.

Mme Proulx (Berthier) : ...la belle région des Îles-de-la-Madeleine.

Le Président : Deuxième complémentaire. Encore une fois, la parole n'appartient qu'au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci. Je voudrais qu'on me comprenne, M. le Président : je plaide pour ma région, mais je plaide aussi pour le Québec. Je vous propose de construire un nouveau navire, mais de le faire ici, au Québec, un projet rassembleur, créateur d'un millier d'emplois directs et indirects dans 13 régions du Québec, des emplois payants, comme les aime M. le premier ministre. Le fédéral va bientôt commander deux traversiers à la Davie. Je n'ose pas imaginer que le Québec va en faire moins.

Au nom du nationalisme économique dont il se réclame, le gouvernement peut-il s'engager à faire construire un nouveau bateau...

Le Président : Mme la ministre déléguée au Transport.

Mme Chantal Rouleau

Mme Rouleau : Merci, M. le Président. Le Saint-Laurent est une richesse incroyable pour le Québec. C'est une source de développement économique, social et environnemental. Par le Saint-Laurent, un plan de développement économique se met en place et servira à rehausser le niveau de richesse de toutes les régions du Québec, jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine évidemment, cette magnifique région. Alors...

Le Président : En terminant.

Mme Rouleau : ...en terminant, M. le Président, nous voulons...

Le Président : Question principale, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Image du Québec à l'étranger

Mme Paule Robitaille

Mme Robitaille : Aux petites heures du matin, M. le Président, on a mis à la poubelle les dossiers d'immigration de dizaines de milliers de personnes en adoptant le projet de loi n° 9, et plus encore. C'est la parole du Québec et sa compassion qui sont mises à mal. Là, on en rajoute une couche. On sort la procédure d'exception encore une fois. Ce gouvernement caquiste va adopter un projet de loi qui va suspendre les chartes canadienne et québécoise afin de limiter les libertés religieuses, les libertés d'expression d'une partie de la population. La semaine dernière, même Mario Dumont mettait le gouvernement en garde d'adopter un tel projet de loi sous bâillon. Je le cite : «On finira par expliquer que ce nouveau gouvernement n'a même pas respecté le Parlement et a imposé sa loi par le bulldozer. Il n'en faut pas plus pour nuire à l'image internationale du Québec.»

Pendant que la ministre des Relations internationales sera en mission, que va-t-elle dire au monde entier pour expliquer ce qui se passe au Québec?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, la ministre des Relations internationales du Québec dira que le gouvernement du Québec écoute la nation québécoise, que le gouvernement du Québec est à l'écoute de ses citoyens et de ses citoyennes et que, lorsque le gouvernement prend un engagement auprès de ses citoyens, il le respecte.

Le débat sur la laïcité, c'est un débat qui est présent dans de multiples sociétés dans le monde : en Europe, en Amérique. Vous savez, M. le Président, il n'y a pas de réponse unique, il n'y a pas de modèle unique à la laïcité. Chaque société est libre de faire ses choix. Et on n'a pas à être jugés sur nos choix, M. le Président, parce que ça appartient à l'Assemblée nationale du Québec, aux élus de la nation québécoise de faire ce choix-là.

Alors, la ministre des Relations internationales pourra être fière de dire cela, M. le Président, de dire qu'elle respecte son mandat démocratiquement élu, les engagements qu'elle a pris devant la population et que le gouvernement du Québec a pris devant le peuple québécois, et surtout, M. le Président, le fait que le Québec va se doter de sa propre laïcité, une laïcité qui lui est propre...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...en lui seul.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Paule Robitaille

Mme Robitaille : M. le Président, il suffit de lire les journaux dans le monde. Après le Guardian, le New York Times, la semaine dernière c'était le Washington Post qui dressait un portrait sombre des conséquences de ce projet de loi controversé. Le gouvernement de la CAQ n'envoie évidemment pas le bon message.

M. le Président, qu'est-ce que le gouvernement va faire pour minimiser l'impact de ce message qu'il envoie avec l'adoption de ces deux lois qui excluent bien plus qu'elles unissent?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est très clair, il y a eu des consultations dans le cadre du rapport Bouchard-Taylor, des centaines d'intervenants ont été entendus. Ils ont fait la tournée du Québec. M. Bouchard a dit : En 2008, il y a eu une erreur, une erreur de la part du Parti libéral de ne pas avoir versé les conclusions de son rapport dans une loi. Il nous l'a dit il n'y a pas plus tard que deux mois, M. le Président.

Ensuite, il y a eu des projets de loi successifs qui ont été déposés : le projet de loi n° 94, le projet de loi n° 60, le projet de loi n° 394 de la députée de Gouin à l'époque, M. le Président. Tous visaient à interdire le port de signes religieux. D'ailleurs, la députée de La Pinière, Mme Fatima Houda-Pepin, avait également déposé un projet de loi...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...et a été expulsée pour ça du Parti libéral. Je pense qu'on répond à la volonté des Québécois.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Paule Robitaille

Mme Robitaille : M. le Président, on dirait que c'est un peu un aveuglement volontaire. De toujours, le Québec a été perçu comme une terre d'accueil, une société ouverte et inclusive. Ce matin, M. le Président, je suis profondément triste. Après avoir jeté à la poubelle les dossiers de dizaines de milliers de personnes, on s'apprête à limiter des droits fondamentaux.

Est-ce que le gouvernement est conscient qu'il ternit l'image du Québec?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on est fiers d'être Québécois, et les Québécois sont fiers de leur gouvernement aujourd'hui, un gouvernement qui prend les décisions. On avait dit, M. le Président, en campagne électorale qu'on allait faire une loi sur la laïcité, qu'on allait interdire le port de signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité, que les services publics allaient être donnés et reçus à visage découvert, ce qui est, M. le Président, dans notre société, le minimum, M. le Président.

Alors, je souhaiterais que le Parti libéral réalise, M. le Président, que les Québécois et les Québécoises souhaitent vivre dans une société qui est laïque, qu'ils souhaitent recevoir des services publics laïques, qu'ils souhaitent avoir ce droit, M. le Président. Ce que nous faisons aujourd'hui...

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : ...avec le projet de loi, c'est que nous donnons des droits collectifs aux Québécois en rapport de la laïcité.

Le Président : Question principale, M. le député de La Pinière.

Confiance du premier ministre envers le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, hier à la radio, on parlait encore du scandale Robert. Vous ne serez pas surpris, ce n'était pas très glorieux, mais le journaliste avait un bon angle. À la CAQ, on aime ça dire qu'on est un gouvernement d'hommes d'affaires. Même cette nuit, à 3 heures du matin, il y en a qui se sont levés pour s'en vanter. Mais, comme le dit le journaliste, normalement un chef d'entreprise, ça va sortir pour défendre bec et ongles son entreprise et ses employés. Ce n'est pas exactement ce qu'a fait le ministre, pourtant lui-même se vantant d'être issu du milieu des affaires. Moi, M. le Président, une entreprise dont le boss largue les employés ou les congédie sur la base d'une intuition, je me sauverais de ça en courant.

Comment voulez-vous que le personnel du MAPAQ lui fasse confiance à partir de maintenant? Comment voulez-vous que le public ait confiance dans ce gouvernement, dans la gestion des pesticides avec ce ministre-là? M. le Président, le public est inquiet, le MAPAQ est inquiet.

Est-ce que le premier ministre a maintenant l'intuition de remanier son Conseil des ministres?

Le Président : M. le ministre de l'Agriculture.

M. André Lamontagne

M. Lamontagne : M. le Président, ce qu'il est important de retenir du rapport de la Protectrice du citoyen, c'est que, lors de la mise en oeuvre de la loi, il y a du soutien, il y a de l'outillage qui devait être donné aux gens qui ont été nommés, qui ont été... on leur a assigné le rôle de responsables, et puis ce soutien-là, il y a eu un manquement à ce niveau-là.

La Protectrice du citoyen a émis un certain nombre de recommandations, et je peux vous assurer, M. le Président, que ces recommandations-là vont être appliquées. Elle nous a demandé de lui soumettre d'ici le 30 juillet, 31 juillet, un plan pour l'implantation de ces recommandations. Je peux vous assurer, M. le Président, que ça va être fait. Elle nous a demandé de lui rapporter le 30 septembre la synthèse, la mise en oeuvre de ce plan-là au sein du ministère. Je peux vous assurer que ça va être fait.

Entre-temps, on a demandé une dispense à la Protectrice du citoyen pour que ce soit elle qui traite toute divulgation...

Le Président : En terminant.

M. Lamontagne : ...dénonciation au sein du ministère. Elle a accepté pour une période de six mois, M. le Président.

Le Président : Question principale, M. le député de La Pinière.

Principe de responsabilité ministérielle

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, le même journaliste résumait comme ça le scandale Robert : une farce. Il notait, à juste titre, que personne dans cette affaire, absolument personne n'avait été puni, ce sont ses mots. Il y en a même qui ont été promus, et c'est choquant.

M. le Président, quand on est assis confortablement au salon bleu du parlement, c'est facile, comme on va le faire ce matin, d'enlever des droits à des gens, et surtout un maximum de femmes qui sont pour le gouvernement sans visage, à des centaines de kilomètres d'ici. C'est facile de ne pas respecter sa parole pour 52 000 personnes qui, elles, sont à des milliers de kilomètres d'ici, eux aussi sans visage.

• (10 h 20) •

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président : Oui. C'est en question principale, M. le leader du gouvernement. M. le député de La Pinière, veuillez poursuivre.

M. Barrette : C'est même facile de bafouer des droits même quand on connaît leur visage si la personne en autorité bien assise au salon bleu nie sa propre responsabilité.

M. le Président, c'est plus difficile quand il faut prendre une décision à propos d'une personne dont on connaît le visage et qui est assise...

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est très clair dans le dossier...

Une voix : ...

Le Président : S'il vous plaît, M. le député.

Une voix : ...

Le Président : M. le député, je vous demande, s'il vous plaît... Le seul qui a la parole maintenant, c'est le ministre de l'Immigration, en réponse à votre question principale. Réponse, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ce n'est pas parce qu'on utilise un adjectif trois fois qu'il est plus vrai la troisième fois.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Gardons le bon ton. Complétons la période de questions. M. le ministre de l'Immigration. S'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : M. le Président, pour la suite des choses aujourd'hui, le gouvernement pose un geste qui respecte ses engagements électoraux, qui répond à la volonté des Québécois et qui fait en sorte d'inscrire la laïcité dans nos lois, de faire en sorte que les personnes en situation d'autorité ne portent pas de signe religieux et, surtout, de faire en sorte que les services publics sont donnés et reçus à visage découvert.

Le Président : Cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique Motions sans préavis. Donc, à cette rubrique, M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : ...déposer la motion, je souhaiterais remercier M. le secrétaire général, M. Michel Bonsaint, qui durant plusieurs années a servi l'État québécois et qui a donné une partie de sa vie au service public. Alors, merci, Michel, et bonne chance pour la suite.

(Applaudissements)

Le Président : M. le leader du gouvernement.

Établir la procédure législative d'exception en vue
de compléter l'étude du projet de loi n° 21

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président.

«Qu'en vue de compléter l'étude du projet de loi n° 21, [la] Loi sur la laïcité de l'État, l'Assemblée [nationale] établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement;

«Qu'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»

Merci.

Le Président : Mmes, MM. les députés, je vais suspendre la séance pour une période 15 minutes afin que les députés puissent prendre connaissance de la motion présentée par le leader du gouvernement.

La séance est suspendue.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

(Reprise à 10 h 44)

Le Président : Mmes et MM. les députés, nous reprenons nos travaux. Alors, y a-t-il des interventions sur la motion? M. le leader de l'opposition officielle.

Débat sur la recevabilité

M. Sébastien Proulx

M. Proulx : Oui, M. le Président, très rapidement, parce que nous avons débattu hier amplement d'une telle motion, peut-être vous rappeler, M. le Président, que, dans votre décision, vous avez souhaité que, dans l'avenir, des procédures comme celle-là, notamment avec plusieurs affaires à l'intérieur de la même motion, ça ne se reproduise pas régulièrement ou que ce ne soit pas une habitude. Je vous rappelle, M. le Président, qu'on est dans cette situation un peu particulière, encore une fois, où, en peu de temps, en deux journées, nous tiendrons en deux séances, M. le Président, deux affaires à l'intérieur de la même motion. Alors, je réfère à votre décision d'hier à l'égard du souhait que vous avez exprimé, des orientations que vous avez exprimées et de votre intention surtout qu'on puisse, dans l'avenir, revoir les choses pour rappeler, M. le Président, que ces procédures doivent être exceptionnelles dans l'avenir et qu'il n'est pas souhaitable, dans l'avenir, de les regrouper comme nous le faisons. Voilà.

Décision de la présidence

Le Président : Bien compris. D'autres interventions sur la motion? Je n'en vois pas.

Débat restreint sur le motif de la convocation en séances extraordinaires
et sur la motion de procédure d'exception

La motion présentée par M. le leader du gouvernement étant recevable, je vous informe maintenant de la répartition du temps de parole établie pour le débat restreint sur le motif de la convocation en séances extraordinaires et sur la motion présentée par le leader du gouvernement. La répartition du temps de parole se fera comme suit : 29 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 17 min 40 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 6 min 6 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 5 min 29 s sont allouées au troisième groupe d'opposition, chaque député indépendant dispose d'un temps de parole de 45 secondes. Toutefois, lorsqu'un seul député indépendant participe à un débat, il dispose d'un temps de parole d'une minute.

Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Je suis prêt à entendre le premier intervenant. M. le député.

M. Mathieu Lévesque

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je tiens à vous saluer et à saluer l'ensemble des collègues. Nous sommes réunis ici en ce dimanche matin parce que les libéraux nous ont forcés à avoir recours à la procédure d'exception pour permettre l'adoption du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État, avant de partir pour l'été. En effet, dès le début, dès le dépôt du projet de loi, les libéraux et Québec solidaire, j'ajouterais, se sont campés sur leur position de blocage et d'obstruction. Ils ne se sont pas inscrits dans un dialogue constructif. Ils ne veulent trouver aucune solution et n'acceptent aucune vision autre que la leur, M. le Président. Depuis le début de l'étude de ce projet de loi — et j'étais là parce que je suis moi-même un membre de la Commission des institutions — les libéraux ont systématiquement eu recours à des techniques d'obstruction parlementaire durant des heures, des heures...

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle.

Une voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député. M. le leader de l'opposition.

M. Proulx : M. le Président, on s'est fait la remarque collectivement hier que nous devions tenter de tenir nos propos le plus juste possible. Nous avons eu également plusieurs références au règlement en disant qu'on ne pouvait pas passer son temps à s'imputer des motifs. Nous sommes actuellement dans un débat restreint pour discuter de la motion qui suspend les droits. Je comprends qu'il veut expliquer pourquoi il considère la motion recevable et nécessaire, mais, M. le Président, si c'est pour être comme ça du début à fin, vous et moi, on va avoir un bel avant-midi.

Le Président : Je vais me permettre de vous rappeler de collaborer et de faire en sorte qu'on ait un bon climat propice au débat important que nous devons avoir. Je vais vous demander votre collaboration de fait qu'on puisse garder ce climat et cette sérénité. Je pense que ce qu'on fait est important. Poursuivez, M. le député, mais dans cet esprit, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : ... — merci beaucoup — donc, durant des heures, des heures. Ils ont le droit, hein, c'est leur droit en tant qu'opposition, mais les façons dont ils ont utilisé ces techniques, aussi farfelues les unes que les autres, nous ont menés à avoir un recours à une mesure d'exception.

Des voix : ...

Le Président : Écoutez, on vient juste de se le dire. Je comprends, mais cela, c'est une question de collaboration, c'est une question de bien mener les travaux eu égard à ce qu'on s'est donné comme consigne collective. Je vous demande encore une fois, pour la bonne marche de nos travaux, votre collaboration, d'être prudent dans vos propos, s'il vous plaît. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : Le problème, M. le Président, c'est que le collègue va avoir de la difficulté à suivre votre recommandation parce que son texte est écrit, alors les propos non parlementaires qu'il va répéter au cours des prochaines minutes sont sur sa feuille. Là, ce que vous allez lui demander, M. le Président, c'est de parler par lui-même puis de le faire correctement, pas de lire le texte qu'il a préparé s'il est plein de ce que je viens d'entendre.

Le Président : M. le leader adjoint.

M. Caire : M. le Président, d'abord, ce que mon collègue exprime, ce sont des opinions. Il y a une jurisprudence là-dessus de la présidence de l'Assemblée nationale. Je vous demande de laisser mon collègue exprimer ses opinions comme on doit faire dans cette Assemblée, et surtout pas, surtout pas, comme le fait le leader de l'opposition officielle, je dirais... En fait, ce que le leader de l'opposition officielle vient de faire, ça, ça m'apparaît extrêmement litigieux. Oui, le fait d'écrire un texte ne signifie pas qu'on n'exprime pas ses opinions, M. le Président.

• (10 h 50) •

Le Président : Non, mais je pense que... Regardez, là, je pense que je viens de vous exprimer une volonté, je pense qu'elle est commune également, alors j'imagine que ce que j'ai dit sera compris pour la suite. Je pense que tout le monde peut adopter et adapter, évidemment, son message pour que ça se fasse dans les meilleures conditions possible. À nouveau, je demande la collaboration.

M. Lévesque (Chapleau) : ...donc, au lieu de chercher un compromis. J'ai d'ailleurs senti que certains députés et leur caucus auraient aimé trouver un compromis, certains étaient en faveur de la laïcité de l'État, mais, bon, au lieu de chercher ce compromis, les libéraux se sont opposés, ils ont tout fait pour bloquer l'adoption de notre projet de loi, ils ont bâillonnés, oui, oui, ce mot qui semble les horripiler aujourd'hui, mais une technique qui est tout de même utilisée par certains de leurs collègues. C'est ce que l'on doit se rappeler aujourd'hui. C'est à cause de cette intransigeance que nous sommes ici. Nous n'avons pas eu d'autre choix que d'utiliser la procédure d'exception.

Au lieu de nous proposer des amendements qui auraient pu avoir du sens et qui auraient pu être discutés raisonnablement, les libéraux ont préféré présenter des amendements peu sérieux ou même présenter des amendements sur lesquels ils ont eux-mêmes voté contre ou se sont abstenus. Dans certaines circonstances, ils ont préféré ne pas en présenter du tout et laisser la place à un tout autre débat. Moi qui croyais pourtant que la porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité et députée de Marguerite-Bourgeoys prenait ce débat très au sérieux, et elle l'a fait aussi...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : M. le Président, je comprends que le collègue veut exprimer des opinions. Je comprends qu'il a un texte écrit. Je comprends que, là, il est mal pris. Bon, ce que je vous demande, M. le Président, c'est de faire respecter notre règlement. Là, ça a commencé par «c'était le parti», c'est maintenant «la députée de Marguerite-Bourgeoys». Alors, M. le Président, ça ne s'est pas amélioré dans les dernières minutes, là, ça s'est détérioré. Et là c'est le début, on est au débat restreint. Ils n'ont pas encore fait la plénière puis on n'est pas revenus pour les autres étapes dans un débat comme celui-là.

Alors, M. le Président, j'en appelle à vous. Le collègue, je le comprends, là, il est mal pris. S'il veut prendre une minute pour y penser, il peut le faire. Ce qu'on lui demande, M. le Président, c'est d'exprimer son point de vue sans attaquer les gens, sans attaquer une institution, sans attaquer ceux qui ne pensent pas comme lui et surtout en respectant l'esprit, le texte et la lettre de notre règlement, M. le Président.

Le Président : Écoutez, je vais rappeler encore une fois... Je pense que c'est assez clair, je pense qu'il y a une volonté commune qui est exprimée. Je vais demander votre collaboration à tous et particulièrement de faire en sorte qu'on évite les propos qui peuvent être blessants. Il y a moyen d'adapter. Évidemment, je ne mettrai pas de paroles dans la bouche de qui que ce soit, mais, dans une volonté commune de bien mener nos travaux dans un contexte particulier, M. le député, veuillez poursuivre, mais je vous demande encore une fois votre collaboration, d'être prudent dans vos propos.

M. Lévesque (Chapleau) : Je laisserais peut-être un collègue reprendre la relève puis je retravaillerais ce moment-là, si vous permettez, M. le Président, oui?

Des voix : ...

Le Président : Non, s'il vous plaît, on n'a pas à commenter non plus la demande du député. Le député peut s'arrêter là, il n'y a pas de problème, il peut continuer. C'est à sa guise, c'est sa décision. À ce moment-là, je passerai la parole à un député de l'opposition.

M. Proulx : M. le Président, notre règlement est très clair, à ma connaissance.

Le Président : Oui, mais je vais demander un consentement, évidemment.

M. Proulx : Bien, il n'y a pas de consentement, M. le Président. Le collègue ne peut pas s'exprimer deux fois. Il a du temps. S'il décide de ne plus le faire, il ne le fait pas. Mais, dans le contexte actuel, M. le Président, il n'y aura pas un consentement pour se faire insulter deux fois, c'est non.

Le Président : Alors, je comprends qu'il y a donc possibilité d'acquiescer à cette demande par consentement. Je comprends qu'il n'y a pas de consentement. N'ayant pas de consentement, M. le député, poursuivez également, mais dans cette volonté que nous venons d'exprimer.

Des voix : ...

Le Président : Voulez-vous poursuivre ou non? Non, le député ne souhaite pas poursuivre. Je cède la parole au membre de l'opposition officielle.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Ce qui nous réunit ici aujourd'hui, procédure de bâillon sur un projet de loi, M. le Président, qui a une connotation toute particulière, projet de loi qui vise à modifier notre Charte des droits et libertés. Jamais, dans l'histoire du Québec, jamais ça n'aura été fait sous le bâillon, premier élément.

Deuxième élément, au-delà de bâillon ou pas bâillon — on est en bâillon aujourd'hui, c'est une première — au-delà de cela, jamais notre Charte des droits et libertés n'avait été amendée autrement qu'en recherchant l'unanimité. Et, des articles 1 à 38, il y a eu une bonne douzaine de modifications qui venaient assurer davantage de droits aux minorités, et, dans tous les cas d'espèce, il y en a seulement deux où ça n'avait pas été l'unanimité : un où il y avait un député qui avait voté contre et un autre où deux députés avaient voté contre.

Alors, quand on vous dit qu'historiquement, depuis 1975, la charte québécoise des droits et libertés a toujours su et les législateurs qui voulaient l'amender ont toujours su rechercher cette nécessaire unanimité, aujourd'hui, avec le bâillon qui nous mène vers une modification de la charte, on veut refuser à toutes les oppositions, M. le Président, de faire un débat et de s'assurer que notre Charte des droits et libertés puisse toujours nous rassembler, puisse toujours être ce document fondateur, une loi qui prime sur toutes les autres lois, M. le Président. Et ça, c'est important dans notre société de droit. Et malheureusement, malheureusement, le gouvernement va briser, va briser, cette entente historique, ce consensus historique. Et, M. le Président, le Québec se distingue notamment par la recherche du consensus dans ses documents fondateurs.

Ce matin, j'ai eu l'occasion de citer ce qu'avait fait le ministre du Parti québécois à l'époque, Marc-André Bédard. Dans la première mouture du projet de loi 1, qui était l'ancêtre du 101, il y avait une clause dérogatoire. C'était la première qui allait être utilisée. Et, à l'époque, il avait été retiré, le projet de loi 1. Et le projet de loi 101 ne connaissait pas... n'avait pas de clause dérogatoire, le projet de loi 101, ce qui faisait en sorte que notre Charte de la langue française, qui, aujourd'hui, est une grande loi, a pu évoluer à la lumière des deux chartes, la Charte canadienne, soit, mais la charte québécoise également, où l'on faisait en sorte que l'on ne pouvait pas discriminer, notamment, basé sur la langue, ce qui fait en sorte qu'il y a eu un rééquilibrage.

Moi, M. le Président, je ne peux pas passer sous silence... et je me dois de le faire, en tout respect, à la ministre de la Justice. Elle est notre gardienne des droits et libertés, ce n'est pas peu dire. Collectivement, en 1975, nous nous sommes donné une charte qui faisait en sorte que la gardienne ou le gardien, c'était le ministre de la Justice. Marc-André Bédard, Charte de la langue française, s'était levé, avait fait retirer la clause dérogatoire. Et ce document, cette loi avait su grandir, avait su se modeler avec les années pour être rassembleuse aujourd'hui, M. le Président. Bien, ça ne sera pas le cas, visiblement.

Et, moi, quand j'entends la ministre de la Justice dire qu'elle s'en satisfait, moi, je ne peux que le déplorer, M. le Président. Et c'est important de rappeler ce que la ministre de la Justice avait dit, je la cite, 16 octobre 2018, je la cite : «On s'apprête à faire des changements, on s'apprête à changer des choses, on veut le faire rapidement. Mais rapidement, ça ne rime pas avec précipitation, alors on fera les choses dans l'ordre, on fera les choses correctement et on fera les choses dans le respect de tous.» Fin de la citation. Ça, c'est la ministre de la Justice qui, le 16 octobre 2018, l'affirmait.

Malheureusement, M. le Président, force est de constater que, dans les faits, cette affirmation-là, cet engagement-là n'est pas respecté aujourd'hui parce qu'on va modifier la charte québécoise des droits et libertés autrement qu'en recherchant l'unanimité et sous le bâillon. Et ça, M. le Président, ça, une telle loi si fondamentale, rappelez-vous d'une chose, la charte québécoise des droits et libertés ne permettra pas ce rééquilibrage-là, au projet de loi n° 21 de vivre sa vie qui lui aurait permis d'évoluer et d'être remodelé, obligatoirement et nécessairement.

Évidemment, le gouvernement en est conscient, M. le Président, le gouvernement en est conscient. Lors de la période de questions ce matin, j'ai eu l'occasion de citer — puis, je veux dire, il faudrait contester les sources journalistiques pour dire que ce n'est pas vrai — que les avocates et les avocats au sein même du ministère de la Justice sont contre ce projet de loi là. Il y a même une citation d'une source journalistique — encore une fois, qu'on vienne détromper en disant que le journaliste a mal fait son travail, que les sources n'existent pas puis que ça n'a pas été dit — une source au ministère dit : Vous ne trouverez pas un seul juriste de l'État qui vient cautionner ce qui est fait, qui vient dire que c'est correct puis que ça tient la route en respect des chartes des droits et libertés. Fin de la... Alors, ça, M. le Président, c'est implacable.

• (11 heures) •

La ministre, elle, est la première conseillère. Elle est présidente du Comité de législation. Ça aurait dû arrêter là tout de suite, M. le Président, de dire : De un, moi, comme ministre de la Justice, je ne vais pas briser l'entente historique, je ne vais pas faire en sorte que l'on va suspendre tous les droits. M. le Président, de 1 à 38, tous les droits, notamment le droit à l'égalité hommes-femmes, notamment le droit de ne pas être discriminé basé, entre autres, sur votre liberté de conscience et de religion, ça, c'est suspendu. Moi, M. le Président, je me serais attendu qu'une ministre de la Justice, que la ministre de la Justice dise : Non, sous ma gouverne, ça ne passera pas.

Un débat qui était, et je reviens encore là-dessus, aussi, je vous disais... bien, je vous dirais, M. le Président, aussi prenant, aussi catalyseur que la Charte de la langue française, Marc-André Bédard s'était levé puis a dit : Non, pas sous ma gouverne. Et lui, Marc-André Bédard, s'était même levé en Chambre pour répondre aux questions des collègues et les rassurer en disant : Ne vous en faites pas, j'ai toutes les assurances que ça va respecter la charte, et, de toute façon, il n'y aura pas de clause dérogatoire. Ça, force est de constater que ça n'aura pas été le cas ici, et on se serait attendu à cela.

Sur le fond des choses, M. le Président, sur le fond des choses, on dit «le consensus Bouchard-Taylor», rapport Bouchard-Taylor. M. le Président, il y avait Taylor qui a quitté ce consensus. Il n'y a plus de consensus. C'est de passer du rapport Bouchard-Taylor au rapport Bouchard.

Maintenant, qu'en reste-t-il, de M. Bouchard? Il est venu nous dire en commission parlementaire, et je le cite dans un article de La Presse du 5 avril 2019, je le cite, M. Gérard Bouchard : «[Le premier ministre] erre gravement [...] en assimilant le pouvoir extraordinaire de coercition à l'autorité pédagogique que détient le personnel enseignant — il parle vaguement, à ce propos, de "personnes en position d'autorité". C'est une confusion regrettable qu'il importe de dissiper.» Et il cite toujours, M. le Président, il parlait d'un projet de loi, M. Gérard Bouchard, projet de loi radical qui ne ressemble pas aux Québécois et qui est cadenassé.

M. le Président, la motion, à laquelle nous allons voter bien évidemment contre, fait en sorte non seulement de cadenasser les parlementaires, mais de cadenasser les Québécoises et Québécois en leur refusant, sous l'égide, le cas échéant, de la loi n° 21, de pouvoir bénéficier de leurs droits les plus fondamentaux. Ça, c'est cadenasser. Également, M. le Président, je reprends les mots de M. Bouchard, ça ne ressemble pas aux Québécois.

Ça, être ministre, déposer un projet de loi qu'il juge important, un projet de loi qu'il justifie en disant : Bien, vous savez, nous, on veut rétablir une paix sociale... Il n'y a personne, M. le Président qui nous a fait la démonstration qu'actuellement, au Québec, il n'y a pas de paix sociale. Et, si tant est qu'on a besoin de statistiques, la Commission des droits de la personne est venue nous dire en commission parlementaire : Vous savez, des demandes d'accommodement, que ce soit pour un handicap, que ce soit pour un motif quelconque, notamment religieux, en 2017‑2018, sur 97 plaintes, il y en avait trois qui étaient reliées à une demande d'accommodement pour motifs religieux. Et la commission est venue nous dire que c'est tout à fait normal, c'est tout à fait selon les normes. Les gens veulent être éclairés et nous avons su, collectivement, récupérer ce débat et grandir pour faire en sorte que, lorsqu'il y a des demandes d'accommodement, bien, que ça se demande et que la demande d'accommodement doit être analysée selon certains critères, oui, ça a été communiqué aux décideurs, et faire en sorte que, oui, s'il y a accommodement, qu'il soit raisonnable. Ça, c'était, entre autres, dans la loi n° 62, M. le Président.

Donc, rétablir la paix sociale, il n'y a pas de paix sociale qui est menacée présentement. Ce que le projet de loi vient faire... Et on l'a dit, on ne le souhaite pas, M. le Président, mais on ne ferait pas notre job si on ne se levait pas en Chambre aujourd'hui pour crier haut et fort que nous allons mettre à mal la paix sociale au Québec. Pourquoi, M. le Président? Parce que, dans un dossier aussi délicat, on ne me fera pas dire... Puis tout le monde autour de la table est d'accord avec ça. Les accommodements religieux, c'est un dossier délicat. Les signes religieux, c'est un dossier délicat. Comment devons-nous le traiter? Pas par bâillon puis par clause dérogatoire. Nous devons faire en sorte d'informer la population, informer les décideurs.

Sous le régime, si d'aventure le p.l. n° 21 est adopté, il y aura une définition extrêmement vague, extrêmement floue, M. le Président. J'en veux pour preuve que, le lendemain du dépôt de l'amendement, pendant 5 h 15 min, au Québec, selon les dires du premier ministre, les joncs, les alliances de mariage, c'était un signe religieux puis ça devait être interdit. Mais là il s'est ressaisi et a remis à pâte à dents dans le tube, M. le Président, il a dit : Non, non, non, c'est permis d'avoir des joncs, des alliances lorsque vous vous êtes marié à l'église. Alors, ça, vous voyez, si notre premier ministre, M. le Président, lui-même a eu cet égarement, ce moment d'égarement, comment pouvons-nous faire en sorte d'être confiants, de dire que les directrices d'école, les directeurs d'école, tous ceux qui sont en autorité sauront clairement c'est quoi, un signe religieux?

Et la définition qu'il a ajoutée ne fait que rajouter... qui a été déposée à la dernière minute, M. le Président... Le pilier de ce projet de loi là, le pilier de contestation aussi, de notre côté, c'est l'article 6, et l'article 6, il n'a pas été discuté pendant 60 heures, 32 heures; pendant quelques heures, l'article 6. Et ce n'est qu'à minuit moins cinq, la veille de la cessation de nos débats, que l'amendement, fondamental aux dires du ministre, a été déposé. Alors, M. le Président, on ne peut pas dire : Nous, on était prêts à faire le débat — ils n'ont pas voulu faire le débat — et déposer un amendement fondamental à minuit moins cinq qui mérite d'être débattu à la lumière de nos droits et libertés, qui sont, bien évidemment, à préserver.

Et, M. le Président, j'aimerais vous donner un exemple, parce que, là, on parle de la procédure de bâillon, j'aimerais vous donner un exemple où, dans le contexte du projet de loi n° 157, loi sur le cannabis, à l'époque, vous vous en rappellerez, le collègue leader du gouvernement était autour de la table. C'est un projet de loi qui n'avait pas pris 32 heures moins cinq heures de pause, parce que, le 32 heures, il faut y déduire un cinq heures de pause, de suspension. Alors, le collègue leader du gouvernement, député de Borduas, était autour de la table, et il y avait eu 136 heures... 137 heures, M. le Président, de débats, il n'y avait pas eu de bâillon, pas de clause dérogatoire non plus, puis il avait été adopté. Et ça, ça avait fait en sorte que du choc des idées jaillit la lumière puis qu'on puisse réellement bonifier. Là, on ne fait que court-circuiter le débat.

La procédure d'exception, elle existe, c'est dans notre règlement. L'amendement avait été adopté le 21 avril 2009 et faisait en sorte que c'était une procédure possible. Mais là, dans ce contexte-ci, elle n'est aucunement justifiée, M. le Président. On court-circuite un débat fondamental, un débat qui interpelle la société.

C'est rare, les projets de loi, M. le Président, qui interpellent autant les gens. Moi, je ne me rappelle pas d'exemples, d'avoir vu une personne, un citoyen du Québec me dire : Écoute, moi, je n'ai pas d'opinion sur le sujet, tout le monde a des opinions. Bien, ce n'est pas après moins de 32 heures, M. le Président, qu'il faut court-circuiter ça, surtout que ça aura un impact dans la vie d'hommes et de femmes, de femmes qui devront dire : Bien, moi, j'ai une belle opportunité de me rapprocher de ma résidence, je vais changer, comme enseignante, de commission scolaire... Vous pourrez le faire mais uniquement au prix de laisser votre liberté de religion, qui sait, d'avoir un hidjab, de le laisser de côté. Et, M. le Président, c'est extrêmement, je crois, réducteur, et je le dis en tout respect, de dire que l'on peut retirer un signe religieux... Parce qu'on dit : Ce n'est pas anodin, le gouvernement dit : Un signe religieux, ce n'est pas anodin, c'est fondamental, vous devez l'enlever parce que c'est fondamental, mais après ça on le justifie en disant : Bien, voyons donc, vous allez juste l'enlever, le fondamental, du lundi au vendredi, de 9 heures à 5 heures. Et ça, ce sera au prix d'un emploi qui vous sied mieux, qui vous rapproche de votre résidence, qui vous rapproche de vos enfants, qui vous rapproche de votre conjoint. Ça, vous devrez le faire au prix, si d'aventure vous êtes une femme avec le hidjab, au prix de votre signe religieux, de votre sincère croyance et de votre liberté de religion. Même chose, également, M. le Président, si vous voulez avoir une promotion. Vous demeurez dans la même commission scolaire, vous avez une promotion, vous êtes promue directrice adjointe de l'école : vous devrez refuser au prix de... ou accepter au prix de mettre de côté votre liberté de religion.    

Le leader a écrit, en 2018, un livre, le titre était J'ai confiance — Réflexions (sans cynisme) d'un jeune politicien. Je vais vous faire deux citations. La première, page 24 : «J'ai toujours pensé, et ce, bien avant d'être admis au Barreau, qu'il est important de vivre dans une société de droit, où le respect des règles devait s'appliquer à tous, quels que soient notre origine et notre statut social. La justice est un univers où l'arbitraire n'a pas sa place et où les gens ont la possibilité d'être soutenus dans la défense de leurs droits.» Fin de la citation, page 24, collègue de Borduas qui est le parrain de ce projet de loi là. Ce qu'il disait à l'époque qu'il tenait pour vrai, puis je pense qu'il le tient toujours pour vrai, il est incohérent, M. le Président, et injustifiable que nous ayons, après avoir discuté du projet de loi n° 21... qu'aujourd'hui on vient court-circuiter ça avec le bâillon et faire en sorte de suspendre pas n'importe quelle loi, nos deux chartes des droits et libertés.

Dernière citation, page 96, je le cite, le leader du gouvernement : «Un bon leader sait recourir à l'expertise d'autrui, assez modeste et assez sûr de lui pour accepter de s'ouvrir aux avis extérieurs. Il reconnaît ne pas avoir le plein contrôle sur tout et ne pas avoir la science infuse.» Fin de la citation. Ça, M. le Président, ça aurait été le fun qu'il l'applique dans le débat actuel, que l'on continue les débats.

Vous savez que la Charte de la langue française, là, M. le Président, elle a été adoptée pas sous bâillon, pas de clause dérogatoire. J'y vais de mémoire, là, on me corrigera si j'ai tort, le 27 août 1977 elle a été adoptée et sanctionnée, le 27 août 1977. Ça veut dire qu'en mai, en juin, en juillet, en août ils ont débattu. Puis ce n'était pas un débat qui faisait moins rage à l'époque qu'aujourd'hui, puis savez-vous quoi? On avait fait notre travail, puis il n'y avait pas eu de clause «nonobstant», et ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, la Charte de la langue française, nous en sommes tous fiers, loi qui est rassembleuse. Je pense qu'il aurait été, pour le ministre, pour le premier ministre, qui ont identifié ce projet de loi comme étant, pour eux, une future grande loi québécoise... il aurait été de bon aloi, et justifié, et non en bris historique de la façon de faire au Québec de se donner le temps de faire le débat, de le bonifier, d'écouter, parce que personne n'a la science infuse ici, autour de la table, et de faire en sorte que l'on puisse, M. le Président, faire en sorte que les chartes, notre charte québécoise notamment, puissent s'appliquer à cette importante législation là, importante quant à l'impact qu'elle aura dans la vie des gens.

Alors, bien évidemment, on va voter contre la motion, M. le Président, parce que nous ne pouvons pas, dans notre âme et conscience, refuser de faire le débat, nous allons voter contre la motion pour le bâillon. Et ce qui est malheureux, M. le Président : tous autour de la table, même ceux qui étaient pour le projet de loi n° 21, parce qu'il y en avait qui étaient pour, il y en avait qui étaient contre, c'était très polarisé, tous ont entendu dire que des contestations judiciaires, des contestations judiciaires, il y en aura beaucoup et que la paix sociale, qui n'est aucunement, aujourd'hui, M. le Président, aucunement remise en question, il y a une paix sociale, bien, il y aura... ce sera la source de chicanes et ce sera la source d'embarras, notamment au sein de nos écoles, puis, au Québec, on n'a pas besoin de ça. Alors, non, M. le Président, nous dirons non à cette façon de faire et nous dirons non à ce projet de loi qui, en somme, est liberticide.

• (11 h 10) •

Le Président : Je reconnais maintenant le leader du deuxième groupe d'opposition. M. le leader.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Je ne suis pas très vieux, mais c'est la deuxième fois de ma vie que j'assiste ici à l'adoption sous bâillon d'une loi qui suspend les droits et libertés de la personne au Québec. La première fois, je n'avais pas les pieds sur le tapis du salon bleu, j'étais dans les tribunes, juste là. Je m'en rappelle. Ça ne fait pas si longtemps que ça, ça ne fait même pas 10 ans, mais il s'est passé tellement de choses depuis qu'on dirait que ça fait une éternité. À l'époque, j'étais un simple étudiant. J'ai assisté, impuissant, à l'adoption d'une loi liberticide, une loi inique qui limitait les droits et libertés de milliers de jeunes de ma génération. Sous un tonnerre d'applaudissements partisans, le gouvernement libéral, à l'époque, a adopté, avec l'appui enthousiaste de la Coalition avenir Québec, une loi inutile et répressive qui enfreignait les libertés fondamentales des Québécois et des Québécoises, une loi méprisant «les libertés de conscience, d'opinion, d'expression, de réunion pacifique et d'association», et ça, M. le Président, c'est une citation de la commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec. Ce soir-là, en mai 2012, je me rappelle d'avoir pleuré, pleuré de rage. Je me souviens du sentiment de dégoût que j'ai éprouvé, je me souviens aussi du sentiment de trahison que j'ai ressenti. L'Assemblée nationale, le Parlement qui était censé me représenter, adoptait à bride abattue une loi visant à écraser la plus grande mobilisation de toute l'histoire de la jeunesse québécoise.

Cette journée-là, ce n'est pas seulement une grève étudiante, pourtant, qui a été attaquée, c'est le lien de confiance entre plusieurs Québécois et Québécoises et leurs institutions démocratiques qui a été affaibli. M. le Président, ce sont dans des moments comme ceux-là que les gouvernements révèlent ce qu'ils ont dans le ventre, et, en adoptant cette loi liberticide, le 17 mai 2012, le gouvernement Charest dévoilait sa vraie nature. Pour marquer des points dans les sondages, il administrait un électrochoc à la démocratie québécoise.

Sur le moment, je me rappelle, cette loi m'est apparue comme un coup de force, comme un signe d'autoritarisme. Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai compris ce qu'elle était vraiment : un aveu de faiblesse face à une jeunesse qui ne se laissait pas intimider.

Sept ans plus tard, je suis quelques mètres plus bas, j'ai quelques responsabilités et plusieurs cheveux gris en plus, mais je ressens des sentiments beaucoup trop similaires.

D'abord, je ressens le même sentiment d'impuissance. Je n'ai pas voté, à l'époque, la loi n° 78, mais, ce soir, le bâillon caquiste fera en sorte que je n'aurai pas vraiment plus mon mot à dire, comme parlementaire, dans l'adoption de cette loi.

Ensuite, le caractère liberticide de cette loi. À l'époque, le Barreau du Québec, la commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, la majorité du milieu juridique, Amnistie internationale, une foule d'autres organisations s'inquiétaient de la loi n° 78, et aujourd'hui ces mêmes organisations, M. le Président, s'inquiètent avec la même vigueur et selon des arguments très semblables de la loi sur l'interdiction des signes religieux. Je l'appelle comme ça, M. le Président, parce qu'il ne s'agit pas d'une loi sur la laïcité, il s'agit d'une loi sur l'interdiction des signes religieux.

Ensuite, j'ai l'impression d'assister à un coup de force similaire. En utilisant le bâillon, le gouvernement de la Coalition avenir Québec pose un geste autoritaire, il sabote les délibérations démocratiques au Québec. Et je reconnais sur mon visage et sur les visages de mes collègues députés de Québec solidaire les mêmes cernes que je voyais à l'époque, du haut de la tribune, sur les visages des parlementaires alors qu'ils avaient passé toute la nuit à tenter en vain de retarder ou de bloquer l'adoption de ce projet de loi.

Finalement, je reconnais le même aveu de faiblesse de la part du gouvernement, l'aveu de faiblesse d'un nationalisme défensif et peureux, d'un nationalisme qui pointe du doigt et qui isole. À Québec solidaire, nous sommes d'un autre nationalisme. Nous sommes du nationalisme de Papineau, de Nelson, de Lévesque, de Godin, de Papineau et de Khadir, d'un nationalisme qui...

Le Président : Je m'excuse, je vous coupe d'abord pour vous dire qu'il vous reste à peu près 1 min 30 s, mais aussi attention à certains propos, à certains mots, «sabote», «peureux», des mots à ne pas utiliser.

M. Nadeau-Dubois : Je qualifie, M. le Président, une idéologie, je ne qualifie ni une formation politique ni un individu, je qualifie une idéologie, alors je maintiens ces propos.

À Québec solidaire, comme le dit...

Le Président : M. le... Je m'excuse. M. le...

M. Caire : ...faire une question de directive.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Caire : Oui, merci, M. le Président. Alors, si tant est que vous acceptiez l'explication du député de Gouin, qui qualifie une idéologie, je pense que mon collègue, tout à l'heure, qualifiait une attitude. Donc, si on est dans la qualification, il n'y a pas de problème, mais il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Si on accepte...

Le Président : Je comprends. Non, mais je comprends. Le temps passe, on a du temps. Je comprends. On a bien expliqué, tout à l'heure, je pense qu'on a agi. Dans ce contexte-ci, j'ai aussi pris la parole. Monsieur, veuillez poursuivre.

M. Nadeau-Dubois : À Québec solidaire, nous sommes donc d'un autre nationalisme, d'un nationalisme qui rassemble parce que, comme le dit souvent la députée de Taschereau, un peuple, ce n'est pas du monde tout pareil, c'est du monde tous ensemble, parce que les peuples forts n'ont pas besoin d'exclure pour se sentir fiers, parce que le Québec est plus grand que ce projet de loi qui va créer de la division entre nous, M. le Président.

Mais il y a de l'espoir parce qu'au moment où on se parle, la loi dont j'ai assisté à l'adoption en mai 2012, cette loi n'existe plus, elle a été jugée inapplicable et autoritaire par les tribunaux. J'ai espoir que la loi que nous voterons cette fin de semaine connaîtra le même sort mais, cette fois-ci, non pas par les tribunaux, M. le Président, mais parce qu'un gouvernement subséquent, un gouvernement inclusif, progressiste, indépendantiste prendra les rênes du Québec, et ce gouvernement, M. le Président, il sera formé par Québec solidaire. Merci.

Le Président : Je reconnais maintenant le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. À mon tour, au nom de ma famille politique, le Parti québécois, je souhaite partager avec les parlementaires ce qu'on pense de ce projet de loi mais ce qu'on pense de façon plus générale de la laïcité.

D'abord, débattre et légiférer sur la laïcité, c'est légitime et c'est nécessaire dans une société libre, une société qui est capable d'assumer ses choix. Si on ne décide pas de prendre le virage de la laïcité, parce qu'on le prend pour une première fois de façon codifiée dans une loi, quelle est l'alternative? Comment on se comporte entre nous? Qu'est-ce qui nous régit? Alors, d'avoir une loi comme celle-ci qui nous permet d'apprécier la vision du gouvernement et, je l'espère, de comparer nos propositions, c'est souhaitable. Et nous nourrissons l'espoir que, durant cette journée de débats, certains des arguments qu'on a apportés qui sont, en fait, des propositions d'amendement pourront trouver écho auprès du gouvernement.

J'ai apprécié, tout à l'heure, l'ouverture manifestée par le premier ministre sur chacune des propositions que j'ai apportées. Évidemment, je serais davantage rassuré si elles prenaient la forme d'amendements formels qu'on retrouve dans le projet de loi. Et je m'explique.

• (11 h 20) •

D'abord, sur le cadre de nos débats, évidemment, et je l'ai dit à plusieurs reprises, il aurait été souhaitable qu'on n'ait pas de procédure d'exception, de bâillon. Et tout ça aurait pu être possible relativement simplement si on avait commencé à débattre en février, à notre retour en Chambre, alors que le projet de loi aurait pu être déposé à ce moment-là. On aurait eu amplement de temps, je crois, pour débattre de ces enjeux.

À titre d'exemple, le trop court laps de temps a fait en sorte que je n'ai jamais été en mesure de proposer formellement mes arguments, mes amendements. C'est pour ça que j'ai dû le faire auprès du premier ministre, c'est pour ça que je les annonce lors des points de presse, c'est pour ça que j'écris à cet égard, et j'aurai l'occasion de le faire aujourd'hui. Donc, c'est ce que ça aurait permis. On propose des amendements; le gouvernement est majoritaire, il en dispose. Il vote pour, il vote contre.

Ultimement, les groupes parlementaires ont un choix à faire. Est-ce qu'il vaut mieux ne pas légiférer ou tenter d'améliorer une loi qui n'est pas nécessairement celle qu'on souhaite, mais qui est la meilleure dans les circonstances? Je pense qu'on a besoin d'une loi, et ma responsabilité, à titre de chef parlementaire du Parti québécois et responsable de la laïcité, est de tenter jusqu'à la fin de convaincre, par la force des arguments, le gouvernement qu'il est souhaitable d'adopter nos amendements.

Le premier ministre, tout à l'heure, a dit quelque chose que j'aurais dû relever, mais je le fais maintenant. Il indique que le Parti québécois veut aller plus loin. Je pense que l'idée, ce n'est pas d'aller plus loin, c'est d'être plus cohérent. Quand le gouvernement fait le choix judicieux d'inclure les enseignants et enseignantes dans sa loi parce qu'il considère qu'ils sont en autorité, je ne comprends pas pourquoi il ne fait pas la même chose avec les éducateurs et éducatrices des services de garde et des CPE. C'est un choix. C'est totalement applicable. À preuve, la prestation de services à visage découvert s'applique à ce réseau. Alors, le gouvernement aurait pu faire le choix d'appliquer sa loi à ce réseau, c'est un choix qu'il a décidé de ne pas faire. Le Parti québécois est la seule formation politique qui plaide cela, et je sens qu'on est appuyés. Dans un sondage à la fin de mars dernier, on indiquait que 67 % des Québécois souhaitent cela, et nous sommes du nombre.

Même chose pour les écoles privées. Pourquoi le fait de se payer un enseignement privé dispenserait notre lieu d'enseignement de l'application d'une loi québécoise? Moi, ça, ça me dépasse, M. le Président. Et un jour, et ça a été annoncé par le premier ministre, on aura un débat sur le financement des écoles privées. On y participera, soyez-en assurés. Mais la liberté de conscience pour des élèves, des enfants, des adolescents du public, évidemment, mais pourquoi on dispenserait les élèves du réseau privé? Moi, je ne comprends pas ça.

Aussi, j'ai indiqué que, sur un enjeu qui est important pour nous, qui ne se retrouve pas dans le projet de loi, qui est le cours d'éthique et culture religieuse, pour lequel on a plusieurs critiques, on souhaite un engagement formel. Lorsque j'ai posé la question, en Chambre, au premier ministre, il a répondu, et ensuite le ministre de l'Éducation a précisé sa volonté de faire des modifications. Nous avons pris sa parole. J'aimerais, je l'ai entendu de la part du premier ministre, mais un engagement plus ferme et temporel, il indique la durée du mandat pour modifier ce cours.

Donc, pas de surprise. Nos arguments sont connus, nos propositions sont connues, on va se gouverner en conséquence. Et, au terme de l'exercice, il y aura nécessairement une loi, et on espère qu'on aura contribué, à travers nos propositions et notre attitude, à adopter la meilleure loi possible.

Et dernière chose : J'inviterais, à la fin, l'ensemble des parlementaires à demander qu'on respecte cette loi, parce qu'il en va de la primauté de l'Assemblée nationale et de ses représentants élus d'être les seuls maîtres de l'adoption des lois au Québec. Merci.

Le Président : À ce moment-ci, je reconnais le député de Saint-Jean.

M. Louis Lemieux

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Je me lève avec plaisir et fierté pour participer à ce débat restreint qui porte, faut-il le rappeler, sur le motif de la convocation en séances extraordinaires et donc sur la motion fixant le cadre temporel et la procédure d'exception pour adopter ce projet de loi n° 21 sur la laïcité de l'État, et vous me pardonnerez, je l'espère, de m'en tenir à ce titre écourté, pour faire plus court, justement. Avec plaisir, que j'ai dit, et même avec empressement, parce que je suis membre permanent de la Commission des institutions qui a tenu les consultations particulières sur ce projet de loi et qui a commencé l'étude détaillée article par article. Je dis bien «commencé» et je vous explique, parce que le nouveau parlementaire que je suis n'a pas pu s'empêcher d'être impressionné en appréciant les talents d'orateur des collègues en commission, qui multipliaient, et le mot est faible, les interventions et les explications pour nous dire que ce n'était pas une affaire de faire du temps mais une affaire de faire une meilleure loi, et j'en suis, mais j'ai eu le sentiment... c'est devenu une impression, en tout cas, fatigante que le but, c'était de forcer ce qu'on est en train de faire et de vivre ici aujourd'hui, et je m'explique, parce qu'en ce qui me concerne, après toutes ces heures en commission parlementaire, j'en suis venu à la conclusion qu'on ne réussirait pas à régler l'affaire en commission parlementaire et à se mettre d'accord, parce qu'il y avait, me semble-t-il, en tout cas, de mes yeux tout frais de parlementaire et de législateur, incompatibilité autour de la table sur les bases mêmes de la loi.

Mais ça, comme je vous le disais, c'est probablement juste moi qui n'ai pas assez d'expérience, le petit nouveau qui ne comprend pas le jeu des législateurs, la mécanique du comment on fait la saucisse, comme on dit. Donc, pour ne pas jouer au mauvais juge, je vais oublier la forme, le contenant, et je vais me contenter du contenu et me concentrer sur le fond, sur ce que j'ai entendu et ce que j'ai compris des questions qui étaient posées au ministre et des amendements et sous-amendements qui étaient déposés au fil de l'étude article par article. Mais ne vous inquiétez pas, M. le Président, je ne vais pas les répéter ici maintenant. On a déjà assez tourné autour du pot, à mon avis, et on a assez perdu de temps à se demander s'il est vraiment pertinent ou nécessaire de rajouter, par exemple, les mots «du Québec» par ici ou «tel que défini par l'Assemblée nationale» par là. Et c'est sans compter ni oublier qu'on a beaucoup insisté pour essayer de faire dire au ministre le contraire de ce qu'il venait de dire, et qu'il répétait de toute façon depuis des semaines, et de ce qui est écrit en toutes lettres dans le projet de loi, qui a, me semble-t-il, le mérite, l'avantage, la qualité d'être simple, alors qu'on s'est fait dire pas plus tard que jeudi soir, en préambule à une question qui frôlait l'existentiel, que, et je cite, «plus on avance et moins on comprend».

Il faut savoir et dire que, quelques jours plus tôt, le ministre s'était fait demander ce que c'était au juste que la religion et quelle était la définition du ministre de la religion. Je l'ai trouvé, pour vous dire la vérité, bien patient, et même bon joueur et habile. Et j'avoue que sa réaction de citer la définition de la Cour suprême du Canada de ce qu'est la religion, de l'avis de la Cour suprême du Canada, bien écrit dans bien des jugements, c'était un bon coup d'avocat. Mais le fait est que ce n'est pas un dictionnaire que le ministre a déposé, c'est une loi, une loi nécessaire pour qu'on puisse vivre aujourd'hui au Québec en fonction et en vertu de ce qu'on est devenus après toutes ces années d'ajustements, de sécularisation, d'adaptation à la modernité et la modernité et la maturité qui ont transformé notre société.

Et donc c'est une loi, le projet de loi n° 21, qui vient concrétiser dans notre droit et dans les faits ce que nous sommes collectivement devenus. Et j'en veux pour preuve ce que dit le projet de loi. Comment est-ce que ça pourrait être plus simple que l'article 1, par exemple? Cinq mots, M. le Président, on ne peut plus simples, clair et précis : «L'État du Québec est laïque.» En fait, il faudrait que toutes les lois soient écrites comme celle-là, parce qu'il faut le dire, que ça coule de source et que ça se lit presque comme un roman, avec des mots simples et des idées évocatrices, et descriptives, et pas hermétiques que tout le monde, et pas juste les avocats, vont pouvoir comprendre et qui nous permettent d'en mesurer la signification et la portée.

Et d'ailleurs j'ouvre davantage la parenthèse pour dire combien j'ai apprécié pas juste la rédaction, mais la logique et l'approche grand public du projet de loi, dont je recommande la lecture, en passant, à tout le monde ne serait-ce que parce que c'est historique, M. le Président. Pour la première fois, le droit québécois non seulement reconnaît, mais définit la laïcité de l'État, les principes sur lesquels elle repose et ce que ça exige de ses institutions. Mine de rien, comme ça, là, ce sont là les articles 1, 2 et 3 que je viens de vous résumer, à peine résumer, c'est presque comme ça dans le texte.

Mais 1, 2 et 3, c'était bien, mais on s'est arrêtés, après je ne sais plus combien d'heures, aux articles 4, 5 et 6 de... 32, pour le projet de loi n° 21, pour tourner, oui, peut-être autour du pot, ce n'est pas... c'est trop méchant, «autour du pot», pour tourner en rond, en tout cas, ça, c'est clair, mais en particulier pour tourner autour d'un concept de droit largement reconnu et utilisé presque par défaut, celui de la personne raisonnable. Ça permet aux juges et aux jurés d'apprécier la raisonnabilité de l'interprétation des faits en regard de la loi. Vous me voyez venir. En tout cas, eux me voient venir parce qu'ils étaient à la commission. Mais mal nous en pris puisqu'on a fini par débattre en long et en large, plus long que large, des mérites des opinions de la personne raisonnable au sens propre et même au sens philosophique plutôt que légal, puisqu'on travaillait dans un projet de loi, légal.

• (11 h 30) •

D'ailleurs, sachez que la coïncidence n'est pas banale. C'est ce même concept légal de personne raisonnable qui est utilisé dans le code d'éthique et de déontologie de la plupart des organismes publics, comme par exemple celui des commissaires de la commission scolaire English-Montréal, pour définir l'approche qu'ils doivent préconiser pour juger de la façon dont ils s'acquittent de leurs tâches et de leurs responsabilités, ce qui me fait penser et espérer, et là-dessus le chef de la troisième opposition sera d'accord avec moi, je pense, qu'il leur sera aisé, à eux et à tous les parlementaires — «eux» entendre les commissaires de la commission scolaire English-Montréal — de comprendre ce qu'on attend d'eux et de nous et facile pour eux comme pour tous ceux qui auront à le faire, après l'adoption de la loi, de l'appliquer, parce que, quand on y pense, ce n'est pas vraiment compliqué, là. Elle dit quoi, la loi? Elle dit que les employés de l'État en position d'autorité, tel que défini dans les annexes dont je vous fais grâce, ne peuvent pas porter de signes religieux pendant leur prestation de travail au service de l'État. Et c'est là où nous pouvons nous vanter, on l'a entendu aujourd'hui, mais je suis d'accord, c'est nous, le gouvernement, d'être modérés, et à l'écoute, et pragmatiques. C'est justement dans cette liste de ceux et celles à qui la loi interdit le port de signes religieux, considérant la laïcité assumée et responsabilisée de l'État, parce qu'il s'en trouve au moins autant pour dire qu'on ne va pas assez loin que ceux qui nous reprochent d'aller trop loin.

Dans le monde d'où je viens, M. le Président, vous aussi, d'ailleurs, le journalisme, quand les deux côtés de ceux dont on parle, les deux côtés de la médaille, ou du conflit, ou du débat, ou de la question, ou du projet de loi, trouvent à redire sur ce qu'on a dit, c'est probablement un peu beaucoup parce qu'on a bien reflété la situation des deux côtés. Je n'aime pas l'expression «couper la poire en deux», il y a quelque chose de péjoratif là-dedans, mais il y a beaucoup de mérite, souvent, à manger seulement un demi-fruit. Toujours est-il que, dans le monde où je suis rendu maintenant, c'est parce qu'on a tenu compte des besoins, et des impératifs, et des attentes, et des susceptibilités, et vulnérabilités de tout le monde, pour le plus grand bien de tout le monde. C'est ça, le bien commun, et c'est ça que le projet de loi reflète.

D'ailleurs, je dois noter qu'on ne s'est même pas rendus aux articles qui règlent pourtant toute la question de la prestation et de la réception des services à visage découvert. C'est dans le projet de loi. On en a parlé par la bande, mais on ne s'est pas rendus à ces articles-là. Dommage. Et ce n'est pas banal puisque, mine de rien, ça n'avait jamais vraiment été réglé. Eh bien, là, ça l'est ou, en tout cas, ça va l'être. Et ce sera simple, clair et précis.

Pour en revenir à l'article 6, où on s'est arrêtés, il faut admettre qu'on ne s'est pas arrêtés, on s'est plutôt embourbés dans une kyrielle d'amendements et de sous-amendements, pas pour faire du temps, non, non, non, pas pour faire du temps, mais toujours pour parler davantage des concepts dont on parlait depuis le début. Mais c'est vrai qu'on peut se poser beaucoup de questions sur ce qui se passera une fois la loi adoptée et qu'avec un peu d'imagination, j'en conviens, on peut évoquer toutes sortes de scénarios qui permettent de se poser des questions et même de mettre en doute éventuellement l'applicabilité de l'une ou l'autre des parties de cette loi ou de n'importe quelle loi. Et, comme pour n'importe quelle loi, justement, l'applicabilité de la Loi sur la laïcité de l'État va passer par le GBS, le gros bon sens, et la bonne volonté parce que, pour l'essentiel, pour reprendre les mots de mon premier ministre, c'est déjà comme ça qu'on vit au Québec.

Et, avant de terminer et pour conclure sur le projet de loi et la nécessité de procéder comme nous nous apprêtons à le faire pour l'adopter, j'avoue, et je m'en suis confessé en commission, d'ailleurs, que j'étais presque déçu d'un amendement soumis par le gouvernement, qui l'était pourtant en guise de bonne foi, pour essayer de faire débloquer l'allure des travaux de la commission parce qu'à mon sens je n'étais pas d'accord parce qu'on essayait de préciser davantage ce qui n'avait pas vraiment besoin de l'être. Mais je me suis rallié sur-le-champ parce que, j'ai bien compris, c'est le métier qui rentre, c'est comme ça qu'on fait des lois et c'est comme ça qu'on les fait adopter. Et c'est ce que j'espérais et c'est ce que je voulais, moi aussi, entre autres parce que c'est ce que les citoyens de ma circonscription de Saint-Jean et d'ailleurs, qui m'en parlent depuis le lendemain des élections, me disent vouloir et attendre de notre gouvernement. Et le fait est que ça fait longtemps que ça aurait dû être fait.

Je vais tout de même résumer l'essentiel de ce qui me fait dire ça et je m'excuse d'avance de ne pas être original, parce que tout le monde le sait, mais ça fait trop longtemps qu'on le dit, et c'est maintenant qu'il faut le faire. Il faut faire ce que la commission Bouchard-Taylor avait recommandé au gouvernement voilà plus de 10 ans déjà et qui, pour l'essentiel, est resté lettre morte pour la partie importante dont on parle encore aujourd'hui.

Il faut faire ce que les libéraux n'ont pas réussi à faire, et ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué depuis 2008, comme leur loi n° 62, qui est toujours suspendue par la Cour supérieure. Il faut faire ce que le gouvernement du Parti québécois aurait dû faire en 2013 en acceptant la main tendue de la CAQ plutôt que de s'échouer avec une charte des valeurs qui prenait l'eau. Il fallait faire ce que nous allons faire aujourd'hui, M. le Président, consacrer légalement la laïcité de l'État québécois une fois pour toutes et passer à autre chose.

Et, même si, pour ça, il faut adopter ce projet de loi en procédure d'exception dans le cadre d'une séance extraordinaire comme celle qu'on entame, c'est ce qu'il fallait faire et c'est ce que nous allons faire parce que c'est une mesure légitime d'un gouvernement majoritaire qui fait ce qu'il a dit qu'il ferait et qui le fait de bonne foi, et pour les bonnes raisons, et parce que nous sommes persuadés, si j'ose parler au nom de mes collègues, que le ministre qui l'a parrainé a présenté la loi dont nous avions besoin, et que nous voulions, et que nous savons maintenant qu'elle est la meilleure pour tous les Québécois. Merci, M. le Président.

Le Président : Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Je reconnais le leader de l'opposition officielle.

M. Sébastien Proulx

M. Proulx : Merci, M. le Président. Je pense qu'il me reste environ...

Le Président : ...

M. Proulx : Pardon?

Le Président : 1 min 37 s.

M. Proulx : Merci, M. le Président. Je prendrai cette minute 37 pour discuter de cette motion et de l'opportunité que nous avons de se retrouver ici dans cette période de bâillon.

Quelques mots, M. le Président, sur ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant de la partie gouvernementale. J'ai beaucoup entendu parler du pourquoi c'est long en commission parlementaire, pourquoi et comment c'est difficile en commission parlementaire. Mais ce que je n'ai pas beaucoup entendu, c'était vrai hier, c'est vrai aujourd'hui, M. le Président, c'est pour quelle raison on n'a pas siégé assez souvent et assez longtemps en commission parlementaire.         

La situation, c'est la suivante, M. le Président, c'est que c'est le même ministre qui porte les deux dossiers. C'est le même ministre qui, depuis le début, nous a amenés dans la situation où il fallait, en alternance, siéger une journée dans l'un, une journée dans l'autre. Si on avait eu, M. le Président, deux ministres responsables chacun de leurs dossiers, on aurait eu vraisemblablement le double de temps passé en commission parlementaire, ce qui veut dire, M. le Président, la capacité et la possibilité d'aller encore plus loin dans les projets de loi.

Le projet de loi n° 21, M. le Président, c'est encore plus gênant que c'était pour le projet de loi n° 9 de faire cet exercice parce qu'on n'est même pas rendus là où sont la suspension de nos droits et libertés. On n'est même pas rendus aux annexes où il est temps de discuter de qui sera brimé. On n'est même pas rendus, M. le Président, à discuter de la clause dérogatoire, qui ne devrait pas être imposée lorsqu'on modifie la charte québécoise des droits et libertés.

Ce bâillon-là n'est pas légitime parce qu'on aurait pu agir autrement. C'est la raison, M. le Président, pour laquelle nous ne sommes pas heureux de le faire et nous allons voter contre cette motion.

Le Président : La parole au député de Vachon.

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : Combien de temps, M. le Président?

Le Président : 10 min 53 s, M. le député.

M. Lafrenière : Parfait. Merci beaucoup. Alors, M. le Président, vous allez m'excuser, je vais commencer avec un message très direct pour les libéraux, pour les péquistes, pour les solidaires. Je suis vraiment très heureux d'être parmi vous ce matin et je ne peux pas commencer sans vous souhaiter une très bonne fête des Pères. C'est dimanche de la fête des Pères. Bonne fête des Pères à tous! Vous avez tous eu peur, je le sais, mais je voulais détendre l'atmosphère un peu.

Vous savez, c'est un marathon intensif. Je veux féliciter les collègues qui sont ici aujourd'hui. Ça n'a pas été facile. C'est intensif et c'est intense, mais ça se passe bien. Bravo!

M. le Président, alors que nous sommes assis aujourd'hui au salon bleu pour adopter via procédure d'exception le projet de loi n° 21 sur la laïcité de l'État, je veux, comme parlementaire, rappeler que c'est notre rôle, en tant qu'élus, de collaborer le plus possible entre les partis pour traiter des dossiers qui sont délicats. Nous nous devons de bien représenter les citoyens et les citoyennes du Québec afin de prendre des décisions le plus près possible des valeurs des Québécois, de le faire avec sensibilité et de se rapprocher d'une forme de consensus. Et c'est ce qu'on espère tous dans cette Chambre, M. le Président.

• (11 h 40) •

Le parlementarisme comme nous le pratiquons présentement est un pilier de la démocratie. Et démocratie, ce n'est pas juste d'aller voter aux quatre ans. Ça s'exerce aussi à chaque fois que des citoyens s'expriment publiquement sur un enjeu, à chaque fois qu'un élu ici prend la parole. Il faut prendre le temps de les écouter. La démocratie, nous l'exerçons à chaque jour ici, à l'Assemblée nationale, ici même, au salon bleu, ou encore lorsque ça se fait dans le cadre des commissions pour entendre des citoyens ou des groupes, pour étudier en détail des projets de loi. J'ai fait partie de la Commission des institutions. On a reçu plusieurs groupes qui sont venus nous parler, on a pris le temps de les écouter. En passant, je voulais remercier des gens qui ont pris le temps de se déplacer ici, nous présenter des mémoires, nous présenter leur vision. Ça nous a beaucoup aidés comme parlementaires, comme jeunes parlementaires, pour comprendre ce qu'ils avaient. La démocratie s'exprime également quand on discute avec nos collègues de notre groupe parlementaire en caucus ou encore lors des discussions de corridor. Et d'ailleurs, je veux vous avouer, comme jeune parlementaire, ça m'a agréablement surpris de voir les discussions de corridor qu'on peut avoir entre les différents partis pour un seul et même but, faire avancer les choses et de se comprendre, de se rapprocher.

M. le Président, depuis plus d'un siècle, il y a eu dans ce salon des désaccords sur des sujets qui étaient délicats, des moments où la tension était palpable. Il y a aussi des moments où les lois ont été votées, et ça a profondément changé la société québécoise, ça a amélioré la vie des gens. Il y a eu également, M. le Président, des applaudissements, il y a eu des accolades, il y a eu de la franche camaraderie, bref, toutes sortes d'émotions dans cette maison. C'est ce que nous faisons aujourd'hui, débattre de façon responsable, même si on peut être en désaccord sur cette dernière évaluation du projet de loi n° 21 sur la laïcité de l'État. Je me considère comme honoré, M. le Président, d'être dans cette Chambre et de pouvoir faire partie des parlementaires qui concluront enfin ce débat après 11 ans.

Parce qu'il faut se rappeler, on parle beaucoup d'heures de débat, mais il faut se rappeler que ça fait plus de 11 ans. Après 31 jours d'audiences publiques, la Commission des consultations sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles... Je pense que tout le monde se rappelle la commission Bouchard-Taylor. Le vrai nom, c'était la Commission des consultations sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles. Ils ont déposé leur rapport de 310 pages il y a de cela 11 ans, et ça a ouvert la voie à des pistes de solution pour le Québec. Cette commission a beaucoup fait parler d'elle depuis ce temps-là. On en parle encore aujourd'hui comme si c'était hier. L'enjeu de la laïcité suscite encore et toujours des débats qui sont chauds. Je pense que vous en avez entendu plusieurs dans cette Chambre. Pourtant, depuis Bouchard-Taylor, plusieurs tentatives pour régler la question sont restées lettre morte. Ça n'a pas fonctionné, malheureusement.

Nos collègues du Parti québécois y ont présenté, en novembre 2013, un projet de charte affirmant les valeurs de la laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre hommes et les femmes, encadrant les demandes d'accommodement. Pardon, c'était ... On a fait une proposition de compromis inspirée de Bouchard-Taylor, et c'est exactement ce qu'on vous dépose aujourd'hui. C'est une proposition qui s'inspire d'un compromis de Bouchard-Taylor.

M. le Président, nos collègues libéraux ont eux aussi essayé à plusieurs reprises, depuis 2008, de régler ce dossier-là. Et la loi n° 62 constitue leur dernière tentative, qui est toujours devant les tribunaux. Nous avons été élus par les Québécois pour réussir là où les autres n'ont pas... ça n'a pas fonctionné pour le moment. Nous défendons la même position de compromis depuis 2013. Il n'y a pas de surprise. Ce n'est pas nouveau. Les gens qui nous écoutent connaissent notre position. L'heure est venue aujourd'hui de poser un geste d'affirmation en faveur de la laïcité de l'État et enfin tourner cette page, passer à d'autres choses.

Des collègues de l'opposition l'ont souligné ce matin, vous savez, en 1977, sous René Lévesque, il y a eu dans cette Chambre une décision très importante qui a été rendue : le caractère distinct à l'échelle canadienne et nord-américaine. Et, pour nous, c'est important. Donc, depuis 11 ans, les Québécois ont eu maintes occasions de s'exprimer sur le sujet ici, à l'Assemblée nationale, dans les médias, un peu partout. 11 ans, 430 heures que nous avons passées au Parlement sous forme de débats, d'audiences, pour régler la question.

En 2007, M. le Président, on a compté 31 jours d'audience pour la commission Bouchard-Taylor, 310 pages, je l'ai dit tantôt, et il n'y a pas eu de suite. 2010‑2011, on a consacré 90 heures au projet de loi sur les accommodements. En 2014, ce sont 13 journées, 70 heures, pour la charte des valeurs. En 2016‑2017, on parle de 75 heures de débat sur le projet de loi n° 62. Enfin, en 2019, plus de 60 heures pour le projet de loi n° 21.

Alors que les Québécois se sont exprimé, je pense que c'est très clair, ils ont eu l'occasion de se faire entendre, on a eu l'occasion de débattre dans cette chambre de plusieurs façons. La laïcité, telle que définie dans le cadre du projet de loi, repose sur quatre principes qui devront être considérés en concordance. Premièrement, la séparation de l'État et des religions. Deuxièmement, la neutralité religieuse de l'État. Troisièmement, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes. Quatrièmement, la liberté de conscience et la liberté de religion, M. le Président.

Le modèle québécois de laïcité qui est proposé tient compte de notre histoire, de nos valeurs sociales et de la spécificité du Québec, notamment en privilégiant l'équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels. La charte québécoise sera modifiée pour inclure l'importance fondamentale que la nation québécoise accorde à la laïcité de l'État et pour clarifier que les libertés et les droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, dont la laïcité de l'État, M. le Président. L'affirmation de la laïcité dans la charte québécoise consacre une fois de plus le Québec comme société distincte à l'échelle canadienne et nord-américaine. Je suis persuadé que mes collègues du PQ n'en sont pas déçus.

M. le Président, le projet de loi n° 21 s'inscrit dans la longue marche du peuple québécois vers la laïcité de l'État. Il respecte les valeurs du Québec, notamment la fondamentale : l'égalité hommes et femmes. M. le Président, le Québec est mûr pour affirmer sa laïcité enfin, cette valeur fondamentale, dans ses lois. C'est ce que nous faisons.

J'ai commencé mon allocution en parlant de l'importance de la démocratie et de l'importance du travail qu'on fait, M. le Président. J'aimerais aujourd'hui travailler avec les collègues de l'opposition pour régler ce dossier qui est si important et qui a duré depuis plus de 11 ans. Et là je vais vous donner des exemples concrets parce qu'on parle de neutralité. Et ce matin, en me rendant ici, dans cette salle, j'ai pensé à un exemple qui était concret et qui permet d'illustrer ce qu'on veut dire par neutralité. Puis je vais me servir un petit peu de mon expérience de policier.

Quand on se déplace comme parlementaire, on rencontre toujours les constables spéciaux qui sont à l'accueil, qui nous accueillent ici, à l'entrée. Et je me posais la question ce matin : Si, un jour, il y avait un de ces agents qui avait un macaron d'un parti politique, exemple, la CAQ, et puis un collègue de l'opposition se présentait devant lui, puis il lui dirait : Écoutez, la porte est barrée, vous devez faire le tour. Même si, dans le fond, il est très neutre, je suis persuadé que les gens de l'opposition diraient : Ah! on le sait bien, c'est un constable spécial qui est caquiste. Il ne m'aime pas.

Ça a l'air très loin, là, le parallèle que je fais, mais ce que je veux vous dire, M. le Président, pour avoir agi comme policiers pendant 26 ans, il y a la neutralité, et c'est très dur d'aller mesurer, et il y a l'apparence de neutralité. Et, lorsqu'on porte un signe religieux ou un signe politique, c'est très difficile de démontrer notre entière neutralité, et on place nos gens en position d'autorité dans une situation vulnérable, où les gens vont remettre en question ce qu'ils posent comme commande, ce qu'ils donnent comme ordres, en disant : Est-ce que c'est vraiment pour moi ou c'est un réflexe parce que je n'ai pas la même religion ou je n'ai pas la même appartenance politique? D'où l'importance de la neutralité. M. le Président, j'ai été gestionnaire de policiers, je peux vous dire que mes hommes et mes femmes qui ont travaillé pour moi, à chaque jour, c'était très important, cette valeur de rester neutre et de ne pas démontrer, de ne pas porter flanc à de la partisanerie, que ce soit pour un groupe politique ou une croyance religieuse.

Pendant les commissions, j'ai parlé aussi de l'histoire Shafia, histoire Shafia que j'ai vécue en 2009. Comble du hasard, ça s'est passé le 30 juin. On se rappellera que les trois jeunes filles avaient été retrouvées dans les écluses. Et la question que j'ai posée en commission, je me suis dit : Si la jeune Geeti Shafia — son père l'obligeait à porter le foulard — si elle avait décidé d'appeler les policiers pour porter plainte parce qu'il y avait de la violence et que la policière qui s'était présentée là portait un foulard, peut-être qu'elle serait très neutre, mais la jeune fille aurait pu décider de ne pas porter plainte, de ne pas lui parler parce qu'elle aurait pensé justement qu'il y avait un enjeu religieux.

Alors, M. le Président, je pense que ce qu'on veut vous dire aujourd'hui, c'est qu'il y a la neutralité et il y a aussi l'apparence de neutralité. Et c'est important d'enfin tourner la page sur cette histoire qui n'en finit plus. Ça fait plus de 11 ans, plusieurs commissions, plusieurs débats, plusieurs discussions qui sont fructueuses, et, M. le Président, on est rendus là. Ce que les gens nous disent sur la rue, je vais terminer avec ça, M. le Président, parce que je rencontrais mes commettants vendredi, ils disent : N'arrêtez pas. N'arrêtez pas. On vous a mis au pouvoir, maintenant vous devez livrer. Faites votre job. C'est pour ça qu'on vous a mis au pouvoir. Puis, M. le Président, ce qu'on fait aujourd'hui avec les collègues de l'opposition, on fait notre job. On fait ce pour quoi on a été mis au pouvoir, et c'est pour ça qu'on travaille très fort, puis je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, M. le Président.

• (11 h 50) •

Le Président : Y a-t-il un autre intervenant? Je reconnais un membre de l'opposition officielle, le député de La Pinière, pour 21 secondes.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Oui. Est-ce que vous m'en donnez 31 puisque vous m'en avez enlevé 10 la dernière fois? Non?

Le Président : 21 secondes, M. le député.

M. Barrette : M. le Président, à l'approche de la fin de ces travaux-là, on peut dire une chose, M. le Président : le gouvernement a choisi de nous amener au bâillon, point à la ligne. Ça sera retenu dans l'histoire. Mais, à la fin de ces travaux, on va pouvoir conclure une chose, une chose : le premier ministre du Québec n'est pas le premier ministre de tous les Québécois, il est le premier ministre...

Le Président : Merci, M. le député de La Pinière. Complété.

Cela met fin au débat restreint. Je mets donc aux voix la motion de procédure d'exception présentée par M. le leader du gouvernement, qui se lit comme suit :

«Qu'en vue de compléter l'étude du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État, l'Assemblée [nationale] établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement;

«Qu'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»

Cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Une voix : ...

Le Président : Vote par appel nominal. Que l'on appelle les députés.

• (11 h 51 — 12 h 1) •

Le Président : Mmes et MM. les députés, nous reprenons les travaux.

Mise aux voix de la motion proposant d'établir la procédure législative
d'exception en vue de compléter l'étude du projet de loi
n° 21

Je mets donc aux voix la motion de procédure d'exception présentée par M. le leader du gouvernement, qui se lit comme suit :

«Qu'en vue de compléter l'étude du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État, l'Assemblée [nationale] établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement;

«Qu'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Legault (L'Assomption), M. Jolin-Barrette (Borduas), Mme Guilbault (Louis-Hébert), M. Laframboise (Blainville), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Chassé (Châteauguay), M. Girard (Groulx), Mme McCann (Sanguinet), Mme Roy (Montarville), M. Simard (Montmorency), Mme Lavallée (Repentigny), M. Martel (Nicolet-Bécancour), M. Roberge (Chambly), Mme LeBel (Champlain), M. Lévesque (Chauveau), Mme Lachance (Bellechasse), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Lamontagne (Johnson), M. Carmant (Taillon), Mme Blais (Prévost), M. Caire (La Peltrie), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Dubé (La Prairie), Mme Laforest (Chicoutimi), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), Mme Hébert (Saint-François), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Lacombe (Papineau), Mme Charest (Brome-Missisquoi), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Julien (Charlesbourg), M. Boulet (Trois-Rivières), M. Lafrenière (Vachon), M. Poulin (Beauce-Sud), M. Émond (Richelieu), M. Bachand (Richmond), Mme IsaBelle (Huntingdon), M. Chassin (Saint-Jérôme), Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. Bélanger (Orford), Mme Picard (Soulanges), Mme Jeannotte (Labelle), M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Reid (Beauharnois), Mme Dansereau (Verchères), M. Lévesque (Chapleau), M. Tremblay (Dubuc), Mme Blais (Abitibi-Ouest), M. Campeau (Bourget), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice), M. Caron (Portneuf), Mme Grondin (Argenteuil), M. Girard (Lac-Saint-Jean), Mme Lecours (Les Plaines), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), M. Lamothe (Ungava), M. Bussière (Gatineau), M. Allaire (Maskinongé), Mme Guillemette (Roberval), M. Provençal (Beauce-Nord), M. Jacques (Mégantic).

Le Président : Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Arcand (Mont-Royal—Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Barrette (La Pinière), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tanguay (LaFontaine), Mme David (Marguerite-Bourgeoys), M. Rousselle (Vimont), Mme Melançon (Verdun), Mme Ménard (Laporte), M. Fortin (Pontiac), Mme Nichols (Vaudreuil), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), M. Benjamin (Viau), M. Derraji (Nelligan), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Sauvé (Fabre), Mme Rizqy (Saint-Laurent), M. Ciccone (Marquette).

Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Nadeau-Dubois (Gouin), Mme Ghazal (Mercier), M. Marissal (Rosemont), M. Fontecilla (Laurier-Dorion), M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Dorion (Taschereau), M. Zanetti (Jean-Lesage).

M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Ouellet (René-Lévesque), M. LeBel (Rimouski), Mme Richard (Duplessis), M. Roy (Bonaventure), Mme Hivon (Joliette), M. Gaudreault (Jonquière), Mme Perry Mélançon (Gaspé).

Le Président : Y a-t-il des abstentions? M. le leader du troisième groupe d'opposition.

M. Ouellet : Oui. Merci, M. le Président. On demande le consentement pour enregistrer le vote du député des Îles-de-la-Madeleine, s'il vous plaît.

Le Président : Consentement? M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

Le Secrétaire adjoint : M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Une voix : ...

Le Président : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...le vote du député de Rousseau.

Le Président : Y a-t-il consentement pour enregistrer le vote du député de Rousseau? Consentement. M. le député de Rousseau.

Le Secrétaire adjoint : M. Thouin (Rousseau).

M. Thouin : Pour.

Le Président : Donc, je constate qu'il n'y a pas d'abstention. M. le secrétaire général, pour le résultat.

Le Secrétaire : Pour :  63

                     Contre :           42

                     Abstentions :     0

Le Président : La motion est donc adoptée.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 27 du règlement, cela met fin à la période des affaires courantes.

Affaires du jour

Maintenant, conformément à l'article 257.3 du règlement, la Commission des institutions dispose d'au plus une heure pour déposer son rapport sur le projet de loi n° 21.

Je suspends donc immédiatement les travaux de l'Assemblée, et les cloches sonneront pour vous aviser de la reprise de la séance.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 12 h 25)

Le Vice-Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux.

Et, conformément à l'article 257.3 du règlement, je cède immédiatement la parole au président de la Commission des institutions et député de Richmond pour qu'il dépose le rapport de la commission. M. le député.

Dépôt du rapport de la commission qui a fait
l'étude détaillée du projet de loi n° 21

M. Bachand : Merci beaucoup, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission des institutions, qui, les 4, 5, 6, 7, 11, 12 et 13 juin 2019, a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État. La commission n'a pas complété l'étude du projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci. Ce rapport est déposé.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 257.3, puisque l'étude détaillée du projet de loi n'est pas terminée, nous allons maintenant en poursuivre l'étude en commission plénière.

Je suspends donc les travaux quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise à 12 h 31)

Projet de loi n° 21

Commission plénière

Étude détaillée

M. Picard (président de la commission plénière) : Nous sommes réunis en commission plénière afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Je vous rappelle que l'étude détaillée en commission plénière est d'une durée de cinq heures, tel que prévu au deuxième paragraphe de l'article 257.1 du règlement. Dans le cadre de ce débat, 10 minutes sont réservées aux députés indépendants de Chomedey et de Marie-Victorin, sous réserve d'un maximum de cinq minutes chacun. Enfin, je rappelle aux députés indépendants qui souhaitent intervenir au cours du débat qu'ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Je vous informe que, lorsque la Commission des institutions a mis fin à ses travaux, les articles 1 à 5 de la Loi sur la laïcité de l'État étaient adoptés. Enfin, au moment de l'ajournement de ses travaux, la commission était à étudier l'article 6 amendé du projet de loi. Nous entreprendrons donc les travaux de la commission plénière avec l'étude de l'article 6 tel qu'amendé. Y a-t-il des interventions?

Des voix : ...

Le Président (M. Picard) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Non, c'est bon. Je me suis trompé.

Le Président (M. Picard) : O.K. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Oui, M. le Président, par souci de clarté et de transparence, je pense qu'il pourrait être très intéressant, pour montrer la bonne collaboration du ministre, qu'il dépose tout de suite ses amendements qu'il aurait éventuellement à nous proposer, pour que nous puissions peut-être travailler en toute collaboration.

Le Président (M. Picard) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...les amendements seront déposés article par article lorsqu'on sera rendus.

Mme David : Alors, si je comprends bien, il n'y a pas de souhait de déposer, tout de suite, tous les amendements. 

Le Président (M. Picard) : C'est ce que je comprends moi aussi.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, on est présentement à l'étude détaillée du projet de loi en commission plénière. À chacun des articles qu'il y aura des amendements, ils pourront être étudiés à l'article pertinent.

Mme David : M. le Président, est-ce que je peux poser la question d'une autre façon? Est-ce qu'on peut prévoir qu'il y a des amendements qui seront déposés?

Le Président (M. Picard) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Comme je l'ai dit, M. le Président, à de multiples reprises, oui, effectivement, il y aura des amendements qui seront déposés.

Mme David : Donc, si je comprends bien, c'est conditionnel au fait qu'on s'y rende. Si on ne s'y rend pas, vous n'amenderez pas, même si vous trouvez que ça peut être une bonification.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, peut-être peut-on renseigner la députée de Marguerite-Bourgeoys relativement à notre règlement. Cela étant dit, la procédure fait en sorte que nous déposerons les amendements au fur et à mesure.

Le Président (M. Picard) : O.K. Ça va? M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui, j'aimerais demander le consentement de la commission pour pouvoir traiter en priorité de l'article 27 et, ensuite de ça, revenir où on en était la dernière fois. Puis j'ai expliqué la raison pour laquelle je fais cette proposition, c'est que... bon, le temps est très restreint, alors il faut, je pense, choisir les moments qui sont le plus importants pour pouvoir déposer les amendements qui sont les plus importants.

L'article 27 traite de la clause dite clause grand-père et nous, on a un amendement vraiment très important, qui nous tient beaucoup à coeur et que je pense, très sincèrement, que la partie gouvernementale sera intéressée d'analyser et peut-être d'adopter aussi.

Alors, je demanderais le consentement de la Chambre pour qu'on puisse d'abord traiter 27, pouvoir déposer les amendements possibles pour être sûrs, parce que, vu que c'est à la fin, on risque de ne pas pouvoir y arriver, puis il y a des enjeux importants, pour qu'ensuite on revienne exactement là où on était, à l'article 6, puis qu'on continue le déroulement de notre étude détaillée.

Le Président (M. Picard) : Il n'y a pas de consentement? Est-ce que, sur l'article 6 tel qu'amendé, il y a des interventions? M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui. Alors, je suis très déçu, parce qu'on aurait pu faire quelque chose d'important, qui aurait eu des impacts concrets dans la vie des gens. Je suis déçu de voir qu'on ne daigne même pas vouloir analyser ça puis regarder ça.

Le Président (M. Picard) : Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Le règlement de l'Assemblée nationale prévoit qu'on étudie article par article. Donc, moi, je suis bien confiant qu'on peut se rendre à l'article 27 et étudier les amendements du député de Jean-Lesage. Mais il faut qu'on se rendre jusqu'à l'article 27 présentement et on a amplement le temps de se rendre jusqu'à l'article 27. Faisons les choses dans l'ordre.

Le Président (M. Picard) : Merci.

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Bien, non, je ne pense pas que c'est un rappel au règlement, mais moi, j'étais pour le faire. Lorsqu'il n'y a pas de consentement, il n'y a pas de commentaire là-dessus. Donc, je vous demanderais de parler sur l'article 6.

M. Zanetti : Alors, j'ai un amendement à déposer à l'article 6. Donc, il s'agit d'ajouter à l'article 6 l'alinéa suivant :

«Le critère du premier paragraphe a préséance sur le critère du deuxième paragraphe.»

Le Président (M. Picard) : O.K. Nous allons distribuer copie de l'amendement. M. le député de Jean-Lesage, voulez-vous expliquer...

M. Zanetti : Bien, oui, volontiers. Essentiellement, une des problématiques qu'il y a avec la définition actuelle du signe religieux incluse à l'article 6, une de ces problématiques, c'est qu'il tente... je comprends l'objectif d'essayer d'avoir une définition objective du signe religieux, mais la tentative qui en est faite là n'est pas concluante à bien des égards. Je pense qu'on a eu le temps, dans nos discussions précédentes, de le démontrer. D'une part, elle n'est pas concluante, d'une part, il est peut-être impossible de définir, de façon objective, le caractère religieux d'un signe, d'un objet qu'on porte. On est tout à fait d'accord avec la définition subjective qui est proposée dans l'article du signe religieux.

Et on veut donc, par cet amendement-là, lorsqu'il y a aura confusion, lorsque ça ne sera pas la même chose qui est pensée subjectivement d'un certain signe et selon toute personne raisonnable, qui est le deuxième paragraphe de la définition, la deuxième condition... mais, quand il y aura une disparité entre les deux... quand ce sera la même chose, tant mieux, quand il y aura une disparité entre les deux, on veut qu'il soit précisé quel critère aura préséance. Et donc que ce soit le critère subjectif qui prime sur le critère objectif ainsi qu'on ne puisse pas interdire à quelqu'un le port d'un signe qu'elle ne croit pas religieux, qu'elle ne porte pas pour des raisons religieuses, même si la personne qui est mise en charge de l'application considère, elle, donc à tort peut-être, que c'est un signe religieux...

Le Président (M. Picard) : Des interventions sur l'amendement? Est-ce que l'amendement a été distribué? O.K. Ça s'en vient.

Mme David : Alors, écoutez, nous, on n'a pas d'amendement, on parle sur l'amendement du collègue de Jean-Lesage, là. Je pense qu'il y a... nous participons de la volonté de discuter de ça parce que c'est très, très important par rapport aux deux paragraphes, un qui est dit supposément subjectif et, l'autre, supposément objectif, alors j'en ai... On pourrait avoir de longues discussions sur le supposément objectif, mais, avant de revenir là-dessus, je vais passer la parole à mon collègue de Pontiac, s'il vous plaît.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Je trouve ça intéressant, juste les premières remarques du ministre, qui a refusé, hein, M. le Président, il y a quelques instants, de déposer ses amendements. C'est le contraire de ce que le parti gouvernemental demande aux autres partis d'opposition, aux partis d'opposition dans toutes les autres commissions, et fort probablement qu'ils le font sous consigne du leader, là, je ne veux pas présumer de sa directive. Mais il demande ça aux partis de l'opposition. Alors, je trouvais ça particulier d'entendre le leader du gouvernement ne pas acquiescer à la demande de la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Maintenant, pour l'article 6, M. le Président...

M. Jolin-Barrette : ...dans quelle commission fait-il référence, le député de Pontiac, outre la Commission de la santé et de la sécurité au travail?

M. Fortin : Le leader du gouvernement pourra aller voir les procès-verbaux des commissions. C'est tout à sa disposition, et il aura quelques mois pour étudier la question.

Le Président (M. Picard) : Revenons sur l'article.

M. Fortin : Merci, M. le Président.

M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, on invoque...

Le Président (M. Picard) : Est-ce que c'est une question de règlement?

M. Jolin-Barrette : Oui. On invoque des faits, M. le Président. Je veux bien comprendre. 212, 213, suite à l'intervention du collègue, je souhaite lui poser une question, à savoir dans quelle commission précisément. Il donne des exemples, il dit que l'ensemble de la députation ministérielle demande les amendements.

Le Président (M. Picard) : M. le ministre. M. le ministre...

M. Jolin-Barrette : On souhaiterait savoir quelle commission.

Le Président (M. Picard) : M. le ministre, c'est après l'intervention que vous pouvez poser une question.

M. Jolin-Barrette : Ah! excusez-moi.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Pontiac.

• (12 h 40) •

M. Fortin : Merci, M. le Président. Alors, oui, pour intervenir sur l'article 6, M. le Président, alors, l'article 6, très clairement, là, porte sur les signes religieux, incluant les amendements qui sont déposés. Et, aujourd'hui, ce que le gouvernement de la CAQ, par l'article 6 de sa loi, tente de faire, c'est définir les signes religieux... qu'il tente de faire, hein? Ce n'est pas évident pour tout le monde, de toute évidence, on a vu ça cette semaine. Il indique que l'article 6, dans sa loi, dans le projet de loi n° 21, il indique que l'article 6, comme tous les autres, s'appliqueront malgré les articles 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Alors, puisqu'il tente, à travers l'article 6, de définir les signes religieux qu'il sera interdit de porter à des milliers de Québécois, qu'il considère, hein, qu'il considère en position d'autorité, alors qu'il s'apprête également à utiliser la clause «nonobstant» pour contourner ou pour suspendre les principes même de ce qu'on veut comme justice, de ce qu'on veut pour régir les relations entre les Québécois et les Québécoises, pour suspendre ces idéaux, cette vision commune qu'on a de la société québécoise, pour suspendre les articles 1 à 38, dans ce cas-ci, de la charte des droits et libertés du Québec. M. le Président, ça m'apparaît approprié, à ce moment-ci, de rappeler ces principes puis de rappeler les raisons derrière son adoption.

M. le Président, ce que je veux faire à l'instant, avec votre permission, c'est citer un des grands ministres de la Justice du Québec, M. Jérôme Choquette, qui, dans son intervention ici, en cette Chambre, à l'intérieur de ces quatre murs, M. le Président, le 27 juin 1975, Jérôme Choquette étant membre du gouvernement libéral de l'époque, de Robert Bourassa, du grand premier ministre Robert Bourassa, un grand nationaliste, comme se plaît à le dire le gouvernement... Alors, je cite M. Choquette au moment où les parlementaires ici, dans l'Assemblée nationale, ont adopté la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

«M. le Président, au moment d'aborder l'étude de ce projet de loi en troisième lecture, je voudrais profiter de cette occasion pour faire brièvement le point sur les aspects principaux de cet important projet de loi. Je serai, cependant, bref étant donné que l'élaboration, la préparation et l'adoption définitive de ce projet de loi ont pris plus de huit mois, presque une année, et que nous sommes maintenant arrivés au terme de travaux qui ont été longs et considérables.

«L'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne constitue un moment historique dans la vie du Québec et signale, de sa part, une [certain] maturité[...]. La charte permettra de définir avec précision un idéal de justice qui fera, j'en suis sûr, l'unité du Québec autour de valeurs démocratiques que nous voulons garantir contre toute violation.

«Les énoncés de principe de la charte dépassent en [entendue] et en profondeur toute autre charte canadienne et la plupart des autres chartes nationales des autres pays. Les modifications apportées à la version originale du projet de loi donnent à celle-ci un caractère transcendant sur les législations à venir et seront un guide dans l'analyse de nos législations antérieures par la Commission des droits de la personne.»

M. Jérôme Choquette, ministre de la Justice du Québec, le 27 juin 1975.

Pour notre mémoire collective, M. le Président, et pour la suite des travaux, pour bien encadrer le débat qui va suivre avec mes collègues, je pense que c'est important, à ce moment-ci, de se rappeler de cette charte, de se rappeler, de comprendre le document de société qui jette les bases de notre vivre-ensemble et qui protège tous les droits des Québécois et des Québécoises. M. le Président, la Charte des droits et libertés de la personne :

«Considérant que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement;

«Considérant que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi;

«Considérant que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix;

«Considérant que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général;

«Considérant qu'il y a lieu d'affirmer solennellement dans une charte les libertés et droits fondamentaux de la personne afin que ceux-ci soient garantis par la volonté collective et mieux protégés contre toute violation;

«À ces causes, Sa Majesté, de l'avis et du consentement de l'Assemblée nationale du Québec, décrète ce qui suit :»

Article 1 : «Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne.»

Article 2 : «Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours.

«Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou d'un autre motif raisonnable.»

Article 3, M. le Président : «Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles [que] la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.»

Article 4 : «Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.»

Article 5 : «Toute personne a droit au respect de sa vie privée.»

Article 6 : «Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

«7. La demeure est inviolable.»

Article 8 : «Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son consentement exprès ou tacite.»

Article 9 : «Chacun a droit au respect du secret professionnel.

«Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui [...] a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi.

«Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel.»

Article 9.1 : «Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

«La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice.»

Article 10, M. le Président : «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier [à] ce handicap.

«Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

«10.1. Nul ne doit harceler une personne en raison de l'un des motifs visés dans l'article 10.»

Article 11 : «Nul ne peut diffuser, publier ou exposer en public un avis, un symbole ou un signe comportant discrimination ni donner une autorisation à cet effet.

Article 12 : «Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.»

Article 13 : «Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une [cause] comportant discrimination.

«Une telle clause est sans effet.»

Article 14 : «L'interdiction visée dans les articles 12 et 13 ne s'applique pas au locateur d'une chambre située dans un local d'habitation, si le locateur ou sa famille réside dans le local, ne loue qu'une seule chambre et n'annonce pas celle-ci, en vue de la louer, par avis ou par tout autre moyen public de sollicitation.»

Article 15 : «Nul ne peut, par discrimination, empêcher autrui d'avoir accès aux moyens de transport ou aux lieux publics, tels les établissements commerciaux, hôtels, restaurants, théâtres, cinémas, parcs, terrains de camping et de caravaning, et d'y obtenir les biens et les services qui y sont disponibles.»

Article 16 : «Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une personne ainsi que dans l'établissement de catégories ou de classifications d'emploi.»

Article 17 : «Nul ne peut exercer de discrimination dans l'admission, la jouissance d'avantages, la suspension ou l'expulsion d'une personne d'une association d'employeurs ou de salariés ou de tout ordre professionnel ou association de personnes exerçant une même occupation.»

Article 18 : «Un bureau de placement ne peut exercer de discrimination dans la réception, la classification ou le traitement d'une demande d'emploi ou dans un acte visant à soumettre une demande à un employeur éventuel.»

Article 18.1 : «Nul ne peut, dans un formulaire de demande d'emploi ou lors d'une entrevue relative à un emploi, requérir d'une personne des renseignements sur les motifs visés dans l'article 10 sauf si ces renseignements sont utiles à l'application de l'article 20 ou à l'application d'un programme d'accès à l'égalité existant au moment de la demande.»

Article 18.2 : «Nul ne peut congédier, refuser d'embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu'elle a été déclarée coupable d'une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n'a aucun lien avec l'emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon.»

Article 19 : «Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent [le] travail équivalent au même endroit.

• (12 h 50) •

«Il n'y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l'expérience, l'ancienneté, la durée du service, l'évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.

«Les ajustements salariaux ainsi qu'un programme d'équité salariale sont, [en] égard [de] la discrimination fondée sur le sexe, réputés non discriminatoires, s'ils sont établis conformément à la Loi sur l'équité salariale.»

Article 20 : «Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou [les] qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée non discriminatoire.

«20.1. Dans un contrat d'assurance ou de rente, un régime d'avantages sociaux, de retraite, de rentes ou d'assurance ou un régime universel de rentes ou d'assurance, une distinction, exclusion ou préférence fondée sur l'âge, le sexe ou l'état civil est réputée non discriminatoire lorsque son utilisation est légitime et que le motif qui la fonde constitue un facteur de détermination de risque, basé sur des données actuarielles.

«Dans ces contrats ou régimes, l'utilisation de l'état de santé comme facteur de détermination de risque ne constitue pas une discrimination au sens de l'article 10.»

Article 21 : «Toute personne a droit d'adresser des pétitions à l'Assemblée nationale pour le redressement de griefs.»

Article 22 : «Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et a droit d'y voter.»

Article 23 : «Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.

«Le tribunal peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public.»

Article 24, M. le Président : «Nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite.

«24.1. Nul ne peut faire l'objet de saisies, perquisitions ou fouilles abusives.»

Article 25 : «Toute personne arrêtée ou détenue doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la personne humaine.»

Article 26 : «Toute personne détenue dans un établissement de détention a [le] droit d'être soumise à un régime distinct approprié à son sexe, son âge et sa condition physique ou mentale.»

Article 27 : «Toute personne détenue dans un établissement de détention en attendant l'issue de son procès a droit d'être séparée, jusqu'au jugement final, des prisonniers qui purgent une peine.»

Article 28 : «Toute personne arrêtée ou détenue a droit d'être promptement informée, dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation ou de sa détention.

«28.1. Tout accusé a le droit d'être promptement informé de l'infraction particulière qu'on lui reproche.»

Article 29 : «Toute personne arrêtée ou détenue a droit, sans délai, d'en prévenir ses proches et de recourir à l'assistance d'un avocat. Elle doit être promptement informée de ces droits.»

Article 30 : «Toute personne arrêtée ou détenue doit être promptement conduite devant le tribunal compétent ou relâchée.»

Article 31 : «Nulle personne arrêtée ou détenue ne peut être privée, sans juste cause, du droit de recouvrer sa liberté sur engagement, avec ou sans dépôt ou caution, de comparaître devant le tribunal dans le délai fixé.»

Article 32 : «Toute personne privée de sa liberté a droit de recourir à l'habeas corpus.

«32.1. Tout accusé a le droit d'être jugé dans un délai raisonnable.»

Article 33 : «Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie suivant la loi.

«33.1. Nul accusé ne peut être contraint de témoigner contre lui-même lors de son procès.»

Article 34 : «Toute personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d'en être assistée devant tout tribunal.»

Article 35 : «Tout accusé a droit à une défense pleine et entière et a le droit [de s']interroger et de contre-interroger les témoins.»

Article 36 : «Tout accusé a le droit d'être assisté gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas la langue employée à l'audience ou s'il est atteint de surdité.»

Article 37 : «Nul accusé ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une violation de la loi.»

Article 37.1 : «Une personne ne peut être jugée de nouveau pour une infraction dont elle a été acquittée ou dont elle a été déclarée coupable en vertu d'un jugement passé en force de chose jugée.»

Article 37.2 : «Un accusé a droit à la peine la moins sévère lorsque la peine prévue pour l'infraction a été modifiée entre la perpétration de l'infraction et le prononcé de la sentence.»

Article 38 : «Aucun témoignage devant un tribunal ne peut servir à incriminer son auteur, sauf le cas de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.»

M. le Président, voilà les articles 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui seront suspendus si le projet de loi du ministre est adopté aujourd'hui.

M. le Président, je vous dépose le texte des articles 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec pour la lecture des collègues d'en face. Merci, M. le Président.

Document déposé

Le Président (M. Picard) : Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt ? Consentement pour le dépôt. Oui, Mme la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci de me donner la parole. Alors, M. le Président, puisque nous parlons de Charte des droits et libertés, puisque nous parlons de bâillon, de clauses dérogatoires, le fait qu'on va suspendre les droits et libertés des citoyens québécois au cours de cet exercice et que le gouvernement parle de fierté, bien, j'aimerais commencer mon intervention par une citation, celle de Montesquieu, L'esprit des lois : «C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser...»

J'ai tenu à commencer mon intervention par cette citation, car c'est bien d'abus dont il s'agit ici. Ce gouvernement abuse en suspendant les libertés individuelles des citoyens québécois. Ce gouvernement abuse en ajoutant une clause dérogatoire qui vise à museler, à bloquer, à menotter les citoyens lésés qui voudraient s'adresser aux tribunaux pour défendre leurs droits les plus fondamentaux. Ce gouvernement abuse en utilisant le bâillon pour en accélérer l'adoption. Ce gouvernement abuse...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : ...ne peut pas prêter des intentions, et je rappellerais à la collègue que l'ensemble de l'utilisation des dispositions de dérogation est prévu à la fois par des dispositions qui sont prévues à la fois par la Charte des droits et libertés de la personne, à la fois par la Charte des droits et libertés. Alors, M. le Président, le président de l'Assemblée nationale, hier, a statué, relativement à la conformité aux règlements de l'Assemblée nationale, la convocation en séances extraordinaires de l'Assemblée nationale ainsi que de la procédure législative d'exception, hier et pour aujourd'hui. Alors, je pense qu'on devrait faire attention dans les propos et dans les intentions qui sont prêtées.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée, je vous recommande la prudence dans vos propos, mais vous pouvez continuer.

Mme St-Pierre : M. le Président, alors, je vais retenir évidemment la citation de Montesquieu. M. le Président, cette charte, qui avait tout d'abord été imaginée par Daniel Johnson père puis adoptée par le gouvernement de Robert Bourassa, constitue une pièce fondamentale. Ces modifications ont toujours été faites dans le plus grand respect.

J'ai moi-même, comme ministre de la Condition féminine, fait un projet de loi qui avait pour but d'amender la Charte des droits et libertés, c'était en 2008. On voulait inclure, dans le préambule de la charte, la notion d'égalité entre les hommes et les femmes. Il aurait été, M. le Président, inimaginable de faire ces changements sous un bâillon. Il a fallu évidemment consulter avant de préparer le projet de loi. Nous avons aussi fait une commission parlementaire et nous avons procédé par l'adoption de ce projet de loi dans le plus grand respect des parlementaires. Et, à la suite de la fin des travaux en commission parlementaire et l'article par article, nous avons, M. le Président, adopté ce projet de loi à l'unanimité, et j'en étais très fière. Et la fierté, pour un parlementaire, c'est d'adopter des projets de loi dans l'unanimité, c'est la fierté d'avoir cette Charte des droits et libertés au Québec. Mais moi, je suis très fière d'avoir cette charte des libertés.

Et, lorsqu'on nous rappelle et on nous dit : M. Bourassa l'a fait... M. Bourassa l'a fait au moment où tout le processus avait été utilisé jusqu'en Cour suprême. Ensuite, il a demandé à Claude Ryan, son ministre, d'adopter une loi sur l'affichage. La loi de M. Claude Ryan a été adoptée et elle tient toujours la route. On n'a pas eu besoin de suspendre les libertés individuelles. On n'a pas eu besoin de clause dérogatoire sur la loi de M. Ryan.

Alors, je pense que ce sont de beaux exemples, M. le Président, un exemple où parfois il faut travailler plus fort, bien sûr, puis il faut réussir à convaincre les autres, les collègues. Mais, à la fin, on se sent plus satisfaits, et les lois tiennent la route. Cette loi, M. le Président, ne tiendra pas la route, parce que cette loi, elle sera contestée, qu'il le veuille ou non. Ce n'est pas terminé. Ce ne sera pas terminé aujourd'hui.

La Charte des droits et libertés de la personne reconnaît que tous les individus qui se trouvent au Québec sont égaux en valeur et en dignité. Ayant pour objectif d'assurer les droits humains et d'harmoniser les rapports des citoyens entre eux et avec leurs institutions, la charte s'applique tant aux activités de l'État qu'aux rapports en privé. La charte québécoise a été décrite comme un document unique de l'histoire législative canadienne. Elle a été rédigée sur la base des principes d'indivisibilité, d'interdépendance et d'indissociabilité des droits de la personne. La charte s'inspire notamment de la Déclaration universelle des droits de l'homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits civils... aux droits économiques, dis-je, sociaux et culturels.

• (13 heures) •

Le droit à l'égalité de tous les individus est protégé par l'article 10, comme l'a dit mon collègue tout à l'heure. Cet article interdit la discrimination, en garantissant à toute personne le droit d'être traitée en pleine égalité et d'exercer ses droits et libertés sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur une caractéristique personnelle qui constitue un motif de discrimination interdit. La charte interdit la discrimination fondée sur une liste exhaustive de motifs : la race, la couleur, le sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

M. le Président, cette Charte des droits et libertés est un document tellement important, M. le Président, qu'adopter une modification sous bâillon est quelque chose qui est inadmissible à mes yeux et à nos yeux.

La Déclaration universelle des droits de l'homme. On s'est inspirés de la Déclaration universelle des droits de l'homme pour adopter la Charte des droits et libertés au Québec. À l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il est écrit : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.» On retrouve, essentiellement, ce même article dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'article 18 du pacte dit :

«1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.

«2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.»

M. le Président, lorsque ces grands documents internationaux ont été adoptés, il y avait des sociétés bien sûr qui n'étaient pas d'accord, il y avait des pays qui n'étaient pas d'accord, il y avait des pays qui n'étaient pas signataires. Mais le Canada était signataire. Le Québec s'est lié à ces conventions, le Québec est lié. Et je pense que, M. le Président, le ministre, et son équipe, et la ministre de la Justice et Procureur général et tous les représentants de ce gouvernement devraient réfléchir, devraient réfléchir sur l'impact que ce projet de loi va avoir sur la réputation du Québec à l'international et sur les citoyens aussi qui vont subir ici, au Québec, cette loi. Je fais un petit calcul — tout à l'heure, je regardais l'équipe autour du ministre : un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Si on inclut le ministre, savez-vous combien il y a de femmes dans son équipe? Ils sont 11, il y a deux femmes. Alors, moi, je me dis...

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Picard) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président, la députée...

Le Président (M. Picard) : Question de règlement?

M. Jolin-Barrette : Oui, oui, oui. La députée d'Acadie vient présentement d'attaquer les fonctionnaires de l'État québécois.

M. le Président, lorsque je suis arrivé en poste, j'ai travaillé avec les équipes en place qui étaient engagées au Secrétariat à l'accès à l'information et à la réforme des institutions démocratiques. Les propos que tient la députée d'Acadie n'ont aucun bon sens. D'attaquer la compétence, la qualification des hommes et des femmes qui m'ont accompagné dans le processus de rédaction. De dire que, les fonctionnaires de l'État québécois, parce qu'il y a majoritairement des hommes dans cette équipe-là, il y a une problématique, je n'en reviens tout simplement pas, de ce genre de propos d'une ex-ministre du Parti libéral, à deux occasions. Je n'en reviens pas, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Oui. Mme la députée d'Acadie, je vous demande d'être très prudente dans vos propos.

Des voix : ...

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Saint-Laurent, c'est Mme la députée d'Acadie qui a la parole actuellement, et je vous demande d'être très prudente dans vos propos aussi pour éviter les débats.

Et je vous demanderais aussi de revenir sur l'amendement du député de Jean-Lesage qui est en discussion. Là, je comprends que le débat est large, mais on pourrait peut-être revenir sur l'amendement du député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

Mme Rizqy : ...M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Oui, Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Article 35, paragraphe 6°. Il interprète les propos de ma collègue et il n'a pas soulevé aucun article de règlement.

Le Président (M. Picard) : Est-ce qu'on peut revenir à l'amendement du député de Jean-Lesage? Mme la députée d'Acadie, je vous demande toujours la plus grande prudence et je... et la plus grande prudence à tous les intervenants, s'il vous plaît.

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. Alors, j'ai été ministre de la Condition féminine et j'en ai été très fière. Et j'ai fait adopter un projet de loi sur...

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : L'article, monsieur...

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Question de règlement, l'article 35.

M. Jolin-Barrette : Je trouve les propos injurieux, M. le Président, injurieux.

En vertu de notre règlement, à l'article 35, paragraphe 7°, «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit», en l'occurrence, M. le Président... Actuellement, autour de moi m'accompagnent des gens qui travaillent pour l'État québécois, qui sont au service de l'État québécois, qui servent, sans partisanerie, l'ensemble des Québécois, qui ne sont pas affiliés à aucune formation politique. La députée de l'Acadie a été ministre dans deux gouvernements...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ... — M. le Président, je vais terminer — a été ministre dans deux gouvernements libéraux. Elle a bénéficié de l'expertise, M. le Président, des fonctionnaires de l'État québécois, qui font un excellent travail. Je n'accepterai pas dans cette Assemblée qu'on attaque les fonctionnaires de...

Le Président (M. Picard) : M. le ministre, s'il vous plaît! M. le ministre...

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Oui, vous allez pouvoir continuer. Je vous demande la plus grande prudence, tout le monde, qu'on ait des bons débats. Notre temps est très limité.

Je vous demande de revenir le plus vite possible sur l'amendement de M. le député de Jean-Lesage, toujours dans le respect de tous les parlementaires, s'il vous plaît. Merci.

Mme St-Pierre : ...puis j'ai le plus grand respect pour les fonctionnaires du gouvernement, je pense qu'il peut aller vérifier, et j'ai toujours eu le plus grand respect. Et je veux continuer, M. le Président, pour...

Le Président (M. Picard) : ...Mme la députée d'Acadie.

Mme St-Pierre : C'est moi qui ai la parole, là? O.K. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Je vous demanderais d'éviter les dialogues. Mme la députée, adressez-vous à moi, puis, les autres, on écoute.

Mme St-Pierre : Merci. Alors, à la suite de ces remarques que j'ai faites par rapport à la Déclaration universelle des droits de l'homme, par rapport au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, j'en arrive au fait que le débat ne sera pas clos, parce qu'il va certainement y avoir des procédures qui vont se tenir.

Et j'aimerais citer un éditorial du Devoir, Charles Grandmont, qui dit, et je cite : «Et, même si le premier ministre a hâte de passer à autre chose, il lui incombe de s'assurer que les prochains chapitres ne plongeront pas le Québec dans la tourmente. Son projet de loi comporte de trop grandes failles pour qu'il se lave les mains de ses conséquences.» Il continue — et je cite toujours : «Et il est important de rappeler et de réunir les conditions pour que le fameux vivre-ensemble s'en trouve renforcé. Malheureusement, le projet de loi est trop brouillon pour que l'on puisse avoir confiance que l'on ira dans cette direction.»

Je cite toujours l'éditorialiste : «Et, justement, qui sera responsable de châtier les contrevenants? De quelle façon? Pas de réponse claire, pour l'instant, à ces questions et à beaucoup d'autres. Il faudra bien y venir, surtout dans les écoles publiques, soumises, à leur corps défendant, à l'interdiction du port des signes religieux. Les Québécois sont, à juste titre, préoccupés par la montée de l'intégrisme dans le monde, mais on cherche encore des preuves qu'une subjugation religieuse de la province est en cours. Le projet de loi sur la laïcité ferait oeuvre utile s'il aidait à apaiser les esprits et à calmer les appréhensions. Il est en train de produire l'inverse, parce que le gouvernement s'entête à prétendre que la menace intégriste au Québec est telle qu'il y a urgence d'agir.»

M. le Président, je vais poursuivre avec un article de Mario Dumont publié cette semaine, et il parle aussi de l'impact sur la scène internationale. Et j'ai été ministre des Relations internationales et de la Francophonie. J'ai été ministre après tout l'épisode de la charte des valeurs. Alors, j'ai été sur le terrain et j'ai été à même de comprendre la réaction et de voir la réaction que la charte des valeurs avait suscitée chez nos partenaires internationaux, M. le Président. Donc, je pense que j'ai toute la crédibilité pour parler de cette question-là.

• (13 h 10) •

Alors, Mario Dumont écrit : «J'aurais un énorme malaise à voir le gouvernement recourir à cette procédure dans le cadre du projet de loi n° 21 sur la laïcité — il parle du bâillon. [...]il faut garder à l'esprit qu'il touche la délicate question des droits de chacun. Et il inclut le recours à la clause «nonobstant» pour éviter que la loi ne soit immédiatement contestée en vertu de la Charte des droits. Voici le portrait. Suspendre les procédures parlementaires régulières pour faire adopter un projet de loi qui suspend certaines libertés et qui suspend aussi l'application de la Charte des droits et libertés, ça fait beaucoup. Cela finit par donner des munitions à ceux qui veulent ternir l'image du Québec. [...]Les choses ne sont pas aussi simples à l'échelle internationale. Imaginez la situation présentée dans une conférence internationale de science politique ou dans un grand forum sur les droits de l'homme de l'ONU — imaginez la ministre de la Condition féminine du Québec — ça, c'est moi qui parle — qui se rend à l'ONU pour parler du Québec. On dira qu'un nouveau gouvernement au Québec vient de suspendre les libertés religieuses d'une partie de sa population. On ajoutera que la Charte des droits et libertés a été suspendue. On finira par expliquer que ce nouveau gouvernement n'a même pas respecté le Parlement et a imposé [la] loi par le bulldozer. Il n'en faut pas plus pour nuire à l'image internationale du Québec. Rien n'est plus difficile que de réparer des perceptions erronées — et je peux vous le dire, M. le Président — à l'international et de rétablir la vérité une fois les choses parties de travers.»

J'ai été ministre des Relations internationales et de la Francophonie. Nous avons des bureaux dans 18 pays dans le monde. Nous avons 32 représentations. J'ai fait le tour du monde, M. le Président, dans le cadre de mes fonctions, en mission, et j'ai été en mesure, tout à fait, de voir les répercussions que cette charte des valeurs avait eues sur la réputation du Québec.

La réputation du Québec, c'est aussi des articles dans les journaux, ma collègue la députée de Bourassa-Sauvé en a parlé, et on voit encore des articles dans la presse internationale, et ça ne sera pas fini, ça va se poursuivre. Le Washington Post, le 13 novembre, publiait une opinion sous la plume de Nora Loreto. Bien, le Washington Post compte 13,8 millions d'abonnés sur Twitter. Alors, on peut imaginer ce que ça peut faire à la réputation du Québec.

M. le Président, Lysiane Gagnon, de La Presse, écrivait hier : «Tout cela est une opération de marketing politique montée de toutes pièces pour donner à une législation mesquine et discriminatoire l'apparence d'un beau grand projet collectif. [...]Non seulement le modèle français de la laïcité n'a-t-il aucune racine dans l'histoire du Québec, il n'a jamais non plus été un enjeu de la Révolution tranquille ni fait partie des grandes revendications nationalistes et souverainistes [du Québec].»

Mme Gagnon poursuit : «D'où vient donc cet engouement subit pour le modèle français de laïcité ? La réponse est aussi navrante qu'évidente : [...]la peur de l'immigration — surtout musulmane. Le p.l. n° 21 est du même acabit que les autres mesures anti-immigration du gouvernement[...]. [...]Ce que l'on voit ici à l'oeuvre, c'est le vieux nationalisme défensif et hargneux de l'Union nationale, qui est revenu en force une fois la souveraineté évacuée du tableau.»

Alors, M. le Président, je vais terminer mon intervention en parlant d'un livre que le ministre a écrit et qu'il a publié au mois de janvier 2018. Et je l'ai trouvé très intéressant. Puisque je vais parler de lui, j'imagine qu'il va trouver que je ne l'insulte pas. Alors, M. le Président, dans son livre, il écrit — il y a un extrait ici : «Les gens ont parfois le sentiment que nous nous chicanons à longueur de journée[...] — il parle de l'Assemblée nationale. Je suis conscient qu'il y a trop de mauvaise foi partisane au salon bleu — alors, peut-être qu'il fait une admission. C'est un fléau à combattre — il a raison. En même temps, il faut relativiser. En commission [parlementaire] — "en commission", dis-je — les parlementaires tentent d'arriver à la meilleure législation possible en déposant des amendements et en faisant réfléchir le ou la ministre qui dépose le projet de loi, mais souvent les élus négocient pour les différents amendements — il y a un amendement ici qui est devant nous — afin d'avoir la loi la plus claire et pertinente possible.»

Je termine sur le livre de Lucien Bouchard, qui a inspiré le ministre. C'est un livre que j'ai aimé beaucoup lire, parce que je suis arrivée en politique après 30 ans de carrière à Radio-Canada, mais je me considérais comme une jeune politicienne. Alors, j'ai lu le livre de Lucien Bouchard et ensuite je l'ai donné. J'ai fait ce qui lui est arrivé. Quelqu'un lui a donné le livre, ça l'a inspiré pour écrire le sien. Je l'ai donné à un stagiaire de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant qui était avec moi. On avait fait une rencontre avec Lucien Bouchard. Et Lucien Bouchard, dans son livre Lettres à un jeune politicien, écrit — et je pense que le message devrait être vraiment porteur ce matin : «En affaires, comme en politique, il faut chercher à résoudre les conflits par des solutions rationnelles. À cet égard, le fait de diaboliser l'adversaire ou l'opposant ne conduit qu'à la polarisation des positions et à l'impasse. Si jamais tu exerces des fonctions électives, je t'adjure d'éviter l'excès de partisanerie. L'engagement pour une cause s'accommode mal du fanatisme et du rejet de l'autre. Tu te rendras compte qu'il n'y a rien de plus humain dans tous les sens que la politique. Elle poussera à leurs limites tes meilleures dispositions et jettera une lumière crue sur tes déficiences.»

Alors, M. le Président, je pense que nous avons ici devant nous un projet de loi qui va nuire considérablement à la réputation du Québec à l'international, nous avons un projet de loi qui suspend les libertés individuelles de citoyens québécois. M. le Président, on nous taxe de toutes sortes de qualificatifs. On parle de la charte québécoise des droits et libertés, pas de la charte à Trudeau, là, comme dirait M. le leader de la deuxième opposition. Pas la charte à Trudeau, là, c'est notre charte à nous. C'est ce qui va se passer ici, dans cette enceinte. On va sortir d'ici en ayant suspendu les libertés individuelles des Québécois, en ayant modifié la Charte des droits et libertés dans une procédure de bâillon, ce qui ne s'est jamais vu. M. le Président, Montesquieu a écrit : «C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser...» L'esprit des lois, 1748. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée d'Acadie. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ça fait déjà près de 45 minutes que nous avons entamé nos travaux, et, écoutez, les collègues du Parti libéral présentent leurs positions, j'en conviens, cependant on n'a pas beaucoup étudié d'articles. Et, comme le voulait le député de Jean-Lesage, nous invitant à aller jusqu'à l'article 27, si on veut se rendre là, il faudrait commencer par étudier précisément les articles.

Vous me permettrez quelques commentaires, M. le Président, sur l'intervention de la collègue d'Acadie. Le premier commentaire que j'ai, M. le Président, et ça m'a profondément choqué tout à l'heure, M. le Président : les propos qu'elle a tenus à l'endroit des fonctionnaires, je crois que ça mérite des excuses à leur endroit. Et il n'est pas question de soupirer, Mme la députée de l'Acadie. Je pense que les propos que vous avez tenus n'étaient pas conformes à la hauteur des fonctions que vous avez occupées dans l'État québécois et je pense que ce genre de propos là auprès des membres de la fonction publique n'ont pas leur place. Alors, je pense qu'il serait bien de présenter vos excuses aux membres de la fonction publique qui m'accompagnent. Premier élément.

Le Président (M. Picard) : On s'adresse à moi, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Pas d'excuses?

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Oui, Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Le ministre — à l'article 35 — impute des intentions à ma collègue la députée d'Acadie. Il a qualifié les propos de violents. Nous lui demandons de se rétracter, car les propos n'étaient aucunement violents.

Le Président (M. Picard) : ...question de règlement. Continuez, M. le ministre, toujours dans la plus grande prudence.

M. Jolin-Barrette : Deuxièmement, M. le Président...

Le Président (M. Picard) : Et je vous encourage, à nouveau, de revenir sur l'amendement du député de Jean-Lesage.

M. Jolin-Barrette : Deuxièmement, M. le Président, la députée d'Acadie, semblerait-il, elle a lu le livre que j'ai écrit en janvier 2018. Alors, je suis heureux de savoir qu'elle a lu ce que j'ai écrit. D'ailleurs, je souhaite informer cette Chambre que tous les profits du livre sont versés à une maison de répit qui vise les enfants handicapés atteints du spectre de l'autisme ou avec une déficience intellectuelle. Je pense que c'est important de le souligner.

Dans le cadre de ce livre-là, je fais appel à la démocratie, je fais appel aussi au travail des parlementaires parce que je valorise le rôle des parlementaires. Et moi-même, lorsque j'étais dans l'opposition, j'ai participé activement à l'étude de projets de loi en déposant des amendements qui étaient constructifs, en faisant avancer les travaux. Vous prendrez à témoin la précédente ministre de la Justice. Les amendements que je déposais visaient à bonifier le projet de loi. Je vous réfère aux débats parlementaires que nous avons eus au cours des quatre dernières années.

La députée de l'Acadie fait référence à 2008, lorsqu'elle a fait modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour inclure l'égalité entre les femmes et les hommes, ce qui est une bonne modification, M. le Président.

• (13 h 20) •

Or, le Conseil du statut de la femme, qui était présidé, à l'époque, par Mme Christiane Pelchat, je crois, qui a été députée libérale de Vachon entre 1985 et 1994, je crois, et qui était présidente du Conseil du statut de la femme, en 2007 écrivait, dans le rapport du Conseil du statut de la femme relativement aux recommandations... et le Conseil du statut de la femme disait : «Le conseil recommande que les représentantes et les représentants ou les fonctionnaires de l'État ne puissent arborer ni manifester des signes religieux ostentatoires dans le cadre de leur travail.» Alors, le Conseil du statut de la femme recommandait l'interdiction complète du port de signes religieux. Or, suite à la commission Bouchard-Taylor, M. le Président, et M. Bouchard nous l'a dit lorsqu'il est venu en commission parlementaire, ça a été une erreur du Parti libéral de ne pas prendre acte des recommandations et de ne pas les incorporer.

On a parlé également, M. le Président, de Claude Ryan, de Robert Bourassa, de l'utilisation des dispositions de dérogation, notamment en lien avec la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Ford. Pour des fins de pédagogie : l'utilisation des dispositions de dérogation que nous faisons actuellement est tout à fait conforme aux balises et aux enseignements édictés dans l'arrêt Ford. Deuxièmement, lorsqu'on nous dit : Écoutez, le premier ministre Bourassa a utilisé la disposition de dérogation uniquement après que la Cour suprême ait invalidé une partie de la loi 101, bien, écoutez, M. le Président, c'est vrai dans ce cas-là, mais ce n'est pas vrai dans les autres cas où M. Bourassa a eu recours à la disposition de dérogation de façon préventive comme nous l'avons... À des dizaines et des dizaines de reprises, M. Bourassa a eu recours à cette disposition de dérogation. Je pense que c'était important d'informer les parlementaires de ce fait-là, hein? C'est fondamental.

Tous les partis politiques, qu'ils aient été péquistes ou libéraux, ont utilisé à des dizaines de reprises les dispositions de dérogation prévues aux chartes. Ce n'est pas nouveau. Et l'utilisation des dispositions de dérogation est légitime pour l'État québécois parce que ça fait partie du compromis de la Constitution de 1982, qui d'ailleurs n'a pas été signée ni ratifiée par l'État québécois. Cela étant dit, en termes de négociation avec les provinces, on a voulu prévoir un aspect où le Parlement conservait sa prérogative, et c'est justement ce que nous faisons dans le cadre du présent projet de loi. C'est aux parlementaires de décider de quelle façon les rapports entre l'État et les religions vont s'organiser. C'est tout à fait légitime de le faire. Et la disposition de dérogation est là dans la loi pour être utilisée.

D'ailleurs, le premier ministre Chrétien disait : «Une des grandes réalisations du rapatriement de la Constitution en 1982 était l'insertion, dans la Charte canadienne, de la clause de dérogation.» Le premier ministre du Canada, à l'époque où lui-même, il était ministre de la Justice, lorsqu'on lui demande rétrospectivement qu'est-ce qui a été un bon coup relativement à la Loi constitutionnelle de 1982, il répond : C'est l'insertion, à l'intérieur de la charte des droits et libertés, de la disposition de dérogation. Alors, si un des pères de la Loi constitutionnelle de 1982 dit : La disposition de dérogation est là pour être utilisée, et ancien premier ministre du Canada et ancien ministre de la Justice du Canada... je pense que nous sommes autorisés et nous sommes légitimisés d'utiliser ces dispositions de dérogation là, parce que, M. le Président, on est face à un concept important ici : Est-ce que c'est aux tribunaux à décider de quelle façon les rapports entre l'État et les religions s'organisent ou c'est plutôt aux parlementaires? Nous, on croit que c'est aux parlementaires à décider, qui ont été dûment élus par la population québécoise sur cet engagement-là précisément. Je comprends que, du côté du Parti libéral, on souhaite faire une absence de prise de décision, on souhaite tout le temps pousser le fardeau aux tribunaux, que ça soit le juridique qui choisit.

M. le Président, on est face à un concept même de démocratie : Qui doit être imputable?

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Mme la députée, tout à l'heure, il y a eu beaucoup de minutes pour l'opposition. Là, le ministre peut parler aussi sur l'amendement, là. Ce n'est pas...

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : J'essaie. Je balance le temps le plus possible, là. Je pense qu'il y a eu plusieurs interventions du côté de l'opposition.

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Il n'y avait pas d'appel au règlement, à ma... Vous pouvez continuer, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci. Alors, l'utilisation de la disposition de dérogation à la fois pour la charte québécoise et la Charte canadienne, elle est autorisée, elle est légitime, elle n'est pas là uniquement pour être présente, elle est là pour être utilisée, et, de façon préventive comme nous le faisons, ça a été réalisé à plus de 105 reprises par les gouvernements successifs.

Ce que nous faisons dans la Loi sur la laïcité, c'est que nous donnons des droits à tous les Québécois, le droit d'avoir des services publics laïques, M. le Président, le fait d'amener des droits collectifs, M. le Président. Il s'agit d'avoir un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, M. le Président. Alors, lorsqu'on cite Robert Bourassa, M. le Président, qui a déjà été assis à la gauche de mon pupitre, je pense que l'on doit le citer correctement, M. le Président, et on doit rappeler l'histoire constitutionnelle d'une façon appropriée, M. le Président.

Dans le dernier mandat du premier ministre Couillard, la députée de l'Acadie a voté à plusieurs reprises pour voter sur des lois qui utilisaient les dispositions de dérogation. À l'époque, sous le gouvernement Charest, ça a été la même occasion, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Madame... question de règlement?

Mme St-Pierre : ...voté pour enlever des droits, on a voté pour protéger des droits.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée, ce n'est pas une question de règlement, mais vous pourrez intervenir à nouveau tout à l'heure. M. le ministre, vous pouvez poursuivre.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, M. le Président, on insère des droits à la Loi sur la laïcité, on fait en sorte de garantir des services publics laïques pour tous les Québécois.

Le droit à un État laïque, c'est un droit collectif, M. le Président. Et la disposition de dérogation, elle est là pour être utilisée notamment pour s'assurer d'un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Il est légitime, et c'est dans l'intérêt public, de faire en sorte que la laïcité devienne une valeur fondamentale de la société québécoise. Et ça, je n'ai pas entendu, M. le Président, la députée de l'Acadie sur ce point-là, à savoir qu'on vient insérer, dans la Charte des droits et libertés de la personne, la notion de laïcité. Est-ce qu'on est en désaccord avec le fait d'inscrire officiellement que l'État québécois, il est laïque, et qu'on sépare la religion de l'État québécois?

M. le Président, on reproche au gouvernement d'utiliser la disposition de dérogation, mais la question qui se pose aussi, c'est : Est-ce que le Parti libéral est contre le fait de dire qu'au Québec les services publics doivent être donnés à visage découvert et reçus à visage découvert?, parce que le recours à la disposition de dérogation, que nous utilisons aujourd'hui, nous permettra de nous assurer que les services publics vont être donnés à visage découvert et reçus à visage découvert. Est-ce que le Parti libéral est contre ça? Parce que la députée de l'Acadie elle-même a voté en faveur du projet de loi n° 62, et cet article-là, qui garantit le fait qu'au Québec les services publics sont donnés et reçus à visage découvert, bien, cet article-là, il est suspendu.

Est-ce que c'est ça, la notion de la démocratie pour la députée de l'Acadie, M. le Président?

Le Président (M. Picard) : ...s'il vous plaît. Aussi vite que ça?

M. Jolin-Barrette : Bien, je me plie à vos demandes, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : O.K. C'est beau. Mme la députée d'Acadie.

Mme St-Pierre : Je pense qu'il faut faire un petit peu de pédagogie aussi, parce que, M. le Président, sur la question du visage découvert, avec ma collègue la députée de Notre-Dame-de-Grâce, on avait préparé un projet de loi avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, et c'était un projet de loi qui était sur la notion de visage découvert. Et ce projet de loi est arrivé à la suite de nombreux avis que nous avions eus des fonctionnaires, que je respecte beaucoup, nous disant que c'était impossible, sans appliquer la clause dérogatoire et suspendre les libertés individuelles, d'y aller autrement ou de façon plus large. Le visage découvert passait le test de la charte parce qu'il s'agissait de questions de sécurité, d'identification et de communication. C'était la fenêtre que nous avions pour pouvoir adopter ce projet de loi. Malheureusement, avant l'arrivée du gouvernement de Mme Marois, on n'a pas pu faire adopter le projet de loi que ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce et moi avions préparé. Mais c'était un projet de loi qui faisait avancer cette question-là, mais faisait avancer cette question-là dans le respect des libertés individuelles, dans le respect de la charte. Il n'y a pas de hiérarchisation de droits dans la charte. Ce sont les tribunaux qui doivent déterminer si une personne a été discriminée ou non.

Puis, M. le Président, je peux vous assurer que ce qui nous a toujours motivés et ce qui motivait l'équipe qui travaillait avec nous et ce qui motivait les fonctionnaires, ce qui motivait l'équipe de juristes qui travaillaient avec nous, c'était de nous guider dans le respect de la Charte des droits et libertés, c'était toujours le respect de la Charte des droits et libertés. On nous disait : Si vous avancez dans telle direction, vous ne respectez plus la charte. Si vous allez dans une autre direction, vous ne respectez plus la charte. La fenêtre était très, très, très mince, mais c'était la fenêtre que nous avions.

M. le Président, le ministre a fait référence à l'avis du Conseil du statut de la femme, que nous avions étudié avec beaucoup d'intérêt, oui, que nous avions regardé, et nous l'avions regardé avec les juristes. Nous l'avions regardé avec les juristes, M. le Président, l'avis du Conseil du statut de la femme, et avec Mme Christiane Pelchat et on arrivait toujours à cette notion que le respect des droits fondamentaux... le respect des libertés individuelles.

Puis, pour ce qui est de la laïcité de l'État, l'État est laïque, on l'inscrit ici, dans la loi, mais elle s'adresse aux organismes. Les individus doivent avoir la possibilité de s'exprimer dans le sens qu'ils veulent s'exprimer.

M. le Président, ce qui est dommage dans tout cet exercice-là, ce qui est triste dans cet exercice-là, c'est que nous allons procéder par bâillon à un amendement de la charte québécoise des droits et libertés, qui s'est inspirée, dans sa conception, dans sa rédaction, de la convention des Nations unies sur les libertés et les droits des individus. C'est absolument un moment qui est difficile, parce que...

• (13 h 30) •

Le Président (M. Picard) : ...je vous demanderais de conclure, parce que vous arrivez à votre 20 minutes...

Mme St-Pierre : J'arrive à la fin. Bon. Parfait.

Alors, M. le Président, je conclus, parce qu'il y a avoir de mes collègues qui vont vouloir prendre la parole, mais mon message, c'est : si on croit fondamentalement aux droits et libertés de la personne, on ne doit pas adopter ce projet de loi là, et c'est le message que j'envoie à tous les députés de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Picard) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Intéressant, M. le Président, même très intéressant, parce qu'on dit, écoutez : On va modifier la Charte des droits et libertés de la personne. Du côté du Parti libéral, on nous dit ça. Et on nous dit : On est en désaccord parce que la modification, elle est effectuée par la procédure législative d'exception.

Sortons de la procédure législative d'exception, M. le Président, ayons la réflexion suivante — et c'est ce à quoi je convie les députés du Parti libéral : aux articles 17 et 18 du projet de loi n° 21, où on vient modifier la Charte des droits et libertés de la personne, ça se lit ainsi : La Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12) est modifiée par l'insertion, après le troisième alinéa du préambule, de l'alinéa suivant :

«Considérant l'importance fondamentale que la nation québécoise accorde à la laïcité de l'État...»

M. le Président, est-ce que le Parti libéral est en désaccord avec cette proposition? Est-ce que la société québécoise accorde une importance fondamentale à la laïcité de l'État? Moi, j'avais compris des discussions que j'avais eues avec la députée de Marguerite-Bourgeoys que le Parti libéral était d'accord avec ça.

Deuxièmement : L'article 9.1 de cette charte est modifié par l'insertion, dans le premier alinéa et après «valeurs démocratiques,», «de la laïcité de l'État».

Que les droits et libertés fondamentaux s'interprètent notamment en prenant en compte la laïcité de l'État dans l'interprétation des droits fondamentaux, le Parti libéral est contre ça? Ça me surprend un peu, M. le Président, parce que le Parti libéral a voté en faveur des articles 1 et 2, qui viennent dire que l'État québécois est laïque et que... sur les principes de ce que constitue la laïcité de l'État. Alors, première contradiction au niveau de l'argumentaire et de la rhétorique du Parti libéral.

Est-ce que la députée de l'Acadie est contre le fait qu'on inscrive la laïcité de l'État dans la Charte des droits et libertés de la personne? C'est ça, la question de fond, M. le Président. Il y a la forme, mais il y a le fond. Le fond des choses, M. le Président.

Deuxièmement, ce qui est intéressant, M. le Président, c'est lorsqu'on souligne le passé. La députée de l'Acadie nous dit : Écoutez, à l'époque où j'étais ministre de la Condition féminine, j'ai, en collaboration avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce, qui était à l'époque ministre de la Justice, en 2010, déposé un projet de loi, n° 94, dans lequel on souhaitait qu'il y ait le visage à découvert. Et on nous dit, M. le Président : Écoutez, on n'a pas pu l'adopter à cause des élections. Or, M. le Président, le projet de loi a été déposé le 24 mars 2010, les élections générales relativement à la 40e législature ont eu lieu le 4 septembre 2012, quasiment deux ans et demi après. Il y a eu une prorogation, M. le Président, ça a été redéposé le 24 mars 2011. M. le Président, il y avait du temps en masse pour faire adopter la loi. Lorsqu'on nous dit : Écoutez, nous, on est en faveur du visage découvert, bien, dans ce gouvernement-là, ils auraient pu faire adopter le projet de loi s'il y avait vraiment eu une volonté politique.

Mais après ça passons, M. le Président, quelques années plus tard. La députée de l'Acadie nous a parlé de la charte des valeurs qui avait été présentée par le précédent député de Marie-Victorin, et, lorsque le Parti libéral est arrivé au pouvoir en 2014 avec le premier ministre Couillard, ils ont déposé, par le biais de la députée de Gatineau et ministre de la Justice de l'époque, le projet de loi n° 62, pour lequel... les députés, mes collègues, ont voté en faveur du projet de loi n° 62, et qui prévoyait une disposition d'interdiction de donner des services publics avec le visage couvert et de recevoir des services publics avec le visage couvert, notamment pour des questions de sécurité, d'identification, de communication et d'interaction. Tout le monde s'en souvient, je crois, M. le Président, tout le monde s'en souvient. Or, la Cour supérieure du Québec a suspendu l'article 10 de la loi n° 62 relativement à l'obligation de donner et de recevoir des services à visage découvert.

Alors, d'un côté, on me dit : Écoutez, c'est nous qui avait eu cette idée-là, mais, à partir du moment où les tribunaux disent : Écoutez, non, au Québec, on suspend ça, les tribunaux n'acceptent pas la volonté de l'Assemblée nationale de faire en sorte qu'au Québec les fonctionnaires de l'État québécois, dans le cadre de leurs fonctions, aient le visage à découvert et que les citoyens, lorsqu'ils se présentent pour recevoir un service, pour des questions de sécurité, d'identification... Et, même, la position du Parti libéral, c'est pour des questions de communication et d'interaction. Bien, la cour nous dit : Non, on n'accepte pas ça.

Or, c'est un minimum dans notre société. Qu'est-ce qui arrive quand les tribunaux sont en contravention avec l'intention du législateur? Ne devrions-nous pas utiliser la disposition de dérogation? Parce qu'au Québec je crois que, dans notre société, c'est le minimum du minimum. Lorsqu'on demande un service public, pour des questions de sécurité ou d'identification, on devrait se découvrir le visage. Et ça, j'aimerais ça entendre les députés du Parti libéral là-dessus. J'aimerais ça savoir s'ils sont d'accord avec moi pour qu'au Québec les fonctionnaires de l'État québécois travaillent à visage découvert. Je connais la position de Québec solidaire, qui ont changé d'avis, mais je voudrais savoir précisément la position du Parti libéral, et surtout une ancienne ministre de la Condition féminine, en lien avec cette proposition-là.

Est-ce que, M. le Président, est-ce que l'Assemblée nationale peut faire des choix? Est-ce que les députés élus démocratiquement par l'Assemblée nationale peuvent faire des choix? C'est ça, la question. Et je veux vraiment savoir de la part du Parti libéral est-ce qu'ils sont d'accord avec le fait que les fonctionnaires de l'État québécois doivent travailler à visage découvert et que les citoyens qui demandent des services publics, pour des questions de sécurité et d'identification, doivent se découvrir le visage?

Ça, c'est la base dans notre société pour moi. Je veux savoir si on travaille sur la même base, le Parti libéral et moi.

Le Président (M. Picard) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : M. le Président, pour répondre très précisément à la question du collègue ministre, non, on ne travaille pas sur les mêmes bases, puis je vais répondre à ses trois points.

Le premier, amender la charte en y excluant le port de signes religieux, l'article 6, et utiliser les deux clauses dérogatoires pour mettre de côté complètement les 38 articles qui ont été lus par mon collègue de Pontiac, ça, c'est par l'usage d'une clause dérogatoire qui vient faire deux choses que ses exemples n'ont jamais... ne rencontraient jamais ces conditions-là de façon cumulative, à savoir brimer des droits et libertés de façon pertinente.

Alors, quand on brime des droits et libertés de façon permanente, quand on brime des droits et libertés de façon permanente, M. le Président, ça, c'est une première au Québec, ça, c'est faire fi de nos chartes, et ça, c'est tout à fait assimilable à dire : La charte, oubliez-les. Qu'ils l'amendent ou qu'il y ait la clause dérogatoire utilisée comme ça. Sur son premier point, je pense que, clairement, force lui est de constater que ce n'est pas anodin. Et je reviendrai sur l'exemple de Bourassa tout à l'heure.

Deuxième élément, il a fait référence — je suis content qu'il fasse référence à ça — au projet de loi n° 94 déposé par la collègue de Kathleen Weil... excusez-moi, je ne veux pas la nommer, collègue de la ministre de la Justice à l'époque, députée de Notre-Dame-de-Grâce. Le projet de loi n° 94, il dit : Bien, il avait le loisir de faire passer le projet de loi. Pourquoi se sont-ils arrêtés en si bon chemin? Pourquoi vous pensez, M. le Président, qu'il n'a pas été adopté, le projet de loi n° 94? Parce que ça aurait pris un bâillon pour le faire passer, M. le Président, et nous, on ne mange pas de ce pain-là. Nous, il n'était pas question d'aller... M. le Président, d'aller sacrifier des droits et libertés...

Des voix : ...

• (13 h 40) •

M. Tanguay : Je vois que ça les fait réagir, des fois. C'est toujours intéressant quand ça fait réagir, c'est parce que le coup vient de porter, le coup vient de faire mal. Quand il y a, M. le Président... Lorsqu'on parle des droits et libertés, tu ne fais pas ça sur bâillon. Qu'il me nomme un seul exemple où des droits et libertés ont été brimés par un gouvernement libéral, sous le bâillon, avec clause «nonobstant», puis je me rendrai à leurs arguments. Un seul argument, c'est du un pour un.

Qu'est-ce qui est devant nous? Brimer les droits et libertés, les limiter sous un bâillon, clause «nonobstant». C'est la tempête parfaite, on n'a jamais fait ça, et c'est là que, sur son deuxième point, lorsqu'il dit : Bien, le p.l. n° 94, vous auriez pu faire ça, brimer les droits ou limiter les droits... pas les brimer, les limiter, vous auriez pu faire ça sans l'unanimité, vous auriez pu faire ça sur bâillon puis avec clause «nonobstant», bien non, M. le Président, on ne fera pas ça. Et c'est là où on diffère. Parce qu'il posait la question : En quoi c'est si différent? Bien, c'est là, c'est une condition fondamentale, M. le Président, on ne fera pas ça.

Troisième point, il dit, et je vais le citer, puis il me corrigera si je le cite mal, il dit : Les tribunaux, en contravention avec le législateur. C'est à peu près ça qu'il a dit : Les tribunaux, en contravention avec le législateur. L'un des fondements mêmes de notre démocratie, M. le Président, c'est justement de respecter les trois ordres de pouvoir. Certes, il y a l'exécutif qui a essentiellement loisir, comme les autres collègues députés, de déposer des projets de loi, mais il fait appliquer les lois. Ça, c'est l'exécutif dans, essentiellement, ses deux grandes fonctions. Le législatif est d'adopter les lois, et le judiciaire est de tester si les lois respectent l'entièreté du corpus législatif. Ça inclut la Constitution, ça inclut nos chartes canadiennes et charte québécoise des droits et libertés, puis ça inclut le rapport et l'interprétation par rapport aux autres lois.

Lorsque vous dites... Et je me rappelle de l'échange que le ministre avait eu avec Patrick Taillon, professeur d'université avec lequel je suis allé sur les bancs d'école, M. le Président, à l'Université de Montréal. Puis, l'ironie du sort, je suis allé... Nous étions trois dans la section D. Il y avait Patrick Taillon, même année de scolarité, Université de Montréal, en droit. On était assis, imaginez-vous donc... Dans la même classe, il y avait Patrick Taillon, universitaire, qui est pour le projet de loi n° 21, et il y avait Philippe-André Tessier, qui est président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, puis moi, j'étais assis à l'autre bout.

Alors, M. le Président, comme on peut voir, M. Taillon, qu'est-ce qu'il est venu dire, Patrick, Patrick Taillon, il est venu dire, et ça, ça m'a extrêmement surpris, il est venu dire : Vous faites bien de... je ne dirai pas «bâillonner», ça serait trop fort, bâillonner les tribunaux, mais vous faites bien de — je dirais ça de même, c'est plus respectueux, — empêcher le débat judiciaire, en quelque sorte court-circuiter — je ne pense pas que je suis dérogatoire en disant ça — le débat judiciaire, parce que les tribunaux ont, à sa face même, selon leur interprétation, l'interprétation de Patrick Taillon, à laquelle le ministre de la Justice... le ministre... — pardon, c'est peut-être un beau lapsus, là, je ne sais pas si je traduis un désir — le leader ministre de l'Immigration, il acquiesçait en ce sens-là. Ils ont dit : Écoutez, les tribunaux ont, en quelque sorte, mal agi par le passé. Ils n'ont pas respecté l'intention du législateur. Ils ont contredit ce que le législateur voulait. Et à ça on pourrait ajouter l'exemple de Robert Bourassa qui a utilisé la clause «nonobstant», puis je vais y arriver dans une minute, et donc c'est notre droit le plus absolu de dire : Tous les articles substantiels de la charte canadienne, de 7 à 15, tous les articles substantiels de la charte québécoise, 1 à 38, nous allons, de façon...

Deux conditions, je reviens là-dessus, je le mets au défi, deux conditions qui ne sont pas suggestifs puis objectifs, là, comme la définition des signes, deux conditions qui sont cumulatives : qu'il y ait eu un projet de loi, déposé par un gouvernement libéral, qui brimait les droits et libertés, qui impliquait la clause «nonobstant» de façon permanente, et que c'était annoncé ainsi, et qui a été adopté sous bâillon, M. le Président. C'est trois conditions. Il ne pourra pas m'en trouver un seul. Et ça, c'est fondamentalement ce qui ne doit pas être fait. On veut, M. le Président... Puis je pourrai lui laisser du temps pour réagir là-dessus.

Il a fait référence à Robert Bourassa, à Patrick Taillon. Moi, je vais faire référence à celui qui, dans la même commission, la même consultation... qui est Pierre Bosset, qui est passé tout de suite après Patrick Taillon et qui, lui, est venu faire la preuve par a plus b que, depuis 1975, toutes les modifications à la charte québécoise des droits et libertés, sur les articles substantifs, de 1 à 38, ont tous été faits de façon unanime, sauf deux exemples.

Le premier exemple, c'était une reformulation d'un droit existant, le droit des parents sur l'éducation religieuse et morale de leurs enfants. Il y avait un député qui était contre. Il y avait une limitation, un député qui était contre. Et le deuxième, imaginez-vous donc, il y a deux députés qui ont voté contre : l'ajout d'un motif de discrimination, qui était l'orientation sexuelle. Bon, il y a deux députés à l'époque qui ont voté contre. Dieu merci, les 120 quelques autres, ou les 110 autres, ou peu importe combien ils étaient en 1977... je pense qu'ils étaient 110 en 1977, les 108 autres, ou peu importe combien ils étaient, ils ont voté en faveur. Ça, de tout temps, si on ne veut pas briser ce contrat moral historique qui lie, qui participe de notre société québécoise...

C'est quoi, être Québécois, M. le Président? C'est de faire consensus, c'est de nous rassembler, nous assembler. Et ça, honnêtement, M. le Président, au-delà de la ritournelle... Puis je sais que le ministre, il a une certaine habilité — puis on peut y être nous également, à nos heures — à la ritournelle, mais, au-delà de ça, M. le Président, c'est fondamental... Puis j'en appelle à l'intelligence du ministre et à son honnêteté intellectuelle. On ne peut pas dire, M. le Président, que ça, c'est anodin. Ça, il va le reconnaître, ce n'est pas banal. On ne peut pas dire qu'il eut été... il eut été encore plus garant de l'avenir de sa loi n° 21, qu'il veut pérenne et qu'il veut rassembleuse, il la veut pérenne, il la veut rassembleuse, qu'il n'y ait pas de clause dérogatoire, qu'il y ait un équilibrage qui se fasse par les tribunaux, qu'il n'y ait pas de bâillon.

Puis, coudon, la loi 101, ce n'était pas un débat qui était beaucoup moins intense que ça. La loi 101, ils ont siégé jusqu'au 27 août 1977 puis ils l'ont adoptée. Puis, la loi 101, puis je terminerai là-dessus, parce que je veux laisser, en toute honnêteté, le ministre répliquer à ça, la loi 101, M. le Président, Pierre Bosset est venu nous raconter... puis je vais utiliser ses mots, je vais être plus efficace dans le peu temps qui m'est imparti. Il nous a raconté l'anecdote, qui n'en est pas une, mais qui est très révélatrice, suivante quand il est passé ici. Alors, il parlait de la loi 101. Alors, on est au milieu des années 70, au printemps 1977.

«À l'époque, la charte des droits était en vigueur depuis à peu près un an et elle prévoit, à l'époque, qu'elle a préséance sur toutes les autres lois adoptées à l'avenir. Arrive le premier projet de loi sur la langue française, qui prévoit qu'il va s'appliquer malgré la charte québécoise en vigueur depuis quelques mois. Beaucoup de réactions négatives dans le public et ici même, à l'Assemblée.» Ça, je pense que c'est copier-coller de ce qu'on vit présentement sur le p.l. n° 21. Je reviens à la citation. «Et le premier ministre de l'époque, un certain René Lévesque, demande à son leader parlementaire de retirer le projet de loi, ce qu'il a fait. Et il a dit, à l'époque, M. Lévesque, que ce n'était pas la trouvaille du siècle. Je le cite. Alors, le projet de loi 1 a été retiré, et, quelques semaines plus tard, le projet de loi 101 a été déposé, qui respecte la primauté de la charte des droits. C'est ce qui a permis, je crois, de favoriser l'adoption de la loi 101 à l'époque.» Fin de la citation. Épisode admirablement décrit par M. Bosset.

M. le Président, je suis allé sortir un extrait des débats de l'Assemblée nationale à l'époque sur le projet de loi 101. Et on peut y lire, je l'ai cité ce matin, durant la période des questions... je ne l'ai pas cité, mais j'ai fait référence à Marc-André Bédard. Bien, j'invite tous les collègues, puis le ministre en particulier, d'aller voir les galées au 23 mars 1977, où, dans un débat, Fernand Lalonde, député libéral de Marguerite-Bourgeoys, défendait bec et ongles les droits et libertés. Vous souriez, M. le Président. Vous ne l'avez pas connu, j'espère? O.K.

Alors, que disait-il, le ministre de la Justice, M. Bédard, à l'époque? Il disait, je le cite, là, au texte : «...une préoccupation louable à l'effet que les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne soient respectées, préoccupation, d'ailleurs, que je partage également, je dois lui dire, et il le sait, que la loi est présentement en discussion. Je voudrais lui souligner que j'ai porté à l'attention du ministre d'État au Développement culturel, chargé de la rédaction de cette loi, les dispositions de la charte. Je pense que la meilleure garantie qu'aucune des dispositions de cette charte ne sera violée est le souci continuel, le respect continuel dont notre parti a toujours fait état vis-à-vis les droits des minorités.» Fin de la citation.

Alors, qu'on ne vienne pas nous donner le débat de la charte, on vient d'en faire la preuve par a plus b, M. le Président.

Puis j'aimerais entendre le ministre de façon précise. Peut-il, après avoir entendu ça, sur la Charte de la langue française, son débat, son adoption, peut-il continuer de faire un parallèle quand on dit qu'il y a un ministre de la Justice qui, à l'époque, s'était tenu debout puis avait dit : Moi, c'est important, on retire la clause «nonobstant», et le premier ministre Lévesque également, il avait dit : On retire ça, «ce n'est pas la trouvaille du siècle», pour le citer au texte, et faire en sorte que le ministre de la Justice avait dit : On va s'assurer de respecter les droits et libertés?

Il y a eu la loi 101, qui était contestée dans sa première mouture, M. le Président, parce qu'il était interdit d'afficher autre chose qu'en français. C'était l'exclusivité. L'arrêt Ford, en 1988, ce n'est pas moi qui vais l'apprendre au ministre, a dit : Bien non, ça ne tient pas la route, il y a la liberté d'expression. Parfait. Robert Bourassa a mis sur pied la clause «nonobstant», qui était prévue pour deux choses, M. le Président, qui était prévue de façon très précise, ponctuelle, non pérenne. C'était le temps de trouver un accord, un accommodement raisonnable, je dirais, socialement. Et ça a été fait en 1993 par la loi 87, si ma mémoire est fidèle, qui faisait en sorte qu'on passait d'affichage exclusif en français à prépondérance du français. Exit, la clause «nonobstant», exit le... il n'y avait pas eu de bâillon là-dessus non plus, M. le Président. Il y avait eu un débat et, depuis ce temps-là, il y a une paix sociale, si bien qu'il y a eu des gouvernements successifs du Parti québécois qui n'ont jamais remis ça en question.

• (13 h 50) •

Ça, ça devrait être l'étalon de mesure du ministre, l'étalon de mesure de la ministre de la Justice, comment faire en sorte que... Puis je le sais, là, je ne veux pas leur prêter de mauvaises intentions, mais force leur est de constater qu'à l'heure où on se parle, à l'heure où on se parle, M. le Président, il y a un équilibre social. Ils veulent faire un pas de plus, ils veulent faire la laïcité, ils veulent faire, ils veulent faire selon... C'est correct, ils ont le droit, ils ont été élus. Mais on ne peut pas, M. le Président, bâillonner les oppositions puis, à titre... sans être méchant, je vous dirais, bâillonner les tribunaux. Parce que, si l'on veut rassembler, puis je suis sûr que le ministre veut ça, là, ne trouve-t-il pas — j'aimerais ça l'entendre là-dessus — qu'il gagnerait à rassembler, via, entre autres, au départ, le plus possible les oppositions en ne leur imposant pas un bâillon, puis en faisant en sorte qu'il y ait des débats, puis en faisant en sorte, M. le Président... Puis qu'il ne vienne pas dire : Ah! bien là, non, non, on n'arrivera jamais à s'entendre. Il a déposé, ça ne fait pas une semaine, un amendement-phare, puis j'y reviendrai tantôt s'il me reste du temps, sur l'article 6, où il a essayé une définition qui tient plus ou moins la route, puis c'est le premier ministre qui en a fait les frais. Bien, quand ça va être les directeurs d'école qui vont en faire les frais, ça va être des chicanes puis des contestations judiciaires. Ça fait des semaines, depuis le dépôt du projet de loi, pas depuis l'article par article, ça fait tout juste 32 heures, qu'on le souligne qu'il va y avoir de la chicane.

Il va y avoir, je vous dirais, aussi, M. le Président, puis ça, il faut le prendre très au sérieux, il va y avoir des drames humains. Il va y avoir des drames humains. Je ne suis pas en train d'annoncer une catastrophe, mais, quand une personne de bonne foi, en son âme et conscience, devra faire le choix, pour avoir une promotion ou pour déménager, parce qu'elle va passer d'une commission scolaire à l'autre, de dire : Bien, si j'accepte, moi, ça sera au prix de mes convictions... Puis le ministre le met dans sa définition de l'article 2 : tu as le droit d'avoir, au Québec... — ça, au moins ça, je vais lui donner — tu as le droit d'avoir une liberté de conscience et de religion. Ça, pour avoir une promotion, pour avoir une promotion ou pour déménager, M. le Président, il faudra le faire au prix de sa conviction religieuse. Puis qu'on ne vienne pas me dire, de grâce, là, de grâce... Quand on a des convictions, puis une conscience, puis une croyance religieuse, on ne peut pas mettre ça au garde-robe de 9 heures à 5 heures, du lundi au vendredi, là. Ça ne tient pas la route, M. le Président.

Alors, en tout respect, je pense que j'avais des points importants, pertinents, j'aimerais l'entendre là-dessus, s'il peut y aller de façon systématique, parce que c'est important.

Le Président (M. Picard) : M. le député de LaFontaine, avant de céder la parole, je vous confirme qu'il y avait 110 députés en 1977. M. le ministre.

M. Tanguay : Et que vous n'étiez pas là.

Le Président (M. Picard) : Et je n'étais pas là. M. le ministre, c'est à vous.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, le député de LaFontaine nous a beaucoup parlé de la loi 101. Dois-je lui rappeler que sa formation politique a voté contre la loi 101? C'est un peu ironique, M. le Président, d'entendre le Parti libéral faire des parallèles entre le projet de loi n° 21 et la loi 101 et de se réclamer de la loi 101, alors qu'ils ont tout fait, M. le Président, pour que la loi 101 ne s'applique pas. Ils ont tout fait, M. le Président. D'ailleurs, lorsque le premier ministre Bourassa, suite à l'arrêt Ford, a utilisé la disposition de dérogation, il y a des ministres importants du gouvernement libéral de l'époque qui ont quitté, qui ont démissionné. Alors, je ne pense pas que le Parti libéral peut se réclamer de l'héritage de la loi 101. Honnêtement, M. le Président, l'histoire a démontré que, grâce au Parti québécois, grâce à la ténacité de Camille Laurin, l'État québécois est français. Puis ça, je pense qu'il faut rendre hommage à Camille Laurin là-dessus, M. le Président. Je ne pense pas que le Parti libéral peut se réclamer de l'héritage de Camille Laurin. Je pense que le Parti québécois peut le faire, je pense que les nationalistes peuvent le faire, je pense que le Parti libéral ne peut pas s'en réclamer. Alors, avec respect, M. le Président, je pense que les arguments rattachés à la loi 101, lorsqu'ils émanent du Parti libéral, ne sont pas très pesants, M. le Président.

D'un autre côté, M. le Président, le député de LaFontaine nous dit : Écoutez, jamais le Parti libéral n'a adopté une loi sous bâillon qui faisait en sorte de restreindre les droits. À mon souvenir, le projet de loi n° 78 limitait la liberté de manifester. C'est mon souvenir. Je crois que le député de LaFontaine n'était pas encore élu à cette époque-là, il a été élu quelques mois après.

(Interruption)

M. Jolin-Barrette : Je vais continuer, M. le Président. Alors, je pense qu'il y a des nuances à apporter dans les propos du député de LaFontaine.

Autre point intéressant, le député de LaFontaine dit : Ce n'est jamais arrivé qu'on déroge aux articles 1 à 38. Or, il y a un précédent créé par le Parti libéral, où on a dérogé, pas de 1 à 38, on a dérogé de 1 à 139, M. le Président, dans la Loi sur les jurés, qui a été adoptée en 1976. M. le Président, il y en a, des exemples. Et cette loi-là est toujours en vigueur.

C'est arrivé deux fois également que le Parti libéral a utilisé une clause dérogatoire et a eu recours au bâillon pour faire adopter la loi, incluant tous les articles de la charte québécoise.

M. le Président, je comprends que le Parti libéral est en désaccord avec la loi. Or, le député de LaFontaine n'a pas répondu à ma question introductive que je posais au Parti libéral relativement au visage à découvert. Je n'ai pas entendu le début d'un commencement d'une réponse, à savoir : Est-ce que le Parti libéral est d'accord avec le fait d'utiliser la disposition de dérogation pour garantir qu'au Québec les services publics sont donnés et reçus à visage découvert? Ça, c'est fondamental et c'est un des points centraux du projet de loi n° 62, un des points centraux.

J'aimerais revenir également, M. le Président, sur une comparaison qu'a faite la députée de l'Acadie tout à l'heure. Elle a dit : Le nationalisme de la CAQ est comparable au nationalisme de l'Union nationale. Or, c'est tout le contraire, M. le Président.

Mme St-Pierre : ...je citais un article de Mme Lysiane Gagnon.

M. Jolin-Barrette : Ah! Bon. On citait Mme Gagnon.

Le Président (M. Picard) : Ce n'est pas une question de règlement, mais on comprend que Mme la députée citait un article. Vous pouvez continuer.

M. Jolin-Barrette : On citait Mme Gagnon. Eh bien, je dirais qu'on fait tout le contraire. M. Duplessis a installé un crucifix ici, à l'Assemblée nationale, qui d'ailleurs est toujours présent. Et je ne pense pas que c'est une surprise pour personne que, suite à l'adoption du projet de loi, à la suite de la motion que j'ai présentée, le crucifix sera déplacé, sera retiré de l'enceinte du salon bleu pour être mis en valeur ailleurs dans le parlement. Alors, c'est tout le contraire qu'on fait, M. le Président. On sépare formellement l'État des religions. Alors, on n'est pas du tout dans la logique de M. Duplessis en lien avec la religion. On fait avancer la société québécoise pour faire en sorte de s'assurer que l'État québécois soit laïque.

Et, M. le Président, c'est la dernière occasion qu'on siège ici et où le crucifix est présent.

Alors, M. le Président, j'ai bien écouté le député de LaFontaine. Cela étant dit, je ne partage pas ses arguments. Et nous devons nous rappeler que l'objectif que nous avons notamment d'insérer la laïcité dans la Charte des droits et libertés de la personne, ça vise à donner des droits, à garantir des droits à l'ensemble des Québécois.

Et je n'ai pas eu ma réponse à savoir est-ce qu'on était d'accord, du côté du Parti libéral, avec cette proposition de modification à la Charte des droits et libertés de la personne pour inscrire la laïcité comme valeur fondamentale de l'État québécois. Est-ce que, pour le Parti libéral, la laïcité de l'État, c'est une valeur importante qui doit gouverner notre société? C'est ce à quoi on est invité aujourd'hui, ce à quoi on devrait dialoguer. On a récité la Charte des droits et libertés de la personne, mais il va y avoir un amendement, à cette charte, aujourd'hui. Et je pense que cet amendement, il est approprié et justifié, et représente l'état de fait dans lequel nous vivons et que nous souhaitons vivre.

Alors, est-ce qu'il y a un député libéral, de l'autre côté, qui est en désaccord avec le fait d'inscrire la laïcité de l'État dans la Charte des droits et libertés de la personne?

L'autre élément, M. le Président, sur les propos du député de LaFontaine, il indique que la charte québécoise a été modifiée à l'unanimité, sauf à deux occasions. Or, ce n'est pas exact, Mme la Présidente. Alors, je demeure disponible, Mme la Présidente, pour continuer à avancer sur le projet de loi n° 21.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre.

M. Tanguay : Oui, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Soucy) : Allez-y.

M. Tanguay : Beaucoup de choses, beaucoup de choses. Il vient d'affirmer... Je vais prendre par la dernière, là, puis on va remonter dans ce qu'il a affirmé.

Peut-il me citer un exemple, autre que les deux exceptions, par rapport à modifier la Charte des droits et libertés? J'ai souligné les deux exceptions. J'ai très bien précisé que c'était en lien avec les articles substantiels 1 à 38, que mon collègue de Pontiac a pris le temps de lire tantôt. Est-ce qu'il y a un autre exemple?

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Dans la globalité de la modification de la charte, il y a eu plus de deux modifications.

• (14 heures) •

M. Tanguay : O.K. Là, Mme la Présidente, là, là, là, c'est la fin des écus. Il faut savoir ce sur quoi on parle. Projet de loi n° 21, clause «nonobstant», articles 1 à 38. Moi, je veux comparer du comparable au comparable, pas une clause «nonobstant» sur des articles 39, 40 et autres. Je l'ai très bien dit, puis je me fie sur l'honnêteté intellectuelle du collègue, du leader, j'ai dit que, lorsqu'il y avait des clauses «nonobstant» sur 1 à 38, ce n'est arrivé qu'à deux reprises que ce n'était pas unanime et je les ai citées. Est-ce que j'ai eu tort? Est-ce que je fais erreur sur les articles 1 à 38, oui ou non?

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Sur l'ensemble de la modification de la charte, il y a eu plus de deux modifications.

M. Tanguay : Sur les articles 1 à 38, est-ce que j'ai raison? Est-ce que mon affirmation est exacte?

M. Jolin-Barrette : Sur l'ensemble de la charte, il y a eu plus de deux modifications.

M. Tanguay : O.K. Mme la Présidente, je veux laisser les gens juger. On l'a eue, notre réponse. La réponse est que je dis vrai sur les articles 1 à 38, les substantifs, ceux qui sont précisément visés par la clause «nonobstant», et il n'a pas pu me contredire là-dessus, premier élément.

Deuxième élément, il dit — on va y aller systématiquement : Les libéraux, ils ont voté contre la loi 101 à l'époque, et il nous a fait le reproche. Vous, aujourd'hui, 27 août 1977, est-ce que vous votez pour la loi 101, vous, M. le ministre, oui ou non?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député de LaFontaine. Je vous rappelle de vous adresser à la présidence.

M. Tanguay : Vous avez raison, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Soucy) : Et, M. le ministre, vous n'avez rien à ajouter?

M. Tanguay : Il ne répond pas. Mme la Présidente, je le sais très bien pourquoi il n'aurait pas voté pour. On le sait très bien pourquoi il n'aurait pas voté pour. Puis je lui donne une autre occasion de répondre. Là, il n'a pas répondu sur la première, je vais voir... puis, je veux m'assurer, là... je ne veux pas qu'il dise : Aïe! Le député de LaFontaine, il est allé trop vite. Je veux y aller à son rythme. Lui nous a fait le reproche, les libéraux, l'expression anglaise, il ne l'a pas dit, je paraphrase, «shame on you», à peu près ça, vous avez voté contre la loi 101, la mouture d'août 1977. Je lui donne une autre occasion. Aujourd'hui, là, devant lui, la mouture 1977, août 1977, comme député de cette Assemblée nationale, est-ce qu'il aurait fait comme tous les députés libéraux, les valeureux députés libéraux, et aurait voté contre la loi 101 ou aurait voté pour la loi 101?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. M. le ministre, voulez-vous répondre à la question?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, le député de LaFontaine n'assume pas l'héritage de son parti. Est-ce qu'il a un malaise avec la façon dont le Parti libéral a voté? Moi, j'assume l'héritage de mon parti, qui a été créé en 2011.

M. Tanguay : Mme la Présidente...

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, on n'arrête pas de nous dire que le Parti libéral, ça fait 150 ans qu'il existe...

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : ...152, excusez, 152, il est temps d'assumer.

M. Tanguay : Mme la Présidente, Mme la Présidente, oui. Mme la Présidente, le ministre, on l'a tous vu, les gens jugent à la maison, il n'a pas pu me répondre, il n'a pas pu dire, puis ça aurait été en ligne logique de son intervention : Bien oui, moi, j'aurais voté comme les députés du Parti québécois, j'aurais fait contrairement à tous les députés libéraux. Je le sais très bien, Mme la Présidente, pourquoi il aurait voté contre, imaginez-vous donc. Là, je vous mets de côté l'arrêt Ford, qui disait que c'était affichage unilingue français. C'est correct, il y a eu le débat, puis le débat des... un des motifs de contestation à l'époque, la Cour suprême a donné raison aux députés libéraux d'avoir voté contre ça, et il y a un rééquilibrage, puis le Parti québécois n'a même pas changé ça, c'est prépondérance du français, premier élément.

Là, le ministre, là, il va dire : Ah! ça y est, touché. Il va me dire : Touché. Je vais vous parler de l'arrêt Blaikie. Touché, hein? L'arrêt Blaikie, qu'est-ce qu'il dit, l'arrêt Blaikie? L'arrêt Blaikie faisait en sorte, Mme la Présidente, qui était une chose qui était tout à fait contradictoire à notre société de droit, la Constitution canadienne, j'y vais de mémoire, je pense que c'est l'article 133 ou 132 de la Constitution canadienne, puis c'est bien juste si le ministre ne va pas me dire : C'est 133, parce qu'il sait très bien, fait en sorte qu'au Parlement on peut s'exprimer en anglais. La charte québécoise, première mouture, interdisait à tout collègue de s'exprimer en anglais ici, et il n'y avait qu'une seule version valide des lois, c'était la version française.

Pire que ça, Mme la Présidente, ou autre élément, la justice québécoise devenait, du jour au lendemain, exclusivement en français, exclusive en français. Ça ne tenait pas la route. Et même M. Guy Rocher, Guy Rocher, je me rappelle, j'ai tout ça à mon bureau, les citations, avait confirmé qu'il s'agissait de quoi? Il s'agissait d'un électrochoc. Camille Laurin, quand il l'a mis dans sa loi 101, il savait qu'il allait être cassé par la Cour suprême parce qu'il avait très bien lu l'article 133 de la Constitution. Puis les témoignages de l'époque, Guy Rocher l'a reconnu à l'époque, il y avait même le collègue Fernand Lalonde qui avait témoigné dans un reportage — j'ai les citations, Mme la Présidente, qu'il me demande de les déposer, je vais aller les chercher, ça va me faire plaisir de les déposer — où Guy Rocher disait : Ça faisait partie de la stratégie, on avait besoin d'un électrochoc, il fallait se faire casser par la Cour suprême. C'est ce qui est arrivé. Et là, évidemment, au sortir de cette décision-là, Camille Laurin, avec le leader du gouvernement à l'époque, avait fait une pièce de théâtre, avait fait une conférence de presse en disant : C'est épouvantable. Et Camille Laurin, pour le paraphraser, avait dit : Je dois boire jusqu'au fond la lie de ce verre.

Mme la Présidente, il le savait très bien, c'était déjà arrangé, et ça, c'était un des éléments. Il le savait, il l'avait dit, Guy Rocher l'a dit. Il serait ici, il nous le dirait, ça faisait partie d'un électrochoc, faire casser par la Cour suprême, puis après ça les gens pourront dire : Aïe! C'est important, puis ça va relancer le débat. Ça, Mme la Présidente, je pense que c'est clair, clairement, puis j'aimerais entendre le ministre là-dessus, lui donner... de façon précise, là, puis qu'il n'essaie pas de renvoyer la balle ailleurs, là, qu'il réponde de façon précise, comme je le fais sur ses arguments.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député de LaFontaine. Pour votre information, il vous reste 30 secondes de droit de parole. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, le député de LaFontaine est si sûr de cela. Il met des intentions, des mots dans la bouche de précédents ministres, de précédents parlementaires. M. Rocher est venu en commission parlementaire, c'est dommage que le député de LaFontaine ne lui ait pas posé la question à cette occasion.

M. Tanguay : Alors, sur mon 30 secondes, Mme la Présidente, il y avait trois éléments à défaire. On vient de défaire le un, on vient de défaire le deux, puis là on va défaire le trois. Le ministre, il a cité la loi n° 78, qui, effectivement, avait été adoptée sous bâillon, mais mal lui en prit de citer la loi n° 78, il n'y avait pas de clause dérogatoire dedans. Alors, son exemple, Mme la Présidente, là, fin de la citation, point.

La Présidente (Mme Soucy) : Et ça met fin à votre droit de parole également. Merci, M. le député de LaFontaine.

Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Sinon, on va voter sur l'amendement. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vois qu'il y a aussi le ministre de l'Éducation, alors, s'il y a consentement, j'aimerais ça que lui aussi puisse être en mesure de répondre, puisque plusieurs articles, dont notamment l'article 6, touchent le réseau de l'éducation de façon plus prépondérante. Alors, est-ce qu'il y aurait consentement pour que le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur puisse répondre?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, il n'y aura pas de consentement parce que j'ai rarement des échanges avec la députée de Saint-Laurent et je m'ennuie de nos échanges, alors je souhaite pouvoir échanger avec elle. Honnêtement, je me sens un peu boudé parce que d'habitude elle ne vient pas dans mes commissions parlementaires, alors je veux profiter de tout le temps que nous avons ensemble.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Rizqy : Je vois qu'il n'y a pas seulement les oppositions qui sont bâillonnées, finalement. Est-ce que vous allez empêcher le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur de bien représenter son réseau, de pouvoir apporter de l'éclairage sur l'application du projet de loi n° 21 dans le réseau de l'éducation? C'est une question, je pense, qui est assez pertinente, et plusieurs personnes nous suivent, dont notamment les différentes centrales syndicales qui représentent plusieurs enseignants mais aussi des étudiants et étudiantes qui sont présentement sur les bancs universitaires, qu'ils apprécieraient avoir la voix du ministre qui, lui, aura toute la tâche d'appliquer votre projet de loi.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, le ministre responsable de la loi, c'est le ministre de l'Immigration, alors en l'occurrence, c'est moi pour l'instant.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci.

Mme Rizqy : Donc, une fois que le projet de loi est déposé par le ministre de l'Immigration, il ne lui appartient plus, il appartient à l'ensemble des parlementaires, incluant notamment le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, qui aura la lourde tâche... en plus de devoir conjuguer avec différents autres chambardements dans le réseau d'éducation, il devra aussi jouer et conjuguer avec le projet de loi n° 21. Or, je me permets d'insister parce qu'ici c'est clair que c'est le ministre de l'Éducation qui en aura plein les bras à devoir régler les différents enjeux dans le réseau de l'éducation qui auront été faits grâce au projet de loi n° 21 écrit par le ministre de l'Immigration.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, je peux référer la députée de Saint-Laurent à l'article 28 du projet de loi n° 21 : «Jusqu'à ce que le gouvernement prenne un décret désignant le ministre responsable de l'application de la présente loi et de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes (chapitre R-26.2.01), le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion est responsable de l'application de ces lois.»

Et à l'article 31 : «Le ministre désigné par le gouvernement est responsable de l'application de la présente loi.»

Alors, Mme la Présidente, moi, depuis le début, je souhaite dialoguer avec la députée de Saint-Laurent, mais je ne comprends pas pourquoi elle ne veut pas me parler. Honnêtement, je pensais d'être un bon accompagnateur pour la conduite d'un débat.

• (14 h 10) •

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Rizqy : Je voulais simplement m'assurer qu'il puisse reposer sa voix et surtout de ne pas avoir l'étiquette du triple o : omniscient, omniprésent, et vous savez le dernier. Vous le cherchez encore?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je ne sais pas c'est quoi, le dernier. J'aimerais ça qu'on me dise quel est le dernier o. Est-ce que c'est «oh là là»?

La Présidente (Mme Soucy) : Alors, on va revenir sur le sujet, s'il vous plaît, de l'amendement à l'article 6.

Mme Rizqy : M. le ministre de l'Immigration, vous avez eu l'occasion d'entendre, lors des consultations, la CSQ, la FAE ainsi que la CSN, qui représentent plusieurs enseignants, des milliers d'enseignants. Qu'avez-vous retenu de vos échanges avec eux?

M. Jolin-Barrette : Plusieurs choses, plusieurs choses. Parlons de la CSN, rencontre très intéressante avec le président de la CSN, M. Létourneau. Alors, saviez-vous que la CSN était en faveur de l'interdiction du port de signes religieux, hein, pour les personnes en situation d'autorité jusqu'à ce qu'il y a deux mois environ? Pendant des années, la CSN, qui avait consulté ses membres, était en faveur de l'interdiction. Or, le projet de loi n° 21 a été déposé, et là il y a un changement de cap. On a demandé s'ils avaient consulté leurs membres, et la réponse à cette question-là, c'est non.

Je sais que la démocratie syndicale préoccupe beaucoup le député de Jean-Lesage. Je l'inviterais d'ailleurs à faire une visite à la CSN pour voir comment les règles démocratiques s'appliquent. Je sais que le député de Gouin est familier aussi là-bas. Mais ça m'apparaît particulier, ce changement d'orientation de la CSN par rapport à la position de cette organisation-là.

Donc, la CSN était en faveur de l'interdiction du port de signes religieux durant des années et puis, tout d'un coup, ils ont changé de bord, et les membres n'ont pas été consultés. Est-ce que le rôle de représentation de la CSN, dans le cadre de la présentation de ces recommandations en commission parlementaire sur le projet de loi n° 21, a été avalisé par ses membres? La réponse à cette question-là, lorsqu'on l'a posée, c'est non. Alors, il y a une question à se poser sur la consultation qui a été tenue à l'intérieur de cette organisation syndicale là.

Mme Rizqy : ...entre la CSN, la FAE et la CSQ, ça se résume à cela?

M. Bérubé : Question de règlement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Soucy) : Oui, M. le député.

M. Bérubé : Article 211, sur la pertinence : «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion.» Il y a un amendement du député de Jean-Lesage. Nous attendons patiemment le moment de déposer nos amendements, nous sommes ici pour ça. On est à l'article 6 sur 32. On a des propositions très concrètes à déposer au bénéfice de l'Assemblée. Donc, il me semble qu'à tout le moins, sans vouloir presser personne, on pourrait au moins disposer des propositions qui ont été faites en bonne et due forme par les gens qui ont travaillé là-dessus et ensuite avancer. C'est le souhait du Parti québécois et c'est notre façon de contribuer au débat.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Tel que je vous l'ai demandé tantôt, votre bonne collaboration, Mme la députée de Saint-Laurent, M. le ministre. On va rester sur le sujet, et là on est en train de débattre sur l'amendement de l'article 6. Alors, si vous avez d'autres questions, je vais vous céder le droit de parole, sinon on va voter sur l'amendement.

M. Tanguay : Non, non, Mme la Présidente, sur le rappel au règlement, vous avez vu que les échanges sont tout à fait pertinents. L'article 6, c'est le socle du projet de loi n° 21, c'est l'interdiction des signes religieux. L'interprétation de la pertinence, 211, se fait de façon large et libérale. Et M. le... madame...

Des voix : ...

M. Tanguay : Oui, tout à fait. Et, Mme la Présidente, je suis tout à fait attristé, et je fais écho des propos de mon collègue du Parti québécois, malheureusement, c'est ça, un bâillon, c'est qu'on n'a pas le temps nécessaire de faire notre travail. C'est malheureusement ça, un bâillon.

La Présidente (Mme Soucy) : M. le député de LaFontaine, je comprends ce que vous dites, mais moi, je vous dis que nous sommes sur l'amendement de l'article 6. Alors, je comprends qu'on a une certaine latitude, qu'on peut... mais il ne faut quand même pas exagérer, et on doit revenir, à un moment donné, à l'amendement.

Alors, si vous avez quelque chose à ajouter au sujet de l'amendement de l'article 6, vous pouvez y aller, sinon on va la mettre aux voix ou on va passer à un autre intervenant. Oui, M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Un petit point, Mme la Présidente. Je pense que l'intervention de ma collègue la députée de Saint-Laurent a toute sa place parce qu'elle parle de l'applicabilité de l'article 6, notamment au niveau du domaine qu'elle maîtrise, et c'est pour cela qu'elle interpelle le ministre. Je pense que nous sommes encore dans l'article 6, parce que c'est très important, et nous sommes toujours dans l'amendement du député, l'article... le critère du premier paragraphe a préséance sur le critère du deuxième paragraphe. Donc, je pense que l'intervention de ma collègue députée de Saint-Laurent est pertinente, et ça répond exactement à l'article 6.

La Présidente (Mme Soucy) : Je comprends, M. le député de Nelligan. Comme je dis, on se concentre sur l'amendement. Avez-vous quelque chose à ajouter sur l'amendement? Mme la députée de Saint-Laurent, la parole est à vous.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Comme vous le savez, l'article 6 plus l'amendement et les questions de critères, ils font référence aussi à l'annexe II, et vous comprenez qu'on parle des enseignants, et d'autant plus qu'on a l'occasion d'avoir le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, et je voulais savoir quels seront les critères, comment qu'ils seront appliqués pour les enseignants. Alors, est-ce que quelqu'un peut nous répondre, soit le ministre de l'Éducation, qui est déjà présent ici, pour savoir comment les critères seront appliqués aux enseignants, par exemple dans la classe de maternelle quatre ans?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, relativement à l'application de la loi, dans un premier temps, on le voit à l'article 6, il y a une définition. Et, juste pour rappeler, le député de LaFontaine, tout à l'heure, m'a reproché d'avoir déposé un amendement qui définissait ce que constitue un signe religieux. Or, c'est précisément à la demande des collègues des oppositions, qui m'ont demandé de définir ce que constitue un signe religieux, que j'ai déposé un amendement. Alors, vous voyez l'état d'esprit dans lequel je suis, dans un état d'esprit d'ouverture, de dialogue...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Bien, je suis comme ça, moi, M. le député de LaFontaine. Je veux que ça marche, je veux collaborer avec vous, donc j'essaie, j'essaie, de mon côté, alors...

La Présidente (Mme Soucy) : ...à la présidence. Oui, Mme la députée de...

Mme David : En toute honnêteté intellectuelle, est-ce que je pourrais rappeler au ministre que nous avons aussi déposé un amendement concernant des lignes directrices? Et j'étais là, et le collègue vous en a parlé, parlé, parlé et reparlé, en toute collaboration, pour bonifier votre projet de loi. Vous nous apportez un amendement, on vous en apporte un. Ce qui est bon pour l'un doit être bon pour l'autre. Ce qui est bon pour pitou est bon pour minou, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. M. le ministre.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Je vais prendre les conseils du député de Pontiac, Mme la Présidente. Effectivement, c'est vrai que la députée de Marguerite-Bourgeoys ou Bourassa-Sauvé — ah! la députée de Marguerite-Bourgeoys — a déposé un amendement qui souhaitait faire en sorte qu'il y ait des lignes directrices. Or, ce n'est pas un amendement sur la définition. Je n'ai eu aucun amendement, de la part du Parti libéral, sur la définition d'un signe religieux. On me dit : La définition, elle est incompréhensible, alors qu'elle est très, très claire. Mais je n'ai eu aucune proposition de bonification relativement à la définition d'un signe religieux. Ça aussi, il faut avoir l'honnêteté de le dire.

Alors, je reviens, Mme la Présidente, à la question de la députée de Saint-Laurent. Mais, avant d'y revenir, Mme la Présidente, je voudrais faire une autre intervention relativement au commentaire qui a été dit par le député de LaFontaine. On nous dit : L'article 6, c'est le socle du projet de loi. Le socle du projet de loi, c'est les articles 1 à 3, qui font en sorte d'insérer la laïcité de l'État, hein, dans nos lois, de faire en sorte que, pour la première fois, on vient définir ce que constitue la laïcité de l'État. Qu'est-ce que la laïcité de l'État? C'est prévu à l'article 1 : «L'État du Québec est laïque.» L'article 2, vous avez la définition. 3, c'est les exigences rattachées aux institutions de la laïcité de l'État, incluant, incluant les enseignants, parce que l'expression de la laïcité de l'État s'exerce à travers notamment les enseignants aux niveaux primaire et secondaire des écoles publiques.

• (14 h 20) •

Alors, il est important de faire une mise en contexte, Mme la Présidente. Premièrement, les enseignants qui portent un signe religieux à la date du dépôt du projet de loi pourront conserver leur droit acquis au port de signes religieux. Ça, c'est important de le souligner. Pour toutes les autres personnes, dans le cadre de leur fonction d'enseignant, il ne sera pas possible de porter des signes religieux, en fonction de la définition des signes religieux prévue à l'article 6 du projet de loi tel qu'amendé, c'est-à-dire : «Au sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est — et là on a eu le premier critère, qui est subjectif, donc on se place dans les souliers de la personne qui porte le signe religieux :

«1° soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse.»

On a eu un débat qui a duré plusieurs, plusieurs heures sur quelle est cette analyse subjective là aux yeux de la personne en fonction de ses croyances, de sa foi en son âme et conscience. Donc, je sais que la députée de Saint-Laurent comprend, elle, ce que ça signifie, une analyse subjective du critère en fonction notamment de la croyance sincère en la liberté de religion. C'est le critère qui s'applique.

Le deuxième critère, qui est alternatif, c'est un critère de nature objective, alors : «Soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.» Donc, lorsqu'on parle de la personne raisonnable, on a eu abondamment de discussions avec le député de Jean-Lesage à ce niveau-là, qui est la personne raisonnable. Donc, on voit que c'est la personne fictive qui a été déterminée par la Cour suprême. C'est un critère d'analyse objective. Alors, un critère ou l'autre. Donc, pour répondre à la question de la députée de Saint-Laurent, la personne qui porte un signe religieux va devoir se conformer à l'article 6 en conformité de la loi.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Laurent, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Rizqy : Certainement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Soucy) : Allez-y.

Mme Rizqy : Merci énormément au ministre, parce qu'effectivement il faut un beau topo au niveau juridique de son projet de loi. Merci. Mais ma question était pratico-pratique : Comment, dans nos écoles, l'article 6, conjugué avec l'annexe II, sera appliqué, notamment dans la classe de maternelle quatre ans?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, les enseignants dans les écoles publiques sont visés. Que ce soit auprès des quatre ans, des cinq ans, troisième année, sixième année, c'est le statut d'enseignant qui compte, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée.

Mme Rizqy : Vous n'avez pas répondu à ma question. Au niveau pratique, comment vous allez appliquer? Comment vous allez donner force de loi à votre projet de loi n° 21? En fait, Mme la Présidente, est-ce que, récemment, vous avez visité, peut-être, une école avec le ministre de l'Éducation, récemment?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, moi, je visite des écoles dans ma circonscription. Le ministre de l'Éducation est député de Chambly. Savez-vous, on n'est pas très loin, on est voisins de comté. Et d'ailleurs je dois dire que c'est un bon voisin de comté, Mme la Présidente. Honnêtement, on n'a pas de chicane de voisinage, ça va très, très bien. D'ailleurs, c'est dans une des plus belles MRC du Québec, la MRC de La Vallée-du-Richelieu. Il ne faut pas oublier, Mme la Présidente, la MRC des Maskoutains aussi. Ça aussi, c'est une belle MRC. D'ailleurs, deux municipalités de mon comté sont dans la MRC des Maskoutains.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci.

Mme Rizqy : La question... Je voulais savoir est-ce que, récemment, vous avez fait un tour d'école avec le ministre. Je n'en doute pas, que c'est un bon voisin. Ça, je n'en doute pas. Mais, pratico-pratique, êtes-vous allé sur le terrain pour voir comment vous allez être en mesure d'appliquer le projet de loi n° 21?

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Au niveau de l'application de la loi, c'est les articles 12 et suivants, c'est la plus haute autorité administrative qui est chargée de l'application de la loi, donc, que ce soit dans le réseau de l'éducation et dans les autres réseaux qui sont visés par l'interdiction de porter un signe religieux, que ce soit pour les policiers, pour les agents de services correctionnels. Pour les juges, ça, dans ce cas-ci, c'est le Conseil de la magistrature, on l'a vu à l'article précédent...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Non, non, mais je vous explique. Ce n'est pas différent pour le réseau de l'éducation que les autres réseaux. C'est la plus haute autorité administrative qui est chargée de l'application de la loi, comme ça se fait au niveau des conditions de travail. L'interdiction de porter un signe religieux va être insérée relativement aux conditions de travail des employés, ça fait partie des conditions de travail des employés. Ce n'est pas différent de si un enseignant porte un chandail «J'aime le Parti libéral», ce qui serait surprenant, mais ça pourrait arriver. Donc, est-ce qu'un enseignant a le droit de porter, dans les heures de classe, un chandail qui est écrit «J'aime le Parti libéral» ou «Je n'aime pas le Parti libéral»? C'est positif ou négatif, là, hein? À ce moment-là, il n'est pas permis de le faire, et donc la direction prend les mesures appropriées.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Rizqy : Mme la Présidente, je peux vous garantir que j'aurai toujours, à votre... à votre question, pardon, oui, des questions à répondre au ministre, de toute évidence.

Premièrement, je vais répondre à sa dernière intervention par rapport à un chandail d'un parti politique, qui pourrait être un beau chandail libéral. Je vais citer quelqu'un, hein, vous l'avez eu durant votre commission, Jocelyn Maclure, de l'Université Laval : «L'argument que vous avancez n'est toutefois pas convaincant. Il est vrai que la fonction publique doit être neutre politiquement. Un employé de l'État applique des lois qui ont fait l'objet de contestations politiques avant d'être adoptées, et ils doivent être neutres par rapport à ces controverses. La religion, pour sa part, n'intervient pas dans le processus de formulation et d'adoption des lois. L'analogie entre les signes religieux et les signes politiques néglige cette différence pourtant cruciale.» Ça, c'est le professeur de l'Université Laval qui vous répond.

Mais, moi, ma question, s'il vous plaît, M. le ministre, car elle est très importante — et vous comprenez que je suis porte-parole en matière d'éducation et d'enseignement supérieur, et c'est pour cela que j'essaie vraiment de cadrer mes réponses en ce sens : Au niveau pratique, dans la classe de maternelle quatre ans, est-ce que vous allez donner suite à la recommandation de la vice-première ministre d'envoyer la police dans les écoles?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, dans un premier temps, je pense qu'il est important de rectifier les choses. La vice-première ministre a fait une correction relativement à ses propos, et je pense que le fait de rappeler ça ici, Mme la Présidente, c'est un faux argument, considérant que la vice-première ministre a eu l'occasion de rectifier les propos. Alors, je pense qu'au niveau de l'application de la loi c'est très, très clair, et, honnêtement, ça ne donne pas grand-chose faire ce que fait la députée de Saint-Laurent en rappelant les propos de la ministre de la Sécurité publique.

Vous savez, M. Maclure nous dit, dans son mémoire, que la liberté d'expression religieuse est au-dessus de l'expression de la liberté politique. C'est son opinion, mais ce n'est pas mon avis...

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée de Saint-Laurent.

M. Jolin-Barrette : ...

Mme Rizqy : Bon, vous avez terminé votre réponse.

La Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Saint-Laurent.

M. Jolin-Barrette : ...et ça voudrait dire, notamment... et ça voudrait dire, Mme la Présidente, que M. Maclure fait une hiérarchisation des droits. Et j'aimerais savoir si la députée de Saint-Laurent est d'accord, si au Québec on devrait avoir une hiérarchisation des droits, oui ou non.

La Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Mme la Présidente, je vais recommencer encore ma question, car, de toute évidence, il tente d'esquiver parce qu'il sait parfaitement qu'au niveau pratique le projet de loi n° 21 n'arrivera pas à être appliqué. Et c'est pour ça que je voulais avoir une réponse de quelqu'un qui se soucie... de toute façon, en apparence, mais j'ai encore très confiance qu'il se soucie de l'éducation, et c'est pour ça que j'interpelle le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, car c'est lui qui est sur le terrain, et que c'est lui qui va devoir parler aux commissions scolaires, parler aux directions d'école, et c'est lui qui sait déjà, présentement, qu'ils doivent faire face à différents enjeux, dont notamment une réforme majeure avec les maternelles quatre ans, une pénurie d'enseignants, et là, maintenant, vous lui envoyez aussi dans sa cour l'application du projet de loi n° 21. Alors, je demande au ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, avec le consentement... Parce que, de toute évidence, M. le ministre de l'Immigration ne veut pas répondre à ma question au niveau de l'application du projet de loi n° 21 et de l'article 6, avec son annexe II, alors je m'adresse au ministre qui, lui, a déjà été enseignant et qui sait qu'au niveau pratique il y a, évidemment, ici un enjeu. Alors, est-ce que le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur peut nous dire qui va appliquer la loi et comment ils vont l'appliquer?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ça me désole un peu, Mme la Présidente, que la députée de Saint-Laurent ne veuille pas échanger avec moi, honnêtement. Je lui donne des réponses, mais elle préfère le ministre de l'Éducation à moi. Je commence à être jaloux, Mme la Présidente.

Écoutez, bon, Mme la Présidente, l'application de la loi, c'est très clair, Mme la Présidente, ça ne pose aucune difficulté. Le Parti libéral tente de susciter un débat relativement à l'application de la loi, alors qu'il n'y en a pas. Mme la Présidente, c'est très clair, c'est interdit pour les enseignants de porter un signe religieux durant les heures de travail, uniquement durant les heures de travail. Parce que j'entends toutes sortes de choses, là. Parfois, j'entends le fait de dire : Écoutez, le projet de loi va interdire le port de signes religieux en tout temps, or c'est faux. L'interdiction de port de signes religieux est prévue uniquement durant la prestation de travail pour les enseignants. Et pour ceux qui étaient en poste avant le 28 mars 2019 et qui portent un signe religieux, ils ont un droit acquis. Alors, c'est très, très clair, ça ne pose pas de difficulté d'application.

Mais il y a une chose que j'ai retenue, par contre, des propos de la députée de Saint-Laurent relativement à mon collègue de l'Éducation, elle a dit : Le ministre de l'Éducation, il est sur le terrain. Le ministre de l'Éducation, c'est lui qui connaît ça. Il connaît les écoles, il a enseigné pendant des années, pendant 17 ans, je pense, dans le milieu scolaire. C'est le meilleur ministre de l'Éducation que nous avons eu, et ça, la députée de Saint-Laurent devrait le reconnaître. On n'a jamais eu un ministre de l'Éducation qui connaissait autant le réseau, qui avait les outils et les qualifications pour poser les bons diagnostics, pour apporter des correctifs. Et, vous l'avez vu, le ministre de l'Éducation, lorsqu'on l'appelle, il va sur le terrain, il se préoccupe du succès des enfants, et ce qu'il fait avec la maternelle quatre ans, c'est de donner une chance égale à tous les enfants du Québec. Et ça, vous devriez le remercier qu'il ait autant de volonté, qu'il s'assure de faire en sorte que tous les enfants puissent réussir au Québec et qu'on puisse diagnostiquer leurs problématiques...

• (14 h 30) •

Des voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre. M. le ministre.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : ...

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre. M. le ministre, merci. Mme la députée de Saint-Laurent, la parole est à vous sur la question du règlement.

Mme Rizqy : Premièrement, là, 35, paragraphe 6°, il interprète mes propos. Moi, je n'ai aucun malaise à parler avec le ministre de l'Éducation. J'ai eu la chance, évidemment, d'échanger avec lui dans plusieurs différentes commissions. Alors, oui, vous comprendrez que nos échanges ont toujours été très courtois parce que le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur répondait à nos questions. Alors, je vais vous concéder une chose, c'est vrai qu'il est un meilleur ministre de l'Éducation que le premier ministre l'a été en Éducation.

La Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Saint-Laurent, ce n'est pas une question de règlement, mais par contre vous aurez la chance de rectifier les propos, si vous le voulez, un peu plus tard. On va laisser le ministre terminer, s'il y avait autre chose à ajouter, sinon on va donner le droit de parole...

M. Jolin-Barrette : Et j'ai une question relativement à l'application de la loi pour la députée de Saint-Laurent dans sa perspective, parce que j'ai eu l'occasion d'avoir de nombreux échanges avec les collègues du Parti libéral sur cela. Il y a certaines commissions scolaires qui ont dit : Nous n'appliquerons pas la loi. Je voudrais savoir : La députée de Saint-Laurent, un coup que la loi sera adoptée et sanctionnée, est-ce qu'elle dénonce les commissions scolaires qui disent qu'elles ne souhaitent pas appliquer la loi? Va-t-elle respecter l'application de l'autorité de la loi? Est-ce qu'elle va encourager les commissions scolaires à appliquer la loi? Je voudrais avoir une réponse par un oui ou par ou non, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée de Saint-Laurent... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : ...c'est la deuxième fois qu'il fait ça, le ministre, et je pense que c'est son projet de loi à lui, il doit répondre aux questions. Il fait de la politique. Il parle de voisinage, il parle de bons ministres, ça n'a rien à voir avec la discussion en ce moment, sur l'article 6 et sur l'amendement. Je demanderais au ministre, s'il vous plaît, d'arrêter de nous poser des questions puis de répondre aux questions qu'on vous pose. Merci.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Vous savez, la députée de Saint-Laurent n'est pas obligée de répondre aux questions du ministre, mais elle a quand même son droit de réplique, alors on va la laisser terminer son intervention. Allez-y, Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais vraiment savoir comment on va appliquer le projet de loi n° 21 à l'intérieur des murs de nos écoles, notamment dans la classe de maternelle quatre ans. Qu'allez-vous faire?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, la loi va s'appliquer comme toutes les autres lois qui régissent le domaine du travail, qui régissent l'instruction publique, ce n'est pas différent. Le réseau de l'éducation est régi par de nombreuses lois, les milieux de travail sont régis par de nombreuses lois. Ce n'est pas différent de l'application d'un réseau à un autre réseau.

Alors, Mme la Présidente, je comprends qu'on me pose des questions, mais, nous, là, ce qu'on a, c'est une conversation, et la conversation, c'est bilatéral, hein, de part et d'autre. Alors, si on veut avoir une conversation avec la députée de Saint-Laurent, ça ne peut pas être unilatéral, c'est la pire chose. Il faut écouter et pouvoir répondre.

Alors, je repose ma question, parce que la députée de Westmount—Saint-Louis, elle n'était pas sûre, elle, qu'elle souhaitait soutenir l'application de la loi envers les commissions scolaires. Est-ce que la députée de Saint-Laurent va recommander aux commissions scolaires de respecter et d'appliquer la loi?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Mme la Présidente, il ne s'agit pas de notre projet de loi mais de son projet de loi, et par conséquent il revient à lui de répondre à nos questions. Je vois qu'il est excellent pour patiner et esquiver les questions, mais il doit, à un moment donné, répondre.

Alors, je reviens encore... Et je vous demande juste de faire un petit effort pour me répondre, et surtout que vous avez prisé notre moment d'échange entre nous deux, car vous l'attendiez depuis longtemps. Il est arrivé. Alors, nous y sommes.

Au niveau du fonctionnement dans nos écoles, vous savez pertinemment que, dans les maternelles quatre ans, il y aura des enseignants et aussi des éducatrices. Vous savez aussi que, dans une école... ou vous devriez savoir, parce que j'imagine que vous avez eu des échanges avec votre collègue le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, qu'un enseignant, après l'école, bien, il y en a plusieurs qui restent, et qui restent volontairement, et d'autres aussi qui font du pro bono. Est-ce que ça, ça va rentrer dans le fonctionnement?

M. Jolin-Barrette : ...clair à l'effet que ce sont les enseignants qui sont visés par l'application de la loi. Alors, l'interdiction de port de signes religieux durant les heures de travail s'applique aux enseignants.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Donc, les enseignants qui restent à l'école pour une activité qui n'entre pas dans leur cadre... Par exemple, moi, j'ai souvent quelques fêtes où est-ce que les enseignants restent après l'école, la fête est organisée à l'école, c'est sur leur temps à eux, de façon bénévole, et ils encadrent encore les élèves. Qu'est-ce que vous faites avec ça? Comment qu'on va régir le tout?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, c'est dans le cadre des fonctions de travail et donc dans ce qui est prévu dans le cadre des conventions collectives. Alors, la députée de Saint-Laurent sait très bien que, lorsqu'on est un employé de l'État et qu'il y a une exigence relativement à la prestation de travail, les règles s'appliquent durant la prestation de travail. J'ai toujours été clair relativement à cela, relativement à l'application de la loi durant la période de travail qui est visée. L'interdiction s'applique dans le cadre de la fonction d'enseignant, la prestation de travail qui est donnée par les enseignants ou les enseignantes. Alors, Mme la Présidente, on ne peut être plus clair que cela relativement à l'application de la loi.

Et, vous savez, le Parti libéral voit des difficultés d'application partout, ils ne me font pas confiance, alors, honnêtement, ça me déçoit un peu. Je pensais que la députée de Saint-Laurent me faisait confiance relativement à la rédaction du projet de loi et à son application et je souhaite pouvoir la convaincre relativement à l'application de la loi.

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre, merci. Je vous rappelle, pour le bon fonctionnement de notre Assemblée, de ne pas porter d'intentions aux autres parlementaires. Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Je vous remercie, Mme la Présidente, de rappeler nos règlements au ministre de l'Immigration, qui se fait souvent un plaisir de ne pas les respecter. Alors...

M. Jolin-Barrette : ...des faits documentés sur ce qui est...

Mme Rizqy : C'est assez factuel. Vous avez un beau sourire.

La Présidente (Mme Soucy) : Aïe! S'il vous plaît, là, s'il vous plaît! Vous connaissez les règlements, vous êtes deux parlementaires d'expérience. Je vous invite à revenir sur l'amendement de l'article 6, s'il vous plaît. Merci. Mme la députée de Saint-Laurent, vous pouvez continuer votre intervention.

Mme Rizqy : Ça fait quand même plusieurs reprises que vous invoquez la tâche des enseignants. Vous savez que c'est déjà régi par convention et que l'interdiction de prosélytisme et le droit de réserve est déjà conventionné. Alors, au niveau du fonctionnement, comment vous allez vous assurer que votre projet de loi n° 21 est réellement applicable à l'intérieur des murs des écoles?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, vous savez, quand il y a une disposition législative qui est édictée... Nul n'est censé ignorer la loi, on est d'accord là-dessus? On est d'accord là-dessus, parfait. Les gens doivent se conformer à l'application de la loi. La députée de Saint-Laurent nous dit : Comment vous allez faire pour vous assurer qu'il y ait application de la loi? Elle présume que les gens ne se conformeront pas à l'application de la loi, qu'ils ne respecteront pas la loi. Or, c'est le contraire, Mme la Présidente, les gens respectent les lois, et nous devons valoriser le fait de respecter les lois.

Certains collègues en cette Assemblée appellent à la désobéissance civile. Alors, je sais que ce n'est pas le cas de la députée de Saint-Laurent et elle va s'assurer, à partir du moment où le projet de loi n° 21 sera sanctionné, même si elle est en désaccord avec le contenu du projet de loi, elle va s'assurer de dire que les commissions scolaires doivent appliquer la loi, que l'ensemble des intervenants, l'ensemble des personnes qui sont visées par la loi doivent respecter l'interdiction de porter un signe religieux. Et je compte sur elle, Mme la Présidente, dans le cadre de toutes les lois qui sont adoptées par l'Assemblée nationale du Québec, de défendre leur validité et de s'assurer qu'elles soient respectées. Je sais qu'elle en est une ambassadrice.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Laurent.

• (14 h 40) •

Mme Rizqy : Merci, Mme la Présidente. Et merci pour cette confiance du ministre, je vous remercie.

De façon... Je continue, parce que vous comprenez que ce que vous venez de dire n'est pas tout à fait ce que je pensais, alors je reprécise de nouveau pour vous. Ce n'est pas à savoir si, oui ou non, votre loi sera respectée ou pas que je vous interroge, c'est sur son application.

Je vais vous donner un exemple. Imaginez, bon, il y a plus d'une centaine de religions, que quelqu'un croit qu'il s'agit d'un signe religieux, apporte le tout à l'autorité la plus compétente. Comment, par la suite, on vérifie, par exemple, est-ce que c'était une clause grand-père ou pas, est-ce que c'est un signe? Qui aura cette fonction-là et comment on va s'assurer que tout soit respecté?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Revenons à l'article 6 tel qu'amendé par notre amendement. Premièrement, à la demande des collègues du Parti libéral, nous avons inséré une définition, parce que, dans un premier temps, je n'avais pas défini «signe religieux» parce que c'est selon le sens courant, selon le sens commun. Et la députée de Saint-Laurent connaît, elle, quel est le sens courant, quel est le sens commun, et je suis convaincu que, si elle avait passé tout ce temps avec moi en commission parlementaire, elle aurait pu l'expliquer à ses collègues, quel est le sens commun. Or, j'ai, dans un souci d'ouverture, inséré une définition à l'article de loi. Revenons à cette définition : «Au sens du présent article, est un signe religieux tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef, qui est :

«1° soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse...»

Alors, si la personne considère que l'objet qu'elle porte constitue un signe religieux et qu'elle est visée par l'application de la loi, elle ne peut le porter. Donc, on se met dans les souliers de la personne. C'est la personne qui évalue est-ce que ça constitue un signe religieux, c'est sa croyance raisonnable et sincère, les critères associés à la liberté de religion tels que définis par la Cour suprême.

Le deuxième critère, qui n'est pas cumulatif mais qui est plutôt alternatif, la personne dirait : Bien, pour moi, ça ne constitue pas un signe religieux, mais, si, aux yeux de la personne raisonnable...

«2° soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.»

À ce moment-là, ce n'est pas permis de porter le signe religieux, si on est visé par l'interdiction de porter un signe religieux, aux yeux de la personne raisonnable. Ces critères-là ont été définis par la Cour suprême également, cette interprétation. Alors, c'est une définition qui permet de définir très clairement qu'est-ce qui constitue un signe religieux.

Et souvent on m'a questionné relativement à l'interprétation, mais c'est très clair. On a un article définissant la nature d'un signe religieux avec à l'intérieur du même article des dispositions permettant l'interprétation de ce qui constitue un signe religieux, avec une analyse subjective dans un premier temps et dans une analyse objective dans un autre temps, et les critères ne sont pas cumulatifs. Alors, ça permet d'avoir un guide pour cette analyse, qui peut s'effectuer en deux étapes.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.

Mme Rizqy : Donc, est-ce que vous comptez sur une forme de dénonciation de quelqu'un qui va être, par exemple, au paragraphe 2° de votre amendement, une personne raisonnable, qui va considérer comme référant à une appartenance religieuse, pour être en mesure d'appliquer une des 100 quelques religions, pour bien les identifier?

M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous répéter la question? Je n'ai pas entendu.

La Présidente (Mme Soucy) : Juste parler... Mme la députée de Saint-Laurent, parlez un peu plus près de votre micro... ou l'orienter, là, je ne sais pas, mais on ne vous entend pas tellement bien.

Mme Rizqy : Mais je pense qu'il y a un problème avec mon micro, hein? Il y a vraiment un problème, mon micro, le son est au maximum.

Une voix : ...

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Saint-Laurent, continuez.

Mme Rizqy : M. le ministre, plusieurs personnes, vous constatez, ont de la difficulté à identifier les quelques centaines de religions. Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Jolin-Barrette : Très certainement, la députée de Marguerite-Bourgeoys a fait référence à plusieurs centaines de religions... à plus d'une centaine de religions, une centaine.

Mme Rizqy : Mais est-ce que vous êtes d'accord que plusieurs personnes ont de la difficulté à identifier qu'est-ce qu'un symbole religieux, là, puisqu'il y en a plusieurs, quand même?

M. Jolin-Barrette : Bien, justement, la définition, Mme la Présidente, est là pour accompagner les personnes. Justement, Mme la Présidente, la définition est là pour accompagner les personnes, pour faire en sorte que ce soit très clair, Mme la Présidente, pour les personnes chargées d'appliquer la loi, qu'elles vont avoir deux critères d'analyse, le critère de l'analyse subjective dans un premier temps et le critère de l'analyse subjective dans un deuxième temps.

Et donc, Mme la Présidente, la plus haute autorité administrative sera chargée de l'application de la loi. Et ce n'est pas différent de toutes les autres lois, Mme la Présidente, qui s'appliquent dans les milieux de travail. Je pense, là, qu'il faut arrêter de s'enfarger dans les fleurs du tapis, Mme la Présidente, c'est fort important, parce que l'application de la loi, elle est raisonnable, elle est simple. Et notamment on réfère aux critères de la personne raisonnable, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Madame...

M. Jolin-Barrette : Et d'ailleurs, et d'ailleurs je tiens juste à rappeler aussi, Mme la Présidente...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Oui. Est-ce que, monsieur... Aviez-vous terminé votre intervention?

M. Jolin-Barrette : Non.

La Présidente (Mme Soucy) : Bien, terminez-la...

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je tiens juste à rappeler aussi que, pour les enseignants, il y a une disposition de maintien en emploi, une disposition de droits acquis. Le gouvernement a fait un compromis pour faire en sorte que les personnes déjà en emploi, dans le souci d'une position qui est modérée, qui est pragmatique et qui est applicable... que les personnes, notamment les enseignants qui portent un signe religieux, en date du dépôt du projet de loi, peuvent le conserver s'ils exercent la même fonction pour la même organisation.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Juste vous mettre en garde, M. le ministre. Lorsque vous terminez votre intervention et que je passe la parole à la députée de Saint-Laurent, s'il vous plaît veuillez respecter les droits de parole. Merci.

Mme la députée de Saint-Laurent, la parole est à vous.

Mme Rizqy : Juste avant que le ministre de l'Enseignement supérieur quitte, j'ai vraiment une question pour lui. Si vous le permettez, avec consentement, donnez-lui l'occasion de répondre. Ici, il s'agit, là, d'un projet de loi historique, pour les mauvaises raisons, on s'entend, mais j'aimerais vraiment savoir : Est-ce qu'il va défendre les étudiants et étudiantes qui en ce moment sont sur les bancs universitaires, qui en ce moment se demandent si, oui ou non, elles pourront réaliser leurs aspirations vraiment et devenir enseignants ou enseignantes dans nos écoles publiques du Québec? S'il vous plaît, M. le ministre, partagez un peu de temps d'antenne avec le ministre de l'Enseignement supérieur.

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non, pas de consentement. Vous savez, le premier ministre m'a confié le dossier. Et, pour les personnes qui sont présentement aux études, c'est très clair, la loi s'applique, et le droit au maintien en emploi s'applique pour ceux qui sont en emploi actuellement. Donc, tout nouvel enseignant ne devra pas porter de signe religieux dans les écoles publiques, c'est ce que prévoit la loi, Mme la Présidente.

Et d'ailleurs je tiens à souligner également, outre la présence du député de Chambly, ministre de l'Éducation, la présence de pratiquement la totalité de la députation du gouvernement, qui souhaite ardemment appliquer et adopter ce projet de loi parce que c'est ce que nous... ce à quoi nous nous sommes engagés durant la dernière campagne électorale, et le gouvernement respecte ses engagements. Alors, j'apprécie la présence de l'ensemble des collègues du gouvernement ici.

La Présidente (Mme Soucy) : Bon, merci, M. le ministre. Nous allons revenir à l'amendement de l'article 6, s'il vous plaît, puisque notre collègue de Matane-Matapédia est très impatient de pouvoir déposer son amendement.

Alors, je vous cède la parole, Mme la députée de Saint-Laurent, pour terminer votre intervention.

Mme Rizqy : Alors, vous comprendrez que je ne doute pas du fait qu'il y a plusieurs députés ici, dans cette salle, mais la pertinence que je recherche est celle du ministre de l'Enseignement supérieur, car je suis porte-parole également de l'Enseignement supérieur. Bon, je lui souhaite d'avoir la chance, éventuellement, d'avoir la permission de pouvoir s'exprimer et être le porte-voix de son réseau, parce que, vous savez, Mme la Présidente, quand on est titulaire d'un portefeuille et qu'on est député, on n'est pas uniquement la voix du premier ministre vers le peuple, on est aussi la voix du peuple vers le premier ministre. Et plusieurs personnes dans le réseau de l'éducation et de l'enseignement supérieur ont émis énormément de craintes mais aussi des questionnements, et leurs questions sont légitimes, et j'espère que vous avez entendu le message. Lorsqu'on a des étudiants et des étudiantes qui ont déjà consacré trois ans ou quatre ans, qui sont déjà presque, presque diplômés, et qu'elles se demandent ou qu'ils se demandent est-ce que, oui ou non, ils pourront être enseignants...

Avez-vous un petit peu d'ouverture là-dessus, M. le ministre de l'Immigration? Est-ce que là-dessus, là, vous allez démontrer un peu de flexibilité après avoir parlé avec moi? Est-ce que nos échanges auraient peut-être porté fruit sur quelque chose qui pourrait commencer à montrer davantage d'ouverture de votre part?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée de Saint-Laurent. M. le ministre.

• (14 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente, je démontre énormément d'ouverture. Et d'ailleurs j'ai tenu, justement, à continuer à dialoguer avec la collègue de Saint-Laurent alors qu'elle souhaitait ne plus dialoguer avec moi et parler avec le ministre de l'Éducation. Écoutez, Mme la Présidente, je ne le prends pas personnel, je comprends qu'il y a des liens particuliers qui ont été établis avec le ministre de l'Éducation en raison des longues heures passées en commission parlementaire avec lui. Peut-être que nous aurons l'occasion un jour, en commission parlementaire, de développer des aussi bons liens qu'avec le ministre de l'Éducation, que vous avez actuellement.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : ...se souvient parfaitement qu'on s'est déjà connus, nous-mêmes, sur les bancs universitaires. Nos liens sont toujours bons, j'ose espérer. Mais vous comprenez que ce n'est pas uniquement un dossier qui touche l'immigration et la laïcité, ça touche aussi l'éducation, et c'est important d'avoir la chance d'entendre le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Et j'essayais de l'avoir puisque je sais qu'on est tous... bien, plusieurs d'entre nous sont de garde. Alors, je comprenais qu'il avait sa garde en ce moment, alors je voulais avoir l'occasion de pouvoir échanger avec lui sur un dossier aussi important.

Mais ne vous leurrez pas, j'apprécie votre présence et nos échanges, je les apprécie grandement, surtout lorsque vous répondez, pratico-pratique, comment qu'on va s'assurer, par exemple, les étudiantes, là, qui sont présentement en stage, qui vont terminer, qui vont graduer... Est-ce que là-dessus vous allez montrer un peu de flexibilité, car elles sont plusieurs et ils sont plusieurs sur les bancs d'université et ils se demandent : Est-ce que le ministre va peut-être démontrer un peu d'ouverture là-dessus après avoir eu un échange avec la députée, justement, de Saint-Laurent?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée de Saint-Laurent. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Vous savez, lorsque la députée de Saint-Laurent nous dit : Ça touche le réseau de l'éducation, le projet de loi, oui. Ça touche aussi la sécurité publique, ça touche également la magistrature, ça touche les différents collègues.

Alors, Mme la Présidente, c'est moi qui est porteur du projet de loi, j'ai donné les réponses à la députée de Saint-Laurent et j'ai été très clair. Et tout au long de la commission je l'ai dit : Il y a une clause de droits acquis pour les gens qui sont en emploi depuis... au moment du dépôt du projet de loi, le 28 mars dernier. Donc, la clause de droits acquis va s'appliquer uniquement aux personnes qui sont déjà en emploi.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Maintenant, nous allons reconnaître le député de Matane-Matapédia, qui veut la parole. Allez-y, M. le député.

M. Bérubé : Je peux y aller? Bien, je veux faire écho, Mme la Présidente, à l'intervention de la députée de Saint-Laurent très brièvement parce que ce n'est pas une question théorique, là, c'est une question réelle. Les étudiantes qui sont engagées dans un parcours de formation soit en enseignement primaire et préscolaire, bon, l'enseignement secondaire, c'est quatre ans d'études, et, pour avoir fait ce bac, je peux vous en parler. Et la question se pose, maintenant. Elles se sont engagées, surtout des femmes, elles ont mis du temps, elles ont passé des examens, elles ont engagé des coûts. Il me semble que ça ne doit pas toucher tant de monde que ça, et ça va... et de les considérer n'irait pas à l'encontre des objectifs poursuivis par le gouvernement sur ce projet de loi. C'est une question d'humanité, de sensibilité. Et je parle vraiment des étudiantes qui sont déjà engagées, pas de celles qui voudraient s'engager cette année, là; qui ont déjà une année de faite, par exemple, deux années. Il me semble que ça, de considérer cet élément-là, ajouterait une sensibilité nécessaire pour le début de l'application du projet de loi. Parce que n'oubliez pas, là, dans certains cas il y a trois ans de faits sur quatre, ça veut dire que c'est trois ans de perdus. Les personnes ne savaient pas, à l'époque, en entrant, que les conditions allaient changer, ne pouvaient pas prévoir le résultat électoral et l'intention du législateur. Donc, moi, je veux juste inviter le ministre à être attentif à ça parce que c'est une question qui est très déchirante. Et les personnes qui vont vouloir s'inscrire peut-être ne le feront pas, connaissant les règles, mais les règles n'étaient pas connues pour les personnes qui sont déjà engagées, donc, qui sont déjà dans le bac.

Donc, je veux juste soumettre ça au ministre. Peut-être qu'on aura un moment, plus tard, où son équipe pourra évaluer avec lui si ça peut entrer dans le projet de loi en équation avec les objectifs qu'il poursuit. Mais je veux faire écho à la collègue de Saint-Laurent, c'est totalement pertinent. Puis c'est à ce moment-ci qu'il faudrait commencer à préparer un amendement pour qu'il puisse s'insérer dans le projet de loi. C'est tout.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. M. le ministre. M. le ministre? Non?

M. Jolin-Barrette : Ça va.

La Présidente (Mme Soucy) : O.K. Alors, je suis prête à reconnaître un autre intervenant. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci. M. le ministre, là, c'est là que je vous interpelle. Il y a quelques minutes encore vous disiez faire preuve d'ouverture. Alors, comment faites-vous preuve d'ouverture en ne répondant même pas au leader du troisième groupe d'opposition sur une question aussi pertinente et essentielle, alors que, je peux vous le dire, c'est des questions que les étudiants et étudiantes se posent présentement? Alors, pouvez-vous, s'il vous plaît, répondre à la question du chef — j'ai dit «leader», hein, je m'excuse — du chef du troisième groupe d'opposition? Mais vous êtes quand même un leader.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, la question que le chef du Parti québécois a présentée, a posée, c'est la même question que vous avez posée, et c'est la même réponse. Les droits acquis sont applicables uniquement pour les personnes qui sont en emploi au moment du dépôt du projet de loi le 28 mars dernier.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci.

Mme Rizqy : Cette réponse, je l'avais déjà comprise. Je vous demande de l'ouverture, parce qu'évidemment, lorsqu'on est en train de débattre, c'est aussi de voir qu'est-ce qu'on peut, dans la mesure, sauver, entre guillemets. Et là, présentement, vous-même, vous le savez, à quel point c'est difficile, des études universitaires, vous le savez, je m'en rappelle. Bien, là-dessus, M. le ministre, imaginez quatre années. Certaines ont déjà commencé des stages, elles sont dans le processus. Là, je fais appel à votre grand coeur. Avez-vous assez d'ouverture pour montrer ici de la flexibilité puis vous assurer que tous ceux qui ont déjà fait une session puissent en bénéficier, de cette clause grand-père? Je vous le demande. Et je pense sincèrement que, là-dessus, si vous prenez même le temps de suspendre et en discuter avec le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, il peut lui-même vous dire à quel point, à quel point nous recevons plusieurs courriels de futurs enseignants et enseignantes qui veulent s'assurer de pouvoir accéder à leur nouvelle profession dans le réseau public.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, la députée de Saint-Laurent sait très bien que la présence d'un droit acquis dans une loi est d'interprétation stricte, et le législateur, dans le cadre du projet de loi n° 21, a choisi de faire un compromis pour les gens déjà en fonction dans des postes d'enseignants. Donc, pour ceux qui sont déjà à l'emploi à partir du 28 mars 2019, ils pourront, s'ils le souhaitent, conserver le droit de porter un signe religieux. C'est une mesure de compromis que le gouvernement du Québec a faite de façon à faire en sorte que le maintien en emploi soit là pour les personnes qui sont déjà en emploi.

Alors, j'entends bien la proposition du député de Matane-Matapédia et de la députée de Saint-Laurent. Or, le choix du gouvernement n'est pas d'aller dans cette direction-là.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Vous venez de dire que c'est vous, le porteur du ballon. Bien, vous avez un ballon en ce moment. Est-ce que vous désirez le bonifier, ce ballon, ou en faire un raisin sec?

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je ne suis pas sûr de comprendre la métaphore pour le raisin sec, là, honnêtement, je suis...

Mme Rizqy : Il se dégonfle.

M. Jolin-Barrette : C'est plus les Patriots qui font ça, là. Mais, Mme la Présidente, ce qui est très clair, c'est que le gouvernement a fait un compromis en présentant une clause de droits acquis. Le gouvernement s'est assuré de faire en sorte que les personnes déjà en emploi qui portaient un signe religieux au 28 mars dernier pourront conserver leur emploi. C'est un choix que le gouvernement a fait, c'est une situation de compromis. Le gouvernement a mis une clause de droits acquis, qui était une situation exceptionnelle, alors la clause de droits acquis ne s'applique et ne s'appliquera pas aux personnes qui sont présentement dans leur parcours scolaire.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée de Saint-Laurent.

• (15 heures) •

Mme Rizqy : Vous comprenez, un ballon, vous le portez, le ballon, là, vous pouvez le bonifier, ce ballon, ça vous revient. Vous n'arrêtez pas de dire que c'est vous, le titulaire de ce dossier. Moi, je vous demande, pour le réseau de l'éducation et de l'enseignement supérieur... Et votre ministre peut vous le dire. Dans le réseau de l'éducation et de l'enseignement supérieur, ce n'est pas du tout leur priorité, le projet de loi n° 21. Mais moi, j'essaie de voir avec vous si on est capables d'assurer, les étudiants et étudiantes qui sont présentement sur les bancs universitaires, qui ont déjà engagé des frais et qui sont...

Et, vous savez, là, quand on se rend, là, à s'inscrire dans le réseau de l'éducation, c'est parce qu'on y croit pour de vrai. Votre ministre va vous le dire. Lui, là, c'est parce qu'il est passionné de l'enseignement. Ce n'est pas parce qu'ils veulent faire du prosélytisme, là, qu'ils vont s'inscrire, c'est parce que ce sont des passionnés. Et vous le savez aussi bien que moi, que les conventions collectives, déjà, régissent tout ce qui est du prosélytisme et le devoir de réserve. Vous le savez, ça. Ça, je le sais parce que vous êtes quand même toujours avocat.

Alors, M. le ministre, un peu plus d'ouverture ne ferait jamais trop de tort.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée de Saint-Laurent. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Moi, Mme la Présidente, je suis toujours très, très ouvert. Cela étant dit, le gouvernement a déjà fait un compromis en insérant une clause de droit acquis pour les personnes déjà en fonction. Et, vous savez, le gouvernement s'est toujours engagé à interdire le port de signes religieux pour les personnes en situation d'autorité, incluant les enseignants. Les enseignants représentent une figure d'autorité importante pour les élèves. Ils ont une influence considérable.

Ce que le projet de loi fait, c'est d'assurer le droit à un enseignement laïque, notamment. Et, vous savez, la laïcité de l'État s'exprime notamment par ses agents, notamment par le biais de l'article 4, par le biais des personnes désignées à l'annexe II. Donc, les enseignants incarnent l'État, incarnent une figure d'autorité, et ça va en tout respect de la liberté de conscience et la liberté de religion des enfants, des élèves qui se retrouvent dans ces classes. L'apparence de neutralité est toute aussi importante, Mme la Présidente.

Alors, c'est pour ça que les enseignants ne seront pas autorisés à porter des signes religieux durant leur prestation de travail.

Mme Rizqy : ...M. le ministre, votre livre : «En commission, les parlementaires tentent d'arriver à la meilleure législation possible, en déposant des amendements et en faisant réfléchir le ou la ministre...» C'est précisément ce que j'essaie de faire avec vous. Et là je vous le demande, de réfléchir.

Je comprends qu'au mois de mars vous avez pris une décision, mais, après ça, vous avez eu des consultations, vous avez eu des échanges avec différentes personnes. C'est là-dessus que je fais appel à vous parce que je le sais que vous croyez que ça prend moins de partisanerie. C'est vous-même qui l'écrivez. Et, là-dessus, vous savez que vous avez ce pouvoir aujourd'hui de modifier votre clause grand-père. Vous le savez, M. le ministre. Et, en plus de cela, c'est que, s'il y a quelqu'un qui peut avoir l'approbation, c'est vous-même. Vous avez juste besoin de vous consulter et de vous approuver.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, Mme la Présidente, je suis d'accord avec moins de partisanerie. Je suis on ne peut plus d'accord avec moins de partisanerie. Ça s'applique dans nos échanges entre collègues. Ça s'applique aussi à travers les équipes qui nous accompagnent, à travers les attachés politiques, à travers les chargés de communication qui accompagnent les différents partis et les différents chefs de parti. Ça, je pense que c'est très important, de s'élever au-dessus de la mêlée, d'avoir un respect mutuel, que ça s'applique entre collègues élus à l'Assemblée nationale, mais dans l'ensemble de nos équipes également. Et je pense que c'est le devoir des députés. C'est le devoir des chefs de parti. C'est le devoir des leaders, de s'assurer que leurs employés qui travaillent avec eux respectent les collègues députés, respectent la fonction de servir le Québec. Ça, je pense, c'est fondamental, et je pense que c'est une responsabilité qui incombe à chacun des parlementaires ici, en cette Assemblée.

Moins de partisanerie, Mme la Présidente, ça implique aussi de se respecter, notamment par la députée de Rouyn-Noranda. Je pense que c'est important, ça aussi, de faire en sorte que tous se respectent et que, lorsqu'on a des discussions entre nous, on puisse discuter librement et on puisse aller au-delà de la partisanerie parce que, si on veut faire avancer des choses ensemble, il faut pouvoir discuter ensemble. Il faut pouvoir échanger et il faut pouvoir amener des idées qui nous permettront de progresser.

Alors, en ce qui concerne la réflexion, j'y ai réfléchi depuis le mois de mars. J'ai entendu plusieurs arguments. Et, encore ici, aujourd'hui, le 16 juin, j'entends la députée de Saint-Laurent, j'ai entendu le député de Matane-Matapédia, j'ai réfléchi, mais ce que je vous dis, c'est que je maintiens la position parce qu'il s'agit d'une clause précise. C'est une exception que nous avons faite. C'est un droit acquis pour les personnes qui sont déjà à l'emploi en date du 28 mars. Le gouvernement a déjà fait un compromis.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Laurent, pour votre information, oui, il vous reste 2 min 45 s.

Mme Rizqy : Merci. M. le ministre, je comprends que vous faites référence à un incident qui est arrivé entre vous, notamment, et la députée de Rouyn-Noranda, qui n'a rien à voir avec notre formation politique, comme vous le savez. Et, vu qu'on veut vraiment être très précis et rester dans le cadre de l'article 6, et vous faites référence au respect, qu'aussi tous les attachés politiques doivent démontrer du respect, bien, nous en sommes entièrement d'accord. Et c'est pour cela que la députée d'Acadie, lorsque certains incidents sont arrivés, notamment durant les inondations, a rappelé à l'ordre gentiment tout le monde, surtout sur le contenu sur les réseaux sociaux, et s'élever. Alors, la démocratie, évidemment, ça repose sur des bases très concrètes. Elle doit s'incarner dans les institutions. Ça, c'est vous qui l'avez écrit. C'était bien.

Et maintenant je vous rappelle encore, encore, que vous avez ce fameux pouvoir. Et, quand vous dites que l'article 6, avec la lecture de l'annexe II, est très précis, permettez-moi de vous le lire : «Un directeur, un directeur adjoint ainsi qu'un enseignant d'un établissement d'enseignement sous la compétence d'une commission scolaire instituée en vertu de la Loi sur l'instruction publique...» Vous trouvez ça toujours clair? Oui? Je prends pour acquis, je tiens pour acquis que le hochement de tête ainsi, ça veut dire oui? Pouvez-vous le dire au micro, s'il vous plaît, pour les fins des notes sténographiques?

La Présidente (Mme Soucy) : ...s'il vous plaît, votre intervention. Merci.

M. Jolin-Barrette : Il n'y a pas de notes sténographiques.

La Présidente (Mme Soucy) : M. le...

M. Jolin-Barrette : On n'est pas à la cour.

Mme Rizqy : Oui, vous avez raison. Vous avez raison. Je vous l'accorde.

La Présidente (Mme Soucy) : Continuez, Mme la députée.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, peut-être, Mme la Présidente, qu'aujourd'hui le Parti libéral souhaite faire mon procès. Cela étant dit, on va laisser les Québécois juger, si vous êtes d'accord.

La Présidente (Mme Soucy) : On va revenir à l'amendement de l'article 6, s'il vous plaît. Mme la députée de Saint-Laurent, la parole est à vous.

Mme Rizqy : Alors, vous trouvez ça clair, «sous la compétence d'une commission scolaire instituée en vertu de la Loi sur l'instruction publique»? Le 4 juin, votre collègue le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a déjà annoncé qu'il va déposer un projet de loi à l'automne qui abolit les commissions scolaires. Donc, qu'est-ce qu'on fait une fois que votre projet de loi est adopté?

M. Jolin-Barrette : ...le projet de loi a été adopté, Mme la Présidente, bien, écoutez, je ne vois pas la difficulté d'application. La loi s'applique. On parle d'une hypothétique loi qui abolit les commissions scolaires. C'est ce à quoi vous faites référence?

Mme Rizqy : Je fais référence à votre collègue, parce que j'imagine qu'il vous a déjà parlé puisqu'il s'agit aussi d'une promesse électorale qu'il a clairement dit qu'il va réaliser et qu'il a confirmé en entrevue, le 4 juin dernier, qu'il déposera, à l'automne, un projet de loi qui abolit les commissions scolaires. Alors, une fois que votre projet de loi n° 21 est adopté et que son projet de loi sera tabletté... pardon, déposé, et j'imagine que vous allez faire adopter ce projet de loi parce que vous avez une majorité, est-ce que vous trouvez toujours aussi claire votre annexe II pour le fonctionnement? Et comment qu'on va s'assurer que votre projet de loi n° 21 trouve application? Ou il va juste avoir un petit vide?

M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, il n'y aura pas de vide. Puis savez-vous quoi? Bon, premièrement, la députée de Saint-Laurent nous dit : Écoutez, le ministre de l'Éducation a déjà annoncé qu'on allait remplir un de nos engagements électoraux. Bien oui, c'est vrai. Et notre objectif, c'est de remplir tous nos engagements électoraux. Et je trouve qu'on est bien partis. Honnêtement, je trouve qu'on est bien partis. On est sur la bonne voie. Et souvent le Parti libéral, savez-vous, Mme la Présidente, ce qui arrive? Ils nous reprochent de tenir nos engagements électoraux. D'ailleurs, le député de Pontiac le fait souvent à mon collègue de Taillon. Il lui reproche de tenir les engagements pour lesquels on a été élu.

Écoutez, je le sais, que ça dérange, de l'autre côté, qu'on tienne nos engagements, mais on est faits de même, on veut respecter notre parole, on veut respecter ce qu'on dit aux Québécois. Puis, théoriquement... En fait, dans les faits, nous, on le fait. Mais, théoriquement, à chaque fois qu'il y a un gouvernement, il devrait respecter ses engagements. Je sais que ce n'était pas trop le cas du Parti libéral, mais nous, on le fait, on tient nos engagements, bon.

Sur ce point-là, revenons aux commissions scolaires...

Mme Rizqy : ...c'est 80 % des derniers engagements qui ont été respectés lors du dernier mandat. Alors, quand que vous serez rendus à 80 %, on s'en reparlera.

• (15 h 10) •

La Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée, comme je vous ai mentionné tantôt, notre règlement prévoit que, lorsque vous voulez rectifier les... bien, vous le ferez après l'intervention du ministre, s'il vous plaît. Merci. M. le ministre, vous pouvez continuer.

M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, on me dit, du côté du Parti libéral, qu'ils ont réalisé 80 % de leurs engagements. Bien là, ce n'est pas tous les engagements, ça, 80 %. Moi, je connais la députée de Saint-Laurent depuis longtemps, Mme la Présidente. Et elle m'a dit tout à l'heure : Des études universitaires, c'est difficile. Je sais que, pour la députée de Saint-Laurent, ce n'était pas si difficile parce qu'elle était excellente, qu'elle performait et qu'elle avait des très bons résultats, au-delà de 80 %. Et je le sais, qu'elle ne se satisfait pas de résultats de 80 %. Et je sais que, si jamais c'est elle qui prend les rênes du Parti libéral, elle n'acceptera pas un si médiocre résultat. J'ai confiance en elle sur ce point. Ça, j'en suis sûr.

M. Derraji : Question de règlement.

M. Jolin-Barrette : 80 %, ce n'est pas suffisant pour la députée de Saint-Laurent.

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre, juste un... Merci.

M. Derraji : Question de règlement.

La Présidente (Mme Soucy) : M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Je suis désolé de faire une autre intervention de règlement, parce que le ministre maîtrise très, très, très bien nos règlements, et la pertinence de son intervention par rapport aux engagements du parti qui n'est plus au pouvoir, je ne pense pas que ça va aider l'avancement de l'étude de l'article 6. Donc, Mme la Présidente, je vous invite à faire votre travail et à arrêter quand les gens dérapent par rapport à la pertinence de l'article que nous sommes en train d'étudier.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le Nelligan. Je fais mon travail, merci. Je l'ai rappelé à plusieurs reprises. Alors, je vous invite à vous concentrer sur l'amendement de l'article 6. Sur ce, M. le ministre, est-ce que vous aviez terminé votre intervention? Continuez.

M. Jolin-Barrette : Non, Mme la Présidente. Parlons des commissions scolaires parce que la question portait notamment sur les commissions scolaires et le chiffre de 80 %. Et là j'ai un chiffre contradictoire entre la députée de Saint-Laurent et la députée de Marguerite-Bourgeoys. La députée de Marguerite-Bourgeoys me dit 82 %.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Question de règlement? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Allez-y.

Mme David : Mais c'est parce que j'ajoute la pertinence à l'impertinence, là. On n'est vraiment pas dans le sujet. Et puis il fait des histoires de statistiques qui n'ont pas de bon sens. Et lui-même, dans son livre, dit qu'il ne faut pas faire ça en commission parlementaire, puis qu'il faut parler des vraies choses, puis qu'il faut discuter des vrais projets de loi, et qu'il ne faut pas faire de partisanerie politique. Alors, il n'est pas tout à fait d'accord avec lui-même, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Soucy) : J'invite tout le monde à votre collaboration pour se concentrer sur l'amendement de l'article 6 déposé par le député de Jean-Lesage. Alors, pour le bon fonctionnement de notre Parlement, je vous demande la collaboration de part et d'autre des... et, M. le ministre, juste un instant, s'il vous plaît! Alors, Mme la députée de Saint-Laurent, la parole est à vous, à moins que vous ayez une question de règlement.

M. Jolin-Barrette : C'était pour compléter la réponse sur les commissions scolaires.

La Présidente (Mme Soucy) : O.K., je croyais que vous aviez terminé. Alors, allez-y, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, la députée de Saint-Laurent nous dit : Le ministre de l'Éducation a annoncé son intention de transformer les commissions scolaires à l'automne. La députée de Saint-Laurent nous dit : Bien là, votre texte législatif ne fonctionnera plus parce que, s'il n'y a plus de commissions scolaires, la loi ne s'appliquera plus.

Alors, Mme la Présidente, vous savez...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Vous rectifierez les propos après l'intervention. Je vais vous donner la parole tout de suite, sinon il va avoir un échange... On va laisser terminer le ministre, et après ça je vous donnerai la parole. M. le ministre, si vous voulez terminer.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, Mme la Présidente, la députée de Saint-Laurent, qui est une juriste, sait très bien... membre du Barreau? Fiscaliste?

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Fiscaliste, juriste, membre du Barreau, doctorante... Non? Ah! docteure, excusez, docteure, docteure. Docteure.

La Présidente (Mme Soucy) : Article 6. Merci.

M. Jolin-Barrette : Bon, la députée sait très bien comment fonctionnent les lois. Dans l'éventualité où on apporte une loi qui apporte des modifications à d'autres lois, il y a des dispositions modificatrices. Alors, il pourrait y avoir des dispositions modificatrices dans une autre loi.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, monsieur... Merci. Et vous vous...

M. Jolin-Barrette : Si jamais on transformait les commissions scolaires, comme le souhaite le ministre de l'Éducation, pour respecter nos engagements, nous procéderons à la modification législative applicable à l'ensemble des lois qui touchent... les différentes lois qui touchent les commissions scolaires.

La Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Saint-Laurent, pour votre information, il vous reste environ 20 secondes.

Mme Rizqy : ...ça vous a pris énormément de temps pour me répondre, mais je suis contente parce que, là-dedans, je voulais aussi m'assurer que vous avez finalement peut-être siégé en table de concertation avec le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur pour vous assurer d'une certaine cohérence parce que, jusqu'à tant... je n'ai pas remarqué qu'il y avait beaucoup d'échanges entre vous deux pour l'application du projet de loi n° 21.

La Présidente (Mme Soucy) : En terminant.

Mme Rizqy : Alors, je vous demande, là, de considérer deux affaires : un, les étudiants et étudiantes qui sont présentement... je vous redemande puis je fais appel à votre...

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Le temps est écoulé. Maintenant, je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui. Bien, j'écoutais ma collègue de Saint-Laurent. Un point important. Vous savez que, dans mon comté, il y a des étudiantes en enseignement qui ont passé un an, deux ans, trois ans, quatre ans... qui sont sur le point d'arriver sur le marché du travail. Ces jeunes femmes là... et puis il y a des hommes aussi dans mon comté, des hommes qui portent la kippa, qui seront peut-être bloqués s'ils veulent aller travailler dans la fonction publique. Je voulais juste entendre le ministre là-dessus, il est aussi le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion : Si ces gens-là ne peuvent pas avoir accès aux écoles publiques, elles vont aller dans des écoles confessionnelles, elles vont aller dans des écoles privées, elles vont peut-être même partir en Ontario. Est-ce que ça ne va pas un peu à l'encontre de ces grands principes là d'intégration?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente. Ce qu'on fait avec le projet de loi, là, c'est de faire en sorte, là, que, pour certains postes limités, il n'est pas possible de porter des signes religieux. Je comprends, cet après-midi, là, que, peu importent les explications que je vais donner, le Parti libéral va être en désaccord. Ça leur appartient. Puis c'est vrai que ça leur appartient. Ils sont conformes à leurs idées, ils sont cohérents avec leurs idées. C'est : Non, on n'interdit pas le port de signes religieux chez les enseignants. C'est ça, la réalité. On a une position qui est très claire, qui est très campée du côté du Parti libéral. De mon côté, le gouvernement a fait preuve d'ouverture. On a inséré une clause de droits acquis pour les personnes déjà en poste qui portent un signe religieux. C'est un compromis majeur. On a fait un compromis en décidant de retirer le crucifix de l'Assemblée nationale pour le placer, le mettre en valeur ailleurs. C'est un compromis.

Le gouvernement a présenté un projet de loi qui est modéré, qui est applicable et qui rassemble les gens parce que la population québécoise, ce qu'elle souhaite, c'est que les personnes en situation d'autorité, incluant les enseignants, ne portent pas de signes religieux et que la laïcité de l'État soit inscrite dans nos lois. C'est ça que les Québécois souhaitent et c'est ce à quoi le gouvernement s'est engagé. Et nous respectons notre parole.

Le Parti libéral a toujours refusé de légiférer dans ce domaine-là, a toujours refusé. Tout à l'heure, on nous disait : Ah! on a déposé le projet de loi n° 94. Ils avaient deux ans et demi pour l'étudier, le faire adopter, ça n'a pas été fait. On l'a laissé mourir au feuilleton. Dans le cadre du projet de loi n° 62, l'article sur le visage à découvert est suspendu. Et je ne vous ai pas entendue, Mme la Présidente, entendre un député du Parti libéral dire qu'il était en faveur des services publics et de la réception des services publics à visage découvert. Durant toute la commission parlementaire, durant les consultations particulières, durant l'étude détaillée, je n'ai pas entendu de députés libéraux me dire qu'ils étaient d'accord que j'utilise la disposition de dérogation pour faire en sorte qu'au Québec les services publics soient donnés et reçus à visage découvert.

Alors, on m'indique que la députée de l'Acadie n'est pas d'accord avec l'utilisation de la disposition de dérogation pour qu'il y ait des services publics qui soient rendus à visage découvert et reçus à visage découvert. J'ai finalement ma réponse. Le Parti libéral est contre le fait qu'au Québec on reçoive des services publics et qu'on les donne à visage découvert.

La Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, est-ce que vous voulez continuer l'intervention, votre intervention?

Mme Robitaille : Bien, en tout cas, pour en revenir à ces jeunes femmes là dans mon compté, elles auront donné beaucoup puis elles vont être bloquées. Et la moindre des choses aurait été que ces étudiantes-là puissent au moins avoir accès aux écoles publiques pour travailler parce que ça leur permet d'intégrer la société québécoise et, à partir de là, de donner à la communauté, et ça favorise l'intégration, c'est très important. Alors, en bloquant ces étudiantes-là, qui ont donné beaucoup, il me semble qu'on va à l'encontre de l'idée qu'on veut donner d'intégration et d'ouverture au Québec.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée...

Mme Robitaille : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Oui. Non, mais, est-ce que vous aviez terminé?

Mme Robitaille : Non, mais, sur ce, je voudrais revenir à l'article 6 et à l'amendement de mon collègue de Jean-Lesage.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Juste un instant! Elle va juste terminer son point, si vous...

M. Jolin-Barrette : ...hors propos. Alors, j'aimerais ça répondre...

La Présidente (Mme Soucy) : M. le ministre, s'il vous plaît! Je vais vous donner le droit de parole après. Continuez, Mme la députée.

• (15 h 20) •

Mme Robitaille : Alors, si on revient... et justement, si mon collègue de Jean-Lesage a amené un amendement, c'est qu'il y a depuis le début, hein, de l'étude détaillée, depuis le début de l'analyse détaillée de l'article 6... on se pose de sérieuses questions sur l'applicabilité de cet article-là. Ça ne fonctionne pas. On l'a vu dans les journaux. On a eu des chroniqueurs, on a eu des experts en consultation, on a eu des gens des commissions scolaires qui nous ont dit qu'il y aurait un énorme problème avec ça.

Le ministre est arrivé avec son amendement, ça ne nous aide pas plus à comprendre. Et, quand, justement, on a posé des questions, à savoir : Bien, comment le directeur d'école va faire, finalement, pour trancher? On a amené toutes sortes d'exemples au ministre de l'Immigration, et puis lui-même n'a pas été capable de trancher.

Alors, quel... Puis nous, on a voulu amener des lignes directrices pour amener ce directeur d'école là ou cette directrice d'école là à décider si, oui ou non, ce symbole-là ou, en tout cas, cet objet-là est un signe religieux ou non. Et, bon, l'amendement de mon collègue nous donne des lignes directrices, peut-être, nous donne peut-être des pistes, oui, si la personne se prononce, donne son opinion. Mais, encore une fois, je me pose toujours la question : Quel outil donnera-t-on au directeur d'école pour décider, pour trancher, pour voir si ce que porte la personne, ce que porte cette enseignante-là, est bel et bien un signe religieux?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, la question de la députée de Bourassa-Sauvé revient à des discussions que nous avons eues en commission parlementaire, parce que ça fait un bout de temps, là, qu'on parle de l'article 6. La question... Et la députée de Marguerite-Bourgeoys avait déposé un amendement qui disait : On devrait avoir des lignes directrices. Je me souviens de la conversation que nous avions relativement à la présence de liste ou non de signes religieux. Je voulais juste que la députée de Bourassa-Sauvé me rappelle, à savoir est-ce qu'elle, elle souhaitait insérer une liste de signes religieux dans le cadre de la loi, parce que je n'ai pas eu de proposition d'amendement du Parti libéral qui venait circonscrire les signes religieux. Alors, est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé est en faveur ou non d'une liste de signes religieux?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, si vous voulez répondre.

Mme Robitaille : Moi, je veux savoir quels outils on va donner au directeur ou à la directrice d'école parce que, depuis le début de nos discussions sur l'article 6, c'est tellement compliqué que je me mets à la place du directeur ou de la directrice d'école puis, vraiment, je ne saurais pas quoi faire. Il y a tellement de cas ambigus. Alors, je me demande s'ils vont avoir des formations, ces directeurs, ces directrices d'école là, pour déterminer si, oui ou non, c'est bien le principe de la personne raisonnable qui va s'appliquer. Est-ce que, je ne sais pas, moi, est-ce qu'ils vont avoir des experts qui vont venir dans leurs écoles leur dire comment faire? Et de là l'amendement de mon collègue. J'aimerais qu'il nous dise, encore une fois, le ministre, comment il va encadrer ces gens-là qui vont devoir appliquer la loi.

La Présidente (Mme Soucy) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, l'article 6, il est clair. C'est un article qui définit un signe religieux à la demande des collègues du Parti libéral. Et ce qui me désole un peu quand je pose des questions, Mme la Présidente, c'est qu'il n'y a pas de dialogue. J'ai l'impression de parler, Mme la Présidente, et de ne pas avoir d'écoute de l'autre côté par rapport à ce que je dis, Mme la Présidente. J'ai essayé d'avoir une relation bilatérale avec la députée de Saint-Laurent, ça ne fonctionne pas. Là, j'essaie d'en avoir une avec la députée de Bourassa-Sauvé, ça ne fonctionne pas non plus. Je pose des questions, j'aimerais qu'on me réponde aussi parce que c'est pertinent. Pour faire évoluer la discussion, il faut pouvoir échanger et avoir des réponses aussi à mes questions.

Alors, on a un test subjectif et un test objectif relativement à la définition de signes religieux, c'est très clair, c'est applicable. Et, vous savez, lorsque la personne croit elle-même qu'elle porte un signe religieux, c'est interdit. Et, si, aux yeux d'une personne raisonnable, ça constitue un signe religieux, c'est interdit aussi. Les critères, je le répète, ne sont pas cumulatifs. Et je rappelle qu'il y a une clause de droits acquis dans un souci de compromis.

La Présidente (Mme Soucy) : Vous avez terminé, M. le ministre? Merci. Alors, pour respecter la rotation des droits de parole, je vais inviter le député de Jean-Lesage à prendre la parole.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Alors, c'est un véritable marathon. J'aime les marathons, les courses de demi-fond, les courses à relais, mais là j'ai l'impression que, sur mon amendement, peut-être qu'on est un petit peu à bout de course, de peur peut-être d'user trop nos souliers. Je pense qu'on pourrait en venir à voir ce que la commission pense de cet amendement. Alors, je réitère, étant donné que j'en ai fait le développement il y a quand même un certain temps, l'objectif de cet amendement-là et les injustices et les problèmes...

(Interruption)

M. Zanetti : C'est parce qu'il y a le téléphone de quelqu'un qui... C'est pour ça.

La Présidente (Mme Soucy) : ...et à les mettre sur la vibration. Allez-y, M. le député.

M. Zanetti : Oui. Merci. Alors, voilà, l'objectif de cet amendement est de faire en sorte qu'on oublie... de faire en sorte de s'assurer qu'on n'oublie pas, qu'on ne cause pas, quand il y aura une différence entre la perception subjective de ce qu'est un signe religieux pour la personne qui le porte et le jugement qu'on prétend objectif mais qui, selon nous, n'est pas objectif, la personne raisonnable qui devra juger d'un tel signe, s'il a un caractère religieux ou non, quand il y aura une différence entre les deux et qu'il faudra trancher à savoir est-ce qu'on priorise l'interprétation de ladite personne raisonnable, qui ne pensera pas toujours la même chose, ou encore celle de la personne qui porte le signe, donc qui sait très bien s'il y a une valeur religieuse à ce qu'elle porte...

Nous, on veut qu'il soit clair dans la loi, qu'est-ce qui est priorisé, parce qu'en ce moment ça ne l'est pas. Alors, on veut que ce soit clair que, lorsqu'il y a un conflit entre les deux, une contradiction, que ce soit le signe, le critère subjectif qui soit retenu, c'est-à-dire que ce soit la personne qui évalue le caractère religieux ou non du signe qu'elle porte, pour être sûr d'éviter toute forme d'injustice dans l'application par les personnes qui auront à appliquer ça, de cette définition et de cette loi... projet de loi n° 21.

Alors, j'aimerais, si possible, peut-être qu'on mette ça aux voix, là, s'il n'y a pas d'objection.

La Présidente (Mme Soucy) : Si les gens sont d'accord, nous allons mettre l'article... c'est-à-dire l'amendement de l'article 6 aux voix, du député de Jean-Lesage, à moins qu'il y ait d'autres interventions. Alors, est-ce que l'amendement déposé par le député de Jean-Lesage est accepté?

Des voix : Rejeté.

M. Zanetti : Est-ce que je pourrais avoir... Je demanderais le vote nominal, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Soucy) : Ça prend cinq députés, M. le député de Jean-Lesage, pour... Alors, qu'on appelle les députés.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Bien, vous avez demandé un vote nominal. C'est bien ça que vous avez demandé?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Nous allons appeler les députés, si vous demandez un vote nominal. C'est fait. Alors, nous attendons les députés.

• (15 h 28 — 15 h 41) •

La Présidente (Mme Soucy) : Alors, nous reprenons les travaux. Nous avons eu la demande d'un vote nominal.

Donc, les députés qui sont en faveur de l'amendement sur l'article 6 déposé par le député de Jean-Lesage veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Zanetti (Jean-Lesage).

M. Proulx (Jean-Talon), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Barrette (La Pinière), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tanguay (LaFontaine), Mme David (Marguerite-Bourgeoys), M. Rousselle (Vimont), Mme Melançon (Verdun), Mme Ménard (Laporte), M. Fortin (Pontiac), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Benjamin (Viau), M. Derraji (Nelligan), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Sauvé (Fabre), Mme Rizqy (Saint-Laurent), M. Ciccone (Marquette).

M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Ouellet (René-Lévesque), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

La Présidente (Mme Soucy) : Les députés qui sont contre l'amendement veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Jolin-Barrette (Borduas), M. Laframboise (Blainville), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Chassé (Châteauguay), M. Girard (Groulx), Mme McCann (Sanguinet), Mme Roy (Montarville), M. Simard (Montmorency), Mme Lavallée (Repentigny), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme LeBel (Champlain), Mme Lachance (Bellechasse), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Lamontagne (Johnson), M. Carmant (Taillon), Mme Blais (Prévost), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Dubé (La Prairie), Mme Laforest (Chicoutimi), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), Mme Hébert (Saint-François), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Lacombe (Papineau), Mme Charest (Brome-Missisquoi), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Julien (Charlesbourg), M. Boulet (Trois-Rivières), M. Lafrenière (Vachon), M. Poulin (Beauce-Sud), M. Émond (Richelieu), M. Bachand (Richmond), Mme IsaBelle (Huntingdon), M. Chassin (Saint-Jérôme), Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. Bélanger (Orford), Mme Picard (Soulanges), Mme Jeannotte (Labelle), M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Reid (Beauharnois), Mme Dansereau (Verchères), M. Lévesque (Chapleau), M. Thouin (Rousseau), M. Tremblay (Dubuc), Mme Blais (Abitibi-Ouest), M. Campeau (Bourget), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice), M. Caron (Portneuf), Mme Grondin (Argenteuil), M. Girard (Lac-Saint-Jean), Mme Lecours (Les Plaines), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), M. Lamothe (Ungava), M. Bussière (Gatineau), M. Allaire (Maskinongé), Mme Guillemette (Roberval), M. Provençal (Beauce-Nord), M. Jacques (Mégantic).

La Présidente (Mme Soucy) : Y a-t-il des abstentions?

Alors, le résultat du vote : 25 pour, 58 contre, 0... 56 contre, 0 abstention.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Rejeté. Alors, l'amendement est rejeté.

Oui, M. le leader adjoint du gouvernement. Non? Alors, nous poursuivons nos travaux.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Soucy) : Oui. Alors, je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 15 h 50)

La Présidente (Mme Soucy) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous sommes toujours à l'article 6 du projet de loi n° 21. Alors, est-ce qu'il y a des interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.

Mme David : Oui, Mme la Présidente. M. le ministre tout à l'heure a voulu faire des comparaisons de chiffres, 80, 82, alors j'aimerais ça qu'il me dise, une question très, très simple, qu'il réponde à... ce n'est même pas un quiz, c'est une petite question toute simple. 32 plus 27, ça fait combien, d'après vous?

M. Jolin-Barrette : Ça fait 59. Cela étant dit, cela étant dit, en mathématiques, on arrondit toujours au plus haut. Et c'est 59 minutes et... non, 59 heures et plusieurs minutes. Si vous voulez, je peux vous revenir avec le chiffre précis, précis, précis, avec le nombre de minutes et le nombre de secondes. Le souhaitez-vous?

La Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée?

Mme David : Oui, on s'amuse, là, c'est juste pour... Puis, j'imagine, le ministre s'amusait aussi en parlant de 80, 82, alors, hein?

La Présidente (Mme Soucy) : ...article 6 maintenant.

Mme David : Mais il y avait un ministre de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation qui était critique et qui était virulent contre l'arrondissement des notes et pour les augmenter pour les bulletins, si vous vous souvenez bien. Alors, vous parlerez à votre collègue, votre cher ami voisin, le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.

Mais on va revenir à des choses qui sont fondamentales et on n'est plus dans les mathématiques, on s'en va dans un cours de philosophie, si vous permettez, parce que, derrière ce projet de loi, c'est une vision, et vous l'avez dit très souvent, c'est une vision de la société que vous voulez, disons, implanter à travers cette loi sur la laïcité. Et, dans cette vision, il y a un certain nombre de mots qu'il faut définir. Et j'aimerais ça être dans votre tête des fois, vous le savez, pour comprendre comment vous fonctionnez. Je pense que j'en comprends plus que j'en comprenais au début de nos consultations, mais j'essaie de comprendre pourquoi et comment ça se fait que vous êtes si confortable avec le deuxième paragraphe de votre amendement, quand vous dites : «Soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse». Parce que je sais que vous allez m'apporter la jurisprudence, c'est quoi, une personne raisonnable, etc., mais, vous savez, il va y avoir beaucoup d'autorités compétentes qui devront juger de ça. Donc, des personnes raisonnables, il va y en avoir plus qu'une, parce qu'il va y avoir plusieurs commissions scolaires, parce qu'il va y avoir plusieurs directeurs d'école ou autorités déléguées pour appliquer cette loi, pour faire un jugement. Et puis vous savez très bien que tous les êtres humains ne sont pas tous identiques, ne pensent pas tous de la même façon et surtout, surtout, n'ont pas les mêmes références culturelles, les mêmes références, connaissances de la religion.

Parce que, là, il est vraiment question de l'appartenance religieuse. Moi, je peux avoir une idée de l'appartenance religieuse, et je sais que vous allez me donner, me décliner comme une belle leçon apprise votre catéchisme des signes religieux.

Une voix : ...

Mme David : Alors, je dis volontairement «le catéchisme» parce que vous vous souvenez... vous avez peut-être appris le catéchisme, mais peut-être pas, ça dépend, vous êtes trop jeune, je le sais. Moi, j'ai appris beaucoup le catéchisme, et effectivement, «Où est Dieu? Dieu est partout», etc., il y avait vraiment beaucoup, beaucoup de choses qu'on apprenait par coeur. Mais, justement, probablement... et profitons de votre réponse que vous ne connaissez pas le catéchisme, c'est formidable que vous me donniez cette réponse-là, parce que vous êtes l'incarnation même de la nouvelle génération, qui a eu quand même beaucoup moins de références religieuses et qui, selon moi, n'aura aucune idée raisonnablement comment réagir devant quelque chose qu'il ou elle ne connaît pas parce que... Ce n'est pas par mauvaise volonté, ce n'est pas par mauvaise foi. Vous ne savez même pas vous-même c'est quoi, le catéchisme, ou à peu près, ou les 10 commandements. Alors, écoutez, il y a...

Des voix : ...

Mme David : Bien, non, c'est parce qu'il m'a répondu sur le catéchisme. En tout cas, arrêtons...

La Présidente (Mme Soucy) : Je vous invite à être prudente et continuez votre intervention, Mme la députée.

Mme David : Le collègue, je savais qu'il dirait ça, alors je vais essayer de dire tous les mots qui vont faire en sorte qu'il ne saura pas comment m'interrompre, et ça, c'est presque un défi, hein, qu'on se donne tous les deux.

Et donc ce qui est important, c'est que lui et moi, de deux générations différentes, on incarne le Québec autant l'un que l'autre, avec des références culturelles différentes, des références scolaires différentes, des références d'éducation différentes, des références peut-être de lieu de naissance, de parents catholiques ou pas, de... C'est infini, les différences entre deux êtres humains qui, pourtant, sont à quelques mètres, ici, de séparation.

Et donc, imaginez, imaginez quelqu'un qui a la délégation d'autorité, justement, pour appliquer ça tel qu'on le dit, je crois, à l'article 12 : «Il appartient à la personne qui exerce la plus haute autorité administrative [...] de prendre les moyens nécessaires pour assurer le respect des mesures qui y sont prévues.» D'abord, ça va être une sorte de patate chaude, et là, la plus haute autorité, tout le monde va regarder à terre pour ne pas devenir la plus haute autorité administrative.

Parce qu'on a posé plein de questions sur l'application de ça. Qui va vouloir aller dire : Je crois que, selon le deuxième alinéa proposé dans la supposée définition de signe religieux, je suis donc la plus haute autorité administrative à avoir la formidable responsabilité et honneur de vous dire, cher collègue, que raisonnablement je considère que votre signe religieux réfère à une appartenance religieuse faisant partie des 105, 106, 107 — plus de 100, donc, dans la liste de Statistique Canada — religions différentes? Alors, c'est-u la 58e, la 57e?

Il veut absolument être un bon administrateur à qui on a délégué la plus haute autorité administrative. Il arrive le matin et puis là il se fait dire soit par quelqu'un soit qu'il l'observe lui-même, parce qu'il est un gestionnaire qui veut appliquer toutes les lois... Et le ministre l'a dit tout à l'heure, nul ne peut prétendre qu'il ne connaît pas les lois... Là, j'ai besoin de mes collègues juristes, là, nul...

Une voix : ...

Mme David : Nul ne peut ignorer la loi. Merci beaucoup, cher collègue. Je savais qu'il y avait plein de juristes qui viendraient à mon secours. Nul ne peut ignorer la loi. Donc, cette pauvre haute autorité administrative qui arrive dans son école un matin puis qui dit : Oupelaïe! Mon collègue vient de me dire... ou moi, j'observe quelque chose que je n'avais pas observé, je suis obligé maintenant, la loi est passée.

Et puis là je peux bien poser la question à la personne et qu'elle me réponde oui ou non, mais, comme ce n'est pas cumulatif, c'est alternatif, en tout cas, il s'agit, moi, dans mes mots à moi, que ça soit un... parce qu'il faut parler au vrai monde un jour, aussi, pas juste aux juristes, que ça soit soit l'un soit l'autre, et non pas les deux. Et je pense que le conseiller du ministre trouve que j'ai raison dans ma définition. Donc, c'est soit l'un soit l'autre, et non pas les deux. Donc, O.K., admettons que ce n'est pas le premier. Mais là il lui reste juste le deuxième. Puis, le deuxième, bien là, il va où pour se guider dans ce qu'il a vu ou ce qu'il a entendu dire que peut-être que? Et, pour rajouter au niveau de complexité, on est pratiquement aux Jeux olympiques, là, le signe n'est pas visible. Oh là là! Qu'est-ce qu'on fait, en plus? Le signe n'est pas visible... Bonjour, Mme la Présidente. Je n'avais pas remarqué qu'il y avait un changement de présidence.

Et donc, là, je pense qu'il va vouloir retourner chez lui, parce que, là, il va trouver que sa job est très, très, très difficile. Il faut qu'il décide entre le premier paragraphe ou le deuxième paragraphe. Il faut que, tout de suite, il dise : Oh mon Dieu! On m'a délégué comme étant la plus haute autorité administrative, ce n'est pas vrai! Je pense que je m'en retourne chez nous. Deuxièmement, il doit choisir entre 1° et 2°, puis, si c'est le 2°, il dit : Mais là qu'est-ce que je fais? Puis là, après ça, il faut qu'il aille vérifier s'il y a vraiment le port d'un signe religieux, parce qu'il est obligé, selon l'article 12, de prendre les moyens nécessaires. Aïe! Les moyens nécessaires. C'est quoi, ça, «les moyens nécessaires»? Parce qu'il faut qu'il porte un jugement, d'abord. Est-ce qu'il y a vraiment un signe religieux?

• (16 heures) •

Alors là, on a eu droit à toutes les réponses, alors des réponses qui ont été, après, contredites et puis qu'un ministre a dit quelque chose, l'autre ministre a dit autre chose. On ne fera pas de fouilles à nu. Mais là on fait quoi, là, quand on veut absolument... Parce qu'il a beau dire que les citoyens vont respecter la loi, mais il y a plein de corps institués qui sont là pour faire observer la loi. Que ça soit sur les autoroutes, que ça soit dans n'importe quoi, il faut respecter les lois.

Alors, il veut respecter la loi, il veut obéir au ministre. Il est responsable, ce pauvre directeur d'école ou... puis là on ne lui a pas donné de ligne directrice. On lui a donné deux amendements dont le ministre dit, à tort, qu'on les trouve extrêmement formidables, ces amendements. Mais on ne les trouve pas formidables, ni extrêmement formidables, parce que raisonnablement ils ne sont pas assez clairs. Puis moi, je suis une personne raisonnable et puis je ne considère pas raisonnablement que je pourrais appliquer la loi si j'étais un ou une directrice d'école ou une autorité administrative, parce que peut-être que le signe, il n'est pas visible. Puis là le collègue est venu dire : Tu sais, là, telle collègue, moi, je pense qu'elle porte un signe religieux. Puis c'est peut-être une parure, puis c'est peut-être un vêtement, puis c'est peut-être un bijou, mais aïe! là, qu'est-ce que c'est qu'on fait, là? Qu'est-ce que c'est qu'on fait? Puis là conciliabule, puis là le pauvre responsable administratif, il va aller voir peut-être... il va être super mal à l'aise, mais il va peut-être aller voir le ou la collègue qui, en principe... peut-être que oui, peut-être que non, parce que ce n'est pas visible. Puis, ô problème, ce jour-là, la personne... le signe est devenu invisible parce que la veille, il était peut-être visible, parce que le vêtement était différent, porté différemment. Là, il fait quoi? Il dit quoi?

Alors, il fait signer un serment, un engagement moral? On n'a jamais entendu ces questions-là, jamais, jamais. Et tout le temps, tout le temps, tout le temps, le ministre nous dit : Je veux collaborer, je veux l'améliorer. Mais ce n'est pas vrai parce qu'il s'autosuffit à lui-même, le ministre. Il trouve que son article 6, tel que modifié, répond à tout. Nous, en tout respect, on trouve que ça ne répond non seulement pas à tout, mais ça répond à très peu de choses.

Alors, je suis très embêtée, d'autant plus embêtée que, si on va chercher dans les dictionnaires, je l'ai fait, ce qu'est un signe objectif, ils réfèrent toujours... Puis là je le vois, dans sa tête, le mot «objectif» va apparaître dans quelques secondes. Il va dire que le deuxième paragraphe, c'est un critère objectif. Mais qu'est-ce que l'objectivité, M. le ministre, dans notre humble planète? C'est quoi, l'objectivité? Il n'y en a pas, d'objectivité.

Alors, comment il va faire? On en a parlé pour la liberté académique, on en a parlé pour d'autres choses. L'objectivité, j'aimerais ça, comme vous, que les choses soient claires dans la vie. On se lève le matin, là, tout est clair. Mais vous êtes ministre, vous déposez des lois puis vous êtes là pour les défendre, pour nous les expliquer. On est là pour soumettre à votre attention qu'il y a peut-être des petits mots qui ne sont pas clairs. Mais, dans ce cas-ci, je suis obligée de vous demander, sans que vous me répondiez par des mots de juriste, que vous pensiez aux directeurs d'école, par exemple, qu'est-ce que c'est, voulez-vous bien me dire, que l'objectivité, en termes d'appartenance religieuse.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mme la Présidente, il y a plusieurs choses dans ce qui a été dit par la députée de Marguerite-Bourgeoys.

La première est au niveau du paragraphe 2° de l'article 6, qui est «soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse». On questionne la notion de personne raisonnable, que nous avons eu l'occasion d'étudier à plusieurs reprises dans le cadre de nos travaux. Personne raisonnable : «Personne fictive qui sert de modèle objectif pour l'analyse de la conduite d'une personne afin de déterminer si elle a commis une faute qui pourrait engager sa responsabilité civile ou pénale.

«Modèle auquel se réfère la loi lorsqu'il y a lieu d'analyser la conduite d'une personne. En matière contractuelle, personne qui se comporte avec bon sens [et] d'une manière réfléchie lorsqu'elle contracte avec une autre...»

Ça, c'est le sens de la personne raisonnable. Notamment, également, la Cour suprême l'a défini, qu'est-ce que constituait la personne raisonnable. Écoutez, dans des conventions collectives, notamment dans le secteur de l'éducation,  supposons la CSQ, un emploi convenable : «Un emploi approprié qui permet à une enseignante ou un enseignant victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche...»

Le critère de raisonnabilité, de personne raisonnable, c'est un critère avéré par la jurisprudence. Je sais, et c'est présent dans le corpus législatif aussi, à de nombreuses reprises, on en a fait la démonstration. Alors, c'est un critère qui est applicable.

Lorsqu'on fait l'analyse, là, de l'article 6, on m'a demandé de définir ce que constitue un signe religieux. On le dit, c'est un objet. Pour savoir si c'est un signe religieux, on se met dans... La personne qui porte l'objet, elle-même, si elle considère que c'est un objet, c'est interdit durant la prestation de travail. Si la personne dit : Ça ne constitue pas un objet religieux, un signe religieux, mais qu'aux yeux de la personne raisonnable c'en est un, c'est considéré comme un signe religieux et ce n'est pas permis de le porter.

La collègue de Marguerite-Bourgeoys, Mme la Présidente, tout à l'heure, me disait : Peut-être, le ministre ne connaît pas le catéchisme, et les différents... les 10 commandements, et, comment je pourrais dire, les composantes des différentes religions. Je n'ai pas la prétention, Mme la Présidente, de tout connaître, mais j'ai une connaissance générale des choses aussi. Mais je sais très bien que le catéchisme peut servir également à faire le petit catéchisme de l'électeur aussi. Alors, c'est un peu un clin d'oeil avec ce qu'on fait aujourd'hui. On adopte la Loi sur la laïcité pour démontrer que la société québécoise est pleinement laïque. Or, à l'époque où le crucifix a été installé par Maurice Duplessis, on distribuait des petits catéchismes de l'électeur à la campagne électorale de 1935.

Alors, voyez-vous, c'est un peu ironique, mais c'est un peu une illustration de ce qu'on fait avec la Loi sur la laïcité de l'État. On a cheminé, au Québec, d'une façon évolutive, d'une façon progressive. Mais on a eu un chemin qui nous a amenés à adopter le projet de loi n° 21 relativement à la laïcité de l'État, relativement à avoir une séparation formelle entre l'État et les religions.

Au niveau des moyens nécessaires, à l'article 12, c'est présent couramment dans le corpus législatif, dans 22 lois, dans 38 règlements, l'utilisation des moyens nécessaires.

La députée de Marguerite-Bourgeoys m'a posé beaucoup de questions au salon bleu, ici, relativement à l'invisibilité des signes. Elle disait : La croix invisible... Et j'ai toujours dit que la loi s'applique avec discernement. Ça, c'est fondamental, et chaque personne qui est investie d'appliquer la loi le fait avec discernement. La personne qui porte un signe religieux, elle doit se conformer à la loi. Si elle sait que ça constitue pour elle un signe religieux, elle ne peut le porter durant sa prestation de travail. L'autorité chargée de l'application de la loi fera preuve de discernement aussi dans l'application des mesures, comme c'est toujours le cas. Il faut faire confiance aux personnes qui sont chargées de l'application de la loi, d'autant plus que ce sont des cadres qui ont des responsabilités importantes, des gestionnaires, les gens des ressources humaines souvent. Il y a des cas de complexité à travers les différentes normes en matière de relations de travail, et ce sont des professionnels.

Alors, les plus hautes autorités responsables, administratives, se chargeront de l'application de la loi. Et j'ai confiance dans l'intelligence du jugement des gens, Mme la Présidente. Il faut faire confiance aux gens. Il faut surtout faire confiance au fait que les gens respecteront la loi. Et l'interprétation de la loi que l'on donne, c'est notre interprétation, c'est l'interprétation du législateur. Et je l'ai répété à plusieurs occasions, Mme la Présidente, à l'effet que c'est très clair que, pour nous, tout signe religieux est interdit. Et on a mis un double critère, qui n'est pas cumulatif, avec une analyse subjective et une analyse objective. Alors, les balises sont là pour guider la plus haute autorité administrative dans le cadre de l'application de la loi. Je pense que c'est très clair et je pense que nous avons fait le débat sur l'article 6.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Vous écoutiez avec passion ce que le ministre disait, mais moi, je suis toujours déçue parce que j'ai l'impression qu'on n'avance pas dans cette réflexion-là parce que vous donnez toujours les mêmes réponses. Vous allez dire que je pose toujours les mêmes questions, mais c'est parce que je n'ai pas les réponses. Alors, à un moment donné, on finit par... mais là vous m'avez donné quand même une petite brèche dans vos réponses, et puis comme vous, vous voyez bien les brèches chez les autres, moi, j'essaie de voir les brèches aussi dans nos conversations, peut-être une petite lueur où ça va me permettre d'aller un peu plus loin.

Quand vous dites que le signe est invisible et que l'autorité fera preuve de discernement face à la situation, disons ça comme ça, savez-vous ce qui me venait, M. le ministre? C'est ce cher directeur d'école ou directrice d'école, un matin, qui se fait dire : Moi, je ne sais pas, là, M. le directeur, mais il me semble que ce collègue-là, hier, j'ai vu une croix portée à son cou. Puis là le directeur dit : Que c'est que je fais avec ça? Puis là finalement la personne est peut-être convoquée ou alors il fait semblant d'aller dans classe puis il prétexte quelque chose pour regarder s'il y a la petite croix. Puis là la croix n'est plus là parce que ce jour-là l'habillement est différent, et donc ça cache. Bon.

J'entends de ce que vous dites, mais peut-être que vous allez me préciser votre pensée, que l'autorité fera preuve de discernement. Ça veut dire quoi, discernement? Bof! On n'interviendra pas parce qu'on n'est quand même pas pour aller... vous comprenez, je n'ose même pas finir ma phrase parce que je ne le sais pas comment il va vérifier ça. Il va dire : J'ai eu la délation de quelqu'un qui est venu me dire qu'hier tu portais une petite croix, mais là je ne la vois pas, mais là est-ce que je te demande d'ouvrir le premier bouton de ta chemise pour regarder s'il y a ça?

• (16 h 10) •

Savez-vous c'est quoi, la différence entre ce discernement que vous demandez aux directeurs d'école ou à l'autorité d'appliquer pour quelqu'un qui aurait un signe invisible, sous-entendu le plus souvent catholique, puis on se rappelle que la religion pourra discuter de religion, si vous manquez de connaissances là-dessus, et l'autre qui porte le hidjab? C'est que vous aurez, dans le discernement... vous n'aurez pas cette question philosophique importante et morale de dire : Est-ce que je vais lui demander si je peux vérifier si elle porte un signe invisible? Alors que les signes auxquels vous aimez tant vous référer, qui sont des signes visibles, qui sont le hidjab, le turban, la kippa, mais ça, c'est visible, donc il n'y a pas de question de discernement.

Alors, quand vous parlez de discernement, j'entends que nous, les signes invisibles, sous-entendus souvent la croix de ma grand-mère à laquelle j'ai tant référé, bien là, bien, ce n'est pas grave, on laissera passer parce qu'on n'est quand même pas pour faire de l'acharnement religieux, un peu comme l'acharnement thérapeutique, mais de l'acharnement religieux, alors que les signes dits visibles, d'autres ont parlé d'ostentatoires dans une autre législature, bien, ceux-là, c'est évident qu'il y a des religions. Et plusieurs spécialistes l'ont dit, il y a des religions dont les signes, ce n'est pas une mesure comme prendre la température corporelle, quand on dit : Tu fais de la fièvre, tu ne fais pas de la fièvre, avec nos enfants ou nous-mêmes. Ce n'est pas parce qu'un signe est visible que la personne a plus de convictions religieuses que quand le signe est moins visible, comme une croix qui est plus petite, ou qui peut être portée, ou qui peut même ne pas être portée, mais quelqu'un est très, très, très catholique ou farouchement provie... Puis ça, on aura des belles discussions là-dessus aussi. Mais moi, quand j'entends votre réponse, là, l'autorité fera preuve de discernement, j'entends les plus visibles, ce sera plus facile, puis les moins visibles, bien, on laissera passer.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre, est-ce que vous voulez répondre à Mme la députée?

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, Mme la Présidente, je voudrais juste réitérer à la députée de Marguerite-Bourgeoys que je n'ai pas de signe religieux préféré, hein? Parce qu'elle a dit : Les signes préférés auxquels vous référez. Alors, à chaque fois que j'ai parlé de signe religieux, Mme la Présidente, c'est suite à une demande du Parti libéral qui me demandait d'énumérer les signes religieux. Alors, j'ai donné des cas d'exemples, Mme la Présidente. D'ailleurs, je n'ai toujours pas eu ma réponse à savoir est-ce qu'on devrait insérer une liste de signes religieux ou non. La députée de Bourassa-Sauvé, je lui ai posé la question tout à l'heure; j'attends toujours, Mme la Présidente.

Alors, plusieurs éléments qui ont été soulignés. Au niveau de l'application de la loi, la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Il va y avoir des difficultés d'application. Et on semble dire que les agents chargés de l'application de la loi ne devraient pas faire preuve de discernement. Mais je veux savoir : Dans le cadre du projet de loi n° 62, au niveau des accommodements religieux, est-ce que, pour les agents chargés de l'application, ça prend du discernement, ça prend du jugement?

La Présidente (Mme Gaudreault) : Est-ce que c'est une question, M. le ministre? Oui? Alors, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Bien, je sais que c'est le sport préféré du ministre, quand il ne sait plus où aller dans sa réponse, de poser une question. C'est vraiment, vraiment tellement... je l'ai vu tellement souvent que ça en est même un trait de personnalité. Alors, je n'irai pas là-dessus, évidemment. Mais je veux qu'il continue avec cette question de discernement, justement, parce que c'est vraiment important.

Quand le directeur d'école qui doit appliquer, selon l'article 12, et prendre les mesures... Vous n'avez pas été capable, jusqu'à maintenant, de donner un exemple, un exemple, du début à la fin, d'une journée d'autorité compétente, là, la journée d'un directeur d'école, là. Il n'y a pas personne, demain matin, qui va se réveiller avec cette loi, malheureusement adoptée, qui va savoir quoi faire dans son école. Et ça va être kafkaïen, ça va être ubuesque, ça va être surréaliste, tous les adjectifs ont été donnés.

Yves Boisvert, qui dit : «À partir de quand un objet ou un vêtement devient-il "raisonnablement considéré comme faisant référence à une appartenance religieuse"?» Agnès Gruda, qui dit : «Faudra-t-il faire appel à des experts pour décider si toutes les croix réfèrent forcément au christianisme? Et toutes les étoiles de David au judaïsme? Si des boucles d'oreille en forme de croix "réfèrent" ou non à Jésus?» Pourquoi vous n'aimez pas ça répondre à ces questions-là? Ce n'est même plus moi, là, l'humble députée, qui vous pose la question, c'est des gens qui font des éditoriaux, c'est des profs d'université que des fois vous aimez, d'autres fois vous aimez moins. C'est toutes sortes de monde qui vous posent en toute honnêteté des questions.

Alors, je le sais, que j'ai fait une faille, là, parce que je sais que c'est juste là-dessus que vous allez me répondre. Puis vous pouvez. Ça ne me dérange plus. Mais, quand même, il y a des gens importants dans la société qui ont ça. Puis vous allez voir, un jour, peut-être qu'on réussira à se rapprocher puis à avoir des consensus. Mais pour l'instant, tant que vous n'êtes pas capable, par empathie, de vous mettre dans la peau de quelqu'un qui aura à appliquer votre loi, je trouve ça très décevant.

>959 La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée.

Avant de poursuivre, j'aimerais inviter les membres qui sont ici aujourd'hui, là, s'il vous plaît, évitez les échanges trop bruyants puisque ce sont vraiment les membres de la commission qu'on devrait entendre ici en priorité.

M. le ministre, est-ce que vous vouliez intervenir à ce point-ci? Alors, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, moi, j'aime tous les professeurs d'université. Cependant, je ne note pas la même réciprocité de tous les professeurs d'université à mon endroit. Alors, c'est plus ça, la difficulté, je crois, à laquelle on fait référence. Et je ne vise pas la députée de Marguerite-Bourgeoys ni la députée de Saint-Laurent. On parle de professeurs d'université à l'extérieur de cette enceinte.

Deuxièmement, l'article du projet de loi, avec les critères, le fait de se mettre dans la position de la plus haute autorité, nous l'avons fait, et, avec ces critères-là, c'est justement que ça va permettre à la plus haute autorité d'appliquer la définition de «signe religieux», comme ça se fait pour les demandes d'accommodement. Il y a toujours une notion de discernement lorsqu'on applique une norme. Ça s'applique autant du policier qu'un agent autorisé... par un poursuivant autorisé. Dans tous les cas, la personne qui est chargée de l'application de la loi, et ceci, présentement, en matière civile, fait en sorte que, dans le domaine du travail, c'est la plus haute autorité administrative. Il n'y a pas de difficulté d'application, tel que c'est soulevé par la collègue de Marguerite-Bourgeoys, avec égards.

Et il faut se rappeler, Mme la Présidente, que le sens commun, Mme la Présidente, commande et explique l'interdiction des signes religieux. Ce n'est pas nouveau, là. Les Québécois savent ce qu'est un signe religieux. Il n'y a pas de crainte à avoir, Mme la Présidente. La définition permet de s'assurer de faire en sorte que les signes religieux seront interdits. Si la personne perçoit le signe religieux comme un signe religieux, c'est interdit. Il faut se fier à la bonne foi des gens. Et, lorsqu'on me parle des signes invisibles, de dire qu'on vise certaines religions plutôt que d'autres, c'est faux, Mme la Présidente. Toutes les religions sont traitées équitablement, sur le même pied d'égalité. D'ailleurs, ça fait même partie de la définition que nous avons adoptée au niveau de la laïcité, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, et surtout le respect de la liberté de conscience et la liberté de religion.

Alors, je pense qu'avec la définition que nous donnons, avec l'intention du législateur, il n'y aura pas de difficulté d'application relativement au projet de loi, à son application et à l'application de l'article 6 tel qu'amendé.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Avant de poursuivre, je voudrais vous confirmer qu'il vous reste deux minutes de temps de parole. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

• (16 h 20) •

Mme David : Vous savez, je vais le faire rapidement, mais je veux référer à mon expérience personnelle de ministre. Un jour, vous ferez ça, vous passerez le mot à vos collègues, et vous serez plus vieux, et sage, et tout ce qu'on veut, et vous direz peut-être : Bien, c'est bon, dans des projets de loi, d'avoir des guides d'accompagnement. On en a beaucoup discuté. Dans un projet de loi que j'ai fait, les gens ne savaient pas comment appliquer, entre autres, ce qu'est une violence à caractère sexuel. Il faut des définitions précises. Puis on demande à des centaines d'institutions d'appliquer une loi, mais ils disent : Oui, mais commençons par la définition. Vous, vous êtes un extraordinaire optimiste, serein par rapport à, peut-être... par rapport à cette question-là, mais j'ose dire que ce n'est pas partagé du tout, du tout par ceux qui auront à le faire.

Je donne un exemple. Quand vous êtes policier puis qu'il faut que vous arrêtiez quelqu'un qui est en excès de vitesse, on lui fournit quelque chose — je ne sais pas si vous savez comment ça s'appelle — on lui fournit quelque chose pour qu'il puisse mesurer la vitesse. Ça s'appelle un cinémomètre. Alors, avec ça, il peut vous arrêter, vous, parce que vous voulez revenir trop vite à la maison. Et là, ce n'est pas votre cas, évidemment, ce n'est pas vous qui conduisez, mais ça arrive de se faire arrêter, même dans ces belles voitures là. Et on donne un outil, donc, aux gens pour appliquer les lois, puis la loi, c'est 100 kilomètres-heure. Tu fais 112, 125, tu te fais arrêter, mais là tu as une preuve.

Là, la preuve qu'on appartient à une religion ou à une autre, que le signe est religieux ou pas, j'aimerais ça être dans votre peau des fois, je dormirais mieux parce que je dirais : Mon Dieu que ça a l'air simple! Ça a l'air simple, les applications de loi, pour lui. La religion, ça fait des millénaires que ça dure puis ça a l'air, pour vous... d'un article de loi, ça décrit... C'est objectif. Là-dessus, je n'arrive pas à me mettre dans votre cerveau. Là-dessus, je ne suis pas capable d'empathiser avec la façon presque désinvolte que vous dites : Ça va être facile. Je ne suis pas sûre.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée, malheureusement, je dois vous...

Mme David : Ce n'est pas gentil, «désinvolte»?

La Présidente (Mme Gaudreault) : Non, non. Je dois vous interrompre puisque vous n'avez plus de temps de parole. Est-ce que vous voulez intervenir, M. le ministre? La parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mais désinvolte, Mme la Présidente, je ne pense pas que c'était très gentil.

Cela étant dit, revenons au policier. Quel est l'outil pour donner un constat d'infraction? D'ailleurs, je tiens à rassurer la collègue de Marguerite-Bourgeoys, mon garde du corps respecte les normes, le Code de la sécurité routière. Et je sais qu'elle le sait.

Mme David : Vous savez qu'on a des choses en commun.

M. Jolin-Barrette : Oui, plus qu'on pense. Plus qu'on pense. Alors, revenons au cinémomètre. Le policier qui donne un constat d'infraction ne le donne pas nécessairement en fonction du cinémomètre, hein? Il n'est pas requis pour... Bien, il peut, mais il n'est pas requis d'avoir un outil technologique pour le faire. Ça, c'est bien important. Il peut estimer la vitesse, et son témoignage vaut preuve aussi. Alors, ça, c'est important aussi de dire ça. Il vaut preuve... Le policier fait preuve de discernement dans l'application de la loi. Un agent chargé de l'application de la loi fait preuve de discernement. Et je pense qu'à tous les jours les gens qui sont chargés de l'application de la loi le font avec jugement.

Est-ce que je suis serein? Est-ce que je suis optimiste, Mme la Présidente? Oui, parce que j'ai confiance dans les gens. Et j'ai confiance aussi qu'il y a une volonté que le projet de loi soit adopté et surtout que les gens respectent la loi.

Vous aurez toujours des situations, et on ne le souhaite pas, où des gens tenteront de contrevenir à la loi. Ça arrive. Or, notre travail, c'est d'inviter les gens à respecter la loi et de leur expliquer l'importance de la loi. Et, dans ce cas-ci, on est face à une situation où l'État québécois, il devient laïque et il y a des exigences qui sont traduites à travers l'interdiction de porter des signes religieux. Alors, Mme la Présidente, la définition, elle est claire, et je l'ai proposée en conformité avec ce qu'on m'a demandé du côté du Parti libéral. J'ai inséré des critères d'analyse pour faire en sorte de couvrir toutes les situations et critères d'analyse subjective et objective. Je pense que nous avons fait le tour de la question.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le ministre. Je crois que Mme la députée de Bourassa-Sauvé a demandé à prendre la parole. La parole est à vous.

>17841 Mme Robitaille : Oui, une petite intervention. Bien, j'écoute le ministre. Je comprends que le directeur d'école raisonnable, c'est quelqu'un qui a un gros bon sens. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de parler du critère de la personne raisonnable. Pour fins d'archive, Mme la Présidente, «personne raisonnable» : «Modèle auquel se réfère la loi lorsqu'il y a lieu d'analyser la conduite d'une personne. En matière contractuelle, personne qui se comporte avec bon sens et d'une manière réfléchie lorsqu'elle contracte avec une autre. Personne fictive qui sert de modèle objectif pour l'analyse de la conduite d'une personne afin de déterminer si elle a commis une faute qui pourrait engager sa responsabilité civile ou pénale.»

Mme la Présidente, l'interdiction des signes religieux... On n'est pas la seule juridiction dans le monde entier à interdire le port de signes religieux. Et, dans d'autres États, Mme la Présidente, ils ont des lois, et les lois sont appliquées. Est-ce que le Parti libéral a moins confiance dans les gestionnaires québécois relativement à leur jugement que dans des gestionnaires européens qui appliquent les lois? Honnêtement, là, il faut faire confiance à l'intelligence des gens. Et je pense que, si, dans d'autres juridictions, c'est possible de le faire, bien ce n'est pas saugrenu non plus de le faire au Québec lorsqu'on se définit un modèle propre de laïcité, lorsqu'on décide, là, qu'au Québec il y a une interdiction du port de signes religieux pour certaines personnes en situation d'autorité.

Et d'ailleurs, et d'ailleurs, je pense que c'est fondamental d'aller en ce sens-là. Ça fait 11 ans, 12 ans qu'on en parle. Dans le rapport Bouchard-Taylor, là, on exprimait le fait que les personnes qui incarnent l'autorité de l'État, qui exercent un pouvoir de coercition, devaient être visées par l'interdiction de porter un signe religieux. Et même M. Bouchard et M. Taylor disaient — je pense, c'est plus M. Bouchard — disaient : Les administrateurs des commissions scolaires devraient être visés par l'interdiction du port de signes religieux.

Alors, on s'inspire du rapport Bouchard-Taylor. Et, si de grands sociologues comme M. Bouchard et M. Taylor ont recommandé l'interdiction du port de signes religieux et que M. Guy Rocher, éminent sociologue, également professeur émérite à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, dit... Écoutez, avec sa grande sagesse, qui a participé à la rédaction du rapport Parent au début des années 60, qui a vu la déconfessionnalisation du système scolaire québécois, la sécularisation, qui a participé à la sécularisation de la société, peut-être qu'on devrait se référer à M. Rocher, peut-être qu'on devrait écouter ce qu'il nous dit. Et qu'est-ce qu'il nous dit, M. Rocher? Il nous dit : Les enseignants ne devraient pas porter de signes religieux. Et ce n'est pas moi qui le dis, Mme la Présidente, c'est Guy Rocher.

Alors, M. Taylor est d'un avis, disons, divergeant. Mais, pour M. Taylor, son avis change relativement souvent. Alors, en termes de pensée, je vais me référer à M. Rocher.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui. Je ferais juste remarquer que M. Bouchard a jugé ce projet de loi là radical.

M. Jolin-Barrette : Et M. Bouchard a aussi dit que c'était une erreur de ne pas avoir mis les recommandations de son rapport dans un projet de loi à l'époque où il a été rendu. Alors, M. Bouchard n'est pas d'accord avec le fait que les enseignants soient visés par l'interdiction du port de signes religieux, mais M. Bouchard est d'accord avec le reste, par exemple.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

>17841 Mme Robitaille : Oui. Alors, M. Bouchard a dit que le projet de loi était radical. Il a aussi dit que le projet de loi était inapplicable. Alors, on a un problème. En tout cas, un des coauteurs du rapport Bouchard-Taylor...

M. Jolin-Barrette : Bien, question intéressante, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gaudreault) : On va laisser Mme la députée terminer, M. le ministre.

Mme Robitaille : Donc, radical et inapplicable. Alors, on a un problème. L'homme... le directeur d'école qui a... le directeur d'école raisonnable, sérieusement, là, sérieusement, pensez-vous que le directeur d'école raisonnable va se bâdrer d'un signe religieux invisible, même s'il sait que le gars, il porte une croix en dessous de son chandail? Pensez-vous vraiment, Mme la Présidente, que le directeur d'école raisonnable va vraiment se bâdrer de ça?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : J'aimerais ça qu'on définisse «se bâdrer de ça». Qu'est-ce qu'on veut dire par là?

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Bien oui, oui, avec plaisir. Pensez-vous vraiment que le directeur d'école va se soucier de cela?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Du fait qu'une personne porte un signe religieux sous ses vêtements?

Mme Robitaille : Oui. Il le sait, on lui a dit. Alors, qu'est-ce que vous pensez que le directeur d'école raisonnable devrait faire?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, dans un premier temps, les individus savent qu'ils ne peuvent pas porter de signes religieux s'ils sont visés par la loi. Premier élément.

Deuxième élément, si ça constitue un signe religieux aux yeux d'une personne raisonnable, il est interdit. La députée de Bourassa-Sauvé aime beaucoup, beaucoup donner des exemples qui sont hypothétiques. Peut-être, alors, Mme la Présidente, on se retrouve dans une situation où la définition, elle est claire. Les gens souhaitent se conformer à la loi. Ça, c'est fondamental.

Je reviens sur les propos de M. Bouchard. Le projet de loi, il est inapplicable. La députée de Bourassa-Sauvé dit cela. M. Bouchard soulève des difficultés, dans son opinion, relativement aux professeurs... aux enseignants, pardon, aux enseignants. Or, pour le reste du projet de loi, c'est le contenu de son rapport, notamment. Alors, je doute que M. Bouchard considère que l'intégralité du projet de loi est inapplicable, considérant le fait que ce sont ses propres recommandations que l'on retrouve dans le cadre du projet de loi. Alors, je pense qu'on devrait citer M. Bouchard à bon escient et de façon adéquate lorsqu'on invoque ses propos.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Je pense que le ministre ne répond pas à ma question toute simple, Mme la Présidente. Est-ce que, et c'est important de le savoir, est-ce que le directeur d'école raisonnable devrait se soucier du signe religieux qui est porté sous le col roulé de son enseignant?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, l'enseignant... le directeur d'école fait preuve de discernement dans l'application de la loi. C'est interdit de porter un signe religieux. Durant la prestation de travail, c'est interdit de porter un signe religieux.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : O.K. Alors, ce que je comprends, c'est que le directeur d'école devrait agir parce que son enseignant porte une croix sous son col roulé. Est-ce que c'est vraiment sérieux? Est-ce que ce n'est pas une perte de temps?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, la loi, elle est claire. Ce n'est pas possible de porter un signe religieux, point, durant les fonctions, si on est visé par la loi. Je ne peux pas être plus clair que ça, Mme la Présidente.

Alors, je comprends la députée de Bourassa-Sauvé de dire : Qui va être chargé de l'application de la loi? Est-ce que le directeur d'école doit se soucier de cela? Les gens vont respecter la loi.

Et je souhaite que le Parti libéral encourage les gens à respecter la loi. Honnêtement, je souhaite entendre les membres du Parti libéral inviter les organisations chargées de l'application de la loi aussi à faire appliquer la loi. Parce qu'au courant de la commission parlementaire j'ai été un peu déçu, à quelques occasions, alors que certains collègues ont eu de la difficulté à dire qu'ils condamnaient la position des commissions scolaires qui disaient : Nous n'appliquerons pas la loi ou des municipalités qui disaient : Nous n'appliquerons pas la loi.

Honnêtement, je pense qu'ici, comme parlementaires, on doit s'assurer de soutenir l'application de la règle de droit un coup qu'elle est votée à l'Assemblée nationale. Ça, je m'attends à ça, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Oui. Alors, je dois comprendre, et c'est important parce qu'il y a peut-être des directeurs d'école qui nous écoutent, alors, que le directeur d'école devra demander à son enseignant qui... devra vraiment... Est-ce que ce n'est pas un peu l'inquisition si vraiment il faut qu'il pose des questions puis il essaie de savoir si un individu porte une croix sous son col roulé? Il y a tellement de problèmes dans les commissions scolaires actuellement. Dans mon comté, par exemple, il manque beaucoup d'espace. Il y a toutes sortes de choses qu'ils doivent régler. Est-ce que ça doit être une priorité? Moi, je pense juste aux signes religieux invisibles, c'est-à-dire qui sont sous le col roulé d'un enseignant. Donc, si je comprends bien, le ministre nous dit : Oui, pour bien faire son travail, le directeur d'école devra vraiment essayer de savoir, et, s'il y a un doute, s'il y a un soupçon, il devra agir. Je pose la question.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, la loi, elle est claire, il est interdit de porter un signe religieux. La députée de Bourassa-Sauvé souhaite faire une inquisition. La loi sera appliquée avec discernement.

Alors, Mme la Présidente, j'ai répondu abondamment à cette question-là. Le Parti libéral n'a pas déposé d'amendement encore. S'il souhaite avoir une précision dans le cadre du projet de loi, s'il souhaite apporter des bonifications... Mais ça fait 4 h 2 min 46 s qu'on est sur le même article, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Mme la députée.

Mme Robitaille : Bien, oui, considérant les réponses du ministre, je pense qu'il serait important d'essayer de parfaire la loi. Et justement mon collègue vous propose un amendement.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Très heureux de me retrouver encore une fois avec le ministre. Je pense qu'on commence à faire un bon lien d'échange. Mais, jusqu'à hier, Mme la Présidente, j'ai cru qu'on s'appréciait mutuellement, mais il m'a oublié, de m'inviter à faire du jogging avec lui. Donc, je suis un peu déçu. Donc, la prochaine fois, il va penser à moi.

Donc, Mme la Présidente, j'ai quelque chose à proposer au ministre. Je pense que, depuis tout à l'heure, mes collègues et l'ensemble des collègues posaient des questions par rapport à l'applicabilité de la loi, et je vais déposer l'amendement suivant : Donc, l'article, il est modifié par l'ajout, à la fin, des alinéas suivants :

«Le ministre précise par règlement les principes directeurs portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente[...].

«Tout règlement édicté en vertu de cet article doit faire l'objet d'une étude par la commission compétente de l'Assemblée nationale dans les trente jours de sa publication.»

Je dépose...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le député, vous pouvez peut-être nous expliquer ce qui motive cet amendement en attendant que des copies soient faites pour distribution aux membres de la commission.

M. Derraji : Oui, merci, Mme la Présidente. Au fait, le présent amendement vise justement la réponse à plusieurs, plusieurs questions, mais aussi à inviter le ministre à un principe qu'il aime beaucoup, c'est le principe de la coopération. Mais on ajoute aussi un principe de la transversalité. Moi aussi, j'essaie... le principe de la transversalité. Et le but, c'est d'accompagner les organismes qui veulent appliquer la loi.

Et, par rapport à ça, j'ai un document, parce que, tout à l'heure, nous avons eu l'occasion de parler des écoles, et je vais... Je ne sais pas, le ministre, s'il a déjà eu l'occasion de voir l'Observatoire de la laïcité en France, et, au niveau de l'observatoire, on retrouve toute une liste de documents. Et, depuis le début de nos échanges, Mme la Présidente, avec le ministre, on demande que les organismes soient accompagnés parce que ce qu'on veut, c'est justement s'assurer de l'applicabilité de la loi. Quand la collègue de Saint-Laurent, tout à l'heure, posait des questions au ministre de l'Éducation, ce n'est pas vrai qu'il ne va pas y avoir des questions.

Le ministre, Mme la Présidente, proposait que c'est lui, le porteur du projet de la laïcité. Mais, demain, il faut que quelqu'un le porte à travers l'ensemble des ministères qui seront impliqués, et organismes. Et c'est dans ce sens que la proposition de cet amendement vise à se donner des principes directeurs, et ces principes directeurs vont aider à, un, l'application de la définition d'un signe religieux, mais accompagner sur plusieurs niveaux ces individus qui travaillent au sein de ces organismes. Le ministre, toujours, fait référence à un point par rapport à la personne raisonnable, au référent, depuis le début. C'est bien, mais, encore une fois, le fardeau ne doit pas être sur cet individu.

Donc, j'aimerais bien, avant de continuer mes arguments, savoir un peu, le ministre, qu'est-ce qu'il pense de l'amendement et continuer l'échange avec lui.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, si le député de Nelligan veut faire du sport avec moi, ça va me faire plaisir de l'inviter à courir avec moi, mais il va falloir qu'il coure vite parce que je suis rapide. Alors, pour une remise en forme, j'offre mes services gratuitement au député de Nelligan. Ça va me faire plaisir.

M. Derraji : Merci, merci, merci!

• (16 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente : «Le ministre précise par règlement les principes directeurs portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente[...].

«Tout règlement édicté en vertu de cet article doit faire l'objet d'une étude par la commission compétente de l'Assemblée nationale dans les trente jours de sa publication.»

Bon, dans un premier temps, on voit que le deuxième alinéa de l'amendement est issu d'une idée qui provient d'une autre commission parlementaire, celle de la Commission avec les relations avec les citoyens, et j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs occasions qu'il n'est pas normal, il n'est pas fréquent d'étudier en commission parlementaire les différents projets de règlement. C'est une exception.

Pour ce qui est du premier alinéa, le député de Nelligan souhaite qu'on vienne préciser par règlement les principes directeurs portant sur l'application de la définition d'un signe religieux. Mme la Présidente, tel que je le dis depuis le début, j'ai inséré une définition pour satisfaire le Parti libéral. Je constate qu'encore une fois le Parti libéral ne veut pas venir préciser ce que constitue la définition d'un signe religieux. Je n'ai eu aucune proposition à ce jour, là. Depuis, là, les 60 heures que nous avons eues en commission parlementaire, 59 et plusieurs minutes... Donc, si on arrondit... C'est des minutes. Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Je vais vous demander d'éviter de vous interpeler d'un côté et de l'autre. C'est M. le ministre qui a la parole en ce moment.

M. Jolin-Barrette : Oui. Vous savez, j'ai passé tellement de temps avec la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne également, cette session-ci, et elle voulait toujours des chiffres. Alors, vous savez, ça m'est rentré dans la tête, il faut que je produise des chiffres maintenant pour les collègues du Parti libéral.

Alors, Mme la Présidente, l'amendement que nous avons déposé relativement à la définition de signe religieux, il est clair. Le Parti libéral n'a proposé aucune définition de ce que constitue un signe religieux. On veut créer un règlement, avoir des lignes directrices. Je vous dis qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un règlement qui crée des lignes directrices. L'article, en soi, fait foi et il permet de savoir ce que constitue un signe religieux.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Je ne pense pas que le ministre a bien compris ou bien moi, je n'ai pas très bien exprimé ce que je voulais dire. Je ne suis pas là sur la définition du signe religieux, Mme la Présidente, je suis plus sur l'application de la définition du signe religieux. C'est deux choses différentes. C'est deux choses différentes.

Et donc le ministre précise, par règlement, les principes directeurs portant sur l'application de la définition d'un signe religieux. Donc, en quelque sorte, le ministre nous ramène une définition d'un signe religieux. C'est excellent. Il a fait l'effort de l'amender depuis le début de son dépôt de projet de loi. Excellent. Ce que je vise et ce que nous visons avec le dépôt de cet amendement, Mme la Présidente, c'est se donner des principes directeurs pour l'application de la définition.

Et tout à l'heure, Mme la Présidente, le ministre a fait référence aux gestionnaires européens. Quand le ministre parle des gestionnaires européens, il parle de quels pays précisément?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président... Mme la Présidente, pardon, sur l'amendement qui est proposé, on parle d'application des principes directeurs sur l'application des signes religieux. Or, est-ce dire que le député de Nelligan est d'accord avec la définition de signe religieux? Parce que ça, c'est fondamental. Avant même d'amender, là, il faut savoir est-ce que, sur le contenu, là, on est d'accord. Avant d'appliquer, là... parce que ce que le député de Nelligan me propose, c'est de dire : Écoutez, on va établir un règlement qui va dire comment appliquer l'interdiction du port de signes religieux. Or, si on propose ça, ça veut dire qu'on est en accord avec le début de l'article, avec les critères, avec la définition, que c'est un objet, que c'est un signe religieux, «tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef», et avec les deux critères, le critère subjectif et un critère subjectif.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Excusez-moi, Mme la Présidente, un critère subjectif et un critère objectif. Vous savez, rendu à cette heure-là, après le nombre d'heures, il peut arriver que j'échappe quelques mots. Vous m'en excuserez, Mme la Présidente.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Pardon? Je suis jeune? Bien, moins qu'avant, moins qu'avant.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Jolin-Barrette : Vous savez, je suis moins jeune qu'il y a 4 h 13 min, mais je suis heureux d'avoir vécu cette expérience-là avec vous. C'est un moment privilégié, d'ailleurs celui avec la députée de Saint-Laurent, parce qu'on n'avait pas eu l'occasion, depuis son élection, de partager un moment comme celui-là.

Donc, ça voudrait dire que, si on adoptait le règlement sans que le député de Nelligan soit en accord avec la définition, bien, l'application pourrait même être ultra vires, au-delà des compétences, parce que la base même de l'article, c'est la définition de signe religieux. Alors, je voudrais savoir est-ce que, pour la définition de signe religieux, le député de Nelligan, il est d'accord avec ça, avec ce que j'ai proposé sur cette définition précise.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je pense que le ministre, il maîtrise très bien l'échange et jouer sur les propositions... J'essaie de faire attention parce que je ne... Hein?

Une voix : ...

M. Derraji : Ah non! Ce n'est pas grave. Mais vous avez le droit, hein, vous le savez. Écoutez, vous avez le droit, hein? Vous avez le droit, hein? Moi, je n'émets pas de commentaire à quelqu'un qui fait un lapsus ou une erreur. Vous avez le droit. Hein?

Une voix : ...

M. Derraji : Non, non, non! Il ne faut pas juger les collègues.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vais vous demander d'éviter de vous interpeler d'un côté et de l'autre, s'il vous plaît. Alors, on revient à l'amendement. M. le député de Nelligan, est-ce que vous vouliez poursuivre votre intervention? Merci.

M. Derraji : Oui, merci, Mme la Présidente. J'aime beaucoup la façon avec laquelle le ministre ramène sur la table... pour me dire : Le député de Nelligan, qui ramène un amendement... mais, comme il ramène un amendement, est-ce qu'il est d'accord avec ma définition de signe religieux? Bien, écoutez, Mme la Présidente, je vais être honnête et direct dans ma réponse. Si je propose cet amendement, c'est parce que je veux ramener de la clarté à l'amendement déjà proposé, c'est parce que... depuis plusieurs heures que nous essayons de comprendre l'applicabilité de l'article. Mais, malheureusement, Mme la Présidente, vu l'impasse de l'applicabilité de l'article 6, l'amendement est venu sur la table.

Donc, Mme la Présidente, je sollicite, encore une fois, l'intelligence du ministre, parce qu'il le sait très bien, dans une autre commission, nous avons évolué ensemble, et il a accepté presque mot par mot le deuxième paragraphe. Je sais qu'il a fait une exception, mais il est capable aujourd'hui, rendu à 4 h 15 min de débat, de faire une autre exception parce que ça va juste bonifier l'article 6.

Maintenant, je reviens à l'essence même de cet amendement. J'ai parcouru, Mme la Présidente, plusieurs sites et organismes étatiques, notamment en France, et, je pense, l'ensemble de vos collègues, surtout ceux qui ont travaillé sur le projet de loi de la laïcité, ils devraient être au courant de ces organismes.

Parlons de l'Observatoire de la laïcité. Est-ce que ça vous dit quelque chose, M. le ministre, l'Observatoire de la laïcité, au niveau de la République française?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je vous écoute.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Excellent. Merci pour votre bienveillance. Bien, cet organisme, ça rejoint l'essence de beaucoup d'échanges que nous avons eus. Et je pense qu'au niveau de l'applicabilité j'ai une série de guides insérés, mis à la disposition des organismes. Et on parle de gestionnaires européens, mais il faut équiper ces gestionnaires pour s'assurer de l'applicabilité. Est-ce que vous suivez, avec moi, le raisonnement, M. le ministre?

M. Jolin-Barrette : J'en suis.

• (16 h 50) •

M. Derraji : Excellent. Mais, à l'intérieur de cet observatoire, on trouve des guides de la laïcité, collectivités locales; guides laïcité, gestion du fait religieux. On trouve même des livres laïcité du ministère de l'Éducation nationale et laïcité, gestion du fait religieux dans les structures socioéducatives. Donc, quand on parle d'accompagner, bien, le législateur français accompagne les organismes. Est-ce que le législateur français, Mme la Présidente, ne fait pas confiance à ses gestionnaires? On leur donne des outils, Mme la Présidente.

Et c'est ce que nous essayons, depuis ce matin, de faire comprendre au ministre, qu'au-delà de la définition simple de c'est quoi, un signe religieux, c'est qu'il faut aller au-delà de la définition stricte du signe religieux. Sur la définition du signe religieux, Mme la Présidente, nous pouvons avoir un accord ou un désaccord avec le ministre et probablement plus de désaccords que d'accords, parce que nous avons posé pas mal de questions pour pouvoir bonifier... Mais le ministre a refusé, et c'est son droit, de faire le quiz du collègue par rapport aux signes, mais c'est son droit. Le but, Mme la Présidente, c'est venir par la suite et dire à ces gestionnaires, à qui... Je répète, M. le ministre : On fait confiance à l'administration publique québécoise. On fait confiance à ces femmes et ces hommes qui travaillent dans l'administration publique québécoise. Et heureusement que nous avons des femmes et des hommes de qualité au sein de notre administration publique.

Mais, Mme la Présidente, l'amendement que notre équipe dépose maintenant vient en appui à l'ensemble des organismes qui vont, demain, recevoir l'appel d'appliquer la loi sur la laïcité. Est-ce que M. le ministre, Mme la Présidente, est contre accompagner nos gestionnaires? Est-ce que, Mme la Présidente, le ministre, demain, est prêt, lundi? Si on suit ce que nous avons vécu hier, la loi doit être appliquée au courant des prochaines semaines ou jours. Bien, normalement, il faut s'assurer de cette applicabilité.

Et donc c'est ça, Mme la Présidente... Et je sais que le ministre aime beaucoup la coopération, il aime beaucoup la coordination. C'est des mots que nous avons beaucoup, beaucoup échangés dans un autre projet de loi. Eh bien, là, Mme la Présidente, la transversalité vise ça. Et c'est ça qu'on vise avec cet amendement.

Donc, Mme la Présidente, ma question est très simple : Est-ce que le ministre refuse d'accompagner et de donner des principes directeurs aux organismes à qui, demain, il va envoyer l'appel d'appliquer la loi sur la laïcité?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, Mme la Présidente, on peut bien proposer un amendement sur l'application. Cela étant dit, il faut être en accord avec la définition pour proposer une application. Alors, est-ce que je dois comprendre que le Parti libéral est en accord avec la définition de «signe religieux» que j'ai insérée? Ça, c'est le premier critère à savoir.

Au niveau des outils qui vont être faits et mis en place pour les personnes, la définition, elle est très claire. On aurait pu demeurer avec le sens commun. Bien sûr, qu'elle est claire. L'analyse qui en est faite, c'est un critère subjectif ou un critère objectif. Et je sais très bien que le député de Pontiac comprend très bien cette définition : «Au sens du présent article, est un signe religieux tout objet — et là il y a un "notamment" — notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef...» Mais ce n'est pas limité à cela. C'est un «notamment», Mme la Présidente, mais on réfère à un objet.

Et je réitère que c'est le port, hein, parce qu'on a eu cette discussion-là un peu, préalablement, dans d'autres commissions, donc, c'est le port d'un symbole religieux qui est interdit, que ça «soit porté en lien avec une conviction [de] croyance religieuse» — ça, c'est le critère d'analyse subjective — ou que ça «soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.» L'amendement qui est déposé par le collègue de Nelligan nous invite à édicter un règlement d'application, alors que ce qui est prévu, c'est clair, c'est l'interdiction de signe religieux.

Mme la Présidente, je le sais, que vous le savez ce que c'est, un signe religieux. Je le sais, que le député de Nelligan sait ce que c'est, un signe religieux, même chose pour la députée de Marguerite-Bourgeoys. Alors, s'ils ne le savent pas, ce que constitue un signe religieux, Mme la Présidente, je les invite à venir déposer un amendement pour spécifier ce que constitue un signe religieux si telle est leur volonté de faire progresser, de pouvoir aller à l'article 27 pour répondre à la volonté du député de Jean-Lesage.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il d'autres interventions suite au dépôt de l'amendement proposé par M. le député de Nelligan? M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Et je remercie le ministre de me dire que je sais c'est quoi, la définition du signe religieux, et que lui-même, il sait aussi c'est quoi, la définition d'un signe religieux. Mais je l'invite aussi à faire un effort avec son premier ministre et faire un effort de lui expliquer c'est quoi, un signe religieux, parce qu'à un certain moment il y a eu de la misère ou de la confusion, hein, de la confusion par rapport à un signe religieux.

Et donc justement, Mme la Présidente, pour ne pas avoir ce genre de situation, même au sein de la même équipe, le ministre porteur du dossier a une définition propre du signe religieux, le premier ministre a une autre interprétation, et probablement, si les journalistes s'amusent à poser des questions à l'ensemble de l'équipe ministérielle, probablement on aura d'autres définitions de c'est quoi, un signe religieux. Donc, justement, pour limiter. Et ça, je l'ai toujours appris dans ma vie, Mme la Présidente, la subjectivité et l'objectivité, ça se limite. Je ne peux pas lancer ça dans le vide et dire : J'ai deux critères, un objectif, un subjectif.

Et sérieusement je n'invite pas le ministre à avoir un débat philosophique sur la subjectivité et l'objectivité. Mon but, aujourd'hui, avec cet amendement, c'est justement limiter les erreurs liées à l'objectivité et à la subjectivité. Parce que c'est une interprétation humaine d'une définition. Ce n'est pas des robots. Et même les robots, à cette heure, s'il manque un programme, ils vont faire autre chose. C'est des êtres humains, Mme la Présidente, qui vont, demain, appliquer la loi. Bien, justement, les principes directeurs, et le ministre peut aller chercher facilement c'est quoi, la définition d'un principe directeur...

Une voix : ...

M. Derraji : ...exactement, ça aide, ça accompagne. Et c'est ça qu'on veut. Et, au contraire, ce qu'on dit depuis le début, on offre notre collaboration au ministre pour que la loi soit appliquée dès demain.

Je vais arrêter là, Mme la Présidente, parce que je sais que d'autres collègues veulent intervenir par rapport à l'amendement. J'aurais souhaité, à quelques minutes de la fin de ce débat, avoir une dernière collaboration, mais hélas! Mme la Présidente, je vais quitter probablement la commission avec une petite déception, à part celle de sortir tout seul courir demain. Mais, probablement, le ministre n'a pas accepté ma main tendue, de l'aider à plus donner une définition et des principes directeurs à l'application de la définition que lui-même a ramenée par rapport aux signes religieux. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre, vous voulez répondre à M. le député de Nelligan?

M. Jolin-Barrette : Bien, au moins, je dirais au député de Nelligan qu'il ne perd pas tout, hein, il a gagné une course.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il d'autres interventions suite au dépôt de cet amendement? Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci, Mme la Présidente. Un peu plus tôt, le ministre faisait référence à ma relation avec le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Il disait qu'il était jaloux, jaloux de cette belle relation que nous avons développée de par nos différents échanges lors de d'autres commissions.

Mais justement parlons-en, de ces autres commissions. On a eu le projet de loi n° 12, auquel j'ai siégé, notamment, avec le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, et il avait accepté ce type d'amendement parce qu'il avait réalisé qu'effectivement on avait besoin d'avoir un règlement pour venir apporter des précisions et surtout d'avoir l'occasion d'échanger encore de nouveau. Alors, je demande au ministre s'il aura la même ouverture que son collègue le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je suis très ouvert, Mme la Présidente, très ouvert. Or, il faut déposer les amendements en cohérence avec le texte, et c'est la discussion que nous avions avec le collègue de Nelligan à l'effet de dire : Est-ce que le Parti libéral est en accord ou non avec la définition? Il n'y a pas de nécessité d'adopter un règlement «portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente...» Mme la Présidente, la définition, elle est là, elle est claire, il n'y a pas de nécessité d'insérer ça dans la loi, Mme la Présidente. Je ne peux pas en dire plus.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il d'autres interventions? Mme la députée de Saint-Laurent.

• (17 heures) •

Mme Rizqy : Bien, c'est pour ça qu'on ne vous invite pas nécessairement à l'insérer dans la loi, là, on vous invite à avoir des lignes directrices dans le règlement. Puis le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a vu ça aussi comme une opportunité de pouvoir aussi continuer à échanger.

Juste pour précision, le p.l. n° 12, c'était pour les frais chargés aux parents. On avait une date butoir un peu comme vous, vous avez en ce moment une date butoir, en fait 32 min 30 s de temps butoir. Alors, ça nous a donné aussi l'occasion de pouvoir revenir et encore échanger pour avoir plus de clarté, plus de précision, et je sais que vous n'êtes pas contre la vertu et que vous aimez la précision.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien sûr que je ne suis pas contre la vertu, Mme la Présidente. Et j'apprécie même le fait que les personnes soient vertueuses. Je pense que c'est une belle qualité.

Cela étant dit, sur la proposition du député de Nelligan, Mme la Présidente, il n'est pas requis, cet amendement-là. La définition, elle est claire. Si le Parti libéral trouve que la définition du signe religieux n'est pas claire, qu'il propose un amendement pour venir circonscrire, pour venir cerner, pour venir bonifier. Mais, à partir du moment où la définition, elle est claire, il n'y a pas nécessité d'adopter un règlement et de donner un pouvoir réglementaire habilitant.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Oui, merci, Mme la Présidente. Bonjour. J'écoute le ministre depuis tantôt en échange avec certains collègues, et il nous a dit, à un moment donné, de lui faire confiance, et je pense qu'on ne demande pas mieux, mais, à la lueur de certains de ses propos, ce n'est pas toujours facile, Mme la Présidente.

Alors, je vais quand même essayer d'identifier une ou deux choses dans ses propos. Il nous a dit : Faites-moi confiance quant à l'élaboration, quant à la rédaction de mon projet de loi, il est clair. La rédaction de son projet de loi, il semble la connaître. J'imagine qu'il connaît chaque mot de son projet de loi. Oui ou non?

La Présidente (Mme Gaudreault) : Ah, c'est une question? M. le ministre.

M. Fortin : Peut-être? O.K.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député.

M. Fortin : Mais la rédaction lui appartient. La rédaction, c'est la sienne, c'est celle du gouvernement de la Coalition avenir Québec, n'est-ce pas?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, à partir du moment où un membre formant le gouvernement dépose un projet de loi, effectivement il est en accord avec le libellé des dispositions qui sont présentes dans un projet de loi. Et je n'apprendrai rien à ce niveau-là au collègue de Pontiac, qui a été ministre des Transports. Et d'ailleurs peut-être pourrait-il nous renseigner relativement aux cinémomètres.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : On a eu un petit cours de mathématique plus tôt. La députée de Marguerite-Bourgeoys a fait référence à un cours de philosophie. Plus tôt, aujourd'hui, on a parlé du cours d'éthique et culture religieuse. Je vais parler de la portion éthique, peut-être. Si, effectivement, le projet de loi appartient à son gouvernement, j'aimerais savoir est-ce qu'il a collaboré avec d'autres, peut-être des anciens parlementaires, pour la rédaction de son projet de loi?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, on a eu l'occasion de rencontrer en commission parlementaire des anciens parlementaires qui sont venus nous présenter leurs propositions, leur vision. Vous savez, on a lu plusieurs textes aussi dans la rédaction du projet de loi, notamment le projet de loi n° 94, notamment le projet de loi n° 62, qui avait été déposé par Mme Vallée, le projet de loi n° 394, déposé par la députée de Gouin, le projet de loi n° 60, déposé par le député de Marie-Victorin à l'époque.

Alors, l'exercice de rédaction d'un projet de loi a fait l'objet d'une grande réflexion et démontre aujourd'hui, par le biais du projet de loi que nous avons, une laïcité québécoise, un propre modèle de laïcité québécoise. Et il s'agit d'un projet de loi qui est modéré et qui répond aux aspirations des Québécois.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Oui, bien, puisqu'on est sur l'amendement de l'article 6, le ministre veut nous ramener sur l'article 6 lui-même, dit que le député de Nelligan doit considérer l'article 6 avant l'amendement à l'article 6, je vais prendre un petit pas de recul, Mme la Présidente, et je pense qu'avant tout, hein, quand on étudie un article, il faut regarder ce qui englobe la chose. Et ce qui englobe la chose dans le projet de loi n° 21, c'est les considérants, hein? C'est les premiers mots du projet de loi. Alors, les premiers mots du projet de loi, je vais demander au ministre de nous lire le deuxième considérant, si c'est possible.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Fortin : S'il veut se prêter à l'exercice, bon joueur qu'il est.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Est-ce que vous voulez...

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, je crois que le collègue de Pontiac est capable de nous lire le deuxième considérant.

M. Fortin : D'accord. Très bien. Je vais le faire.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Je croyais le ministre bon joueur, mais je vais l'aider un peu avec la lecture. Le deuxième considérant, c'est :

«Considérant que l'État du Québec est fondé sur des assises constitutionnelles enrichies au cours des ans par l'adoption de plusieurs lois fondamentales.»

Ça, c'est le deuxième considérant du projet de loi n° 21 présenté par le ministre. Je vais vous lire, Mme la Présidente, le sixième considérant du projet de loi n° 191 de Daniel Turp, qui était député de Mercier :

«Considérant que le Québec est fondé sur des assises constitutionnelles qu'il a enrichies au cours des ans par l'adoption de plusieurs lois fondamentales...»

Je vais vous lire le considérant du projet de loi n° 196 de Daniel Turp :

«Considérant que le Québec est fondé sur des assises constitutionnelles qu'il a enrichies au cours des ans par l'adoption de plusieurs lois fondamentales...»

Est-ce que le ministre a demandé la permission à Daniel Turp pour utiliser ses mots exacts?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, j'invite le député de Pontiac à lire la loi n° 99. Veut-il nous lire la loi 99?

M. Fortin : ...la lire si vous voulez. Si vous ne voulez pas vous prêter à mon jeu, je ne me prêterai pas au vôtre.

M. Jolin-Barrette : Ah, donc vous ne voulez pas jouer. Alors, dans le deuxième considérant de la loi n° 99 : «Considérant que l'État du Québec est fondé sur des assises constitutionnelles qu'il a enrichies au cours des ans par l'adoption de plusieurs lois fondamentales et par la création d'institutions démocratiques qui lui sont propres.»

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Est-ce qu'il a demandé à l'auteur de la loi n° 99 s'il pouvait utiliser ses propos?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, le législateur, au cours des années, il est présent ici parmi nous. Le législateur, c'est vous, c'est moi, c'est la députée de Marguerite-Bourgeoys. Alors peut-être, Mme la Présidente, que j'aurais dû demander la permission au député de Pontiac. Alors, je vais le faire. M. le député de Pontiac, est-ce qu'on peut, dans le cadre de notre projet de loi sur la laïcité de l'État, recourir au même préambule qu'il y avait à un considérant qui avait lieu dans le préambule de la loi n° 99? Est-ce que le député de Pontiac nous donne la permission d'aller en ce sens-là? Je lui en saurais gré, de le faire, parce que je considère qu'il s'agit d'un bon considérant, qui illustre bien, qui illustre bien... et qui met la table sur l'importante loi de la laïcité que nous allons adopter aujourd'hui.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin : Je ne doute aucunement, Mme la Présidente, que le ministre croie que c'est un bon considérant, mais la moindre des choses, la moindre des choses, ce serait de demander à la personne, à l'auteur des lignes de considérer... d'être conseillé par l'auteur de ces lignes, de demander la permission ou, dans le cas où on ne le fait pas, de donner une partie du crédit pour le projet de loi n° 21, parce que les considérants mettent la table au Parti québécois, au Parti québécois qui ont écrit ces mots au tout début. Peut-être qu'il accepterait, peut-être qu'il voudrait, peut-être qu'il aimerait, le Parti québécois — le chef est ici présent — peut-être qu'il aimerait une partie du crédit pour le projet de loi n° 21. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je serais curieux de savoir la position du Parti libéral relativement à la contestation de la loi n° 99, Mme la Présidente. Est-ce que le député de Pontiac est en faveur du fait de défendre la loi n° 99? Est-ce que le député de Pontiac est d'accord avec la loi sur la clarté référendaire, qui a été adoptée par Stéphane Dion? Ça, j'aimerais ça l'entendre là-dessus. Est-ce qu'il considère que la loi n° 99 est dans le champ de juridiction du Québec? Est-ce qu'il considère que la loi n° 99 respecte les balises fixées par la Cour suprême? Et, de façon importante, est-ce qu'il considère que c'est la loi sur la clarté ou la loi n° 99 qui a primauté pour décider de l'avenir du Québec? Quelle est sa réponse, à ce niveau-là?

Parce que c'est fort important, on vient définir ici, dans la Loi sur la laïcité, la conception de l'État, que l'État québécois, il est laïque. Et la laïcité, c'est une des valeurs importantes de l'État québécois. Pourquoi? Parce que la société québécoise, elle est distincte. Et, peu importent les opinions politiques ou les options politiques que nous avons ici, en cette Chambre, qu'on soit fédéraliste, souverainiste ou nationaliste, il y a des choses qui doivent se décider ici, à l'Assemblée nationale, par les élus du peuple québécois, comme la laïcité. Mais notamment l'avenir du Québec, ça doit être décidé par des lois à l'Assemblée nationale du Québec, par le peuple québécois, et non pas par une loi sur la clarté qui a été fixée par le fédéral.

Alors, je voudrais entendre du député de Pontiac, député élu à l'Assemblée nationale du Québec, est-ce qu'il est d'accord avec la contestation qui a cours présentement à la loi n° 99. Est-il d'accord avec la loi sur la clarté ou il appuie le projet de loi n° 99? Ça, c'est une question qui est fondamentale. C'est une question qui est importante, surtout si on y fait référence. Alors, j'aimerais avoir une réponse de la part du député de Pontiac, parce que le considérant, oui, il vient de la loi n° 99. Il s'agit d'une loi importante pour la nation québécoise, très importante. Et, comme Québécois, on devrait soutenir l'application de la loi n° 99. Alors, je serais curieux de l'entendre sur sa conception et sur le recours à l'utilisation d'un des considérants de la loi n° 99 dans le cadre de la loi n° 21.

• (17 h 10) •

La Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et je vais précisément sur la question posée par le collègue leader. Je vais précisément sur sa demande quant à la clarté. Mon intervention va se lier au thème de la clarté appliqué à l'article 6 de son projet de loi, qui n'est clairement pas clair.

Alors, la non-clarté, parlons-en, Mme la Présidente. Il y a l'amendement, le sujet de l'amendement, on l'a devant nous, qui est proposé, qui vise justement à faciliter la vie, par exemple, cas d'application, des directeurs, directrices d'école, qui devront juger au cas par cas. Puis, dans certaines commissions scolaires, ça n'arrivera pas régulièrement, mais, dans d'autres commissions scolaires, Marguerite-Bourgeoys, commission scolaire Pointe-de-l'Île, ma commission scolaire, également autres commissions scolaires, il y aura des cas qui seront plus litigieux. Et, quand on dit litigieux, il n'y a pas une clause «nonobstant» qui va pouvoir éviter une contestation d'une décision individuelle prise qui limite les droits. Ce n'est pas la loi, mais c'est la décision individuelle. La clause «nonobstant» ne peut pas venir couvrir l'exercice discrétionnaire — pas arbitraire, mais discrétionnaire — qui pourrait, par ailleurs, être contesté dû à sa non-raisonnabilité, parce que ça ne participerait pas, on pourrait plaider, d'un signe religieux. Ce que je porte là, ce n'est pas un signe religieux, mais, pour la directrice sur le terrain, c'est un signe religieux.

Alors, sur cette question très précise là, comment le ministre compte-t-il, de façon précise... Parce que ce n'est réellement pas clair. Puis, je veux dire, si d'aventure il y avait eu, il y a quelques jours, un directeur d'école qui aurait eu le même nom que le premier ministre du Québec, je pense qu'il aurait fait face à certaines plaintes dans l'application de la loi, parce que, pendant à peu près quatre, cinq heures, Mme la Présidente, les alliances étaient visées par les signes religieux, mais finalement, après quelques heures, elles ne l'étaient plus. Alors, on a vécu au Québec sous un régime, pendant quelques heures, où les alliances étaient un signe religieux, mais par la suite, le ministre l'a dit, le ministre a dit : Les alliances ne sont pas visées par le projet de loi n° 21. Et ça, bien, je ne dirais pas qu'il recadrait, là, ce ne serait pas correct de ma part, il ne recadrait pas le premier ministre, mais, chose certaine...

Je me rappelle de l'analogie, il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du tapis, effectivement, le premier qui se sera, de façon très tangible, enfargé dans les fleurs du tapis, puis je le dis en tout respect, c'est le premier ministre. Alors, si le premier ministre s'enfarge là-dedans, comment s'assurer qu'au lendemain, sans plus de clarté... Parce qu'il parlait de la loi sur la clarté. Je lui demanderais que sa loi, elle aussi, elle ait de la clarté. Comment s'assurer que les directeurs, directrices, elles et eux, également de bonne foi, comme le premier ministre, qui a commis une erreur, qui a été recadré, comment, eux, s'assurer qu'ils ne commettront pas ces erreurs-là?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je pense que le député de Jean-Lesage voulait poser une question aussi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Vous ne voulez pas intervenir à ce point-ci?

M. Jolin-Barrette : Non.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien.

M. Tanguay : Bien, voyons donc!

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Je viens intervenir au sujet de...

Des voix : ...

M. Zanetti : ... — ça va? O.K. — de la loi n° 99. Évidemment, bien, je suis intéressé par, disons, l'intérêt que porte le ministre à la loi n° 99 et à la souveraineté, si partielle soit-elle, du Québec en ce moment, là. J'avais une question. En même temps, il y a comme une espèce de paradoxe là-dedans. Parce qu'évidemment nous, on est pour que le Québec décide de tout ce qui se passe sur son territoire. Ce qui ne veut pas dire qu'on est d'accord avec toutes les décisions que prendraient tous les gouvernements possibles. Mais, dans ce cas-ci, qu'est-ce qui va arriver? Dans le fond, j'aimerais amener le ministre un peu sur la question, disons, constitutionnelle puis des limites du régime canadien, là, plutôt que sur le projet de loi en tant que tel. Mais, si jamais le projet de loi... le Canada tentait d'empêcher l'application du projet de loi, p.l. n° 21, là, j'imagine, par des recours judiciaires ou constitutionnels que j'ignore ou que peut-être nous n'avons pas encore imaginés, mais, si jamais le Canada décidait de faire ça, quelle serait la réaction du ministre? Est-ce qu'il déciderait, par exemple, de se conformer aux codes constitutionnels canadiens, au régime canadien et à ses exigences, ou est-ce qu'il mettrait au défi le système canadien et le gouvernement canadien pour pouvoir appliquer la loi?

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, dans le cadre du projet de loi, nous avons recours notamment aux dispositions de dérogation, ce qui fait en sorte que c'est au Parlement à déterminer de quelle façon vont s'organiser les rapports entre la religion et l'État, et ce n'est pas aux tribunaux.

Le député de Jean-Lesage me pose la question suivante : Qu'arrive-t-il si le gouvernement fédéral intervient dans le cadre d'un recours à l'encontre du projet de loi n° 21? Qu'arrive-t-il s'il y a une contestation du projet de loi n° 21? Le gouvernement du Québec sera présent pour assurer la validité de sa loi, pour défendre une loi qui aura été adoptée par l'Assemblée nationale, soyez-en certains. À ce stade-ci, Mme la Présidente, la question du député de Jean-Lesage, elle est hypothétique. Et, bien entendu, le gouvernement du Québec est d'avis que la laïcité de l'État ne relève qu'uniquement de l'État québécois, qu'uniquement de l'État québécois, et le gouvernement du Québec défendra toujours cette position devant les cours de justice si jamais la loi n° 21 serait contestée devant les tribunaux.

Cela étant dit, et ce qu'il est important de comprendre, c'est qu'il est légitime pour la nation québécoise de décider de quelle façon la laïcité s'applique sur son territoire, à ses institutions, à ses institutions parlementaires, à ses institutions judiciaires, à ses institutions gouvernementales. Et il n'appartient qu'à l'Assemblée nationale du Québec de déterminer comment se traduisent les exigences de la laïcité et il n'appartient qu'à l'Assemblée nationale de définir quelles sont les exigences de la laïcité au Québec. Le projet de loi que nous avons, c'est un projet de loi qui est à l'intérieur des compétences du Québec, qu'il est légitime d'adopter, et surtout qui répond à la volonté de la nation québécoise. Là-dessus, Mme la Présidente, la position du gouvernement du Québec, elle est très claire.

Une fois que nous avons dit cela, nous ne pouvons prévoir ce qui se passera dans le futur. Mais je suis convaincu de la validité et du bien-fondé de la loi n° 21, et notamment que son adoption est faite dans l'intérêt collectif de la nation québécoise et de la société québécoise. Et surtout il n'appartient qu'aux députés élus à l'Assemblée nationale de définir ce que contient la laïcité de l'État, et j'aimerais savoir si je peux compter sur l'appui du député de Jean-Lesage sur ce point.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Nous, on va toujours défendre la souveraineté du Québec, mais pas nécessairement le projet de loi n° 21, qu'on n'appuie pas.

J'ai une question par rapport à ça et je nous amène sur le terrain de la liberté de conscience, la liberté de religion, au fond. On a eu cette discussion-là plus tôt, mais, bon, le contexte faisait qu'on n'a pas pu approfondir tant que ça. Selon plusieurs constitutionnalistes, dont... C'est quoi, son prénom?

Une voix : ...

• (17 h 20) •

M. Zanetti : L'ancien collègue... Voyons, excusez! O.K., j'ai un blanc de mémoire. Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit, mais... Bien, M. Taillon et M. Cloutier, dont... O.K., Alexandre Cloutier, oui, ancien parlementaire ici. Excusez! La question du serment à la reine d'Angleterre, qui est aussi chef de l'Église anglicane — donc il n'est pas très laïque, disons, pour des parlementaires, d'être obligés ou de se faire obliger à prêter serment à un chef religieux — cette question-là relève, selon eux, de la constitution interne du Québec, parce que, même si c'est écrit dans l'Acte d'Amérique du Nord britannique, qui a, selon les Canadiens, une valeur supralégislative, selon eux, ça relève de ça, mais même si c'est dans l'Acte d'Amérique du Nord britannique, il y a bien des choses, dans l'Acte d'Amérique du Nord britannique, qui aujourd'hui ne sont plus appliquées puis que tout simplement, unilatéralement, le Québec, parce que ça fait partie de sa constitution interne, il a décidé de ne plus l'utiliser, de ne plus le faire. Entre autres, on peut faire référence à l'abolition du Sénat.

S'il est vrai que la pratique du serment relevait de la constitution interne du Québec, thèse qu'on appuie, est-ce que le ministre est ouvert à remplir une autre des promesses de la Coalition avenir Québec, qui était d'appeler des projets de loi de l'opposition et d'appeler le projet de loi que j'ai déposé plus tôt, cette année, qui vise à abolir l'obligation de prêter serment à la reine, parce qu'il me semble que ça irait dans le sens d'une meilleure laïcité, un meilleur respect de la liberté de conscience, et ce serait plus cohérent, justement, avec cet État laïque qu'il veut bâtir? Alors, voilà ma question pour le ministre.

La Présidente (Mme Gaudreault) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, on revient à la reine. Alors, on est un peu éloignés de l'article 6, mais ça va me faire plaisir de répondre quand même, parce que j'apprécie ces échanges avec le député de Jean-Lesage.

Alors, Mme la Présidente, il me demande : Est-ce que je vais appeler le projet de loi qu'il a déposé relativement au serment de loyauté à la reine lorsqu'un député est assermenté? D'ailleurs, l'ensemble des députés de sa formation politique ont prêté serment à la reine, en privé, avec celle-ci...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Oui, Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : J'ai déjà regardé ce film-là lorsqu'il y a eu des échanges en commission. Là, on a déposé un amendement pour avoir des lignes directrices. J'apprécierais vraiment, là, qu'on se concentre sur les lignes directrices, parce qu'au final, en définitive, ceux qui devront appliquer ça... Je vais reprendre les paroles de la députée de Montarville, qui a dit la chose suivante en 2016 : «Parce qu'au final ce sont les personnes en position d'autorité, les administrateurs, les enseignants, les directeurs d'école, les directeurs des ressources humaines, les directeurs [qui devront appliquer la loi]», et c'est eux qui se feront poser des questions. Et à ce moment-là, en 2016, elle demandait des lignes directrices.

La Présidente (Mme Gaudreault) : ...Mme la députée. Alors, je vais inviter M. le ministre, M. le député de Jean-Lesage à revenir à l'amendement déposé par M. le député de Nelligan, puisqu'il nous reste très peu de temps encore. Alors, revenons à l'amendement déposé par M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres interventions à ce sujet? Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : On me demande de répondre aux questions. Je suis interpelé par le député de Jean-Lesage. Alors, je réponds au député de Jean-Lesage.

La Présidente (Mme Gaudreault) : ...je vais quand même vous ramener, s'il vous plaît, à la pertinence de l'amendement déposé par M. le député de Nelligan. Est-ce qu'il y a d'autres interventions par rapport à cet amendement?

M. Jolin-Barrette : Pour moi, Mme la Présidente, j'ai dit ce que j'avais à dire. Pour ce qui est du député de Jean-Lesage...

La Présidente (Mme Gaudreault) : Très bien. Alors, je crois qu'il y a d'autres de vos collègues qui veulent intervenir sur l'amendement déposé par M. le député de Nelligan, et je crois que c'est le cas de M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Effectivement, je vois que, sur l'amendement, le ministre nous envoie toute indication que l'amendement, pour lui, il n'est pas acceptable. L'amendement, il ne le considère pas pertinent. Pourtant, je pense que c'est important de relire l'amendement, et ça, ça participe de tout le sérieux. Parce qu'on a beau dire : Oui, ça prend du temps, je veux dire, le processus législatif prend du temps. Avant le bâillon, on avait 32 heures de faites, y incluant les suspensions, Mme la Présidente. Alors, on était autour, réellement, d'un 30 heures de fait. Et puis je ne vous ressortirai pas les cas où il y avait eu beaucoup plus de temps. Il n'y avait pas d'éléments de charte des droits et libertés qui étaient amendés et de droits qui étaient retirés. Il n'y avait pas de clause dérogatoire. Et évidemment il n'y avait pas...

Une clause dérogatoire, là, ça veut dire : Clause qui suspend les droits et libertés de tous les Québécois, toutes les Québécoises. 1 à 38, on les met tous dans le même panier. Puis le collègue de Pontiac a eu l'occasion de les lire. Et là les gens ont pu, à la lecture, Mme la Présidente, constater que ce qui était suspendu, c'étaient tous les droits et libertés en vertu de notre charte québécoise, qui a été adoptée unanimement en 1975 et qui garantit des droits et libertés essentiels, primaires. Et, lorsque l'on vient jouer là-dedans, ce n'est pas anodin. Lorsqu'on vient jouer là-dedans...

Mme la Présidente, dans un échange ultérieur avec le ministre, j'ai eu l'occasion de citer le mémoire de M. Pierre Bosset, qui, lui, a dit qu'historiquement, lorsque l'on est venu affecter les droits substantifs, les droits 1 à 38, les articles 1 à 38, il y avait des cas d'espèce où c'était unanime, c'était la très grande majorité. Juste à deux occasions, ça n'avait pas été... Excusez-moi, pas la majorité, l'unanimité. Juste à deux occasions, ça n'avait pas été l'unanimité, ça avait été... Deux députés avaient voté contre à une occasion et un autre avait voté contre à l'autre occasion, sur une Chambre qui constituait à peu près 110 députés. Notre collègue vice-président, avant vous, Mme la Présidente, qui présidait nos travaux, a eu l'occasion de nous le confirmer. Alors, ça, ce n'est pas anodin.

Là, ce dont on parle, on parle de l'article 6. Et, l'amendement, je le relis :

«Le ministre précise par règlement les principes directeurs portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi.

«Tout règlement édicté en vertu de cet article doit faire l'objet d'une étude par la commission compétente de l'Assemblée nationale dans les trente jours de sa publication.» Fin de la citation.

L'article 6 du projet de loi, Mme la Présidente, il nous a été présenté, dès son dépôt, comme étant uniquement... et je le cite : «Le port d'un signe religieux est interdit dans l'exercice de leurs fonctions aux personnes énumérées à l'annexe II.» L'annexe II, on le sait, elle est très large. Et malheureusement on n'aura pas l'occasion d'y aller, parce que je le sais, qu'il y a des collègues, entre autres du Parti québécois, qui avaient des choses à dire — même si on n'est pas d'accord, ils ont voix au chapitre puis qu'on fasse le débat — également de Québec solidaire, avaient des choses à dire, et, le cas échéant, les députés indépendants, et évidemment, au premier titre, l'opposition officielle. Lorsque l'on limite des droits et libertés, ça requiert un minimum de clarté. Je pourrais même extensionner, j'ai eu l'occasion de le faire ce matin, un minimum de débats, de un, pas bâillon parce que ce n'est pas, selon nous, respectueusement, justifié en l'espèce, mais, de deux, de ne pas faire en sorte, d'éviter qu'il y ait un rééquilibrage par nos tribunaux.

Le ministre a cité... a tenté de nous donner un exemple ce matin avec le projet de loi n° 78, qui requérait, lors de manifestations, un minimum d'information qui devait être donnée aux autorités. Bien, il n'y avait pas de clause dérogatoire. Oui, il y avait eu un bâillon, puis ça, je lui ai concédé. Mais ce que je lui demandais, c'est un exemple où il y avait comme, en l'espèce, trois choses : limitation des droits, bâillon, clause «nonobstant». Il n'y avait pas de clause «nonobstant». Il n'y avait pas de clause dérogatoire, Mme la Présidente. Ça veut dire que le projet de loi n° 78 a eu l'occasion d'avoir son test par les tribunaux, puis il y a eu une contestation judiciaire, puis il y a eu des jugements, Mme la Présidente, qui est venu modeler le tout. Donc, ça, ça participe de notre démocratie.

Et, en ce sens-là, ce dont on parle, c'est un droit de manifester, c'est un droit important, mais là on parle d'une liberté, droits et liberté, qui est enchâssé, entre autres, à l'article 2 de la Charte canadienne, enchâssé à l'intérieur de notre charte québécoise des droits et libertés, et qui fait en sorte que... deux choses — celles et ceux qui nous écoutent à la maison : vous avez toujours, au Québec en 2019, la liberté de conscience et de religion. Ça, c'est un choix individuel que l'État — c'est un des fondements de notre société de droit — doit respecter. Et ça, ça veut dire aussi, par extension, que l'on ne peut pas discriminer sur cette base-là, on ne peut pas vous refuser un emploi parce que vous êtes catholique, parce que vous êtes musulman, parce que vous êtes juif, on ne peut pas faire ça, au Québec, ce n'est pas un motif, on ne peut pas discriminer et dire : Tu n'auras pas d'emploi, en ce sens-là.

L'un des effets, puis l'un des effets, puis le ministre le reconnaît, puis je ne pense pas faire outrage à son propos en paraphrasant de la façon suivante, c'est de mettre de côté... Parce que c'est ce qui est fait de façon très tangible, on prend la liberté de croyance... Vous êtes catholique, vous dites : Bien, moi, je suis catholique, j'ai une croix catholique au cou ou j'ai un bijou avec une croix catholique, ou même si vous ne l'êtes pas, au niveau de la subjectivité... Parce que l'article 6, je suis précisément sur la clarté nécessaire, l'article 6, et l'amendement, fait en sorte que, si vous êtes enseignant ou enseignante, vous avez un bijou avec une croix, le ministre vous dit : On ne sortira pas le «tape» à mesurer, ouvrez les guillemets, fermez les guillemets, et il n'est pas question d'avoir ce que le Parti québécois, à l'époque... Puis ça avait été décrié, la définition de l'article 5 du p.l. n° 60 du Parti québécois n'était pas suffisamment claire, puis moi, je l'avais décrié. Et même j'invite le collègue ministre, Mme la Présidente, d'aller retrouver ce que disait sa collègue de Montarville, aujourd'hui ministre de la Culture dans le gouvernement de la Coalition avenir Québec, qui, à l'époque, en 2013... Je me rappelle, elle était assise du même côté que moi, et nous, elle et moi, pas toujours sur le même ton, pas toujours sur les mêmes points, nous avions des différends, et là, notre ex-collègue qui était Bernard Drainville, on lui disait : Ce n'est pas clair, ce n'est pas praticable, et même elle, à ce moment-là, précisait qu'il y avait un élément de subjectivité qu'elle condamnait dans l'application de l'article 5 du projet de loi n° 60. Elle avait dit : Dans cette loi-là — je la paraphrase — il y a un élément de subjectivité dans cette définition-là, et moi, je ne suis pas à l'aise avec ça. On ne peut pas avoir de subjectivité, Mme la Présidente, quand je m'apprête à vous retirer vos droits, basé sur mon interprétation.

• (17 h 30) •

Là, le ministre nous dit, à minuit moins cinq... et là tout ce qui a été dit, Mme la Présidente, depuis le dépôt du projet de loi jusqu'au moment... Il y a 32 heures de vie parlementaire, maintenant 36 heures de vie parlementaire en article par article. On ne peut pas nous dire : Bien, depuis ce temps-là, on a parlé de ces concepts-là depuis tout ce temps-là. Non. À minuit moins cinq, nous avons eu un amendement qui a été déposé, un amendement majeur qui tente, là, qui tente... Puis celles et ceux qui nous écoutent à la maison, là, un signe religieux, c'est quoi? C'est un «objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef qui est — là, vous avez un critère objectif — soit porté en lien avec une conviction ou une croyance religieuse» ou — parce que je n'ai pas besoin... ce n'est pas cumulatif — «soit raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse.» Celles et ceux qui nous écoutent à la maison, Mme la Présidente, je pense qu'elles ne méritent pas et ne veulent pas être jugées sur des critères subjectifs où il n'y a pas de balise nécessaire et tomber dans le piège qu'est tombé le premier ministre, Mme la Présidente, il y a quatre jours, où, là, une alliance, c'est un signe religieux puis c'est interdit.

La Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le député de LaFontaine...

Le temps imparti à la commission plénière étant écoulé, je remercie celles et ceux qui y ont participé.

Et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je suspends les travaux quelques instants et je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire immédiatement. Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 17 h 32)

(Reprise à 17 h 36)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Nous reprenons nos travaux, et je cède la parole à M. le député de Richmond.

M. Bachand (président de la commission plénière) : Mme la Présidente, j'ai l'honneur de vous faire part que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État, et qu'elle n'a pas complété l'étude.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Richmond. Et je rappelle aux membres de cette Assemblée que, conformément à l'article 257.6 du règlement, tout député dispose d'au plus une heure pour transmettre au bureau du secrétaire général copie des amendements qu'il entend proposer à ce rapport. Cet article prévoit également que le débat débute au plus tôt une heure après l'écoulement de ce délai.

Je suspends donc les travaux de cette Assemblée pour une période d'au moins deux heures. Les cloches sonneront pour vous aviser de la reprise de la séance. Et je suspends nos travaux.

(Suspension de la séance à 17 h 37)

(Reprise à 19 h 39)

Prise en considération du rapport de la commission plénière
qui en a fait l'étude détaillée et des amendements transmis

Le Vice-Président (M. Picard) : L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État, ainsi que les amendements transmis par M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Jean-Lesage et le M. le chef du troisième groupe d'opposition.

Je déclare ces amendements recevables, à l'exception de l'amendement au titre du projet de loi proposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui est irrecevable puisque la jurisprudence parlementaire considère que les amendements au titre d'un projet de loi ne sont recevables que dans la mesure où ils découlent de ceux apportés aux articles du projet de loi. Or, en l'espèce, les changements proposés au titre par amendement ne découlent pas d'amendements adoptés lors de l'étude détaillée. En effet, les dispositions relatives à l'interdiction du port de signes religieux pour certaines personnes dans l'exercice de leurs fonctions existaient initialement dans le projet de loi.

• (19 h 40) •

Je vous rappelle que, conformément au troisième paragraphe de l'article 257.1, la durée du débat sur la prise en considération du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État, et sur les amendements proposés est d'une heure. La répartition du temps de parole pour ce débat restreint a été établie comme suit : 29 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 17 min 40 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 6 min 6 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 5 min 29 s sont allouées au troisième groupe d'opposition.

Chaque député indépendant dispose d'un temps de parole de 45 secondes. Toutefois, lorsqu'un seul député indépendant participe à un débat, il dispose d'un temps de parole d'une minute. Dans le cadre de ces débats, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Y a-t-il des interventions? M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, chers collègues, nous voilà rendus à l'étape importante de la prise en considération, soit la dernière étape avant l'adoption du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État.

Il y a lieu d'abord de rappeler l'objectif premier de ce projet de loi, soit celui d'affirmer, et ce, pour la première fois de notre histoire, la laïcité de l'État dans nos lois.

Depuis 2010, il s'agit du septième projet de loi à porter sur la même question. Initiés par des parlementaires de toutes les formations politiques, ces projets de loi témoignent du fait indéniable que la laïcité de l'État est un enjeu important pour tous les Québécois. Ce projet de loi est la réponse logique à cette vaste réflexion qui anime le Québec depuis tant d'années.

Le projet de loi vient spécifier les quatre principes sur lesquels repose la laïcité de l'État, à savoir la séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes et la liberté de conscience et de religion.

Le projet de loi n° 21 contient principalement trois mesures, soit l'introduction, dans notre droit, du principe de laïcité, l'interdiction de porter des signes religieux pour des employés de l'État en position d'autorité et l'obligation de donner un service public à visage découvert et de le recevoir à visage découvert lorsque cela est nécessaire pour des raisons d'identification et de sécurité.

Ce projet de loi est modéré, et pragmatique, et surtout applicable. Il vient établir le juste équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels, en plus de refléter le plus large consensus au sein de la société québécoise.

Tout d'abord, mentionnons la quasi-unanimité sur la pertinence de la laïcité comme enjeu gouvernemental. Il devient de plus en plus clair qu'inscrire la laïcité dans nos lois est un puissant générateur de consensus.

Ensuite, le projet de loi n° 21 propose d'interdire le port de signes religieux à certaines catégories d'employés seulement, durant leurs heures de travail uniquement et en prévoyant une clause de maintien en emploi. Parmi les fonctions concernées, il y a les policiers, les agents de services correctionnels, les procureurs, les directeurs et les directeurs adjoints d'écoles ainsi que les enseignants. Il ne fait aucun doute que les enseignants jouent un rôle de modèle et qu'ils sont une figure d'autorité dans la vie de nos enfants. Tous ces employés doivent faire preuve, vu les fonctions qu'ils occupent, de neutralité et de réserve en fait et en apparence.

Enfin, le projet de loi n° 21 prévoit l'obligation de donner et de recevoir des services publics à visage découvert. Je me permets de souligner une fois de plus le consensus qui s'est dégagé sur cette question lors des consultations particulières. Tous veulent que les employés de l'État travaillent et offrent des services publics à visage découvert. Il en va de même pour les personnes bénéficiaires de tels services lorsque des motifs de sécurité ou d'identification l'imposent. Aussi, il est prévu qu'aucun accommodement ne pourra être accordé en ce qui a trait à l'interdiction de porter un signe religieux, au service à visage découvert et au devoir de neutralité religieuse.

M. le Président, le Parlement du Québec souhaite ici réorganiser les rapports entre l'État et les religions. Il refuse de laisser ainsi les tribunaux fixer seuls les termes du débat sur la laïcité de l'État. Le Québec, et c'est un fait reconnu et établi, est une société distincte. Ce modèle dont il entend se doter est unique et propre au Québec, fidèle à ses valeurs et à son histoire. C'est pourquoi des dispositions dérogatoires sont introduites au projet de loi. Cette approche est légitime, prévue dans nos lois et fréquemment utilisée par le gouvernement québécois.

Le Québec a eu recours à ces dispositions à plus d'une centaine de reprises depuis 1975, presque toujours de façon préventive. Avec le projet de loi n° 21, nous ne dérogeons pas aux règles entourant l'usage de ces dispositions. Non seulement ces dispositions nous permettront d'affirmer la souveraineté parlementaire et de définir nous-mêmes une laïcité typiquement québécoise, mais elles nous permettront également de sécuriser sur le plan juridique le projet de loi n° 21, et ainsi enfin de passer à autre chose.

Le projet de loi n° 21 est attendu depuis trop longtemps, et les Québécoises et les Québécois nous ont demandé, en octobre dernier, d'agir dans ce dossier. Votre gouvernement prend donc les moyens qui s'imposent pour respecter sa parole et répondre aux attentes de la population.

Enfin, M. le Président, soulignons que nous avons déposé une série d'amendements visant à bonifier le projet de loi. Le gouvernement, depuis le début du débat, a tendu la main aux oppositions pour faire adopter le projet de loi de façon consensuelle. Aujourd'hui, nous avons eu recours à la procédure législative d'exception parce que les Québécois souhaitaient que le projet de loi sur la laïcité soit adopté.

Après 11 ans de débats, M. le Président, il était temps d'agir. Le gouvernement du Québec a agi, a rempli ses engagements et a rempli sa parole auprès des Québécois. Enfin, le gouvernement du Québec agit au nom des Québécois.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Hélène David

Mme David : Merci, M. le Président. Eh bien, nous arrivons au bout d'un parcours très difficile, très fatigant, très exigeant, autant intellectuellement, que moralement, qu'éthiquement. Nous avons travaillé très, très fort en commission parlementaire pendant les quelques heures que nous avons eues. Je le répète : Quelques heures que nous avons eues. Et ça se termine aujourd'hui de façon assez décevante, M. le Président. Je suis forcée d'être déçue par la réponse que nous avons reçue à notre appel de tenir ce débat dans la sérénité, la rigueur et la hauteur qu'il appelait.

Tout au long de l'étude détaillée, nous avons dû travailler avec un ministre plutôt pressé. Il est très pressé dans la vie, ce ministre, tenant un débat en superficialité, qui n'a pas fait preuve de réelle intention de travailler dans l'ouverture, le dialogue et la collaboration. Ce débat d'une si grande importance aurait mérité davantage de rigueur et de profondeur de la part du ministre et du gouvernement, que ce soient les questions sur les concepts d'autorité, de signes religieux, de lignes directrices, et plusieurs autres.

Tout au long de l'étude, le ministre a refusé de répondre avec précision à nos questions, et Dieu sait qu'on en a eu, aussi légitimes soient-elles. Il a refusé de répondre aux questions que se posent des milliers de Québécois et Québécoises depuis le dépôt de son projet de loi, des questions que devront forcément se poser des centaines de directeurs d'école après l'adoption forcée du projet de loi, ce soir.

Le projet de loi devant nous a été écrit dans l'improvisation, c'est clair, et avec beaucoup d'incohérence. C'est ce qui est ressorti, tant dans les consultations parlementaires que lors de l'étude détaillée. Des commissions scolaires, la ville de Montréal, des syndicats ont mentionné que le projet de loi serait totalement inapplicable tel que rédigé, un véritable fardeau administratif dans d'autres cas. Une loi floue qui risquerait de mener à une application inégale, voire arbitraire.

Dès le départ, notre position, au Parti libéral du Québec, a été claire. Suite au dépôt du projet de loi n° 21, le 28 mars, le ministre a choisi de ne l'étudier qu'à partir du 11 juin dernier, je le mentionne. C'est très, très peu dans une vie parlementaire, très peu. Je me suis chargée d'être la voix de tous les Québécois, et particulièrement des Québécoises touchées par ce projet de loi, celles qui, demain matin, subiront les conséquences directes de ce projet de loi. Je me suis efforcée d'aborder le débat avec humanité, sensibilité, ouverture et respect.

Notre objectif, lors de l'étude du projet de loi — d'ailleurs, moi et tous mes collègues, que je remercie infiniment de leur collaboration, infiniment, encore aujourd'hui jusqu'à tout à l'heure, merci beaucoup — était donc de faire tout en notre possible pour que le ministre explique les tenants et aboutissants de sa loi, qu'il en explique son application et réponde aux questions des citoyens touchés. J'ai souhaité aussi que le gouvernement fasse preuve d'humanité, d'humanité, l'a-t-on assez dit, et fasse réellement preuve d'ouverture. Nous avons souhaité que le ministre accompagne vraiment, vraiment les organismes forcés d'appliquer sa loi avec la diffusion de lignes directrices ou d'un règlement. Rien d'impossible, M. le Président, des lignes directrices. Ils vont être laissés à eux-mêmes complètement, je ne sais pas comment ils vont faire.

• (19 h 50) •

L'absence totale de sens donné à la notion de signes religieux, est-ce qu'on a besoin de répéter les quelques heures pendant lesquelles le premier ministre a dit une chose et son ministre, le contraire? A-t-on besoin de le répéter? Puis une tentative de définition à la toute dernière minute, vraiment à la toute dernière minute, qui mènera à une application complètement, complètement inégale, voire même arbitraire. La définition proposée par le ministre ne règle en rien la problématique. En fait, on pourrait plutôt dire qu'elle l'aggrave.

Le ministre se décharge du fardeau de définir la cadre d'application de sa loi pour le lancer dans les cours des organismes visés. Nous avons voulu en assurer une application qui soit juste et non-arbitraire, mais le ministre ne s'en est même pas soucié.

Nous avons évidemment souhaité que la loi s'applique au moins grand nombre de personnes possible. Malheureusement, le ministre est resté totalement campé dans ses positions. Le plus important pour nous était assurément de protéger les gens actuellement en emploi avec un véritable droit acquis, même si le concept d'un droit acquis sur des droits fondamentaux est quelque chose d'assez dissonant. Nous voulions que la protection soit attachée à la personne et non à la fonction. Combien, combien de personnes ont demandé ça, de partis ont demandé ça? Pas de réponse. Pas de réponse et pas de modifications.

Dans la formule actuelle, cette disposition est carrément inhumaine. Comment peut-on faire choisir une personne entre sa carrière et ses croyances personnelles? Il était impossible pour moi de concevoir que les étudiants aussi, et Dieu sait qu'on en a parlé cet après-midi, que les étudiants actuellement inscrits à une formation menant à une profession ne soient pas protégés par la disposition dite de droits acquis. Ils ne le savaient pas, en choisissant ce métier qu'ils voulaient pratiquer, à quoi ils s'attendaient, et maintenant ils sont en deuxième, troisième, quatrième année d'université, on leur dit : Non, tu ne pourras pas.

Nous étions totalement contre certains aspects de ce projet de loi, qui est, selon nous, totalement illégitime. Prenons, par exemple, les deux dispositions de dérogation, les deux dispositions, pas une, deux dispositions. C'est du jamais-vu, on l'a dit malheureusement trop souvent. Avec celles-ci, le ministre veut suspendre l'application des droits fondamentaux. Seulement pour la charte québécoise, seulement pour la charte québécoise, c'est plus de 38 droits qui seront suspendus, 38. Pas un, pas deux, 38. Ils ont été lus de un à 38 par le collègue le député de Pontiac tout à l'heure. Et des éminents juristes ont dit : Savez-vous quoi? Ça donne le vertige. Il faut le faire!

Le ministre peut tenter de convaincre que c'est une utilisation banale. Il l'a beaucoup, beaucoup dit et répété, mais, bien au contraire, ces dispositions demeurent et doivent demeurer des outils d'exception. La majorité ne peut s'en servir selon son vouloir pour écraser les droits des minorités. Je le répète : La majorité ne peut s'en servir selon son vouloir pour écraser les droits des minorités.

Avant que le ministre bâillonne les parlementaires de cette Chambre, il nous restait de nombreux aspects à aborder. Nous aurions apprécié que le ministre les étudie réellement avec ouverture. On était disponibles, M. le Président, on l'était. Notre chef l'a dit ce matin, une célèbre loi, dont le ministre s'enorgueillit énormément, où ils ont passé l'été, tout ça pour éviter le bâillon, tout ça. Ici, on est pressés. Ce n'est pas grave, le bâillon. Ce n'est pas grave, de bafouer les droits.

Ce n'est pas parce que le ministre répète à chaque occasion que sa loi est applicable, pragmatique et modérée, il vient de le redire, que cela devient vrai pour autant. Et savez-vous quoi? Il a exactement employé cette phrase-là tout à l'heure pour nous répondre en disant : Ce n'est pas parce qu'on répète 15 fois quelque chose que ça devient une vérité. Alors, M. le ministre, je vous renvoie la balle avec exactement la même phrase. Ce n'est pas parce que le ministre répète à chaque occasion que sa loi est applicable, pragmatique et modérée que cela devient vrai pour autant. Ce n'est pas parce que le ministre dépose un amendement prétendant préciser sa loi que c'est nécessairement le cas. Dans le contexte actuel, il nous était impossible d'approuver le reste des articles du projet de loi dans ce contexte de bâillon. Ces changements sont trop importants pour les adopter sous une pareille procédure d'exception.

Je réitère que le ministre avait le choix. Le gouvernement avait le choix. Il n'y avait aucune urgence, aucune. Le ministre aurait pu prendre le temps de répondre à chacune de nos questions, des questions soulevées par les gens visés par son projet de loi. Il aurait pu étudier chacun de nos amendements. Il a plutôt choisi d'y mettre fin et d'imposer son projet de loi aux Québécois. Il a choisi la fermeture au dialogue, il a choisi l'artillerie lourde à la sérénité.

C'est un jour triste, où le ministre aura choisi de couper court au débat, aura préféré précipiter l'adoption de sa loi pour éviter d'en expliquer l'ensemble des impacts. Il aura choisi de laisser des questions sans réponse, et ce, dans l'unique but de servir son agenda politique.

Le Québec se souviendra, M. le Président, de ce triste jour, ce jour où certains de nos concitoyens et concitoyennes ne se sentiront plus vraiment chez eux au Québec, ce Québec qui jusqu'ici, jusqu'à maintenant, a été une terre d'accueil et de tolérance.

Je laisse la parole à mon collègue le député de LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Je suis maintenant prêt à reconnaître M. le député de Jean-Lesage.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Les Athéniens avaient-ils raison de condamner à mort Socrate? Cette question soulève l'enjeu de la volonté de la majorité en démocratie. Un des arguments, je dirais, fallacieux que nous avons entendu énormément tout au long de l'étude de ce projet de loi et avant se nomme l'appel à la majorité. Confrontés à une difficulté, confrontés à l'évidence de l'inapplicabilité de ce projet de loi, confrontés à l'évidence du fait qu'il allait brimer nos droits et nuire à l'unité nationale, on nous répondait du côté du gouvernement : La majorité des Québécoises et Québécois ont voulu ceci, nous ont élus pour ça, et nous allons le faire.

Premièrement, ce n'est pas parce que la majorité du monde, nécessairement, tout le temps, veut quelque chose que c'est une bonne chose. Je pense que la condamnation à mort de Socrate est un exemple assez irréfutable. Aussi démocrates que nous soyons, on est pour la démocratie, la démocratie suppose aussi la protection des minorités.

Alors, d'une part, dire : Nous le faisons parce que la majorité des gens le veulent, ce n'est pas un bon argument pour orienter une politique publique. Si, demain matin, la majorité des gens voulaient la peine de mort, si, demain matin, la majorité des gens voulaient remettre en cause le droit à l'avortement, voulaient remettre en cause ces choses-là, devrions-nous le faire? La réponse est évidente : Non.

Mais l'affaire là-dedans, c'est que ce n'est même pas vrai que la majorité des Québécoises et des Québécois veulent ça. Ce n'est pas vrai que ce gouvernement-là a eu la majorité des voix. Ce gouvernement a eu l'appui de 25 % des électeurs inscrits sur la liste électorale. 75 % des gens n'ont pas voté pour ce gouvernement. Et on est dans un monde de sondages, et d'image, et tout ça, là. Alors, chaque fois, on nous disait : Tant de pourcentage des Québécoises et Québécois sont d'accord.

• (20 heures) •

Souvent, quand on pose la question différemment, on obtient un résultat différent. Il y a aussi un sondage qui est arrivé un peu plus tard qui disait que, lorsqu'on demandait aux Québécoises et Québécois s'ils étaient d'accord avec ces interdictions des signes religieux si ça compromettait les droits et libertés de la personne, l'appui fondait de 20 %. On se retrouvait avec un appui de 39 % pour, 41 % contre, disons l'égalité statistique, et le reste en refus de répondre, indécis. Alors, non seulement l'appel à la majorité ne suffit pas — il suffit pour bien des choses, il suffit pour faire un projet de transport en commun, il suffit pour amener des politiques publiques, mais il ne suffit pas pour aller brimer les droits et libertés de la personne — non seulement ça, mais en plus la majorité des Québécoises et Québécois n'appuient pas ce projet de loi.

On nous dit que nous allons passer à autre chose. Je ne sais pas comment on s'imagine que ça va magiquement se passer, mais, la tension sociale que nous vivons ici, nous ne sommes pas les seuls, c'est un phénomène qui se passe partout en Occident, et les solutions législatives d'interdiction des signes religieux qui ont été utilisées ailleurs, différentes de celles proposées par le gouvernement, j'en conviens, elles n'ont pas donné comme résultat une fin du débat, un abaissement des tensions, une meilleure unité nationale, une cohésion ni même, je dirais, une fierté et un rehaussement du sentiment d'appartenance. L'exemple de la France est marquant. Leurs législations sont différentes, ce n'est pas pareil, mais, ces femmes qu'on voulait protéger en leur interdisant les signes religieux à l'école, 15 ans plus tard, qu'est-ce qui se passe? Elles sont moins autonomes, plus à la maison, ont plus d'enfants, ce qui n'est pas un problème en soi, là, avoir plus d'enfants, mais, je veux dire, elles sont moins autonomes, elles sont moins sur le marché du travail, elles ne sont pas plus émancipées comme on le prétendait. C'est rare que la coercition libère, qu'en disant à quelqu'un de ne pas faire ceci puis ne pas faire cela on le rend plus libre.

Il y a une menace à l'identité québécoise dont on ne parle pas souvent, et elle est liée intrinsèquement au régime politique dans lequel on est. Ce qui nous menace, c'est le fait que nous ne prenons pas l'ensemble de nos décisions par nous-mêmes, et ça, ça s'appelle l'aliénation politique. À force de voir notre avenir dirigé par les choix des autres, nous perdons une part de notre identité. Ça, c'est grave. Ça, c'est urgent. Ça, ça nécessite une action immédiate. Et cette action-là, ce n'est pas l'interdiction des signes religieux, c'est, entre autres, l'indépendance du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Pour la prise en considération, c'est un privilège pour moi de parler au nom du caucus des fiers députés du Parti québécois, de ses milliers de membres, de toutes ces personnes qui ont de l'estime pour nous pour réaffirmer quelque chose de solennel : Le Québec, c'est bien plus qu'une société distincte, c'est une nation, et une nation normale prend des décisions pour le vivre-ensemble, pour prévoir l'avenir et aussi parce qu'elle en a le droit. Elle en a le droit parce que l'Assemblée nationale, c'est notre Parlement national. C'est important.

Je ne serai pas très long. Il y aurait beaucoup de choses à réitérer. Bien sûr, l'enjeu, ce n'est pas d'aller plus loin, c'est la cohérence. Bien sûr, il y aura des suites, des gens contesteront cette loi, mais il faudra réaffirmer la souveraineté de notre Parlement national, notre seule institution où on peut parler pleinement de ce qu'on est.

Le Québec, il est fort de ses décisions. Lorsqu'en 1977 on a voté pour la loi 101, il s'est trouvé des parlementaires pour voter contre. Maintenant, tout le monde se réclame de cette grande loi.

Cette loi, nous aurions aimé la voter. La première formation politique qui a voulu légiférer en ce sens, c'est le Parti québécois, en 2013, dans un contexte minoritaire. Nous aurions aimé que cette question soit réglée ou puisse avancer sous le gouvernement libéral, ce ne fut pas le cas. Le gouvernement propose un projet de loi qui est légitime et nécessaire et qui permet de prévoir l'avenir et la pluralité religieuse du Québec. Nous n'avons pas peur, nous avons confiance en notre jugement. Nous avons confiance qu'en l'absence de règles tout est possible.

Et je me questionne sur ce retour du religieux dans notre société, M. le Président. Pourquoi accepterait-on le retour du religieux? Pourquoi le retour du religieux et des signes ostentatoires aurait préséance sur la liberté de conscience, notamment des enfants et de leurs parents? Je me pose cette question.

Je suis heureux que le gouvernement ait accepté notre proposition pour inclure les directeurs d'école, on n'en a pas parlé beaucoup. J'aurais aimé que les éducateurs, éducatrices en CPE fassent partie de la loi, c'est des gens en autorité. J'aurais aimé que les écoles privées soient assujetties aussi, ça n'a pas été fait. J'aurais aimé un cadre plus clair quant à la modification du cours d'Éthique et culture religieuse, ce n'est pas le cas. Mais, ce matin, lorsque j'ai posé des questions au premier ministre, j'ai été heureux de l'écoute et de l'accueil qu'il m'a réservé à chacune de ces trois questions. Le Parti québécois était là avant sur ces questions-là, mais l'important pour la suite des choses, bien au-delà du cadre dans lequel on débat, qui est un cadre d'exception, bien au-delà de ça, c'est le résultat. Et la volonté des députés du Parti québécois, c'est d'adopter la meilleure loi possible, d'y contribuer positivement.

Notre position, elle est connue depuis 2017. C'était notre position avant l'élection, c'était notre position pendant l'élection, c'est toujours notre position. Authenticité et conviction. Nous croyons qu'une société normale peut prendre ses décisions. Nous croyons que le gouvernement pose un geste, un geste qui l'engage et un geste qui nous engagera à partir du vote final.

J'en appelle à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, une fois que le verdict sera connu, de faire respecter cette loi, parce que le vent soufflera fort, des gens voudront invalider cette loi, des gens appelleront à la désobéissance. Mais, quand ça arrivera, M. le Président, vous pourrez compter sur le Parti québécois pour faire respecter les lois du Québec, même les lois avec lesquelles on n'est pas d'accord, on a voté contre. Ce Parlement, c'est notre maison, c'est ici que se prennent les décisions de la nation, nous le respectons énormément. Nous avons une riche histoire, M. le Président, démocratique, mais nous avons un bel avenir devant nous. Et aujourd'hui je veux annoncer au nom du Parti québécois que nous voterons en faveur de cette prise en considération. Merci.

>655 Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Richard Campeau

M. Campeau : Merci, M. le Président. Comme vous savez, je suis député de la région de Montréal, et, en fait, plus de l'est de Montréal, et je suis vraiment fier d'avoir la chance de prendre la parole aujourd'hui pour un projet de loi aussi important que le projet de loi n° 21 sur la laïcité.

Tous les partis ont des recherchistes qui nous aident à préparer nos textes quand on vient en Chambre, mais quiconque me connaît un tant soit peu sait très bien qu'il n'y a personne qui m'empêcherait de dire vraiment ce que je pense profondément. C'est une raison de plus pour être heureux et fier d'avoir l'occasion de parler de ce projet de loi sur la laïcité.

J'ai été identifié bien avant le 1er octobre dernier, un an avant, dans les tout premiers candidats, et déjà, dans le porte-à-porte, on me disait : Ne lâchez pas, continuez, maintenez votre position. Ça fait déjà longtemps. Ce projet de loi là a fait couler beaucoup d'encre, et même encore actuellement on a le même message. Mon expérience, là, c'est que la division qu'on entend ici, qu'on entend lors de la commission parlementaire, ce n'est pas ce que j'entends dans mon comté, ce n'est pas ça. Les gens nous disent avoir un désir d'en finir une fois pour toutes, il y a un ras-le-bol de cette discussion qu'on a depuis trop longtemps sur la laïcité.

La laïcité qui est proposée par le projet de loi n° 21, ce n'est pas un rejet de qui que ce soit, c'est simplement une façon de vivre ensemble. C'est une manière de tracer des lignes législatives pour éviter que des personnes en position d'autorité exercent une influence religieuse ou d'apparence religieuse dans leurs fonctions, pour protéger la liberté de conscience et, bien sûr, surtout auprès de nos enfants.

Il y en a qui ne sont pas d'accord, mais je sens qu'il y a une vaste majorité de Québécois qui nous appuient. L'opposition, les diverses oppositions ont demandé plus de temps pour discuter du projet de loi. Quant à moi, ça fait 11 ans qu'on en parle, je pense qu'on en a assez parlé. On ne fait que se répéter.

Je suis vu comme quelqu'un de terre à terre, de pratique, de pragmatique et je trouve extrêmement décevant de voir qu'on a un rapport qui a été sorti il y a 10, 11 ans et qui fait juste prendre la poussière. Parler de ça un dimanche soir au salon bleu, bien, je n'en reviens pas. Si on avait bougé, il y a 10, 11 ans, on n'aurait pas besoin de faire ça.

Cet exercice, il y a un historique en arrière...

• (20 h 10) •

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Picard) : ...M. le député. Il y a une personne qui a le droit de parole ici, et c'est le député de Bourget, s'il vous plaît. Allez-y.

M. Campeau : Cet exercice qu'on vit, il y a un processus, une tendance en arrière. L'idée de la séparation de l'État et de l'Église figurait dans les demandes des Patriotes de 1838. L'histoire de l'émancipation du Québec, via la Révolution tranquille, on a aussi séparé la religion dans l'appareil étatique. La sécularisation, c'est-à-dire se distancer, les instances politiques, de celles religieuses, était exprimée par la création du ministère de l'Éducation suite aux recommandations du rapport Parent, que tout le monde connaît. Avant cette commission, les institutions d'enseignement supérieur étaient vraiment sous la gouverne du clergé, et maintenant on a séparé ça, à ce moment-là, d'une façon confessionnelle, en commissions scolaires catholiques et protestantes. Une quarantaine d'années plus tard, l'Assemblée nationale, en juin 2000, adoptait la loi n° 128 où on abrogeait le statut confessionnel des écoles, et elles devenaient, à ce moment-là, des commissions scolaires linguistiques, anglophones et francophones.

Et on en arrive finalement à notre point d'orgue, la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles, en fait la commission Bouchard-Taylor, qui ouvrait la voie à une piste de solution.

En 2014, il y a un sociologue, François Rocher qui disait que moins de 40 % des recommandations avaient été appliquées et les autres, les plus importantes, avaient été mises de côté. Depuis ce temps-là, il y a eu encore une évolution que nous savons tous. Le Parti québécois, comme ce qui vient d'être mentionné par le chef de la troisième opposition, en 2013, parlait d'une charte affirmant les valeurs de laïcité, de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les hommes et les femmes et encadrant les demandes d'accommodement. On sait que le Parti québécois n'a pas réussi, dans les circonstances, à faire adopter cette charte des valeurs, et on est resté bloqué avec le problème. Le Parti libéral a tenté à plusieurs reprises, depuis 2008, d'aller de l'avant, la dernière mouture étant la loi n° 62, dont nous nous souvenons, qui malheureusement n'a pas fait long feu, étant devenue inapplicable, car actuellement suspendue par la Cour supérieure du Québec.

La CAQ a promis, en étant élue, de faire un mouvement dans ce sens-là, a exprimé sa position depuis longtemps. En fait, même si je n'avais pas été élu, je suis avec la CAQ depuis le tout début, depuis 2012, je suis très bien placé pour dire qu'on défend la même position, la même position de compromis, depuis 2013. L'heure est venue de poser un geste d'affirmation en faveur de la laïcité de l'État et de tourner la page. La proposition de la CAQ m'apparaît réellement modérée et ainsi applicable à une majorité de la population, et ça demeure un compromis inspiré du rapport Bouchard-Taylor.

On a dit souvent que c'est faire preuve de courage politique que d'aller dans cette direction-là. Oui, si on avait eu plus de courage, il y a 10, 11 ans, on n'en serait pas là. Actuellement, je ne suis pas certain qu'on a besoin de beaucoup de courage politique. La population nous le demande, les gens nous le demandent, on nous dit de ne pas reculer.

La laïcité québécoise n'est pas la première au monde et n'est pas la dernière. Nous ne sommes pas des pionniers, on ne se dirige pas vers l'inconnu. La semaine dernière, j'ai eu l'occasion, avec un collègue, de rencontrer un journaliste espagnol originaire d'Uruguay et j'ai appris que l'Uruguay est laïque — je vois que mon collègue s'en souvient — est laïque depuis maintenant 100 ans, depuis 1919. Ils trouvent notre débat bien compliqué.

Je pense que nous prenons une décision éclairée, qui respecte les valeurs de nos citoyens et qui nous permettra de passer à autre chose, d'autres débats tout aussi importants. La laïcité, c'est une décision, une position dans notre premier mandat, c'est une étape à franchir avant de s'attaquer à d'autres problèmes tout aussi importants. Je suis fier d'être un membre de ce gouvernement qui va finalement trancher la question de la laïcité, un gouvernement qui se dit un gouvernement d'action et de pragmatisme et qui tente, je le pense, profondément à tous les jours de montrer cet aspect actif et pragmatique.

Encore une fois, un tout petit peu d'historique, en finissant. Le Québec est résolument francophone depuis 1977. On se souvient tous des paroles de Robert Bourassa : «Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.» 42 ans après l'adoption de la loi 101, nous allons nous doter d'un État laïque. C'est une autre affirmation de notre caractère distinct à l'échelle canadienne et nord-américaine. C'est un débat qui a déchiré le Québec pendant tant d'années et qui est sur le point de prendre fin, enfin. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député. J'indique au troisième groupe d'opposition qu'il reste 1 min 15 s au groupe parlementaire. Et je cède la parole à M. le député de LaFontaine, en lui indiquant qu'il reste 7 min 15 s.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Et ma deuxième question était — vous avez répondu à la première : Est-ce que le gouvernement compte utiliser tout son temps, M. le Président?

Une voix : ...

• (20 h 20) •

M. Tanguay : Alors, M. le Président, je vais prendre la balle au bond, du collègue de Bourget. Et c'est là, je pense... Et il a dit, il a prononcé ces paroles, je pense, en toute bonne foi, il a dit : On met fin à un débat, et, après ce soir, après l'adoption, si d'aventure l'Assemblée nationale vote le projet de loi n° 21, ce sera terminé, ce débat-là. M. le Président, il sera loin d'être terminé, ce débat-là.

Présentement, au Québec, celles et ceux qui nous écoutent à la maison peuvent en témoigner, il n'y a pas de crise sociale, il n'y a pas d'atteinte à la paix sociale. Et les effets du projet de loi n° 21 seront justement aux antipodes de ce qu'on nous plaide pour qu'on vote pour, ce sera de créer, M. le Président, de la chicane, créer également, et il ne faut pas le diminuer, et ce n'est pas galvaudé, comme expression, mais créer... si ce n'est pas des dilemmes, on pourra jusqu'à certains cas créer des drames humains, M. le Président, lorsqu'on vous demandera, pour accepter un changement de poste, une promotion, un transfert pour vous rapprocher de votre famille, par exemple, de votre conjoint ou conjointe, de vos enfants... lorsqu'on vous dira : Parfait, vous pourrez le faire mais au prix de vos convictions les plus intimes, les plus profondes, votre conscience et votre liberté de religion. Bien, lorsqu'on vous demandera de payer ce prix-là, des femmes et des hommes seront devant ce dilemme, M. le Président, qui n'est pas un dilemme en face duquel une assemblée nationale qui a à coeur le respect des droits et libertés de tous et chacun ne doit l'imposer, M. le Président.

Et je me rappellerai toujours que le ministre, et le débat va se clore vraisemblablement dans les prochaines heures, le ministre de l'Immigration, leader du gouvernement, avait souhaité au départ, lors du dépôt du projet de loi, le 28 mars 2019 — ça ne fait pas tellement longtemps, ça, 28 mars 2019 — un débat serein, respectueux et rigoureux, et force est de constater, M. le Président, et je le dis en tout respect, que, sur ces trois aspects-là, je pense qu'il s'agit d'un échec. On n'a pas eu la rigueur du débat parce qu'on n'a pas eu le temps de débattre, on n'a pas eu le temps, M. le Président, de faire valoir, de part et d'autre, nos arguments, et ça, c'est un échec. Le respect, la sérénité, lorsque l'on nous impose, oui, clause «nonobstant» mais un bâillon, M. le Président, on ne peut pas parler de respect et de sérénité. Oui, ça existe, la procédure extraordinaire, mais pas sur une loi, M. le Président, qui vient diminuer vos droits et libertés comme Québécois et Québécoises, qui vous impose une clause «nonobstant», autrement dit qui vous interdit tout recours judiciaire, vous êtes pieds et poings liés en ce qui a trait à la perte de ces droits et libertés. Et, lorsqu'on rajoute la dernière couche, c'est le bâillon, M. le Président, où l'on ne peut pas, comme députés, faire notre travail.

M. le Président, je vais annoncer aux collègues ici, autour de la table... Puis je suis certain, je suis certain, puis si je ne suis pas, M. le Président... qu'on me détrompe si j'ai tort, mais, si les collègues de la banquette ministérielle avaient été mis au courant des amendements qui s'en viennent, là il faudrait vraiment parler de deux poids, deux mesures. Je vais vous informer de trois amendements nouveaux.

Je ne veux pas vous informer du premier amendement, qui est arrivé pas plus tard qu'il y a cinq jours, qui était une nouvelle définition... c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de définition, mais c'était une définition des signes religieux. Puis je n'irai pas dans le sensationnalisme et parler de l'épisode, le triste épisode, je le dis en tout respect, de notre premier ministre qui, pendant quelques heures, selon son interprétation de l'interdiction des signes religieux, un jonc, un jonc de mariage est un signe religieux, et on devait le retirer, on devait l'enlever. C'est correct, le ministre chargé de l'application de la loi a dit : Non, non, non, ce n'est pas ça. Ça, c'est révélateur, M. le Président, du fait que c'est extrêmement nébuleux. Si le premier ministre du Québec, qui dit que ça fait des années qu'on en parle, que lui, il est au coeur du débat, a fait cette erreur-là, imaginez-vous la directrice d'école, le directeur d'école lorsqu'il devra refuser, la croix, est-ce qu'elle est là, est-ce qu'elle est suffisamment visible, est-ce qu'elle est invisible. Parce qu'on nous a même dit, M. le Président, je ne veux même pas faire de farce là-dessus... on nous a même dit que les signes invisibles étaient interdits, M. le Président. Ce n'est pas applicable, ça ne tient pas la route.

Je vais informer cette Assemblée puis les collègues, mes collègues de l'opposition officielle, des autres oppositions puis, je suis persuadé... sinon il y aurait eu deux poids, deux mesures dans la communication d'une information importante pour le législateur, pour qu'on puisse statuer, de l'introduction de trois nouveaux amendements qui seront votés dans les prochaines minutes, M. le Président, un premier amendement qui vise à préciser... On en a parlé. Dans les palais de justice, il y a 11 palais de justice qui comportent, à l'heure actuelle, 17 crucifix. La ministre de la Justice était sortie récemment pour dire : Ils seront retirés. Bien, à sa face même, on nous détromperait si on faisait le débat, mais il y aura un amendement qui sera déposé qui fait en sorte... Et je cite la dernière phrase du premier alinéa : «Toutefois, une institution peut, de sa propre initiative, retirer ou modifier un immeuble ou un tel bien meuble.» Ici, on parlait d'un bien meuble, un crucifix, qui avait une teneur, évidemment, religieuse. Alors, une fois que la ministre de la Justice a dit ça : Ils seront retirés, là, force est de constater qu'on en rajoute une couche aux décideurs locaux, de dire : Bien, vous, vous déciderez, on vous donnera ce pouvoir discrétionnaire là, sans vous donner plus de balises. Et ça, Mme la Présidente, c'est un élément qui va ajouter à la confusion.

Deuxième élément, les pénalités, on n'avait jamais parlé de pénalités. La vice-première ministre avait parlé d'envoyer la police rapidement, puis c'est correct, ça arrive, on en fait tous, des erreurs politiques. Là, on dit : Non, ce n'est pas ça, on va présumer de la bonne foi des gens, puis ils appliqueront. Il y aura un amendement, tout à l'heure, qui sera voté, je vous en informe, chers collègues : «La personne visée à l'article 6 — 6, c'est le signe religieux — ou au premier alinéa de l'article 8 s'expose, en cas de manquement aux mesures qui y sont prévues, à une mesure disciplinaire...» Ça, on va voter là-dessus. Ils useront de leur majorité parlementaire pour le passer, mais ça, mesure disciplinaire, ce n'est pas anodin. Puis ça, quand on me dit qu'on veut renforcer la paix sociale, ça, on vient, Mme la Présidente, y toucher à son propre coeur.

Et, le dernier, je ne veux même pas faire de farce là-dessus, il y aura : «Un ministre peut — un amendement à 11.1 — de concert avec le ministre responsable de l'application[...], [...]désigner par écrit une personne [...] chargée de [la] vérification [du respect de cette loi].» Autrement dit, autrement dit...

Des voix : ...

M. Tanguay : Il me reste... J'ai 7 min 15 s, Mme la Présidente. Autrement dit... Et exiger tout document, renseignement jugé nécessaire pour procéder à la vérification et, tenez-vous bien, requérir de l'organisme... On pourrait dire, puis ce n'est même pas drôle... on pourrait dire la police, Mme la Présidente. Alors, la police de la laïcité pourrait, en somme — ça fait une page et demie, cet amendement-là — pourrait le soumettre... Il devra, l'organisme, se soumettre à toute autre mesure exigée par cette police.

Alors, Mme la Présidente, le leader disait, dans son livre de 2018 : «La justice est un univers où l'arbitraire n'a pas sa place et où les gens ont la possibilité d'être soutenus dans la défense de leurs droits.» Mme la Présidente, à la face de cette citation, c'est un échec total.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Je suis prête à entendre un autre intervenant. Mme la députée de Roberval.

Mme Nancy Guillemette

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. La première fois que je me suis levée ici, en cette Chambre, pour m'adresser à vous, c'était lors de mon arrivée. Donc, je suis fière, aujourd'hui, pour une seconde fois de m'adresser à vous, de pouvoir vous entretenir du projet de loi n° 21, le projet de loi sur la laïcité.

Originaire de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, les implications dans ma région et ma perspective sur le sujet diffèrent sûrement de celles des grands centres. Là, la diversité de religion est marquée, est plus visible.

L'idée de la séparation de l'État et des Églises figurait déjà dans la déclaration d'indépendance de 1838. Mme la Présidente, après quatre projets de loi, une commission publique sur les accommodements raisonnables et un projet de la charte des valeurs québécoises, nous sommes enfin, oui, enfin, aujourd'hui, rendus à l'aboutissement de la volonté de la population québécoise, une volonté qui a longtemps été reportée. La patience est une vertu, mais la vertu a ses limites.

Les nombreux débats qui ont eu lieu au sein même des murs de cette Assemblée au cours des dernières années m'ont permis de me questionner sur le concept de la laïcité. Quand on s'arrête sur l'étymologie du mot «laïque», on se surprend à y découvrir la source des débats, car le mot lui-même est assujetti à une variété d'interprétations : du grec «laikos» qui signifie «peuple», au sens de «qui concerne l'ensemble du peuple», considéré comme un tout indifférencié; «laicus», laïc au sens de «qui n'a pas reçu les ordres de cléricature»; et «laïque», qui est qualifié de «ce qui est indépendant de toute religion».

Nous voulons qu'elle favorise la liberté de conscience, la liberté de religion, deux principes de la charte des droits et libertés. Cela signifie, pour chaque homme et chaque femme, le droit de croire ou de ne pas croire, le droit de choisir en toute liberté son option spirituelle, qu'elle soit religieuse, athée, agnostique ou même voire l'indifférence à toute religion. C'est par respect pour cette liberté qu'il est important aujourd'hui que nous allions de l'avant avec l'interdiction des signes religieux pour les personnes en position d'autorité.

• (20 h 30) •

Il est intéressant d'appliquer cette liberté d'interprétation aux religions pour comprendre comment elles peuvent aller de pair avec notre laïcité. Vous conviendrez, Mme la Présidente, que la religion s'exprime différemment d'une personne à une autre. Contrairement aux grands principes, le sens commun que l'on donne à ce mot est donc la séparation entre les religions, séparation relevant de la vie privée et des institutions publiques, l'État indépendant de l'Église.

Définir comment cette laïcité s'exprime sur le plan législatif, c'est le défi auquel on fait face dans le projet de loi n° 21. Ce à quoi le projet de loi n° 21 aspire, c'est de solidifier définitivement une laïcité québécoise.

Certains diront qu'au Québec nous n'avons pas de vrai problème avec les signes religieux, pas de vrai problème avec les accommodements raisonnables, pas de vrai problème non plus de racisme, et c'est tant mieux, Mme la Présidente. C'est donc le moment opportun et pertinent pour y voir.

La laïcité québécoise, nous la voulons universelle, un principe qui favorise le respect, le mieux-vivre ensemble qui doivent être appliqués à tous et être justes, la religion, pour être vécue beaucoup plus librement par ceux qui la pratiquent, et ce, même au sein d'une même religion, comme beaucoup de personnes se disent croyantes et d'autres croyantes non pratiquantes. Comme vous le savez, Mme la Présidente, la religion n'est pas quelque chose qui nous est imposé mais plutôt quelque chose que l'on choisit. Croire à une religion, c'est de s'identifier à certains principes, à certaines valeurs, c'est un cas type, qui est connu et compris par beaucoup de Québécois. Chaque individu choisit comment il veut vivre sa religion, comment il veut vivre sa spiritualité.

Il y a quelques semaines, pendant les travaux de la commission sur le projet de loi n° 21, j'ai eu la chance de faire une annonce au nom de ma collègue la ministre du Tourisme, un spectacle multimédia de calibre international, l'Ermitage Saint-Antoine du Lac-Bouchette, un lieu de culte, un site enchanteur, un sanctuaire national. Ce lieu est visité par de nombreux pèlerins. Il est fondé et animé encore aujourd'hui par des Frères capucins.

Au fil de mes rencontres et discussions, j'ai rencontré un citoyen. Celui-ci m'a abordée en félicitant l'initiative du gouvernement sur le projet de la laïcité. Il m'a entretenue de sa vision de la religion, la spiritualité, toutes croyances confondues, jusqu'à ce que je me rende compte, Mme la Présidente, qu'il était un moine résident et qui ne portait pas la coule, le vêtement des moines. Il m'a fait part, à l'occasion, de sa vision de la religion, de son interprétation des symboles religieux, dont celui de la croix et de son habit, qu'il investit d'un sens très personnel et très différent. Il m'a répondu que, pour lui, l'important, c'est la cohésion, la cohésion du coeur, de l'esprit et de la tête.

Ce que je retiens de cette rencontre, Mme la Présidente, c'est la capacité d'adaptation de la spiritualité, c'est la flexibilité nécessaire de la religion, qui est vécue différemment d'une personne à une autre, d'un endroit à un autre. Interdire les signes religieux pour les personnes en position d'autorité demandera une adaptation certaine pour ceux dont la spiritualité les appelle à porter des signes dans la sphère publique. Dans l'absolu, on ne leur demande pas de s'éloigner de leur religion. On ne leur demande pas d'arrêter de porter les signes religieux dans leur vie privée. On leur demande, du moins à ceux qui exercent une position d'autorité, que ce soit celle d'enseignant, de policier, de juge ou autre, on leur demande de faire preuve de flexibilité, d'adapter leur interprétation religieuse à l'environnement dans lequel ils évoluent, un environnement laïque, un environnement ouvert et un environnement inclusif.

Le compromis est un principe essentiel de la vie en démocratie. Je considère que celui proposé par notre gouvernement sur la question de la laïcité est juste, modéré et équilibré. Le projet de loi n° 21 sur la laïcité est un pas vers l'avant pour la société québécoise. Comme le dit si bien notre premier ministre, notre gouvernement est un de pragmatique, mais j'ajouterais également de courageux, Mme la Présidente. Nous l'avons démontré hier, et c'est ce que nous faisons encore aujourd'hui. En octobre dernier, la population nous a envoyé un message clair, un message fort, un message important de mieux vivre ensemble. Et c'est ce que nous nous efforçons de faire aujourd'hui, et je suis fière et heureuse du gouvernement qui l'adoptera aujourd'hui, et je suis fière et heureuse de léguer un État laïque à mes enfants et petits-enfants.

C'est un moment important, un moment pour nos valeurs québécoises, un moment pour la population qui attend depuis déjà trop longtemps. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée d'Argenteuil.

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ah? Alors, Mme la députée des Plaines.

Mme Lucie Lecours

Mme Lecours (Les Plaines) : C'est moi!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Allez-y.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. À l'instar du ministre, j'ai le goût de commencer par une évidence. Le Québec est véritablement mûr pour affirmer cette valeur fondamentale dans ses lois qu'est la laïcité. C'est pourquoi nous nous sommes engagés à le faire. C'est également pourquoi nous le faisons en adoptant aujourd'hui le projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État.

Eh oui, je vais le répéter, parce que je pense que c'est important qu'on le redise, qu'on fasse un peu d'histoire : il y a plus de 10 ans, la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, mieux connue sous le nom de la commission Bouchard-Taylor, déposait son rapport final en ouvrant la voie sur des pistes de solution pour le Québec en matière de laïcité. Le problème, Mme la Présidente, c'est que, depuis, la volonté des Québécois d'en arriver à une solution sur le plan des accommodements religieux et de la laïcité de l'État est restée lettre morte. Et pourtant les Québécois veulent la vraie laïcité encore et plus que jamais.

Je voudrais revenir un peu en arrière et vous rappeler aussi que le Parti québécois a présenté, en novembre 2013, le projet de charte affirmant la valeur de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que l'égalité entre les hommes et les femmes en encadrant les demandes d'accommodement. La Coalition avenir Québec, à ce moment-là, avait alors tendu la main au Parti québécois, visant un compromis, acceptable pour la population, inspiré du rapport Bouchard-Taylor, mais le Parti québécois a refusé et échoué dans son souhait de le faire adopter. Il y a également le Parti libéral du Québec, lequel a échoué à plusieurs reprises depuis 2008 à régler ce dossier. Le projet de loi n° 62 est leur dernier échec en la matière, une loi inapplicable, actuellement suspendue par la Cour supérieure du Québec.

Pendant ce temps, Mme la Présidente, la population attend encore que cette question soit réglée. Nous sommes 75 élus de la Coalition avenir Québec ici, à l'Assemblée nationale, et, je vous le dis, il ne se passe pas une seule journée sans que nous recevions une panoplie de témoignages en ce sens. Les gens veulent que l'État soit véritablement laïque, pas un État irrespectueux, pas un État intolérant, pas un État inhumain, comme certains se sont plaît à le dire, mais un État laïque, véritablement et tout simplement.

Ainsi donc, Mme la Présidente, nous, les députés de la CAQ, représentants de la population du Québec, avons été élus pour réussir là où les autres n'ont pas réussi. Nous défendons la même position de compromis depuis 2013. Notre position n'a jamais changé. Il s'agit d'ailleurs de la position de la majorité des Québécois. L'heure est donc venue de poser un geste d'affirmation en faveur de la laïcité de l'État et enfin de tourner la page sur ce pan de notre histoire.

Après nous être dotés d'un État résolument francophone en 1977, il est maintenant temps, 42 ans plus tard, de nous doter d'un État véritablement laïque. Pourquoi? Entre autres, parce qu'il s'agit d'une façon pour nous d'affirmer notre caractère distinctif à l'échelle canadienne et nord-américaine.

En tant que membre de ce Parlement, en tant qu'élue d'une nouvelle circonscription sur l'échiquier québécois, je vous avoue, Mme la Présidente, ma grande fierté de prendre part à la rédaction de cette page de l'histoire en ce 16 juin 2019. Je considère que l'inscription de la laïcité de l'État dans la charte québécoise des droits et libertés est fondamentale. Et non seulement elle est fondamentale, mais elle est également réalisable, malgré ce que plusieurs constitutionnalistes et juristes peuvent prétendre.

Vous savez, Mme la Présidente, alors que certains s'y opposent, d'autres nous appuient. Alors, ce n'est pas juste noir ou blanc, ce n'est pas juste un certain nombre de juristes qui ont raison ou un certain nombre d'autres qui ont tort. Ce qu'il importe, c'est d'écouter l'ensemble des points de vue juridiques en la matière et de faire part des choses entre les opinions purement émotives...

• (20 h 40) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Le temps est écoulé. Merci, Mme la députée. Ceci met fin à la prise en considération du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Mise aux voix des amendements du ministre

L'article 257.7 du règlement prévoit que la présidence doit donner lecture de chacun des amendements proposés avant la mise aux voix et que chacun des votes se fait à main levée. Alors, nous allons débuter par la mise aux voix des amendements... alors, les amendements présentés par M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 4, qui... se lit comme suit : Ajouter, à la fin de l'article 4, l'alinéa suivant :

«La laïcité de l'État exige également que toute personne ait droit à des institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires laïques ainsi qu'à des services publics laïques, et ce, dans la mesure prévue par la présente loi et par la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes.»

Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, maintenant, nous allons procéder à la mise aux voix... présenté toujours par le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : J'ai dit : Adopté, mais peut-être trop rapidement. Alors, cette motion... cet amendement est adopté à l'unanimité.

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : À la majorité, excusez, à la majorité. Majorité. Il est tard. Oui, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : Juste pour la bonne gouverne de nos travaux, Mme la Présidente. Au moment des votes, si nous disons : Rejeté, vous allez dire : Adopté à la majorité, et, s'il est adopté à l'unanimité, vous le direz. Voilà?

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : C'est bien, monsieur. Merci. Il faut peut-être le dire un peu plus fort, par exemple, pour que j'entende. Là, j'entends juste le ministre, la voix du ministre.

Alors, maintenant, nous sommes rendus à l'amendement à l'article 6, qui se lit comme suit :

À l'article 6 du projet de loi tel qu'amendé, remplacer, dans le deuxième alinéa, les mots «qui est» par «, qui est», ajoutant une virgule. Alors, est-ce que cet amendement proposé à l'article 6 est adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Rejeté. Alors, adopté sur division. À la majorité? Sur division, c'est correct? Alors, c'est correct, sur division.

Alors, maintenant, l'amendement à l'article 11.1.

Insérer, après l'article 11, le suivant :

«11.1. Un ministre peut, de concert avec le ministre responsable de l'application de la présente loi, vérifier l'application des mesures prévues à la présente loi dans un organisme énuméré à [l'article] I ou auprès d'une personne visée au paragraphe 11° de l'annexe III qui relève de [la] responsabilité ou qui est [...] domaine de sa compétence. Il peut également désigner par écrit une personne qui sera chargée de cette vérification.»

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : C'est l'annexe I? Oui? Ah! pardon, oui, c'est l'annexe I, tout à fait. Alors, je reprends à partir de ce...

«...énuméré à l'annexe I ou auprès d'une personne visée au paragraphe 11° de l'annexe III qui relève de sa responsabilité ou qui est du domaine de sa compétence. Il peut également désigner par écrit une personne qui sera chargée de cette vérification. L'organisme ou la personne qui est visé par la vérification doit, sur demande du ministre concerné ou de la personne chargée de la vérification, lui transmettre ou autrement mettre à sa disposition tout document ou renseignement jugé nécessaire pour procéder à la vérification.

«Le ministre concerné peut, par écrit et dans les délais qu'il indique, requérir que l'organisme ou la personne apporte des mesures [correctives], effectue les suivis adéquats et se soumette à toute autre mesure, dont des mesures de surveillance et d'accompagnement.

«Pour l'application du présent article, sont notamment du domaine de la compétence des ministres énumérés ci-après les organismes et personnes suivants :

«1° les organismes énumérés au paragraphe 5° de l'annexe I : le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire;

«2° les organismes énumérés au paragraphe 6° de cette annexe : le ministre des Transports;

«3° les organismes énumérés aux paragraphes 7° et 12° de cette annexe : le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport ou, selon le cas, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, selon leurs responsabilités respectives;

«4° les organismes énumérés aux paragraphes 8° et 13° de cette annexe : le ministre de la Santé et des Services sociaux;

«5° les organismes énumérés au paragraphe 11° de l'annexe I et la personne visée au paragraphe 11° de l'annexe III : le ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

«Le présent article ne s'applique pas aux institutions parlementaires et aux institutions judiciaires visées à l'un ou l'autre des paragraphes 1° ou 3° du deuxième alinéa de l'article 3.»

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 11.1 est adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

Demande d'inscription au procès-verbal de la
dissidence des députés de Québec solidaire

M. Nadeau-Dubois : Mme la Présidente, en vertu de l'article 228 de notre règlement, je vous demande d'inscrire au procès-verbal de l'Assemblée la dissidence de la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la dissidence du député de Gouin, de la députée de Mercier, du député de Rosemont, députés de Laurier-Dorion, d'Hochelaga-Maisonneuve, de Jean-Lesage et de Taschereau.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le leader du deuxième groupe d'opposition, alors ce sera fait. Alors, cet amendement est adopté sous division.

Maintenant, à l'article 12. Ajouter, à la fin de l'article 12, l'alinéa suivant :

«La personne visée à l'article 6 ou au premier alinéa de l'article 8 s'expose, en cas de manquement aux mesures [et] qui y sont prévues, à une mesure disciplinaire ou, le cas échéant, à toute autre mesure découlant de l'application des règles régissant l'exercice de ses fonctions.»

Est-ce que cet amendement proposé à l'article 12 est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Nadeau-Dubois : Même demande que tout à l'heure, Mme la Présidente, en vertu de l'article 128 du règlement, s'il vous plaît, inscrire au procès-verbal la dissidence des députés de Sainte-Marie—Saint-Jacques, Gouin, Mercier, Rosemont, Laurier-Dorion, Hochelaga-Maisonneuve, Jean-Lesage et Taschereau. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ce sera fait, M. le leader. Alors, cet amendement est adopté sous division.

Alors, nous allons passer à l'amendement à l'article 16.

• (20 h 50) •

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui, c'est ce que j'ai dit, c'est adopté sous division, effectivement. Alors, à l'article 16. Remplacer l'article 16 par le suivant :

«16. Les articles 1 à 3 ne peuvent être interprétés comme ayant pour effet d'exiger [qu']une institution visée à l'article 3 qu'elle retire ou modifie un immeuble ou un bien meuble qui orne un immeuble. Toutefois, une institution peut, de sa propre initiative, retirer ou modifier un immeuble ou un tel bien meuble.

«Ces articles ne peuvent non plus être interprétés comme ayant un effet sur la toponymie, sur la dénomination d'une institution visée à l'article 3 ou sur une dénomination que celle-ci emploie.»

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 16 est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sous division.

Alors, nous allons passer à l'article 20.1. Insérer, après l'article 20, le suivant :

L'article 2 de cette loi est modifié, dans le premier alinéa :

1° par l'insertion, à la fin du paragraphe 2°, de «, de même que les organismes dont le fonds social fait partie du domaine de l'État»;

2° par l'insertion, dans le paragraphe 5°, après «municipaux», de «et [de] régionaux»;

3° par l'insertion, dans le paragraphe 7°, après la «Loi sur [les instructions publiques] (chapitre [1.]13.3)», de «, la commission scolaire du Littoral constituée par la [...] Commission scolaire du Littoral ([1996-1997], chapitre 125)»;

L'article 4, maintenant :

4° par la suppression, dans l'article 9°, de «ou l'une de ses commissions».

Alors, est-ce que l'amendement à l'article 20.1 est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : L'amendement sur l'article 20.1 est adopté sur division.

L'article 20.2 :

Insérer, après l'article 20.1, le suivant :

20.2. L'article 7 de cette loi est modifié :

1° par le remplacement, dans le texte anglais, de «any person [of] partnership with whom it has — désolée pour mon anglais — entered» par «any persons or partnerships with whom or which it enters»;

2° par le remplacement de «de service ou une entente de subvention» par «ou à laquelle il octroie une aide financière»;

3° par le remplacement de «ou [par] cette entente» par «ou l'octroi de cette aide financière»; et maintenant

4° par le remplacement de «cet organisme ou exécutés sur les lieux de travail de son personnel» par «l'organisme ou lorsque les services sont exécutés sur les lieux de travail du personnel [et] de cet organisme».

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 20.2 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice- Présidente (Mme Soucy) : Donc, adopté sur division.

Alors, l'article 23.1 : Insérer, après l'article 23, l'article suivant :

23.1. L'article 16 de cette loi est abrogé.

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 23.1 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice- Présidente (Mme Soucy) : Alors, adopté sur division.

Alors, nous sommes rendus à l'article... Alors, c'est annexe II, paragraphes 6° à 8° :

Modifier l'annexe II :

1° par le remplacement du paragraphe 6° par le suivant :

«6° le ministre de la Justice et procureur général, le directeur des poursuites criminelles et pénales, ainsi qu'une personne qui exerce la fonction d'avocat, de notaire ou de procureur aux poursuites criminelles et pénales, y compris un cadre juridique qui supervise le travail de ces personnes ou celui [d'un cadre juridique], et qui relève d'un ministère, du Directeur des poursuites criminelles et pénales, de l'Assemblée nationale, d'une personne nommée ou désignée par l'Assemblée nationale pour exercer une fonction qui en relève, d'un organisme visé au paragraphe 3°, de l'Autorité des marchés financiers, de l'Autorité des marchés publics, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de Revenu Québec ou [...] organisme [...] personne dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique, à l'exception du Centre de services partagés du Québec, du Conseil de gestion de l'assurance parentale, de [l'institution] de la statistique du Québec, de La Financière agricole du Québec, de la Société d'habitation du Québec et de Transition énergétique Québec;»;

2° par la suppression, dans l'article 7, du mot «tel»;

3° par l'insertion, dans le paragraphe 8° et après «...paragraphe 3°,», de «l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité des marchés publics, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Revenu Québec, un organisme ou une personne dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique, à l'exception du Centre de services partagés du Québec, du Conseil de [la] gestion de l'assurance parentale, de l'Institut de la statistique du Québec, de La Financière agricole du Québec, de la Société d'habitation du Québec et de Transition énergétique Québec,».

Est-ce que l'annexe II, paragraphes 6° à 8°... l'amendement, annexe II, paragraphes 6° à 8°, est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice- Présidente (Mme Soucy) : Alors, adopté sur division.

Maintenant, nous sommes rendus à l'amendement, annexe III, paragraphe 3°.

Insérer, dans le paragraphe 3° de l'annexe III et avant «un membre du personnel», «un membre du personnel d'un cabinet au sens de la section [XI].2 de la Loi sur l'exécutif (chapitre E-18), un membre du personnel d'un cabinet ou [...] un député au sens de la section III.1...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : ... — excusez, madame, juste garder le silence, s'il vous plaît, merci — ...du chapitre IV de la Loi sur l'Assemblée nationale, de même [que]».

Alors, est-ce que l'amendement annexe III, paragraphe 3°, est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté, sous division.

Mise aux voix des amendements de la
députée de Marguerite-Bourgeoys

Maintenant, nous sommes rendus aux amendements de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je mets maintenant les amendements présentés par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys... Est-ce que l'amendement proposé à l'article 3, qui se lit comme suit...

L'article 3 du projet de loi est modifié par l'ajout, à la fin de l'article 3, des alinéas suivants :

«Le ministre établit des lignes directrices portant sur l'exigence du respect des principes énoncés à l'article 2.

«Ces lignes directrices sont publiées sur le site Internet du ministère responsable de l'application de la présente loi dans les 60 jours suivant la sanction de la loi.»

Alors, est-ce que l'amendement de l'article 3 est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, rejeté. Rejeté. Alors, l'amendement proposé à l'article 4...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui, il faudrait... Écoutez, je l'ai dit, le «rejeté». Il faut juste suivre. Je ne le répéterai pas 15 fois.

Alors, l'amendement à l'article 4.

L'article 4 du projet de loi est modifié par l'insertion, après les mots «la laïcité de l'État», des mots «du Québec».

Alors, est-ce que l'amendement à l'article 4 est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, rejeté. Maintenant, nous sommes rendus à l'amendement de l'article 6.

L'article est modifié par l'ajout, à la fin, des alinéas suivants :

«Le ministre précise par règlement les principes directeurs portant sur l'application de la définition d'un signe religieux afin d'accompagner les organismes dans l'application de la présente loi.

«Tout règlement édicté en vertu de cet article doit faire l'objet d'une étude par la commission compétente de l'Assemblée nationale dans les trente jours de sa publication.»

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 6 est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté. Alors, nous poursuivons avec l'amendement à l'article 8.

L'article 8 du projet de loi est modifié par l'insertion, après les mots «ne peut recevoir le service qu'elle demande, le cas échéant», des mots «sauf en cas d'urgence».

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 8 est adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté. Bon, avec l'article 12, l'amendement à l'article 12.

L'article 12 du projet de loi est modifié par l'insertion, après les mots «à une personne au sein», des mots «du personnel d'encadrement».

Alors, est-ce que l'amendement proposé à l'article 12 est adopté?

• (21 heures) •

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

Alors, l'amendement proposé à l'article 15 du projet de loi est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant :

«Cet article ne s'applique pas à une convention collective, entente collective ou contrat relatif à des conditions de travail en vigueur à la date de la sanction de la présente loi.»

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 15 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

L'amendement proposé à l'article 16 du projet de loi est modifié par l'insertion, après les mots «de son parcours historique», des mots «et de sa diversité».

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 16 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

Alors, nous sommes rendus à l'amendement à l'article 25 du projet de loi, créant l'article 17.1 de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes... est modifié par l'insertion, après les mots «à une personne au sein», des mots «du personnel d'encadrement».

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 25 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

Alors, nous poursuivons avec l'amendement à l'article 26, proposé à l'article 26 du projet de loi, modifiant l'article 19 de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements pour un motif religieux dans certains organismes... est modifié par le remplacement des mots «Le ministre désigné par le gouvernement» par les mots «Le premier ministre du Québec».

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 26 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement à l'article 26 est rejeté.

Alors, le premier amendement à l'article 27 du projet de loi... est modifié par :

1° le remplacement, dans son premier paragraphe, des mots «qui précède celle de la présentation» par les mots «de la sanction»;

2° la suppression, dans son premier paragraphe, des mots «et ce, tant qu'elle exerce la même fonction au sein de la même organisation»;

3° le remplacement, dans son deuxième paragraphe, des mots «qui précède celle de la présentation» par les mots «de la sanction»;

4° la suppression, dans son deuxième paragraphe, des mots «et ce, jusqu'à la fin de leur mandat»;

5° le remplacement, dans son troisième paragraphe, des mots «qui précède celle de la présentation» par les mots «de la sanction»;

6° la suppression, dans son troisième paragraphe, des mots «et ce, tant qu'elle exerce la même fonction et qu'elle relève de la même organisation»;

7° la suppression, dans son quatrième paragraphe, des mots «sauf si le contrat est renouvelé après cette date»;

8° le remplacement, dans son cinquième paragraphe, des mots «qui précède celle de la présentation» par les mots «de la sanction»; et

9° la suppression, dans son cinquième paragraphe, des mots «et ce, tant qu'elle exerce la même fonction au sein de la même commission scolaire».

Est-ce que le premier amendement de l'article 27 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

Alors, le deuxième amendement proposé à l'article 27 du projet de loi est modifié par l'ajout, à la fin, du paragraphe suivant :

«6° à une personne ayant entamé une formation qualifiante menant à l'occupation de l'un des emplois ou fonctions visés par les paragraphes 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° et 10° de l'annexe II avant le (indiquer la date de la sanction de la présente loi).»

Est-ce que l'amendement... du deuxième amendement de l'article 27 est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté. Alors, l'amendement proposé à l'article 31 du projet de loi est modifié par le remplacement des mots : «Le ministre désigné par le gouvernement» par les mots : «Le premier ministre du Québec».

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 31 est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

Mise aux voix des amendements du député de Jean-Lesage

Alors, je vais mettre aux voix les amendements présentés par M. le député de Jean-Lesage. Est-ce que l'amendement proposé à l'article 8, qui se lit comme suit :

Le premier alinéa de l'article 8 est modifié par l'ajout, après les mots «visage découvert», des mots «lorsque ces vêtements contreviennent à un des quatre critères suivants : prosélytisme, devoir de réserve, exercice de la profession et norme de sécurité».

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 8 est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté. Alors, l'amendement à l'article 27 du projet de loi est modifié par :

La suppression, au paragraphe 1°, des mots «et ce, tant qu'elle exerce la même fonction au sein de la même organisation»;

La suppression, au paragraphe 2°, des mots «et ce, jusqu'à la fin de leur mandat»;

La suppression, au paragraphe 3°, des mots «et ce, tant qu'elle exerce la même fonction et qu'elle relève de la même organisation»;

La suppression, au paragraphe 4°, des mots «...si ce contrat est renouvelé après cette date»;

La suppression, au paragraphe 5°, des mots «et ce, tant qu'elle exerce la même fonction au sein de la même commission scolaire»;

L'ajout au paragraphe 6° : «à une personne ayant commencé, avant la sanction de la présente loi, une formation post secondaire menant à une profession similaire à celle visée dans l'ensemble du présent article.»

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 27 est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : L'amendement est rejeté.

Mise aux voix des amendements du député de Matane-Matapédia

Maintenant, je vais mettre aux voix les amendements présentés par M. le chef du troisième groupe d'opposition. Est-ce que l'amendement proposé à l'article 3, qui se lit comme suit :

L'article 3 est modifié :

1° en ajoutant au premier alinéa, après «les institutions parlementaires, gouvernementales [...] judiciaires», de «, ainsi que les autres organismes» ;

2° après le troisième paragraphe du deuxième alinéa, le suivant : «"Autres organismes" : les organismes énumérés aux paragraphes 11° à 13° de l'annexe I.»

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 3 est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

Maintenant, nous sommes... un amendement à l'article 16 :

Ajouter, après l'article 16, le suivant :

«16.1. Le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a la responsabilité de modifier la partie Culture religieuse du cours d'éthique et culture religieuse des programmes scolaires un an après la date de sanction de la présente loi.»

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 16 est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : L'amendement est rejeté.

Maintenant, l'amendement à l'annexe II. L'annexe II est modifiée :

1° par l'ajout au paragraphe 10°, après «adjoint», de «, un employé des services de garde,»;

2° un ajout, après le paragraphe 10°, des suivants :

«11° un directeur, un directeur adjoint ainsi qu'un enseignant d'un établissement d'enseignement sous la compétence d'une commission scolaire instituée en vertu de la Loi sur l'enseignement privé (chapitre E-9.1) et les institutions dont le régime d'enseignement est l'objet d'une entente internationale au sens de la Loi sur le ministère des Relations internationales (chapitre M-25.1.1);

«12° une personne reconnue à titre de responsable d'un centre de la petite enfance en vertu de la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance (chapitre S-4.1.1) et les personnes qu'elle dirige;».

Est-ce que l'amendement proposé à l'annexe II est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, l'amendement est rejeté.

Conformément à l'article 257.7 du règlement, je vais maintenant mettre aux voix les articles ainsi amendés, les articles dont la commission n'a pas disposé et les autres éléments du projet de loi. Ils seront mis aux voix un à un, sans que la présidence en donne lecture, et chacun des votes se fera à main levée.

Mise aux voix des articles amendés

Mise aux voix des articles amendés. Je vais maintenant mettre aux voix les articles tel qu'amendés. Est-ce que l'article 4, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

• (21 h 10) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sous division.

Maintenant, je vais mettre aux voix l'article 6 tel qu'amendé. Est-ce que l'article 6, tels qu'amendé, est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sous division.

Maintenant, l'article 12, tel qu'amendé, est-il adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sous division... sur division.

Est-ce que l'article 16, tel qu'amendé, est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Mise aux voix des articles non adoptés par la commission

Mise aux voix des articles dont la commission n'a pas disposé maintenant. Est-ce que l'article 7 est adopté ?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 8 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 9 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 10 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 11 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 13 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 14 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 15 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 17 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 18 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 19 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 20 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 21 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 22 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 23 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 24 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 25 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 26 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 27 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 28 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 29 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 30 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 31 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'article 32 est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'annexe I est adoptée?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'annexe II, telle qu'amendée, est adoptée?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que l'annexe III, telle qu'amendée, est adoptée?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Est-ce que le préambule est... M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Je crois que vous avez oublié de mettre aux voix l'article 11.1.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : L'amendement introduisant l'article 11.1 était... oui, a été adopté. Donc, il est adopté.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Sur division, oui, mais il était déjà inscrit.

Mise aux voix du préambule

Alors, maintenant, est-ce que le préambule est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Mise aux voix des intitulés des chapitres

Est-ce que les intitulés des chapitres sont adoptés?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Mise aux voix du titre

Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Mise aux voix de la motion de renumérotation

Est-ce que la motion de renumérotation... est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Mise aux voix de la motion d'ajustement des références

Est-ce que la motion d'ajustement des références est adoptée?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division.

Maintenant, je mets maintenant aux voix le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État. Ce rapport, tel qu'amendé, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Des voix : Rejeté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté sur division. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. Je vous demanderais un vote par appel nominal.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, nous avons une demande de vote par appel nominal.

Mise aux voix du rapport amendé

Que les députés qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever... de ce rapport. Que les députés qui sont en faveur de ce rapport veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Legault (L'Assomption), M. Jolin-Barrette (Borduas), Mme Guilbault (Louis-Hébert), M. Laframboise (Blainville), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Chassé (Châteauguay), M. Girard (Groulx), Mme McCann (Sanguinet), Mme Roy (Montarville), M. Simard (Montmorency), Mme Lavallée (Repentigny), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme LeBel (Champlain), M. Lévesque (Chauveau), Mme Lachance (Bellechasse), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Lamontagne (Johnson), M. Carmant (Taillon), Mme Blais (Prévost), M. Caire (La Peltrie), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Dubé (La Prairie), Mme Laforest (Chicoutimi), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), M. Skeete (Sainte-Rose), Mme Hébert (Saint-François), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Lacombe (Papineau), Mme Charest (Brome-Missisquoi), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Julien (Charlesbourg), M. Boulet (Trois-Rivières), Mme Proulx (Côte-du-Sud), M. Lafrenière (Vachon), M. Poulin (Beauce-Sud), M. Émond (Richelieu), M. Bachand (Richmond), Mme IsaBelle (Huntingdon), M. Chassin (Saint-Jérôme), Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. Bélanger (Orford), Mme Picard (Soulanges), Mme Jeannotte (Labelle), M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Asselin (Vanier-Les Rivières), M. Reid (Beauharnois), Mme Dansereau (Verchères), M. Lévesque (Chapleau), M. Thouin (Rousseau), M. Tremblay (Dubuc), Mme Blais (Abitibi-Ouest), M. Campeau (Bourget), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice), M. Caron (Portneuf), Mme Grondin (Argenteuil), M. Girard (Lac-Saint-Jean), Mme Lecours (Les Plaines), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), M. Lamothe (Ungava), M. Bussière (Gatineau), M. Allaire (Maskinongé), Mme Guillemette (Roberval), M. Provençal (Beauce-Nord), M. Jacques (Mégantic).

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Que les députés qui sont contre...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ah! pour? Il faut se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Ouellet (René-Lévesque), M. LeBel (Rimouski), Mme Richard (Duplessis), Mme Hivon (Joliette), M. Gaudreault (Jonquière), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine). Mme Perry Mélançon (Gaspé).

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Que les députés contre ce rapport veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Arcand (Mont-Royal—Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Barrette (La Pinière), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tanguay (LaFontaine), Mme David (Marguerite-Bourgeoys), M. Rousselle (Vimont), Mme Montpetit (Maurice-Richard), Mme Melançon (Verdun), Mme Ménard (Laporte), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Fortin (Pontiac), Mme Nichols (Vaudreuil), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), M. Benjamin (Viau), M. Derraji (Nelligan), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Sauvé (Fabre), Mme Rizqy (Saint-Laurent), M. Ciccone (Marquette).

Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Nadeau-Dubois (Gouin), Mme Ghazal (Mercier), M. Marissal (Rosemont), M. Fontecilla (Laurier-Dorion), M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Dorion (Taschereau), M. Zanetti (Jean-Lesage).

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Y a-t-il des abstentions? M. le Secrétaire général, pour le résultat du vote.

Le Secrétaire : Pour :  73

                     Contre :           35

                     Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le Secrétaire général. Ce rapport est adopté. Le rapport est donc adopté tel qu'amendé.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : Oui, Mme la Présidente, juste pour la bonne conduite de nos travaux, puis je suis convaincu que ce n'était pas volontaire ou souhaité, mais le député de Papineau n'était pas assis à sa banquette au moment du prononcé du déroulement du vote. Alors, j'apprécierais, Mme la Présidente, pour que vous puissiez suivre correctement nos travaux, que, lorsqu'on exerce ce vote, on soit assis à notre siège. Merci.

• (21 h 20) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Tout à fait. Alors, chaque député doit être assis à sa banquette. Merci, M. le leader de l'opposition officielle.

Adoption

Nous en sommes maintenant rendus à l'étape de l'adoption du projet de loi. M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion propose l'adoption du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État.

Je vous rappelle que, conformément au paragraphe 4° de l'article 257.1, la durée du débat sur l'adoption du projet de loi est d'une heure.

La répartition du temps de parole pour ce débat restreint a été établie comme suit : 29 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 17 min 40 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 6 min 6 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 5 min 29 s sont allouées au troisième groupe d'opposition.

Chaque député indépendant dispose d'un temps de parole de 45 secondes. Toutefois, lorsqu'un député indépendant participe à un débat, il dispose d'un temps de parole d'une minute.

Dans le cadre de ces débats, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment.

Mis à part ces consignes, les interventions ne seront pas soumises à aucune limite de temps.

Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours de ce débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Est-ce qu'il y a des interventions sur ce projet de loi? M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, la parole est à vous.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, c'est avec une immense fierté que je prendrai part au vote sur l'adoption finale du projet de loi n° 21, la Loi sur la laïcité de l'État. J'ai envie de dire, Mme la Présidente : Enfin! Enfin, les Québécois auront été entendus et écoutés. Enfin, le gouvernement que vous avez élu a eu le courage d'agir. Enfin, la laïcité fera partie de nos lois.

Lors des consultations particulières qui se sont tenues au cours des dernières semaines, nous avons entendu 36 groupes qui ont présenté diverses opinions, différentes positions. Certains considèrent que nous allons trop loin, et d'autres auraient souhaité que nous allions moins loin. Un constat général est toutefois ressorti : la laïcité de l'État est fondamentale au Québec.

Le projet de loi n° 21 représente un juste équilibre, il est pragmatique, modéré et surtout applicable. Concrètement, Mme la Présidente, la nouvelle loi affirmera que l'État québécois est laïque et que cette laïcité repose sur quatre grands principes : la séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, la liberté de conscience et la liberté de religion.

Le projet de loi fera en sorte d'inscrire la laïcité de l'État comme principe formel, comme valeur fondamentale et comme outil d'interprétation des lois du Québec dans la Charte des droits et libertés de la personne, que nos institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent le concept de laïcité de l'État, d'interdire le port de signes religieux aux personnes en position d'autorité, y compris les enseignants, qu'au Québec les services publics soient donnés et reçus à visage découvert et qu'il n'existe pas d'accommodement religieux possible lorsqu'on traite de la laïcité de l'État, notamment pour la réception de services à visage découvert.

Afin d'éviter les pertes d'emploi et d'obtenir l'adhésion du plus grand nombre, la loi prévoit aussi une clause de droits acquis pour les gens déjà en fonction au moment du dépôt du projet de loi. La clause s'applique pour la même fonction au sein de la même organisation. Cette approche est cohérente avec le cheminement historique du Québec à l'égard de la religion, qui s'est fait résolument, mais aussi progressivement. La mesure permet une transition harmonieuse vers la laïcité.

Évidemment, j'aurais souhaité que le projet de loi n° 21, un projet de loi tant attendu au Québec, puisse être adopté en suivant le processus régulier, sans procédure législative d'exception, mais vous me permettrez, Mme la Présidente, lorsque le Parti libéral est même contre le titre du projet de loi, lorsqu'il vote contre la loi sur la laïcité de l'État, le titre de la loi, vous comprendrez que c'était difficile de le faire adopter.

Par contre, Mme la Présidente, je ne regrette pas une seconde d'avoir placé les intérêts supérieurs du Québec devant les bagarres entre les partis politiques. Les Québécois ont assez attendu. Déjà 11 ans depuis le dépôt du rapport Bouchard-Taylor. Les débats ont été faits et refaits.

Nous avons dit dès le départ que notre objectif était d'adopter le projet de loi sur la laïcité de l'État avant la fin de la session. Nous ne nous en sommes jamais cachés. J'aurais espéré plus d'ouverture, plus de collaboration des oppositions. Après tout, nous avons tous le même grand objectif : le bien-être de tous les Québécois. Et ce soir les Québécois ont un gouvernement qui respecte ses engagements, un gouvernement qui respecte la volonté de la nation québécoise et surtout un gouvernement qui propose un projet de loi modéré, pragmatique et rassembleur, un projet de loi qui reflète l'évolution de la société québécoise sur ces enjeux.

Un long chemin a été parcouru par nos grands-parents et nos parents pour en arriver ici. Il y a déjà plus de 50 ans que le Québec progresse sur la voie de la laïcité et de la sécularisation de la société. La laïcité de l'État est la suite logique de la Révolution tranquille et de la déconfessionnalisation du système scolaire québécois. Maintenant, Mme la Présidente, c'est à notre tour de faire honneur au travail entamé par les générations qui nous ont précédés et de le poursuivre. À cet égard, Mme la Présidente, j'invite tous les parlementaires à véhiculer les principes de laïcité de l'État dans le calme et dans le respect.

J'aimerais remercier plusieurs personnes qui, d'une façon ou d'une autre, ont participé à ce moment important pour le Québec. Tout d'abord, un remerciement au premier ministre du Québec pour sa confiance, pour son courage et sa passion du Québec.

Ensuite, Mme la Présidente, à tous mes collègues qui ont été à mes côtés depuis le début de cette aventure, un grand merci à vous toutes et à vous tous. Merci.

J'ai une pensée particulière pour tous ceux qui ont siégé avec moi à la Commission des institutions. Tout d'abord les membres permanents de la commission : M. le député d'Ungava, M. le député de Vachon, M. le président et député de Richmond, M. le député de Saint-Jean, Mme la députée de Bellechasse, Mme la députée des Plaines, M. le député de Nicolet-Bécancour, M. le député de Chapleau, ainsi qu'aux députés qui ont été présents lors des consultations et en étude détaillée : M. le député de Sainte-Rose, M. le député du Lac-Saint-Jean, M. le député de Maskinongé, Mme la députée de Lotbinière-Frontenac, M. le député de Mégantic, M. le député de Chauveau, M. le député de Beauce-Sud, Mme la députée d'Argenteuil, M. le député de Bourget, Mme la députée de Verchères, M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata, Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice, Mme la députée de Huntingdon.

Ensuite, Mme la Présidente, je souhaite remercier chaleureusement l'ensemble des juristes et des fonctionnaires de l'équipe du ministère du Conseil exécutif qui ont contribué à l'élaboration de ce projet de loi. Ils sont avec nous, dans les tribunes, ici, ce soir. M. Martin-Philippe Côté, secrétaire général associé à l'accès à l'information et à la réforme des institutions démocratiques au ministère du Conseil exécutif, M. Olivier Lavoie, directeur de la Direction de la réforme des institutions démocratiques, Me Pierre Vallée, avocat à la Direction de la réforme des institutions démocratiques, Me Annie Blais Delagrave, avocate à la Direction de la réforme des institutions démocratiques, Marc-André Turcotte, professionnel expert à la Direction de la réforme des institutions démocratiques, Me Rachel Pominville, avocate et anciennement à la Direction de la réforme des institutions démocratiques, et puis Me Élise Labrecque, Me Jean-Philippe Lebrun et Me Amélie Pelletier Desrosiers, avocats au ministère de la Justice. Un grand merci à vous toutes et à vous tous.

Enfin, un merci particulier à l'ensemble des employés de l'Assemblée nationale, qui nous ont accompagnés pendant tous ces travaux.

Je souhaite remercier, Mme la Présidente, également l'ensemble des membres de mon équipe au niveau du cabinet ministériel, ainsi que les membres du cabinet du leader, qui nous ont accompagnés durant toute cette étape. Un grand merci à vous toutes et à vous tous.

Un merci particulier, Mme la Présidente, également à Me Guillaume Rousseau, qui a accepté de se joindre à nous, à notre équipe, et qui nous a accompagnés...

Et en terminant, Mme la Présidente, le Québec est une nation. Plus personne ne conteste cette réalité et notre droit fondamental de décider de notre avenir et des orientations de notre société. Il revient au gouvernement du Québec de déterminer de quelle façon s'organisent les relations entre l'État et la religion. Il est de notre devoir d'assumer notre caractère distinct, nos spécificités et de faire respecter nos choix collectifs. Aujourd'hui, nous avons agi et répondu à la volonté de la nation québécoise. Cette loi représente une avancée historique pour le Québec, elle est le résultat d'un parcours et d'un processus évolutif propres au Québec. La laïcité fait partie de notre identité et aujourd'hui, enfin, Mme la Présidente, elle est pleinement assumée, nous pouvons tous et toutes en être fiers. Merci.

• (21 h 30) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.

Mme Hélène David

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. La journée, et encore plus la soirée, à cause des amendements déposés sans discussion, est encore...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Nous allons suspendre quelques secondes.

(Interruption)

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : ...de Marguerite-Bourgeoys, vous pouvez poursuivre votre intervention.

Mme David : Cette journée, à cause des amendements, entre autres, est encore plus triste que prévu. On ajoute non seulement l'insulte à l'injure avec ces amendements, mais on ajoute l'inacceptable. Des mesures disciplinaires, des surveillants de l'application de la loi, c'est difficile d'aller plus loin dans la honte et la tristesse.

Vous savez, M. le Président, le ministre aurait pu s'inscrire dans l'histoire et faire adopter un projet de loi qui soit important pour le Québec. En inscrivant explicitement dans nos lois la laïcité, il préfère aller trop loin en utilisant ce concept fondamental pour restreindre l'accès en emploi de travailleurs et travailleuses qualifiés et dévoués.

Je veux le répéter, la laïcité n'exige en rien l'interdiction de signes religieux, c'est un choix que fait le ministre, et, selon nous, ce choix n'est pas le bon. Il n'est pas le bon parce que profondément injuste, parce qu'il empêchera l'accès à l'emploi de femmes et d'hommes passionnés et qualifiés, et, en plus, au moment où nous faisons face à une pénurie de main-d'oeuvre importante. Injuste parce que des femmes devront faire le choix entre une promotion, leur carrière ou une conviction profonde et sincère. Injuste parce que le Québec est une terre accueillante et ouverte et que ce projet de loi s'apprête à créer deux classes de citoyens. Injuste parce que le ministre se croit légitime de restreindre les droits les plus fondamentaux des citoyens et, de surcroît, soustraire sa loi du contrepoids essentiel des tribunaux, injuste parce qu'il semble prôner une laïcité antireligieuse plutôt qu'une neutralité, injuste parce que vraiment incohérent et dicté par des choix politiques.

Depuis le 28 mars, le ministre tente de nous convaincre que son projet de loi est modéré, applicable et pragmatique. Il n'en est rien, M. le Président. D'abord, si c'était vraiment le cas, les critiques à l'égard du projet auraient été nettement différentes. De plus, le ministre ne nous imposerait pas une adoption par bâillon aujourd'hui. Rappelons que Gérard Bouchard lui-même a qualifié de projet de loi de radical. Le Pr Pierre Bosset dit que la preuve du fait qu'il est radical, c'est qu'on a ressenti le besoin de recourir à la dérogation.

Le projet de loi du ministre produit une discrimination indirecte envers les femmes et les minorités religieuses. Il prétend s'adresser à tous, mais ce sont ses impacts qu'il faut regarder. Le véritable affront de ce projet de loi, c'est l'inclusion des enseignants, des enseignantes, devrait-on dire. D'abord, si une chose doit être répétée et claire, c'est qu'il n'existe aucune littérature scientifique suggérant que les enseignantes portant un signe religieux ne pourront respecter leur devoir de réserve et succomberont au prosélytisme dans l'exercice de leurs fonctions. Les enseignants et les enseignants, comme tout employé de l'État, doivent respecter un devoir de réserve dans l'exercice de leurs fonctions.

Permettez-moi de rappeler, encore une fois, la mise en garde de Gérard Bouchard : «M. Legault erre gravement — ou cède à la démagogie? — en assimilant le pouvoir extraordinaire de coercition à l'autorité pédagogique que détient le personnel[...]. C'est une confusion regrettable qu'il importe de dissiper.

«[...]La restriction ou la suppression d'un droit fondamental n'est admissible que si elle s'appuie sur un motif d'ordre supérieur reconnu par les tribunaux.

«Dans le cas présent, ce genre d'argument ne peut pas être invoqué, faute de données rigoureuses. Il n'a aucunement été démontré, par exemple, que le port du hidjab est une forme de prosélytisme, qu'il perturbe les enfants ou entrave la démarche pédagogique.» Fin de la citation, et je répète, de Gérard Bouchard.

La clause de droits acquis que le ministre a incluse dans son projet de loi est insuffisante. Nous avons tenté de le convaincre, nous lui avons proposé des amendements pour faire de cette clause une véritable protection pour des gens déjà à l'emploi ou aux études, mais, encore là, un refus définitif. Suivant l'article 27 du projet de loi, les gens visés par l'article 6 qui étaient en poste au 27 mars 2019 pourront continuer de porter un signe religieux, mais, comme l'illustrent plusieurs, cette autorisation est loin de correspondre à un compromis adéquat. Cette clause est tout simplement inhumaine.

Il est clair que nous sommes en désaccord avec de grands pans de ce projet de loi, Mme la Présidente. Mais, le plus choquant et inquiétant demeure le recours aux dispositions de dérogation. Ce faisant, le ministre choisit de soustraire son projet de loi au contrepoids essentiel des tribunaux. Le gouvernement aime dire que son projet de loi est démocratique car appuyé de la majorité. Mais la démocratie comme nous la connaissons, et ce n'est pas que le pouvoir de la majorité, c'est aussi la protection des minorités et le droit fondamental de s'adresser aux tribunaux.

Dans son mémoire présenté à la commission, le professeur de droit Me Pierre Bosset faisait remarquer que le projet de loi ne faisait pas que déroger au droit à la liberté religieuse, mais également à l'entièreté des droits et libertés protégés par la charte québécoise. Comme il le souligne bien, la liste des droits et libertés touchés par ces dérogations donne le vertige, on ne le répétera jamais assez.

L'honorable Louise Arbour disait, et je la cite : «Il est facile de dénoncer le pouvoir décisionnel des juges ou de tourner en ridicule les méandres des analyses juridiques. Pourtant, le concept de droit fondamental est plutôt simple. Avoir des droits, c'est un peu comme avoir un parapluie. C'est surtout utile quand il pleut. La liberté de religion ne veut rien dire si elle est complètement privatisée et donc à peu près jamais menacée. Il en va de même de tous les autres droits fondamentaux. En fait, le plus difficile dans la reconnaissance des droits, c'est de leur donner effet quand cela dérange, et plus cela dérange, plus on doit être prudent avant de les écarter. Pour bien vivre en société, il faut faire preuve d'une certaine empathie politique qui nous amène à véritablement voir le monde du point de vue des autres.»

Vous savez, faire le choix du vivre-ensemble, de l'acceptation et de l'ouverture, c'est sûrement un choix plus exigeant que celui de prôner l'interdiction, Mme la Présidente, exigeant comme choix, mais noble choix. Alors que beaucoup de sociétés sont actuellement traversées par des positions d'exclusion et d'intolérance, les choix que nous faisons ne sont pas banals. Les opinions passent, mais les chartes et leurs droits fondamentaux traversent le temps et les décennies.

Je suis inquiète des conséquences qu'aura ce projet de loi sur les minorités. Certaines dispositions risquent de contribuer à une détérioration du climat social, déjà difficile par moments. Il aura entre autres des conséquences désastreuses sur la place que notre société accorde aux femmes. Il est tard ce soir, dimanche le 16 juin 2019, une bien triste date qui vient d'entrer dans les livres d'histoire du Québec, une date qui marquera pour toujours une vision du Québec qui divise plutôt que rassemble, qui exclut plutôt qu'inclut, qui stigmatise plutôt que de rapprocher, une date de tristesse, une note discordante que nous venons d'inclure dans une partition jusque-là harmonieuse et inclusive que les citoyens et citoyennes du Québec avaient, à ce jour, jouée tous ensemble.

Nous venons de créer une fausse note emprisonnée dans une loi et, qui plus est, assortie de dispositions de dérogation aux chartes québécoise et canadienne des droits et libertés sous le coup d'une procédure parlementaire exceptionnelle, communément appelée un bâillon. Hier, c'était l'immigration. Aujourd'hui, ce sont les signes religieux. Une soirée bien triste, Mme la Présidente. Une bien triste soirée qui s'achève dans le noir, la noirceur qui fait peur, qui nous désoriente, qui provoque de mauvais rêves. Plusieurs vont se réveiller demain en ne se sentant plus les mêmes Québécois qu'hier, ceux et celles dont les droits étaient jusqu'ici respectés, ceux-là mêmes pour lesquels l'Assemblée nationale s'était mobilisée en 1975 pour les protéger, ces droits qui ont permis de si belles avancées pour notre nation, celles de donner les mêmes droits et libertés sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, puis plus tard viendra l'orientation sexuelle, la grossesse, l'identité ou l'expression de genre, le handicap, et j'en passe.

• (21 h 40) •

Le 27 juin 1975 fut une journée magnifique à marquer dans les annales de l'histoire du Québec, un jour où, à l'unanimité, les parlementaires ont clairement fait le choix pour le Québec d'être inclusif, de donner les droits égaux à toutes les races, les couleurs de peau, les différentes expressions de conviction religieuse et encore plus, ce jour où le Québec, ses citoyens et citoyennes ont dit oui à un vivre-ensemble d'inclusion, de tolérance et de respect, un jour où le Québec s'est résolument tourné vers son avenir en se faisant confiance, en traitant tous ses citoyens sur le même pied d'égalité et en disant bienvenue à tous ceux et celles qui voulaient rejoindre les rangs de notre fière nation québécoise, un jour où le Québec n'a pas eu peur de voter pour ses convictions humanistes, pour son ouverture à toutes les minorités, pour sa foi en un avenir construit sur une mosaïque qui brille quel que soit l'angle sous lequel se jette notre regard, un jour où le Québec s'est refusé à la discrimination et a décidé, en toute connaissance de cause, de construire une société pour tous les Québécois et les Québécoises.

Ce jour du 27 juin 1975 est bien loin de nous en ce triste soir du 16 juin 2019, presque 44 ans, jour pour jour, après l'adoption de cette Charte des droits et libertés qui fait, depuis cette date, la fierté du Québec pour son inclusion et sa tolérance. Ce soir, l'heure n'est ni à la fierté ni à l'inclusion. En ce 16 juin 2019, l'heure est plutôt à la tristesse et à l'inquiétude. Des Québécois et beaucoup de Québécoises vont s'éveiller tout à l'heure avec le goût amer de perdre un droit fondamental jusque-là protégé par nos chartes, avec en plus l'impossibilité de contester ces mesures par le recours aux dispositions de dérogation, auquel s'ajoute l'odieux d'un bâillon parlementaire.

Ce soir, le Québec se replie sur lui-même, sur ce lui-même d'un «nous» qui ne veut plus rien dire, un «nous» dont on vient de soustraire des hommes, mais surtout des femmes, qui seront maintenant jugés comme faisant partie de la catégorie «exclus de ce nous», du «nous» qui, jusque-là, incluait toute la nation québécoise. Ce «nous» vient de changer de contour. Dans quelques heures, ce «nous» ne sera plus jamais le même. Ce «nous» devra être expliqué à nos concitoyens qui perdront des droits. Il devra être expliqué à leurs familles, à leurs enfants. Ce nouveau «nous», qui n'en est plus vraiment un, blessera beaucoup d'hommes et de femmes qui avaient choisi le Québec pour sa tolérance, son accueil et son inclusion, sa joie de vivre, de vivre tous ensemble.

Le gouvernement a fait un choix qui déclare officiellement à certains Québécois qu'ils ne sont plus protégés par la charte qui a fait la fierté du Québec jusqu'à ce jour et qu'ils n'auront même pas le droit de recourir au pilier fondamental de notre société, de toute société démocratique, devrais-je dire, qu'est le recours aux tribunaux. Aucune possibilité de se défendre, leurs paroles et leurs recours sont bâillonnés. Plusieurs groupes, organisations, juristes, chroniqueurs, citoyens et institutions ont tenté de venir à leur secours. Ils ont écrit des mémoires. Quelques-uns ont eu le privilège d'être aussi entendus en commission parlementaire. Plusieurs ont pris la parole publiquement, ont écrit dans les journaux ou sur les réseaux sociaux. Mais rien de cela n'a fait fléchir le ministre.

L'adoption plus que précipitée de ce projet de loi sert un agenda politique, que cela soit clair, le recours au bâillon également. «C'est ce que les Québécois veulent» est une phrase employée jusqu'à ce jour comme rempart à toute critique. Non, ce ne sont pas ce que tous les Québécois et Québécoises veulent, et le prétendre, l'utiliser pour justifier des prises de décision arbitraires est absolument inacceptable.

Il est plus qu'évident qu'aucun consensus social n'a été dégagé autour de ce projet de loi. Par ailleurs, lors des consultations particulières, de nombreux groupes et personnes sont venus manifester, sur fond d'arguments solides, leur profond désaccord.

Donc, je le répète, ce n'est pas ce que les Québécois veulent. La rapidité et la facilité avec lesquelles leurs plaidoyers ont été écartés du débat démontrent parfaitement que nous nous sommes toutes et tous retrouvés à prendre part à un exercice démocratique bien décevant.

Le ministre s'est plu à dire, tout au long de nos travaux, que cela faisait 10 ans que nous discutions de cette question de laïcité. 10 ans, comme si c'était une éternité. Qu'est-ce que 10 ans pour écrire un morceau de l'histoire d'un peuple? Si ce débat était si consensuel, prêt à être clôturé, nous n'en parlerions plus, autant de personnes qui ne s'y opposeraient pas, les résistances ne seraient pas aussi vigoureuses. Rappelons au ministre et à la population qu'on ne parle pas de 10 ans ici. Dans la forme actuelle du projet de loi, on parle de quelques mois, car jamais il n'a été question de contrevenir outrageusement aux chartes des droits et libertés. Comment, au regard de notre histoire, le ministre peut-il dire que 10 ans, ou plutôt quelques mois dans ce cas-ci, sont une éternité?

C'est de droits humains fondamentaux dont on parle en cette Chambre. Nous sommes 125 personnes très privilégiées ici, entre ces murs, mais nous ne sommes pas là pour servir nos intérêts, nos agendas politiques respectifs. Nous sommes là pour le bien commun et devons faire preuve d'abnégation. Jamais nous ne devrions nous rendre coupables de divisions ou de fractures au sein de la société que nous servons. Au contraire, nous devrions nous assurer, en tout premier lieu, afin de servir le bien commun et la volonté générale, de contribuer activement au maintien d'un climat social serein, paisible et accueillant. La laïcité doit servir la poursuite de conscience et de religion et non l'empêcher ou la limiter.

En cette aube du 17 juin 2019, l'histoire du Québec s'écrit sans ceux et celles qui ont cru au Québec, qui s'y sont installés, qui ont cru en nous, en notre avenir, en notre société. Ils ont laissé un pays d'origine, une culture, une famille, des racines, un passé. Ils nous ont fait confiance, et ce soir nous les décevons cruellement, nous les enfermons dans la catégorie du «eux», les rejetés d'un «nous» imaginaire qui se referme et se durcit.

En ces dernières heures du 16 juin 2019, le Québec se souviendra. D'une part, il se souviendra qu'il s'est construit avec les forces, les convictions, la détermination et les compétences de toute une nation, des gens venus s'installer pour bâtir cette société fière et inclusive. Mais le Québec se souviendra aussi qu'à partir d'aujourd'hui notre «nous», celui de tous les Québécois et les Québécoises, a volé en éclats.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. M. le député de Jean-Lesage, la parole est à vous.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Nous, à Québec solidaire, on est venu ici pour faire un pays, un pays libre, bien sûr, beau, démocratique, féministe, juste, fondé avec les autochtones et non plus à leurs dépens, un pays où tout le monde se sent bien, un pays auquel tous et toutes sont fiers d'appartenir. Toutes les députées et tous les députés de cette Assemblée n'ont pas cette ambition collective. Ils et elles sont encore nombreux à s'accommoder de notre subordination politique et des décisions canadiennes qui nuisent à notre avenir. Le gouvernement actuel ne rêve pas de ce pays que nous voulons et qui aurait tant à apporter à l'humanité.

Mais, pour celles et ceux qui aspirent à la liberté de notre peuple, l'unité et le sentiment d'appartenance à notre collectivité devraient être une priorité, car elle est la fondation nécessaire à la construction du pays que nous voulons. Je sais qu'un jour nous allons arrêter de fissurer ces fondations, les fondations de nos rêves, tout le temps, qu'un jour nous considérerons prioritaire que chaque personne qui arrive au Québec se sente Québécoise à part entière.

• (21 h 50) •

Comme le gouvernement refuse de nous laisser débattre de ce projet de loi comme il est d'usage de le faire dans cette institution, je vais utiliser le peu de temps qui m'est alloué pour m'adresser aux personnes qui seront touchées par le projet de loi n° 21. Ces personnes sont principalement issues de l'immigration et elles ont choisi le Québec pour s'enraciner, construire leur avenir et notre avenir. Je voudrais partager avec elles et avec eux un poème de Gaston Miron. Il l'a composé au lendemain de la défaite référendaire de 1980. Ce référendum visait notre liberté collective. On a essuyé une défaite ce soir-là. Aujourd'hui, on essuie une autre défaite collective parce que chaque fois qu'on attaque les libertés individuelles sans raison, c'est une défaite collective. Je vous partage ce poème, car il a été écrit pour donner du courage. C'est un poème pour les jours où on perd une bataille, mais où on décide de ne pas abandonner, de rester debout, de garder espoir et de continuer à se battre pour la liberté, la liberté de son peuple et de chacun des humains qui le composent.

Et je vais vous faire une confidence. Je ne sais pas à quoi vous pensez, vous, quand le président nous demande de nous recueillir, mais moi, c'est ce poème-là que je pense... que je récite dans ma tête. Ce n'est pas assez long, je n'ai jamais le temps de finir. Je me suis dit qu'un jour j'allais le faire ici. Et j'aime ce poème parce qu'il parle de notre identité. L'identité d'un peuple est marquée par les actions qu'il fait. Et ce qui caractérise plus que tout notre peuple à travers les époques, à travers son histoire, c'est cette capacité que nous avons à perdre des batailles sans abandonner, des fois un petit peu, pas longtemps, à moitié, mais on se relève. Puis c'est ce que je nous invite à faire aujourd'hui, et c'est pour ça que je vous adresse... que je partage ce poème-là avec tous ceux qui aujourd'hui sentent qu'ils ont perdu une bataille :

«Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver

Nous entrerons là où nous sommes déjà

Ça ne pourra pas car il n'est pas question

De laisser tomber notre espérance.

«Partir de rien, parce qu'on n'est rien d'autre

Alors, où est-ce qu'on va, qu'est-ce qu'on fait

Errant en ce peuple, et dans sa langue errante

Ce peuple qui n'en finit plus de ne pas naître.

«Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver

Nous entrerons là où nous sommes déjà

Ça ne pourra pas car il n'est pas question

De laisser tomber notre espérance.

«C'est rien qu'un jour, un jour de plus

Ou un jour de moins, dans notre vie

Où le vent est un vent qu'on ne démêle pas de l'âme

Et sans lui le corps ne tient pas debout.

«Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver

Nous entrerons là où nous sommes déjà

Ça ne pourra pas car il n'est pas question

De laisser tomber notre espérance.»

Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Je rappelle que, dans le salon bleu, on ne doit pas prendre de photos, sauf les photographes qui sont assignés. Alors, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. C'est à moi que revient le privilège de m'exprimer au nom du caucus des fiers députés du Parti québécois, au nom de ses membres, au nom de cette grande tradition, de ce grand parti, le Parti québécois, le parti de Gérald Godin.

Tout au long des travaux qui nous ont animés, qui nous ont occupés, nous avions en tête deux choses : la cohérence et la constance. Et aussi la nécessité, parce que de débattre et de légiférer sur la laïcité, c'est légitime et c'est nécessaire. Un peuple normal prend des décisions collectives dans son Parlement national. C'est là que s'expriment ses députés dans des moments clés de son histoire.

Lorsqu'en 1977 le Parti québécois, le parti de René Lévesque, a fait adopter la Charte de la langue française, ce n'était pas unanime. Et aujourd'hui, de ces personnes qui nous font croire que la décision qu'on va prendre sera si négative et néfaste pour notre peuple, je me souviens que ces mêmes personnes ont voté contre cette loi avant, bien des années plus tard, de s'en faire les fiduciaires.

Mme la Présidente, ce parlement, ce bâtiment, c'est bien plus que des pierres, bien plus que des symboles, bien plus que des traditions. C'est notre lieu de décision commun, et nous avons le droit de prendre ces décisions. Nous avons le droit de débattre ici, chez nous. Bien sûr, on ne s'entend pas toujours. Sur ce projet, nous avions des propositions à faire pour rendre ça plus cohérent, pour rendre ça plus praticable, plus prévisible pour la suite des choses. Le gouvernement n'a pas accueilli nos propositions. Mais il pose un geste, il met au jeu un projet de loi qui est la suite des efforts qui ont été consacrés par d'autres. Je suis fier d'avoir fait partie du gouvernement de la première ministre Pauline Marois, qui a eu ce courage et cette volonté de faire adopter une législation. Je suis fier de ce travail que nous avons fait, qui se poursuit. Et aujourd'hui je sens que notre formation politique, même si elle n'en a pas l'initiative, peut y contribuer à sa façon.

Je note, comme plusieurs, un retour du religieux, qu'il faudrait associer à une forme de progressisme incontestable. Je ne suis pas de cette école. Entre l'affichage de ses convictions religieuses à travers des symboles, des vêtements et la liberté de conscience, oui, nous faisons un choix, celui de la liberté de conscience, liberté de conscience des citoyens, liberté de conscience des élèves, liberté de conscience des parents, parce qu'avec des règles communes pour tous, c'est l'égalité pour tous. La spiritualité, la religion, ça se vit d'abord intérieurement. Les symboles n'ont pas à précéder, et ça se respecte.

En adoptant une loi comme celle-ci, nous avons une grande responsabilité, et je me permets à dire au premier ministre qu'elle est maintenant partagée par l'Assemblée nationale. Nous devons en être dignes, parce que les efforts que nous avons à consacrer sont importants pour bien accueillir les nouveaux arrivants au Québec et leur dire que les règles, elles sont égales pour tout le monde, qu'ils sont bienvenus chez nous.

Alors, Mme la Présidente, ce que je veux dire aux collègues de l'Assemblée nationale et au gouvernement qui a pris l'initiative de ce projet de loi, c'est que le moment est venu pour notre Assemblée nationale de poser un geste collectif fort, et nous allons poser ce geste, et nous allons contribuer à l'adoption de cette pièce législative. Mais il y aura un «après». Et, lorsque le vent soufflera pour nous dire que le Québec ne peut pas, le Québec n'est pas capable, le Québec ne devrait pas, bien, il faudra faire respecter les prérogatives de l'Assemblée nationale, parce que ce Parlement, c'est nous. La nation québécoise vibre à travers ses murs. Et le Parti québécois, toujours épris de liberté et de faire respecter le peuple québécois, fera également respecter les lois du Québec lorsqu'on voudra les attaquer.

Mme la Présidente, aujourd'hui, le caucus des députés du Parti québécois se joint au gouvernement pour adopter une loi en matière de laïcité. Nous le faisons selon nos convictions, nous le faisons avec le sentiment que nous aurions pu faire mieux, mais nous le faisons surtout avec le sentiment que c'est une pièce importante qui est le début d'une nouvelle affirmation du Québec à travers ses choix collectifs. Merci, Mme la Présidente.

• (22 heures) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

Y a-t-il d'autres interventions? Mme la députée d'Argenteuil, la parole est à vous.

Mme Agnès Grondin

Mme Grondin : Mme la Présidente, je me considère privilégiée de prendre la parole ce soir pour vous expliquer pourquoi j'appuie un projet de loi marquant, notre projet de loi sur la laïcité de l'État.

Un mot pour vous dire d'abord d'où je viens. Mes 25 ans de pratique en environnement me confirment qu'un principe vital pour préserver la nature et respecter sa précieuse biodiversité est de défendre une volonté d'agir dont les intérêts vivifient et priorisent le bien commun. Pour que l'idée d'un projet de loi sur la laïcité de l'État puisse être défendue, croyez-moi, Mme la Présidente, cette idée se révèle naturellement défendable. Il importe à mes yeux que son essence soit pour servir le bien-être collectif et pour fortifier le vivre-ensemble.

Pour bien préciser ces concepts, permettez-moi, Mme la Présidente, de les mettre en image. Mon opinion reflète l'expression de mon entourage. Dans ma famille, ma mère est favorable au projet de loi du gouvernement, tout comme ma fille et moi. Trois générations distinctes, trois femmes aux réalités bien différentes les unes des autres partageant un appui pour un même projet, une photo de famille dans laquelle on arrive à trouver l'harmonie, Mme la Présidente, c'est, pour moi, la racine même du vivre-ensemble. Le Québec est une terre aux cultures plurielles, aux valeurs multiples et aux enjeux diversifiés. Trois générations ne s'entendront jamais toujours sur tout mais peuvent aspirer à établir des liens sereins, à partager des principes unificateurs. Comme chaque famille possède ses règles de bonne entente, chaque société démocratique se doit d'établir des bases législatives pour représenter justement ses citoyens, et ce, dans le respect de ses croyances et de ses valeurs.

La conciliation, Mme la Présidente, est à la base de toute société démocratique. Le Québec est une terre d'ouverture, peu importe que les gens croient ou ne croient pas, peu importe qu'ils pratiquent ou qu'ils ne pratiquent pas. Je souhaite, Mme la Présidente, que mon arbre généalogique s'enracine et s'épanouisse dans un État juste, un État laïque. Dans notre grande famille québécoise diverse, inclusive, ouverte, magnifique, nous devons prendre les mesures nécessaires pour que les principes de liberté et d'égalité soient préservés afin d'assurer le respect de ce vivre-ensemble.

Le Québec s'est historiquement démarqué par sa transformation rapide au cours des années 60, période au cours de laquelle il s'est permis de croire en ses propres principes pour établir les règles qui définiraient ses lendemains. C'est désormais à notre tour de prendre les décisions qui détermineront le visage du Québec de demain. Pourquoi? Parce que les temps ont changé, parce que de nouveaux débats se sont formés sur la place publique et que le vivre-ensemble en a payé le prix. Choisir l'inaction, lorsque confrontés à l'adversité, Mme la Présidente, est, selon moi, une recette qui garantit l'échec. Ignorer un débat qui a enflammé le Québec il y a plus de 10 ans et qui continue de se faufiler depuis, de se tracer un chemin jusqu'aux premières pages des journaux sur une base régulière, c'est une conduite à laquelle, Mme la Présidente, je refuse d'adhérer. Nous devons mettre en place les balises nécessaires pour que chacun et chacune sachent ce que la collectivité entend des individus qui la constituent. Pour cela, nous souhaitons par ce projet de loi que les représentants de l'État, les personnes en position d'autorité puissent refléter la neutralité que se doit d'incarner le Québec. Cette neutralité, elle unit trois femmes de la photo de famille que je vous évoquais plus tôt ainsi que tant d'autres personnes dans tant d'autres photos de familles québécoises. Le but de cette neutralité n'est pas d'évacuer la personnalité propre des individus de la sphère publique, comme on le prétend si facilement. Mes collègues du côté de cette Chambre et moi sommes fiers du Québec dans toutes ses couleurs et ses mélodies. Nous ne souhaitons aucunement, Mme la Présidente, les ternir ou les rendre muettes.

Ce que nous désirons promouvoir ici par ce projet de loi se veut une affirmation collective par laquelle une nette ligne distingue la responsabilité de neutralité religieuse de l'État québécois de l'individualité de ses représentants. Je suis fière d'appartenir à un État où nous avons le droit de pratiquer une religion ou non, et surtout où l'État n'impose aucune religion à ses citoyens, car il est laïque. Je suis persuadée que notre projet de loi est une piste de solution pour rétablir cette sérénité collective qui s'est érodée depuis plusieurs années sous le marnage des vagues d'un débat identitaire qui n'a jamais connu de conclusion. C'est l'heure, Mme la Présidente, de calmer la tempête, le moment d'agir et de laisser le temps suivre son cours pour faire face, braver, s'attaquer à d'autres enjeux tout aussi substantiels.

Aujourd'hui, nous avons le pouvoir de trancher pour éteindre une discorde qui dure depuis trop longtemps. Il serait irresponsable de ne pas se saisir de ce pouvoir. Je suis convaincue que la décision que nous prenons est la bonne pour ma mère, pour ma fille et moi et tous les Québécois et Québécoise qui choisissent de faire confiance à cette affirmation sur la laïcité de l'État. Les institutions dont nous nous sommes dotés découlent d'une suite logique. D'entre elles, nous avons évacué le divin tranquillement, paisiblement, sereinement, et ceci représente beaucoup plus qu'une métaphore.

Hier n'était pas une journée triste, Mme la Présidente, pas plus qu'aujourd'hui. Achevons, Mme la Présidente, la construction de la dernière colonne du temple des idées qui forme la base de l'égalité pour tous. S'il vous plaît, chers collègues, enchâssons la laïcité de l'État dans notre livre de lois. Merci.

• (22 h 10) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée d'Argenteuil. Et maintenant je vais céder la parole à M. le député de Vachon.

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Aujourd'hui, dans les médias, j'ai vu Le Grand Défi Pierre-Lavoie et je dois vous avouer que je trouve que ce qu'on a vécu ce week-end, ça ressemble un petit peu à un grand défi aussi. Beaucoup d'heures en groupe. On a appris à se connaître. Eux, ils ont eu des montages, des descentes. Nous, on a eu nos bas. Mais au final, peu importent nos opinions, peu importent nos positions, de tout le monde ici, dans cette salle, tout comme les participants au Défi Pierre-Lavoie, on l'a fait pour nos enfants puis pour les enfants de nos enfants. Avec un peu d'imagination, je vous dirais même qu'on peut prendre un instant puis s'imaginer qu'on rentre, nous aussi, dans le Stade olympique aujourd'hui avec les applaudissements de tous. Ça, en passant, c'est un «cue» pour des applaudissements, mais c'est correct, c'est dimanche, puis il est 22 heures.

Vous savez, Mme la Présidente, la motion de suspension des règles que nous avons utilisée aujourd'hui, ce n'est pas quelque chose qui existe depuis hier, ça existe depuis le dernier siècle. À cette époque-là, ça devait être adopté à l'unanimité des parlementaires. Au fil des années, les règles ont changé. Dans les années 40, la règle du consentement unanime disparaît. À cette époque-là, il n'y a aucune limite de temps, ça ne restreignait pas le débat. Dans les années 70, la règle est, encore une fois, modifiée, l'étape de la motion contenant un exposé de motifs prouvant l'urgence est éliminée. Toutefois, les motifs devaient tout de même être inclus dans le texte de motion de suspension des règles. Dans les années 80, avec la constitution d'un nouveau règlement, qui vaut encore essentiellement aujourd'hui, l'exposé de motifs justifiant l'urgence n'est plus exigé. Ainsi, le leader du gouvernement peut désormais proposer sans préavis une motion de suspension des règles simplement en mentionnant qu'il y a urgence.

Mais, même si nous n'avons pas à le prouver, Mme la Présidente, on s'entend qu'on ne se serait pas embarqués dans une telle procédure ici en fin de semaine sans qu'il y ait une réelle urgence d'agir. Ce n'est pas seulement nous qui le disons, ce sont également les Québécois. Et, je l'ai mentionné hier, les gens nous arrêtent sur la rue, nous le disent : Continuez. Les Québécois qui nous ont élus pour régler la question de la laïcité de l'État, qui traîne depuis trop longtemps, 10 ans, ils nous disent : N'arrêtez pas, on vous a mis en place, faites votre job. On va donc la régler aujourd'hui avec un projet de loi modéré, à l'image des Québécois, qui forment un peuple modéré.

Avec ce projet de loi, que nous adoptons aujourd'hui, on va d'abord inscrire le principe de la laïcité dans la charte québécoise des droits et libertés parce que c'est là qu'on est rendus, au Québec, on va également interdire le port de signes religieux pour les employés de l'État en autorité comme on s'était engagés à le faire, mais on fait un compromis avec une clause de droits acquis pour susciter l'adhésion du plus grand nombre de personnes à notre projet de loi : on ne va pas congédier personne. De plus, les services publics devront être donnés à visage découvert, sans exception. Pour la réception des services de l'État, en ce qui concerne les citoyens, le visage découvert sera exigé pour des raisons d'identification ou de sécurité. Et puis on a décidé d'appliquer dès le départ la clause dérogatoire pour éviter des guérillas juridiques sans fin. On ne doit pas être gênés d'utiliser ces dispositions-là, prévues dans la Constitution canadienne, et de marcher dans les pas de René Lévesque et de Robert Bourassa. Pour ceux qui en doutaient encore, ceci est pourtant la démonstration de notre modération et de l'esprit de compromis dans lequel on s'inscrit.

J'aimerais conclure en apportant des précisions au sujet de l'interdiction des signes religieux pour les personnes en autorité parce que j'estime qu'il est important de bien comprendre le fond de ce projet de loi. Certains nous ont accusés de réduire les garanties légales relatives à la liberté de conscience et de religion et de nous attaquer ainsi aux minorités culturelles. D'autres ont soulevé... à l'égard des personnes qui ne sont pas visées par le projet de loi. Mme la Présidente, la laïcité doit s'affirmer en fait et en apparence. Les employés de l'État pour lesquels nous avons décidé d'imposer une interdiction au port de signes religieux détiennent un pouvoir de coercition ou encore un pouvoir de contrainte sur la liberté de leurs concitoyens. Pour certains, ce sont des enfants. Par la délégation de pouvoirs qu'ils sont conférés, ils incarnent, en quelque sorte, le bras de l'État, d'où l'obligation pour eux d'incarner en fait et en apparence la laïcité. Vous savez, ce volet est important... de ce projet de loi, il s'applique aux policiers. Et, Mme la Présidente, pour avoir fait ce travail pendant plus de 26 ans, pour aimer et respecter ce métier, pour croire dans l'importance du meilleur service au citoyen, avec toute impartialité et apparence d'impartialité — parce qu'on sait, Mme la Présidente, avec ce job qu'on fait ici, de politicien, on sait très bien à quel point les apparences deviennent parfois des faits — alors, pour toutes ces raisons, je suis très satisfait.

Le gouvernement s'apprête à franchir une nouvelle étape dans la poursuite du projet de société que le Québec s'est donné depuis la Révolution tranquille, et je suis fier d'être ici aujourd'hui pour y participer. Maintenant que ce dossier, qui a traîné pendant plus de 10 ans, est rendu à ce niveau, nous pourrons, dès cet automne, travailler sur des dossiers tellement importants. Comme pour Pierre Lavoie, que j'ai mentionné en début de mon discours, il y a plusieurs dossiers pour le bien de nos enfants : le projet de loi n° 2, sur l'accès au cannabis; maternelles quatre ans; la commission sur la protection de la jeunesse; la commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des enfants. Mme la Présidente, oui, le Québec se souviendra de ce jour, les Québécois vont se souvenir que finalement le gouvernement a écouté les Québécois et a fait sa job, on fait quelque chose.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Vachon. Et maintenant je vais céder la parole à M. le député de Sainte-Rose. Et je vous indique qu'il vous reste un temps de parole de 5 min 50 s.

M. Christopher Skeete

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. «Bornés», ils nous disent. «Pressés», disent d'autres. Ils nous répètent qu'on n'écoute pas. Mais c'est eux qui n'écoutent pas. 67 % des parlementaires, élus dans 84 comtés sur 125, venant de toutes les régions du Québec, voteront pour le projet de loi n° 21. Ça fait 10 ans que les Québécois demandent à la classe politique d'agir, et on agit.

La laïcité existe déjà, nous disent-ils. Pourtant, la Charte canadienne mentionne Dieu et pas la laïcité. Les Québécois sont modérés. Ils ne seraient pas derrière un gouvernement qui ne le serait pas. Lors des commissions parlementaires, on a reçu la fraternité des polices et on a parlé de l'habillement des policiers. Étant anciennement un douanier, je me souviens de la transformation d'uniforme des douaniers au bleu pâle au bleu foncé. Et la raison qui a précipité cette nécessité-là était simple. Des études psychologiques ont démontré, Mme la Présidente, que, lorsqu'on porte un habillement plus foncé, il y a plus de chances que les gens vont nous écouter. Et ce n'est pas juste par fait. De l'autre côté, les gens vont nous percevoir comme étant plus agressifs. Depuis que les policiers et les douaniers portent des uniformes plus foncés, on voit deux choses : plus de plaintes policières, et aussi on voit une réduction au nombre d'arrestations qui nécessitent une force. Alors, dans les deux cas, ça s'est avéré véridique. Pourquoi je vous conte cette histoire-là? Mais c'est simple. Ce qu'on porte va avoir une influence sur la façon qu'on est perçu. C'est humain.

In 1961, a royal commission was drawn together to talk about the different ways in which we school our children, and one of the things that we looked at was whether or not we should remove religion from our schools. Now, after many years, it was decided that the best thing to do was to remove priests and nuns from our institutions. That was in 1961. And, of course, the priests didn't appreciate that. They made it known, that they didn't appreciate that. So, as a compromise, we assured these religious individuals and the religious establishments that they can keep confessional confessional schools. It wasn't until Bill 118 from the Bouchard Government, in 2000, where we finally removed religion from our school board system. And, of course, here we are in 2019 taking another step to truly remove religion from our public institutions. Now, I hear the argument made by those who talk about freedom of religion, but it must balance with the notion that we have a right to be free from religion.

• (22 h 20) •

Vous brimez les droits, nous disent-ils, comme si la clause dérogatoire n'existe pas exactement pour cette raison, comme si ce n'est pas un droit d'être libre de la religion. Vivre une transaction de manière neutre avec l'État est un droit. Je considère important ce que le gouvernement du Québec s'apprête à faire aujourd'hui. Je considère que c'est nécessaire et je ne suis pas d'avis qu'on brime des droits. Je pense, au contraire, on affirme une perspective, une notion importante et philosophique qu'on doit préserver : la neutralité de l'État. Et la neutralité de l'État, chers collègues, c'est primordial pour la crédibilité de l'État. Il est, pour moi, important de prendre les étapes qu'on prend aujourd'hui, pas parce que tout le monde va être d'accord, parce qu'on se souvient qu'en 1977 les mêmes voix s'élevaient et revendiquaient les mêmes critiques, qu'on brimait des droits, puis, après ça, ça a été validé en cour. Mais c'était important de protéger la nation québécoise, de protéger notre langue. Et ici, encore une fois, leader en Amérique du Nord, le Québec va implanter la neutralité de l'État.

Alors, j'aimerais ça prendre un moment pour féliciter le premier ministre, féliciter mon collègue le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion. Merci d'avoir apporté ce projet de loi tant requis et tellement souhaité par la population québécoise. C'est vraiment important, ce qu'on fait aujourd'hui, et c'est tout à votre honneur. Chers collègues, merci d'avoir défendu ce projet de loi. Ce n'était pas toujours facile. Ça requiert beaucoup d'énergie et de patience. Mais je suis avec vous et je suis fier de vous. Et je parle, en ce moment, à mes citoyens de Sainte-Rose. Vous m'avez écrit nombreux pour demander qu'on ne lâche pas. Bien, nous voilà, ça va être réglé, on va livrer tel que promis. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Sainte-Rose. Et maintenant je vais reconnaître Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition, et vous disposez d'un temps de parole d'une minute.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, il n'y avait aucune urgence, aucune urgence. La cohabitation, le vivre-ensemble, ça ne se fait jamais dans l'exclusion. L'exclusion crée du mal-être, crée du malaise, ça ne facilite pas la cohabitation.

Vous savez, être Québécois, vivre ensemble, cohabiter, l'unité nationale, ce n'est pas être tous pareils, c'est d'être tous ensemble, ensemble. Je ne peux pas vous définir dans quel état je suis présentement, mais, je peux vous dire une chose, j'ai mal à mon Québec.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition. Alors, ceci met fin au débat.

Mise aux voix

Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion proposant l'adoption du projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État. Cette motion est-elle adoptée? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. Je vous demanderais un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous avons une demande de vote par appel nominal.

Et, maintenant, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Legault (L'Assomption), M. Jolin-Barrette (Borduas), Mme Guilbault (Louis-Hébert), M. Laframboise (Blainville), Mme D'Amours (Mirabel), Mme Chassé (Châteauguay), M. Girard (Groulx), Mme McCann (Sanguinet), Mme Roy (Montarville), M. Simard (Montmorency), Mme Lavallée (Repentigny), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme LeBel (Champlain), M. Lévesque (Chauveau), Mme Lachance (Bellechasse), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Lamontagne (Johnson), M. Carmant (Taillon), Mme Blais (Prévost), M. Caire (La Peltrie), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Dubé (La Prairie), Mme Laforest (Chicoutimi), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), M. Skeete (Sainte-Rose), Mme Hébert (Saint-François), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Lacombe (Papineau), Mme Charest (Brome-Missisquoi), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Julien (Charlesbourg), M. Boulet (Trois-Rivières), Mme Proulx (Côte-du-Sud), M. Lafrenière (Vachon), M. Poulin (Beauce-Sud), M. Émond (Richelieu), M. Bachand (Richmond), Mme IsaBelle (Huntingdon), M. Chassin (Saint-Jérôme), Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. Bélanger (Orford), Mme Picard (Soulanges), Mme Jeannotte (Labelle), M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Asselin (Vanier-Les Rivières), M. Reid (Beauharnois), Mme Dansereau (Verchères), M. Lévesque (Chapleau), M. Thouin (Rousseau), M. Tremblay (Dubuc), Mme Blais (Abitibi-Ouest), M. Campeau (Bourget), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice), M. Caron (Portneuf), Mme Grondin (Argenteuil), M. Girard (Lac-Saint-Jean), Mme Lecours (Les Plaines), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), M. Lamothe (Ungava), M. Bussière (Gatineau), M. Allaire (Maskinongé), Mme Guillemette (Roberval), M. Provençal (Beauce-Nord), M. Jacques (Mégantic).

M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Ouellet (René-Lévesque), M. LeBel (Rimouski), Mme Richard (Duplessis), Mme Hivon (Joliette), M. Gaudreault (Jonquière), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), Mme Perry Mélançon (Gaspé).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Maintenant, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

• (22 h 30) •

Le Secrétaire adjoint : M. Arcand (Mont-Royal—Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Barrette (La Pinière), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tanguay (LaFontaine), Mme David (Marguerite-Bourgeoys), M. Rousselle (Vimont), Mme Montpetit (Maurice-Richard), Mme Melançon (Verdun), Mme Ménard (Laporte), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Fortin (Pontiac), Mme Nichols (Vaudreuil), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), M. Benjamin (Viau), M. Derraji (Nelligan), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Sauvé (Fabre), Mme Rizqy (Saint-Laurent), M. Ciccone (Marquette).

Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Nadeau-Dubois (Gouin), Mme Ghazal (Mercier), M. Marissal (Rosemont), M. Fontecilla (Laurier-Dorion), M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Dorion (Taschereau), M. Zanetti (Jean-Lesage).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Avant de passer au résultat du vote; vous savez très bien que vous ne pouvez poser le geste que vous venez de faire. Alors, c'est un moment solennel que l'on vit aujourd'hui. Je pense que les discours en ont fait l'état, mais je pense qu'il faudrait que vous soyez un peu plus prudents dans votre façon de voter lorsque nous posons ce geste ultime ici, au salon bleu.

Maintenant, y a-t-il des abstentions? Pour le résultat du vote, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire : Pour :  73

                     Contre :           35

                     Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, la motion est adoptée. En conséquence, le projet de loi n° 21, Loi sur la laïcité de l'État, est adopté.

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Ce n'est pas terminé encore.

Ajournement au 17 septembre 2019

Alors, l'Assemblée ayant terminé l'étude des affaires pour lesquelles elle a été convoquée, j'ajourne les travaux au mardi 17 septembre, à 13 h 40.

(Fin de la séance à 22 h 33)