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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 10 novembre 1981 - Vol. 26 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures quinze minutes)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Période de recueillement.

Vous pouvez vous asseoir.

Présence du nouvel ambassadeur des États-Unis

J'ai l'honneur de souligner la présence, dans les galeries, du nouvel ambassadeur des États-Unis au Canada, M. Paul H. Robinson.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Résolution sur les modifications au règlement "Allocations des députés"

Conformément aux dispositions de l'article 83 de la Loi sur la Législature, je dépose copie de la résolution R 1 725-81 adoptée lors de la réunion de la Commission de régie interne du 26 août 1981 concernant des modifications au règlement "Allocations des députés".

Décrets de nomination de membres de la Commission de régie interne

Conformément aux dispositions de l'article 41 de la Loi sur la Législature, il me fait plaisir de déposer deux décrets du gouvernement du Québec: le premier nommant M. Claude Charron, M. Yves Bérubé et Mme Denise LeBlanc-Bantey commissaires de la Commission de régie interne et le second nommant M. François Gendron, M. Alain Marcoux et M. Jean-François Bertrand commissaires suppléants de ladite commission.

Résultats officiels du scrutin du 13 avril

J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport des résultats officiels du scrutin du 13 avril 1981.

Avis de la Commission de la fonction publique

Conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, je dépose copie des avis de la Commission de la fonction publique au Conseil du trésor sur 30 règlements qui sont déposés.

Le ministre des Finances. M. le ministre.

Documents sur la nature et l'évolution des transferts d'argent

M. Parizeau: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer, en deux copies, trois documents de travail préparés par la Direction générale de la politique fiscale du ministère des Finances, relatifs à la nature et à l'évolution des transferts du gouvernement du Canada au gouvernement du Québec entre 1972 et 1982, à la dynamique des finances publiques au Québec et aux préférences fiscales du régime d'imposition au Canada.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Documents déposés.

Une pétition de la part du député de Beauce-Sud. M. le député.

Pétition demandant

des fonds additionnels

pour l'éducation des adultes

M. Mathieu: M. le Président, me prévalant des dispositions de l'article 180, j'ai l'honneur de déposer une pétition adressée à l'honorable Camille Laurin, ministre de l'Éducation, disant ceci en résumé: "Nous sommes en parfait désaccord avec les coupures en éducation des adultes. Elles affectent gravement et immédiatement des centaines de milliers d'entre nous qui sommes privés ainsi de services essentiels en éducation. Nous appuyons donc la demande de la coalition nationale pour des fonds supplémentaires qui permettent d'en maintenir le développement." Et c'est signé par les requérants.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci, pétition déposée.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Questions orales des députés. M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTES L'imbroglio constitutionnel

M. Ryan: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre et vise à savoir de lui les suites qu'il entend donner à un télégrammme que je lui adressais

dimanche dernier au sujet d'une reprise des pourparlers en vue de trouver une solution au présent imbroglio constitutionnel.

Dans son discours inaugural d'hier, le premier ministre a laissé entendre qu'il n'était pas intéressé à reprendre les négociations dans certaines conditions. J'ai cru comprendre, d'autre part, qu'il n'avait pas fermé la porte. Je voudrais lui demander s'il entend réagir et dans quel délai aux suggestions que je lui ai faites lundi concernant la possibilité de trouver des solutions aux trois problèmes principaux qui subsistaient à la conclusion de la conférence constitutionnelle jeudi dernier, c'est-à-dire le problème de la liberté de circulation et d'établissement des personnes, le problème de la langue d'enseignement pour les minorités linguistiques dans les différentes provinces et finalement le problème de la compensation financière en cas d'exercice du droit de retrait facultatif par un gouvernement en cas d'amendement constitutionnel. (15 h 20)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je suis obligé de commencer, en répondant au chef de l'Opposition - je crois qu'il n'y verra pas d'objection - par lui rappeler ceci à lui-même et à son parti, à l'exception de neuf députés. Même - et je répète les termes - s'il s'est fait traiter de fou par M. Jean Chrétien au moment où nous avons voté ensemble une résolution unanime des partis à l'Assemblée nationale, je lui rappelle que c'était une résolution claire et nette, et qui parlait d'une protection absolue des pouvoirs du Québec. On était tous d'accord là-dessus. Je n'ai pas besoin de citer des extraits, je les ai ici, mais, enfin, je pense que le chef de l'Opposition s'en souvient très bien. Il a pris sur lui le mandat d'amorcer une sorte de médiation par ses déclarations, ce télégramme qu'il a envoyé, ces télex, enfin, qu'il a envoyés sur les trois points majeurs de désaccord avec les dix gouvernements qui nous ont fait, excusez l'expression,"la job" que nous savons la semaine dernière.

Ce que je lis dans la proposition du chef de l'Opposition n'est absolument pas dans le sens de la résolution que nous avons votée. Cette résolution, enfin, cette proposition en trois points, si je me fie à la Presse de ce matin, M. Ryan a eu l'occasion d'en parler avec le même M. Chrétien qui lui disait des noms il y a quelque temps. Enfin, M. Chrétien dit qu'il en a parlé à M. Ryan. Je n'ai pas été mis au courant, bien sûr, des résultats de la conversation. Enfin, puisqu'à moi, il n'en a pas parlé avant, qu'il n'en a pas parlé depuis, je suis obligé de dire ceci: Je trouve, en fonction de la résolution que nous avons votée ici, d'abord stupéfiante la phrase du député d'Argenteuil qui dit ceci, dès le début de son texte, je crois: "Tout compte fait, les aspects positifs de l'entente (des dix) l'emportent sur les aspects négatifs." On aura probablement l'occasion de s'expliquer là-dessus, mais j'en viens directement aux trois points.

Ces trois points nous suqqèrent de négocier sur chaque cas, à partir d'une sorte de résignation au mal accompli, pour voir si on ne peut pas aller limiter les dégâts. En éducation d'accepter, sous la menace, une limitation forcée des pouvoirs. Parce qu'on aurait beau le négocier, on aurait accepté sous la menace d'une entente frauduleuse une limitation forcée des pouvoirs du Québec en éducation.

Dans le cas de la mobilité, enfin, ce qui est camouflé derrière la mobilité, on nous suggère d'aller fricoter avec ces gens-là une clause quelconque d'échappatoire, bonne pour cinq ans. Enfin, je résume en gros; on pourra regarder tout cela en détail, si cela intéresse le chef de l'Opposition. On me permettra de lui dire, en terminant, que j'aimerais qu'il explique davantage le rationnel de sa proposition.

En ce qui concerne le droit de veto du Québec, on avait négocié un accord qui, le mois dernier, paraissait très bien, paraissait même une façon honorable de s'en sortir pour le chef de l'Opposition. En ce qui concerne le droit de veto du Québec où nous avions, pour l'échanger avec le droit de retrait, une garantie signée de sept provinces anglophones, qui ne lâcheraient pas là-dessus, qu'on serait compensé financièrement et pleinement chaque fois qu'on exercerait ce droit de retrait, voici ce que propose le texte du chef de l'Opposition. J'avoue que je vois mal comment on peut commencer - je m'excuse de l'expression - à zigonner d'une façon pareille. C'est en quatre points: "Garantie constitutionnelle d'une compensation financière raisonnable à toute province qui exercerait son droit de retrait dans le cas d'un amendement constitutionnel qui confierait au Parlement - fédéral, je suppose, parce qu'il y a Parlement sans adjectif - une compétence législative provinciale dans le domaine de l'éducation ou dans d'autres domaines reliés à la culture." Ce ne sont pas les seuls domaines de la vie d'une société nationale comme le Québec. Une compensation raisonnable, et non pas complète, négociée, je suppose, et raisonnablement, en ce qui concerne essentiellement deux aspects possibles de la question. "Pour tous les autres domaines que ceux qui sont mentionnés; une négociation immédiate en vue de trouver une formule permettant de protéger constitutionnellement une province contre toute injustice pouvant découler de l'exercice de son droit de retrait." Je voudrais bien que le chef de l'Opposition nous dessine la plomberie de

cette négociation constitutionnelle pour enrayer, sur ce deuxième point comme sur le premier, les dégâts qu'on nous fait. "À défaut d'entente dans des délais rapprochés, obligation constitutionnelle pour le premier ministre du Canada de porter à l'ordre du jour de la première réunion des premiers ministres - je viens de les voir suffisamment - qui suit l'adoption d'un amendement constitutionnel, la question de la compensation financière que pourrait recevoir une province qui exerce son droit de retrait." Je l'ai vue, la réponse des autres premiers ministres du Canada, y compris les sept qui nous l'avaient garantie. Cette espèce de... Je ne veux pas aller dans des termes excessifs parce que j'attends la suite, non seulement les questions, mais aussi le discours de réplique du chef de l'Opposition, tout à l'heure. Je ne veux pas étirer ça inutilement, mais je suis prêt à étirer aussi longtemps qu'on le voudra.

Je me dis qu'on nous propose, de diverses sources - c'est venu d'une façon surprenante du chef de l'Opposition lui-même, puisqu'on a une résolution qu'on a tous votée - je me souviens, sans aller dans les détails, à quel point, solennellement, le chef de l'Opposition disait, au moment du débat sur la motion, en fin septembre: "II ne faudrait jamais oublier le vote qu'on donne aujourd'hui, parce qu'il va falloir le respecter - si j'ai bonne mémoire, j'ai le texte ici -pendant les semaines et les mois qui viendront."

La réponse à cette suggestion en trois points, du chef de l'Opposition, signifierait qu'en plein flou, quand ces gens-là susurrent ici et là, qu'ils n'ont pas fini de faire leur lit, on irait négocier maintenant les pouvoirs du Québec à la baisse, c'est-à-dire qu'on irait négocier une espèce de limitation des dégâts. On irait négocier avec des gens qui ont manipulé tout le monde avec une fourberie sans précédent, de façon à signer avec neuf provinces, avant de parler de quoi que ce soit qui puisse se négocier, de signer, au milieu de la nuit - c'est-à-dire le lendemain matin, mais de fricoter au milieu de la nuit - avec neuf provinces, une entente où se trouve déjà cette dimininution totalement inacceptable.

Je répète que les propos que l'on susurre maintenant sur de possibles pourparlers additionnels, si c'était sérieux -quels que soient ces propos - est-ce qu'on aurait attendu après que cette entente ait été signée? Elle est signée quand même. Je sais bien qu'il y a des précédents pour déchirer les signatures, mais elle vient d'être signée à la fin de la semaine dernière.

Je lisais, ceci, ce matin, dans le journal, à propos de ce qu'on dit - et ça, c'est le jeu habituel pour faire tomber les médias d'information ou n'importe qui dans la confusion totale. Hier, il n'y est pas allé par quatre chemins, M. Pierre Elliott Trudeau, devant des questions sur les faiblesses de la charte; je lis ça dans le rapport de ce matin, pour ces gens qui disent et qui susurrent encore: Venez donc vous mettre à table, autrement dit: Venez donc recommencer la farce, et je cite: "D'humeur cassante, M. Trudeau a rétorqué, à ceux qui demandaient telle et telle choses qui ne faisaient pas leur affaire: Laissez-moi dire clairement que nous voulons garder tout ce qui est dans la charte, tout ce qui en a été retiré l'a été à cause de l'accord de la semaine dernière."

Or, tout ce qui est dans la charte est essentiellement au-delà des compromis sur lesquels on s'était entendu avec les sept autres, c'est essentiellement ce qui écorche les droits et les pouvoirs du Québec. Ce qu'on en a retiré pendant l'espèce de nuit des longs couteaux, cela a été pour le Canada anglais, représenté par neuf provinces anglophones, qu'on a d'abord terrorisées pour disloquer complètement le front commun qui se tenait et qu'on a achetées à la pièce - et je pourrai identifier les endroits - en diminuant ceci et en diminuant cela pour les avoir dans le front commun nouveau, mais rien en ce qui concerne le Québec. (15 h 30)

Des voix: Bravo!

M. Lévesque (Taillon): Je termine ma réponse pour que le chef de l'Opposition ait l'état actuel de nos réactions en fonction de sa proposition et de ce qui se passe. Est-ce qu'ils sont prêts, en parlant de négociation, pour limiter des dégâts qu'ils aperçoivent maintenant, à déchirer bilatéralement ce qu'ils ont signé à dix il y a quelques jours? C'est un geste, je le répète, qui ne manquerait pas de précédent récent. Mais ils n'ont pas besoin de nous pour cela. Qu'ils mettent sur la table ce qu'ils ont à l'esprit, qu'ils fassent définitivement leur lit, s'ils le trouvent inconfortable, ce sont eux qui l'ont fabriqué, mais qu'ils ne comptent pas sur le gouvernement du Québec pour aller les aider à rendre les draps un peu moins sales. Jamais.

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président. Une voix: ...au caucus.

M. Ryan: D'abord, je voudrais faire une courte mise au point à l'intention du premier ministre puisqu'il a lancé des accusations très graves à l'endroit de ses collègues des autres provinces.

Des voix: Ah!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Je vous signale simplement au passage que des récits commencent à nous parvenir en provenance d'autres provinces et qu'ils ne sont pas exactement correspondants à ceux qui ont été donnés ici.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: II y a des chapitres très importants qu'on n'a pas relatés ici et que la presse aura sans doute l'occasion de communiquer au grand public au cours des prochains jours et des prochaines semaines, vous aussi peut-être. Mais nous n'embarquerons pas dans vos histoires de coulisses ici.

Des voix: Ah!

M. Ryan: En plus du chef de l'Opposition, de nombreux journalistes sérieux, le directeur du Devoir, le rédacteur en chef ou l'éditorialiste en chef de la Presse, l'éditorialiste Gilles Lesage du Soleil et combien d'autres, ont demandé au premier ministre, avant de tenir des propos démagogiques comme ceux que nous venons d'entendre, de finir l'exploration de la voie de négociation qu'il s'est engagé à suivre dans la motion du 2 octobre dernier.

Je répète ma question au premier ministre. Est-ce que nous serions tous des fous? Est-ce que nous serions tous des insensés? Oui, oui, oui, je n'ai pas peur des mots.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je demande au premier ministre, devant ces suggestions faites en toute bonne foi, qui lui parviennent de nombreuses sources différentes, s'il a l'intention de continuer à s'entêter. Est-ce qu'il va faire quelque chose ou s'il nous déclare péremptoirement qu'il ne fera rien, qu'il ne bougera pas du tout, qu'il est pris dans le ciment de son attitude actuelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, parmi les gens qui sont pris dans le ciment ou qui ne devraient pas oublier qu'ils y sont légitimement, il y a le Parti libéral du Québec et son chef qui, il y a à peine quelques semaines, disait ceci: " Nous autres du Parti libéral du Québec n'avons jamais consenti, ne pouvons pas consentir et ne pourrons pas consentir à ce que l'Assemblée nationale du Québec soit dépouillée du pouvoir législatif qu'elle détient en vertu de la constitution ou que ses pouvoirs soient amoindris, diminués ou transférés." Puisqu'on y était, à la page... C'est vrai ou ce n'est pas vrai? C'est une question que je pose. Chacun son tour!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): La question était simplement la reprise, en s'appuyant sur des gens en dehors de cette Chambre qui peuvent céder à certains complexes qu'on a tous - ça vient de notre histoire - qui est que lorsqu'on vient de se faire écorcher, il faudrait peut-être voir si, en allant recevoir d'autres coups, il n'y a pas moyen de limiter les dégâts.

Ce ne sont pas ces gens-là qui ont à décider pour l'instant, ils peuvent donner des conseils. C'est à l'Assemblée nationale, et c'est ici que le vote a été pris de façon responsable sur la base que je viens de citer et qui sont les propres termes du chef de l'Opposition qui disait aussi, pendant ce débat: "Je précise que le vote que chacun donnera comporte l'obligation d'être fidèle à lui-même et conséquent avec lui-même au cours des prochains mois."

Par rapport à cela, que n'a prononcé aucun éditorialiste - ils n'ont pas le mandat pour le faire et je ne commencerai pas à juger les éditorialistes - je réponds au chef de l'Opposition que ce n'est pas moi qui ai traité les autres de fous, c'est le ministre Jean Chrétien qui lui a adressé ce compliment d'une élégance rare. Bon: Non, je ne traiterai pas les autres de fous. Je dirai peut-être qu'on a des aspects complexés au Québec, et Dieu sait qu'on n'en est pas guéri, mais je dirai aux gens qui sont responsables ici, dans cette Chambre, à l'Assemblée nationale et des deux côtés, que ce que nous avons voté, on n'a pas le droit de fricoter avec ça. C'est simple!

Des voix: Question!

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, ma question est simple et je n'ai pas d'autre question. Je répète la question à laquelle je n'ai pas reçu de réponse: Qu'est-ce que le premier ministre fait à compter d'aujourd'hui?

Le Président: M. le premier ministre. M. Lévesque (Taillon): À compter

d'aujourd'hui, additionnellement à ce que je viens de dire au chef de l'Opposition à deux reprises, je spécifie qu'on ne retournera pas négocier... non pas faire une négociation, mais dramatiser de la soumission contre les droits du Québec et les droits de l'Assemblée nationale. Cela est exclu. Est-ce clair et net comme réponse?

Le Président: Question principale, M. le député de Mont-Royal.

Demande d'enquête sur des irrégularités à la SHQ

M. Ciaccia: M. le Président, peut-être qu'on pourrait revenir à un sujet un peu moins émotif? Peut-être que le premier ministre pourrait nous donner une réponse aussi claire que celle qu'il vient de nous donner sur les négociations?

Ma question s'adresse au premier ministre. Le scandale de la SHQ a pris une nouvelle ampleur à la suite des dernières révélations, entre autres celles du ministre de l'Habitation, ce qui fait que, maintenant, nous sommes très loin de simples rumeurs. Parmi les nouvelles révélations, il y a, entre autres, la confession du ministre de l'Habitation à savoir qu'il a donné, en septembre 1980, je pense - autour de cette date - ordre à son cabinet de trouver un emploi à M. Yvan Latouche. Il y a aussi la reconnaissance par M. Jean Foisy, exconseiller spécial du ministre de l'Habitation, d'une demande à un entrepreneur à l'effet -et je cite ce qui a été rapporté dans les journaux - "de mettre 50 000 $ sur le tas pour Latouche", demande que, maintenant, on considère comme une farce.

Donc, devant ces faits précis, inquiétants et même troublants, le premier ministre est-il prêt, dès maintenant, à décréter une enquête publique, complète et indépendante, sur le scandale de la Société d'habitation du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Les nouvelles révélations dont parle le député de Mont-Royal, c'est-à-dire que, par rapport à un emploi possible, à un certain moment, pour le dénommé Latouche, il pouvait y avoir une espèce de cas de conscience et que le ministre actuel de l'Habitation et de la Protection du consommateur ait demandé qu'on étudie cette possibilité, c'est normal, c'est humain, et c'est relié au dénommé Latouche.

Deuxièmement, les paroles en l'air - je prends ce que j'ai lu dans les journaux - d'un M. Foisy à propos de 50 000 $, dans les deux cas, c'est donc relié à votre Latouche et c'est relié aussi à ces rumeurs autour des pots-de-vin. Je dois dire...

(15 h 40)

Une voix: ... votre candidat.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Je ne pense pas qu'il soit candidat de nouveau.

Des voix: Ah! Ah!

Une voix: C'est votre intention.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Ai-je le droit, M. le Président, en ce moment? Je voulais souliqner une chose. Ce que vient de raconter de nouveau le député de Mont-Royal est relié dans les deux cas à un dénommé Latouche dont la biographie assez exemplaire a paru hier, je pense, dans un journal de Montréal que le député de Mont-Royal lit probablement plus facilement que les autres. C'est là. C'est relié à un dénommé Latouche et aux rumeurs de pots-de-vin. Il y a toujours cette confusion dans l'Opposition -supposons que cela lui paraît de bonne guerre, mais je voudrais qu'on distingue -entre les histoires de rumeurs de pots-de-vin, d'une part, et le dossier de la SHQ en ce qui concerne les réparations majeures, comme on les appelle. Je veux bien qu'on essaie de tout confondre, mais nous allons essayer de maintenir cela séparé, parce que c'est distinct. Ce sont deux dossiers.

Dans le cas des soi-disant pots-de-vin, il y a une enquête policière qui est en cours et qui en sait bien plus long, probablement, sur tout ce qui s'est passé que le député de Mont-Royal. Les résultats doivent être transmis le plus vite possible aux autorités du ministère de la Justice qui en tireront les conséquences qui s'imposent, et ces conséquences, quelles qu'elles soient, seront publiques aussitôt que l'enquête sera terminée. S'il n'y a pas de faits pour étayer ces histoires à dormir debout, qui sont cela pour l'instant, on le saura, mais si nous devions céder sur des rumeurs, à des potins reliés à une personne qui a refusé jusqu'à présent d'étayer cela en répondant aux questions de la police, si on commençait à décréter une enquête publique là-dessus alors que l'enquête policière n'est pas terminée et que les conclusions des autorités du ministère de la Justice ne sont pas connues, ce qu'on ferait, c'est discréditer tout simplement et sans raison pour l'instant le cours normal de la justice. C'est tout, et on ne le fera pas.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, question additionnelle.

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai l'impression que le premier ministre remet de mois en mois cette enguête publigue qu'il n'avait pas écartée il y a plusieurs mois. Il nous a dit qu'il y avait certaines étapes à franchir avant de pouvoir tenir une telle enquête.

Je voudrais demander au premier ministre s'il est conscient et accepte qu'il y a une différence essentielle entre une enquête policière qui a pour objet de déterminer s'il y a matière à poursuites pour actes criminels et à laquelle les qens ne peuvent pas être obligés de témoigner - c'est l'enquête policière à laquelle vous venez de faire allusion - et une enquête publique qui porte sur le comportement et l'éthique de la part d'un ministre, de fonctionnaires et d'administrateurs et qui porte surtout sur le degré de responsabilité d'un gouvernement, des autorités politiques et des agents qui sont impliqués dans le dossier. Le premier ministre n'est-il pas conscient de cette différence et n'accepte-t-il pas que c'est important de faire cette distinction pour éviter que les faits ne soient cachés? Plus on attend dans une enquête publique, plus les faits peuvent être cachés. Dans l'intérêt du public, dans l'intérêt des qens qui ont été nommés relativement aux pots-de-vin et aux irrégularités de l'administration de la SHQ et dans le rapport du Vérificateur général, ne croit-il pas qu'il y aurait lieu de tenir cette enquête publique maintenant?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, vous venez de voir encore une fois dans ce patinage invraisemblable du député de Mont-Royal...

Des voix: Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): ...la confusion totale de deux dossiers. Je veux bien qu'on ne soit pas tout à fait honnête - c'est censé être de bonne guerre, parfois, dans le parti qui nous fait face...

Des voix: Oh!

M. Lévesque (Taillon): ...mais je voudrais encore une fois faire la distinction. Il y a un dénommé Latouche - je le répète -qui n'est pas obligé de témoigner à une enguête policière. Le député de Mont-Royal, en particulier, a des relations que je commence à considérer comme d'une intimité remarquable avec cet individu. Ne pourraient-ils pas, eux - avant de multiplier les potins et les ragots sans preuve -convaincre cet individu de répondre aux questions de la police, et convenablement"?C'est ce que fait un citoyen respectable. Si on veut avoir un citoyen non respectable comme source de ce qui, pour l'instant, est de la pure calomnie, je ne demanderai pas d'enquête tant qu'on n'aura pas le rapport de l'enquête policière. On ne commencera pas une enquête publique sur des rumeurs, des potins, des ragots qui se multiplient, pardessus le marché, à volonté.

Il y avait une enquête, il y avait un premier potin de 50 000 $ qui commence, d'après les journaux, à avoir l'air - de toute façon je ne suis pas l'enquête policière -d'une drôle de baloune. Qui est-ce qui a ajouté un deuxième possible pot-de-vin de 50 000 $ pour qu'on puisse prolonqer la confusion? Sauf erreur, celui qui a fait ça, avec une irresponsabilité que je trouve inqualifiable, c'est l'honorable député de Mont-Royal. Ils ont été obligés de demander à la police d'aller gratter dans ses nouvelles inventions. D'accord, le plus vite possible. Il peut ajouter un troisième potin d'un autre énorme pot-de-vin de 100 000 $. On ne le prendra plus au sérieux, on va finir l'enguête qui est en marche. Aussitôt que les résultats seront là, on les évaluera, ils seront publics comme conclusion, et on verra.

Au lieu de se contenter de cette réponse qui respecte la démarche de la justice dans des histoires non étayées du tout, le député de Mont-Royal vient de dire aussi: Qu'est-ce que vous attendez pour faire une enquête sur les opérations de la SHQ? Elles n'ont rien à voir avec les histoires de potins. Si c'est ça sa question, s'il veut la poser, je vais y répondre. Mais qu'on cesse de confondre deux dossiers juste pour mêler tout le monde.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, une enquête policière n'est jamais publique. Je voudrais le faire remarquer au premier ministre. Cela ne sert à rien que le premier ministre essaie de discréditer un témoin parce qu'il n'aime pas ce qu'il dit. C'est ça que vous faites maintenant.

Est-ce que je pourrais demander au premier ministre, au lieu de mentionner seulement le nom de Latouche, pourquoi il ne mentionne pas le nom de Cyr, le nom de Boivin et le nom de Tardif, ministre déléqué à l'Habitation? C'est lui qui a soulevé ces noms en commission parlementaire. Quand il parle de l'enquête policière, est-ce que la Sûreté du Québec va pouvoir faire la lumière sur les motifs qui ont poussé le ministre déléqué à l'Habitation à offrir un emploi à M. Latouche? La réponse est non. C'est pour ça que l'enquête policière est insuffisante. Je voudrais demander en supplémentaire au ministre délégué à l'Habitation s'il pensait qu'en offrant un emploi à M. Latouche...

Le Président: Question de privilège, M.

le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'ai une question de privilège et je veux la soulever moi-même. Je la ferai de la façon suivante. L'immunité parlementaire derrière laquelle il se cache depuis des semaines et des mois pour dire n'importe quoi joue ici aussi. Je dois souligner, M. le Président, la bassesse invraisemblable avec laquelle le député de Mont-Royal vient de relier encore une fois, sans que ce soit étayé sur quoi que ce soit, le nom de ce qu'il appelle leur témoin, qui est déjà discrédité par tout ce qu'il représente et tout ce qu'il a fait à des personnes...

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

Le Président: M. le ministre.

M. Ciaccia: Je n'avais pas terminé ma question...

M. Tardif: La question n'est pas terminée.

M. Ciaccia: ... au ministre délégué à l'Habitation. Je voulais savoir si le ministre pensait pouvoir ainsi étouffer - en donnant un emploi à M. Latouche - le scandale de la Société d'habitation du Québec. J'aimerais faire une question de privilège, M. le Président, avant que le ministre réponde. Je n'ai jamais abusé de mon immunité parlementaire. Je voudrais faire remarquer...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: ... au premier ministre que ce n'est pas moi qui ai fait sortir ces noms, c'est votre ministre délégué à l'Habitation. J'ai seulement répété ce que votre ministre a dit. Alors, ne venez pas porter des accusations contre moi sur la question de privilège.

Le Président: M. le ministre délégué à l'Habitation. (15 h 50)

M. Tardif: M. le Président, il n'existe pas de scandale de la SHQ en dehors de l'esprit déformé du député de Mont-Royal et du député de Marguerite-Bourgeoys avant lui. La Société d'habitation du Québec administre un parc immobilier de 1 250 000 000 $. Au cours de la période dite des réparations majeures où elle a réparé la cochonnerie que l'ancien gouvernement avait faite, M. le Président, il s'est fait pour 12 000 000 $ de réparations, plus ou moins, pour lesquelles un entrepreneur agissant comme mandataire de la société, sur une période...

Une voix: Un ami du parti.

M. Tardif: M. le Président, choisi selon les règles qui existaient du temps de l'ancien gouvernement. On les a changées, ces règles, avec Rosalie et autrement, M. le Président.

M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'i vous plaît! M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, un entrepreneur qui, pour 31 mois de travail, a réparé les dégâts que ces gens avaient faits, et à meilleur compte que les meilleures estimations faites il y a cinq ans. Quand on connaît l'inflation, ce n'est pas peu dire. Que, ce faisant, il ait été "cow-boy", j'en conviens et tout le rapport du Vérificateur général, scruté à la loupe pendant un an, est chez le ministre de la Justice M. le Président.

Mais est-ce qu'on sait bien que cet entrepreneur, qui a fait ces travaux pendant 31 mois, l'a fait dans les chantiers qui sont de la direction de la division de Québec moins cher que les amis des gens d'en face avaient réclamé pour évaluer ces travaux; pas les réparer, les évaluer seulement? Ils ont envoyé des factures plus élevées, M. le Président.

M. le Président, pendant toute la période des vices de construction, la Société d'habitation du Québec a fait pour 400 000 000 $ d'investissements...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, en concluant, s'il vous plaît!

M. Tardif: Sauf qu'on a fait un tas d'allégations. Je ne tolérerai pas qu'un député du type de celui de Mont-Royal ou de celui qui l'a précédé vienne porter atteinte à mon intégrité, M. le Président.

Pendant la période dite des réparations majeures, la société a fait pour 400 000 000 $ de travaux et nulle part dans le rapport du Vérificateur général il n'est question de cela.

On m'a fait valoir qu'un employé contractuel de la société, que je ne connaissais pas, avait un contrat en bonne et due forme avec la société. Quand le député de Mont-Royal dit que c'est le ministre, j'ai répondu aux questions. Je suis celui qui, le premier, a demandé la tenue d'une commission parlementaire là-dessus. J'ai répondu à toutes les questions. Qu'on me fasse valoir qu'un employé a été mal traité, la preuve est qu'il y avait tellement apparence de droit qu'il a pris action contre la Société d'habitation du Québec pour 47 000 $. Il faut donc qu'il y ait eu apparence de droit. Quand on m'a fait valoir que cet employé avait été mal traité, je n'ai donné ordre à personne de lui trouver un emploi, je l'ai référé à celui qui, en

premier lieu, l'avait embauché, le propriétaire de Transit Construction, M. le Président. Cela, c'est totalement différent.

En terminant, M. le Président, je voudrais simplement dire une chose au député de Mont-Royal et aux gens d'en face, que leur informateur au sujet duquel la Gazette d'hier nous apprend beaucoup de choses et à celui qui vous parle le premier, que ce personnage a poursuivi ses trois derniers employeurs. Avis aux libéraux.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

Question principale. M. le député de Laprairie.

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. le député de Laprairie.

Le dossier de la fête nationale

M. Saintonge: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice et a trait à la fête nationale. Le ministre de la Justice peut-il confirmer ou infirmer le fait suivant, à savoir que, vers la troisième semaine de mai 1981, le caucus régional Saguenay-Lac-Saint-Jean du Parti québécois aurait mandaté M. Lucien Coudé, attaché politique au cabinet du ministère de la Justice, pour obtenir du comité organisateur national une subvention supplémentaire de 63 000 $ pour le Comité organisateur de la fête nationale de la réqion du Saguenay-Lac-Saint-Jean, demande d'ailleurs partiellement acceptée par l'émission d'un chèque de 25 000 $.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je remercie le député de Laprairie de me poser cette question, puisque cela me permet de dire et d'affirmer à cette Chambre que, contrairement à ce qui a été écrit dans certains journaux, M. Coudé, qui est un attaché politique à mon cabinet, n'a jamais été prêté à l'organisation de la fête nationale. M. Coudé, en aucune façon, n'a été associé à l'administration, à la gestion ou à l'engagement de fonds de quelque nature que ce soit de la part de l'organisation des fêtes nationales. Ce qui est arrivé, c'est très simple. La députation régionale, moi-même y compris, à la demande des membres de l'organisation de la fête nationale, a eu l'occasion de les rencontrer comme nous rencontrons tous les organismes qui nous en font la demande. Ils nous ont expliqué certaines des difficultés avec lesquelles ils étaient aux prises, et à ce moment, M. Coudé n'a aqi que comme liaison - ce qu'il fait d'ailleurs avec tous les groupes que nous rencontrons - auprès des autorités de la fête nationale. M. Coudé, contrairement à tout ce qui a été dit, n'a jamais été prêté à l'organisation de la fête nationale et n'a jamais été associé, de guelque façon que ce soit, à la qestion, à l'administration ou à l'engagement de fonds de quelque nature que ce soit.

Le Président: Question additionnelle. M. le député de Laprairie.

M. Saintonqe: Est-ce que le ministre de la Justice pourrait confirmer le mandat de M. Coudé dans cette affaire pour l'obtention d'un montant supplémentaire de 63 000 $?

M. Bédard: M. Coudé n'a jamais eu de mandat dans le sens de ce que dit le député. Le seul mandat de M. Coudé, c'est celui envers l'orqanisation de la fête nationale, envers cet orqanisme. C'est le même mandat qu'il a envers tous les organismes que nous avons l'occasion de rencontrer, comme représentants de l'Assemblée nationale, à savoir de véhiculer certaines des revendications qu'ils peuvent avoir au niveau d'un organisme central, qui était le comité orqanisateur de la fête nationale, pas plus que cela. À l'heure actuelle, il y a, comme vous le savez - et j'en suis très heureux -une enquête qui a été ordonnée par le ministre responsable de la fête nationale. C'est avec sécurité et avec grand calme que nous attendons les conclusions.

Le Président: M. le député de Laprairie, dernière question additionnelle.

M. Saintonge: Est-ce que le ministre de la Justice pourrait quand même nous dire s'il est exact que M. Réjean Simard, secrétaire-trésorier du Comité organisateur de la fête nationale de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean est le neveu du député de Chicoutimi et ministre de la Justice?

M. Bédard: Oui, M. le Président. Réjean Simard, dont parle le député, est effectivement mon neveu. Avez-vous d'autre chose à dire, à part de cela? Je voudrais mentionner que M. Réjean Simard, comme tous les autres membres de l'organisation de la fête nationale, a été élu - je ne le savais même pas à ce moment - à l'occasion d'une assemblée, comme cela s'est fait dans toutes les régions où on élisait à ce moment les responsables de la fête nationale. Réjean Simard, c'est mon neveu. Si vous avez d'autre chose à dire le concernant, allez-yl

Le Président: Dernière question additionnelle.

M. le député de Laprairie.

M. Saintonqe: Question additionnelle pour le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Quant à la question de M.

Simard, je dois simplement mentionner...

M. Bédard: Si vous avez une autre question à me poser, vous pourrez réfléchir sur tous les organisateurs qui ont été élus à l'occasion de cette assemblée. Vous allez remarquer que vous avez peut-être quelques-uns de vos amis!

M. Saintonge: Je voulais simplement savoir si M. Simard était peut-être partie du complot libéral qu'on a allégué là-dedans!

M. Bédard: Donc, vous admettez qu'il y a un complot libéral?

M. Saintonge: On a allégué. C'est un complot illégal allégué par M. Truchon. Maintenant, voici ma question... (16 heures)

Le Président: À l'ordre! Très brièvement, M. le député, s'il vous plaît!

M. Saintonge: Très brièvement. Le ministre responsable de la fête nationale peut-il confirmer ou infirmer le fait que M. André Truchon, avocat, celui qui parlait de complot libéral justement, membre du conseil d'administration du comité organisateur de la fête nationale, pour la région Saguenay-Lac-Saint-Jean, surnommé dans la région l'expression ne vient pas de moi - le père Ovide du ministre de la Justice, a reçu quelque 5200 $ d'honoraires professionnels de la part du comité organisateur du Saguenay-Lac-Saint-Jean?

Le Président: M. le ministre.

M. Lessard: Je ne vais ni infirmer, ni confirmer, M. le Président. Ce que je dois dire, comme nous l'avons d'ailleurs affirmé ici à l'Assemblée nationale et comme le premier ministre l'a affirmé, nous n'avons absolument rien à cacher. Nous avons déclenché une enquête en ce qui concerne la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, parce que nous avions un certain nombre de faits qui nous justifiaient d'aller plus en profondeur et de vérifier ces faits. Nous n'avons jamais refusé ici à l'Assemblée nationale toute enquête quelle qu'elle soit, pour autant que nous ayons des faits sérieux.

En ce qui concerne Montréal, M. le Président, je le répète encore une fois, contrairement à ce qu'on a dit, nous attendons actuellement le rapport des vérificateurs et nous prendrons des décisions, mais non pas sur des ragots...

M. Saintonge: Question de règlement, M. le Président.

M. Lessard: ... comme en colporte le Parti libéral, mais sur des faits.

M. Saintonge: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laprairie sur une question de règlement, brièvement, s'il vous plaît.

M. Saintonge: Brièvement. Ma question porte sur le Saguenay-Lac-Saint-Jean pour M. Coudé; elle ne porte pas sur Montréal ou sur d'autres choses...

Une voix: Sur M. Truchon.

M. Saintonge: Sur M. Truchon, excusez-moi.

M. Lessard: M. le Président, M. Truchon, comme d'autres, sera soumis à l'enquête de M. Larose. Je n'ai pas vérifié chacun des faits. Il y a une enquête actuellement et je n'ai pas l'intention de continuer moi-même des vérifications. Un enquêteur a été nommé, qui s'appelle M. Larose, dont vous ne mettez pas la parole en doute j'espère. M. Larose déposera son rapport. S'il y a quelque doute sur des malversations, sur des gestes douteux ou frauduleux, je transmettrai, comme il se doit, au ministre de la Justice ce rapport et le ministre de la Justice devra prendre les mesures nécessaires.

Je n'ai pas à répondre de l'ensemble du dossier du Saguenay-Lac-Saint-Jean; il fait l'objet d'une enquête actuellement. M. Larose enquête. Lorsque nous aurons le rapport, nous le transmettrons au ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, avec votre permission...

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: ... parce que je n'endurerai pas les ragots du Parti libéral. Prenez garde à vos affirmations. Avec vos rumeurs, essayer d'attaquer des réputations, je ne l'accepterai en aucune façon.

Quand vous parlez de M. Truchon comme étant le père Ovide du ministre de la Justice, vous savez très bien que vous mentez. Je vais vous dire pourquoi, parce que je connais très peu ce M. André Truchon. Prenez garde avant de répandre des rumeurs et d'essayer de salir des réputations. Il y a toujours bien une limite.

Le Président: Fin de la période des questions. Je m'excuse, M. le député de Limoilou, demain, je vous reconnaîtrai.

Motions non annoncées.

M. le ministre des Affaires municipales.

Félicitations aux élus municipaux

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je désire présenter une motion en mon nom personnel, à titre de ministre des Affaires municipales, ainsi qu'au nom de tout le gouvernement du Québec. S'il y avait consentement unanime, je souhaiterais le faire au nom de toute l'Assemblée nationale, cet après-midi.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la présentation de la motion?

Une voix: Quelle est la motion?

Le Président: M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, je fais motion pour que soient félicités toutes celles et tous ceux qui ont été élus, les 1er et 2 novembre, maires, conseillères et conseillers, tous de nos concitoyens qui ont décidé d'accorder tout leur temps ou une bonne partie de leur temps au développement et au mieux-être de leur municipalité.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léonard: Parmi les élus de 1042 municipalités du Québec où se tenaient ces élections, beaucoup ont vu la confiance de leurs voisins et de leurs concitoyens leur être renouvelée. Je tiens à les féliciter autant qu'à remercier tous ceux et celles qui ont pris leur retraite è cette occasion.

J'ai déjà dit que les années quatre-vingt seraient la décennie des municipalités. Pour finir, je veux saluer tous ceux et celles qui ont commencé à nous donner raison d'avoir accordé, plus que tout autre gouvernement du Québec auparavant, l'autonomie et la latitude nécessaires à la démocratie municipale.

Je veux saluer les Québécois et les Québécoises qui ont assuré, par leurs votes records - plus de 10% à 15% de participation par rapport à 1980, selon les chiffres partiels que j'ai à cette heure - cette démocratie la plus nécessaire ainsi que tous les candidats et candidates à cette élection qui ont fait avancer, même parfois malgré leurs défaites, le grand débat sur l'avenir de leur collectivité locale.

Le Président: M. le député de Hull. M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: M. le Président, au nom de mes collègues du Parti libéral, je voudrais transmettre aussi nos meilleures félicitations à ceux qui ont brigué les suffrages il y a quelques semaines et qui ont été élus à des postes dans les municipalités du Québec.

Je veux aussi remercier ceux qui ont brigué les suffrages et qui, malheureusement, n'ont peut-être pas connu cette victoire, tout en mentionnant peut-être le frère du ministre des Affaires municipales qui a été battu dans Saint-Jovite, mais je voudrais souligner, M. le Président, que je pense que c'est important que cette démocratie continue au Québec. J'ose souhaiter que nous puissions connaître, du ministre des Affaires municipales, dans les plus brefs délais, ce qu'il a l'intention de faire avec les municipalités et, plus particulièrement, s'il a l'intention de revenir, à la demande des municipalités, des maires et des conseillers du Québec, de faire une rencontre Québec-municipalités pour traiter des vrais problèmes des municipalités.

Le Président: Merci. Est-ce que la motion sera adoptée? Adopté.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre.

Affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président, je voudrais donner un seul avis à l'avance à l'Assemblée. La convocation de la commission de l'Assemblée nationale pour procéder à la nomination des membres, je voudrais donner avis que cette réunion aura lieu jeudi.

Le Président: D'accord.

Affaires du jour: reprise du débat sur le message inaugural. M. le chef de l'Opposition.

Débat sur le message inaugural M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec attention le message inaugural qu'a livré hier le premier ministre. Je l'ai trouvé plus long que d'habitude. Devant cette longueur inusitée du message, un de nos collègues qui a participé pendant longtemps à la rédaction de semblables documents et dont tout le monde dans cette Chambre apprécie l'humour, n'a pu se retenir de laisser tomber la remarque suivante: "Dans mon temps, moins le gouvernement avait de choses à dire, plus le message inaugural était long."

Il y a, semble-t-il, deux types de messages inauguraux: certains coulent directement de la plume de l'auteur et sont, en général, chauds, vibrants et directs, comme le sont parfois certains discours du premier ministre, même quand nous ne les apprécions pas trop. D'autres sont, au contraire, un ramassis de bouts de papier puisés dans les fonds de tiroirs des ministères; ils sont généralement abondants

au chapitre de la nomenclature, mais impersonnels, vagues, imprécis. Ils traitent d'à peu près tous les sujets, mais ils frappent davantage par la générosité inflationnaire des intentions que par la précision des desseins.

Le discours que nous avons entendu hier relève évidemment de la seconde catégorie. Il avait beaucoup plus l'air d'un catalogue que d'un programme d'action dynamique et cohérent. Je crains fort qu'il n'annonce, pour le second mandat du gouvernement, un nouvel affaiblissement du Québec. (16 h 10)

Le gouvernement actuel s'est fait réélire le 13 avril dernier en exploitant au maximum la question constitutionnelle et la question linguistique et en camouflant derrière un barrage inoui de propagande, de subventions et de promesses électorales la piètre performance aux chapitres économique, financier et social.

La marge du suffrage populaire qui permit au gouvernement de l'emporter était faible, à peine 3%. Par les caprices de notre système électoral, le Parti québécois, avec à peine 115 000 voix de plus que le Parti libéral, compte néanmoins 80 députés dans cette Chambre, contre à peine 42 pour le Parti libéral.

Ainsi que tous ont pu le constater, nous avons néanmoins accepté loyalement le verdict du peuple. Nous n'avons pas essayé d'en mettre la faute sur les autres. Nous avons même décidé au début d'accorder au gouvernement une sorte de répit de quelques mois, afin de l'aider à refaire son programme d'action en vue de son nouveau mandat et aussi de ne pas lui créer d'ennuis artificiels à la veille d'importantes négociations constitutionnelles qui s'acheminaient de toute évidence vers un point culminant.

Or, sept mois ont maintenant passé depuis le 13 avril et force nous est de constater, avec des milliers de nos citoyens, que le gouvernement est désespérément à la recherche d'un second souffle et qu'il n'a pas réussi depuis, l'élection, à se remettre vraiment à la tâche de diriger les affaires du Québec. En témoignent, en particulier, M. le Président, l'extrême lenteur avec laquelle on a procédé à la convocation de la présente session et les nombreuses remises que nous avons dû subir de ce côté-ci de la Chambre.

Le gouvernement s'est fait élire en avril en proclamant qu'il fallait rester fort au Québec et en diffusant parmi la population, aux frais des contribuables, des messages affirmant qu'il fallait éviter de se faire avoir. Or, jamais un gouvernement n'a paru aussi faible devant les problèmes auxquels il fait face. Jamais, surtout, le Québec n'est apparu aussi faible, aussi isolé, aussi exposé que sous le gouvernement actuel.

Le Parti québécois devait qarder le Québec fort. Nous constatons aujourd'hui qu'il a danqereusement affaibli le Québec. Le glissement de terrain dont nous avons observé, la semaine dernière, une manifestation spectaculaire menace de s'aqqraver, à moins que le gouvernement ne se resaisisse très vite ou qu'il ne décide tout simplement de se désister d'un mandat dont il ne semble pas trop savoir quoi faire.

Au plan constitutionnel, nous avons eu la semaine dernière la preuve éclatante de l'isolement dans lequel le Parti québécois a plongé le Québec et de son impuissance à défendre les intérêts du Québec à l'intérieur du fédéralisme canadien. Le premier ministre a évidemment tout intérêt à mettre une fois de plus la faute sur les autres, suivant en cela une caractéristique que nous lui connaissons très bien et dont son discours d'hier offre plusieurs exemples que je rappellerai plus tard.

On l'a entendu répéter hier que lui et les collègues qui l'accompagnaient à Ottawa auraient été les victimes d'une machination diaboligue n'ayant d'autre but que de réduire le Québec à une dépendance de plus en plus écrasante. Lorsque nous examinons objectivement le dossier de cette négociation, lorsque nous oublions les histoires d'intrigues de coulisses et de parties de poker pour s'en tenir au contenu objectif du dossier, on est conduit à des constatations très différentes de celles que l'on voudrait nous faire avaler de l'autre côté de la Chambre.

Une première constatation s'impose à l'évidence. En s'accrochant au pouvoir et en refusant de changer son option constitutionnelle au lendemain d'un référendum qu'il avait lui-même imposé à la population, le gouvernement s'est enfermé dans une contradiction inextricable dont la logique devait tôt ou tard le rejoindre et dont les conséquences sont déjà très coûteuses pour le Québec.

Le gouvernement et le Parti québécois mènent une action simultanée à deux niveaux différents et opposés. Dans cette Chambre et dans leurs missions officielles, ils sont les paladins de la quintessence du fédéralisme. Mais, en réalité et chaque fois qu'ils en ont la chance, ce n'est pas le fédéralisme qu'ils promeuvent, mais une autre cause qui leur tient beaucoup plus à coeur, celle de l'indépendance politique du Québec. Il est impossible de servir avec une égale ferveur et une égale sincérité deux causes aussi opposées que le séparatisme et le fédéralisme.

Chez les membres du gouvernement, la ferveur et l'intensité de l'engagement sont acquises de toute évidence à la cause de l'indépendance. Pour l'autre cause, la cause de service, leur engagement obligé porte la marque des sentiments qu'ils vouent à cette

cause, il est empreint de scepticisme, de tiédeur, de louvoiement, voire le plus souvent d'hostilité pure et simple. Les membres du gouvernement peuvent encore s'illusionner eux-mêmes, en se laissant prendre à ce double jeu qui leur a trop bien réussi jusqu'à maintenant, mais ils le pratiquent depuis assez longtemps pour qu'on puisse commencer à en apprécier les fruits. Le bilan à cet égard est tragiquement mince et négatif.

En cinq ans de pouvoir, le Parti québécois n'a pas trouvé mieux à faire que de consacrer au fédéralisme canadien au plus quelques lignes de son programme politique, dans un programme qui contient au-delà de cinquante pages. Tout ce qu'on trouve au sujet du fédéralisme, ce sont les quelques lignes suivantes: On s'engage à promouvoir le plus possible l'autonomie du Québec au cours de la période restant à passer sous le régime politique actuel. Voici quelques lignes qui traduisent très bien l'esprit dans lequel on est allé négocier avec le reste du pays depuis quelques mois. Jamais, aux réunions de ce parti, on ne consacre la moindre attention au renouvellement du fédéralisme, si ce n'est pour dénoncer les choses qui ont pu mal fonctionner et qui pourraient en conséquence servir la cause de l'indépendance politique du Québec.

Le Parti québécois n'a aucun programme en matière de renouvellement du fédéralisme, le gouvernement non plus. Nous avons essayé à combien de reprises, M. le Président, de savoir de ces messieurs et dames quel était leur programme en matière de renouvellement du fédéralisme. On nous a toujours livré à la dernière minute les renseignements à la pièce, des renseignements fragmentaires qui ne nous donnaient pas la vue complète que nous étions en droit d'attendre du gouvernement. Ce n'est pas étonnant, dans ces circonstances, qu'aucune idée créatrice, qu'aucune pensée originale n'ait jamais émané de ce gouvernement en matière de renouvellement du fédéralisme. À plus forte raison a-t-on renoncé à attendre de lui quelque leadership que ce soit à cet égard.

À défaut de leadership créateur, le gouvernement a cherché par tous les moyens à conclure des alliances circonstancielles avec d'autres gouvernements qui semblaient partager certaines de ses vues ou certains de ses intérêts. Il a même réussi, pendant quelques mois, à faire partie d'une alliance de huit provinces qui semblait, d'après ce qu'on nous disait, solide comme le roc. Mais l'alliance a fondu dans l'espace de quelques jours à peine. Le premier ministre voudrait nous faire croire que ses alliés d'hier, dont lui-même et le ministre des Affaires intergouvernementales nous disaient beaucoup de bien il y a très peu de temps encore, seraient tous devenus, en l'espace d'une nuit, des traîtres, des renégats d'autant plus exécrables qu'ils sont des anglophones.

Comme il serait plus simple de reconnaître qu'avec les intentions doubles qu'il nourrit, le gouvernement devait tôt ou tard se trouver en contradiction avec ses alliés d'occasion. L'un d'entre eux, M. Allan Blakeney, disait l'autre soir à la télévision qu'il en était venu à la conclusion, après l'avoir fréquenté pendant quelques mois, que jamais le premier ministre du Québec ne pourrait logiquement accepter un texte qui dirait - et je cite M. Blakeney - que "la constitution canadienne est acceptable." Le premier ministre de la Saskatchewan n'est pas seul à penser ainsi; des milliers de Québécois partagent son opinion. (16 h 20)

Par-delà toutes les imputations de motifs dans lesquelles il voudra continuer de se complaire, le premier ministre devrait tout simplement admettre que, en longue période, l'alliance qu'il avait forgée avec sept autres provinces était logiquement condamnée à l'éclatement, vu la fragilité et le caractère équivoque des fondements sur lesquels elle reposait. Dans ce sens et par-delà les intrigues qui ont pu avoir lieu, on peut dire que c'est le Parti québécois, par son attitude, qui s'est isolé du reste du Canada et qui s'en est isolé de plus en plus à mesure qu'on touchait au coeur des problèmes.

Une autre conséquence grave de la position ambiguë qu'a défendue le gouvernement actuel, surtout depuis le référendum, a été d'abandonner au seul gouvernement fédéral, aux yeux de milliers de Canadiens, la défense de l'option fédéraliste canadienne, du moins en provenance du Québec. Le chef du gouvernement a recherché, cultivé et délibérément exploité une polarisation politique entre M. Trudeau et lui-même. Il l'a fait sur le dos de ses adversaires, au sujet desquels il a tenu les propos les plus démagogiques qu'on puisse imaginer, surtout pendant la dernière campagne électorale. Cette polarisation l'a bien servi à court terme, elle a bien servi ses intérêts électoraux, mais elle a diminué d'autant la crédibilité de son gouvernement comme défenseur et promoteur du fédéralisme, et elle a ainsi permis à l'autre gouvernement légitime des Québécois d'occuper à cet égard une place démesurée sur l'échiquier politique. Ce phénomène explique en grande partie certains dangers contre lesquels cette Chambre a dû réagir avec force le 2 octobre dernier. Voilà pour le bilan de l'action gouvernementale au cours des dernières années, bilan extrêmement mince et négatif.

Si l'on examine maintenant la performance du gouvernement au cours de la dernière ronde de négociation, on est conduit à des constatations plus attristantes encore. Le premier ministre actuel du Québec a

commis, le 16 avril dernier, l'erreur la plus grave qui n'ait jamais été faite par un chef de gouvernement québécois, soit l'abandon du droit de veto du Québec en matière d'amendements constitutionnels. Le premier ministre veut nous faire croire aujourd'hui qu'il n'a jamais abandonné le droit de veto. Il essaie de se justifier en disant qu'il avait réclamé une compensation financière pour l'exercice du droit de retrait facultatif qu'il était prêt à accepter en échange du droit de veto.

En simple logique, l'abandon du droit de veto se situe à un tout autre niveau que la demande de compensation financière. L'abandon du droit de veto signifiait, à compter du 16 avril dernier, l'abandon du principe biculturel qui doit être à la base du Canada et le renoncement à la place toute particulière que le Québec doit occuper au sein de la fédération à titre de pilier de l'une des deux communautés qui donnent au Canada sa signification biculturelle. La compensation financière qu'on voulait obtenir en retour ressemble étrangement au plat de lentilles pour lequel un personnage biblique bien connu consentit naguère à aliéner son droit d'aînesse. Dans le cas présent, ça n'a même pas été obtenu.

L'entente du 16 avril, à laquelle le premier ministre du Québec apposa sa signature sans même en informer préalablement le milieu politique québécois et, en particulier, cette Chambre; à toutes fins utiles, jamais nous n'avons eu un rapport précis et circonstancié dans cette Chambre, de ce qui s'était produit le 16 avril dernier; en apposant sa signature à ce document, il affirmait entre autres ceci... Il essaie de se racheter aujourd'hui, il dit: J'ai mis une condition, la compensation financière, et on aura des précisions à vous apporter sur toutes ces choses, au cours des prochaines semaines. Mais, quand il a signé le document, il a signé un document où l'on trouve, entre autres, la phrase suivante: "Les premiers ministres s'entendent sur les principes que voici...", et il y a un de ces principes qui dit: "La formule de modification constitutionnelle doit reconnaître l'égalité constitutionnelle des provinces comme partenaires égaux au sein de la Confédération."

Déjà, M. le premier ministre du Québec, en signant cette déclaration, vous disiez souhaiter qu'à l'avenir le Québec ne soit plus qu'une province parmi les autres.

En rejetant la formule de Victoria, que vous dénonciez ici même, dans cette Chambre, le 5 novembre 1980, comme une formule inacceptable pour votre gouvernement, en abandonnant cette formule au profit de la formule de Vancouver, vous acceptiez, entre autres, que le Québec soit désormais, sur toute la ligne, une province parmi dix, sans droit de veto, au lieu d'être considérée, au moins en matière de modifications constitutionnelles, comme l'une des quatre grandes régions du pays avec droit de veto.

Vous acceptiez également - et ceci est confirmé par le texte de l'entente du 16 avril - que le Québec soit désormais assujetti, en des matières aussi importantes que l'avenir de la monarchie, la composition de la Cour suprême, la représentation du Québec au sein de la Chambre des communes du Canada, au veto de n'importe quelle autre province, y compris l'Île-du-Prince-Édouard. Vous acceptiez enfin qu'il ne soit aucunement question - dans la formule d'amendement à laquelle vous souscriviez -du principe biculturel, binational au sujet duquel vous voulez maintenant attiser les passions populaires au Québec. Vous acceptiez de signer une formule qui était étrangement et complètement silencieuse, et en ce qui concerne le caractère binational du Canada, et en ce qui touche la place propre du Québec comme expression de l'une des dimensions essentielles de ce caractère binational du Canada.

Je veux bien que vous ayez des remords et que vous cherchiez, aujourd'hui, à racheter ce que vous avez laissé tomber à ce moment-là, et j'espère que vous laisserez parler l'histoire et qu'on voudra entendre le récit qu'elle nous propose.

Il est vrai que le Québec demandait en retour le droit de se soustraire à tout amendement impliquant un transfert de pouvoirs en faveur du Parlement fédéral et qu'il demandait aussi une compensation financière pour les cas où il exercerait son droit de retrait. Mais ce droit négatif et limité que l'on demandait alors ne change rien à l'abandon que l'on faisait, en principe, du droit d'aînesse du Québec dans la fédération canadienne et, par le fait même, du fondement biculturel et binational de la fédération, dont le droit de veto du Québec était l'incarnation la plus efficace et la plus solide. Ce droit, auquel le Québec avait toujours tenu comme à la prunelle de ses yeux, le premier ministre l'abandonnait d'un trait de plume, le 16 avril, accompagné du silence le plus total de tous ses collègues qui sièqent avec lui, de l'autre côté de la Chambre.

Quand je l'entends aujourd'hui gémir sur la perte de ce droit, je ne puis que m'étonner et me scandaliser.

Le premier ministre a bâti toute sa stratéqie de négociation autour de deux objectifs principaux. Premièrement, sortir peu à peu le Québec du carcan fédéral, ménaqer des portes de sortie au lieu d'élargir les portes d'entrée et les voies de la collaboration. Cela l'a conduit à abandonner le droit de veto qui était à portée de nous et dont nous avons toujours joui de fait, jusqu'à maintenant, en matière

d'amendements constitutionnels. (16 h 30)

Son deuxième objectif était d'empêcher à tout prix que le Québec ne soit partie à une charte des droits devant s'appliquer partout au Canada. Sur la formule d'amendement, le Parti libéral a retenu dans son programme constitutionnel la formule de Victoria pour une raison majeure. C'est qu'elle procurait, elle assurait au Québec ce droit de veto en matière d'amendement constitutionnel. Ce point nous est apparu si important que nous l'avons retenu dans notre programme.

Quand j'ai vu, à la conférence constitutionnelle, lundi dernier, le premier ministre de l'Ontario venir déclarer, sur le ton de chérubin qu'on lui connaît, qu'il était prêt à abandonner le droit de veto de sa province, j'ai compris tout de suite, M. le Président, qu'il voulait préparer les voies à un éventuel retrait de ce droit pour le Québec. Devant cette manifestation, je me suis empressé - c'est une chose très inusitée que je fais rarement - d'adresser au premier ministre du Québec à Ottawa, lundi dernier, en fin d'après-midi, le télégramme suivant: "M. le premier ministre, au sujet de la formule d'amendement constitutionnel, le droit de veto du Québec revêt une importance capitale. Je vous prie d'insister pour que ce droit soit garanti au Québec. La formule des huit n'offre pas cette garantie. Le droit de retrait qu'elle propose pour le Québec serait tout au plus négatif et limité. Le renoncement de l'Ontario au droit de veto ne doit pas influencer la position du Québec. Le Québec est la seule province à majorité francophone; plus de 80% des francophones du Canada vivent au Québec. Ces faits justifient le Québec de réclamer un droit de veto sur les modifications constitutionnelles de l'avenir."

J'ajouterai une chose que j'ai apprise depuis ce temps-là. C'est que le soir même, l'après-midi ou le lendemain de ce jour-là, le Québec était partie d'un projet de compromis qui a été soumis au premier ministre du Canada et qui a été rejeté et, même à ce moment-là, la formule des huit demeurait la formule privilégiée par le gouvernement du Québec.

Sur la charte des droits, je veux redire aujourd'hui, comme je l'ai exprimé bien des fois en cette Chambre, le désaccord fondamental de mon parti avec la position gouvernementale. Dans la préparation de notre programme constitutionnel, nous nous sommes longuement penchés sur toutes les implications d'une charte des droits devant s'appliquer à l'ensemble du Canada. Après mûre réflexion et étude approfondie, nous avons conclu qu'il serait bon pour tout le monde que le peuple canadien soit doté d'une charte des droits qui consacrerait dans la constitution du pays certaines libertés fondamentales des citoyens, tout en veillant à ce qu'elle soit aménagée d'une manière qui respecte les compétences et les préoccupations légitimes du Québec dans certains domaines.

En adoptant, en cette matière, une attitude de blocage systématique, le gouvernement a fini par paraître stérile. Il s'est placé en marge d'un courant de pensée politique généreux, sincère, qui est très largement répandu chez les citoyens du pays. Essayons d'oublier un moment les gouvernants, leurs intrigues et leurs intérêts électoraux. Pensons au citoyen ordinaire et je vous assure que celui-ci demeure éminemment intéressé par cette idée d'une protection constitutionnelle de ses droits fondamentaux.

Avant de clore sur cet aspect, M. le Président, je voudrais invoquer le témoignage de quelques observateurs qui ont suivi de près les travaux de la conférence d'Ottawa. À peu près tous sont d'accord pour conclure que le gouvernement du Québec n'a pas été à la hauteur de la tâche dans cette négociation. Je voudrais commencer par vous lire un extrait d'un article qui paraissait dans la Presse de samedi dernier sous la signature de Mme Lysiane Gagnon et qui s'intitulait "Le dindon de la farce". Je cite: "Pour maintenir un front commun voué à l'échec, le Québec a sacrifié deux gros atouts. Il a accepté le rapatriement de la constitution avant un transfert de pouvoirs et pire, il a renoncé, pour ce qui est de la procédure d'amendement, à la formule de Victoria au profit de celle dite de Vancouver. Or, la première était cent fois plus favorable car elle reconnaissait le statut très spécial du Québec et lui donnait un droit de veto sur tout changement constitutionnel, ce qui, de toute évidence, aurait pu constituer dans l'avenir une arme puissante de négociation tant envers les autres provinces qu'envers le fédéral. "Avec la formule de Vancouver, le Québec se trouve maintenant réduit au rang de n'importe guelle autre province, sur le même pied, par exemple, qu'un gros village comme l'Île-du-Prince-Édouard. Sur ce point, au moins, le Québec aurait pu s'entendre avec Trudeau qui, lui aussi, préférait la formule de Victoria. "Cette semaine - je cite toujours Mme Gagnon - au point culminant de cette série de tractations et de marchandages, la déléqation du Québec a projeté l'image humiliante d'un qroupe de dupes perdus dans le trafic, victimes de leur angélisme, retranchés dans un hôtel de Hull à cinq milles des lieux où la partie se jouait, incapables de mener jusqu'au bout le jeu de la négociation pour faire finalement apparaître le Québec comme le dindon de la farce."

Une voix: II faut le faire.

M. Ryan: Je sais qu'on peut soupçonner Mme Lysiane Gagnon de sympathie libérale. Je vais citer un autre témoin dont les sympathies peuvent faire l'objet de questions, du moins quand il me critique, M. Marcel Adam, éditorialiste en chef de la Presse. Je vais le citer partiellement, je m'en excuse auprès de lui: " C'est moins la trahison des alliés du groupe des huit qui est responsable de l'isolement du Québec que l'ambivalence du gouvernement Lévesque qui fait semblant de jouer le jeu du fédéralisme renouvelé, alors qu'il n'a qu'un objectif en tête: réaliser l'indépendance du Québec. Ce double jeu a conduit le gouvernement à imaginer des stratégies compliquées, destinées à lui permettre de poursuivre ses objectifs fondamentaux en donnant l'impression qu'il en poursuit d'autres qui contrarient les premiers. Ces acrobaties lui ont joué un vilain tour au référendum. Voici qu'elles viennent de lui en jouer un autre la semaine dernière. Celui qui croyait prendre s'est fait prendre à son propre jeu. Ses alliés d'hier l'ont à la fin isolé, en ayant le sentiment d'écarter du jeu un gouvernement à double personnalité, qui ne peut, à leurs yeux, prétendre exprimer mieux que M. Trudeau le sentiment de la population québécoise. "Depuis la dernière grande querre -cela veut dire depuis 35 ans - aucun premier ministre québécois fédéraliste ne sera revenu d'une bataille constitutionnelle moins bien armé qu'il n'était quand il s'y est engagé."

Dans un journal que le premier ministre affectionne beaucoup, la Gazette de Montréal, on pouvait lire samedi dernier, sous la signature d'un militant de l'indépendance du Québec, M. Pierre Bourgault, un éditorial extrêmement intéressant que je me permettrai, avec votre bienveillante permission, M. le ministre de l'Éducation, de citer dans sa langue originelle, parce que je ne voudrais pas en atténuer la couleur et le pittoresque: "Je ne suis pas un partisan de M. Trudeau, comme chacun le sait. J'ai prévu et prédit tout ce qui est arrivé et je l'ai dit publiquement il y a un mois. J'avais dit à ce moment-là que Trudeau gagnerait, que le front uni des huit provinces s'écroulerait, que le Québec serait isolé et que René Lévesque serait pris dans une trappe, mais je ne pouvais pas prédire comment tout cela se ferait. Well, it was done in the grand manner. Trudeau is the best, Trudeau is the strongest. The way in which he managed this fiqht is properly admirable. I may hate him for having done so, but I cannot restrain my admiration. Une chose est certaine. Trudeau et Lévesque ont joué une partie de poker, Trudeau a qagné, Lévesgue a perdu. Je ne suis pas heureux de cette situation, mais ce qui me choque, c'est que Lévesque a perdu par sa propre faute."

Une voix: Qui a écrit ça?

M. Ryan: M. Pierre Bourgault.

Des voix: Ah!

Une voix: Ce n'est pas un libéral, ça! Ce n'est pas un fédéraliste!

M. Ryan: Je voudrais finir ceci par une citation que nous proposait le premier ministre dans son message inaugural du 5 novembre dernier. En parlant des négociations qui s'en venaient, il nous faisait part de son intention. C'est là qu'il nous disait que la formule de Victoria était inacceptable pour lui. Il terminait cette partie de son discours par une citation d'un collaborateur du Devoir, M. Jacques Dufresne, qui se lisait comme suit: " Quand on doit s'avouer impuissant après avoir été dupe, on n'existe plus en tant qu'homme libre." C'est M. Lévesque qui parlait: "Ce verdict, qui est à la fois terrible et très juste, nous n'avons pas l'intention de le mériter comme qouvernement". Je laisse l'appréciation de la suite au jugement de nos concitoyens. (16 h 40)

Le gouvernement doit cesser de mettre la faute sur les autres. Il doit reconnaître sa propre responsabilité et se demander comment il peut désormais tirer le meilleur parti d'une situation qu'il a contribué à créer. Ceci nous amène à examiner deux questions. D'abord, que comporte exactement l'entente du 5 novembre? Est-elle vraiment l'épouvantail que l'on veut nous faire croire? Deuxièmement, quelle action s'impose dans le contexte nouveau qui découle de la dernière conférence constitutionnelle?

Le premier ministre dans son discours d'hier a formulé, à l'encontre de l'entente du 5 novembre, trois objections majeures. Il lui reproche de porter atteinte au pouvoir législatif du Québec en matière linguistique. Deuxièmement, il lui reproche de mettre en danger le droit du Québec de développer librement son économie, en raison de la clause traitant du libre établissement des personnes au Canada. Troisièmement, il reproche enfin à l'entente de n'avoir pas retenu la clause de compensation financière dans les cas d'amendements constitutionnels où le Québec déciderait d'exercer son droit de retrait.

Pour mesurer la portée de ces objections, il faut les situer dans le contexte plus général de l'entente. Comme le premier ministre n'a pas daigné nous donner un rapport substantiel sur le contenu de l'entente, je vais être obligé de le faire pour que nos concitoyens soient valablement informés avant d'être amenés à se former une opinion. L'entente doit être examinée sous guatre chefs principaux. D'abord, le

rapatriement. Aucune difficulté spéciale à ce sujet. Je pense que tout le monde avait convenu que le rapatriement, si ce n'avait été que de lui, pouvait se faire sans difficulté. Une évolution s'était produite dans les esprits. Passons là-dessus, il n'y a pas de problème.

La formule d'amendement. Nous en avons parlé, nous aurions nous-mêmes préféré une autre formule, mais le gouvernement péquiste préférait la formule de Vancouver. Il reste l'objection de la compensation financière. Très bien.

Il y a une autre chose dont on ne nous a point parlé ici. Dans le projet de loi constitutionnel du gouvernement fédéral, il était prévu un référendum en guelgue sorte permanent. Pour les situations où la formule d'amendement n'aurait pas permis de procéder à des modifications nécessaires, le gouvernement fédéral entendait se réserver le droit de convoguer un référendum n'importe quand, moyennant des délais qui étaient prévus dans le texte.

Ce qu'on n'a pas dit ici - je ne l'ai entendu dire par personne - c'est que ce référendum permanent est tombé; il n'en est plus question. J'avais moi-même soutenu à plusieurs reprises, après avoir pris 53 ans pour trouver une formule d'amendement, qu'il faudrait au moins avoir la patience de l'essayer pendant une dizaine d'années avant d'en trouver une autre. Je suis content que ce soit tombé.

Il nous reste la charte des droits. Cette charte des droits, je vais l'examiner sous six articles différents; ça comprend six chapitres. Il y a les droits politiques. Les droits politiques, c'est comme l'air qu'on respire. Si on écrivait dans une charte que chaque citoyen est libre de respirer l'air du temps, je ne pense pas que cela ferait mal à la cause du Parti québécois. Les droits politiques, c'est un peu la même chose, c'est l'obligation, pour les gouvernements, de tenir des élections tous les cinq ans, c'est l'obligation de laisser les citoyens libres d'aller voter. J'espère que vous n'avez pas peur de cela. J'espère que ce n'est pas la raison...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: La carte d'électeur!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Deuxième aspect: les libertés fondamentales, les grandes libertés d'expression, de pensée, d'association, de réunion, d'assemblée, de presse. Je n'ai pas peur de la constitutionnalisation de ces grandes libertés. Il me semble que c'est digne d'un pays civilisé et mûr de se doter de dispositions constitutionnelles prévoyant que ces libertés fondamentales viendront avant les prérogatives des Parlements et des gouvernements. Je n'ai pas peur de cela. Je place le citoyen avant les gouvernements, avant ceux qui voudraient s'ériger en anges gardiens de toutes ces valeurs. Je le place au premier plan. Je n'ai pas peur de cela et, au cas où on aurait peur, l'entente qui a été conclue la semaine dernière prévoit ce qu'on appelle une clause "nonobstant", c'est-à-dire une clause en vertu de laquelle une Législature provinciale qui voudrait intervenir par voie de législation dans ce domaine pourrait le faire en déclarant explicitement que cette loi qu'elle voudrait adopter ne serait pas assujettie à la charte des droits. Par conséquent, il n'y a pas de péril en la demeure de ce côté non plus. Je pense que le principe du pouvoir législatif d'une province est préservé par une clause comme celle-là. D'ailleurs, - M. le premier ministre me confirmera là-dessus - le gouvernement avait consenti dans le "package" dont nous parlions tantôt à ce que certains chapitres de la charte soient assortis d'une clause comme celle-là. Très bien.

Les droits légaux. Quels sont les droits qui pourraient être très utiles pour des témoins en vue de la future enquête sur la Société d'habitation du Québec? Les droits léqaux, c'est le droit à la protection d'un avocat, le droit de ne pas être soumis à des perquisitions, à des fouilles ou à des visites de policiers dans votre domicile sans des motifs sérieux et des autorisations émises par des personnages autorisés, etc. Là-dessus, on peut discuter beaucoup. Je trouve personnellement que l'énumération qui est faite dans la charte à ce sujet est peut-être un peu trop détaillée. Je ne suis pas un expert de ces questions, mais ce que je sais, c'est qu'on a assorti ce chapitre aussi d'une clause "nonobstant". Par conséquent, tout est préservé de ce côté, le principe est préservé. Évidemment, il y a un engagement moral. Quand on accepte qu'une charte comme celle-là soit dans la constitution, il y a un engagement moral, mais le principe du pouvoir législatif de l'Assemblée nationale est préservé par cette clause.

Il y en a une autre, très importante, les droits à l'égalité. C'est le droit d'un citoyen de ne pas être victime de discrimination ou de traitement injuste à cause de sa langue, d'une infirmité dont il pourrait souffrir, de son origine raciale, de son âge et de divers autres facteurs. Encore ici, je pense que, dans un souci de civilisation, on doit accueillir avec énormément d'intérêt les clauses qui veulent garantir des droits comme ceux-ci.

Dans le texte de l'entente de la semaine dernière, ce chapitre aussi est assorti d'une clause "nonobstant". Par conséquent, il n'y a pas de violation absolument condamnable de l'autorité législative du Québec dans ce domaine. Me

suivez-vous jusqu'à maintenant, M. le premier ministre? Sommes-nous d'accord sur l'interprétation?

Une voix: II n'a pas le choix.

M. Ryan: II y en a qui ne sont pas intéressés à lire les textes.

M. Lévesque (Taillon): Pas de problème jusque là.

M. Ryan: Je lis les textes avant de me prononcer. Je continue.

Une voix: Quand vous allez vous prononcer tantôt, vous...

M. Ryan: Oui, on n'est pas pressé. On va vous faire attendre un peu. Mes collègues aiment le suspense de ce côté-ci aussi.

Des voix: Ah! Ah!

M. Ryan: La liberté de circulation et d'établissement, M. le Président.

Une voix: Je vous trouve bien nerveux!

M. Ryan: M. le Président, la liberté de circulation des personnes est un droit qui est garanti dans à peu près toutes les fédérations du monde. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. C'est une des bases mêmes de l'établissement d'un régime fédéral de gouvernement. On veut que les personnes puissent circuler librement d'une partie du territoire commun à l'autre. Je vous donnerai tantôt les territoires communs. Je veux préciser, parce que je sais qu'on est porté à faire des interprétations du territoire commun soumis à la compétence d'un Parlement fédéral dans les domaines confiés à l'autorité de celui-ci, pour qu'on ne fasse pas de querelle de théologie.

Dans l'Europe des dix - nous avions la visite ces temps derniers de la présidente du Parlement européen, Mme Simone Veil; j'étais accompagné de mon collègue, le député de Saint-Laurent, et nous l'avons longuement interrogée sur cette question de la libre circulation des personnes - on est très avancé en matière de reconnaissance de la libre circulation des personnes. On dit même que c'est un des principes qu'on doit poser à la base du fonctionnement de la Communauté économique européenne. (16 h 50)

Maintenant, ceci est très important, le premier ministre a donné de l'article 6 du projet de charte fédérale une interprétation très abusive. Certains conseillers juridiques du gouvernement ont également proposé une interprétation éminemment contestable. Je voudrais, pour quelques instants, examiner le contenu de l'article pour indiquer avec plus de précision ce qu'il veut signifier. Je m'inspire, pour ce faire, d'un avis qui m'a été fourni par un de mes collègues, le député de D'Arcy McGee dont personne ne conteste l'autorité en matière de droit constitutionnel et, en particulier, en matière de reconnaissance des droits fondamentaux. Il a fait plus de travaux à lui seul que tous les membres du parti qui siège de l'autre côté de la Chambre, à l'exception peut-être de mon collègue, le député de Sauvé.

Voici ce que me dit une étude qui a été faite par M. Marx... Le paragraphe 1 traitant de la libre circulation des personnes dit: "Tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir." J'espère que personne n'a peur de ça. Le paragraphe 1 est déjà de la compétence du Parlement fédéral en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Par conséquent, rien de nouveau sous le soleil ici, c'est une chose qui est déjà acquise.

Le paragraphe 2 dit: "Tout citoyen canadien et toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ont le droit de se déplacer dans tout le pays et d'établir leur résidence dans toute province et b) de gagner leur vie dans toute province, cela sujet - je vais vous le lire, si vous voulez - aux lois et usages d'application générale en vigueur dans une province donnée s'ils n'établissent entre les personnes aucune distinction fondée principalement sur la province de résidence antérieure ou actuelle, aux lois prévoyant de justes conditions de résidence en vue de l'obtention des services sociaux publics." Sur le deuxième sous-paragraphe, je pense que nous serions tous d'accord. Est-ce que ça va être un mois, deux mois, trois mois?

Ce que me dit l'avis que j'ai demandé à M. le député de D'Arcy McGee, c'est ceci: La protection constitutionnelle proposée au paraqraphe 2 doit être interprétée en fonction de la jurisprudence canadienne. Elle ne fait, en substance, que décrire l'état actuel du droit au Canada. En effet, dans l'arrêt Winner de 1951, le juge Rand écrivait déjà qu'une province ne peut pas, en le privant des moyens d'y travailler, forcer un Canadien à quitter son territoire, qu'elle ne peut pas le dépouiller de son droit ni de sa capacité d'y séjourner et d'y travailler. Cette capacité constitue un élément inhérent à son statut de citoyen et est hors de portée d'une action provinciale visant à l'annuler. Ensuite, la jurisprudence est éqalement claire sur le paragraphe qui affirme le droit de tout citoyen de se déplacer dans tout le pays et d'établir sa résidence dans toute province. Il en fut décidé ainsi dans l'arrêt Kent District Corporation contre Storgoff de 1962.

Le paragraphe 2b dispose que tout citoyen et tout résident permanent ont le droit de gagner leur vie dans toute province.

Je signalerais à M. le premier ministre

qu'il s'agit ici de personnes physiques et non pas de personnes corporatives ou d'entités morales. II s'agit strictement de personnes physiques. Ce sont les droits de la personne dont il est question ici. De plus, il semble qu'à cause de l'économie générale de l'article, les mots employés ne se réfèrent qu'aux personnes physiques, justement.

La clause sur la liberté de circulation inscrite dans la charte ne permettra sûrement pas à un avocat de l'Ontario de venir pratiquer au Québec sans satisfaire aux exigences de notre barreau. Il en ira de même pour tout autre professionnel. De plus, un homme de métier de l'Ontario sera tenu de répondre aux règles applicables à ce métier au Québec. Dans bien des cas, il sera tenu d'être membre d'un syndicat. Enfin, les exigences linguistiques de la Charte de la langue française s'appliqueront à toute personne qui vient travailler au Québec.

Il est à noter que dans le projet initial on parlait du droit d'acquérir des biens et d'assurer sa subsistance. Cela ouvrait toutes sortes d'avenues qui auraient pu donner lieu à bien des difficultés. Toute cette partie est tombée dans le texte définitif; il ne reste que ce que nous connaissons. On a inclus une clause de protection pour les provinces où il y aurait un taux de chômage plus élevé. Nous autres, nous demandons qu'il y ait une autre clause assurant la protection du Québec. Dans les cas où des mouvements démographiques indiqueraient que l'équilibre linguistique du Québec est en train de se rompre ou est menacé, à ce moment-là, le Québec aurait le droit de recourir à des programmes de redressement pour des périodes de cinq ans, renouvelables sous la seule autorité, sous la seule responsabilité du Québec.

Il me semble que ce sont des choses qu'on peut discuter, qu'on peut négocier en toute bonne foi; les formules que nous avons proposées sont loin d'être définitives ou d'avoir la moindre prétention à la perfection, pas du tout. Je vous dis que ça devrait être des choses négociables et qu'on ne devrait pas les renvoyer d'un revers de la main, comme on l'a fait tantôt.

Maintenant, il y a la clause des droits linguistiques. C'est probablement la plus importante dans l'esprit de tout le monde dans cette Chambre. Je voudrais tout d'abord dire une chose là-dessus. Je ne sais pas si le premier ministre a porté quelque attention à cet article de l'entente du 5 novembre, où il est dit ceci, M. le Président: "Nous sommes convenus que l'article 23 qui a trait au droit à l'instruction dans la langue de la minorité s'appliquera dans nos provinces." Je ne sais pas ce qui s'est passé en coulisse et ce qui a pu être proposé comme interprétation. Vous dites vous-même que vous n'étiez pas là, M. le premier ministre, mais il me semble clair, en lisant ce texte-ci, qu'à sa face même, il s'applique aux provinces signataires, du moins aux termes de l'entente.

Maintenant, qu'est-ce qui peut exister dans la tête du gouvernement fédéral? Parce que le texte n'est pas ce bout de papier-ci, c'est le projet de résolution modifié qu'on présentera à la Chambre des communes, je ne sais pas dans combien de temps. Il me semble qu'il y a une marge. Si ce texte devait être interprété de manière littérale, rien n'autoriserait, je pense qu'aucune cour ne pourrait soutenir qu'il s'applique au Québec, parce que c'est bien écrit dans nos provinces. C'est ça qu'est le texte de l'entente.

Maintenant, c'est au gouvernement de faire des vérifications de ce côté-là; je pense qu'il était tellement irrité au lendemain de la conférence qu'il n'a même pas pensé à les faire. Il est toujours temps. Ce n'est pas l'interprète ultime, le personnage que vous venez de citer; il a droit à ses opinions comme d'autres, mais je pense que l'expérience a montré souvent que, quelquefois, il dit des choses excessives; ça ne nous empêche pas de dormir, pas du tout, pas du tout. Il y en a beaucoup de votre côté aussi. Oui. Si on partait avec des bouts de phrase comme ça, on n'irait jamais nulle part dans rien.

Je vous dis, M. le Président, qu'il y a trois articles dans cette partie de l'entente relative aux droits linguistiques. Je ne veux pas être trop technique, je ne veux endormir personne, il y a un paragraphe qui traite du critère de la lanque maternelle. Nous disons que nous connaissons les difficultés que cela a posées au Québec. Je les ai vécues moi-même, j'ai dû admettre, après avoir défendu moi-même ce critère pendant plusieurs années, que c'était difficile d'en proposer une interprétation opérationnelle. Je me suis rendu devant les faits qu'on me soumettait, très bien. Nous disons qu'il devrait être possible d'assortir ce critère de la clause "nonobstant". Il y a peut-être d'autres gouvernements qui éprouveront moins de difficultés, laissons-les s'occuper de leurs affaires, mais ici, la cause "nonobstant" pourrait très bien être envisagée, selon nous.

Il y a un autre article qui ouvre la porte de l'école anglaise au Québec aux enfants de parents qui ne seraient pas allés à l'école anglaise, mais dont un enfant serait déjà inscrit à l'école anglaise ailleurs. Cela pose aussi des problèmes que nous connaissons tous. On dit qu'il faudrait que cet article soit également assorti d'une clause "nonobstant".

Alors, il reste, M. le Président, ce qu'on appelle la clause Canada, au sens que lui donne le projet de loi fédéral, c'est-à-dire l'accès de l'école française ou anqlaise, selon la province, à l'enfant de parents ayant eux-mêmes reçu l'enseignement en français

ou en anglais, selon le cas, au niveau élémentaire ou primaire, dans cette langue.

M. le ministre de l'Éducation m'écoute. Il a fait faire une étude par ses services sur les effets possibles d'une clause comme celle-là. J'ai le rapport de l'étude devant moi, les effets démolinguistigues de l'article 23 du projet fédéral de charte. Je suis sûr que le ministre de l'Éducation l'a lu, nous avons un ministre de l'Éducation qui a l'habitude de lire ces documents et je l'en félicite. (17 heures)

Les auteurs de cette étude nous disent que s'il ne s'agit que de ce critère, les effets seraient minimaux: À notre avis, ils seraient, de toute façon, inférieurs au millier d'élèves - au singulier. Pardon? C'est ce que j'avais compris. Je vois ici "au millier d'élèves", disons que c'est entre 1000 et 5000, de toute manière. Vous savez que l'effectif dans les écoles de langue anglaise au Québec, aux dernières statistiques, était à peu près de 185 000. Mettons le maximum, 5000 sur 185 000, c'est quelque chose comme entre 2% et 3%.

Je sais que le ministre de l'Éducation est capable de nous faire croire qu'il y a un danger d'apocalypse même là-dedans, mais pas moi. Je vous dis que la proposition que nous faisons va dans ce sens-là et je voudrais qu'on l'examine attentivement. Le gouvernement avait déjà indiqué, à l'occasion de conférences antérieures avec des provinces, son intérêt pour des accords de réciprocité. Il l'a inscrit, d'ailleurs, dans la loi 101. Le ministre de l'Éducation l'a rappelé récemment. Il n'y a pas encore de carcan dans le texte de l'entente, comme je l'ai lu tantôt, il me semble qu'il y a un vacuum, qu'il y a un espace qu'un gouvernement de bonne foi n'a pas le droit de rejeter du revers de la main parce qu'il s'est passé des choses au sujet desquelles je suis prêt à comprendre sa réaction dans une bonne mesure.

Maintenant, je fais l'examen comme un citoyen de bonne foi essaie de le faire en tenant compte, évidemment, des principes que je défends moi-même et des valeurs que mes collègues et moi-même voulons mettre de l'avant là-dedans. C'est cela le bilan. Il n'y a pas d'autre chose. J'essaie de voir l'épouvantail. J'essaie de voir où serait la corneille qui circulerait quelque part, qui menacerait d'enlever la chevelure de l'un ou l'autre d'entre nous, la chauve-souris, je n'en vois nulle part. Peut-être que ma lecture n'est pas bonne, peut-être que j'aurai besoin d'être guidé, éclairé, mais j'ai fait le tour du document et c'est ce qu'il dit. Je l'aurais négocié tout à fait autrement.

Maintenant, l'action qui s'impose. Le gouvernement apparemment rêve encore d'un retour au climat très spécial qui permit l'adoption dans cette Chambre, le 2 octobre dernier, d'une résolution historique, appuyée par les deux grands partis représentés dans cette Chambre. Je voudrais, à cet égard, le prévenir de deux éléments majeurs qu'il semble enclin à minimiser. Premièrement, la situation d'aujourd'hui est très différente de celle du 2 octobre dernier. Je vais vous en donner trois exemples. D'abord, le 2 octobre, c'était alors toute la charte que le gouvernement fédéral voulait imposer sans restriction à toutes les provinces. Or, les amendements apportés à la charte et susceptibles d'être apportés encore, à mon point de vue, ont modifié cette situation considérablement. Nous ne sommes plus du tout dans la situation où nous étions au lendemain du jugement de la Cour suprême.

À ce moment - c'est le deuxième changement important - le gouvernement fédéral déclarait, même après le jugement de la Cour suprême, être capable d'agir seul légalement. Depuis ce temps, il a recherché et obtenu un consensus des provinces. C'est extrêmement regrettable que le Québec ne soit point partie à ce consensus mais, ici encore, le gouvernement actuel du Québec est le premier à blâmer, car le consensus répond à la définition que le premier ministre lui-même a acceptée d'un consensus en signant la formule de Vancouver le 16 avril dernier.

Troisième différence. Le projet fédéral comportait, le 2 octobre, une clause prévoyant le recours à un référendum - j'en ai parlé tantôt - et cette clause est tombée. Si on veut nous faire croire que rien n'aurait changé, que personne n'aurait bougé, je pense qu'on induit la population en erreur et qu'on fausse les faits historiques. Il y a eu la semaine dernière des changements très importants dans la situation qui existait le 2 octobre dernier.

Deuxièmement, il faut, à contrecoeur, à condition que soit réglé de manière satisfaisante le problème de la compensation matérielle, accepter la formule d'amendement sur laquelle on s'est entendu la semaine dernière. Le chef actuel du gouvernement québécois devra porter devant l'histoire la responsabilité d'avoir laissé tomber le droit de veto du Québec et d'avoir complètement omis, quand il participait à la rédaction de cette formule d'amendement, de mentionner le caractère binational du Canada et la signification du Québec à cet égard.

Nous travaillerons, au cours des années à venir, à regagner le terrain qui a été perdu par le gouvernement actuel, mais, pour l'instant, je ne pense pas que nous agirions sérieusement en disant, à condition toujours que soit réglé de manière raisonnable... Je voyais le premier ministre avoir l'air de se moquer du mot "raisonnable" tantôt. J'espère qu'il en viendra le plus tôt possible à une attitude raisonnable, c'est toujours la meilleure.

Troisième point, M. le Président, il demeure possible, par la voie de négociations sérieuses et rapides, de faire en sorte que l'entente soit bonifiée de manière à respecter nos principes du 2 octobre. Je voudrais, à cet égard, vous citer un journaliste que nous respectons tous dans cette Chambre et pour lequel vous comprendrez que je conserve une affection et un respect spécial, le rédacteur en chef du Devoir, avec qui j'ai suivi pendant de nombreuses années toutes les péripéties afférentes aux conférences constitutionnelles. Dans un article qu'il publiait lundi, et je tiens à dire, pour le dossier, que je fus très surpris de lire cet article dans le Devoir de lundi, parce que je n'étais pas du tout au courant que M. Roy allait écrire un article là-dessus et que son article irait en plein dans le sens que suggérait le télégramme que j'ai adressé au premier ministre dimanche, et cette coincidence m'apparaît intéressante, parce qu'elle témoigne peut-être de la valeur de la voie qui est proposée, M. Roy conclut ceci: "... dans la perspective d'un gouvernement qui n'hésite plus à rappeler et à promouvoir le premier objectif du Parti québécois, la problématique créée par la conférence d'Ottawa ressemble à un dilemme. De deux choses l'une: ou bien l'équipe de M. Lévesque, constatant l'isolement, s'estimant trahie par l'autre majorité, se cabre et refuse toute négociation avec Ottawa, cette capitale d'un pays dont il ne veut plus entendre parler après les événements de la semaine dernière. Ou bien, au contraire, le gouvernement recherche avec ses interlocuteurs canadiens les aménagements propres à éliminer ou à réduire les trois obstacles qui ont empêché ce gouvernement de se rallier au texte du 5 novembre. "S'il choisit la première voie, le gouvernement de M. Lévesque aura donc conclu que le régime fédéral, dont il ne cesse de déplorer les contraintes depuis cinq ans, devient franchement intolérable en raison des dispositions de l'entente de vendredi. Le cas échéant, le premier ministre n'échappera pas aux conséquences de son analyse qui l'amènera à poser au peuple la question de fond à la faveur d'une élection ou d'un référendum. Comme le peuple s'est déjà prononcé en mai 1980, il est douteux que les événements des jours derniers aient déterminé des changements significatifs dans le peuple."

À cet égard, je voudrais signaler au premier ministre que, s'il songe à un appel au peuple, il n'a pas osé en parler jusqu'à maintenant, la voie électorale me paraît infiniment plus réaliste que la voie référendaire, et ceci pour une raison bien simple: nous avons tenu un référendum le 20 mai 1980 et cela n'a rien changé dans le comportement du gouvernement. Une voix: C'est cela.

M. Ryan: M. Roy concluait ainsi son article:

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: "À l'évidence, le gouvernement du Québec a intérêt à négocier, non pas de simples arrangements hors constitution, mais en vue de faire inscrire dans le nouveau document des solutions honorables et satisfaisantes..." Tel est le sens des propositions que j'ai formulées dans un télégramme que j'adressais au premier ministre, dimanche dernier. (17 h 10)

Le premier ministre a donné tout à l'heure certaines indications. J'ose espérer qu'il n'a pas donné la réponse définitivement négative et butée qu'on pouvait redouter. Nous demandons avec fermeté que le Québec reprenne le chemin des négociations sur les trois points qui restent à résoudre et que le gouvernement fédéral bouge aussi de manière significative de son côté, sur les trois mêmes sujets. Nous exigeons en conséquence du gouvernement qu'il reprenne sans délai les négociations afin de faire en sorte que le Québec puisse entrer, librement mais la tête haute, dans une entente dont le contenu serait conciliable avec ses intérêts légitimes et ses principes constitutionnels et aussi avec le bien du pays dont nous faisons partie.

La marge qui nous sépare d'une entente - et ceci au jugement même du premier ministre qui a isolé les trois points de désaccord - ne justifie aucunement les propos apocalyptiques que nous avons entendus hier et aujourd'hui.

Si le premier ministre refuse d'aqir vite et de bonne foi, nous saurons où il loge une fois pour toutes et il devra renoncer à compter sur quelque caution que ce soit de la part de notre parti.

Au point où nous en sommes, M. le Président, le litige porte beaucoup plus sur la conception que nous nous faisons de la nature et de l'avenir de la société québécoise et du pays canadien et des rapports entre les citoyens et les gouvernements que sur une chicane traditionnelle de pouvoirs entre deux ordres de qouvernement.

La vraie querelle ne consiste pas en une dispute entre deux gouvernements qui voudraient s'arracher un pouvoir. Elle consiste en un débat à travers lequel on essaie de décider si certains droits fondamentaux des citoyens pourraient échapper au pouvoir toujours potentiellement arbitraire des gouvernements et même des Législatures. C'est ce qu'est le sens du débat que nous tenons actuellement.

Malheureusement, il n'a pas encore été possible de hausser la discussion jusqu'à ce niveau mais, au moins, avant de peut-être la terminer, avant longtemps, je tiens à rappeler cette dimension essentielle. Les gouvernements sont, en définitive, au service des citoyens tout comme les Parlements; leurs pouvoirs doivent être aménagés en fonction du sort que l'on entend réserver aux citoyens.

Après avoir souffert, comme tous les autres pays, de maintes injustices au cours des 114 dernières années, nous avons la chance d'instaurer, au Canada, un régime de droits qui garantirait aux citoyens individuels et aux groupes minoritaires de ce pays un minimum de protection constitutionnelle qui me semble devoir être, dans l'avenir, le propre des pays civilisés. Pour le citoyen ordinaire, une charte de cette nature, solidement assortie de clauses qui tiennent compte d'autres facteurs que nous considérons comme très importants ici, ne serait pas un recul, elle ne serait pas un danger; elle serait, au contraire, un immense acquis.

Mais cet objectif devient impossible et hors d'atteinte à partir du moment où un gouvernement érige les pouvoirs qu'il détient en des vérités absolues qui ne sauraient souffrir aucune adaptation aux réalités d'aujourd'hui ni aucune forme de partage avec d'autres éléments avec qui l'on partage un pays commun.

Je maintiens fermement le principe que nous approuvions dans cette Chambre le 2 octobre, à savoir que l'Assemblée natinale ne doit pas être dépouillée de ses pouvoirs sans son consentement, mais je soutiens, en contrepartie, que rien n'empêche l'Assemblée nationale et le gouvernement de consentir, pour le bien des citoyens et de tout le pays, à des ajustements raisonnables, comme ceux que nous proposons de ce côté-ci de la Chambre.

Plus le gouvernement agira vite et constructivement, plus il deviendra possible, pour nous tous, de nous consacrer enfin aux problèmes encore plus urgents et plus brûlants de l'économie.

Avant de traiter des problèmes économiques auxquels nous sommes confrontés à l'heure actuelle, M. le Président, je voudrais d'abord rendre hommage aux milliers de travailleurs québécois qui, par leur labeur quotidien, contribuent à assurer le fonctionnement de notre économie dans tous les secteurs de l'activité. Ils sont nombreux à venir jour après jour servir leurs concitoyens, à produire des biens qui assurent le progrès de la collectivité. Il est d'autant plus important de les remercier à ce moment-ci qu'ils font face, comme l'a bien souligné le premier ministre dans son message inaugural, à une compression insidieuse de leur pouvoir d'achat et de leur chance d'épanouissement.

Je voudrais aussi adresser un hommage spécial aux chefs d'entreprises industrielles, commerciales, agricoles et autres qui font face ces temps-ci à de terribles difficultés de financement dont témoiqne le volume très élevé des faillites que nous connaissons au Québec.

Je voudrais également signaler le rôle exceptionnellement important que jouent dans notre économie les épargnants et les familles qui ont investi une partie importante de leurs économies dans une maison familiale qu'ils éprouvent beaucoup de difficultés à conserver actuellement en raison de la hausse spectaculaire des taux d'intérêts.

Enfin, aux mères de famille au foyer qui sont les artisans les plus solides, les plus constants et les plus féconds de notre prospérité à tous et qui restent la catégorie de travailleurs la moins reconnue et la moins généreusement rémunérée de toute notre société.

Nous sommes dans une conjoncture canadienne, nord-américaine et mondiale très pénible. Je n'ai pas l'intention de chercher à exploiter tout ce qui ne va pas pour accabler le gouvernement dans un esprit étroitement partisan. Le premier ministre a déclaré à maintes reprises et encore hier qu'il est conscient de la conjoncture très mauvaise où nous nous trouvons. Je ne veux pas mettre en doute la sincérité, les sentiments de sympathie qu'il a exprimés à cet égard à l'intention de nos concitoyens; je veux au contraire l'assurer que je partage entièrement ses sentiments, mais cette Chambre existe pour obliger le gouvernement à rendre des comptes.

En matière d'économie, le moins que l'on puisse attendre d'un gouvernement du Québec, c'est qu'il préserve et qu'il améliore dans toute la mesure du possible la situation concurrentielle du Québec par rapport aux autres provinces canadiennes. Or, les vantardises du gouvernement et de ses porte-parole à cet égard sont tellement fréquentes et trompeuses qu'il importe en ce début de session de replacer les choses dans une juste perspective.

Dans ce domaine comme dans le domaine constitutionnel, M. le Président, il faut constater que le gouvernement, loin de renforcer le Québec, est en train de l'affaiblir de manière dangereuse. On peut bien invoquer le fait que notre produit intérieur brut au Québec a progressé au cours des dernières années à un rythme légèrement supérieur à celui de l'Ontario et même à la moyenne canadienne. La différence est toutefois très mince et elle peut très bien s'expliquer par le jeu d'un ensemble de facteurs sur lesquels le gouvernement actuel du Québec n'a aucune action, par exemple, l'apport net de capitaux fédéraux au Québec; l'impact favorable de la

dévaluation du dollar sur nos exportations; le contingentement des importations de vêtements et de textiles et les effets très favorables qu'il a eu sur notre industrie québécoise du textile et du vêtement.

Pour voir clair dans ce qui s'est passé, il faut pousser par conséquent plus loin l'analyse et examiner un certain nombre de facteurs qui donnent une vue plus juste de ce qui s'est passé. À ce niveau, les perspectives sont beaucoup moins rassurantes en ce qui touche la performance du gouvernement.

En matière de chômage, seulement quelques chiffres, je vais être obligé de glisser rapidement. En 1977, le taux de chômage du Québec par rapport à celui de l'ensemble du Canada était de 27% supérieur; notre taux était de 127 contre 100 pour la moyenne canadienne. Savez-vous combien il est actuellement? 143. Il est passé de 27% à 43% de plus, c'est-à-dire une augmentation de plus de la moitié dans l'écart qui nous séparait du reste du Canada. Je suis content de constater que le ministre d'État au Développement économique écoute ces choses-là. J'espère qu'il aura des réponses précises et qu'il ne répondra pas en isolant l'année 1979 des autres, comme il l'a fait souvent dans le passé. Je donne une tendance qui va de 1977 au mois d'octobre 1981. (17 h 20)

Je ne veux pas m'étendre sur ce terrain-là, on pourrait en dire beaucoup, mais je vous recommande la lecture d'un article qui a paru dans la Presse de ce jour, sous la signature de M. Alain Dubuc. On avait eu des illusions d'optique. La semaine dernière, le même journal avait publié un article dans lequel il parlait d'une augmentation de 133 000 emplois au cours de la dernière année. Je me suis dit franchement, si c'est cela, je pense que je change de parti. Cela aurait donné une syncope à certains de mes collègues, mais je me disais: Si vraiment il y a eu un miracle de cette nature, je suis obligé de me poser de grosses questions. Moi, mes statistiques me donnaient une baisse de 2000. J'ai consulté nos services de recherche économique qui m'ont très bien expliqué, hier, la différence. Ce sont deux enquêtes différentes et celle qui aboutit au déficit de 2000 est beaucoup plus fiable que l'autre, beaucoup plus fiable que l'autre.

Vous lirez, M. le Président, l'article qui a paru dans la Presse sous la signature d'Alain Dubuc, j'en cite seulement quelques passages rapidement: "Le marché du travail a connu au mois d'octobre une de ses pires "débarques" depuis le début de la décennie au Québec, avec une sérieuse hausse du nombre de chômeurs mais surtout une baisse exceptionnelle du nombre d'emplois. "On a en effet assisté à des pertes d'emplois pour deux mois consécutifs au Québec. En septembre, le nombre de postes baissait de 2000 par rapport au même mois de l'année précédente; en octobre, s'ajoutait une réduction de 17 000. Cela efface en quelques mois les gains appréciables de création d'emplois dont on pouvait s'ennorgueillir depuis le début de l'année. "De telles pertes d'emplois sont très rares, même quand cela va mal. Et le fait que la même chose se produise deux mois de suite devient carrément exceptionnel, puisqu'il faut remonter dans les statistiques jusqu'au printemps de 1968 pour retrouver un cas semblable. C'est absolument épouvantable, s'est même exclamé un spécialiste du marché du travail en commentant la situation. "Ce qui est sérieux au Canada est carrément dramatique au Québec. C'est d'abord la question de l'emploi qui est la plus préoccupante." Et on continue.

Il en résulte que le Québec accueille chez lui 40% des nouveaux chômeurs canadiens. Le nombre des sans-emploi a ainsi augmenté de 51 000 pour passer de 269 000 - en octobre dernier - à 320 000 - en octobre 1981 - une hausse de 19% en douze mois, qui augure assez mal pour l'avenir. Le taux de chômage passait de son côté de 9,1% à 10,7%."

En matière d'investissements, d'autres collègues de ce côté-ci de la Chambre traiteront de ce sujet de manière plus élaborée. Je voudrais simplement corriger une erreur que j'entendais l'autre soir à la télévision, à l'occasion d'un débat auquel participait un représentant du Parti québécois, le député de Sainte-Marie. Il est venu soutenir - je le comprends, parce qu'il était peut-être pris au dépourvu par la tournure que prenait le débat à ce moment-là - soutenir que les investissements auraient augmenté plus rapidement au Québec, au cours des cinq dernières années, que dans l'ensemble du Canada. C'est évidemment faux. Je n'en veux pas au député de Sainte-Marie qui est un homme très sympathique, surtout quand il critique son propre parti.

Une voix: Vous en avez chez vous aussi.

M. Ryan: On les aime quand même finalement.

Mais les vraies statistiques, vous le savez comme moi, M. le Président, pour les années 1976 à 1980, l'augmentation totale des investissements au Québec a été de 6,6% par année, de 10,9% pour l'ensemble du Canada et, dans le secteur privé, il y a 4,5% d'augmentation par année au Québec et 11,8% dans le reste du Canada. J'ai les projections pour la présente année, révisées à la mi-année, et la tendance générale se maintient. Par conséquent, je recommanderais aux porte-parole du gouvernement d'éviter d'extrapoler en matière de statistiques, de

prendre les statistiques de base et de les accepter pour ce qu'elles disent et non pas de s'en servir de manière détournée à des fins de propagande.

En matière de migration, nous attachons tous une importance extraordinaire à notre ressource démographique, c'est la première, notre population. Qu'est-ce qui est arrivé au Québec sous le gouvernement actuel? La population est presque stagnante, elle a augmenté de quelques milliers d'unités par année. C'est la partie du Canada où le progrès de la population a été le moins élevé. Je me rappelle quand le Parti québécois a été élu la première fois, le premier ministre a pensé assister à un miracle des berceaux. Il avait entendu parler d'une grossesse quelque part, j'imagine, il a pensé qu'un miracle allait se produire. Finalement, si nous regardons les chiffres des cinq dernières années, nous constatons ceci: en matière d'augmentation générale de la population, elle va augmenter au plus de la moitié de un pour cent par année, alors que, dans le reste du pays, c'est autour de 1%, 1,2% ou 1,3%. Je n'ai pas les statistiques à portée de la main, mais notre population augmente beaucoup moins rapidement que celle du reste du pays. Deuxièmement, en matière de migration, on l'a tous dit, nous sommes tous d'accord là-dessus, avec un taux de natalité qui a beaucoup baissé, les mouvements migratoires deviennent beaucoup plus importants.

Qu'est-il arrivé depuis quelques années? Entre 1970 et 1976, nous avions en moyenne un déficit de 12 000 personnes par année au Canada. Chaque année, 12 000 personnes de plus quittaient le Québec que celles qui venaient au Québec. Sous le gouvernement actuel, de 1977 à 1981, le déficit est de 30 000 par année, presque trois fois plus. La situation économique est déterminante là-dedans, de l'avis de tous les démographes, et les politiques du gouvernement dans certains domaines ont été également très importantes.

Je reviens à un facteur dont nous avons discuté plus tôt, les faillites. Je me suis fait donner des chiffres sur les faillites, parce que nous en entendons beaucoup parler ces temps-ci. Le Québec, vous le savez comme moi, au cours de la présente année, a 41% de toutes les faillites au Canada. Au point de vue du volume du passif, nous en avons 43,4%, soit 275 000 000 $ sur 634 000 000 $. Je dis au gouvernement: C'est bien beau de se griser d'illusions, mais c'est votre performance qui est en cause, ce sont autant de critères objectifs qui ne sont inventés par personne et qui peuvent être vérifiés avec les meilleures sources.

J'aurais voulu parler de certains aspects comme l'agriculture, mais certains de mes collègues en parleront ce soir. Nous nous intéressons beaucoup à l'agriculture de ce côté-ci. Le ministre de l'Agriculture a produit un fruit très important, l'industrie pomicole. L'industrie de la pomme, nos producteurs de pommes; toutes les industries complémentaires qui l'entourent sont dans un marasme très difficile à cause des événements que nous savons, des pertes considérables d'arbres survenues au cours de la dernière saison. Nous demandons au ministre d'agir depuis le mois de juillet. M. le premier ministre nous a annoncé hier qu'il y aurait un colloque, je ne sais si ce sera cet automne ou cet hiver. Nous attendions autre chose que cela.

Le porc, les faillites dans le domaine du porc. Je sais que le ministre de l'Agriculture a déjà dit les producteurs, que c'étaient des gens qui étaient "gras dur". Il a dit que c'étaient des gens très prospères, qu'on s'en était assez occupé et qu'on pouvait passer à autre chose. J'assure le ministre de l'Agriculture qu'il y a de très nombreux producteurs de porc qui sont en difficulté sérieuse autant à cause de l'absence d'intervention du gouvernement gu'à cause de l'interprétation restrictive qui a été donnée à l'assurance-récolte dans son application à cette année. J'aurai l'occasion, et mes collègues aussi, d'en reparler avec le ministre de l'Agriculture ces temps prochains.

Les caisses d'entraide économique, je vais en dire un petit mot tout de suite. Le ministre des Finances n'est pas ici, malheureusement; ça le regarde plus immédiatement. Au mois de juin dernier, quand nous étions en session, il s'est penché d'une manière très apitoyée sur le sort des caisses d'entraide économique, affirmant sa grande volonté de vouloir leur venir en aide. À l'entendre parler, il aurait été actif dans ce dossier depuis un bon bout de temps.

Ce qui est arrivé en fait, brièvement, c'est ceci: la Commission des valeurs mobilières - pas n'importe quel organisme -a soumis au gouvernement, il y a déjà quatre ans, en 1977 ou en 1978, un rapport complet qui prévenait le gouvernement de tout ce qui allait arriver au cours des années suivantes. C'était un rapport très bien fait, qui décrivait avec une étonnante prescience les choses qui allaient se produire. On n'a jamais rien fait au sujet de ce dossier, on ne l'a même jamais communiqué à l'Opposition, il a fallu aller le déterrer dans des tiroirs. On ne l'a jamais même communiqué officiellement et publiquement à l'Opposition. Vous savez que ces caisses d'entraide économique jouent et, je l'espère, pourront continuer de jouer un rôle crucial dans le développement économique du Québec.

Je dois laisser tomber beaucoup d'aspects de cette partie de mon exposé parce que je ne veux pas abuser du temps de cette Chambre, et je conclus. Le gouvernement a pris l'engagement de garder le Québec fort. Comment peut-il prétendre

tenir sa parole quand les chiffres démontrent que nous perdons du terrain par rapport au reste du Canada, sur à peu près tous les fronts depuis qu'il dirige les destinées du Québec. Ce ne sont pas les mesures parcellaires et fragmentaires que l'on a annoncées, hier, dans le message inaugural qui apporteront des changements importants à cette tendance de fond. (17 h 30)

On se rappelle, M. le Président, la phrase célèbre du ministre des Finances qui déclarait, sur le ton triomphaliste qu'on avait alors, de l'autre côté de la Chambre, dans son discours du budget de 1977, que le chemin de l'indépendance du Québec passe par des finances publiques saines. Si cette prédiction du ministre des Finances devait se révéler plus juste que celle qu'il fait chaque année sur le volume de ses déficits, il faudrait dire adieu pour longtemps à l'objectif politique si cher au gouvernement.

Mais trêve de plaisanteries! Le gouvernement affirmait, pendant les deux premières années de son mandat, qu'il avait déjà réussi à assainir les finances publiques du Québec. Or, nous sommes aujourd'hui à un stade où nous devons constater que non seulement il ne les a point améliorées, mais qu'au contraire il les a conduites à un niveau de dégradation que nous n'avions jamais connu auparavant. Le premier ministre, dans son discours d'hier, a reconnu la gravité de la situation qui semble devoir acculer son gouvernement à présenter, dans quelques jours, un budget supplémentaire dont la rumeur nous informe qu'il pourrait comporter des augmentations de taxes. Il n'a toutefois pas précisé assez nettement l'ampleur du problème et la gravité des causes qui l'ont engendré.

Résumons brièvement. De 1977-1978 à 1981-1982, les quatre dernières années, les dépenses ont augmenté plus rapidement que les revenus, tout le monde comprend ça. Moi-même, si je me laisse aller, dans mon budget personnel, à des dépenses de 20 000 $ par année et que mes revenus soient de 15 000 $, c'est évident qu'au bout de la ligne je serai acculé à me présenter à la banque ou à voir mes fournisseurs refuser de me fournir leurs services ou leurs biens; mais le gouvernement, depuis quatre ans, a laissé ses dépenses augmenter à un rythme de 14% par année. Ses revenus augmentaient pendant ce temps de 11,4% par année. Tirez vos conclusions. Je sais qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont l'expérience de la conduite d'une entreprise, de l'autre côté de la Chambre. Est-ce que quelqu'un pourrait diriger longtemps une entreprise avec ça?

Deuxièmement, les dépenses publiques ont continué d'augmenter à un rythme plus fort que l'économie. On nous avait annoncé au début que l'objectif était de rapprocher le niveau d'augmentation des dépenses publiques du niveau d'augmentation de l'économie tout court. Or, en 1976-1977, les dépenses publiques absorbaient 23% du produit intérieur brut au Québec. Actuellement, pour l'année 1981-1982 - il nous reste à savoir l'ampleur du déficit imprévu qu'on va nous communiquer ces jours-ci - c'est rendu à 26,3%.

En plus, les dépenses publiques ont augmenté plus rapidement au Québec que dans toute autre province canadienne. Sous votre gestion, MM. du gouvernement - j'ai des chiffres que je soumets à votre attention en 1976, le Québec, par rapport à l'ensemble du Canada, dépensait 105 $ par rapport à 100 $, moyenne canadienne. Nous dépensions un peu plus, c'était déjà un petit peu trop avancé; l'Ontario était à 93 $. En 1981, savez-vous combien c'est? Le Québec, 201 $, le taux canadien est passé de 100 $ à 168 $ et l'Ontario est à 138 $. Vous avez donc augmenté de 100% dans l'espace de cinq ans. Ce n'est pas étonnant dans ces conditions... Vous voyez que le prochain chapitre, ce sont des déficits. N'importe qui, habitué de tenir une comptabilité d'entreprise, sait très bien qu'avec des données comme ça vous aboutissez à un déficit à la fin de l'année. Déficit, emprunt plus abondant, coût de la dette plus élevé. Le coût de la dette. Cela nous coûtait 500 000 000 $ au début de votre administration, messieurs; on va être rendu à 2 000 000 000 $ au rythme où c'est parti. Vous nous aviez annoncé 1 800 000 000 $, mais avec toutes les charges qui sont venues s'additionner, ça va sûrement tomber à 2 000 000 000 $.

Un autre point, une partie sans cesse croissante des dépenses de fonctionnement du gouvernement sont financées par l'emprunt... M. l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce, vous avez dit dans le temps que vous payiez vos comptes d'épicerie, vos factures courantes en hypothéquant les générations à venir.

Enfin, le fardeau fiscal demeure, au Québec, le plus élevé de toutes les provinces canadiennes et là nous réussissons le championnat du Parti québécois, championnat des taxes et championnat des déficits en même temps. D'habitude, quand on a le championnat des taxes, on a un déficit moins élevé et, quand on a un déficit plus élevé, on impose un peu moins de taxes. C'est une marge de manoeuvre que connaissent tous les gouvernements. Sous le gouvernement actuel, double championnat: championnat des déficits, championnat des taxes et tous les autres. Ce qui vous donne une moyenne que je tire du dernier budget du gouvernement de l'Ontario. D'après eux, l'Ontario était à 107 par rapport à l'indice canadien de 100 et le Québec était à 134 en matière de fardeau fiscal.

Pour expliquer ceci, le gouvernement

dramatise. Il a aussi raison de dramatiser, mais il ne dramatise pas aux bons endroits. La cause première de ce qui est arrivé - le premier ministre l'a indiqué hier et je l'en félicite parce que c'est la première fois, je pense, qu'on le disait de manière aussi claire - c'est que les postes salariaux dans les secteurs public et parapublic ont augmenté, à cause des conventions signées par le gouvernement, à un rythme bien supérieur à l'augmentation de l'économie. Au cours de l'année présente - le premier ministre l'a dit hier - les salaires du secteur public augmentent de 14,75% tandis que l'économie, on prévoit qu'elle va augmenter d'à peu près 10,6%. Qu'est-ce que fait le gouvernement, M. le Président? Il a trouvé deux façons d'éluder ses responsabilités. D'abord, les coupures budgétaires. Il a décidé de frapper les petits. On va couper dans bien des secteurs où cela va faire mal aux petits. Eux autres sont mal placés pour se défendre. Ils n'ont pas tous les moyens dont disposent les gens solidement organisés. On va faire des coupures de ce côté-là. Je voudrais vous citer brièvement un document qui émane du comité des onze.

Une voix: Ah! Des onze. Une voix: Des neuf.

M. Ryan: Des neuf. Est-ce que c'était neuf ou onze?

Une voix: C'était onze.

M. Ryan: Voici ce qu'ils nous disent. Ils ont eu accès à toutes sortes de renseignements au cours de l'été qui n'étaient pas disponibles pour l'Opposition, à ma connaissance. Voici ce qu'ils concluent de leur examen des politiques de coupures budgétaires qu'ils avaient approuvées comme des beaux moutons en juin dernier quand on a discuté le budget.

Des voix: ...

M. Ryan: Vous avez tous voté pour ces coupures au mois de juin dernier.

Une voix: C'est cela.

M. Ryan: C'est facile de se réveiller après qu'on a voté. J'aime mieux quelqu'un qui vote contre avant que quelqu'un qui vient faire semblant.

Des voix: Ah!

M. Ryan: "La plupart de ces coupures" - je cite ces messieurs; je pense qu'il y avait Mme la députée de Maisonneuve là-dedans - "ont dû être faites dans des secteurs où notre programme politique exigeait au moins un maintien de l'effort budgétaire. À l'aide sociale, des coupures de 125 000 000 $, faisant suite à une indexation annuelle moyenne de seulement 7,8% au cours des cinq dernières années, c'est-à-dire inférieure au taux d'inflation, réduiront encore davantage le pouvoir d'achat des bénéficiaires. "Dans les services sociaux et les services de santé, des coupures de 245 000 000 $ peuvent difficilement ne pas affecter la qualité des services, du moins quand on décide de les appliquer avec aussi peu d'avertissement." Je dirais, dans certains cas, avec aussi peu de discernement. "À l'Éducation, des compressions de 147 000 000 $ touchent durement l'éducation aux adultes, les milieux défavorisés, les classes d'accueil, les élèves en difficulté d'apprentissage, le programme d'enseignement des langues, le perfectionnement des enseignants, sans parler des coupures de personnel. Dans les garderies, quasi-gel du budget qui passe de 27 800 000 $ à 28 800 000 $, qui compromet, par conséquent, des services essentiels que le gouvernement s'est engagé à développer. Les coupures à toutes sortes d'autres projets, etc."

C'est le témoignage du comité des onze qui constate éqalement que la plupart des coupures affectent principalement les catégories de population qui nous appuient politiquement ou qui sont le plus durement touchées par la crise économique. C'est un volet de la réaction du gouvernement. On nous a dit qu'il y avait 1 000 000 000 $ de trop, quelque part dans le discours d'hier. Là, on va aller le chercher chez ceux qui ont besoin de la protection de l'État.

Deuxièmement, un deuxième recours. On aura peut-être des augmentations de taxes ces jours-ci, mais, avant de les instituer, on a un deuxième recours. Ce sont les taxes indirectes. On augmente les tarifs d'Hydro-Québec. On augmente les tarifs de l'assurance automobile. On institue une taxe sur les salaires, une taxe invisible, dont ne se rendent pas compte le contribuable et le gagne-pain ordinaire. (17 h 40)

On augmente les taux, les tarifs sur divers services rendus par le gouvernement. Je ne sais pas si le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est encore là, mais le programme d'insémination artificielle pour les cultivateurs coûte deux fois plus cher depuis quelque temps qu'il ne coûtait avant ça. Pour avoir un petit arbitrage à la Régie des loyers, il faut maintenant payer des frais d'inscription. C'est comme ça sur toute la ligne.

Ces taxes indirectes, M. le Président, je souligne qu'elles sont régressées par leur nature même, contraires à la philosophie soi-disant sociale-démocrate qui est censée

animer le gouvernement d'en face et contraires à la justice tout court. On s'en vient avec d'autres formes de taxes. On va étudier le projet de loi no 16. On nous a informés hier que nous en serions saisis dès cette partie de session. Encore là, c'est une mainmise du gouvernement sur des ressources qui appartiennent aux contribuables par voie indirecte et détournée. On n'a pas le courage de dire directement ce qu'on veut faire et c'est ça que nous réprouvons profondément. Ce type de gestion entraîne malaises, incertitude et insécurité dans tous les secteurs de la société. Ceux qui financent l'État à même leur travail, à même leurs taxes, ne savent pas quand ils seront frappés. D'habitude on a un budget. Là, on peut être frappé la semaine prochaine, la semaine suivante ou dans deux mois, on ne le sait pas. Le gouvernement a inventé toutes sortes de possibilités pour essayer de camoufler ses déficits de fonctionnement à même les goussets des contribuables.

Ceux qui ont besoin de l'aide de l'État sont insécures eux aussi. Ils ne savent pas où on va couper. On en a eu assez d'exemples depuis quelque temps. Enfin, ce qu'il y a peut-être de plus grave à la longue, c'est qu'on est en train de compromettre les programmes fondamentaux de réforme sociale qu'on a institués au cours des 20 dernières années et dont la plupart étaient attribuables au parti qui siège provisoirement de ce côté-ci de la Chambre.

Inutile d'ajouter, M. le Président, que ce type de gestion des finances publiques affaiblit gravement la position de négociation du Québec dans l'ensemble canadien. Je ne sais pas si vous avez pensé à cela, de l'autre côté de la Chambre, mais quand on est placé par sa propre incurie, par sa propre imprévoyance et par sa propre prodigalité dans une situation aussi exposée, on ne peut pas parler aux autres interlocuteurs avec la force que posséderait un gouvernement sûr de la santé de ses finances publiques.

Je m'en voudrais de ne pas dire un mot, avant de terminer, sur la transparence gouvernementale. Le premier ministre nous a dit hier: II est essentiel que nous ayons nous-mêmes, pour ainsi dire, à renouveler nos voeux sur ce plan. Cela me fait toujours sourire quand je vois des terminologies religieuses employées par le premier ministre, c'est un point faible qu'on trouve souvent dans ses discours, M. le Président, je le lui signale amicalement. "Il nous faut pourchasser - une autre expression biblique -avec la plus grande vigueur toutes ces tentations - tentations - de faciliter le laxisme dont on connaît les résultats et qui surgissent infailliblement lorsque le séjour au pouvoir se prolonge". L'ancien ministre des Transports doit être bien content d'entendre cela. "Je crois pouvoir affirmer que nous y sommes fermement résolus; je donne ma parole comme chef du gouvernement... M. Lalonde: Oh, que c'est fort!

M. Ryan: ... que nous n'hésiterons jamais...

M. Lalonde: Oh, ça fait peur!

M. Ryan: ... à agir à partir des faits, le cas échéant." Quelle plaisanterie! On a vu tantôt le premier ministre se démener comme un crapaud dans l'eau autour des questions qui lui étaient adressées à propos de la Société d'habitation du Québec.

Une voix: Comme une sirène!

M. Ryan: On a vu le ministre de la Justice devenir mal à l'aise. Le ministre du Loisir, on n'en parle pas beaucoup, parce qu'il n'a pas l'air au courant de grand-chose. On les a vus esquiver des demandes pourtant très simples, qu'ils auraient formulées eux-mêmes quand ils siégeaient sur les banquettes de l'Opposition, et ils le savent très bien.

La Société d'habitation du Québec est assez farcie d'éléments d'irrégularités pour que nous soyons complètement justifiés de demander une enquête publique immédiate. Mon collègue de Charlevoix me signale que certaines sections de votre propre parti ont les yeux plus ouverts et l'esprit peut-être plus limpide que vous autres, actuellement. Ils vous ont aussi demandé de le faire, parce qu'ils se rendent compte de la mauvaise réputation que cela crée non seulement pour votre gouvernement, mais pour le Québec lui-même.

On nous a apporté cet argument tantôt sur lequel je voudrais dire un mot: II y a des enquêtes de police qui sont en cours, il ne faudrait pas compliquer cela avec une enquête publique. J'ai vu assez d'enquêtes dans ma vie, j'ai été dans le métier du journalisme pendant assez longtemps pour savoir qu'une enquête publique peut très bien comporter comme l'un de ses éléments une enquête policière. Formez une commission d'enquête et les commissaires auront toute la latitude voulue pour recourir à la collaboration de la police, s'ils le veulent. Mais les gouvernements qui veulent cacher des choses procèdent exactement comme vous procédez depuis un an là-dedans.

Combien de fois avons-nous vu les porte-parole du gouvernement et les militants de ce parti s'envelopper littéralement dans le drapeau fleurdelisé du Québec. Combien de fois les avons-nous vus exploiter ce symbole de notre unité et des valeurs fondamentales qui nous sont communes pour promouvoir des intérêts politiques partisans. Mais je ne pensais pas qu'on était rendu au point de se servir des célébrations de la fête nationale

pour satisfaire des amis du pouvoir et pour se procurer toutes sortes d'avantages qui ne sont accessibles qu'aux familiers du temple.

Avec tout ce que les enquêtes faites par des journalistes consciencieux ont révélé ces derniers temps, un gouvernement à qui il resterait un sursaut de fierté n'aurait pas hésité un moment à instituer une enquête publique.

Le Québec est riche de possibilités de toutes sortes. Il possède un sous-sol abondant, très diversement pourvu, un niveau de développement économique malgré tout intéressant si on le compare à bien d'autres sociétés dans d'autres continents qui n'ont pas eu les mêmes avantages. Il a une nouvelle génération de mieux en mieux formée grâce à toutes les réformes de notre système d'enseignement qui ont été instituées depuis quelques années. Nous avons une nouvelle classe de chefs d'entreprise, d'entrepreneurs et de gestionnaires qui nous permet d'espérer que nous prendrons une place de plus en plus grande dans le développement de notre propre économie et dans le développement de l'économie canadienne aussi. Nous avons en abondance maintenant les ressources culturelles, les ressources en matière de santé et de services hospitaliers qui nous placent à l'avant-garde de la plupart des sociétés du monde.

Malgré tous ces avantages extraordinaires, nous avons l'avantage aussi de faire partie d'un pays qui, étant lui-même très abondamment pourvu dans certains domaines où nous le sommes moins au Québec, nous permet de participer à d'autres chances qui nous seraient fermées autrement. Malgré tous ces avantages, le Québec, sous le gouvernement actuel, est en train d'accumuler des reculs, des retards et des hypothèques qui menacent de grever très lourdement son avenir et qui grèvent déjà très pesamment son présent.

Le gouvernement, pour camoufler ses erreurs et ses carences cherche sans cesse des boucs émissaires. Dans le message inaugural d'hier, j'en ai compté six ou sept. Il y avait le gouvernement fédéral, évidemment. C'est le bouc émissaire favori. Il y a une théorie non écrite qu'on pratique sciemment dans le Parti québécois. Quand on ne sait pas quoi dire sur un sujet qui nous embarrasse, on n'a qu'à mettre la faute sur le gouvernement fédéral. C'est facile. Cela va très bien. On a toujours une chance qu'une partie du mensonge puisse réussir à influencer les esprits. Le gouvernement fédéral était présent. (17 h 50)

Les provinces anglophones, - on l'a vu hier - c'est le nouvel épouvantail dont on va se servir pendant un certain temps. Quand on est bien mal pris et que les choses commencent à se corser, c'est la minorité anqlophone. Il faut lui rappeler à elle que s'il y a quelque chose qui ne marche pas, il y a des choses qui pourraient peut-être lui arriver aussi. Le messaqe inaugural était formulé dans des termes que je n'ai pas trop prisés de ce côté-là. En tout cas, je ne vois pas ce que cela faisait dans le contexte du discours inaugural, surtout qu'on n'annonçait aucune mesure d'amélioration de ce côté-là, à ma connaissance. On a réussi à la mentionner quand même.

Puis il y a les employés du secteur public. C'est vous autres qui leur avez donné les conditions de travail, les conditions salariales qu'ils ont. Eux, ils ont négocié habilement et intelligemment. C'est vous autres qui êtes responsables, mais les coupables, c'est eux autres! On les avertit. On a même demandé en coulisse si on ne pourrait pas compter sur l'appui de l'Opposition pour faire la besogne qui incombe au gouvernement: de reconnaître ses propres erreurs.

Ensuite, les médecins. Les médecins, c'est une cible facile. On l'a utilisée souvent de l'autre côté. Ils étaient également mentionnés dans le discours inaugural hier.

Je vous le dis, M. le Président, ce n'est pas dans cette voie négative, dans cette voie de la dénonciation, du soupçon et de la méfiance que le Québec pourra trouver le chemin du proqrès véritable. Ce chemin, nous le trouverons - j'invite le gouvernement l'emprunter dès maintenant - dans la voie de la confiance sereine dans l'avenir, de la concorde entre nous, entre tous les groupes de citoyens et non pas dans l'utilisation de l'un contre l'autre; dans l'harmonie avec les autres parties du pays dont nous continuons de faire partie jusqu'à nouvel ordre, dans une perception juste du rôle dévolu à chaque agent de l'économie, dans la discipline qui demeure une condition essentielle de progrès pour un peuple exposé comme le nôtre, et, finalement, dans un juste équilibre entre nos rêves, nos aspirations et nos moyens concrets.

Quand nous avons tenu ce messaqe à nos concitoyens, les premiers à se moquer de nous furent nos adversaires d'en face. Ils furent les premiers à dire que nous voulions ramener le Québec au Moyen Âge, à l'âge de pierre. Ils sont obligés de se rendre à l'évidence maintenant qu'ils sont assis sur un deuxième mandat. Après avoir trompé la population, ils sont obligés de se rendre à l'évidence. Ils tiennent exactement le même langage qui découlait, non pas des préjuqés personnels d'un tel ou d'un tel parmi les porte-parole de l'Opposition, mais d'une vision honnête et objective de la réalité d'aujourd'hui.

Motion de censure

En conséquence de tous ces faits - je

sais que ce serait très difficile d'obtenir ce redressement d'attitude de l'autre côté - que nous avons examinés ensemble, je propose, M. le Président, que cette Assemblée nationale blâme très sévèrement le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois, pour s'être comporté de façon irresponsable lors des dernières négociations constitutionnelles, pour avoir sacrifié à ses objectifs souverainistes le droit de veto du Québec en matière d'amendement constitutionnel, pour avoir laissé se dégrader la situation des finances publiques au Québec et pour n'avoir proposé, dans son programme d'action des prochains mois, aucune mesure concrète et efficace, aucun programme d'ensemble visant à améliorer la situation économique du peuple québécois.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: M. le Président, je demande la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette suspension est adoptée? Adopté. M. le leader.

M. Charron: 20 heures.

Le Vice-Président (M. Joliet): Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise de la séance à 20 h 19)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez vous asseoir.

Reprise du débat sur le message inaugural. La parole était au ministre d'État au Développement économique.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je veux d'abord profiter de cette occasion qui m'est offerte d'avoir à parler en tout début de session, une session particulièrement dramatique à cause de son contexte, ' pour dire à mes électeurs de Laval-des-Rapides que je m'engage solennellement devant eux à faire que le Parlement où ils m'ont envoyé, qui avait certains pouvoirs traditionnels et légitimes, n'en ait pas moins quand j'en sortirai. Je pense que tous mes collègues de la majorité gouvernementale sont commis au même engagement solennel.

Lorsque les débats parlementaires s'amorcent, et surtout sur des choses graves, il arrive que même en tout respect des hommes, les orateurs deviennent virulents, parfois agressifs, carrément choqués par les propos qu'ils entendent. Lorsque le chef de l'Opposition est entré dans cette Chambre cet après-midi, j'ai su que nous ne pourrions pas avoir cette réaction et tout le monde le savait, tout le monde l'a dit, plusieurs l'ont écrit. Le chef de l'Opposition est entré dans cette Chambre, cet après-midi, en liberté surveillée et il était beaucoup plus craintif des couteaux qui pouvaient arriver de son arrière, dans son dos, que de ce qui pouvait arriver de la majorité gouvernementale. De ce point de vue, même si son attitude et le contenu de ses propos auraient pu nous scandaliser ou nous révolter, comme nous savions que cet homme parlait sous la menace du chantaqe politique le plus connu et le plus éhonté de l'histoire du Québec, on était porté à avoir pour lui une certaine compassion.

Quand je dis que tout le monde le sait, je vais citer un grand journal français et un grand journal anglais. L'éditorial du Devoir aujourd'hui donnait sagement à M. Ryan le conseil de "résister à ce chantage et à l'assaut dont, à travers sa personne, le Québec est l'objet par ces députés qui se sont trompés de Parlement et seraient plus à l'aise dans l'écurie politigue déjà garnie de l'autre Parti libéral." C'est celui dont ils représentent ici la filiale. L'on conseillait à M. Ryan de refuser absolument cet avilissement qu'on lui demandait d'incarner. L'éditorialiste poursuit: "On se demande d'ailleurs quel individu sensé accepterait de diriger ces femmes et ces hommes qui n'ont même pas eu la décence élémentaire de prendre la défense de leur chef quand il fut la victime des grossièretés du ministre de la Justice du Canada."

Dans ces circonstances, je ne peux aucunement me déchaîner contre M. Ryan. Il a parlé ici cet après-midi dans le contexte d'une conscience forcée. La Gazette aussi s'en rend compte, en disant: "If Ryan follows his conscience, sticks to what he so clearly and deeply believes, his career as Liberal leader is finished."

Il avait le choix entre nous servir ses imprécisions et ses équivoques ou sortir de cette Chambre comme simple député et peut-être même plus comme membre du Parti libéral.

C'est ce qui explique maintenant, ce qu'il a reconnu lui-même par allusion, le discours ennuyeux, imprécis et filandreux qu'il nous a servi et dont une lacune a été évidente aux yeux de tout le monde. Pendant deux heures d'horloge, on n'a jamais su si le chef libéral aurait signé l'entente dont il était question. C'était pourtant cela la question. C'est ce à quoi les citoyens et les citoyennes du Québec s'attendaient comme réponse d'un chef de l'Opposition responsable et libre et qui n'aurait pas agi sous le chantage de la fronde, de la rogne et de la

grogne de ces députés qui se sont trompés de Parlement.

D'abord, les contradictions.

Premièrement, le chef de l'Opposition finit son discours en proposant une motion de blâme par laquelle il nous blâme très sévèrement non pas seulement sévèrement comme d'habitude, mais très sévèrement cette fois-ci pour l'irresponsabilité dont nous avons fait preuve dans les circonstances qui ont abouti à l'entente. Première contradiction, parce que dimanche soir, dans la soirée de dimanche dernier, le chef libéral a envoyé un télégramme au premier ministre du Québec et à celui du Canada en disant: "Les aspects positifs de l'entente l'emportent sur le négatif." Si le positif l'emporte sur le négatif, de quoi nous blâme-t-il très sévèrement? N'y a-t-il pas là un paradoxe? Si c'est plus positif que négatif, qu'il félicite le qouvernement, et si les objectifs qu'il poursuit ont été atteints, qu'il ne nous blâme pas d'un résultat que nous, nous tenons pour carrément et clairement négatif sans un seul aspect positif.

Autre contradiction au sujet de l'entente du 16 avril, l'entente du 16 avril qu'il s'est appliqué à dénoncer comme une catastrophe, entente qui, souvenons-nous-en, comporte la formule de Vancouver avec ses aspects concernant le droit de veto. Or, le chef libéral - la Presse canadienne nous l'a appris dans le temps - tient pour l'essentiel, comme un bon compromis ayant été accepté, l'entente du 16 avril et jamais, un seul instant, au moment de l'entente ou après, il n'a dénoncé d'aucune manière ce que les premiers ministres avaient signé. Et ils avaient signé, en particulier, une clause qui démontre clairement que jamais nous n'avons renoncé au droit de veto. Il s'est étendu longuement sur cette question du droit de veto.

Ce que l'entente du 16 avril prévoyait, c'est que nous n'avions pas la prétention, nous Québécois, d'exercer notre veto sur le destin et les modifications que les autres habitants du Canada voulaient se donner. Nous avions négocié, obtenu avec signature, le droit de retrait; c'est-à-dire que nous refusons ce qui ne nous convient pas et, pour le reste, nous sommes compensés pour adapter les politiques de notre gouvernement et la dépense publique à la situation particulière de notre peuple et à ses conditions spécifiques, tant culturelles et économiques que politiques.

Par conséquent, il est faux de dire -c'est le contraire des aspirations de notre gouvernement - que nous pensons que le Québec n'a pas un droit absolu de veto sur tout ce qui se passe sur son territoire. Mais le Québec, contrairement à certaines autres parties du Canada, n'a pas de tradition impérialiste et n'entend pas imposer aux autres ce qui doit se passer chez lui. C'est de cette façon qu'avec les autres premiers ministres nous nous sommes entendus dans l'entente du 16 avril.

Le chef libéral nous reproche aussi abondamment la manière. Il dit que nous avons mal négocié, que nous avons été dupes. Je voudrais lui demander comment il peut soutenir que nous avons été dupes d'une chose dont il dit, dans un télégramme daté de dimanche dernier, que les aspects positifs l'emportent sur le négatif. Quels intérêts sert-il? Ceux du Québec, les siens ou ceux du Parti libéral, ou, en essayant de tous les servir, n'en sert-il plus aucun? La manière dont ces négociations se sont passées peut porter le chef libéral à jouer les rôles de gérants d'estrade.

Qui pouvait prévoir que les premiers ministres des autres provinces du Canada qui ont signé l'entente avec nous, qui pouvait prévoir qu'ils renieraient et déchireraient leur signature? Qui est à blâmer? Celui qui a été de bonne foi et a cru à la parole de l'autre ou celui qui a violé odieusement sa parole? Peut-être que certains libéraux penseraient le contraire, eux qui ont renié leur vote, ce qui est bien aussi grave, mais, dans le contexte de bonne foi où nous avons travaillé péniblement depuis un an, nous étions parfaitement justifiés de penser que ceux qui représentent les autres provinces du Canada respecteraient leur parole. Toujours dans la manière, cette chose-là s'est faite la nuit, s'est faite en secret, en l'absence de représentants québécois. Qui est à blâmer? Celui qui a néqocié dans le dos de l'autre, en excluant le qouvernement légitimement élu et réélu d'un des deux peuples fondateurs concentré à 80% au Québec? Qui est à blâmer? Celui qui intrigue ou celui qui travaille au grand jour? (20 h 30)

Cette attitude du chef libéral me fait penser à certains avocats réactionnaires qui, dans les procès pour viol, s'acharnent sur la victime. Qui est coupable? La femme qui sort dans la rue le soir ou la brute qui la viole? Est-ce qu'elle est coupable d'être une femme? Est-ce que c'est parce que le premier ministre du Québec a pensé qu'il pouvait faire confiance à ces interlocuteurs avec qui il parlait depuis un an et qui avaient mis leur engagement formel sur un document solennel? Est-ce que c'est lui qui est coupable ou si c'est ceux qui ont violé leur parole ou ceux qui les ont induits à violer leur parole?

D'ailleurs, pour un donneur de leçon, le chef libéral a une crédibilité extrêmement limitée, car une des causes de cet épilogue malheureux des douze derniers mois, n'est-ce pas le fait que le Québec a voté non au référendum et qu'il s'est mis, dès ce jour, induit en erreur par les libéraux d'ici comme ceux d'ailleurs, dans une position de négociation extrêmement difficile à tenir?

Or, le chef libéral a avoué publiquement à plusieurs reprises qu'il avait été manipulé durant la période la plus précaire de notre histoire, celle du référendum, par les libéraux fédéraux. S'il a été manipulé pendant le référendum qui est la cause de l'épilogue que nous vivons aujourd'hui, comment peut-il avec le moindre degré de sincérité nous blâmer d'avoir négocié de bonne foi et d'avoir été ultimement manipulés par le premier ministre fédéral et ceux des autres provinces du Canada?

Il nous conseille maintenant, benoîtement, d'aller renégocier. Il me fait penser à cet agent de police - le chef libéral a parlé des pommes aussi, il y avait beaucoup de choses dans son discours - qui se présente chez un pomiculteur volé, qui s'est fait voler cent caisses de pommes, qui se plaint amèrement au policier et le policier lui conseille benoîtement d'aller négocier avec le voleur qui va peut-être lui en redonner cinquante. Après les événements qui sont survenus, la renégociation, à première vue, dans les conditions présentes, non seulement m'apparaît comme une chose absurde mais une chose qui est incompatible avec la dignité de tout chef du gouvernement du Québec un tant soit peu responsable.

Alors, on peut conclure de cette performance encore une fois pénible que nous avons vue, cet après-midi, que si ceux qui sont sur les banquettes ce soir, alors que le chef de l'Opposition n'y est pas, n'avaient pas poussé cet homme à la limite ultime de ce que sa conscience lui permettait de dire, on aurait su franchement s'il aurait, oui ou non, signé l'entente et on aurait su franchement si le Parti libéral du Québec a été pour le Québec d'abord et nationaliste pendant plus d'un mois, comme il l'a déclaré à son conseil national d'auguste mémoire.

Sur cette partie constitutionnelle, M. le Président, je conclus que si nous avons, nous, souverainistes, négocié de bonne foi pendant plus d'un an avec le mandat que le peuple nous avait donné, nous savons maintenant, avec le peuple du Québec, que si le Canada s'est fait nuitamment, en secret, en l'absence des délégués du peuple québécois, le Québec que nous voulons faire, nous, se fera avec le peuple, au soleil et au grand jour, et non pas de la manière dont on veut élaborer sans nous la constitution qui est l'aboutissement du coup de force fédéral.

Le chef libéral a également parlé d'économie. Là, il n'avait pas d'excuse, je pense, à moins que ses recherchistes ne soient aussi partie du complot et de la fronde. Il nous a parlé d'une crise économique que nous sommes les premiers à admettre, d'ailleurs, et à déploré? Des chefs de petites et moyennes entreprises, j'en rencontre régulièrement, ainsi que tous les membres de la mission économique du gouvernement. Il est exact, présentement, qu'ils sont soumis à des pressions telles que la plupart d'entre eux, même aux heures les plus sombres de leur activité d'entrepreneurs, n'avaient connues. Les taux d'intérêt pratiqués présentement conduisaient directement en prison ceux qui les pratiquaient il y a douze ou quinze ans. Aujourd'hui, ce sont les caisses populaires qui les pratiquent.

Il n'est donc pas étonnant que nous soyons tous d'accord sur ce fait que la situation économique, depuis six mois en particulier, particulièrement au Québec, représente littéralement une tragédie. En effet, nous avons fondé, répondant par cela à la nature même de la structure économique du Québec, l'essentiel de nos stratégies de développement sur les petites et moyennes entreprises. C'est l'endroit au Canada où ce type d'entreprises est le plus concentré. Comme chaque fois que le gouvernement du Canada a instauré une action contracyclique depuis une quinzaine d'années, le remède préconisé par la Banque du Canada et les autorités monétaires fait toujours plus de mal au Québec et aggrave le mal car, en général, il est dirigé directement sur des économies à structure type de celles de l'Ontario et d'une province de l'Ouest ou deux. Il n'est pas surprenant que la crise présente frappe davantage le Québec que presque toutes les parties du Canada à structure industrielle évoluée qu'on retrouve dans l'Ouest. Je ne veux pas dire que les Maritimes ne sont pas frappées. Je ne veux pas dire que le Manitoba, d'une certaine manière, ne l'est pas, mais les grosses concentrations de population comme celle du Québec, à structure économique extrêmement décentralisée, aux mains de petites et de moyennes entreprises, sont, bien entendu, les plus vulnérables. Tout le monde admet cela.

Il y a, dans le discours inaugural, une série de mesures pour que le Québec aille à l'ultime limite de ses moyens pour faire face à une crise qu'il n'a pas créée. De toute façon, quand le chef libéral parlait des écarts de taux de chômage par rapport à l'Ontario, par exemple, ou à la moyenne canadienne, je me demande à quelle démonstration il voulait en arriver, sauf à démontrer une chose que nous prétendons depuis longtemps; soit que jamais l'appareil économique canadien où se trouvent les vrais pouvoirs n'a fait que le Québec ait eu un taux de chômage conforme à la moyenne nationale. Autant sous Duplessis, Lesage, Johnson, Bourassa, que sous tous les régimes pour lesquels nous disposons de statistiques, le taux de chômage au Québec a été nettement supérieur - et souvent du simple au double comparé au taux de chômage ontarien - à la moyenne nationale canadienne. Ce qui ne veut pas dire que nous admettons sa critique pour les quatre

premières années où nous avons exercé le pouvoir, les pouvoirs économiques en particulier. Dans une conjoncture qui était moins frappée par l'action des politiques économiques fédérales brutales, nous avons réussi des performances sur lesquelles le peuple s'est d'ailleurs prononcé. Nous avons été réélus en grande partie à cause de la performance économique du gouvernement qui fait qu'on a créé, par exemple, en taux de croissance d'emplois au cours des quatre premières années de notre mandat, autant que la France, la Grande-Bretagne et la République fédérale d'Allemagne réunies. On a créé 230 000 emplois pendant cette période, ce qui, en moyenne, en fait la période la plus faste en termes de création d'emplois de toute l'histoire du Québec.

Des voix: Bravo! (20 h 40)

M. Landry: Ces faits sont à ce point connus que nous n'avons pas intérêt à en reparler, assumant que le peuple a tranché la question, sauf que nous ne laisserons pas non plus les libéraux et l'Opposition, par la voix de leur chef, minimiser une action extrêmement dynamique qui a été menée au cours du premier terme de notre gouvernement.

Nous abordons le second dans des conditions extrêmement difficiles, c'est exact. C'est la raison pour laquelle le discours inaugural comprend déjà, en dépit du contexte budgétaire serré, toute une série de mesures qui vont toucher en particulier les jeunes, les plus cruellement affectés par la crise, par le bon d'emploi ou par le chantier jeunesse, qui vont aussi viser au redéploiement de notre économie et en particulier par l'effort qui sera mis maintenant du côté du commerce extérieur, les exportations en général de biens et services, du côté de la recherche et du développement, du côté de la consolidation des secteurs pour lesquels le Québec possède déjà une suprématie et qu'il faut pousser à un point plus élevé encore. Je pense à l'électrochimie, l'électrométallurgie, le matériel de transport, l'aérospatial...

En d'autres termes, dans une conjoncture extrêmement détériorée, nous allons renouveler nos efforts et continuer à ramer contre le courant, mais ce courant, il faut que toute la population du Québec reconnaisse - et je pense que c'est déjà largement fait - qu'il n'a pas été instauré par nous. Les politiques "monétaristes" du gouvernement du Canada, actuellement, comportent, d'une manière avouée, une hausse dramatique du taux de chômage de Halifax à Vancouver, mais particulièrement, pour les raisons que j'ai dites, et à cause du fait qu'elles frappent les PME québécoises, une conséquence dramatique pour notre économie.

Nous n'avons pas accès à la décision monétaire. Nous avons réclamé à cor et à cri, et cela faisait partie du mandat que nous demandions lors du dernier référendum, d'être consultés au sein de l'association que nous proposions à l'époque, justement parce que nous savons qu'économie et constitution sont deux réalités indissociables. Et une des bases de notre option politique que nous allons faire valoir avec plus de viqueur que jamais est précisément ce fait qu'on ne peut pas isoler ou segmenter ou fragmenter la vie d'un peuple. La libération du Québec, sa libération politique et son épanouissement national passent autant par les questions linguistiques et culturelles que par la reprise en main non seulement de ses entreprises et de son activité économique dans des proportions beaucoup plus grandes qu'à quelque autre époque de notre histoire, mais aussi par la prise en main des pouvoirs économiques qui, on en a la démonstration formelle, peuvent avoir une influence si catastrophique sur le développement de nos entreprises et de notre économie en général. Quand je dis que les circonstances sont difficiles à cause des politiques "monétaristes", je ne devrais pas passer sous silence non plus - il y a été fait allusion cet après-midi - que l'action même de l'État est sensiblement réduite par le fait que les finances publiques, également par une décision fédérale qui est une conséquence de l'ensemble de cette politique économique néfaste, sont considérablement réduites à cause de l'attitude du gouvernement fédéral sur les transferts.

Vous savez que les transferts fédéraux, qui constituent une partie non négligeable de notre budget - c'est fait avec nos taxes, mais c'est une partie non négligeable - entre 1972 et 1977 ont crû de 20% par an. C'est-à-dire que chaque année il venait d'Ottawa, sous forme de transferts, 20% de plus que l'année d'avant et c'était plus que l'inflation parce que l'inflation, durant cette période, était de 7%, 8% ou 9%.

Or, de 1977 à 1982, alors que l'inflation a culminé à 12% ou 13%, mais presque toujours à 10%, les transferts fédéraux n'ont crû que de 8,8% par an sur la période, ce qui fait que pour cette année seulement, nous avons été privés de 600 000 000 $. C'est souvent dans les crises que les prises de conscience les plus profondes se font. La double crise constitutionnelle et économique est une occasion dont nous entendons nous servir, fidèles à notre idéal démocratique, pour démontrer plus que jamais au peuple québécois la nécessité d'abord de posséder entièrement ses institutions politiques, afin qu'il ne soit plus jamais soumis à ce processus de négociation et de quémandage indigne d'une collectivité évoluée, ce que nous prétendons que le Québec est devenu.

Nous dirons aussi, clairement comme jamais, à tous les hommes et à toutes les femmes du Québec que leur prospérité, dans les aspects les plus concrets de leur vie - le taux d'intérêt de leur résidence, le taux d'intérêt de leurs emprunts bancaires pour leurs achats de consommation - aussi bien que la survie de leurs structures industrielles par les petites et les moyennes entreprises dont nous avions réussi à faire du Québec un paradis, tout cela est lié. La quête de la prospérité économique autant que la quête de la sécurité culturelle et de la sécurité politique se réconcilient dans une synthèse dont les mois qui viennent de s'écouler - et, j'en ai peur, durant les mois qui viennent -font la preuve éclatante que notre diagnostic à nous, du gouvernement, même si nous n'avons pas su le faire partager jusqu'à ce jour par une majorité de nos compatriotes, était le bon. Nous nous commettons plus que jamais, à partir de ces moments sombres, à conduire démocratiquement, patiemment et lucidement le peuple du Québec à la plénitude de son statut, c'est-à-dire la souveraineté nationale que d'autres appellent l'indépendance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Assad: M. le Président, je n'ai pas voulu interrompre le ministre quand il a énoncé des chiffres sur les nouveaux emplois, mais ce serait intéressant de savoir combien de ces emplois ont eu une durée supérieure à six mois.

M. Landry: Ah! Le député me donne une chance magnifique de préciser ma pensée, il n'est peut-être pas familier avec les statistiques économiques. Les statistiques fédérales et les statistiques comparatives que nous avons employées, puisque j'ai parlé de pays qui ne sont pas le Canada, c'est-à-dire les statistiques de l'OCDE, parlent toujours en création d'emplois nets douze mois sur douze.

Une voix: II va revenir demain avec un autre...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Après la lecture du message inaugural, nous avons maintenant la certitude que le gouvernement a abandonné l'agriculture. Il l'a abandonnée lamentablement. Le discours inaugural auquel nous avons assisté hier, discours fleuve, s'il en fut un, constitue la déception de l'année pour le secteur de l'agriculture. De ce texte de 64 pages, l'on ne compte même pas l'équivalent d'une page, éparpillé ça et là, une petite tache par ci, une petite tache par là, qui traite d'une façon très disparate de l'agriculture, sans cohérence, M. le Président, faut-il le mentionner, sans planification, à l'image tout à fait improvisée de la façon dont ce ministère est maintenant administré.

Citons comme exemple la page 54. Dans un même paragraphe, l'on passe d'une conférence socio-économique sur l'industrie de la pomme à une table de consultation sur le développement de l'industrie québécoise des alcools. Dans un autre paragraphe, l'on passe de la révision de la loi créant la raffinerie de sucre du Québec à la création d'une nouvelle société pour gérer certains équipements dans le domaine de l'hôtellerie et du loisir. Vous voyez que c'est tout à fait incohérent, M. le Président, mais il fallait flatter certains milieux ici et là pour se donner bonne conscience. Discours inaugural cyniquement décevant face à la crise actuelle qui sévit durement en agriculture, un peu de contenant, pas de contenu, une étiquette sur une bouteille vide. (20 h 50)

Pourtant, l'agriculture mérite une meilleure attention de la part du gouvernement. L'agriculture n'est-elle pas la base de l'économie, la clé de l'alimentation? Le discours inaugural reflète la même perception désincarnée des problèmes du milieu agricole québécois que le fameux document Nourrir le Québec, lancé à grands renforts de publicité il y a quelques semaines. Nourrir le Québec, quel titre pompeux, quelle belle image servant les fins de propagande du régime! Comme fins de propagande, c'est formidable, comme si le Québec eût été sous-alimenté, avait manqué de nourriture avant la venue au pouvoir des apprentis sorciers en 1976. Nourrir le Québec, quel bel étalage d'étiquettes, mais de substance, très peu! Les statistiques ne manquent pas. Elles sont parfois biaisées. Les tableaux y sont abondants, mais le ministre n'avait qu'à se référer, M. le Président, aux études faites par l'OPDQ. C'était déjà tout fait, ça. Cela aurait peut-être été moins dispendieux. Mais non! il fallait au ministre de l'Agriculture son tour de magie devant les caméras. Le lapin est sorti du chapeau, mais inutile de dire qu'il est rabougri, M. le Président.

Face à la crise qui sévit durement en agriculture, les problèmes se multiplient de jour en jour. Permettez-moi d'en énumérer quelques-uns, pas nécessairement par ordre d'importance: problème de financement, problème de relève agricole, problème de céréaliculture, insémination artificielle, mise en danger du potentiel génétique du Québec par des coupures intempestives, problème des producteurs de porc, des producteurs de boeuf, que l'on a calés jusqu'au cou,

problème des producteurs d'agneau, des producteurs de sirop d'érable, recherche insuffisante en ce qui concerne l'hémophilus et les maladies des céréales, problème dans le secteur de la pomme, évidemment, inutile de vous le dire, problème de la baisse des prix, de la hausse des coûts de l'énergie, de la hausse des coûts de protection de l'environnement pour qui un règlement arbitraire est venu s'appliquer récemment, coupures inconsidérées de budget sans consultation, punissant encore une fois les régions périphérigues.

Face à ce déluge de problèmes, quelles solutions apporte Nourrir le Québec? Silence éloquent. Même silence dans le discours inaugural, même silence dans l'attitude du ministre depuis un an. Pourtant nous étions habitués, M. le Président, à voir le ministre de l'Agriculture avec sa baguette magique. Avant qu'il soit, rien n'était, c'était le néant en agriculture. Il n'y avait jamais rien eu avant lui. Il est arrivé, en 1976, avec sa baguette magigue et, touché, voilà, le monde agricole venait de naître. Je crois, M. le Président, qu'il vient de s'estomper avec la même rapidité. Quel est, en fait, l'objectif du document Nourrir le Québec? On dit que l'objectif est d'accroître le degré d'auto-approvisionnement. L'autosuffisance, M. le Président, en 1977 et les années suivantes, les agriculteurs ont cru à ça. Le ministre disait: II faut augmenter la production dans le porc, dans le boeuf, les céréales, les agneaux, le sirop d'érable. Tout ceux qui ont cru à la parole du ministre, M. le Président, se ramassent aujourd'hui avec des difficultés financières très sérieuses quand ils ne sont pas en liquidation ou tout simplement en faillite devant l'inaction, l'incohérence, l'inconséquence avec laquelle on administre ce ministère.

M. le Président, vous vous souvenez du domaine du porc. J'en ai parlé à plusieurs occasions. Qu'est-ce que le ministre a fini par me dire? Que c'était une classe privilégiée, les producteurs de porc. Je suis sûr qu'il y en a qui m'entendent dans le moment. Je ne sais pas si vous vous croyez privilégiés, mais moi, pour vous avoir côtoyés, non pas être resté dans ma tour d'ivoire, pour vous avoir côtoyés sur le terrain, chez vous, dans vos entreprises, je suis en mesure de voir le cruel de la situation qui vous arrive. Depuis plusieurs mois, depuis 27 ou 28 mois, vous produisez à perte et à lourde perte. Chaque fois qu'un porc est mis sur le marché, vous perdez 20 $. Vous aviez espérance, avec vos revendications, avec notre prise de position du Parti libéral, que le qouvernement fasse quelque chose, mais on nous dit: Vous êtes des privilégiés. Eh bien, vous voyez dans quel bateau nous sommes plongés et vous êtes plongés.

On n'a pas hésité, M. le Président, à faire investir lourdement les producteurs, en leur consentant des prêts astronomiques. Il arrivait, dans les années 1977 et 1978, chez moi, des producteurs qui me disaient: Le gouvernement est prêt à me prêter 200 000 $, est-ce que cela a du bon sens? Je me souviens d'une fois où j'appelle un agronome. Il dit: On connaît notre affaire, si on lui a fait une offre de prêt de 200 000 $, c'est parce qu'on sait qu'il aura la rentabilité nécessaire pour faire ses paiements.

M. le Président, je me trouvais seul, sans possibilité de recherche, d'étude, je me trouvais démuni; je me disais: II faut faire confiance à ces gens. Aujourd'hui, je vois le marasme, je vois les faillites, les conséquences de cette improvisation. On dit: Des faillites, il n'y en a pas beaucoup. Savez-vous, j'ai appelé au bureau du séquestre officiel aujourd'hui pour me renseigner. En agriculture, en 1976, avant l'ère de la baguette magique, il y avait eu deux faillites; en 1977, 19, c'était déjà tragique; en 1978, 27; 1979, 21; 1980, 51; au 31 août 1981, 44. Quand vous voyez le nombre de faillites ici, il y a beaucoup de personnes qui ont liquidé leur actif, pour ne pas avoir à passer par la faillite, mais qui sont tout de même ruinées. Il faut le comprendre. On peut imaginer un nombre beaucoup plus considérable.

Quand je vois des producteurs de chez nous se faire traiter de la sorte et nous faire dire par le ministre: Ça va bien en agriculture... Je sais que le ministre va me dire demain: Ça va bien, le revenu des producteurs agricoles du Québec, pour la première fois, est supérieur au revenu de ceux de l'Ontario. Je ne sais pas d'où il tire ses renseignements, ses statistigues. Je n'ai jamais pu avoir de sources précises autres que la parole du ministre. Est-ce que les producteurs peuvent prendre le ministre au sérieux quand il leur dit une telle chose? (21 heures)

Nous avons là, M. le Président, les causes, nous ramassons les conséquences de l'improvisation du ministre. C'est curieux, M. le Président, le ministre ne nous parle pas du secteur des oeufs. J'ai ici un document, pas fait par le Parti libéral, mais par le Conseil de planification et de développement du Québec, le réseau décisionnel en agroalimentaire au Québec, mai 1981: Chair de volailles et oeufs. Est-ce que cela va bien dans les oeufs? Page 36, article 3.3.7: Selon les données du tableau 28, le Québec s'autosuffisait en 1976 dans les oeufs à 69,06%. Cette situation s'est détériorée pour atteindre 37,24% en 1979. Si c'est coupé en deux, je suppose que cela dépend du fédéral!

M. le Président, l'augmentation de l'autosuffisance, c'est un bel objectif, mais les agriculteurs se posent une question: Cela va s'obtenir sur le dos de qui? Les

agriculteurs y ont goûté à cette notion d'autosuffisance, de fierté québécoise, cette conscience qu'il fallait absolument produire pour augmenter la fierté québécoise! Je ne crois pas qu'on prenne les agriculteurs au piège une seconde fois devant la crise très forte qui sévit présentement.

Je voudrais vous parler également de l'aspect de la ferme familiale qui périclite au Québec présentement. La ferme familiale, c'est la cellule de base de loin la plus importante du secteur agro-alimentaire. Elle est tout à fait essentielle à un développement harmonieux de l'agriculture. Je vais vous citer quelques lignes d'un texte écrit par M. Marcel Mailloux et servi, le 22 octobre 1981, au colloque sur l'économie rurale de l'Université Laval: "La ferme familiale, c'est une entreprise agricole où l'exploitant et sa famille sont propriétaires du sol et des autres moyens de production, fournissent l'essentiel du travail et en contrôlent la gestion." C'est par rapport aux grandes fermes qui pourraient appartenir à des grosses compagnies dans les autres États, dans les autres pays. "C'est le concept de cellule de base que l'on doit aider, que l'on doit encourager et qui ne cesse de diminuer principalement depuis 1976."

Que dit Nourrir le Québec, quand il parle de la ferme familiale? Est-ce qu'il veut redresser la situation, assurer que la ferme familiale se développe plus dans l'avenir? On trouve quelques lignes qui nous laissent songeurs. Je cite: "L'agriculture familiale est plus apte à maintenir la production pendant les périodes de crise. Elle peut s'ajuster aux fluctuations économiques en acceptant une rémunération moindre durant les périodes difficiles."

C'est bien sûr que les agriculteurs qui ont peut-être 100 000 $ ou 200 000 $ d'investis en travail pendant des générations ne laisseront pas aller leur patrimoine pendant que cela va mal! C'est la commodité que l'on trouve, la seule citation que l'on fait de la ferme familiale dans Nourrir le Québec. C'est commode une ferme familiale, dit-on. Quand cela va mal, les agriculteurs, avant de tout perdre, tiennent jusqu'au bout. On a là un bel idéal de développement de ferme familiale. L'agriculteur a-t-il le choix de tenir le coup par ces seuls moyens? S'il ne veut pas tout perdre, il augmente sa charge de travail et diminue ses revenus. Y a-t-il bien des syndicats qui accepteraient un tel sort? Oui, la ferme familiale, c'est commode pour affronter la mauvaise administration du PQ. Je réaffirme la foi du Parti libéral du Québec en la ferme familiale, seul instrument valable pour vraiment nourrir le peuple.

Chaque jour, la télévision nous apporte des images de ce qui se passe dans des pays où l'agriculture est nationalisée. Vous voyez presque chaque jour à la télévision, en

Pologne, par exemple, les citoyens qui font la queue pour avoir de la nourriture. C'est justement ce système où le sol, où les fermes appartiennent à la collectivité, à l'État, qui est le facteur pour enlever l'incitation à produire et c'est pourquoi nous prendrons qarde au concept de la ferme familiale comme à la prunelle de nos yeux, M. le Président.

Le Parti québécois a créé bien des espoirs. Il a suscité bien des projets, bien des investissements, les producteurs ont cru en sa parole; ils sont justifiés, dans une certaine mesure, d'avoir appuyé ce gouvernement mais ils se sont fait rouler royalement, M. le Président.

Je voudrais vous citer une anecdote qui s'est passée il y a à peu près deux ans. Vous savez, il y a eu des élections partielles dans le comté de Beauce-Sud en novembre 1979. Le Parti québécois avait délégué un parrain pour s'occuper du comté, qui était le ministre de l'Agriculture; le ministre a sillonné le comté paroisse par paroisse, rang par rang, presque ferme par ferme, à partir du mois de mai jusqu'au mois de novembre. Il était très confiant, sûr de gagner et, après les résultats de l'élection, évidemment, il était déçu. Le ministre rencontre un ancien Beauceron qui occupe un poste très élevé, le ministre lui dit: "Je ne comprends pas ça, ça allait bien, mon affaire. Les Beaucerons, je les avais dans ma main. Je leur contais des histoires, ils riaient, ils trouvaient ça drôle, je ne comprends pas le résultat, je les tenais dans ma main." Le bon Beauceron de répondre au ministre: "Oui, les Beaucerons aiment ça des histoires, ils rient et ils trouvent ça drôle, mais ils ne les croient pas."

M. le Président, le ministre a perdu sa crédibilité, peut-on perdre quelque chose de plus important, pour un homme politique, que sa crédibilité? Si l'on veut voir le portrait réel du Parti québécois en matière agricole, on va aller voir ses budgets, M. le Président. Ce sont des données objectives, on ne peut pas se faire taxer de partisanerie et on pourra constater la situation.

Je prends le sommaire général des dépenses du tableau préparé par le ministre des Finances. Regardons l'augmentation des budgets à certains ministères par rapport à l'agriculture.

Première préoccupation: ministère des Finances: augmentation de 43% dans les budgets; ce sont les budgets entre 1980-1981 et 1981-1982; Affaires municipales: 19,6%; Affaires culturelles: 6,4%; Communications: 7,3%; Affaires intergouvernementales: 6,4%; Agriculture: 1,6%.

Des voix: II est menteur!

M. Mathieu: 1,6%! Si l'on tient compte, M. le Président, de la masse salariale des

employés du ministère, qui sont au nombre de 4500, et des différentes dépenses fixes qui croissent, c'est une baisse réelle, en matière d'agriculture, que nous a servie le ministre cette année. (21 h 10)

Je vais me permettre de prendre des chiffres de l'UPA. Vous ne direz pas que je prends des chiffres partisans préparés par le Parti libéral du Québec, l'UPA, vous connaissez cette association et vous la savez neutre. Si l'on compare, M. le Président, d'après les chiffres de l'UPA, l'augmentation du budget global de l'agriculture par rapport au budget de la province, sous le régime péquiste et sous le régime qui l'a précédé, sous le régime libéral, le budget du gouvernement, entre 1971 et 1976, a augmenté de 115% et le budget de l'agriculture, lui, a augmenté de 155%. Sous la période péguiste de, 1975 à 1981, le budget global a augmenté de 97%; le budget de l'agriculture a augmenté de 68%. Vous voyez, on me demande ce que cela prouve. Cela prouve que le PQ se désintéresse de l'agriculture, M. le Président. C'est cela que ça prouve.

On parle de gaspillage d'argent. Gaspiller de l'argent en investissant dans l'agriculture, c'est justement ce raisonnement qui a cours au caucus, j'ai l'impression, à voir la manière tragique, dramatigue dont sont coupés les budgets de l'agriculture. M. le Président, vous l'avez vu, c'est un gouvernement libéral qui a donné à l'agriculture du Québec les budgets les plus élevés jamais vus par rapport au budget global et je suis persuadé que c'est un gouvernement libéral qui va refaire la même performance dans quelques années.

Je voudrais rendre hommage à certaines personnes qui ont cru à l'agriculture sous un régime libéral, au chef du gouvernement, M. Bourassa, à son ministre des Finances, à son ministre de l'Agriculture, qui n'ont pas hésité à investir dans ce domaine. J'aurais d'autres chiffres mais le temps fuit, je dois passer. M. le Président, à l'étude de ces documents nous nous apercevons que le Parti libéral avait lourdement investi en agriculture, mais avant que les effets se fassent sentir à la ferme, cela prend deux, trois, quatre, cing ans, alors c'est le ministre de l'Agriculture actuel qui en a tiré les bénéfices. Maintenant qu'il vole de ses propres ailes, on voit son vrai visage; maintenant qu'il est sur son erre d'aller à lui, vous voyez le ministère piguer du nez. Les agriculteurs commencent à se rendre compte qu'il n'ont pas un interlocuteur valable à la direction du ministère de l'Agriculture.

J'aurais voulu parler de l'environnement, M. le Président, je m'aperçois que le temps fuit, j'y reviendrai à une autre occasion, mais je veux demander au gouvernement et au ministre de l'Agriculture, instamment, d'arrêter de tracasser les agriculteurs avec des problèmes d'environnement, de les faire passer pour des pollueurs. Ce n'est pas vrai, ils ne sont pas des pollueurs, pas plus que ne le sont les entreprises, compagnies, municipalités, villes, etc.

M. le Président, il faudra également que le gouvernement se décide à injecter des crédits dans le domaine de l'environnement en agriculture. Les agriculteurs ne seront pas capables de faire face à la réglementation de l'environnement actuellement en vigueur sans aucun secours de l'État. Alors, si l'on vient au secours des municipalités et de l'entreprise, ce que je ne conteste pas M. le ministre, je crois qu'il faudra éqalement venir en aide à l'Agriculture.

J'aimerais vous parler un peu de la manière éhontée avec laquelle le PQ exploite les jeunes, M. le Président. Le temps fuit encore. À tout événement, je voudrais vous souligner seulement un point. Autrefois l'on disait que l'on était un peuple de porteurs d'eau et de scieurs de bois, mais avec vous, messieurs, avec vos programmes OSE et toute votre ribambelle, nous sommes devenus, nos jeunes sont devenus un peuple de signataires de pétitions et de porteurs de pancartes; c'est ce que vous avez fait de notre jeunesse.

M. le Président, le droit au travail est un droit fondamental, sacré, inaliénable. Le travail est un instrument de dignité et de liberté pour l'homme. Vous venez enlever à notre jeunesse, par un contingentement tout à fait artificiel, à cause des fameuses cartes de l'OCQ, le droit de gagner sa vie, de réaliser son idéal. Est-ce qu'il y a quelgue chose de plus sacré que cela, M. le Président?

Alors, je dénonce encore, avec toute la force dont j'en suis capable, ce fameux règlement de l'OCQ et je demande au ministère du Travail et au gouvernement d'avoir le courage de l'abolir. Et vous ne me ferez pas accroire, messieurs les députés du Parti guébécois, que vous n'avez pas honte de ce règlement-là. J'aimerais bien être dans votre bureau, le lundi, guand vous avez des "jeunesses" de 20 à 22 ans qui veulent travailler, qui ont un emploi et ils ne le peuvent pas parce qu'ils n'ont pas la carte de l'OCQ. Qu'est-ce que vous leur dites? Qu'est-ce que vous leur dites? Je voudrais bien être petit oiseau pour le savoir.

M. le Président, le Parti libéral du Québec a été présent en agriculture. On l'a vu tout à l'heure par les budgets. Il a été présent dans les budgets, dans les années 1974, 1975 et 1976. Maintenant, le Parti libéral du Québec est encore présent à l'agriculture. Au mois de juillet dernier, nous avons tenu une conférence de presse dans un champ de pommiers, dans le comté de Brome-Missisquoi. Le chef du Parti libéral,

M. Ryan, était présent. Et dois-je comprendre, en entendant vos réflexions et vos sarcasmes, messieurs, que vous ne voyez pas de problème chez les pomiculteurs? Allez donc les visiter, allez-y donc, faites donc comme on a fait; allez donc avec votre chef, sortez donc votre ministre de sa tour d'ivoire, allez-y donc dans le champ, faites comme on a fait avec notre chef, M. Claude Ryan. Il n'a pas eu honte de venir dans le champ de pommiers se rendre compte des problèmes.

Au mois d'août dernier, conférence de presse du Parti libéral du Québec dans le comté de Beauce, sur le terrain d'une porcherie. Présent, Claude Ryan, chef du Parti libéral du Québec. Vous riez, c'est drôle de parler d'installation de porcherie. Je ne vois rien de drôle là-dedans. Pourquoi ridiculisez-vous les producteurs de porc? Quand c'est le temps d'aller quêter leurs votes, vous êtes là pour y aller! Le ministre de l'Agriculture allait le premier visiter ces gens-là. Quoi qu'il en soit, laissez-moi vous dire que j'étais particulièrement fier d'être photographié près d'un silo avec mon chef et avec toute une délégation de députés libéraux de comtés ruraux. Vous pouvez entendre, téléspectateurs, les sarcasmes, le discrédit que le Parti québécois vous fait, classe agricole. C'est cela que vous subissez dans le moment. Et vous allez le subir tant qu'ils seront là.

Au mois de septembre, M. le Président, conférence de presse dans le comté de Berthier...

M. Baril (Arthabaska): Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège.

M. Baril (Arthabaska): Question de privilège, M. le Président, je voudrais prendre ma distance face aux propos du député de Beauce-Sud. Il est en train de dire que l'Assemblée est en train de se moquer, de rire des agriculteurs. Je pense que, si notre Assemblée...

M. Lalonde: Question de rèqlement. Une voix: Une question de privilège.

M. Lalonde: Non, c'est une question de règlement.

Une voix: Une question de privilège avant.

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais entendre la question de privilège.

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): On ne l'a pas entendue.

La question de privilège, si vous voulez nous l'expliquer, M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je sais que ce que je vais dire, cela peut faire mal à nos adversaires, mais je tiens à dire que je ne veux pas, absolument pas, qu'on interprète que moi, agriculteur moi-même, je me moque des agriculteurs.

M. Lalonde: Question de règlement. M. le Président, une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement.

M. Lalonde: J'espère que vous allez m'entendre maintenant.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vous écoute.

M. Lalonde: De toute évidence, le député qui vient de se lever veut exprimer son désaccord avec les propos du député de Beauce-Sud. Il aura l'occasion, s'il a le courage de se lever lors du débat sur le discours inaugural, de le faire. Maintenant, ce n'est pas une question de privilège. S'il n'est pas d'accord, qu'il le dise lors de son discours. Maintenant, le député de Beauce-Sud a bien exprimé son opinion et je pense que vous devriez lui laisser le loisir de le faire sans l'interférence du député.

M. Baril (Arthabaska): Question de privilège, M. le Président. (21 h 20)

Le Vice-Président (M. Rancourt): D'une façon ou d'une autre, j'aimerais dire, au départ, que le député de Beauce-Sud a épuisé son temps de parole.

M. Baril (Arthabaska): Ma question de privilège, M. le Président, c'est que le député de Beauce-Sud a interprété que je me moquais des agriculteurs. C'est faux.

M. Lalonde: Question de règlement. Une voix: II n'a pas dit un mot.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais demander votre collaboration pour permettre au député de Beauce-Sud de terminer très rapidement son intervention.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je ne veux pas que cette question de privilège entame mon temps de parole, et vous le comprendrez. Je conclus en disant que, le 4

septembre, certains députés ont été convogués par l'UPA du Québec. Dix-sept députés de la région de Québec ont été convogués, et trois étaient présents: celui de Portneuf, celui de Charlevoix et celui de Beauce-Sud; les autres étaient absents. Le Parti libéral est présent aux problèmes de l'agriculture. Le Parti libéral désire le développement des plans conjoints en agriculture. Je veux affirmer de mon fauteuil, M. le Président, que le Parti libéral du Québec n'a rien à voir avec les mouvements de dissidence en agriculture.

Je dois malheureusement en arriver à la conclusion. Lorsqu'on dit que ça dépend du fédéral si le taux d'intérêt augmente, dois-je comprendre que, dans un Québec indépendant, il n'y aurait pas de contexte nord-américain et qu'on serait libéré du taux d'intérêt s'appliquant au Canada? J'ai sous la main une étude faite par M. Ferdinand Ouellet, sous-ministre de l'Agriculture. Au mois d'octobre 1981, il disait: "L'économie agricole québécoise est fortement intégrée à l'économie agricole nord-américaine." Si notre économie agricole y est intégrée, ça veut dire que notre économie générale l'est aussi, alors que l'on soit séparé ou non, ça ne dépend pas du Canada, mais du contexte nord-américain et du taux d'intérêt.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, le 14 mai 1980, c'est-à-dire quelques jours avant le référendum, au Centre Paul-Sauvé, à Montréal, devant une foule de partisans du non, il y avait les chefs du camp du non dont, forcément, M. Ryan et, surtout, Pierre Elliott Trudeau. C'est lui qui parle. C'est alors, on s'en souvient - cela avait fait les manchettes à l'époque - l'engagement solennel. M. Trudeau dit: "Nous mettons notre tête en jeu, nous, députés québécois, parce que nous disons aux Québécois de voter non et nous vous disons, à vous des autres provinces, que nous n'accepterons pas ensuite que ce non soit interprété par vous comme une indication que tout va bien puisque tout peut rester comme c'était auparavant. Nous voulons du changement, nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement."

Aussitôt, c'est l'ovation au Centre Paul-Sauvé. M. Ryan est bien satisfait; M. Chrétien, l'exécuteur des basses oeuvres de M. Trudeau, jubile. Il y aura donc des changements, proclame M. Trudeau. Quels changements? Ce n'est pas le moment de les préciser. Faites-moi confiance, dit Elliott Trudeau. Pour le moment, il faut battre les séparatistes, c'est ce qui presse. Même le chef officiel du camp du non, M. Ryan lui-même, ne juge pas utile alors de demander des précisions sur ces changements, ni d'exiger des garanties. Pourtant, il connaît fort bien, et depuis longtemps, la pensée centralisatrice de M. Trudeau. Il ne peut donc plaider l'ignorance. C'était lui, alors, le naïf bonasse qui s'est laissé manipuler comme un pantin. Il l'a reconnu lui-même, d'ailleurs, récemment. Le 1er novembre 1981, on pouvait lire en première page du Journal de Montréal: "Pendant le référendum de mai 1980, Ryan avoue avoir été manipulé par les libéraux fédéraux."

Une voix: Ah!

M. Brassard: On peut lire que, dans une entrevue accordée au journal "The Gazette", il reconnaît avoir été manipulé par les libéraux fédéraux qui l'ont forcé à oublier un peu son livre beige, lui volant ainsi un leadership qu'il aurait dû assumer. Lui-même le reconnaît, il a été manipulé par les libéraux fédéraux.

On nous accuse aujourd'hui de naïveté, d'avoir été naïfs dans les récentes discussions constitutionnelles qui ont abouti, comme chacun le sait, à la nuit des coups de poignard dans le dos et à ces retrouvailles harmonieuses, mais nocturnes du Canada anglais, à ce retour au bercail fédéral des leaders repentants du Canada anglais. On nous accuse, M. le Président, d'avoir été naïfs. Peut-être l'avons-nous été, mais, en mai 1980, ce n'était pas nous, les naïfs. C'étaient eux et c'était lui le chef de l'Opposition officielle. Dieu sait que nous nous sommes efforcés de faire prendre conscience alors au peuple québécois des conséquences d'un vote négatif.

On pourrait multiplier les exemples de mises en garde, d'avertissements que nous avons faits à ce moment-là. Je me contenterai de deux exemples, M. le Président.

Le premier ministre, dans son discours référendaire sur la question, précise les conséquences d'un non au référendum. Vous verrez que c'est un extraordinaire portrait de la situation dans laquelle nous sommes plongés actuellement. Je cite: "Une réponse négative consacrerait à nouveau et pour longtemps le lien de dépendance du Québec par rapport à la majorité anglo-canadienne. Elle consacrerait à nouveau et pour longtemps le statut d'inégalité du peuple québécois et, pis encore, une situation de plus en plus minoritaire au sein de l'ensemble fédéral. Ce serait la continuation, sinon la perpétuation des conflits interminables, des culs-de-sac fédéraux-provinciaux, des chevauchements innombrables dans lesquels se dilue la responsabilité et où, dans une stérilité sans cesse croissante, se gaspillent tant d'énergies, de ressources et

de temps." Il n'était sûrement pas naïf, M. le Président, en prédisant ainsi et en prédisant alors un avenir qui est maintenant la réalité.

Le deuxième exemple est un extrait de la brochure officielle des deux camps, exposant le point de vue des deux camps, et distribuée à tous les citoyens, la fameuse brochure verte distribuée par le directeur général des élections à tous les citoyens. On peut lire, dans l'exposé du camp du oui, ceci: "II faut une bonne dose de naïveté pour penser qu'en disant non à l'égalité avec le reste du Canada, les Québécois seraient en meilleure posture pour négocier les changements nécessaires à leur épanouissement social, culturel et surtout économique. En réalité, un non enfermerait le Québec dans un statut de plus en plus minoritaire, duquel il aurait de plus en plus de difficulté à se sortir."

Je pense qu'il convenait, dans les circonstances actuelles, de rappeler ces faits, de rappeler ces événements qui datent de plus d'un an maintenant, ne serait-ce que pour prendre conscience, comme peuple, comme collectivité, de ceci, que, si le Québec se retrouve dans la position précaire qui est la sienne présentement, la position de faiblesse, oui, disons-le, qui est la sienne présentement, il faut dire que ce n'est pas parce que le gouvernement du Québec a mal défendu ou pas assez défendu ou défendu sans suffisamment de vigueur ou de ténacité les intérêts et les droits fondamentaux du peuple québécois, mais c'est parce que, il faut le dire, nous avons, le 20 mai 1980, voté majoritairement non. Il faut le dire aux Québécois. Ce que nous récoltons aujourd'hui, c'est le fruit amer et pourri du référendum. Rappelons-le nous: le 20 mai 1980, les Québécois, majoritairement, ont refusé que la négociation d'une nouvelle entente avec le Canada anglais se fasse sur la base de l'égalité des peuples. On s'en souvient je l'espère. (21 h 30)

Nous proposions que les discussions reposent sur le principe de l'égalité réelle, de l'éqalité concrète des deux collectivités, des deux nations qui cohabitent au Canada. Que l'on discute d'égal à égal, on s'en rappelle, cette proposition a été refusée. Il nous a donc fallu, comme gouvernement, fonctionner, néqocier à l'intérieur du cadre traditionnel où l'on retrouve autour de la table dix gouvernements contrôlés par la nation canadienne anglaise et un seul gouvernement contrôlé par les Québécois français. Telles sont les règles du jeu traditionnelles depuis 1867. Il a donc fallu s'y soumettre, il a donc fallu demeurer dans une position d'inégalité face au Canada anglais. C'est ça la vraie position de faiblesse du Québec. Et les grands responsables de cette position de faiblesse sont, d'abord et avant tout, ceux qui ont incité les Québécois à voter non en mai 1980.

Le résultat est maintenant là et ne surprend guère ceux qui connaissent le moindrement l'histoire de ce régime. Le Québec se retrouve tout seul, comme il s'est toujours retrouvé tout seul à l'époque de Duplessis, ou de Lesage, ou de Johnson, ou de Bourassa. Le Canada anglais fait bloc et le Québec se retrouve tout seul. Pour en arriver là, beaucoup de gérants d'estrade, M. le Président, en fins connaisseurs du sport constitutionnel, décrètent que M. Lévesque, que le premier ministre a été naïf de se fier à la signature de sept premiers ministres anglophones, que les stratèges québécois ont commis des erreurs. Peut-être, M. le Président, peut-être.

Admettons même que ce soit le cas. Pensez-vous vraiment que l'absence de naïveté et l'absence d'erreurs de stratégie auraient changé grand-chose au résultat final, c'est-à-dire le Canada anglais qui fait la paix avec son gouvernement national et qui rentre dans le giron fédéral? Pas du tout, M. le Président.

Je pourrais illustrer cela par un exemple: supposons un match de hockey avec, d'un côté, une équipe de dix joueurs sur la glace et, de l'autre, une équipe d'un joueur unique. Que ce dernier soit naïf ou pas, costaud ou pas, talentueux ou pas, habile ou pas, qu'il soit un professionnel comme Guy Lafleur ou même un amateur qui sait à peine patiner, cela n'a pas beaucoup d'importance. Cela ne change pas grand-chose au score final qui n'est guère surprenant, soit un lessivage en règle. C'est ce qui s'est produit, M. le Président. Un match entre une équipe de dix joueurs contre une équipe d'un seul joueur. Et on a subi, forcément, le blanchissage que vous savez. Je trouve un peu farfelu et folichon que certains aillent jusqu'à prétendre que l'équipe du joueur unique a perdu le match parce qu'elle a mal joué. Franchement!

Dans un tel contexte, la résolution que nous avons votée est-elle toujours valable, actuelle? Plus que jamais, M. le Président. Cette motion s'oppose, rappelons-le nous, à tout geste qui pourrait porter atteinte aux droits de cette Assemblée nationale et affecter ses pouvoirs sans son consentement. Or, l'entente concoctée nuitamment par les représentants du Canada anglais et du gouvernement fédéral porte atteinte à nos droits comme Parlement et affecte les pouvoirs de cette Assemblée, en particulier les pouvoirs essentiels de ce Parlement en matière d'éducation et de langue d'enseignement, M. le Président.

J'ai ici la loi 101, la Charte de la langue française - c'est son nom - votée par cette Assemblée nationale en 1977 pour protéger la langue française au Québec et lui donner la place qu'elle mérite. La Charte de

la langue française. Et voici la charte de Trudeau dont l'application de l'article 23 aurait pour effet de permettre à plus de personnes d'accéder à l'école anglaise.

Or, au Québec, que ce soit sans équivoque et sans ambiguïté possible: c'est la charte de la langue française qui va s'appliquer. Nous avons été obligés, il y a quelque temps, de l'amender - vous vous le rappelez - pour la rendre conforme, à la suite d'une décision de la Cour suprême, à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Nous avons accepté - non pas de gaieté de coeur, de ce côté-ci - de la rendre conforme à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique parce qu'il s'agissait en fait - on en convenait tous - de la rendre conforme aux clauses d'un contrat que nous avions signé en 1867, que nos représentants avaient signé en 1867, mais nous n'accepterons pas de la charcuter, de la défigurer, de la triturer pour la rendre conforme à un contrat que nous n'avons pas signé, à un pacte que nous n'avons pas conclu comme peuple. Jamais!

C'est la charte du français qui va s'appliquer au Québec en matière de langue d'enseignement, ce n'est pas la charte à Trudeau. Est-ce assez clair? Je pense que le premier ministre, lui aussi, a été clair lorsqu'il a dit hier, dans son message inaugural, que "jamais nous n'accepterons dans le tissu de notre vie collective les effets de ce coup de poignard".

En avril dernier, dans notre programme électoral qui s'intitulait: Une société québécoise forte, on pouvait lire ceci: "La situation est particulièrement menaçante, à l'heure actuelle, et il serait désastreux que le pouvoir soit assumé par un parti aussi faible et dominé par Ottawa que celui de M. Ryan. Seul le Parti québécois a la force politique, la détermination et les moyens de défendre les droits et l'autonomie du Québec." Je pense que le peuple du Québec l'a bien compris, en avril dernier, en nous reportant au pouvoir.

Quand on voit ce qui se passe au sein du Parti libéral du Québec, il est clair qu'à cette époque, la population québécoise a eu vraiment l'intuition du danqer et des menaces inhérentes à la situation qui pourrait résulter d'un Parti libéral du Québec au pouvoir. Voilà un parti carrément mis en coupe, réglé par ceux que Jean-Louis Roy appelle aujourd'hui, dans son éditorial du Devoir, les bedeaux du fédéralisme, un parti littéralement inféodé aux libéraux fédéraux, un parti sans chef, parce que M. Ryan n'est maintenant plus, convenons-en, qu'un figurant, un pauvre otage à qui on veut bien consentir un sursis à condition qu'il renie le vote solennel d'octobre et qu'il se dissocie de la position du gouvernement adoptée par cette Assemblée à cette époque.

Je cite Jean-Louis Roy parce que le chef de l'Opposition a cru bon de citer l'éditorial du Devoir d'hier. Il a passé sous silence l'éditorial du Devoir d'aujourd'hui et je le cite. Jean-Louis Roy écrit, en parlant de M. Ryan: "S'il ne ravale pas et rapidement le niveau de sa réflexion à celui de Jean Chrétien" - et on ne peut pas tellement aller plus bas - "s'il n'épouse pas la dernière stratégie et n'applaudit pas à la plus récente pirouette métaphorique de Pierre Elliott Trudeau, le chef du Parti libéral du Québec sera publiquement désavoué par les bedeaux du fédéralisme qui, dit-on, pullulent dans l'enceinte du caucus qu'il préside. Pour quelques raisons essentielles qui ont trait à l'histoire de ce parti, à la nature même du pays et à l'avenir du Québec, M. Ryan doit résister à ce chantage et à l'assaut dont, à travers sa personne, le Québec est l'objet par ces députés" - comme le disait tantôt mon collègue, le ministre d'État au Développement économique - "dont le Québec est l'objet par ces députés qui se sont trompés de Parlement et seraient plus à l'aise dans l'écurie politique déjà garnie de l'autre Parti libéral." M. le Président, "II faut être immensément borné pour faire a posteriori l'apologie d'Adélard Godbout, cet ancêtre des Michel Gratton et de ses semblables, qui tricotait à Québec, sans doute, mais avec la laine dont Ottawa lui faisait l'aumône."

Des voix: Ah! Ah!

M. Brassard: Et M. Roy disait: "M. Ryan doit refuser absolument cet avilissement qu'on lui demande d'incarner."

Il semble bien, malheureusement, M. le Président, que le chef de l'Opposition soit incapable de résister à ce chantage car voilà maintenant cinq jours que l'entente est signée par les représentants du Canada anglais et le gouvernement fédéral et il n'a pas réussi encore à préciser une chose pourtant essentielle, fondamentale: Est-ce que lui, il aurait signé un pareil papier? Imaginez! On ne sait pas encore aujourd'hui, après cinq jours - et pourtant, il connaît l'entente, il l'a décortiquée cet après-midi pendant une heure de temps - si le chef de l'Opposition était premier ministre du Québec, aurait-il signé ou non cette entente, cet encan nocturne, comme l'appelle Jean-Louis Roy? On doit donc en déduire qu'il a décidé de se conformer à ce que M. Roy appelle également dans le même éditorial "le fédéralisme de la soumission".

M. le Président, je conclus là-dessus. Quand je voyais cet après-midi le chef du Parti libéral du Québec noyer dans un flot de paroles son impuissance à assumer pleinement et sans ambiguïté la défense de nos droits et de nos pouvoirs menacés, quand je voyais aussi son incapacité à maîtriser un caucus tout disposé à applaudir la vente à

rabais des droits du Québec et quand, en même temps, je me rappelle - il n'y a pas si longtemps, on peut s'en souvenir - la vigoureuse défense des droits et des pouvoirs de cette Assemblée qu'il a faite lors du débat sur ce qu'on a appelé la motion Ryan-Lévesque et que je compare ces deux discours et ces deux prises de position, M. le Président, je comprends fort bien maintenant ce que voulait dire l'écrivain français Marcel Pagnol quand il disait: "L'honneur, c'est comme les allumettes, cela ne sert qu'une fois." Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: M. le ministre de l'Agriculture, êtes-vous au courant de la crise qui sévit actuellement dans la production du porc? Cela fait près de deux ans et demi que l'industrie porcine est dans un marasme incroyable; est-il nécessaire de rappeler l'importance de cette production? Directement, l'industrie porcine emploie 12 000 personnes et si nous ajoutons les emplois indirects, elle crée 16 500 emplois et plus. Elle engendre 25% des recettes de l'agriculture avec une production totale de 500 000 000 $.

Si je me fie aux efforts concrets que vous avez déployés pour venir en aide aux producteurs, pour les sortir du trou, on pourrait pratiquement croire qu'il n'y a pas de production plus sécuritaire. Cela fait plus de deux ans que les producteurs de porc vivent dans la misère. Cela fait deux ans qu'ils s'endettent pour survivre, qu'ils sont obligés d'aller vous quémander des subventions, des subventions qu'on leur refuse automatiquement.

M. le ministre, je pense que cela vous ferait du bien que l'on vous rafraîchisse la mémoire au sujet d'une production que vous regardez s'écrouler sans faire votre job. Si on vous a élu, M. le ministre, ce n'est pas pour faire l'indépendance sur le dos des producteurs. On est autosuffisant dans le porc, ouvrez-vous les yeux, M. le ministre, et regardez les résultats: 26 mois de situation précaire. Les producteurs font face à l'hémophilus croissante (maladie respiratoire)...

M. Baril (Arthabaska): ...

M. Houde: On vous l'expliquera après. L'augmentation des coûts de production... Pour un gars de ville, on vous l'expliquera tantôt, vous allez voir. Baisse du prix du porc...

M. Baril (Arthabaska): Question de privilège, M. le Président. Est-ce que le député pourrait m'expliquer la maladie dont il vient de parler? Je ne connais par le genre de maladie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Continuez, M. le député de Berthier.

M. Houde: M. le député d'en face, je pourrai vous l'expliquer après. Je prendrai le temps qu'il faut, avec les images s'il le faut.

Baisse des prix des porcs. Hausse spectaculaire du taux d'intérêt, surproduction. Les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes et prouvent l'inertie du ministre tandis que le fédéral et d'autres provinces canadiennes ont décidé d'intervenir. Chaque porc engraissé apporte une perte d'environ 20 $. Les autres provinces accordent des subventions aux producteurs, certaines allant jusqu'à 8 $ ou 9 $. Le fédéral a donné, en 1979-1980, un subside par tête de 4,16 $, et, en 1980-1981, un subside de 8,96 $ pour les porcs abattus allant à un maximum de 5000 porcs par producteur. Mais le Québec, la seule chose qu'il fait, il donne l'autorisation de bénéficier de crédits spéciaux à l'Office du crédit agricole du Québec, pas à tous les producteurs, et ceci fait que le producteur s'endette davantage. Après les revendications des producteurs de porc de tout le Québec, M. le ministre décide d'aider les producteurs par quatre nouvelles mesures. Ces mesures sont accueillies sans grand enthousiasme parce que le ministre n'a pas tenu compte de la plus importante demande présentée par l'UPA, qui exigeait d'étendre à tous les producteurs de porc en difficulté le crédit spécial offert l'an dernier. Cette mesure ne profite qu'à près de 892 producteurs, quand il y a près de 6000 producteurs dans le Québec.

Dans un communiqué émis par le cabinet du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en date du 4 juin dernier, il est dit que le ministre fédéral de l'Agriculture aurait déclaré que la commission canadienne paierait 8,96 $ par porc mis en marché entre le 1er avril 1980 et le 31 mars 1981 et que le paiement de stabilisation du prix du porc versé par les gouvernements provinciaux sera déduit du montant qu'un producteur peut obtenir du gouvernement fédéral. Cependant, le ministre oublie que le fédéral a annoncé, à la fin de juin 1981, qu'il continuerait à donner sa subvention. Le ministre est quand même resté silencieux depuis ce temps. Le Parti libéral a intercédé à plusieurs reprises. Une conférence de presse a été donnée dans la région de la Beauce, plus précisément à Saint-Éphrem, en date du 27 août 1981, chez un producteur indépendant qui était naisseur et finisseur, qui cultivait son grain et avait un "mix mill". Aujourd'hui, au moment où je

vous parle, le même producteur, malheureusement, a fait faillite. C'est un producteur indépendant et non intégré.

Lorsque nous, du Parti libéral, à Saint-Ephrem, en compagnie de mon copain Herman Mathieu et du chef du Parti libéral qui était présent... Comme M. Mathieu le disait tantôt, le Parti libéral du Québec exige que le gouvernement du Québec annonce sans délai, à l'instar des autres provinces canadiennes, un subside spécial de 5 $ par porc mis sur le marché, en guise de compensation. Ceci est passé dans le Courrier de Frontenac le 1er septembre 1981, page A-8.

Selon un document récent provenant d'un sous-ministre adjoint, on avertissait les responsables régionaux du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que des restrictions dans le programme de subventions étaient éminentes, mais le tout fut alors catégoriquement nié par Marcel Gagnon, député de Champlain. Cependant, les producteurs se rendent compte maintenant que tout cela a bel et bien lieu; donc le ministre crée des programmes fantômes. M. le ministre crée des programmes à grand renfort de publicité, mais n'accorde aucun budget en conséquence. (22 h 50)

M. Mathieu: La propagande.

M. Houde: La propagande, toujours. À la fin d'août, début septembre, les prix avaient monté et là, on vous entend dire que la crise est passée avec succès. C'est toujours le ministre Garon qui dit ça. L'affaire est belle. Bien non, ce n'était pas vrai et ça ne l'est toujours pas. Encore aujourd'hui, j'ai communiqué avec un producteur de porc de ma région qui m'a dit: Nous croyons que le prix du porc augmentera de 1 $ cette semaine. Cela a été le contraire, il a descendu de 1 $ les cent livres. Ce qui veut dire, au moment où je vous parle, que le porc est à 67 $ les cent livres. Or, on sait très bien que le coût de production, selon les chiffres avec lesquels on peut jouer - comme il y en a qui font, comme nos amis d'en face - peut être entre 7 $ et 10 $ les cent livres au-dessus du prix que les producteurs reçoivent actuellement.

Depuis quelques semaines, les coûts sont encore retombés en dessous des coûts de production et ça continue à baisser. Je sais que des faillites légales, il n'y en a pas tant que ça, mais des producteurs endettés à 100%, il y en a en masse et plusieurs abandonnent.

Voici ce qui s'est passé il y a environ deux semaines, dans ma région G-10. Un père de famille, dont voilà la photo, décide un bon lundi matin de partir avec son épouse, ses enfants, son ménage, laissant tout en place, y compris les animaux à l'intérieur des bâtisses. Il fait un appel téléphonique à sa banque, l'avertissant qu'il quitte la ferme et, du même coup, fait un appel téléphonique au Crédit agricole qui lui dit: Arrange-toi avec. Plutôt que de perdre son nom, plutôt que de faire faillite, le gars a décidé de s'en aller. C'est à discuter, mais il y en a qui pensent que c'est mieux de faire faillite parce que cela paraît dans les journaux. Il a préféré que son nom ne paraisse pas. Demandez aux producteurs et essayez de leur faire croire qu'il n'y en a pas.

Je vais vous en citer encore une autre. Aux commissions parlementaires du printemps dernier, Hermann Mathieu était avec moi et le ministre Garon était en avant de moi. Je leur ai cité un cas dans ma région, dans la paroisse voisine de chez nous, et je leur ai dit: Nous avons des producteurs indépendants qui savent se servir d'un crayon et d'un papier. Ils calculent. Ils étaient des naisseurs et des finisseurs, ils faisaient leur qrain eux-mêmes. Aujourd'hui, le gars m'a dit, à mon bureau: Albert, je n'ai pas l'idée de perdre mon nom moi non plus. Ce que j'ai à faire, c'est de faire encan. Je l'avais dit au ministre dans le temps. Je lui avais dit: M. le ministre, les crédits que vous avez avancés l'an passé aux personnes qui s'en sont prévalues, pourquoi, cette année d'abord, il va y en avoir la moitié qui ne s'en prévaudront pas - ne pas les passer aux producteurs qui ont eu de la maladie durant l'année, à la fin de l'année 1980-1981, pour qu'ils puissent passer à travers la crise? Le ministre Garon a répondu: Non, nous n'en donnons pas. M. Garon n'est pas ici, mais, à un moment donné, il va lire les discours qu'on fait ce soir.

Encan, le mardi 22 septembre 1981, chez M. Pierre Legault. Il dit: Nomme mon nom, il n'y a rien là. Le monsieur a tout vendu, la seule chose qui lui restait, c'étaient les bâtisses, mais il n'y a rien dedans. Bon gouvernement!

Dans le communiqué, c'est écrit: Voici la raison pour laquelle je délaisse momentanément la production porcine. Marge de crédit: 80 000 $, mais après avoir tout payé, après la vente de porcs, zéro. Comptes en banque: zéro; zéro plus zéro, cela égale encore zéro, que je sache. Si vous savez où est la rentabilité, M. le ministre, c'est ce qui nous dit que les producteurs de porc n'en savent rien. Comme on le dit souvent de la part de nos amis d'en face: II n'y a rien là.

Maintenant, en ce qui concerne l'hémophilus, qu'est-ce que vous faites? Il est parti, mon copain, probablement qu'il va m'écouter. Il y a cinq spécialistes chez le ministre de l'Aqriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui travaillent au mieux-être de l'industrie porcine. Pour la recherche dans ce secteur, d'autres provinces, soit l'Alberta et la Saskatchewan, donnent 1 000 000 $ à

12 000 000 $ pour trouver des solutions afin de combattre les maladies dans le domaine du porc alors que le Québec donne seulement 50 000 $ pour cette maladie.

Après cela, ils viennent nous dire qu'ils aident l'agriculture. Ce n'est quand même pas la faute du producteur si on lui vend des porcs contaminés. C'est de votre responsabilité la plus élémentaire que d'empêcher la vente de porc malade et c'est maintenant de votre responsabilité de compenser les producteurs de façon à régler le problème une fois pour toutes.

Au contraire, vous cherchez en plus les moyens pour harceler les producteurs avec des règlements sur les fumiers aussi confus que difficiles d'application. Les producteurs sont les premiers à être conscients des problèmes de l'environnement et ils sont prêts à coopérer autant que faire se peut, mais il est nécessaire d'accélérer là aussi la recherche afin de trouver des solutions réalistes et équitables pour les zones à haute concentration.

Il est aussi impensable que l'on ne fixe pas de délai d'application raisonnable et que l'on n'accorde pas d'aide financière pour compenser des subventions que l'on accorde indirectement à toutes les industries qui déversent leurs eaux usées dans les égouts municipaux. Or, les dettes des producteurs, on en a déjà beaucoup trop. L'ouverture des crédits spéciaux, c'est un minimum. Si c'est vrai que l'aqriculture est une priorité pour votre gouvernement, il est temps que vous vous occupiez de façon sérieuse de l'ensemble des producteurs de porc du Québec et que cela se fasse rapidement et simplement, car c'est l'aide sociale que nos bons producteurs demanderont tout à l'heure.

Lorsqu'on voit ici encore une coupure de journal, La Tribune de Sherbrooke, jeudi le 24 septembre 1981: "Une trentaine de producteurs de porc vivent de l'aide sociale." C'est le président du syndicat du porc de l'Estrie, vous le voyez, les preuves sont là, ce n'est pas moi qui les invente.

Attendre une journée au bureau de l'Office du crédit agricole pour se faire dire non, les producteurs n'en veulent pas de ça. Le Parti libéral a hâte que l'application du plan conjoint donne enfin des résultats. Je tiens à spécifier que nous sommes tout à fait pour les plans conjoints et je tiens aussi à vous rappeler que c'est le Parti libéral qui a créé les premiers plans conjoints. Le Parti québécois n'a rien inventé là-dedans.

Une voix: Cela, c'est vrai.

M. Houde: Je tiens aussi à spécifier que s'il y a un gouvernement qui a encouragé la surproduction du porc, c'est bien le Parti québécois, son ministre de l'Agriculture en tête. En ce sens, le Parti québécois est grandement responsable de la situation actuelle car, entre 1976 et 1980, la production a pratiquement doublé, comme M. Hermann Mathieu, le député de Beauce-Sud, l'a dit, c'est beau de se fier au rapport des experts et à leurs prévisions au sujet de la demande future, sauf qu'en agriculture, on n'est jamais sûr de rien.

Dans le porc, les producteurs se fiaient à vous, M. le ministre, mais vous vous êtes trompé et vous avez trompé les producteurs. Le problème, c'est que vous ne voulez pas l'admettre. Les producteurs sont pris à la gorge et pour résumer tout ce que vous trouvez à dire, ici, je cite une de vos déclarations faisant suite à votre refus de rencontrer les gens de l'UPA: "Dialogue de sourds entre Garon et les 13 000 producteurs de porc." Journal de Québec, le mercredi 8 juillet 1981: "J'ai fait 300 milles pour venir dire au ministre ce que pensent les producteurs de porc de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il nous semble que le ministre aurait pu faire un mille pour venir nous rencontrer tous ensemble." Ce sont les producteurs de la région du Lac-Saint-Jean qui nous disent cela. Je tiens aussi à spécifier que...

Une voix: C'est épouvantable!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Berthier, il est 22 heures. Est-ce que je pourrais demander le consentement de cette Chambre pour que vous terminiez?

M. Houde: II m'en reste pour une minute. Vous permettez?

Les producteurs de porc du Québec sont une classe priviliégiée d'agriculteurs par rapport au soutien que leur accorde le gouvernement et le fait que les producteurs aient réussi à maintenir et même à augmenter leur cheptel au cours des deux dernières années est signe de la vitalité du secteur concerné.

Même les députés péquistes ont suggéré aux producteurs de demander au gouvernement d'abandonner certains programmes d'aide qui n'affecteraient pas tellement les producteurs et qu'il prenne les fonds ainsi libérés à l'intérieur des enveloppes budgétaires pour les redistribuer plus directement et plus efficacement aux producteurs les plus touchés.

Continuez à dire que cela va bien dans le porc, M. le ministre, et vous allez avoir des surprises. Les marges de crédit sont au bout de l'élastique et bientôt il va vous éclater en pleine face. Malheureusement, ce sont les producteurs de porc, ces hommes et ces femmes que l'on a ruinés consciemment, qui vont avoir le plus de mal à tel point que rien ne nous dit qu'ils pourront s'en relever. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le

ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, je voudrais proposer l'ajournement du débat à demain, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion est-elle adoptée? Ajournement à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 01)

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