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(Quatorze heures onze minutes)
Le Président: Mmes, MM. les députés! Un
moment de recueillement, s'il vous plaît. Je vous remercie, veuillez vous
asseoir. Nous allons procéder aux affaires courantes.
Affaires courantes
II n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions. Dépôt de
pétitions. M. le député de Shef-ford.
Dépôt de pétitions
Tenir des audiences publiques sur
le projet d'agrandissement du site
d'enfouissement de Sainte-Anne-de-la-Rochelle
et décréter un moratoire sur les
demandes
d'agrandissement et les ouvertures de nouveaux sites
d'enfouissement de la région
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je
dépose l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 300 pétitionnaires, citoyennes et
citoyens principalement du comté de Shefford. Les faits invoqués
sont les suivants: «Considérant que le site d'enfouissement de
Sainte-Anne-de-la-Rochelle a fait une demande d'agrandissement pour
l'importation massive de déchets; «Considérant que deux
ruisseaux traversent le site d'enfouissement, l'un tributaire de la
rivière Saint-François, l'autre de la rivière Yamaska
Nord; «Considérant que ce site d'enfouissement, dans sa partie
ouest, est contigu à une zone d'habitation mixte, c'est-à-dire
résidentielle, commerciale et agrotouristique, de la municipalité
de Saint-Joachim-de-Shefford, n'étant desservi par aucun service
d'aqueduc, qu'il est situé à trois kilomètres de la prise
d'eau potable de la municipalité de Warden, dans le bassin versant du
parc du complexe touristique de Bromont, et à quatre kilomètres
de la rivière Yamaska Nord; «Considérant que l'importation
d'une telle masse de déchets laisse planer des doutes sérieux
quant à la qualité de l'eau de la région ainsi que sa
valeur agricole et son attrait touristique; «Considérant
l'opposition des conseils municipaux de Bonsecours, canton de Shefford,
Law-renceville, Maricourt, de la MRC de La Haute-Yamaska, Racine,
Saint-André-d'Acton, Saint-Étienne-de-Bolton,
Saint-Joachim-de-Shefford, Stukely-Sud, Warden et Waterloo à ce projet;
«Considérant l'opposition de milliers de citoyens à cet
agrandissement;»
L'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale
d'intervenir auprès du ministre de l'Environnement afin qu'il y ait la
tenue d'audiences publiques sur le projet d'agrandissement du site
d'enfouissement de Sainte-Anne-de-la-Rochelle et qu'un moratoire soit
décrété sur l'ensemble des demandes d'agrandissement de
sites d'enfouissement et ouvertures de nouveaux sites d'enfouissement de la
région.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition.
Le Président: Votre pétition est
déposée.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Nous allons donc procéder à la période de questions
et réponses orales, et je vais reconnaître en première
question principale M. le whip de l'Opposition et député de
Lac-Saint-Jean.
Questions et réponses orales
Ordonnance de non-diffusion de la Cour
supérieure par suite d'une requête déposée
par Mme Diane Wilhelmy, haut fonctionnaire du
gouvernement du Québec
M. Brassard: M. le Président, hier, dans le quotidien
Le Soleil, CJRP annonçait qu'il dévoilerait la preuve que
le premier ministre du Québec s'est écrasé en
matière constitutionnelle. Or, la preuve n'a pu être faite
puisque, sur une requête déposée par Mme Diane Wilhelmy,
à titre de sous-ministre responsable du dossier constitutionnel, la Cour
supérieure a ordonné une injonction interdisant à
Radiomutuel et à l'ensemble des médias, et je cite l'injonction:
«de divulguer, de quelque façon que ce soit, par écrit, par
ondes-radio et par tout autre mode de communication électronique,
l'existence de la bande magnétique ainsi que de la transcription de
l'enregistrement des conversations téléphoniques auxquelles a
participé la demanderesse, ainsi que le contenu, en totalité ou
en partie, de cette bande magnétique ou de cette
transcription.»
Et ce qui est intéressant, M. le Président, ce sont les
motifs invoqués dans la requête de Mme Wilhelmy, à savoir
que la divulgation de ce reportage - et je cite sa requête -
«porterait vraisemblablement préjudice à la conduite des
relations entre le gouvernement du Québec et les autres gouvernements
provinciaux ainsi que le gouvernement fédéral et causerait un
préjudice grave et irréparable à la poursuite des
pourparlers et négociations intergouvernementales courants du
gouvernement du Québec.» Fin de la citation de la requête de
Mme Wilhelmy déposée en Cour supérieure hier.
Ma question très simple au premier ministre: Est-ce que le
premier ministre pourrait indiquer à cette Chambre ce qu'il veut cacher
aux Québécois? Qu'est-ce qu'il veut cacher aux
Québécois? Est-ce que ce serait l'ampleur et les dommages
résultant de son effondrement à la table constitutionnelle?
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Continuez, continuez. M. le Président, je
suis étonné quand même par la teneur de la question. Il y a
une poursuite qui a été prise, une demande d'injonction qui a
été prise par les avocats de Mme Wilhelmy, pas par le Procureur
général. Je ne comprends pas pourquoi le député de
Lac-Saint-Jean accuse le premier ministre alors que la poursuite est prise au
nom de Mme Wilhelmy qui invoque des raisons... C'est évident qu'il y a
des conversations qui peuvent avoir lieu entre les hauts fonctionnaires sur des
textes qui peuvent évoluer; c'est normal. Souvent, il y a une
différence - non seulement souvent mais la plupart du temps - il y a une
différence très nette entre le texte final et le texte initial.
Je ne vois pas en quoi, aujourd'hui, on peut poser une telle question alors que
c'est devant les tribunaux. Je veux dire, où est le sens de
l'éthique de l'Opposition, M. le Président? Où est le sens
de l'éthique du chef de l'Opposition, qui applaudissait à deux
mains, avec fébrilité, alors que c'est devant les tribunaux,
alors que ça sera plaidé. Pourquoi cette agitation?
Le Président: En question complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, comment le premier ministre
peut-il prétendre qu'il s'agit purement et simplement d'une
démarche privée et personnelle de Mme Wilhelmy alors que - et,
là-dessus, la requête est très claire - elle agit et elle
fait cette démarche à titre - elle le dit elle-même - de
sous-ministre et de principale conseillère en matière
constitutionnelle du premier ministre, et alors qu'elle invoque non pas des
raisons personnelles, privées, mais qu'elle invoque des motifs
politiques, qu'elle invoque des raisons d'État, parce que ça
porterait, dit-elle, préjudice aux négociations en cours,
ça porterait préjudice aux relations entre les gouvernements? Le
premier ministre pourrait-il reconnaître, au fond, que le principal
préjudice que ça causerait, ce serait à sa
réputation?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne sais pas si on
enregistrait des conversations dans les jours qui ont
précédé le 16 avril 1981, mais je puis dire au
député de Lac-Saint-Jean que je n'ai pas eu peur de soumettre
à la population du Québec qui, elle, aura à décider
si elle accepte ou si elle refuse l'entente, mais je dis, M. le
Président, que la cause est devant les tribunaux. Est-ce qu'on pourrait
accepter, à votre gauche, de respecter les principes fondamentaux de
notre système démocratique? Est-ce qu'on en est rendu là,
du côté de l'Opposition? Est-ce que la soif du pouvoir est
à ce point forte qu'on bafoue des principes de notre démocratie
alors qu'il y a une cause devant les tribunaux, qu'il y a une injonction
obtenue pour 10 jours - dans 10 jours, c'est avant le 26 octobre - où la
cause sera débattue? Est-ce qu'on en est rendu au point de ne pas
vouloir respecter la séparation des pouvoirs, de forcer des intervenants
à intervenir dans le débat, dans le fonctionnement du pouvoir
judiciaire? Pourquoi descendre si bas pour des fins aussi inavouées? (14
h 20)
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Brassard: Pourquoi le premier ministre recourt-il justement
aux tribunaux et au pouvoir judiciaire? Pourquoi le pouvoir exécutif
recourt-il au pouvoir judiciaire pour empêcher que la lumière soit
faite, pour empêcher que la vérité soit
étalée au grand jour et pour empêcher le peuple
québécois de prendre une décision
éclairée?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai mentionné
tantôt que le Procureur général n'était pas
impliqué. C'est une action personnelle. Mme Wilhelmy a le droit de
protéger son intégrité alors qu'on écoute des
conversations qu'elle peut avoir avec des hauts fonctionnaires sur des textes
qui peuvent évoluer. C'est une action personnelle. Pourquoi le
député de Lac-Saint-Jean essaie-t-il de mettre en cause le
premier ministre ou le gouvernement alors que l'action a été
prise à titre personnel et qu'il y aura un débat dans les
prochains jours? Je ne comprends pas l'empressement du député de
Lac-Saint-Jean ou de l'Opposition à vouloir intervenir dans ce
débat alors que c'est devant les tribunaux. Encore une fois, mais
qu'est-ce que vous respectez? Qu'est-ce que vous respectez? Je comprends que,
la semaine dernière, j'avais l'occasion de souligner que, maintenant, on
accorde plusieurs centaines de milliers de dollars à des dissidents du
Parti libéral, à même les fonds du Parti
québécois, après avoir traité ces gens, M. le
Président...
Des voix:...
M. Bourassa: Non, non, mais c'est pour montrer des exemples
jusqu'où...
Le Président: S'il vous plaît! Alors, en conclusion,
M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je souligne simplement la
continuité de l'impudeur du Parti québécois. Après
avoir traité M. Allaire de dégradant et d'humiliant pour les
Québécois la semaine dernière, on lui offre cette semaine
des centaines de milliers de dollars.
Alors, j'ai dit que, dans cette question-là, alors que c'est une
action qui a été prise à titre personnel par Mme Wilhelmy
et qu'elle ne signe pas ('affidavit à titre de sous-ministre - elle a
signé un affidavit - elle a droit de vouloir protéger son
intégrité personnelle, sa réputation personnelle. Ce sont
des conversations, c'est l'ensemble de l'institution comme telle qui peut
être mis en cause si les hauts fonctionnaires ne peuvent pas, à
l'abri de telle tactique dont l'éthique laisse à désirer,
discuter entre eux. Qu'est-ce que le chef de l'Opposition dirait si ses
collaborateurs, dans la préparation de son budget comme ministre des
Finances, se faisaient enregistrer?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Ils auraient droit, ses collaborateurs, M. le
Président, de vouloir protéger leur intégrité.
Encore une fois, je dis au député de Lac-Saint-Jean - Mme
Wilhelmy a le droit de se défendre, elle a le droit de protéger
son intégrité, comme je vous le disais tantôt. Laissons les
tribunaux fonctionner, respectez ce principe qui garantit le fonctionnement
démocratique de la séparation des pouvoirs: le pouvoir
exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Autrement, M. le Président, tout ce que vous démontrez à
la population, c'est que tous les moyens sont bons pour arriver à vos
fins.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, est-ce que le premier
ministre oublie ou est-ce qu'il ne sait pas que Mme Wilhelmy, au point 3 de sa
requête, indique, et je cite: «Dans le cadre des fonctions de la
demanderesse, à ce titre maintenant depuis environ sept ans, la
demanderesse est directement impliquée au plus haut niveau du
gouvernement du Québec dans les négociations portant sur la
révision de la Constitution canadienne avec les autres gouvernements
provinciaux du Canada et le gouvernement fédéral.» C'est
à ce titre-là que Mme Wilhelmy a demandé une injonction.
Est-ce qu'au fond l'injonction ne vient pas parce que le premier ministre a
honte d'étaler au grand jour...
Des voix: Ah! Ah!
M. Brassard: ...sa piètre performance de
négociateur?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je dirai simplement au
député de Lac-Saint-Jean que c'est ce que j'ai dit tantôt,
qu'elle avait le droit de défendre sa fonction, qu'elle avait le droit
de défendre le travail que doivent faire les hauts fonctionnaires pour
faire des représentations à d'autres hauts fonctionnaires ou
à des conseillers ou dirigeants politiques. La liberté d'action
de la haute fonction publique ou de la fonction publique, c'est ça qui
est en cause, leur liberté d'expression en toute quiétude. C'est
ça que ne comprend pas le député de Lac-Saint-Jean et,
quand il parle de honte, M. le Président, alors que, cet
après-midi... On le sait qu'il y a eu des expériences dans cette
Chambre où des interventions de la part de ministres ou de premiers
ministres ont fait annuler des procès. Je ne sais pas s'il s'en
souvient. Ça devrait l'inciter à la prudence. Et quand il parle
de honte, il a vraiment un miroir devant lui.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Brassard: Puisque le premier ministre admet que les
Québécois ont le droit de savoir et de décider en toute
connaissance de cause, je vais le prendre au mot. Est-ce qu'il consentirait
à s'engager à déposer dès demain, dernier jour de
la session spéciale, les documents et les avis dans lesquels les
Québécois pourraient prendre connaissance des positions
constitutionnelles qu'il aurait dû défendre, normalement, comme
chef de gouvernement, à la table de négociation? Est-ce qu'il est
en mesure de prendre cet engagement et de faire le dépôt demain,
puisqu'il prétend que les Québécois ont le droit de
savoir? Je le prends au mot.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II ne faut pas faire le rigolo, quand même! On
sait qu'il y a des centaines et des centaines de documents ou d'avis, qui
peuvent évoluer selon les textes juridiques. Est-ce que le
député de Lac-Saint-Jean me demande de déposer toutes les
centaines d'avis qui ont été envoyés au chef du
gouvernement ou au ministre responsable depuis six ans ou sept ans, sur
différents sujets? Est-ce que c'est ça, M. le Président,
que demande le député de Lac-Saint-Jean? Ça ne fait pas
sérieux. Il y aura une interpellation entre le chef de l'Opposition et
moi-même en cette Assemblée nationale. Ça a
été accepté, oui. Il y en aura une. La Chambre n'est pas
dissoute. Ce n'est pas une élection, c'est un référendum.
Le chef de l'Opposition me dit qu'il est d'accord pour une
interpellation. Nous fixerons... Nous pourrons discuter face à face dans
cette Chambre dans quelques jours. On pourra s'entendre sur une date, M. le
Président.
Je crois que la Chambre... Un peu de calme! Je ne crois pas que vous
ayez à... Alors, je dis, M. le Président, que nous pourrons, en
cette Assemblée, dans les prochains jours, avoir une interpellation, le
chef de l'Opposition et moi-même, et, à ce moment-là, on
pourra compléter l'information s'il y a lieu.
Je ne vois pas en quoi, M. le Président, le gouvernement devrait
déposer les centaines de mémoires. De quelle façon ces
gens-là veulent gouverner? Avec quelle fonction publique ils vont
pouvoir collaborer si, lorsque des hauts fonctionnaires donnent leur avis sur
un texte par rapport à un autre, ce texte peut se retrouver
enregistré ou se retrouver public? Il y a quand même des documents
qui, pour la qualité et l'importance même des négociations,
ne peuvent pas être déposés puisqu'ils sont désuets.
Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean veut que je dépose
des documents qui sont caducs? Ce n'est pas sérieux, M. le
Président. Encore une fois, c'est l'Opposition qui se dégrade par
des propos comme ceux de cet après-midi.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, le premier ministre pourrait
peut-être demander à Mme Wilhelmy de faire le tri des
documents.
Des voix: Ha,ha, ha!
(14 h 30)
Le Président: Votre question, s'il vous plaît, M. le
député.
M. Brassard: Est-ce que le premier ministre, au fond, n'a pas
tout simplement peur que les Québécois constatent l'énorme
différence entre les positions qu'il devait défendre à la
table constitutionnelle, ce qui s'est passé et ce qu'il a conclu et
convenu? Est-ce qu'il n'a pas peur, au fond, que les Québécois
voient sous leurs yeux, en révélant les documents exprimant les
positions de négociation, l'ampleur des dégâts et l'ampleur
du désastre constitutionnel dont il est responsable?
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...je ne vois pas où veut en venir le Parti
québécois avec ces abus de langage. Je dis au
député de Lac-Saint-Jean - je l'ai dit dans mon discours et je
l'ai dit à plusieurs reprises - c'est évident qu'on aurait
souhaité, dans certains cas, obtenir des pouvoirs additionnels, mais il
fallait, comme gouvernement, rester responsable. Je pense notamment, je l'ai
dit, à l'assurance-chômage qui est d'exclusivité
fédérale. Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean
pourrait nous dire, si on avait réclamé l'exclu- sivité de
l'assurance-chômage, comme ça se trouvait dans le rapport du
comité constitutionnel du Parti libéral, présidé
par M. Allaire, où on pourrait trouver le 1 200 000 000 $ comme
gouvernement? C'est normal que comme parti on puisse avoir des objectifs
généraux. C'est normal que l'Opposition n'ait pas à
équilibrer les budgets, mais, comme gouvernement, nous, il nous faut
être responsable. Il nous faut être responsable, si on ne veut pas
quintupler le déficit comme certaines autres administrations.
Alors, je dis au député du Lac-Saint-Jean: Est-ce qu'il
pourrait nous dire, ou le chef de l'Opposition - et c'est pour ça qu'on
pourra en discuter dans l'interpellation - le 1 200 000 000 $, où
aurait-il voulu qu'on le prenne? Les taxes des contribuables, réduire
des dépenses, vous qui, constamment, demandez des augmentations de
dépenses, augmenter le déficit?
Alors, nous, comme gouvernement, M. le Président, je termine par
ça, nous devons agir d'une façon responsable vis-à-vis de
la population, vis-à-vis du peuple québécois. Ce sont des
arguments comme ceux-là, faits à l'appui... 1 200 000 000 $,
c'est 400 $ de plus par travailleur. Est-ce que c'est ça que vous auriez
voulu imposer? 400 $... M. le Président, c'est 400 $ par travailleur, 1
200 000 000 $, 409 $, pour être précis. Est-ce que c'est
ça? Est-ce que c'est ça, M. le Président, qu'on veut
proposer aux Québécois du côté du non? C'est
d'imposer aux Québécois, à chaque travailleur, 409 $ de
plus? Mais, M. le Président...
Le Président: Alors, s'il vous plaît. Alors,
très brièvement, une conclusion, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Non, mais, M. le Président, c'est que le
député de Lac-Saint-Jean me demande d'expliquer l'attitude du
gouvernement. Je lui dis que le gouvernement, c'est lui qui a la
responsabilité, c'est lui qui doit équilibrer les budgets, c'est
lui qui doit emprunter, c'est lui qui doit essayer d'éviter
d'hypothéquer l'avenir.
Donc, on peut avoir des objectifs, comme on a dans le programme
même du Parti libéral, et que soutiennent intégralement
certains dissidents au sein du Parti, mais, comme gouvernement, nous, on est
redevable vis-à-vis du peuple, et si, dans nos décisions,
ça veut dire qu'on alourdit les taxes de 1 200 000 000 $, je
pense...
Le Président: M. le premier ministre...
M. Bourassa: ...qu'on n'agit pas d'une façon responsable.
Je sais que ça...
Le Président: M. le premier ministre, s'il vous
plaît.
M. Bourassa: ...vous fait mal d'entendre des choses comme
celle-là.
Le Président: S'il vous plaît.
M. Bourassa: Je sais que vous n'aimez pas parler de
chiffres...
Le Président: Alors, s'il vous plaît.
M. Bourassa: ...C'est pour ça que vous allez rester dans
l'Opposition jusqu'au prochain millénaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, sur une question additionnelle, M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, après les Rocheuses,
voilà que le chômage est rendu payant. Mais ma question au premier
ministre: Est-ce que le premier ministre, M. le Président, veut relever
Mme Wilhelmy de son serment d'office, lui qui dit qu'il n'a pas peur et qu'il
n'a pas honte de ce qu'il a fait? Est-ce qu'il pourrait relever Mme Wilhelmy de
son serment d'office pour qu'elle puisse rendre publique la bande
magnétique et la transcription, pour bien voir la qualité du
travail du premier ministre du Québec?
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je ne parle pas du chômage payant, pour
répondre au préambule du leader parlementaire. Je parle d'une
situation bien concrète, 1 200 000 000 $ de plus. Non, non, mais
c'est... M. le Président, dans son préambule, dans son
préambule, le député de Joliette et leader
parlementaire...
Le Président: Alors, s'il vous plaît, s'il vous
plaît, un instant. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le
premier ministre, s'il vous plaît.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai le droit de
répondre au préambule du leader parlementaire de l'Opposition. Il
m'a accusé d'être favorable au chômage payant,
déformant mes propos. J'ai le droit de rétablir les faits, devant
lui surtout. Je lui dis que je fais tout simplement acte de
responsabilité. Je ne veux pas que les contribuables du Québec,
qui sont déjà bien taxés - l'Opposition ne manque pas de
le souligner. Oui...
M. Pagé: Ils s'en sont occupé aussi.
M. Bourassa: ...et vous avez fait votre part à cet
égard. Je dis au leader parlementaire que c'est une question bien
concrète qui intéresse les Québécois autant que
toute autre question, et que je veux agir en chef responsable à cet
égard.
Dans l'autre question du leader parlementaire, il voudrait que le
tribunal qui a accordé une injonction pour les 10 prochains jours ne
puisse pas faire son boulot. Mais, M. le Président, je suis
stupéfait devant l'attitude du leader parlementaire de l'Opposition qui
occupe un poste de responsabilité, il voudrait que le chef du
gouvernement intervienne auprès du tribunal et dise au tribunal:
Mêlez-vous de vos affaires, alors que l'injonction a été
accordée pour 10 jours, et qu'il y aura un débat sur le fond.
Êtes-vous tombé sur la tête?
Le Président: Pour une dernière question
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, le premier ministre sait
très bien... Est-ce que le premier ministre sait, M. le
Président...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît. Pour une
dernière question additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre sait que Mme
Wilhelmy peut, avec son accord, être relevée de son serment
d'office - donc, ne pas invoquer, de par son statut de sous-ministre, son
immunité - et rendre publique la bande magnétique, M. le
Président, et le transcript qui prouve de a à z le rendement du
premier ministre en négociation par rapport aux avis que ses hauts
fonctionnaires ont donnés au cours des dernières semaines?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je n'ai pas vu le
transcript. Je ne sais pas à quoi il se réfère, à
quelle question. Il semble bien que l'Opposition en ait pris connaissance.
Ça montre une certaine complicité dans l'utilisation de certains
coups bas pour arriver à ses fins, faire de l'écoute
électronique, bravo! C'est très exemplaire! Voilà des
aspirants à la présidence de la république!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît. Alors, M. le
premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je prends acte, donc, de
cette complicité. Je pense bien qu'on pensait que le chef de
l'Opposition était sincère quand il avait dit que M. Morin avait
posé des gestes totalement inacceptables. On peut se poser la question,
aujourd'hui, sur sa sincérité. M. le Président, je dis au
leader parlementaire qu'il n'a pas le droit, comme parlementaire responsable,
de me demander, comme il le fait cet après-midi, d'intervenir
directement dans le fonctionnement de la justice au Québec. Il est
indigne de ses fonctions.
Le Président: Pour une question principale, M. le chef de
l'Opposition. (14 h 40)
M. Chevrette: À demain.
État des négociations en cours
entre
Québec et Ottawa en vue de clarifier
l'interprétation de l'entente du 28 août
1992
M. Parizeau: M. le Président, il n'est pas très
digne des fonctions du premier ministre de porter, à l'égard de
l'Opposition en cette Chambre, une accusation de caractère pénal,
comme il vient de le faire, parce qu'accuser l'Opposition d'être complice
dans une question d'écoute électronique, c'est une accusation de
nature pénale, pas très digne des fonctions d'un premier
ministre.
Une voix: Bravo!
M. Parizeau: ii n'est pas très digne des fonctions d'un
premier ministre de porter les accusations que le premier ministre a
portées tout à l'heure quant à la façon... c'est
une question principale, et j'ai droit à un préambule, m. le
leader.
Une voix: Oui, oui, qu'est-ce que...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
C'est une question principale, effectivement. Alors, allez-y, M. le chef de
l'Opposition.
M. Parizeau: II n'est pas très digne des fonctions d'un
premier ministre de porter...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît. J'ai
reconnu le chef de l'Opposition en question principale. Si vous avez une
question de règlement, je vous invite à vous lever et à la
formuler. Alors, allez-y, M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: ...les accusations qu'il a portées au sujet
de M. Allaire, tout à l'heure, quant à... et les insinuations qui
en découlaient.
Je voudrais rappeler le premier ministre, ici, à ses fonctions de
premier ministre. Dans I'affidavit présenté par Mme Wilhelmy et
qui est repris par le juge dans l'injonction - après tout, ce sont des
documents publics, n'est-ce pas? Le fait que je les évoque dans cette
Chambre, M. le Président, n'a aucune portée particulière;
ce sont des documents publics accessibles à n'importe qui - il y a ce
paragraphe que citait le député de Lac-Saint-Jean tout à
l'heure, le paragraphe 13: «II est évident - le mot
"évident" est important, M. le Président - que la divulgation du
contenu de cette conversation causerait un préjudice grave et
irréparable à la poursuite des pourparlers et négociations
intergouvemementales courants du gouvernement du Québec.»
M. le Président, c'est évident qu'il y a des pourparlers
et des négociations intergouvernementales courants du gouvernement du
Québec. Quels sont-ils? Pour moi, ce n'est pas une évidence. Il y
aurait, à l'heure actuelle, sur ces matières constitutionnelles,
comme le dit le texte, des négociations entre les deux gouvernements.
Moi, je pensais que la question portait sur la base de l'entente du 28
août. Il y a encore des choses qui sont négociées là
et qui auraient un préjudice, et un préjudice grave, qui leur
serait apporté si la bobine téléphonique était
divulguée. Est-ce qu'on pourrait demander au premier ministre de quoi il
s'agit? Moi, ça ne me paraît pas évident du tout.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je n'accepte pas les reproches du chef de
l'Opposition parce que l'accusation que j'ai faite, ou l'affirmation que j'ai
faite, faisait suite à des propos du leader parlementaire qui disait que
dans le transcript il était démontré de a à z... Ce
n'est pas moi qui ai fait cette affirmation, M. le Président. C'est le
député de Joliette qui a fait cette affirmation. Et en faisant
une telle affirmation, il révélait qu'il était au courant
du contenu.
Une voix: Bien oui.
M. Bourassa: Bien, M. le Président, est-ce que le chef de
l'Opposition a bien écouté son leader parlementaire? Il a dit,
d'une façon affirmative - on pourra examiner le transcript; on pourra
répondre demain - que de a à z, il était
démontré. Alors, comment peut-il, à moins qu'il ne soit
pas sérieux - et je ne veux pas lui faire ce reproche - conclure sur le
contenu du transcript d'une façon aussi claire sans en connaître
la portée? Alors, c'est dans ce contexte-là que j'ai soumis que,
si le leader parlementaire était au courant du contenu, on pouvait
présumer une certaine complicité. Parce que moi, je ne le connais
pas. quant à m. allaire, ce n'est pas moi, m. le président, qui
ai dit au toronto star du 30 janvier que le rapport était
humiliant, dégradant, stupide, ridicule et que maintenant on donne des
centaines de milliers de dollars au comité des dissidents
libéraux, à même les fonds du parti
québécois. c'est vous qui l'avez fait.
Une voix: Bravo!
Le Président: Pour une question complémentaire.
M. Parizeau: M. le Président, ce que le premier ministre
vient de dire est faux! C'est faux! Et quant aux centaines de milliers de
dollars donnés par le Parti québécois, cela est faux! Et
il le sait, que c'est faux!
Une voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Pour votre question
complémentaire, M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Tout est bon dans la saucisse. Hot-dog!
M. Parizeau: Le premier ministre n'a pas soufflé mot de
l'ombre d'une réponse à la question que je lui posais. Les
négociations en cours, qui pourraient être mises en péril
par la divulgation de la conversation téléphonique, «qui
sont évidentes», dit Mme Wilhelmy, «qui sont
évidentes», reprend le juge, de quoi s'agit-il? Est-ce que le
premier ministre est capable d'en faire état? Après tout, il doit
bien ça aux citoyens du Québec. Il veut les faire voter sur les
propositions du 28 août et il est toujours en train de les
négocier à l'heure actuelle. De quoi s'agit-il? Est-ce qu'il peut
s'expliquer?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je me suis
référé aux propos du chef de l'Opposition en fin de
semaine sur le financement du comité des dissidents. C'est qu'il fallait
que l'argent vienne de quelque part, et que ça viendrait principalement
des campagnes de financement du Parti québécois. C'est ce qu'il
en a dit lors d'une conférence de presse, M. le Président.
D'où ça va venir? Ça ne viendra pas du Parti
libéral, certainement pas, non!
Des voix: Oui.
Une voix: On l'espère.
M. Bourassa: J'ai noté...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai noté que le chef
de l'Opposition n'avait pas contredit les propos qu'il avait tenus sur le
rapport Allaire le 30 janvier.
Des voix:...
M. Bourassa: Bien, je veux dire, c'est textuellement dans le
Toronto Star; on peut... Oui, justement, on va changer, parce que vous
avez peur de la vérité. M. le Président...
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
M. Bourassa: M. le Président, encore une fois, je suis
encore plus estomaqué devant les propos du chef de l'Opposition, dont on
connaît le respect des institutions. Il invoque un affi- davit qui a
été déposé hier pour obtenir une injonction pour 10
jours. Il sait fort bien... Et je vais être prudent dans mes propos,
parce que je veux respecter nos institutions comme telles et leur
fonctionnement et l'article 35.3 du Règlement; je demanderais au chef de
l'Opposition de le lire attentivement. Je veux simplement dire que ça va
de soi que Mme Wilhelmy veuille protéger l'intégrité, la
sienne et celle des hauts fonctionnaires qui discutent. Quelle sera la
crédibilité des hauts fonctionnaires québécois dans
des discussions avec leurs homologues fédéraux ou des autres
provinces si les homologues des autres provinces ou fédéraux se
disent: Finalement, notre conversation peut se retrouver dans un journal ou
dans un poste de radio? Quelle sera la crédibilité des hauts
fonctionnaires québécois si, en parlant à un haut
fonctionnaire d'une autre province, celui-là n'a pas la
sécurité nécessaire pour donner son point de vue? Le chef
de l'Opposition ne peut pas comprendre cela? Et il arrive le lendemain d'une
injonction provisoire pour 10 jours, il arrive aujourd'hui pour poser ce genre
de question, lui, avec son expérience et avec son respect reconnu pour
notre système politique! M. le Président, je ne le comprends pas.
Il a encore une chance de se rattraper et de dire: On a commis toute une
bourde, cet après-midi; on passe à autre chose.
Le Président: Pour une question complémentaire.
M. Parizeau: Je pense que le premier ministre n'a pas tout
à fait... Il n'exprime pas cet après-midi le respect pour les
institutions que j'essaie d'avoir, M. le Président. (14 h 50)
Des voix: Bravo!
M. Parizeau: Je vais, je pense, en donner encore un exemple. Les
négociations auxquelles on se réfère dans l'injonction,
est-ce que, par hasard, ça découlerait de l'échange de
lettres entre deux institutions, les nôtres, le premier ministre du
Canada, d'une part, et le premier ministre du Québec, d'autre part, pour
qui, évidemment, j'ai le plus grand respect, dans les deux?
Il y a des échanges de lettres ces jours-ci entre les deux: une,
du 25 août, que j'aimerais déposer, si on me le permet, l'autre,
du 1er septembre, que j'aimerais déposer, si on me le permet, une, du 7
septembre, que j'aimerais déposer, si on me le permet, à moins
évidemment que le gouvernement me dise qu'il a demandé une
injonction pour empêcher qu'on les dépose?
Le Président: Alors, il y a une demande de
dépôt de trois lettres. Est-ce qu'il y a consentement, M. le
leader du gouvernement? Donc, consentement. Donc, les trois lettres sont
déposées de consentement. Votre question, M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Puis-je demander au premier ministre si l'impression
qui se dégage de ces lettres est exacte, c'est-à-dire que,
jusqu'à maintenant, les deux premiers ministres ne s'entendent ni sur le
sens à donner aux négociations autour et alentour de la
main-d'oeuvre, de la formation professionnelle et de l'assurance-chômage,
ne s'entendent pas quant au sens à donner à l'entente au sujet
des affaires culturelles, ne s'entendent pas sur le sens à donner
à l'entente sur l'immigration et, en particulier, à sa
constitutionnalisation, indépendamment de ce qu'ils ont dit la semaine
dernière, nos amis d'en face, et que, d'autre part, ils ne s'entendent
pas non plus sur les pouvoirs de nomination du Sénat? Est-ce que
j'interprète bien la lettre du 7 septembre du premier ministre du
Québec pour dire que, sur ces quatre aspects fondamentaux de l'entente,
il n'y a pas d'accord entre les deux premiers ministres?
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition a
commencé sa question en disant: Est-ce que, dans I'affidavit de Mme
Wilhelmy, on se référait aux discussions qui ont donné
lieu à cet échange de lettres? Je lui demanderais de demander au
député de Joliette pour voir si c'est le cas, puisqu'il a dit
qu'il connaissait le contenu de cette bobine. Le député de
Joliette pourrait informer le chef de l'Opposition si c'est vrai que cette
partie de I'affidavit a trait à l'échange de correspondance.
M. le Président, il est tout à fait normal qu'il y ait des
échanges de lettres entre le premier ministre du Canada et le premier
ministre du Québec sur le texte de l'entente comme telle, qui implique
certaines clarifications sur l'interprétation. Je l'ai dit à
plusieurs reprises. Nous avons négocié durant plusieurs jours, et
il fallait tenir compte des procès-verbaux. J'ai reçu
réponse du premier ministre du Canada ce matin sur le... Si on lit bien
la lettre du 7 septembre, on va constater... La lettre, je ne peux pas la
rendre publique à l'instant parce que je dois, évidemment,
prévenir le premier ministre du Canada que je la rendrai publique avant
de la rendre publique, mais le chef de l'Opposition aura l'occasion, demain
après-midi, de me poser des questions sur le contenu de la
réponse.
Nous pourrons constater, à ce moment-là, que, bon... On
insistait qu'il y ait des rencontres le plus rapidement possible dans le
secteur de la culture. La lettre semble favorable à cet égard. On
insistait sur le guichet unique, dans le cas de la main-d'oeuvre, tel
qu'émis par le Québec. Je comprends qu'il y a la question de la
juridiction exclusive du gouvernement fédéral sur des sommes qui
sont perçues dans une proportion non assez significative à
l'extérieur du Québec. Alors, il y a la question d'objectifs
nationaux du territoire. Je pense que, dans un marché commun, je pense
bien que, si on veut avoir un marché commun qui fonctionne, il faut
qu'il y ait certains objectifs, que, sur le plan territorial, pour permettre
aux travailleurs la mobilité de la main-d'oeuvre, que cette
mobilité de la main-d'oeuvre puisse s'appliquer d'une façon
concrète.
Nous avons obtenu également des éclaircissements sur
l'attitude du gouvernement fédéral pour ce qui a trait aux
pouvoirs du Sénat. On a toujours soutenu, de notre côté,
que c'était limité au gouverneur de la Banque du Canada.
Pour la question de l'immigration, M. le Président, et je termine
là-dessus, parce qu'on en a parlé, depuis trois semaines, de
l'immigration. Et le ministre aux Affaires canadiennes a dit combien de fois
que c'était l'accord du lac Meech... Et je l'ai dit moi-même dans
mon exposé la semaine dernière, que c'était... Et vous me
permettrez, M. le Président, parce que Dieu sait comment on en a
parié à l'intérieur de cette Chambre et à
l'extérieur, de la question de l'immigration, comme quoi on n'avait pas
obtenu ce qu'on avait dit avoir obtenu. Et on avait dit avoir obtenu que
c'était l'accord du lac Meech, sauf l'article 95e, c'est-à-dire
qu'il y avait une protection constitutionnelle qui était
remplacée par l'article 38, paragraphe 3. C'est ce qu'on a dit, qu'il y
avait un droit...
Le Président: Rapidement, M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...de retrait qui donnait encore plus de
flexibilité parce qu'on pouvait modifier les montants avec
l'évolution de la conjoncture. Je sais que le député de
Lac-Saint-Jean, quand on parle de chiffres, il ne veut rien comprendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, M. le premier ministre, s'il vous
plaît!
M. Bourassa: Je dis que, pour la question de l'immigration, c'est
réglé, c'est clair. Ce que le ministre responsable a dit, ce que
j'ai dit, c'est l'accord du lac Meech, sauf l'article 95e qui est
remplacé par 38.33. Nous avons la protection constitutionnelle que nous
voulions avoir, et c'est un gain qui est confirmé, que nous avions, de
toute manière, mais qui est confirmé d'une façon formelle
par le premier ministre du Canada.
Des voix: Bravo!
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Parizeau: Puisqu'il reste très peu de
temps, puis-je demander au premier ministre si l'entente sur
l'immigration va être constitution-nalisée ou va être
simplement assujettie à une promesse d'un premier ministre qui est
là pour un temps... peut-être pas très long?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit dans mon discours,
et le ministre aussi, que toutes les discussions que nous avons eues à
cet égard depuis plusieurs mois concluaient à cela. Ce n'est pas
nouveau. Ce que le premier ministre du Canada nous écrit ce matin, il
n'y rien de nouveau; il ne fait que confirmer ce qui a été dit et
répété à de multiples reprises, et c'est pourquoi
on a toujours été... Il a pu y avoir des erreurs au niveau
technique, mais, sur le plan politique, il n'y a jamais eu le moindre
doute.
Il y avait cette question de 95e. Il y a une province qui trouvait que
ça rendait la Constitution trop rigide si on appliquait 95e. Mais comme
on a trouvé une solution de rechange qui est, d'une certaine
façon, plus flexible, c'est exactement ce qu'on a obtenu dans l'accord
du lac Meech; donc, il n'y a rien de nouveau là-dessus. L'entente que
nous avons conclue, elle est appuyée par les premiers ministres de
toutes les provinces et, également, par tous les partis
fédéraux.
Alors, le chef de l'Opposition ne fait pas preuve d'une grande rigueur
intellectuelle en invoquant la lettre par un premier ministre à
l'occasion d'une journée, alors que ce que le premier ministre mentionne
dans cette lettre-là, c'est tout simplement une confirmation d'une
entente appuyée par tous les premiers ministres du Canada et tous les
partis fédéraux.
Le Président: Alors, pour une autre question, M. le chef
de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, si le premier ministre nous
dit que le premier ministre du Canada dit toujours la même chose et
répète toujours la même chose depuis le 1er septembre,
pourquoi est-ce que le premier ministre du Québec, le 7 septembre, a
écrit à M. Mulroney pour protester? Il dit que M. Mulroney dit
toujours la même chose. Est-ce que ça veut dire que le premier
ministre du Canada n'a pas fait état de la lettre du premier ministre du
Québec le 7, puis qu'il est revenu à sa lettre du 1er qui
semblait au premier ministre du Québec tellement inacceptable? Qu'est-ce
qui s'est passé exactement? Dans quoi on est?
Le Président: M. le premier ministre. (15 heures)
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition est conscient, comme moi, de
toutes les déclarations qui ont été faites comme quoi on
n'avait pas obtenu la protection constitutionnelle. De la part de l'Opposition
et de... Alors, nous, je crois que, dans un contexte comme celui-là,
nous l'avons affirmé, le ministre responsable. Mais l'Opposition comme
telle et le député de Lac-Saint-Jean nous accusaient de dire des
faussetés. C'était dans les textes, je crois,
déposés le 17 juillet. C'était clair, mais je pense bien
qu'il était opportun de pouvoir faire confirmer encore une autre fois,
espérant qu'on pourrait surprendre un petit instant la bonne foi de
l'Opposition - un gros pari, M. le Président. Je crois que là,
c'est, une autre fois, une autre confirmation très claire, et vous allez
cesser maintenant de dire que nous n'avons pas la protection constitutionnelle
dans le domaine de l'immigration parce que là, ça fait quand
même plusieurs fois que c'est affirmé. Vous devriez dire
«bravo!» pour avoir obtenu cette protection pour les
Québécois.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: C'est la fin de la période des
questions.
Il n'y a pas de votes reportés. Motions sans préavis.
Motions sans préavis
Je constate donc que le député de Drum-mond se lève
pour une motion sans préavis. Je constate qu'il y a consentement entre
les leaders pour la présentation d'une telle motion. Est-ce qu'il y a
consentement?
Des voix: Oui. Consentement.
Le Président: Oui. Très bien. Alors, M. le
député de Drummond.
Féliciter et encourager Mlle Virginie
Larivière de la poursuite de sa
démarche
afin d'éliminer des ondes de la
télévision
la programmation d'émissions affichant
des scènes de violence gratuite
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'ai maintenant obtenu
le consentement pour déposer la motion suivante: Que l'Assemblée
nationale du Québec félicite et encourage Mlle Virginie
Larivière de la poursuite de sa démarche afin d'éliminer
des ondes de télévision la programmation d'émissions
affichant des scènes de violence gratuite.
Le Président: Très bien. Puisqu'il y a
consentement, vous avez donc la parole, M. le député de Drummond,
en requérant, à ce moment-ci, la collaboration de tous les
collègues, s'il vous plaît. Vous avez la parole, M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. le
Président, dans un monde où notre jeunesse
québécoise a souvent l'impression qu'elle n'a rien à
bâtir, que tout a été fait, dans un monde où on
constate aujourd'hui, lorsqu'on regarde les taux d'échecs au niveau de
l'éducation et lorsqu'on voit les taux d'échecs de 40 %,
lorsqu'on regarde le chômage chez nos jeunes, lorsqu'on regarde aussi les
tendances élevées de suicide-Le Président: Je vous
interrompt brièvement, M. le député de Drummond. Chers
collègues, s'il vous plaît, des deux côtés de
l'Assemblée, s'il vous plaît, et même en avant de moi.
Alors, ceux qui veulent aller discuter, qui ont des caucus, vous avez des
salles à votre disposition. Veuillez le faire le plus rapidement
possible, s'il vous plaît. Vous avez la parole, M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Je disais donc, M. le Président, que de tout
ce ciel gris que notre jeunesse peut constater, il y a chez nous quand
même une jeune fille qui m'apparaît comme une bouffée d'air
frais et qui nous indique, autant aux jeunes qu'à nous, les
aînés, que ce qui est important, même encore en 1992, c'est
d'avoir un objectif, d'avoir un but. Ce qui est encore plus fondamental, c'est
d'avoir des convictions et, surtout, M. le Président, le courage de les
afficher. C'est ce qu'on retrouve aujourd'hui devant cette jeune fille qui,
suite à des événements malheureux qu'elle a
malencontreusement vécu personnellement, a su relever la tête et
dire: Moi, du haut de mes 13 ans, il y a quelque chose que je vais faire pour
combattre et éliminer cette violence qui existe dans notre
société.
J'aimerais, dans ces brefs propos, M. le Président, donner Mlle
Larivière, comme témoin, comme modèle à cette
jeunesse et lui dire que, lorsqu'un soir on s'aperçoit qu'on a des
difficultés au niveau scolaire, lorsqu'un soir on a des peines d'amour,
qu'un soir, on a de la difficulté à se trouver du travail, ce
n'est pas la fin du monde; que si on croit être capables de changer des
choses, il y a encore un devenir pour cette jeunesse au Québec et que,
lorsqu'on regarde le but et les motifs qu'elle poursuit, bien, il y a encore de
la place pour travailler et pour améliorer notre
société.
Je propose donc à cette Assemblée, M. le Président,
qu'on adopte cette motion pour faire en sorte que nos citoyens et nos
citoyennes, à la lecture de cette motion, puissent encourager cette
jeune fille de chez nous dans la poursuite de ses objectifs, soit de recueillir
1 000 000 de signataires à sa pétition pour le 31 octobre. Je
pense que c'est un but noble.
Et, en terminant, je peux dire à cette jeune demoiselle de chez
nous: Vous êtes une bouffée d'air frais pour la jeunesse du
Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Drummond. Sur la même motion, je cède la
parole à M. le leader du gouvernement.
M. Michel Pagé
M. Pagé: M. le Président, j'interviens non
seulement comme leader parlementaire du gouvernement, mais aussi surtout comme
ministre de l'Éducation pour ajouter ma voix et celle de notre groupe
parlementaire pour saluer cette initiative qui se veut très noble,
très belle, de la part de Mlle Virginie Larivière.
Je voudrais, à ce moment-ci, exprimer à cette jeune fille
tout notre respect, notre admiration aussi, bien simplement formulée, au
nom de mes collègues, mais aussi au nom du député Serge
Marcil, M. le député de Salaberry-Soulan-ges. On sait que la
jeune fille demeure à Saint-Polycarpe, dans le comté du
député, M. Marcil. Il l'a rencontrée. Il a d'ailleurs eu
l'opportunité, avec différents organismes locaux, de souligner
l'inititative, de s'inscrire en support, en appui à cette initiative qui
a été prise, une démarche de sensibilisation. D'ailleurs,
Mlle Larivière sera invitée à l'Assemblée nationale
du Québec dès la reprise de nos travaux parlementaires pour
rencontrer le premier ministre et, aussi, pour être saluée
formellement et officiellement ici, au Parlement, et ce, suite aux
démarches entreprises par M. le député Marcil.
M. le Président, cette jeune fille, qui est toujours au niveau
scolaire, a décidé, à la lumière d'une
expérience, de faire valoir ce qui est très important dans une
société: revoir nos façons de faire, s'interroger sur la
présence de la télévision dans la vie des citoyens et des
citoyennes et particulièrement des jeunes. Quand je vois une
démarche initiée comme celle-là par cette jeune fille,
ça me confirme ce que j'ai vu et ce que je vois comme ministre de
l'Éducation depuis deux ans, même si notre société
se veut très critique, trop critique à l'égard de nos
jeunes aujourd'hui qui sont à l'école élémentaire,
à l'école secondaire, au collégial, à
l'université. Notre société, par nature, se veut
sévère, se veut critique et se veut parfois même
déprécia-tive de ce que sont nos jeunes. Nos jeunes, ils sont
beaux. Ils sont l'avenir du Québec. Ils sont cependant confrontés
à des problèmes très délicats très
hâtivement dans leur vie. Je pourrais me référer à
tout ce qui est constaté comme suscitant ou conduisant à
l'abandon scolaire avant l'obtention d'un diplôme de secondaire V. Dans
le cas particulier auquel nous nous référons ici, on sait que
cette jeune fille a initié cette démarche afin d'éliminer
des ondes de télévision la programmation d'émissions
affichant des scènes de violence.
M. le Président, l'éducation de nos enfants ne s'appuie
pas uniquement sur l'école. L'éducation de celui ou celle qui a 8
ans, 10 ans, 12 ans, 14 ans, 7 ans aujourd'hui devra s'appuyer
sur la famille, devra s'appuyer sur les parents notamment et, à
cet égard-là, un des éléments, moi, qui m'a
toujours surpris dans l'analyse du vécu de nos élèves au
Québec, c'est que l'enfant québécois consacre en moyenne
19,5 heures à écouter la télévision. C'est beaucoup
quand on sait qu'au primaire, c'est 23,5 heures d'enseignement, quand on sait
qu'au secondaire, c'est 25 heures, quand on doit retenir qu'une journée
a 24 heures et qu'il y a un certain nombre d'heures de sommeil dans la semaine.
C'est beaucoup de temps consacré à écouter la
télévision.
La télévision est parfois éducative. La
télévision ne transmet pas un réflexe d'apprentissage. La
télévision réfère davantage à une image, une
image qui passe, une image qui ne demeure pas. Mais l'image
répétée, elle, elle demeure. D'ailleurs, je me suis
toujours inquiété, et je l'ai dit souventefois dans mes
interventions publiques, qu'un enfant de 13 ans en moyenne a vu, par une
consommation de 19,5 heures de télévision par semaine, 43 000
meurtres à la télévision, 43 000 meurtres! La violence
à la TV, elle est tellement véhiculée que les actes les
plus odieux sont devenus dans l'esprit de certains êtres humains chez
nous, comme partout en Amérique, des faits banals, banalisés par
la télévision. (15 h 10)
M. le Président, je trouve que notre société est en
santé malgré ça. Qu'une élève, qu'une jeune
adolescente prenne elle-même l'initiative de porter le flambeau, je me
dis: C'est sain, c'est encourageant et aussi, parce que c'est fait par une
enfant, elle a probablement plus de chance d'être écoutée
que celles et ceux qui sont à un âge adulte et qui s'y
réfèrent.
M. le Président, c'est donc avec empressement que, comme
gouvernement du Québec, au nom du premier ministre, au nom de mes
collègues, au nom de M. Marcil, M. le député de cette belle
municipalité de Saint-Polycarpe, nous voulons adresser nos
félicitations et nos encouragements à la jeune Virginie
Larivière.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le leader du
gouvernement et ministre de l'Éducation. Sur cette même motion, je
cède la parole à M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord
féliciter le député de Drummond d'avoir introduit cette
motion non annoncée, parce que ça touche une question qui est
importante, grave et même fondamentale.
Je voudrais relire le texte qui dit: «Que l'Assemblée
nationale du Québec félicite et encourage Mlle Virginie
Larivière dans la poursuite de sa démarche afin d'éliminer
des ondes de télévision la programmation d'émissions
affichant des scènes de violence gratuite.»
M. le Président, il est évident que cette jeune personne a
touché juste en lançant une pétition qui, dit-on, aurait
recueilli jusqu'ici 350 000 signatures. Et la rapidité avec laquelle les
citoyennes et les citoyens l'ont signée montre que le problème
est très réel et que la situation qui est dénoncée
est très vraie.
Je voudrais, M. le Président, dire qu'à cet
égard-là on peut faire un lien, jusqu'à un certain point,
entre la violence qu'on voit dans les rues et la violence qu'on voit à
la télévision. C'est sûr, M. le Président, que d'une
certaine façon il y a une certaine télévision qui banalise
la violence. Et, quand il m'arrive, comme d'autres, de zapper, je tombe parfois
sur des émissions où, dans le fond, on présente la
violence comme si on pouvait toujours aller prendre une marche ou assassiner
son voisin; c'est de l'ordre des choix de consommation. Je voudrais cependant
être clair, M. le Président, et dire que ce n'est pas la
télévision faite au Québec et au Canada qui comporte ces
images-là. «Le Temps d'une paix», M. le Président, ce
n'était pas une émission violente. La même chose de
«Marilyn» ou de n'importe quel de nos téléromans
qu'on suit, qui reflètent notre vie et qui, tous et toutes, ces
émissions-là, ont un contenu.
M. le Président, la violence gratuite est d'importation et,
à cet égard, les diffuseurs devraient s'interroger sur leur
rôle. Je pense que le député de Drummond, pas plus que le
leader du gouvernement, ne veut de censure de la télévision. Ce
que Virginie Larivière, qui est une enfant, demande aux adultes que nous
sommes, c'est: Quelle télévision nous faites-vous, quelle
télévision nous donnez-vous et quelles sortes de modèles
sont proposés par la télévision, dans la partie qui n'est
pas fabriquée au Québec et au Canada? Parce qu'il faut remarquer
qu'en télévision «Le Club des 100 watts» ou les
émissions d'information et d'affaires publiques poussent vers le haut.
C'est dans d'autres créneaux, dans des importations que la violence est
assez gratuite. Et, à cet égard-là, M. le
Président, ça pose la question: Quelle situation a fait que les
diffuseurs le font? Parce que c'est des émissions bon marché,
mais avec un contenu bon marché aussi. Et, dans ce sens-là, je ne
peux que souscrire à la motion de félicitations à Virginie
Larivière.
Je voudrais ajouter, M. le Président, que la
télévision n'est pas la seule cause de la violence qu'on voit
dans les rues, bien sûr. Par exemple, l'émeute d'avant-hier soir,
sur la rue Saint-Hubert, à Montréal, ce n'est pas la
conséquence directe des émissions de télévision,
sauf qu'il y a une certaine télévision qui banalise la violence
et qui la rend, pour les jeunes, comme un choix de consommation parmi d'autres,
au lieu de la montrer pour ce qu'elle est, quelque chose à rejeter de
façon absolue.
Et, à cet égard-là, M. le Président, sur la
petite émeute qui est survenue sur la rue Saint-Hubert avant-hier soir,
je voudrais saluer et
souligner au passage la déclaration que j'ai entendue ce matin
à la radio, de M. Dan Philip, de la coalition des Noirs du
Québec, qui disait avec beaucoup d'à-propos que, lorsqu'on voit
des vitrines de magasin saccagées, il s'agit d'une poignée de
voyous qui jettent du discrédit - c'est M. Philip qui parle - sur toute
la communauté noire.
Mais je suis également d'accord avec M. Dan Philip qui
s'empressait d'ajouter: Mais il faut voir aussi derrière ces agissements
les problèmes de notre jeunesse, et un principal qui est le
chômage, il est certain, M. le Président, qu'à cet
égard nos jeunes vivent une situation où on a vu il y a quelques
années d'autres émeutes autrement plus considérables dans
des grandes villes de Grande-Bretagne. Chacun doit se rappeler avec un frisson
dans le dos le slogan des jeunes de la ville de Manchester, en Angleterre, qui
était «no future», pas d'avenir.
Comme adultes, on est interpellés à deux égards.
C'est pour ça que l'Opposition officielle va souscrire
entièrement à cette motion de félicitations à
Virginie Larivière. Et, dans le fond, ce n'est pas écrit dans le
texte, mais on invite toutes les Québécoises et tous les
Québécois à signer en masse la pétition. Virginie
et les autres nous posent deux problèmes très importants à
nous, adultes, indépendamment des divergences qu'on peut avoir sur
d'autres sujets. Et une de ces deux questions brutales auxquelles on doit
répondre, c'est: Qu'est-ce que cette société où
c'est payant de montrer une violence débridée à la
télévision? Et, M. le Président, avant d'être
à la télévision, c'est dans les vidéoclubs aussi.
Je ne sais pas, M. le Président, si vous êtes allé
récemment dans un vidéoclub, mais, moi, ça me
déprime d'en voir où à 90 % c'est des films de violence,
à 5 % des films pornographiques dans une section maintenant
réservée, et à 5 % des oeuvres cinématographiques
qui font appel à l'intelligence et qui relèvent le niveau. Mais
l'autre question qui est posée par la jeunesse, c'est: Qu'est-ce que
vous faites pour qu'on vive dans une société où il y aura
moins de pauvreté, moins de chômage, moins d'incitation à
la violence et donc, en conséquence, moins de violence?
De nouveau, je voudrais féliciter et remercier le
député de Drummond pour toute son oeuvre, je dirais, mais en
particulier pour la motion qui est devant nous, qui vient à point et
à laquelle nous souscrivons de tout coeur, M. le Président.
Le Président: Très bien, M. le député
de Pointe-aux-Trembles. Le débat étant clos, est-ce que cette
motion présentée par M. le député de Drummond est
adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Avis touchant les travaux des commissions
Maintenant, avis touchant les travaux des commissions.
Je vous avise qu'aujourd'hui, le mardi 15 septembre 1992, après
les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22
heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission
d'étude des questions afférentes à l'accession du
Québec à la souveraineté se réunira en
séance de travail.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
Affaires du jour Affaires prioritaires
Reprise du débat sur la proposition du
premier
ministre visant l'adoption d'une question
devant faire l'objet d'une consultation
populaire portant sur un nouveau
partenariat de nature constitutionnelle
et sur la motion d'amendement
Nous allons donc procéder aux affaires du jour et, aux affaires
du jour, reprendre le débat sur la motion de M. le premier ministre
visant l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation
populaire portant sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle et sur
la motion d'amendement de M. le député de D'Arcy-McGee.
Je suis prêt à reconnaître un premier intervenant
à ce moment-ci. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je voterai oui
le 26 octobre prochain. Je me suis engagé en politique principalement
pour une raison: je l'ai fait afin de contribuer, avec l'équipe
libérale de Robert Bourassa, à la restructuration de
l'économie québécoise dans le respect de l'environnement,
ainsi que pour préparer notre main-d'oeuvre actuelle et future à
faire face à la mondialisation des marchés.
Les trois années passées à occuper les fonctions de
ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et
particulièrement les derniers mois m'ont amené à
réaliser qu'il devient de plus en plus difficile d'assurer la
prospérité du Québec dans un contexte dominé par
l'instabilité politique. (15 h 20)
Les derniers mois ont fait l'objet de négociations intenses au
cours desquelles les représentants des provinces canadiennes, des
territoires et des autochtones ont fait valoir leurs points de vue. Avec un
sens profond des responsabilités, le premier ministre du Québec,
M. Robert Bourassa, a négocié avec nos par-
tenaires canadiens l'entente la plus acceptable pour la majorité
dans le contexte actuel. Cette entente offre des gains importants et tangibles
pour le développement de la société
québécoise.
Tous ceux et celles qui ont participé à des sessions
intenses de négociations et qui ont pris des décisions dont
l'impact se fera ressentir sur des générations à venir
comprennent combien il est difficile d'en arriver à des choix qui, de
toute façon, font rarement l'unanimité. Quant à moi, je me
considère particulièrement privilégié, à ce
moment de notre histoire, d'être membre d'un gouvernement qui donne au
Québec les moyens de réaliser ses aspirations les plus
légitimes.
Je voterai oui le 26 octobre prochain parce que l'entente favorise
l'épanouissement collectif des Québécoises et des
Québécois. Je voterai oui parce que cette entente permet
d'accélérer notre développement économique. Je
voterai oui parce que cette entente garantit l'avenir en nous aidant à
bâtir sur nos acquis.
On doit reconnaître que le Québec s'est taillé une
place de choix dans l'ensemble du Canada au cours des dernières
décennies. L'évolution enviable de notre situation vient du fait
que les gouvernements québécois ont accordé la
priorité à l'affirmation nationale, mais aussi au
développement de notre économie. Notre langue, notre culture et
notre tradition de droit civil représentent des acquis que nous avons le
devoir d'enrichir pour les générations futures.
Forts de tous les moyens que nous nous sommes donnés, nous sommes
prêts aujourd'hui à faire face aux réalités
exigeantes d'un monde en pleine mutation, avec fierté, confiance, espoir
et détermination. C'est là une des plus belles retombées
que nous devons à la Révolution tranquille. C'est à nous
qu'il appartient maintenant de prolonger les acquis de cette période
d'effervescence à tous points de vue en une ère de
prospérité dont profiteront les générations
futures.
Pour y arriver, l'économie doit devenir maintenant la
priorité des priorités. Sinon, nous risquons fort de ne pas
être au rendez-vous de l'an 2000. Il serait d'autant moins excusable de
rater ce rendez-vous que nous avons mis en place, au cours des dernières
décennies, dans plusieurs cas, avec nos partenaires canadiens, des
instruments puissants de développement économique. Au
Québec, les entrepreneurs et les entreprises ont accès à
un réseau de financement et de capital de risque unique en
Amérique du Nord.
Une question fondamentale se pose alors: Notre statut de province
canadienne nous a-t-il empêchés de créer la Caisse de
dépôt et placement du Québec, la Société
générale de financement, la Société de
développement industriel du Québec, le Mouvement Desjardins, les
sociétés de placements dans l'entreprise
québécoise, les fonds de développement régionaux et
le Fonds de solidarité des travailleuses et des travailleurs du
Québec, avec, je le rappelle, une contribution provinciale et
fédérale des deux paliers de gouvernement de 10 000 000 $, ainsi
que de généreux avantages fiscaux consentis également par
les deux paliers de gouvernement?
Peut-on prétendre que c'est à cause du Canada si nos
investissements en recherche et développement ne représentent que
la moitié de ce qu'investissent nos principaux concurrents? Ce n'est
certainement pas la Fédération canadienne qui empêche le
Québec de faire mieux. Au contraire, depuis que nous avons
développé une meilleure complicité avec le gouvernement
fédéral, nous sommes en droit de nous attendre à des
retombées technologiques qui représentent non pas uniquement
notre juste part, comme certaines et certains le souhaitent, mais plutôt
une part maximale. La protection accrue apportée dans le domaine des
droits intellectuels consacre le dynamisme de la grappe industrielle des
produits pharmaceutiques. Depuis que le gouvernement fédéral a
procédé à ces changements, des investissements
privés totalisant 1 500 000 000 $ ont été annoncés
d'ici l'an 2000, dotant du même coup la région de Montréal
d'un afflux de capitaux important et structurant.
La décision du gouvernement fédéral d'implanter
l'Agence spatiale canadienne au Québec fait de nous un partenaire de
premier plan dans un secteur industriel d'avenir et créateur d'emplois
permanents de qualité. L'implantation au Québec de plusieurs
instituts de recherche illustre l'apport du Canada dans le développement
de notre structure québécoise de recherche. Je nommerai, à
titre d'exemple: l'Institut national d'optique, l'Institut national des
technologies du magnésium, l'Institut de recherche en pharmacie
industrielle et Forintek, pour ne mentionner que les plus récents.
L'entente de développement industriel Canada-Québec et le Fonds
de développement industriel de 300 000 000 $, en partenariat avec le
gouvernement fédéral, ont permis et permettront l'implantation et
la modernisation de plusieurs entreprises au Québec. L'octroi de
contrats importants à Bell Helicopter par le ministère de la
Défense nationale et le récent apport financier de 263 000 000 $
au Groupe MIL-Davie inc. permettent de consolider des milliers d'emplois
permanents au Québec. Et, de plus, dans le cas, de MIL-Davie, ce
partenariat dynamique a contribué à l'obtention de
l'accréditation AQAP-1 qui est la plus haute norme de qualité de
l'OTAN et même de toute l'industrie navale, permettant maintenant
à cette entreprise d'être reconnue sur la scène
internationale.
Il ne faut pas non plus nous en prendre uniquement au Canada et à
l'Amérique du Nord parce que nous subissons un taux de chômage
inacceptable et une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Ce ne
sont pas seulement nos voisins qui sont responsables de nos problèmes.
En matière de formation de la main-d'oeuvre, l'entente nous donne les
moyens de nos ambitions et la
Société québécoise de développement
de la main-d'oeuvre nous permettra de les réaliser, en collaboration
avec les centrales syndicales et les organismes patronaux.
Nous avons réussi, dans un contexte fédéral,
à créer un modèle québécois de relations de
travail pour réussir à notre façon. Le contrat social que
nous avons développé et que nous avons commencé à
mettre en force, de même que le Fonds de solidarité des
travailleuses et des travailleurs du Québec font l'envie de nos
partenaires des autres provinces et confirment l'importance du Québec
dans l'économie canadienne.
Au Québec, l'implantation de la qualité totale est en voie
de devenir une réalité. Le 30 septembre 1991, le premier
ministre, M. Robert Bourassa, signait, au nom du gouvernement du Québec,
la première charte québécoise de la qualité totale.
Depuis, près de 5000 dirigeants et dirigeantes d'entreprises ont
emboîté le pas et ont pris l'engagement de la qualité. Le
mouvement de la qualité totale est bel et bien lancé au
Québec. Si nous avons marqué un retard à l'endroit
d'autres pays dans ce domaine, est-ce la faute du reste du Canada? Nous savons
pourtant, depuis des décennies, que la production de biens de
qualité est essentielle à toute réussite. (15 h 30)
Malgré l'opposition très forte de certaines provinces
influentes, le gouvernement fédéral a appuyé le
Québec dans son désir de conquérir des marchés.
L'entente de libre-échange avec les États-Unis et la
récente entente États-Unis-Canada-Mexique illustrent bien l'appui
donné par le gouvernement fédéral au désir de
développement du Québec. L'abolition des barrières
interprovinciales pour les marchés publics ainsi que pour la
bière confirme la volonté du Canada de faire les bons choix, tout
comme le gouvernement fédéral a démontré sa
volonté de défendre nos intérêts lors des
négociations internationales, notamment dans le cadre du GATT.
Dans ce contexte, le véritable défi est de nous organiser
avec nos partenaires canadiens, nord-américains et même ceux
d'Amérique latine afin de devenir les plus compétitifs et les
meilleurs au monde. C'est cela le défi que nous avons à relever.
Nous avons, M. le Président, tout intérêt à
remplacer dans nos préoccupations quotidiennes le mot
«Constitution» par le mot
«compétitivité».
Au cours de la période difficile qui nous attend, il faut avoir
le courage de nous poser les vraies questions. Est-ce que le Canada nous a
empêchés de développer une vision globale de notre
économie, à moyen et à long termes? Nous avons mis au
point récemment, dans divers domaines, des stratégies, des plans
d'action et des politiques de développement. C'est vrai en
matière de développement économique, de
développement international et régional, de développement
du Grand Montréal métropolitain, de développement
culturel, touristique, de l'éduca- tion et de la main-d'oeuvre.
Tous ces exemples illustrent le fait que nous pouvons, dans un contexte
fédératif, mettre en place les bases de notre
développement économique, social et culturel. Est-ce le Canada
qui oblige certains et certaines à faire la guerre pour la
souveraineté plutôt que pour le plein emploi? Quant à nous,
nous avons établi un objectif réaliste de plein emploi et nous
manifestons une volonté ferme de le réaliser. De façon
plus globale, M. le Président, il faut nous demander aussi si c'est la
faute des autres si, depuis 1970, nous avons glissé - le Canada et, bien
sûr, le Québec - du deuxième au cinquième, puis,
plus récemment, au onzième rang des pays de l'OCDE en termes de
compétitivité. Voilà les vraies questions qu'il faut nous
poser si nous avons le courage de regarder la réalité bien en
face et refusons de retarder les échéances.
Cette entente nous permet, de façon dynamique et
évolutive, de bâtir l'avenir en misant sur nos acquis et en
faisant valoir nos revendications légitimes. Nous n'avons plus de temps
à perdre dans une crise constitutionnelle qui n'en finit plus. Pendant
que nous tergiversons sur nos différences constitutionnelles, nos
concurrents s'adaptent plus rapidement que nous aux réalités
mondiales. Voilà pourquoi il faut absolument que nos discussions se
poursuivent dans un climat de partenariat, de maturité et de
désir d'en arriver à des compromis raisonnables plutôt que
de méfiance, de chantage et de confrontations stériles. La
prospérité et le haut niveau de vie dont le Québec
bénéficie maintenant est largement le fruit de la conjugaison des
efforts des Québécoises et des Québécois et de
l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Il ne faudrait pas l'oublier aujourd'hui, au moment où certaines
et certains prennent conscience que l'appartenance au Canada peut aussi
être accompagnée de certaines contraintes. Si nous voulons
être réalistes, c'est l'ensemble qu'il faut considérer. Au
moment où les Québécoises et les Québécois
prennent conscience de leur dynamisme, de leur force et de leur
capacité, nous aurions peut-être intérêt à
partager cette confiance nouvelle avec nos partenaires et à
réaliser ensemble notre projet de société.
Les vrais défis auxquels nous sommes confrontés sont d'une
telle ampleur que nous ne pouvons subir une rupture qui risquerait de retarder,
je ne sais pour quelle durée, l'amélioration de notre
qualité de vie. Je ne crois pas qu'il y ait de solution miracle. Ce
qu'il y a de certain, c'est que nous devons consacrer toutes nos
énergies et nos ressources à nous adapter le plus rapidement
possible aux changements technologiques, à améliorer notre
productivité, à fournir des efforts exceptionnels pour
préparer notre main-d'oeuvre et développer des industries
d'avenir. Je suis convaincu que cette entente, si perfectible puisse-t-elle
paraître aux yeux de certains et de certaines, lance un signal
extrê-
mement positif en provenance du Canada et du Québec aux
investisseurs du monde entier qui ont besoin de se faire confirmer que, chez
nous, nous pouvons faire autre chose que parler de Constitution. Il est
grandement temps d'intéresser ces investisseurs au potentiel que
renferme le Québec, pour le plus grand bien des
Québécoises et des Québécois qui ne demandent
qu'à s'épanouir chez nous.
Nous sommes placés actuellement devant une occasion
rêvée de continuer à bâtir en misant sur la puissance
de la concertation. Mais, pour y arriver, il va falloir réaliser que la
véritable concertation ne pourra plus jamais être
réalisée uniquement au sommet de la pyramide du pouvoir.
Désormais, c'est la personne qui doit être au coeur de l'action et
de l'engagement dont nous avons besoin en tant que société,
beaucoup plus que de n'importe quel groupe ou structure, si légitimes
soient-ils. Aucune démarche collective fructueuse ne pourra
désormais escamoter d'abord une approche individuelle des
problèmes et des solutions.
Ce que les Québécoises et les Québécois
attendent de nous, ce sont un projet emballant de société et des
engagements où ils et elles se sentent partie prenante; des engagements
qui redonneront la fierté à tous ceux et celles qui ne demandent
que l'occasion de contribuer à l'édification d'une
société meilleure. Sommes-nous prêts, tous et toutes,
chacun et chacune, sans refiler le fardeau aux autres, à parler de
finances publiques, d'équilibre budgétaire, de fiscalité?
Sommes-nous prêts et prêtes surtout à faire les sacrifices
que nous imposent les décisions que nous devrons prendre et les choix
que nous devrons faire pour relancer le Québec et le Canada sur la voie
de la prospérité? Voilà, à mon sens, les
véritables questions de société qui doivent être
posées clairement, sans complaisance et dans le respect de la
personne.
Je suis profondément convaincu que ce n'est qu'en nous attaquant
à de telles questions et à bien d'autres, comme l'organisation du
travail, par exemple, que nous mobiliserons les forces de notre
société et redonnerons le goût, la motivation, la
détermination et l'enthousiasme à la population de contribuer
à l'édification d'une société qui repose sur les
valeurs qui nous ont permis de devenir ce que nous étions, soit
l'entraide, la solidarité, la générosité, le
travail, le respect et la confiance.
J'insiste sur l'organisation du travail parce que je suis convaincu que
le fait d'aspirer à être de classe mondiale exige la poursuite
d'objectifs ambitieux, partagés par les dirigeantes et les dirigeants
d'entreprise, par les travailleuses et les travailleurs, par leurs
représentantes et leurs représentants. Les entreprises qui
réussissent chez nous comme à l'étranger se sont
donné les moyens de galvaniser leurs troupes autour d'objectifs
communs.
M. le Président, vue globalement et en considérant les
meilleurs intérêts des Québécoises et des
Québécois, l'entente est le meilleur compromis que nous puissions
négocier dans les circonstances pour assurer du même coup la
stabilité politique et la prospérité économique. Le
véritable défi est d'agir ensemble, immédiatement, pour
être au premier rang lors de notre rendez-vous avec l'histoire. C'est
pour cela que je voterai oui le 26 octobre prochain. (15 h 40)
Des voix: Très bien. Bravo!
Le Président: Je cède à ce moment-ci la
parole à Mme la députée de Saint-Henri.
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Je suis heureuse de
participer au débat sur la question référendaire suite
à l'entente constitutionnelle conclue à l'unanimité par
tous les premiers ministres, le 28 août dernier, à Charlottetown.
Dans cette entente constitutionnelle, le Québec a obtenu et
réalisé plusieurs gains, et des gains majeurs. Le Québec a
gagné cette marge de manoeuvre dont il avait besoin pour assurer son
développement et son plein épanouissement.
M. le Président, nous avons obtenu plus que Meech, des gains
majeurs qui nous assurent une place de choix et une influence importante dans
l'ensemble canadien. Et, tout au long de ce débat, plusieurs de mes
collègues en ont fait la preuve indéniable. Comment peut-on, M.
le Président, douter de la valeur de la nouvelle entente
constitutionnelle canadienne à l'heure où les grands pays
d'Europe travaillent d'arrache-pied pour réaliser une harmonie plus
grande entre eux, tant sur le plan économique que sur le plan politique?
Ils cherchent, difficilement, certes, mais néanmoins avec acharnement,
à créer entre eux des liens de plus en plus étroits car
ils ont acquis la conviction, au fil de leur histoire, qu'une meilleure
intégration de leurs institutions leur serait gage de paix et de
prospérité.
Paix, prospérité, épanouissement de leurs
aspirations nationales propres. Comment ici, au Québec,
lèverions-nous le nez sur ces acquis et refuserions-nous de bâtir
sur de telles réalisations du passé? Car nous devons
reconnaître, M. le Président, que nous avons un siècle
d'avance sur les Européens. C'est depuis 1867 que nous jouissons des
structures nationales qui ont permis l'intégration économique et
politique des Canadiens anglais et français, qui ont permis aux deux
sociétés de non seulement cohabiter ensemble dans la paix, mais
de réaliser ensemble de grandes choses qui font l'envie de tant d'autres
peuples du monde. A-t-il fallu que l'une ou l'autre des parties renonce
à ses caractéristiques fondamentales pour y arriver ou mette un
frein à ses aspirations collectives propres et légitimes?
Qui donc pourrait le prétendre aujourd'hui, surtout à la
lumière du dynamisme, du modernisme et de l'enthousiasme des
Québécois? Le Québec, M. le Président, n'est pas
aujourd'hui une société menacée qui doit
s'inquiéter de son avenir, comme semblent le penser les adversaires de
la nouvelle entente constitutionnelle. C'est, au contraire, une
société libre, dynamique, ouverte, de plus en plus sûre
d'elle-même, dont les enfants ne cessent de se faire remarquer sur la
scène du monde.
Quand je vois Bombardier ou Lavalin obtenir un contrat majeur dans un
pays étranger parce qu'on a jugé leur expertise supérieure
à toute autre, j'y vois la preuve de la qualité de nos
entrepreneurs. Quand je vois Céline Dion faire un malheur aux
États-Unis ou «Le déclin de l'empire
américain» se signaler en Europe, j'y vois la preuve de la
qualité de nos artistes. Quand je constate les succès
scientifiques et littéraires de Hubert Reeves, j'y vois la preuve de la
qualité de nos scientifiques et intellectuels. Et que dire de nos
athlètes: les Sylvie Bernier, Gaétan Boucher, Sylvie Frechette,
ies soeurs Villagos, Guillaume Leblanc et plusieurs autres?
Ces exemples, M. le Président, sont nombreux. Il est inutile de
les multiplier davantage. J'estime que ces offres sont suffisamment claires et
avantageuses pour que le Québec ait accès à cette marge de
manoeuvre qui lui est essentielle afin de développer son territoire,
d'articuler ses politiques et d'affirmer son identité culturelle.
Je suis également convaincue que les autres provinces canadiennes
ont bel et bien compris ce que le Québec voulait. À cette
question, ils ont répondu par ce type de compromis auquel nous ne
pouvons échapper puisqu'il marque un tournant important dans
l'évolution du fédéralisme canadien. Ce
fédéralisme renouvelé, nous le voulons souple et efficace,
de manière à ce que l'ensemble des Québécois s'y
sente à l'aise et qu'il réponde à leurs besoins et
à leurs aspirations, car l'avenir d'un peuple dynamique, confiant et
sûr de ses moyens ne saurait être contenu par de simples
dispositions constitutionnelles. Un peuple a ou n'a pas l'élan
intérieur nécessaire pour s'épanouir, pour faire sa marque
dans le monde. Vous aurez compris, M. le Président, que je suis de
celles et de ceux qui croient en l'élan intérieur des
Québécois et des Québécoises, en notre avenir
collectif, en notre capacité de nous épanouir.
Je voudrais revenir ici sur un commentaire que faisait récemment
le chef de l'Opposition, lors de son discours en réponse au
dépôt de la question référendaire, un commentaire
qui m'a profondément émue et qui disait: Nous, les
Québécois, ne sommes pas nés pour un petit pain. Comme je
suis d'accord avec lui, M. le Président! Et c'est
précisément parce que je suis profondément, intimement
persuadée que notre peuple n'est pas né pour un petit pain que je
voterai oui à la question référendaire.
Un simple rappel historique suffira à étayer mon propos.
Les opposants à l'accord semblent nous dire que, sans un accord
différent, le Québec sera opprimé, condamné
à moisir dans la médiocrité, dans l'insignifiance, faute
d'un cadre constitutionnel propice à son progrès. Or, nous
n'avions pas encore, jusqu'à maintenant, ce cadre théorique ou
idyllique qu'ils souhaiteraient. Que sommes-nous devenus entre-temps?
Sommes-nous tombés dans l'insignifiance, dans la paralysie? Non, M. le
Président. J'affirme, bien au contraire, que le Québec a su,
depuis sa Révolution tranquille - révolution qui, soit dit en
passant, n'appartient qu'à nous et ne doit rien à des
modifications de la Constitution - se réveiller, quitter la grande
noirceur qui le caractérisait jusque-là pour entreprendre la
conquête de son devenir d'abord, puis celle du monde.
Plus rien, M. le Président, ne saurait nous retenir. Maintenant
que nous avons goûté au succès, à la liberté
de penser comme à celle d'agir, rien ne saurait plus entraver notre
marche vers le progrès, sinon, évidemment, nous-mêmes. Ceux
qui voient dans nos partenaires du Canada anglais, dans la communauté
autochtone ou dans les différentes ethnies qui ont choisi de venir
s'établir et s'épanouir au Québec un frein possible
à notre propre développement économique, linguistique ou
culturel ont une vision petite de notre peuple, une vision frileuse de notre
avenir, une vision réductionniste de nos capacités.
C'est pourquoi, M. le Président, j'en appelle à mes
millions de concitoyens et concitoyennes confiants en leur avenir
d'agréer avec moi dans l'enthousiasme et de dire oui à ces
nouvelles dispositions constitutionnelles. Ce ne sont pas elles qui, en soi,
garantiront notre avenir. Tout au plus peuvent-elles nous rendre la tâche
plus facile, mais, si le Québec, comme j'en suis persuadée, a
entrepris une marche inexorable vers un avenir fabuleusement prometteur, alors,
mes concitoyens verront dans ces nouveaux arrangements des outils susceptibles
de rendre leur avenir encore meilleur, encore plus brillant et encore plus
heureux.
M. le Président, j'invite donc tous les Québécois
et toutes les Québécoises à dire oui à l'entente
constitutionnelle, oui à leur épanouissement et oui à leur
avenir. J'invite le Québec à dire oui au premier ministre Robert
Bourassa, au chef politique le plus durable, le plus respecté, le plus
influent et le plus rassurant. On fait confiance à celui qui est le
porte-parole le plus crédible du devenir du Québec au Canada, en
Amérique du Nord et en Europe. Merci, M. le Président.
Le Président: Je reconnais maintenant M. le
député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, M. le Président, il s'agit d'un
débat important, significatif pour l'avenir de la société
québécoise. Le 26 octobre prochain, on demandera aux
Québécois et aux Québécoises de se prononcer sur la
question suivante: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit
renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
1992»?
Rapidement, parce que je veux faire une intervention de fond, je veux
quand même faire un ou deux commentaires sur cette question. On pourrait
se poser: Est-ce qu'il s'agit d'une question objective? Est-ce qu'il s'agit
d'une question neutre? La réponse est non. C'est une question
subjective, d'un caractère subjectif certain, et ce que j'aime, quand on
a cette prétention, c'est savoir: Est-ce que c'est partagé par
d'autres que des parlementaires?
Quand on va jusqu'à constater qu'un type aussi
fédéraliste que Marcel Adam dit: C'est évident que ce
n'est pas une question qui est objective. «Voyez le libellé de la
question: "Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée
sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?" N'est-il pas de nature
à confirmer cette hypothèse» que ça sera une
perpétuelle négociation? On constitutionnalise une
négociation permanente. Quand un type aussi fédéraliste
que Marcel Adam sent le besoin de dire qu'il aurait
préféré que ça soit une question plus neutre... Une
question neutre, ça aurait été très simplement:
Est-ce que vous êtes d'accord avec les offres du 28 août 1992?
Ça, c'est une question neutre. Est-ce que vous êtes d'accord avec
les offres du 28 août 1992?
Mais mon propos, M. le Président, ne portera pas... La question
est là. Le gouvernement a décidé, sans aucune surprise,
selon notre point de vue, de copier intégralement la question canadienne
«coast to coast», comme nous nous y attendions, parce qu'il s'agit
de la ronde Canada et d'aucune façon le point de vue du Québec
n'est présent dans cette présente question. Donc, on va vivre
avec.
Ce qui nous importe maintenant, M. le Président, c'est de
s'assurer que les Québécois et les Québécoises
puissent se prononcer en connaissance de cause, puissent se prononcer avec une
conscience éclairée. Et notre responsabilité comme
parlementaires n'est pas de parler du chef du Parti libéral pas plus que
du chef du Parti québécois, c'est de parler de ce qui est sur la
table. (15 h 50)
Est-ce que ces offres-là correspondent aux revendications
traditionnelles et historiques des 30, 35 dernières années de
l'ensemble des premiers ministres du Québec au chapitre de ce qui nous a
fait le plus mal? J'entendais le ministre de l'Industrie et du Commerce,
tantôt, qui faisait un beau discours sur les mérites du
Canada. On ne disconvient pas que le Canada a des mérites ou pas,
mais on dit, un, que c'est un pays en faillite - ça, tout le monde le
constate: c'est un pays en faillite, techniquement en faillite - deux, le
rapport de l'OCDE dit que c'est criminel, la déchéance et la
dégradation de ce pays-là au chapitre des outils
économiques que, normalement, on devrait contrôler.
Pourquoi les Québécois ont toujours revendiqué, M.
le Président, plus de contrôle au chapitre de la limitation du
pouvoir de dépenser et au chapitre du partage des compétences? Ce
n'est pas compliqué, M. le Président, c'est pour pouvoir agir sur
ce qui nous regarde. C'est pour pouvoir changer des choses afin qu'on ne soit
pas éternellement une province comme les autres, comme les autres
premiers ministres le souhaiteraient tant, avec des taux de chômage de 13
%, 14 % en permanence, le sous-emploi chronique. Dans le beau Canada
décrit par le ministre de l'Industrie et du Commerce, tantôt, il a
oublié le cri d'alarme des régions. Toutes les régions,
lors de la commission Bélanger-Campeau, ont lancé un cri d'alarme
dramatique: «Le Québec cassé en deux». Ça ne
vient pas de Boston, ni de Chicago, ni des États-Unis, ça, un
Québec cassé en deux. C'est chez nous.
Nous, on pense, objectivement, qu'une des raisons fondamentales, c'est
le régime dans lequel on opère. Pour être capable
d'apprécier les offres, M. le Président, il faut retourner
à l'entente du 7 juillet, et ça va être assez simple, parce
que j'ai horreur des gens qui font des bulles. Faire des bulles, selon moi,
c'est dire ce que j'ai entendu: Notre premier ministre, c'est le meilleur,
c'est le plus beau, c'est le plus fin, c'est le plus populaire, c'est le
meilleur négociateur, alors que tout le monde dit...
Une voix: Donc, c'est vrai!
M. Gendron: Oui, oui, écoutez, il s'est
dépêché de vous faire accroire ça, alors que tout le
monde convient qu'on s'est fait rouler, qu'on s'est fait avoir. La
période de questions, aujourd'hui, en témoignait, et on y
reviendra tantôt.
Mais ce que je veux dire, M. le Président, très
simplement: II y a eu une entente, le 7 juillet, où le Québec
n'était pas partie prenante. O.K.? Le 7 juillet, il y a eu une entente.
L'ensemble des autres premiers ministres des autres provinces se sont entendus
sur une entente. M. Bourassa n'était pas là, puis il a dit:
Ça n'a pas de bon sens. Cette entente-là a été
dénoncée, décriée, pourfendue par tous: M.
Rémillard, M. Bourassa, M. Castonguay. L'ensemble des...
M. Johnson: Question de règlement, M. le Président,
juste un rappel...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Johnson: ...au règlement. On doit désigner les
membres de l'Assemblée par le nom de leur comté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, ce que sait
sûrement le député d'Abitibi-Ouest. Alors, je voudrais le
ramener à la règle contenue dans nos règlements. Aliez-y,
M. le député.
M. Gendron: Aucun problème. Je trouve ça
très impertinent. Je la connais, cette règle-là, mais,
quand on parle d'un article de journal où on cite M. Castonguay, M.
Bourassa, ainsi de suite, qui ont dénoncé l'entente, je suis
parfaitement dans le règlement. Mais c'est tellement mineur... On
continue.
Alors, M. le Président, ce que je disais, c'est que l'entente du
7 juillet a été dénoncée, pourfendue par tous et
notre responsabilité, c'est d'essayer d'illustrer si, dans l'entente du
28 août, il y a eu effectivement un progrès marqué au
chapitre, entre autres, du partage des compétences et au chapitre de la
limitation du pouvoir de dépenser. Pourquoi, M. le Président, je
choisis ces deux éléments-là? C'est que,
traditionnellement, qu'est-ce qui a fait problème au Québec? Ce
qui a fait problème au Québec dans les 30 dernières
années, sur une base historique, ce n'est pas compliqué. C'est
que, à chaque fois que le gouvernement fédéral a
prétendu que nous avions une compétence exclusive, par le biais
de son pouvoir de dépenser, il est entré constamment dans notre
juridiction exclusive, parce que son pouvoir de dépenser n'est pas
limité. Tout le monde aurait souhaité que le pouvoir de
dépenser soit limité dans l'entente du 28 août. Juste
à titre d'exemple, M. Castonguay, qui est fédéraliste - il
a le droit de l'être, puis je ne lui en veux pas là-dessus - a, au
moins, lui, eu l'honnêteté de dire: Pour ce qui est du pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral dans le domaine des
compétences provinciales, j'admets que le Québec n'a obtenu
aucune garantie.
C'est de ça qu'il va falloir parler au monde. Lors du
débat sur la campagne référendaire, on nous demande:
Est-ce que vous êtes d'accord avec ces offres-là? Moi, c'est
évident que je vais inviter les Québécois à dire
non. Mais il faut que j'explique pourquoi je veux que ces gens-là
rejettent ces offres-là. Un, elles ne s'inscrivent d'aucune façon
dans ce que j'appelle le courant de l'histoire québécoise, dans
la position historique de l'ensemble des premiers ministres. Au chapitre de ce
qui a toujours fait problème, qu'est-ce qui a fait problème
fondamentalement au Québec? C'est le pouvoir de dépenser non
limité; c'est des champs de juridiction exclusifs où constamment
le fédéral intervenait dans nos champs de juridiction. Je vais
l'illustrer, dans deux minutes, au chapitre de l'éducation, parce que,
comme porte-parole de l'éducation, je vais vous en parler davantage.
C'est ça qui a fait problème, M. le Président.
Quand les jeunes libéraux nous disent: II faut rejeter ces
offres-là, puis qu'ils nous disent qu'il n'y a pas eu de progrès
réel, ils nous disent qu'il n'y a pas eu de progrès réel
entre quoi, M. le Président? Entre l'offre du 7 juillet,
dénoncée, décriée, pourfendue par tous, et celle du
28 août. Notre devoir, c'est de dire: L'offre du 28 août est dans
la même teneur, a l'apparence, la même facture que celle du 7
juillet, sauf pour des techniques de vente, des techniques de marketing, comme
les fonctionnaires fédéraux que le premier ministre vantait
à la période de questions. L'honnête des fonctionnaires
fédéraux et provinciaux. Les hauts fonctionnaires, disait-il, qui
ont l'intégrité de servir l'État québécois,
qu'ont-ils dit? Bourassa n'a rien obtenu de neuf. Et je lis, M. le
Président. Le premier ministre du Québec n'a rien obtenu de neuf,
selon les hauts fonctionnaires fédéraux.
Mais, eux autres, ils avaient l'honnêteté de le prouver.
Ils disaient: Au chapitre du pouvoir de dépenser, pas de limitation. Au
chapitre du partage des compétences, rien de réglé. Est-ce
qu'on est appuyé par d'autres qui ont cette prétention-là?
Bien sûr. Les jeunes libéraux nous le disent: Pas de
progrès réel à ce chapitre. Au niveau du partage des
pouvoirs, un statu quo renouvelé ou remodelé. Qui parle? Les
jeunes libéraux du Québec, dans un excellent document. L'entente
du 28 août, des libéraux disent non.
Puis les jeunes libéraux qui ont eu le courage de s'opposer, je
sais ce que ça peut vouloir dire au Parti libéral. Parce que j'ai
déjà fait partie de cette formation politique, étant
très jeune. Quand M. Lévesque a été expulsé
du Parti libéral, j'étais dans les jeunes libéraux.
Ça ne me gêne pas de le dire. Je connais leur discipline de parti.
Je ne suis pas d'accord avec ce qui s'est passé à leur
congrès, par exemple, le cuite du veau d'or. Je n'ai pas connu
ça, moi, au Parti libéral, le culte du veau d'or. Et on n'est pas
ici pour faire ce débat-là; on est ici pour parler des offres.
Mais les jeunes libéraux ont eu le courage, eux autres, de dire la
vérité et de dire: On s'est fait avoir. Il n'y a rien de neuf
là-dedans. S'ils sont quatre, on va le voir, madame. Vous allez voir que
le nombre va grandir.
Alors, moi, ce que je dis, M. le Président, au chapitre du
pouvoir de dépenser, M. Castonguay l'admettait honnêtement: non
limité. Les jeunes libéraux avaient le courage également
de continuer à dire: Ce qui fait problème, c'est les nombreux
chevauchements et les dédoublements de systèmes. En passant, pour
la leçon d'économie du premier ministre à la
période des questions aujourd'hui, c'est juste 2 500 000 000 $, les
chevauchements inutiles. Les dédoublements, puis les chevauchements,
c'est 2 500 000 000 $. Pour un gouvernement qui est dans la dèche, qui
est en faillite technique - et je parle du gouvernement canadien - pensez-vous
qu'on n'en aurait pas besoin de ces 2 500 000 000 $ là bien
Utilisés? C'est la réalité.
Je vous ai dit que je vous parlerais d'édu-cation. J'en parle un
peu. Est-ce que tout le monde n'est pas conscient que l'éduction est
censée être une compétence de juridiction exlu- sive? que
se passe-t-il au québec en éducation depuis de nombreuses
années? je voudrais juste vous rappeler que, par son pouvoir de
dépen-ser justement ce que je dénonce, justement ce qui n'est pas
limité, justement ce que. m. gaston-guay, tout, en étant un
fédéraliste, ce qui est son droit le plus strict, a avoué
honnêtement: c'est vrai que, dans les offres du 28, août, il n'y a
pas de limitation du pouvoir de dépenser - par son pouvoir de
dépenser, le gouvernement fédéral intervient
allègrement dans le secteur de l'éducation en finançant
divers programmes: le programme des langues officielles dans l'enseignement, le
programme national d'alphabétisation. de plus, le pouvoir du
québec de légiférer en matière scolaire se voit,
depuis le début de la constitution, limité par l'article 93 de la
constitution canadienne qui accorde des droits et privilèges aux
catholiques et aux protestants sur le plan des structures scolaires. l'article
23 de la charte canadienne des droits est plus tard venu constituer une limite
additionnelle à ce même pouvoir sur le plan de la langue de
l'enseignement. (16 heures)
À cet égard, M. le Président, les offres
constitutionnelles du 28 août dernier ne contiennent aucune clause
permettant au Québec d'exercer sans entrave sa pleine compétence
en éducation et de donner aux structures scolaires la configuration
souhaitée par la majorité de la population, des commissions
scolaires et autres. Le fédéral impose également ses
orientations au niveau postsecondaire en subventionnant les universités
et la recherche. Ces interventions revêtent, à cet égard,
des modalités très diversifiées. Exemple: En 1967, le
financement des programmes établis, ce qu'on appelle les FPE, pour les
gens familiers avec ça, qui regroupent les contributions
fédérales au programme d'assurance hospitalisation et
d'enseignement postsecondaire, ont fait leur apparition. Il faut savoir
maintenant que les programmes de financement établis ont fait l'objet
d'importantes compressions depuis le milieu des années quatre-vingt. Non
seulement il intervient dans un champ de juridiction exclusif, mais il met
moins d'argent au programme du financement des programmes établis, il
met moins d'argent dans les transferts fédéraux pour avoir la
capacité d'intervenir plus dans ce qui n'est pas conjoint, dans ce qui
n'est pas négocié, dans les choses où il n'y a pas
d'ententes, genre ce qu'il a fait récemment avec son programme
«L'école avant tout». Et là, je n'ai pas le temps,
mais, M. le Président, c'était même d'un ridicule
consommé, le ministre de l'Éducation qui disait: impardonnable,
inacceptable, inqualifiable. Il y avait quatre qualificatifs pour
dénoncer ça. ¦qu'est-ce qu'il dit, aujourd'hui, de l'offre
du 28 août, qui ne dit pas un mot de l'éduca-tion? le ministre de
l'éducation au québec a fait accroire que ça n'avait pas
de bon sens, ces intrusions. mme bissonnette a fait un travail extraordinaire
pour indiquer que l'initiative d'ottawa, dans le bien d'autrui, est la,
dernière chose dont le système scolaire avait besoin puis eile le
prouve adéquatement en démontrant comment ce n'est pas de
même qu'on va corriger les lacunes en éducation avec deux
intervenants. et je pourrais en citer: ottawa tient mordicus à sa
présence en éducation même s'il s'agit d'une
compétence exclusive. puis ces gens-là, là, vont nous
vanter les offres en disant: aie! c'est fantastique! on a eu des pouvoirs
exclusifs dans le domaine de la culture alors qu'hier encore, samedi, la
ministre disait le ministre fédéral beatty ne comprend pas. il va
falloir que quelqu'un lui parle parce que moi, je veux commencer à
négocier.
Avez-vous déjà vu ça, M. le Président, vous?
Le monde comprend ça. Moi, le monde que je rencontre comprend ça.
Ils disent: Comment ça se fait que ces gens-là nous font accoire
que les offres du 28 août nous donnent une responsabilité
exclusive, puis uniquement pour I'exerper il faut négocier une entente
de retrait. Avez-vous compris, là? Il faut négocier une entente
pour que le fédéral se retire de ce qu'il est d'accord qui nous
appartient à 100 %.
Je continue en éducation. Pensons au financement de certaines
chaires d'études, aux programmes de prêts aux étudiants,
sans compter tout le domaine de la formation professionnelle des adultes. C'est
le fouillis, M. le Président. Et le fédéral, qui coupe les
provinces, qui coupe le Québec de 2 500 000 000$ au chapitre du
financement des programmes établis, a de l'argent pour intervenir dans
une juridiction exclusive des provinces comme celle du Québec en
éducation. Le 29 octobre de la même année, le gouvernement
du Canada lançait officiellement ses consultations sur la... sur un
document, là, en publiant le document de consultation «La
compétitivité mène à la
prospérité» et un autre, «Bien apprendre et bien
vivre», qui traite spécifiquement d'éducation et qui vise
l'établissement d'objectifs pancanadiens en cette matière.
Il me semble, M. le Président, que ces faits témoignent on
ne peut plus clairement non seulement de l'intention du fédéral
de continuer à s'immiscer encore davantage, mais le
fédéral n'est pas d'accord pour mettre fin à ses
intrusions qui sont coûteuses parce que par sa non-limitation du pouvoir
de dépenser, il va constamment continuer à intervenir dans un
champ de juridiction. Et pas plus tard que, encore là, dans La Presse de
samedi dernier, le gouvernement fédéral annonçait: Ottawa
voudra relancer l'économie. Et là, regardez ce qui était
marqué: Dès la fin de la campagne référendaire,
diverses initiatives en matière d'éducation, de formation
de la main-d'oeuvre... Ah! Pourtant, le ministre de la Main-d'oeuvre
nous dit que c'est un champ de juridiction exclusif. Je répète:
Dès la fin de la campagne référendaire, diverses
initiatives en matière d'éducation, de formation de la
main-d'oeuvre, etc., seront lancées par le fédéral dans le
cadre de l'agenda de la prospérité.
Moi, je veux bien qu'on se réveille puis qu'on fasse accroire aux
Québécois qu'on va s'occuper de prospérité puis de
développement économique, mais II va falloir être
honnête avec les gens. Cest ce que j'ai l'intention de faire durant la
campagne référendaire, comme toujours. Moi, je n'irai pas parler
des deux côtés de la bouche, souffler le chaud et le froid comme
le premier ministre fait constamment, en tergiversant. Et c'est ça qui
est intéressant présentement, c'est qu'il y a de plus en plus de
Québécois qui s'en rendent compte, qui se rendent compte qu'on a
affaire à une couleuvre, qu'on a affaire à un premier ministre
imprenable. On a affaire à un premier ministre qui n'a pas de constance,
qui se promène d'un côté comme de l'autre. Dans ce
sens-là, les Québécois ne seront pas dupes, M. le
Président. Les Québécois ne seront pas dupes, ils vont se
rendre compte qu'on ne peut pas leur faire accroire que, dans ces
offres-là, il y a un progrès réel au chapitre de la
limitation du pouvoir de dépenser et du partage des compétences.
Écoutez, aujourd'hui même, M. le Président, aujourd'hui
même, c'est dans tous les journaux: le premier ministre du Québec
et le premier ministre canadien ne s'entendent pas sur le contenu de l'entente.
Il faut le faire! Il faut le faire!
Les deux premiers ministres les plus concernés par les offres
constitutionnelles, selon les journaux d'aujourd'hui, ne s'entendent pas sur le
contenu de l'entente. Et on a le culot de demander aux Québécois
de se prononcer sur la base de cette entente constitutionnelle alors qu'entre
eux il y a des divergences de vues fondamentales. Et on pourrait citer d'autres
textes. Le texte définitif ne donne rien de plus au Québec au
chapitre de l'immigration. Il y a d'autres Intervenants qui ont regardé
ça, et ils sont obligés de donner l'heure juste aux
Québécois. Les efforts de dernière heure de Québec
échouent au chapitre de l'entente de la main-d'oeuvre, de la culture et
de l'immigration.
Et la ministre des Affaires culturelles, qu'on questionnait la semaine
dernière, avait l'honnêteté très franche - parce que
je pense qu'elle est très correcte... Très correctement, la
ministre des Affaires culturelles, qu'est-ce qu'elle a dit? Elle a dit: J'ai
hâte d'aller négocier. Alors, moi, quand je rencontre des gens
dans mon comté, ils disent: On ne comprend pas ça,
François. Dans les offres, on indique que la culture est un champ de
compétence exclusif, puis la ministre, à une question
posée une semaine après, elle a hâte d'aller
négocier des revendications légitimes, historiques du
Québec dans un champ de compétence exclusif, ils disent: On ne
comprend pas ça. Et ils ont raison.
Alors, honnêtement, moi, je vais être obligé de dire
aux Québécois: Arrêtez de prendre des vessies pour des
lanternes. Ce n'est pas vrai que, dans les offres constitutionnelles, on a
gagné ce qu'on appelle une compétence exclusive qui nous
permettrait de progresser et d'avancer. Les jeunes libéraux, qui n'ont
pas de problème de chefferie - ce n'est pas le ministre des Affaires
inter qui aspire à la chefferie - Hs n'ont pas ce
problème-là. Qui a viré...
Moi, je pourrais citer des choses qu'il a dites. C'est 100 % le
contraire, mais pas à deux ans, trois ans d'Intervalle, dans trois
semaines d'Intervalle. Le 17 juillet, le ministre des affaires canadiennes
disait: C'est irresponsable de laisser les tribunaux décider de la
signification du droit inhérent d'un gouvernement C'est irresponsable;
c'est une responsabilité qui nous appartient. Quelques semaines
après, quand son premier ministre lui fait un clin d'oeil et lui fait
signe: Tu diras oui, que c'est les meilleures offres... Il ne les avait
même pas lues, il n'avait même pas vu les textes. Avant même
d'apprécier quoi que ce soit, ils ont été pris pour
fonctionner dans te couloir de l'adoration du veau d'or. On va être
obligé de le dire à la population. Et les jeunes libéraux
l'ont dit: Au domaine de la culture, c'est un statu quo, en pratique. Je sais
ce que c'est, le statu quo, moi. Alors, dans le domaine de la culture, à
partir du moment où on n'a aucun outil culturel et que tout le fric,
l'argent - et notre argent, en passant - va rester à Ottawa, ça
ne fait pas sérieux de dire qu'on a une compétence exclusive.
On va démasquer cette espèce de mascara que ces
gens-là essaient de mettre autour de l'entente du 28 août. On va
les démasquer. Les jeunes libéraux ont eu ce courage. M. Allaire
a eu ce courage de donner l'heure juste. Moi, que ces gens-là soient
fédéralistes, ça ne me dérange pas. C'est correct.
C'est leur problème. Ils veulent qu'on fasse un débat sur les
offres, M. le Président, on va en faire un, mais on va donner l'heure
juste aux citoyens et aux citoyennes du Québec. Moi, Je veux que les
citoyens se prononcent en connaissance de cause. Et pour qu'ils se prononcent
en connaissance de cause, je n'ai pas l'intention, moi, de cacher ce qui s'est
passé entre le 7 juillet et le 28.
Mot, je dis: Le 7 juillet, c'était inacceptable et, te 28
août, il n'y a rien de plus, si ce n'est des mesures babillardes. Nous
aussi, on est capables de faire des beaux discours sur le peuple du
Québec. Je connais la fierté des Abitiblens, je connais la
fierté des Québécois et des Québécoises, et
dire non aux offres du fédéral, c'est choisir la voie de la
fierté. C'est choisir la voie de la responsabilité collective,
comme peuple distinct. C'est choisir la voie du réalisme et de l'analyse
respectueuse des demandes traditionnelles et répétitives, des 30
der-
nières années, des premiers ministres
québécois. Et c'est également ne pas rompre avec notre
histoire. (16 h 10)
J'estime, M. le Président, en conclusion, qu'un non fort au
référendum du 26 octobre porte principalement sur un idéal
normal, logique et combien légitime qui se résume en quelques
mots: On garde notre avenir ouvert, mais pas comme une province comme les
autres, parce que nous ne sommes pas une province comme les autres. Non, merci,
M. Bourassa. Nous, nous sommes plus fiers que ça.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest, leader adjoint de l'Opposition
officielle. Sur la même motion de M. le premier ministre relativement
à la question référendaire du 26 octobre, je cède
la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et
ministre responsable des Affaires culturelles.
Mme Liza Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
J'écoutais tantôt le député d'Abitibi-Ouest qui
disait qu'il avait de la difficulté à expliquer aux gens de son
comté pourquoi on avait hâte d'aller négocier. J'accepte
l'invitation, s'il m'invite, et ça va me faire plaisir d'aller leur
expliquer, puisqu'on est très impliqués au niveau de l'Abi-tibi
et, effectivement, les gens d'Abitibi sont très dynamiques aussi au
niveau culturel, tant au niveau du film qu'au niveau de leurs infrastructures
et de l'administration de ces infrastructures.
M. le Président, la question référendaire, qui a
été déposée la semaine dernière en Chambre,
et le débat actuel nous permettent d'apporter un éclairage sur
les termes de l'entente constitutionnelle conclue le 28 août dernier.
J'aimerais profiter de mon temps de parole pour vous exposer comment cet accord
constitue un progrès réel pour le développement du
Québec et, plus particulièrement, pour le développement du
secteur culturel québécois.
Il faut se rappeler que la dernière partie de la ronde
constitutionnelle qui s'est déroulée le 28 août dernier
répondait a deux objectifs fondamentaux, soit réparer le tort
causé au Québec en 1982 par le rapatriement unilatéral de
la Constitution et trouver aussi un terrain d'entente avec nos partenaires des
autres provinces afin d'accroître notre autonomie gouvernementale. Dans
ce sens, M. le Président, j'ai la ferme conviction que l'accord conclu
répond à ces deux objectifs. Cette entente offre au Québec
les outils nécessaires pour prendre en charge son développement
et assurer aux Québécois et Québécoises la
stabilité, M. le Président - et on va revenir sur le concept de
stabilité - et la prospérité auxquelles ils aspirent.
Maintenant, M. le Président, parlons plus particulièrement
du secteur culturel, secteur à propos duquel le député
d'Abitibi veut avoir certaines explications. Comme je l'indiquais la semaine
dernière, en réponse à une question du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, l'entente actuelle
constitue un progrès réel par rapport à la situation
présente. Pourquoi? Parce qu'il faut rappeler que la culture
était totalement absente des dispositions constitutionnelles de 1867.
D'abord, l'entente du 28 août reconnaît que la culture
québécoise est unique au Canada et qu'elle est un des
éléments qui définit la notion de société
distincte qui serait inscrite dans la Constitution. La Législature et le
gouvernement du Québec se voient reconnaître le rôle de
protéger et de promouvoir cette société distincte.
De plus, l'accord du 28 août dernier nous assure une
reconnaissance de la compétence exclusive du Québec en
matière de culture, et ça, M. le Président, ce sera aussi
inscrit dans la Constitution. L'item 29 du rapport sur la Constitution est
précis à cet égard. M. le Président, cette
reconnaissance constitutionnelle est un gain, et elle est conforme avec les
demandes historiques du Québec en ce domaine. Encore plus, l'entente
engage le gouvernement fédéral à négocier un accord
culturel qui doit nous assurer, à nous du Québec, la
maîtrise d'oeuvre du développement de notre culture sur notre
territoire. Cette obligation de négocier en fonction de notre
maîtrise d'oeuvre visera un seul objectif, celui du mieux-être et
du développement de nos créateurs, de nos artistes et de nos
artisans dans le respect des prioriétés culturelles que s'est
données la société québécoise au fil des
ans, priorités qui sont maintenant inscrites dans la politique
culturelle du Québec.
M. le Président, la politique culturelle que j'ai
déposée au mois de juin dernier revêt maintenant, surtout,
un caractère essentiel. En effet, cette politique culturelle est unique.
Le gouvernement libéral est le premier au Canada, l'un des rares dans le
monde, à s'être donné une politique globale en
matière de culture. Il s'agit là, enfin, d'un tournant important,
d'un virage majeur pour l'orientation de notre développement culturel au
Québec. Trois axes sont à la base de cette politique:
l'affirmation de l'identité culturelle, le soutien aux créateurs
et aux artistes, l'accès et la participation des citoyens à la
vie culturelle.
Toutes les décisions prises touchant la culture le seront en
fonction de ces trois axes. Cette politique a obtenu un accueil enthousiaste et
plus que favorable de la part des milieux culturels ainsi que des commentateurs
de la scène politique. Cette politique a même été
reconnue en cette Chambre par l'Opposition, qui a eu l'honnêteté
de souligner notre effort comme un pas dans la bonne direction.
Bref, M. le Président, avec cette politique culturelle, notre
gouvernement a le mérite de
tracer la voie à suivre afin d'assurer à tous les
Québécois et Québécoises un développement
culturel dynamique et porteur d'avenir.
Dans le cadre de l'entente constitutionnelle où on
reconnaît au gouvernement du Québec la compétence exclusive
de la culture, notre politique culturelle prend toute son importance. Nous
sommes outillés, M. le Président, pour exercer maintenant cette
compétence et notre maîtrise d'oeuvre.
En entérinant la politique culturelle, le gouvernement
libéral amorçait une réforme majeure de toute sa
manière d'intervenir dans le domaine de la culture et des arts en
hissant la culture au rang de ses priorités. Il témoignait de
l'importance que l'État accorde à sa mission culturelle, mais,
surtout, il se donnait des orientations claires pour maximiser le
développement de la culture québécoise, des orientations
et, aussi, M. le Président, des moyens, puisque près de 57 000
000 $ seront engagés au cours des trois prochaines années, dont
près de 10 000 000 $ dès cette année.
Il fallait un virage. Cette politique était
réclamée depuis plusieurs années et pas seulement par les
milieux culturels. Il était devenu clair qu'il fallait situer les
problèmes de fond, en matière de culture, dans la perspective des
grands enjeux de la fin du XXe siècle: la mondialisation des
marchés et des échanges, la concurrence internationale,
l'émergence des nouvelles technologies, l'environnement
économique des années quatre-vingt-dix et, aussi, le
développement régional. Voici autant de données qui ont
créé un nouveau contexte pour notre culture, et dont nous devons
tenir compte.
L'élaboration de cette politique a fait - je peux vous l'affirmer
- l'objet d'une concertation exceptionnelle avec le milieu artistique, avec les
municipalités, avec les représentants de nombreux groupes sociaux
mais, aussi, M. le Président, avec mes collègues, car ce ne sont
pas moins que 23 ministères, organismes et secrétariats
québécois qui ont participé et contribué à
la préparation de cette politique. Or, si mes collègues n'ont pas
hésité à collaborer à cette réforme, c'est
qu'ils savent et comprennent combien l'avenir du Québec est
indissociable de son avenir culturel. Déjà, mon collègue,
le ministre de l'Éducation, annonçait, la semaine
dernière, la révision du contenu du programme de français.
Il renforce ainsi l'une des orientations chères à la politique
culturelle, soit la valorisation du français dans les institutions
d'enseignement. Voici un exemple éloquent de partenariat
ministériel, M. le Président.
En décembre dernier, quand mon collègue Gérald
Tremblay a lancé sa stratégie des grappes industrielles, il
retenait 13 secteurs, dont celui des industries culturelles. Le Québec
reconnaissait ainsi que la culture est un des grands catalyseurs du
développement économique du Québec. C'est que le secteur
culturel, au plan strictement économique, représente une
activité de l'ordre de 3 500 000 000 $ par année et emploie
environ 75 000 personnes. La seule grappe des industries culturelles -
industries du livre, du disque, du spectacle, de l'audiovisuel et des
métiers d'art - compte plus de 1000 PME dont les activités de
production, l'an dernier, représentaient un chiffre d'affaires de
près de 500 000 000 $. Les industries culturelles sont un des leviers
les plus porteurs pour canaliser la création québécoise,
d'autant plus que les industries constituent un secteur synergique par
excellence. Du livre au long métrage, de la télévision au
spectacle, du disque au vidéoclip, une main-d'oeuvre peut
générer des retombées multiples. Le dynamisme du secteur
ne cesse d'impressionner. Ce potentiel de développement est à
l'image aussi de ce dynamisme. On note, par exemple, qu'entre 1981 et 1986 les
emplois culturels ou connexes du Québec ont augmenté trois fois
plus rapidement que dans les autres segments industriels. Je ne le
répéterai jamais assez: La culture est un investissement en
faveur de notre avenir.
La culture est aussi un secteur auquel l'ensemble des citoyens
consacrent une partie importante et croissante de leurs loisirs. Les chiffres
sont parlants: en 1990, les Québécois ont acheté pour 345
000 000 $ de disques; ils ont déboursé 105 000 000 $ pour
assister à des spectacles et 85 000 000 $, M. le Président, pour
aller au cinéma; il se sont procurés pour 470 000 000 $ de
livres; ils ont consacré 215 000 000 $ à la location et à
l'achat de vidéocassettes. La vie quotidienne et économique est
faite d'activités culturelles. (16 h 20)
M. le Président, l'entente qui a été conclue nous
garantit un cadre favorable pour le développement futur de ces
industries culturelles. Elle nous donne les outils nécessaires qui nous
assurent la prise en charge par le Québec de la protection et aussi du
développement de sa culture. Les chiffres parlent et démontrent
l'importance économique de la culture ou la place des produits culturels
dans la vie de tous les jours. Mais il y a aussi un aspect de la culture qui
n'est pas quantifiable et qui, pourtant, surclasse peut-être tous les
autres: la culture est ce qui distingue le Québec de toutes les autres
sociétés, notre identité. Notre culture est à la
fois forte et fragile; forte parce qu'elle est construite sur quatre
siècles de détermination, mais fragile parce que logée
à l'intérieur de la plus grande influence culturelle de
l'Occident, soit l'Amérique du Nord.
Dans un marché ouvert comme le nôtre - et les
Québécois tiennent à cette ouverture aux autres cultures -
la pression des marchés extérieurs est très forte. Si
dynamique, originale et audacieuse soit-elle, notre culture a besoin d'un
minimum de protection, notamment quand elle fait face à la concurrence
américaine. C'est
pour cette raison qu'il était primordial de nous
reconnaître officiellement et de façon constitutionnelle la
compétence exclusive de notre culture afin de mieux pouvoir la
protéger, la promouvoir et la faire grandir. La politique culturelle du
Québec est maintenant une réalité à partir de
laquelle nous pouvons travailler, car, si elle trace les voies à suivre
en matière culturelle pour les prochaines années, elle propose
aussi un programme qu'il nous faut mettre en oeuvre le plus rapidement
possible.
L'heure est à l'action, M. le Président, et, plus que
tout, je tiens à la mise en oeuvre et à l'application
concrète de cette politique. Le programme est de taille, et nos
échéanciers sont serrés. Deux projets de loi cheminent,
qui créeront le Conseil des arts et des lettres du Québec et
actualiseront les mandats du ministère, maintenant, de la Culture. Nous
parlons ici de changements majeurs, M. le Président, dans la gestion du
secteur culturel, changements qui font appel à la participation de tous,
et particulièrement des milieux culturels qui seront impliqués
davantage dans cette gestion. Cette politique culturelle a été
l'occasion pour le gouvernement de revoir son rôle, d'actualiser ses
interventions et d'accroître aussi sa contribution. Les diagnostics sont
posés, des solutions sont avancées, de nouveaux partenariats se
créent. Nous y voyons maintenant plus clair. Nous savons où nous
allons. Nous savons que c'est une voie d'avenir et qu'il y a tout lieu de s'y
lancer avec optimisme. Nous avons donc dans les mains tous les outils pour
exercer la compétence exclusive que nous reconnaît l'entente
constitutionnelle et faire terminer les chevauchements et les
dédoublements. Les mécanismes de la gestion de notre
maîtrise d'oeuvre seront établis dans le cadre de l'entente que le
gouvernement fédéral s'engage et est obligé de
négocier avec nous.
M. le Président, l'accord du 28 août est réaliste.
C'est sa grande force. Il nous assure les outils et la marge de manoeuvre
nécessaires pour que le Québec prenne lui-même en charge
son développement global. Dire oui, M. le Président, c'est
tourner une page, c'est passer à l'action, c'est un nouveau point de
départ. Dire oui,- c'est dire oui au plein développement du
Québec dans un contexte de stabilité politique et
économique. Dire oui, c'est regarder devant soi, c'est bâtir un
Québec solide pour nos enfants. Dire oui, c'est consacrer toutes nos
énergies aux vrais enjeux de société: redresser notre
économie, s'occuper de notre environnement, relancer la main-d'oeuvre et
l'emploi, miser sur l'éducation, stimuler notre culture. Dire oui, c'est
regarder l'avenir. Dire oui, c'est aussi dire non au peut-être. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la ministre.
Sur la même motion, je cède la parole à M. le
député de Champlain.
M. Pierre A. Brouillette
M. Brouillette: Merci, M. le Président. Je suis
honoré de participer à ce débat de 35 heures sur la
question référendaire, sur la question qui sera soumise à
la population le 26 Octobre prochain. Il s'agit là d'une occasion
privilégiée, voire même historique, comme on l'a
soulevée à quelques reprises depuis le début de ce
débat. L'occasion est historique parce qu'elle viendra clore un
épisode de l'histoire constitutionnelle québécoise et
canadienne. Depuis l'échec de l'entente du lac Meech, la question
constitutionnelle a occupé toute la place ou presque, limitant ainsi les
possibilités de s'occuper des problèmes réels que vivent
actuellement nos concitoyennes et nos concitoyens, dont une partie importante
est durement éprouvée par le contexte économique exigeant
qui frappe le continent nord-américain depuis une trentaine de mois.
Pour nous, de ce côté-ci de la Chambre, cette crise
constitutionnelle trouvera une fin heureuse pour la population du Québec
ainsi que pour celle du reste du Canada.
M. le Président, comme vous le savez, il en est autrement pour
nos adversaires en cette Chambre, qui ne veulent rien d'autre que la
séparation du Québec. C'est l'unique conclusion que l'on peut
tirer de ce qu'on a entendu, en provenance de nos vis-à-vis en cette
Chambre depuis le début de ce débat. Nous, M. le
Président, nous ne partageons pas leur vision étriquée,
frustrante et voire même désespérante des
intérêts supérieurs du peuple québécois. Les
péquistes nous parlent d'indépendance au moment où la
liberté des hommes et des femmes, comme celle des populations et comme
celle des peuples, s'affirme dans l'interdépendance. Ils nous parlent
d'indépendance au moment où, par exemple, les pays de l'Europe,
au terme d'un long apprentissage, renoncent à leurs frontières
pour un système comparable à celui que nous avons actuellement
avec la Fédération canadienne. Notre tâche n'est pas de
briser cette Fédération mais de l'actualiser. C'est ce que fait
l'entente constitutionnelle du 28 août dernier. Cette entente sera
soumise à l'approbation de la population le 26 octobre prochain.
Examinons un peu la nature de ce renouvellement et
particulièrement la contribution qu'il apporte au développement
du Québec. Mais avant, M. le Président, il convient de faire une
chose: situer l'importance de cette actualisation dans la Constitution
canadienne. La nouvelle entente revêt une grande importance pour l'avenir
économique et social du Québec. L'obsession des membres de
l'Opposition concernant la Constitution est démesurée et
démontre le peu de vision du Parti québécois à
l'égard du Québec. Dans les pays où l'économie est
forte, contrairement à ce que pensent nos adversaires, les seuls outils
économiques essentiels sont le travail, l'éducation, la formation
et l'ambition des femmes et
des hommes qui composent ces peuples. Il n'y a rien de plus important
que cela, y compris une constitution actualisée. Cette
vérité de notre temps n'est pas une réalité pour
nos adversaires. Ils restent, comme on dit couramment, accrochés
à une vision passéiste, à une vision d'il y a 25 ans au
moins. Cette actualisation vise à rendre plus efficace l'action des deux
gouvernements de notre Fédération, la Fédération
canadienne.
Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que
déjà, dans la Constitution du Canada, l'Assemblée
nationale dispose d'un nombre imposant de pouvoirs qui ont permis aux
gouvernements successifs de bâtir le Québec moderne, ce
Québec qui fait notre fierté. Or, la nouvelle entente
constitutionnelle ajoutera de nouveaux pouvoirs explicites à
l'Assemblée nationale et consolidera l'autonomie gouvernementale du
Québec. Cette consolidation de l'autonomie gouvernementale du
Québec se situe dans les domaines des ressources humaines, de la
culture, des affaires urbaines, du logement, des loisirs, des mines, des
forêts et du tourisme. Cette consolidation de l'autonomie gouvernementale
du Québec ne se limite pas, M. le Président, au domaine des
secteurs que je viens d'énoncer. Elle s'étend aussi au domaine
des communications, du développement régional, de l'union
économique et sociale et, enfin, au niveau du pouvoir de
dépenser. On voit donc, M. le Président, par
l'énumération qui précède, qu'il s'agit,
contrairement à ce que disent nos opposants, d'une consolidation
très substantielle de l'autonomie gouvernementale du Québec, un
Meech plus. (16 h 30)
En terminant, M. le Président, je tiens à
réaffirmer ma profonde conviction à l'égard du
bien-fondé et du mérite de ce renouvellement de la Constitution
que représente la base de l'entente du 28 août dernier. Je crois
que le peuple québécois sort grandi de cette entente qui vient de
clore un chapitre dans l'histoire des relations Québec-Canada. Je suis
persuadé que la population partage mes convictions et qu'elle
l'indiquera le 26 octobre prochain en votant oui massivement. Merci, M, le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, merci, M. le
député de Champlain. Je cède la parole, sur cette motion
du premier ministre, à Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve. Je vous rappelle, Mme la députée, que vous
avez droit à une période maximale de 20 minutes.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président,
c'est assez intéressant de constater que la moitié des personnes
qui, dans les sondages, répondent qu'elles sont tentées de dire
oui le font par fatigue constitutionnelle. En écoutant les
députés dans cette Chambre et en entendant répéter
les mots «clore», «terminer», «mettre fin»,
je me dis que, finalement, il y a un malentendu qu'il vaut la peine de dissiper
cet après-midi parce que la question, puisque c'est de ça dont il
s'agit, c'est ça qui sera décidé et voté et que le
gouvernement veut faire adopter demain. Ce que dit la question, M. le
Président, c'est que le gouvernement demande un mandat de
négocier le fédéralisme.
Quand la question dit: Acceptez-vous, sur la base de l'entente,
ça, ça veut a peu près dire l'équivalent d'un
propriétaire qui arriverait chez vous, puis qui vous dirait: Signe ton
bail, là. Les lignes blanches, je les remplirai, puis le prix du loyer,
je te le dirai plus tard. C'est ça que ça veut dire, la question
référendaire. C'est à peu près aussi
l'équivalent d'un syndicat qui dirait aux employés: On va signer
la convention, si vous voulez, tout de suite, puis on va négocier les
salaires plus tard. Ça s'appelle un mandat de négocier le
fédéralisme.
Mais pourquoi est-ce que le gouvernement a besoin d'un mandat de
négocier le fédéralisme? C'est ce qu'il fait depuis sept
ans. Il le fait mal, vous direz, il le fait de travers, mais il n'avait pas
besoin de dépenser tant d'argent - ça va coûter 180 000 000
$, ça - pour continuer à négocier le
fédéralisme. Qu'est-ce qu'il nous avait dit, après Meech,
le gouvernement? Il nous avait dit qu'il allait avoir une stratégie
où il allait avoir une obligation de résultats,
c'est-à-dire qu'il allait présenter au peuple du Québec le
résultat de ce qu'il allait pouvoir aller chercher.
Encore en date de la semaine passée, une lettre que M. Bourassa,
le premier ministre du Québec, envoyait à M. Mulroney et que je
pourrais vous lire, M. le Président, simplement la citer, étant
donné tout ce que je souhaite pouvoir dire aujourd'hui pour rappeler
que, dans le domaine de la main-d'oeuvre, dans le domaine de la culture, dans
le domaine de l'immigration, dans le domaine de la ratification des nominations
par le Sénat, contrairement à ce qui est dit ici, il n'y a rien
de réglé. Et, finalement, la seule chose que l'on fait en disant
ouf, c'est de donner un mandat pour négocier à
perpétuité dans des domaines aussi névralgiques que
l'immigration, la main-d'oeuvre, la culture. C'est donner à
perpétuité, dans le développement régional et dans
les autres secteurs, un mandat de négocier sans rapport de force.
Comment peut-on imaginer que le gouvernement aurait plus d'influence
après que ce soit signé qu'avant, puis qu'il pourrait aller
chercher après ce qu'il n'a pas réussi à obtenir avant?
Mais c'est le simple bon sens qui nous dit que ce qu'il fallait faire, au pire,
là, c'était surtout de ne pas s'écraser.
M. le Président, moi, je sais que la majorité des
Québécois ne veulent pas entrer dans le détail de tout
ça, mais il y a une chose qui vaut la peine d'être dite, quand on
lit ce qui s'est passé à Charlottetown, où M. Bourassa est
allé, puis ce qui s'était passé entre les neufs
premiers ministres anglophones, le 7 juillet, bien, c'est au mot
à mot, pareil. en fait, il n'a pas négocié du tout, m.
bourassa. il n'a pas dit un mot. la seule différence, c'est que
plutôt que d'avoir huit sénateurs, on en aura six comme toutes les
autres, et puis on est assurés, imaginez-vous, de 25 % des
députés à la chambre des communes. ça nous fait,
ça, une belle jambe, surtout quand on sait qu'ils sont tous
divisés entre partis fédéraux! ce n'est pas 25 % qui
mettent leurs voix ensemble dans la balance pour le québec. ça
fait 125 ans que tout ce monde-là est divisé entre les partis
fédéraux, où ils sont en minorité. alors, ça
nous donne quoi de plus, ça? puis, ce que ça nous a
enlevé, charlottetown, par rapport à ce qui était dans
l'entente des premiers ministres - ils ont même reculé, les
premiers ministres anglophones, sur ce qu'ils avaient signé - c'est que
ça nous donne moins de protection en matière d'immigration.
ça nous en donne moins, puis je n'ai pas besoin de vous dire que
ça nous en donne moins que meech.
En deux mots, là, il faut se rappeler que des cinq conditions qui
étaient le plancher - parce que, en dessous de Meech, vous vous
rappelez, c'était supposé être la cave, hein -bien, les
cinq conditions de Meech, sur chacune, c'est Meech moins.
Cour suprême. C'était le Québec, n'est-ce pas, qui
proposait, et le gouvernement faisait les nominations de trois juges à
la Cour suprême à partir des propositions du Québec. C'est
devenu des propositions de toutes les provinces et, plus encore, si ces
propositions sont jugées - et les mots sont comme tels, là -
inacceptables par Ottawa, Ottawa peut nommer des juges intérimaires
à la Cour suprême entre-temps. Belle démocratie, M. le
Président! Il arrive un gouvernement qui ne plaît pas au
gouvernement d'Ottawa - pendant ce temps-là, c'est le peuple qui l'a
élu au Québec - il y a un poste qui est vacant à la Cour
suprême, le gouvernement du Parti québécois, mettons, pour
la prochaine fois, ferait une proposition de nomination. Ottawa dirait:
Ça ne nous plaît pas, ça; on va nommer un juge
intérimaire, le temps nécessaire pour changer de gouvernement.
Quelle démocratie!
En matière de droit de veto, c'est quasiment la multiplication
des droits de veto, comme la multiplication des pains, quand on entend le
ministre de la Justice. Cinq droits de veto. Il y a quelque chose de louche
là-dedans, M. le Président. Un vrai droit de veto, ça
aurait été suffisant. Cinq, là, c'est parce qu'il y a des
trous partout.
Puis, la société distincte, imaginez-vous que ce qu'on
retrouve maintenant c'est ce qu'on avait eu avec l'Acte de Québec de
1774, quand les Anglais d'Angleterre avaient peur qu'on rejoigne les
Américains qui souhaitaient qu'on s'en aille de leur côté,
puis l'Acte de Québec nous avait reconnu la culture, c'est-à-dire
la langue, le Code civil et la religion. Là, on a remplacé la
religion par la culture, puis, M. le Président, on nous reconnaît,
218 ans plus tard, la langue, la culture et le Code civil, ce qu'on nous
reconnaissait avec l'Acte de Québec.
Voulez-vous bien me dire ce qu'on a gagné pour relever les
défis du XXIe siècle, justement à cause de la
mondialisation des marchés, justement à cause de l'abolition des
frontières économiques, justement à cause de la
globalisation économique, et ce qu'il nous faut d'instruments? Moi, j'ai
relu la semaine passée, avec beaucoup de plaisir, les mémoires
présentés devant la commission Bélanger-Campeau par des
intervenants économiques majeurs dans notre société comme
la Chambre de commerce du Québec, comme la Chambre de commerce de
Montréal, comme le Conseil du patronat, comme le Forum pour l'emploi, et
c'est passionnant. J'aimerais ça, tantôt, vous en citer des bouts.
M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion de le faire pour vous
rappeler ce que disent ces intervenants économiques.
Tenez, par exemple, la Chambre de commerce du Québec, et je cite:
«L'une des sources majeures de l'explosion des dépenses
fédérales est le pouvoir général de
dépenser. La duplication des ministères dans les deux
sphères de gouvernement est généralisée. Nous avons
deux ministères dans chacun des domaines de la culture, de la science,
de la technologie, de la justice, de l'immigration, du travail, de la
main-d'oeuvre, du revenu, de l'industrie et du commerce, des institutions
financières, de la santé, du bien-être social, de
l'énergie, des ressources, de l'agriculture, deux ministères de
l'environnement, des transports, des loisirs, des communications, des affaires
urbaines et même des affaires extérieures.» Ce n'est pas
surprenant que ça coûte si cher d'impôts.
Et qu'est-ce qu'ajoute la Chambre de commerce du Québec?
«Les chevauchements de compétence entre Ottawa et Québec
sont nombreux, et leurs conséquences sont excessivement coûteuses
et ajoutent plusieurs milliards de dollars, en pure perte, aux dépenses
fédérales et provinciales combinées qui, si elles
étaient réalisées, ces économies feraient
disparaître une fraction non négligeable du déficit. On
assiste, ajoute la Chambre de commerce, à un chevauchement
généralisé des efforts, à un dédoublement
invraisemblable des programmes et des coûts découlant d'une
concurrence effrénée entre les deux niveaux d'administration. On
ne peut en dégager aucune politique globalement cohérente, mais
on peut aisément diagnostiquer un extraordinaire gaspillage de
ressources humaines et financières.» Et la Chambre de commerce
réclamait des pouvoirs jugés essentiels à la relance de
l'économie et de l'emploi au Québec. (16 h 40)
Et, M. le Président, c'est de la tricherie quand on nous dit
qu'il faut voter oui pour qu'ensuite on s'occupe d'économie. C'est de
la
tricherie, parce qu'il n'y a aucun pouvoir déficient qui sera
corrigé et aucun nouveau pouvoir essentiel à la relance de
l'économie et de l'emploi dans le domaine de la main-d'oeuvre, dans le
domaine de la recherche et du développement, dans le domaine de
l'innovation technologique. M n'y a aucun de ces nouveaux pouvoirs tant
réclamés par des gens qui ne sont pas des souverainistes, et qui
l'étaient aussi par le Parti libéral lui-même, il n'y a pas
si longtemps. Il n'y a aucun de ces pouvoirs importants qui nous ont
été reconnus. Ce n'est pas surprenant, dans un sens, aussi, parce
que, dans le fond, ce qui est présenté, c'est la job de 1982 que
les provinces anglophones, entre elles, sont à terminer.
C'était quoi, finalement, la job de 1982? C'était le
rapatriement unilatéral d'une Constitution qui nous a été
imposée, qu'on n'a jamais signée, mais dans laquelle il manquait
un principe auquel le Canada, lui, croit, et qui n'est pas celui auquel
même les fédéralistes d'ici s'accrochent. Ici, le
fédéralisme reposait sur une vision du Canada ayant à
coeur l'égalité des deux peuples fondateurs. C'est tout à
fait autre chose, c'est tout à fait autre chose dont il est question
maintenant. Ce qui remplace l'égalité des deux peuples
fondateurs, c'est l'égalité des 10 provinces. Ça veut
dire, concrètement, que l'île-du-Prince-Édouard - c'est
grand comme Longueuil; en d'autres termes, le comté de M. le
député de Mont-Royal et le mien, c'est l'équivalent des
électeurs de l'île-du-Prince-Édouard - ils vont avoir un
droit de veto aussi, comme les nombreux droits de veto du ministre de la
Justice; ils vont avoir également le même nombre de
sénateurs pour siéger au Sénat. Quand nos 25 %, que nous
avions depuis 50 ans, qui sont confirmés, maintenus, vont siéger
avec les sénateurs, on va se retrouver en très, très,
très grande minorité sur ces questions qui sont jugées
importantes, sur des questions qui seront même jugées
névralgiques et stratégiques. Donc, c'est finalement, tout compte
fait, au mot à mot, ce que les premiers ministres anglophones ont
convenu entre eux le 7 juillet que notre premier ministre a finalement
endossé. Mais il n'est pas question que nous, on endosse ça, ni
les gens raisonnables dans notre société.
Ce n'est pas surprenant que le président de l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec, M.
Nicolet, ce n'est pas surprenant que le représentant de l'Union des
municipalités du Québec, M. Beaumier, ce n'est pas surprenant
qu'ils aient dit non, parce qu'eux savent à quel point les
régions ont besoin de pouvoirs essentiels pour se développer.
C'est ce qu'on appelle la dévolution. Ils en ont besoin parce que, sans
ça, c'est de la tricherie de dire qu'on va s'occuper d'économie.
En quoi ils pourraient s'occuper plus, après, de ce qu'ils ne se sont
pas occupés depuis sept ans? Pendant les deux dernières
années, ils ne sont pas allés aux négociations, ils
n'étaient pas dans la Constitution. Ils auraient eu le temps, pourtant,
de s'en occuper. Pourquoi ils ne l'ont pas fait? Parce que, finalement, ce qui
empêche, justement, le Québec d'agir efficacement pour relancer
l'économie et l'emploi, c'est le carcan extrêmement coûteux
et inefficace dans lequel il est condamné à évoluer au
sein du fédéralisme canadien. La restructuration urgente, qui a
été instamment réclamée par tous les intervenants
économiques, encore une fois, dont la Chambre de commerce de
Montréal et la ville de Montréal, devant la commission
Bélanger-Campeau, cette restructuration urgente, elle est
complètement laissée de côté dans ce qui nous est
proposé.
Je vous parlais, M. le Président, de ce qui s'échange
actuellement comme correspondance entre le premier ministre du Québec et
le premier ministre du Canada, dans ces secteurs névralgiques. Je vous
rappelais qu'en matière de main-d'oeuvre, contrairement à ce qui
est dit, et en matière de culture aussi... Imaginez qu'en matière
de culture... Ça peut peut-être surprendre ceux qui nous
écoutent, d'avoir l'impression que, d'un côté ou de
l'autre, on dit exactement le contraire. Mais ce n'est pas surprenant, parce
que, quand vous lisez, finalement, la proposition, vous vous rendez compte que,
dans ce brouillon, il y a une chose qui est dite et son contraire en même
temps et que, finalement, c'est comme si on parlait des deux côtés
de la bouche parce que d'un côté, comme la ministre de la culture
le rappelait, oui, ça confirme la compétence exclusive du
Québec en matière de culture, mais le paragraphe suivant,
ça explique qu'Ottawa va rester dans le domaine des grandes
institutions, comme avant. Puis, le paragraphe d'après, ça
explique que les nominations, dans ces grandes institutions
fédérales, au Sénat, vont se faire au Sénat
où, justement, on va être extrêmement minoritaires.
Là, comment se fait-il que le Sénat pourrait faire des
ratifications de nominations ou envisager de voter sur des questions qui ont
des aspects linguistiques ou culturels, quand ça serait supposé
être d'un domaine de compétence exclusive du Québec. C'est
parce que ça parle des côtés de la bouche en même
temps, cette proposition-là, et, en matière de main-d'?uvre,
c'est encore plus évident.
Ce que ça dit en matière de main-d'oeuvre, dans un
contexte, n'oubliez pas, là, où il y a 425 000 chômeurs qui
reçoivent actuellement, au moment où on se parle, de
l'assurance-chômage, où il y a au-delà de 240 000 personnes
aptes au travail qui ont épuisé leur chômage et qui sont
rendues à l'aide sociale et alors que, dans notre société,
on a plus de 600 000 hommes et femmes disposés, disponibles, prêts
à travailler et qui sont sans emploi... L'aggravation de la situation
est telle que, depuis un an à Montréal, juste dans la
région métropolitaine, on a 43 % de tous les chômeurs du
Québec.
Imaginez que, dans un contexte comme
celui-là où, par exemple, à Montréal, 53 %
des adultes n'ont pas terminé un cours secondaire, dans un contexte
où, justement, on s'en va compétitionner avec des
sociétés extrêmement équipées comme
l'Allemagne, comme le Japon, comme l'Italie et comme toutes les autres, on
arrive, nous, avec, finalement, deux gouvernements qui se chevauchent, qui se
piétinent, qui se pilent sur les pieds et qui vont, finalement,
continuer à le faire.
En matière de main-d'oeuvre, on sait très bien que ce
qu'il nous faudrait, c'est un guichet unique pour toutes les personnes sans
emploi, indépendamment de la couleur de leur chèque, qu'elles
soient sur l'assurance-chômage, qu'elles soient sur l'aide sociale ou
qu'elles ne reçoivent pas de chèque justement parce qu'elles ont
un conjoint qui travaille, puis qu'elles ne peuvent pas le recevoir. Ce qu'il
nous faut donc, c'est un guichet unique. Mais, ce n'est pas ça que dit
l'entente ou la proposition, le brouillon, là, qui nous est
proposé. Ce que ça dit, c'est: En matière de formation de
la main-d'oeuvre, ce sera la compétence exclusive du Québec, mais
en matière d'assurance-chômage et de services connexes, on va
consacrer, constitutionnaliser l'activité fédérale, en
n'oubliant pas qu'à chaque année maintenant Ottawa diminue de 100
000 000 $ par année son budget dans la formation de la main-d'oeuvre et
transfère de plus en plus les fonds qui sont utilisés par la
caisse d'assurance-chômage dans laquelle il ne met plus un sou depuis
deux ans.
C'est assez dramatique de voir que le premier ministre et son ministre
de la Main-d'oeuvre - et c'est répété par des gens ici
dans cette Assemblée - s'accrochent après le fait qu'on a au
Québec 33 % des chômeurs canadiens. Ils s'accrochent après
ça pour nous vanter les mérites du fédéralisme.
Ça devient payant, le Canada, parce qu'on a plus de chômeurs
qu'ailleurs, puis il faut rester dans le Canada pour pouvoir avoir les
prestations de chômage.
Mais ce qu'on oublie de nous dire, c'est qu'on arrive au dernier rang de
toutes les provinces canadiennes, y compris les Territoires du Nord-Ouest, en
matière d'investissements fédéraux créateurs
d'emplois. Et ça, ce n'est pas moi qui le dis, mais j'ai pu le lire dans
une étude réalisée par les quatre premiers ministres des
provinces atlantiques qui étaient convaincus que nous, on en recevait
plus que les autres, mais qui, suite à cette étude, ont pu
finalement constater qu'en matière d'investissements créateurs
d'emplois on est au dernier rang. En matière d'investissements
fédéraux dans la recherche et le développement, nous
n'avons que 17 % encore l'an dernier, quand nous représentons pourtant
24 % de la population, puis on sait que la recherche et le
développement, à l'aube du XXIe siècle, c'est ça
qui crée des vraies jobs payantes dans des sociétés
industrielles avancées comme les nôtres, qui ont à
commercer avec des gens qui peuvent venir d'ailleurs leur vendre des produits
moins chers.
Alors, imaginez qu'on perd des milliards, et ce n'est pas loin de 2 000
000 000 $ en investissements créateurs d'emplois et qu'on va s'accrocher
aux 1 200 000 000 $ qu'on reçoit en prestations
d'assurance-chômage. C'est humiliant, c'est extrêmement humiliant
d'avoir à écouter des propos comme ceux-là, M. le
Président, surtout que, finalement, ce qu'on nous dit maintenant, c'est
que non seulement avec un oui il n'y a rien de fini, mais qu'on va essayer
après d'aller chercher un guichet unique. Puis dites-moi pas que ce
serait simplement un premier ministre qui est en sursis à Ottawa, qui en
a, comme on le sait, pour à peu près six mois, n'est-ce pas, et
qui dit, d'ailleurs, parce qu'on a aussi la correspondance de M. Mulroney, que
les négociations vont commencer, imaginez-vous, en matière de
main-d'oeuvre... Qu'est-ce que c'est qu'il pourrait aller chercher qu'il n'a
pas pu avoir, M. Bourassa, là? Qu'est-ce qu'il va pouvoir aller chercher
de plus? Et ça serait signé six mois après que toutes les
provinces ont elles-mêmes endossé ça dans leur
législation. Alors, M. le Président, on voit bien que ce qui est
plus prudent, c'est de dire non. Je vous remercie. (16 h 50)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je vous rappelle que nous
sommes à discuter de la motion du premier ministre relativement à
la question référendaire. Je reconnais, à partir de
maintenant, M. le député de Mont-Royal, ministre des Affaires
internationales. Vous avez droit à 20 minutes, M. le ministre.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. C'est avec un vif
sentiment de fierté que je participe aujourd'hui à un
débat qui me tient à coeur, soit celui de l'avenir du
Québec et du Canada. Nous faisons face, encore une fois, à un
référendum qui déterminera l'avenir de notre
société. Comme tous les membres de cette Assemblée, je
suis profondément attaché au Québec. Je suis fier de ses
valeurs, de ses traditions, de son histoire, de son évolution, de sa
qualité de vie et de toutes les composantes de sa
société.
En tant que ministre des Affaires internationales, comment puis-je
exprimer cette fierté? Une des meilleures façons de le faire est
lors des missions à l'étranger, qui me permettent de parler du
Québec comme d'une société unique et de rappeler la
Révolution tranquille qui a transformé une société
dont l'économie était essentiellement agricole en une
économie industrielle et technologique. C'est avec enthousiasme que je
parle des expertises que le Québec a développées dans de
nombreux domaines tels que la biotechnologie, les
télécommunications, l'informatique, les pâtes et papiers,
l'aéronautique, l'aérospa-
tiale, l'agro-alimentaire, tous les secteurs d'une économie
moderne. Je parle aussi de la culture québécoise et de son
rayonnement dans le monde entier. Je parle des institutions dont elle s'est
dotée, comme la Caisse de dépôt, la SGF, la SDI,
Hydro-Québec. Je parle des relations particulières qui existent
entre le secteur privé et le secteur public et de l'approche du
Québec dans le développement économique. Et, quand je
parle du Québec, je parie de son peuple et des composantes de sa
société. J'en parle comme d'une société
majoritairement francophone, composée d'une communauté anglophone
importante et de communautés culturelles qui toutes ensemble contribuent
à la richesse du Québec, à sa diversité et à
son épanouissement.
Tout cela définit le Québec et fait du Québec non
seulement une société distincte, mais aussi, à mon avis,
une société unique au monde. Ce message, cette vision du
Québec, je les ai promus à travers le monde: en Europe, en Asie,
au Moyen-Orient, en Amérique latine. Je l'ai fait pour tisser des liens
avec les autres pays, pour faire la promotion de notre culture, de notre
commerce et de notre potentiel industriel, pour mieux faire connaître le
Québec, son peuple, ses institutions, ses valeurs et pour créer
des relations internationales basées sur la connaissance mutuelle.
Quand je considère tout ce que le Québec a accompli au
cours de son histoire, que j'examine l'accord du 28 août et que
j'écoute ceux qui se prononcent pour ou contre l'entente, une chose me
frappe et spécialement de la part de ceux qui y sont
défavorables. M. le Président, les détracteurs ne parlent
que de la récupération des pouvoirs. Comme si cela était
le seul élément important dans la constitution d'un pays.
À mon avis, il s'agit-là d'un faux débat. Bien sûr,
cet aspect est important et l'accord se penche sur cet aspect en
protégeant les intérêts du Québec. Mais la
récupération des pouvoirs n'est pas tout. Pour ceux qui appuient
l'option indépendantiste ou un État souverain avec certains liens
avec l'autre ou les autres États souverains, on ne pourra jamais obtenir
assez de pouvoirs. Ils sont toujours insatisfaits. Ils veulent obtenir tous les
pouvoirs. Alors, quand ils affirment que l'accord ne donne pas assez de
pouvoirs au Québec, méfiez-vous. Ils ne croient pas au Canada,
ils ne croient pas au fédéralisme canadien.
Je le répète, M. le Président: La
récupération des pouvoirs n'est pas le seul élément
à considérer dans cette entente. En effet, il faut aussi tenir
compte du fait qu'il est avantageux pour le Québec de faire partie du
fédéralisme canadien. Et cette entente nous permet de continuer
à nous épanouir, à développer notre plein potentiel
dans le cadre du renouvellement de la Fédération canadienne. Il
me semble qu'on ne parie pas assez du Canada, de ce qu'il représente
pour nous et de ce que signifie notre appartenance au fédéralisme
canadien. On essaie de créer une atmosphère où on doit se
sentir mal à l'aise de parier du Canada. On semble avoir
créé une atmosphère où il est démodé
de parier du Canada. Pourtant, on parie d'un pays que nous avons fondé
et contribué à bâtir. Tout à l'heure,
j'évoquais le message que je transmets dans les autres pays au sujet du
Québec et de la fierté avec laquelle je le fais.
En tant que ministre des Affaires internationales, il me revient - et je
suis en mesure de le faire - de vous faire part de l'inquiétude de nos
partenaires internationaux face à notre situation constitutionnelle.
Dans tous les pays où j'ai eu des entretiens avec des hommes politiques,
des investisseurs, des leaders d'opinion, on me pose les mêmes questions:
Que se passe-t-il chez vous sur le plan constitutionnel? Est-ce que le
Québec va devenir politiquement indépendant? Allez-vous vraiment
démembrer le Canada? Tous, sans exception, me font part de leurs
préoccupations sur l'avenir de notre société.
Comment expliquer cette réaction? Parce que le Canada jouit d'une
excellente réputation dans le monde entier et que son importance va bien
au-delà de la population de 26 000 000 d'habitants. La perception du
Canada est celle d'un pays prospère, tolérant, qui a toujours
travaillé et appuyé les efforts de paix dans le monde. Ce n'est
pas par hasard si les Nations unies ont désigné le Canada comme
étant le pays bénéficiant du meilleur niveau de vie au
monde. Le Canada est perçu comme la nouvelle terre promise. Notre pays
est devenu un symbole pour le monde entier, un symbole
d'intégrité, de tolérance, de paix sociale, d'ouverture et
de puissance économique. Le monde ne comprend pas pourquoi le
Québec voudrait démembrer le Canada et mettre fin à un
pays qui fait l'envie du monde entier. Nos partenaires ont peine à
croire que l'expérience canadienne pourrait échouer.
Tout en étant conscients de cette réalité, il est
clair que nous devons prendre nos décisions nous-mêmes, et ce,
dans nos propres intérêts. Ce ne sont pas nos partenaires
étrangers qui vont nous dicter quoi faire ni quoi décider pour
notre avenir. C'est à nous qu'il revient de le faire.
Mais examinons un peu l'importance des Affaires internationales, ce que
cela représente pour nous et comment nos intérêts sont
affectés. Nous vivons dans une ère d'interdépendance. On
ne peut pas vivre en vase clos. Lorsqu'on parle de l'importance pour le
Québec de faire de l'international, on met certes en évidence la
nécessité de s'ouvrir sur le monde et de tirer partie du nouvel
ordre économique mondial. Mais, faire de l'international, c'est aussi et
surtout assurer notre avenir. Au plan économique, un tiers de nos
emplois dépendent de nos exportations. De plus, les investissements
étrangers sont une source importante pour la création
d'emplois.
Le lien fédéral. Faire partie du Canada nous
fait non seulement bénéficier de l'excellente
réputation du Canada à travers le monde, mais il nous donne
également un accès privilégié dans le monde entier.
Par exemple, si le Québec a été un des premiers à
être présent en Europe de l'Est, c'est grandement dû
à l'étroite collaboration que nous avons eue avec l'ambassadeur
canadien, avec les représentants canadiens qui nous ont appuyés
dans la signature d'ententes et dans l'accroissement de notre présence
dans leurs pays respectifs, comme la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la
Pologne, la Russie. Je pense à l'ambassadeur à Bangkok, M. Arthur
Perron, qui nous a été d'un précieux concours dans le
projet de 2 000 000 000 $ de SkyTrain avec SNC. Je pourrais parler de
l'ambassadeur, Paul Lapointe, à Ankara, pour un autre projet de 660 000
000 $. C'est d'ailleurs en compagnie de M. Perron que je suis allé au
Viêt-nam où, grâce à sa collaboration, à
l'importance que le Canada a pour ces pays, le Québec a fait une
percée avec le Mouvement des caisses populaires Desjardins et des PME
québécoises. En Chine, c'est grâce encore à l'appui
indéfectible des représentants de l'ambassade et de la
réputation du Canada que le Québec a signé une entente
avec la province du Hubei, et que des entreprises québécoises ont
décroché des contrats de plus de 300 000 000 $ qui
créeront 5000 nouveaux emplois (années-personnes) dans le secteur
de l'hydroélectricité au Québec. Je pourrais faire une
autre liste et vous en parler davantage, mais le temps ne me le permet pas. (17
heures)
M. le Président, il importe de mesurer pleinement l'ampleur du
soutien indéfectible dont nous assurent non seulement les ambassadeurs
canadiens qui agissent de concert avec nos délégués
québécois dans le développement de nos activités
internationales, mais ce qui nous apporte un appui, c'est l'excellente
réputation du Canada; il s'agit d'une force exceptionnelle dont le
Québec ne saurait se priver, car c'est dans le cadre de la Constitution
actuelle que nous avons pu réaliser toutes ces activités
internationales. Si, par le fruit de nos efforts, nous avons pu accomplir tant
de réalisations, c'est parce que nous faisons partie d'un des pays les
plus respectés au monde. La force du Canada devient notre force, et nous
en bénéficions tous. Tous ceux, au Québec, qui ne veulent
pas le démembrement du Canada - et je suis persuadé que la
majorité de la population du Québec ne le veut pas - savent que,
ce qui est important pour le Québec, c'est sa force politique au sein de
la Fédération canadienne. Nous avons déjà une force
politique et celle-ci est renforcée, est garantie par le nouvel accord.
Oui, il est avantageux pour le Québec de faire partie du Canada, tant
pour son rayonnement au niveau international que pour son développement
économique et culturel.
Prenons, par exemple, la politique commer- ciale. Dans toutes ces
questions qui sont déterminantes pour notre développement, le
Québec est un interlocuteur de poids au sein du Canada. C'est lui qui
détient le leadership canadien. Qu'il s'agisse de l'ALENA, de l'entente
de libre-échange avec les Américains ou du GATT et des
négociations qui en découlent, le poids politique du
Québec est bien réel. À preuve, la position prise par le
Canada dans ces dossiers reflète fidèlement la vision et les
intérêts du Québec. D'ailleurs, n'eût
été la position favorable du Québec pour l'entente du
libre-échange avec les Américains et l'ALENA, ces accords
n'auraient pas été conclus. Non seulement ces accords ont-ils
été conclus mais le contenu des accords reflète les
positions du Québec, que ce soit dans le secteur de l'agriculture, dans
l'exclusion des industries culturelles ou dans d'autres secteurs importants
pour l'économie du Québec. Seuls, sans le Canada, qu'aurions-nous
pu négocier avec les États-Unis, compte tenu de leur force
économique et de leurs intérêts? Soyons réalistes!
C'est en agissant de concert avec le fédéral que non seulement le
Québec peut faire partie de ces ententes qui affectent tous les
Québécois mais qu'il peut le faire dans des conditions qui
reflètent ses intérêts.
M. le Président, j'aimerais vous entretenir d'un autre aspect de
cet accord qui va renforcer le Québec et nous permettre de faire encore
plus de progrès en tant que société moderne. Je vous parle
de la vision du Québec et du Canada qui est contenue dans l'entente. Car
l'entente ne contient pas seulement des garanties et des pouvoirs additionnels
pour le Québec mais elle contient ce qui est, à mon avis, une
vision de notre société qui va nous permettre de vivre ensemble
et de nous épanouir. Dans l'entente, on reconnaît et on donne des
garanties de cette reconnaissance de la société distincte du
Québec. Par cette entente, on reconnaît et on constitu-tionnalise
cet aspect fondamental du Québec. Ceci touche l'identité d'un
peuple, sa fierté, son histoire, son épanouissement. Il est
important que cet aspect soit reconnu, qu'un individu s'y retrouve, qu'il
puisse être lui-même, sans crainte pour la reconnaissance de son
identité. Ceci est important, et cela fait partie du besoin humain
qu'ont ressenti les différents peuples à travers l'histoire du
monde. La reconnaissance de son identité propre est un besoin humain, et
elle commande un respect fondamental. Ce besoin nous touche toutes et tous, et
le Canada entier doit le reconnaître dans l'accord du 8 août et il
doit y donner suite.
Tout en reconnaissant la société distincte, on
reconnaît aussi les communautés linguistiques, c'est-à-dire
les communautés francophones hors Québec et la communauté
anglophone du Québec. Ceci aussi est important. La communauté
anglophone fait partie intégrante du Québec. Sa contribution
à la vie économique et culturelle ne peut être
minimisée. Je suis convaincu du rôle
important de cette communauté au Québec. Elle fait partie
de la richesse du Québec et elle va continuer à contribuer
à son progrès. L'accord est tout aussi important pour la
communauté anglophone que pour le reste du Québec.
L'accord reconnaît aussi les communautés culturelles. Ces
communautés ont enrichi le Québec tant aux niveaux social,
économique, politique que culturel. Ces communautés sont
profondément attachées au Québec; elles ont choisi de
vivre ici et de contribuer à notre évolution collective. Sans
elles et sans leur apport, le Québec serait moins riche non seulement
dans le sens économique, mais à tous les points de vue. Elles
font partie de ce qu'est le Québec aujourd'hui, de sa force et de sa
vitalité. J'ai souvent observé un certain déchirement au
sein de nos communautés culturelles. Elles se sont longtemps senties
déchirées par leur désir d'être
québécoises à part entière et de vivre pleinement
leur sentiment d'appartenance au Canada. Désormais, les
communautés culturelles pourront jouer un rôle plus important pour
elles-mêmes comme pour l'ensemble du Québec, car elles auront le
sentiment qu'il est possible d'être à la fois
québécois et canadien. Et, selon moi, cette entente devrait
rassurer les Québécois sur la place qu'ils occupent au sein du
Canada et rassurer les communautés culturelles au sujet de leur place au
sein du Québec. Je crois que ceci est un aspect important de l'accord,
de resserrer les liens entre toutes les composantes de notre
société, de vivre en harmonie et de travailler tous ensemble
à l'évolution et au progrès de la société
québécoise.
M. le Président, nous devons appuyer cette entente. Cette entente
comporte des garanties importantes pour le Québec, qu'il s'agisse de la
reconnaissance de la société distincte, de sa
représentativité garantie au Parlement fédéral, des
pouvoirs importants qui ont été récupérés et
fortifiés, soit la main-d'oeuvre, l'immigration, la culture, sans
compter les autres pouvoirs qui s'y ajouteront. Mais ce qui est vraiment
important aussi, c'est le message clair et la vision du Québec et du
Canada que nous procure cette entente.
Le message est très clair. Par cette entente, le Québec
est un partenaire majeur dans la Fédération canadienne et il
détient des garanties et une force politique réellement accrues.
Le message est très clair: le Québec ne veut pas le
démembrement du Canada. En appuyant cette entente, le Québec fait
preuve, aux yeux du monde entier, d'un grand leadership et d'une vision
d'envergure tout à fait exemplaire. En appuyant cette entente, il
démontre qu'il est possible de vivre ensemble dans un pays tout en
étant tolérants, ouverts, profondément attachés au
respect des valeurs humaines et soucieux de son développement
économique, social et culturel.
M. le Président, chaque Québécois, quelle que soit
son origine, qu'il soit descendant de ceux qui ont découvert et
fondé ce pays, qu'il soit l'un de ceux qui ont su conserver les valeurs
traditionnelles du Québec, qu'il soit l'un de ceux qui ont
cultivé la terre d'une génération à l'autre, qu'il
soit de toutes les régions du Québec ou qu'il soit arrivé
dans ce pays en provenance de tous les coins du monde pour y faire sa vie,
devrait être fier de voter oui à cet accord. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre,
de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur la question
référendaire proposée par M. le premier ministre, et je
reconnais Mme l'adjointe parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie et députée de
Kamouraska-Té-miscouata. Mme la députée, la parole est
à vous.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. le
Président, j'écoutais avec beaucoup d'attention mon
collègue, le députée de Mont-Royal, parler de l'entente,
telle que négociée le 28 août dernier, et parler aussi des
implications internationales du Québec, de sa volonté de
travailler et de ce qu'on fait déjà au niveau international. Je
résumais ça en disant que, effectivement, je pense que le
Québec et le Canada font partie d'un grand monde, d'un monde où
il faut être présent partout et où notre jeunesse aura
besoin d'être présente partout. L'entente du 28 août dernier
est, à mon avis, une base importante pour mettre en place des cartes qui
vont nous permettre d'avancer et permettre à la jeunesse du
Québec d'avancer. (17 h 10)
M. le Président, quand j'ai regardé, pour la
première fois, l'entente du 28 août dernier, je me suis dit: Je ne
suis pas une constitution-naliste, je ne suis pas une avocate. Qu'est-ce qui
est important pour moi dans cette entente-là et qu'est-ce qui est
important pour mon comté dans cette entente-là? Parce que, comme
députée à l'Assemblée nationale, je
représente Kamouraska-Témiscouata et je me suis dit: Si cette
entente apporte des choses, fait bouger, avancer
Kamou-raska-Témiscouata, donc cette entente fait avancer le
Québec et fait avancer le Canada.
M. le Président, quand je me suis dit: Qu'est-ce qu'on a dans
cette entente qui est important? premièrement, j'ai regardé
Meech. Bien sûr, Meech, c'était ce qui avait été
négocié et, malheureusement, ce qui ne s'est pas finalisé
parce que deux provinces se sont retirées de cette entente. Mais Meech,
on le retrouve dans l'entente du 28 août dernier; ça, c'est
important. Quand on pense à la société distincte - et je
reviens là-dessus: moi, je ne suis pas avocate ni constitutionnaliste -
je me suis dit: À qui puis-je me référer quand je parle
à mes commettants et
à mes commettantes de mon comté pour parier de
société distincte? Quand je regarde un juge comme le juge
Deschênes dire: «Société distincte: le Québec
doit se réjouir du gain certain qu'il réalise», alors, je
me dis que, si un juge qui était à la Cour supérieure du
Québec peut dire une chose semblable - je pense que c'est une personne
crédible - on peut le respecter et on peut respecter sa parole. Quand je
parle de société distincte, M. le Président, je pense
qu'on parie de valeurs qui sont québécoises. On parie de culture,
on parie de langue, on parie de Code civil et on parie aussi de l'importance de
ce qu'on est comme société. Si je me souviens bien, je ne
voudrais pas faire d'erreur, c'est même Jacques-Yvan Morin qui a dit
qu'une société, c'était un mot plus important qu'un
peuple. Alors, une société distincte, telle que définie
dans l'entente, c'est important. Je suis heureuse de réaliser que le
juge Deschênes a donné une opinion là-dessus, et que c'est
un gain important pour le Québec.
Quand on parie d'immigration, M. le Président, vous allez me
dire: Dans Kamouraska-Témiscouata, l'immigration, ce n'est pas aussi
important que si on est dans la région de Montréal. Mais ce que
je peux vous dire, M. le Président, c'est que, dans mon comté, on
se dit que l'immigration, c'est important parce qu'on est voisin du Maine,
qu'on est voisin du Nou-veau-Brunswick et qu'il y a des francophones
là-bas et des francophones qui sont originaires du Québec. Quand
on parie d'immigration, on parie d'un noyau de francophones, la francophonie
peut-être de la Seigneurie du Madawaska qui est importante. On se dit: Si
l'immigration peut nous aider à développer la région,
bien, tant mieux. Tout le programme des immigrants investisseurs que le
Québec a mis de l'avant, c'est important. Si on peut choisir nos
investisseurs, nos immigrants, et qu'ils peuvent venir chez nous, comme les
gens du comté sont en train de préparer des projets, je pense
qu'on va avancer dans le comté. Donc, par le fait même, les
régions du Québec vont avancer.
Dans Meech, il y a aussi la Cour suprême. On parie de la Chambre
des communes, du Sénat, et on parie du droit de veto. C'est des choses
importantes et les pouvoirs de l'Assemblée nationale qui sont importants
et qui sont cons-titutionnalisés. Ce sont des points importants que l'on
devait avoir dans la Constitution et que, là, maintenant, on va avoir.
Mais, quand on parie de Meech, c'est ça qui est le plus important, je
pense, pour Kamouraska-Témiscouata, pour la population de chez nous,
c'est de voir le partage des pouvoirs.
Moi, j'aimerais revenir aux négociations en tant que telles. En
fin de semaine, des gens de mon comté m'ont dit: France, explique-nous
donc un peu les négociations. Comment ça s'est passé?
Qu'est-ce qui est arrivé? Pourquoi on parle d'unanimité? On parie
de 7-50, c'est mêlant.
Quand on regarde les pouvoirs qui ont été
négociés... L'entente, c'est pour ça qu'elle est
importante, parce qu'on avait des points qui devaient être
négociés à l'unanimité. Ces points n'étaient
pas faciles parce que, dans ces points, on reconnaissait les différences
qu'on retrouve à travers le Canada. C'est important que cette
unanimité se fasse. Quand on parie du Sénat, quand on parle des
autochtones, quand on parie de la société distincte, ce sont des
points importants qui devaient se régler à l'unanimité.
Toutefois, quand on parie du partage des pouvoirs, on sait fort bien que ce
partage des pouvoirs peut se négocier à 7 provinces ou 50 % de la
population. Alors, c'est beaucoup plus facile de parier du partage des pouvoirs
quand on s'est entendu sur des grands principes. Dans ce sens-là, je
pense que le partage des pouvoirs, qui est dans l'entente du 28 août
dernier, est un pas très important qui va nous aider, et tout
spécialement dans Kamouraska-Témiscouata.
Mais, avant de parier du partage des pouvoirs, j'aimerais revenir sur
l'entente qui s'est faite au niveau de l'autonomie des autochtones. Seulement
un mot pour vous rappeler une chose, M. le Président. Vous vous
souviendrez qu'à la Confédération de 1867, les
Pères de la Confédération avaient travaillé
très fort afin d'aider à délimiter les pouvoirs, comme ils
les connaissaient à ce moment-là, et d'essayer de donner une
place importante aux autochtones, tel que c'était vu aux Indiens du
temps. Et, dans ces Pères de la Confédération, il y avait
Jean-Charles Chapais, alors député de Kamouraska, qui
était un des Pères de la Confédération, en
même temps que Cartier et Langevin, et qui a travaillé beaucoup
sur cette entente, cette Constitution canadienne.
Bien sûr, on n'avait pas pu trouver le moyen, la façon de
donner aux autochtones les pouvoirs ou ce dont ils avaient besoin pour se
développer et être respectés. Aujourd'hui, dans l'entente
du 28 août dernier, je pense qu'on a vraiment précisé un
cadre de travail intéressant, qui plaît, oui, aux autochtones et
qui permet en même temps de préserver nos lois, tant provinciales
que fédérales, et qu'elles soient respectées. Alors, je
pense, M. le Président, que, dans cette entente, on a pu donner, on a pu
trouver une solution qui était tant attendue chez les autochtones et qui
va, à mon avis, permettre d'avoir un meilleur climat au Québec
autant qu'au Canada.
Vous savez, M. le Président, que ce soit au Québec ou que
ce soit en Colombie-Britannique, on sait qu'il y avait eu des
différences d'opinions, qu'il y a eu des problèmes au niveau du
travail en forêt en Colombie-Britannique. C'était, je pense, un
dossier fort important, et il fallait trouver la solution, il fallait trouver
l'entente qui pouvait correspondre à ce dont ils avaient besoin, tout en
préservant nos lois, et on l'a fait.
Quand on parle, M. le Président, des pouvoirs, du partage des
pouvoirs, j'aimerais attirer votre attention, parce que, pour
Kamou-raska-Témiscouata, c'est important au niveau de la formation et du
perfectionnement de la main-d'oeuvre. Je vais m'expliquer, M. le
Président, en vous donnant l'exemple d'un cours qui s'est donné
en soudure, l'année dernière, pour des travailleurs en
chômage de Bombardier. C'est important, vous allez voir, M. le
Président, comment je suis heureuse qu'on ait clarifié que,
maintenant, on sait que c'est de compétence exclusive du Québec.
C'est que, l'année dernière, ce cours a demandé la
collaboration de mille et un intervenants. On avait le centre d'Emploi et
Immigration Canada, le centre Travail-Québec, la CFP, le centre de
formation professionnelle; on avait la commission scolaire de
Rivière-du-Loup, celle de La Pocatière; on avait les gens qui
étaient de chez Bombardier, un comité de reclassement. En fait,
pour 20 travailleurs, afin de pouvoir leur faire commencer un cours de
formation en soudure, il a fallu avoir 30 personnes qui se retrouvent autour
d'une même table. Ça n'a pas d'allure, M. le Président.
Beaucoup trop d'administration, hein, pour donner un cours de soudure, dans cet
exemple-là, pour Bombardier.
Alors, il fallait effectivement trouver une façon de travailler
qui soit beaucoup plus facile et le guichet unique, tel que proposé par
le ministre de la formation de la main-d'oeuvre, je pense que c'est vraiment,
dans chacune des régions du Québec, une façon beaucoup
plus efficace de travailler et beaucoup plus fonctionnelle. Par contre, M. le
Président, il ne faut pas avoir des oeillères et, d'ailleurs,
pour ce même cours de soudure, les normes qu'on a appliquées pour
le diplôme ne sont pas des normes provinciales, mais bien des normes
canadiennes. Oui, M. le Président. Pourquoi on a besoin de normes
canadiennes? Parce que ces soudeurs-là, qui travaillent chez Bombardier,
doivent exécuter des travaux qui doivent être conformes aux normes
non seulement du Québec, mais partout à travers le Canada et
même en Amérique du Nord, sinon en Europe.
Alors, quand on parle de normes nationales, M. le Président, et
que nos amis d'en face nous disent: On n'a pas besoin de ça, des normes
nationales, bien, je vous dis que les travailleurs de chez Bombardier en ont
besoin de ces normes-là, et plus les normes seront sévères
et plus elles seront internationales, plus ce sera important, puis plus ils
pourront être compétitifs, et le travail sera de qualité.
Alors, pourquoi, M. le Président? Parce que les marchés sont
internationaux et qu'il faut vraiment que nos travailleurs aient les outils
nécessaires pour remplir les commandes et bien servir leurs clients qui
sont de partout.
Alors, M. le Président, moi, je suis bien heureuse que la
formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre deviennent clairement de
compétence exclusive du Québec. Je pense que ça va
faciliter les choses. L'argent va venir pour aider à faire ça et
je pense que ça va être beaucoup plus facile pour nos gens qui ont
besoin de se recycler. (17 h 20)
Si on parle de la culture, M. le Président, je pense que c'est
quand même important et j'aimerais souligner à votre attention, M.
le Président, que c'est le gouvernement libéral, dans son premier
mandat, qui a mis de l'avant le statut de l'artiste, et c'est le même
gouvernement libéral qui, au mois de juin dernier, a sorti la politique
culturelle, une première au Québec, sinon au Canada. Ce n'est pas
nos amis d'en face qui ont des grands discours culturels, hein, avec les bras
en l'air, qui l'ont vraiment faite, cette politique culturelle là. C'est
le gouvernement libéral parce que, pour le gouvernement, ce qu'on fait
de concret est important. Ce n'est pas des discours, c'est de l'action. Et,
dans ce sens-là, d'aller chercher la culture comme compétence
exclusive du Québec, je pense qu'on vient compléter le cadre dans
lequel on peut travailler avec une politique bien définie, avec des
ententes qui vont permettre de faire des choses très concrètes
pour nos artistes un peu partout à travers le Québec.
M. le Président, les télécommunications. Et, je ris
un petit peu quand je parle de télécommunications parce que je
n'ai pas toujours suivi le débat constitutionnel, ce n'est pas un de mes
débats favoris. Mais je me souviens d'avoir ouvert la
télévision un soir et il y avait le premier ministre du temps,
René Lévesque, qui parlait de télécommunications.
Il était à la table constitutionnelle et il demandait la
juridiction exclusive des télécommunications au Québec.
Alors, ça me fait rire quand j'en parle parce que j'imagine, en
même temps que je vous dis ça, M. le Président, vous savez
les satellites qui permettent à nos amis québécois et
canadiens d'écouter Radio-Canada en Floride. Ils le font à partir
de satellites. L'espace spatial, c'est tout petit. Il y a des satellites autant
américains, canadiens qu'européens et russes qui sillonnent le
ciel. Alors, c'est pour vous dire que l'espace spatial, M. le Président,
c'est tout petit.
Ce qu'il était important de faire, au niveau des
télécommunications, ce n'était pas dire: Nous, on veut nos
propres règlements et notre propre encadrement à nous tout seuls,
petits, là. Il fallait s'entendre sur une réglementation. Il
fallait accorder nos violons, M. le Président. C'était ça
qu'il fallait faire. Et je pense que l'entente nous permet de faire ça
parce qu'on va pouvoir avoir une protection constitutionnelle sur nos
règlements, mais s'entendre, c'est encore le plus important. Alors, M.
le Président, les télécommunications, ça nous sert,
ça va nous servir encore beaucoup, puisque le monde est de plus en plus
petit. Mais, avec, je pense, la
protection qu'on va avoir, on va pouvoir mieux travailler de
façon pratique, et c'est ça qui est important. Ce n'est pas les
grands mots, c'est les gestes concrets que l'on pose à tous les
jours.
Dans les autres pouvoirs, M. le Président, qu'on regarde le
tourisme, les forêts, les mines, les loisirs, le logement et les affaires
municipales. C'est important de pouvoir tracer une ligne et de bien travailler,
puisque ce sont des secteurs d'activité que l'on retrouve dans chaque
région du Québec. Tout à l'heure, je voyais le
député de Rivière-du-Loup, qui est ministre des
Forêts. Dans la région du Bas-Saint-Laurent-Gas-pésie, M.
le Président, on a beaucoup d'agents. On compte sur le ministère
des Forêts du Québec, on compte sur Forêts Canada, on compte
sur le Plan de l'Est, on compte sur les groupements forestiers, on compte sur
les syndicats des producteurs de bois. Il y a beaucoup de monde dans le
domaine, M. le Président. Alors, c'était le temps de faire
quelque chose pour simplifier et éviter un paquet de dédales
administratifs, des chevauchements qui n'avaient plus de fin. Si le Plan de
l'Est a été mis sur pied, et le député de
Rivière-du-Loup l'a dit quand il a répondu à une question
en Chambre la semaine dernière, c'est parce que le gouvernement du
temps, de 1984, n'a pas fait ses devoirs. Alors, le gouvernement
fédéral du temps, M. le Président, a dit: II faut faire
quelque chose pour aider l'Est du Québec, il faut empêcher que des
paroisses se ferment. Il faut faire des choses au niveau forestier, et c'est
pour ça que le gouvernement fédéral a pris les devants,
parce que le gouvernement du Québec du temps ne prenait pas ses
responsabilités. Il avait oublié l'Est du Québec, M. le
Président.
Alors, au niveau des forêts, en plus, ce que j'aimerais dire,
c'est que la région, voyant l'importance de se regrouper, a même
commencé à travailler sur une agence de développement
forestier du Bas-Saint-Laurent. Pourquoi? Parce que les gens du milieu ont dit:
Au lieu d'attendre que tout ça se règle, nous, on va se prendre
en main et on va travailler. Alors, l'entente du 28 août, telle qu'elle
est présentement, au niveau forestier, rencontre exactement ce que les
gens du milieu voulaient au niveau forestier dans le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et j'en suis très heureuse.
M. le Président, il est certain que cette entente, si on la
compare, bien sûr, au rapport Allaire qu'on a tous voté au Parti
libéral, n'est pas tout le rapport Allaire, mais, à mon avis, M.
le Président, et après en avoir discuté avec les gens de
mon comté, il est important de commencer à travailler sur une
base intéressante, d'avancer. Vous allez peut-être rire, M. le
Président, mais, quand je regarde mon dossier des routes dans mon
comté, c'est un dossier qui est très important pour les gens de
mon comté, c'est un dossier qui demande des efforts continus, comme le
dossier constitutionnel. Ce n'est pas fini, le dossier constitutionnel. Il va
toujours falloir continuer pour s'arrimer, pour avancer. Bien, les routes chez
nous, c'est la même chose, M. le Président. On travaille sur des
routes, on avance, on améliore la qualité de vie des gens. Dans
un sens, M. le Président, vous et moi, nous sommes élus à
l'Assemblée nationale justement pour aider à améliorer la
qualité de vie des citoyens, tant au niveau économique qu'au
niveau social et environnemental, et où que l'on soit à travers
le Québec.
Alors, M. le Président, l'entente qui a été
signée le 28 août dernier est, à mon avis, bien
négociée. C'est une bonne base de travail. Je pense qu'on peut
faire un bon bout de chemin pour continuer à travailler au niveau
économique, parce que l'économie, que ce soit les investisseurs
de chez nous comme les investisseurs étrangers, ils ont besoin d'un
climat de confiance, parce que, quand on s'arrête à des dossiers
importants, des dossiers sérieux, économiques, on pense à
des injections de fonds. Et le dossier constitutionnel, quand on l'a toujours
avec nous, quand on ne sait pas si on va rester dans le Canada, si, oui ou non,
on va rester, comment les investisseurs réagissent, dans un sens?
Dans le rapport Allaire, M. le Président, il y avait un point qui
touche mon comté que je n'ai pas abordé: l'agriculture. Quand on
pense à l'agriculture, hein, on se dit... Et une question que je dois me
poser en tant que députée: On produit, dans le moment, au
Québec 50 % du lait. On a 50 % des quotas et on est 25 % de la
population. Est-ce que moi-même, en tant que députée dans
un comté rural, je peux confirmer à mes agriculteurs et à
mes agricultrices que ça va rester comme ça demain matin, hein?
Si on écoute nos gens d'en face, non, je ne peux pas leur garantir
ça. Malheureusement, je ne peux pas le garantir. Je ne peux pas le
garantir. Alors, à un moment donné, on doit agir avec
sécurité et avec confiance pour nos gens qui sont là
aujourd'hui et pour demain.
Dans ce sens-là, M. le Président, pour les années
deux mille, je pense que l'entente qui a été
négociée, elle est importante, et c'est un pas, un grand pas vers
l'avant. Il y en aura d'autres à faire, oui, mais celui-là est un
grand pas. Dans ce sens-là, je vais voter oui avec plaisir, avec honneur
et avec fierté, dans le respect des gens de mon comté, celui de
Kamou-raska-Témiscouata. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée, de votre intervention. Alors, nous poursuivons le
débat sur la question référendaire et je cède la
parole à M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le
député, la parole est à vous.
M. Michel Bourdon M. Bourdon: M. le Président, ça
fait un bon
nombre d'années que le gouvernement actuel nous dit qu'il va
aboutir à quelque chose au plan constitutionnel. Pour retrouver le fil
de ce débat, il faut en venir au programme libéral de 1985 qui
parlait de cinq conditions dont M. Bourassa a dit, par la suite, qu'elles
étaient minimales, les conditions dans lesquelles le Québec
retournerait dans la Constitution après en avoir été
éjecté de façon cavalière, en 1982, sous M. Pierre
Elliott Trudeau et par son homme de main, Jean Chrétien, qui habite, qui
hante toujours le paysage politique du Québec et de l'Acadie. M. le
Président, ces cinq conditions minimales contenues dans le programme
libéral de 1985, c'était le caractère particulier du
Québec, ce qu'on a appelé par la suite la société
distincte, la formule d'amendement à la Constitution, qu'on a
également appelée le fameux droit de veto, le pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral, l'immigration et la Cour
suprême.
M. le Président, après son élection, en 1985, le
premier ministre Bourassa a fait une entente avec ses homologues sur le bord
d'un lac, déjà le lac Meech, et c'a donné des conditions
qu'on disait minimales pour rester dans le Canada. L'entente du lac Meech, M.
le Président, les provinces avaient trois ans pour la ratifier.
Rappelons que l'Assemblée nationale du Québec s'est
précipitée la première, à l'instigation de la
majorité libérale, pour adopter l'accord du lac Meech. (17 h
30)
Et on connaît la suite, M. le Président. L'accord a
échoué, et le Québec, les Québécoises et les
Québécois se sont fait humilier, parce qu'on s'est fait dire non
à des conditions qui étaient le minimum du minimum, les plus
petites revendications que le Québec n'a jamais posées dans toute
son histoire, M. le Président. Vous connaissez la suite. La population
du Québec s'est mise à appuyer la souveraineté
jusqu'à 62 %, à un moment donné, parce que l'humiliation a
été profonde. L'humiliation a été causée par
un premier ministre qui, déjà, rampait devant le Canada anglais,
et ne se battait pas dans l'intérêt des
Québécois.
On connaît la suite, M. le Président. En juin, il y a deux
ans, le premier ministre actuel a un sursaut de dignité, et dit: Pour
toujours, les Québécois ont le droit de décider
eux-mêmes de leur avenir. Qu'est-ce qu'il fait? Il forme la commission
Bélanger-Campeau pour qu'on puisse s'interroger collectivement sur le
sens de la présence du Québec dans le Canada, sur l'avenir
politique et constitutionnel du Québec.
M. le Président, les Québécois ont pris le
processus au sérieux. Il y a 600 organismes qui ont déposé
des mémoires devant la commission Bélanger-Campeau. Ce n'est pas
mince, ce n'est pas peu: 600 organismes qui représentaient des millions
de Québécoises et de Québécois. Que disaient-ils,
ces mémoires, M. le Président? Ils disaient, en gros: Ou bien le
Québec obtient des pouvoirs beaucoup plus importants dans le Canada, ou
bien, au plus tard le 26 octobre 1992, on vote sur la souveraineté du
Québec, souveraineté qui serait acquise un an, jour pour jour,
après le référendum.
M. le Président, le premier ministre et les députés
ministériels ont signé le rapport. Dans ce sens-là, M. le
Président, on peut dire que Bélanger-Campeau et le gouvernement
du Québec, ça mettait le couteau sur la gorge au Canada anglais.
Ça disait: Ou on obtient infiniment plus de pouvoirs, en particulier sur
des questions économiques de main-d'oeuvre et autres, ou on va voter sur
la souveraineté.
Maintenant, M. le Président, quand on retourne à cette
époque, il faut bien voir que le premier ministre, M. Bourassa, a mis le
couteau sur la gorge au Canada anglais, mais il a pris le couteau du mauvais
bord. Depuis ce temps-là qu'il saigne, M. le Président! Il a mis
le couteau du mauvais bord, parce qu'avant même de négocier, il
leur a dit: Vous savez, le référendum sur la souveraineté,
je ne le ferai pas, jamais. Mon expérience de syndicaliste m'indique
qu'un président de syndicat qui s'en va négocier en disant au
patron «J'ai parlé d'un vote de grève, mais je ne le
tiendrai jamais», on n'a jamais vu ça donner des résultats
concrets.
Ça, je ne l'invente pas, cette notion-là de la relation
Québec-Canada. Le premier ministre Daniel Johnson le disait: Se
présenter à une table avec le Canada anglais sans la menace de la
souveraineté du Québec, disait-il, c'est comme un syndicat qui
renonce au droit de grève et qui dit d'avance à l'employeur que
jamais il n'ira en grève. Quand on dit: Je n'irai jamais en grève
- en l'occurrence, je n'irai jamais au référendum sur la
souveraineté - c'est dire: Je veux régler à tout prix.
C'est ça que le premier ministre a fait. Il a réglé
à tout prix une proposition de Charlottetown qui est l'offre la plus
humiliante que le Québec n'ait jamais eue dans son histoire, M. le
Président. Evidemment, nos collègues ministériels viennent
à tour de rôle nous dire: Ce qu'on a eu, c'est Meech plus. Un peu
comme à la télévision, quand on voit les annonces Bold
plus, Fab plus ou Tide plus, ils pensent qu'il y a une vertu magique à
dire: C'est Meech plus. Après ça, ils vont nous dire: Ce Meech
plus lave encore bien plus propre. C'est ça qu'il fait, ce
supposé Meech plus, M. le Président, il est en train de nous
laver proprement, profondément.
Reprenons une par une les exigences minimales qui avaient donné
lieu à l'accord du lac Meech. La société distincte, M. le
Président, on l'a édulcorée, et ça fait simplement
dire qu'au Québec on parle français, on a une culture et on a un
Code civil. C'est, en gros, les termes de l'Acte de Québec de 1774, et
c'est trois fois moins que ce qu'Ovide Mercredi a négocié pour
les peuples autochtones.
Et, à cet égard, M. le Président, quand on
dit ça, il y a de nos collègues des banquettes
ministérielles qui prennent l'attitude de dire: Bien, voyons donc! Vous
n'avez pas d'affaire à parler des autochtones. Pourquoi donc, au juste,
on ne pourrait pas en parler, pourquoi? Est-ce notre faute si Ovide Mercredi
sait négocier, lui? Est-ce notre faute si Ovide Mercredi s'est battu
pour les premières nations, lui? Est-ce notre faute si Ovide Mercredi
n'est pas arrivé à la table à quatre pattes en disant
qu'il était prêt à régler à tout prix? Quand
on arrive à une table à quatre pattes, on mange les miettes qu'on
veut bien laisser tomber de la table. Et ce sont des miettes qu'on nous
ramène.
Premièrement, sur la société distincte, on disait,
au moins, dans la version du lac Meech, la version minimale, le «ROC
bottom», pour parler l'autre langue officielle, le minimum des minima des
minima, le moins qu'on puisse avoir avec dignité et dont le premier
ministre nous a dit souvent: II faudra garder la substance de Meech. Eh bien!
dans cette petite clause de société distincte, il était
d'abord dit dans l'accord du lac Meech: «notamment»; que la
société québécoise se définissait
«notamment» par sa langue, sa culture et le Code civil. On trouvait
que c'était trop, de l'autre côté de la table, et on a
enlevé le «notamment». Donc, on a édulcoré une
clause qui n'était déjà pas forte, M. le Président.
Ça, ça a été le premier recul.
Le droit de veto. M. le Président, ce qu'on a fait, en gros,
c'est assez simple. Au lieu que le Québec ait un droit de veto, toutes
les 10 provinces ont un droit de veto. Alors, là-dessus, c'est un recul
manifeste, évident, puisque maintenant le ministre responsable et le
premier ministre nous parlent de cinq, six droits de veto à des
places... on ne sait plus trop où. Mais une chose est certaine, M. le
Président, on avait le droit de veto, dans le lac Meech, sur toute
réforme des institutions fédérales et, maintenant, le
Sénat égal dont on avait dit: Jamais on ne l'acceptera, bien,
là, on l'accepte. Et ça fait que
l'île-du-Prince-Édouard, avec 150 000 habitants, va avoir six
sénateurs, puis IHe de Montréal, avec 1 800 000 habitants, va
avoir un sénateur et demi. Les deux îles ne sont pas
égales. Et on accepte, pour ce qui est de la proposition devant nous, on
accepte pour la première fois de l'histoire du Québec de dire: On
n'est pas un peuple fondateur du Canada, nous, on est une province sur dix, une
province comme les autres. Puis on l'a même écrit, M. le
Président. On a mis dans la clause l'égalité de toutes les
provinces entre elles. Ça, c'est l'autre recul, après celui de la
société distincte. On accepte un Sénat égal qui est
une injustice manifeste, où une province qui a 150 000 habitants, comme
l'île-du-Prince-Édouard, ou près de 7 000 000, comme le
Québec, a le même nombre de sénateurs. À cet
égard-là, M. le Président, le recul est manifeste. On aura
le droit de veto quand les dix provinces l'auront et après une
réforme du
Sénat qui fait passer le Québec d'à peu près
28 % du Sénat canadien à moins de 10 %. Puis, après nous
avoir réduits à la portion congrue au Sénat, M. le
Président, bien, on se dit: À l'avenir, si jamais vous en vouliez
deux de plus que l'île-du-Prince-Édouard, bien, tout le monde a le
droit de veto; alors, l'île-du-Prince-Édouard pourra
l'empêcher.
Une partie de Meech est restée intégrale: le pouvoir de
dépenser du fédéral. Pourquoi, M. le Président?
Ça ne nous donnait rien, ça fait qu'il n'y a personne qui avait
objection à ce qu'on garde cette disposition-là, qui est moins
que rien. (17 h 40)
L'autre item où on recule, M. le Président, c'est
l'immigration. On se rappelle comment on se pétait les bretelles, de
l'autre côté, pour dire: L'entente Québec-Canada en
immigration, entente que la ministre actuelle a conclue avec Mme McDougall et
qui est, en soi, une bonne entente - incomplète: les quotas globaux sont
encore établis par Ottawa, les réfugiés, c'est encore
Ottawa qui en décide - mais ça conférait plus de pouvoirs
au Québec, c'est vrai. L'immigration, M. le Président: recul par
rapport à Meech. C'est tellement réel que le gouvernement a
reculé... Même, le premier ministre a eu beau patiner de reculons,
il a fini par dire: Bien, 95e de l'accord du lac Meech, qui disait que
l'entente Québec-Canada en immigration ne pouvait pas être
modifiée - jamais - sans l'accord de l'Assemblée nationale, on
l'a perdu, 95e. Et il dit: On va essayer de se reprendre avec l'article 38, qui
n'a pas du tout la même portée. C'est donc dire, M. le
Président, qu'en immigration c'est un recul et que si un Jean
Chrétien, pour notre plus grand malheur, devenait premier ministre du
Canada, à l'échéance de l'entente, il pourrait dire: Je
n'en fais plus, d'entente. J'applique les thèses
«trudeauistes» sur l'immigration et vous n'en avez plus, de
garantie.
De l'autre côté de la Chambre, je mets les
ministériels au défi, si jamais, avant le
référendum, la population avait le texte du contrat qu'on veut
lui faire signer en blanc, si jamais la population avait les textes juridiques
de ce que vous nous proposez, je mets les ministériels au défi de
nous montrer, dans le cadre juridique, quoi que ce soit qui ressemble aux
articles 95b, c, d, et e de l'accord du lac Meech en matière
d'immigration. M. le Président, on n'a qu'à regarder l'accord, la
proposition, plutôt - parce que ça ne peut pas être un
accord, ça n'a pas été signé parce que ça
prend l'accord de la population du Québec pour signer; et la population
du Québec, je pense, ne donnera pas cet accord-là - quand on
regarde l'accord du lac Meech et qu'on le compare à ce qui a
été entendu et étudié à Charlottetown,
ça nous donne ceci, M. le Président, au lieu d'un droit concret;
ça nous donne la phrase suivante, et je cite: «II conviendrait
d'ajouter à la Constitution
une nouvelle disposition engageant le gouvernement du Canada à
négocier avec les provinces des ententes en matière
d'immigration.» Et, ça, ça remplace un texte d'une grande
rigueur, qui était dans l'accord du lac Meech, qui se concluait par 95e,
qui disait: «Les articles 95a à 95d peuvent être
modifiés à la condition que la modification soit autorisée
par des résolutions des assemblées législatives de toutes
les provinces qui sont à l'époque de celle-ci parties à un
accord.» Il y a deux provinces qui ont un accord, M. le Président,
l'Alberta et le Québec. Donc, on avait constitutionnalisé
l'entente sur l'immigration, et ça n'apparaît plus dans l'entente
de Charlottetown, à la demande de Clyde Wells devant qui le premier
ministre du Québec a rampé. Il a laissé tomber sa
collègue, la ministre de l'immigration, et il a dit: J'accepte pareil.
Moi, je suis là pour régler à tout prix.
M. le Président, il y a plus grave. Quand on parle d'immigration,
il faut bien parler de la langue d'enseignement pour les immigrants. Or,
à cet égard - et, ça, ce n'était pas dans l'accord
du lac Meech - notre premier ministre a convenu d'une clause Canada, l'article
2, qui dit textuellement: «Toute interprétation de la Constitution
du Canada doit concorder avec les caractéristiques fondamentales
suivantes - et à l'item d, au paragraphe d, on dit: «l'attachement
des Canadiens et de leurs gouvernements à l'épanouissement et au
développement des communautés minoritaires de langue officielle
dans tout le pays.»
Et, M. le Président, le premier ministre nous a dit, ici
même, en juin: Ah! Ce n'est pas grave, ça ne touche pas à
la loi 101. On a mis un paragraphe 2, et je cite, qui dit: «La
Législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de
protéger et de promouvoir la société distincte.» Fin
de la citation. Ça veut dire, M. le Président, que, quand la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a eu le
courage, dans cette Chambre, de dire qu'il n'était pas question d'avoir
deux classes d'immigrants et de permettre que certains immigrants puissent
envoyer leurs fils et leurs filles à l'école anglaise, ce qui a
amené des applaudissements spontanés de l'Opposition officielle,
bien, si la population du Québec avait la faiblesse de voter oui le 26
octobre, la Cour suprême pourrait décider que c'est le libre choix
en matière de langue d'enseignement, parce que le texte dont on a
convenu le permet.
Et, vous savez, le prédécesseur du premier ministre
actuel, Maurice Duplessis avait bien des défauts. Comme nos
collègues d'en face, je n'ai été d'accord à peu
près avec rien, avec Maurice Duplessis, mais il disait: La Cour
suprême, c'est comme la tour de Pise: elle penche toujours du même
bord. S'il y a des ministériels qui ne le croient pas, regardez
plutôt ce qu'a décidé la Cour suprême en
matière de langue d'affichage. Puis, de l'autre bord, on nous disait:
Ça va bien, elle ne peut pas nous rejeter. Elle l'a rejeté, le
Québec.
Et, parlant de juges qui ne sont pas au Québec, regardons le
Labrador, qu'un jugement du Conseil privé, un tribunal de Londres, nous
a enlevé. C'est dire, M. le Président... Quant à la Cour
suprême, justement, on a aussi consenti à moins.
M. le Président, la question qui se pose, c'est que le premier
ministre du Québec, lui, a décidé de régler
à tout prix. Il avait le droit, il avait le droit de ramper, puis il
avait le droit de se contenter de moins que le lac Meech. Parce que, laissez
faire les formules publicitaires sur les cinq conditions de Meech, il y a des
moins sur quatre points. Alors, ce n'est pas Meech plus que vous voulez faire
avaler à la population, c'est Meech moins, moins, moins et moins; quatre
points sur cinq sont moins.
À cet égard, M. le Président, on demande à
la population, aussi, d'entériner une proposition, de signer en blanc un
contrat qui n'existe même pas, parce qu'on a vu, à la
période des questions, aujourd'hui, qu'on n'a même pas fini de
négocier. Donc, M. le Président, c'est un chèque en blanc
qu'on demande à la population. Et je suis heureux de dire que les
libéraux du comté de Pointe-aux-Trembles ont voté contre
l'accord, contre la proposition de Charlottetown, au congrès
libéral, et qu'ils se sont réunis récemment pour dire
qu'ils sont encore contre. Donc, il y a des Jean Allaire, il y a des
libéraux de Pointe-aux-Trembles, il y en a qui ne se renient pas et qui
disent: II faut dire non à une proposition qui est mauvaise, il faut
dire non a une proposition qui réduit le Québec. Puis, pour la
souveraineté, on verra quand un gouvernement qui se tient debout tiendra
un référendum là-dessus.
Mais la proposition est inacceptable, c'est un chèque en blanc,
c'est un contrat en blanc, et le prix que le premier ministre accepte de payer,
nous, on n'est pas prêts à le payer, et la population du
Québec va voter non le 26 octobre.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles, de votre intervention.
Alors, nous poursuivons le débat sur la question
référendaire proposée par M. le premier ministre, et je
reconnais Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Lucienne Robillard
Mme Robillard: M. le Président, le débat qui nous
réunit depuis quelques jours et qui marque pour la société
québécoise une étape significative de son
développement culturel, social, économique et politique me
fournit l'occasion de vous
entretenir quelques instants de certains des motifs qui m'incitent
à dire fermement oui à la nouvelle entente constitutionnelle du
Québec, qui a été conclue entre le premier ministre du
Québec et le reste du Canada, cette entente qui fait du Québec un
partenaire à part entière dans la Fédération
canadienne, cette entente qui dote le Québec des outils
nécessaires à sa sécurité et à son
développement à l'intérieur du Canada, cette entente qui
permet au Québec de prendre sa place sur la scène internationale,
cette entente, M. le Président, qui ouvre grandes les portes de l'avenir
du Québec.
Les meilleurs experts que nous pouvons entendre aujourd'hui sur le
développement futur de nos sociétés font largement
écho à la formation de personnel qualifié - et hautement
qualifié -comme clé de l'avenir et comme condition de
l'accès aux nouvelles réalités de l'an 2000. Toujours
aussi vitale pour le plein épanouissement des personnes,
l'éducation apparaît plus que jamais comme l'instrument par
excellence du progrès auquel nous aspirons toutes et tous au
Québec. La prospérité du Québec exige donc que nous
formions, en nombre et en qualité, une main-d'oeuvre compétente
et spécialisée pour le développement scientifique et
économique, pour les nombreuses tâches sociales auxquelles nous
sommes confrontés, comme aussi pour le développement culturel du
Québec, trois secteurs que nous avons le devoir et la
responsabilité de développer de pair. (17 h 50)
Nous le savons, le Québec est déjà bien
engagé dans cette voie. Le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science et le ministère de l'Education
investissent en effet au-delà de 8 800 000 000 $ par année pour
la formation des ressources humaines dans les établissements
d'enseignement ainsi que par le biais de divers programmes ou mécanismes
de recherche et de formation de chercheurs. Selon une récente
étude de l'Organisation de coopération et de développement
économiques, le Canada est parmi les trois premiers pays au monde qui
consacrent, par rapport à leur produit intérieur brut, le plus
d'argent à l'éducation, devançant ainsi des pays comme les
États-Unis, le Japon, l'Allemagne et la France. Par ailleurs, pour
éviter de prendre du retard par rapport aux sociétés
industrialisées dont la main-d'oeuvre est hautement
spécialisée et pour être encore plus à la hauteur
des défis que comportent la mondialisation des marchés et le
développement scientifique et technologique du Québec, le
Québec devra, de toute évidence, poursuivre ses efforts avec
beaucoup de détermination et, surtout, disposer de tous les outils
capables d'assurer la qualité et la compétence de sa
matière grise, principal facteur déterminant la
productivité et la compétitivité d'une
société comme la nôtre.
Dans ce domaine vital comme dans plusieurs autres secteurs, M. le
Président, l'entente cons- titutionnelle du 28 août dernier donne
à la société québécoise tous les leviers
nécessaires et essentiels pour choisir ses priorités,
améliorer sa performance, s'adapter aux nouvelles réalités
et garantir son avenir. Au fil des ans, quiconque au Québec a suivi de
près les débats relatifs à l'éducation, à
l'enseignement supérieur, à la recherche universitaire et
à la formation de la main-d'oeuvre le reconnaîtra aisément.
À moins, bien sûr, qu'il traîne quelque dinosaure encore
dans cette Assemblée, M. le Président.
Dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement
supérieur, les choses sont claires depuis fort longtemps dans la
Constitution canadienne. C'est un domaine qui relève de la
compétence exclusive du Québec où il lui appartient de
déterminer ses objectifs et d'assumer la maîtrise des ressources
qui y sont affectées. Ceci n'exclut absolument pas que le Québec
puisse partager des objectifs communs avec d'autres provinces et le
gouvernement fédéral. Et, de ce côté-ci de la
Chambre, M. le Président, nous n'avons pas peur de partager des
objectifs avec nos partenaires canadiens. Toutefois, seules les provinces ont
la compétence pour décider de l'opportunité de
répondre à des besoins identifiés par le gouvernement
fédéral dans l'exercice de ses responsabilités et de
mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour y répondre. La
position constitutionnelle du gouvernement du Québec a toujours
été très ferme à cet égard, et notre
gouvernement entend continuer d'exercer pleinement sa compétence
exclusive en éducation et en enseignement supérieur et de
réagir à l'égard de toute tentative d'empiétement
du gouvernement d'Ottawa dans ce secteur.
C'est d'ailleurs sur cette compétence qu'au cours des 30
dernières années les gouvernements du Québec se sont
appuyés pour définir leurs priorités et leurs orientations
et pour mettre sur pied les structures modernes du système
québécois d'éducation et ce, du primaire jusqu'à
l'universitaire. Et c'est sur cette compétence que nous continuerons de
nous appuyer pour contrôler l'ensemble de l'éducation sur notre
territoire, qu'il s'agisse de l'organisation pédagogique,
matérielle ou financière de nos réseaux
d'éducation. Cependant, même s'il s'agit là d'une
compétence de juridiction provinciale, notre histoire démontre
que le gouvernement fédéral s'est autorisé, en vertu de
son pouvoir de dépenser, à faire des incursions en
éducation et en enseignement supérieur au Québec. Ces
incursions ont parfois créé des dédoublements et
causé des problèmes d'ajustement pour le Québec.
Malgré les nombreuses protestations de nos différents
gouvernements, jamais ce pouvoir de dépenser n'a pu être
limité depuis 125 ans.
Lorsque les gens de l'Opposition étaient au pouvoir, M. le
Président, ils ont aussi essayé de limiter ce pouvoir de
dépenser, vous vous en souvenez, mais sans grand succès. En fait,
sans aucun succès. D'où l'importance de l'accord
constitutionnel que notre gouvernement a réussi à
négocier avec ses partenaires du reste du Canada, car, selon les termes
de cette entente, le Québec pourra dorénavant se retirer avec
compensation financière des nouveaux programmes cofinancés,
à condition qu'il mette sur pied un programme compatible avec les
objectifs nationaux. Cette clause, qui était prévue dans l'accord
du lac Meech, est donc un gain pour le Québec.
Ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral a
fait couler beaucoup d'encre et a préoccupé plus d'un premier
ministre au Québec depuis 50 ans. C'est donc la première fois de
notre histoire - et il faut le reconnaître - qu'un premier ministre et un
gouvernement québécois réussissent à obtenir, par
la voie de la négociation, la limitation de la portée du pouvoir
de dépenser du gouvernement canadien. Cela ne représente-t-il pas
un gain majeur pour la collectivité québécoise? Si
certaines personnes, dont les membres de l'Opposition, cherchent à en
minimiser l'importance, pour des raisons que je qualifierais de purement
partisanes, je suis profondément convaincue, pour ma part, que la
population québécoise saura, elle, en comprendre toute la
signification pour le développement futur du Québec et pour
l'avenir des jeunes Québécoises et des jeunes
Québécois.
En effet, comment pourrait-elle croire les détracteurs de cette
clause qui, à ce propos et à l'égard de plusieurs autres
clauses, parlent plus souvent qu'autrement des deux côtés de la
bouche? Un autre gain notable de notre gouvernement dans le processus
constitutionnel est que l'accord de Charlottetown prévoit, lors de la
prochaine rencontre annuelle des premiers ministres, en 1993, la
négociation d'un cadre constitutionnel pour faire en sorte que le
pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral soit
balisé pour toute autre incursion actuelle ou future dans les champs de
compétence provinciale. Ce cadre sera négocié de
manière à éviter les duplications et à respecter
les priorités provinciales. Ainsi, nous pourrons nous assurer que les
ententes entre le Québec et le gouvernement du Canada répondent
véritablement aux besoins et aux attentes de la collectivité
québécoise. N'est-ce pas là un autre gain important pour
le Québec?
D'aucuns vont probablement arguer - et j'en suis convaincue - qu'il est
illusoire de penser que de telles ententes soient possibles entre les
gouvernements québécois et fédéral. Pourtant,
divers exemples prouvent le contraire.
Prenons le cas du régime canadien de prêts aux
étudiantes et aux étudiants du postsecondaire. Comme il
prévoit le droit de retrait pour les provinces qui se dotent d'un
régime jugé équivalent ou supérieur, le
Québec s'est, en fait, retiré et s'est vu transférer des
crédits par le gouvernement fédéral. Actuellement, le
Québec est la seule province à avoir son propre régime
d'aide financière, financé environ à 33 % par le
gouvernement fédéral. Ce régime est adapté aux
réalités particulières des étudiantes et des
étudiants québécois et est reconnu pour son
efficacité. Alors, si cette entente fédérale-provinciale a
été possible, pourquoi d'autres accords ne seraient-ils pas
réalisables dans d'autres champs d'activité? (18 heures)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Madame, je m'excuse de
vous interrompre. Il est 18 heures. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je solliciterais le
consentement de cette Assemblée afin que nous poursuivions avec
l'intervention de ma collègue et que nous ayons l'occasion d'entendre
peut-être un autre intervenant avant de suspendre nos débats.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
consentement? Consentement. Donc, nous allons poursuivre avec Mme la ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Science, et nous poursuivrons avec
un collègue ministériel. Et, après, nous suspendrons pour
l'heure du souper. Mme la ministre, vous pouvez poursuivre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Vous le voyez, M.
le Président, j'étais en train de démontrer que le
fédéralisme peut être un instrument de développement
pour le Québec à condition que les actions des deux niveaux de
gouvernement soient bien coordonnées. Pour les opposants au
fédéralisme, dont font partie nos voisins d'en face, une telle
coordination est pratiquement inconcevable. Mais, bien qu'on puisse noter
qu'ils s'y connaissent très bien en utopies de toutes sortes, ces
opposants négligent cependant de prendre en compte que la population du
Québec conserve toujours la capacité de choisir les
représentantes et les représentants les plus aptes à
défendre ses points de vue et à négocier des ententes qui
lui soient avantageuses.
L'autre aspect de la réforme constitutionnelle qui aura des
répercussions positives pour le développement et l'avenir du
Québec est, sans contredit, la reconnaissance de la formation et du
perfectionnement de la main-d'oeuvre comme une sphère de
compétence provinciale exclusive. Allié à la
compétence exclusive du Québec en éducation et en
enseignement supérieur ainsi qu'aux gains significatifs du Québec
quant au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral,
l'ajout de cette autre compétence exclusive vient confirmer et
consolider la quasi-totalité des pouvoirs de l'Assemblée
nationale dans un secteur vital pour la prospérité du
Québec, celui du développement des ressources humaines. Ainsi, le
Québec disposera de tous les instruments nécessaires pour
affirmer sa personnalité dans ce secteur stratégique, tirer un
profit maximum de ses initiatives et faire face aux multiples défis
qu'il doit relever à la veille du XXIe siècle.
Voilà brièvement présentés, M. le
Président, certains des aspects de l'accord constitutionnel qui me
motivent à voter oui. Ce ne sont pas les seuls, vous vous en doutez
bien. Ils s'ajoutent aux autres gains importants de l'entente
négociée par notre premier ministre, objectivement, M. le
Président, car nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes
capables d'objectivité.
J'entendais, cet après-midi, le député
d'Abi-tibi-Ouest qui faisait une critique de cette entente constitutionnelle,
surtout en matière de compétences exclusives au niveau de
l'éducation, et je me demandais, M. le Président, ce qu'il
recherchait. Ça m'apparaissait évident que son choix fondamental
était l'indépendance du Québec. À partir de ce
moment-là, aucune entente ne peut paraître acceptable à ses
yeux.
M. le Président, soyons objectifs. Il faut le constater, c'est la
première fois qu'un premier ministre et un gouvernement
québécois, suite à des négociations, reviennent au
Québec avec une entente de cette envergure. C'est la première
fois qu'un premier ministre et un gouvernement du Québec assurent aux
Québécoises et aux Québécois leur
sécurité et leurs outils de développement pour leur
avenir. L'Opposition officielle a beau se railler de cette entente, la
population du Québec n'est pas dupe et sait pertinemment qui peut le
mieux défendre ses intérêts au Canada, car elle se souvient
très bien que, la dernière fois qu'un gouvernement du Parti
québécois est allé négocier à Ottawa, il est
revenu avec rien, moins que rien. Comme négociateur, il a alors battu
tous les records au chapitre des pertes.
Rappelez-vous, M. le Président, le Parti québécois
a même alors troqué le droit de veto du Québec pour un plat
de lentilles. Heureusement pour le Québec que le gouvernement
libéral est venu par la suite réparer les pots cassés!
L'entente constitutionnelle est un avantage sans précédent
pour le Québec, car elle lui permettra de consolider son économie
en se fondant d'abord et avant tout sur le développement et la
performance de ses ressources humaines. Dorénavant, le Québec
sera non seulement maître de sa politique éducative, mais aussi de
sa politique de main-d'oeuvre. Que voulons-nous de plus, M. le
Président? Nous avons réussi à nous développer
depuis 125 ans, notre système d'éducation le prouve. Maintenant,
nous serons maîtres d'oeuvre aussi de notre politique de main-d'oeuvre.
Le Québec sera alors mieux outillé pour accroître sa
compétitivité et sa productivité, qui est la force de
notre économie, et, par là, pour maintenir son niveau de vie.
De plus, je tiens à vous dire que si je donne mon appui à
l'accord du 28 août, c'est qu'il est conforme aux engagements que j'ai
pris envers mes concitoyennes et concitoyens de Chambly au mois de septembre
1989. En fait, il va même au-delà de ces engagements puisque, en
plus de la substance de Meech, nous y retrouvons de nombreux autres gains
importants, notamment au chapitre de la répartition des pouvoirs.
En guise de conclusion, M. le Président, je voudrais dire
à la population du Québec, et plus particulièrement aux
gens de Chambly, qu'ils peuvent à nouveau faire confiance à notre
premier ministre, M. Robert Bourassa, et au gouvernement libéral,
puisque nous avons toujours fait preuve de réalisme, de lucidité
et de pragmatisme dans la défense des aspirations des
Québécoises et des Québécois. À cette
étape charnière de notre devenir collectif, il nous faut choisir
une vision d'ensemble cohérente, qui tienne compte de notre place dans
un monde de plus en plus ouvert aux réalités des uns et des
autres et de notre projection dans l'avenir. Ce choix, cette vision, c'est
votre oui et c'est notre oui. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (m. bissonnet): sur ce même sujet,
sur la question référendaire proposée par m. le premier
ministre, je cède la parole à m. le député de
saint-hyacinthe.
M. Charles Messier
M. Messier: Merci, M. le Président. Nous débattons
aujourd'hui une question fort importante, la question
référendaire, et c'est la seconde fois que nous, les élus,
sommes appelés à débattre une telle question. Cela
confère, il va de soi, et ça a été mentionné
à quelques reprises, un caractère historique à notre
débat. Je suis honoré de pouvoir y participer ce soir. Cette
possibilité de participer a ce débat important, je la dois
à mes électeurs et électrices du comté de
Saint-Hyacinthe, et je les remercie encore une fois de me donner ce
privilège, cet insigne honneur d'être ici à
l'Assemblée nationale.
M. le Président, je vais, au cours des minutes qui me sont
imparties, tenter de mettre en relief, de faire valoir la justesse de la
démarche de notre gouvernement dans la négociation qui a conduit
à la conclusion de l'entente de Charlottetown le 28 août dernier.
Cette justesse, la justesse de notre démarche et son bien-fondé
sont pour moi des choses évidentes. Mais la démonstration
s'impose, lorsqu'on considère l'ensemble des énormités
qu'on a entendues dans cette Chambre de la part de nos opposants
péquistes.
Personne n'est dupe de la vaste entreprise de désinformation
qu'opère actuellement l'Opposition péquiste. On aura compris que
l'entente constitutionnelle conclue par les premiers ministres le 28 août
dernier constitue beaucoup moins un recul pour le Québec qu'un recul
pour l'option de la séparation du Québec. Oui, M. le
Président, cette entente est un recul pour la cause de la
séparation du Québec, qui est le fondement même de la
formation politique des péquistes en cette
Chambre.
Cette entente, si elle devait être entérinée par la
population du Québec le 26 octobre prochain, viendrait clore, comme on
l'a dit, un chapitre de l'histoire constitutionnelle du Québec et du
Canada. Cet épisode est celui qui s'est amorcé avec la
négociation du lac Meech. Cet épisode, c'est celui de Meech. Il y
aura une fin heureuse, et cette fin heureuse, c'est un Meech plus et un Meech
plus pour le Québec. Qui ne sera pas heureux, M. le Président, de
voir cette entente entérinée? La population est fatiguée
d'entendre ses politiciens parler de Constitution et de négliger son
sort économique au moment où celui-ci est hautement exigeant en
raison du chômage que nous connaissons. Mais ceux qui nous le reprochent
sont ceux qui ont fait de l'option constitutionnelle leur raison d'être,
comme c'est le cas de l'Opposition péquiste. Oui, M. le
Président, c'est le cas de l'Opposition péquiste, et c'est son
cas parce que c'est sa raison d'être. C'est celle de la séparation
du Québec, de l'indépendance du Québec.
Au cours de ce débat, M. le Président, on nous a beaucoup
reproché de ne pas avoir tout réglé avec cette entente et
d'avoir laissé des choses en négociations. Mais - et c'est ce que
je vais dire - ce qu'il nous reste à négocier n'est rien, n'est
vraiment rien, à côté des négociations
qu'enclenchera une séparation du Québec, car c'est bien de cela
qu'il s'agit. Oui, M. le Président, les négociations suite
à une éventuelle séparation du Québec n'auraient
aucune mesure avec les quelques négociations sectorielles qui
suivraient, si l'entente devait être ratifiée par la population
québécoise et celle des autres provinces de la
Fédération canadienne. Alors, M. le Président, qu'on ne
vienne pas nous reprocher de ne pas avoir tout négocié. Avec le
programme politique qui est le leur, celui des péquistes, nos
adversaires sont très mal placés pour nous faire quelque reproche
à cet égard. (18 h 10)
M. le Président, je voudrais maintenant dire un mot sur l'option
qu'il y a dans cette entente que les premiers ministres ont signée.
Derrière cette entente, il y a une option politique, soit l'option
canadienne, une option qui nous apparaît, à nous, libéraux,
la plus adaptée pour permettre à la population
québécoise et au peuple québécois de relever les
défis qui se posent à lui en cette fin de siècle.
C'est pourquoi nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous
disons qu'il faut dire oui à cette entente; nous disons qu'il faut dire
oui à la reconnaissance de la société distincte; nous
disons qu'il faut dire oui à la récupération des droits de
veto sur les institutions; nous disons qu'il faut dire oui à l'entente
sur l'immigration; nous disons qu'il faut dire oui à la reconnaissance
de la compétence exclusive du Québec dans les domaines de la
main-d'oeuvre, de la culture, des mines, des forêts, des loisirs, des
affaires municipales, du tourisme et du logement. C'est aussi pourquoi nous
disons qu'il faut dire oui à la garantie à vie de 25 % des
Québécoises et des Québécois à la Chambre
des communes et celle de 33 % des juges à la Cour suprême du
Canada, ainsi qu'au renforcement de l'union économique canadienne. C'est
également pour cela que nous devons dire oui à la
stabilité des ententes de développement économique. Oui,
M. le Président, nous devons dire oui à la stabilité
économique qu'apportera cette entente, une stabilité dont nous
avons grandement besoin, si nous voulons assurer la prospérité de
notre population. Oui, M. le Président, il s'agit bien de la
prospérité de notre population, que nos adversaires, avec en
tête le chef de l'Opposition péquiste, ont toujours
négligée ou mise de côté.
Nos adversaires professent que la séparation du Québec
donnera les outils nécessaires pour contrôler son économie.
Dans les pays où l'économie est forte, on comprend vite, M. le
Président, que les seuls outils économiques sont le travail,
l'éducation, l'imagination et l'ambition. Aucune constitution ne peut
remplir cela, il suffit simplement de rendre notre Constitution plus
fonctionnelle et plus efficace, ce que nous faisons avec cette entente.
En terminant, M. le Président, cette entente constitue un Meech
plus et un Québec dans la grande famille canadienne. Il est plus que
temps pour nous, les élus, de s'occuper de la tragédie que vivent
nos jeunes, condamnés au chômage, au décrochage et au
bien-être social.
Il est de notre devoir d'élus de s'attaquer rapidement à
ces problèmes. Je suis persuadé qu'une grande partie de la
population du Québec partage mon avis et qu'elle le prouvera, le jour du
référendum, en votant oui. C'est ce que je ferai, M. le
Président, le 26 octobre prochain, en votant oui. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe. Alors, compte tenu de l'heure, je
considère qu'il y a une entente, M. le leader, avec l'Opposition pour
permettre un autre intervenant. Est-ce qu'il y a entente à cet effet, M.
le leader du gouvernement?
M. Johnson: Oui, en effet, M. le Président, compte tenu de
l'heure, nous pourrions effectivement entendre un autre opinant jusqu'à
18 h 30.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a
consentement? Consentement. Alors, M. le député de Vimont.
M. Fradet: Merci, M. le Président. M. le Président,
pouvez-vous m'indiquer, avant que je commence mon intervention, combien de
temps j'ai pour... J'ai jusqu'à 18 h 30?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous savez que vous avez
20 minutes, mais, effective-
ment, compte tenu du consentement, à 18 h 30, vous devrez avoir
terminé.
M. Fradet: Alors, il reste combien de temps? 17 minutes?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): 11 reste 16 minutes
actuellement.
M. Benoît Fradet
M. Fradet: Je vous remercie. M. le Président, ça me
fait plaisir d'intervenir aujourd'hui, en cette Chambre, dans un débat
aussi important que le débat référendaire. Nous sommes en
train de discuter et de débattre la question qui sera posée lors
du prochain référendum, le 26 octobre prochain, et je peux vous
dire, M. le Président, d'ores et déjà, que je militerai
dans le comité du oui. Je militerai dans le comité du oui, M. le
Président, et je voterai oui aussi.
Je pense que certains font allusion aujourd'hui que des
députés qui militeront dans le comité du oui voteront non
au référendum, et je pense, en tout cas, qu'il est
peut-être un petit peu ridicule de croire ça. Dans mon cas, je
peux vous dire que, si je milite dans le comité du oui, c'est parce que
j'ai décidé de voter oui lors du référendum.
M. le Président, il est important aussi, en ce qui me concerne,
qu'on fasse un recul. Je vais vous expliquer ma position face à cette
entente, et on a besoin de revenir à mon élection, en 1989. Quand
je me suis présenté, en 1989, M. le Président, nous
avions, en tant que parti politique, le Parti libéral du Québec,
une plate-forme constitutionnelle qui était l'entente du lac Meech.
Cette entente, à l'époque, si je me souviens bien, faisait un
consensus à l'intérieur du Québec. Le travail que l'on
fait aujourd'hui, face à l'entente de Charlottetown du 28 août,
consiste à comparer, entre autres, cette entente à l'entente du
lac Meech pour savoir si, effectivement, cette entente respecte les demandes du
Québec, et c'est ce que je vais tenter de démontrer lors de mon
intervention.
Nous avions, comme vous le savez, à l'intérieur de
l'entente du lac Meech, cinq conditions, et ces conditions se retrouvent
aujourd'hui à l'intérieur même de l'entente intervenue
entre les premiers ministres dernièrement, qu'on appelle l'entente de
Charlottetown. Nous avions, comme principale condition, la
société distincte. Je pense que c'est important de le mentionner
parce que, en tant que Québécois et en tant que
députés à l'Assemblée nationale, nous devions
aussi, en tant que gouvernement, rapatrier les pouvoirs, les compétences
en matière de culture pour qu'on puisse continuer d'évoluer au
Québec en matière économique, sociale, et surtout
culturelle. Alors, la société distincte qui se retrouve dans
l'entente, aujourd'hui, M. le Président, c'est une société
distincte qui est modifiée, je le conçois, par rapport à
l'entente du lac Meech. Mais je peux vous dire aussi que j'étais membre
de la commission sur les offres qui, récemment, a écouté,
a entendu des experts qui sont venus nous rencontrer et, sur chaque point, nous
ont donné des arguments. Pour ceux qui ont suivi les débats, nous
avons rencontré M. de Grandpré, ancien juge de la Cour
suprême, et je pense que s'il y a un individu qui est capable de
déterminer les conséquences de l'adoption de cette entente,
l'interprétation qu'en feront les futurs juges de la Cour suprême,
bien, c'est bien lui. À cet égard, il nous a rappelé, M.
le Président, qu'à l'intérieur de l'entente, il y avait la
clause Canada. Dans cette clause, huit caractéristiques fondamentales se
retrouvent, dont la société distincte. Mais ce qui est encore
plus fort pour protéger la distinction du Québec, c'est à
l'article 2.(2) qui suit les huit caractéristiques fondamentales. Je
vais vous citer, M. le Président, l'article 2.(2) de l'entente.
L'article 2.(2) dit: «La Législature et le gouvernement du
Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la
société distincte.» Selon les commentaires mêmes de
l'ex-juge de la Cour suprême, M. de Grandpré, il nous mentionnait
qu'effectivement, suite à cet article 2.(2), l'interprétation
sera plus en faveur de la distinction du Québec comme étant un
peuple, une nation francophone, que par rapport à la dualité qui
inquiète très grandement nos partenaires, nos collègues de
l'Opposition.
Alors, face à la société distincte, M. le
Président, c'est plus que Meech. Face à la nomination - on parle
des juges de la Cour suprême - des juges à la Cour suprême,
il y aura la constitutionnalisation du fait que trois juges sur neuf, 33 % des
juges à la Cour suprême, proviendront du Québec. Ça,
ça faisait partie de l'entente du lac Meech, ça se retrouve
encore dans l'entente actuelle.
On a parlé abondamment, M. le Président, de l'entente sur
l'immigration. L'entente sur l'immigration intervenue entre notre
collègue, le ministre de l'Immigration, et celui du
fédéral est la même qu'on retrouvait à
l'intérieur de l'accord du lac Meech, avec une modification, par contre,
qui est l'article 95E. Pour les citoyens de Vimont qui nous écoutent ce
soir, je pense qu'il est important qu'on le précise, ce qu'est l'article
95E, parce que c'est un débat de juristes, c'est un débat
légal, et c'est très compliqué, des fois, de faire le
parallèle entre la situation réelle sur le terrain... parce qu'on
essaie toujours de dire la vérité, bien entendu, sur ce que l'on
comprend des dossiers, mais l'article 95E était le droit de veto du
Québec, le droit du Québec de dire non à un
éventuel changement face à l'entente intervenue sur la
Constitution; il ne se retrouve pas présentement dans l'entente à
l'intérieur de l'article 95, mais se retrouve à l'article 38,
paragraphe 3°. C'est une garantie suffisante pour faire en sorte que le
gouvernement du Québec,
dorénavant, par cet accord, devienne le seul responsable de la
sélection, de l'intégration linguistique, culturelle et
économique des nouveaux arrivants sur le territoire
québécois. Et c'est une garantie dont nous avions besoin en tant
que société québécoise pour continuer à
évoluer. Nous l'avons, M. le Président, à
l'intérieur de l'entente intervenue à Charlottetown.
Nous avons parlé aussi des droits de veto. Il y a une bagarre
entre le fait de dire que dans l'entente du lac Meech on avait un droit de
veto, et là on en a cinq, on en a six. Je pense que c'est purement
symbolique. Ce qui est important pour nous, c'est qu'on puisse garantir que le
Québec avait le droit de dire non à des modifications qu'il ne
voulait pas voir à l'intérieur de la Constitution. Ce droit de
veto est là, M. le Président. (18 h 20)
Nous avons aussi une modification face au Sénat. Le droit de
veto, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, face à la Cour
suprême, face à la Chambre des communes et face au Sénat.
Face au Sénat, M. le Président, il y a une perte de 18
sénateurs. Nous allons passer de 24 sénateurs qui n'avaient pas
grand pouvoir à 6 sénateurs qui n'auront pas grand pouvoir. Le
seul pouvoir que le Sénat aura, c'est un veto suspensif, ce qui est
important pour faire valoir les intérêts des régions. Mais
nous avons un gain, par contre, un gain face à notre perte de 18
sénateurs, qui sera compensé par un gain de 18
députés à la Chambre des communes. Ce ne sera pas au
Sénat, M. le Président, qu'il va y avoir des décisions qui
vont être prises, ça va être à la Chambre des
communes. Nous aurons 18 députés québécois de plus,
qui seront parmi ceux-là. Peut-être qu'ils feront partie de
l'Exécutif, du Conseil des ministres à la Chambre des communes,
et c'est là le vrai pouvoir. C'est important de le mentionner aussi.
Nous avons aussi un autre droit de veto face au nombre de
députés à la Chambre des communes. Le nombre de
députés sera garanti, soit un plancher de 25 % minimum, à
vie ou, du moins, jusqu'à temps qu'on change la Constitution. Et, pour
changer cet article-là, il va falloir avoir le consentement du
Québec. C'est ce qu'on appelle un droit de veto.
En ce qui a trait au pouvoir de dépenser, qui est très
important pour le gouvernement du Québec, donc pour la population
québécoise, c'est plus que Meech, encore une fois. Le pouvoir de
dépenser, le texte face au pouvoir de dépenser, dans l'entente
que nous avons devant nous et dans l'entente du lac Meech, est le même
pour les programmes cofinancés futurs. Mais ce qu'on a de plus dans
l'entente, c'est qu'il y aura un cadre d'intervention qui servira à
guider le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans
son action face aux compétences exclusives provinciales. Ça,
c'est important, et ce cadre devra respecter quatre critères: il devra
respec- ter et contribuer à la réalisation d'objectifs nationaux,
sinon le fédéral ne peut pas investir dans une juridiction
provinciale; deuxièmement, il devra réduire les chevauchements et
le double emploi, sinon le fédéral ne pourra pas investir;
troisièmement, il devra respecter les priorités provinciales -
c'est important qu'on ait ça, M. le Président; on ne l'avait pas
dans l'accord du lac Meech, c'est un gain supplémentaire - et,
quatrièmement, il devra reconnaître la situation et les besoins
particuliers des provinces.
En ce qui a trait, M. le Président, au partage des
compétences, au partage des pouvoirs, j'admets que, face aux aspirations
légitimes des libéraux et du rapport Allaire et face aux
aspirations des Québécois, nous n'avons pas obtenu l'ensemble des
pouvoirs revendiqués. Mais, M. le Président, les pouvoirs que
nous avons obtenus font en sorte que le Québec fait un pas en avant. Il
ne fait pas un recul. Ces pouvoirs-là sont le tourisme, les
forêts, les mines, les loisirs, le logement, les affaires municipales.
Mais ce qui est encore plus important pour le développement de la
société québécoise, société
francophone, c'est la maîtrise d'oeuvre en matière culturelle. La
ministre des Affaires culturelles l'a mentionné plus tôt.
Ce qui est important aussi, c'est qu'on puisse avoir la formation et le
perfectionnement de notre main-d'oeuvre sous juridiction
québécoise pour que, alliés à la compétence
de l'éducation, on puisse avoir tous les leviers pour former notre
main-d'oeuvre. On sait qu'un peuple instruit est un peuple fort, et nous aurons
tous les outils pour former notre peuple ici, notre main-d'oeuvre, et c'est
très important.
Donc, M. le Président, si on veut être objectifs, nous
pouvons conclure que l'entente que nous avons devant nous est un Meech plus,
est supérieure au consensus obtenu lors de mon élection en tant
que député, de représentant à l'Assemblée
nationale, supérieure au consensus obtenu aussi avant l'échec de
l'accord du lac Meech. Malheureusement, il y a eu un échec.
Bien sûr, comme je le rappelle, ça ne répond pas
totalement, par cette entente, aux aspirations du Québec, aux
aspirations du rapport Allaire. J'ai été un grand
défenseur du rapport Allaire, de la politique constitutionnelle du Parti
libéral du Québec à l'intérieur des structures, et
je le demeure, M. le Président. La politique constitutionnelle du Parti
libéral du Québec demeure, je vais continuer à
défendre cette politique à l'intérieur des structures et
je vais continuer à m'affirmer en tant que député
nationaliste, et ça, je pense que c'est important qu'on le mentionne
aussi.
Je suis d'accord avec ceux qui disent que ce n'est pas le rapport
Allaire, mais il y a aussi le fait que le fédéralisme
évolutif va continuer d'évoluer, et, en tant que membre de
l'Assemblée nationale, à tout le moins durant le temps que je
vais siéger ici, dans cette Chambre, je vais
continuer à défendre les intérêts du
Québec face à ça. C'est une étape, M. le
Président, une étape qu'on franchit. C'est un pas en avant, et
nous allons continuer de travailler pour faire en sorte que ce pas en avant
grandisse.
On entend, de l'autre côté de la Chambre, qu'on va
constitutionnaliser les négociations. Bien, écoutez, je pense que
c'est normal, dans une société qui évolue rapidement comme
celle que nous connaissons, qu'on puisse continuer de négocier et de
faire face à l'évolution de cette société. Et
n'allez pas me dire que l'indépendance du Québec va faire en
sorte de régler le dossier constitutionnel et qu'il n'y aura plus de
négociations. Ce n'est pas vrai. Le chef de l'Opposition l'a
mentionné. Et s'il y a l'indépendance du Québec, il y aura
des signatures de traités, des négociations de traités.
Alors, je ne pense pas que la bagarre référendaire doive se faire
sur le fait qu'on ait une constitutionnalisation des négociations ou pas
parce que, des deux côtés, des deux options face aux
négociations, on va continuer à négocier pendant des
dizaines d'années et des dizaines d'années.
On nous a accusés, M. le Président, aussi,
récemment, de trahison, de traîtres. On nous a accusés -
j'ai des papiers ici qui sortent des journaux locaux dans Laval - de
girouettes, de traîtres, de trahison. Mais je me demande où ils
sont, ces traîtres. Je pense que ce n'est pas nous. Moi, je ne me sens
pas comme un traître du tout. Non. Et il y a des députés de
l'autre côté qui se posent des questions en même temps que
moi. Les traîtres, M. le Président, ou ceux qui ont fait de la
trahison ou ceux qui sont des girouettes, ce sont peut-être ceux qui,
face à des intentions électoralistes, cachent leur option.
Ça, je pense que ça pourrait être considéré
comme de la trahison, ceux qui cachent leur option depuis la fondation
même de leur parti, pour des intérêts électoralistes.
Il faut le mentionner aussi.
Moi, M. le Président, aux prochaines élections, si je ne
suis pas réélu, j'aurai au moins la certitude d'avoir fait mon
travail, d'avoir représenté les citoyens de Vimont à
l'Assemblée nationale. On reviendra après. Mais jamais, jamais je
ne trahirai cette volonté. On parle de trahison. On a vu le chef de
l'Opposition sortir, à un moment donné, en disant:
Écoutez, le référendum sur la souveraineté,
ça serait peut-être mieux qu'on attende. Le contexte
économique ne permet peut-être pas d'avoir un grand consensus face
à ça. C'est ça, de l'intérêt
électoraliste, M. le Président. Et c'est peut-être
ça, la trahison dans tout ça.
M. le Président, nous avions, dans le rapport Allaire, une
deuxième option qui est très légitime, à laquelle
j'ai participé et laquelle j'ai adoptée lors du dernier
congrès: l'option de la communauté économique canadienne
de deux États souverains, unis par un Parlement communautaire. Je pense
toujours que c'est une option qui est très légitime. Par contre,
M. Bourassa, notre premier ministre, qui est allé négocier
à l'intérieur de cette Chambre, pouvait sentir si cette structure
avait de l'écho, si cette structure avait une certaine réception
de la part de nos partenaires. Dans le cas où elle n'en a pas, elle
n'est donc pas une alternative présentement dans le débat actuel.
C'est ce qu'il faut rappeler aussi. On peut faire un référendum
sur cette alternative, M. le Président, et recueillir 80 % de consensus
au Québec. Le Parti québécois le sait. Sauf qu'eux autres,
ils ont une idée en arrière de la tête, c'est que si on a
ce consensus-là et qu'on ne réussit pas, on va faire
l'indépendance. Ils vont réussir ce qu'ils veulent, et c'est
légitime de le faire, sauf que ce n'est peut-être pas notre
premier choix. Alors, face à ça, il faut, dès maintenant,
rejeter, cette option dans le débat actuel.
Alors, l'alternative, c'est quoi? L'alternative, c'est de voter oui
à cette entente, de faire un pas en avant, oui, de faire un pas en avant
pour le Québec, d'obtenir des gains qui sont essentiels à
l'évolution sociale, culturelle du Québec. Mais c'est un pas en
avant, et ce n'est pas le dernier pas en avant.
Je suis d'accord que ça ne serait pas terminé là,
sauf que ce qui va se terminer là, par exemple, c'est la crise
constitutionnelle à laquelle nous faisons face depuis 1982. Cette crise
constitutionnelle, avec un oui à l'entente, va être
terminée. Et après, nous allons pouvoir réintégrer
la Fédération, continuer d'évoluer au sein même de
ce Canada et continuer d'essayer d'avoir des pouvoirs supplémentaires
pour répondre aux besoins de la société
québécoise. C'est ça, dire oui. C'est la fin d'une crise
constitutionnelle et c'est le début de l'évolution à
l'intérieur d'une société où nous retrouvons, par
cette entente, des garanties suffisantes pour qu'on puisse continuer à
évoluer en français. C'est démagogique de dire qu'on ne
pourra pas parler français si cette entente-là passe. (18 h
30)
Moi, M. le Président, dans le débat, je vais être
objectif. Je vais défendre l'entente auprès de ma population. Je
vais aller rencontrer des groupes à l'intérieur de mon
comté. Je vais faire du porte à porte. Comme je m'y suis
engagé... Depuis le début du débat constitutionnel, je me
suis engagé à être démocrate et à respecter
la position des citoyens du Québec, mais je vais faire aussi en sorte
que cette entente soit expliquée et que la majorité des gens
puisse la comprendre, parce qu'on le sait, c'est quand même assez
technique. Alors, je vais faire du porte à porte. Je vais respecter mon
engagement. Le premier ministre va respecter son engagement, face au dossier
constitutionnel, de consulter la population.
J'espère, M. le Président, en terminant, que le 26 octobre
les Québécoises et les Québécois voteront oui, lors
du référendum, pour qu'on
puisse faire un pas en avant pour le Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Vimont. Compte tenu de l'heure, suite au consentement,
je suspends les travaux jusqu'à 20 heures. Les travaux de cette
Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 31)
(Reprise à 20 h 2)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Mmes et MM. les députés, si vous voulez vous asseoir, s'il
vous plaît.
Nous continuons les travaux de l'Assemblée nationale à
l'étape des affaires du jour. L'Assemblée reprend le débat
sur la motion de M. le premier ministre visant l'adoption d'une question devant
faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un nouveau partenariat
de nature constitutionnelle et sur la motion d'amendement de M. le
député de D'Arcy-McGee.
Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, en
l'occurrence M. le député de La Prairie. Vous avez droit à
une intervention de 20 minutes.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Le début de
cette campagne référendaire constitue une autre parmi les
nombreuses étapes où le peuple du Québec a à lutter
pour la préservation de ses droits. Comme vous le savez, M. le
Président, c'est une longue histoire. Depuis 232 ans exactement, depuis
la Conquête, le peuple québécois a d'abord lutté
pour survivre et, au bout de quelques années, vers 1792, donc 32 ans
après la Conquête, il a obtenu, pour la première fois dans
son histoire, un gouvernement responsable, c'est-à-dire qu'il a pu
élire des députés. Nous fêtons d'ailleurs cette
année le bicentenaire de notre institution législative
parlementaire.
Mais, au bout de quelques années, nos ancêtres
parlementaires se sont rendu compte que le vrai pouvoir n'était pas dans
cette Chambre, dans leur Chambre. Le vrai pouvoir demeurait aux mains du
gouverneur, c'est-à-dire de Londres. Par exemple, le budget, c'est le
gouverneur qui en décidait; la législation, c'est le gouverneur
qui en décidait. D'où la révolte des parlementaires,
Papineau et tous ses collègues de l'époque, la révolte des
parlementaires, en 1837-38, qui ont dit: Nous voulons un véritable
Parlement responsable et non pas un semblant de Parlement responsable. Et on
connaît les conséquences désastreuses de cette lutte de nos
ancêtres: les Patriotes de 1837-38. La première conséquence
a été en 1841, M. le Président. À ce
moment-là, le pouvoir a décidé, dans une tentative pour
freiner le développement de la société canadienne, comme
on l'appelait à l'époque - qu'on appellerait
québécoise aujourd'hui - d'unir le Bas-Canada et le Haut-Canada.
Et, à ce moment-là, deux injustices flagrantes, en dépit
du fait que le Haut-Canada anglophone, constitué surtout de Loyalistes
qui étaient montés des États-Unis, en dépit du fait
que le Haut-Canada était beaucoup moins peuplé, on lui a
donné le même nombre de députés qu'au Bas-Canada.
Deuxième injustice, en dépit du fait que le Haut-Canada avait des
dettes considérables et que le Bas-Canada n'en avait pas, on a
égalisé les dettes, pour ainsi dire. On a fait assumer aux
citoyens et citoyennes du Bas-Canada le fardeau de la dette à 50 %,
qu'il n'avait pas contractée.
Un peu plus tard, en 1867, la Confédération. Ça,
c'était un point tournant, selon les parlementaires de l'époque.
Ça devait souligner une fois pour toutes le caractère
sacré de cette union de deux peuples fondateurs, le peuple
français et le peuple anglais. C'est ça qui a vendu, finalement,
cette formule à nos ancêtres. On leur a dit: Même s'il y a
quatre provinces dans ce nouveau système qui s'appelle la
Confédération, vous aurez un statut particulier, le
Québec, parce que vous êtes un des deux peuples fondateurs. C'est
important, et j'y reviendrai tantôt.
M. le Président, vous savez que, quand même, la lutte fut
très chaude. Au Parlement de Québec, c'est de justesse, de
justesse, par deux voix seulement, que les députés qui
favorisaient la Confédération ont pu gagner. Il n'y a pas eu de
référendum du tout à l'époque.
Maintenant, on avance, si vous voulez, dans cette
Confédération. Je vais quand même me permettre une
parenthèse pour déplorer, M. le Président, l'orgie de
propagande que le gouvernement fédéral, avec nos impôts,
dépense depuis plusieurs mois pour souligner soi-disant le 125e
anniversaire de la Confédération. M. le Président, cette
pluie de propagande, de messages de propagande qui vient à la radio,
à la télévision et dans les journaux, constamment depuis
le début de 1992, ça va en s'accentuant, évidemment,
puisqu'on essaie de vendre au peuple québécois que, hors du
Canada, il n'y a pas de bonheur. M. le Président, j'espère que la
population ne sera pas dupe.
Si on continue l'historique, on arrive au premier
référendum, en 1942, au début de la guerre, il y a 50 ans
aujourd'hui à peu près. En 1942, le service militaire
obligatoire. Les Canadiens français, comme on les appelait à ce
moment-là, Canadiens autrefois, Canadiens français,
Québécois, les Canadiens français ont dit: Non, nous ne
voulons pas de service militaire obligatoire. Nous sommes un peuple pacifique.
Les Anglais disaient: Oui, il faut que nous y allions, l'Angleterre nous le
demande. La mère patrie nous le demande. Référendum?
Massivement, les
Canadiens anglais disent oui à la conscription; massivement, les
Québécois francophones disent non à la conscription. Je
pense que ça augure bien et, 50 ans plus tard, j'ai l'impression qu'on
verra bientôt une scission aussi flagrante entre le vote pour le oui dans
le Canada anglais et le vote pour le non sur ces offres inacceptables, ici, au
Québec.
Rapidement, après la Deuxième Guerre, avec Duplessis, avec
les autres gouvernements qui se sont succédé, il y a eu cette
lutte constante pour ce que Duplessis appelait «récupérer
notre butin à Ottawa» et ce que Lesage a appelé, en 1960,
«maîtres chez nous», une lutte constante. Et ça
n'était plus pour préserver, ça n'était plus pour
survivre, M. le Président, c'était pour se développer,
pour s'épanouir, la Révolution tranquille de 1960. Et en 1982, M.
Trudeau, avec son ami Jean Chrétien, décide de rapatrier la
Constitution. Se forme ici, à l'Assemblée nationale, un front
commun des deux grands partis politiques. Sauf quelques exceptions du
côté libéral, l'Assemblée nationale vote contre ce
rapatriement unitéral de Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien.
C'est pour ça qu'aujourd'hui on se retrouve devant une autre
opération, celle à laquelle s'étaient engagés M.
Bourassa et M. Mulroney, tous les deux, et qui a provoqué,
évidemment, l'échec de Meech, de 1987 à 1990.
L'échec de Meech, l'humiliation pour le peuple québécois
qui s'était empressé de dire oui à des conditions
tellement minimales qu'ensuite il se fait rejeter par le Canada anglais,
massivement là aussi. On l'a vu dans les sondages de l'époque.
(20 h 10)
Notre premier ministre a voulu, dans un sursaut de nationalisme, en
1990, suite à l'échec de Meech, faire croire, à un moment
donné, à la population qu'il allait, lui, réaliser une
souveraineté politique très compliquée avec toutes sortes
de superstructures, à tel point qu'on se faisait dire... Moi, je me suis
fait dire, comme d'autres de mes collègues du côté du Parti
québécois: Ce n'est pas vous qui allez la faire, la
souveraineté, c'est M. Bourassa qui va la faire. Et il a entretenu cette
illusion, M. le Président, pendant plusieurs mois. Il disait, par
exemple: Finies, les négociations à 11, finies! Nous retournerons
en négociations lorsque le Canada anglais aura décidé ce
qu'il veut vraiment. Il a dit aussi: Jamais de Sénat égal! Et on
le verra tantôt, c'est quand même un des reculs les plus
spectaculaires du premier ministre. Avant d'arriver aux offres actuelles, on a
eu la commission Bélanger-Campeau. M. le Président, à la
commission Bélanger-Campeau, où plus de 600 groupes se sont
présentés, rapidement se sont dessinées deux options:
l'option de la souveraineté politique du Québec, les pleins
pouvoirs, et l'option d'un fédéralisme renouvelé de
façon considérable. Il n'y avait pas d'autres solutions
avancées par les 600 groupes. C'était l'un ou l'autre.
Je pense qu'on peut regarder quelques extraits de mémoires.
L'Union québécoise pour la conservation de la nature, le
principal groupe environnemental au Québec, M. le Président, qui
regroupe 60 000 membres, une centaine d'organismes, et je cite: L'Union
québécoise pour la conservation de la faune se prononce pour une
plus grande responsabilité du Québec en matière
d'environnement. Elle propose le rapatriement des pouvoirs actuels et un
nouveau partage, non pas exclusivement avec le Canada, mais avec les grandes
institutions internationales. L'Union repose son argumentation sur le
chevauchement et l'incohérence des interventions gouvernementales des
deux paliers de gouvernement. En évoquant le caractère culturel
distinct du Québec, l'Union québécoise pour la
conservation de la nature propose que les enjeux environnementaux de
portée nationale soient résolus au niveau
québécois.
Plusieurs groupes environnementaux ont continué de mettre de
l'avant cette option souverainiste. Le mémoire de la
Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec, M. le
Président, je cite un paragraphe, la conclusion: Les personnes
aînées du Québec, par leur réponse à la
seconde question du sondage scientifique, favorisent nettement la
souveraineté du Québec et, pour la majorité d'entre elles,
une forme d'association avec le Canada. Et un dernier paragraphe - et
ça, c'est important, à la lumière de la campagne qui
commence: Trop souvent dans le passé, on a eu tendance à abuser
du sentiment d'insécurité qui est le lot d'un bon nombre de
personnes âgées. On ne s'est pas gêné, dans certains
milieux, pour dresser toutes sortes d'épouvantails de nature à
influencer leur décision. Il est à espérer que, dans le
présent débat - c'est la Fédération des clubs de
l'âge d'or qui parle - tous montreront suffisamment de respect pour les
personnes aînées en faisant appel à leur capacité de
raisonnement et à leur expérience plutôt qu'à leurs
sentiments. La Fédération des clubs de l'âge d'or du
Québec ne pourrait que dénoncer toute attitude contraire.
Alors, regardons-les, ces offres, M. le Président, dans les
quelques minutes qui restent et, rapidement, un survol des grands titres pour
simplement illustrer le climat dans lequel nous abordons ces offres. Et tout
ça, c'est depuis à peine deux semaines. Immigration: Le texte
définitif ne donne rien de plus au Québec. Un autre titre:
Bourassa a oublié la culture et l'immigration. Un autre titre:
Société distincte, un recul pour le Québec. Finalement,
aujourd'hui même, le mardi 15 septembre: Bourassa et Mulroney ne
s'entendent pas sur le contenu de l'entente.
Il n'y a pas de texte juridique. C'est un brouillon mal ficelé.
Les gens qui vont voter dans quelques semaines ne savent pas encore sur quoi
ils vont voter. 40 % des clauses, 25 sur 60, M. le Président - de l'aveu
même des deux premiers ministres - ne sont pas encore finali-
sées. C'est un peu comme si on vous disait: Vous signez en bas de
cette formule, il y a la moitié des clauses qui ne sont pas encore tout
à fait rédigées, mais on va s'arranger pour les
rédiger, nous, les clauses qui ne sont pas rédigées.
M. le Président, Me Jean Allaire qui, pendant plusieurs
années, a été le porte-parole du Parti libéral du
Québec sur les questions juridiques, Me Jean Allaire, qu'est-ce qu'il en
pense, de ces offres? Il dit, en deux mots, en conclusion: Cette entente est
inacceptable au Québec. Il ne s'agit pas seulement de régler un
problème agaçant et ponctuel, nous parlons actuellement de la loi
fondamentale du pays - c'est la Constitution, ça - et qui ne sera
sûrement pas touchée de sitôt, le Québec, dans le
passé, n'ayant jamais pu faire accepter quoi que ce soit de valable pour
lui.
Ce ne sont pas les péquistes qui disent ça, M. le
Président: Cette entente, elle est inacceptable. Quelques exemples de
recul: le Sénat. Alors que par une des deux institutions
démocratiques les plus importantes - Sénat, Chambre des communes
- nous avions, le Québec, cette reconnaissance d'un statut particulier,
un des deux peuples fondateurs, nous aurons, si le peuple
québécois a le malheur de dire oui à ce
référendum, au Sénat, le même statut que toutes les
autres provinces du Canada, y compris l'île-du-Prince-Édouard.
Nous aurions un sénateur pour 1 225 000 personnes et, à
l'île-du-Prince-Édouard, ils auraient un sénateur pour 25
000 personnes. En plus, ce Sénat sera beaucoup plus puissant, aura
beaucoup plus d'autorité que dans le passé.
On passe, M. le Président, d'un pays avec deux peuples fondateurs
au pays rêvé par Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien,
un pays multicultural où, comme le dit M. Perrin Beatty, celui que la
ministre des Affaires culturelles n'aime pas beaucoup de ce temps-ci: Les
Québécois, vous êtes une minorité comme toutes les
autres minorités au Canada. C'est ça la notion que se font les
fédéralistes hors Québec du Canada de demain.
Le pouvoir de dépenser. Les jeunes libéraux, qu'est-ce
qu'ils disent dans leur mémoire? Les jeunes libéraux disent: Pour
ce qui est du pouvoir de dépenser, notre programme constitutionnel,
fondé sur les revendications traditionnelles du Québec, proposait
de mettre fin, une fois pour toutes, à cette pratique qui n'a jamais
cessé de réduire l'autonomie politique du Québec. Fin de
la citation.
Les jeunes libéraux disent ça. C'était
traditionnellement des batailles, depuis des années, pour faire en sorte
qu'Ottawa cesse de venir utiliser son pouvoir de dépenser pour
s'ingérer dans tous les domaines, y compris les domaines de
compétence exclusive du Québec. Non seulement Ottawa ne se retire
pas, M. le Président, mais, en plus, il va mettre dans la Constitution,
à l'avenir, que oui, il a le droit de venir dépenser dans des
domaines de compétence exclusivement provinciale. Et ça, c'est un
précédent, c'est l'un des précédents les plus
dangereux, M. le Président.
Les gouvernements autochtones prévus dans l'entente. Si, au bout
de cinq ans, les gouvernements ne s'entendent pas avec les groupes autochtones,
qu'est-ce qui arrive? C'est la Cour suprême qui va décider. Les
élus ne décideront pas quelle sorte de gouvernement les
autochtones auront; c'est la Cour suprême qui va décider, qui va
s'arroger des droits, des privilèges, des fonctions qui, normalement,
doivent être exercés par des élus.
Nouveaux pouvoirs: aucun. Le pacte confé-dératif de 1867
en reconnaissait onze, nouveaux pouvoirs, onze pouvoirs exclusifs aux
provinces, M. le Président. Aujourd'hui, il n'en reste que six et
même, dans ces six-là, si le peuple québécois dit
oui à cette entente, même pour ces six pouvoirs exclusifs, le
fédéral aura le droit de venir exercer son pouvoir de
dépenser et d'imposer des normes.
Finalement, la société distincte - d'autres l'ont dit
avant moi - il faut le répéter... Cette société
distincte, ce concept qui est à peine clair dans le texte des offres, il
est neutralisé, il est complètement neutralisé par
l'obligation qu'auront les gouvernements des provinces de favoriser le
développement de la langue seconde. M. le Président, vous savez
qu'au Québec, ça veut dire que les anglophones du Québec
pourront plaider jusqu'à la Cour suprême, où ils auront de
très bonnes chances de gagner. Ils pourront plaider que, pour favoriser
le développement de leur langue au Québec, il n'est pas utile
d'avoir le français comme langue de travail. Il serait plus commode
d'avoir et le français et l'anglais comme langues de travail, M. le
Président. En d'autres termes, c'est une menace directe à la loi
101. (20 h 20)
La réponse aux offres, la nôtre, elle est bien connue.
Mais, M. le Président, ce qui est intéressant, c'est que le Parti
québécois n'est pas le seul dans le camp du non, loin de
là. Il y a Me Jean Allaire, et des Jean Allaire, il y en a dans
plusieurs comtés du Québec, y compris dans le comté de La
Prairie. Il y a des Jean Allaire dans mon comté, dans le comté de
La Prairie, qui vont se joindre au camp du non, avec des jeunes libéraux
du comté de La Prairie qui vont se joindre au camp du non. Le Parti vert
se joint au camp du non. Le parti NPD Québec se joint au camp du non. Et
les groupes environnementaux l'ont répété encore il y a
quelques jours: Le Québec doit rapatrier l'essentiel des pouvoirs en
matière d'environnement. «Les dernières offres
constitutionnelles - et je cite -vont perpétuer l'incohérence, la
confusion et le gaspillage.» Rappelons-nous le projet de loi C-13 qui a
fait l'objet de la colère du député de Bro-me-Missisquoi,
du ministre de l'Environnement, à
bon droit. Nous l'avons appuyé. J'ai bien hâte d'entendre
le discours du ministre de l'Environnement demain, parce que dire oui aux
offres qui sont devant nous, ça veut dire continuer à voir
d'autres projets C-13 dans l'environnement, d'autres projets où le
gouvernement fédéral viendra s'ingérer dans la gestion des
choses québécoises.
M. le Président, en conclusion, ces offres ne contiennent
absolument rien de bon, non seulement du point de vue des
députés, ici, à l'Assemblée nationale, mais surtout
du point de vue des 400 000 chômeurs, du point de vue des 250 000
assistés sociaux qui sont aptes au travail, du point de vue des
personnes handicapées, du point de vue des personnes âgées.
Et, M. le Président, la fierté, la dignité des
Québécoises et des Québécois, ça ne
s'achète pas, ça ne s'achète pas. Et, en dépit des
dizaines de millions qui vont pleuvoir sur le Québec durant cette
campagne, nous avons la conviction que le peuple québécois va se
tenir debout et va dire non à cette question. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de La Prairie. Mmes et MM. les parlementaires, je vous
informe, ainsi que ceux et celles qui nous écoutent, qu'il y a, sur le
débat, 26 h 8 min d'écoulées. Il reste 5 h 29 min au
groupe parlementaire formant le gouvernement, 2 h 33 min à l'Opposition
officielle et 50 minutes aux indépendants.
Je vais maintenant céder la parole à Mme la
députée de Dorion et ministre déléguée
à la Condition féminine et responsable de la Famille. Vous avez
droit, Mme la ministre, à 20 minutes..
Mme Violette Trépanier
Mme Trépanier: Merci. M. le Président, quand j'ai
pris connaissance de la question, j'ai eu une réaction de
pédagogue; je pense que c'est ma formation de base qui remontait
à la surface. Une question précise, une question concise et une
question transparente. Les Québécois et les électeurs de
Dorion, que je salue ce soir, sauront, à la première lecture de
la question, pourquoi ils voteront oui. Ça, c'est un grand changement
avec 1980. On se souviendra que le gouvernement de l'époque avait
libellé une question de 120 mots où les gens les plus
informés en perdaient leur latin.
Vous savez, M. le Président, que les sondages nous disent que la
personnalité politique canadienne la plus respectée et la plus
efficace, c'est notre premier ministre. Ces sondages nous démontrent
aussi que la population est majoritairement derrière lui. Dans mon
comté, on retrouve beaucoup d'immigrants, soit au-delà de 20 %.
Ces gens-là sont profondément attachés au Canada, et ils
vont dire oui à l'entente. Ils sont persuadés qu'un
renouvellement en profondeur de la Constitution canadienne, c'est la meilleure
option. Ces gens-là, M. le Président, sont
déterminés et convaincus. Ils ont choisi le Québec comme
terre d'accueil, après avoir fui des pays de guerre, des pays de
répression, des pays de très grande pauvreté. Ils ont
trouvé chez nous la stabilité et la qualité de vie
incomparable, liée au dynamisme de ces gens-là et à la
grande capacité des Québécois d'accueillir les gens
d'autres pays. C'est massivement qu'ils vont dire oui.
Devant la volonté profonde du peuple québécois
d'une plus grande autonomie, la nécessité d'un changement majeur
de nos institutions politiques, le premier ministre a toujours porté
bien haut les aspirations légitimes du Québec et ce, en toute
conscience du caractère déterminant de sa tâche.
Souvenez-vous de sa vision de l'enjeu qu'il a exprimée à la
commission Campeau, lors de la clôture. Il disait: Face à
l'histoire, je suis évidemment, parmi vous, celui qui aura à
prendre l'une des décisions les plus importantes pour le Québec.
Cette décision ne peut être une décision de parti ou
d'intérêt politique; elle sera une décision d'avenir,
prudente et réaliste, une décision qui témoignera de la
confiance et de la détermination du peuple québécois de
maîtriser pleinement son destin dans le monde de l'interdépendance
des peuples.
C'est sûr que les décisions n'ont pas été
faciles à prendre - elles exigeaient une vision à long terme -
mais il faut convenir que nous avons ici le bilan le plus imposant de toute
l'histoire du Québec. Le premier ministre a tenu parole, et je ne suis
pas surprise non plus, aujourd'hui, de constater que la population
québécoise voit en lui l'homme politique le plus respecté
et le chef d'État tout désigné pour mener à bien
les destinées du Québec.
Vous savez, je suis reconnue comme une militante libérale de
longue date, et j'ai adhéré avec enthousiasme au rapport Allaire
en 1991. Pourquoi? Parce qu'il visait avant tout un renouvellement profond de
la Fédération canadienne et qu'il montrait au reste du Canada
notre détermination à y parvenir. Aujourd'hui, je suis aussi
d'accord avec l'entente et avec la démarche référendaire
que nous entreprenons parce que j'ai toujours considéré le
programme constitutionnel de notre parti comme un objectif à long terme.
Il existe toujours, ce programme, et il demeure le but ultime vers lequel se
dirigent nos énergies.
Avec cette entente, M. le Président, une étape très
importante vient d'être franchie. Vous savez, la politique, c'est un
rapport de force, et, avec cette entente, il est certain que nous sommes mieux
positionnés pour négocier le reste de nos revendications avec en
main les garanties nécessaires à notre survie. Personnellement,
je préfère de loin composer avec le concret, négocier sur
une base solide plutôt que de refaire table rase et de repartir à
zéro. Vouloir assumer trop d'inconnu peut s'avérer une entreprise
périlleuse qui risque, à moyen terme, de se
retourner contre nous, et je me refuse de mettre en péril
l'avenir des générations qui nous suivront. Un gouvernement
responsable n'a pas le droit de prendre un si grand risque.
L'Opposition, pour sa part, se fait, évidemment, le promoteur de
la souveraineté pure et dure du Québec. Il s'agit là,
à mon avis, de l'expression d'un nationalisme étroit plus enclin
à un repli sur soi qu'à l'ouverture aux autres. Je crois
fermement qu'on peut gagner davantage en demeurant au sein de la
Fédération pour faire valoir nos droits, défendre nos
intérêts et nous assurer d'une économie prospère.
Faire face aux défis auxquels nous confrontent la globalisation et la
restructuration des économies industrialisées implique de ne pas
se lancer les mains liées dans l'incertitude et ce, je le dis ayant en
tête mes fonctions au gouvernement.
Bien sûr qu'à titre de ministre de la Condition
féminine et de la Famille, j'aurais souhaité que l'on s'entende
sur le rapatriement de certaines juridictions: le mariage, le divorce, la
politique familiale. Mais il est indéniable, toutefois, que le
Québec a marqué des points et que nous en marquerons d'autres, et
c'est ça qui est important. Ce n'est pas la fermeture des livres
aujourd'hui avec le référendum, c'est une page que l'on tourne.
L'entente nous donnera les outils et le rapport de force nécessaires
pour poursuivre nos revendications légitimes. Vous savez, peu importent
les structures que se donneront le Québec et le Canada, l'objectif
premier demeure de se définir des orientations cohérentes et
réalistes avec comme toile de fond les intérêts du
Québec, les intérêts des femmes et des hommes qui le
composent. (20 h 30)
Je pense particulièrement, et j'insiste sur ce point, aux
intérêts et aux préoccupations des femmes, qui constituent
plus de la moitié de la population québécoise. Les enjeux
pour elles sont aussi extrêmement importants. Le pouvoir de
dépenser, le partage des compétences et le pouvoir juridique sont
quelques-uns des secteurs qui peuvent influencer leur qualité de vie et
leur avenir. Un fait demeure: Quelles que soient les structures
constitutionnelles, l'urgence de certains problèmes persiste et demande
qu'on y consacre toutes les énergies pour trouver les solutions
concrètes et durables. La violence, l'autonomie financière,
l'égalité réelle entre les sexes, la
nécessité de créer des conditions favorables
d'épanouissement pour les familles sont, à mon avis, autant de
considérations immédiates sur lesquelles il faut agir avec
diligence et fermeté. Sans nier qu'il reste des étapes
importantes à franchir, j'aimerais tout de même souligner
très brièvement ce que je considère être de
véritables pas en avant dans la démarche des femmes visant
l'atteinte de l'égalité et de leur autonomie
financière.
M. le Président, il est important de savoir deux choses
auxquelles les Québécoises tiennent mordicus.
Premièrement, que leurs droits - notamment, le droit à
l'égalité - soient toujours protégés.
Là-dessus, je dis qu'ils le sont doublement, et par la Charte
québécoise des droits et par la Charte canadienne.
Deuxièmement, elles veulent obtenir les outils nécessaires
à l'atteinte de leur objectif premier, qui est celui d'assurer leur
sécurité économique, et de protéger leurs avantages
sociaux.
À cet effet, les femmes peuvent être rassurées,
parce que l'entente conclue le 28 août comporte des garanties très
importantes. Tout d'abord, compte tenu des réalités historiques,
sociales et culturelles différentes que vivent les femmes, y compris les
réalités du marché du travail, il est rassurant et
primordial que soit inscrit et reconnu dans la loi suprême du Canada, par
le biais de la clause Canada, le principe de l'égalité entre les
sexes, d'autant plus, lorsque l'on sait que la Constitution, dans son
intégralité, et ceci, incluant la Charte canadienne des droits et
libertés, devra être interprétée en tenant compte
des principes fondamentaux énoncés dans cette clause.
N'est-ce pas là un gain inestimable que ce consensus fondamental
des provinces et du gouvernement fédéral reconnaissant la
nécessité et la volonté de garantir
l'égalité et la non-discrimination sur la base du sexe? M. le
Président, il s'agit, sans contredit, d'une protection additionnelle
pour les femmes. L'inclusion de ce principe est, pour toutes les
Québécoises, un exemple que cette entente représente pour
elles plus que Meech. Pourtant, déjà à cette
époque, en 1987, la regrettée Mme Francine McKenzie, alors
présidente du Conseil du statut de la femme, affirmait, en
réponse aux inquiétudes formulées par des groupes de
femmes au sujet de la clause de la société distincte, le fait que
deux dispositions de la Charte garantissant l'égalité pour les
femmes renforcent le degré de protection accordée à ce
droit par rapport aux autres consacrés par cette Charte. Au surplus,
l'article 28 de la Charte canadienne comporte, dans son énoncé
même, les termes qui assurent la primauté constitutionnelle aux
droits à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mme McKenzie poursuivait en rappelant que c'est à la demande
expresse des groupes de femmes qu'en 1982, l'article 28 a été
inséré dans la Charte canadienne. De cette façon,
disait-elle, l'on a érigé le droit à
l'égalité au sommet de la hiérarchie constitutionnelle.
N'oublions pas, M. le Président, que l'enchâssement des droits
stipulés dans la présente entente les consacre comme valeurs
fondamentales de notre société.
De plus, des progrès importants ont été accomplis
en matière de condition féminine depuis une vingtaine
d'années, nous permettant de croire que la notion
d'égalité est bien présente au Québec et que
celle-ci fait partie des caractéristiques de la société
distincte. Les Québécoises peuvent également
bénéficier d'outils
juridiques, de programmes spécifiques et, surtout, elles peuvent
compter sur la force sociale qu'elles représentent pour faire valoir
leurs droits.
L'entente permet également au Québec de réaliser
des gains majeurs en lui conférant la compétence de la formation
et du perfectionnement de la main-d'oeuvre. M. le Président, pour la
condition féminine, cette victoire est capitale. Rappelons que les
femmes composent actuellement 44 % de la main-d'oeuvre québécoise
et que l'autonomie financière à laquelle elles aspirent doit
nécessairement passer par une formation adéquate. C'est d'autant
plus vrai lorsqu'on reconnaît que d'ici l'an 2000, donc demain matin,
au-delà de 67 % des nouveaux emplois nécessiteront au moins 12
années d'études et 50 % d'entre eux en nécessiteront 17.
N'oublions pas non plus que, si la tendance se maintient, les femmes, en l'an
2000, représenteront la moitié de la main-d'oeuvre
québécoise.
La véritable richesse d'un peuple n'est-elle pas ses ressources
humaines? Cette main-d'oeuvre ne représente-t-elle pas l'outil essentiel
à sa relance économique? Ma réponse, c'est oui. Et
j'affirmerais même que le Québec ne pourra affronter avec
succès les défis actuels et futurs de la main-d'oeuvre et de la
mondialisation des marchés également sans cette force vive que
représentent les femmes. Rappelons qu'au cours des 15 dernières
années, la croissance de la population active, due principalement
à l'entrée massive des femmes sur le marché du travail, a
permis au PIB de faire un bond de 75 % et d'augmenter la productivité de
48 %. Les femmes sont partenaires, et elles sont des partenaires dont on ne
peut plus se passer et qu'on ne peut pas se permettre d'ignorer.
Dans cette perspective, l'égalité économique entre
les femmes et les hommes, le développement des compétences et la
croissance économique du Québec sont indissociables des
intérêts recherchés pour la société
québécoise. Et cela, M. le Président, l'entente de
Charlottetown nous le garantit. C'est pourquoi, afin de répondre aux
aspirations les plus légitimes des femmes, il est urgent que l'on mette
fin à l'état de crise constitutionnelle qui règne
présentement, que l'on retrouve la stabilité économique
nécessaire à l'atteinte de leur autonomie financière. La
stabilité politique nous permettra enfin de concentrer davantage
d'énergie pour trouver des solutions durables aux problèmes qui,
quotidiennement, sont vécus par les femmes, des problèmes qui
s'appellent violence, équité en emploi, autonomie
financière.
En conclusion, M. le Président, Marie Lavigne, qui est la
présidente actuelle du Conseil du statut de la femme, affirmait, en
novembre 1990, devant Bélanger-Campeau, que, pour les femmes du
Québec, l'État québécois a été un
interlocuteur privilégié au cours des 20 dernières
années. Elles ont revendiqué auprès de lui, dit- elle, des
réformes, des lois, des programmes, des politiques qui puissent leur
assurer une place égalitaire dans la société
québécoise. Pour l'avenir, les femmes ont besoin que
l'État continue à jouer son rôle pour faire progresser
leurs droits dans les multiples domaines qui les concernent et ce, de
manière concrète et efficace.
M. le Président, le gouvernement libéral a toujours
été sensible aux besoins et aux revendications des femmes. Il a
toujours assumé ses responsabilités avec détermination et
réalisme et continuera à le faire. À l'intérieur du
Canada, les Québécois et les Québécoises ont
toujours été à la recherche de plus d'autonomie, lis
recherchent un meilleur équilibre entre deux extrêmes qu'ils
rejettent catégoriquement, à savoir l'unité totale et la
souveraineté totale.
En terminant, M. le Président, vous savez, le
fédéralisme est essentiellement un compromis en mouvement. C'est
pourquoi je suis convaincue que c'est à partir des acquis obtenus par
cette entente que le mouvement va se continuer et qu'il va assurer la
concrétisation de nos plus grandes aspirations. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Dorion, Mme la ministre. Alors, je vais maintenant
céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier.
En votre qualité de député indépendant, selon
l'entente intervenue entre les leaders, vous avez droit à une
période maximale de 20 minutes, M. le député.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. M. le
Président, quand je parle en cette Assemblée, j'espère
toujours parler à mes commettants de Jacques-Cartier et pour mes
commettants de Jacques-Cartier. C'est également vrai aujourd'hui, mais,
aujourd'hui, je dirige mes remarques vers tous les Québécois et
vers les gens qui ont encore des doutes sur les propositions de Charlottetown
du 28 août dernier. (20 h 40)
M. le Président, je voudrais rappeler à l'Assemblée
des paroles de George Brown à l'occasion des débats sur la
Confédération de 1865 dans l'ancienne province du Canada:
«We are endeavouring to adjust harmoniously greater difficulties than
have plunged other countries into all the horrors of civil war. We are striving
to do peacefully and satisfactorily what Holland and Belgium, after years of
strife, were unable to accomplish. We are seeking by calm discussion to settle
questions that Austria and Hungary, that Denmark and Germany, that Russia and
Poland could only crush by the iron heel of armed force. We are seeking to do
without foreign intervention that which deluged in blood the sunny plains of
Italy. Should not every one of us rise to the magnitude of the occasion and
earnestly seek to deal with the question to the end in the same candid
and conciliatory spirit in which, so far, it has been discussed?»
M. le Président, comme tout le monde le sait, nos ancêtres
et prédécesseurs politiques ont réussi, et le Canada a
toujours réussi. Avant de discuter du nouvel accord du 28 août, je
pense qu'il est nécessaire de considérer les véritables
raisons de cette réussite. Après tout, et en changeant seulement
quelques-uns des pays cités par George Brown, on peut presque dire la
même chose du monde d'aujourd'hui. Et nous ne sommes pas plus courageux
que les Russes, plus intelligents que les Allemands, plus subtils que les
Italiens. Tout de même, on trouve aujourd'hui plus de 150 pays, mais
peut-être 20 pays où les législateurs peuvent faire la
même déclaration que George Brown. Je crois que la raison
principale en est que seulement un petit nombre de pays ont
évolué vers une culture politique qui reconnaisse l'importance
d'un équilibre: équilibre d'ordre et de liberté,
équilibre de tradition et de forces nouvelles, équilibre de
principes philosophiques et de contexte actuel. Une société qui
se livre complètement aux idées courantes, aux modes politiques
et à un opportunisme total est ouverte à l'anarchie ou à
la tyrannie. Une société où les groupes différents
s'attachent aux principes absolus doit finir par la division, la
séparation et l'atomisation. Par contraste, nous sommes les
héritiers d'une tradition rare et précieuse: la tradition de
maintenir un équilibre difficile entre principes philosophiques et
constitutionnels et forces politiques actuelles.
Pour atteindre un tel équilibre, nous devons accepter beaucoup
d'inconsistances, beaucoup d'irritations, beaucoup de limitations dans nos
choix personnels; c'est vrai pour les francophones de Québec, c'est vrai
pour les anglophones de Québec et d'ailleurs, et c'est vrai des gens
libéraux et des gens conservateurs. Le Canada est un paradis de
bureaucrates, un limbo pour tous ceux qui aiment la logique et la
précision, et quelquefois un enfer pour l'individu qui déteste
les contraintes de l'État. De plus, comme je l'ai souligné dans
mon étude minoritaire sur les implications de la souveraineté, on
peut également y constater une nouvelle impatience envers tout cela.
Deux raisons principales font que nos manoeuvres constitutionnelles sont
de plus en plus compliquées et exaspérantes aux yeux des
partisans d'un Canada uni et pour ceux d'un Québec séparé.
La première est que les Canadiens, francophones et anglophones, sont de
plus en plus influencés par la culture des États-Unis, non pas
par les États-Unis en tant que système politique
fédéral, mais plutôt en tant qu'exemple d'un lieu où
«État» et «nation» ont pratiquement la
même signification, sans définir la nation en termes de peuple
ethnoculturel en particulier. L'avantage réel du
fédéralisme aux États-Unis et au Canada, qui donne libre
cours à la liberté, à la variété, à
la concurrence, à la préservation de la loyauté locale
sans le chaos issu d'innombrables souverainetés rivales, n'est que
très peu enseigné à nos jeunes et complètement
ignoré des médias. Un très grand nombre de Canadiens
anglophones s'imaginent vivre dans un État-nation dont le Québec
est une partie. Un très grand nombre de Canadiens francophones
s'imaginent vivant bientôt dans un État-nation, mais que leur
mouvement vers l'indépendance est arrêté par
l'inflexibilité et l'étroitesse d'esprit des Canadiens
anglophones. Tous, ils ont tort. J'ai déjà exprimé, en
cette Assemblée et dans un document écrit, pourquoi je pense que
les souverainistes ont tort, et je sais bien que je reviendrai plusieurs fois
sur ces arguments, ici et ailleurs. Mais à ce moment-ci, en tant que
député anglophone et partisan des droits individuels, il faut
aussi dire quelque chose des anglophones qui n'ont pas décidé
s'ils appuient les propositions de Charlottetown.
M. le Président, probably the most powerful single criticism that
has been made of the Charlottetown proposals, one that at least partially
unites the very motley assemblage of forces attempting to gather behind the No,
is that we have been well-served by something rather vaguely described as the
constitutional status quo, it sometimes even being argued that this status quo
has been a source of strength for a century and a quarter. This argument will
not hold water, even if we ignore the exceptional developments of the most
recent years. If the status quo means the entire evolutionary process by which
Canada has gradually modified and interpreted its constitutional structure,
then we are talking about an immense long wave that embraces British common law
and criminal law, French civil law, the Québec Act, the Constitutional
Act of 1791, the Act of Union of 1840, the British North America Act of 1867,
the Statute of Westminster of 1931 and the repatriation, partial concord, and
Charter of 1982; equally important, an immense array of subordinate formal and
informal agreements between the provinces and Ottawa and also established by
ordinary federal and provincial legislation. From this point of view, the new
accord, even if it prepares the way for important changes, is no more a
departure from what status quo has meant in Canada than a resistance to the
accord can be claimed to defend it.
If, on the other hand, critics mean by the status quo only the set of
arrangements we have had to contend with in recent years, particularly since
the Act of 1982, it is scarcely possible to make the same claim of being
well-served. The political difficulties that have followed from that Act can be
exaggerated, it is true. However, it caused much discontent in Québec,
it scarcely brought about anything as serious as legislative paralysis or
disintegration at either the federal or provincial level. But there is
something rather
grotesque in the fact that most of the Anglophone opposition to the new
accord, at least in this end of the country, is actually based on objections to
characteristics of the 1982 Act, and these objections are being raised by the
very people most attracted to the constitutional vision of Mr. Trudeau. More
particularly, they are objecting to a decentralization which they fear will
interfere with an agenda they want to be maintained or adopted in future by the
Canadian Central Government. But while they are perfectly justified in fighting
for the adoption of that agenda, at every level from the municipal to the
federal, they do not thereby demonstrate that Canadians in general, or
Anglophones in Québec and elsewhere in particular, should judge the
value of a successfully negotiated agreement on the basis of how well it suits
their own political agenda. (20 h 50)
The critics have also raised a slightly different and somewhat more
persuasive argument, which is that constitutional reform should aim at making
life better for individual Canadians, while the accord we are considering at
best serves the interests of governments and politicians. There is some justice
in this claim, but it ignores the basic reality of a free, democratic, and at
least partially free market state, which is that most of the really important
benefits of life here for individual citizens flow from the large areas of
human action that are outside the scope of State regulation altogether, and are
based on social and philosophical conventions that have been observed
throughout Canada in the past and will continue to be in the future. Virtually
any imaginable federal accord for a country like Canada is bound to be one
primarly dealing with governmental jurisdiction, and of a kind to cause all
pure libertarians to gnash their teeth. The advantage of such agreements is the
preservation of civility, rational discourse and voluntary agreement, that are
most vital for the actual flourishing of individual liberty. This is scarcely
even debatable, as the Americans have shown us. Recall that in the United
States, the strict judicial interpretation and legal defence of Bill of Rights
principles as absolute rights has frequently generated more governmental
interference in the lives of ordinary Americans than the activities of their
Legislatures.
Just as questionable is the claim that the Charlottetown accord is
somehow the frightening herald of proliferating and quarreling provincial
bureaucracies, contrasting with an idealized picture of forceful and
public-spirited action by a strong central Canadian Government. This surely has
very little correspondence today to our experience of government at all levels.
Our real problem with bureaucratization in this country comes from the
existence of a vast array of monopolies, many of them held in place as much by
seniority rules, unionization, and governmental regulation that can originate
almost anywhere, and the three most effective forces that limit or even end
these monopolies are steadily rising debt, international and internal economic
competition, and the steadily growing understanding in the general public that
all governmental favours return to them in their own tax bills. The
Charlottetown accord is no great help in any of these respects, but neither are
the arguments used by its critics.
Finally, I will turn to arguments about the distinct society clause. I
will admit I continue to dislike this clause, not because I am convinced that
it is either the toothless fraud that the Péquistes claim it is, nor
because I am entirely persuaded that it represents, in its present form, a
serious practical danger for the minority population of Québec. It seems
to me to retain the ambiguity that has generated so much heat over the last
five years; not the kind of useful ambiguity that aids future judicial decision
or political negotiation, but the kind of systematic misunderstanding that can
set a whole generation of Canadians talking at cross purposes. As I have
already noted, that additional terminology of «vitality and
development» clearly means we will always have our colourful native
dances, but I know the minority wants it to mean that we will have our social
institutions, and an end to discriminatory legislation, and we are less
confident we are getting that.
But I also believe that it is sometimes necessary to enter into an act
of trust and solidarity with people of mixed opinions to accomplish a larger
purpose, especially when that purpose bears directly on the more narrow
concerns that might make us pause. In other words, I believe there is enough
confidence and open-mindedness in modern Québec, enough of a possibility
of continuing real co-operation and friendship between the different linguistic
groups, that between the different I inguistic groups, that we will both gain
more from the successful endorsement of a constitutional accord, than we will
form a rejection that does nothing but register our areas of continuing
discontent. I could be mistaken, but I do not think so.
I might again recall a speaker from the 1865 Confederation debates, in
this case John Rose, who held the seat for Montréal Centre: «Those
who say that the people throughout the country are opposed to this measure, I
am satisfied, know very little of what the sentiment of the country is. I
believe there is a deep-rooted approbation of the steps that have been taken. I
know that those who are perhaps most fearful with reference to it, and whose
interests are perhaps those in jeopardy - the English-speaking minority in
Lower Canada - have considered it carefully, and with all their prejudices
against it at the outset, are now warmly in its favor.»
M. le Président, I believe that we are coming to the same
position today. I would add what I hope is a superfluous warning: that as the
tempo and intensity of our linguistic and political clashes increased in
intensity in the period from 1967 to 1980, the same may happen in the future,
and if it does, I can assure this Assembly that the remaining partisans of an
exclusivist nationalism will not find themselves dealing with another exodus,
but the most heated resistance. I also believe, however, that the stronger
current will remain one of friendship and co-operation. I therefore strongly
support the Québec Government in its adherence to the Charlottetown's
accord, and I will do my best to convince as many as possible of my fellow
Quebeckers to adopt the same course.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Jacques-Cartier. Sur cette même motion du premier
ministre relativement à la question référendaire, je
cède maintenant la parole à M. le député de
Beauce-Nord.
M. Jean Audet
M. Audet: Merci, M. le Président. «Acceptez-vous que
la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente
conclue le 28 août 1992?» Voilà la question: claire,
précise, sans sous-entendu, différemment de 1980. Il y a une
entente entre les provinces et le gouvernement fédéral. C'est
là-dessus que les Québécois devront se prononcer.
Voulons-nous continuer dans cette structure renouvelée qu'est le
Canada, oui ou non? C'est le choix que nous aurons à faire. Je
n'expliquerai pas l'entente en détail, puisque mes collègues ont
pris soin de le faire. Il y a des choses intéressantes, il y a des
gains, il y a des gains importants pour le Québec. On pense, entre
autres, à la définition de la société distincte, au
rapatriement de pouvoirs, à la culture, à la main-d'oeuvre. Il y
a des choses intéressantes, importantes dans cette entente. Même
l'Opposition, à certains égards, l'a admis. Certains disaient:
C'est insuffisant. Mais si c'est insuffisant, M. le Président, vous
conviendrez avec moi que, déjà, on convient qu'il y a des gains.
Ce n'est pas parfait. Pour d'autres, comme je viens de le dire, ce n'est pas
parfait, mais il y a là des gains importants pour permettre au
Québec de se développer et de continuer à
s'épanouir dans l'avenir.
Évidemment, si vous êtes séparatistes, si vous
êtes du Parti québécois, vous êtes
nécessairement contre l'entente, nécessairement. Peu importe
l'entente qu'on aurait eue, les offres qu'on aurait eues, vous auriez
été contre, parce que, évidemment, l'objectif du programme
du Parti québécois, ce n'est pas de s'entendre à
l'intérieur du Canada, mais bien de séparer le Québec du
reste du Canada. Vous pouvez être contre l'entente, M. le
Président. Je vous dirais, à ce moment-là, que vous
êtes un séparatiste naïf parce que, advenant le cas
où, demain matin, le 27 octobre, le non emportait le
référendum, on se retrouve où? J'entends
déjà les ténors du Parti québécois nous
dire: Ah, il n'y a pas possibilité d'entente. Ce n'est pas un
référendum sur la souveraineté, ce n'est pas un
référendum sur la séparation, non, mais il n'y a pas eu
possibilité d'entente. On n'est pas capable de s'entendre avec le
Canada; alors, la seule voie admissible, c'est la séparation du
Québec.
On a entendu toutes sortes de choses. J'ai écouté
attentivement parce que, M. le Président, j'ai dit les deux
catégories... il y en a peut-être une troisième, de
séparatistes de nulle part que je dirais, qui pensent encore, qui
répètent encore les vieux discours que j'entendais lorsque
j'avais 12, 13 ou 14 ans. Je suis un des jeunes. J'ai eu la chance d'avoir ou
le privilège de venir ici assez jeune. Des discours dans les
années soixante-huit, soixante-neuf, soixante-dix, soixante-douze,
soixante-quinze, soixante-seize: l'écrasement du Québec sous le
joug du fédéralisme centralisateur et dominateur et le carcan,
etc. Mettons-en, M. le Président, ce n'était pas drôle. Le
Québec était voué à la colonisation. En tout cas,
tout ce que vous voudrez, appelez ça comme vous voudrez, là. (21
heures)
C'est drôle, M. le Président, je l'ai mentionné
tantôt, j'ai à peine 36 ans, encore un jeune homme plein de
promesses et d'avenir, mais je n'ai jamais senti ce joug écrasant,
dominateur du gouvernement fédéral. Si c'est ce que vous sentez,
M. le Président, bien, vous devrez être contre l'entente,
évidemment. Mais si, comme moi, M. le Président, vous admettez
que depuis 125 ans, malgré des petites querelles, le Québec,
malgré ses différences, sa culture, son peuple, a pu se
développer, a pu se faire connaître internationalement, que ce
soit par sa culture, sa recherche, ses scientifiques, que ce soit par
l'ingénierie, a pu se développer et se faire connaître
à l'extérieur du Canada, mondialement, bien, vous direz oui
à l'entente.
Si vous admettez, M. le Président, que malgré une entente
qui n'est pas parfaite, qui donne un peu plus de pouvoirs au Québec - je
ne dis pas «la grosse affaire», je dis «un peu plus»,
M. le Président - certains points intéressants revendiqués
depuis longtemps par le Québec, vous direz oui, M. le Président,
à l'entente constitutionnelle. C'est comme une convention collective;
c'est comme des négociations entre partenaires; c'est comme des
échanges dans un couple: on ne peut pas toujours être d'accord.
Des fois, on va souhaiter en avoir plus pour, finalement, en obtenir un peu
moins. Mais, quand même, il n'y a pas lieu de se séparer pour
ça, à toutes les occasions. M. le Président, il n'y aurait
pas de couples ensemble, il n'y aurait pas de compagnies qui existeraient,
avec
des actionnaires et avec des associés. Il n'y a rien qui
marcherait, nulle part. C'est toujours facile de dire: Ça ne fait plus
mon affaire, je m'en vais. Ça, c'est la solution la plus facile, M. le
Président.
L'entente qu'on a aujourd'hui, c'est une base, c'est un début,
c'est une étape à franchir, et elle nous permettra, j'en suis
convaincu, d'amorcer le renouvellement du système fédéral
canadien et, ainsi, améliorer et favoriser les possibilités pour
le Québec de se développer dans le Canada, dans les défis
qui nous attendent. À ce moment-là, M. le Président, si
vous êtes d'accord avec ça, vous direz oui à l'entente.
J'aime mieux me battre seul dans le Canada, M. le Président, que me
battre seul contre le Canada, surtout avec les défis qui nous attendent
au XXIe siècle.
Réalisons l'entente. Le reste - parce qu'il en reste, des choses
à faire; il va en rester après, mais à l'intérieur
du Canada - le reste suivra. Il y a des ententes qui sont prévues - on
le reconnaît dans l'entente - des ententes administratives. Il y a
certaines choses intéressantes qu'on peut aller chercher.
Réalisons l'entente, puis le reste suivra.
Ce n'est pas un peu ça, M. le Président, que les gens d'en
face, le Parti québécois nous proposait en 1982: de
l'étapisme, l'autonomie du Québec, la souveraineté du
Québec par étapes? C'est ça qu'on nous proposait, M. le
Président. Il y en avait, des gens qui étaient là dans ce
temps-là et qui sont encore ici aujourd'hui. Je ne comprends pas. Je ne
comprends pas. Il me semble que c'est plus de stabilité, cette
étape-là, ce processus-là, que d'y aller drastiquement par
une coupure, puis de revenir, après, négocier par traités.
À entendre les gens de l'Opposition, si demain matin on accepte
ça, il va y avoir encore des négociations et des
négociations. La séparation, à mon sens, M. le
Président... Si on veut négocier des ententes, qu'elles soient
économiques ou d'échange de biens ou de personnes avec le reste
du Canada ou les États-Unis; il faudra négocier, de toute
façon. Le Canada a négocié une entente avec les
États-Unis sur le libre-échange. On savait qu'il y aurait des
problèmes. On a nommé un tribunal d'arbitrage au cas où il
y aurait des conflits.
J'ai lu, M. le Président... On sait qu'en Europe,
présentement, il se passe une chose, un contexte qui ressemble un peu au
nôtre dans sa forme; sur le fond, c'est différent, mais dans sa
forme, ce qu'on appelle la grande Europe, avec le référendum qui
aura lieu prochainement sur l'entente de Maastricht... J'ai fait un
rapprochement là-dessus, et il y a une interview qui s'est faite,
où on interviewait des grands scientifiques pour l'Europe. Je vais vous
lire ce qu'un scientifique répondait, M. le Président; ça
peut très bien aller ici. Je vais dire exactement ce qui est là.
M. Jean-Marie Lehn, scientifique reconnu d'Europe, disait: «Je m'engage
en tant qu'Euro- péen d'abord. L'Europe, pour moi, est celle de la
richesse des cultures, de cette diversité qui est un appel à
l'ouverture à l'autre et aux différences, un appel au
dépassement des attitudes frileuses - c'est un peu ce qu'on a, ce qu'on
voit ici - c'est l'Europe de l'humanisme qui s'étend par-delà les
frontières des nationalismes égoïstes, des
régionalismes étroits et des intérêts locaux
mesquins; une Europe, enfin, qui n'oublie pas les autres, car plus elle se
sentira sûre d'elle, plus elle pourra être
généreuse.»
L'entente qu'on a, M. le Président, c'est une entente qui nous
montre une ouverture, une générosité. Et il dit un peu
plus loin: «C'est le but qui compte. Le traité de Maastricht est
une étape à franchir. Il y en aura d'autres. La
réalisation de l'Europe doit se définir d'abord par ce qu'elle
permet, même si sa pratique s'accompagne de
réglementations.»
Qu'est-ce qui se passe là? Ces gens-là veulent se
regrouper et nous, ici, on a des gens qui sont contre parce qu'ils ne veulent
pas que ça marche, et qu'on se sépare.
Alors, pour l'Europe, la question, M. le Président, c'est de
savoir si, demain, ils formeront une grande nation pour affronter les
défis du XXIe siècle. Pour nous, la vraie question, c'est de
savoir si nous voulons, comme Québécois, avec nos partenaires
canadiens, continuer de faire partie de ce grand pays pour affronter les
défis de demain, avec les avantages et les inconvénients.
Oui, M. le Président, si l'absence de textes juridiques... Pour
certains, on l'a dit, c'est l'incertitude complète. Le Québec est
devant le vide absolu, mais un référendum sur la
souveraineté, on dit qu'on n'en parle pas, mais ce n'est pas de
ça qu'on parle, là, c'est vrai. Mais j'ai écouté
«Le Point», la semaine dernière, puis il y en a un qui en a
parlé, c'est le chef de l'Opposition. On va battre le
référendum qu'il y a là, on va se faire élire,
puis, après ça, on va refaire un référendum sur la
souveraineté. Si le fait de ne pas avoir de textes juridiques
aujourd'hui, M. le Président, ça représente de
l'incertitude, qu'est-ce que sera le référendum sur la
souveraineté? Est-ce qu'on aura des textes juridiques, on aura des
ententes, des traités signés d'avance? Bien, moi, je peux vous
dire que je préfère cette incertitude-là dans la
stabilité avec mes partenaires canadiens. Je dis oui à l'entente,
je dis oui au Québec et je dis oui à demain. Merci, M. le
Président.
M. Blais: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Beauce-Nord. M. le député de Masson,
oui.
M. Blais: J'aimerais demander au leader parlementaire, comme
promis cet après-midi, à la période de questions... M. le
premier ministre
avait dit qu'il...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant,
un instant, M. le député. Je m'excuse. Je m'excuse.
M. Blais: J'ai demandé une question.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non. Est-ce que...
Si c'est une question de directive, vous devez vous adresser à la
présidence et non pas au leader adjoint du gouvernement.
M. Blais: Alors, M. le Président, je m'adresse directement
à vous. Cet après-midi, le premier ministre nous a dit qu'il
déposerait la lettre du 15 septembre de ce matin, en réponse
à la lettre du 7 septembre, pour qu'on puisse...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse. Je m'excuse.
Il ne s'agit pas là d'une question de directive qui pourrait tomber sous
l'article 34 de notre règlement. Je m'excuse. Ce n'est pas une question
de directive.
Alors, je vais immédiatement reconnaître le prochain
intervenant, à savoir M. le député de Marquette et
président de la commission des institutions. Vous avez droit à 20
minutes.
M. Blais: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...M. le
député de Marquette... Oui, allez-y.
M. Blais: j'aimerais savoir de votre part de quelle façon
je pourrais faire respecter la parole du premier ministre et avoir la lettre du
15 septembre.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non. Un instant, un
instant, un instant. Alors, je vous dis tout de suite, si vous prétendez
que le premier ministre a pris des engagements, des membres de votre formation
ou vous-même aurez l'occasion, demain, d'interroger le premier ministre
à la période de questions. M. le député de
Marquette, allez-y. Vous avez droit à 20 minutes.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Je peux y aller, M. le Président, oui?
Alors, merci, M. le Président, de me reconnaître.
J'aimerais, si vous me le permettez, limiter mon intervention sur les
rôles et responsabilités des principaux niveaux de gouvernement au
Canada.
M. le Président, pour bien apprécier le progrès
réalisé au chapitre du partage des compétences, il faut
d'abord se réconcilier avec la réalité du
fédéralisme canadien contemporain. Cette réalité
nous oblige à accepter que les deux listes de sujets prévus aux
articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne constituent qu'une
description imparfaite de la distribution des rôles et
responsabilités étatiques au sein de la Fédération
canadienne. En d'autres mots, le partage des compétences ne correspond
pas à ce que 91 et 92 nous disent. Cette affirmation ne devrait pas
surprendre. Ce qui est surprenant, au contraire, c'est que l'on puisse encore
croire le contraire. Seuls ceux qui ont une conception rigide et
surannée de la politique canadienne peuvent invoquer ces textes à
la lettre pour fonder leurs revendications. Une telle position, trop
éloignée de la réalité, ne peut que mener à
un cul-de-sac dans nos négociations avec nos partenaires canadiens.
Seule une stratégie de confrontation judiciaire peut résulter de
cette position de base. (21 h 10)
La Constitution canadienne, ce n'est pas seulement le texte de 1867. Aux
nombreuses lois constitutionnelles, il faut ajouter toute la jurisprudence en
perpétuelle évolution à travers l'oeuvre des tribunaux.
À ce corpus de droit constitutionnel, il faut ajouter les conventions
constitutionnelles et, à la Constitution canadienne, il faut opposer le
gouvernement au Canada, tel qu'observé dans les faits. Ce gouvernement,
c'est-à-dire l'État canadien en opération, est la
résultante de toutes les institutions, coutumes et pratiques politiques,
et tout cela se superpose à la Constitution qui n'est, somme toute, que
le squelette de l'État. Comme l'a justement signalé le
comité Beaudoin-Dobbie, bien que les auteurs de la Constitution de 1867
se soient concentrés sur la division des pouvoirs législatifs,
les pouvoirs législatifs ne constituent que l'un des quatre instruments
permettant à un gouvernement de réaliser ses objectifs
politiques. Les trois autres sont le pouvoir de taxation, le pouvoir de
dépenser et le pouvoir de fournir des services.
Le pouvoir de dépenser, M. le Président, est probablement
celui des trois qui a le plus contribué à redessiner les
rôles et les responsabilités gouvernementaux au Canada. Ainsi,
pour l'exercice 1991-1992, environ 35 % des dépenses
fédérales visent des domaines de compétence
législative provinciale, ceci étant pris du rapport
Beaudoin-Dobbie, à la page 61. Ce pouvoir de dépenser est une
réalité politique. Bien qu'il représente pour certains une
distorsion de l'esprit du fédéralisme de 1867 et qu'il soit
parfois perçu comme un moyen brutal d'imposer des programmes
fédéraux aux provinces, il est massivement accepté par nos
partenaires canadiens et recevrait sans doute la bénédiction de
l'actuelle Cour suprême du Canada, si celle-ci se prononçait sur
la question, selon l'opinion émise par le constitutionnaliste Henri
Brun.
Ce que propose l'entente de Charlottetown, ce n'est pas l'abolition pure
et simple de ce pouvoir. Cet objectif est simplement déraisonnable,
après plus ou moins 50 ans d'application
du pouvoir en question. Comme nous le suggérons, une approche
graduelle a plus de chances de succès. Ce que l'entente propose, c'est
un engagement, sous forme d'une obligation inscrite dans la Constitution,
à réaménager sur le terrain le partage des rôles et
des responsabilités du fédéral et du provincial qui
mènera à un retrait graduel du fédéral là
où le Québec voudra s'avancer. Ce que l'entente propose, en
outre, c'est un mécanisme constitutionnel pour consacrer les gains
réalisés. Tout cela, c'est beaucoup plus que Meech. En fait,
c'est davantage que tout ce qu'on a pu voir par le passé, dans les
projets d'accord constitutionnel, au chapitre du partage des rôles et des
responsabilités.
Évidemment, il faut adopter une attitude positive devant cette
entente. Nous croyons que le fédéral négociera de bonne
foi. Les succès qu'a connus notre collègue, Mme Gagnon-Trem-blay,
dans le domaine de l'immigration, à l'extérieur des
négociations constitutionnelles, sont un gage pour l'avenir. Par
ailleurs, il est évident que cette ronde de négociations ne
pouvait suffire à finaliser les modalités du retrait du
fédéral des différents secteurs touchés par
l'entente.
Il est dans l'intérêt des Québécois que le
remplacement des programmes fédéraux se fasse sans heurts et de
façon graduelle et planifiée. On ne pouvait donc pas s'attendre
à ce que l'entente aille beaucoup plus loin dans les détails. Le
texte du 28 août ne constitutionnalise pas tant le pouvoir
fédéral de dépenser que la légitimité d'une
décentralisation accrue. On lance la Fédération canadienne
dans une direction qui correspond à celle du Québec moderne.
Arrêtons-nous maintenant sur certains aspects particuliers de la
réforme proposée, notamment l'item 25 du rapport sur le consensus
qui traite de la limite au pouvoir de dépenser. Le Québec a
obtenu le droit de ne pas participer aux nouveaux programmes cofinancés,
tout en obtenant la juste compensation financière qui s'impose, afin que
le droit de refus puisse s'exercer sans pénaliser les
Québécois. Le Québec doit alors mettre en oeuvre un
programme compatible avec les objectifs nationaux. À cet égard,
la terminologie utilisée dans l'entente de Charlottetown est la
même que celle de Meech et corrige le recul que représentaient les
propositions fédérales de septembre 1991.
Tout ce qui suit, toute nouvelle limitation au pouvoir
fédéral de dépenser qui sera mentionnée va
au-delà de ce que Meech prévoyait et représente les
mesures les plus poussées que l'histoire des négociations
constitutionnelles canadiennes ait connues, dans le but de restreindre la
portée du pouvoir fédéral de dépenser. Certains les
jugeront modestes. Elles n'en sont pas moins, M. le Président, les
meilleures que le Québec ait eues à portée de la main.
Par exemple, l'entente envisage l'élaboration d'un cadre devant
guider l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser. Les
provinces participeront à la définition des conditions auxquelles
le pouvoir de dépenser sera assujetti. Quatre conditions sont
déjà identifiées. L'une d'elles est le respect des
priorités provinciales. Une autre est la réduction des
chevauchements et du double emploi. Notons que le pouvoir de dépenser
sous toutes ses formes sera soumis à ce cadre et non pas uniquement les
nouveaux programmes cofinancés. Évidemment, il reste beaucoup
à faire pour mettre ces principes en application. Ce cadre n'est pas
arrêté. Il devra faire l'objet d'une entente entre les
gouvernements. Cependant, le simple engagement à se pencher sur cette
question et l'acceptation de principe d'un tel cadre par le gouvernement
fédéral constituent des gains inégalés par le
passé pour le Québec.
Les ententes par lesquelles le Québec formalisera son rôle
accru dans divers domaines seront protégées par la Constitution
contre tout changement unilatéral. Cette protection sera valide pour une
période de cinq ans. Certains jugent cette période trop courte,
présumant que cette expiration automatique favorise le
fédéral qui, seul, aurait intérêt à rouvrir
ces ententes. Cette présomption est boiteuse. A priori, autant le
Québec que le fédéral peut avoir une raison de revoir les
termes d'une entente confrontée à des circonstances changeantes,
dans un monde en évolution. Par ailleurs, il ne faut pas croire qu'il
serait facile pour un nouveau gouvernement fédéral de faire
marche arrière dans les responsabilités et les pouvoirs que le
Québec aura acquis avec les années. Une telle manoeuvre serait
politiquement très délicate, voire suicidaire sur le plan
électoral. Souvenons-nous que l'élec-torat
québécois fait souvent la différence dans
l'élection du parti qui est appelé à gouverner le
Canada.
L'item 27 du rapport, M. le Président, traite de l'immigration.
Au sujet de l'immigration, l'entente de Charlottetown,
supplémentée par le texte des projets d'articles 95 et 38.3,
comme le mentionnait le premier ministre à la période des
questions, déposés devant l'Assemblée nationale par le
ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, récupère
le contenu de Meech. Les dispositions de l'accord du lac Meech relatives
à l'immigration avaient été reçues avec approbation
par plusieurs experts, dont Léon Dion, Nicole Duplé,
Andrée Lajoie et José Woehrling. Or, certaines dispositions de
Meech promettaient une bonification de l'accord Cullen-Couture. Cela est
maintenant chose faite avec l'accord Gagnon-Tremblay-McDougall. Ce dernier
accord est une preuve que le Québec peut s'épanouir dans le cadre
fédéral. Nous nous y attarderons un peu à titre
d'exemple.
On a beaucoup critiqué le fait que le gouvernement
fédéral se réserve souvent la possibilité
d'édicter des normes nationales dans les domaines où il est
prévu qu'il se retire. Dans le domaine de l'immigration, l'objet de
ces
normes nationales est même précisé. Elles
édic-teront les catégories générales d'immigrants,
les quotas d'immigration et les catégories de personnes inadmissibles.
Or, ce cadre laisse beaucoup de marge de manoeuvre au Québec. Il
correspond à l'état actuel des choses sous l'accord
Gagnon-Tremblay-McDougall. Par exemple, bien que les quotas soient
arrêtés par le fédéral, l'accord oblige le
fédéral à poursuivre une politique de niveaux
d'immigration qui permette au Québec de recevoir une part de
l'immigration canadienne correspondant à son poids démographique.
Le Québec a même la possibilité de dépasser ce
chiffre de 5 % s'il le juge à propos. En outre, le fédéral
est obligé de prendre en considération l'avis du Québec
avant de fixer ses niveaux d'immigration pour l'ensemble du pays.
Par ailleurs, bien que le fédéral détermine les
catégories générales d'immigrants, le Québec a
acquis l'exclusivité en matière de sélection des
immigrants dans la catégorie indépendants. Quant à la
sélection des immigrants tombant dans les autres catégories, leur
choix est plus mécanique que politique. On les choisit parce qu'on
cherche à réunir les familles ou parce qu'ils sont des
réfugiés au sens des conventions internationales et qu'ils ont
droit à l'asile. Le Québec n'a pas d'intérêt
particulier à participer à cette sélection. Les normes
appliquées par le fédéral sont celles que le Québec
adopterait. (21 h 20)
Finalement, notons que le Québec a aussi obtenu la
responsabilité des services d'accueil et d'intégration
linguistique et culturelle et des services économiques
spécialisés offerts aux immigrants, avec une compensation
financière qui se chiffre, cette année, à 82 000 000 $.
Malgré les normes nationales, le Québec a donc pu
récupérer les leviers essentiels à son
développement et s'en servir en fonction de ses objectifs propres. Donc,
finalement, M. le Président, dans le cadre fédératif, il
nous a été possible d'aller chercher ce qu'on voulait. Et je
salue, d'ailleurs, la présence de Mme Gagnon-Tremblay, qui est avec nous
ce soir.
L'item 28 parle de la main-d'oeuvre. En ce qui concerne la formation et
le perfectionnement de la main-d'oeuvre, il s'agit d'une des revendications
traditionnelles du Québec et les gains inscrits dans l'entente de
Charlottetown à ce sujet sont réels et appréciables. La
formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre seront reconnus, à
l'article 92 de la Constitution, comme une sphère de compétence
provinciale exclusive. Le retrait du pouvoir fédéral de
dépenser dans ce champ d'activité sera négocié, et
l'entente établira la juste compensation à laquelle le
Québec aura droit. C'est vrai que le fédéral se
réserve le droit de jouer un rôle dans l'élaboration de
normes minimales, mais ces normes seront probablement des normes minimales en
ce sens que, pour s'appliquer à toutes les provinces, elles devront
être l'équivalent d'un plus petit dénominateur commun. Et
il est à prévoir que le Québec se fixera lui-même
des objectifs ambitieux dans ce domaine.
L'item 29, qui traite de la culture. La maîtrise d'oeuvre de la
culture est aussi une revendication traditionnelle du Québec. Bien que
le texte reconnaisse un partage des responsabilités entre le
fédéral et le provincial à ce sujet, plutôt qu'un
contrôle monopolistique du gouvernement québécois, la
nouvelle politique gouvernementale déposée en juin dernier par la
ministre des Affaires culturelles est une base solide qui permettra au
Québec de retirer le maximum des négociations qui
départageront le rôle des gouvernements dans ce domaine.
Les items 30 à 35 concernent les six domaines où le
fédéral se retire. Le pouvoir fédéral de
dépenser fera l'objet d'ententes dans six autres champs
d'activité d'où le fédéral se retirera: les
forêts, les mines, le tourisme, le logement, les loisirs et les affaires
municipales et urbaines. Pour plus de certitude, ces sujets seront reconnus
explicitement dans la Constitution comme des sphères de
compétence provinciale exclusive. Dans ces secteurs d'activité,
Québec pourra récupérer la pleine compétence et non
pas simplement un rôle accru, et ce, sans pénalité puisque
les ententes prévoiront le niveau et le type de ressources
financières devant être transférées.
En matière de développement régional et de
télécommunications, on prévoit que le
fédéral et les provinces négocieront des ententes pour
aménager leur rôle respectif. On a en outre convenu d'abolir le
pouvoir fédéral de réserve et de désaveu et de
limiter l'exercice du pouvoir déclaratoire.
En conclusion, M. le Président, il est clair qu'on vient de
constituer un ensemble qui va rendre le gouvernement fédéral
beaucoup plus prudent. Il ne pourra pas s'engager tous azimuts, comme il l'a
fait par le passé, comme le déclarait d'ailleurs le
sénateur Claude Gastonguay à la commission sur les offres. Non
seulement il ne pourra plus s'engager aussi librement que par le passé
mais il devra aussi se retirer partiellement ou totalement dans près
d'une dizaine de champs d'activité.
M. le Président, en terminant, je tiens à vous signaler,
surtout à mes électeurs et électri-ces du comté de
Marquette, de mes trois municipalités, Lachine, LaSalle, la ville de
Saint-Pierre, que je suis fier de faire partie d'une équipe dynamique,
avec un premier ministre extraordinaire, un ministre responsable du dossier
constitutionnel extraordinaire, et je leur suggère bien humblement de
voter oui au référendum du 26 octobre prochain. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député de Marquette. Je vous rappelle que nous sommes à
débattre la motion relativement à la question
référendaire, motion
du premier ministre. Alors, je suis prêt à
reconnaître la prochaine intervenante, à savoir Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, à combien de reprises avons-nous entendu le premier
ministre Brian Mulroney nous rappeler que le Canada était membre du G 7,
des sept grands pays industrialisés? Trouvez-moi un de ces pays, que
ça soit la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Italie, qui
consacrerait 150 000 000 $ pour consulter la population sur un document
d'intentions, sur un procès-verbal non signé, un brouillon, un
document qui n'est pas sous forme juridique, un document que les premiers
ministres Brian Mulroney et Robert Bourassa interprètent
différemment, un document sur lequel ils s'écrivent, ils se
téléphonent, sans doute, un document, bref, sur lequel, de l'aveu
même du ministre responsable des Affaires intergouvernementales
canadiennes, M. Rémillard, siégeraient actuellement 11 tables de
concertation. On est le seul pays au monde qui accepterait de dépenser
150 000 000 $ dans une telle opération. On se tiraille, on se chicane,
et selon que l'information nous vient de l'Ouest canadien ou du Québec,
évidemment, il y a une variante. Pour l'Ouest canadien, M. Bourassa
s'est fait écraser, c'est une défaite. Et, curieusement, ici,
c'est devenu une victoire.
M. le Président, c'est une entente politique - il faut le
rappeler à la population - entre 17 représentants. On ne devait
pas négocier à 11, mais on a négocié à 17.
Trouvez-moi un seul pays qui dépenserait 150 000 000 $ sur une entente
politique pour consulter le peuple sur ses intentions, entente politique qui,
déjà, est boiteuse, puisque l'un des participants a
déjà démissionné, le premier ministre de l'Alberta,
Don Getty. M. le Président, 150 000 000 $ pour le
référendum, auxquels il faut ajouter environ 100 000 000 $; le
premier ministre canadien, en propagande fédérale, a
trouvé que ça n'était pas trop, 100 000 000 $, pour sauver
le pays, de son aveu même. Alors, depuis l'ouverture de ces
débats, il y a une année, le premier ministre canadien a
annoncé qu'on avait dépensé 100 000 000 $; 150 000 000 $
plus 100 000 000 $, en consultations de toutes sortes: Beaudoin-Dobbie et
allez-y! Keith Spicer. Commission Bélanger-Campeau: 132 000 000 $.
Alors, faut-il s'étonner, devant l'attitude d'un tel
gouvernement, que le gouvernement canadien, que le Canada soit un pays en
faillite technique? 400 000 000 000 $ de dettes; un déficit, en
1992-1993, qui devrait friser les 40 000 000 000 $. Et, M. le Président,
l'ineffable Benoît Bouchard trouvait que les 30 000 000 $ qu'ils vont
dépenser en propagande fédérale, c'étaient des
bibites, ça. C'est sûr que, quand on calcule le déficit et
la dette par centaines de milliards, 30 000 000 $, ça peut être
considéré comme des bibites, surtout quand on ne dépense
pas son argent propre. Alors, combien cette opération aura-t-elle
coûté? Trop cher quand, en plus, on ajoute le temps
consacré par les organismes qui sont venus se faire entendre. Et,
à la commission Bélanger-Campeau, c'étaient quelque 600
organismes.
Devant l'incurie de ce gouvernement, faut-il s'étonner de
l'état des finances publiques? D'ailleurs, la chambre de commerce, dans
la présentation qu'elle a faite à la commission
Bélanger-Campeau, faisait le constat suivant. Elle disait: «Le
fédéralisme tel que pratiqué au Canada est un
échec, un échec financier et économique, une
opération qui coûte cher - donc, l'opération que nous
vivons actuellement - mais qui ne rapporte rien. Elle ne règle en rien
les chevauchements. 60 % des programmes se chevauchent. Elle vient
constitutionnaliser les chevauchements.» Les chicanes constitutionnelles,
là, on vient de les constitutionnaliser et, pour plus de
sûreté, on se dit qu'on va recommencer tous les cinq ans. Je ne
sais pas si on a bien compris. On va renégocier les ententes
constitutionnelles tous les cinq ans. Et voilà! La foire est repartie.
(21 h 30)
Les pouvoirs additionnels, ça s'est traduit en transferts massifs
des pouvoirs; ça s'est traduit, en fait, par la perte des pouvoirs
exclusifs du Québec et des provinces canadiennes. On consacre les
empiétements. On consacre les empiétements dans des secteurs de
compétence qui étaient reconnus depuis 1867. En endossant ce
document politique, le premier ministre du Québec a tourné le dos
à l'histoire et aux revendications traditionnelles de tous les
gouvernements du Québec qui ont siégé ici, en cette
l'Assemblée nationale. Qu'ils aient été libéral,
d'Union Nationale ou péquiste, tous les gouvernements ont défendu
des transferts massifs des pouvoirs vers le Québec, mais
également des pouvoirs exclusifs en matière de langue, de
développement régional, de culture et de main-d'oeuvre en
particulier. Le premier ministre a tourné le dos au rapport de Jean
Allaire. Il a tourné le dos à la commission
Bélanger-Campeau. Selon le président, le député de
Laval-des-Rapides, M. Guy Bélanger, une évaluation qu'il faisait
à son compte et qu'il présentait à la commission, 51 % des
mémoires présentés à la commission
Bélanger-Campeau préconisaient la souveraineté, et 49 %
réclamaient des pouvoirs. Comment et pour qui le premier ministre a-t-il
renoncé à défendre les intérêts du
Québec? Comment le premier ministre a-t-il renoncé, en quelques
semaines, à défendre les revendications traditionnelles de ses
prédécesseurs? Qui, au Québec, réclamait de lui
qu'il sacrifie les intérêts du Québec sur l'autel des
exigences du Canada anglais? Parce qu'il ne faut pas se tromper, cette entente,
ce sont les conditions à prendre ou à laisser du Canada anglais.
D'ailleurs, les modifi-
cations constitutionnelles ont toujours sacrifié aux exigences du
Canada anglais, en 1867, en 1982 et en 1992.
M. le Président, comment le premier ministre - j'écoutais
les députés de cette Chambre, les députés
gouvernementaux, ministériels -prétend-il pouvoir gagner plus
après qu'avant? Où va-t-il résider, ce pouvoir de
négociation, après qu'on aura dit oui? Il sera nul et,
là-dessus, personne ne se trompe. Pourquoi réussirait-il à
gagner demain ce qu'il n'a pas obtenu aujourd'hui? Il ne faut pas rire du
monde. Aller faire croire de pareilles choses, c'est totalement inacceptable,
mais c'est aussi essayer de leurrer lourdement la population.
Mais, vous savez, il y a une première. C'est la première
fois, dans l'histoire du Québec, qu'un gouvernement qui siège en
cette Assemblée nationale s'acoquine avec le gouvernement canadien pour
flouer le Québec. C'est une première. Ça ne s'est jamais
vu. On voit ça des députés fédéraux qui,
oubliant les intérêts de leurs électeurs, pensant à
leurs intérêts carriéristes, s'unissent au Canada anglais
pour trahir le Québec. Ça se voit. On est habitués
à ça, mais pas ici, en cette Assemblée nationale.
M. le Président, son cabinet, ses ministres, ses
députés, tous ensemble, ils le savent aussi bien que moi qui ai
siégé à la commission Bélanger-Campeau que ces
offres sont inacceptables. J'écoutais le député, le
président de la commission sur les offres constitutionnelles, il le sait
aussi, et c'est triste, cette parade et cette comédie.
M. le Président, la ministre déléguée
à la Condition féminine disait tout à l'heure: L'entente
donne au Québec les pouvoirs nécessaires à sa survie. Je
ne veux pas me contenter de survie! Je veux me développer. Je veux que
le peuple québécois fasse partie des peuples, du concert des
nations. Je ne veux pas me contenter de survivre. Je veux me développer
et m'épanouir comme peuple. Et vous vous contentez de survie. Je trouve
que c'est ça qui est inacceptable et intolérable.
M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Saint-Maurice, si vous voulez prendre la parole, vous
vous lèverez tantôt, je vous reconnaîtrai, mais, pour le
moment, la parole est à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Ce qui distingue
profondément le discours libéral fédéraliste du
discours souverainiste de tous les souverainistes, c'est la confiance que nous
avons en nous-mêmes et au peuple québécois. C'est
animés de la conviction que le Québec a les outils, les
ressources, les moyens de se développer que nous préconisons la
souveraineté.
M. Bourassa nous parle d'humiliation et d'échec. Le rejet de
Meech, c'est l'humiliation de tous les Québécois. L'échec
des dernières négociations, c'est l'échec de tout le
Québec et l'échec dans la relance économique, c'est
l'échec de tout le Québec. Il est de bon ton, actuellement, de se
réclamer de la pensée de M. Léves-que pour bien faire
passer les choses. Vous ne serez jamais M. Lévesque, M. Bourassa. Il
nous inspirait la fierté, le goût du dépassement. Et, M.
Bourassa, vous symbolisez la démission et la soumission. Il avait
confiance au peuple québécois. Vous n'avez pas confiance au
peuple québécois. Il nous disait, M. Lévesque: «Nous
sommes devenus quelque chose comme un grand peuple». Ce que nous dit M.
Bourassa, c'est: Vous êtes une province comme les autres, M. le
Président.
Les peuples comme les individus ont besoin d'être
indépendants et, dans une certaine mesure, souverains pour se
développer et s'épanouir. Cette entente est une mauvaise entente.
Les Québécois et les Québécoises doivent dire non
le 26 octobre prochain. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Alors, nous poursuivons le débat
sur la question référendaire proposée par M. le premier
ministre, et je cède la parole à M. le président de la
commission de la culture et député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. M. le Président,
nous venons d'avoir une copie conforme du discours classique péquiste,
ce supposé discours qui fait appel à la supposée
fierté qu'auraient les Québécois d'être un peuple
qui assume sa souveraineté, son indépendance. Moi, je dis
à ça, M. le Président, que le véritable
défi, pour les années que nous vivons, c'est un défi qui
consiste à faire partie d'un ensemble plus grand, à
développer notre capacité de compétitionner à
l'intérieur d'un ensemble qui s'appelle, en l'occurrence, le Canada,
parce que la fierté ne connaît pas de frontières. La
fierté réside dans la personne, à l'intérieur, mais
la fierté ne réside pas à monter sur une clôture,
à faire comme le coq, à chanter: Je suis le plus grand, et
à faire accroire que, parce que je chante, le soleil va se lever.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
Mme la députée de Chicoutimi. Je vous demanderais
évidemment le même ordre. S'il vous plaît, s'il vous
plaît, s'il vous plaît. Alors, M. le député, si vous
voulez poursuivre.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je reprends ce que je
disais, n'en déplaise à la députée de Chicoutimi.
La véritable fierté ne consiste pas à faire comme le coq,
le matin, à monter sur la clôture, à chanter et à
prétendre que c'est grâce au chant du coq que le soleil se
lève. C'est une fierté péquiste, M. le
Président! C'est une fierté typiquement péquiste! La
véritable fierté consiste à compétitionner,
à être capable d'aller dans des ligues dans lesquelles l'exigence
est difficile, où il n'y a rien de gagné à l'avance.
Quelle est l'option péquiste, M. le Président? L'option
péquiste consiste à mettre des frontières, à mettre
des barrières, à mettre des protections, à dire: Nous
allons nous protéger, nous allons nous défendre. L'option du
Parti libérai consiste à dire que nous sommes capables
d'évoluer dans ce qui est un ensemble considérable, qui fait
l'envie du monde entier, qui s'appelle l'ensemble canadien.
M. le Président, le PQ joue un drôle de jeu, joue un bien
bizarre de jeu. J'ai de la difficulté à les comprendre et
à les suivre. Que se passe-t-il actuellement? Nous avons le Parti
québécois qui nous jure sur ses grands dieux qu'un non qu'ils
demandent à la population n'est pas un oui à
l'indépendance du Québec. Ils camouflent leur véritable
option, ils en ont peur. Ils ne sont pas capables d'aller devant la population
et de dire: Voici ce que, nous, nous allons faire, comment nous allons
procéder. Une parfaite ressemblance avec la stratégie de 1980. En
1980, ils n'avaient pas le courage de proposer l'indépendance, la
séparation et la souveraineté du Québec. C'était un
mandat pour aller négocier quelque chose qui ressemblerait à une
souveraineté-association, avec ou sans trait d'union. On n'était
pas trop sûr. Avec ou sans association, ça restait à
négocier. En 1980, donc, on évacue, à toutes fins
pratiques, la question de la souveraineté et de l'indépendance.
On a dit aux gens: Vous ne vous prononcerez pas là-dessus, le 20 mai
1980. Pourtant, les gens ont vu clair dans le jeu péquiste. Qu'est-ce
qu'ils ont répondu? À l'époque, ils ont répondu:
Allez-vous faire voir. Allez-vous faire voir parce qu'on connaît votre
jeu.
Qu'est-ce qui se passe actuellement? Quelle est la démarche
péquiste pour le 26 octobre 1992? Elle lui ressemble comme deux gouttes
d'eau, M. le Président. Ils nous disent: Nous voulons un non, un non aux
offres constitutionnelles, à l'entente constitutionnelle, mais ne vous
tracassez pas, parce qu'on n'a pas l'intention que ce soit
interprété comme un oui à l'indépendance du
Québec. Ah non, ça, ne vous tracassez pas avec ça. N'ayez
surtout pas peur. Ça n'a aucun rapport, ça n'a aucun
«rap» comme disent les jeunes, ça n'a aucun rapport avec
l'indépendance du Québec. Ne vous inquiétez pas.
Similitude totale avec la démarche du 20 mai 1980.
Mais je leur annonce une chose, M. le Président, c'est que la
réponse de la population va être la même, parce que les gens
sont capables de voir à travers cette démarche, une
démarche de duperie, de tromperie, qui amène finalement les gens
à prendre une décision qu'ils ne veulent pas. Si vous avez du
courage, vous qui prétendez vouloir un référendum sur
l'indépendance du Québec, pourquoi ne vous levez- vous pas, de
l'autre côté, et ne dites-vous pas à la population que, si
vous nous accordez le non que nous vous demandons, ce sera un oui à
l'indépendance? Vous auriez beau faire ça. Vous êtes trop
lâches pour faire ça, vous êtes trop lâches pour faire
ça. (21 h 40)
Des voix: Bravo!
M. Doyon: Je vous mets au défi de faire ça. Je vous
mets au défi!
Des voix: Bravo!
M. Doyon: Et le député de Chibougamau, d'Ungava
avec; jamais ils n'oseront faire ça, M. le Président, et vous le
savez aussi bien que moi parce qu'ils n'ont pas le courage de faire ça.
Le député d'Ungava devrait m'écouter et il devrait, s'il
est capable de relever le défi, se lever après moi, relever le
défi et dire les choses telles qu'elles sont, finalement. Vous
êtes des lâches, ce qu'il y a de plus lâche, et la
lâcheté est votre marque de commerce. C'est triste à dire,
mais c'est ça.
M. Claveau: II n'a pas le droit de faire ça.
M. Doyon: M. le Président, je vais demander... M. le
Président, je suis obligé de vous demander que le
député d'Ungava veuille bien se taire.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Soyons calmes. Ça va. Ça va.
M. Doyon:...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va, M. le
député. C'est moi qui ai la parole actuellement. S'il vous
plaît! S'il vous plaît, s'il vous plaît! Soyez calmes. Soyez
calmes.
M. le député, si vous voulez poursuivre. S'il vous
plaît! Soyez calme, M. le député d'Ungava. Je demande la
collaboration de tous les membres de cette Assemblée. Vous connaissez
tous l'article 32, et ça s'applique à tout le monde. M. le
député, si vous voulez poursuivre.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je sais que, vous, vous
m'écoutez et je voudrais que ce que j'ai à dire soit compris de
tout le monde. Quels sont les alliés, M. le Président, du Parti
québécois dans sa campagne pour le non, pour le refus des offres
constitutionnelles? Ils ont nom Manning, Reform Party; ils ont nom Carstairs,
un ami du Québec; ils ont nom COR, Nouveau-Brunswick. C'est ça,
les gens avec lesquels vous partagez la tribune du non à la grandeur du
pays. Ce sont, finalement, ceux-là qui sont vos alliés.
M. le Président, quand le Parti québécois dit qu'un
non aux offres constitutionnelles n'aura
aucune, aucune importance parce que, finalement, il n'y aura rien de
changé, je vous demande, M. le Président, quelle sorte de
cohabitation il pourra y avoir à l'intérieur d'un pays qui sera
encore le Canada, entre des gens de l'Ouest, des Manning, des Carstairs, des
gens de l'Est, du COR, qui auraient obtenu aussi un non avec un non du Parti
québécois. Quelle est la possibilité de
réconciliation? Aucune. C'est donc dire, M. le Président, que la
démarche ne peut mener qu'à une seule issue, à une seule
sortie, c'est-à-dire l'indépendance du Québec.
M. le Président, ces gens-là n'ont pas le courage de dire
les choses telles qu'elles sont parce que, si les choses étaient dites
telles qu'elles sont, le chef du Parti québécois ne dirait pas
tout simplement que, finalement, les Québécois auront à se
prononcer «lors des prochaines élections
générales», comme il le disait, et je cite ici l'extrait
d'un article de M. Marcel Adam, dans La Presse de samedi, le 12
septembre. Comment veulent-ils faire l'indépendance? Ils veulent la
faire en sournois, en étant sournois, en ne disant pas les choses par
leur nom. Moi, M. le Président, je suis prêt à vivre avec
n'importe quelle décision démocratique de la population, mais je
pense que nous avons, en tant que représentants du peuple, une
responsabilité fondamentale qui est celle de nous assurer que les vraies
questions soient posées.
Quelle est la vraie question actuellement, M. le Président? La
question qui est posée, c'est: Est-ce que les offres constitutionnelles
visant à renouveler le fédéralisme sur la base de
l'entente de Charlottetown du 28 août sont satisfaisantes et font votre
affaire? C'est ça. Le Parti québécois dit: Dites non
à ça et ça n'aura pas de conséquences. C'est un pur
mensonge, M. le Président. C'est un pur mensonge, et c'est regrettable
que ce genre de discours soit véhiculé un peu partout au
Québec. Il est absolument regrettable de voir des gens qui n'ont pas
plus de courage politique que ça. Je sais que les alliés actuels
du Parti québécois sont des alliés d'un jour et des
ennemis de demain. Ils sont prêts à coucher avec n'importe qui
pour obtenir une victoire du non qui mettrait le Québec dans une
situation intenable, et je veux que ce soit bien clair, une situation intenable
vis-à-vis du reste du Canada.
Vous imaginez-vous un seul instant, M. le Président, qu'un non du
Québec permettrait au Québec de retourner à la table de
négociation, de pouvoir aller dire à M. Filmon, à M.
Wells, à M. Harcourt: Excusez-nous, on recommence. Ce sur quoi on s'est
entendus ne marche pas. Nous vous invitons à la table de
négociation, la semaine prochaine, et on recommence à neuf pour
voir si on ne pourrait pas trouver un autre moyen d'entente. Impossible
à penser, impossible à penser. Et ça, le Parti
québécois le sait. Le Parti québécois le sait bien;
c'est pour ça qu'il joue cette carte-là, M. le Président,
qui est la carte du non, sachant que la population se sera fait prendre au
piège avec un non, qu'il n'y aura d'autre issue que la séparation
du Québec, qu'il n'y aura d'autre issue à cette impasse que
l'indépendance du Québec. Ça, le Parti
québécois le sait, et c'est pour ça qu'ils veulent, d'une
façon tendancieuse, d'une façon sournoise, amener la population
à dire un non qui leur permettrait de dire: Voyez-vous, maintenant, vous
n'avez plus le choix, vous ne pouvez que vous diriger vers la séparation
du Québec. La population le sait, ça. Les gens du comté de
Louis-Hébert, à qui je m'adresse tout particulièrement, le
savent. Ceux que je rencontre ont réalisé ça.
Pas que l'entente soit parfaite, M. le Président, pas que
l'entente soit à l'abri de tout reproche. Il n'en est pas ainsi
malheureusement dans le monde réel dans lequel nous sommes
obligés de vivre. Mais cette entente nous permet d'obtenir des gains
incontestables: la société distincte, la Cour suprême,
l'immigration, la limitation du pouvoir de dépenser. Toutes ces choses
nous sont acquises, M. le Président, de haute lutte et, finalement, nous
présentons tout bonnement cette entente à la population,
l'invitant à l'approuver.
Quelle est la démarche péquiste? La démarche
péquiste consiste tout simplement à dire: C'est un non que vous
devez répondre, c'est un non que ça prend. Et là, on
invoque tous les motifs de fierté, on invoque le peuple, on invoque la
nation, on fait appel au nationalisme. Justement, le véritable
nationalisme n'est pas le nationalisme d'antan du Parti
québécois. C'est un nationalisme rétrograde qui vous
caractérise, parce que les demandes traditionnelles du Québec
sont remplies dans l'accord que nous avons devant nous. Maintenant, avec les
progrès que nous avons faits, nous n'avons plus besoin d'avoir un
nationalisme rétrograde, la marque de commerce de votre parti. Il est
regrettable que nous en soyons là. Il est regrettable que nous soyons
obligés d'expliquer clairement pourquoi cette entente est la meilleure
dans les circonstances.
C'est incroyable. Pensez-vous un instant qu'il soit concevable que le
Parti québécois, avec l'option qui le caractérise, puisse,
un seul instant, accepter quelque changement fondamental à la
Constitution du Canada? Est-ce que c'est possible? Est-ce que c'est pensable?
Est-ce que c'est une chose qui peut entrer dans l'esprit, qu'on puisse
être péquiste, qu'on puisse tenir au programme du Parti
québécois et qu'on puisse reconnaître quelque valeur que ce
soit, ne serait-elle que symbolique, à l'entente de Charlottetown?
N'oublions jamais que le parti qui nous fait face et ses alliés
d'un jour, qui sont en train de prendre des risques épouvantables, ne
veulent qu'un chose, c'est amener la fin du Canada tel qu'on le connaît.
Aucun renouvellement du Canada n'est pensable de la part de l'Opposition.
Comment peut-il en être autrement, M. le Président, quand
on est un parti idéologique, un parti basé sur une option,
à laquelle il a parfaitement droit, mais une option qui colore et qui
nuance la totalité de ses propos dans un débat comme le
nôtre? (21 h 50)
Quelle crédibilité peut-on accorder un seul instant
à des personnes qui, depuis 1968 maintenant, disent que le Canada est un
système pourri, méchant, qui ne vaut pas la peine d'être
perpétué, qui doit se terminer au plus tôt? Comment peut-on
accorder un seul instant la moindre parcelle de crédibilité
à des gens qui prétendent aujourd'hui critiquer une entente qui,
justement, va permettre la perpétuation du Canada, son renouvellement,
sa renaissance, en quelque sorte? Comment ces gens-là peuvent-ils avoir
un discours qui soit le moindrement crédible? Moi, ça me
dépasse absolument. Comment un discours venant du côté de
l'Opposition peut-il espérer être cru, ne serait-ce qu'à un
minimum, par des gens? Un discours tenu par eux qui ont une sainte horreur du
Canada, une sainte horreur de tout ce qui s'appelle canadien, une sainte
horreur de tout ce qui peut ressembler à une feuille d'érable?
Comment peut-on croire un discours semblable critiquant des offres
constitutionnelles qui visent justement à la continuation d'un
Canada?
Une voix:...
M. Doyon: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
M. le député d'Ungava, s'il vous plaît, je vous demande
votre collaboration. M. le député, si vous voulez poursuivre
votre intervention.
M. Doyon: M. le Président, je vais quand même
continuer, malgré le député d'Ungava. Ses interruptions ne
changeront rien et ne changent rien, de toute façon, à quoi que
ce soit, et encore moins ce soir. M. le Président, le
député d'Ungava fait tout simplement la preuve qu'il n'est pas
capable d'entendre une vérité sans que ça lui
écorche les oreilles et sans qu'il soit prêt à crier au
meurtre en même temps. Eh bien, c'est des vérités que vous
allez entendre, parce que je vais vous les dire et redire, ces
vérités qui coulent sur vous comme de l'eau sur le dos d'un
canard. Mais vous devriez essayer d'en prendre une parcelle. Vous comprendriez
peut-être pourquoi les gens ne veulent pas entendre le discours que vous
tentez de leur tenir. Je reste profondément convaincu que «les
souverainistes, comme le dit Marcel Adam ici, s'excluent du débat en
taisant leur option». Le courage politique que vous devriez avoir vous
fait cruellement défaut et la victoire que vous tentez d'obtenir est
basée tout simplement sur la sournoiserie, sur la duperie, sur le
défaut de dire les choses telles qu'elles sont. Je répète
ce que j'ai dit: sur la duperie, sur la tromperie. Parce que, si ces
gens-là étaient honnêtes, ils diraient franchement: Le non
qu'on vous demande, le non qu'on veut obtenir de vous, les concitoyens et les
concitoyennes du Québec, c'est un non qui nous permettra de faire
l'indépendance du Québec. Si vous aviez l'honnêteté
de vous lever et de dire ceci, on verrait ce qui arrive. Aucun d'entre vous n'a
eu le courage de se lever et de dire: Le non que nous demandons à la
population serait un non qui nous amènerait un pas de plus vers
l'indépendance. Je vous mets au défi, et le député
d'Ungava le premier, de vous lever en Chambre et de dire cette
vérité-là, cette vérité évidente.
Il est regrettable, M. le Président, qu'ils ne soient pas
capables de le faire. Et, chaque fois que j'en aurai la chance, M. le
Président, je ramènerai le débat sur cette question.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Louis-Hébert. Si vous voulez prendre place dans
la galerie, s'il vous plaît, en haut, si vous voulez vous asseoir. Merci.
Alors, nous poursuivons le débat sur la question
référendaire, et je cède la parole à M. le ministre
des Forêts. M. le ministre.
M. Albert Côté
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le
Président, de me donner l'occasion de prendre la relève du
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: II est complètement d'accord avec
moi-même.
M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai
écouté avec beaucoup d'attention beaucoup de discours et j'ai lu
une foule d'articles et de commentaires sur le débat dont tout le monde
parle, malgré qu'on s'en dise fatigué, mais qui nous prend
malgré nous. Je dois et je sens le besoin à mon tour de
m'exprimer sur la valeur et l'importance de la nouvelle entente
constitutionnelle et, en particulier, sur quelques points seulement,
malgré, M. le Président, que je me ferai un plaisir de discuter
de chacun d'eux afin d'informer correctement et pleinement les gens de mon
comté de Rivière-du-Loup et de ma région du
Bas-Saint-Laurent.
D'abord, la question, point qui a été soulevé par
le député de Beauce-Nord: «Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue
le 28 août 1992?» Certains, M. le Président, ont
condamné cette question, même avant qu'elle soit connue et
cataloguée, en gros titres dans les journaux, de question partisane.
Ceux et celles qui ont jugé avant de connaître seraient
honnêtes de se rétracter avec autant d'ardeur et je me demande ici
qui est partisan. C'est bien sûr qu'il y aura
des dissidences, au sein des deux principaux camps, sur le
résultat des négociations et sur cette question dont je viens de
parler. Je respecte beaucoup les opinions de ces personnes qui feront preuve,
je l'espère bien, de loyauté en prenant la bonne décision.
Et nul ne peut servir deux maîtres. Il ne faudrait pas, M. le
Président, que l'on découvre des Claude Morin dans l'un ou
l'autre des deux camps et qu'on se retrouve, le 27 octobre, avec un
demi-Québec affaibli par des gestes répréhensibies.
Je pourrais aborder, et en discourir, d'autres points de cette entente,
qui peuvent être évalués comme des symboles ou essentiels
au développement du pays, mais je m'en remettrai principalement à
mon secteur. Le secteur forêts que je dirige aura enfin la liberté
de manoeuvre qu'il avait avant 1983, alors que le gouvernement péquiste
du temps ne s'est pas tenu debout en acceptant la mise en place du plan de
l'Est et en collaborant de façon résignée à cette
intrusion fédérale. Il faut maintenant faire des efforts pour
défaire ce précédent d'ingérence dans un champ de
compétence provinciale et travailler à réparer cette
erreur, cette faiblesse du gouvernement de 1983. Lorsqu'on défait une
organisation, il faut, M. le Président, en évaluer les
conséquences et respecter le monde en place, et c'est ce que M. Bourassa
a proposé en août dernier.
Et, sans être un grand admirateur de M. Duplessis, je dois vous
dire que j'ai toujours eu du respect pour lui dans des cas semblables car il
n'a jamais cédé devant le fédéral dans les secteurs
de compétence exclusive du provincial. Malgré que pour certains
l'argent n'a pas de couleur, comme on me l'a dit lors d'un congrès
annuel de la Fédération des producteurs de bois du Québec,
je crois qu'on a fini par comprendre qu'il faille négocier pour
récupérer le respect des ententes, et c'est ce que le premier
ministre a bien fait au lac Harrington et à Charlottetown.
La nouvelle entente est on ne peut plus claire. Elle dit notamment: La
compétence exclusive des provinces à l'égard de six
secteurs, dont les forêts, sera explicitement reconnue dans la
Constitution. Et le gouvernement fédéral a accepté de se
retirer, à la demande des provinces, en versant une compensation
appropriée, des programmes en cours et des dépenses
déjà engagées, il y aura lieu d'entreprendre bientôt
la négociation des ententes qui établiront les modalités
de ce retrait ainsi que la compensation qui l'accompagne. Et, dès
qu'elle sera modifiée, la Constitution comprendra un mécanisme
qui permettra la protection de ces ententes contre toute modification
unilatérale, soit fédérale, soit provinciale. (22
heures)
Déjà, j'ai avisé par lettre le ministre canadien
des Forêts, M. Frank Oberle, de ma position dans certains dossiers, de ma
position conforme à la Constitution et de mon intention d'entreprendre
dans les plus brefs délais les discussions dans le cadre des
orientations convenues entre nos premiers ministres pour mettre fin aux
duplications que nous connaissons, entre autres, dans l'Est du Québec -
le plan vert, les forêts modèles, l'agence de développement
forestier, etc. - et ceci, afin d'assurer la gestion la plus efficiente
possible des fonds publics et le respect des compétences exclusives et,
surtout, le versement maximum de l'aide aux producteurs, à qui est
destiné ce programme - et non en frais d'administration pour payer des
bureaucrates, comme le voudrait un groupe d'intervenants forestiers que j'ai
rencontrés ce midi.
J'ai l'intention de faire preuve de beaucoup de fermeté, comme je
l'ai fait dans le passé. Et, à titre d'exemple, j'ai
refusé des plans de reboisement du fédéral dans le cadre
du Plan de l'Est, puisqu'il n'y avait aucune entente
fédérale-provinciale en vigueur sur le développement
forestier. C'est ça que j'appelle se tenir debout, même si on a
incité, par intérêt, les producteurs à
réclamer ce non-respect de la Constitution qui accorde depuis 1867 et
1982 l'exclusivité aux provinces dans ce domaine.
D'ailleurs, la clause 5.2 du protocole d'entente entre le
ministère des Forêts et les intervenants en forêt
privée est loin d'être ambiguë, et elle se lit comme suit:
«L'acceptation ou le versement à l'exécutant de toute
subvention ou de toute aide financière provenant directement ou
indirectement du gouvernement fédéral dans le cadre d'un
programme non couvert par l'Entente auxiliaire Canada-Québec sur le
développement forestier pour la réalisation d'activités
d'aménagement forestier en forêt privée, y inclus les lots
intramunicipaux, constitue un motif de résiliation immédiate qui
pourrait être signifié par simple avis à
l'exécutant.» Je ne jouerai pas sur les mots avec les intervenants
qui accepteront de l'argent de cette provenance et je m'assurerai qu'il s'agit
bien de recherche réelle.
M. le Président, comme je le disais au début de mon
intervention, avec la nouvelle entente, notre liberté de manoeuvre
favorisera une plus grande collaboration avec nos homologues
fédéraux. C'est donc fini, les discussions stériles et les
absences inutiles et, surtout, fini la duplication dans les dépenses et
les emplois artificiels. Il est grand temps de s'engager dans le
développement économique nécessaire à la
sécurité des Québécoises et des
Québécois et de vivre enfin dans la stabilité. Ne nous
aventurons pas dans l'inconnu, dans l'affrontement destructeur, car, vous
savez, on négocie mieux et bien avec qui veut bien négocier et
qui y trouve également sa fierté et son intérêt bien
légitime. La nouvelle entente nous donne, M. le Président, les
outils et les garanties pour nous tourner vers l'avenir avec confiance.
Je voudrais aborder brièvement l'aspect de
l'entente touchant les autochtones, car ils dépendent, eux,
encore beaucoup du secteur que je dirige et des autres ressources
renouvelables. Ces derniers, les autochtones, ont vécu sous tutelle
pendant des siècles où les tuteurs n'ont pas toujours fait les
choses correctement avec eux. Et, en tant que décideurs responsables et
respectueux des personnes, peu importe leur langue, leur couleur ou leur
religion, nous devons approuver cette entente qui permettra aux autochtones
d'être autonomes. Et j'espère bien qu'ils reconnaîtront
cette nouvelle générosité sans en abuser. À nous,
M. le Président, de mériter leur confiance et de respecter nos
ententes, ententes qui ne sont pas des traités, ententes signées
dans le cadre de nos lois et de nos règlements. Ils seront donc
appelés à se prendre en charge et à agir de façon
respectueuse et responsable à l'intérieur des lois en vigueur.
Nos relations avec eux ne pourront que s'améliorer, et ceci dans le
meilleur intérêt de tous. Ça fait appel, dans certains cas,
à beaucoup de générosité, que je n'associe
aucunement à de la faiblesse.
Comme le dit si bien le dicton: «Un tiens vaut mieux que deux tu
l'auras». Méfions-nous des marchands d'illusions qui plongeraient
le peuple québécois dans la plus totale insécurité
si on suivait leur option. Je comprends par là aussi que le
théoricien ou l'idéaliste ont leur place, mais il faut vivre dans
un monde réel; c'est lui, ce monde réel, M. le Président,
qui a su composer avec eux pour donner au Québec une qualité de
vie et un standard de vie enviables pour la plupart des pays du monde. Et ceci,
même avec les inconvénients du système
fédéraliste actuel que nous continuerons d'améliorer
suivant nos aspirations, dans le respect de nos partenaires.
La nouvelle entente deviendra le prolongement de notre standard de vie,
déjà l'un des meilleurs au monde, de notre qualité de vie,
de nos libertés. Et c'est bien beau parler d'association
économique et monétaire, mais il faut deux parties pour y
arriver. Encore une fois, nous vivons dans un grand pays qui fait l'envie de
bien d'autres communautés, et le temps est venu d'harmoniser nos
relations et de vivre dans l'ordre et la sérénité
plutôt que de tout risquer avec l'inconnu, le doute et le rêve
irréalisable.
Le choix de dire oui que je propose mettra fin à cette crise
constitutionnelle, crise actuelle qui a trop duré, qui a trop
perduré et qui nous a coûté très cher. Et tout en
demeurant alertes, nous pourrons parler davantage d'économie, d'emploi
et de développement; c'est ce que recherche le peuple du Québec,
et nous discuterons encore, et longtemps encore de Constitution, mais de
façon moins intense, comme il se doit, M. le Président.
Je voterai oui à cette entente parce qu'elle me permettra aussi
de gérer de la façon la plus efficace possible mon secteur
d'activité, l'un des plus importants à plus d'un point de vue.
Moins d'entraves enfin pour réaliser nos objectifs. On ne doit pas rater
l'occasion qui nous est offerte et qui nous est donnée de mettre fin
à cette incertitude persistante au sujet de l'avenir politique du
Québec et permettre aux gouvernements du Canada et du Québec de
consacrer tout le temps nécessaire au problème
économique.
M. le Président, à l'instar du premier ministre du
Québec, de mes collègues du parti et de mon collègue
fédéral de Rivière-du-Loup-Ka-mouraska, soyez
assuré que je ne négligerai aucun effort pour montrer la valeur
et tous les avantages de la nouvelle entente, et je sais que le 26 octobre
prochain la majorité des Québécoises et des
Québécois penseront positivement en votant: Oui, nous acceptons
cette entente.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre
des Forêts, de votre intervention. Alors, nous poursuivons le
débat sur la question référendaire. Je cède la
parole à Mme la députée de Bellechasse. Mme la
députée.
Mme Louise Begin
Mme Bégin: Merci, M. le Président. Vous vous
souviendrez, M. le Président, que le premier ministre du Québec,
M. Robert Bourassa, déposait le 9 septembre dernier devant
l'Assemblée nationale le texte de la question qui devra faire l'objet
d'une consultation populaire le 26 octobre prochain.
Le libellé de cette question est: «Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue
le 28 août 1992»? Eh bien, cette question, M. le Président,
a le mérite, selon moi, contrairement à celle de 1980,
d'être brève, simple et directe. Ce n'est pas le libellé de
la question qui pose problème aux Québécois et aux
Québécoises, mais bien de se retrouver dans le présent
débat. C'est pourquoi vous me permettrez d'élaborer davantage sur
l'entente conclue le 28 août dernier à Charlottetown entre tous
les premiers ministres provinciaux, le premier ministre canadien et les
représentants autochtones. (22 h 10)
Vous vous souviendrez, M. le Président, que la défunte
entente du lac Meech contenait cinq conditions spécifiques, à
savoir: la reconnaissance de la société distincte; le transfert
des pouvoirs du fédéral vers le Québec en matière
d'immigration; une garantie constitutionnelle que la Cour suprême du
Canada comprendrait trois juges du Québec; quatrièmement, le
respect des priorités québécoises dans l'exercice du
pouvoir de dépenser du fédéral; et, finalement, un droit
de veto pour le Québec.
Ces cinq clauses recevaient l'aval des Québécois comme
étant les conditions que le Canada devait accepter pour notre
réintégration dans le giron constitutionnel canadien. Les
Québécois seront heureux de constater que la nouvelle
entente intervenue le 28 août dernier à Charlottetown est un Meech
plus. Quant à la question de la société distincte, les
Québécois seront heureux de noter que celle décrite dans
l'entente du 28 août dernier est supérieure à celle de
Meech. Voici, M. le Président, comment s'exprimait le juriste, Me Yves
Fortier, spécialiste en la matière, face à une question
sur le sujet qui lui avait été posée lors de son passage
à la commission chargée d'étudier les offres d'un nouveau
partenariat canadien, et je cite, M. le Président. Me Fortier dit:
«Je réponds sans hésitation que la formulation de ces
données, dans l'article qui est soumis à votre étude, est
une amélioration sensible, quant à moi, sur les dispositions que
nous retrouvons dans l'accord du lac Meech. En isolant dans un paragraphe
où on ne retrouve aucune autre référence, aucune autre
mention d'un autre gouvernement d'une Législature provinciale au Canada
qui aurait quelque rôle que ce soit vis-à-vis de l'une ou l'autre
des caractéristiques fondamentales qui se retrouvent à
l'alinéa 1, on a voulu mettre en exergue et souligner qu'en ce qui
concerne la protection et la promotion de la société distincte,
eh bien, c'est un rôle qu'on conférait à la
Législature et au gouvernement du Québec et, selon mon
interprétation, c'est une clause qui est protégée en vertu
de l'article 43 de la Constitution. C'est nettement plus précis que
ça ne l'était dans l'accord du lac Meech, et je crois que le
Québec, en ce qui concerne la protection et la promotion de la
société, sort gagnant de cette dernière
négociation.»
C'est ce que disait Me Fortier. De plus, celui-ci soutient que cette
entente, telle qu'arrêtée à Charlottetown le 28 août
dernier, ne menace aucunement la loi 101 qui est mieux protégée
que jamais. De plus, la clause «nonobstant» est sauvegardée
à cause, justement, du rôle octroyé au Québec par
cette entente, qui est de protéger et de promouvoir la
société distincte.
L'avis juridique de Me Fortier en ce qui concerne le renforcement de la
clause de la société distincte dans l'entente du 28 août
dernier est également partagé - tenez-vous bien, M. le
Président - par Me Louis-Philippe de Grandpré, juge en chef
à la retraite de la Cour suprême du Canada, également par
le juge en chef de la Cour supérieure du Québec, l'honorable juge
Deschênes, ainsi que par le professeur Patrice Garant et l'honorable Paul
Gérin-Lajoie. Voilà pour la société distincte.
La deuxième condition qu'exigeait le Québec dans Meech
pour réintégrer notre place dans la Constitution canadienne
était d'avoir un droit de regard sur les immigrants désirant
s'établir dans notre province. Cette exigence du Québec, M. le
Président, vous l'aurez deviné, avait pour but premier de
protéger la langue et la culture françaises, tant au Canada qu'en
Amérique du nord. eh bien, l'article 27 de l'entente du 28 août
dernier oblige le fédéral à négocier et à
conclure, je dis bien oblige à négocier et à conclure, une
entente en matière d'immigration avec toute province qui en fait la
demande. vous aurez compris, m. le président, qu'il s'agit d'une
obligation de résultat. ceci signifie donc que l'entente
mcdougall-gagnon-tremblay, entente québécoise-canadienne, sera
constitutionnalisée. l'entente du 28 août dernier garantit
également, à son article 21, que le québec n'aura jamais
moins de 25 % des sièges à la chambre des communes, et cela,
nonobstant son poids démographique. le fédéral et les
autres provinces canadiennes reconnaissent par cet article que le québec
est une société distincte à l'intérieur même
de notre pays. l'entente, m. le président, garantit également que
la cour suprême du canada sera constitutionnalisée et que trois
juges proviendront du québec. une autre clause, m. le président,
qui reconnaît le caractère distinct de notre province.
Un élément qui est très important pour le
développement de notre province, c'est sans nul doute la limite du
pouvoir de dépenser du fédéral dans le champ des
compétences provinciales. On oublie de spécifier l'entente, mais
l'article 25 est très, très fort là-dessus, puisqu'il
stipule expressément que le gouvernement fédéral devra
fournir une juste compensation à toute province qui choisit de ne pas
participer à un nouveau programme cofinancé par lui et la
province dans un domaine de compétence provinciale si, naturellement,
cette province le demande et met sur pied un programme compatible. C'est ce qui
est communément appelé la clause «opting out», et
avec clause de compensation. On a peur de parler de l'entente. Je vais vous en
parler, moi, de l'entente.
De plus, en vertu des articles 57 et suivants de ladite entente, le
gouvernement du Québec récupère son droit de veto, droit
de veto que l'Opposition avait perdu, M. le Président, en ce qui
concerne les changements au Sénat, à la Cour suprême et
à la Chambre des communes ainsi que la création de nouvelles
provinces. Si ce n'est pas un acquis, ça, M. le Président, je
vous demande ce que c'est.
Voilà, M. le Président, quelques-uns des acquis que nous
confère l'entente du 28 août dernier. C'est un oui que les
Québécois et les Québécoises devront clamer le 26
octobre prochain parce que, M. le Président, un non du Québec
voudrait dire la poursuite de l'incertitude persistante au sujet de l'avenir
politique de notre province. Un non du Québec, M. le Président,
voudrait dire également que l'on veut consacrer tout notre temps au
dossier constitutionnel au détriment des problèmes
économiques qui deviennent de plus en plus pressants, tant au
Québec que dans le reste du Canada. Un non, M. le Président, un
non du Québec voudrait dire la quasi-impossibilité de remettre en
route à court
terme un nouveau processus en révision du
fédéralisme canadien. Un non du Québec, M. le
Président, voudrait dire également un accroissement marqué
des pressions en faveur de l'indépendance du Québec, avec toutes
les implications politiques, sociales, économiques et
financières, et cela, malgré ce que prétendent les
ténors de l'Opposition. Un non du Québec, M. le Président,
voudrait aussi dire une perte considérable de la
crédibilité du Québec à l'égard des
partenaires canadiens. Un non du Québec, M. le Président,
voudrait dire une perte irrémédiable des acquis - eh oui! - de
l'entente constitutionnelle, et ces acquis sont importants. Je vais vous les
énumérer: reconnaissance de la société distincte,
droit de veto sur les institutions, constitution-nalisation de l'entente sur
l'immigration McDou-gall-Gagnon-Tremblay, reconnaissance des compétences
exclusives du Québec dans les champs de compétence suivants, M.
le Président: main-d'oeuvre, culture, mines, forêts, loisirs,
affaires urbaines, tourisme, logement. Et, qui plus est, M. le
Président, la perte d'une garantie à vie de 25 % des
députés québécois à la Chambre des
communes.
Nous ne pouvons, M. le Président, perdre ces acquis pour
l'intérêt supérieur du Québec. C'est pourquoi, M. le
Président, j'invite la population du Québec à dire oui et
à clamer très fort son attachement à cette entente qui, ne
l'oublions pas, est la première depuis 125 ans. Et c'est à notre
premier ministre, je le répète, c'est grâce à M.
Robert Bourassa qui, avec sa ténacité légendaire, son sens
du devoir et son attachement, il faut le dire, son attachement aux droits du
Québec, est allé chercher un plus pour notre province. Merci, M.
le Président. (22 h 20)
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Bellechasse, de votre intervention. Alors, nous
poursuivons le débat sur la question référendaire, et je
cède la parole à M. le député de Lotbinière.
M. le député, vous avez la parole.
M. Lewis Camden
M. Camden: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que
je m'adresse à mes collègues de l'Assemblée nationale, et
plus particulièrement aux électeurs et électrices de la
circonscription électorale de Lotbinière que je représente
fièrement en cette Chambre. Je m'exprimerai donc dans le cadre de ce
débat de 35 heures sur la question référendaire et je
traiterai de l'entente intervenue à Charlottetown le 28 août
dernier entre le premier ministre du Canada, ses homologues provinciaux, les
représentants des territoires et des groupes autochtones dans l'esprit
des revendications historiques du Québec.
M. le Président, dans un premier temps, je mettrai en relief
certains événements qui permettront aux gens de bien comprendre
le pourquoi de ce débat référendaire.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse, M. le
député. M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Je m'excuse auprès du député,
mais je pense que ce serait intéressant que ses collègues
viennent écouter.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous demandez le quorum,
si j'ai bien compris?
M. Chevrette: Oui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Qu'on appelle les
députés! (20 h 21 - 20 h 22)
Alors, la parole est au député de Lotbinière. Je
lui indique qu'il reste 19 minutes à son intervention. M. le
député.
M. Camden: Je vous remercie bien, M. le Président. Je
remercie, évidemment, le leader de l'Opposition pour sa sollicitude et
d'avoir fait en sorte d'augmenter le nombre de collègues présents
en cette Chambre. J'aurai sans doute, évidemment, toute l'attention du
leader. Je ne demanderai quand même pas qu'il m'applaudisse, ce serait
quand même trop de sollicitude de sa part. Mais le maximum d'attention,
vous savez, je m'en contenterai.
M. Chevrette: Soyez sans crainte là-dessus.
M. Camden: Je vous remercie.
M. le Président, j'allais donc dire que, dans un deuxième
temps, j'entendais mettre en situation et donner des explications sur les gains
contenus dans cette entente intervenue à Charlottetown. Je terminerai
également cette allocution en démontrant les avantages et les
mérites de cette entente agréée par notre gouvernement, et
je le ferai en soulevant également quelques interrogations face à
une non-ratification de cette entente.
Il est donc nécessaire, M. le Président, de rappeler les
événements qui ont influé sur le passé
récent de notre histoire constitutionnelle afin de bien saisir le
débat actuel. Rappelons-nous d'abord le rapatriement unilatéral
de la Constitution canadienne de 1981, qui venait réduire les pouvoirs
du Québec sous la gouverne du Parti québécois. On se
souviendra également qu'un an plus tard, en 1982, encore au cours d'un
exercice de négociations, nous avons, cette fois, toujours sous le
règne péquiste, perdu des droits de veto du Québec. Voici
donc une belle démonstration de l'incapacité de
négociation de nos prédécesseurs.
Puis, vint l'année 1985, où la population du
Québec décida d'élire un gouvernement
libéral qui avait pour mandat de négocier sérieusement un
nouveau partenariat avec les autres composantes du Canada, afin de
réparer le tort causé au Québec par des gens
irresponsables. En 1989, les citoyens et citoyennes du Québec
réitéraient leur appui au gouvernement libéral et
faisaient en sorte que ce mandat de négociation était
reconfirmé et assuré au gouvernement et que c'était donc
une manifestation de confiance à l'égard du gouvernement
libéral.
Puis, vous le savez tous, en 1990, nous avons assisté à
l'échec de l'accord du lac Meech. Notre population a vécu un amer
sentiment de rejet de la part du reste du Canada. Faisant face à nos
responsabilités, nous avons élaboré une nouvelle
stratégie de négociation fondée sur l'obligation de
résultat, soit celle de la création d'une commission sur l'avenir
constitutionnel du Québec ainsi que celle du rapport du comité
constitutionnel du Parti libéral du Québec intitulé
«Un Québec libre de ses choix» et, enfin, celle de la loi
150. Cette stratégie nous a permis de créer un rapport de force
très substantiel en vue de négociations futures.
À l'été 1982, dès que nous avons
été significativement assurés du succès d'une
nouvelle négociation constitutionnelle, notre gouvernement effectuait un
retour en force à la table constitutionnelle. Ce retour en force a
permis à notre gouvernement de reprendre la substance de l'accord du lac
Meech, en plus d'autres gains réels et grandement appréciables
pour l'affirmation et le développement de la société
québécoise.
M. le Président, nos adversaires en cette Chambre ont
tenté de discréditer cette entente et les gains qu'elle procure
à notre société et au peuple du Québec. Ils n'ont
pas réussi et ils ne réussiront pas, car, pour eux, le principe
même d'une entente n'est pas acceptable. C'est donc un regard partisan
que jettent nos adversaires sur cette entente. Ainsi, réussissent-ils
seulement à se discréditer aux yeux d'une population qui n'est
pas dupe devant ceux et celles pour qui rien en deçà de la
séparation, n'est acceptable.
Donc, M. le Président, nous, de ce côté-ci de la
Chambre, nous croyons que les intérêts supérieurs de notre
population sont mieux servis dans un lien fédératif que dans un
État séparé. Mais convenons que, depuis au moins une
quinzaine d'années, soit depuis la publication du livre beige, il y a
des irritants, des difficultés, des problèmes qui doivent trouver
leur solution dans une actualisation de la Constitution. C'est ce que procure
l'entente constitutionnelle en assurant des gains réels et
appréciables pour le Québec. D'ailleurs, nous ne sommes pas les
seuls à le dire, puisque, comme on pouvait le lire dans La Presse
du 9 septembre dernier, «l'entente donne trop au Québec, selon
les Canadiens anglais», d'après un article de M. Louis Falar- deau
faisant état d'un sondage réalisé par la maison Environics
pour le compte de La Presse, du Toronto Star, du Vancouver Sun
et du réseau CTV. (22 h 30)
Mais que disons-nous? Ceux et celles qui assument la destinée du
Québec aujourd'hui disent de cette entente qu'elle constitue un Meech
plus, c'est-à-dire que nous obtenons, avec cet accord politique, les
cinq conditions contenues dans Meech, et plus. Nous obtenons d'abord la
reconnaissance de la société distincte dans une clause
interprétative qui figurera dans le préambule de la Constitution
canadienne. La société distincte est reconnue dans l'accord aux
articles 2.1. d et 2.2: le premier stipule que le Québec est, au Canada,
une société distincte comprenant notamment une majorité
d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de
droits civils; le second, lui, stipule que la Législature et le
gouvernement du Québec ont pour rôle de protéger et de
promouvoir la société distincte. Cet article est
interprété par tous les experts objectifs, dont l'ancien juge de
la Cour suprême, M. de Grandpré, le juge Deschênes,
maintenant à sa retraite, et même l'ancien chef de cabinet de M.
Morin, comme étant un renforcement de cette notion de la
société distincte.
M. le Président, je vous indique que cette société
distincte, ce qualificatif, cette description sera, demain, aux droits
collectifs ce que la Charte des droits et libertés est pour les droits
individuels.
M. le Président, nous avons, dans cet accord, la reconnaissance
de la société distincte recherchée depuis l'échec
de Meech. Nous avons les pouvoirs, en matière d'immigration, que nous
accordait Meech, c'est-à-dire que le Québec devient responsable
de la sélection, de l'intégration linguistique, sociale et
économique des immigrants qu'il sera appelé à accueillir,
pour équilibrer sa pyramide démographique et maintenir notre
croissance démographique; également, on ne peut pas nier l'apport
considérable que donne au Québec chacun de ses immigrants.
Puis nous avons la récupération du droit de veto contenu
dans Meech et que nos adversaires avaient abandonné en 1982. Le
Québec devra dorénavant donner son accord pour que se fasse toute
modification aux structures politiques de la Fédération, soit au
Sénat, à la Chambre des communes ou à la Cour
suprême. En outre, nous avons également une représentation
québécoise de 33 % à la Cour suprême, alors que nous
représentons 25 % de la population canadienne. Ainsi notre population se
voit-elle accorder une représentation de trois juges sur neuf dans le
plus haut tribunal de la Fédération canadienne, et ce, tel qu'il
a été demandé dans Meech.
Enfin, nous obtenons l'engagement constitutionnel de limiter le pouvoir
de dépenser du
fédéral, source de disfonctionnement de la
Fédération canadienne. Cet élément était
inscrit dans Meech, et nous l'avons obtenu. Il est, de plus, une revendication
historique du Québec.
Voilà pourquoi, M. le Président, nous disons qu'avec cet
accord nous avons Meech et plus. Voyons maintenant ce plus. Cette nouvelle
entente constitutionnelle permet l'ajout de nouveaux pouvoirs explicites
à l'Assemblée nationale, tout en consolidant et en affirmant
davantage l'autonomie gouvernementale du Québec. Elle attribue des
responsabilités au Québec en matière de main-d'oeuvre et
ajoute six secteurs d'exclusivité où les compétences
législatives exclusives du Québec seront reconnues dans la
Constitution. Il s'est donc ajouté le pouvoir du Québec
d'être maître d'oeuvre dans le domaine de la formation et du
perfectionnement de la main-d'oeuvre. On a donc un contrôle assuré
sur l'ensemble d'une ressource importante et essentielle: le potentiel humain
de la société québécoise. Ce contrôle nous
permettra d'assurer notre avenir économique et de maîtriser
l'avenir des générations qui vont nous succéder par la
formation.
La main-d'oeuvre devient donc une compétence propre au
Québec, confirmant le pouvoir de l'Assemblée nationale sur le
développement des ressources humaines en matière
d'éducation et de formation de la main-d'oeuvre. Les compétences
législatives exclusives du Québec seront également
reconnues pour les six secteurs suivants: les affaires urbaines, le logement,
les loisirs, le tourisme, les mines et les forêts. En relation avec ces
champs de compétence, le pouvoir de dépenser du
fédéral dans ces secteurs est encadré, et le respect des
pouvoirs constitutionnels du Québec est garanti. En fait, à la
demande du gouvernement, le fédéral se retirera de ces six
secteurs, en versant une pleine compensation financière au
Québec.
Cette limitation du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral dans ces domaines est une revendication historique du
Québec. Elle permet de renforcer le principe de l'autonomie du
Québec et de respecter les priorités, les choix et les politiques
du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale.
Le Québec acquiert aussi la maîtrise d'oeuvre dans le
domaine de la culture qui devient une compétence exclusive du
Québec dans le respect de notre politique culturelle. Au chapitre du
développement régional, le Québec dispose maintenant, avec
cette entente, d'une protection constitutionnelle, permettant ainsi
d'éviter les désengagements unilatéraux du gouvernement
fédéral.
En ce qui a trait au domaine des communications, celui-ci sera l'objet
d'une entente protégée pour permettre au Québec de
s'assurer que les décisions en matière de communications seront
bien prises par des Québécois, et en conformité avec les
ententes, pour le bénéfice du
Québec.
Ces gains, M. le Président, c'est un gouvernement libéral
qui les a réalisés, permettant de renforcer l'autonomie et
l'identité du Québec.
Enfin, M. le Président, permettez-moi donc d'insister sur le fait
que nous sommes à l'ère de la mondialisation des économies
et de l'interdépendance des nations qui marque l'entrée dans le
siècle prochain. Nous vivons cette ère. Nous avons une entente
conclue avec les États-Unis et le Mexique. La structure politique
canadienne renouvelée se doit de participer à ce grand mouvement
mondial.
M. le Président, je n'ose penser aux conséquences
spéculatives et déstabilisatrices pour l'ensemble du
Québec et ce, particulièrement au niveau de l'union
économique. Que se passerait-il si nous nous retrouvions isolés?
Que serait notre force auprès des grands espaces économiques qui
s'unissent pour se renforcer? C'est connu, les investisseurs sont d'abord
intéressés par des espaces économiques, avec des
potentiels de marché et la stabilité politique.
M. le Président, ce référendum de 1992 est un
tournant historique qui attend les Québécois et les
Québécoises, lesquels sont appelés à se prononcer
dans un contexte de liberté sur leur avenir politique et
constitutionnel.
M. le Président, j'invite tous les électeurs et
électrices de la circonscription de Lotbinière à bien
réfléchir, à faire le juste équilibre entre
l'émotion et la raison, entre le quotidien et la spéculation
avant de poser ce geste historique de grande portée qui aura de larges
conséquences sur l'avenir du Québec.
M. le Président, pour ces multiples raisons et bien d'autres que
le temps ne nous permet pas d'énumérer ici ce soir, j'appuierai
cette entente constitutionnelle avec les gens de Lotbinière. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Lotbinière. Alors, nous poursuivons le
débat sur la question référendaire, et je cède la
parole à M. le député de Gouin. M. le
député, la parole est à vous.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Peut-être pour
débuter et pour être respecteux du processus qu'est le processus
parlementaire qui nous amène, chacun d'entre nous, chacun notre tour,
des différentes formations politiques, à intervenir sur la
question, peut-être immédiatement une critique. J'écoutais
tout à l'heure le député de Lotbinière et je ne
peux pas commencer, M. le Président, sans rappeler au
député de Lotbinière, lorsqu'il nous parle de
l'exclusivité qu'exercera dorénavant le Québec en
matière d'affaires culturelles... Je pense, M. le Président, que
d'entrée de jeu nous nous devons d'affirmer que ce n'est pas la
réalité. On a l'impression que
de l'autre côté, on vit sur une autre planète. Et
permettez-moi de donner un certain nombre de chiffres qu'il me fait plaisir de
rappeler au député de Lotbinière.
Le budget fédéral en matière de culture, M. le
Président, est de l'ordre d'environ 640 000 000 $. De ces 640 000 000 $,
550 000 000 $ sont réservés à des enveloppes
protégées, essentiellement pour financer Radio-Canada, pour
financer le CRTC, pour financer Téléfilm, pour financer le
Conseil des arts. Sur 640 000 000 $, 550 000 000 $ demeureront entre les mains
du gouvernement fédéral. Alors, qu'on ne vienne pas nous parler
de la compétence exclusive, peu importe ce que les textes disent. On dit
bien, dans le texte de Charlottetown, que le gouvernement fédéral
va conserver son rôle dans les grandes institutions
fédérales. Alors, finalement, M. le Président, tout ce que
le gouvernement du Québec prétend, dans le meilleur des
scénarios, obtenir sur ces 640 000 000 $ - moins les 550 000 000 $ qui
demeurent entre les mains du fédéral, ça veut dire qu'il
reste 90 000 000 $ - 25 % de 90 000 000 $, ça fera environ 23 000 000 $
qui resteront au Québec. Un maigre 3,6 % de l'actuel budget du
gouvernement fédéral en matière d'affaires culturelles.
Alors, avec les 3,6 %, on est bien loin, M. le Président, et les gens
l'auront rapidement compris, que nous sommes bien loin de l'exercice de la
compétence exclusive en matière culturelle.
Donc, ces gens qui, les uns après les autres, viennent nous
réciter leur texte, qu'ils ont appris et qu'on leur a envoyé,
feraient mieux de renvoyer, de corriger les textes avant de les lire ou,
à tout le moins, de les lire au moins une fois avant de les lire ici, en
Chambre, parce que la réalité est tout autre que celle qu'ils
voudraient nous laisser prétendre.
Cette mise au clair, cette clarification étant faite, M. le
Président, permettez-moi de vous rappeler peut-être une anecdote.
Lorsque je faisais mon cours collégial au cégep, il y avait un
professeur qui, souvent, pour éviter - parce que c'était une
erreur que plusieurs étudiants commettaient fréquemment - qu'on
ne réponde pas à la question... Cette erreur se
répétait tellement souvent que le professeur en question - le
père Bourgeois, s'appelait-il - avait fait une petite étampe et,
lorsque l'étudiant ne répondait pas correctement à la
question, il l'étampait. Le texte se lisait à peu près
comme suit: Vous ne répondez pas à la question telle que
posée. (22 h 40)
Je pense que si le père Bourgeois avait à corriger les
copies des libéraux, il y aurait plusieurs de ces textes qui seraient
imprimés de la petite note qu'il avait fait préparer: Votre
réponse ne correspond pas à la question telle que posée.
Parce que la question telle que posée, M. le Président, n'est pas
la question. Il ne s'agit pas de faire un débat sur le
fédéralisme ou sur la souveraineté, sur le
fédéralisme renouvelé, sur Meech plus ou sur Meech moins.
La question qui nous est posée - et je prends le feuilleton - le texte
sur lequel nous sommes tous supposés intervenir, la question qui
apparaît au feuilleton, la question que nous aurons à
débattre et que les Québécois auront à
débattre bientôt est la suivante: «Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue
le 28 août 1992?» Est-ce que les Québécois, oui ou
non, estiment que l'entente - «l'entente», c'est un bien grand mot;
j'aurai l'occasion d'y revenir - est-ce que les gens estiment que la
proposition de Charlottetown correspond, oui ou non, à leurs besoins?
C'est ça, la question, M. le Président, et c'est à
ça qu'il faut, tout au long de notre débat, revenir, et c'est ce
que nous ferons, nous, de ce côté-ci de cette Chambre: nous nous
emploierons, du mieux qu'on peut, à revenir toujours à
l'essentiel du débat. Pas au rêve de nos amis libéraux, pas
à ce qu'ils prennent pour des fantaisies, à un texte, au
«Rapport du consensus sur la Constitution», qu'on appelle, sur ce
texte. Et c'est de ce texte dont, tout au long de la campagne
référendaire, nous allons discuter.
Maintenant, M. le Président, comment nous, comme jeunes, comment
nous, les gens de ma génération, pouvons-nous nous inscrire dans
ce débat? C'est d'abord la question, pendant les 20 minutes durant
lesquelles j'aurai l'occasion d'intervenir, à laquelle j'essaierai de
répondre.
La première affirmation que je présente à mes
collègues de cette Assemblée est la suivante: Malgré les
affirmations du premier ministre qui dit «choisir la prudence, c'est
voter oui», je répliquerai, M. le Président, au premier
ministre en lui disant que choisir la prudence, c'est choisir de ne pas bloquer
l'avenir, et surtout de ne pas bloquer l'avenir de ceux et celles qui, demain,
vivront dans ce Québec que nous sommes en train de façonner parce
que les modifications de nos institutions, parce que les modifications à
la Constitution - vous savez qu'on ne change pas une Constitution à tous
les cinq ans - auront des conséquences certainement bien importantes
pour des générations à venir.
Et ces gens de ma génération, ces jeunes de 18 à 30
ans qui sortent des universités et qui se retrouvent parfois sur le
chômage, quand ce n'est pas sur l'aide sociale, qui sont parfois de
jeunes professionnels, de jeunes entrepreneurs, des gens qui oeuvrent dans le
milieu culturel, qui oeuvrent dans le milieu social et dans le milieu
communautaire, se demandent aujourd'hui si la proposition qu'on leur fait
correspond à leurs attentes.
M. le Président, le Québec dans lequel on vit traverse
certainement une crise, tout le monde l'aura rapidement compris, une crise
à la fois peut-être politique, une crise de valeurs qui se
caractérise peut-être par un certain nombre
d'absences de repères moraux et de repères politiques,
mais une crise aussi de l'État, une . crise, M. le Président,
où on se souviendra-Dans cette Chambre, on entendait ce discours en
1985, des gens qui nous disaient, M. le Président: II ne faut plus
d'État. Leur slogan se résumait à ça: «II ne
faut plus d'État». Ceux qui disaient le contraire passaient
à l'époque pour des gens nostalgiques, pour des sinistres
«archéos», pour des gens d'une autre époque. Mais
aujourd'hui, je pense qu'il y a des gens qui, comme moi, découvrent de
plus en plus ce que ça veut dire que de vivre dans une
société déréglée, qui ont parfois plus de
difficulté que n'importe qui d'autre à faire ce travail de
redéfinition qui s'impose.
Je pense que, compte tenu de ce contexte, M. le Président, la
participation des jeunes dans ce débat sera d'autant plus fondamentale
parce que tout au long de ce débat... Et c'est un peu l'invitation que
j'essaierais de leur faire, de profiter de cette occasion pour, justement,
dessiner ces repères moraux et politiques que l'on souhaite, que l'on
souhaite voir, pour dessiner ces grandes valeurs sur lesquelles on souhaite
s'entendre.
M. le Président, notre non n'est pas le résultat d'un
automatisme. Notre non est le résultat d'une réflexion, d'un
cheminement, et j'essaierai de vous en expliquer les principales parties. Voter
non, c'est d'abord et avant tout voter non à cette façon de faire
de la politique. On entend souvent dire, M. le Président: Les jeunes ne
sont pas politisés. Souvent, ceux qui nous disent ça, c'est des
gens d'une autre génération qui gagnent plus de 100 000 $ par
année, qui sont peut-être un peu nostalgiques des années
soixante. Ces gens nous disent: Bofl Les jeunes, ce n'est plus comme avant; ils
ne font plus les choses de la même façon. Bien non! On ne fait pas
les choses de la même façon, M. le Président. Bien non! Ce
n'est plus la même chose que dans les années soixante. Mais ce
n'est pas pour autant, M. le Président, que les gens sont
fatigués de la politique. Bien au contraire, les jeunes, plus que
n'importe qui, malgré la lassitude, la prétendue lassitude,
veulent que les choses fonctionnent, veulent régler les choses. Et
l'échec, M. le Président, bien plus que l'échec de la
politique, avec un grand «P», c'est l'échec des politiciens,
l'échec des «politicailleux», l'échec des gens qui se
répètent des discours devant lesquels ils ne sont même pas
convaincus, comme des répondeurs automatiques, M. le Président.
C'est ça, l'échec. C'est ça qui fait fuir les gens, cette
façon de faire de la politique.
M. le Président, ce que nous devons affirmer haut et fort, c'est
que dans tout ce contexte, ici, bien sûr, ce contexte et cette
façon de faire répugnent aux jeunes. C'est bien parce que, sans
doute, la confusion aura fini par l'emporter sur la clarté, et nous, de
ce côté-ci de cette Chambre, essaierons de faire la démons-
tration contraire, essaierons de démontrer aux gens que c'est la
clarté qui doit l'emporter sur la confusion. Le cynisme, bien, on le
comprend, le cynisme des gens, le cynisme des jeunes. Et, dans un monde
où tout est si complexe, où les choses vont si vite, où
les textes se raffinent - et on a des finasseries, des subtilités qui
sont difficiles à comprendre - dans ce genre de contexte-là,
qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut revenir, à mon avis, M. le
Président, à des choses qui sont essentielles, à des
choses que les gens peuvent comprendre, à des choses claires, à
des choses qu'on va être capable de présenter et d'expliquer aux
gens.
M. le Président, le premier élément Rappelons la
conjoncture, M. le Président. 1980, référendum sur la
souveraineté-association, sur le mandat de négocier la
souveraineté-association. Les gens du non l'emportent. 1982,
rapatriement unilatéral de la Constitution. Tout le monde se souvient de
cette phrase; M. Trudeau, au centre Paul-Sauvé, disait: Ceux qui
voteront non, ce sera un oui au fédéralisme renouvelé.
C'est le pari que les Québécois avaient fait à
l'époque, en 1980, au moment du référendum. On a vu les
résultats en 1982. On est passé ensuite de ça à des
revendications historiques et traditionnelles du Québec, avec
l'élection des libéraux qui nous ont amené une proposition
qui est devenue la proposition de l'accord du lac Meech. Cinq conditions
minimales. On est parti des revendications traditionnelles du Québec, on
a descendu la barre et on l'a fixée aux cinq revendications minimales
qui en sont venues à former l'accord du lac Meech. Le gouvernement
libéral, de bonne foi, présente cet accord du lac Meech,
réussit à le faire endosser par l'ensemble des premiers
ministres, avec les réserves que l'on sait. Vous connaissez comme moi
l'échec de ce processus et les résultats de ce processus. Et on
se retrouve, finalement, dans une situation où le gouvernement
décide de mettre sur pied une commission, la commission
Bélanger-Campeau, qui prévoit deux voies: une voie pour
étudier le fédéralisme renouvelé, une autre qui
propose la souveraineté. On adopte, nous, ici, tout le monde dans cette
Chambre, une loi qui s'appelle la loi 150, loi qui prévoit la formation
de deux commissions et qui prévoyait - on sait maintenant qu'il n'aura
pas lieu - un référendum sur la souveraineté avant le 26
octobre. Ce texte a été amendé.
Mais, M. le Président, qu'est-ce que c'est, ça, cette
façon de faire de la politique? Est-ce qu'on peut, sincèrement,
honnêtement, s'attendre à ce que les gens nous fassent confiance
lorsqu'on agit de cette façon-là? Est-ce que c'est la finasserie
et la stratégie politique qui doivent l'emporter sur le gros bon sens?
Est-ce que c'est ça, M. le Président, qui va faire qu'au moment
où on célèbre le Bicentenaire de nos institutions
parlementaires les Québécois et les Québécoises
vont se sentir fiers de leurs parlementaires, vont se sentir fiers de leurs
institutions, vont être
fiers de leur premier ministre? non m. le président. le cynisme
des jeunes et le cynisme de bien des gens, jeunes et moins jeunes, on finit par
le comprendre lorsque l'on voit cette façon de faire. on voit,
malgré les beaux dis-cours, malgré les discours qu'on est venu
faire ici, en cette chambre, que, finalement, bien avant les
intérêts de la patrie, ce sont les intérêts des
partis, et avec les divisions que ça amène chez les
libéraux, m. le président, (22 h 50) donc, m. le
président, cynisme à l'égard du processus, mais cynisme
aussi à l'égard du contenu de cette entente. le premier ministre
en tête nous avait dit: jamais je ne retournerai négocier à
11. le processus de négociations est discrédité. et,
pourtant, malgré ses affirmations solennelles faites dans le salon
voisin, dans le salon rouge, cet ancien sénat, malgré ses
affirmations solennelles, son engagement, le premier ministre est
retourné négocier - non pas à 11, mais bien à 17.
encore pire m. le président! et les résultats, bien, qu'est-ce
que c'est? les résultats, m. le président, c'est
qu'essentiellement on est venu nous mettre l'étampe du québec sur
l'entente que les premiers ministres anglophones avaient négociée
le 7 juillet, parce que si l'on prend le texte de l'entente du 7 et qu'on le
compare à celui d'aujourd'hui, celui de l'entente de charlottetown,
à ce brouillon d'entente, ce brouillon de contrat, c'est, finalement, du
mot à mot entre l'entente du 7 et le texte qu'on retrouve
aujourd'hui.
Donc, M. le Président, hier, le premier ministre, l'équipe
du Conseil des ministres, l'équipe des députés
libéraux, le Parti libéral, tout ce qui bouge au Québec
dénonçait l'entente du 7 juillet disant que c'était
inacceptable, irrecevable, qu'il n'était pas question qu'on en discute.
Malgré tous ces cris, qu'est-ce qu'on apprend quelques jours plus tard?
C'est que cette entente de Charlottetown, qui reprend l'ensemble des grandes
lignes du 7, soudainement, par magie, est devenue acceptable à un point
tel que le gouvernement libéral la propose aux Québécois
et Québécoises par voie de référendum. Assez
étrange, M. le Président, comme processus, assez étrange.
Qu'est-ce qui s'est passé entre le 7 juillet et l'entente de
Charlottetown? Personne, personne n'a essayé de répondre à
cette question-là. Peut-être que ça devient trop
gênant de répondre à une question comme
celle-là.
Et regardons, M. le Président. Tout le monde, de façon
unanime, dans cette Chambre, avait dit qu'au niveau du partage des pouvoirs,
c'était inacceptable. Qu'est-ce qu'on retrouve de plus dans l'entente de
Charlottetown? Aucun nouveau pouvoir exercé de façon exclusive.
Mais pourtant, pourtant, même si on avait dit que l'entente du 7 juillet
était irrecevable, qu'il n'était pas question qu'on en discute
dans l'entente de Charlottetown... Puis, s'il y a bien une question
fondamentale, c'est bien celle du partage des pouvoirs. tout le monde a
parlé du sénat, mais le sénat, m. le président
c'est des peccadilles pour le québec. le sénat est devenu un
enjeu le jour où, par une proposition fédéra-le, on venait
enlever des pouvoirs à cette assemblée, où on entevait des
pouvoirs à l'as-semblée nationale. mais avant ce jour, la
position du parti gouvernemental la position du parti libéral,
c'était l'abolition du sénat. c'est pour vous dire jusqu'à
quel point le sénat, c'est un sujet qui intéresse les
québécois! demandez aux gens de votre circonscription. tout le
monde est d'accord, on devrait abolir ça, ça coûterait
moins cher. mais nous m. le président, on a parlé du
sénat. on nous a présenté un non-recul comme étant
un gain. voyons donc! m. le président.
Donc, revenons au partage des pouvoirs. Aucun nouveau pouvoir
exercé de façon exclusive pour le Québec. Je vous ai
parlé, tout à l'heure, des affaires culturelles, on pourrait
revenir sur d'autres thèmes. M. le Président, non seulement aucun
nouveau pouvoir exercé de façon exclusive, mais encore, encore si
on pouvait discuter du texte, M. le Président. Même pas! On nous
dit, M. le Président, que ce texte, qui est sans doute celui sur lequel
les gens vont! devoir se prononcer, est une version finale, une version
définitive. Mas comment expliquer, alors, qu'il n'y ait pas concordance
entre les textes français et les textes anglais? Qui peut expliquer
ça? Lequel d'entre vous va se lever dans cette Chambre pour venir nous
expliquer la différence entre les textes français et puis les
textes anglais, M. le Président? Qui va nous dire quels nouveaux
pouvoirs nous venons d'obtenir? M. le Président, c'est un brouillon
d'entente, un brouillon, un brouillon de contrat, M. le Président.
On pourrait parler des sénateurs, on pourrait parler de la
société distincte, on pourrait parier de bien d'autres
éléments. Mais retenons, M. le Président, qu'à ce
moment-ci je crois que les jeunes, comme bien des gens, n'ont pas le coeur
à la fête. Puis, au-delà de nos débats partisans,
au-delà de la politicaillerie, qu'est-ce qui nous intéresse le
plus? C'est le partage des pouvoirs. Rien, M. le Président. Notre
premier ministre s'est lamentablement écrasé.
Et, c'est assez intéressant d'ailleurs, lorsqu'on regarde le
texte de la question: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit
renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
1992?», ça vaut la peine qu'on regarde attentivement ces mots
«sur la base de l'entente». Mais qu'est-ce que ça veut dire,
ça, «sur la base de l'entente»? Pourquoi ne pas avoir
posé la question claire: Acceptez-vous l'amendement constitutionnel du
28 août 1992? Ça, ça aurait été une question
neutre, une question claire. Pas «sur la base». Est-ce qu'on
demande aux Français, par exemple, de modifier le droit de la
Communauté sur la base du traité de Maastricht?
Non. On demande aux Français une question très claire:
Êtes-vous pour ou contre l'entente de Maastricht?
Une voix: 1980!
M. Boisclair: M. le Président, ah! on me dit
«1980». Bien oui, 1980, mais on est aujourd'hui en 1992, M. le
Président. Les libéraux n'ont rien de moins, ils demandent un
mandat de négocier le fédéralisme, M. le Président.
C'est ça qu'on nous propose. On nous propose de vouloir
renégocier.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
À l'ordre!
M. Chevrette: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le
député.
M. Chevrette: Je pense qu'on a écouté des discours,
M. le Président, toute la soirée, sans qu'on dérange un
seul individu. Je leur demanderais, M. le Président, d'assumer le quorum
d'abord, et, deuxièmement, de laisser nos gens s'exprimer comme on les
laisse s'exprimer. Sinon, ça ne marchera pas, M. le Président,
dans cette Chambre, soyez assuré de ça. On ne le prend pas.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): J'en prends bonne note,
M. le leader de l'Opposition officielle. Je demanderais aux collègues
d'intervenir quand ils ont la parole. C'est très clair. Le
règlement est là et il est là pour être
respecté par tous les membres de cette Assemblée. En plus, qu'on
appelle les députés, le quorum est absent ici. (22 h 55 - 22 h
56)
Si vous voulez prendre place. Nous poursuivons le débat sur la
question référendaire proposée par M. le premier ministre.
J'indique au député de Gouin qu'il reste deux minutes à
son intervention. M. le député de Gouin.
M. Boisclair: M. le Président, je pense que la
démonstration est claire, la démonstration est faite. Ce que les
gens d'en face veulent, finalement, c'est un mandat de négocier le
fédéralisme, le renouvellement du fédéralisme.
Ça ne vaut pas la peine de s'échauffer les esprits pour autant.
Qu'on le dise, qu'on l'admette, le texte le dit: Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente? Non pas
«acceptez-vous l'amendement constitutionnel?» Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente?
M. le Président, la démonstration que je faisais, je tiens
à la rappeler. On ne demande pas aux Français de modifier le
droit de la
Communauté sur la base du traité de Maastricht. On leur
demande si, oui ou non, ils l'acceptent. Ça aurait été la
normalité, ça aurait été normal qu'avec autant de
clarté on demande aux Québécois de se prononcer sur cette
question. Mais non. On a préféré l'ambiguïté,
on a préféré amasser tout ça et cacher certaines
vérités qui, parfois, peuvent faire mal.
M. le Président, il me reste peu de temps, mais rappeler que sur
des sujets fondamentaux qui touchent les jeunes, sur le financement des
études postsecondaires, sur la formation de la main-d'oeuvre, sur le
financement des services de garde, sur la politique familiale, sur le
développement régional, cette entente ne règle rien, et
qu'on se le tienne pour dit, M. le Président. Formation de la
main-d'oeuvre, dans un contexte où tous les pays avec qui nous sommes en
concurrence, pas rien que l'Ontario, là, pas rien que les
États-Unis, la France, l'Italie, le Danemark, la Belgique, les nouveaux
pays en voie de développement, ces nouveaux pays industriels qui,
à chaque jour, nous font concurrence.
Nous devons rentrer dans ce nouveau monde avec tous les outils, nous
devons être capables de nous affirmer non pas avec des demi-pouvoirs, non
pas avec des pouvoirs de provinces, mais avec l'ensemble des outils.
Malgré tous ceux et celles, jusqu'au Conseil du patronat qui
s'était prononcé pour un fédéralisme
essentiellement très décentralisé, M. le Président,
rien dans cette entente ne règle des choses. Et je dis en conclusion, M.
le Président, que choisir la prudence, c'est choisir de ne pas bloquer
notre avenir. Choisir la prudence, M. le Président, c'est voter non,
contrairement à ce qu'affirme le premier ministre. Je vous remercie. (23
heures)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Gouin, de votre intervention. Alors, nous poursuivons
le débat sur la question référendaire, et je cède
la parole à Mme le ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
Mme Monique Gag non-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: J'assistais, jeudi dernier, M. le
Président, au spectacle son et laser en l'honneur du Bicentenaire des
institutions parlementaires québécoises. On y évoquait
l'acharnement avec lequel les Québécois, qu'on nommait autrefois
les Canadiens français, ont revendiqué des institutions où
leur voix pourrait se faire entendre. En effet, depuis toujours, les
Québécois ont souhaité que les caractéristiques qui
font d'eux une société distincte soient reconnues et
respectées.
C'est curieux, M. le Président, comme l'histoire se
répète. Lorsque l'on regarde le chemin parcouru depuis 1867, il
faut bien admettre que le Québec a su progressivement obtenir des outils
de plus en plus efficaces pour assurer son développement et son
caractère distinct, et
ce, bien sûr, à l'intérieur du cadre
fédéral. Les résultats sont probants. Malgré la
récession qui perdure, le Canada et le Québec se situent
néanmoins en tête de liste des pays, en termes de qualité
de vie. Malgré notre poids démographique qui continue de
décroître, le français n'a jamais occupé autant
d'espace au Québec que maintenant. Il est faux de nous faire croire que
le Canada n'est qu'une source d'ennui pour le Québec et, pour peu qu'on
s'en occupe, le régime fédéral peut aussi être un
outil de notre développement.
L'histoire nous enseigne que chacun des gains du Québec a fait
l'objet de négociations avec le fédéral, souvent ardues;
c'est une constante de notre histoire. Avant d'aborder l'entente de
Charlottetown, voyons tout d'abord comment le Québec s'est
comporté dans le secteur de l'immigration. Comme on le sait, le
gouvernement du Québec est présent depuis maintenant longtemps
dans le secteur de l'immigration, mais ce n'est que depuis la création
du ministère de l'Immigration, en 1968, qu'il y affecte des ressources
significatives.
En effet, l'immigration est un outil de développement de notre
société distincte, bien sûr, par sa contribution au
redressement démographique, mais aussi par son soutien à la
pérénité du fait français. La contribution
réelle de l'immigration à ces objectifs de société
dépend de la manière dont nous sélectionnons les candidats
à l'immigration, d'une part, et de notre habilité à
faciliter l'intégration des immigrants à une
société résolument francophone, démocratique et
pluraliste, d'autre part. Pour inscrire l'immigration parmi ses outils de
développement, le Québec a négocié quatre accords
avec le gouvernement fédéral, depuis 1971. Ces accords ont
graduellement augmenté les pouvoirs et les responsabilités du
Québec en matière d'immigration et d'intégration
jusqu'à lui permettre d'en assumer aujourd'hui la maîtrise
d'oeuvre. Ces accords ont été négociés dans
diverses circonstances et par divers gouvernements.
Ainsi, en 1978, même le gouvernement du Parti
québécois a cru bon de négocier avec le gouvernement
fédéral pour augmenter les responsabilités du
Québec en matière de sélection des immigrants. Cette
négociation a donné l'entente Couture-Cullen qui a défini
nos rapports avec le fédéral jusqu'à l'an dernier. Les
péquistes étaient bien fiers de cette réalisation,
à l'époque, et avec raison. C'est pourquoi on ne les prend pas au
sérieux, maintenant, lorsqu'ils pourfendent aujourd'hui les ententes
fédérales-provinciales comme instruments de développement
du Québec dans d'autres secteurs.
Après l'échec de Meech, j'ai négocié un
accord avec mon homologue fédérale d'alors, Barbara McDougall.
Cet accord, signé en février 1991, a permis au Québec
d'acquérir de nouveaux pouvoirs en matière d'immigration et
d'intégration. Ces nouveaux pouvoirs portent sur trois points: les
niveaux d'immigration, la sélection et l'intégration des
immigrants, le tout assorti d'une compensation financière de 332 000 000
$ sur 4 ans et d'une formule d'indexation pour les années
subséquentes.
J'ai déjà eu l'occasion, dans cette Chambre, d'expliquer
amplement les gains qu'a réalisés le Québec grâce
à cet accord, alors, vous me permettrez, M. le Président, de ne
revenir que sur la question de l'intégration des immigrants car il
s'agit d'un gain majeur pour le Québec.
Le rapatriement du programme d'intégration linguistique au
Québec a permis d'y apporter des correctifs susceptibles d'en
accroître l'efficacité comme outil d'intégration à
la société francophone. Par exemple, nous avons pu ouvrir les
cours de français à temps plein aux immigrants qui parlent
l'anglais, ce que le gouvernement du Parti québécois n'avait pu
obtenir en 1978, eux qui prétendent être les seuls
défenseurs de la langue française. Nous avons ici pu adapter le
programme à notre spécificité et en faire un outil
à l'appui de la pérénité du fait français.
En somme, le Québec a pu se munir, au cours des 20 dernières
années, d'outils nécessaires pour atteindre ses objectifs en
matière d'immigration et d'intégration, et ce, à
l'intérieur du régime fédéral canadien. C'est
d'ailleurs ce que reconnaissait le porte-parole de l'Opposition en
matière d'immigration et député de Mercier, lorsqu'il
affirmait, lors de la révision de la loi constitutive de mon
ministère en 1991, et je cite, «que le Québec disposait de
pouvoirs presque aussi complets que s'il était un pays souverain».
Fin de la citation. Et ce, M. le Président, toujours à
l'intérieur du cadre fédéral.
Force est de constater que c'est à travers des
négociations régulières avec le partenaire
fédéral que nous sommes parvenus à la situation qu'a
décrite le critique de l'Opposition. L'entente de Charlottetown vient
consacrer les pouvoirs du Québec en immigration. L'immigration
étant, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, une
compétence partagée entre les deux ordres de gouvernement,
l'entente de Charlottetown vient enchâsser le partage des
responsabilités entre Québec et Ottawa et donnera force de loi
à l'accord que j'ai signé avec Barbara McDougall. Que ce soit
notre compétence sur l'intégration linguistique des immigrants,
notre contrôle exclusif de la sélection des immigrants
indépendants ou, encore, nos responsabilités relatives au niveau
d'immigration, tous ces pouvoirs et ces responsabilités auront force de
loi et seront protégés par la Constitution, tout en étant
compatibles avec certains paramètres de la loi fédérale.
Faisant partie de la Constitution, ce partage des responsabilités
s'imposera donc aux lois qui pourraient être adoptées ou que
pourrait adopter le gouvernement fédéral.
L'entente de Charlottetown prévoit que le gouvernement
fédéral doit conclure des ententes sur l'immigration avec les
provinces qui en
feront la demande. Ces ententes doivent être
négociées dans un délai raisonnable et offrir les
mêmes avantages, dépendamment des besoins de cette province.
De son côté, le Québec a déjà conclu
une entente administrative et a toujours été explicite quant
à sa volonté de l'enchâsser dans la Constitution
canadienne. Cette obligation du fédéral sera consignée
dans la Constitution par l'ajout de l'article 95A à 95D. Ces
modifications prévoient également que les ententes ainsi
signées auront force de loi, d'une part, et que chaque partie à
l'entente ne peut s'en retirer unilatéralement, d'autre part. Pour que
notre accord ait force de loi, comme le prévoit ce nouvel article de la
Constitution, l'Assemblée nationale et le Parlement
fédéral devront procéder par résolution. Comme vous
le savez, M. le Président, l'accord que j'ai signé ne peut
être modifié unilatéralement, mais, si le gouvernement
fédéral et le Québec s'entendent, un jour, pour le
modifier, il s'agira soit de refaire le même processus que lors de sa
consécration à titre de loi, soit de se prévaloir de la
procédure prévue à l'accord même. Ce processus de
modification d'un accord sur l'immigration qui serait inscrit dans la
Constitution prévoit donc qu'aucune partie à l'accord ne peut
procéder unilatéralement.
Soulignons aussi que les accords sur l'immigration n'ont pas une
durée de vie limitée à cinq ans, comme c'est dans le cas
dans d'autres secteurs, comme les mines, les forêts, le logement, la
main-d'oeuvre et la culture. En ce qui concerne d'éventuels amendements
à l'article 95A à D, qui est nouveau dans la Constitution, ce
serait l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui définirait
les règles applicables. Cet article prévoit, au paragraphe 3, que
de tels amendements exigeraient l'approbation de 7 provinces sur 10,
représentant 50 % de la population, ce que nous appelons le principe du
7-50.
Si le Québec n'était pas d'accord, ne serait-ce qu'avec un
seul amendement, aux articles 95A à D qui concernent la procédure
de constitutionnalisation, il aurait la possibilité de se retirer de cet
amendement, en vertu de l'article 38.3 et la situation à l'égard
du Québec demeurerait le statu quo, notre accord sur l'immigration
conserverait alors la même protection constitutionnelle qu'au moment de
l'amendement à l'article 95. Le Québec conserverait tous ses
pouvoirs ainsi que la compensation prévue à l'accord que j'ai
signé.
Tout ceci semble bien technique, M. le Président, mais ce qu'il
faut toutefois retenir, c'est que notre accord sur l'immigration, si l'entente
du 28 août est acceptée par les Québécois et
l'ensemble du Canada, aura force de loi parce qu'inscrit dans la Constitution,
la loi fondamentale du pays, et ne pourra pas être modifié
unilatéralement par l'une des parties. L'entente de Charlottetown
comporte donc des gains importants pour le Québec. La
sécurité que nous procurera le nouvel article 95 de la
Constitution au chapitre de l'immigration me donne l'assurance en tant que
ministre responsable de l'Immigration que l'accord que j'ai conclu avec le
gouvernement fédéral sera respecté, sera renforcé
et protégé par la Constitution. (23 h 10)
Si notre gouvernement a insisté pour constitutionnaliser l'accord
sur l'immigration, c'est, comme je le disais précédemment, que
l'immigration et l'intégration des immigrants sont reliées
à la pérennité du fait français au Québec
et, par conséquent, notre caractère distinct. La ratification de
l'entente du 28 août permettrait d'inscrire le caractère distinct
du Québec comme une caractéristique fondamentale du Canada.
Ainsi, le Québec ne serait plus seulement dans les faits une
société distincte, cette caractéristique sera maintenant
reconnue dans la Constitution du pays. Elle se manifestera de plusieurs
façons, notamment par la garantie que le Québec détiendra
toujours au moins 25 % de sièges à la Chambre des communes. On
sait, M. le Président, que pour maintenir notre poids
démographique au sein de la Fédération canadienne, pour
maintenir seulement et non augmenter notre poids au cours des 20, 25 prochaines
années, il faudrait 1,8 enfant par femme et un niveau d'immigration de
55 000 par année, alors que présentement nous avons un taux de
1,6 enfant par femme et que nous recevons environ de 40 000 à 45 000
immigrants par année. Lorsqu'on a bien compris le
phénomène de la décroissance démographique auquel
nous sommes confrontés et ses conséquences pour le Québec,
on se rend compte que ces gains sont tout à fait majeurs pour la
sécurité culturelle du Québec.
Cette caractéristique se manifestera aussi par la garantie que le
Québec détiendra toujours trois juges sur neuf à la Cour
suprême et par l'exigence qu'une majorité de sénateurs
francophones votent en faveur d'un projet de loi en matière linguistique
ou culturelle. L'entente de Charlottetown accorde également une
protection additionnelle à la compétence québécoise
en matière de langue. En plus des protections déjà
accordées par la clause dérogatoire de la Charte canadienne,
l'entente du 28 août attribue à l'Assemblée nationale la
responsabilité expresse de protéger et promouvoir le
caractère distinct du Québec. Ainsi, la langue française
est pleinement protégée, contrairement à ce que
véhiculent nos amis d'en face. La pérennité du fait
français pourra continuer d'être protégée par nos
lois à l'Assemblée nationale et cette Assemblée pourra
prendre les moyens qu'elle juge appropriés pour favoriser
l'intégration des immigrants à un Québec francophone,
démocratique et pluraliste.
Je crois, M. le Président, qu'il est nécessaire de crever
quelques ballons lancés par les adversaires de l'entente du 28
août. Certains nationalistes se scandalisent de la clause qui
reconnaît l'attachement des Canadiens et de leur gouvernement
à l'épanouissement et au développement des
communautés minoritaires de langue officielle dans tout le pays. Je ne
les comprends pas, M. le Président. Au fait, je ne devrais pas dire que
je ne les comprends pas, mais je devrais plutôt dire qu'ils ont
décidé de jouer la carte émotive de la langue, leur seule
bouée de sauvetage, d'ailleurs. Étant donné le rôle
attribué à l'Assemblée nationale concernant la promotion
de la société distincte ainsi que les autres clauses de
protection de nos pouvoirs linguistiques, il est clair que cet
énoncé ne met absolument pas en péril les principaux
instruments d'intégration des immigrants que s'est donnés le
Québec à travers la loi 101, ce qui a été
confirmé d'ailleurs par plusieurs experts dont l'ex-juge de la Cour
suprême, le juge de Grand-pré. Il est faux de prétendre, M.
le Président, comme le mentionnait cet après-midi le
député de Pointe-aux-Trembles, que cet article obligera le
Québec d'envoyer ses immigrants à l'école anglaise. M. le
Président, le Québec sera toujours maître et seul
décideur à cet égard. C'est pourquoi j'adhère
pleinement à l'énoncé sur les communautés
linguistiques minoritaires car il ne faut pas se gêner pour dire haut et
fort que la communauté anglo-québécoise est une richesse
pour le Québec.
De même, je suis également satisfaite que soit inscrit dans
la Constitution le fait que les Canadiens soient attachés à
l'égalité raciale et ethnique dans une société qui
comprend des citoyens d'origine multiple. Le Québec est maintenant une
société pluraliste qui prend les moyens nécessaires pour
faciliter l'intégration des Québécois et des
Québécoises de toutes origines. Les communautés
culturelles constituent un apport pour le Québec et le mentionner dans
la Constitution est une façon de le reconnaître.
Avec l'entente de Charlottetown, le Québec acquiert de nouveaux
outils pour assurer son développement. Outre les questions relatives
à la sécurité culturelle, l'entente de Charlottetown
reconnaît la compétence exclusive du Québec dans des
secteurs névralgiques comme le perfectionnement et la formation de la
main-d'oeuvre ainsi que dans six autres secteurs dont les mines et les affaires
municipales. S'ajoute à cela la reconnaissance de la compétence
du Québec en matière de culture et de développement
régional. L'exercice de la compétence du Québec dans ces
secteurs passera par la négociation d'ententes portant sur le retrait du
gouvernement fédéral de ces secteurs, accompagné d'une
pleine compensation financière. Il sera inscrit dans la Constitution que
le fédéral a l'obligation, à la demande d'une province, de
se retirer du champ qu'il occupe et de signer une entente qui organise ce
retrait avec une compensation financière correspondante.
Depuis deux semaines, M. le Président, j'entends les
indépendantistes faire un plat du fait que l'entente de Charlottetown
renvoie une multitude de sujets à des négociations
ultérieures, dont une série d'ententes
fédérales-provinciales. Ils laissent croire à la
population que signer des ententes avec le fédéral
s'apparenterait à une odyssée périlleuse. Il est tout
à fait normal, M. le Président, de négocier des ententes
sectorielles. Qu'on ne vienne pas me dire qu'on n'y arrivera pas! J'ai
signé une entente sur l'immigration dans un contexte beaucoup moins
favorable, c'est-à-dire après l'échec de Meech. Et donc,
M. le Président, pourquoi, pourquoi ne pourrions-nous pas en signer dans
d'autres secteurs, alors qu'il y a la volonté de le faire et que, si le
oui l'emporte, il y aura en plus la pression et l'appui de la population? Il ne
faudrait tout de même pas se faire des peurs, M. le Président, il
faudrait rappeler que l'accord sur l'immigration a été conclu
sans que l'obligation du fédéral de le négocier soit
inscrite dans la Constitution. Vous comprendrez donc que, lorsque je vois
qu'avec l'entente du 28 août le fédéral a l'obligation de
conclure une entente à la demande d'une province, je n'ai aucune
crainte, aucune crainte que mes collègues responsables des secteurs
visés réussiront à conclure des ententes satisfaisantes
pour le Québec.
Il m'apparaît clair, grâce à l'expérience de
l'accord sur l'immigration, que le Québec peut se doter des outils
nécessaires à son développement à
l'intérieur du cadre fédéral, pour peu qu'on s'organise
pour aller les chercher. Il m'apparaît tout aussi clair que
négocier avec le fédéral n'est pas un exercice facile,
mais c'est un exercice auquel nous nous livrons constamment sur des sujets
petits et grands. Cela fait partie des tâches normales des deux ordres de
gouvernement dans un régime fédéral.
Il y a donc quelque chose pour le moins incongru dans le discours de
ceux qui font une montagne des négociations à venir avec le
fédéral car l'alternative qu'ils proposent n'est rien de moins
qu'une méganégociation avec le reste du Canada dans un domaine,
celui de la sécession, où les paramètres sont 100 fois
moins clairs que dans l'entente de Charlottetown et sans qu'on y ait
prévu d'obligation de résultat. De plus, toute négociation
portant par exemple sur le partage des dettes et des actifs
fédéraux aurait besoin d'un minimum d'ouverture de l'autre
partie. Or, personne ne peut prédire ce que l'avenir nous
réserverait à cet égard. L'entente de Charlottetown
représente un progrès réel pour le Québec. On
constate, M. le Président, qu'avec l'entente de Charlottetown le partage
des responsabilités inscrit dans la Constitution n'est pas figé
dans le temps. La Constitution évolue et s'adapte à son
époque notamment sous l'impulsion des Québécois qui, comme
le premier ministre, veulent bâtir le Québec avec des outils
concrets et non des chimères. M. le Président, ce n'est pas dans
l'attente du grand soir que nous relèverons les défis
d'aujourd'hui, c'est plutôt
par une démarche sereine et pragmatique, les pieds ancrés
dans le réel comme le présent gouvernement a l'habitude de le
faire, que nous bâtirons le Québec. Voilà pourquoi, M. le
Président, je voterai oui au référendum.
Notre rôle dans les prochains jours sera d'expliquer aux
Québécois et aux Québécoises le contenu de
l'entente du 28 août. Je suis confiante qu'une fois bien informée
la population du Québec reconnaîtra les progrès
réels que nous pourrions faire grâce à cette entente,
grâce à cette réorganisation de nos rapports avec le
gouvernement central. L'enjeu est important et c'est pour cela que j'invite la
population du Québec à examiner la proposition qui lui sera
soumise par référendum avec le plus d'objectivité
possible. (23 h 20)
Au référendum de 1980, j'ai vécu comme beaucoup de
Québécois des jours difficiles et des débats
émotifs et passionnés. J'ai vu des Québécois, et
particulièrement des Québécois des communautés
culturelles, se faire accuser de traîtres et d'autres absurdités
du genre, parce qu'ils étaient dans le camp du non. Je me suis dit que
jamais plus le Québec ne devrait tolérer de tels comportements.
J'ai été heureuse de constater - et je termine bientôt, M.
le Président - que les efforts qu'ont déployés au cours
des deux dernières années les mouvements nationalistes, y compris
le Parti québécois, pour s'ouvrir aux Québécois des
communautés culturelles et pour leur faire la place qui leur revient
dans toutes les structures de notre société... c'était
pour moi un signe de maturité et même de fierté lorsqu'on
regarde le comportement des mouvements nationalistes ailleurs dans le monde.
Vous comprendrez donc ma déception lorsqu'on a pu voir, la semaine
dernière, dans un quotidien de Montréal, une publicité
payée par l'un de ces mouvements, et non le moindre, qui définit
les Québécois qui n'ont pas eu le français comme langue
maternelle, mais qu'ils parlent néanmoins aujourd'hui, comme une menace
au fait français. Selon ce discours, M. le Président - et je
termine - il y aura les vrais Québécois de langue maternelle
française et les autres qui, malgré tous les efforts qu'ils
auraient pu consacrer pour apprendre notre langue et participer pleinement
à notre devenir, conserveront toujours la tache originale. Ce discours
est inacceptable, M. le Président, car il envoie un message d'exclusion
aux nouveaux Québécois alors qu'au contraire nous voulons les
inclure dans notre projet collectif.
M. le Président, j'invite toutes les communautés
culturelles à participer au débat. Ils ont le droit de le faire.
Ils ont le droit de faire connaître leur point de vue et de
défendre cette entente constitutionnelle.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle,
et également à ceux et celles qui nous écoutent, que nous
sommes à débattre de la motion de M. le premier ministre
relativement à la question référendaire, et je reconnais
à partir de maintenant M. le député de
Beauharnois-Huntingdon.
M. Chenail: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le
député, un instant. Oui, M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, je demande le quorum afin que
les libéraux d'en face puissent entendre leur collègue.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): On va demander le quorum.
Alors, un instant, on va le vérifier. Qu'on appelle les
députés. Alors, M. le député de
Beauharnois-Huntingdon, je vous redonne la parole pour que vous puissiez
procéder à votre intervention. Allez-y.
M. André Chenail
M. Chenail: Merci, M. le Président. Comme on peut le
constater il n'y a pas grand péquistes en Chambre, il y en a rien qu'un.
Pourtant ils ont appelé le quorum, et il y en a rien qu'un.
Avec les éléments contenus dans la proposition
constitutionnelle du 28 août soumise aux provinces canadiennes, on voit
bien que le Québec aura bientôt les outils et les garanties qui
lui permettront de se retourner vers l'avenir avec confiance et
sérénité. N'en déplaise à nos adversaires,
j'estime qu'il s'en trouvera toujours pour dire que c'est faux, mais pourtant
c'est la stricte vérité. Ce qui nous est offert dans cette
entente, c'est une vision, un choix et notre formation politique y souscrit
entièrement.
M. le Président, depuis que les premiers ministres provinciaux et
fédéral se sont entendus sur ce nouvel accord constitutionnel,
les débats vont bon train. Le Québec enregistre un réel
progrès en adhérant à cette entente. La
vérité c'est que le Québec n'a jamais été en
aussi bonne posture. La vérité c'est que cette nouvelle entente
est encore meilleure que celle du lac Meech. La vérité c'est que
cette entente reprend les éléments fondamentaux de Meech et
reconnaît que le Québec est une société distincte.
En vertu de cette entente le Québec est reconnu comme une
société distincte et unique au sein du Canada.
À ce titre, le gouvernement du Québec aura
désormais le rôle exclusif de protéger et de promouvoir
cette société distincte et ce sera inscrit dans la Constitution
canadienne. La vérité c'est que le Québec pourra
dorénavant se retirer de tout nouveau programme fédéral
cofinancé par les provinces et obtenir la compensation financière
qui lui revient. La vérité c'est que ce sera inscrit
également dans la Constitution
canadienne. La vérité c'est que le Québec deviendra
responsable de la sélection et de l'intégration linguistique,
culturelle, sociale et économique des immigrants sur son territoire. La
vérité c'est que ce sera aussi inscrit dans la Constitution
canadienne. La vérité c'est qu'aucun changement ne pourra
être effectué à la Cour suprême du Canada sans le
consentement du Québec. Nous obtenons un droit de veto quant à
l'existence de cette Cour suprême, quant à ses pouvoirs et quant
à la présence garantie de trois juges québécois sur
neuf, soit 33 %. La vérité c'est que ce sera inscrit dans la
Constitution canadienne. La vérité c'est que le Québec
aura un droit de veto sur toute nouvelle modification ou institution
fédérale, qu'il s'agisse de la Cour suprême, de la Chambre
des communes et du Sénat. La vérité c'est que ce sera
inscrit dans la Constitution canadienne. La vérité c'est que le
Québec pourra s'opposer à toute mesure qui diminuerait les
pouvoirs de l'Assemblée nationale. La vérité, M. le
Président... Je demanderais à mes collègues
péquistes de prendre leur place pendant que je prends la parole
puisqu'ils ont demandé le quorum tout a l'heure. Ils sont
derrière le trône en train de fumer, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): La présidence n'a
pas de contrôle sur ce qui se passe en dehors de l'Assemblée.
Allez-y, allez-y.
M. Chenail: Vous pouvez leur demander de sortir, d'abord, s'ils
veulent rester derrière le trône à fumer.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député.
M. Chenail: La vérité c'est que ce sera inscrit
dans la Constitution canadienne. La vérité c'est que le
Québec pourra s'opposer à toute mesure qui diminuerait les
pouvoirs de l'Assemblée nationale. La vérité c'est que
l'on pourra, dans chacun des cas, exercer ses droits de retrait avec la pleine
compensation financière, et ce sera inscrit dans la Constitution. La
vérité c'est que cette entente est encore meilleure que Meech
parce que le Québec ne pourra jamais avoir moins que 25 % des
députés à la Chambre des communes. La vérité
c'est que ce sera contenu dans la Constitution canadienne, et ce, même si
la population du Québec devait représenter un jour moins que 25 %
de la population canadienne. La vérité c'est que les pouvoirs de
l'Assemblée nationale en matière de langue sont pleinement
assurés. La vérité c'est que ces droits sont
assurés tout en respectant ceux du Québec anglophone et ceux des
différentes communautés anglophones. La vérité
c'est que ce sera inscrit dans la Constitution canadienne. (23 h 30)
La vérité c'est que les peuples autochtones pourront
désormais exercer leur autonomie gouvernementale dans le respect de
l'intégrité du territoire québécois, de la paix, de
l'ordre et du bon gouvernement. La vérité, c'est que la formation
et le perfectionnement de la main-d'oeuvre deviendraient clairement des
compétences exclusives du Québec. La vérité, c'est
que les ententes de développement régional où le
Québec deviendrait maître d'oeuvre seraient
protégées par la Constitution canadienne et cela rendrait ainsi
impossible tout désengagement de la part du fédéral. La
vérité, c'est que le tourisme, les forêts, les mines, les
loisirs, le logement et les affaires municipales sont des compétences
exclusives du Québec. La vérité, c'est que la culture
deviendrait une compétence exclusive du Québec. Le gouvernement
fédéral pourra continuer à aider nos artistes dans la
mesure où cela respectera la politique du Québec.
M. le Président, la vérité, dans les mots des
Québécois, il faut la dire dans la simplicité et dans la
réalité. Pour un gars comme moi, un gars de chez nous, un fils
d'agriculteur, c'est dans les choses simples que les Québécois
peuvent comprendre la réalité, comprendre les vraies valeurs. Je
pense qu'il faut dire aux Québécois que leurs vraies valeurs,
c'est la famille. Chez nous, on est 15 enfants et puis, nos parents, ce qu'ils
nous ont appris sur la ferme, c'est d'avoir des vraies valeurs. Puis, les
vraies valeurs, c'est la famille, c'est ton église, c'est ton
école, c'est ta province, c'est ton pays avant toute chose.
Je pense qu'il est temps au Québec qu'on dise aux gens du
peuple... Les gens du peuple, c'est des gens comme dans mon comté,
à Beau-harnois-Huntingdon. C'est des gens qui viennent de la terre, des
gens simples, qui n'ont pas été à l'école
longtemps. Moi-même, j'y ai été rien que jusqu'en
sixième année. Mais on sait comprendre les vraies affaires. On
sait comprendre les vraies choses. On sait ce que c'est que la
réalité. Puis, la réalité au Québec, c'est
qu'il est temps qu'on passe à d'autres choses. La vraie question, c'est
de savoir si on veut rester dans notre Canada, si on veut garder notre
père, notre mère, notre famille. C'est ça au
Québec. Le Canada, c'est notre pays. Chez nous, on s'est battus pour
notre pays et on va continuer à se battre, moi et ma famille.
M. le Président, dans mon comté, juste pour faire un petit
bilan de ce que le Parti québécois a fait quand il était
là dans Beauhamois-Hun-tingdon, bilan du PQ: pas de ponts, pas de
routes, pas d'écoles, pas de cours d'eau, pas d'autoroute 30, surtout
pas. Même le candidat péquiste, M. Latreille, disait, dans le
découpage de la carte électorale: On n'a pas besoin des gens de
Saint-Urbain, Sainte-Clothilde, Sher-rington, Hemmingford, le jardin du
Québec. C'est nous autres, dans notre coin, qui faisons manger les gens
du PQ, les petits légumes qu'ils mangent. Puis, le candidat
péquiste disait que ce
n'était pas important, ça, au Québec. Chez nous,
c'est ça, les vraies valeurs des gens de la terre, des gens simples au
Québec. On a tendance à oublier ça à
l'Assemblée nationale. On sort des grands mots, des grands termes. Le
Parti québécois n'est pas dans la réalité. Il vit
dans les nuages. C'est ça, le problème, M. le
Président.
Comme on le voit, M. le Président, et je termine là mes
remarques, c'est une entente encore meilleure que celle du lac Meech. Elle
reprend les éléments qui y étaient contenus et ajoute des
garanties minimales québécoises encore plus fortes. Il sera
inscrit dans la Constitution canadienne que le gouvernement
fédéral ne pourra empiéter sur les juridictions de l'ordre
provincial sans qu'une entente intervienne.
C'est cela qui nous permet d'affirmer que le Québec sort gagnant
de ces discussions constitutionnelles. Et, à ce titre, je suis fier du
travail exceptionnel du premier ministre du Québec, chef du gouvernement
qui a su mettre de l'avant les intérêts supérieurs du
Québec, d'abord et avant tout. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député. Sur la même motion, je cède maintenant la
parole à M. le député de Taschereau. M. le
député, vous avez droit à une période de 20
minutes.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. À mon tour,
j'aimerais vous faire part de mes commentaires sur la question
référendaire. M. le Président, mes propos s'adresseront
particulièrement aux citoyens et citoyennes du Québec, qui sont,
au moment où nous parlons, indécis, qui regardent le débat
dans lequel nous sommes engagés, et qui sont encore, à ce
moment-ci - et ce n'est pas anormal, puisqu'on est au début de ce
débat sur la question référendaire - un peu perplexes
devant les deux avenues qui, somme toute, s'offrent à nous.
M. le Président, vous savez très bien comment ça
fonctionne sur le plan électoral. Le Parti québécois a une
clientèle fidèle d'un certain nombre de nos concitoyennes et de
nos concitoyens, 20 % ou 25 %, selon les cas, qui, eux, à n'en pas
douter, vont voter pour le non. Le Parti libéral, quant à lui, a
également une clientèle fidèle, un peu plus fidèle
que celle du Parti québécois - et c'est ce qui fait qu'eux sont
dans l'Opposition et, nous, on est au pouvoir -qui, elle, également
d'emblée va voter pour le oui. Et les Québécois et
Québécoises qui sont encore indécis sont des gens qui, de
façon générale, sont un petit peu moins politisés
que les fidèles de l'une et l'autre des formations politiques. Et c'est
à eux davantage aujourd'hui que je voudrais m'adresser.
M. le Président, on convient tous que la politique
n'intéresse pas au même degré toutes les
Québécoises et tous les Québécois. C'est donc
d'aucune façon négativement que je veux m'adresser à
ceux-là et à celles-là qui n'ont pas, comme nous, le
même intérêt à la politique. Ces gens-là
auront, comme tous les autres, une décision à prendre, et force
nous est de constater que ce sont ceux-là, les indécis
d'aujourd'hui, qui vont faire pencher la balance ou vers le oui ou vers le non.
C'est donc à eux que je veux m'adresser plus spécialement ce
soir.
Première chose qu'ils entendent, ces gens-là,
première chose qui les interroge, c'est que certains ténors du
clan du non leur disent sans cesse: L'entente proposée est un recul pour
le Québec. M. le Président, ce n'est pas pour rien que certains
ténors du Parti québécois, certains ténors du clan
du non disent que c'est un recul, parce que plus le Canada a des chances de
subsister, plus le Canada a des chances de se développer, plus cette
entente-là a des chances de passer, plus l'idée de nos
adversaires recule.
Et, finalement, quand on parle de recul, ces gens-là veulent
surtout se prémunir contre leur propre recul. Donc, M. le
Président, je dis à nos concitoyennes et concitoyens: Le vrai
recul, puisque nous avons des offres fermes acceptées par tous les
premiers ministres, c'est le PQ qui risque de l'avoir et ce n'est pas le
Québec. Parce que tous ceux et toutes celles qui s'y connaissent le
moindrement, qui ont regardé des tableaux fort simples, notamment,
publiés par Le Soleil qui parlait de l'entente du lac Meech, de
l'entente du 7 juillet, de entente constitutionnelle de Charlottetown, tous
ceux et toutes celles qui ont pris le temps de lire - et pas besoin
d'être un expert constitutionnel pour être capable de comprendre
ça - savent que, dans l'entente actuelle, nous avons un peu plus que
nous avions dans l'entente du lac Meech.
Et c'est pourquoi c'est tellement surprenant, M. le Président, de
voir des Dumont et des Allaire, de voir le député de Drummond,
qui étaient enthousiastes devant l'entente du lac Meech et qui, deux ou
trois ans plus tard, aigris, j'en conviens, par les moments difficiles qu'on a
eu à passer à cause du rejet de l'entente du lac Meech, en
viennent à rejeter ce qu'ils avaient eux-mêmes accepté
à ce moment-là. (23 h 40)
M. le Président, donc, je dis à tous ceux et à
toutes celles qui entendent souvent: C'est un recul pour le Québec,
c'est moins que Meech, méfiez-vous! Méfiez-vous de ceux qui vous
disent cela. Il n'est pas vrai que l'entente de Charlottetown ne se situe pas
dans la lignée des revendications traditionnelles du Québec. Je
ne vous dis pas les revendications traditionnelles du Parti
québécois, qui, eux, depuis 1968, sauf pendant un petit moment de
quelques années où ils nous parlèrent du beau risque, il
est vrai, depuis leur fondation, veulent l'indépendance du
Québec. Quand on parle des revendications traditionnelles
du Québec, on parie de celles de Jean Lesage, on parle de celles
de Robert Bourassa en 1970 à Victoria. Il s'agit là, à
n'en point douter, d'une entente qui répond aux revendications
traditionnelles du Québec.
M. le Président, il y a également d'autres phrases faciles
que l'on entend ces jours-ci de nos adversaires. La plus facile, c'est:
Ça va mal au Canada, déficit catastrophique. D'autres ont
parié de faillite technique. Devant le parlement, les jeunes qui
manifestaient avaient une espèce d'affichage électronique qui
parlait de la dette canadienne. M. le Président, il faut faire attention
dans l'évaluation que l'on fait de la situation canadienne et de la
situation économique canadienne.
M. le Président, il est vrai que le Canada est un pays
très endetté, mais il est vrai également que le Canada
s'est endetté à partir de 1970, parce que auparavant, le budget
canadien avait à chaque année un surplus. Mais il ne faut pas
oublier que ceux qui ont pris ces décisions-là, à ce
moment-là, à Ottawa, étaient des Québécois
élus démocratiquement par des Québécois et il faut
faire attention. Ceux qui répudient aujourd'hui le gouvernement Trudeau,
il faut leur demander: Pour qui avez-vous voté à ce
moment-là?
M. le Président, rappelez-vous les libéraux
fédéraux faisaient élire 71 députés sur 72
au Québec. Il faut faire attention avant de renier les gens que l'on a
placés là démocratiquement. Ce sont eux qui ont
endetté le Canada, et le Québec a eu, a ce moment-là,
comme les autres provinces, des retombées de ces
dépenses-là d'infrastructures dont, il faut se le dire
aujourd'hui, M. le Président, on peut encore en profiter, que ce soit le
réseau des aéroports, le réseau des autoroutes. Donc, M.
le Président, oui, le Canada est un pays maintenant endetté, mais
n'oublions jamais que, dans l'éventualité d'une
indépendance du Québec, le Québec devrait prendre à
son compte une part significative et importante du déficit
fédéral.
Donc, trop facile de dire, M. le Président: Le Canada est un pays
endetté. On a vécu au-dessus de nos moyens. Nous, on
décide qu'on s'en va. Organisez-vous avec vos troubles. Non, M. le
Président, ce n'est pas ça qui va se passer dans la
réalité si jamais on fait l'indépendance du Québec.
Si jamais on fait l'indépendance du Québec, le Québec
devra supporter sa quote-part du déficit fédéral. Donc, M.
le Président, trop facile de dire: Ça va mal au Canada, il faut
voter non et il faut ultimement quitter le Canada.
M. le Président, la députée de Chicoutimi disait
aussi, et c'est important que les gens qui sont à ce moment-ci
indécis fassent la part des choses: 51 % des mémoires à
Bélanger-Campeau prônaient l'indépendance, 49 % des
mémoires prônaient le fédéralisme renouvelé.
Donc, tirez-en vos conclusions, il faut voter non. M. le Président, ce
n'est pas si simple que ça dans la vraie vie. Il faut faire attention.
Il y a des mémoires qui représentent un grand nombre de
personnes. Il y a des mémoires qui représentent un petit nombre
de personnes et il y a des regroupements qui réussissent à
toucher beaucoup de gens.
Par conséquent, il y a des gens qui font partie de plusieurs
associations, qui étaient représentés trois, quatre, cinq
fois dans les groupes qui présentaient des mémoires. Donc, M. le
Président, je dis: Oui, analysons très bien ceux qui ont
présenté des mémoires. Il n'est pas interdit de compiler
les mémoires, mais il faut faire attention pour ne pas raisonner de
façon simpliste en disant: II y a eu 51 % des mémoires pour la
souveraineté à Bélanger-Campeau, donc, les
Québécois majoritairement sont pour l'indépendance du
Québec. M. le Président, ce n'est pas comme ça qu'il faut
calculer ça.
Un autre argument facile de nos adversaires, M. le Président,
c'est: On n'a pas les textes juridiques. M. le Président, nous convenons
tous que ce que nous avons fait à Charlottetown, c'est une entente
politique qui lie les chefs de gouvernement. Et tout le monde comprend
qu'à partir de l'entente politique les légistes, les
spécialistes sont à rédiger les textes juridiques. Tout le
monde comprend que les gens qui se sont entendus devaient d'abord mettre sur
papier l'essence de leur entente, devaient d'abord s'entendre sur les grands
points et qu'ensuite les spécialistes devaient partir de cette
entente-là et traduire ça en langage juridique. Donc, la
situation que nous vivons n'est pas anormale; elle est cohérente parce
qu'il n'y a pas d'autre façon de faire ça: d'abord, s'entendre
politiquement, puis traduire ces ententes-là en termes juridiques, et
c'est ce qu'on a fait. Les ententes juridiques s'écrivent,
s'étudient en collaboration avec les autres provinces, au jour le jour,
et ça va durer le temps qu'il va falloir que ça dure pour que
l'intention des politiciens soit bien traduite, de façon juridique.
Alors, ce que je réponds à ceux qui disent: Mais vous
n'avez pas les textes juridiques? je dis au Parti québécois:
Où sont les vôtres, vous qui dites aux Québécoises
et aux Québécois: Rejetez les offres, suivez le Parti
québécois sur la voie de l'indépendance? Je leur demande
où sont leurs textes juridiques. Ils ne sont même pas certains,
à ce moment-ci, que le reste du Canada va accepter de négocier
avec eux, le jour d'une éventuelle indépendance. Comment, devant
l'incertitude face à une possible entente politique, peuvent-ils
prétendre que, nous, qui avons déjà une entente politique
et sommes en train d'écrire les textes juridiques, on n'a pas de textes,
alors qu'eux, pour avoir des textes juridiques, il faudra qu'ils aient d'abord
une entente politique? Et, pour avoir une entente politique, il faut s'asseoir
à la table avec des gens. Ils ne savent même pas si le reste
du
Canada va accepter de négocier avec eux. Or, donc, M. le
Président, je vous soumets respectueusement que la situation actuelle,
bien que pas parfaite, est beaucoup plus secure et beaucoup plus logique pour
les tenants de la thèse du oui.
D'autres Québécoises et Québécois, qui sont
encore incertains, se disent: II doit peut-être y avoir quelque chose
là-dedans puisque même les libéraux ne sont pas tous
d'accord entre eux; ce qui est vrai. Mais, moi, M. le Président, comme
vous, comme d'autres ici, j'ai assisté au congrès du Parti
libéral sur la question. Et, vous le savez comme moi, quand on est
passé au vote sur la question, combien étaient rares ceux parmi
nous qui se sont opposés. Vous savez, M. le Président, quand
Mario Dumont a quitté la salle, combien étaient peu nombreux les
jeunes libéraux qui ont quitté avec lui. Vous savez tout
ça, M. le Président. Et ce n'est pas anormal qu'à la
croisée des chemins, dans un parti politique, il y ait des gens qui
décident de prendre une autre voie. Ce n'est pas anormal, ça
s'est vu dans le passé. Ça s'est vu maintes et maintes fois chez
le Parti québécois, de façon beaucoup plus dramatique que
ça s'est vécu chez nous. Et, moi, je n'ai pas de problème,
personnellement, à vivre avec ça.
Mais il faut faire attention, dans la population, pour ne pas penser,
parce que Jean Allaire et Mario Dumont sont partis, que 30 %, que 25 %, que 20
% des libéraux provinciaux ont remis en question la thèse de
notre parti. C'est faux, M. le Président. Ceux qui ont quitté le
congrès se comptent en dizaines. Ceux qui ont voté contre se
comptent en dizaines, M. le Président. Donc, faisons attention, dans la
population, pour ne pas penser que, sur cette question-là, le Parti
libéral est divisé. Il n'est pas unanime, mais il n'est pas
divisé. Et il est bien moins divisé que l'ont été
nos adversaires, il n'y a pas si longtemps, alors qu'il y avait les durs, les
mous, les affirmationnistes, les révisionnistes. Il y avait le
«renérendum». M. le Président, c'est de l'histoire
récente du Québec, ça; on ne remonte pas aux calendes
grecques. Donc, le Parti libéral n'est pas unanime, mais le Parti
libéral n'est pas divise sur cette question-là. (23 h 50)
M. le Président, d'autres Québécoises, d'autres
Québécois vont vous dire: On en a marre de ce
débat-là, il a trop duré, ce qui peut être en soi un
sentiment légitime, surtout que beaucoup de nos concitoyens et de nos
concitoyennes ont envie de voir leur député discuter d'autres
choses, notamment d'économie et, à cet égard, on ne peut
pas les blâmer. Mais, M. le Président, en avoir marre du
débat constitutionnel, ça ne veut pas dire qu'on en a marre de
notre pays et il faut faire attention pour ne pas prendre une
exaspération du débat pour une exaspération du pays
où nous vivons. M. le Président, je vous soumets respectueusement
que beaucoup de Québécois peuvent être fatigués de
nous entendre, jour après jour, sur cette question, je ne crois pas
qu'ils soient fatigués du pays où nous vivons.
M. le Président, d'autres Québécoises et
Québécois, indécis, se disent que le Québec aurait
dû rapatrier plus de pouvoirs économiques. Certains sont en droit
de penser que, si le Québec avait davantage de leviers
économiques, peut-être que le chômage serait plus bas,
peut-être que l'économie serait en meilleure posture. M. le
Président, il s'agit là de débats d'économistes,
mais vous me permettrez de me poser des questions, compte tenu du contexte
économique actuel, qui est bien différent d'il y a 20 ans, qui
est encore plus différent d'il y a 50 ans. Nous sommes, et tout le monde
l'admet, dans une mondialisation des marchés. Les décisions qui
influent sur notre vie sont beaucoup plus prises à Londres, à
Tokyo, à New York, à Chicago qu'à Ottawa. C'est ça,
M. le Président, la vraie réalité. La vraie
réalité, c'est que le prix du sucre, M. le Président, que
vous mangez tous les jours, que vous mettez dans votre café, il n'est
pas décidé à Ottawa, il est décidé à
Londres. Et le prix du soya, le prix du gruau ou du blé est
décidé beaucoup plus à Chicago maintenant qu'à
Ottawa. Et c'est ça qui influence la vie de tous les jours, M. le
Président.
Et j'ai beaucoup de réserves envers ceux qui nous disent: Le jour
où le Québec va rapatrier tous les pouvoirs en matière
économique, ça va être le plein emploi. J'ai beaucoup de
réserves avec ça, M. le Président, et je mets au
défi n'importe qui de l'autre côté de nous démontrer
ça, parce que nous sommes dans l'ère du libre-échange,
dans l'Europe de 1992, dans la mondialisation des marchés et ce qui
influe le plus sur notre activité économique, sur notre vie de
tous les jours, sur le plan économique, c'est beaucoup plus les grandes
places financières du monde, c'est beaucoup l'Asie maintenant qui se
développe de façon fulgurante qu'Ottawa. Et, à cet
égard, M. le Président, Ottawa contrôle la monnaie et, s'il
y a une chose que le Parti québécois, pour essayer de ne faire
peur à personne, voudrait que le fédéral garde, même
dans une éventuelle indépendance du Québec, c'est la
monnaie. On veut se faire rassurant, on dit aux gens: On veut
récupérer tous les pouvoirs économiques, mais n'ayez
crainte, M. le Président, on va laisser la monnaie à Ottawa. M.
le Président, j'ai de fortes réserves sur ceux qui disent que, le
jour où le Québec aura tous les pouvoirs, l'économie du
Québec sera en bien meilleure posture. Ce n'est pas si clair, ce n'est
pas si facile à démontrer.
M. le Président, à d'autres Québécoises et
Québécois qui se disent que, dans le système actuel, on
n'aura jamais fini de négocier, je leur répondrai que, dans une
éventuelle indépendance du Québec, c'est tout un marathon
de négocia-
tions auquel on est conviés, c'est un marathon ad vitam aeternam
de négociations avec le reste du Canada.
M. le Président, je termine en vous disant et en mettant en garde
nos concitoyennes et nos concitoyens contre le discours péquiste habile,
facile mais habile, qui dit que, pour être un vrai
Québécois, il faut s'opposer au fédéral et que tous
ceux et toutes celles qui ne s'opposent pas au fédéral, qui
veulent collaborer avec l'ensemble canadien, avec les autres provinces, tous
ceux-là, toutes celles-là sont des Québécois qui
s'écrasent, qui ne se tiennent pas debout. M. le Président, c'est
très facile de tenir ce discours-là. Tous ceux et toutes celles
qui étudient la situation de façon intelligente, de façon
posée, de façon rationnelle, M. le Président, savent
très bien qu'on peut être un vrai Québécois et avoir
foi en la place du Québec dans le Canada et en la possibilité
qu'ont les Québécoises et les Québécois de se
développer dans le Québec, à l'intérieur du Canada.
Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Taschereau. Sur la même motion, je cède la
parole à M. le député de Duplessis. Vous avez droit, M. le
député, a une période maximale de 20 minutes.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Compte tenu de
l'allocution que vient de nous faire le député de Taschereau, je
ne crois pas que, dans les éléments qu'il a soulevés, il y
ait des réponses à donner à quoi que ce soit et je pense
de façon concrète que, nous, de ce côté-ci de la
Chambre, nous avons fait notre devoir de citoyens du Québec, notre
devoir en tant que députés à cette Assemblée
nationale, et ce, depuis de nombreuses années, dans la grande
majorité des cas de mes collègues du Parti
québécois dans l'Opposition officielle.
M. le Président, si vous me le permettez, je voudrais, dans un
premier temps, soulever deux affirmations qui ont antérieurement
été faites par le ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes. La première remonte à la clôture des travaux
de la commission Bélanger-Campeau, en date du 27 mars 1991, et elle se
lit comme suit: «Nous n'accepterons pas de recommencer
l'expérience malheureuse de l'accord du lac Meech. Si les gouvernements
ne respectent pas leur engagement, nous avons une garantie; elle est là,
elle est clairement exprimée et cette garantie, c'est un
référendum sur la souveraineté au plus tard en
1992».
Une autre citation, celle-là, qui remonte à un discours
prononcé par le même ministre devant la Chambre de commerce
d'Anjou, le 15 janvier 1992, et je cite: «Les propositions
fédérales précisent qu'en l'absence d'entente avec les
gouvernements sur le droit des autochtones à l'autonomie gouvernementale
les tribunaux pourront en préciser la nature et les modalités
d'application. Le Québec ne peut accepter qu'un tel rôle soit
confié aux tribunaux. Sa position est claire et connue. Le Québec
est prêt à reconnaître l'autonomie gouvernementale des
autochtones, comme cela a été reconnu à l'Assemblée
nationale, mais dans le cadre d'ententes dûment négociées
entre les autochtones et le gouvernement du Québec.» Alors, M. le
Président, j'élaborerai davantage sur la question des autochtones
au cours de mon allocution.
Ce que je voudrais faire remarquer aux membres de cette Chambre et
à ceux et celles qui nous écoutent, c'est que, de part et
d'autre, tous les ministres du gouvernement libéral, qui, depuis le 23
juin 1990, criaient au loup contre les ingérences
répétées du gouvernement fédéral dans leurs
champs d'activité, ont soudainement viré capot, et ça
s'est fait en particulier depuis le congrès libéral qui a
été tenu à la fin d'août. En cette Chambre, nous
avons eu l'occasion d'entendre, au cours des deux dernières semaines, le
ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, la
ministre des Affaires culturelles, le ministre de l'Éducation, la
ministre de l'Immigration et beaucoup d'autres ministres, et j'en passe, M. le
Président. Toutes les allocutions de ces derniers jours nous ont permis
de comprendre que les libéraux étaient prêts, à
n'importe quel moment, à signer une entente à rabais et
même à faire un référendum sur une entente à
rabais. Ils vantent les mérites de l'accord du 28 août dernier. M.
le Président, pour nous, cet accord, qui est un consensus, est un
consensus indécent entre neuf provinces anglaises, un gouvernement
fédéral très majoritairement anglophone et le premier
ministre du Québec, qui représente le seul et unique gouvernement
très francophone en Amérique du Nord et en Amérique du
Sud.
Comment peut-on en arriver au point de se diminuer soi-même, de se
ratatiner soi-même et, par surcroît, de le faire au nom des
Québécois et des Québécoises et sur le dos du
peuple du Québec? C'est de l'indécence pure et même
chronique puisque la très grande majorité des
députés libéraux en cette Chambre ont décidé
de l'endosser, allant jusqu'à induire la Chambre et la population du
Québec en erreur dans des affirmations gratuites, comme l'a fait ce soir
le député de Louis-Hébert, (minuit)
Quant à la question posée, qui a été
déposée par le premier ministre du Québec, et ce,
après des modifications à la loi 44 qui, elle, modifiait la loi
150 où le gouvernement lui-même s'était engagé
à faire un référendum, je ne vois pas, M. le
Président, l'utilité de parler de la question de la
souveraineté, même si moi-même, personnellement, je suis un
souverainiste depuis 38 ans. Je ne suis pas gêné d'en parler et je
sais très bien que cette souveraineté du Québec,
lorsque nous l'aurons, nous l'aurons. Ça sera de nous mettre en
valeur sur la planète internationale. Mais ce n'est pas la faute de
l'Opposition officielle, du Parti québécois et de l'ensemble des
citoyens et des citoyennes du Québec qui voulaient un
référendum si le gouvernement libéral, en faisant de la
politicaillerie, donc de la petite politique, a décidé de
modifier la loi 150 pour nous amener dans un référendum sur des
offres qui ne valent rien.
Alors, M. le Président, la question est la suivante:
«Acceptez-vous que la Constitution canadienne soit renouvelée sur
la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» Renouveler quoi, M.
le Président? Rien, sinon un recul très net. De quelle entente
parle-t-on dans cette question? Celle du 28 août dernier? M. le
Président, ce n'est pas une entente formelle, il n'y a pas de texte
juridique, c'est une entente à rabais, ça ne fait pas
référence aux premiers ministres des provinces canadiennes et
même à la question des autochtones. C'est une question
biaisée découlant d'une entente biaisée. Des oublis
majeurs ont été faits quant à la culture, quant aux
communications, quant à la main-d'oeuvre, et j'en passe. Les seuls
gagnants dans cette entente, ce sont les nations autochtones parce que les
nations autochtones étaient représentées par un
négociateur qui s'appelait Ovide Mercredi qui, en passant, a fait
beaucoup mieux que ce qu'a fait notre premier ministre du Québec.
D'ailleurs, c'était très facile pour lui. Les seuls perdants et
perdantes dans l'ensemble de ce dossier constitutionnel face à l'accord
qui a été signé le 28 du mois d'août dernier, ce
sont les Québécois et les Québécoises. Les
résultats de cette entente sont synonymes d'improvisation irresponsable
et dangereuse de la part du gouvernement. Les résultats de cette entente
sont synonymes d'une duplicité pure et simple entre les gouvernements du
Canada. Les résultats de cette entente sont synonymes d'une insulte
à l'intelligence des Québécois et des
Québécoises en particulier. En somme, ces résultats sont
aux antipodes de Meech, aux antipodes du rapport Allaire, aux antipodes du
programme du Parti québécois et aux antipodes de tout ce
qu'avaient réclamé les premiers ministres du Québec qui se
sont succédé depuis le début de la
Confédération canadienne en 1867.
M. le Président, saviez-vous que, dans cette supposée
entente, dans ce supposé consensus, il y a 60 articles? Saviez-vous que
30 des 60 articles concernent les nations autochtones? Saviez-vous que, dans
cette entente, dans ce consensus signé par les premiers ministres
canadiens, incluant le premier ministre du Québec, il y a 223 verbes au
conditionnel qui comportent des négociations futures? Saviez-vous
qu'à l'intérieur de cette entente il y a 26 verbes au futur?
Saviez-vous que cette entente représente 27 points d'accords politiques
à négocier et à signer éventuellement au cours des
prochaines années?
M. le Président, saviez-vous que ce document servant de base aux
tenants du oui, c'est-à-dire en particulier aux libéraux en cette
Chambre, en tout cas la très grande majorité des libéraux
en cette Chambre, c'est un document qui nous amène à
négocier à perpète pour les 125 prochaines années?
On en a déjà vécu 125 qui ont été
déplorables et où l'ensemble des gouvernements qui se sont
succédé ont voulu rapatrier des pouvoirs... Cette entente a
été entérinée par le gouvernement du Québec,
par le Conseil des ministres libéral, par le Parti libéral
lui-même lors de son congrès, et ce, sans papier, sans document
officiel. On se rend compte que c'est un recul qui est très net. M. le
Président, cette entente est incroyable, inconcevable et elle est
même indécente. Lorsqu'on regarde la définition d'un
accord, ça peut être, dans le jargon des dictionnaires, une
alliance, une collusion, une complicité, une connivence entre les
parties. C'est ce que dit «Le Petit Robert». Et ça,
ça a été endossé par le premier ministre du
Québec.
M. le Président, vous me permettrez sûrement de toucher sur
le fond la question des autochtones quant à l'autonomie gouvernementale
autochtone et de la définir, cette autonomie gouvernementale autochtone.
L'autonomie gouvernementale autochtone est une bonne chose en soi. Le Parti
québécois la reconnaît et l'a même introduite dans
son programme politique. Il est cependant antidémocratique que ce soient
les tribunaux qui, dans les offres fédérales, soient
appelés à définir la forme de ces gouvernements,
l'étendue des pouvoirs qu'ils récupéreront des autres
gouvernements, les territoires sur lesquels ils exerceront leur autorité
et la contribution financière que le gouvernement du Québec et
donc les Québécois seraient amenés à fournir.
Si l'on dit que les tribunaux n'ont pas à faire les lois...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Duplessis, je m'excuse. Comme vous le savez, M. le
leader du gouvernement et M. le député de Laviolette, l'entente
prévoyait qu'on devait terminer nos travaux à minuit ce soir.
Est-ce que je dois comprendre qu'il y a une entente pour que nous continuions
nos travaux?
M. Bélisle: Consentement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le
député de Duplessis. Je m'excuse. Allez-y!
M. Perron: Alors, M. le Président, sur la question des
nations autochtones, comme je le mentionnais, le gouvernement libéral a
à plusieurs reprises indiqué que jamais il n'accepterait au nom
du Québec que les tribunaux tranchent les questions liées au
droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones. Le premier ministre
a fini par céder en prétextant que deux balises lui offraient des
garanties suffisantes. D'abord, une
clause contextuelle qui détermine que les gouvernements
autochtones auront les pouvoirs nécessaires pour préserver leur
langue, leurs institutions, leurs traditions, veiller à leur
épanouissement et développer, maintenir et renforcer les liens
avec leurs terres, leurs eaux et leur environnement, et ce, afin de
déterminer et de contrôler leur développement en tant que
peuple, selon leurs propres valeurs et priorités et assurer
l'intégrité de leur société.
En regard d'une telle balise, il apparaît impossible d'exclure a
priori une compétence du Québec qui, de façon certaine,
est à l'abri d'une éventuelle décision d'un tribunal. Il
faut aussi noter toute la force de cette clause lorsque l'on compare la
société distincte du Québec.
Et, M. le Président, vous me permettrez, à ce stade-ci, de
vous exprimer, en me servant du dictionnaire «Le Petit Robert», non
pas celui que nous avons comme premier ministre mais l'autre, le dictionnaire,
le vrai... Lorsqu'on parle d'une société distincte, ça dit
ceci, comme définition: «Relations entre des personnes qui ont ou
qui mettent quelque chose en commun. État particulier à certains
êtres qui vivent en groupes plus ou moins nombreux et organisés.
Ensemble des individus entre lesquels existent des rapports durables et
organisés, le plus souvent établis en institutions et garantis
par des sanctions; milieu humain par rapport aux individus, ensemble des forces
du milieu agissant sur les individus». Et, M. le Président, vous
me permettrez maintenant de vous lire la définition, dans le même
dictionnaire, du mot «peuple». Peuple veut dire, dans «Le
Petit Robert»: «Ensemble d'hommes vivant en société,
habitant un territoire défini et ayant en commun un certain nombre de
coutumes, d'institutions. V. Nation, pays, population,
société.»
Alors, M. le Président, en tant que Québécois, je
n'accepte pas qu'à l'intérieur de cette entente les
Québécois et les Québécoises soient
considérés comme une société distincte parce que,
moi, depuis 38 ans que je défends les intérêts du
Québec, que je défends la question de la souveraineté du
Québec, j'ai toujours parié du peuple québécois. Je
n'ai pas parié des Québécois et des
Québécoises comme une société distincte. Mais c'est
ce que fait le premier ministre actuel, et c'est ce qui a été
endossé par le gouvernement libéral et par le Parti
libéral à la fin du mois d'août.
Alors, M. le Président, par ailleurs, concernant la question
autochtone, le premier ministre prétend que l'intégrité
territoriale du Québec est protégée par une disposition
spécifiant que ce droit inhérent à l'autonomie
gouvernementale ne devrait pas créer de nouveaux droits fonciers ni
porter atteinte aux droits fonciers ancestraux ou issus de traités qui
existent déjà. Or, les tribunaux ont depuis longtemps
établi qu'il existe en faveur des autochtones des droits ancestraux qui
ont comme caractéristique de ne pas être définis. Ainsi, on
sait qu'ils existent, qu'ils seront définis, mais on ne sait pas
jusqu'où ils s'étendront. Il faut noter qu'actuellement les
revendications territoriales des autochtones couvrent plus des deux tiers du
territoire du Québec. Il est spécifiquement prévu à
l'entente que ces négociations porteraient sur la mise en oeuvre du
droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, y compris les
questions de compétences, de terres et de ressources, d'arrangements
économiques et financiers. (Oh 10)
Et, M. le Président, vous me permettrez sûrement de vous
souligner que, dans l'interprétation qu'on peut donner au mot
«inhérent», et si les tribunaux fédéraux ont
à faire la définition de ce que sont les droits inhérents
des autochtones, je vous en passe un papier, on n'est pas sortis du bois.
Ça va prendre des années et des années à faire en
sorte que cette décision soit prise par la Cour suprême, par
exemple. Ça va prendre des années et des années avant
qu'il y ait une définition formelle suite à toutes ces questions
de tribunaux, toutes ces questions juridiques pour savoir ce que sont les
droits inhérents des nations autochtones.
M. le Président, je pense que c'est vrai qu'au Québec les
cours de justice ont leurs devoirs à faire. Mais, de là à
remplacer un gouvernement qui se dit responsable, de là à
remplacer les politiciens et les politiciennes, c'est-à-dire ceux et
celles qui ont été élus pour faire du travail, pour
prendre des décisions en cette Assemblée nationale, je suis
complètement en désaccord avec une telle position. Et je voudrais
bien qu'on se rappelle ici qu'en ce qui a trait à la question
territoriale, le 2 mai 1927, ce sont des juges de la Cour d'Angleterre qui
faisaient partie du «Privy Council of London» qui ont
décidé que le Labrador ne passait pas au gouvernement canadien,
mais passait directement à Terre-Neuve qui était, à ce
moment-là, non pas une province canadienne, mais un territoire
britannique, une colonie britannique. Qu'on se le rappelle. Et, je le
répète, ce sont des juges faisant partie du «Privy Council
of London» qui ont décidé que le Labrador n'appartenait
plus au territoire québécois, mais qu'il appartenait
dorénavant à cette colonie, dans le temps, qu'on appelait
Terre-Neuve.
Et, M. le Président, le premier ministre du Québec a aussi
prétendu que l'autonomie gouvernementale autochtone serait soumise aux
lois du Québec relatives au maintien de la paix, de l'ordre et du bon
gouvernement. Les offres ne sont pas si claires. On y précise qu'il
s'agit des lois essentielles au maintien de la paix, de l'ordre et du bon
gouvernement, mais pas du bon gouvernement au Québec, du bon
gouvernement au Canada. Or, dans la Constitution actuelle, il s'agit là
d'une compétence exclusive du gouvernement fédéral. C'est
cette compétence qui a servi d'ailleurs à justifier le recours
à la loi sur les mesures de guerre et, en avant, je voudrais
bien qu'on se le rappelle. C'est cette même compétence qui
a permis ça.
Même si on convenait qu'une telle disposition puisse englober des
lois québécoises, il demeure qu'il s'agirait de secteurs fort
limités, probablement police et sécurité publique, sans
plus. Ces deux secteurs sont d'ailleurs déjà
réclamés, entre autres, par la nation mohawk de Kahnawake.
Sur la question financière, M. le Président, face aux
nations autochtones du Québec, je voudrais informer cette Chambre, parce
qu'on ne semble pas très informés, chez les gens d'en face, que
le gouvernement du Québec, à même les fonds publics, a
déboursé, en 1990-1991, un montant de 389 000 000 $ aux nations
autochtones du territoire québécois. Durant la même
année, soit en 1990-1991, le gouvernement fédéral a
déboursé aux environs de 370 000 000 $, ce qui fait, pour
1990-1991, l'année financière des gouvernements, un montant total
de plus ou moins 760 000 000 $. Et ces montants-là excluent - et je dis
bien «excluent» - l'aide sociale, l'assurance-chômage, les
pensions de vieillesse, les questions de l'aide juridique, les allocations
familiales du fédéral, les allocations familiales du
Québec. Ces montants-là que je viens de mentionner, qui sont
exclus, pourraient être additionnés, si on en avait connaissance,
si on pouvait les connaître. Mais, compte tenu de l'existence de la
Charte des droits, il est impossible de le savoir et d'avoir une certitude
à combien monte ce qui est déboursé par le gouvernement du
Québec, ce qui est déboursé par le gouvernement
fédéral par rapport aux autochtones qui demeurent sur le
territoire québécois.
M. le Président, je suis d'accord que, pour le moment, tout cela
est confidentiel, demeure confidentiel à cause de la Charte des droits
du Québec. Mais il reste quand même que la question fondamentale
que l'on doit se poser ici en cette Chambre sur cet aspect financier et ce,
comme membres de l'Assemblée nationale et comme Québécois
et Québécoises payant des impôts et des taxes qui servent
à payer des services à l'ensemble des nations autochtones du
Québec, c'est à savoir si les tribunaux fédéraux
décideront si un jour c'est trop, 760 000 000 $, si un jour c'est assez
760 000 000 $, ou encore si un jour c'est trop peu.
Et, M. le Président, je voudrais conclure en vous disant ceci:
Que la question autochtone doit être la juridiction du pouvoir politique
sur le territoire québécois et non pas la juridiction des
tribunaux, et que toute la question des autochtones doit être faite, doit
être résolue par le biais de négociations, par le biais de
signatures d'ententes suite aux négociations, et par le biais aussi de
mise en application de ces ententes dûment signées entre les
parties et ce, sans l'intervention des cours de justice. Et le danger de cette
entente que nous avons devant nous, où je mentionnais, tout à
l'heure, que sur 60 articles dans l'entente il n'y a pas moins de 30 articles
qui touchent la question des autochtones, bien, je vous dis une chose: ni le
gouvernement du Québec, ni le gouvernement fédéral, ni les
gouvernements des provinces canadiennes ne sont sortis du bois avec cette
question, surtout face à l'entente qui a été faite et qui
a été dûment signée par les gouvernements
provinciaux et par le gouvernement fédéral en date du 28
août dernier.
M. le Président, il est clair dans mon esprit, et très
clair dans mon esprit, que l'ensemble de tout ce que nous avons dans cette
entente, ça doit être rejeté par le peuple du
Québec, par les hommes et les femmes du Québec. Et si ces
gens-là sont responsables comme ils l'ont toujours été,
cette question-là va être réglée en votant
massivement non lors du référendum du 26 octobre, et je le
souhaite du plus profond de moi-même, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de duplessis. alors, sur la même motion, je
cède maintenant la parole à m. le député de
verdun.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Brièvement,
à cette heure tardive, mes collègues ont été en
mesure de faire valoir toutes les qualités de cette entente. Ils ont pu
être en mesure de rappeler que cette entente contient l'ensemble, et
même plus, des conditions qu'on avait imposées, qu'on a
appelées les conditions du lac Meech. Ils ont été
amenés à pouvoir démontrer qu'il y a des transferts
effectifs de pouvoirs, qui sont importants pour le développement futur
du Québec, du gouvernement fédéral vers les gouvernements
provinciaux. Mes collègues ont été en mesure aussi de
démontrer que la nouvelle structure politique qui est proposée
est une structure politique qui est adaptée aux réalités
du XXIe siècle.
Mais ce qui est le plus important, ce qui n'a peut-être pas
été abordé encore, c'est que cette entente va amener ce
dont on a diablement besoin à l'heure actuelle au Québec, va
amener la paix constitutionnelle, va cesser les atermoiements indéfinis
sur les questions constitutionnelles et va permettre, enfin, de pouvoir
réattirer les investissements, de pouvoir régler les vrais
problèmes qui sont les problèmes économiques, cesser ces
incertitudes sur le plan constitutionnel. Cette entente est une entente entre
les différentes parties et a cette qualité d'être une
entente. Voter oui à l'heure actuelle, c'est voter oui pour la paix
constitutionnelle. C'est voter oui pour la fin des sempiternelles discussions
sur les questions constitutionnelles dont, j'en suis sûr, nous sommes
tous fatigués. (0 h 20)
Et, moi, je voudrais rappeler aussi, M. le Président,
brièvement, dans le temps qui m'est imparti, ce que ça veut dire
voter non. Voter non, c'est retirer, rejeter une entente. C'est rejeter cette
entente et rouvrir l'incertitude constitutionnelle. C'est repermettre de
replonger dans des discussions sans fin. C'est probablement arriver vers une
solution que les amis d'en face veulent taire mais qui existe encore dans leur
esprit, j'en suis sûr, la question de l'indépendance du
Québec, indépendance qui va amener, bien sûr, un paquet
d'incertitudes encore sur le plan constitutionnel: incertitude quant au
territoire; incertitude quant à ce qui arrive strictement sur la
citoyenneté; incertitude, bien sûr, sur la question de la monnaie;
incertitude sur les questions du partage de la dette; incertitude sur les
questions économiques; incertitude réellement sur les
investissements. Voici réellement tout ce qu'on a devant nous, M. le
Président. Voter oui, c'est voter pour la paix constitutionnelle, c'est
voter pour une entente entre l'ensemble des Canadiens, c'est voter pour une
entente qui est bonne, qui est dans la dignité pour l'ensemble des
Québécois. C'est ça, voter oui. Voter non, c'est
l'incertitude. Voter non, c'est le risque. Voter non, c'est l'ensemble des
problèmes qui vont continuer à s'accumuler sur le plan
économique. Voter non, c'est un pas de plus vers l'indépendance,
vers l'ensemble de toutes ces questions incertaines. M. le Président, la
voie de la sagesse, la voie de la sécurité, la voie de la
sérénité, la voie de la paix constitutionnelle nous
amènent naturellement à inciter nos concitoyens à voter
fermement pour le oui. C'est à ça, M. le Président, que
j'incite l'ensemble de mes collègues à voter ici et à
voter avec nous fermement et fortement. Oui, oui à la paix
constitutionnelle, oui à l'avenir du Québec à
l'intérieur du Canada, oui. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de verdun. je reconnais maintenant, sur cette même
motion du premier ministre, m. le député de chauveau.
M. Rémy Poulin
M. Poulin: M. le Président, il me fait plaisir ce soir
d'intervenir sur cette question fort importante pour l'ensemble des
Québécois et des Québécoises. Depuis quelques
semaines que nous y sommes, à parler soit de la loi 150, soit sur cette
question, on a eu l'honneur d'entendre le chef de l'Opposition, si on peut
appeler ça un honneur.
Premièrement, je voudrais rappeler ce soir que je comprends
aujourd'hui pourquoi le chef de l'Opposition essaie de faire croire aux gens du
Québec, les Québécois et les Québécoises,
que, dire non aux offres, ce n'est pas l'indépendance du Québec.
Je le comprends fort aisément, M. le Président, parce que ce
même chef avait dit, il y a quelques mois, lors de la loi 150 sur le
référendum sur la souveraineté, ici, en Chambre, et il
l'avait dit à l'extérieur de la Chambre, que, si ce
référendum était battu, il quitterait ses fonctions comme
chef du Parti québécois. C'est compréhensible aujourd'hui
que ce grand chef, ce grand président de la République ait
convaincu l'ensemble de ses collègues de l'Opposition de ne jamais
parler du non, que le non voudrait dire l'indépendance du Québec.
C'est certain, c'est sa job. Quand on sait, ces gens-là de l'autre
côté, de quelle façon ils traitent leur chef, on n'a
qu'à penser à René Lévesque... M. le
Président, je l'ai écouté parler, lui, je ne l'ai pas
interrompu...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous
plaît.
M. Poulin: Le premier qui a lâché René
Lévesque, dans le temps, c'était le chef de l'Opposition; non pas
pendant que ça allait bien, non pas pendant que ça allait bien,
pendant qu'il avait besoin de ses vrais soldats. Mais c'est ce chef de
l'Opposition qui l'a abandonné en 1984, M. le Président. Je
comprends mal ces chefs syndicaux qui, aujourd'hui, sont prêts à
travailler pour le non. Ils sont prêts à travailler avec cet homme
qui est le chef de l'Opposition, qui, en cours de route, M. le
Président, je pense, même, ce chef de l'Opposition a donné
du trouble à ces chefs syndicaux. On n'a qu'à penser à la
coupure de 20 % des salaires. Et Lucien Bouchard était un de ceux qui
étaient avocats dans le temps, justement pour dire à l'ensemble
de la fonction publique: Vous ne valez pas un gel, vous ne valez pas 3 %, vous
ne valez pas 2 %, mais vous valez moins 20 %, M. le Président.
Le chef syndical de la CSN, je le comprends. D'une façon ou d'une
autre, ce n'est que lui et son bien-être. Mais, quand j'entends,
aujourd'hui ou dans les derniers jours, les syndicats de la fonction publique,
ceux qui s'occupent en majorité des petits salariés de la
fonction publique, ceux qui, dans les comtés de la région de
Québec, gagnent 17 000 $, 18 000 $, 19 000 $, 20 000 $, ces chefs
syndicaux et le chef du syndicat des fonctionnaires... nous, les
députés de la région de québec, ce qu'on veut,
c'est donner à ceux qui ont moins d'argent dans la fonction publique un
montant d'argent équitable pour ces gens qui gagnent 19 000 $ ou 20 000
$. mais non, ces chefs-là, ces représentants syndicaux,
aujourd'hui, sont en arrière de celui qui a coupé 20 % de salaire
à ces bas salariés, mais ils n'ont pas appuyé
dernièrement, dans la convention collective, un montant d'argent pour
ces gens-là.
M. le Président, je pourrais vous dire que, dans un débat
aussi émotif - oui, émotif, on ne s'en cachera pas, M. le
Président - mais avec le sérieux d'un chef comme Robert Bourassa
qui...
Oui, les négociations ne sont pas faciles. Quand je fais le lien
avec ces chefs syndicaux là, jamais les négociations ne sont
faciles. Mais un chef, un premier ministre qui veut l'intérêt des
Québécois et des Québécoises...
M. le Président, quand je regarde le chef du Bloc
québécois, qu'est-ce qu'il a fait? Qu'est-ce qu'il a fait? Je
vous rappelais il y a quelques minutes son geste avec le chef de l'Opposition.
Le premier geste qu'il a fait pour les Québécois et les
Québécoises qui travaillent dans la fonction publique, ça
a été de participer, avec le chef de l'Opposition, comme avocat,
à couper de 20 % les salaires de la fonction publique. C'est le premier
geste où il a aidé... Et, souvenons-nous-en, l'ensemble des
journalistes de ce temps-là... Aujourd'hui, ils sont tombés sur
un autre niveau. Laissons-leur ce niveau-là. Ils criaient à
outrance ce qu'on faisait aux petits salariés de la fonction publique,
aux petits salariés de la fonction publique dans la région de
Québec, et comment ils ont nui à l'économie de la
région de Québec. Première chose du chef du Bloc
québécois.
Deuxième chose. Qu'est-ce qui l'a amené... Qui l'a
amené en politique? À ce que sache, c'est le premier ministre du
Canada, M. Brian Mul-roney, à l'Ambassade du Canada à Paris. Bien
payé. Probablement qu'il le méritait. Bien payé. Ne lui
enlevons pas ses qualités. Première chose qu'il fait: sommet
francophone. Il tasse la Délégation du Québec. Whoop! d'un
bord à l'autre! C'est nous qui décidons, ici, l'Ambassade du
Canada; qu'ils fassent leurs chiffres, on prend les décisions.
Première chose qu'il a faite pour les Québécois. Il ne
peut pas dire le contraire. On ne l'entend jamais parler de ça, par
exemple, mais il ne peut pas dire le contraire. (0 h 30)
Troisième chose, M. le Président. Troisième chose
fort importante pour les travailleurs et les travailleuses du Québec qui
attendent après le projet Grande-Baleine. Celui qui a fait le premier
pas pour la loi C-13... On a parlé de ça aujourd'hui. On a
parlé de ça aujourd'hui, de l'autre côté de la
Chambre, sauf qu'ils ont une mémoire assez courte. Celui qui a
initié le projet de loi C-13, c'est le chef du parti du Bloc
québécois, M. Lucien Bouchard, qui a retardé et qui a fait
en sorte que l'on retarde le projet de Grande-Baleine. M. le Président,
juste pour vous montrer comment ces gens-là, de l'autre
côté, font tout pour parler de l'indépendance du
Québec - mais pas honnêtement, pas capables de le dire. Pas
capables de dire que, s'il y a un non, c'est l'indépendance du
Québec. Ils ne sont pas capables parce que leur chef, il va falloir
qu'il démissionne le 26 octobre. C'est ça qu'ils ne sont pas
capables de faire, M. le Président.
J'écoutais le député de Bertrand, la semaine
passée, un diplomate, à ce qu'il nous dit, qui, probablement,
lui, a fait des discours de langue anglaise, M. le Président, dans des
endroits où il fallait qu'il parle en anglais. Je souhaite, si je n'ai
pas raison, qu'il vienne me le dire en Chambre. Qu'il vienne me le dire en
Chambre, si je me suis trompé, et je serai capable de reconnaître
mes torts. Mais cette personne-là, le député de Bertrand,
a fait des discours en anglais pour des auditoires où les gens
étaient anglophones. Et je pense que c'est une bonne décence, M.
le Président. Il a fait un gros plat, la semaine passée, pour 20
lignes dans un discours à Londres de notre ambassadeur; 20 lignes, dont
peut-être 3 ou 4 en français et les autres en anglais, M. le
Président. Et, quelques minutes plus tard, M. le Président -
comment est-ce qu'ils vivent dans ce parti-là? - le député
de Westmount nous adressait la parole en anglais en Chambre, M. le
Président. Ça ne doit pas être facile de vivre de
même, hein? Quand on voit leur chef lui serrer les coudes, lui serrer les
épaules, viens-t-en chez nous... Le député de Westmount,
bienvenue. À cette Chambre, le député de Bertrand et celui
de Westmount, s'adressaient, quelques minutes plus tard, et l'un, M. le
Président, accusait quasiment l'autre de parler en anglais.
C'est cette cohérence qu'a ce parti-là. Et je peux vous
dire juste une chose, je ne sais pas qui des deux aura eu un coup de pied dans
le derrière, la semaine passée, car je me souviens de ce que le
chef avait dit, à savoir que, si les jeunes ne parlaient pas anglais, il
leur botterait le derrière. Je ne sais pas si c'est le
député de Bertrand qui l'a eu, parce qu'il a accusé celui
de Westmount d'avoir parlé en anglais, mais c'est probablement un des
deux. Je vois des visages, de l'autre côté, qui commencent
à s'interroger. Et c'est normal, M. le Président, c'est
normal.
M. le Président, je pense sincèrement que l'entente de
Charlottetown en est une d'avenir pour le Québec, en est une positive
pour le Québec. Pas ces gens-là de l'autre côté qui
veulent l'indépendance, mais ils ne sont pas capables de le dire,
aujourd'hui. Est-ce parce qu'ils ne sont pas prêts à prendre le
pouvoir ou si c'est leur chef qu'ils ne veulent plus avoir? Ça, c'est
une autre chose. On se posera des questions plus tard. On se posera les
questions plus tard, M. le Président.
J'aurais des messages à faire à quelques personnes qui,
d'un autre côté, ont dit non à l'entente. J'écoutais
aujourd'hui, en conférence de presse, Mario Dumont qui était le
président de la Commission-Jeunesse. Une phrase, M. le Président.
Quand une personne est rendue à dire que des députés en
Chambre ne peuvent pas parler, je pense que cette personne-là aurait
intérêt un jour à être un député.
M. le Président, je demanderais à l'Opposition d'avoir la
gentillesse de m'écouter. Je ne les ai pas interrompus, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): On vous écoute, M.
le député de Chauveau. Allez-y.
M. Poulin: J'aimerais rappeler une chose, M. le Président.
Dans le Parti libéral de Robert Bourassa, de 1985 à aujourd'hui,
moi, j'ai dit ce que je pensais et je l'ai vécu, ce que je pensais. On
n'a qu'à se rappeler du dossier des hauts fonctionnaires, M. le
Président. Et, à ce que je sache, M. le Président, je suis
encore ici. Notre parti, il est des plus libéraux. Je ne suis pas
sûr, M. le Président, que Mario et moi, dans chacun nos
convictions, on ferait encore partie de ce parti où je pense que ces
gens-là exterminent ceux qui sont contre leur chef, et d'autant plus
quand je vois le chef de l'Opposition.
Mais aujourd'hui, quand je regarde ce beau spectacle, de l'autre
côté, où on accueille un député, le
député de Westmount, où on le place dans les
premières rangées, à la vue des caméras, pendant
qu'il y a des gens de ce parti-là... Quand je regarde ces
gens-là... Je regarde le député de Duplessis qui est
encore à l'autre bout de la rangée, pas près du chef. Oui,
il avait raison de dire tout à l'heure que, oui, il a toujours
milité pour l'indépendance du Québec; oui, depuis une
dizaine d'années ici, en Chambre. Il est encore à l'autre
bout.
Et quand j'écoutais, la semaine passée, le
député de Masson, qui jamais ne peut poser une question... Celui
qui a la plus grande majorité dans le Parti québécois,
jamais il n'a posé une question ou presque, parce que le
président de la république les tasse. C'est lui, lui et
lui-même! Ça les fatigue, de l'autre côté, M. le
Président. Ça les fatigue. Même à cette
heure-là, ça les fatigue.
Je peux vous dire une chose, aujourd'hui, M. le Président, que
notre parti... Vous pouvez rire, de l'autre côté, si ça
vous plaît, on se reverra le 27 octobre. Et à ce que je sache, en
1980, lors du référendum, ces gens-là, de l'autre
côté, qui nous demandent aujourd'hui une élection... Une
élection, M. le Président! Ils nous demandent une
élection, mais jamais sur l'indépendance du Québec, par
exemple, M. le Président.
Une voix: Oh non! Oh non!
M. Poulin: Non. Et j'entends le député, de l'autre
côté, dire: Oh non! Non, parce qu'ils auraient trop peur de perdre
leurs petits pouvoirs, M. le Président, pour ce qui leur en reste! Mais
peut-être que d'avoir une élection sur l'indépendance du
Québec...
Une voix: C'est effrayant.
M. Poulin: Oui! Oui! Ça vous ferait trop plaisir de voir
justement partir votre chef après une élection
référendaire. Vous seriez trop contents de vous en
débarrasser, de l'autre côté.
Une voix: Ils vont mettre Lucien!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît!
Allez.
M. Poulin: M. le Président, on comprendra que c'est
toujours celui de Chauveau qui, à la période de questions, est
nommé, quand on n'est pas capable d'écouter les autres. Mais, M.
le Président, je voudrais vous dire une chose: Si on veut avoir un vrai
débat - un vrai débat - après qu'on aura quitté,
demain, je demanderais à l'Opposition, à chacun des
députés de l'Opposition d'appuyer leur chef pour que, quand il
reviendra, il ne soit pas obligé de se promener le long des murs, pour
se souvenir de ce qui s'est passé avec René Lévesque et
Pierre-Marc Johnson.
Et pour finir, M. le Président, pour finir, oui, je voterai oui.
Oui, je voterai oui! Et je travaillerai pour le oui, pour justement que nos
jeunes, nos personnes âgées, et cette génération
à laquelle j'appartiens soient fiers du Québec. Oui! Je suis un
Québécois. J'en suis un qui tient à sa langue. Pas comme
de l'autre côté, où on accuse les anglophones de parler
à Londres, et le même député de Bertrand qui
écoute angélique-ment le député de Westmount parler
en anglais! C'est ça, la cohérence, de l'autre côté.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Chauveau. Sur la même motion, j'attends le
prochain intervenant. Pas d'autres intervenants? M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: Alors, je fais motion, M. le Président,
pour ajourner nos travaux à mercredi, 16 septembre 1992, a 10
heures.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion
est adoptée? Adopté.
Alors, les travaux de l'Assemblée sont ajournés à
ce matin, le 16 septembre, à 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 40)