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(Quatorze heures seize minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Accueil des nouveaux députés d'Anjou et
de Roberval
Si vous me le permettez, avant de procéder aux affaires
courantes, je vous avise que M. le secrétaire général de
l'Assemblée a reçu du Directeur général des
élections une lettre datée du 27 juin dernier dont je vous lis
l'extrait suivant: "M. le Secrétaire général,
conformément à l'article 290 de la Loi électorale du
Québec, je vous transmets les noms des candidats proclamés
élus à la suite des élections partielles du 20 juin 1988
tenues en vertu d'un décret du gouvernement pris le 4 mai 1988. Veuillez
agréer, M. le Secrétaire général, l'expression de
ma haute considération." C'est signé: "M. Pierre-F.
Côté, Directeur général des élections."
Je dépose donc cette lettre ainsi que le certificat
d'élection et le rapport des résultats officiels du scrutin.
Le candidat proclamé élu dans la circonscription
électorale d'Anjou est M. René Serge Larouche.
J'invite M. le premier ministre à accueillir le nouveau
député d'Anjou.
Toutes mes félicitations en tant que président de
l'Assemblée nationale à M. le député d'Anjou.
Le candidat proclamé élu dans la circonscription
électorale de Roberval est M. Gaston Blackburn. J'inviterais
également M. le premier ministre à accueillir M. Blackburn.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Roberval, vous
êtes le bienvenu. Je vais immédiatement céder la parole
à M. le premier ministre, tel que le veut la coutume. M. le premier
ministre.
Allocutions M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, c'est certainement une
agréable fonction pour moi de saluer l'arrivée de deux nouveaux
députés. Dans quelques instants, vous annoncerez probablement le
départ de deux députés du côté
ministériel qui vous ont fait parvenir une lettre à cet
égard.
Deux arrivées et deux départs, cela démontre la
vigilance du Parti libéral du Québec pour les objectifs de
l'Assemblée nationale. Je voudrais très simplement et très
sobrement souligner les victoires de ces deux députés, avec
l'humilité qui caractérise le gouvernement actuel. Il faut dire,
à cet égard, M. le Président, que la journée du 20
juin n'avait pas été facile. Il faut admettre que la tradition
que l'on connaît dans le système parlementaire britannique veut,
dans la plupart des cas entre les élections, que, pour toutes sortes de
raisons, les électeurs aient tendance à voter pour les partis
d'Opposition. Il y a de très rares exceptions. Il y a eu l'exception
qu'on a connue également le 20 juin, lors de l'élection
fédérale dans le comté de Lac-Saint-Jean, où le
député élu avait bénéficié d'un
concours de circonstances particulier. Nous constatons que dans ces deux
élections provinciales, le Parti libéral du Québec a
remporté la victoire dans deux forteresses du parti de l'Opposition.
Cela met encore davantage en relief la confiance que nous avons de la
population.
Hélas, M. le Président, cela ne met pas fin à la
série noire de nos amis d'en face. On ne pourra pas me reprocher de ne
pas avoir fait mon possible pour mettre fin à cette série noire
puisque j'ai offert le comté d'Anjou au nouveau chef et président
du Parti québécois. C'est vrai qu'on a refusé cette offre
bienveillante de la part du chef du Parti libéral, offre faite sans
arrière-pensée. La raison donnée, c'est qu'on voulait
faire comme le chef actuel du Parti libéral. Curieux, ce raisonnement,
M. le Président. Il y a quatre ans, on disait que mon attitude
était un affront très grave à la démocratie et,
tout à coup, je deviens un modèle de sagesse politique pour nos
amis d'en face.
Pour encourager nos amis de «l'Opposition, je dirais quand
même qu'une défaite peut toujours être une occasion de
rebondir.
M. le Président, il y a plusieurs raisons aux victoires du 20
juin dernier. Il y a évidemment et surtout la valeur personnelle des
deux candidats, leur profil économique bien dans la ligne du Parti
libéral du Québec, leur connaissance des problèmes de leur
région. Je suis très fier dé les compter dans notre
équipe.
Il faut admettre qu'il y a aussi la confiance de la population dans le
gouvernement. Les plus récentes études d'opinion
révèlent que plus des deux tiers des Québécois
accordent encore leur confiance au gouvernement actuel. Cela s'explique pour
plusieurs raisons, dont les politiques que nous adoptons pour régler les
problèmes à court ou à moyen terme et même la vision
dont nous faisons preuve à long terme, notamment dans la politique
familiale, comme l'a démontré le ministre des Finances au mois de
mai dernier. Je veux dire à cette Assemblée que nous allons
poursuivre notre travail avec la même détermination, la même
lucidité, le même acharnement pour conserver cette confiance et
cet appui de la population du Québec tout en souhaitant bonne chance
à l'Opposition. Merci, M. le Président.
Le Président: Je vais remercier M. le premier ministre. M.
le chef de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'allais dire au
premier ministre que c'est une chance qu'il nous ait prévenus qu'il
serait très humble et très modeste pour souligner l'entrée
de ses collègues. Je voudrais tout d'abord, moi aussi, leur dire:
bienvenue en cette Chambre; félicitations pour votre
élection.
J'en profite, bien sûr, M. le Président, pour souligner la
belle lutte faite par deux de nos collègues, Mme Marois, d'Anjou, qui a
pris quelque 40 % du vote, et Bernard Généreux, dans Roberval. Je
pense que Mme Marois n'a plus de preuve à faire de son engagement, de
son influence, de son parti pris vis-à-vis de la cause des femmes au
Québec et qu'elle aurait su quotidiennement ici, si les
Québécois l'avait choisie dans Anjou, les représenter
adéquatement et s'impliquer quotidiennement dans les dossiers non
seulement des femmes, mais des dossiers sociaux qu'elle connaît
très bien et dans lesquels elle a travaillé pendant plusieurs
années.
Il en va de même pour Bernard Généreux qui s'est
fait remarquer non pas par sa fortune, mais par ses idées et son
implication dans son milieu. On doit le féliciter en cela pour la
magnifique lutte qu'il a menée dans son comté.
M. le Président, je voudrais profiter de l'occasion, moi aussi,
peut-être pour dire deux choses au premier ministre: tout d'abord, quand
H s'est levé, je me demandais si sa joie n'était pas plutôt
celle d'en voir sortir deux que d'en voir entrer deux. Vous aurez d'ailleurs
remarqué, M. le Président, qu'avant même de
féliciter ses deux collègues qui entraient il a tenu à
souligner que vous étiez sur le point d'annoncer deux départs.
Cela étant dit, on n'a sûrement pas de château fort tout
aussi fort que le West-Island, mais on continuera à travailler fort pour
démasquer peut-être certaines images fausses qui sont
projetées par le présent gouvernement.
Le Président: Je remercie M. le chef de l'Opposition
officielle. Je vais maintenant reconnaître M. le député
d'Anjou.
M. René Serge Larouche
M. Larouche: M. le Président, élu le 20 juin et
assermenté le 7 juillet dernier, j'ai eu l'occasion au cours des quatre
derniers mois de me familiariser avec mes nouvelles fonctions de
député. Il est inutile de rappeler ici que j'ai trouvé
très commode d'avoir eu cet intervalle de quatre mois entre mon
élection et mon entrée à l'Assemblée nationale. Mes
collègues ministériels et ceux de l'Opposition le savent tous: la
vie de député n'est pas une sinécure, même si on
peut s'amuser.
J'aurai à connaître et à apprendre de vous tous, au
cours de cette session qui commence aujourd'hui, cette autre facette que
constituent les travaux parlementaires. Mes électeurs le savent, je
n'étais pas un candidat vedette. Je n'ai pas eu à leur faire
croire en un attachement artificiel au comté d'Anjou ou à l'est
de Montréal. J'y ai ma résidence et j'ai exercé mes
fonctions de conseiller en marketing international à Anjou. Les
électeurs du comté, incluant la ville d'Anjou et le secteur
montréalais de Trétreault-ville, ont choisi d'être
représentés à l'Assemblée nationale par un des
leurs. Le respect du choix populaire, sans remonter à Platon, est la
première manifestation d'une saine démocratie. Si j'insiste sur
cet élément de démocratie, c'est pour lever
l'ambiguïté entretenue en certains cercles concernant la pertinence
du choix des électeurs de mon comté d'ajouter un 100e
siège à la formation libérale gouvernementale. M. le
Président, mes électeurs savent que la démocratie repose
sur le respect de la liberté et de l'égalité des citoyens.
Par quel procédé les citoyens participent-ils donc tous à
titre égal au gouvernement et aux lois? C'est par le suffrage universel.
Le suffrage universel est donc la démocratie elle-même. À
cet égard, mes collègues le reconnaissent, les sièges du
parti ministériel comme ceux de l'Opposition sont égaux à
l'Assemblée nationale.
M. le Président, j'adresse d'abord mes remerciements aux
électeurs et électrices du comté d'Anjou. Ils m'ont
accordé leur confiance et ils ont en même temps exprimé,
une fois de plus, leur profond attachement au gouvernement libéral de M.
Bourassa. Ma présence ici constitue le jugement qu'ont porté les
Angevins et les Montréalais du comté d'Anjou sur les orientations
du gouvernement. Aux rêves éveillés et aux lubies
fantaisistes, les citoyens et les citoyennes du comté d'Anjou ont
préféré le pragmatisme. Ils ont clairement choisi de
continuer à marcher sur du solide avec un gouvernement qui tient ses
engagements électoraux. (14 h 30)
J'adresse aussi mes remerciements à ma famille, au Parti
libéral du Québec, aux membres de l'exécutif de mon
comté et à tout le personnel d'organisation de cette formation
politique. Ce qui fait la force du gouvernement libéral, c'est avant
tout, et j'insiste, le respect des engagements qu'il a pris envers la
population du Québec lors des élections générales
de 1985. Le gouvernement libéral, comme le parti dont H émane,
convient de l'importance fondamentale du respect des engagements
électoraux. La population de mon comté s'est reconnue dans le
programme d'action du gouvernement, dans le style de leadership adopté
par son chef et dans les valeurs sociales qui y sont défendues.
L'article 1 du programme du gouvernement libéral est la
création d'emplois. On le sait, c'est sa priorité. Le programme
est appliqué dans la voie du réalisme et de l'efficacité.
Il serait trop long de citer ici toutes les statistiques relatives à
l'emploi dans mon comté ou dans l'est de Montréal. Qu'il suffise,
pour le moment, de rappeler que, depuis décembre 1985, des actions
concertées du gouvernement libéral y ont attiré des
investissements de plus de 500 000 000 $ et ont créé 2500
emplois. Les interventions du gouvernement ont assuré, par exemple, la
relance de la pétrochimie dans l'est. L'intervention pour
empêcher le démantèlement de l'ancienne raffinerie
Gulf par Ultramar doit être rappelée. Lavalin a
réactivé le complexe pétrochimique et, aussi
récemment qu'en mai dernier, on annonçait que la compagnie
Polysar explorait avec le gouvernement du Québec les possibilités
d'échange entre le complexe pétrochimique ontarien et celui de
l'est de Montréal.
Les efforts constants de mes collègues libéraux de l'est
de Montréal, dont la présidence du caucus est assumée
magistralement par ma collègue Violette Trépanier,
députée de Dorion, ont permis un véritable positionnement
de l'est sur l'échiquier montréalais. Ils ont vu à
favoriser l'adoption d'un train de mesures de relance de l'est de
Montréal. Le gouvernement y investira des fonds spéciaux
totalisant 105 000 000 $ supplémentaires, selon le plan annoncé
en février 1988 par M. Daniel Johnson, ministre responsable de la
région de Montréal.
Ce plan a d'ailleurs été reçu avec chaleur par les
médias montréalais et tous les groupes intéressés.
De ce montant de 105 000 000 $, 27 000 000 $ seront consacrés à
un fonds spécial de formation de la main-d'oeuvre. Le problème de
base dans l'est de Montréal en est un d'em-ployabilité des
travailleurs qui y résident.
On sait que beaucoup d'emplois créés dans l'est profitent
à des travailleurs qui viennent d'ailleurs, parce que plusieurs
résidents n'ont pas la formation requise. La Commission de la formation
professionnelle pourra ainsi répondre à la demande provenant de
personnes et d'entreprises du comté d'Anjou et de l'est de
Montréal désirant profiter de ces programmes.
D'autre part, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu créera très bientôt un
bureau consultatif d'employabilité formé de représentants
du gouvernement, de membres de la Commission de la formation professionnelle et
de personnes issues du milieu dont certains représentants proviendront
du comté d'Anjou. Doté d'un budget d'environ 15 000 000 $, ce
comité consultatif aura pour mandat d'évaluer le niveau de
compétence professionnelle de la main-d'oeuvre résidant dans
l'est de façon que les mesures préconisées s'adaptent
à leur situation. Il y aura d'autres mandats qui seront donnés au
cours de la prochaine semaine. Il faut retenir toutefois que le premier mandat
concerne la préservation des emplois. Les entreprises en exploitation
qui font face à des changements susceptibles d'entraîner des mises
à pied, pourront offrir aux travailleurs et travailleuses des programmes
leur permettant de se perfectionner pour répondre aux nouveaux
besoins.
Il y a aussi la création d'emplois pour l'accès à
des programmes de formation concer- nant des clientèles qui sont
actuellement en chômage ou bénéficiaires de l'aide sociale.
Plus spécifiquement, j'ai pris, au cours de la campagne
électorale, l'engagement de favoriser le développement du parc
industriel d'Anjou en accélérant, par exemple, la
dépollution des usines BP, maintenant propriété de
Petro-Canada. Les terrains disponibles et dépollués aux frais de
Petro-Canada pourront servir à l'implantation de nouvelles industries.
On sait que la population de mon comté, les gens de l'est de
Montréal et les gens du Québec sont sensibilisés au
développement économique harmonisé à la protection
de l'environnement. Elle a donc été heureuse d'apprendre que les
travaux de dépollution sont maintenant engagés et qu'un plan
d'aménagement a été rendu public au début de
septembre par la ville d'Anjou et le ministère fédéral de
l'Énergie. Voilà un autre bel exemple de coopération
harmonieuse entre des partenaires de différents niveaux qui prennent
à coeur leurs responsabilités.
Je ne voudrais pas terminer sans citer un autre exemple soit
l'emplacement d'une carrière située à la frontière
du comté d'Anjou et de la ville de Montréal-Est et qui n'est pas
sans causer de nombreuses inquiétudes quant aux effets à court et
long termes d'une telle exploitation. Il s'agit d'une carrière à
ciel ouvert en plein coeur de Montréal. Encore là, on devrait en
arriver à un développement économique respectueux de
l'environnement.
Enfin, j'entends m'impliquer personnellement avec les divers
intervenants du milieu afin que les citoyens et citoyennes de mon comté
puissent profiter pleinement des divers programmes du gouvernement du
Québec favorisant le développement des emplois et de la structure
économique. Mon expérience personnelle dans le secteur, au
chapitre de l'exportation en particulier, me convainc qu'un
développement économique soutenu passe nécessairement par
l'ouverture de nouveaux marchés, sans avoir à redire la
nécessité d'un accord de libre-échange entre le Canada et
les États-Unis.
Le plan de transport, soumis par le ministre Côté, pour la
région de Montréal est très bien reçu par la
population, par les industriels du comté d'Anjou et de l'est de
Montréal. Des représentations spécifiques ont
été faites concernant des suggestions de l'Association des
industriels d'Anjou auprès du ministre des Transports relativement
à l'amélioration du réseau routier dans le secteur. Ces
représentations touchent des réaménagements fonctionnels
déjà prévus dans le plan de relance de l'est de
Montréal. On aura l'occasion d'y revenir.
À plusieurs reprises, mes concitoyens m'ont sensibilisé
aux problèmes hospitaliers, aux problèmes des jeunes ayant de
plus en plus de difficulté à se trouver un emploi stable et de
qualité, à ceux des familles vis-à-vis du logement et,
enfin, à ceux des personnes âgées. Je veux dire ici tout
haut que je suis à l'écoute de mes
concitoyens du comté d'Anjou. C'est dans toute sa
diversité socio-économique et socioculturelle que j'entends
servir cette population de l'est de Montréal. Outre une majorité
francophone à 85 %, le comté d'Anjou comprend de nombreuses
communautés, dont celles d'origine italienne, haïtienne,
portugaise, pour ne nommer que les plus nombreuses. Elles m'ont toutes
souligné à quel point la formule "Québec, terre d'accueil
et de liberté'* ne constitue pas une formule creuse. C'est avec
générosité, disponibilité et foi dans l'avenir que
j'entends défendre les intérêts de chacune, tant dans le
comté qu'à l'Assemblée nationale.
Je dois enfin souligner la vitalité des organismes communautaires
du comté. Ces quelque 150 groupes de femmes, de jeunes, de travailleurs
et de gens âgés, réunis dans des objectifs communs de
développement humain ou pour des fins de loisir, démontrent
chaque jour qu'il est possible d'avoir des objectifs sociaux en dehors du cadre
de l'État.
Tous ces groupes comprennent qu'en régime démocratique,
pour que tout marche, il faut que chacun apporte son effort. Il est d'ailleurs
à souhaiter que l'État soutienne leur épanouissement en
évitant, comme les gens de l'Opposition peuvent le souhaiter, de
bureaucratiser le bénévolat.
Je dois confesser ici, en terminant, que je ne me gênerai jamais
en cette Chambre pour professer l'orthodoxie de mon libéralisme,
libéralisme dans tous les sens du mot, même au sens du
dictionnaire, si vous le voulez, et en particulier dans cette définition
d'attitude de respect à l'égard de l'indépendance des
individus, de tolérance envers les opinions, de respect des
libertés individuelles. Bref, tout le contraire de l'autoritarisme, du
dirigisme, de l'étatisme et on pourrait en ajouter d'autres. (14 h
40)
M. le Président, en 1985 - et je termine sur ces mots - le Parti
libéral du Québec a été élu au gouvernement
en proposant à la population un chef reconnu pour sa vision dynamique du
développement du Québec, une équipe
déterminée à remettre le Québec sur les rails de la
prospérité économique et un programme articulé en
fonction des intérêts fondamentaux des Québécois aux
plans culturel, social, administratif et économique. Je suis heureux de
me joindre à cette équipe en collaborant à la
concrétisation de ce programme dont la réalisation est
déjà très bien engagée. Enfin, je me réjouis
de servir avec le chef du Parti libéral du Québec, ce chef que
j'ai le plaisir de voir siéger en cette Chambre.
Je renouvelle ma foi dans la grandeur de cette institution et je dis
encore merci à la population de la circonscription électorale
d'Anjou pour la confiance qu'elle me témoigne, ainsi qu'au gouvernement
du Québec dont la gestion des affaires publiques est tellement
performante que mon travail de parlementaire s'avérera moins ardu.
Merci, M. le Président. Des voix: Bravo!
Le Président: Je vous remercie, M. le député
d'Anjou. Je reconnais maintenant M. le député de Roberval.
M. Gaston Blackburn
M. Blackburn: M. le Président, en premier lieu,
permettez-moi d'exprimer toute la fierté que je ressens aujourd'hui. Mon
entrée à l'Assemblée nationale confirme cet honneur de
représenter la population du comté de Roberval, un comté
qui regorge de ressources humaines et naturelles au sein d'une région
dynamique, imaginative et attrayante à plus d'un point de vue.
En second lieu, je me dois de remercier la population du comté de
Roberval qui m'a accordé un appui sans équivoque, lequel aura
nécessaire ment un impact régional comme représentant du
parti ministériel, on s'en rendra vite compte au cours des prochains
mois.
Le chemin que j'ai parcouru jusqu'à maintenant n'aurait sans
doute pas été possible sans le soutien indéfectible de mon
épouse et de mes enfants. Ils ont fait preuve d'une patience et d'un
courage qui méritent d'être soulignés publiquement. Des
appuis nombreux sont également venus de l'ensemble de la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean, des appuis provenant du milieu des affaires, du
milieu industriel et d'organismes sociaux ou communautaires.
Pour ce qui est de mes collègues, vous me permettrez, M. le
Président, d'adresser des remerciements particuliers au ministre des
Transports et ministre responsable du Développement régional, M.
Marc-Yvan Côté, qui est également l'organisateur en chef de
l'est du Québec. Le ministre Côté, a été pour
moi un collaborateur de tous les instants dans cette campagne, et ses talents
d'organisateur électoral chevronné combinés à
l'ardeur des militants libéraux de mon comté me permettent
aujourd'hui de siéger dans cette enceinte. Je remercie également
tous les membres du caucus qui, sans hésiter, sont venus m'appuyer au
cours de la campagne électorale, un véritable marathon qu'il m'a
été agréable d'effectuer. La visite du premier ministre
d'ailleurs a été appréciée, et je l'en remercie
chaleureusement.
Sans établir un lien de cause à effet, mon entrée
en politique active intervient à un moment où le Québec
devra relever des défis significatifs pour mieux maîtriser son
avenir. C'est ainsi que, sur le plan économique, le Québec devra
comme jamais auparavant faire bonne figure sur les marchés
étrangers. L'heure du libre-échange et de l'ouverture des
marchés européens ne lui laisse guère de choix. Pour y
arriver, nous devrons faire preuve de leadership, et, à n'en pas douter,
toutes les régions du Québec seront touchées de
près ou de loin par
cet accord.
Incidemment, le comté et la région que je
représente abondent de ressources naturelles qui, par le passé,
ont fait vivre le Saguenay-Lac-Saint-Jean. En termes de perspectives,
toutefois, il faut prévoir que le secteur de la forêt et les
grandes entreprises seront de moins en moins générateurs
d'emplois. L'accent doit plutôt être mis sur la création et
l'expansion des petites et moyennes entreprises, et ce, dans tous les secteurs
d'activité. À cet égard, la philosophie dite
économique du présent gouvernement fondée sur ce
désir d'apporter le soutien nécessaire à l'entreprise
privée me semble correspondre aux défis de demain. Sur le plan
social, le gouvernement auquel j'appartiens a mis en place des politiques qui
favoriseront toutes les régions du Québec.
Bien sûr, beaucoup de travail reste à faire, car, dans le
seul secteur de la santé et des services sociaux, la demande
excède souvent l'offre dans un contexte où les ressources de
l'État sont plus limitées par rapport aux 20 dernières
années. Pourtant, les Etats modernes devront accorder une attention
particulière à ce virage, puisque les crises économiques
successives ont pu bouleverser l'ordre des choses qui nous semblaient pourtant
être des acquis. Le Québec souscrit au principe du partage des
ressources, et ce souci de voir à ce qu'elles soient réparties de
façon équitable entre ceux et celles qui en ont besoin.
La qualité de l'environnement préoccupe également
tous les Québécois. Dans notre région, le thème
environnemental ne passe pas inaperçu. Bien au contraire, il concerne
toutes les composantes de notre vie quotidienne et ne se limite donc pas
à la bonne qualité du sous-sol ou de l'air. Pour ne citer qu'un
exemple, je dirai que le secteur de la santé psychique et psychologique
demeure une préoccupation dans toutes les couches de la
société de plus en plus confrontées au stress de la
production et au souci de vivre une saine liberté.
Enfin, le patrimoine québécois et sa culture vivante se
doivent d'être protégés et promus de façon efficace
et surtout durable. Cette société distincte, composée
d'une majorité de francophones, mais parmi des milliers d'anglophones, a
saisi l'ampleur du défi à relever. Chez nous, une partie de
l'histoire du Québec n'est pas passée inaperçue. Les
fêtes du 150e anniversaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui viennent de se
terminer auront constitué le plus bel hommage à nos
bâtisseurs et permis de souligner que les efforts du passé sont
garants des succès présents et futurs chez nous.
C'est ainsi qu'on ne peut plus parler aujourd'hui d'isolement d'une
région comme la nôtre. La mise en place d'une infrastructure
industrielle moderne a requis une main-d'oeuvre nombreuse entre les
années 1910 et 1930 pour transformer profondément
l'économie régionale. Oui, M. le Président, en termes de
qualité de vie, il y a loin depuis le début de la construction du
chemin de fer qui a donné un véritable sens au
développement régional, à la fin du XIXe siècle. Ce
chemin précurseur n'aura pas été vain, à un point
tel que le Saguenay-Lac-Saint-Jean fait maintenant face aux mêmes
défis que le reste du Québec et du Canada. On se rend compte que
la population est de plus en plus exigeante pour les politiciens et les
politiciennes et cette tendance, il va sans dire, accentue le travail d'un
député au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Personnellement, je
travaillerai dans le sens des intérêts du Québec, bien
sûr, tout en m'assurant que la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
le comté de Roberval en particulier, ait accès à la juste
part qui lui revient pour mieux maîtriser son avenir. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Président: Nous allons maintenant procéder aux
affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents, Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Rapport du Musée d'art contemporain de
Montréal
Mme Bacon: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le rapport d'activités 1987-1988 du Musée d'art
contemporain de Montréal.
Le Président: Votre document est déposé, Mme
la ministre.
M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur
et de la Science.
Rapports annuels de l'OPQ et du
ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science
M. Ryan: M. le Président, je suis heureux de
déposer le rapport annuel de l'Office des professions du Québec
pour 1987-1988, et le rapport annuel du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science pour 1986-1987.
Le Président: Vos deux documents sont maintenant
déposés, M. le ministre. M. le ministre de la Justice.
Rapport annuel du Fonds d'aide aux recours
collectifs
M. Rémillard: M. le Président, il me fait plaisir
de déposer le rapport annuel du Fonds d'aide aux recours collectifs pour
1987-1988.
Le Président: M. le ministre de la Justice, votre document
est déposé.
Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Rapports annuels des CRSSS
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer les rapports annuels des conseils régionaux de la
santé et de services sociaux pour 1987-1988.
Le Président: Vos rapports annuels sont
déposés en liasse, Mme la ministre.
M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
Rapports annuels de la SOI et de la
Société Inter-Port
M. MacDonald: M. le Président, j'ai l'honneur de vous
présenter le rapport annuel de la Société de
développement industriel du Québec pour l'exercice financier
prenant fin le 31 mars 1988 ainsi que le rapport annuel de la
Société Inter-Port pour 1987-1988.
Le Président: Vos deux rapports sont maintenant
déposés, M. le ministre.
M. le ministre délégué aux Finances et à la
Privatisation.
Rapport annuel de l'Inspecteur général
des institutions financières
M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le rapport annuel 1987-1988 de l'Inspecteur
général des institutions financières.
Le Président: Votre rapport est maintenant
déposé, M. le ministre.
Démission de M. Gilles Rocheleau comme
député de Hull
J'ai maintenant plusieurs dépôts à faire cet
après-midi. J'ai reçu la lettre suivante de M. le
député de Hull: "M. le Président, la présente a
pour objet de vous aviser que je quitterai mon poste de député
libéral de Hull à l'Assemblée nationale du Québec
le jeudi 13 octobre 1988. (14 h 50) "Je profite de l'occasion pour vous
remercier de la collaboration que vous, vos prédécesseurs et le
personnel de l'Assemblée nationale m'avez accordée depuis mon
élection du 13 avril 1981. J'en profite aussi pour saluer
chaleureusement tous les membres de l'Assemblée avec lesquels j'ai eu la
grande satisfaction de collaborer et, occasionnellement, de me quereller au
cours des ans.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: "Je conclus en vous assurant que j'ai la
ferme intention de continuer à servir l'Outaouais et le Québec
sur d'autres fronts et je vous prie, M. le Président, d'agréer
pour vous et vos collègues, l'expression de ma haute
considération."
Et c'est signé: M. Gilles Rocheleau et contresigné, tel
que nos règlements l'exigent, par M. Richard French,
député de Westmount et Mme Monique Gagnon-Tremblay,
députée de Saint-François. J'aimerais déposer cette
lettre.
Démission de M. Mark Assad comme
député de Papineau
J'ai également reçu une lettre de M. le
député de Papineau. "M. le Président, je désire
vous informer que je quitterai mes fonctions de député de
Papineau à l'Assemblée nationale à compter du 17 octobre
1988. "Je tiens à remercier les électeurs et électrices de
mon comté pour leur confiance maintes fois renouvelée envers moi
et je veux leur exprimer toute la satisfaction que j'ai éprouvée
à être à leur service. "Mes remerciements s'adressent
à tous mes collègues de l'Assemblée nationale pour
l'amitié qu'ils m'ont offerte au cours de mes mandats successifs. Je
garderai un souvenir ému de ces liens de franche camaraderie et de
complicité qui se sont noués au fil des sessions, réunions
et séances de travail qui sont le lot des parlementaires du
Québec. "Je m'en voudrais, en terminant, de ne pas souligner le travail
du personnel de soutien de l'Assemblée nationale sans lequel nous ne
pourrions exercer pleinement notre rôle de député. "Je vous
prie d'agréer, M. le Président, l'assurance de ma haute estime et
l'expression de mes sentiments distingués."
Et c'est signé: M. Mark Assad et contresigné par M. le
député de Pontiac, M. Robert Middlemiss et par M. le
député de Chapleau, M. Kehoe. J'aimerais également
déposer cette lettre.
Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale
Comme troisième document, je vais déposer le nouveau
diagramme de l'Assemblée nationale du Québec.
Rapports annuels du Directeur
général
des élections et de la Commission de la
représentation électorale
J'aimerais également déposer le rapport annuel du
Directeur général des élections pour l'année
1987-1988 ainsi que le rapport annuel de la Commission de la
représentation électorale pour le Québec pour 1987 et
1988.
Rapport des dépenses reliées
à la délimitation des circonscriptions
électorales
Conformément à l'article 32 de la Loi sur la
représentation électorale, j'ai reçu le rapport des
dépenses reliées à la délimitation des
circonscriptions électorales telles que publiées dans la
Gazette officielle du 8 juin dernier. J'aimerais également
déposer ce document.
Rapport du Vérificateur
général
Encore un autre document. Conformément à l'article 70 de
la Loi sur le Vérificateur général, je dépose le
rapport du Vérificateur général et de l'état des
crédits autorisés de dépenses du Vérificateur
général du Québec pour l'année financière se
terminant le 31 mars 1988.
Rapport annuel de la Commission des droits de la
personne
Et, conformément à l'article 80 de la Charte des droits et
libertés de la personne, j'ai reçu le rapport annuel de la
Commission des droits de la personne du Québec pour l'année 1987.
Je dépose ce rapport.
Rapport annuel de la Commission de la fonction
publique et rapport du Vérificateur général sur les frais
d'administration de la commission
Et, comme huitième document, j'aimerais déposer le rapport
annuel de la Commission de la fonction publique pour l'année 1987-1988
ainsi que le rapport du Vérificateur général sur les frais
d'administration de la Commission de la fonction publique pour l'année
se terminant le 31 mars 1988.
Décisions concernant les règlements du
Bureau de l'Assemblée
Également, conformément à l'article 109 de la Loi
sur l'Assemblée nationale, je dépose quatre décisions
concernant les règlements du Bureau de l'Assemblée nationale.
C'était le dernier des documents que j'avais à
déposer pour cet après-midi.
Nous allons maintenant continuer les affaires courantes. Si vous me
permettez, nous allons passer au dépôt des rapports des
commissions. Et je vais reconnaître M. le président de la
commission du budget et de l'administration et député de
Vanier.
Consultation générale sur l'avant-projet
de loi sur les caisses d'épargne et de crédit
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé les 13, 14 et 15 septembre 1988 afin de procéder
à une consultation générale et tenir des auditions
publiques dans le cadre de l'avant-projet de loi sur les caisses
d'épargne et de crédit.
Le Président: M. le député de Vanier, votre
rapport de commission est maintenant déposé.
Toujours à l'étape du dépôt des rapports des
commissions, je vais maintenant reconnaître M. le président de la
commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, M. le
député de Nicolet.
Vérification des engagements financiers
M. Richard: M. le Président, je dépose le rapport
de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui
a siégé les 20 septembre et 11 octobre 1988 afin de
procéder à la vérification des engagements financiers du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et
du ministre délégué aux Pêcheries pour les mois de
janvier à juin 1988, tout cela, M. le Président, à
l'intérieur des heures habituelles.
M. Jolivet: Les fermetures de magasins? Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président: M. le député de... À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le député de Nicolet,
votre rapport de commission est maintenant déposé. M. le
président de la commission de l'éducation et député
de Sauvé.
Consultation générale sur les projets de
loi 106 et 107
M. Parent (Sauvé): M. le Président, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a
siégé du 3 au 26 mai ainsi que du 23 août au 1er septembre
1988 afin de procéder à une consultation générale
et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de
loi 106, Loi sur les élections scolaires et du projet de loi 107, Loi
sur l'instruction publique.
Le Président: M. le député de Sauvé,
votre rapport de commission est maintenant déposé.
M. le président de la commission de l'aménagement et des
équipements et député de Bertrand.
Vérification des engagements financiers
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président, j'ai l'honneur
de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé les 1er, 15 et 21 septembre et le
13 octobre 1988 afin de procéder à la vérification des
engagements financiers du ministère des Transports pour les mois de
novembre 1986 à juin 1988 pour le volet voirie seulement, du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pour les mois de
janvier 1988 à juin 1988 et du ministère des Affaires municipales
pour les mois de janvier 1988 à juin 1988.
Le Président: M. le député de Bertrand,
votre rapport est déposé.
Mme la ministre des Affaires culturelles, toujours à
l'étape de dépôt de documents. Il n'est pas
nécessaire d'avoir le consentement.
Avis de classement de la bibliothèque
Saint-Sulpice
Mme Bacon: M. le Président, je voudrais déposer un
avis de classement de la bibliothèque Saint-Sulpice au 1700 rue
Saint-Denis à Montréal.
Le Président: Votre document est déposé.
Dépôt de pétitions.
Mme la députée de Maisonneuve.
Protéger la femme mariée en
séparation de biens
Mme Harel: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée par 4000 pétitionnaires de la région de
Québec en appui à la Tribune unique et populaire d'information
juridique de Limoilou invoquant les faits suivants: l'injustice sociale dont
sont victimes les femmes mariées en séparation de biens qui
peuvent être entièrement dépossédées si leur
mari décide de se séparer, de divorcer ou de faire un testament
à cet effet, invoquant que la loi ne reconnaît aucune valeur au
travail fait à la maison par les femmes mariées et concluant
à ce que l'Assemblée nationale intervienne auprès du
gouvernement afin qu'il corrige tout de suite la loi de façon que, lors
d'une séparation ou d'un divorce ou en cas de décès, la
femme mariée en séparation de biens soit aussi
protégée, incluant tous les biens de la famille: résidence
familiale, voiture, meubles meublants, fonds de pension, comptes conjoints, de
manière à être partagés à parts égales
entre les conjoints, toute entreprise familiale, ferme, dépanneur,
à parts égales également. Ces changements devront
être apportés avec application immédiate aux contrats de
mariage en séparation de biens encore valides au moment de leur mise en
vigueur. Je vous remercie.
Le Président: Votre pétition est maintenant
déposée, Mme la députée de Maisonneuve. Est-ce
qu'il y a d'autres dépôts de pétitions?
Intervention portant sur une violation de droit et de
privilège
Les déclarations du ministre de l'Environnement
sur les entrepôts de BPC
Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège
ou sur une question de fait personnel. Cet après-midi, j'ai reçu,
dans les délais légaux et selon nos règlements, la lettre
suivante: "M. le Président, je désire par la présente vous
aviser qu'en vertu des articles 66, 67 et 69 de nos règles de
procédure, j'ai l'intention de signaler à la période des
affaires courantes d'aujourd'hui une violation de droit et de privilège
de l'Assemblée nationale commise par le député de Nelligan
et ministre de l'Environnement 'Cette violation, le député de
Nelligan l'a commise par un outrage aux droits de l'Assemblée qui a
atteint l'autorité et la dignité de celle-ci. Cette notion
d'outrage aux droits de l'Assemblée, qui constitue l'une des plus
grandes catégories d'outrages au Parlement, est reconnue par les auteurs
de doctrines de droit parlementaire et son existence a été
à maintes reprises confirmée par les décisions que vos
prédécesseurs et vous avez été appelés
à rendre sur le sujet. Je vous réfère plus
spécifiquement à vos deux décisions du 19 mars et du 28
mai 1986 à la suite de questions de droit et de privilège qui
avaient été soulevées. "Cet outrage est survenu de la
manière suivante: Dans un premier temps, tout d'abord le
député de Nelligan a délibérément
trompé l'Assemblée nationale en y déclarant à deux
reprises que l'entrepôt de BPC situé à
Saint-Basile-le-Grand était sécuritaire alors qu'a savait qu'il
ne l'était pas.
J'ouvre la parenthèse. (Je veux dire au député que
c'est seulement depuis que nous sommes arrivés au pouvoir que les
correctifs ont été faits aux deux endroits - c'est-à-dire
Saint-Basile-le-Grand et Shawinigan-Sud - et ces dépôts sont
aujourd'hui sécuritaires). Journal des débats, 11 mars
1987, page 5999. "
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je viens de vous voir tourner
la page. Il semble qu'il y en ait plusieurs comme cela. J'aimerais rappeler
à la bonne attention des membres de l'Assemblée et à la
vôtre que l'article 69 est très clair sur la façon dont on
doit s'acquitter de la tâche de soulever une question de privilège
à l'Assemblée nationale. (15 heures)
L'avis dont on parie et que vous êtes en train de lire, M. le
Président, doit, selon le dernier paragraphe de l'article 69, indiquer
le droit ou le privilège qu'il invoque et exposer brièvement les
faits à l'appui de son intervention. Je ne sais qui a signé
l'avis, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que le député
signataire plaide déjà sa question de privilège, alors
qu'à ce moment-ci, iI s'agit simplement pour lui d'exposer
brièvement les faits qu'l souhaite soulever à l'appui de sa
question, laquelle pourra ensuite faire l'objet d'autres interventions, une
fois que
vous aurez accepté que cela constitue vraiment une question de
privilège.
Il me semble qu'il ne faudrait pas faire indirectement ce que le
règlement défend de faire directement. Le règlement
interdit qu'on fasse une démonstration à ce moment-ci. Il s'agit
de fournir de brèves explications. Or, M. le Président, suivant
ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant et ce qui semble s'en venir,
étant donné le nombre de pages de la missive, il me semble que
c'est faire là indirectement ce qu'il est défendu de faire
directement.
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. M. le
leader de l'Opposition.
M. Gendron: Très rapidement, M. le Président, pour
donner d'abord une indication au leader du gouvernement. C'est celui qui vous
parle qui est le signataire de la lettre. Je suis convaincu...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gendron: ...que si le leader du gouvernement s'était
donné la peine de vous laisser lire la question d'avis personnel qui a
été signalée très clairement dans la lettre, il
aurait été plus court de vous laisser finir de la lire que de
donner son explication complètement non conforme à la tradition
parlementaire. De tout temps, M. le Président, et vous le savez...
Puisqu'on demande à l'article 69 de vous souligner par écrit les
motifs sur lesquels on s'appuie, il faut avoir le temps de le faire parce que,
dans une question de fait personnel, et vous le direz tantôt, il y a
trois éléments. Il faut vous laisser l'occasion de mentionner les
trois éléments sur lesquels je me suis appuyé, et je vous
donne l'occasion de les lire.
Le Président: Alors, cela peut... Une voix: Ha, ha,
ha!
Le Président: Si vous me le permettez. À la suite
de la question... M. le leader du gouvernement!
Si vous me permettez, à la suite de la question de
règlement soulevée par M. le leader du gouvernement, je rappelle
simplement le troisième paragraphe de l'article 69. "L'avis doit
indiquer le droit ou le privilège qu'il invoque et exposer
brièvement les faits à l'appui de son intervention." Je donne
raison à M. le leader du gouvernement quand il remarque que j'ai
beaucoup de documents entre les mains, mais la plupart de ces documents sont
des annexes que je n'ai pas l'intention de lire, M. le leader du gouvernement.
J'avais pratiquement lu presque la moitié de la présentation de
la question de privilège et je vais continuer à présenter
la question.
M. Gratton: C'était déjà trop long.
Le Président: Mais j'admets qu'il faut que ce soit
bref.
Si vous me permettez. J'ai une deuxième citation qui apparaissait
et qui fait suite à la première que j'ai lue tout à
l'heure, qui est dans la lettre de M. le leader de l'Opposition. "C'est le
gouvernement du Parti libéral qui a pris les mesures correctives
à Saint-Basile et à Shawi-nigan pour rendre ses entrepôts
sécuritaires." Journal des débats, 20 octobre 1987, page
9108.
Je reprends la lettre de M. le leader de l'Opposition. "Vous trouverez
en annexe les extraits pertinents du Journal des débats contenant
les déclarations du député de Nelligan.
Subséquemment, en plus des événements tragiques qui se
sont produits et qui sont venus confirmer que, manifestement, cet
entrepôt de BPC n'était pas sécuritaire, le
député de Nelligan a lui-même admis à plusieurs
reprises que les déclarations qu'il avait faites à
l'Assemblée étaient trompeuses: "II faut être tout à
fait clair, il n'y a pas d'entrepôt sécuritaire aujourd'hui au
Québec." La Presse, 25 août 1988. "J'ai été
hanté à l'idée qu'un jour ou l'autre une de ces
boîtes-là - entrepôts de BPC - flambe ou qu'il n'arrive
quelque chose de grave. C'est une leçon que je prévoyais dans ma
tête depuis longtemps. Sur le coup, je me suis dit: Est-ce que j'aurais
dû obliger la compagnie à avoir des gardiens en permanence? Est-ce
que le gouvernement aurait dû prendre possession des BPC? Mais je sais
que c'était impossible; je sais que nous avons franchi toutes les
étapes que nous pouvions. Après de longues tractations et un an
et demi de pressions, M. Levy a accepté d'apporter la plupart des
modifications qu'on lui avait demandées. Nous, on savait que
c'était minimal." La Presse, 27 août 1988. "Vous trouverez
également en annexe copie des déclarations du
député de Nelligan. Les carences qui prévalaient à
cet endroit au niveau de la sécurité ont été
abondamment rapportées par les médias écrits et
parlés. L'absence de normes même les plus minimales susceptibles
de prévenir une catastrophe a maintenant atteint un niveau de commune
renommée. Les déclarations de certains hauts fonctionnaires du
ministère de l'Environnement ont abondé dans le même sens.
"De cette incurie et de ces omissions, il ressort clairement que l'état
réel du dossier, dont le député et ministre avait
connaissance, était complètement aux antipodes de celui qu'il a
décrit à l'Assemblée. Seule une intention
délibérée de tromper peut expliquer cette grave
disparité. "Sur le plan du droit parlementaire, en réunissant ces
trois gestes - si vous me permettez - ces déclarations faites à
l'Assemblée, une intention délibérée de tromper et
des omissions subséquentes de sa part, le député de
Nelligan a bel et bien commis un outrage aux droits de l'Assemblée
nationale qui a atteint à son autorité
et à sa dignité. Cet outrage rencontre les critères
reconnus par la doctrine. "De plus, fait particulièrement important,
selon la jurisprudence et pour reprendre les termes mêmes du
président, M. Guay, dans sa décision du 7 juin 1983, il a fait
sauter la présomption qui pourrait jouer en sa faveur, et ce, en vertu
des dispositions du paragraphe 6 de l'article 35 de nos règles de
procédure qui font en sorte qu'un député doit normalement
accepter la parole d'un député. (Voir la décision
citée plus haut, dans le Journal des débats du 7 juin
1983, à la page 1929). "Pour toutes ces raisons, j'entends donc cet
après-midi, au nom de l'Opposition officielle, signaler ce que j'estime
être une grave atteinte au bon fonctionnement de nos institutions
démocratiques de la part du député de Nelligan. "Veuillez
agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les
meilleurs."
C'est signé par M. le leader de l'Opposition, M. François
Gendron.
M. le leader du gouvernement.
M. Grattoir M. le Président, après avoir
écouté la longue lecture du plaidoyer - parce que c'est de cela
qu'il s'agissait - je comprends mieux pourquoi on a choisi, de ce
côté-là, de procéder irrégulièrement
à la face même de la partie de l'article 69 que vous avez
citée. C'est tout simplement qu'on sait d'avance que, quant au contenu,
la question de privilège n'en est pas une. J'aurai l'occasion de
souligner, au moment de débattre de la recevabilité de cette
question de privilège, les nombreux précédents qui
m'amènent à me convaincre que, si on a fait toute la plaidoirie
dans ce qui devait être un bref avis, c'est qu'on sait d'avance que vous
allez rejeter cette question de privilège qui n'en est pas une.
En fait, qu'est-ce qu'on dit reprocher et quel est le privilège
qu'on appelle?
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: II est important, M. le Président, que vous
indiquiez aux membres de cette Chambre sur quoi le leader du gouvernement est
debout actuellement. Après qu'il y ait eu présentation d'une
question de fait personnel, il vous appartient d'indiquer si vous êtes
d'accord pour recevoir, de la part de chacun des leaders des formations
politiques, des éléments qui vous aideront à prendre une
décision sur la recevabilité, oui ou non. Je veux savoir si le
leader du gouvernement s'exprime actuellement sur la recevabilité
ou...
Le Président: Ou sur le fond.
M. Gendron: ...sur le fond. Bien, je ne peux pas voir comment on
peut discuter du fond avant de discuter de la recevabilité. En
conséquence, il enfreint complètement le règlement. Donc,
invitez-le à suivre le règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur la
question de règlement.
M. Gratton: Oui, sur la question... Non, c'est pour poursuivre et
aussi sur la question de règlement. Je n'ai pas encore touché au
fond. J'ai simplement prétendu que le député
d'Abitibi-Ouest a voulu faire son plaidoyer dans son avis, sachant que sur la
question de la recevabilité, la question de privilège, vous
alliez effectivement lui demander d'aller refaire ses devoirs.
J'en viens à la recevabilité de la question de
privilège, M. le Président, avant que vous ne preniez votre
décision. C'est simplement pour vous rappeler que de nombreuses
décisions ont été rendues par vous et vos
prédécesseurs, quant à cette pseudo-question de
privilège par laquelle on prétend que la Chambre a
été induite en erreur par des propos tenus par le ministre de
l'Environnement.
Je vous citerai seulement un exemple, parce que pour moi c'est
peut-être celui qui est le plus clair là-dessus, du recueil de
décisions concernant la procédure parlementaire, à la page
67/7.1. Le contexte: Des députés de l'Opposition désirent
soulever une question de privilège relative à des réponses
fournies à l'Assemblée nationale par le premier ministre au sujet
de son rôle et de celui de son bureau dans le règlement hors cour
du saccage du chantier LG 2. Vous vous rappelez de cela, M. le
Président? Les députés de l'Opposition prétendent
que certaines parties des réponses du premier ministre étaient
incomplètes et inexactes, induisant par le fait même la Chambre en
erreur. (15 h 10)
Alors, sans aller sur le fond, sans présumer de la
véracité, du bien-fondé des accusations que veut porter le
député d'Abitibi-Ouest, voilà un contexte qui est
exactement le même que celui du 7 juin 1983. La question: Les faits
justifient-ils la présentation d'une question de privilège? Voici
la décision, M. le Président, qui a été rendue par
votre prédécesseur. "Prima facie, H ne s'agit pas de la violation
d'un des grands privilèges reconnus par la Loi sur l'Assemblée
nationale ou par la tradition. Le président ne peut établir
quelque rapport que ce soit entre les privilèges de l'Assemblée
ou de l'un de ses membres et le sentiment d'avoir été induit en
erreur. "En vertu du paragraphe 6 de l'article 35 du règlement, un
député qui a la parole ne peut imputer des motifs Indignes
à un député ou refuser d'accepter sa parole. Les
députés de l'Opposition doivent donc accepter la parole du
premier ministre, et H est toujours possible de confondre un
député qui abuserait de la présomption de l'article 35.6
par le biais de questions, de discours, d'échanges et d'autres
confrontations permises par le règlement. À la rigueur, en se
basant sur un précédent anglais de 1963, H pourrait y avoir
outrage si un député avouait
expressément avoir trompé la Chambre dans une
déclaration de fait personnel antérieur", ce que manifestement le
ministre impliqué ne fait pas. Donc, M. le Président, je
résume simplement en disant que nous avons là une situation
analogue, exactement semblable, tellement semblable que le leader de
l'Opposition savait d'avance que vous rejetteriez cette demande de question de
privilège comme non recevable et c'est pourquoi il a violé le
règlement à l'article 69 en faisant du bref avis que prescrit le
règlement une longue plaidoirie qui ne rime à rien.
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.
Toujours sur la recevabilité, je vais entendre vos arguments, M. le
leader de l'Opposition.
M. Gendron: La différence avec M. le leader du
gouvernement est que je vais plaider exclusivement sur la recevabilité
et non... Il est un peu pris au dépourvu. Je ne sais pas si ce sont les
deux départs qui l'ont dérangé ou l'arrivée des
deux collègues, mais tout ce qu'il a réussi à faire, ce
n'est pas pour donner des éléments qui vont vous aider. Si
j'étais président, je serais pas mal mêlé avec ce
qu'il vous a dit.
Il a cité des recueils de textes, mais les éléments
fondamentaux de recevabilité sont très simples. Il y en a trois
et vous le savez très bien, M. le Président, c'est vous qui
l'avez dit en plus de cela dans d'autres décisions. Premièrement,
lorsqu'une question de privilège est soulevée, il faut
établir s'il y en a une véritablement. Le rôle du
président, c'est de se limiter à statuer sur la forme de la
question de privilège. Là je peux vous citer, M. le
Président, c'est vous qui avez déclaré cela. Je vous cite:
"Selon la doctrine parlementaire, lorsque est signalée une violation de
droit ou de privilège, il n'appartient pas au président de
déterminer s'il y a eu effectivement atteinte aux droits ou aux
privilèges de la Chambre." Écoutez ce que vous disiez: "Le
président doit plutôt décider si les faits invoqués
au soutien de la question de privilège lui permettent de croire qu'il
s'agit prima facie d'une question de privilège." Première
affaire. Je pense qu'il s'agit d'une question de privilège.
Deuxièmement, il s'agit de démontrer si à sa face
même, parce que prima fade c'est cela que cela veut dire, et non
pas...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: II y a beaucoup de ce que vous dites que je
comprends très bien et que j'avais déjà dit en cette
Chambre.
M. Gendron: II s'agit de démontrer si j'ai
évoqué des éléments sur lesquels vous pouvez vous
appuyer pour voir si les conditions sont réunies pour arriver à
la conclusion qu'il y a bel et bien là une question de privilège.
Nous, nous pensons qu'il y a eu atteinte à nos droits de parlementaires.
Il y a eu atteinte à nos droits et privilèges de manière
reconnue par la jurisprudence. Il ne faut pas que ce soit la prétention
de celui qui vous parle, il faut que ce soit la prétention
confirmée par des décisions antérieures de jurisprudence.
Est-ce que oui ou non, effectivement, il y a eu, dans le présent cas,
atteinte à nos droits de parlementaires et atteinte à nos
privilèges? Je voudrais juste, très rapidement, à ce
sujet, vous référer à la décision de M. Richard
Guay, le 7 juin 1983. Il indiquait que, dans toutes les recherches
effectuées - et c'est l'ancien président Guay qui parle - "j'ai
trouvé un seul cas qui permette de penser que dans certaines
circonstances exceptionnelles - c'est ce que je veux vous faire valoir
aujourd'hui - il peut y avoir bris de privilège. Dans la 19e
édition de son traité, Erskine May mentionne au chapitre sur
l'outrage et les bris de privilège, à la page 142, un cas qui
s'est produit en Angleterre, il y a 20 ans, sous la rubrique "Misconduct of
member or officer of either House as such" - Mauvaise conduite des membres ou
officiers de la Chambre en cette capacité. Et sous la mention
"Deliberately misleading the House", tromper délibérément
la Chambre. On cite: The House may treat the making of deliberately misleading
statements as a contempt", etc. Je ne veux pas reprendre ces décisions
qui, effectivement, sont colligées dans le recueil que vous connaissez
autant que moi. Donc, il me semble qu'à sa face même, il y a
là un cas.
Là où je voudrais être plus incisif, c'est que nous
avons la prétention que dans le présent cas, il y a eu
combinaison de trois gestes et de trois éléments majeurs. Je les
cite rapidement: déclaration faite à l'Assemblée,
intention délibérée de tromper et admission
subséquente de la part du ministre, à savoir qu'il avait
erré. Je voudrais juste essayer de le prouver en deux phrases. Quand un
sous-ministre du ministère de l'Environnement - parce que les
éléments étaient compris dans ma lettre, M. le
Président...
Le Président: Question de règlement, M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président.
Le Président: Brièvement, s'il vous
plaît.
M. Gratton: Avant qu'on ne laisse le député
d'Abitibi-Ouest glisser trop loin, il faudrait lui rappeler qu'à ce
moment-ci, on ne doit pas plaider du fond de la question, mais simplement de la
recevabilité. Jusqu'à maintenant, il s'en était maintenu
à cela, avec certaines erreurs, j'en conviens...
Le Président: Ah oui! Ce...
M. Gratton: ...et on pourra y revenir. Au
moment où il commence à nous citer des passages et
à vouloir aller sur le fond, je pense qu'il est de votre devoir de
l'arrêter, M. le Président, puisqu'à ce moment-ci, il
s'agit pour lui de vous éclairer quant à la recevabilité
de la question de privilège dont il vous a donné avis, et non pas
de vous convaincre que sa question de privilège est bien
fondée.
Le Président: Alors, seulement sur la recevabilité,
s'il vous plaît, et brièvement, maintenant.
M. Gendron: M. le Président et tous les membres de
l'Assemblée...
Le Président: Brièvement.
M. Gendron: II reste un élément. Brièvement,
mais il faut que j'aie le temps de l'exposer. Je veux dire pour la
première fois, parce que je n'ai pas eu le temps d'en parler, que dans
le présent cas, je veux faire la preuve qu'il y a combinaison des trois
éléments que je viens de citer et qui ont comme
conséquence que la présomption qui a toujours existé dans
le cas du parlementaire qui nous raconte des peurs, mais qu'on est
obligés de croire que c'est la vérité. Là, la
présomption, c'est le ministre de l'Environnement lui-même qui l'a
fait sauter. Je veux vous prouver, M. le Président de la Chambre, que
dans le présent cas, la combinaison des trois éléments
fait qu'il n'y a plus cette présomption. Je suis obligé, à
ce moment-là, de l'étayer de deux propos. Pourquoi n'y a-t-il
plus cette présomption? C'est parce que le sous-ministre adjoint
à l'Environnement, M. Michel Gagnon, a déclaré - c'est
très court: "C'est vrai, quand on regarde maintenant,
rétrospectivement, qu'on aurait pu intervenir et aller faire les travaux
nous-mêmes. On a été très lents à
réagir de ce côté-là." C'est son sous-ministre qui
parle.
L'autre fait, M. le Président, très rapidement, c'est le
député du comté concerné par cela, pour montrer
qu'il n'y a plus la présomption en faveur du ministre... Le
député de Chambly...
Le Président: Non, vous êtes sur le fond.
Des voix: Oui.
M. Gendron: Pas sur le fond.
Le Président: J'ai tous les arguments, j'ai la lettre au
complet. J'ai tous les extraits, en annexe à ce que vous m'avez
donné. On en a pris connaissance partiellement ce midi, et je vais
continuer à en prendre connaissance. Je vous ai demandé des
arguments sur la recevabilité seulement et non pas sur le fond.
Maintenant, vous étiez rendu sur le fond. J'aimerais que... En
conclusion, très rapidement.
M. Gendron: Sur le dernier argument, M. le Président, ce
que je veux vous faire évaluer et vous soumettre bien humblement, c'est
que dans le présent cas, il y a combinaison des trois
éléments. Lorsqu'il y a combinaison des trois
éléments, en termes de jurisprudence, il est clair qu'à ce
moment-là la présomption qui existait dans nos règlements
et dans la tradition parlementaire en faveur du ministre de l'Environnement ne
peut pas jouer dans le présent cas. C'est pourquoi, contrairement aux
propos du leader du gouvernement, il me semble que le cas que nous vous
soumettons aujourd'hui, d'aucune façon, même s'il a
mentionné cela, il ne s'agit d'un cas qui a été longuement
et traditionnellement traité. C'est la première fois qu'on peut
faire la preuve que, dans le présent cas, les trois
éléments étant regroupés, réunis, il n'y a
pas de présomption en faveur du ministre. En conséquence, M. le
Président, j'estime que cette motion est tout à fait recevable
parce que, pour la première fois, le troisième
élément et le plus important, qui est la présomption,
n'existe pas.
Le Président: Alors, je la prends en
délibéré.
À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais prendre en
délibéré et, d'ici à 18 heures, je verrai à
rendre la décision sur la recevabilité de la question qui m'a
été soumise par M. le leader de l'Opposition, cet
après-midi.
Nous allons maintenant continuer les affaires courantes.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Tel qu'il se doit, nous allons procéder à la
période régulière de questions et réponses orales.
Je reconnais une première principale à M. le chef de
l'Opposition. (15 h 20)
M. Chevrette: M. le Président, j'attendrai la venue du
premier ministre.
Le Président: Je vais reconnaître M. le
député de Verchères en principale.
L'entreposage des BPC
M. Charbonneau: M. le Président, j'ai une question au
ministre de l'Environnement. Est-ce que le ministère de l'Environnement
savait, avant l'incendie de Saint-Basile, que les conditions d'entreposage de
BPC n'y étaient pas sécuritaires?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre de l'Environnement, à la question principale.
M. Lincoln: M. le Président, le député de
Verchères voudrait me faire répondre en blanc et noir comme a
essayé de le faire tout à l'heure le député
d'Abitibi-Ouest sur la question de sécurité. Je ne veux pas
entrer dans ce piège... Oui, très bien. Je vais vous dire: Si,
demain matin, ma maison a un extincteur d'incendie, ma maison a une alarme
anti-intrusion, et si on me demande si ma maison est sécuritaire, je
vais leur dire oui. Mais c'est sûr que ma maison n'est pas aussi
sécuritaire que la Citadelle de Québec. Si, demain matin,
quelqu'un me demande si je suis en santé, je vais dire oui. Mais si
c'est relativement à Cari Lewis ou à un boxeur, je ne suis pas en
aussi bonne santé.
Tout cela, c'est relatif dans le temps. Ce que vous dites
aujourd'hui...
Le Président: À l'ordre!
M. Lincoln: Si tout ce qu'un député dit à
l'Assemblée nationale, à n'importe quel moment, dans le contexte
dans lequel on le lui demande est pris dans le terme le plus exigu du temps,
à ce moment-là, nous sommes tous des gros menteurs comme vous
m'en avez accusé. Est-ce que vous voulez dire que... Tout est relatif.
Si on demande, demain matin: est-ce que l'Assemblée nationale est
sécuritaire? je vais dire oui. Mais ce n'est pas sécuritaire de
façon absolue. Demain matin, il peut y avoir un incendie. Mais, dans les
faits, c'est sécuritaire. Relativement à ce que c'était,
c'est très sécuritaire, relativement à ce que
c'était quand vous m'avez passé l'entrepôt.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: M. le Président, la question est
importante. Elle relève de la responsabilité du ministre. Est-ce
que, comme ministre de l'Environnement, lorsque l'incendie s'est produit, vous
saviez, à ce moment-là et depuis un temps x, que les conditions
d'entreposage n'étaient pas sécuritaires en regard des exigences
du règlement sur les déchets dangereux et en regard des
possibilités d'intervention que vous donne la Loi sur la qualité
de l'environnement?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, j'ai répondu quant
à la question de sécurité. Ce que j'ai répondu,
c'est là "on the record". Cela va rester. Je suis bien prêt
à accepter cela comme c'est. Cela, je l'ai dit plusieurs fois. Mais par
rapport à ce qui s'est passé à Saint-Basile, a
l'entrepôt, avant et après l'incendie, je vais dire quelque chose
et je sais que le député va me dire que je cherche un
faux-fuyant. Ce matin, le directeur général de notre service
juridique, Me Bisson- nette, m'a fait la caution expresse qui est la caution
qu'il a aussi reçue des avocats du Procureur général de
dire le moins possible. Il m'a dit: Je vous engage...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Continuez, M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Lincoln: Écoutez! Il faut bien m'écouter, en
tout cas. Vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais écoutez.
Je vais vous le dire. Il m'a dit: Je vous fais la caution d'être
très, très, très prudent. Ce sont ses mots. Lui, il a
reçu la même consigne des avocats du Procureur
général. Pourquoi? Parce qu'il y a des requêtes en recours
collectif qui ont été déposées en cour contre le
gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec, ce n'est pas
seulement moi. C'est notre gouvernement et le gouvernement antérieur
à moi. C'est le gouvernement du Québec. Il y a des recours
collectifs qui ont été déposés et qui vont
être jugés en cour. Il y a trois enquêtes qui seront
jugées maintenant où chaque mot qui est dit... Ils m'ont dit: Ne
dites rien de plus sur toute la question de l'entrepôt de Saint-Basile
maintenant, parce que, tout cela, c'est sub judice.
Je vais accepter ce raisonnement, quitte à me faire dire que je
cherche des faux-fuyants, parce que je ne veux pas rentrer dans des
situations...
Le Président: Conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: ...où je mettrais en jeu ma
responsabilité éventuelle comme représentant du
gouvernement du Québec. Cela, en aucune façon. Si le
député de l'Opposition veut entrer dans ce jeu, moi, je ne vais
pas le faire.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre est conscient qu'il est,
de tous les membres du gouvernement, celui qui a parlé le plus, depuis
trois ans, sur à peu près tous les sujets qui concernent sa
responsabilité et, entre autres, depuis le mois d'août, sur les
incidents de Saint-Basile? Est-ce que vous voulez un compte rendu exact de
toutes les déclarations que vous avez faites? Comment pouvez-vous venir
nous dire aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, alors que le
premier ministre refuse la tenue d'une enquête publique ou une commission
parlementaire, que vous allez vous cacher derrière des avis juridiques
pour ne pas répondre aux questions auxquelles vous avez
déjà répondues devant les journalistes?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Même s'il crie plus fort, il ne me fera pas
peur. Ce n'est certainement pas le député de Verchères,
celui qui n'a même pas une note de passage de Gilles Lesage, qui me fera
peur...
Le Président: M. le ministre.
M. Lincoln: Ce que je veux dire, très simplement, au
député de Verchères, c'est qu'on m'a donné un avis
juridique. Ce que j'ai déjà dit, je l'ai déjà dit.
Je ne peux pas défaire ce que j'ai dit. C'est dit et cela reste dit.
Mais aujourd'hui, avant mon arrivée à l'Assemblée
nationale, le directeur du Service juridique m'a donné une caution
formelle. Il m'a dit qu'elle était appuyée par les avocats du
Procureur général. Je vais donc m'en tenir à cela.
Ce que j'ai fait avant, à tort ou à raison, est fait. S'il
m'avait dit cela il y a dix ou quinze jours de cela, ou il y a trois mois ou
trois ans de cela, peut-être aurais-je dit moins de choses, mais je les
ai dites. Peut-être peut-il m'accuser d'avoir été une
grande gueule. D'accord, mais je l'ai dit. Sauf que maintenant, je n'en dirai
pas plus. D'accord? C'est ce que je veux vous dire.
Le Président: M. le député de
Verchères. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader du gouvernement, sur une question de règlement.
M. Gratton: Sur une question de règlement, M. le
Président. J'aimerais rappeler que l'article 82 de notre
règlement permet à un ministre à qui une question est
posée de ne pas y répondre à certaines conditions. Si on
lit le dernier paragraphe de l'article 82, on y lit: "II doit refuser - en
parlant du ministre - d'y répondre si sa réponse aurait pour
effet de contrevenir aux paragraphes 2 et 3 de l'article 35." Or, les
paragraphes 2 et 3 de l'article 35 se lisent comme suit: "Le
député qui a la parole ne peut, 2° faire
référence aux travaux d'une commission siégeant à
huis clos...; 3° parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un
organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les
paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce
soit".
Le ministre vient de dire quelle est précisément la
raison, sur les conseils de ses gens, qui l'incite non pas à cacher quoi
que ce soit, non pas à faire quoi que ce soit d'irrégulier, mais
bien au contraire, qui est inspiré par le strict respect des
règlements de l'Assemblée nationale. On sait qu'il y a pas moins
de quatre enquêtes présentement en cours sur cette affaire. Mon
intention, en intervenant à ce stade-ci, n'est pas d'empêcher le
député de Verchères de poser des questions, mais tout de
même, je voudrais que vous vous assuriez, M. le Président, qu'on
n'invite pas ainsi le ministre de l'Environnement à déroger
à l'article 82 de notre règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur la
question de règlement.
M. Gendron: Oui, très rapidement, M. le Président.
Je veux dire que l'on reconnaît là la tactique traditionnelle du
leader du gouvernement: quand un des siens est dans ce que vous savez, sans le
définir, il invoque n'importe quoi. Qu'y a-t-il devant les tribunaux,
actuellement, dans ce dossier? Absolument rien. Ils en sont encore au stade de
l'enquête et c'est le gouvernement qui est en cause. On n'est pas en
matière pénale mais civile, on le sait. En conséquence, la
rigueur du règlement est en matière pénale et non civile.
Actuellement, quelle est la tradition parlementaire en matière civile,
M. le Président? C'est la notion de ne pas causer de préjudice.
C'est cela qui doit vous guider. Cela nous causerait drôlement
préjudice de ne pas avoir la possibilité de questionner le plus
grand parleur de ce gouvernement. (15 h 30)
Le Président: Un instant! À la suite de la question
de règlement posée par M. le leader du gouvernement et à
la suite de vos arguments, M. le leader de l'Opposition, j'aimerais vous
rappeler non seulement le paragraphe 2, mais également le dernier
alinéa de l'article 82, mais également l'article 82.1. L'article
82.1: "s'il juge contraire à l'intérêt public de fournir
les renseignements demandés;" Et cela ne peut pas être discutable.
Il y a plus que cela. C'est le ministre qui décide lui-même, mais
cela n'empêche pas - excusez-moi - le député de
l'Opposition de poser les questions qu'il veut. Il pourra poser toutes les
questions qu'il veut, M. le ministre décidera s'il doit répondre
ou non en vertu de l'article 82.
M. Gendron: M. le Président.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Question de règlement, M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: Simplement pour que ce soit bien clair, ce que le
ministre de l'Environnement a invoqué. Il n'a même pas
invoqué l'article 82, je l'ai fait en ma qualité de leader du
gouvernement, non pas parce que le ministre de l'Environnement refuse de
répondre en vertu de l'article 82.1: "S'il juge contraire à
l'intérêt public, il refuse de répondre...", mais parce
qu'il ne doit pas répondre en vertu du dernier alinéa de
l'article 82 parce que effectivement il y a
enquête. À l'article 35.3, on ne parie pas d'une
enquête qualifiée de quelque façon, mais on parle tout
simplement de sujets qui font l'objet d'enquêtes.
Là, ce n'est pas d'une enquête dont il s'agit mais de pas
moins de quatre, M. le Président. Donc, le ministre ne doit pas, en
vertu de notre règlement, répondre à ces questions.
Le Président: Sur la même question de
règlement.
M. Gendron: Oui, sur la question de règlement, je vais
seulement vous dire ce que j'ai compris, à savoir que le leader du
gouvernement était dans les patates, qu'il n'a pas à vous faire
de mise en garde là-dessus et que vous autorisez les questions que le
député de Verchères veut bien poser. Si le ministre - et
c'est son droit le plus strict - décide qu'il s'agit de questions
contraires à l'intérêt public parce que son leader lui fait
accroire que cela peut être dangereux même si ce n'est pas vrai, il
le dira. D'accord? Le ministre de l'Environnement le dira. En
conséquence, vous voudrez bien reconnaître le député
de Verchères, il a d'autres questions à poser.
M. Chevrette: Seulement 30 secondes, sur la question de
règlement, M. le Président.
Le Président: Toujours sur la question de
règlement. M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Sur la question règlement, M. le
Président. Je voudrais faire remarquer à la présidence de
l'Assemblée nationale que l'obligation ministérielle n'est pas de
sauver le gouvernement d'éventuelles poursuites, c'est de
protéger le citoyen du Québec.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mon intervention... M. le ministre, sur la
question de règlement? Pas sur la réponse.
M. Lincoln: Sur la question de règlement.
Le Président: Sur une question de règlement.
M. Lincoln: Question de règlement.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je voudrais rappeler, afin qu'il n'y ait aucun
malentendu, ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir qu'on m'a
donné un avertissement formel qu'il y avait des procédures sur
plusieurs chefs incluant celles en recours collectif qui ont été
déposées au tribunal et qui vont passer devant la cour, je pense,
quelque part en novembre ou quelque chose comme cela. Le recours collectif a
donc été déposé et ce sera entendu bientôt.
Ils m'ont dit: Tout ce que vous dites à l'Assemblée nationale
peut être utilisé dans ces procédures en recours collectif.
C'est donc en vertu de l'article 35.2 ou 35.3 que je suis intervenu en ce
sens.
Le Président: Mon intervention de tout à l'heure,
M. le leader de l'Opposition, à la suite de la question de
règlement de M. le leader du gouvernement, était d'inviter tous
et chacun à la prudence dans un cas semblable. Je n'ai pas à
statuer et je n'ai pas à décider si le ministre doit, ne peut pas
ou est obligé de répondre... Il peut l'alléguer, c'est
prévu à l'article 82 de notre règlement.
Je voulais vous rappeler qu'en vertu des articles 35.2 et 35.3, je vous
invite tout simplement à la prudence. C'est tout ce que j'ai fart. J'ai
même permis à M. le député de Verchères de
poser des questions, mais M. le ministre, tel qu'il vous l'a mentionné,
répondra oui ou non et donnera ses raisons en temps et lieu. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, toujours à propos
de la responsabilité ministérielle du ministre et du
gouvernement. Le ministre est-il prêt à redire ce qu'il a dit dans
l'entrevue publiée par La Presse le 27 août à savoir
qu'il avait pris toutes les précautions nécessaires et qu'il ne
pouvait pas faire plus que ce qui avait été fait au moment
où l'incendie est arrivé? Pouvez-vous toujours soutenir cela,
aujourd'hui, devant l'Assemblée nationale du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je l'ai déjà dit au
député, je ne sais pas à quoi il veut en venir. Ce qui est
dit est dit. Ce que je vais dire aujourd'hui... Je vous ai dit ce matin ce que
j'allais dire. J'ai eu un avertissement formel, et je vais m'en tenir à
cela. Ce que j'ai dit, reste dit. Vous avez La Presse devant vous,
lisez-là, vous le saurez. C'est tout!
Le Président: Toujours en additionnelle, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Toujours en additionnelle. Pourquoi n'avez-vous
pas appliqué les dispositions du règlement sur les déchets
dangereux entré en vigueur au mois d'octobre 1985?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Même réponse, M. le Président. Il
y a des enquêtes formelles qui se font, incluant une enquête du
Procureur général sur tous les agissements du ministère de
l'Environ-
nement dans ce dossier, du premier permis accordé pour
l'entreposage jusqu'à maintenant. Donc, cela m'inclut moi aussi. La
Sûreté du Québec a le mandat le plus large possible
donné par le Procureur général à la demande du
ministère. Donc, toute la lumière va être faite. Vous
pourrez lire le rapport, comme moi je le lirai quand il sera émis.
Le Président: Toujours en additionnelle. M. Charbonneau:
Toujours en additionnelle.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît!
J'aimerais vous reconnaître avant. M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président.
Puisque le ministre ne répond pas, je vais répondre pour
lui et je vais poser une question. Puisque vous avez...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je
ne vous empêcherai pas de poser toutes les questions, mais ce n'est pas
à vous de répondre. M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: ...puisque vous avez...
Le Président: Une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je ne voudrais simplement pas
que le député de Verchères essaie de faire dans
l'Opposition ce qu'il n'a jamais eu l'occasion de faire au pouvoir,
c'est-à-dire répondre aux questions!
Le Président: M. le député de
Verchères, je vous ai reconnu. Vous avez la parole, en
additionnelle.
M. Charbonneau: En additionnelle, M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En
additionnelle, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Puisqu'à cette question le ministre avait
déjà répondu à des journalistes que le
règlement dont il avait hérité était plein de
trous, pourquoi avoir attendu l'incendie de Saint-Basile et trois ans pour
amender le règlement?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je ne vais pas faire un
débat sur la question de Saint-Basile ici. Comme je l'ai dit, il y a
trois enquêtes successives et parallèles qui se font aujourd'hui
sur l'incendie qui a eu lieu, par le commissaire aux incendies, par la
Sûreté du Québec quant à un incendie d'origine
criminelle, par le Procureur général et la Sûreté du
Québec, sur tous les agissements de notre ministère, ce qui
m'inclut dans ce dossier, jusqu'à présent. Donc, vous aurez
toutes les réponses par des personnes objectives, bien plus
qualifiées que vous et moi pour juger de la responsabilité des
gens, incluant la vôtre et la mienne. C'est tout.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Puisque vous avez déclaré à
la presse que vous ne vouliez pas créer de précédent,
est-ce que vous êtes conscient qu'en ne voulant pas créer de
précédent pour vous retrouver gestionnaire du dépôt
de Saint-Basile et peut-être celui de Shawinigan, vous avez pris un
risque calculé et délibéré avec la santé
publique et la santé des écosystèmes des miteux
concernés?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je suis sûr que c'est une opinion individuelle
du député de Verchères qui s'est assis sur son
derrière pendant dix ans comme député de la région,
pendant que l'entrepôt de Saint-Basile était là. Je ne veux
même pas parler des circonstances qui existaient alors, j'ai dit ce que
j'ai dit. Il est le dernier à venir faire la morale aux autres et faire
la petite sainte nitouche dans ce dossier.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle. À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: M. le Président, si le ministre a
seulement cela comme réponse, ce n'est pas fort. Qu'est-ce que vous avez
fait de l'avis juridique du mois de juillet 1985 qui disait
spécifiquement à votre prédécesseur, sur les
entrepôts possédés par M. Levy, dont celui de Saint-Basile,
que le nouveau règlement s'appliquait et donc s'appliquait lorsque vous
avez pris la fonction de ministre de l'Environnement? Qu'est-ce que vous avez
fait avec cet avis juridique?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Uncoln: M. le Président, le député de
Verchères pourra faire le Procureur général tant qu'il le
voudra pour la période de mon administration. Moi, j'aurais pu faire le
Procureur général pour la période précédente
et j'aurais eu aussi beaucoup de choses à dire sur cela. Je lui ai dit:
Je ne vais rien dire aujourd'hui qui va incriminer la position gouvernementale.
Ce qui a été dit a déjà été dit. Je
ne peux rien y faire!
C'est fait. Mais aujourd'hui je vous donne un avertissement formel. Vous
pourrez me poser 25 000 questions, je vais vous répondre la même
chose: Just too bad! C'est comme cela!
Le Président: M. le député de Lévis,
en principale, s'il vous plaît. (15 h 40)
Épandage de produits toxiques sur les routes de
gravelle
M. Garon: M. le Président, ma question était pour
le ministre des Transports, mais comme il y a un volet environnemental
important, je vais la poser directement au ministre de l'Environnement. Jeudi
de la semaine dernière, lors des engagements financiers du
ministère des Transports, le ministre nous a appris qu'il avait
imposé, il y a deux ans, le lignosulfonate comme abat-poussière
sur les routes du Québec. Il le disait tel quel: Auparavant, cela n'a
jamais réussi à traverser les barrières du
ministère, alors que, depuis deux ans, c'est moi qui ai imposé
que l'on fasse cette expérience. Alors, il s'agirait, en fait, que le
ministère des Transports achète des déchets d'usines de
papiers qui s'appellent du sulfonate ou encore de liqueur de sulfitique
usée qui est une liqueur noire qu'on épandrait sur les routes du
Québec qui coûterait deux fois plus cher que les produits
habituellement utilisés et qui seraient deux fois moins efficaces.
Alors, ma question au ministre de l'Environnement est: Est-ce que le
ministre de l'Environnement ou son ministère est au courant ou s'il peut
nous dire qu'il est vrai que près de la moitié du volume des
produits utilisés au Québec comme abat-poussière en 1987
et 1988 était composée de lignosulfonates à base de
calcium ou d'ammonium qui sont des déchets toxiques produits par les
compagnies de papiers?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je vais prendre avis de la question. Je vais vous le
laisser savoir.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnel.
M. Garon: Est-ce que le ministre est au courant qu'il y a
même une étude qui a été produite par la section du
génie de l'environnement de l'École polytechnique de
Montréal, par le Or Claude Delisle, et qui parle de la toxicité
de ces produits, qui indique même que les truites peuvent mourir en
dedans de deux minutes et 26 heures selon que le pourcentage est très
réduit, mais de toute façon les truites meurent...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Votre
question, vous êtes en additionnelle.
M. Garon: ...et que cette étude...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Votre question additionnelle.
M. Garon: ...et que ce produit, aussitôt qu'il y a des
pluies, s'écoule immédiatement dans les fossés puisqu'il
n'est pas durable du tout en aucune façon, s'il y a le moindrement de
pluie sur les routes de gravelle. On sait qu'il y a 10 000 kilomètres de
routes de gravelle sur 40 000 qui sont arrosées par le ministère
des Transports.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: J'ai dit au député que j'allais prendre
avis de la question. Je vais lui donner une réponse le plus tôt
possible.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Je vais juste vous poser une dernière question.
Est-ce que le ministre de l'Environnement veut nous dire que, sur une question
aussi importante, puisqu'il s'agit d'un volume considérable, parce que
cela prend deux fois plus que des produits ordinaires, qu'il s'agit de produits
toxiques, le ministère des Transports n'a pas avisé en aucune
façon le ministère de l'Environnement et qu'il a seulement
procédé de façon interne?
Le Président: Votre question.
M. Garon: C'est cela la question. Est-ce qu'il a
procédé seulement de façon interne sans mettre dans le
coup le ministère de l'Environnement pour déposer sur des routes
des tonnes de produits toxiques qui habituellement allaient dans les
rivières et que, maintenant, on met sur les routes et qui vont y aller
de toute façon? Un peu moins rapidement, mais qui vont y aller.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: J'ai dit au député que j'allais prendre
avis de la question. Je vais consulter le dossier, voir toutes les tractations
qu'il y a eues entre le ministère de l'Environnement et le
ministère du Transport, et l'aviser en conséquence.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Est-ce qu'il serait bon, pour permettre au ministre de
moins fouiller, de lui faire remettre une copie de cette étude
"Carac-térisation physicochimique et toxicité
d'échantil-
Ions de lignosulfonates produites par le Or Del isle...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Garon: ...que le ministre de l'Environnement a trouvé
assez compétent pour...
Le Président: À l'ordre, s'H vous plaît! M.
le député, A l'ordre, s'il vous plaît! Vous êtes en
additionnelle. Votre question.
M. Garon: ...que le ministre de l'Environnement considère
assez compétent pour le faire nommer au Comité consultatif de
l'environnement kativik sur sa propre proposition?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Je ne sais pas à quoi le député
veut en arriver. Je lui ai dit que j'allais prendre avis de la question et que
j'allais lui donner la réponse le plus tôt possible. C'est
tout.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle ou en principale?
M. Charbonneau: En additionnelle. Est-ce que le ministre peut
nous dire si son ministère a délivré un certificat
d'autorisation pour l'épan-dage de tels produits sur les routes rurales
du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: J'aurais bien voulu pouvoir vous dire que je connais
tous les certificats d'autorisation qui ont été
délivrés par mon ministère depuis que j'y suis
jusqu'à aujourd'hui, mais je serais un menteur si je le disais, ce n'est
pas vrai, je ne le sais pas, je vais vérifier, je vais prendre avis, je
vous le laisserai savoir et c'est tout.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître une
troisième principale à M. le chef de l'Opposition.
Défense des intérêts du
Québec auprès du gouvernement fédéral
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Cela fait maintenant
près de trois ans que l'Opposition clame que le Québec n'a pas sa
part du gâteau dans les dépenses et les contrats du gouvernement
fédéral, mais cela fait aussi trois ans qu'on entend le
gouvernement - et le premier ministre en tête - clamer que l'apport pour
le Québec est plus que satisfaisant et qu'il faut continuer à
garder les relations harmonieuses avec le fédéral et avec le
gouvernement en place. Or, depuis quelques semaines, depuis le
déclenchement des élections au palier fédéral, on
se rend compte qu'un ministre de ce gouvernement disait ceci: II y des mamours
qui sont naturels, d'autres moins. À un moment donné il faut
revenir à la réalité. Il ne faut pas que cela devienne du
somnambulisme. Il ne faut pas dormir. Et il a clairement indiqué aux
Québécois que l'unanimité qui semblait exister est loin de
l'être dans les faits. D'un même souffle, un ministre -
celui-là sans quitter, mais le premier organisateur du premier ministre
actuel au Québec - le ministre des Transports, lui, fait campagne aux
côtés d'une équipe libérale - son deuxième
chef M. Turner - et fait équipe pour tâcher d'en arriver à
l'amener au pouvoir, ce qui déchirerait le dossier qui tient le plus
à coeur au premier ministre, c'est-à-dire le dossier du
libre-échange. Donc, il me semble que tout à coup cette belle
unanimité a flanché et on se rend compte que même le
premier ministre commence à être ébranlé, timidement
d'abord, parce qu'il envoie des lettres secrètes au premier ministre, M.
Malroney. Dans un deuxième temps, il dit qu'il va aller rétablir
les faits à Winnipeg, à savoir que le Québec n'est pas
autant un enfant choyé qu'on le dit, alors que c'est lui qui aura
contribué à ce qu'on accrédite, dans le reste du Canada,
que le Québec est vraiment un enfant gâté.
Je voudrais demander au premier ministre s'il va se contenter
exclusivement d'aller rétablir les faits ou si, pour une fois, il va
exiger qu'on rectifie les tirs, qu'on règle les dossiers majeurs, tels
l'agriculture, par exemple, la part qui doit nous revenir en agriculture,
l'agence spatiale, M. le Président, ainsi que la quote-part qui nous
revient dans les contrats de recherche? Est-ce que le premier ministre entend
exclusivement aller rétablir les faits ou crier à la justice pour
le Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je veux féliciter le chef de l'Opposition
pour la pertinence de sa question. Je vais essayer d'y répondre de la
façon la plus étoffée et la plus sobre possible, de
manière à ne pas être privé de questions pour
plusieurs semaines. Je voudrais dire au chef de l'Opposition que je n'ai pas
l'intention de tomber dans l'un des pièges que contenait sa question,
c'est-à-dire, de faire des déclarations qui pourraient me faire
intervenir dans la campagne fédérale. Cela ne veut pas dire que
je ne peux pas répondre à des questions sur les faits. On ne va
pas commencer à passer des commentaires sur ce que Casimir a pu dire
à Barnabe. Le chef de l'Opposition lui-même a déjà
assisté à une réunion d'appui à M. Roch LaSalle. Il
n'a pas de reproches à faire à certains de mes collègues,
lui aussi a eu l'occasion d'appuyer certaines personnalités
fédérales.
Pour ce qui a trait au fond de sa question, je voudrais dire au chef de
l'Opposition que nous
avons défendu les intérêts du Québec, chaque
fois que c'était nécessaire. Le ministre des Finances,
notamment... Je me souviens, je suis intervenu moi-même dans le cas des
accords fiscaux, dans le cas de la recherche et du développement. Le
ministre responsable, le député de Robert Baldwin, ministre du
commerce et de la haute technologie a également fait plusieurs
interventions, a discuté avec les ministres en cause; le ministre de
l'Agriculture... Chaque fois que les intérêts du Québec
étaient en cause nous les avonsr' défendus avec
détermination, acharnement même. Certains dossiers ont
été décidés à la faveur du Québec,
d'autres moins. C'est pourquoi, quand j'ai l'occasion, je rétablis les
faits. C'est ce que je ferai à l'occasion de certaines interventions,
quand je suis personnellement impliqué. M. Broadbent m'a personnellement
impliqué hier sur le libre-échange - j'aurai des occasions de lui
répondre. Si cela se présente dans d'autres cas aussi. Je veux
rassurer le chef de l'Opposition sur la volonté inébranlable du
gouvernement de défendre les intérêts du Québec,
quelles que soient les personnes en cause. (15 h 50)
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je comprends que le premier
ministre nous dise qu'il va réactualiser les dossiers, mais, est-ce
qu'il a l'intention de dire, par exemple en matière d'agriculture, que
c'est tout à fait impensable ce que le Québec a reçu par
rapport aux sommes mirobolantes - 700 000 000 $, près du 1 000 000 000 $
- qu'on a envoyées dans l'Ouest, et rien pour le Québec, alors
qu'on représente 26 % de la population? Est-ce que le premier ministre a
l'intention de s'enquérir - en pleine campagne électorale, c'est
le moment de faire se mouiller les chefs de parti - de l'agence spatiale, par
exemple, qui ne cesse de maigrir sans qu'on sache si elle se posera un jour ou
l'autre sur le sol québécois? Est-ce qu'il a l'intention de
prendre le train en même temps que ses collègues provinciaux
essaient de le faire dans le Canada tout entier ou s'il ne risque pas de se
ramasser avec une corde à l'autre bout, là, et de traîner
sur les remparts?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II y a quand même des dossiers qui ont
été réglés depuis quelques semaines. Je pense aux
érablières, à l'entente avec le ministre Bourbeau pour les
travailleurs âgés de plus de 55 ans, PATA. Donc, il y a quand
même des dossiers qui ont été réglés mais je
suis d'accord avec lui sur le fait que, dans certains dossiers, la situation
n'est pas satisfaisante, loin de là. L'agriculture en est un, la
recherche et le développement en est une autre, je l'ai moi-même
signalé de même que le député de Westmount et le
ministre de l'Éducation, la semaine dernière, au sommet
très réussi organisé par le ministre responsable du
Commerce et de l'Industrie. Nous avons démontré, à ce
moment-là, que sur cette question, nous ne pouvions accepter la
situation actuelle quant aux subventions de recherche accordées au
Québec et aux autres provinces. J'ai signalé aussi, pour ajouter
même aux questions additionnelles du chef de l'Opposition, toute la
question de l'énergie, les subventions qui ont été
données dans d'autres provinces, dans d'autres régions. Le
Québec n'a jamais reçu un cent pour développer son
hydro-électricité, alors que l'Ontario, pour développer
l'énergie nucléaire, a reçu au-delà de 4 000 000
000 $. On pourrait parler de la canalisation du Saint-Laurent, on pourrait
parler du pacte de l'auto. On voit, M. le Président, comment il y a une
certaine similitude entre les deux partis, entre l'Opposition... Je veux
féliciter le chef de l'Opposition de me permettre de mettre en relief
cette solidarité qui existe à l'Assemblée nationale en ce
qui a trait à la défense des intérêts du
Québec.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, vous me permettrez de
féliciter le premier ministre qui, pour une fois, admet que le
Québec n'est pas un enfant gâté du régime
fédéral. Vous me permettrez également d'inviter le premier
ministre à nous expliquer comment il peut concilier que son
équipe - dans un premier temps, un groupe de soldats - travaille pour
faire élire le groupe Turner qui, lui, veut abolir le traité du
libre-échange tandis que lui se dit aussi favorable au
libre-échange, le dossier le plus cher auquel il lui a été
donné de participer. Comment peut-il concilier une telle
cohérence gouvernementale?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: En ce qui a trait à la cohérence, M.
le Président, je pourrais renvoyer des exemples au chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui.
M. Bourassa: Sans même vous référer à
la campagne fédérale - parce que je ne veux pas intervenir dans
la campagne fédérale - je vous réfère à
l'élection partielle du 20 juin, alors que le député de
Lac-Saint-Jean disait "urbi et orbi" que M. Bouchard était assuré
de gagner le matin de l'élection. Le député peut
peut-être confirmer ce que je dis, il était prêt a parier
n'importe quel montant sur la victoire de M. Bouchard. Pourtant, M. Bouchard
est un fédéraliste et le député de Lac-Saint-Jean
ne l'est pas, du moins jusqu'à nouvel ordre.
Une voix: Pas pour le moment. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais demander au
premier ministre s'il considère le dossier du libre-échange
à ce point majeur qu'aucun de ses ministres ne doive s'impliquer pour y
faire obstacle?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: D'abord, il faut dire que le Parti libéral
fédéral n'est pas contre la libéralisation des
échanges. Il y a plusieurs candidats libéraux qui disent
même - il y en avait un dans la Beauce, hier - qu'ils sont d'accord pour
le libre-échange. Alors, on ne peut quand même pas tirer la
conclusion générale que tous les candidats libéraux
fédéraux - et je ne fais que citer des faits - sont hostiles au
libre-échange. Le ministre des Transports a dit lui-même qu'il
était tout à fait d'accord avec le libre-échange. J'ai dit
que, sur le plan personnel, il y avait une liberté d'action qui n'est
pas nouvelle, elle date depuis des décennies, mais que le gouvernement
comme tel et le Parti libéral du Québec, dans cette
élection, respecteraient la tradition suivie depuis près de 50
ans, depuis 1939. Sur le plan individuel, cela n'empêche pas des
députés à cette Assemblée nationale ou des
ministres d'appuyer un ou plusieurs candidats. Cela n'affecte d'aucune
façon la politique et les objectifs du Parti libéral du
Québec.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Une dernière additionnelle, M. le
Président. Est-ce que le premier ministre reconnaît que, pour une
fois depuis trois ans, H vient de réaligner son tir et qu'il sent le
besoin d'effacer, dans tout le Canada, l'image que lui-même a
contribué à accréditer, en ce sens que le Québec
était un enfant gâté du système
fédéral?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'ai donné plusieurs exemples tantôt.
Dès le budget de 1986, j'ai donné plusieurs exemples au chef de
l'Opposition des luttes qui ont été faites. Ce n'est pas la
première fois que j'ai dit que le Québec n'est pas un enfant
gâté. J'ai accepté d'aller à Winnipeg, à
l'invitation de M. Filmon qui m'a demandé de m'y rendre pour discuter de
la ratification de l'accord du lac Meech. Cela me donnera l'occasion de
répondre à tous ceux qui ont fait des affir- mations sur la
portée de cet accord, de rétablir des faits, de discuter
également de questions économiques, de la question des taux
d'intérêt. Cela m'étonne qu'il n'y ait pas de question
aujourd'hui sur les taux d'intérêt. C'est quand même
important pour l'économie du Québec.
Des voix:...
M. Bourassa: Tant mieux s'il y en a, je les attends avec plaisir.
Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est que notre position est
toujours guidée uniquement et continuellement par les
intérêts du Québec.
Une voix: C'est cela.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître une
quatrième principale à M. le whip de l'Opposition et
député de Lac-Saint-Jean.
Respect d'une directive sur les conflits
d'intérêts
M. Brassard: M. le Président, nous apprenions cet
été que le ministre délégué aux Mines avait
transgressé la directive sur les conflits d'intérêts
puisque non seulement une des sociétés dans laquelle sa conjointe
avait des intérêts a fourni des biens au gouvernement, ce qui est
interdit par l'article 2, mais, en plus, le ministre omettait depuis plus de
deux ans de déclarer que sa femme détenait des
intérêts dans une compagnie susceptible de faire des
marchés avec l'État, l'article 6. Malheureux exemple de manque de
dialogue entre époux. Au lieu de demander, M. le Président...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le whip de l'Opposition, en principale, votre question.
M. Brassard: Or, au lieu de demander la démission du
ministre, comme il l'avait fait dans le cas du député de Chambly,
alors que dans le cas du député de Chambly il s'agissait, selon
lui, d'une apparence de conflit d'intérêts, le premier ministre
absout et donne sa bénédiction au ministre et lance ainsi un
message à tous ses ministres, un message qui consiste à dire:
Écoutez, vous pouvez transgresser ma directive, ce n'est pas grave, je
vous pardonne à l'avance. Ma question, M. le Président, est la
suivante: Pourquoi le premier ministre n'applique-t-il pas, dans le cas du
ministre délégué aux Mines, l'article 5 de sa propre
directive qui stipule qu'en cas de marché avec l'État en
dérogation de sa directive, la commission de l'Assemblée
nationale est informée de tous les détals du marché et
peut ainsi examiner ensuite en profondeur cette grave dérogation?
Pourquoi n'applique-t-il pas lui-même sa propre directive dans
ce cas-là?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je remercie le député de sa question.
Cela va peut-être me permettre de clarifier certains aspects de cette
question. D'abord, en ce qui a trait à la démission, je suis
étonné par son affirmation parce que lui-même, à
l'occasion d'une conférence de presse qu'il a donnée avec le chef
de l'Opposition sur un autre sujet, à la suite des questions des
médias, avait refusé de demander la démission du ministre
délégué aux Mines. Lui-même trouvait que cela ne
justifiait pas une demande de démission. M. le Président, je peux
citer le député au texte, s'il le veut. (16 heures)
Pour ce qui est du fond de la question, je référerais le
député à l'article 2, paragraphe 2 qui permet un certain
montant de l'ordre de 5 % pour éviter les cas minimes qui peuvent
s'appliquer. Il n'y a donc pas eu dérogation comme telle. Parce que si
on prend l'exemple du kiosque dans le centre commercial en question, il s'agit
d'une transaction globale de 2400 $ pour les trois années. Comme la
proportion de l'épouse est de la moitié de 1 %, la transaction
brute est donc de 12,50 $.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, je sais que le
député l'a comparée avec la situation de M. Stevens. Mais,
si ma mémoire est bonne, on est loin d'une subvention de 2 500 000 $ par
le ministre. 12,50 $. Si c'est avec cela que vous voulez créer un
automne chaud, comme vous l'avez dit, vous devriez être un peu plus
sérieux. Alors, ce que je dis...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre!
M. Bourassa: ...M. le Président, c'est que le ministre m'a
fait part qu'il n'était pas au courant - et je ne conteste d'aucune
façon sa bonne foi - des placements de la société de
gestion où son épouse détient un poucentage minime.
Lorsqu'il a été mis au courant, il a lui-même pris
l'initiative de l'inclure dans la déclaration et ensuite de
procéder à la vente de ces actifs-là qui étaient
quand même minimes. Il faut quand même dire que cela reste de
l'ordre de 5 %. Donc, dans ce contexte-là, si on examine les faits d'une
façon objective, je crois que le député de Lac-Saint-Jean
devrait être d'accord avec moi pour signaler que le ministre a d'abord
pris lui-même l'intiative de faire la correction et qu'il a ensuite
posé les gestes pour éliminer, non seulement un conflit
d'intérêts... Cela n'a pas été fait à la
suite d'une campagne de presse ou de questions de l'Opposition. C'est le
ministre qui a découvert cela et qui a décidé de le faire.
Et pourtant, il s'agissait de 12,50 $ sur trois ans, dans un cas, 12,50 $
brut!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, il faut quand même
garder le sens de la mesure. Je ne blâme pas le député de
Lac-Saint-Jean de poser des questions sur l'intégrité du
gouvernement. Je l'encourage à le faire. Mais pour qu'il puisse le faire
d'une façon efficace et crédible dans l'avenir, je lui demande de
garder le sens de la mesure.
Le Président: M. le whip de l'Opposition et
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, le premier ministre revient
toujours au kiosque de Loto-Québec, mais est-ce qu'il est au courant que
la conjointe du ministre délégué aux Mines détenait
7,5 % d'actions dans une société familiale qui, elle, a
reçu des contrats de plus de 200 000 $ du ministère des
Transports, dont certains sans soumissions, et des subventions pour des projets
de recherches? Cela m'apparaîl beaucoup plus important que
d'ânonner sur le kiosque de Loto-Québec. Et je n'ai pas
terminé ma question. Dans ces conditions, pourquoi le premier ministre
n'applique-t-il pas tout simplement sa directive qui dit que, dans des cas de
dérogation, la commission de l'Assemblée nationale est
appelée à examiner l'ensemble du dossier et tous les documents
pertinents? C'est sa directive qui stipule cela. Pourquoi n'applique-t-il pas
sa directive?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'ai répondu tantôt qu'il y avait dans
les directives comme telles, pour éviter des situations où des
ministres en l'occurrence devraient être forcés de vendre, de
permettre un certain pourcentage. Dans le cas qui nous intéresse, le
ministre va au-delà des directives. Pour ce qui a trait au contrat, je
croyais avoir fait parvenir au député la lettre du 2 septembre
signée par un haut fonctionnaire du ministère des Transports, qui
expliquait ce qui était arrivé dans ce cas-là. Alors que
c'est écrit que pour... Et cela a commencé en 1984. Les contrats
en question ont commencé en 1984-1985 alors que vous étiez au
pouvoir et le Service général des achats nous indique qu'il a
procédé...
Le Président: À l'ordre!
M. Bourassa: ...par invitation, étant donné que
Rayco Itée était le seul fabricant connu, la première
commande de 1988 a été remplie de la même façon.
J'ai fait faire enquête. J'ai demandé au secrétaire
général d'examiner tous les faits. Il l'a demandé au
ministère des Transports. Le ministère des Transports a fait
enquête et il a
dit que c'était la seule compagnie qui pouvait remplir cette
commande-là. Et, encore là, cela reste dans l'ordre de 5 %. Je
vais faire parvenir une copie de la lettre au député de
Lac-Saint-Jean pour le rassurer sur cet autre point qui concerne le
ministre.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, une
dernière question additionnelle très brève.
M. Brassard: M. le Président, pourquoi le premier
ministre, qui semble nous dire qu'il y a rien là, ne suit-il pas sa
directive? Pourquoi n'envoie-t-il pas ces documents: la lettre ou
l'enquête de son secrétaire au Conseil exécutif, une lettre
de fonctionnaires du ministère des Transports, la nature des contrats
négociés par la firme en question, tous ces documents pertinents
à la commission de l'Assemblée nationale pour que cette
dernière examine l'ensemble de l'affaire? Qu'est-ce qu'il craint, le
premier ministre? De quoi a-t-il peur dans cette affaire?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne crains surtout pas la
démagogie du Parti québécois sur ces questions-là.
Là-dessus, le député de Lac-Saint-Jean, je lui fais
même confiance un peu plus, du moins jusqu'à maintenant. Il a fait
des suggestions utiles, j'en ai accepté, notamment sur la question du
mandataire. Je lui dis, sur cette question-là, que nous avons
posé les questions. Nous en sommes venus à la conclusion qu'il
n'y avait pas dérogation comme telle en raison des documents
eux-mêmes. Je ne vois pas l'utilité d'une commission parlementaire
quand les faits sont prouvés, sont nets et qu'il n'y a pas
dérogation. C'est simplement pour aller au-delà, non seulement
des conflits d'intérêts, mais au-delà. Le chef de
l'Opposition veut revenir sur cette question. Il y aura, dans quelques jours ou
quelques semaines, une commission sur les engagements financiers à
laquelle je serai présent. Je serai prêt, comme je l'ai fait l'an
dernier, à répondre à toutes les questions en
détail sur ce problème-là. Je vous dis que, comme chef du
gouvernement, j'ai été rassuré par l'enquête qui a
été faite par le Secrétaire général du
gouvernement et, M. le Président, pour conclure, parce que nous avons
dépassé de quelques minutes, comme la preuve a été
faite, la preuve documentaire a été faite qu'il n'y a pas de
conflit d'intérêts, je ne vois pas l'utilité de convoquer
une autre commission parlementaire là-dessus.
Le Président: Fin de la période de questions et de
réponses orales.
Cet après-midi, II n'y aura pas de vote reporté.
Je demanderais la collaboration de tous étant donné que,
cet après-midi, il y a plusieurs motions sans préavis.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, avant que nous
procédions aux motions sans préavis...
Le Président: Non, on va attendre les gens. Pour vous
permettre d'être entendu, M. le leader du gouvernement, je demanderais la
collaboration de tous. On ne procédera pas aux motions sans
préavis si vous n'avez pas regagné vos sièges.
Je vais maintenant céder la parole à M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: M. le Président, comme vous l'avez
souligné, il y a plusieurs motions sans préavis et, en tenant
compte du fait qu'une commission parlementaire doit entendre des invités
qui sont déjà sur place, pourrais-je faire maintenant les avis et
informer l'Assemblée nationale qu'aujourd'hui, de 15 h 30 à 17
heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, de même que demain,
le 19 octobre, de 10 heures à 13 h 30, et ce de consentement avec
l'Opposition, à la salle du Conseil législatif, la commission des
Institutions poursuivra ses auditions dans le cadre de sa consultation
générale sur le document intitulé, "Les droits
économiques des conjoints". Je donne également le préavis,
M. le Président, qu'une fois adopté le principe du projet de loi
43, Loi sur la Bibliothèque nationale du Québec, la commission de
la culture procédera à l'étude détaillée
dudit projet de loi à la salle Louis-Joseph-Papineau ce soir de 20
heures à 22 heures.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
siéger jusqu'à 13 h 30, tel que demandé par M. le leader
du gouvernement?
M. Gendron: Oui, M. le Président. Effectivement, il y a
consentement...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron:... pour permettre à la commission dont le
mandat est d'entendre des intervenants de procéder le plus rapidement
possible.
Le Président: Merci, M. le leader de l'Opposition.
Est-ce qu'il y a d'autres avis? M. le leader du gouvernement, nous
allons procéder aux motions sans préavis.
La première motion sans préavis est
présentée par Mme la ministre des Affaires culturelles. Mme la
ministre des Affaires culturelles.
Motions sans préavis
Hommage à Félix Leclerc
Mm» Bacon: M. le Président, je sollicite le
consentement des membres de cette Assemblée relativement à
la motion suivante: "Que les membres de cette Assemblée rendent hommage
à Félix Leclerc".
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
débattre de cette motion, M. le chef de l'Opposition?
M. Chevrette: Consentement.
Le Président: II y a consentement. Mme la ministre des
Affaires culturelles, vous avez maintenant la parole. (16 h 10)
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, le Québec a perdu,
l'été dernier, l'un de ses plus éminents hommes de lettres
et chansonniers en la personne de Félix Leclerc. De tout le monde
francophone, les témoignages d'admiration et de respect ont surgi comme
si, en l'espace de quelques heures, la contribution gigantesque de Félix
Leclerc à notre culture était mise à jour.
Les Québécoises et Québécois n'avaient
cependant pas besoin de ce flot soudain de marques de reconnaissance pour
saisir toute l'influence dont a joui Félix Leclerc sur notre culture et
notre façon d'être. Relater les étapes d'une
carrière qui allait révéler le Québec au reste du
monde, et principalement à la France, serait sans doute trop long, mais
il demeure toutefois possible de synthétiser son apport à notre
culture en affirmant qu'il a incarné de façon remarquable les
valeurs de la société québécoise par la voie de la
générosité, de la fierté et du don de soi.
Fier du Québec, de son peuple et de son histoire, Félix
Leclerc le fut et ne manqua jamais de transmettre ce sentiment à ses
compatriotes. L'oeuvre de Félix Leclerc transcende la politique et se
mérite l'admiration des gens de toute allégeance. Son oeuvre, du
P'tit Bonheur au Tour de l'île en empruntant le Train du Nord, en a fait
l'une des plus grandes figures de l'histoire culturelle
québécoise.
Sa vie fut le reflet de la terre qui l'a vu naître comme des gens
qu'il a côtoyés et aimés. Il a su traduire dans cette
oeuvre le mouvement des saisons comme celui de l'âme
québécoise qui se façonne au fil des
générations.
Une oeuvre qu'un soir d'été au crépuscule de sa vie
dans son île ancestrale, il résuma en ces mots: "Pas
d'affrontement dans mon oeuvre, c'est une oeuvre frileuse, peureuse comme moi.
Rangez-moi avec les musiciens, les outardes, les innocents, les contemplatifs.
Toute ma vie loin de la foule, mais aussi toute ma vie, seul en face d'elle,
à défaire des noeuds."
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole sur cette même motion à M. le chef de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. L'Opposition joint
sa voix aux très nombreux témoignages exprimés à
l'occasion du décès de Félix Leclerc survenu le 8
août dernier dans sa demeure de ITle d'Orléans. Avec ce
départ, le Québec perd à la fois une grande figure
culturelle, le premier barde du pays et un des grands personnages de notre
histoire. Il restera à jamais présent dans la mémoire
collective des Québécois et des Québécoises.
Félix l'artiste. À peu près tout a
été dit sur la place de premier plan qu'a occupée
Félix Leclerc dans le paysage culturel du Québec pendant plus de
40 ans et sur les grandes étapes de sa carrière. Félix le
conteur d'Adagio, d'Allégro, d'Andante, Félix le dramaturge,
l'auteur de nombreux poèmes, romans, récits. Félix qui, en
1950, part tenter sa chance en France avec sa guitare et ses mots tout simples
et qui récoltera un véritable triomphe. Félix qui devient
le premier de nos chansonniers, le père de la chanson
québécoise, l'inspirateur de tous ceux et de toutes celles qui
emboîteront le pas à sa suite. Félix dont la
qualité, la réson-nance de l'oeuvre en ont fait un porte-parole,
un haut parleur du Québec dans le monde francophone.
Félix l'homme engagé. Félix qui par ses chansons
avait si bien décrit l'identité québécoise, prend
le chemin de l'engagement politique en 1980 à l'occasion des
événements que l'on connaît tous. C'est l'Alouette en
colère. Une colère positive qui doit mener notre peuple a
l'émancipation.
Félix sera à sa façon, l'une des plus belles
façons qui soit d'ailleurs, un militant de l'indépendance. En
1980, le chanteur du pays montre du doigt la direction. En une nuit, finis les
porteurs d'eau, finis les gros doigts d'étrangers dans nos papiers de
famille. Comme tant d'autres, il restera estomaqué et cruellement
déçu par la défaite référendaire.
Au cours des dernières années, Félix participera au
combat pour la défense et la promotion de la langue française au
Québec. Ce précieux héritage qui ne devrait subir aucune
compromission, aucun "traficottage". Sa plume en nouveau
enfiévrée, parfois cinglante puisqu'il le faut, vient nous le
rappeler. En somme, M. le Président, en Félix Leclerc le
Québec a connu un véritable patriote, un poète plus grand
que nature. Le géant de l'île, comme on l'a affectueusement
appelé, nous a donné beaucoup, ce supplément d'âme
dont tous les peuples ont besoin pour survivre, progresser et s'affirmer. La
dette est donc immense, M. le Président. Disons-lui simplement merci du
fond du coeur.
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: M. le Président, je suis à la fois
très heureux et ému de pouvoir unir ma voix à celle de ces
Québécoises et Québécois qui ont voulu rendre un
dernier hommage à cet humble poète parmi les grands que fut
Félix Leclerc. Descendant d'une lignée dont je porte
fièrement le nom et me réclame des mêmes aïeux,
Félix Leclerc restera pour la jeunesse et pour nous tous le
poète-chansonnier rustique, épris de la nature, spontané
et personnel dans ses appels à la liberté.
Que nous partagions ou non sa vision du Québec de demain, il fut
un homme droit comme un arbre, un homme qui n'a jamais voulu plier
l'échine, un homme qui est resté fidèle à
lui-même toute sa vie. Il a chaussé courageusement ses vieux
souliers et il a parcouru sa terre de long en large, égrenant sur sa
précieuse guitare des milliers de notes qui ont fait vibrer toute une
génération, et ça continue. Son P'tit bonheur, il l'a
transporté outre-mer et c'est sans doute grâce à lui que
l'on a fini par redécouvrir et reconnaître ce peuple de parlant
français que nous formons en Amérique. Tout en lui était
musique; tout en lui chantait. Même les titres de ses ouvrages ont
été choisis en fonction de la musique. En 1943, nous avons eu
Adagio, puis viennent ensuite Allegro et Andante, en 1944. Enfin, heureux
présage de son amour pour la terre et les voyages, il nous a
livré, en 1947, Pieds nus dans l'aube et Moi, mes souliers, en 1955.
Cette foi en la terre, cet attachement à son île, cet amour pour
la nature et sa fierté de la langue française, voilà
autant d'héritages qu'il nous a laissés. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Toujours sur la même motion, je
vais maintenant céder la parole à M. le député de
Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci, M. le Président. Félix, le
patriarche au regard bleu, vient de tourner de l'oeil. Sur le socle de
l'île d'Orléans, il n'est plus là guettant le moment de
brandir son fanal pour nous donner le signal. Le philosophe, l'orienteur, le
poète, le musicien, le chanteur, tous ces souffles se sont
éteints en un seul homme. Il n'est pas de force assez hasardeuse pour le
juger. Le temps et l'histoire sont les seules valeurs, les réelles qui
le permettront. Il est trop grand; il est trop rempli de tout. Mais l'humain
qui m'habite vibre de reconnaissance devant ses écrits; l'humain qui
m'habite pleure l'arrêt de ses productions. Les Québécois
et les Québécoises ne peuvent continuer de parfaire ses charges
et ses sonnets, mais ils peuvent les mieux connaître et, surtout, les
mieux endosser à l'avenir. Le phare national de l'île a jailli de
tant de lumière que jamais plus le Québec ne pourra vivre dans
l'obscurité. Tout simplement pour tout, Félix, merci.
Le Vice-Président: Le débat étant clos,
est-ce que cette motion de Mme la vice-première ministre et ministre des
Affaires culturelles pour rendre hommage à M. Félix Leclerc est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-President: Adopté.
Toujours concernant les motions sans préavis, à nouveau,
Mme la vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles.
Mme Bacon: M. le Président, je sollicite le consentement
des membres de cette Assemblée sur la motion suivante: "Que les membres
de cette Assemblée adoptent une motion en hommage à M. Jean
Marchand".
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour
débattre de cette motion?
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: II y a consentement. Alors, Mme la
vice-première ministre.
Hommage à M. Jean Marchand Mme Lise
Bacon
Mme Bacon: M. le Président, lorsqu'un homme ou une femme
politique nous quitte, les historiens veulent naturellement évaluer sa
contribution à la société qu'il a servie. Ce sera le cas
pour le regretté Jean Marchand, une des trois colombes, qui, avec Pierre
Elliott Trudeau et Gérard Pelletier, ont fait leur entrée en
politique en 1965 et ont occupé plusieurs portefeuilles majeurs dans les
gouvernements Pearson et Trudeau.
Pour bon nombre de personnes, Jean Marchand était avant tout un
homme politique. Mais il faut se rappeler qu'avec le décès de ce
monument de la société québécoise, nous perdons
l'un des hommes qui ont façonné le Québec moderne, l'un
des artisans de la révolution tranquille sans laquelle nous ne serions
pas ce que nous sommes aujourd'hui. (16 h 20)
Jean Marchand a été de ceux qui ont participé
activement à la naissance du syndicalisme moderne, un syndicalisme libre
de toute entrave et laïc. À titre de président de la CSN, il
fut également un pionnier de la révolution tranquille, un
partenaire de ces réformes, de la naissance du ministère de
l'Éducation à la syndicalisation de la fonction publique.
Impulsif, bouillant, explosif même, passionné, N laissait
les intellectuels de l'époque à leurs abstractions et avait
trouvé, dans l'organisation des luttes des travailleurs pour des
conditions de travail et des salaires décents, la
voie pour précipiter les changements sociaux qu'il attendait
impatiemment au Québec.
Leader social naturel, comme l'écrivait Gérard Bergeron,
Jean Marchand aura donc été de tous les grands débats qui
agitaient le Québec des années soixante. Par ailleurs, c'est la
même fougue et la même passion que Jean Marchand a
déployées dans l'arène fédérale à
partir de 1965 pour la construction d'un Canada fort, mais aussi pour la lutte
aux disparités régionales.
Même s'il a choisi de poursuivre sa bataille contre les
inégalités sociales sur la scène fédérale,
une chose demeure certaine, Jean Marchand aura toujours été un
ardent défenseur des intérêts du Québec dans le
reste du pays. Tout au long des étapes de sa longue carrière, M.
Jean Marchand n'aura donc laissé personne indifférent, tant par
ses réactions parfois vives que par ses prises de position souvent
radicales. Ses conflits sont à son image, celle d'un homme de combat,
bouillant et émotif, pas celle d'un être prêt à faire
des concessions pour plaire. Jean Marchand était un militant courageux,
prêt à se battre pour ses convictions, même si elles
allaient à l'encontre des idées reçues.
Tant comme syndicaliste que comme politicien, il s'est donc
révélé un homme d'action dynamique et efficace qui puisait
sa remarquable énergie dans ses racines profondes. Il y a peu de
Québécois qui ont consacré leur vie à l'avancement
du Québec moderne. On en compte à peine une poignée, et
Jean Marchand est de ceux-là. C'est pourquoi nous devons à ce
pionnier notre respect et notre gratitude.
Le Vice-Président: Sur la même motion, M. le
député de Laviolette et leader adjoint de l'Opposition.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec
stupéfaction que nous avons d'abord appris, au courant de
l'été, le malencontreux accident de M. Jean Marchand et, au mois
d'août dernier, sa mort subite. Cette mort a arraché au
Québec une personne très connue.
Pour ceux et celles qui l'ont connu de près, Jean Marchand
était un poète, un être sensible et un être
passionné de justice. Cette passion pour la justice contre
l'écrasement des faibles, l'abus du pouvoir et surtout l'injustice
massive et tranquille des privilégiés, c'est dans le monde
syndical qu'elle s'exprima le plus clairement. C'est lors de la grève de
l'amiante, par ses discours électrisants, que Jean Marchand commencera
à s'illustrer comme un leader social de première importance. Par
la suite, c'est comme secrétaire général et
président de la CSN que Jean Marchand se révélera comme un
bagarreur acharné pour l'amélioration du sort des plus
faibles.
Jean Marchand concevait le syndicalisme comme un instrument par lequel
les travailleurs devraient agir ensemble sur la société bien
au-delà du champ d'application des conventions collectives. C'est sous
sa responsabilité que la CSN, au cours des années soixante,
deviendra une force politique de première importance au Québec,
et ce, autant par le nombre grandissant de ses membres que par la multitude et
le sérieux des interventions de cette centrale dans tous les dossiers
chauds de la société.
Jean Marchand a été un puissant agent de changement
à une période névralgique du syndicalisme
québécois. Sa mort est une perte importante pour la
société québécoise.
En mon nom personnel, au nom de mes collègues de
l'Assemblée nationale et au nom de mes concitoyens et concitoyennes de
la Mauricie d'où était natif Jean Marchand, j'aimerais offrir
à sa famille, à ses amis, mes plus sincères
condoléances.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de Mme la
vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles pour rendre
hommage à M. Jean Marchand est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Pour une autre motion
sans préavis, je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux.
Hommage à M. Claude Brunet
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'aimerais
demander le consentement de l'Assemblée nationale pour que nous rendions
hommage à M. Claude Brunet, fondateur du Comité provincial des
malades, décédé le 15 juillet dernier.
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour
débattre cette motion?
M. Gendron: Adopté.
Le Vice-Président: II y a consentement. Alors, Mme la
ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à
vous.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Je pense que personne ne pouvait ignorer M.
Claude Brunet. Tous se rappelleront celui qui fut à la tête des
plus grands débats sur les droits des malades. Rivé à une
civière toute la journée, jour après jour, il n'en a pas
moins rejoint des milliers de malades par ses visites. Lorsque son sourire
apparaissait à la télévision, il leur laissait savoir
à quel point ils étaient tous importants.
Cet homme profondément engagé en aura surpris plus d'un
lorsque, malheureusement à quelques reprises, les syndicats et le
gouverne-
ment arrêtaient leur combat pour écouter le "porte-voix" de
ceux qu'on avait peut-être trop tendance à oublier dans ces
négociations. Sans aucun doute, j'ai toujours admiré le courage
avec lequel il menait ce combat pour les plus démunis, pour ceux qui
sont souvent sans défense, particulièrement quand on pense
à tous ceux qui comme lui vivent à l'intérieur
d'hôpitaux de soins prolongés ou de centres d'accueil et
d'hébergement. Mais j'ai également admiré ce courage qui
l'a mené au-delà de sa maladie. Je pense qu'il est pour nous tous
l'exemple de ceux qui continuent à vivre pleinement même si leurs
capacités sont diminuées.
Je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que,
jusqu'à la fin, il fut le champion de la vie malgré tout, et ce
dans une sérénité et un calme toujours apparents. J'ose
croire que son exemple, j'en suis certaine, a souvent été une
flamme régénératrice pour ceux qui allaient abandonner. Je
pense que Claude Brunet nous aura tous et toutes touchés quelque part au
fond de nous-mêmes. Je suis convaincue qu'il n'a laissé personne
insensible. Je suis convaincue que sa ténacité et son sens du
dépassement resteront toujours gravés dans nos
mémoires.
J'ai eu, ce que je considère un privilège très
grand, l'occasion de le rencontrer souvent, à plusieurs reprises. Je
pense qu'on était impressionnés par ce
désintéressement qu'il avait, par cet amour qu'il avait des
autres et, particulièrement, des plus faibles. Jamais
d'agressivité, toujours beaucoup de rationalité. Je pense qu'il a
vraiment sensibilisé l'ensemble de la population, mais plus
particulièrement les décideurs, ceux qui ont la
responsabilité de prendre des décisions dans des domaines aussi
importants que la santé et les services sociaux. Il les a toujours
appelés à se souvenir de ceux pour qui ils étaient
là.
Je voudrais, en terminant, M. le Président, ajouter à
l'intention de sa mère, de son épouse et de sa famille, que nous
partageons la tristesse qu'elles ont d'avoir perdu un être aussi cher. Je
voudrais également offrir à tous ses proches collaborateurs qui
continuent son oeuvre et qui la poursuivent avec un grand esprit de
désintéressement et d'équilibre, parce qu'il est parfois
facile de se servir d'une cause aussi touchante que celle-là pour faire
ce que j'appellerais de la sensiblerie et même à l'occasion, je le
mets entre guillemets, "une certaine démagogie". Ce n'était
jamais le cas de Claude Brunet et ce n'est pas le cas non plus de ceux qui
suivent ses traces et que j'ai eu, d'ailleurs, l'occasion de rencontrer depuis.
Dans les quelques dossiers qu'ils m'ont présentés, ceux-ci ont
fait valoir véritablement des problèmes qui, si peut-être
ils ne peuvent pas tous trouver une solution immédiate, sont
néanmoins des problèmes réels.
Je veux les assurer que je ne ménagerai aucun effort et que notre
gouvernement aussi m'appuiera dans tout ce que nous pourrons entreprendre pour
tenter de répondre aux attentes qu'ils nous ont indiquées et la
dernière dont Us nous ont fait mention et dont M. Brunet m'avait fait
mention la dernière fois que je l'ai rencontré, c'était
cette cohabitation des malades lucides avec des malades qui non seulement ne
sont pas lucides, mais qui étaient surtout des malades qui perturbaient
la vie des autres. Je me rappelle fort bien qu'il m'a dit: Des lucides
et des non-lucides peuvent vivre ensemble, mais ceux qui viennent vraiment
perturber la sérénité des autres, c'est là que les
difficultés commencent. (16 h 30)
Je dois vous dire que c'est un dossier qui fait partie de mes
préoccupations. J'espère que nous pourrons progressivement
trouver une réponse adéquate. Si je mentionne cette
dernière préoccupation dont M. Brunet m'avait fait part, c'est
pour dire que s'iI est parti, 1 y en a qui continuent son oeuvre; I y en a
beaucoup qui croient en ce qu'il faisait et je suis certaine que nous pouvons
continuer dans la même veine. Cet hommage que nous rendons aujourd'hui
à M. Claude Brunet est bien peu, je pense, pour dire tout ce qu'il nous
a appris. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Avant de poursuivre le débat, je
demanderais à Mme la ministre de bien vouloir déposer le texte de
sa motion. Nous poursuivons, maintenant, avec l'intervention de Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Au nom de
l'Opposition, je voudrais me joindre à la motion présentée
pour rendre hommage à M. Brunet.
M. Brunet, président fondateur du Comité provincial des
malades, a eu une influence marquante sur l'évolution de la
qualité et de la quantité des services offerts aux malades dans
les établissements du réseau de santé au Québec. M.
Brunet, de sa civière, était devenu familier aux
Québécois et aux Québécoises. Peu connu pour ne pas
dire inconnu quelques années plus tôt, il a su nous
démontrer et faire la preuve qu'on était capables, lorsque le
courage et la détermination nous habitent, de nous mettre au service des
autres en dépit d'un handicap très lourd.
Au cours de ses interventions multiples en commission parlementaire ou
à l'occasion de conférences de presse, de visites et de
discussions, il a su dénoncer avec vigueur et conviction la situation
pénible, voire quelquefois inhumaine, que vivaient certains malades et
handicapés dans les établissements d'accueil et
d'hébergement. Encore plus, je pense, I a su nous faire comprendre
à nous qui n'avons pas ces handicaps, les attentes, les besoins, les
espérances, les droits de ces personnes qui, en raison de maladies ou de
handicaps, sont pour ainsi dire laissés à la merci des autres
pour
accomplir les moindres gestes. Il aura su nous faire comprendre que ces
personnes étaient et sont des personnes de plein droit.
M. Brunet a dû faire preuve d'un immense courage et,
également, d'une profonde et remarquable ténacité parce
que, comme le soulignait Mme la ministre, il y a eu beaucoup de
résistance autour de lui à un certain moment, ce qui ne l'a pas
empêché de poursuivre son action. Le Comité provincial des
malades pourra continuer son oeuvre, mais on sait déjà qu'il a
acquis j'allais dire ses lettres de noblesse; depuis, il est devenu un
interlocuteur respecté lorsqu'il s'agit de traiter des conditions des
malades dans nos hôpitaux.
Je voudrais dire merci à ce grand homme qui nous a donné
une leçon de courage, à nous qui n'avons pas ces handicaps, mais
qui a également donné une leçon de courage à tous
les malades en faisant la preuve qu'on peut réaliser de grandes choses
lorsqu'on est habité par l'espoir et par le désir de se mettre au
service des autres. Je voudrais, au nom de l'Opposition officielle, offrir
toutes nos condoléances à son épouse, à sa
mère, à ses amis et, également, à ses
collaborateurs et souhaiter que l'oeuvre de M. Brunet puisse se poursuivre. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion
présentée par Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux pour rendre hommage à M. Claude Brunet est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: M. le député de
Laviolette, pour une autre motion sans préavis.
Semaine de la santé et de la
sécurité du travail
M. Jolivet: M. le Président, je demanderais l'approbation
de l'Assemblée nationale pour présenter la motion suivante: Que
l'Assemblée nationale souligne la semaine de la santé et de la
sécurité du travail qui se déroulera du 17 au 22 octobre
prochains.
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour
débattre cette motion? Il y a consentement. Vous avez la parole, M. le
député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion,
lorsque M. Pierre Marois était ministre - ce que l'on appelait à
l'époque les superministres responsables de l'ensemble du travail et de
la sécurité de la maln-d'oeuvre - de participer en le
remplaçant et comme membre d'un comité de travail sur la mise en
place de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
J'ai eu l'occasion de parcourir l'ensemble du Québec, d'aller voir
beaucoup de gens dans le milieu, aussi bien des travailleurs que des
employeurs, pour leur parler de ce que l'on appelait à l'époque
le livre blanc sur la santé et la sécurité du travail.
À ce moment-là, j'ai eu beaucoup d'impressions qui
demeurent toujours en moi jusqu'à maintenant, à savoir que l'on
devait consacrer beaucoup plus de temps, d'énergie et d'argent sur la
prévention plutôt que sur la guérison. On se retrouve
maintenant près de dix ans plus tard, en 1988, en soulignant qu'en 1987
il y a eu au Québec 163 accidents mortels sur les lieux de travail, plus
de 18 473 accidentés ont été frappés d'une
incapacité permanente et 264 000 ont souffert de blessures et de
troubles divers. Ces chiffres sont accablants et démontrent combien les
mesures de sécurité et de santé du travail sont
importantes. On ne peut accepter que, par cause de négligence ou par des
budgets insuffisants, des travailleurs soient blessés ou tués au
travail. Cela, vous le comprendrez très bien et je suis assuré
que le ministre responsable de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et, en même temps, responsable du
Travail en conviendra aussi, que cela n'a pas de bon sens. On a vu la
Confédération des syndicats nationaux qui a décidé
d'emboîter le pas à la semaine de la santé et de la
sécurité du travail en manifestant hier midi, devant
l'édifice de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail à Québec, pour demander au
gouvernement de cesser de pratiquer une politique de gestion plutôt
qu'une véritable politique de prévention concernant l'ensemble
des travailleurs.
En effet, M. le Président, beaucoup reste à faire dans ce
domaine et chaque retard correspond à des vies humaines qui sont mises
en danger. Il faut travailler à abaisser le nombre d'accidents au
travail et éviter en même temps - les gens dans leur bureau de
comté le savent très bien - les dédales bureaucratiques.
Comme société, on ne doit pas accepter que des employés
accidentés soient, en plus, victimes de harcèlement lorsqu'ils
demandent une révision à la suite de demande d'indemnisation. Il
y a plusieurs cas de ce genre, et le ministre du Travail ne le sait que trop
bien.
La question qui se pose dans les milieux de travail est: Qu'attend le
gouvernement pour agir? Je pense rien de moins que d'en arriver à faire
en sorte que, finalement, on prévienne les accidents plutôt que de
chercher à en corriger, après les accidents, parce que la
personne est morte ou encore par indemnisation aux victimes qui demeurent
accidentées à la suite de ces difficultés qu'ils trouvent
dans un milieu de travail. Ce n'est sûrement pas par du
harcèlement, des suspensions d'indemnisation ou simplement une semaine
commemorative de la santé et sécurité du travail qu'on
fera nécessairement avancer le dossier. Donc, du 17 au 22 octobre se
tient cette semaine de la santé et de la sécurité du
travail. Une série d'activités seront
réalisées durant cette semaine.
Je désire donc, M. le Président, comme membre de
l'Opposition, souligner cette semaine et espérer qu'elle permettra une
plus grande sensibilisation à l'urgence de la prévention sur les
lieux de travail et à corriger la situation actuelle. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Sur cette motion du
député de Laviolette, je vais céder la parole à M.
le ministre du Travail.
M. Yves Séguin
M. Séguin: M. le Président, à l'instar de
mon collègue, je voudrais souscrire entièrement à la
motion pour souligner particulièrement cette semaine de la santé
et de la sécurité du travail et, évidemment, encourager
toute action favorisant la prévention. (16 h 40)
J'étais hier à Montréal et j'ai eu l'honneur
d'assister à l'inauguration officielle de cette Semaine de la
santé et de la sécurité du travail, initiative, M. le
Président, de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, la CSST. Et j'ai été à
même de constater tous les efforts qui sont faits à la CSST depuis
maintenant quatre ans pour favoriser davantage la prévention. Il est
certain que tout effort de réglementation, de loi, de système
n'arrivera jamais à autant d'efficacité et de qualité que
d'éviter simplement les accidents. Tout le monde doit faire un effort,
que ce soient les employeurs, tes employés, la commission et le
gouvernement. Toutes les instances doivent mettre tout en oeuvre pour
éviter les accidents.
Vous me permettrez, M. le Président, de féliciter encore
une fois la CSST de cette initiative de faire, pour ta quatrième
année, une campagne d'information et de prévention.
Particulièrement, cette semaine, et tout au long de l'année, en
collaboration avec les commissions scolaires, différentes instances de
la CSST feront des programmes d'information pour les étudiants dans les
écoles. A d'autres instances également, toutes sortes de
programmes seront mis en place pour favoriser la prévention par
l'information, par toutes sortes de messages publicitaires, par brochures ou
autrement dans le seul but de convaincre les gens, dans la mesure du possible,
qu'il y a des mesures préventives et qu'il faut s'en
prévaloir.
M. le Président, étant donné que c'est aussi une
journée commémorant Félix Leclerc, ceci me touche
particulièrement puisqu'il a été résident du
comté de Montmorency que j'ai l'honneur de représenter et qu'il a
toujours répété assez souvent des paroles que j'ai
toujours beaucoup retenues et qui, je pense, s'appliquent très bien
à l'occasion d'une semaine de la santé et de la
sécurité qui disent à peu près ceci: Si vous donnez
un poisson pour une journée à quelqu'un, vous le nourrissez pour
une journée. Si vous lui montrez à pêcher, vous le
nourrissez pour la vie. Cela me fait penser que, dans le domaine de la
santé et de la sécurité, la prévention, c'est aider
quelqu'un à éviter un accident pour la vie. Je pense que, si on
devait avoir un slogan, c'est peut-être celui-là qu'on devrait
avoir. Je pense aussi que tous les efforts qu'on peut faire vont converger vers
la prévention. Mon collègue a raison et je suis d'accord avec lui
pour dire que tout système qu'on voudra bâtir ne remplacera jamais
la prévention.
En terminant, M. le Président, si mon collègue accepte -
et je crois comprendre que nous sommes d'accord sur un petit amendement que je
suggérerais à la motion principale - je déposerais un
amendement qui se lirait comme suit... Je dois dire avant de le lire, vous
m'excuserez, qu'il a été fait à la suggestion de M.
Laberge, président de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Et je n'ai pas hésité à
souscrire à cette idée, pour renforcer encore davantage cette
Semaine de la santé et de la sécurité, de faire du
mercredi de cette semaine et, par la suite, de tous les troisièmes
mercredis du mois d'octore, une Journée commemorative des
accidentés du travail. Et je lis la proposition: "Que le
troisième mercredi d'octobre de chaque année soit reconnu
officiellement comme étant la Journée commemorative des
accidentés du travail." Et si cette proposition était
acceptée, M. le Président, on pourrait, en plus d'avoir une
semaine, avoir au moins une journée pour nous rappeler que la
prévention peut éviter des accidents, mais aussi sauver des vies.
Et je pense que cela est important. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Très bien. Vous avez
déposé le texte de votre motion, M. le ministre du Travail. M. le
député de Laviolette, vous avez pris connaissance? Voulez-vous
Intervenir sur la recevabilité de l'amendement? Non?
M. Jolivet: Non, sur mon droit de réplique.
Le Vice-Président: Très bien. Alors à ce
moment-ci je vais déclarer l'amendement rece-vable. Est-ce que cet
amendement est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Et nous revenons
maintenant à la discussion de la motion principale telle
qu'amendée. Il n'y a pas d'autres interventions de sollicitées?
Il n'y a pas d'autres interventions, je vais donc céder la parole
à M. le député de Laviolette pour l'exercice de son droit
de réplique sur la motion telle qu'amendée.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, je n'ai pas fait d'objection
à la mise en place d'un amendement à cette motion
déclarant le troisième mercredi du
mois d'octobre la journée pour les accidentés du travail.
Je dois dire qu'au départ j'aurais mieux, aimé mais c'est la
décision du ministre de la présenter comme commémoration
des accidentés du travail que soit célébrer cette
journée-là l'absence de morts au travail au Québec. C'est
autrement plus positif. C'est dans ce sens que l'on doit amener, en
matière de prévention, à la fois les employeurs et les
employés dans chacun des lieux de travail. C'est un peu le reproche que
font les gens: la publicité est toujours reportée sur le dos des
travailleurs comme si c'était à eux seuls de porter le fardeau de
l'ensemble des accidents de travail. On doit considérer cela aussi chez
les employeurs. Regardez la publicité qui se fait actuellement; on
s'aperçoit que les employeurs semblent absents alors qu'ils ont des
devoirs, des responsabilités, au nom de l'ensemble des travailleurs du
Québec, de protéger l'emploi et de s'assurer que le lieu est
sécuritaire. On sait, on comprend très bien qu'il y a des emplois
dangereux, mais entre des emplois dangereux et des emplois additionnés
de non-protection il y a une marge.
C'est dans ce sens-là, M. le Président, que porteront mes
interventions comme responsable de l'Opposition en matière de
santé et de sécurité du travail. C'est de faire comprendre
aux employés, mais surtout aux employeurs qu'ils ont, comme employeurs,
des responsabilités immenses. Cela permettrait à ce
moment-là de faire de la prévention et d'éviter les
accidents et les morts au Québec. Si la journée commemorative
ainsi que la semaine ont ce but d'éducation de l'ensemble des
intervenants dans le milieu de travail, tant mieux. Je pense que l'échec
aux accidents et aux morts en milieu de travail doit se faire, je le
répète, par la prévention.
Le Vice-Président: Le débat étant clos,
est-ce que cette motion amendée proposée par M. le
député de Laviolette, soulignant la Semaine de la santé et
de la sécurité du travail et faisant en sorte que le
troisième mercredi d'octobre de chaque année soit reconnu
officiellement comme étant la journée commemorative des
accidentés du travail, est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
Pour la présentation d'une autre motion sans préavis, je
vais maintenant reconnaître Mme la vice-première ministre et
ministre des Affaires culturelles.
Félicitations aux récipiendaires des
Prix du Québec 1988
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je sollicite le
consentement de l'Assemblée nationale relativement à la motion
suivante: "Que les membres de cette Assemblée félicitent les six
personnalités québécoises récipiendaires des Prix
du Québec 1988."
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
débattre cette motion? Il y a consentement. Vous avez donc la parole,
Mme la vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, M. le Président. C'est évidemment
avec plaisir et beaucoup de fierté que le gouvernement du Québec
a décerné hier les Prix du Québec 1988 à six
personnalités québécoises. Ces distinctions sont
accordées en reconnaissance d'une contribution remarquable dans les
domaines de la culture et de la science. De ces six personnalités il y
en a quatre qui viennent du milieu de la culture. Ce sont, en
littérature, M. Michel Tremblay, qui a reçu le prix
Athanase-David; dans le domaine des arts visuels, M. Fernand Leduc s'est vu
décerner le prix Paul-Émile-Borduas; en arts
d'interprétation, M. John Newmark a reçu le prix
Denise-Pelletier; dans le domaine du cinéma, Mme Anne-Claire Poirier
s'est vu remettre le prix Albert-Tessier. Les prix scientifiques vont à
Mme Thérèse Gouin-Décarie pour le prix
Léon-Gérin en sciences humaines et à M. Germain Brisson
pour le prix Marie-Victorin.
Nous avons donc tous raison de nous réjouir de l'hommage qui est
ainsi rendu à des Québécoises et à des
Québécois dont le travail souvent laborieux, mais conduit avec
une inlassable détermination, leur a conféré une
notoriété chez nous et au-delà de nos frontières.
Par leurs écrits, par leurs oeuvres, par leur pensée, comme
artistes de grand talent, ils ont porté vers d'autres
sociétés que la nôtre une certaine façon de nous
voir comme Québécois et comme êtres humains. Plus important
encore, nous devons voir dans cette reconnaissance un encouragement à
suivre les traces de ces femmes et de ces hommes pour les jeunes
créateurs, artistes et scientifiques du Québec. Leurs
réalisations, qu'elles relèvent du théâtre, de la
musique, de l'art, du cinéma et de là science, portent
l'empreinte de grandes qualités humaines: persévérance
dans le travail, ténacité devant les obstacles,
générosité dans le don et le dépassement de soi,
originalité et hauteur de point de vue. Toutes ces qualités ont
contribué à forger une oeuvre riche dont le résultat
rejaillit à coup sûr sur l'ensemble de la société
distincte que nous formons en cette terre d'Amérique. (16 h 50)
D'ailleurs, si la société québécoise
possède des traits distinctes qui la révèlent
à elle-même c'est en grande partie grâce à des
personnes totalement engagées dans leur oeuvre comme celles que nous
avons reconnues cette année.
En couronnant une oeuvre de maturité, le gouvernement du
Québec s'associe étroitement, et il est de son devoir de le
faire, à cette démar-
che d'ouverture d'esprit, de créativité, de
questionnement d'une société qui veut bâtir sur des
fondements propices au plein épanouissement de tous ses membres.
Je désire donc réitérer mes plus
sincères félicitations aux récipiendaires des Prix du
Québec 1988 dans le domaine de la culture et des sciences et leur
manifester la gratitude du gouvernement du Québec pour leur contribution
à l'enrichissement de notre vie culturelle, artistique et
scientifique.
Le Vice-Président: Sur cette même motion, je
cède la parole à M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, c'est naturellement avec
beaucoup de joie et beaucoup de fierté que je vais m'associer à
la proposition présentée par Mme la vice-première ministre
et ministre des Affaires culturelles quant à l'attribution pour la
soixante-sixième année consécutive des Prix du
Québec. Effectivement, cette semaine, l'État du Québec
remettait ses prix extrêmement prestigieux. Je profiterai de l'occasion
pour demander aux lauréats de bien vouloir excuser mon absence au Grand
Théâtre, lundi. J'ai été victime, comme de nombreux
Montréalais, d'un bouchon sur l'autoroute métropolitaine, ce qui,
malheureusement, ne m'a pas permis d'arriver à Québec à
l'heure prévue mais je sais, puisque de nombreuses personnes y
étaient, que cela a été une cérémonie
empreinte de joie, d'élégance même et de fierté
effectivement pour le développement culturel au Québec.
On a donné un prix qui porte un nom merveilleux,
celui de Denise Pelletier, cette extraordinaire comédienne
québécoise qu'on ne finit plus de pleurer d'ailleurs, à
John Newmark, pianiste et accompagnateur de réputation Internationale.
Ce Québécois nouveau, comme j'aime appeler les
Québécois qui ne sont pas de vieille souche, né en
Allemagne, a prouvé au cours de sa très longue carrière
qu'il avait su, d'une part, s'intégrer à notre
société, et, deuxièmement, la faire progresser au niveau
musical.
Je suis vraiment très heureux que M. Newmark ait
reçu le Prix Denise-Pelletier. Comme je sais également, et j'ai
l'impression qu'il connaît lui aussi ma passion, qu'il est peintre
à ses heures, comme il connaît mon attachement pour l'art
contemporain, inévitablement je lui adresserai une double
felicitation.
Le Prix Paul-Émile-Borduas. Est-il nom plus
approprié en 1988 que de parler du Prix Paul-Émile-Borduas avec
le Refus global qui a été attribué à M. Fernand
Leduc, un artiste passionné, un artiste engagé dans le
renversement des fausses valeurs, un artiste qui a signé des articles,
des lettres, des textes théoriques qui posent les fondements du
bouillonnement culturel de l'époque, celui du Québec des
années quarante et cinquante. En 1944 d'ailleurs, il proclame la rupture
globale, l'avènement de l'impulsion créatrice et, en 1946 et
1947, ses oeuvres feront partie des deux premières manifestations des
automatistes, une école qui a beaucoup apporté au Québec.
Il nous a quitté pour Paris durant quelque temps, en est revenu et a
contribué, avec son épouse, à l'enrichissement des jeunes
générations québécoises.
En 1970 et 1971, il a enseigné à
l'Université Laval et à l'Université du Québec
à Montréal en plus d'être plusieurs fois boursier du
Conseil des arts du Canada. Il a reçu le Prix Vlctor-Lynch-Staunton, le
prix Louis-Philippe-Hébert et celui de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
Ses oeuvres ont figuré dans de nombreuses
expositions tant individuelles que collectives au Canada aussi bien qu'en
Europe. Plusieurs grands musées canadiens et français,
d'ailleurs, possèdent de ses toiles. Bientôt je crois qu'une
monographie lui sera consacrée. M. Leduc, permettez-moi de me joindre
aussi à tous ceux et celles qui, hier, vous ont félicité
et d'ajouter les miennes.
Le domaine du cinéma. S'il y a une industrie que le
Québec se doit de cultiver, c'est bien l'industrie
cinématographique. Là aussi, j'apporterai les
félicitations les plus vives et les plus sincères à Mme
Anne-Claire Poirier qui a reçu la distinction du gouvernement du
Québec dans le domaine du cinéma, c'est-à-dire le prix
Albert-Tessier. Quand on connaît la carrière de Mme Poirier, on
n'est pas étonné de savoir que le jury éminent qui
composait les différentes sections de ces prix du Québec, jury
d'une qualité vraiment, il faut le dire, exceptionnelle... et je pense
que ce n'est pas étonnant que Mme Poirier l'ait remporté. Mme
Poirier, tout le monde le sait, est la réalisatrice - et je pense que
toutes les femmes du Québec vont porter une très grande attention
à ce que je dis - de ce film extraordinaire qu'on a tous vu, j'en suis
persuadé, et qui s'appelait 'Mourir à tue-tête'. 'Les
Propos d'Anne-Claire", 'De Mère en fille', "Les Filles du Roy", "Le
Temps de l'Avent", "La Quarantaine'. Je sais d'ailleurs qu'un de ses prochains
films, le plus récent qui est, je crois, 'Salut, Victor" devrait
normalement être projeté sur nos écrans - quoique nous ne
possédions pas les réseaux de distribution au Québec,
osons espérer qu'il sera présenté dans de grandes salles -
au début de l'année 1989.
Maintenant, vous comprendrez, M. le Président, ma
fierté tout à fait légitime qu'on ait attribué un
prix à M. Michel Tremblay. Pourrais-je m'attrister - ce serait l'envers
- que quelqu'un qui a autant célébré une partie de ma
circonscription électorale, c'est-à-dire les chroniques du
Plateau Mont-Royal, soit récompensé d'une façon aussi
exceptionnelle par l'État québécois que vient de
l'être Michel Tremblay? Né effectivement en 1942 au Plateau
Mont-Royal, quartier populaire de l'est de Montréal, Michel
Tremblay a décidé qu'il serait écrivain quand il a
compris que ses héros de la télévision récitaient
des textes écrits non pas par eux, mais par d'autres, peut-être un
peu comme certains politiciens ou politiciennes. Dans sa rencontre avec
André Brassard, qui était jeune metteur en scène à
l'époque et qui l'est toujours, ce goût du théâtre
lui a été donné. Michel Tremblay a eu un goût du
théâtre qui peut être compris par tous, dans la langue des
gens de la rue, de sa rue, de nos rues. Il pariera de leur misère et de
leur solitude. Écrite en 1965, une des plus célèbres
portée en scène trois ans plus tard, la pièce "Les
Belles-soeurs" ouvre au Québec la controverse du jouai. Plus qu'une
provocation, le jouai est essentiellement pour Tremblay, comme il le dit si
bien, le reflet de l'état d'aliénation dans lequel vivaient ses
personnages. Il devient du même coup un élément
indispensable de la dramaturgie. Un cycle de création riche
jusqu'à présent de treize pièces qui plongera au coeur de
la famille l'image de l'inconscience du couple, de l'homosexualité et de
la marginalité, venait de naître avec l'écriture de Michel
Tremblay. L'imaginaire de Michel Tremblay est porté par les femmes,
dit-il. Élevé par cinq femmes, ma première conscience
sociale est une conscience féminine, dira-t-il, et je pense qu'il faut
se réjouir de ces choses-là.
Les pièces et les écrits de Michel Tremblay sont traduits
en vingt langues, M. le Président. Ces pièces ont
été acclamées sur les cinq continents et montées
aussi bien à New York, à Paris qu'à Tokyo. Pour Michel
Tremblay, et c'est très important, M. le Président, être
international, c'est d'abord être local ou régional. Autrement, on
n'est de nulle part, on n'est rien. J'aime bien cette affirmation parce qu'une
tendance actuelle dans le milieu de la culture québécoise dit:
Moi, je suis international. Michel Tremblay leur répond qu'on doit
d'abord être Québécois, avoir sa propre identité
avant de prétendre à l'internationalisme.
Donc, à ces personnes qui ont reçu les Prix du
Québec, au nom de l'Opposition officielle et en mon nom très
personnel, ils le savent bien, je les félicite, leur offre mes meilleurs
voeux et leur dit tous que leur prochaine production et leur prochaine
création est attendue par l'ensemble des Québécoises et
des Québécois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Sur la même motion, M. le leader
de l'Opposition et député d'Abitibi-Ouest. (17 heures)
M. François Gendron
M. Gendron: Oui. Très rapidement, M. le Président.
Au nom de ma formation politique, comme leader de l'Opposition officielle, je
voudrais, au moins sur deux prix... Tous les prix du Québec sont des
prix d'envergure, des prix majeurs, mais, quand on pense au prix
Léon-Gérin et au prix Marie-Victorin, le premier étant la
plus haute distinction dans le domaine des sciences humaines et le second
étant la plus haute distinction en sciences et génie, il
m'apparait opportun de prendre quelques secondes pour signaler combien, dans le
domaine de la science et la technologie, on a quand même des
Québécois et des Québécoises qui sont
également de très grande envergure.
Je veux faire davantage référence pour ce qui est du prix
Léon-Gérin à Mme Thérèse
Gouin-Décarie, qui est en fait la première femme
récipiendaire de ce prix depuis que celui-ci existe. C'est une
professeure au département de psychologie de l'Université de
Montréal, une pionnière de tout le volet de la psychologie du
très jeune enfant. Dans un contexte où on fait constamment
référence à la natalité, c'est-à-dire le
phénomène de dénatalité, c'est peut-être
intéressant qu'il y ait encore des gens qui réfléchissent
à des phénomènes comme ceux-là et qui ont pu
effectivement montrer comment on a assumé nos responsabilités de
recherche par rapport à fa psychologie du jeune enfant.
Elle a établi dès le début des recherches
importantes sur le rapprochement entre les théories de Freud, sur le
développement et celles de Piaget sur le développement cognitif
de l'enfant. C'est une personne qui a dirigé un très grand nombre
d'études et qui s'est toujours intéressée à toutes
sortes de situations particulières concernant les jeunes enfants en bas
âge. C'est donc une grande québécoise. C'est une femme qui
a fait ses preuves. Je pense que c'était requis de reconnaître par
un prix du Québec sa contribution extraordinaire à l'avancement
des sciences humaines.
Il y a également le prix Marie-Victorin, je l'ai dit
tantôt, dont le récipiendaire est M. Germain Brisson, qui couronne
la carrière extraordinaire d'un valeureux agronome du Québec et
chercheur de la base. Il a été le premier docteur francophone
à faire de la recherche en nutrition animale. C'est un pionnier de
l'enseignement et de la recherche en nutrition humaine et animale à
l'Université Laval, un artisan hors pair de la création, en 1968,
du Centre de recherche en nutrition qu'il dirigea pendant plus de dix ans. Il
est sûrement l'auteur de plus d'une centaine de publications
scientifiques. Les distinctions qu'il a reçues sont innombrables.
Ce que je voulais souligner, c'est que, même s'il est
officiellement à la retraite, c'est un Québécois qui
demeure très actif. Et on souhaite qu'il le demeure le plus longtemps
possible parce qu'on ne fera jamais assez de recherches dans le domaine de
l'agro-alimentaire, dans le domaine d'une denrée fondamentale pour une
société qui veut assurer son devenir avec sécurité.
Quant à moi, pour un terrien, un fils de la terre de
l'Abitibi-Témiscamingue, je suis très heureux de voir qu'il y a
encore des gens soucieux de
fouiller davantage la capacité du sol et de ses nombreuses
potentialités. Il est un de ceux-là. Le Québec a
décidé de l'honorer, j'en suis fort aise, très heureux. Je
voulais souligner tout le mérite de ces gens-là. Bien sûr,
M. le Président, je m'associe à cette motion du gouvernement
concernant les récipiendaires des Prix du Québec. Merci.
Le Vice-Président: II n'y a pas d'autre intervention.
Est-ce que cette motion de félicitations aux six personnalités
québécoises récipiendaires des Prix du Québec 1988
est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Je vais maintenant
céder la parole à M. ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
Félicitations aux athlètes des Jeux
olympiques
M. Picotte: Merci, M. le Président. Que cette
Assemblée nationale accepte de féliciter les athlètes qui
ont participé aux Jeux olympiques, et plus particulièrement Mme
Carolyn Waldo et M. Victor Davis pour leurs performances.
Le Vice-Président: Est-ce qui y a consentement pour
débattre cette motion?
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président: Consentement. Allez-y M. le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. Le Québec
entier tient à exprimer sa fierté et son admiration à
l'endroit de ceux et celles qui, en cette année olympique, nous ont
représentés tant aux Jeux d'hiver à Calgary qu'aux Jeux
d'été de Séoul.
La participation de tous ces athlètes à ces
compétitions est le fruit de leur talent, de leur détermination,
de leur courage et de leurs efforts. Ces félicitations s'adressent
également à tous ceux et celles qui doivent vivre le quotidien de
l'athlète, c'est-à-dire les parents, les entraîneurs et les
bénévoles.
Il convient de souligner tout particulièrement les exploits de
Mme Carolyn Waldo et de M. Victor Davis qui ont respectivement remporté
deux médailles d'or et une médaille d'argent. Nous sommes fiers
d'avoir été témoins de leurs performances et nous sommes
conscients que tous ces résultats ont dû exiger plus d'un
sacrifice. En tant qu'athlètes de très haut niveau, ces individus
invitent tous les Québécois et les Québécoises
à un dépassement perpétuel dans toutes leurs entreprises
personnelles et donnent aux jeunes athlètes !a source de motivation
nécessaire afin qu'ils puissent aussi croire qu'ils peuvent atteindre la
plus haute marche du podium.
Nous les en remercions et leur souhaitons les meilleurs succès
pour leurs projets futurs et sans doute, M. le Président, que tout le
monde en cette Chambre, tous les députés et tous nos concitoyens
et concitoyennes seront heureux de s'associer à cette motion de
félicitations à leur endroit. Merci.
Le Vice-Président: Sur la même motion, je
cède la parole à Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Au nom de ma
formation politique, il me fait plaisir de joindre ma voix à celle du
ministre responsable du Loisir. Il n'y a pas seulement Ben Johnson qui a
représenté le Canada aux Jeux olympiques de Séoul. Il y a
également eu de nombreux autres athlètes, dont plusieurs
Québécoises et Québécois de qui nous devons
être particulièrement fiers. Ces athlètes ont
travaillé d'arrache-pied pendant plusieurs années et ce, au prix
de nombreux sacrifices personnels. Ils ont investi de nombreuses années
de leur vie pour nous représenter dignement et nous ne pouvons que les
féliciter et les encourager à poursuivre leur travail.
Les Jeux de Séoul ont été l'un des plus beaux
événements de toute l'histoire olympique. Plus de 160 pays y
étaient représentés et les deux grands blocs, l'Est et
l'Ouest, y étaient aussi présents. On a beaucoup parlé de
ces jeux comme étant les jeux du dopage. Quant à moi, M. le
Président, bien que j'estime que cela soit extrêmement malheureux,
je ne peux accepter que l'on noie la beauté des Jeux de Séoul
dans ce malencontreux incident. Je tiens donc à nouveau à
féliciter nos athlètes québécois qui ont
participé à ces jeux et je tiens également à
encourager toute la délégation québécoise qui nous
représente aux Jeux paraotympiques pour handicapés qui se
déroulent du 15 au 24 octobre à Séoul.
J'ajouterai, M. le Président, si vous me permettez, de saluer
tout particulièrement un athlète de ma région qui se nomme
Chantale Benoît, qui fait partie de l'équipe des kamikases depuis
six ans. C'est une unijambiste orginaire de Beloeil qui fait partie de
l'équipe féminine canadienne de ballon panier en fauteuil
roulant. Je salue tout particulièrement nos athlètes, en
général, mais Chantale, en particulier. Merci beaucoup, M. le
Président.
La Vice-Président: Est-ce que cette motion de
félicitations aux athlètes qui ont participé aux Jeux
olympiques de Séoul et plus particulièrement à Mme Carolyn
Waldo et à M. Victor Davis pour leurs performances est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Je vais maintenant
céder la parole pour une autre motion sans préavis, à M.
le député de Saint-Jacques.
Solidarité du Québec envers le peuple
chilien
M. Boulerice: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer devant cette Chambre la motion suivante: "Que l'Assemblée
nationale du Québec exprime au peuple chilien sa solidarité
à l'égard du rétablissement de la démocratie au
Chili".
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour
débattre cette motion?
Des voix: Consentement.
Le Vice-Président: II y a consentement. La parole est
à vous, M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, c'est avec beaucoup de
fierté que le député de Saint-Jacques qui se dit,
d'ailleurs, en espagnol Santiago, s'adresse à vous portant à la
fois la fleur de lys et l'étoile chilienne pour vous dire l'immense
expérience qu'il a vécue lors des dix dernières
journées qu'il a passées au Chili à l'intérieur
d'une mission formée par CISO qui est le Comité international de
solidarité ouvrière, alors que j'étais le seul
parlementaire québécois, voire même le seul parlementaire
canadien, au moment où 42 pays avaient une délégation
à l'intérieur de l'Association internationale des parlementaires
pour le retour de la démocratie. (17 h 10)
J'acompagnais M. Arsenault, cardiologue, représentant du
président de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, Mme Bouchard, directrice générale adjointe de
Développement et Paix et représentante du Comité des
droits humains de la commission des affaires sociales de la Conférence
des évêques catholiques du Québec, M. Yvon Charbonneau,
ex-président de la Centrale de l'enseignement du Québec, qui
agissait à titre de coordonnateur et rapporteur de la mission, de Mme
Adrienne Clarkson, éditeur et journaliste, déléguée
de PEN, c'est-à-dire poètes, essayistes et nouvellistes, de M.
Robert Craig, vice-président de l'Association québécoise
des organismes de coopération Internationale et directeur
général du Club Deux Tiers, de M. Michel Gauthier,
secrétaire général de la Confédération des
syndicats nationaux, de M. André Jacob, professeur à
l'Université du Québec à Montréal et
président de l'Alliance pour la paix, Québec, de M. Claude
Malette, avocat, Association des juristes du Québec et
représentant du Comité de défense des droits de la
personne du Chili, section Montréal, de M. Osvaldo Numez, syndicaliste
et président du Comité sur la situation des travailleurs
immigrés et les Solidarités internationales
déléguées de la Fédération des travailleurs
du Québec, de M. Robert Quévil-lon du Centre international de
solidarité ouvrière, coordonnateur de la mission, de M. Robert
Saint-Louis, avocat, représentant de l'Association des juristes du
Québec et le Comité provisoire de l'Association américaine
des juristes, branche pancanadienne et de M. Rudolfo Valero, trésorier
du Conseil central de la Confédération des syndicats nationaux du
Québec.
M. le Président, en place depuis le renversement par la force du
président Allende en 1973, la junte militaire dirigée par le
capitaine général Augusto Pinochet Ugarte n'a cessé de
piétiner les droits du peuple chilien sous le couvert de lui imposer un
nouveau modèle de développement économique et social ainsi
qu'un nouveau type de démocratie protégé par le pouvoir
militaire.
Les atteintes systématiques aux droits humains commises par la
junte chilienne ne se comptent plus; elles ont été maintes fois
dénoncées au plan international. Ce qui est moins connu,
cependant, c'est la détérioration profonde des conditions de vie
- accès au travail, niveau des salaires, conditions d'habitation,
d'éducation et de santé - de la grande majorité de la
population chilienne face à l'enrichissement outrageux d'une petite
minorité. Ce qui est moins perceptible à l'extérieur, M.
le Président, c'est le climat de peur et d'étouffement qui s'est
installé dans l'ensemble de la société chilienne, laquelle
a dû trouver les moyens de survivre malgré tant de
répression.
La voie de la violence et de l'oppression ne suffit pas pour
établir la légitimité et la stabilité d'un
régime si dur sort-il. Ainsi, en 1980, la junte militaire a fait adopter
dans un climat de fraude et de terreur une constitution assurant son pouvoir
jusqu'en 1989 et prévoyant un plébiscite, c'est-à-dire un
vote de confiance à l'endroit de Pinochet, pour une autre période
de huit années. Cette même constitution prévoit en outre
qu'une victoire du non au plébiscite ne signifie pas la disparition
immédiate de Pinochet et de son régime, puisque l'ensemble du
processus d'un certain retour aux institutions politiques civiles demeure entre
les mains du régime militaire lui-même.
Au plan technique, la procédure électorale utilisée
à l'occasion du plébiscite du 5 octobre est apparue, dans son
ensemble, correcte. Même si plusieurs réserves mériteraient
d'être produites, d'être faites sur certaines situations
particulières qui se sont produites et qui ont pu réduire
l'ampleur de la victoire du non, les observateurs québécois
tiennent à souligner le très haut niveau d'inscription des
électeurs, 7 500 000, soit plus de 90 % au registre électoral,
ainsi que le très fort degré de participation au vote
lui-même et qui a été de l'ordre de
plus de 95 %.
La mission québécoise a été frappée,
moi-même également, de la capacité et de la qualité
d'organisation des forces démocratiques qui ont réussi en peu de
temps, à mobiliser et à former leurs représentants et
leurs structures, de façon à être
accréditées, à être présentes aux tables de
votation - que nous avons vu et que j'ai visitées - et qui ont
réussi à faire que la population s'exprime massivement et dans le
calme, malgré le contexte de pressions psychologiques, par exemple:
pannes d'électricité, rumeurs organisées et de lourdes
restrictions au plan de l'information. La mission québécoise et
moi-même avons noté avec intérêt le haut niveau
d'engagement des femmes dans le déroulement du processus
électoral, de même que la participation active des jeunes,
c'est-à-dire les 18 à 25 ans, qui en étaient
forcément à leur première expérience d'une votation
et de son organisation.
En résumé, compte tenu des contraintes imposées
depuis quinze ans à la liberté d'organisation et d'expression,
compte tenu de l'omniprésence de l'appareil militaire et policier,
compte tenu du climat de démagogie populiste entretenu par le
régime depuis des années, je ne peux que témoigner avec
admiration de ce qu'a fait notre délégation, du sens de la
responsabilité et de la dignité avec lequel le peuple chilien
s'est exprimé le 5 octobre dernier, en signifiant d'une telle
manière sa résistance à l'oppression, sa mobilisation pour
un changement démocratique, sa discipline remarquable et, par-dessus
tout, son espérance d'un avenir meilleur: Chili para todos, un Chili
pour tous disait-on.
La délégation québécoise, au nom des
organismes qui l'ont constituée et moi-même, se considère
privilégiée d'avoir pu constater de visu cette volonté du
peuple chilien de renouer avec les lignes profondes de son histoire
démocratique caractérisée par la solidarité et la
convivialité. La délégation y a vu une inspiration pour
tous les démocrates du monde qui, souvent aux prises avec d'autres
régimes répressifs, peuvent y trouver espoir et
réconfort.
De concert avec des dizaines d'autres missions d'observation du
plébiscite du 5 octobre, le groupe québécois
réaffirme l'importance de l'opinion publique internationale comme mesure
d'appui à la reconstruction de la démocratie au Chili. Toutefois,
la délégation québécoise estime inadéquat
l'ensemble de la participation canadienne, tant au plan politique que de la
part d'organismes non gouvernementaux de coopération et de
défense des droits humains.
Compte tenu des relations de toute nature établies entre le Chili
et le Canada, et compte tenu de l'enjeu de ce plébiscite, la mission
d'observation, Mme la Présidente, constate que le Canada n'a pas
été aussi présent qu'l aurait dû l'être dans
les circonstances, ni aussi sympathique qu'il aurait pu l'être envers la
démarche du peuple chilien.
Pour ce qui est du Québec, Mme la Présidente, la
délégation québécoise et moi-même aurions
trouvé normale la présence d'une délégation
parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec, compte tenu,
d'une part, de la solidarité manifestée depuis longtemps par le
peuple québécois envers le peuple chilien et, d'autre part, de la
présence en territoire québécois d'une importante
communauté chilienne qui, par sa citoyenneté nouvelle,
était en droit de s'attendre à une implication du gouvernement du
Québec. De plus, la mission québécoise souhaite
qu'à l'avenir le Québec favorise et appuie la présence
d'observateurs en de pareilles circonstances, ce qui est une façon
légitime et utile de participer à la vie internationale.
La mission indépendante québécoise n'estime pas
qu'il lui revient d'exposer ses spéculations face à toutes les
questions complexes qui entourent le résultat, considérant
plutôt que sa responsabilité est d'apporter ses observations
à la conscience des organismes qui l'ont constituée et à
la connaissance de l'opinion publique québécoise. La victoire du
non à Pinochet n'est qu'un début. Les observateurs
québécois, dont j'étais, se sentent toutefois le devoir de
souligner avec force que les conditions de retour à la démocratie
au Chili sont encore bien loin d'exister en fait et en droit. S'il est
indéniable que la victoire du non a entrouvert un espace, le cheminement
du peuple et des institutions chiliennes vers la démocratie et la
justice sociale sera encore rempli de nombreux obstacles, de même qu'il
devra être constamment appuyé par l'ensemble de la
communauté internationale et à laquelle le Québec se doit
d'être solidaire et participant.
(S'exprime en espagnol) (17 h 20)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. Je constate qu'il n'y a pas d'autres interventions. M. le
ministre.
M. André Vallerand
M. Vallerand: Mme la Présidente, permettez-moi de vous
dire que je ne suis pas peu fier de m'associer au gouvernement pour traduire,
à travers cette Assemblée, notre appui au peuple chilien dans sa
grande marche, sinon démarche, vers la plénitude de ses
institutions démocratiques, sans pompe, Mme la Présidente, sans
prétention, à l'image du respect des efforts des autres dans leur
recherche de liberté, parce que, savons-nous, cette démarche est
la seule avenue garante de l'épanouissement des individus dans
l'expression de leur liberté, dans l'expression de leurs idées,
dans l'expression de leurs croyances. Merci.
La Vice-Présidente: Merci M. le ministre
délégué aux Affaires internationales. Il n'y a pas
d'autres interventions? Je déclare le débat clos. Est-ce que la
motion du député de Saint-Jacques
qui se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du
Québec exprime au peuple chilien sa solidarité à
l'égard du rétablissement de la démocratie au Chili", est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Substitutions de parrains
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je voudrais faire
trois motions qui ne risquent pas de susciter de débats. La
première est pour que le nom de M. Pierre Paradis soit substitué
à celui de M. André Bourbeau comme parrain du projet de loi 14,
Loi sur la réorganisation municipale du territoire de la
municipalité de la Côte-Nord du golfe Saint-Laurent, et du projet
de loi 96, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les élections et les
référendums dans les municipalités et la Loi sur la
Commission municipale concernant la délimitation des districts
électoraux municipaux.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée? Adopté.
M. Gratton: Mme la Présidente, j'ai cinq avis du
même genre, c'est-à-dire quatre autres changements de parrain
à des projets de loi déjà inscrits au feuilleton. On
pourrait en faire la lecture et adopter la motion globalement.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Oui, je souhaiterais que cela fasse partie de la
même motion.
La Vice-Présidente: D'accord. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Deuxièmement, que le nom de M. Gil
Rémillard soit substitué à celui de M. Herbert Marx comme
parrain du projet de loi 33, Loi modifiant le Code de procédure civile
concernant le recouvrement des pensions alimentaires; troisièmement, que
le nom de M. Yves Séguin soit substitué à celui de M.
Pierre Paradis comme parrain du projet de loi 41, Loi sur le Conseil
consultatif sur l'emploi et la sécurité du revenu;
quatrièmement, que le nom de M. Paul Gobeil soit substitué
à celui de M. Gil Rémillard comme parrain du projet de loi 42,
Loi sur le ministère des Affaires internationales; finalement, que le
nom de M. André Bourbeau soit substitué à celui de M.
Pierre Paradis comme parrain du projet de loi 37, Loi sur la
sécurité du revenu.
La Vice-Présidente: Est-ce que les motions
présentées par le leader du gouvernement sont
adoptées?
M. Gendron: Adopté, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Membres des commissions
M. Gratton: Mme la Présidente, j'aurais maintenant une
motion afin de combler une vacance à la commission des institutions en
vertu de l'article 129 de notre règlement: "Que M. Gaston Blackburn,
député de Roberval, soit nommé membre permanent de la
commission des institutions".
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Gendron: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: De même, Mme la Présidente, toujours en
vertu de l'article 129 de notre règlement, je fais motion pour que M.
René Serge Larouche, député d'Anjou, remplace M. Jean
Leclerc, député de Taschereau, comme membre permanent de la
commission de l'économie et du travail; deuxièmement, que M.
André-J. Hamel, député de Sherbrooke, remplace M. Albert
Khelfa, député de Richelieu, comme membre permanent de la
commission de l'éducation; finalement, que M. Albert Khelfa,
député de Richelieu, remplace M. André-J. Hamel,
député de Sherbrooke, comme membre permanent de la commission de
la culture.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette dernière
motion est adoptée?
M. Gendron: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. Merci, M. le leader du
gouvernement.
M. le whip de l'Opposition.
M. Brassard: Mme la Présidente, j'aurais une motion
similaire conformément à l'article 129. J'ai un certain nombre de
remplacements des membres permanents des commissions parlementaires. C'est
assez long. Si j'ai le consentement du leader du gouvernement, je
déposerais la liste plutôt que d'en faire lecture.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: II y a consentement. Vouliez
déposer votre liste, M. le whip de l'Opposition. Est-ce que ces motions
sont adoptées?
M. Gratton: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
Ceci met fin aux motions sans préavis. Nous allons passer aux
avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: C'est déjà fait, Mme la
Présidente. Nous y avons procédé avant les motions sans
préavis.
La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le leader du
gouvernement.
Nous allons passer aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée.
M. Gratton: Cela va.
La Vice-Présidente: Mme la députée de
Johnson.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Mme Juneau: Le 14 juin dernier, j'avais posé une question
en Chambre à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Comme elle était absente, j'avais posé mes questions au ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux. On m'a dit à ce moment-là qu'on lui ferait
le message. J'aurais bien souhaité que Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux puisse répondre aux questions que
J'avais posées le 14 juin dernier.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je prends note du tout et,
après vérification, on pourra faire rapport demain. La meilleure
solution serait, évidemment, que Mme la ministre fournisse la
réponse dans les meilleurs délais.
Mme Juneau: Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du
gouvernement.
Si vous me le permettez, j'aimerais informer cette Assemblée que,
demain après-midi, lors des affaires inscrites par les
députés de l'Opposition, il y aura une motion
présentée par M. le député de Verchères et
ce, en vertu de l'article 97 de notre règlement. Cette motion se lit
comme suit: "Que cette Assemblée exige que te gouvernement du
Québec mette sur pied une commission d'enquête dont le mandat
serait, premièrement, d'examiner les circonstances ayant permis qu'une
catastrophe comme celle de Saint-Basile-le-Grand ait pu survenir,
deuxièmement, d'examiner toute la problématique de la gestion des
déchets dangereux au Québec et, finalement, de proposer les
solutions qui permettraient au gouvernement de tenir ses promesses à
l'égard du virage écologique.*
Ce dernier avis met donc fin aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée et, de ce fait, aux affaires courantes. Nous allons donc
passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais d'appeler
l'article 10 au feuilleton, s'il vous plaît! (17 h 30)
Projet de loi 43 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 10 de notre
feuilleton, la ministre des Affaires culturelles propose l'adoption du principe
du projet de loi 43, Loi sur la Bibliothèque nationale du Québec.
Mme la ministre des Affaires culturelles.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Mme la Présidente, le lieutenant-gouverneur a
pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude
à l'Assemblée. On ne peut rien refuser au lieutenant-gouverneur,
Mme la Présidente.
J'ai le plaisir aujourd'hui de présenter un projet de loi qui
vise à établir un statut juridique distinct pour la
Bibliothèque nationale du Québec. Vouée à
l'acquisition, à la conservation, à la diffusion et aussi
à la promotion du patrimoine documentaire québécois
publié, la Bibliothèque nationale du Québec est devenue,
avec les années, une institution essentielle au maintien et aussi
à l'épanouissement de l'identité culturelle
québécoise.
Alors qu'on s'apprête à confirmer le caractère
distinct de notre société dans la constitution canadienne il
s'avère important de conférer à cette institution
nationale un statut qui lui permettra d'atteindre pleinement ses objectifs de
rayonnement dans le réseau documentaire.
La Bibliothèque nationale du Québec a eu 20 ans en 1987.
Vous accepterez, certes, qu'il me plaise de rappeler que le projet original
visant la création de cette grande institution avait été
préparé à l'initiative du gouvernement libéral.
L'Union Nationale en proposait ensuite l'adoption sous sa gouverne et, le 11
août 1967, l'Assemblée législative adoptait à
l'unanimité le projet de loi 91 qui devint la Loi sur la
Bibliothèque nationale du Québec.
Lors de sa création, la Bibliothèque nationale du
Québec s'installait au 1700, rue Saint-Denis, à Montréal
et récupérait le très riche fonds documentaire
accumulé par les Sulpiclens depuis plusieurs décennies.
Constitué de livres québécois, de livres étrangers,
de périodiques, de documents divers, ce fonds s'avérait un
héritage
exceptionnel qui permit de constituer le noyau initial de la
mémoire documentaire québécoise.
La mise en vigueur de la Loi sur la Bibliothèque nationale du
Québec et aussi de ses dispositions touchant le dépôt de
tout document publié au Québec permit au cours des années,
d'enrichir cet héritage et aussi de mettre à la disposition des
citoyens du Québec et des chercheurs en général une
collection nationale digne de ce nom et que l'Institution cherche sans cesse
à enrichir. En plus de rassembler le patrimoine documentaire
québécois imprimé, la Bibliothèque nationale du
Québec a également pour fonction de recueillir les documents
publiés partout dans le monde et qui se rapportent au Québec.
Elle est devenue ainsi le centre de documentation le plus complet sur le
Québec. Ses collections générales constituées de
livres, de journaux, de revues comprennent principalement les documents
publiés au Québec depuis l'origine, des documents relatifs au
Québec et publiés à l'extérieur du Québec
ainsi que les documents anciens hérités du fonds
Saint-Sulpice.
S'ajoutent à cet ensemble des collections spéciales qui
sont constituées de livres rares et anciens, de livres d'artistes, de
cartes, de documents éconographiques, de fonds de manuscrits et aussi de
partitions musicales.
La Bibliothèque nationale du Québec joue un rôle
essentiel dans la vie culturelle du Québec. En plus de rassembler le
patrimoine documentaire, cette institution prépare et aussi publie
chaque mois la bibliographie nationale constituée de la description des
documents publiés au Québec. Elle publie aussi des catalogues,
des répertoires bibliographiques et des index divers en vue de fournir
aux chercheurs des instruments de travail utiles.
Par son mandat, la Bibliothèque nationale du Québec
entretient des liens avec les autres bibliothèques nationales et, plus
particulièrement, avec les institutions des pays de langue
française. Elle fait aussi partie du réseau des
bibliothèques universitaires du Québec et collabore avec la
Bibliothèque nationale du Canada.
L'année 1987 a marqué le vingtième anniversaire de
cette institution. À cette occasion elle a organisé une
importante exposition qu'elle a présentée au Salon du livre de
Montréal et qui sera vue ailleurs au Québec, dans d'autres
provinces canadiennes et aussi à l'étranger. Sous le thème
"Regard sur les collections de la Bibliothèque nationale du
Québec", cette merveilleuse exposition a montré au public des
richesses inestimables.
Dans le but de donner le maximum de moyens à cette institution
pour qu'elle puisse toujours jouer son rôle de façon exemplaire,
nous avons préparé le présent projet de loi qui vise
à conférer un statut corporatif à la Bibliothèque
nationale du Québec, et ce, à l'exemple du Musée du
Québec et du Musée d'art contemporain qui ont acquis un tel
statut au cours des dernières années. Nous croyons que le temps
est venu d'agir ainsi avec la Bibliothèque nationale du Québec.
En effet, depuis sa création en 1967, la Bibliothèque nationale
du Québec est demeurée une direction générale du
ministère des Affaires culturelles. Son évolution s'est
effectuée à l'intérieur des structures administratives du
gouvernement.
Nous proposons donc de conférer à cette institution un
statut juridique distinct et de confier à un conseil d'administration
formé d'intervenants du milieu, la responsabilité d'en assurer le
développement. La participation de partenaires du milieu du
réseau documentaire: éditeurs, écrivains, chercheurs,
univertaires, à un tel conseil d'administration permettra en effet
à l'institution de profiter de l'expérience et aussi de la
représentativité de chacun dans la détermination de ses
priorités d'action. Ce mode de fonctionnement assurera davantage la
prise en compte des besoins du milieu, tout en conférant une
crédibilité majeure à l'action de la
bibliothèque.
De par ses fonctions, la Bibliothèque nationale du Québec
se doit d'exercer un leadership dans le milieu documentaire
québécois. Elle doit aussi coordonner les efforts du
réseau documentaire dans un contexte où les ressources sont
comptées. Sa position stratégique et son rôle particulier
la désignent comme interlocuteur privilégié du milieu.
Parce qu'elle traite la totalité des publications produites au
Québec, la Bibliothèque nationale du Québec s'avère
la plus au fait de l'activité documentaire québécoise et
se situe au coeur de ses courants. Enfin, son rôle spécifique la
mobilise sous tous les aspects relatifs au domaine de la documentation et des
bibliothèques. L'apport positif des intervenants du milieu créera
un contexte favorable à l'intensification des échanges avec le
monde de l'édition ou celui des bibliothèques. Plus
représentative du milieu, plus sensible et plus à l'écoute
des besoins des réseaux documentaires comme de la société
québécoise, la Bibliothèque nationale du Québec
répondra mieux aux attentes et confirmera le caractère
indispensable de sa mission.
Au plan international, la Bibliothèque nationale pourra
intensifier sa présence. Inscrite dans le réseau mondial des
bibliothèques nationales, elle disposera du leadership nécessaire
pour multiplier les échanges avec d'autres institutions, sous
réserve d'approbation par le gouvernement. Que ce soit par le biais de
ses échanges sur le plan international, ou que ce soit par la
circulation de ses expositions, par sa participation aux
événements majeurs du milieu, par la diffusion aussi de ses
publications ou par la préparation d'ouvrages à thématique
régionale, la nouvelle corporation aura les moyens de poursuivre les
efforts déjà entrepris pour solidifier sa présence au
Québec, au Canada et à l'étranger et assurer aussi le
rayonnement qu'une telle institution se doit d'avoir.
En bref, les mandats de la nouvelle corporation s'inscriront en
continuité avec ceux en vigueur dans la loi actuelle. La
Bibliothèque nationale du Québec aura pour fonctions de
rassembler, de conserver de manière permanente et de diffuser le
patrimoine documentaire québécois publié et aussi de tout
document qui s'y rattache et qui présente un intérêt
culturel. Elle aura aussi pour fonctions de publier la bibliographie des
documents publiés au Québec, de mettre en valeur ses collections,
de collaborer avec le milieu et de solliciter des dons, des legs, des
subventions et aussi d'en disposer. Elle pourra également, avec
l'autorisation du gouvernement, conclure des ententes avec des organisations
internationales. Les dispositions touchant le dépôt des documents
qui sont inscrites dans l'actuelle Loi sur la Bibliothèque nationale du
Québec seront évidemment maintenues et remises à jour en
conformité avec les pratiques en vigueur dans les institutions de
môme nature. (17 h 40)
Le projet de loi prévoit que l'administration de l'institution
sera confiée à un conseil d'administration composé de neuf
membres nommés par le gouvernement dont un président et un
vice-président. Trois de ces membres seront nommés après
consultation du milieu des bibliothèques et de celui de
l'édition, ainsi que des associations d'écrivains et des
universités.
Les pouvoirs de contrôle habituellement exercés par le
gouvernement dans les cas de ces corporations seront en vigueur dans cette loi.
Les membres du personnel de la bibliothèque seront nommés et
rémunérés selon la Loi sur la fonction publique, et ce,
à la totale satisfaction des employés visés.
Nous avons jugé qu'après 20 ans, la Bibliothèque
nationale pouvait franchir ce pas important dans son histoire. Je suis donc
heureuse, Mme la Présidente, de présenter ce projet de loi. Si
l'Opposition manifeste la môme attitude positive que celle adoptée
en 1967, lors du dépôt de la première Loi sur la
Bibliothèque nationale, l'assentiment unanime de l'Assemblée
nationale est assuré. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles. M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, la ministre des Affaires
culturelles demande la même collaboration que celle de l'Opposition en
1967. Je lui répondrai tout de go que, si l'Opposition devait
répondre à son projet de loi de la môme façon que
l'Opposition libérale réagissait au projet de loi faisant de
certaines institutions nationales des sociétés d'État, je
pense que la ministre ne serait pas tellement fière des propos qu'elle a
tenus jadis dans cette Chambre. Parce que, quand l'on créait des choses
comme celles que la ministre vient de créer, c'était de voir le
tohu de l'autre côté en disant: C'est épouvantable, un
autre organisme de plus, une autre société de plus.
C'était un tollé. Il s'agit de relire la transcription des
débats de cette Chambre de 1976 a 1985 pour voir que la ministre appelle
peut-être, mais a très peu répondu à l'époque
où elle était de ce côté-ci de la Chambre.
Mais, quoi qu'il en soit, Mme la Présidente, je pense que la
ministre ne répondra jamais tout à fait à mes attentes. Je
ne disconviens pas de l'Importance de ce projet de loi, mais j'aurais
espéré, puisqu'il y a urgence, avoir devant moi, aujourd'hui,
pour la reprise de la session, un projet de loi sur le financement public des
musées d'État par rapport aux musées privés. J'ai
pu assister, durant l'intersession, à une confiscation des profits du
Musée d'art contemporain de Montréal par la ministre, laquelle a
décidé, la semaine dernière, d'éponger le
déficit de 3 500 000 $ du Musée des beaux-arts de
Montréal, musée privé. La ministre pratique ce que le
chancelier Schmidt de l'Allemagne fédérale appelait la
privatisation des profits, la socialisation des pertes. Pour continuer à
le citer et à emprunter au chancelier Schmidt, je me demande si elle ne
se prend pas, comme il le disait, pour l'atelier de réparation - et
j'adapterai - d'un capitalisme muséologique malade.
Non, nous n'avons pas l'intention d'avoir la môme attitude que le
gouvernement libéral a eue lorsqu'il était dans l'Opposition,
soit de ridiculiser chaque fois qu'on voulait donner des choses à un
organisme ou une institution nationale au Québec. Nous allons adopter
une attitude moins mesquine, beaucoup plus québécoise que
l'Opposition précédente.
Le projet de loi 43, Loi sur la Bibliothèque nationale du
Québec, a essentiellement pour objet de constituer la
Bibliothèque nationale du Québec en corporation. La
bibliothèque sera dès lors un mandataire du gouvernement et
administrée par un conseil d'administration dont les membres seront
nommés par ce gouvernement.
Le projet de loi précise la teneur des fonctions dévolues
à la Bibliothèque nationale du Québec, soit: rassembler,
conserver et diffuser le patrimoine documentaire québécois
publié et tout document qui s'y rattache ainsi que les documents
relatifs au Québec qui sont publiés à l'extérieur
du Québec. Dans l'exécution de ses fonctions, elle se voit par
ailleurs conférer certains pouvoirs. En continuité avec la loi
actuelle sur la Bibliothèque nationale, que le présent projet
vient abroger, la bibliothèque recevra également le
dépôt de tous les documents publiés par un éditeur
ou par une personne ou un organisme qui assume la responsabilité de la
production de documents publiés et ce, conformément aux
règlements établis par le gouvernement. Le projet comporte
à cet égard des dispositions pénales exposant les
contrevenants à des amendes.
L'autonomie accordée à la Bibliothèque
nationale du Québec - oui, des amendes. C'est un gouvernement qui
prêchait, plutôt qui disait: Non, la coercition ce n'est pas bon.
Enfin, on le laissera se démêler dans sa dialectique un peu
particulière qui est à la fols tantôt pour oui et
tantôt pour non.
L'autonomie accordée à la Bibliothèque nationale du
Québec n'est cependant pas totale, Mme la Présidente. La ministre
se réserve le pouvoir de lui donner des directives portant sur ses
orientations, directives devant être approuvées par le
gouvernement et déposées à l'Assemblée
nationale.
Le projet de loi 43 accorde de plus au ministère des Affaires
culturelles le pouvoir de désigner une personne pour vérifier si
les dispositions de la loi et des règlements sont observés par la
bibliothèque ou pour enquêter sur la gestion et les
activités de celle-ci. Ce sont des articles que l'on retrouve assez
souvent dans les lois déposées par M. le ministre de
l'Éducation, M. Ryan, qui préside d'ailleurs le comité de
la culture et des affaires sociales. J'ai donc l'impression que la ministre a
peut-être été un peu influencée par le
caractère méfiant de son collègue à
l'Éducation.
Le projet prévoit enfin que le siège de la
Bibliothèque nationale sera situé sur le territoire de la
Communauté urbaine de Montréal et que son personnel sera
régi par la Loi sur la fonction publique.
Voilà donc résumées les grandes lignes de ce projet
de loi, un projet d'importance certes pour l'avenir de notre
Bibliothèque nationale, mais un projet de loi de facture, somme toute,
traditionnelle, étant donné son objet, un projet de loi peu
litigieux et qui recevra, je ne vais pas surprendre en cette Chambre, l'aval de
l'Opposition. Mais avant de procéder à une analyse plus
approfondie du projet de loi, j'aimerais, si vous me le permettez, Mme la
Présidente, rappeler brièvement l'importance pour le
Québec de cette institution qu'est la Bibliothèque nationale que
j'ai le plaisir d'avoir dans ma circonscription.
Étant député constitutionnel de Saint-Jacques,
nonobstant les prétentions de mon collègue de Saint-Louis qui
verra son territoire sensiblement modifié lors de la prochaine carte
électorale, grand bien lui fasse et mes meilleurs voeux l'accompagnent.
La Bibliothèque nationale a fêté ses 20 ans d'existence
l'année dernière, je pense d'ailleurs l'avoir mentionné,
c'est donc encore une jeune institution. Elle a cependant rapidement pris sa
place comme gardienne du trésor que constitue notre patrimoine
documentaire national. Comme chacun le sait, la Bibliothèque nationale
n'est pas sortie du néant, si je puis m'exprimer ainsi. Au moment de sa
création, en 1967, à l'époque du gouvernement de l'Union
Nationale, elle avait la forme que nous lui connaissons aujourd'hui,
d'où d'ailleurs son appellation nationale. Je doute que le gouvernement
libéral lui aurait donné cette appellation. Elle aurait sans
doute été nommée provinciale, puisqu'on cultive, de
l'autre côté, le provincialisme tous azimuts.
Cette bibliothèque est l'héritière de la fameuse
collection de la bibliothèque Saint-Sulpice, un trésor qui
regroupera plus de 170 000 volumes - livres, périodiques et autres
documents - que les Sulpiciens - il faut leur rendre hommage - avaient
commencé à constituer à partir du milieu du siècle
dernier avant de s'installer, en 1915, dans un édifice construit
à cette fin sur la très belle rue Saint-Denis. La
bibliothèque Saint-Sulpice y aura pignon sur rue jusqu'en 1931, alors
qu'elle devra fermer ses portes, terrassée malheureusement par la crise
économique.
Le gouvernement du Québec devait racheter plus tard aussi bien
l'édifice que les collections qui passeront, en 1961, sous
l'autorité du ministère des Affaires culturelles nouvellement
créé. En 1967, une loi sanctionne la transformation de la
bibliothèque Saint-Sulpice en ce qui deviendra la Bibliothèque
nationale du Québec. (17 h 50)
Dans cette effervescence qui caractérisait les années
soixante, s'était, en effet, fait sentir, au Québec, le besoin de
se doter au Québec d'une telle institution vouée à la
sauvegarde et à la diffusion de notre patrimoine littéraire.
Cette vocation de la bibliothèque comme centre de
référence et de documentation unique au Québec va se
concrétiser par l'institution, en janvier 1968, du dépôt
légal qui fait obligation à tout éditeur ou responsable de
la production d'un document d'en déposer copie à la
bibliothèque. Depuis cette date, soit une vingtaine d'années, la
Bibliothèque nationale a sextuplé sa collection. Un rapide
inventaire révèle qu'elle possède, aujourd'hui,
près de 500 000 livres, 21 000 titres de revues et journaux, 450 fonds
de manuscrits, 75 000 partitions musicales, 40 000 cartes et plans, 7000
affiches, 45 000 photographies et 15 000 cartes postales. Ce fond documentaire
recèle une valeur historique inestimable - auquel j'aurai
peut-être un jour, Mme la Présidente, le plaisir de contribuer -
plusieurs pièces datant du début de la colonie. Il croît au
surplus à une vitesse appréciable. La bibliothèque
reçoit, chaque année, entre 7000 et 8000 livres, en plus des
numéros des 7000 revues et 700 journaux québécois. Par
comparaison, soulignons que le Québec produisait, il y a 20 ans environ,
700 titres par année, soit 10 fois moins. C'est donc dire que la
Bibliothèque nationale a été le témoin d'un essor
tout à fait prodigieux de la production littéraire
québécoise.
La mission de la bibliothèque ne se limite pas à la
conservation de notre patrimoine écrit, elle met aussi celui-ci à
la disposition du public en général et, tout
particulièrement, des chercheurs dans divers domaines et, bien entendu,
des étudiants et étudiantes qui y trouvent une riche source de
documentation. Ainsi, la bibliothèque accueille, chaque année,
environ 25 000 visiteurs qui consultent sur place 36 000 docu-
ments. Elle répond, annuellement, à quelque 27 000
demandes d'information par téléphone, lettres ou ordinateurs et
s'occupe de 3000 transactions de photocopies et microfilms avec d'autres
bibliothèques et centres de documentation à travers te monde,
d'où sa vocation internationale et je m'en réjouis. Et pour
être internationale, je le répète, elle se doit d'abord
d'être nationale.
En matière de coopération internationale justement, la
bibliothèque a déjà établi des rapports
d'échanges avec des institutions similaires, notamment en Algérie
et au Maroc. En plus de cela, la bibliothèque nationale publie de
nombreux documents: index, catalogues, répertoires, inventaires,
statistiques de l'édition, bibliographies de publications
québécoises qui constituent autant d'instruments très
précieux pour la recherche au Québec. Enfin, elle organise
régulièrement des expositions qui font mieux connaître
notre patrimoine littéraire et participe aux nombreux salons du livre.
Tout ceci en fait une institution irremplaçable au Québec, Mme la
Présidente.
On ne saurait cependant passer sous silence les problèmes que
rencontre la Bibliothèque nationale, du fait de l'éparpillement
de ses collections et services dans quatre édifices, dont trois sont
ouverts au public, situation qui entraîne aussi bien des
inconvénients pour les chercheurs que les coûts additionnels,
malheureusement pour l'institution. Le bâtiment de la rue Saint-Denis
s'est rapidement trouvé débordé sous le nombre croissant
de documents de toutes sortes. Le microfilmage de nombreux documents, notamment
journaux et revues, n'a pas suffi à pallier ce manque d'espace. Il faut
ajouter que les édifices actuels n'offrent pas tous les meilleures
conditions d'entreprosage sur le plan de l'humidité et de la
température. Un mémoire sur le réaménagement et
l'agrandissement de l'édifice principal de la rue Saint-Denis avait
été déposé au Conseil du trésor par le
ministère des Affaires culturelles et la Société
immobilière du Québec dès le printemps 1985. Ce projet
visait à regrouper en une seule adresse les divers services offerts au
public de la bibliothèque, et à pourvoir à ses besoins
à long terme.
À son arrivée au pouvoir, le gouvernement libéral a
pourtant malheureusement bloqué ce projet. À diverses reprises,
la ministre libérale a reconnu les méfaits de
l'éparpillement actuel des services et a exprimé son accord
à l'objectif visant à les regrouper en un seul lieu. Abordant
cette question lors de l'inauguration d'une exposition de la
bibliothèque en mars 1987, la ministre libérale affirmait: "La
meilleure de ces solutions consisterait sans doute à installer la
Bibliothèque nationale du Québec dans un seul édifice
réunissant tous ses services et toutes ses collections. J'espère
être en mesure à l'automne, alors que cette institution
fêtera ses vingt ans d'existence, d'indiquer quelle sera la solution
retenue. Dix-huit mois se sont écoulés depuis cette
déclaration, Mme la Présidente. La bibliothèque a
fêté ses vingt ans.
On ne connaît toujours pas les intentions gouvernementales en
matière de relocalisation. La ministre libérale devrait profiter
de l'étude de ce projet qui modifie le statut de la bibliothèque
pour dire à quel endroit logera la Bibliothèque nationale, bref
pour s'engager complètement, en espèces sonnantes et
trébuchantes, à remédier à la situation actuelle et
fournir à la Bibliothèque nationale un environnement
adéquat à la mesure de son importante mission. Le gant est dans
le camp de Mme la ministre libérale des Affaires culturelles.
Je dirai enfin un mot des ressources financières allouées
à la Bibliothèque nationale. Ces crédits
s'élèvent cette année à 5 600 000 $. Depuis
l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement libéral, soit sur trois
ans, son budget a augmenté au moins de 15 %, soit à un rythme
à peu près équivalent à l'inflation. Donc, pas
d'augmentation réelle des ressources. Quand je vous avais parlé
tantôt de la privatisation des profits du Musée d'art contemporain
et de la socialisation des pertes du Musée des beaux-arts de
Montréal, musée privé... Je pense que la ministre ferait
beaucoup mieux d'écouter les propos que de faire un "placoting" avec une
de ses collègues.
La bibliothèque a subi des compressions en 1986-1987 avant de
connaître un léger répit cette année, Mme la
Présidente. Il ne suffit pas de faire de belles déclarations sur
le rôle majeur et unique de la Bibliothèque nationale à
l'occasion de cocktails ou d'inaugurations d'expositions. Encore faut-il le
reconnaître de façon tangible, en lu) fournissant les ressources
appropriées. D'importantes améliorations sont souhaitables pour
assurer un meilleur accès des services au public, notamment au chapitre
des heures d'ouverture. L'informatisation des fichiers, la constitution et
l'abonnement aux banques de données nécessitent aussi des fonds
substantiels. Le gouvernement libéral doit assumer ses
responsabilités à cet égard comme l'aurait fait le
gouvernement du Parti québécois, qui s'y était
engagé.
Le projet de loi que nous avons devant nous vise donc à faire de
la Bibliothèque nationale du Québec une corporation distincte,
mandataire du gouvernement et administrée par un conseil
d'administration composé de membres nommés par le gouvernement,
à partir peut-être d'un fichier pitonné par M. Bibeau. Nous
souscrivons à une telle modification du statut de la bibliothèque
qui bénéficiera ainsi d'une autonomie que nous espérons
souhaitable et de la responsabilisation qui en découle dans l'exercice
de sa mission. Comme tout organisme de statut semblable, la bibliothèque
devra évidemment rendre des comptes à l'Assemblée
nationale, au Vérificateur général et au
ministère.
Si la création d'une telle corporation ne nous pose pas de
problème sur le fond, il est quelque peu ironique de constater que ce
geste
provient d'un gouvernement dont la philosophie vise à la
réduction du nombre d'organismes publics et de la taille de
l'État. On se rappellera le défunt rapport Gobeil qui proposait
de sabrer de tous les côtés pour diminuer de moitié le
nombre de ces organismes. Le gouvernement en a, bien sûr, aboli
quelques-uns, mais pour la plupart déjà inopérants. Il en
a fusionné quelques autres. Il en a aussi créé plusieurs
nouveaux. Pensons seulement au Conseil permanent de la jeunesse et au Conseil
de la famille. Il y a bien peu de cohérence, c'est de toute
évidence, Mme la Présidente, entre les grands principes et les
actions concrètes du gouvernement libéral actuel.
Pour en revenir au cas de la Bibliothèque nationale, nous
remarquons que le projet de loi comporte la plupart des dispositions, disons -
et vous me permettrez le mot - standard à ce genre de loi. Je pense ici
à ce qui concerne les conditions de travail du président, les
conflits d'intérêts - encore là, faut-il qu'il y ait
vigilance - l'assujettissement des membres du personnel à la Loi sur la
fonction publique. La bibliothèque peut, évidemment, adopter tout
règlement concernant sa régie interne et établir des
comités...
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Jacques.
Une voix: II y a consentement pour poursuivre.
M. Boulerice: De la part de l'Opposition.
La Vice-Présidente: Si vous me le permettez, je vais m'en
enquérir. Étant donné l'heure, est-ce que j'ai le
consentement pour qu'on puisse continuer ce débat?
Des voix: Consentement, Mme la Présidente.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente, il y a consentement.
(18 heures)
La Vice-Présidente: Consentement.
M. Gendron: II y a effectivement une entente entre les leaders,
mais pour continuer ce débat-là, le débat qui est en
cours. Oui, il y a consentement pour le poursuivre pendant quelques minutes
encore.
La Vice-Présidente: II y a donc consentement. M. le
député de Saint-Jacques, vous pouvez continuer votre
intervention.
M. Boulerice: Je disais donc, Mme la Présidente, avant
d'être interrompu pour cette question de règlement - je ne vous en
tiens pas grief - que la bibliothèque peut, évidemment, adopter
tout règlement concernant sa régie interne et établir des
comités pour la conseiller sur toute matière relevant de ses
fonctions, ce qui est notamment souhaitable en espérant que le
ministère ne fera pas trop de tracas pour accepter les règlements
de la bibliothèque comme il en a fait pour certains autres organismes
d'État. Elle est tenue de procéder par soumissions publiques et
doit obtenir, dans certaines circonstances, une autorisation gouvernementale
pour contracter un emprunt. Des dispositions, encore là, tout à
fait normales, donc standard, comme je vous le disais. Elle doit enfin
soumettre son budget au gouvernement pour approbation, transmettre au
ministère ses états financiers et son rapport annuel
d'activités, qui est déposé devant l'Assemblée
nationale et soumettre ses livres et comptes à la vérification,
vous me permettrez le pléonasme, du Vérificateur
général.
Il s'agit là de dispositions régulières et de
garanties nécessaires en matière de reddition de comptes, dans la
mesure où les revenus de la bibliothèque proviennent
essentiellement du trésor public. Je désirerais cependant
émettre ici des réserves sur deux aspects du projet de loi.
D'abord, la composition du conseil d'administration. Il me semble qu'il
n'assure pas toute la représentativité à laquelle on
serait en droit de s'attendre. Seulement le tiers des membres, soit trois, sont
nommés après consultation du milieu des bibliothèques, de
celui de l'édition ainsi que des associations d'écrivains et des
universités. Cette proposition est mince et gagnerait à
être augmentée, peut-être même ventilée selon
les milieux. De toute façon, l'Opposition apportera des amendements
à ce projet de loi ou s'associera à d'autres amendements, s'il
devait y en avoir.
Dans un autre ordre d'idées, et c'est une question plus
fondamentale, nous nous interrogeons sérieusement sur le pouvoir
d'ingérence que se donne la ministre des Affaires culturelles dans les
affaires de la bibliothèque. Ainsi, l'article 32, d'inspiration Ryan
comme je vous le disais tantôt, stipule que la bibliothèque doit,
dans les quatre mois précédant le début de son exercice
financier, lui soumettre ses orientations à la suite de quoi la ministre
peut lui donner des directives qui doivent être approuvées par le
gouvernement et déposées devant l'Assemblée nationale.
Connaissant le peu de respect qu'a ce gouvernement pour l'Assemblée
nationale, comprenez ma crainte, Mme la Présidente.
Ce pouvoir de directive, qui n'est pas inacceptable en soi, devra
néanmoins être utilisé judicieusement. Que la ministre soit
mise en garde, si l'on veut que l'autonomie et la responsabilité de
l'institution ne soient pas de vains mots. Ce projet va cependant encore plus
loin par le biais de dispositions relatives à l'administration
provisoire qui traduisent, à mon sens, un réel esprit de
méfiance à l'égard de la Bibliothèque nationale du
Québec et de ses administrateurs.
Ainsi, la ministre peut charger une personne
d'enquêter sur les activités de la bibliothèque et
le gouvernement peut, pendant la durée d'une vérification ou
d'une enquête, ordonner que les pouvoirs de la bibliothèque soient
suspendus. Il peut même nommer un administrateur de tutelle qui peut
annuler toute décision prise par la Bibliothèque nationale du
Québec.
D'une part, l'inclusion de telles dispositions semble bel et bien
constituer une innovation, si je peux employer le mot. Un survol des lois
adaptées au cours des dernières années en vue de
créer de nouveaux organismes, aussi bien par le gouvernement
précédent, c'est-à-dire le mien, que par le gouvernement
actuel, c'est-à-dire le gouvernement libéral, le confirme. On ne
trouve ainsi pas d'équivalent dans la loi instituant la
Société sur les courses de chevaux ou encore la loi créant
la Société générale des industries culturelles,
SOGIC. Dans le secteur des affaires culturelles, qui nous intéresse ici
plus directement et plus spécifiquement et où évoluent de
nombreux organismes ou corporations à caractère parapublic, la
même constatation s'impose. Qu'on pense aux musées nationaux, aux
organismes du secteur du cinéma, il n'y a rien de comparable à
ces clauses de tutelle déguisées ici sous le vocable
d'administration provisoire. J'ai bien hâte, Mme la Présidente,
que la ministre s'explique à ce niveau.
D'autre part, il faut souligner que la ministre et le gouvernement
disposent d'autres méthodes de contrôle, si elle ne les
connaît pas. Le projet prévoit déjà la
vérification annuelle des livres et des comptes de la
Bibliothèque nationale par le Vérificateur général;
le projet donne expressément à la ministre un pouvoir de
directive. La loi sur le ministère des Affaires culturelles lui permet
de faire enquête, si elle ne le sait pas déjà. Alors,
où est la nécessité d'une telle disposition?
J'espère entendre des réponses de la part de la ministre. Quelles
craintes viennent justifier de mettre une telle épée de
Damoclès au-dessus de la tête des futurs administrateurs de la
Bibliothèque nationale du Québec? Rarement a-t-on vu un tel acte
de méfiance exercé à l'endroit d'un organisme à qui
le projet de loi vise pourtant à conférer une autonomie de
gestion. Est-ce un trait de caractère de la ministre, de ses
collègues ou du comité de rédaction? C'est là un
dangereux précédent, Mme la Présidente, et nous en
attendons des explications claires de la part de la ministre.
Au chapitre notamment des fonctions, il s'agit pour la
Bibliothèque nationale du Québec, selon le libellé de
l'article 17 - et je cite: "... de rassembler, de conserver de manière
permanente et de diffuser le patrimoine documentaire québécois
publié et tout document qui s'y rattache et qui présente un
intérêt culturel... ainsi que les documents relatifs au
Québec et publiés à l'extérieur du Québec. "
Je me permets de faire remarquer qu'on ne trouve pas, dans le projet de loi, de
définition du mot "document", contraire- ment à la loi actuelle.
Celle-ci désigne ainsi par document toute publication de quelque nature
qu'elle soit, qui est multipliée par le moyen de l'imprimerie ou tout
autre procédé graphique, y compris les procédés
phonographiques et photographiques mais à l'exclusion des
procédés cinématographiques". Je crois que cette question
mériterait certains éclaircissements, de façon que soit
bien précisé ce qu'on entend par patrimoine documentaire public.
Autre question à Mme la ministre. Par ailleurs, nous constatons que les
pouvoirs confiés à la bibliothèque dans l'exercice de ses
fonctions sont suffisamment larges. La possibilité de solliciter et
recevoir des dons, legs, subventions ou autres contributions et d'en disposer
est particulièrement Intéressante et répond, je crois,
à un voeu de la bibliothèque, à la condition, toutefois,
que la Bibliothèque nationale ne soit pas pénalisée par
des dons en argent, par une réduction des avoirs qu'elle pourrait
obtenir du Trésor public.
Ce projet de loi comporte, enfin, une importante section sur le
dépôt des documents publiés plus détaillée
que ce qui est stipulé dans la loi actuelle. Il y est notamment
prévu certaines possibilités d'exemption à la règle
voulant que soient déposées gratuitement auprès de la
bibliothèque deux copies de chaque exemplaire d'un document
publié. Je formulerai cependant deux remarques, Mme la
Présidente. D'abord, le délai de sept jours imparti aux fins du
dépôt légal me semble un peu court. J'apporterai d'ailleurs
des modifications au projet de loi, à moins que la ministre ne se rende
compte de bon gré que son article n'est pas à propos et qu'elle
ne consente délibérément à y aller plus à
fond. La règle actuelle est de 30 jours. Donc, j'aimerais
connaître les justifications de ces changements parce que le délai
de sept jours me paraît trop raccourci, beaucoup trop court. Aussi, les
amendes infligées en cas d'infraction aux dispositions concernant le
dépôt légal, notamment à l'article 48, me semblent
particulièrement sévères.
En conclusion, Mme la Présidente, voilà donc les
commentaires que je désirais formuler à l'occasion du
débat sur le principe de ce projet de loi. Comme je l'ai indiqué,
l'Opposition formée par le Parti québécois, contrairement
à l'Opposition lorsqu'elle était formée par le Parti
libéral, va souscrire, en dépit de quelques réserves qui
pourront faire l'objet d'accommodements lors de l'étude
détaillée. Nous croyons que l'octroi d'un nouveau statut à
la Bibliothèque nationale est susceptible de lui permettre de remplir
avec encore davantage de succès et d'efficacité sa mission
essentielle. Nous aurions bien aimé qu'on reconnaisse ce point lorsque
l'Opposition libérale s'opposait à certains projets de loi
similaires que nous présentions. (18 h 10)
Notre patrimoine documentaire littéraire est un joyau, un
témoin unique de notre mémoire collective et de notre
héritage culturel qu'il
faut de façon jalouse - je m'excuse, j'ai un peu de
difficulté à prononcer le mot - qu'il faut jalousement
protéger, qu'il faut aussi mettre à la portée et faire
connaître au plus grand nombre de Québécois et de
Québécoises. Mais, je me dois de le répéter, Mme la
Présidente, un encadrement juridique n'est pas en soi suffisant. Une
institution comme la Bibliothèque nationale du Québec doit
disposer de moyens financiers appropriés. Elle devra aussi, nous le
souhaitons... Je m'excuse, Mme la Présidente, je crois que Mme la
députée de... Enfin, je ne sais plus de quelle circonscription,
il y en a qui parient tellement peu souvent en Chambre qu'on a de la
difficulté à se rappeler quelle circonscription.
La Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Saint-Jacques, vous avez votre droit de parole et je
vous demanderais de continuer.
M. Boulerice: Merci, Mme la Présidente, d'avoir
rappelé à l'ordre Mme la députée de
Mégantic-Compton. On a eu la gentillesse de me souffler le nom de sa
circonscription à l'oreille, une belle circonscription soit dit en
passant. Je le disais tantôt, je me dois de le répéter, un
encadrement juridique n'est pas suffisant. Une institution comme la
Bibliothèque nationale doit disposer de moyens financiers
appropriés. Elle devra aussi, nous le souhaitons, dans les meilleurs
délais, bénéficier d'un environnement physique
adapté à ses besoins et à la mesure de son rôle
comme instrument privilégié du rayonnement de l'identité
culturelle québécoise, c'est-à-dire la fin, Mme la
Présidente, de l'hypocrite pseudo-moratoire sur les équipements
culturels décrété par la ministre et qu'enfin la
Bibliothèque nationale puisse avoir les locaux qui lui conviennent, que
nous étions prêts à lui accorder, mais que le gouvernement
libéral a gelés dans une attitude mesquine envers les
édifices culturels qui sont de première importance sous le faux
prétexte qu'on ne finançait pas par le service de la dette.
À ceci, j'ai toujours répondu que financer des équipements
culturels par le service de la dette, c'était l'équivalent pour
l'ensemble des Québécois d'avoir un prêt
hypothécaire sur leur maison - rien de plus normal.
Alors, Mme la Présidente, nous étudierons ce projet de loi
et déposerons les modifications qu'il y a lieu de faire en rapport avec
les réserves que nous avons émises au sujet du conseil
d'administration et, également, sur le délai de
dépôt imposé. Donc, je vous le répète, nous
pratiquerons une opposition différente de celle qu'a pratiquée le
Parti libéral lorsqu'il était à l'Opposition; nous
souscrirons au projet de loi et aiderons la ministre à le bonifier. Je
vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. Je vais maintenant reconnaître le député de
Bourget.
M. Claude Trudel
M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Compte tenu de
l'heure, 18 h 12, je vais réduire de plusieurs minutes ce que j'avais
l'intention de dire. Je trouve que mon collègue, le député
de Saint-Jacques, est bien volubile aujourd'hui. Si cela augure de ce que sera
son comportement pendant la session qui vient, comme dirait l'autre, on n'est
pas sortis de l'auberge. J'emploierai, pour exprimer ma joie de voir un projet
de loi sur la Bibliothèque nationale, une expression qu'un ancien
premier ministre libéral du Québec avait employée dans un
tout autre contexte. Cela intéressera sans doute Mme la ministre,
puisqu'il l'avait employée à Trois-Rivières dans le cadre
de l'inauguration d'un pont que les Trifiuviens attendaient depuis des
générations. Il avait déclaré: "Enfin notre pont,
nous l'avons". Je serais tenté de dire, Mme la Présidente:
"Enfin, notre loi sur la Bibliothèque nationale, nous l'avons."
Ce projet de loi important, attendu depuis évidemment très
longtemps, est le fruit du travail de plusieurs conservateurs de la
Bibliothèque nationale et de plusieurs fonctionnaires. Au Québec,
nous légiférons sur la Bibliothèque nationale une fois
tous les 20 ans. Je ne pense pas que l'on puisse dire qu'on exagère
beaucoup, d'où l'importance de ce projet de loi. Si j'ai tenu à
intervenir, même à cette heure tardive, c'est qu'à titre de
sous-ministre aux Affaires culturelles pendant quatre ans, j'ai
été responsable de cette institution qu'est la
Bibliothèque nationale qui, à l'époque et jusqu'au moment
où on se parle, fait toujours partie une direction
générale du ministère des Affaires culturelles.
La Bibliothèque nationale est, encore une fois, l'oeuvre d'un
gouvernement libéral. Il faut vraiment être honnête et
souligner que si la Loi sur la Bibliothèque nationale - je vois le
député de Saint-Jacques qui s'excite encore une fois; laissez-moi
terminer, je vais nuancer ce que je viens de dire - a été
adoptée le 11 août 1967, M. le député de
Saint-Jacques...
M. Boulerice: Le 11 août?
M. Trudel: Oui, monsieur, elle a été adoptée
au mois d'août 1967, il faut dire qu'elle était déjà
dans les cartons, non seulement du dernier ministre des Affaires culturelles de
l'époque, M. Pierre Laporte, mais que M. Georges-Emile Lapalme en avait
déjà parlé. Donc, on pensait à une
bibliothèque nationale au Québec bien avant son adoption en 1967.
L'honneur revint évidemment à M. Jean-Noël Tremblay, alors
ministre des Affaires culturelles. Quand on parle de la Bibliothèque
nationale, les choses se passent lentement mais sûrement au
Québec. De 1975 à 1979, je le rappelais tantôt, j'ai
été sous-ministre aux Affaires culturelles et j'ai, je dois le
dire, rédigé deux projets, enfin pas des projets mais des
avant-projets de société d'État pour une
bibliothèque nationale. Une première fois sous Jean-Paul
L'Allier qui, dans son livre vert, en traitait abondamment dans plusieurs
pages; une seconde fois sous le règne très court, quant à
moi - puisque je suis parti avant que lui-même ne parte - de M. Denis
Vaugeois. Évidemment, M. Vaugeois, connaissant bien le domaine du livre,
s'était intéressé à cet avant-projet de loi et on a
eu un certain espoir, pour ne pas dire un espoir certain, que la
Bibliothèque nationale devienne enfin une société
d'État, ce qu'elle deviendra au cours des prochains jours. M.
Clément Richard a eu le douteux honneur d'être le seul ministre
des Affaires culturelles à publier un livre blanc, vert, jaune ou bleu -
parce que les ministres des Affaires culturelles en ont publié à
peu près de toutes les couleurs - d'une certaine couleur, sans parler
d'aucune façon du problème du livre, de la lecture au
Québec. Il faut quand même le faire! Il faut dire qu'à
l'époque, la Bibliothèque nationale n'était pas
suffisamment importante, ne constituait pas un monument suffisamment important
pour M. Richard.
On me permettra sans doute, Mme la Présidente, et je terminerais
presque là-dessus, histoire de donner à tous l'occasion d'aller
qui au caucus, qui à la réception organisée par le
Président de l'Assemblée nationale, pour rendre un hommage
particulier à un conservateur en chef de la Bibliothèque
nationale qui y a été pendant douze ans, qui est maintenant
parti, qui fait maintenant autre chose, et qui a travaillé
d'arrache-pied à développer cette institution nationale
importante qu'est la Bibliothèque nationale... Je veux parler de M.
Jean-Rémi Brault qui est sans doute moins flamboyant que l'actuel
conservateur en chef de la Bibliothèque nationale mais qui, tout homme
discret qu'il était, avait beaucoup réfléchi au
problème de la Bibliothèque nationale, de la lecture et des
bibliothèques publiques au Québec, qui était fier du poste
qu'il occupait et qu'il a occupé pendant douze ans et qui
défendait farouchement ses idées, ses budgets. J'en sais quelque
chose puisque j'ai été son supérieur Immédiat au
ministère des Affaires culturelles pendant quatre ans. M. Brault doit
être fier aujourd'hui de voir que son successeur a réussi
là où il avait, non pas échoué... Je pense que les
circonstances se prêtaient mal sous Clément Richard, je l'ai dit
tantôt, et au début du mandat de l'actuel gouvernement pour passer
à cette étape. Mme la ministre est passée à cette
étape et nous aurons - je le disais tantôt - au cours des
prochains jours, un projet de loi qui transformera la Bibliothèque
nationale en société d'État.
Je ne répéterai pas ce que Mme la ministre a dit,
évidemment, puisque, encore une fois, le temps est... Même si M.
le Président est assez gentil pour me dire de son siège, non pas
officiel, mais très officieux, que je peux prendre le temps qu'il faut,
je ne voudrais pas que, en bon hôte qu'il est, il manque sa propre
récep- tion, d'autant plus que j'ai le goût d'y assister. (18 h
20)
Je ne voudrais pas répéter non plus ce que l'Opposition a
dit et ce que Mme la ministre a dit. J'aurais simplement une suggestion
à faire à Mme la ministre des Affaires culturelles. Le
député de Saint-Jacques a parlé tantôt de l'absence
de la définition du mot "document" dans le projet de loi. Je l'avais
moi-même remarqué et je pense qu'elle l'avait remarqué. Je
ne suis pas certain que cette chose doive être corrigée dans la
loi. Je pense qu'elle pourrait amplement être faite dans les
règlements qui pourraient déterminer ce qu'est le mot "document".
Parce que le mot "document", non seulement peut recouvrir tout ce qui est
musical, tout ce qui est cinéma, tout ce qui est vidéo, mais le
député de Saint-Jacques qui pense tout savoir a quand même
oublié ce qu'on appelle le support logiciel et de didacticiel.
J'aimerais mieux voir la définition du mot "document" dans un
règlement plutôt que dans la loi.
Mais, Mme la ministre, j'aurais quand même une suggestion
d'amendement à vous faire. Je pourrai y revenir ce soir en commission
parlementaire. Il s'agit de la formation du conseil d'administration. Je ne
conteste pas le nombre. Je pense que le fait de s'engager à consulter
les milieux de bibliothéconomie québécoise, les milieux de
l'édition québécoise, les milieux universitaires et les
associations d'écrivains est excellente en soi. Cela paraît un peu
prétentieux de le dire ici ce soir, mais je me souviens de l'avoir
inscrit dans un avant avant-projet en 1975-1976. Il m'apparaît y avoir
une omission importante. La suggestion que je vais faire est inexistante depuis
20 ans. Elle consiste en ceci: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen, Mme la
ministre, d'avoir, dans la loi, l'obligation de nommer au moins l'une des neuf
personnes - j'irais peut-être à deux ou trois, mais au minimum une
personne, de préférence le p. -d. g., puisqu'on parle d'un p. -d.
g. maintenant à la Bibliothèque nationale - qui proviendrait, non
seulement des milieux de la bibliothéconomie - c'est un mot qui est
aussi difficile sinon plus difficile à prononcer que le mot
"jalousement" du député de Saint-Jacques, tantôt - qui
serait un diplômé d'une de nos deux écoles de
bibliothéconomie au Québec? Vous savez, Mme la ministre, que nous
avons deux écoles, l'une affiliée à l'Université de
Montréal, brillamment dirigée, à mon avis, par M. Marcel
Lajeunesse, l'autre, qui a eu au cours des ans un peu plus de
difficultés, qui relève de l'Université McGill. Les deux
sont reconnues par I'American Library Association, de telle sorte que les
diplômés de ces deux écoles de bibliothéconomie
peuvent pratiquer leur profession partout en Amérique du Nord. Il
m'apparaîtrait dans ce contexte, à la fois normal et sain qu'au
moins une personne, sinon deux, et de préférence - c'est la
suggestion que Je vous fais, Mme la ministre - le président-directeur
général ou la présidente-
directrice générale, si c'était le cas, soit issue
des milieux de la bibliotheconomie québécoise et,
particulièrement, d'une de nos deux écoles de bibliotheconomie.
Si vous avez l'intention de nommer l'actuel directeur ou conservateur en chef
de la Bibliothèque nationale, cela ne devrait pas poser de
problème puisqu'il est l'ancien directeur de l'École de
bibliotheconomie. La suggestion que je fais est importante. C'est une absence
qu'on constate dans la loi depuis 20 ans. Je pense qu'il serait temps de la
corriger. Je vous en fais ce soir la suggestion, j'y reviendrai très
certainement lors de l'étude article par article de la loi. Je remercie
tant le gouvernement que l'Opposition de m'avoir permis de m'exprimer à
18 h 12 le soir. Je pense que je n'ai pas abusé du temps de cette
Chambre. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Bourget. Mme la ministre des Affaires culturelles, en réplique.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: Mme la Présidente, je ne serais pas très
longue, puisqu'on aura l'occasion de discuter pleinement de ce projet de loi en
commission parlementaire dès ce soir. Je remercie le dernier orateur, M.
le député de Bourget, de sa suggestion qui est une suggestion
fort pertinente dans le dossier. Parce que je vous assure que j'ai
écouté le député de Saint-Jacques avec beaucoup
d'attention malgré ce qu'il a dit. On a l'impression qu'il butine quand
il nous fait ses recommandations, quand il discute d'un projet de loi. Il se
promène d'un dossier à l'autre. Il a parlé des
musées, des équipements culturels, il est allé dans tous
les dossiers. Cela le fait sourire, Mme la Présidente, mais je l'ai bien
écouté. Je l'ai bien écouté, malgré qu'il
ait dit que je faisais, je reprends ses mots, du "placotting" avec une
collègue. Il effleure les dossiers. Il ne va jamais en profondeur,
jamais au fond des choses. Il ne fait qu'effleurer l'ensemble des dossiers
culturels et à l'entendre parler on a l'impression qu'on est en train de
faire, soit les engagements financiers, soit les crédits du
ministère, encore plus les crédits du ministère parce que
là seulement on peut discuter de l'ensemble des dossiers.
Je dois dire, Mme la Présidente, en réponse au
député de Saint-Jacques, que ce n'est pas un organisme de plus.
Nous donnons à un organisme qui s'appelle la Bibliothèque
nationale du Québec l'entière liberté d'exister sous forme
de corporation. Nous ne créons pas un nouvel organisme. En cela, Mme la
Présidente, nous sommes conséquents avec nous-mêmes,
conséquents avec les discours que nous avons tenu
précédemment. Je dois dire, Mme la Présidente, que nous
respectons cette autonomie que nous lui donnons, puisque les directives du
ministère, les directives de la ministre via le ministère, via le
Conseil des ministres seront connues sur la place publique. Bien malin serait
le ministre qui irait à l'encontre de ce respect de l'autonomie,
puisqu'il ne pourrait pas le faire sans avoir d'abord informé cette
Chambre et sans avoir d'abord informé la population en
général par le biais de l'Assemblée nationale. Donc, Mme
la Présidente, les inquiétudes manifestées par le
député de Saint-Jacques ne sont pas fondées.
Mme la Présidente, nous aurons l'occasion, comme je le disais
tout à l'heure, de discuter de ce projet de loi. Nous aurons l'occasion
de l'étudier article par article et de donner des commentaires
suffisamment étoffés qui seront nécessaires à
l'occasion de cette étude. Nous espérons que l'Opposition pourra,
à la lumière de ces commentaires et de ces informations, nous
apporter un appui dans cette démarche que nous entreprenons aujourd'hui.
Il est nécessaire de donner ce statut à la Bibliothèque
nationale du Québec. Après 20 ans, la bibliothèque est
devenue majeure. Nous en sommes à sa 21 e année. C'est donc cet
événement que nous pourrons célébrer avec
l'adoption de ce projet de loi.
Mme la Présidente, je pense que le député de
Saint-Jacques sera satisfait des commentaires que nous ferons. Il aura toutes
les informations nécessaires, mais il s'en tiendra à la
pertinence du projet de loi 43 et non à effleurer l'ensemble des
dossiers du ministère des Affaires culturelles au moment de
l'étude de ce projet de loi. Il aura d'autres possibilités de
faire des démarches dans ce sens et nous lui donnerons, à ce
moment-là, toute la possibilité de s'exprimer. Nous apporterons
des réponses pour l'ensemble des dossiers.
La Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles. Cette réplique termine le débat. Est-ce que le
principe du projet de loi 43, Loi sur la Bibliothèque nationale du
Québec, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
M. Lefebvre: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. te leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de la culture
M. Lefebvre: Je fais motion pour déférer le projet
de loi 43 à la commission de la culture pour étude
détaillée article par article.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
M. Lefebvre: Permettez, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je voudrais peut-être répéter
l'avis donné tout à l'heure concernant les commissions. Je
voudrais inviter à nouveau les parlementaires à être
présents à la commission de la culture qui siégera
à partir du moment où on suspendra nos travaux tout à
l'heure. Il y aura une période libre de deux heures. Alors, si on
ajournait à 18 h 40, cela voudrait dire que la commission
siégerait à partir de 20 h 40 jusqu'à 22 heures.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du
gouvernement. On m'informe que la décision du président devra
nous parvenir très bientôt. Est-ce qu'on a consentement de cette
Chambre pour suspendre quelques instants, pour attendre la décision du
président sur la question de privilège? (18 h 30)
M. Gendron: Mme la Présidente, je n'ai pas d'objection,
mais je voudrais être très clair. J'ai indiqué tantôt
que si la décision du président, que je ne connais pas, devait
donner suite à un débat, il n'est pas question que j'accepte
qu'on le fasse maintenant. On va le faire en temps et lieu en présence
du leader du gouvernement et avec des parlementaires, premièrement.
Deuxièmement, compte tenu de l'importance de la décision, je
comprends que le président puisse avoir besoin de quelques minutes
additionnelles pour la compléter, mais je vous dis que je ne
dépasserai pas 18 h 40. Si dans dix minutes il n'est pas en mesure de la
livrer, elle sera reportée. C'est clair comme cela. Il y a consentement
pour dix minutes, mais pas pour dix, quinze ou vingt minutes
étirées. Si dans dix minutes on n'est pas en mesure de la livrer,
on la rendra demain matin. C'est une décision importante qui doit
être prise dans des conditions normales de séance. Je ne pense pas
qu'on sort dans des conditions normales de séance.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, est-ce que je dois
comprendre qu'il y a consentement ou qu'il n'y en a pas? Est-ce qu'il y a un
consentement. De notre côté à nous, il y a consentement
pour que la présidence rende sa décision. On ne peut pas
présumer si la décision nous obligera à débattre de
la question ou à n'en pas débattre. On va écouter le
président et on verra.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.
M. Gendron: Ce n'est pas votre faute, mais vous manquez beaucoup
d'expérience. Je ne peux pas donner un consentement gratuit quand je ne
sais rien. Tout ce que je dis et c'est clair: II y a consentement pour dix
minutes de prolongation. Si à 18 h 40 le président n'est pas en
mesure de la rendre, il n'y a plus de consentement. Quant au reste, je tiens
à le dire aussi, dans la perspective où il entre dans les
délais, et que sa décision soit favorable, pensez-vous que je
vais faire ma plaidoirie à 19 heures ce soir? La réponse est non.
Il n'y a pas consentement pour cela. Il n'y a consentement que pour une seule
chose: Dans dix minutes, si la décision est prête à
être rendu, oui, il y a consentement. C'est clair?
La Vice-Présidente: Si je comprends bien, I y a
consentement pour qu'on suspende dix minutes.
Une voix: Oui.
La Vice-Présidente: De consentement, nous allons donc
suspendre nos travaux pour dix minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 32)
(Reprise à 18 h 42)
Décision du président sur
l'intervention
portant sur une violation de droit
ou de privilège
Le Président: Tel que je l'avais annoncé cet
après-midi à l'étape des affaires courantes, je suis
prêt à rendre ma décision quant à la question de
privilège qui m'a été soumise par M. le leader de
l'Opposition officielle cet après-midi dans un avis qui m'est parvenu
une heure avant le début des affaires courantes.
Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la
recevabilité de la question de privilège soulevée cet
après-midi. Comme l'a précisé le leader de l'Opposition
lors de son argumentation sur la recevabiité de sa question de
privilège, le rôle du président consiste à
décider si les fins invoquées au soutien de la question de
privilège lui permettent de croire qu'il s'agit prima facie d'une
question de privilège.
La question à laquelle je dois répondre est donc la
suivante: les faits invoqués ont-ils trait à un privilège
reconnu par la loi ou par la tradition? Avant de répondre
spécifiquement à cette question, permettez-moi de vous rappeler
que, selon les auteurs connus de droit parlementaire, iI n'existe pas de droit
ou de privilège pour un parlementaire d'obtenir une réponse
soi-disant complète ou exacte de la part d'un autre membre de la
Chambre. C'est ce qui faisait dire à un de mes
prédécesseurs, le 7 juillet 1983, et je cite: "J'ai
fouillé la Loi sur l'Assemblée nationale, l'ancienne loi de la
Législature, l'actuel règlement de l'Assemblée, son ancien
règlement, la jurisprudence et tous les auteurs
connus de droit parlementaire britannique, Beauchesne, Cushing, Bourinot
et May et j'y ai cherché la moindre référence concernant
un parlementaire qui donne une réponse incomplète, inexacte et
qui induit l'Assemblée en erreur comme un viol ou un bris de
privilège qu'aurait l'Assemblée ou chaque membre
individuellement.''
J'ai fait personnellement le même exercice et ni les auteurs, ni
notre jurisprudence, même la plus récente ne reconnaissent
là un fondement pour un droit ou un privilège de
l'Assemblée ou un de ses membres. Cependant, dans les interventions que
peut faire un député, il existe une situation qui pourrait
conduire la présidence à reconnaître certains faits pouvant
donner ouverture à une violation de droit ou de privilège de
l'Assemblée. Un précédent existe à cet effet et,
comme l'a mentionné le leader de l'Opposition cet après-midi, il
s'agit de l'affaire Profumo. Mon prédécesseur y a fait
référence dans sa décision du 7 juin 1983 et y a
précisé les conditions se rattachant à cette exception, et
je cite: 11 me semble, pour autant que cela fasse jurisprudence et que l'on
puisse l'appliquer ici, qu'il faut certains éléments pour que
l'on considère le tout comme étant un outrage à la
Chambre. "D'abord, il y a eu une déclaration faite à la Chambre
sur une question de fait personnel. Cette déclaration était
délibérément trompeuse, comme les faits devaient le
démontrer hors de tout doute et comme l'intéressé l'a
reconnu." Ça, c'est ce qui est très important. Il concluait en
ces termes: "À la rigueur, en se basant sur le cas soulevé en
Angleterre en 1963, un député pourrait commettre un outrage
à l'Assemblée si lors de la déclaration de fait personnel,
il avait délibérément trompé la Chambre et l'avait
subséquemment reconnu, faisant ainsi sauter la présomption en sa
faveur de l'article 99, paragraphe 9". Cet article 99.9 correspond maintenant
au paragraphe 6 de l'article 35 de notre règlement, tel que
mentionné par le leader de l'Opposition dans son avis. Je conviens,
comme l'indique le leader de l'Opposition dans son avis, que j'ai
mentionné dans mes décisions du 9 mars et du 28 mai 1986, que les
auteurs distinguent deux catégories d'outrage au Parlement. Et j'ouvre
les guillemets. "D'autre part, il y a des bris de privilège qui
constituent des atteintes au droit des privilèges parlementaires
conférés à cette assemblée et à ses membres
par la tradition parlementaire et par la loi, et nécessaires au libre
exercice de sa fonction législative. Il s'agit, notamment, du
privilège de la liberté de parole, qui protège les
députés contre toute poursuite, arrestation ou emprisonnement en
raison de paroles prononcées, d'un document déposé ou d'un
acte parlementaire accompli dans l'exercice de leurs fonctions à
l'Assemblée ou en commission. D'autre part, il y a des outrages au droit
de l'assemblée communément appelés "contempts" et qui,
sans constituer des bris de privilège, atteignent néanmoins
à l'autorité et à la dignité de
l'Assemblée."
Cela étant dit, la question à laquelle je dois
répondre est la suivante: Est-ce que la conduite du ministre de
l'Environnement et député de Nelligan, telle que rapportée
dans l'avis du leader de l'Opposition, constitue prima facie un bris de
privilège ou outrage aux droits de l'Assemblée? En d'autres
termes, je dois déterminer si les points allégués par le
leader de l'Opposition remplissent les conditions devant être
réunies pour qu'une, ta ou les déclarations d'un parlementaire
aient pu constituer un outrage au Parlement, "contempts".
Dans son avis, le leader de l'Opposition invoque les points suivants,
et, je cite: "Tout d'abord, le député de Nelligan a
délibérément trompé l'Assemblée nationale en
y déclarant à deux reprises que l'entrepôt de BPC
situé à Saint-Basile-le-Grand était sécuritaire,
alors qu'il savait qu'il ne l'était pas. Subséquemment, en plus
des événements tragiques qui se sont produits et qui sont venus
confirmer que, manifestement, cet entrepôt de BPC n'était pas
sécuritaire, le député de Nelligan lui-même a admis
à plusieurs reprises que les déclarations qu'il avait faites
à l'Assemblée étaient trompeuses:" Et votre citation
portait les dates de La Presse, 25 et 27 août 1988. Plus loin, le
leader de l'Opposition ajoutait ce qui suit: "Sur le plan du droit
parlementaire, en réunissant ces trois gestes, déclaration faite
à l'Assemblée, intention délibérée de
tromper et enfin admission subséquente de sa part, le
député de Nelligan a bel et bien commis un outrage aux droits de
l'Assemblée nationale, qui a atteint à son autorité et
à sa dignité. Cet outrage rencontre les critères reconnus
tant par la doctrine que la jurisprudence. Décision du président
Richard Guay, Journal des débats du 7 juin 1983, pages 1928 et
1929."
En vertu du troisième alinéa de l'article 69 de notre
règlement, l'avis doit indiquer le droit ou le privilège mis en
cause et exposer brièvement les faits à l'appui de
l'intervention. Je dois donc considérer uniquement les faits
mentionnés dans i'avis pour décider de la recevabilité de
la question de privilège qui m'est soumise. À mon point de vue,
les seuls faits mentionnés dans l'avis du leader de l'Opposition se
résument comme suit: Deux déclarations faites à
l'Assemblée le 11 mars et le 20 octobre 1987 par le ministre de
l'Environnement, et deux déclarations faites les 25 et 27 août
1987 à La Presse par le ministre de l'Environnement.
L'allégation de l'intention délibérée de tromper la
Chambre n'est pas un fait mais plutôt une prétention qui n'est pas
de la nature d'un fait sur lequel doit se pencher le président pour
décider de la recevabilité d'une question de privilège. De
même, l'admission que voit le leader de l'Opposition dans les propos du
ministre ne constitue pas des faits mais plutôt une interprétation
des faits. Par conséquent, il ne s'agit pas prima facie de faits donnant
ouverture à la question de privilège. Ces faits pourraient
être vidés à l'occasion de
nombreux débats à l'Assemblée ou encore même
en commission. Je vous remercie de votre attention.
Les travaux de cette Assemblée sont maintenant ajournés
à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 51)