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(Quinze heures quinze minutes)
Le Président: À l'ordre, messieurs!
Un moment de recueillement, s'il vous plaît.
L'Assemblée est suspendue pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 16)
(Reprise de la séance à 15 h 19)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous lever pour l'entrée du lieutenant-gouverneur.
Allocution d'ouverture
Le lieutenant-gouverneur: Mesdames et messieurs de l'Assemblée
nationale, la session qui s'ouvre aujourd'hui, même si elle est la
troisième de la trente-deuxième Législature, est en
réalité votre première session régulière
depuis les élections d'avril dernier.
Cette ouverture se fait, encore une fois, dans une impasse
constitutionnelle puisque, à la suite des récentes
négociations, le Québec se retrouve isolé. En effet, lors
de la dernière conférence constitutionnelle, le gouvernement
fédéral et ceux des neuf autres provinces ont signé un
accord que votre gouvernement a trouvé inacceptable pour le
Québec. Aussi, le gouvernement a-t-il l'intention de vous soumettre les
mesures nécessaires pour faire échec à cette
démarche.
Par ailleurs, la situation économique difficile qui afflige le
Québec, même si elle n'est pas plus sévère chez nous
que chez la plupart de nos voisins, exigera plusieurs actions de la part du
gouvernement et l'adoption de plusieurs projets de loi de la part de votre
Assemblée. Cette priorité donnée aux problèmes
économiques n'empêchera pas, évidemment, le gouvernement de
vous proposer de nombreux projets de loi dans chacun des autres secteurs de
notre vie nationale afin de répondre à l'évolution des
besoins et des mentalités.
Plus que jamais votre Assemblée a un rôle crucial à
jouer pour la défense et la protection des droits historiques du peuple
québécois, pour la promotion de ses intérêts et la
poursuite de son proqrès dans tous les domaines.
En ouvrant cette troisième session de la trente-deuxième
Législature, je souhaite que vous saurez accomplir cette tâche
vitale avec courage et détermination dans la continuité de tous
ceux qui, dans le passé, ont lutté pour la défense de nos
droits et l'avancement de notre peuple.
Le Président: Veuillez vous asseoir.
Puis-je demander, s'il vous plaît, aux gens qui sont dans les
galeries de s'abstenir de manifester. Merci beaucoup de votre
collaboration.
M. le premier ministre.
Message inaugural
M. René
Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, mesdames et
messieurs de l'Assemblée nationale et chers concitoyens et concitoyennes
qui suivez nos travaux un peu partout au Québec, cette session de
l'Assemblée nationale s'ouvre dans une atmosphère de crise d'une
gravité sans précédent. D'abord, comme la plupart des
autres à travers le monde, les citoyens québécois et leur
gouvernement vivent tous les jours des problèmes de plus en plus criants
sur le plan financier et budgétaire.
Déjà, le 13 avril dernier, quand les électeurs nous
confièrent un deuxième mandat, ils n'ignoraient pas l'essentiel
de ce qui nous attendait et qui ne sera pas précisément la vie en
rose. Nous avions tâché en effet, honnêtement, de mettre les
cartes sur la table avant le début de la campaqne électorale.
Même ceux qui n'eurent pas le loisir d'en voir toutes les implications
doivent reconnaître que le budget de l'année courante, qui fut
abondamment commenté jusqu'au jour du scrutin - en particulier par
l'Opposition - illustrait, de façon rigoureuse, la recette lapidaire que
le ministre des Finances avait énoncée en le présentant,
et je cite: "II faut à la fois modifier la structure des revenus pour
qu'elle rapporte davantage, et couper sérieusement le rythme
d'augmentation des dépenses."
Mais on ne savait pas à quel point ces contraintes allaient
encore se dramatiser, par la faute conjuguée de deux facteurs, sur
lesquels notre gouvernement n'a aucune prise: la progression ininterrompue de
l'inflation dont le taux annuel confine désormais à 13%, et
surtout l'escalade absolument démentielle des taux
d'intérêt. Inutile de souligner que ces deux ponctions sauvages,
qui jettent tant de familles et d'entreprises dans une insécurité
sans précédent, se répercutent aussi cruellement sur les
équilibres financiers du qouvernement québécois comme de
tous les autres. Et l'on n'y peut strictement rien, sauf de naviguer au plus
serré, de choisir nos
priorités avec plus d'exigences et de lucidité que jamais
et, en attendant de revoir la lumière au bout du tunnel, de profiter de
la crise, si j'ose dire, pour rajuster certains comportements collectifs qui en
ont grandement besoin, et ainsi, quand même, réussir à
faire des progrès.
Cependant, avant d'aborder cette situation plus en détail de
même que les mesures que nous entendons prendre pour en venir à
bout, il faut d'abord faire le point, comme je m'y suis engagé, sur
cette autre crise qui, celle-là, frappe maintenant exclusivement le
Québec, cette crise constitutionnelle dans laquelle, depuis la semaine
dernière, nous sommes désormais tout seuls à nous
débattre.
Bien sûr, les injustices constitutionnelles, c'est-à-dire
celles du régime politique, ce n'est pas comme les taux
d'intérêt, on n'en voit pas les effets concrets tous les jours.
N'empêche qu'une grande partie de nos chances de réaliser nos
aspirations et même tout bonnement de réussir dans la vie, nos
chances comme individus aussi bien que nos chances collectives seront toujours
accrochées à une situation constitutionnelle. Et ce sera plus
vrai encore pour ceux et celles qui nous suivront.
C'est pourquoi il me paraît important, si brièvement que ce
soit, d'évoquer d'abord le cadre historique de ce qui se passe. Pour
nous, qui faisons partie d'une nation française minoritaire et seule de
son espèce en Amérique du Nord, le Québec est à
tout jamais notre seule patrie, le seul coin du monde où nous soyons
vraiment chez nous. C'est pourquoi, en acceptant - on ne pouvait pas les y
forcer - d'entrer dans le régime fédéral, il y a 114 ans,
nos ancêtres avaient exigé des garanties afin de réduire
les risques de l'entreprise.
Depuis lors, de façon permanente, l'État
fédéral s'est toutefois efforcé de réduire ces
droits et ces pouvoirs que nous assuraient ces garanties. Le rêve
d'Ottawa et de sa puissante technocratie essentiellement anglophone, c'est en
effet de centraliser ce pays au maximum. Ce rêve est fort répandu
au Canada anglais, surtout dans la province d'Ontario, pour laquelle tout
progrès de la centralisation est éminemment profitable.
Or, depuis au moins une génération, cette tendance est
venue se heurter de plus en plus durement à une évolution qui
s'accélérait au Québec et qui, par conséquent,
pouvait de moins en moins se laisser contenir dans les limites trop
étroites, dans l'espèce de carcan où l'on continuait
à l'enfermer. Il est frappant de noter, d'ailleurs, ceci: Alors que le
gouvernement Duplessis s'était contenté de défendre
mordicus notre autonomie existante, tous ceux qui lui ont succédé
depuis I960 se sont mis et se sont remis inlassablement à exiger aussi
des compétences, des instruments additionnels pour accompagner cette
évolution et lui assurer dans une foule de domaines de meilleures
chances de succès. Inutile de rappeler qu'ils n'ont pas réussi.
Au contraire, à mesure que la pression montait, le régime se
braquait, se durcissait de plus en plus. C'est ainsi que, d'une part, la
tendance centralisatrice et le goût féroce de remettre, comme on
dit, le Québec à sa place ont atteint leur paroxisme avec le
gouvernement Trudeau alors que, d'autre part, grandissait chez nous un parti
souverainiste pour les gens sans cesse plus nombreux qui avaient fini de croire
à quelque renouveau du système qui puisse répondre
à nos espoirs comme à nos besoins. Historiquement, d'ailleurs,
dans l'évolution d'à peu près tous les peuples, ces
phénomènes parallèles sont conformes à la logique
la plus classique. (15 h 30)
Voilà, en bref, comment nous en sommes arrivés d'abord au
référendum. À commencer par les libéraux dans cette
Chambre, eux qui partageaient les tribunes référendaires avec
Pierre Elliott Trudeau, Jean Chrétien et les autres, personne n'a le
droit d'oublier les promesses qu'on faisait alors si solennellement pour
arracher un non aux Québécois. Quand le chef
fédéral mettait son siège en jeu et celui de tous ses
collègues guébécois, qu'il nous jurait qu'il y aurait du
changement et qu'il demandait avec insistance au Canada anglais surtout d'en
tenir compte, de quels changements pouvait-il bien s'agir sinon de ceux qu'on
revendiquait depuis si longtemps?
C'est apparemment dans cette perspective qu'au lendemain du 20 mai 1980,
M. Trudeau déclenchait lui-même une grande ronde de
négociations. Il fallut en attendre la fin, au bout de deux mois, pour
s'apercevoir que cela menait tout droit à l'échec et que cet
échec avait été planifié d'avance avec un cynisme
consommé. Après quoi, dans un geste d'une brutalité
proprement totalitaire, sans mandat d'aucune sorte, sans l'ombre d'une
consultation démocratique, Ottawa nous plaçait devant ses
véritables intentions: un projet destiné à nous ramener en
arrière comme jamais on n'avait osé le faire dans le
passé.
Ainsi, les libéraux provinciaux et une multitude de ceux qui les
avaient suivis au référendum se décrouvrirent-ils les
premiers trahis.
Je salue, comme il se doit, le sentiment de légitime
défense et aussi d'indignation tardive, mais terriblement
justifiée, qui amenait récemment l'Opposition à se
solidariser avec le gouvernement au lendemain de la décision de la Cour
suprême. La motion que nous avons alors votée ensemble à
l'unanimité des partis est aussitôt devenue notre guide essentiel
pour la suite
des événements. Est-il besoin de dire qu'elle était
là devant nous la semaine dernière, tout le long de cette
soi-disant rencontre de la dernière chance?
En arrivant à Ottawa, nous avions aussi sous les yeux la
décision de la Cour suprême. Un projet qui n'est pas interdit
expressément par le droit écrit, y est-il souligné, peut
quand même être interdit par les conventions, c'est-à-dire
ces règles du jeu longuement reconnues et respectées auxquelles
le principe même du régime accorde autant sinon plus d'importance
qu'à n'importe quelle loi écrite.
Enfin, il y avait un accord, signé publiquement et en grande
pompe, le 16 avril de cette année, par sept autres provinces en plus du
Québec, sept provinces représentées par leur chef de
gouvernement. Cet accord exprimait une volonté commune de
résistance à l'abus de pouvoir d'Ottawa tout en permettant le
rapatriement immédiat de la constitution et, comme il se doit, il
était assorti d'une formule d'amendement. Celle-ci proposait de
remplacer le droit de veto traditionnel par une nouvelle forme de protection
comprenant un droit de retrait assorti d'une compensation financière
obligatoire. C'était signé et garanti.
Pour nous, c'était un compromis majeur que d'accepter le
rapatriement immédiat de la constitution sans réclamer un nouveau
partage des pouvoirs qui est exigé par tant de gouvernements du
Québec qui se sont succédé depuis vingt ans au moins. Mais
des signatures en bonne et due forme des chefs de gouvernement d'une
majorité de provinces nous assuraient alors que cela n'irait pas plus
loin sans notre consentement.
Ce consentement, nous l'avons effectivement accordé au
deuxième jour de la conférence la semaine dernière, dans
un ultime effort de compromis. Avec ceux qui étaient encore nos sept
partenaires, nous avons ajouté à cet accord du 16 avril un
certain nombre d'éléments du projet de charte
fédéral qui, selon nous, ne présentaient pas de
véritable danger pour le Québec.
On atteignait ainsi la limite extrême des compromis ou des
concessions acceptables. Une entente honorable, une entente vivable pour tous
était donc à portée de la main.
Malheureusement, M. Trudeau a opposé à cette offre une fin
de non-recevoir catégorique; ce n'était pas un accord honorable
qui l'intéressait. Ce qui a permis en quelques heures de voir d'abord
s'amorcer l'effritement du front commun des provinces. Mercredi matin de la
semaine dernière, à Ottawa, les discussions étaient donc
dans une impasse. C'est supposément pour sortir de cette impasse que M.
Trudeau a alors proposé, comme cela, que les discussions se poursuivent
pendant deux ans, aussi bien sur la formule d'amendement que sur la charte des
droits et qu'au bout de cette période, s'il n'y avait pas d'entente, le
choix soit laissé aux citoyens, au moyen d'un référendum
à majorité régionale, c'est-à-dire un
référendum où, par conséquent, l'accord du
Québec aurait été indispensable.
Nous avons vu dans cette offre de M. Trudeau un moyen possible et
respectable de sortir de l'impasse, un moyen, à première vue,
démocratique et conforme aussi à la résolution de
l'Assemblée nationale que nous avons votée ici. C'est ce que nous
avons dit privément et publiquement.
Moins de deux heures après, il s'est avéré que
cette proposition n'était qu'une manoeuvre faite avec la plus
entière mauvaise foi pour, si on me permet de m'exprimer ainsi, achever
le front commun en terrorisant les anglophones qui aiment surtout aller devant
le peuple apparemment le moins souvent possible. En tout cas, ceux qui
négocient de cette façon peuvent obtenir des résultats
à court terme, mais ils devront être jugés par leurs
compatriotes. Ce n'est pas, en tout cas, notre manière à nous et
je n'ai pas l'intention d'en changer.
On connaît la suite. En deux jours de manipulation et de chantage
intensif, l'opération fut consommée. Les sept provinces
anglophones ont alors tout simplement capitulé pour rentrer au bon vieux
bercail du "National Consensus" sous la houlette du "National Government".
Toute l'ultime machination nocturne a d'ailleurs été
décortiquée en détail par une foule d'observateurs
professionnels. Cela ne donne pas un beau spectacle.
Voici comment Mme Lise Bissonnette, entre autres, a
résumé, dans le Devoir de samedi, ce qu'elle appelle "l'histoire
des quatre jours les plus superficiels, les plus prosaïques, et parfois
les plus vulgaires d'une vie: "Que les marchands de tapis et les
négociateurs professionnels me pardonnent, écrit-elle, cela tient
à la fois du souk, du bazar et des grandes rondes du secteur public et
parapublic, sauf qu'il ne s'agit ni de tapis, ni de salaires, mais des droits
des citoyens. La manière, seule et unique, est le marchandage. La
tactique va du bluff à la tromperie, en passant par la menace.
L'attitude mentale, générale, est le cynisme." Voilà
exactement ce que nous avons vécu.
Pour nous, les règles d'une société
démocratique sont une obligation et non pas un enjeu de marchands de
tapis; nos engagements et surtout notre signature sont pour nous des choses
absolument sacrées qu'il faut respecter à tout prix.
Jusqu'à maintenant, j'aurais cru qu'il en allait de même pour les
autres.
Quoi qu'il en soit, cette farce macabre demeurera sans conteste un
événement historique. Pas dans le sens qui poussait nos
dix vis-à-vis à sabler le champagne à Ottawa
après la signature de cet accord des autres. C'est un
événement historique parce que le Québec a
été honteusement trahi, c'est simple, et parce que les
Québécois auront maintenant compris qu'aucun compromis qu'ils ont
pu faire, comme citoyens ou par l'entremise de leur gouvernement, n'aura
été suffisant pour que le Canada anglais reconnaisse notre
caractère particulier, tout ce qui fait que nous ne sommes pas et que
nous ne serons jamais une province comme les autres. (15 h 40)
Comme dans toute crise, il y a eu la minute de vérité. Et
ce qu'elle révèle des autres, c'est leur véritable
attitude fondamentale à l'égard du Québec. Ils nous voient
comme une force à contenir de toute façon, à
écarter au besoin - on l'a vu cette nuit-là - mais jamais comme
les représentants d'un peuple sans lequel leur fédération
n'aurait jamais existé, et sans lequel aucune entente ne saurait
être authentique.
Ce qu'ils viennent d'essayer de faire ensemble, c'est un Canada sans le
Québec, un Canada dont le Québec serait exclu tout en demeurant
ligoté, et même, mieux ligoté que jamais. C'est
l'illustration concrète, flagrante comme jamais, de l'existence de deux
nations distinctes. La façon dont on a procédé nous a
montré le peu de prix qu'elle attache à nos droits et à
notre existence même.
Il est donc clair que nous ne pouvions absolument pas accepter cette
nouvelle constitution fabriquée en une nuit de fourberies. D'abord,
parce qu'elle nous aurait forcés à accepter une limitation
importante des pouvoirs exclusifs de l'Assemblée nationale en ce qui
concerne la langue d'enseignement dans nos écoles. Je l'ai dit et je le
répète: Aucun gouvernement québécois qui se
respecte ne pourra jamais abandonner la moindre parcelle de ce droit absolument
fondamental pour la protection du seul îlot français dans la mer
anglophone du continent nord-américain.
Ensuite, cette formule limite sérieusement les pouvoirs
déjà terriblement insuffisants que nous possédons pour
assurer que le développement économique du Québec se fasse
d'abord au profit des Québécois. Sous le couvert hypocrite de
garantir les droits à la mobilité - l'an dernier, ce qu'on
retrouve dans cette charte, camouflé derrière ce titre noble
"Charte des droits", est-ce que vous savez comment ça s'appelait, la
même chose au cours des négociations qui ont raté,
l'été dernier? Cela s'appelait "powers over the economy", les
pouvoirs sur l'économie, les pouvoirs additionnels, centralisés -
on veut en réalité diminuer notre capacité de
créer, ici au Québec, un plus grand nombre d'emplois en
utilisant, par exemple, notre pouvoir d'achat pour avantager d'abord les
nôtres. Il n'est pas question pour nous d'accepter une politique de
mobilité pancanadienne qui charcuterait et qui rendrait
inopérants nos programmes de promotion des entreprises
québécoises en même temps que notre pouvoir de
légiférer dans ce domaine. Il n'en est pas question.
Enfin, la troisième raison: La formule d'amendement sur laquelle
on s'est entendu en coulisse, et là encore, en déchirant
allègrement les sept signatures de chefs de gouvernement de provinces
anglophones, non seulement enlève-t-elle au Québec son droit de
veto traditionnel, mais elle permet que le Québec soit
pénalisé s'il choisit, à l'encontre des autres, de
conserver les pouvoirs qu'il possède déjà. Autrement dit,
on ne pourra pas, en droit, arracher au Québec ses pouvoirs actuels,
mais on pourra en rendre l'exercice de plus en plus pénible, en fait,
puisqu'on nous privera des ressources nécessaires pour les exercer.
Prenons un exemple. Supposons que les neuf autres provinces s'entendent
avec le gouvernement fédéral pour que celui-ci devienne
responsable de l'enseignement supérieur, des universités, de la
recherche. C'est loin d'être une hypothèse farfelue quand on
connaît les pressions qui s'exercent déjà dans ce sens au
Canada anglais où les institutions aussi centrales dans
l'identité culturelle d'une société ne causent pas les
mêmes préoccupations que chez nous. Je pense qu'on n'a pas besoin
de se faire de dessin là-dessus; d'ailleurs ces pressions ont
été reprises, en choeur, comme une espèce d'annonce de
l'avenir, au cours de plusieurs des séances de la semaine
dernière. Le Québec, évidemment, ne pourrait que refuser
d'être partie à un tel projet et conserverait ses pouvoirs et ses
responsabilités. Mais le gouvernement fédéral aurait tout
loisir de taxer les Québécois pour défrayer le coût
de l'enseignement supérieur dans les autres provinces, en plus des taxes
qu'on continuerait de payer au Québec pour le soutien de nos propres
institutions. Cela mène directement à la double taxation, qui est
un souvenir de notre histoire pas tellement lointaine.
Voilà donc les raisons qui nous ont amenés à
rejeter la formule d'Ottawa. Je suis certain que la très grande
majorité des membres de cette Chambre - où, j'espère, j'en
suis sûr, on ne déchire pas les votes comme on déchire
ailleurs les signatures -sera d'accord pour dire et dire clairement que nous
n'avions pas d'autre choix et que cette formule est parfaitement inacceptable
au Québec.
Certains voudraient que - même après avoir
été isolés par des négociations qui se sont
achevées dans notre dos et par de fausses ouvertures faites sans aucune
bonne foi - nous acceptions de reprendre la
discussion avec les mêmes interlocuteurs. S'il s'agit de nous
faire accepter l'accord d'Ottawa, il ne saurait en être question, pour
les raisons que je viens de donner. Mais à ceux qui nous prient sans
arrêt, depuis vendredi dernier, de répondre aux soi-disant
ouvertures de M. Trudeau et d'accepter tout de suite d'aller négocier,
avec les voleurs de nos droits, une limitation des dégâts, on me
permettra de les renvoyer simplement aux propos - il faut toujours suivre ce
qui se passe dans le Canada anglais pour savoir -tenus en fin de semaine par le
ministre Jean Chrétien, devant 500 militants libéraux
réunis à Calgary, en Alberta, dans un excellent restaurant
chinois. Ces propos sont rapportés ce matin à la une du Globe and
Mail de Toronto. Je me permets de traduire en français l'essentiel de
cette déclaration: "Le gouvernement fédéral - y
énonce, paraît-il, d'abord, M. Chrétien - est
déterminé à trouver un moyen de négocier avec le
Québec afin d'obtenir son accord. Sans fournir aucune indication quant
aux compromis qu'Ottawa serait prêt à faire, M. Chrétien a
aussitôt prédit qu'à la fin, de toute façon, le
premier ministre du Québec serait forcé de donner son accord."
"Nous aurons - et je prierais les membres de cette Chambre d'écouter
cette phrase, comme Québécois, venant d'un
Québécois dans l'Ouest canadien - à être gentils et
délicats, si on veut finir "la job", a dit le ministre, qui a ensuite
provoqué l'hilarité générale chez son auditoire en
évoquant la légendaire flexibilité de M. Trudeau. Puis,
redevenant sérieux, M. Chrétien a indigué clairement qu'en
fin de compte le gouvernement du Québec devra bien reconnaître
qu'il n'a d'autre choix que d'accepter le fameux "package" des dix."
M. le Président, aucun gouvernement du Québec ne peut
accepter d'être traité de cette façon; c'est ça
l'offre de négociation du premier ministre fédéral. Et on
voudrait que nous participions allègrement à une pareille reprise
de la farce et de la tricherie dont nous venons de sortir? Non, la
réponse est simple. Avant toute chose Ottawa doit renoncer à tout
ce qui, dans cet accord des dix, vient écorcher nos droits. Car, pour
nous, la démarche d'Ottawa, malgré l'accord des neuf provinces,
obtenu de la façon que nous savons, conserve son caractère
unilatéral et inconstitutionnel. À notre avis, l'histoire et les
précédents démontrent clairement que le consentement du
Québec est absolument nécessaire au consensus requis pour qu'une
demande à Londres respecte les conventions constitutionnelles
établies. Le Québec est le foyer et le point d'appui d'une des
deux composantes de la dualité canadienne et, sans lui, cette
dualité canadienne n'aurait jamais existé. Je rappelle simplement
qu'on peut trouver un parallèle récent avec la situation
actuelle. Lorsque le
Québec a refusé, en 1971, l'accord de Victoria qui, lui
aussi, avait reçu l'assentiment des neuf autres provinces et du
gouvernement fédéral, cet accord a dû être
abandonné. Il ne peut pas et il ne doit pas en être autrement
cette fois-ci. (15 h 50)
De toute manière, avant de passer à l'état de nos
réflexions sur la suite, il y a une mise en garde très
précise qui s'impose. En fin de semaine, certains porte-parole de la
communauté anglo-québécoise annonçaient leur
intention de nous faire céder, à force de pressions, en
matière d'éducation et d'accès aux écoles. Ils nous
rappelaient que c'est avec leur argent qu'ils ont bâti et payé
leurs institutions scolaires et tous les services dont ils disposent. Ils
oubliaient seulement de noter que tout cela était relativement facile
pour une minorité totalement dominante qui a profité ensuite
à fond de l'héritage colonial mais aussi, et surtout, de la
tolérance et du "fair play" du Québec français et de tous
les gouvernements du Québec, ce qui fait qu'elle demeure à
l'évidence la mieux traitée de toutes les minorités du
continent nord-américain.
Or, pendant ce temps-là, qu'est-il arrivé, ailleurs au
Canada, à ceux, à tous ceux avec qui on réclame
maintenant, à cor et à cri, derrière Ottawa, ce qu'on
appelle un "equal treatment", un traitement équivalent? Qu'est-il
arrivé à ceux pour qui on veut maintenant un traitement
équivalent? Nos minorités hors Québec furent toujours
traitées, partout, comme des immigrants appelés à se
fondre dans le "melting pot" anglophone. Même au Nouveau-Brunswick et en
Ontario, où leur poids relatif est le plus important, elles sont en
recul constant. La minorité franco-ontarienne se faisait encore gifler
tout récemment dans ce marchandage odieux où M. Trudeau troquait
la reconnaissance institutionnelle du français contre l'appui du premier
ministre M. Davis de l'Ontario.
En Ontario, comme ailleurs, les francophones ne contrôlent pas de
commissions scolaires; les francophones ne contrôlent pas de services
sociaux organisés. La charte fédérale, sans rien offrir en
ce sens, maintient de plus, quant à l'accès des enfants de ces
francophones à l'enseignement français, le vieux critère
avec lequel on les envoie promener si facilement: "where numbers warrant",
là où le nombre le justifie, ce qui n'a jamais été
appliqué au Québec.
Dans un tel contexte, nos concitoyens anglophones ne se sentent-ils pas
un peu gênés de réclamer pour eux-mêmes un "equal
treatment"? Le veulent-ils vraiment, en pensant à toutes les
conséquences possibles? Il vaudrait peut-être mieux
réfléchir encore. C'est ce que nous allons faire, quant à
nous,
continuer à réfléchir, mais aussi commencer
à agir.
Pour en avoir le temps et pour réévaluer aussi de fond en
comble la participation québécoise à tous ces exercices
fédéraux-provinciaux et aussi, désormais,
interprovinciaux, le gouvernement a décidé jusqu'à nouvel
ordre de se retirer à tous les niveaux de ces réunions, le plus
souvent inutiles et coûteuses, sauf celles qui sont directement
liées à nos intérêts économiques et
financiers. En novembre, le mois courant, le Québec n'assistera donc
qu'à celle des ministres des Finances, si elle se tient toujours.
L'Assemblée nationale sera également appelée
à réaffirmer, et avec une vigueur renouvelée, nos droits
et nos exigences essentielles comme société nationale distincte.
Ce n'est pas parce qu'on a foulé ignominieusement aux pieds sa
récente motion ou résolution conjointe que le Parlement du
Québec doit se sentir si peu que ce soit bâillonné.
Bien sûr, nous informerons - c'est déjà
commencé - de notre mieux tous ceux qui, à travers le monde, nous
écoutent avec la moindre sympathie de la façon dont on vient de
nous traiter. Mais d'abord, nous tâcherons par tous les moyens de contrer
ces dizaines de millions de dollars de propagande fédérale, ce
lavage de cerveaux infernal qu'on inflige exclusivement aux
Québécois. On reconnaît les votes minoritaires de la motion
de l'Assemblée nationale, c'est normal. Je rappellerais simplement pour
mémoire qu'il s'agit d'une somme potentielle de 35 000 000 % qui
étaient destinés à l'ensemble du Canada et que,
paraît-il, on vire maintenant complètement pour laver les cerveaux
exclusivement des Québécois.
D'autre part, nous continuerons à expliquer la position
québécoise aux parlementaires britanniques qu'Ottawa veut
utiliser pour finir de réaliser son coup de force. Et nous vous ferons
part de toute autre action - et il y en aura, et bientôt -que nous aurons
sûrement à envisager, à mesure que la réflexion et
la préparation nécessaires auront porté leurs fruits, car
jamais nous n'accepterons dans le tissu de notre vie collective les effets de
ce coup de poignard.
J'ajouterai - et ici ça donnera l'occasion à l'Opposition
de manifester son appui, si elle le veut - que ce ne sera jamais fini tant et
aussi longtemps que notre peuple verra son épanouissement sans cesse
entravé par un régime à la fois désuet et
envahissant, et son évolution normale compromise par les obsessions
centralisatrices qui ne cesseront jamais de s'y manifester.
Cette fois-ci encore, après tant d'autres et depuis un an et demi
qu'il était suspendu au-dessus de nos têtes, combien de temps,
combien d'énergies, combien de ressources matérielles finalement
dépensées en pure perte cet inqualifiable abus de pouvoir nous
aura-t-il coûtés? Et il n'est pas vrai que c'est un mal qui
passera avec les hommes qui passent. D'aucuns s'illusionnent encore à ce
propos. C'est leur droit mais, quant à nous, c'est le mal du
régime lui-même, un régime qui vieillit terriblement mal et
dont le durcissement technocratique trahit à la fois une solide
incompréhension de ce qui concerne les Québécois et une
inaptitude croissante à répondre à leurs besoins.
M. le Président, cela nous ramène du même coup en
plein coeur des difficultés courantes, celles que nous ressentons tous
quotidiennement.
Il ne s'agit pas ici, j'y prendrai garde, de faire encore d'Ottawa le
bouc émissaire de tout ce qui nous arrive. Mais il faut tout de
même noter que les paiements de transfert du fédéral, cette
juste part des citoyens québécois dans une politique
traditionnelle de redistribution, n'ont pas cessé de décliner par
rapport à l'inflation. En fait, le rythme de croissance de ces paiements
ne rejoint plus que le tiers de l'escalade annuelle de l'indice du coût
de la vie. Et nous aurons à voir dans quelques jours, avec le nouveau
budget fédéral, si l'on maintient l'intention annoncée de
couper encore davantage.
Ce n'est pas le seul facteur, loin de là, mais c'est un facteur
d'une importance extrême surtout lorsqu'il s'ajoute aux effets d'une
profonde crise économique qui frappe partout de façon
inégale, mais universelle et qui rejoint, en l'exacerbant, une non moins
profonde crise des valeurs qui sévit aussi à l'échelle du
monde occidental, en tout cas.
Nous avons donc des responsabilités sans précédent
à assumer collectivement à l'égard des choix parfois
dramatiques qu'il nous faudra faire dans les prochains mois et même dans
les prochaines années, et ça on n'y peut rien. (16 heures)
Chaque citoyen est maintenant obligé d'admettre qu'il est moins
riche qu'avant, enfin, sauf quelques exceptions de moins en moins nombreuses
tout en haut de la pyramide. Mais pour tous les citoyens qui ne sont pas dans
ces régions éthérées, on est obligé
d'admettre qu'on est moins riche qu'avant, même si le premier
réflexe est de chercher quand même à vivre comme avant; il
faut donc accepter peu à peu de modifier quelques habitudes et de
sacrifier certaines choses tout en préservant ce qui paraît
essentiel.
Le problème qui se pose au gouvernement est du même ordre.
Les ressources financières de l'Etat québécois sont en ce
moment étirées au maximum. Les données de la grande
organisation des pays occidentaux avancés, c'est-à-dire,
l'OCDE,
pour la période 1974-1976 encore toute récente - et cela
n'a pas tellement changé -sont éloquentes à ce point de
vue. Si on tient compte de la capacité de payer des contribuables, le
niveau des dépenses publiques per capita a ce moment-là,
1974-1976, n'était, et probablement que c'est encore vrai,
dépassé, par rapport à la capacité de payer des
contribuables, que par deux pays, la Norvège et la Hollande.
Si nous voulons maintenir les acquis des dernières années
et préserver une marge de manoeuvre suffisante pour entreprendre les
nouveaux projets qu'appelleront les circonstances qui changent, il faut donc
pousser plus loin, plus loin que jamais l'entreprise d'assainissement des
finances publiques qu'on a commencée au cours de notre premier mandat.
Un regard...
Des voix: Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Dieu sait, M. le Président,
qu'on pourrait évoquer de nouveau - ce sera fait en temps et lieu - le
genre d'héritage...
Des voix: Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): ...de croissance des
dépenses que nous avons recueilli il y a cinq ans, mais il est dans le
rôle classique de l'Opposition - je crois que tous les partis vivent cela
- d'avoir la mémoire courte.
Un regard même rapide sur le budget permet de voir tout de suite
que le poste le plus important, c'est celui des salaires. Les traitements et
les avantaqes sociaux exclusion faite des régimes de retraite
-représentent, en 1981-1982, 46% du budget -si on ajoutait les
réqimes de retraite, entre autres, cela dépasserait largement 50%
- et les seules augmentations de traitement totalisent 1 350 000 000 $.
Ces augmentations ne font pas que garantir le pouvoir d'achat des
employés du secteur public, elles leur transfèrent une part
croissante de la richesse collective. La croissance du produit intérieur
brut du Québec est de 10,5% en ce moment, celle des salaires du secteur
public cette année, à la suite des conventions, est de
14,75%.
Il faut néanmoins souligner que la dernière convention
collective a permis de réduire l'écart, qui était bien
plus terrible encore, entre la rémunération globale des secteurs
public et parapublic et celle du secteur privé le mieux
rémunéré au Québec, celui des grandes entreprises
de 500 employés et plus. Ainsi, l'écart qui était de 16,3%
- pas loin d'un cinquième - au bénéfice des
employés de l'État, au début de la convention collective,
est en ce moment ramené à environ 11%. Mais il reste une chose:
un réalignement complet de la rémunération du secteur
public sur la partie la mieux payée du secteur privé
représenterait cette année une économie pour l'Etat et les
citoyens de 1 100 000 000 $ si on avait réussi plus que ce qu'on a
réussi de peine et de misère, c'est-à-dire de ramener cela
quand même à un écart de 11% aux dernières
négociations.
Ce qui rend le problème encore plus pressant, c'est que les
effectifs de gens dans la fonction publique et les réseaux des Affaires
sociales et de l'Éducation, si on les compare avec ceux d'appareils
équivalents chez nos voisins, se sont gonflés
démesurément au cours des années. Nous avons fait des
efforts depuis 1976, on a essayé de se rapprocher, on n'est pas loin, de
la croissance zéro dans cet ensemble, mais on est encore loin du compte.
Il demeure sans doute acceptable humainement de maintenir la
sécurité d'emploi pour ceux et celles qui ont acquis leur
permanence dans ce grand ensemble, même si les groupes qui ont une telle
garantie sont fort peu nombreux dans la société.
Mais il est devenu intolérable qu'en plus des personnes, les
postes eux-mêmes, on pourrait dire les chaises, continuent à
être considérés comme intouchables et qu'on parte en querre
dès qu'il est question de chercher à faire le travail avec moins
de personnel. Voilà un des éléments qu'il faut
contrôler chez nous.
Parlons maintenant du domaine de la santé. Le Québec s'est
doté, au cours des 20 dernières années, d'un
système qui fait l'envie de nos voisins des États-Unis et du
Canada. Or, les coûts de ce système vont croissant à un
rythme excessif. Au cours des six dernières années, le nombre des
médecins a augmenté huit fois, je répète, huit fois
plus vite que la population, sans pour autant que le volume de travail par
médecin ait tendance à décroître. Même si nos
médecins, quant à leur revenu personnel, n'occupent pas le
premier rang en termes comparatifs avec certains de nos voisins, ils
bénéficient toutefois en partant d'un emploi assuré
à revenu élevé.
C'est dans un tel contexte que nous avons à examiner les ententes
signées avec les syndicats des professionnels de la santé qui
sont échues depuis juin dernier.
S'ils jouent, et c'est indiscutable, un rôle fondamental dans le
réseau des Affaires sociales, les médecins doivent aussi assumer
pleinement les responsabilités qui se rattachent à cette place
importante qu'ils occupent.
Ainsi, certains aspects de la tarification des actes - parce qu'on a
toujours ce système de paiement à l'acte - peuvent inciter des
médecins à une pratique faite
d'actes répétés et plus rémunérateurs
que ceux qui sont destinés simplement à faire face aux vrais
besoins. C'est une chose. Par ailleurs, malgré leur nombre sans cesse
croissant, la répartition géographique des médecins sur le
territoire et leur absence dans certaines situations qui mettent en cause la
santé publique, doivent faire l'objet d'ajustements du régime
pour permettre au gouvernement d'assumer ses simples devoirs à
l'égard de la population.
C'est pourquoi cette Assemblée étudiera très
bientôt certaines modifications législatives aux diverses lois
concernant la santé et les services sociaux.
Troisièmement, on devra de plus toucher aux régimes de
pension des employés de l'État. Dans son discours sur le budget,
en mars dernier, le ministre des Finances soulignait que la croissance rapide
et continue des sommes qui sont affectées à ces fonds de pension
était non seulement préoccupante mais que, si rien n'était
fait, cela représenterait, avant longtemps, pas moins de 10% de tout le
budget du Québec. Pour remédier à cette situation, le
ministre des Finances annonçait donc que les nouveaux employés
seraient protégés par un nouveau régime de pension
où les rentes désormais ne seraient indexées au coût
de la vie qu'au-delà d'un seuil de 3%, et où le coût serait
partagé également entre l'État et ses employés.
Nous avons décidé d'étendre aussi ce nouveau
régime, dont l'Assemblée sera saisie, à tous les
employés actuels, à compter du 1er juillet 1982, en
préservant évidemment de façon intégrale les droits
acquis au 30 juin prochain. Mais ainsi, tous seront traités à
l'avenir de la même façon et pourront bénéficier
d'un régime de pension qui, tout en étant moins coûteux que
celui qui est en train de devenir ruineux actuellement, demeurera guand
même supérieur, sauf erreur, à tout ce qui existe dans le
secteur privé.
Bien des gens reconnaissent aujourd'hui le côté
inévitable de ces divers ajustements, mais personne, et c'est normal, ne
veut en subir les conséquences et lorsqu'on prête l'oreille
à toutes les protestations et les critiques qui s'élèvent,
on ne peut en tirer qu'une seule conclusion: il n'y a pas d'endroit où
l'on bouscule un peu les habitudes établies qui n'ait aussitôt ses
justifications propres pour réclamer un régime d'exception. De
fait, chacune des demandes prises isolément, peut fort bien être
justifiable mais c'est la somme de toutes les demandes qu'il est devenu
absolument impossible de satisfaire. (16 h 10)
II est devenu indécent aussi de demander à des
travailleurs qui, eux, n'ont pas la chance d'avoir un employeur aussi
généreux que l'État de supporter plus que leur part du
fardeau des finances publiques qui s'alourdit à un rythme bien
supérieur à la croissance de leurs revenus.
Quant à nous, nous avons l'intention de continuer à mettre
toutes les cartes sur la table à propos des décisions
budgétaires. Déjà, en juin dernier, sans compter que nous
avions préparé le budget avant la campagne électorale,
mais déjà en juin dernier, un mois plus tard, deux mois plus
tard, le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor
et les autres ministres concernés ont tenu, on s'en souviendra, une
rencontre pour discuter des compressions avec des représentants des
gestionnaires et des employés de l'Éducation et des Affaires
sociales. De même, au début de l'automne, le président du
Conseil du trésor a sillonné le Québec,
littéralement, pour vulgariser et démystifier le budget, ce qui
était une entreprise de transparence politique sans
précédent. Nous allons continuer à associer ainsi les
responsables des secteurs public et parapublic, du côté syndical
comme du côté patronal, mais aussi tous les citoyens, parce que
tous sont impliqués, au partage des informations et aux grands
arbitrages qui mènent aux choix budgétaires. Et nous
espérons que, partout au Québec, ceux qui administrent les
programmes et qui dispensent les soins à la population se fixeront aussi
un tel objectif parce qu'il faut que les gens sachent ce qui est fait et ce qui
est dépensé en leur nom.
Cependant, en soi, le fait de se parler ne règle aucun
problème. Même le plus franc et le plus ouvert des dislogues ne
sera jamais une panacée. Nous avions tous plus ou moins acquis la
conviction que la richesse publique était illimitée et que les
dépenses pouvaient croître sans fin. C'est tous ensemble, donc,
que nous devons réviser nos attitudes et apprendre à vivre avec
des ressources limitées, restreintes. Cela suppose que nous
développions ensemble une vision claire, le plus possible, des
priorités à respecter dans une situation où tout n'est
plus possible.
Le gouvernement entend donner l'exemple et appliguer une rigueur
nouvelle à la gestion des programmes qui dépendent directement de
lui. Sa marge de manoeuvre n'est pas très grande, toutefois, puisgue, si
on exclut les traitements et les avantages sociaux des employés, les
autres dépenses de fonctionnement du gouvernement ne représentent
que 12% du budget. Tout sera fait, en tout cas, pour rationaliser au maximum
cette part des dépenses publigues. Mais ce que je viens de dire, il me
semble, souligne dramatiquement l'importance, entre autres, des trois grands
points que j'ai évoqués tout à l'heure: les salaires, les
effectifs, certains aspects des programmes de santé et les plans de
retraite.
Nous nous efforcerons aussi de débusguer tous les
privilèges qui pouvaient paraître normaux dans une situation
d'abondance mais que le contexte achève maintenant de rendre
intolérables.
Nous croyons enfin qu'il faut mettre l'accent sur ce minimum de
solidarité qui devra nous amener, comme société, à
diriger une part importante de nos efforts et de nos ressources disponibles
vers l'amélioration des conditions de vie de ceux, parmi nous, qui sont
le moins favorisés.
Précisément parce que les ressources sont limitées,
ça exigera, de certaines catégories de citoyens qui ont joui
d'une amélioration substantielle de leurs conditions de vie ces
dernières années, qu'ils acceptent de mettre un frein à
leurs exigences pour que nous puissions diriger notre action vers les
problèmes des Québécois et des Québécoises
qui sont les plus démunis et les plus vulnérables devant les
difficultés actuelles. Cela supposera aussi, quand il sera question de
rationalisation des services, de disparition de postes dans le secteur public
et d'augmentation de productivité, entre autres par une mobilité
des gens qui peuvent être interchangeables, qu'ils acceptent, qu'ils ne
se contentent pas de dénoncer mais qu'ils acceptent aussi de remettre en
question les conventions qui nous ont conduits à ces impasses. Est-ce
trop espérer que d'imaginer l'émergence dans notre
société de complicités nouvelles qui nous permettraient de
poursuivre ainsi des priorités différentes qui seraient à
la fois plus humanitaires et plus réalistes que celles que nous avons
connues?
Il faut bien se dire que tout cela constitue également, si nous
le voulons -parce que nous sommes aux prises, dans tous ces secteurs, avec des
problèmes comparables à ceux des autres, en grande partie - un
formidable défi qui peut signifier l'avènement définitif
de la maturité nationale. Pensons simplement à tout le chemin que
nous avons su parcourir depuis une vingtaine d'années. Rappelons-nous
les obstacles qu'il aura fallu franchir parce que, alors non plus, ce
n'était pas plus facile pour nous que pour les autres. En vingt ans, le
Québec a changé de visage et, surtout, il s'est habitué
à accueillir le changement. C'est l'acquis extraordinaire d'une seule
génération. Est-il besoin de souligner, toutefois, qu'une
génération n'est qu'un maillon dans la chaîne, toujours, et
qu'en fait, nous, au Québec, venons à peine de prendre notre
élan?
C'est avec cet élan collectif que nous avons tâché
de renouer au cours de notre premier mandat. Le bilan de cet effort, nous
l'avons fait au cours de la campagne électorale, et ce n'est plus le
moment de le détailler à nouveau. On me permettra d'affirmer
simplement que, malgré ses imperfections et ses carences, dont nous
sommes aussi conscients que quiconque, c'est un bilan respectable.
Ce qui me semble opportun de souligner, toutefois, ce sont les axes
principaux sur lesquels notre action s'est inscrite depuis cinq ans. Pour
autant qu'on puisse évaluer l'aspect positif d'un scrutin
-forcément, les électeurs votent toujours pour certains aspects
négatifs gu'ils trouvent d'un côté ou de l'autre et,
forcément aussi, pour certains aspects positifs, et personne n'est
capable de démêler ça complètement - il me semble
que c'est surtout là-dessus que nous avons été
jugés il y a quelques mois. Même si des conjonctures qui varient
nécessairement peuvent exiger qu'on mette l'accent sur telle
préoccupation plutôt que sur telle autre, ce sont des
critères qui demeureront valables dans n'importe quel avenir possible.
C'est pourguoi il m'a paru indigué de placer sous ces mêmes
têtes de chapitre une grande partie du programme de la session qui
commence.
D'abord et avant tout, nous aurons cherché à
rétablir cet ingrédient indispensable d'une société
démocratique, la confiance dans l'intégrité du
gouvernement et du Parlement, notamment par la réforme du financement
des partis et celle de la carte et de la Loi électorale, et aussi par la
télédiffusion des Débats qui a soumis l'Assemblée
nationale, très sainement, je crois, au regard scrutateur et critigue de
nos concitoyens. En même temps, nous avons fait cet effort constant, dont
j'ai parlé, qu'il faut maintenant accentuer comme jamais pour assainir
les finances et instaurer plus de rigueur dans l'administration.
Maintenant, pour ce qui est du Parlement et du processus
électoral, ces deux piliers essentiels de la vie en démocratie,
on vous proposera d'abord, dès cette session, une nouvelle loi de
l'Assemblée nationale. Cette réforme, nous espérons
pouvoir la réaliser tous ensemble pour gu'elle puisse
véritablement fonctionner. Elle devra accorder à
l'Assemblée tout entière, aux députés
ministériels comme à ceux de l'Opposition, une plus grande marge
d'autonomie et d'initiative et aussi des moyens de contrôle qui
répondent plus adéquatement à la complexité sans
cesse croissante de la responsabilité des élus face à
l'administration publique. Nous sommes prêts à mettre à
l'essai toute proposition qui irait clairement en ce sens au fur et à
mesure que la réflexion, qui est déjà bien engagée,
aboutira à des consensus.
C'est dans cette même perspective de soumettre l'administration
publique à un éclairaqe continu que nous attachons beaucoup
d'importance à la loi sur l'accès à l'information
gouvernementale qui vous sera proposée, elle aussi, au cours de cette
session. Dans la foulée du rapport Paré et à la suite de
la commission parlementaire qui s'est tenue pendant l'été, ce
projet de loi comportera principalement les deux volets suivants: d'une part,
un meilleur accès des
citoyens aux documents des organismes publics et, d'autre part, une
protection accrue de ces mêmes citoyens contre la divulgation des
renseignements personnels contenus dans les fichiers de nombreux corps
administratifs.
Quant au processus électoral, dont nous avons déjà
grandement accéléré la réforme entreprise
dès les années soixante, nous avons bon espoir, avant la fin de
la session -et là encore, à l'unisson des partis, si possible -
de pouvoir proposer cette étape dont on a tant parlé: celle d'un
nouveau mode de scrutin. Le ministre d'État à la Réforme
électorale a reçu le mandat de consulter, comme il se doit, les
deux côtés de la Chambre, mais aussi tous les milieux
intéressés afin de mettre au point un système qui permette
de refléter plus fidèlement la volonté des
électeurs. (16 h 20)
Enfin, pour ce qui est de l'intégrité et de la
transparence du gouvernement lui-même, nous savons tous qu'un
deuxième mandat en constitue le test par excellence; nous savons comment
trop de gouvernements ont fini. Certains éléments de
réforme, dont je viens de parler, devraient désormais permettre
à l'Assemblée, et aussi à tous les citoyens, de nous
suivre à la trace avec plus d'efficacité.
Mais, de plus, il est évident que nous avons nous-mêmes,
pour ainsi dire, à renouveler nos voeux sur ce plan essentiel. Il nous
faut pourchasser avec la plus grande vigueur toutes ces tentations de
facilité, de laxisme, dont on connaît les résultats et qui
surgissent infailliblement lorsqu'un séjour au pouvoir se prolonge. Je
crois pouvoir affirmer que nous y sommes résolus.
En tout cas, je vous donne ma parole, M. le Président, comme chef
du gouvernement, que nous n'hésiterons absolument pas à agir, le
cas échéant, pourvu que ce soit à partir de faits.
Une deuxième grande priorité, un de ces axes principaux
que j'évoquais, c'a été un effort persistant, ininterrompu
pour tâcher d'améliorer le climat social, comme on dit. Dans
l'état de dégradation où celui-ci se trouvait il y a cinq
ans, c'était sans doute la tâche la plus difficile et, en
dépit de certains progrès indiscutables, ça demeure encore
et ça demeurera longtemps une préoccupation sans cesse
lancinante, aussi longtemps en tout cas que nous n'aurons pas établi une
véritable et solide concertation entre les principaux intervenants
socio-économiques.
Mais qu'on se réfère aux statistiques relatives au secteur
privé ou qu'on compare la dernière ronde, dans les secteurs
public et parapublic, à la précédente, il est clair qu'il
y a eu amélioration assez notable. Il est permis de croire que certains
gestes que le gouvernement a posés ont pu contribuer à ce
progrès; entre autres, le nouveau cadre de relations ouvrières
qu'a instauré la loi 45; la loi, toute récente encore, des
conditions minimales de travail, de même que celle sur la santé et
la sécurité des travailleurs, qui constituent, l'une et l'autre,
des réformes d'une importance primordiale; et puis aussi, même si
ça n'a pas été la guérison de tout, certaines des
nouvelles balises qu'on a établies pour la négociation dans les
secteurs public et parapublic; et, enfin, ces nombreux sommets qui cherchaient
à mieux définir les problèmes et les perspectives du
Québec tout entier, comme aussi d'une foule de régions ou de
secteurs, ces conférences socio-économiques ont très
certainement aidé à assainir quelque peu le climat en provoquant,
soit des consensus, soit surtout - et c'est arrivé assez souvent - des
programmes d'action.
Il est évident que tout cela n'est ni complet ni parfait, mais,
quitte à les bonifier, ce sont des mesures dont l'impact positif doit
être maintenu.
Et maintenant, il faut aller plus loin. S'il importe de créer
constamment de nouveaux emplois par un effort économique que j'aborderai
dans quelques instants, il importe tout autant - il me semble que ça
saute aux yeux - d'assurer une meilleure protection des emplois existants.
Aussi, le gouvernement entend-il tout mettre en oeuvre, de concert avec les
parties impliquées, pour prévenir, pour empêcher dans toute
la mesure du possible les fermetures d'usines et les licenciements collectifs;
et lorsqu'ils deviennent quand même inévitables, pour en limiter
les dégâts en offrant une assistance accrue à ceux qui en
sont victimes. À cet effet, un projet de loi vous sera
présenté au cours de cette session.
Dans la même optique, nous espérons aussi pouvoir conduire
enfin à bon port le projet de fonds minier dont malheureusement
l'étude a dû être reportée, les parties patronales et
syndicales n'ayant pas réussi à se mettre d'accord au moment de
la commission parlementaire.
D'autre part, dans le domaine de la santé et de la
sécurité du travail, nous proposerons la deuxième partie
de la réforme amorcée en 1979, en présentant une loi sur
la réparation des lésions professionnelles qui viendra remplacer
l'actuelle Loi des accidents du travail. Le régime d'indemnisation des
accidentés y sera basé désormais non plus sur la perte
d'intégrité physique, 10%, 20%, etc., mais plutôt sur une
philosophie de remplacement du revenu, comme dans le cas de l'assurance
automobile.
En matière de relations du travail, il y aura d'abord
d'importants amendements au Code du travail. Sans chambarder l'économie
qénérale de la loi, ces amendements viseront
principalement à lever pour de bon ces obstacles, ces entraves et
ces lenteurs que rencontrent encore quotidiennement nombre de travailleurs et
de travailleuses qui tentent simplement d'exercer leur droit d'association. On
procédera aussi aux amendements requis à la Loi sur la fonction
publique pour donner plus de flexibilité à la
représentation syndicale des agents de la paix.
Pour ce qui est de l'ensemble des secteurs public et parapublic,
conformément à l'engagement que nous avions pris, il s'est tenu,
au mois de septembre, une commission parlementaire et, pour la première
fois, sans la contrainte qu'impose l'examen d'un projet de loi, tous les
individus, tous les groupes qui le voulaient ont pu exprimer leur point de
vue.
À la suite de cette commission et aux réflexions qu'elle a
suscitées, le gouvernement a décidé de vous proposer
certains amendements aux mécanismes de la négociation mais aussi,
et surtout, une formule pour assurer, une fois pour toutes, la primauté
du droit des personnes à recevoir les services essentiels,
particulièrement dans le secteur si névralgique de la
santé, parce qu'il faut finir par résoudre ce qui a paru
jusqu'ici comme la quadrature du cercle. Il faut finir par arriver à
ceci: le maintien d'un droit de grève qui apprenne à s'exercer,
lorsqu'il croit devoir le faire, d'une manière vraiment humaine et
civilisée.
Ce qui nous amène à un autre thème majeur que nous
entendons, lui aussi, maintenir au premier plan au cours des années qui
viennent. Je veux parler de ce fondement essentiel de toute démocratie
qui se respecte: une lutte qui doit être permanente contre la
misère et les aspects les plus inéquitables de la condition
humaine. Ce ne sont pas des choses faciles à corriger. Raison de plus
pour s'y employer sans relâche.
Cet effort de simple justice sociale, depuis 1976, s'est adressé
en particulier à l'aide aux personnes âgées et aux
handicapés, à la protection de la jeunesse, à la
création du supplément au revenu de travail et à la
reconnaissance des droits de la femme, une reconnaissance tardive, mais
désormais en progrès constant.
Voici comment nous vous proposerons, dès cette session, de
reprendre cette longue marche en direction de l'équité collective
et d'une plus grande égalité des chances.
En tout premier lieu, puisque c'est la loi qui a préséance
sur toutes les autres, il faut mentionner la Charte des droits et
libertés de la personne à laquelle d'importants amendements
doivent être apportés. Cette révision substantielle fait
suite à une commission parlementaire à laquelle un grand nombre
de personnes et d'organismes ont tenu à participer. L'éclairage
ainsi fourni nous permettra de dégager clairement de nouvelles
perspectives d'application mais, plus encore, d'élargissement des champs
couverts afin d'enrayer notamment la discrimination pour raison d'âge ou
de sexe de même qu'en matière d'avantages sociaux et pour ouvrir
en même temps la porte aussi à ces correctifs indispensables qu'on
appelle des proqrammes d'action positive. Pour ceux qui ont des yeux pour voir,
je répète qu'ils pourront constater la supériorité
sur tous les plans - y compris la souplesse et la capacité, l'aptitude
à progresser rapidement - de cette charte québécoise par
rapport à des textes constitutionnels essentiellement statiques et
figés - et je dois dire, à mon opinion personnelle, assez peu
inspirants, Dieu le sait - qu'on prétend nous imposer de
l'extérieur.
Quant au domaine de la retraite, qui s'inscrit également parmi
les droits des personnes, nous avons l'intention, bien sûr, de poursuivre
l'étude du projet de loi sur l'abolition de l'âge obligatoire et
aussi de fouiller, sans délai, la possibilité de retraite
anticipée en songeant, en priorité, aux hommes et aux femmes qui
sont usés prématurément par les besognes les plus
pénibles.
Dans cette dernière perspective pourrait fort bien s'inscrire la
revalorisation de notre Régime de rentes; et cela, c'est un très
gros morceau. Nous savions depuis le début qu'il faudrait s'y mettre un
jour. Inéluctablement, la population du Québec vieillit. Doublant
à peu près tous les vingt ans, le nombre de personnes
âgées de plus de 65 ans, qui atteint déjà les 500
000, dépassera largement les 850 000 d'ici la fin du siècle.
L'existence d'une multitude de régimes de toutes natures pourrait
laisser croire que ces personnes âgées en général et
les retraités en particulier sont assurés d'un troisième
âge sans problèmes financiers sérieux et en harmonie avec
les autres générations; or, il n'en est rien. Au lieu de reposer
principalement sur le régime des rentes du Québec, la
sécurité du revenu de nos aînés continue de
dépendre excessivement de ces paiements de transfert qui s'apparentent
en fait à une sorte d'aide sociale: les suppléments de revenu
garanti. (16 h 30)
C'est d'abord à corriger cette situation que visera la
revalorisation proposée. La part du salaire qui sert à calculer
les rentes et les cotisations devra augmenter progressivement afin qu'augmente
aussi, de son côté, le taux de remplacement du revenu surtout pour
les petits salariés auxquels, comme à tous les travailleurs
québécois, nous devons assurer au moins une retraite
décente. Nul besoin d'ajouter que ces fonds additionnels qu'on mettra de
côté serviront aussi à stimuler notre développement
économique.
En parallèle, on amorcera aussi le
travail de révision de la Loi sur les réqimes
supplémentaires de rentes, pour mieux garantir les droits des
participants et améliorer la transférabilité des droits
acguis d'un régime à l'autre.
D'autre part, on vous demandera de renforcer les dispositions
législatives qui régissent le congé de maternité en
vue d'assurer une stricte priorité d'embauche à la travailleuse
qui veut reprendre son emploi après la naissance d'un enfant,
priorité qui sera maintenant valable jusqu'à concurrence de 24
mois.
C'est l'endroit, à mon sens, le plus indiqué pour annoncer
en même temps que le programme d'accès à la
propriété, qui est destiné en priorité aux familles
qui ont de jeunes enfants, un engagement électoral auquel nous avons
accordé une priorité absolue, sera prêt à entrer en
viqueur dès le mois prochain et toujours avec la
rétroactivité qu'on avait promise.
D'autre part, devant l'inaction d'Ottawa dans le dossier de la mousse
isolante d'urée formaldéhyde, la MIUF, cette catastrophe dont
Ottawa porte l'entière responsabilité malgré certaines
déclarations incompréhensibles, nous avons dû prendre des
mesures pour dépanner les victimes de cet isolant qui sont aux prises
avec un problème immédiat de santé. Le ministre de
l'Habitation et de la Protection du consommateur dévoilera d'ici
quelques jours les modalités d'un programme de dépannage visant
à aider les familles les plus durement touchées.
Un projet de loi parraîné par le ministre de la Justice
constituera sur le plan juridique un des éléments de ce
programme. L'objet de cette loi sera d'allonger les délais de
prescription qui pourraient affecter le dépôt des poursuites
judiciaires. Cette dernière mesure, qui rassurera les victimes au moins
sur la préservation de leur recours, de même que l'ensemble du
programme qui sera annoncé incessamment, aideront les gens à
mieux traverser la période difficile jusgu'à ce qu'Ottawa se
décide enfin à prendre ses responsabilités.
Pour clore ce chapitre, deux réformes absolument fondamentales:
celle du Code civil et celle de l'aide sociale.
La première, celle du Code civil, est en marche, après des
années d'étude et de mise au point minutieuse. Pour donner suite
à la première grande étape, la réforme du droit de
la famille, on procédera, pendant cette session, à l'étude
des modifications nécessaires au Code de procédure civile
déjà déposées devant la Chambre. Nous
présenterons aussi un deuxième livre du Code civil lui-même
portant cette fois sur les personnes, les successions et les biens.
Quant à l'aide sociale, le gouvernement est à
préparer une réforme en profondeur qu'il entend vous soumettre
dans les meilleurs délais. Mais dès cet automne, une étape
préliminaire qui nous paraît indispensable servira à
poursuivre l'assainissement de l'aide sociale et à rationaliser bon
nombre des services existants.
La réforme en profondeur, de son côté, visera d'une
part à relier l'aide à la réinsertion sociale. C'est
d'ailleurs l'intention qui présidait il y a quelques mois au
rattachement des programmes de sécurité du revenu au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il s'agit de mettre
l'accent, comme jamais dans nos programmes de création d'emploi, sur une
forme de lutte à la pauvreté qui débouche obligatoirement
sur l'acquisition d'un revenu de travail.
D'autre part, en établissant ainsi une meilleure redistribution
des richesses, on s'efforcera aussi en contrepartie pour ainsi dire d'assurer
une vie plus décente et mieux adaptée à leurs besoins
réels à tous ceux dont la condition physique, mentale ou sociale
permet trop difficilement ou même interdit complètement
d'envisager un rôle actif sur le marché du travail.
Passons maintenant à ce domaine prioritaire par excellence - et
ce sont les circonstances qui font qu'il arrive si loin dans ce discours -
puisque, en fin de compte, c'est lui qui doit entretenir tous les autres:
l'économie. Nous en avons beaucoup parlé au cours de la campagne
électorale et avons pris un certain nombre d'engagements précis.
Depuis lors, nous avons continué à réfléchir et
à nous préparer non seulement à bien remplir ces
engagements, mais à amorcer correctement toute notre action
économique à venir. Car, s'il est une chose que cinq
années d'expérience et d'efforts nous apprennent, c'est que
l'économie, ça ne s'improvise pas.
On se souvient des conditions difficiles, déjà difficiles,
du climat de pessimisme et de morosité dans lequel nous entreprenions
dès les premiers mois de 1977, avec tous les partenaires disponibles, de
redonner une impulsion nouvelle à des secteurs économiques tout
entiers qu'on avait laissé péricliter. L'Opération
Solidarité Economique, qu'on appelle familièrement OSE, a par la
suite contribué à canaliser un esprit, un goût
d'entreprendre qui se sont bientôt manifestés partout au
Québec. En même temps, et de plus en plus, s'est
révélé un dynamisme sans précédent de
l'ensemble de nos milieux d'affaires. Le mouvement aura même
entraîné une nouvelle et spectaculaire relance dans la grande
région métropolitaine où le phénomène est
visible à l'oeil nu.
Le résultat net est que notre économie a progressé
au cours de cette période deux fois plus vite que celle de l'Ontario. Et
cela s'est traduit par une augmentation de 230 000 emplois homologués.
Un taux d'emploi qui augmente ainsi de 8,6% en
quatre ans, c'est non seulement remarquable, c'est proprement
prodigieux. Si je le souligne, Dieu sait que ce n'est pas pour nous passer la
main dans le dos comme gouvernement. C'est tout le milieu, forcément,
qui produit cela, 8,6% en quatre ans. C'est prodigieux. C'est un taux de
croissance six fois plus élevé - on me l'a dit à quelques
reprises, je suis allé vérifier de mon mieux, je ne le croyais
pas, c'est vrai -que celui des trois plus grands pays de la Communauté
économique européenne et même - croyez-le ou non - deux
fois plus élevé que celui du Japon. Pourtant...
Une voix: ... le Canada...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): ... ces 230 000 emplois, cette
croissance incomparablement meilleure que dans la plupart des pays que nous
connaissons n'auront pas permis de réduire en deçà de 9%
un taux de chômage qui, d'ailleurs, s'est remis à monter
dangereusement depuis quelques mois.
Comment se fait-il? À une foule de facteurs qui font partie de
cette crise profonde que j'évoquais tout à l'heure et qu'on
partage avec les autres s'ajoute le défi écrasant que nous
lanceront encore pendant quelque temps le flot de 60 000 jeunes travailleurs et
travailleuses qui viennent chaque année enrichir - mais gonfler en
même temps - nos effectifs de main-d'oeuvre. On n'est pas quand
même porté à se plaindre de cet enrichissement. On en aura
besoin d'année en année dans l'avenir, mais entre-temps il faut
les accueillir.
Ce sont ces jeunes, frappant pour la première fois à la
porte du marché du travail, que le chômage affecte le plus
lourdement et, si l'on n'y prend garde, d'une façon qui peut devenir
presque irrémédiable. C'est pourquoi, en plus des mesures que
nous entendons prendre pour stimuler la croissance d'ensemble de
l'économie - et que j'aborderai dans quelques instants - je tiens
à préciser dès maintenant que le gouvernement portera une
attention spéciale à ce groupe d'âge si cruellement
affecté par le manque d'emploi.
Ainsi, dès cette session, afin de ne pas priver le Québec
ni nos entreprises de l'apport de la jeunesse et surtout pour briser le fameux
cercle vicieux "pas d'expérience, pas d'emploi, pas d'emploi, pas
d'expérience", nous réaliserons l'engagement que nous avons pris
en avril dernier. Un bon d'emploi de 3000 $ sera remis à tous ceux et
celles qui ont au moins un diplôme secondaire, sont âgés de
moins de 25 ans et sont sans travail depuis 6 mois. Ils devront prendre
eux-mêmes l'initiative de la recherche d'embauche, et les employeurs se
verront ainsi rembourser une partie du salaire attaché à la
création d'un nouvel emploi, dès que celui-ci aura duré au
moins un an.
À cette mesure, sur laquelle nous fondons beaucoup d'espoir,
s'ajoutera l'effort que nous avions également promis pour assurer la
relève en agriculture et permettre à un plus grand nombre de
jeunes qui ont du coeur au ventre de s'intégrer à ce secteur
exiqeant autant qu'essentiel d'une économie, mais aussi d'une
société bien équilibrée.
De plus, pour une foule d'autres qui ne sont pas diplômés
et qui constituent une part importante des bénéficiaires de
l'aide sociale, on mettra sur pied un nouveau programme qui s'appelle pour
l'instant "chantier-jeunesse", dont la mission sera de parrainer les organismes
privés, publics, coopératifs qui soumettront des projets
communautaires valables pour ces jeunes qui sont les moins bien nantis et
évidemment les plus fragiles de tous.
C'est aux jeunes également que s'adressera en tout premier lieu -
parce que ce sont eux qui sont les plus conscients de ces nouvelles
priorités - un programme intensifié de cueillette et de recyclage
des rebuts, qui donne déjà des résultats plus que
prometteurs sous forme de projets pilotes. Avec la même
ténacité dans l'action qui vient de lui mériter un prix
international d'excellence, le ministère de l'Environnement s'efforcera
ainsi de faire progresser, chez les générations montantes qui
sont de plus en plus sensibles à cette préoccupation, cette
idée toute simple mais révolutionnaire d'amener notre
société de consommation terriblement gaspilleuse à devenir
aussi une société de conservation.
Evidemment, le succès de ces mesures demeure étroitement
lié au dynamisme général de l'économie. C'est le
Québec tout entier qui doit lui-même se transformer comme jamais
en un chantier sans cesse plus actif. Ce n'est pas facile par les temps qui
courent. Un contexte économique déjà exécrable est
en train de s'aggraver de plus en plus, à cause surtout, à cause
en tout cas qrandement de la politique monétaire pratiquée par le
gouvernement fédéral qui en a le contrôle exclusif.
Il faut bien se rendre compte que lorsque, avec des efforts
considérables, le gouvernement du Québec parvient à
créer une centaine d'emplois, dans le même temps, la politique
désastreuse des taux d'intérêt risque d'en faire
disparaître des centaines; pas une mais des centaines d'autres.
À un moment où notre marge de manoeuvre est à ce
point réduite et les perspectives économiques aussi peu
reluisantes, nous devons donc en tout premier lieu identifier d'abord nos
priorités avec la plus grande précision, et ensuite nous assurer
de la plus grande cohérence possible au plan de la
réalisation.
C'est dans cette perspective et dans le prolongement de
l'énoncé de politique
économique intitulé "Bâtir le Québec" que le
gouvernement rendra public, dès cet hiver, un plan d'action
économique pour les années à venir.
Au cours de notre premier mandat, nous avons trimé dur pour
consolider certains secteurs économiques ou industriels très
importants en termes d'emplois et d'impact régional: les pâtes et
papiers, l'agro-alimentaire, le textile, le vêtement, le meuble et la
chaussure. Toutes ces industries ont fait l'objet de mesures et de programmes
gouvernementaux qui se poursuivront au cours des prochaines années.
Cette action de l'État et le dynamisme propre des entreprises ont permis
à bon nombre d'entre elles, en effet, d'échapper à une
mort qui paraissait certaine. Dans la plupart des cas, la santé est
maintenant revenue et on pense à nouveau à la croissance et au
développement, si on peut les financer, et on revient toujours à
ces taux d'intérêt. II nous faudra, au cours des prochaines
années, continuer sur cette lancée et redoubler d'efforts pour
moderniser tout ce qui peut l'être rentablement, mais aussi et surtout
pour stimuler le développement d'industries à contenu
technologique plus élevé et capables d'oeuvrer efficacement sur
tous les marchés en expansion.
Il faut se rappeler que, depuis 20 ans, la croissance économique
a été en bonne partie alimentée par les dépenses
d'investissements publics dans la construction d'écoles,
d'hôpitaux et d'autoroutes. Cette phase de rattrapage est à peu
près maintenant révolue. Au cours de cette décennie, il
faudra donc nous tourner surtout vers la croissance industrielle en exploitant
à fond les ouvertures de marchés et de productions pour lesquels
le Québec dispose à la fois d'avantages comparés et d'une
structure d'entreprise adéguate.
Il nous faudra capitaliser particulièrement sur les
retombées industrielles de grands projets pour lesquels nous sommes en
position privilégiée, dans des domaines comme le matériel
de transport en commun - il suffit de penser à Bombardier et au LRC, par
exemple - la distribution du gaz naturel, l'assainissement des eaux,
l'aéronautique et le transport de l'énergie. Au total, ces grands
projets représenteront d'ici vingt ans des dizaines et des dizaines de
milliards de dollars d'investissement, à condition de bien encadrer
notre action et d'être sans cesse vigilants et agressifs.
C'est justement ce genre d'éveil et d'agressivité que
manifestent par bonheur depuis quelque temps nos principales
sociétés d'État. C'est là un changement majeur qui
s'amorce dans le sens d'un contrôle accru de notre économie et de
la prise en main surtout de puissants leviers de développement.
Ces sociétés d'État, elles nous sont venues de la
révolution tranquille, il y a une vingtaine d'années et le long
du chemin, et de la conscience qu'on prenait alors de la véritable
aliénation que nous subissions dans la plupart des qrands secteurs
économiques.
Dès le départ, même modestement, elles ont
joué un rôle essentiel. En acquérant le contrôle ou
des participations importantes dans une série de petites ou moyennes
entreprises, elles ont effectué d'utiles regroupements qui sont encore
là dans le paysage et rentables de plus en plus. Et maintenant, à
quelques exceptions près, elles sont même, pour la plupart, sinon
toutes, très rentables.
Or, depuis peu, elles se sont mises à élargir leur
rôle. À partir des énormes ressources de la Caisse de
dépôt, de la gestion de certaines sociétés
d'État et de la collaboration financière et administrative de
groupes privés, une reprise en main de quelques-unes des plus grandes
entreprises qui fonctionnent au Québec est en train de se produire.
C'est ainsi qu'au moment où nous poussons activement la
pénétration chez nous du gaz naturel, le tandem de la Caisse de
dépôt et de SOQUIP a permis de prendre le contrôle, à
la fois, de Gaz Métropolitain et de Gaz Inter-Cité,
c'est-à-dire d'une des sources d'investissement et de revenus les plus
importantes des années à venir. De même, la Caisse de
dépôt et, cette fois, la SGF ont maintenant le contrôle
effectif de la Domtar, l'une des plus grandes entreprises industrielles
opérant au Québec et qui, désormais, opérera au
Québec pour le Québec. Enfin, une autre collaboration
étroite de la caisse avec le groupe Brascan a eu pour résultat
d'acquérir une participation dominante dans la Noranda. Et il faut se
rappeler ici que la Caisse de dépôt, en plus de son rôle de
fiduciaire soigneux du Régime de rentes, a toujours eu cette vocation -
que le gouvernement précédent, en particulier, avait plutôt
essayé d'estomper ou de masquer ou, en tout cas, de rendre
inopérante - d'être aussi un moteur du développement
québécois. Cette vocation, elle est maintenant prête
à l'assumer, et on le voit de plus en plus, avec les puissants moyens
financiers dont sa charte lui permet de disposer à cette fin.
C'est également dans cette perspective, même si dans ce cas
le secteur coopératif s'est fait écarter, qu'il faut placer la
concurrence que se sont livrés Provigo et la Société de
développement coopératif, et qui s'est, en tout cas,
soldée par le rachat au Québec des magasins Dominion.
Et aujourd'hui même, on pouvait annoncer, après guatre ans,
la conclusion d'un accord par lequel notre Société nationale de
l'amiante du Québec achète de gré à gré la
majorité des actions de General Dynamics of Canada, de façon
à acquérir, du même coup, le contrôle, ici au
Québec, de la
Société Asbestos Ltée.
Ainsi, grâce à leur épargne accumulée et
à leur capacité de gestion solidement encadrée par des
institutions dynamigues, publigues, coopératives et privées, les
Québécois peuvent désormais songer sérieusement
à cette réalisation essentielle: la prise en main de centres de
décision économigue, avec toutes les promesses de
développement accéléré que cela contient. (16 h
50)
Mais, en même temps, un autre impératif nous oblige
à nous tourner aussi vers l'extérieur.
Car seules progressent vraiment les économies qui sont vraiment
ouvertes sur le monde. Nous n'avons pas le choix. Il nous faut
développer des champs d'excellence, de nouvelles expertises et nous
tailler une place sans cesse accrue sur les marchés d'exportation.
D'une part, nous devrons faire un effort sans précédent de
recherche et d'innovation dans ces industries de pointe que sont, par exemple,
l'électronigue, l'informatigue, les biotechnologies, c'est-à-dire
l'ensemble des technigues qui sont déjà en train de
révolutionner les industries pharmaceutiques, l'exploitation de la
biomasse forestière, c'est-à-dire tout ce qui reste et qui peut
produire non seulement de l'énergie, mais beaucoup d'autres choses, et
l'agro-alimentaire sous toutes ses formes.
Un nouveau programme - promis lors de la campagne électorale -
verra donc le jour dans les meilleurs délais. Ses dispositions
permettront de stimuler les activités de recherche et de
développement en réduisant le risgue inhérent à
toute production innovatrice. L'aide apportée permettra d'augmenter les
activités de conception, de fabrication de prototypes et de mise
à l'essai de nouveaux produits. Elle contribuera à soutenir et
à accélérer les efforts de nos entreprises sur les
marchés étrangers.
Parallèlement, le gouvernement aura également l'occasion -
tout ça se tient - de demander à l'Assemblée nationale de
donner suite au plan quinquennal 1982-1987 de notre Centre de recherche
industrielle du Québec. Ce plan permettra d'élargir la
clientèle actuelle du CRIQ et d'accroître aussi la gamme de
services qu'il peut offrir aux entreprises.
Pour sa part, la SDI, la Société de développement
industriel, qui est devenue l'instrument par excellence de notre politique dans
ce secteur, a maintenant dix ans. Il est temps d'en faire le bilan à la
lumière des nouveaux besoins et des nouvelles priorités, dont
l'une des principales, où la SDI aura à tenir un rôle plus
important que jamais, est l'exportation.
Les économies dont le marché intérieur est
restreint comme le nôtre sont condamnées à exporter sans
cesse davantage.
Depuis 1976, le gouvernement a fait un effort intensif dans ce secteur.
On a créé l'Office québécois du commerce
extérieur, on a ajouté à la SDI la vocation
SDI-exportation, justement, et, ensemble, elles administrent toute une
série de programmes pour amener nos petites et moyennes entreprises
à prospecter comme jamais les marchés étrangers, ce qui se
fait de plus en plus, d'ailleurs, et avec succès. Mais ce n'est pas
assez, il faut aller bien plus loin. Les programmes d'exportation seront donc
modifiés, accrus et adaptés à un contexte qui
évolue rapidement.
Ainsi, la SDI, en plus de continuer ses activités au chapitre du
crédit prospection, accordera une assistance particulière
à la formation de consortiums d'exportation et au financement des
contrats majeurs. Quant à l'Office du commerce extérieur, une
évolution de son proqramme APEX, comme on l'appelle, permettra aux
entreprises ainsi qu'à leurs associations d'établir une
stratégie plus complète de prospection des marchés
étrangers.
D'autres mesures viendront également maximiser le potentiel
exportateur et les retombées industrielles chez nous de nos
activités de ce qu'on appelle le secteur tertiaire moteur. Je vais
l'expliquer dans un instant par l'exemple que je vais choisir. Une de ces
mesures, qui sera annoncée bientôt, consistera en une disposition
fiscale privilégiée pour les Québécois travaillant
à l'étranger. Il ne faut pas perdre de vue, par exemple - c'est
ça, du tertiaire moteur -que le Québec compte trois des dix plus
grandes firmes d'ingénierie-conseil au monde qui opèrent dans
cinq continents. C'est un atout que nous entendons pousser à fond, de
même que l'action encore en rodage d'Hydro International.
De plus, nous envisageons de nommer bientôt un ministre qui sera
chargé du commerce extérieur et qui coordonnera l'effort des
différents services orientés vers l'exportation. Ce ministre sera
à la tête d'une équipe dont l'obsession unique sera
d'être d'infatigables commis-voyageurs pour stimuler des ventes qui
représentent déjà plus de 40% de notre production
intérieure brute et pour profiter aussi des occasions nouvelles
liées à l'abolition prochaine de la plupart des tarifs
douaniers.
Revenons maintenant chez nous, où la politique d'achat
appliquée par le gouvernement depuis près de cinq ans, doit non
seulement être maintenue, mais renforcée. Cela fait partie de ces
pouvoirs qu'on ne nous enlèvera pas. Dans quelques jours, à
Montréal, tous les intervenants seront invités à se
concerter dans le cadre d'une opération... En fait, j'ai repris
là un texte que je n'ai pas eu le temps de corriger, c'est aujourd'hui
même que ça commence. Ces jours-ci, à compter
d'aujourd'hui à Montréal tous les intervenants seront
invités à se concerter dans le cadre d'une opération
connue sous le nom de Super-marché public 81. Pour les fournisseurs et
les acheteurs du domaine public et parapublic, ce sera l'occasion de
suggérer de nouveaux moyens d'assurer toujours plus de retombées
économigues en s'efforcant d'acheter toujours plus
québécois et au meilleur coût possible.
Notre économie en est aussi une - je n'apprends rien à
personne - et même primordialement, de ressources naturelles. C'est sa
base de départ et, à beaucoup de points de vue, pour beaucoup de
projets, c'est aussi sa base d'arrivée, si on sait s'en servir. Il va
donc falloir poursuivre et améliorer les efforts que nous faisons du
côté des mines, de la forêt ou des diverses sources
d'énergie, y compris les énergies nouvelles, secteurs pour chacun
desquels nous avons maintenant des sociétés
québécoises qui sont devenues des instruments efficaces.
Et sans doute faudra-t-il faire de même, se doter d'un instrument
dans un proche avenir, pour cette ressource primordiale entre toutes qu'est
tout simplement le fleuve Saint-Laurent, lui qui a accompagné toute
notre histoire, qui fut dès le début le chemin d'eau
indispensable, il apparaît désormais comme une possibilité
prochaine qu'on puisse le mettre en valeur systématiquement. Nous avons
décidé d'accélérer la première grande
étape de cet apprivoisement définitif du fleuve, le projet
Archipel appelé à métamorphoser pour le mieux toute la
grande région métropolitaine. Et, pour nous aider à
définir la perspective d'ensemble, le Québec sera, l'an prochain,
l'hôte d'un colloque international de spécialistes consacré
à l'état de santé et à l'avenir de tout notre grand
bassin fluvial.
Le développement régional, qui est, lui aussi, intimement
lié à la question des ressources, deviendra en même temps
une préoccupation centrale du gouvernement qui entend soutenir de plus
en plus adéquatement les initiatives régionales en respectant les
aspirations et le cheminement des communautés concernées, ainsi
que leur dynamisme propre.
Dans la mesure où les efforts préalables auront
été faits, deux sommets régionaux seront d'ailleurs tenus
au cours des douze prochains mois, ici, dans la région de la capitale
nationale, et en Mauricie. À ce chapitre du développement
régional et de la concertation, il faut aussi inclure déjà
une conférence socio-économique sur l'industrie de la pomme, qui
a subi récemment des pertes importantes, et qui demeure, pour certaines
régions, un des fondements de toute leur économie, une autre sur
la recherche agro-alimentaire, ainsi qu'une table de consultation sur le
développement de l'industrie québécoise des alcools.
Le gouvernement entend donc réaffirmer sa détermination de
faire du développement économigue sa préoccupation
principale au cours de ce mandat, en dépit des contraintes de toutes
sortes, qu'elles soient constitutionnelles ou conjoncturelles. Les
Québécois n'attendent rien de moins, bien qu'ils sachent
très bien aussi que plusieurs des principaux leviers échappent
encore à notre contrôle.
C'est d'ailleurs ce qui rend d'autant plus nécessaire le meilleur
emploi possible de tous les facteurs de développement que nous
détenons en propre; ce qui exiqe une harmonisation des
intérêts différents, mais complémentaires, du
capital et du travail, ces deux éléments indispensables de tout
proqrès économique. Un peu partout, dans les milieux syndicaux
comme patronaux, tant chez les financiers et cadres que chez les travailleurs,
on note à ce sujet une prise de conscience qui est en train de
s'accentuer. Les enjeux sont d'une importance capitale, touchant aussi bien
l'efficacité de la production que la qualité des relations de
travail, aussi bien les chances de succès et d'expansion de nos
entreprises.
Le gouvernement a été amené, depuis quelques mois
on en a parlé assez précisément, pendant la campaqne
électorale - à se pencher sur la formule qui émerge de
cette évolution, celle de la participation. Comme il s'agit d'abord d'y
voir clair et qu'on ne saurait brûler les étapes, nous entendons
former, d'ici la fin de l'année 1981, une commission d'étude, de
consultation et de mise en place de mesures destinées à favoriser
cette tendance prometteuse à la participation des travailleurs dans
l'entreprise. On y étudiera, avec un soin particulier, les moyens
d'arriver à un nouvel équilibre des responsabilités et des
intérêts quant à la propriété et au
financement, quant à l'organisation du travail et quant au partage
éventuel des profits. (1 7 heures)
Enfin, même si le domaine de l'économie n'est pas de ceux
où on aqit beaucoup par voie de législation - c'est par voie
d'actions concrètes et par voie de programmes surtout, par voie de
projets, que l'économie se développe - cela demande guand
même de la législation parce qu'il faut mieux encadrer certains
secteurs, lever des obstacles au développement, et dans ce sens,
d'abord, nous allons entreprendre, et rapidement, la réforme du cadre
juridigue de nos institutions financières afin d'en garantir la
solidité.
Est-il besoin de rappeler, à la suite du rapport du groupe
d'étude sur l'épargne au Québec, et certains
événements qui sont encore récents, à quel point
cette réforme est à la fois fondamentale et urgente? La
pièce maîtresse sera la refonte complète de la Loi sur les
coopératives d'épargne et de
crédit et également de la Loi sur les coopératives.
Par suite des épreuves que nous connaissons, nous aurons sans doute
à réviser aussi le statut des Caisses d'entraide
économique et à envisager également des réformes
à l'assurance-dépôts. De plus, en amendant la Loi sur les
connaissements, nous faciliterons l'expansion de nos institutions
financières dans le domaine des prêts commerciaux et industriels
à court terme.
Après consultation, on procédera également à
une refonte du crédit agricole qui, pour demeurer ce moteur du
développement qu'il a toujours été, doit être
adapté aux réalités d'aujourd'hui, entre autres, aux
exigences de la génération de la relève qu'il faut aider
à prendre un bon départ. Les lois sur les terres de colonisation
seront, elles aussi, refondues dans une nouvelle loi sur les terres publiques
agricoles afin d'en faciliter la vente ou la location selon des
modalités qui seront plus modernes et plus souples que celles qui
existaient dans l'ancienne loi, qui est là depuis trop longtemps. Et
l'on présentera aussi une révision de la Loi sur les
coopératives agricoles.
Nous allons également proposer - c'est plus que le temps - la
révocation des droits de mines qui avaient été
concédés avant 1880 et qui n'ont jamais été
exploités afin de favoriser enfin l'exploration et la mise en valeur des
ressources minières. Cela s'applique surtout, comme on le sait, dans les
Cantons de l'Est.
À la suite du colloque de Gaspé, au printemps de 1980, et
conformément aux recommandations d'une conférence
économique sur la qualité des produits marins qui a
été tenue à Sept-Îles au mois de mars, nous serons
amenés à voter aussi une loi sur les produits agricoles, les
produits marins et les aliments qui servira de quide au mouvement de
modernisation de l'industrie de la pêche au Québec.
Nous vous demanderons aussi d'autoriser le gouvernement à
acquérir, même par expropriation si nécessaire, les
terrains requis pour l'établissement d'un terminal gazier à Gros
Cacouna. Nous vous proposerons encore de donner des moyens additionnels
à certaines sociétés d'État. À cet
égard, nous entendons particulièrement réviser la Loi
créant la Raffinerie de sucre du Québec et aussi mettre sur pied
une société autonome pour gérer certains
équipements gouvernementaux dans des domaines comme l'hôtellerie
et le loisir.
Dans le secteur du transport, compte tenu, notamment, de l'auqmentation
des coûts du pétrole, nous allons entreprendre une vaste
opération de réorganisation et de rationalisation, d'abord, par
la création d'une Société nationale des transports pour
gérer efficacement les intérêts que le gouvernement
possède - mais un peu de bric et de broc, jusqu'ici - dans le transport
maritime, dans le transport aérien et dans le transport routier.
Ensuite, il y aura la présentation d'une loi destinée - on
connaît déjà le projet - à assurer la polyvalence du
transport scolaire. Enfin, on procédera à l'intégration du
transport en commun métropolitain et à l'établissement de
la tarification interzonale pour les usagers de Laval et de Montréal
ainsi que Longueuil et les autres villes desservies par la Commission de
transport de la rive sud.
C'est sur la région métropolitaine également que
portera cette année notre effort le plus marquant en matière de
réforme municipale, une autre préoccupation majeure à
laquelle nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie
depuis cinq ans.
Nous déposerons prochainement un projet de loi amendant la Loi de
la Communauté urbaine de Montréal. Pour une foule de raisons, les
qrandes réformes municipales des dernières années n'ont
que peu touché à cette institution qui concerne près de 2
000 000 de Québécois. Le temps est venu d'y voir, maintenant que
nous avons en main les mémoires de tous les intéressés et
que le comité ministériel mis en place il y a quelques mois
arrive au terme de ses travaux.
Cette réforme, nous voulons la faire dans la recherche d'un
équilibre véritable reflétant la dimension culturelle de
la région et la place que Montréal doit y occuper comme
métropole francophone et comme moteur économique non seulement
réqional ou panquébécois, mais nord-américain. La
communauté urbaine, pour l'exercice de ses compétences, devra se
doter en même temps de structures de décision qui respectent la
responsabilité de tous les élus et qui assurent un fonctionnement
à la fois efficace et si possible vraiment communautaire.
Autre domaine où des changements de haute importance pourraient
éqalement se profiler à l'horizon, l'éducation.
Déjà, on en parle suffisamment pour que nul n'ignore qu'il s'agit
d'un réaménagement de notre système d'écoles
primaires et secondaires. Cela n'exclut pas, bien sûr, que, dans cette
évolution constante qui est et qui doit être le lot de
l'éducation partout dans le monde, on se penche également sur les
autres secteurs, et c'est ce qui se fera dans les mois qui viennent. Mais si
nous voulons vraiment une éducation de qualité en dépit
des difficultés financières qu'il faut traverser, c'est à
la base même de l'édifice qu'il nous semble indiqué
d'effectuer avant lonqtemps certaines réfections qui tardent
déjà. Le gouvernement envisage donc le
réaménagement que j'ai évoqué, mais il n'en sera
pas question tant que toutes les consultations en cours ne seront pas
terminées et tant que le plus large des consensus ne se
dégagera pas de l'ensemble du milieu.
Nous aurons également, comme d'habitude, à enchaîner
sur bon nombre de sujets qui arrivent à maturité. Le travail
législatif devient de plus en plus un processus continu où la
session qui commence ou la session qui s'achève ne font que ponctuer le
flot ininterrompu de projets de loi, de travaux de commissions parlementaires
qui se succèdent à longueur d'année. C'est ainsi que nous
aurons très bientôt à compléter l'étude
définitive du très important - c'est le moins qu'on puisse dire -
projet de loi no 16 concernant le nouveau cadre juridique et financier
d'Hydro-Québec sur lequel, je crois, nous sommes déjà
assez bien informés de part et d'autre. Dans le domaine des affaires
culturelles, nous serons appelés à renforcer substantiellement
les moyens dont dispose la SODIC, la Société de
développement des industries culturelles afin d'élargir la
portée et l'efficacité de son mandat.
D'autre part, la nouvelle Loi des archives, qui s'est fait attendre
assez longtemps, viendra assurer enfin la conservation et aussi la diffusion de
nos sources historiques, aussi bien nationales que familiales, ce qui devrait
nous sensibiliser tous à l'intérêt de nos racines et
à l'importance d'en conserver les traces. De plus, on révisera
les lois de la Place des Arts de Montréal et du Grand
Théâtre de Québec.
Enfin, un sujet qui, autant sinon plus que tout autre, nous accompagne
et nous préoccupe désormais de façon permanente, c'est
celui des relations entre l'État et le citoyen. Forcément,
à mesure qu'elle se développait et se diversifiait pour
répondre à des besoins de plus en plus nombreux et complexes, la
machine administrative s'est bureaucratisée et est devenue
elle-même d'une complexité presque inextricable. On sait à
quel point non seulement l'efficacité, mais aussi l'accessibilité
et l'humanité peuvent ainsi être compromises si on ne fait pas
attention.
Nous procéderons, dans cette perspective, parce que c'est dans
cette perspective peut-être principalement que cela doit se situer,
à un réexamen critique, et nous l'espérons pragmatique
aussi, de la Loi sur la fonction publique afin de mieux l'ajuster aux objectifs
qui ont présidé à son adoption il y a quelques
années. Nous poursuivrons aussi inlassablement l'effort d'humanisation
de l'administration publique dans lequel nous sommes engagés depuis
quelque temps. Ainsi, la politique d'identification des fonctionnaires
déjà réalisée dans la fonction publique est
présentement en voie d'implantation dans le réseau des affaires
sociales.
De plus, en continuant de plus belle la lutte à la paperasse,
plusieurs réglementations désuètes seront encore abolies
incessamment. Quant au prochain geste significatif, ce sera la mise en place
d'un système de "pilote" unique dont nous parlions déjà il
y a quelques mois, de façon à ce que le citoyen qui s'adresse
à l'administration puisse toujours compter sur un seul interlocuteur
bien identifié et personnellement responsable de la bonne marche du
dossier. (17 h 10)
Voilà donc beaucoup de pain sur la planche, en même temps
que de gros nuages à l'horizon.
Pour l'Assemblée nationale comme pour tous les
Québécois, l'heure est à une productivité
exemplaire qui nous permette d'ici le printemps prochain de réaliser cet
ambitieux programme législatif. Le gouvernement s'engaqe, pour sa part,
à mettre en marche en même temps toutes les actions
précises que je viens d'évoquer. Dans tous les secteurs
essentiels de la vie collective, il y a là, en dépit des
difficultés, des progrès notables, je crois, à
accomplir.
Et pour ce qui est de notre sécurité et de notre
dignité nationales, les menaces qu'on voit s'accumuler à court
terme ne sauraient nous enlever la confiance absolue que nous donne, pour
l'avenir, la performance assez extraordinaire du peuple québécois
au cours des 20 dernières années.
Ce qu'il faut surtout éviter d'abandonner pendant ces 20 autres
années qui vont nous mener à la fin du siècle, c'est cette
direction essentiellement instinctive et pour ainsi dire organique que nous
avons suivie depuis les années soixante et la confiance en
nous-mêmes qu'elle nous aura donnée. Il y a 20 ans, à
l'aurore de notre toute nouvelle ouverture sur le monde, c'est cet élan
qui nous emportait déjà que le premier ministre Lesage avait
décrit avec cette fierté claironnante: "Nous,
Québécois, disait-il, jusqu'à maintenant notre situation
historique et géographique nous a forcés de devenir ce que nous
sommes; nous voulons désormais être ce que nous pouvons
devenir!"
Comme je le disais, c'est avec cet élan que nous avons
renoué de notre mieux depuis cinq ans. Et c'est encore lui, j'en suis
sûr, qui nous permettra non seulement de passer au travers d'une
période semée d'embûches et même, à
l'occasion, de sacrifices, mais d'y découvrir à quel point nous
sommes capables de nous occuper de nos propres affaires et de les mener
à bien, autant que n'importe qui dans le monde et infiniment mieux que
ceux qui prétendent encore, et même davantage en ce moment, le
faire à notre place. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je propose l'ajournement du
débat.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Institution de la commission de l'Assemblée
nationale
M. Bertrand: M. le Président, conformément aux
articles 22 et 136 tels que modifiés le 19 mai de cette année, je
propose que la commission de l'Assemblée nationale soit instituée
et que MM. Vaillancourt (Jonquière), Jolivet, Rancourt, Levesque
(Bonaventure), Charron, Pagé, Chevrette, Leduc, Marquis, Brassard,
Vaugeois, Dussault, Bordeleau, Picotte, Blank, Lalonde et Gratton en soient les
membres, et que cette commission se réunisse le jeudi, 12 novembre 1981,
à 10 heures à la salle 81-A.
Le Président: Cette motion du leader adjoint sera-t-elle
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: Maintenant, M. le Président, malgré le
règlement qui existe et à la suite d'une entente intervenue avec
le leader de l'Opposition, l'Assemblée ajourne ses travaux à
demain, mardi, 15 heures.
M. Levesque (Bonaventure): II s'agit d'une motion et non pas d'un
ordre.
Le Président: Oui, une motion.
M. Bertrand: M. le Président, je fais donc motion et je
remercie cet homme d'expérience qui me permet d'apprendre àmieux jouer mon rôle.
Une voix: Vous en avez encore à apprendre, oui!
M. Bertrand: M. le Président, je fais motion pour que
l'Assemblée ajourne ses travaux à demain, 15 heures.
Une voix: Ce sont ceux qui prétendent tout savoir.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Un instant! Un instant!
Le Président: Mme la députée de Laval.
Mme Bacon: Chomedey, M. le Président.
Le Président: Excusez-moi.
Hommage à Mme Thérèse Casgrain
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Je regrette que le report et le "re-report" de
l'ouverture de cette Chambre nous ait empêchés de rendre hommaqe
à une grande dame du Québec. J'aimerais, avec l'unanimité
de cette Chambre, le faire aujourd'hui, M. le Président.
Le Président: Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Je pense que la meilleure façon de lui rendre
hommage, c'est de briser certaines conventions, certaines traditions, elle qui
l'a fait toute sa vie.
Vendredi dernier, M. le Président, nous disions un dernier adieu
au sénateur Thérèse Casgrain. Je ne veux pas ici retracer
sa carrière si bien remplie, mais qu'il me suffise de dire qu'elle avait
su gagner la confiance et le respect de tous au cours de sa vie,
entièrement consacrée à l'action sociale et politique.
Elle a toujours démontré un zèle, un bon sens profond, une
grande sûreté de vue, une conscience de tous les instants. Pleine
de force et de vigueur, elle semblait se jouer de la fatigue et voulait ignorer
le repos. Jusgu'au dernier moment, elle est demeurée sur la
brèche. Ses amis recevaient toujours le meilleur accueil, mais son
désir de trouver des solutions dans le droit et l'équité
avait raison de toute résistance.
M. le Président, cette championne de la promotion féminine
avait réussi à synthétiser la philosophie qui a
animé toute sa vie politique et sociale en quelques mots, et j'aimerais
la citer: "La promotion des femmes passe par la libération de l'homme et
tout cela ne peut se faire que par une action politique et sociale
vigoureuse."
Il y a des départs qui apportent une nouvelle présence.
Cette grande dame qui a profondément marqué cing décennies
de notre histoire demeurera toujours l'inspiration de notre vie sociale et
politique.
M. le Président, les membres de sa famille ont certainement
trouvé un adoucissement à leur chaqrin dans la sympathie de tous
ceux qui l'on connue, de
tous ses amis qui l'ont appréciée et j'aimerais qu'ils
acceptent aussi le message de sympathie unanime de cette Assemblée.
Le Président: Mme la ministre d'État àla condition féminine.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci M. le Président. C'est avec plaisir que
je me joins, et, je pense, aussi, les membres de cette Assemblée
nationale de ce côté ci, a la députée de Chomedey
pour souligner effectivement l'apport, je dirais, extraordinaire de cette
grande dame qu'a été Mme Casgrain à l'ensemble de
l'évolution de nos structures politiques. Il faudra effectivement
peut-être se souvenir que si les femmes ont au Québec le droit de
vote, et ce depuis 1940, c'est grâce, bien sûr, à son
acharnement et aussi à l'acharnement d'autres femmes qui se sont jointes
à elle pour que maintenant nous, comme personnes et comme femmes, on
puisse évidemment exercer le droit de vote, mais aussi être
présentes dans cette Assemblée.
Je pense aussi qu'il faut souligner chez Mme Casgrain le fait qu'elle
s'est toujours battue, qu'elle a toujours tenté de représenter,
le plus adéquatement possible, je dirais, les plus petits de notre
société. Pour cela aussi, je pense qu'on doit être fiers de
cette femme. Je me joins donc à la députée de Chomedey, au
nom de mon gouvernement et des membres de cette Assemblée pour offrir
nos sincères condoléances à sa famille. Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci.
Est-ce que la motion de Mme la députée de Chomedey sera
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Est-ce que la motion du leader adjoint du
gouvernement sera adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Sur ce, les travaux de l'Assemblée
sont ajournés à demain, 15 heures.
(Fin de la séance à 17 h 19)