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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 17 juin 1993 - Vol. 32 N° 115

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures dix minutes)

Le Président: Mmes et MM. les députés! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie, veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Nous allons procéder aux affaires courantes. Déclarations ministérielles

À l'étape des déclarations ministérielles, je vais reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. le ministre.

Augmentation du salaire minimum M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. le gouvernement du québec a décidé, pour une huitième année consécutive, de maintenir sa politique d'augmentations annuelles progressives du taux du salaire minimum. ainsi, à compter du 1er octobre prochain, le taux général du salaire minimum au québec et le taux pour les employés à pourboire augmenteront de 2,6 %. le taux général passera donc de 5,70 $ l'heure à 5,85 $ l'heure. le taux du salaire minimum pour les employés à pourboire, qui est actuellement de 5,00 $ l'heure, sera porté à 5,13 $. enfin, la rémunération hebdomadaire des travailleurs domestiques résidant chez leur employeur augmentera de 2,6 %, passant de 221 $ à 227 $ par semaine. l'augmentation de 2,6 % du taux général du salaire minimum se situe au niveau d'inflation anticipée pour l'année 1993, qui devrait être, justement, de l'ordre de 2,6 %. la hausse du salaire minimum se situe également dans l'ordre de grandeur de l'augmentation prévue des salaires dans le secteur privé au québec en 1993. selon le conference board du canada, les hausses salariales dans le secteur manufacturier devraient, en effet, se situer en moyenne à 2,9 % en 1993. les salaires ont augmenté de 2,7 % au dernier trimestre de 1992 dans le secteur privé.

Bien que nous soyons dans un contexte de gel des salaires de l'État et de non-indexation de prestations, l'amélioration du pouvoir d'achat des personnes qui travaillent au salaire minimum est demeurée une préoccupation constante du gouvernement. La volonté du gouvernement est de continuer à creuser l'écart de revenu entre les personnes qui travaillent et celles qui reçoivent des prestations de la Sécurité du revenu. Il s'agit du premier élément de la politique d'incitation au travail du gouvernement du Québec. Si l'état des finances publiques nous contraint de ne pas indexer les prestations de la sécurité du revenu, nous pouvons tout de même améliorer la situation des faibles salariés. C'est la décision équitable que le gouvernement du Québec vient de prendre.

Depuis 1986, alors que nous avions mis fin à 4 années consécutives de gel du salaire minimum imposé par le Parti québécois, le gouvernement du Québec a opté pour une hausse constante et modérée du salaire minimum. Cette politique a permis de stabiliser le pourcentage de travailleurs assujettis au salaire minimum. Les données les plus récentes indiquent qu'en décembre 1990 il y avait au Québec 166 000 personnes qui travaillaient au salaire minimum, soit 6,9 % des personnes salariées.

L'incidence des bas salaires est plus élevée pour les femmes, les jeunes, les travailleurs à temps partiel et les travailleurs oeuvrant dans les services. Effectivement, en 1990, le profil des personnes dont la rémunération est fixée par les dispositions sur le salaire minimum et qui, de ce fait, sont considérées comme des bas salariés, peut se résumer ainsi: 7 bas salariés sur 10 sont des femmes; 3 sur 10 sont des jeunes de moins de 20 ans et 4 sur 10 travaillent à temps partiel; enfin, 6 bas salariés sur 10 oeuvrent dans le secteur de l'héberge-ment-restauration ou dans celui du commerce au détail.

Il est intéressant de noter que seulement 6,6 % des personnes travaillant au salaire minimum ont reçu, à un moment quelconque de l'année 1990, des prestations de la sécurité du revenu. Près des trois quarts des personnes qui ont occupé un emploi pendant une partie de l'année 1990 et qui ont eu, subséquemment, recours à la sécurité du revenu recevaient de leur travail une rémunération supérieure au salaire minimum. Ce constat milite en faveur d'une majoration raisonnable du taux du salaire minimum. On se rend compte, cependant, que la fixation du salaire minimum ne constitue pas le seul élément d'une politique d'incitation au travail ou de lutte contre la pauvreté. Le programme APPORT, qui offre aux familles de faibles salariés un supplément de revenu, joue également un rôle important à l'égard de l'incitation au travail.

Au regard des autres législations sur le salaire minimum au Canada, le taux général du salaire minimum au Québec se situe au cinquième rang après les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon, la Colombie-Britannique et l'Ontario où le taux général du salaire minimum est de 6,35 $ l'heure. Dans les États américains limitrophes, le taux de salaire minimum se situe à 5,36 $ l'heure en dollars canadiens.

M. le Président, nous croyons sincèrement que cette hausse modérée du taux du salaire minimum au

Québec tient adéquatement compte de notre situation économique tout en offrant aux bas salariés une protection adéquate de leur pouvoir d'achat. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Je cède maintenant la parole au représentant de l'Opposition officielle, M. le député de La Prairie.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président.

Le ministre n'a pas manqué de rappeler qu'il y avait eu gel, pendant quelques années, du salaire minimum durant les dernières années du gouvernement péquiste, pour toutes sortes de raisons. Mais ce qu'il n'a pas rappelé, c'est que, pendant les 4 années précédentes, il y avait eu 8 augmentations en 4 ans du salaire minimum et qu'à chaque fois, M. le Président... Moi, je me rappelle très bien avoir entendu ces gens-là dénoncer les augmentations du salaire minimum. Nous, nous allons concourir, nous n'allons pas dénoncer l'augmentation du salaire minimum, comme vous le faisiez, vous autres, dans ce temps-là. m. le président, tout en se réjouissant au nom des 160 000 personnes qui sont affectées, et ce sont surtout des femmes, 70 % sont des femmes, et beaucoup de jeunes dans ça, il faut dire aussi que le gain, il est minime dans la plupart des cas et il est absent dans certains cas. pourquoi? parce que, avec le budget leves-que, m. le président, si on prend les revenus d'une personne seule, et j'espère que le ministre va bien écouter... au taux actuel du salaire minimum, un adulte seul, à 5,70 $ l'heure, son revenu hebdomadaire net est de 193,54 $. avec cette indexation annoncée, m. le président, et à cause des mesures odieuses du budget levesque, c'est-à-dire la disparition de l'exemption de déduction d'emploi et la non-indexation des déductions personnelles, le salaire hebdomadaire net ne sera plus de 193,54 $, malgré l'augmentation, mais il sera de 192,17$, m. le président. 192,17$. une perte nette. et, en plus, le même discours du budget, on le sait, n'a rien présenté comme mesures de relance économique, comme mesures de création d'emplois. le ministre ne fait pas sérieux quand il dit qu'il s'agit là ? je le cite ? «du premier élément de la politique d'incitation au travail du gouvernement du québec». il faut que ce gouvernement arrête d'inciter le monde au travail et qu'il se mette à créer des emplois. m. le président, le taux de pauvreté augmente au québec, le taux de chômage augmente au québec, le nombre des personnes assistées augmente au québec. tout augmente, et si bien qu'on a un total d'environ 22 % ou 23 % des adultes aptes au travail qui sont en chômage actuellement. (10 h 20)

M. le Président, le gouvernement en face se sert parfois de rapports des Nations unies pour venir charcuter la langue de la loi 101. J'aimerais bien que le ministre et ce gouvernement libéral se servent du rapport des

Nations unies pour faire la lutte à la pauvreté. Récemment, l'ONU dénonçait le sort que le Canada fait à ses classes pauvres. Et le Canada, ça inclut encore le Québec, et le Québec est le champion des pauvres au Canada. Montréal est la capitale de la pauvreté au Québec et au Canada, plus pauvre que Terre-Neuve, M. le Président. Pendant ce temps-là, le ministre de la Sécurité du revenu, au nom du gouvernement, vient se péter les bretelles avec cette indexation qui est tout à fait normale. Mais, encore une fois, nous, nous n'allons pas la dénoncer, l'indexation, comme vous le faisiez. Nous concourons avec cette indexation, mais nous disons au gouvernement: Faites autre chose qu'indexer le salaire minimum. De grâce, créez des emplois. Et aussi, nous disons au gouvernement: Pourquoi toucher les plus démunis de la société, c'est-à-dire les personnes assistées sociales, 755 000 personnes au dernier décompte, en gelant leurs prestations?

Ce n'est pas vrai que tout le monde doit être gelé au même degré, pourrais-je dire, parce que le revenu d'une personne assistée sociale et le revenu d'un juge, d'un député ou d'un policier, c'est 2 choses bien différentes. Personne n'aime voir son salaire gelé, ni un juge ni un député. C'est embêtant, mais ce n'est pas catastrophique, ce n'est pas dramatique comme lorsqu'on est loin, loin sous le seuil de la pauvreté, comme c'est le cas pour les personnes assistées sociales.

M. le Président, l'Opposition continue de dire au gouvernement: II faudrait, une fois pour toutes, comme le disent les groupes qui s'occupent de personnes qui travaillent au salaire minimum, Au Bas de l'échelle en particulier, le groupe Au Bas de l'échelle... Nous disons au gouvernement: Une fois pour toutes, pourquoi ne pas fixer une augmentation annuelle, une indexation annuelle qui serait branchée à un pourcentage du salaire industriel moyen ou, encore, branchée sur le seuil de la pauvreté?

Alors, M. le Président, encore une fois, nous allons supporter cette mini-mesure, mais nous continuerons de déplorer que le gouvernement défasse de la main gauche, c'est-à-dire la main du budget Levesque, ce qu'il essaie de faire maladroitement de la main droite. Merci.

Le Président: Alors, M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, pour l'exercice de votre droit de réplique.

M. André Bourbeau (réplique)

M. Bourbeau: M. le Président, le député de La

Prairie vient d'affirmer que le Québec est le champion des pauvres au Canada et que nous ne traitons pas bien les personnes pauvres au Québec. J'aurai l'occasion tout : à l'heure de revenir là-dessus.

Ce dont il faut se souvenir, c'est que, pendant la période de 1980 à 1985, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois avait adopté une politique où on

gelait le salaire minimum à chaque année, de 1981 à 1986 et, en même temps, on indexait à tous les 3 mois l'aide sociale.

Ce qui a résulté de cette politique qui était néfaste, c'est qu'on a rendu rapidement plus attrayant le séjour à l'aide sociale que le travail au salaire minimum. Les statistiques là-dessus sont éclatantes, M. le Président, quand on regarde les courbes. Entre 1982 et 1985, il est entré quelque 200 000 ménages à la sécurité du revenu. Alors qu'on était en pleine période post-récession, alors qu'en 1983, 1984, 1985 l'économie était en pleine évolution, en pleine ebullition même. Ça rentrait à l'aide sociale par centaine de milliers. Et c'est là qu'on s'est rendu compte que ce système-là était suicidaire. nous avons donc décidé de changer la politique, de faire en sorte d'indexer rapidement le salaire minimum le plus rapidement possible pour creuser l'écart entre ceux qui travaillent, même au salaire minimum, et ceux qui ne le font pas. et cette politique-là, m. le président, nous allons continuer, bien sûr, à la mettre en vigueur. et j'aimerais souligner que, depuis octobre 1985, au moment où nous avons mis fin à 4 années consécutives de gel du salaire minimum par le parti québécois, le taux général du salaire minimum au québec a progressé depuis ce temps-là de 46,3 %. pendant cette même période, c'est-à-dire entre le dernier trimestre de 1985 et le dernier trimestre de 1992, l'inflation aura progressé de 36,1 %. on remarque qu'il y a un certain rattrapage du pouvoir d'achat des personnes travaillant au salaire minimum.

Maintenant, M. le Président, en ce qui concerne la pauvreté au Québec, j'ai demandé aux fonctionnaires du ministère de procéder à une étude très, très attentive de l'état du paiement des prestations d'aide sociale dans toutes les provinces canadiennes au moment où on se parle, une étude factuelle comparative de tous les barèmes d'aide sociale à l'égard de toutes les catégories de prestataires. M. le Président, j'aimerais déposer, avec la permission de l'Opposition et de ceux qui peuvent s'opposer, un tableau indiquant que, de toutes les provinces canadiennes, le Québec est celle qui est au troisième rang pour les prestataires de l'aide sociale, personnes seules aptes au travail. En ce qui concerne celles qui ont de sévères contraintes à l'emploi, qu'on appelle les inaptes, nous sommes quatrième sur les 10. Et, quand on regarde les familles, M. le Président, le Québec se compare très bien aussi.

Quand on tient compte du programme APPORT, qui vient en aide aux familles avec des enfants, le Québec est soit deuxième, soit troisième pour les familles monoparentales ou biparentales.

Je dépose le tableau, M. le Président, qui pourra être consulté par tout le monde et qui va mettre fin à cette espèce de rumeur qu'on tente de répandre que le Québec serait mesquin avec les personnes assistées sociales.

Document déposé Le Président: Est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document?

M. Gendron: Oui, il y a consentement parce que ça va...

Le Président: O.K. Oui. Ça va. Non, non, ça va, M. le leader. S'il vous plaît! Alors, consentement. Donc, le document est déposé.

Vous avez terminé, M. le ministre? Très bien. Nous allons maintenant poursuivre les affaires courantes.

Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article a de notre feuilleton.

Projet de loi 263

Le Président: L'article a du feuilleton. J'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 263, Loi modifiant la charte des directeurs et syndics de l'asile des orphelins de Saint-Patrice de Montréal.

Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

En conséquence, M. le député de Saint-Louis présente le projet de loi d'intérêt privé 263, Loi modifiant la charte des directeurs et syndics de l'asile des orphelins de Saint-Patrice de Montréal.

Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je fais donc motion, M. le Président, pour que ce projet de loi d'intérêt privé soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée et pour que la ministre déléguée aux Finances en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette dernière motion est adoptée?

Oui, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Est-ce que le leader du gouvernement a bien dit «budget et administration» pour le projet de la ville de Montréal?

Le Président: Ce n'est pas le projet de la ville de Montréal, M. le leader adjoint, c'est le projet de loi modifiant la charte des Directeurs et syndics de l'asile des orphelins de Saint-Patrice de Montréal. Ça va? Donc, cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Dépôt de documents

Maintenant, dépôt de documents. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Rapports annuels du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de la Société

québécoise d'initiatives agro-alimentaires, de l'Office de planification et de développement du Québec et rétrospective 1968-1993 dudit Office

M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation; également, M. le Président, le rapport annuel 1992-1993 de la Société québécoise d'initiatives agro-alimentaires et, enfin, M. le Président, le rapport annuel 1992-1993 de l'Office de planification et de développement du Québec, de même qu'une rétrospective 1968-1993 dudit Office.

Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, ces rapports sont donc déposés.

Maintenant, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie du Québec

M. Côté (Charlesbourg): Excusez-moi, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Régie de l'assurance-maladie.

Le Président: Ce rapport est également déposé. M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

Rapport annuel de la Régie des rentes du Québec et analyse actuarielle du Régime de rentes du Québec

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Régie des rentes du Québec, de même que l'analyse actuarielle du Régime de rentes du Québec.

Le Président: Ces documents sont déposés. Maintenant, M. le ministre du Revenu et responsable de l'application des lois professionnelles.

Rapport annuel du Conseil interprofessionnel du Québec

M. Savoie: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 du Conseil interprofessionnel du Québec.

Le Président: Ce rapport est donc déposé. M. le ministre du Travail.

Rapport annuel du ministère du Travail et

rapports d'activité de la Commission de la

santé et de la sécurité du travail et de la

Commission de la construction du Québec

M. Cherry: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 du ministère du Travail; également, le rapport d'activité 1992 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et, également, le rapport d'activité 1992 de la Commission de la construction du Québec.

Le Président: Ces rapports sont déposés. M. le ministre des Forêts.

Rapport annuel de la Société de

récupération, d'exploitation et de

développement forestiers du Québec

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, j'ai le devoir et l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec, également appelée REXFOR. (10 h 30)

Le Président: Ce rapport est déposé.

Maintenant, Mme la ministre déléguée aux Finances.

Rapports annuels de l'Inspecteur général des

institutions financières sur les assurances et sur

les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne

Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1992 de l'Inspecteur général des institutions financières sur les assurances et sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne.

Le Président: Ces rapports sont déposés.

Rapports d'activité de la Commission des droits

de la personne et de la Commission de la fonction

publique et rapport du Vérificateur général

Maintenant, je dépose, conformément à l'article 73 de la Charte des droits et libertés de la personne, le rapport des activités pour l'année 1992 de la Commission des droits de la personne.

Je dépose également, conformément aux articles 124 et 125 de la Loi sur la fonction publique, le rapport des activités de la Commission de la fonction publique, accompagné du rapport du Vérificateur général, pour l'année financière terminée le 31 mars 1993.

Ces 2 documents sont déposés.

Dépôt de rapports de commissions

Maintenant, dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission des institutions et député de Marquette.

Auditions et étude détaillée du projet de loi 84

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 3, 15 et 16 juin 1993 afin de procéder à des consultations particulières et à l'étude détaillée du projet de loi 84, Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux et modifiant diverses dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé. Maintenant, M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Lévis.

Étude détaillée du projet de loi 101

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 16 juin 1993 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 101, Loi sur l'établissement et l'agrandissement de certains lieux d'élimination de déchets. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est également déposé.

Dépôt de pétitions

Maintenant, dépôt de pétitions. M. le député de Drummond.

Intervenir pour le maintien des effectifs et des services reliés aux transports à Grantham

M. St-Roch: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale et signée par 8220 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la région de Drummond. Les faits invoqués sont les suivants. «Considérant que le bureau du ministère des Transports du Québec sur le territoire de la MRC de Drummond assume actuellement le rôle de direction régionale depuis 30 ans; «Considérant les sommes d'argent majeures investies récemment par le ministère dans les infrastructure du bureau régional de Drummond afin d'améliorer le service aux régions desservies; «Considérant la qualité du service dispensé actuellement aux dites régions par le bureau régional; «Considérant qu'une direction territoriale planifie, organise, gère, administre et décide des politiques et programmes du ministère pour le développement harmonieux des opérations actuelles et futures d'un territoire; «Considérant l'impact économique majeur d'une direction territoriale pour la partie sud de la région 04; «Considérant qu'une proposition administrative faisait de Drummondville, à l'automne de 1992, une direction territoriale qui regroupait les territoires de Victoriaville, Saint-Louis-de-Blandford et Plessisville; «Considérant que la décision du ministre Middle-miss va à rencontre des objectifs de décentralisation et de développement régional du gouvernement; «Considérant que le choix du ministre des Transports exclut toute direction territoriale entre Montréal et Québec dans l'axe majeur qu'est l'autoroute Jean-Lesa-ge; «Considérant les impacts économiques majeurs pour Drummondville et les coûts de la relocalisation importants;»

L'intervention réclamée se résume ainsi: «Les soussignés demandent à l'Assemblée nationale d'intervenir pour le maintien des effectifs et des services reliés aux transports à Grantham.»

Le Président: Alors, votre pétition est déposée, M. le député de Drummond.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Je voudrais vous aviser qu'après la période de questions et réponses orales, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée le 15 juin dernier par Mme la députée de Marie-Victorin concernant la vente de tubes de colle aux enfants de Saint-Jean-sur-Richel ieu.

Questions et réponses orales

Nous allons maintenant procéder à la période de questions et réponses orales, et je reconnais en première question M. le chef de l'Opposition.

Avis de M. Ramsey Clark sur la loi 86

M. Parizeau: M. le Président, le Mouvement

Québec français a sollicité l'opinion de Me Ramsey Clark sur la loi 86. Nous venons tout juste de recevoir cet avis juridique. Qui est Me Ramsey Clark? Il a été nommé, par John F. Kennedy, sous-ministre de la Justice aux États-Unis en 1961, puis il est devenu ministre de la Justice du président Lyndon Johnson, poste qu'il a occupé jusqu'en 1969. À ce titre, il a notamment préparé la rédaction et fait adopter les 2 principales lois sur les droits civiques aux États-Unis, soit le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968. À cet égard, on le rend largement responsable du débloquage juridique à l'égard des droits des Noirs aux États-Unis.

Sur la Charte de la langue française, voici la conclusion de la lettre d'accompagnenent de l'avis juridique. Je la lis en anglais, nous n'avons pas encore eu la possibilité de la traduire en français: «I believe the Charter of the French language is a courageous, affirmative and sensitive effort, respectful of the rights of others to preserve a precious culture. As you will see in my opinion, I believe international law does and ought to protect such legislation, because it is necessary to fulfil humain rights. As with all law, its effectiveness will depend on its fair administration.»

Un peu plus loin dans l'opinion juridique, une des conclusions de Ramsey Clark, c'est: «Article 58 of the Charter of the French language ? qui couvre l'affichage extérieur, et intérieur d'ailleurs ? is protected by international law, as supportive of fundamental human rights.> Cette opinion, M. le Président, contredit tout ce que nous avons entendu de la part du gouvernement dans cette Chambre, contredit absolument les thèses que le ministre de la Charte de langue française a pu apporter jusqu'à maintenant.

Je lui demande, dans un premier temps, au ministre chargé de la Charte de la langue française: Est-ce qu'il va ranger Me Ramsey Clark, maintenant, parmi les sectaires et les fanatiques que, paraît-il, nous représentons de ce côté de la Chambre? Est-ce que c'est aussi un sectaire et un fanatique, Me Ramsey Clark?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: Bien que ceux qui suivent la politique américaine connaissent très bien l'itinéraire qu'a suivi M. Ramsey Clark depuis déjà plusieurs années, il fut ministre de la Justice au temps de John Kennedy, ensuite il est retourné dans la vie privée. Il s'est associé à maintes reprises à différentes causes. Et, très souvent, il a fait profession de la dissidence par rapport aux opinions largement reçues dans son propre pays, et plus particulièrement par rapport aux politiques du gouvernement américain. C'était son droit le plus strict. Il en a usé abondamment. Mais, invoquer l'opinion de Ramsey Clark à ce moment-ci, pour tenter d'invalider le projet de loi 86, me paraît fort étonnant. C'est une opinion dont nous prendrons connaissance avec intérêt. Mais je suis, depuis plusieurs années, des interventions de Ramsey Clark et autant je les trouve intéressantes, autant, le plus souvent, je n'étais pas porté à les suivre.

Le Président: Pour une question complémentaire, maintenant, M. le chef de l'Opposition. À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes, MM. les députés.

Pour une autre question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Est-ce que le ministre chargé de la Charte de la langue française est plutôt d'accord, a plutôt cherché ses appuis, quant à la loi 86, chez M. Roger D. Landry, le président éditeur de La Presse qui, lui, dit: Les plus grands défenseurs de la langue française ? ce n'est pas Ramsey Clark, évidemment ? sont des étrangers, dit-il, qui viennent tous du Lac-Saint-Jean et qui n'ont jamais vu un Anglais? C'est plutôt ça qu'il a comme appui?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Malheureusement, le caractère insolite du passage qu'on fait de Ramsey Clark à Roger Landry a créé des bruits qui m'ont empêché d'entendre la question.

Le Président: M. le chef de l'Opposition. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. le chef de l'Opposition. (10 h 40)

M. Parizeau: J'ai demandé au ministre si, plutôt que Ramsey Clark qu'il refoule du revers de la main, il s'appuie davantage, comme appui pour la loi 86, sur ce jugement de M. Roger D. Landry, éditeur de La Presse, à l'effet que les plus grands défenseurs de la langue française ne sont pas ou sont, pas des étrangers comme Ramsey Clark, non, non, sont des étrangers qui viennent tous du Lac-Saint-Jean et qui n'ont jamais vu un Anglais? C'est ça, son autorité principale!

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Franchement, je n'ai jamais reçu de mandat, M. le Président, pour agir comme exégète des propos de Roger Landry. Si le chef de l'Opposition veut savoir ce qu'a voulu signifier M. Landry, de grâce, qu'il s'adresse à lui!

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Puis-je déposer l'avis de M. Ramsey Clark, M. le Président? Est-ce qu'on m'y autorise?

Document déposé

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document?

Des voix: Oui, oui.

Le Président: Alors, consentement. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, consentement, document déposé.

Pour votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, puisque le ministre chargé de la langue française a fait état à plusieurs reprises, souvent, avec beaucoup de force, en élargissant complètement la portée, d'ailleurs, de cet avis, de l'avis de ce comité des Nations unies, cherchant, à cet effet, à faire honte aux Québécois, est-ce qu'il accepterait au moins de débattre de l'avis juridique de Me Ramsey Clark, de reporter, pendant quelque temps, le bâillon que, si je comprends bien, on veut nous imposer à l'égard de la loi 86 dans quelques heures ou probablement dans 1 heure d'ici? Est-ce que le ministre chargé de la langue française peut accepter un débat autour de l'avis de Me Ramsey Clark, au même titre qu'il s'est servi de cet avis du comité des Nations unies de façon tellement abusive en cette Chambre?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Je trouve cette question assez curieuse. Jamais, jamais, je n'ai eu connaissance d'un gouvernement américain qui se serait empêché de procéder parce que M. Clark avait émis une opinion personnelle. Il est arrivé très souvent que M. Clark émette des avis comme celui-ci à rencontre de décisions que s'apprêtait à prendre le gouvernement ou le Congrès américain, et je n'ai pas eu connaissance qu'on aurait dit, parce que M. Clark a parlé, qu'on allait interrompre tout le processus législatif et gouvernemental. C'est parfaitement farfelu, à mon point de vue.

Le Président: Très bien. Des voix: Une autre!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés!

Alors, pour une question principale, M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

Affectation de professionnels au projet Soligaz

M. Chevrette: Oui, M. le Président. En septembre 1989, le ministre de l'Énergie de l'époque, l'actuel député de Westmount, je crois, pas de Westmount, mais de Mont-Royal, déclarait, dans un communiqué de presse, que le projet Soligaz créerait 9400 emplois pour la construction, 24 000 emplois directs et indirects, 1065 de plus en emplois directs nécessaires à l'exploitation, etc. ? rien de trop beau ? et 2 000 000 000 $ d'investissements. Donc, M. le Président, avec beaucoup d'emphase, ça a été répété chaque année au niveau de l'étude des crédits par les différents ministres, soit par le ministre de l'Industrie et du Commerce, soit par la ministre de l'Énergie.

M. le Président, je voudrais savoir du ministre de l'Industrie et du Commerce s'il est exact que les professionnels de SNC ont reçu le mandat de se retirer du dossier.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): J'ai mentionné de façon très claire à cette Assemblée que je reviendrais avant la fin de la session pour répondre à certaines questions, incluant celle-là, qui m'a été posée par le leader de l'Opposition, hier soir, en Chambre. Alors, je vous demande d'être patients. Nous sommes en train de vérifier tous ces faits pour répondre de façon très précise à l'Assemblée nationale.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: Question complémentaire.

M. Chevrette: Dans le coup de téléphone que le ministre adressera aux gens impliqués, est-ce qu'il pourrait également vérifier s'il est exact que le 30 juin prochain Soligaz sera, à toutes fins pratiques, un projet mort?

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Soligaz fait toujours partie des projets gouvernementaux. C'est très important. Et je vais poser cette question pour revenir sensiblement avec la même réponse que je viens de donner.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Chevrette: Est-ce que le 30 juin prochain les bureaux occupés par tous les professionnels et tous les gens qui travaillent sur le projet Soligaz seront effectivement fermés et que, déjà, les employés auraient reçu des avis à cet effet?

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je n'ai pas été informé de cette situation. Je reviendrai avant la fin de la session pour répondre à ces questions.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, toujours en complémentaire.

M. Chevrette: M. le Président, ça ne doit pas être trop, trop long, d'aller chercher ces informations-là. Si l'Opposition a été capable d'aller les chercher, je pense bien que le ministre doit être capable d'aller les chercher assez rapidement, encore plus.

Je voudrais savoir si, effectivement, le ministre a été mis au courant du fait que des avis de réaffectation de professionnels sont déjà envoyés, qu'il y a des négociations pour les réaffectations de certains professionnels gouvernementaux et que la firme de professionnels SNC a reçu la directive claire qu'ils n'auraient plus à travailler sur ce dit projet.

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je n'ai pas été informé des questions du leader de l'Opposition.

Le Président: Donc, pour une autre question complémentaire.

M. Chevrette: Est-ce que Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources, M. le Président, a été informée de ces faits?

Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Même réponse que le ministre de l'Industrie et du Commerce. Il semble qu'il y a des amis du leader de l'Opposition qui lui donnent plus d'informations qu'on ne nous en donne à nous, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: Pour une autre question complémentaire.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que des professionnels... Tant mieux si ce sont des amis. Est-ce que des professionnels qui nous disent...

Des voix: Oh!

M. Chevrette: Tant mieux! J'espère que vous en avez quelques-uns pour vous renseigner. S'il ne vous en reste plus, ça devrait être inquiétant.

Une voix: Téléphonez, bon Dieu!

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: Votre question.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce ou la vice-première ministre, la ministre de l'Énergie, peut nous dire dans les meilleurs délais... Eux qui ont, à renfort de publicité épouvantable, annoncé des millions, des créations d'emplois sans précédent, est-ce qu'ils ne sont pas capables de nous confirmer bel et bien que Soligaz ferme ses portes le 30? Voyons! Ils savent ça.

Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: M. le Président, je peux dire au député de Joliette, leader de l'Opposition, que Soligaz ne nous a pas confirmé à ce jour de mises à pied.

Le Président: Alors, en question principale maintenant, monsieur...

Des voix: ...

Le Président: En question principale... S'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît.

Alors, question principale, M. le député de Montmorency.

Mesures de lutte à la contrebande du tabac

M. Filion: M. le Président, le ministre du Revenu a déposé le 13 mars dernier le projet de loi 90 dont l'objectif est de contrer la contrebande du tabac. De l'aveu du ministre du Revenu, ce projet de loi ne peut mettre un terme à la contrebande du tabac, puisque la seule mesure fiscale efficace consiste en une baisse du tabac, selon le ministre du Revenu, M. le Président.

M. le Président, à toutes fins pratiques, le ministre prend la défense du responsable de la contrebande, le gouvernement d'Ottawa, qui, par son entêtement, se refuse à toute baisse de taxes, seul moyen efficace et reconnu de tous pour mettre fin à cette activité criminelle. De plus, le ministre du Revenu a également reconnu qu'il n'avait exécuté aucune saisie en territoire autochtone et ne prévoyait, avec l'adoption du projet de loi 90, en exécuter d'autres ou quelques-unes à venir, M. le Président, avec la collaboration d'autres corps policiers. Pourtant, avec l'adoption du projet de loi 90, il n'hésitera pas à matraquer le consommateur québécois en utilisant ces nouvelles mesures fiscales répressives. (10 h 50)

Le Président: Votre question, M. le député, maintenant.

M. Filion: Est-ce que le ministre du Revenu peut nous indiquer les raisons qui poussent Ottawa à refuser sa collaboration dans ce dossier et entend-il faire pression pour que le fédéralisme rentable cesse de faire perdre 550 000 000 $ en taxes que nous avons compensées par des hausses d'impôt, M. le Président?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: M. le Président, on constate assez facilement un certain niveau de confusion chez le député

de Montmorency en ce qui concerne nos travaux et le projet de loi que nous avons étudié ensemble au cours des 2 ou 3 derniers jours. Nous avons eu l'occasion de souligner que le projet de loi 90 contenait plusieurs mesures dont des modifications à la loi concernant la taxe sur le tabac. On a clairement indiqué que ces mesures étaient là pour assister les corps policiers qui devaient intervenir dans leur lutte contre le tabac.

Nous avons eu l'occasion également de décider d'une façon plus globale qu'effectivement, pour réduire d'une façon substantielle la contrebande, il fallait nécessairement une intervention des 2 paliers du gouvernement, dont le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec pour réduire les taxes, puisqu'on sait que le gouvernement fédéral, finalement, constitue 55 % des taxes sur un paquet de cigarettes et, en conséquence, que le gouvernement du Québec s'est montré ouvert à une réduction des taxes sur le tabac en autant, bien sûr, que le gouvernement fédéral suivra. Et on lui a fait part également de la position du gouvernement fédéral en ce qui concerne les recommandations au niveau de la santé et de la consommation du tabac.

Finalement, la question du député, compte tenu qu'il a reçu toutes les explications appropriées lors de la commission parlementaire... Je comprends mal la nature de sa question, étant donné qu'il était d'accord avec cette position-là. D'ailleurs, le député de Labelle, qui participait à cette commission, était tout à fait d'accord avec les orientations qui avaient été retenues par le gouvernement à date.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Montmorency.

M. Filion: M. le Président, puisque de l'aveu du ministre il est, à toutes fins, inutile et inefficace, ce projet de loi, pour contrer la contrebande du tabac et qu'il compromet même la protection de la vie privée, selon la Commission d'accès à l'information, est-ce que le ministre est disposé à le retirer, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Savoie: Le projet de loi est d'aucune façon inutile ou inefficace en ce qui concerne la lutte contre le tabac. J'imagine que le député de Montmorency va nous proposer tout simplement de baisser les bras et de laisser le train passer sans aucune intervention? Ce n'était certainement pas dans la nature de ses interventions de mardi où il était d'accord avec les orientations dans le sens qu'il fallait poser des gestes. C'est ce que nous sommes en train de faire, et jamais nous n'allons retirer le projet de loi 90.

Le Président: Maintenant, en question complémentaire.

M. Filion: M. le Président, j'aimerais demander au ministre: Est-ce qu'il peut expliquer les raisons pour lesquelles il n'y a eu aucune intervention en territoire autochtone, notamment d'Akwesasne, puisque, selon la GRC, 80 % du trafic transite par cette réserve?

Le Président: M. le ministre.

M. Savoie: M. le Président, nous faisons tout en notre possible pour réduire la contrebande, y compris une surveillance très près des zones autour et à l'intérieur d'Akwesasne, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition, en question complémentaire.

M. Chevrette: Est-ce que le ministre du Revenu, par le biais du ministre de la Sécurité publique, a des contacts avec le lieutenant Robitaille, qui est chargé de la contrebande au niveau de la GRC, qui, lui, indique qu'au Québec c'est très sérieux et que tout transite par Kahnawake où des individus auraient vendu, jusqu'à date, au moins pour 20 000 000 $ de cigarettes?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Évidemment, M. le Président, nous sommes très conscients de la situation et nous avons, au ministère du Revenu, des spécialistes qui nous renseignent quotidiennement avec les informations provenant des autres corps policiers du Québec sur la situation de la contrebande, et sa provenance, et ses orientations.

Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Oui, M. le Président, une dernière question complémentaire. J'aimerais que le ministre du Revenu nous explique, en cette Assemblée, pourquoi il a refusé, compte tenu de l'importance et de la pertinence, que l'on puisse entendre la sécurité publique au Québec, qui est la Sûreté du Québec, pour informer la commission effectivement de toute la situation en réserves autochtones? Comment se fait-il que le ministère a refusé qu'on puisse entendre ce corps policier qui aurait pu fournir une information très pertinente aux débats de cette Assemblée, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Savoie: On est en train de refaire les travaux de la commission parlementaire à la période des questions. Ça démontre justement qu'ils ont très peu de questions ou qu'ils ont très peu d'intérêt pour la période des questions étant donné que, finalement, on reproduit le travail de la commission parlementaire. J'inviterais le député, M. le Président, à reprendre connaissance des galées, des travaux de la commission parlementaire où on a pu constater, M. le Président, qu'il s'agissait d'une

loi fiscale dont le ministère du Revenu était chargé de faire l'application.

Le Président: Alors, pour une question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi, alors que certains journaux sont pleins d'indications très précises ? jusqu'avec des noms ? quant à l'organisation de la contrebande de cigarettes ? qui nous fait perdre, encore une fois, 500 000 000 $ par année; ce n'est pas de la tarte! ? pourquoi est-ce que le ministre s'oppose à ce qu'en commission parlementaire on puisse inviter des représentants des corps policiers à venir nous expliquer le genre de difficultés qu'ils ont eues jusqu'à maintenant quant au contrôle de la contrebande? Pourquoi est-ce qu'on ne va pas leur parler, à ces gens-là? Pourquoi est-ce qu'ils peuvent parler à The Globe and Mail mais ils ne peuvent pas en commission parlementaire? Qu'est-ce qui se passe?

Le Président: Alors, M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: M. le Président, les mesures qu'on a eues dans le projet de loi 90 visaient à hausser les amendes concernant la possession ou la consommation de cigarettes de contrebande. J'ai eu l'occasion d'expliquer que la présentation des corps policiers, telle que le demandait le député de Montmorency, avait pour but de nous expliquer la situation telle que constatée par la Sûreté du Québec. Or, au ministère du Revenu, nous avons, évidemment, nos propres agents de vérification. Nous avons également nos propres intervenants policiers au niveau du tabac et nous sommes en mesure d'assurer la gestion de la collection de la taxe sur le tabac au Québec.

Le Président: Alors, pour une dernière additionnelle.

M. Parizeau: Je ne comprends pas. Est-ce que je peux demander au ministre pourquoi, alors qu'il reconnaît qu'au ministère du Revenu, avec 60 agents, ils ont réussi à ramasser 116 000 $ d'amendes au total ? c'est absolument ridicule ? que, manifestement, le contrôle de la contrebande est voisin de 0 entre ses mains, pourquoi est-ce qu'il refuse que la commission parlementaire reçoive des avis de ceux qui, manifestement, connaissent ça et qu'on autorise à parler aux journaux mais pas à l'Assemblée nationale? Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi?

Le Président: M. le ministre.

M. Savoie: Le chef de l'Opposition n'a certainement pas toutes les données. On a parlé de 36 procès terminés, finalisés, qui ont débuté depuis 1 an. Il y a beaucoup plus de procès en cours, et les 116 000$ étaient les amendes accordées en vertu des 36. Or, nous avons des saisies, à date, uniquement par les 60 agents en question, qui dépassent les 10 000 000 $ ? 10 000 000 $ en date du 1er février au mois de mars de cette année ? et on a un nombre beaucoup plus important de procès en cours. Donc, les 116 000$, finalement, c'est un faux chiffre dans le sens que, dans le contexte dans lequel vous l'avez présenté, ça ne reflète pas du tout la réalité quant aux interventions policières qui ont été posées.

Le Président: Alors, en question principale, maintenant, M. le député d'Anjou.

Jugement de la Cour supérieure

déclarant inconstitutionnelle la

Régie des permis d'alcool du Québec

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Dans un jugement rendu hier, la Cour supérieure du Québec a déclaré inconstitutionnelle la Régie des permis d'alcool du Québec. Le principal motif invoqué par la Cour est que cet organisme quasi judiciaire n'offrirait pas aux citoyens la garantie d'une audition impartiale, contrevenant ainsi à la Charte des droits et libertés de la personne. Ce jugement pourrait remettre ainsi en cause la constitutionnalité d'une bonne partie des organismes quasi judiciaires relevant de la juridiction québécoise.

Ma question au ministre de la Justice: Le ministre peut-il nous dire ce qu'il entend faire relativement à ce jugement qui pourrait potentiellement bouleverser l'ensemble de nos tribunaux administratifs?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, c'est un jugement qui touche à plusieurs aspects qui sont importants en ce qui regarde le travail de nos tribunaux administratifs et, par conséquent, M. le Président, nous irons en appel.

Le Président: Alors, pour une question complémentaire, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, est-ce que le ministre reconnaît que c'est la constitutionnalité même d'une bonne partie de nos tribunaux administratifs qui est remise en cause par ce jugement, et que ça pourrait avoir des effets vraiment plus que considérables sur l'ensemble de nos tribunaux?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, je reconnais une chose: nous allons en appel. Donc, l'état du droit demeure ce qu'il est présentement. (11 heures)

Le Président: Alors, en question principale, maintenant, Mme la députée de Matane.

Attribution des CAAF de Donohue Matane à des scieries indépendantes

Mme Hovington: M. le Président, on se souviendra que le ministre des Forêts, le 9 juin dernier, a fait parvenir une lettre à Donohue Matane, dans laquelle il proposait de réallouer le bois qui fait partie des CAAF détenus par Donohue Matane, afin de maintenir un niveau d'emploi acceptable dans la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent. Il leur avait donné une semaine, en fait, qui s'est finie hier, pour prendre position sur cette réallocation des CAAF. Est-ce que le ministre des Forêts pourrait nous dire aujourd'hui, le 17 juin, où il en est rendu dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, la députée de Matane connaissait ma préoccupation concernant les 700 employés forestiers et d'usine de cette compagnie. Effectivement, hier il y a eu une réunion du conseil d'administration de Donohue Matane, et, avec la collaboration de cette compagnie, je pourrai distribuer des volumes de bois aux industriels indépendants afin que le CAMO, qui représente les gens du milieu, puisse prendre la relève le 30 septembre, tel qu'il a été convenu à mon bureau vendredi dernier.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le député de Gaspé.

M. Beaudin: M. le Président, est-ce que le ministre des Forêts pourrait indiquer à cette Chambre à quel moment il a l'intention de procéder à la redistribution des volumes dont il vient de parler?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je dirai au député de Gaspé que, si possible, d'ici la fin juin, je me rendrai à Matane, afin de rencontrer les industriels et les députés concernés, dans le but de faire part de nos conditions, afin de respecter l'atteinte des objectifs que nous poursuivons pour préserver les emplois.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de La Prairie.

Orientations budgétaires du MSSS

relatives aux soins de santé à domicile

pour les personnes handicapées

M. Lazure: Merci, M. le Président. Hier, des personnes handicapées de la région de Montréal descendaient dans la rue pour revendiquer des soins à domicile. À travers le Québec, et particulièrement en Mauri- cie, plus de 1000 personnes handicapées sont en attente de soins à domicile, et plusieurs, depuis plus de 6 mois. Dans le cas des personnes handicapées du Grand Montréal, le ministre a reçu des groupes de personnes handicapées aussi bien que de la Régie régionale des demandes, récemment, à l'effet d'augmenter le budget d'environ 1 500 000 $ pour éliminer cette liste d'attente.

Alors, la question au ministre responsable de l'Office des personnes handicapées est tout simplement la suivante: Est-ce qu'il peut dire à cette Chambre et dire aux personnes handicapées de Montréal et du Québec quand il va fournir une réponse? Et quand va-t-il fournir les budgets nécessaires pour que les personnes handicapées reçoivent des services essentiels?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, nous sommes à finaliser le processus d'attribution des budgets, donc de ventilation des budgets aux établissements un peu partout à travers le réseau. Hier après-midi, j'ai rencontré pendant tout l'après-midi des présidents de régie régionale, avec qui j'ai d'ailleurs signé des protocoles d'entente de décentralisation des responsabilités, et on a évoqué les problématiques budgétaires, et je leur ai transmis les orientations budgétaires du ministère pour l'année. D'ici la fin juin, les établissements recevront leur budget pour l'année 1993-1994, à l'intérieur duquel il y aura des augmentations de budget au niveau du maintien à domicile, et ce sera, par la suite, aux régies régionales de faire l'allocation additionnelle budgétaire aux CLSC quant au maintien à domicile, que ce soit pour les personnes âgées ou pour les personnes handicapées.

Le Président: En question complémentaire.

M. Lazure: M. le Président, compte tenu que l'allocation directe à la personne handicapée pour soins à domicile, fournie généralement par le CLSC ? qui est une formule valable en soi, mais qui comporte des inconvénients ? compte tenu que cette formule est à l'étude par certains comités ministériels, est-ce que le ministre peut nous dire si les comités ont fini leurs études? Est-ce que le rapport est prêt? Est-ce que le rapport sera rendu public?

Le Président: En demandant, s'il vous plaît, l'attention des collègues, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): C'est presque une autre question principale, M. le Président, puisque l'habileté du député l'a fait glisser, un peu, au niveau de l'allocation directe, qui est une autre problématique. Parce que, pas d'argent, pas d'allocation directe. Dans le sens que, l'allocation directe a été expérimentée, bien sûr, avec les personnes handicapées. Elle a des vices, et nous avons mis sur pied un comité qui travaille depuis déjà au-delà

d'une année et demie. Nous sommes à la fin des travaux et, règle générale, M. le Président, à l'horizon du mois d'août ou du mois de septembre, nous rendrons publique la politique concernant l'allocation directe et le maintien à domicile.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Lazure: M. le Président, compte tenu que cette allocation directe pour l'aide à domicile qui est fournie à la personne handicapée dans la Montérégie et dans d'autres régions est de 6 $ l'heure, est-ce qu'il pense ? le ministre responsable des personnes handicapées ? qu'avec cette allocation directe il est raisonnable de demander à la personne handicapée d'assumer les charges légales et fiscales d'un employeur? Est-ce qu'il pense que c'est raisonnable, ça? Et est-ce qu'il entend mettre fin à cette pratique-là?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, toujours en étirant un peu, on se retrouve assez loin de la question principale. J'aime bien le rappeler. La problématique soulevée de l'allocation directe est une autre problématique, et celle de la responsabilité totale comme employeur d'une personne handicapée qui s'occupe de l'allocation directe est une problématique qui, vous le savez fort bien, est devant certaines instances judiciaires à ce moment-ci. C'est un point qui est soulevé, qui est carrément une interprétation de ce qui est devant les tribunaux. On verra ce que ça donne, mais on fera, quant à nous, les réajustements, compte tenu de ce que sera le jugement à l'époque.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

Nomination du nouveau délégué général du Québec à Paris

M. Boulerice: Oui, M. le Président, l'actuel délégué général du Québec à Paris, M. Dufour, a claironné d'une façon un peu particulière son entrée au ministère des Affaires internationales en déclarant que nous n'avions plus du tout besoin d'être déclarés société distincte. Donc, il abandonne son poste à Paris dans un climat de démission nationale en plus. Est-ce que le ministre des Affaires internationales peut nous indiquer, si le Conseil des ministres a désigné un remplaçant à M. Dufour, quand il entrera en fonction, ou est-ce qu'il entend procéder comme à Rome et désigner un délégué général par intérim?

Le Président: M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: M. le Président, le poste de délégué général à Paris est un poste très important. C'est notre délégation la plus importante dans le réseau des délégations à l'extérieur et nous y portons une attention très spéciale. Nous avons plusieurs noms à l'étude, et quand nous aurons choisi la personne la plus compétente pour remplir ce poste ? parce que c'est un poste très important pour nous, vu les relations spéciales et les relations privilégiées que nous avons avec la France ? nous serons en mesure de l'annoncer.

Le Président: M. le député, en question complémentaire.

M. Boulerice: M. le Président, nonobstant l'attention si spéciale que le ministre veut porter à la délégation générale à Paris, combien de temps va-t-il prendre avant de nommer un délégué général? Est-ce qu'il va faire comme à Rome, où, déjà ça fait plus de 6 mois que nous n'avons personne comme délégué à plein titre?

M. Ciaccia: M. le Président... Le Président: M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, l'important, c'est le travail que nous faisons dans chacune de nos délégations. À Rome, nous avons un délégué par intérim qui remplit très bien sa fonction. Quand nous aurons trouvé la personne apte pour être nommée à ce poste aussi important, nous allons l'annoncer, mais, entre-temps, je peux assurer cette Chambre que nos relations avec ces pays, avec la France spécialement, sont très bonnes, et nous continuons à promouvoir toutes les activités institutionnelles, culturelles et économiques, et ça va continuer parce que nous y attachons une grande importance.

Le Président: Pour une autre question complémentaire.

M. Boulerice: M. le Président, en fonction de toute l'importance qu'il y accorde, de l'attention aussi spéciale qu'il manifeste, est-ce que le ministre y voit une connotation avec la rationalisation au Conseil des ministres, et peut-il nous confirmer si oui ou non il a sur sa liste le nom de l'actuel député de Rosemont et ministre délégué à la francophonie?

Le Président: M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, la seule chose... M. le Président, sans... (11 h 10)

Le Président: Alors, MM. les députés, Mmes les députées, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président. Sans nommer les gens qui sont à l'étude, je peux assurer que le nom du député de Sainte-Marie?Saint-Jacques n'est pas sur la liste.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je vais maintenant reconnaître, pour une question principale, M. le chef de l'Opposition.

Non-renouvellement du mandat du Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby

M. Parizeau: Je devrais sans doute poser cette question, M. le Président, au premier ministre, mais, comme il n'est pas ici, ce matin, je vais la poser à la vice-première ministre et, peut-être que, demain, on pourrait avoir une réponse à la question que j'ai posée. C'est une sorte de préavis, si on veut, que je donne, puisque la session se termine.

Le mandat du Protecteur du citoyen est venu à échéance depuis déjà quelque temps. C'est, on le sait, un poste considérable dans notre système. Le Protecteur du citoyen joue un rôle important, que le public québécois, les citoyens québécois ont pris l'habitude de comprendre et de reconnaître. Le gouvernement voulait le remplacer, ne pas prolonger ou ne pas renouveler son mandat ? ce qui, après tout, est son droit puisque le mandat est échu ? cependant, sans assurer, de quelque façon correcte que ce soit, une autre carrière à Me Jacoby. Il a été sous-ministre de la Justice en titre avant d'être Protecteur du citoyen. C'était, pour les successeurs de Me Jacoby, tout un signal donné que de dire: On ne renouvelle pas votre mandat parce qu'on n'a pas aimé les attitudes que vous avez prises et, d'autre part, pour la poursuite de votre carrière, prenez une retraite anticipée. M. le Président, je...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, strictement pour rappeler au chef de l'Opposition les dispositions du premier alinéa de notre article 77 qui indiquent que les questions ne peuvent comporter ni expression d'opinion ni argumentation, et demander au chef de l'Opposition de s'en tenir au règlement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, MM. les députés! Alors, pour votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Le règlement est bien commode dans ce cas-là. Est-ce que je peux demander à la vice-première ministre de nous faire état ? le premier ministre, demain ? avant la fin, en tout cas, de la session, de cette situation, puisqu'il est très mauvais, je pense, qu'on laisse flotter quoi que ce soit quant à une sorte de vengeance qu'exercerait le gouvernement à l'égard de n'importe quel Protecteur du citoyen. J'aimerais que l'on nous...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour rappeler, M. le Président, que le chef de l'Opposition est habituellement respectueux des dispositions de notre règlement. Je viens de faire la lecture du premier alinéa de l'article 77. Vous avez demandé au chef de l'Opposition de se conformer au règlement, et je pense que c'est sciemment, cette fois-ci, qu'il vient de violer cette disposition du règlement.

Le Président: Alors, j'invite M. le chef de l'Opposition à poser une question, s'il vous plaît.

M. Parizeau: Je rappelle au leader, aussi, que le Protecteur du citoyen relève de l'Assemblée nationale, pas du gouvernement.

Est-ce que je peux demander au gouvernement, qui fait la proposition d'une nomination d'un Protecteur du citoyen, avant la fin de la session, de nous faire rapport quant à l'état des choses, l'état de la situation? C'est possible de demander ça, oui?

Le Président: Mme la vice-première ministre.

Mme Bacon: M. le Président, depuis la Loi sur le Protecteur du citoyen, les personnes qui ont été nommées Protecteur du citoyen l'ont été en 1969, 1976, 1982, 1987; donc, à peu près des périodes semblables, M. le Président. M. Jacoby a été nommé Protecteur du citoyen en 1987. Son mandat se terminait en 1992. Il a poursuivi son mandat jusqu'à ce qu'il soit informé par le gouvernement s'il devait poursuivre ou non. Je pense que, si le chef de l'Opposition interprète le fait qu'il n'y ait pas de remplacement ou qu'il n'ait pas été reconduit dans ses fonctions comme des vengeances du gouvernement, est-ce que c'est sa façon à lui de faire les choses, M. le Président?

Le Président: À l'ordre! Pour une question complémentaire.

M. Parizeau: La vice-première ministre n'a pas compris. Est-ce qu'elle peut nous dire dans quelle mesure on a offert, comme on le fait toujours dans des cas comme celui-là, à Me Jacoby, une poursuite de sa carrière, un poste... En somme, est-ce qu'on le met dehors ou bien si on lui offre quelque chose qui lui permet de poursuivre sa carrière, comme d'autres Protecteurs du citoyen à qui on en a donné l'occasion dans le passé? Oui ou non? Qu'elle nous fasse rapport. Je demande seulement qu'on nous fasse rapport de la situation.

Le Président: Alors, Mme la vice-première ministre.

Mme Bacon: Je pense qu'on ne reprendra pas le cas, déjà, de Mme Fournier ? la députée de Hochelaga-Maisonneuve doit s'en rappeler ? mais je voudrais dire au chef de l'Opposition, M. le Président, que tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de remplaçant de nommé, le Protecteur du citoyen reste en poste. C'est ce qu'il fait en ce moment, M. le Président.

Le Président: Alors, en question principale maintenant, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamin-gue.

Distribution de lait maternisé dans les établissements hospitaliers

M. Trudel: M. le Président, la distribution du lait maternisé dans les hôpitaux du Québec fait encore grave problème puisque des entreprises québécoises, comme le consortium Lactel, et en particulier la coopérative Agri-nove, n'arrivent pas à pouvoir offrir ces produits, en particulier le lait maternisé, dans les institutions hospitalières du Québec, pour permettre à ces établissements, éventuellement, d'acheter ces produits. Et cela représente un marché énorme pour cette entreprise québécoise, quand on sait que le marché est occupé par 3 entreprises qui n'ont pas totalement des intérêts québécois.

Puis-je demander au ministre de la Santé et des Services sociaux, qui promet son intervention dans ce secteur, dans cette question-là, depuis des mois, quel est l'état de la question? Et va-t-il enfin intervenir pour qu'une entreprise québécoise, Agrinove, puisse offrir ses produits, en particulier le lait maternisé, dans les établissements hospitaliers du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. C'est une question qui fait l'objet de nos préoccupations depuis déjà un certain temps, et, à mon arrivée au ministère, nous avons tenté d'introduire une nouvelle politique qui aurait pu favoriser le lait SMA, produit par Lactel et par Wyeth, comme compagnies, en faisant en sorte qu'on a mis sur la place publique possibilité de soumissions publiques. Je vous rappelle que chacune des compagnies a, dans chacune des régions, soumissionné zéro sou de redevances. On s'est donc retrouvé devant une situation de statu quo.

J'ai, lundi dernier, rencontré, à la demande de la députée de Bellechasse, endroit où est située l'usine, à Sainte-Claire de Dorchester, comme ça faisait suite aux représentations de la députée de Kamouraska-Témis-couata dans le cas de Saint-Alexandre... Et j'ai discuté avec les gens de Wyeth et les gens de Lactel, y compris de la coopérative, de certaines manières, de façons d'arriver à respecter un marché et qu'on soit dans une situation où on pourra proposer à la Commission permanente des achats une solution qui nous permettrait d'espérer régler cette situation. La réunion devait avoir lieu ce matin. Elle est reportée à la semaine prochaine. Vous avez donc quelques jours de délai avant même que la nouvelle solution ne soit appliquée.

Le Président: Donc, c'est la fin de la période de questions. Tel qu'annoncé précédemment, maintenant, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée le 15 juin dernier par Mme la députée de Marie-Victorin concernant la vente de tubes de colle aux enfants de Saint-Jean-sur-Richelieu. M. le ministre.

Réponses différées

Vente de tubes de colle aux enfants de Saint-Jean-sur-Richelieu

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. C'était la deuxième fois que Mme la députée se levait en Chambre pour poser cette question, et ça faisait suite à des faits vécus, donc, et parfaitement déplorables, au niveau de la Montégérie, qui m'avaient d'ailleurs été soulignés aussi par mes collègues de la Montérégie, en particulier le député de Saint-Jean et le député d'Ibervil-le, comme celui de Valleyfield. (11 h 20)

M. le Président, les départements de santé communautaire ont fait un certain travail. Certaines municipalités ont fait certains travaux de sensibilisation de l'opinion publique, et les questions posées par Mme la députée ne sont pas complètement décollées d'une stratégie d'intervention qui avait été élaborée par certains groupes du milieu et qui, dans une page x, démontrait qu'il y aurait éventuellement question à l'Assemblée nationale. Donc, que Mme la députée soit le porte-parole de ces gens-là pour poser le problème de manière publique, c'est une question de prévention et de sensibiliser l'opinion publique, et je pense que ce but-là est atteint.

J'ai donc confié le mandat, M. le Président, à la santé publique, un mandat très clair sur le plan d'un inventaire des situations, des faits, non pas uniquement pour ce qui peut être apparenté à la colle, mais aussi aux aérosols, pour faire en sorte qu'on n'ait pas la problématique uniquement de la Montérégie, mais une problématique provinciale, au niveau de la santé publique. Et ce mandat a été confié, en particulier, aux départements de santé communautaire et de santé publique de la Montérégie, avec des officiers supérieurs du ministère qui ont la responsabilité de toxicomanie.

Ce rapport est de faire l'inventaire de la situation de la Montérégie, mais aussi de toutes les régions du Québec, du phénomène, et de nous produire des recommandations au début de l'automne en termes d'actions ? donc, ça débouche sur de l'action à l'automne ? et dès que nous aurons reçu ce rapport, à l'autom-

ne, on agira, M. le Président.

Le Président: Pour une question complémentaire.

Mme Vermette: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je prends acte de la réponse du ministre, mais j'espère que le ministre va procéder plus rapidement que dans certains autres cas, parce que, effectivement...

Une voix: Les centres de femmes, par exemple.

Mme Vermette: ...les rapports... Au niveau des rapports, c'est heureux qu'on en fasse, mais c'est au niveau des actions qu'il est le plus important, d'autant plus que ça touche un large éventail de jeunes qui développent des habitudes malheureuses de consommation de drogue.

Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans ce cas-là, trouver des solutions à court terme, en attendant que les rapports et les analyses, en fait, se concrétisent?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il faut avoir le contrôle de ce qu'on dit, et lorsqu'on l'a, on a le contrôle. Règle générale, on est capable de supporter les affirmations qu'on fait, et je vous mets au défi de supporter les propos que vous avez tenus, comme dans d'autres cas, M. le Président, sur le plan de l'action.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue parle des centres de femmes. Jamais vous n'avez fait pour les centres de femmes ce qu'on a fait, en termes de reconnaissance.

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! Alors, M. le ministre. Non, non, M. le ministre.

M. Trudel: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: Question de privilège. Un instant, s'il vous plaît! Je vous écoute. Vous évoquez quel privilège, M. le député?

M. Trudel: M. le Président, je suis interpellé par le député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux. Lui...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! À l'or- dre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Trudel: M. le Président, c'est le ministre lui-même qui, hier...

Le Président: Non, non, non. Non. Ce n'est pas une question de privilège. MM. les députés, Mmes les députées, s'il vous plaît! Alors, pour compléter votre réponse, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président. Concernant les centres de femmes...

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Un instant! Un instant, s'il vous plaît! Donc, à l'ordre! Oui, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, sur un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord pour calmer ses esprits et son coeur, si vous n'acceptez pas un privilège du député, vous ne pouvez pas accepter une réponse à un privilège ? ça va de soi ? que vous ne reconnaissiez pas.

Le Président: S'il vous plaît! Un instant! Alors, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Donc, M. le Président, je vous demande de faire appliquer le règlement. Si, vous-même, vous jugez que ce n'est pas un privilège et vous avez eu le ressort spontané pour appliquer le règlement, je voudrais que vous ayez ce même ressort vis-à-vis de votre ministre, qui essaie de répondre à quelque chose que vous refusez de dire.

Le Président: Alors, simplement, ce n'est pas le ministre du président, c'est le ministre du gouvernement. Alors, sur la question, M. le leader du gouvernement.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour indiquer que le ministre de la Santé est strictement en train de répondre à la question de Mme la députée et non à une pseudo-question de privilège.

Le Président: Très bien. Alors, simplement, évidemment... À l'ordre! Donc, j'invite le ministre à répondre à la question de Mme la députée de Marie-Victorin, mais c'est évident que je rappelle à nouveau à l'Assemblée, d'un côté comme de l'autre, que, quand on interpelle, parfois, lors d'une réponse, ça amène des réactions ? c'est d'un côté comme de l'autre ? et c'est défendu par le règlement. Donc, en conséquence, M. le ministre, je vous invite à répondre uniquement à la

question de Mme la députée de Marie-Victorin.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'aurais presque une question de privilège moi-même, et je suis un peu peiné que vous soyez obligé de vous excuser d'avoir une certaine sympathie vis-à-vis du ministre de la Santé et des Services sociaux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! M. le Président, c'est donc un comité provincial qui a le mandat d'agir de manière très rapide. Et je pense qu'il faut le reconnaître, l'action menée par les villes, par le département de santé publique et par tous les intervenants de la Montérégie a fait en sorte que ce dossier porté sur la place publique a fait une étape extrêmement importante sur le plan de la prévention ? et il faut continuer de l'encourager ? et a mis fin à une pratique de vente de colle dans les dépanneurs. Et ça, je pense que c'est tout à fait louable. Ça c'est de l'action concrète à court terme sur le plan de la prévention, que nous devons mener, mais nous ne devons pas appliquer des solutions aujourd'hui qui ne colleraient pas à la réalité pour solutionner des problèmes de demain.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période des questions.

Il n'y a pas de votes reportés. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, vous me permettrez de donner les avis touchant les travaux des commissions à ce moment-ci.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à cet effet? Donc, consentement. Vous pouvez procéder, M. le leader du gouvernement, en demandant, s'il vous plaît, l'attention des collègues. Alors, M. le ministre et leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je rappelle à cette Assemblée qu'aujourd'hui, à compter de maintenant jusqu'à 13 heures, et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projet de loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 207, Loi concernant la succession de Cora Frances Dunkerley; projet de loi 240, Loi concernant la succession d'Edouard Bachir Beshro; projet de loi 259, Loi concernant certains immeubles du cadastre de la paroisse de Saint-Charles.

À compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 261, Loi sur l'Association de villégiature de la station Mont Tremblant.

À compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine...

Le Président: M. le leader, s'il vous plaît. Alors, je vais demander encore une fois la collaboration des collègues pour écouter les avis du leader du gouvernement. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, à compter de maintenant, M. le Président, jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission du budget et de l'administration entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: le projet de loi 236, Loi modifiant la Loi constituant en corporation la Congrégation des Soeurs des Saints Noms de Jésus et Marie; le projet de loi 241, Loi modifiant la charte de Le Repos Saint-François d'Assise; le projet de loi 260, Loi concernant le Centre des Chevaliers de Colomb de Jonquière inc.; le projet de loi 202, Loi concernant Abar Realties Inc.

J'avise également cette Assemblée qu'aujourd'hui, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, une fois complétée l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé 236, 241, 260 et 202, mais pas avant 20 heures, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi 89, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Et je dépose les avis.

Le Président: Alors, très bien, M. le leader du gouvernement. Il y a consentement de l'Assemblée quant aux horaires des commissions?

Une voix: Consentement.

Le Président: Consentement. Donc, maintenant nous revenons aux motions sans préavis. Alors, M. le leader du gouvernement.

Motions sans préavis

Motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée afin de permettre l'adoption du projet de loi 86

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, conformément aux dispositions des articles 182 et 183 de l'Assemblée nationale, je fais motion: «Que, en raison de l'urgence de la situation et en

vue de permettre l'adoption du projet de loi 86...

Le Président: Un instant, M. le leader du gouvernement. Alors, je vais demander, pour une dernière fois, la collaboration de tous les collègues et je sévirai contre ceux qui ne s'y conforment pas. Alors, M. le leader du gouvernement, pour une motion sans préavis.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, M. le Président, «que, en raison de l'urgence de la situation et en vue de permettre l'adoption du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française: (11 h 30) «Les 1er et 2e paragraphes de l'article 19, les articles 20 et 21, les mots «ou sur un fait personnel» au 4e paragraphe de l'article 53 et le 7e paragraphe du même article, l'article 54, les articles 71 à 73, les 2e et 3e alinéas de l'article 84, les mots «ou à la demande d'un député» au 1er alinéa de l'article 86 ainsi que le 2e alinéa du même article, les 2e, 3e et 8e paragraphes de l'article 87, les articles 88 à 93, 100 et 101, 105 à 108, 111 à 114, 164, 175 et 176, les mots «et, le cas échéant, de ses observations, conclusions et recommandations» à l'article 177, les articles 194 et 195, 205 à 209, 212 et 213, 215 et 216, 230, le 2e alinéa de l'article 244, les mots «et l'adoption du projet de loi est fixée à une séance subséquente» au 2e alinéa de l'article 248, les article 249 à 251, le 1er alinéa de l'article 252, les 1er et 3e alinéas de l'article 253, l'article 254, les 2e et 3e alinéas de l'article 256, l'article 257 et les articles 304 à 307 soient suspendus jusqu'à l'adoption dudit projet de loi; «II soit permis, dès l'adoption de la présente motion, à un ministre ou à un leader adjoint du gouvernement de procéder à l'étape des avis touchant les travaux des commissions malgré les dispositions de l'article 53; «Dès l'adoption de la présente motion, malgré l'article 53, la commission de la culture mette fin à ses travaux quant à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française et dépose son rapport à l'Assemblée; «Tout député puisse, au plus tard une heure après le dépôt dudit rapport, transmettre au bureau du secrétaire général, copie des amendements qu'il entend y proposer; les travaux de l'Assemblée soient alors suspendus jusqu'à l'expiration de ce délai; «La durée du débat sur la prise en considération du rapport de la commission soit fixée à un maximum de 60 minutes, dont 25 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 25 minutes au groupe parlementaire formant l'Opposition officielle et 5 minutes au groupe des députés indépendants; le ministre qui présente le projet de loi puisse exercer un droit de réplique d'une durée maximale de 5 minutes; «Une fois terminé le débat sur la prise en considération du rapport de la commission permanente, les amendements soient mis aux voix successivement sans appel nominal, de la manière indiquée par le président, les amendements adoptés soient intégrés au rapport, qui est ensuite mis aux voix sans débat et sans appel nominal; «La durée du débat sur l'adoption du projet de loi soit fixée à un maximum de 2 h 30 min, dont 60 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 60 minutes au groupe parlementaire formant l'Opposition officielle, 15 minutes au groupe de députés indépendants et une réplique d'une durée maximale de 15 minutes au ministre qui présente le projet de loi; «Au cours dudit débat, celui qui présente le projet de loi puisse faire motion pour qu'il soit envoyé en commission plénière, en vue de l'étude des amendements qu'il indique; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal; en commission plénière, l'étude soit limitée à l'amendement proposé; la durée du débat en commission plénière soit fixée à un maximum de 15 minutes, dont 5 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 5 minutes au groupe parlementaire formant l'Opposition officielle, 3 minutes au groupe des députés indépendants et 2 minutes de réplique au ministre qui présente le projet de loi, au terme de laquelle les amendements seraient mis aux voix immédiatement, sans débat et sans appel nominal; «À l'expiration du délai de 15 minutes, le président de la commission plénière fasse rapport à l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix immédiatement sans débat et sans appel nominal; «Une motion de suspension de la séance puisse être proposée à tout moment par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal; «L'ajournement du débat, l'ajournement de l'Assemblée ou le retrait d'une motion puissent être proposés à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal; «L'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 10 heures jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux; «Sous réserve de ce qui précède, les dispositions du règlement particulières aux mois de juin et de décembre soient appliquées; et «Les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption dudit projet de loi.»

Le Président: Vous pouvez déposer votre motion, M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais qu'on suspende les travaux 1 ou 2 minutes, pour la comparer avec la non moins célèbre d'hier.

Le Président: Alors, très bien. Donc, nous allons suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

(Reprise à 11 h 46)

Le Président: Mmes et MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, sur la motion de suspension des règles proposée par le leader du gouvernement, je vais reconnaître M. le leader de l'Opposition.

Débat sur la recevabilité M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je ne vous surprendrai probablement pas en plaidant sur la recevabilité. J'ai plaidé, hier, sur la recevabilité en ce qui regarde la motion d'urgence, j'ai l'intention de le faire également aujourd'hui, mais je voudrais également, au niveau de ma plaidoirie aujourd'hui, aborder un autre aspect qui a déjà été plaidé, mais qui, à sa face même, mérite d'être considéré très sérieusement par la présidence de l'Assemblée nationale du Québec.

Je vais commencer par ce point bien précis, M. le Président. À mon point de vue, utiliser l'article 182 de nos règlements pour mettre fin à des travaux d'une commission parlementaire sans y substituer une mécanique autre pour étudier le projet de loi, c'est fausser le débat complètement. Quand on suspend les règles, ça a toujours été, dans nos règlements, pour pallier une situation d'urgence, si bien que quand on a une loi d'exception, une loi spéciale, une loi qui s'impose à cause d'une urgence réelle, qu'est-ce qu'on fait? On adopte des mécanismes, on suspend les travaux de la Chambre, on laisse à l'Opposition plusieurs heures, même, pour étudier le projet de loi, l'analyser. On prévoit une plénière passablement longue pour permettre une étude au moins minimale, importante des articles de projet de loi. Ce n'est pas le cas dans la situation actuelle.

Les travaux en commission ont bel et bien commencé, M. le Président. Les travaux se déroulaient normalement. Je vais le démontrer au niveau de la notion d'urgence, tantôt, que je plaiderai dans un deuxième temps. Les travaux se sont déroulés, donc, très normalement et on n'a eu, depuis, je crois, mardi matin, aucune convocation de ladite commission. Donc, le leader du gouvernement, à notre point de vue, sur le plan du droit, ne peut pas suspendre, ne peut pas arrêter, ne peut pas donner un ordre à une commission parlementaire sans y substituer un mécanisme précis pour l'étude du projet de loi. C'est clair, ce n'est pas un ordre qu'il a le pouvoir de donner à une commission, c'est une modification. Il faut le substituer par une autre procédure. Dans la motion du leader du gouvernement actuellement, il ne substitue rien. Il arrête les travaux de la commission, un point c'est tout. Et, qui plus est, dans la présente motion, je remarque que le leader du gouvernement s'est raffiné parce qu'on l'a déjà plaidé, il suspend, cette fois-ci, l'article 249, ce qu'il n'a pas fait hier. Donc, il a appris, je pense, à l'usage, qu'on a déjà plaidé cet aspect-là et qu'il y avait quelque chose, il y avait un fondement là. (11 h 50)

Mais, aujourd'hui, je vous demande, comme président de l'Assemblée nationale, d'aller plus loin dans le raisonnement juridique. Une motion de suspension des règles, M. le Président, c'est pour substituer avec une nouvelle mécanique parce qu'il y a urgence. Mais, dans le cas précis, on ne le suspend pas, on l'arrête, on donne un ordre d'arrêter. Et on ne peut pas, M. le Président, à mon point de vue, donner un ordre d'arrêter un processus législatif sans lui substituer un autre mécanisme d'étude. Et je vous demanderais de bien le fouiller, puis d'autant plus que celle-ci, là, il n'y aura plus de plénière seulement. Si j'ai bien compris, on aura 1 heure pour faire valoir des amendements au secrétariat de l'Assemblée nationale. Donc, beaucoup plus serré, à part ça, qu'hier, pour un projet de loi d'importance nationale. Je vous avoue franchement que j'ai hâte que la présidence se penche sérieusement sur la question de droit. Peut-il ou non, d'office et d'ordre, arrêter les travaux d'une commission parlementaire sans lui substituer un mécanisme pour permettre l'étude du projet de loi? Voilà mon premier point, sur lequel j'insiste, M. le Président, pour que la présidence de l'Assemblée nationale considère que c'est un droit fondamental, l'étude détaillée d'un projet de loi, et on a le droit d'avoir une mécanique nous permettant d'arguer, nous permettant de questionner, nous permettant, au besoin, d'avoir les informations, sinon on fausse carrément le processus législatif.

Et, si bien, M. le Président, que tous ceux qui ont été membres de cette Assemblée nationale au cours des années se sont toujours battus pour ces droits fondamentaux. Ce n'est pas pour rien qu'il existait une mécanique qu'on appelait la motion de clôture. La motion de clôture, précisément, M. le Président, arrivait... Il y avait du temps, parce que c'était au feuilleton; il y avait les mécanismes pour étudier en plénière des propositions, pour faire en sorte qu'on puisse au moins, au moins avoir consacré un temps assez important à l'étude du projet de loi. Mais, pour des raisons d'orientation politique, le gouvernement tenait à sa dite loi.

On est rendu qu'on invoque la mécanique de la suspension des règles, M. le Président, pour faire passer une avalanche de projets de loi. Et depuis l'arrivée, en particulier, du nouveau leader, ça a l'air d'être une coutume, ça, la suspension des règles. On n'utilise pas la mécanique normale du règlement, qui est la motion de clôture, qui s'inscrit précisément dans le processus normal de la législation, où le gouvernement peut l'utiliser dans les fins de session. Mais, là, on utilise une motion de levée de règles, de suspension de règles qui

ne cadre pas du tout dans le processus législatif normal. Le processus législatif normal, c'est la motion de clôture. Alors que, là, on est en train de dénaturer complètement le règlement de l'Assemblée nationale: on suspend les règles n'importe quand, à propos de tout, et on invoque l'urgence en plus.

Parlons d'urgence quelques minutes. Je refais appel, comme je l'ai fait hier, à votre jugement, M. le Président, et comme défenseur de nos droits. M. le Président, pour votre information, l'Assemblée nationale, à mon point de vue, ne peut pas être tournée en ridicule. Est-ce qu'il y a eu des mesures dilatoires sur la loi 86? Pas du tout. Savez-vous, pour votre information, M. le Président, que mercredi le 9, le premier jour où on a siégé en commission parlementaire, l'Opposition a pris 3 h 8 min, le parti ministériel 2 h 7 min? Jeudi le 10, l'Opposition a pris 2 h 50 min, le gouvernement, 2 h 39 min. Vendredi le 11, l'Opposition 1 h 42 min, la partie ministérielle 1 h 18 min. Lundi le 14, l'Opposition 2 heures, le gouvernement, 2 h 22 min. Au total, M. le Président, on a étudié ce projet de loi pendant 17 h 26 min, mais l'Opposition aura parlé 9 heures et le gouvernement, 8 h 26 min: une demi-heure de différence. Puis on invoque l'urgence, M. le Président? On va invoquer le fait, nous, que l'on a utilisé des mesures dilatoires pour retarder ce projet de loi là?

Depuis le 14 juin dernier, il n'y a eu aucune convocation. Aucune convocation, M. le Président. Du 14 au 23, d'abord il aurait pu y avoir un nombre extraordinaire d'articles qui auraient pu être adoptés. Deuxièmement, on aurait pu, dès le 14, M. le Président, utiliser la motion normale des fins de session, qui est la motion de clôture, si le gouvernement voulait utiliser la procédure normale. Il aurait utilisé la motion de clôture, et puis on aurait eu tout le temps, à l'intérieur des délais prescrits dans la motion de clôture, de réaliser l'étude du projet de loi en question, conformément à la procédure normale, régulière, et basée sur l'esprit même de nos règlements. On en est rendu... Et c'est sur ce, aujourd'hui, aussi, que je vais plaider, tout autant que j'ai plaidé hier. Il n'y a aucune urgence, M. le Président.

D'abord, l'urgence invoquée, pour le gouvernement, au moment où il a apporté ce projet de loi sur la table, c'était la reconduction de la clause «nonobstant» en décembre prochain. M. le Président, on siège en octobre, on le sait, à partir du deuxième mardi d'octobre. Est-ce qu'il y avait une urgence nationale? Pas du tout. Est-ce qu'il y avait une urgence, M. le Président, à utiliser une procédure tout à fait exceptionnelle que l'on utilise ordinairement quand la santé publique est en danger ou encore quand il y a tellement de bouleversements dans notre société ? que ce soit le transport en commun de Montréal, que ce soient les pompiers de Montréal qui ont déjà fait la grève ? que l'année scolaire pouvait être en danger après 15 jours, 10 jours de grève? Absolument pas. Il n'y a aucune urgence.

On invoque l'urgence, M. le Président, et on n'est pas capable, logiquement, rationnellement, de démon- trer, pendant 2 minutes seulement, l'urgence de la situation. On n'est même pas capable de faire ça. Il ne faut pas que les règlements ne veuillent dire rien, M. le Président. Nos règlements ont été bâtis de sorte que ça veuille dire quelque chose, que ça réponde à un besoin, que ça réponde à une situation. Un règlement n'existe pas pour la forme, pour la frime. Un règlement, ça doit être respecté. Et la procédure normale, dans une session normale, pour des projets de loi normaux, ce n'est pas la suspension des règles, M. le Président, où on peut invoquer l'urgence et faire n'importe quoi, même s'il n'y a pas urgence, même s'il n'y a même pas l'apparence de l'ombre du début d'une urgence. M. le Président, c'est là fausser tout le processus législatif. Et je lis les deux. Je les lis, les deux, autant la première partie de mon intervention, qui dit qu'il faut substituer la mécanique par une autre mécanique, mais qu'on n'a pas droit de donner ordre, sur le plan législatif, d'arrêter les travaux.

Donc, M. le Président, sur la notion d'urgence, je vous réitère que je fais appel au rôle fondamental que la présidence doit jouer dans un Parlement. Ce n'est pas vrai qu'on a adopté des règlements pour qu'ils soient dénaturés. Ce n'est pas vrai qu'on a adopté des règlements pour pallier à des situations et qu'on s'en serve à d'autres fins. Sinon, le Parlement sombre dans le ridicule. Je le dis comme je le pense. On ne peut pas invoquer la notion d'urgence quand le gouvernement n'a même pas fait les efforts minimaux pour amener cette Assemblée à travailler.

Je vous dis que, depuis le 14 au soir, il n'y a eu aucune convocation de la commission, M. le Président. On a décidé, unilatéralement, de ne pas reconvoquer la commission. Est-ce que c'est parce qu'il y avait des mesures dilatoires? Je vous ai prouvé noir sur blanc que le temps fut partagé 50-50. Est-ce que c'est le gouvernement qui se «filibustait», M. le Président?

La notion d'urgence doit avoir un sens, quand on l'invoque. Quand on invoque l'urgence, c'est parce qu'il y a une situation. Moi, si le ministre de l'Environnement se lève comme leader de la Chambre puis qu'il invoque la notion d'urgence, M. le Président, pour adopter une loi spéciale, parce qu'il y a une contamination tellement forte qu'il lui faut un pouvoir législatif, je comprendrais ça. Qu'il utilise l'article 182, M. le Président, je comprendrais ça. Mais, si le ministre de l'Environnement veut se donner des pouvoirs additionnels à moyen et à long terme, qu'est-ce qu'on va lui demander de faire? On va lui dire: Suis le processus normal. (12 heures)

On est en train de dénaturer complètement le fonctionnement du Parlement. Ça voudra dire quoi, M. le Président, sur le temps où on est parti, avec les décisions qui se prennent présentement? Ça voudra dire quoi, notre règlement? Un gouvernement qui est fatigué d une fin de session décide d'invoquer l'urgence. Il invoque l'urgence ? ils l'ont fait, il adopte un paquet de projets de loi ? 27 projets de loi sur une suspension des règles! M. le Président, franchement! On «va-tu»

gouverner par décrets? On est rendu qu'on va procéder par décrets, M. le Président. Et je lie mon premier point au deuxième. Est-ce qu'on doit procéder par décrets, en cette Chambre-là, ou si l'Assemblée nationale, fïère de sa tradition démocratique, ne doit pas exiger que des mesures exceptionnelles ne deviennent pas une mesure courante? Parce que, M. le Président, on fausse le processus démocratique, on ridiculise les règlements de l'Assemblée nationale et, par voie de conséquence, on marginalise le rôle du Parlement.

Je pense que c'est très sérieux, M. le Président, comme question qu'on doit se poser aujourd'hui. C'est la deuxième en 2 jours. Ce n'est pas le fruit de la spontanéité, ça, de ce gouvernement, là. Depuis 2 ou 3 ans en particulier, M. le Président, je les ai déposées hier, il y a eu 7 suspensions de règles pour des mesures non urgentes. Mais on invoquait le motif d'urgence. Franchement! La Russie procédait par décret, M. le Président, et d'autres pays aussi ont précédé par décret, là où les régimes démocratiques... Là où ils ont des gouvernements totalitaires, ils procèdent par décret. Ce n'est pas le cas, ici.

On ne peut pas demander en plus à l'Assemblée nationale ? et le chef de l'Opposition l'a souligné hier ? d'utiliser de faux motifs pour justifier son action. On n'a pas le droit de mentir, entre guillements, dans cette Chambre, M. le Président; en tout cas c'est, du moins, ce que nos règlements disent.

Est-ce que, si je posais la question au gouvernement, il pourrait affirmer, en toute véracité des faits, qu'il y a urgence? Jamais, M. le Président, ils ne sont capables de le prouver! Jamais ils ne sont capables de prouver l'urgence! Il n'y a aucun citoyen qui exige, puis qui est en péril parce que la présente loi ne serait pas adoptée, par exemple, demain. Pas du tout! Il n'y a pas d'urgence à cela.

Est-ce que le gouvernement est fatigué de la longueur des travaux en commission? Deuxième question. Il a parlé autant que nous. Vous connaissez le ministre délégué à la Charte de la langue française? Il a parlé autant que nous autres. Est-ce que c'est la faute de l'Opposition qui a parlé 9 heures contre 8 heures 26 si le projet de loi n'est pas adopté? Est-ce la faute de l'Opposition si on a amené le projet de loi à la dernière minute, en juin, pour le faire adopter? Est-ce que c'est la faute de l'Opposition si on ne l'a pas appelé le 15, le 16, le 17, puis le 18?

M. le Président, je vous rappelerai que la loi 101, on a passé le mois de juillet et le mois d'août ici, 200 et quelques heures, puis, à l'époque, il n'y avait pas de climatisation. J'étais membre de la commission, moi. Puis, on a travaillé pendant 200 heures à écouter les libéraux. C'est très sérieux, ça, M. le Président, cette question de recevabilité que je souligne.

Premièrement, on ne peut pas donner un ordre et, deuxièmement, il faut prouver un tantinet l'urgence. Puis, il n'y en a pas, d'urgence, dans ce projet de loi. Il n'y en a pas, d'urgence, M. le Président.

Hier, j'ai fait appel à la clémence de la présidence pour faire observer ces droits fondamentaux là. D'aussi loin que je puisse lire dans l'histoire de la réglementation de l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président, et même d'autres Parlements de type britannique, on ne retrouve pas, M. le Président, cet abus de pouvoir exercé de façon aussi régulière, aussi coutumière qu'au Parlement, ici. On ne voit pas, dans d'autres Parlements de type britannique et dits démocratiques, l'utilisation de faux prétextes pour en arriver à des fins. Nos règlements ne sont pas là, M. le Président, pour permettre des subterfuges pour changer les règles du jeu. Nos règlements sont là pour assurer nos principes démocratiques vieux de centaines et de centaines d'années, M. le Président.

Je vous dis très honnêtement que l'utilisation de l'article 182 pour mettre fin aux travaux d'une commission est irrecevable, en vertu de nos règlements, et qu'invoquer la notion d'urgence, M. le Président, pour mettre fin à des travaux lorsqu'on n'a pas fait les efforts, c'est aussi un subterfuge inacceptable dans l'esprit et la lettre de nos règlements.

M. le Président, moi, je suis inquiet de voir qu'on laisse faire ça depuis bon nombre d'années. Depuis 2 ou 3 ans en particulier, c'est devenu une coutume. Est-ce à dire qu'on n'a plus besoin de la motion de clôture, M. le Président? Je vais vous la poser, la question. Si l'urgence devient le seul motif d'agir et qu'on a le droit d'invoquer l'urgence même s'il n'y a pas d'urgence, est-ce à dire que la motion de clôture, qui était précisément la procédure normale pour mettre fin à des travaux qui pouvaient traîner en longueur, on enlève ça, à toutes fins pratiques? On invoque l'urgence même s'il n'y a pas d'urgence, même si on n'est pas capable de faire le début de l'ombre d'une preuve qu'il y a urgence. On dénature le règlement, on ridiculise l'Assemblée nationale, et moi, personnellement, M. le Président, ça ne m'intéresse pas de sombrer dans le ridicule.

Je fais donc appel à la présidence de l'Assemblée nationale et j'en fais quasi une question de confiance pour rétablir les faits, M. le Président, parce que ça n'a plus bien bien de bon sens de procéder de la façon dont on le fait. J'ose espérer qu'on va se pencher très sérieusement sur les 2 dimensions qu'on soulève, sinon, M. le Président, je ne vois pas en quoi il y aurait un Parlement. Le gouvernement peut décréter en tout temps ce qu'il entend faire sans étude...

Et, je vous rappelle ce qui s'est passé hier, et cette motion d'aujourd'hui est pire. Hier, ce qui s'est passé, M. le Président, c'est qu'il y a eu 35 amendements dans l'espace de 1 heure. Le ministre en a même oublié un. Et je lui demanderais de me rappeler ce qu'il a amendé hier soir, il ne s'en rappelle probablement pas. C'est une législation qui scellait l'issue et le sort de 400 000 personnes minimum, 400 000 minimum.

Aujourd'hui, une motion similaire, mais plus que ça, c'est au Secrétariat de l'Assemblée nationale et non au Parlement, M. le Président, qu'on va pouvoir déposer des amendements, et ça va être voté un après l'autre, M. le Président, sans information, sans discussion,

sans analyse. Est-ce que c'est ça, le processus démocratique? Est-ce que c'est ça... J'aimerais ça que vous soumettiez ça, M. le Président, vous qui occupez un poste important à l'association des parlementaires de langue française, j'apprécierais qu'on fasse le test, sur le plan international, d'une telle procédure. J'apprécierais qu'on soumette ce test-là de fausse notion d'urgence au processus démocratique, comment ça s'inscrit dans ça. Ça n'a pas de bon sens. On ne peut plus fonctionner de même. Vous aviez le loisir, M. le Président...

Le leader du gouvernement et le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française avaient le loisir d'utiliser une motion de clôture, s'ils en étaient fatigués, et suivre un processus normal d'adoption, mais invoquer l'urgence, je m'excuse, M. le Président, c'est faux, ça sonne faux.

Et, au besoin, je vous dirai ceci, M. le Président. Je vais vous lire quelques extraits, pour votre gouverne, de ce que déclarait le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Il disait ceci, et ça, c'était en 1977 qu'il écrivait cela: «Sûr de sa force, il avait fermé l'oreille à plusieurs suggestions constructi-ves». Il parlait à ce moment-là du gouvernement auquel on appartenait. «Sûr de sa force, il avait fermé l'oreille à plusieurs suggestions constructives qui lui venaient de l'Opposition ou de l'extérieur de l'Assemblée nationale. Enfin, au bout d'un certain temps, il avait imposé le bâillon à l'Assemblée, croyant ainsi tourner une page importante, mais ouvrant à son insu une blessure béante au flanc du parti majoritaire.» Et il continuait: «Pour une deuxième fois consécutive à propos des questions aussi fondamentales que la question linguistique, un gouvernement québécois se croit suffisamment en possession de la vérité pour estimer devoir lever le nez sur des solutions qui traduiraient un large accord de tous les partis responsables autour de certains objectifs minimaux.»

Savez-vous qui disait ça, en 1977? L'éditorialiste du Devoir de l'époque, M. le Président, et actuel ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Il n'a même pas... Et il avait dit ça après 200 heures en commission parlementaire de la part de notre gouvernement de l'époque, 200 heures, après 17 h 26 min, sur lesquelles 17 h 26 min il a pris lui-même 8 h 26 min. M. le Président, c'est non seulement le bâillon en fonction des règles normales du jeu, ce n'est plus la motion de clôture qui... Nous, c'était la motion de clôture qu'on avait utilisée; lui, c'est une suspension de règles, M. le Président. Et ce même bonhomme-là, le même homme, le même personnage, en position d'être conséquent, cohérent avec ses propres prises de position, M. le Président, son intolérance va jusqu'à, après à peine 17 h 26 min, poser des gestes pires que ceux qui ont été produits antérieurement. Et ça, M. le Président, ça, c'est ce qu'on appelle des pharisiens.

Merci. (12 h 10)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement. M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour rappeler à ceux et celles qui nous écoutent que nous en sommes à débattre une ou des questions d'irrecevabilité soumises à l'Assemblée nationale par le leader de l'Opposition officielle. Nous n'en sommes pas encore à débattre la motion comme telle. Vous aurez à prendre une décision, M. le Président, et à ce moment-là, nous pourrons débattre de la motion si la décision est favorable ou, si elle est défavorable, la motion sera retirée comme telle.

Je le dis, M. le Président, parce que, dans son vibrant plaidoyer, le leader de l'Opposition officielle a touché à ce que j'appelle le fond de la motion et ne s'est pas tenu à ses motifs d'irrecevabilité, qui, d'ailleurs, sont connus, sont usés à la corde.

Vous avez, comme président... Vos prédécesseurs... Des prédécesseurs du temps de l'ancien gouvernement ont rendu de multiples décisions, et, si j'avais le droit de prêter des intentions à mon bon ami le leader de l'Opposition officielle, je l'accuserais de «filibuster», en termes parlementaires, sur une question de procédure, M. le Président, ce qui ajouterait à tout ce qui s'est fait au niveau de la commission parlementaire.

M. le Président, je vais vous référer, là, très, très, très brièvement à des décisions déjà rendues, quant au motif d'urgence ? que nous démontrerons tantôt, si notre motion est acceptée, M. le Président. La décision rendue par un de vos prédécesseurs, Clément Richard, le 18 août 1977, et le président d'alors s'exprimait en ces termes: «Le président n'a pas à juger du fond de la question et n'a pas à déterminer s'il y a urgence ou non. Il n'a qu'à vérifier si les prescriptions de l'article 182 ont été respectées.» Le leader de l'Opposition officielle connaît bien cette décision. Il a omis de la citer.

Le 19 décembre 1988, un autre de vos prédécesseurs, Pierre Lorrain, s'exprimait en ces termes: «La motion n'a pas à contenir d'exposé de motifs lorsque l'urgence est invoquée.» Le leader de l'Opposition connaît également cette décision. Il a omis de la citer.

Le 18 juin 1987, encore une fois, Pierre Lorrain: «II suffit d'invoquer l'urgence et cette dernière n'a pas à être prouvée. Le règlement ne confère aucun pouvoir au président lui permettant de déterminer si l'urgence invoquée dans une motion de suspension des règles est réelle ou non. Seule l'Assemblée peut décider par un vote à la fin du débat restreint s'il y a urgence de suspendre certaines règles de procédure.»

Je me souviens également, M. le Président, que le leader de l'Opposition, au mois de décembre dernier, a également invoqué la même argumentation, si on retourne au Journal des débats, et je crois que c'est vous, à l'époque, qui aviez rendu une décision dans le même sens que les décisions rendues par vos prédécesseurs. Je vous soumets très respectueusement que la jurisprudence est à ce point ancienne, conforme, solide

que j'ai de la difficulté à comprendre quels motifs peuvent pousser un parlementaire à replaider ad nauseam, si ce n'est que dans le but de faire avancer l'horloge, les mêmes arguments qui ont été rejetés par tous vos prédécesseurs et que vous avez vous-même rejetés.

Le deuxième argument invoqué par le leader de l'Opposition officielle, il nous l'a annoncé comme un argument sans précédent. Mais, là encore, M. le Président, il y a un précédent qui date de décembre 1992, et je vais citer, à partir du Journal des débats du 17 décembre 1992, le leader de l'Opposition officielle, et vous allez reconnaître, à peu près dans les mêmes termes, à peu près dans les mêmes mots ? c'est le même plaideur, M. le Président ? l'argument qui vous a été présenté aujourd'hui, et je vous ferai part de la décision que vous avez rendue, ou qui a été rendue, à l'époque. «Ce que cherche à faire le leader du gouvernement ? et je cite le leader de l'Opposition officielle ? c'est de se prévaloir d'une mécanique de motion de clôture de façon indirecte, et surtout sans ses inconvénients, c'est-à-dire: convocation d'une réunion des leaders, avis au feuilleton, débat qui n'est pas restreint dans le temps et poursuite des étapes normales. C'est ce à quoi aurait obligé la procédure de 249. Et comme on n'a pas le droit de faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement, comment pouvez-vous justifier l'utilisation de 182 au lieu de 249, qui était bel et bien toute la motion désignée à ce moment-là? En ce faisant, il dénature la lettre et l'esprit de notre règlement.

Exactement, M. le Président, les mêmes propos que nous venons de réentendre et, à cette époque, on retrouve votre décision à la page 4902 du Journal des débats, et vous n'avez pas, là non plus, retenu, à l'époque, les arguments du leader de l'Opposition officielle.

J'ajouterai, M. le Président, qu'il n'est pas vrai que nous n'avons pas prévu de mécanisme d'intervention pour les députés. La motion de suspension des règles que j'ai été contraint à présenter à cause de l'attitude de l'Opposition stipule, à sa page 2, au deuxième paragraphe: «...dès l'adoption de la présente motion, malgré l'article 53, la commission permanente de la culture mette fin à ses travaux quant à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, et dépose son rapport à l'Assemblée; tout député ? tout député de l'Assemblée nationale, M. le Président ? puisse, au plus tard 1 heure après le dépôt dudit rapport, transmettre au bureau du Secrétaire général copie des amendements qu'il entend y proposer; les travaux de l'Assemblée soient alors suspendus jusqu'à l'expiration de ce délai.» Et il y a une autre heure additionnelle qui est prévue pour discuter de ce rapport.

Il s'agit d'une question sur laquelle ont discuté les députés de l'Assemblée nationale au cours au moins de la dernière décennie. Ceux et celles qui ont été élus à la dernière élection en ont entendu parler régulièrement. Si les députés ne sont pas prêts à déposer des amendements, je n'y comprends plus rien comme parlementaire. Ce n'est pas un sujet qui prend les gens par surprise, c'est un sujet qui fait appel à des convictions profondes et sur lequel chacun des membres de l'Assemblée nationale devrait être en mesure de s'exécuter avec une célérité qui est raisonnable dans le cadre du débat qui nous anime.

Le reproche additionnel qui nous a été fait, M. le Président, c'est peut-être d'avoir présenté une motion dans le cadre d'une autre législation, c'est le leader adjoint du gouvernement qui l'a fait hier, et d'en présenter une aujourd'hui dans le cadre d'une législation différente. Vous me permettrez de souligner, M. le Président, que nous nous sommes fait reprocher par ces mêmes gens qui nous reprochent d'agir comme on le fait en cette fin de session d'avoir mis dans la même motion plusieurs projets de loi à d'autres occasions. Moi, je ne sais plus là, j'ai tenté d'écouter leurs conseils, j'ai tenté de fonctionner suivant les avis qu'ils m'ont donnés comme tels en prétendant que ces avis respectaient davantage au moins l'esprit de notre droit parlementaire. Aujourd'hui, parce que je le fais, comme leader parlementaire, on me reproche de les avoir écoutés.

M. le Président, je n'ai pas saisi d'autres aspects de l'argumentation de l'honorable leader de l'Opposition qui pourraient m'inciter à argumenter. Je vous réfère aux décisions antérieurement rendues et, comme leader du gouvernement, je serai à même, tantôt, de démontrer le pourquoi de la mesure extraordinaire que nous avons déposée en cette Chambre, le pourquoi de l'urgence que nous avons invoquée également, de façon à ce que l'ensemble des parlementaires en soient convaincus pour qu'au moment du vote nous obtenions un vote favorable.

Merci, M. le Président.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le chef de l'Opposition.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je suis évidemment tout à fait disposé... d'ailleurs, c'est la normalité des choses que les 2 leaders vous présentent, comment dire, leur interprétation de ce qui se passe de façon à ce que vous ayez à trancher. Je voudrais vous communiquer, cependant, là en tant que chef de l'Opposition, un certain nombre de préoccupations que j'ai quant, à mon sens, à une sorte de distorsion, de glissement qui est en train de se produire dans notre système et dont nous avons une bonne illustration aujourd'hui.

Je crois que ça a commencé le 22 juin 1992. Moi, en tout cas, ça m'avait beaucoup frappé, et je reconnais qu'à ce moment-là ça n'a eu à peu près aucun impact dans l'opinion publique. Il a fallu attendre 6 mois pour qu'un éditorialiste du Devoir, M. Gilles Lesage, se dise: Mais ce qui est arrivé il y a 6 mois n'a pas de bon sens. Je pense qu'effectivement ça n'avait pas de sens, ça n'a pas alerté beaucoup. Ce jour-là, le 22 juin 1992, le gouvernement a suspendu les règles et fait adopter 28 projets de loi dans la même journée, en accordant, dans

sa grande mansuétude, 10 minutes par projet de loi, ce que l'Opposition, on s'en souviendra, a refusé. Tout ce que nous avions fait, à ce moment-là, un peu par dérision, c'était de demander un appel nominal, cas par cas.

Le 17 décembre dernier... (12 h 20)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, une question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse d'interrompre le chef de l'Opposition, mais nous en sommes à la recevabilité comme telle. Le leader de l'Opposition officielle a fait valoir, dans le début de son argumentation, quels étaient les points d'irrecevabilité qu'il soulevait. J'écoute attentivement le chef de l'Opposition. S'il pouvait nous indiquer s'il a des points d'irrecevabilité additionnels, on pourrait, et ça me ferait plaisir de l'entendre et de répliquer, mais s'il n'y en a pas, M. le Président, je considère qu'à ce moment-là c'est un abus de procédure.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...je m'excuse. Le chef de l'Opposition a commencé par montrer le glissement de l'esprit des règlements et de la lettre, qu'il l'écoute.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est un aveu, de la part du leader de l'Opposition officielle, qu'il ne s'agit pas d'un motif d'irrecevabilité. Un motif d'irrecevabilité, vous en avez soulevé. Vous avez dit: Vous devez démontrer l'urgence. Vous avez dit: Vous devez ne pas utiliser cette procédure, mais utiliser une autre procédure. Ces éléments ont été soulevés. Il s'agit d'éléments d'irrecevabilité qui ont déjà été tranchés. Ça, j'en ai discuté. Mais, présentement, quel est l'élément d'irrecevabilité additionnel qui est soulevé?

Le Président: Alors, écoutez, je vais écouter attentivement... M. le député, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vais écouter attentivement M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Merci, M. le Président.

Le 17 décembre dernier, le gouvernement, à nouveau, invoquant l'urgence, a fait passer tout l'essentiel ? 5 projets de loi, je pense ? tous les projets de loi un peu importants à la fin de la session, avec exactement la même procédure. C'est maintenant devenu courant. Chaque fois que le gouvernement tient à quelque chose qui lui paraît un peu important ? je ne parlerai pas de la loi des paratonnerres ou de choses pareilles ? mais chaque fois qu'il juge que quelque chose est important, il passe, quoi, quelques heures en commission. On n'ajoute plus rien... au bout de quelques heures. Dans les derniers jours, il ne fait même pas siéger la commission. On en a un bon exemple... C'est tellement important, l'histoire de la langue, que, les quelques derniers jours, on n'a même pas pris la peine de convoquer la commission. Est-ce qu'il y a eu «filibuster»? Pas du tout. Ils ont parlé autant que nous.

Tout ça simplement parce qu'on sait très bien que 24 heures avant la fin, 48 heures avant la fin de la session, le gouvernement dit: II est urgent que mes députés puissent partir en vacances. C'est ça, l'urgence. Il n'y a pas d'autre urgence que ça. C'est devenu un moyen de gouverner. Au fond, ça revient à peu près à ceci, M. le Président: on s'adresse à l'Opposition en disant: Causez toujours, mes lapins, pour quelque temps. Et quand on sera fatigué de vous entendre causer, là on suspendra les débats et, à la fin de la session, on dira: L'urgence, passez-moi ça en 2 heures! Là, on est rendu à 1 heure, passez-moi ça en 1 heure; 1 heure, M. le Président!

Je dis que c'est un glissement, que c'est une déformation, que c'est une sorte de parodie, justement parce qu'on invoque une jurisprudence des précédents que vous, M. le Président, et plusieurs de vos prédécesseurs avez déjà établis. Je comprends très bien pourquoi les présidents successifs de l'Assemblée nationale ne voulaient pas se prononcer sur l'urgence. À cet égard, d'ailleurs, je vous rappelle que, dans notre règlement, M. le Président, l'urgence pour la passation d'un projet de loi n'est évoquée qu'à un seul article. Cet article-là ne dit pas que la présidence ne se prononce pas sur l'urgence. L'article 183 dit: «La motion ne requiert pas de préavis si le motif invoqué est l'urgence.» C'est le seul endroit où cette notion apparaît. Nulle part ailleurs. II n'est pas nécessaire d'avoir un préavis, donc, de 24 heures ou de délai, j'allais dire, de donné à cette Chambre qu'une loi ou un projet de loi s'en vient. C'est tout. Il n'y a rien d'autre. Tout le reste, c'est de l'interprétation des présidents successifs. On comprend pourquoi, pendant des années, les présidents successifs n'ont pas voulu se prononcer sur le motif d'urgence. Parce que, au début, on invoquait l'urgence, par exemple, peut-être le cas le plus courant, dans des cas de lois spéciales pour arrêter des grèves. Bien, une grève avait commencé dans une commission scolaire, mettons; elle durait depuis une semaine. Est-ce que l'année des enfants était en péril? Peut-être pas. Quinze jours, ça commençait à devenir plus embêtant. Trois semaines, là, c'était très sérieux. Et, des fois, le gouvernement n'avait pas d'autre choix que d'invoquer l'urgence, dire: Je dépose une loi spéciale, puis j'invoque l'urgence, puis ce n'est pas vrai qu'on va l'arrêter de passer.

C'était encore plus vrai dans le cas, par exemple, de grèves dans les transports en commun, à Montréal et

pas à Québec. Par exemple, il y a eu une longue grève dans les transports en commun, à Québec, et on n'a pas invoqué l'urgence, alors qu'à Montréal, à cause de la situation dans le centre-ville, c'était habituel d'évoquer l'urgence. Ça se comprend, des différences comme ça, mais le président, lui, ne veut pas avoir à apprécier ça, c'est clair. Ça le mettrait dans une situation impossible, intenable.

Il y a eu glissement en ce sens que, maintenant, évoquer l'urgence sur la base des décisions prises par les présidents dans le passé devient une parodie. Là, on se trouve dans des situations où, manifestement, il n'y a aucune espèce d'urgence pour qui que ce soit, sauf pour les députés qui veulent partir en vacances. Mais, à part ça, il n'y en a pas, d'urgence. Tout se passe comme si, M. le Président ? et je répète quelque chose que je disais, hier, dans un débat similaire ? le gouvernement disait: J'ai le droit ou je m'arroge le droit de dire que quelque chose de noir est blanc, et que la présidence disait: Je reconnais au gouvernement le droit de dire que quelque chose qui est noir est blanc, donc, c'est blanc.

On est en train non seulement de violer le sens commun, ça, c'est tout à fait clair, mais on est en train de dénaturer le processus parlementaire.

Une voix: C'est ça.

M. Parizeau: Et, à cet égard, M. le Président, indépendant... Je connais bien la jurisprudence à laquelle le leader du gouvernement faisait allusion, tout à l'heure, dans ses remarques, on la connaît tous, on l'a regardée, cette jurisprudence; on comprend pourquoi elle est apparue comme ça.

Mais, M. le Président, je vous soumets, respectueusement, le fait qu'on a complètement déformé le sens des décisions que vous, dans le passé, et vos prédécesseurs avez prises. On s'est servi de cette jurisprudence pour lui faire dire ce qu'elle ne disait pas. On est en train de transformer notre Parlement dans une machine à décrets qui se met à fonctionner dans les 2 ou 3 jours des fins de session pour faire passer, coûte que coûte, ce que le gouvernement ne s'est pas donné la peine de plaider...

Une voix: C'est ça.

M. Parizeau: ...ne s'est pas donné la peine de plaider en cette Chambre.

Je vais vous en donner des exemples qui, moi, en tout cas, me frappent beaucoup. Voici les sujets qui n'ont pas été, qui ne seront pas abordés à cause du bâillon. Je vous en donne des exemples, des choses presque sans importance, en ajoutant ce que Alphonse Allais appelait le point d'ironie.

L'accès à l'école anglaise, peu de chose. Tous les groupes qu'on a dans notre société sont en train de discuter de ça. Le Parlement du Québec n'en parlera pas parce qu'il y a bâillon, il y a bâillon. Nous ne parlerons pas de ça. La francisation des entreprises. Le gouvernement, paraît-il, est arrivé, là, avec un certain nombre d'idées brillantes sur la francisation des entreprises dans son projet de loi. Nous ne parlerons pas à l'Assemblée nationale de la francisation des entreprises à cause du bâillon.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de règlement, M. le Président.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président: Un instant, M. le chef de l'Opposition. J'ai une question de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Ça devient extrêmement manifeste, M. le Président. Le chef de l'Opposition officielle traite du sujet comme si vous aviez déjà rendu votre décision, comme si nous étions déjà sur le fond de la motion. Il vient de s'exprimer 2 fois en ces termes: Nous ne pourrons discuter parce qu'il y a bâillon, etc.

M. le Président, nous sommes sur le fond de la motion. Ça ne me fait rien que le chef de l'Opposition intervienne, à ce moment-là. Il fera valoir ses droits. Quels sont ses arguments quant à la recevabilité, M. le Président?

Le Président: Alors, je pense que, à ce moment-ci, je vais laisser poursuivre le chef de l'Opposition qui donne certains exemples. Je les prends comme des exemples, sans discuter sur le fond de toutes ces questions-là. Il donne des exemples. S'il venait au fond, évidemment, ce serait après, lorsque la motion serait acceptée en discussion.

Mais, à ce moment-ci, vous pouvez poursuivre, M. le chef de l'Opposition. (12 h 30)

M. Parizeau: Je conclus, M. le Président, dans le sens suivant. Je sais bien qu'il n'est pas facile d'avoir un impact quelconque sur l'opinion publique devant quelque chose qui s'est produit graduellement, devant cette espèce de façon de vicier notre système parlementaire qui, d'une session à l'autre, devient davantage une parodie. Ce n'est pas facile d'alerter les gens pour leur faire comprendre, puis, au fond, en un certain sens, j'aimerais pouvoir m'adresser à eux, à un bien plus grand nombre que ceux qui nous écoutent ou qui nous voient à la télévision, à l'heure actuelle, pour leur dire: Ce qui se passe est grave, c'est sérieux pour la façon dont notre système politique fonctionne.

Dans ces conditions, M. le Président, je ne peux que terminer en m'adressant à vous, en souhaitant que vous partagiez avec moi ces inquiétudes que j'ai quant au fonctionnement de notre système et que vous nous aidiez à arrêter le glissement qu'il faut, à mon sens, dénoncer.

Merci.

Le Président: Je reconnais maintenant M. le député de Drummond.

M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

M. le Président, j'ai eu l'occasion d'intervenir, hier, sur une même motion. Oui, les puristes ont rappelé que j'avais utilisé une motion de bâillon, mais que je devrais prendre la notion de motion de suspension des règles. Il n'en demeure pas moins, M. le Président, que nous, ici, législateurs que nous sommes, nous avons légiféré pour nos citoyens et nos citoyennes, et, dans le cas de nos citoyens et nos citoyennes, M. le Président, ce qui est en train encore de se passer, pour une troisième fois dans quelques mois, c'est carrément une suspension des règles.

Je ne veux pas reprendre toute l'argumentation qui a été développée par mes collègues jusqu'ici. J'ai rappelé, hier, à la présidence et je le ferai encore, cet après-midi, que, en décembre, devant l'utilisation encore une fois de cette suspension des règles, la présidence elle-même s'était inquiétée et, à même la réponse, à même ses interrogations, elle avait fortement encouragé une prise de conscience et avait aussi fortement encouragé la rencontre de la sous-commission parlementaire.

M. le Président, je me suis levé ici, dans cette Chambre, la première semaine de mars, alors que nous avons siégé, pour demander la question: Quand est-ce que la sous-commission va avoir à se tenir? Je ne suis même pas membre, en tant que député de cette Assemblée, ici, de cette commission, et on me l'a rappelé aussi, à ce moment-là. Mais, seulement, on avait entendu qu'on devrait, et j'avais insisté à la présidence, à ce moment-là, se rasseoir pour être capable d'amender notre règlement.

M. le Président, vous aurez à prendre une décision comme vous l'avez fait, au mois de décembre, et comme vous l'avez fait, hier. J'aimerais rajouter à ce qui a été dit, aujourd'hui, que vous aurez à prendre la considération, et je ne suis pas un juriste, M. le Président, je suis simplement un citoyen qui essaie de représenter, en tant qu'élu, ses commettants ici, à l'Assemblée nationale, et être leur voix. Mais il m'apparaît, n'ayant pas une formation de juriste, que la loi du gros bon sens me dit, lorsque je regarde une jurisprudence invoquée, qu'on doit la placer dans le contexte où elle a été utilisée. Autrefois, lorsqu'on utilisait la motion d'urgence, M. le Président, je pense qu'on n'a pas à débattre de degré, mais on pouvait justifier cette urgence-là, mais, depuis quelque temps, on est en train de banaliser.

J'aimerais attirer à votre attention aussi, M. le Président, que vous avez une responsabilité qui est terrible aujourd'hui et qui s'accroît. On met sur vos épaules une responsabilité qui s'accroît et qui est terrible parce que vous avez à protéger pas seulement les droits de nous, les parlementaires, mais vous avez l'obligation, quant à moi, de protéger aussi l'image de l'Assemblée nationale dans la population.

J'aimerais rappeler à votre présidence, à votre attention, M. le Président, que, même après décembre, le bâtonnier du Québec, et je l'ai souligné, hier, s'était élevé et vous avait écrit à vous ainsi qu'au premier ministre pour demander qu'on cesse, parce qu'on était en train de miner la démocratie au Québec, on était en train de montrer à nos gens, M. le Président, un exemple flagrant où on avait carrément une usurpation des pouvoirs du législatif par l'exécutif.

Je terminerai en vous montrant l'importance aussi que nous avons, les parlementaires. Je suis un député indépendant, M. le Président, et je suppose qu'à ce moment-ci je devrais remercier, et pratiquement à genoux, M. le Président, la gratitude que le leader du gouvernement nous fait. Comment voulez-vous que j'explique à mes commettants qu'on me donne, comme temps de parole, dans une loi fondamentale, qui est fondamentale pour nous ici, les Québécois et les Québécoises... qu'on nous donne 3 minutes réparties entre 4 députés, soit 45 secondes, pour débattre des amendements? Comment voulez-vous que je puisse expliquer à mes citoyens et mes citoyennnes que lorsque je viens ici, dans l'Assemblée nationale, je suis capable de les représenter et que je suis capable d'être leur porte-parole lorsqu'on me dit qu'à la fin: On vous donnera, vous, les députés indépendants, un gros 15 minutes, soit 225 secondes, pour faire le point, comment est-ce que c'est important pour nous, gens de Drummond, d'être capables d'exprimer, en tout temps, notre langue, M. le Président?

Comment voulez-vous, M. le Président, dans un autre tantôt, décrit ici par la procédure du gouvernement, qu'on nous donnera 5 minutes à nous, les 4 députés indépendants, soit 75 secondes, pour faire nos points... Et c'est ça, M. le Président, que vous aurez aussi à rendre dans votre décision, à avoir la répartition du temps et à vous demander, dans le respect de l'institution, dans le respect qu'on se doit d'avoir, nous, les élus... Et Dieu sait que c'est important de valoriser notre image, M. le Président. Si, avec des conditions comme celles-là, je puis arriver chez moi et dire à mes citoyens et mes citoyennnes: Oui, je vais être votre porte-parole à l'Assemblée nationale, oui, je vais intervenir, oui, je vais faire les messages, lorsqu'on nous donne si peu de temps et lorsqu'on nous voit aussi, qu'on nous bâillonne, parce que c'est ça, en fait, qui les fait...

Je l'ai dit hier, et je vais conclure là-dessus, M. le Président. J'espère, j'espère que la présidence prendra en considération la jurisprudence, mais dans le contexte qu'elle a été utilisée dans chacun des temps. Et j'espère, M. le Président, que vous aurez aussi à vous pencher et à dire: Est-ce que la procédure normale de suivi... parce qu'on doit regarder un règlement, pas juste les bouts qui nous font plaisir. Mais, dans son ensemble, est-ce que la procédure a été suivie? Et la réponse, à mon humble avis, est carrément non. J'ai demandé, M. le Président, hier... et j'ai quasiment envie de me faire rappeler à

l'ordre par vous de mettre les drapeaux en berne, parce qu'on vient de faire encore une autre entaille à la démocratie québécoise, à mon humble avis. Je vous remercie.

Le Président: Je vais reconnaître M. leader du gouvernement.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, j'ai écouté attentivement les propos et du chef de l'Opposition et du député de Drummond. M. le Président, je vous soumets respectueusement que le chef de l'Opposition a tout simplement repris l'argumentation qu'avait faite le leader de l'Opposition officielle, d'une façon mieux articulée, avec plus de conviction que son chef ne l'a fait.

J'ai quand même dénoté ? je me dois de vous le souligner, M. le Président ? une contradiction entre certains des propos du leader de l'Opposition et du chef de l'Opposition officielle. Alors que le leader de l'Opposition officielle a reproché aux membres ministériels et, surtout, au ministre responsable de prendre beaucoup de temps au niveau de la commission parlementaire pour faire valoir ses idées, pour exprimer ses points de vue, le chef de l'Opposition officielle, lui, a reproché à la même formation politique et au même ministre exactement le contraire.

M. le Président, je ne sais pas de quelle façon vous allez départager ou si vous allez en traiter dans votre décision. Je vois là que votre tâche va être difficile. Allez-vous prendre la parole du chef de l'Opposition ou allez-vous prendre la parole du leader de l'Opposition sur cet aspect?

Quant au député de Drummond, je sais que la loi qui lui accorde ses services de recherche vient à peine d'être adoptée et qu'il n'a sans doute pas eu le temps d'embaucher le personnel pour l'éclairer sur la motion déposée, M. le Président. Je lui indiquerai qu'en plus des temps de parole qu'il a mentionnés, il pourra, tout comme... il a les mêmes droits que les autres députés de l'Assemblée nationale de le faire. Il pourra se prévaloir des dispositions dans la motion qui prévoient que lui aussi pourra déposer des amendements, s'il souhaite en déposer. S'il souhaite en déposer, nous suspendrons nos travaux pour attendre, dans le cas du député de Drummond comme dans le cas des autres députés, de façon à permettre aux députés qui ont des idées à faire valoir par écrit... par dépôt, comme ça doit se faire dans un processus parlementaire qui se respecte. Et je ne suis pas certain, moi, que le député de Drummond... parce que ce n'est pas la première fois qu'il prononce ce type de discours là. C'est la suite avec laquelle il a de la difficulté. On ne les voit pas, ces amendements-là. Ça ne nous arrive pas... Moi, aujourd'hui, je souhaiterais que, sur un projet aussi important, il se prévale des dispositions qui sont contenues dans la motion, de façon à faire valoir tous ses droits comme parlementaire, parce qu'il a le droit de les faire valoir, M. le Président. (12 h 40)

On a parlé de la jurisprudence établie. On a dit, de l'autre côté, qu'on la connaissait. Non seulement on la connaît, mais on l'a utilisée. Non seulement ? et je vise tout le monde ? on la connaît, mais on a voté pour à plusieurs occasions lorsqu'on était de l'autre côté de la Chambre, ou avec une autre formation politique.

La procédure n'est pas plus gaie, n'est pas plus enthousiasmante qu'on se retrouve d'un côté ou de l'autre de la Chambre, M. le Président. Nous aurons tantôt à démontrer, si vous acceptez notre motion, M. le Président, pourquoi c'est urgent. Et nous le ferons avec toute la force dont nous sommes capables, parce que nous souhaitons convaincre possiblement le député de Drummond, les députés d'autres formations politiques que cette législation a été longuement mûrie, longuement réfléchie, longuement discutée par l'ensemble des intervenants, et à l'Assemblée nationale et à l'extérieur de l'Assemblée nationale, et qu'il nous faut à tout prix légiférer pour ne pas se retrouver dans un vide juridique que vous seriez les premiers à condamner ou à dénoncer, de l'autre côté de la Chambre, de façon à créer au Québec un climat où la langue française demeurera prioritaire, où elle aura la primauté, mais dans un contexte de respect de droits et de libertés de l'ensemble des individus.

Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Vous aurez à juger de la recevabilité de cette motion. Évidemment, sur la question du caractère d'urgence, il existe une jurisprudence, jurisprudence que nous connaissons. Cependant, M. le Président, je pense que vous aurez un jour à trancher, à titre de gardien des droits des parlementaires, à titre de protecteur du respect de la démocratie en cette Chambre, à titre de responsable, dans une certaine mesure, de ce droit de la démocratie auprès de la population du Québec, de nos électeurs et de nos électrices, car s'il est vrai qu'on peut invoquer l'urgence quand, à l'évidence, il n'y en a pas, ça constitue un déni de démocratie. C'est une supercherie. C'est un mensonge éhonté à l'endroit de la population, mais ça constitue également un déni des droits des parlementaires.

Parler, en cette circonstance, d'urgence, c'est une sinistre farce. Invoquer l'urgence en la situation, c'est illégitime, c'est immoral, c'est mensonger et, je le rappelle, c'est un déni de démocratie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président: Alors, sur un rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand on tente, M. le Président, de faire la morale aux autres, on devrait au moins s'astreindre à respecter les dispositions du règlement de l'Assemblée nationale qui concernent les droits et privilèges des membres de cette Assemblée nationale, et que vous retrouvez, M. le Président, comme vous le savez très bien, à l'article 35 de notre règlement. Et je soumets que Mme la députée de Chi-coutimi, de façon très volontaire, vient de violer plusieurs des dispositions. Et s'il faut prendre le temps de les lire, je vais prendre le temps de les lire, M. le Président.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: Sur la question, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...je «pourrais-tu» prendre 45 secondes de droit en cette Chambre pour vous dire que le leader du gouvernement devrait faire la distinction entre accuser une personne de menteuse et des propos mensongers? Ça se dit tous les jours. Il est en retard, comme d'habitude. Et mes 45 secondes étant écoulées, n'ayant plus de droit en cette Assemblée, je vais vous laisser trancher.

Le Président: Bon, écoutez, évidemment, la nature des propos de la députée de Chicoutimi, si on veut imputer que les paroles d'un député ne sont pas exactes... Vous savez fort bien qu'on ne peut refuser d'accepter la parole d'un député, mais je ne pense pas que c'est ce que madame a fait. Mais je vous prierais également d'être très prudente, quand même, dans vos propos.

Alors, vous pouvez poursuivre, Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le leader du gouvernement invoquait l'urgence en prétendant qu'il y avait urgence parce que la clause dérogatoire viendrait à échéance et qu'il y aurait un vide juridique. Puis-je dire au leader du gouvernement que la clause dérogatoire vient à échéance en décembre 1993? En décembre 1993. Est-ce qu'il est capable d'invoquer l'urgence, M. le Président, l'urgence alors qu'on a encore une autre session, la session d'automne, au cours de laquelle nous aurions pu régler cette question?

M. le Président, je veux insister. C'est une manoeuvre grossière, inacceptable, qui viole les principes mêmes de la démocratie. Ce qu'on veut faire, c'est escamoter un débat, débat qui aurait fait la lumière sur l'importance de ce projet de loi, sur les effets nocifs et pernicieux de la loi 86 sur le français au Québec.

Je voudrais rappeler, à cet égard ? et je termine là-dessus, M. le Président ? les propos tenus par l'actuel ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, dans un editorial daté du mardi 23 août 1977, au lendemain d'une commission parlementaire qui avait étudié le projet de loi 101, article par article, pendant 220 heures, 220 heures. Ce qu'écrivait alors M. Ryan, éditorialiste: «Lors de l'adoption de la loi 22 en 1974, le gouvernement Bourassa avait commis l'erreur d'oublier que le parti ministériel, quelle que soit sa majorité, ne saurait constituer à lui seul tout le Québec. Sûr de sa force, il avait fermé l'oreille à plusieurs suggestions constructive qui lui venaient de l'Opposition ou de l'extérieur de l'Assemblée nationale. Enfin, au bout d'un certain temps, il avait imposé le bâillon ? et évidemment, là, ce n'était pas la suspension des règles; c'est plus grave, la suspension des règles ? à l'Assemblée nationale, croyant ainsi tourner une page importante, mais ouvrant, à son insu, une blessure béante au flanc du parti majoritaire. Le mal n'est donc ni dans l'existence ni dans l'invocation du règlement de clôture, il est plutôt dans le fait que pour une deuxième fois consécutive, à propos d'une question aussi fondamentale que la question linguistique, un gouvernement québécois se croit suffisamment en possession de la vérité pour estimer devoir lever le nez sur des solutions qui traduiraient un large accord de tous les partis responsables autour de certains objectifs minimaux. Au lieu de cela, le gouvernement a préféré se cantonner dans une orthodoxie rigide et étroite. En même temps qu'il prétendait tendre une oreille attentive à la critique, il excommuniait généreusement au passage, par l'entremise de M. Camille Laurin, de nombreuses voix qui avaient eu le malheur de prendre au sérieux les appels de celui-ci au dialogue. Il maintenait surtout, quant au fond, la position intransigeante, doctrinaire et souvent fausse que définissait, dès le début, le livre blanc sur la langue. Un phénomène d'obstruction, dit-il, ne survient jamais seul, il est généralement le reflet indirect d'une intransigeance qui s'est d'abord manifestée du côté ministériel.»

Quand on tient un tel propos, alors qu'on fait la morale à tout le monde... On s'attendait tous, ici, les parlementaires, comme les Québécois de façon générale, que le ministre aurait pu appliquer sa morale à lui-même. C'est immoral, inacceptable et injustifiable.

Merci, M. le Président.

Le Président: Toujours sur la question de la recevabilité, M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, c'est en vertu du droit fondamental du Parlement que vous ne pouvez pas recevoir une telle motion et du droit des citoyens, aussi, de vivre dans un régime démocratique. Je ne veux pas qu'au Québec nous en venions à vivre en Irlande du Nord parce qu'on ne peut pas s'exprimer dans le Parlement. Quand les parlementaires peuvent s'exprimer, quand les gens qui ont élu des représentants et ces représentants peuvent s'exprimer, on peut toujours blâmer des citoyens...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de

règlement, M. le Président.

Le Président: Un instant, M. le député. Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour vous rappeler, M. le Président, que nous en sommes à la question de la recevabilité de la motion comme telle. Vous avez déjà fait preuve d'une patience incommensurable en écoutant à répétition les arguments du leader de l'Opposition, répétés par le chef de l'Opposition, repris par Mme la députée de Chicoutimi, sans ajout d'une nouvelle argumentation, M. le Président, et maintenant vous êtes prêt à entendre...

La tradition parlementaire veut que vous écoutiez de part et d'autre les arguments, que vous écoutiez un nombre d'intervenants raisonnable qui s'adressent à la recevabilité de la motion. Je vous soumets respectueusement que le député de Lévis aura toute l'occasion de se faire entendre, si la motion est recevable, sur l'argumentation qu'il est en train de nous présenter.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, le leader du gouvernement devrait ouvrir ses petites oreilles et écouter. Le premier mot qu'il a dit, c'est faire appel, justement, à vous sur la non-recevabilité en vertu du droit fondamental des parlementaires et des citoyens. Qu'il écoute un tantinet et il sera exempt de se relever. On peut demander aux citoyens de le voir aux 5 minutes à la télé, mais là, pour le moment, laissez-nous 5 minutes, s'il vous plaît.

Le Président: Alors, je reconnais à nouveau le député de Lévis pour poursuivre son argumentation sur la recevabilité. (12 h 50)

M. Garon: M. le Président, je disais qu'on voit des pays où il y a de la violence. Et, il y a de la violence parce que c'est le moyen d'expression des gens où il n'y a pas de Parlement. Et on blâme les citoyens d'être violents dans des régimes démocratiques où ils peuvent s'exprimer par l'intermédiaire de leurs représentants. Mais, si le Parlement n'existe plus, si on ne permet pas aux parlementaires de s'exprimer dans des questions qui concernent tous les citoyens, comme la question linguistique qui concerne tout le monde, M. le Président, nous allons vivre une période qui ne sera pas de grande noirceur, mais de très grande noirceur.

Nous allons vivre une période pire qu'on n'a jamais vue dans l'histoire de notre parlementarisme où, aujourd'hui, le bâillon est devenu la règle. Je me rappelle quand on a siégé en 1977, il faisait 100°, 105°. On avait la sueur à journée longue. Ça nous prenait des poches de mouchoirs tellement il faisait chaud dans le parlement, mais on a siégé des heures et des heures de temps parce qu'on considérait que c'était le droit des gens de s'exprimer sur ces questions-là. Tout l'été. On n'était pas parti en vacances, on n'avait pas dit: on va partir vendredi ou le 23, mercredi. Tout l'été, on avait siégé, M. le Président.

Et là, aujourd'hui, on nous dit qu'il y a une urgence alors qu'on est dans les questions fondamentales de droit, qui touchent les gens dans leur être le plus intime, dans les questions qui sont les plus émotives dans notre population. Et les gens ont le droit de s'exprimer par l'intermédiaire de leurs représentants. C'est à vous comme président que j'en appelle, M. le Président, pour protéger nos droits. Vous savez, dans le monde entier on commence à dire actuellement qu'au Québec on est «Big Brother». On fiche tout le monde. Dans des régimes, on fiche les gens de toutes les façons possibles. Je ne voudrais pas qu'en plus on dise: C'est un Parlement où ils se font voter des bâillons à journée longue. C'est une parodie de Parlement.

Parce que, M. le Président, si vous ne protégez pas nos droits, tout ce qu'il restera à faire, c'est de demander à l'association des parlementaires de langue française et à l'Association parlementaire du Commonwealth de juger les actions de ce gouvernement-là parce que nous serons comme un Parlement en exil, qui n'aura pas le droit de siéger. Qu'est-ce que nous faisons au fond? Obligés de défendre notre droit de représenter les citoyens que nous représentons. Nous représentons des citoyens qui nous ont élus pour les représenter. Autrement, comme l'a dit le député de Laval-dès-Rapides qui a démissionné hier: Si on n'a pas le droit de penser et de parler, ayons seulement un parlementaire, ça va coûter moins cher.

Aujourd'hui, on veut nous interdire de parler seulement comme députés, alors qu'on est élu pour représenter des citoyens. Que le député d'Argenteuil soit d'accord ou non, qu'il soit d'accord ou non, il n'a pas le monopole de vérité, il n'a pas le monopole dans aucun domaine. Et nous, nous avons le droit de nous exprimer librement et, si nous n'avons pas le droit de nous exprimer librement dans le Parlement, il nous restera la rue, M. le Président, et on la prendra!

Le Président: À ce moment-ci, je vais suspendre les travaux. Puisque nous arrivons pratiquement à 13 heures, je suspens jusqu'à 15 heures minimum. Nous revenons à 15 heures pour la décision, s'il y a lieu, sinon, je suspendrai à nouveau. Donc, les travaux sont suspendus au moins jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et MM. les députés, je vous rappelle que nous sommes toujours à l'étape des affaires du jour.

À la suspension des travaux, à 13 heures, M. le Président a pris en délibéré une contestation du leader de l'Opposition officielle sur la recevabilité de la motion soumise par M. le leader du gouvernement, à savoir une

motion de suspension des règles. Je vous indique tout de suite que le président n'est pas encore disposé, capable de rendre immédiatement sa décision sur la recevabilité, décision qui devrait être rendue dans les plus brefs délais, de sorte que vous comprendrez qu'on doit d'abord disposer de la recevabilité avant de débattre de la motion. Alors, je suspens immédiatement les travaux, et le président devrait ? je me répète, là ? rendre la décision dans les plus brefs délais.

Je suspens les travaux de l'Assemblée pour permettre au président de continuer son délibéré.

(Suspension de la séance à 15 h 6)

(Reprise à 15 h 39)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît!

Alors, à ce moment-ci, je vais reconnaître M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, avant que vous ne procédiez à rendre votre décision, je solliciterais le consentement pour que nous avisions, quant aux travaux des commissions parlementaires, l'ajout d'une commission, si j'ai le consentement.

Le Président: II y a consentement? Allez-y, M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avise donc cette Assemblée, M. le Président, que, de 16 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi 89, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic, et je dépose l'avis. (15 h 40)

Motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée afin de permettre l'adoption du projet de loi 86

Décision du président

Le Président: Alors, merci, M. le leader du gouvernement.

Alors, l'Assemblée est saisie d'une motion de suspension des règles présentée par le leader du gouvernement. Le leader de l'Opposition a soulevé l'irrecevabilité de cette motion. J'ai écouté attentivement l'argumentation présentée de part et d'autre sur cette question de la recevabilité et je suis maintenant prêt à rendre ma décision.

Premièrement, il s'agit de déterminer si l'article 182 de notre règlement peut être employé dans le cas qui nous est soumis. Je dois constater que l'article 182 vise la suspension de toute règle et ne fixe aucune autre limite dans son application que les règles prévues au premier paragraphe de l'article 179. Ce pouvoir de suspension de toute règle de procédure prévu à l'article 182 est extrêmement large et d'une nature extraordinaire.

Deuxièmement, la motion du leader du gouvernement doit-elle prévoir un mécanisme de sustitution à la procédure en cours, en vertu des règles prévues au règlement? L'article 182 du règlement prévoit la possibilité d'écarter l'application d'une règle particulière ou de la remplacer par une nouvelle disposition. La présente motion indique dans son introduction la fin poursuivie, soit l'adoption du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, et le corps de la motion contient les nouvelles règles pour atteindre cette fin. Ces nouvelles règles comportent un ordre à la commission de la culture de faire rapport à l'Assemblée, ce qui m'apparaît conforme aux articles 179 et 186 de notre règlement, qui prévoit, entre autres, que l'Assemblée peut enjoindre à une commission de faire quelque chose. Voilà pour le mécanisme.

Enfin, l'urgence dont on parle à l'article 183 du règlement est-elle une notion laissée à l'appréciation du président? Sur ce point, je réfère à la décision rendue hier, le 16 juin courant, et à l'abondante jurisprudence sur ce sujet. Le président non seulement ne peut pas, mais ne doit pas se prononcer sur cette question qui est laissée à la décision de l'Assemblée. Ce serait mal comprendre le règlement actuel et, surtout, se méprendre sur le rôle du président que d'affirmer le contraire. Sur cette question précise, il ne faudrait pas laisser entendre que le président bénéficie d'une latitude que le règlement ne lui accorde pas. Le président ne saurait s'arroger des prérogatives qui appartiennent à l'Assemblée et, donc, à l'ensemble des parlementaires collectivement. Alors, pour tous ces motifs, je déclare la motion du leader du gouvernement recevable.

À ce moment-ci, je voudrais suspendre les travaux quelques instants pour le partage... Je constate qu'on convient, comme habituellement... Donc, cette motion donne lieu à un débat restreint, un débat de 2 heures. Nous convenons donc que le partage du temps se fait de la façon suivante: 10 minutes sont réservées pour les députés indépendants, le restant du temps est partagé, moitié-moitié, entre la formation ministérielle et la formation de l'Opposition officielle.

Alors, je suis, à ce moment-ci, prêt à reconnaître un premier intervenant.

M. le leader du gouvernement.

Débat sur la motion M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président,

il n'est jamais facile pour un leader du gouvernement de soumettre à l'Assemblée nationale une motion qui vise à suspendre certaines règles qui nous assurent la plénitude des débats démocratiques. Malgré tout, notre règlement ? et c'est en vertu de ce règlement que j'interviens, de façon à permettre un fonctionnement efficace et harmonieux de notre société ? prévoit que, dans des circonstances justifiées, le gouvernement peut établir des règles particulières. Et c'est ce que j'ai fait, ce matin, en déposant cette motion à l'Assemblée nationale du Québec.

C'était d'autant plus difficile, M. le Président, que le parrain du projet de loi, le ministre responsable de la Charte de la langue française, est un de ces grands démocrates, travailleur acharné, qui insiste toujours pour mener à son ultime limite le débat démocratique. Il ne craint aucunement de discuter, de débattre, d'argumenter avec quelque parlementaire que ce soit en cette Chambre. On l'a vu ce matin, à l'occasion de la période de questions. Le chef de l'Opposition a eu toute la latitude pour lui adresser des questions, et avec quelle efficacité il a su répondre aux questions que lui a adressées le chef de l'Opposition.

C'est d'autant plus difficile pour le leader que le ministre insiste pour que l'on continue ce débat, malgré des signes qui sont évidents qu'on ne pourra pas aboutir. Quels sont ces signes qui sont évidents et qui condamnent le leader du gouvernement à présenter ce type de motion? M. le Président, il y a des signes qui sont historiques, qui découlent de l'histoire parlementaire de la formation politique qui forme l'Opposition. Il y a d'autres signes qui découlent de déclarations extraparlementaires, parce que, parfois, à l'extérieur de cette Chambre, des parlementaires prononcent des discours en région et pensent que ça n'aura pas de répercussion à l'Assemblée nationale; on se laisse aller un petit peu plus quand on se pense loin des grands médias d'information. Il y a également des signes qui découlent des travaux parlementaires comme tels.

Est-ce que l'Opposition officielle, les députés de l'Opposition se présentent en commission parlementaire dans le but d'utiliser pleinement le règlement, les possibilités que le règlement offre pour bonifier une action gouvernementale, ou est-ce que cette même Opposition se présente en commission parlementaire pour faire ce qu'on appelle de l'obstruction systématique? On n'est absolument pas intéressé à faire avancer le débat.

M. le Président, l'enjeu étant important pour l'avenir de la société, j'ai dû, suite à une longue discussion avec le ministre responsable, le convaincre que l'historique, la façon de réagir habituelle de l'Opposition officielle en matière de lois linguistiques effaçait tout doute dans la tête du leader du gouvernement. En 1986, quand l'actuel ministre responsable de la Charte de la langue française était, à l'époque, ministre de l'Éducation, il a voulu présenter à l'Assemblée nationale du Québec une loi qui visait à effacer le statut d'illégalité dans lequel on avait placé quelque 1400 enfants québé- cois. Quelle a été l'attitude des gens d'en face lorsque le ministre de l'Éducation de l'époque a voulu que tous les enfants soient légaux au Québec, qu'il n'y ait plus d'enfants illégaux? Les gens de l'Opposition ont adopté une attitude tellement mesquine, M. le Président, qu'il a fallu que le gouvernement recoure à des procédures similaires aux procédures que nous nous devons d'adopter aujourd'hui.

Lorsque le gouvernement a eu à légiférer quant aux droits de la communauté anglophone de recevoir des services de santé dans sa langue ? le projet de loi 142 ? quelle a été l'attitude de l'Opposition officielle en cette Chambre? Nous avons, encore là, dû recourir à des mesures extraordinaires. Quelle a été l'attitude de l'Opposition officielle en cette Chambre lorsque nous avons dû, suite à un jugement de la Cour suprême et de façon à garantir la primauté du français, adopter la loi 78? Encore une fois, même attitude. Vous ne pouvez, et je le déplore, M. le Président, sincèrement, toucher à de la législation dans le domaine linguistique au Québec, avec comme Opposition le Parti québécois, sans avoir à recourir, sur le plan de la procédure parlementaire, à des mesures d'exception.

Le ministre responsable de la Charte de la langue française le déplore, mais, tout comme le leader du gouvernement, tout comme les députés présents en cette Chambre, il constate que la seule façon de bonifier, d'améliorer la législation linguistique au Québec est malheureusement par le biais de motions qui suspendent certains articles de notre règlement, M. le Président, comme c'est prévu à notre règlement. (15 h 50)

M. le Président, non seulement l'historique de la formation politique qui est en face de nous nous a-t-il forcés dans le passé et nous force encore aujourd'hui à recourir à de telles mesures, mais les déclarations extraparlementaires, et du chef de l'Opposition officielle et du leader de l'Opposition officielle en cette Chambre, nous indiquent que nous n'avons même pas le choix, que nous sommes condamnés avant même d'entreprendre la session des travaux intensifs, la session du mois de juin, que nous sommes condamnés à avoir recours à la mesure que nous sommes obligés d'utiliser aujourd'hui.

M. le Président, au tout début de la session du mois de juin, plus exactement le 1er juin 1993, le leader de l'Opposition officielle déclarait, en ce qui concerne le projet de loi 86 qui touche la modification à la Charte de la langue française, que le gouvernement n'obtiendrait pas la collaboration de l'Opposition pour faire passer le projet de loi 86 avant l'ajournement estival.

On n'avait pas encore débuté comme telle l'analyse en commission parlementaire que le leader de l'Opposition nous invitait à suspendre certains articles de notre règlement si, comme gouvernement, nous voulions faire évoluer positivement la législation linguistique au Québec. Mais, pour une fois ? parce que ce n'est pas toujours le cas ? il a reçu l'appui inconditionnel de son chef. Dans la presse de lundi de cette semai-

ne, on retrouvait le chef de 1 Opposition officielle lui-même, qui déclarait: «Si le gouvernement veut faire passer son projet de loi, l'Assemblée ne peut pas siéger au-delà du 23 juin, alors il va nous passer sur le corps», a-t-il prédit.

Il utilisait a contrario les arguments d'un ancien leader péquiste qui connaissait certaines jouissances à suspendre certains articles de notre règlement. M. le Président, non pas... Vous avez raison, M. le député de... M. le leader de l'Opposition, jamais vous ne retrouverez dans la bouche du leader du gouvernement de tels propos, parce que c'est difficile. Même si vous nous avez provoqués depuis le début, même si vous avez fait de l'obstruction systématique, même si on connaissait vos attitudes antérieures à chaque fois qu'on a touché à la législation linguistique, nous avons, M. le Président, nous avons... Je m'adresse à vous, là, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, c'est ça. Effectivement, si on veut éviter des échanges entre les parlementaires, et particulièrement entre les 2 leaders, je vous demande de vous adresser à la présidence. Et j'invite également tous les parlementaires à ne pas répliquer au débat, c'est-à-dire à l'intervention de celui qui parle à ce moment-ci, à savoir le leader du gouvernement. Qu'on le laisse procéder et faire son intervention.

Allez-y, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'en étais donc, M. le Président, sur cette provocation initiée par le Parti québécois, par l'Opposition officielle qui, autant dans son bilan historique que par son action extraparlementaire, a tenté de provoquer le ministre responsable de la Charte de la langue française, qui a toujours su résister à cette provocation et qui a toujours insisté pour continuer, à l'intérieur de notre cadre démocratique, l'étude détaillée du projet de loi 86.

Il y a en plus, M. le Président, comme troisième indication, en plus de l'historique de cette formation politique, en plus des provocations extraparlementaires, l'attitude parlementaire. M. le Président, le ministre responsable de la Charte de la langue française a voulu faire entendre le plus grand nombre possible d'intervenants au niveau de la commission parlementaire. Comme leader, j'ai eu à acheminer à mon bon ami, le leader de l'Opposition officielle, autant verbalement que par écrit ? aucune méthode n'a été négligée ? des listes potentielles d'organismes qui auraient pu être invités à venir éclairer les parlementaires en commission parlementaire. Et ça a été, de la part de l'Opposition officielle, je ne sais pas si c'était là la volonté du leader de l'Opposition officielle ou s'il répondait strictement aux volontés de la députée de Chicoutimi, une fin de non-recevoir.

On n'a pas voulu entendre en commission parlementaire le Conseil de la langue française, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, l'Association nationale des étudiantes et étu- diants du Québec; on n a pas voulu entendre la Fédération étudiante collégiale du Québec; on n'a pas voulu entendre la Fédération étudiante universitaire du Québec; on n'a pas voulu entendre le Syndicat des professeurs de l'État du Québec; on n'a pas voulu entendre la Société Saint-Jean-Baptiste de l'ouest de l'île de Montréal; on n'a pas voulu entendre, de l'autre côté, la Centrale des syndicats démocratiques; on n'a pas voulu entendre le Conseil catholique d'expression anglaise; on n'a pas voulu entendre l'Association des directeurs d'école; on n'a pas voulu entendre The Provincial Association of Protestant Teachers; on n'a pas voulu entendre l'Association des hôpitaux du Québec, M. le Président.

On a refusé d'ouvrir le débat à cette liste d'invités, et nous avons fait l'offre de façon très formelle pour qu'aujourd'hui l'Opposition officielle ne puisse pas se lever en cette Chambre et dire: II n'y a pas eu d'échanges entre les leaders, il n'y a pas eu d'accord. Nous avons procédé, M. le Président, par lettres écrites, et nous les avons déjà déposées devant l'Assemblée nationale, M. le Président.

M. le Président, l'attitude comme telle, en commission parlementaire, s'est également traduite par ce qu'on appelle dans notre jargon ? parce qu'on sait ce que ça veut dire quand on a passé, comme le député de Joliette, plus d'une décennie à l'Assemblée nationale, comme plusieurs membres de cette Assemblée... On a utilisé les méthodes de «filibuster», M. le Président. On présente motion après motion et, à un moment donné, lorsqu'on n'est pas tout à fait satisfait de ce que l'on a présenté, on fait certaines déclarations.

J'avais une déclaration intéressante du leader de l'Opposition officielle sur une motion de scission. J'espère qu'il s'en rappelle. Il a dit: Je n'en présenterai pas parce que je ne suis pas contre une partie ou un article de ce projet de loi, je suis contre l'ensemble du projet de loi. Vous n'en aurez pas un seul article. Vous n'obtiendrez rien. Comme si l'Opposition se sentait, M. le Président, tout à coup investie du pouvoir de la majorité, comme si on se devait de renverser les rôles, à cette Assemblée nationale, M. le Président, et que l'Opposition représentait tout à coup, par une certaine métamorphose des choses, la majorité de la population du Québec. Ce sont des propos, M. le Président, qui, sans être antiparlementaires, qui, tout en étant conformes à la lettre de notre règlement ? j'insiste, M. le Président ? contreviennent à l'esprit de notre règlement.

Donc, j'ai dû discuter avec le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française qui a vécu cette attitude négative, péjorative, destructive de l'Opposition officielle au niveau de la commission parlementaire. Nous avons analysé les propos, et du chef de l'Opposition, et du leader de l'Opposition officielle, qui ont très clairement établi, dans des déclarations extraparlementaires, que jamais le gouvernement ne pourrait adopter une telle législation, même s'il pouvait compter sur la majorité à l'Assemblée nationale. C'est à se demander, à un moment donné, pour qui ces gens-là se

prennent, M. le Président. (16 heures)

Nous avons également évalué l'action passée de cette formation politique. À chaque fois que le gouvernement libéral a voulu actualiser les dispositions de la Charte de la langue française de façon à humaniser son application tout en maintenant la prépondérance du français dans la communauté francophone.

M. le Président, nous avons également évalué la situation dans laquelle nous nous trouvions sur le plan de l'aspect temps, parce que j'ai écouté Mme la députée de Chicoutimi, ce matin, qui a plaidé sur le fond, au moment de la recevabilité, ou les arguments de recevabilité du député de Joliette, qui nous disait: II n'y a rien qui presse. Décembre 1993, ça vous donne tout le temps d'agir.

Ce sont les mêmes gens, M. le Président, qui, lorsque nous avons dû adopter la loi 178, nous ont reproché d'agir à la toute dernière minute, créant un climat d'incertitude. Moi, je pourrais reprendre tous ces discours-là, M. le Président. C'était incroyable ce dont on a été accusé de ce côté-ci de la Chambre, et cette fois-ci, parce que l'on agit dans ce que l'on considère être un climat d'urgence, si on veut que les règlements soient appliqués avant l'échéance, si on veut que la population constate, dans l'application de la loi 86, toutes les faussetés, demi-vérités, craintes injustifiées, paranoïa, qui ont été indiqués de l'autre côté de la Chambre comme des conséquences possibles, et en donnant le temps à la loi 86 d'être appliquée, M. le Président, la population sera en mesure de juger qu'elle avait raison de se prononcer majoritairement par le biais des sondages, qu'elle avait raison de se prononcer majoritairement par le biais de la deputation, en faveur d'une libéralisation, en faveur d'une modification, en faveur d'une actualisation de la Charte de la langue française, qui, sans rien diminuer de la protection que nous accordons à la langue et à la culture française, fait en sorte que nous souhaitons le faire à compter de l'adoption de la loi 86, dans le respect des droits et des libertés de tous les citoyens du Québec, de quelque origine que ces citoyens soient. m. le président, vous avez, dans beaucoup de circonscriptions électorales, au québec, de petites municipalités, parce que, dans la plupart des cas, ce sont des petites municipalités qui bénéficient d'un statut spécial en vertu de l'article 113f de la charte de la langue française... présentement, ces petites municipalités sont-elles à 50 %, 51 %, 49 %, 48 %? on oblige ces gens-là à vivre dans l'insécurité.

Pour les péquistes d'en face, ce n'est pas urgent de régler ce problème-là non plus, parce qu'ils aiment ça que ces gens-là vivent dans l'insécurité. C'est leur façon de gérer, insécuriser les minorités au Québec. C'est une façon différente de voir les choses.

Les bons Québécois contre les mauvais Québécois. C'est cette pensée, cette philosophie qui anime ce parti depuis sa fondation, et surtout dans le domaine linguistique, M. le Président. Urgence, M. le Président, de mettre à la disposition de l'ensemble de la population du Québec une législation qui ne contiendra que des éléments de fierté. M. le Président, je pense qu'à peu près tous les Québécois sont fiers que l'Assemblée nationale intervienne de façon à protéger la langue et la culture françaises. Je pense que c'est à peu près unanime dans la population québécoise. Mais ce qu'il y a comme divergences d'opinions, ce qui n'est pas unanime dans la société québécoise, c'est que, pour protéger la langue et la culture, on s'attaque à d'autres langues ou à d'autres cultures. On s'attaque à des droits et à des libertés fondamentales d'individus. Ça, ça ne fait pas consensus. Et ce que le projet de loi 86, déposé par le ministre responsable de la Charte de la langue française, fait, c'est qu'il maintient cette protection de notre langue et de notre culture françaises, mais qu'il nous débarrasse enfin des éléments péjoratifs, des éléments péjoratifs qui sont dénoncés sur la scène internationale, et des éléments péjoratifs avec lesquels, M. le Président, vous n'êtes pas à l'aise, avec lesquels, dans le fond, là, aucun membre de l'Assemblée nationale du Québec n'est vraiment à l'aise.

Et le défi auquel nous convie le ministre responsable de la Charte de la langue française, c'est de continuer à promouvoir, défendre et même améliorer notre langue et notre culture françaises tout en respectant les droits et libertés de nos concitoyens. Et il y a 2 attitudes face à ce défi qui nous est proposé: l'attitude des gens d'en face jusqu'à maintenant ? moi, j'espère que ça va changer ? qui se disent: On craint, on a peur, on va reculer, c'est dangereux, on va tout perdre; ou le défi d'autres parlementaires de toutes les régions du Québec qui disent: C'est emballant, c'est intéressant, c'est stimulant, c'est encourageant. Le défi de parlementaires qui se disent que la langue et la culture françaises peuvent, non pas s'appauvrir mais s'enrichir si on place la protection et l'évolution de cette langue et de cette culture dans un climat de respect des droits et des libertés d'autrui.

M. le Président, je demande aux membres de cette Assemblée de supporter cette motion. On a connu des sessions, à l'Assemblée nationale, où je pense que le record de tous les temps ? le leader de l'Opposition en conviendra ? c'était 27 projets de loi qui étaient impliqués dans une motion de suspension comme telle. Sur le plan parlementaire ?je n'ai pas fait le bilan de l'ancien gouvernement, mais, si vous insistez, je reviendrai tantôt et je le ferai; et je le ferai, M. le Président ? c'est difficile. On n'est pas dans un cas où vous avez 27 projets de loi où on demande de suspendre l'application de certains articles, conformément à un autre article de notre règlement. On est dans le cas de 1 projet de loi, pour lequel nous avons tous des opinions profondes et des opinions qui ne seront pas changées suite à 6 heures, 10 heures, 12 heures, 15 heures, 20 heures, 50 heures, 100 heures de débat. Vous avez, au cours de toute votre vie comme parlementaire, défendu les prises de position qui vous interdisent, M. le député de Joliette, comme à vos collègues... qui interdisent au

député de Joliette, M. le Président, de changer d'idée. Si on avait le moindre espoir de vous convaincre, si on avait le moindre espoir de convaincre le député de Joliette, si l'historique de son parti, de sa formation, si ses déclarations extraparlementaires, si son attitude parlementaire nous laissait une simple lueur d'espoir, M. le Président, nous n'en serions pas à recourir à ce dernier recours sur le plan de la procédure parlementaire. J'invite tous les parlementaires qui croient que nous avons tout essayé, honnêtement, objectivement, fondamentalement, j'invite tous les parlementaires qui croient dans la protection de notre langue et de notre culture et dans la protection des droits et libertés de tous les individus à voter en faveur de la motion que j'ai déposée, de façon à ce que notre langue et notre culture française puissent s'épanouir dans un milieu de droits et de libertés.

Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

Je cède la parole à M. le leader de l'Opposition officielle. Je vous rappelle, M. le député de Joliette, que votre formation dispose d'une période globale de 55 minutes. Allez-y.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Voltaire disait: «Mentez, mentez. Il en restera toujours quelque chose.» M. le Président, je vais démontrer hors de tout doute que les paroles qui ont été dites par le leader du gouvernement sont non conformes à la vérité.

Il a commencé d'abord, dans un premier temps, par dire, qu'il y a eu des motions dilatoires. Pour votre information, M. le Président, il y a eu une seule motion, et c'était une motion pour déposer des règlements. Franchement, M. le Président, si vous n'appelez pas ça quelque chose de contraire de la vérité ? parce que je ne peux pas utiliser le terme ? je lui dirais que Voltaire avait raison. (16 h 10)

Faux. Il n'y a jamais eu plusieurs motions dilatoires. Il y en a eu une, mais elle était loin d'être dilatoire, c'était d'avoir les règlements pour juger de leur valeur par rapport au principe de la loi. Ça, c'est ce qui est vrai, M. le Président. Et je défie le leader du gouvernement de dire le contraire de ce que j'avance.

Il dit: Ils ont refusé d'entendre le Syndicat des professeurs de l'État du Québec. En date, M. le Président, et je vais la déposer en cette Chambre, du 12 mai 1993, signé par Mme Jeanne Blackburn, critique et députée de Chicoutimi, la liste des organismes du conseil d'État suggérée par les membres du Parti québécois: Syndicat des professeurs de l'État du Québec. Il a dit: Ils ont refusé. Et rappelez-vous avec quel ton chloroformant il affirmait, M. le Président, qu'on avait refusé d'entendre la Centrale des syndicats démocrati- ques. L'avant dernière association qu'on recommandait dans notre liste, Centrale des syndicats démocratiques, M. le Président. Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec. Il affirmait de son siège qu'on n'avait pas voulu les entendre, c'est nous qui les avons suggérés, M. le Président. Fédération étudiante collégiale du Québec, il n'en a pas parlé. Nous, on l'a suggéré, M. le Président. Fédération étudiante universitaire du Québec, c'est nous qui les avons suggérés, M. le Président.

C'est qui qui a refusé de les entendre? C'est qui? Il affirmait ça de son siège. Je comprends que, dans cette Chambre, on n'a pas le droit de dire que quelqu'un dit le contraire de la vérité par le vrai terme, mais c'est ça, fondamentalement. Il a dit: Ils ont refusé d'entendre toutes sortes de groupes, le Regroupement, par exemple, pour la révision du statut linguistique de Rosemère. On leur a demandé, ils n'ont jamais voulu. Ils voulaient entendre la ville de Rosemère. Ils avaient tout «gamiqué», en bon québécois ? ça, ça se comprend ? pour avoir des groupes le plus possible qui correspondaient à leur idéologie, M. le Président. Oui, M. le Président, c'est ce qu'ils ont fait, et il affirmait ça de son siège, sans rougir, croyant que le monde va tous les croire. Je dépose, M. le Président, cette liste, que nous avons démontrée, envoyée au ministre et qui prouve que le leader du gouvernement dit n'importe quoi...

Document déposé

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a... Est-ce qu'il y a... Un instant! Est-ce qu'il y a un consentement à déposer le document?

M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Comme le document confirme mes propos, il y a consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a consentement. Alors, le document est déposé.

M. Chevrette: M. le Président, il ne confirme pas ce qu'il a dit; il confirme le contraire. Il confirme plutôt qu'il a induit la Chambre en erreur, comme c'est son habitude de le faire tout le temps, dans tous les dossiers, d'ailleurs, M. le Président.

M. le Président... et je pourrais continuer. Des mesures dilatoires, il n'y en a pas eu, et je voudrais vous citer les statistiques que l'on fait ressortir de la commission même. Est-ce que c'est des mesures dilatoires, M. le Président, quand l'Opposition prend 9 heures de discussion sur 17 et que les ministériels en prennent 8 h 26 min? Drôles de mesures dilatoires! Est-ce que vous vous «filibustiez» vous-mêmes? Et il affirme ça en Chambre comme de la pure vérité, M. le Président, le leader affirme ça. Voltaire disait, M. le Président: «Mentez, mentez. Il en restera toujours quelque chose.»

M. le Président, je pourrais, M. le Président, donner également une série d'arguments, mais je ferai assez vite et je voudrais finir sur le porte-étendard ou le porte-parole, ou le porteur du dossier. M. le Président, je vous dirai, cependant, que nous n'avons pas siégé depuis lundi soir dernier, alors que nous avons pris, M. le Président, des temps égaux en commission. Franchement, là, je n'en reviens tout simplement pas de voir que quelqu'un peut affirmer de son siège n'importe quoi, qui est tout à fait une aberration et contraire à îa vérité, M. le Président. Mais, M. le Président... Je voudrais demander, s'il vous plaît, le silence, M. le Président. Moi, j'ai écouté, là, sans parler, mais...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'invite tous les parlementaires à respecter les prescriptions de l'article 32. Ça inclut, entre autres, être à vos banquettes, et vous pouvez chuchoter à un collègue à côté de vous, mais sans déranger celui qui parle.

Allez-y, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

M. le Président, ce matin, on pouvait lire, dans le journal Le Soleil: «La guillotine à Québec (reprise)», sous la plume de M. Michel David. M. le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu cet article parce que cet article m'a rappelé exactement ce que j'ai vécu en cette Chambre.

Je me souviens, M. le Président, parce que j'étais membre, en 1977, de la commission parlementaire sur la loi 101. Nous avions siégé, M. le Président, en juillet et en août, au-delà de 200 heures en commission parlementaire pour étudier le projet de loi 101. Nous avons étudié très sérieusement, M. le Président, un projet de loi novateur qui a eu, d'ailleurs, comme résultat de ramener la paix linguistique au Québec.

Après 200 heures, celui-là même qui est porte-parole, aujourd'hui, du gouvernement en matière de langue disait ceci, en 1977, après 200 heures, je le répète ? on en est à 17 h 26 min, au moment où on se parle ? après 200 heures, voici ce que l'éditorialiste du Devoir du temps disait, M. le Président. Il disait: «Mais qui osera soutenir sérieusement que l'intérêt général n'eût pas été mieux servi par une stratégie gouvernementale plus souple». Après 200 heures, il nous accusait de manquer de souplesse, celui qui, alors, tenait la plume de l'éditorialiste du Devoir, le même qui, aujourd'hui, nous impose un bâillon après 17 heures. «Un dénouement abrupte comme celui que connaît les travaux de la commission parlementaire chargée de l'examen du projet de loi 101 sert mal le parlementarisme et la démocratie.» En 1977, après 200 heures d'étude ? 220 heures, plus précisément ? il disait que la fin abrupte de la commission parlementaire servait mal le parlementarisme et la démocratie. Le même homme aujourd'hui, après 17 heures, nous impose un bâillon. «Lorsqu'il faut y recourir, il faut viser à circonscrire rigoureusement les accrocs à la liberté de travail parlementaire. Voilà une autre leçon que le gouvernement n'a pas daigné retenir.» Celui qui a écrit ça et qui disait ça, c'est celui qui, aujourd'hui, nous impose un bâillon après 17 h 26 min. Nous en avions fait 220. Franchement!

C'est ce qui fait dire, d'ailleurs, avec beaucoup de justesse, à Michel David, du Soleil: «Au cours des dernières semaines, on a dit toutes sortes de choses désagréables à son sujet ? en parlant du ministre actuel. On a dénoncé tour à tour sa mesquinerie, son arrogance, son autoritarisme, sa misogynie, son esprit revanchard... Ce dont on parle moins souvent, mais qui est tout aussi frappant, c'est son côté tartuffe.» Ce n'est pas moi qui dit ça, M. le Président, c'est Michel David. Il dit ceci: «Tous les politiciens du monde finissent par se contredire. C'est inévitable si leur carrière est le moindrement longue. Il ne faut donc pas trop s'en formaliser. Sauf que cet homme-là ? en parlant du ministre actuel ? a tellement donné de leçons de morale à tout le monde, que ses contradictions sont plus choquantes. En 1977, il n'éprouvait d'ailleurs aucune sympathie pour ces députés libéraux qui prétendaient s'indigner après avoir fait la même chose 3 ans plus tôt.» Et il disait, et il est cité au texte: «À moins que ce spectacle ne soit une comédie, il doit y avoir des limites à la liberté que certains s'arrogent de changer de refrain.»

Donc, M. le Président, cet homme qui a, effectivement, donné des leçons de morale à tout le monde, qui s'en prenait au fait que le parlementarisme était bafoué après 220 heures, il participe avec joie, avec mesquinerie, là, à nous poser un bâillon après 17 heures, et après en avoir pris lui-même la moitié. Et ils disent: C'est effrayant, ça «filibustait». M. le Président, franchement, il faut avoir du culot. Il faut être capable de dire n'importe quoi, croyant qu'il y en a quelques-uns qui vont vous croire. Mais ce n'est pas ça, les faits. Ce ne sont pas ça, les faits. Et, comme par hasard, on a arrêté de faire siéger lundi soir. Pourquoi? On va essayer de le voir un peu, M. le Président. (16 h 20)

Ils sont arrêtés lundi soir parce qu'ils savaient que, inévitablement, si on convoquait la commission le lendemain, on parlerait du milieu scolaire. C'était clair que, mardi, on se mettait à parler de l'immersion scolaire. Et on savait que les centrales de l'enseignement du Québec, celles qui sont spécialisées en pédagogie, les commissaires d'école, ceux qui ont la direction des commissions scolaires, tous les cadres, les directeurs, les principaux d'école de la CECM disaient: Ça n'a pas de bons sens. Il faut l'empêcher de faire ces folies-là. on a certaines écoles à montréal qui ont au-delà de 50 % d'enfants immigrants qui, déjà, apprennent des matières dans une langue qui n'est pas la leur, ils sont déjà en immersion francophone, eux, et on va leur permettre, par exemple, en mathématiques, d'apprendre les mathématiques en anglais; l'acquisition d'une science, dans un deuxième bain d'immersion, pour les immigrants. j'ai pourtant fait appel à certains députés ici. si vous aviez un enfant, dans n'importe quelle classe, qui

avait de la difficulté avec l'acquisition des connaissances d'une science, en mathématiques... S'il a de la misère à comprendre les mathématiques dans sa langue, on va lui faire apprendre les mathématiques dans une langue seconde, qu'il ne maîtrise pas. On sera responsable pour combien de décennies des échecs d'un étudiant? Il traînera probablement ça toute sa vie. Ça, c'est des principes pédagogiques acceptables? Non. Ce n'est pas qu'on est contre l'immersion en anglais, mais faites apprendre l'anglais dans un autre contexte que l'acquisition d'une science. C'est ça qu'on vous dit. Ça, c'est un principe de pédagogie que n'importe qui va vous dire. Je suis convaincu, d'ailleurs, que, si on avait fait le contraire à l'époque, on aurait eu un éditorialiste du journal Le Devoir pour nous dire qu'on ne l'avait pas du tout, qu'on faisait fi des principes pédagogiques.

On peut donner des leçons de morale à tout le monde, M. le Président, mais il faut regarder ce qu'on fait. Il faut regarder ce qu'on fait, comment on se comporte, ce qu'on a déclaré et assumer la cohérence de nos propos, la cohérence de nos discours, la cohérence de nos prises de position.

M. le Président, oui, on a arrêté lundi soir l'étude article par article, parce qu'on avait bien trop peur, on avait bien trop peur qu'on vous ramène sur des principes pédagogiques, qu'on vous ramène sur les déclarations des commissaires d'école, qu'on vous ramène sur les déclarations de directeurs d'école, de principaux qui sont inquiets, de directeurs pédagogiques qui sont inquiets, d'enseignants qui trouvent ça inconcevable, inacceptable qu'on embarque dans ce jeu-là, M. le Président. Ce n'est pas des partisans politiques ça, c'est ceux qui oeuvrent quotidiennement dans les classes, auprès de nos jeunes.

Je vois certains députés, ici. S'ils avaient un enfant ? un petit gars ou une petite fille ? qui avait de la difficulté dans une science, avec l'acquisition d'une science, de la difficulté à comprendre, à capter dans sa propre langue maternelle... Je vois ces mêmes députés qui vont voter là, béatement et solidairement, pour quelque chose qui peut avoir des répercussions extrêmement négatives pour des jeunes Québécois.

C'est à ça qu'il faut que vous pensiez quand vous avez à voter une loi. On ne vote pas n'importe quoi. On doit voter selon notre conscience, puis à partir de valeurs, de principes, et se fier à des experts, à ceux qui connaissent ça et qui nous disent: L'Assemblée nationale du Québec est après faire une folie furieuse sur le plan de l'acquisition d'une science, en permettant, dans bien des cas, non pas une immersion dans une autre langue, mais une double immersion, parce que ce n'est même pas leur langue maternelle, pour beaucoup d'immigrants ? en particulier, sur l'île de Montréal.

Vous n'êtes pas obligés de croire les politiciens qui sont ici, mais faites confiance à ceux et celles, par exemple, qui, quotidiennement, oeuvrent auprès des enfants. Faites confiance, au moins, aux pédagogues qui sont payés par vos deniers publics, qui enseignent à nos enfants québécois. Faites leur confiance quand ils vous disent qu'on n'a pas le droit de voter de folie furieuse, d'aberration du genre. C'est à ça que vous avez à penser quand vous avez à poser un vote, ici, en cette Chambre.

Si on ne pense pas à ça, si on ne s'occupe pas de ça, si on se foute de ça, M. le Président, on est responsable, moralement et intellectuellement, face à l'histoire, de beaucoup de déboires chez nos jeunes. C'est ça, aussi, qu'on vous dit, et c'est ça qui est dénoncé à Montréal. Bien sûr que le ministre va se lever et va dire: Ah! ils n'ont rien compris. Quand on n'est pas d'accord avec, il n'y a personne qui comprend quelque chose. Vous avez vu, ce matin, l'Américain qui s'est prononcé: C'est quasiment un malade. Prenez, par exemple, maintenant, un autre groupe qui se prononce: C'est un malade, il n'a pas compris. M. le Président, quand on disait qu'il était misogyne, ce n'est pas pour rien qu'on le disait, c'est parce qu'il y avait des gestes concrets, qu'il posait, qui nous le faisaient dire. Quand on disait qu'il était revanchard, M. le Président, ce n'est pas pour rien qu'on le disait. On a lu...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader... M. Chevrette: ...les éditoriaux de 1976.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant! M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, simplement pour rappeler à mon bon ami, le leader de l'Opposition, que l'article 35 de notre règlement n'a pas été suspendu, qu'il est toujours en application et qu'il est l'article qui nous permet de juger le niveau du discours d'un parlementaire. Présentement, j'attire votre attention particulièrement, M. le Président, sur le cinquième alinéa, le sixième alinéa, le septième alinéa, le huitième alinéa de cet article, et je vous prie de rappeler le leader de l'Opposition officielle à l'ordre.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, l'article 35, paragraphes 7° et 8° particulièrement: «Le député qui a la parole ne peut: 7° se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant», «8° employer un langage grossier ou irrespectueux envers l'Assemblée».

Ce sont, quant à moi, les 2 sous-paragraphes les plus pertinents, selon votre propos, M. le leader du gouvernement. Alors, je vous invite, M. le député de Joliette, à être prudent, à respecter les prescriptions auxquelles je viens de faire référence.

M. Chevrette: M. le Président, je vais lire un paragraphe d'un article et je vais l'expliquer. Il était écrit, ce matin, le paragraphe suivant: «Au cours des dernières semaines, on a dit toutes sortes de choses désagréables à son sujet. On a dénoncé tour à tour sa mesquinerie...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse.

M. Chevrette: ...son arrogance...»

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non. M. le député de Joliette, je vous le rappelle, il y a déjà eu une décision qui a été rendue à l'Assemblée, que vous ne pouvez faire indirectement ce que vous n'avez pas le droit de faire directement. Alors, je vous rappelle que cette règle existe, il y a une décision qui a été rendue dans ce sens-là. Que vous passiez par un tiers, vous devez quand même respecter les prescriptions auxquelles j'ai fait référence tout à l'heure. Allez-y.

M. Chevrette: M. le Président, l'attitude du ministre délégué à la Charte de la langue française est en une de vengeance, M. le Président. Je me souviens encore des...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du gouvernement.

M. Chevrette: Bien voyons!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Ryan: Un peu de politesse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...

M. Ryan: Apprends à vivre. Apprends à vivre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je rappellerai bien amicalement...

M. Chevrette: ...pas d'éditoriaux... M. Ryan: Grossier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...au leader de l'Opposition...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant! Un instant, M. le leader. Alors, je voudrais qu'on permette au leader du gouvernement de faire son intervention. Vous avez soulevé un point de règlement, et je rappelle aux autres parlementaires que vous devez le laisser intervenir. Je m'adresse à ma gauche comme à ma droite.

M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Vous aurez compris que j'invoque les dispositions du sixième alinéa de l'article 35, qui se lit comme suit: «Le député qui a la parole ne peut: 6° imputer des motifs indignes à un député.»

M. Chevrette: M. le Président, j'ai dit...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: ...que c'était dans un esprit de vengeance. Ce n'est pas indigne et ce n'est pas antiparlementaire, et je vais le démontrer.

M. le Président, rappelez-vous donc les éditoriaux de 1976 et 1977 où le ministre actuel dénonçait à tour de bras la loi 101. Qu'est-ce qu'il fait aujourd'hui? Il ne fait qu'appliquer ses diktats qu'il faisait lorsqu'il était éditorialiste du Devoir. Comment on appelle ça, quelqu'un qui se reprend parce que, dans le passé, les politiciens ne l'ont pas écouté? Les seuls politiciens respectables étaient ceux et celles qui faisaient exactement ce que M. l'éditorialiste en charge du Devoir leur disait de faire. Il l'encensait, si le politicien réalisait exactement ce que monsieur écrivait. Mais ceux qui avaient le courage de leurs opinions et qui réalisaient les voeux du peuple, ceux-là devenaient des êtres qui ne comprenaient pas l'avenir, qui interprétaient mal le destin collectif.

M. le Président, quand un homme ne vit que par son passé, dans la réalisation de son passé, on assiste à ça, à des attitudes qui sentent carrément la vengeance, qui sentent carrément, M. le Président... (16 h 30)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non, non, non. Je regrette! Vous pouvez, M. le leader de l'Opposition officielle... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Vous pouvez relater des faits de 1977 ou d'aujourd'hui et vous pouvez les interpréter dans votre esprit, mais vous ne pouvez vous-même tirer la conclusion. C'est ça qui est reprehensible en vertu des sous-paragraphes 5°, 6°, 7° et 8° du règlement et de l'article 35 qu'on retrouve au règlement de l'Assemblée, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: Bon. Merci, M. le Président, d'agir en leader en cette Assemblée, et je vais continuer.

Une voix: C'est insupportable...

M. Chevrette: Oui, oui. C'est vrai. Puis je le dis, puis je le maintiens, M. le Président: Je croyais qu'il y avait un leader du gouvernement ici qui était chargé d'appliquer les règlements.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non. La présidence a, en tout temps, et vous le savez très bien... La présidence a, en tout temps, la responsabilité de surveiller l'application des règlements. Évidemment, il y a une coutume qui veut que les leaders, de part et d'autre, et c'est leur rôle, rappellent l'existence des règlements et l'application de ces règlements-là, mais, de tout temps, et c'est compris par tous les parlementaires, la présidence a ce rôle-là.

Allez-y, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la question soulevée par le leader de l'Opposition officielle, s'il insiste, je me lèverai à chaque fois qu'il contrevient.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas besoin de faire ça parce que je sais qu'il va le faire pareil. Il va se lever. Pas besoin d'insister parce que, à la période de questions, on assiste quotidiennement à un siège éjecta-ble.

Donc, M. le Président, je continue, si on ne m'arrête pas à nouveau, et j'espère qu'il sera 1 à m'arrêter et non 2. M. le Président, je disais donc que, lorsqu'on lit, actuellement, certains articles de journaux qui nous relatent exactement ce qui s'est passé dans les années 1976, 1977, M. le Président, on sent la réalisation de vieux rêves, de vieilles conceptions dépassées et déphasées.

J'écoutais le maire L'Allier, lorsqu'il est venu témoigner à Québec, qui nous disait carrément que le Québec, la ville de Québec était précisément une ville qui était attrayante sur le plan touristique à cause de son visage français. Ça «peut-u» être plus clair? C'est le premier magistrat, M. le Président, mais il n'a rien compris. Chaque intervenant qui venait et qui n'était pas d'accord avec le ministre, et ma collègue de Chicoutimi peut en témoigner, j'ai assisté à quelques-uns, à part de ça, c'était des attitudes rétrogrades. Mme Pagé, de la CEQ, est venue expliquer sa position dans le domaine pédagogique. Elle n'avait rien compris. C'était une attitude rétrograde, disait-il.

Il a littéralement martelé d'insultes et d'injures tous ceux qui sont passés là qui n'étaient pas de son dire. Ici, on n'a pas le droit de rien dire, par exemple. Mais lui avait le droit de pontifier devant chaque groupe qui venait et de les traiter de retors, les traiter de n'importe quoi, de gens qui ne comprennent rien parce qu'on n'était pas de son dire, parce qu'on n'était pas d'accord avec lui. C'est ça qui s'était passé comme attitude de l'autre côté.

Puis demandez aux groupes qui sont venus ici, puis qu'est-ce qu'ils ont dit en sortant: Bon, on n'a jamais rien compris quand on n'est pas d'accord. Même si tu es un spécialiste en éducation, ça ne fait rien, on n'avait pas compris. On n'avait rien compris. On était des retors. On avait des attitudes rétrogrades. C'est ça qu'on disait aux gens. C'est ça que ce monsieur disait aux gens, M. le Président.

Et, malheureusement, nous, on n'a pas le droit d'en parler. On n'a pas le droit d'en parler. On se fera arrêter si on qualifie le même genre d'attitude, attitude d'arrogance et de mépris vis-à-vis de ceux qui divergent d'opinions, M. le Président.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse encore une fois auprès du leader de l'Opposition officielle. Je tiens à lui rappeler les dispositions du septième alinéa de l'article 35 de notre règlement qui se lit comme suit: «Le député qui a la parole ne peut: 7° se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit.» Et je l'invite à respecter les prescriptions du règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Joliette, leader de l'Opposition officielle, vous êtes à la limite. Vous êtes à la limite. Continuez. Continuez votre intervention.

M. Chevrette: Bien, avez-vous le goût de vous faire un show tout seul?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, vous avez un droit de parole jusqu'à 55 minutes. Vous avez, à date, 25 minutes d'intervention. Est-ce que vous désirez continuer ou pas? Il vous reste 30 minutes. Votre formation a droit à 55 minutes. Non, non. Vous ne passez pas par la table. C'est à moi à vous dire combien de temps vous avez fait. Vous avez parlé... Non, non! M. le leader de l'Opposition officielle, votre formation dispose d'une période maximale de 55 minutes. Votre intervention a duré, à date, 25 minutes. Les questions de règlement, d'un côté comme de l'autre, peu importe qui intervient, les discussions sur les questions de règlement ou de procédure font partie, évidemment, de l'enveloppe globale, que ce soit vous ou que ce soit le leader du gouvernement.

M. Chevrette: M. le Président, je vais m'arrêter ici, puis je vais inscrire une motion au feuilleton parce que, quand, délibérément, autant la présidence que le leader, vous arrêtez à toutes les minutes un intervenant, vous coupez ses interventions constamment, vous contribuez, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît! M. Chevrette: II n'y a pas de s'il vous plaît...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Continuez votre intervention, s'il vous plaît, sur le fond. Il vous reste encore 30 minutes.

M. Chevrette: II ne me reste pas... parce que je veux diviser mon temps. Mais je regrette, M. le Président, que vous ayez, vous-même et le leader du gouvernement, continuellement interrompu mon intervention, M. le Président. On a le droit, supposément, de qualifier l'attitude des gens de l'autre bord, puis, ici, on n'est même pas capables de parler d'attitudes. Je regrette, M. le Président, mais ce sont là des attitudes partisanes quand on empêche un député de faire son intervention.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député

de Joliette, je suis intervenu à chaque fois que j'ai jugé que c'était nécessaire, à chaque fois que j'ai jugé que c'était nécessaire.

M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon M. Doyon: Merci, M. le Président. Des voix: Bravo!

M. Doyon: M. le Président, la preuve, la preuve qui n'a jamais été vraiment à faire des abus de langage du leader de l'Opposition vient de nous être livrée, chaude, fraîche, maintenant, prête à être consommée. On n'a rien à ajouter à ça. Le leader de l'Opposition, M. le Président, vient de vous insulter, vient de mettre en question votre autorité personnelle en tant que président. Il a manqué de respect, et c'est dans ses habitudes. Il a la détestable habitude, la détestable habitude de manier l'injure et l'insulte à satiété, de lancer de tout bord et de tout côté des bêtises à l'égard de tous et chacun. Il est comme le vilain cabot qui nous mord le mollet mais qu'on ne peut pas...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Louis-Hébert, je vous rappelle à la pertinence. Vous êtes à débattre une motion de suspension de certaines règles de procédure. Et l'attitude du leader de l'Opposition officielle, quant à moi, n'est pas pertinente. Ce n'est pas ça, la pertinence. Allez-y sur la motion comme telle.

M. Doyon: Oui, M. le Président, sauf que, pour comprendre le pourquoi de cette motion, il faut savoir à qui on a affaire. Ça, ça explique bien des choses. M. le Président, quelqu'un qui a vu ce que j'ai vu avec mes collègues, ici, aura compris que la motion que nous débattons actuellement est inévitable, qu'elle s'impose d'elle-même et qu'on ne peut pas s'en passer. Pourquoi? Parce qu'on a affaire au leader de l'Opposition, parce qu'on a affaire à ses collègues, parce qu'on a affaire à des gens qui ne respectent pas la démocratie, qui ne respectent pas l'institution, qui ne sont pas capables de se rentrer dans la tête que, finalement, ils n'ont pas toujours raison. Et l'urgence...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant, M. le député! Un instant! Un instant!

M. Chevrette: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: Je vous demande la même rigueur que vous m'avez appliquée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): J'ai rappelé, entre autres, tout à l'heure, que vous ne pouvez pas imputer ? je m'adresse au député de Louis-Hébert ? de motifs à qui que ce soit. Ça comprend le leader de l'Opposition officielle comme ses collègues, M. le député Louis-Hébert. L'intervention, je vous le rappelle, est de traiter du sujet, à savoir la motion de suspension des règles.

M. Doyon: Oui, M. le Président. Et il est évident que cette motion ne serait pas devant nous, elle ne serait pas nécessaire si on pouvait en débattre calmement, entre gens qui peuvent s'expliquer, qui peuvent faire valoir des arguments raisonnables, qui peuvent discuter calmement, sans manier l'insulte. Et sans être capables d'en recevoir une seule, s'il vous plaît! Oh non! Oh non! Ça, l'épiderne est terriblement mince, terriblement mince! (16 h 40)

M. le Président, est-ce qu'on est capables de discuter d'une situation aussi émotivement chargée que celle-là? Quand on entend des discours, des allocutions comme celle dont vous avez été témoin tout à l'heure... J'ai présidé cette commission, M. le Président. J'ai présidé cette commission. J'ai réussi, de peine et de misère, je m'en félicite, à garder le calme dans cette commission.

Il faut dire que le député de Joliette n'est pas venu nous rendre... Ça s'est passé raisonnablement bien, raisonnablement bien, sauf qu'il y avait un défaut fondamental, c'est qu'on n'avançait pas. On ne bougeait pas vite. On se hâtait, mais lentement, mais très lentement qu'on se hâtait, M. le Président.

Vous me direz: Qui va piano va sano. Il y a des limites. J'avais l'impression, des fois, qu'à force d'aller sano on était dans le plus profond des sommeils. C'est bon pour la santé, mais ça ne fait pas gros d'ouvrage dans une journée.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: Alors, M. le Président, devant la situation, qu'est-ce qu'il reste? Qu'est-ce qu'il reste à un Parlement qui veut faire adopter un projet de loi? Il lui reste à recourir aux instruments, aux outils qui sont les nôtres. Il nous faut, M. le Président, savoir que la supposée unanimité qu'invoque l'Opposition en désaccord avec le projet de loi n'existe pas. C'est une créature de l'esprit. Elle n'existe pas.

Vous pourrez leur parler de Guy Bertrand, mon honorable adversaire à la dernière campagne électorale, que je croisais dernièrement, sur la rue, et qui me disait très amicalement ? c'est un confrère de classe en plus: Moi, je me suis senti dans l'obligation, malgré mes convictions indépendantistes, de faire valoir le point de vue qui est le mien parce que j'ai enlevé les oeillères que j'admets avoir déjà eues. Et il a dit: Je suis prêt à reconnaître que le danger ne réside pas dans une modification à la loi 178. Il ne réside pas dans une ouverture d'esprit. Le véritable danger, le véritable ennemi, je l'ai

vu, disait-il, et c'est nous. «I saw the ennemy. It is us.»

C'est ça, M. le Président, la belle unanimité n'est pas là. Guy Bertrand le dit d'une façon très éloquente. Guy Bertrand me disait: Moi, quand il se produit des choses comme ça, ça me fait penser à quelqu'un qui serait devant le plus beau tableau ? c'est lui qui m'apportait cet exemple-là ? le plus beau tableau au monde, disons un Rubens, mais qui a une graine dans l'oeil. L'oeil lui fait mal. Il a une graine dans l'oeil. C'est l'interdiction. C'est l'abolition d'une partie de la liberté d'expression. Je ne peux pas apprécier ce beau tableau. J'ai une graine dans l'oeil. Je ne peux pas le voir. L'oeil me fait mal, puis je me frotte l'oeil, puis ça déforme le tableau, puis ça déforme l'ensemble. Le tableau n'est pas moins beau pour autant, mais la graine me fatigue. Je l'enlève, cette graine. Je l'enlève, cette graine. C'est ce que le ministre responsable de la Charte fait.

Est-ce que Raymond Lévesque a une opinion unanime d'opposition au projet de loi, quand Raymond Lévesque dit, par exemple: Le danger, il n'est pas là? Il nous faut nous ouvrir aux autres. Et le véritable danger, je m'en aperçois maintenant, dit-il, c'est du côté du Parti québécois qui a ? doit-il avouer à sa courte honte, c'est lui qui le dit ? des tendances fascistes. Et c'est ce que Raymond Lévesque dit.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous rappelle. Je fais le même commentaire que j'ai fait, tout à l'heure, au leader de l'Opposition officielle, que vous êtes à la limite. Je vous invite à la même prudence et je vous rappelle ce que vous me disiez vous-même, tout à l'heure, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui, M. le Président, ce que je veux faire ressortir, c'est que contrairement aux... Je n'emploierai pas le mot «mensonges». Je vous laisse le choix des mots, M. le Président, pour ne pas me faire rappeler à l'ordre. Vous mettrez, dans les petits points que je laisse là, le mot que vous voulez. Contrairement à ce que colporte le leader de l'Opposition, ce n'est pas vrai qu'il y a unanimement levée de boucliers contre ce projet de loi là.

Au contraire, qu'il s'appelle Guy Bertrand, qu'il s'appelle Raymond Lévesque, qu'ils s'appellent les nombreux éditorialistes, qu'ils s'appellent les échecs des grandes assemblées, qu'il s'appelle tout ça, la preuve est là qu'on a besoin d'une cure de rafraîchissement à cette loi-là. C'est ce que nous faisons. Et, quand on dit... quand on emploie la méthode qui a servi au référendum...

Le député de Joliette disait: «Mentez, mentez. Il en restera toujours quelque chose.» Vous en êtes la preuve vivante parce que c'est ce qui vous a réussi au référendum. C'est ce qui vous a réussi et c'est ce que vous tentez de nouveau avec la feuille de chou qui s'appelle: On ne se laissera pas passer un Québec bilingue. Même méthode truffée de mensonges, de mensonges vérifiables et identifiables.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous ne pouvez faire indirectement ce que vous ne pouvez faire directement. Je l'ai rappelé tout à l'heure. Ça s'applique également à vous, M. le député de Louis-Hébert. Vous pouvez interpréter le document, vous pouvez citer des faits, mais vous ne pouvez pas tirer la conclusion que vous venez de tirer.

M. Doyon: Oui, M. le Président, ce que je dis et ce que je suis capable de prouver, si vous m'en laissez le temps et le loisir, c'est que le document que j'ai en main est rempli de faussetés, de faussetés facilement démontrables si on va voir le projet de loi 86. On dit des choses là-dedans que non seulement on ne retrouve pas dans le projet de loi 86, mais on dit des choses qui sont contraires à ce que dit le projet de loi 86. C'est ça. On a distribué ça à, quoi, 100 000, 200 000 exemplaires? On a distribué ça aux quatre vents. On a tenté d'imiter Larousse ? je sème aux quatre vents ? mais Larousse dit la vérité.

Mensonges. Il n'y a pas de vérités là-dedans. Et pourtant, j'ai entendu les députés de l'Opposition se targuer de ce document, espérer que ce document réveillerait les gens, qu'on pourrait soulever la population. M. le Président, ce n'est pas vrai ce qu'il y a là-dedans. Ce n'est pas vrai. On a entendu des excès de langage à faire dresser les cheveux sur la tête. J'ai entendu des extraits de discours, par exemple, de Pierre Bourgault, qui disait du ministre responsable de la Charte qu'il était l'homme politique le plus sale que le Québec n'avait jamais connu. Est-ce que c'est possible de descendre à un tel niveau de langage?

M. Chevrette: ...M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant! Un instant! Laissez-moi rendre ma décision, M. le député de Louis-Hébert. Vous savez très bien, M. le député de Joliette, que ce n'est pas la démonstration qu'est en train de faire le député de Louis-Hébert, il veut prouver le contraire, j'imagine. Allez-y.

M. Doyon; Merci, M. le Président. Ce que je suis en train de tenter d'essayer d'expliquer à cette Chambre, c'est que ce qui s'est dit et ce qui s'est colporté n'a aucune commune mesure avec la façon dont les choses devraient se passer. On essaie par tous les moyens d'exciter les passions, de provoquer des excès qui pourraient amener des situations impossibles et absolument déplorables.

M. le Président, comme président de la commission, je sais les efforts que le ministre a fait. On l'a qualifié de tous les termes. Il n'a pas bronché. Je ne suis pas sûr que j'aurais pu endurer ça. Il n'a pas bronché. Il a plié les épaules et attendu que finalement puisse se décanter la vérité du mensonge. Mais je suis témoin que ce pour quoi on a voulu le faire passer n'avait pas de fondement dans soit ses attitudes, dans soit ses interventions, dans soit les réponses ou les questions qu'il

posait. Il a fait preuve de rigueur. Il a voulu savoir le vrai fond des choses. Il n'a pas accepté comme des vérités révélées des affirmations gratuites qui n'étaient pas démontrées ou démontrables. Est-ce que c'est faire preuve d'arrogance? Est-ce que c'est faire preuve de mépris? Évidemment, il ne manifestait pas un accord à tout casser avec certaines prises de position qui étaient contraires aux convictions qu'il a et qui sont les nôtres aussi. Mais est-ce que c'est insulter quelqu'un que d'exiger de cette personne qu'elle nous prouve ses avancées? Si on ne peut pas le faire dans notre système démocratique parlementaire, à quoi sert ce Parlement?

Il y a des gens qui ne peuvent pas supporter la contradiction. La contradiction leur donne de l'urticaire. Elle les rend littéralement malades. Le député de Joliette est un de ceux-là. Si on a le malheur d'avoir l'audace quelque part de ne pas dire comme lui, c'est inacceptable. Et là je vous assure que le vocabulaire, il n'est pas à court. On a droit à tous les qualificatifs, disons, tous les qualificatifs. Mais on n'est pas obligé, dans ce Parlement, d'être en accord avec le député de Joliette, il me semble. On n'est pas obligé, et, chaque fois que le député de Joliette est froissé, il s'en prend au premier du bord. C'est vrai, vous allez me dire qu'il ne regarde pas la grosseur, il a au moins ce mérite-là! Il est téméraire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: Téméraire. Mais il peut aussi bien s'en prendre à la présidence. Il s'en prend à celui qui est le plus près, et puis vogue la galère! C'est sa façon de faire du parlementarisme, ce n'est pas la nôtre. Il ne nous reste pas bien, bien des issues. Les gens qui ont entendu le député de Joliette... Oui. L'urgence, M. le Président, l'urgence et le besoin que nous avons de cette motion sont en grande partie expliqués par la présence, l'attitude, le caractère, la façon de faire les choses du leader de l'Opposition. Je ne peux pas être plus pertinent que ça. Je ne peux pas être plus pertinent que ça. (16 h 50)

C'est un argument, vous allez me dire, ad homi-nem, mais l'hominem est là, je ne peux pas passer à côté!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: Je ne peux pas passer à côté. Une grande partie de ce qu'on doit faire s'explique par sa présence ici et sa façon de s'acquitter de ses fonctions. Je n'y peux rien. Je n'y peux rien. Dans les circonstances, s'il doit blâmer quelqu'un pour la motion qui est devant nous, qu'il s'en prenne à lui-même, qu'il fasse un examen de conscience.

M. Chevrette: M. le Président, pour vous permettre de porter un jugement de valeur sur la pertinence, j'aimerais vous demander ce que vous en pensez de la pertinence?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je considère que le député de Louis-Hébert était pertinent au moment où vous êtes intervenu.

Allez-y, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Bon! M. le Président, pour ne pas prolonger, j'inviterai tout simplement les collègues à prendre connaissance des débats que nous avons eus en commission parlementaire, à regarder la façon dont s'est faite la discussion et comment le ministre, par exemple, a rempli les promesses et les engagements qu'il avait pris. Il avait dit: Dès que nous serons rendus à l'article 4, je déposerai les règlements qui sont pertinents à l'article 4. C'était prêt, c'était déposé, au moment même où on arrivait à l'article 4. Même phénomène, même chose avec l'article 17, sur lequel nous sommes arrêtés.

On fait grand état de la langue d'enseignement. Le ministre a dit à satiété qu'en ce qui concerne cet article du projet de loi 86 nous aurons l'occasion d'avoir des consultations, parce que c'est une question de régime pédagogique qui devra être modifié et que ça ne peut pas se faire sans consultation, sans publication et sans réception de la façon dont les gens réagissent à ça. Ça ne peut pas se faire sans promulgation non plus.

Alors, les choses se sont passées, mais nous sommes rendus à l'article 17, M. le Président ? il y en a 65 ? et c'est impossible d'aller plus loin, dans les circonstances. Donc, nous utilisons l'article du règlement qui nous permet d'adopter ce projet de loi, et je souhaite vivement que cette Assemblée le fasse dans les meilleurs délais et dans les meilleures circonstances, en ayant un langage qui soit, à un niveau qui puisse faire honneur à cette Assemblée et qui fasse honneur aussi au sujet dont nous discutons, un sujet auquel nous tenons les uns les autres, c'est-à-dire la protection, la défense et l'édification de la langue française; pas dans le rejet des autres langues, mais dans le respect des autres langues. Alors, M. le Président, c'est les quelques réflexions que je voulais vous soumettre.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, avant de reconnaître le prochain intervenant, je vais rappeler à tous les parlementaires de cette Chambre, et également à ceux qui nous écoutent et nous regardent, que l'article 41 de notre règlement prévoit que «le président se prononce sur les rappels au règlement au moment où il le juge opportun, en indiquant le motif de sa décision... La décision du président ou de l'Assemblée ne peut être discutée.»

Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de Jacques-Cartier? Non? Alors, Mme la députée de Chicouti-mi. Allez-y, je vous laisse intervenir, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Avec le dépôt de la motion de suspension des

règles, aux fins d'adopter le projet de loi 86, nous assistons aujourd'hui à un geste prémédité, sans scrupule, posé avec arrogance et mépris, un geste prémédité, je dis bien, car, dès le début des travaux de la commission parlementaire, il était devenu évident que le ministre et les députés libéraux utiliseraient tous les moyens pour ralentir la marche des travaux de la commission parlementaire. J'y reviendrai pour expliquer pourquoi ils ne souhaitaient pas qu'on fasse un examen des articles du projet de loi.

Mais, sur la motion elle-même, elle est intellectuellement, moralement et légitimement inacceptable et injustifiable. Invoquer l'urgence pour mettre fin aux travaux de la commission après 17 heures de débat, alors que nous en étions à l'article 17, alors que nous n'avions utilisé qu'à 1 reprise une motion visant à avoir le dépôt des règlements, alors que, d'entrée de jeu, comme porte-parole de l'Opposition, j'avais indiqué notre intention de procéder de façon sérieuse, rigoureuse, de travailler à bonifier à loi, parce que nous estimons, nous, qu'il n'est jamais sain de laisser passer une mauvaise loi sans mettre en oeuvre tous les moyens pour l'améliorer... Je suis de celles qui pensent que la politique du pire, c'est la pire des politiques, et qu'en tant que parlementaires nous avons une responsabilité et un devoir, c'est de tenter d'améliorer les projets de loi, d'autant plus... Est-ce qu'on pourrait avoir un peu de silence, s'il vous plaît.

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle les prescriptions de l'article 32: Chaque député doit être à sa banquette pour permettre à Mme la députée de Chicoutimi de s'exprimer en toute quiétude.

Allez-y, Mme la députée.

Mme Blackburn: M. le Président, je disais donc que, d'entrée de jeu, à la commission parlementaire, nous avions annoncé notre intention de travailler à bonifier le projet de loi, parce que nous n'étions pas sans savoir, comme tout le Québec, que le gouvernement utiliserait le poids du nombre pour le faire adopter. Nous avons un devoir important, à l'Opposition, c'est de travailler à bonifier les projets de loi qui sont sur la table. Faire autrement, c'est de l'irresponsabilité. Nous l'avons fait avec beaucoup de soins et beaucoup de rigueur. Nous l'avons fait avec les moyens réguliers de la commission parlementaire, mais nous n'avons déposé à cette commission aucun amendement farfelu. Nous n'avons fait de motion préliminaire qu'une seule fois, qui a duré 1 h 20 min au total, une seule qui voulait avoir, comme c'était légitime de le demander, le dépôt des règlements. Parce que, à l'unanimité, les intervenants en commission parlementaire consultative étaient venus nous dire que, sans les règlements, on ne pouvait pas mesurer l'ampleur des dommages causés à la Charte de la langue française. Et c'était à l'unanimité, y compris le Conseil du patronat et y compris le Centre de linguistique de l'entreprise, qui sont venus dire à la commission parlementaire que cette loi, ils ne l'aimaient pas pour une raison: c'était une loi-cadre qui laissait trop de pouvoirs réglementaires au gouvernement. La seule motion, donc, que nous avons faite, c'est une, et c'est pour le dépôt des règlements.

Si vous observez comment ça s'est passé, vous constaterez que la partie ministérielle a pris environ 25 minutes de moins que l'Opposition. Est-ce qu'on appelle ça du «filibuster»? Non, M. le Président. Invoquer, à ce moment-ci, l'urgence pour mettre fin, après 17 heures ? plus précisément 17 h 26 min ? de débat en commission parlementaire, c'est méprisant, c'est odieusement méprisant à l'endroit des parlementaires, à l'endroit des députés ministériels et à l'endroit de la population que nous représentons.

Je me permets de rappeler ce que disait le ministre, le mardi 24 août 1977 ? ce que M. Lévesque n'a pas pu faire oublier. Il disait: «Après 5 mois de débats ardus...»

M. Chevrette: Un instant, M. le Président! L'article 32.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, vous invoquez quelle partie de l'article 32, M. le député?

M. Chevrette: Le décorum, chacun à sa place, et qu'on écoute celle qui parle.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, chacun est à sa place, là.

Allez-y, Mme la députée de Chicoutimi. (17 heures)

Mme Blackburn: Donc, le ministre actuellement responsable de la Charte de la langue française disait, et je cite: «Après 5 mois de débats ardus ? il parlait des débats qui avaient accompagné l'adoption de la loi 101 ? il est enfin des dispositions de la loi 101 qui demeurent tout aussi inacceptables qu'au début, mais qui ont malheureusement été adoptées...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît, Mme la députée de Chicoutimi! M. le député de Richelieu. M. le député de Papineau.

Allez-y, Mme la députée.

Mme Blackburn: ...qui ont malheureusement été adoptées avec le reste du texte, sans même que les députés aient eu la chance d'en débattre sérieusement ? cinq mois, 220 heures de commission parlementaire. Au premier rang de celles-là figurent les articles qui limitent arbitrairement et mesquinement ? c'est du ministre, vous ne m'arrêterez pas de le dire, M. le Président ? le droit à l'affichage public dans une autre langue que le français.» Et le débat, en 1977, était déjà lancé. Mais rappelons-nous, 5 mois de débats, 220 heures en commission parlementaire. Et, aujourd'hui, 17 heures, et on invoque l'urgence. Irresponsable, irres-

pectueux et indéfendable! Indéfendable!

En brimant les droits des parlementaires, en muselant les parlementaires, en les réduisant au silence, c'est le droit des citoyens et des citoyennes que nous représentons que vous brimez. Museler les parlementaires, c'est museler les citoyens et les citoyennes qui s'expriment par la voix de leurs députés, y compris ceux de l'aile parlementaire qui, eux aussi, sont réduits au silence.

Invoquer l'urgence pour les députés libéraux, ça veut également dire ? c'est ce qu'on sent dans cette Chambre ? c'est les libérer des obligations parlementaires. Ils veulent des vacances. Pourtant, nous sommes tous à même de constater que les travaux de l'actuelle session n'ont pas été particulièrement exigeants ni érein-tants, faut-il le dire. Et même, en commission parlementaire, on a eu de très nombreuses suspensions.

Invoquer l'urgence pour mettre un terme à un débat qui, jour après jour, après les 4 journées d'étude en commission parlementaire, le ministre constatait comme nous que la critique devenait de plus en plus virulente, que les commentaires se faisaient de plus en plus vifs et les inquiétudes de plus en plus grandes. Alors, pourquoi invoque-t-on aujourd'hui l'urgence? Pour éviter que le débat ou l'examen sérieux des dispositions de la loi ne vienne jeter une lumière par trop évidente et éclairante sur les dispositions pernicieuses de cette loi, sur les effets pernicieux que cette loi aura sur les dispositions, l'esprit et les objectifs de la Charte de la langue française.

M. le Président, un geste prémédité, posé sans scrupule, effrontément, et, dès le début des travaux de la commission parlementaire, à l'évidence, le ministre et les députés présents en cette commission avaient décidé que nous ne passerions pas à travers les différents articles, à un point tel, quand ils ont vu que ça progressait, ils ont commencé à s'inquiéter. Parce qu'ils ne prenaient pas au sérieux la volonté de l'Opposition de travailler à bonifier le projet de loi.

Mais nous avions fait le pari, premièrement, que nous pourrions le bonifier et, deuxièmement, que, au fur et à mesure qu'on examinerait les dispositions, à l'évidence, l'odieux de ce projet de loi, qui vide la Charte de la langue française de son essence et de son esprit, apparaîtrait à la population. C'était possible, à la lumière d'un exercice un peu plus approfondi d'examen des dispositions de la loi.

L'urgence qu'on invoque aujourd'hui, après qu'on ait été 2 jours sans siéger, après que le ministre, de façon systématique, à la presque totalité des séances, soit arrivé entre 15 et 50 minutes de retard, après que nous n'ayons pas siégé vendredi dernier, on est en train d'invoquer l'urgence, à compter les heures perdues par le ministre, essentiellement parce qu'il ne se présentait pas à l'heure prévue à l'ordre de la Chambre, mais également du fait que nous n'ayons pas siégé alors que nous aurions pu le faire. Nous avons perdu quelque chose qui doit ressembler à 35 heures de travaux de commission parlementaire, si on avait terminé hier soir; 35 heures! Nous avons, en 17 heures, et avec les remarques préliminaires, abordé 17 articles. Avec 35 heures, alors que les remarques préliminaires étaient terminées, nous avions la possibilité de terminer l'examen de ce projet de loi. C'est odieux, inacceptable, irrespectueux et méprisant, profondément méprisant. Ça ne se défend pas. Ce n'est pas vrai qu'on va laisser passer une telle chose.

On voulait, en fait, mettre fin au débat. C'est pour ça qu'on n'a pas convoqué la commission, parce que les travaux de la commission permettaient de jeter un éclairage cru sur une loi qui est inacceptable, qui va à rencontre de tout...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant, Mme la députée! Je m'excuse, je pensais que vous vous leviez pour une question de règlement.

Allez-y, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Ça va à rencontre de tout ce que défendent les Québécois. Prétendre l'urgence à ce moment-ci, c'est induire la population dans l'erreur, mais c'est faire preuve d'un cynisme profond qui explique en grande partie le peu de respect que les citoyens et citoyennes du Québec manifestent à l'endroit du Parlement et à l'endroit des élus. Comment voulez-vous que les citoyens et les citoyennes du Québec respectent un tant soit peu ce Parlement qui gère par décrets, qui gère en muselant les parlementaires, qui, à la même date il y a 1 an, a adopté par la même procédure 28 projets de loi, qui a procédé de la même manière à la session de décembre dernier pour l'ouverture des commerces le dimanche? Et chaque fois qu'on est en désaccord, chaque fois qu'on veut faire entendre l'opinion du public, ce gouvernement musèle la population et musèle les parlementaires. C'est antidémocratique. C'est un déni de démocratie.

L'urgence, j'y reviens donc, un geste prémédité, sans scrupule et posé afin de mettre un terme à un débat qui apportait un éclairage particulièrement cru sur les intentions de ce gouvernement. Je le rappelle, l'Opposition n'a pas utilisé de mesures dilatoires à la commission parlementaire. Pour vous l'illustrer, rappelons que, sur les 17 h 26 min, 9 heures ont été utilisées par l'Opposition, quelque chose comme 34 minutes de plus que le gouvernement. Est-ce qu'on appelle ça faire du «filibuster»? Vous qui l'avez fait amplement, qui l'avez largement utilisé, vous savez que ça n'a rien à voir avec le «filibuster». Je souhaitais, et mes collègues souhaitaient, sincèrement que nous bonifiions le projet de loi. Nous avions, d'ailleurs, déposé des amendements en ce sens, qui ont été pris en considération par le ministre, comme preuve de quoi ils étaient acceptables, y compris pour le gouvernement.

L'urgence...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant, Mme la députée! M. le député de Rousseau, s'il vous plaît!

Allez-y, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: L'urgence, M. le Président, il n'y en a pas, d'urgence. Il n'y en a pas, d'urgence. Et le leader ne peut pas comparer le laps de temps qui nous était réservé sur l'adoption de la loi 178 et ce qui se passe aujourd'hui. Nous avons, au moment où nous nous parlons, jusqu'en décembre 1993, si tant est que le gouvernement pense toujours que le jugement de la Cour suprême était valide et valable, alors qu'on sait qu'il y a d'autres avis, mais, en admettant qu'on partage cet avis avec eux, ils ont jusqu'en décembre 1993. Nous aurions pu continuer l'examen en commission parlementaire. Nous aurions pu examiner chacun des articles et nous aurions pu, peut-être, si nous n'avions pas affaire à un homme qui est complètement fermé sur cette question, qui a dessiné le projet que nous avons sur la table en 1977, nous aurions pu peut-être, avec un peu de bonne volonté de la partie ministérielle, de son gouvernement, s'il y avait encore un premier ministre à la barre, nous aurions pu peut-être bonifier ce projet de loi. (17 h 10)

L'urgence, M. le Président, il n'y en a pas. C'est induire la population en erreur que de prétexter l'urgence pour museler les parlementaires sur une loi qui est fondamentale. Quand on parle de la langue et de la culture pour un peuple, c'est une loi fondamentale. On n'a pas le droit, pour des raisons partisanes, de jouer avec les sentiments de la population et de jouer avec la loi 101. Je me permets de le rappeler au ministre responsable de la Charte qui déclarait, au moment de l'adoption de la 178, qu'il avait constaté l'immense attachement des Québécois et des Québécoises à cette loi. On n'a pas le droit de la charcuter comme ça en mettant fin abruptement à un débat qui aurait pu permettre de l'améliorer.

M. le Président, il n'y a pas urgence. J'invite les collègues, de l'autre côté comme de ce côté-ci de la Chambre, s'ils ont un peu de courage, à voter contre cette motion. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le député de Jacques-Cartier, les députés indépendants disposent, ensemble, de 10 minutes. Je comprends que vous voulez intervenir pour 5 minutes. Allez-y.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président.

Closure is always a serious matter to be considered on any major bill in any Parliament, and I gave serious thought to the idea that the position of the Opposition might actually be correct. After all, as I have commented to my colleagues, even a stopped clock is right twice a day. But I could not really conclude on my own experience, sitting in on the Cultural Affairs Commission and watching the detailed study of Bill 86, that the Opposition is really justified in taking this position; or, to be more precise, if all legislation were subject to exactly the same kind of detailed examination that the Opposition insists on in the parliamentary commissions, I find it hard to imagine laws being passed at all, or there being any real executive action of the Government taking place.

In the initial hours that we discussed Bill 86, once the public hearings were concluded, certainly the Member for Chicoutimi ap'plied herself with her customary dedication to every paragraph, indeed every sentence of the bill. For that matter, all of the representatives of the Opposition did so, sometimes with considerable skill. When we concluded on Monday night, the Member for Anjou, who is certainly an intelligent young man, asked a number of sensible questions to the Minister, and the Minister responded to those questions completely and as reasonably as could be done in the circumstances.

But the entire exercise, given the size of the bill and given the rate that the Opposition was proceeding at for this kind of examination, constitutes not an effective use of the democratic process, but, ultimately, its total. frustration. This is not really just an argument about a sudden stampede. After all, from the governmental side, we could say, in criticism of the Government, that not only on this bill but on many other important bills it is almost engaged in a kind of symbiotic relationship with the Opposition. That is, it leaves difficult problems to the last possible minute; then introduces them into legislation in the January term; institutes a public hearing that will take up a couple of months, bringing it near the end of the session; then is stuck with a bill that has so many particulars that there is no conceivable way they could get it through, except with an Opposition that collapses under their feet; and, finally, produces an angry but ineffective rebellion from the Opposition and brings in closure.

This does not seem to me to be an ideal way for a Parliament to operate, and I would like to see both Government and Opposition find a more responsible means of dealing with bills of great moment. But, in the end, the Government still has to govern and it cannot evade its responsibility merely to answer the standardized kind of complaints we will always hear from this side of the House, whenever it is taking on a major responsibility. Therefore, whatever position I take on the final bill, on this question, I support the position of the Government.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Jacques-Cartier.

Sur la même motion, je cède la parole à M. le député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci beaucoup. M. le Président, je vais être très bref, puisque je vais laisser la chance...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le député de Marquette. Je veux vous indiquer que votre formation dispose de 11 minutes, de sorte que vous pouvez intervenir jusqu'à concurrence de 11 minutes. Allez-y.

M. Dauphin: D'accord. Merci, M. le Président.

Je ne prendrai pas 11 minutes, puisque je vais laisser la chance à un de nos collègues d'intervenir sur cette motion qui, de par ses fonctions, effectivement, exerce les fonctions de leader adjoint. Alors, je vais lui laisser la possibilité d'intervenir sur cette motion.

Trente secondes pour vous dire que, dans les circonstances, M. le Président, le leader du gouvernement n'avait aucun autre choix que de nous avoir présenté cette motion de suspension des règles, puisque la pratique veut... À titre d'exemple ? je suis ici dans ma treizième année comme parlementaire ? c'était la même chose sous l'ancienne administration. C'est que, rendu à la fin de la session, il n'y a pas d'autre alternative pour un gouvernement que de procéder de la sorte.

M. le Président, je vous remercie, et je vais laisser la chance, tantôt, à mon collègue, le leader adjoint du gouvernement, d'intervenir pour les 10 minutes restantes. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Marquette.

Je suis prêt à entendre le prochain intervenant. M. le député L'Assomption et chef de l'Opposition officielle, vous disposez également d'une période de 11 minutes.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, un bon nombre des commentaires qui ont été faits au sujet de la nécessité, dit le gouvernement, d'imposer le bâillon à l'occasion de ce projet de loi, que nous avons devant nous... Puis, c'était vrai hier, à l'égard de la loi 102, qui imposait un gel des salaires dans le secteur public. C'était vrai aussi en décembre dernier, lorsque le gouvernement a fait passer par le bâillon l'essentiel de son projet de loi. C'était vrai le 22 juin 1992, quand, là, le gouvernement a fait passer, dans la même journée, 28 projets de loi... à 10 minutes chacun, disait-il. Mais là, on n'a pas pris les 10 minutes, on a trouvé ça ridicule. On a simplement demandé le vote nominal sur chaque projet. On s'en souviendra.

L'argument qu'on voit très souvent réapparaître, puis de plus en plus souvent maintenant, c'est à peu près ceci: Si l'Opposition parlait moins... En fait, si elle ne parlait pas du tout, là, ça irait bien. On pourrait passer les projets de loi. On vient de l'entendre d'un de nos collègues du Parti Égalité, il y a 2 minutes, approuvant le gouvernement, et disant: Mais si seulement l'Opposition parlait moins! Si, vraiment, l'Opposition ne scrutait pas les articles un à un! Qu'est-ce que c'est, cette idée d'aller scruter les articles un à un? C'est ridicule! C'est contraire au système parlementaire, comme on vient de nous le dire, de scruter les articles un à un!

Taisez-vous et vous n'aurez pas de bâillon! Taisez-vous et on n'invoquera pas l'urgence! Vos gueules là-dedans! Je suis désolé, M. le Président, je n'ai pas été élu pour me taire, moi. Ce n'est pas vrai! Je comprends que, de temps à autre, ça m'est arrivé de voir des éditorialistes me dire: S'il se taisait, celui-là, ça irait mieux! Bon. Mais je ne suis pas obligé d'obtempérer à ce qu'on me suggère. Je n'aime pas ça qu'on vienne me dire ça en Chambre, ici. Ça, non! Encore une fois, je n'ai pas été élu... mes électeurs ne m'ont pas envoyé ici pour ça.

Est-ce qu'on parle trop? Dans certains cas, c'est vrai. Dire que l'Opposition ne fait jamais de «filibusters», ça... Bien sûr qu'on en fait! C'est assez curieux, cependant, que, sur des projets de loi dont tout le monde se rend compte qu'ils ont une importance exceptionnelle, ce n'est pas vraiment de «filibusters» dont il s'agit, de mesures dilatoires. Non, non, non! Non, non! (17 h 20)

Prenons le cas que nous avons devant nous. Nous sommes tous parfaitement conscients que ce n'est pas un petit ajustement à l'affichage qui est en cause. Quand on vient nous dire que c'est inspiré des amendements Godin qui avaient été présentés autrefois, mon oeil! Est-ce qu'on pense un instant que les amendements Godin parlaient du bilinguisme dans l'affichage pour à peu près tout le monde? Qu'est-ce que c'est que ces affaires-là? Oui, c'est vrai, sur le marquage des pneus, le ministre en charge de la langue française et M. Godin, député de Mercier, étaient d'accord. Oui! Sur le marquage des pneus.

Mais on vient nous dire... Non, non! En fait, nous sommes parfaitement conscients, tous, que la loi 86 touche le fondement même de la loi 101. La loi 101 proposait un certain genre de société. La loi 86 propose une société différente. Et on a dit: Mais vous parlez bien trop. Vous avez parlé 9 heures en commission, et le gouvernement a parlé 8 h 30 min. Mais c'est un abus du processus démocratique!

M. Chevrette: C'est effrayant!

M. Parizeau: Mais vous bloquez le Parlement! Parce que nous avons, imaginez, parlé 9 heures en commission! Est-ce que les remarques préliminaires et les motions...

Vous savez, ça arrive que l'Opposition présente des motions les unes après les autres. Moi, je me souviens, quand j'étais ministre des Finances, d'avoir vu nos amis d'en face, dans l'Opposition, présenter 15 motions sur un projet de loi qui modifiait les tarifs sur l'alcool et sur le tabac, à partir de l'argument suivant: Ils voulaient un député qui ne boive jamais de vin et qui ne fume jamais comme président de la commission. C'était à l'époque où on les élisait. Ils nous ont fait le

coup pendant 3 jours. Bon! Ça, j'admets que ce sont des mesures dilatoires.

Est-ce qu'on peut dire à l'égard de ce que nous avons devant nous que l'Opposition a pris des mesures dilatoires? Il y a eu 1 motion, M. le Président, en commission, 1. Elle était déraisonnable, cette motion. Absolument déraisonnable. C'était une motion à l'effet qu'on nous présente les règlements qui vont avec la loi parce que la loi dit que l'essentiel sera décidé par règlement. On a dit: Est-ce qu'on peut voir les règlements? On va venir nous dire que c'est abusif. Ça a été la seule motion qu'on a fait. Et on en a parlé pendant ? savez-vous combien de temps? ? 1 h 20 min.

Non, le problème n'est pas là. Ça ne peut pas être ça. Ça ne peut pas être ça, parce que l'Opposition parle trop qu'on est obligé de recourir au bâillon. Il y a autre chose. C'est qu'au fond les consultations faites dans le public par le gouvernement n'ont pas très bien tourné pour lui. Ses amis traditionnels, par exemple, dans les milieux d'affaires, sur tant de projets de loi, là-dessus, ne l'ont pas tellement bien suivi.

La Chambre de commerce du Québec qui dit: II ne faut pas toucher à ça. L'Association des manufacturiers du Québec dit: Moi, je ne veux pas toucher à ça. Alors, je ne sais pas. On dit, de l'autre côté: Qui ne dit mot consent. Ah! Ah! Allons donc! Alors, on sait très bien qu'une des raisons pour laquelle elles ne voulaient pas venir, ces associations-là, c'est qu'elles avaient de la difficulté à faire l'unanimité sur quoi que ce soit là-dedans. C'était très divisé.

Il est venu quoi? Le maire de Rosemère, dans le domaine municipal. Pas l'Union des municipalités du Québec, ils n'ont pas voulu toucher à ça. Pas l'UMRCQ, ils n'ont pas voulu toucher à ça. Il est venu le maire de Rosemère dire merci. Je comprends donc, hein! Il est venu la chambre de commerce de Montréal. C'était le prix de sa fusion avec le Board of Trade. Évidemment, ils étaient d'accord. Le Conseil du patronat a dit: Oui, mais on est d'accord avec 86, mais, quand même, appliquez-la pas trop. C'est dangereux, cette loi.

Le maire de Montréal, dans le domaine municipal, est venu dire: Voici, moi, j'ai une formule pour l'affichage. Le maire de Québec a dit: Ne touchez pas à ça. Dans les 2 cas, la position était incompatible avec la loi 86. On le reconnaîtra. C'est absolument incompatible avec la loi 86. Ça a mal tourné, leurs affaires.

Dans le domaine de l'enseignement, voulez-vous bien me dire qui appuie votre position, vous?

Une voix: Le PSBGM.

M. Parizeau: Oui, oui, bien sûr, je comprends donc, le PSBGM est bien d'accord. Mais, du côté de l'enseignement, des milieux de l'enseignement francophone, qui vous avez comme appui? Et je ne parle pas seulement de l'enseignement primaire ou secondaire ou de ceux qui sont impliqués dans les commissions scolaires. Ça ne vous frappe pas, vous, que 370 professeurs d'université, M. le Président, dénoncent la loi 86? Moi, j'ai été professeur d'université pendant longtemps, pendant au-delà de 30 ans. Je n'ai jamais vu ça, moi, 370 professeurs d'université qui signent une pétition dans un sens ou dans l'autre. C'est la première fois que ça arrivait. Ça n'a pas été très bien, leurs affaires.

Alors, là, on comprend un peu mieux. Pourquoi est-ce qu'ils auraient continué un débat qui, au fond, tournait de plus en plus mal au fur et à mesure où ils avançaient? Ce n'est pas très drôle, ce matin, le dévoilement de l'avis juridique de M. Ramsey Clark, sous-ministre de la Justice du président Kennedy, ministre de la Justice sous le président Johnson, pas très drôle, pas très drôle du tout, contredisant complètement les avis dont on a dit qu'ils venaient des Nations unies, parce qu'on leur a donné un sens qu'ils n'ont jamais eu, à ces avis-là. Tout tournait mal. Au fond, c'est un débat qu'il fallait arrêter.

L'urgence? Ah oui! l'urgence. L'urgence de quoi? D'arrêter ce débat-là. Parce qu'on sait très bien ce qui va se produire. Vous arrêtez le débat ici, en Chambre. Dans ces conditions, le débat va cesser dans les journaux. Et, donc, dans 4, 5 jours, vous direz: Ouf! On a traversé un mauvais moment. C'est ça, l'idée. Qu'est-ce qu'on veut garder, au bout du compte? On veut garder l'impression, dans les milieux anglophones, que le gouvernement est de leur côté et que, pour la prochaine élection, ce gouvernement, qui a eu maille à partir avec beaucoup d'anglophones à cause de ses promesses non remplies de 1985, est capable d'arriver en campagne électorale en disant: Aïe! Vous voyez, là, je les ai satisfaites, en retard peut-être, mais je les ai satisfaites, mes promesses de 1985. C'est ça, au fond, l'urgence: arrêter un débat qui tournait de plus en plus mal pour le gouvernement. Il n'avait plus rien à attendre de ce débat-là, au contraire.

C'est ce qui fait, M. le Président, que nous n'aurons discuté, en commission, ni des changements à apporter au système d'éducation... Du tout, pas un mot. On n'en aura pas discuté. De la francisation des entreprises, on n'en aura pas parlé du tout. De l'abolition de la Commission de protection de la langue française, pas un mot, hein! On va voter ça en bloc, tout à l'heure. Toutes ces questions-là, c'est peu de chose, l'enseignement, le travail et l'administration, dans une société. Eh bien, nous allons être forcés de voter ça en bloc parce que le gouvernement a décidé qu'il était urgent d'arrêter un débat qui tournait mal pour lui.

Merci, M. le Président.

M. Libman: Article 213, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de l'article 213, M. le chef de l'Opposition, est-ce que vous acceptez de répondre à une question? Vous acceptez. Alors, courte question, courte réponse.

Allez-y, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Est-ce que le chef de l'Opposition,

qui a mentionné qu'il y avait beaucoup de satisfaction pour ce projet de loi, reconnaît le fait que tous les intervenants du milieu anglophone au Québec sont venus exprimer leurs inquiétudes à l'effet que le projet de loi 86 ne va pas assez loin pour satisfaire certaines inquiétudes de la communauté anglophone?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Parizeau: M. le Président, et je les félicite, ils ont réussi à obtenir de ce gouvernement beaucoup plus qu'il y a encore 3 mois ils pensaient obtenir. L'appétit venant en mangeant, ils sont venus dire qu'ils en voulaient davantage. Bravo pour eux!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, votre intervention, M. le chef de l'Opposition, a épuisé l'enveloppe qui était mise à la disposition de votre formation.

M. le député de Drummond, vous avez droit à une intervention de 5 minutes.

M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président.

Dans les 300 secondes que vous allez m'allouer... Dans les 300 secondes que vous m'allouez, M. le Président, j'aimerais rétablir quelque chose. Lorsqu'on a accepté la recevabilité ? et, c'est devenu une tradition, de la part du leader, de dire des demi-vérités. M. le Président, je laisserai mes citoyens et mes citoyennes juger ? il a mentionné qu'on avait adopté un projet de loi pour aider le député à avoir un budget de recherche et que pour ça il pourrait peut-être avoir... reconnaissant toutefois, ayant eu cette honnêteté intellectuelle, je vais lui le reconnaître, de dire: Eh bien, peut-être qu'il n'a pas engagé ses gens. (17 h 30)

M. le Président, j'aimerais rappeler au leader du gouvernement, parce qu'il n'a pas le droit d'ignorer les procédures et les règles, les coutumes de cette Assemblée ? est-ce que c'est voulu ou est-ce que c'est par méconnaissance de nos procédures, M. le Président? ? j'aimerais lui rappeler que le bureau, après que la loi a été adoptée, a à se réunir et à statuer sur le montant. Donc, je n'ai aucun montant, à l'heure actuelle, M. le Président, pour engager des fonds pour avoir des recherches.

M. le Président, lorsqu'on parle de l'urgence et de la recevabilité, lorsque j'ai eu à intervenir sur l'adoption de principe, j'avais établi les quatre paramètres. J'avais dit aussi que ce qui guiderait le député de Drummond, M. le Président, c'était un peu la philosophie qu'on nous enseignait dans mon temps, qui voulait que, depuis Aristote aussi, on savait que, toute chose égale... des choses différentes, les traiter également, c'est faire une injustice. Alors, c'était le paramètre qui était pour me guider dans ce projet de loi, M. le Président, avec les moyens qu'on m'a donnés.

Encore là, j'aimerais rappeler que le projet de loi 10, qui a donné au député de Westmount un projet de recherche, a été adopté dans la même journée, le 14 mai 1992, et, dans le cas du député de Drummond, ça a pris au-delà de 6 mois. Je laisserai encore les gens juger, M. le Président, le motif, parce que vous allez me dire que je n'ai pas le droit d'imputer des motifs à quelqu'un d'autre. Je laisserai mes citoyens et mes citoyennes et ceux qui nous écoutent dire pourquoi ça a pris moins de 10 minutes, dans un cas, le 14 mai 1992, et au-delà de 6 mois dans le cas du député de Drummond, M. le Président.

Mais, ceci étant dit, M. le Président, vous allez comprendre que je ne pourrai pas arriver tout à l'heure et déposer des amendements parce qu'au moment où je vous parle, M. le Président, je ne sais... Et j'ai essayé de suivre, le soir et une partie des nuits, les amendements, parce que je ne peux pas être dans n'importe quelle commission parlementaire, je suis seul, M. le Président. Et j'ai essayé d'avoir les amendements, M. le Président, et d'avoir le dépôt des règlements.

Au moment où je vous parle, est-ce que j'ai tous les règlements, M. le Président, est-ce que j'ai tous les amendements qui seront apportés? Je ne le sais pas. J'aurais aimé, moi, lorsque le leader du gouvernement s'est levé pour plaider l'urgence, M. le Président, qu'il nous déclare: MM. les parlementaires, tout ce qui a été déposé à la commission comprend l'intégralité des amendements qu'il y avait au projet de loi et des règlements à être déposés, et on va espérer que le député de Drummond, n'ayant pas cette information-là, va être capable de suggérer des amendements, M. le Président. Non.

Et je ne crois pas, M. le Président, qu'on avait atteint la limite de ce projet de loi là. J'ai dit et je répète, M. le Président, qu'un projet de loi se doit d'être porteur d'avenir. Un projet de loi se doit d'être quelque chose qui va réunifier. Je me serais attendu à un projet de loi, M. le Président, qui aurait été un nouveau pacte linguistique au Québec. Est-ce que c'est ça que je retrouve, à ce moment-ci, avec les amendements que j'ai, avec les règlements que j'ai? Je vais laisser à nos citoyens et nos citoyennes le soin d'y répondre.

Mais, M. le Président, je peux comprendre peut-être un peu le sens de l'urgence, aux lettres que je reçois dans mon bureau. J'ai le privilège de représenter une circonscription électorale qui est à la limite de la région 05 administrative, qui sont les Cantons-de-1'Est, où on a une bonne communauté anglophone, M. le Président, et j'ai le plaisir de recevoir de la communauté anglophone beaucoup de correspondance et d'échanger avec elle. Et je sais les attentes de la région. Pour la Townshippers' Association, M. le Président, je sais quelles sont les attentes. Et je dois vous dire que ce que je lis comme correspondance et ce que je retrouve dans le projet de loi, ça ne satisfait pas non plus les attentes de la communauté anglophone. Alors, il ne satisfait pas,

M. le Président, les attentes de la communauté anglophone. Et, chez moi, dans ma région, en tant que député de Drummond, lorsque je parle à mes citoyens et à mes citoyennes, M. le Président, il ne satisfait pas non plus les attentes de la communauté francophone.

M. le Président, lorsqu'un projet de loi n'est pas terminé, lorsqu'il n'est pas complété, on devrait faire ce que Boileau a toujours dit: Sur le métier, 20 fois remettez votre ouvrage, pour être capable de le bonifier et arriver à la fin, M. le Président, avec un projet de loi qui est porteur d'avenir et porteur d'union. Et, dans ce cas-ci, M. le Président, je vous avise d'ores et déjà que je voterai contre cette motion.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Drummond.

M. le député de Mille-Îles et leader adjoint du gouvernement, vous avez droit à une intervention de 10 minutes.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, M. le Président.

M. le Président, ce sera la quatrième fois que je me lève sur le projet de loi 86 depuis son introduction en cette Chambre, sur, bien entendu, la motion d'urgence présentée par le leader du gouvernement et ministre de l'Environnement. «Urgence», M. le Président, peut signifier plusieurs choses. Lorsqu'on se réfère au petit dictionnaire Larousse, on dit qu'il est urgent de faire quelque chose lorsqu'il est nécessaire de faire tout de suite quelque chose, quelque chose qui ne peut être différé dans le temps. Ça n'a aucune relation avec une urgence santé, lorsque la santé de quelqu'un est en péril. Lorsqu'on dit qu'il y a nécessité de faire quelque chose, «urgence», il faut l'entendre dans cette signification.

Or, quels sont les motifs de la nécessité de procéder immédiatement à l'adoption du projet de loi 86? Il y en a plusieurs, M. le Président. Alors, dans les quelque 10 minutes que j'ai à ma disposition, je vais tenter de vous les donner point pas point.

Premier motif. Un motif, d'abord, de rationalité. M. le Président, lorsque l'Opposition nous a présenté, par la députée de Chicoutimi, la critique en matière de langue, une motion de report pour reporter de 6 mois l'étude du projet de loi et lorsque le chef de l'Opposition a dit très clairement en cette Assemblée que, si un gouvernement du Parti québécois était élu à la prochaine campagne, il abrogerait la loi 86, M. le Président, nous allons faire perdre le temps de cette Chambre, l'argent des citoyens, les dollars des citoyens à retarder l'adoption de ce projet de loi? D'abord, un motif de rationalité. deuxième motif. il est nécessaire, m. le président, pour un motif de légitimité politique, d'exprimer la voix de la très grande majorité des québécoises et des québécois: 70 % des québécoises et des québécois ont dit, m. le président, dans les différents sondages, que, oui, ils étaient en accord avec la position du gouvernement du Québec. Donc, nous sommes ici, M. le Président, pour une chose: représenter la véritable volonté de la très grande majorité des Québécois et des Québécoises, et non pas se plier à des jeux parlementaires pour le bénéfice de parlementaires de l'Opposition qui amusent la galerie et les caméras.

Troisième motif, M. le Président, pour lequel il est nécessaire, urgent, de procéder à l'adoption du projet de loi 86. Un motif d'incompréhension fondamentale de la part des membres de l'Opposition. C'est venu de quelqu'un qui a été candidat du Parti québécois dans Louis-Hébert, Me Guy Bertrand. Ça a été toute une gifle et toute une claque qu'il leur a données, M. le Président. Il a dit, et je vais citer Me Guy Bertrand: II faut sortir du passé et mettre fin à ces discours démodés et haineux des frustrés de l'élite nationaliste. On doit cesser les discours qui visent à désinformer le peuple, à lui faire peur et à sombrer dans la paranoïa.» Fin de la citation.

Alors, Me Bertrand, qu'est-ce qu'il nous disait? Qu'est-ce qu'il leur disait à ses compagnons d'armes, peut-être à ses ex-compagnons d'armes? C'est qu'ils étaient totalement dépassés, qu'ils étaient enfermés dans la garde-robe des souvenirs linguistiques, d'une autre période, d'une autre ère préhistorique, M. le Président. Il leur disait, en plus, et je lis un autre motif, c'est ceci, je cite Me Bertrand: «On n'a plus le droit, dans une situation de crise économique, de susciter la révolte par des discours qui vont faire dire aux investisseurs: Encore un Québec déstabilisé à cause de la politique linguistique!, alors qu'on a besoin d'eux et qu'on ne sait pas comment les citoyens vont s'en sortir.»

Motif, M. le Président, de santé économique. La nécessité d'attirer des investisseurs pour créer des emplois pour les Québécoises et les Québécois. Cessez cette paranoïa. L'urgence de voter le projet de loi 86, M. le Président, c'est un motif de thérapie collective. Cessez de vivre cette paranoïa, la peur de F«enclosphobie». Il n'y a personne qui va bouffer, effectivement, les francophones au Québec. On en a fait la preuve avec nos lois linguistiques. On s'est très bien protégé et on s'est développé. Je pense que c'est un motif d'urgence, dans le sens de la nécessité de faire quelque chose. (17 h 40) ii y a un motif évident, m. le président, un motif de nécessité, un motif de déconnection de la part de l'opposition, avec la base même de leurs militants. m. le président, dans le sondage crop-la presse, le 27 mai 1993 ? ça ne fait pas longtemps, ça ? 60 % des électeurs qui ont voté parti québécois en 1989 se disent en accord et acceptent l'affichage bilingue; 60 %. je comprends bien que le leader de l'opposition et le chef de l'opposition veulent faire un baroud d'honneur alors que, là, littéralement, le tapis leur est retiré en dessous des pieds, que leur base électorale leur dit même: vous n'êtes pas du tout dans la bonne voie. vous errez. vous vous trompez, effectivement, de train. vous n'êtes pas

embarqués dans la bonne locomotive. Vous n'allez pas au bon endroit. Et ils continuent tout simplement à déchirer leur chemise ici, à l'Assemblée nationale, pour dire que le gouvernement est autoritaire en présentant la motion que le leader du gouvernement vient de présenter. bien plus, m. le président, je pense que la nécessité est la mère de la motion présentée par le leader du gouvernement, et je m'explique. plus de 80 % des québécoises et des québécois, dans le sondage som-le soleil du 22 mai 1993 ? il y a moins de 3 semaines ? 80 % des québécoises et des québécois ont dit qu'ils étaient d'accord avec des bains linguistiques. il y a peut-être seulement la députée de chicoutimi qui est en désaccord avec ça, m. le président, mais c'est son problème et ce n'est pas le problème des québécoises et des québécois. et les québécoises et les québécois n'en ont rien à foutre de ce que la députée de chicoutimi ou de ce que les députés de l'opposition... quand il y a 4 personnes sur 5, 8 personnes sur 10 qui disent: oui, on veut que nos enfants, pas qu'ils soient obligés...

Parce que j'écoutais le leader de l'Opposition nous dire: Ils vont être obligés. Bien, voyons donc! Ce n'est pas ça du tout. Ça, c'est de la désinformation, c'est ne pas connaître ce qu'est un bain linguistique. Ça ne sera pas une obligation, ça va être une possibilité, un droit additionnel pour que nos jeunes soient mieux instruits dans une seconde langue, qu'ils aient des talents de plus pour mieux performer dans l'économie nord-américaine, dans l'économie canadienne, dans l'économie américaine continentale qui vient de s'ouvrir avec le traité de libre-échange.

Il est évident, M. le Président, que le dernier motif de nécessité, d'urgence, nécessité dans le sens qu'il est nécessaire de faire tout de suite quelque chose... Et je voudrais vous livrer ça, M. le Président, pour tenter un peu de dérider tout le monde, parce que j'ai entendu, au cours des débats, des termes qui ne sont pas tout à fait parlementaires. Le motif, c'est un motif d'humanité envers les députés de l'Opposition. Je m'explique, M. le Président. Il est absolument, irrévocablement urgent que la menace du chef de l'Opposition, le député de l'Assomption, soit celle de botter le derrière de ses députés qui ne comprennent pas l'anglais... Si ce n'était pour leur permettre de continuer de siéger à l'Assemblée nationale jusqu'à la fin de session, assis sur leur siège, il y aurait urgence et nécessité d'adopter la motion du leader du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): L'intervention du député de Mille-Îles épuise l'enveloppe réservée aux députés ministériels.

M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui, M. le Président. Est-ce que je pourrais poser une question au député de Mille-Îles?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous acceptez de répondre à une question, M. le député de Mille-Îles? Allez-y. Courte question, courte réponse.

M. Beaulne: Oui, M. le Président. Comment le député de Mille-Îles, qui a fait, dans son préambule, l'apologie de la rationalité, peut-il expliquer qu'il fait de Me Guy Bertrand un héros lorsqu'il critique les positions linguistiques du Parti québécois, alors que, pendant des années, lui et ses collègues l'ont vilipendé sur la place publique en raison de ses prises de position souverainistes?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Vous savez, M. le Président, il est permis, effectivement, à toute personne de connaître son chemin de Damas et de se repentir. Et je pense que, dans le présent cas, Me Bertrand a bien compris, lors d'un congrès de juristes aux États-Unis, qu'il était dans l'intérêt des Québécoises et des Québécois que le projet de loi 86 soit adopté. Et je ne pense pas que c'est être illogique que de reconnaître ses propres torts.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, le débat sur la motion de suspension des règles est terminé. Je vais maintenant mettre aux voix la motion du leader du gouvernement.

Vous demandez le vote nominal? Qu'on appelle les députés. (17 h 46 - 17 h 54)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je mets aux voix la motion du leader du gouvernement proposant la suspension de certaines règles de procédure en vertu des articles 182 et 183 de notre règlement.

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Charlesbourg), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Sirros (Laurier), M. Rivard (Rosemont), Mme Robic (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Ciaccia (Mont-Royal), Mme Robillard (Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), Mme Trépanier (Dorion), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Bégin (Bellechasse), Mme Pelchat (Va-chon), M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Thérien

(Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), M. Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. LeSage (Hull), M. Gobé (LaFontaine), M. Jo-ly (Fabre), M. Lafirenière (Gatineau), M. Bordeleau (Acadie), M. Parent (Sauvé), M. Brouillette (Cham-plain), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Cardinal {Châ-teauguay), M. Després (Limoilou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Baril (Arthabaska), Mme Caron (Terrebonne), M. Du-four (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), M. Paré (Shefford), M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M. Trudel (Rouyn-Noran-da?Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme Car-rier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou), M. Saint-Roch (Drummond).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 59 contre: 23 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est adoptée.

M. le leader du gouvernement, M. le leader adjoint.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Dans les circonstances, je vous demanderais de reconnaître le président de la commission de la culture pour dépôt de son rapport.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Louis-Hébert.

Dépôt du rapport de la commission

qui a fait l'étude détaillée

du projet de loi 86

M. Doyon: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de la culture qui a siégé, les 9, 10, 11 et 14 juin 1993, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française. L'étude du projet de loi n'a pas été complétée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, conformément à ce qui apparaît dans la motion que nous venons tout juste d'adopter, je suspends les travaux jusqu'à 19 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 14)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. Merci.

Prise en considération du rapport et des amendements déposés

Alors, conformément à la motion adoptée cet après-midi, l'Assemblée va maintenant entreprendre le débat sur le rapport de la commission de la culture qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Je rappelle les temps de parole: un maximum de 60 minutes, 25 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 25 minutes au groupe parlementaire formant l'Opposition officielle, 5 minutes au groupe des députés indépendants et 5 minutes au ministre qui présente le projet pour qu'il puisse exercer son droit de réplique.

Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, M. le ministre délégué en ce qui concerne la Charte de la langue française.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, nous voici rendus au terme d'un exercice qui dure depuis le mois de décembre dernier. En 1988, lorsque l'Assemblée nationale adoptait la loi 178, il fut clairement compris de tout le monde, parce que c'est une exigence découlant de la Constitution, que nous devrions revenir 5 ans plus tard au sujet de la fameuse clause dérogatoire que l'Assemblée avait invoquée pour justifier le maintien de Punilin-guisme français dans l'affichage extérieur. Alors, comme la loi 178 fut adoptée en 1988, il était écrit, de manière inéluctable, que nous devrions revenir en 1993. Nous l'avons fait avec franchise, ouverture et «graduaiisme». Nous avons institué la première démarche dès le mois de décembre par l'intermédiaire d'une lettre que j'adressais au Conseil de la langue française afin de lui demander son avis sur 5 questions différentes qui résumaient des problèmes observés au cours des années antérieures.

Le Conseil de la langue française, conformément à la demande qui lui avait été faite, m'adressait un avis sur chacune des questions que je lui avais soumises à la fin du mois de mars de la présente année. À la suite de cet avis du Conseil, nous avions prévu que le gouvernement consulterait le Conseil général du Parti libéral du Québec. Nous l'avons fait ouvertement, publiquement. Vers la fin du mois d'avril, c'est-à-dire à peu près 3 semaines après que l'avis du Conseil de la langue française eut été rendu public, le Conseil général du Parti libéral du Québec se réunissait et adoptait, lui aussi, une position claire sur les questions reliées à la Charte de la langue française, en particulier les questions qui avaient déjà fait l'objet d'une demande d'avis au Conseil de la langue française.

À la suite de cette réunion du conseil général du parti, au cours de laquelle il fut décidé que, tout en maintenant les objectifs fondamentaux de la Charte de la langue française, il convenait d'y apporter certains assouplissements, en particulier concernant la langue de l'affichage et la langue de l'enseignement ainsi que la langue des organismes municipaux, scolaires, hospitaliers, sociaux ou éducatifs. Nous connaissons tous les grandes lignes de la position adoptée par le conseil général du Parti libéral.

À la suite de cette réunion, le Conseil exécutif, le gouvernement, après avoir consulté le caucus ministériel, comme nous le faisons à peu près toujours d'ailleurs ? c'est une des plus belles caractéristiques du système actuel de gouvernement, que nous avons un Conseil exécutif qui travaille en étroite consultation avec le groupe des députés ministériels ? alors, les 2, le Conseil des ministres et le caucus ministériel, furent amplement consultés, et c'est après avoir fait toutes ces consultations que j'avais l'honneur de déposer en cette Chambre, avant la mi-mai, un projet de loi décrivant les modifications que nous avions décidé de proposer à l'Assemblée nationale.

Le projet de loi 86 a été amplement discuté. Personne ne peut soutenir qu'ils n'auraient pas eu le temps d'en discuter. Il a été mis sur la place publique avant l'échéance du 15 mai dernier. Nous l'avons déposé plusieurs jours avant l'échéance, si mes souvenirs sont bons. Nous avons entendu à travers la presse, à travers les médias radiophoniques et télévisés, à travers des discussions de toutes sortes dans nos circonscriptions respectives, à travers les longues séances de travail de la commission parlementaire de la culture à l'Assemblée nationale, à travers les très nombreuses questions qui nous furent adressées ici même au salon bleu à l'occasion des périodes quotidiennes de questions depuis le début de la session... La commission parlementaire a eu la chance de discuter tous les éléments importants qui sont dans le projet de loi. (19 h 20)

Maintenant, il est clair que nous devons en venir à une conclusion. On voudrait bien que nous attendions jusqu'à l'automne et, après ça, on nous traînerait jusqu'au mois de novembre, après ça on nous traînerait jusqu'à la veille de l'ajournement, en décembre, et là on dirait: Bien, ne faites rien. Ne faites rien, ce n'est pas conforme à ce que nous pensons.

Ce n'est pas comme ça qu'un gouvernement doit se conduire. Un gouvernement n'agit pas pour plaire à l'Opposition. Je n'ai jamais connu de gouvernement dont c'eut été la règle de conduite. Un gouvernement agit pour donner forme concrète, à travers des actions, à travers des programmes, aux convictions qu'il s'est engagé à défendre devant la population. Et je pense que les modifications que nous apportons, avec le projet de loi 86, à la Charte de la langue française, traduisent fidèlement les orientations du Parti libéral du Québec. Et je résumerai brièvement les principales modifications que le projet de loi apporte à la Charte.

Je souligne tout d'abord que les principes fondamentaux demeurent les mêmes. La langue française demeure la langue de l'enseignement, de l'administration publique, des affaires et du commerce, des communications ordinaires du gouvernement avec les citoyens, etc. Tous ces principes de fond demeurent, mais des assouplissements sont apportés parce que nous ne sommes pas une société homogène. Nous pouvons bien nous faire accroire que nous sommes une société où on ne parle qu'une langue et où nous sommes tous pareils, mais il suffit de se promener, à Montréal en particulier, pour constater que ce n'est pas ça, la réalité. La réalité, c'est que nous avons une société extrêmement diversifiée, M. le Président, et de plus en plus, de plus en plus. Alors, il faut bien que les rapports humains se ressentent de cette diversification qui se produit dans la société et que nous trouvions des règles de conduite qui conviennent mieux à cette réalité multiforme qui est de plus en plus celle du Québec.

Alors, le premier changement que nous apportons dans notre Charte concerne la langue de la justice et de la législation. Depuis un temps immémorial, M. le Président, à tout le moins depuis la Confédération, depuis le siècle dernier, les procédures devant les tribunaux du Québec se déroulent en français ou en anglais. La Constitution canadienne établit, depuis 1867, que l'une ou l'autre langue peut être utilisée librement devant les tribunaux, selon la volonté de la personne qui intervient. S'il s'agit d'un avocat, d'un juge, d'un témoin ou d'un technicien appelé à donner son assistance au tribunal, cette personne peut, en vertu de notre Constitution, intervenir dans sa langue. Ça a toujours été la règle depuis 1867. Ça l'est encore aujourd'hui et ça n'a jamais cessé de l'être. Mais certains s'étaient imaginé, parce qu'on avait inscrit dans la Charte des dispositions contraires... Dans la Charte, on voulait faire croire à la population que seul le français était la langue de la législation et de la justice. Nous imprimons toutes nos lois dans les 2 langues, à l'Assemblée nationale. Tous les règlements édictés par le gouvernement sont édictés en français et en anglais, mais la Charte ne disait pas ça. La Charte parlait aux Québécois. C'est la Charte, nous l'appelons la Charte à cause de l'importance souveraine qu'elle revêt dans notre vie collective.

Elle leur tenait un langage qui n'était pas conforme à la réalité historique, à la réalité juridique, à la réalité quotidienne.

Je connais assez bien la réalité juridique montréalaise pour l'avoir observée de près pendant des années. Il y a 3 de mes enfants qui sont dans la profession juridique, et nous savons tous que, dans cette profession, la très grande majorité des intervenants sont aptes à fonctionner en français et en anglais. Ils ont besoin de fonctionner en anglais au moment le plus inattendu. Il peut arriver qu'une personne soit un champion d'un nationalisme très exacerbé et que se présente devant elle un client qui vient de Hong Kong, de New York, de Winnipeg ou de Vancouver. Il faudrait bien qu'elle travaille de manière à donner satisfaction à son client. C'est un avantage que les pièces faites dans l'une ou l'autre langue puissent avoir une valeur officielle auprès des tribunaux pour toutes les fins des décisions que sont appelés à rendre les tribunaux.

Alors, voilà quelle est notre situation. Il fallait la traduire fidèlement dans la Charte de la langue française, c'est ce que nous faisons. Dans une première partie du projet de loi 86, nous apportons à la Charte toutes les modifications qui permettent d'affirmer publiquement, sans crainte d'être contredits, que cette Charte décrit fidèlement les conditions dans lesquelles sont appelés à fonctionner ceux qui sont impliqués directement dans le processus judiciaire et le processus législatif. Certains verront dans ces ajustements un recul ou une démission, j'y vois plutôt l'expression d'une attitude plus civilisée. Plus on fait de place à la liberté de chacun, surtout dans des choses aussi fondamentales que la justice et la législation, plus je pense qu'on a raison d'être fiers, parce que c'est signe qu'on agit d'une manière plus élaborée, plus exigeante et plus respectueuse des personnes. Alors, voilà le premier point.

Deuxième point: la langue de l'administration. On appelle administration non seulement le gouvernement, mais tous les organismes qui gravitent autour du gouvernement, financés par le gouvernement ou dirigés suivant des programmes ou des règles fixés par le gouvernement. Je pense aux hôpitaux, par exemple, commissions scolaires, les collèges, les services sociaux, autant d'institutions qui font partie de ce qu'on appelle l'administration. Or, la règle que définit la Charte, c'est la règle du français dans l'administration. C'est dit clairement que partout, dans tout ce qu'elle fait, l'administration doit utiliser la langue française.

Mais il y avait certaines dispositions qui demandaient des ajustements. Par exemple, quand il s'agit de santé ou de sécurité publique, là, il faut bien tenir compte du fait que nous avons peut-être 15 % de la population au Québec qui a comme langue d'usage la langue anglaise. Et les messages en matière de santé et de sécurité publique ne sont pas conçus pour plaire d'abord à la Société Saint-Jean-Baptiste ou au Mouvement national des Québécois, ils sont conçus pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des personnes, quelle que soit leur langue, quelles que soient leur culture et leur origine. Le sens commun nous indique que, si ces messages traitant de sécurité et de santé sont adressés à 15 % de la population dans la langue qu'elle comprend le mieux, ça devrait être plus efficace et plus utile que s'ils sont adressés dans une seule langue. C'est tellement évident que je pense que c'est un point sur lequel l'Opposition finira par se rendre à l'évidence. C'est une question d'évidence, M. le Président.

Il y avait un autre point que je mentionne, là. Nous avons des musées publics, des jardins botaniques, des jardins zoologiques où nous sommes extrêmement heureux et même désireux d'accueillir des visiteurs de l'Ontario, des provinces maritimes, de l'Ouest canadien, des États-Unis, de partout, mais surtout, ces visiteurs viennent du continent, puis ces visiteurs, dans une très grande majorité sont des visiteurs de langue anglaise. Jusqu'à ce jour, les inscriptions dans ces musées, là, sous les objets... Vous allez au Jardin botanique, vous allez à l'Insectarium qui est à côté du Jardin botanique, vous allez à des musées qui sont maintenus par le gouvernement, toutes les inscriptions doivent être uniquement en français. Avoir une inscription qui va être dans une autre langue à côté de l'inscription française, ça ne fera de mal à personne, mais ce n'était pas autorisé avant l'intervention législative que nous faisons avec le projet de loi 86. Nous le rendrons possible.

Il y avait une autre chose, là, bien élémentaire. Quand un ministre écrit à son homologue de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique, il doit lui écrire, en vertu de la Charte, uniquement en français. Nous n'avons pas d'objections, nous maintenons l'obligation d'écrire en français à un gouvernement extérieur au Québec, mais, actuellement, il n'est pas sûr que le ministre puisse ajouter une copie en anglais dûment signée de sa main. Il y a des ministres qui ont reçu des conseils de leurs avocats, leur disant: Vous ne devez pas initialer ou signer cette lettre, ça risquerait de lui donner un caractère qui engage le Québec. Alors, signez seulement la lettre française, puis envoyez l'autre sans signature. Qu'est-ce qu'on a l'air au bout de la ligne, chez le destinataire? Il faut se rendre à l'évidence. Moi, en tout cas, je vous le dis franchement, j'ai déjà signé ces copies de lettre, je n'ai pas demandé de permission à personne, mais avec la modification que nous apportons à la Charte, nous pourrons le faire en toute sécurité, puis les esprits étroits qui voudraient contester de telles pratiques, bien, en auront pour leurs inquiétudes, tout simplement.

En matière de signalisation routière, il y a des endroits où c'est très dangereux. Il peut arriver qu'il y ait un gros trou qui ait été causé dans le chemin, en plein milieu de la route, à un moment donné, qu'il faille mettre des affiches d'urgence. Que l'affiche soit en français et dans la langue de 15 % de la population, surtout dans une région comme celle de Montréal, c'est une affiche qui est temporaire, de toute manière, qui doit répondre à une situation urgente. Le danger d'accident est aussi grand pour celui qui parle français que pour celui qui parle la langue de la minorité. (19 h 30)

Alors, on se dit, dans ces cas-là, le ministre des Transports, qui n'est pas un impotent, pourra prendre ses responsabilités et juger par lui-même en l'absence de pictogrammes. On dit, le message sera en français si on peut trouver un pictogramme pour l'exprimer comme il en existe pour la plupart des situations routières. Le ministre devra utiliser le pictogramme. Mais, en l'absence d'un pictogramme approprié, le ministre pourra utiliser une autre langue.

La situation la plus commune, c'est celle de Sainte-Madeleine, quand on s'en va vers Québec et qu'on approche de Saint-Hyacinthe. Il existe une zone de brouillard très dangereuse. On a cherché un pictogramme qui traduirait cette situation. On n'en a point trouvé. On doit se contenter d'une affiche qui est uniquement en français. Bien, qu'on mette l'expression «brouillard» également en anglais. Si le ministre en décide, c'est lui qui décidera parce qu'il a le pouvoir réglementaire pour le faire. Je pense que personne ne va mourir, puis personne ne doit crier au scandale. Je pense qu'il est temps que nous agissions comme des adultes, M. le Président, et c'est ça que permettra le projet de loi 86.

Je parle de l'affichage commercial, quant à y être. Nous avions une législation qui permettait l'affichage dans une langue autre que le français à l'intérieur des petits établissements, des établissements de taille moyenne aussi. Mais, à l'extérieur, ça n'était pas permis. Plus nous faisons l'expérience, ça fait 15 ans que la Charte dure, nous n'avons jamais été en mesure de répondre de manière satisfaisante aux objections que cette pratique soulevait du point de vue de la liberté d'expression de ceux qui ont un message à communiquer et de ceux qui sont intéressés à recevoir un message publicitaire.

Nous l'avons expliqué de toutes les manières. Je pense qu'en particulier devant les tribunaux et devant la commission des droits de l'homme des Nations unies nous avons fourni des explications abondantes, des explications sincères et fouillées. Mais tous ont dit, tous nous ont dit, la Cour supérieure du Québec, la Cour d'appel du Québec, la Cour suprême du Canada, le Comité des droits de l'homme des Nations unies: Vous seriez capables de promouvoir votre langue sans aller jusqu'à interdire l'usage de l'autre langue.

Je pense que ça, au fond des fonds, c'est une attitude typiquement québécoise. On dit: Nous voulons être nous-mêmes, nous voulons agir suivant notre génie propre. Mais ce n'est pas dans notre nature de donner des interdictions à l'autre puis de lui dire: Toi, tu n'auras pas le droit de faire ça. Alors, nous avons trouvé une formule, dans le projet de loi 86, qui obligera tous les annonceurs qui voudront annoncer à l'extérieur à utiliser le français. Le français sera obligatoire partout. Celui qui voudra recourir à une autre langue, en particulier la langue anglaise, pourra le faire mais à condition que son message soit présenté de manière telle que le français occupe toujours une place nettement prédominante.

On nous avait dit: Oui, mais qu'est-ce que tout ça veut dire? Quelle sera l'application? Nous avons déposé des projets de règlements, M. le Président. On a fait tout un pseudo-scandale avec ça. Pendant combien de fois j'ai entendu la députée de Chicoutimi invoquer l'exemple du ministre précédent de la langue, le député de Mercier, et nous dire dans cette Chambre, à combien de reprises: Dans le temps, nous autres, on a déposé un projet de loi accompagné des règlements. C'était radicalement faux. Nous avons fait les vérifications. Et l'ancien ministre, le député de Mercier, est venu me voir lui-même ? c'est un homme honnête, un homme sincère ? pour me dire: M. le ministre, vous avez raison, je n'ai jamais déposé de règlements quand j'ai présenté mon projet de loi. Je m'en excuse auprès de vous si d'autres ont soutenu le contraire. Et, nous autres, nous les avons déposés, M. le Président, sans vantardise, à travers toutes sortes de critiques que nous avons subies volontiers.

Mais, l'autre jour, le plus drôle, quand j'ai déposé le Règlement sur la langue du commerce et des affaires, il a été l'objet de très peu de commentaires. Et vous savez pourquoi? C'est parce que 90 % du contenu de ce règlement est emprunté d'un projet de règlement qui avait été publié en 1985 par le gouvernement précédent, sous l'autorité du député actuel de Mercier, M. Gérald Godin. J'avais dit au député de Mercier: Quand vous verrez le projet de règlement, je pense que nous serons encore plus proches que nous ne l'étions avant. Puis je dois vous dire qu'au plan intellectuel je m'entends assez bien avec lui.

Alors, voilà! Si on veut contredire ce que je viens d'affirmer, nous serons très heureux, pas d'entendre la contradiction, parce que, ça, nous y sommes habitués, mais d'entendre la preuve. C'est ça que nous demandons, M. le Président. Qu'on cesse d'affirmer, qu'on prouve! Nous autres, quand nous affirmons, nous établissons des preuves. C'est pour ça que nous pouvons parler avec une certaine fermeté. Quand on a vérifié, quand on a fait son travail comme il faut, quand on a étudié le sujet à fond puis qu'on a vérifié les faits, on est en mesure de dire: Ceci est vrai puis ceci n'est pas vrai, parce qu'on a fait l'exercice avant.

Sur la langue de l'enseignement pour l'admission à l'école anglaise, il suffit d'écouter nos amis les porte-parole du Parti Égalité dans cette Chambre pour savoir qu'il n'y a pratiquement pas de changement. S'il y avait eu des changements importants, qu'est-ce qu'aurait fait le député de D'Arcy-McGee, le député de Jacques-Cartier? Ils se seraient levés dans cette Chambre, puis ils auraient dit: Nous remercions le gouvernement d'avoir fait des ouvertures.

Pardon? Non, ils ont voté contre jusqu'à maintenant. Vous n'étiez pas là pour les votes? Ils ont voté contre. Puis, ils ont dit, justement: Nous votons contre. Us ont même présenté une motion de scission en cette Chambre ? pour laquelle vous avez voté, d'ailleurs ? demandant de séparer la partie de l'affichage et du commerce de la partie de l'enseignement. Ils ont voté

contre. Pourquoi? C'est parce que nous maintenons la règle fondamentale suivant laquelle tous les enfants de foyer francophone, tous les enfants de foyer immigrant, de foyer dont les parents sont venus au Canada à un certain âge, après avoir commencé leur existence ailleurs, doivent aller à l'école française. Alors, c'est un point qui est clairement établi.

Il y a des assouplissements mineurs, pour des cas très particuliers, qui avaient été portés à notre attention, mais qui ne modifient en rien l'équilibre général des inscriptions scolaires au Québec.

En plus, nous entendions des complaintes depuis... Franchement, moi, je suis dans la vie publique depuis à peu près 40 ans. J'entendais des complaintes depuis au-delà d'une vingtaine d'années quant à la qualité médiocre de l'apprentissage de la langue seconde dans nos écoles françaises. Que d'enseignants m'ont dit: Si nous avions plus de souplesse dans le choix des moyens, nous pourrions faire des choses plus intéressantes de ce côté. Puis, que de fois on m'a signalé qu'une disposition particulière de la Charte comportait, créait des obstacles à cette fin.

Alors, avec le projet de loi 86, nous ne lançons pas l'immersion à travers tout le Québec, sans considération. Nous donnons à la ministre de l'Éducation la liberté d'examiner cette question, de consulter ses conseillers, de consulter le Conseil supérieur de l'éducation, puis de proposer au besoin, quand elle le jugera approprié, des améliorations dans les méthodes actuelles d'apprentissage de la langue seconde.

Il est temps qu'on cesse de dépenser des millions, des millions de dollars chaque année pour l'enseignement de la langue seconde dans les écoles, puis que ça ne donne rien. Ça ne donne rien!

Quand un élève sort de l'école après 11 ans de scolarité payée par les contribuables, qu'on lui demande d'écrire un petit texte de 10 lignes en anglais, qu'il n'est pas capable, bien, il est temps qu'on se choque d'une situation comme celle-là, puis qu'on se dise: On va réagir comme une société adulte est capable de le faire. Qu'on cesse d'invoquer les peurs et les frayeurs, puis tenter de faire peur au monde, puis tenter de faire croire au monde ? surtout! ? que nous voudrions, en quelque manière, angliciser les écoles françaises ou en faire des écoles bilingues. Rien de tel dans les intentions du gouvernement. Nous maintenons la disposition de la Charte, selon laquelle l'enseignement se fait en français dans les écoles françaises. C'est clairement écrit. Cet article de la Charte n'est aucunement touché. Nous ajoutons que l'apprentissage de la langue seconde pourra se faire d'une manière plus souple que ça s'est fait jusqu'à maintenant, afin que des résultats meilleurs puissent être procurés.

Je termine, M. le Président, en indiquant que les assouplissements que nous apportons à la Charte permettront au Québec de maintenir son identité, comme il l'a fait d'ailleurs depuis 2 siècles, avant et après la Charte. Cessons de nous faire des illusions sur ce sujet. Notre survie dépend d'abord de ce que nous sommes et pas des lois auxquelles tel parti ou tel autre voudrait nous attacher d'une manière servile.

Alors, notre peuple pourra continuer de se développer, mais il aura un peu plus de latitude pour vivre d'une manière qui, tout en lui permettant d'être fidèle à lui-même, lui permettra aussi de mieux adapter ses rapports avec les autres, en particulier avec tout un continent qui l'entoure et dont la langue de 98 % des habitants est une langue autre que le français, que nous connaissons tous.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous en sommes à la prise en considération du rapport de la commission de la culture, et je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme la députée.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le ministre ouvre son allocution en disant: Au terme d'une opération qui a débuté en décembre dernier. Oui, l'opération a débuté en décembre dernier. Oui, le ministre a eu les avis du Conseil de la langue française de même que du Conseil général du Parti libéral du Québec. Oui, il y a eu ces consultations. Oui. Cependant, ces 2 organismes, le Conseil de la langue et les instances du Parti libéral, lui ont dit: Vous n'allez pas dans la bonne direction. Le Conseil de la langue française, sur les 5 questions posées par le ministre, a dit, à la question de l'affichage: Les petits commerces. Sinon, si vous envisagez d'autoriser l'affichage dans les grands commerces, vous risquez de propager ? et j'utilise le terme du Conseil de la langue française ? l'anglicisation dans tout le Québec. Ce n'est pas Jeanne Blackburn, députée de Chicoutimi, étrangère... Selon le directeur et éditeur de La Presse, Roger D. Landry, je suis étrangère. Je ne suis pas de Montréal, je dois être une étrangère. (19 h 40)

Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil de la langue française, sur lequel Conseil de la langue française siège, entre autres, un homme que respecte beaucoup le ministre ? moi également ? qui s'appelle Charles Taylor. Il disait non. Non à l'affichage que propose le ministre. Pas Jeanne Blackburn, pas les péquistes ou «péquistisants», les «séparatisants», comme le disait le terme du ministre. Le Conseil de la langue française, sur lequel siègent de nombreux amis du ministre, lui a dit: Les petits commerces.

Alors, il dit: Oui, j'ai consulté. Il a consulté et il n'a pas écouté! Les instances du Parti libéral ont dit: Ne touchez pas aux panneaux et essayez de mettre un certain nombre de règles, mais surtout, surtout, renforcez les dispositions touchant le français au travail. Il n'a pas dit: Touchez à l'école. Il n'a pas dit: Touchez à la langue de l'administration. Il n'a pas dit: Permettez aux

sociétés d'État telle Hydro-Québec l'affichage bilingue. Jamais! Ça n'a jamais paru dans aucun de ces rapports, sur toutes les questions, sur les 5 questions.

À celle touchant le statut des villes bilingues, ils ont dit: Assouplissez un peu votre disposition, mais n'abolissez pas ça. Renforcez les pouvoirs de l'Office de la langue française. Il les a abolis, pour ainsi dire; il a aboli la Commission de protection de la langue française.

On peut bien dire, comme l'a fait le ministre... S'il écoutait un peu... Il parle en même temps, c'est bien embarrassant.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, s'il vous plaît! Mme la députée, si vous voulez poursuivre votre intervention. Je demande l'attention de mes collègues. Vous pouvez poursuivre, Mme la députée.

Mme Blackburn: Le ministre pourra nous dire pendant des semaines, des semaines et des heures qu'il a consulté. Il n'a écouté aucun des avis. Il n'a écouté aucun des avis, y compris l'avis des instances du Parti libéral du Québec.

Le projet de loi a été déposé le 6 mai. Nous sommes aujourd'hui le 17, M. le Président. Ça vous donne exactement 1 mois et 11 jours. Et là il est en train de nous dire qu'il a fait une très large consultation, que tout le monde a pu se prononcer. C'est induire la population en erreur, induire la population en erreur. Et je réserve, je limite l'expression, parce qu'il y a une expression qui serait beaucoup plus conforme à ce que le gouvernement est en train d'essayer de faire.

Le ministre dit ? je reprends un peu les points, parce que je sais qu'il y a des gens qui peuvent écouter nos débats et qui s'intéressent à ces questions; on ne peut pas le laisser dire n'importe quoi ? il dit: Pour des raisons de santé et de sécurité, on doit afficher anglais-français. Il a été incapable, incapable de nous fournir une seule donnée, un seul cas attribuable à Punilin-guisme français pour lequel il y aurait eu des accidents; aucun, aucun. Et, d'ailleurs, le Conseil de la langue lui dit: Nous n'avons aucune information nous permettant...

M. le Président, les caucus, c'est embarrassant. Le ministre parle plus fort que moi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, je demanderais aux membres d'écouter la députée qui s'adresse à vous. Mme la députée, si vous voulez poursuivre. S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Mme la députée, si vous voulez poursuivre.

Mme Blackburn: M. le Président, le ministre fait exactement ce qu'il fait tout le temps. Il n'a pas écouté le Conseil de la langue, il n'a pas écouté les instances générales du Parti libéral, encore moins les jeunes libéraux, évidemment. Ils n'existent plus comme tels. Il a réussi à les évincer du parti. Il n'écoute pas davantage ce qu'on dit ici, en Chambre.

Mais, il y a exactement 1 mois et 11 jours que la loi a été déposée. Il dit: Après de longs et très longs débats. Deux cent vingt heures de débat en commission parlementaire; 5 mois, lorsqu'on a adopté la loi 101. Il trouvait ça insuffisant. On avait mis fin de façon abrupte, disait-il, écrivait-il, à l'époque, aux travaux de la commission; abrupte, 5 mois de débats, il l'admettait, 220 heures de commission, et c'était mis fin de façon abrupte. Là, on a 17 heures de débat en commission parlementaire.

Quand il dit ? je reviens ? santé et sécurité, qu'il faut afficher bilingue, anglais-français, pour des raisons de sécurité, c'est tromper la population. Le Conseil de la langue française le dit: II n'y a aucun accident relié à Funilinguisme français dans l'affichage qui a été dénoncé. La même chose sur les routes. Puis, là, il a essayé de nous faire exactement ce qu'il avait fait avec l'histoire de l'Afrique du Sud, comparant le Québec à l'Afrique du Sud.

Selon Benetton ? Benetton, une firme qu'il doit particulièrement, lui, apprécier ? Benetton aurait dit qu'on était dans les pays intransigeants au même titre que l'Afrique du Sud. Alors, le ministre a repris ces propos à son compte, au grand déshonneur des Québécois, d'ailleurs. Il ne faudra pas s'étonner, après ça, qu'on ait vraiment mauvaise réputation à l'étranger, puisque le ministre lui-même compare le Québec à l'Afrique du Sud. Vous savez, il faut le faire.

Mais, lorsqu'il nous a dit: II y a eu un gros accident à Sainte-Madeleine, où il y a généralement du brouillard, puis on ne le sait pas, c'est peut-être dû à l'unilinguisme français dans les affichages, il n'y a pas un policier qui lui a dit ça. Il n'y a personne qui a annoncé ça. Ça n'existe nulle part dans les comptes rendus des policiers. Le Conseil de la langue ne l'a pas noté. Il y a un bout à dire n'importe quoi. Il n'y a aucun accident au Québec qui a été attribuable à l'unilinguisme français, selon les données dont on dispose et dont le Conseil dispose. Alors, c'est vouloir vraiment élargir pour élargir.

En matière de signalisation routière, moi, je trouve que c'est méprisant à l'endroit des touristes que de prétendre qu'ils sont incapables de décrypter une affiche ou un panneau de signalisation routière en français. Il faut les prendre pour des demeurés. Vous avez tous un peu voyagé. Ils ne s'arrangent pas pour vous mettre ça en français parce que vous êtes en Italie. Voyons donc! Ça n'existe pas. Moi, je me dis: Être agente de voyages, je n'enverrais jamais les Américains ou les Anglo-Canadiens en Europe. Ils ne reviennent pas vivants, certain, certain. Ça n'a pas de bon sens.

Vous savez, on ne peut pas dire n'importe quoi. C'est rire du monde, ça. Qui plus est, plus vous avez d'inscriptions sur des affiches, il est démontré que ça peut occasionner des accidents, occasionner des accidents. Ça, ce n'est pas moi non plus qui le dit. Il y a des rapports officiels là-dessus. Il y a des rapports officiels là-dessus.

À présent, il dit: Écoutez, en matière d'administration, je peux vouloir écrire à mon collègue en Ontario

avec une version officiellement signée en anglais. D'abord, il nous annonce qu'il n'a jamais respecté ça, on le sait. Il est Dieu le Père, il est au-dessus des lois. Mais, peu importe, il ne l'a jamais respecté. Est-ce qu'il s'est déjà demandé si ses homologues canadiens se donnaient la peine de nous écrire en français? Ça m'étonne-rait profondément.

Il me dit ? et là je le trouve proprement malhonnête et je dois le dire ? il me dit, il nous dit, et il le répète à plusieurs reprises, que nous avons déclaré à de multiples reprises, en Chambre, qu'on avait déposé les règlements. Oui, je l'ai dit une fois, et en commission parlementaire et, après vérification auprès du député Godin de Mercier, il m'a dit: J'ai vérifié, et, effectivement, il y avait les règlements existants, et j'ai demandé au député de Mercier d'aller informer le ministre, et le ministre le sait. Alors, quand il nous fait ce genre à vouloir se scandaliser supposément parce qu'on aurait dit des choses, et que volontairement il n'a pas l'élégance de reconnaître que c'est moi qui ai demandé de l'informer, et qu'il est ensuite informé en commission parlementaire, ça ne vole pas haut.

M. le Président, la langue du commerce et des affaires. D'abord, il y a la langue de l'administration. Les sociétés d'État, qui ne l'avaient jamais demandé, seront dorénavant autorisées à afficher anglais et français. Brillant! Brillant! Ils vont peut-être acheter un petit peu plus d'alcool, mais j'ai comme idée qu'en baissant les taxes il y aurait peut-être un peu plus de ventes d'alcool. C'est beaucoup plus lié aux taxes nombreuses sur les vins et les alcools, la baisse de revenus de la Société des alcools du Québec, que sur l'unilinguisme français. Qui plus est, faut-il ajouter, il nous dit: Moi, écoutez, la Société d'habitation du Québec, je veux promouvoir un projet de développement. Et il dit: II faut que je puisse faire ça dans la langue du monde. Je veux bien le croire, mais, au cas où il ne le saurait pas ? je sais qu'il le sait ? il peut écrire à tous ses commettants en anglais, à leur demande, il peut faire toutes les petites publications, brochures, documents en anglais, il peut publier en anglais dans les journaux, à la radio, à la télévision anglaise, il peut tout faire ça. Qu'est-ce que ça lui donne de plus? Mettre un grand panneau disant: Générosité de la Société d'habitation du Québec, en 2 langues, ça va nous donner quoi de plus au Québec, ça? C'est l'exemple qu'il nous a fourni en commission parlementaire. (19 h 50)

En ce qui a trait à l'affichage public et à la publicité commerciale, le français, unilingue français, sur les affiches, c'est devenu l'exception, et il a avoué en commission parlementaire que, effectivement, dorénavant, il y aurait plus d'anglais et plus de français, c'était normal parce que nous étions Canadiens et que nous étions soumis à la Loi sur les langues officielles. C'est bilingue au Québec. Voyons donc! Pourquoi est-ce qu'on ne s'y soumettrait pas? Il admettait qu'il y aurait, effectivement, plus de bilinguisme au Québec. Ce n'est pas moi qui l'invente, non plus. Et il dit: Dans le fond, il faut reconnaître les 2 langues officielles. Ça aussi, c'est textuel dans la retranscription des débats.

En ce qui a trait à l'affichage commercial, à la publicité, l'unilinguisme français devient l'exception. Et, quand le ministre a annoncé qu'il ne se contentait pas de faire ça pour le privé, il le fait pour les sociétés d'État, il y a quelque chose de gênant quand on sait que le Conseil du patronat invitait ses organismes à la prudence là-dedans. Le ministre donne l'exemple, il dit: Écoutez, allez-y donc, c'est supposé nous faire faire des affaires. Curieusement, c'était le même raisonnement pour l'ouverture des commerces le dimanche, avec les résultats qu'on connaît: les ventes ont diminué.

Moi, je voudrais demander au gouvernement: Où sont ses appuis? Cet après-midi, j'ai eu beaucoup de plaisir à entendre les députés de l'autre côté de la Chambre se référer aux propos de Guy Bertrand. Guy Bertrand est devenu le modèle des libéraux! Bien, je dis bravo, parce qu'il est resté souverainiste. Il est resté souverainiste. Je dis bravo! Il est resté souverainiste. Mais...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, MM. les députés! S'il vous plaît! Madame s'adresse à la présidence, et il est tout à fait normal... Elle continue son discours. Si vous voulez ne pas l'interrompre, je vous reconnaîtrai quand vous aurez la parole.

Mme la députée, si vous voulez poursuivre.

Mme Blackburn: Où sont les appuis à ce gouvernement, à ce projet de loi? Trois cent soixante-dix professeurs d'université ont signé une pétition en disant: Ça n'a pas de bon sens, retirez ça. Vous avez la Fédération des commissions scolaires, elle est venue dire que ce serait difficilement applicable par rapport à la clause grand-père et que, pour le reste, c'était dangereux dans la région de Montréal. Où sont les appuis des enseignants? Les enseignants leur ont dit: Ça n'a pas de bon sens, on a d'autres priorités. Pour enseigner l'anglais, on a la responsabilité d'utiliser au moins les heures indiquées au régime pédagogique, ce qui ne se fait pas faute de ressources. Le gouvernement ne nous a pas dit, entre parenthèses, où il allait prendre les ressources pour faire les classes d'immersion, les bains linguistiques, pour augmenter le nombre de professeurs. Ne me le demandez pas, il ne nous l'a pas dit. Il sait qu'il faut rationaliser partout, mais, là, combien ça va coûter de dizaines de millions, on l'ignore. On l'ignore, mais le principe va être inscrit dans la loi.

Où sont les appuis du gouvernement? Les unions municipales ne sont pas venues. L'UMQ, l'UMRCQ n'étaient pas là. Les professeurs d'État du gouvernement n'étaient pas là. Les seuls qui sont venus dire: C'est bon, votre projet de loi, mais vous n'allez pas assez loin, et je les comprends, l'appétit vient en mangeant, ce sont les anglophones qui ont dit: La guerre n'est pas finie. Vous nous en avez donné plus qu'on n'en demandait, mais on en veut encore plus que ça. On s'arrêtera quand on aura le libre choix en matière d'enseignement.

Le ministre nous dépose en liasse 21 amendements. C'est du travail bâclé, méprisant à l'endroit de la population du Québec, c'est fait en catimini, et on n'aura même pas de commission, on n'aura même pas de plé-nière pour examiner ce projet de loi. Inacceptable, intolérable et déni de justice.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de Chicoutimi.

Alors, je rappelle aux membres de la formation de l'Opposition officielle qu'il reste 10 minutes à votre temps de parole, et je cède la parole à M. le député de D'Àrcy-McGee, en lui indiquant que son temps de parole est d'un maximum de 5 minutes.

M. le député.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président.

M. le Président, nous sommes rendus à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission de la culture sur le projet de loi 86. Moi, je suis d'accord avec le ministre que cette commission a eu assez de temps pour analyser des éléments importants de ce projet de loi, avec des audiences publiques, et aussi pendant l'étude article par article, mais nous ne pouvons voter en faveur de ce rapport de la commission pour quelques raisons importantes.

We tried, during the commission hearings to table, 3 sets of amendments. This is a piece of legislation that takes steps forward, it makes 3 important steps forward, but we feel that these steps forward are not enough, are not effecient enough and do not go far enough to provide a piece of legislation that we can support. We therefore tried to table 3 amendments during the course of the work of the commission and all 3 amendments were rejected. All 3 amendments would have taken this legislation the extra distance to make it a fine piece of legislation that we would be willing to support. But our 3 amendments were rejected.

Our first set of amendments dealt with article 10. Article 10 is a step forward. Instead of allowing the Office de la langue française to revoke the status of a municipal body or a schoolboard or a certain institution, it puts back that responsibility to the institution or municipality itself. Yes, a step forward but not a significant enough step forward to make it acceptable.

Because if we look at the articles now dealing with status or bilingual status for certain municipal bodies or institutions, we see that a local minority must become a local majority to obtain this status. And we feel that because of the declining numbers in the English-speaking community of Québec the Government should show sensitivity to this reality and lower the threshold from 50 % to 25 %, above which certain guarantees of services in the language of the minority would be provided. But this was refused.

Article 17 is the other article where we tried to bring forward amendments. Article 17 also, as article 10, is an important step forward, but it still leaves open considerable problems. The first part of article 17 establishes the ability of merchants to post signs in languages other than French, but, at the same time, this article gives the Government back the power by virtue of regulation to continue a ban that the courts themselves ruled was unconstitutional. We feel that the Government is making an error by including within the legislation, within article 17, this regulatory power.

And finally, with regard to section 23 or article 23, which the commission did not have time to address because of the schedule, because of the delay of the Official Opposition, we were not able to officially table in commission our amendments to article 23.

Now, the Minister has raised certain concerns. When we speak of the need to increase access to English education, the Minister raises 2 fundamental concerns which do have merit: number 1, the creation of 2 classes of immigrants ? we can recognize that as a potential problem; number 2, by allowing section 23.1a of the Canadian constitution to apply to Québec, the Minister raises concerns about language testing or how to establish the criteria that would recognize mother tongue. We, therefore, had hoped to bring forward an amendment that would offer English education in Québec to anyone whose parents were educated in English in a public English school system outside Québec. This would establish a criteria that already exists in Bill 101, that being the educational system frequented by parents, and, at the same time, would not pose the same problems that the Minister has raised.

Now, for these reasons, M. le Président, we cannot support the committee report. This law, in these 3 areas, takes a step forward, but it does not take the proper step forward. Because our amendments in committee were not accepted, we will not be able to support the report of the commission de la culture, and, therefore, this step, la prise en considération du rapport de la commission de la culture, we will not be able to support.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee.

Alors, sur cette prise en considération, je cède la parole à M. le député d'Anjou. M. le député, la parole est à vous.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président.

Alors, je trouve ça dommage, M. le Président, qu'on ait été obligés de suspendre les règles de l'Assemblée nationale pour, justement, hâter ce projet de loi à travers cette Chambre. Car je mets au défi le ministre de trouver des galées, des retranscriptions de nos débats dans lesquelles on pourrait retrouver des interventions loufoques ou non sérieuses de notre part. Je pense que,

au contraire, les échanges ont été sérieux. On a pris notre temps, évidemment. C'est peut-être ce que le ministre trouve... Il aurait voulu que ça aille plus vite. Mais, à partir du moment où ce gouvernement prenait la décision de rouvrir le débat linguistique, il fallait que ce débat se fasse à fond, se fasse en profondeur. (20 heures)

II y avait de nombreuses questions à poser quant au pourquoi de la démarche qui a été décidée par le ministre responsable de la Charte de la langue française. Mais non, je pense que le ministre a trouvé tout simplement que ça n'allait pas vite. C'est assez étonnant quand même. Parce que ce qu'on remarque, c'est souvent... On attendait après le ministre ou on attendait après les ministériels pour commencer.

Ce projet de loi, aussi, n'a pas été appelé souvent. Il y a des journées où il n'a pas été appelé du tout. On aurait pu siéger. On aurait pu siéger plus longtemps, aussi. Donc, j'ai peine à comprendre pourquoi, finalement, on se retrouve avec une suspension des règles pour bousculer ce projet de loi qui, quand même, a des conséquences importantes dans la réalité de nos gens au Québec.

Dans un premier temps, cette commission, M. le Président, a écouté des groupes. Ce qu'il faut déplorer, c'est que certains groupes ont été systématiquement ignorés ou évités. On n'a qu'à penser aux jeunes. Les jeunes seront justement... C'est cette classe de la population qui aura à vivre les conséquences à long terme et à moyen terme de cette nouvelle législation. Aucun groupe de jeunes n'a été invité devant cette commission. Ils ont même été obligés de faire une commission parallèle, dans un endroit en dehors de l'Assemblée nationale, pour pouvoir exposer leurs demandes, pour pouvoir exposer leurs recommandations relativement à ce projet. De nombreux groupes encore n'ont pas été invités, M. le Président, malgré les demandes que nous avons faites et malgré le fait qu'on a réussi à faire rajouter un certain nombre de groupes.

Ce que je retiens, surtout... Je ne voudrais pas faire, finalement, le résumé de tout ce qu'on a entendu. Mais ce que j'ai surtout retenu, c'est les représentations des groupes de la communauté anglophone du Québec. Vous savez, ce projet de loi nous est présenté, avant tout, comme étant un gage de la paix linguistique au Québec. Je trouve ça, premièrement, assez étonnant qu'on nous dise ça. Parce que, quand on regarde la plaidoirie du gouvernement du Québec devant le comité de l'ONU qui a rendu un avis dont on a beaucoup entendu parler, au contraire, ce même gouvernement nous disait que c'était la loi 178 et la Charte de la langue française qui étaient le meilleur gage de cette paix linguistique. Ça, c'était en février 1992. Le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française a toujours dit, d'ailleurs, qu'il avait suivi de près les débats entourant cette question. Donc, en février 1992, on plaidait d'une façon abondante que c'était essentiel, la loi 178 et la Charte de la langue française, pour préserver cette paix linguistique. Alors, non, 1 an plus tard, maintenant, c'est ce projet de loi 86 qui va assurer la paix linguistique au Québec.

Quand on entend l'ensemble des représentants de la communauté anglophone, les différents groupes qui sont venus, ce qu'on constate, c'est: II n'y en aura pas, M. le Président, de paix linguistique. On a juste, d'ailleurs, à retenir l'intervention du député de D'Arcy-McGee. Pour lui, ce n'est qu'un premier pas, et timide, en plus. On va aller plus loin. On va continuer la contestât ton. On a même eu le chef du Parti Égalité qui est venu nous dire qu'il espérait que le gouvernement fédéral canadien utiliserait son pouvoir de désavouer la loi 86 parce qu'elle était injuste et inégale. Alors, M. le Président, quand même, comment peut-on dire que la paix linguistique va être assurée? Non, au contraire, le consensus chez les représentants du groupe anglophone, c'est que, bon, au niveau de l'affichage, on est plus ou moins satisfait. Évidemment, on aurait aimé que les grands panneaux soient bilingues. Mais, pour l'éducation, alors, à ce moment-là, on ne répond absolument pas à leurs demandes. On va continuer les demandes. Pourtant, les contestations avaient cessé depuis quelque temps.

Ce que j'ai tenté aussi d'entendre, quand les différents groupes qui sont venus, c'est... Je voulais voir certains groupes qui auraient réclamé l'affichage dans les commerces à grande surface. Aucun groupe n'est venu devant cette commission réclamer l'affichage bilingue ou avec prédominance de la langue française pour les commerces à grande surface. On a même vu, M. le Président, le Conseil du patronat venir dire qu'il était en faveur de cette loi, mais il espérait que ses membres n'en abusent pas trop et ne s'en servent pas trop. Vraiment, on a entendu des choses assez surprenantes devant cette commission.

Lors de l'étude article par article, on a appris certaines choses, vraiment, je pense, pas mal intéressantes. Premièrement, on a, je pense, démystifié une fois pour toutes la valeur de l'avis du comité de l'ONU. Premièrement, ce n'est pas un tribunal, c'est un comité. Donc, ce n'est pas un jugement qu'ils rendent, c'est un avis. Et ce comité de l'ONU ne rend un avis que sur un petit pacte ou protocole facultatif très limité. À peine une soixantaine de membres de l'ONU ont adhéré à ce pacte facultatif. Plusieurs membres qui ont adhéré à ce pacte ne permettent même pas à leurs citoyens de porter plainte, relativement à ce pacte, contre l'État signataire.

Donc, je pense qu'en partant cet avis de l'ONU, dont on a fait grand état, il n'a vraiment pas beaucoup d'importance, surtout, M. le Président, que seulement des individus, des personnes physiques peuvent s'adresser à ce comité de l'ONU. Aucune compagnie, aucune personne morale ne peut s'adresser à ce comité de l'ONU.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Je demanderais aux collègues de porter attention, là. Ça me dérange un peu, là. J'imagine que ça dérange l'orateur aussi.

Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Surtout, M. le Président, ce qu'il faut remarquer, ce qu'on a retenu dans ce projet de loi, c'est que ce qu'on a codifié, ce qu'on a voulu inclure dans cette loi, c'est les fameuses interprétations de la Cour suprême qui nous ont fait tant mal, qui ont, justement, démoli pan par pan, pan de mur par pan de mur des sections de la Charte de la langue française, en particulier, M. le Président, l'interprétation qui a été donnée à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article 133 dit: «Les actes du Parlement du Canada et de la Législature de Québec devront être imprimés et publiés dans les deux langues.» Alors, comment va-t-on refléter cet article 133 dans la Charte de la langue française? On va l'interpréter de cette façon-ci. Les règlements et les autres actes de nature similaire auxquels s'applique l'article 133 sont adoptés, pris et délivrés, imprimés et publiés en français et en anglais.

Ce n'est pas l'article 133 qui se retrouve, M. le Président, dans le projet de loi, c'est l'interprétation qui en a été donnée par les arrêts Blaikie I, Blaikie II, des interprétations qui ont étonné beaucoup de juristes, quand cette décision a été rendue. C'est une interprétation très grande, très large qui a été donnée à cet article 133. Il est assez étonnant qu'on codifie une interprétation de la Cour suprême plutôt que de reprendre intégralement l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais c'est ça, le danger. C'est qu'on a tout simplement incorporé cette interprétation pour la codifier et pour faire en sorte qu'on accepte quelque chose, finalement, qui n'a jamais été accepté par la population.

Le pouvoir réglementaire, M. le Président. Dans ce projet de loi, le pouvoir réglementaire est très vaste, est immense, et le gouvernement le récupère et le récupère de l'Office de la langue française qui, avant, avait ce pouvoir. Ce qu'on doit constater, M. le Président, c'est que c'est fini, l'unilinguisme français au Québec, c'est fini, sauf dans 3 cas: les panneaux publicitaires à l'extérieur, dans les autobus et dans les métros, mais, à part ça, c'est fini, l'unilinguisme français.

Alors, évidemment, quand on parle que, maintenant, c'est l'ouverture au bilinguisme, le ministre se choque. C'est vrai qu'on n'impose pas le bilinguisme. On permet maintenant l'utilisation de la langue anglaise et, quand on sait, quand on connaît la force de la langue anglaise au Québec, on peut facilement, M. le Président, comprendre que ça équivaut à un retour du bilinguisme. Ah! évidemment, on va vous dire qu'il y a la règle des deux tiers et du un tiers qui s'applique, sauf que cette règle s'applique, M. le Président, à l'intérieur des commerces depuis 1989.

Aucune plainte n'a été faite sur ce critère-là depuis 1989, aucune accusation n'a été portée. Pourquoi? Parce que c'est un concept inapplicable, vague, flou. Il n'y aura jamais de plainte, M. le Président, relativement au concept de un tiers-deux tiers, de la nette prédominance du français, il n'y en aura pas. Comment voulez- vous qu'un citoyen se promène avec la loi, avec les 4 critères qui y sont énoncés pour savoir qu'est-ce qui est un tiers, deux tiers, pour vraiment porter plainte.

Alors on a noyé, finalement, l'unilinguisme français. On permet l'utilisation de la langue anglaise, on dit que ce n'est pas le bilinguisme. C'est le bilinguisme, M. le Président. Ce n'est pas le bilinguisme obligatoire, mais c'est une ouverture grande au bilinguisme, et vous allez voir les conséquences que nous allons voir à Montréal relativement au visage français de Montréal, et je trouve que c'est déplorable.

Merci.

Mise aux voix des amendements

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député d'Anjou.

Est-ce que, M. le ministre, vous voulez exercer votre droit de réplique? Ça va.

Alors, conformément à la motion de suspension de certaines règles adoptée précédemment au cours de la présente séance, je vais maintenant mettre aux voix les amendements au projet de loi 86 qui ont été transmis au secrétaire général de l'Assemblée. Cette mise aux voix s'effectuera dans l'ordre dans lequel ont eu lieu ces transmissions.

Ainsi, je mettrai d'abord aux voix les amendements proposés par Mme la députée de Chicoutimi aux articles 22 et 32. Ces amendements sont déclarés rece-vables.

Je mettrai ensuite aux voix les amendements proposés par M. le député de D'Arcy-McGee aux articles 10, 17 et 23. Ces amendements sont déclarés receva-bles. (20 h 10)

Je mettrai enfin aux voix les amendements proposés par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française aux articles 1, 2, 21, 22, 23, 32, 42, 43.1, 44, 54.1, 54.2, 59, 60, 64, ainsi que la motion de renumérotation. Ces amendements sont déclarés recevables.

Par contre, les amendements de M. le ministre aux articles 11, 12, 14, 14.1 et 17 ayant été adoptés en commission ne seront pas mis aux voix.

Alors, les amendements aux articles 22 et 32, proposés par Mme la députée de Chicoutimi, sont-ils adoptés?

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que vous pourriez en faire la lecture, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Est-ce que vous avez des copies des amendements?

Alors, les 2 amendements dont je vais faire lecture: l'amendement à l'article 32 et à l'article 22.

L'article 22 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est modifié par l'addition, à la fin, des alinéas suivants: «Les enfants admis après le (insérer la date de la

sanction de la présente loi) à l'enseignement dans un établissement privé non agréé pour fins de subventions en vertu de la Loi sur l'enseignement privé (L.R.Q. 1992, chapitre 68) ne sont pas réputés recevoir ou avoir reçu l'enseignement en anglais pour les fins de l'article 73. «Les enfants qui ont reçu ou qui reçoivent l'enseignement en anglais afin d'en favoriser l'apprentissage conformément aux prescriptions du régime pédagogique ne sont pas réputés recevoir ou avoir reçu l'enseignement en cette langue pour les fins de l'article 73.»

L'article 32 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Les enfants exemptés après le (insérer la date de la sanction de la présente loi) de l'application du premier alinéa de l'article 72 ne sont pas réputés recevoir ou avoir reçu l'enseignement en anglais pour les fins de l'article 73.»

Est-ce que ces amendements, proposés par Mme la députée de Chicoutimi, sont adoptés?

Des voix: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, rejeté, sur division.

Les amendements aux articles 10, 17 et 23, proposés par M. le député de D'Arcy-McGee, sont-ils adoptés?

M. Libman: M. le Président, vous pouvez faire la lecture, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous voulez qu'on en fasse lecture. S'il vous plaît, s'il vous plaît!

Alors, il est proposé par M. le député de D'Arcy-McGee:

À l'article 17, d'ajouter, à la deuxième ligne du troisième alinéa de l'article 58 de la Charte de la langue française remplacé par l'article 17 du projet de loi 86, après le mot «circonstances», le mot «exceptionnelles».

À l'article 23, ajouter, après le cinquième alinéa de l'article 73 de la Charte de la langue française remplacé par l'article 23 du projet de loi 86, l'alinéa suivant: «6° les enfants dont le père ou la mère est originaire d'un pays anglophone du monde.»

L'article 10, s'il vous plaît. Ça va. L'article 10 proposé par M. le député de D'Arcy-McGee: Remplacer, dans la sixième ligne de l'article 29.1 de la Charte de la langue française édicté par l'article 10 du projet de loi 86, les mots «des personnes en majorité» par les mots suivants: «une population composée à 25 % de personnes».

Est-ce que les amendements proposés par le...

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui?

M. Chevrette: Question de... Il n'a pas le droit de vote nominal, mais question de logique du vote, là, quand il y en a 2, 3 amendements, est-ce qu'il ne peut pas y avoir un amendement sur lequel on peut être d'accord et un autre sur lequel on est en désaccord? C'est quoi, la règle démocratique?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Non, écoutez, M. le député, je peux soumettre les amendements 1 par 1. Ça, je n'y vois pas d'objection, là. Vous avez raison de me demander cette question-là.

M. Chevrette: Parce que ça fait drôle de voir qu'on vote des blocs.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, écoutez, je suis prêt à recommencer, là. Voulez-vous que je recommence les amendements proposés par Mme la députée de Chicoutimi? Je peux les reprendre individuellement. Je ne veux pas de...

M. Chevrette: Ça va, parce qu'on sait que leur lit est fait.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va. Alors, ça va, monsieur... Vous avez absolument raison, M. le député, et c'est ce que je vais faire, à votre demande.

Alors, est-ce que l'amendement à l'article 10, proposé par M. le député de D'Arcy-McGee, est adopté?

Des voix: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Rejeté. Donc, l'amendement à l'article 10 est rejeté.

Est-ce que l'amendement proposé à l'article 17 par le député de D'Arcy-McGee est adopté?

M. Bélisle: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Rejeté. Est-ce que l'amendement à l'article 23, proposé par M. le député de D'Arcy-McGee, est adopté?

Des voix: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Rejeté.

Les amendements aux articles 1, 2, 21, 22, 23, 32, 42, 43.1, 44, 54.1, 54.2, 59, 60, 64 ainsi que la motion de renumérotation... Alors, est-ce que l'amendement proposé par le ministre, à l'article 1, est adopté? Non?

M. Chevrette: M. le Président, je veux qu'on en fasse la lecture...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La lecture, très bien!

M. Chevrette: ...et puis qu'on demande la vote

après chacun.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est très bien.

M. Chevrette: C'est ça qui est normal.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va, M. le député. Moi, je suis ici, là, pour faire les choses... pour que ce soit bien fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bon! Il est proposé par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, à l'article 1, de remplacer l'amendement adopté à l'article 1 par le suivant: Remplacer, dans la deuxième ligne du paragraphe 2° de l'article 7 proposé par l'article 1, ce qui suit: «adoptés,» par ce qui suit: «pris, adoptés ou délivrés, et>.

Est-ce que cette amendement est adopté?

Des voix: Adopté. M. Bélisle: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix: Adopté. M. Chevrette: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

Il est proposé par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, à l'article 1, d'insérer dans la troisième ligne du texte anglais de l'article 9 proposé par l'article 1 et après le mot «of», les mots «one of».

Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix: Adopté. M. Chevrette: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

Je vais juste suspendre quelques instants, pour consulter à la table ici, là.

(Suspension de la séance à 20 h 17)

(Reprise à 20 h 21)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place! Merci. À l'article 21, il est proposé par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française l'amendement suivant: 1 ° remplacer, dans la troisième ligne du deuxième alinéa de l'article 68 proposé par l'article 21 et après le mot «langue», le mot «est» par le mot «peut»; 2° remplacer, dans la quatrième ligne du deuxième alinéa de l'article 68 proposé par l'article 21, le mot «utilisée» par les mots «être utilisée».

Est-ce que cet amendement est adopté?

Une voix: C'est proposé par le ministre? Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

À l'article 22, il est proposé par M. le ministre de remplacer, dans les première et deuxième lignes de l'alinéa de l'article 72 ? ajouté par l'article 22 ? les mots «dans une langue autre que le français» par les mots «en anglais».

Est-ce que cette motion d'amendement est adoptée?

M. Blais: M. le Président, en vertu de 220, je demande le vote à main levée, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, que ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent lever la main.

Ceux qui sont contre.

Bien, si vous n'avez jamais vu ça, vous le voyez maintenant! Ça va?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la motion est adoptée.

À l'article 23, il est proposé par M. le ministre d'insérer, dans la quatrième ligne du paragraphe 2° de l'article 73 proposé par l'article 23 et après les mots «l'enseignement», les mots «primaire ou secondaire».

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: À main levée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À main levée? Alors, que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.

Que ceux qui sont contre veuillent bien lever la main.

La motion est adoptée.

À l'article 32, il est proposé par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française de remplacer l'article 85 de la Charte de la langue française, proposé par l'article 32, par le suivant: «85. Les enfants qui séjournent au Québec de

façon temporaire peuvent, à la demande...»

M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît! Je vous entends d'ici, là! «85. Les enfants qui séjournent au Québec de façon temporaire peuvent, à la demande de l'un de leurs parents, être exemptés de l'application du premier alinéa de l'article 72 et recevoir l'enseignement en anglais dans les cas ou les circonstances et selon les conditions que le gouvernement détermine par règlement. Ce règlement prévoit également la période pendant laquelle l'exemption peut être accordée, de même que la procédure à suivre en vue de l'obtention ou du renouvellement d'une telle exemption.»

Que ceux qui sont en faveur veuillent bien lever la main.

Ceux qui sont contre.

Alors, l'amendement...

M. Blais: M. le Président, on ne peut pas voter à main levée si on n'est pas à notre siège. J'aimerais que tous les députés prennent leur siège, s'il vous plaît.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, en vertu de l'article 32, je demanderais aux députés de prendre le siège que la présidence leur a assigné. S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Saguenay, vous n'avez pas la parole.

Alors, nous sommes rendus à l'article 42. Il est proposé par M. le ministre de remplacer le paragraphe 1 ° de l'article 42 par le suivant: 1° le remplacement du paragraphe a par le suivant: «a) donner son avis au ministre sur les projets de règlement du gouvernement».

Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien lever la main.

Ceux qui sont contre.

Alors, cette motion d'amendement est adoptée sur division.

Article 43.1. Insérer, après l'article 43 proposé par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, l'article suivant: 43.1 L'article 123 de cette Charte est remplacé par le suivant: «123. La Commission est composée de sept membres, dont un président, nommés par le gouvernement pour au plus cinq ans. «Le gouvernement fixe la rémunération et détermine les avantages sociaux et les autres conditions de travail des membres de la Commission.»

Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.

Ceux qui sont contre cet amendement.

Alors, la motion est adoptée sur division.

L'article 44. Il est proposé par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française de remplacer, dans la première ligne du nouvel alinéa proposé par le paragraphe 2° de l'article 44, le mot «établit» par les mots «peut établir».

Ceux qui sont en faveur de cet amendement, veuillez bien lever la main.

Ceux qui sont contre.

L'amendement est adopté sur division.

Article 47. Insérer, dans la première ligne du paragraphe 2° de l'article 141 proposé par l'article 47 et après le mot «augmentation», ce qui suit: «, s'il y a lieu,».

M. Blais: M. le Président, tout le monde doit rester à son siège pour voter.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Si vous voulez prendre vos places qui vous ont été désignées. S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Ceux qui sont en faveur de cette motion, veuillez lever la main.

Ceux qui sont contre.

Adopté sur division.

Articles 54.1 et 54.2. Insérer, après l'article 54, les articles suivants: 54.1l'article 198 de cette charte est modifié par: 1° la suppression, dans la première ligne du premier alinéa, de ce qui suit: «, avec l'assentiment du ministre»; 2° la suppression, dans la première ligne du deuxième alinéa, de ce qui suit: «avec l'approbation préalable du ministre,». 54.2l'article 199 de cette charte est modifié par la suppression, dans les première et deuxième lignes, de ce qui suit: «, avec l'assentiment du ministre,».

Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.

Ceux qui sont contre.

Alors, cet amendement est adopté sur division.

Article 59. Remplacer, dans la deuxième ligne du paragraphe 3.1° du troisième alinéa de l'article 447 de la Loi sur l'instruction publique (L.R.Q., chapitre 1-13.3) proposé par l'article 59, les mots «dans une langue autre que la langue d'enseignement» par les mots «en anglais».

Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.

Ceux qui sont contre.

Alors, l'amendement est adopté sur division.

Article 60.1. Insérer, après l'article 60, ce qui suit: «Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. «60.1. L'annexe 1 de la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (L.R.Q., chapitre R-10), modifiée par les décrets 1353-91 du 9 octobre 1991, 398-92, et 399-92 du 25 mars 1992, 669-92 du 6 mai 1992, 1263-92 du 1er septembre 1992, 1666-92 du 25 novembre 1992 et 327-93 du 17 mars 1993 et par les articles 293 du chapitre 21 des lois de 1992, 71 du chapitre 44 des lois de 1992, 53 du chapitre 67 des lois de 1992 et 153 du chapitre 68 des lois de 1992, est de nouveau modifiée par la suppression, dans le paragraphe 4, des mots «la Commission d'appel de francisation des entreprises».

Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.

Ceux qui sont contre.

Cet amendement est adopté sur division.

À l'article 64, il est proposé de supprimer l'article 64.

Ceux qui sont pour cet amendement veuillez lever la main.

Ceux qui sont contre.

Alors, la motion est adoptée sur division.

Alors, sur la motion de rénumérotation ? j'ai bien de la misère avec ce mot-là...

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que la motion de renumérotation est adoptée?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la motion est adoptée? Adopté.

Adoption du rapport amendé

Alors, ceci met fin à la prise... Alors, le rapport de la commission de la culture ainsi amendé est-il adopté?

Adopté sur division.

Adoption

Nous passons maintenant à l'adoption du projet de loi, et je tiens à informer les membres que le temps de parole est de 2 h 30 min: 60 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement; 60 minutes au groupe parlementaire formant l'Opposition officielle; 15 minutes au groupe des députés indépendants et une réplique d'une durée maximale de 15 minutes au ministre qui présente le projet de loi. (20 h 30)

Alors, je suis prêt à entendre le premier intervenant sur ce dossier, M. le député de Rimouski et adjoint parlementaire du ministre des Affaires municipales.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, il me fait plaisir de prendre la parole pour...

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Nous sommes à l'Assemblée nationale. S'il vous plaît! M. le député, si vous voulez poursuivre votre intervention. Je demanderais aux collègues, vous savez...

M. le député.

M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, il me fait plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi 86, étant donné que ce projet de loi, il vient normaliser, il vient harmoniser différentes dispositions de la Charte de la langue française.

Avant de vous entretenir des dispositions de ce projet de loi, M. le Président, vous me permettrez de faire un peu l'historique, comment se fait-il qu'aujourd'hui nous sommes obligés de modifier la Charte de la langue française. Il faut bien comprendre que la Charte de la langue française fut adoptée en 1977 par le Parti québécois. Dans ses grandes lignes, la Charte donnait l'aval à l'affichage unilingue français au Québec et, en même temps, toute une série de dispositions pour conserver notre langue au Québec.

Des contestations. Immédiatement après l'adoption de la Charte de la langue française, plusieurs ont contesté la validité de certains articles, entre autres l'article 58 sur la langue de commerce et des affaires. Et des gens, des commerçants de Montréal, entre autres, se sont présentés devant les tribunaux pour contester différents articles de la Charte et, au fil des ans, nous avons eu différents jugements qui ont été rendus, entre autres un jugement par la Cour supérieure du Québec qui disait qu'en vertu des droits et libertés d'expression nous contrevenions aux chartes québécoise et canadienne.

Ces jugements-là ont été maintenus par la Cour d'appel du Québec et, bien plus, on est allé jusqu'à la Cour suprême. En 1988, la Cour suprême a maintenu les décisions des 2 cours inférieures, avec les conséquences que les dispositions de la Charte étaient totalement remises en cause.

En 1988, le gouvernement du Québec a passé la loi 178, et nous avons fait appel à la clause «nonobstant» pour nous soustraire aux obligations des chartes canadienne et québécoise.

Cette disposition-là était valide pour 5 ans. Le temps est à la veille de s'écouler, c'est-à-dire qu'il est à la veille de prendre fin. À partir de 1988... C'est-à-dire qu'en décembre 1993 nous devions soit renouveler, ou encore faire appel à nouveau à clause «nonobstant», ou encore essayer de corriger les dispositions de la Charte qui mettaient en cause la liberté d'expression. Alors, en 1988, nous avons adopté la loi 178 et nous avons fait appel à la clause «nonobstant» pour pouvoir maintenir l'affichage unilingue français au Québec.

Bien plus, en 1993, récemment, un jugement du Comité des droits de l'homme de l'ONU est venu confirmer encore davantage les jugements qui ont été rendus par la Cour du Québec, la Cour d'appel du Québec et la Cour suprême à l'effet que les droits et libertés des personnes étaient mis en cause. Par conséquent, nous avions encore davantage de détermination pour pouvoir corriger ce que les tribunaux antérieurs, les tribunaux du Québec et les tribunaux supérieurs du Canada ont rendu comme jugements à

l'effet que les dispositions de la Charte brimaient des droits d'expression des Québécois.

En conséquence, nous avons fait une consultation. Le ministre responsable de la langue a demandé à l'Office de la langue française de préciser 5 points de la Charte sur lesquels nous pourrions avoir des modifications. Nous avons consulté le Conseil de la langue française. Après, nous avons consulté des instances de notre parti, nécessairement. Nous avons tenu une commission parlementaire et nous avons présenté, nécessairement, le projet de loi 86 pour pouvoir corriger et harmoniser la Charte de la langue française, c'est-à-dire la rendre conforme aux dispositions des 2 Chartes, soit québécoise et canadienne.

Aujourd'hui, avec le projet de loi 86, M. le Président, je pense que nous répondons d'une façon assez catégorique à toutes les dispositions des Chartes, c'est-à-dire que nous répondons à tous ces critères et que nous respectons vraiment les droits et libertés d'expression des personnes au Québec et au Canada.

Alors, M. le Président, je suis convaincu qu'avec le projet de loi nous sommes en mesure d'offrir à la population du Québec des dispositions et des correctifs à la Charte de la langue française qui feront en sorte qu'au Québec la liberté d'expression sera respectée et qu'en cela nous allons répondre à tous les jugements antérieurs qui ont été prononcés à cet égard et que nous allons également rendre conforme la Charte de la langue française dans la liberté d'expression.

Alors, M. le Président, vous me verrez tout à fait favorable au projet de loi 86, et il me fera plaisir d'y souscrire lorsque le moment du vote sera venu. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous en sommes à l'étape de l'adoption du projet de loi 86, et je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme la députée.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le projet de loi 86 a modifié de manière telle la Charte de la langue française qu'elle n'a plus de français que le nom, et elle serait mieux nommée ? et si le gouvernement en avait eu le courage, c'est ce qu'il aurait fait ? en l'appelant la charte des langues officielles. Parce que, avec les modifications de 86, c'est ça qu'elle est devenue, la charte de l'anglais et du français.

Avant de parler des différentes dispositions, rappelons que, dans ce projet de loi, il n'y a aucune disposition un peu significative de soutien, de promotion du français. Aucune disposition de promotion et de soutien du français. Toutes les dispositions, sans exception, viennent faire la place et la promotion de l'anglais. Nous sommes dans une loi qui s'appelle la Charte de la langue française, et tous les articles, les 65 articles du projet de loi font la promotion de l'anglais. C'est faire preuve d'un peu d'insensibilité, et le terme est extrêmement timide.

La loi 86 vient modifier l'esprit et les objectifs fondamentaux de la loi 101 qui voulait faire du français la langue nécessaire des communications, du travail et de l'administration. Dorénavant, les langues nécessaires seront l'anglais et le français. Cette loi vide la Charte de la langue française de son sens, de son esprit. Elle vient en diluer la portée, en trahir les objectifs.

Cette loi, le ministre prétend l'avoir déposée pour répondre à l'évolution des mentalités de la société québécoise. Ceux et celles qui ont suivi les propos du ministre, de l'actuel ministre responsable de la Charte sauront que toutes les dispositions sans exception ne viennent pas répondre, comme il le prétend, à l'évolution de la société québécoise; il les avait dessinées en 1977. Lorsqu'il prétend que nous n'évoluons pas, la question que je me pose: Est-ce que ce ne serait pas lui qui serait figé dans le temps? (20 h 40)

Je me permets de vous rappeler quelques-uns de ses éditoriaux qui donnent déjà le sens et l'orientation de cette loi. Dans Le Devoir et sous le titre, un titre général, «Un dangereux carcan», parlant de l'administration, vous allez comprendre qu'il indique déjà le sens de ses modifications: Dans d'autres cas, cependant, il va jusqu'à violer les libertés élémentaires qu'on croyait acquises pour toujours. C'est le cas notamment des dispositions relatives à l'affichage ? on savait déjà, en 1977, qu'il ouvrirait l'affichage ? à la langue des sentences et des griefs ? on savait déjà qu'il refusait la francisation des négociations ? à la vente des jouets d'enfants ? c'est revenu dans son projet de loi ? à la langue des administrations locales ? c'est revenu dans son projet de loi ? desservant les clientèles largement anglophones ? et il poursuivait ? à l'arbitrage des conflits de traval ? c'est revenu dans la loi 86 ? à l'embauche, les promotions, les congédiements, les raisons sociales, le fonctionnement d'organismes comme les municipalités et les commissions scolaires, disait-il, un dangereux carcan, et c'est revenu dans le projet de loi 86.

Un peu plus tard, en avril, toujours sur le livre blanc, en question de travail, il disait: Comment concilier le principe voulant que l'entreprise soit capable de servir ses clients dans leur langue avec cet autre principe énoncé dans le livre blanc, suivant lequel aucun employeur ne pourra congédier ni rétrograder un salarié pour la seule raison qu'il ne parle pas ou ne maîtrise pas suffisamment une autre langue que le français? Ça n'est pas contenu dans 86, sauf que la loi n'est pas appliquée. La loi n'est pas appliquée, et nous avons d'abondantes littératures et plaintes à ce sujet.

En ce qui a trait à l'Office de la langue, pas plus brillant: Quand on sait ? disait-il, toujours dans «Un dangereux carcan» ? que l'Office sera chargé de concevoir et d'appliquer toutes sortes de règlements fort nombreux susceptibles d'affecter les entreprises dans ce

qu'elles ont de plus vital, il répugne à penser qu'il sera appelé à oeuvrer dans un cadre aussi autoritaire ? l'autorité, il se l'est appropriée; fin de l'autoritarisme supposé de l'Office de la langue française.

En pratique, le ministre ? parlant du ministre Laurin ? et ses collaborateurs s'aménagent ainsi un vaste empire bureaucratique, à l'aide duquel ils pourront, à volonté, s'immiscer dans la vie privée, dans la vie des entreprises, exiger de celles-ci les documents les plus confidentiels et prendre à leur sujet des décisions susceptibles d'être très graves.

Et là il poursuivait. Écoutez, il n'avait qu'à en découdre. Il n'y avait rien de bon là-dedans. Il n'y avait rien de bon là-dedans. Il allait cependant plus loin sur une question, et il l'a répété en commission: n'eût été que de lui, il ouvrait les écoles anglaises aux enfants qui ont l'anglais comme langue maternelle. Le projet de Ryan, que vous avez sur la table, qui prétend être un projet pour répondre au jugement de la Cour, ce projet était dessiné déjà par l'éditorialiste Claude Ryan, en 1977. D'ailleurs, il l'avait annoncé, lorsqu'il a décidé de faire le saut en politique, qu'une de ses premières actions serait de saboter la loi 101, d'en limiter la portée, et il a réussi. Ça aura juste pris 16 ans.

Le projet de loi que nous avons sur la table est un projet de loi majeur, 65 articles qui viennent... La Charte n'en contient que 214. Il y a 10 articles sur l'affichage. L'affichage n'est qu'un prétexte, qu'un prétexte. Il y en a 12 sur la langue d'enseignement et 42 qui viennent complètement, et de façon extrêmement zélée et minutieuse, déstructurer totalement la Charte de la langue française: 65 articles qui viennent invalider ou modifier quelque 84 dispositions de la Charte de la langue, près du tiers des articles de la langue.

Cette loi touche la langue de la législation et de la justice. Non seulement accepte-t-il le jugement de la Cour suprême sur l'article qu'on appelle l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, mais il intègre dans la Charte les interprétations, et il excède les interprétations par cette espèce d'attitude servile à l'endroit du gouvernement, de la fédération canadienne. Il a décidé qu'il ne prenait aucune chance. Tout ce qui pouvait être susceptible d'être contesté, il le prévoyait en l'incorporant à la Charte de la langue.

La langue de l'administration et de l'État. Il l'a dit, il l'a dit, et je pense que c'est irresponsable de la part d'un ministre de dire: Je ne respecte pas la loi. Il ne faut pas s'en étonner, cependant. Quand il a été nommé pour être le protecteur de la Charte de la langue française, c'est d'un profond cynisme... ce qui faisait dire à Mme Hélène Baillargeon que le nommer comme responsable de l'application de la Charte de la langue, c'était comme de confier le carré de laitue aux lapins.

Une voix: Vous avez raison, c'est vrai.

Mme Blackburn: D'autres disent: envoyer Dracula dans la réserve de sang! C'était à peu près l'équivalent. Il ne faut pas se surprendre qu'il n'ait pas plus de respect que ça à l'endroit de cette loi et que lui-même n'ait pas senti le besoin de la respecter. C'est ça le respect que cet homme a pour les lois, pour l'Assemblée nationale, et il le démontre ce soir. Il le démontre ce soir. La Charte, il l'a toujours eue en horreur. Il l'a combattue avec violence et vigueur, et avec mesquinerie, dans certains cas. Ce n'est pas moi qui le dis. La plupart des commentateurs et observateurs ont fait la même remarque.

L'affichage public et la publicité commerciale. Il est allé au-delà de ce que demandait la Cour suprême et au-delà de ce que demandait le comité des Nations unies. Au-delà de ce que demandait la Cour suprême; il est allé au devant des voeux de la Cour suprême. On n'a jamais vu aussi zélé lorsqu'il s'agit d'angliciser le Québec. En fait, il autorise les sociétés d'État, HydroQuébec, la Société d'habitation du Québec, la Société des alcools du Québec, toutes les sociétés... Je ne sais pas, on en a peut-être une quinzaine. Elles pourront dorénavant afficher en anglais et en français. Trouvez-vous ça normal qu'un État qui prétend avoir protégé la langue française, qui prétend avoir un souci de promotion de la langue française décide que ces sociétés n'afficheront pas exclusivement dans la langue officielle, qu'elles pourront le faire en français et en anglais? Et ça donne un exemple dont on se doute facilement des effets sur les entreprises privées. Pourquoi est-ce qu'elles se gêneraient?

Et il a passé au moins 3 semaines à nous dire: Le français va être prépondérant. Le français va être prépondérant. La prépondérance, c'est inapplicable. Puis-je vous dire que c'est inapplicable? Il y a 19 000 commerces à Montréal, dans lesquels ils peuvent afficher anglais, français à l'intérieur, avec la prédominance du français. Saviez-vous que, depuis que la loi a été adoptée en 1988, il n'y a pas eu une seule plainte connue? La présidente de la Commission de protection de la langue française nous dit: II y en a eu 4. Elle nous a dit ça en commission parlementaire la semaine dernière; 19 000 entreprises, 5 ans d'application, 4 plaintes. Pour une raison extrêmement simple: c'est inapplicable. C'est un concept inapplicable, et le ministre lui-même disait: Vous savez, pour les entreprises privées, évidemment qu'il faut faire preuve de plus de souplesse. Et, déjà, tout le monde aura compris que le supposé concept de prédominance, c'est inapplicable et ça ne sera pas appliqué.

En ce qui a trait ? et je vois le ministre du Travail, ces questions devraient l'intéresser ? à la langue des négociations, savez-vous que, dorénavant, les décisions arbitrales ne seront plus traduites? Elles le seront à la demande de l'employé payé par les parties, et la version française, traduite de l'anglais, n'aura pas de caractère officiel, légal. Et c'est ce qui est inscrit. Vous ne l'avez pas lu. Vous avez adopté à main levée. J'en ai vu, les 2 mains, les 2 mains. Rien de trop beau! On ne savait pas ce qu'il y avait dans les amendements, mais on votait des 2 mains, des 2 mains.

Le Conseil du patronat a prévenu ce gouvernement. S'il y a un pas intéressant qu'on a fait en matière de négociations, c'est la francisation des négociations. La francisation des négociations, ça a contribué à diminuer les tensions dans les entreprises. Bien, pour se conformer et aller plus loin que 133 disait, non seulement on applique ça aux conventions collectives mais aux décisions arbitrales. Qui va payer, dorénavant, pour faire faire une traduction d'une décision arbitrale quand la traduction n'aura même pas valeur légale en cas de contestation? (20 h 50)

En ce qui a trait à la langue, aux classes d'immersion ? mon collègue, député de Lac-Saint-Jean, va en parler plus longuement ? là, ça s'est déchaîné. C'est la folie furieuse. On nous fait dire n'importe quoi. Il faut d'abord savoir qu'il y a un régime pédagogique qui permet quelque 120 heures, si ma mémoire est bonne, d'enseignement par année. Il s'en donne quelquefois une demi-heure par semaine. On ne remplit même pas le programme et on est en train de nous dire qu'il faut l'élargir. Rien de trop beau...

M. Morin: S'il vous plaît, M. le Président. Je voudrais m'excuser auprès de ma collègue, là...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Morin: ...mais regardez, là, il y a des ministres qui n'arrêtent pas de parler. Voudriez-vous les rappeler à l'ordre, s'il vous plaît...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!

M. Morin: ...pour éviter que ma collège soit interrompue à 3 ou 4 reprises comme elle l'a été, tout à l'heure?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît, c'est... S'il vous plaît! L'article 32, je demanderais aux députés de prendre leur place. M. le ministre du Travail, si vous voulez prendre votre place, s'il vous plaît. M. le député. M. le ministre du Travail, si vous voulez prendre votre place, s'il vous plaît. M. le député de LaFontaine.

Mme la députée de Chicoutimi, si vous voulez poursuivre.

Mme Blackburn: Oui, mais...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Si vous voulez prendre vos places, à la demande du député, et je fais observer le règlement. Mme la députée, si vous voulez poursuivre. S'il vous plaît, M. le député! Il vous reste à votre temps de parole, Mme la députée, 7 minutes.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

En matière de langue de travail, le ministre du Travail, qui se plaît à causer avec ses collègues, pourrait peut-être écouter pour comprendre ce que ça veut dire les dispositions qui ont été introduites ou pas introduites dans ce projet de règlement. Le Parti libéral du Québec, dans ses instances qu'on appelle le conseil général, avait manifesté par résolution une volonté de voir renforcer les dispositions touchant la langue de travail. On ne retrouve rien là-dedans. On ne retrouve rien là-dedans.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député et ministre des Communications, vous n'avez pas la parole! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la députée, je m'excuse de vous avoir interrompue. S'il vous plaît! M. le ministre des Communications, un premier rappel à l'ordre. Mme la députée, si vous voulez poursuivre. S'il vous plaît! M. le député de Matapédia, un premier rappel à l'ordre.

Mme la députée, si vous voulez poursuivre.

Mme Blackburn: M. le Président, en matière de travail, la situation demeure extrêmement précaire. On sait que, majoritairement, les allophones travaillent en anglais à Montréal. On sait que les francophones, pour une partie importante, travaillent toujours en anglais ou en français, ou particulièrement en anglais. C'est la situation qu'on retrouve, et là, évidemment, on n'a pas le portrait de l'île de Montréal, on parle ici de la grande région métropolitaine. Le français demeure fragile, les acquis incertains, et le travail, c'est le meilleur lieu d'intégration des minorités. sauf que, actuellement, les modèles qu'ils ont, c'est que plus vous êtes dans la catégorie des ouvriers, plus ça parle français et, si vous êtes dans les cadres supérieurs, les techniciens spécialisés et en informatique, vous n'en avez que 36 % qui travaillent majoritairement du temps en français; le reste, 64 %, c'est en anglais. donc, les vrais modèles de promotion, dans les entreprises montréalaises de la grande région métropolitaine, ça se passe en anglais, actuellement. et, évidemment, rien n'a été fait pour renforcer les dispositions touchant le français au travail.

Qui plus est, le gouvernement a aboli la Commission de protection de la langue. Ah! on a fait disparaître les inspecteurs, on va avoir des vérificateurs. Ils vont faire des vérifications, je ne sais pas, comme on vérifie votre véhicule pour savoir s'il est conforme ou en état de rouler. On va faire des vérifications. Les pouvoirs d'enquête, ça n'existera plus. Ça veut dire que la loi, on lui a enlevé tout ce qui pouvait représenter un minimum de protection et de mise en garde, d'information touchant les règles et son application. Non seulement a-t-il aboli la Commission de protection de la langue, mais il a complètement vidé l'Office de protection de la langue de tout pouvoir réglementaire.

Pourtant, c'est le même homme, c'est le même

homme qui nous disait, parlant toujours du dangereux carcan que constituait la loi 101: En pratique, le ministre et ses proches collaborateurs s'aménagent ainsi un vaste empire bureaucratique à l'aide duquel ils pourront à volonté s'immiscer dans n'importe quelle entreprise, dans la vie privée des entreprises.

M. le Président, il s'accapare tous les pouvoirs réglementaires. Ce que nous avions fait, c'était de les donner à l'Office de la langue française de manière à les garder à bout de bras, un peu, assez loin de toutes les tentations partisanes politiques. Il se les est appropriés, contrairement à tout le discours qu'il tenait alors.

C'est un projet de loi qui est néfaste, qui risque de perturber la paix sociale. Je n'ai pas voulu en parler, parce que je trouve toujours ça inquiétant de ramener ces questions, mais, en commission parlementaire, la très grande majorité des intervenants se sont inquiétés. Ils prétendent que ce projet de loi risque de menacer la paix sociale au Québec. Mais ça marque un recul majeur, un recul important. Et on vient modifier, après 17 heures de commission parlementaire, on vient modifier une loi qui modifie 84 articles de la Charte de la langue française. Le gouvernement n'avait pas ce mandat. Ce mandat n'était inscrit ni dans son programme de 1985 ni dans le programme de 1989. Le seul engagement, c'était sur l'affichage. Jamais ce gouvernement n'a été élu pour saboter les dispositions de la Charte de la langue française pour faire de la Charte de la langue française la charte des langues officielles. Le gouvernement n'a pas ce mandat. La population va s'en rappeler certainement au prochain scrutin.

Je voudrais inviter ceux et celles de la partie ministérielle qui ont un peu de courage, qui ont pris la peine de lire le projet de loi, d'en comprendre les différentes dispositions, d'en lire les règlements ? qui sont disponibles, il va sans dire ? à voter contre comme nous le ferons. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Chicoutimi.

Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française. Et je cède la parole à M. l'adjoint parlementaire du ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Nelligan.

M. le député, vous avez la parole.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président.

Je me lève ce soir comme parlementaire, comme démocrate, comme libéral, très fier, parce qu'on discute de la loi 86 qui est une loi qui va respecter les changements d'attitude dans la société québécoise.

La loi 86 est un reflet des grands changements du climat social. Cela fait juste 4 ans et demi que nous avons discuté la loi 178, et nous avons vu un grand changement, une grande amélioration dans l'attitude et le climat social. Nous avons, au moins de ce côté de la

Chambre, essayé d'avoir un débat ouvert et honnête sur l'amélioration de la Charte de la langue française.

Mais, M. le Président, ce n'est pas un débat sur l'affichage, c'est un débat sur le respect mutuel, c'est un débat sur la tolérance. J'espère que l'autre côté de la Chambre va comprendre que l'on ne peut pas protéger une langue juste en interdisant une autre langue. C'est un débat sur le changement d'attitude, c'est un débat sur les choix entre le nouveau contrat social ou la vieille garde, avec les vieilles réalités, qui n'a aucune place dans la réalité du Québec de 1993. Et, jour après jour pendant ce débat, nous avons vu qu'il n'y a aucun support de cette perspective.

Quand nous avons commencé le débat, le ministre responsable de la Charte de la langue française demandait 5 questions. Moi, comme député de Nelligan, j'ai demandé 1 question, comme j'ai toujours demandé comme Québécois. J'ai demandé comment on peut protéger la langue française et toujours en respectant les minorités. Et, M. le Président, ce soir, avec la loi 86, je pense qu'on trouve la réponse à cette question. C'est un débat, aujourd'hui, M. le Président, sur une différence d'approche entre les politiques d'exclusion pratiquées par l'autre parti ou les politiques d'inclusion. C'est le début d'un changement d'attitude, comment on traite les minorités, comment, au Québec, on peut bâtir une société ouverte qui respecte tout le peuple québécois. Avec la loi 86, M. le Président, ça va être le peuple qui va décider. On pense, de ce côté de la Chambre, que le peuple peut décider comment il peut protéger la langue française. Si on assure que la langue française est partout, on peut avoir la flexibilité de laisser une ouverture pour les autres langues. (21 heures)

C'est un débat pour les voisins, pour trouver les solutions entre voisins. Je sais que l'autre côté aime créer des structures et il continue à faire le débat. Mais on veut régler cette question parce que, au Québec, nous avons plein de problèmes, et on doit régler les problèmes. Je pense qu'on peut corriger ce problème tout de suite et commencer à changer les autres. Avec ça, M. le Président, c'est une nouvelle vision du Québec, et on peut être fiers ce soir du projet de loi 86. Je n'entre pas dans tous les détails parce que nous avons entendu ça pendant des semaines et des semaines, mais c'est basé sur le respect mutuel.

M. le Président, when I went door to door, in 1989, people were asking me about the language laws, and I made a commitment to the citizens of Nelligan, that I always believe, that you can protect language rights without using a «notwithstanding» clause, and today, again, our Liberal Party is proving commitment. You can develop language laws that fully and totally protect the French reality of this province but respect the English-speaking community and other minority communities.

There is a part of this law, M. le Président, that a lot of people have not talked about in the last period: it is the protection of our institutions. The English-

speaking community, through its institutions of health care and education and its municipalities, has built some very vibrant public establishments. Here, in Bill 86, we have protected them in which they will not lose any special status unless they so request it by debate, by resolution within their own establishments. And I think this is fundamentally important as we move towards continuing to protect the majority French reality of this province while respecting the minority communities.

M. le Président, the Liberal Party in the last 4 years has done a great deal working with the English-speaking community. Tonight is another decision as we protect the French community and the English community at the same time. In health care, we have done that. In education, we continue to do that. Today's decision in the Supreme Court acknowledges that again we can look to the National Assembly to resolve our problems. We do not need to look outside. We do not look towards other governments or other levels to give us decisions. We can, in fact, work out decisions that make sense for all Quebeckers.

When you look at the track record over the last few years, yes, there is still work to do, and there are repairs to be made between the 2 communities, but in the cultural affairs area, in health and social services, in education, within government structures and within communications, we are building approaches that are going to respond to the real issues of the English-speaking community.

Today, M. le Président, you see a new climate of openness, a new understanding between French and English-speaking Quebeckers. And it is important to say that it is clear the English-speaking community sees the contradictions that are evident in the Parti québécois when they produce a report that everything will be wonderful in a sovereign Québec, yet they try to block Bill 86. The contradictions ? and that is the nicest word to use ? are evident.

But equally I think it is important to highlight tonight the contradictions in the Equality Party position. It is that they build the party based on linguistic tensions. They do not want certain resolutions of that, and you see it again in the behaviour during this debate. I think we should make sure that we understand that there is a party in this National Assembly ? and it is the Liberal Party ? that is trying to work out the issues. And maybe there is still work to be done, but we are not building a strategy based on linguistic tensions that I have seen in the other 2 parties. And I think it should be said because too much time in the last period, in the last few years, has been based on misinformation and misunderstandings. It is clear, M. le Président, that the cloud of 178 has created a high level of misunderstanding and I hope tonight, when we pass this law, that we will move that cloud, and, together English-speaking and French-speaking Quebeckers will build a stronger society, because I think we can be very proud of the approach that we are doing in Bill 86.

As I mentioned before, there are serious difficulties. When I talk to the people of my riding, both the French and English-speaking communities, they want this issue resolved, and tonight we are not fully resolving it, but I think we're taking a wonderful step in the right direction respecting the social climate, respecting the kinds of openness that I think we have heard from everybody.

M. le Président, avant de terminer, je voudrais féliciter le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française parce que, avec son leadership pendant ce débat, nous avons eu un débat honnête, franc, ouvert. Je me souviens du débat, il y a 4 ans, et nous avons vu un grand changement, et on peut être fiers du leadership que nous avons eu dans notre parti. Et une fois qu'on règle ce problème, et une fois que nous avons réglé la question de l'affichage de la langue française sans la clause «nonobstant», je pense qu'on peut avancer dans les autres dossiers.

M. le Président, the Liberal Party of tonight, when we pass Bill 86, speaks with confidence, with courage and with conviction, and I will certainly gladly lend my name to supporting Bill 86. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Nelligan. M. le député de D'Arcy-McGee, je vous cède la parole. Je crois comprendre que les députés indépendants se répartissent l'enveloppe de 15 minutes en une intervention de 5 minutes chacune. Vous avez donc droit à 5 minutes, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: M. le Président, le vote pour l'adoption finale du projet de loi 86 me place devant un dilemme très difficile. We have to admit, we have to recognize that this bill represents an important step forward. I believe congratulations are in order for the Minister responsible for the French language charter, who has handled the debate over a very emotional piece of legislation with a great deal of dexterity. And I believe some of the impotence of the Opposition in building up forces against this bill is in large part due to the skill that the Minister has shown in dealing with this important debate.

M. le Président, I would like to vote in favour of Bill 86. I would like to vote in favour of Bill 86, and hearing many of the speeches from some of the members of the Government, hearing what some of them have to say, on the one hand I feel I have to thank them for some of their openness, and on the other side of the coin I feel a certain sense of satisfaction that some of the efforts that our party has made in the past to bring this debate to light has bore fruit and we will reap some of the benefits of that hard work tonight.

But, M. le Président, we also ask the question: Is the cup half full? And as I said, as much as I would like to vote in favour of Bill 86, as much as I would like to say yes and be swept up with optimism and enthusiasm,

I cannot, M. le Président. Bill 86 corrects or rectifies an error that the Government made in 1989, that the Government should not have made. The anglophone community was cut with a knife in 1989. Tonight, the Government patches up this wound with tape. They are doing something that individuals in most democratic countries in the world take for granted.

Now, if we voted for this legislation, we would be sending the message that all is well in Quebec's anglophone community. But all is not well, unfortunately. We must, tonight, register the opinion that, although this bill takes us forward, the anglophone community still has some very serious concerns about its future that have not been adressed properly with this legislation. As I said when the committee hearings began a few weeks ago, I was 16 years old when Bill 101 was passed. In the past 16 years, since the passage of Bill 101, most of my friends, relatives, colleagues have left the Province of Québec. This is a serious concern and Bill 86 did not address this major concern of the anglophone community. We are concerned about our future here in Québec.

The anglophone community supports this law in itself. We find that this law is a major improvement over existence of what we had before, but as a legislator, we cannot vote in favour of it because, unfortunately, it does not go that extra step that is vital, that extra step that is vital to address the real substantive concerns of English-speaking Quebeckers. And as far as the rhetoric is concerned, by those who will react to our vote tonight and say that this is proof of the increasing appetite of the English-speaking community, this rhetoric must be recognized as racist rhetoric. A minority community, M. le Président, by virtue of its minority status must always try to get as much as it can from the majority in this province. We must fight for as much of our rights as we can, with as much vigour and determination as we can. (21 h 10)

So, in conclusion, I ask the Minister, this evening, to understand why we are voting against it. I ask him to recognize, understand and be sensitive to the reason we are voting against this bill. And if he understands the gut feeling of why we cannot support this legislation at this time, well, that very understanding by the Minister will go a very long way in healing some of the wounds since bill 101 was adopted, 16 years ago. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Lac-Saint-Jean, whip en chef de l'Opposition officielle, je vous cède la parole.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je voudrais profiter des quelques minutes qui me sont attribuées pour, d'abord, dénoncer l'hypocrisie et la grande tartufferie de la prédominance en matière d'affichage.

C'est ce qu'on retrouve à l'article 17 du projet de loi 86, qui dit: «L'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français. Ils peuvent également être faits à la fois en français et dans une autre langue pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante.»

La prédominance, M. le Président. C'est quoi cette bibite conceptuelle, qui a fait sa première apparition, vous le savez, dans la loi 178, qui le permettait à l'intérieur des commerces? Il n'y a jamais eu une seule violation de cette disposition. Ça mange quoi en hiver la prédominance du français dans l'affichage commercial? Qui va faire appliquer cette notion nébuleuse, tarabiscotée, emberlificotée? La Commission de protection de la langue française? Certainement pas. Elle est liquidée, elle disparaît, morte au champ d'honneur, enterrée sans funérailles. Les citoyens? Les citoyens qui vont se charger de faire respecter la prédominance? Eh bien! les pauvres citoyens, qui vont avoir cette volonté, vont devoir se référer à un règlement, un règlement qui leur indique c'est quoi la prédominance. C'est quoi la prédominance du français dans l'affichage commercial, M. le Président? Eh bien, la prédominance du français, c'est lorsque le français a un impact visuel beaucoup plus important. On associe à une notion nébuleuse une autre notion nébuleuse, qui ne veut rien dire: un impact visuel plus important!

C'est quoi un impact visuel plus important? Alors, je vais voir au règlement. Le citoyen qui veut faire respecter ça, il va voir au règlement. Quand c'est sur une seule affiche, il faut que le français occupe deux fois plus de place que l'anglais dans l'affichage. Il va s'apercevoir de ça comment? En faisant comme les travailleurs de la construction, en se promenant avec un gallon à mesurer attaché à la ceinture et un escabeau, pour pouvoir monter ? parce que, parfois, les affiches sont hautes ? aller mesurer, pour voir s'il y a le rapport 2/3-1/3? Qui va faire respecter ça? Quel citoyen va aller faire son épicerie avec un gallon à mesurer et un escabeau dans son panier? Personne.

Oui, exactement. La prédominance, c'est une supercherie, une tartufferie, M. le Président. L'impact visuel plus important, ça va se traduire comment, quand les affiches sont distinctes? Le règlement nous dit: Ah! c'est très simple, ça va dépendre du nombre des affiches. S'il y a deux fois plus d'affiches en français qu'en anglais, la loi va être respectée, il y aura prédominance. Alors, en plus du gallon à mesurer, il va falloir la calculatrice pour pouvoir les compter. Il en faut deux fois plus, M. le Président. C'est ça, la prédominance. Vous imaginez qu'il va y avoir beaucoup de citoyens qui vont s'efforcer de faire respecter la loi? Pas un seul, comme ça a été le cas, d'ailleurs, pour la loi 178, qui prévoit la prédominance à l'intérieur des commerces. Il n'y a jamais eu une seule violation. Pensez-vous qu'il y a du monde qui vont s'occuper de faire respecter ça, une notion aussi farfelue?

Alors, M. le Président, je pense qu'il est important de signaler que cette notion de prédominance est inapplicable. Ce n'est pas gérable. C'est de l'hypocrisie. C'est une fourberie. C'est clair que l'intention véritable du gouvernement, c'est de faire en sorte que, dans l'affichage commercial, les 2 langues soient sur le même pied. Voilà, c'est ça qu'on veut, et c'est ça qui va arriver, parce que cette notion farfelue et frivole de prédominance, il n'y a personne qui va se charger de la faire appliquer, comme c'est le cas depuis 5 ans à l'intérieur des commerces. Hypocrisie, M. le Président.

La même hypocrisie apparaît en matière d'apprentissage de l'anglais langue seconde et des fameuses classes d'immersion qu'on autoriserait en vertu d'un amendement à la Charte de la langue française. La ministre nous avoue, cette semaine, que c'est elle qui l'a demandé, et elle est incapable, jusqu'à maintenant ? et elle n'a pas voulu venir en commission parlementaire ? de nous indiquer quelles seront les modalités d'application, les conditions de mise en vigueur de cet amendement majeur qu'on apporte à la Charte de la langue française en matière d'apprentissage de l'anglais langue seconde. Personne ne le sait, et elle refuse d'écouter les voix autorisées qui viennent de partout. Des voix autorisées en matière de pédagogie, des commissaires d'école, des enseignants, des enseignantes, des cadres scolaires, des directeurs d'école qui sont venus, qui ont fait entendre leur voix, qui ont dit à la ministre: Ça, c'est dangereux. Ça comporte des risques, surtout quand on ne sait pas comment ça va s'appliquer, et surtout, quand la ministre, la responsable de l'éducation, n'est pas capable de nous dire comment ça va s'appliquer.

Elle s'est ouverte, récemment, M. le Président, à un journaliste du Journal de Québec. Elle a été incapable, évidemment, de nous éclairer davantage sur la manière dont ça va s'appliquer, mais elle a dit... Probablement qu'elle a été alertée par un article de Jean-Pierre Proulx, qui s'y connaît en matière d'éducation, qui a écrit un article très étoffé, très fortement documenté, où il disait: Attention! L'immersion, ça pourrait devenir la passoire vers l'école anglaise. Alors, la ministre, sans doute alertée, dit à Régis Caron, du Journal de Québec: «Nous voulons éviter ? c'est elle qui parle ? d'engendrer des droits nouveaux, comme ouvrir l'accès à l'école anglaise.» Eh bien, nous, on l'a prise au mot. On l'a prise au mot et on a déposé un amendement. On n'en a pas déposé beaucoup, d'amendements, à ce stade-ci, on en a déposé 2. On en a déposé 1 qui, justement, permettait de fermer cette possibilité, cette ouverture.

Je vous lis l'amendement, M. le Président: «Les enfants qui ont reçu ou qui reçoivent l'enseignement en anglais afin d'en favoriser l'apprentissage conformément aux prescriptions du Régime pédagogique ne sont pas réputés recevoir ou avoir reçu l'enseignement en cette langue pour les fins de l'article 73» ? de façon, comme le signalait Jean-Pierre Proulx, qu'ils ne puissent pas prétendre être admissibles, en tout temps, à l'école anglaise. C'est ça, la passoire. La ministre dit: Oui, on va s'occuper d'éviter d'engendrer des droits nouveaux. On lui propose un amendement qui va exactement dans ce sens-là. Qu'est-ce qu'elle a fait, tantôt, quand on a voté sur cet amendement-là? Tous les ministériels ont voté contre, et elle, elle n'a même pas su que l'amendement a passé. Elle a voté contre. Pourtant, ça allait exactement dans le sens qu'elle indiquait dans l'article. Hypocrisie! Tartufferie, M. le Président!

C'est ça, le projet de loi 86, présenté par le commissaire du peuple aux langues officielles! C'est ça, le projet de loi 86. C'est un travail de sape, de démolition, de démantèlement des grandes orientations, des grandes assises et des fondements de la Charte de la langue française. En plus, on n'est même pas capable de respecter le processus démocratique prévu dans nos règles. On n'est même pas capable ? 17 heures en commission ? et ce n'est pas vrai que le ministre peut prétendre qu'on n'a pas légiféré sérieusement en commission. Ce n'est pas vrai, parce qu'on n'a utilisé aucune mesure dilatoire. On a légiféré sérieusement. Il n'y a pas eu aucun... Une seule motion précédant l'étude détaillée. Une seule motion! Après ça, on est passé immédiatement aux remarques préliminaires, et on est passé immédiatement à l'étude détaillée. On était rendu à l'article 17, et on étudiait sérieusement. Voilà! Tout à coup, on cesse de convoquer la commission. Depuis 2 jours, elle ne siège pas. Là, la guillotine nous tombe sur le dos. Fini!

C'est ce qu'on appelle du «bulldozage», c'est ce qu'on appelle un procédé antidémocratique. Vous sapez les fondements de la Charte de la langue française, une des lois fondamentales de la société québécoise, et vous le faites en toute vapeur. Vous le faites en nous imposant le bâillon. Vous le faites en ne permettant pas qu'on étudie sérieusement tous les articles en commission parlementaire. C'est éhonté, ce que vous faites là, M. le ministre. C'est éhonté, ce que vous faites là.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît, M. le député. (21 h 20)

M. Brassard: C'est inacceptable. Oui, M. le Président, ce que le ministre fait là, c'est inacceptable. C'est antidémocratique, et s'il était encore éditorialiste au Devoir, je vous assure qu'on aurait un article demain, et, aujourd'hui même, on aurait un article vitriolique, dénonçant la conduite de ceux qui procèdent de cette façon-là.

M. le Président, le temps nous manque, parce que, justement, toutes les dispositions de la loi concernant l'accès à l'école, on n'a pu, d'aucune façon, les aborder en commission parlementaire, d'aucune façon.

M. le Président, quand on voit ça, la façon dont le gouvernement se conduit en matière linguistique, il est évident qu'on est en face d'un gouvernement dont

l'intention avouée, affichée, c'est de faire un retour à la loi 22, de triste mémoire. C'est de saboter la Charte de la langue française. C'est de mettre, de placer sur le même pied, l'anglais et le français, dans toutes les circonstances ? les 17 articles qu'on a étudiés ? en matière de langue d'administration, de législation.

En matière de législation, écoutez bien, il faut vous le dire. Vous ne le savez probablement pas, vous, les ministériels, vous n'étiez pas en commission. Savez-vous que le ministre et le gouvernement ont décidé de se conformer à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui nous impose, soi-disant, le bilinguisme en matière législative, d'administration et de justice?

Savez-vous qu'on a découvert en commission que l'article 133 n'a même pas de version française officielle, authentique? Tout l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, tous les textes constitutionnels qui nous régissent ? y compris la Loi constitutionnelle de 1982, le fruit d'un coup de force du gouvernement fédéral, adoptée sans l'assentiment de cette Assemblée nationale, qui a réduit les pouvoirs de ce Parlement ? parmi toutes les lois constitutionnelles qui nous régissent, M. le Président, le seul texte authentique qui a valeur légale, c'est le texte anglais. Il n'y a pas de version française authentique. Il y a une disposition de la loi de 1982 qui le prévoit. Ça fait 12 ans, et il n'y a rien de fait encore. Alors, l'article 133, qui nous impose le bilinguisme en matière de législation, de justice et d'administration, c'est en vertu d'un article dont la seule version légale, authentique est en anglais. Magnifique, hein, n'est-ce pas? Formidable! Humiliant, oui, humiliant.

En plus, le gouvernement trouve moyen, par le biais de ce projet de loi 86, de donner son adhésion formelle au coup de force de 1982, en reproduisant intégralement un article de la Charte des droits fédérale, qui constituait justement, au moment où cette Assemblée s'y est opposée, une réduction inadmissible des pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière de langue et d'éducation. Le responsable de la Charte a même voté avec nous là-dessus. Il n'était pas d'accord avec la conduite du gouvernement fédéral. Il n'a pas donné son adhésion à la loi de 1982. Eh bien, maintenant, c'est chose faite. C'est chose faite. Vous avez adhéré formellement à la loi de 1982, au coup de force de 1982. Alors, ne venez plus nous dire, après cela, que vous avez des conditions à exiger, même les plus minimes, comme celles de Meech, pour apposer votre signature, donner ou légitimer le coup de force de 1982. Vous y avez adhéré, maintenant, formellement, M. le Président.

C'est loin d'être un projet de loi uniquement pour permettre ? nous disait le ministre, au début de son intervention ? au gouvernement de régler la question de l'affichage, 5 ans après le recours à la clause dérogatoire. Bien au contraire, si ce n'était que de cela, il l'aurait fait en décembre, d'abord, à la session suivante ? il n'y a rien d'urgent ? et il n'aurait fait que cela, soit recourir de nouveau à la clause dérogatoire, soit encore apporter des amendements, mais sur ce point-là précis. Ils ont profité de cette occasion pour chambarder, bouleverser, démanteler, saboter la Charte de la langue française, et cela, de façon antidémocratique, en bâillonnant l'Opposition.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député de Saguenay, je vous cède la parole.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. Ceux qui ne sont pas intéressés peuvent toujours sortir. Après avoir entendu le Tartuffe de la langue, on peut en entendre un autre!

M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais féliciter le courage et surtout la grande sérénité du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française qui, depuis quelques semaines et quelques mois, dirais-je, a enduré patiemment tous les quolibets, toutes les insinuations, qu'il a toutes démenties une à une, d'une façon mesurée, calme, docile, avec une candeur qui est digne d'un grand homme d'État.

M. le Président, je vais m'attarder, ce soir, dans les quelques minutes qui me sont accordées, en particulier, à une certaine insulte qu'on fait au peuple du Québec, de la part de l'Opposition. Depuis quelques mois, on dit, au Québec, que le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française veut rendre le Québec bilingue. La députée de Chicoutimi s'acharne à ça, le député de Lac-Saint-Jean, le chef de l'Opposition, tout le monde s'acharne à ça.

M. le Président, je me pose une question: Demain matin, lorsque la loi 86 sera adoptée, est-ce que, dans mon comté, Saint-Paul-du-Nord deviendra Saint Paul of the North? Voilà la question. Est-ce que la ville de Québec deviendra Quebec City? Voilà la question. Je pense, M. le Président, que prêter des intentions aux Québécois, de cette façon, c'est une insulte. C'est une insulte de penser que l'ensemble des Québécois et des Québécoises sont si peu fiers de leur langue ? et on leur prête toutes les mauvaises intentions.

M. le Président, lorsqu'on est obligé de sortir des boules à mite des ténors du passé comme Pierre Bourgault, cautionné par le chef de l'Opposition, dans des assemblées de cuisine à l'aréna Maurice-Richard, M. le Président, c'est qu'on est à court d'arguments. Lorsque le président de la Société nationale des québécois indique que la Cour suprême, dans son cas, c'est la rue, c'est grave!

M. le Président, quels sont les alliés de l'Opposition? Qui sont-ils? Des gens connus ? et je respecte leur opinion ? pour leur nationalisme indu, irréfléchi et souvent irresponsable. Mais que pense la population du Québec? Que pense-t-elle, celle qui est à

60 %, 65 %, 70 % ? même dans le comté de la députée de chicoutimi ? d'accord avec la position du gouvernement du québec, du ministre responsable de l'application de la charte de la langue française?

M. le Président, c'est qui, les juges, au Québec? Est-ce les 350 professeurs d'université que la députée de Chicoutimi nous indiquait tout à l'heure? Est-ce que c'est Mme Pagé, présidente de la CEQ? Quels sont les juges au Québec? M. le Président, en démocratie, le peuple est souverain. C'est à lui de se prononcer. Et le peuple, en temps venu, se prononcera. Tant et aussi longtemps qu'il ne s'est pas prononcé, on n'a pas le droit de lui prêter des intentions. Les indications qu'on a de ce côté-ci prouvent fort bien que le geste posé par le ministre et le gouvernement est un geste responsable. Bien sûr, lorsqu'on a choisi, au départ... M. le Président, moi, je n'ai pas dérangé le député de Joliette quand il a parlé.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, allez-y, M. le député de Saguenay. (21 h 30)

M. Maltais: Je ne l'ai pas dérangé, moi. Je suis respectueux de la présidence. M. le Président, lorsqu'on est rendu, au Québec, à vouloir ramener, ramener 2 sortes de Québécois: les vrais, les purs et les anges, et les mauvais. Je ne pense pas que ce soit une façon d'unir le peuple du Québec. Le peuple du Québec est composé d'ethnies, de francophones, d'anglophones et d'autres ethnies. D'ailleurs, l'Assemblée nationale, ici, en est un reflet, M. le Président. Et j'aurais aimé entendre le député de Westmount là-dessus. J'aurais aimé ça, l'entendre. C'est un reflet. M. le Président, lorsqu'une société comme le Québec est capable de réunir dans son Assemblée nationale, qui est la voie représentative et démocratique du peuple, autant de personnes de différentes ethnies, c'est qu'elle a compris qu'elle était capable de vivre dans le respect des personnes. Et à la minute où on ne respecte plus les personnes, nous ne sommes plus en démocratie. À la minute où on n'est plus capable d'accepter que notre voisin pense d'une autre façon que nous sans le traiter d'hypocrite, de méprisant et de traître, nous ne sommes plus dans une démocratie.

La démocratie demande le respect, d'abord, des individus, dans ce qu'ils sont et ce qu'ils représentent. La démocratie c'est au-dessus, M. le Président, au-dessus des haines, de la partisanerie. Le peuple du Québec et les jeunes en particulier au Québec évolueront au cours des 25, 50 et 100 prochaines années dans un milieu de 300 000, 350 000 anglophones. Avons-nous le droit, au Québec, aujourd'hui, de leur fermer nos frontières? Il faut être plus Québécois que ça. Respecter notre langue, notre culture, c'est un objectif, mais ne pas la fermer aux autres, voilà l'essentiel du projet de loi 86, M. le Président.

Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Jacques-Cartier, je vous cède la parole. Vous avez convenu d'intervenir pour 5 minutes. Allez-y, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président.

I do not know whether I can add very much that is original or different from what was said, I think, very well and very eloquently this evening by my colleague from D'Arcy-McGee. I take the same view as he does, both about the bill and the way it has been conducted through this Legislature and the position that we have to take. I think that the Minister has shown not only dexterity, but compassion and intelligence in the development of Bill 86. I suppose probably, no matter how he had gone about it, he would face a rather ferocious reaction from the other side of the House, and we have, of course, come to take that for granted.

I cannot support Bill 86, not in its entirety and not in terms of my constituency, for the reasons that we have already laid out. The more fundamental issue of survival for us remains one of education and of gaining some more students for our schools and some means of renewal of our community. If we accept the idea that legislation, which instead restores something more of fairness and balance in terms of signs and other aspects of the state, is all that is required, we do not really come to grips with the fundamental problem of the English-speaking minority, as it has developed over the last 2 decades.

It is not true that the problem of that minority can be entirely explained by Québec governmental legislation, as I sometimes have to tell somewhat unwilling members of my own party. There are changes that have come in Québec, some of them inevitable, some of them desirable, some of them not having a great deal to do with government one way or the other; changes that came in religious belief, changes in family structure, changes in level of formal education, changes in the way capital is accumulated, the division of labour, and so on. And all of these were frequently very difficult for members of our community to adapt to. They might have felt a certain sense of shock, even had there been no Québec government legislation of any kind. Unfortunately, the legislation came at the same time as what was on the whole, in many respects, a great forward and upward leap on the part of the francophone population and that produced a recipe for misunderstanding that we have never entirely solved.

Québec is in fact, as we all know, an extremely difficult place to govern. It would be an extremely difficult place to govern under the doctrines of the party in Opposition; I suspect in many respects even more difficult to govern than it is under the present party. But it is a society that is difficult to govern because it is a more interesting and complex place than many other parts of the world and it offers opportunities, and fascinations, and delights, and varieties, to the people

who live here that do not exist for most of North America.

It is probably going to have to face some rather different problems in the 21st century, some of which will be affected by this legislation and some not. I suspect myself, for example, that the United States will probably, rightly or wrongly, begin to change its view on immigration again over the next few years because of the tremendous impact of population growth and pressure from other parts of the world. And if they do, they may very well produce the kind of legislation they did in 1924 and, if they do that, Canada certainly becomes a highly desirable place for a very large number of people of all varieties, Francophones, Anglophones, other languages and so on, so that we might face entirely different kinds of pressures and opportunities in terms of immigrants and their education and their successful or unsuccessful assimilation to the Francophones and Anglophones than we have at the moment.

Those kinds of large changes are always happening, and can frustrate any legislation. But I think that I do have to say that I give credit to this government, even though I cannot support this legislation for what it has done. I give credit to the Minister. I will carry this message to my own party and its constituents. Sometimes I think we are managing between the 2 of us, the Member for D'Arcy-McGee and I, to get half of our previous electorate angry at us one time and half of the other, and perhaps preparing an excellent recipe for electoral suicide, but, at least, we will have had the interesting experience of having said exactly what we thought in a great debating Assembly.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je veux vous rappeler que le Parti libéral dispose encore d'une période de 30 minutes, l'Opposition officielle de 25 minutes et 5 minutes pour M. le député de Drummond. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Pas d'autres intervenants? Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Mont-Royal, ministre des Affaires internationales.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, nous sommes à une autre étape importante dans l'évolution de notre société. Le projet de loi 86 reflète l'évolution de la société québécoise et l'évolution de toutes les composantes des communautés qui composent cette société. Le projet de loi 86 est une reconnaissance d'une acceptation des droits et des obligations de chaque composante de notre société.

En matière linguistique, M. le Président, on est parti d'une situation injuste et déséquilibrée. Il y a ceux de l'autre côté de la Chambre qui vont penser que je parle de la loi 101. Pas du tout. La situation injuste et déséquilibrée était dans un passé très récent où le français était occulté, où on était obligé de parler anglais pour nos transactions commerciales pour le travail, et c'était très injuste et déséquilibré de notre société d'avoir évolué de cette façon parce que cette situation de fait ne reflétait pas la réalité de ce que le Québec était et est aujourd'hui. Alors, pour remédier à cette situation, on a adopté plusieurs lois au cours des ans pour essayer de rétablir un équilibre. C'était le but des lois linguistiques que cette Assemblée nationale a débattues depuis plus de 20 ans. (21 h 40)

Aujourd'hui, qu'est le Québec? Le Québec est une société majoritairement francophone, avec une communauté anglophone et avec des communautés culturelles qui, toutes ensemble, font partie de la société québécoise. Et de la même façon que les faits auraient dû donner et fait à la réalité québécoise des années cinquante, soixante et soixante-dix, aujourd'hui, nos lois doivent donner, refléter la réalité du Québec.

Nous sommes interdépendants, M. le Président. Il n'y a aucune communauté au Québec qui est autosuffisante. Chacun, chacune dépend des autres. Et cette interdépendance, M. le Président, est aussi présente dans les relations entre peuples dans le domaine international.

Et, M. le Président, la loi 178, malheureusement, nous a causé beaucoup de questions. Beaucoup de questions ont été posées sur la société québécoise. Et vous savez, M. le Président, ce n'est pas plaisant pour quelqu'un du Québec qui représente un gouvernement, qui représente une société accueillante, une société tolérante de se faire continuellement poser des questions sur une loi qui interdit une autre langue.

À l'international, on explique le Québec, M. le Président, on explique ce qu'est le Québec et on peut justifier les politiques linguistiques. On a besoin d'une politique linguistique au Québec parce que nous sommes une minorité en Amérique du Nord. On peut expliquer les lois sur l'accès aux écoles anglaises et aux écoles françaises parce que, encore une fois, nous sommes une minorité en Amérique du Nord. On peut expliquer beaucoup de mesures que nous prenons pour protéger, pour s'assurer que la majorité francophone va pouvoir avoir tout son épanouissement et cette protection qui est nécessaire en Amérique du Nord et on peut le faire, mais ce qui est difficile à faire, et ce que j'ai trouvé très difficile dans ma fonction, c'est d'essayer d'expliquer, de justifier une loi qui interdit une autre langue, que ce soit l'anglais, que ce soit l'italien, que ce soit le portugais ou toute autre langue des communautés qui font partie de notre société. Ce sont des irritants. Et c'est malheureux que ces irritants soient utilisés par d'autres pour nuire au Québec.

M. le Président, je fais partie du Québec, je me sens Québécois. Je me sens vraiment mal à l'aise quand il faut que j'essaie d'expliquer certains gestes, certaines

lois qui ont été adoptées et que peut-être que notre société a évolué maintenant et ce n'est plus nécessaire de les avoir. Alors, ce n'est pas seulement une question économique, c'est une question de dignité, de dignité de la société québécoise, et nous n'avons pas le droit de nuire à l'image du Québec, à l'orgueil du Québec, à la dignité de notre société par des lois qui sont perçues comme étant intolérantes et qui sont perçues comme étant inacceptables. Et c'est pour cette raison, M. le Président, qu'aujourd'hui nous avons la loi 86 qui donne effet à la réalité du Québec, qui enlève les irritants et qui nous permet de maintenir une politique linguistique pour la majorité francophone tout en reconnaissant et en n'interdisant pas l'utilisation d'une autre langue.

M. le Président, quel est le message que nous donnons au monde entier? Il y a 2 visions, ici, de notre société. Il y a la vision du Parti québécois et cette vision dit: On veut accepter le monde entier au Québec. Ceux qui sont ici, qui sont d'une autre origine, d'une autre communauté culturelle, d'origine anglophone, la communauté anglophone, vous êtes acceptés, on veut que vous soyez au Québec, mais, faites attention, on ne veut pas que le monde le sache. Vous devez vous cacher. Oui, restez au Québec. On veut vous accueillir, mais on veut que vous ayez oublié une époque de cette présence. Ne démontrez pas que vous avez une présence au Québec. C'est ça, la vision d'une loi qui interdit complètement une autre langue.

Il y a aussi la vision, M. le Président, de notre gouvernement qui dit: Nous sommes ouverts au monde entier, nous acceptons les communautés culturelles, nous reconnaissons la communauté anglophone; cependant, quand vous êtes au Québec, vous devez reconnaître que ça se fait en français, que le visage linguistique français doit demeurer, que la prépondérance du français doit demeurer; vous devez afficher en français et prépon-déramment en français; mais, si vous le voulez, vous n'êtes pas obligés de vous cacher, vous pouvez aussi afficher dans une autre langue. C'est ça, la vision que nous avons ici et c'est ça, la reconnaissance que nous avons des autres communautés culturelles et de la communauté anglophone. Et je crois, M. le Président, que c'est quelque chose qui est tout à fait juste, qui est humain, qui est généreux et qui, vraiment, répond aux besoins de notre société, et on pourra aller dans le monde entier la tête haute parce qu'on va pouvoir leur dire: Oui, nous avons des politiques linguistiques qui répondent à la majorité francophone; oui, nous avons des politiques d'accès aux écoles, parce qu'on a eu des problèmes avec les immigrants dans le passé. Alors, nos politiques d'accès à l'école reconnaissent les problèmes que nous avons, et on peut les justifier. Mais, aussi, nous donnons le droit à tous ceux qui sont ici, que ce soient les anglophones, que ce soient d'autres communautés, de pouvoir afficher dans leur langue, de pouvoir démontrer qu'ils sont présents au Québec, pourvu qu'ils respectent la majorité francophone. C'est ça que la loi 86 fait, M. le Président.

M. le Président, il est tout aussi injuste et inéquitable d'exclure légalement une autre langue aujourd'hui qu'il était injuste et inéquitable d'exclure factuellement ou de dénigrer l'image française du Québec dans un passé encore récent. Et ce que nous faisons, finalement, nous y faisons face et nous reconnaissons cette réalité.

M. le Président, la loi 86 est une loi qui met fin aux querelles linguistiques. Arrêtons les querelles linguistiques. Nous avons besoin de travailler ensemble au Québec. Les querelles linguistiques nous divisent. Ce n'est pas avec des querelles linguistiques qu'on va pouvoir résoudre les problèmes auxquels nous faisons face: les problèmes de société, les problèmes de mondialisation, les problèmes d'interdépendance avec le monde entier, tous les problèmes auxquels nous faisons face. La loi 86 met fin à cette querelle, à ces querelles linguistiques. C'est un nouveau rapport que nous avons avec toutes les communautés. Le visage linguistique va continuer à être français par la prépondérance du français, mais on est assez évolués, généreux, humains, dignes comme société de ne pas exclure une autre langue.

Et, M. le Président, on ne peut continuer à se déchirer entre nous. Je veux féliciter le ministre responsable pour son courage, pour avoir pris la décision, et le gouvernement aussi, pour, finalement, réaliser que ces querelles sont derrière nous, que nous devons entreprendre l'avenir ensemble et que nous devons tous travailler ensemble pour le bien-être de notre société, pour le bien-être du Québec.

Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Mont-Royal.

Je cède la parole à M. le député de Joliette, leader de l'Opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

M. le Président, d'entrée de jeu, vous me permettrez de dire au député de Mont-Royal, par votre intermédiaire, M. le Président, que, lorsqu'on est convaincu de quelque chose, quelles que soient les questions qui nous sont posées, on les défend avec justesse, avec beaucoup d'enthousiasme et avec beaucoup d'engagement, à part de ça. Ce n'est pas croyable d'entendre, de la bouche d'un ministre du gouvernement, M. le Président, qu'il est mal à l'aise de répondre à une législation que son propre gouvernement a votée en 1986. C'est parce que vous n'y croyez pas. Et je ne suis pas surpris, M. le Président, parce que le député de Mont-Royal était un des 9 à avoir voté en faveur du rapatriement unilatéral du fédéral en 1982. (21 h 50)

M. le Président, je voudrais, cependant, vous dire combien je suis fier d'être du camp de ceux qui ne craignent nullement d'afficher leur fierté d'être francophones en Amérique du Nord. Je suis fier

également d'avoir été un de ceux qui ont voté en faveur de la loi 101. Je suis fier, M. le Président, pour les jeunes milliers de Québécois qui, à la suite de l'adoption de la loi 101, ont accédé à des postes de cadres supérieurs. Je suis fier, M. le Président, parce que la loi 101 était venue mettre fin, précisément, à une situation bordélique avec la loi 22 qu'avait votée le gouvernement libéral. La loi 101 avait apporté la paix linguistique au Québec. Et qui est-ce qui a réveillé le débat linguistique au Québec? C'est le Parti libéral d'abord par sa loi 178, ensuite par sa loi 86, comme il le fait présentement. Il y a beaucoup d'anglophones québécois, M. le Président, qui nous dirons: On aime beaucoup mieux avoir une formation politique qui nous dit les choses clairement au lieu de louvoyer.

Et quand j'entendais tantôt le député de D'Arcy-McGee, M. le Président, dire: Ce n'est pas pire, mais ce n'est pas assez, on va continuer notre lutte pour aller plus loin. Parce que leur objectif, c'est l'anglicisation. Ça, c'est aussi clair que ça, M. le Président. Et on ne l'acceptera jamais, l'anglicisation du Québec. Et je lutterai, M. le Président, tout le temps de ma vie publique. Et, comme citoyen, je me battrai tout le temps pour que le Québec demeure un Québec francophone, un Québec au visage français. et, à ce titre-là, je partage à 100 % les idées d'un nommé l'allier, maire de québec, qui doit être aussi représentatif que bien des gens qui sont venus témoigner pour dire, par exemple, qu'ils appuyaient, de façon illimitée le gouvernement actuel.

Je suis bien fier d'être à côté d'une Lorraine Pagé, M. le Président, qui n'a pas eu peur de venir expliquer en commission parlementaire les principes pédagogiques qui sont mis en cause par la loi 86. D'ailleurs, principes qu'il nous faudra rectifier lorsque nous traverserons de l'autre côté de la Chambre, parce qu'on ne peut pas accepter de mettre en péril la réussite scolaire de nos jeunes Québécois. Ça, c'est clair aussi. Je suis fier d'être avec tous ceux qui sont venus de l'autre côté, qui ont eu le courage de leur opinion, et de dire clairement: Le Québec est un peuple francophone qui a une langue, qui veut la conserver. Et je pense que même face aux allophones, c'est une question de franchise qu'il faut avoir vis-à-vis eux.

J'écoutais le député de Mont-Royal et je suis inquiet parce que les allophones qui entrent au Québec, ils entrent au Québec avec un double message présentement: «Welcome Canada» puis «Bienvenue Canada». Essayez de leur expliquer qu'on est un peuple majoritairement francophone et qu'ils doivent apprendre la langue de la majorité. Le message qu'on leur donne dans les ambassades pour qu'ils entrent ici, le message qu'on leur donne à leur arrivée à l'aéroport, c'est un message de bilinguisme, M. le Président, et ce n'est pas à eux que je m'attaque pour dire: C'est regrettable, vous devez vous intégrer à la communauté majoritairement francophone.

Je comprends donc le député de D'Arcy-McGee qui voudrait tous les avoir dans ses écoles pour les angliciser précisément, M. le Président, alors que le peuple francophone a le droit, M. le Président, c'est un droit collectif qu'on a. Et Dieu sait qu'ils ne sont pas placés ? je m'excuse, le député de D'Arcy-McGee, M. le Président, ça fait 2 ou 3 fois qu'il crie ? n'est surtout pas placé pour venir traiter de quoi que ce soit un député en cette Chambre. S'il y a une communauté ouverte aux droits de notre minorité reconnue, c'est bien le Québec. Avec un système scolaire de la prématernelle jusqu'à l'université, avec un système de santé qui respecte, M. le Président, intégralement leurs droits. Je m'excuse, mais on doit avoir le droit, comme peuple, de vouloir demeurer un peuple francophone, M. le Président. C'est comme si la minorité grossissait et grossissait. Ce n'est pas la minorité anglaise qui a grossi au Québec, ce sont les allophones dont le pourcentage augmente.

Regardez les chiffres: la minorité anglaise est stable. Elle est tellement stable que ça inquiète le député de D'Arcy-McGee et d'autres qui nous disent: arrangez-vous donc pour qu'on ait plus d'enfants dans nos écoles, nos écoles ferment. Ça ne doit pas être parce qu'ils sont trop trop en croissance. Quel est le nombre qui croît? Ce sont nos allophones. Un allophone qui arrive ici en terre québécoise a le droit de façon claire, précise, d'avoir un message sans équivoque: ici, on parle le français, ici la langue officielle, c'est le français; ici, le peuple majoritaire, qui a le droit de vouloir conserver sa langue et sa culture, est français, et ça, M. le Président, c'est une question de loyauté et de franchise, de franchise vis-à-vis les nouveaux arrivants, ne pas leur donner un double message et, après ça, essayer de les culpabiliser. Vous nous avez assez culpabilisés.

M. le Président, on a tenté de façon très orchestrée, au cours des dernières semaines, de culpabiliser les Québécois, de les culpabiliser avec un avis par ci, avec un sondage par là, disant: Vous allez manquer de générosité. Pourriez-vous en avoir un petit peu, un tantinet, aussi, de reconnaissance pour la générosité des Québécois, et de reconnaître qu'un droit fondamental d'un peuple, ça doit être celui de conserver sa langue et sa culture. Moi, il y a des limites à me sentir culpabilisé, M. le Président. On ne me culpabilisera pas parce que je veux garder le visage français du Québec. On ne me culpabilisera pas, M. le Président, parce que je veux que la culture française demeure vivante, active, sans contrainte au Québec. Ça ne nous empêche pas d'être généreux, M. le Président, vis-à-vis les droits individuels, mais, de grâce! reconnaissez à un peuple le droit de vouloir demeurer ce qu'il est, de garder son identité, M. le Président.

Moi, je n'en reviens pas qu'on se laisse culpabiliser de la sorte. Je n'en reviens pas, M. le Président, d'entendre autant de choses que j'ai entendues ce soir par certains députés. C'est comme si, parce qu'on est francophone, M. le Président, il faudrait avoir honte de se promener à travers le monde et dire qu'on l'est. Voyons! C'est une fierté. Demandez au maire de Québec, par exemple, ce qu'il pense de votre loi. Il va

vous dire: Moi, ce qui fait ma richesse sur le plan touristique, c'est précisément le visage français de ma vieille capitale. Donc, pourquoi, M. le Président, essayer de culpabiliser ces gens, les accuser de manque de générosité? Minute! Ce n'est pas un manque de générosité, M. le Président, que de vouloir demeurer un peuple francophone en Amérique du Nord. On a assez d'être cet îlot francophone, d'être isolés et d'avoir à lutter constamment contre Fanglicisation, et je m'imagine qu'on doit avoir le droit de combattre, qu'on doit avoir le droit de se protéger, qu'on doit avoir le droit de se développer, en autant qu'on respecte les droits individuels et les droits reconnus et qu'on ne les attaque pas, M. le Président.

J'écoutais le raisonnement, par exemple, du député de D'Arcy-McGee. Parce que certaines écoles anglophones ont de la difficulté avec le nombre d'élèves, il faudrait permettre à du monde d'aller à l'école anglaise. Qu'est-ce qui arrive dans nos petits villages quand il n'y a plus d'enfants? On ferme l'école. Ah! là, ce n'est pas grave, c'est des francophones. On prend des élèves et on leur fait faire 50 milles d'autobus scolaire, ce n'est pas grave; il n'y a pas assez d'élèves là, promenez-vous. Mais, pour eux autres, il faudrait créer des écoles et leur envoyer tous les immigrants. Après ça, on dit: On est une terre francophone; la langue officielle, c'est le français. Bien, si la langue officielle et la langue du pays, c'est le français, doit-on avoir le droit d'exiger de nos nouveaux arrivants que le seul prix à payer pour s'intégrer à la communauté, c'est d'apprendre la langue de la majorité? C'est partout de même à travers le monde. Quand on arrive en Italie, est-ce qu'on se demande: Est-ce que j'ai un droit spécial comme francophone, là, moi? Ou bien si je m'intègre à la majorité italienne? Quand je vais en Grèce, est-ce que je demande s'il y a une place pour moi, et si je ne pourrais pas m'ouvrir une école et vous pourriez me passer, je ne sais pas, plusieurs ethnies pour venir à bout de me faire une école? Ce n'est pas de même que ça marche dans les pays organisés, dans les pays structurés. Il y a des limites à se faire charrier et à se sentir coupables. Je ne me sens coupable de rien, je suis fier d'être francophone, je suis fier d'être respectueux des droits, des droits qu'on a consentis. Mais arrêtez de nous culpabiliser! Arrêtez de nous culpabiliser!

J'écoutais le député de Saguenay dire qu'on a sorti des gens des boules à mites. À vous regarder aller et à vous entendre parler, il y en a certains qui auraient avantage à entrer dans les boules à mites, M. le Président.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Chevrette: D'autant plus, M. le Président, que cette lutte linguistique, cette canne qu'on a ouverte sur le plan linguistique n'a été demandée par personne, si ce n'est qu'un petit groupe, un petit groupe qui voulait satisfaire ses appétits et qui dit, même avant qu'elle soit adoptée, qu'il n'en a pas eu assez.

D'ailleurs, c'est le Parti Égalité, à mon point de vue, qui vient de se faire hara-kiri, ça, c'est clair. (22 heures)

M. le Président, je suis convaincu d'une chose, c'est que le gouvernement actuel, M. le Président, a ouvert un débat linguistique pour camoufler son incapacité à agir sur le plan économique. Ces mêmes gens, au référendum du 26 octobre, qu'est-ce qu'ils nous disaient? Enfin ? les grandes respirations pour masquer leur défaite ? enfin, on va pouvoir parler d'économie! Un budget rétrograde qui va empêcher, précisément, la reprise économique, puis va encourager le travail au noir, puis le marché noir, M. le Président. Aucun programme pour relancer l'économie, M. le Président. Aucun! On devait parler d'économie, M. le Président. L'approche des élections ? et ça se sent de plus en plus ? fait en sorte, M. le Président, qu'il fallait aller retrouver cet électorat perdu au profit d'un tiers parti qui ne se trouve pas et que ça leur prenait, bien sûr, le rapatriement. Puis ça paraît même dans les sondages, présentement: «Equality» fait ça, puis le parti fait un peu plus ça. Ils ne font que recouvrer, si vous voulez, l'électorat perdu. Et il y en a, M. le Président, qui ne seraient pas surpris que, d'un matin à l'autre, il y ait un passage d'un bord de Chambre à l'autre. On s'y attend, bien sûr, M. le Président.

Donc, à partir de là, ça sera au moins clair, M. le Président, et ça démasquera concrètement les volontés, les objectifs qui étaient sous-tendus par cette loi 86. Puis, moi, je pense, M. le Président, que ce sera une erreur de parcours, votre loi 86, parce qu'à mon point de vue il faudra rectifier, et très rapidement. On n'a pas le droit, M. le Président, de ne pas protéger notre langue.

Et ça, ça ne veut pas dire, contrairement à ce qui a été affirmé de l'autre côté de la Chambre, qu'on ne croit pas en la valeur d'étudier 2, 3 langues, s'il le faut. Ce n'est pas ça qu'on a dit. Jamais! Mais on a dit: Ne profitez pas d'une langue qui doit supposément régler certains petits problèmes d'affichage pour aller angliciser le système d'éducation et mettre en péril même l'acquisition de connaissances par des bains d'immersion, sous prétexte que, M. le Président, ça peut être avantageux sur le plan pédagogique. C'est faux! C'est complètement faux! Allez rencontrer les enseignants à travers le Québec! Allez leur parler de ça. Allez leur demander ce qu'ils pensent de vos immersions en mathématiques, par exemple. Allez demander aux directeurs d'école ce qu'ils pensent.

Bien sûr, certains directeurs d'école anglophone vont dire: Bien oui! on est d'accord avec ça parce qu'on va en avoir de plus en plus, après. Allez demander aux commissaires d'école qui suivent de près la pédagogie, M. le Président, pour voir s'ils acceptent ce principe. Allez demander à la CECM, aux fédérations des commissions scolaires ce qu'ils pensent de ça. Ce sont des élus, eux aussi, qui se présentent devant le peuple, puis qui ont à contrôler la qualité et la gestion pédagogique dans leur commission scolaire. Qu'est-ce

qu'ils disent de ça? Vous n'en avez pas entendu un pour vous autres. Aucun! Bien sûr, vous allez me dire: La commission scolaire catholique protestante. Je comprends! Ils sont dans la lignée du député de D'Arcy-McGee. Mais ce n'est pas ça, M. le Président, qu'on a entendu à travers le Québec. On a profité d'un avis sur l'affichage pour déborder carrément le sujet, pour aller même au niveau de l'anglicisation au niveau de l'école.

Et ça, M. le Président... Je m'excuse, mais mon collègue a été tellement éloquent sur la prépondérance du français. C'est tellement fou! Ils ont un règlement, présentement, M. le Président, à l'intérieur. Ça l'est, la prépondérance. Est-ce qu'on pourrait savoir combien il y a eu de causes? Est-ce qu'on pourrait savoir combien il y a eu de plaintes? Est-ce qu'on pourrait savoir combien on a dû apporter de correctifs? Comment on a fait apporter des correctifs? C'est nul.

Et on fait disparaître, M. le Président, la commission chargée de la protection de la langue française. C'est du beau, M. le Président! Et je vous dirai très honnêtement, M. le Président, que, moi, je suis fier d'avoir fait cette lutte contre ce projet de loi là, puis je serai encore plus fier le jour où on la défera, cette loi-là.

Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de l'article 213, M. le député? Refus. Alors, vous ne pouvez pas poser de question.

Je vais reconnaître M. le député de Louis-Hébert. Votre formation dispose encore d'une période de 28 minutes, M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président.

M. le Président, j'essaie de comprendre l'argumentation de l'Opposition. Ce qui se dégage de leurs propos, c'est une mentalité d'assiégés, c'est le dernier carré des résistants. On est pressés de toutes parts, le fort est en train de céder, et le siège se maintient et devient de plus en plus soutenu, la famine s'installe et le dernier carré que nous sommes de francophones en Amérique du Nord est en train de céder. Or, cette mentalité d'assiégés est une mentalité qui ne s'appuie pas sur la réalité. Ce n'est pas ça, la réalité. Ce n'est pas ça, parce que la société québécoise est une société en expansion, une société qui est en train de fleurir, de s'étendre, de s'affirmer, de devenir de plus en plus solide. Nous ne sommes pas en perte de vitesse, nous sommes en ascension, nous sommes en train de reprendre des forces et nous n'avons jamais été aussi solides que maintenant. Cette mentalité d'assiégés, c'est une mentalité de perdants, finalement, de gens qui avouent la défaite et qui se voient comme étant les victimes d'un complot nord-américain, si ce n'est pas planétaire, M. le Président...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Doyon: ...qui nous mène sur le bord d'un précipice dans lequel nous allons tomber et que tout le monde attend de voir le floc que ça va faire. Bien, il n'y en aura pas, de floc, parce que nous ne sommes pas une société d'assiégés. Nous sommes une société capable, nous sommes une société instruite, nous sommes une société qui devient de plus en plus riche, nous sommes une société qui est de plus en plus capable de faire ce qu'elle entreprend, et nous en faisons la preuve continuellement.

La position défaitiste est décourageante. Elle est décourageante. Elle nous mène au désastre. Elle appelle la foudre, elle appelle le malheur et le cataclysme, alors que ce n'est pas là, ce n'est pas là. J'invite les opposants à faire preuve d'un peu de réalisme. Je les invite à regarder les choses telles qu'elles sont, à faire une analyse basée sur les faits et non sur des convictions purement idéologiques. On n'est pas dans une affaire de dogme ici. La langue, ce n'est pas une affaire dogmatique. Je demande aux opposants de cesser de se considérer comme étant les victimes d'une immense pression qui viendrait de partout, et dont le seul moyen de résister est de calfeutrer, et de calfeutrer, et de calfeutrer, et de boucher les trous, de façon à ce qu'au risque de boucher des trous, et les ayant tous bouchés, on serait devenus un sous-marin, et on se promène dans le fond de l'eau, ne s'en apercevant même pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: La submersion n'est pas une solution à la survivance. On va passer inaperçus. Si vous voulez vous faire oublier, faites des palissades, faites des barrières, établissez des forts, des forteresses, et ayez des gardiens partout. Mettez des guérites partout, surveillez ceux qui nous attaquent.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Doyon: Regardez et ne vous faites surtout pas faire le coup de Montcalm, au cas où ça se reproduirait. Apprenons de l'histoire, finalement. Évitons les erreurs de Montcalm; ça pourrait être votre «motto».

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Doyon: M. le Président, j'entends l'Opposition, dans un discours qui est constant maintenant, tenter d'expliquer que nous sommes menacés par l'immigration: les immigrants sont une menace, ils sont une menace au fait français. Les francophones, assiégés de nouveau à Montréal, ont besoin de renforts extérieurs. On se croirait aux premiers temps de la colonie où on faisait appel à la mère patrie. Phipps est en vue!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: Phipps est en vue. Mais Phipps n'est

plus là. Je vous l'annonce. Les immigrants ne sont pas une menace, ils sont une force, ils sont un acquis, ils sont quelque chose dont on a besoin, ils sont des gens qu'on appelle de tous nos voeux, qu'on est prêts à recevoir parce qu'ils nous apportent beaucoup, comme nous nous sentons capables de leur donner la même chose. Nous n'avons pas peur des immigrants, nous ne voulons pas que les immigrants se sentent mal pris, mal reçus, comme étant des facteurs de minorisation de la majorité française. Ils ne doivent pas être perçus comme ça, ils ne sont pas ça. (22 h 10)

J'entendais le leader de l'Opposition, tout à l'heure, se réjouir et se frotter les mains, donner au député de D'Arcy-McGee l'exemple: Vous avez des services en anglais dans toutes sortes de choses. Je vous rappellerai que la loi 142, qui a donné ces services en anglais, on a été obligés de la passer, à notre corps défendant, en imposant la suspension des règles. Que cette mémoire est courte! Et maintenant, vous voulez vous en attribuer le crédit? Ça prend un drôle de culot. Ça prend un drôle de culot. Vous étiez contre. On a été obligés de passer un bâillon comme on a aujourd'hui pour vous le faire avaler et, maintenant, vous dites: Heureusement que vous avez ça. Comme si vous lui aviez fait un cadeau! Vous étiez contre. Il y a des limites, M. lé Président. Il y a des limites à prendre les gens pour des...

Une voix: Des lanternes!

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Doyon: Oui. C'est un mot que je ne risquerais pas, M. le Président. Il faut faire attention, parce qu'on n'oublie pas aussi vite que vous le souhaiteriez, et la population n'oublie pas aussi vite que vous le souhaiteriez non plus. La population se souvient d'un certain nombre de choses. moi, je suis à l'aise avec cette loi-là. je suis à l'aise, parce que... par exemple, on fait un boucan terrible avec le fait que l'office de la langue française disparaît. savez-vous que 90 % des 1800 ou 1900 plaintes qui étaient portées, 90 % de ces plaintes étaient portées par 4 individus? l'escadre des plaintes!

Une voix: Payés par le PQ.

M. Doyon: L'escadre des plaintes.

Une voix: Payés par le PQ, dans le temps de Blackburn.

M. Doyon: L'escadre des plaintes. 90 % des plaintes venaient des gens qui... Il y en avait 4. Horreur, on abolit l'Office! Incroyable! Ce n'est pas drôle de faire des affaires semblables.

Quand on dit que, dorénavant, en ce qui concerne le statut des organismes bilingues, des municipalités, par exemple... On dit, dans le torchon que j'ai montré cet après-midi, ce torchon, M. le Président, on dit dans ce torchon, M. le Président, que maintenant on va enlever à l'Office de la langue française le droit de retirer ce statut.

Mais c'est faux et tout le monde sait que c'est faux. Et vous les premiers, vous devriez le savoir, parce qu'il n'y a pas de disposition sur le retrait dans la loi actuelle, la loi 101. Il n'y en a pas. Alors, ce que nous faisons, c'est redonner aux élus, à ceux qui doivent avoir le pouvoir et qui doivent en rendre compte, la capacité de décider de ça, croyant que, nous, on ne peut pas agir pour le retrait de la même façon que pour l'octroi d'un droit semblable, parce que les conséquences sont plus importantes, sont plus graves.

On doit y songer sérieusement et on doit faire une évaluation. Et c'est les hommes politiques, les femmes politiques qui doivent faire cette évaluation-là, et c'est eux qui devraient en rendre compte. Est-ce qu'il y a quelque chose de scandaleux là-dedans? Est-ce qu'il y a quelque chose d'épouvantable là-dedans? Je vous le demande: Est-ce qu'il y a quelque chose qui fait peur à quelqu'un là-dedans? À moins de faire profession d'avoir peur. Si on fait profession d'avoir peur, évidemment, on risque d'avoir peur pas mal tout le temps puis pour pas grand-chose.

Une voix: Des peureux!

M. Doyon: M. le Président, je pourrais parler longtemps parce que je pourrais faire le tour de ça pour vous montrer les erreurs. J'appelle ça des «erreurs», mais je suis gentil, parce que le mot qui me vient à la bouche, vous le connaissez, on n'a pas le droit de le prononcer ici. Ça commence par «m», puis ça finit par «e».

Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Des mensonges?

M. Doyon: Ah oui! C'est plein de ça, mais je ne le dirai pas, M. le Président, parce que je ne veux pas vous obliger à vous lever.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît!

M. Doyon: Je ne veux pas vous obliger à vous lever. Ce que je vous dis cependant, avec toute la conviction dont je suis capable, toute la sincérité qui peut être la mienne, après avoir été en commission parlementaire maintenant depuis 1 mois, à entendre toutes sortes de choses, toutes sortes de choses, et à tenter de faire dire des choses qui n'ont pas été dites surtout, je vous dis que les gens, la population en général accepte et appelle de tous ses voeux ces changements que nous faisons. Comme j'avais l'occasion de l'exprimer, tout à l'heure.

Je rencontrais mon ex-adversaire sur la Grande Allée il y a 2 jours, qui me disait: J'ai gardé mes convictions indépendantistes, Réjean. Nous sommes confrères de classe.

Une voix: Guy Bertrand?

M. Doyon: Guy Bertrand. Et il me disait: Mais je ne suis plus capable de vivre avec cette situation où on me fait des reproches que je suis obligé de reconnaître comme fondés. Je ne suis pas capable d'expliquer l'atteinte que nous faisons à la liberté d'expression. Pour moi, c'est la graine dans l'oeil. C'est la graine dans l'oeil qui m'empêche de voir le très beau tableau qu'est notre société, normalement. Mais j'ai une graine dans l'oeil. Je veux l'enlever, cette graine-là, parce qu'elle me fatigue, cette graine, et elle m'empêche d'apprécier le beau tableau.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, amateur lui-même de tableaux, va comprendre ce que je veux dire. Quand il a une graine dans l'oeil, il n'est pas capable d'apprécier ses tableaux.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Doyon: Alors, il enlève la graine, il ne jette pas les tableaux!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: II garde les tableaux et il enlève la graine. Le PQ propose le contraire: Jetons les tableaux et gardons la graine. Bien voyons donc!

M. le Président, je pense que la démonstration est suffisamment éloquente pour que ceux qui tenteront de faire accroire qu'on est en train de mettre le feu à la grange, que la ferme va brûler... Ce n'est pas le cas. Nous faisons des réparations au bâtiment. Nous réparons la toiture. Nous réparons les fenêtres et nous clouons les planches qui ont besoin de l'être. Et il n'y a rien de dangereux là-dedans.

J'invite la population à faire une évaluation réaliste, une évaluation véritable de ce qui lui est proposé et je suis sûr que les 75 % que les sondages disent qui appuient ce projet de loi, ces 75 % sont un minimum. Je suis convaincu de ça. Et j'espère que nous serons une pipée, une pipée sans en entendre parler de ce problème-là parce que nous l'aurons réglé à la satisfaction générale, sauf, évidemment, de l'Opposition, mais ça, c'est une autre question.

Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Louis-Hébert.

Il reste encore au Parti libéral une période de 16 minutes, non compris la réplique de M. le ministre qui est de 15 minutes; à la formation de l'Opposition officielle, 10 minutes, et à vous, M. le député de Drummond, 5 minutes. Allez-y.

M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Merci, M. le Président.

M. le Président, nous en sommes rendus, encore une fois, à la fin d'un processus. J'aimerais m'adresser, par votre entremise, à mes citoyens et citoyennes qui m'ont fait le privilège de les représenter ici, à cette Assemblée nationale.

M. le Président, ce soir, on m'allouera 300 secondes pour débattre d'une question fondamentale qui est la langue française, qui est notre devenir en tant que collectivité. Demain, M. le Président, on aura à débattre ici une loi sur les vidéopokers et les chevaux de course, puis on me donnera 20 minutes.

M. le Président, lorsque quelque chose est important, on ne met pas le bâillon. C'est ce que j'aimerais dire à mes citoyens et citoyennes, M. le Président, parce que le leader du gouvernement aurait pu suspendre toutes les règles, et en reconnaissant à chacun des parlementaires leurs 10 minutes. Lorsque je regarde l'ensemble ici, M. le Président, des intervenants que nous avons eu ce soir, nous aurions ajouté à peu près 10 heures sur le débat. J'aimerais vous rappeler que, par règlement, on pourrait aller jusqu'au 23.

M. le Président, à écouter les discours ce soir... Et le leader de l'Opposition m'avait lancé un message de dire: Bien, peut-être qu'on va convaincre le député de Drummond de se rallier. Lorsque j'avais fait mon discours sur l'adoption du principe, j'avais émis 4 balises, M. le Président. J'avais dit que j'étais encore idéaliste, et je le suis encore ce soir. Mais on a la responsabilité, nous, les législateurs, d'essayer d'amener les projets de loi toujours un peu plus haut et pour faire évoluer nos concitoyens et nos concitoyennes, M. le Président.

J'avais émis 4 principes: la primauté de l'ordre juridique québécois en matière de langue et de culture; l'affirmation de la langue française la langue du Québec; la reconnaissance de l'anglais et des langues autochtones et l'affirmation culturelle et le développement de la culture. Et j'avais dit, M. le Président, que, si ces 4 conditions étaient satisfaites à l'intérieur du processus démocratique qui était la commission parlementaire, je pourrais, à ce moment-là, m'allier. Mais, ce soir, M. le Président, à la fin de ce processus, je suis inquiet. Souvent, c'est lorsqu'on a à concentrer nos exposés qu'on voit réapparaître des choses. À écouter attentivement le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, M. le Président, au début de la soirée, il nous a mentionné, et avec justesse, d'ailleurs, que ce qui l'inquiétait énormément, c'était qu'il y avait beaucoup de nos jeunes, au sortir de leur secondaire, qui n'étaient pas capables de dire 10 mots en anglais.

M. le Président, il a raison de constater ça, mais j'aurais voulu qu'il continue un peu plus loin. Et ça, c'était une de nos vraies priorités que j'avais dit aussi lorsque j'avais fait mes remarques sur l'adoption du principe. J'avais dit aussi, lorsque je regarde les

résultats que nous avons aujourd'hui de nos gradués au niveau collégial et au niveau secondaire, qu'il y a une lacune fondamentale avec les dollars qu'on injecte dans notre système d'éducation. Il y avait un travail énorme à faire aussi. Ça, je me serais attendu aussi, M. le Président, qu'on aurait réglé ça. (22 h 20)

Or, je sais qu'il me reste encore juste quelques secondes parmi mes 300 secondes, M. le Président. En conclusion, si on pense, ce soir, qu'on vient de mettre un couvercle sur une marmite et qu'on va oublier ce problème-là pendant des années... Une autre chose aussi qu'on fera disparaître bientôt dans nos cégeps, qui sont nos origines et la formation... Et j'aimerais laisser en héritage, en partage avec mes citoyens et mes citoyennes, M. le Président, et c'est une parabole de Goethe qui disait: Tout ce qui est à la mesure de vos talents, de vos dons et de vos rêves, mettez-le sur le métier.

Lorsque je regarde le résultat de la loi 86, je dois admettre qu'on essaie de nous faire avoir des petits dons, des petits talents et des petits rêves pour la société québécoise, et, M. le Président, mon expérience m'a appris qu'on vaut mieux que ça, qu'on n'est pas né pour un petit pain, et je suis sûr que, dans peu de temps, on sera capable d'y revenir pour voir quelque chose qui sera réellement à la mesure de nos dons, de nos rêves et de nos talents, et ça, ce sera de la qualité totale, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la même motion, M. le député de Hull. Vous disposez de 16 minutes. Allez-y.

M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président.

Il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir ce soir sur le projet de loi 86, et j'aimerais surtout vous entretenir des cours d'immersion. On en a entendu parler à maintes reprises, et la façon dont je vois ça, M. le Président, c'est que l'Opposition, les députés de l'Opposition jouent les vierges offensées. Ah! ils sont pour la vertu, M. le Président, mais ils ne veulent pas la pratiquer. On a entendu à maintes reprises dans cette Chambre et encore récemment, tantôt, le député de Joliette qui nous disait: On n'est pas contre le fait que les jeunes apprennent l'anglais, c'est essentiel. En Amérique du Nord, au Canada, il y a 350 000 000 d'anglophones, on voudrait que nos jeunes puissent parler l'anglais. Mais que fait-on pour leur permettre d'apprendre à parler l'anglais présentement? Quels mécanismes donnons-nous à nos jeunes pour apprendre, justement, l'anglais? Il n'y en a pas, M. le Président. Demandez à n'importe quel jeune qui s'inscrit au secondaire s'il sait parler l'anglais. Ils ne le savent pas.

Dans le comté de Joliette, M. le Président, une personne me disait, un père de famille, récemment, que sa fille lui a demandé d'apprendre l'anglais. Il y avait un groupe, là, qui pouvait s'inscrire pour aller au Manitoba suivre des cours d'immersion pour 6 semaines. Alors, elle a fait application. À un moment donné, il s'est aperçu qu'il n'y avait pas une réponse trop rapidement. Alors, il s'est informé auprès de ses contacts à quel rang elle se situait, parce que c'était par tirage, cette affaire-là. Il y en avait 7000 qui avaient fait application puis ils en prenaient 2500. M. le Président, il faut payer pour ces 2500 qui s'en vont au Manitoba. Ce qu'a fait ce père de famille, il a dit à sa fille: Tu vas l'apprendre, l'anglais. Il a payé pour et il l'a envoyée au Manitoba. On ne pourrait pas ici, au Québec, le faire apprendre à nos jeunes plutôt que de les envoyer à l'extérieur, chez eux, apprendre l'anglais?

J'ai siégé, M. le Président, à la commission de la culture qui a étudié le projet de loi 86 et je me rappelle un commentaire de la députée de Chicoutimi, qui trouvait ça épouvantable que des anglophones de l'Ontario viennent dans une université de Montréal. Elle disait qu'il y avait la moitié des étudiants qui étaient inscrits qui venaient de l'Ontario. Pourtant, ces mêmes gens-là nous prônent la libre circulation des biens, des services et des personnes à travers le Canada. On veut faire partie de cette communauté économique, mais il ne faudrait pas que les gens viennent de l'Ontario se faire éduquer ici. Ce qu'elle ne nous a pas dit, la députée de Chicoutimi, c'est que même en cette Chambre, M. le Président, il y en a plusieurs, je ne les nommerai pas, et ils sont ici présentement, des Québécois qui sont allés s'instruire en Ontario, ils sont revenus ici et ils n'ont pas perdu leur langue.

Je me rappelle, quand j'étais jeune également, dans l'Outaouais québécois, et c'est encore comme ça aujourd'hui... Les pères de famille qui paient des taxes scolaires et qui se rendent compte que leurs jeunes ne savent pas parler en anglais, qu'est-ce qu'ils font? Ils les inscrivent dans des collèges en Ontario et ils paient pour, à gros prix. Puis c'est des gens qui réussissent bien dans la vie. Je vous dirai, M. le Président, qu'ils réussissent mieux que les gens qui ne parlent qu'une langue. Il me semble que c'est évident.

Concernant l'affichage, M. le Président, on tente de faire croire aux gens que demain matin, quand la loi sera adoptée, tous les commerçants du Québec vont afficher dans les 2 langues, ou en français, en portugais, en français et en italien, en français et en anglais.

Tantôt le député de Joliette nous mentionnait que le maire de Québec était venu en commission parlementaire. C'est vrai. Il nous a dit qu'il était contre ça parce que le visage français de la ville de Québec, pour lui, c'était très important. Il a probablement raison, M. le Président. Ce que le maire de Québec est venu nous dire aussi, c'est que, demain matin, tout le monde va afficher en anglais et en français dans la ville de Québec. M. le Président, si c'est bon pour le tourisme d'afficher en français, et si je suis un commerçant dans la ville de Québec, puis que je me dis: Si j'affiche à l'extérieur seulement en français, c'est bon pour mon

commerce, pourquoi j'afficherais dans les 2 langues? Ce n'est pas une obligation. J'ai fait remarquer à la députée de Chicoutimi, M. le Président, en commission parlementaire, que le petit dépanneur à Saint-Philippe-de-Néri dans le comté de Kamouraska, il n'était pas pour afficher dans les 2 langues demain matin. Il n'y en a pas d'anglais par chez eux! Pourquoi il afficherait dans cette langue s'il n'y a pas un besoin? On tente de faire peur, parce qu'on a peur d'avoir peur. Ça, il faut avoir peur, M. le Président.

M. le Président, j'aimerais vous faire remarquer également que, dans une société bien ordonnée, il faut qu'il y ait une certaine tolérance. Tantôt on a mentionné qu'en Italie ils ne se cherchaient pas un statut. En Italie, M. le Président, quand on veut réussir dans la vie ? et on le sait que le marché mondial des affaires se fait en anglais ? les chefs d'entreprise insistent pour que leurs enfants apprennent l'anglais. Pourquoi on priverait nos jeunes Québécois ici? Il y a des gens qui ont des entreprises au Québec, des individus, des entreprises familiales, qui voudraient une expansion; comme on peut faire en Europe vis-à-vis de la France, l'Allemagne, la Belgique, on peut le faire ici, M. le Président, sauf que, nous, les Québécois, il faut le faire avec d'autres provinces, où l'on retrouve plus d'anglophones que de francophones, ou vers les États-Unis, où là c'est presque totalement des anglophones. Comment peut-on demander à un jeune qui va prendre la relève de son père de faire des affaires aux États-Unis s'il ne sait pas parler en anglais?

M. le Président, je pense qu'il faut être honnête envers nous-mêmes, honnête envers nos jeunes qui poussent. Ces jeunes-là veulent apprendre l'anglais. On va, nous, le gouvernement libéral, leur donner la permission, pas l'obligation, M. le Président, comme l'Opposition tente de le faire croire. On ne forcera personne à apprendre l'anglais, mais on va quand même leur donner l'opportunité de l'apprendre.

Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je suis fier de faire partie de ce gouvernement, et je suis fier de vous dire que je vais voter pour le projet de loi 86. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Viger, je vous cède la parole. Vous disposez encore de 8 minutes.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président.

M. le Président, avant d'entamer mon discours, ma discussion sur ce projet de loi, je voudrais avant tout rendre hommage au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française pour son intégrité intellectuelle et pour son courage. Parce qu'il ne faut pas oublier, M. le Président, ce ministre qui a été là pendant toutes les séances de la commission parlementaire, il a eu le courage, la responsabilité, l'honnêteté de répondre d'une manière responsable, sincère et honnête à toutes les interrogations qui ont été posées par les groupes qui sont venus devant cette commission, et, M. le Président, avec une honnêteté intellectuelle remarquable.

M. le Président, je ne peux pas laisser sous silence certaines affirmations faites par la députée de Chicoutimi: Ce n'est pas la première fois, ça fait déjà 3, 4 fois, en commission parlementaire, sur la commission Bélanger-Campeau, il nous apparaît toujours des communautés culturelles, des allophones qui parlent, qui travaillent et qui vivent uniquement en anglais. M. le Président, c'est faux, c'est archifaux. (22 h 30)

Les communautés culturelles, premièrement, sont une acquisition, je crois, importante pour la société québécoise, et ces communautés culturelles là se sont intégrées d'une façon merveilleuse, d'une façon vraiment remarquable à la société québécoise et à la société francophone du Québec. Et j'en suis un, M. le Président, j'en suis un membre de ces communautés-là. Je suis très fier de mes origines, mais je suis très fier d'être Québécois, et d'être Québécois au même titre que la députée de Chicoutimi, du député de Lac?Saint-Jean et du député de Joliette, M. le Président. Et la population du Québec, le peuple du Québec me respecte comme tel, un Québécois à part entière, M. le Président. Je ne peux pas toujours laisser, comme je le disais, passer sous silence des affirmations semblables faites par la députée de Chicoutimi.

M. le Président, j'ai entendu tantôt le député de Lac?Saint-Jean qui disait à un certain moment: Qui va faire respecter la nette prédominance du français? M. le Président, une chose très claire pour le député de Lac?Saint-Jean: Nous, nous ne paierons pas des jeunes pour aller vérifier ou pour aller démasquer des gens qui ne se conformeront pas à la loi, M. le Président. Nous faisons confiance au sens des responsabilités de la population et du peuple du Québec. Il n'y en aura pas d'enquêteurs, il n'y en aura pas de jeunes qui seront payés pour aller vérifier si vraiment c'est un pouce et quart ou un pouce et un huitième, M. le Président. Habituellement, nous faisons confiance vraiment au sens des responsabilités de la population du Québec.

M. le Président, j'entendais encore le député de Lac?Saint-Jean qui disait à un certain moment... Il nous reprochait, quoi? Il nous reprochait qu'on a été en commission seulement 17 heures. M. le Président, il faut être vraiment... Il faut avoir du courage, pour ne pas dire du culot, pour dire qu'on a été en commission 17 heures, et que c'est la raison pour laquelle le projet de loi n'est pas accepté d'une manière démocratique ici, à l'Assemblée nationale. M. le Président, il faut vraiment avoir du culot. La population du Québec, les gens ne sont pas dupes. Comment affirmer une chose pareille, dire que la loi 86 n'est pas adoptée parce qu'on a été seulement 17 heures en commission parlementaire, quand le chef de l'Opposition, lui-même ? ça ne fait même pas 1 semaine, 10 jours ? a donné une conférence de presse en disant que, si le Parti québécois est

porté au pouvoir, il va abolir la loi 86. Alors, M. le Président, comment peut-on dire à la population que c'est à cause qu'on a été seulement 17 heures en commission parlementaire, que c'est à cause de ça qu'on ne peut pas travailler et approuver cette loi 86, quand déjà, d'avance, le chef de l'Opposition, il nous dit: Si on est au pouvoir, si la population veut nous mettre au pouvoir, on va l'abolir le lendemain? Alors, la population n'est pas dupe, et je suis très fier de cette loi, M. le Président.

Comment peut-on être contre cette loi-là? Qui dit quoi, cette loi-là, sur l'affichage? Oui, je vois Mme la députée de Chicoutimi qui applaudit. Est-ce que vous allez être contre, Mme la députée, qu'il y ait à l'entrée du Québec, en venant des États-Unis, des affiches où on dit: «Bienvenue au Québec», «Welcome to Québec»? Vous allez être contre ça, Mme la députée? C'est ça? Je crois que la population du Québec n'est pas dupe et la population du Québec l'apprécie. On le voit un peu partout. Un peu partout! Tous les sondages nous disent que c'est ça.

Est-ce que le député de Lac?Saint-Jean, M. le Président, est contre la clause Canada? La clause Canada qui dit quoi? Qu'on a le droit d'envoyer les enfants dont le père et la mère sont citoyens canadiens et ont reçu un enseignement primaire en anglais au Canada, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu au Canada. M. le Président, est-ce qu'on peut être contre qu'un enfant de 8 ou 9 ans, qui a étudié pendant 2 ou 3 ans dans des écoles anglaises, en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, n'importe où, qui vient au Québec, lui dire: Non, tu ne vas plus à l'école anglaise, il faut que tu t'en ailles à l'école française? M. le Président, un enfant de 8 ou 9 ans! Imaginons quelle responsabilité auront ces gars-là si vraiment, un jour, ils sont au pouvoir et disent à ces pauvres ? je peux dire «pauvres» dans le sens de subir ces conséquences-là ? à ces jeunes: Non, non, non, non, vous êtes venus au Québec, vous n'avez plus le droit d'aller à l'école anglaise parce que, là, vous n'êtes plus en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique.

M. le Président, c'est des choses aussi simples que celles-là dans ce projet de loi 86. Et, moi, je pense honnêtement, M. le Président, avec la population du Québec qui, j'en suis profondément convaincu, est d'accord avec ce projet de loi... On l'a vu même tout dernièrement encore, quand ils ont fait le rassemblement à l'aréna Maurice-Richard, où ils attendaient 6000, 7000, 8000 ? il n'y en avait même pas 3000 ? que la population du Québec est d'accord avec nous. Et nous allons voter avec fierté, M. le Président, et nous allons être fiers d'avoir donné la possibilité à la population du Québec, vraiment, d'être d'une honnêteté intellectuelle remarquable. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le chef de l'Opposition.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Comme il ne reste, M. le Président, de ce côté, que quelques minutes d'intervention avant que la guillotine ne tombe, on me permettra de ne pas rejoindre le concert d'invectives que j'ai entendu ce soir et qui, d'ailleurs, avait bien commencé par le premier des discours du député d'Argenteuil et du ministre chargé de l'application des chartes anglaise et française dans cette Chambre, au début de notre débat. Tout y est passé, à peu près toutes les injures ont été faites. Prenons donc pour acquis qu'il ne reste que quelques minutes avant que le bâillon ne soit imposé. Le gouvernement, grâce à sa majorité, gagne. Voilà! Bien. Où est-ce qu'on va à partir de là, et qu'est-ce qu'on fait? Il faut en dire quelques mots.

J'ai eu l'occasion de dire, et je le répète, je représente un parti politique qui a l'habitude, comment dire, de tenir ses promesses électorales. Je dis à nouveau que, quand nous prendrons le pouvoir, nous abolirons la loi 86.

Des voix: Bravo!

M. Parizeau: D'ici là, je pense que chacun devrait, d'une part, repenser un peu au conseil que donnait le Conseil du patronat, en disant: La loi 86, sans doute, comme elle vient du gouvernement libéral, est une bonne loi. Mais il ne faudrait pas l'appliquer trop fort. Ha, ha, ha! Bon. Je comprends ce qu'ils veulent dire. Je comprends très bien le maire Doré disant au même gouvernement: Effectivement, il ne faudrait pas que le gouvernement y aille trop fort, parce que le Parti québécois, en prenant le pouvoir, va renverser la loi.

Parce que, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, cette loi, fondamentalement, satisfait certains objectifs politiques, mais elle viole le sens commun. On cherche à nouveau à faire du Québec, cette fois-ci par la voie législative, une société bilingue, d'un modèle qui n'existe nulle part ailleurs. On n'essaie pas de trouver un autre modèle qui, imposé par la législation, cherche à établir une société bilingue. Vous n'en trouverez pas. Dans aucune société, les plus démocratiques qu'elles soient, ça n'existe pas, le modèle que nos amis d'en face, comme on dit, cherchent à nous imposer. Ne cherchez pas en Suisse ? et je parle de pays, ici, où on parle plusieurs langues ? un modèle comme celui-là, ça n'existe pas. Ne cherchez pas en Belgique un modèle comme celui-là, ça n'existe pas. Ils ont cherché à inventer, ou plutôt à réinventer, dans leur législation, une société que nous avons connue dans les faits autrefois au Québec et en vertu de laquelle 2 langues existaient côte à côte, l'une étant, en pratique, dominante. Ils rêvent de retourner à ça par la voie législative. Ça ne tient pas debout. Bon.

Quand on aura aboli la loi 86, il restera un certain

nombre de choses à faire. Il est clair, par exemple, que la faillite de notre système d'enseignement quant à l'apprentissage de la langue seconde est constatée depuis fort longtemps. Il n'y a pas de doute qu'il est très gênant, pour un petit pays, de ne pas avoir dans son système d'enseignement l'apprentissage d'une troisième langue, comme ça existe dans tant de pays. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi, autrefois, dans les programmes de nos collèges, on apprenait 4 langues ? 2 vivantes et 2 mortes ? et que, aujourd'hui, 3 langues vivantes, ça semble être trop fort pour les enfants, alors qu'on ouvre des tas de cours dont l'importance me paraît moindre. Ça, je ne comprends pas. Il est évident qu'il va falloir changer ça. (22 h 40)

Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi, entourés d'anglophones comme nous le sommes ici, au Québec, on est incapables d'établir avec ces anglophones des liens qui permettent, par exemple, aux jeunes, d'aller faire des stages, de se promener un peu, d'utiliser leur langue. Quand je pense, par exemple, qu'après s'être si longtemps battus les Allemands et les Français ont pu développer une agence franco-allemande pour la jeunesse qui a amené énormément de jeunes Allemands et de jeunes Français à parler la langue de l'autre ? même chose entre les Français et les Britanniques. Nous, entourés d'anglophones comme nous le sommes, il semble absolument impossible de trouver des formules comme celle-là. Qu'est-ce qu'on trouve? De permettre par la voie législative la double immersion des immigrants. Us sont déjà dans l'immersion française. On va ajouter l'immersion anglaise en s'imaginant qu'on va régler quoi que ce soit. Aberrant! Aberrant! Ce n'est pas comme ça qu'on va régler... Mais, on a un problème à régler. Je ne me fais aucune espèce d'illusion. Nous avons un problème à régler. Mais ce n'est pas par la 86 qu'on va le régler. Il est clair maintenant qu'il faudra qu'on prenne le pouvoir pour régler ça, parce que le gouvernement d'en face, il ne bougera pas. La faillite de l'apprentissage des langues secondes par ce gouvernement est égale à la faillite de l'enseignement professionnel causée par le même gouvernement. C'est le même ministre, soit dit en passant. Il faudra que nous la réglions, cette question-là.

Sur le plan de l'affichage, oui, il y a, je pense, une question qu'il faut régler, dans la mesure où de plus en plus de tribunaux reconnaissent que la langue commerciale, le langage commercial fait partie de la liberté d'expression des individus ? des individus, pas des compagnies. Aller dire que le règlement sur l'affichage copie celui proposé par le ministre Godin autrefois! Mais c'est une honte, de dire des affaires pareilles! En vertu de quoi? Comment peut-on affirmer des affaires pareilles? Est-ce qu'on s'imagine un instant que le député de Mercier, quand il était ministre, a jamais proposé l'affichage bilingue universel, y compris des grandes compagnies? Qu'est-ce que c'est, que cette affaire-là? Non, non, non!

Une voix: La rigueur intellectuelle!

M. Parizeau: II reste qu'il y a un problème à régler. C'est vrai, oui, il peut y avoir un problème juridique, et d'ailleurs, on l'a vu dans les positions contrastantes du maire Doré et du maire L'Allier. Je sais que dans mon propre parti, à l'heure actuelle, on a deux groupes. Certains qui disent: Ne touchons pas à cette question de l'affichage et d'autres qui disent: Pour les individus, pour les petits commerces, il faudrait peut-être bouger. C'est un débat intéressant. Oui, c'est un débat intéressant. Il va falloir le régler. Mais ça ne veut pas dire qu'on ouvre, ça ne veut pas dire qu'on s'imagine un instant qu'en permettant le bilinguisme chez Zeller's, chez Eaton, chez Sears, on amènera les Québécois à apprendre l'anglais. Pour ceux qui se disent ça, digitus in occulo! ? pour utiliser une autre langue. Bon! Jamais de la vie! Et on s'imagine répondre à certaines décisions de tribunaux ou de comités internationaux? Pas du tout. Pas du tout. C'est tout simplement une démonstration de l'à-plat-ventrisme habituel d'une société et de gens ? là, je renverserais l'argumentation qu'on nous a servie tout à l'heure ? qui se sentent bougrement insécures, pour être forcés d'adopter ce genre d'attitude.

Il va falloir aussi, bien sûr, que nous fassions avancer la question de la francisation des entreprises. Depuis que ce gouvernement est au pouvoir, ça s'est arrêté, la francisation des entreprises. Il n'y a plus qu'à peu près... Il y a quoi, à peu près 60 % des entreprises qui devraient avoir leur certificat de francisation qui l'ont. À peine plus. Et, d'autre part, on sait très bien que, comme, de toute façon, le gouvernement ne tient pas à l'application de ces choses, des entreprises qui ont un certificat de francisation reviennent à la langue anglaise, à l'heure actuelle, sachant très bien que le gouvernement n'y tient pas, à ces lois linguistiques, de toute façon.

La question de la prépondérance. Soyons donc sérieux. Tout le monde sait bien que la prépondérance n'est observée par personne, que le moindrement que quelqu'un insiste pour assurer dans un magasin la prépondérance quand elle ne l'est pas, on le traite de raciste, on le traite de tout ce qu'on voudra, de xénophobe. En fait, il ne se passe rien. Vous en voulez, des affiches bilingues illégales dans la ville de Québec? Tenez! Vous en avez autant que vous voulez! Le maire L'Allier vous en a montré. Vous ne faites même pas observer les lois actuelles et vous venez nous dire: Ah! on va établir la prépondérance. De la foutaise! En fait, c'est une sorte de reddition sans condition aux impératifs de basse politique, pour essayer de gagner quelques comtés aux prochaines élections. Rien d'autre! Rien d'autre!

Des voix: Bravo!

M. Parizeau: Cette loi, qui autorise un Conseil des ministres mou à être, sur ce plan, aussi mou qu'il

l'entend, au fur et à mesure que se rapprochent les échéances électorales, cette loi-là est une loi scélérate qu'il faut abolir. D'autre part, il faut aussi que nous ayons dans l'esprit que le Québec de demain doit, dans l'espace économique nord-américain, dans le monde d'aujourd'hui, être en mesure d'évoluer sur ces questions, mais dans le cadre d'un peuple et pour un peuple qui a la fierté d'être lui-même, qui veut fonctionner en français et pour qui l'avenir n'est pas fait de compromissions. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je reconnais maintenant M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française pour l'exercice de son droit de réplique.

Des voix: Bravo!

M. Claude Ryan (réplique)

M. Ryan: M. le Président, je voudrais dire, en commençant, au chef de l'Opposition que le Parti libéral du Québec existe depuis 150 ans et qu'il n'a pas de leçon de fierté et de patriotisme à recevoir d'un autre parti.

Des voix: Bravo!

M. Ryan: Nous avons servi le Québec suivant notre génie propre, qui a toujours reposé sur le respect de la liberté des personnes, dans l'affirmation de notre identité collective, en mettant au premier plan, toujours clairement ? pas en se posant la question 15 ans après ? les libertés fondamentales.

Le projet de loi que nous adopterons ce soir est adopté dans la légitimité démocratique, quoi qu'en dise l'Opposition. Ce débat dure depuis plus de 6 mois ? depuis plus de 6 mois. Le gouvernement a fait connaître ses couleurs à mesure qu'il définissait sa position. Tous ceux, toutes celles, tous les groupes qui avaient des choses à dire ont eu la chance de les dire et aucune contrainte n'a été posée à l'expression de la libre opinion de personne. Si le gouvernement a conclu, après 6 mois de débat, que le moment était venu de passer aux décisions, il l'a fait en utilisant des règles qui appartiennent parfaitement au manuel de règles de cette Chambre. L'Opposition peut trouver qu'on n'aurait pas dû prendre tel moyen ou tel moyen. Le gouvernement avait parfaitement le droit de le faire. Et j'entendais certains députés s'exprimer ce soir, qui ont regardé d'un oeil peut-être un peu plus objectif que les 2 partis principaux la manière dont se faisait le travail en commission parlementaire, et je pense que leur témoignage vaut d'être consigné au dossier du débat des dernières semaines.

J'entendais le chef de l'Opposition résumer des choses. On voit qu'il a suivi le débat de loin. Quand il m'accusait, tantôt, d'avoir prétendu que le règlement, dans sa partie qui traite de l'affichage, reproduit le règlement du député de mercier, je n'ai jamais dit ça. je ne pouvais pas le dire, ce n'était même pas dans la loi. mais j'ai dit ? c'est ça que le député aurait dû retenir ? que 90 % du règlement sur la langue du commerce et des affaires est inspiré de ce qu'avait fait le député de mercier en 1985, et je...

Des voix: Bravo!

M. Ryan: J'entends le chef de l'Opposition invoquer le témoignage du maire de Montréal. Fondamentalement, le maire de Montréal est venu dire qu'il était sympathique au projet. Fondamentalement, c'est ce qu'il a dit. J'étais en commission, moi aussi. Vous êtes parti après. (22 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Nous autres, nous l'avons entendu, et nous relirons les témoignages. Fondamentalement, il l'a dit, que Montréal avait besoin d'un peu d'air frais et que, quand il allait à l'étranger ? je lui ai posé la question moi-même ? il se faisait souvent interroger au sujet de la loi 101, dans certaines dispositions que nous essayons d'assouplir ce soir. Ça, le chef de l'Opposition n'a pas entendu ces propos-là. Ils ont été dits en commission parlementaire.

Je reviens, M. le Président, au fond du débat. Nous nous acheminons vers un verdict ? ce verdict doit être rendu, comme l'a reconnu le chef de l'Opposition ? qui sera légitime au point de vue démocratique. Si nous avons pu nous rendre jusqu'à ce point, nous le devons principalement, de ce côté-ci de la Chambre, à l'unité remarquable qui a existé dans nos rangs et qui a grandi à mesure que nous avancions vers les conclusions, alors que, du côté de l'Opposition, c'est le contraire: ils sont partis unis et, aujourd'hui, ils nous disent qu'il y a deux écoles sur l'affichage. Ça leur a pris du temps à se rendre compte qu'il y avait un petit problème de liberté; là, ils commencent à s'en apercevoir. Et quand on parle de la liberté du commerce, le chef de l'Opposition a fait un aveu intéressant, ce soir. Il a dit qu'il commence à reconnaître qu'il y a peut-être un lien entre le discours commercial et la liberté d'expression. Il connaît assez l'économie pour savoir que, dès qu'on parle du discours commercial ? et c'est le message qu'est venue tenir la Chambre de commerce de Montréal, par son président, M. Bernard Roy ? il faut parler des compagnies, parce que le discours commercial ne se fait pas par des individus agissant sous leur titre propre, il se fait à travers des personnes morales qui s'appellent les compagnies. Si vous voulez que la liberté arrête au moment où vous entrez dans une compagnie, vous êtes complètement en dehors de la réalité. C'est le message qu'est venue porter la Chambre de commerce de Montréal, et ça aurait été bon que le chef de

l'Opposition fût là quand ils se présentèrent.

Le Parti libéral est non seulement uni dans ce dossier, mais il a des racines à travers tout le Québec. Si c'était seulement l'unité d'un petit groupe qui est ici, ce serait bien secondaire et bien fragile. Mais c'est un parti qui a des racines dans toutes les parties du Québec. Je me souviens, quand j'ai commencé en politique, un vieux routier m'avait dit: Le parti a l'air mort, actuellement, mais vous allez circuler à travers le Québec, vous lèverez des pierres et, en dessous de chaque pierre, vous allez trouver un libéral qui dort; il y en a partout et c'est...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: ... qui dort... M. le Président, je n'ai pas terminé ma phrase, je n'ai pas terminé... Je n'ai pas terminé ma phrase. Un libéral, on m'avait dit...

Le Président: S'il vous plaît.

M. Ryan: ...un libéral qui dort pendant certains hivers politiques, mais qui se réveille au printemps.

Des voix: Ah!

M. Ryan: Et, s'il avait existé dans la population, ce genre de malaise qu'a essayé artificiellement, même par le recours à des affirmations passablement éloignées de la vérité... S'il avait existé, ce malaise, nous l'aurions su, pas nécessairement par les ralliements qu'a tenus le Parti québécois avec ses alliés, dont certains qui ont le langage facile en matière d'injures...

Des voix: Bourgault.

M. Ryan: ...nous l'aurions su, nous l'aurions su par les antennes que nous avons dans la population. Je pense que, si nous arrivons à un verdict, ce soir, c'est parce que...

Le Président: M. le député... M. Ryan: ...la population...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît. Je vais demander la collaboration. La parole est au ministre, et j'invite tous les députés à respecter le droit de parole du ministre. Alors, M. le ministre, continuez.

M. Ryan: Si nous arrivons à un verdict, ce soir, en toute unité, de ce côté-ci de la Chambre, c'est parce que nous sommes assurés de répondre à des attentes profondes de la population. N'oublions jamais que l'âme québécoise n'a pas qu'un seul volet, elle en a au moins deux; les deux se rejoignent à travers l'histoire. Un volet peut prendre le dessus à certaines périodes, un autre à d'autres périodes. Mais, quand j'entends le chef de l'Opposition dire: Nous autres, quand nous reviendrons au pouvoir, dehors, ça... Vous l'avez déjà dit à propos de la loi 145, et vous serez incapables de le faire ? vous serez incapables de le faire.

Les objectifs que poursuit le projet de loi, je les résume brièvement, M. le Président. Aider les Québécois à vivre dans leur langue. La loi 101, avec les ajustements que nous lui apportons, fournit aux Québécois et aux Québécoises toute la liberté voulue pour vivre, s'exprimer, agir, travailler et oeuvrer dans leur langue. Et cet objectif fondamental, je crois pouvoir affirmer que nous le partageons des deux côtés de la Chambre. Peut-être ne nous entendons-nous point sur les moyens, mais, au moins sur cet objectif, je pense qu'on nous reconnaîtra avec loyauté que nous le poursuivons ? par nos propres moyens, évidemment ? par ceux qui caractérisent notre parti. Mais ça, c'est fondamental, ça reste.

Deuxièmement, nous voulons poursuivre cet objectif en respectant le principe fondamental de la liberté d'expression. On nous a dit de toutes parts: Vous êtes capables de promouvoir votre langue sans pour autant interdire l'usage d'une autre langue, surtout dans les affaires commerciales, dans les affaires de transactions commerciales, dans les affaires d'affichage commercial. Franchement, quand quelqu'un regarde la réalité concrètement, il y a longtemps que nous sommes habitués à ça, et jamais aucun gouvernement ne pourra réussir à effacer toute trace de cette réalité de diversité qui caractérise le Québec. Il suffit d'entrer dans un magasin pour s'en rendre compte. Sur tous les produits qui sont dans les magasins, vous avez de l'étiquetage qui est bilingue depuis longtemps. Je pense que la population l'apprécie. Elle ne perd pas le français pour autant, voyons donc!

Alors, nous voulons également tenir compte de notre appartenance canadienne. Le Parti québécois a essayé de légiférer, quand il était au pouvoir, en faisant abstraction de cette réalité. Il n'a pas hésité à légiférer de manière inconstitutionnelle, contraire à la Constitution du pays. Ça ne le dérangeait pas. C'est un message dangereux à communiquer à une population. Nous avons préféré ajuster notre législation de manière qu'elle soit conforme à l'adhésion que notre Parti a toujours professée envers le Canada, envers la réalité constitutionnelle canadienne. Ça ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur toutes les initiatives qui ont été prises en matière constitutionnelle. Ça ne veut pas dire que nous ratifions plus aujourd'hui qu'il y a 10 ans la Loi constitutionnelle de 1982, mais nous avons toujours été en faveur de la clause Canada en matière d'éducation. Nous n'avons jamais fait mystère, nous l'insérons franchement, expressément dans la Charte de la langue française du Québec. Quel mal y a-t-il à faire une chose comme celle-là? Est-ce que c'est mal de dire la vérité franchement dans un texte législatif? Je ne le pense pas.

Nous voulons rendre le Québec plus accueillant envers ceux qui le visitent. On nous dit, là-bas: Ne faites pas ça, ne leur dites pas bonjour dans leur langue,

c'est un gros péché mortel. voyons donc! voyons donc! tous les milieux d'hôtellerie et de restauration que nous avons consultés abondamment nous ont dit que, dans la grande région du grand montréal, à peu près 80 % des touristes qui viennent dans les hôtels et dans les restaurants sont des touristes qui viennent ? j'hésite à le dire parce que je ne veux choquer personne ? des états-unis, de l'ontario, des provinces de l'ouest, des provinces maritimes. les autres 20 % viennent d'ailleurs. on nous dit: donnez-nous la chance de leur donner un petit peu de services dans leur langue pour qu'ils reviennent. c'est ça que nous voulons faire, en mettant un petit peu plus de souplesse dans l'affichage des établissements hôteliers.

Je pense que nous agissons avec réalisme, et je défie l'Opposition de prouver que nous trahissons le français en agissant ainsi. On veut faire accroire à la population que nous allons bilinguiser le Québec au complet. C'est absolument faux! Nous faisons un geste de confiance envers les Québécois. Nous leur disons: Vous êtes capables maintenant, après 15 ans, de défendre et de promouvoir votre langue en desserrant un petit peu les contraintes serrées que certaines dispositions de la Charte ont fait peser sur les individus. Les Québécois sont capables d'accepter ce défi-là. Ils font face au défi de la liberté dans tous les autres volets de leur existence. C'est faire injure à l'intelligence, au sens des responsabilités des Québécois que de penser qu'ils ont besoin d'une béquille législative qui les accompagne jusque dans les moindres détails de leurs actions en matière de langue. Nous autres, nous n'avons pas cette position-là. Nous croyons que le comportement en matière de langue procède d'abord d'un acte libre, d'une décision personnelle de chaque citoyen. Il y a des soutiens que l'État doit apporter par le moyen de la législation. Mais, sur la nature de ces soutiens et sur leur intensité, nous avons droit de diverger d'opinion et de faire pencher davantage la balance du côté de la liberté et de la responsabilité.

Si vous voulez souligner davantage l'autre côté, vous le ferez en temps utile, mais vous conviendrez au moins que l'histoire se construit par l'apport successif de deux points de vue et pas seulement d'un. Et j'espère que, quand vous prendrez le pouvoir un jour ? si ça vous arrive ? vous saurez, avant d'essayer d'effacer tout ça, regarder ce qu'il y a eu de bien, comme nous avons fait nous-mêmes. Nous l'avons pratiquée, la Charte, pendant sept ans et demi, depuis que nous sommes au pouvoir. Puis je défie... (23 heures)

Le chef de l'Opposition disait tantôt: La francisation des entreprises a reculé depuis que le Parti libéral est au pouvoir, c'est faux, c'est faux, M. le Président. J'en donne 2 exemples. Nous sommes le parti qui a dit à l'Office de. la langue française: Ne vous contentez pas de donner des certificats, allez voir ce qui se passe après que le certificat a été donné. Nous sommes le parti qui a inscrit dans la loi 101 l'obligation pour une entreprise détentrice d'un certificat de faire rapport à tous les 3 ans sur les progrès de l'utilisation généralisée du français dans l'entreprise. Vous n'en parlez jamais, de ça, par exemple. et vous parliez qu'il y avait seulement 60 % des entreprises qui possèdent un certificat de francisation. c'est faux. les entreprises, petites et moyennes, possèdent le certificat à 80 % et les plus grandes, celles qui ont plus de 500 employés, c'est 65 %. et quand on dit 60 % pour l'ensemble, c'est faux. au moins, on peut consulter l'indicateur de la situation linguistique que nous publions à tous les 2 ans, sous la responsabilité des 3 organismes responsables de la charte. et, en matière d'éducation, je n'ai pas le temps de m'y arrêter, m. le président, il est trop court. je termine. nous voulons également que tout le monde se sente à l'aise au québec. nous avons une majorité d'autres langues d'au moins 15 %; ça va chercher de 15 % à 18 %. nous ne pouvons pas légiférer comme s'il y avait seulement 1 famille culturelle, 1 famille linguistique au québec. c'est plus divers que ça, c'est plus multiple, c'est plus pluriel, pour exprimer concrètement ce que je ressens. il y a une langue qui est principale, il y a une langue qui a, seule, le caractère de langue officielle. elle est capable de s'accommoder d'un sain voisinage avec d'autres langues et, en particulier et surtout dans la région du grand montréal, avec le voisinage de la langue anglaise qui est quand même la grande langue du continent nord-américain.

Et, si nous voulons fournir, en terminant, à nos jeunes l'occasion d'acquérir une meilleure maîtrise de l'anglais langue seconde, c'est parce que la vie nous a enseigné et a enseigné à tous les parents du Québec que s'ils veulent que leurs enfants aient des chances de réussir, comme on l'a fait du côté du chef de l'Opposition, comme on l'a fait du côté de plusieurs membres de la deputation et du Cabinet, ils auront plus de chances de réussir en maîtrisant 2 langues qu'en en maîtrisant seulement une.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, le débat étant terminé, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion d'adoption de ce projet de loi.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Vote par appel nominal. Qu'on appelle les députés!

(23 h 4 - 23 h 9)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place s'il vous plaît.

Mise aux voix

Alors, je mets maintenant aux voix la motion d'adoption du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, présentée par le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue

française.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît. (23 h 10)

Le Secrétaire adjoint: M. Bourassa (Saint-Laurent), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Ga-gnon-Tremblay (Saint-François), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Charlesbourg), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Sir-ros (Laurier), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), M. Savoie (Abitibi-Est), M. Rivard (Rosemont), Mme Robic (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac), Mme Frulla (Margue-rite-Bourgeoys), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Ciaccia (Mont-Royal), Mme Robillard (Chambly), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Kehoe (Chapleau), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Pelchat (Vachon), M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chau-veau), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimous-ki), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Lemieux (Vanier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), M. Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montma-gny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. LeSage (Hull), M. Gobé (LaFon-taine), M. Joly (Fabre), M. Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), M. Parent (Sauvé), M. Camden (Lotbinière), M. Brouil-lette (Champlain), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Loi-selle (Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Caron (Terrebonne), M. Du-four (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Morin (Dubuc), M. Fil ion (Montmorency), M. Holden (Westmount), M. Trudel (Rouyn-Noranda?Témisca-mingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier).

M. St-Roch (Drummond).

Le Président: Est-ce qu'il y a des absentions? le secrétaire: pour: 69 contre: 27 abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion est adoptée et le projet de loi 86 est également adopté.

Nous allons maintenant poursuivre nos travaux. Nous sommes aux affaires courantes.

Donc, renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

Nous allons maintenant procéder aux affaires du jour.

M. le leader du gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 13 du feuilleton.

Projet de loi 72 Adoption

Le Président: À l'article 13 du feuilleton, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose la motion d'adoption du projet de loi 72, Loi modifiant le Code des professions et la Loi sur les infirmières et les infirmiers.

Est-ce qu'il y a des interventions?

M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

M. Raymond Savoie

M. Savoie: Oui, M. le Président, je vous remercie.

M. le Président, très rapidement, c'est un projet de loi qui a suivi l'ensemble des étapes prévues à l'Assemblée nationale. On avait déterminé ensemble, suite à la commission parlementaire portant sur le projet de loi, une série d'amendements. On parle de 3 ou 4 amendements de substance qui ont été apportés au projet de loi en question. Le projet de loi reçoit, pour l'essentiel, l'assentiment de l'ensemble des corporations, quoiqu'il y ait, bien sûr, ici et là, quelques difficultés d'ordre mineur. Mais, sur l'ensemble, et après avoir examiné et entendu l'ensemble des intervenants du dossier, je pense que le projet de loi est prêt pour l'adoption, M. le Président.

Le Président: Alors, évidemment, je demande la collaboration des collègues, s'il vous plaît. L'Assemblée poursuit ses travaux. Donc, Mmes et MM. les députés, ceux qui veulent discuter, je vous invite à profiter des salons situés à l'arrière, s'il vous plaît.

Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi?

Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, merci, M. le Président.

M. le Président, hier, le ministre nous disait que le but du projet de loi 72, c'était tout simplement de ramasser 9 ou 10 modifications concernant le Code des professions du Québec, et de faire une introduction sous un projet de loi, afin de sauver le temps et le travail de l'Assemblée nationale.

Alors, M. le Président, je dois vous dire que le projet de loi 72, c'est autre chose. Le but de légiférer, ce n'est pas tout simplement de ramasser des articles ensemble, de faire une introduction et de gagner du temps. Le but d'un projet de loi, c'est supposé venir répondre à des préoccupations, venir répondre à des problèmes. Il avait raison pour une seule chose: plusieurs problèmes se retrouvent dans le projet de loi 72.

Premier problème, celui des titres réservés. Alors, le projet de loi voulait venir interdire à toute personne qui n'exerce pas une profession d'exercice exclusif ou une profession à titre réservé, l'utilisation d'abréviations ou l'attribution d'initiales qui pouvaient laisser croire qu'elle l'exerçait. Le ministre, lorsqu'il a tenté de nous expliquer cette mesure, nous a dit, et je le cite: II y a eu des bozos qui se sont promenés avec des initiales après leur nom, pouvant laisser croire qu'ils étaient architectes, par exemple, ingénieurs, et ça je l'ai vécu, nous disait-il, d'une façon très serrée dans mon comté. Il nous a ajouté qu'il y avait aussi des «bozoïnes»; il n'y avait pas seulement des bozos qui utilisaient des titres, dans son comté. Mais c'est beaucoup plus important que ça, M. le Président, tout le problème des titres réservés. Et, jusqu'à maintenant, le ministre responsable de l'application des lois professionnelles n'a toujours pas donné réponse au problème de l'ensemble des titres réservés.

Vous savez, M. le Président, que, lorsqu'une corporation est à titre réservé, les professionnels qui exercent cette profession ne sont pas obligés d'être membres de la corporation professionnelle, c'est-à-dire qu'ils peuvent utiliser un autre titre, qu'ils peuvent utiliser d'autres abréviations, d'autres initiales que celles qui sont dans le projet de loi et, à ce moment-là, ne sont pas soumis à l'ensemble du système disciplinaire de la corporation professionnelle concernée. Et ça concerne plus de la moitié des 42 corporations professionnelles.

La réforme que le ministre doit déposer et qu'il nous a dit qu'il devait déposer d'ici le 22 juin... Il devait même, M. le Président, dans ses remarques, dans ses discours, nous faire part de son échéancier de réforme du Code des professions. Malheureusement, nous n'avons eu aucune remarque sur cette réforme. Le ministre ne nous a toujours pas donné l'échéancier, s'il devait déposer le 22 juin, s'il y aurait à nouveau d'autres audiences à l'automne. Nous sommes toujours en attente de sa décision.

Ce projet de loi, M. le Président, venait également donner réponse à la demande de la Corporation professionnelle des technologues des sciences appliquées du Québec...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mmes et MM. les députés! Je demanderais la collaboration des députés, là! Mme la députée de Terrebonne a la parole, et j'ai de la difficulté à l'entendre. Alors, je vous demanderais votre collaboration.

Mme la députée, si vous voulez poursuivre.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Donc, c'était pour donner réponse aussi à la demande de la Corporation professionnelle des technologues du Québec qui souhaitait apporter ce nouveau titre. Ce projet de loi venait aussi donner réponse au problème du côté des services-conseils. Il y a eu entente entre deux partenaires, et les administrateurs agréés et les conseillers en management se retrouvent donc au coeur de ce projet de loi et pourront maintenant éviter de créer une corporation et, à ce moment, être beaucoup plus rigoureux au niveau des examens et pourront offrir des services de meilleure qualité à la population.

Il y avait également, dans ce projet de loi, l'intégration au Code des professions de la Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec. Il faut rappeler, M. le Président, que cette corporation a reçu ses lettres patentes le 1er avril 1992 et que cette corporation n'était toujours pas intégrée au Code des professions.

Le ministre en a profité pour nous faire part de ses intentions de répondre à la demande de l'Association des usagers de la langue française, qui demandait de modifier le Code des professions par code des ordres professionnels, mais, malheureusement, M. le Président, le ministre n'a pas cru bon d'utiliser les recommandations pour faire les modifications immédiatement dans la loi 72. Mais, suite à la loi qui vient d'être votée, M. le Président, vous comprendrez que c'est la moindre des préoccupations de ce gouvernement que de faire respecter la langue française. (23 h 20)

M. le Président, le dernier point, et c'est le point qui faisait opposition de notre côté, et suite au questionnement que nous avons fait au ministre, vous verrez très bien que nous avions raison de nous inquiéter. Ce projet de loi accorde, à l'article 6, le pouvoir de la tenue d'enquête par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec au sujet de la qualité des soins infirmiers fournis dans les centres exploités par les établissements de santé. Le ministre nous a dit ? et je cite: «Ce n'est pas un dossier qui est garroché. C'est un dossier qui est en préparation de longue date». Nous l'avons donc questionné sur cette longue préparation,

M. le Président. Toute l'argumentation du ministre responsable de l'application des lois professionnelles était à l'effet que les médecins, les optométristes et les dentistes possèdent ce pouvoir d'enquête depuis plus de 20 ans. Donc, ils devaient normalement l'accorder à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Sauf, M. le Président, lorsque nous avons demandé au ministre s'il avait un bilan de ces enquêtes qui avaient été faites depuis 20 ans par ces 3 corporations professionnelles, comment se passaient les enquêtes, est-ce que ce pouvoir était utilisé, est-ce qu'il était utilisé d'une manière abusive, le ministre n'en savait rien parce que, avant de préparer son projet de loi, il n'a même pas vérifié auprès de son collègue de la Santé et des Services sociaux pour savoir comment était utilisé ce pouvoir d'enquête.

Lorsque nous avons demandé au vice-président de l'Office des professions, qui était en commission parlementaire, s'il avait un bilan de ces enquêtes, lorsqu'on propose un pouvoir d'enquête, on commence par s'informer sur le pouvoir qui est déjà accordé aux autres corporations professionnelles, et l'Office nous a dit, et je le cite: L'Office n'est pas du tout au courant. Donc, M. le Président, ni l'Office, ni le ministre responsable n'ont jugé bon d'étudier cet article du projet de loi qui était pourtant un point majeur du projet de loi. Donc, on a semblé répondre uniquement à une commande.

Quel est l'état du côté des soins infirmiers, M. le Président? Il serait peut-être bon de rappeler que, depuis qu'il y a eu un décret en 1991, le décret 1423-80, qui permet une délégation d'actes de la part des infirmières et infirmiers du Québec aux infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, les infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec possédaient avant une centaine d'actes. Ils se retrouvent maintenant, depuis le décret, avec seulement 16 actes qu'ils peuvent accomplir, ce qui a finalement éliminé, dans nos établissements, près de 3000 postes d'infirmières et infirmiers auxiliaires.

Il est bon de rappeler que les infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec ont une formation d'études secondaires de 1800 heures et, avec la montée grandissante des préposés, qui ont une formation de 650 heures, et des auxiliaires familiaux, qui ont une formation de 900 heures, il est bien clair, M. le Président, que, de plus en plus, les infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec ont de moins en moins de place au niveau des établissements.

Il y avait inquiétude aussi, M. le Président, parce que ce pouvoir d'enquête venait nuire à un des principes qui étaient établis dans la réforme 120 de la santé, le principe de la complémentarité interprofessionnelle. Au moment où il y a un pouvoir d'enquête d'un ordre sur un autre, c'est évident qu'on peut difficilement parler de complémentarité interprofessionnelle.

Il y avait aussi une demande pour qu'au moins le comité d'enquête puisse avoir, parmi ses membres, un représentant ou une représentante des infirmiers et des infirmières auxiliaires du Québec. Le ministre a refusé, décidant de laisser aux infirmières et aux infirmiers du Québec le soin de former le comité d'enquête.

Autre point important, M. le Président. Si, au cours des dernières années, on n'a jamais jugé bon d'accorder ce pouvoir d'enquête, et le ministre lui-même l'a rappelé, le pouvoir avait été demandé, au moment où la ministre Thérèse Lavoie-Roux était là, et ça avait été refusé en 1988. Est-ce que nous avons moins de mesures de protection présentement dans nos établissements?

Au contraire, M. le Président, l'article 489 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux permet au ministre d'autoriser une personne à procéder aux inspections nécessaires pour assurer les services adéquats aux usagers, incluant les soins infirmiers. Donc, il y avait une mesure additionnelle maintenant, pas des mesures moindres.

Ce même projet de loi 120, à l'article 65, introduit un commissaire aux plaintes qui, lui aussi, sert d'arbitre, et lui aussi doit procéder lorsqu'il y a des plaintes sur les services qui sont faits aux usagers. Donc, M. le Président, on se demandait pourquoi le ministre décidait, à ce moment-ci, d'introduire un pouvoir d'enquête alors que les mesures de protection sont additionnelles dans les établissements.

Nous n'avons évidemment pu recevoir de réponse de la part du ministre responsable, puisqu'il n'a même pas jugé bon de vérifier ce que pouvait donner ce pouvoir d'enquête, même par les corporations professionnelles qui l'ont déjà.

Alors, M. le Président, vous comprendrez que nous sommes opposés et que, pour nous, le projet de loi 72 ne représentait pas uniquement un ramassis d'articles sans signification, mais qu'il y avait des principes à l'intérieur de ce projet de loi, et que parmi ces principes il y avait un principe auquel nous nous opposions, et auquel nous nous opposons toujours puisque le ministre ne nous a aucunement démontré que ce pouvoir d'enquête était nécessaire.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée.

Sur ce même sujet, je reconnais Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme la députée.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Oui. Je vous remercie, M. le Président.

C'est évident que les projets de loi ici, en cette Chambre, se suivent mais ne se ressemblent pas. Face à nous, présentement, on a le projet de loi 72, le projet de loi 72 qu'on a eu la chance d'étudier en commission parlementaire, article par article. C'est vrai, M. le Président, que c'est un tout petit projet de loi, on parle de 9 articles, un projet de loi qui ne changera pas la face des choses, non, fondamentalement. Il y a des

corrections intéressantes, d'une part; d'autre part, moins intéressantes, et c'est pour ça que l'Opposition ? ma collègue de Terrebonne vous l'a expliqué ? nous allons voter contre ce projet de loi.

Dans la première partie du projet de loi, la partie que l'on a trouvée intéressante, et qui est demandée, d'ailleurs, depuis longtemps par plusieurs corporations, il s'agit de modifications pour interdire, à toutes fins pratiques, l'utilisation d'abréviations ou d'initiales pouvant laisser croire que le professionnel exerce une profession à titre exclusif ou encore est membre d'une corporation à titre réservé, parce que, comme on le sait, les corporations à titre exclusif ? je tiens à le rappeler ? sont des corporations, évidemment, où, pour pratiquer, le professionnel doit obligatoirement être membre. On n'a qu'à penser à la Corporation pour les médecins, le Barreau pour les avocats et autres corporations de ce genre.

Par ailleurs, au niveau des titres réservés, on n'est pas obligé d'être membre pour pratiquer la profession. Tout ce qui fait foi, si on veut, est-ce qu'on est membre ou pas membre, la seule garantie qu'on a, c'est dans le titre. Alors, il y a eu plusieurs modifications d'apportées. À l'article 2, on parle de 20... En fait, il y a 20 alinéas où on apporte des corrections, des ajouts dans certains cas, des changements dans d'autres cas, pour améliorer un peu, recadrer les titres de ces différentes professions. Cette partie-là, il n'y avait pas vraiment de problème, mais on a eu des discussions quand même fort intéressantes qui ont permis d'éclaircir certains points.

Je pense, entre autres, au troisième alinéa où il est question d'ajouter ? en fait, ce sera ajouté après l'adoption du projet de loi parce que, on le sait, il sera ajouté même si l'Opposition s'oppose ? le titre de «nutritionniste» aux gens qui exercent la profession de diététicien ou diététiste, les membres de la Corporation des diététistes.

Alors, c'est bien évident qu'on a eu des discussions. Nous avions eu, de part et d'autre, j'en suis persuadée, des représentations, entre autres, du Dr Brunet, au niveau des naturopathes, qui, on le sait, M. le Président, utilisent, eux aussi, occasionnellement ce titre-là.

Il reste que le ministre nous a fait valoir ses arguments et il y a des choses à régler du côté des médecines douces, de toute la série de médecines alternatives. Il y a des choses qui devront être réglées, bien sûr, par le ministre de la Santé et des Services sociaux qui a des décisions à prendre, en tout cas dans certains cas, et pour le reste, il y a d'autres décisions à venir qui devront être prises, bien sûr, par le ministre responsable des ordres professionnels. (23 h 30)

Alors, il y a eu des discussions, oui, par rapport aux gens qui occupent la position de naturopathe et, par ailleurs, il y a eu aussi des discussions, à savoir: Est-ce que c'est pour restreindre, à toutes fins pratiques? Parce que les gens qui ne sont pas membres de la Corporation professionnelle des diététistes peuvent, bien sûr, présentement, utiliser le titre de nutritionniste. On peut utiliser ce titre jusqu'au moment où cette loi-là sera adoptée, même si on n'est pas membre de la Corporation. Alors, ça va venir un peu restreindre, à mon sens ? et le ministre n'a pas nié ça non plus ? le nombre de personnes qui peuvent exercer, n'étant pas membres de cette corporation professionnelle. Ce n'est pas mauvais en soi, parce que les gens qui ne sont pas membres d'une corporation ne sont pas obligés de suivre le code de déontologie.

Pour ce qui est de la protection du public, ça avait été longuement discuté lors de la commission parlementaire et, bien sûr, on a un petit peu rouvert le débat, M. le Président. Ça ne règle rien quant à la protection du public. Même si on a une corporation professionnelle de ce genre-là, si les gens ne sont pas membres, ils ne sont pas tenus de respecter le Code. Donc, par rapport aux plaintes et tout le système de plaintes que le ministre veut éventuellement mettre sur pied, disons que ça va créer des problèmes de toute façon.

Là où on a eu un peu plus de difficulté, comme le disait la porte-parole de l'Opposition, ma collègue de Terrebonne, c'est avec l'article 6. Au départ, vous savez, M. le Président, on avait déjà une difficulté majeure avec l'article 6. Même si le ministre y a apporté un amendement en commission parlementaire, on ne croit pas que le problème va être réglé pour autant. Vous savez, à l'article 6, M. le Président, on donne, dans ce projet de loi, un pouvoir d'enquête à l'Ordre des infirmières et infirmiers. C'est un pouvoir d'enquête qui existe dans d'autres corporations professionnelles. On donne ce pouvoir d'enquête au bureau de l'Ordre des infirmières et infirmiers. Il y aura un comité mis sur pied. Ce pouvoir d'enquête existe aussi au niveau des médecins, au niveau des dentistes, des optométristes. On a vu que ces ordres ont ce pouvoir d'enquête depuis plusieurs années, et les ordres qui ont ce pouvoir d'enquête, bien sûr, sont des ordres à titre exclusif. Donc, des ordres qui sont composés de professionnels qui ne peuvent pas pratiquer autrement qu'à l'intérieur de leur ordre d'exercice. L'Ordre des infirmières et infirmiers est aussi un ordre à titre exclusif, et on le sait, par rapport à la Corporation professionnelle des infirmières et infirmiers auxiliaires, bien, il y a comme une espèce de rivalité entre les deux. C'est tout à fait normal, parce que la Corporation professionnelle des infirmières et infirmiers auxiliaires exerce à titre réservé, des actes qui lui sont délégués, à toutes fins pratiques, par l'Ordre des infirmières et infirmiers. Donc, un peu, déjà au départ, on se rend compte qu'il y a comme une espèce de tutelle, quelque part, parce que, pour exercer certains actes précis, il faut que ces actes-là lui soient délégués par l'ordre supérieur, l'ordre à titre exclusif, c'est-à-dire l'Ordre des infirmières et infirmiers.

Ma collègue l'a mentionné, et je pense qu'il est bon de se rappeler que, depuis quelques années, la

Corporation a beaucoup d'inquiétude et a démontré que, de 102 actes, elle était passée à 16 actes délégués. Alors, ça diminue vraiment de beaucoup leurs tâches. On m'a expliqué, effectivement, qu'il y a eu quand même des regroupements, qu'on n'est pas passé de 102 à 16. Je pense qu'il faut être honnête, il faut constater que, oui, il y a eu certains regroupements, mais il n'en reste pas moins, M. le Président, que les infirmiers et infirmières auxiliaires ont eu à subir une perte de plus de 3000 emplois, ce qui est assez considérable.

Quand on regarde au niveau des finances publiques, quand on regarde ce qui se passe présentement par rapport aux coupures, aux besoins qu'on a, par rapport aux salaires qui sont gagnés par ces gens-là, je pense qu'il y a quand même certaines questions à se poser, peut-être certaines choses à réévaluer. Mais il reste que les infirmiers et infirmières auxiliaires ont, à mon sens et au sens de l'Opposition officielle, une certaine raison d'être inquiets.

Qu'est-ce qui se passe quand on a des enquêtes comme ça? Qu'est-ce qui se passe avec ce comité-là? Pourtant, la demande des infirmiers et infirmières auxiliaires n'était pas si extraordinaire. Tout ce qu'ils avaient demandé, à toutes fins pratiques, et je les cite: «Dans les circonstances, la Corporation propose une harmonisation de l'article 11 de la Loi sur les infirmières et les infirmiers avec les dispositions sur les services de santé et services sociaux, qui reconnaît une place aux infirmières auxiliaires au niveau de l'appréciation de la qualité des soins infirmiers.» Or, elles demandaient un siège au niveau du comité. Je pense que ce n'est pas abusif. Ça aurait probablement calmé leurs inquiétudes. Le ministre en a décidé autrement, il a décidé de leur donner la possibilité de recevoir le rapport de l'enquête 30 jours avant que le ministre de la Santé et des Services sociaux ne le reçoive. Donc, il leur donne un droit de regard, un droit de rapport à elles aussi, la possibilité de se défendre, à toutes fins pratiques, s'il y a quelque chose qui va à rencontre de leurs propres responsabilités. Et, aussi, je pense que ça nous a démontré que le ministre voulait se donner un droit de regard sur ces enquêtes-là. Parce que le plus beau de l'histoire, M. le Président, c'est que, depuis 1973, les médecins, les optométristes, etc., les ordres dont je vous parlais tout à l'heure, qui ont ce pouvoir d'enquête, bien, il semble que le ministre responsable des ordres professionnels, ça ne le regarde pas, ces enquêtes-là. Il n'a pas à s'en soucier, même si on parle de la qualité des soins, qualité des services, qualité des professionnels, à toutes fins pratiques ? l'Office non plus.

Alors, M. le Président, la correction, il y en a une légère, elle n'est pas suffisante, et c'est pourquoi nous continuons de voter contre le projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Est-ce qu'il y a droit de réplique?

Mise aux voix

Alors, est-ce que le projet de loi 72, Loi modifiant le Code des professions et la Loi sur les infirmières et les infirmiers, est adopté? Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article aa, qui apparaît aux nouveaux préavis du feuilleton de ce jour.

Projet de loi 104 Présentation et adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre délégué à la Réforme électorale propose l'adoption du principe du projet de loi 104, Loi concernant le recensement suivant la délimitation des circonscriptions électorales. Y a-t-il consentement pour déroger à l'article 232 du règlement? Consentement?

M. Johnson: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et à l'article 237 également, consentement? L'article 237, c'est parce que ça prend une semaine pour revenir, vu qu'il a été déposé. Alors, il y a consentement. M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, c'est un petit projet de loi auquel nous sommes habitués depuis un certain nombre d'années, puisque, de mémoire, ça doit être au moins la septième fois qu'un ministre qui a cette responsabilité se lève pour déposer un projet de loi et pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de recensement électoral, tel que le prévoit la loi, à l'automne 1993, ce qui va permettre d'épargner aux contribuables québécois des dépenses qui friseraient entre 17 000 000 $ et 19 000 000 $, et c'est le but de l'exercice. La seule conséquence, M. le Président, c'est que, dans la mesure où il y aurait, d'ici ce temps, une élection au Québec, déclenchée par la volonté du premier ministre, ça fera une période électorale qui sera plus longue et qui inclura un recensement, et ce n'est que le seul effet du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous avez une intervention, M. le leader de l'Opposition officielle?

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: C'est une économie de 17 000 000 $, si j'ai bien compris. Ajoutés aux 26 000 000 $ qu'on pourrait aller chercher pour le référendum, ça ferait 43 000 000 $. Ça pourrait faire un

pas pire plan de relance économique. Donc, M. le Président, nous consentons à ce que le projet de loi soit adopté en deuxième lecture, que le rapport soit adopté et que les écritures soient faites.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, le principe du projet de loi 104, Loi concernant le recensement suivant la délimitation des circonscriptions électorales, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le leader du gouvernement, une motion pour envoyer en commission plénière, si je comprends bien?

Renvoi à la commission plénière

M. Johnson: M. le Président, je fais maintenant motion pour que ce projet de loi soit étudié en commission plénière et que nous nous constituions en commission plénière.

Adoption du rapport

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur le consentement, est-ce que cette motion est adoptée? Est-ce qu'il y a consentement pour faire les écritures? Consentement. Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté. Le rapport de la commission plénière est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Nous en sommes maintenant au consentement pour passer à l'adoption du projet de loi 104. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement.

Mise aux voix

Le projet de loi 104 est-il adopté? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 12 de notre feuilleton.

Projet de loi 91

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Cette Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi 91, Loi modifiant le Code de la sécurité routière. Y a-t- il des interventions sur ce rapport? M. le ministre des Transports.

(23 h 40)

M. Sam L. Elkas

M. Elkas: Merci, M. le Président. Nous nous sommes mis d'accord, lors de l'étude en commission parlementaire de ce projet de loi, pour dire que les modifications proposées visent essentiellement à faciliter l'administration du Code de la sécurité routière. Mais, contrairement à ce que le député de Lévis a répété à plusieurs reprises au cours de nos travaux, la plupart de ces modifications auront pour effet d'améliorer sensiblement la sécurité routière sur nos routes.

Je me permets, M. le Président, notamment, de mentionner les nombreux amendements concernant l'obligation de munir les autobus scolaires d'un signal d'arrêt obligatoire ainsi que des règles de circulation qui s'y rapportent; deuxièmement, l'identification par le ministère des Transports des points routiers qui sont critiques pour les camions et l'obligation de les munir d'un système de freinage supplémentaire; troisièmement, l'application aux véhicules accidentés et reconstruits à l'extérieur du Québec des exigences du Code relatives à l'expertise technique des véhicules et à la vérification mécanique; quatrièmement, le renforcement de certaines dispositions du Code se rapportant au contrôle routier et aux pouvoirs des contrôleurs routiers; cinquièmement, le pouvoir accordé à la Société de conclure une entente en vue de l'application de la Loi sur la transformation des produits marins et de la Loi sur l'utilisation des produits pétroliers pour fins de contrôle routier du transport de personnes et des biens; et, sixièmement, l'uniformisation des amendes prévues dans les voies réservées exclusivement à certains véhicules.

Toutes ces mesures, M. le Président, auront pour effet d'améliorer la sécurité sur nos routes, de mieux protéger les usagers de la route et d'être plus équitable dans l'application du Code de la sécurité. Et je suis très fier, M. le Président, qu'elle ait été adoptée en commission parlementaire, malgré les hésitations de l'Opposition. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre des Transports. Sur la prise en considération du rapport, je reconnais M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements. Voulez-vous intervenir, M. le député? M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: J'ai écouté le ministre des Transports, et c'est le vieux principe qui s'applique, comme disaient les Latins: Doctus cum libro. Et c'est ce que nous avons vu, encore une fois. Mais je dirai que c'est la dernière fois qu'en commission parlementaire nous accepterons que le ministre nous fasse donner des réponses par des fonctionnaires de toutes sortes de services. À l'avenir,

nous accepterons uniquement que le président-directeur général puisse parler quand le ministre ne voudra pas répondre lui-même aux questions que nous lui poserons. Ça permettra à la Société de l'assurance automobile d'avoir un plus grand respect du Parlement. Parce que, essentiellement, la loi que nous avons devant nous est une loi bureaucratique qui a simplement pour but de mettre le Parlement au service de la machine.

Les articles 1, 2 et 3, M. le Président, c'est des articles qui permettent d'adapter la loi à la machine de la Société de l'assurance automobile du Québec. Essentiellement, c'est ça. Le projet de loi que nous avons devant nous, c'est pour ajuster le monde à la machine. En effet, les fichiers informatiques de la Société de l'assurance automobile du Québec indiquent le mot «sanction» lorsque le permis d'une personne est suspendu ou révoqué. Et, au lieu de modifier leur système informatique pour inscrire le mot «suspendu» ou «révoqué» dans le fichier d'un conducteur, ce qui aurait permis, par ailleurs, de donner une meilleure information aux policiers qui ont accès au système informatique de la Société de l'assurance automobile du Québec, pour vérifier le dossier d'un conducteur lorsqu'ils arrêtent quelqu'un sur la route, la Société de l'assurance automobile du Québec a réussi, à cause de la faiblesse du ministre, à faire modifier le Code de la sécurité routière. Ainsi, plutôt que de préciser la nature de la sanction dans ses fichiers, la Société de l'assurance automobile du Québec utilise un terme général, le mot «sanction». Elle a fait modifier le Code de la sécurité routière pour imposer sa façon de faire plutôt que d'adapter son système aux dispositions de la loi actuelle. C'est le pouvoir de la bureaucratie dans toute sa plénitude.

À l'article 27, M. le Président, là, c'est le summum du colonialisme, où on établit des règles plus sévères pour les Québécois que pour les étrangers. C'est le libre-échange à l'envers, M. le Président. Ce n'est pas le meilleur traitement qu'on donne aux étrangers, mais c'est le pire traitement qu'on donne à nos citoyens. Le ministre nous dit: Nous sommes à l'avant-garde. Avec le système que nous allons mettre en place, nous allons faire boule de neige. Oui, une boule de neige en enfer! Ça ne durera pas longtemps. Et le ministre nous dit que le Québec va tellement être à l'avant-garde qu'il n'y a pas un État américain qui fait ce qu'il nous propose avec l'article 27, pas un État américain. Il dit: II y en a 5 dont on peut dire que ça peut ressembler ? de loin, comprenez-vous, mais on est tout seuls, on a le pas... Quand la mère du ministre regarde le ministre dans la parade, elle dit: C'est beau, hein, il y a juste mon petit gars qui a le pas! Les Américains sont différents de nous, et je vais vous dire ce dont il s'agit, M. le Président.

L'article 27 crée un régime d'exception pour les véhicules accidentés et reconstruits à l'extérieur du Québec. Les Québécois devront se soumettre à 2 exigences pour remettre en circulation un véhicule accidenté et reconstruit: il devront produire un dossier de reconstruction et soumettre leur véhicule à une expertise technique. Les étrangers, quant à eux, devront uniquement soumettre leur véhicule à l'expertise technique s'ils le déclarent. Ils n'auront pas d'obligation de produire leur dossier de reconstruction. Le gouvernement, et même un grand nombre d'États américains, n'ont même pas cette nomenclature de véhicules accidentés et reconstruits. Le gouvernement se comporte en colonisé en étant plus sévère pour les Québécois que pour les étrangers, ce qui aura sans doute pour effet de faire en sorte que le travail qui se faisait ici pourra se faire davantage ailleurs, dans des garages qui seront sans doute proches de la frontière.

On se retrouve encore dans le même gouvernement qui a réussi à établir comme système la contrebande de cigarettes, la contrebande de l'alcool, le marché noir sous toutes ses formes, et qui dit: II n'y en a pas assez dans le domaine de l'automobile, je vais en organiser un, marché noir, là aussi. Parce que ça va être plus sévère au Québec et moins sévère pour les véhicules qui viendront d'ailleurs, des États-Unis ou du Canada.

J'ai même demandé s'il y avait un système, dans tous les États américains aux portes de nos frontières: le Maine, on m'a dit non; New York, non; Vermont, non; New Hampshire, non. Tous les États au sud de notre frontière, ils n'ont pas un système comme ça. Nous autres, nous sommes les finfins de l'Amérique du Nord ? les finfins de l'Amérique du Nord. On trace la voie en établissant des règles plus sévères pour les gens de chez nous que pour les étrangers: le libre-échange à l'envers.

Ce régime est d'autant plus étrange que le principe de base qui sous-tend l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, c'est le traitement par une partie, des biens, des services, des investissements, des fournisseurs et des investisseurs de l'autre partie, comme s'ils étaient les siens. Le principe, qui se traduit en termes juridiques, se trouve à l'article 105 de l'Accord de libre-échange, qui affirme que «chaque partie accordera, dans la mesure prévue par le présent Accord ? l'article de l'Accord de libre-échange ? le traitement national pour ce qui concerne l'investissement et le commerce des produits et services». C'est-à-dire qu'on donnera aux étrangers le même traitement qu'on se donne à nous-mêmes. Par l'article 27 du projet de loi que vient de présenter le ministre, le gouvernement libéral fait du libre-échange à l'envers. Il établit des règles plus sévères pour les Québécois qu'envers les Américains ou les gens des autres provinces du Canada. Drôle de façon de faire des affaires! On va être plus sévère pour les gens de chez nous que pour les gens d'ailleurs. J'essaie de comprendre la logique. Je n'en vois pas beaucoup, M. le Président, je n'en vois pas du tout.

Suite aux demandes répétées de l'Opposition et à la lutte que nous avons menée, le ministre a accepté un amendement qui exige de produire le dossier de reconstruction pour un véhicule accidenté et reconstruit à l'extérieur du Québec, lorsqu'il y en a un. Mais le double régime est maintenu, et le gouvernement impose

un régime plus sévère et plus contraignant aux Québécois, quand même. M. le Président, on verra, dans les prochains mois, quand le régime de contrebande sera organisé, quand le régime sera établi ? parce qu'il ne sera pas plus difficile de passer des voitures que des vannes de cigarettes illégales ou des vannes d'alcool... Maintenant, on pourra avoir aussi des vannes de véhicules accidentés et reconstruits.

M. le Président, si vous regardez les discours que je faisais en 1986, 1987, 1988, je disais qu'avec la taxation abusive qu'on imposait dans ces domaines-là, avec la taxation qu'on mettait sur les cigarettes et l'alcool, il arriverait un système de contrebande. Je le disais dans mes discours de ce temps-là, parce qu'un des premiers principes qu'on apprend en fiscalité, quand on étudie l'économie fiscale, c'est qu'il faut avoir une certaine base de comparaison. Parce que, quand les gens considèrent que la taxation est abusive dans un État, ils ne la respectent pas, parce qu'ils considèrent qu'elle n'est pas respectable, qu'elle abuse des citoyens, et ils se sentent même le droit de l'éviter. (23 h 50)

M. le Président, vous qui avez un âge pour avoir appris même la philosophie qu'on enseignait autrefois dans les cours classiques, la philosophie de saint Thomas, on disait même que c'était correct de le faire, d'ailleurs ? d'éviter des impôts abusifs ? que les citoyens avaient le droit de se prémunir contre l'État qui abusait d'eux. Vous comprenez, même sur le plan moral, le député d'Argenteuil, qui aime bien citer les évangiles, mais qui a la pratique plus difficile, s'apercevrait que même des auteurs de philosophie thomiste admettaient que les citoyens avaient le droit d'éviter les impôts et les taxes qui étaient un abus des citoyens. C'est quelque chose, ça, M. le Président. C'est pour ça que j'avais dit, à ce moment-là, qu'on abusait, qu'on arriverait à un marché noir puis à une contrebande effrénée dans ce domaine-là. Bien, c'est arrivé. C'est arrivé, mais avec un gouvernement naïf, rêveur, «flyé», un ministre de la Justice dont le piédestal est tellement élevé que la tête flotte dans les nimbus et les cumulus. On a ce genre de législation, M. le Président, qui nuit à notre population.

Quant à l'article 28, parce qu'il n'y a pas eu de bâillon et qu'on n'a pas restreint les règles de discussion, nous avons réussi, finalement, malgré l'entêtement du gouvernement, à faire en sorte que le deuxième paragraphe tombe, celui où le ministre voulait renverser le fardeau de la preuve en matière de poursuite pour conduite, malgré la suspension ou la révocation du permis de conduire ou du droit d'en obtenir un. Dès le départ, nous avons combattu cette mesure et demandé l'avis du Protecteur du citoyen, du Barreau du Québec, de la Commission des droits et libertés de la personne. Le Protecteur du citoyen et le Barreau du Québec ont répondu.

Et récemment, mardi matin, je voyais que le Club automobile ? un peu tardivement ? se prononçait, lui aussi. Je vous lis un extrait, M. le Président ? on n'a pas eu le temps d'en faire état parce que l'article est paru seulement mardi, le 15 juin: «Le président du Club automobile de Québec, M. Robert Darbelnet, dit trouver étrange que l'État envisage cette nouvelle mesure presque tout de suite après avoir essuyé un échec dans le dossier du coroner Marc-André Bouliane, qui a été acquitté, le 21 mai, de l'accusation d'avoir conduit sans permis de conduire.» Si la loi que voulait passer le ministre avait passé, il aurait été déclaré coupable, parce qu'il aurait été considéré comme ayant reçu la lettre et il aurait fallu qu'il prouve son innocence. «J'ai peine à croire, disait M. Darbelnet, qu'il n'y a pas de lien avec l'affaire Bouliane. La Société de l'assurance automobile du Québec a été incapable de prouver que Me Bouliane avait reçu l'avis de révocation et a eu le mauvais rôle dans toute cette affaire. L'organisme cherche maintenant à se délester de sa responsabilité pour l'avenir.» Selon M. Darbelnet, il est virtuellement impossible à un citoyen de prouver qu'il n'a pas reçu un document. «Vous pouvez prouver devant la Cour que vous n'étiez pas à un endroit parce que vous étiez à un autre, mais comment voulez-vous faire la preuve que vous n'avez pas en main un avis? C'est impossible. La responsabilité de s'assurer de la réception de l'avis doit revenir à la Société de l'assurance automobile du Québec.»

Finalement, parce que le ministre réalisait que le temps passait, qu'il n'y avait pas de bâillon sur sa loi, bien, nous avons pu faire en sorte que le deuxième paragraphe de l'article 28 soit enlevé et que le fardeau de la preuve reste à la Société de l'assurance automobile, comme c'aurait dû toujours être le cas, et le gouvernement n'aurait jamais dû proposer de telle mesure, M. le Président. Parce que, essentiellement, normalement, des projets de loi doivent être analysés par des politiques, pour qu'on ne se retrouve pas uniquement avec des projets de loi décidés par la bureaucratie, indépendamment du fonctionnement normal d'une société. C'est pour ça, M. le Président, que nous avons combattu farouchement ce projet de loi et qu'il y a eu un certain nombre de changements qui rendent le projet de loi moins pire. Moins pire, je dis bien, parce que, essentiellement, c'est un projet de loi bureaucratique.

M. le Président, c'est pourquoi ce projet de loi n'est pas un projet de loi souhaitable, n'est pas un projet de loi qui va véritablement aider les citoyens, et il y aura encore des problèmes considérables dans le projet de loi dont nous avons discuté amplement, et dont les notes se trouvent imprimées dans les rapports de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Lévis, de votre intervention.

M. Garon: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Garon: ...je voudrais remercier les collègues qui ont participé à l'étude du projet de loi. Je pense que ça a un effet important, sinon déterminant dans le fait que le ministre a dû reculer. Je pense au député de Jonquière, qui a eu une longue expérience comme maire d'une municipalité pendant 22 ans. Je pense à la députée des Chutes-de-la-Chaudière, à la députée du comté de Marie-Victorin et, également, par sa présence, au député de Dubuc, qui n'a pas parlé beaucoup, mais dont la présence constante a montré au ministre qu'on avait des orateurs suffisants pour faire en sorte de le faire réfléchir. Finalement, comme il n'y avait pas de bâillon, comme il ne doit pas y en avoir dans un Parlement démocratique, il a été obligé de plier, de sorte que la mesure qui a été enlevée fait en sorte que les gens qui voient aux intérêts des citoyens, comme le Protecteur du citoyen et le Barreau du Québec et même, en tout cas, le Club automobile qui l'a mentionné ? tardivement, mais qui a fini par le mentionner également ? ont fait en sorte que des dispositions qui s'y trouvaient au point de départ ne s'y trouveront pas, M. le Président. Je voudrais remercier ces collègues qui ont travaillé pour faire en sorte que le projet de loi soit moins pire pour les citoyens. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci. Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. Le projet de loi 91, c'est aussi, comme le projet de loi précédent, un autre projet de loi qui ne viendra pas changer la face du monde. C'est un projet de loi qui a été étudié, effectivement, article par article en commission parlementaire. Heureusement, M. le Président, je pense que ça a pu apporter des changements intéressants, des changements importants au projet de loi, qui, au départ, aurait pu avoir des conséquences assez néfastes sur la population.

Ce qui est assez étonnant dans ce projet de loi là, ce qui m'a surprise, moi, comme parlementaire, M. le Président, quand on étudie un projet de loi, c'est la facilité avec laquelle, dans le même projet de loi, on peut à la fois et se soustraire à une obligation et en mettre un peu plus sur le dos des contribuables. Je m'explique là-dessus, M. le Président. Dans le projet de loi, au départ, avant qu'il ne soit corrigé, si on parle du projet de loi tel que présenté, à l'article 15, il y a eu beaucoup de discussions là-dessus, et je dois vous avouer, M. le Président, que l'Opposition avait de la difficulté à comprendre. D'ailleurs, le ministre nous trouvait terriblement bornés, presque, je dirais, et je dois avouer aussi qu'il avait quand même un peu certaines difficultés à nous expliquer. Heureusement qu'il y avait des fonctionnaires à côté de lui qui avaient l'air d'être capables de nous donner un petit peu plus de renseignements. Je dois dire quand même qu'on a eu un peu plus de détails de ce côté-là, et ça a été assez long avant de les avoir.

À l'article 15 du projet de loi, M. le Président, on modifie un article ? toujours, comme d'habitude ? on vient modifier l'article 473 du Code de la sécurité routière. C'est un article qui est là depuis très longtemps. Il y a même eu, là-dessus, une réforme, en 1986. Cet article était là et il est resté tel quel. Alors, on m'a dit, en commission, que ça faisait vraiment très longtemps que cet article-là était en vigueur. Alors, l'article 473 ? il faut savoir ce que c'est ? c'est un article qui a pour but d'obliger les gens à avoir un permis spécial lorsque leur véhicule transporte un équipement qui est en dehors des normes. Alors, cet article-là ne comportait, antérieurement, aucune exception. Là, le ministre nous présente son projet de loi et, dans son projet de loi, à l'article 15, il arrive et décide qu'il fait une exception à cet article-là. Alors, ça se lisait comme suit, M. le Président, au départ: «Le présent article ne s'applique pas aux équipements servant à niveler, déblayer ou marquer la chaussée.» Alors là, on ne comprenait pas trop pourquoi, quel était le but, si on veut, de cette exception qu'on arrivait à faire. Parce que, normalement, quand on parle du Code de la sécurité routière, on pense, évidemment, à la sécurité. On dit: C'est sûr que l'équipement doit être plus large et peut apporter des dangers précis. Ça a dû être évalué dans ce sens-là. Il y a toujours des raisons qui sont sous-jacentes aux articles de loi, M. le Président. Le ministre nous a dit qu'effectivement, oui, c'était pour des raisons de sécurité que cet article-là était là et aussi pour des raisons de contrôle. Semble-t-il qu'il faut contrôler aussi ces éléments-là, (minuit)

Finalement, après beaucoup de questionnement, on se posait des questions à savoir: Qu'est-ce qui a changé? Ces équipements-là sont-ils devenus plus sécuritaires? Qu'est-ce que c'est le problème? Qu'est-ce qu'il y a de changé? Comment se fait-il qu'on fasse maintenant des exceptions?

Alors, le ministre, finalement, nous a expliqué que, suite à nos questions, bien sûr, parce que ça a été assez laborieux, je dois dire, avant qu'on ait le renseignement, il nous expliquait que, oui, il y a des permis qu'il faut obtenir; ces permis-là, il y a des coûts qui s'y rattachent. On parle de 200 $ par an si le permis est annuel. Si c'est un permis trimestriel, on parle de 75 $ par trimestre. Si c'est un permis pour un seul voyage, bien, là, à ce moment-là, on dit: Ça coûte 100 $, un permis pour un seul voyage.

Suite encore à nos interrogations, on ne comprenait pas toujours le bien-fondé de cet article-là. On a compris, finalement, quand le ministre nous a avoué que, non, le ministère des Transports, qui possède de nombreux équipements de ce type-là: niveleuses, équipement qui sert à déblayer la chaussée, on parle des saleuses avec des grattes en dessous pour netttoyer la route, tous ces équipements-là, le ministère des Transports en possède plusieurs, les municipalités en possèdent plusieurs et, même si cet article-là était en

vigueur, on a appris que le ministère et les municipalités ne s'étaient jamais soumis à cet article-là et n'avaient jamais eu besoin de payer ces permis-là.

Donc, maintenant, le ministre nous expliquait qu'avec son système de contrôle routier, parce que, maintenant, le ministre a un système de contrôleurs routiers, alors il nous a expliqué que les contrôleurs routiers, il fallait qu'ils effectuent leur tâche et, bien sûr, ayant des contrôleurs routiers, M. le Président, le danger devenait plus grand de se faire prendre en contravention. Il nous avouait, tout simplement, que le ministère était contrevenant, les municipalités aussi, qu'ils n'avaient jamais payé le permis. Donc, on change la loi tout de suite pour permettre au ministère et aux municipalités de se retirer de ce genre d'obligation.

Alors, ça, c'était à l'article 15 et, à l'article 28, bien, là, M. le Président, heureusement que mon collègue, député de Lévis, a été très insistant, qu'il avait demandé plusieurs avis, et le ministre, finalement, s'est rendu, je pense, à l'argumentation qui lui venait de toutes parts, parce que, on le sait, le Protecteur du citoyen s'est prononcé là-dessus, plusieurs intervenants se sont prononcés, ça a été même discuté, ici, en cette Chambre, à la période des questions. Enfin, en bout de ligne, le ministre a consenti à retirer le paragraphe litigieux, le paragraphe qui n'avait aucun sens par rapport au droit que l'on connaît chez nous, où il est très clair qu'on ne peut pas être coupable avant même d'avoir été jugé.

Alors, cet article-là a finalement été retiré du projet de loi. Mais c'est pour vous dire, M. le Président, que, dans un projet de loi, on peut à la fois se soustraire à la justice et, d'autre part, en mettre un petit peu plus sur le dos des citoyens. Ça, c'est le problème sérieux, moi, en tout cas, que je me pose: Comment on peut en arriver à des projets de loi comme celui-là?

Il y a eu, bien sûr, M. le Président, plusieurs autres articles qui ont été discutés, entre autres l'article 27, qu'on a commencé à discuter à l'article 24, parce que l'article 27, on peut le corriger à partir de 24, là, ça descend comme ça. Alors, il y a eu beaucoup de suggestions d'amendements, plusieurs demandes de corrections qui ont été faites. Le ministre a amélioré un peu la situation, mais il ne l'a pas vraiment corrigée.

Par rapport à l'article 27, on sera toujours... Les nouvelles dispositions prévoient que le degré d'inspection, pas l'inspection technique... On fera les mêmes inspections techniques, mécaniques, mais les demandes, les exigences, pour les véhicules reconstruits au Québec seront plus grandes que pour les véhicules reconstruits qui viennent de l'extérieur. On va exiger plus des gens de chez nous qu'on va exiger des gens d'ailleurs. Donc, là, il y a eu vraiment énormément de discussions. M. le Président. Tout ce que le ministre a consenti à ajouter, c'est un paragraphe à son projet de loi qui vient un peu ramener les choses, mais qui, dans le fond, ne règle rien.

Alors, pour ces raisons, M. le Président, l'Opposition votera contre le projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, Mme la députée.

Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. le ministre des Transports, en vertu du règlement, vous avez 5 minutes pour vous exprimer.

M. Sam L. Elkas (réplique)

M. Elkas: Merci, M. le Président.

Je suis un peu surpris d'entendre la députée des Chutes-de-la-Chaudière, qui est venue pendant 1 h et 15 min en commission pour discuter et reprendre sur bien des questions qui avaient été discutées auparavant. C'était à reprendre. Certains d'entre nous ont assumé que la députée aurait compris le bien-fondé de l'article 15. Malheureusement, certaines gens ne veulent pas comprendre, ne comprennent pas ce que c'est, la sécurité routière. Alors, j'espère que j'aurai le temps de la voir, après la session, où je prendrai 15 ou 20 minutes pour lui faire comprendre.

M. le Président, on ne comprend pas. L'article 27, c'est dans le but de réduire le nombre de vols de véhicules dans notre province. On n'a pas la juridiction dans les autres provinces. C'est à nous de convaincre les autres provinces de faire la même chose. Mais, lorsqu'un véhicule reconstruit à l'extérieur de notre province ? en Ontario, au Nouveau-Brunswick, au New Hampshire, dans l'État de New York, dans le Maine ou n'importe quelle autre province ? arrive chez nous, il y a une vérification qui se fait, une vérification mécanique. On ne peut pas exiger de la personne qui a reconstruit un véhicule en 1985, qui se décide de venir ici dans notre belle province, qui est transférée ici, de montrer le dossier de reconstruction du véhicule. Savait-elle s'il y avait des lois au Québec qui exigeaient qu'on demande à l'autre province ou l'autre État de démontrer la reconstruction d'un dossier?

M. le Président, j'aimerais parler un peu de l'article 28. C'est un bilan du contentieux. Bien oui! je l'ai retiré. Je n'avais pas grand choix. Il était évident que l'Opposition était pour faire du «filibusting» jusqu'à la fin et puis, surtout à la fin de session, c'est important de s'assurer qu'on regarde les autres articles et l'importance des autres articles et c'est pour cette raison-là que je l'ai retiré.

C'est un article qui a été regardé à fond. C'est sûr que le Barreau, le bâtonnier avait son opinion. Le Protecteur du citoyen avait son opinion, mais on a des opinions fondées sur des discussions qu'il y a eu avec l'Opposition, mais pas nécessairement des discussions qu'ils ont eues avec mon ministère, les gens de la Société de l'assurance automobile du Québec, le ministère de la Justice, les affaires constitutionnelles. Pas un mot avec ces gens-là, pas un mot. Mais, par contre, on a voulu mal informer le public. Je vous jure, M. le Président, je vais revenir à l'automne. Je vais revenir bien

armé. Je vais revenir avec des arguments convaincants qui vont nous permettre de mettre fin à l'abus, parce que ce que je vois dans l'Opposition, c'est simplement une attitude de «laissons faire», comme ils l'ont fait assez souvent.

En 1987, M. le Président, 3292 cas de suspension, des personnes qui ont été prises en suspension et c'a passé à 13 478 en 1991. C'est 4 fois plus en 4 ans. Voulez-vous qu'on s'assoie là et ne rien faire? Non. On avait un véhicule, un mécanisme pour contrer ce qui se passait et qui n'était pas correct, de ceux qui abusent du système. On devait mettre fin à ce que je trouve pas correct dans notre société. La grande majorité de notre population observe nos lois et je ne trouve pas correct que ce soit l'Opposition, surtout, qui fasse la promotion des gens qui abusent de notre système.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Mise aux voix

Le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi 91, Loi modifiant le Code de la sécurité routière, est-il adopté?

M. Garon: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je ferais maintenant motion pour que nous ajournions nos travaux à ce matin, 18 juin, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à aujourd'hui, le vendredi 18 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 10)

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