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(Dix heures dix minutes)
Le Président: Mmes et MM. les députés! Nous
allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie, veuillez vous asseoir.
Affaires courantes
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles
À l'étape des déclarations ministérielles,
je vais reconnaître M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
M. le ministre.
Augmentation du salaire minimum M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. le gouvernement du
québec a décidé, pour une huitième année
consécutive, de maintenir sa politique d'augmentations annuelles
progressives du taux du salaire minimum. ainsi, à compter du 1er octobre
prochain, le taux général du salaire minimum au québec et
le taux pour les employés à pourboire augmenteront de 2,6 %. le
taux général passera donc de 5,70 $ l'heure à 5,85 $
l'heure. le taux du salaire minimum pour les employés à
pourboire, qui est actuellement de 5,00 $ l'heure, sera porté à
5,13 $. enfin, la rémunération hebdomadaire des travailleurs
domestiques résidant chez leur employeur augmentera de 2,6 %, passant de
221 $ à 227 $ par semaine. l'augmentation de 2,6 % du taux
général du salaire minimum se situe au niveau d'inflation
anticipée pour l'année 1993, qui devrait être, justement,
de l'ordre de 2,6 %. la hausse du salaire minimum se situe également
dans l'ordre de grandeur de l'augmentation prévue des salaires dans le
secteur privé au québec en 1993. selon le conference board du
canada, les hausses salariales dans le secteur manufacturier devraient, en
effet, se situer en moyenne à 2,9 % en 1993. les salaires ont
augmenté de 2,7 % au dernier trimestre de 1992 dans le secteur
privé.
Bien que nous soyons dans un contexte de gel des salaires de
l'État et de non-indexation de prestations, l'amélioration du
pouvoir d'achat des personnes qui travaillent au salaire minimum est
demeurée une préoccupation constante du gouvernement. La
volonté du gouvernement est de continuer à creuser l'écart
de revenu entre les personnes qui travaillent et celles qui reçoivent
des prestations de la Sécurité du revenu. Il s'agit du premier
élément de la politique d'incitation au travail du gouvernement
du Québec. Si l'état des finances publiques nous contraint de ne
pas indexer les prestations de la sécurité du revenu, nous
pouvons tout de même améliorer la situation des faibles
salariés. C'est la décision équitable que le gouvernement
du Québec vient de prendre.
Depuis 1986, alors que nous avions mis fin à 4 années
consécutives de gel du salaire minimum imposé par le Parti
québécois, le gouvernement du Québec a opté pour
une hausse constante et modérée du salaire minimum. Cette
politique a permis de stabiliser le pourcentage de travailleurs assujettis au
salaire minimum. Les données les plus récentes indiquent qu'en
décembre 1990 il y avait au Québec 166 000 personnes qui
travaillaient au salaire minimum, soit 6,9 % des personnes
salariées.
L'incidence des bas salaires est plus élevée pour les
femmes, les jeunes, les travailleurs à temps partiel et les travailleurs
oeuvrant dans les services. Effectivement, en 1990, le profil des personnes
dont la rémunération est fixée par les dispositions sur le
salaire minimum et qui, de ce fait, sont considérées comme des
bas salariés, peut se résumer ainsi: 7 bas salariés sur 10
sont des femmes; 3 sur 10 sont des jeunes de moins de 20 ans et 4 sur 10
travaillent à temps partiel; enfin, 6 bas salariés sur 10
oeuvrent dans le secteur de l'héberge-ment-restauration ou dans celui du
commerce au détail.
Il est intéressant de noter que seulement 6,6 % des personnes
travaillant au salaire minimum ont reçu, à un moment quelconque
de l'année 1990, des prestations de la sécurité du revenu.
Près des trois quarts des personnes qui ont occupé un emploi
pendant une partie de l'année 1990 et qui ont eu, subséquemment,
recours à la sécurité du revenu recevaient de leur travail
une rémunération supérieure au salaire minimum. Ce constat
milite en faveur d'une majoration raisonnable du taux du salaire minimum. On se
rend compte, cependant, que la fixation du salaire minimum ne constitue pas le
seul élément d'une politique d'incitation au travail ou de lutte
contre la pauvreté. Le programme APPORT, qui offre aux familles de
faibles salariés un supplément de revenu, joue également
un rôle important à l'égard de l'incitation au travail.
Au regard des autres législations sur le salaire minimum au
Canada, le taux général du salaire minimum au Québec se
situe au cinquième rang après les Territoires du Nord-Ouest, le
Yukon, la Colombie-Britannique et l'Ontario où le taux
général du salaire minimum est de 6,35 $ l'heure. Dans les
États américains limitrophes, le taux de salaire minimum se situe
à 5,36 $ l'heure en dollars canadiens.
M. le Président, nous croyons sincèrement que cette hausse
modérée du taux du salaire minimum au
Québec tient adéquatement compte de notre situation
économique tout en offrant aux bas salariés une protection
adéquate de leur pouvoir d'achat. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole au
représentant de l'Opposition officielle, M. le député de
La Prairie.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président.
Le ministre n'a pas manqué de rappeler qu'il y avait eu gel,
pendant quelques années, du salaire minimum durant les dernières
années du gouvernement péquiste, pour toutes sortes de raisons.
Mais ce qu'il n'a pas rappelé, c'est que, pendant les 4 années
précédentes, il y avait eu 8 augmentations en 4 ans du salaire
minimum et qu'à chaque fois, M. le Président... Moi, je me
rappelle très bien avoir entendu ces gens-là dénoncer les
augmentations du salaire minimum. Nous, nous allons concourir, nous n'allons
pas dénoncer l'augmentation du salaire minimum, comme vous le faisiez,
vous autres, dans ce temps-là. m. le président, tout en se
réjouissant au nom des 160 000 personnes qui sont affectées, et
ce sont surtout des femmes, 70 % sont des femmes, et beaucoup de jeunes dans
ça, il faut dire aussi que le gain, il est minime dans la plupart des
cas et il est absent dans certains cas. pourquoi? parce que, avec le budget
leves-que, m. le président, si on prend les revenus d'une personne
seule, et j'espère que le ministre va bien écouter... au taux
actuel du salaire minimum, un adulte seul, à 5,70 $ l'heure, son revenu
hebdomadaire net est de 193,54 $. avec cette indexation annoncée, m. le
président, et à cause des mesures odieuses du budget levesque,
c'est-à-dire la disparition de l'exemption de déduction d'emploi
et la non-indexation des déductions personnelles, le salaire
hebdomadaire net ne sera plus de 193,54 $, malgré l'augmentation, mais
il sera de 192,17$, m. le président. 192,17$. une perte nette. et, en
plus, le même discours du budget, on le sait, n'a rien
présenté comme mesures de relance économique, comme
mesures de création d'emplois. le ministre ne fait pas sérieux
quand il dit qu'il s'agit là ? je le cite ? «du premier
élément de la politique d'incitation au travail du gouvernement
du québec». il faut que ce gouvernement arrête d'inciter le
monde au travail et qu'il se mette à créer des emplois. m. le
président, le taux de pauvreté augmente au québec, le taux
de chômage augmente au québec, le nombre des personnes
assistées augmente au québec. tout augmente, et si bien qu'on a
un total d'environ 22 % ou 23 % des adultes aptes au travail qui sont en
chômage actuellement. (10 h 20)
M. le Président, le gouvernement en face se sert parfois de
rapports des Nations unies pour venir charcuter la langue de la loi 101.
J'aimerais bien que le ministre et ce gouvernement libéral se servent du
rapport des
Nations unies pour faire la lutte à la pauvreté.
Récemment, l'ONU dénonçait le sort que le Canada fait
à ses classes pauvres. Et le Canada, ça inclut encore le
Québec, et le Québec est le champion des pauvres au Canada.
Montréal est la capitale de la pauvreté au Québec et au
Canada, plus pauvre que Terre-Neuve, M. le Président. Pendant ce
temps-là, le ministre de la Sécurité du revenu, au nom du
gouvernement, vient se péter les bretelles avec cette indexation qui est
tout à fait normale. Mais, encore une fois, nous, nous n'allons pas la
dénoncer, l'indexation, comme vous le faisiez. Nous concourons avec
cette indexation, mais nous disons au gouvernement: Faites autre chose
qu'indexer le salaire minimum. De grâce, créez des emplois. Et
aussi, nous disons au gouvernement: Pourquoi toucher les plus démunis de
la société, c'est-à-dire les personnes assistées
sociales, 755 000 personnes au dernier décompte, en gelant leurs
prestations?
Ce n'est pas vrai que tout le monde doit être gelé au
même degré, pourrais-je dire, parce que le revenu d'une personne
assistée sociale et le revenu d'un juge, d'un député ou
d'un policier, c'est 2 choses bien différentes. Personne n'aime voir son
salaire gelé, ni un juge ni un député. C'est
embêtant, mais ce n'est pas catastrophique, ce n'est pas dramatique comme
lorsqu'on est loin, loin sous le seuil de la pauvreté, comme c'est le
cas pour les personnes assistées sociales.
M. le Président, l'Opposition continue de dire au gouvernement:
II faudrait, une fois pour toutes, comme le disent les groupes qui s'occupent
de personnes qui travaillent au salaire minimum, Au Bas de l'échelle en
particulier, le groupe Au Bas de l'échelle... Nous disons au
gouvernement: Une fois pour toutes, pourquoi ne pas fixer une augmentation
annuelle, une indexation annuelle qui serait branchée à un
pourcentage du salaire industriel moyen ou, encore, branchée sur le
seuil de la pauvreté?
Alors, M. le Président, encore une fois, nous allons supporter
cette mini-mesure, mais nous continuerons de déplorer que le
gouvernement défasse de la main gauche, c'est-à-dire la main du
budget Levesque, ce qu'il essaie de faire maladroitement de la main droite.
Merci.
Le Président: Alors, M. le ministre de la Main-d'oeuvre,
de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, pour
l'exercice de votre droit de réplique.
M. André Bourbeau (réplique)
M. Bourbeau: M. le Président, le député de
La
Prairie vient d'affirmer que le Québec est le champion des
pauvres au Canada et que nous ne traitons pas bien les personnes pauvres au
Québec. J'aurai l'occasion tout : à l'heure de revenir
là-dessus.
Ce dont il faut se souvenir, c'est que, pendant la période de
1980 à 1985, M. le Président, le gouvernement du Parti
québécois avait adopté une politique où on
gelait le salaire minimum à chaque année, de 1981 à
1986 et, en même temps, on indexait à tous les 3 mois l'aide
sociale.
Ce qui a résulté de cette politique qui était
néfaste, c'est qu'on a rendu rapidement plus attrayant le séjour
à l'aide sociale que le travail au salaire minimum. Les statistiques
là-dessus sont éclatantes, M. le Président, quand on
regarde les courbes. Entre 1982 et 1985, il est entré quelque 200 000
ménages à la sécurité du revenu. Alors qu'on
était en pleine période post-récession, alors qu'en 1983,
1984, 1985 l'économie était en pleine évolution, en pleine
ebullition même. Ça rentrait à l'aide sociale par centaine
de milliers. Et c'est là qu'on s'est rendu compte que ce
système-là était suicidaire. nous avons donc
décidé de changer la politique, de faire en sorte d'indexer
rapidement le salaire minimum le plus rapidement possible pour creuser
l'écart entre ceux qui travaillent, même au salaire minimum, et
ceux qui ne le font pas. et cette politique-là, m. le président,
nous allons continuer, bien sûr, à la mettre en vigueur. et
j'aimerais souligner que, depuis octobre 1985, au moment où nous avons
mis fin à 4 années consécutives de gel du salaire minimum
par le parti québécois, le taux général du salaire
minimum au québec a progressé depuis ce temps-là de 46,3
%. pendant cette même période, c'est-à-dire entre le
dernier trimestre de 1985 et le dernier trimestre de 1992, l'inflation aura
progressé de 36,1 %. on remarque qu'il y a un certain rattrapage du
pouvoir d'achat des personnes travaillant au salaire minimum.
Maintenant, M. le Président, en ce qui concerne la
pauvreté au Québec, j'ai demandé aux fonctionnaires du
ministère de procéder à une étude très,
très attentive de l'état du paiement des prestations d'aide
sociale dans toutes les provinces canadiennes au moment où on se parle,
une étude factuelle comparative de tous les barèmes d'aide
sociale à l'égard de toutes les catégories de
prestataires. M. le Président, j'aimerais déposer, avec la
permission de l'Opposition et de ceux qui peuvent s'opposer, un tableau
indiquant que, de toutes les provinces canadiennes, le Québec est celle
qui est au troisième rang pour les prestataires de l'aide sociale,
personnes seules aptes au travail. En ce qui concerne celles qui ont de
sévères contraintes à l'emploi, qu'on appelle les inaptes,
nous sommes quatrième sur les 10. Et, quand on regarde les familles, M.
le Président, le Québec se compare très bien aussi.
Quand on tient compte du programme APPORT, qui vient en aide aux
familles avec des enfants, le Québec est soit deuxième, soit
troisième pour les familles monoparentales ou biparentales.
Je dépose le tableau, M. le Président, qui pourra
être consulté par tout le monde et qui va mettre fin à
cette espèce de rumeur qu'on tente de répandre que le
Québec serait mesquin avec les personnes assistées sociales.
Document déposé Le Président: Est-ce qu'il y
a consentement au dépôt du document?
M. Gendron: Oui, il y a consentement parce que ça
va...
Le Président: O.K. Oui. Ça va. Non, non, ça
va, M. le leader. S'il vous plaît! Alors, consentement. Donc, le document
est déposé.
Vous avez terminé, M. le ministre? Très bien. Nous allons
maintenant poursuivre les affaires courantes.
Présentation de projets de loi
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je
vous demanderais d'appeler l'article a de notre feuilleton.
Projet de loi 263
Le Président: L'article a du feuilleton. J'ai reçu
le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 263, Loi
modifiant la charte des directeurs et syndics de l'asile des orphelins de
Saint-Patrice de Montréal.
Le directeur de la législation a constaté que les avis ont
été faits et publiés conformément aux règles
de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je
dépose donc ce rapport.
En conséquence, M. le député de Saint-Louis
présente le projet de loi d'intérêt privé 263, Loi
modifiant la charte des directeurs et syndics de l'asile des orphelins de
Saint-Patrice de Montréal.
Mise aux voix
Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet
de loi?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je fais donc motion, M. le
Président, pour que ce projet de loi d'intérêt privé
soit déféré à la commission du budget et de
l'administration pour étude détaillée et pour que la
ministre déléguée aux Finances en soit membre.
Le Président: Est-ce que cette dernière motion est
adoptée?
Oui, M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: Est-ce que le leader du gouvernement a bien dit
«budget et administration» pour le projet de la ville de
Montréal?
Le Président: Ce n'est pas le projet de la ville de
Montréal, M. le leader adjoint, c'est le projet de loi modifiant la
charte des Directeurs et syndics de l'asile des orphelins de Saint-Patrice de
Montréal. Ça va? Donc, cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Dépôt de documents
Maintenant, dépôt de documents. M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Rapports annuels du ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation, de la Société
québécoise d'initiatives
agro-alimentaires, de l'Office de planification et de développement du
Québec et rétrospective 1968-1993 dudit Office
M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1992-1993 du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation; également, M.
le Président, le rapport annuel 1992-1993 de la Société
québécoise d'initiatives agro-alimentaires et, enfin, M. le
Président, le rapport annuel 1992-1993 de l'Office de planification et
de développement du Québec, de même qu'une
rétrospective 1968-1993 dudit Office.
Merci, M. le Président.
Le Président: Alors, ces rapports sont donc
déposés.
Maintenant, M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
Rapport annuel de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec
M. Côté (Charlesbourg): Excusez-moi, M. le
Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1992-1993
de la Régie de l'assurance-maladie.
Le Président: Ce rapport est également
déposé. M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.
Rapport annuel de la Régie des rentes du
Québec et analyse actuarielle du Régime de rentes du
Québec
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1992-1993 de la Régie des rentes du
Québec, de même que l'analyse actuarielle du Régime de
rentes du Québec.
Le Président: Ces documents sont déposés.
Maintenant, M. le ministre du Revenu et responsable de l'application des lois
professionnelles.
Rapport annuel du Conseil interprofessionnel du
Québec
M. Savoie: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1992-1993 du Conseil interprofessionnel du
Québec.
Le Président: Ce rapport est donc déposé. M.
le ministre du Travail.
Rapport annuel du ministère du Travail
et
rapports d'activité de la Commission de
la
santé et de la sécurité du
travail et de la
Commission de la construction du Québec
M. Cherry: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1992-1993 du ministère du Travail;
également, le rapport d'activité 1992 de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et, également,
le rapport d'activité 1992 de la Commission de la construction du
Québec.
Le Président: Ces rapports sont déposés. M.
le ministre des Forêts.
Rapport annuel de la Société de
récupération, d'exploitation et
de
développement forestiers du
Québec
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, j'ai le devoir et l'honneur de déposer le rapport
annuel 1992-1993 de la Société de récupération,
d'exploitation et de développement forestiers du Québec,
également appelée REXFOR. (10 h 30)
Le Président: Ce rapport est déposé.
Maintenant, Mme la ministre déléguée aux
Finances.
Rapports annuels de l'Inspecteur général
des
institutions financières sur les assurances et
sur
les sociétés de fiducie et les
sociétés d'épargne
Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président,
j'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1992 de l'Inspecteur
général des institutions financières sur les assurances et
sur les sociétés de fiducie et les sociétés
d'épargne.
Le Président: Ces rapports sont déposés.
Rapports d'activité de la Commission des
droits
de la personne et de la Commission de la
fonction
publique et rapport du Vérificateur
général
Maintenant, je dépose, conformément à l'article 73
de la Charte des droits et libertés de la personne, le rapport des
activités pour l'année 1992 de la Commission des droits de la
personne.
Je dépose également, conformément aux articles 124
et 125 de la Loi sur la fonction publique, le rapport des activités de
la Commission de la fonction publique, accompagné du rapport du
Vérificateur général, pour l'année
financière terminée le 31 mars 1993.
Ces 2 documents sont déposés.
Dépôt de rapports de commissions
Maintenant, dépôt de rapports de commissions. M. le
président de la commission des institutions et député de
Marquette.
Auditions et étude détaillée du
projet de loi 84
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des institutions qui a
siégé les 3, 15 et 16 juin 1993 afin de procéder à
des consultations particulières et à l'étude
détaillée du projet de loi 84, Loi sur la Régie des
alcools, des courses et des jeux et modifiant diverses dispositions
législatives. Le projet de loi a été adopté avec
des amendements.
Le Président: Ce rapport est déposé.
Maintenant, M. le président de la commission de l'aménagement et
des équipements et député de Lévis.
Étude détaillée du projet de loi
101
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 16 juin 1993 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 101, Loi sur
l'établissement et l'agrandissement de certains lieux
d'élimination de déchets. Le projet de loi a été
adopté avec des amendements.
Le Président: Alors, ce rapport est également
déposé.
Dépôt de pétitions
Maintenant, dépôt de pétitions. M. le
député de Drummond.
Intervenir pour le maintien des effectifs et des
services reliés aux transports à Grantham
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée
nationale et signée par 8220 pétitionnaires, citoyens et
citoyennes de la région de Drummond. Les faits invoqués sont les
suivants. «Considérant que le bureau du ministère des
Transports du Québec sur le territoire de la MRC de Drummond assume
actuellement le rôle de direction régionale depuis 30 ans;
«Considérant les sommes d'argent majeures investies
récemment par le ministère dans les infrastructure du bureau
régional de Drummond afin d'améliorer le service aux
régions desservies; «Considérant la qualité du
service dispensé actuellement aux dites régions par le bureau
régional; «Considérant qu'une direction territoriale
planifie, organise, gère, administre et décide des politiques et
programmes du ministère pour le développement harmonieux des
opérations actuelles et futures d'un territoire;
«Considérant l'impact économique majeur d'une direction
territoriale pour la partie sud de la région 04;
«Considérant qu'une proposition administrative faisait de
Drummondville, à l'automne de 1992, une direction territoriale qui
regroupait les territoires de Victoriaville, Saint-Louis-de-Blandford et
Plessisville; «Considérant que la décision du ministre
Middle-miss va à rencontre des objectifs de décentralisation et
de développement régional du gouvernement;
«Considérant que le choix du ministre des Transports exclut toute
direction territoriale entre Montréal et Québec dans l'axe majeur
qu'est l'autoroute Jean-Lesa-ge; «Considérant les impacts
économiques majeurs pour Drummondville et les coûts de la
relocalisation importants;»
L'intervention réclamée se résume ainsi: «Les
soussignés demandent à l'Assemblée nationale d'intervenir
pour le maintien des effectifs et des services reliés aux transports
à Grantham.»
Le Président: Alors, votre pétition est
déposée, M. le député de Drummond.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Je voudrais vous aviser qu'après la période de questions
et réponses orales, M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux répondra à une question posée le 15 juin dernier
par Mme la députée de Marie-Victorin concernant la vente de tubes
de colle aux enfants de Saint-Jean-sur-Richel ieu.
Questions et réponses orales
Nous allons maintenant procéder à la période de
questions et réponses orales, et je reconnais en première
question M. le chef de l'Opposition.
Avis de M. Ramsey Clark sur la loi 86
M. Parizeau: M. le Président, le Mouvement
Québec français a sollicité l'opinion de Me Ramsey
Clark sur la loi 86. Nous venons tout juste de recevoir cet avis juridique. Qui
est Me Ramsey Clark? Il a été nommé, par John F. Kennedy,
sous-ministre de la Justice aux États-Unis en 1961, puis il est devenu
ministre de la Justice du président Lyndon Johnson, poste qu'il a
occupé jusqu'en 1969. À ce titre, il a notamment
préparé la rédaction et fait adopter les 2 principales
lois sur les droits civiques aux États-Unis, soit le Voting Rights Act
de 1965 et le Civil Rights Act de 1968. À cet égard, on le rend
largement responsable du débloquage juridique à l'égard
des droits des Noirs aux États-Unis.
Sur la Charte de la langue française, voici la conclusion de la
lettre d'accompagnenent de l'avis juridique. Je la lis en anglais, nous n'avons
pas encore eu la possibilité de la traduire en français: «I
believe the Charter of the French language is a courageous, affirmative and
sensitive effort, respectful of the rights of others to preserve a precious
culture. As you will see in my opinion, I believe international law does and
ought to protect such legislation, because it is necessary to fulfil humain
rights. As with all law, its effectiveness will depend on its fair
administration.»
Un peu plus loin dans l'opinion juridique, une des conclusions de Ramsey
Clark, c'est: «Article 58 of the Charter of the French language ?
qui couvre l'affichage extérieur, et intérieur d'ailleurs ?
is protected by international law, as supportive of fundamental human
rights.> Cette opinion, M. le Président, contredit tout ce que nous
avons entendu de la part du gouvernement dans cette Chambre, contredit
absolument les thèses que le ministre de la Charte de langue
française a pu apporter jusqu'à maintenant.
Je lui demande, dans un premier temps, au ministre chargé de la
Charte de la langue française: Est-ce qu'il va ranger Me Ramsey Clark,
maintenant, parmi les sectaires et les fanatiques que, paraît-il, nous
représentons de ce côté de la Chambre? Est-ce que c'est
aussi un sectaire et un fanatique, Me Ramsey Clark?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Ryan: Bien que ceux qui suivent la politique américaine
connaissent très bien l'itinéraire qu'a suivi M. Ramsey Clark
depuis déjà plusieurs années, il fut ministre de la
Justice au temps de John Kennedy, ensuite il est retourné dans la vie
privée. Il s'est associé à maintes reprises à
différentes causes. Et, très souvent, il a fait profession de la
dissidence par rapport aux opinions largement reçues dans son propre
pays, et plus particulièrement par rapport aux politiques du
gouvernement américain. C'était son droit le plus strict. Il en a
usé abondamment. Mais, invoquer l'opinion de Ramsey Clark à ce
moment-ci, pour tenter d'invalider le projet de loi 86, me paraît fort
étonnant. C'est une opinion dont nous prendrons connaissance avec
intérêt. Mais je suis, depuis plusieurs années, des
interventions de Ramsey Clark et autant je les trouve intéressantes,
autant, le plus souvent, je n'étais pas porté à les
suivre.
Le Président: Pour une question complémentaire,
maintenant, M. le chef de l'Opposition. À l'ordre, s'il vous
plaît! Mmes, MM. les députés.
Pour une autre question complémentaire, M. le chef de
l'Opposition.
M. Parizeau: Est-ce que le ministre chargé de la Charte de
la langue française est plutôt d'accord, a plutôt
cherché ses appuis, quant à la loi 86, chez M. Roger D. Landry,
le président éditeur de La Presse qui, lui, dit: Les plus grands
défenseurs de la langue française ? ce n'est pas Ramsey
Clark, évidemment ? sont des étrangers, dit-il, qui viennent
tous du Lac-Saint-Jean et qui n'ont jamais vu un Anglais? C'est plutôt
ça qu'il a comme appui?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: Malheureusement, le caractère insolite du passage
qu'on fait de Ramsey Clark à Roger Landry a créé des
bruits qui m'ont empêché d'entendre la question.
Le Président: M. le chef de l'Opposition. À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. le chef de l'Opposition. (10 h 40)
M. Parizeau: J'ai demandé au ministre si, plutôt que
Ramsey Clark qu'il refoule du revers de la main, il s'appuie davantage, comme
appui pour la loi 86, sur ce jugement de M. Roger D. Landry, éditeur de
La Presse, à l'effet que les plus grands défenseurs de la langue
française ne sont pas ou sont, pas des étrangers comme Ramsey
Clark, non, non, sont des étrangers qui viennent tous du Lac-Saint-Jean
et qui n'ont jamais vu un Anglais? C'est ça, son autorité
principale!
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: Franchement, je n'ai jamais reçu de mandat, M. le
Président, pour agir comme exégète des propos de Roger
Landry. Si le chef de l'Opposition veut savoir ce qu'a voulu signifier M.
Landry, de grâce, qu'il s'adresse à lui!
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Alors, pour une autre question
complémentaire, M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Puis-je déposer l'avis de M. Ramsey Clark, M.
le Président? Est-ce qu'on m'y autorise?
Document déposé
Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement au
dépôt du document?
Des voix: Oui, oui.
Le Président: Alors, consentement. S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, consentement, document
déposé.
Pour votre question, M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, puisque le ministre
chargé de la langue française a fait état à
plusieurs reprises, souvent, avec beaucoup de force, en élargissant
complètement la portée, d'ailleurs, de cet avis, de l'avis de ce
comité des Nations unies, cherchant, à cet effet, à faire
honte aux Québécois, est-ce qu'il accepterait au moins de
débattre de l'avis juridique de Me Ramsey Clark, de reporter, pendant
quelque temps, le bâillon que, si je comprends bien, on veut nous imposer
à l'égard de la loi 86 dans quelques heures ou probablement dans
1 heure d'ici? Est-ce que le ministre chargé de la langue
française peut accepter un débat autour de l'avis de Me Ramsey
Clark, au même titre qu'il s'est servi de cet avis du comité des
Nations unies de façon tellement abusive en cette Chambre?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: Je trouve cette question assez curieuse. Jamais, jamais,
je n'ai eu connaissance d'un gouvernement américain qui se serait
empêché de procéder parce que M. Clark avait émis
une opinion personnelle. Il est arrivé très souvent que M. Clark
émette des avis comme celui-ci à rencontre de décisions
que s'apprêtait à prendre le gouvernement ou le Congrès
américain, et je n'ai pas eu connaissance qu'on aurait dit, parce que M.
Clark a parlé, qu'on allait interrompre tout le processus
législatif et gouvernemental. C'est parfaitement farfelu, à mon
point de vue.
Le Président: Très bien. Des voix: Une
autre!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes et MM. les députés!
Alors, pour une question principale, M. le leader de l'Opposition et
député de Joliette.
Affectation de professionnels au projet
Soligaz
M. Chevrette: Oui, M. le Président. En septembre 1989, le
ministre de l'Énergie de l'époque, l'actuel député
de Westmount, je crois, pas de Westmount, mais de Mont-Royal, déclarait,
dans un communiqué de presse, que le projet Soligaz créerait 9400
emplois pour la construction, 24 000 emplois directs et indirects, 1065 de plus
en emplois directs nécessaires à l'exploitation, etc. ? rien
de trop beau ? et 2 000 000 000 $ d'investissements. Donc, M. le
Président, avec beaucoup d'emphase, ça a été
répété chaque année au niveau de l'étude des
crédits par les différents ministres, soit par le ministre de
l'Industrie et du Commerce, soit par la ministre de l'Énergie.
M. le Président, je voudrais savoir du ministre de l'Industrie et
du Commerce s'il est exact que les professionnels de SNC ont reçu le
mandat de se retirer du dossier.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie.
M. Tremblay (Outremont): J'ai mentionné de façon
très claire à cette Assemblée que je reviendrais avant la
fin de la session pour répondre à certaines questions, incluant
celle-là, qui m'a été posée par le leader de
l'Opposition, hier soir, en Chambre. Alors, je vous demande d'être
patients. Nous sommes en train de vérifier tous ces faits pour
répondre de façon très précise à
l'Assemblée nationale.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: Question complémentaire.
M. Chevrette: Dans le coup de téléphone que le
ministre adressera aux gens impliqués, est-ce qu'il pourrait
également vérifier s'il est exact que le 30 juin prochain Soligaz
sera, à toutes fins pratiques, un projet mort?
Le Président: M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Soligaz fait toujours partie des projets
gouvernementaux. C'est très important. Et je vais poser cette question
pour revenir sensiblement avec la même réponse que je viens de
donner.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Chevrette: Est-ce que le 30 juin prochain les bureaux
occupés par tous les professionnels et tous les gens qui travaillent sur
le projet Soligaz seront effectivement fermés et que,
déjà, les employés auraient reçu des avis à
cet effet?
Le Président: M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je n'ai pas été
informé de cette situation. Je reviendrai avant la fin de la session
pour répondre à ces questions.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, toujours en
complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, ça ne doit pas
être trop, trop long, d'aller chercher ces informations-là. Si
l'Opposition a été capable d'aller les chercher, je pense bien
que le ministre doit être capable d'aller les chercher assez rapidement,
encore plus.
Je voudrais savoir si, effectivement, le ministre a été
mis au courant du fait que des avis de réaffectation de professionnels
sont déjà envoyés, qu'il y a des négociations pour
les réaffectations de certains professionnels gouvernementaux et que la
firme de professionnels SNC a reçu la directive claire qu'ils n'auraient
plus à travailler sur ce dit projet.
Le Président: M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je n'ai pas été
informé des questions du leader de l'Opposition.
Le Président: Donc, pour une autre question
complémentaire.
M. Chevrette: Est-ce que Mme la ministre de l'Énergie et
des Ressources, M. le Président, a été informée de
ces faits?
Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Même réponse que le ministre de
l'Industrie et du Commerce. Il semble qu'il y a des amis du leader de
l'Opposition qui lui donnent plus d'informations qu'on ne nous en donne
à nous, M. le Président.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que des
professionnels... Tant mieux si ce sont des amis. Est-ce que des professionnels
qui nous disent...
Des voix: Oh!
M. Chevrette: Tant mieux! J'espère que vous en avez
quelques-uns pour vous renseigner. S'il ne vous en reste plus, ça
devrait être inquiétant.
Une voix: Téléphonez, bon Dieu!
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: Votre question.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre de
l'Industrie et du Commerce ou la vice-première ministre, la ministre de
l'Énergie, peut nous dire dans les meilleurs délais... Eux qui
ont, à renfort de publicité épouvantable, annoncé
des millions, des créations d'emplois sans précédent,
est-ce qu'ils ne sont pas capables de nous confirmer bel et bien que Soligaz
ferme ses portes le 30? Voyons! Ils savent ça.
Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: M. le Président, je peux dire au
député de Joliette, leader de l'Opposition, que Soligaz ne nous a
pas confirmé à ce jour de mises à pied.
Le Président: Alors, en question principale maintenant,
monsieur...
Des voix: ...
Le Président: En question principale... S'il vous
plaît! Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît.
Alors, question principale, M. le député de
Montmorency.
Mesures de lutte à la contrebande du
tabac
M. Filion: M. le Président, le ministre du Revenu a
déposé le 13 mars dernier le projet de loi 90 dont l'objectif est
de contrer la contrebande du tabac. De l'aveu du ministre du Revenu, ce projet
de loi ne peut mettre un terme à la contrebande du tabac, puisque la
seule mesure fiscale efficace consiste en une baisse du tabac, selon le
ministre du Revenu, M. le Président.
M. le Président, à toutes fins pratiques, le ministre
prend la défense du responsable de la contrebande, le gouvernement
d'Ottawa, qui, par son entêtement, se refuse à toute baisse de
taxes, seul moyen efficace et reconnu de tous pour mettre fin à cette
activité criminelle. De plus, le ministre du Revenu a également
reconnu qu'il n'avait exécuté aucune saisie en territoire
autochtone et ne prévoyait, avec l'adoption du projet de loi 90, en
exécuter d'autres ou quelques-unes à venir, M. le
Président, avec la collaboration d'autres corps policiers. Pourtant,
avec l'adoption du projet de loi 90, il n'hésitera pas à
matraquer le consommateur québécois en utilisant ces nouvelles
mesures fiscales répressives. (10 h 50)
Le Président: Votre question, M. le député,
maintenant.
M. Filion: Est-ce que le ministre du Revenu peut nous indiquer
les raisons qui poussent Ottawa à refuser sa collaboration dans ce
dossier et entend-il faire pression pour que le fédéralisme
rentable cesse de faire perdre 550 000 000 $ en taxes que nous avons
compensées par des hausses d'impôt, M. le Président?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: M. le Président, on constate assez facilement
un certain niveau de confusion chez le député
de Montmorency en ce qui concerne nos travaux et le projet de loi que
nous avons étudié ensemble au cours des 2 ou 3 derniers jours.
Nous avons eu l'occasion de souligner que le projet de loi 90 contenait
plusieurs mesures dont des modifications à la loi concernant la taxe sur
le tabac. On a clairement indiqué que ces mesures étaient
là pour assister les corps policiers qui devaient intervenir dans leur
lutte contre le tabac.
Nous avons eu l'occasion également de décider d'une
façon plus globale qu'effectivement, pour réduire d'une
façon substantielle la contrebande, il fallait nécessairement une
intervention des 2 paliers du gouvernement, dont le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec pour réduire
les taxes, puisqu'on sait que le gouvernement fédéral,
finalement, constitue 55 % des taxes sur un paquet de cigarettes et, en
conséquence, que le gouvernement du Québec s'est montré
ouvert à une réduction des taxes sur le tabac en autant, bien
sûr, que le gouvernement fédéral suivra. Et on lui a fait
part également de la position du gouvernement fédéral en
ce qui concerne les recommandations au niveau de la santé et de la
consommation du tabac.
Finalement, la question du député, compte tenu qu'il a
reçu toutes les explications appropriées lors de la commission
parlementaire... Je comprends mal la nature de sa question, étant
donné qu'il était d'accord avec cette position-là.
D'ailleurs, le député de Labelle, qui participait à cette
commission, était tout à fait d'accord avec les orientations qui
avaient été retenues par le gouvernement à date.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: M. le Président, puisque de l'aveu du ministre
il est, à toutes fins, inutile et inefficace, ce projet de loi, pour
contrer la contrebande du tabac et qu'il compromet même la protection de
la vie privée, selon la Commission d'accès à
l'information, est-ce que le ministre est disposé à le retirer,
M. le Président?
Le Président: M. le ministre.
M. Savoie: Le projet de loi est d'aucune façon inutile ou
inefficace en ce qui concerne la lutte contre le tabac. J'imagine que le
député de Montmorency va nous proposer tout simplement de baisser
les bras et de laisser le train passer sans aucune intervention? Ce
n'était certainement pas dans la nature de ses interventions de mardi
où il était d'accord avec les orientations dans le sens qu'il
fallait poser des gestes. C'est ce que nous sommes en train de faire, et jamais
nous n'allons retirer le projet de loi 90.
Le Président: Maintenant, en question
complémentaire.
M. Filion: M. le Président, j'aimerais demander au
ministre: Est-ce qu'il peut expliquer les raisons pour lesquelles il n'y a eu
aucune intervention en territoire autochtone, notamment d'Akwesasne, puisque,
selon la GRC, 80 % du trafic transite par cette réserve?
Le Président: M. le ministre.
M. Savoie: M. le Président, nous faisons tout en notre
possible pour réduire la contrebande, y compris une surveillance
très près des zones autour et à l'intérieur
d'Akwesasne, M. le Président.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition, en
question complémentaire.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre du Revenu, par le biais du
ministre de la Sécurité publique, a des contacts avec le
lieutenant Robitaille, qui est chargé de la contrebande au niveau de la
GRC, qui, lui, indique qu'au Québec c'est très sérieux et
que tout transite par Kahnawake où des individus auraient vendu,
jusqu'à date, au moins pour 20 000 000 $ de cigarettes?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Évidemment, M. le Président, nous sommes
très conscients de la situation et nous avons, au ministère du
Revenu, des spécialistes qui nous renseignent quotidiennement avec les
informations provenant des autres corps policiers du Québec sur la
situation de la contrebande, et sa provenance, et ses orientations.
Le Président: En dernière question
complémentaire, M. le député de Montmorency.
M. Filion: Oui, M. le Président, une dernière
question complémentaire. J'aimerais que le ministre du Revenu nous
explique, en cette Assemblée, pourquoi il a refusé, compte tenu
de l'importance et de la pertinence, que l'on puisse entendre la
sécurité publique au Québec, qui est la
Sûreté du Québec, pour informer la commission effectivement
de toute la situation en réserves autochtones? Comment se fait-il que le
ministère a refusé qu'on puisse entendre ce corps policier qui
aurait pu fournir une information très pertinente aux débats de
cette Assemblée, M. le Président?
Le Président: M. le ministre.
M. Savoie: On est en train de refaire les travaux de la
commission parlementaire à la période des questions. Ça
démontre justement qu'ils ont très peu de questions ou qu'ils ont
très peu d'intérêt pour la période des questions
étant donné que, finalement, on reproduit le travail de la
commission parlementaire. J'inviterais le député, M. le
Président, à reprendre connaissance des galées, des
travaux de la commission parlementaire où on a pu constater, M. le
Président, qu'il s'agissait d'une
loi fiscale dont le ministère du Revenu était
chargé de faire l'application.
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire, M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi, alors
que certains journaux sont pleins d'indications très précises
? jusqu'avec des noms ? quant à l'organisation de la
contrebande de cigarettes ? qui nous fait perdre, encore une fois, 500 000
000 $ par année; ce n'est pas de la tarte! ? pourquoi est-ce que le
ministre s'oppose à ce qu'en commission parlementaire on puisse inviter
des représentants des corps policiers à venir nous expliquer le
genre de difficultés qu'ils ont eues jusqu'à maintenant quant au
contrôle de la contrebande? Pourquoi est-ce qu'on ne va pas leur parler,
à ces gens-là? Pourquoi est-ce qu'ils peuvent parler à
The Globe and Mail mais ils ne peuvent pas en commission parlementaire?
Qu'est-ce qui se passe?
Le Président: Alors, M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: M. le Président, les mesures qu'on a eues dans
le projet de loi 90 visaient à hausser les amendes concernant la
possession ou la consommation de cigarettes de contrebande. J'ai eu l'occasion
d'expliquer que la présentation des corps policiers, telle que le
demandait le député de Montmorency, avait pour but de nous
expliquer la situation telle que constatée par la Sûreté du
Québec. Or, au ministère du Revenu, nous avons,
évidemment, nos propres agents de vérification. Nous avons
également nos propres intervenants policiers au niveau du tabac et nous
sommes en mesure d'assurer la gestion de la collection de la taxe sur le tabac
au Québec.
Le Président: Alors, pour une dernière
additionnelle.
M. Parizeau: Je ne comprends pas. Est-ce que je peux demander au
ministre pourquoi, alors qu'il reconnaît qu'au ministère du
Revenu, avec 60 agents, ils ont réussi à ramasser 116 000 $
d'amendes au total ? c'est absolument ridicule ? que, manifestement,
le contrôle de la contrebande est voisin de 0 entre ses mains, pourquoi
est-ce qu'il refuse que la commission parlementaire reçoive des avis de
ceux qui, manifestement, connaissent ça et qu'on autorise à
parler aux journaux mais pas à l'Assemblée nationale? Qu'est-ce
qui se passe? Pourquoi?
Le Président: M. le ministre.
M. Savoie: Le chef de l'Opposition n'a certainement pas toutes
les données. On a parlé de 36 procès terminés,
finalisés, qui ont débuté depuis 1 an. Il y a beaucoup
plus de procès en cours, et les 116 000$ étaient les amendes
accordées en vertu des 36. Or, nous avons des saisies, à date,
uniquement par les 60 agents en question, qui dépassent les 10 000 000 $
? 10 000 000 $ en date du 1er février au mois de mars de cette
année ? et on a un nombre beaucoup plus important de procès
en cours. Donc, les 116 000$, finalement, c'est un faux chiffre dans le sens
que, dans le contexte dans lequel vous l'avez présenté, ça
ne reflète pas du tout la réalité quant aux interventions
policières qui ont été posées.
Le Président: Alors, en question principale, maintenant,
M. le député d'Anjou.
Jugement de la Cour supérieure
déclarant inconstitutionnelle la
Régie des permis d'alcool du
Québec
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
Dans un jugement rendu hier, la Cour supérieure du Québec
a déclaré inconstitutionnelle la Régie des permis d'alcool
du Québec. Le principal motif invoqué par la Cour est que cet
organisme quasi judiciaire n'offrirait pas aux citoyens la garantie d'une
audition impartiale, contrevenant ainsi à la Charte des droits et
libertés de la personne. Ce jugement pourrait remettre ainsi en cause la
constitutionnalité d'une bonne partie des organismes quasi judiciaires
relevant de la juridiction québécoise.
Ma question au ministre de la Justice: Le ministre peut-il nous dire ce
qu'il entend faire relativement à ce jugement qui pourrait
potentiellement bouleverser l'ensemble de nos tribunaux administratifs?
Le Président: Alors, M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, c'est un
jugement qui touche à plusieurs aspects qui sont importants en ce qui
regarde le travail de nos tribunaux administratifs et, par conséquent,
M. le Président, nous irons en appel.
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire, M. le député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): M. le Président, est-ce que le
ministre reconnaît que c'est la constitutionnalité même
d'une bonne partie de nos tribunaux administratifs qui est remise en cause par
ce jugement, et que ça pourrait avoir des effets vraiment plus que
considérables sur l'ensemble de nos tribunaux?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, je reconnais une
chose: nous allons en appel. Donc, l'état du droit demeure ce qu'il est
présentement. (11 heures)
Le Président: Alors, en question principale, maintenant,
Mme la députée de Matane.
Attribution des CAAF de Donohue Matane à des
scieries indépendantes
Mme Hovington: M. le Président, on se souviendra que le
ministre des Forêts, le 9 juin dernier, a fait parvenir une lettre
à Donohue Matane, dans laquelle il proposait de réallouer le bois
qui fait partie des CAAF détenus par Donohue Matane, afin de maintenir
un niveau d'emploi acceptable dans la région de la Gaspésie et du
Bas-Saint-Laurent. Il leur avait donné une semaine, en fait, qui s'est
finie hier, pour prendre position sur cette réallocation des CAAF.
Est-ce que le ministre des Forêts pourrait nous dire aujourd'hui, le 17
juin, où il en est rendu dans ce dossier?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, la députée de Matane connaissait ma
préoccupation concernant les 700 employés forestiers et d'usine
de cette compagnie. Effectivement, hier il y a eu une réunion du conseil
d'administration de Donohue Matane, et, avec la collaboration de cette
compagnie, je pourrai distribuer des volumes de bois aux industriels
indépendants afin que le CAMO, qui représente les gens du milieu,
puisse prendre la relève le 30 septembre, tel qu'il a été
convenu à mon bureau vendredi dernier.
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le député de Gaspé.
M. Beaudin: M. le Président, est-ce que le ministre des
Forêts pourrait indiquer à cette Chambre à quel moment il a
l'intention de procéder à la redistribution des volumes dont il
vient de parler?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je dirai au député de Gaspé que, si
possible, d'ici la fin juin, je me rendrai à Matane, afin de rencontrer
les industriels et les députés concernés, dans le but de
faire part de nos conditions, afin de respecter l'atteinte des objectifs que
nous poursuivons pour préserver les emplois.
Le Président: En question principale, maintenant, M. le
député de La Prairie.
Orientations budgétaires du MSSS
relatives aux soins de santé à
domicile
pour les personnes handicapées
M. Lazure: Merci, M. le Président. Hier, des personnes
handicapées de la région de Montréal descendaient dans la
rue pour revendiquer des soins à domicile. À travers le
Québec, et particulièrement en Mauri- cie, plus de 1000 personnes
handicapées sont en attente de soins à domicile, et plusieurs,
depuis plus de 6 mois. Dans le cas des personnes handicapées du Grand
Montréal, le ministre a reçu des groupes de personnes
handicapées aussi bien que de la Régie régionale des
demandes, récemment, à l'effet d'augmenter le budget d'environ 1
500 000 $ pour éliminer cette liste d'attente.
Alors, la question au ministre responsable de l'Office des personnes
handicapées est tout simplement la suivante: Est-ce qu'il peut dire
à cette Chambre et dire aux personnes handicapées de
Montréal et du Québec quand il va fournir une réponse? Et
quand va-t-il fournir les budgets nécessaires pour que les personnes
handicapées reçoivent des services essentiels?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, nous
sommes à finaliser le processus d'attribution des budgets, donc de
ventilation des budgets aux établissements un peu partout à
travers le réseau. Hier après-midi, j'ai rencontré pendant
tout l'après-midi des présidents de régie
régionale, avec qui j'ai d'ailleurs signé des protocoles
d'entente de décentralisation des responsabilités, et on a
évoqué les problématiques budgétaires, et je leur
ai transmis les orientations budgétaires du ministère pour
l'année. D'ici la fin juin, les établissements recevront leur
budget pour l'année 1993-1994, à l'intérieur duquel il y
aura des augmentations de budget au niveau du maintien à domicile, et ce
sera, par la suite, aux régies régionales de faire l'allocation
additionnelle budgétaire aux CLSC quant au maintien à domicile,
que ce soit pour les personnes âgées ou pour les personnes
handicapées.
Le Président: En question complémentaire.
M. Lazure: M. le Président, compte tenu que l'allocation
directe à la personne handicapée pour soins à domicile,
fournie généralement par le CLSC ? qui est une formule
valable en soi, mais qui comporte des inconvénients ? compte tenu
que cette formule est à l'étude par certains comités
ministériels, est-ce que le ministre peut nous dire si les
comités ont fini leurs études? Est-ce que le rapport est
prêt? Est-ce que le rapport sera rendu public?
Le Président: En demandant, s'il vous plaît,
l'attention des collègues, M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): C'est presque une autre
question principale, M. le Président, puisque l'habileté du
député l'a fait glisser, un peu, au niveau de l'allocation
directe, qui est une autre problématique. Parce que, pas d'argent, pas
d'allocation directe. Dans le sens que, l'allocation directe a
été expérimentée, bien sûr, avec les
personnes handicapées. Elle a des vices, et nous avons mis sur pied un
comité qui travaille depuis déjà au-delà
d'une année et demie. Nous sommes à la fin des travaux et,
règle générale, M. le Président, à l'horizon
du mois d'août ou du mois de septembre, nous rendrons publique la
politique concernant l'allocation directe et le maintien à domicile.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Lazure: M. le Président, compte tenu que cette
allocation directe pour l'aide à domicile qui est fournie à la
personne handicapée dans la Montérégie et dans d'autres
régions est de 6 $ l'heure, est-ce qu'il pense ? le ministre
responsable des personnes handicapées ? qu'avec cette allocation
directe il est raisonnable de demander à la personne handicapée
d'assumer les charges légales et fiscales d'un employeur? Est-ce qu'il
pense que c'est raisonnable, ça? Et est-ce qu'il entend mettre fin
à cette pratique-là?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
toujours en étirant un peu, on se retrouve assez loin de la question
principale. J'aime bien le rappeler. La problématique soulevée de
l'allocation directe est une autre problématique, et celle de la
responsabilité totale comme employeur d'une personne handicapée
qui s'occupe de l'allocation directe est une problématique qui, vous le
savez fort bien, est devant certaines instances judiciaires à ce
moment-ci. C'est un point qui est soulevé, qui est carrément une
interprétation de ce qui est devant les tribunaux. On verra ce que
ça donne, mais on fera, quant à nous, les réajustements,
compte tenu de ce que sera le jugement à l'époque.
Le Président: Alors, en question principale, M. le
député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.
Nomination du nouveau délégué
général du Québec à Paris
M. Boulerice: Oui, M. le Président, l'actuel
délégué général du Québec à
Paris, M. Dufour, a claironné d'une façon un peu
particulière son entrée au ministère des Affaires
internationales en déclarant que nous n'avions plus du tout besoin
d'être déclarés société distincte. Donc, il
abandonne son poste à Paris dans un climat de démission nationale
en plus. Est-ce que le ministre des Affaires internationales peut nous
indiquer, si le Conseil des ministres a désigné un
remplaçant à M. Dufour, quand il entrera en fonction, ou est-ce
qu'il entend procéder comme à Rome et désigner un
délégué général par intérim?
Le Président: M. le ministre des Affaires
internationales.
M. Ciaccia: M. le Président, le poste de
délégué général à Paris est un poste
très important. C'est notre délégation la plus importante
dans le réseau des délégations à l'extérieur
et nous y portons une attention très spéciale. Nous avons
plusieurs noms à l'étude, et quand nous aurons choisi la personne
la plus compétente pour remplir ce poste ? parce que c'est un poste
très important pour nous, vu les relations spéciales et les
relations privilégiées que nous avons avec la France ? nous
serons en mesure de l'annoncer.
Le Président: M. le député, en question
complémentaire.
M. Boulerice: M. le Président, nonobstant l'attention si
spéciale que le ministre veut porter à la
délégation générale à Paris, combien de
temps va-t-il prendre avant de nommer un délégué
général? Est-ce qu'il va faire comme à Rome, où,
déjà ça fait plus de 6 mois que nous n'avons personne
comme délégué à plein titre?
M. Ciaccia: M. le Président... Le Président:
M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, l'important, c'est le travail
que nous faisons dans chacune de nos délégations. À Rome,
nous avons un délégué par intérim qui remplit
très bien sa fonction. Quand nous aurons trouvé la personne apte
pour être nommée à ce poste aussi important, nous allons
l'annoncer, mais, entre-temps, je peux assurer cette Chambre que nos relations
avec ces pays, avec la France spécialement, sont très bonnes, et
nous continuons à promouvoir toutes les activités
institutionnelles, culturelles et économiques, et ça va continuer
parce que nous y attachons une grande importance.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire.
M. Boulerice: M. le Président, en fonction de toute
l'importance qu'il y accorde, de l'attention aussi spéciale qu'il
manifeste, est-ce que le ministre y voit une connotation avec la
rationalisation au Conseil des ministres, et peut-il nous confirmer si oui ou
non il a sur sa liste le nom de l'actuel député de Rosemont et
ministre délégué à la francophonie?
Le Président: M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, la seule chose... M. le
Président, sans... (11 h 10)
Le Président: Alors, MM. les députés, Mmes
les députées, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre.
M. Ciaccia: M. le Président. Sans nommer les gens qui sont
à l'étude, je peux assurer que le nom du député de
Sainte-Marie?Saint-Jacques n'est pas sur la liste.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Je vais maintenant reconnaître, pour
une question principale, M. le chef de l'Opposition.
Non-renouvellement du mandat du Protecteur du citoyen,
Me Daniel Jacoby
M. Parizeau: Je devrais sans doute poser cette question, M. le
Président, au premier ministre, mais, comme il n'est pas ici, ce matin,
je vais la poser à la vice-première ministre et, peut-être
que, demain, on pourrait avoir une réponse à la question que j'ai
posée. C'est une sorte de préavis, si on veut, que je donne,
puisque la session se termine.
Le mandat du Protecteur du citoyen est venu à
échéance depuis déjà quelque temps. C'est, on le
sait, un poste considérable dans notre système. Le Protecteur du
citoyen joue un rôle important, que le public québécois,
les citoyens québécois ont pris l'habitude de comprendre et de
reconnaître. Le gouvernement voulait le remplacer, ne pas prolonger ou ne
pas renouveler son mandat ? ce qui, après tout, est son droit
puisque le mandat est échu ? cependant, sans assurer, de quelque
façon correcte que ce soit, une autre carrière à Me
Jacoby. Il a été sous-ministre de la Justice en titre avant
d'être Protecteur du citoyen. C'était, pour les successeurs de Me
Jacoby, tout un signal donné que de dire: On ne renouvelle pas votre
mandat parce qu'on n'a pas aimé les attitudes que vous avez prises et,
d'autre part, pour la poursuite de votre carrière, prenez une retraite
anticipée. M. le Président, je...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, strictement pour rappeler au
chef de l'Opposition les dispositions du premier alinéa de notre article
77 qui indiquent que les questions ne peuvent comporter ni expression d'opinion
ni argumentation, et demander au chef de l'Opposition de s'en tenir au
règlement.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, MM.
les députés! Alors, pour votre question, M. le chef de
l'Opposition.
M. Parizeau: Le règlement est bien commode dans ce
cas-là. Est-ce que je peux demander à la vice-première
ministre de nous faire état ? le premier ministre, demain ?
avant la fin, en tout cas, de la session, de cette situation, puisqu'il est
très mauvais, je pense, qu'on laisse flotter quoi que ce soit quant
à une sorte de vengeance qu'exercerait le gouvernement à
l'égard de n'importe quel Protecteur du citoyen. J'aimerais que l'on
nous...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour rappeler, M. le
Président, que le chef de l'Opposition est habituellement respectueux
des dispositions de notre règlement. Je viens de faire la lecture du
premier alinéa de l'article 77. Vous avez demandé au chef de
l'Opposition de se conformer au règlement, et je pense que c'est
sciemment, cette fois-ci, qu'il vient de violer cette disposition du
règlement.
Le Président: Alors, j'invite M. le chef de l'Opposition
à poser une question, s'il vous plaît.
M. Parizeau: Je rappelle au leader, aussi, que le Protecteur du
citoyen relève de l'Assemblée nationale, pas du gouvernement.
Est-ce que je peux demander au gouvernement, qui fait la proposition
d'une nomination d'un Protecteur du citoyen, avant la fin de la session, de
nous faire rapport quant à l'état des choses, l'état de la
situation? C'est possible de demander ça, oui?
Le Président: Mme la vice-première ministre.
Mme Bacon: M. le Président, depuis la Loi sur le
Protecteur du citoyen, les personnes qui ont été nommées
Protecteur du citoyen l'ont été en 1969, 1976, 1982, 1987; donc,
à peu près des périodes semblables, M. le
Président. M. Jacoby a été nommé Protecteur du
citoyen en 1987. Son mandat se terminait en 1992. Il a poursuivi son mandat
jusqu'à ce qu'il soit informé par le gouvernement s'il devait
poursuivre ou non. Je pense que, si le chef de l'Opposition interprète
le fait qu'il n'y ait pas de remplacement ou qu'il n'ait pas été
reconduit dans ses fonctions comme des vengeances du gouvernement, est-ce que
c'est sa façon à lui de faire les choses, M. le
Président?
Le Président: À l'ordre! Pour une question
complémentaire.
M. Parizeau: La vice-première ministre n'a pas compris.
Est-ce qu'elle peut nous dire dans quelle mesure on a offert, comme on le fait
toujours dans des cas comme celui-là, à Me Jacoby, une poursuite
de sa carrière, un poste... En somme, est-ce qu'on le met dehors ou bien
si on lui offre quelque chose qui lui permet de poursuivre sa carrière,
comme d'autres Protecteurs du citoyen à qui on en a donné
l'occasion dans le passé? Oui ou non? Qu'elle nous fasse rapport. Je
demande seulement qu'on nous fasse rapport de la situation.
Le Président: Alors, Mme la vice-première
ministre.
Mme Bacon: Je pense qu'on ne reprendra pas le cas,
déjà, de Mme Fournier ? la députée de
Hochelaga-Maisonneuve doit s'en rappeler ? mais je voudrais dire au chef
de l'Opposition, M. le Président, que tant et aussi longtemps qu'il n'y
a pas de remplaçant de nommé, le Protecteur du citoyen reste en
poste. C'est ce qu'il fait en ce moment, M. le Président.
Le Président: Alors, en question principale maintenant, M.
le député de Rouyn-Noranda?Témiscamin-gue.
Distribution de lait maternisé dans les
établissements hospitaliers
M. Trudel: M. le Président, la distribution du lait
maternisé dans les hôpitaux du Québec fait encore grave
problème puisque des entreprises québécoises, comme le
consortium Lactel, et en particulier la coopérative Agri-nove,
n'arrivent pas à pouvoir offrir ces produits, en particulier le lait
maternisé, dans les institutions hospitalières du Québec,
pour permettre à ces établissements, éventuellement,
d'acheter ces produits. Et cela représente un marché
énorme pour cette entreprise québécoise, quand on sait que
le marché est occupé par 3 entreprises qui n'ont pas totalement
des intérêts québécois.
Puis-je demander au ministre de la Santé et des Services sociaux,
qui promet son intervention dans ce secteur, dans cette question-là,
depuis des mois, quel est l'état de la question? Et va-t-il enfin
intervenir pour qu'une entreprise québécoise, Agrinove, puisse
offrir ses produits, en particulier le lait maternisé, dans les
établissements hospitaliers du Québec?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'est une question qui fait l'objet de nos
préoccupations depuis déjà un certain temps, et, à
mon arrivée au ministère, nous avons tenté d'introduire
une nouvelle politique qui aurait pu favoriser le lait SMA, produit par Lactel
et par Wyeth, comme compagnies, en faisant en sorte qu'on a mis sur la place
publique possibilité de soumissions publiques. Je vous rappelle que
chacune des compagnies a, dans chacune des régions, soumissionné
zéro sou de redevances. On s'est donc retrouvé devant une
situation de statu quo.
J'ai, lundi dernier, rencontré, à la demande de la
députée de Bellechasse, endroit où est située
l'usine, à Sainte-Claire de Dorchester, comme ça faisait suite
aux représentations de la députée de
Kamouraska-Témis-couata dans le cas de Saint-Alexandre... Et j'ai
discuté avec les gens de Wyeth et les gens de Lactel, y compris de la
coopérative, de certaines manières, de façons d'arriver
à respecter un marché et qu'on soit dans une situation où
on pourra proposer à la Commission permanente des achats une solution
qui nous permettrait d'espérer régler cette situation. La
réunion devait avoir lieu ce matin. Elle est reportée à la
semaine prochaine. Vous avez donc quelques jours de délai avant
même que la nouvelle solution ne soit appliquée.
Le Président: Donc, c'est la fin de la période de
questions. Tel qu'annoncé précédemment, maintenant, M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à
une question posée le 15 juin dernier par Mme la députée
de Marie-Victorin concernant la vente de tubes de colle aux enfants de
Saint-Jean-sur-Richelieu. M. le ministre.
Réponses différées
Vente de tubes de colle aux enfants de
Saint-Jean-sur-Richelieu
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'était la deuxième fois que Mme la
députée se levait en Chambre pour poser cette question, et
ça faisait suite à des faits vécus, donc, et parfaitement
déplorables, au niveau de la Montégérie, qui m'avaient
d'ailleurs été soulignés aussi par mes collègues de
la Montérégie, en particulier le député de
Saint-Jean et le député d'Ibervil-le, comme celui de Valleyfield.
(11 h 20)
M. le Président, les départements de santé
communautaire ont fait un certain travail. Certaines municipalités ont
fait certains travaux de sensibilisation de l'opinion publique, et les
questions posées par Mme la députée ne sont pas
complètement décollées d'une stratégie
d'intervention qui avait été élaborée par certains
groupes du milieu et qui, dans une page x, démontrait qu'il y aurait
éventuellement question à l'Assemblée nationale. Donc, que
Mme la députée soit le porte-parole de ces gens-là pour
poser le problème de manière publique, c'est une question de
prévention et de sensibiliser l'opinion publique, et je pense que ce
but-là est atteint.
J'ai donc confié le mandat, M. le Président, à la
santé publique, un mandat très clair sur le plan d'un inventaire
des situations, des faits, non pas uniquement pour ce qui peut être
apparenté à la colle, mais aussi aux aérosols, pour faire
en sorte qu'on n'ait pas la problématique uniquement de la
Montérégie, mais une problématique provinciale, au niveau
de la santé publique. Et ce mandat a été confié, en
particulier, aux départements de santé communautaire et de
santé publique de la Montérégie, avec des officiers
supérieurs du ministère qui ont la responsabilité de
toxicomanie.
Ce rapport est de faire l'inventaire de la situation de la
Montérégie, mais aussi de toutes les régions du
Québec, du phénomène, et de nous produire des
recommandations au début de l'automne en termes d'actions ? donc,
ça débouche sur de l'action à l'automne ? et
dès que nous aurons reçu ce rapport, à l'autom-
ne, on agira, M. le Président.
Le Président: Pour une question complémentaire.
Mme Vermette: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je
prends acte de la réponse du ministre, mais j'espère que le
ministre va procéder plus rapidement que dans certains autres cas, parce
que, effectivement...
Une voix: Les centres de femmes, par exemple.
Mme Vermette: ...les rapports... Au niveau des rapports, c'est
heureux qu'on en fasse, mais c'est au niveau des actions qu'il est le plus
important, d'autant plus que ça touche un large éventail de
jeunes qui développent des habitudes malheureuses de consommation de
drogue.
Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans ce cas-là, trouver des
solutions à court terme, en attendant que les rapports et les analyses,
en fait, se concrétisent?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il
faut avoir le contrôle de ce qu'on dit, et lorsqu'on l'a, on a le
contrôle. Règle générale, on est capable de
supporter les affirmations qu'on fait, et je vous mets au défi de
supporter les propos que vous avez tenus, comme dans d'autres cas, M. le
Président, sur le plan de l'action.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, le
député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue parle des
centres de femmes. Jamais vous n'avez fait pour les centres de femmes ce qu'on
a fait, en termes de reconnaissance.
Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! Alors, M. le
ministre. Non, non, M. le ministre.
M. Trudel: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: Question de privilège. Un instant,
s'il vous plaît! Je vous écoute. Vous évoquez quel
privilège, M. le député?
M. Trudel: M. le Président, je suis interpellé par
le député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des
Services sociaux. Lui...
Des voix: ...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! À
l'or- dre, s'il vous plaît! À l'ordre!
M. Trudel: M. le Président, c'est le ministre
lui-même qui, hier...
Le Président: Non, non, non. Non. Ce n'est pas une
question de privilège. MM. les députés, Mmes les
députées, s'il vous plaît! Alors, pour compléter
votre réponse, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président.
Concernant les centres de femmes...
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! S'il vous plaît! Un instant! Un instant, s'il vous
plaît! Donc, à l'ordre! Oui, à l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, sur un rappel au règlement, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, d'abord pour calmer ses
esprits et son coeur, si vous n'acceptez pas un privilège du
député, vous ne pouvez pas accepter une réponse à
un privilège ? ça va de soi ? que vous ne reconnaissiez
pas.
Le Président: S'il vous plaît! Un instant! Alors, M.
le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Donc, M. le Président, je vous demande de
faire appliquer le règlement. Si, vous-même, vous jugez que ce
n'est pas un privilège et vous avez eu le ressort spontané pour
appliquer le règlement, je voudrais que vous ayez ce même ressort
vis-à-vis de votre ministre, qui essaie de répondre à
quelque chose que vous refusez de dire.
Le Président: Alors, simplement, ce n'est pas le ministre
du président, c'est le ministre du gouvernement. Alors, sur la question,
M. le leader du gouvernement.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour indiquer que le
ministre de la Santé est strictement en train de répondre
à la question de Mme la députée et non à une
pseudo-question de privilège.
Le Président: Très bien. Alors, simplement,
évidemment... À l'ordre! Donc, j'invite le ministre à
répondre à la question de Mme la députée de
Marie-Victorin, mais c'est évident que je rappelle à nouveau
à l'Assemblée, d'un côté comme de l'autre, que,
quand on interpelle, parfois, lors d'une réponse, ça amène
des réactions ? c'est d'un côté comme de l'autre
? et c'est défendu par le règlement. Donc, en
conséquence, M. le ministre, je vous invite à répondre
uniquement à la
question de Mme la députée de Marie-Victorin.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
j'aurais presque une question de privilège moi-même, et je suis un
peu peiné que vous soyez obligé de vous excuser d'avoir une
certaine sympathie vis-à-vis du ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! M. le
Président, c'est donc un comité provincial qui a le mandat d'agir
de manière très rapide. Et je pense qu'il faut le
reconnaître, l'action menée par les villes, par le
département de santé publique et par tous les intervenants de la
Montérégie a fait en sorte que ce dossier porté sur la
place publique a fait une étape extrêmement importante sur le plan
de la prévention ? et il faut continuer de l'encourager ? et a
mis fin à une pratique de vente de colle dans les dépanneurs. Et
ça, je pense que c'est tout à fait louable. Ça c'est de
l'action concrète à court terme sur le plan de la
prévention, que nous devons mener, mais nous ne devons pas appliquer des
solutions aujourd'hui qui ne colleraient pas à la réalité
pour solutionner des problèmes de demain.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période des
questions.
Il n'y a pas de votes reportés. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, vous
me permettrez de donner les avis touchant les travaux des commissions à
ce moment-ci.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à cet
effet? Donc, consentement. Vous pouvez procéder, M. le leader du
gouvernement, en demandant, s'il vous plaît, l'attention des
collègues. Alors, M. le ministre et leader du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je
rappelle à cette Assemblée qu'aujourd'hui, à compter de
maintenant jusqu'à 13 heures, et de 15 heures à 18 heures,
à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions
entendra les intéressés et procédera à
l'étude détaillée des projet de loi d'intérêt
privé suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué:
projet de loi 207, Loi concernant la succession de Cora Frances Dunkerley;
projet de loi 240, Loi concernant la succession d'Edouard Bachir Beshro; projet
de loi 259, Loi concernant certains immeubles du cadastre de la paroisse de
Saint-Charles.
À compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures
à 18 heures, et de 20 heures à 24 heures, à la salle du
Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail
entendra les intéressés et procédera à
l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt
privé 261, Loi sur l'Association de villégiature de la station
Mont Tremblant.
À compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures
à 18 heures, et de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine...
Le Président: M. le leader, s'il vous plaît. Alors,
je vais demander encore une fois la collaboration des collègues pour
écouter les avis du leader du gouvernement. Alors, M. le leader du
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, à compter de
maintenant, M. le Président, jusqu'à 13 heures, de 15 heures
à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission du budget et de l'administration
entendra les intéressés et procédera à
l'étude détaillée des projets de loi
d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre
ci-après indiqué: le projet de loi 236, Loi modifiant la Loi
constituant en corporation la Congrégation des Soeurs des Saints Noms de
Jésus et Marie; le projet de loi 241, Loi modifiant la charte de Le
Repos Saint-François d'Assise; le projet de loi 260, Loi concernant le
Centre des Chevaliers de Colomb de Jonquière inc.; le projet de loi 202,
Loi concernant Abar Realties Inc.
J'avise également cette Assemblée qu'aujourd'hui, à
la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, une fois complétée
l'étude détaillée des projets de loi
d'intérêt privé 236, 241, 260 et 202, mais pas avant 20
heures, la commission du budget et de l'administration procédera
à l'étude détaillée du projet de loi 89, Loi
modifiant diverses dispositions législatives concernant les
régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Et je
dépose les avis.
Le Président: Alors, très bien, M. le leader du
gouvernement. Il y a consentement de l'Assemblée quant aux horaires des
commissions?
Une voix: Consentement.
Le Président: Consentement. Donc, maintenant nous revenons
aux motions sans préavis. Alors, M. le leader du gouvernement.
Motions sans préavis
Motion d'urgence proposant la suspension de certaines
règles de l'Assemblée afin de permettre l'adoption du projet de
loi 86
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, conformément aux
dispositions des articles 182 et 183 de l'Assemblée nationale, je fais
motion: «Que, en raison de l'urgence de la situation et en
vue de permettre l'adoption du projet de loi 86...
Le Président: Un instant, M. le leader du gouvernement.
Alors, je vais demander, pour une dernière fois, la collaboration de
tous les collègues et je sévirai contre ceux qui ne s'y
conforment pas. Alors, M. le leader du gouvernement, pour une motion sans
préavis.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, M. le Président,
«que, en raison de l'urgence de la situation et en vue de permettre
l'adoption du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française: (11 h 30) «Les 1er et 2e paragraphes de l'article 19,
les articles 20 et 21, les mots «ou sur un fait personnel» au 4e
paragraphe de l'article 53 et le 7e paragraphe du même article, l'article
54, les articles 71 à 73, les 2e et 3e alinéas de l'article 84,
les mots «ou à la demande d'un député» au 1er
alinéa de l'article 86 ainsi que le 2e alinéa du même
article, les 2e, 3e et 8e paragraphes de l'article 87, les articles 88 à
93, 100 et 101, 105 à 108, 111 à 114, 164, 175 et 176, les mots
«et, le cas échéant, de ses observations, conclusions et
recommandations» à l'article 177, les articles 194 et 195, 205
à 209, 212 et 213, 215 et 216, 230, le 2e alinéa de l'article
244, les mots «et l'adoption du projet de loi est fixée à
une séance subséquente» au 2e alinéa de l'article
248, les article 249 à 251, le 1er alinéa de l'article 252, les
1er et 3e alinéas de l'article 253, l'article 254, les 2e et 3e
alinéas de l'article 256, l'article 257 et les articles 304 à 307
soient suspendus jusqu'à l'adoption dudit projet de loi; «II soit
permis, dès l'adoption de la présente motion, à un
ministre ou à un leader adjoint du gouvernement de procéder
à l'étape des avis touchant les travaux des commissions
malgré les dispositions de l'article 53; «Dès l'adoption de
la présente motion, malgré l'article 53, la commission de la
culture mette fin à ses travaux quant à l'étude
détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la
langue française et dépose son rapport à
l'Assemblée; «Tout député puisse, au plus tard une
heure après le dépôt dudit rapport, transmettre au bureau
du secrétaire général, copie des amendements qu'il entend
y proposer; les travaux de l'Assemblée soient alors suspendus
jusqu'à l'expiration de ce délai; «La durée du
débat sur la prise en considération du rapport de la commission
soit fixée à un maximum de 60 minutes, dont 25 minutes au groupe
parlementaire formant le gouvernement, 25 minutes au groupe parlementaire
formant l'Opposition officielle et 5 minutes au groupe des
députés indépendants; le ministre qui présente le
projet de loi puisse exercer un droit de réplique d'une durée
maximale de 5 minutes; «Une fois terminé le débat sur la
prise en considération du rapport de la commission permanente, les
amendements soient mis aux voix successivement sans appel nominal, de la
manière indiquée par le président, les amendements
adoptés soient intégrés au rapport, qui est ensuite mis
aux voix sans débat et sans appel nominal; «La durée du
débat sur l'adoption du projet de loi soit fixée à un
maximum de 2 h 30 min, dont 60 minutes au groupe parlementaire formant le
gouvernement, 60 minutes au groupe parlementaire formant l'Opposition
officielle, 15 minutes au groupe de députés indépendants
et une réplique d'une durée maximale de 15 minutes au ministre
qui présente le projet de loi; «Au cours dudit débat, celui
qui présente le projet de loi puisse faire motion pour qu'il soit
envoyé en commission plénière, en vue de l'étude
des amendements qu'il indique; une telle motion ne requière pas de
préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit
immédiatement mise aux voix sans appel nominal; en commission
plénière, l'étude soit limitée à
l'amendement proposé; la durée du débat en commission
plénière soit fixée à un maximum de 15 minutes,
dont 5 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 5 minutes au
groupe parlementaire formant l'Opposition officielle, 3 minutes au groupe des
députés indépendants et 2 minutes de réplique au
ministre qui présente le projet de loi, au terme de laquelle les
amendements seraient mis aux voix immédiatement, sans débat et
sans appel nominal; «À l'expiration du délai de 15 minutes,
le président de la commission plénière fasse rapport
à l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix immédiatement
sans débat et sans appel nominal; «Une motion de suspension de la
séance puisse être proposée à tout moment par un
ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne
requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni
débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;
«L'ajournement du débat, l'ajournement de l'Assemblée ou le
retrait d'une motion puissent être proposés à tout moment
de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une
telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être
amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix
sans appel nominal; «L'Assemblée puisse siéger tous les
jours à compter de 10 heures jusqu'à ce qu'elle décide
d'ajourner ses travaux; «Sous réserve de ce qui
précède, les dispositions du règlement
particulières aux mois de juin et de décembre soient
appliquées; et «Les règles ci-haut mentionnées
puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption dudit projet de loi.»
Le Président: Vous pouvez déposer votre motion, M.
le leader du gouvernement. M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais qu'on suspende
les travaux 1 ou 2 minutes, pour la comparer avec la non moins
célèbre d'hier.
Le Président: Alors, très bien. Donc, nous allons
suspendre les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 46)
Le Président: Mmes et MM. les députés,
veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, sur la motion de
suspension des règles proposée par le leader du gouvernement, je
vais reconnaître M. le leader de l'Opposition.
Débat sur la recevabilité M. Guy
Chevrette
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je ne vous surprendrai
probablement pas en plaidant sur la recevabilité. J'ai plaidé,
hier, sur la recevabilité en ce qui regarde la motion d'urgence, j'ai
l'intention de le faire également aujourd'hui, mais je voudrais
également, au niveau de ma plaidoirie aujourd'hui, aborder un autre
aspect qui a déjà été plaidé, mais qui,
à sa face même, mérite d'être considéré
très sérieusement par la présidence de l'Assemblée
nationale du Québec.
Je vais commencer par ce point bien précis, M. le
Président. À mon point de vue, utiliser l'article 182 de nos
règlements pour mettre fin à des travaux d'une commission
parlementaire sans y substituer une mécanique autre pour étudier
le projet de loi, c'est fausser le débat complètement. Quand on
suspend les règles, ça a toujours été, dans nos
règlements, pour pallier une situation d'urgence, si bien que quand on a
une loi d'exception, une loi spéciale, une loi qui s'impose à
cause d'une urgence réelle, qu'est-ce qu'on fait? On adopte des
mécanismes, on suspend les travaux de la Chambre, on laisse à
l'Opposition plusieurs heures, même, pour étudier le projet de
loi, l'analyser. On prévoit une plénière passablement
longue pour permettre une étude au moins minimale, importante des
articles de projet de loi. Ce n'est pas le cas dans la situation actuelle.
Les travaux en commission ont bel et bien commencé, M. le
Président. Les travaux se déroulaient normalement. Je vais le
démontrer au niveau de la notion d'urgence, tantôt, que je
plaiderai dans un deuxième temps. Les travaux se sont
déroulés, donc, très normalement et on n'a eu, depuis, je
crois, mardi matin, aucune convocation de ladite commission. Donc, le leader du
gouvernement, à notre point de vue, sur le plan du droit, ne peut pas
suspendre, ne peut pas arrêter, ne peut pas donner un ordre à une
commission parlementaire sans y substituer un mécanisme précis
pour l'étude du projet de loi. C'est clair, ce n'est pas un ordre qu'il
a le pouvoir de donner à une commission, c'est une modification. Il faut
le substituer par une autre procédure. Dans la motion du leader du
gouvernement actuellement, il ne substitue rien. Il arrête les travaux de
la commission, un point c'est tout. Et, qui plus est, dans la présente
motion, je remarque que le leader du gouvernement s'est raffiné parce
qu'on l'a déjà plaidé, il suspend, cette fois-ci,
l'article 249, ce qu'il n'a pas fait hier. Donc, il a appris, je pense,
à l'usage, qu'on a déjà plaidé cet aspect-là
et qu'il y avait quelque chose, il y avait un fondement là. (11 h
50)
Mais, aujourd'hui, je vous demande, comme président de
l'Assemblée nationale, d'aller plus loin dans le raisonnement juridique.
Une motion de suspension des règles, M. le Président, c'est pour
substituer avec une nouvelle mécanique parce qu'il y a urgence. Mais,
dans le cas précis, on ne le suspend pas, on l'arrête, on donne un
ordre d'arrêter. Et on ne peut pas, M. le Président, à mon
point de vue, donner un ordre d'arrêter un processus législatif
sans lui substituer un autre mécanisme d'étude. Et je vous
demanderais de bien le fouiller, puis d'autant plus que celle-ci, là, il
n'y aura plus de plénière seulement. Si j'ai bien compris, on
aura 1 heure pour faire valoir des amendements au secrétariat de
l'Assemblée nationale. Donc, beaucoup plus serré, à part
ça, qu'hier, pour un projet de loi d'importance nationale. Je vous avoue
franchement que j'ai hâte que la présidence se penche
sérieusement sur la question de droit. Peut-il ou non, d'office et
d'ordre, arrêter les travaux d'une commission parlementaire sans lui
substituer un mécanisme pour permettre l'étude du projet de loi?
Voilà mon premier point, sur lequel j'insiste, M. le Président,
pour que la présidence de l'Assemblée nationale considère
que c'est un droit fondamental, l'étude détaillée d'un
projet de loi, et on a le droit d'avoir une mécanique nous permettant
d'arguer, nous permettant de questionner, nous permettant, au besoin, d'avoir
les informations, sinon on fausse carrément le processus
législatif.
Et, si bien, M. le Président, que tous ceux qui ont
été membres de cette Assemblée nationale au cours des
années se sont toujours battus pour ces droits fondamentaux. Ce n'est
pas pour rien qu'il existait une mécanique qu'on appelait la motion de
clôture. La motion de clôture, précisément, M. le
Président, arrivait... Il y avait du temps, parce que c'était au
feuilleton; il y avait les mécanismes pour étudier en
plénière des propositions, pour faire en sorte qu'on puisse au
moins, au moins avoir consacré un temps assez important à
l'étude du projet de loi. Mais, pour des raisons d'orientation
politique, le gouvernement tenait à sa dite loi.
On est rendu qu'on invoque la mécanique de la suspension des
règles, M. le Président, pour faire passer une avalanche de
projets de loi. Et depuis l'arrivée, en particulier, du nouveau leader,
ça a l'air d'être une coutume, ça, la suspension des
règles. On n'utilise pas la mécanique normale du
règlement, qui est la motion de clôture, qui s'inscrit
précisément dans le processus normal de la législation,
où le gouvernement peut l'utiliser dans les fins de session. Mais,
là, on utilise une motion de levée de règles, de
suspension de règles qui
ne cadre pas du tout dans le processus législatif normal. Le
processus législatif normal, c'est la motion de clôture. Alors
que, là, on est en train de dénaturer complètement le
règlement de l'Assemblée nationale: on suspend les règles
n'importe quand, à propos de tout, et on invoque l'urgence en plus.
Parlons d'urgence quelques minutes. Je refais appel, comme je l'ai fait
hier, à votre jugement, M. le Président, et comme
défenseur de nos droits. M. le Président, pour votre information,
l'Assemblée nationale, à mon point de vue, ne peut pas être
tournée en ridicule. Est-ce qu'il y a eu des mesures dilatoires sur la
loi 86? Pas du tout. Savez-vous, pour votre information, M. le
Président, que mercredi le 9, le premier jour où on a
siégé en commission parlementaire, l'Opposition a pris 3 h 8 min,
le parti ministériel 2 h 7 min? Jeudi le 10, l'Opposition a pris 2 h 50
min, le gouvernement, 2 h 39 min. Vendredi le 11, l'Opposition 1 h 42 min, la
partie ministérielle 1 h 18 min. Lundi le 14, l'Opposition 2 heures, le
gouvernement, 2 h 22 min. Au total, M. le Président, on a
étudié ce projet de loi pendant 17 h 26 min, mais l'Opposition
aura parlé 9 heures et le gouvernement, 8 h 26 min: une demi-heure de
différence. Puis on invoque l'urgence, M. le Président? On va
invoquer le fait, nous, que l'on a utilisé des mesures dilatoires pour
retarder ce projet de loi là?
Depuis le 14 juin dernier, il n'y a eu aucune convocation. Aucune
convocation, M. le Président. Du 14 au 23, d'abord il aurait pu y avoir
un nombre extraordinaire d'articles qui auraient pu être adoptés.
Deuxièmement, on aurait pu, dès le 14, M. le Président,
utiliser la motion normale des fins de session, qui est la motion de
clôture, si le gouvernement voulait utiliser la procédure normale.
Il aurait utilisé la motion de clôture, et puis on aurait eu tout
le temps, à l'intérieur des délais prescrits dans la
motion de clôture, de réaliser l'étude du projet de loi en
question, conformément à la procédure normale,
régulière, et basée sur l'esprit même de nos
règlements. On en est rendu... Et c'est sur ce, aujourd'hui, aussi, que
je vais plaider, tout autant que j'ai plaidé hier. Il n'y a aucune
urgence, M. le Président.
D'abord, l'urgence invoquée, pour le gouvernement, au moment
où il a apporté ce projet de loi sur la table, c'était la
reconduction de la clause «nonobstant» en décembre prochain.
M. le Président, on siège en octobre, on le sait, à partir
du deuxième mardi d'octobre. Est-ce qu'il y avait une urgence nationale?
Pas du tout. Est-ce qu'il y avait une urgence, M. le Président, à
utiliser une procédure tout à fait exceptionnelle que l'on
utilise ordinairement quand la santé publique est en danger ou encore
quand il y a tellement de bouleversements dans notre société
? que ce soit le transport en commun de Montréal, que ce soient les
pompiers de Montréal qui ont déjà fait la grève
? que l'année scolaire pouvait être en danger après 15
jours, 10 jours de grève? Absolument pas. Il n'y a aucune urgence.
On invoque l'urgence, M. le Président, et on n'est pas capable,
logiquement, rationnellement, de démon- trer, pendant 2 minutes
seulement, l'urgence de la situation. On n'est même pas capable de faire
ça. Il ne faut pas que les règlements ne veuillent dire rien, M.
le Président. Nos règlements ont été bâtis de
sorte que ça veuille dire quelque chose, que ça réponde
à un besoin, que ça réponde à une situation. Un
règlement n'existe pas pour la forme, pour la frime. Un
règlement, ça doit être respecté. Et la
procédure normale, dans une session normale, pour des projets de loi
normaux, ce n'est pas la suspension des règles, M. le Président,
où on peut invoquer l'urgence et faire n'importe quoi, même s'il
n'y a pas urgence, même s'il n'y a même pas l'apparence de l'ombre
du début d'une urgence. M. le Président, c'est là fausser
tout le processus législatif. Et je lis les deux. Je les lis, les deux,
autant la première partie de mon intervention, qui dit qu'il faut
substituer la mécanique par une autre mécanique, mais qu'on n'a
pas droit de donner ordre, sur le plan législatif, d'arrêter les
travaux.
Donc, M. le Président, sur la notion d'urgence, je vous
réitère que je fais appel au rôle fondamental que la
présidence doit jouer dans un Parlement. Ce n'est pas vrai qu'on a
adopté des règlements pour qu'ils soient dénaturés.
Ce n'est pas vrai qu'on a adopté des règlements pour pallier
à des situations et qu'on s'en serve à d'autres fins. Sinon, le
Parlement sombre dans le ridicule. Je le dis comme je le pense. On ne peut pas
invoquer la notion d'urgence quand le gouvernement n'a même pas fait les
efforts minimaux pour amener cette Assemblée à travailler.
Je vous dis que, depuis le 14 au soir, il n'y a eu aucune convocation de
la commission, M. le Président. On a décidé,
unilatéralement, de ne pas reconvoquer la commission. Est-ce que c'est
parce qu'il y avait des mesures dilatoires? Je vous ai prouvé noir sur
blanc que le temps fut partagé 50-50. Est-ce que c'est le gouvernement
qui se «filibustait», M. le Président?
La notion d'urgence doit avoir un sens, quand on l'invoque. Quand on
invoque l'urgence, c'est parce qu'il y a une situation. Moi, si le ministre de
l'Environnement se lève comme leader de la Chambre puis qu'il invoque la
notion d'urgence, M. le Président, pour adopter une loi spéciale,
parce qu'il y a une contamination tellement forte qu'il lui faut un pouvoir
législatif, je comprendrais ça. Qu'il utilise l'article 182, M.
le Président, je comprendrais ça. Mais, si le ministre de
l'Environnement veut se donner des pouvoirs additionnels à moyen et
à long terme, qu'est-ce qu'on va lui demander de faire? On va lui dire:
Suis le processus normal. (12 heures)
On est en train de dénaturer complètement le
fonctionnement du Parlement. Ça voudra dire quoi, M. le
Président, sur le temps où on est parti, avec les
décisions qui se prennent présentement? Ça voudra dire
quoi, notre règlement? Un gouvernement qui est fatigué d une fin
de session décide d'invoquer l'urgence. Il invoque l'urgence ? ils
l'ont fait, il adopte un paquet de projets de loi ? 27 projets de loi sur
une suspension des règles! M. le Président, franchement! On
«va-tu»
gouverner par décrets? On est rendu qu'on va procéder par
décrets, M. le Président. Et je lie mon premier point au
deuxième. Est-ce qu'on doit procéder par décrets, en cette
Chambre-là, ou si l'Assemblée nationale, fïère de sa
tradition démocratique, ne doit pas exiger que des mesures
exceptionnelles ne deviennent pas une mesure courante? Parce que, M. le
Président, on fausse le processus démocratique, on ridiculise les
règlements de l'Assemblée nationale et, par voie de
conséquence, on marginalise le rôle du Parlement.
Je pense que c'est très sérieux, M. le Président,
comme question qu'on doit se poser aujourd'hui. C'est la deuxième en 2
jours. Ce n'est pas le fruit de la spontanéité, ça, de ce
gouvernement, là. Depuis 2 ou 3 ans en particulier, M. le
Président, je les ai déposées hier, il y a eu 7
suspensions de règles pour des mesures non urgentes. Mais on invoquait
le motif d'urgence. Franchement! La Russie procédait par décret,
M. le Président, et d'autres pays aussi ont précédé
par décret, là où les régimes
démocratiques... Là où ils ont des gouvernements
totalitaires, ils procèdent par décret. Ce n'est pas le cas,
ici.
On ne peut pas demander en plus à l'Assemblée nationale
? et le chef de l'Opposition l'a souligné hier ? d'utiliser de
faux motifs pour justifier son action. On n'a pas le droit de mentir, entre
guillements, dans cette Chambre, M. le Président; en tout cas c'est, du
moins, ce que nos règlements disent.
Est-ce que, si je posais la question au gouvernement, il pourrait
affirmer, en toute véracité des faits, qu'il y a urgence? Jamais,
M. le Président, ils ne sont capables de le prouver! Jamais ils ne sont
capables de prouver l'urgence! Il n'y a aucun citoyen qui exige, puis qui est
en péril parce que la présente loi ne serait pas adoptée,
par exemple, demain. Pas du tout! Il n'y a pas d'urgence à cela.
Est-ce que le gouvernement est fatigué de la longueur des travaux
en commission? Deuxième question. Il a parlé autant que nous.
Vous connaissez le ministre délégué à la Charte de
la langue française? Il a parlé autant que nous autres. Est-ce
que c'est la faute de l'Opposition qui a parlé 9 heures contre 8 heures
26 si le projet de loi n'est pas adopté? Est-ce la faute de l'Opposition
si on a amené le projet de loi à la dernière minute, en
juin, pour le faire adopter? Est-ce que c'est la faute de l'Opposition si on ne
l'a pas appelé le 15, le 16, le 17, puis le 18?
M. le Président, je vous rappelerai que la loi 101, on a
passé le mois de juillet et le mois d'août ici, 200 et quelques
heures, puis, à l'époque, il n'y avait pas de climatisation.
J'étais membre de la commission, moi. Puis, on a travaillé
pendant 200 heures à écouter les libéraux. C'est
très sérieux, ça, M. le Président, cette question
de recevabilité que je souligne.
Premièrement, on ne peut pas donner un ordre et,
deuxièmement, il faut prouver un tantinet l'urgence. Puis, il n'y en a
pas, d'urgence, dans ce projet de loi. Il n'y en a pas, d'urgence, M. le
Président.
Hier, j'ai fait appel à la clémence de la
présidence pour faire observer ces droits fondamentaux là.
D'aussi loin que je puisse lire dans l'histoire de la réglementation de
l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président, et
même d'autres Parlements de type britannique, on ne retrouve pas, M. le
Président, cet abus de pouvoir exercé de façon aussi
régulière, aussi coutumière qu'au Parlement, ici. On ne
voit pas, dans d'autres Parlements de type britannique et dits
démocratiques, l'utilisation de faux prétextes pour en arriver
à des fins. Nos règlements ne sont pas là, M. le
Président, pour permettre des subterfuges pour changer les règles
du jeu. Nos règlements sont là pour assurer nos principes
démocratiques vieux de centaines et de centaines d'années, M. le
Président.
Je vous dis très honnêtement que l'utilisation de l'article
182 pour mettre fin aux travaux d'une commission est irrecevable, en vertu de
nos règlements, et qu'invoquer la notion d'urgence, M. le
Président, pour mettre fin à des travaux lorsqu'on n'a pas fait
les efforts, c'est aussi un subterfuge inacceptable dans l'esprit et la lettre
de nos règlements.
M. le Président, moi, je suis inquiet de voir qu'on laisse faire
ça depuis bon nombre d'années. Depuis 2 ou 3 ans en particulier,
c'est devenu une coutume. Est-ce à dire qu'on n'a plus besoin de la
motion de clôture, M. le Président? Je vais vous la poser, la
question. Si l'urgence devient le seul motif d'agir et qu'on a le droit
d'invoquer l'urgence même s'il n'y a pas d'urgence, est-ce à dire
que la motion de clôture, qui était précisément la
procédure normale pour mettre fin à des travaux qui pouvaient
traîner en longueur, on enlève ça, à toutes fins
pratiques? On invoque l'urgence même s'il n'y a pas d'urgence, même
si on n'est pas capable de faire le début de l'ombre d'une preuve qu'il
y a urgence. On dénature le règlement, on ridiculise
l'Assemblée nationale, et moi, personnellement, M. le Président,
ça ne m'intéresse pas de sombrer dans le ridicule.
Je fais donc appel à la présidence de l'Assemblée
nationale et j'en fais quasi une question de confiance pour rétablir les
faits, M. le Président, parce que ça n'a plus bien bien de bon
sens de procéder de la façon dont on le fait. J'ose
espérer qu'on va se pencher très sérieusement sur les 2
dimensions qu'on soulève, sinon, M. le Président, je ne vois pas
en quoi il y aurait un Parlement. Le gouvernement peut décréter
en tout temps ce qu'il entend faire sans étude...
Et, je vous rappelle ce qui s'est passé hier, et cette motion
d'aujourd'hui est pire. Hier, ce qui s'est passé, M. le
Président, c'est qu'il y a eu 35 amendements dans l'espace de 1 heure.
Le ministre en a même oublié un. Et je lui demanderais de me
rappeler ce qu'il a amendé hier soir, il ne s'en rappelle probablement
pas. C'est une législation qui scellait l'issue et le sort de 400 000
personnes minimum, 400 000 minimum.
Aujourd'hui, une motion similaire, mais plus que ça, c'est au
Secrétariat de l'Assemblée nationale et non au Parlement, M. le
Président, qu'on va pouvoir déposer des amendements, et ça
va être voté un après l'autre, M. le Président, sans
information, sans discussion,
sans analyse. Est-ce que c'est ça, le processus
démocratique? Est-ce que c'est ça... J'aimerais ça que
vous soumettiez ça, M. le Président, vous qui occupez un poste
important à l'association des parlementaires de langue française,
j'apprécierais qu'on fasse le test, sur le plan international, d'une
telle procédure. J'apprécierais qu'on soumette ce test-là
de fausse notion d'urgence au processus démocratique, comment ça
s'inscrit dans ça. Ça n'a pas de bon sens. On ne peut plus
fonctionner de même. Vous aviez le loisir, M. le Président...
Le leader du gouvernement et le ministre responsable de l'application de
la Charte de la langue française avaient le loisir d'utiliser une motion
de clôture, s'ils en étaient fatigués, et suivre un
processus normal d'adoption, mais invoquer l'urgence, je m'excuse, M. le
Président, c'est faux, ça sonne faux.
Et, au besoin, je vous dirai ceci, M. le Président. Je vais vous
lire quelques extraits, pour votre gouverne, de ce que déclarait le
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française. Il disait ceci, et ça, c'était en 1977 qu'il
écrivait cela: «Sûr de sa force, il avait fermé
l'oreille à plusieurs suggestions constructi-ves». Il parlait
à ce moment-là du gouvernement auquel on appartenait.
«Sûr de sa force, il avait fermé l'oreille à
plusieurs suggestions constructives qui lui venaient de l'Opposition ou de
l'extérieur de l'Assemblée nationale. Enfin, au bout d'un certain
temps, il avait imposé le bâillon à l'Assemblée,
croyant ainsi tourner une page importante, mais ouvrant à son insu une
blessure béante au flanc du parti majoritaire.» Et il continuait:
«Pour une deuxième fois consécutive à propos des
questions aussi fondamentales que la question linguistique, un gouvernement
québécois se croit suffisamment en possession de la
vérité pour estimer devoir lever le nez sur des solutions qui
traduiraient un large accord de tous les partis responsables autour de certains
objectifs minimaux.»
Savez-vous qui disait ça, en 1977? L'éditorialiste du
Devoir de l'époque, M. le Président, et actuel ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française. Il n'a
même pas... Et il avait dit ça après 200 heures en
commission parlementaire de la part de notre gouvernement de l'époque,
200 heures, après 17 h 26 min, sur lesquelles 17 h 26 min il a pris
lui-même 8 h 26 min. M. le Président, c'est non seulement le
bâillon en fonction des règles normales du jeu, ce n'est plus la
motion de clôture qui... Nous, c'était la motion de clôture
qu'on avait utilisée; lui, c'est une suspension de règles, M. le
Président. Et ce même bonhomme-là, le même homme, le
même personnage, en position d'être conséquent,
cohérent avec ses propres prises de position, M. le Président,
son intolérance va jusqu'à, après à peine 17 h 26
min, poser des gestes pires que ceux qui ont été produits
antérieurement. Et ça, M. le Président, ça, c'est
ce qu'on appelle des pharisiens.
Merci. (12 h 10)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement. M. Pierre
Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour rappeler à
ceux et celles qui nous écoutent que nous en sommes à
débattre une ou des questions d'irrecevabilité soumises à
l'Assemblée nationale par le leader de l'Opposition officielle. Nous
n'en sommes pas encore à débattre la motion comme telle. Vous
aurez à prendre une décision, M. le Président, et à
ce moment-là, nous pourrons débattre de la motion si la
décision est favorable ou, si elle est défavorable, la motion
sera retirée comme telle.
Je le dis, M. le Président, parce que, dans son vibrant
plaidoyer, le leader de l'Opposition officielle a touché à ce que
j'appelle le fond de la motion et ne s'est pas tenu à ses motifs
d'irrecevabilité, qui, d'ailleurs, sont connus, sont usés
à la corde.
Vous avez, comme président... Vos prédécesseurs...
Des prédécesseurs du temps de l'ancien gouvernement ont rendu de
multiples décisions, et, si j'avais le droit de prêter des
intentions à mon bon ami le leader de l'Opposition officielle, je
l'accuserais de «filibuster», en termes parlementaires, sur une
question de procédure, M. le Président, ce qui ajouterait
à tout ce qui s'est fait au niveau de la commission parlementaire.
M. le Président, je vais vous référer, là,
très, très, très brièvement à des
décisions déjà rendues, quant au motif d'urgence ?
que nous démontrerons tantôt, si notre motion est acceptée,
M. le Président. La décision rendue par un de vos
prédécesseurs, Clément Richard, le 18 août 1977, et
le président d'alors s'exprimait en ces termes: «Le
président n'a pas à juger du fond de la question et n'a pas
à déterminer s'il y a urgence ou non. Il n'a qu'à
vérifier si les prescriptions de l'article 182 ont été
respectées.» Le leader de l'Opposition officielle connaît
bien cette décision. Il a omis de la citer.
Le 19 décembre 1988, un autre de vos prédécesseurs,
Pierre Lorrain, s'exprimait en ces termes: «La motion n'a pas à
contenir d'exposé de motifs lorsque l'urgence est
invoquée.» Le leader de l'Opposition connaît
également cette décision. Il a omis de la citer.
Le 18 juin 1987, encore une fois, Pierre Lorrain: «II suffit
d'invoquer l'urgence et cette dernière n'a pas à être
prouvée. Le règlement ne confère aucun pouvoir au
président lui permettant de déterminer si l'urgence
invoquée dans une motion de suspension des règles est
réelle ou non. Seule l'Assemblée peut décider par un vote
à la fin du débat restreint s'il y a urgence de suspendre
certaines règles de procédure.»
Je me souviens également, M. le Président, que le leader
de l'Opposition, au mois de décembre dernier, a également
invoqué la même argumentation, si on retourne au Journal des
débats, et je crois que c'est vous, à l'époque, qui
aviez rendu une décision dans le même sens que les
décisions rendues par vos prédécesseurs. Je vous soumets
très respectueusement que la jurisprudence est à ce point
ancienne, conforme, solide
que j'ai de la difficulté à comprendre quels motifs
peuvent pousser un parlementaire à replaider ad nauseam, si ce n'est que
dans le but de faire avancer l'horloge, les mêmes arguments qui ont
été rejetés par tous vos prédécesseurs et
que vous avez vous-même rejetés.
Le deuxième argument invoqué par le leader de l'Opposition
officielle, il nous l'a annoncé comme un argument sans
précédent. Mais, là encore, M. le Président, il y a
un précédent qui date de décembre 1992, et je vais citer,
à partir du Journal des débats du 17 décembre 1992,
le leader de l'Opposition officielle, et vous allez reconnaître, à
peu près dans les mêmes termes, à peu près dans les
mêmes mots ? c'est le même plaideur, M. le Président
? l'argument qui vous a été présenté
aujourd'hui, et je vous ferai part de la décision que vous avez rendue,
ou qui a été rendue, à l'époque. «Ce que
cherche à faire le leader du gouvernement ? et je cite le leader de
l'Opposition officielle ? c'est de se prévaloir d'une
mécanique de motion de clôture de façon indirecte, et
surtout sans ses inconvénients, c'est-à-dire: convocation d'une
réunion des leaders, avis au feuilleton, débat qui n'est pas
restreint dans le temps et poursuite des étapes normales. C'est ce
à quoi aurait obligé la procédure de 249. Et comme on n'a
pas le droit de faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire
directement, comment pouvez-vous justifier l'utilisation de 182 au lieu de 249,
qui était bel et bien toute la motion désignée à ce
moment-là? En ce faisant, il dénature la lettre et l'esprit de
notre règlement.
Exactement, M. le Président, les mêmes propos que nous
venons de réentendre et, à cette époque, on retrouve votre
décision à la page 4902 du Journal des débats, et
vous n'avez pas, là non plus, retenu, à l'époque, les
arguments du leader de l'Opposition officielle.
J'ajouterai, M. le Président, qu'il n'est pas vrai que nous
n'avons pas prévu de mécanisme d'intervention pour les
députés. La motion de suspension des règles que j'ai
été contraint à présenter à cause de
l'attitude de l'Opposition stipule, à sa page 2, au deuxième
paragraphe: «...dès l'adoption de la présente motion,
malgré l'article 53, la commission permanente de la culture mette fin
à ses travaux quant à l'étude détaillée du
projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française, et
dépose son rapport à l'Assemblée; tout
député ? tout député de l'Assemblée
nationale, M. le Président ? puisse, au plus tard 1 heure
après le dépôt dudit rapport, transmettre au bureau du
Secrétaire général copie des amendements qu'il entend y
proposer; les travaux de l'Assemblée soient alors suspendus
jusqu'à l'expiration de ce délai.» Et il y a une autre
heure additionnelle qui est prévue pour discuter de ce rapport.
Il s'agit d'une question sur laquelle ont discuté les
députés de l'Assemblée nationale au cours au moins de la
dernière décennie. Ceux et celles qui ont été
élus à la dernière élection en ont entendu parler
régulièrement. Si les députés ne sont pas
prêts à déposer des amendements, je n'y comprends plus rien
comme parlementaire. Ce n'est pas un sujet qui prend les gens par surprise,
c'est un sujet qui fait appel à des convictions profondes et sur lequel
chacun des membres de l'Assemblée nationale devrait être en mesure
de s'exécuter avec une célérité qui est raisonnable
dans le cadre du débat qui nous anime.
Le reproche additionnel qui nous a été fait, M. le
Président, c'est peut-être d'avoir présenté une
motion dans le cadre d'une autre législation, c'est le leader adjoint du
gouvernement qui l'a fait hier, et d'en présenter une aujourd'hui dans
le cadre d'une législation différente. Vous me permettrez de
souligner, M. le Président, que nous nous sommes fait reprocher par ces
mêmes gens qui nous reprochent d'agir comme on le fait en cette fin de
session d'avoir mis dans la même motion plusieurs projets de loi à
d'autres occasions. Moi, je ne sais plus là, j'ai tenté
d'écouter leurs conseils, j'ai tenté de fonctionner suivant les
avis qu'ils m'ont donnés comme tels en prétendant que ces avis
respectaient davantage au moins l'esprit de notre droit parlementaire.
Aujourd'hui, parce que je le fais, comme leader parlementaire, on me reproche
de les avoir écoutés.
M. le Président, je n'ai pas saisi d'autres aspects de
l'argumentation de l'honorable leader de l'Opposition qui pourraient m'inciter
à argumenter. Je vous réfère aux décisions
antérieurement rendues et, comme leader du gouvernement, je serai
à même, tantôt, de démontrer le pourquoi de la mesure
extraordinaire que nous avons déposée en cette Chambre, le
pourquoi de l'urgence que nous avons invoquée également, de
façon à ce que l'ensemble des parlementaires en soient convaincus
pour qu'au moment du vote nous obtenions un vote favorable.
Merci, M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le chef de l'Opposition.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je suis évidemment
tout à fait disposé... d'ailleurs, c'est la normalité des
choses que les 2 leaders vous présentent, comment dire, leur
interprétation de ce qui se passe de façon à ce que vous
ayez à trancher. Je voudrais vous communiquer, cependant, là en
tant que chef de l'Opposition, un certain nombre de préoccupations que
j'ai quant, à mon sens, à une sorte de distorsion, de glissement
qui est en train de se produire dans notre système et dont nous avons
une bonne illustration aujourd'hui.
Je crois que ça a commencé le 22 juin 1992. Moi, en tout
cas, ça m'avait beaucoup frappé, et je reconnais qu'à ce
moment-là ça n'a eu à peu près aucun impact dans
l'opinion publique. Il a fallu attendre 6 mois pour qu'un éditorialiste
du Devoir, M. Gilles Lesage, se dise: Mais ce qui est arrivé il y
a 6 mois n'a pas de bon sens. Je pense qu'effectivement ça n'avait pas
de sens, ça n'a pas alerté beaucoup. Ce jour-là, le 22
juin 1992, le gouvernement a suspendu les règles et fait adopter 28
projets de loi dans la même journée, en accordant, dans
sa grande mansuétude, 10 minutes par projet de loi, ce que
l'Opposition, on s'en souviendra, a refusé. Tout ce que nous avions
fait, à ce moment-là, un peu par dérision, c'était
de demander un appel nominal, cas par cas.
Le 17 décembre dernier... (12 h 20)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, une
question de règlement.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse d'interrompre le chef
de l'Opposition, mais nous en sommes à la recevabilité comme
telle. Le leader de l'Opposition officielle a fait valoir, dans le début
de son argumentation, quels étaient les points d'irrecevabilité
qu'il soulevait. J'écoute attentivement le chef de l'Opposition. S'il
pouvait nous indiquer s'il a des points d'irrecevabilité additionnels,
on pourrait, et ça me ferait plaisir de l'entendre et de
répliquer, mais s'il n'y en a pas, M. le Président, je
considère qu'à ce moment-là c'est un abus de
procédure.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...je m'excuse. Le chef de l'Opposition a
commencé par montrer le glissement de l'esprit des règlements et
de la lettre, qu'il l'écoute.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est un aveu, de la part du
leader de l'Opposition officielle, qu'il ne s'agit pas d'un motif
d'irrecevabilité. Un motif d'irrecevabilité, vous en avez
soulevé. Vous avez dit: Vous devez démontrer l'urgence. Vous avez
dit: Vous devez ne pas utiliser cette procédure, mais utiliser une autre
procédure. Ces éléments ont été
soulevés. Il s'agit d'éléments d'irrecevabilité qui
ont déjà été tranchés. Ça, j'en ai
discuté. Mais, présentement, quel est l'élément
d'irrecevabilité additionnel qui est soulevé?
Le Président: Alors, écoutez, je vais
écouter attentivement... M. le député, s'il vous
plaît! S'il vous plaît! Je vais écouter attentivement M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Merci, M. le Président.
Le 17 décembre dernier, le gouvernement, à nouveau,
invoquant l'urgence, a fait passer tout l'essentiel ? 5 projets de loi, je
pense ? tous les projets de loi un peu importants à la fin de la
session, avec exactement la même procédure. C'est maintenant
devenu courant. Chaque fois que le gouvernement tient à quelque chose
qui lui paraît un peu important ? je ne parlerai pas de la loi des
paratonnerres ou de choses pareilles ? mais chaque fois qu'il juge que
quelque chose est important, il passe, quoi, quelques heures en commission. On
n'ajoute plus rien... au bout de quelques heures. Dans les derniers jours, il
ne fait même pas siéger la commission. On en a un bon exemple...
C'est tellement important, l'histoire de la langue, que, les quelques derniers
jours, on n'a même pas pris la peine de convoquer la commission. Est-ce
qu'il y a eu «filibuster»? Pas du tout. Ils ont parlé autant
que nous.
Tout ça simplement parce qu'on sait très bien que 24
heures avant la fin, 48 heures avant la fin de la session, le gouvernement dit:
II est urgent que mes députés puissent partir en vacances. C'est
ça, l'urgence. Il n'y a pas d'autre urgence que ça. C'est devenu
un moyen de gouverner. Au fond, ça revient à peu près
à ceci, M. le Président: on s'adresse à l'Opposition en
disant: Causez toujours, mes lapins, pour quelque temps. Et quand on sera
fatigué de vous entendre causer, là on suspendra les
débats et, à la fin de la session, on dira: L'urgence, passez-moi
ça en 2 heures! Là, on est rendu à 1 heure, passez-moi
ça en 1 heure; 1 heure, M. le Président!
Je dis que c'est un glissement, que c'est une déformation, que
c'est une sorte de parodie, justement parce qu'on invoque une jurisprudence des
précédents que vous, M. le Président, et plusieurs de vos
prédécesseurs avez déjà établis. Je
comprends très bien pourquoi les présidents successifs de
l'Assemblée nationale ne voulaient pas se prononcer sur l'urgence.
À cet égard, d'ailleurs, je vous rappelle que, dans notre
règlement, M. le Président, l'urgence pour la passation d'un
projet de loi n'est évoquée qu'à un seul article. Cet
article-là ne dit pas que la présidence ne se prononce pas sur
l'urgence. L'article 183 dit: «La motion ne requiert pas de
préavis si le motif invoqué est l'urgence.» C'est le seul
endroit où cette notion apparaît. Nulle part ailleurs. II n'est
pas nécessaire d'avoir un préavis, donc, de 24 heures ou de
délai, j'allais dire, de donné à cette Chambre qu'une loi
ou un projet de loi s'en vient. C'est tout. Il n'y a rien d'autre. Tout le
reste, c'est de l'interprétation des présidents successifs. On
comprend pourquoi, pendant des années, les présidents successifs
n'ont pas voulu se prononcer sur le motif d'urgence. Parce que, au
début, on invoquait l'urgence, par exemple, peut-être le cas le
plus courant, dans des cas de lois spéciales pour arrêter des
grèves. Bien, une grève avait commencé dans une commission
scolaire, mettons; elle durait depuis une semaine. Est-ce que l'année
des enfants était en péril? Peut-être pas. Quinze jours,
ça commençait à devenir plus embêtant. Trois
semaines, là, c'était très sérieux. Et, des fois,
le gouvernement n'avait pas d'autre choix que d'invoquer l'urgence, dire: Je
dépose une loi spéciale, puis j'invoque l'urgence, puis ce n'est
pas vrai qu'on va l'arrêter de passer.
C'était encore plus vrai dans le cas, par exemple, de
grèves dans les transports en commun, à Montréal et
pas à Québec. Par exemple, il y a eu une longue
grève dans les transports en commun, à Québec, et on n'a
pas invoqué l'urgence, alors qu'à Montréal, à cause
de la situation dans le centre-ville, c'était habituel d'évoquer
l'urgence. Ça se comprend, des différences comme ça, mais
le président, lui, ne veut pas avoir à apprécier
ça, c'est clair. Ça le mettrait dans une situation impossible,
intenable.
Il y a eu glissement en ce sens que, maintenant, évoquer
l'urgence sur la base des décisions prises par les présidents
dans le passé devient une parodie. Là, on se trouve dans des
situations où, manifestement, il n'y a aucune espèce d'urgence
pour qui que ce soit, sauf pour les députés qui veulent partir en
vacances. Mais, à part ça, il n'y en a pas, d'urgence. Tout se
passe comme si, M. le Président ? et je répète
quelque chose que je disais, hier, dans un débat similaire ? le
gouvernement disait: J'ai le droit ou je m'arroge le droit de dire que quelque
chose de noir est blanc, et que la présidence disait: Je reconnais au
gouvernement le droit de dire que quelque chose qui est noir est blanc, donc,
c'est blanc.
On est en train non seulement de violer le sens commun, ça, c'est
tout à fait clair, mais on est en train de dénaturer le processus
parlementaire.
Une voix: C'est ça.
M. Parizeau: Et, à cet égard, M. le
Président, indépendant... Je connais bien la jurisprudence
à laquelle le leader du gouvernement faisait allusion, tout à
l'heure, dans ses remarques, on la connaît tous, on l'a regardée,
cette jurisprudence; on comprend pourquoi elle est apparue comme ça.
Mais, M. le Président, je vous soumets, respectueusement, le fait
qu'on a complètement déformé le sens des décisions
que vous, dans le passé, et vos prédécesseurs avez prises.
On s'est servi de cette jurisprudence pour lui faire dire ce qu'elle ne disait
pas. On est en train de transformer notre Parlement dans une machine à
décrets qui se met à fonctionner dans les 2 ou 3 jours des fins
de session pour faire passer, coûte que coûte, ce que le
gouvernement ne s'est pas donné la peine de plaider...
Une voix: C'est ça.
M. Parizeau: ...ne s'est pas donné la peine de plaider en
cette Chambre.
Je vais vous en donner des exemples qui, moi, en tout cas, me frappent
beaucoup. Voici les sujets qui n'ont pas été, qui ne seront pas
abordés à cause du bâillon. Je vous en donne des exemples,
des choses presque sans importance, en ajoutant ce que Alphonse Allais appelait
le point d'ironie.
L'accès à l'école anglaise, peu de chose. Tous les
groupes qu'on a dans notre société sont en train de discuter de
ça. Le Parlement du Québec n'en parlera pas parce qu'il y a
bâillon, il y a bâillon. Nous ne parlerons pas de ça. La
francisation des entreprises. Le gouvernement, paraît-il, est
arrivé, là, avec un certain nombre d'idées brillantes sur
la francisation des entreprises dans son projet de loi. Nous ne parlerons pas
à l'Assemblée nationale de la francisation des entreprises
à cause du bâillon.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de règlement, M.
le Président.
M. Parizeau: M. le Président...
Le Président: Un instant, M. le chef de l'Opposition. J'ai
une question de règlement. M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Ça devient
extrêmement manifeste, M. le Président. Le chef de l'Opposition
officielle traite du sujet comme si vous aviez déjà rendu votre
décision, comme si nous étions déjà sur le fond de
la motion. Il vient de s'exprimer 2 fois en ces termes: Nous ne pourrons
discuter parce qu'il y a bâillon, etc.
M. le Président, nous sommes sur le fond de la motion. Ça
ne me fait rien que le chef de l'Opposition intervienne, à ce
moment-là. Il fera valoir ses droits. Quels sont ses arguments quant
à la recevabilité, M. le Président?
Le Président: Alors, je pense que, à ce moment-ci,
je vais laisser poursuivre le chef de l'Opposition qui donne certains exemples.
Je les prends comme des exemples, sans discuter sur le fond de toutes ces
questions-là. Il donne des exemples. S'il venait au fond,
évidemment, ce serait après, lorsque la motion serait
acceptée en discussion.
Mais, à ce moment-ci, vous pouvez poursuivre, M. le chef de
l'Opposition. (12 h 30)
M. Parizeau: Je conclus, M. le Président, dans le sens
suivant. Je sais bien qu'il n'est pas facile d'avoir un impact quelconque sur
l'opinion publique devant quelque chose qui s'est produit graduellement, devant
cette espèce de façon de vicier notre système
parlementaire qui, d'une session à l'autre, devient davantage une
parodie. Ce n'est pas facile d'alerter les gens pour leur faire comprendre,
puis, au fond, en un certain sens, j'aimerais pouvoir m'adresser à eux,
à un bien plus grand nombre que ceux qui nous écoutent ou qui
nous voient à la télévision, à l'heure actuelle,
pour leur dire: Ce qui se passe est grave, c'est sérieux pour la
façon dont notre système politique fonctionne.
Dans ces conditions, M. le Président, je ne peux que terminer en
m'adressant à vous, en souhaitant que vous partagiez avec moi ces
inquiétudes que j'ai quant au fonctionnement de notre système et
que vous nous aidiez à arrêter le glissement qu'il faut, à
mon sens, dénoncer.
Merci.
Le Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Drummond.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
M. le Président, j'ai eu l'occasion d'intervenir, hier, sur une
même motion. Oui, les puristes ont rappelé que j'avais
utilisé une motion de bâillon, mais que je devrais prendre la
notion de motion de suspension des règles. Il n'en demeure pas moins, M.
le Président, que nous, ici, législateurs que nous sommes, nous
avons légiféré pour nos citoyens et nos citoyennes, et,
dans le cas de nos citoyens et nos citoyennes, M. le Président, ce qui
est en train encore de se passer, pour une troisième fois dans quelques
mois, c'est carrément une suspension des règles.
Je ne veux pas reprendre toute l'argumentation qui a été
développée par mes collègues jusqu'ici. J'ai
rappelé, hier, à la présidence et je le ferai encore, cet
après-midi, que, en décembre, devant l'utilisation encore une
fois de cette suspension des règles, la présidence
elle-même s'était inquiétée et, à même
la réponse, à même ses interrogations, elle avait fortement
encouragé une prise de conscience et avait aussi fortement
encouragé la rencontre de la sous-commission parlementaire.
M. le Président, je me suis levé ici, dans cette Chambre,
la première semaine de mars, alors que nous avons siégé,
pour demander la question: Quand est-ce que la sous-commission va avoir
à se tenir? Je ne suis même pas membre, en tant que
député de cette Assemblée, ici, de cette commission, et on
me l'a rappelé aussi, à ce moment-là. Mais, seulement, on
avait entendu qu'on devrait, et j'avais insisté à la
présidence, à ce moment-là, se rasseoir pour être
capable d'amender notre règlement.
M. le Président, vous aurez à prendre une décision
comme vous l'avez fait, au mois de décembre, et comme vous l'avez fait,
hier. J'aimerais rajouter à ce qui a été dit, aujourd'hui,
que vous aurez à prendre la considération, et je ne suis pas un
juriste, M. le Président, je suis simplement un citoyen qui essaie de
représenter, en tant qu'élu, ses commettants ici, à
l'Assemblée nationale, et être leur voix. Mais il
m'apparaît, n'ayant pas une formation de juriste, que la loi du gros bon
sens me dit, lorsque je regarde une jurisprudence invoquée, qu'on doit
la placer dans le contexte où elle a été utilisée.
Autrefois, lorsqu'on utilisait la motion d'urgence, M. le Président, je
pense qu'on n'a pas à débattre de degré, mais on pouvait
justifier cette urgence-là, mais, depuis quelque temps, on est en train
de banaliser.
J'aimerais attirer à votre attention aussi, M. le
Président, que vous avez une responsabilité qui est terrible
aujourd'hui et qui s'accroît. On met sur vos épaules une
responsabilité qui s'accroît et qui est terrible parce que vous
avez à protéger pas seulement les droits de nous, les
parlementaires, mais vous avez l'obligation, quant à moi, de
protéger aussi l'image de l'Assemblée nationale dans la
population.
J'aimerais rappeler à votre présidence, à votre
attention, M. le Président, que, même après
décembre, le bâtonnier du Québec, et je l'ai
souligné, hier, s'était élevé et vous avait
écrit à vous ainsi qu'au premier ministre pour demander qu'on
cesse, parce qu'on était en train de miner la démocratie au
Québec, on était en train de montrer à nos gens, M. le
Président, un exemple flagrant où on avait carrément une
usurpation des pouvoirs du législatif par l'exécutif.
Je terminerai en vous montrant l'importance aussi que nous avons, les
parlementaires. Je suis un député indépendant, M. le
Président, et je suppose qu'à ce moment-ci je devrais remercier,
et pratiquement à genoux, M. le Président, la gratitude que le
leader du gouvernement nous fait. Comment voulez-vous que j'explique à
mes commettants qu'on me donne, comme temps de parole, dans une loi
fondamentale, qui est fondamentale pour nous ici, les Québécois
et les Québécoises... qu'on nous donne 3 minutes réparties
entre 4 députés, soit 45 secondes, pour débattre des
amendements? Comment voulez-vous que je puisse expliquer à mes citoyens
et mes citoyennnes que lorsque je viens ici, dans l'Assemblée nationale,
je suis capable de les représenter et que je suis capable d'être
leur porte-parole lorsqu'on me dit qu'à la fin: On vous donnera, vous,
les députés indépendants, un gros 15 minutes, soit 225
secondes, pour faire le point, comment est-ce que c'est important pour nous,
gens de Drummond, d'être capables d'exprimer, en tout temps, notre
langue, M. le Président?
Comment voulez-vous, M. le Président, dans un autre tantôt,
décrit ici par la procédure du gouvernement, qu'on nous donnera 5
minutes à nous, les 4 députés indépendants, soit 75
secondes, pour faire nos points... Et c'est ça, M. le Président,
que vous aurez aussi à rendre dans votre décision, à avoir
la répartition du temps et à vous demander, dans le respect de
l'institution, dans le respect qu'on se doit d'avoir, nous, les élus...
Et Dieu sait que c'est important de valoriser notre image, M. le
Président. Si, avec des conditions comme celles-là, je puis
arriver chez moi et dire à mes citoyens et mes citoyennnes: Oui, je vais
être votre porte-parole à l'Assemblée nationale, oui, je
vais intervenir, oui, je vais faire les messages, lorsqu'on nous donne si peu
de temps et lorsqu'on nous voit aussi, qu'on nous bâillonne, parce que
c'est ça, en fait, qui les fait...
Je l'ai dit hier, et je vais conclure là-dessus, M. le
Président. J'espère, j'espère que la présidence
prendra en considération la jurisprudence, mais dans le contexte qu'elle
a été utilisée dans chacun des temps. Et j'espère,
M. le Président, que vous aurez aussi à vous pencher et à
dire: Est-ce que la procédure normale de suivi... parce qu'on doit
regarder un règlement, pas juste les bouts qui nous font plaisir. Mais,
dans son ensemble, est-ce que la procédure a été suivie?
Et la réponse, à mon humble avis, est carrément non. J'ai
demandé, M. le Président, hier... et j'ai quasiment envie de me
faire rappeler à
l'ordre par vous de mettre les drapeaux en berne, parce qu'on vient de
faire encore une autre entaille à la démocratie
québécoise, à mon humble avis. Je vous remercie.
Le Président: Je vais reconnaître M. leader du
gouvernement.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, j'ai
écouté attentivement les propos et du chef de l'Opposition et du
député de Drummond. M. le Président, je vous soumets
respectueusement que le chef de l'Opposition a tout simplement repris
l'argumentation qu'avait faite le leader de l'Opposition officielle, d'une
façon mieux articulée, avec plus de conviction que son chef ne
l'a fait.
J'ai quand même dénoté ? je me dois de vous le
souligner, M. le Président ? une contradiction entre certains des
propos du leader de l'Opposition et du chef de l'Opposition officielle. Alors
que le leader de l'Opposition officielle a reproché aux membres
ministériels et, surtout, au ministre responsable de prendre beaucoup de
temps au niveau de la commission parlementaire pour faire valoir ses
idées, pour exprimer ses points de vue, le chef de l'Opposition
officielle, lui, a reproché à la même formation politique
et au même ministre exactement le contraire.
M. le Président, je ne sais pas de quelle façon vous allez
départager ou si vous allez en traiter dans votre décision. Je
vois là que votre tâche va être difficile. Allez-vous
prendre la parole du chef de l'Opposition ou allez-vous prendre la parole du
leader de l'Opposition sur cet aspect?
Quant au député de Drummond, je sais que la loi qui lui
accorde ses services de recherche vient à peine d'être
adoptée et qu'il n'a sans doute pas eu le temps d'embaucher le personnel
pour l'éclairer sur la motion déposée, M. le
Président. Je lui indiquerai qu'en plus des temps de parole qu'il a
mentionnés, il pourra, tout comme... il a les mêmes droits que les
autres députés de l'Assemblée nationale de le faire. Il
pourra se prévaloir des dispositions dans la motion qui prévoient
que lui aussi pourra déposer des amendements, s'il souhaite en
déposer. S'il souhaite en déposer, nous suspendrons nos travaux
pour attendre, dans le cas du député de Drummond comme dans le
cas des autres députés, de façon à permettre aux
députés qui ont des idées à faire valoir par
écrit... par dépôt, comme ça doit se faire dans un
processus parlementaire qui se respecte. Et je ne suis pas certain, moi, que le
député de Drummond... parce que ce n'est pas la première
fois qu'il prononce ce type de discours là. C'est la suite avec laquelle
il a de la difficulté. On ne les voit pas, ces amendements-là.
Ça ne nous arrive pas... Moi, aujourd'hui, je souhaiterais que, sur un
projet aussi important, il se prévale des dispositions qui sont
contenues dans la motion, de façon à faire valoir tous ses droits
comme parlementaire, parce qu'il a le droit de les faire valoir, M. le
Président. (12 h 40)
On a parlé de la jurisprudence établie. On a dit, de
l'autre côté, qu'on la connaissait. Non seulement on la
connaît, mais on l'a utilisée. Non seulement ? et je vise
tout le monde ? on la connaît, mais on a voté pour à
plusieurs occasions lorsqu'on était de l'autre côté de la
Chambre, ou avec une autre formation politique.
La procédure n'est pas plus gaie, n'est pas plus enthousiasmante
qu'on se retrouve d'un côté ou de l'autre de la Chambre, M. le
Président. Nous aurons tantôt à démontrer, si vous
acceptez notre motion, M. le Président, pourquoi c'est urgent. Et nous
le ferons avec toute la force dont nous sommes capables, parce que nous
souhaitons convaincre possiblement le député de Drummond, les
députés d'autres formations politiques que cette
législation a été longuement mûrie, longuement
réfléchie, longuement discutée par l'ensemble des
intervenants, et à l'Assemblée nationale et à
l'extérieur de l'Assemblée nationale, et qu'il nous faut à
tout prix légiférer pour ne pas se retrouver dans un vide
juridique que vous seriez les premiers à condamner ou à
dénoncer, de l'autre côté de la Chambre, de façon
à créer au Québec un climat où la langue
française demeurera prioritaire, où elle aura la primauté,
mais dans un contexte de respect de droits et de libertés de l'ensemble
des individus.
Merci, M. le Président.
Le Président: Alors, je cède maintenant la parole
à Mme la députée Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Vous aurez à juger de la recevabilité de cette motion.
Évidemment, sur la question du caractère d'urgence, il existe une
jurisprudence, jurisprudence que nous connaissons. Cependant, M. le
Président, je pense que vous aurez un jour à trancher, à
titre de gardien des droits des parlementaires, à titre de protecteur du
respect de la démocratie en cette Chambre, à titre de
responsable, dans une certaine mesure, de ce droit de la démocratie
auprès de la population du Québec, de nos électeurs et de
nos électrices, car s'il est vrai qu'on peut invoquer l'urgence quand,
à l'évidence, il n'y en a pas, ça constitue un déni
de démocratie. C'est une supercherie. C'est un mensonge
éhonté à l'endroit de la population, mais ça
constitue également un déni des droits des parlementaires.
Parler, en cette circonstance, d'urgence, c'est une sinistre farce.
Invoquer l'urgence en la situation, c'est illégitime, c'est immoral,
c'est mensonger et, je le rappelle, c'est un déni de
démocratie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président: Alors, sur un rappel au règlement, M.
le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand on tente, M. le
Président, de faire la morale aux autres, on devrait au moins
s'astreindre à respecter les dispositions du règlement de
l'Assemblée nationale qui concernent les droits et privilèges des
membres de cette Assemblée nationale, et que vous retrouvez, M. le
Président, comme vous le savez très bien, à l'article 35
de notre règlement. Et je soumets que Mme la députée de
Chi-coutimi, de façon très volontaire, vient de violer plusieurs
des dispositions. Et s'il faut prendre le temps de les lire, je vais prendre le
temps de les lire, M. le Président.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: Sur la question, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: ...je «pourrais-tu» prendre 45 secondes
de droit en cette Chambre pour vous dire que le leader du gouvernement devrait
faire la distinction entre accuser une personne de menteuse et des propos
mensongers? Ça se dit tous les jours. Il est en retard, comme
d'habitude. Et mes 45 secondes étant écoulées, n'ayant
plus de droit en cette Assemblée, je vais vous laisser trancher.
Le Président: Bon, écoutez, évidemment, la
nature des propos de la députée de Chicoutimi, si on veut imputer
que les paroles d'un député ne sont pas exactes... Vous savez
fort bien qu'on ne peut refuser d'accepter la parole d'un député,
mais je ne pense pas que c'est ce que madame a fait. Mais je vous prierais
également d'être très prudente, quand même, dans vos
propos.
Alors, vous pouvez poursuivre, Mme la députée.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le leader du gouvernement invoquait l'urgence en prétendant qu'il
y avait urgence parce que la clause dérogatoire viendrait à
échéance et qu'il y aurait un vide juridique. Puis-je dire au
leader du gouvernement que la clause dérogatoire vient à
échéance en décembre 1993? En décembre 1993. Est-ce
qu'il est capable d'invoquer l'urgence, M. le Président, l'urgence alors
qu'on a encore une autre session, la session d'automne, au cours de laquelle
nous aurions pu régler cette question?
M. le Président, je veux insister. C'est une manoeuvre
grossière, inacceptable, qui viole les principes mêmes de la
démocratie. Ce qu'on veut faire, c'est escamoter un débat,
débat qui aurait fait la lumière sur l'importance de ce projet de
loi, sur les effets nocifs et pernicieux de la loi 86 sur le français au
Québec.
Je voudrais rappeler, à cet égard ? et je termine
là-dessus, M. le Président ? les propos tenus par l'actuel
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, dans un editorial daté du mardi 23 août 1977, au
lendemain d'une commission parlementaire qui avait étudié le
projet de loi 101, article par article, pendant 220 heures, 220 heures. Ce
qu'écrivait alors M. Ryan, éditorialiste: «Lors de
l'adoption de la loi 22 en 1974, le gouvernement Bourassa avait commis l'erreur
d'oublier que le parti ministériel, quelle que soit sa majorité,
ne saurait constituer à lui seul tout le Québec. Sûr de sa
force, il avait fermé l'oreille à plusieurs suggestions
constructive qui lui venaient de l'Opposition ou de l'extérieur de
l'Assemblée nationale. Enfin, au bout d'un certain temps, il avait
imposé le bâillon ? et évidemment, là, ce
n'était pas la suspension des règles; c'est plus grave, la
suspension des règles ? à l'Assemblée nationale,
croyant ainsi tourner une page importante, mais ouvrant, à son insu, une
blessure béante au flanc du parti majoritaire. Le mal n'est donc ni dans
l'existence ni dans l'invocation du règlement de clôture, il est
plutôt dans le fait que pour une deuxième fois consécutive,
à propos d'une question aussi fondamentale que la question linguistique,
un gouvernement québécois se croit suffisamment en possession de
la vérité pour estimer devoir lever le nez sur des solutions qui
traduiraient un large accord de tous les partis responsables autour de certains
objectifs minimaux. Au lieu de cela, le gouvernement a
préféré se cantonner dans une orthodoxie rigide et
étroite. En même temps qu'il prétendait tendre une oreille
attentive à la critique, il excommuniait généreusement au
passage, par l'entremise de M. Camille Laurin, de nombreuses voix qui avaient
eu le malheur de prendre au sérieux les appels de celui-ci au dialogue.
Il maintenait surtout, quant au fond, la position intransigeante, doctrinaire
et souvent fausse que définissait, dès le début, le livre
blanc sur la langue. Un phénomène d'obstruction, dit-il, ne
survient jamais seul, il est généralement le reflet indirect
d'une intransigeance qui s'est d'abord manifestée du côté
ministériel.»
Quand on tient un tel propos, alors qu'on fait la morale à tout
le monde... On s'attendait tous, ici, les parlementaires, comme les
Québécois de façon générale, que le ministre
aurait pu appliquer sa morale à lui-même. C'est immoral,
inacceptable et injustifiable.
Merci, M. le Président.
Le Président: Toujours sur la question de la
recevabilité, M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, c'est en vertu du droit
fondamental du Parlement que vous ne pouvez pas recevoir une telle motion et du
droit des citoyens, aussi, de vivre dans un régime démocratique.
Je ne veux pas qu'au Québec nous en venions à vivre en Irlande du
Nord parce qu'on ne peut pas s'exprimer dans le Parlement. Quand les
parlementaires peuvent s'exprimer, quand les gens qui ont élu des
représentants et ces représentants peuvent s'exprimer, on peut
toujours blâmer des citoyens...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de
règlement, M. le Président.
Le Président: Un instant, M. le député. Sur
une question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Simplement pour vous rappeler, M.
le Président, que nous en sommes à la question de la
recevabilité de la motion comme telle. Vous avez déjà fait
preuve d'une patience incommensurable en écoutant à
répétition les arguments du leader de l'Opposition,
répétés par le chef de l'Opposition, repris par Mme la
députée de Chicoutimi, sans ajout d'une nouvelle argumentation,
M. le Président, et maintenant vous êtes prêt à
entendre...
La tradition parlementaire veut que vous écoutiez de part et
d'autre les arguments, que vous écoutiez un nombre d'intervenants
raisonnable qui s'adressent à la recevabilité de la motion. Je
vous soumets respectueusement que le député de Lévis aura
toute l'occasion de se faire entendre, si la motion est recevable, sur
l'argumentation qu'il est en train de nous présenter.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, le leader du gouvernement
devrait ouvrir ses petites oreilles et écouter. Le premier mot qu'il a
dit, c'est faire appel, justement, à vous sur la non-recevabilité
en vertu du droit fondamental des parlementaires et des citoyens. Qu'il
écoute un tantinet et il sera exempt de se relever. On peut demander aux
citoyens de le voir aux 5 minutes à la télé, mais
là, pour le moment, laissez-nous 5 minutes, s'il vous plaît.
Le Président: Alors, je reconnais à nouveau le
député de Lévis pour poursuivre son argumentation sur la
recevabilité. (12 h 50)
M. Garon: M. le Président, je disais qu'on voit des pays
où il y a de la violence. Et, il y a de la violence parce que c'est le
moyen d'expression des gens où il n'y a pas de Parlement. Et on
blâme les citoyens d'être violents dans des régimes
démocratiques où ils peuvent s'exprimer par
l'intermédiaire de leurs représentants. Mais, si le Parlement
n'existe plus, si on ne permet pas aux parlementaires de s'exprimer dans des
questions qui concernent tous les citoyens, comme la question linguistique qui
concerne tout le monde, M. le Président, nous allons vivre une
période qui ne sera pas de grande noirceur, mais de très grande
noirceur.
Nous allons vivre une période pire qu'on n'a jamais vue dans
l'histoire de notre parlementarisme où, aujourd'hui, le bâillon
est devenu la règle. Je me rappelle quand on a siégé en
1977, il faisait 100°, 105°. On avait la sueur à journée
longue. Ça nous prenait des poches de mouchoirs tellement il faisait
chaud dans le parlement, mais on a siégé des heures et des heures
de temps parce qu'on considérait que c'était le droit des gens de
s'exprimer sur ces questions-là. Tout l'été. On
n'était pas parti en vacances, on n'avait pas dit: on va partir vendredi
ou le 23, mercredi. Tout l'été, on avait siégé, M.
le Président.
Et là, aujourd'hui, on nous dit qu'il y a une urgence alors qu'on
est dans les questions fondamentales de droit, qui touchent les gens dans leur
être le plus intime, dans les questions qui sont les plus émotives
dans notre population. Et les gens ont le droit de s'exprimer par
l'intermédiaire de leurs représentants. C'est à vous comme
président que j'en appelle, M. le Président, pour protéger
nos droits. Vous savez, dans le monde entier on commence à dire
actuellement qu'au Québec on est «Big Brother». On fiche
tout le monde. Dans des régimes, on fiche les gens de toutes les
façons possibles. Je ne voudrais pas qu'en plus on dise: C'est un
Parlement où ils se font voter des bâillons à
journée longue. C'est une parodie de Parlement.
Parce que, M. le Président, si vous ne protégez pas nos
droits, tout ce qu'il restera à faire, c'est de demander à
l'association des parlementaires de langue française et à
l'Association parlementaire du Commonwealth de juger les actions de ce
gouvernement-là parce que nous serons comme un Parlement en exil, qui
n'aura pas le droit de siéger. Qu'est-ce que nous faisons au fond?
Obligés de défendre notre droit de représenter les
citoyens que nous représentons. Nous représentons des citoyens
qui nous ont élus pour les représenter. Autrement, comme l'a dit
le député de Laval-dès-Rapides qui a
démissionné hier: Si on n'a pas le droit de penser et de parler,
ayons seulement un parlementaire, ça va coûter moins cher.
Aujourd'hui, on veut nous interdire de parler seulement comme
députés, alors qu'on est élu pour représenter des
citoyens. Que le député d'Argenteuil soit d'accord ou non, qu'il
soit d'accord ou non, il n'a pas le monopole de vérité, il n'a
pas le monopole dans aucun domaine. Et nous, nous avons le droit de nous
exprimer librement et, si nous n'avons pas le droit de nous exprimer librement
dans le Parlement, il nous restera la rue, M. le Président, et on la
prendra!
Le Président: À ce moment-ci, je vais suspendre les
travaux. Puisque nous arrivons pratiquement à 13 heures, je suspens
jusqu'à 15 heures minimum. Nous revenons à 15 heures pour la
décision, s'il y a lieu, sinon, je suspendrai à nouveau. Donc,
les travaux sont suspendus au moins jusqu'à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(Reprise à 15 h 5)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et MM. les
députés, je vous rappelle que nous sommes toujours à
l'étape des affaires du jour.
À la suspension des travaux, à 13 heures, M. le
Président a pris en délibéré une contestation du
leader de l'Opposition officielle sur la recevabilité de la motion
soumise par M. le leader du gouvernement, à savoir une
motion de suspension des règles. Je vous indique tout de suite
que le président n'est pas encore disposé, capable de rendre
immédiatement sa décision sur la recevabilité,
décision qui devrait être rendue dans les plus brefs
délais, de sorte que vous comprendrez qu'on doit d'abord disposer de la
recevabilité avant de débattre de la motion. Alors, je suspens
immédiatement les travaux, et le président devrait ? je me
répète, là ? rendre la décision dans les plus
brefs délais.
Je suspens les travaux de l'Assemblée pour permettre au
président de continuer son délibéré.
(Suspension de la séance à 15 h 6)
(Reprise à 15 h 39)
Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés,
veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, Mmes, MM. les
députés, s'il vous plaît!
Alors, à ce moment-ci, je vais reconnaître M. le leader du
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, avant
que vous ne procédiez à rendre votre décision, je
solliciterais le consentement pour que nous avisions, quant aux travaux des
commissions parlementaires, l'ajout d'une commission, si j'ai le
consentement.
Le Président: II y a consentement? Allez-y, M. le leader
du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avise donc cette
Assemblée, M. le Président, que, de 16 heures à 18 heures
et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission du budget et de l'administration
procédera à l'étude détaillée du projet de
loi 89, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
régimes de retraite des secteurs public et parapublic, et je
dépose l'avis. (15 h 40)
Motion d'urgence proposant la suspension de certaines
règles de l'Assemblée afin de permettre l'adoption du projet de
loi 86
Décision du président
Le Président: Alors, merci, M. le leader du
gouvernement.
Alors, l'Assemblée est saisie d'une motion de suspension des
règles présentée par le leader du gouvernement. Le leader
de l'Opposition a soulevé l'irrecevabilité de cette motion. J'ai
écouté attentivement l'argumentation présentée de
part et d'autre sur cette question de la recevabilité et je suis
maintenant prêt à rendre ma décision.
Premièrement, il s'agit de déterminer si l'article 182 de
notre règlement peut être employé dans le cas qui nous est
soumis. Je dois constater que l'article 182 vise la suspension de toute
règle et ne fixe aucune autre limite dans son application que les
règles prévues au premier paragraphe de l'article 179. Ce pouvoir
de suspension de toute règle de procédure prévu à
l'article 182 est extrêmement large et d'une nature extraordinaire.
Deuxièmement, la motion du leader du gouvernement doit-elle
prévoir un mécanisme de sustitution à la procédure
en cours, en vertu des règles prévues au règlement?
L'article 182 du règlement prévoit la possibilité
d'écarter l'application d'une règle particulière ou de la
remplacer par une nouvelle disposition. La présente motion indique dans
son introduction la fin poursuivie, soit l'adoption du projet de loi 86, Loi
modifiant la Charte de la langue française, et le corps de la motion
contient les nouvelles règles pour atteindre cette fin. Ces nouvelles
règles comportent un ordre à la commission de la culture de faire
rapport à l'Assemblée, ce qui m'apparaît conforme aux
articles 179 et 186 de notre règlement, qui prévoit, entre
autres, que l'Assemblée peut enjoindre à une commission de faire
quelque chose. Voilà pour le mécanisme.
Enfin, l'urgence dont on parle à l'article 183 du
règlement est-elle une notion laissée à
l'appréciation du président? Sur ce point, je
réfère à la décision rendue hier, le 16 juin
courant, et à l'abondante jurisprudence sur ce sujet. Le
président non seulement ne peut pas, mais ne doit pas se prononcer sur
cette question qui est laissée à la décision de
l'Assemblée. Ce serait mal comprendre le règlement actuel et,
surtout, se méprendre sur le rôle du président que
d'affirmer le contraire. Sur cette question précise, il ne faudrait pas
laisser entendre que le président bénéficie d'une latitude
que le règlement ne lui accorde pas. Le président ne saurait
s'arroger des prérogatives qui appartiennent à l'Assemblée
et, donc, à l'ensemble des parlementaires collectivement. Alors, pour
tous ces motifs, je déclare la motion du leader du gouvernement
recevable.
À ce moment-ci, je voudrais suspendre les travaux quelques
instants pour le partage... Je constate qu'on convient, comme habituellement...
Donc, cette motion donne lieu à un débat restreint, un
débat de 2 heures. Nous convenons donc que le partage du temps se fait
de la façon suivante: 10 minutes sont réservées pour les
députés indépendants, le restant du temps est
partagé, moitié-moitié, entre la formation
ministérielle et la formation de l'Opposition officielle.
Alors, je suis, à ce moment-ci, prêt à
reconnaître un premier intervenant.
M. le leader du gouvernement.
Débat sur la motion M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président,
il n'est jamais facile pour un leader du gouvernement de soumettre
à l'Assemblée nationale une motion qui vise à suspendre
certaines règles qui nous assurent la plénitude des débats
démocratiques. Malgré tout, notre règlement ? et
c'est en vertu de ce règlement que j'interviens, de façon
à permettre un fonctionnement efficace et harmonieux de notre
société ? prévoit que, dans des circonstances
justifiées, le gouvernement peut établir des règles
particulières. Et c'est ce que j'ai fait, ce matin, en déposant
cette motion à l'Assemblée nationale du Québec.
C'était d'autant plus difficile, M. le Président, que le
parrain du projet de loi, le ministre responsable de la Charte de la langue
française, est un de ces grands démocrates, travailleur
acharné, qui insiste toujours pour mener à son ultime limite le
débat démocratique. Il ne craint aucunement de discuter, de
débattre, d'argumenter avec quelque parlementaire que ce soit en cette
Chambre. On l'a vu ce matin, à l'occasion de la période de
questions. Le chef de l'Opposition a eu toute la latitude pour lui adresser des
questions, et avec quelle efficacité il a su répondre aux
questions que lui a adressées le chef de l'Opposition.
C'est d'autant plus difficile pour le leader que le ministre insiste
pour que l'on continue ce débat, malgré des signes qui sont
évidents qu'on ne pourra pas aboutir. Quels sont ces signes qui sont
évidents et qui condamnent le leader du gouvernement à
présenter ce type de motion? M. le Président, il y a des signes
qui sont historiques, qui découlent de l'histoire parlementaire de la
formation politique qui forme l'Opposition. Il y a d'autres signes qui
découlent de déclarations extraparlementaires, parce que,
parfois, à l'extérieur de cette Chambre, des parlementaires
prononcent des discours en région et pensent que ça n'aura pas de
répercussion à l'Assemblée nationale; on se laisse aller
un petit peu plus quand on se pense loin des grands médias
d'information. Il y a également des signes qui découlent des
travaux parlementaires comme tels.
Est-ce que l'Opposition officielle, les députés de
l'Opposition se présentent en commission parlementaire dans le but
d'utiliser pleinement le règlement, les possibilités que le
règlement offre pour bonifier une action gouvernementale, ou est-ce que
cette même Opposition se présente en commission parlementaire pour
faire ce qu'on appelle de l'obstruction systématique? On n'est
absolument pas intéressé à faire avancer le
débat.
M. le Président, l'enjeu étant important pour l'avenir de
la société, j'ai dû, suite à une longue discussion
avec le ministre responsable, le convaincre que l'historique, la façon
de réagir habituelle de l'Opposition officielle en matière de
lois linguistiques effaçait tout doute dans la tête du leader du
gouvernement. En 1986, quand l'actuel ministre responsable de la Charte de la
langue française était, à l'époque, ministre de
l'Éducation, il a voulu présenter à l'Assemblée
nationale du Québec une loi qui visait à effacer le statut
d'illégalité dans lequel on avait placé quelque 1400
enfants québé- cois. Quelle a été l'attitude des
gens d'en face lorsque le ministre de l'Éducation de l'époque a
voulu que tous les enfants soient légaux au Québec, qu'il n'y ait
plus d'enfants illégaux? Les gens de l'Opposition ont adopté une
attitude tellement mesquine, M. le Président, qu'il a fallu que le
gouvernement recoure à des procédures similaires aux
procédures que nous nous devons d'adopter aujourd'hui.
Lorsque le gouvernement a eu à légiférer quant aux
droits de la communauté anglophone de recevoir des services de
santé dans sa langue ? le projet de loi 142 ? quelle a
été l'attitude de l'Opposition officielle en cette Chambre? Nous
avons, encore là, dû recourir à des mesures
extraordinaires. Quelle a été l'attitude de l'Opposition
officielle en cette Chambre lorsque nous avons dû, suite à un
jugement de la Cour suprême et de façon à garantir la
primauté du français, adopter la loi 78? Encore une fois,
même attitude. Vous ne pouvez, et je le déplore, M. le
Président, sincèrement, toucher à de la législation
dans le domaine linguistique au Québec, avec comme Opposition le Parti
québécois, sans avoir à recourir, sur le plan de la
procédure parlementaire, à des mesures d'exception.
Le ministre responsable de la Charte de la langue française le
déplore, mais, tout comme le leader du gouvernement, tout comme les
députés présents en cette Chambre, il constate que la
seule façon de bonifier, d'améliorer la législation
linguistique au Québec est malheureusement par le biais de motions qui
suspendent certains articles de notre règlement, M. le Président,
comme c'est prévu à notre règlement. (15 h 50)
M. le Président, non seulement l'historique de la formation
politique qui est en face de nous nous a-t-il forcés dans le
passé et nous force encore aujourd'hui à recourir à de
telles mesures, mais les déclarations extraparlementaires, et du chef de
l'Opposition officielle et du leader de l'Opposition officielle en cette
Chambre, nous indiquent que nous n'avons même pas le choix, que nous
sommes condamnés avant même d'entreprendre la session des travaux
intensifs, la session du mois de juin, que nous sommes condamnés
à avoir recours à la mesure que nous sommes obligés
d'utiliser aujourd'hui.
M. le Président, au tout début de la session du mois de
juin, plus exactement le 1er juin 1993, le leader de l'Opposition officielle
déclarait, en ce qui concerne le projet de loi 86 qui touche la
modification à la Charte de la langue française, que le
gouvernement n'obtiendrait pas la collaboration de l'Opposition pour faire
passer le projet de loi 86 avant l'ajournement estival.
On n'avait pas encore débuté comme telle l'analyse en
commission parlementaire que le leader de l'Opposition nous invitait à
suspendre certains articles de notre règlement si, comme gouvernement,
nous voulions faire évoluer positivement la législation
linguistique au Québec. Mais, pour une fois ? parce que ce n'est
pas toujours le cas ? il a reçu l'appui inconditionnel de son chef.
Dans la presse de lundi de cette semai-
ne, on retrouvait le chef de 1 Opposition officielle lui-même, qui
déclarait: «Si le gouvernement veut faire passer son projet de
loi, l'Assemblée ne peut pas siéger au-delà du 23 juin,
alors il va nous passer sur le corps», a-t-il prédit.
Il utilisait a contrario les arguments d'un ancien leader
péquiste qui connaissait certaines jouissances à suspendre
certains articles de notre règlement. M. le Président, non pas...
Vous avez raison, M. le député de... M. le leader de
l'Opposition, jamais vous ne retrouverez dans la bouche du leader du
gouvernement de tels propos, parce que c'est difficile. Même si vous nous
avez provoqués depuis le début, même si vous avez fait de
l'obstruction systématique, même si on connaissait vos attitudes
antérieures à chaque fois qu'on a touché à la
législation linguistique, nous avons, M. le Président, nous
avons... Je m'adresse à vous, là, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, c'est ça.
Effectivement, si on veut éviter des échanges entre les
parlementaires, et particulièrement entre les 2 leaders, je vous demande
de vous adresser à la présidence. Et j'invite également
tous les parlementaires à ne pas répliquer au débat,
c'est-à-dire à l'intervention de celui qui parle à ce
moment-ci, à savoir le leader du gouvernement. Qu'on le laisse
procéder et faire son intervention.
Allez-y, M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'en étais donc, M. le
Président, sur cette provocation initiée par le Parti
québécois, par l'Opposition officielle qui, autant dans son bilan
historique que par son action extraparlementaire, a tenté de provoquer
le ministre responsable de la Charte de la langue française, qui a
toujours su résister à cette provocation et qui a toujours
insisté pour continuer, à l'intérieur de notre cadre
démocratique, l'étude détaillée du projet de loi
86.
Il y a en plus, M. le Président, comme troisième
indication, en plus de l'historique de cette formation politique, en plus des
provocations extraparlementaires, l'attitude parlementaire. M. le
Président, le ministre responsable de la Charte de la langue
française a voulu faire entendre le plus grand nombre possible
d'intervenants au niveau de la commission parlementaire. Comme leader, j'ai eu
à acheminer à mon bon ami, le leader de l'Opposition officielle,
autant verbalement que par écrit ? aucune méthode n'a
été négligée ? des listes potentielles
d'organismes qui auraient pu être invités à venir
éclairer les parlementaires en commission parlementaire. Et ça a
été, de la part de l'Opposition officielle, je ne sais pas si
c'était là la volonté du leader de l'Opposition officielle
ou s'il répondait strictement aux volontés de la
députée de Chicoutimi, une fin de non-recevoir.
On n'a pas voulu entendre en commission parlementaire le Conseil de la
langue française, la Confédération des caisses populaires
et d'économie Desjardins du Québec, l'Association nationale des
étudiantes et étu- diants du Québec; on n a pas voulu
entendre la Fédération étudiante collégiale du
Québec; on n'a pas voulu entendre la Fédération
étudiante universitaire du Québec; on n'a pas voulu entendre le
Syndicat des professeurs de l'État du Québec; on n'a pas voulu
entendre la Société Saint-Jean-Baptiste de l'ouest de l'île
de Montréal; on n'a pas voulu entendre, de l'autre côté, la
Centrale des syndicats démocratiques; on n'a pas voulu entendre le
Conseil catholique d'expression anglaise; on n'a pas voulu entendre
l'Association des directeurs d'école; on n'a pas voulu entendre The
Provincial Association of Protestant Teachers; on n'a pas voulu entendre
l'Association des hôpitaux du Québec, M. le Président.
On a refusé d'ouvrir le débat à cette liste
d'invités, et nous avons fait l'offre de façon très
formelle pour qu'aujourd'hui l'Opposition officielle ne puisse pas se lever en
cette Chambre et dire: II n'y a pas eu d'échanges entre les leaders, il
n'y a pas eu d'accord. Nous avons procédé, M. le
Président, par lettres écrites, et nous les avons
déjà déposées devant l'Assemblée nationale,
M. le Président.
M. le Président, l'attitude comme telle, en commission
parlementaire, s'est également traduite par ce qu'on appelle dans notre
jargon ? parce qu'on sait ce que ça veut dire quand on a
passé, comme le député de Joliette, plus d'une
décennie à l'Assemblée nationale, comme plusieurs membres
de cette Assemblée... On a utilisé les méthodes de
«filibuster», M. le Président. On présente motion
après motion et, à un moment donné, lorsqu'on n'est pas
tout à fait satisfait de ce que l'on a présenté, on fait
certaines déclarations.
J'avais une déclaration intéressante du leader de
l'Opposition officielle sur une motion de scission. J'espère qu'il s'en
rappelle. Il a dit: Je n'en présenterai pas parce que je ne suis pas
contre une partie ou un article de ce projet de loi, je suis contre l'ensemble
du projet de loi. Vous n'en aurez pas un seul article. Vous n'obtiendrez rien.
Comme si l'Opposition se sentait, M. le Président, tout à coup
investie du pouvoir de la majorité, comme si on se devait de renverser
les rôles, à cette Assemblée nationale, M. le
Président, et que l'Opposition représentait tout à coup,
par une certaine métamorphose des choses, la majorité de la
population du Québec. Ce sont des propos, M. le Président, qui,
sans être antiparlementaires, qui, tout en étant conformes
à la lettre de notre règlement ? j'insiste, M. le
Président ? contreviennent à l'esprit de notre
règlement.
Donc, j'ai dû discuter avec le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française qui a vécu
cette attitude négative, péjorative, destructive de l'Opposition
officielle au niveau de la commission parlementaire. Nous avons analysé
les propos, et du chef de l'Opposition, et du leader de l'Opposition
officielle, qui ont très clairement établi, dans des
déclarations extraparlementaires, que jamais le gouvernement ne pourrait
adopter une telle législation, même s'il pouvait compter sur la
majorité à l'Assemblée nationale. C'est à se
demander, à un moment donné, pour qui ces gens-là se
prennent, M. le Président. (16 heures)
Nous avons également évalué l'action passée
de cette formation politique. À chaque fois que le gouvernement
libéral a voulu actualiser les dispositions de la Charte de la langue
française de façon à humaniser son application tout en
maintenant la prépondérance du français dans la
communauté francophone.
M. le Président, nous avons également évalué
la situation dans laquelle nous nous trouvions sur le plan de l'aspect temps,
parce que j'ai écouté Mme la députée de Chicoutimi,
ce matin, qui a plaidé sur le fond, au moment de la recevabilité,
ou les arguments de recevabilité du député de Joliette,
qui nous disait: II n'y a rien qui presse. Décembre 1993, ça vous
donne tout le temps d'agir.
Ce sont les mêmes gens, M. le Président, qui, lorsque nous
avons dû adopter la loi 178, nous ont reproché d'agir à la
toute dernière minute, créant un climat d'incertitude. Moi, je
pourrais reprendre tous ces discours-là, M. le Président.
C'était incroyable ce dont on a été accusé de ce
côté-ci de la Chambre, et cette fois-ci, parce que l'on agit dans
ce que l'on considère être un climat d'urgence, si on veut que les
règlements soient appliqués avant l'échéance, si on
veut que la population constate, dans l'application de la loi 86, toutes les
faussetés, demi-vérités, craintes injustifiées,
paranoïa, qui ont été indiqués de l'autre
côté de la Chambre comme des conséquences possibles, et en
donnant le temps à la loi 86 d'être appliquée, M. le
Président, la population sera en mesure de juger qu'elle avait raison de
se prononcer majoritairement par le biais des sondages, qu'elle avait raison de
se prononcer majoritairement par le biais de la deputation, en faveur d'une
libéralisation, en faveur d'une modification, en faveur d'une
actualisation de la Charte de la langue française, qui, sans rien
diminuer de la protection que nous accordons à la langue et à la
culture française, fait en sorte que nous souhaitons le faire à
compter de l'adoption de la loi 86, dans le respect des droits et des
libertés de tous les citoyens du Québec, de quelque origine que
ces citoyens soient. m. le président, vous avez, dans beaucoup de
circonscriptions électorales, au québec, de petites
municipalités, parce que, dans la plupart des cas, ce sont des petites
municipalités qui bénéficient d'un statut spécial
en vertu de l'article 113f de la charte de la langue française...
présentement, ces petites municipalités sont-elles à 50 %,
51 %, 49 %, 48 %? on oblige ces gens-là à vivre dans
l'insécurité.
Pour les péquistes d'en face, ce n'est pas urgent de
régler ce problème-là non plus, parce qu'ils aiment
ça que ces gens-là vivent dans l'insécurité. C'est
leur façon de gérer, insécuriser les minorités au
Québec. C'est une façon différente de voir les choses.
Les bons Québécois contre les mauvais
Québécois. C'est cette pensée, cette philosophie qui anime
ce parti depuis sa fondation, et surtout dans le domaine linguistique, M. le
Président. Urgence, M. le Président, de mettre à la
disposition de l'ensemble de la population du Québec une
législation qui ne contiendra que des éléments de
fierté. M. le Président, je pense qu'à peu près
tous les Québécois sont fiers que l'Assemblée nationale
intervienne de façon à protéger la langue et la culture
françaises. Je pense que c'est à peu près unanime dans la
population québécoise. Mais ce qu'il y a comme divergences
d'opinions, ce qui n'est pas unanime dans la société
québécoise, c'est que, pour protéger la langue et la
culture, on s'attaque à d'autres langues ou à d'autres cultures.
On s'attaque à des droits et à des libertés fondamentales
d'individus. Ça, ça ne fait pas consensus. Et ce que le projet de
loi 86, déposé par le ministre responsable de la Charte de la
langue française, fait, c'est qu'il maintient cette protection de notre
langue et de notre culture françaises, mais qu'il nous débarrasse
enfin des éléments péjoratifs, des éléments
péjoratifs qui sont dénoncés sur la scène
internationale, et des éléments péjoratifs avec lesquels,
M. le Président, vous n'êtes pas à l'aise, avec lesquels,
dans le fond, là, aucun membre de l'Assemblée nationale du
Québec n'est vraiment à l'aise.
Et le défi auquel nous convie le ministre responsable de la
Charte de la langue française, c'est de continuer à promouvoir,
défendre et même améliorer notre langue et notre culture
françaises tout en respectant les droits et libertés de nos
concitoyens. Et il y a 2 attitudes face à ce défi qui nous est
proposé: l'attitude des gens d'en face jusqu'à maintenant ?
moi, j'espère que ça va changer ? qui se disent: On craint,
on a peur, on va reculer, c'est dangereux, on va tout perdre; ou le défi
d'autres parlementaires de toutes les régions du Québec qui
disent: C'est emballant, c'est intéressant, c'est stimulant, c'est
encourageant. Le défi de parlementaires qui se disent que la langue et
la culture françaises peuvent, non pas s'appauvrir mais s'enrichir si on
place la protection et l'évolution de cette langue et de cette culture
dans un climat de respect des droits et des libertés d'autrui.
M. le Président, je demande aux membres de cette Assemblée
de supporter cette motion. On a connu des sessions, à l'Assemblée
nationale, où je pense que le record de tous les temps ? le leader
de l'Opposition en conviendra ? c'était 27 projets de loi qui
étaient impliqués dans une motion de suspension comme telle. Sur
le plan parlementaire ?je n'ai pas fait le bilan de l'ancien gouvernement,
mais, si vous insistez, je reviendrai tantôt et je le ferai; et je le
ferai, M. le Président ? c'est difficile. On n'est pas dans un cas
où vous avez 27 projets de loi où on demande de suspendre
l'application de certains articles, conformément à un autre
article de notre règlement. On est dans le cas de 1 projet de loi, pour
lequel nous avons tous des opinions profondes et des opinions qui ne seront pas
changées suite à 6 heures, 10 heures, 12 heures, 15 heures, 20
heures, 50 heures, 100 heures de débat. Vous avez, au cours de toute
votre vie comme parlementaire, défendu les prises de position qui vous
interdisent, M. le député de Joliette, comme à vos
collègues... qui interdisent au
député de Joliette, M. le Président, de changer
d'idée. Si on avait le moindre espoir de vous convaincre, si on avait le
moindre espoir de convaincre le député de Joliette, si
l'historique de son parti, de sa formation, si ses déclarations
extraparlementaires, si son attitude parlementaire nous laissait une simple
lueur d'espoir, M. le Président, nous n'en serions pas à recourir
à ce dernier recours sur le plan de la procédure parlementaire.
J'invite tous les parlementaires qui croient que nous avons tout essayé,
honnêtement, objectivement, fondamentalement, j'invite tous les
parlementaires qui croient dans la protection de notre langue et de notre
culture et dans la protection des droits et libertés de tous les
individus à voter en faveur de la motion que j'ai déposée,
de façon à ce que notre langue et notre culture française
puissent s'épanouir dans un milieu de droits et de libertés.
Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.
Je cède la parole à M. le leader de l'Opposition
officielle. Je vous rappelle, M. le député de Joliette, que votre
formation dispose d'une période globale de 55 minutes. Allez-y.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
Voltaire disait: «Mentez, mentez. Il en restera toujours quelque
chose.» M. le Président, je vais démontrer hors de tout
doute que les paroles qui ont été dites par le leader du
gouvernement sont non conformes à la vérité.
Il a commencé d'abord, dans un premier temps, par dire, qu'il y a
eu des motions dilatoires. Pour votre information, M. le Président, il y
a eu une seule motion, et c'était une motion pour déposer des
règlements. Franchement, M. le Président, si vous n'appelez pas
ça quelque chose de contraire de la vérité ? parce
que je ne peux pas utiliser le terme ? je lui dirais que Voltaire avait
raison. (16 h 10)
Faux. Il n'y a jamais eu plusieurs motions dilatoires. Il y en a eu une,
mais elle était loin d'être dilatoire, c'était d'avoir les
règlements pour juger de leur valeur par rapport au principe de la loi.
Ça, c'est ce qui est vrai, M. le Président. Et je défie le
leader du gouvernement de dire le contraire de ce que j'avance.
Il dit: Ils ont refusé d'entendre le Syndicat des professeurs de
l'État du Québec. En date, M. le Président, et je vais la
déposer en cette Chambre, du 12 mai 1993, signé par Mme Jeanne
Blackburn, critique et députée de Chicoutimi, la liste des
organismes du conseil d'État suggérée par les membres du
Parti québécois: Syndicat des professeurs de l'État du
Québec. Il a dit: Ils ont refusé. Et rappelez-vous avec quel ton
chloroformant il affirmait, M. le Président, qu'on avait refusé
d'entendre la Centrale des syndicats démocrati- ques. L'avant
dernière association qu'on recommandait dans notre liste, Centrale des
syndicats démocratiques, M. le Président. Association nationale
des étudiants et étudiantes du Québec. Il affirmait de son
siège qu'on n'avait pas voulu les entendre, c'est nous qui les avons
suggérés, M. le Président. Fédération
étudiante collégiale du Québec, il n'en a pas
parlé. Nous, on l'a suggéré, M. le Président.
Fédération étudiante universitaire du Québec, c'est
nous qui les avons suggérés, M. le Président.
C'est qui qui a refusé de les entendre? C'est qui? Il affirmait
ça de son siège. Je comprends que, dans cette Chambre, on n'a pas
le droit de dire que quelqu'un dit le contraire de la vérité par
le vrai terme, mais c'est ça, fondamentalement. Il a dit: Ils ont
refusé d'entendre toutes sortes de groupes, le Regroupement, par
exemple, pour la révision du statut linguistique de Rosemère. On
leur a demandé, ils n'ont jamais voulu. Ils voulaient entendre la ville
de Rosemère. Ils avaient tout «gamiqué», en bon
québécois ? ça, ça se comprend ? pour
avoir des groupes le plus possible qui correspondaient à leur
idéologie, M. le Président. Oui, M. le Président, c'est ce
qu'ils ont fait, et il affirmait ça de son siège, sans rougir,
croyant que le monde va tous les croire. Je dépose, M. le
Président, cette liste, que nous avons démontrée,
envoyée au ministre et qui prouve que le leader du gouvernement dit
n'importe quoi...
Document déposé
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a...
Est-ce qu'il y a... Un instant! Est-ce qu'il y a un consentement à
déposer le document?
M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Comme le document confirme
mes propos, il y a consentement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a consentement.
Alors, le document est déposé.
M. Chevrette: M. le Président, il ne confirme pas ce qu'il
a dit; il confirme le contraire. Il confirme plutôt qu'il a induit la
Chambre en erreur, comme c'est son habitude de le faire tout le temps, dans
tous les dossiers, d'ailleurs, M. le Président.
M. le Président... et je pourrais continuer. Des mesures
dilatoires, il n'y en a pas eu, et je voudrais vous citer les statistiques que
l'on fait ressortir de la commission même. Est-ce que c'est des mesures
dilatoires, M. le Président, quand l'Opposition prend 9 heures de
discussion sur 17 et que les ministériels en prennent 8 h 26 min?
Drôles de mesures dilatoires! Est-ce que vous vous
«filibustiez» vous-mêmes? Et il affirme ça en Chambre
comme de la pure vérité, M. le Président, le leader
affirme ça. Voltaire disait, M. le Président: «Mentez,
mentez. Il en restera toujours quelque chose.»
M. le Président, je pourrais, M. le Président, donner
également une série d'arguments, mais je ferai assez vite et je
voudrais finir sur le porte-étendard ou le porte-parole, ou le porteur
du dossier. M. le Président, je vous dirai, cependant, que nous n'avons
pas siégé depuis lundi soir dernier, alors que nous avons pris,
M. le Président, des temps égaux en commission. Franchement,
là, je n'en reviens tout simplement pas de voir que quelqu'un peut
affirmer de son siège n'importe quoi, qui est tout à fait une
aberration et contraire à îa vérité, M. le
Président. Mais, M. le Président... Je voudrais demander, s'il
vous plaît, le silence, M. le Président. Moi, j'ai
écouté, là, sans parler, mais...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'invite tous les
parlementaires à respecter les prescriptions de l'article 32. Ça
inclut, entre autres, être à vos banquettes, et vous pouvez
chuchoter à un collègue à côté de vous, mais
sans déranger celui qui parle.
Allez-y, M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
M. le Président, ce matin, on pouvait lire, dans le journal Le
Soleil: «La guillotine à Québec (reprise)», sous
la plume de M. Michel David. M. le Président, c'est avec beaucoup
d'intérêt que j'ai lu cet article parce que cet article m'a
rappelé exactement ce que j'ai vécu en cette Chambre.
Je me souviens, M. le Président, parce que j'étais membre,
en 1977, de la commission parlementaire sur la loi 101. Nous avions
siégé, M. le Président, en juillet et en août,
au-delà de 200 heures en commission parlementaire pour étudier le
projet de loi 101. Nous avons étudié très
sérieusement, M. le Président, un projet de loi novateur qui a
eu, d'ailleurs, comme résultat de ramener la paix linguistique au
Québec.
Après 200 heures, celui-là même qui est
porte-parole, aujourd'hui, du gouvernement en matière de langue disait
ceci, en 1977, après 200 heures, je le répète ? on en
est à 17 h 26 min, au moment où on se parle ? après
200 heures, voici ce que l'éditorialiste du Devoir du temps
disait, M. le Président. Il disait: «Mais qui osera soutenir
sérieusement que l'intérêt général
n'eût pas été mieux servi par une stratégie
gouvernementale plus souple». Après 200 heures, il nous accusait
de manquer de souplesse, celui qui, alors, tenait la plume de
l'éditorialiste du Devoir, le même qui, aujourd'hui, nous
impose un bâillon après 17 heures. «Un dénouement
abrupte comme celui que connaît les travaux de la commission
parlementaire chargée de l'examen du projet de loi 101 sert mal le
parlementarisme et la démocratie.» En 1977, après 200
heures d'étude ? 220 heures, plus précisément ?
il disait que la fin abrupte de la commission parlementaire servait mal le
parlementarisme et la démocratie. Le même homme aujourd'hui,
après 17 heures, nous impose un bâillon. «Lorsqu'il faut y
recourir, il faut viser à circonscrire rigoureusement les accrocs
à la liberté de travail parlementaire. Voilà une autre
leçon que le gouvernement n'a pas daigné retenir.» Celui
qui a écrit ça et qui disait ça, c'est celui qui,
aujourd'hui, nous impose un bâillon après 17 h 26 min. Nous en
avions fait 220. Franchement!
C'est ce qui fait dire, d'ailleurs, avec beaucoup de justesse, à
Michel David, du Soleil: «Au cours des dernières semaines,
on a dit toutes sortes de choses désagréables à son sujet
? en parlant du ministre actuel. On a dénoncé tour à
tour sa mesquinerie, son arrogance, son autoritarisme, sa misogynie, son esprit
revanchard... Ce dont on parle moins souvent, mais qui est tout aussi frappant,
c'est son côté tartuffe.» Ce n'est pas moi qui dit
ça, M. le Président, c'est Michel David. Il dit ceci: «Tous
les politiciens du monde finissent par se contredire. C'est inévitable
si leur carrière est le moindrement longue. Il ne faut donc pas trop
s'en formaliser. Sauf que cet homme-là ? en parlant du ministre
actuel ? a tellement donné de leçons de morale à tout
le monde, que ses contradictions sont plus choquantes. En 1977, il
n'éprouvait d'ailleurs aucune sympathie pour ces députés
libéraux qui prétendaient s'indigner après avoir fait la
même chose 3 ans plus tôt.» Et il disait, et il est
cité au texte: «À moins que ce spectacle ne soit une
comédie, il doit y avoir des limites à la liberté que
certains s'arrogent de changer de refrain.»
Donc, M. le Président, cet homme qui a, effectivement,
donné des leçons de morale à tout le monde, qui s'en
prenait au fait que le parlementarisme était bafoué après
220 heures, il participe avec joie, avec mesquinerie, là, à nous
poser un bâillon après 17 heures, et après en avoir pris
lui-même la moitié. Et ils disent: C'est effrayant, ça
«filibustait». M. le Président, franchement, il faut avoir
du culot. Il faut être capable de dire n'importe quoi, croyant qu'il y en
a quelques-uns qui vont vous croire. Mais ce n'est pas ça, les faits. Ce
ne sont pas ça, les faits. Et, comme par hasard, on a
arrêté de faire siéger lundi soir. Pourquoi? On va essayer
de le voir un peu, M. le Président. (16 h 20)
Ils sont arrêtés lundi soir parce qu'ils savaient que,
inévitablement, si on convoquait la commission le lendemain, on
parlerait du milieu scolaire. C'était clair que, mardi, on se mettait
à parler de l'immersion scolaire. Et on savait que les centrales de
l'enseignement du Québec, celles qui sont spécialisées en
pédagogie, les commissaires d'école, ceux qui ont la direction
des commissions scolaires, tous les cadres, les directeurs, les principaux
d'école de la CECM disaient: Ça n'a pas de bons sens. Il faut
l'empêcher de faire ces folies-là. on a certaines écoles
à montréal qui ont au-delà de 50 % d'enfants immigrants
qui, déjà, apprennent des matières dans une langue qui
n'est pas la leur, ils sont déjà en immersion francophone, eux,
et on va leur permettre, par exemple, en mathématiques, d'apprendre les
mathématiques en anglais; l'acquisition d'une science, dans un
deuxième bain d'immersion, pour les immigrants. j'ai pourtant fait appel
à certains députés ici. si vous aviez un enfant, dans
n'importe quelle classe, qui
avait de la difficulté avec l'acquisition des connaissances d'une
science, en mathématiques... S'il a de la misère à
comprendre les mathématiques dans sa langue, on va lui faire apprendre
les mathématiques dans une langue seconde, qu'il ne maîtrise pas.
On sera responsable pour combien de décennies des échecs d'un
étudiant? Il traînera probablement ça toute sa vie.
Ça, c'est des principes pédagogiques acceptables? Non. Ce n'est
pas qu'on est contre l'immersion en anglais, mais faites apprendre l'anglais
dans un autre contexte que l'acquisition d'une science. C'est ça qu'on
vous dit. Ça, c'est un principe de pédagogie que n'importe qui va
vous dire. Je suis convaincu, d'ailleurs, que, si on avait fait le contraire
à l'époque, on aurait eu un éditorialiste du journal Le
Devoir pour nous dire qu'on ne l'avait pas du tout, qu'on faisait fi des
principes pédagogiques.
On peut donner des leçons de morale à tout le monde, M. le
Président, mais il faut regarder ce qu'on fait. Il faut regarder ce
qu'on fait, comment on se comporte, ce qu'on a déclaré et assumer
la cohérence de nos propos, la cohérence de nos discours, la
cohérence de nos prises de position.
M. le Président, oui, on a arrêté lundi soir
l'étude article par article, parce qu'on avait bien trop peur, on avait
bien trop peur qu'on vous ramène sur des principes pédagogiques,
qu'on vous ramène sur les déclarations des commissaires
d'école, qu'on vous ramène sur les déclarations de
directeurs d'école, de principaux qui sont inquiets, de directeurs
pédagogiques qui sont inquiets, d'enseignants qui trouvent ça
inconcevable, inacceptable qu'on embarque dans ce jeu-là, M. le
Président. Ce n'est pas des partisans politiques ça, c'est ceux
qui oeuvrent quotidiennement dans les classes, auprès de nos jeunes.
Je vois certains députés, ici. S'ils avaient un enfant
? un petit gars ou une petite fille ? qui avait de la
difficulté dans une science, avec l'acquisition d'une science, de la
difficulté à comprendre, à capter dans sa propre langue
maternelle... Je vois ces mêmes députés qui vont voter
là, béatement et solidairement, pour quelque chose qui peut avoir
des répercussions extrêmement négatives pour des jeunes
Québécois.
C'est à ça qu'il faut que vous pensiez quand vous avez
à voter une loi. On ne vote pas n'importe quoi. On doit voter selon
notre conscience, puis à partir de valeurs, de principes, et se fier
à des experts, à ceux qui connaissent ça et qui nous
disent: L'Assemblée nationale du Québec est après faire
une folie furieuse sur le plan de l'acquisition d'une science, en permettant,
dans bien des cas, non pas une immersion dans une autre langue, mais une double
immersion, parce que ce n'est même pas leur langue maternelle, pour
beaucoup d'immigrants ? en particulier, sur l'île de
Montréal.
Vous n'êtes pas obligés de croire les politiciens qui sont
ici, mais faites confiance à ceux et celles, par exemple, qui,
quotidiennement, oeuvrent auprès des enfants. Faites confiance, au
moins, aux pédagogues qui sont payés par vos deniers publics, qui
enseignent à nos enfants québécois. Faites leur confiance
quand ils vous disent qu'on n'a pas le droit de voter de folie furieuse,
d'aberration du genre. C'est à ça que vous avez à penser
quand vous avez à poser un vote, ici, en cette Chambre.
Si on ne pense pas à ça, si on ne s'occupe pas de
ça, si on se foute de ça, M. le Président, on est
responsable, moralement et intellectuellement, face à l'histoire, de
beaucoup de déboires chez nos jeunes. C'est ça, aussi, qu'on vous
dit, et c'est ça qui est dénoncé à Montréal.
Bien sûr que le ministre va se lever et va dire: Ah! ils n'ont rien
compris. Quand on n'est pas d'accord avec, il n'y a personne qui comprend
quelque chose. Vous avez vu, ce matin, l'Américain qui s'est
prononcé: C'est quasiment un malade. Prenez, par exemple, maintenant, un
autre groupe qui se prononce: C'est un malade, il n'a pas compris. M. le
Président, quand on disait qu'il était misogyne, ce n'est pas
pour rien qu'on le disait, c'est parce qu'il y avait des gestes concrets, qu'il
posait, qui nous le faisaient dire. Quand on disait qu'il était
revanchard, M. le Président, ce n'est pas pour rien qu'on le disait. On
a lu...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader... M.
Chevrette: ...les éditoriaux de 1976.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant!
M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, simplement
pour rappeler à mon bon ami, le leader de l'Opposition, que l'article 35
de notre règlement n'a pas été suspendu, qu'il est
toujours en application et qu'il est l'article qui nous permet de juger le
niveau du discours d'un parlementaire. Présentement, j'attire votre
attention particulièrement, M. le Président, sur le
cinquième alinéa, le sixième alinéa, le
septième alinéa, le huitième alinéa de cet article,
et je vous prie de rappeler le leader de l'Opposition officielle à
l'ordre.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, l'article 35,
paragraphes 7° et 8° particulièrement: «Le
député qui a la parole ne peut: 7° se servir d'un langage
violent, injurieux ou blessant», «8° employer un langage
grossier ou irrespectueux envers l'Assemblée».
Ce sont, quant à moi, les 2 sous-paragraphes les plus pertinents,
selon votre propos, M. le leader du gouvernement. Alors, je vous invite, M. le
député de Joliette, à être prudent, à
respecter les prescriptions auxquelles je viens de faire
référence.
M. Chevrette: M. le Président, je vais lire un paragraphe
d'un article et je vais l'expliquer. Il était écrit, ce matin, le
paragraphe suivant: «Au cours des dernières semaines, on a dit
toutes sortes de choses désagréables à son sujet. On a
dénoncé tour à tour sa mesquinerie...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse.
M. Chevrette: ...son arrogance...»
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non. M. le
député de Joliette, je vous le rappelle, il y a
déjà eu une décision qui a été rendue
à l'Assemblée, que vous ne pouvez faire indirectement ce que vous
n'avez pas le droit de faire directement. Alors, je vous rappelle que cette
règle existe, il y a une décision qui a été rendue
dans ce sens-là. Que vous passiez par un tiers, vous devez quand
même respecter les prescriptions auxquelles j'ai fait
référence tout à l'heure. Allez-y.
M. Chevrette: M. le Président, l'attitude du ministre
délégué à la Charte de la langue française
est en une de vengeance, M. le Président. Je me souviens encore
des...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du
gouvernement.
M. Chevrette: Bien voyons!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
M. Ryan: Un peu de politesse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président...
M. Ryan: Apprends à vivre. Apprends à vivre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je rappellerai bien
amicalement...
M. Chevrette: ...pas d'éditoriaux... M. Ryan:
Grossier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...au leader de
l'Opposition...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant!
Un instant, M. le leader. Alors, je voudrais qu'on permette au leader du
gouvernement de faire son intervention. Vous avez soulevé un point de
règlement, et je rappelle aux autres parlementaires que vous devez le
laisser intervenir. Je m'adresse à ma gauche comme à ma
droite.
M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Vous
aurez compris que j'invoque les dispositions du sixième alinéa de
l'article 35, qui se lit comme suit: «Le député qui a la
parole ne peut: 6° imputer des motifs indignes à un
député.»
M. Chevrette: M. le Président, j'ai dit...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: ...que c'était dans un esprit de vengeance.
Ce n'est pas indigne et ce n'est pas antiparlementaire, et je vais le
démontrer.
M. le Président, rappelez-vous donc les éditoriaux de 1976
et 1977 où le ministre actuel dénonçait à tour de
bras la loi 101. Qu'est-ce qu'il fait aujourd'hui? Il ne fait qu'appliquer ses
diktats qu'il faisait lorsqu'il était éditorialiste du Devoir.
Comment on appelle ça, quelqu'un qui se reprend parce que, dans le
passé, les politiciens ne l'ont pas écouté? Les seuls
politiciens respectables étaient ceux et celles qui faisaient exactement
ce que M. l'éditorialiste en charge du Devoir leur disait de
faire. Il l'encensait, si le politicien réalisait exactement ce que
monsieur écrivait. Mais ceux qui avaient le courage de leurs opinions et
qui réalisaient les voeux du peuple, ceux-là devenaient des
êtres qui ne comprenaient pas l'avenir, qui interprétaient mal le
destin collectif.
M. le Président, quand un homme ne vit que par son passé,
dans la réalisation de son passé, on assiste à ça,
à des attitudes qui sentent carrément la vengeance, qui sentent
carrément, M. le Président... (16 h 30)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non, non, non. Je
regrette! Vous pouvez, M. le leader de l'Opposition officielle... S'il vous
plaît! S'il vous plaît! Vous pouvez relater des faits de 1977 ou
d'aujourd'hui et vous pouvez les interpréter dans votre esprit, mais
vous ne pouvez vous-même tirer la conclusion. C'est ça qui est
reprehensible en vertu des sous-paragraphes 5°, 6°, 7° et 8° du
règlement et de l'article 35 qu'on retrouve au règlement de
l'Assemblée, M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Bon. Merci, M. le Président, d'agir en
leader en cette Assemblée, et je vais continuer.
Une voix: C'est insupportable...
M. Chevrette: Oui, oui. C'est vrai. Puis je le dis, puis je le
maintiens, M. le Président: Je croyais qu'il y avait un leader du
gouvernement ici qui était chargé d'appliquer les
règlements.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non. La présidence
a, en tout temps, et vous le savez très bien... La présidence a,
en tout temps, la responsabilité de surveiller l'application des
règlements. Évidemment, il y a une coutume qui veut que les
leaders, de part et d'autre, et c'est leur rôle, rappellent l'existence
des règlements et l'application de ces règlements-là,
mais, de tout temps, et c'est compris par tous les parlementaires, la
présidence a ce rôle-là.
Allez-y, M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur la question soulevée
par le leader de l'Opposition officielle, s'il insiste, je me lèverai
à chaque fois qu'il contrevient.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas besoin de faire
ça parce que je sais qu'il va le faire pareil. Il va se lever. Pas
besoin d'insister parce que, à la période de questions, on
assiste quotidiennement à un siège éjecta-ble.
Donc, M. le Président, je continue, si on ne m'arrête pas
à nouveau, et j'espère qu'il sera 1 à m'arrêter et
non 2. M. le Président, je disais donc que, lorsqu'on lit, actuellement,
certains articles de journaux qui nous relatent exactement ce qui s'est
passé dans les années 1976, 1977, M. le Président, on sent
la réalisation de vieux rêves, de vieilles conceptions
dépassées et déphasées.
J'écoutais le maire L'Allier, lorsqu'il est venu témoigner
à Québec, qui nous disait carrément que le Québec,
la ville de Québec était précisément une ville qui
était attrayante sur le plan touristique à cause de son visage
français. Ça «peut-u» être plus clair? C'est le
premier magistrat, M. le Président, mais il n'a rien compris. Chaque
intervenant qui venait et qui n'était pas d'accord avec le ministre, et
ma collègue de Chicoutimi peut en témoigner, j'ai assisté
à quelques-uns, à part de ça, c'était des attitudes
rétrogrades. Mme Pagé, de la CEQ, est venue expliquer sa position
dans le domaine pédagogique. Elle n'avait rien compris. C'était
une attitude rétrograde, disait-il.
Il a littéralement martelé d'insultes et d'injures tous
ceux qui sont passés là qui n'étaient pas de son dire.
Ici, on n'a pas le droit de rien dire, par exemple. Mais lui avait le droit de
pontifier devant chaque groupe qui venait et de les traiter de retors, les
traiter de n'importe quoi, de gens qui ne comprennent rien parce qu'on
n'était pas de son dire, parce qu'on n'était pas d'accord avec
lui. C'est ça qui s'était passé comme attitude de l'autre
côté.
Puis demandez aux groupes qui sont venus ici, puis qu'est-ce qu'ils ont
dit en sortant: Bon, on n'a jamais rien compris quand on n'est pas d'accord.
Même si tu es un spécialiste en éducation, ça ne
fait rien, on n'avait pas compris. On n'avait rien compris. On était des
retors. On avait des attitudes rétrogrades. C'est ça qu'on disait
aux gens. C'est ça que ce monsieur disait aux gens, M. le
Président.
Et, malheureusement, nous, on n'a pas le droit d'en parler. On n'a pas
le droit d'en parler. On se fera arrêter si on qualifie le même
genre d'attitude, attitude d'arrogance et de mépris vis-à-vis de
ceux qui divergent d'opinions, M. le Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Question de règlement, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader du
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse encore une fois
auprès du leader de l'Opposition officielle. Je tiens à lui
rappeler les dispositions du septième alinéa de l'article 35 de
notre règlement qui se lit comme suit: «Le député
qui a la parole ne peut: 7° se servir d'un langage violent, injurieux ou
blessant à l'adresse de qui que ce soit.» Et je l'invite à
respecter les prescriptions du règlement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Joliette, leader de l'Opposition officielle, vous
êtes à la limite. Vous êtes à la limite. Continuez.
Continuez votre intervention.
M. Chevrette: Bien, avez-vous le goût de vous faire un show
tout seul?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, vous avez un droit
de parole jusqu'à 55 minutes. Vous avez, à date, 25 minutes
d'intervention. Est-ce que vous désirez continuer ou pas? Il vous reste
30 minutes. Votre formation a droit à 55 minutes. Non, non. Vous ne
passez pas par la table. C'est à moi à vous dire combien de temps
vous avez fait. Vous avez parlé... Non, non! M. le leader de
l'Opposition officielle, votre formation dispose d'une période maximale
de 55 minutes. Votre intervention a duré, à date, 25 minutes. Les
questions de règlement, d'un côté comme de l'autre, peu
importe qui intervient, les discussions sur les questions de règlement
ou de procédure font partie, évidemment, de l'enveloppe globale,
que ce soit vous ou que ce soit le leader du gouvernement.
M. Chevrette: M. le Président, je vais m'arrêter
ici, puis je vais inscrire une motion au feuilleton parce que, quand,
délibérément, autant la présidence que le leader,
vous arrêtez à toutes les minutes un intervenant, vous coupez ses
interventions constamment, vous contribuez, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît!
M. Chevrette: II n'y a pas de s'il vous plaît...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Continuez votre
intervention, s'il vous plaît, sur le fond. Il vous reste encore 30
minutes.
M. Chevrette: II ne me reste pas... parce que je veux diviser mon
temps. Mais je regrette, M. le Président, que vous ayez, vous-même
et le leader du gouvernement, continuellement interrompu mon intervention, M.
le Président. On a le droit, supposément, de qualifier l'attitude
des gens de l'autre bord, puis, ici, on n'est même pas capables de parler
d'attitudes. Je regrette, M. le Président, mais ce sont là des
attitudes partisanes quand on empêche un député de faire
son intervention.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député
de Joliette, je suis intervenu à chaque fois que j'ai jugé
que c'était nécessaire, à chaque fois que j'ai jugé
que c'était nécessaire.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon M. Doyon: Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
M. Doyon: M. le Président, la preuve, la preuve qui n'a
jamais été vraiment à faire des abus de langage du leader
de l'Opposition vient de nous être livrée, chaude, fraîche,
maintenant, prête à être consommée. On n'a rien
à ajouter à ça. Le leader de l'Opposition, M. le
Président, vient de vous insulter, vient de mettre en question votre
autorité personnelle en tant que président. Il a manqué de
respect, et c'est dans ses habitudes. Il a la détestable habitude, la
détestable habitude de manier l'injure et l'insulte à
satiété, de lancer de tout bord et de tout côté des
bêtises à l'égard de tous et chacun. Il est comme le vilain
cabot qui nous mord le mollet mais qu'on ne peut pas...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Louis-Hébert, je vous rappelle à la
pertinence. Vous êtes à débattre une motion de suspension
de certaines règles de procédure. Et l'attitude du leader de
l'Opposition officielle, quant à moi, n'est pas pertinente. Ce n'est pas
ça, la pertinence. Allez-y sur la motion comme telle.
M. Doyon: Oui, M. le Président, sauf que, pour comprendre
le pourquoi de cette motion, il faut savoir à qui on a affaire.
Ça, ça explique bien des choses. M. le Président,
quelqu'un qui a vu ce que j'ai vu avec mes collègues, ici, aura compris
que la motion que nous débattons actuellement est inévitable,
qu'elle s'impose d'elle-même et qu'on ne peut pas s'en passer. Pourquoi?
Parce qu'on a affaire au leader de l'Opposition, parce qu'on a affaire à
ses collègues, parce qu'on a affaire à des gens qui ne respectent
pas la démocratie, qui ne respectent pas l'institution, qui ne sont pas
capables de se rentrer dans la tête que, finalement, ils n'ont pas
toujours raison. Et l'urgence...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant,
M. le député! Un instant! Un instant!
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Je vous demande la même rigueur que vous
m'avez appliquée.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): J'ai rappelé,
entre autres, tout à l'heure, que vous ne pouvez pas imputer ? je
m'adresse au député de Louis-Hébert ? de motifs
à qui que ce soit. Ça comprend le leader de l'Opposition
officielle comme ses collègues, M. le député
Louis-Hébert. L'intervention, je vous le rappelle, est de traiter du
sujet, à savoir la motion de suspension des règles.
M. Doyon: Oui, M. le Président. Et il est évident
que cette motion ne serait pas devant nous, elle ne serait pas
nécessaire si on pouvait en débattre calmement, entre gens qui
peuvent s'expliquer, qui peuvent faire valoir des arguments raisonnables, qui
peuvent discuter calmement, sans manier l'insulte. Et sans être capables
d'en recevoir une seule, s'il vous plaît! Oh non! Oh non! Ça,
l'épiderne est terriblement mince, terriblement mince! (16 h 40)
M. le Président, est-ce qu'on est capables de discuter d'une
situation aussi émotivement chargée que celle-là? Quand on
entend des discours, des allocutions comme celle dont vous avez
été témoin tout à l'heure... J'ai
présidé cette commission, M. le Président. J'ai
présidé cette commission. J'ai réussi, de peine et de
misère, je m'en félicite, à garder le calme dans cette
commission.
Il faut dire que le député de Joliette n'est pas venu nous
rendre... Ça s'est passé raisonnablement bien, raisonnablement
bien, sauf qu'il y avait un défaut fondamental, c'est qu'on
n'avançait pas. On ne bougeait pas vite. On se hâtait, mais
lentement, mais très lentement qu'on se hâtait, M. le
Président.
Vous me direz: Qui va piano va sano. Il y a des limites. J'avais
l'impression, des fois, qu'à force d'aller sano on était dans le
plus profond des sommeils. C'est bon pour la santé, mais ça ne
fait pas gros d'ouvrage dans une journée.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: Alors, M. le Président, devant la situation,
qu'est-ce qu'il reste? Qu'est-ce qu'il reste à un Parlement qui veut
faire adopter un projet de loi? Il lui reste à recourir aux instruments,
aux outils qui sont les nôtres. Il nous faut, M. le Président,
savoir que la supposée unanimité qu'invoque l'Opposition en
désaccord avec le projet de loi n'existe pas. C'est une créature
de l'esprit. Elle n'existe pas.
Vous pourrez leur parler de Guy Bertrand, mon honorable adversaire
à la dernière campagne électorale, que je croisais
dernièrement, sur la rue, et qui me disait très amicalement
? c'est un confrère de classe en plus: Moi, je me suis senti dans
l'obligation, malgré mes convictions indépendantistes, de faire
valoir le point de vue qui est le mien parce que j'ai enlevé les
oeillères que j'admets avoir déjà eues. Et il a dit: Je
suis prêt à reconnaître que le danger ne réside pas
dans une modification à la loi 178. Il ne réside pas dans une
ouverture d'esprit. Le véritable danger, le véritable ennemi, je
l'ai
vu, disait-il, et c'est nous. «I saw the ennemy. It is
us.»
C'est ça, M. le Président, la belle unanimité n'est
pas là. Guy Bertrand le dit d'une façon très
éloquente. Guy Bertrand me disait: Moi, quand il se produit des choses
comme ça, ça me fait penser à quelqu'un qui serait devant
le plus beau tableau ? c'est lui qui m'apportait cet exemple-là
? le plus beau tableau au monde, disons un Rubens, mais qui a une graine
dans l'oeil. L'oeil lui fait mal. Il a une graine dans l'oeil. C'est
l'interdiction. C'est l'abolition d'une partie de la liberté
d'expression. Je ne peux pas apprécier ce beau tableau. J'ai une graine
dans l'oeil. Je ne peux pas le voir. L'oeil me fait mal, puis je me frotte
l'oeil, puis ça déforme le tableau, puis ça déforme
l'ensemble. Le tableau n'est pas moins beau pour autant, mais la graine me
fatigue. Je l'enlève, cette graine. Je l'enlève, cette graine.
C'est ce que le ministre responsable de la Charte fait.
Est-ce que Raymond Lévesque a une opinion unanime d'opposition au
projet de loi, quand Raymond Lévesque dit, par exemple: Le danger, il
n'est pas là? Il nous faut nous ouvrir aux autres. Et le
véritable danger, je m'en aperçois maintenant, dit-il, c'est du
côté du Parti québécois qui a ? doit-il avouer
à sa courte honte, c'est lui qui le dit ? des tendances fascistes.
Et c'est ce que Raymond Lévesque dit.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous rappelle. Je fais
le même commentaire que j'ai fait, tout à l'heure, au leader de
l'Opposition officielle, que vous êtes à la limite. Je vous invite
à la même prudence et je vous rappelle ce que vous me disiez
vous-même, tout à l'heure, M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui, M. le Président, ce que je veux faire
ressortir, c'est que contrairement aux... Je n'emploierai pas le mot
«mensonges». Je vous laisse le choix des mots, M. le
Président, pour ne pas me faire rappeler à l'ordre. Vous mettrez,
dans les petits points que je laisse là, le mot que vous voulez.
Contrairement à ce que colporte le leader de l'Opposition, ce n'est pas
vrai qu'il y a unanimement levée de boucliers contre ce projet de loi
là.
Au contraire, qu'il s'appelle Guy Bertrand, qu'il s'appelle Raymond
Lévesque, qu'ils s'appellent les nombreux éditorialistes, qu'ils
s'appellent les échecs des grandes assemblées, qu'il s'appelle
tout ça, la preuve est là qu'on a besoin d'une cure de
rafraîchissement à cette loi-là. C'est ce que nous faisons.
Et, quand on dit... quand on emploie la méthode qui a servi au
référendum...
Le député de Joliette disait: «Mentez, mentez. Il en
restera toujours quelque chose.» Vous en êtes la preuve vivante
parce que c'est ce qui vous a réussi au référendum. C'est
ce qui vous a réussi et c'est ce que vous tentez de nouveau avec la
feuille de chou qui s'appelle: On ne se laissera pas passer un Québec
bilingue. Même méthode truffée de mensonges, de mensonges
vérifiables et identifiables.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous ne pouvez faire
indirectement ce que vous ne pouvez faire directement. Je l'ai rappelé
tout à l'heure. Ça s'applique également à vous, M.
le député de Louis-Hébert. Vous pouvez interpréter
le document, vous pouvez citer des faits, mais vous ne pouvez pas tirer la
conclusion que vous venez de tirer.
M. Doyon: Oui, M. le Président, ce que je dis et ce que je
suis capable de prouver, si vous m'en laissez le temps et le loisir, c'est que
le document que j'ai en main est rempli de faussetés, de
faussetés facilement démontrables si on va voir le projet de loi
86. On dit des choses là-dedans que non seulement on ne retrouve pas
dans le projet de loi 86, mais on dit des choses qui sont contraires à
ce que dit le projet de loi 86. C'est ça. On a distribué
ça à, quoi, 100 000, 200 000 exemplaires? On a distribué
ça aux quatre vents. On a tenté d'imiter Larousse ? je
sème aux quatre vents ? mais Larousse dit la
vérité.
Mensonges. Il n'y a pas de vérités là-dedans. Et
pourtant, j'ai entendu les députés de l'Opposition se targuer de
ce document, espérer que ce document réveillerait les gens, qu'on
pourrait soulever la population. M. le Président, ce n'est pas vrai ce
qu'il y a là-dedans. Ce n'est pas vrai. On a entendu des excès de
langage à faire dresser les cheveux sur la tête. J'ai entendu des
extraits de discours, par exemple, de Pierre Bourgault, qui disait du ministre
responsable de la Charte qu'il était l'homme politique le plus sale que
le Québec n'avait jamais connu. Est-ce que c'est possible de descendre
à un tel niveau de langage?
M. Chevrette: ...M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant!
Un instant! Laissez-moi rendre ma décision, M. le député
de Louis-Hébert. Vous savez très bien, M. le député
de Joliette, que ce n'est pas la démonstration qu'est en train de faire
le député de Louis-Hébert, il veut prouver le contraire,
j'imagine. Allez-y.
M. Doyon; Merci, M. le Président. Ce que je suis en train
de tenter d'essayer d'expliquer à cette Chambre, c'est que ce qui s'est
dit et ce qui s'est colporté n'a aucune commune mesure avec la
façon dont les choses devraient se passer. On essaie par tous les moyens
d'exciter les passions, de provoquer des excès qui pourraient amener des
situations impossibles et absolument déplorables.
M. le Président, comme président de la commission, je sais
les efforts que le ministre a fait. On l'a qualifié de tous les termes.
Il n'a pas bronché. Je ne suis pas sûr que j'aurais pu endurer
ça. Il n'a pas bronché. Il a plié les épaules et
attendu que finalement puisse se décanter la vérité du
mensonge. Mais je suis témoin que ce pour quoi on a voulu le faire
passer n'avait pas de fondement dans soit ses attitudes, dans soit ses
interventions, dans soit les réponses ou les questions qu'il
posait. Il a fait preuve de rigueur. Il a voulu savoir le vrai fond des
choses. Il n'a pas accepté comme des vérités
révélées des affirmations gratuites qui n'étaient
pas démontrées ou démontrables. Est-ce que c'est faire
preuve d'arrogance? Est-ce que c'est faire preuve de mépris?
Évidemment, il ne manifestait pas un accord à tout casser avec
certaines prises de position qui étaient contraires aux convictions
qu'il a et qui sont les nôtres aussi. Mais est-ce que c'est insulter
quelqu'un que d'exiger de cette personne qu'elle nous prouve ses
avancées? Si on ne peut pas le faire dans notre système
démocratique parlementaire, à quoi sert ce Parlement?
Il y a des gens qui ne peuvent pas supporter la contradiction. La
contradiction leur donne de l'urticaire. Elle les rend littéralement
malades. Le député de Joliette est un de ceux-là. Si on a
le malheur d'avoir l'audace quelque part de ne pas dire comme lui, c'est
inacceptable. Et là je vous assure que le vocabulaire, il n'est pas
à court. On a droit à tous les qualificatifs, disons, tous les
qualificatifs. Mais on n'est pas obligé, dans ce Parlement, d'être
en accord avec le député de Joliette, il me semble. On n'est pas
obligé, et, chaque fois que le député de Joliette est
froissé, il s'en prend au premier du bord. C'est vrai, vous allez me
dire qu'il ne regarde pas la grosseur, il a au moins ce
mérite-là! Il est téméraire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: Téméraire. Mais il peut aussi bien s'en
prendre à la présidence. Il s'en prend à celui qui est le
plus près, et puis vogue la galère! C'est sa façon de
faire du parlementarisme, ce n'est pas la nôtre. Il ne nous reste pas
bien, bien des issues. Les gens qui ont entendu le député de
Joliette... Oui. L'urgence, M. le Président, l'urgence et le besoin que
nous avons de cette motion sont en grande partie expliqués par la
présence, l'attitude, le caractère, la façon de faire les
choses du leader de l'Opposition. Je ne peux pas être plus pertinent que
ça. Je ne peux pas être plus pertinent que ça. (16 h
50)
C'est un argument, vous allez me dire, ad homi-nem, mais l'hominem est
là, je ne peux pas passer à côté!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: Je ne peux pas passer à côté. Une
grande partie de ce qu'on doit faire s'explique par sa présence ici et
sa façon de s'acquitter de ses fonctions. Je n'y peux rien. Je n'y peux
rien. Dans les circonstances, s'il doit blâmer quelqu'un pour la motion
qui est devant nous, qu'il s'en prenne à lui-même, qu'il fasse un
examen de conscience.
M. Chevrette: M. le Président, pour vous permettre de
porter un jugement de valeur sur la pertinence, j'aimerais vous demander ce que
vous en pensez de la pertinence?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je considère que
le député de Louis-Hébert était pertinent au moment
où vous êtes intervenu.
Allez-y, M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Bon! M. le Président, pour ne pas prolonger,
j'inviterai tout simplement les collègues à prendre connaissance
des débats que nous avons eus en commission parlementaire, à
regarder la façon dont s'est faite la discussion et comment le ministre,
par exemple, a rempli les promesses et les engagements qu'il avait pris. Il
avait dit: Dès que nous serons rendus à l'article 4, je
déposerai les règlements qui sont pertinents à l'article
4. C'était prêt, c'était déposé, au moment
même où on arrivait à l'article 4. Même
phénomène, même chose avec l'article 17, sur lequel nous
sommes arrêtés.
On fait grand état de la langue d'enseignement. Le ministre a dit
à satiété qu'en ce qui concerne cet article du projet de
loi 86 nous aurons l'occasion d'avoir des consultations, parce que c'est une
question de régime pédagogique qui devra être
modifié et que ça ne peut pas se faire sans consultation, sans
publication et sans réception de la façon dont les gens
réagissent à ça. Ça ne peut pas se faire sans
promulgation non plus.
Alors, les choses se sont passées, mais nous sommes rendus
à l'article 17, M. le Président ? il y en a 65 ? et
c'est impossible d'aller plus loin, dans les circonstances. Donc, nous
utilisons l'article du règlement qui nous permet d'adopter ce projet de
loi, et je souhaite vivement que cette Assemblée le fasse dans les
meilleurs délais et dans les meilleures circonstances, en ayant un
langage qui soit, à un niveau qui puisse faire honneur à cette
Assemblée et qui fasse honneur aussi au sujet dont nous discutons, un
sujet auquel nous tenons les uns les autres, c'est-à-dire la protection,
la défense et l'édification de la langue française; pas
dans le rejet des autres langues, mais dans le respect des autres langues.
Alors, M. le Président, c'est les quelques réflexions que je
voulais vous soumettre.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, avant de
reconnaître le prochain intervenant, je vais rappeler à tous les
parlementaires de cette Chambre, et également à ceux qui nous
écoutent et nous regardent, que l'article 41 de notre règlement
prévoit que «le président se prononce sur les rappels au
règlement au moment où il le juge opportun, en indiquant le motif
de sa décision... La décision du président ou de
l'Assemblée ne peut être discutée.»
Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant,
M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de
Jacques-Cartier? Non? Alors, Mme la députée de Chicouti-mi.
Allez-y, je vous laisse intervenir, Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Avec le dépôt de la motion de suspension des
règles, aux fins d'adopter le projet de loi 86, nous assistons
aujourd'hui à un geste prémédité, sans scrupule,
posé avec arrogance et mépris, un geste
prémédité, je dis bien, car, dès le début
des travaux de la commission parlementaire, il était devenu
évident que le ministre et les députés libéraux
utiliseraient tous les moyens pour ralentir la marche des travaux de la
commission parlementaire. J'y reviendrai pour expliquer pourquoi ils ne
souhaitaient pas qu'on fasse un examen des articles du projet de loi.
Mais, sur la motion elle-même, elle est intellectuellement,
moralement et légitimement inacceptable et injustifiable. Invoquer
l'urgence pour mettre fin aux travaux de la commission après 17 heures
de débat, alors que nous en étions à l'article 17, alors
que nous n'avions utilisé qu'à 1 reprise une motion visant
à avoir le dépôt des règlements, alors que,
d'entrée de jeu, comme porte-parole de l'Opposition, j'avais
indiqué notre intention de procéder de façon
sérieuse, rigoureuse, de travailler à bonifier à loi,
parce que nous estimons, nous, qu'il n'est jamais sain de laisser passer une
mauvaise loi sans mettre en oeuvre tous les moyens pour l'améliorer...
Je suis de celles qui pensent que la politique du pire, c'est la pire des
politiques, et qu'en tant que parlementaires nous avons une
responsabilité et un devoir, c'est de tenter d'améliorer les
projets de loi, d'autant plus... Est-ce qu'on pourrait avoir un peu de silence,
s'il vous plaît.
M. Chevrette: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle
les prescriptions de l'article 32: Chaque député doit être
à sa banquette pour permettre à Mme la députée de
Chicoutimi de s'exprimer en toute quiétude.
Allez-y, Mme la députée.
Mme Blackburn: M. le Président, je disais donc que,
d'entrée de jeu, à la commission parlementaire, nous avions
annoncé notre intention de travailler à bonifier le projet de
loi, parce que nous n'étions pas sans savoir, comme tout le
Québec, que le gouvernement utiliserait le poids du nombre pour le faire
adopter. Nous avons un devoir important, à l'Opposition, c'est de
travailler à bonifier les projets de loi qui sont sur la table. Faire
autrement, c'est de l'irresponsabilité. Nous l'avons fait avec beaucoup
de soins et beaucoup de rigueur. Nous l'avons fait avec les moyens
réguliers de la commission parlementaire, mais nous n'avons
déposé à cette commission aucun amendement farfelu. Nous
n'avons fait de motion préliminaire qu'une seule fois, qui a duré
1 h 20 min au total, une seule qui voulait avoir, comme c'était
légitime de le demander, le dépôt des règlements.
Parce que, à l'unanimité, les intervenants en commission
parlementaire consultative étaient venus nous dire que, sans les
règlements, on ne pouvait pas mesurer l'ampleur des dommages
causés à la Charte de la langue française. Et
c'était à l'unanimité, y compris le Conseil du patronat et
y compris le Centre de linguistique de l'entreprise, qui sont venus dire
à la commission parlementaire que cette loi, ils ne l'aimaient pas pour
une raison: c'était une loi-cadre qui laissait trop de pouvoirs
réglementaires au gouvernement. La seule motion, donc, que nous avons
faite, c'est une, et c'est pour le dépôt des
règlements.
Si vous observez comment ça s'est passé, vous constaterez
que la partie ministérielle a pris environ 25 minutes de moins que
l'Opposition. Est-ce qu'on appelle ça du «filibuster»? Non,
M. le Président. Invoquer, à ce moment-ci, l'urgence pour mettre
fin, après 17 heures ? plus précisément 17 h 26 min
? de débat en commission parlementaire, c'est méprisant,
c'est odieusement méprisant à l'endroit des parlementaires,
à l'endroit des députés ministériels et à
l'endroit de la population que nous représentons.
Je me permets de rappeler ce que disait le ministre, le mardi 24
août 1977 ? ce que M. Lévesque n'a pas pu faire oublier. Il
disait: «Après 5 mois de débats ardus...»
M. Chevrette: Un instant, M. le Président! L'article
32.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, vous invoquez
quelle partie de l'article 32, M. le député?
M. Chevrette: Le décorum, chacun à sa place, et
qu'on écoute celle qui parle.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, chacun est
à sa place, là.
Allez-y, Mme la députée de Chicoutimi. (17 heures)
Mme Blackburn: Donc, le ministre actuellement responsable de la
Charte de la langue française disait, et je cite: «Après 5
mois de débats ardus ? il parlait des débats qui avaient
accompagné l'adoption de la loi 101 ? il est enfin des dispositions
de la loi 101 qui demeurent tout aussi inacceptables qu'au début, mais
qui ont malheureusement été adoptées...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît,
Mme la députée de Chicoutimi! M. le député de
Richelieu. M. le député de Papineau.
Allez-y, Mme la députée.
Mme Blackburn: ...qui ont malheureusement été
adoptées avec le reste du texte, sans même que les
députés aient eu la chance d'en débattre
sérieusement ? cinq mois, 220 heures de commission parlementaire.
Au premier rang de celles-là figurent les articles qui limitent
arbitrairement et mesquinement ? c'est du ministre, vous ne
m'arrêterez pas de le dire, M. le Président ? le droit
à l'affichage public dans une autre langue que le
français.» Et le débat, en 1977, était
déjà lancé. Mais rappelons-nous, 5 mois de débats,
220 heures en commission parlementaire. Et, aujourd'hui, 17 heures, et on
invoque l'urgence. Irresponsable, irres-
pectueux et indéfendable! Indéfendable!
En brimant les droits des parlementaires, en muselant les
parlementaires, en les réduisant au silence, c'est le droit des citoyens
et des citoyennes que nous représentons que vous brimez. Museler les
parlementaires, c'est museler les citoyens et les citoyennes qui s'expriment
par la voix de leurs députés, y compris ceux de l'aile
parlementaire qui, eux aussi, sont réduits au silence.
Invoquer l'urgence pour les députés libéraux,
ça veut également dire ? c'est ce qu'on sent dans cette
Chambre ? c'est les libérer des obligations parlementaires. Ils
veulent des vacances. Pourtant, nous sommes tous à même de
constater que les travaux de l'actuelle session n'ont pas été
particulièrement exigeants ni érein-tants, faut-il le dire. Et
même, en commission parlementaire, on a eu de très nombreuses
suspensions.
Invoquer l'urgence pour mettre un terme à un débat qui,
jour après jour, après les 4 journées d'étude en
commission parlementaire, le ministre constatait comme nous que la critique
devenait de plus en plus virulente, que les commentaires se faisaient de plus
en plus vifs et les inquiétudes de plus en plus grandes. Alors, pourquoi
invoque-t-on aujourd'hui l'urgence? Pour éviter que le débat ou
l'examen sérieux des dispositions de la loi ne vienne jeter une
lumière par trop évidente et éclairante sur les
dispositions pernicieuses de cette loi, sur les effets pernicieux que cette loi
aura sur les dispositions, l'esprit et les objectifs de la Charte de la langue
française.
M. le Président, un geste prémédité,
posé sans scrupule, effrontément, et, dès le début
des travaux de la commission parlementaire, à l'évidence, le
ministre et les députés présents en cette commission
avaient décidé que nous ne passerions pas à travers les
différents articles, à un point tel, quand ils ont vu que
ça progressait, ils ont commencé à s'inquiéter.
Parce qu'ils ne prenaient pas au sérieux la volonté de
l'Opposition de travailler à bonifier le projet de loi.
Mais nous avions fait le pari, premièrement, que nous pourrions
le bonifier et, deuxièmement, que, au fur et à mesure qu'on
examinerait les dispositions, à l'évidence, l'odieux de ce projet
de loi, qui vide la Charte de la langue française de son essence et de
son esprit, apparaîtrait à la population. C'était possible,
à la lumière d'un exercice un peu plus approfondi d'examen des
dispositions de la loi.
L'urgence qu'on invoque aujourd'hui, après qu'on ait
été 2 jours sans siéger, après que le ministre, de
façon systématique, à la presque totalité des
séances, soit arrivé entre 15 et 50 minutes de retard,
après que nous n'ayons pas siégé vendredi dernier, on est
en train d'invoquer l'urgence, à compter les heures perdues par le
ministre, essentiellement parce qu'il ne se présentait pas à
l'heure prévue à l'ordre de la Chambre, mais également du
fait que nous n'ayons pas siégé alors que nous aurions pu le
faire. Nous avons perdu quelque chose qui doit ressembler à 35 heures de
travaux de commission parlementaire, si on avait terminé hier soir; 35
heures! Nous avons, en 17 heures, et avec les remarques préliminaires,
abordé 17 articles. Avec 35 heures, alors que les remarques
préliminaires étaient terminées, nous avions la
possibilité de terminer l'examen de ce projet de loi. C'est odieux,
inacceptable, irrespectueux et méprisant, profondément
méprisant. Ça ne se défend pas. Ce n'est pas vrai qu'on va
laisser passer une telle chose.
On voulait, en fait, mettre fin au débat. C'est pour ça
qu'on n'a pas convoqué la commission, parce que les travaux de la
commission permettaient de jeter un éclairage cru sur une loi qui est
inacceptable, qui va à rencontre de tout...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant,
Mme la députée! Je m'excuse, je pensais que vous vous leviez pour
une question de règlement.
Allez-y, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Ça va à rencontre de tout ce que
défendent les Québécois. Prétendre l'urgence
à ce moment-ci, c'est induire la population dans l'erreur, mais c'est
faire preuve d'un cynisme profond qui explique en grande partie le peu de
respect que les citoyens et citoyennes du Québec manifestent à
l'endroit du Parlement et à l'endroit des élus. Comment
voulez-vous que les citoyens et les citoyennes du Québec respectent un
tant soit peu ce Parlement qui gère par décrets, qui gère
en muselant les parlementaires, qui, à la même date il y a 1 an, a
adopté par la même procédure 28 projets de loi, qui a
procédé de la même manière à la session de
décembre dernier pour l'ouverture des commerces le dimanche? Et chaque
fois qu'on est en désaccord, chaque fois qu'on veut faire entendre
l'opinion du public, ce gouvernement musèle la population et
musèle les parlementaires. C'est antidémocratique. C'est un
déni de démocratie.
L'urgence, j'y reviens donc, un geste prémédité,
sans scrupule et posé afin de mettre un terme à un débat
qui apportait un éclairage particulièrement cru sur les
intentions de ce gouvernement. Je le rappelle, l'Opposition n'a pas
utilisé de mesures dilatoires à la commission parlementaire. Pour
vous l'illustrer, rappelons que, sur les 17 h 26 min, 9 heures ont
été utilisées par l'Opposition, quelque chose comme 34
minutes de plus que le gouvernement. Est-ce qu'on appelle ça faire du
«filibuster»? Vous qui l'avez fait amplement, qui l'avez largement
utilisé, vous savez que ça n'a rien à voir avec le
«filibuster». Je souhaitais, et mes collègues souhaitaient,
sincèrement que nous bonifiions le projet de loi. Nous avions,
d'ailleurs, déposé des amendements en ce sens, qui ont
été pris en considération par le ministre, comme preuve de
quoi ils étaient acceptables, y compris pour le gouvernement.
L'urgence...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant,
Mme la députée! M. le député de Rousseau, s'il vous
plaît!
Allez-y, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: L'urgence, M. le Président, il n'y en a
pas, d'urgence. Il n'y en a pas, d'urgence. Et le leader ne peut pas comparer
le laps de temps qui nous était réservé sur l'adoption de
la loi 178 et ce qui se passe aujourd'hui. Nous avons, au moment où nous
nous parlons, jusqu'en décembre 1993, si tant est que le gouvernement
pense toujours que le jugement de la Cour suprême était valide et
valable, alors qu'on sait qu'il y a d'autres avis, mais, en admettant qu'on
partage cet avis avec eux, ils ont jusqu'en décembre 1993. Nous aurions
pu continuer l'examen en commission parlementaire. Nous aurions pu examiner
chacun des articles et nous aurions pu, peut-être, si nous n'avions pas
affaire à un homme qui est complètement fermé sur cette
question, qui a dessiné le projet que nous avons sur la table en 1977,
nous aurions pu peut-être, avec un peu de bonne volonté de la
partie ministérielle, de son gouvernement, s'il y avait encore un
premier ministre à la barre, nous aurions pu peut-être bonifier ce
projet de loi. (17 h 10)
L'urgence, M. le Président, il n'y en a pas. C'est induire la
population en erreur que de prétexter l'urgence pour museler les
parlementaires sur une loi qui est fondamentale. Quand on parle de la langue et
de la culture pour un peuple, c'est une loi fondamentale. On n'a pas le droit,
pour des raisons partisanes, de jouer avec les sentiments de la population et
de jouer avec la loi 101. Je me permets de le rappeler au ministre responsable
de la Charte qui déclarait, au moment de l'adoption de la 178, qu'il
avait constaté l'immense attachement des Québécois et des
Québécoises à cette loi. On n'a pas le droit de la
charcuter comme ça en mettant fin abruptement à un débat
qui aurait pu permettre de l'améliorer.
M. le Président, il n'y a pas urgence. J'invite les
collègues, de l'autre côté comme de ce côté-ci
de la Chambre, s'ils ont un peu de courage, à voter contre cette motion.
Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. M. le député de
Jacques-Cartier, les députés indépendants disposent,
ensemble, de 10 minutes. Je comprends que vous voulez intervenir pour 5
minutes. Allez-y.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président.
Closure is always a serious matter to be considered on any major bill in
any Parliament, and I gave serious thought to the idea that the position of the
Opposition might actually be correct. After all, as I have commented to my
colleagues, even a stopped clock is right twice a day. But I could not really
conclude on my own experience, sitting in on the Cultural Affairs Commission
and watching the detailed study of Bill 86, that the Opposition is really
justified in taking this position; or, to be more precise, if all legislation
were subject to exactly the same kind of detailed examination that the
Opposition insists on in the parliamentary commissions, I find it hard to
imagine laws being passed at all, or there being any real executive action of
the Government taking place.
In the initial hours that we discussed Bill 86, once the public hearings
were concluded, certainly the Member for Chicoutimi ap'plied herself with her
customary dedication to every paragraph, indeed every sentence of the bill. For
that matter, all of the representatives of the Opposition did so, sometimes
with considerable skill. When we concluded on Monday night, the Member for
Anjou, who is certainly an intelligent young man, asked a number of sensible
questions to the Minister, and the Minister responded to those questions
completely and as reasonably as could be done in the circumstances.
But the entire exercise, given the size of the bill and given the rate
that the Opposition was proceeding at for this kind of examination, constitutes
not an effective use of the democratic process, but, ultimately, its total.
frustration. This is not really just an argument about a sudden stampede. After
all, from the governmental side, we could say, in criticism of the Government,
that not only on this bill but on many other important bills it is almost
engaged in a kind of symbiotic relationship with the Opposition. That is, it
leaves difficult problems to the last possible minute; then introduces them
into legislation in the January term; institutes a public hearing that will
take up a couple of months, bringing it near the end of the session; then is
stuck with a bill that has so many particulars that there is no conceivable way
they could get it through, except with an Opposition that collapses under their
feet; and, finally, produces an angry but ineffective rebellion from the
Opposition and brings in closure.
This does not seem to me to be an ideal way for a Parliament to operate,
and I would like to see both Government and Opposition find a more responsible
means of dealing with bills of great moment. But, in the end, the Government
still has to govern and it cannot evade its responsibility merely to answer the
standardized kind of complaints we will always hear from this side of the
House, whenever it is taking on a major responsibility. Therefore, whatever
position I take on the final bill, on this question, I support the position of
the Government.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Jacques-Cartier.
Sur la même motion, je cède la parole à M. le
député de Marquette.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci beaucoup. M. le Président, je vais
être très bref, puisque je vais laisser la chance...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le
député de Marquette. Je veux vous indiquer que votre formation
dispose de 11 minutes, de sorte que vous pouvez intervenir jusqu'à
concurrence de 11 minutes. Allez-y.
M. Dauphin: D'accord. Merci, M. le Président.
Je ne prendrai pas 11 minutes, puisque je vais laisser la chance
à un de nos collègues d'intervenir sur cette motion qui, de par
ses fonctions, effectivement, exerce les fonctions de leader adjoint. Alors, je
vais lui laisser la possibilité d'intervenir sur cette motion.
Trente secondes pour vous dire que, dans les circonstances, M. le
Président, le leader du gouvernement n'avait aucun autre choix que de
nous avoir présenté cette motion de suspension des règles,
puisque la pratique veut... À titre d'exemple ? je suis ici dans ma
treizième année comme parlementaire ? c'était la
même chose sous l'ancienne administration. C'est que, rendu à la
fin de la session, il n'y a pas d'autre alternative pour un gouvernement que de
procéder de la sorte.
M. le Président, je vous remercie, et je vais laisser la chance,
tantôt, à mon collègue, le leader adjoint du gouvernement,
d'intervenir pour les 10 minutes restantes. Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Marquette.
Je suis prêt à entendre le prochain intervenant. M. le
député L'Assomption et chef de l'Opposition officielle, vous
disposez également d'une période de 11 minutes.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, un bon nombre des
commentaires qui ont été faits au sujet de la
nécessité, dit le gouvernement, d'imposer le bâillon
à l'occasion de ce projet de loi, que nous avons devant nous... Puis,
c'était vrai hier, à l'égard de la loi 102, qui imposait
un gel des salaires dans le secteur public. C'était vrai aussi en
décembre dernier, lorsque le gouvernement a fait passer par le
bâillon l'essentiel de son projet de loi. C'était vrai le 22 juin
1992, quand, là, le gouvernement a fait passer, dans la même
journée, 28 projets de loi... à 10 minutes chacun, disait-il.
Mais là, on n'a pas pris les 10 minutes, on a trouvé ça
ridicule. On a simplement demandé le vote nominal sur chaque projet. On
s'en souviendra.
L'argument qu'on voit très souvent réapparaître,
puis de plus en plus souvent maintenant, c'est à peu près ceci:
Si l'Opposition parlait moins... En fait, si elle ne parlait pas du tout,
là, ça irait bien. On pourrait passer les projets de loi. On
vient de l'entendre d'un de nos collègues du Parti
Égalité, il y a 2 minutes, approuvant le gouvernement, et disant:
Mais si seulement l'Opposition parlait moins! Si, vraiment, l'Opposition ne
scrutait pas les articles un à un! Qu'est-ce que c'est, cette
idée d'aller scruter les articles un à un? C'est ridicule! C'est
contraire au système parlementaire, comme on vient de nous le dire, de
scruter les articles un à un!
Taisez-vous et vous n'aurez pas de bâillon! Taisez-vous et on
n'invoquera pas l'urgence! Vos gueules là-dedans! Je suis
désolé, M. le Président, je n'ai pas été
élu pour me taire, moi. Ce n'est pas vrai! Je comprends que, de temps
à autre, ça m'est arrivé de voir des éditorialistes
me dire: S'il se taisait, celui-là, ça irait mieux! Bon. Mais je
ne suis pas obligé d'obtempérer à ce qu'on me
suggère. Je n'aime pas ça qu'on vienne me dire ça en
Chambre, ici. Ça, non! Encore une fois, je n'ai pas été
élu... mes électeurs ne m'ont pas envoyé ici pour
ça.
Est-ce qu'on parle trop? Dans certains cas, c'est vrai. Dire que
l'Opposition ne fait jamais de «filibusters», ça... Bien
sûr qu'on en fait! C'est assez curieux, cependant, que, sur des projets
de loi dont tout le monde se rend compte qu'ils ont une importance
exceptionnelle, ce n'est pas vraiment de «filibusters» dont il
s'agit, de mesures dilatoires. Non, non, non! Non, non! (17 h 20)
Prenons le cas que nous avons devant nous. Nous sommes tous parfaitement
conscients que ce n'est pas un petit ajustement à l'affichage qui est en
cause. Quand on vient nous dire que c'est inspiré des amendements Godin
qui avaient été présentés autrefois, mon oeil!
Est-ce qu'on pense un instant que les amendements Godin parlaient du
bilinguisme dans l'affichage pour à peu près tout le monde?
Qu'est-ce que c'est que ces affaires-là? Oui, c'est vrai, sur le
marquage des pneus, le ministre en charge de la langue française et M.
Godin, député de Mercier, étaient d'accord. Oui! Sur le
marquage des pneus.
Mais on vient nous dire... Non, non! En fait, nous sommes parfaitement
conscients, tous, que la loi 86 touche le fondement même de la loi 101.
La loi 101 proposait un certain genre de société. La loi 86
propose une société différente. Et on a dit: Mais vous
parlez bien trop. Vous avez parlé 9 heures en commission, et le
gouvernement a parlé 8 h 30 min. Mais c'est un abus du processus
démocratique!
M. Chevrette: C'est effrayant!
M. Parizeau: Mais vous bloquez le Parlement! Parce que nous
avons, imaginez, parlé 9 heures en commission! Est-ce que les remarques
préliminaires et les motions...
Vous savez, ça arrive que l'Opposition présente des
motions les unes après les autres. Moi, je me souviens, quand
j'étais ministre des Finances, d'avoir vu nos amis d'en face, dans
l'Opposition, présenter 15 motions sur un projet de loi qui modifiait
les tarifs sur l'alcool et sur le tabac, à partir de l'argument suivant:
Ils voulaient un député qui ne boive jamais de vin et qui ne fume
jamais comme président de la commission. C'était à
l'époque où on les élisait. Ils nous ont fait le
coup pendant 3 jours. Bon! Ça, j'admets que ce sont des mesures
dilatoires.
Est-ce qu'on peut dire à l'égard de ce que nous avons
devant nous que l'Opposition a pris des mesures dilatoires? Il y a eu 1 motion,
M. le Président, en commission, 1. Elle était
déraisonnable, cette motion. Absolument déraisonnable.
C'était une motion à l'effet qu'on nous présente les
règlements qui vont avec la loi parce que la loi dit que l'essentiel
sera décidé par règlement. On a dit: Est-ce qu'on peut
voir les règlements? On va venir nous dire que c'est abusif. Ça a
été la seule motion qu'on a fait. Et on en a parlé pendant
? savez-vous combien de temps? ? 1 h 20 min.
Non, le problème n'est pas là. Ça ne peut pas
être ça. Ça ne peut pas être ça, parce que
l'Opposition parle trop qu'on est obligé de recourir au bâillon.
Il y a autre chose. C'est qu'au fond les consultations faites dans le public
par le gouvernement n'ont pas très bien tourné pour lui. Ses amis
traditionnels, par exemple, dans les milieux d'affaires, sur tant de projets de
loi, là-dessus, ne l'ont pas tellement bien suivi.
La Chambre de commerce du Québec qui dit: II ne faut pas toucher
à ça. L'Association des manufacturiers du Québec dit: Moi,
je ne veux pas toucher à ça. Alors, je ne sais pas. On dit, de
l'autre côté: Qui ne dit mot consent. Ah! Ah! Allons donc! Alors,
on sait très bien qu'une des raisons pour laquelle elles ne voulaient
pas venir, ces associations-là, c'est qu'elles avaient de la
difficulté à faire l'unanimité sur quoi que ce soit
là-dedans. C'était très divisé.
Il est venu quoi? Le maire de Rosemère, dans le domaine
municipal. Pas l'Union des municipalités du Québec, ils n'ont pas
voulu toucher à ça. Pas l'UMRCQ, ils n'ont pas voulu toucher
à ça. Il est venu le maire de Rosemère dire merci. Je
comprends donc, hein! Il est venu la chambre de commerce de Montréal.
C'était le prix de sa fusion avec le Board of Trade. Évidemment,
ils étaient d'accord. Le Conseil du patronat a dit: Oui, mais on est
d'accord avec 86, mais, quand même, appliquez-la pas trop. C'est
dangereux, cette loi.
Le maire de Montréal, dans le domaine municipal, est venu dire:
Voici, moi, j'ai une formule pour l'affichage. Le maire de Québec a dit:
Ne touchez pas à ça. Dans les 2 cas, la position était
incompatible avec la loi 86. On le reconnaîtra. C'est absolument
incompatible avec la loi 86. Ça a mal tourné, leurs affaires.
Dans le domaine de l'enseignement, voulez-vous bien me dire qui appuie
votre position, vous?
Une voix: Le PSBGM.
M. Parizeau: Oui, oui, bien sûr, je comprends donc, le
PSBGM est bien d'accord. Mais, du côté de l'enseignement, des
milieux de l'enseignement francophone, qui vous avez comme appui? Et je ne
parle pas seulement de l'enseignement primaire ou secondaire ou de ceux qui
sont impliqués dans les commissions scolaires. Ça ne vous frappe
pas, vous, que 370 professeurs d'université, M. le Président,
dénoncent la loi 86? Moi, j'ai été professeur
d'université pendant longtemps, pendant au-delà de 30 ans. Je
n'ai jamais vu ça, moi, 370 professeurs d'université qui signent
une pétition dans un sens ou dans l'autre. C'est la première fois
que ça arrivait. Ça n'a pas été très bien,
leurs affaires.
Alors, là, on comprend un peu mieux. Pourquoi est-ce qu'ils
auraient continué un débat qui, au fond, tournait de plus en plus
mal au fur et à mesure où ils avançaient? Ce n'est pas
très drôle, ce matin, le dévoilement de l'avis juridique de
M. Ramsey Clark, sous-ministre de la Justice du président Kennedy,
ministre de la Justice sous le président Johnson, pas très
drôle, pas très drôle du tout, contredisant
complètement les avis dont on a dit qu'ils venaient des Nations unies,
parce qu'on leur a donné un sens qu'ils n'ont jamais eu, à ces
avis-là. Tout tournait mal. Au fond, c'est un débat qu'il fallait
arrêter.
L'urgence? Ah oui! l'urgence. L'urgence de quoi? D'arrêter ce
débat-là. Parce qu'on sait très bien ce qui va se
produire. Vous arrêtez le débat ici, en Chambre. Dans ces
conditions, le débat va cesser dans les journaux. Et, donc, dans 4, 5
jours, vous direz: Ouf! On a traversé un mauvais moment. C'est
ça, l'idée. Qu'est-ce qu'on veut garder, au bout du compte? On
veut garder l'impression, dans les milieux anglophones, que le gouvernement est
de leur côté et que, pour la prochaine élection, ce
gouvernement, qui a eu maille à partir avec beaucoup d'anglophones
à cause de ses promesses non remplies de 1985, est capable d'arriver en
campagne électorale en disant: Aïe! Vous voyez, là, je les
ai satisfaites, en retard peut-être, mais je les ai satisfaites, mes
promesses de 1985. C'est ça, au fond, l'urgence: arrêter un
débat qui tournait de plus en plus mal pour le gouvernement. Il n'avait
plus rien à attendre de ce débat-là, au contraire.
C'est ce qui fait, M. le Président, que nous n'aurons
discuté, en commission, ni des changements à apporter au
système d'éducation... Du tout, pas un mot. On n'en aura pas
discuté. De la francisation des entreprises, on n'en aura pas
parlé du tout. De l'abolition de la Commission de protection de la
langue française, pas un mot, hein! On va voter ça en bloc, tout
à l'heure. Toutes ces questions-là, c'est peu de chose,
l'enseignement, le travail et l'administration, dans une société.
Eh bien, nous allons être forcés de voter ça en bloc parce
que le gouvernement a décidé qu'il était urgent
d'arrêter un débat qui tournait mal pour lui.
Merci, M. le Président.
M. Libman: Article 213, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de
l'article 213, M. le chef de l'Opposition, est-ce que vous acceptez de
répondre à une question? Vous acceptez. Alors, courte question,
courte réponse.
Allez-y, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Est-ce que le chef de l'Opposition,
qui a mentionné qu'il y avait beaucoup de satisfaction pour ce
projet de loi, reconnaît le fait que tous les intervenants du milieu
anglophone au Québec sont venus exprimer leurs inquiétudes
à l'effet que le projet de loi 86 ne va pas assez loin pour satisfaire
certaines inquiétudes de la communauté anglophone?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le chef de
l'Opposition officielle.
M. Parizeau: M. le Président, et je les félicite,
ils ont réussi à obtenir de ce gouvernement beaucoup plus qu'il y
a encore 3 mois ils pensaient obtenir. L'appétit venant en mangeant, ils
sont venus dire qu'ils en voulaient davantage. Bravo pour eux!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, votre
intervention, M. le chef de l'Opposition, a épuisé l'enveloppe
qui était mise à la disposition de votre formation.
M. le député de Drummond, vous avez droit à une
intervention de 5 minutes.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président.
Dans les 300 secondes que vous allez m'allouer... Dans les 300 secondes
que vous m'allouez, M. le Président, j'aimerais rétablir quelque
chose. Lorsqu'on a accepté la recevabilité ? et, c'est
devenu une tradition, de la part du leader, de dire des
demi-vérités. M. le Président, je laisserai mes citoyens
et mes citoyennes juger ? il a mentionné qu'on avait adopté
un projet de loi pour aider le député à avoir un budget de
recherche et que pour ça il pourrait peut-être avoir...
reconnaissant toutefois, ayant eu cette honnêteté intellectuelle,
je vais lui le reconnaître, de dire: Eh bien, peut-être qu'il n'a
pas engagé ses gens. (17 h 30)
M. le Président, j'aimerais rappeler au leader du gouvernement,
parce qu'il n'a pas le droit d'ignorer les procédures et les
règles, les coutumes de cette Assemblée ? est-ce que c'est
voulu ou est-ce que c'est par méconnaissance de nos procédures,
M. le Président? ? j'aimerais lui rappeler que le bureau,
après que la loi a été adoptée, a à se
réunir et à statuer sur le montant. Donc, je n'ai aucun montant,
à l'heure actuelle, M. le Président, pour engager des fonds pour
avoir des recherches.
M. le Président, lorsqu'on parle de l'urgence et de la
recevabilité, lorsque j'ai eu à intervenir sur l'adoption de
principe, j'avais établi les quatre paramètres. J'avais dit aussi
que ce qui guiderait le député de Drummond, M. le
Président, c'était un peu la philosophie qu'on nous enseignait
dans mon temps, qui voulait que, depuis Aristote aussi, on savait que, toute
chose égale... des choses différentes, les traiter
également, c'est faire une injustice. Alors, c'était le
paramètre qui était pour me guider dans ce projet de loi, M. le
Président, avec les moyens qu'on m'a donnés.
Encore là, j'aimerais rappeler que le projet de loi 10, qui a
donné au député de Westmount un projet de recherche, a
été adopté dans la même journée, le 14 mai
1992, et, dans le cas du député de Drummond, ça a pris
au-delà de 6 mois. Je laisserai encore les gens juger, M. le
Président, le motif, parce que vous allez me dire que je n'ai pas le
droit d'imputer des motifs à quelqu'un d'autre. Je laisserai mes
citoyens et mes citoyennes et ceux qui nous écoutent dire pourquoi
ça a pris moins de 10 minutes, dans un cas, le 14 mai 1992, et
au-delà de 6 mois dans le cas du député de Drummond, M. le
Président.
Mais, ceci étant dit, M. le Président, vous allez
comprendre que je ne pourrai pas arriver tout à l'heure et
déposer des amendements parce qu'au moment où je vous parle, M.
le Président, je ne sais... Et j'ai essayé de suivre, le soir et
une partie des nuits, les amendements, parce que je ne peux pas être dans
n'importe quelle commission parlementaire, je suis seul, M. le
Président. Et j'ai essayé d'avoir les amendements, M. le
Président, et d'avoir le dépôt des règlements.
Au moment où je vous parle, est-ce que j'ai tous les
règlements, M. le Président, est-ce que j'ai tous les amendements
qui seront apportés? Je ne le sais pas. J'aurais aimé, moi,
lorsque le leader du gouvernement s'est levé pour plaider l'urgence, M.
le Président, qu'il nous déclare: MM. les parlementaires, tout ce
qui a été déposé à la commission comprend
l'intégralité des amendements qu'il y avait au projet de loi et
des règlements à être déposés, et on va
espérer que le député de Drummond, n'ayant pas cette
information-là, va être capable de suggérer des
amendements, M. le Président. Non.
Et je ne crois pas, M. le Président, qu'on avait atteint la
limite de ce projet de loi là. J'ai dit et je répète, M.
le Président, qu'un projet de loi se doit d'être porteur d'avenir.
Un projet de loi se doit d'être quelque chose qui va réunifier. Je
me serais attendu à un projet de loi, M. le Président, qui aurait
été un nouveau pacte linguistique au Québec. Est-ce que
c'est ça que je retrouve, à ce moment-ci, avec les amendements
que j'ai, avec les règlements que j'ai? Je vais laisser à nos
citoyens et nos citoyennes le soin d'y répondre.
Mais, M. le Président, je peux comprendre peut-être un peu
le sens de l'urgence, aux lettres que je reçois dans mon bureau. J'ai le
privilège de représenter une circonscription électorale
qui est à la limite de la région 05 administrative, qui sont les
Cantons-de-1'Est, où on a une bonne communauté anglophone, M. le
Président, et j'ai le plaisir de recevoir de la communauté
anglophone beaucoup de correspondance et d'échanger avec elle. Et je
sais les attentes de la région. Pour la Townshippers' Association, M. le
Président, je sais quelles sont les attentes. Et je dois vous dire que
ce que je lis comme correspondance et ce que je retrouve dans le projet de loi,
ça ne satisfait pas non plus les attentes de la communauté
anglophone. Alors, il ne satisfait pas,
M. le Président, les attentes de la communauté anglophone.
Et, chez moi, dans ma région, en tant que député de
Drummond, lorsque je parle à mes citoyens et à mes citoyennes, M.
le Président, il ne satisfait pas non plus les attentes de la
communauté francophone.
M. le Président, lorsqu'un projet de loi n'est pas
terminé, lorsqu'il n'est pas complété, on devrait faire ce
que Boileau a toujours dit: Sur le métier, 20 fois remettez votre
ouvrage, pour être capable de le bonifier et arriver à la fin, M.
le Président, avec un projet de loi qui est porteur d'avenir et porteur
d'union. Et, dans ce cas-ci, M. le Président, je vous avise d'ores et
déjà que je voterai contre cette motion.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Drummond.
M. le député de Mille-Îles et leader adjoint du
gouvernement, vous avez droit à une intervention de 10 minutes.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, M. le Président.
M. le Président, ce sera la quatrième fois que je me
lève sur le projet de loi 86 depuis son introduction en cette Chambre,
sur, bien entendu, la motion d'urgence présentée par le leader du
gouvernement et ministre de l'Environnement. «Urgence», M. le
Président, peut signifier plusieurs choses. Lorsqu'on se
réfère au petit dictionnaire Larousse, on dit qu'il est urgent de
faire quelque chose lorsqu'il est nécessaire de faire tout de suite
quelque chose, quelque chose qui ne peut être différé dans
le temps. Ça n'a aucune relation avec une urgence santé, lorsque
la santé de quelqu'un est en péril. Lorsqu'on dit qu'il y a
nécessité de faire quelque chose, «urgence», il faut
l'entendre dans cette signification.
Or, quels sont les motifs de la nécessité de
procéder immédiatement à l'adoption du projet de loi 86?
Il y en a plusieurs, M. le Président. Alors, dans les quelque 10 minutes
que j'ai à ma disposition, je vais tenter de vous les donner point pas
point.
Premier motif. Un motif, d'abord, de rationalité. M. le
Président, lorsque l'Opposition nous a présenté, par la
députée de Chicoutimi, la critique en matière de langue,
une motion de report pour reporter de 6 mois l'étude du projet de loi et
lorsque le chef de l'Opposition a dit très clairement en cette
Assemblée que, si un gouvernement du Parti québécois
était élu à la prochaine campagne, il abrogerait la loi
86, M. le Président, nous allons faire perdre le temps de cette Chambre,
l'argent des citoyens, les dollars des citoyens à retarder l'adoption de
ce projet de loi? D'abord, un motif de rationalité. deuxième
motif. il est nécessaire, m. le président, pour un motif de
légitimité politique, d'exprimer la voix de la très grande
majorité des québécoises et des québécois:
70 % des québécoises et des québécois ont dit, m.
le président, dans les différents sondages, que, oui, ils
étaient en accord avec la position du gouvernement du Québec.
Donc, nous sommes ici, M. le Président, pour une chose:
représenter la véritable volonté de la très grande
majorité des Québécois et des Québécoises,
et non pas se plier à des jeux parlementaires pour le
bénéfice de parlementaires de l'Opposition qui amusent la galerie
et les caméras.
Troisième motif, M. le Président, pour lequel il est
nécessaire, urgent, de procéder à l'adoption du projet de
loi 86. Un motif d'incompréhension fondamentale de la part des membres
de l'Opposition. C'est venu de quelqu'un qui a été candidat du
Parti québécois dans Louis-Hébert, Me Guy Bertrand.
Ça a été toute une gifle et toute une claque qu'il leur a
données, M. le Président. Il a dit, et je vais citer Me Guy
Bertrand: II faut sortir du passé et mettre fin à ces discours
démodés et haineux des frustrés de l'élite
nationaliste. On doit cesser les discours qui visent à
désinformer le peuple, à lui faire peur et à sombrer dans
la paranoïa.» Fin de la citation.
Alors, Me Bertrand, qu'est-ce qu'il nous disait? Qu'est-ce qu'il leur
disait à ses compagnons d'armes, peut-être à ses
ex-compagnons d'armes? C'est qu'ils étaient totalement
dépassés, qu'ils étaient enfermés dans la
garde-robe des souvenirs linguistiques, d'une autre période, d'une autre
ère préhistorique, M. le Président. Il leur disait, en
plus, et je lis un autre motif, c'est ceci, je cite Me Bertrand: «On n'a
plus le droit, dans une situation de crise économique, de susciter la
révolte par des discours qui vont faire dire aux investisseurs: Encore
un Québec déstabilisé à cause de la politique
linguistique!, alors qu'on a besoin d'eux et qu'on ne sait pas comment les
citoyens vont s'en sortir.»
Motif, M. le Président, de santé économique. La
nécessité d'attirer des investisseurs pour créer des
emplois pour les Québécoises et les Québécois.
Cessez cette paranoïa. L'urgence de voter le projet de loi 86, M. le
Président, c'est un motif de thérapie collective. Cessez de vivre
cette paranoïa, la peur de F«enclosphobie». Il n'y a personne
qui va bouffer, effectivement, les francophones au Québec. On en a fait
la preuve avec nos lois linguistiques. On s'est très bien
protégé et on s'est développé. Je pense que c'est
un motif d'urgence, dans le sens de la nécessité de faire quelque
chose. (17 h 40) ii y a un motif évident, m. le président, un
motif de nécessité, un motif de déconnection de la part de
l'opposition, avec la base même de leurs militants. m. le
président, dans le sondage crop-la presse, le 27 mai 1993 ?
ça ne fait pas longtemps, ça ? 60 % des électeurs qui
ont voté parti québécois en 1989 se disent en accord et
acceptent l'affichage bilingue; 60 %. je comprends bien que le leader de
l'opposition et le chef de l'opposition veulent faire un baroud d'honneur alors
que, là, littéralement, le tapis leur est retiré en
dessous des pieds, que leur base électorale leur dit même: vous
n'êtes pas du tout dans la bonne voie. vous errez. vous vous trompez,
effectivement, de train. vous n'êtes pas
embarqués dans la bonne locomotive. Vous n'allez pas au bon
endroit. Et ils continuent tout simplement à déchirer leur
chemise ici, à l'Assemblée nationale, pour dire que le
gouvernement est autoritaire en présentant la motion que le leader du
gouvernement vient de présenter. bien plus, m. le président, je
pense que la nécessité est la mère de la motion
présentée par le leader du gouvernement, et je m'explique. plus
de 80 % des québécoises et des québécois, dans le
sondage som-le soleil du 22 mai 1993 ? il y a moins de 3 semaines
? 80 % des québécoises et des québécois ont
dit qu'ils étaient d'accord avec des bains linguistiques. il y a
peut-être seulement la députée de chicoutimi qui est en
désaccord avec ça, m. le président, mais c'est son
problème et ce n'est pas le problème des
québécoises et des québécois. et les
québécoises et les québécois n'en ont rien à
foutre de ce que la députée de chicoutimi ou de ce que les
députés de l'opposition... quand il y a 4 personnes sur 5, 8
personnes sur 10 qui disent: oui, on veut que nos enfants, pas qu'ils soient
obligés...
Parce que j'écoutais le leader de l'Opposition nous dire: Ils
vont être obligés. Bien, voyons donc! Ce n'est pas ça du
tout. Ça, c'est de la désinformation, c'est ne pas
connaître ce qu'est un bain linguistique. Ça ne sera pas une
obligation, ça va être une possibilité, un droit
additionnel pour que nos jeunes soient mieux instruits dans une seconde langue,
qu'ils aient des talents de plus pour mieux performer dans l'économie
nord-américaine, dans l'économie canadienne, dans
l'économie américaine continentale qui vient de s'ouvrir avec le
traité de libre-échange.
Il est évident, M. le Président, que le dernier motif de
nécessité, d'urgence, nécessité dans le sens qu'il
est nécessaire de faire tout de suite quelque chose... Et je voudrais
vous livrer ça, M. le Président, pour tenter un peu de
dérider tout le monde, parce que j'ai entendu, au cours des
débats, des termes qui ne sont pas tout à fait parlementaires. Le
motif, c'est un motif d'humanité envers les députés de
l'Opposition. Je m'explique, M. le Président. Il est absolument,
irrévocablement urgent que la menace du chef de l'Opposition, le
député de l'Assomption, soit celle de botter le derrière
de ses députés qui ne comprennent pas l'anglais... Si ce
n'était pour leur permettre de continuer de siéger à
l'Assemblée nationale jusqu'à la fin de session, assis sur leur
siège, il y aurait urgence et nécessité d'adopter la
motion du leader du gouvernement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): L'intervention du
député de Mille-Îles épuise l'enveloppe
réservée aux députés ministériels.
M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Oui, M. le Président. Est-ce que je pourrais
poser une question au député de Mille-Îles?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous acceptez de
répondre à une question, M. le député de
Mille-Îles? Allez-y. Courte question, courte réponse.
M. Beaulne: Oui, M. le Président. Comment le
député de Mille-Îles, qui a fait, dans son
préambule, l'apologie de la rationalité, peut-il expliquer qu'il
fait de Me Guy Bertrand un héros lorsqu'il critique les positions
linguistiques du Parti québécois, alors que, pendant des
années, lui et ses collègues l'ont vilipendé sur la place
publique en raison de ses prises de position souverainistes?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Vous savez, M. le Président, il est
permis, effectivement, à toute personne de connaître son chemin de
Damas et de se repentir. Et je pense que, dans le présent cas, Me
Bertrand a bien compris, lors d'un congrès de juristes aux
États-Unis, qu'il était dans l'intérêt des
Québécoises et des Québécois que le projet de loi
86 soit adopté. Et je ne pense pas que c'est être illogique que de
reconnaître ses propres torts.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, le débat
sur la motion de suspension des règles est terminé. Je vais
maintenant mettre aux voix la motion du leader du gouvernement.
Vous demandez le vote nominal? Qu'on appelle les députés.
(17 h 46 - 17 h 54)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je mets aux voix la
motion du leader du gouvernement proposant la suspension de certaines
règles de procédure en vertu des articles 182 et 183 de notre
règlement.
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Ryan
(Argenteuil), M. Côté (Charlesbourg), M. Bourbeau (Laporte), M.
Dutil (Beauce-Sud), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Sirros
(Laurier), M. Rivard (Rosemont), Mme Robic (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac),
Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle (Mille-Îles), M.
Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Ciaccia (Mont-Royal), Mme Robillard
(Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M.
Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), Mme Trépanier (Dorion), M.
Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme
Bégin (Bellechasse), Mme Pelchat (Va-chon), M. Paradis
(Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice),
M. Thérien
(Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin
(Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Richard
(Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), M. Bradet (Charlevoix), M.
Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin
(Verdun), M. Forget (Prévost), M. LeSage (Hull), M. Gobé
(LaFontaine), M. Jo-ly (Fabre), M. Lafirenière (Gatineau), M. Bordeleau
(Acadie), M. Parent (Sauvé), M. Brouillette (Cham-plain), M. Audet
(Beauce-Nord), Mme Cardinal {Châ-teauguay), M. Després (Limoilou),
Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance (Iberville), M.
MacMillan (Papineau).
M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette
(Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Biais
(Masson), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Baril
(Arthabaska), Mme Caron (Terrebonne), M. Du-four (Jonquière), M. Lazure
(La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M.
Léonard (Labelle), M. Paré (Shefford), M. Boulerice
(Sainte-Marie?Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), M. Holden (Westmount), M.
Trudel (Rouyn-Noran-da?Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme
Car-rier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger
(Anjou), M. Saint-Roch (Drummond).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des
abstentions?
Le Secrétaire: pour: 59 contre: 23 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est
adoptée.
M. le leader du gouvernement, M. le leader adjoint.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Dans
les circonstances, je vous demanderais de reconnaître le président
de la commission de la culture pour dépôt de son rapport.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Louis-Hébert.
Dépôt du rapport de la commission
qui a fait l'étude
détaillée
du projet de loi 86
M. Doyon: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de la culture qui a
siégé, les 9, 10, 11 et 14 juin 1993, afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi
modifiant la Charte de la langue française. L'étude du projet de
loi n'a pas été complétée.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors,
conformément à ce qui apparaît dans la motion que nous
venons tout juste d'adopter, je suspends les travaux jusqu'à 19
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 14)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez
prendre place. Merci.
Prise en considération du rapport et des
amendements déposés
Alors, conformément à la motion adoptée cet
après-midi, l'Assemblée va maintenant entreprendre le
débat sur le rapport de la commission de la culture qui a
procédé à l'étude détaillée du projet
de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue française.
Je rappelle les temps de parole: un maximum de 60 minutes, 25 minutes au
groupe parlementaire formant le gouvernement, 25 minutes au groupe
parlementaire formant l'Opposition officielle, 5 minutes au groupe des
députés indépendants et 5 minutes au ministre qui
présente le projet pour qu'il puisse exercer son droit de
réplique.
Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, M.
le ministre délégué en ce qui concerne la Charte de la
langue française.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, nous voici rendus au terme d'un
exercice qui dure depuis le mois de décembre dernier. En 1988, lorsque
l'Assemblée nationale adoptait la loi 178, il fut clairement compris de
tout le monde, parce que c'est une exigence découlant de la
Constitution, que nous devrions revenir 5 ans plus tard au sujet de la fameuse
clause dérogatoire que l'Assemblée avait invoquée pour
justifier le maintien de Punilin-guisme français dans l'affichage
extérieur. Alors, comme la loi 178 fut adoptée en 1988, il
était écrit, de manière inéluctable, que nous
devrions revenir en 1993. Nous l'avons fait avec franchise, ouverture et
«graduaiisme». Nous avons institué la première
démarche dès le mois de décembre par
l'intermédiaire d'une lettre que j'adressais au Conseil de la langue
française afin de lui demander son avis sur 5 questions
différentes qui résumaient des problèmes observés
au cours des années antérieures.
Le Conseil de la langue française, conformément à
la demande qui lui avait été faite, m'adressait un avis sur
chacune des questions que je lui avais soumises à la fin du mois de mars
de la présente année. À la suite de cet avis du Conseil,
nous avions prévu que le gouvernement consulterait le Conseil
général du Parti libéral du Québec. Nous l'avons
fait ouvertement, publiquement. Vers la fin du mois d'avril,
c'est-à-dire à peu près 3 semaines après que l'avis
du Conseil de la langue française eut été rendu public, le
Conseil général du Parti libéral du Québec se
réunissait et adoptait, lui aussi, une position claire sur les questions
reliées à la Charte de la langue française, en particulier
les questions qui avaient déjà fait l'objet d'une demande d'avis
au Conseil de la langue française.
À la suite de cette réunion du conseil
général du parti, au cours de laquelle il fut
décidé que, tout en maintenant les objectifs fondamentaux de la
Charte de la langue française, il convenait d'y apporter certains
assouplissements, en particulier concernant la langue de l'affichage et la
langue de l'enseignement ainsi que la langue des organismes municipaux,
scolaires, hospitaliers, sociaux ou éducatifs. Nous connaissons tous les
grandes lignes de la position adoptée par le conseil
général du Parti libéral.
À la suite de cette réunion, le Conseil exécutif,
le gouvernement, après avoir consulté le caucus
ministériel, comme nous le faisons à peu près toujours
d'ailleurs ? c'est une des plus belles caractéristiques du
système actuel de gouvernement, que nous avons un Conseil
exécutif qui travaille en étroite consultation avec le groupe des
députés ministériels ? alors, les 2, le Conseil des
ministres et le caucus ministériel, furent amplement consultés,
et c'est après avoir fait toutes ces consultations que j'avais l'honneur
de déposer en cette Chambre, avant la mi-mai, un projet de loi
décrivant les modifications que nous avions décidé de
proposer à l'Assemblée nationale.
Le projet de loi 86 a été amplement discuté.
Personne ne peut soutenir qu'ils n'auraient pas eu le temps d'en discuter. Il a
été mis sur la place publique avant l'échéance du
15 mai dernier. Nous l'avons déposé plusieurs jours avant
l'échéance, si mes souvenirs sont bons. Nous avons entendu
à travers la presse, à travers les médias radiophoniques
et télévisés, à travers des discussions de toutes
sortes dans nos circonscriptions respectives, à travers les longues
séances de travail de la commission parlementaire de la culture à
l'Assemblée nationale, à travers les très nombreuses
questions qui nous furent adressées ici même au salon bleu
à l'occasion des périodes quotidiennes de questions depuis le
début de la session... La commission parlementaire a eu la chance de
discuter tous les éléments importants qui sont dans le projet de
loi. (19 h 20)
Maintenant, il est clair que nous devons en venir à une
conclusion. On voudrait bien que nous attendions jusqu'à l'automne et,
après ça, on nous traînerait jusqu'au mois de novembre,
après ça on nous traînerait jusqu'à la veille de
l'ajournement, en décembre, et là on dirait: Bien, ne faites
rien. Ne faites rien, ce n'est pas conforme à ce que nous pensons.
Ce n'est pas comme ça qu'un gouvernement doit se conduire. Un
gouvernement n'agit pas pour plaire à l'Opposition. Je n'ai jamais connu
de gouvernement dont c'eut été la règle de conduite. Un
gouvernement agit pour donner forme concrète, à travers des
actions, à travers des programmes, aux convictions qu'il s'est
engagé à défendre devant la population. Et je pense que
les modifications que nous apportons, avec le projet de loi 86, à la
Charte de la langue française, traduisent fidèlement les
orientations du Parti libéral du Québec. Et je résumerai
brièvement les principales modifications que le projet de loi apporte
à la Charte.
Je souligne tout d'abord que les principes fondamentaux demeurent les
mêmes. La langue française demeure la langue de l'enseignement, de
l'administration publique, des affaires et du commerce, des communications
ordinaires du gouvernement avec les citoyens, etc. Tous ces principes de fond
demeurent, mais des assouplissements sont apportés parce que nous ne
sommes pas une société homogène. Nous pouvons bien nous
faire accroire que nous sommes une société où on ne parle
qu'une langue et où nous sommes tous pareils, mais il suffit de se
promener, à Montréal en particulier, pour constater que ce n'est
pas ça, la réalité. La réalité, c'est que
nous avons une société extrêmement diversifiée, M.
le Président, et de plus en plus, de plus en plus. Alors, il faut bien
que les rapports humains se ressentent de cette diversification qui se produit
dans la société et que nous trouvions des règles de
conduite qui conviennent mieux à cette réalité multiforme
qui est de plus en plus celle du Québec.
Alors, le premier changement que nous apportons dans notre Charte
concerne la langue de la justice et de la législation. Depuis un temps
immémorial, M. le Président, à tout le moins depuis la
Confédération, depuis le siècle dernier, les
procédures devant les tribunaux du Québec se déroulent en
français ou en anglais. La Constitution canadienne établit,
depuis 1867, que l'une ou l'autre langue peut être utilisée
librement devant les tribunaux, selon la volonté de la personne qui
intervient. S'il s'agit d'un avocat, d'un juge, d'un témoin ou d'un
technicien appelé à donner son assistance au tribunal, cette
personne peut, en vertu de notre Constitution, intervenir dans sa langue.
Ça a toujours été la règle depuis 1867. Ça
l'est encore aujourd'hui et ça n'a jamais cessé de l'être.
Mais certains s'étaient imaginé, parce qu'on avait inscrit dans
la Charte des dispositions contraires... Dans la Charte, on voulait faire
croire à la population que seul le français était la
langue de la législation et de la justice. Nous imprimons toutes nos
lois dans les 2 langues, à l'Assemblée nationale. Tous les
règlements édictés par le gouvernement sont
édictés en français et en anglais, mais la Charte ne
disait pas ça. La Charte parlait aux Québécois. C'est la
Charte, nous l'appelons la Charte à cause de l'importance souveraine
qu'elle revêt dans notre vie collective.
Elle leur tenait un langage qui n'était pas conforme à la
réalité historique, à la réalité juridique,
à la réalité quotidienne.
Je connais assez bien la réalité juridique
montréalaise pour l'avoir observée de près pendant des
années. Il y a 3 de mes enfants qui sont dans la profession juridique,
et nous savons tous que, dans cette profession, la très grande
majorité des intervenants sont aptes à fonctionner en
français et en anglais. Ils ont besoin de fonctionner en anglais au
moment le plus inattendu. Il peut arriver qu'une personne soit un champion d'un
nationalisme très exacerbé et que se présente devant elle
un client qui vient de Hong Kong, de New York, de Winnipeg ou de Vancouver. Il
faudrait bien qu'elle travaille de manière à donner satisfaction
à son client. C'est un avantage que les pièces faites dans l'une
ou l'autre langue puissent avoir une valeur officielle auprès des
tribunaux pour toutes les fins des décisions que sont appelés
à rendre les tribunaux.
Alors, voilà quelle est notre situation. Il fallait la traduire
fidèlement dans la Charte de la langue française, c'est ce que
nous faisons. Dans une première partie du projet de loi 86, nous
apportons à la Charte toutes les modifications qui permettent d'affirmer
publiquement, sans crainte d'être contredits, que cette Charte
décrit fidèlement les conditions dans lesquelles sont
appelés à fonctionner ceux qui sont impliqués directement
dans le processus judiciaire et le processus législatif. Certains
verront dans ces ajustements un recul ou une démission, j'y vois
plutôt l'expression d'une attitude plus civilisée. Plus on fait de
place à la liberté de chacun, surtout dans des choses aussi
fondamentales que la justice et la législation, plus je pense qu'on a
raison d'être fiers, parce que c'est signe qu'on agit d'une
manière plus élaborée, plus exigeante et plus respectueuse
des personnes. Alors, voilà le premier point.
Deuxième point: la langue de l'administration. On appelle
administration non seulement le gouvernement, mais tous les organismes qui
gravitent autour du gouvernement, financés par le gouvernement ou
dirigés suivant des programmes ou des règles fixés par le
gouvernement. Je pense aux hôpitaux, par exemple, commissions scolaires,
les collèges, les services sociaux, autant d'institutions qui font
partie de ce qu'on appelle l'administration. Or, la règle que
définit la Charte, c'est la règle du français dans
l'administration. C'est dit clairement que partout, dans tout ce qu'elle fait,
l'administration doit utiliser la langue française.
Mais il y avait certaines dispositions qui demandaient des ajustements.
Par exemple, quand il s'agit de santé ou de sécurité
publique, là, il faut bien tenir compte du fait que nous avons
peut-être 15 % de la population au Québec qui a comme langue
d'usage la langue anglaise. Et les messages en matière de santé
et de sécurité publique ne sont pas conçus pour plaire
d'abord à la Société Saint-Jean-Baptiste ou au Mouvement
national des Québécois, ils sont conçus pour assurer la
protection de la santé et de la sécurité des personnes,
quelle que soit leur langue, quelles que soient leur culture et leur origine.
Le sens commun nous indique que, si ces messages traitant de
sécurité et de santé sont adressés à 15 % de
la population dans la langue qu'elle comprend le mieux, ça devrait
être plus efficace et plus utile que s'ils sont adressés dans une
seule langue. C'est tellement évident que je pense que c'est un point
sur lequel l'Opposition finira par se rendre à l'évidence. C'est
une question d'évidence, M. le Président.
Il y avait un autre point que je mentionne, là. Nous avons des
musées publics, des jardins botaniques, des jardins zoologiques
où nous sommes extrêmement heureux et même désireux
d'accueillir des visiteurs de l'Ontario, des provinces maritimes, de l'Ouest
canadien, des États-Unis, de partout, mais surtout, ces visiteurs
viennent du continent, puis ces visiteurs, dans une très grande
majorité sont des visiteurs de langue anglaise. Jusqu'à ce jour,
les inscriptions dans ces musées, là, sous les objets... Vous
allez au Jardin botanique, vous allez à l'Insectarium qui est à
côté du Jardin botanique, vous allez à des musées
qui sont maintenus par le gouvernement, toutes les inscriptions doivent
être uniquement en français. Avoir une inscription qui va
être dans une autre langue à côté de l'inscription
française, ça ne fera de mal à personne, mais ce
n'était pas autorisé avant l'intervention législative que
nous faisons avec le projet de loi 86. Nous le rendrons possible.
Il y avait une autre chose, là, bien élémentaire.
Quand un ministre écrit à son homologue de l'Ontario ou de la
Colombie-Britannique, il doit lui écrire, en vertu de la Charte,
uniquement en français. Nous n'avons pas d'objections, nous maintenons
l'obligation d'écrire en français à un gouvernement
extérieur au Québec, mais, actuellement, il n'est pas sûr
que le ministre puisse ajouter une copie en anglais dûment signée
de sa main. Il y a des ministres qui ont reçu des conseils de leurs
avocats, leur disant: Vous ne devez pas initialer ou signer cette lettre,
ça risquerait de lui donner un caractère qui engage le
Québec. Alors, signez seulement la lettre française, puis envoyez
l'autre sans signature. Qu'est-ce qu'on a l'air au bout de la ligne, chez le
destinataire? Il faut se rendre à l'évidence. Moi, en tout cas,
je vous le dis franchement, j'ai déjà signé ces copies de
lettre, je n'ai pas demandé de permission à personne, mais avec
la modification que nous apportons à la Charte, nous pourrons le faire
en toute sécurité, puis les esprits étroits qui voudraient
contester de telles pratiques, bien, en auront pour leurs inquiétudes,
tout simplement.
En matière de signalisation routière, il y a des endroits
où c'est très dangereux. Il peut arriver qu'il y ait un gros trou
qui ait été causé dans le chemin, en plein milieu de la
route, à un moment donné, qu'il faille mettre des affiches
d'urgence. Que l'affiche soit en français et dans la langue de 15 % de
la population, surtout dans une région comme celle de Montréal,
c'est une affiche qui est temporaire, de toute manière, qui doit
répondre à une situation urgente. Le danger d'accident est aussi
grand pour celui qui parle français que pour celui qui parle la langue
de la minorité. (19 h 30)
Alors, on se dit, dans ces cas-là, le ministre des Transports,
qui n'est pas un impotent, pourra prendre ses responsabilités et juger
par lui-même en l'absence de pictogrammes. On dit, le message sera en
français si on peut trouver un pictogramme pour l'exprimer comme il en
existe pour la plupart des situations routières. Le ministre devra
utiliser le pictogramme. Mais, en l'absence d'un pictogramme approprié,
le ministre pourra utiliser une autre langue.
La situation la plus commune, c'est celle de Sainte-Madeleine, quand on
s'en va vers Québec et qu'on approche de Saint-Hyacinthe. Il existe une
zone de brouillard très dangereuse. On a cherché un pictogramme
qui traduirait cette situation. On n'en a point trouvé. On doit se
contenter d'une affiche qui est uniquement en français. Bien, qu'on
mette l'expression «brouillard» également en anglais. Si le
ministre en décide, c'est lui qui décidera parce qu'il a le
pouvoir réglementaire pour le faire. Je pense que personne ne va mourir,
puis personne ne doit crier au scandale. Je pense qu'il est temps que nous
agissions comme des adultes, M. le Président, et c'est ça que
permettra le projet de loi 86.
Je parle de l'affichage commercial, quant à y être. Nous
avions une législation qui permettait l'affichage dans une langue autre
que le français à l'intérieur des petits
établissements, des établissements de taille moyenne aussi. Mais,
à l'extérieur, ça n'était pas permis. Plus nous
faisons l'expérience, ça fait 15 ans que la Charte dure, nous
n'avons jamais été en mesure de répondre de manière
satisfaisante aux objections que cette pratique soulevait du point de vue de la
liberté d'expression de ceux qui ont un message à communiquer et
de ceux qui sont intéressés à recevoir un message
publicitaire.
Nous l'avons expliqué de toutes les manières. Je pense
qu'en particulier devant les tribunaux et devant la commission des droits de
l'homme des Nations unies nous avons fourni des explications abondantes, des
explications sincères et fouillées. Mais tous ont dit, tous nous
ont dit, la Cour supérieure du Québec, la Cour d'appel du
Québec, la Cour suprême du Canada, le Comité des droits de
l'homme des Nations unies: Vous seriez capables de promouvoir votre langue sans
aller jusqu'à interdire l'usage de l'autre langue.
Je pense que ça, au fond des fonds, c'est une attitude
typiquement québécoise. On dit: Nous voulons être
nous-mêmes, nous voulons agir suivant notre génie propre. Mais ce
n'est pas dans notre nature de donner des interdictions à l'autre puis
de lui dire: Toi, tu n'auras pas le droit de faire ça. Alors, nous avons
trouvé une formule, dans le projet de loi 86, qui obligera tous les
annonceurs qui voudront annoncer à l'extérieur à utiliser
le français. Le français sera obligatoire partout. Celui qui
voudra recourir à une autre langue, en particulier la langue anglaise,
pourra le faire mais à condition que son message soit
présenté de manière telle que le français occupe
toujours une place nettement prédominante.
On nous avait dit: Oui, mais qu'est-ce que tout ça veut dire?
Quelle sera l'application? Nous avons déposé des projets de
règlements, M. le Président. On a fait tout un pseudo-scandale
avec ça. Pendant combien de fois j'ai entendu la députée
de Chicoutimi invoquer l'exemple du ministre précédent de la
langue, le député de Mercier, et nous dire dans cette Chambre,
à combien de reprises: Dans le temps, nous autres, on a
déposé un projet de loi accompagné des règlements.
C'était radicalement faux. Nous avons fait les vérifications. Et
l'ancien ministre, le député de Mercier, est venu me voir
lui-même ? c'est un homme honnête, un homme sincère
? pour me dire: M. le ministre, vous avez raison, je n'ai jamais
déposé de règlements quand j'ai présenté mon
projet de loi. Je m'en excuse auprès de vous si d'autres ont soutenu le
contraire. Et, nous autres, nous les avons déposés, M. le
Président, sans vantardise, à travers toutes sortes de critiques
que nous avons subies volontiers.
Mais, l'autre jour, le plus drôle, quand j'ai déposé
le Règlement sur la langue du commerce et des affaires, il a
été l'objet de très peu de commentaires. Et vous savez
pourquoi? C'est parce que 90 % du contenu de ce règlement est
emprunté d'un projet de règlement qui avait été
publié en 1985 par le gouvernement précédent, sous
l'autorité du député actuel de Mercier, M. Gérald
Godin. J'avais dit au député de Mercier: Quand vous verrez le
projet de règlement, je pense que nous serons encore plus proches que
nous ne l'étions avant. Puis je dois vous dire qu'au plan intellectuel
je m'entends assez bien avec lui.
Alors, voilà! Si on veut contredire ce que je viens d'affirmer,
nous serons très heureux, pas d'entendre la contradiction, parce que,
ça, nous y sommes habitués, mais d'entendre la preuve. C'est
ça que nous demandons, M. le Président. Qu'on cesse d'affirmer,
qu'on prouve! Nous autres, quand nous affirmons, nous établissons des
preuves. C'est pour ça que nous pouvons parler avec une certaine
fermeté. Quand on a vérifié, quand on a fait son travail
comme il faut, quand on a étudié le sujet à fond puis
qu'on a vérifié les faits, on est en mesure de dire: Ceci est
vrai puis ceci n'est pas vrai, parce qu'on a fait l'exercice avant.
Sur la langue de l'enseignement pour l'admission à l'école
anglaise, il suffit d'écouter nos amis les porte-parole du Parti
Égalité dans cette Chambre pour savoir qu'il n'y a pratiquement
pas de changement. S'il y avait eu des changements importants, qu'est-ce
qu'aurait fait le député de D'Arcy-McGee, le député
de Jacques-Cartier? Ils se seraient levés dans cette Chambre, puis ils
auraient dit: Nous remercions le gouvernement d'avoir fait des ouvertures.
Pardon? Non, ils ont voté contre jusqu'à maintenant. Vous
n'étiez pas là pour les votes? Ils ont voté contre. Puis,
ils ont dit, justement: Nous votons contre. Us ont même
présenté une motion de scission en cette Chambre ? pour
laquelle vous avez voté, d'ailleurs ? demandant de séparer
la partie de l'affichage et du commerce de la partie de l'enseignement. Ils ont
voté
contre. Pourquoi? C'est parce que nous maintenons la règle
fondamentale suivant laquelle tous les enfants de foyer francophone, tous les
enfants de foyer immigrant, de foyer dont les parents sont venus au Canada
à un certain âge, après avoir commencé leur
existence ailleurs, doivent aller à l'école française.
Alors, c'est un point qui est clairement établi.
Il y a des assouplissements mineurs, pour des cas très
particuliers, qui avaient été portés à notre
attention, mais qui ne modifient en rien l'équilibre
général des inscriptions scolaires au Québec.
En plus, nous entendions des complaintes depuis... Franchement, moi, je
suis dans la vie publique depuis à peu près 40 ans. J'entendais
des complaintes depuis au-delà d'une vingtaine d'années quant
à la qualité médiocre de l'apprentissage de la langue
seconde dans nos écoles françaises. Que d'enseignants m'ont dit:
Si nous avions plus de souplesse dans le choix des moyens, nous pourrions faire
des choses plus intéressantes de ce côté. Puis, que de fois
on m'a signalé qu'une disposition particulière de la Charte
comportait, créait des obstacles à cette fin.
Alors, avec le projet de loi 86, nous ne lançons pas l'immersion
à travers tout le Québec, sans considération. Nous donnons
à la ministre de l'Éducation la liberté d'examiner cette
question, de consulter ses conseillers, de consulter le Conseil
supérieur de l'éducation, puis de proposer au besoin, quand elle
le jugera approprié, des améliorations dans les méthodes
actuelles d'apprentissage de la langue seconde.
Il est temps qu'on cesse de dépenser des millions, des millions
de dollars chaque année pour l'enseignement de la langue seconde dans
les écoles, puis que ça ne donne rien. Ça ne donne
rien!
Quand un élève sort de l'école après 11 ans
de scolarité payée par les contribuables, qu'on lui demande
d'écrire un petit texte de 10 lignes en anglais, qu'il n'est pas
capable, bien, il est temps qu'on se choque d'une situation comme
celle-là, puis qu'on se dise: On va réagir comme une
société adulte est capable de le faire. Qu'on cesse d'invoquer
les peurs et les frayeurs, puis tenter de faire peur au monde, puis tenter de
faire croire au monde ? surtout! ? que nous voudrions, en quelque
manière, angliciser les écoles françaises ou en faire des
écoles bilingues. Rien de tel dans les intentions du gouvernement. Nous
maintenons la disposition de la Charte, selon laquelle l'enseignement se fait
en français dans les écoles françaises. C'est clairement
écrit. Cet article de la Charte n'est aucunement touché. Nous
ajoutons que l'apprentissage de la langue seconde pourra se faire d'une
manière plus souple que ça s'est fait jusqu'à maintenant,
afin que des résultats meilleurs puissent être
procurés.
Je termine, M. le Président, en indiquant que les
assouplissements que nous apportons à la Charte permettront au
Québec de maintenir son identité, comme il l'a fait d'ailleurs
depuis 2 siècles, avant et après la Charte. Cessons de nous faire
des illusions sur ce sujet. Notre survie dépend d'abord de ce que nous
sommes et pas des lois auxquelles tel parti ou tel autre voudrait nous attacher
d'une manière servile.
Alors, notre peuple pourra continuer de se développer, mais il
aura un peu plus de latitude pour vivre d'une manière qui, tout en lui
permettant d'être fidèle à lui-même, lui permettra
aussi de mieux adapter ses rapports avec les autres, en particulier avec tout
un continent qui l'entoure et dont la langue de 98 % des habitants est une
langue autre que le français, que nous connaissons tous.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous en sommes
à la prise en considération du rapport de la commission de la
culture, et je cède la parole à Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme la députée.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le ministre ouvre son allocution en disant: Au terme d'une
opération qui a débuté en décembre dernier. Oui,
l'opération a débuté en décembre dernier. Oui, le
ministre a eu les avis du Conseil de la langue française de même
que du Conseil général du Parti libéral du Québec.
Oui, il y a eu ces consultations. Oui. Cependant, ces 2 organismes, le Conseil
de la langue et les instances du Parti libéral, lui ont dit: Vous
n'allez pas dans la bonne direction. Le Conseil de la langue française,
sur les 5 questions posées par le ministre, a dit, à la question
de l'affichage: Les petits commerces. Sinon, si vous envisagez d'autoriser
l'affichage dans les grands commerces, vous risquez de propager ? et
j'utilise le terme du Conseil de la langue française ?
l'anglicisation dans tout le Québec. Ce n'est pas Jeanne Blackburn,
députée de Chicoutimi, étrangère... Selon le
directeur et éditeur de La Presse, Roger D. Landry, je suis
étrangère. Je ne suis pas de Montréal, je dois être
une étrangère. (19 h 40)
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil de la langue
française, sur lequel Conseil de la langue française
siège, entre autres, un homme que respecte beaucoup le ministre ?
moi également ? qui s'appelle Charles Taylor. Il disait non. Non
à l'affichage que propose le ministre. Pas Jeanne Blackburn, pas les
péquistes ou «péquistisants», les
«séparatisants», comme le disait le terme du ministre. Le
Conseil de la langue française, sur lequel siègent de nombreux
amis du ministre, lui a dit: Les petits commerces.
Alors, il dit: Oui, j'ai consulté. Il a consulté et il n'a
pas écouté! Les instances du Parti libéral ont dit: Ne
touchez pas aux panneaux et essayez de mettre un certain nombre de
règles, mais surtout, surtout, renforcez les dispositions touchant le
français au travail. Il n'a pas dit: Touchez à l'école. Il
n'a pas dit: Touchez à la langue de l'administration. Il n'a pas dit:
Permettez aux
sociétés d'État telle Hydro-Québec
l'affichage bilingue. Jamais! Ça n'a jamais paru dans aucun de ces
rapports, sur toutes les questions, sur les 5 questions.
À celle touchant le statut des villes bilingues, ils ont dit:
Assouplissez un peu votre disposition, mais n'abolissez pas ça.
Renforcez les pouvoirs de l'Office de la langue française. Il les a
abolis, pour ainsi dire; il a aboli la Commission de protection de la langue
française.
On peut bien dire, comme l'a fait le ministre... S'il écoutait un
peu... Il parle en même temps, c'est bien embarrassant.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, s'il vous plaît! Mme la députée, si
vous voulez poursuivre votre intervention. Je demande l'attention de mes
collègues. Vous pouvez poursuivre, Mme la députée.
Mme Blackburn: Le ministre pourra nous dire pendant des semaines,
des semaines et des heures qu'il a consulté. Il n'a écouté
aucun des avis. Il n'a écouté aucun des avis, y compris l'avis
des instances du Parti libéral du Québec.
Le projet de loi a été déposé le 6 mai. Nous
sommes aujourd'hui le 17, M. le Président. Ça vous donne
exactement 1 mois et 11 jours. Et là il est en train de nous dire qu'il
a fait une très large consultation, que tout le monde a pu se prononcer.
C'est induire la population en erreur, induire la population en erreur. Et je
réserve, je limite l'expression, parce qu'il y a une expression qui
serait beaucoup plus conforme à ce que le gouvernement est en train
d'essayer de faire.
Le ministre dit ? je reprends un peu les points, parce que je sais
qu'il y a des gens qui peuvent écouter nos débats et qui
s'intéressent à ces questions; on ne peut pas le laisser dire
n'importe quoi ? il dit: Pour des raisons de santé et de
sécurité, on doit afficher anglais-français. Il a
été incapable, incapable de nous fournir une seule donnée,
un seul cas attribuable à Punilin-guisme français pour lequel il
y aurait eu des accidents; aucun, aucun. Et, d'ailleurs, le Conseil de la
langue lui dit: Nous n'avons aucune information nous permettant...
M. le Président, les caucus, c'est embarrassant. Le ministre
parle plus fort que moi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
je demanderais aux membres d'écouter la députée qui
s'adresse à vous. Mme la députée, si vous voulez
poursuivre. S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Mme la députée, si vous voulez poursuivre.
Mme Blackburn: M. le Président, le ministre fait
exactement ce qu'il fait tout le temps. Il n'a pas écouté le
Conseil de la langue, il n'a pas écouté les instances
générales du Parti libéral, encore moins les jeunes
libéraux, évidemment. Ils n'existent plus comme tels. Il a
réussi à les évincer du parti. Il n'écoute pas
davantage ce qu'on dit ici, en Chambre.
Mais, il y a exactement 1 mois et 11 jours que la loi a
été déposée. Il dit: Après de longs et
très longs débats. Deux cent vingt heures de débat en
commission parlementaire; 5 mois, lorsqu'on a adopté la loi 101. Il
trouvait ça insuffisant. On avait mis fin de façon abrupte,
disait-il, écrivait-il, à l'époque, aux travaux de la
commission; abrupte, 5 mois de débats, il l'admettait, 220 heures de
commission, et c'était mis fin de façon abrupte. Là, on a
17 heures de débat en commission parlementaire.
Quand il dit ? je reviens ? santé et
sécurité, qu'il faut afficher bilingue, anglais-français,
pour des raisons de sécurité, c'est tromper la population. Le
Conseil de la langue française le dit: II n'y a aucun accident
relié à Funilinguisme français dans l'affichage qui a
été dénoncé. La même chose sur les routes.
Puis, là, il a essayé de nous faire exactement ce qu'il avait
fait avec l'histoire de l'Afrique du Sud, comparant le Québec à
l'Afrique du Sud.
Selon Benetton ? Benetton, une firme qu'il doit
particulièrement, lui, apprécier ? Benetton aurait dit qu'on
était dans les pays intransigeants au même titre que l'Afrique du
Sud. Alors, le ministre a repris ces propos à son compte, au grand
déshonneur des Québécois, d'ailleurs. Il ne faudra pas
s'étonner, après ça, qu'on ait vraiment mauvaise
réputation à l'étranger, puisque le ministre
lui-même compare le Québec à l'Afrique du Sud. Vous savez,
il faut le faire.
Mais, lorsqu'il nous a dit: II y a eu un gros accident à
Sainte-Madeleine, où il y a généralement du brouillard,
puis on ne le sait pas, c'est peut-être dû à l'unilinguisme
français dans les affichages, il n'y a pas un policier qui lui a dit
ça. Il n'y a personne qui a annoncé ça. Ça n'existe
nulle part dans les comptes rendus des policiers. Le Conseil de la langue ne
l'a pas noté. Il y a un bout à dire n'importe quoi. Il n'y a
aucun accident au Québec qui a été attribuable à
l'unilinguisme français, selon les données dont on dispose et
dont le Conseil dispose. Alors, c'est vouloir vraiment élargir pour
élargir.
En matière de signalisation routière, moi, je trouve que
c'est méprisant à l'endroit des touristes que de prétendre
qu'ils sont incapables de décrypter une affiche ou un panneau de
signalisation routière en français. Il faut les prendre pour des
demeurés. Vous avez tous un peu voyagé. Ils ne s'arrangent pas
pour vous mettre ça en français parce que vous êtes en
Italie. Voyons donc! Ça n'existe pas. Moi, je me dis: Être agente
de voyages, je n'enverrais jamais les Américains ou les Anglo-Canadiens
en Europe. Ils ne reviennent pas vivants, certain, certain. Ça n'a pas
de bon sens.
Vous savez, on ne peut pas dire n'importe quoi. C'est rire du monde,
ça. Qui plus est, plus vous avez d'inscriptions sur des affiches, il est
démontré que ça peut occasionner des accidents,
occasionner des accidents. Ça, ce n'est pas moi non plus qui le dit. Il
y a des rapports officiels là-dessus. Il y a des rapports officiels
là-dessus.
À présent, il dit: Écoutez, en matière
d'administration, je peux vouloir écrire à mon collègue en
Ontario
avec une version officiellement signée en anglais. D'abord, il
nous annonce qu'il n'a jamais respecté ça, on le sait. Il est
Dieu le Père, il est au-dessus des lois. Mais, peu importe, il ne l'a
jamais respecté. Est-ce qu'il s'est déjà demandé si
ses homologues canadiens se donnaient la peine de nous écrire en
français? Ça m'étonne-rait profondément.
Il me dit ? et là je le trouve proprement malhonnête
et je dois le dire ? il me dit, il nous dit, et il le répète
à plusieurs reprises, que nous avons déclaré à de
multiples reprises, en Chambre, qu'on avait déposé les
règlements. Oui, je l'ai dit une fois, et en commission parlementaire
et, après vérification auprès du député
Godin de Mercier, il m'a dit: J'ai vérifié, et, effectivement, il
y avait les règlements existants, et j'ai demandé au
député de Mercier d'aller informer le ministre, et le ministre le
sait. Alors, quand il nous fait ce genre à vouloir se scandaliser
supposément parce qu'on aurait dit des choses, et que volontairement il
n'a pas l'élégance de reconnaître que c'est moi qui ai
demandé de l'informer, et qu'il est ensuite informé en commission
parlementaire, ça ne vole pas haut.
M. le Président, la langue du commerce et des affaires. D'abord,
il y a la langue de l'administration. Les sociétés d'État,
qui ne l'avaient jamais demandé, seront dorénavant
autorisées à afficher anglais et français. Brillant!
Brillant! Ils vont peut-être acheter un petit peu plus d'alcool, mais
j'ai comme idée qu'en baissant les taxes il y aurait peut-être un
peu plus de ventes d'alcool. C'est beaucoup plus lié aux taxes
nombreuses sur les vins et les alcools, la baisse de revenus de la
Société des alcools du Québec, que sur l'unilinguisme
français. Qui plus est, faut-il ajouter, il nous dit: Moi,
écoutez, la Société d'habitation du Québec, je veux
promouvoir un projet de développement. Et il dit: II faut que je puisse
faire ça dans la langue du monde. Je veux bien le croire, mais, au cas
où il ne le saurait pas ? je sais qu'il le sait ? il peut
écrire à tous ses commettants en anglais, à leur demande,
il peut faire toutes les petites publications, brochures, documents en anglais,
il peut publier en anglais dans les journaux, à la radio, à la
télévision anglaise, il peut tout faire ça. Qu'est-ce que
ça lui donne de plus? Mettre un grand panneau disant:
Générosité de la Société d'habitation du
Québec, en 2 langues, ça va nous donner quoi de plus au
Québec, ça? C'est l'exemple qu'il nous a fourni en commission
parlementaire. (19 h 50)
En ce qui a trait à l'affichage public et à la
publicité commerciale, le français, unilingue français,
sur les affiches, c'est devenu l'exception, et il a avoué en commission
parlementaire que, effectivement, dorénavant, il y aurait plus d'anglais
et plus de français, c'était normal parce que nous étions
Canadiens et que nous étions soumis à la Loi sur les langues
officielles. C'est bilingue au Québec. Voyons donc! Pourquoi est-ce
qu'on ne s'y soumettrait pas? Il admettait qu'il y aurait, effectivement, plus
de bilinguisme au Québec. Ce n'est pas moi qui l'invente, non plus. Et
il dit: Dans le fond, il faut reconnaître les 2 langues officielles.
Ça aussi, c'est textuel dans la retranscription des débats.
En ce qui a trait à l'affichage commercial, à la
publicité, l'unilinguisme français devient l'exception. Et, quand
le ministre a annoncé qu'il ne se contentait pas de faire ça pour
le privé, il le fait pour les sociétés d'État, il y
a quelque chose de gênant quand on sait que le Conseil du patronat
invitait ses organismes à la prudence là-dedans. Le ministre
donne l'exemple, il dit: Écoutez, allez-y donc, c'est supposé
nous faire faire des affaires. Curieusement, c'était le même
raisonnement pour l'ouverture des commerces le dimanche, avec les
résultats qu'on connaît: les ventes ont diminué.
Moi, je voudrais demander au gouvernement: Où sont ses appuis?
Cet après-midi, j'ai eu beaucoup de plaisir à entendre les
députés de l'autre côté de la Chambre se
référer aux propos de Guy Bertrand. Guy Bertrand est devenu le
modèle des libéraux! Bien, je dis bravo, parce qu'il est
resté souverainiste. Il est resté souverainiste. Je dis bravo! Il
est resté souverainiste. Mais...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
MM. les députés! S'il vous plaît! Madame s'adresse à
la présidence, et il est tout à fait normal... Elle continue son
discours. Si vous voulez ne pas l'interrompre, je vous reconnaîtrai quand
vous aurez la parole.
Mme la députée, si vous voulez poursuivre.
Mme Blackburn: Où sont les appuis à ce
gouvernement, à ce projet de loi? Trois cent soixante-dix professeurs
d'université ont signé une pétition en disant: Ça
n'a pas de bon sens, retirez ça. Vous avez la Fédération
des commissions scolaires, elle est venue dire que ce serait difficilement
applicable par rapport à la clause grand-père et que, pour le
reste, c'était dangereux dans la région de Montréal.
Où sont les appuis des enseignants? Les enseignants leur ont dit:
Ça n'a pas de bon sens, on a d'autres priorités. Pour enseigner
l'anglais, on a la responsabilité d'utiliser au moins les heures
indiquées au régime pédagogique, ce qui ne se fait pas
faute de ressources. Le gouvernement ne nous a pas dit, entre
parenthèses, où il allait prendre les ressources pour faire les
classes d'immersion, les bains linguistiques, pour augmenter le nombre de
professeurs. Ne me le demandez pas, il ne nous l'a pas dit. Il sait qu'il faut
rationaliser partout, mais, là, combien ça va coûter de
dizaines de millions, on l'ignore. On l'ignore, mais le principe va être
inscrit dans la loi.
Où sont les appuis du gouvernement? Les unions municipales ne
sont pas venues. L'UMQ, l'UMRCQ n'étaient pas là. Les professeurs
d'État du gouvernement n'étaient pas là. Les seuls qui
sont venus dire: C'est bon, votre projet de loi, mais vous n'allez pas assez
loin, et je les comprends, l'appétit vient en mangeant, ce sont les
anglophones qui ont dit: La guerre n'est pas finie. Vous nous en avez
donné plus qu'on n'en demandait, mais on en veut encore plus que
ça. On s'arrêtera quand on aura le libre choix en matière
d'enseignement.
Le ministre nous dépose en liasse 21 amendements. C'est du
travail bâclé, méprisant à l'endroit de la
population du Québec, c'est fait en catimini, et on n'aura même
pas de commission, on n'aura même pas de plé-nière pour
examiner ce projet de loi. Inacceptable, intolérable et déni de
justice.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la
députée de Chicoutimi.
Alors, je rappelle aux membres de la formation de l'Opposition
officielle qu'il reste 10 minutes à votre temps de parole, et je
cède la parole à M. le député de
D'Àrcy-McGee, en lui indiquant que son temps de parole est d'un maximum
de 5 minutes.
M. le député.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président.
M. le Président, nous sommes rendus à l'étape de la
prise en considération du rapport de la commission de la culture sur le
projet de loi 86. Moi, je suis d'accord avec le ministre que cette commission a
eu assez de temps pour analyser des éléments importants de ce
projet de loi, avec des audiences publiques, et aussi pendant l'étude
article par article, mais nous ne pouvons voter en faveur de ce rapport de la
commission pour quelques raisons importantes.
We tried, during the commission hearings to table, 3 sets of amendments.
This is a piece of legislation that takes steps forward, it makes 3 important
steps forward, but we feel that these steps forward are not enough, are not
effecient enough and do not go far enough to provide a piece of legislation
that we can support. We therefore tried to table 3 amendments during the course
of the work of the commission and all 3 amendments were rejected. All 3
amendments would have taken this legislation the extra distance to make it a
fine piece of legislation that we would be willing to support. But our 3
amendments were rejected.
Our first set of amendments dealt with article 10. Article 10 is a step
forward. Instead of allowing the Office de la langue française to revoke
the status of a municipal body or a schoolboard or a certain institution, it
puts back that responsibility to the institution or municipality itself. Yes, a
step forward but not a significant enough step forward to make it
acceptable.
Because if we look at the articles now dealing with status or bilingual
status for certain municipal bodies or institutions, we see that a local
minority must become a local majority to obtain this status. And we feel that
because of the declining numbers in the English-speaking community of
Québec the Government should show sensitivity to this reality and lower
the threshold from 50 % to 25 %, above which certain guarantees of services in
the language of the minority would be provided. But this was refused.
Article 17 is the other article where we tried to bring forward
amendments. Article 17 also, as article 10, is an important step forward, but
it still leaves open considerable problems. The first part of article 17
establishes the ability of merchants to post signs in languages other than
French, but, at the same time, this article gives the Government back the power
by virtue of regulation to continue a ban that the courts themselves ruled was
unconstitutional. We feel that the Government is making an error by including
within the legislation, within article 17, this regulatory power.
And finally, with regard to section 23 or article 23, which the
commission did not have time to address because of the schedule, because of the
delay of the Official Opposition, we were not able to officially table in
commission our amendments to article 23.
Now, the Minister has raised certain concerns. When we speak of the need
to increase access to English education, the Minister raises 2 fundamental
concerns which do have merit: number 1, the creation of 2 classes of immigrants
? we can recognize that as a potential problem; number 2, by allowing
section 23.1a of the Canadian constitution to apply to Québec, the
Minister raises concerns about language testing or how to establish the
criteria that would recognize mother tongue. We, therefore, had hoped to bring
forward an amendment that would offer English education in Québec to
anyone whose parents were educated in English in a public English school system
outside Québec. This would establish a criteria that already exists in
Bill 101, that being the educational system frequented by parents, and, at the
same time, would not pose the same problems that the Minister has raised.
Now, for these reasons, M. le Président, we cannot support the
committee report. This law, in these 3 areas, takes a step forward, but it does
not take the proper step forward. Because our amendments in committee were not
accepted, we will not be able to support the report of the commission de la
culture, and, therefore, this step, la prise en considération du rapport
de la commission de la culture, we will not be able to support.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee.
Alors, sur cette prise en considération, je cède la parole
à M. le député d'Anjou. M. le député, la
parole est à vous.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président.
Alors, je trouve ça dommage, M. le Président, qu'on ait
été obligés de suspendre les règles de
l'Assemblée nationale pour, justement, hâter ce projet de loi
à travers cette Chambre. Car je mets au défi le ministre de
trouver des galées, des retranscriptions de nos débats dans
lesquelles on pourrait retrouver des interventions loufoques ou non
sérieuses de notre part. Je pense que,
au contraire, les échanges ont été sérieux.
On a pris notre temps, évidemment. C'est peut-être ce que le
ministre trouve... Il aurait voulu que ça aille plus vite. Mais,
à partir du moment où ce gouvernement prenait la décision
de rouvrir le débat linguistique, il fallait que ce débat se
fasse à fond, se fasse en profondeur. (20 heures)
II y avait de nombreuses questions à poser quant au pourquoi de
la démarche qui a été décidée par le
ministre responsable de la Charte de la langue française. Mais non, je
pense que le ministre a trouvé tout simplement que ça n'allait
pas vite. C'est assez étonnant quand même. Parce que ce qu'on
remarque, c'est souvent... On attendait après le ministre ou on
attendait après les ministériels pour commencer.
Ce projet de loi, aussi, n'a pas été appelé
souvent. Il y a des journées où il n'a pas été
appelé du tout. On aurait pu siéger. On aurait pu siéger
plus longtemps, aussi. Donc, j'ai peine à comprendre pourquoi,
finalement, on se retrouve avec une suspension des règles pour bousculer
ce projet de loi qui, quand même, a des conséquences importantes
dans la réalité de nos gens au Québec.
Dans un premier temps, cette commission, M. le Président, a
écouté des groupes. Ce qu'il faut déplorer, c'est que
certains groupes ont été systématiquement ignorés
ou évités. On n'a qu'à penser aux jeunes. Les jeunes
seront justement... C'est cette classe de la population qui aura à vivre
les conséquences à long terme et à moyen terme de cette
nouvelle législation. Aucun groupe de jeunes n'a été
invité devant cette commission. Ils ont même été
obligés de faire une commission parallèle, dans un endroit en
dehors de l'Assemblée nationale, pour pouvoir exposer leurs demandes,
pour pouvoir exposer leurs recommandations relativement à ce projet. De
nombreux groupes encore n'ont pas été invités, M. le
Président, malgré les demandes que nous avons faites et
malgré le fait qu'on a réussi à faire rajouter un certain
nombre de groupes.
Ce que je retiens, surtout... Je ne voudrais pas faire, finalement, le
résumé de tout ce qu'on a entendu. Mais ce que j'ai surtout
retenu, c'est les représentations des groupes de la communauté
anglophone du Québec. Vous savez, ce projet de loi nous est
présenté, avant tout, comme étant un gage de la paix
linguistique au Québec. Je trouve ça, premièrement, assez
étonnant qu'on nous dise ça. Parce que, quand on regarde la
plaidoirie du gouvernement du Québec devant le comité de l'ONU
qui a rendu un avis dont on a beaucoup entendu parler, au contraire, ce
même gouvernement nous disait que c'était la loi 178 et la Charte
de la langue française qui étaient le meilleur gage de cette paix
linguistique. Ça, c'était en février 1992. Le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française a
toujours dit, d'ailleurs, qu'il avait suivi de près les débats
entourant cette question. Donc, en février 1992, on plaidait d'une
façon abondante que c'était essentiel, la loi 178 et la Charte de
la langue française, pour préserver cette paix linguistique.
Alors, non, 1 an plus tard, maintenant, c'est ce projet de loi 86 qui va
assurer la paix linguistique au Québec.
Quand on entend l'ensemble des représentants de la
communauté anglophone, les différents groupes qui sont venus, ce
qu'on constate, c'est: II n'y en aura pas, M. le Président, de paix
linguistique. On a juste, d'ailleurs, à retenir l'intervention du
député de D'Arcy-McGee. Pour lui, ce n'est qu'un premier pas, et
timide, en plus. On va aller plus loin. On va continuer la contestât ton.
On a même eu le chef du Parti Égalité qui est venu nous
dire qu'il espérait que le gouvernement fédéral canadien
utiliserait son pouvoir de désavouer la loi 86 parce qu'elle
était injuste et inégale. Alors, M. le Président, quand
même, comment peut-on dire que la paix linguistique va être
assurée? Non, au contraire, le consensus chez les représentants
du groupe anglophone, c'est que, bon, au niveau de l'affichage, on est plus ou
moins satisfait. Évidemment, on aurait aimé que les grands
panneaux soient bilingues. Mais, pour l'éducation, alors, à ce
moment-là, on ne répond absolument pas à leurs demandes.
On va continuer les demandes. Pourtant, les contestations avaient cessé
depuis quelque temps.
Ce que j'ai tenté aussi d'entendre, quand les différents
groupes qui sont venus, c'est... Je voulais voir certains groupes qui auraient
réclamé l'affichage dans les commerces à grande surface.
Aucun groupe n'est venu devant cette commission réclamer l'affichage
bilingue ou avec prédominance de la langue française pour les
commerces à grande surface. On a même vu, M. le Président,
le Conseil du patronat venir dire qu'il était en faveur de cette loi,
mais il espérait que ses membres n'en abusent pas trop et ne s'en
servent pas trop. Vraiment, on a entendu des choses assez surprenantes devant
cette commission.
Lors de l'étude article par article, on a appris certaines
choses, vraiment, je pense, pas mal intéressantes. Premièrement,
on a, je pense, démystifié une fois pour toutes la valeur de
l'avis du comité de l'ONU. Premièrement, ce n'est pas un
tribunal, c'est un comité. Donc, ce n'est pas un jugement qu'ils
rendent, c'est un avis. Et ce comité de l'ONU ne rend un avis que sur un
petit pacte ou protocole facultatif très limité. À peine
une soixantaine de membres de l'ONU ont adhéré à ce pacte
facultatif. Plusieurs membres qui ont adhéré à ce pacte ne
permettent même pas à leurs citoyens de porter plainte,
relativement à ce pacte, contre l'État signataire.
Donc, je pense qu'en partant cet avis de l'ONU, dont on a fait grand
état, il n'a vraiment pas beaucoup d'importance, surtout, M. le
Président, que seulement des individus, des personnes physiques peuvent
s'adresser à ce comité de l'ONU. Aucune compagnie, aucune
personne morale ne peut s'adresser à ce comité de l'ONU.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Je demanderais aux collègues de porter attention, là. Ça
me dérange un peu, là. J'imagine que ça dérange
l'orateur aussi.
Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.
Surtout, M. le Président, ce qu'il faut remarquer, ce qu'on a
retenu dans ce projet de loi, c'est que ce qu'on a codifié, ce qu'on a
voulu inclure dans cette loi, c'est les fameuses interprétations de la
Cour suprême qui nous ont fait tant mal, qui ont, justement,
démoli pan par pan, pan de mur par pan de mur des sections de la Charte
de la langue française, en particulier, M. le Président,
l'interprétation qui a été donnée à
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article 133 dit:
«Les actes du Parlement du Canada et de la Législature de
Québec devront être imprimés et publiés dans les
deux langues.» Alors, comment va-t-on refléter cet article 133
dans la Charte de la langue française? On va l'interpréter de
cette façon-ci. Les règlements et les autres actes de nature
similaire auxquels s'applique l'article 133 sont adoptés, pris et
délivrés, imprimés et publiés en français et
en anglais.
Ce n'est pas l'article 133 qui se retrouve, M. le Président, dans
le projet de loi, c'est l'interprétation qui en a été
donnée par les arrêts Blaikie I, Blaikie II, des
interprétations qui ont étonné beaucoup de juristes, quand
cette décision a été rendue. C'est une
interprétation très grande, très large qui a
été donnée à cet article 133. Il est assez
étonnant qu'on codifie une interprétation de la Cour
suprême plutôt que de reprendre intégralement l'article 133
de la Loi constitutionnelle de 1867, mais c'est ça, le danger. C'est
qu'on a tout simplement incorporé cette interprétation pour la
codifier et pour faire en sorte qu'on accepte quelque chose, finalement, qui
n'a jamais été accepté par la population.
Le pouvoir réglementaire, M. le Président. Dans ce projet
de loi, le pouvoir réglementaire est très vaste, est immense, et
le gouvernement le récupère et le récupère de
l'Office de la langue française qui, avant, avait ce pouvoir. Ce qu'on
doit constater, M. le Président, c'est que c'est fini, l'unilinguisme
français au Québec, c'est fini, sauf dans 3 cas: les panneaux
publicitaires à l'extérieur, dans les autobus et dans les
métros, mais, à part ça, c'est fini, l'unilinguisme
français.
Alors, évidemment, quand on parle que, maintenant, c'est
l'ouverture au bilinguisme, le ministre se choque. C'est vrai qu'on n'impose
pas le bilinguisme. On permet maintenant l'utilisation de la langue anglaise
et, quand on sait, quand on connaît la force de la langue anglaise au
Québec, on peut facilement, M. le Président, comprendre que
ça équivaut à un retour du bilinguisme. Ah!
évidemment, on va vous dire qu'il y a la règle des deux tiers et
du un tiers qui s'applique, sauf que cette règle s'applique, M. le
Président, à l'intérieur des commerces depuis 1989.
Aucune plainte n'a été faite sur ce
critère-là depuis 1989, aucune accusation n'a été
portée. Pourquoi? Parce que c'est un concept inapplicable, vague, flou.
Il n'y aura jamais de plainte, M. le Président, relativement au concept
de un tiers-deux tiers, de la nette prédominance du français, il
n'y en aura pas. Comment voulez- vous qu'un citoyen se promène avec la
loi, avec les 4 critères qui y sont énoncés pour savoir
qu'est-ce qui est un tiers, deux tiers, pour vraiment porter plainte.
Alors on a noyé, finalement, l'unilinguisme français. On
permet l'utilisation de la langue anglaise, on dit que ce n'est pas le
bilinguisme. C'est le bilinguisme, M. le Président. Ce n'est pas le
bilinguisme obligatoire, mais c'est une ouverture grande au bilinguisme, et
vous allez voir les conséquences que nous allons voir à
Montréal relativement au visage français de Montréal, et
je trouve que c'est déplorable.
Merci.
Mise aux voix des amendements
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député d'Anjou.
Est-ce que, M. le ministre, vous voulez exercer votre droit de
réplique? Ça va.
Alors, conformément à la motion de suspension de certaines
règles adoptée précédemment au cours de la
présente séance, je vais maintenant mettre aux voix les
amendements au projet de loi 86 qui ont été transmis au
secrétaire général de l'Assemblée. Cette mise aux
voix s'effectuera dans l'ordre dans lequel ont eu lieu ces transmissions.
Ainsi, je mettrai d'abord aux voix les amendements proposés par
Mme la députée de Chicoutimi aux articles 22 et 32. Ces
amendements sont déclarés rece-vables.
Je mettrai ensuite aux voix les amendements proposés par M. le
député de D'Arcy-McGee aux articles 10, 17 et 23. Ces amendements
sont déclarés receva-bles. (20 h 10)
Je mettrai enfin aux voix les amendements proposés par M. le
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française aux articles 1, 2, 21, 22, 23, 32, 42, 43.1, 44, 54.1, 54.2,
59, 60, 64, ainsi que la motion de renumérotation. Ces amendements sont
déclarés recevables.
Par contre, les amendements de M. le ministre aux articles 11, 12, 14,
14.1 et 17 ayant été adoptés en commission ne seront pas
mis aux voix.
Alors, les amendements aux articles 22 et 32, proposés par Mme la
députée de Chicoutimi, sont-ils adoptés?
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que vous pourriez en
faire la lecture, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Est-ce que vous
avez des copies des amendements?
Alors, les 2 amendements dont je vais faire lecture: l'amendement
à l'article 32 et à l'article 22.
L'article 22 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française, est modifié par l'addition, à la fin, des
alinéas suivants: «Les enfants admis après le
(insérer la date de la
sanction de la présente loi) à l'enseignement dans un
établissement privé non agréé pour fins de
subventions en vertu de la Loi sur l'enseignement privé (L.R.Q. 1992,
chapitre 68) ne sont pas réputés recevoir ou avoir reçu
l'enseignement en anglais pour les fins de l'article 73. «Les enfants qui
ont reçu ou qui reçoivent l'enseignement en anglais afin d'en
favoriser l'apprentissage conformément aux prescriptions du
régime pédagogique ne sont pas réputés recevoir ou
avoir reçu l'enseignement en cette langue pour les fins de l'article
73.»
L'article 32 du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française, est modifié par l'addition, à la fin, de
l'alinéa suivant: «Les enfants exemptés après le
(insérer la date de la sanction de la présente loi) de
l'application du premier alinéa de l'article 72 ne sont pas
réputés recevoir ou avoir reçu l'enseignement en anglais
pour les fins de l'article 73.»
Est-ce que ces amendements, proposés par Mme la
députée de Chicoutimi, sont adoptés?
Des voix: Rejeté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, rejeté,
sur division.
Les amendements aux articles 10, 17 et 23, proposés par M. le
député de D'Arcy-McGee, sont-ils adoptés?
M. Libman: M. le Président, vous pouvez faire la lecture,
s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous voulez qu'on en
fasse lecture. S'il vous plaît, s'il vous plaît!
Alors, il est proposé par M. le député de
D'Arcy-McGee:
À l'article 17, d'ajouter, à la deuxième ligne du
troisième alinéa de l'article 58 de la Charte de la langue
française remplacé par l'article 17 du projet de loi 86,
après le mot «circonstances», le mot
«exceptionnelles».
À l'article 23, ajouter, après le cinquième
alinéa de l'article 73 de la Charte de la langue française
remplacé par l'article 23 du projet de loi 86, l'alinéa suivant:
«6° les enfants dont le père ou la mère est originaire
d'un pays anglophone du monde.»
L'article 10, s'il vous plaît. Ça va. L'article 10
proposé par M. le député de D'Arcy-McGee: Remplacer, dans
la sixième ligne de l'article 29.1 de la Charte de la langue
française édicté par l'article 10 du projet de loi 86, les
mots «des personnes en majorité» par les mots suivants:
«une population composée à 25 % de personnes».
Est-ce que les amendements proposés par le...
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui?
M. Chevrette: Question de... Il n'a pas le droit de vote nominal,
mais question de logique du vote, là, quand il y en a 2, 3 amendements,
est-ce qu'il ne peut pas y avoir un amendement sur lequel on peut être
d'accord et un autre sur lequel on est en désaccord? C'est quoi, la
règle démocratique?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Non,
écoutez, M. le député, je peux soumettre les amendements 1
par 1. Ça, je n'y vois pas d'objection, là. Vous avez raison de
me demander cette question-là.
M. Chevrette: Parce que ça fait drôle de voir qu'on
vote des blocs.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, écoutez,
je suis prêt à recommencer, là. Voulez-vous que je
recommence les amendements proposés par Mme la députée de
Chicoutimi? Je peux les reprendre individuellement. Je ne veux pas de...
M. Chevrette: Ça va, parce qu'on sait que leur lit est
fait.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va. Alors,
ça va, monsieur... Vous avez absolument raison, M. le
député, et c'est ce que je vais faire, à votre
demande.
Alors, est-ce que l'amendement à l'article 10, proposé par
M. le député de D'Arcy-McGee, est adopté?
Des voix: Rejeté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Rejeté. Donc,
l'amendement à l'article 10 est rejeté.
Est-ce que l'amendement proposé à l'article 17 par le
député de D'Arcy-McGee est adopté?
M. Bélisle: Rejeté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Rejeté. Est-ce
que l'amendement à l'article 23, proposé par M. le
député de D'Arcy-McGee, est adopté?
Des voix: Rejeté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Rejeté.
Les amendements aux articles 1, 2, 21, 22, 23, 32, 42, 43.1, 44, 54.1,
54.2, 59, 60, 64 ainsi que la motion de renumérotation... Alors, est-ce
que l'amendement proposé par le ministre, à l'article 1, est
adopté? Non?
M. Chevrette: M. le Président, je veux qu'on en fasse la
lecture...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): La lecture, très
bien!
M. Chevrette: ...et puis qu'on demande la vote
après chacun.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est très
bien.
M. Chevrette: C'est ça qui est normal.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va, M. le
député. Moi, je suis ici, là, pour faire les choses...
pour que ce soit bien fait.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bon! Il est
proposé par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de
la langue française, à l'article 1, de remplacer l'amendement
adopté à l'article 1 par le suivant: Remplacer, dans la
deuxième ligne du paragraphe 2° de l'article 7 proposé par
l'article 1, ce qui suit: «adoptés,» par ce qui suit:
«pris, adoptés ou délivrés, et>.
Est-ce que cette amendement est adopté?
Des voix: Adopté. M. Bélisle:
Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cet
amendement est adopté?
Des voix: Adopté. M. Chevrette: Rejeté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division.
Il est proposé par M. le ministre responsable de l'application de
la Charte de la langue française, à l'article 1, d'insérer
dans la troisième ligne du texte anglais de l'article 9 proposé
par l'article 1 et après le mot «of», les mots «one
of».
Est-ce que cet amendement est adopté?
Des voix: Adopté. M. Chevrette: Rejeté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division.
Je vais juste suspendre quelques instants, pour consulter à la
table ici, là.
(Suspension de la séance à 20 h 17)
(Reprise à 20 h 21)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place! Merci. À l'article 21, il est proposé par M. le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française
l'amendement suivant: 1 ° remplacer, dans la troisième ligne du
deuxième alinéa de l'article 68 proposé par l'article 21
et après le mot «langue», le mot «est» par le
mot «peut»; 2° remplacer, dans la quatrième ligne du
deuxième alinéa de l'article 68 proposé par l'article 21,
le mot «utilisée» par les mots «être
utilisée».
Est-ce que cet amendement est adopté?
Une voix: C'est proposé par le ministre? Le
Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Une voix: Sur
division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division.
À l'article 22, il est proposé par M. le ministre de
remplacer, dans les première et deuxième lignes de
l'alinéa de l'article 72 ? ajouté par l'article 22 ?
les mots «dans une langue autre que le français» par les
mots «en anglais».
Est-ce que cette motion d'amendement est adoptée?
M. Blais: M. le Président, en vertu de 220, je demande le
vote à main levée, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, que ceux qui sont
en faveur de l'amendement veuillent lever la main.
Ceux qui sont contre.
Bien, si vous n'avez jamais vu ça, vous le voyez maintenant!
Ça va?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la motion est
adoptée.
À l'article 23, il est proposé par M. le ministre
d'insérer, dans la quatrième ligne du paragraphe 2° de
l'article 73 proposé par l'article 23 et après les mots
«l'enseignement», les mots «primaire ou
secondaire».
Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: À main levée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À main
levée? Alors, que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever
la main.
Que ceux qui sont contre veuillent bien lever la main.
La motion est adoptée.
À l'article 32, il est proposé par M. le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française de
remplacer l'article 85 de la Charte de la langue française,
proposé par l'article 32, par le suivant: «85. Les enfants qui
séjournent au Québec de
façon temporaire peuvent, à la demande...»
M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît! Je vous
entends d'ici, là! «85. Les enfants qui séjournent au
Québec de façon temporaire peuvent, à la demande de l'un
de leurs parents, être exemptés de l'application du premier
alinéa de l'article 72 et recevoir l'enseignement en anglais dans les
cas ou les circonstances et selon les conditions que le gouvernement
détermine par règlement. Ce règlement prévoit
également la période pendant laquelle l'exemption peut être
accordée, de même que la procédure à suivre en vue
de l'obtention ou du renouvellement d'une telle exemption.»
Que ceux qui sont en faveur veuillent bien lever la main.
Ceux qui sont contre.
Alors, l'amendement...
M. Blais: M. le Président, on ne peut pas voter à
main levée si on n'est pas à notre siège. J'aimerais que
tous les députés prennent leur siège, s'il vous
plaît.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, en vertu de
l'article 32, je demanderais aux députés de prendre le
siège que la présidence leur a assigné. S'il vous
plaît! S'il vous plaît! M. le député de Saguenay,
vous n'avez pas la parole.
Alors, nous sommes rendus à l'article 42. Il est proposé
par M. le ministre de remplacer le paragraphe 1 ° de l'article 42 par le
suivant: 1° le remplacement du paragraphe a par le suivant: «a)
donner son avis au ministre sur les projets de règlement du
gouvernement».
Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien lever la
main.
Ceux qui sont contre.
Alors, cette motion d'amendement est adoptée sur division.
Article 43.1. Insérer, après l'article 43 proposé
par M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, l'article suivant: 43.1 L'article 123 de cette Charte est
remplacé par le suivant: «123. La Commission est composée
de sept membres, dont un président, nommés par le gouvernement
pour au plus cinq ans. «Le gouvernement fixe la
rémunération et détermine les avantages sociaux et les
autres conditions de travail des membres de la Commission.»
Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.
Ceux qui sont contre cet amendement.
Alors, la motion est adoptée sur division.
L'article 44. Il est proposé par M. le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française de remplacer, dans la
première ligne du nouvel alinéa proposé par le paragraphe
2° de l'article 44, le mot «établit» par les mots
«peut établir».
Ceux qui sont en faveur de cet amendement, veuillez bien lever la
main.
Ceux qui sont contre.
L'amendement est adopté sur division.
Article 47. Insérer, dans la première ligne du paragraphe
2° de l'article 141 proposé par l'article 47 et après le mot
«augmentation», ce qui suit: «, s'il y a lieu,».
M. Blais: M. le Président, tout le monde doit rester
à son siège pour voter.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Si vous voulez prendre vos places qui vous ont
été désignées. S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
Ceux qui sont en faveur de cette motion, veuillez lever la main.
Ceux qui sont contre.
Adopté sur division.
Articles 54.1 et 54.2. Insérer, après l'article 54, les
articles suivants: 54.1l'article 198 de cette charte est modifié par:
1° la suppression, dans la première ligne du premier alinéa,
de ce qui suit: «, avec l'assentiment du ministre»; 2° la
suppression, dans la première ligne du deuxième alinéa, de
ce qui suit: «avec l'approbation préalable du ministre,».
54.2l'article 199 de cette charte est modifié par la suppression, dans
les première et deuxième lignes, de ce qui suit: «, avec
l'assentiment du ministre,».
Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.
Ceux qui sont contre.
Alors, cet amendement est adopté sur division.
Article 59. Remplacer, dans la deuxième ligne du paragraphe
3.1° du troisième alinéa de l'article 447 de la Loi sur
l'instruction publique (L.R.Q., chapitre 1-13.3) proposé par l'article
59, les mots «dans une langue autre que la langue d'enseignement»
par les mots «en anglais».
Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.
Ceux qui sont contre.
Alors, l'amendement est adopté sur division.
Article 60.1. Insérer, après l'article 60, ce qui suit:
«Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement
et des organismes publics. «60.1. L'annexe 1 de la Loi sur le
régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes
publics (L.R.Q., chapitre R-10), modifiée par les décrets 1353-91
du 9 octobre 1991, 398-92, et 399-92 du 25 mars 1992, 669-92 du 6 mai 1992,
1263-92 du 1er septembre 1992, 1666-92 du 25 novembre 1992 et 327-93 du 17 mars
1993 et par les articles 293 du chapitre 21 des lois de 1992, 71 du chapitre 44
des lois de 1992, 53 du chapitre 67 des lois de 1992 et 153 du chapitre 68 des
lois de 1992, est de nouveau modifiée par la suppression, dans le
paragraphe 4, des mots «la Commission d'appel de francisation des
entreprises».
Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.
Ceux qui sont contre.
Cet amendement est adopté sur division.
À l'article 64, il est proposé de supprimer l'article
64.
Ceux qui sont pour cet amendement veuillez lever la main.
Ceux qui sont contre.
Alors, la motion est adoptée sur division.
Alors, sur la motion de rénumérotation ? j'ai bien de
la misère avec ce mot-là...
Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que la
motion de renumérotation est adoptée?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, la motion est
adoptée? Adopté.
Adoption du rapport amendé
Alors, ceci met fin à la prise... Alors, le rapport de la
commission de la culture ainsi amendé est-il adopté?
Adopté sur division.
Adoption
Nous passons maintenant à l'adoption du projet de loi, et je
tiens à informer les membres que le temps de parole est de 2 h 30 min:
60 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement; 60 minutes au
groupe parlementaire formant l'Opposition officielle; 15 minutes au groupe des
députés indépendants et une réplique d'une
durée maximale de 15 minutes au ministre qui présente le projet
de loi. (20 h 30)
Alors, je suis prêt à entendre le premier intervenant sur
ce dossier, M. le député de Rimouski et adjoint parlementaire du
ministre des Affaires municipales.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, il me fait
plaisir de prendre la parole pour...
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Nous sommes à l'Assemblée nationale. S'il vous plaît! M. le
député, si vous voulez poursuivre votre intervention. Je
demanderais aux collègues, vous savez...
M. le député.
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, il me fait
plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi 86, étant
donné que ce projet de loi, il vient normaliser, il vient harmoniser
différentes dispositions de la Charte de la langue française.
Avant de vous entretenir des dispositions de ce projet de loi, M. le
Président, vous me permettrez de faire un peu l'historique, comment se
fait-il qu'aujourd'hui nous sommes obligés de modifier la Charte de la
langue française. Il faut bien comprendre que la Charte de la langue
française fut adoptée en 1977 par le Parti
québécois. Dans ses grandes lignes, la Charte donnait l'aval
à l'affichage unilingue français au Québec et, en
même temps, toute une série de dispositions pour conserver notre
langue au Québec.
Des contestations. Immédiatement après l'adoption de la
Charte de la langue française, plusieurs ont contesté la
validité de certains articles, entre autres l'article 58 sur la langue
de commerce et des affaires. Et des gens, des commerçants de
Montréal, entre autres, se sont présentés devant les
tribunaux pour contester différents articles de la Charte et, au fil des
ans, nous avons eu différents jugements qui ont été
rendus, entre autres un jugement par la Cour supérieure du Québec
qui disait qu'en vertu des droits et libertés d'expression nous
contrevenions aux chartes québécoise et canadienne.
Ces jugements-là ont été maintenus par la Cour
d'appel du Québec et, bien plus, on est allé jusqu'à la
Cour suprême. En 1988, la Cour suprême a maintenu les
décisions des 2 cours inférieures, avec les conséquences
que les dispositions de la Charte étaient totalement remises en
cause.
En 1988, le gouvernement du Québec a passé la loi 178, et
nous avons fait appel à la clause «nonobstant» pour nous
soustraire aux obligations des chartes canadienne et
québécoise.
Cette disposition-là était valide pour 5 ans. Le temps est
à la veille de s'écouler, c'est-à-dire qu'il est à
la veille de prendre fin. À partir de 1988... C'est-à-dire qu'en
décembre 1993 nous devions soit renouveler, ou encore faire appel
à nouveau à clause «nonobstant», ou encore essayer de
corriger les dispositions de la Charte qui mettaient en cause la liberté
d'expression. Alors, en 1988, nous avons adopté la loi 178 et nous avons
fait appel à la clause «nonobstant» pour pouvoir maintenir
l'affichage unilingue français au Québec.
Bien plus, en 1993, récemment, un jugement du Comité des
droits de l'homme de l'ONU est venu confirmer encore davantage les jugements
qui ont été rendus par la Cour du Québec, la Cour d'appel
du Québec et la Cour suprême à l'effet que les droits et
libertés des personnes étaient mis en cause. Par
conséquent, nous avions encore davantage de détermination pour
pouvoir corriger ce que les tribunaux antérieurs, les tribunaux du
Québec et les tribunaux supérieurs du Canada ont rendu comme
jugements à
l'effet que les dispositions de la Charte brimaient des droits
d'expression des Québécois.
En conséquence, nous avons fait une consultation. Le ministre
responsable de la langue a demandé à l'Office de la langue
française de préciser 5 points de la Charte sur lesquels nous
pourrions avoir des modifications. Nous avons consulté le Conseil de la
langue française. Après, nous avons consulté des instances
de notre parti, nécessairement. Nous avons tenu une commission
parlementaire et nous avons présenté, nécessairement, le
projet de loi 86 pour pouvoir corriger et harmoniser la Charte de la langue
française, c'est-à-dire la rendre conforme aux dispositions des 2
Chartes, soit québécoise et canadienne.
Aujourd'hui, avec le projet de loi 86, M. le Président, je pense
que nous répondons d'une façon assez catégorique à
toutes les dispositions des Chartes, c'est-à-dire que nous
répondons à tous ces critères et que nous respectons
vraiment les droits et libertés d'expression des personnes au
Québec et au Canada.
Alors, M. le Président, je suis convaincu qu'avec le projet de
loi nous sommes en mesure d'offrir à la population du Québec des
dispositions et des correctifs à la Charte de la langue française
qui feront en sorte qu'au Québec la liberté d'expression sera
respectée et qu'en cela nous allons répondre à tous les
jugements antérieurs qui ont été prononcés à
cet égard et que nous allons également rendre conforme la Charte
de la langue française dans la liberté d'expression.
Alors, M. le Président, vous me verrez tout à fait
favorable au projet de loi 86, et il me fera plaisir d'y souscrire lorsque le
moment du vote sera venu. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous en sommes à
l'étape de l'adoption du projet de loi 86, et je cède la parole
à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme la députée.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le projet de loi 86 a modifié de manière telle la Charte
de la langue française qu'elle n'a plus de français que le nom,
et elle serait mieux nommée ? et si le gouvernement en avait eu le
courage, c'est ce qu'il aurait fait ? en l'appelant la charte des langues
officielles. Parce que, avec les modifications de 86, c'est ça qu'elle
est devenue, la charte de l'anglais et du français.
Avant de parler des différentes dispositions, rappelons que, dans
ce projet de loi, il n'y a aucune disposition un peu significative de soutien,
de promotion du français. Aucune disposition de promotion et de soutien
du français. Toutes les dispositions, sans exception, viennent faire la
place et la promotion de l'anglais. Nous sommes dans une loi qui s'appelle la
Charte de la langue française, et tous les articles, les 65 articles du
projet de loi font la promotion de l'anglais. C'est faire preuve d'un peu
d'insensibilité, et le terme est extrêmement timide.
La loi 86 vient modifier l'esprit et les objectifs fondamentaux de la
loi 101 qui voulait faire du français la langue nécessaire des
communications, du travail et de l'administration. Dorénavant, les
langues nécessaires seront l'anglais et le français. Cette loi
vide la Charte de la langue française de son sens, de son esprit. Elle
vient en diluer la portée, en trahir les objectifs.
Cette loi, le ministre prétend l'avoir déposée pour
répondre à l'évolution des mentalités de la
société québécoise. Ceux et celles qui ont suivi
les propos du ministre, de l'actuel ministre responsable de la Charte sauront
que toutes les dispositions sans exception ne viennent pas répondre,
comme il le prétend, à l'évolution de la
société québécoise; il les avait dessinées
en 1977. Lorsqu'il prétend que nous n'évoluons pas, la question
que je me pose: Est-ce que ce ne serait pas lui qui serait figé dans le
temps? (20 h 40)
Je me permets de vous rappeler quelques-uns de ses éditoriaux qui
donnent déjà le sens et l'orientation de cette loi. Dans Le
Devoir et sous le titre, un titre général, «Un
dangereux carcan», parlant de l'administration, vous allez comprendre
qu'il indique déjà le sens de ses modifications: Dans d'autres
cas, cependant, il va jusqu'à violer les libertés
élémentaires qu'on croyait acquises pour toujours. C'est le cas
notamment des dispositions relatives à l'affichage ? on savait
déjà, en 1977, qu'il ouvrirait l'affichage ? à la
langue des sentences et des griefs ? on savait déjà qu'il
refusait la francisation des négociations ? à la vente des
jouets d'enfants ? c'est revenu dans son projet de loi ? à la
langue des administrations locales ? c'est revenu dans son projet de loi
? desservant les clientèles largement anglophones ? et il
poursuivait ? à l'arbitrage des conflits de traval ? c'est
revenu dans la loi 86 ? à l'embauche, les promotions, les
congédiements, les raisons sociales, le fonctionnement d'organismes
comme les municipalités et les commissions scolaires, disait-il, un
dangereux carcan, et c'est revenu dans le projet de loi 86.
Un peu plus tard, en avril, toujours sur le livre blanc, en question de
travail, il disait: Comment concilier le principe voulant que l'entreprise soit
capable de servir ses clients dans leur langue avec cet autre principe
énoncé dans le livre blanc, suivant lequel aucun employeur ne
pourra congédier ni rétrograder un salarié pour la seule
raison qu'il ne parle pas ou ne maîtrise pas suffisamment une autre
langue que le français? Ça n'est pas contenu dans 86, sauf que la
loi n'est pas appliquée. La loi n'est pas appliquée, et nous
avons d'abondantes littératures et plaintes à ce sujet.
En ce qui a trait à l'Office de la langue, pas plus brillant:
Quand on sait ? disait-il, toujours dans «Un dangereux carcan»
? que l'Office sera chargé de concevoir et d'appliquer toutes
sortes de règlements fort nombreux susceptibles d'affecter les
entreprises dans ce
qu'elles ont de plus vital, il répugne à penser qu'il sera
appelé à oeuvrer dans un cadre aussi autoritaire ?
l'autorité, il se l'est appropriée; fin de l'autoritarisme
supposé de l'Office de la langue française.
En pratique, le ministre ? parlant du ministre Laurin ? et ses
collaborateurs s'aménagent ainsi un vaste empire bureaucratique,
à l'aide duquel ils pourront, à volonté, s'immiscer dans
la vie privée, dans la vie des entreprises, exiger de celles-ci les
documents les plus confidentiels et prendre à leur sujet des
décisions susceptibles d'être très graves.
Et là il poursuivait. Écoutez, il n'avait qu'à en
découdre. Il n'y avait rien de bon là-dedans. Il n'y avait rien
de bon là-dedans. Il allait cependant plus loin sur une question, et il
l'a répété en commission: n'eût été
que de lui, il ouvrait les écoles anglaises aux enfants qui ont
l'anglais comme langue maternelle. Le projet de Ryan, que vous avez sur la
table, qui prétend être un projet pour répondre au jugement
de la Cour, ce projet était dessiné déjà par
l'éditorialiste Claude Ryan, en 1977. D'ailleurs, il l'avait
annoncé, lorsqu'il a décidé de faire le saut en politique,
qu'une de ses premières actions serait de saboter la loi 101, d'en
limiter la portée, et il a réussi. Ça aura juste pris 16
ans.
Le projet de loi que nous avons sur la table est un projet de loi
majeur, 65 articles qui viennent... La Charte n'en contient que 214. Il y a 10
articles sur l'affichage. L'affichage n'est qu'un prétexte, qu'un
prétexte. Il y en a 12 sur la langue d'enseignement et 42 qui viennent
complètement, et de façon extrêmement zélée
et minutieuse, déstructurer totalement la Charte de la langue
française: 65 articles qui viennent invalider ou modifier quelque 84
dispositions de la Charte de la langue, près du tiers des articles de la
langue.
Cette loi touche la langue de la législation et de la justice.
Non seulement accepte-t-il le jugement de la Cour suprême sur l'article
qu'on appelle l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
mais il intègre dans la Charte les interprétations, et il
excède les interprétations par cette espèce d'attitude
servile à l'endroit du gouvernement, de la fédération
canadienne. Il a décidé qu'il ne prenait aucune chance. Tout ce
qui pouvait être susceptible d'être contesté, il le
prévoyait en l'incorporant à la Charte de la langue.
La langue de l'administration et de l'État. Il l'a dit, il l'a
dit, et je pense que c'est irresponsable de la part d'un ministre de dire: Je
ne respecte pas la loi. Il ne faut pas s'en étonner, cependant. Quand il
a été nommé pour être le protecteur de la Charte de
la langue française, c'est d'un profond cynisme... ce qui faisait dire
à Mme Hélène Baillargeon que le nommer comme responsable
de l'application de la Charte de la langue, c'était comme de confier le
carré de laitue aux lapins.
Une voix: Vous avez raison, c'est vrai.
Mme Blackburn: D'autres disent: envoyer Dracula dans la
réserve de sang! C'était à peu près
l'équivalent. Il ne faut pas se surprendre qu'il n'ait pas plus de
respect que ça à l'endroit de cette loi et que lui-même
n'ait pas senti le besoin de la respecter. C'est ça le respect que cet
homme a pour les lois, pour l'Assemblée nationale, et il le
démontre ce soir. Il le démontre ce soir. La Charte, il l'a
toujours eue en horreur. Il l'a combattue avec violence et vigueur, et avec
mesquinerie, dans certains cas. Ce n'est pas moi qui le dis. La plupart des
commentateurs et observateurs ont fait la même remarque.
L'affichage public et la publicité commerciale. Il est
allé au-delà de ce que demandait la Cour suprême et
au-delà de ce que demandait le comité des Nations unies.
Au-delà de ce que demandait la Cour suprême; il est allé au
devant des voeux de la Cour suprême. On n'a jamais vu aussi
zélé lorsqu'il s'agit d'angliciser le Québec. En fait, il
autorise les sociétés d'État, HydroQuébec, la
Société d'habitation du Québec, la Société
des alcools du Québec, toutes les sociétés... Je ne sais
pas, on en a peut-être une quinzaine. Elles pourront dorénavant
afficher en anglais et en français. Trouvez-vous ça normal qu'un
État qui prétend avoir protégé la langue
française, qui prétend avoir un souci de promotion de la langue
française décide que ces sociétés n'afficheront pas
exclusivement dans la langue officielle, qu'elles pourront le faire en
français et en anglais? Et ça donne un exemple dont on se doute
facilement des effets sur les entreprises privées. Pourquoi est-ce
qu'elles se gêneraient?
Et il a passé au moins 3 semaines à nous dire: Le
français va être prépondérant. Le français va
être prépondérant. La prépondérance, c'est
inapplicable. Puis-je vous dire que c'est inapplicable? Il y a 19 000 commerces
à Montréal, dans lesquels ils peuvent afficher anglais,
français à l'intérieur, avec la prédominance du
français. Saviez-vous que, depuis que la loi a été
adoptée en 1988, il n'y a pas eu une seule plainte connue? La
présidente de la Commission de protection de la langue française
nous dit: II y en a eu 4. Elle nous a dit ça en commission parlementaire
la semaine dernière; 19 000 entreprises, 5 ans d'application, 4
plaintes. Pour une raison extrêmement simple: c'est inapplicable. C'est
un concept inapplicable, et le ministre lui-même disait: Vous savez, pour
les entreprises privées, évidemment qu'il faut faire preuve de
plus de souplesse. Et, déjà, tout le monde aura compris que le
supposé concept de prédominance, c'est inapplicable et ça
ne sera pas appliqué.
En ce qui a trait ? et je vois le ministre du Travail, ces
questions devraient l'intéresser ? à la langue des
négociations, savez-vous que, dorénavant, les décisions
arbitrales ne seront plus traduites? Elles le seront à la demande de
l'employé payé par les parties, et la version française,
traduite de l'anglais, n'aura pas de caractère officiel, légal.
Et c'est ce qui est inscrit. Vous ne l'avez pas lu. Vous avez adopté
à main levée. J'en ai vu, les 2 mains, les 2 mains. Rien de trop
beau! On ne savait pas ce qu'il y avait dans les amendements, mais on votait
des 2 mains, des 2 mains.
Le Conseil du patronat a prévenu ce gouvernement. S'il y a un pas
intéressant qu'on a fait en matière de négociations, c'est
la francisation des négociations. La francisation des
négociations, ça a contribué à diminuer les
tensions dans les entreprises. Bien, pour se conformer et aller plus loin que
133 disait, non seulement on applique ça aux conventions collectives
mais aux décisions arbitrales. Qui va payer, dorénavant, pour
faire faire une traduction d'une décision arbitrale quand la traduction
n'aura même pas valeur légale en cas de contestation? (20 h
50)
En ce qui a trait à la langue, aux classes d'immersion ? mon
collègue, député de Lac-Saint-Jean, va en parler plus
longuement ? là, ça s'est déchaîné.
C'est la folie furieuse. On nous fait dire n'importe quoi. Il faut d'abord
savoir qu'il y a un régime pédagogique qui permet quelque 120
heures, si ma mémoire est bonne, d'enseignement par année. Il
s'en donne quelquefois une demi-heure par semaine. On ne remplit même pas
le programme et on est en train de nous dire qu'il faut l'élargir. Rien
de trop beau...
M. Morin: S'il vous plaît, M. le Président. Je
voudrais m'excuser auprès de ma collègue, là...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.
M. Morin: ...mais regardez, là, il y a des ministres qui
n'arrêtent pas de parler. Voudriez-vous les rappeler à l'ordre,
s'il vous plaît...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous
plaît!
M. Morin: ...pour éviter que ma collège soit
interrompue à 3 ou 4 reprises comme elle l'a été, tout
à l'heure?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît, c'est... S'il vous plaît! L'article 32, je
demanderais aux députés de prendre leur place. M. le ministre du
Travail, si vous voulez prendre votre place, s'il vous plaît. M. le
député. M. le ministre du Travail, si vous voulez prendre votre
place, s'il vous plaît. M. le député de LaFontaine.
Mme la députée de Chicoutimi, si vous voulez
poursuivre.
Mme Blackburn: Oui, mais...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Si vous voulez prendre vos places, à la demande du député,
et je fais observer le règlement. Mme la députée, si vous
voulez poursuivre. S'il vous plaît, M. le député! Il vous
reste à votre temps de parole, Mme la députée, 7
minutes.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
En matière de langue de travail, le ministre du Travail, qui se
plaît à causer avec ses collègues, pourrait peut-être
écouter pour comprendre ce que ça veut dire les dispositions qui
ont été introduites ou pas introduites dans ce projet de
règlement. Le Parti libéral du Québec, dans ses instances
qu'on appelle le conseil général, avait manifesté par
résolution une volonté de voir renforcer les dispositions
touchant la langue de travail. On ne retrouve rien là-dedans. On ne
retrouve rien là-dedans.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
M. le député et ministre des Communications, vous n'avez pas la
parole! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mme la
députée, je m'excuse de vous avoir interrompue. S'il vous
plaît! M. le ministre des Communications, un premier rappel à
l'ordre. Mme la députée, si vous voulez poursuivre. S'il vous
plaît! M. le député de Matapédia, un premier rappel
à l'ordre.
Mme la députée, si vous voulez poursuivre.
Mme Blackburn: M. le Président, en matière de
travail, la situation demeure extrêmement précaire. On sait que,
majoritairement, les allophones travaillent en anglais à
Montréal. On sait que les francophones, pour une partie importante,
travaillent toujours en anglais ou en français, ou
particulièrement en anglais. C'est la situation qu'on retrouve, et
là, évidemment, on n'a pas le portrait de l'île de
Montréal, on parle ici de la grande région métropolitaine.
Le français demeure fragile, les acquis incertains, et le travail, c'est
le meilleur lieu d'intégration des minorités. sauf que,
actuellement, les modèles qu'ils ont, c'est que plus vous êtes
dans la catégorie des ouvriers, plus ça parle français et,
si vous êtes dans les cadres supérieurs, les techniciens
spécialisés et en informatique, vous n'en avez que 36 % qui
travaillent majoritairement du temps en français; le reste, 64 %, c'est
en anglais. donc, les vrais modèles de promotion, dans les entreprises
montréalaises de la grande région métropolitaine,
ça se passe en anglais, actuellement. et, évidemment, rien n'a
été fait pour renforcer les dispositions touchant le
français au travail.
Qui plus est, le gouvernement a aboli la Commission de protection de la
langue. Ah! on a fait disparaître les inspecteurs, on va avoir des
vérificateurs. Ils vont faire des vérifications, je ne sais pas,
comme on vérifie votre véhicule pour savoir s'il est conforme ou
en état de rouler. On va faire des vérifications. Les pouvoirs
d'enquête, ça n'existera plus. Ça veut dire que la loi, on
lui a enlevé tout ce qui pouvait représenter un minimum de
protection et de mise en garde, d'information touchant les règles et son
application. Non seulement a-t-il aboli la Commission de protection de la
langue, mais il a complètement vidé l'Office de protection de la
langue de tout pouvoir réglementaire.
Pourtant, c'est le même homme, c'est le même
homme qui nous disait, parlant toujours du dangereux carcan que
constituait la loi 101: En pratique, le ministre et ses proches collaborateurs
s'aménagent ainsi un vaste empire bureaucratique à l'aide duquel
ils pourront à volonté s'immiscer dans n'importe quelle
entreprise, dans la vie privée des entreprises.
M. le Président, il s'accapare tous les pouvoirs
réglementaires. Ce que nous avions fait, c'était de les donner
à l'Office de la langue française de manière à les
garder à bout de bras, un peu, assez loin de toutes les tentations
partisanes politiques. Il se les est appropriés, contrairement à
tout le discours qu'il tenait alors.
C'est un projet de loi qui est néfaste, qui risque de perturber
la paix sociale. Je n'ai pas voulu en parler, parce que je trouve toujours
ça inquiétant de ramener ces questions, mais, en commission
parlementaire, la très grande majorité des intervenants se sont
inquiétés. Ils prétendent que ce projet de loi risque de
menacer la paix sociale au Québec. Mais ça marque un recul
majeur, un recul important. Et on vient modifier, après 17 heures de
commission parlementaire, on vient modifier une loi qui modifie 84 articles de
la Charte de la langue française. Le gouvernement n'avait pas ce mandat.
Ce mandat n'était inscrit ni dans son programme de 1985 ni dans le
programme de 1989. Le seul engagement, c'était sur l'affichage. Jamais
ce gouvernement n'a été élu pour saboter les dispositions
de la Charte de la langue française pour faire de la Charte de la langue
française la charte des langues officielles. Le gouvernement n'a pas ce
mandat. La population va s'en rappeler certainement au prochain scrutin.
Je voudrais inviter ceux et celles de la partie ministérielle qui
ont un peu de courage, qui ont pris la peine de lire le projet de loi, d'en
comprendre les différentes dispositions, d'en lire les règlements
? qui sont disponibles, il va sans dire ? à voter contre comme
nous le ferons. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi.
Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes
à l'adoption du projet de loi 86, Loi modifiant la Charte de la langue
française. Et je cède la parole à M. l'adjoint
parlementaire du ministre de la Santé et des Services sociaux et
député de Nelligan.
M. le député, vous avez la parole.
M. Russell Williams
M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président.
Je me lève ce soir comme parlementaire, comme démocrate,
comme libéral, très fier, parce qu'on discute de la loi 86 qui
est une loi qui va respecter les changements d'attitude dans la
société québécoise.
La loi 86 est un reflet des grands changements du climat social. Cela
fait juste 4 ans et demi que nous avons discuté la loi 178, et nous
avons vu un grand changement, une grande amélioration dans l'attitude et
le climat social. Nous avons, au moins de ce côté de la
Chambre, essayé d'avoir un débat ouvert et honnête
sur l'amélioration de la Charte de la langue française.
Mais, M. le Président, ce n'est pas un débat sur
l'affichage, c'est un débat sur le respect mutuel, c'est un débat
sur la tolérance. J'espère que l'autre côté de la
Chambre va comprendre que l'on ne peut pas protéger une langue juste en
interdisant une autre langue. C'est un débat sur le changement
d'attitude, c'est un débat sur les choix entre le nouveau contrat social
ou la vieille garde, avec les vieilles réalités, qui n'a aucune
place dans la réalité du Québec de 1993. Et, jour
après jour pendant ce débat, nous avons vu qu'il n'y a aucun
support de cette perspective.
Quand nous avons commencé le débat, le ministre
responsable de la Charte de la langue française demandait 5 questions.
Moi, comme député de Nelligan, j'ai demandé 1 question,
comme j'ai toujours demandé comme Québécois. J'ai
demandé comment on peut protéger la langue française et
toujours en respectant les minorités. Et, M. le Président, ce
soir, avec la loi 86, je pense qu'on trouve la réponse à cette
question. C'est un débat, aujourd'hui, M. le Président, sur une
différence d'approche entre les politiques d'exclusion pratiquées
par l'autre parti ou les politiques d'inclusion. C'est le début d'un
changement d'attitude, comment on traite les minorités, comment, au
Québec, on peut bâtir une société ouverte qui
respecte tout le peuple québécois. Avec la loi 86, M. le
Président, ça va être le peuple qui va décider. On
pense, de ce côté de la Chambre, que le peuple peut décider
comment il peut protéger la langue française. Si on assure que la
langue française est partout, on peut avoir la flexibilité de
laisser une ouverture pour les autres langues. (21 heures)
C'est un débat pour les voisins, pour trouver les solutions entre
voisins. Je sais que l'autre côté aime créer des structures
et il continue à faire le débat. Mais on veut régler cette
question parce que, au Québec, nous avons plein de problèmes, et
on doit régler les problèmes. Je pense qu'on peut corriger ce
problème tout de suite et commencer à changer les autres. Avec
ça, M. le Président, c'est une nouvelle vision du Québec,
et on peut être fiers ce soir du projet de loi 86. Je n'entre pas dans
tous les détails parce que nous avons entendu ça pendant des
semaines et des semaines, mais c'est basé sur le respect mutuel.
M. le Président, when I went door to door, in 1989, people were
asking me about the language laws, and I made a commitment to the citizens of
Nelligan, that I always believe, that you can protect language rights without
using a «notwithstanding» clause, and today, again, our Liberal
Party is proving commitment. You can develop language laws that fully and
totally protect the French reality of this province but respect the
English-speaking community and other minority communities.
There is a part of this law, M. le Président, that a lot of
people have not talked about in the last period: it is the protection of our
institutions. The English-
speaking community, through its institutions of health care and
education and its municipalities, has built some very vibrant public
establishments. Here, in Bill 86, we have protected them in which they will not
lose any special status unless they so request it by debate, by resolution
within their own establishments. And I think this is fundamentally important as
we move towards continuing to protect the majority French reality of this
province while respecting the minority communities.
M. le Président, the Liberal Party in the last 4 years has done a
great deal working with the English-speaking community. Tonight is another
decision as we protect the French community and the English community at the
same time. In health care, we have done that. In education, we continue to do
that. Today's decision in the Supreme Court acknowledges that again we can look
to the National Assembly to resolve our problems. We do not need to look
outside. We do not look towards other governments or other levels to give us
decisions. We can, in fact, work out decisions that make sense for all
Quebeckers.
When you look at the track record over the last few years, yes, there is
still work to do, and there are repairs to be made between the 2 communities,
but in the cultural affairs area, in health and social services, in education,
within government structures and within communications, we are building
approaches that are going to respond to the real issues of the English-speaking
community.
Today, M. le Président, you see a new climate of openness, a new
understanding between French and English-speaking Quebeckers. And it is
important to say that it is clear the English-speaking community sees the
contradictions that are evident in the Parti québécois when they
produce a report that everything will be wonderful in a sovereign
Québec, yet they try to block Bill 86. The contradictions ? and
that is the nicest word to use ? are evident.
But equally I think it is important to highlight tonight the
contradictions in the Equality Party position. It is that they build the party
based on linguistic tensions. They do not want certain resolutions of that, and
you see it again in the behaviour during this debate. I think we should make
sure that we understand that there is a party in this National Assembly ?
and it is the Liberal Party ? that is trying to work out the issues. And
maybe there is still work to be done, but we are not building a strategy based
on linguistic tensions that I have seen in the other 2 parties. And I think it
should be said because too much time in the last period, in the last few years,
has been based on misinformation and misunderstandings. It is clear, M. le
Président, that the cloud of 178 has created a high level of
misunderstanding and I hope tonight, when we pass this law, that we will move
that cloud, and, together English-speaking and French-speaking Quebeckers will
build a stronger society, because I think we can be very proud of the approach
that we are doing in Bill 86.
As I mentioned before, there are serious difficulties. When I talk to
the people of my riding, both the French and English-speaking communities, they
want this issue resolved, and tonight we are not fully resolving it, but I
think we're taking a wonderful step in the right direction respecting the
social climate, respecting the kinds of openness that I think we have heard
from everybody.
M. le Président, avant de terminer, je voudrais féliciter
le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française parce que, avec son leadership pendant ce débat, nous
avons eu un débat honnête, franc, ouvert. Je me souviens du
débat, il y a 4 ans, et nous avons vu un grand changement, et on peut
être fiers du leadership que nous avons eu dans notre parti. Et une fois
qu'on règle ce problème, et une fois que nous avons
réglé la question de l'affichage de la langue française
sans la clause «nonobstant», je pense qu'on peut avancer dans les
autres dossiers.
M. le Président, the Liberal Party of tonight, when we pass Bill
86, speaks with confidence, with courage and with conviction, and I will
certainly gladly lend my name to supporting Bill 86. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Nelligan. M. le député de D'Arcy-McGee,
je vous cède la parole. Je crois comprendre que les
députés indépendants se répartissent l'enveloppe de
15 minutes en une intervention de 5 minutes chacune. Vous avez donc droit
à 5 minutes, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: M. le Président, le vote pour l'adoption finale
du projet de loi 86 me place devant un dilemme très difficile. We have
to admit, we have to recognize that this bill represents an important step
forward. I believe congratulations are in order for the Minister responsible
for the French language charter, who has handled the debate over a very
emotional piece of legislation with a great deal of dexterity. And I believe
some of the impotence of the Opposition in building up forces against this bill
is in large part due to the skill that the Minister has shown in dealing with
this important debate.
M. le Président, I would like to vote in favour of Bill 86. I
would like to vote in favour of Bill 86, and hearing many of the speeches from
some of the members of the Government, hearing what some of them have to say,
on the one hand I feel I have to thank them for some of their openness, and on
the other side of the coin I feel a certain sense of satisfaction that some of
the efforts that our party has made in the past to bring this debate to light
has bore fruit and we will reap some of the benefits of that hard work
tonight.
But, M. le Président, we also ask the question: Is the cup half
full? And as I said, as much as I would like to vote in favour of Bill 86, as
much as I would like to say yes and be swept up with optimism and
enthusiasm,
I cannot, M. le Président. Bill 86 corrects or rectifies an error
that the Government made in 1989, that the Government should not have made. The
anglophone community was cut with a knife in 1989. Tonight, the Government
patches up this wound with tape. They are doing something that individuals in
most democratic countries in the world take for granted.
Now, if we voted for this legislation, we would be sending the message
that all is well in Quebec's anglophone community. But all is not well,
unfortunately. We must, tonight, register the opinion that, although this bill
takes us forward, the anglophone community still has some very serious concerns
about its future that have not been adressed properly with this legislation. As
I said when the committee hearings began a few weeks ago, I was 16 years old
when Bill 101 was passed. In the past 16 years, since the passage of Bill 101,
most of my friends, relatives, colleagues have left the Province of
Québec. This is a serious concern and Bill 86 did not address this major
concern of the anglophone community. We are concerned about our future here in
Québec.
The anglophone community supports this law in itself. We find that this
law is a major improvement over existence of what we had before, but as a
legislator, we cannot vote in favour of it because, unfortunately, it does not
go that extra step that is vital, that extra step that is vital to address the
real substantive concerns of English-speaking Quebeckers. And as far as the
rhetoric is concerned, by those who will react to our vote tonight and say that
this is proof of the increasing appetite of the English-speaking community,
this rhetoric must be recognized as racist rhetoric. A minority community, M.
le Président, by virtue of its minority status must always try to get as
much as it can from the majority in this province. We must fight for as much of
our rights as we can, with as much vigour and determination as we can. (21 h
10)
So, in conclusion, I ask the Minister, this evening, to understand why
we are voting against it. I ask him to recognize, understand and be sensitive
to the reason we are voting against this bill. And if he understands the gut
feeling of why we cannot support this legislation at this time, well, that very
understanding by the Minister will go a very long way in healing some of the
wounds since bill 101 was adopted, 16 years ago. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Lac-Saint-Jean, whip en chef de l'Opposition
officielle, je vous cède la parole.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je voudrais profiter des
quelques minutes qui me sont attribuées pour, d'abord, dénoncer
l'hypocrisie et la grande tartufferie de la prédominance en
matière d'affichage.
C'est ce qu'on retrouve à l'article 17 du projet de loi 86, qui
dit: «L'affichage public et la publicité commerciale doivent se
faire en français. Ils peuvent également être faits
à la fois en français et dans une autre langue pourvu que le
français y figure de façon nettement
prédominante.»
La prédominance, M. le Président. C'est quoi cette bibite
conceptuelle, qui a fait sa première apparition, vous le savez, dans la
loi 178, qui le permettait à l'intérieur des commerces? Il n'y a
jamais eu une seule violation de cette disposition. Ça mange quoi en
hiver la prédominance du français dans l'affichage commercial?
Qui va faire appliquer cette notion nébuleuse, tarabiscotée,
emberlificotée? La Commission de protection de la langue
française? Certainement pas. Elle est liquidée, elle
disparaît, morte au champ d'honneur, enterrée sans
funérailles. Les citoyens? Les citoyens qui vont se charger de faire
respecter la prédominance? Eh bien! les pauvres citoyens, qui vont avoir
cette volonté, vont devoir se référer à un
règlement, un règlement qui leur indique c'est quoi la
prédominance. C'est quoi la prédominance du français dans
l'affichage commercial, M. le Président? Eh bien, la prédominance
du français, c'est lorsque le français a un impact visuel
beaucoup plus important. On associe à une notion nébuleuse une
autre notion nébuleuse, qui ne veut rien dire: un impact visuel plus
important!
C'est quoi un impact visuel plus important? Alors, je vais voir au
règlement. Le citoyen qui veut faire respecter ça, il va voir au
règlement. Quand c'est sur une seule affiche, il faut que le
français occupe deux fois plus de place que l'anglais dans l'affichage.
Il va s'apercevoir de ça comment? En faisant comme les travailleurs de
la construction, en se promenant avec un gallon à mesurer attaché
à la ceinture et un escabeau, pour pouvoir monter ? parce que,
parfois, les affiches sont hautes ? aller mesurer, pour voir s'il y a le
rapport 2/3-1/3? Qui va faire respecter ça? Quel citoyen va aller faire
son épicerie avec un gallon à mesurer et un escabeau dans son
panier? Personne.
Oui, exactement. La prédominance, c'est une supercherie, une
tartufferie, M. le Président. L'impact visuel plus important, ça
va se traduire comment, quand les affiches sont distinctes? Le règlement
nous dit: Ah! c'est très simple, ça va dépendre du nombre
des affiches. S'il y a deux fois plus d'affiches en français qu'en
anglais, la loi va être respectée, il y aura prédominance.
Alors, en plus du gallon à mesurer, il va falloir la calculatrice pour
pouvoir les compter. Il en faut deux fois plus, M. le Président. C'est
ça, la prédominance. Vous imaginez qu'il va y avoir beaucoup de
citoyens qui vont s'efforcer de faire respecter la loi? Pas un seul, comme
ça a été le cas, d'ailleurs, pour la loi 178, qui
prévoit la prédominance à l'intérieur des
commerces. Il n'y a jamais eu une seule violation. Pensez-vous qu'il y a du
monde qui vont s'occuper de faire respecter ça, une notion aussi
farfelue?
Alors, M. le Président, je pense qu'il est important de signaler
que cette notion de prédominance est inapplicable. Ce n'est pas
gérable. C'est de l'hypocrisie. C'est une fourberie. C'est clair que
l'intention véritable du gouvernement, c'est de faire en sorte que, dans
l'affichage commercial, les 2 langues soient sur le même pied.
Voilà, c'est ça qu'on veut, et c'est ça qui va arriver,
parce que cette notion farfelue et frivole de prédominance, il n'y a
personne qui va se charger de la faire appliquer, comme c'est le cas depuis 5
ans à l'intérieur des commerces. Hypocrisie, M. le
Président.
La même hypocrisie apparaît en matière
d'apprentissage de l'anglais langue seconde et des fameuses classes d'immersion
qu'on autoriserait en vertu d'un amendement à la Charte de la langue
française. La ministre nous avoue, cette semaine, que c'est elle qui l'a
demandé, et elle est incapable, jusqu'à maintenant ? et elle
n'a pas voulu venir en commission parlementaire ? de nous indiquer quelles
seront les modalités d'application, les conditions de mise en vigueur de
cet amendement majeur qu'on apporte à la Charte de la langue
française en matière d'apprentissage de l'anglais langue seconde.
Personne ne le sait, et elle refuse d'écouter les voix autorisées
qui viennent de partout. Des voix autorisées en matière de
pédagogie, des commissaires d'école, des enseignants, des
enseignantes, des cadres scolaires, des directeurs d'école qui sont
venus, qui ont fait entendre leur voix, qui ont dit à la ministre:
Ça, c'est dangereux. Ça comporte des risques, surtout quand on ne
sait pas comment ça va s'appliquer, et surtout, quand la ministre, la
responsable de l'éducation, n'est pas capable de nous dire comment
ça va s'appliquer.
Elle s'est ouverte, récemment, M. le Président, à
un journaliste du Journal de Québec. Elle a été
incapable, évidemment, de nous éclairer davantage sur la
manière dont ça va s'appliquer, mais elle a dit... Probablement
qu'elle a été alertée par un article de Jean-Pierre
Proulx, qui s'y connaît en matière d'éducation, qui a
écrit un article très étoffé, très fortement
documenté, où il disait: Attention! L'immersion, ça
pourrait devenir la passoire vers l'école anglaise. Alors, la ministre,
sans doute alertée, dit à Régis Caron, du Journal de
Québec: «Nous voulons éviter ? c'est elle qui
parle ? d'engendrer des droits nouveaux, comme ouvrir l'accès
à l'école anglaise.» Eh bien, nous, on l'a prise au mot. On
l'a prise au mot et on a déposé un amendement. On n'en a pas
déposé beaucoup, d'amendements, à ce stade-ci, on en a
déposé 2. On en a déposé 1 qui, justement,
permettait de fermer cette possibilité, cette ouverture.
Je vous lis l'amendement, M. le Président: «Les enfants qui
ont reçu ou qui reçoivent l'enseignement en anglais afin d'en
favoriser l'apprentissage conformément aux prescriptions du
Régime pédagogique ne sont pas réputés recevoir ou
avoir reçu l'enseignement en cette langue pour les fins de l'article
73» ? de façon, comme le signalait Jean-Pierre Proulx, qu'ils
ne puissent pas prétendre être admissibles, en tout temps,
à l'école anglaise. C'est ça, la passoire. La ministre
dit: Oui, on va s'occuper d'éviter d'engendrer des droits nouveaux. On
lui propose un amendement qui va exactement dans ce sens-là. Qu'est-ce
qu'elle a fait, tantôt, quand on a voté sur cet
amendement-là? Tous les ministériels ont voté contre, et
elle, elle n'a même pas su que l'amendement a passé. Elle a
voté contre. Pourtant, ça allait exactement dans le sens qu'elle
indiquait dans l'article. Hypocrisie! Tartufferie, M. le Président!
C'est ça, le projet de loi 86, présenté par le
commissaire du peuple aux langues officielles! C'est ça, le projet de
loi 86. C'est un travail de sape, de démolition, de
démantèlement des grandes orientations, des grandes assises et
des fondements de la Charte de la langue française. En plus, on n'est
même pas capable de respecter le processus démocratique
prévu dans nos règles. On n'est même pas capable ? 17
heures en commission ? et ce n'est pas vrai que le ministre peut
prétendre qu'on n'a pas légiféré
sérieusement en commission. Ce n'est pas vrai, parce qu'on n'a
utilisé aucune mesure dilatoire. On a légiféré
sérieusement. Il n'y a pas eu aucun... Une seule motion
précédant l'étude détaillée. Une seule
motion! Après ça, on est passé immédiatement aux
remarques préliminaires, et on est passé immédiatement
à l'étude détaillée. On était rendu à
l'article 17, et on étudiait sérieusement. Voilà! Tout
à coup, on cesse de convoquer la commission. Depuis 2 jours, elle ne
siège pas. Là, la guillotine nous tombe sur le dos. Fini!
C'est ce qu'on appelle du «bulldozage», c'est ce qu'on
appelle un procédé antidémocratique. Vous sapez les
fondements de la Charte de la langue française, une des lois
fondamentales de la société québécoise, et vous le
faites en toute vapeur. Vous le faites en nous imposant le bâillon. Vous
le faites en ne permettant pas qu'on étudie sérieusement tous les
articles en commission parlementaire. C'est éhonté, ce que vous
faites là, M. le ministre. C'est éhonté, ce que vous
faites là.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît, M.
le député. (21 h 20)
M. Brassard: C'est inacceptable. Oui, M. le Président, ce
que le ministre fait là, c'est inacceptable. C'est
antidémocratique, et s'il était encore éditorialiste au
Devoir, je vous assure qu'on aurait un article demain, et, aujourd'hui
même, on aurait un article vitriolique, dénonçant la
conduite de ceux qui procèdent de cette façon-là.
M. le Président, le temps nous manque, parce que, justement,
toutes les dispositions de la loi concernant l'accès à
l'école, on n'a pu, d'aucune façon, les aborder en commission
parlementaire, d'aucune façon.
M. le Président, quand on voit ça, la façon dont le
gouvernement se conduit en matière linguistique, il est évident
qu'on est en face d'un gouvernement dont
l'intention avouée, affichée, c'est de faire un retour
à la loi 22, de triste mémoire. C'est de saboter la Charte de la
langue française. C'est de mettre, de placer sur le même pied,
l'anglais et le français, dans toutes les circonstances ? les 17
articles qu'on a étudiés ? en matière de langue
d'administration, de législation.
En matière de législation, écoutez bien, il faut
vous le dire. Vous ne le savez probablement pas, vous, les ministériels,
vous n'étiez pas en commission. Savez-vous que le ministre et le
gouvernement ont décidé de se conformer à l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui nous impose, soi-disant,
le bilinguisme en matière législative, d'administration et de
justice?
Savez-vous qu'on a découvert en commission que l'article 133 n'a
même pas de version française officielle, authentique? Tout l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique, tous les textes constitutionnels qui
nous régissent ? y compris la Loi constitutionnelle de 1982, le
fruit d'un coup de force du gouvernement fédéral, adoptée
sans l'assentiment de cette Assemblée nationale, qui a réduit les
pouvoirs de ce Parlement ? parmi toutes les lois constitutionnelles qui
nous régissent, M. le Président, le seul texte authentique qui a
valeur légale, c'est le texte anglais. Il n'y a pas de version
française authentique. Il y a une disposition de la loi de 1982 qui le
prévoit. Ça fait 12 ans, et il n'y a rien de fait encore. Alors,
l'article 133, qui nous impose le bilinguisme en matière de
législation, de justice et d'administration, c'est en vertu d'un article
dont la seule version légale, authentique est en anglais. Magnifique,
hein, n'est-ce pas? Formidable! Humiliant, oui, humiliant.
En plus, le gouvernement trouve moyen, par le biais de ce projet de loi
86, de donner son adhésion formelle au coup de force de 1982, en
reproduisant intégralement un article de la Charte des droits
fédérale, qui constituait justement, au moment où cette
Assemblée s'y est opposée, une réduction inadmissible des
pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière de langue et
d'éducation. Le responsable de la Charte a même voté avec
nous là-dessus. Il n'était pas d'accord avec la conduite du
gouvernement fédéral. Il n'a pas donné son adhésion
à la loi de 1982. Eh bien, maintenant, c'est chose faite. C'est chose
faite. Vous avez adhéré formellement à la loi de 1982, au
coup de force de 1982. Alors, ne venez plus nous dire, après cela, que
vous avez des conditions à exiger, même les plus minimes, comme
celles de Meech, pour apposer votre signature, donner ou légitimer le
coup de force de 1982. Vous y avez adhéré, maintenant,
formellement, M. le Président.
C'est loin d'être un projet de loi uniquement pour permettre
? nous disait le ministre, au début de son intervention ? au
gouvernement de régler la question de l'affichage, 5 ans après le
recours à la clause dérogatoire. Bien au contraire, si ce
n'était que de cela, il l'aurait fait en décembre, d'abord,
à la session suivante ? il n'y a rien d'urgent ? et il
n'aurait fait que cela, soit recourir de nouveau à la clause
dérogatoire, soit encore apporter des amendements, mais sur ce
point-là précis. Ils ont profité de cette occasion pour
chambarder, bouleverser, démanteler, saboter la Charte de la langue
française, et cela, de façon antidémocratique, en
bâillonnant l'Opposition.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député de Saguenay, je vous cède la parole.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. Ceux qui ne
sont pas intéressés peuvent toujours sortir. Après avoir
entendu le Tartuffe de la langue, on peut en entendre un autre!
M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais
féliciter le courage et surtout la grande sérénité
du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française qui, depuis quelques semaines et quelques mois, dirais-je, a
enduré patiemment tous les quolibets, toutes les insinuations, qu'il a
toutes démenties une à une, d'une façon mesurée,
calme, docile, avec une candeur qui est digne d'un grand homme
d'État.
M. le Président, je vais m'attarder, ce soir, dans les quelques
minutes qui me sont accordées, en particulier, à une certaine
insulte qu'on fait au peuple du Québec, de la part de l'Opposition.
Depuis quelques mois, on dit, au Québec, que le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française veut rendre le
Québec bilingue. La députée de Chicoutimi s'acharne
à ça, le député de Lac-Saint-Jean, le chef de
l'Opposition, tout le monde s'acharne à ça.
M. le Président, je me pose une question: Demain matin, lorsque
la loi 86 sera adoptée, est-ce que, dans mon comté,
Saint-Paul-du-Nord deviendra Saint Paul of the North? Voilà la question.
Est-ce que la ville de Québec deviendra Quebec City? Voilà la
question. Je pense, M. le Président, que prêter des intentions aux
Québécois, de cette façon, c'est une insulte. C'est une
insulte de penser que l'ensemble des Québécois et des
Québécoises sont si peu fiers de leur langue ? et on leur
prête toutes les mauvaises intentions.
M. le Président, lorsqu'on est obligé de sortir des boules
à mite des ténors du passé comme Pierre Bourgault,
cautionné par le chef de l'Opposition, dans des assemblées de
cuisine à l'aréna Maurice-Richard, M. le Président, c'est
qu'on est à court d'arguments. Lorsque le président de la
Société nationale des québécois indique que la Cour
suprême, dans son cas, c'est la rue, c'est grave!
M. le Président, quels sont les alliés de l'Opposition?
Qui sont-ils? Des gens connus ? et je respecte leur opinion ? pour
leur nationalisme indu, irréfléchi et souvent irresponsable. Mais
que pense la population du Québec? Que pense-t-elle, celle qui est
à
60 %, 65 %, 70 % ? même dans le comté de la
députée de chicoutimi ? d'accord avec la position du
gouvernement du québec, du ministre responsable de l'application de la
charte de la langue française?
M. le Président, c'est qui, les juges, au Québec? Est-ce
les 350 professeurs d'université que la députée de
Chicoutimi nous indiquait tout à l'heure? Est-ce que c'est Mme
Pagé, présidente de la CEQ? Quels sont les juges au
Québec? M. le Président, en démocratie, le peuple est
souverain. C'est à lui de se prononcer. Et le peuple, en temps venu, se
prononcera. Tant et aussi longtemps qu'il ne s'est pas prononcé, on n'a
pas le droit de lui prêter des intentions. Les indications qu'on a de ce
côté-ci prouvent fort bien que le geste posé par le
ministre et le gouvernement est un geste responsable. Bien sûr, lorsqu'on
a choisi, au départ... M. le Président, moi, je n'ai pas
dérangé le député de Joliette quand il a
parlé.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, allez-y, M. le
député de Saguenay. (21 h 30)
M. Maltais: Je ne l'ai pas dérangé, moi. Je suis
respectueux de la présidence. M. le Président, lorsqu'on est
rendu, au Québec, à vouloir ramener, ramener 2 sortes de
Québécois: les vrais, les purs et les anges, et les mauvais. Je
ne pense pas que ce soit une façon d'unir le peuple du Québec. Le
peuple du Québec est composé d'ethnies, de francophones,
d'anglophones et d'autres ethnies. D'ailleurs, l'Assemblée nationale,
ici, en est un reflet, M. le Président. Et j'aurais aimé entendre
le député de Westmount là-dessus. J'aurais aimé
ça, l'entendre. C'est un reflet. M. le Président, lorsqu'une
société comme le Québec est capable de réunir dans
son Assemblée nationale, qui est la voie représentative et
démocratique du peuple, autant de personnes de différentes
ethnies, c'est qu'elle a compris qu'elle était capable de vivre dans le
respect des personnes. Et à la minute où on ne respecte plus les
personnes, nous ne sommes plus en démocratie. À la minute
où on n'est plus capable d'accepter que notre voisin pense d'une autre
façon que nous sans le traiter d'hypocrite, de méprisant et de
traître, nous ne sommes plus dans une démocratie.
La démocratie demande le respect, d'abord, des individus, dans ce
qu'ils sont et ce qu'ils représentent. La démocratie c'est
au-dessus, M. le Président, au-dessus des haines, de la partisanerie. Le
peuple du Québec et les jeunes en particulier au Québec
évolueront au cours des 25, 50 et 100 prochaines années dans un
milieu de 300 000, 350 000 anglophones. Avons-nous le droit, au Québec,
aujourd'hui, de leur fermer nos frontières? Il faut être plus
Québécois que ça. Respecter notre langue, notre culture,
c'est un objectif, mais ne pas la fermer aux autres, voilà l'essentiel
du projet de loi 86, M. le Président.
Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Jacques-Cartier, je vous cède la parole. Vous
avez convenu d'intervenir pour 5 minutes. Allez-y, M. le député
de Jacques-Cartier.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président.
I do not know whether I can add very much that is original or different
from what was said, I think, very well and very eloquently this evening by my
colleague from D'Arcy-McGee. I take the same view as he does, both about the
bill and the way it has been conducted through this Legislature and the
position that we have to take. I think that the Minister has shown not only
dexterity, but compassion and intelligence in the development of Bill 86. I
suppose probably, no matter how he had gone about it, he would face a rather
ferocious reaction from the other side of the House, and we have, of course,
come to take that for granted.
I cannot support Bill 86, not in its entirety and not in terms of my
constituency, for the reasons that we have already laid out. The more
fundamental issue of survival for us remains one of education and of gaining
some more students for our schools and some means of renewal of our community.
If we accept the idea that legislation, which instead restores something more
of fairness and balance in terms of signs and other aspects of the state, is
all that is required, we do not really come to grips with the fundamental
problem of the English-speaking minority, as it has developed over the last 2
decades.
It is not true that the problem of that minority can be entirely
explained by Québec governmental legislation, as I sometimes have to
tell somewhat unwilling members of my own party. There are changes that have
come in Québec, some of them inevitable, some of them desirable, some of
them not having a great deal to do with government one way or the other;
changes that came in religious belief, changes in family structure, changes in
level of formal education, changes in the way capital is accumulated, the
division of labour, and so on. And all of these were frequently very difficult
for members of our community to adapt to. They might have felt a certain sense
of shock, even had there been no Québec government legislation of any
kind. Unfortunately, the legislation came at the same time as what was on the
whole, in many respects, a great forward and upward leap on the part of the
francophone population and that produced a recipe for misunderstanding that we
have never entirely solved.
Québec is in fact, as we all know, an extremely difficult place
to govern. It would be an extremely difficult place to govern under the
doctrines of the party in Opposition; I suspect in many respects even more
difficult to govern than it is under the present party. But it is a society
that is difficult to govern because it is a more interesting and complex place
than many other parts of the world and it offers opportunities, and
fascinations, and delights, and varieties, to the people
who live here that do not exist for most of North America.
It is probably going to have to face some rather different problems in
the 21st century, some of which will be affected by this legislation and some
not. I suspect myself, for example, that the United States will probably,
rightly or wrongly, begin to change its view on immigration again over the next
few years because of the tremendous impact of population growth and pressure
from other parts of the world. And if they do, they may very well produce the
kind of legislation they did in 1924 and, if they do that, Canada certainly
becomes a highly desirable place for a very large number of people of all
varieties, Francophones, Anglophones, other languages and so on, so that we
might face entirely different kinds of pressures and opportunities in terms of
immigrants and their education and their successful or unsuccessful
assimilation to the Francophones and Anglophones than we have at the
moment.
Those kinds of large changes are always happening, and can frustrate any
legislation. But I think that I do have to say that I give credit to this
government, even though I cannot support this legislation for what it has done.
I give credit to the Minister. I will carry this message to my own party and
its constituents. Sometimes I think we are managing between the 2 of us, the
Member for D'Arcy-McGee and I, to get half of our previous electorate angry at
us one time and half of the other, and perhaps preparing an excellent recipe
for electoral suicide, but, at least, we will have had the interesting
experience of having said exactly what we thought in a great debating
Assembly.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je veux vous rappeler que
le Parti libéral dispose encore d'une période de 30 minutes,
l'Opposition officielle de 25 minutes et 5 minutes pour M. le
député de Drummond. Je suis prêt à reconnaître
le prochain intervenant. Pas d'autres intervenants? Est-ce qu'il y a d'autres
interventions?
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Mont-Royal, ministre des Affaires internationales.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, nous sommes à une
autre étape importante dans l'évolution de notre
société. Le projet de loi 86 reflète l'évolution de
la société québécoise et l'évolution de
toutes les composantes des communautés qui composent cette
société. Le projet de loi 86 est une reconnaissance d'une
acceptation des droits et des obligations de chaque composante de notre
société.
En matière linguistique, M. le Président, on est parti
d'une situation injuste et déséquilibrée. Il y a ceux de
l'autre côté de la Chambre qui vont penser que je parle de la loi
101. Pas du tout. La situation injuste et déséquilibrée
était dans un passé très récent où le
français était occulté, où on était
obligé de parler anglais pour nos transactions commerciales pour le
travail, et c'était très injuste et
déséquilibré de notre société d'avoir
évolué de cette façon parce que cette situation de fait ne
reflétait pas la réalité de ce que le Québec
était et est aujourd'hui. Alors, pour remédier à cette
situation, on a adopté plusieurs lois au cours des ans pour essayer de
rétablir un équilibre. C'était le but des lois
linguistiques que cette Assemblée nationale a débattues depuis
plus de 20 ans. (21 h 40)
Aujourd'hui, qu'est le Québec? Le Québec est une
société majoritairement francophone, avec une communauté
anglophone et avec des communautés culturelles qui, toutes ensemble,
font partie de la société québécoise. Et de la
même façon que les faits auraient dû donner et fait à
la réalité québécoise des années cinquante,
soixante et soixante-dix, aujourd'hui, nos lois doivent donner, refléter
la réalité du Québec.
Nous sommes interdépendants, M. le Président. Il n'y a
aucune communauté au Québec qui est autosuffisante. Chacun,
chacune dépend des autres. Et cette interdépendance, M. le
Président, est aussi présente dans les relations entre peuples
dans le domaine international.
Et, M. le Président, la loi 178, malheureusement, nous a
causé beaucoup de questions. Beaucoup de questions ont été
posées sur la société québécoise. Et vous
savez, M. le Président, ce n'est pas plaisant pour quelqu'un du
Québec qui représente un gouvernement, qui représente une
société accueillante, une société tolérante
de se faire continuellement poser des questions sur une loi qui interdit une
autre langue.
À l'international, on explique le Québec, M. le
Président, on explique ce qu'est le Québec et on peut justifier
les politiques linguistiques. On a besoin d'une politique linguistique au
Québec parce que nous sommes une minorité en Amérique du
Nord. On peut expliquer les lois sur l'accès aux écoles anglaises
et aux écoles françaises parce que, encore une fois, nous sommes
une minorité en Amérique du Nord. On peut expliquer beaucoup de
mesures que nous prenons pour protéger, pour s'assurer que la
majorité francophone va pouvoir avoir tout son épanouissement et
cette protection qui est nécessaire en Amérique du Nord et on
peut le faire, mais ce qui est difficile à faire, et ce que j'ai
trouvé très difficile dans ma fonction, c'est d'essayer
d'expliquer, de justifier une loi qui interdit une autre langue, que ce soit
l'anglais, que ce soit l'italien, que ce soit le portugais ou toute autre
langue des communautés qui font partie de notre société.
Ce sont des irritants. Et c'est malheureux que ces irritants soient
utilisés par d'autres pour nuire au Québec.
M. le Président, je fais partie du Québec, je me sens
Québécois. Je me sens vraiment mal à l'aise quand il faut
que j'essaie d'expliquer certains gestes, certaines
lois qui ont été adoptées et que peut-être
que notre société a évolué maintenant et ce n'est
plus nécessaire de les avoir. Alors, ce n'est pas seulement une question
économique, c'est une question de dignité, de dignité de
la société québécoise, et nous n'avons pas le droit
de nuire à l'image du Québec, à l'orgueil du
Québec, à la dignité de notre société par
des lois qui sont perçues comme étant intolérantes et qui
sont perçues comme étant inacceptables. Et c'est pour cette
raison, M. le Président, qu'aujourd'hui nous avons la loi 86 qui donne
effet à la réalité du Québec, qui enlève les
irritants et qui nous permet de maintenir une politique linguistique pour la
majorité francophone tout en reconnaissant et en n'interdisant pas
l'utilisation d'une autre langue.
M. le Président, quel est le message que nous donnons au monde
entier? Il y a 2 visions, ici, de notre société. Il y a la vision
du Parti québécois et cette vision dit: On veut accepter le monde
entier au Québec. Ceux qui sont ici, qui sont d'une autre origine, d'une
autre communauté culturelle, d'origine anglophone, la communauté
anglophone, vous êtes acceptés, on veut que vous soyez au
Québec, mais, faites attention, on ne veut pas que le monde le sache.
Vous devez vous cacher. Oui, restez au Québec. On veut vous accueillir,
mais on veut que vous ayez oublié une époque de cette
présence. Ne démontrez pas que vous avez une présence au
Québec. C'est ça, la vision d'une loi qui interdit
complètement une autre langue.
Il y a aussi la vision, M. le Président, de notre gouvernement
qui dit: Nous sommes ouverts au monde entier, nous acceptons les
communautés culturelles, nous reconnaissons la communauté
anglophone; cependant, quand vous êtes au Québec, vous devez
reconnaître que ça se fait en français, que le visage
linguistique français doit demeurer, que la prépondérance
du français doit demeurer; vous devez afficher en français et
prépon-déramment en français; mais, si vous le voulez,
vous n'êtes pas obligés de vous cacher, vous pouvez aussi afficher
dans une autre langue. C'est ça, la vision que nous avons ici et c'est
ça, la reconnaissance que nous avons des autres communautés
culturelles et de la communauté anglophone. Et je crois, M. le
Président, que c'est quelque chose qui est tout à fait juste, qui
est humain, qui est généreux et qui, vraiment, répond aux
besoins de notre société, et on pourra aller dans le monde entier
la tête haute parce qu'on va pouvoir leur dire: Oui, nous avons des
politiques linguistiques qui répondent à la majorité
francophone; oui, nous avons des politiques d'accès aux écoles,
parce qu'on a eu des problèmes avec les immigrants dans le passé.
Alors, nos politiques d'accès à l'école reconnaissent les
problèmes que nous avons, et on peut les justifier. Mais, aussi, nous
donnons le droit à tous ceux qui sont ici, que ce soient les
anglophones, que ce soient d'autres communautés, de pouvoir afficher
dans leur langue, de pouvoir démontrer qu'ils sont présents au
Québec, pourvu qu'ils respectent la majorité francophone. C'est
ça que la loi 86 fait, M. le Président.
M. le Président, il est tout aussi injuste et inéquitable
d'exclure légalement une autre langue aujourd'hui qu'il était
injuste et inéquitable d'exclure factuellement ou de dénigrer
l'image française du Québec dans un passé encore
récent. Et ce que nous faisons, finalement, nous y faisons face et nous
reconnaissons cette réalité.
M. le Président, la loi 86 est une loi qui met fin aux querelles
linguistiques. Arrêtons les querelles linguistiques. Nous avons besoin de
travailler ensemble au Québec. Les querelles linguistiques nous
divisent. Ce n'est pas avec des querelles linguistiques qu'on va pouvoir
résoudre les problèmes auxquels nous faisons face: les
problèmes de société, les problèmes de
mondialisation, les problèmes d'interdépendance avec le monde
entier, tous les problèmes auxquels nous faisons face. La loi 86 met fin
à cette querelle, à ces querelles linguistiques. C'est un nouveau
rapport que nous avons avec toutes les communautés. Le visage
linguistique va continuer à être français par la
prépondérance du français, mais on est assez
évolués, généreux, humains, dignes comme
société de ne pas exclure une autre langue.
Et, M. le Président, on ne peut continuer à se
déchirer entre nous. Je veux féliciter le ministre responsable
pour son courage, pour avoir pris la décision, et le gouvernement aussi,
pour, finalement, réaliser que ces querelles sont derrière nous,
que nous devons entreprendre l'avenir ensemble et que nous devons tous
travailler ensemble pour le bien-être de notre société,
pour le bien-être du Québec.
Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Mont-Royal.
Je cède la parole à M. le député de
Joliette, leader de l'Opposition officielle.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
M. le Président, d'entrée de jeu, vous me permettrez de
dire au député de Mont-Royal, par votre intermédiaire, M.
le Président, que, lorsqu'on est convaincu de quelque chose, quelles que
soient les questions qui nous sont posées, on les défend avec
justesse, avec beaucoup d'enthousiasme et avec beaucoup d'engagement, à
part de ça. Ce n'est pas croyable d'entendre, de la bouche d'un ministre
du gouvernement, M. le Président, qu'il est mal à l'aise de
répondre à une législation que son propre gouvernement a
votée en 1986. C'est parce que vous n'y croyez pas. Et je ne suis pas
surpris, M. le Président, parce que le député de
Mont-Royal était un des 9 à avoir voté en faveur du
rapatriement unilatéral du fédéral en 1982. (21 h 50)
M. le Président, je voudrais, cependant, vous dire combien je
suis fier d'être du camp de ceux qui ne craignent nullement d'afficher
leur fierté d'être francophones en Amérique du Nord. Je
suis fier
également d'avoir été un de ceux qui ont
voté en faveur de la loi 101. Je suis fier, M. le Président, pour
les jeunes milliers de Québécois qui, à la suite de
l'adoption de la loi 101, ont accédé à des postes de
cadres supérieurs. Je suis fier, M. le Président, parce que la
loi 101 était venue mettre fin, précisément, à une
situation bordélique avec la loi 22 qu'avait votée le
gouvernement libéral. La loi 101 avait apporté la paix
linguistique au Québec. Et qui est-ce qui a réveillé le
débat linguistique au Québec? C'est le Parti libéral
d'abord par sa loi 178, ensuite par sa loi 86, comme il le fait
présentement. Il y a beaucoup d'anglophones québécois, M.
le Président, qui nous dirons: On aime beaucoup mieux avoir une
formation politique qui nous dit les choses clairement au lieu de louvoyer.
Et quand j'entendais tantôt le député de
D'Arcy-McGee, M. le Président, dire: Ce n'est pas pire, mais ce n'est
pas assez, on va continuer notre lutte pour aller plus loin. Parce que leur
objectif, c'est l'anglicisation. Ça, c'est aussi clair que ça, M.
le Président. Et on ne l'acceptera jamais, l'anglicisation du
Québec. Et je lutterai, M. le Président, tout le temps de ma vie
publique. Et, comme citoyen, je me battrai tout le temps pour que le
Québec demeure un Québec francophone, un Québec au visage
français. et, à ce titre-là, je partage à 100 % les
idées d'un nommé l'allier, maire de québec, qui doit
être aussi représentatif que bien des gens qui sont venus
témoigner pour dire, par exemple, qu'ils appuyaient, de façon
illimitée le gouvernement actuel.
Je suis bien fier d'être à côté d'une Lorraine
Pagé, M. le Président, qui n'a pas eu peur de venir expliquer en
commission parlementaire les principes pédagogiques qui sont mis en
cause par la loi 86. D'ailleurs, principes qu'il nous faudra rectifier lorsque
nous traverserons de l'autre côté de la Chambre, parce qu'on ne
peut pas accepter de mettre en péril la réussite scolaire de nos
jeunes Québécois. Ça, c'est clair aussi. Je suis fier
d'être avec tous ceux qui sont venus de l'autre côté, qui
ont eu le courage de leur opinion, et de dire clairement: Le Québec est
un peuple francophone qui a une langue, qui veut la conserver. Et je pense que
même face aux allophones, c'est une question de franchise qu'il faut
avoir vis-à-vis eux.
J'écoutais le député de Mont-Royal et je suis
inquiet parce que les allophones qui entrent au Québec, ils entrent au
Québec avec un double message présentement: «Welcome
Canada» puis «Bienvenue Canada». Essayez de leur expliquer
qu'on est un peuple majoritairement francophone et qu'ils doivent apprendre la
langue de la majorité. Le message qu'on leur donne dans les ambassades
pour qu'ils entrent ici, le message qu'on leur donne à leur
arrivée à l'aéroport, c'est un message de bilinguisme, M.
le Président, et ce n'est pas à eux que je m'attaque pour dire:
C'est regrettable, vous devez vous intégrer à la
communauté majoritairement francophone.
Je comprends donc le député de D'Arcy-McGee qui voudrait
tous les avoir dans ses écoles pour les angliciser
précisément, M. le Président, alors que le peuple
francophone a le droit, M. le Président, c'est un droit collectif qu'on
a. Et Dieu sait qu'ils ne sont pas placés ? je m'excuse, le
député de D'Arcy-McGee, M. le Président, ça fait 2
ou 3 fois qu'il crie ? n'est surtout pas placé pour venir traiter
de quoi que ce soit un député en cette Chambre. S'il y a une
communauté ouverte aux droits de notre minorité reconnue, c'est
bien le Québec. Avec un système scolaire de la
prématernelle jusqu'à l'université, avec un système
de santé qui respecte, M. le Président, intégralement
leurs droits. Je m'excuse, mais on doit avoir le droit, comme peuple, de
vouloir demeurer un peuple francophone, M. le Président. C'est comme si
la minorité grossissait et grossissait. Ce n'est pas la minorité
anglaise qui a grossi au Québec, ce sont les allophones dont le
pourcentage augmente.
Regardez les chiffres: la minorité anglaise est stable. Elle est
tellement stable que ça inquiète le député de
D'Arcy-McGee et d'autres qui nous disent: arrangez-vous donc pour qu'on ait
plus d'enfants dans nos écoles, nos écoles ferment. Ça ne
doit pas être parce qu'ils sont trop trop en croissance. Quel est le
nombre qui croît? Ce sont nos allophones. Un allophone qui arrive ici en
terre québécoise a le droit de façon claire,
précise, d'avoir un message sans équivoque: ici, on parle le
français, ici la langue officielle, c'est le français; ici, le
peuple majoritaire, qui a le droit de vouloir conserver sa langue et sa
culture, est français, et ça, M. le Président, c'est une
question de loyauté et de franchise, de franchise vis-à-vis les
nouveaux arrivants, ne pas leur donner un double message et, après
ça, essayer de les culpabiliser. Vous nous avez assez
culpabilisés.
M. le Président, on a tenté de façon très
orchestrée, au cours des dernières semaines, de culpabiliser les
Québécois, de les culpabiliser avec un avis par ci, avec un
sondage par là, disant: Vous allez manquer de
générosité. Pourriez-vous en avoir un petit peu, un
tantinet, aussi, de reconnaissance pour la générosité des
Québécois, et de reconnaître qu'un droit fondamental d'un
peuple, ça doit être celui de conserver sa langue et sa culture.
Moi, il y a des limites à me sentir culpabilisé, M. le
Président. On ne me culpabilisera pas parce que je veux garder le visage
français du Québec. On ne me culpabilisera pas, M. le
Président, parce que je veux que la culture française demeure
vivante, active, sans contrainte au Québec. Ça ne nous
empêche pas d'être généreux, M. le Président,
vis-à-vis les droits individuels, mais, de grâce! reconnaissez
à un peuple le droit de vouloir demeurer ce qu'il est, de garder son
identité, M. le Président.
Moi, je n'en reviens pas qu'on se laisse culpabiliser de la sorte. Je
n'en reviens pas, M. le Président, d'entendre autant de choses que j'ai
entendues ce soir par certains députés. C'est comme si, parce
qu'on est francophone, M. le Président, il faudrait avoir honte de se
promener à travers le monde et dire qu'on l'est. Voyons! C'est une
fierté. Demandez au maire de Québec, par exemple, ce qu'il pense
de votre loi. Il va
vous dire: Moi, ce qui fait ma richesse sur le plan touristique, c'est
précisément le visage français de ma vieille capitale.
Donc, pourquoi, M. le Président, essayer de culpabiliser ces gens, les
accuser de manque de générosité? Minute! Ce n'est pas un
manque de générosité, M. le Président, que de
vouloir demeurer un peuple francophone en Amérique du Nord. On a assez
d'être cet îlot francophone, d'être isolés et d'avoir
à lutter constamment contre Fanglicisation, et je m'imagine qu'on doit
avoir le droit de combattre, qu'on doit avoir le droit de se protéger,
qu'on doit avoir le droit de se développer, en autant qu'on respecte les
droits individuels et les droits reconnus et qu'on ne les attaque pas, M. le
Président.
J'écoutais le raisonnement, par exemple, du député
de D'Arcy-McGee. Parce que certaines écoles anglophones ont de la
difficulté avec le nombre d'élèves, il faudrait permettre
à du monde d'aller à l'école anglaise. Qu'est-ce qui
arrive dans nos petits villages quand il n'y a plus d'enfants? On ferme
l'école. Ah! là, ce n'est pas grave, c'est des francophones. On
prend des élèves et on leur fait faire 50 milles d'autobus
scolaire, ce n'est pas grave; il n'y a pas assez d'élèves
là, promenez-vous. Mais, pour eux autres, il faudrait créer des
écoles et leur envoyer tous les immigrants. Après ça, on
dit: On est une terre francophone; la langue officielle, c'est le
français. Bien, si la langue officielle et la langue du pays, c'est le
français, doit-on avoir le droit d'exiger de nos nouveaux arrivants que
le seul prix à payer pour s'intégrer à la
communauté, c'est d'apprendre la langue de la majorité? C'est
partout de même à travers le monde. Quand on arrive en Italie,
est-ce qu'on se demande: Est-ce que j'ai un droit spécial comme
francophone, là, moi? Ou bien si je m'intègre à la
majorité italienne? Quand je vais en Grèce, est-ce que je demande
s'il y a une place pour moi, et si je ne pourrais pas m'ouvrir une école
et vous pourriez me passer, je ne sais pas, plusieurs ethnies pour venir
à bout de me faire une école? Ce n'est pas de même que
ça marche dans les pays organisés, dans les pays
structurés. Il y a des limites à se faire charrier et à se
sentir coupables. Je ne me sens coupable de rien, je suis fier d'être
francophone, je suis fier d'être respectueux des droits, des droits qu'on
a consentis. Mais arrêtez de nous culpabiliser! Arrêtez de nous
culpabiliser!
J'écoutais le député de Saguenay dire qu'on a sorti
des gens des boules à mites. À vous regarder aller et à
vous entendre parler, il y en a certains qui auraient avantage à entrer
dans les boules à mites, M. le Président.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Chevrette: D'autant plus, M. le Président, que cette
lutte linguistique, cette canne qu'on a ouverte sur le plan linguistique n'a
été demandée par personne, si ce n'est qu'un petit groupe,
un petit groupe qui voulait satisfaire ses appétits et qui dit,
même avant qu'elle soit adoptée, qu'il n'en a pas eu assez.
D'ailleurs, c'est le Parti Égalité, à mon point de
vue, qui vient de se faire hara-kiri, ça, c'est clair. (22 heures)
M. le Président, je suis convaincu d'une chose, c'est que le
gouvernement actuel, M. le Président, a ouvert un débat
linguistique pour camoufler son incapacité à agir sur le plan
économique. Ces mêmes gens, au référendum du 26
octobre, qu'est-ce qu'ils nous disaient? Enfin ? les grandes respirations
pour masquer leur défaite ? enfin, on va pouvoir parler
d'économie! Un budget rétrograde qui va empêcher,
précisément, la reprise économique, puis va encourager le
travail au noir, puis le marché noir, M. le Président. Aucun
programme pour relancer l'économie, M. le Président. Aucun! On
devait parler d'économie, M. le Président. L'approche des
élections ? et ça se sent de plus en plus ? fait en
sorte, M. le Président, qu'il fallait aller retrouver cet
électorat perdu au profit d'un tiers parti qui ne se trouve pas et que
ça leur prenait, bien sûr, le rapatriement. Puis ça
paraît même dans les sondages, présentement:
«Equality» fait ça, puis le parti fait un peu plus
ça. Ils ne font que recouvrer, si vous voulez, l'électorat perdu.
Et il y en a, M. le Président, qui ne seraient pas surpris que, d'un
matin à l'autre, il y ait un passage d'un bord de Chambre à
l'autre. On s'y attend, bien sûr, M. le Président.
Donc, à partir de là, ça sera au moins clair, M. le
Président, et ça démasquera concrètement les
volontés, les objectifs qui étaient sous-tendus par cette loi 86.
Puis, moi, je pense, M. le Président, que ce sera une erreur de
parcours, votre loi 86, parce qu'à mon point de vue il faudra rectifier,
et très rapidement. On n'a pas le droit, M. le Président, de ne
pas protéger notre langue.
Et ça, ça ne veut pas dire, contrairement à ce qui
a été affirmé de l'autre côté de la Chambre,
qu'on ne croit pas en la valeur d'étudier 2, 3 langues, s'il le faut. Ce
n'est pas ça qu'on a dit. Jamais! Mais on a dit: Ne profitez pas d'une
langue qui doit supposément régler certains petits
problèmes d'affichage pour aller angliciser le système
d'éducation et mettre en péril même l'acquisition de
connaissances par des bains d'immersion, sous prétexte que, M. le
Président, ça peut être avantageux sur le plan
pédagogique. C'est faux! C'est complètement faux! Allez
rencontrer les enseignants à travers le Québec! Allez leur parler
de ça. Allez leur demander ce qu'ils pensent de vos immersions en
mathématiques, par exemple. Allez demander aux directeurs d'école
ce qu'ils pensent.
Bien sûr, certains directeurs d'école anglophone vont dire:
Bien oui! on est d'accord avec ça parce qu'on va en avoir de plus en
plus, après. Allez demander aux commissaires d'école qui suivent
de près la pédagogie, M. le Président, pour voir s'ils
acceptent ce principe. Allez demander à la CECM, aux
fédérations des commissions scolaires ce qu'ils pensent de
ça. Ce sont des élus, eux aussi, qui se présentent devant
le peuple, puis qui ont à contrôler la qualité et la
gestion pédagogique dans leur commission scolaire. Qu'est-ce
qu'ils disent de ça? Vous n'en avez pas entendu un pour vous
autres. Aucun! Bien sûr, vous allez me dire: La commission scolaire
catholique protestante. Je comprends! Ils sont dans la lignée du
député de D'Arcy-McGee. Mais ce n'est pas ça, M. le
Président, qu'on a entendu à travers le Québec. On a
profité d'un avis sur l'affichage pour déborder carrément
le sujet, pour aller même au niveau de l'anglicisation au niveau de
l'école.
Et ça, M. le Président... Je m'excuse, mais mon
collègue a été tellement éloquent sur la
prépondérance du français. C'est tellement fou! Ils ont un
règlement, présentement, M. le Président, à
l'intérieur. Ça l'est, la prépondérance. Est-ce
qu'on pourrait savoir combien il y a eu de causes? Est-ce qu'on pourrait savoir
combien il y a eu de plaintes? Est-ce qu'on pourrait savoir combien on a
dû apporter de correctifs? Comment on a fait apporter des correctifs?
C'est nul.
Et on fait disparaître, M. le Président, la commission
chargée de la protection de la langue française. C'est du beau,
M. le Président! Et je vous dirai très honnêtement, M. le
Président, que, moi, je suis fier d'avoir fait cette lutte contre ce
projet de loi là, puis je serai encore plus fier le jour où on la
défera, cette loi-là.
Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de
l'article 213, M. le député? Refus. Alors, vous ne pouvez pas
poser de question.
Je vais reconnaître M. le député de
Louis-Hébert. Votre formation dispose encore d'une période de 28
minutes, M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président.
M. le Président, j'essaie de comprendre l'argumentation de
l'Opposition. Ce qui se dégage de leurs propos, c'est une
mentalité d'assiégés, c'est le dernier carré des
résistants. On est pressés de toutes parts, le fort est en train
de céder, et le siège se maintient et devient de plus en plus
soutenu, la famine s'installe et le dernier carré que nous sommes de
francophones en Amérique du Nord est en train de céder. Or, cette
mentalité d'assiégés est une mentalité qui ne
s'appuie pas sur la réalité. Ce n'est pas ça, la
réalité. Ce n'est pas ça, parce que la
société québécoise est une société en
expansion, une société qui est en train de fleurir, de
s'étendre, de s'affirmer, de devenir de plus en plus solide. Nous ne
sommes pas en perte de vitesse, nous sommes en ascension, nous sommes en train
de reprendre des forces et nous n'avons jamais été aussi solides
que maintenant. Cette mentalité d'assiégés, c'est une
mentalité de perdants, finalement, de gens qui avouent la défaite
et qui se voient comme étant les victimes d'un complot
nord-américain, si ce n'est pas planétaire, M. le
Président...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Doyon: ...qui nous mène sur le bord d'un
précipice dans lequel nous allons tomber et que tout le monde attend de
voir le floc que ça va faire. Bien, il n'y en aura pas, de floc, parce
que nous ne sommes pas une société d'assiégés. Nous
sommes une société capable, nous sommes une société
instruite, nous sommes une société qui devient de plus en plus
riche, nous sommes une société qui est de plus en plus capable de
faire ce qu'elle entreprend, et nous en faisons la preuve continuellement.
La position défaitiste est décourageante. Elle est
décourageante. Elle nous mène au désastre. Elle appelle la
foudre, elle appelle le malheur et le cataclysme, alors que ce n'est pas
là, ce n'est pas là. J'invite les opposants à faire preuve
d'un peu de réalisme. Je les invite à regarder les choses telles
qu'elles sont, à faire une analyse basée sur les faits et non sur
des convictions purement idéologiques. On n'est pas dans une affaire de
dogme ici. La langue, ce n'est pas une affaire dogmatique. Je demande aux
opposants de cesser de se considérer comme étant les victimes
d'une immense pression qui viendrait de partout, et dont le seul moyen de
résister est de calfeutrer, et de calfeutrer, et de calfeutrer, et de
boucher les trous, de façon à ce qu'au risque de boucher des
trous, et les ayant tous bouchés, on serait devenus un sous-marin, et on
se promène dans le fond de l'eau, ne s'en apercevant même pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: La submersion n'est pas une solution à la
survivance. On va passer inaperçus. Si vous voulez vous faire oublier,
faites des palissades, faites des barrières, établissez des
forts, des forteresses, et ayez des gardiens partout. Mettez des
guérites partout, surveillez ceux qui nous attaquent.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Doyon: Regardez et ne vous faites surtout pas faire le coup de
Montcalm, au cas où ça se reproduirait. Apprenons de l'histoire,
finalement. Évitons les erreurs de Montcalm; ça pourrait
être votre «motto».
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Doyon: M. le Président, j'entends l'Opposition, dans un
discours qui est constant maintenant, tenter d'expliquer que nous sommes
menacés par l'immigration: les immigrants sont une menace, ils sont une
menace au fait français. Les francophones, assiégés de
nouveau à Montréal, ont besoin de renforts extérieurs. On
se croirait aux premiers temps de la colonie où on faisait appel
à la mère patrie. Phipps est en vue!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: Phipps est en vue. Mais Phipps n'est
plus là. Je vous l'annonce. Les immigrants ne sont pas une
menace, ils sont une force, ils sont un acquis, ils sont quelque chose dont on
a besoin, ils sont des gens qu'on appelle de tous nos voeux, qu'on est
prêts à recevoir parce qu'ils nous apportent beaucoup, comme nous
nous sentons capables de leur donner la même chose. Nous n'avons pas peur
des immigrants, nous ne voulons pas que les immigrants se sentent mal pris, mal
reçus, comme étant des facteurs de minorisation de la
majorité française. Ils ne doivent pas être perçus
comme ça, ils ne sont pas ça. (22 h 10)
J'entendais le leader de l'Opposition, tout à l'heure, se
réjouir et se frotter les mains, donner au député de
D'Arcy-McGee l'exemple: Vous avez des services en anglais dans toutes sortes de
choses. Je vous rappellerai que la loi 142, qui a donné ces services en
anglais, on a été obligés de la passer, à notre
corps défendant, en imposant la suspension des règles. Que cette
mémoire est courte! Et maintenant, vous voulez vous en attribuer le
crédit? Ça prend un drôle de culot. Ça prend un
drôle de culot. Vous étiez contre. On a été
obligés de passer un bâillon comme on a aujourd'hui pour vous le
faire avaler et, maintenant, vous dites: Heureusement que vous avez ça.
Comme si vous lui aviez fait un cadeau! Vous étiez contre. Il y a des
limites, M. lé Président. Il y a des limites à prendre les
gens pour des...
Une voix: Des lanternes!
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Doyon: Oui. C'est un mot que je ne risquerais pas, M. le
Président. Il faut faire attention, parce qu'on n'oublie pas aussi vite
que vous le souhaiteriez, et la population n'oublie pas aussi vite que vous le
souhaiteriez non plus. La population se souvient d'un certain nombre de choses.
moi, je suis à l'aise avec cette loi-là. je suis à l'aise,
parce que... par exemple, on fait un boucan terrible avec le fait que l'office
de la langue française disparaît. savez-vous que 90 % des 1800 ou
1900 plaintes qui étaient portées, 90 % de ces plaintes
étaient portées par 4 individus? l'escadre des plaintes!
Une voix: Payés par le PQ.
M. Doyon: L'escadre des plaintes.
Une voix: Payés par le PQ, dans le temps de Blackburn.
M. Doyon: L'escadre des plaintes. 90 % des plaintes venaient des
gens qui... Il y en avait 4. Horreur, on abolit l'Office! Incroyable! Ce
n'est pas drôle de faire des affaires semblables.
Quand on dit que, dorénavant, en ce qui concerne le statut des
organismes bilingues, des municipalités, par exemple... On dit, dans le
torchon que j'ai montré cet après-midi, ce torchon, M. le
Président, on dit dans ce torchon, M. le Président, que
maintenant on va enlever à l'Office de la langue française le
droit de retirer ce statut.
Mais c'est faux et tout le monde sait que c'est faux. Et vous les
premiers, vous devriez le savoir, parce qu'il n'y a pas de disposition sur le
retrait dans la loi actuelle, la loi 101. Il n'y en a pas. Alors, ce que nous
faisons, c'est redonner aux élus, à ceux qui doivent avoir le
pouvoir et qui doivent en rendre compte, la capacité de décider
de ça, croyant que, nous, on ne peut pas agir pour le retrait de la
même façon que pour l'octroi d'un droit semblable, parce que les
conséquences sont plus importantes, sont plus graves.
On doit y songer sérieusement et on doit faire une
évaluation. Et c'est les hommes politiques, les femmes politiques qui
doivent faire cette évaluation-là, et c'est eux qui devraient en
rendre compte. Est-ce qu'il y a quelque chose de scandaleux là-dedans?
Est-ce qu'il y a quelque chose d'épouvantable là-dedans? Je vous
le demande: Est-ce qu'il y a quelque chose qui fait peur à quelqu'un
là-dedans? À moins de faire profession d'avoir peur. Si on fait
profession d'avoir peur, évidemment, on risque d'avoir peur pas mal tout
le temps puis pour pas grand-chose.
Une voix: Des peureux!
M. Doyon: M. le Président, je pourrais parler longtemps
parce que je pourrais faire le tour de ça pour vous montrer les erreurs.
J'appelle ça des «erreurs», mais je suis gentil, parce que
le mot qui me vient à la bouche, vous le connaissez, on n'a pas le droit
de le prononcer ici. Ça commence par «m», puis ça
finit par «e».
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Des mensonges?
M. Doyon: Ah oui! C'est plein de ça, mais je ne le dirai
pas, M. le Président, parce que je ne veux pas vous obliger à
vous lever.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous
plaît!
M. Doyon: Je ne veux pas vous obliger à vous lever. Ce que
je vous dis cependant, avec toute la conviction dont je suis capable, toute la
sincérité qui peut être la mienne, après avoir
été en commission parlementaire maintenant depuis 1 mois,
à entendre toutes sortes de choses, toutes sortes de choses, et à
tenter de faire dire des choses qui n'ont pas été dites surtout,
je vous dis que les gens, la population en général accepte et
appelle de tous ses voeux ces changements que nous faisons. Comme j'avais
l'occasion de l'exprimer, tout à l'heure.
Je rencontrais mon ex-adversaire sur la Grande Allée il y a 2
jours, qui me disait: J'ai gardé mes convictions
indépendantistes, Réjean. Nous sommes confrères de
classe.
Une voix: Guy Bertrand?
M. Doyon: Guy Bertrand. Et il me disait: Mais je ne suis plus
capable de vivre avec cette situation où on me fait des reproches que je
suis obligé de reconnaître comme fondés. Je ne suis pas
capable d'expliquer l'atteinte que nous faisons à la liberté
d'expression. Pour moi, c'est la graine dans l'oeil. C'est la graine dans
l'oeil qui m'empêche de voir le très beau tableau qu'est notre
société, normalement. Mais j'ai une graine dans l'oeil. Je veux
l'enlever, cette graine-là, parce qu'elle me fatigue, cette graine, et
elle m'empêche d'apprécier le beau tableau.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, amateur
lui-même de tableaux, va comprendre ce que je veux dire. Quand il a une
graine dans l'oeil, il n'est pas capable d'apprécier ses tableaux.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Doyon: Alors, il enlève la graine, il ne jette pas les
tableaux!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: II garde les tableaux et il enlève la graine. Le
PQ propose le contraire: Jetons les tableaux et gardons la graine. Bien voyons
donc!
M. le Président, je pense que la démonstration est
suffisamment éloquente pour que ceux qui tenteront de faire accroire
qu'on est en train de mettre le feu à la grange, que la ferme va
brûler... Ce n'est pas le cas. Nous faisons des réparations au
bâtiment. Nous réparons la toiture. Nous réparons les
fenêtres et nous clouons les planches qui ont besoin de l'être. Et
il n'y a rien de dangereux là-dedans.
J'invite la population à faire une évaluation
réaliste, une évaluation véritable de ce qui lui est
proposé et je suis sûr que les 75 % que les sondages disent qui
appuient ce projet de loi, ces 75 % sont un minimum. Je suis convaincu de
ça. Et j'espère que nous serons une pipée, une
pipée sans en entendre parler de ce problème-là parce que
nous l'aurons réglé à la satisfaction
générale, sauf, évidemment, de l'Opposition, mais
ça, c'est une autre question.
Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Louis-Hébert.
Il reste encore au Parti libéral une période de 16
minutes, non compris la réplique de M. le ministre qui est de 15
minutes; à la formation de l'Opposition officielle, 10 minutes, et
à vous, M. le député de Drummond, 5 minutes. Allez-y.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
M. le Président, nous en sommes rendus, encore une fois, à
la fin d'un processus. J'aimerais m'adresser, par votre entremise, à mes
citoyens et citoyennes qui m'ont fait le privilège de les
représenter ici, à cette Assemblée nationale.
M. le Président, ce soir, on m'allouera 300 secondes pour
débattre d'une question fondamentale qui est la langue française,
qui est notre devenir en tant que collectivité. Demain, M. le
Président, on aura à débattre ici une loi sur les
vidéopokers et les chevaux de course, puis on me donnera 20 minutes.
M. le Président, lorsque quelque chose est important, on ne met
pas le bâillon. C'est ce que j'aimerais dire à mes citoyens et
citoyennes, M. le Président, parce que le leader du gouvernement aurait
pu suspendre toutes les règles, et en reconnaissant à chacun des
parlementaires leurs 10 minutes. Lorsque je regarde l'ensemble ici, M. le
Président, des intervenants que nous avons eu ce soir, nous aurions
ajouté à peu près 10 heures sur le débat.
J'aimerais vous rappeler que, par règlement, on pourrait aller jusqu'au
23.
M. le Président, à écouter les discours ce soir...
Et le leader de l'Opposition m'avait lancé un message de dire: Bien,
peut-être qu'on va convaincre le député de Drummond de se
rallier. Lorsque j'avais fait mon discours sur l'adoption du principe, j'avais
émis 4 balises, M. le Président. J'avais dit que j'étais
encore idéaliste, et je le suis encore ce soir. Mais on a la
responsabilité, nous, les législateurs, d'essayer d'amener les
projets de loi toujours un peu plus haut et pour faire évoluer nos
concitoyens et nos concitoyennes, M. le Président.
J'avais émis 4 principes: la primauté de l'ordre juridique
québécois en matière de langue et de culture;
l'affirmation de la langue française la langue du Québec; la
reconnaissance de l'anglais et des langues autochtones et l'affirmation
culturelle et le développement de la culture. Et j'avais dit, M. le
Président, que, si ces 4 conditions étaient satisfaites à
l'intérieur du processus démocratique qui était la
commission parlementaire, je pourrais, à ce moment-là, m'allier.
Mais, ce soir, M. le Président, à la fin de ce processus, je suis
inquiet. Souvent, c'est lorsqu'on a à concentrer nos exposés
qu'on voit réapparaître des choses. À écouter
attentivement le ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française, M. le Président, au début de la
soirée, il nous a mentionné, et avec justesse, d'ailleurs, que ce
qui l'inquiétait énormément, c'était qu'il y
avait beaucoup de nos jeunes, au sortir de leur secondaire, qui
n'étaient pas capables de dire 10 mots en anglais.
M. le Président, il a raison de constater ça, mais
j'aurais voulu qu'il continue un peu plus loin. Et ça, c'était
une de nos vraies priorités que j'avais dit aussi lorsque j'avais fait
mes remarques sur l'adoption du principe. J'avais dit aussi, lorsque je regarde
les
résultats que nous avons aujourd'hui de nos gradués au
niveau collégial et au niveau secondaire, qu'il y a une lacune
fondamentale avec les dollars qu'on injecte dans notre système
d'éducation. Il y avait un travail énorme à faire aussi.
Ça, je me serais attendu aussi, M. le Président, qu'on aurait
réglé ça. (22 h 20)
Or, je sais qu'il me reste encore juste quelques secondes parmi mes 300
secondes, M. le Président. En conclusion, si on pense, ce soir, qu'on
vient de mettre un couvercle sur une marmite et qu'on va oublier ce
problème-là pendant des années... Une autre chose aussi
qu'on fera disparaître bientôt dans nos cégeps, qui sont nos
origines et la formation... Et j'aimerais laisser en héritage, en
partage avec mes citoyens et mes citoyennes, M. le Président, et c'est
une parabole de Goethe qui disait: Tout ce qui est à la mesure de vos
talents, de vos dons et de vos rêves, mettez-le sur le métier.
Lorsque je regarde le résultat de la loi 86, je dois admettre
qu'on essaie de nous faire avoir des petits dons, des petits talents et des
petits rêves pour la société québécoise, et,
M. le Président, mon expérience m'a appris qu'on vaut mieux que
ça, qu'on n'est pas né pour un petit pain, et je suis sûr
que, dans peu de temps, on sera capable d'y revenir pour voir quelque chose qui
sera réellement à la mesure de nos dons, de nos rêves et de
nos talents, et ça, ce sera de la qualité totale, M. le ministre
de l'Industrie et du Commerce.
Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la même motion,
M. le député de Hull. Vous disposez de 16 minutes. Allez-y.
M. Robert LeSage
M. LeSage: Merci, M. le Président.
Il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir ce soir sur le
projet de loi 86, et j'aimerais surtout vous entretenir des cours d'immersion.
On en a entendu parler à maintes reprises, et la façon dont je
vois ça, M. le Président, c'est que l'Opposition, les
députés de l'Opposition jouent les vierges offensées. Ah!
ils sont pour la vertu, M. le Président, mais ils ne veulent pas la
pratiquer. On a entendu à maintes reprises dans cette Chambre et encore
récemment, tantôt, le député de Joliette qui nous
disait: On n'est pas contre le fait que les jeunes apprennent l'anglais, c'est
essentiel. En Amérique du Nord, au Canada, il y a 350 000 000
d'anglophones, on voudrait que nos jeunes puissent parler l'anglais. Mais que
fait-on pour leur permettre d'apprendre à parler l'anglais
présentement? Quels mécanismes donnons-nous à nos jeunes
pour apprendre, justement, l'anglais? Il n'y en a pas, M. le Président.
Demandez à n'importe quel jeune qui s'inscrit au secondaire s'il sait
parler l'anglais. Ils ne le savent pas.
Dans le comté de Joliette, M. le Président, une personne
me disait, un père de famille, récemment, que sa fille lui a
demandé d'apprendre l'anglais. Il y avait un groupe, là, qui
pouvait s'inscrire pour aller au Manitoba suivre des cours d'immersion pour 6
semaines. Alors, elle a fait application. À un moment donné, il
s'est aperçu qu'il n'y avait pas une réponse trop rapidement.
Alors, il s'est informé auprès de ses contacts à quel rang
elle se situait, parce que c'était par tirage, cette affaire-là.
Il y en avait 7000 qui avaient fait application puis ils en prenaient 2500. M.
le Président, il faut payer pour ces 2500 qui s'en vont au Manitoba. Ce
qu'a fait ce père de famille, il a dit à sa fille: Tu vas
l'apprendre, l'anglais. Il a payé pour et il l'a envoyée au
Manitoba. On ne pourrait pas ici, au Québec, le faire apprendre à
nos jeunes plutôt que de les envoyer à l'extérieur, chez
eux, apprendre l'anglais?
J'ai siégé, M. le Président, à la commission
de la culture qui a étudié le projet de loi 86 et je me rappelle
un commentaire de la députée de Chicoutimi, qui trouvait
ça épouvantable que des anglophones de l'Ontario viennent dans
une université de Montréal. Elle disait qu'il y avait la
moitié des étudiants qui étaient inscrits qui venaient de
l'Ontario. Pourtant, ces mêmes gens-là nous prônent la libre
circulation des biens, des services et des personnes à travers le
Canada. On veut faire partie de cette communauté économique, mais
il ne faudrait pas que les gens viennent de l'Ontario se faire éduquer
ici. Ce qu'elle ne nous a pas dit, la députée de Chicoutimi,
c'est que même en cette Chambre, M. le Président, il y en a
plusieurs, je ne les nommerai pas, et ils sont ici présentement, des
Québécois qui sont allés s'instruire en Ontario, ils sont
revenus ici et ils n'ont pas perdu leur langue.
Je me rappelle, quand j'étais jeune également, dans
l'Outaouais québécois, et c'est encore comme ça
aujourd'hui... Les pères de famille qui paient des taxes scolaires et
qui se rendent compte que leurs jeunes ne savent pas parler en anglais,
qu'est-ce qu'ils font? Ils les inscrivent dans des collèges en Ontario
et ils paient pour, à gros prix. Puis c'est des gens qui
réussissent bien dans la vie. Je vous dirai, M. le Président,
qu'ils réussissent mieux que les gens qui ne parlent qu'une langue. Il
me semble que c'est évident.
Concernant l'affichage, M. le Président, on tente de faire croire
aux gens que demain matin, quand la loi sera adoptée, tous les
commerçants du Québec vont afficher dans les 2 langues, ou en
français, en portugais, en français et en italien, en
français et en anglais.
Tantôt le député de Joliette nous mentionnait que le
maire de Québec était venu en commission parlementaire. C'est
vrai. Il nous a dit qu'il était contre ça parce que le visage
français de la ville de Québec, pour lui, c'était
très important. Il a probablement raison, M. le Président. Ce que
le maire de Québec est venu nous dire aussi, c'est que, demain matin,
tout le monde va afficher en anglais et en français dans la ville de
Québec. M. le Président, si c'est bon pour le tourisme d'afficher
en français, et si je suis un commerçant dans la ville de
Québec, puis que je me dis: Si j'affiche à l'extérieur
seulement en français, c'est bon pour mon
commerce, pourquoi j'afficherais dans les 2 langues? Ce n'est pas une
obligation. J'ai fait remarquer à la députée de
Chicoutimi, M. le Président, en commission parlementaire, que le petit
dépanneur à Saint-Philippe-de-Néri dans le comté de
Kamouraska, il n'était pas pour afficher dans les 2 langues demain
matin. Il n'y en a pas d'anglais par chez eux! Pourquoi il afficherait dans
cette langue s'il n'y a pas un besoin? On tente de faire peur, parce qu'on a
peur d'avoir peur. Ça, il faut avoir peur, M. le Président.
M. le Président, j'aimerais vous faire remarquer également
que, dans une société bien ordonnée, il faut qu'il y ait
une certaine tolérance. Tantôt on a mentionné qu'en Italie
ils ne se cherchaient pas un statut. En Italie, M. le Président, quand
on veut réussir dans la vie ? et on le sait que le marché
mondial des affaires se fait en anglais ? les chefs d'entreprise insistent
pour que leurs enfants apprennent l'anglais. Pourquoi on priverait nos jeunes
Québécois ici? Il y a des gens qui ont des entreprises au
Québec, des individus, des entreprises familiales, qui voudraient une
expansion; comme on peut faire en Europe vis-à-vis de la France,
l'Allemagne, la Belgique, on peut le faire ici, M. le Président, sauf
que, nous, les Québécois, il faut le faire avec d'autres
provinces, où l'on retrouve plus d'anglophones que de francophones, ou
vers les États-Unis, où là c'est presque totalement des
anglophones. Comment peut-on demander à un jeune qui va prendre la
relève de son père de faire des affaires aux États-Unis
s'il ne sait pas parler en anglais?
M. le Président, je pense qu'il faut être honnête
envers nous-mêmes, honnête envers nos jeunes qui poussent. Ces
jeunes-là veulent apprendre l'anglais. On va, nous, le gouvernement
libéral, leur donner la permission, pas l'obligation, M. le
Président, comme l'Opposition tente de le faire croire. On ne forcera
personne à apprendre l'anglais, mais on va quand même leur donner
l'opportunité de l'apprendre.
Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je suis fier de
faire partie de ce gouvernement, et je suis fier de vous dire que je vais voter
pour le projet de loi 86. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Viger, je vous cède la parole. Vous disposez
encore de 8 minutes.
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président.
M. le Président, avant d'entamer mon discours, ma discussion sur
ce projet de loi, je voudrais avant tout rendre hommage au ministre responsable
de l'application de la Charte de la langue française pour son
intégrité intellectuelle et pour son courage. Parce qu'il ne faut
pas oublier, M. le Président, ce ministre qui a été
là pendant toutes les séances de la commission parlementaire, il
a eu le courage, la responsabilité, l'honnêteté de
répondre d'une manière responsable, sincère et
honnête à toutes les interrogations qui ont été
posées par les groupes qui sont venus devant cette commission, et, M. le
Président, avec une honnêteté intellectuelle
remarquable.
M. le Président, je ne peux pas laisser sous silence certaines
affirmations faites par la députée de Chicoutimi: Ce n'est pas la
première fois, ça fait déjà 3, 4 fois, en
commission parlementaire, sur la commission Bélanger-Campeau, il nous
apparaît toujours des communautés culturelles, des allophones qui
parlent, qui travaillent et qui vivent uniquement en anglais. M. le
Président, c'est faux, c'est archifaux. (22 h 30)
Les communautés culturelles, premièrement, sont une
acquisition, je crois, importante pour la société
québécoise, et ces communautés culturelles là se
sont intégrées d'une façon merveilleuse, d'une
façon vraiment remarquable à la société
québécoise et à la société francophone du
Québec. Et j'en suis un, M. le Président, j'en suis un membre de
ces communautés-là. Je suis très fier de mes origines,
mais je suis très fier d'être Québécois, et
d'être Québécois au même titre que la
députée de Chicoutimi, du député de
Lac?Saint-Jean et du député de Joliette, M. le
Président. Et la population du Québec, le peuple du Québec
me respecte comme tel, un Québécois à part entière,
M. le Président. Je ne peux pas toujours laisser, comme je le disais,
passer sous silence des affirmations semblables faites par la
députée de Chicoutimi.
M. le Président, j'ai entendu tantôt le
député de Lac?Saint-Jean qui disait à un certain
moment: Qui va faire respecter la nette prédominance du français?
M. le Président, une chose très claire pour le
député de Lac?Saint-Jean: Nous, nous ne paierons pas des
jeunes pour aller vérifier ou pour aller démasquer des gens qui
ne se conformeront pas à la loi, M. le Président. Nous faisons
confiance au sens des responsabilités de la population et du peuple du
Québec. Il n'y en aura pas d'enquêteurs, il n'y en aura pas de
jeunes qui seront payés pour aller vérifier si vraiment c'est un
pouce et quart ou un pouce et un huitième, M. le Président.
Habituellement, nous faisons confiance vraiment au sens des
responsabilités de la population du Québec.
M. le Président, j'entendais encore le député de
Lac?Saint-Jean qui disait à un certain moment... Il nous
reprochait, quoi? Il nous reprochait qu'on a été en commission
seulement 17 heures. M. le Président, il faut être vraiment... Il
faut avoir du courage, pour ne pas dire du culot, pour dire qu'on a
été en commission 17 heures, et que c'est la raison pour laquelle
le projet de loi n'est pas accepté d'une manière
démocratique ici, à l'Assemblée nationale. M. le
Président, il faut vraiment avoir du culot. La population du
Québec, les gens ne sont pas dupes. Comment affirmer une chose pareille,
dire que la loi 86 n'est pas adoptée parce qu'on a été
seulement 17 heures en commission parlementaire, quand le chef de l'Opposition,
lui-même ? ça ne fait même pas 1 semaine, 10 jours
? a donné une conférence de presse en disant que, si le
Parti québécois est
porté au pouvoir, il va abolir la loi 86. Alors, M. le
Président, comment peut-on dire à la population que c'est
à cause qu'on a été seulement 17 heures en commission
parlementaire, que c'est à cause de ça qu'on ne peut pas
travailler et approuver cette loi 86, quand déjà, d'avance, le
chef de l'Opposition, il nous dit: Si on est au pouvoir, si la population veut
nous mettre au pouvoir, on va l'abolir le lendemain? Alors, la population n'est
pas dupe, et je suis très fier de cette loi, M. le Président.
Comment peut-on être contre cette loi-là? Qui dit quoi,
cette loi-là, sur l'affichage? Oui, je vois Mme la députée
de Chicoutimi qui applaudit. Est-ce que vous allez être contre, Mme la
députée, qu'il y ait à l'entrée du Québec,
en venant des États-Unis, des affiches où on dit:
«Bienvenue au Québec», «Welcome to
Québec»? Vous allez être contre ça, Mme la
députée? C'est ça? Je crois que la population du
Québec n'est pas dupe et la population du Québec
l'apprécie. On le voit un peu partout. Un peu partout! Tous les sondages
nous disent que c'est ça.
Est-ce que le député de Lac?Saint-Jean, M. le
Président, est contre la clause Canada? La clause Canada qui dit quoi?
Qu'on a le droit d'envoyer les enfants dont le père et la mère
sont citoyens canadiens et ont reçu un enseignement primaire en anglais
au Canada, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de
l'enseignement primaire reçu au Canada. M. le Président, est-ce
qu'on peut être contre qu'un enfant de 8 ou 9 ans, qui a
étudié pendant 2 ou 3 ans dans des écoles anglaises, en
Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, n'importe où, qui vient au
Québec, lui dire: Non, tu ne vas plus à l'école anglaise,
il faut que tu t'en ailles à l'école française? M. le
Président, un enfant de 8 ou 9 ans! Imaginons quelle
responsabilité auront ces gars-là si vraiment, un jour, ils sont
au pouvoir et disent à ces pauvres ? je peux dire
«pauvres» dans le sens de subir ces conséquences-là
? à ces jeunes: Non, non, non, non, vous êtes venus au
Québec, vous n'avez plus le droit d'aller à l'école
anglaise parce que, là, vous n'êtes plus en Ontario, en Alberta,
en Colombie-Britannique.
M. le Président, c'est des choses aussi simples que
celles-là dans ce projet de loi 86. Et, moi, je pense honnêtement,
M. le Président, avec la population du Québec qui, j'en suis
profondément convaincu, est d'accord avec ce projet de loi... On l'a vu
même tout dernièrement encore, quand ils ont fait le rassemblement
à l'aréna Maurice-Richard, où ils attendaient 6000, 7000,
8000 ? il n'y en avait même pas 3000 ? que la population du
Québec est d'accord avec nous. Et nous allons voter avec fierté,
M. le Président, et nous allons être fiers d'avoir donné la
possibilité à la population du Québec, vraiment,
d'être d'une honnêteté intellectuelle remarquable. Je vous
remercie, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le chef de l'Opposition.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: Comme il ne reste, M. le Président, de ce
côté, que quelques minutes d'intervention avant que la guillotine
ne tombe, on me permettra de ne pas rejoindre le concert d'invectives que j'ai
entendu ce soir et qui, d'ailleurs, avait bien commencé par le premier
des discours du député d'Argenteuil et du ministre chargé
de l'application des chartes anglaise et française dans cette Chambre,
au début de notre débat. Tout y est passé, à peu
près toutes les injures ont été faites. Prenons donc pour
acquis qu'il ne reste que quelques minutes avant que le bâillon ne soit
imposé. Le gouvernement, grâce à sa majorité, gagne.
Voilà! Bien. Où est-ce qu'on va à partir de là, et
qu'est-ce qu'on fait? Il faut en dire quelques mots.
J'ai eu l'occasion de dire, et je le répète, je
représente un parti politique qui a l'habitude, comment dire, de tenir
ses promesses électorales. Je dis à nouveau que, quand nous
prendrons le pouvoir, nous abolirons la loi 86.
Des voix: Bravo!
M. Parizeau: D'ici là, je pense que chacun devrait, d'une
part, repenser un peu au conseil que donnait le Conseil du patronat, en disant:
La loi 86, sans doute, comme elle vient du gouvernement libéral, est une
bonne loi. Mais il ne faudrait pas l'appliquer trop fort. Ha, ha, ha! Bon. Je
comprends ce qu'ils veulent dire. Je comprends très bien le maire
Doré disant au même gouvernement: Effectivement, il ne faudrait
pas que le gouvernement y aille trop fort, parce que le Parti
québécois, en prenant le pouvoir, va renverser la loi.
Parce que, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez que je vous
dise, cette loi, fondamentalement, satisfait certains objectifs politiques,
mais elle viole le sens commun. On cherche à nouveau à faire du
Québec, cette fois-ci par la voie législative, une
société bilingue, d'un modèle qui n'existe nulle part
ailleurs. On n'essaie pas de trouver un autre modèle qui, imposé
par la législation, cherche à établir une
société bilingue. Vous n'en trouverez pas. Dans aucune
société, les plus démocratiques qu'elles soient, ça
n'existe pas, le modèle que nos amis d'en face, comme on dit, cherchent
à nous imposer. Ne cherchez pas en Suisse ? et je parle de pays,
ici, où on parle plusieurs langues ? un modèle comme
celui-là, ça n'existe pas. Ne cherchez pas en Belgique un
modèle comme celui-là, ça n'existe pas. Ils ont
cherché à inventer, ou plutôt à réinventer,
dans leur législation, une société que nous avons connue
dans les faits autrefois au Québec et en vertu de laquelle 2 langues
existaient côte à côte, l'une étant, en pratique,
dominante. Ils rêvent de retourner à ça par la voie
législative. Ça ne tient pas debout. Bon.
Quand on aura aboli la loi 86, il restera un certain
nombre de choses à faire. Il est clair, par exemple, que la
faillite de notre système d'enseignement quant à l'apprentissage
de la langue seconde est constatée depuis fort longtemps. Il n'y a pas
de doute qu'il est très gênant, pour un petit pays, de ne pas
avoir dans son système d'enseignement l'apprentissage d'une
troisième langue, comme ça existe dans tant de pays. Je n'arrive
toujours pas à comprendre pourquoi, autrefois, dans les programmes de
nos collèges, on apprenait 4 langues ? 2 vivantes et 2 mortes
? et que, aujourd'hui, 3 langues vivantes, ça semble être
trop fort pour les enfants, alors qu'on ouvre des tas de cours dont
l'importance me paraît moindre. Ça, je ne comprends pas. Il est
évident qu'il va falloir changer ça. (22 h 40)
Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi, entourés
d'anglophones comme nous le sommes ici, au Québec, on est incapables
d'établir avec ces anglophones des liens qui permettent, par exemple,
aux jeunes, d'aller faire des stages, de se promener un peu, d'utiliser leur
langue. Quand je pense, par exemple, qu'après s'être si longtemps
battus les Allemands et les Français ont pu développer une agence
franco-allemande pour la jeunesse qui a amené énormément
de jeunes Allemands et de jeunes Français à parler la langue de
l'autre ? même chose entre les Français et les Britanniques.
Nous, entourés d'anglophones comme nous le sommes, il semble absolument
impossible de trouver des formules comme celle-là. Qu'est-ce qu'on
trouve? De permettre par la voie législative la double immersion des
immigrants. Us sont déjà dans l'immersion française. On va
ajouter l'immersion anglaise en s'imaginant qu'on va régler quoi que ce
soit. Aberrant! Aberrant! Ce n'est pas comme ça qu'on va
régler... Mais, on a un problème à régler. Je ne me
fais aucune espèce d'illusion. Nous avons un problème à
régler. Mais ce n'est pas par la 86 qu'on va le régler. Il est
clair maintenant qu'il faudra qu'on prenne le pouvoir pour régler
ça, parce que le gouvernement d'en face, il ne bougera pas. La faillite
de l'apprentissage des langues secondes par ce gouvernement est égale
à la faillite de l'enseignement professionnel causée par le
même gouvernement. C'est le même ministre, soit dit en passant. Il
faudra que nous la réglions, cette question-là.
Sur le plan de l'affichage, oui, il y a, je pense, une question qu'il
faut régler, dans la mesure où de plus en plus de tribunaux
reconnaissent que la langue commerciale, le langage commercial fait partie de
la liberté d'expression des individus ? des individus, pas des
compagnies. Aller dire que le règlement sur l'affichage copie celui
proposé par le ministre Godin autrefois! Mais c'est une honte, de dire
des affaires pareilles! En vertu de quoi? Comment peut-on affirmer des affaires
pareilles? Est-ce qu'on s'imagine un instant que le député de
Mercier, quand il était ministre, a jamais proposé l'affichage
bilingue universel, y compris des grandes compagnies? Qu'est-ce que c'est, que
cette affaire-là? Non, non, non!
Une voix: La rigueur intellectuelle!
M. Parizeau: II reste qu'il y a un problème à
régler. C'est vrai, oui, il peut y avoir un problème juridique,
et d'ailleurs, on l'a vu dans les positions contrastantes du maire Doré
et du maire L'Allier. Je sais que dans mon propre parti, à l'heure
actuelle, on a deux groupes. Certains qui disent: Ne touchons pas à
cette question de l'affichage et d'autres qui disent: Pour les individus, pour
les petits commerces, il faudrait peut-être bouger. C'est un débat
intéressant. Oui, c'est un débat intéressant. Il va
falloir le régler. Mais ça ne veut pas dire qu'on ouvre,
ça ne veut pas dire qu'on s'imagine un instant qu'en permettant le
bilinguisme chez Zeller's, chez Eaton, chez Sears, on amènera les
Québécois à apprendre l'anglais. Pour ceux qui se disent
ça, digitus in occulo! ? pour utiliser une autre langue. Bon!
Jamais de la vie! Et on s'imagine répondre à certaines
décisions de tribunaux ou de comités internationaux? Pas du tout.
Pas du tout. C'est tout simplement une démonstration de
l'à-plat-ventrisme habituel d'une société et de gens
? là, je renverserais l'argumentation qu'on nous a servie tout
à l'heure ? qui se sentent bougrement insécures, pour
être forcés d'adopter ce genre d'attitude.
Il va falloir aussi, bien sûr, que nous fassions avancer la
question de la francisation des entreprises. Depuis que ce gouvernement est au
pouvoir, ça s'est arrêté, la francisation des entreprises.
Il n'y a plus qu'à peu près... Il y a quoi, à peu
près 60 % des entreprises qui devraient avoir leur certificat de
francisation qui l'ont. À peine plus. Et, d'autre part, on sait
très bien que, comme, de toute façon, le gouvernement ne tient
pas à l'application de ces choses, des entreprises qui ont un certificat
de francisation reviennent à la langue anglaise, à l'heure
actuelle, sachant très bien que le gouvernement n'y tient pas, à
ces lois linguistiques, de toute façon.
La question de la prépondérance. Soyons donc
sérieux. Tout le monde sait bien que la prépondérance
n'est observée par personne, que le moindrement que quelqu'un insiste
pour assurer dans un magasin la prépondérance quand elle ne l'est
pas, on le traite de raciste, on le traite de tout ce qu'on voudra, de
xénophobe. En fait, il ne se passe rien. Vous en voulez, des affiches
bilingues illégales dans la ville de Québec? Tenez! Vous en avez
autant que vous voulez! Le maire L'Allier vous en a montré. Vous ne
faites même pas observer les lois actuelles et vous venez nous dire: Ah!
on va établir la prépondérance. De la foutaise! En fait,
c'est une sorte de reddition sans condition aux impératifs de basse
politique, pour essayer de gagner quelques comtés aux prochaines
élections. Rien d'autre! Rien d'autre!
Des voix: Bravo!
M. Parizeau: Cette loi, qui autorise un Conseil des ministres mou
à être, sur ce plan, aussi mou qu'il
l'entend, au fur et à mesure que se rapprochent les
échéances électorales, cette loi-là est une loi
scélérate qu'il faut abolir. D'autre part, il faut aussi que nous
ayons dans l'esprit que le Québec de demain doit, dans l'espace
économique nord-américain, dans le monde d'aujourd'hui,
être en mesure d'évoluer sur ces questions, mais dans le cadre
d'un peuple et pour un peuple qui a la fierté d'être
lui-même, qui veut fonctionner en français et pour qui l'avenir
n'est pas fait de compromissions. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je reconnais maintenant M. le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française pour
l'exercice de son droit de réplique.
Des voix: Bravo!
M. Claude Ryan (réplique)
M. Ryan: M. le Président, je voudrais dire, en
commençant, au chef de l'Opposition que le Parti libéral du
Québec existe depuis 150 ans et qu'il n'a pas de leçon de
fierté et de patriotisme à recevoir d'un autre parti.
Des voix: Bravo!
M. Ryan: Nous avons servi le Québec suivant notre
génie propre, qui a toujours reposé sur le respect de la
liberté des personnes, dans l'affirmation de notre identité
collective, en mettant au premier plan, toujours clairement ? pas en se
posant la question 15 ans après ? les libertés
fondamentales.
Le projet de loi que nous adopterons ce soir est adopté dans la
légitimité démocratique, quoi qu'en dise l'Opposition. Ce
débat dure depuis plus de 6 mois ? depuis plus de 6 mois. Le
gouvernement a fait connaître ses couleurs à mesure qu'il
définissait sa position. Tous ceux, toutes celles, tous les groupes qui
avaient des choses à dire ont eu la chance de les dire et aucune
contrainte n'a été posée à l'expression de la libre
opinion de personne. Si le gouvernement a conclu, après 6 mois de
débat, que le moment était venu de passer aux décisions,
il l'a fait en utilisant des règles qui appartiennent parfaitement au
manuel de règles de cette Chambre. L'Opposition peut trouver qu'on
n'aurait pas dû prendre tel moyen ou tel moyen. Le gouvernement avait
parfaitement le droit de le faire. Et j'entendais certains
députés s'exprimer ce soir, qui ont regardé d'un oeil
peut-être un peu plus objectif que les 2 partis principaux la
manière dont se faisait le travail en commission parlementaire, et je
pense que leur témoignage vaut d'être consigné au dossier
du débat des dernières semaines.
J'entendais le chef de l'Opposition résumer des choses. On voit
qu'il a suivi le débat de loin. Quand il m'accusait, tantôt,
d'avoir prétendu que le règlement, dans sa partie qui traite de
l'affichage, reproduit le règlement du député de mercier,
je n'ai jamais dit ça. je ne pouvais pas le dire, ce n'était
même pas dans la loi. mais j'ai dit ? c'est ça que le
député aurait dû retenir ? que 90 % du
règlement sur la langue du commerce et des affaires est inspiré
de ce qu'avait fait le député de mercier en 1985, et je...
Des voix: Bravo!
M. Ryan: J'entends le chef de l'Opposition invoquer le
témoignage du maire de Montréal. Fondamentalement, le maire de
Montréal est venu dire qu'il était sympathique au projet.
Fondamentalement, c'est ce qu'il a dit. J'étais en commission, moi
aussi. Vous êtes parti après. (22 h 50)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Nous autres, nous l'avons entendu, et nous relirons les
témoignages. Fondamentalement, il l'a dit, que Montréal avait
besoin d'un peu d'air frais et que, quand il allait à l'étranger
? je lui ai posé la question moi-même ? il se faisait
souvent interroger au sujet de la loi 101, dans certaines dispositions que nous
essayons d'assouplir ce soir. Ça, le chef de l'Opposition n'a pas
entendu ces propos-là. Ils ont été dits en commission
parlementaire.
Je reviens, M. le Président, au fond du débat. Nous nous
acheminons vers un verdict ? ce verdict doit être rendu, comme l'a
reconnu le chef de l'Opposition ? qui sera légitime au point de vue
démocratique. Si nous avons pu nous rendre jusqu'à ce point, nous
le devons principalement, de ce côté-ci de la Chambre, à
l'unité remarquable qui a existé dans nos rangs et qui a grandi
à mesure que nous avancions vers les conclusions, alors que, du
côté de l'Opposition, c'est le contraire: ils sont partis unis et,
aujourd'hui, ils nous disent qu'il y a deux écoles sur l'affichage.
Ça leur a pris du temps à se rendre compte qu'il y avait un petit
problème de liberté; là, ils commencent à s'en
apercevoir. Et quand on parle de la liberté du commerce, le chef de
l'Opposition a fait un aveu intéressant, ce soir. Il a dit qu'il
commence à reconnaître qu'il y a peut-être un lien entre le
discours commercial et la liberté d'expression. Il connaît assez
l'économie pour savoir que, dès qu'on parle du discours
commercial ? et c'est le message qu'est venue tenir la Chambre de commerce
de Montréal, par son président, M. Bernard Roy ? il faut
parler des compagnies, parce que le discours commercial ne se fait pas par des
individus agissant sous leur titre propre, il se fait à travers des
personnes morales qui s'appellent les compagnies. Si vous voulez que la
liberté arrête au moment où vous entrez dans une compagnie,
vous êtes complètement en dehors de la réalité.
C'est le message qu'est venue porter la Chambre de commerce de Montréal,
et ça aurait été bon que le chef de
l'Opposition fût là quand ils se
présentèrent.
Le Parti libéral est non seulement uni dans ce dossier, mais il a
des racines à travers tout le Québec. Si c'était seulement
l'unité d'un petit groupe qui est ici, ce serait bien secondaire et bien
fragile. Mais c'est un parti qui a des racines dans toutes les parties du
Québec. Je me souviens, quand j'ai commencé en politique, un
vieux routier m'avait dit: Le parti a l'air mort, actuellement, mais vous allez
circuler à travers le Québec, vous lèverez des pierres et,
en dessous de chaque pierre, vous allez trouver un libéral qui dort; il
y en a partout et c'est...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: ... qui dort... M. le Président, je n'ai pas
terminé ma phrase, je n'ai pas terminé... Je n'ai pas
terminé ma phrase. Un libéral, on m'avait dit...
Le Président: S'il vous plaît.
M. Ryan: ...un libéral qui dort pendant certains hivers
politiques, mais qui se réveille au printemps.
Des voix: Ah!
M. Ryan: Et, s'il avait existé dans la population, ce
genre de malaise qu'a essayé artificiellement, même par le recours
à des affirmations passablement éloignées de la
vérité... S'il avait existé, ce malaise, nous l'aurions
su, pas nécessairement par les ralliements qu'a tenus le Parti
québécois avec ses alliés, dont certains qui ont le
langage facile en matière d'injures...
Des voix: Bourgault.
M. Ryan: ...nous l'aurions su, nous l'aurions su par les antennes
que nous avons dans la population. Je pense que, si nous arrivons à un
verdict, ce soir, c'est parce que...
Le Président: M. le député... M. Ryan:
...la population...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît. Je vais
demander la collaboration. La parole est au ministre, et j'invite tous les
députés à respecter le droit de parole du ministre. Alors,
M. le ministre, continuez.
M. Ryan: Si nous arrivons à un verdict, ce soir, en toute
unité, de ce côté-ci de la Chambre, c'est parce que nous
sommes assurés de répondre à des attentes profondes de la
population. N'oublions jamais que l'âme québécoise n'a pas
qu'un seul volet, elle en a au moins deux; les deux se rejoignent à
travers l'histoire. Un volet peut prendre le dessus à certaines
périodes, un autre à d'autres périodes. Mais, quand
j'entends le chef de l'Opposition dire: Nous autres, quand nous reviendrons au
pouvoir, dehors, ça... Vous l'avez déjà dit à
propos de la loi 145, et vous serez incapables de le faire ? vous serez
incapables de le faire.
Les objectifs que poursuit le projet de loi, je les résume
brièvement, M. le Président. Aider les Québécois
à vivre dans leur langue. La loi 101, avec les ajustements que nous lui
apportons, fournit aux Québécois et aux Québécoises
toute la liberté voulue pour vivre, s'exprimer, agir, travailler et
oeuvrer dans leur langue. Et cet objectif fondamental, je crois pouvoir
affirmer que nous le partageons des deux côtés de la Chambre.
Peut-être ne nous entendons-nous point sur les moyens, mais, au moins sur
cet objectif, je pense qu'on nous reconnaîtra avec loyauté que
nous le poursuivons ? par nos propres moyens, évidemment ? par
ceux qui caractérisent notre parti. Mais ça, c'est fondamental,
ça reste.
Deuxièmement, nous voulons poursuivre cet objectif en respectant
le principe fondamental de la liberté d'expression. On nous a dit de
toutes parts: Vous êtes capables de promouvoir votre langue sans pour
autant interdire l'usage d'une autre langue, surtout dans les affaires
commerciales, dans les affaires de transactions commerciales, dans les affaires
d'affichage commercial. Franchement, quand quelqu'un regarde la
réalité concrètement, il y a longtemps que nous sommes
habitués à ça, et jamais aucun gouvernement ne pourra
réussir à effacer toute trace de cette réalité de
diversité qui caractérise le Québec. Il suffit d'entrer
dans un magasin pour s'en rendre compte. Sur tous les produits qui sont dans
les magasins, vous avez de l'étiquetage qui est bilingue depuis
longtemps. Je pense que la population l'apprécie. Elle ne perd pas le
français pour autant, voyons donc!
Alors, nous voulons également tenir compte de notre appartenance
canadienne. Le Parti québécois a essayé de
légiférer, quand il était au pouvoir, en faisant
abstraction de cette réalité. Il n'a pas hésité
à légiférer de manière inconstitutionnelle,
contraire à la Constitution du pays. Ça ne le dérangeait
pas. C'est un message dangereux à communiquer à une population.
Nous avons préféré ajuster notre législation de
manière qu'elle soit conforme à l'adhésion que notre Parti
a toujours professée envers le Canada, envers la réalité
constitutionnelle canadienne. Ça ne veut pas dire que nous sommes
d'accord sur toutes les initiatives qui ont été prises en
matière constitutionnelle. Ça ne veut pas dire que nous ratifions
plus aujourd'hui qu'il y a 10 ans la Loi constitutionnelle de 1982, mais nous
avons toujours été en faveur de la clause Canada en
matière d'éducation. Nous n'avons jamais fait mystère,
nous l'insérons franchement, expressément dans la Charte de la
langue française du Québec. Quel mal y a-t-il à faire une
chose comme celle-là? Est-ce que c'est mal de dire la
vérité franchement dans un texte législatif? Je ne le
pense pas.
Nous voulons rendre le Québec plus accueillant envers ceux qui le
visitent. On nous dit, là-bas: Ne faites pas ça, ne leur dites
pas bonjour dans leur langue,
c'est un gros péché mortel. voyons donc! voyons donc! tous
les milieux d'hôtellerie et de restauration que nous avons
consultés abondamment nous ont dit que, dans la grande région du
grand montréal, à peu près 80 % des touristes qui viennent
dans les hôtels et dans les restaurants sont des touristes qui viennent
? j'hésite à le dire parce que je ne veux choquer personne
? des états-unis, de l'ontario, des provinces de l'ouest, des
provinces maritimes. les autres 20 % viennent d'ailleurs. on nous dit:
donnez-nous la chance de leur donner un petit peu de services dans leur langue
pour qu'ils reviennent. c'est ça que nous voulons faire, en mettant un
petit peu plus de souplesse dans l'affichage des établissements
hôteliers.
Je pense que nous agissons avec réalisme, et je défie
l'Opposition de prouver que nous trahissons le français en agissant
ainsi. On veut faire accroire à la population que nous allons
bilinguiser le Québec au complet. C'est absolument faux! Nous faisons un
geste de confiance envers les Québécois. Nous leur disons: Vous
êtes capables maintenant, après 15 ans, de défendre et de
promouvoir votre langue en desserrant un petit peu les contraintes
serrées que certaines dispositions de la Charte ont fait peser sur les
individus. Les Québécois sont capables d'accepter ce
défi-là. Ils font face au défi de la liberté dans
tous les autres volets de leur existence. C'est faire injure à
l'intelligence, au sens des responsabilités des Québécois
que de penser qu'ils ont besoin d'une béquille législative qui
les accompagne jusque dans les moindres détails de leurs actions en
matière de langue. Nous autres, nous n'avons pas cette
position-là. Nous croyons que le comportement en matière de
langue procède d'abord d'un acte libre, d'une décision
personnelle de chaque citoyen. Il y a des soutiens que l'État doit
apporter par le moyen de la législation. Mais, sur la nature de ces
soutiens et sur leur intensité, nous avons droit de diverger d'opinion
et de faire pencher davantage la balance du côté de la
liberté et de la responsabilité.
Si vous voulez souligner davantage l'autre côté, vous le
ferez en temps utile, mais vous conviendrez au moins que l'histoire se
construit par l'apport successif de deux points de vue et pas seulement d'un.
Et j'espère que, quand vous prendrez le pouvoir un jour ? si
ça vous arrive ? vous saurez, avant d'essayer d'effacer tout
ça, regarder ce qu'il y a eu de bien, comme nous avons fait
nous-mêmes. Nous l'avons pratiquée, la Charte, pendant sept ans et
demi, depuis que nous sommes au pouvoir. Puis je défie... (23
heures)
Le chef de l'Opposition disait tantôt: La francisation des
entreprises a reculé depuis que le Parti libéral est au pouvoir,
c'est faux, c'est faux, M. le Président. J'en donne 2 exemples. Nous
sommes le parti qui a dit à l'Office de. la langue française: Ne
vous contentez pas de donner des certificats, allez voir ce qui se passe
après que le certificat a été donné. Nous sommes le
parti qui a inscrit dans la loi 101 l'obligation pour une entreprise
détentrice d'un certificat de faire rapport à tous les 3 ans sur
les progrès de l'utilisation généralisée du
français dans l'entreprise. Vous n'en parlez jamais, de ça, par
exemple. et vous parliez qu'il y avait seulement 60 % des entreprises qui
possèdent un certificat de francisation. c'est faux. les entreprises,
petites et moyennes, possèdent le certificat à 80 % et les plus
grandes, celles qui ont plus de 500 employés, c'est 65 %. et quand on
dit 60 % pour l'ensemble, c'est faux. au moins, on peut consulter l'indicateur
de la situation linguistique que nous publions à tous les 2 ans, sous la
responsabilité des 3 organismes responsables de la charte. et, en
matière d'éducation, je n'ai pas le temps de m'y arrêter,
m. le président, il est trop court. je termine. nous voulons
également que tout le monde se sente à l'aise au québec.
nous avons une majorité d'autres langues d'au moins 15 %; ça va
chercher de 15 % à 18 %. nous ne pouvons pas légiférer
comme s'il y avait seulement 1 famille culturelle, 1 famille linguistique au
québec. c'est plus divers que ça, c'est plus multiple, c'est plus
pluriel, pour exprimer concrètement ce que je ressens. il y a une langue
qui est principale, il y a une langue qui a, seule, le caractère de
langue officielle. elle est capable de s'accommoder d'un sain voisinage avec
d'autres langues et, en particulier et surtout dans la région du grand
montréal, avec le voisinage de la langue anglaise qui est quand
même la grande langue du continent nord-américain.
Et, si nous voulons fournir, en terminant, à nos jeunes
l'occasion d'acquérir une meilleure maîtrise de l'anglais langue
seconde, c'est parce que la vie nous a enseigné et a enseigné
à tous les parents du Québec que s'ils veulent que leurs enfants
aient des chances de réussir, comme on l'a fait du côté du
chef de l'Opposition, comme on l'a fait du côté de plusieurs
membres de la deputation et du Cabinet, ils auront plus de chances de
réussir en maîtrisant 2 langues qu'en en maîtrisant
seulement une.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Alors, le débat étant
terminé, nous allons maintenant procéder à la mise aux
voix de la motion d'adoption de ce projet de loi.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Vote par appel
nominal. Qu'on appelle les députés!
(23 h 4 - 23 h 9)
Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés,
veuillez prendre place s'il vous plaît.
Mise aux voix
Alors, je mets maintenant aux voix la motion d'adoption du projet de loi
86, Loi modifiant la Charte de la langue française,
présentée par le ministre responsable de l'application de la
Charte de la langue
française.
Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien
se lever s'il vous plaît. (23 h 10)
Le Secrétaire adjoint: M. Bourassa (Saint-Laurent), M.
Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Ga-gnon-Tremblay (Saint-François), M.
Ryan (Argenteuil), M. Côté (Charlesbourg), M. Bourbeau (Laporte),
M. Dutil (Beauce-Sud), M. Côté (Rivière-du-Loup), M.
Sir-ros (Laurier), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas (Robert-Baldwin),
M. Tremblay (Outremont), M. Savoie (Abitibi-Est), M. Rivard (Rosemont), Mme
Robic (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac), Mme Frulla (Margue-rite-Bourgeoys),
M. Cherry (Sainte-Anne), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Ciaccia
(Mont-Royal), Mme Robillard (Chambly), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier),
M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Kehoe (Chapleau), Mme
Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert
(Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Pelchat
(Vachon), M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M.
Lemire (Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chau-veau), M.
Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimous-ki), M. Benoit (Orford), M.
Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah
(îles-de-la-Madeleine), M. Lemieux (Vanier), M. Messier
(Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean),
M. Bradet (Charlevoix), M. Gauvin (Montma-gny-L'Islet), M. Chenail
(Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. LeSage (Hull), M. Gobé
(LaFon-taine), M. Joly (Fabre), M. Lafrenière (Gatineau), M. Bergeron
(Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), M. Parent (Sauvé), M. Camden
(Lotbinière), M. Brouil-lette (Champlain), M. Audet (Beauce-Nord), Mme
Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Loi-selle
(Saint-Henri), M. Khelfa (Richelieu), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan
(Papineau).
Le Président: Que les députés qui sont
contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomption), M.
Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), M.
Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel
(Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme
Caron (Terrebonne), M. Du-four (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M.
Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard
(Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Morin (Dubuc), M. Fil ion
(Montmorency), M. Holden (Westmount), M. Trudel
(Rouyn-Noranda?Témisca-mingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger
(Anjou).
M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier).
M. St-Roch (Drummond).
Le Président: Est-ce qu'il y a des absentions? le
secrétaire: pour: 69 contre: 27 abstentions: 0
Le Président: Alors, la motion est adoptée et le
projet de loi 86 est également adopté.
Nous allons maintenant poursuivre nos travaux. Nous sommes aux affaires
courantes.
Donc, renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
Affaires du jour
Nous allons maintenant procéder aux affaires du jour.
M. le leader du gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, je
vous demanderais d'appeler l'article 13 du feuilleton.
Projet de loi 72 Adoption
Le Président: À l'article 13 du feuilleton, M. le
ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose la
motion d'adoption du projet de loi 72, Loi modifiant le Code des professions et
la Loi sur les infirmières et les infirmiers.
Est-ce qu'il y a des interventions?
M. le ministre responsable de l'application des lois
professionnelles.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: Oui, M. le Président, je vous remercie.
M. le Président, très rapidement, c'est un projet de loi
qui a suivi l'ensemble des étapes prévues à
l'Assemblée nationale. On avait déterminé ensemble, suite
à la commission parlementaire portant sur le projet de loi, une
série d'amendements. On parle de 3 ou 4 amendements de substance qui ont
été apportés au projet de loi en question. Le projet de
loi reçoit, pour l'essentiel, l'assentiment de l'ensemble des
corporations, quoiqu'il y ait, bien sûr, ici et là, quelques
difficultés d'ordre mineur. Mais, sur l'ensemble, et après avoir
examiné et entendu l'ensemble des intervenants du dossier, je pense que
le projet de loi est prêt pour l'adoption, M. le Président.
Le Président: Alors, évidemment, je demande la
collaboration des collègues, s'il vous plaît. L'Assemblée
poursuit ses travaux. Donc, Mmes et MM. les députés, ceux qui
veulent discuter, je vous invite à profiter des salons situés
à l'arrière, s'il vous plaît.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce projet de loi?
Mme la députée de Terrebonne.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Oui, merci, M. le Président.
M. le Président, hier, le ministre nous disait que le but du
projet de loi 72, c'était tout simplement de ramasser 9 ou 10
modifications concernant le Code des professions du Québec, et de faire
une introduction sous un projet de loi, afin de sauver le temps et le travail
de l'Assemblée nationale.
Alors, M. le Président, je dois vous dire que le projet de loi
72, c'est autre chose. Le but de légiférer, ce n'est pas tout
simplement de ramasser des articles ensemble, de faire une introduction et de
gagner du temps. Le but d'un projet de loi, c'est supposé venir
répondre à des préoccupations, venir répondre
à des problèmes. Il avait raison pour une seule chose: plusieurs
problèmes se retrouvent dans le projet de loi 72.
Premier problème, celui des titres réservés. Alors,
le projet de loi voulait venir interdire à toute personne qui n'exerce
pas une profession d'exercice exclusif ou une profession à titre
réservé, l'utilisation d'abréviations ou l'attribution
d'initiales qui pouvaient laisser croire qu'elle l'exerçait. Le
ministre, lorsqu'il a tenté de nous expliquer cette mesure, nous a dit,
et je le cite: II y a eu des bozos qui se sont promenés avec des
initiales après leur nom, pouvant laisser croire qu'ils étaient
architectes, par exemple, ingénieurs, et ça je l'ai vécu,
nous disait-il, d'une façon très serrée dans mon
comté. Il nous a ajouté qu'il y avait aussi des
«bozoïnes»; il n'y avait pas seulement des bozos qui
utilisaient des titres, dans son comté. Mais c'est beaucoup plus
important que ça, M. le Président, tout le problème des
titres réservés. Et, jusqu'à maintenant, le ministre
responsable de l'application des lois professionnelles n'a toujours pas
donné réponse au problème de l'ensemble des titres
réservés.
Vous savez, M. le Président, que, lorsqu'une corporation est
à titre réservé, les professionnels qui exercent cette
profession ne sont pas obligés d'être membres de la corporation
professionnelle, c'est-à-dire qu'ils peuvent utiliser un autre titre,
qu'ils peuvent utiliser d'autres abréviations, d'autres initiales que
celles qui sont dans le projet de loi et, à ce moment-là, ne sont
pas soumis à l'ensemble du système disciplinaire de la
corporation professionnelle concernée. Et ça concerne plus de la
moitié des 42 corporations professionnelles.
La réforme que le ministre doit déposer et qu'il nous a
dit qu'il devait déposer d'ici le 22 juin... Il devait même, M. le
Président, dans ses remarques, dans ses discours, nous faire part de son
échéancier de réforme du Code des professions.
Malheureusement, nous n'avons eu aucune remarque sur cette réforme. Le
ministre ne nous a toujours pas donné l'échéancier, s'il
devait déposer le 22 juin, s'il y aurait à nouveau d'autres
audiences à l'automne. Nous sommes toujours en attente de sa
décision.
Ce projet de loi, M. le Président, venait également donner
réponse à la demande de la Corporation professionnelle des
technologues des sciences appliquées du Québec...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mmes et MM. les
députés! Je demanderais la collaboration des
députés, là! Mme la députée de Terrebonne a
la parole, et j'ai de la difficulté à l'entendre. Alors, je vous
demanderais votre collaboration.
Mme la députée, si vous voulez poursuivre.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Donc, c'était pour donner réponse aussi à la
demande de la Corporation professionnelle des technologues du Québec qui
souhaitait apporter ce nouveau titre. Ce projet de loi venait aussi donner
réponse au problème du côté des services-conseils.
Il y a eu entente entre deux partenaires, et les administrateurs
agréés et les conseillers en management se retrouvent donc au
coeur de ce projet de loi et pourront maintenant éviter de créer
une corporation et, à ce moment, être beaucoup plus rigoureux au
niveau des examens et pourront offrir des services de meilleure qualité
à la population.
Il y avait également, dans ce projet de loi, l'intégration
au Code des professions de la Corporation professionnelle des traducteurs et
interprètes agréés du Québec. Il faut rappeler, M.
le Président, que cette corporation a reçu ses lettres patentes
le 1er avril 1992 et que cette corporation n'était toujours pas
intégrée au Code des professions.
Le ministre en a profité pour nous faire part de ses intentions
de répondre à la demande de l'Association des usagers de la
langue française, qui demandait de modifier le Code des professions par
code des ordres professionnels, mais, malheureusement, M. le Président,
le ministre n'a pas cru bon d'utiliser les recommandations pour faire les
modifications immédiatement dans la loi 72. Mais, suite à la loi
qui vient d'être votée, M. le Président, vous comprendrez
que c'est la moindre des préoccupations de ce gouvernement que de faire
respecter la langue française. (23 h 20)
M. le Président, le dernier point, et c'est le point qui faisait
opposition de notre côté, et suite au questionnement que nous
avons fait au ministre, vous verrez très bien que nous avions raison de
nous inquiéter. Ce projet de loi accorde, à l'article 6, le
pouvoir de la tenue d'enquête par l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec au sujet de la qualité des soins infirmiers
fournis dans les centres exploités par les établissements de
santé. Le ministre nous a dit ? et je cite: «Ce n'est pas un
dossier qui est garroché. C'est un dossier qui est en préparation
de longue date». Nous l'avons donc questionné sur cette longue
préparation,
M. le Président. Toute l'argumentation du ministre responsable de
l'application des lois professionnelles était à l'effet que les
médecins, les optométristes et les dentistes possèdent ce
pouvoir d'enquête depuis plus de 20 ans. Donc, ils devaient normalement
l'accorder à l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec.
Sauf, M. le Président, lorsque nous avons demandé au
ministre s'il avait un bilan de ces enquêtes qui avaient
été faites depuis 20 ans par ces 3 corporations professionnelles,
comment se passaient les enquêtes, est-ce que ce pouvoir était
utilisé, est-ce qu'il était utilisé d'une manière
abusive, le ministre n'en savait rien parce que, avant de préparer son
projet de loi, il n'a même pas vérifié auprès de son
collègue de la Santé et des Services sociaux pour savoir comment
était utilisé ce pouvoir d'enquête.
Lorsque nous avons demandé au vice-président de l'Office
des professions, qui était en commission parlementaire, s'il avait un
bilan de ces enquêtes, lorsqu'on propose un pouvoir d'enquête, on
commence par s'informer sur le pouvoir qui est déjà
accordé aux autres corporations professionnelles, et l'Office nous a
dit, et je le cite: L'Office n'est pas du tout au courant. Donc, M. le
Président, ni l'Office, ni le ministre responsable n'ont jugé bon
d'étudier cet article du projet de loi qui était pourtant un
point majeur du projet de loi. Donc, on a semblé répondre
uniquement à une commande.
Quel est l'état du côté des soins infirmiers, M. le
Président? Il serait peut-être bon de rappeler que, depuis qu'il y
a eu un décret en 1991, le décret 1423-80, qui permet une
délégation d'actes de la part des infirmières et
infirmiers du Québec aux infirmières et infirmiers auxiliaires du
Québec, les infirmières et infirmiers auxiliaires du
Québec possédaient avant une centaine d'actes. Ils se retrouvent
maintenant, depuis le décret, avec seulement 16 actes qu'ils peuvent
accomplir, ce qui a finalement éliminé, dans nos
établissements, près de 3000 postes d'infirmières et
infirmiers auxiliaires.
Il est bon de rappeler que les infirmières et infirmiers
auxiliaires du Québec ont une formation d'études secondaires de
1800 heures et, avec la montée grandissante des préposés,
qui ont une formation de 650 heures, et des auxiliaires familiaux, qui ont une
formation de 900 heures, il est bien clair, M. le Président, que, de
plus en plus, les infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec
ont de moins en moins de place au niveau des établissements.
Il y avait inquiétude aussi, M. le Président, parce que ce
pouvoir d'enquête venait nuire à un des principes qui
étaient établis dans la réforme 120 de la santé, le
principe de la complémentarité interprofessionnelle. Au moment
où il y a un pouvoir d'enquête d'un ordre sur un autre, c'est
évident qu'on peut difficilement parler de complémentarité
interprofessionnelle.
Il y avait aussi une demande pour qu'au moins le comité
d'enquête puisse avoir, parmi ses membres, un représentant ou une
représentante des infirmiers et des infirmières auxiliaires du
Québec. Le ministre a refusé, décidant de laisser aux
infirmières et aux infirmiers du Québec le soin de former le
comité d'enquête.
Autre point important, M. le Président. Si, au cours des
dernières années, on n'a jamais jugé bon d'accorder ce
pouvoir d'enquête, et le ministre lui-même l'a rappelé, le
pouvoir avait été demandé, au moment où la ministre
Thérèse Lavoie-Roux était là, et ça avait
été refusé en 1988. Est-ce que nous avons moins de mesures
de protection présentement dans nos établissements?
Au contraire, M. le Président, l'article 489 de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux permet au ministre d'autoriser
une personne à procéder aux inspections nécessaires pour
assurer les services adéquats aux usagers, incluant les soins
infirmiers. Donc, il y avait une mesure additionnelle maintenant, pas des
mesures moindres.
Ce même projet de loi 120, à l'article 65, introduit un
commissaire aux plaintes qui, lui aussi, sert d'arbitre, et lui aussi doit
procéder lorsqu'il y a des plaintes sur les services qui sont faits aux
usagers. Donc, M. le Président, on se demandait pourquoi le ministre
décidait, à ce moment-ci, d'introduire un pouvoir d'enquête
alors que les mesures de protection sont additionnelles dans les
établissements.
Nous n'avons évidemment pu recevoir de réponse de la part
du ministre responsable, puisqu'il n'a même pas jugé bon de
vérifier ce que pouvait donner ce pouvoir d'enquête, même
par les corporations professionnelles qui l'ont déjà.
Alors, M. le Président, vous comprendrez que nous sommes
opposés et que, pour nous, le projet de loi 72 ne représentait
pas uniquement un ramassis d'articles sans signification, mais qu'il y avait
des principes à l'intérieur de ce projet de loi, et que parmi ces
principes il y avait un principe auquel nous nous opposions, et auquel nous
nous opposons toujours puisque le ministre ne nous a aucunement
démontré que ce pouvoir d'enquête était
nécessaire.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la
députée.
Sur ce même sujet, je reconnais Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme la députée.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Oui. Je vous remercie, M. le
Président.
C'est évident que les projets de loi ici, en cette Chambre, se
suivent mais ne se ressemblent pas. Face à nous, présentement, on
a le projet de loi 72, le projet de loi 72 qu'on a eu la chance
d'étudier en commission parlementaire, article par article. C'est vrai,
M. le Président, que c'est un tout petit projet de loi, on parle de 9
articles, un projet de loi qui ne changera pas la face des choses, non,
fondamentalement. Il y a des
corrections intéressantes, d'une part; d'autre part, moins
intéressantes, et c'est pour ça que l'Opposition ? ma
collègue de Terrebonne vous l'a expliqué ? nous allons voter
contre ce projet de loi.
Dans la première partie du projet de loi, la partie que l'on a
trouvée intéressante, et qui est demandée, d'ailleurs,
depuis longtemps par plusieurs corporations, il s'agit de modifications pour
interdire, à toutes fins pratiques, l'utilisation d'abréviations
ou d'initiales pouvant laisser croire que le professionnel exerce une
profession à titre exclusif ou encore est membre d'une corporation
à titre réservé, parce que, comme on le sait, les
corporations à titre exclusif ? je tiens à le rappeler
? sont des corporations, évidemment, où, pour pratiquer, le
professionnel doit obligatoirement être membre. On n'a qu'à penser
à la Corporation pour les médecins, le Barreau pour les avocats
et autres corporations de ce genre.
Par ailleurs, au niveau des titres réservés, on n'est pas
obligé d'être membre pour pratiquer la profession. Tout ce qui
fait foi, si on veut, est-ce qu'on est membre ou pas membre, la seule garantie
qu'on a, c'est dans le titre. Alors, il y a eu plusieurs modifications
d'apportées. À l'article 2, on parle de 20... En fait, il y a 20
alinéas où on apporte des corrections, des ajouts dans certains
cas, des changements dans d'autres cas, pour améliorer un peu, recadrer
les titres de ces différentes professions. Cette partie-là, il
n'y avait pas vraiment de problème, mais on a eu des discussions quand
même fort intéressantes qui ont permis d'éclaircir certains
points.
Je pense, entre autres, au troisième alinéa où il
est question d'ajouter ? en fait, ce sera ajouté après
l'adoption du projet de loi parce que, on le sait, il sera ajouté
même si l'Opposition s'oppose ? le titre de
«nutritionniste» aux gens qui exercent la profession de
diététicien ou diététiste, les membres de la
Corporation des diététistes.
Alors, c'est bien évident qu'on a eu des discussions. Nous avions
eu, de part et d'autre, j'en suis persuadée, des représentations,
entre autres, du Dr Brunet, au niveau des naturopathes, qui, on le sait, M. le
Président, utilisent, eux aussi, occasionnellement ce
titre-là.
Il reste que le ministre nous a fait valoir ses arguments et il y a des
choses à régler du côté des médecines douces,
de toute la série de médecines alternatives. Il y a des choses
qui devront être réglées, bien sûr, par le ministre
de la Santé et des Services sociaux qui a des décisions à
prendre, en tout cas dans certains cas, et pour le reste, il y a d'autres
décisions à venir qui devront être prises, bien sûr,
par le ministre responsable des ordres professionnels. (23 h 30)
Alors, il y a eu des discussions, oui, par rapport aux gens qui occupent
la position de naturopathe et, par ailleurs, il y a eu aussi des discussions,
à savoir: Est-ce que c'est pour restreindre, à toutes fins
pratiques? Parce que les gens qui ne sont pas membres de la Corporation
professionnelle des diététistes peuvent, bien sûr,
présentement, utiliser le titre de nutritionniste. On peut utiliser ce
titre jusqu'au moment où cette loi-là sera adoptée,
même si on n'est pas membre de la Corporation. Alors, ça va venir
un peu restreindre, à mon sens ? et le ministre n'a pas nié
ça non plus ? le nombre de personnes qui peuvent exercer,
n'étant pas membres de cette corporation professionnelle. Ce n'est pas
mauvais en soi, parce que les gens qui ne sont pas membres d'une corporation ne
sont pas obligés de suivre le code de déontologie.
Pour ce qui est de la protection du public, ça avait
été longuement discuté lors de la commission parlementaire
et, bien sûr, on a un petit peu rouvert le débat, M. le
Président. Ça ne règle rien quant à la protection
du public. Même si on a une corporation professionnelle de ce
genre-là, si les gens ne sont pas membres, ils ne sont pas tenus de
respecter le Code. Donc, par rapport aux plaintes et tout le système de
plaintes que le ministre veut éventuellement mettre sur pied, disons que
ça va créer des problèmes de toute façon.
Là où on a eu un peu plus de difficulté, comme le
disait la porte-parole de l'Opposition, ma collègue de Terrebonne, c'est
avec l'article 6. Au départ, vous savez, M. le Président, on
avait déjà une difficulté majeure avec l'article 6.
Même si le ministre y a apporté un amendement en commission
parlementaire, on ne croit pas que le problème va être
réglé pour autant. Vous savez, à l'article 6, M. le
Président, on donne, dans ce projet de loi, un pouvoir d'enquête
à l'Ordre des infirmières et infirmiers. C'est un pouvoir
d'enquête qui existe dans d'autres corporations professionnelles. On
donne ce pouvoir d'enquête au bureau de l'Ordre des infirmières et
infirmiers. Il y aura un comité mis sur pied. Ce pouvoir d'enquête
existe aussi au niveau des médecins, au niveau des dentistes, des
optométristes. On a vu que ces ordres ont ce pouvoir d'enquête
depuis plusieurs années, et les ordres qui ont ce pouvoir
d'enquête, bien sûr, sont des ordres à titre exclusif. Donc,
des ordres qui sont composés de professionnels qui ne peuvent pas
pratiquer autrement qu'à l'intérieur de leur ordre d'exercice.
L'Ordre des infirmières et infirmiers est aussi un ordre à titre
exclusif, et on le sait, par rapport à la Corporation professionnelle
des infirmières et infirmiers auxiliaires, bien, il y a comme une
espèce de rivalité entre les deux. C'est tout à fait
normal, parce que la Corporation professionnelle des infirmières et
infirmiers auxiliaires exerce à titre réservé, des actes
qui lui sont délégués, à toutes fins pratiques, par
l'Ordre des infirmières et infirmiers. Donc, un peu, déjà
au départ, on se rend compte qu'il y a comme une espèce de
tutelle, quelque part, parce que, pour exercer certains actes précis, il
faut que ces actes-là lui soient délégués par
l'ordre supérieur, l'ordre à titre exclusif, c'est-à-dire
l'Ordre des infirmières et infirmiers.
Ma collègue l'a mentionné, et je pense qu'il est bon de se
rappeler que, depuis quelques années, la
Corporation a beaucoup d'inquiétude et a démontré
que, de 102 actes, elle était passée à 16 actes
délégués. Alors, ça diminue vraiment de beaucoup
leurs tâches. On m'a expliqué, effectivement, qu'il y a eu quand
même des regroupements, qu'on n'est pas passé de 102 à 16.
Je pense qu'il faut être honnête, il faut constater que, oui, il y
a eu certains regroupements, mais il n'en reste pas moins, M. le
Président, que les infirmiers et infirmières auxiliaires ont eu
à subir une perte de plus de 3000 emplois, ce qui est assez
considérable.
Quand on regarde au niveau des finances publiques, quand on regarde ce
qui se passe présentement par rapport aux coupures, aux besoins qu'on a,
par rapport aux salaires qui sont gagnés par ces gens-là, je
pense qu'il y a quand même certaines questions à se poser,
peut-être certaines choses à réévaluer. Mais il
reste que les infirmiers et infirmières auxiliaires ont, à mon
sens et au sens de l'Opposition officielle, une certaine raison d'être
inquiets.
Qu'est-ce qui se passe quand on a des enquêtes comme ça?
Qu'est-ce qui se passe avec ce comité-là? Pourtant, la demande
des infirmiers et infirmières auxiliaires n'était pas si
extraordinaire. Tout ce qu'ils avaient demandé, à toutes fins
pratiques, et je les cite: «Dans les circonstances, la Corporation
propose une harmonisation de l'article 11 de la Loi sur les infirmières
et les infirmiers avec les dispositions sur les services de santé et
services sociaux, qui reconnaît une place aux infirmières
auxiliaires au niveau de l'appréciation de la qualité des soins
infirmiers.» Or, elles demandaient un siège au niveau du
comité. Je pense que ce n'est pas abusif. Ça aurait probablement
calmé leurs inquiétudes. Le ministre en a décidé
autrement, il a décidé de leur donner la possibilité de
recevoir le rapport de l'enquête 30 jours avant que le ministre de la
Santé et des Services sociaux ne le reçoive. Donc, il leur donne
un droit de regard, un droit de rapport à elles aussi, la
possibilité de se défendre, à toutes fins pratiques, s'il
y a quelque chose qui va à rencontre de leurs propres
responsabilités. Et, aussi, je pense que ça nous a
démontré que le ministre voulait se donner un droit de regard sur
ces enquêtes-là. Parce que le plus beau de l'histoire, M. le
Président, c'est que, depuis 1973, les médecins, les
optométristes, etc., les ordres dont je vous parlais tout à
l'heure, qui ont ce pouvoir d'enquête, bien, il semble que le ministre
responsable des ordres professionnels, ça ne le regarde pas, ces
enquêtes-là. Il n'a pas à s'en soucier, même si on
parle de la qualité des soins, qualité des services,
qualité des professionnels, à toutes fins pratiques ?
l'Office non plus.
Alors, M. le Président, la correction, il y en a une
légère, elle n'est pas suffisante, et c'est pourquoi nous
continuons de voter contre le projet de loi. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? Est-ce qu'il y a droit de réplique?
Mise aux voix
Alors, est-ce que le projet de loi 72, Loi modifiant le Code des
professions et la Loi sur les infirmières et les infirmiers, est
adopté? Adopté sur division. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson: Oui, M. le Président. Je vous demanderais
d'appeler l'article aa, qui apparaît aux nouveaux préavis du
feuilleton de ce jour.
Projet de loi 104 Présentation et adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre
délégué à la Réforme électorale
propose l'adoption du principe du projet de loi 104, Loi concernant le
recensement suivant la délimitation des circonscriptions
électorales. Y a-t-il consentement pour déroger à
l'article 232 du règlement? Consentement?
M. Johnson: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et à l'article
237 également, consentement? L'article 237, c'est parce que ça
prend une semaine pour revenir, vu qu'il a été
déposé. Alors, il y a consentement. M. le ministre
délégué à la Réforme électorale.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
c'est un petit projet de loi auquel nous sommes habitués depuis un
certain nombre d'années, puisque, de mémoire, ça doit
être au moins la septième fois qu'un ministre qui a cette
responsabilité se lève pour déposer un projet de loi et
pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de recensement électoral, tel que
le prévoit la loi, à l'automne 1993, ce qui va permettre
d'épargner aux contribuables québécois des dépenses
qui friseraient entre 17 000 000 $ et 19 000 000 $, et c'est le but de
l'exercice. La seule conséquence, M. le Président, c'est que,
dans la mesure où il y aurait, d'ici ce temps, une élection au
Québec, déclenchée par la volonté du premier
ministre, ça fera une période électorale qui sera plus
longue et qui inclura un recensement, et ce n'est que le seul effet du projet
de loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous avez une
intervention, M. le leader de l'Opposition officielle?
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: C'est une économie de 17 000 000 $, si j'ai
bien compris. Ajoutés aux 26 000 000 $ qu'on pourrait aller chercher
pour le référendum, ça ferait 43 000 000 $. Ça
pourrait faire un
pas pire plan de relance économique. Donc, M. le
Président, nous consentons à ce que le projet de loi soit
adopté en deuxième lecture, que le rapport soit adopté et
que les écritures soient faites.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, le principe du
projet de loi 104, Loi concernant le recensement suivant la délimitation
des circonscriptions électorales, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le leader du
gouvernement, une motion pour envoyer en commission plénière, si
je comprends bien?
Renvoi à la commission
plénière
M. Johnson: M. le Président, je fais maintenant motion
pour que ce projet de loi soit étudié en commission
plénière et que nous nous constituions en commission
plénière.
Adoption du rapport
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur le
consentement, est-ce que cette motion est adoptée? Est-ce qu'il y a
consentement pour faire les écritures? Consentement. Alors, cette motion
est-elle adoptée? Adopté. Le rapport de la commission
plénière est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Adoption
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Nous en
sommes maintenant au consentement pour passer à l'adoption du projet de
loi 104. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement.
Mise aux voix
Le projet de loi 104 est-il adopté? Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 12 de notre feuilleton.
Projet de loi 91
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Cette Assemblée
prend en considération le rapport de la commission de
l'aménagement et des équipements sur le projet de loi 91, Loi
modifiant le Code de la sécurité routière. Y a-t- il des
interventions sur ce rapport? M. le ministre des Transports.
(23 h 40)
M. Sam L. Elkas
M. Elkas: Merci, M. le Président. Nous nous sommes mis
d'accord, lors de l'étude en commission parlementaire de ce projet de
loi, pour dire que les modifications proposées visent essentiellement
à faciliter l'administration du Code de la sécurité
routière. Mais, contrairement à ce que le député de
Lévis a répété à plusieurs reprises au cours
de nos travaux, la plupart de ces modifications auront pour effet
d'améliorer sensiblement la sécurité routière sur
nos routes.
Je me permets, M. le Président, notamment, de mentionner les
nombreux amendements concernant l'obligation de munir les autobus scolaires
d'un signal d'arrêt obligatoire ainsi que des règles de
circulation qui s'y rapportent; deuxièmement, l'identification par le
ministère des Transports des points routiers qui sont critiques pour les
camions et l'obligation de les munir d'un système de freinage
supplémentaire; troisièmement, l'application aux véhicules
accidentés et reconstruits à l'extérieur du Québec
des exigences du Code relatives à l'expertise technique des
véhicules et à la vérification mécanique;
quatrièmement, le renforcement de certaines dispositions du Code se
rapportant au contrôle routier et aux pouvoirs des contrôleurs
routiers; cinquièmement, le pouvoir accordé à la
Société de conclure une entente en vue de l'application de la Loi
sur la transformation des produits marins et de la Loi sur l'utilisation des
produits pétroliers pour fins de contrôle routier du transport de
personnes et des biens; et, sixièmement, l'uniformisation des amendes
prévues dans les voies réservées exclusivement à
certains véhicules.
Toutes ces mesures, M. le Président, auront pour effet
d'améliorer la sécurité sur nos routes, de mieux
protéger les usagers de la route et d'être plus équitable
dans l'application du Code de la sécurité. Et je suis très
fier, M. le Président, qu'elle ait été adoptée en
commission parlementaire, malgré les hésitations de l'Opposition.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
ministre des Transports. Sur la prise en considération du rapport, je
reconnais M. le président de la commission de l'aménagement et
des équipements. Voulez-vous intervenir, M. le député? M.
le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: J'ai écouté le ministre des Transports,
et c'est le vieux principe qui s'applique, comme disaient les Latins: Doctus
cum libro. Et c'est ce que nous avons vu, encore une fois. Mais je dirai que
c'est la dernière fois qu'en commission parlementaire nous accepterons
que le ministre nous fasse donner des réponses par des fonctionnaires de
toutes sortes de services. À l'avenir,
nous accepterons uniquement que le président-directeur
général puisse parler quand le ministre ne voudra pas
répondre lui-même aux questions que nous lui poserons. Ça
permettra à la Société de l'assurance automobile d'avoir
un plus grand respect du Parlement. Parce que, essentiellement, la loi que nous
avons devant nous est une loi bureaucratique qui a simplement pour but de
mettre le Parlement au service de la machine.
Les articles 1, 2 et 3, M. le Président, c'est des articles qui
permettent d'adapter la loi à la machine de la Société de
l'assurance automobile du Québec. Essentiellement, c'est ça. Le
projet de loi que nous avons devant nous, c'est pour ajuster le monde à
la machine. En effet, les fichiers informatiques de la Société de
l'assurance automobile du Québec indiquent le mot «sanction»
lorsque le permis d'une personne est suspendu ou révoqué. Et, au
lieu de modifier leur système informatique pour inscrire le mot
«suspendu» ou «révoqué» dans le fichier
d'un conducteur, ce qui aurait permis, par ailleurs, de donner une meilleure
information aux policiers qui ont accès au système informatique
de la Société de l'assurance automobile du Québec, pour
vérifier le dossier d'un conducteur lorsqu'ils arrêtent quelqu'un
sur la route, la Société de l'assurance automobile du
Québec a réussi, à cause de la faiblesse du ministre,
à faire modifier le Code de la sécurité routière.
Ainsi, plutôt que de préciser la nature de la sanction dans ses
fichiers, la Société de l'assurance automobile du Québec
utilise un terme général, le mot «sanction». Elle a
fait modifier le Code de la sécurité routière pour imposer
sa façon de faire plutôt que d'adapter son système aux
dispositions de la loi actuelle. C'est le pouvoir de la bureaucratie dans toute
sa plénitude.
À l'article 27, M. le Président, là, c'est le
summum du colonialisme, où on établit des règles plus
sévères pour les Québécois que pour les
étrangers. C'est le libre-échange à l'envers, M. le
Président. Ce n'est pas le meilleur traitement qu'on donne aux
étrangers, mais c'est le pire traitement qu'on donne à nos
citoyens. Le ministre nous dit: Nous sommes à l'avant-garde. Avec le
système que nous allons mettre en place, nous allons faire boule de
neige. Oui, une boule de neige en enfer! Ça ne durera pas longtemps. Et
le ministre nous dit que le Québec va tellement être à
l'avant-garde qu'il n'y a pas un État américain qui fait ce qu'il
nous propose avec l'article 27, pas un État américain. Il dit: II
y en a 5 dont on peut dire que ça peut ressembler ? de loin,
comprenez-vous, mais on est tout seuls, on a le pas... Quand la mère du
ministre regarde le ministre dans la parade, elle dit: C'est beau, hein, il y a
juste mon petit gars qui a le pas! Les Américains sont différents
de nous, et je vais vous dire ce dont il s'agit, M. le Président.
L'article 27 crée un régime d'exception pour les
véhicules accidentés et reconstruits à l'extérieur
du Québec. Les Québécois devront se soumettre à 2
exigences pour remettre en circulation un véhicule accidenté et
reconstruit: il devront produire un dossier de reconstruction et soumettre leur
véhicule à une expertise technique. Les étrangers, quant
à eux, devront uniquement soumettre leur véhicule à
l'expertise technique s'ils le déclarent. Ils n'auront pas d'obligation
de produire leur dossier de reconstruction. Le gouvernement, et même un
grand nombre d'États américains, n'ont même pas cette
nomenclature de véhicules accidentés et reconstruits. Le
gouvernement se comporte en colonisé en étant plus
sévère pour les Québécois que pour les
étrangers, ce qui aura sans doute pour effet de faire en sorte que le
travail qui se faisait ici pourra se faire davantage ailleurs, dans des garages
qui seront sans doute proches de la frontière.
On se retrouve encore dans le même gouvernement qui a
réussi à établir comme système la contrebande de
cigarettes, la contrebande de l'alcool, le marché noir sous toutes ses
formes, et qui dit: II n'y en a pas assez dans le domaine de l'automobile, je
vais en organiser un, marché noir, là aussi. Parce que ça
va être plus sévère au Québec et moins
sévère pour les véhicules qui viendront d'ailleurs, des
États-Unis ou du Canada.
J'ai même demandé s'il y avait un système, dans tous
les États américains aux portes de nos frontières: le
Maine, on m'a dit non; New York, non; Vermont, non; New Hampshire, non. Tous
les États au sud de notre frontière, ils n'ont pas un
système comme ça. Nous autres, nous sommes les finfins de
l'Amérique du Nord ? les finfins de l'Amérique du Nord. On
trace la voie en établissant des règles plus
sévères pour les gens de chez nous que pour les étrangers:
le libre-échange à l'envers.
Ce régime est d'autant plus étrange que le principe de
base qui sous-tend l'Accord de libre-échange entre le Canada et les
États-Unis, c'est le traitement par une partie, des biens, des services,
des investissements, des fournisseurs et des investisseurs de l'autre partie,
comme s'ils étaient les siens. Le principe, qui se traduit en termes
juridiques, se trouve à l'article 105 de l'Accord de
libre-échange, qui affirme que «chaque partie accordera, dans la
mesure prévue par le présent Accord ? l'article de l'Accord
de libre-échange ? le traitement national pour ce qui concerne
l'investissement et le commerce des produits et services».
C'est-à-dire qu'on donnera aux étrangers le même traitement
qu'on se donne à nous-mêmes. Par l'article 27 du projet de loi que
vient de présenter le ministre, le gouvernement libéral fait du
libre-échange à l'envers. Il établit des règles
plus sévères pour les Québécois qu'envers les
Américains ou les gens des autres provinces du Canada. Drôle de
façon de faire des affaires! On va être plus sévère
pour les gens de chez nous que pour les gens d'ailleurs. J'essaie de comprendre
la logique. Je n'en vois pas beaucoup, M. le Président, je n'en vois pas
du tout.
Suite aux demandes répétées de l'Opposition et
à la lutte que nous avons menée, le ministre a accepté un
amendement qui exige de produire le dossier de reconstruction pour un
véhicule accidenté et reconstruit à l'extérieur du
Québec, lorsqu'il y en a un. Mais le double régime est maintenu,
et le gouvernement impose
un régime plus sévère et plus contraignant aux
Québécois, quand même. M. le Président, on verra,
dans les prochains mois, quand le régime de contrebande sera
organisé, quand le régime sera établi ? parce qu'il
ne sera pas plus difficile de passer des voitures que des vannes de cigarettes
illégales ou des vannes d'alcool... Maintenant, on pourra avoir aussi
des vannes de véhicules accidentés et reconstruits.
M. le Président, si vous regardez les discours que je faisais en
1986, 1987, 1988, je disais qu'avec la taxation abusive qu'on imposait dans ces
domaines-là, avec la taxation qu'on mettait sur les cigarettes et
l'alcool, il arriverait un système de contrebande. Je le disais dans mes
discours de ce temps-là, parce qu'un des premiers principes qu'on
apprend en fiscalité, quand on étudie l'économie fiscale,
c'est qu'il faut avoir une certaine base de comparaison. Parce que, quand les
gens considèrent que la taxation est abusive dans un État, ils ne
la respectent pas, parce qu'ils considèrent qu'elle n'est pas
respectable, qu'elle abuse des citoyens, et ils se sentent même le droit
de l'éviter. (23 h 50)
M. le Président, vous qui avez un âge pour avoir appris
même la philosophie qu'on enseignait autrefois dans les cours classiques,
la philosophie de saint Thomas, on disait même que c'était correct
de le faire, d'ailleurs ? d'éviter des impôts abusifs ?
que les citoyens avaient le droit de se prémunir contre l'État
qui abusait d'eux. Vous comprenez, même sur le plan moral, le
député d'Argenteuil, qui aime bien citer les évangiles,
mais qui a la pratique plus difficile, s'apercevrait que même des auteurs
de philosophie thomiste admettaient que les citoyens avaient le droit
d'éviter les impôts et les taxes qui étaient un abus des
citoyens. C'est quelque chose, ça, M. le Président. C'est pour
ça que j'avais dit, à ce moment-là, qu'on abusait, qu'on
arriverait à un marché noir puis à une contrebande
effrénée dans ce domaine-là. Bien, c'est arrivé.
C'est arrivé, mais avec un gouvernement naïf, rêveur,
«flyé», un ministre de la Justice dont le piédestal
est tellement élevé que la tête flotte dans les nimbus et
les cumulus. On a ce genre de législation, M. le Président, qui
nuit à notre population.
Quant à l'article 28, parce qu'il n'y a pas eu de bâillon
et qu'on n'a pas restreint les règles de discussion, nous avons
réussi, finalement, malgré l'entêtement du gouvernement,
à faire en sorte que le deuxième paragraphe tombe, celui
où le ministre voulait renverser le fardeau de la preuve en
matière de poursuite pour conduite, malgré la suspension ou la
révocation du permis de conduire ou du droit d'en obtenir un. Dès
le départ, nous avons combattu cette mesure et demandé l'avis du
Protecteur du citoyen, du Barreau du Québec, de la Commission des droits
et libertés de la personne. Le Protecteur du citoyen et le Barreau du
Québec ont répondu.
Et récemment, mardi matin, je voyais que le Club automobile
? un peu tardivement ? se prononçait, lui aussi. Je vous lis
un extrait, M. le Président ? on n'a pas eu le temps d'en faire
état parce que l'article est paru seulement mardi, le 15 juin: «Le
président du Club automobile de Québec, M. Robert Darbelnet, dit
trouver étrange que l'État envisage cette nouvelle mesure presque
tout de suite après avoir essuyé un échec dans le dossier
du coroner Marc-André Bouliane, qui a été acquitté,
le 21 mai, de l'accusation d'avoir conduit sans permis de conduire.» Si
la loi que voulait passer le ministre avait passé, il aurait
été déclaré coupable, parce qu'il aurait
été considéré comme ayant reçu la lettre et
il aurait fallu qu'il prouve son innocence. «J'ai peine à croire,
disait M. Darbelnet, qu'il n'y a pas de lien avec l'affaire Bouliane. La
Société de l'assurance automobile du Québec a
été incapable de prouver que Me Bouliane avait reçu l'avis
de révocation et a eu le mauvais rôle dans toute cette affaire.
L'organisme cherche maintenant à se délester de sa
responsabilité pour l'avenir.» Selon M. Darbelnet, il est
virtuellement impossible à un citoyen de prouver qu'il n'a pas
reçu un document. «Vous pouvez prouver devant la Cour que vous
n'étiez pas à un endroit parce que vous étiez à un
autre, mais comment voulez-vous faire la preuve que vous n'avez pas en main un
avis? C'est impossible. La responsabilité de s'assurer de la
réception de l'avis doit revenir à la Société de
l'assurance automobile du Québec.»
Finalement, parce que le ministre réalisait que le temps passait,
qu'il n'y avait pas de bâillon sur sa loi, bien, nous avons pu faire en
sorte que le deuxième paragraphe de l'article 28 soit enlevé et
que le fardeau de la preuve reste à la Société de
l'assurance automobile, comme c'aurait dû toujours être le cas, et
le gouvernement n'aurait jamais dû proposer de telle mesure, M. le
Président. Parce que, essentiellement, normalement, des projets de loi
doivent être analysés par des politiques, pour qu'on ne se
retrouve pas uniquement avec des projets de loi décidés par la
bureaucratie, indépendamment du fonctionnement normal d'une
société. C'est pour ça, M. le Président, que nous
avons combattu farouchement ce projet de loi et qu'il y a eu un certain nombre
de changements qui rendent le projet de loi moins pire. Moins pire, je dis
bien, parce que, essentiellement, c'est un projet de loi bureaucratique.
M. le Président, c'est pourquoi ce projet de loi n'est pas un
projet de loi souhaitable, n'est pas un projet de loi qui va
véritablement aider les citoyens, et il y aura encore des
problèmes considérables dans le projet de loi dont nous avons
discuté amplement, et dont les notes se trouvent imprimées dans
les rapports de la commission parlementaire qui a étudié le
projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Lévis, de votre intervention.
M. Garon: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.
M. Garon: ...je voudrais remercier les collègues qui ont
participé à l'étude du projet de loi. Je pense que
ça a un effet important, sinon déterminant dans le fait que le
ministre a dû reculer. Je pense au député de
Jonquière, qui a eu une longue expérience comme maire d'une
municipalité pendant 22 ans. Je pense à la députée
des Chutes-de-la-Chaudière, à la députée du
comté de Marie-Victorin et, également, par sa présence, au
député de Dubuc, qui n'a pas parlé beaucoup, mais dont la
présence constante a montré au ministre qu'on avait des orateurs
suffisants pour faire en sorte de le faire réfléchir. Finalement,
comme il n'y avait pas de bâillon, comme il ne doit pas y en avoir dans
un Parlement démocratique, il a été obligé de
plier, de sorte que la mesure qui a été enlevée fait en
sorte que les gens qui voient aux intérêts des citoyens, comme le
Protecteur du citoyen et le Barreau du Québec et même, en tout
cas, le Club automobile qui l'a mentionné ? tardivement, mais qui a
fini par le mentionner également ? ont fait en sorte que des
dispositions qui s'y trouvaient au point de départ ne s'y trouveront
pas, M. le Président. Je voudrais remercier ces collègues qui ont
travaillé pour faire en sorte que le projet de loi soit moins pire pour
les citoyens. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Le projet de loi 91, c'est aussi, comme le projet de loi
précédent, un autre projet de loi qui ne viendra pas changer la
face du monde. C'est un projet de loi qui a été
étudié, effectivement, article par article en commission
parlementaire. Heureusement, M. le Président, je pense que ça a
pu apporter des changements intéressants, des changements importants au
projet de loi, qui, au départ, aurait pu avoir des conséquences
assez néfastes sur la population.
Ce qui est assez étonnant dans ce projet de loi là, ce qui
m'a surprise, moi, comme parlementaire, M. le Président, quand on
étudie un projet de loi, c'est la facilité avec laquelle, dans le
même projet de loi, on peut à la fois et se soustraire à
une obligation et en mettre un peu plus sur le dos des contribuables. Je
m'explique là-dessus, M. le Président. Dans le projet de loi, au
départ, avant qu'il ne soit corrigé, si on parle du projet de loi
tel que présenté, à l'article 15, il y a eu beaucoup de
discussions là-dessus, et je dois vous avouer, M. le Président,
que l'Opposition avait de la difficulté à comprendre. D'ailleurs,
le ministre nous trouvait terriblement bornés, presque, je dirais, et je
dois avouer aussi qu'il avait quand même un peu certaines
difficultés à nous expliquer. Heureusement qu'il y avait des
fonctionnaires à côté de lui qui avaient l'air d'être
capables de nous donner un petit peu plus de renseignements. Je dois dire quand
même qu'on a eu un peu plus de détails de ce
côté-là, et ça a été assez long avant
de les avoir.
À l'article 15 du projet de loi, M. le Président, on
modifie un article ? toujours, comme d'habitude ? on vient modifier
l'article 473 du Code de la sécurité routière. C'est un
article qui est là depuis très longtemps. Il y a même eu,
là-dessus, une réforme, en 1986. Cet article était
là et il est resté tel quel. Alors, on m'a dit, en commission,
que ça faisait vraiment très longtemps que cet article-là
était en vigueur. Alors, l'article 473 ? il faut savoir ce que
c'est ? c'est un article qui a pour but d'obliger les gens à avoir
un permis spécial lorsque leur véhicule transporte un
équipement qui est en dehors des normes. Alors, cet article-là ne
comportait, antérieurement, aucune exception. Là, le ministre
nous présente son projet de loi et, dans son projet de loi, à
l'article 15, il arrive et décide qu'il fait une exception à cet
article-là. Alors, ça se lisait comme suit, M. le
Président, au départ: «Le présent article ne
s'applique pas aux équipements servant à niveler, déblayer
ou marquer la chaussée.» Alors là, on ne comprenait pas
trop pourquoi, quel était le but, si on veut, de cette exception qu'on
arrivait à faire. Parce que, normalement, quand on parle du Code de la
sécurité routière, on pense, évidemment, à
la sécurité. On dit: C'est sûr que l'équipement doit
être plus large et peut apporter des dangers précis. Ça a
dû être évalué dans ce sens-là. Il y a
toujours des raisons qui sont sous-jacentes aux articles de loi, M. le
Président. Le ministre nous a dit qu'effectivement, oui, c'était
pour des raisons de sécurité que cet article-là
était là et aussi pour des raisons de contrôle. Semble-t-il
qu'il faut contrôler aussi ces éléments-là,
(minuit)
Finalement, après beaucoup de questionnement, on se posait des
questions à savoir: Qu'est-ce qui a changé? Ces
équipements-là sont-ils devenus plus sécuritaires?
Qu'est-ce que c'est le problème? Qu'est-ce qu'il y a de changé?
Comment se fait-il qu'on fasse maintenant des exceptions?
Alors, le ministre, finalement, nous a expliqué que, suite
à nos questions, bien sûr, parce que ça a été
assez laborieux, je dois dire, avant qu'on ait le renseignement, il nous
expliquait que, oui, il y a des permis qu'il faut obtenir; ces
permis-là, il y a des coûts qui s'y rattachent. On parle de 200 $
par an si le permis est annuel. Si c'est un permis trimestriel, on parle de 75
$ par trimestre. Si c'est un permis pour un seul voyage, bien, là,
à ce moment-là, on dit: Ça coûte 100 $, un permis
pour un seul voyage.
Suite encore à nos interrogations, on ne comprenait pas toujours
le bien-fondé de cet article-là. On a compris, finalement, quand
le ministre nous a avoué que, non, le ministère des Transports,
qui possède de nombreux équipements de ce type-là:
niveleuses, équipement qui sert à déblayer la
chaussée, on parle des saleuses avec des grattes en dessous pour
netttoyer la route, tous ces équipements-là, le ministère
des Transports en possède plusieurs, les municipalités en
possèdent plusieurs et, même si cet article-là était
en
vigueur, on a appris que le ministère et les municipalités
ne s'étaient jamais soumis à cet article-là et n'avaient
jamais eu besoin de payer ces permis-là.
Donc, maintenant, le ministre nous expliquait qu'avec son système
de contrôle routier, parce que, maintenant, le ministre a un
système de contrôleurs routiers, alors il nous a expliqué
que les contrôleurs routiers, il fallait qu'ils effectuent leur
tâche et, bien sûr, ayant des contrôleurs routiers, M. le
Président, le danger devenait plus grand de se faire prendre en
contravention. Il nous avouait, tout simplement, que le ministère
était contrevenant, les municipalités aussi, qu'ils n'avaient
jamais payé le permis. Donc, on change la loi tout de suite pour
permettre au ministère et aux municipalités de se retirer de ce
genre d'obligation.
Alors, ça, c'était à l'article 15 et, à
l'article 28, bien, là, M. le Président, heureusement que mon
collègue, député de Lévis, a été
très insistant, qu'il avait demandé plusieurs avis, et le
ministre, finalement, s'est rendu, je pense, à l'argumentation qui lui
venait de toutes parts, parce que, on le sait, le Protecteur du citoyen s'est
prononcé là-dessus, plusieurs intervenants se sont
prononcés, ça a été même discuté, ici,
en cette Chambre, à la période des questions. Enfin, en bout de
ligne, le ministre a consenti à retirer le paragraphe litigieux, le
paragraphe qui n'avait aucun sens par rapport au droit que l'on connaît
chez nous, où il est très clair qu'on ne peut pas être
coupable avant même d'avoir été jugé.
Alors, cet article-là a finalement été
retiré du projet de loi. Mais c'est pour vous dire, M. le
Président, que, dans un projet de loi, on peut à la fois se
soustraire à la justice et, d'autre part, en mettre un petit peu plus
sur le dos des citoyens. Ça, c'est le problème sérieux,
moi, en tout cas, que je me pose: Comment on peut en arriver à des
projets de loi comme celui-là?
Il y a eu, bien sûr, M. le Président, plusieurs autres
articles qui ont été discutés, entre autres l'article 27,
qu'on a commencé à discuter à l'article 24, parce que
l'article 27, on peut le corriger à partir de 24, là, ça
descend comme ça. Alors, il y a eu beaucoup de suggestions
d'amendements, plusieurs demandes de corrections qui ont été
faites. Le ministre a amélioré un peu la situation, mais il ne
l'a pas vraiment corrigée.
Par rapport à l'article 27, on sera toujours... Les nouvelles
dispositions prévoient que le degré d'inspection, pas
l'inspection technique... On fera les mêmes inspections techniques,
mécaniques, mais les demandes, les exigences, pour les véhicules
reconstruits au Québec seront plus grandes que pour les véhicules
reconstruits qui viennent de l'extérieur. On va exiger plus des gens de
chez nous qu'on va exiger des gens d'ailleurs. Donc, là, il y a eu
vraiment énormément de discussions. M. le Président. Tout
ce que le ministre a consenti à ajouter, c'est un paragraphe à
son projet de loi qui vient un peu ramener les choses, mais qui, dans le fond,
ne règle rien.
Alors, pour ces raisons, M. le Président, l'Opposition votera
contre le projet de loi. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, Mme la
députée.
Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?
M. le ministre des Transports, en vertu du règlement, vous avez 5
minutes pour vous exprimer.
M. Sam L. Elkas (réplique)
M. Elkas: Merci, M. le Président.
Je suis un peu surpris d'entendre la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, qui est venue pendant 1 h et 15 min en
commission pour discuter et reprendre sur bien des questions qui avaient
été discutées auparavant. C'était à
reprendre. Certains d'entre nous ont assumé que la députée
aurait compris le bien-fondé de l'article 15. Malheureusement, certaines
gens ne veulent pas comprendre, ne comprennent pas ce que c'est, la
sécurité routière. Alors, j'espère que j'aurai le
temps de la voir, après la session, où je prendrai 15 ou 20
minutes pour lui faire comprendre.
M. le Président, on ne comprend pas. L'article 27, c'est dans le
but de réduire le nombre de vols de véhicules dans notre
province. On n'a pas la juridiction dans les autres provinces. C'est à
nous de convaincre les autres provinces de faire la même chose. Mais,
lorsqu'un véhicule reconstruit à l'extérieur de notre
province ? en Ontario, au Nouveau-Brunswick, au New Hampshire, dans
l'État de New York, dans le Maine ou n'importe quelle autre province
? arrive chez nous, il y a une vérification qui se fait, une
vérification mécanique. On ne peut pas exiger de la personne qui
a reconstruit un véhicule en 1985, qui se décide de venir ici
dans notre belle province, qui est transférée ici, de montrer le
dossier de reconstruction du véhicule. Savait-elle s'il y avait des lois
au Québec qui exigeaient qu'on demande à l'autre province ou
l'autre État de démontrer la reconstruction d'un dossier?
M. le Président, j'aimerais parler un peu de l'article 28. C'est
un bilan du contentieux. Bien oui! je l'ai retiré. Je n'avais pas grand
choix. Il était évident que l'Opposition était pour faire
du «filibusting» jusqu'à la fin et puis, surtout à la
fin de session, c'est important de s'assurer qu'on regarde les autres articles
et l'importance des autres articles et c'est pour cette raison-là que je
l'ai retiré.
C'est un article qui a été regardé à fond.
C'est sûr que le Barreau, le bâtonnier avait son opinion. Le
Protecteur du citoyen avait son opinion, mais on a des opinions fondées
sur des discussions qu'il y a eu avec l'Opposition, mais pas
nécessairement des discussions qu'ils ont eues avec mon
ministère, les gens de la Société de l'assurance
automobile du Québec, le ministère de la Justice, les affaires
constitutionnelles. Pas un mot avec ces gens-là, pas un mot. Mais, par
contre, on a voulu mal informer le public. Je vous jure, M. le
Président, je vais revenir à l'automne. Je vais revenir bien
armé. Je vais revenir avec des arguments convaincants qui vont
nous permettre de mettre fin à l'abus, parce que ce que je vois dans
l'Opposition, c'est simplement une attitude de «laissons faire»,
comme ils l'ont fait assez souvent.
En 1987, M. le Président, 3292 cas de suspension, des personnes
qui ont été prises en suspension et c'a passé à 13
478 en 1991. C'est 4 fois plus en 4 ans. Voulez-vous qu'on s'assoie là
et ne rien faire? Non. On avait un véhicule, un mécanisme pour
contrer ce qui se passait et qui n'était pas correct, de ceux qui
abusent du système. On devait mettre fin à ce que je trouve pas
correct dans notre société. La grande majorité de notre
population observe nos lois et je ne trouve pas correct que ce soit
l'Opposition, surtout, qui fasse la promotion des gens qui abusent de notre
système.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
d'autres intervenants?
Mise aux voix
Le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements sur le projet de loi 91, Loi modifiant le Code de la
sécurité routière, est-il adopté?
M. Garon: Sur division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je ferais maintenant motion
pour que nous ajournions nos travaux à ce matin, 18 juin, à 10
heures.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, les
travaux de cette Assemblée sont ajournés à aujourd'hui, le
vendredi 18 juin, à 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 10)