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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 6 décembre 1978 - Vol. 20 N° 87

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période de questions orales.

M. le député de Jean-Talon.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Manifestation des étudiants des cégeps

M. Garneau: M. le Président, comme on le sait, il y a eu une manifestation des étudiants de cégeps devant le parlement hier. Je voudrais poser deux questions au ministre de l'Éducation. La première: On se rappellera qu'au cours des années passées, alors que l'actuel député de Sauvé siégeait dans l'Opposition, lorsqu'il y avait des manifestations devant le parlement il s'empressait d'aller rencontrer les manifestants.

M. Levesque (Bonaventure): Pour les encourager.

M. Garneau: Pour les encourager, justement. Est-ce que le ministre de l'Éducation s'est rendu devant le parlement pour rencontrer les étudiants? Et ma deuxième question... Je vais attendre sa première réponse et je poserai peut-être ma deuxième question plus tard.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): Effectivement, dans le passé, mais non invariablement, je me suis fait un devoir d'aller rencontrer les étudiants lorsqu'ils me paraissaient défendre des causes valables. Je continue également de fréquenter régulièrement les étudiants de tous les niveaux de l'enseignement. Il n'y a pas si longtemps, j'ai rencontré les étudiants de plusieurs cégeps et universités auxquels je suis allé m'adresser.

Des voix: Ce n'est pas cela la question! Oui ou non?

M. Morin (Sauvé): Hier soir, M. le Président, je siégeais dans un comité interministériel et je n'étais pas présent au parlement.

M. Caron: Cela a adonné comme cela!

M. Garneau: M. le Président, le ministre de l'Éducation vient de nous dire qu'il se rendait rencontrer les étudiants lorsqu'il s'agissait de causes valables.

Étant donné que les étudiants ne réclament ni plus ni moins que ce que le Parti québécois a promis au cours de la dernière campagne électorale, est-ce que je dois conclure que le programme du Parti québécois n'était pas valable? C'était ma première question et, deuxième question: Étant donné que c'est justement le programme électoral du Parti québécois qui est à l'origine des demandes des étudiants, puisqu'on demande ce qui a été promis, quels gestes concrets le ministre a-t-il l'intention de poser pour désamorcer ce conflit qui est engagé depuis un mois et qui dure depuis un peu plus de deux semaines et pour permettre aux étudiants de sauver leur session d'études?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, il conviendrait qu'il fût clair qu'au cours de la dernière campagne électorale le Parti québécois n'avait pas inscrit la gratuité scolaire parmi ce qu'on appelle vulgairement ses "promesses électorales ". Le député de Jean-Talon, je pense, confond le programme proprement dit et la campagne électorale. Le programme pour nous demeure, aux articles 14 et 15, un objectif à atteindre. Dans la mesure où la collectivité disposera des moyens, nous réaliserons un jour cet objectif du programme, comme d'ailleurs tous les autres.

Pour ce qui est maintenant de ce que l'État pourrait faire pour répondre aux questions que nous posent les étudiants, j'ai déjà dit dans cette Chambre, et je le répéterai volontiers ce matin, que nous tentons de corriger certaines lacunes du régime actuel, de façon qu'il corresponde davantage aux besoins réels des étudiants. Nous reconnaissons — je l'ai dit déjà deux fois ou trois fois dans cette Chambre — que le régime des prêts-bourses n'est pas parfait. La semaine dernière le Conseil des ministres m'a demandé d'étudier un certain nombre d'hypothèses. En ce moment, nous terminons l'étude de quatre ou cinq hypothèses qui sont les suivantes: la réduction de la contribution des parents; la réduction de la contribution des étudiants, particulièrement lorsqu'ils sont en chômage l'été; troisièmement, la possibilité d'égaliser les frais de subsistance qui sont accordés aux collégiens et ceux qui sont accordés aux étudiants universitaires; quatrièmement, la question des familles dites "monoparentales", c'est-à-dire des étudiants ou étudiantes qui, bien qu'ayant charge d'enfants, désirent revenir aux études.

Sur tous ces points, M. le Président, j'aurai sans doute des choses à annoncer ces jours-ci, mais le Conseil des ministres doit d'abord se

pencher sur ces hypothèses et en évaluer le coût de façon très exacte; on m'a demandé d'évaluer toutes celles-ci à la quatrième décimale, tout simplement parce que le Québec, à l'heure actuelle, a de nombreuses priorités dans le domaine économique dans le domaine social et dans le domaine culturel. Les étudiants doivent prendre leur juste place parmi ces priorités.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous venons d'être témoins de propos tenus par le ministre de l'Éducation...

M. Lavoie: Additionnelle, mais oui.

M. Levesque (Bonaventure): Elle est additionnelle à la première, mais elle fait suite à la réponse que je viens de recevoir.

M. Charron: Elle y fait suite, mais vous n'avez pas droit à un préambule.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que nous allons assister au genre d'interruptions que nous avons connues hier soir jusqu'à très tard dans la nuit? M. le Président, ma question additionnelle est celle-ci et je dois dire que, comme moi, vous avez entendu la distinction entre campagne et programme: Est-ce que le ministre de l'Éducation, par cette distinction très subtile et intéressante qu'il vient de donner à la Chambre entre ce qu'il appelle la campagne et le programme...

M. Fontaine: Le bon patronage et le mauvais patronage.

M. Levesque (Bonaventure): Pardon?

M. Morin (Sauvé): Désirez-vous des explications?

M. Levesque (Bonaventure): Non, un instant. Vous êtes bien nerveux ce matin.

M. Morin (Sauvé): C'est facile, je puis vous en donner.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Levesque (Bonaventure): Nous avons toute la journée. Est-ce que le ministre de l'Éducation voulait dire par là, lorsqu'il a fait cette distinction, que c'était une distinction qui pourrait s'apparenter à celle-ci: la campagne, fédéralisme; le programme, séparatisme? C'est cela? C'est ce genre de distinction? Est-ce que le ministre de l'Éducation pourrait nous dire si c'est ce qui se trouve dans le programme ou dans la campagne qui fera la base des suggestions qu'il doit faire au Conseil des ministres?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je pense que le chef de l'Union... le chef de l'Opposition, dis-je...

M. Levesque (Bonaventure): ... ce matin.

M. Morin (Sauvé): C'est tout simplement qu'il me semble que, par moments, vous tenez des raisonnements dont on a avantage l'habitude de ce côté-là.

M. le Président, le chef de l'Opposition sait très bien, lui qui est dans la vie politique depuis sans doute trop longtemps, qu'il y a des objectifs qui se situent à l'horizon de quatre ans ou davantage et qui constituent le programme d'un parti politique. Par exemple, si pendant votre dernier mandat, vous aviez exécuté tout ce que contient votre programme politique, vous ne seriez pas de ce côté-là de la Chambre. N'est-ce pas?

M. Garneau: ... vous autres non plus.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je dois comprendre des propos que vient de tenir le ministre de l'Éducation qu'il approuve entièrement le programme du Parti libéral?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, il y a des éléments dans le programme du Parti libéral qui, s'ils étaient sincères et s'ils avaient été mis en oeuvre, feraient en sorte que vous seriez peut-être encore de ce côté-ci. Cependant, vous n'avez pas, que je sache, mis en oeuvre tout votre programme. Eh bien! dans une campagne électorale, il y a des objectifs immédiats, des engagements précis que prend un gouvernement. Voulez-vous que je vous donne des exemples d'engagements précis que nous avions pris au cours de la dernière campagne électorale?

M. le Président, premièrement, des caisses électorales propres; deuxièmement, l'assurance automobile! Troisièmement...

Le Président: M. le ministre de l'Éducation!

M. Morin (Sauvé): ... la protection des terres agricoles.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, puis-je vous inviter à tirer les conclusions immédiatement.

M. Morin (Sauvé): Quatrièmement, M. le Président, l'abolition des tests linguistiques; cinquièmement...

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, à l'ordre, s'il vous plaît! Il y a des députés, même parmi vos collègues, qui voudraient formuler des questions ce matin et je voudrais qu'on raccourcisse un peu.

M. Morin (Sauvé): Je pourrais continuer l'énumération. Nous avions pris sept ou huit engage-

ments, promesses électorales, comme on les appelle communément, mais nous les avons tenues. Notre plus grande promesse, c'était de régler la question de la souveraineté-association, évidemment; et cela viendra à l'heure qui conviendra.

M. le Président, ceci pour dire qu'on doit faire une distinction entre les objectifs immédiats qu'on se propose de réaliser dans les deux premières années de son mandat et les impératifs d'un programme qu'on peut très bien réaliser dans un délai de quatre ou de six ans.

Le Président: M. le député de Jean-Talon. Une dernière question.

M. Garneau: M. le Président, l'assurance automobile qui a été promise n'est pas celle qui a été réalisée.

M. Levesque (Bonaventure): C'est vrai.

M. Garneau: C'est exactement ce qui s'est produit. On pourrait reprendre chacun...

M. Lévesque (Taillon): Sur une question de privilège, je pense, qui est indiquée, c'est que je me souviens d'avoir véhiculé ces engagements que vient d'évoquer le ministre de l'Éducation et justement, on avait dû, en première étape déjà adapter dans cet engagement ce qui apparaît au programme du parti. Je me souviens d'avoir parlé partout, d'abord et avant tout d'une étape en ce qui concerne les dommages corporels, et c'est celle qui est faite.

M. Garneau: On peut reprendre le débat sur l'assurance automobile. Il serait facile...

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: II serait facile de contredire ce que le premier ministre vient de dire. Il s'agit de relire les journaux.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît, on est loin des cégeps, ce matin.

M. Garneau: On est loin des cégeps, mais c'est le ministre de l'Éducation qui a ouvert le débat. Personnellement, je serais prêt à le reprendre sur presque chacun des articles, peut-être à l'exception d'un. Qu'il ne vienne pas me dire que les tests linguistiques ont été réglés avec sa loi telle qu'il l'a présentée. Je voudrais revenir, M. le Président, aux cégeps. Le ministre vient de nous dire qu'il ne s'agissait pas d'un engagement précis. M. le Président, dès l'année dernière alors qu'ils étaient au pouvoir... Oui, mais il nous dit que c'est un engagement à long terme.

M. Lavoie: Quand même, il y a toujours une limite.

M. Garneau: Lors de l'étude des crédits de 1977, le ministre disait qu'il était à étudier ces questions dont il parle aujourd'hui. Lors de l'étude des crédits de la dernière année où il a été dans l'Opposition, il nous disait que $40 millions pour la gratuité scolaire, c'était une "peanut". S'il y a deux ans, c'était possible, pourquoi ne le réalise-t-il pas dans son programme électoral cette année? Ce n'étaient pas des objectifs dans dix ans cela!

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, si le député de Jean-Talon peut trouver dans les Débats la phrase où j'affirme que $40 millions, ce sont des "peanuts", je le mets au défi de la citer. Je n'ai jamais dit cela.

M. Garneau: Est-ce que M. le ministre me donne cinq minutes pour aller chercher sa citation?

M. Morin (Sauvé): M. le Président...

M. Garneau: Est-ce que le ministre me donne cinq minutes pour aller chercher sa citation?

M. Morin (Sauvé): Si le député de Jean-Talon veut soutenir que la question des tests linguistiques n'est pas réglée, je suis prêt également à souteni r le débat. La question des tests linguistiques est réglée puisqu'il n'y en a plus. C'est aussi simple que cela.

Le Président: Mme le député de L'Acadie.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, me permettez-vous d'ajouter encore une chose? Le député de Jean-Talon a fait dévier quelque peu le débat. Me permettez-vous d'ajouter que, si le député de Jean-Talon veut reconsidérer son vote sur l'assurance automobile, il est le bienvenu?

M. Garneau: M. le Président, je voudrais simplement revenir à ma question parce que le débat, si vous le permettez, on peut l'ouvrir à l'ensemble des programmes électoraux. Je serais prêt personnellement, ayant débattu ces questions en 1976, à les reprendre avec le député de Sauvé. Mais, étant donné que ce sont les cégeps qui sont en cause présentement, que notre période des questions ne nous permet pas de s'étendre trop trop là-dessus, je voudrais revenir à ma question.

Étant donné que le ministre a déjà dit que $40 millions dans le budget de l'Éducation c'était quand même minime, est-ce que le ministre ne pourrait pas aujourd'hui compléter, au nom de son gouvernement, cet engagement qu'il a pris alors qu'il était dans l'Opposition et qu'il a semblé vouloir dire être à l'étude en 1977 — cela fait déjà presque deux ans — et est-ce que le ministre n'aurait pas quelque chose à dire bientôt pour permettre de désamorcer ce conflit? Parce qu'on peut bien arrêter les chicanes politiques, mais il faut quand même que ce conflit soit désamorcé si on ne veut pas que les étudiants perdent leur

année. Lui qui avait toutes les solutions lorsqu'il siégeait de ce côté-ci, il devrait en trouver une. (10 h 30)

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je me trouverai d'accord avec le député de Jean-Talon pour dire qu'il est grand temps que ces événements prennent fin et que les étudiants retrouvent le chemin de leurs salles de cours. Je pense que tous les étudiants consciencieux, les parents dans tout le Québec et les éducateurs le souhaitent également. La décision, je l'ai dit hier, est entre les mains des étudiants en ce moment. Ce sont eux qui prennent les décisions quant à leur avenir, celle-là comme les autres.

M. le Président, je me permettrai de poser une question au député de Jean-Talon.

Une voix: M. le Président!

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): II a l'air de penser que nous devrions, sans scruter les chiffres, répondre par un oui massif. Appuie-t-il les demandes de l'ANEQ?

M. Garneau: M. le Président, le député de Sauvé m'a posé une question, je vais lui répondre ceci: Au moment où on était de l'autre côté, on a apporté les réponses qui étaient les plus appropriées. Vous n'avez pas cru dans ces réponses et vous avez fait des promesses irresponsables. Bien, respectez-les aujourd'hui, c'est votre engagement à vous.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): Le député de Jean-Talon — j'utiliserai le langage de l'Opposition — n'a pas répondu à ma question.

M. Garneau: Je vais répondre à sa question, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Garneau: Ce n'est plus nous autres qui sommes au pouvoir, ce sont les gens du Parti québécois et je vais lui dire ceci. Alors qu'on était au pouvoir on a tenu des propos sérieux, que vous tenez maintenant, et alors que vous étiez dans l'Opposition, vous avez promis mer et monde. La Commission des jeunes libéraux du Québec a fait connaître notre position là-dessus et nous n'appuyons pas les demandes telles que formulées par l'ANEQ, demandes qui correspondent à votre programme électoral de 1976.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, non, tout de même! Cette dernière affirmation du député passe les bornes.

Une voix: À l'ordre, à l'ordre, cela va faire, là!

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, on ne va pas changer de côté.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Lavoie-Roux: Additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Grenier: Additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Grenier: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: Pas en additionnelle, question principale.

M. Grenier: M. le Président, j'ai droit à une question additionnelle...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton, parce que votre collègue, le député de Nicolet-Yamaska, m'a demandé aujourd'hui lui-même de lui réserver du temps, précisément pour pouvoir rejoindre le député de Bellechasse, pour cette raison je veux couper les questions additionnelles, y compris pour Mme le député de L'Acadie.

M. Grenier: L'événement qui s'est produit hier soir dans notre Parlement mérite d'être signalé au ministre.

Je vais soulever une question de règlement, si vous ne me permettez pas une question, M. le Président.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton, vous pouvez poser une question additionnelle.

Mme Lavoie-Roux: Vous m'avez refusé une question additionnelle.

M. Grenier: D'abord, je voudrais corriger le propos du député de Jean-Talon. Le ministre, lorsqu'il s'est engagé pour 40 millions de "peanuts ", a dû dire dans le temps des arachides. C'est à propos de l'événement qui s'est produit hier soir ici. Alors qu'on s'était engagé bien honnêtement dans le programme, aux articles 14 et 15, à la gratuité scolaire, on n'en tient pas compte. L'autre engagement que ce gouvernement a pris, c'était que le parlement était la maison des Québécois. Pourquoi, sur un ordre du ministre de la Justice, hier soir, manu militari, a-ton expulsé du parlement l'exécutif de l'ANEQ? Manu militari.

M. Bédard: Franchement, vous employez des expressions pour faire image.

M. Grenier: Non, non, non! La tète sur les marches, les étudiants, hier soir.

M. Burns: À l'ordre, À l'ordre!

M. Bédard: Laissez-moi répondre. Hier, il y avait une manifestation et plusieurs centaines de manifestants. Dans ce cas-là, comme dans n'importe quel autre cas, il y a eu des mesures de sécurité normales qui ont été prises dans les circonstances.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai une question principale à poser au ministre des Affaires municipales. C'est une question qui touche la construction...

Le Président: À l'ordre! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Logements pour personnes âgées ou à faible revenu

M. Scowen: ... et surtout la construction des logements. C'est une question qui touche également les promesses du Parti québécois, les promesses électorales dont a parlé le ministre de l'Éducation tantôt. Avant et après l'élection, le Parti québécois s'engageait à créer un programme accéléré pour la construction de logements pour les personnes âgées et les personnes à faible revenu. Il l'avait chiffré, d'une façon très précise, à 7 000 logements par année. C'est en plus des nouveaux logements du secteur privé et les rénovations. 7 000 par année, programme accéléré. Pour 1977, on en a complété 3200 à peu près et, cette année, pendant les dix premiers mois, on en a complété 1085.

Une voix: Grosse augmentation!

M. Scowen: Quand j'ai posé des questions là-dessus au ministre, récemment, il parlait de mise en chantier. Il dit que cela prend du temps à faire la construction. Mais cela fait déjà deux ans et ce n'est pas à cause du fédéral ni du Parti libéral. Sur la question de la mise en chantier, le ministre disait qu'il en avait mis en chantier cette année 5010, et une semaine après, le premier ministre disait qu'il en avait mis entre 8000 et 10 000 en chantier. J'ai trois questions, M. le Président. La première est: Avec 1085 logements complétés pendant les dix premiers mois de 1978, combien en prévoyez-vous pour l'année complète de 1978; combien de logements nouveaux pour les personnes âgées et les personnes à faible revenu seront complétés cette année? Deuxièmement, quel est le vrai chiffre de mises en chantier; celui du premier ministre qui est de 8000 à 10 000 ou le vôtre qui est de 5010? Troisièmement, puisque les gens ne peuvent pas vivre dans un chantier de construction, combien seront complétés en 1979?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, hormis de donner des ordres de grandeur, je vais prendre avis de la question pour donner des chiffres précis au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Les chiffres que j'ai cités ce matin sont, au complet, les chiffres qui m'ont été donnés par le ministre, il y a trois semaines, lors d'une question avec débat.

M. Tardif: M. le Président...

Une voix: Question de règlement.

M. Léger: Ce n'est pas une question de règlement.

Une voix: C'est le ministre qui a la parole!

M. Tardif: II ne s'agit pas d'une question de règlement ni d'une question de privilège. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a déjà eu réponse à toutes ces questions lors de l'interpellation, un vendredi matin. Notre règlement dit bien que lorsque des recherches sont requises pour fournir des données précises, à une unité près, je ne suis pas en mesure de les donner maintenant puisque, encore la semaine dernière, 400 logements étaient mis en chantier dont 200 précisément sur le territoire de l'île de Montréal, une centaine dans la région de l'Estrie et d'autres unités dans la région de Québec. Or, j'ai dit: Pour donner des chiffres précis. Ce que je peux donner, ce sont des ordres de grandeur présentement et dire qu'actuellement le stock ou le parc immobilier de la Société d'habitation du Québec de logements sociaux se compose de 24 500 unités de logement. Lorsque nous sommes arrivés, il y a deux ans, il était de 19 700. Ce sont les logements occupables. Il y a donc eu une augmentation d'à peu près 5000 logements sociaux.

Une voix: Vous les avez achetés, vous ne les avez pas bâtis!

M. Tardif: Cela exclut le projet Val-Martin. Il y a eu un achat inclus, précisément. Deuxième élément de réponse, il y a présentement en chantier, au moment où nous nous parlons, à peu près 100 chantiers de construction au Québec, plus de 5000 logements sociaux en chantier, cela ne s'est jamais vu au Québec.

Troisième élément de la réponse, il y a présentement dans le moulin — le député de Laval préfère parler de la machine à saucisses; c'est vrai que c'est connu de même dans le milieu — plus de 10 000 logements à divers stades, dont ceux de l'acquisition de terrains, de la préparation de plans et devis et autres. Ce que je voudrais souligner ici, ce sont les moyens utilisés pour écourter ces délais. L'un d'eux a été la préfabrication, évidemment, et d'autres méthodes, comme celle de la

répétition de projets, qui ont été utilisées. J'en veux comme preuve un seul élément récent, à savoir que des logements mis en chantier en 1977 dans un cas sont maintenant habitables et que des logements annoncés dans le comté de Bellechasse pour la programmation de 1978, au mois de juin dernier, sont en chantier aujourd'hui. Il y a eu une accélération de la production de logements. Il y a des phases, cependant, et je voudrais terminer là-dessus... (10 h 40)

C'est faux, il n'y a jamais eu autant de logements que cela construits au Québec. Il y en aura plus en l'espace de quatre ans que dans les dix années antérieures. Je voudrais terminer, M. le Président, en disant qu'une des phases qui effectivement prend du temps, aussi paradoxal que cela parraisse, ce n'est pas la phase construction; c'est la phase de l'acquisition de terrains. C'est terrible, ce qu'il peut y avoir de grenouillage pour nous suggérer des terrains, à tel point que le ministre des Affaires municipales, après avoir demandé aux municipalités de nous fournir trois hypothèses de terrains pour l'implantation d'un HLM, a finalement décidé de demander en sus toutes les transactions dont ces terrains avaient fait l'objet au cours des cinq dernières années, le nom des acquéreurs et le prix. Nous avons eu tout à coup des municipalités qui ont changé leurs suggestions de terrains.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: La question que j'ai posée était relative à deux choses, les besoins réels et les promesses. En ce qui concerne les besoins réels, M. le Président, il existe aujourd'hui 20 000 personnes sur la liste d'attente pour ces logements, 20 000 personnes à faible revenu et des personnes âgées. Les promesses étaient de 7000 par année. La réalisation: en janvier, nulle; en février, 105...

Le Président: Puis-je vous inviter à formuler votre question?

M. Scowen: ... en mars, 197. La question que je pose et je la repose: Par rapport à votre promesse de 7000 logements par année, combien allez-vous en compléter en 1998. Quel est le chiffre? Un seul chiffre, c'est suffisant.

Une voix: 1978.

M. Scowen: Cette année, 1978. Combien pour l'année prochaine? Sur votre promesse de 7000, combien il y en aura cette année et combien l'année prochaine?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales, brièvement.

M. Tardif: M. le Président, évidemment, on sera encore là à ce moment et on pourra produire exactement le nombre de logements requis, plutôt que de sortir notre boule de cristal et...

Une voix: II fait de l'humour, il est drôle.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: Le député de Notre-Dame-de-Grâce a parlé de promesses de construction de 7000 logements par le Parti québécois, en campagne électorale. Je vais lui prêter un minimum d'intelligence et lui demander...

Une voix: Ah!...

M. Tardif: Oui, c'est cela. Parce que je lui ai expliqué tout cela en commission parlementaire et il ne semble pas comprendre que les chiffres de 7000 logements utilisés en 1976 étaient basés sur des projections démographiques du Québec au cours des dernières années. Or, ces projections démographiques, quant au nombre de besoins de logements, ne sont plus les mêmes aujourd'hui qu'elles étaient il y a quelques années. La population du Québec plafonne. L'accroissement des logements a continué pendant un certain temps, indépendamment de la baisse, c'est-à-dire de la diminution de l'augmentation de la population en raison de ce qu'on appelle la formation des ménages non familiaux. Mais cela aussi plafonne, M. le Président, de sorte que les besoins en logements ne sont plus les mêmes qu'ils étaient à ce moment-là. Il suffit de voir certains surplus dans des sous-marchés précis de logements pour constater que les besoins ne sont pas de cet ordre de grandeur.

M. Scowen: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Je regrette. Il y a trente minutes d'écoulées et l'Union Nationale n'a pas encore eu de question. Alors, je suis obligé de passer à l'Union Nationale.

M. le député de Bellechasse.

Activité des chantiers maritimes

M. Goulet: Merci, M. le Président. Nous savons que, présentement, les chantiers maritimes Davie, de Lauzon, emploient 1100 ouvriers sur une possibilité de 2500. Si le carnet de commandes ne grossit pas, on craint des mises à pied sous peu. On sait également, M. le Président, que Marine Industrie, de Sorel, à laquelle le gouvernement est directement intéressé par le biais de la SGF, fonctionne à pleine capacité avec environ 2700 hommes. L'an passé, à pareille date, en réponse à l'une de mes questions concernant les difficultés éprouvées par la Davie et dues au manque de contrats de fabrication, le ministre d'État au développement économique terminait sa réponse en disant: "II y a également le ministère des Transports du Québec qui est le ministère de tutelle de la Société des traversiers du Québec que nous avons alerté à ce sujet et qui serait susceptible de fournir du travail à la Davie.

M. le Président, je veux savoir du ministre s'il est au courant que l'on vit actuellement le même problème à la Davie que l'an passé et si c'est son intention de faire pression auprès de son collègue, le ministre des Transports, afin qu'il octroie à la Davie de Lauzon le contrat pour la traverse de Tadoussac, contrat que le gouvernement québécois doit octroyer sous peu pour la construction de deux bateaux passeurs d'une valeur de $5 millions chacun.

Le Président: M. le ministre d'État au développement économique.

M. Landry: On épargnerait le temps de la Chambre si le principal intéressé répondait directement. Je pense que la question s'adresse plus au ministre des Transports, bien que nous soyons conscients de l'importance économique de la question soulevée par le député.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: M. le Président, il est exact que le ministère des Transports a l'intention de donner à contrat la construction de deux bateaux soit par l'une ou l'autre des deux compagnies existantes actuellement, soit Marine Industrie ou Davie Shipbuilding. Actuellement, les plans et devis de chacun de ces contrats ont été transmis aux deux compagnies intéressées et nous attendons des soumissions.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, au mois de septembre dernier, la Société des traversiers du Québec demandait à ces compagnies de produire des plans. Dernièrement, la Davie de Lauzon a produit des plans, c'est-à-dire que le représentant de la société faisait savoir aux gens de la Davie, de façon non équivoque, que les plans et la soumission de la Davie décrivaient adéquatement et exactement le type de navires qu'ils désiraient.

Or, le seul concurrent de Davie étant Marine Industrie, le ministre peut-il nous assurer que Davie ne sera pas défavorisée par le fait que le gouvernement du Québec, qui assumera le coût de ces deux navires, soit en même temps propriétaire du concurrent de la Davie? C'est ce que je voudrais savoir du ministre.

M. Lessard: Je suis prêt, au nom du gouvernement du Québec, à donner cette assurance que Davie Shipbuilding ne sera pas pénalisée vis-à-vis de Marine Industrie.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Question additionnelle. Le ministre ne croit-il pas qu'il serait inacceptable pour la Davie, qui a dépensé près de $100 000 pour la conception et l'étude technique de ces navires, de les voir construire ailleurs à même ses propres plans et devis? Le ministre ne croit-il pas égale- ment que l'octroi de ce contrat compenserait pour le manque à gagner de la Davie alors que son concurrent, propriété du gouvernement, bénéficiera d'une subvention de $140 millions que lui accordera éventuellement la loi 108? Le ministre ne croit-il pas que le gouvernement devrait également penser aux travailleurs de Lauzon, de Lévis, de Bellechasse et des comtés avoisinants qui, eux aussi, ont droit au travail, même s'ils ne travaillent pas pour une société d'État?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: M. le Président, de même que j'ai annoncé que Davie Shipbuilding ne serait pas pénalisée vis-à-vis de Marine Industrie, j'annonce aussi que Marine Industrie ne pourra être pénalisée vis-à-vis de Davie Shipbuilding.

Le Président: M. le député de Pointe-Claire.

Exode des diplômés anglophones et francophones

M. Shaw: Mr President, my question is addressed to the minister responsible for cultural development who recently deposited a report suggesting that 39% of anglophone graduates from the province of Québec were leaving and 5% of francophone graduates were also leaving the province. These figures are far lower than those of the test studies that we have done; for example, an anglophone graduate, our test studies have shown an excess of 65% of anglophone graduates leaving the province and, among francophone graduates, an excess of 17,5%. Could the minister, please, deposit the source material of his study and try to explain to me why there is such a differential between the two studies? (10 h 50)

Le Président: M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: M. le Président, ces études sont basées sur des recherches subventionnées par l'Office de la langue française. D'ailleurs, elles sont conduites depuis plusieurs années et elles vont se continuer parce que nous avons besoin de faire l'état, de temps à autre, de la situation. Je dirais qu'il est difficile, à première vue, d'expliquer cet écart, mais je pense qu'il est connu, il est de notoriété publique que McGill a toujours reçu des étudiants des autres provinces canadiennes et des États-Unis. Il a toujours été connu qu'une fois reçus ces diplômés retournent souvent dans les provinces canadiennes ou aux États-Unis. Par ailleurs, même pour les diplômés anglophones québécois qui vont poursuivre leurs études à McGill, il est toujours entendu qu'ayant un diplôme de McGill en poche il est plus facile d'obtenir des emplois bien rémunérés, prestigieux dans les autres usines ou entreprises canadiennes ou américaines.

En conclusion, les diplômés anglophones sont beaucoup plus mobiles que les diplômés

francophones en raison de ce circuit d'information privilégié dont M. Arnaud Sales a parlé dans des études qui ont été publiées l'an dernier et qui fait que, dans cette sorte de "family compact" des entreprises anglophones au Canada, il est beaucoup plus faciie pour un diplômé anglophone, surtout venant d'une université prestigieuse, de se trouver des postes à la mesure de ses goûts ou à la mesure de ses ambitions dans tout le marché canadien et nord-américain. Je pense que c'est l'explication la plus plausible pour cet écart. Il y a une autre dimension, évidemment, qu'il importe de considérer. Il reste que tous ces diplômés, tous ces étudiants poursuivent leurs études à McGill à même les fonds des contribuables québécois. Il y a là un élément de responsabilité qu'il importe d'examiner de plus près, que nous étudions actuellement, sur lequel nous n'avons pas encore de conclusions à apporter, mais c'est sûrement une dimension sérieuse qu'il importe de considérer.

Le Président: M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: In following the same line, the study has shown that 65% of these anglophone graduates leaving have a better than working knowledge of French. Is the Government interested, is it going to demonstrate in any way that any of the areas of "la fonction publique, la Sûreté du Québec", the public corporations such as SIDBEC-DOSCO or the large Hydro-Québec, are opening, going to be made available for these anglophone graduates to work in Québec even though they are bilingual?

Le Président: M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: Je ne suis pas aussi sûr que le député de Pointe-Claire que tous ces diplômés ont une connaissance d'usage de la langue française. Je pense qu'ils sont convaincus maintenant de la rentabilité du français, du caractère essentiel et indispensable du français pour travailler dans les entreprises québécoises. J'espère que leur conviction va s'enraciner au cours des prochaines années. À cette condition — je l'ai déjà dit et je le répète — il n'y a aucune objection à ce que ces diplômés trouvent leur place dans tous les organismes d'État et dans la fonction publique. Ils sont les bienvenus. Nous espérons qu'ils seront de plus en plus nombreux. Il n'y a jamais eu de numerus clausus de ce côté. Du côté de la fonction publique, nous avons mis sur pied un comité avec mon collègue de la Fonction publique actuellement pour faciliter cette intégration de la population, des diplômés anglophones dans la fonction publique.

Nous serions très heureux que cela s'effectue, mais il faut admettre que, jusqu'ici, les diplômés anglophones ne manifestaient pas un très grand intérêt pour la fonction publique québécoise et même pour les organismes d'État, étant donné que le secteur privé, en raison de cette mobilité dont je vous parlais tout à l'heure et de ce cicuit d'information privilégié, leur était largement ouvert. C'est parce que ce marché commence peut-être à être quelque peu saturé que maintenant ils commencent à regarder vers d'autres secteurs. Ils sont les bienvenus et nous faciliterons de toutes les façons possibles leur intégration.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes.

Grève au Montreal Star

M. de Bellefeuille: M. le Président, je désire poser une question au ministre du Travail. Depuis six mois, à cause d'un conflit de travail au Montreal Star, la population de la métropole est privée d'un de ses principaux moyens d'information. Je voudrais demander au ministre du Travail s'il pourrait nous dire quel est l'état du dossier de cette grève qui perdure.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, je comprends que le député de Deux-Montagnes, rédacteur du Montreal Star, est préoccupé...

M. de Bellefeuille: Question de privilège, M. le Président. Je suis collaborateur à la Gazette de Montréal et non pas au Star.

M. Johnson: Raison de plus pour voir là un conflit d'intérêts.

M. le Président, sérieusement, pour revenir à la question du Montreal Star, on sait que c est un conflit en effet qui implique les pressiers. On sait également — je ne sais pas si je l'ai évoqué dans cette Chambre, la semaine dernière — qu'il semble que l'immense majorité des pressiers du Montreal Star soient en ce moment à l'emploi du journal La Gazette, ce qui, évidemment, ne simplifie pas le rapport de force, entre guillemets, qui puisse exister entre le Star et la Gazette. D'autre part, les changements technologiques, encore une fois, comme on l'a déjà dit, sont au centre de ce problème dans la négociation, c'est-à-dire les conséquences, finalement, en termes de mise à pied, de sécurité d'emploi pour les pressiers, à cause de la venue d'une technologie nouvelle.

Une voix: .. à cause des pressiers.

M. Johnson: Nous travaillons pour faire en sorte que ce soit réglé, sauf que pas plus là que dans d'autres conflits, le ministère ne peut prendre la place des parties. M. Valois, du ministère, a consacré presque exclusivement le dernier mois à tenter de ramener les parties à la table et à se parler un peu. Je pense qu'il fait plus que le travail qu'on peut s'attendre normalement d'un conciliateur, d'une part. Deuxièmement, au moment où nous nous parlons, la direction du Star rencontrait le syndicat des pressiers en présence de notre conciliateur à compter de 10 h 25, ce matin.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

Réforme de la fiscalité municipale

M. Cordeau: Ma question s'adressait au ministre des Finances, mais étant donné qu'il n'est pas là, je m'adresserai au ministre des Affaires municipales.

Dans le cadre de la réforme de la fiscalité municipale, un comité conjoint à été formé en vue d'établir les principes d'une nouvelle répartition de l'impôt foncier. Cedit comité devait vous remettre ce rapport pour le 1er décembre dernier. M. le ministre, nous aimerions savoir si ce rapport vous a été soumis. Dans l'affirmative, quel en est son contenu? Avez-vous l'intention de rendre public ce document final rédigé par ce comité conjoint, qu'il soit favorable ou non à la thèse mise de l'avant par le gouvernement?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, il me fait plaisir d'informer cette Chambre qu'effectivement, le comité a terminé son travail vendredi dernier, que le rapport a été paraphé par les deux principales associations intéressées du monde municipal, à savoir l'Union des municipalités et l'Union des conseils de comté, que le rapport est sous presse et que, d'après mon agenda, il me sera remis à midi le vendredi 8 décembre.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Est-ce que vous avez l'intention de le rendre public?

M. Tardif: II me paraît évident que c'est un document qui doit être rendu public le plus rapidement possible et le plus complètement possible.

Le Président: Fin de la période... M. Cordeau: Une petite question.

Le Président: Dernière question, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Est-il exact que les problèmes de subventions, tant aux petites municipalités qu'aux très grandes communautés régionales, ont été confiés à un nouveau comité? Dans l'affirmative, le ministre peut-il nous informer qui fera partie de ce comité, quel sera son mandat et à quelle date il devrait faire rapport?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: Je crois avoir dit qu'on ne m'a pas remis le rapport encore. Je sais qu'on en est arrivé à un accord sur l'essentiel et que le rapport me sera remis officiellement le vendredi 8 décembre à 12 heures. Je ne connais donc pas les conclusions. Je sais qu'il y a quelques fils qui pendent encore. Le comité est d'avis que, de toute façon, que l'on ait réglé ou ficelé, toutes les cordes ou qu'il y en ait encore qui pendent, il est préférable que ce comité puisse continuer de se réunir. Mais, encore une fois, ce serait préjuger pour moi. Le député semble avoir des renseignements de bonne source. J'ai laissé entière liberté à ce comité pour faire son travail. Je n'ai donc pas reçu officiellement ce rapport, je l'aurai vendredi, et j'invite même le député de Saint-Hyacinthe à être présent à la remise, si cela l'intéresse.

Le Président: Fin de la période de questions. Nous en sommes aux motions non annoncées.

M. Grenier: M. le Président, avant la période des motions non annoncées, je pense que le ministre de la Justice est prêt à entrer dans une seconde, le premier ministre s'est engagé hier à faire rapport au ministre de la Justice. J'aimerais savoir, dans le cas de Jeanne ou Claude Valence, si le ministre peut fournir de plus amples informations à ma question d'hier. (11 heures)

Le Président: Êtes-vous disposé à fournir un complément de réponse, M. le ministre de la Justice?

M. Bédard: Concernant la question qui a été posée par le député de Mégantic-Compton, je désire, M. le Président, me prévaloir du paragraphe 1er de l'article 172 de notre règlement, étant donné qu'il s'agit d'une question qui porte, à l'heure actuelle, sur une affaire qui est actuellement devant les tribunaux. Je ne vois pas comment je pourrais faire de commentaire.

Le Président: Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Nous en sommes aux réponses aux questions du feuilleton.

Mme le député de L'Acadie.

Travaux parlementaires

Mme Lavoie-Roux: En vertu de l'article 34, j'aimerais demander au leader du gouvernement si, à quelques heures du début du débat en deuxième lecture de la loi 84, il a l'intention d'appeler une commission parlementaire, suite à cette deuxième lecture.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: La décision sera prise par le Conseil des ministres dans quelques minutes, puisque nous nous réunissons après la période de questions. J'informe Mme le député que je ferai

une recommandation favorable pour qu'il y ait au moins une journée de commission parlementaire sur ce projet de loi, pour inviter ceux qui se sont exprimés.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président. Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je crois que nous devons nous réjouir de cette recommandation du leader parlementaire du gouvernement. Nous lui avions déjà fait connaître nos intentions à ce sujet et je pense que nous devons en effet dire que nous sommes satisfaits, que la nuit porte conseil et que le gouvernement a jugé à propos d'entendre ces gens en commission parlementaire.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, en vertu de l'article 34?

M. Lazure: Pour compléter l'intervention du leader, nous nous sommes consultés ce matin. Contrairement au projet de loi 103 pour lequel l'Opposition, la nuit dernière, demandait une commission parlementaire qui n'était réclamée par personne, dans le cas du projet de loi 84, où il y a un regroupement qui demande une commission parlementaire, nous acceptons avec plaisir, dans un cadre réduit, c'est-à-dire au cours d'une journée, de recevoir les quatre groupements intéressés qui ont manifesté, à l'intérieur d'un front commun, le désir de nous rencontrer.

M. Levesque (Bonaventure): J'espère que le ministre ne veut pas dire, par cadre réduit, que cette réduction va faire en sorte que c'est le ministre qui décidera des personnes, du temps, etc. Un instant!

M. Charron: Si je peux compléter ma réponse, cadre réduit veut dire ceci: II n'y aura pas de délai de convocation, etc., nous allons simplement — et je le ferai en cours de séance aujourd'hui après le Conseil des ministres — indiquer quelle journée, d'ici le 21 décembre, nous réservons pour entendre les quatre organismes qui se sont exprimés et qui sont les seuls, jusqu'à ce jour, à avoir demandé une commission parlementaire.

Le Président: M. le député de Maskinongé, en vertu des dispositions de l'article 34.

M. Picotte: En vertu de l'article 34, j'avais demandé au leader parlementaire, il y a une quinzaine de jours, s'il avait l'intention d'entendre — tel qu'ils l'avaient demandé — les organismes concernant la loi 71 avant la deuxième lecture. Il m'a dit qu'il consulterait son collègue, le leader adjoint. Conservation de la faune. Est-ce qu'il peut me donner une réponse maintenant, si une décision a été prise à cet effet? A-t-il l'intention d'entendre les parties?

M. Charron: Non, nous appellerons avant la fin du mois, également, cette loi en deuxième lecture. Le ministre aura l'occasion, dans son intervention, d'expliquer pourquoi, après toute la large consultation qui a été faite avant de l'amener sous forme législative devant l'Assemblée, nous n'avons pas l'intention d'aller en commission parlementaire.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: J'aimerais savoir ceci du leader parlementaire, vu qu'il semble qu'on se dirige vers un consensus pour une commission, en vue du projet de loi 84, pour écouter les principaux représentants. Le projet de loi 103 qu'on a laissé en suspens cette nuit, après quelques heures de... Il semblait qu'il n'y aurait pas de commission pour entendre des gens; il y en avait quand même qui voulaient être entendus, c'était Roger et Bruno — vous vous souvenez hier soir — Bruno et Grégoire! Étant donné qu'on ne recevra pas ces personnes qui étaient venues ici au feu de la Saint-Jean, est-ce que ce sera possible qu'on reprenne dès ce matin l'étude de la loi 103?

M. Charron: Non, ce ne sera pas ce matin, j'allais en donner l'avis, mais ce sera dans le courant de la journée que nous achèverons la loi 103.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Puisque j'en suis aux avis, comme j'en avais prévenu l'Opposition hier, nous allons entamer dans quelques secondes, après avoir liquidé trois troisièmes lectures de projets de loi qui ont déjà été étudiés article par article, la deuxième lecture de la loi 69 au nom de mon collègue, le ministre délégué à l'Environnement. Le programme est le suivant. Lorsque cette deuxième lecture sera achevée, nous entamerons alors la fin de la deuxième lecture de la loi 103 qui a déjà été débattue hier et, selon l'heure, évidemment, ce seront les projets de loi au nom du ministre des Affaires municipales, ce qui concerne certaines municipalités dans l'Outaouais, ce qui concerne l'évaluation foncière et la loi qui concerne la ville de Saint-Eustache, je ne sais trop dans quel ordre, on verra en cours de route, mais disons qu'une fois la Loi sur la qualité de l'environnement terminée en deuxième lecture, l'ordre des travaux est le suivant: fin du projet de loi 103 et les lois au nom du ministre des Affaires municipales.

Pendant ce temps, M. le Président, je veux en faire motion, se réunira au salon rouge, tout de suite, jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit ce soir, la commission de l'agriculture afin d'entendre les gens qui ont été invités à s'exprimer sur la loi 90 concernant la protection des terres agricoles. Pendant ce temps, à la salle 81-A, trois commissions successives se réuniront. Dans la séance de ce matin, c'est celle de la justice afin d'étudier article par article le

projet de loi 76 concernant l'entraide judiciaire entre la France et le Québec. Cet après-midi, à la même salle, la commission de la justice sera remplacée par la commission de l'Assemblée nationale qui, pendant trois heures, donc jusqu'à 18 heures, se réunira pour faire un premier tour d'horizon, comme l'avait demandé l'Opposition — ce sont les termes de la demande qui nous avait été formulée et que nous avions accueillie — un premier tour d'horizon, dis-je, des différents partis politiques sur le projet de refonte des districts électoraux du Québec. Le gouvernement sera évidemment représenté à cette commission par le ministre d'État à la réforme électorale et parlementaire. Ce soir, de 20 heures à 24 heures, cette commission cédera sa place, également à la même salle 81-A, à celle des consommateurs pour que celle-ci reprenne son étude article par article de la loi 72. C'est donc la motion que je fais pour les travaux aujourd'hui, M. le Président.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Adopté. Le Président: Adopté.

Questions inscrites au feuilleton

M. Charron: Réponses à des questions au feuilleton, M. le Président. Brièvement. À la question no 32), de M. Grenier, la réponse doit venir de M. Duhaime. Je fais motion pour que cette réponse soit transformée en dépôt de document.

Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le ministre.

M. Duhaime: Je dépose le document, M. le Président.

Le Vice-Président: Le dépôt est reçu.

M. Charron: À la question no 106), de M. Picotte, la réponse — c'est une motion plutôt — le document doit être déposé par M. Léonard.

Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Léonard: Document déposé, M. le Président.

Le Vice-Président: Dépôt reçu.

M. Charron: Finalement, à la motion no 111), au nom de M. Roy, la réponse viendra par un dépôt de document de M. Duhaime.

Le Vice-Président: M. le ministre.

M. Duhaime: Je dépose le document, M. le Président.

Le Vice-Président: Le dépôt est reçu.

M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler maintenant l'article 121) de notre feuilleton d'aujourd'hui.

Le Vice-Président: Nous sommes aux affaires du jour.

Projet de loi no 104 Troisième lecture

M. le ministre des Affaires municipales propose que soit lu, pour une troisième fois, le projet de loi 104, Loi concernant la Communauté urbaine de

Montréal.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: Tout a été dit sur cette loi, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de troisième lecture est adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Ce projet de loi est adopté et voté.

M. Charron: L'article 119) de notre feuilleton, M. le Président. (11 h 10)

Projet de loi no 66

Troisième lecture

Le Vice-Président: Le même ministre des Affaires municipales propose la troisième lecture du projet de loi 66, Loi modifiant la Loi autorisant les municipalités à percevoir un droit sur les mutations immobilières.

M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président...

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Très brièvement, M. le Président, pour vous dire que nous voterons à l'appui de cette motion de troisième lecture, même si nous ne retrouvons pas dans le projet de loi no 66 tous les éléments que nous aurions préféré y retrouver, notamment l'utilisation de l'évaluation municipale comme base de calcul pour ces droits qu'imposent les municipalités, aussi bien que certaines dispositions qui nous avaient été suggérées par des praticiens qui sont en contact avec l'appli-

cation de cette loi de façon régulière et que le ministre n'a pas retenues, je pense à raison, parce que les représentations n'avaient pas été faites de façon convenable, entre autres, par la Chambre des notaires. Nous appuyons donc la troisième lecture du projet de loi quitte à revenir éventuellement avec une autre loi qui pourrait venir à nouveau modifier cette loi.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: L'article 120), M. le Président.

Projet de loi no 79

Troisième lecture

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales propose que soit lu une troisième fois le projet de loi no 79, Loi concernant les régimes de retraite des maires et des conseillers des cités et des villes.

M. le ministre.

M. Tardif: Beaucoup de maires et de conseillers municipaux attendent ce projet de loi.

Le Vice-Président: Adopté?

M. Gratton: M. le Président, on n'a pas de discours à faire; on veut que cela aille vite.

M. Cordeau: M. le Président, nous aussi, nous l'adoptons.

Le Vice-Président: Alors, le projet de loi est adopté.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: L'article 128), M. le Président.

Projet de loi no 69

Deuxième lecture

Le Vice-Président: Juste un instant. M. le ministre délégué à l'Environnement propose la deuxième lecture du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement.

M. le ministre délégué à l'Environnement.

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, la bataille de l'environnement ne pourra pas se gagner sans la complicité des 6 millions de Québécois. C'est la raison pour laquelle avec la loi no 69 nous avons tenté d'impliquer le citoyen de façon à lui donner les pouvoirs et les droits nécessaires, de façon aussi à obtenir, que chacun des Québécois soit de plus en plus conscientisé à la valeur qu'est son milieu de vie. La loi 69, M. le Président, va donc donner à tous les citoyens du Québec des droits en même temps que les moyens pour les faire respecter.

La Loi de la qualité de l'environnement, c'est un enfant qui est né en 1972. Il porte le nom de Loi de la qualité de l'environnement qui lui a été donné par son père, le député de D'Arcy McGee. Six ans après, les premières dents apparaissent, ce qui fait dire aux groupes patronaux et aux groupes industriels que l'enfant sera un monstre, tandis que les mouvements écologiques craignent que ses dents ne soient déjà cariées. Les dents de cette loi, c'est le projet de loi 69 modifiant la loi de 1972 que je présente ce matin et qui prévoit notamment qu'un citoyen pourra demander une injonction pour faire cesser des activités illégales qui affecteraient son environnement, tandis que des études d'impact complètes seront nécessaires avant que soient mis en chantier des développements majeurs.

L'esprit de cette présentation ne vient pas de moi; je l'ai pris dans un article de Québec Science qui parlait justement de la loi 69 que nous présentons aujourd'hui. La présente session, M. le Président, pourra passer à l'histoire comme étant celle des lois de protection: protection des consommateurs, protection du territoire agricole et protection de l'environnement. L'objectif du présent projet de loi vise à permettre aux personnes et aux groupes de jouer un rôle actif dans la protection de l'environnement qui, selon l'ancienne loi, était la seule responsabilité du gouvernement et de ses fonctionnaires. J'insiste donc sur ce point, parce qu'il m'apparaît fondamental. Nous voulons consacrer de nouveaux droits à l'environnement, droits qui entraîneront nécessairement des citoyens plus responsables face à leur environnement. On a voulu opposer développement économique et protection de l'environnement ou développement écologique.

Ces débats sont des débats théoriques. Il n'existe pas vraiment, dans notre société, des écologistes purs, ceux qu'un certain maire a baptisés "d'oiseaulogues", tout comme il n'existe pas, M. le Président, à proprement parler, d'économistes purs. Pour alimenter la polémique, on a toutefois créé l'opposition entre l'écologie et l'économie. Je pense bien qu'on ne peut pas déterminer un débat avec une notion comme celle de l'écologie qui se bat contre l'économie. Depuis mon arrivée au ministère, je répète que le véritable progrès économique doit tenir compte de la protection de l'environnement. Je veux m'expliquer encore une fois là-dessus.

Il y a beaucoup de citoyens qui regardent ce débat. Un progrès qui détruit les richesses naturelles, qui entraîne le gaspillage, qui provoque de la pollution, ce n'est pas un progrès; c'est un recul. Pour être un progrès, il faudrait que les biens produits soient de plus grande importance et de plus grande qualité que les richesses naturelles qu'on va détruire. Il faudrait que l'avantage qu'en retireront les citoyens soit supérieur à la perte de

la qualité de l'environnement. L'environnement, c'est un bien collectif, mais c'est une responsabilité individuelle. Comment se fait-il que ce ne soit pas évident pour tous les citoyens qu'il faille protéger l'environnement? Comment se fait-il que ce ne soit pas évident pour tous les développeurs qu'il faille tenir compte de l'environnement? Cela fait partie de notre éducation où on n'a jamais mis de l'avant l'importance de protéger le patrimoine qui nous appartient.

Dernièrement, j'ai fait un voyage en Suède et en Allemagne où les lois sont d'avant-garde, où des projets de dépollution sont déjà réglés depuis longtemps. J'ai vu des cours d'eau qui sont dépollués à 90%, alors qu'ici c'est l'inverse. Je demandais aux responsables, aux ministres responsables dans ces différents pays comment ils avaient réussi à faire tant et si vite. Ils m'ont dit que si, aujourd'hui, on est rendu si loin dans la protection de l'environnement, c'est parce qu'il y a vingt ans, dans des cours au secondaire, à l'élémentaire, à l'université et même dans des cours aux adultes, on a donné une dimension de l'environnement à l'intérieur des cours. Ce qui fait que ces gens-là, qui étaient sur les bancs d'école il y a vingt ans, sont maintenant rendus dans des milieux de décisions, soit décisions au niveau syndical, décisions au niveau patronal, décisions au niveau universitaire, décisions au niveau des gouvernements municipaux, provinciaux ou fédéraux, décisions au niveau des groupes financiers. (11 h 20)

Ces gens-là qui ont à la base, dans leurs valeurs quotidiennes, une dimension environnementale sont les mieux placés après cela pour être des faiseurs d'opinion auprès de la population, qui accepte facilement qu'on dépense des sommes pour protéger l'environnement, qu'on dépense des sommes aussi pour dépolluer les cours d'eau. Cela se fait d'une façon unanime parce que tous les citoyens, dans leurs valeurs quotidiennes, ont comme choses importantes, en premier lieu, l'écologie et leur patrimoine.

C'est donc la raison, M. le Président, pour laquelle j'ai poussé davantage, à la suite de ce témoignage éloquent que j'ai entendu dans les pays d'Europe, pour dire qu'il faut au Québec avoir une loi d'avant-garde permettant de ne plus être uniquement des gens qui combattent la pollution; quand on combat la pollution, on est déjà en retard. Il ne s'agit pas uniquement de protéger l'environnement. On est juste à jour. Il s'agit de créer chez tous les citoyens un comportement, un réflexe environnemental permettant à tous les citoyens, quel que soit l'endroit où ils soient, d'être des défenseurs de la qualité de leur milieu de vie. C'est pour cela qu'aujourd'hui, avec la loi 69, on va donner aux citoyens les moyens de défendre leur milieu de vie.

M. le Président, depuis toujours, on a eu, dans notre système juridique au Québec, le besoin de ne confier qu'à l'État de protéger l'environnement. Cela a fait quoi? Pendant que dans nos lois on donnait des droits aux citoyens pour protéger leur propriété individuelle, on ne mettait pas dans nos lois la possibilité de donner à des citoyens le pouvoir et le droit de défendre le bien collectif. On a fait une génération de citoyens égoïstes qui ne font que défendre leur propriété, mais personne ne se lève pour défendre le bien collectif, parce qu'on ne pense pas avoir cette responsabilité.

La loi 69 va donner aux citoyens des droits nouveaux. D'abord, un droit à l'information. Les citoyens, par ce projet de loi, seront maintenant informés parce que c'est une obligation, pour tous les membres d'un gouvernement comme pour les industries, d'informer les citoyens sur la qualité de l'air, la qualité de l'eau, la qualité des richesses naturelles, de donner l'état de la situation. Droit à l'information aussi pour que chaque projet d'un promoteur soit soumis avant d'être réalisé s'il y a des conséquences sur l'environnement. Les citoyens qui pourraient en subir les conséquences écologiques doivent être renseignés.

Donc, droit à l'information sur la situation de la pollution, droit à l'information sur des projets qui pourraient déranger le système écologique et qui pourraient apporter des conséquences sur l'environnement et droit aussi aux citoyens à la participation, c'est-à-dire le droit d'être entendus pour exprimer leur point de vue de façon qu'ils puissent faire partie du mécanisme de prise de décision dans un domaine qui concerne leur vie quotidienne. Depuis trop longtemps, on a vu des citoyens se rendre compte d'un projet qui dérangeait leur milieu de vie alors que les bulldozers entraient dans la cour arrière de leur maison. Ils apprenaient qu'il y avait quelque chose qui se passait et ils n'avaient même pas été inclus à l'intérieur d'un processus de décision. Avec la loi 69 je fais le pari avec les citoyens que maintenant le développement se fera d'une façon beaucoup plus harmonieuse, parce qu'ils seront associés à la prise de décision.

Finalement, le droit à tout citoyen de poursuivre un pollueur, un droit à tout citoyen d'être capable de défendre le bien collectif. Dernièrement, je rencontrais une dame qui me disait: Je passais près de mon lac sur lequel j'ai mon chalet et j'ai vu, tout à coup, sur une route qui aboutissait à mon lac, un citoyen qui arrive avec un camion et qui déverse ses déchets directement dans le lac. Je lui ai dit: Monsieur, qu'est-ce que vous faites là? Vous allez polluer le lac. Et le conducteur du camion lui a répondu: Écoutez, madame, ce n'est pas vos affaires. La dame me répète après cela: Vous savez, j'étais gênée, je ne me mêlais pas de mes affaires. J'ai dit: Madame, c'était votre affaire. Lui, ce n'était pas son droit de faire cela. C'est lui qui est dans l'erreur. Il faisait des choses illégales. Mais c'était votre droit. C'était votre affaire. Mais on est tellement habitué de penser que le bien collectif, "ils" vont s'en occuper! D'autres vont prendre la responsabilité. On espère que d'autres vont s'occuper de cela alors que c'est notre responsabilité.

La loi 69, M. le Président, va rendre chaque citoyen responsable de la portion de son petit Québec qui lui est confiée, c'est-à-dire, son entourage, c'est-à-dire l'endroit où il sera au Québec,

l'endroit où il pourra, comme tout citoyen propriétaire du sol du Québec, défendre le bien collectif. Il n'est pas nécessaire d'être propriétaire d'un terrain pour dire: Je dois défendre mon terrain. C'est un petit peu égoïste. C'est le réflexe naturel.

M. le Président, cette loi va permettre à chaque citoyen d'avoir les possibilités d'être le défenseur de la richesse collective des Québécois. M. le Président, l'environnement, c'est un bien collectif, mais c'est une responsabilité individuelle. Un promoteur a-t-il plus de droit sur l'air, a-t-il plus de droit sur les cours d'eau qu'un autre citoyen? À cette question, M. le Président, je pourrais peut-être répondre oui dans la mesure où ce promoteur crée des emplois, fabrique des biens ou rend des services. Mais je répondrais non, M. le Président, si ce promoteur ou ce développeur ne prend pas les dispositions voulues pour utiliser les richesses naturelles au meilleur de ses connaissances technologiques, en réduisant le gaspillage au maximum et en protégeant le milieu de vie.

C'est d'ailleurs en se comportant de cette façon, en utilisant la meilleure technologie qu'il tirera le maximum de profit de sa production. Ce que je dis, M. le Président, peut sembler théorique et pourtant Cela se vérifie dossier après dossier. Vous savez, M. le Président, on se demande souvent qu'est-ce que l'environnement, ce qu'on veut protéger. C'est quelque chose de très théorique et cela ne retient pas trop souvent la présence de citoyens parce que pour eux l'environnement, c'est quelque chose de tellement vague. M. le Président, l'environnement, ce n'est pas uniquement vague. L'environnement, c'est notre milieu de vie. L'environnement, c'est la qualité de l'air qu'on respire. C'est la beauté de la nature, de l'espace qui nous entoure. C'est la qualité de l'eau qu'on boit. C'est la qualité de l'eau dans laquelle on se baigne.

Il y a tellement de plages autour de Montréal qui ont été fermées à cause de la pollution que les gens ont même perdu la notion que Montréal est une île, parce qu'on a perdu les usages qui étaient la richesse des Québécois. C'est dans ces cours d'eau que vivent les plantes, que vivent les poissons. Tout cela, c'est primordial, M. le Président, pour la qualité de la vie des citoyens, pour leur santé, pour leur bien-être. La qualité de l'environnement, M. le Président, conditionne la possibilité des loisirs, conditionne pour les gens leurs rapports avec la nature et conditionne aussi une très grande partie de leur mode de vie. Le soin qu'on met aujourd'hui à protéger notre environnement détermine les conditions de survie des générations à venir. Plus on agresse l'air, plus on agresse le sol, plus on agresse l'eau, plus on agresse la vie de chacun des citoyens et la survie de la nation. Chacun de nous a une responsabilité envers notre patrimoine naturel. M. le Président, chaque Québécois doit en prendre conscience.

Il y a trop de gens indifférents face à l'environnement. Tant qu'ils peuvent se tirer d'affaire en ayant accès à des espaces encore agréables à vivre ou à fréquenter, ils ne se préoccupent pas de l'environnement. Ils ne réagissent pas, M. le Président, aux agressions qui se passent ailleurs. On va se choquer quand cela se passe chez nous. Ils ne se rendent pas compte, ceux qui sont indifférents envers l'environnement, qu'un jour ou l'autre les modifications qu'on fait subir à l'environnement pourront avoir des répercussions jusque chez eux. Quand l'ennemi est à nos portes, M. le Président, la bataille est déjà aux trois quarts perdue. Il faut donc prévenir. Il ne s'agit pas d'empêcher la réalisation de tout projet, mais de faire en sorte que cela se fasse d'une façon harmonieuse et que le progrès économique n'engendre pas un recul écologique. (11 h 30)

Le projet de loi no 69, M. le Président, son essence, c'est de donner des outils aux citoyens pour qu'ils puissent protéger efficacement leur milieu de vie, Défendre l'environnement, c'est défendre la vie, car l'environnement, c'est la base et le reflet de toute la vie.

Plusieurs diront: C'est quand même poétique, l'environnement, c'est fait pour ceux qui parlent des petits oiseaux, c'est fait pour ceux qui sont à la campagne. C'est plus que cela. Parler de grands principes, c'est beau, mais parler de la truite que mon père pêchait ici à côté, parler de la plage que ma mère fréquentait au bout de l'île, c'est de l'environnement. Parler du grand parc où on a pris des photos de noces, il y a 25 ans, qui a été remplacé par une tour remplie d'asphalte qui a fait disparaître des espaces verts, parler de l'air vicié et pollué causé par des usines chimiques, c'est cela, de l'environnement. Parler de l'air souvent insoutenable et toxique ou des eaux où les bactéries coliformes totales combattent les bactéries coliformes fécales, c'est simplement parce que cela sent, les cours d'eau. Ce sont des millions qu'il faut engouffrer pour construire des usines d'épuration et de filtration. Très souvent, combattre en retard et faire de la dépollution, c'est déplacer la pollution pour l'envoyer ailleurs, alors qu'il aurait été beaucoup plus simple de la prévenir.

Quand on dépense $433 millions pour un intercepteur d'égout pour le côté nord de la ville de Montréal, quand on dépense $40 millions, comme je l'ai annoncé avant-hier, dans le ville de Laval pour son intercepteur d'égout, c'est qu'aujourd'hui on paie des millions pour les imprévoyances de nos prédécesseurs. Allons-nous continuer à ne nous occuper que de dépollution sans prévenir pour la génération future, de façon qu'on ne lègue pas à la génération qui va nous suivre uniquement des problèmes? C'est l'insouciance des gens qui nous ont précédés qui nous oblige à consacrer à cela de l'argent énorme pris à même mon budget. La pollution coûte très cher. Elle a un coût social très cher, mais la dépollution a un coût économique extraordinairement important qui hypothèque nos possibilités de mettre cet argent ailleurs d'une façon positive.

Si on se rendait parfois à la logique des développeurs à tout prix, qui n'ont aucun sens de la protection de l'environnement, il faudrait

peut-être, un jour, penser à paver le fleuve Saint-Laurent, cela irait beaucoup plus vite pour aller de Montréal à Québec, si on veut aller avec la logique aussi forte qui nous est présentée. Les citoyens sont trop souvent des otages, à l'intérieur des projets de développeurs anarchiques.

Le projet de loi no 69 va donner aux citoyens des droits, alors qu'ayant les citoyens n'avaient que des devoirs. J'aimerais en profiter pour vous dire que ce projet de loi fait suite à des consultations diverses tant auprès des organismes consultatifs du milieu qu'auprès des industries et des citoyens qui m'ont transmis leurs préoccupations et qui attendent impatiemment que le gouvernement les aide à protéger leur environnement.

Ils attendent impatiemment que le gouvernement leur donne des outils nécessaires dans cette lutte quotidienne pour une meilleure qualité de vie, une meilleure qualité d'air, une meilleure qualité de l'eau et du sol. Je crois que ce projet de loi reflète fidèlement la volonté du présent gouvernement de suivre les indications d'une volonté populaire des citoyens du Québec qui désirent de plus en plus se préoccuper eux-mêmes de ce qui leur appartient, de ce qui représente pour le plus grand nombre le seul héritage qu'ils pourront laisser aux générations futures et à leurs enfants.

Je voudrais aussi, au stade de la deuxième lecture, rappeler les actes qui m'ont aidé dans la mise au point de l'actuel projet de loi. Je vous le rappelle parce que j'entends que ces actes demeurent les critères de jugement dans l'interprétation des interventions qui pourront venir.

Il s'agit d'abord, premièrement, du concept d'équilibre dans la notion d'environnement. Parce que la base de l'environnement, c'est une notion d'équilibre entre le développement et la protection. Le deuxième principe, c'est le concept de participation du citoyen. Ce projet de loi témoigne de l'importance que le gouvernement accorde au citoyen ordinaire dans ce combat que notre société doit livrer pour assurer à ses membres un environnement qui va de pair avec le progrès économique, avec le progrès social et le progrès culturel de notre société.

M. le Président, à trois reprises, avec des moyens de fortune, c'est-à-dire avant que ce projet de loi soit adopté, j'ai fait tenir des audiences publiques à la demande de groupes de citoyens, depuis ma nomination comme ministre délégué à l'Environnement. À Valleyfield, à Saint-Jean-de-Matha et à Beauport, j'ai fait tenir des audiences publiques pour que les citoyens puissent s'exprimer. Il s'agissait, avec les moyens de fortune de ce moment-là, et très souvent au moment où les dossiers étaient très avancés, sinon presque terminés, de faire une expérience, de permettre aux citoyens de venir donner leur point de vue sur des projets. Il s'agissait, pour les citoyens, de recours ultimes pour s'opposer soit à des travaux municipaux presque terminés, comme c'était le cas à Valleyfield, soit à un projet très avancé de ligne de l'Hydro-Québec à Saint-Jean-de-Matha, ou soit le projet de l'autoroute des battures de Beauport, à Beauport.

L'expérience que j'ai faite était risquée, c'était faire le pari que les citoyens joueraient un rôle important, et aussi éclairer tous ceux qui ont des décisions à prendre. Il faut admettre aujourd'hui clairement que les projets sur lesquels se tenaient ces audiences publiques étaient très avancés. À ce moment-là, c'était placer les groupes de citoyens sur la défensive. C'était les confiner à un rôle négatif, le seul possible avec la situation avant mon projet de loi 69.

Ce qui revient à dire que si le projet de loi 69 avait été en vigueur avant les projets sur les battures de Beauport, il n'y aurait pas eu de problème sur les battures de Beauport, parce que les audiences auraient été tenues avant que les plans, les projets et les gestes soient posés. On plaçait les comités de citoyens, aussi bien à Beauport, à Saint-Jean-de-Matha qu'à Valleyfield, dans une attitude négative, puisque les projets étaient très avancés et que beaucoup d'investissements avaient été faits.

Avec la loi 69, avec la création du Bureau d'audiences publiques, le rôle du citoyen deviendra maintenant un rôle positif, contrairement à ce qui s'est passé dans les trois audiences que je viens de mentionner. On peut dire qu'à Valleyfield les citoyens qui ont fait valoir leur point de vue ont gagné certains points, mais le projet était déjà terminé. La participation des citoyens a permis au ministère de l'Environnement de faire des correctifs et d'obliger la municipalité, qui s'est conformée aux normes émises par le ministère de l'Environnement, à apporter des correctifs à une situation qui était terminée. C'était déjà tard, mais la participation des citoyens a permis d'amener un certain équilibre et d'apporter les correctifs après. Cela aurait été mieux si ceia avait été fait avant.

Deuxièmement, à Saint-Jean-de-Matha, contre tout espoir, cela a permis, dans cette bataille, au comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha de gagner sur toute la ligne contre l'Hydro-Québec, qui voulait passer ses lignes à l'intérieur d'un territoire contesté par les citoyens du milieu. Les citoyens du milieu ont été aidés par les services de protection de l'environnement sur le plan technique, sur le plan financier. Ils sont venus à la commission d'audiences que j'avais décrétée et ils ont exprimé leur point de vue avec des dossiers étoffés. L'Hydro-Québec qui, habituellement, a aussi des dossiers étoffés, a été émerveillée devant la qualité des interventions des citoyens de Saint-Jean-de-Matha. L'Hydro-Québec a accepté, suite à la décision du ministère de l'Environnement, de corriger son tir et de traverser ses lignes ailleurs que dans le territoire que les citoyens de la région voulaient protéger. C'est une victoire totale pour les citoyens de Saint-Jean-de-Matha. (11 h 40)

À Beauport, le projet était tellement avancé que l'audience publique n'a permis que de faire entendre les citoyens et de créer un moratoire sur ce qui restait à faire. C'est sûr que, quand on consulte des citoyens, ce n'est pas pour leur demander de prendre la décision à notre place. On ne se décharge pas de notre responsabilité parce

que les citoyens vont venir s'exprimer. Au contraire. C'est pour donner aux citoyens un poids égal aux promoteurs. À ce moment-là, cela permet de faire un débat basé sur une connaissance égale du point de vue des citoyens comme du point de vue des promoteurs. Par la suite, nous devons trancher. Cela ne veut pas dire que je laisse ma position de ministre pour que les citoyens décident. Je leur dis: Je veux que vous me donniez des points de vue qui me permettent de défendre votre thèse.

Nécessairement, il y a, dans chacun des cas, des décisions à prendre qui, parfois, sont 100% pour les citoyens, parfois à 80%, parfois à 50%. Mais jamais, dorénavant, les citoyens ne perdront complètement. Maintenant, les citoyens auront voix au chapitre et pourront, la plupart du temps, gagner complètement parce que cela va se passer avant que les projets ne soient présentés. Mais il arrive parfois, quand les projets sont trop avancés, comme c'est le cas à Beauport, qu'ils pourront gagner sur l'avenir. Je garantis que nous allons protéger le reste des battures de Beauport, c'est-à-dire l'estuaire qui n'est pas encore touché.

Il y a des citoyens que je comprends; si j'étais à leur place, je dirais la même chose. Mas je fais partie d'un gouvernement qui a le contrôle et la protection des deniers publics. Il y a de $16 millions à $18 millions de déjà investis dans le tracé qui est dans le fleuve. C'est une folie. On le sait, je l'ai déjà dit. Cependant, comme ministre responsable — ce n'est pas moi qui construis l'autoroute — ce n'est pas à moi de dire qu'on peut rejeter à l'eau ces $16 millions investis! Il y a des citoyens qui aimeraient cela. Ils ont le droit de le dire, mais je pense que ces $16 millions ont été investis, malheureusement, par l'ancien gouvernement — il faut quand même tenir compte de cet aspect — et c'est nécessairement notre devoir de protéger les investissements des citoyens. Le ministre de l'Environnement a tenu des audiences pour entendre les points de vue des citoyens et j'ai pris une décision qui touche l'avenir parce que, pour moi, cela aurait été plus grave de rejeter $16 millions qui avaient été investis par le gouvernement.

M. Mailloux: Question de privilège.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Question de privilège, M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: Je voudrais demander à l'honorable ministre qui nous livre ses propos, quand il accuse le précédent gouvernement d'avoir décidé le tronçon Dufferin-Montmorency, s'il est au courant que le gouvernement précédent n'a fait que continuer une décision prise en 1968. Si ce gouvernement-là n'avait pas pris cette décision, quand j'ai pris charge du ministère, je l'aurais décidé moi-même et au même endroit.

Le Vice-Président: M. le ministre délégué à l'Environnement.

M. Léger: Je ne voudrais pas embarquer dans ce débat mais je voudrais simplement dire: Qui n'a pas péché lance la première pierre.

Le Vice-Président: D'accord. Non, il n'y a pas de débat.

M. Léger: M. le Président, il est bien important de comprendre que la loi 69 va permettre d'éviter des erreurs que vous avez continuées, le gouvernement libéral du temps!

M. Mailloux: Je vous en reparlerai tantôt!

M. Léger: D'accord. Ce qui est sûr et certain, c'est que ce n'était pas le meilleur projet. Deuxièmement, comme je le disais tantôt, aller à l'extrême, on peut faire une route directement sur le fleuve. Si on fait un pavé tout le long, cela va aller plus vite de Montréal à Québec. Mais, nécessairement, ce n'était pas le projet idéal, mais dans ce temps-là... Il faut dire que la mentalité des Québécois a évolué sur le plan de la protection de l'environnement. Si cette loi avait existé, il est tout probable que pour les projets conçus par les autres gouvernements avant, aussi bien de l'Union Nationale que du Parti libéral, il aurait pu y avoir des gens qui auraient dit: Peut-être que l'autoroute est bonne, mais ce n'est pas là qu'il faut qu'elle passe.

M. le Président, de plus, le citoyen pourra assurer son rôle de protecteur de son environnement dans les cas ultimes, en ayant un recours civil en injonction et un recours pénal contre ceux qui contreviennent à la loi ou à des engagements qui auront fait l'objet d'ententes ou d'ordonnances. Il est important de bien comprendre les changements qu'apporte la loi 69.

Le citoyen seul et préférablement le groupe de citoyens auront l'occasion de se faire entendre. Leur apport, ajouté à celui des fonctionnaires de l'Environnement, sera un élément important de la décision qui sera finalement prise au Conseil des ministres de procéder ou non avec un projet de développement important. Autrement dit, le point de vue des citoyens va être mis dans la balance avant qu'un projet qui a des conséquences sur l'environnement ne soit accepté. La décision se prendra maintenant au Conseil des ministres où se fera l'arbitrage, où chacun des ministres qui a une responsabilité dans un secteur particulier pourra donner son point de vue, mais avec la lumière, pour la première fois, de ce que le citoyen qui demeure en ce milieu-là, pense. Nécessairement, il faut tenir compte que lors de la commission parlementaire en septembre, nous avons entendu le cri de détresse de beaucoup de citoyens aux prises avec d'épineux problèmes de pollution, les craintes de certains qui s'inquiètent devant le nouveau rôle que joueront les citoyens dans la protection de l'environnement, les craintes des développeurs.

C'est ici. M. le Président, que doit apparaître le fameux concept d'équilibre. J'ai dit tantôt que le

projet avait deux concepts de base: un concept d'équilibre et, deuxièmement, un concept de participation des citoyens. Quand nous parlons d'environnement, nous parlons d'harmonie ou d'équilibre. L'environnement, c'est le rapport dynamique de différents systèmes qui vont de la vie biologique à l'humain et de l'humain au social, en passant par l'eau, l'air et le sol. C'est un concept qui en plus évolue constamment, soit d'une part à cause de la conscientisation de plus en plus grande des citoyens et, d'autre part, face au développement technologique, parce que de plus en plus on a découvert des méthodes technologiques soit de polluer davantage, soit de dépolluer davantage, ou des nouvelles techniques permettant d'éviter de polluer davantage.

La nature a ses lois. La nature a son organisation propre, sa structure. En les oubliant on va vers des catastrophes. Une eau polluée, un sol en érosion, des espèces menacées, il faut protéger tout cela par cette loi. L'homme a besoin pour sa survie d'une eau pure, d'un air sain et d'un contact vivifiant avec la nature.

Quelquefois les citoyens devraient prendre conscience de cette réalité en regardant mourir des rivières qui autrefois fleurissaient, comme la rivière de l'Achigan, la rivière l'Assomption, la rivière Yamaska, la rivière Bécancour. Nous pouvons maintenant contrôler les conséquences de certaines activités technologiques et industrielles. Hier, nous ne pouvions le faire et chacun prenait son mal en patience. Si, maintenant, nous pouvons le faire, nous devons le faire. L'environnement, M. le Président, repose sur l'équilibre et l'harmonie de l'ensemble des systèmes physique, biologique et humain. S'il y a des économistes purs qui ne pensent qu'en termes de rentabilité économique, à court terme, sous prétexte qu'il faut produire et consommer tout de suite, ces gens oublient qu'ils handicapent à tout jamais l'avenir de nos enfants.

J'aimerais, des fois, que les promoteurs de projets purement économiques ou technologiques soient tenus de travailler, de vivre et de prendre leurs vacances dans les conditions environnementales qu'ils imposent aux autres. Peut-être changeraient-ils d'avis.

D'autres ne voient dans l'environnement que le loisir et ne veulent que l'accès immédiat à toute partie du territoire, tandis que d'autres souhaitent un retour à l'état sauvage, à une nature qui exclut l'homme. Notre approche est plus équilibrée. Nous voulons au Québec un développement éclairé et nous comptons sur une loi comme le projet de loi no 69 pour donner une place aux citoyens dans la protection de l'environnement et amener les grands aménageurs, privés ou publics, à intégrer les préoccupations environnementales à l'intérieur de leur processus de prise de décisions. La clé, M. le Président, c'est cela. Il faut, avant qu'on fasse un développement au Québec, qu'on tienne compte de la qualité du milieu de vie qu'on va perturber de manière à éviter cela au maximum. (11 h 50)

C'est pour cela que j'ai toujours dit que le développement du Québec ne peut pas se faire en ne tenant pas compte de l'environnement. Quelqu'un disait: Ah! l'environnement; vous voulez vous opposer au progrès, vous allez créer du chômage. M. le Président, un sondage a été fait dernièrement, soit en septembre 1978, par la compagnie CROP au profit d'Environnement Canada; cela n'a pas été fait au Québec, mais à travers le Canada. Il a été noté que les citoyens, dans leur grande totalité, ne font aucun lien entre des pertes d'emploi ou du chômage et des mesures gouvernementales qui obligent les développeurs à protéger l'environnement. Les citoyens ne voient pas cela. Pourquoi les oiseaux de malheur pourraient-ils dire tout simplement que protéger l'environnement va être un danger pour l'économie? M. le Président, j'ai toujours dit que nous, à l'Environnement, ne devons pas nous opposer aveuglément au progrès, mais qu'il faut nous opposer, par exemple, au progrès aveugle.

Le deuxième point, c'est le concept de la participation. Au plan de la participation, j'ai pu constater à de très nombreuses reprises le désir intense des citoyens. Je pense, à ce moment-là, aux 200 000 citoyens, membres d'associations pour la protection de l'environnement de leurs lacs. Je pense aux groupes de citoyens qui veulent protéger les espaces verts. Je pense aux groupes de citoyens qui veulent participer, avec certaines industries, à des moyens de contrôle de la pollution de l'environnement. Je pense justement au comté du député de Bourassa où les citoyens, à la suite de ma rencontre avec les dirigeants de l'entreprise, ont décidé de former un comité pour protéger leur environnement. Je pense à tous ces citoyens qui font partie de groupes et qui ont décidé de donner le ton et d'embarquer dans la protection de leur milieu de vie. Je pense à eux aujourd'hui quand je me dis: Ils veulent passer du stade "d'écrivailleurs de lettres" à un stade de participation à des décisions qui influent sur leur avenir pour qu'ils le sachent au moins avant que les bulldozers entrent dans leur cour.

Les citoyens ont déploré avec véhémence que l'ancienne loi était, à son premier stade, une loi négative. C'était une loi qu'il était important de présenter à cette époque, mais elle ne faisait que dire: Nul ne peut faire telle chose, nul ne peut faire cela. Il faut arrêter. C'était une loi qui combattait la pollution. Il faut maintenant passer au stade positif. La loi 69 est maintenant le stade positif, c'est-à-dire celui qui donne la possibilité de prévenir, de planifier, de poser des gestes positifs qui empêcheront la dégradation du milieu.

Le citoyen a un rôle actif dans ce domaine-là et il faut qu'il devienne une personne responsable. L'Environnement va permettre au citoyen de devenir un partenaire indispensable dans le processus de prise de décisions afin de déboucher sur des modifications quant à la qualité de son milieu de vie. Lors de la commission parlementaire de septembre, nous avons entendu des groupes qui nous ont apporté différents sons de cloche dont nous

entendons tenir compte. J'ai été à même, à cette commission parlementaire, de constater l'intérêt des députés et notamment de ceux de l'Opposition, spécialement le député de D'Arcy McGee et le député de Saint-Hyacinthe, pour les préoccupations manifestées par les citoyens du Québec pour la protection et la sauvegarde de l'environnement. J'ai apprécié leur appui et les recommandations qu'ils ont faites pour bonifier cette loi. C'était réellement une commission parlementaire où on sentait que chacun des membres tentait de bonifier la loi et que chacun avait une préoccupation pour l'environnement.

À cette époque où le citoyen ordinaire est trop souvent impuissant devant les grandes machines des développeurs et les grands appareils de l'État, nous sommes tous convaincus, je crois, de la nécessité d'ouvrir notre administration et notre législation sur le citoyen, de lui donner des droits et des recours et d'obliger les grands aménageurs à planifier leurs projets de sorte qu'ils tiennent compte de la protection de l'environnement. Nous avons étudié attentivement les suggestions du grand public et des partis de l'Opposition. Je suis en mesure de proposer certains amendements lors de l'étude du projet de loi, article par article. Ces amendements porteront essentiellement sur les points suivants.

Le premier type d'amendements, c'est la reconnaissance du droit du public à l'information. Beaucoup de gens se sont plaints de la difficulté d'obtenir de l'information dans le domaine de l'environnement. Or, une information large et accessible est, selon nous, un prérequis à l'exercice par les citoyens de leur liberté démocratique. Ceci s'applique, évidemment au domaine de l'environnement. Je présenterai donc en commission parlementaire, et je ferai parvenir les documents aux députés de l'Opposition après cette deuxième lecture, des amendements qui toucheront l'information, qui amèneront la disponibilité de l'information aux citoyens concernant la pollution causée par tout pollueur. Deuxièmement, ils amèneront de l'information sur les certificats d'autorisation délivrés en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement; troisièmement, de l'information sur les demandes de certificats d'autorisation soumises en vertu de la loi et, quatrièmement, de l'information aux citoyens sur les ordonnances émises en vertu de la loi ainsi que d'autres décisions administratives.

Les citoyens seront également informés au moyen d'avis publics et d'avis préalables; cinquièmement, de rémission d'ordonnances et des appels interjetés à la suite de certaines décisions du directeur des services de protection de l'environnement.

La deuxième série d'amendements que j'apporte au projet de loi est pour une accentuation de la présence du citoyen dans le processus administratif. Je proposerai donc en commission parlementaire des amendements qui permettront au citoyen de jouer un rôle lorsque le directeur des services de protection de l'environnement émettra une ordonnance qui requiert un avis préalable.

Lorsqu'une personne ou une municipalité portera en appel une décision du directeur des services de protection de l'environnement et lorsque je serai appelé à approuver un programme de dépollution soumis par un pollueur, la population sera alors avertie au moyen d'avis publics et certains documents seront mis à la disposition du public afin de lui permettre de jouer un rôle utile.

M. le Président, la troisième série d'amendements que j'apporterai à ma loi, ce seront des ajustements destinés à prévenir des poursuites dans le cas de celui qui exécute un programme de dépollution. Ce sont des amendements qui seront introduits afin de protéger celui qui a soumis et fait approuver un programme de dépollution et qui le respecte fidèlement. Je pense que ce sont des propositions qui ont été présentées par des députés de l'Opposition.

M. le Président, un journaliste aujourd'hui a semblé dire que, si on présentait cet amendement, cela pourrait être une sorte de concession faite à l'entreprise. Au contraire. Je pense que c'est une façon de stimuler les industries qui polluent à commencer immédiatement à se doter d'un programme de dépollution puisqu'en même temps, elles vont poser un geste positif de s'équiper pour dépolluer et, en même temps, pendant le programme, les citoyens sauront que cette industrie fait des gestes positifs, parce que les citoyens, on ne leur donne pas le droit de poursuivre uniquement pour avoir le plaisir de poursuivre, c'est pour atteindre des objectifs. Ce qui compte, c'est justement que des décisions soient prises par les entreprises. Cet amendement va stimuler les industries à se doter d'un programme avec le gouvernement de dépollution.

La quatrième série des amendements, M. le Président, c'est sur la clarification du rôle du Conseil consultatif de l'environnement. Enfin, nous présenterons des amendements qui auront pour effet de permettre aux citoyens d'avoir accès directement au conseil consultatif, dont le rôle sera précisé, afin d'éviter tout chevauchement avec les fonctions qu'accomplira le bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Ainsi, les citoyens pourront s'adresser au Conseil consultatif d'environnement afin de le saisir d'un problème concernant des politiques de protection de l'environnement alors que le bureau d'audiences publiques sur l'environnement s'occupera des projets ponctuels, notamment ceux qui sont assujettis à la procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement.

M. le Président, j'aimerais aussi ajouter qu'en 1972 le gouvernement a sanctionné une loi pour protéger l'environnement et mettait sur pied les SPE. Depuis le 15 novembre 1976, avec un ministre à temps plein, des ressources humaines et financières un peu plus élevées, la bataille de l'environnement prend de l'ampleur au Québec. Les groupes écologiques qui, avant le 15 novembre, prêchaient souvent dans le désert, ont beaucoup espéré de la loi 69. (12 heures)

Je crois qu'à force d'en parler on va main-

tenant sensibiliser davantage les six millions de Québécois. On est encore loin des six millions d'inspecteurs, M. le Président; je pense que c'était optimiste de penser que les six millions d'inspecteurs deviendraient immédiatement préoccupés au même degré par l'environnement. Je pense qu'avec ce genre de société dans laquelle nous vivons il faut expliquer un peu comment il se fait que ce n'est pas évident pour tout le monde, l'environnement. M. le Président. Ce manque de motivation, je dirais que c'est le système économique actuel qui en est la cause. Le système économique dans lequel nous vivons prône, dans son échelle de valeurs, que bonheur équivaut à consommation.

Plus on consomme, plus c'est du bonheur. M. le Président, à partir de cette définition du bonheur, les citoyens ont pour principale ambition de gagner plus d'argent afin de consommer le plus possible, sans tenir compte des coûts sociaux engendrés par leur manière de vivre. Par exemple, l'individu qui s'achète une motoneige ou une motocyclette ne se préoccupe pas du tout de la pollution atmosphérique et de la pollution par le bruit qu'il cause à son environnement parce que, pour lui, il y a du bonheur dans ce qu'il vient de se procurer. Mais, à leur tour, ses voisins, ceux qui subissent cette pollution s'énervent et s'emportent contre l'agresseur de leur milieu et, pour retrouver l'équilibre, on s'en retourne dans son petit chalet de campagne sur le bord de l'eau; on s'achète un énorme bateau à moteur et on fait du bruit sur le bateau pour s'échapper de la pollution de la ville.

De son côté, M. le Président, l'industrie qui produit les biens de consommation a très souvent des équipements sous-utilisés qui produisent de la pollution. Prenons, par exemple, le cas d'une compagnie dans mon comté, que je ne nommerai pas, mais qui émet des odeurs désagréables intolérables. Si, par hasard, une autorité, comme les Services de protection de l'environnement, soit de Québec ou de Montréal, l'oblige à installer des équipements antipollution, elle se conforme, mais elle va négliger par la suite d'entretenir ces équipements en n'engageant pas des personnes qualifiées. Pourquoi cette compagnie se préoccuperait-elle de vivre en harmonie avec les citoyens du quartier? Les propriétaires de cette compagnie veulent faire plus de profits pour pouvoir consommer plus eux aussi à satiété comme les autres citoyens.

Comment faire pour assurer, M. le Président, le changement d attitude et de comportement face à la protection de l'environnement? Je crois qu'il n'y a qu'une seule façon de réussir à prouver à la population et aux gouvernements, municipal, provincial et fédéral, que la protection de l'environnement ne va pas à l'encontre du développement économique et qu'elle ne vise surtout pas à créer des chômeurs, notre problème no 1, mais bien plutôt à préserver nos ressources naturelles qui ne sont pas illimitées et à augmenter la qualité de la vie des citoyens grâce à des éléments naturels, sains, qu'on n'a pas besoin d'acheter sur le marché. C'est un combat perpétuel que nous devons gagner si nous voulons nous assurer qu'à long terme nos enfants n'hériteront pas d'un monde inhumain où la verdure sera devenue une denrée rare et où le soleil ne réussira plus que simplement à filtrer à travers les fumées polluantes de nos usines.

M. le Président, c'est sûr que notre projet de loi va présenter une notion nouvelle. Mais cette loi est tellement à l'avant-garde que même la Chambre de commerce du Québec est venue dire qu'elle était d'accord avec un projet de cette envergure. M. le Président, c'est tellement à l'avant-garde qu'hier soir il y avait à Toronto une assemblée qui regroupe tous les membres de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Le directeur de mon contentieux est allé hier soir donner des explications aux représentants des dix provinces canadiennes qui é aient là, les responsables du droit à l'environnement. M. le Président, savez-vous ce que l'interlocuteur de Toronto, un avocat, a dit, suite au projet de loi que nous présentons aujourd'hui? Il a dit: Si le Québec se dote d'une loi environnementale aussi dynamique que le projet de loi no 69, il n'y a aucune raison pour nous de refuser l'association.

M. le Président, il est vrai que l'environnement est une notion relativement nouvelle; et comme toutes les idées nouvelles, elle ne s'impose pas automatiquement. Pourtant, il faut comprendre et accepter, le plus rapidement possible, que cette notion est une notion d'avenir, que c'est une notion de civilisation et de la civilisation qui se prépare. On peut l'intégrer progressivement ou être un jour forcé de s'y soumettre, mais ceci n'est pas nécessairement le signe d'une grande prévoyance. Il m'arrive quelquefois de constater que le dossier de l'environnement ne s'impose pas facilement, malgré les arguments solides dont il est constitué.

Je vois à cela deux raisons. La première, ce sont nos vieilles habitudes de gaspillage et, disons le mot, de malpropreté. Ajoutons à cela une certaine paresse et une certaine insouciance dans la recherche d'un profit rapide. La deuxième, c'est l'image négative qui faisait de l'environnement un ensemble de déchets, d'égouts, de pollution. Mais, si on revient au vrai sens des mots, l'environnement, c'est davantage le cadre de la vie ou, encore mieux, la qualité de ce cadre de vie, qui dépend de la qualité de chacun des milieux ambiant de ce cadre de vie.

L'environnement c'est davantage aussi cette aspiration de l'homme à vivre en harmonie et en intelligence avec la nature que la recherche d'artifices et de robots qui ne peuvent conduire qu'à une déshumanisation complète à plus ou moins long terme. Il est bien important de réaliser que l'environnement n'est pas l'affaire de poètes. Je ne suis pas un homme de théorie. Je suis et je veux être un homme de résultats et de réalisations. Pour moi, la participation des citoyens n'est pas une idée, c'est une façon d'être plus efficace.

Depuis mon arrivée aux services de l'Environnement, j'insiste sur la participation. Je demande aux 6 millions de Québécois de se faire les pro-

tecteurs de l'environnement et je veux que cette phrase ne soit pas uniquement une formule, mais qu'elle débouche sur la réalité. Le travail d'un ministre de l'Environnement s'apparente beaucoup à celui que doit faire un participant à une course à obstacles. Nous sommes, au Conseil des ministres, deux douzaines de machines lancées dans une course, et certaines donnent souvent l'impression d'exister uniquement pour donner une jambette aux autres. C'est peut-être un peu l'image de l'Environnement à travers tous les ministres développeurs. Mais l'Environnement réussira à atteindre ses objectifs à une condition toutefois; c'est que la population s'impose comme priorité au gouvernement. L'environnement ne deviendra une priorité de n'importe quel gouvernement, que ce soit le gouvernement du Parti québécois, ou un gouvernement du Parti libéral, de l'Union Nationale ou des créditistes, quel que soit le style ou le type de gouvernement, que quand il aura été d'abord une priorité des citoyens.

Le ministre peut faire un bout de chemin, mais il a besoin de tous les Québécois dans une large mesure, parce qu'un ministre de l'Environnement sans les citoyens ne reste pas longtemps ministre de l'Environnement. Avec l'aide des citoyens, je suis intervenu au Lac-Saint-Jean, constatant au passage la nécessité d'études d'impact avant de prendre des décisions. Je suis intervenu à Rouyn-Noranda, où il s'agissait d'impliquer des représentants et des groupes de citoyens et de prendre conscience de la mauvaise qualité de l'environnement. Je suis intervenu avec des citoyens aux Îles-de-la-Madeleine où une expérience pilote de participation structurée se poursuit. À la suite de plaintes fondées, je suis intervenu à Valleyfield et à Saint-Jean-de-Matha. Il faut maintenant reprendre le temps perdu. Il est inutile de chercher à se donner un pays souverain pour un gouvernement souverainiste, à moins que ce pays ne soit également sain, que la qualité de la vie ne soit élevée, que le milieux ambiants ne soient bien gérés. Ce sera notre tâche, au cours de la prochaine année.

Je crois que l'environnement doit être pris en charge par tous les citoyens. Nous vivons chacun dans un cadre donné. Nous avons chacun nos rêves personnels. Certains se voient dans des rôles de défricheurs, de développeurs, de protecteurs. Je crois que le progrès économique, pour être un véritable progrès, pour être rentable, pour produire de vraies richesses doit se concilier la protection de l'environnement. L'un ne va pas sans l'autre. Une société ne s'enrichit pas parce que certains individus font d'énormes profits en produisant n'importe quoi, n'importe comment. Là aussi ma conviction est profonde. Je refuse même de discuter d'une opposition entre le développement économique et la protection de l'environnement. Le progrès économique qui massacre et gaspille nos richesses naturelles les plus essentielles à la vie, ce n'est pas un progrès, c'est un recul. (12 h 10)

Le projet de loi ne va peut-être pas assez loin, mais c'est une étape, une étape qui permettra de fixer, après qu'elle sera adoptée, un nouveau point de départ. Les règles du jeu ne seront plus tout à fait les mêmes après. Je termine en disant que. lors de la commission parlementaire, nous avons entendu des représentants du secteur manufacturier, notamment la compagnie General Motors, admettre que son entreprise est florissante aux États-Unis et, notamment, dans l'État du Michigan où elle a 30 usines d'automobiles.

Je tiens à souligner à cette Assemblée que le Michigan, qui possède les 30 usines de General Motors, possède une législation de protection de l'environnement qui accorde aux citoyens un pouvoir encore plus redoutable que celui de la loi 69. D'autres États américains et même nos voisins de l'Ontario nous regardent actuellement parce qu'ils espèrent beaucoup que nous adoptions une législation d'avant-garde.

L'adoption du projet de loi ne fera que placer le Québec dans la communauté des États progressistes pour qui l'homme, sa vie et son bien-être viennent en tête des préoccupations à protéger à tout prix à l'aide d'une loi équilibrée et dynamique. Cette loi, qui crée la charte des droits du citoyen à l'environnement, c'est, je pense, le plus beau cadeau que notre génération peut léguer aux autres groupes et aux générations futures qui vont nous suivre. Je vous remercie. Étant pris par mon contenu, j'ai oublié de dire la formule habituelle, peut-être parce qu'elle est passée de mode, mais elle est encore là. Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance, avant mon discours, de ce projet de loi et il était tellement heureux qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Mme le Vice-Président: Avant de donner la parole à M. le député de D'Arcy McGee, je demanderais au ministre s'il a des objections à ce que l'on corrige les "monsieur" par "madame" dans la dernière partie de son intervention.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: Mme la Présidente, il me semble que ce très long discours que nous venons d'entendre devrait porter un titre au journal des Débats. Je me demande, cependant, si ce titre devrait être: "L'épître de Léger aux Québécois" ou bien "Un nouveau chapitre des fables de LaFontai-ne".

Mme Lavoie-Roux: La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf.

M. Goldbloom: Mme la Présidente, j'ai linten-tion de parler beaucoup moins longtemps que le ministre. Après tout, j'ai passé presque six années a parcourir cette province en essayant d'éveiller la population à la nécessité de protéger notre environnement. Il ne faudra pas aujourd'hui l'endormir.

Le député de Lafontaine, ministre délégué à l'Environnement, se fait aujourd'hui l'architecte d'un étage qui s'ajoute à une structure que j'ai eu I'honneur d'ériger en 1972. Le style architectural

est différent. Cela arrive des fois, quand on fait appel à un deuxième architecte pour ajouter un élément à un édifice déjà construit. L'harmonie, à mon sens, n'est pas parfaite. Je trouve que ce nouvel étage est un peu trop, élaboré, un peu trop lourd pour l'édifice qui le supporte. Quand même, nous de l'Opposition officielle, nous du Parti libéral du Québec, étant autant que les ministériels préoccupés par la protection de l'environnement, nous avons l'intention de voter en faveur de la deuxième lecture de ce projet de loi.

J'ai dit que ce projet de loi nous paraît aller un peu trop loin. Je voudrais en prendre seulement deux exemples. Il y a des choses qu'il est très difficile de critiquer, Mme la Présidente, et ce n'est pas mon intention de les critiquer quant à leur fond, mais plutôt quant à leurs implications.

Le projet de loi établit par exemple un droit à la protection de l'environnement, un droit à un environnement sain. Il est impossible de parler contre le désir d'un gouvernement d'assurer à ses citoyens un environnement sain. Mais quand on érige un droit dans nos lois, on va loin, Mme la Présidente, parce que, quand on l'établit, on doit en prévoir les modalités de l'exercice. On doit prévoir des recours, si ce droit n'est pas respecté, n'est pas obtenu.

Il nous paraît qu'en ce moment de notre histoire, aller aussi loin que définir dans les statuts du Québec un tel droit absolu, c'est aller au devant de la réalité de ce qui peut être offert aux Québécois dans le contexte des problèmes que nous connaissons.

Je répète que ce n'est pas une raison suffisante pour nous de vouloir refuser l'adoption du projet de loi. Nous poursuivrons une discussion sur chaque élément, chaque article, comme il se doit, en commission parlementaire. Mais nous nous interrogeons sur l'opportunité d'aller aussi loin.

Il est facile de parler de droits de cette nature. On parle du droit à la santé, du droit à l'habitation, maintenant du droit à un environnement sain. Dans chacun de ces cas, il y a un objectif que nous voulons tous viser.

Nous voudrions tous que la santé des Québécois soit non seulement aussi bonne que possible, mais également qu'elle soit aussi bien protégée que possible, par tous les mécanismes que l'État, la collectivité, peut mettre à contribution pour améliorer et protéger cette santé. La réalité est que l'on n'est pas en mesure, aujourd'hui, en 1978, de réussir tout ce que nous voudrions réussir pour la protection et l'amélioration de la santé des Québécois.

Il en est de même de l'habitation. On peut déclarer un droit à l'habitation, mais, aujourd'hui même, il y a eu des échanges ici, en cette Chambre, au sujet des problèmes qui existent et du fait que ce droit n'est pas à la portée d'un nombre important de citoyens. Il faut trouver de meilleures mesures pour permettre à ces citoyens d'obtenir, d'exercer ce droit, si nous voulons que ce droit existe réellement dans la vie des gens de chez nous.

Il en est de même de l'environnement, Mme la Présidente. Nous pouvons déclarer qu'un droit existe, mais cette déclaration ne fera pas que, demain matin, avec l'adoption du projet de loi no 69, ce droit aura une réalité dans la vie quotidienne des Québécois. (12 h 20)

II y a un deuxième élément du projet de loi et, dans ce cas également, il est impossible de parler fondamentalement contre ce que propose le ministre, mais il implique par ce projet de loi les six millions de citoyens dans l'activité importante de protéger l'environnement.

Ce n'est pas une mauvaise chose; au contraire, c'est une bonne chose. Mais, en termes de modalités d'application de ces mesures, je résume d'une façon très simple notre pensée. Le ministre, dans ses fréquentes envolées oratoires, a souvent parlé de faire des Québécois six millions d'inspecteurs de l'environnement. Je voudrais lui dire amicalement qu'il est bon que les Québécois deviennent tous et chacun des inspecteurs de l'environnement, mais il ne faudrait quand même pas que nous ayons au Québec six millions de ministres de l'Environnement. C'est autre chose. Je ne suis pas convaincu que ce projet de loi ne va pas aussi loin que de créer un gouvernement parallèle avec six millions de ministres de l'Environnement.

J'ai dit que je ne parlerais pas très longtemps et je n'ai pas en ce moment d'autres critiques négatives à faire de ce projet de loi; celles que je viens de faire ne sont même pas négatives, ce sont plutôt des mises en garde. Je voudrais dire tout simplement que, lorsque le ministre vers la fin de son discours a dit: Notre approche est équilibrée, je n'ai pu m'empêcher la réflexion: À chacun son équilibre. Le mien aurait été légèrement différent, mais, je répète encore une fois, ce n'est pas une raison suffisante pour nous amener à refuser d'appuyer le ministre et le gouvernement dans l'adoption de ce projet de loi.

Après tout, Mme la Présidente, il serait passablement inutile que nous poursuivions de part et d'autre une concurrence pour déterminer qui est le plus dédié, le plus convaincu, le plus énergique quant à la protection de l'environnement. Nous sommes tous d'accord. Nous ne parlons que de modalités, nous ne parlons que d'approches sur le plan législatif. Il est normal que nous puissions différer légèrement d'approches.

Nous avons l'intention de faire un essai loyal de ce projet de loi, d'en faire des critiques constructives au fur et à mesure que nous observerons son application dans les faits, dans la vie des gens et des organismes. Nous avons l'intention de continuer comme nous le faisons depuis la fin de 1970, quand pour la première fois un gouvernement du Québec a créé les Services de protection de l'environnement. Nous avons l'intention de poursuivre loyalement et de façon constructive nos efforts pour assurer à tous les Québécois un environnement de la meilleure qualité réalisable dans le contexte que nous devons vivre. Ce contexte n'est pas facile. Nous n'atteindrons

pas la perfection, mais nous devrons l'avoir comme objectif. Et, puisque nous avons la perfection comme objectif, nous allons voter favorablement à l'adoption de la deuxième lecture de ce projet de loi.

Mme le Vice-Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: Mme la Présidente, le 25 septembre dernier, la commission permanente de l'environnement se réunissait pour entendre quelque 34 mémoires provenant de différentes couches de la société, depuis des groupes de citoyens jusqu'aux représentants des grandes entreprises. L'Union Nationale, sans se désister de l'objectif du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement, avait, à ce moment-là, apporté des commentaires et critiques quant aux moyens choisis par le ministre pour atteindre ses objectifs.

Ces commentaires se présentaient sous la forme d'une inquiétude face aux forces actuellement en présence dans notre société, soit les puristes en matière environnementale et les industries, deux mondes bien différents. Notre inquiétude avait également porté sur la lourdeur administrative et bureaucratique d'un tel projet de loi, sans oublier les tracasseries administratives et juridiques pour protéger l'environnement. L'Union Nationale est consciente qu'augmenter la lourdeur administrative d'un appareil déjà assez pesant, c'est contribuer à l'inefficacité des décisions. L'Union Nationale s'inquiétait également des six millions d'inspecteurs que cette loi créait. On a mentionné qu'elle faisait des Québécois des policiers de l'environnement et qu'elle ne les rendait pas obligatoirement responsables de leurs propres actions.

Il faut bien se rendre à l'évidence que nous ne ferons pas du jour au lendemain des Québécois des citoyens émérites quant à la protection de l'environnement, parce que nous avons trop souvent été irrespectueux envers cette qualité pourtant primordiale dans une société. L'Union Nationale avait également beaucoup insisté sur la nécessité de l'éducation de la population à la base d'une politique de protection de l'environnement. Il doit y avoir l'éducation, c'est-à-dire une cons-cientisation générale de la population à la protection de l'environnement. D'ailleurs, c'était pour nous l'occasion de dire au ministre qu'il avait préféré punir sévèrement plutôt que d'éduquer consciemment.

Finalement, nous nous étions interrogés sur la portée que pourrait avoir le recours en injonction au moment même où le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre doute de cet outil comme moyen de rétablir un certain équilibre dans le rapport des forces qui s'affrontent.

Voilà, en résumé, Mme la Présidente, la position que l'Union Nationale avait prise lors de l'étude des mémoires en commission parlementaire le 25 septembre dernier. Je répète que nous sommes toujours un peu méfiants face à un projet de loi-cadre de cette envergure, puisque nous n'avons pas reçu la réglementation, ce qui ne nous permet pas d'en juger convenablement toute l'intensité.

Ce matin, le ministre a apporté des suggestions à la suite de l'audition des 34 mémoires et également des suggestions positives des membres de l'Opposition lors de cette commission parlementaire. Je remercie le ministre de ces amendements. Sans aucun doute, je n'en ai pas pris connaissance à fond, étant donné qu'on ne nous les a pas encore distribués. Par contre, je puis dire à ce stade-ci qu'en deuxième lecture, c'est-à-dire lorsque nous étudierons ce projet de loi article par article, nous aurons encore des propositions ou des amendements positifs à vous proposer, M. le ministre, afin de bonifier votre projet de loi.

J'ai eu l'occasion de mentionner précédemment que l'Union Nationale avait insisté en commission parlementaire sur la nécessité d'éduquer la population sur la protection de l'environnement, de conscientiser, de sensibiliser les Québécois de tous les âges à la qualité de l'environnement. Je pense qu'à ce stade-ci de la deuxième lecture, il s'impose que l'on revienne sur ce point fondamental afin que tous les Québécois qui nous regardent actuellement en saisissent toute l'importance et y portent toute l'attention que Ion doit lui accorder. (12 h 30)

Ce matin, j'ai été heureux d'entendre le ministre dire que, lors de son voyage en Europe, il a constaté l'attitude positive des gens qu'il a visités concernant leur responsabilité envers l'environnement. Et le ministre d'ajouter que, dans ces pays, les jeunes, dès qu'ils vont à l'école, commencent à entendre parler de l'environnement et, toute leur vie, ils y sont sensibilisés et en prennent soin.

En effet, Mme le Président, le ministre délégué à I Environnement, dans une intention fort louable, a choisi d'impliquer les citoyens du Québec dans la gestion de la qualité de l'environnement. Constatant le besoin pressant qui se fait sentir actuellement à la suite de la dégradation constante de notre milieu de vie, le ministre s'est certainement dit: C'est assez, il faut agir et, cette fois, je prends les grands moyens. Enfin, le ministre a choisi des moyens qui lui permettaient, selon son optique, d'arriver à des résultats concrets très rapidement. À travers cette charte du citoyen, on ne peut s empêcher de penser à tout l'intérêt politique que le gouvernement en retire. Mais cela est une histoire que je ne veux pas aborder dans le cadre de ce débat. Je disais que le ministre a opté pour des solutions draconiennes, voire même coercitives contre les éventuels pollueurs.

On a voulu pallier à un problème sur une brève échéance, mais on n'a pas pensé au long terme. C'est à se demander même si on a identifié le vrai problème qui existe au Québec face à l'environnement. Certes, il y a des cours d'eau qui sont pollués. Nous respirons un air, malsain, etc. Mais a-t-on au moins pensé à ceux qui causaient toute cette catastrophe? Certains me diront: Ce sont les entreprises et dorénavant nous les aurons

à l'oeil. D'autres me diront que les citoyens, inconscients du souci de leur environnement, sont eux aussi bien gardés; avec six millions d'inspecteurs, cela va marcher rondement. Mais a-t-on pensé au moins un instant que ces Québécois qui dénonceront les pollueurs pourront tout aussi bien polluer quelques jours après parce que, précisément, on a institué un système de gardiennage, mais on n'a pas implanté avec cela un système d'autoresponsabilité des actions de chaque Québécois.

Mme la Présidente, il est évident qu'une loi de la protection de l'environnement sans une politique éducative, c'est tout simplement peine perdue. On peut remédier à certains maux, mais seulement à court terme. Mais, si on planifie pour une meilleure qualité de vie sur une longue échelle, je ne vois pas comment on peut se passer d'une éducation à la population et ce n'est pas dans dix ans qu'il faut commencer, c'est immédiatement. À ce sujet, j'aimerais me référer à un article paru dans le journal Le Soleil du 8 novembre dernier, qui s'intitule: "Environnement, éducation d'abord ". Cet article reproduit une déclaration en douze points élaborée au cinquième symposium du Conseil québécois de l'environnement qui s'intitulait: "Déclaration sur l'éducation mésologique", ce qui signifie éducation relative à l'environnement. Permettez-moi ici de vous mentionner deux points de cette déclaration: "L'éducation relative à l'environnement doit être dispensée à tous les âges et à tous les niveaux d'éducation formelle ou non formelle. Les moyens de communication de masse ont la grande responsabilité de mettre leurs ressources au service de cette mission éducative. "

Je continue. "La cinquième position du Conseil québécois de l'environnement estime enfin qu'une réorientation de l'éducation s'impose et que la tragédie en vue d'intégrer l'esprit de l'éducation mésologique dans tous les domaines devrait être considérée avec un très haut degré de priorité. Dès que les Québécois seront pleinement conscients de la signification des actes qu'ils posent, ce sera une partie gagnée et il sera inutile par conséquent de prendre des mesures coerciti-ves qui finalement n'ont jamais d'effet réellement bénéfique. " Cette sensibilisation par l'éducation peut donner d'excellents résultats à très court terme, du moins, des résultats beaucoup plus tangibles que ceux dont on apportera les moyens utilisés par le projet de loi 69.

Pour illustrer jusqu'à quel point l'éducation en environnement est primordiale, je prendrai le cas des battures de Beauport où un ministère, en l'occurrence le minitère des Transports, a ignoré les directives émises par les services de protection de l'environnement. Pourtant, s'il y en a qui devraient donner l'exemple, ce sont les ministères du gouvernement québécois. Un autre exemple, Mme le Président, concerne encore une fois le même ministère, qui épand des pesticides pour nettoyer les abords des routes provinciales, alors que l'on sait très bien que cette utilisation constitue une contribution additionnelle à la pollution des eaux.

Ce sont ces gens, Mme le Président, qui crient à qui veut l'entendre qu'ils ont à coeur la protection des Québécois. C'est à se demander parfois s'ils sont sincères. Quoi qu'il en soit, je pense que notre position est maintenant bien connue, comme on l'a exprimé en commission parlementaire à l'occasion de cette deuxième lecture, à savoir que ce projet de loi de nature coercitive ne réglera rien puisqu'il saute une étape essentielle dans l'élaboration d'une politique de protection de l'environnement, et c'est, bien sûr, celle de l'éducation.

Mme le Président, le projet de loi no 69 avait été présenté la première fois par le député de D'Arcy McGee et, actuellement, le ministre en fonction nous présente la Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement. Je suis presque assuré, Mme le Président, que ce sera l'Union Nationale qui, la prochaine fois, viendra y apporter des amendements. Je vous remercie.

Mme le Vice-Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: Merci, Mme le Président. Des propos du ministre dans son discours de deuxième lecture, j'ai retenu sa volonté ferme de vouloir faire des Québécois, et c'est ainsi qu'il les a appelés, les complices de la protection de l'environnement. J'imagine, Mme le Président, qu'il voulait dire qu'il voulait plutôt s'associer les six millions de Québécois pour en faire des protecteurs de l'environnement, ce avec quoi, Mme le Président, je serais d'accord. Je serais d'accord que par des méthodes que nous n'avons pas suffisamment utilisées dans le passé, par des méthodes qui visent à faire de l'éducation, en fait les six millions de Québécois puissent savoir qu'ils ont intérêt à protéger eux-mêmes la partie de l'environnement qui les concerne plus particulièrement. Mais, de la façon dont c'est présenté, je me demande, un peu comme l'a fait mon collègue de l'Union Nationale, avec les six millions d'inspecteurs qu'a mentionnés le ministre tantôt, ce qui arrivera une fois qu'il y aura six millions d'inspecteurs à l'environnement au Québec. (12 h 40)

Est-ce qu'il restera quelqu'un à inspecter s'il y a six millions d'inspecteurs? Je dois honnêtement reconnaître que le ministre veut faire quelque chose pour protéger la qualité de l'environnement, mais il y a un problème d'équilibre là-dedans qui est le suivant. Tout en se voulant un projet de loi pour protéger la qualité de l'environnement de chacun des citoyens, jusqu'à quel point, dans le déséquilibre qu'on risque de voir s'instaurer, le citoyen n'en arrivera-t-il pas à avoir un problème économique suffisamment fort qu'il n'y aura plus de qualité d'environnement à protéger, parce qu'il n'y aura plus de situation économique qui intéressera le Québécois à demeurer au Québec?

C'est un problème qu'il nous faut regarder bien en face. J'ai entendu le ministre parler de ses

intrusions ou, comme il les a appelées, ses interventions dans différentes régions. Il a mentionné la région de Rouyn-Noranda. Je pense que le ministre a raison de mentionner cette région, car il est venu y faire un tour. Il a tenu des propos, à cette occasion, qui ont fait fureur, devant une assemblée de partisans, bien sûr. Il a mentionné à peu près en ces termes que la mine Noranda était le pollueur no 1 du Québec. Évidemment, il a sûrement reçu des applaudissements chaleureux de ses partisans. Je dis bien de ses partisans. Mais la réalité est tout autre. La réalité est la suivante: C est que dans cette région, comme dans d'autres régions du Québec, il y a les industries que Ion appelle les industries moteurs. Si nous faisons tout en notre pouvoir pour leur placer des bois dans les roues, ces industries moteurs trouveront preneurs dans d'autres régions, dans d'autres provinces. Elles trouveront preneurs ailleurs. Les capitaux qu'elles ont à investir ne sont pas nécessairement attachés.

M. Russell: Dans d'autres pays aussi.

M. Samson: Elles pourront aussi aller dans d'autres pays. Or la population fait face à ce problème qu'a mentionné le ministre tantôt, la protection de l'environnement versus l'économie. Elle a le choix. D'une part, une industrie moteur bien vivante, et pouvoir y arracher des salaires pour faire vivre sa famille. Ces industries moteurs sont multiplicateurs d'emplois; à titre d'exemple, l'industrie minière est multiplicateur d'emplois par le chiffre 6. Quand on a un emploi dans l'industrie minière, cela veut dire six autres emplois dans des industries secondaires et tertiaires. Évidemment on retrouve beaucoup plus de gens dans les comités antipollution, dans ces régions, qui ne gagnent pas leur vie dans l'industrie primaire comme telle; ils la gagnent par un salaire qui leur vient de I industrie tertiaire ou même gouvernementale. C'est donc dire que ceux qui sont toujours prêts à mettre en boîte l'industrie par des mesures, comme celles que nous avons vues, de pressions, de contestations, ce ne sont pas ceux-là qui perdront leur gagne-pain si l'industrie en souffre.

Je pense qu'il est important que nous fassions savoir que la population en général, lorsqu'elle est concernée, veut bien faire son possible pour protéger son environnement. On ne peut pas, de ce côté-là, accuser personne de vouloir polluer ou, du moins, de polluer sans qu'on regarde autour de soi ce qui pourrait être progété.

Mme le Président, il y a aussi cet esprit de conservation. Conservation de l'environnement, oui, mais conservation de son salaire pour être capable de conserver sa vie, cela est également important. Je pense que de ce côté-là, il y a un manque d'équilibre. Le ministre a eu un écart de langage à Rouyn-Noranda lorsqu'il est venu. D'ailleurs, il a reconnu un peu plus tard que ce n'était peut-être pas tout à fait cela qu'il avait voulu dire. Mais, comme conséquence et comme coïncidence, il arrive que depuis qu'il est venu chez nous, il y a des emplois en moins; des employés ont perdu leur emploi et lorsqu'on a un emploi qui se perd dans l'industrie minière, cela veut dire six autres ailleurs. Il y en a eu environ 200 depuis ce temps-là, 250, je pense.

Il est intéressant de regarder de ce côté-là, et aussi, de tenter de maintenir un équilibre quand on fait une intervention quelque part en matière d'environnement. J'ai retenu, bien sûr, le gag des oiseaulogues ", qui s'applique très bien dans plusieurs cas. Quand on parle de ces générateurs de protection de l'environnement, il arrive que souvent, on va très loin. J'ai déjà entendu, il y a quelques années, des gens, à la radio, nous parler aussi des petits oiseaux sur la route 73. Parce que cela pourrait déranger les petits oiseaux de faire une nouvelle route, paraît-il qu'il ne fallait pas la faire. Le progrès et le développement exigent des choses. Cela exige, par exemple, si on doit faire une route, et que ma maison est placée sur le tracé de la route, que je la déplace. Si je dois me déplacer, comme être humain, je ne vois pas pourquoi un petit oseau ne pourrait pas se déplacer lui non plus si c'est pour le progrès. C'est le monde à I envers que de placer les oiseaux avant les êtres humains.

M. Russell: La vie des poissons avant la vie des êtres humains.

M. Samson: Oui, justement. On a un petit témoignage ici, juste pour faire remarquer au ministre qu'il doit y avoir une question d'équilibre en toute chose, dans le journal Dimanche-Matin du 19 novembre. Cela ne fait pas longtemps. L'eau du lac était trop salée, le sel sera remplacé par la "garnotte" et là, on voit une affiche: "Protection de I'environnement, aucun épandage de sel sur deux kilomètres ". L'Office des autoroutes vient installer des affiches avisant les automobilistes qu'il n'y aura aucun épandage de sel cet hiver sur une distance de deux kilomètres sur l'autoroute des Laurentides, aux abords du lac à la Truite, près de Sainte-Agathe. C'est dans ce lac que la municipalité de Sainte-Agathe-Sud, qui compte 1000 habitants, s'alimente en eau potable et, tous les hivers, l'eau de l'aqueduc affiche un degré de salinité particulièrement élevé, alors que l'égouttement de l'autoroute amène le calcium déposé sur la chaussée directement dans le lac à la Truite.

Cet hiver, le calcium sera remplacé par de petites pierres, mais, comme on ne sait pas trop ce qui arrivera lors des tempêtes, on invite les automobilistes à diminuer considérablement de vitesse sur ce tronçon. C'est bien beau, Mme le Président. Mais imaginez-vous que, premièrement, il n'aurait pas été nécessaire de placer ces panneaux et d'empêcher d'épandre du calcium sur deux kilomètres. Il n'y aurait eu qu'à consulter les autorités du ministère des Transports et tous auraient pu nous dire qu'il y aurait eu moyen de faire en sorte que l'égouttement de cette partie de la route aille ailleurs que dans le lac. Donc, on a pris là une mesure inutile. Si on avait consulté qui de droit, cela aurait pu se régler autrement. Mais il y a une chose qu'on a oubliée, Mme la Présidente. C'est que si un automobiliste roule à 100 kilomètres à l'heure sur l'autoroute des Laurentides où, évi-

demment, c'est permis de rouler à 100 kilomètres à l'heure, et qu'il arrive dans cette section de deux kilomètres, savez-vous qu'il risque gros de ne pas voir cette pancarte? Il risque gros d'arriver sur un tronçon glacé, il risque gros d'avoir un accident. On risque de voir des personnes perdre la vie sur ce tronçon. Il paraît que, selon ce qui est écrit là-dessus, c'est moins important de perdre des vies en automobile que d'avoir des truites qui boivent un peu d'eau salée. (12 h 50)

Mme la Présidente, je soutiens, pour ceux qui me crient dans le dos, que cela aurait pu être réglé. Je ne dis pas qu'on doive envoyer le calcium dans le lac, au contraire. Ce n'est pas cela que j'ai dit. J'ai dit que cela aurait pu être réglé en faisant en sorte que les égouttements se fassent autrement et que les égouts pluviaux n'aillent pas dans ce lac. En cette matière, le ministère des Transports aurait pu régler ce problème facilement alors qu'on a trouvé bon de faire de la publicité pour le ministère de l'Environnement sur l'autoroute des Laurentides.

Ce ministère-là est de bonne foi, de bonne volonté, mais cela s'adonne qu'il a un ministre qui aime bien la publicité. Donc, une fois de plus, il s'est fait installer un panneau pour montrer que c'était le ministère de l'Environnement qui était intervenu là-dedans, comme à tous les jours, presque, durant un an ou deux, il a sorti des communiqués de presse pour nous dire, par exemple, que dans telle région du Bas-du-Fleuve, l'inspecteur avait changé son numéro de téléphone. Qu'est-ce que vous voulez que cela nous foute, dans le Nord-Ouest québécois, que l'inspecteur de Gaspé ait changé son numéro de téléphone? Qu'est-ce que vous voulez que cela foute aux gens de Québec que l'inspecteur de l'Environnement dans la région des Laurentides, ait changé son numéro de téléphone? Cela sortait à pleins communiqués de presse. Tous les députés ont reçu copie de cela, Mme le Président.

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai!

M. Samson: C'est le genre de choses qu'on fait au ministère de l'Environnement. C'est un ministère de publicité, le ministre est friand de publicité. Il aime la publicité à un point tel qu'il en fait deux ou trois communiqués par jour. Ce sont des choses comme celles-là. Moi, je dis: L'équilibre dont il a été fait mention tantôt, c'est cet équilibre dont nous avons besoin. On ne doit pas bloquer le progrès parce qu'il y a dans le décor des personnes qui ont une âme de poète.

Le progrès doit être considéré, et surtout dans cette période que nous vivons, dans cette période où les industries ont tendance à se sauver un peu du Québec, parce qu'il y a des problèmes sérieux d'incertitude, d'inquiétude. Les capitaux qui sont fragiles, qui sont nerveux ont tendance à s'en aller vers l'extérieur, vers l'Ontario, vers d'autres pays. Combien de nos concitoyens québécois exportent des capitaux vers la Floride, vont investir en Floride plutôt que d'investir ici au Québec, présen- tement! C'est dans cette période difficile, dans cette période au taux de chômage assez élevé que l'on vient nous dire qu'on va faire des Québécois 6 millions de policiers, 6 millions, en quelque sorte — le ministre ne l'a pas dit comme cela, mais cela veut dire à peu près cela — de délateurs, de gens qui vont se surveiller les uns les autres et on donne — c'est là que je ne suis pas d'accord avec le projet de loi — à chaque citoyen le pouvoir de poursuivre son voisin. Si l'on considère que l'environnement, que la pollution, cela peut être une forme de crime, comment se fait-il que quand le gouvernement a à poursuivre des criminels, ce n'est pas un citoyen qui fait la poursuite, c'est le ministère public qui fait les poursuites au nom du gouvernement, c'est le procureur général ou l'adjoint au procureur général qui fait les poursuites au nom du gouvernement. Pour quelle raison, dans le cas particulier de la Loi sur la protection de l'environnement, ce ne serait pas le ministère public comme pour les autres cas, ce ne serait pas le procureur général comme dans les autres cas qui ferait les poursuites, de sorte qu'il y aurait une étude préliminaire avant de lancer une poursuite contre quelqu'un? Ce qu'il y a de dangereux dans ce projet de loi, c'est qu'il y aura 6 millions de personnes qui auront le pouvoir de se poursuivre entre elles.

Quelle sorte de situation cela va-t-il apporter? Quelle sorte de société cela va-t-il nous apporter? Mme le Président, il y a des pays totalitaires qui ne sont pas aussi avancés que cela en matière de délation. Je dis que c'est une partie de la loi qui est inacceptable. Je veux bien dire au ministre que je suis d'accord avec lui en matière de protection de l'environnement. Je veux bien dire au ministre que je suis d'accord avec lui pour l'aider à tenter de trouver les meilleures solutions possible. Je veux bien dire au ministre que je suis d'accord avec lui pour que nous puissions étudier des crédits à la prochaine occasion pour lui permettre de faire l'éducation à partir de l'âge. L'éducation en matière de protection de la qualité de l'environnement commence à partir du jeune âge dans les écoles.

Je veux bien dire tout cela au ministre, mais je veux me garder une réserve, car on dit dans cette loi que n'importe qui pourra poursuivre n'importe qui. C'est aller trop loin, c'est le déséquilibre. Je veux de l'équilibre et, parce que je veux de l'équilibre, je maintiendrai cette réserve jusqu'à ce que le ministre nous dise dans sa réplique — j'espère — en deuxième lecture qu'il a l'intention de modifier cette partie-là. Si cette partie-là est modifiée pour qu'on ait un sain équilibre, je pense que je serai d'accord avec le projet de loi. Mais parce que le projet de loi est omnibus, parce que le projet de loi contient une portion qui est inacceptable, à ce moment-ci, je me réserve le droit de dire non à ce projet de loi, mais en espérant qu'il y aura une modification d'annoncée pour que je puisse dire oui parce que je suis d'accord avec la protection de l'environnement.

M. Laplante: Mme la Présidente, je demande la suspension du débat, s'il vous plaît!

Mme le Vice-Président: M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je demande la suspension du débat, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député, vous aurez la parole au moment de la reprise du débat.

M. le leader, vous aviez une communication à faire?

M. Bertrand: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais demander aux partis de l'Opposition s'ils accorderaient leur consentement pour qu'on modifie l'avis qui est en appendice à notre feuilleton aujourd'hui et qui prévoit la tenue de la commission parlementaire permanente des affaires municipales. Déjà, hier, on avait ajouté la ville de Sherbrooke même si la période de sept jours n'était pas respectée; on était à six jours hier. Il y a la ville de Beauport maintenant qui aimerait bien être entendue dès lundi prochain. Je demanderais, à ce moment-là, le consentement pour modifier l'avis.

M. Lamontagne: Mme la Présidente, avant d'accorder le consentement, je veux poser une question. Prévoyez-vous d'autres villes? Il semble y en avoir une par jour.

M. Bertrand: La ville de Beauport était la dernière.

M. Lamontagne: Consentement.

M. Bellemare: Mme le Président, non.

Mme le Vice-Président: Consentement. M. le leader.

M. Bellemare: Je ne dis pas oui parce qu'on est en tran d'égrener toute la structure de notre parlementarisme. Un instant. Aux derniers moments, on peut donner des acquiescements. D'accord, sur certaines choses qui sont passables, mais je dis non pour la ville de Beauport qui suit son...

Une voix: Ce n'est pas un discours qu'on vous demande de faire.

M. Bellemare: Regardez donc ce bel innocent, le député de Lac Saint-Jean qui se mêle, mon cher monsieur, d'une affaire qu'il ne connaît pas.

M. Brassard: Question de privilège, Mme le Président.

M. Bellemare: Quelle innocence!

M. Brassard: C'est bien beau, le doyen!

Mme le Vice-Président: M. le député de Lac Saint-Jean, aviez-vous une intervention?

M. Brassard: Non. Je me préparais à lui demander de retirer ses paroles, mais cela n'en vaut pas la peine.

Une voix: C'est le bouffon de la "gang". Mme le Vice-Président: À l'ordre!

M. Lamontagne: Mme la Présidente, j'ai une suggestion à faire au leader adjoint. Il serait peut-être souhaitable que les leaders se rencontrent avant le début des travaux pour essayer de régler ce problème.

M. Bertrand: C'est cela. En l'absence de consentement, je pense bien que c'est la meilleure chose de réunir le syndicat des leaders. On verra ce qu'il y a moyen de faire pour régler ce petit problème qui, dans le fond, n'en est pas un très gros. D'accord. On verra ce qu'il y a lieu de faire pour Beauport.

Mme le Vice-Président: Cette Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 15 h 6)

Le Vice-Président: Au moment de la suspension, M. le député de Bourassa avait demandé le droit de parole.

M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole sur le projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, est-ce que votre présidence n'a pas été prévenue que je m'apprêtais à faire une déclaration ministérielle?

Le Vice-Président: Madame, officiellement non. Du consentement de toute l'Assemblée cela pourrait se faire, mais la présidence ne peut pas en décider seule.

M. Lalonde: Je voudrais avoir un renseignement à ce moment. Est-ce qu'une copie a été transmise à l'Opposition?

M. Grenier: M. le Président, je ne sais pas si le ministre accepterait de laisser passer une quinzaine de minutes. Je pense que cela s'est fait à la toute dernière minute avant 15 heures pour les deux formations politiques.

Mme Payette: Volontiers, M. le Président.

Le Vice-Président: Dans ce cas, est-ce qu'on pourrait s'entendre sur ceci: M. le député de Bourassa fera son discours et, ensuite du consentement unanime, Mme le ministre fera sa déclaration? D'accord? Merci.

M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Je suis d'autant plus heureux que j'ai eu, si on peut appeler cela ainsi, la chance de présider les séances où on a reçu des mémoires sur le projet de loi no 69. Il y avait un climat dans cette commission très favorable à cette loi et des idées constructives ont pu en sortir de la part de l'Opposition libérale et de l'Union Nationale. J'ai ce qu'on appelle le comté à peu près le plus pollué de la province à cause de la rivière des Prairies et des deux cimenteries qui s'y trouvent, Francon et Miron. L'Opposition actuellement a beaucoup peur de ce qu'on appelle les six millions d'inspecteurs dans la province qui s'occuperaient de pollution. Pour nous autres, on a voulu le prendre d'une façon tout à fait constructive. J'ai dans mon comté des groupements antipollution, ce qu'on appelle le groupe antipollution de Saint-Michel, j'ai la conservation du Sault-au-Récollet, le groupe philanthropique de Saint-Michel et les groupes d'horticulture de Saint-Michel. Les quatre groupes ont voulu se rencontrer et se servir justement des six millions d'inspecteurs québécois pour pouvoir constituer un comité unique afin d'aller parler avec les entreprises. On a suivi ce que le ministre nous avait suggéré lors d'une rencontre en janvier dernier à la fabrique Miron. Le comité, il y a une semaine, a été mis sur pied et sept citoyens ont pu en faire partie, dont trois membres de ces groupes représentant les associations et quatre citoyens qui représentent en somme les 6 millions dont on parle.

L'objectif de ce comité n'est pas de fermer ces industries. Certaines de ces industries émanent beaucoup de pollution, soit par poussière ou dynamitage, dans le comté de Bourassa. L'objectif du comité est de rencontrer la compagnie, soit Francon, soit Miron, afin de discuter des possibilités de diminuer ce genre de pollution. On l'a pris sur un aspect très constructif pour que les compagnies puissent nous déléguer elles-mêmes une personne à l'intérieur du comité, ce qu'elles ont accepté au cours de l'année, et on souhaite commencer au cours de janvier. (15 h 10)

Maintenant, il y a aussi la CUM qui a une très grande responsabilité. Son projet sur l'environnement n'est pas encore décrété. Elle a un pouvoir unique sur la pollution. On s'attend, dans les jours qui viennent, à ce que la CUM puisse promulguer son règlement.

Il n'y a pas que les compagnies qui sont un peu responsables. Si on prend l'annonce du ministre, avec ses $40 millions à la ville de Laval pour l'assainissement des eaux, je me demande très sérieurement s'il n'y a pas d'autres politiques de responsabilité des villes qui pourraient s'attacher à cela. Si on parle de la rivière des Prairies, on dit que c'est la plus polluée de la province. Elle sert aussi de dépotoir à neige l'hiver. On dirait que ces municipalités, autant à Montréal que la municipalité que j'habite, attendent encore des décrets, attendent encore des lois du gouvernement pour arrêter ce dépotoir. On sait les quantités énormes de calcium qu'il peut y avoir dans ces dépotoirs à neige. Mais les villes ont le défaut d'attendre que cela vienne encore du gouvernement. Après, on se plaint que le gouvernement veut administrer les villes. Ce serait un bon geste à faire actuellement que la ville de Montréal arrête elle-même ces dépotoirs à neige sur le bord de la rivière des Prairies, ainsi que la ville de Montréal-Nord.

Si on regarde, par exemple, la ville de Montréal avec ses dépotoirs à neige, on en a un presque en plein centre de la ville, à côté des cimenteries. Qu'arrive-t-il? Le printemps, disons au mois de juin, dans les grands vents, on a toute la poussière de cette cimenterie plus la poussière de ces tas de neige qui ont fondu. La ville, après, prend des actions contre ces compagnies-là à cause de la pollution.

Nous, comme citoyens, avons très peu de moyens contre la ville, soit par action, soit par injonction, ce qu'on ne pouvait pas avoir auparavant. Mais le projet de loi 69 nous donne actuellement la possibilité de prendre nos responsabilités comme citoyens, ce qui fait partie des 6 millions d'inspecteurs. La ville pourra être attaquée aussi, selon les mêmes considérations, comme une usine.

Tout ce que l'on peut faire ici, comme gouvernement, c'est de voter ces lois, d'essayer d'édu-quer les gens à prendre chacun leurs responsabilités. J'insiste énormément, et pas seulement sur Montréal. Il y a plusieurs autres municipalités qui ont des dépotoirs le long des cours d'eau, j'ai vu à plusieurs reprises ces dépotoirs. Il faudra que les municipalités se sensibilisent aussi, qu'elles prennent parti avec le gouvernement; les lois que l'on fait, c'est une façon de sensibiliser la population. Ce n'est pas toujours heureux d'être obligé d'édu-quer la population par une loi semblable. Il faut dire à chacun: Fais attention à ton bien, à ta santé. En somme, c'est ce que l'on fait actuellement par la loi 69, protéger notre environnement, notre vie à nous. Il me paraît, dans une société civilisée, superflu que nous ayons à pousser des lois aussi loin que cela.

Dans le projet de loi actuel, ce que je trouve très bon, c'est qu'il n'y aura plus de développement sauvage dans certains milieux. Il faudra qu'il y ait une analyse d'impact; à ce moment-là, les usines qui polluent beaucoup ne pourront obtenir de permis pour s'installer dans les secteurs domiciliaires à forte concentration.

Pour terminer, M. le Président, depuis au moins 20 ans les gens se sensibilisent, ils commencent à voir que la perte de la santé, par l'environnement, ne fait que s'accentuer. Ce que l'on peut faire nous, comme citoyens, comme groupe-

ment ou industrie, c'est de continuer à se parler, à se sensibiliser, dans toutes les associations. La présente loi donne, en somme, des dents additionnelles au point de vue des amendes.

Auparavant, une compagnie se faisait arrêter pour de la pollution mais elle avait des amendes d'à peu près $50, $100, $200, c'était la limite. Il aurait fallu qu'il y ait beaucoup d'offenses pour aller jusqu'à ce point. Aujourd'hui, avec les dents que cette loi peut avoir, elle impose les amendes jusqu'à $5000 et $10 000 et si on récidive, cela peut aller jusqu'à $20 000. Pour les compagnies et les individus, pour qui les amendes sont moins fortes, selon leur richesse, tout ce que j'espère, c'est qu'on n'ait pas à se servir de cette loi. Que chacun ait une conscience personnelle, un respect des autres et le Québec ne pourra que mieux s'en porter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Suivant l'entente... Un instant! Je vous reconnaîtrai immédiatement après. Suivant l'entente, dis-je, je vais donner la parole à Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

M. Bellemare: Pourriez-vous me donner... Le Vice-Président: Certainement, oui.

M. Bellemare: M. le député de Laval vient de passer en me disant qu'il y avait une entente pour 16 heures. Le chef de l'Union Nationale vient de partir après qu'on lui eut dit que ce serait vers 16 heures. Qu'est-ce qui arrive?

Le Vice-Président: Excusez-moi. Tantôt...

Mme Payette: M. le Président, de consentement, si vous voulez bien agréer cette demande, je ferai cette déclaration à 16 heures.

Le Vice-Président: De consentement, à 16 heures? D'accord. Nous allons tous nous entendre: à 16 heures il y aura cette déclaration ministérielle.

M. le député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. Mailloux: M. le Président, en intervenant sur le projet de loi 69, c'est mon intention de parler principalement de certaines parties des notes explicatives auxquelles fait référence le ministre de l'Environnement dans la présentation de ce projet de loi, soit "reconnaître à toute personne le droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes... de permettre d'ordonner le réaménagement des carrières et sablières existantes — étant donné les occupations que j'avais précédemment — ... et de permettre au ministre d'intervenir pour nettoyer ou ramasser des contaminants jetés dans l'environnement".

Il est indiscutable que mes paroles paraîtront peut-être décousues, mais il est fort possible qu'en raison du débat que l'on retrouve dans tous les médias d'information de la région de Québec et des paroles qu'a prononcées ce matin le ministre de l'Environnement au sujet de la construction de l'autoroute Dufferin-Montmorency et de l'habitat naturel des oiseaux migrateurs, je revienne de temps en temps sur ce sujet, qui est une des raisons qui amènent le ministre de l'Environnement, s'il y a eu des erreurs, à tâcher de faire en sorte que dans l'avenir on puisse les corriger, au moins en partie.

Depuis 1955, la province de Québec de I'après-guerre a subi un développement où l'urbanisation a été celle qu'on a connue, une province où le phénomène de l'industralisation s'est accentué dans la période d'après-guerre. Les gouvernements en place, que ce soit l'Union Nationale ou que ce soit le Parti libéral, ont dû faire face à des obligations nouvelles. Nous avons été obligés, un gouvernement ou l'autre, de donner des réseaux de communications intraprovinciaux entre les grandes agglomérations puisque les gens se déplaçaient vu cette industrialisation et cette urbanisation. On peut nous reprocher aujourd'hui que tout cela s'est fait à l'encontre des lois de l'environnement, qu'il n'y avait pas une nécessité de mettre en place un réseau routier qui couvre aujourd'hui 44 000 milles dans l'ensemble de la province de Québec. Mais je suis de ceux qui croient que, dans les impératifs qu'a aujourd'hui le gouvernement, si la Transcanadienne n'existait pas, il faudrait la mettre en place, parce que je vois des ministres de l'autre côté qui s'en servent et s'en servent même en dehors des réglementations et des lois de la sécurité. Il y a toutes les autres autoroutes dont on parle, quel que soit I'endroit du Québec où elles ont été construites. Dans les deux dernières décennies au cours desquelles tout le monde a pu assister aux doléances du public, on a vu un parc automobile, qui était à peu près inexistant en 1945, et partir d'environ 200 000 et monter à 3 500 000 de véhicules; d'où les obligations que cela a entraînées.

M. le Président, est-ce que cela s'est fait sans tenir compte des lois de l'environnement? Je dois bien confesser qu'il y a des disciplines qui en ont profité largement, de cette urbanisation et de cette industrialisation. On n'a qu'à penser à deux disciplines, les ingénieurs et les architectes, qui devant l'ensemble des besoins qui sont nés de la guerre ont vécu largement et on poussé après les gouvernements pour faire accepter des plans plus audacieux les uns que les autres. Cela a été un phénomène qu'on a connu, qu'on doit confesser; ce sont deux disciplines qui ont eu les portes larges ouvertes devant tous les gouvernements. (15 h 20)

Aujourd'hui, on retrouve d'autres disciplines qui naissent de besoins nouveaux, de la protection de l'environnement. Je ne reprendrai pas les paroles de mon ancien collègue de Beauport qui les appelle les "oiseaulogues " ceux qui sont préoccupés par l'écologie. Les biologistes sont également préoccupés par les retombées des travaux sur l'habitat des oiseaux migrateurs ou

d'autres espèces qu'on veut protéger. Je pense que là il y a une préoccupation qui mérite qu'on lui porte attention.

Comme on reproche aujourd'hui leurs erreurs aux architectes et aux ingénieurs, il faudra surveiller ces deux disciplines dans la décennie qui s'en vient, car on voudra faire croire n'importe quoi au public.

Il s'agira peut-être, entre-temps, pour les hommes publics, s'il y a eu des erreurs dans le passé devant le phénomène de l'industrialisation qu'on a connue, qu'on leur fasse comprendre, ainsi qu'aux écologistes, aux biologistes et aux autres "istes " que, certainement, il y a un juste milieu à atteindre et que nous devons tenir compte de certains impératifs et trouver le juste milieu qui satisfasse à l'ensemble de ce qui est demandé à un gouvernement.

M. le Président, on a beaucoup parlé du boulevard Dufferin-Montmorency et des dangers qui ont été apportés à l'habitat naturel des oies blanches et des outardes. Je regrette que ce débat arrive un peu à l'improviste devant moi, car j'aurais apporté au ministre délégué à l'Environnement certaines cartes marines et autres de l'environnement couvert par le boulevard Dufferin-Montmorency dans les années 1947, 1949, 1950 et 1952. Qu'est-ce que c'était, à ce moment-là, les battures de Beauport? Depuis combien de temps des gens, des propriétaires riverains se sont-ils emparés graduellement des battures de Beauport pour des fins d'agrandissement de terrain ainsi que pour des fins commerciales et industrielles. Qu'on se rappelle également que sous le gouvernement Taschereau, une partie des battures de Beauport ou de Montmorency a été occupée par le terre-plein qu'il fallait mettre en place pour assurer un lien entre les deux rives, l'île d'Orléans et la terre ferme, vers les usines de Dominion Textile à Montmorency.

La décision de construire le boulevard Dufferin-Montmorency a été discutée au Conseil des ministres alors que votre premier ministre actuel était même membre du gouvernement, en 1964 et en 1965. Ce sont les prémisses de la décision de construire un lien non pas pour l'agrandissement du port de Québec, mais pour la desserte de Beauport, de Giffard, de la rive nord du Saint-Laurent, des comtés de Charlevoix, Saguenay et Duplessis. Ultérieurement, sous le gouvernement de l'Union Nationale, en 1968, il y a eu une décision de mettre de l'avant un lien pour satisfaire aux exigences du trafic qui allait vers la rive nord du Saint-Laurent.

M. le Président, depuis seize ans, comme tous ceux qui ont à oeuvrer dans la région de Giffard-Beauport, votre serviteur a circulé vers le centre-ville de Québec et vers le parlement. Je fais ce trajet depuis seize ans et je me rappelle, avant que la route Dufferin-Montmorency soit construite, toutes les doléances qui arrivaient à notre ministère par l'ensemble des secteurs public et parapublic. On ne nous demandait pas si on allait charcuter quelques maisons dans la basse-ville de Québec ou si on allait s'emparer de quelques bat- tures de Beauport, on nous montrait le portrait d'un travailleur qui, soir et matin, aux heures de pointe, devait, en partant du parlement ou des environs, se rendre jusqu'où est Woolco aujourd'hui. Cela prenait une heure ou une heure et cinq minutes durant les heures de pointe, entre 16 h 30 et 17 h 30.

C'était cela, la réalité de la circulation urbaine, soir et matin. C'était près de quatre heures pour un circuit qui a à peu près six ou sept milles de longueur. Je l'ai vécu, ce phénomène, pendant près de seize ans. Comme tout le monde, j'avais, de pare-chocs à pare-chocs, à attendre, sur le boulevard des Capucins, le boulevard Sainte-Anne, que l'heure de pointe soit passée pour pouvoir me rendre chez moi. Aujourd'hui, je constate que ceux — même du Parti québécois — qui se servent du boulevard Dufferin-Montmorency, qu'on appelle l'hérésie du siècle, entre le parlement et Woolco, prennent exactement quatre minutes. Le soir et le matin, cela a pas mal amoindri les problèmes de retour ou d'aller au travail.

Est-ce que cela a été une erreur d'architecture lamentable? M. le Président, je ne suis pas un spécialiste dans ces disciplines, mais je constate que la géographie de la ville de Québec, la topographie du terrain est un peu spéciale dans le Québec; cela ressemble un peu à Charlevoix, la colline parlementaire. La décision qu'avaient à prendre nos prédécesseurs dans le tracé Dufferin-Montmorency, qui a tellement bousculé l'environnement, était la suivante. Est-ce qu'on devait, ou est-ce que vous deviez charcuter pour faire un lien un peu plus direct vers des populations qui en avaient besoin? Est-ce qu'on devait charcuter le carré d'Youville, charcuter l'ensemble du boulevard des Capucins? Est-ce qu'on devait charcuter deux autres quartiers?

Une voix: La gare du CPR.

M. Mailloux: Est-ce qu'on devait charcuter la gare du CPR avec tout ce qu'elle a de nostalgique, d'historique? M. le Président, je conviens que, quand le tracé a été définitif, on s'aperçut qu'à l'église ici en bas, aux magasins d'alimentation la clientèle disparaîtrait parce qu'il fallait forcément enlever quelques constructions pour faire sur pilotis un boulevard qui ne charcutait pas dans l'ensemble tous ces quartiers.

On aurait eu beau demander aux ingénieurs de faire des voies beaucoup plus étroites. On n'avait qu'à améliorer le boulevard des Capucins, les approches de la rue Saint-Paul et les approches, malgré l'élévation, vers le carré d'Youville. Cela aurait donné une rue un peu élargie, mais qui n'aurait pas correspondu aux 25 000 ou 30 000 véhicules qui, soir et matin, devaient se rendre vers Limoilou et vers la rive nord du Saint-Laurent. Je n'ai jamais aimé la structure qui fait que cette artère est forcément un obstacle pour tous ceux qui ont à la traverser près du carré d'Youville. Ce n'est pas une structure plaisante à voir quand on est près du Vieux Québec ou qu'on est dans la rue

Saint-Paul ou près de la gare. Ce n'est pas beau à voir, mais c'était l'endroit où cela charcutait le moins.

Il fallait également traverser les voies des chemins de fer en hauteur pour ne pas être également un obstacle à cette route, avec les voies dont on a parlé si longtemps. On arrivait, M. le Président, près des installations de la rive et l'on occupait une partie des battures qui étaient déjà occupées par le remplissage qu'on a connu d'année en année. Peut-être qu'en 1949 on aurait pu sauver à La Bastogne un phare qui était construit depuis les premiers temps de la colonisation. On n'était pas en 1949, on était en 1968 et c'était tout rempli. M. le Président, je me rappelle, pour y avoir circulé à des milliers de reprises, que la batture de Beauport qu'on a occupée, aux approches du pont de l'île d'Orléans, était déjà pas mal remplie par l'ensemble des contribuables qu'il y avait dans cette région. Et si on monte un peu en amont, il y avait également des terrains près de Pilote Construction qui étaient déjà remplis avant la décision de la construction de la route.

M. le Président, cela donne à peu près quoi la partie qui a été occupée par le boulevard Montmorency? Je comprends le ministre actuel de l'Environnement de dire que quand on arrive à la jonction de la rivière Beauport, il faudrait peut-être repenser les plans d'une route qui est en terre-plein pour permettre que le flux et le reflux de la mer qui entre dans la rivière Beauport se fasse comme à l'accoutumée et continue son action naturelle. Je pense que c'est normal qu'on le fasse, qu'on révise ces plans. C'est un phénomène qui a peut-être échappé à l'attention des ingénieurs qui ont conçu ces plans. Je pense que c'est là quelque chose que j'accepte qui soit revu. M. le Président, ce que je voudrais faire comprendre, c'est que l'optique première d'une décision de construire ce boulevard, ce n'était pas un port à agrandir. Ce n'était pas cela le but premier.

C'était la desserte de Beauport, de Giffard et d'une population importante qu'il fallait desservir par un réseau routier, avec les méthodes modernes qu'on connaissait, pour la circulation moderne qu'on connaissait. C'était aussi la desserte des trois comtés de la rive nord. Le port est arrivé en cours de route, l'agrandissement du port. M. le Président, quant au phénomène des oiseaux migrateurs qui y séjournaient, il ne faudrait quand même pas trop se cacher la vérité longtemps parce que je vis dans une région où les oies et les outardes, on connaît cela mieux que les gens de Montréal. Pas mal mieux. Quand les oies sauvages font leur périple, c'est quoi ce voyage? Elles arrivent de la Caroline vers le 15 avril. Peut-être quelques-uns d'entre vous ont-ils vu un programme très valable à la télévision l'autre soir. Le 15 avril. Elles repartent pour la Terre de Baffin vers le 15 mai. Elles reviennent vers le 15 octobre et repartent pour l'hivernement vers la Caroline. (15 h 30)

C'est peut-être de ceux-là dont voulait parler mon ex-collègue, M. Bédard, quand il parlait des oiseaulogues ". L'habitat naturel qu'ils perdent dans la partie de Dufferin-Montmorency qui est concernée, c'est indiscutable que c'est une partie de l'habitat naturel dont se servent ces oiseaux migrateurs. Mais dans mon esprit à moi, c'est le millième de la partie dont ils ont besoin pour assurer leur alimentation. M. le Président, je fais référence aux années que j'ai passées dans la navigation côtière quand, circulant dans le chenal nord entre l'île d'Orléans et la terre ferme, pendant dix ans, j'ai vu agir les oiseaux migrateurs à ces deux périodes de l'année. Quand ils arrivent pour passer une période de l'année ici dans le Québec, ils n'atterrissent pas au boulevard Dufferin-Montmorency. Leur habitat naturel, c'est le Cap Tourmente, sur les battures de Saint-Joachim, jusqu'à Sainte-Anne-de-Beaupré. Il est là, l'habitat naturel.

D'accord immédiatement que l'habitat naturel n'est pas suffisant pour l'ensemble du volier, qui peut se situer à 100 000, 200 000. Je vois le député de Mercier qui a regardé la télévision l'autre soir.

Il y a d'autres raisons qui font que le volier va vivre. Il va être important s'il y a assez d'alimentation, s'il a eu le temps de faire sa couvée et s'il a eu le temps de montrer aux petits à voler dans les quelques mois qu'ils passent dans la terre de Baffin pour faire les 1700 milles de retour. Si la température est moins favorable entre les deux parties, il y a une chance que le volier diminue. Je pense que tout le monde a compris cela. L'alimentation, on vous a démontré de quelle façon l'outarde allait la chercher dans la racine de l'algue marine. Est-ce qu'elle la prend seulement dans l'algue marine qu'on voit le long des battures de Beauport et principalement dans Saint-Joachim et Sainte-Anne? Archifaux: Vous voyez des oies sauvages qui vont d'abord là et qui se répartissent sur un ensemble de territoires.

Elles sont drôles à voir agir dans leur nature. Je naviguais des fois et, à un moment donné, quand on arrivait au Banc Brûlé, on arrêtait le moteur d'un navire de 150 pieds, puis on laissait aller le navire dans le volier. Il y en avait des fois 20 000, 30 000, 35 000. Est-ce que c'est bien sauvage, une oie sauvage? Ce n'est pas trop sauvage, parce que, en vous plaçant à l'avant du bateau avec une gaffe vous pouviez en piquer une à dix pieds en avant du navire, parce que dans cet environnement de Cap-Tourmente, elles étaient habituées à ce que personne ne tire sur elles. Elles étaient en sécurité. Elles savaient qu'elles étaient en sécurité. On pouvait en piquer une avec une gaffe à l'avant du navire. Cela veut dire qu'elles se sentaient dans leur habitat.

M. le ministre de l'Environnement, est-ce que vous voyez bien des chasseurs qui ont été sur les battures de Beauport, en arrière de La Bastogne ou près du pont de l'île d'Orléans pour tuer des oies sauvages? En avez-vous déjà bien vu? Dans mon esprit, c'est l'infime partie des oies blanches qui se tiennent sur les battures de Beauport et près du boulevard Dufferin-Montmorency. Quand je dis que c'est le millième, que vos spécialistes viennent me prouver le contraire. Les oies se répartissent sur toutes les battures de la région de Montmorency, dans tout le comté de Montmagny, dans une partie de L'Islet.

Quand le temps devient bas, brumeux, elles

s'en vont de là. Savez-vous où elles vont? Je vous invite comme ministre de l'Environnement à venir faire un tour dans Charlevoix, l'automne prochain ou le printemps prochain, je vous ferai visiter l'ensemble des lacs de Charlevoix. Il y en a des centaines et des centaines. Quand le temps devient bas, des algues marines, il y en a également ailleurs et elles s'en vont là.

Effectivement, dans le dernier voyage qu'elles ont fait, j'assistais à une chasse à la perdrix et au lièvre, puis, à un moment donné, en arrivant près d'un lac, on en a écrasé trois avec l'automobile. Elles ne sont pas trop sauvages de ce temps, elles étaient sur la route même. C'est assez exceptionnel, parce que normalement elles viennent amerrir sur le lac. Qu'on aille au lac des Cygnes, qu'on aille au lac des Mets, qu'on aille sur l'ensemble des lacs où il y a des marécages, c'est là qu'elles vont chercher la nourriture dont elles ont besoin et non pas seulement au cap Tourmente et le long de la côte de Beaupré.

M. le Président, j'entends parler de cela depuis des mois; on dit que c'est une hémorragie, l'habitat naturel qu'on a enlevé aux oies sauvages. Arrêtons de charrier, puis allez donc poser la question, non pas aux spécialistes qui ont des intérêts à protéger, mais aux chasseurs également de l'Île-aux-Coudres, de Petite-Rivière-Saint-François, de Montmagny. Allez donc voir de quelle façon ils réagissent.

Dans le programme dont je vous parlais, en Caroline ou en Virginie, pourquoi est-ce qu'on vous dit qu'elles s'en vont dans un tel endroit? Même les biologistes commencent à faire brûler pour éviter qu'elles aient à enlever les "cageux" avant d'aller chercher la nourriture. Lorsqu'elles en manquent, pourquoi vont-elles dans les champs également? Les champs ensemencés? On vous a montré cela à la télévision. Cela prouve qu'en dehors de l'algue marine, il y a d'autre chose où elles peuvent trouver leur subsistance également.

Ceci dit, M. le Président, j'ai présidé à la fin de l'exécution d'un contrat que je n'ai pas eu à décider; c'est mon prédécesseur qui a tout mis en marche. J'en ai à peu près terminé la réalisation, sauf un petit bout qui manque. Je trouve curieuses les attitudes du Parti québécois et je vais vous dire pourquoi. Actuellement, on dit que la construction du boulevard Dufferin-Montmorency est l'hérésie du siècle. Je trouve, pour ma part, qu'il y a bien du monde qui s'en sert efficacement. Malgré les quelques erreurs d'esthétique, même ceux qui sont contre ne passent pas en dessous, ils passent dessus. Ils s'en servent drôlement. Mais le Parti québécois est en drôle de contradiction, et le ministre actuel, avec le programme du Parti québécois dans Charlevoix, en 1976.

Le Vice-Président: Je m'excuse, M. le député de Charlevoix, est-ce que vous parlez comme représentant officiel de votre parti?

M. Mailloux: Non, mais j'ai l'intention de terminer...

Le Vice-Président: Dans ce cas-là...

M. Mailloux: Je pense qu'il me reste trois minutes.

Le Vice-Président: Ah non! je vous en prie.

M. Goldbloom: Consentement pour trois minutes.

M. Mailloux: Je pense qu'on m'a quand même assez charrié, depuis un certain temps, que je pourrais quand même apporter quelques réflexions...

M. Léger: Je suis d'accord pour donner mon consentement, parce qu'il y a des "oiseaulogues" et des oiseaux le "fun".

Le Vice-Président: II y a consentement, M. le député de Charlevoix, mais je voulais quand même prévenir votre parti.

M. Mailloux: Peut-être que le ministre n'aimera pas cela, mais...

M. Godin: À une condition, c'est qu'il poursuive sur son évocation poétique de sa vie de marin et non pas sur le programme du parti.

M. Mailloux: ... en 1976...

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! D'accord. M. le député de Charlevoix, tout le monde est d'accord pour vous accorder trois minutes.

M. Mailloux: Je ne parlerai pas longtemps du programme du Parti québécois, parce que ce n'est pas le programme général, c'est le programme du candidat du Parti québécois pour Charlevoix. Il m'avait un peu estomaqué, le premier article du programme. Ayant été titulaire du ministère des Transports pendant quelques années, on critiquait déjà le boulevard Dufferin-Montmorency, comme les députés de la région le savent. Je me demande qui avait présidé à la préparation de ce programme-là. En même temps qu'on avait fait Dufferin-Montmorency, j'avais moi-même ordonné l'élargissement du boulevard Sainte-Anne jusqu'à la basilique de Sainte-Anne de Beaupré. Je m'étais servi des emprises qui appartenaient au ministère des Transports pour éviter d'avoir à charcuter davantage.

Dans le programme du Parti québécois, lors du premier discours de mon adversaire, en 1976, on me reproche d'avoir élargi le boulevard Sainte-Anne en disant que l'endroit naturel pour conduire une route jusqu'à Beaupré, c'était sur les battures du fleuve Saint-Laurent. J'imagine qu'il était au moins en contradiction flagrante avec les énoncés de principes de mes amis d'en face.

Je voulais aussi apporter deux ou trois autres observations sur les carrières. Je conviens que, lorsqu'il y a eu un développement assez sauvage,

dans le Québec, pour la construction de routes et d'autoroutes, il a fallu faire des charcuteries assez importantes un peu partout au Québec, et cela a amené des problèmes. Il faudra forcément remettre en place la verdure qui a disparu, avec la charcuterie qu'on connaît. Ce n'est pas tellement esthétique. Je me rappelle une remarque que faisait le ministre français des transports, lors d'une visite que je faisais à Paris. Il disait ceci: On est pris avec toutes les exigences d'un public qui veut être satisfait sur toutes les facettes de la vie, et il faut, en France comme partout ailleurs, construire des routes. Il parlait des agrégats dont on a besoin pour construire des routes, et les écologistes de là-bas, les biologistes et les autres se plaignaient amèrement, il y a quatre ou cinq ans, des effets sur la nature de toutes ces carrières qu'on voyait là. Il disait aux Français ceci: Vous allez devoir choisir, à un moment donné. Si vous voulez des routes, il va falloir que je prenne les agrégats quelque part, sinon, on va protéger I9S autres facettes de la vie. Le choix des Français? Ils ont fait quelques accommodations, mais ils ont eu la preuve que si les agrégats dont on a besoin à un certain moment, on ne peut pas les prendre à cinq milles ou à 20 milles d'un travail, s'il faut les prendre à 40 et 50 milles, il va falloir que le public en paie la note. À ce moment-là, cela devient extrêmement dispendieux pour faire quelque chose.

M. le Président, la dernière observation que je fais est la suivante, et je pense que le ministre de l'Environnement, dans son ardeur au travail, a des raisons d'aller de l'avant. En faisant référence à mon passage dans le cabotage du Saint-Laurent pour le député de Mercier, je lui dirai que la situation a beaucoup évolué depuis une trentaine d'années. J'écoutais certains spécialistes qui sont venus aux auditions et qui nous disaient ce qu'apportaient, pour replacer les choses dans leur nature, les marées montante et descendante; on est parti de loin. En 1935 ou 1937 les réseaux d'aqueduc et d'égout n'existaient pas beaucoup dans le Québec. Les marins qui circulaient sur le Saint-Laurent, ne vous mettez pas dans la tête qu'ils prenaient l'eau à chacun des quais du Québec. Savez-vous où ils prenaient l'eau potable à ce moment-là? Ils la prenaient à la hauteur du quai de Saint-Laurent; tout ce qu'il y avait de bateaux qui circulaient sur le Saint-Laurent, à la hauteur du quai de Saint-Laurent. L'eau salée et l'eau douce, on fait de petites erreurs, cela se partage à la pointe est, à peu près, de l'île d'Orléans. Il y a une partie du salin qui vient un peu plus loin; pour être dans l'eau à peu près potable, il fallait la prendre à peu près au quai de Saint-Laurent.

J'avais déjà dit, devant mon collègue des Affaires municipales, qui n'avait pas aimé cela parce qu'il est un spécialiste en la matière, que cette eau n'était quand même pas trop mauvaise, parce que les marins de Charlevoix, de l'Île-aux-Coudres et des Éboulements ont tous vécu longtemps comme mon père jusqu'à 94 ans, mon oncle à 96 ans. Ce n'est pas l'eau qui les a fait mourir. Mais dans ce temps-là, forcément, il y avait moins de détergent qu'aujourd'hui. Il y avait moins d'huile, de gaz qui étaient jetés dans l'eau; quand l'eau était reposée, on pouvait la boire. Cela ne m'a pas arrêté de vieilir non plus d'ailleurs, après en avoir bu pendant quelques années.

Ce que je voulais dire c'est qu'au ministère des Transports on a vu que l'action des vendeurs d'automobiles usagées était complètement nocive pour la protection de l'environnement. J'avais, pendant deux ans, fait le nécessaire pour tâcher d'enlever toutes les carcasses qu'on retrouvait, dans tout le Québec, aux abords des rivières, avec l'huile qui s'en dégageait. Je pense que c'est une action positive qu'a faite le ministère des Transports à ce moment-là. De toute façon, M. le Président, je conclus en disant ceci: II est toujours facile de critiquer l'ensemble des autoroutes et des travaux qui ont été faits par les gouvernements précédents. Comme on n'en a plus à faire, ou à peu près, c'est facile de dire que les autres ont tout mal fait. Ce que je constate par contre c'est qu'on s'en sert drôlement, à quelque parti qu'on appartienne, mais il y a des correctifs à apporter. Autant les ingénieurs et les architectes ont pu pousser des gouvernements dans le sens du développement sauvage, autant, peut-être, aujourd'hui, on peut faire le nécessaire dans ce gouvernement vis-à-vis des autres spécialistes qui voient venir la manne. Qu'on fasse un juste milieu entre les premiers et les seconds, et à ce moment-là je pense que l'action du ministère sera positive.

Le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: M. le Président, vous me permettrez d intervenir quelques minutes sur ce projet de loi 69 qui a été déposé en deuxième lecture ce matin. Vu l'expérience que j'ai vécue, étant natif d'une région rurale et ayant représenté comme député, depuis une vingtaine d'années, une même région, et vu l'expérience que j'ai eue comme administrateur municipal, vous allez comprendre que je suis un peu touché de voir un projet de loi aussi important déposé devant nous après avoir entendu le ministre faire un exposé sans toucher les points principaux de ce projet de loi.

Évidemment, je comprends bien le ministre, qui est entouré d'un personnel assez imposant de spécialistes, de naturalistes et de "zoiseaulogistes", comme le dirait mon collègue de Mégantic-Compton; il peut, de temps en temps, être impressionné. Je comprends aussi qu'avec son expérience et l'étude qu'il a faite dans ce domaine il peut faire un plaidoyer avec beaucoup plus d'éloquence sur ce projet de loi que je ne le peux.

Vous allez comprendre que je vais tenter de démontrer les faiblesses de cette loi. Je sais que le député de D'Arcy McGee a dû intervenir pour défendre ce projet de loi, qui est d'ailleurs le sien. Il a été préparé par lui et déposé par le ministre actuel. Cela semble être une continuité dans les

mêmes voies, et je le comprends aussi. Un bon médecin de chez nous me disait un jour...

M. Léger: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Vice-Président: Un instant.

M. le ministre délégué à l'Environnement.

M. Léger: Je pense qu'il faut rétablir les faits. Même si le député de D'Arcy McGee a l'honneur d'avoir préparé le projet de loi de 1972, ce projet de loi que nous avons devant la Chambre — je dois corriger les faits — provient uniquement de l'administration actuelle.

M. Russell: M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, monsieur, je m'attendais à cette réaction.

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: Je suis heureux de la mise au point. Cela me console un peu, cela me soulage un peu. Je tente de comprendre le geste et les paroles du député de D'Arcy McGee. Je peux comprendre un peu, comme me le disait mon médecin — comme il est médecin, je peux faire le même raisonnement avec lui — qui soutenait que la meilleure assurance contre la maladie, c'est la santé. C'est un peu cela le projet de loi. La meilleure assurance pour éviter la pollution, c'est de tout barrer partout. C'est ce que disait le ministre, ce matin, quand il faisait appel aux 6 millions d'inspecteurs. C'est évidemment presque un État policier, quand on lit la loi. Je lui dis bien amicalement cet après-midi que ce n'est pas tout à fait cela qui est nécessaire dans le contexte économique actuel de la province de Québec. Je préférerais de beaucoup adopter l'attitude du député de Saint-Hyacinthe qui, lui, a supplié le ministre d'apporter des mesures pour tâcher de faire l'éducation de la population, mais non la menacer de prison. C'est ce qui semble être dans ce projet de loi.

Je vais tenter de vous exposer mes points de vue là-dessus dans le domaine agricole. On vit actuellement cet état de choses qui fait qu'il y a des gens qui sont frappés par une loi existante qui est beaucoup moins imposante que celle-là. On rencontre aussi des gens qui se plaignent des exigences des inspecteurs. On tâche d'arriver avec des normes pour une porcherie et on dit que ce sont des normes minimales, mais on s'en vient avec des normes beaucoup plus difficiles que celles-là. On arrivera avec des périodes où l'on pourra épandre ses déchets, des périodes bien précises. Pour éviter quoi? La pollution. On bâtit aussi dans une certaine orientation afin que cela ne soit pas dans le sens du vent pour ne pas gêner les autres voisins qui sont déjà construits ou qui ont construit après que la porcherie a été installée. Mais tout cela, ce sont des gens qui sont malheureux d'une telle situation. Ce sont souvent des gens de la ville qui sont venus s'installer à la campagne, c'est leur privilège. Certainement, lorsqu'on vient s'installer à la campagne, il faut être prêt à endurer les inconvénients de la campagne avec tous les avantages que cela peut apporter. Mais, par cette loi, chaque citoyen va pouvoir se plaindre. C'est une loi de tracasseries. Je voudrais voir les procédures qu'il faudra suivre afin d'essayer de libérer ce pauvre cultivateur, lorsqu'on va faire une plainte contre lui et qu'il va être obligé d'agir. Le fardeau que cela lui imposera si, parfois, cela ne répond pas exactement aux normes de monsieur l'inspecteur, ou aux règlements qui n'existent pas encore, qu'on ne connaît pas. Que le ministre ne soit pas surpris que je sois difficilement favorable à cette loi. Il a dit lui-même, il a exposé brièvement les amendements que lui-même va apporter, qu'il va proposer en comité plénier et aussi les règlements qu'on devrait avoir pour étudier intelligemment cette loi. À plusieurs reprises on dit: Suivant les règlements établis. Je vais vous en donner tout simplement un exemple. Les automobiles ne pourront pas être vendues excepté si elles répondent à certaines normes. Elles ne pourront pas être utilisées à moins qu'elles ne répondent à certaines normes. Vous regardez après les amendes qui vont être imposées à l'individu, qui n'est pas très conscient des normes, qui pourrait se faire arrêter par un inspecteur. Je ne dis pas que cela va arriver, mais ce sont des choses qui sont placées à la disposition de l'inspecteur, du ministre ou de la commission. Imaginez-vous la loi de tracas, à moins qu'on nous garantisse qu'il y aura des délais raisonnables pour s'y conformer! Je suis bien d'accord que si c'est une vieille auto qui est un danger public, cela ne devrait pas être la loi de l'environnement qui contrôle cela. Il y a d'autres lois qui interviennent dans ces cas, mais pas la loi de l'environnement, parce qu'on sait actuellement que dans l'environnement, quand on parle de pollution, on se réfère au bruit, on se réfère aux égouts, naturellement, aux gaz, aux fumées, aux dépotoirs, à la poussière, et cela n'achève plus. Ce sont toutes ces choses, et j'en passe, qu'on tâche de réglementer par une loi dans quelques paragraphes, avec des dents, comme dirait le ministre, pour pouvoir tasser le gars et l'amener là où l'on veut. On donne la liberté à chaque citoyen de porter une plainte et à celui de qui on se plaint la responsabilité de se défendre. (15 h 50)

M. le Président, quand vous aurez été dans l'administration publique aussi longtemps que je l'ai été, vous connaîtrez les conflits de personnalités, les petites rancunes qu'il peut y avoir entre voisins et vous verrez les tracas que cela peut créer. Je demanderais au ministre de bien vouloir, pour rassurer ceux de ce côté-ci de la Chambre qui représentent la population, les gens silencieux, déposer au moins les règlements qui nous donneront une meilleure interprétation des droits du citoyen. Il y a seulement celui-là qui va se plaindre de la pollution qui a des droits. Les autres n'en ont pas; ils ont simplement des amendes à payer et, s'ils ne paient pas les amendes, il y a l'emprisonnement. C'est cela qui est grave. Ah! je sais qu'on va se lever et dire: Vous savez bien qu'il n'y a pas de danger, mais, s'il n'y a pas de danger,

qu'on le mette dans la loi et dans les règlements.

Imaginez-vous que cela frappe beaucoup de monde. Ce ne sont pas simplement les égouts des villes qui sont frappés. Cela va beaucoup plus loin que cela. On ne pourra plus construire une industrie sans obtenir un permis. Là, on va demander et on peut exiger qu'on fasse une étude d'impact sur les problèmes que cela peut créer à l'environnement. Cela peut devenir drôlement onéreux. Il faut que cela reçoive l'approbation des bureaucrates, des techniciens qu'on a devant nous aujourd'hui. Quand je me réfère au temps que cela prend pour qu'un cultivateur obtienne un simple permis pour la construction d'une porcherie dans la province de Québec, je me demande combien de temps cela prendra pour un industriel après qu'on aura fait une étude d'impact dans le contexte actuel.

M. le Président, je dis que cette loi va beaucoup trop loin. Elle n'est pas assez claire, elle n'est pas assez explicite et elle donne la responsabilité simplement à celui qu'on accusera de polluer de porter le fardeau. Imaginez-vous, M. le Président, dans le contexte actuel, quand on parle de bruit, si ce sera facile d'exploiter une scierie suivant les normes dont certains inspecteurs m'ont parlé. Je ne veux pas entrer dans les détails techniques; ce serait trop long et je n'aurais pas le temps de vous les exposer. Y aura-t-il un Québécois capable d'exploiter une scierie suivant les normes actuelles, si on veut réellement appliquer à la lettre la réglementation? Je dis aucun, à moins qu'on organise des scieries silencieuses et je n'en connais pas tellement. J'ai pas mal voyagé, j'ai visité beaucoup de scieries et je n'ai pas tellement connu de scieries silencieuses. Donc, cela veut dire que ce sera l'élimination graduelle des scieries.

On parle d'autos, on parle de gaz, mais, mon Dieu, si on veut arrêter cette pollution des autos, c'est bien facile. Si on veut retourner à l'état naturel, à l'état sauvage, comme le disait le ministre ce matin, c'est simple: on va fermer toutes les routes. Ce serait beaucoup moins polluant si on se promenait à pied plutôt que de se promener en auto. C'est aussi simple que cela, si c'est là qu'on veut aller. Comme le disait le député de Charlevoix, on hérite de la situation actuelle. Quand on a un malade, ce n'est pas le fait de lui donner une pilule pour le faire mourir qui va régler le problème; il faut commencer à le soigner graduellement et c'est là notre responsabilité. Je suis d'accord avec le grand principe; tout le monde est pour la pureté. Mais c'est la façon de l'obtenir, cette pureté.

Vous savez, je ne pensais pas parler là-dessus aujourd'hui parce que j'aurais apporté un rapport que j'ai chez nous, qui a été établi par un grand spécialiste américain qui disait que ce qui pollue le plus dans le monde aujourd'hui, c'est justement la cigarette, la fumée, celui qui fume la cigarette ou la pipe. Cela est plus polluant que tout autre polluant qui existe. Que je sache, le ministre fait lui-même partie de ce groupe de fumeurs. Je comprends que le député de D'Arcy McGee peut parler, lui, parce qu'il ne fume pas. Mais est-ce qu'on va adopter une loi pour arrêter tout le monde de fumer? Ce sont réellement des gens qui commettent ce crime de polluer. Qu'on commence par dépolluer personnellement si on veut être si sévère. Comment va-t-on réagir quand on parlera de poussière? Un voisin a construit une belle petite maison et sa dame fait son lavage le lundi et létend sur la corde. De l'autre côté, son voisin, un cultivateur a une coupe. Un coup de vent vient et la poussière — parce qu'il n'y a pas d'arbre sur une "bank" qui a été coupée, si vous voulez l'appeler ainsi — va salir le lavage de la dame. C'est insultant, je suis bien d'accord. Mais elle a le droit de se plaindre à l'Environnement. On va exiger du cultivateur de faire quoi?

M. Grenier: Une plantation.

M. Russell: Là, il va faire une plantation. Ce sera coûteux. Ce sont des problèmes qui peuvent exister en campagne. Je suis d'accord avec certaines mesures qui doivent être prises. Je pense que le ministre a les pouvoirs actuellement pour le faire dans des régions comme la ville de Montréal où les correctifs ont été apportés assez rapidement. Ils sont assez coûteux, je suis complètement d'accord.

Je suis aussi d'accord qu'on doit prendre des mesures pour corriger bien des situations dans les municipalités — dans mon comté, j'en ai: Cowansville, Waterloo, Granby et les autres — plutôt que d'exiger comme on veut le faire dans la ville de Waterloo.

Je vais vous donner un exemple, M. le Président. On veut exiger la construction d'une usine qui va coûter quelques millions de dollars. C'est facile pour les spécialistes de dire: Pour épurer tous ces égouts, cela prend une usine de telle grosseur. Je ne parlerai pas du coût de l'usine, mais simplement du coût de l'opération de l'usine. La ville de Waterloo, comme bien d'autres n'a pas les moyens de payer le coût d'opération. C'est une petite ville. Je pense qu'il y a d'autres moyens de régler le problème que celui-là. Dans une ville comme Waterloo, il y a une douzaine d'usines. On pourra commencer par des traitements primaires, et avoir plutôt des usines d'épuration beaucoup moins grosses que celles qu'ils veulent implanter dans une ville comme Waterloo et qui serait presque automatiques. Mais cela ne répond pas aux normes des grands penseurs, des théoriciens qui prennent un crayon et qui disent: Au cas où la ville de Waterloo aurait, à un moment donné. 20 000 ou 25 000 d'habitants, il faut bâtir en conséquence. Il faut être capable — parce que les usines sont là et ont des droits acquis, elles sont habituées de jeter des déchets dans les égouts — de répondre à cette demande.

Je dis non. Il faut commencer à corriger par étapes et le faire graduellement, suivant nos moyens. C'est là qu'est notre gros problème aujourd'hui. On est en train d'imposer des mesures qu'on n'a pas les moyens de se payer, avec les excuses de cette pureté. Ce n'est pas demain,

lorsqu'on sera tous en faillite, qu'il sera temps de reconsidérer cela. C'est peut-être plus grave que ne le pensent bien des gens, beaucoup plus grave que bien des gens le pensent. Actuellement, si on veut parler de ce domaine, on est placé dans une situation économiquement désastreuse parce que le coût d'opération des "jobs" sans revenu sont trop nombreuses pour celles qui rapportent. Je ne leur en veux pas, je sais que des fonctionnaires municipaux, provinciaux et d'autres sont nécessaires. Mais il ne faut pas, tous les jours, accumuler et mettre sur le dos de celui qui travaille ce fardeau. Demain, il n'aura pas le moyen de le payer. On est rendu là, parce qu'on tourne en rond actuellement.

J'ai peur qu'une loi comme celle-là apporte un joli fardeau, pas simplement en inspecteurs. Je sais que le ministre compte sur les six millions d inspecteurs. Je sais qu'il va y avoir quelques centaines de spécialistes. Les six millions ne fonctionneront pas comme il le pense. Ah! je lui souhaiterais bien que les gens se donnent la main pour tâcher de corriger la situation et qu'on puisse trouver une façon d'éduquer les gens dans ce domaine. C'est important. Mais qu'on fasse ce premier pas. Et si les gens ne veulent pas se prêter à ce jeu, on prendra d'autres mesures. Mais ne pas y aller de la façon qu'on le fait actuellement avec cette loi qui tâche de ruiner notre économie dans le domaine industriel.

Je vous parle actuellement d'industrie. C'est un domaine que je connais, dans lequel je vis tous les jours. On voudrait amener chez nous l'industrie de la pétrochimie. On veut l'augmenter. Mais avec des lois comme celle-là, je ne suis pas sûr qu'on va tellement les encourager. Imaginez-vous quelqu'un qui va arriver et à qui on va exiger des mesures comme celle-là. Je ne suis pas sûr qu'il va se retourner de bord, qu'il va regarder où les mesures sont moins draconniennes et qui ne pollueraient pas plus qu'ici. Vous savez, ce n'est pas Tannée de la fortune de l'industrie. Le ministre a été aussi loin que dire, ce matin, que les gros profits, c'est fini. Les gros profits dans l'industrie n'existent plus. Tenez cela pour acquis. Et je prends le ministre des Finances à témoin. Il sait, comme ministre du Revenu, combien les industries font de l'argent. Vous pouvez le consulter et vous allez voir que les gros revenus et les gros profits n'existent pas. Ce sont les petits profits et la grosse misère qui existent actuellement dans le domaine industriel. C'est plutôt cela. Aujourd'hui, on est rendu à un point qu'on va amener juste la misère. Et là. cela va déménager. Pas parce qu'ils vont vouloir déménager, mais ils vont être obligés de déménager. Ils vont être obligés de fermer si on ne change pas certaines de nos politiques.

Je ne dis pas cela parce que c'est un gouvernement PQ qui est devant nous. Je dis cela au gouvernement qui a la responsabilité d'administrer. Je sais qu'on se retourne de temps en temps et qu'on garroche tous les péchés sur le gouvernement précédent. C'est la façon la plus facile de trouver des excuses. Après deux ans dans l'administration, on a eu le temps de se recycler et de prendre ses responsabilités, d'agir de façon à corriger une situation qui peut devenir draconienne. Je sais que le ministre des Finances ou du Revenu comprend de quoi je parle. (16 heures)

Je ne voudrais pas embarquer là-dedans pour qu'on dise que j'enfreins le règlement. Je sais qu'on parle de la pollution, mais cela a un effet direct sur le domaine industriel. Ce n'est pas parce qu'il y a eu des erreurs dans le passé. Comme je le disais tout à l'heure avec la question du malade: Pour le guérir, on lui donne une pilule pour le tuer; du Kool-Aid, comme dirait le député de Mégantic-Compton. Mais ce n'est pas la façon de régler notre problème. Je dis qu'on doit graduellement prendre des mesures pour corriger ce problème. Vous savez, premièrement, il y a une chose qui arrive. Le ministre peut dans certains cas, s'il le veut, par la loi, être plus indulgent avec les uns qu'avec les autres. On peut. Le ministre peut, dans des cas particuliers. Je voudrais entendre la réplique tout à l'heure et il nous expliquera dans quels cas il a l'intention de faire cela.

J'ai l'intention de construire. Je sais que demain matin, si la loi est adoptée, je vais être obligé de me retourner vers le ministre et venir demander un permis pour la construction. Oui, et faire une étude de la région pour voir toute la pollution qui va augmenter chez nous. Si je n'ai pas cela, je n'aurai pas mon permis. Appelez, n'appelez pas, cela ne dérange personne. Eux autres sont là, ils ne sont pas pressés parce que, en fin de semaine, ils ont leur paie eux autres. Ils ne sont pas responsables de créer des revenus pour payer les employés. Donc, cela prendra le temps que cela voudra. Cela ne presse pas parce qu'aujourd'hui ils ont autre chose à faire. Quand on sera prêt à vous le donner, on vous le donnera. C'est de la façon qu'on reçoit les industriels, dans bien des milieux. Là on attend la décision à être prise par les services. Je ne dis pas que c'est le ministre. Le ministre ne peut pas voir chacun de ces cas. C'est impossible. Ce sont ses représentants qu'il n'a pas le temps de suivre lui-même au jour le jour pour chaque cas. Je dis au ministre de tâcher, si parfois on est obligé de subir cette loi, et il semble bien que cela va arriver, ils ont la majorité... Pour son exposé de ce matin, qui était très éloquent, je le félicite; il a bien fait cela, mais il n'a parlé d'aucun des problèmes de la loi, Simplement des bienfaits de la loi. À vol d'oiseau, je ne l'accuse pas à ce moment d'être un spécialiste dans ce domaine, mais cela paraît bien. Mme la Présidente, ce ne sera pas long.

Il y a juste un petit coin que je voudrais... Je sais qu'il est même allé jusqu'en Europe. Moi aussi j'ai voyagé en Europe; l'Angleterre, la France, la Belgique, la Hollande, l'Allemagne, l'Italie, etc., j'ai voyagé par là. J'ai vu ce qui se passait là aussi. J'ai visité des industries. J'ai visité des municipalités. J'ai aussi vu des cours d'eau et je ne voudrais pas que nos cours d'eau deviennent aussi pollués que ceux de l'Europe. C'est certain. Mais il y a une chose qui est différente, par exemple. Le territoire de la France représente quoi?

35% du territoire du Québec? Ils sont 50 millions de population et quelle est la différence dans les industries comparativement à celles du Québec? Regardez la façon dont ils fonctionnent. Vous allez voir que c'est pas mal plus polluant là-bas. Des cours d'eau non pollués, ne vous faites pas d'idées, vous n'en avez pas beaucoup. Prenez, en France, la Seine, le Rhin en Allemagne, aussi bien que la Tamise en Angleterre. C'est pollué à l'extrême. Mais cela fait des années et des années que l'industrie jette ses déchets là-dedans. Je ne recommande pas cela.

Ce n'est pas cela que je veux du tout. Mais il y a des mesures qui se prennent en France, par exemple. Elles sont commencées actuellement. Et en Allemagne aussi. On demande à l'industrie d'apporter des correctifs elle-même avec de l'aide du gouvernement parce que, si on exige trop de l'industrie, c'est elle-même qui va être obligée de sortir. C'est ce qu'on a tendance à faire ici. Mme le Président, je sais que vous voulez que je termine, c'est dommage. J'aurais tellement d'autres points à couvrir. Mme la Présidente, je ne sais pas si cela va faire plaisir...

Mme le Vice-Président: En effet, le temps dont vous disposez est déjà écoulé, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: ... au ministre, mais on m'informe que je pourrais parler au nom du parti et qu'il me resterait encore quelques minutes.

M. Grenier: Pour un homme qui connaît cela, cela vaut la peine.

M. Russell: On pourrait peut-être vous parler un petit peu, on pourrait peut-être compléter la tournée d'Europe. Le député de Saint-Hyacinthe a parlé 20 minutes, je crois. 15 minutes

Mme le Vice-Président: Faites-vous une idée, M. le député.

M. Russell: Mme le Président, je sais que le député de Saint-Hyacinthe a parlé, lui, a prié le ministre d'avoir un système éducatif pour la population du Québec dans ce domaine bien particulier. Je pense que c'est positif mais, si je regarde la loi, je lis: Les petits gars, vous allez vous mettre à genou, vous allez marcher comme je vous le dis, autrement vous allez payer. Si vous ne payez pas, vous allez avoir la prison.

M. Charron: Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je voudrais demander au député de Shefford de m'excuser.

Mme le Vice-Président: De Brome-Missisquoi. M. Charron: De Brome-Missisquoi, pardon.

M. Russell: Cela me fait bien plaisir de me faire appeler le député de Shefford, mais je ne voudrais pas représenter deux comtés.

M. Charron: Oui, c'est parce que je l'ai connu à une autre époque où il était député de Shefford. Cela ne nous rajeunit pas personne, vous allez me dire, mais...

Je voudrais demander au député qui vient de choisir de parler au nom de son parti — c'est nullement mon intention de le brimer — s'il ne nous accorderait pas ce que j'avais obtenu du chef de son parti et du chef de l'Opposition officielle, d'arrêter ici pour quelques minutes la discussion de ce projet de loi, afin de procéder à une déclaration ministérielle, avec le consentement unanime de l'Assemblée.

M. Russell: Avec plaisir, Mme la Présidente, je réponds à la demande du leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Mme le Président, je remercie le député.

J'ai contacté, à l'heure du lunch, le chef parlementaire du Parti libéral et le chef de l'Union Nationale et l'un et l'autre m'ont accordé leur consentement afin que Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières puisse faire une brève déclaration ministérielle qui est, à l'heure actuelle, d'intérêt public pour le Québec.

Mme le Vice-Président: Mme le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

Déclaration ministérielle

Offre d'achat des actions du Crédit foncier franco-canadien

Mme Lise Payette

Mme Payette: Mme la Présidente, j'ai été informée que la compagnie Central and Eastern Trust s'apprête à faire une offre d'achat visant à acquérir la majorité des actions émises du Crédit foncier franco-canadien. Il s'agit d'une institution financière créée en vertu d'une loi québécoise et qui est l'une des plus importantes au Québec. Je désire informer cette Chambre que le Conseil des ministres, ce matin, a décidé de présenter prochainement à l'Assemblée nationale une loi qui prendra effet à compter d'aujourd'hui, et, par conséquent, s'appliquera à l'offre en cours et permettra, à compter de maintenant, au gouvernement de déterminer au préalable si des transactions de cette nature touchant ce genre d'institutions financières sont dans l'intérêt du Québec et doivent être autorisées. Merci, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Merci, Mme le Président. Cette déclaration soulève des problèmes extrêmement intéressants et d'une grande portée, il va sans dire. En premier lieu, je pense qu'on ne peut pas manquer de souligner l'ironie d'une situation poussant le gouvernement à vouloir bloquer la vente à des Canadiens d'une entreprise étrangère, d'une entreprise, en réalité, dont les actions sont détenues pour 75% en France. C'est donc dire qu'on préfère des intérêts français à des intérêts canadiens, des intérêts français à des résidents du Nouveau-Brunswick, suivant mes informations. Il faut savoir que le Crédit foncier n'est une entreprise québécoise que par la loi qui l'a constitué vers 1880.

M. Joron: ... la direction?

M. Raynauld: Geler la situation n'en fera pas en soi une entreprise québécoise, mais française comme elle l'a toujours été.

On ne peut pas manquer en deuxième lieu de souligner l'ironie aussi d'une situation dans laquelle une grande entreprise française, la Banque de Paris et des Pays-Bas, veut se départir de ses intérêts au Québec, alors que le premier ministre et plusieurs ministres, à sa suite ou le précédant, vont en France pour stimuler les investissements français au Québec, stimuler les investissements de nature financière en particulier. On est obligé de penser que le message du gouvernement du Québec semble bien passer de l'autre côté de l'Atlantique.

En troisième lieu, sur le fond, je dirai que nous devrons, bien entendu, attendre le dépôt du projet de loi pour nous prononcer. Ce projet de loi semble comporter des implications qui vont bien au-delà, si on lit attentivement la déclaration, du cas particulier qui nous occupe cet après-midi et qui a donné l'occasion au gouvernement de présenter cette déclaration. (16 h 10)

Cependant, je pense qu'on peut tout de même poser quelques questions. Est-ce qu'il s'agira, par exemple, d'interventions ad hoc qui ont été, en ce qui concerne le gouvernement fédéral, déplorées de façon continuelle par les ministres de ce gouvernement? S'agira-t-il de politiques cas par cas, comme le ministre d'État au développement économique a caricaturé la politique fédérale de tamisage des investissements étrangers? S'agira-t-il, comme le ministre de l'Industrie et du Commerce l'a dit l'autre jour en parlant toujours de cette politique fédérale relative aux investissements étrangers, d'une politique de broche à foin?

Or, la déclaration qui nous est présentée cet après-midi dit expressément que le projet de loi portera à la fois sur des problèmes à plus long terme, semble-t-il tout au moins, et sur le cas particulier qui nous occupe. En effet, on dit que ce projet de loi va s'appliquer à la transaction dont il est question et qu'il s'agit même d'un projet de loi qui prend effet aujourd'hui, ce qui est assez inusité, pour ne pas dire plus. De là l'importance de savoir de la part du gouvernement et du ministre quand ce projet de loi sera déposé, puisque les transactions, à l'heure actuelle, sont, à toutes fins utiles, suspendues et à Montréal et à Paris. S'agira-t-il, ensuite, d'autorisations que le gouvernement voudra étendre à l'ensemble des institutions financières? S'agira-t-il de restrictions qui iront au-delà de. la diffusion de la propriété? S'agira-t-il de contrôles visant spécifiquement les non-résidents du Québec? S'agira-t-il d'une accélération de l'application du programme du Parti québécois où l'on dit, au chapitre des institutions financières, qu'on adaptera essentiellement le régime canadien à la situation québécoise, ce qui doit s'entendre comme étant une politique restreignant à des résidents québécois la propriété des institutions financières, exception faite de 25% du capital-actions pour des non-résidents? Est-ce qu'il s'agit, dans ce projet de loi, d'appliquer dès maintenant une politique comme celle-là, d'appliquer, autrement dit, une politique qui ne devrait s'appliquer, en toute équité, qu'après avoir consulté la population du Québec sur l'indépendance du Québec, qui devrait s'appliquer, donc, dans des circonstances tout à fait différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui et pour laquelle, d'ailleurs, le gouvernement n'a aucune autorité sur le plan politique pour procéder?

Donc, cette déclaration, encore une fois, soulève des problèmes très importants. Je demanderai au gouvernement de faire diligence pour déposer ce projet de loi, puisque je pense que des intérêts sont en jeu et qu'ils ne devraient pas être indûment sacrifiés à la définition de politiques générales qui sont, de toute façon, prématurées compte tenu du mandat que le gouvernement a à sa disposition maintenant.

Mme le Vice-Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Mme la Présidente, il s'agit ici d'une très courte déclaration ministérielle de la part du ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, mais elle est très importante. Tout comme le député d'Outremont, je me pose aussi de nombreuses questions, parce que la déclaration, en fait, ouvre des portes à des questions sans nombre à propos de l'orientation de la politique économique du gouvernement dans le domaine de l'épargne en particulier. On a déjà eu des déclarations de la part du ministre de l'Industrie et du Commerce — j'avais posé des questions là-dessus — que je n'avais pas trop aimées, à propos d'une certaine nationalisation de l'épargne, d'une direction voulant qu'on puisse se servir davantage de l'épargne de la part du gouvernement du Québec.

On pourrait se servir davantage de l'épargne de la part du gouvernement du Québec. Je ne veux pas juger des décisions du ministre des Consommateurs, des Coopératives et Institutions finan-

cières, mais j'aimerais quand même en savoir un peu plus sur les intentions du ministre vis-à-vis de l'orientation du gouvernement dans ce qu'elle nous proposera comme projet de loi. Je note, Mme la Présidente, qu'il est important que le gouvernement du Québec agisse dans ce domaine-là tout comme le gouvernement canadien a agi dans le même domaine, il y a déjà plusieurs années. Selon les lois canadiennes concernant les banques, un individu ou une corporation ne peut détenir plus de 10% du capital-actions des banques, alors que dans le cas des sociétés de fiducie comme celle dont nous discutons présentement, il n'y a pas de limites, en tout cas au Québec. Ce serait temps que nous mettions une certaine limite là-dessus.

Dans le cas du gouvernement canadien, si mes informations sont justes, aussi pour les sociétés de fiducie, c'est limité à 15%. Des sociétés de fiducie qui opèrent au Québec se sont limitées elles-mêmes, à travers leurs règlements généraux, à 15%, alors que la société dont nous discutons, le Crédit foncier, n'a jamais voulu se limiter elle-même, après plusieurs demandes, pourtant, de la part de certains des dirigeants québécois ou canadiens de cette société de fiducie. Les actionnaires et les membres du conseil d'administration qui étaient majoritairement de l'extérieur du Québec et du Canada n'ont jamais voulu accepter un règlement interne pour leur propre société. C'est sûr que, dans certains cas, comme cela, c'est important que nos gouvernements agissent dans ce sens.

D'autant plus que le Crédit foncier est la septième société de fiducie en importance au Canada, et la quatrième au point de vue du capital. Je crois que c'est important que nous protégions une telle société. D'un autre côté, c'est une des sociétés les plus actives au Québec puisque 35% de ses actifs sont au Québec, 65% à l'extérieur du Québec. Ce qu'il y a d'important, c'est que 50% des investissements dans le domaine immobilier sont au Québec. C'est un chiffre très important pour un investissement d'une société de cette taille, surtout si on considère que ces immeubles, pour la plupart, sont dépréciés ou sous-évalués, et que la valeur aux livres de ses immeubles, qui apparaît à $108 millions, serait en réalité beaucoup plus près de $200 millions. Ce sont des sommes d'argent très importantes pour ceux qui sont les actionnaires, à l'heure actuelle, dans ces entreprises, en plus d'avoir un siège social à Montréal.

J'ai vérifié aussi en Nouvelle-Écosse où on nous disait que le siège social de Central Industry and Trust devait être. Apparemment, ce n'est pas en Nouvelle-Écosse, mais plutôt à Moncton, au Nouveau-Brunswick. En Nouvelle-Écosse, il y a une loi qui limite à 15% par individu ou corporation la propriété des actions d'une telle entreprise, alors qu'il n'y a pas de loi semblable au Nouveau-Brunswick. On voit que certaines corporations peuvent changer leur siège social d'un endroit à l'autre tout simplement pour faire face à des demandes différentes de la part de différentes provinces ou de différents pays.

Maintenant, on note que le crédit foncier est détenu à 25% par des actionnaires canadiens, à peu près éparpillés dans tout le pays, et à 75% par des actionnaires européens et surtout français. Moi aussi, comme le député d'Outremont, je trouve que c'est un paradoxe de voir que nos amis français ne font pas confiance au Québec, alors qu'on dépense des milliers et des milliers de dollars pour faire la cour à ces gens-là. Il semble que ces gens soient beaucoup plus intéressés à faire affaires avec nous sur les questions de langue et de culture. Lorsqu'il est question d'économie, de dollars ou de création d'emplois, nos amis français nous laissent tomber chaque fois. J'irais même jusqu'à dire que cette fois-ci les Français veulent nous vendre aux Anglais. Est-ce la même chose qui serait arrivée dans le passé? Ce sont des questions que l'on peut poser, bien sérieusement, sur cette situation très importante.

Avant de terminer, je voudrais quand même demander au ministre si elle pourrait nous apporter d'autres éclaircissements sur la portée financière de cette loi qu'elle se propose de nous présenter. Est-ce que la loi sera présentée avant l'ajournement? Et est-ce qu'elle s'attend à demander le consentement unanime de la Chambre pour passer les première, deuxième et troisième lectures d'un tel projet de loi? Est-ce que ce projet de loi sera une loi spécifique concernant le cas du Crédit foncier, ou si ce sera une loi-cadre qui pourra couvrir toutes les entreprises qui oeuvrent dans le domaine de la finance? Si le ministre veut agir dans les meilleurs intérêts des Québécois, elle aura sûrement notre appui. Mais nous ne voulons pas non plus que ce soit encore une fois une intervention directe de l'État dans un secteur qui relève du secteur privé. Il faut véritablement que ce soit une loi-cadre qui laisse une certaine latitude à l'entreprise privée et aux individus. (16 h 20)

Encore une fois, je l'encouragerai à vouloir avoir un plus grand contenu canadien dans une telle société, plutôt que d'avoir un contenu français, parce qu'à l'heure actuelle il semble qu'on ne peut pas se fier à nos amis français.

Mme le Vice-Président: Mme le ministre. Mme Lise Payette

M. Payette: Mme la Présidente, parmi les questions qui ont été posées, aussi bien par le député d'Outremont que par le chef de l'Union Nationale, certaines sont extrêmement valables, et je les comprends parfaitement. D'autres sont un tantinet exagérées. Le texte de la déclaration ministérielle dit bien qu'il s'agit d'intervenir dans ce genre d'institutions; cela me paraît assez clair que notre intention ne va pas plus loin. Je pense qu'il est bon également que cette Chambre se souvienne que le ministre des Finances fédéral doit se prononcer sur l'achat d'actions de Central Trust. Ce que nous faisons finalement, c'est de nous engager dans une voie analogue pour l'instant. Je prends l'engagement, Mme la Présidente, de faire diligence en ce qui concerne ce projet de

loi. Nous serons très certainement en mesure de le déposer très rapidement dans les jours qui viennent. J'espère pouvoir effectivement compter sur le consentement de cette Assemblée pour permettre à ce projet de loi de suivre son évolution normale dans les jours et les semaines qui viennent.

M. Charron: Je m'excuse encore auprès de mon collègue et ami de Brome-Missisquoi, je voudrais communiquer un dernier avis qui était resté incomplet ce matin. Le Conseil des ministres a décidé, ce matin même, de tenir une commission parlementaire sur le projet de loi 84 limitée aux organismes qui, réunis hier en conférence de presse, en avaient fait la demande. Cette réunion de la commission des affaires sociales aura lieu le lundi 11 décembre prochain, à 10 heures.

Deuxième lecture du projet de loi no 69 (suite)

Mme le Vice-Président: C'est donc la reprise du débat sur la motion de deuxième lecture du projet de loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell (suite)

M. Russell: Mme la Présidente, je disais que je prendrais ce privilège que j'ai de parler au nom du parti qui me permet de prolonger le temps de cet exposé, et je vais tâcher de ne pas abuser. Si ce n'est pas nécessaire de prendre l'heure, je le ferai. J'arrêterai aussi rapidement que je peux le faire, mais je crois que ce projet de loi a une importance capitale. Parce qu'on parle de sièges sociaux qui déménagent du Québec, il ne faudrait pas commencer à penser que les industries vont déménager. Souvent, dans le domaine industriel, c'est plus facile de fermer que d'ouvrir. Je disais qu'en Europe — même si le ministre a voyagé en Europe, d'autres y sont allés aussi — on est arrivé avec des formules pour tâcher d'aider l'industriel et non pas l'apeurer, parce que l'industriel en Europe a les mêmes problèmes que celui du Québec et que celui du Canada. Je pense que plutôt que d'arriver avec un projet de loi comme celui-là qui a tendance à faire peur à l'industriel et qui peut devenir mêlant pour lui, on devrait arriver avec des mesures et dire: Dans ce domaine, les services ou les municipalités ont le pouvoir d'agir et de faire en sorte qu'on pourra tâcher de coopérer avec l'industriel pour — s'il y a un système polluant dans son industrie — corriger cette situation.

L'industrie du sciage est une des industries les plus importantes du Québec. S'il fallait appliquer la loi telle que rédigée, la presque totalité des scieries seraient obligées de fermer, et non pas simplement par le bruit, par la fumée qui peut être créée par des brûleurs et par d'autres choses. Les déchets, je ne veux pas en faire la nomenclature, ils sont nombreux ceux qui sont créés par une scierie. J'ai recommandé ceci à maintes reprises au gouvernement. Plutôt de payer des millions et des millions en chômage ou en bien-être social, cela serait préférable d'utiliser ces millions de concert avec l'industrie du sciage et du papier pour qu'on puisse éliminer cette contamination et construire quelque chose comme on le fait en Europe. Il y aurait là un bel exemple, parce qu'ils n'en font pas de gaspillage dans les scieries. Cela serait un exemple que l'on pourrait prendre sur eux si on veut corriger une situation dans le domaine de la pollution. Cela serait beaucoup plus pratique que de tâcher d'essayer de les apeurer, comme on le fait là. Se conformer à cette loi, comme je le disais tout à l'heure, je ne connais pas tellement de scieries qui vont pouvoir le faire, à moins qu'elles n'obtiennent une tolérance, soit de l'inspecteur ou directement du ministre.

Un autre domaine est bien particulier. Vous avez plusieurs industries qui fonctionnent dans les domaines de la pétrochimie ou d'autres, sous licence. Actuellement, par cette loi, on pourrait forcer l'industriel à déclarer la composition de sa formule, et je parle en connaissance de cause. Si ceci arrivait à certains industriels qui ont une licence, ils seraient pris entre deux cas bien difficiles. Ou ils seraient obligés de répondre au ministre dans le domaine de l'environnement en faisant la déclaration totale de la composition de leur formule ou de payer une amende qui pourrait les amener à la porte de la faillite. On n'a pas pensé à cela quand on a rédigé la loi. Cela n'est pas prévu. C'est simplement celui qui se plaint qui a raison. Ce sont des choses qui devraient être prévues dans la loi, au moins dans les règlements. Mais je dis que les règlements me font peur. Cela peut être modifié par le Conseil des ministres. L'autre jour, je disais que je ne connaissais aucun ministre qui soit un industriel. Je pense que dans l'histoire du Québec, c'est la première fois que je vois un gouvernement qui a composé un cabinet sans avoir au moins un industriel ou un gars qui connaît ce domaine. Imaginez-vous qu'il peut se passer des mesures qui ne sont pas tellement impressionnantes pour les industriels. Si au moins il y en avait un pour les représenter et dire: Attention, dans certains cas, cela peut être désastreux économiquement pour ce domaine bien particulier.

Je disais, Mme la Présidente que dans le domaine industriel il faut y aller avec beaucoup de précaution et beaucoup d'attention. Je disais tout à l'heure que, contrairement à ce que le ministre dit, pour de gros profits, il n'a pas à s'inquiéter. Actuellement, ce ne sont pas de gros profits qui existent dans le domaine industriel; ce sont de gros déficits. Ce qui fait que plusieurs, comme on en connaît quelques-uns, Marine Industrie, Fora-no, Volcano, SGF, fonctionnent à perte, à un point tel que si le gouvernement n'arrive pas avec des millions de dollars pour les aider, ils vont être obligés de mettre la clef dans la porte. Ils vont dépolluer, c'est certain, il n'y aura plus de danger. Eux ne créeront plus de pollution, mais ils vont créer du chômage. Est-ce qu'on a le moyen au Québec de faire face à d'autre chômage que celui qu'on vit actuellement?

Ce sont simplement des remarques que je

voulais faire dans ce domaine bien particulier. Il y aura bien d'autres points que je pourrais couvrir et donner des exemples au ministre pour lui dire: Allez-y donc avez beaucoup de précaution. Mme la Présidente, par votre intermédiaire, je voudrais demander au ministre de tâcher de demander à ses inspecteurs, à ses fonctionnaires, d'être un peu plus rapides pour répondre à certaines demandes et de tâcher d'être un peu plus compréhensifs, même dans le domaine agricole.

J'ai vécu certains exemples qui me semblent injustifiés, qui placent les cultivateurs dans des situations vulnérables, et ce n'est pas nécessaire. Je pourrais citer des cas énormes, mais je ne le ferai pas pour ne pas faire perdre le temps de la Chambre. Je sais que le ministre comprend, mais s'il ne comprend pas, je les lui donnerai — dans le particulier — ou à son secrétaire. Je suis intervenu quelques fois et je ne peux comprendre, si aujourd'hui cela prend trois mois pour obtenir un permis de l'Environnement, combien de temps cela va prendre avec cette loi s'il faut l'appliquer à la lettre. (16 h 30)

Dans le domaine des municipalités — j'en ai parlé brièvement tout à l'heure — c'est un problème bien difficile et cela peut créer des problèmes énormes pour les contribuables. C'est beau d'arriver avec des mesures bienfaisantes. Cela paraît bien politiquement à la face du public, mais allez donc demander aux administrateurs municipaux quels sont leurs moyens pour rencontrer ces obligations.

Je vais prendre un domaine que je connais et lui aussi le connaît. Je pourrais examiner avec lui ou avec vous, Mme la Présidente, la situation de la rivière Yamaska. Je sais que ce n'est pas tellement reluisant. Je sais qu'il y a là des problèmes. J'ai cité la ville de Waterloo tout à l'heure. Je vous dis qu'ils n'auront pas les moyens de payer l'opération à moins de mettre la ville à la porte de la tutelle. Je pourais vous parler de la municipalité de Lac-Brome qui va être placée dans la même situation si on agit dans le même sens. Je pourrais vous parler de la ville de Cowansville, là où on a exigé des municipalités de se mettre ensemble pour bâtir un dépotoir. Elles ont écouté le gouvernement. Et, là, on leur a promis de l'aide de tous bords et de tous côtés. On ne veut même pas les aider à construire la route pour se rendre au dépotoir. Tout à l'heure, vous savez qu'il va y en avoir, des gens qui vont se plaindre, parce que la route n'est pas pavée et il y a un paquet de camions qui passent dessus. Les voisins vont se mettre à appeler et vont faire des plaintes au bureau de l'Environnement. Il va falloir que les municipalités agissent et mettent du calcium. Ce n'est pas une route provinciale. Ce seront les municipalités qui vont être obligées de mettre du calcium. Cela a été fait à la demande du gouvernement. C'est la responsabilité des municipalités. Le gouvernement s'en fout. Agissez, vous autres! Payez! Vous êtes quatre ou cinq, payez. Mais il y a une limite à la capacité de payer du contribuable. Il est saturé actuellement de taxes.

Je comprends que le ministre peut me dire: Moi, j'arrive là. Cela fait seulement deux ans. Il y a eu les administrations précédentes. Est-ce parce qu'il y a eu des erreurs dans le passé qu'on doit continuer à suivre la même voie des erreurs? Je voudrais que la loi soit plus flexible, quelle donne plus de flexibilité au ministre, parce qu'il va être placé dans des situations très difficiles tout à

I heure. Vous savez, pour la ville de Waterloo comme pour la ville de Cowansville. il y a des moyens beaucoup plus économiques de régler cela que ceux qui sont projetés. Vous avez vu un exemple. Sur la Yamaska, on a fait un barrage qui a coûté — on me dit — enre $20 millions et $25 millions. Je n'ai pas fait le relevé des dépenses. Cela aurait pu se régler pour beaucoup moins que cela et d'une façon beaucoup plus complète que cela. On va me dire: Cela aurait été réglé seulement pour 20 ou 25 ans, mais, dans 20 ou 25 ans. on aurait pu trouver d'autres moyens de financer ces changements, plutôt que de les imposer immédiatement et de faire un travail qui est à moitié fait. C'est cela qui est le problème actuel. On s'impose des obligations et on n a pas les moyens de payer. Qu'est-ce qu'on fait? On demande aux municipalités de payer. Donc, il va falloir commencer à couper quelque part et je pense que le ministre de l'Environnement doit faire sa part, ne pas arriver avec des obligations additionnelles pour chacune des municipalités de la province de Québec.

Mme la Présidente, on a parlé brièvement tout à l'heure du domaine agricole. J'ai dit que je pouvais lui donner bien des noms, au ministre. Il n'y a pas simplement les cultivateurs qui sont affectés.

II y a aussi des résidents de villages qu'on peut placer dans des situations assez difficiles par cette loi en leur donnant des obligations qu'ils n'auront pas le moyen de rencontrer. Par les exigences de la loi actuelle, on tente d'obtenir des Cadillac quand on n'a pas le moyen de se payer une Chevelle. Donc, c'est cela qui va arriver avec les normes qu'on a actuellement. C'est un peu comme la construction de routes. Dans des milieux ruraux où il n'y a pas tellement de circulation, mais où il faut réellement une amélioration de la route, on arrive avec des normes et on construit des routes pour recevoir une circulation lourde qui ne passera peut-être jamais sur ces routes. Mais ce sont des coûts beaucoup trop onéreux pour le contribuable du Québec. On pourrait corriger ces situations à des coûts beaucoup moindres. Cette loi est exigeante pour le contribuable rural, pas simplement pour le cultivateur, mais pour celui qui demeure dans des régions rurales. Elle est très exigeante pour les municipalités et désastreuse pour I industriel si on veut l'imposer telle qu'elle se présente. Dans tout cela, ce qui me surprend, c'est qu'il y a un côté qui a des droits, ce sont ceux qui se plaignent.

Ceux qui ont à répondre peuvent faire appel à une commission pour se faire entendre, c'est au moins une amélioration. Mais cela va prendre combien de temps, si tout le monde commence à se plaindre, à se faire entendre? Mais en attendant

qu'on se fasse entendre, on fait quoi? La loi ne le dit pas. Est-ce qu'on ferme la porte? Il faudrait que le ministre réponde à cela et dise aux citoyens du Québec, aux industriels: Écoutez, s'il y a une plainte, si vous n'êtes pas satisfaits ou si vous trouvez que vous avez raison, on va vous entendre dans un certain délai, et si on ne peut pas, vous pourrez continuer à opérer entre-temps.

Mais ce n'est pas cela que dit la loi. La loi peut faire mettre la clé sur la porte. J'ai dit que c'était l'État policier et c'est vrai, parce que l'inspecteur peut entrer partout chez nous en n'importe quel temps. Il a simplement à nous montrer une identification, une lettre du ministre et nous accuser d'avoir fait quelque chose sans qu'on l'ait fait et on ne peut pas l'empêcher d'entrer. Là on est obligé de répondre à toutes ses questions, lui fournir toute l'information qu'il exige. Tout ce qu'il dit. Son seul mandat, c'est une lettre. C'est rendu grave.

Autant que je sache, le zonage fait la même chose. J'espère qu'on ne répétera pas les bêtises qu'on a faites dans la loi du zonage agricole. Je sais ce que je dis. C'est devenu un État policier. On doit avoir des droits de propriété, il me semble, meilleurs que ceux-là. Je voudrais bien être maître chez nous. Oui, mais avec vous autres, on ne le sera pas. Si vous continuez à apporter des lois comme celle-là et celle du zonage, ce n'est pas nous qui allons être maîtres, cela va être vos inspecteurs. Eux autres, ils vont se promener et ils vont aller fouiller et on n'a rien à dire.

Vous savez, c'est même pire que la loi du revenu. Je pensais qu'elle était grave celle-là. Au moins, eux autres, ils demandent un rendez-vous. Tandis que la loi du zonage agricole et celle là, ils arrivent quand cela fait leur affaire. Cela peut être 7 heures du matin, cela peut être 10 heures le soir. On ne fait pas de distinction. C'est quand cela fait leur affaire. Les inspecteurs du revenu, eux autres, ils ne sont pas si travaillants que cela. Si vous n'avez pas trop de plaintes, au moins ils prennent un rendez-vous. Ils viennent et ils sont assez fatigants eux autres aussi. Oui, cela s'est fait déjà. Soyez sans crainte. Je les tiens occupés ces gars, je suis obligé. J'ai un bureau chez moi, Mme le Président, pour l'information des députés, spécialement pour eux, à leur disposition. Mon contrôleur ne peut pas fournir. Je perdais assez de temps avec eux que j'ai été obligé d'engager un assistant. À cela, on demande qu'on soit satisfait avec les inspecteurs qui viennent chez nous. Ce ne sont pas des gens qui dérangent personne, vous savez. Vous en avez une kyrielle de ces gars. Avez-vous déjà essayé de compter combien il y en a?

Une voix: Quatre dans la même journée.

M. Russell: Quatre dans la même journée quand ils sont occupés. Vous avez l'inspecteur des bouilloires, l'inspecteur du revenu, vous avez l'inspecteur du salaire minimum, l'assurance-chômage, la commission des accidents du travail, etc., etc. Je n'ai pas assez de doigts dans les mains pour les compter. C'est vrai. C'est ce que je disais, Mme la Présidente, il ne faudrait pas que cette loi soit pire que cela. Cela va être un désastre complet. C'est cela que je voudrais que le ministre comprenne. On va dire que je dramatise. Peut-être qu'il faut dramatiser pour le faire comprendre au ministre. Comme nous le disait l'ancien ministre des Transports tout à l'heure, c'est vrai que dans la ville de Montréal, on voit les problèmes de Montréal. On n'a peut-être pas vu le problème des oiseaux ici.

On a parcouru beaucoup de chemin depuis 40 à 50 ans. Il ne faut pas rejeter du revers de la main toute l'administration passée. Les gens ont agi du mieux qu'ils ont pu avec ce qu'ils possédaient. Il ne faut pas tasser d'un coup sec, raser tout cela et dire qu'on recommence à neuf à n'importe quel prix. C'est cela qui est l'erreur actuelle. C'est à cela qu'il faut faire attention, parce que les gens ont été placés dans une situation qui était assez fragile. Cela paraît facile de dire: On adopte une loi, tout le monde va se soumettre, il n'y a pas d'inconvénient.

Mais dans le domaine pratique, il y a des inconvénients, et ce qui est le plus dangereux, c'est que ceux qui ont à appliquer cette loi, souvent, ne connaissent pas le côté pratique de la chose. Ce sont des gens bien intentionnés, des gens qui ont suivi les meilleurs cours. Ce sont de bons techniciens. Mais il y a une chose qu'ils ne connaissent pas, c'est le côté pratique de l'affaire. Quand on arrive à l'application de la loi, on se fout de cela. On prend le livre et on dit: À la page 10, paragraphe 8, paragraphe 18 ou 28, c'est cela que la loi dit et c'est là que vous allez passer. C'est ce que la loi dit actuellement. Si on ne passe pas là, on peut faire appel à la commission. On va être entendu quand? Et si on est condamné, on a seulement à payer. Vous savez qu'on n'y va pas avec le dos de la cuillère dans les pénalités. (16 h 40)

Une industrie, cela peut lui coûter $20 000 à $25 000 si parfois on ne se plie pas aux exigences immédiates de l'inspecteur, parce que les infractions peuvent se multiplier par jour. C'est cela qui est important.

Mme la Présidente, j'ai pensé que ces quelques remarques pouvaient être nécessaires pour rappeler au ministre son devoir qui n'est pas simplement d'être le ministre de l'Environnement. Il est membre du cabinet et responsable du bien-être, non seulement dans le domaine de l'environnement, mais du bien-être de la population du Québec en entier dans tous les domaines, et le bien-être économique fait partie de cela. Il ne doit pas agir seulement d'un côté, il doit examiner les deux côtés pour faire en sorte qu'il impose des lois au fur et à mesure que c'est nécessaire pour corriger une situation. Là-dessus, on est tous d'accord. Personne n'est contre cela. Je crois que la meilleure solution nous a été donnée ce matin par le député de Saint-Hyacinthe, qui a dit: L'éducation de la population. Faisons appel aux 6 millions de Québécois. Examinons ensemble notre problème dans le domaine de la pollution et ensemble on va travailler, avec les années, pour le corriger, et je vais vous fournir un mécanisme pour le faire.

Ce n'est pas cela qu'on fait par la loi. Ce

projet de loi, c'est l'épée de Damoclès sur la tête des 6 millions de Québécois qui ne veulent pas agir. Ce qu'on donne de plus c'est le droit à un citoyen de se plaindre et de pousser l'autre, la chicane entre les voisins. Dieu sait que j'ai connu des chicanes de voisins comme maire d'une petite municipalité; vous savez les clôtures de ligne, comme on se chicanait. Il y a une kyrielle d'avocats chez nous. Par appels à la paix, à la bonne entente, dans l'espace d'une couple d'années on est venu à bout d'éliminer ces choses. Le ministre fait appel à cela aussi. C'est exactement ce que dit ce projet de loi. Je voudrais qu'il apporte des changements.

Il dit non, le ministre, mais demain il va voir... Pardon?

M. Léger: Vous ne l'avez pas lu.

M. Russell: Écoutez, Mme la Présidente, je n'ai pas lu le projet de loi? Je l'ai lu et je l'ai relu; je n'avais même pas l'intention de parler, parce que j'étais tellement pour l'amélioration de l'environnement. Mais quand j'ai lu le projet de loi, et je prends à témoin mon voisin le député de Mégantic-Compton, j'en ai quasiment perdu connaissance. J'ai dit: Ce n'est pas possible.

Une voix: Va prendre un petit coup.

M. Russell: Oui, j'en prendrai un tout à l'heure à la santé du député.

M. Bellemare: Non, il ne mérite pas cela.

M. Russell: Ce n'est pas possible qu'un gouvernement qui veut tellement le bien des Québécois, qui voudrait qu'on soit maître chez nous, nous dépose une loi aussi piquante, aussi dangereuse, aussi rétrograde.

Une voix: Rétrograde?

M. Russell: J'ai dit rétrograde, oui. Je sais qu'on va me corriger mes fautes de français, mais cela ne me dérange pas; je n'ai pas fait de cours de droit, je n'ai pas fait de cours de poète, de lettres?

Une voix: De mythologie.

Une voix: De phraséologie.

M. Bellemare: Y a-t-il de la pollution jusque-là?

M. Russell: Cela peut être rendu jusque là.

J'ai lu cette loi et j'étais un peu découragé. C'est là que j'ai demandé au député de Saint-Hyacinthe: Comment se fait-il que l'on n'a pas contesté cette loi? Il y a des choses que le ministre n'a certainement pas comprises, il va falloir, cet après-midi, examiner cela ensemble. Je l'ai relue deux fois. Là, je l'ai noté. Je peux vous lire les paragraphes que j'ai notés. Dans le domaine de l'automobile, vous savez, cela m'a fait peur. J'ai dit: Imaginez-vous, si je perds mon tuyau d'échappement en route et que je rencontre ces inspecteurs, je ne suis pas sauvé. C'est ridicule, mais c'est dans la loi. Justement, vous dites que la loi est ridicule, je n'ai pas d'objection; un membre du Parti québécois dit que c'est ridicule une loi semblable. Je suis d'accord avec lui, d'avoir des mesures aussi rétrogrades que cela. C'est cela qui m'a surpris.

M. Lavigne: Question de privilège, Mme la Présidente.

M. Russell: Et c'est pour cette raison que j'ai pensé, cet après-midi, que vous me donneriez quelques minutes pour que je puisse parler bien objectivement au ministre et lui demander de nous apporter...

Mme le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi, vous devez avoir entendu votre voisin. Je m'excuse de vous arrêter encore une fois.

M. le député de Beauharnois, sur une question de privilège.

M. Lavigne: Mme la Présidente, je voudrais quand même faire une mise au point. Le ridicule ne tue pas, parce qu'il y en a qui mourraient de bonne heure. Ce que j'ai dit, c'est que ce que M. le député disait était ridicule et non pas que la loi était ridicule, quand il se sent pourchassé par un inspecteur, parce qu'il perdrait son tuyau d'échappement.

M. Shaw: Mme le Président, sur une question de règlement.

Mme le Vice-Président: Sur une question de règlement, M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Our regulations state very clearly that a member who has not got le droit de parole, doit garder son siège et rester "quiet". S'il fait des remarques durant cette période, une question de privilège n'est jamais requise.

Mme le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: Mme la Présidente, j'ai bien entendu les propos du député de Beauharnois, qui s'est vanté d'avoir dit que j'étais ridicule. Si c'est vrai qu'il a dit cela, je lui demanderais de retirer ses paroles, car c'est antiparlementaire. Je ne pense pas m'être placé encore dans cette situation, et il doit être assez gentilhomme pour le faire.

M. Lavigne: M. le Président, on entretient le ridicule. Je n'ai pas traité le député de ridicule, mais ses propos de ridicules.

Mme le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: C'est exactement ce que j'ai dit, que j'étais d'accord avec le député, à savoir que les propos contenus dans la loi étaient ridicules. On tombe d'accord, encore. Voyez-vous comment c'est?... Donc, je vais continuer d'une façon très sommaire et je voudrais terminer là-dessus.

Mme le Vice-Président: Allez donc!

M. Russell: Je sais que le député de Beauharnois aimerait parler. Je sais que vous allez être aussi gentille avec lui que vous l'avez été avec moi. Vous allez lui donner la chance de se lever, de prendre la parole et d'exposer à la face de la province, en examinant chacun des articles, ou les passages, comme l'a fait le ministre ce matin à vol d'oiseau... Je ne l'accuse pas de faire partie de ce volier-là. En passant, à vol d'oiseau, c'est expliquer à ses commettants que c'est une bonne loi et que, si on l'applique telle qu'elle est là, quelles en seront les conséquences. À ce moment-là, on verra quels sont les propos qui sont ridicules à la face des électeurs.

Je dis au ministre ceci, et je lui demande, cet après-midi, au moins de donner à la députation de lOpposition la réglementation qui va être comprise avec cette loi, afin qu'on puisse l'étudier en comité article par article, avec les règlements, afin de s'assurer — pour être confortables — que l'économie de la province ne sera pas chambardée comme la loi le prévoit actuellement. Je fais ces remarques au ministre et j'espère qu'il se pliera au moins à ces remarques. Je suis convaincu qu'il est de bonne foi; je ne l'accuse pas de mauvaise foi. Je sais qu'il veut travailler pour le bien, mais des fois on pousse le bien trop loin et cela finit par faire du mal. C'est ce que je demande au ministre cet après-midi, de faire en sorte que la population du Québec soit fière de cette loi plutôt que d'accepter une loi qui peut faire mal aux municipalités, aux contribuables et qui dans le domaine industriel, n'est pas acceptable.

M. Léger: Est-ce que je peux poser une question au député?

Mme le Vice-Président: M. le député de Brome-Missisquoi, est-ce que vous permettez la question?

M. Léger: Étant donné que le député de Saint-Hyacinthe qui est habituellement le porte-parole en cette matière, semblait, d'après son discours et d'après ce qu'il a affirmé en commission parlementaire il y a deux mois, devoir voter pour le principe, est-ce que je peux demander au député qui semble, lui, se diriger vers une décision contraire, s'il votera pour ou contre, d'après le contenu de son discours?

M. Russell: Pour répondre au ministre, on a étudié la loi et j'ai fait part au ministre qu'à moins d avoir les règlements, les amendements, ce serait très difficile pour celui qui parle... Parce que je parle en mon nom personnel et non pas au nom du député de Saint-Hyacinthe, qui est assez grand pour parler pour lui-même. Mais ce matin j'ai écouté son discours, je l'ai suivi. Il n'a pas été aussi clair que je peux l'avoir été. Il a parlé d'éducation, non pas de prison. J'ai alors pensé qu'il n'était pas trop satisfait de la loi telle qu'elle était, pas plus que le député de Brome-Missisquoi. Ce que l'on veut, ce sont les règlements, les amendements. Si on pouvait les avoir pour les examiner, on aimerait voter pour la loi.

M. Goulet: ... Mme le Président...

M. Léger: ... vous avez passé des centaines de lois et les règlements venaient toujours après...

Mme le Vice-Président: M. le ministre. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse. S'il vous plaît! M. le ministre, vous pourrez disposer d'un droit de réplique, comme vous le savez. M. le député de Champlain et ensuite M. le député de Pointe-Claire. J'ai d'abord une question de règlement de la part du leader du gouvernement. M. le leader.

M. Bertrand: C'est simplement une demande de directive que je vous adresse, Mme la Présidente. Le député de Brome-Missisquoi, pour qui j'ai énormément d'estime, parce qu'il représente un beau et grand comté... (16 h 50)

Une voix: C'est un ancien bleu.

M. Bertrand: C'est un ancien bleu aussi.

Une voix: Non, vous, vous êtes un ancien bleu.

M. Bertrand: ... vient de dire qu'il a parlé en son nom personnel et que, personnellement, il voterait contre la loi s'il n'a pas les règlements, etc. À ce moment-là, on lui a reconnu, d'après nos règlements de l'Assemblée nationale, un droit de parole dépassant les 20 minutes traditionnelles accordées au député parce qu'il parlait au nom de son parti. Alors, je voudrais, Mme la Présidente, vous adresser une demande de directive et savoir si, dans un contexte comme celui-là, le député de Brome-Missisquoi qui dit parler en son nom personnel était dans l'ordre en parlant plus de 20 minutes ou dois-je comprendre que, parlant au nom du parti, sa position personnelle est devenue celle de l'ensemble du parti?

M. Russell: Mme la Présidente, j'ai au moins une consolation. Le député de Vanier a compris! Je lui dis simplement que je n'ai pas de reproche à lui faire. Pour une fois, il y en a un qui a compris quelque chose.

Mme le Vice-Président: Vous parliez comme représentant du parti.

M. le député de Champlain.

M. Marcel Gagnon

M. Gagnon: Mme le Président, je vous remercie infiniment de me donner la parole sur ce projet de loi que je trouve extrêmement important pour l'ensemble des Québécois. Au tout début, j'aimerais peut-être adresser quelques reproches, du moins quelques informations, au député de Brome-Missisquoi. Cela fait maintenant deux ans que je siège à cette Assemblée nationale et j'espère encore entendre, à un moment donné, le député de Brome-Missisquoi se dire d'accord avec quelque chose, au moins en principe. Si vous l'avez remarqué, à chaque projet de loi qu'on présente, souvent il va dire qu'il est d'accord en principe, mais que c'est trop grave, que c'est trop peu, que ce n'est pas assez. Il y a toujours quelque chose qui accroche et qui l'empêche finalement d'avoir un discours positif.

Ce qui est encore plus grave, c'est qu'il semble semer la confusion tout le temps! On l'a entendu dire, encore aujourd'hui: On n'a pas les moyens, on va mettre les compagnies en faillite, toutes sortes de discours pour semer la confusion et la crainte chez les gens. Je pense que, lorsqu'on fait face à un problème aussi grave et important pour l'avenir des Québécois que la loi sur la protection de l'environnement, on devrait devenir assez sérieux, même dans l'Opposition, pour admettre, comme l'a fait le porte-parole du Parti libéral, qu'il y a quelque chose à faire, qu'on doit agir, même si parfois à l'intérieur de la loi tout n'est pas parfait. On doit agir, c'est urgent et c'est pour le bien des Québécois.

C'est assez malheureux parce que j'ai eu l'occasion de l'entendre parler sur les problèmes de l'agriculture et cela a été la même chose. À un moment donné, on aura l'occasion de revenir, lors de la deuxième lecture d'un projet de loi qu'on discutera prochainement, je l'espère, sur le problème de l'agriculture où encore, à un moment donné, le député de Brome-Missisquoi a lancé des faussetés. Compte tenu du fait que l'information qu'on donne maintenant ici à l'Assemblée nationale entre dans tous les domiciles québécois, je pense qu'il faudrait se surveiller de ce côté-là et arrêter de dire des faussetés.

Je peux vous dire que le député de Saint-Hyacinthe, en commission parlementaire, avait très bien compris, à mon point de vue, suivant ses réactions et les questions qu'il a posées, l'importance de ce projet de loi et il se disait d'accord avec le principe de ce projet de loi. Il est bien évident que, lorsqu'on présente des projets de loi pour protéger quelque chose, cela veut dire qu'on ne le protégeait pas avant. Évidemment, il y a des balises, évidemment il y a des règlements. Ces règlements viennent déranger quelques personnes, viennent déranger des gens. En effet, si on n'avait pas besoin de protéger quelque chose, si on n'avait pas besoin de protéger l'environnement, il n'y aurait jamais eu de projet de loi à étudier devant l'Assemblée nationale; on l'aurait fait tout naturellement.

Ce dont je suis heureux, c'est que notre gouvernement, surtout au cours de cette session qu'on a appelée la session de la protection, est en train de protéger le territoire agricole, en train de protéger le consommateur et tente d améliorer la protection de l'environnement. On peut vous dire que, tout simplement, on protège le peuple québécois. Je pense que le peuple du Québec se sent réellement, depuis deux ans, au pouvoir, parce que ces demandes de protection, ces lois que le peuple demande depuis longtemps auraient dû exister depuis longtemps. Cela prenait nous autres pour le faire!

C'est incroyable l'aberration qu'on a pu voir dans le passé. Là-dessus, je suis d'accord avec le député du Parti libéral quand il a mentionné qu'on ne peut tout de même pas tout reprendre les erreurs qui ont été faites. C'est vrai que lorsqu'on agit, lorsqu'on travaille, lorsqu'on construit des autoroutes, il est fort probable qu'il y a des erreurs qui se glissent. Je pense que le projet de loi ne vient pas condamner ce qui a été fait, il vient tout simplement orienter l'avenir à la réflexion, si vous voulez, des choses qu'on a faites dans le passé, et là on se rend compte que ce sont des choses dans lesquelles se sont glissées des erreurs graves.

Le député de Charlevoix a mentionné que l'autoroute qui a été construite sur les battures de Beauport sert à tout le monde. C'est bien évident qu'on ne passera pas à côté, même si, aujourd'hui, on admet, au sujet de cette autoroute, qu'il s'est probablement glissé des erreurs. Il ne s'agit pas de condamner les gens qui l'ont faite, il s'agit de s'orienter dans l'avenir pour qu'avant qu'on vote pour un projet semblable, on puisse consulter les citoyens, que les citoyens exercent ce droit de se faire entendre, que ces citoyens puissent apporter des modifications, bonifier les projets, faire en sorte que ces projets, tout en rendant service à I'ensemble des Québécois, tout en rendant service à l'industrie québécoise, ne viennent pas nuire aux principes fondamentaux de protection de l'environnement.

Je me souviens, lorsque j'étais sur la route, j'avais vu une chose qui me paraissait tout de même assez anormale. On avait construit une école dans une paroisse de mon comté. Pour faire la construction de cette école, on s'était empressé de faire venir des béliers mécaniques, des bulldozers, comme on les appelle normalement, et on a rasé tout ce qu'il y avait sur le terrain. On a coupé des beaux arbres vieux de 60, 75 ou 100 ans. On a tout rasé. On a construit une belle école extrêmement moderne et on a pris la précaution de l'entourer d'asphalte. Une fois que tout ceci a été fait, on a creusé un trou dans l'asphalte, on a été chercher de la terre, de la bonne terre, du bon sol arable, en plein milieu de l'asphalte. On a fait venir le maire et le député et on a planté un arbre. Vous voyez ce ridicule de penser qu'on doit absolument détruire pour construire. J'ai l'impression que la loi que nous étudions actuellement est justement une loi qui vient nous faire penser, avant de faire un projet, qu'il y a peut-être possibilité de construire. Il y a sûrement possibilité de relancer l'industrie, sans nécessairement se sentir obligé de détruire en même temps.

C'est vrai qu'on a fait des erreurs dans le

passé, c'est vrai qu'il ne faut pas nécessairement, comme le disait le député de Charlevoix, blâmer les gens qui ont agi dans le passé pour ces erreurs. On a probablement travaillé avec la technologie du temps. Mais, à la suite de ces erreurs, et comme on a la chance aujourd'hui que la technologie soit plus avancée, on connaît plus l'impact des erreurs du côté de l'environnement. On a le devoir de faire en sorte que, tout en continuant de travailler, tout en continuant de créer des emplois, tout en étant de plus en plus moderne — et c'est peut-être être moderne que de revenir un peu à la nature et de penser un peu à l'environnement — on peut penser à l'ensemble des citoyens qui auront à vivre autour d'une industrie, d'une autoroute ou d'une école et ainsi de suite, qui pourront, tout en profitant des avantages de ce modernisme, aussi profiter des avantages de la vie au grand air et des services de l'environnement. Au moins, avoir l'avantage de respirer l'air le plus pur possible et être capable de jouir des beautés que nous avons au Québec, dans la mesure du possible. Il y a possibilité, vous savez, de faire avancer la technologie pour régler les problèmes de l'environnement, sans détruire l'industrie.

Je vais vous donner comme exemple, l'industrie des pâtes et papiers. Vous savez jusqu'à quel point la Mauricie est polluée, et en bonne partie, par l'industrie des pâtes et papiers. Vous avez entendu parler de notre plan de relance des pâtes et papiers. On a toujours pensé que pour produire du papier à un prix avantageux, il ne fallait surtout pas surveiller l'environnement, autrement, cela coûterait trop cher. Mais dans notre plan de relance de l'industrie des pâtes et papiers, tout en sauvegardant, en conservant les emplois qu'il y a dans cette industrie et en en créant d'autres, on réglera en même temps le problème de l'environnement, du moins, en très grosse partie. (17 heures)

Les industriels dans le domaine des pâtes et papiers sont d'accord maintenant pour dire que lorsqu'on installe une machine moderne qui protège l'environnement le plus possible, en même temps on améliore la rentabilité de l'usine. C'est une façon moderne de sauvegarder notre environnement. Je vois que la loi que nous avons devant nous est tout simplement une loi pour obliger ou pour inciter fortement les Québécois à penser que, tout en s'améliorant, il faut absolument, si on ne veut pas être la dernière génération qui foule ce globe, penser à se protéger, à se moderniser sans se détruire.

J'ai vu des cas. On entend parler du domaine agricole. On a parlé beaucoup de l'agriculture face aux problèmes de l'environnement. Je peux vous dire que maintenant et depuis longtemps, dans le domaine agricole, à l'intérieur de l'Union des producteurs agricoles, vous avez un comité qui travaille. Ce sont des industriels, ce sont des gens de la petite et moyenne entreprise, ce sont des gens qui créent de l'emploi et qui vont aussi conserver leurs industries. Il y a maintenant un comité qui travaille et un deuxième s'est installé en Mauricie; je peux vous dire que j'en fais aussi partie. Dans ce deuxième comité, avec le comité central, on est en train de trouver une façon de régler les problèmes de l'environnement qui ne créera pas de préjudice, qui ne causera pas de problèmes à la rentabilité de l'industrie, mais qui pourrait peut-être devenir une industrie de l'environnement.

De la part de l'Opposition, face à un problème aussi sérieux... L'environnement est un problème sérieux et pas seulement au Québec; il est peut-être temps d'arrêter de dire: On agira quand les autres auront commencé à agir. Il faut que les six millions de Québécois, chaque industriel, chaque municipalité, tout le monde se sentent responsables de la pollution, se sentent obligatoirement responsables de régler ce problème. Si je me dis: C'est le voisin qui doit commencer, le jour où il aura réglé son problème, je réglerai le mien, je peux penser que le voisin pense exactement la même chose que moi.

Quand le député de Brome-Missisquoi mentionnait tantôt que ce n'est pas à nous autres de commencer, ce n'est pas à l'industrie de commencer, ce n'est pas à l'agriculture, c'est à qui de commencer à protéger l'environnement? C'est à tout le monde. C'est aux six millions de Québécois. C'est dans ce sens-là que le ministre a dit que les six millions doivent devenir des inspecteurs. Évidemment, commencer par se regarder soi-même; deuxièmement, aider à l'environnement de ceux qui nous entourent.

En tout cas, c'est cet appel que je fais parce que je crois que c'est une loi extrêmement positive. Je me plais beaucoup à travailler avec le ministre délégué à l'Environnement parce que c'est un homme qui est positif. On a toujours entendu parler d'environnement en termes négatifs, en termes de barrer des choses. Nous autres, on parle d'environnement en termes constructifs. On veut réellement continuer, construire le Québec, mais le construire de façon logique, pas le construire en se détruisant. Merci.

M. Brassard: Mme le Président...

Mme le Vice-Président: M. le député de Pointe-Claire d'abord.

M. Brassard: Ah bon!

M. William Frederic Shaw

M. Shaw: Merci, Mme le Président. I would like to take a few minutes to participate in the debate on this Bill 69 which essentially has, as its basis, the wish of most Quebecers and most Canadians. That is the protection of our environment, the establishment of parameters which will continue to protect it in the future. I also recognize the need of the government to act in this area to ensure that some of the mistakes that we have made in the past are not continued in the future, so that the Canada that we leave for our children will be one which has a more hospitable environment than the one which we are presently leaving them now. We know, of course, of our

waterways which are polluted with mercury and other pollutants, we know of our air, we know of various other problems that our children will be confronted with if action is not taken as soon as possible to reverse what has happened before.

But, Madam President, I had to respect very highly my colleague, the member for Brome-Missisquoi, in his appreciation of this law. I can also respect the member for D'Arcy McGee for not wanting to take any credit for it, because the purpose, the understanding and the principle of this law is to protect the environment and to create the agencies which will make this protection effective.

Obviously, there are things in this law, sections of this law which would be far more effective if we had cooperation of the federal level of government in its formation. For example, when we speak of the regulations concerning automobiles, there is presently regulations concerning automobiles which have been established by the federal government which obviously is in a better position to establish parameters as vehicles move from province to province and indeed out of this country. We also need cooperation with the federal level of government because of the fact that waterways are their area of jurisdiction and of course cross the frontiers of the provinces and therefore require an interprovincial and Canadian type attitude. But most of all, because of the fact that pollution in its present state is one of the most expensive tasks that we, as a nation, will have to face in the coming decade.

I heard yesterday the member for Frontenac spend almost 20 minutes decrying the duplication of efforts that we have in the area of family allowances, and yet, we see here tremendous areas of duplication in the application of the requirements of pollution control. For example, we have the study committees that are going to do studies as to the impact of certain industries locating in certain places. For example, if we have an industry that decides to locate on the Ottawa river, on the Ontario side, its impact is just as important to those of us who live on this side of the river as it is to those on the western side. So, Madam President, I would like to see some evidence, in this law, of cooperation with the other provinces and with the federal government in establishing a national policy on pollution which could be far more effective than regional policies.

And third, another error, Madam President, is of course the costs, the costs of effectively making the change. And these are long term costs involving for example major changes in water purification systems and sewage treatment which municipalities, and for that matter, individual areas of towns have absolutely no means of meeting within their capacity to pay the taxes. The federal government, if there is a level of government that is in the best position to begin a program of improving the quality of our environment, I think, is in the best position in the fiscal sense to make the moves necessary to effect a better environment for our children in the future.

There is one more aspect of this law that bothers me as well, Madam President. It is a principle. I saw yesterday in bill 118 a fundamental principle removed, that is the right of the individual to sustenance from the state, from the province. And here, we have a new principle. Every person has a right to a proper quality of the environment and to the protection of the living species inhabiting it to the extent provided for by this act and the regulations". (17 h 10)

That is fundamental principle. And there is the principle that every Quebecer has the right to seek an injunction of the Superior Court and that this injunction must be acted apart because in section 19e, it is said very clearly: "Every motion made pursued to this division must be served on the Attorney-General." In other words, we are giving an incredible amount of power without restriction, Madam President, to the individual which is not seen in any other area of our Legislation. We have, as the basis of our law, Madam President, the British Common Law, which allows any individual who can show just cause... There is no requirement in this to show just cause.

Any individual who can show just cause under our present legislation has the right to take action against his neighbours. There is a gigantic difference, a gigantic difference which make me very weary of that section of the law. Why is it necessary? Why, when the system of British Common Law is available in this province, where an individual prior to the passage of this law who has just cause to complain about his neighbour because a pollution or an invasion on his ecological right, if you wish, can presently be served and, if demonstrated, acted upon by the Court? It concerns me, Madam President, because of an attitude which reverses the British system of justice, and that is that the person who is accused is presumed innocent until proven guilty and is also not required to make proof. It is his accuser that is required to make proof.

And we see here that in this case we can have an individual laying a complaint which must be served by the Attorney-General and the cost of the investigation can be held by that person who is being complained against. Fundamentally, Madam President, I cannot conceive it as being a value in this law, but perhaps it is part of the new thinking of our new Government, an attitude that says: We must always use the big stick. We cannot use the fundamental systems which have been there and are functioning. You can check right now, Madam President, of the number of cases which are presently being taken against polluters by individuals under our present system of law. This access is available but proof must be made and, if proof is not made, then the individual who is accused has not any consequences except, of course, his need to be present during the time of his charge.

So, Madam President, again, I see the government acting with a hammer to kill a fly, with a very noble goal, and that is the goal of achieving a better ecological environment for our children,

to improve the quality of our air and our water, to remove our recusants and to move other examples of pollution in our society. But we are doing it in such way that we are lending too much power to a small group of people who have too much power to exercise that power. And it always bothers me as every new piece of legislation is introduced how the number of "enquêteurs" increases. We have the "enquêteur" de l'Office de la langue française, we have "l'enquêteur" coming out very shortly with the immigration law and we have "enquêteurs" now with this new environment protection law and we have the "enquêteurs" very shortly with "la protection agricole".

We are surely going to be looking an "enquêteur" concerning marketing boards. "Enquêteurs", Madam President, what kind of society are we developing? The "enquêteurs" were never necessary before. Sure, there are some abuses. Is it the way that the Parti québécois envisages creating employment? We are going to have so many people as "enquêteurs", shortly. Madam President, that we will be "enquêteuring" each other.

No, Madam President, I cannot see how a bill which has such genuine substance and value can be so compromised by misrepresenting the way it should be applied. Most certainly, fundamentally the law is of value, but the methodology that is being used in this law is contrary to the fundamental rights of the individual, contrary to the interests of all Quebecers and will, in no way, in my opinion, Madam President, improve the quality of our environment.

I cannot see how I can support a law that has given such a big stick to achieve such a small amount of gain, when, with certain modifications, in principle, in the method of its application, it could be of value to all Quebecers. Thank you. Madam President.

Mme le Vice-Président: M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Mme la Présidente, depuis quelques années, l'opinion publique québécoise est de plus en plus sensibilisée aux problèmes de l'environnement. Ce n'est d'ailleurs pas un phénomène exclusivement québécois, il est, je pense, mondial ou, en tout cas, on le retrouve dans tous les pays développés.

Nous assistons donc à une prise de conscience de la population qui va s'élargissant et s'appro-fondissant, prise de conscience concernant les menaces qui pèsent sur notre environnement et les dégradations graves de notre milieu de vie. Cette prise de conscience et ce réveil se traduisent concrètement par des campagnes de sensibilisation, par des campagnes de lutte contre 1a pollution. Cela se manifeste également par la création de groupements, d'associations de citoyens qui sont voués à la protection de l'environnement. Il y a là ce qu'on pourrait appeler une révolution au niveau des mentalités. Il y a dix ou quinze ans, peu de personnes se préoccupaient des conséquences néfastes, des répercussions néfastes de la réalisation d'un projet industriel ou d'un projet de construction sur l'environnement. On considérait d'abord les effets économiques qui découlaient, par exemple, de la construction d'une usine, mais on ne se souciait pas ou on se souciait peu des répercussions de cette construction sur l'environnement. Aujourd'hui, les mentalités ont évolué, les choses ont changé, ce qui ne signifie pas qu'on néglige carrément les retombées économiques, les effets économiques d'un projet ou d'une construction d'usine ou d'un projet industriel, mais on tient compte aussi de l'influence, de l'impact d'un projet sur la qualité du milieu, la qualité de l'environnement.

Pensons, par exemple, aux réactions face au projet de la Jacques-Cartier, il y a quelques années, ou face au projet de la baie James. Je pourrais donner comme exemple également ce qui s'est passé dans notre région, il n'y a pas si longtemps. La population était heureuse, satisfaite de voir s'implanter dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean de grands projets industriels comme l'implantation d'une usine de pâtes à Saint-Félicien par Donohue, ou la construction d'une aluminerie à La Baie. (17 h 20)

Elle était satisfaite, elle était heureuse de la réalisation de ces grands projets industriels, parce que chez nous le taux de chômage est élevé et que les effets économiques de tels projets étaient bénéfiques pour l'économie de la région. Mais la population ne s'est pas uniquement intéressée aux retombées économiques de ces projets industriels. Elle s'est également préoccupée de l'impact de ces constructions, de ces projets sur l'environnement, sur le milieu. Ce n'aurait sans doute pas été le cas il y a dix ou quinze ans. Il y a donc une prise de conscience, un changement de mentalité assez radical chez la population en matière de protection de l'environnement. Le projet de loi 69 qu'on étudie présentement vient, en quelque sorte, confirmer, reconnaître cette évolution de l'opinion publique québécoise. C'est là, je pense, un trait essentiel de ce projet de loi. La loi actuellement en vigueur et qu'on amende par ce projet de loi 69 faisait, il faut en convenir, peu de place à la participation du public aux décisions concernant la protection de l'environnement.

Bien sûr, cette loi actuellement en vigueur et qu'on veut modifier prévoyait un Conseil consultatif de l'environnement qui joue un rôle de conseiller du ministre, qui donne des avis au ministre sur des questions d'environnement. Mais c'était, il faut en convenir, fort limité comme forme de participation des citoyens à la protection de l'environnement. C'était normal, je pense, il fallait à ce moment-là faire un pas dans ce domaine et, à cette époque, la volonté de participation des citoyens n'était peut-être pas assez forte ou assez vigoureuse pour être reconnue dans la loi. Ce n'est plus le cas maintenant. Cette volonté de

participation existe, elle s'exprime à travers un nombre important de groupes de citoyens ou d'associations vouées à la protection de l'environnement.

Le projet de loi 69, donc, reconnaît cette volonté de participation et lui permet de s'exercer concrètement. À ce sujet, la création d'un bureau d'audiences publiques sur l'environnement est d'une importance, à mon sens, capitale. Il ne suffit pas de proclamer que les citoyens doivent faire entendre leur voix, il ne suffit pas d'affirmer que les citoyens doivent être appelés à discuter des problèmes de l'environnement. Encore faut-il qu'on mette en place des mécanismes qui rendent possible cette prise de la parole par les citoyens. Encore faut-il qu'on prévoie un processus de participation. Ce mécanisme, c'est le bureau d'audiences publiques. Ce processus, c'est l'audience publique. Les avantages de cette participation du public sont nombreux, M. le Président. Le Conseil consultatif de l'environnement, dans son rapport 1976-1977, énumère plusieurs des avantages de la participation.

J'en retiens deux qui m'apparaissent importants. Le Conseil consultatif de l'environnement dit: Les citoyens qui participent à un processus de planification peuvent être à l'origine de plusieurs idées créatrices qui auront échappé aux responsables du projet, trop souvent préoccupés par des orientations conventionnelles et administratives.

De l'information additionnelle et même des idées nouvelles peuvent alors être très utiles aux promoteurs, surtout quand les valeurs impliquées ne peuvent pas facilement être quantifiables. C'est là un avantage, je pense, qu'il nous faut considérer. La participation peut susciter, générer des idées créatrices, des idées nouvelles, selon le Conseil consultatif de l'environnement — et je suis d'accord avec lui — qui peuvent contribuer à améliorer un projet.

Autre avantage cité par le Conseil consultatif de l'environnement: la discussion des problèmes dans une procédure ouverte peut créer une atmosphère de compréhension mutuelle parmi les groupes en présence et contribuer à la solution de conflits. C'est là, je pense, un avantage important qu'il faut souligner. La participation des citoyens aux questions d'environnement peut avoir pour effet de substituer un climat de compréhension, un climat de coopération à un climat d'affrontement ou à un climat de guerre ouverte.

On pourrait donner d'autres avantages. Le conseil consultatif en énumère six, mais je pense que ces deux-là suffisent pour justifier l'introduction, dans ce projet de loi, de ce principe fondamental de l'audience publique sur des questions d'environnement.

Il y a un autre élément, M. le Président, que je voudrais relever et qui m'apparaît un progrès considérable, c'est le processus prévu dans le projet de loi pour l'évaluation des impacts de certains grands projets sur l'environnement. Désormais, pour les grands projets industriels, pour les grands projets de construction, pour les grands projets hydroélectriques aussi, il faudra procéder à une étude d'impact sur l'environnement. Ensuite, il faudra entreprendre une consultation publique, s'il y a demande, consultation qui sera tenue par le bureau d'audiences publiques. Enfin, le gouvernement — et non pas seulement le directeur des Services de protection de l'environnement — émettra un certificat d'autorisation pour la réalisation du projet. Certains prétendront qu'une telle procédure ralentira la prise de décision et la compliquera. Or, je pense qu'au contraire un tel mécanisme — et je ne suis pas seul à le penser, le Conseil consultatif de l'environnement le pense aussi — ou que la participation... et je cite à nouveau le texte du Conseil consultatif de l'environnement: "La participation permet de découvrir si une étude d'impact sur l'environnement est bien réalisée et s'il n'y a pas de conséquences imprévues à l'implantation d'un projet et, de ce fait, elle évite des dépenses futures pour des corrections sociales ou environnementales. Une décision prise lentement, en pleine connaissance de cause, peut donc se révéler économique à long terme".

Je voudrais, à partir de cette citation, vous citer un exemple bien concret qui s'est produit dans ma région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est le cas de l'implantation d'une usine de pâtes à Saint-Félicien par la compagnie Donohue. On s'est rendu compte, mais trop tard, que le site choisi et autorisé allait faire en sorte que les eaux usées de l'usine allaient être déversées dans la rivière Chamouchouane, mettant ainsi en danger une ressource faunique importante chez nous, la oua-naniche, dont les principales frayères se trouvaient précisément dans cette rivière. Une étude poussée de bilogistes en arrivait à la conclusion que la survie même de cette espèce était menacée par le rejet des eaux usées de l'usine Donohue à Saint-Félicien. Le gouvernement a donc dû détourner ces eaux, grâce à un tuyau — ce qui a coûté $8 millions à l'État — vers un autre point de déversement. Je suis convaincu que si, à ce moment-là, nous avions suivi une procédure comme celle qui est prévue dans le projet de loi 69, étude d'impact, audiences publiques, autorisations du Conseil des ministres, nous aurions déterminé, choisi, fort probablement, un autre site pour ce projet, ce qui aurait évité des dépenses supplémentaires à l'État. Ce n'est donc pas vrai — — et c'est là un exemple bien concret — de dire que la participation ne peut qu'entraîner des dépenses supplémentaires ou des retards dans la réalisation d'un projet. Cette procédure prévoyant étude d'impact et audiences publiques constitue un élément majeur de ce projet de loi et un projet indiscutable en matière de protection de l'environnement. (17 h 30)

C'est, d'ailleurs, l'opinion de l'auteur de l'étude qui s'intitule: "Urbanisation et environnement", étude qui avait été commandée par le groupe de travail qui a produit un rapport sur l'urbanisation. L'auteur est M. Gourdeau qui écrit ceci: "Le rap-

port d'impact à l'analyse se révèle le seul instrument qui ait permis en Amérique du Nord que se cristallisent dans la cohérence des démarches démocratiques et sociales axées sur la protection de l'environnement et la qualité de vie urbaine. La formule implique forcément des délais, mais comment, en son absence, pourrait-on espérer non seulement prendre des décisions bien éclairées, mais aussi s'assurer de la coopération d'une population qui n'aurait pas pu exprimer son opinion en pleine connaissance de cause?" Il conclut en disant: "II faut donc considérer le rapport d'impact comme un outil positif, l'exiger dans les plus brefs délais et prévoir les mécanismes qui lui permettront de jouer son rôle."

M. le Président, cela sera bientôt chose faite. Cet outil positif, la loi exigera qu'on l'utilise dorénavant. Édouard Herriot, homme d'État français, disait qu'on ne pouvait consolider la démocratie qu'en la maintenant sans cesse en mouvement, c'est-à-dire en la développant. Or, le projet de loi 69, en rendant possible une participation active des citoyens aux grandes décisions concernant l'environnement, constitue sans nul doute une consolidation et un approfondissement de la démocratie au Québec.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le député de Mercier. M. Gérald Godin

M. Godin: Merci, M. le Président. J'aborderai deux aspects de cette question et de cette loi 69. Premièrement, seul l'État peut jouer le rôle de bon père de famille en ce qui concerne l'écologie, c'est-à-dire tous les aspects de la vie. Par exemple, il ne faut pas demander à une usine de pâtes et papiers de se préoccuper des pêcheurs d'anguilles dans le Bas-Saint-Laurent. Seul l'État peut mettre côte à côte les données relatives aux pêches d'anguilles et les données relatives à la pollution qui peut venir d'une usine en amont de la rivière. C'est la raison pour laquelle le gouvernement qui nous a précédés avait timidement décidé de jouer son rôle de père de famille dans ce chantier, car il s'agit d'un chantier, le chantier de la vie elle-même, mais avec une certaine timidité, comme je l'ai dit. Nous allons plus loin, parce que nous sommes — pourrais-je le dire — plus soucieux d'écologie que nos prédécesseurs.

Je m'étonne que l'ex-ministre des Transports n'ait pas mentionné un des aspects positifs d'une voie rapide; c'est qu'il se fait moins de pollution sur une voie rapide que sur une voie lente. Je pense qu'en bon écologiste qu'il est apparu, du moins, en ce qui concerne les outardes les oies et les bernaches, il aurait pu souligner qu'une des retombées positives d'une voie rapide, c'est que, les voitures roulant plus rapidement, elles sont moins longtemps immobilisées et, par conséquent, polluent moins l'atmosphère. L'autre responsabilité de l'État québécois est internationale, en ce sens que le fleuve Saint-

Laurent, qui prend sa source dans les Grands Lacs dont une partie est déjà morte, est également un des principaux lieux de reproduction de certaines espèces de poissons. Il y a peu de gens qui savent, qui pensent et qui se soucient du fait que le Québec, avec sa centaine de rivières à saumon, contribue à nourrir la population du Groenland ainsi que des pays nordiques qui se nourrissent de saumons qui viennent naître dans les rivières du Québec, aussi bien que dans les États atlantiques du Canada.

Il fut un temps où le saumon remontait le fleuve Saint-Laurent jusqu'à Montréal. Avec les années, à cause de la pollution industrielle, municipale et autre, le saumon a lentement perdu une partie du réseau, si vous voulez, hydrologique dans lequel il venait naître et augmenter le cheptel — si on peut l'appeler ainsi — qui va au large du Groenland, contribuer à nourrir des populations dont on ne parle même pas la langue.

Vu du fond des mers par les saumons ou vu du haut des airs par les oiseaux, il n'y a pas de pays, il n'y a pas de frontière, il n'y a pas de débat linguistique, il n'y a pas de gouvernement. Il n'y a qu'un village global — comme disait McLuhan — et si quelqu'un — comme disait l'écrivain latin Thucydide — urine à la tête d'une rivière...

Une voix: Qui?

M. Godin: Thucydide.

Une voix: C'est un écrivain latin.

M. Godin: L'écrivain grec disait...

M. Brassard: C'est un Grec.

M. Godin: ... que si...

M. Clair: Effectivement, c'est un Grec.

M. Godin: ... quelqu'un urine à la tête d'une rivière, il risque d'influencer la vie des personnes qui vivent au bord de l'océan, peut-être à des milliers de kilomètres plus loin. On ignorait, à l'époque, par exemple, les effets du DDT sur l'environnement et sur l'écologie, sur les oeufs pondus par des oiseaux qui avaient mangé des papillons qui avaient été arrosés au DDT. On ignorait que cela avait un effet direct sur les populations humaines. On ignorait aussi, M. le Président, que la pollution coûte énormément cher à une société.

J'entendais tout à l'heure nos industriels de profession, dont je déplore la courte vue — comme le député de Brome-Missisquoi — faire état du coût des équipements antipollution. Ils ne parlent pas, par ailleurs, du coût de la pollution. Le député de Rouyn-Noranda vient d'une ville qui a été littéralement envahie par Noranda Mines et qui a déversé, comme un mauvais citoyen qui viendrait faire ses besoins ici, ses déchets dans un lac qui était poissonneux, il y a trois quarts de siècle. Aujourd'hui, ce lac est une poubelle de

couleur rouge dans laquelle rien de vivant ne peut exister. Les citoyens qui, à l'époque, allaient pêcher dans ce lac, pratiquer les loisirs sont maintenant obligés de faire des dizaines, des cinquantaines et des centaines de milles pour trouver un lac non pollué, et ils le font en voiture en polluant l'environnement. Alors que si les compatriotes et les concitoyens du député avaient pensé un peu à l'avenir, ils auraient pris des mesures, à l'époque, pour que la compagnie minière ne se serve pas d'un lac ou d'une rivière comme d'une poubelle. Seul l'État, au fond, peut s'assurer que les lacs, rivières et fleuves d'un pays ne sont pas utilisés comme des poubelles.

Ce qui me frappe positivement dans le projet de loi, c'est que nous montrons que nous sommes conscients, en tant que gouvernement, de la portée internationale, par conséquent de la portée dont je dirais qu'elle tient de la solidarité humaine, car les saumons qui viennent naître au Québec — je le répète — nourrissent les gens du Groenland et de l'Islande. S'ils ne les pêchent pas tous, ils vont revenir se reproduire ici, avec le résultat qu'il y a maintenant un accord limitant la quantité de tonnes de saumons pêchés dans ces mers froides ainsi que la quantité de saumons pêchés au Québec, parce que le tout se tient, dans cet univers.

Si les oies sauvages dont parlait le député de Charlevoix tout à l'heure sont protégées, la vie des Inuit en est influencée, car ils s'en nourrissent. Si, en Virginie, en Caroline du Nord et du Sud, on empêche l'épandage du DDT, les oies sauvages arrêteront ici, poursuivront leur route et la vie continuera. Il ne faut pas, par ailleurs — je suis d'accord avec certains aspects du discours du député de Charlevoix — tomber dans l'excès contraire qui consisterait à empêcher tout mouvement, tout progrès, mais il ne faut pas perdre de vue — c'est ce que permettra une étude d'impact sur l'environnement — que dans tout projet important, nous serons en mesure de prendre des décisions éclairées, M. le Président. Combien a coûté à l'État québécois l'arrêt de la pêche aux anguilles pendant quelques années, dans le Richelieu et dans le Bas-Saint-Laurent? Combien cela a-t-il coûté? Est-ce que cela coûte moins cher d'intervenir sur la source de pollution que de payer de l'aide sociale à des pêcheurs qui n'ont plus d'emplois parce que le poisson est pollué et n'est pas propre à la consommation. (17 h 40)

Je dois dire que nous n'irons peut-être jamais assez loin dans la sensibilisation des Québécois à ce problème et que nous n'irons jamais assez loin dans l'intention d'inspecter toute décision qui pourrait avoir un impact sur un aspect ou autre de la chaîne alimentaire de l'humanité ainsi que de tout organisme vivant, car tout se tient dans notre monde. Le Québec n'est pas un pays à l'intérieur des terres, où cela aurait moins d'effet. Le Québec est là où se trouve l'arrivée et la sortie des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent dans le golfe. Nous sommes par conséquent au coeur d'un bassin hydrologique qui englobe plusieurs pays et plusieurs provinces. C'est la raison pour laquelle nous devons plus que toute autre province au Canada — et nous le sommes encore — être soucieux de cette question. Étant soucieux de cette question, nous nous sommes déjà associés avec les États voisins qui ont un mot à dire sur notre propre cours d'eau, le fleuve Saint-Laurent, c'est-à-dire les États-Unis.

Le ministre faisait état tout à l'heure du Michigan. La vie du Michigan a un effet sur les poissons du Saint-Laurent, par conséquent sur la santé des Québécois. C'est pour cela qu'il faut être conscients de cela. On ne reproche à personne de ne pas en avoir été conscient plus tôt. Cela n'existait pas, ces connaissances, cette préoccupation. Mais maintenant que ces connaissances existent sur l'écologie, il serait criminel, M. le Président, de ne pas être extrêmement exigeants quant à tout projet qui risque d'avoir une influence quelconque sur — je le répète — la solidarité humaine dans son ensemble, dans tout le bassin atlantique dont nous sommes, en partie, un des gros propriétaires à cause de l'importance du fleuve Saint-Laurent comme aire de reproduction de certaines espèces essentielles à l'alimentation de nos frères du Groenland et d'ailleurs, dont personne n'a parlé ici et qui, pourtant, nous reprocheraient amèrement de ne pas penser à eux aussi bien que les Américains devraient penser à nous, aussi bien que nous pensons également à eux, puisque nous sommes dans le trajet des oies blanches, des outardes et autres sauvagines.

Donc — je termine là-dessus — nous avons une responsabilité locale, M. le Président, mais également — et cet aspect n'avait pas été mentionné — internationale. C'est la raison pour laquelle je voterai pour cette loi. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président suppléant (M. Laplante): M. le ministre.

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, je voudrais, en donnant la réplique, essayer de répondre à certaines préoccupations de certains députés qui se sont exprimés dans cette Chambre. Je pourrais quand même dire que le projet de loi 69 donne nécessairement — et c'est le principe de la loi — des droits aux citoyens, parce qu'auparavant les citoyens n'avaient que des devoirs. Je pense que ce n'était pas juste. Auparavant, les citoyens devaient se contenter d'accepter des situations puisque, d'une part, si le gouvernement ne pouvait pas intervenir, ils devaient tout simplement vivre les expériences qu'ils subissaient. Ce n'était pas juste, parce qu'ils devaient dire ni plus ni moins merci à chaque fois qu'un poisson mort de peur aboutissait dans leur assiette, à chaque fois qu'un verre d'eau qu'on leur donnait ressemblait souvent plus à un verre de mélasse. Ils devaient dire merci quand il fallait faire des dizaines de milles pour trouver un brin d'herbe hospitalier.

Je pense, M. le Président, que maintenant, dans le mécanisme de décision du développement du Québec, aussi bien par l'entreprise privée que par les organismes paragouvernementaux ou gouvernementaux, le citoyen a le droit et le devoir de participer aux décisions, de façon que les mécanismes qui sont en place permettent un développement en harmonie avec ses besoins. Je pense que c'est une loi qui protège le citoyen et qu'aujourd'hui, nous avons les moyens de l'aider à participer à ce processus de décision. Pour répondre à certaines questions, j'ai été un petit peu ahuri. D'abord, j'ai été charmé par la connaissance et la compréhension du projet de loi qu'ont manifestées le député de D'Arcy McGee et, en général, le député de Saint-Hyacinthe.

Cependant, j'ai été complètement estomaqué devant les demandes du député de Brome-Missisquoi ainsi que du député de Rouyn-Noranda. De toute façon, il semble bien que le député de Saint-Hyacinthe et le député de Brome-Missisquoi ne s'étaient pas parlé puisque le député de Brome-Missisquoi a réclamé le dépôt des règlements concernant la loi que nous présentons aujourd'hui, alors que son député de Saint-Hyacinthe s'était engagé, à la commission parlementaire sur la loi 30, de ne pas les exiger pour les autres lois, et spécialement cette loi-ci, si on accordait le dépôt d'un règlement pour la loi 30 sur les Indiens et les Inuit. Comment cela se fait-il? Est-ce qu'on se parle dans l'Union Nationale ou si on ne se parle pas? L'engagement qu'a pris le député de Saint-Hyacinthe était formel: on ne demanderait pas, pour la loi 69, le dépôt des règlements puisqu'on savait fort bien que pour la loi 69, on avait accepté, par la bouche du député de Saint-Hyacinthe, de voter en faveur du principe de la loi 69.

J'ai l'impression que le député de Brome-Missisquoi n'a compris ni la loi, ni ce que le député de Saint-Hyacinthe, du même parti, avait dit. J'irais plus loin que cela, M. le Président. Je vais quand même essayer, même si j'ai l'impression que le député de Brome-Missisquoi parlait un langage de l'année 1867, de répondre à certaines préoccupations qu'il a mises de l'avant. Pour lui, cela va permettre, la loi 69, des chicanes entre voisins. Comme je l'ai répondu en commission parlementaire au député de Saint-Hyacinthe, porte-parole habituel de l'environnement pour la formation de l'Union Nationale, je lui dirai que c'est impossible puisque la loi permet uniquement des poursuites en injonction à un citoyen s'il a obtenu d'un juge de la Cour supérieure la possibilité d'avoir une injonction. Donc, il est absolument impossible d'avoir des chicanes de voisins parce que rien de ce qui est frivole ne sera accepté par un juge. On avait mis cette balise.

Concernant les industries pour lesquelles le député de Brome-Missisquoi craignait que des obligations d'études d'impact d'audiences publiques ou de demandes de citoyens puissent empêcher les industries de s'implanter, je vais répondre ce que j'ai déjà dit au député de Saint-Hyacinthe qui, semble-t-il, n'a pas expliqué cela au député de

Brome-Missisquoi, du même parti. C'est impossible puisque, concernant l'implantation d'une industrie, l'étude d'impact ne sera demandée que pour certains types d'industries que j'ai énumérés déjà en commission parlementaire. En plus de cela, le citoyen ne peut empêcher une industrie de s'implanter, mais il peut s'exprimer pour demander, par suite des études d'impact qui ont été faites sur les conséquences environnementales de l'implantation d'une industrie, certains amendements que le gouvernement peut accepter ou non.

Donc, cela veut dire que le citoyen ne peut pas empêcher l'implantation d'une industrie. Que le député de Brome-Missisquoi dise que cela va être onéreux qu'une industrie soit obligée de demander un permis, entre vous et moi, je pense qu'on est rendu en 1978 et qu'il est normal, pour toute l'entreprise qui peut nuire à l'environnement, qu'il y ait certaines normes. Comme le disaient si bien le député de Mercier et le député de Lac-Saint-Jean, les coûts d'implantation d'équipement antipollution ne sont rien comparativement aux coûts sociaux et les coûts économiques de la dépollution.

M. le Président, saviez-vous qu'aux États-Unis, avec une loi semblable à celle-ci, on a, peut-être à cause des normes, perdu 30 000 emplois, mais on en a créé 200 000 à cause des mesures et des équipements antipollution? On a augmenté de 0,4% aux États-Unis les emplois à cause des mesures antipollution. Essayer d'opposer chômage et mesures pour la protection de l'environnement, c'est retourner au 19e siècle où, justement en Angleterre, on affirmait qu'il fallait choisir entre l'industrie et le travail des enfants de huit ans, douze heures par jour. On faisait choisir les gens, à ce moment: Voulez-vous qu'on puisse ouvrir une mine pour donner du travail? Il faut absolument que vous choisissiez entre pas de mine ou laisser les enfants de huit ans travailler douze heures par jour. On était, à ce moment, à ce niveau de préoccupations sociales au 19e siècle. Et aujourd'hui, on vient mettre en opposition simplement le problème de l'emploi avec le problème de l'environnement. Cela ne s'oppose pas; cela se complète. (17 h 50)

Le député de Rouyn-Noranda a essayé de dire que, dans le comté où il demeure, suite à nos visites, il y a eu moins d'emplois. S'il y a eu une baisse d'emplois dans la région de Rouyn-Noranda, c'est uniquement dû à la baisse du prix du cuivre au niveau de l'exploration et de la découverte du cuivre. Il n'y a aucun lien avec l'environnement. Il ne s'est pas perdu un seul emploi au Québec à cause de l'environnement. Charrier dans cette direction, M. le Président, je n'en reviens pas. J'ai entendu la déclaration du député de Rouyn-Noranda qui a affirmé qu'il avait vu une affiche sur l'autoroute où on disait que c'était fait par l'Environnement. On avait mis des affiches pour déterminer qu'il n'y aurait pas d'épandage de sel et il disait que c'était le ministre de l'Environnement qui avait fait cela. M. le Président, il devrait connaître plus que cela son dossier. Vous savez, quand on est devant la

télévision, un député doit être quand même responsable. Il n'est pas là actuellement pour qu'on lui réplique à ce qu'il a dit, c'est malheureux, mais je suis obligé quand même de corriger cela.

M. le Président, les mesures qui ont été affichées sur les autoroutes sont faites par un service environnemental du ministère des Transports. Cela n'a rien à faire avec le ministère de l'Environnement. Quand il parle d'une baisse de production, cette baisse de production est reliée à une baisse de la valeur du cuivre sur le marché mondial. Il n'y a eu aucune perte d'emplois de ce côté.

M. le Président, un peu plus loin, il semble oublier que non seulement il n'y a aucun lien entre les pertes d'emplois, le chômage et le problème de la protection de l'environnement, mais qu'au contraire cela crée des emplois. Saviez-vous que, pour les mesures antipollution, les équipements antipollution, pour chaque investissement de $28 000, on crée un emploi? Dans la ville de Laval où on investit actuellement pour les prochaines années $61 millions dont $40 millions du Québec, cela va créer près de 2000 emplois.

Ils commencent donc à se rendre compte que, peut-être, l'environnement peut créer des emplois. Il y a aussi la question posée par le député de Saint-Hyacinthe au sujet de l'éducation sur l'environnement. Il a parfaitement raison de s'en préoccuper. C'est une préoccupation majeure qu'on a, au ministère, puisque nous avons mis sur pied un module d'éducation au niveau de l'environnement. Nous avons, de concert avec le ministre de l'Éducation, préparé un système pour qu'aux niveaux élémentaire, secondaire, des cégeps et même universitaire, il y ait des programmes d'éducation sur l'environnement. Nous avons aussi mis de l'avant un programme d'éducation pour les adultes, et on vient justement de rédiger une brochure pour tous les éducateurs du Québec au niveau de l'éducation sur l'environnement. Les exemplaires seront distribués bientôt à travers le Québec pour ceux qui s'occupent de l'éducation en général, pour ce qui est de la dimension de l'environnement.

Je tiens aussi à dire qu'il y aura, l'année prochaine, un programme de publicité sur la défense du milieu de vie et de l'environnement. Il est grand temps qu'on sache que la préoccupation environnementale est une préoccupation dont on doit tenir compte. Je sais que c'est complexe, que certaines personnes ont de la difficulté à comprendre l'importance qu'il y a dans l'environnement, parce qu'on n'a pas su retracer les interrelations qui existent entre les éléments de l'environnement.

C'est vague peut-être pour certaines personnes, mais il faut quand même admettre ceci. La notion que je voulais mettre de l'avant, dans le discours d'ouverture en deuxième lecture sur le projet de loi 69, était l'élément de cette notion d'équilibre qu'est l'environnement. Notion d'équilibre qui fait qu'il y a une interrelation qui va de l'eau, du sol à l'air, l'interrelation avec les végétaux, avec les minéraux, avec les animaux, avec l'homme, avec la société en général. C'est cette interrelation, cet équilibre qui font que ce monde est un peu comme une horloge délicate où le plus petit engrenage porte à un point précis tout le destin de l'ensemble. Dérégler ce système de protection de l'environnement, alors qu'il y a tellement d'interrelations, est très grave. Il faudrait que chacun des députés de cette Chambre se rende compte que nous avons, aujourd'hui, une occasion unique de franchir un grand pas dans le domaine de l'environnement. Le Québec a la chance de faire face aux défits considérables que connaîtront nos sociétés industrielles dans les prochaines années.

Donc, je fais appel à la sagesse de tous les députés et tous les membres de cette Assemblée, pour doter le Québec d'une loi vigoureuse qui va nous mettre à l'heure des défis environnementaux de notre époque. Si nos enfants pouvaient découvrir ce fameux lieu d'équilibre et d'harmonie dans l'environnement, grâce à nous, chacun se sentant responsable de la portion du territoire du Québec qu'il doit protéger, si nos enfants, grâce à nous, pouvaient reconnaître les sentiers de la solidarité, est-ce que ce ne serait pas formidable si on pouvait apprendre qu'ils sont devenus, chacun de nos enfants, des gens responsables et qu'on deviendrait très bientôt quelque chose comme un grand peuple?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Comme il est presque 18 heures, est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Bellemare: Sur division.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président: Adopté sur division.

M. Léger: Si elle est adoptée sur division, je vais demander le vote enregistré pour demain.

Le Vice-Président: M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, je pense qu'on a compris que l'Opposition officielle voulait voter pour le principe de ce projet de loi.

Le Vice-Président: Écoutez. S'il y a cinq députés qui demandent le vote enregistré, que l'on appelle les députés!

M. le leader parlementaire.

M. Bertrand: Me prévalant des dispositions de notre règlement, je demanderais que le vote sur cet important projet de loi présenté par le ministre de l'oxygène national soit reporté à demain.

Le Vice-Président: D'accord. En vertu des dispositions de l'article 106, à la demande du leader parlementaire du gouvernement et utilisant

ma discrétion, j'accepte que le vote soit reporté à demain, aux affaires courantes.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je proposerais qu'on suspende nos travaux jusqu'à 20 heures. À ce moment-là nous continuerons l'étude du projet de loi no 103 du ministre des Affaires sociales.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: J'ai reçu un papier m'avisant qu'il y aurait réunion des leaders, à 18 heures, je ne sais pas où.

M. Bertrand: Nous allons nous enquérir auprès du leader parlementaire, le député de Saint-Jacques, et je vais fournir l'information au député de Johnson.

Le Vice-Président: Je peux répondre. C'est au bureau de M. le président de l'Assemblée nationale.

M. le député de Charlevoix:

M. Mailloux: Est-ce que le leader parlementaire adjoint pourrait me dire, si par hasard le projet de loi 103 avançait assez valablement en soirée, quel projet de loi suivrait?

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Nous aborderions l'étude du projet de loi 84, tel que nous l'avions indiqué hier, successivement au projet de loi 103.

Le Vice-Président: Sur ce, les travaux de cette Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Mme le Vice-Président: À l'ordre! s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, je vous demanderais, s'il vous plaît, d'appeler le projet de loi inscrit au nom du ministre des Affaires sociales, le projet de loi no 103.

Projet de loi no 103 Deuxième lecture (suite)

Mme le Vice-Président: Ce sera donc la reprise du débat sur la motion de deuxième lecture de M. le ministre des Affaires sociales concernant le projet de loi no 103, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

M. le député de Mégantic-Compton, c'est vous qui aviez demandé l'ajournement du débat.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: Mme le Président, il faut se remettre dans le bain, bien sûr, après une soirée et une journée complète qui nous séparent maintenant de la deuxième lecture de la loi 103. Il n'est pas mauvais, je pense, de rappeler aux gens de cette Chambre qu'il s'agit là de la reprise de la deuxième lecture. Des discours ont été faits par le ministre et par le représentant de l'Opposition officielle et c'était à notre tour quand est arrivée une motion pour reporter à trois semaines l'étude en commission parlementaire, plus précisément vers le 26 décembre prochain, la journée de la fête des Saints Innocents. Après un débat dur et acharné, viril, qui a duré au-delà de deux heures, nous en sommes venus au fait que la Chambre ne siégeant pas le 26 c'était mieux à toutes fins utiles de ne pas reporter l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire. Mme le Président, j'ai ouï-dire à travers les branches que le ministre aurait reçu des gens — assurés que nous sommes que le ministre est occupé en Chambre passablement et que son bureau n'est peut-être pas aussi prêt qu'il le désirerait ni dans le A ni dans le B. — des groupes qui auraient pu lui demander de discuter en commission parlementaire de cette loi. On a su aujourd'hui qu'il était possible que certains groupes aient fait cette demande. Il est sûr que ce projet de loi ayant été déposé assez tardivement, il a été plus difficile aux gens d'apprendre ce qu'il contenait, parce qu'il n'était pas connu. Une fois connu, le temps était limité pour pouvoir parler de venir ici en commission parlementaire. Quoi qu'il en soit, ce projet de loi est important. Il est important par toutes ces corrections qu'il apporte à la loi 65. Il y a des choses quand même, Mme le Président — pour avoir été dans le milieu — qui font que les centres de services de santé de toutes sortes vont être passablement transformés dans leur administration principalement.

Je vois au tout début, d'abord, le rôle des conseils régionaux de la santé et des services sociaux. On ajoute au tout début: "d'exercer, à l'intérieur de son territoire, toute autre fonction" en plus des fonctions actuelles. Ce n'est pas défini. J'ai hâte de voir ce que le ministre, en commission, aura à nous annoncer sur ces toutes autres fonctions qu'on réserve aux conseils régionaux de la santé et des services sociaux. On connaît déjà le rôle qui est joué par ces conseils de santé dans nos régions. Cette institution, qui a été implantée là, il y a quelque temps, a souvent été qualifiée de pare-chocs — dans des régions bilingues comme la nôtre, on appelle cela tout simplement un "bumper" — pour éviter que des revendications ne s'en viennent à Québec, mais aillent se faire au niveau du CRSSS.

Quant à la composition de ce conseil, j'ai eu personnellement — le ministre en a été témoin — à contredire plusieurs de leurs décisions. Ce n'est pas facile pour un député, ce n'est pas plus facile, bien sûr, cela l'est un peu moins pour le ministre, de vouloir organiser, décentraliser des pouvoirs et, en même temps, d'être capable de donner les budgets et de les faire administrer pour que ce soit décisionnel et pas seulement des suggestions au gouvernement, au ministère. Ce n'est pas une chose facile et je le comprends. Mais ces CRSSS mis en place ne répondent certainement pas adéquatement, dans le moment, aux besoins des régions. Il y a des efforts de faits. Leur composition elle-même méritera peut-être d'être repensée parce qu'elle suscite des problèmes assez aigus au niveau des sous-régions. Je m'explique.

Je prends celui que je connais le mieux, celui de la région de l'Estrie, le CRSS de Sherbrooke. Les autres doivent ressembler à celui-là assez étrangement. J'ai eu à travailler avec celui de Québec, de la région 03; j'avais une institution dans la région de Québec et une autre dans la région de L'Estrie. La région de L'Estrie, entre autres, fait des péchés mignons. À cause de la forte population de Sherbrooke et du regroupement d'un grand nombre d'institutions, le CRSSS est noyauté — je n'exagère pas — par des gens de la ville de Sherbrooke. Pour des institutions dans des banlieues de la ville de Sherbrooke, que ce soit Magog, Asbestos, Weedon, Lac-Mégantic, Cookshire, La Patrie, Coaticook, parce que tout est raccroché au CRSSS de Sherbrooke, cela devient une vraie corvée de pouvoir développer certains services en périphérie de la ville de Sherbrooke.

À la tête de ce groupement, on retrouve des personnes qui ont compris la décentralisation du ministère, qui sont bien d'accord là-dessus, mais qui ont assez mal compris la décentralisation des régions. C'est le problème que nous avons dans la région de l'Estrie et ce problème peut se trouver ailleurs.

On accepte très bien de prendre les pouvoirs à Québec et de les transporter à Sherbrooke, mais on accepte mal de les rendre à Sherbrooke et de les transporter à Coaticook, à Weedon, à Lac-Mégantic, à Windsor et à Asbestos. Cela devient plus pénible. Ce sont des compréhensions à sens unique qu'on a. Les personnes qui sont nommées là sont, bien sûr, victimes de plusieurs chicanes locales. Je décris le cas de Sherbrooke, ce soir, mais je voudrais bien que les gens comprennent que cela doit être le cas dans certains autres, à cause de la formation des personnes, à cause du milieu de représentation qu'il y a là.

C'est un effort important de décentralisation qui a été fait vers les régions, qui est loin d'être parfait, et les régions s'en plaignent. J'aurai un peu plus loin, bien sûr, à intervenir sur des cas plus précis. Je ne voudrais pas non plus m'accrocher ici à un détail ou à un problème local et ennuyer la Chambre avec un problème local. Ce que je désire faire ici, c'est illustrer par un cas, comme on l'a fait — j'avais l'occasion d'en discu- ter avec un député tout à l'heure ici — avec l'école de Chartierville, par exemple. Ce n'était pas le problème uniquement à Chartierville, c'était le problème de la déclaration du ministre au niveau de la dernière école primaire dans les villages, une école de quartier, qu'on a illustré par le problème de Chartierville. Non pas qu'on veuille ennuyer les gens avec une région bien spécifique. C'est mon intention de le faire tout à l'heure en parlant des permis qui peuvent être émis dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, dans les familles d'accueil et dans différents centres de services de santé.

Aux CRSSS, on aura, bien sûr, à vérifier de plus près la répartition des élus et il y aura peut-être, en discutant autour de cette loi, une formule à trouver, qui sera plus adéquate, qui trouvera des personnes peut-être encore plus intéressées à ce milieu à aller siéger à l'exécutif régional des CRSSS.

Plus loin, le ministre, dans sa loi, nous parle d'un plan de redressement. Il n'est pas nouveau, ce plan de redressement et, ici, j'informe le ministre — il le sait, mais je le lui dis publiquement — je le mets en garde de ne pas ici réaliser un plan qui était sur les tablettes depuis déjà trop d'années et qui fera peut-être l'affaire de certains hauts fonctionnaires. Je ne suis pas sûr que, dans quelque temps, cela fera l'affaire du ministre, et je suis encore moins sûr que cela fera l'affaire des gens qui ont à profiter des services de santé au niveau des régions. Ce plan de redressement, bien sûr, devra être soumis au ministère mais, actuellement, on travaille sur ce plan. Ce n'est pas du nouveau. La loi vient ici pour dire des choses qui sont en oeuvre depuis déjà pas mal de mois, pour ne pas dire d'années, dans ce plan de redressement.

On est tous témoins de cela. On travaille à ce plan de redressement et, encore là, le programme du parti dit qu'on voudrait sauvegarder les régions, et j'en parlerai tout à l'heure quant à l'intention de limiter le financement du secteur privé, par exemple. Le programme du parti parle de sous-régions; combien on est généreux en campagne électorale pour les sous-régions. On parle des régions, cela va. On parle également des sous-régions; comment on est généreux pour les sous-régions en principe. Quand on arrive dans la pratique, on ignore cela assez facilement et on passe outre à cela. Je mets en garde le ministre, ce plan de redressement ne répondra peut-être pas très bien et à lui et à ceux qui auront à le mettre en oeuvre dans les différentes régions de la province. Il y a des régions éloignées qui ont des besoins. Quand on parle de régions éloignées, on a toujours à l'idée la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, la Côte-Nord, l'Abitibi, mais il y a des sous-régions qui ont des traitements pas beaucoup mieux que les grandes régions éloignées. (20 h 20)

Ces sous-régions sont nombreuses dans la province et elles ont des besoins. Cela s'avère juste en éducation. Cela ne s'avère pas moins exact au niveau des affaires sociales. Je voudrais que le ministre sache bien que ces régions ont des

droits; il y a là des contribuables comme il y en a à Montréal et à Québec, dans toutes les grandes villes, et il y a là des contribuables qui ont besoin d'avoir les mêmes services. Je ne parle pas d'une spécialité de fine pointe, mais ils ont droit à des soins pour malades aigus alors qu'ils sont à distance des grands centres; ils ont droit à ces services. Dans ses déclarations, le ministre a eu l'occasion de le spécifier à plusieurs reprises, mais dans la pratique cela semble ardu. C'est un système qui semble ardu à mettre en marche dans les sous-régions. Je le définirai plus clairement avec des exemples vers la fin.

Le ministre dit en plus dans son préambule qu'il va limiter le financement au secteur privé. J'ai été fort surpris de l'entendre dire, au cours de son intervention, qu'il limitera le financement du secteur privé, c'est-à-dire qu'il n'y aura plus de développement nouveau dans le secteur privé. On pouvait s'y attendre mais ce qu'il y avait au programme du Parti québécois lors de la dernière élection, cela a été loin d'être aussi clair que cela. Les gens ne savaient pas ce qui les attendait. Il y a une concurrence loyale de faite par des centres privés. Le ministre aurait sans doute grand avantage à visiter des centres privés. Il y en a qui méritent d'être encouragés, d'être "pavillonnés", si vous le voulez, de subir certaines transformations. Mais il y a des centres privés qui donnent l'exemple à pas mal de centres publics, et le ministre aurait avantage à se rendre visiter ces centres. C'est une économie pour la province que ces centres privés. Je pense qu'il s'agit d'une saine concurrence.

La déclaration du ministre cet après-midi m'a un peu effrayé, quand je l'ai entendu dire qu'il y avait une coupure assez nette et que c'était pas mal fini. En tout cas, on l'a entendu dire cet après-midi. Cela fait longtemps qu'on le supposait et qu'on l'imaginait. On en était à peu près assuré dans le secteur de l'éducation et, dans le secteur des affaires sociales, cela nous a été confirmé au cours de la journée. Il n'y aurait plus de développement qui se ferait de ce côté; on maintiendrait en place ce qu'il y a là.

On sait que ces gens du secteur privé sont suivis de près et qu'on ne doit pas faire trop de coches mal taillées avant d'en entendre parler. On passe peut-être l'éponge plus facilement sur des centres du secteur public. J'aimerais bien attirer l'attention du ministre, lui demander de se rendre sur place et visiter des organismes qui sont privés. Il se rendra compte probablement qu'il y a là un rôle très efficace à jouer et que cela devient une concurrence joliment intéressante s'il veut monter un secteur public correct également.

Il nous parle également en page 3 — et cela est assez important — de la fusion des établissements, "sans le consentement des corporations concernées". Là, j'ai fait un saut, j'ai été joliment surpris parce que dans le programme du Parti québécois, ce n'est pas tout à fait cela qu'on disait. Il dit ici, "sans le consentement des corporations concernées". Je n'ai jamais entendu parler de cela. Alors qu'on reprochait aux anciens gou- vernements de ne pas consulter la base, on écrit dans un projet de loi, ici, "sans le consentement des corporations concernées." Je demanderais au ministre d'aller voir ses hauts fonctionnaires et leur demander si c'est bien cela qu'ils veulent dire. Ce n'est pas cela qu'ils nous vendaient il y a deux ans dans leur programme. Revaloriser le pouvoir local, c'est en page 10 de leur programme. Ils ont retenu les mêmes choses qu'il y avait là, à ce moment, "notamment: a) en remettant aux municipalités — il s'agit ici du secteur municipal — certains pouvoirs actuellement exercés par le gouvernement québécois et en augmentant les ressources financières à leur disposition; b) en favorisant la création, sur demande, de conseils de quartiers élus au suffrage universel ayant une responsabilité avec le conseil municipal."

Un peu plus loin, on dit: "Réorganiser les structures municipales en consultant obligatoirement la population concernée sur tout projet de restructuration, regroupement ou fusion." Est-ce possible de trouver plus clair. J'espère qu'on a la même philosophie aux affaires municipales qu'aux affaires sociales, j'espère que c'est la même chose. J'espère qu'il n'y a pas noir et blanc dans les deux secteurs, et j'espère que si c'est vrai pour les municipalités, cela ne doit pas être moins vrai pour les personnes malades, les personnes qui sont dans le besoin. Je vous citerai des textes tout à l'heure qui relèvent des affaires sociales et qui sont un peu pires.

Mme le Président, j'ai été ébahi de lire cela. Je n'en croyais pas mes yeux, fusionner des institutions. Sous l'ancien gouvernement — le ministre du temps est là — il y a eu deux essais dans le secteur où je travaillais, un à Repentigny et un à Lac-Mégantic, fusionnement d'institutions. À Repentigny, le directeur général qui était là, je l'ai connu à ce moment-là, j'ai eu à le rencontrer, nous étions les deux seuls qui avions travaillé avec des institutions regroupées, mais pas comme on le fait ici. On a étudié cela sur place. L'étude avait été faite. On a regardé sur place ce qu'il y avait lieu de faire et on a constaté que, lorsqu'on a affaire à deux conseils d'administration qui sont composés de gens bénévoles, cela ne coûte pas bien cher à l'État. On peut peut-être les garder, surtout quand on dit dans son programme qu'on veut redonner le pouvoir à la base. On dirige deux institutions de centres d'accueil, un à Repentigny et l'autre à Lac-Mégantic.

Le gouvernement du temps me confie la responsabilité d'un autre centre, un deuxième. Alors, on regarde cela de près avec la base, pas dans des principes et pas dans un programme de parti politique, mais sur place avec les gens. Selon la recommandation de l'ancien ministre, qui est là actuellement on regarde à la base et on trouve que ce n'est pas réalisable. Ce n'est pas possible d'enlever le pouvoir de la base des gens de Lambton et de le confier à i'un ou l'autre et de former un conseil entre les deux. Il faudrait payer du transport entre les deux institutions pour des gens qui voyagent. Il y avait trop de complications. On a trouvé une formule; le directeur général est

devenu directeur de deux institutions et on a coupé un salaire, et moi, je suis devenu directeur de deux institutions et on a coupé un salaire. Je siégeais aux deux conseils d'administration.

Mais ce n'est pas cela, une fusion comme celle dont on parle dans le programme ici. C'est de ne faire qu'un seul établissement, qu'une seule direction et cela ne peut pas fonctionner. Ce n'est pas de cela que la base veut entendre parler, surtout quand on a dans son programme qu'on va consulter la base, qu'on va retourner à la base. Ce n'est pas ce qu'on dit ici: Sans le consentement des corporations concernées, des corporations bénévoles, des conseils d'administration bénévoles. Vous n'avez pas un mot à dire, vous autres. Ce n'est pas municipal; c'est les Affaires sociales, le projet de loi no 103. Vous n'avez pas un mot à dire là-dedans; c'est nous autres qui décidons à Québec. C'est clair, cela? On vous a dit dans notre programme qu'on vous consulterait, mais ce n'est pas vrai cela. On a une loi et on va la faire adopter; c'est nous qui réglons cela.

C'est à cela qu'on a à faire face, Mme le Président. C'est cela qu'on doit rencontrer ce soir. Cette loi, on nous la propose comme une étude longuement faite et je mets le ministre en garde. Ce qu'on n'a pas réussi à passer sous l'ancien gouvernement, on est en train de vous le passer actuellement. On vous passe cette épinette-là. J'ai dit hier, ici, en Chambre, devant le ministre de l'Éducation et vous, le ministre des Affaires sociales: II faut surveiller ces deux ministères. Ce sont les deux plus grosses boîtes au gouvernement. Pour y voir clair, vous savez que nous l'avons déjà essayé au ministère de l'Éducation, nous autres, avec un gros ministre de l'Éducation, qui s'appelait, dans le temps, M. Cardinal, je pense. Il a essayé cela. Il a trouvé cela dur.

On est allé chercher un homme qu'on avait pris en dehors de la députation pour l'emmener comme ministre parce qu'on disait que le gars aurait de la poigne, qu'il avait fait sa marque ailleurs. Je n'ai pas besoin de vous rappeler ce que je vous ai déjà dit en cette Chambre, combien c'était pénible, combien c'était difficile d'administrer une boîte comme celle-là.

Dans cette loi-ci, on nous dit qu'on va faire des fusions des établissements sans le consentement des corporations concernées. On avait dit, dans le programme du PQ, qu'on consulterait la base et on l'a écrit en toutes lettres. Cela sent une loi préparée par de hauts fonctionnaires en vue de faire main basse sur des institutions et les diriger de Québec, parce que cela va mieux que de diriger des régions. Je mets le ministre en garde. Je lui demanderai certainement, à l'occasion de la commission parlementaire, un compte rendu là-dessus Je voudrais mettre en garde aussi les autres députés des régions périphériques des grandes villes qui auront probablement le même sort. Fusion des institutions sans le consentement des corporations.

On parle un peu plus loin, également, que ce sera le ministre des Consommateurs qui aura à prendre des décisions: "Le ministre des Consom- mateurs, Coopératives et Institutions financières peut, avec l'autorisation écrite du ministre, instituer par lettres patentes des établissements publics de l'une ou de plusieurs des cinq catégories suivantes: "ce qui était réservé, en fait, au lieutenant-gouverneur en conseil. Je ne sais pas pourquoi, quand il est question d'une chose aussi importante que cela, on retire cela du lieutenant-gouverneur en conseil et on décide de faire prendre la décision par une seule personne, une personne du Cabinet. Il y a probablement des raisons que le ministre pourra nous expliquer. Dans le moment, on peut s'interroger.

Dans son article 6, le ministre arrive avec une raison que je comprends mal. Il n'y a plus d'usagers. Des usagers d'après les modes électifs qu'on propose dans ces institutions de la région 10A, il n'y aura plus d'usagers qui feront partie des conseils d'administration. Je ne vois pas bien la raison de cela et j'aimerais bien la connaître. Le ministre aura à nous répondre; c'est en commission parlementaire qu'on le saura. (20 h 30)

Mais j'espère que ce n'est pas un principe qu'on veut commencer à mettre comme projet pilote dans une région, parce qu'on a souvent tendance à cela, et l'étendre ensuite aux régions de la province. Peut-être bien qu'il s'agit là d'institutions où c'est difficile d'avoir des personnes. C'est peut-être les institutions psychiatriques, je ne sais pas. Je n'ai vraiment pas idée pourquoi on décide qu'il n'y a pas d'usager qui feront partie du conseil d'administration. J'espère, au moins, que ce n'est pas à cause d'un programme pilote qu'on est entrain d'établir dans la région 10A pour ensuite étendre cela au secteur provincial après.

Il y a également ce changement qu'on amène dans l'engagement du personnel. Le directeur général au niveau du CRSSS est engagé par le conseil d'administration. On ne parle pas de concours dans la loi. J'espère que c'est compris, au moins, qu'il y aura un concours de fait. J'espère que c'est convenu que ce n'est pas juste pour les articles de la loi. Le personnel-cadre est laissé au conseil d'administration et les autres, au directeur général. Bien sûr on suppose qu'il y aura des concours, qu'on n'a pas aboli le concours si on ne le dit pas. On a déjà vu que c'était mentionné que c'est le règlement qui nous donnera cela, mais ce sont des espèces de tracasseries qui nous arrivent. S'il y a une raison pour une loi qui vient changer des choses, c'eût été l'occasion de nous donner les règlements ici. Ce n'est pas une brique qu'on nous donne, il a certainement un document de prêt pour cela. On pourrait nous dire comment cela va se faire.

Dans le moment il y a des choses qu'on peut discuter sur les élections qui se font dans nos institutions, nos maisons de santé. On sait à quoi s'en tenir, on connaît très bien le rodage de cela, mais il me semble que là, ce n'est pas une loi de fond. On aurait pu nous fournir des règlements pour qu'on sache comment vont se faire ces choses. On arrivera en commission parlementaire et on n'en saura pas beaucoup plus long. Comme

le temps est très limité et qu'on a bien l'impression qu'on devra voter cette loi avant Noël, à ce moment-là, on sera peut-être obligé d'accepter des choses avec lesquelles on sera obligé de vivre. Plus tard, on arrivera avec des transformations, des amendements qu'on pourra apporter dans une autre session, parce que ces choses seront inapli-cables, encore une fois.

Cela a été justement la raison. On ne le fait pas pour le zonage agricole, on ne l'a pas fait sur l'assurance automobile, on ne l'a pas fait sur la loi 101, on ne l'a pas fait sur les grosses lois. On n'a pas déposé de règlements. Ici, dans une loi qui est technique pour une bonne partie, il me semble qu'on était en mesure de s'attendre à avoir la réglementation qui aurait été déposée avec la loi. L'avoir au moins en main pour en discuter en commission parlementaire.

Au CRSSS, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui nomme le directeur général. Ailleurs, c'est le ministre. C'est du nouveau cela, c'est le ministre. Je ne sais pas ce que le ministre envisage, mais je ferai certainement préciser par le ministre pourquoi ces deux personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil jadis sont maintenant nommées par le ministre. Pourquoi au CRSSS c'est le lieutenant-gouverneur en conseil et qu'ailleurs c'est le ministre? Il aura à nous répondre, et j'aimerais qu'il nous le dise dans sa réplique. J'aimerais qu'il change le système aussi. Pourquoi arrive-t-on avec cela? Est-ce que c'est après des suggestions faites par le milieu? On ne le suivait pas, par exemple, mais la loi a été faite comme cela, avant c'étaient les corps publics, les clubs sociaux, dans nos régions, qui recommandaient deux personnes par institution pour être membres du conseil d'administration. On en recommandait deux. C'était rarement suivi, mais c'était cela pareil. Je l'ai fait personnellement, parce que j'étais directeur de deux institutions et je devais m'occuper des clubs sociaux. On avait de la difficulté à les intéresser à cette cause, on demandait aux clubs sociaux de nous soumettre des noms. On soumettait les noms au lieutenant-gouverneur en conseil. Une fois qu'on avait vu les Optimistes, les Aramis, les clubs des Chevaliers de Colomb et les clubs de l'âge d'or et que tout le monde avait dit son mot, on envoyait cela là-bas. Là il se faisait un appel téléphonique entre le président du Parti libéral, dans le temps, et le cabinet et on nommait deux rouges. On n'en tenait pas compte ou à peu près pas dans différentes régions. Cela dépendait si on était bien politisé ou pas. Mais là ne me demandez pas de mettre des noms, j'aimerais mieux ne pas en mettre. Cela se faisait comme cela. C'était la coutume dans les comtés plus politisés. En tout cas, dans les villes c'était peut-être un peu plus différent. Je ne voudrais pas que cela soit changé et que ce soit le ministre qui appelle le président du Parti québécois, maintenant, pour lui demander de lui suggérer deux noms. Je veux que ce soit autrement que cela.

Non, cela ne pourra pas être ainsi parce que vous autres vous êtes des purs. Les anciens partis, ce n'est pas pareil. C'était censé être de même nous autres. Mais, vous autres, cela ne se fera pas de même, j'en suis convaincu, parce que le premier ministre, l'autre jour, ce n'est pas cela qu'il a dit. Il a seulement dit que les gens c'étaient des péquistes et qu'ils avaient le droit d'être président d'élection. J'espère que cela ne sera pas comme cela dans le système des affaires sociales. Vous n'avez pas le droit de faire cela vous autres. Nous autres on peut le faire. Les impurs, c'était nous autres dans le temps. On a le droit de se permettre de ces choses, mais qu'on n'arrive pas avec cela, Mme le Présidente, je demanderai certainement au ministre comment il va choisir ces deux membres jadis nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Qu'ils ne viennent pas nous reprocher ce qu'ils ont crié sur leurs six bureaux pendant trop d'années ici: les nominations faites par le Parti libéral. Elles auraient peut-être été faites par l'Union Nationale avant si on avait été là, mais on n'y était pas dans le temps. C'est cela qu'on nous reprochait à ce moment-là, et en commission parlementaire je demanderai au ministre quelle est sa formule pour nommer ces deux personnes. Je lui dirai à ce moment-là: Peut-être serait-il bon de retourner autour de la table. Ces deux personnes sont utiles; elles représentent la population locale, la population régionale. Je demanderai au ministre quel est son système, mais si ce devait être le système qu'on avait avant, je le dénoncerai. Il arrive là-dedans des individus dont on n'a absolument pas besoin. Ils viennent poser, aux réunions des conseils d'administration, des questions insignifiantes à caractère politique et dont on n'a pas besoin aux conseils d'administration. J'ai eu à le faire trop souvent. Je voudrais bien, Mme le Président, que le ministre se prépare à l'avance pour nous dire comment il va choisir ces deux personnes. Le vieux système n'était pas bon. Mais d'eux, les purs qui n'ont jamais péché, on s'attend à quelque chose de neuf; ce sera à des gens du milieu qu'ils vont donner une chance. On va attendre cela en commission parlementaire. Les vieux partis, ce n'est pas pareil. Un a droit à cela; on avait cette réputation. On les attend. J'ai bien l'impression que ce sera: Plus ça change, plus c'est pareil, parce que cela a bien commencé avec les vingt présidents d'élection.

Mme le Président, nous avons aussi des problèmes dans nos régions. Quand on lit le programme du parti à la page 31, le programme que j'ai présentement — je pense que c'est le programme 1978 — on dit, dans le domaine de la santé — on n'est plus dans les affaires municipales — au chapitre IV: Rationaliser, démocratiser et améliorer la distribution régionale des établissements de santé et de services sociaux. " On dit ici: "... améliorer la distribution régionale des établissements de santé et de services sociaux." "Améliorer." Un peu plus bas, on dit: "2) par l'affectation de ressources suffisantes pour assurer le traitement approprié des maladies mentales, notamment par la création de foyers de groupes et d'ateliers protégés." Plus bas, on dit: "Humaniser

— j'espère que ma définition du mot "humaniser " est la même que celle du Parti québécois — et améliorer la qualité des services de santé et des services sociaux." Plus bas encore, on dit: 4b) par l'adoption de mesures visant à augmenter le nombre des médecins et des employés spécialisés et en favorisant une meilleure distribution régionale. " "Une meilleure distribution régionale." Bon!

À ce jour, c'est une plus mauvaise distribution régionale qu'on a, depuis deux ans, que celle qu'on avait avant. Il y a des problèmes bien précis qui sont soumis au ministre. Le ministre sait ce qui se passe dans une région comme la nôtre. Il connaît le problème qui se vit à Sherbrooke dans le moment au Centre hospitalier de Sherbrooke. J'aurai à déposer ici, avant la prorogation de la Chambre, la pétition des gens de la région de l'Estrie qui veulent maintenir le Centre hospitalier de Sherbrooke, l'ancien Sherbrooke Hospital. On aura à déposer cette pétition pour le maintien des services dans ce centre hospitalier. Vous savez la bataille qui se livre actuellement — vous êtes sensibilisé à cela, j'en suis sûr — pour conserver dans son état actuel le Centre hospitalier de Sherbrooke.

Je me suis rendu au Centre hospitalier de Sherbrooke vendredi matin pour rencontrer la direction. J'ai rencontré le directeur général, le président du conseil d'administration, deux psychiatres qui traitent sur place. La recommandation de la commission qui a été mise en place dit: Passons donc cela maintenant au Sherbrooke Hospital. On va faire un hôpital psychiatrique; on va rebâtir à Sherbrooke une espèce de Saint-Michel-Archange ou Saint-Jean-de-Dieu. Est-ce que bien du monde veut cela? Est-ce que des psychiatres veulent cela?

M. Lazure: ... respect pour Saint-Jean-de-Dieu.

M. Grenier: Oui, je m'excuse. Cela va peut-être vous toucher d'un petit peu plus près. Est-ce que c'est cela qu'on veut rebâtir dans la région de l'Estrie? Je ne le pense pas. Je pense que s'il y a des personnes qui endossent un projet comme celui-là, c'est parce qu'il manque d'une étude en profondeur. On a fait une recommandation qui répartissait les lits à Saint-Jean-de-Dieu et à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul pour un certain nombre de cas psychiatriques chroniques: quinze ou seize lits par hôpital. Une commission a recommandé cela. Les lits ont été autorisés pour ce nombre dans les hôpitaux et la recommandation n'a jamais été observée.

L'autre commission décide — ou certains membres de cette même commission qui ont été nommé à l'autre — recommande maintenant qu'on transforme le Sherbrooke Hospital en hôpital psychiatrique chronique au complet. Bien sûr, on va s'y opposer, pour plusieurs bonnes raisons. Parce que cet hôpital de Sherbrooke — le ministre l'apprendra s'il ne s'y est pas rendu encore — a été un des rares hôpitaux de la région de l'Estrie qui est allé chercher son argent chez la population régionale pour s'adapter aux nouveaux services qui se sont donnés. (20 h 40)

II y a eu un effort collectif local qui mérite d'être signalé à l'attention de pas mal de monde. À partir de là, je pense qu'ils ont des droits que d'autres n'ont peut-être pas, parce qu'ils ont fait avant d'autres ce qu'on aurait eu avantage à faire dans plusieurs milieux, prendre en main leurs propres problèmes. J'ai dit à ces gens que je m'occuperais de leurs problèmes activement et que je m'y rendrais en temps et lieu pour appuyer leurs efforts.

Ces personnes font le travail qu'elles doivent faire et je pense que le ministre n'acceptera jamais, non plus, de convertir un tel hôpital, de faire un ghetto dans cet hôpital de 130 lits pour malades psychiatriques chroniques. Je pense que le ministre n'acceptera jamais une telle recommandation. J'espère, au moins, qu'il n'acceptera jamais cela. Ce n'est pas possible, surtout dans le contexte sherbrookois qu'on connaît, dont j'ai fait état largement, et plus précisément dans la région de chez nous qui illustre encore un problème régional, mais qui est celui de plusieurs sous-régions. Le ministre est sensibilisé aux problèmes des hôpitaux de la région de Lac-Mégantic et, de fait, a renouvelé les permis qui existaient à peu près à l'état actuel antérieurement.

Le problème de la région de Lac-Mégantic, pour une fois qu'on peut en parler et qu'on en a le temps — cela a toujours été sous forme de question — il faut savoir le dire au ministre afin de le préparer pour sa venue au mois de janvier. Je lui fais savoir qu'il y avait, à Lac-Mégantic, une madame qui était nommée. Depuis la semaine passée, je ne sais plus si on doit dire directeur général ou directrice générale, avec ce qu'on a fait ici, en Chambre, pour la présidente: en tout cas, on l'a appelée le directeur général de cet hôpital pour soins chroniques. Elle? Excellente personne, sauf qu'elle a accepté à la lettre de respecter le plan de redressement du ministère qu'il y avait déjà. La région de Lac-Mégantic a été une région pilote pour le plan de redressement du ministère.

Elle l'a fait de concert avec le CRSSS pour les régions que je mentionnais tout à l'heure qui, lui — je l'ai dit et je le redis à ce moment-ci, parce que le problème est bien particulier — avait accepté la décentralisation pour autant que, lui, il n'ait pas à en faire chez lui. Il acceptait bien la décentralisation des autres qui lui revenait sur les épaules, mais il ne voulait pas la partager avec d'autres, cette décentralisation. C'était cela, le problème.

Cela fait au-delà d'un an que la région se bat, qu'il y a eu un comité de citoyens de formé qui a pris les ondes de la radio et la télévision locale et qui a fait des assemblées de 800, 900 et 1000 personnes — ce n'est pas normal, cela — pour se battre contre deux ou trois fonctionnaires et une dame qui avait décidé, elle, d'appliquer le plan de redressement. On a fait croire toutes sortes de choses. On a fait croire que l'édifice était désuet, était vétuste, en tout cas, il n'avait que des défauts. On se rend compte, dans le moment, après étude, que ce n'est pas si mal que cela.

La région s'est battue — et, dans d'autres régions, ce sera la même chose — pour que le permis lui soit donné pour son hôpital de soins aigus, soit l'hôpital Saint-Joseph, et pour l'hôpital de soins chroniques, soit l'hôpital Frère-André. Actuellement, les permis ont été renouvelés dans ce qu'on connaissait, mais c'est toujours en attendant, pour tenter de regrouper à Sherbrooke, quand le grand plan sera fait pour la région de L'Estrie, qu'on aura casé, comme on veut le faire, au Sherbrooke Hospital la psychiatrie et qu'on aura pris, pour remplir les autres lits des hôpitaux de Sherbrooke une quarantaine de nos lits pour les transporter là. Est-ce qu'il y aura certains spécialistes qui décideront de venir à Lac-Mégan-tic pour 50 lits? Il n'y en aura pas. On a beau faire les routes très belles pour se rendre à Lac-Mégantic, on sera toujours à 65 milles de la ville de Sherbrooke. À partir de là, il y a des soins qui doivent se donner dans des sous-régions et on doit se battre pour des sous-régions.

Ce gouvernement a dit, comme on l'a écrit dans ce programme, humaniser et améliorer la qualité des services de santé et des services sociaux et favoriser une meilleure distribution régionale. Les gens, chez nous, ont cru à cela et ils ont élu deux députés du gouvernement à Sherbrooke et à Saint-François. Ils lui ont donné plusieurs votes dans mon comté parce qu'ils ont cru à cela, à ce programme-là, et ce n'est plus celui-là qu'on applique. Maintenant, on dit fusion et on ne vous consulte plus! Commission à Québec, vous n'avez plus votre mot à dire, vous autres, là-dedans. Si on avait vendu cela en campagne électorale, je n'aurais pas eu besoin de me battre si fort pour gagner et ce n'est pas sûr que les autres auraient gagné ailleurs, les autres comtés de Sherbrooke et de Saint-François, si on avait vendu ce qu'on est en train de faire ici en Chambre. J'espère que j'aurai l'appui des deux députés de Sherbrooke et de Saint-François pour défendre cette cause. J'aurai leur appui pour défendre cette cause.

L'hôpital anglophone, Sherbrooke Hospital, s'est adapté aux besoins de la région, il dessert actuellement une clientèle francophone, va en proportion des anglophones qui disparaissent dans les Cantons de l'Est graduellement. C'est l'hôpital le mieux adapté dans pas mal grand de notre province. Je suis assuré que j'aurai l'appui des deux députés péquistes de Sherbrooke et de Saint-François pour sauvegarder cet hôpital. J'irai rencontrer, une fois que la session sera terminée ici, les groupes intéressés de la région pour leur demander de nous venir en aide. Mais je voudrais bien, avant, que le ministre comprenne plus vite que cela, qu'on ne soit pas obligé de faire encore ce qu'on a fait à Lac-Mégantic. C'étaient quasiment des menaces, du chantage pour être capable de garder les services, quand les gens ont montré tellement de bonne volonté dans des régions comme la nôtre.

C'est au ministre à comprendre cela, lui qui était si près des gens, il n'y a pas si longtemps, près du monde ordinaire, comme on disait dans les campagnes électorales. Je veux qu'il continue d'être près, maintenant qu'il est temps de défendre les projets de loi, de concrétiser le programme du parti sur lequel il s'est fait élire. Cela semblait un bon programme. En tout cas, il y a plusieurs personnes qui y ont cru. Maintenant, c'est le temps de l'appliquer par des lois. On a déjà vu des députés qui sont pas toujours satisfaits, qui se prononcent parfois contre le gouvernement. Ce n'est pas si terrible que cela. Ils n'iront pas au purgatoire plus longtemps que d'autres parce qu'ils ne sont pas toujours avec le gouvernement. Cela peut se produire dans nos rangs nous aussi. Ils ont leur opinion, ils l'ont défendue dans le zonage agricole, comme le député de Rimouski.

J'espère qu'il y en aura deux ou trois qui se détacheront du groupe, qui viendront nous appuyer dans la région de l'Estrie, et viendront dire que cela a du bon sens ce qu'on dit. On ne se bat pas seulement contre un projet de loi. Ce n'est pas cela, l'Opposition. C'est de se coller à des réalités et défendre les réalités dans nos régions, dans la province. C'est ce qu'on tente de faire ici. On n'est pas seulement méchants. On n'est pas seulement contre. Il n'y a pas seulement de mauvaises choses dans ce projet de loi. Les choses qui sont bonnes, on sait que le gouvernement va le dire en masse. L'Opposition, son rôle, c'est de dire ce qui mériterait de ne pas être retenu d'un projet de loi et on le dénonce. C'est cela le rôle de l'Opposition. Comme c'est le rôle de l'Opposition de questionner le gouvernement. Avec la venue du nouveau gouvernement, on se rend compte que c'est le gouvernement qui questionne, le gouvernement. C'est rare mais c'est rendu de même, avec la venue de la télévision principalement. Mais il reste une chose, c'est que l'Opposition tâche de détecter les erreurs pour une saine administration. C'est notre rôle. Et dans une loi, c'est de faire ressortir les points faibles de la loi. C'est ce qu'on acharne à faire de ce côté-ci de la Chambre avec, j'espère, assez de succès pour convaincre les gens de l'autre bord de nous seconder.

Les permis de centres d'accueil. Au ministère on a décidé qu'on ferait ici comme dans d'autres pays européens et que 6% de nos personnes âgées seraient en hébergement. Quand on a déjà atteint le chiffre de 6%, c'est un maximum. Pour cela, il faut ressembler à d'autres pays. On n'a pas le choix, nous autres. On ne peut pas être personnel. Il faut faire comme d'autres pays. Les fonctionnaires ont décidé que c'était 6%. C'est vrai dans tous les autres champs d'activité. À 6%, il n'y a pas de raison de discuter. Quand on est rendu à 6%, c'est fini.

M. Laplante: Quels pays?

M. Grenier: Vous irez voir, vous visiterez cela. Ce sont des études qu'on a faites en Europe. C'est assez correct. Cela répond à des réalités européennes. Quand on a fait cela, on a dit ce sera 6% pour les personnes âgées. Cela varie dans les autres pourcentages, pour les soins aigus, bien sûr, et les cas chroniques, cela varie. Mais pour les

personnes âgées, pour les centres d'accueil, on est arrêté au chiffre de 6% et à ce moment, on tient compte des régions mais on ne tient pas compte des sous-régions. Les régions globalement lorsqu'il arrive des problèmes, c'est qu'on a souvent, dans une région, un centre bâti dans une grande ville, et les sous-régions auraient préféré que cela se fasse dans les sous-régions.

L'Union Nationale y a été pour beaucoup, là-dedans. Je suis heureux qu'un ministre comme Jean-Paul Cloutier, que nous avons eu, ait pu répartir régionalement, répartir en tenant compte des besoins dans les régions. Cela a été une réalisation de notre parti. Je suis très fier de cette réalisation. On s'en rend compte dans de petits villages et de moyens villages. Il y a des députés qui sont arrivés en politique, peut-être de l'autre côté de la Chambre, et qui ont vu dans leur comté de petits centres organisés. Cela fait, ce qu'on avait anciennement, une espèce d'école primaire qui faisait un centre de vie dans nos villages. C'est un maintien de centre de vie que ces foyers que nous avons réalisés dans d'importants villages agricoles. C'est une belle réalisation. Une fois le changement de gouvernement fait en 1970, on a pris une autre politique, qui n'était pas mauvaise, qui était bonne sous plusieurs aspects.

On a adapté à ce qui avait été fait, on a développé des centres de jour qu'on a accrochés principalement à ces centres d'accueil qui rendent d'excellents services, M. le Président, dans des petites villes de la province. On parle ici dans cette Chambre des problèmes des grandes villes et on en parle d'ailleurs bien trop souvent. Les régions rurales sont rarement défendues. Et ces problèmes, on ne les touche pas assez souvent. Ce contexte est un contexte qui va bien dans les centres d'accueil avec les centres de jour, les services à domicile aussi qu'on développe dans certaines régions rurales. (20 h 50)

C'est bien fait, cela va bien, sauf qu'on s'est accroché aux 6%. Voici ce qu'on voudrait faire maintenant et qui semble difficile. Les permis semblent difficiles à émettre pour les familles d'accueil. Les familles d'accueil, pour accueillir un total de neuf personnes âgées, il faut que ce soit une maison. Avec la régionalisation des écoles, on a eu deux plans biens distincts. On a bâti des écoles dans des villages pendant une vingtaine d'années; on est collé dans nos villages ruraux avec un paquet de bonnes écoles, d'excellentes écoles qui ne servent pas ou qui servent à 20%. À un endroit c'est une salle pour le conseil municipal, à un autre c'est une soeur qui vient enseigner de l'artisanat, et il y a la moitié de l'école qui ne sert pas ou il y en a les trois quarts, mais on la chauffe partout.

On essaie d'avoir des permis des CSS, et c'est compliqué, Mme le Président, vous n'avez pas idée. J'aimerais que le ministre m'entende. Je sais qu'il est ici, mais il est en train de dialoguer, il est peut-être en train de convaincre le député de Sherbrooke. Je voudrais qu'il entende ce point précis des familles d'accueil dans nos écoles rurales. Qu'il débloque ce système. J'en ai dans ma région, puis si j'en ai chez nous je dis qu'il y en a ailleurs, je suis convaincu de cela. Il y a au moins une quinzaine de familles d'accueil prêtes à aller dans d'anciens locaux scolaires. C'est souvent un plain-pied, il n'y a même pas trois marches à monter pour aller à l'école. C'est exactement ce qu'il faut pour des personnes âgées. C'est chauffé, c'est prêt. C'est à peu de frais que cela pourrait se faire. N'oubliez pas les familles d'accueil en milieu rural, à Lingwick, à Gould, à Bury, à Scotstown, à Milan, à Spring Hill. Partout dans les villages de notre comté, les gens sont rétifs un peu à aller rester avec Mme Jos. Bleau. Elle est connue depuis longtemps, ce n'est pas sûr, ma belle-mère m'a déjà dit qu'elle ne savait pas faire à manger. Il y a des problèmes locaux qu'on ne peut pas contourner.

Si on arrivait dans un centre indépendant comme une école, en le disant, on serait capable d'accommoder plusieurs villages avec une famille d'accueil. Mais ce n'est pas possible, les CSS disent: Cela ne répond pas à nos normes. Cela n'a pas l'air assez famille. Cela prendra l'allure d'une famille quand il y aura du monde dedans. C'est bien sûr que cela va être un éléphant blanc tant qu'il n'y aura pas une personne là-dedans, qu'il n'y aura pas un rideau de posé; cela ne donne pas le goût d'y vivre bien bien.

Mais ce sont ces anciennes écoles qui sont là, qui sont achetées à peu de frais, parce qu'il y a un arrangement entre le ministère de l'Éducation et les municipalités. Cela pourrait servir à nos personnes âgées.

Je vois le député de L'Acadie qui est au courant d'un problème dans son coin parce qu'elle réside dans mon comté, quand il fait beau; quand c'est l'été elle vient me voir dans mon comté.

Mme Lavoie-Roux: C'est un beau comté, M. le député.

M. Grenier: J'espère bien qu'il y aura des élections à l'été la prochaine fois pour qu'elle puisse voter pour moi, quand elle sera résidente chez nous.

Dans le coin où elle vient passer quelque temps, il y a là une école que les gens demandent, au lieu de se transporter et de transporter leurs vieillards. Ils en ont huit, dix, c'est ce qu'il faut pour continuer la vie dans ce village de Saint-Herménégilde, un si beau village de notre comté, choyé de vous avoir comme résidente d'été.

Mme le Président, ces points que j'ai voulu soulever ici sont les centres d'accueil, les hôpitaux régionaux, les familles d'accueil; c'est la vie communautaire régionale.

Cela se reflète partout; j'ai eu l'occasion de visiter une bonne partie de la province, pour ne pas dire toute la province. J'ai visité à l'occasion chacun des comtés. Mais j'ai eu l'occasion, comme président de l'Association des directeurs des centres d'accueil du Québec, de visiter chacune des institutions privées ou publiques, et je sais

que ce problème est vécu dans chacune de nos régions de la province. Ce serait important, dans chacun de nos comtés, que le ministre donne des ordres aux CSS, qu'il leur dise: Changez votre politique un peu et tâchez de vous adapter aux écoles qui sont existantes, aux édifices pubics dans vos villages. Les personnes âgées vont préférer rester en face de leur église. Cela existe encore. On n'en parle pas souvent ici, mais il y a encore du monde qui aime aller à l'église; ils ne haïssent pas cela, aller à l'église de temps en temps, aller chercher leur courrier au bureau de poste et aller à la coopérative. Cela existe encore. Hélas! On en entend rarement parler dans cette Chambre, mais ces institutions au centre de nos villages, qui existent déjà, ces écoles, on pourrait les remplir; cela se ferait à peu de frais. On pourrait garder là des personnes qui ne seraient pas des cas lourds, comme on les catalogue, des Al ou A2 au maximum, dans ces endroits. Ce serait l'endroit idéal. Ensuite, on les dirigerait vers de petits centres quand on exigera plus de services. Ce serait l'idéal, ce serait reprendre la vie au niveau de nos municipalités, au niveau de nos villages.

Mme le Président, j'attends du ministre des réponses à certaines questions. Si on n'a pas nos réponses là-dessus, eh bien, on attendra en commission parlementaire pour y apporter des modifications, assurés que le ministre a une oreille attentive aux recommandations qu'on lui fait.

Cela est fait, bien sûr, en terminant, non pas pour critiquer et être négatif. Il est bien sûr que si des améliorations importantes ne sont pas faites à cette loi, je voterai contre. Notre formation politique votera contre cette loi. S'il y a des améliorations majeures, oui, mais qu'on ne vienne pas nous passer un coup de kleenex sur la loi et nous dire: On l'a bien transformée. Ce n'est pas vrai. Si des améliorations majeures sont faites, peut-être qu'on obtera pour la loi. Sinon nous voterons contre, dans le contexte actuel. On ne se fera pas passer un sapin de se faire dire qu'on est un gouvernement qui voulait la régionalisation et la décentralisation et, au moment d'appliquer la loi, on n'a jamais vu de loi aussi centralisatrice. Merci, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le député de Pointe-Claire.

M. Forget: À qui avez-vous donné la parole?

Mme le Vice-Président: À M. le député de Pointe-Claire, M. le député.

M. William Frederic Shaw

M. Shaw: Merci, Mme le Président. Je vais prendre un peu de temps sur ce projet de loi parce qu'à mon avis, c'est un autre projet de loi qui essaie de cacher certaines vérités qui sont très importantes pour la population du Québec. On vit présentement, dans tout le réseau des Affaires sociales, une démoralisation que nous n'avons jamais vue, soit dans les centres de services sociaux, dans les centres hospitaliers ou les centres d'accueil pour les personnes âgées, soit privés ou publics; une situation dans laquelle le gouvernement n'est plus attentif aux demandes, aux responsabilités, à leurs besoins et, effectivement, il s'agit de tout le réseau des Affaires sociales.

On voit dans ce projet de loi beaucoup de changements qui sont vraiment majeurs. On dit au début que maintenant, le gouvernement est plus en mesure de juger l'application des soins dans les centres hospitaliers. Imaginez-vous! Et on arrive avec des situations comme celle du Sherbrooke Hospital, à Sherbrooke. On voit partout qu'avec la démoralisation, avec le manque de fonds, avec tous les autres problèmes que vivent les hôpitaux de notre province, soit la diminution du nombre de lits, soit la perte des professionnels... et cela n'arrive pas dans une petite mesure... Dans notre hôpital, ce sont les quatre orthopédistes, le chef du département de chirurgie, son adjoint, le chef du département d'anesthésie, et cela arrive aussi dans beaucoup d'hôpitaux au Québec, non seulement ceux qui sont anglophones.

On a vu aussi un changement d'attitude du gouvernement envers l'entraînement des internes et des résidents qui a presque totalement changé le système d'éducation secondaire pour les médecins au Québec, et, franchement, provoqué des attitudes réciproques dans les autres provinces du Canada et aux États-Unis, parce que, pour un long temps, la ville de Montréal a été un centre d'éducation secondaire pour les médecins de l'Amérique du Nord, une chose dont nous devons être fiers.

Nous avons vu l'application de cette fameuse mesure des 20% de lits pour les soins chroniques dans les hôpitaux généraux du Québec. Si vous n'avez jamais vu une situation dans laquelle vous placez des personnes âgées dans les centres hospitaliers au lieu d'un centre d'accueil spécialisé pour leurs soins, c'est franchement immoral. Ces patients ont l'impression d'aller dans ces hôpitaux pour y mourir, non pour y vivre. (21 heures)

Quand nous plaçons des patients, des clients vraiment dans une situation hospitalière au lieu de les envoyer dans un centre d'accueil, c'est un acte immoral. Mais on voit même la détérioration dans les services sociaux. Mme le Président, on voit ici qu'il y a cinq points très importants. Il y a un changement d'attitude du gouvernement qui va maintenant essayer d'appliquer ses pouvoirs dans le domaine des "letters patent" pour enlever la direction des institutions privées. Imaginez-vous Mme le Président, qu'une institution privée qui a eu des subventions du gouvernement pour un bout de temps, c'est vrai, peut maintenant perdre sans son consentement son pouvoir de gestion.

Mme le Président, nous avons parlé l'année passée, au mois de décembre, de la fermeture des centres d'accueil. Nous avons vu — et j'en ai parlé aux journalistes avant ces fermetures — que c'est

une forme de meurtre administratif. J'ai dit le jour avant la fermeture que, si le gouvernement essaie de faire fermer cette institution, le "trauma de cette délocation" va tuer quelqu'un. C'est arrivé. Ce n'est pas la première fois que c'est arrivé, parce qu'avec la fermeture d'autres foyers d'usagers privés — on dit clandestins — la même chose est arrivée. Mais ici, Mme le Président, on a d'autres pouvoirs pour continuer cette politique.

Madam President, I have to speak of bill 103, because I am actually surprised that the people of the social affairs "réseau", if you wish, have not been more vocal about the implications of this law, the implications, for example, that give the decisionary powers as to the application and the numbers of staff to the department of Social Affairs in Québec. There has never been such a lack of confidence in the department of Social Affairs and its minister than we have seen in the last two years in our hospitals in Québec. We have seen the progress of cut-backs in funding which have resulted in bed closures and cut-backs of staff, an actual reduction in primary care, expanding lenghts of waiting lists for active and even acute treatment, depressed moral among the staff. And now they ask the same group of people to provide the government with an organization plan which they and their fonctionnaires are more than capable of evaluating. The purpose of which, Mr President, is also to suggest that the government may, at a given time, begin selective moves of personnel which might be better located in a different area. Mr President, this government has been accused of being socialist and interventionist. And this is a gigantic step in that direction. Yes, we require skilled and trained personnel in other than urban areas of our province. But we will never achieve this end by coercion and by closure of hospital staffs.

Governments, previously, have been approached even by hospital staffs themselves to effect the closure of staffs. But the principle has always been that if a specialist in a region felt that he could compete in that region to provide services and that the public would benefit by this competition and the quality of services would improve... Instead of which, Mr President, there is now a reversal in this attitude where we are suggesting to the young physician: Well, that hospital has got a closed staff so you cannot go there. It would be very handy for those who are on staff. The suggestion was made by the minister in his opening remarks that up to now, because of the fact that we could not dismiss members of staffs of hospitals unless they committed a criminal offence or had taken some gross act of negligence this is totally unproved. Because the responsibility for the supervision of the medical act is that of the Council of Physicians and Dentists and of the orders responsible for their profession, and they have been doing their job. No, Mr President, this is a direct intervention in the free movement of professionnals in hospital centres.

A second very concerning aspect of this law is the right that says, and I quote: "To provide that. where the majority of the funds used for the acquisition of property of a corporation which maintains a public establishment come from subsidies of the government or public subscription, the minister will be able to obtain letters patent from the ministre des Consommateurs. Coopératives et Institutions financières to convert or amalgamate the corporation maintaining such an establishment without the consent of the corporations concerned." Mr President, what a powerful weapon of intervention! Imagine the private institutions, because they are private. When people make donations to Weredale House or the Royal Victoria Hospital with its very large endowment, they make it to that institution, not to the government of province of Québec. When the Government engages, as it did when it began the "régie", the Hospital Act, to meet a responsibility to pay for services rendered in private institutions — and that is what the law effectively did. And the people of Québec paid for these services. They did not, in any way, commit the government to ownership of these institutions, but in this article the government is usurping a fondamental right of a private institution by suggesting that these grants have been public subsidies and, therefore, those institutions belong to the state.

Another article that is very disconcerting is the amendments to the existing provisions for the issuing of permits. Last year, at this time, I suggested to the minister, with 8000 senior citizens crying for reception centres, that the public sector will never be able to meet the need and the only way that this need could effectively be met is by establishing rigid but effective licencing regulations for the private sector. But, no, the program of "pavilionization" was continuing. And. the program of "pavilionization" was so intimidating the private sector, or so-called clandestine homes, that their quality was falling. It was not only that intimidation but direct intervention by the social service centres who impeded the transfer of patients, who would be deteriorated from classes A-1 and A-2 to classes A-3 and A-4, to other institutions and if... (21 h 10)

Mr President, I am prepared to back this in fact that social service institutions have caused the retention of A-3 and A-4 cases in private detention centres because of the lack of access to these centres inflicted upon them because they were classified as clandestine centres. Instead of trying to improve these centres, instead of trying to encourage people to provide a "centre d'accueil" for senior citizens, which is the method that is being used throughout this North American continent very effectively, with sound supervision and licencing, this government was to reverse what is happening and make it a totally public service. So, both people will suffer: the senior citizens, who will never get into the senior citizens home, and the whole service because of a negative attitude of the government.

Mr President, I also would like to take a moment to discuss the article suggesting that the

minister is going to begin to limit the financing of private institutions who presently have fixed payments or contracts with the government. It is so evident that wherever the government is providing the service, the cost of providing that service is three times that of the private sector providing the same service. And that we have, in spite of bill 65, some of the private services remaining is a miracle, but we do and some of them are excellent services. But the government is now instituting part of its program of totally removing the private sector from the social services field.

When you do this, Mr President, you do three things. First of all, you remove the so-called "bénévole" help that is associated with the private institutions. Private institutions have people who volunteer their time and work freely and effectively at their job. The second thing you do: you remove local supplementary funding, that is to say that when there is a private institution, the private institution has the means to seek additional funding from the community to try and maintain a good level of services. We see this in the St. Patrick's Orphanage. We see this in the Sherbrooke Hospital who could go to the people and get additional funding. We see this in my own hospital at the Lakeshore General, who depends on local funding for support.

The third thing, Mr President, is identity, identity that people relate to their private institutions very well. I remember when I first was elected to office it was suggested to me that it was wrong that the Jewish Community services were separated from the Ville-Marie social services. I had a conversation with its director and he made it quite clear to me, and I agreed, that a social service centre that relates and identifies with the clientele it is serving is more effective, more efficient, receives more support from its own community and does its job better than one that is just a group of numbers. This, again, Mr President, is the direction that the Department of Social Affairs is taking in intimidating the three social service centres in the City of Montréal to become regionalized instead of identified.

Mr President, this bill is a kind of omnibus bill which gives certain powers which are incredible to the government. That we pass over it lightly, that every member of this House is not taking the time to read it and to understand it is a measure perhaps, at this time of the year, it is a measure perhaps of the load of legislation that we have to deal with in this stage of the session.

But it is also perhaps a measure of research services, or what have you that should be reviewing the legislation for the real difficulties that are being built into it. I challenge this legislation, Mr President, as an additional evidence that this government is attempting, through social intervention, to destroy the very fabric of the social welfare system, of the social aid system and the social services system of our province. Everyone, in the medium, is aware of the pressures under which they are being placed, and the morale is low and the quality of services is deteriorating because of it. I think this is due entirely to the negative attitude of the present minister who can take no credit for any quality of service improvement during the period of ten years that he has had in this ministry, and this is an example of the lack of conscience and responsibility that he has placed in his responsibility of minister in this portfolio.

Therefore, I will speak strongly against this bill and I hope others, in this Assembly, will take the time to read into it its truth so they too will know that this is another act of interventionist socialism that will only deteriorate the quality of services and of medical care that this province has known

Thank you very much, Mr President.

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas l'intention, contrairement à ceux qui m'ont précédé, de tenter même de faire des commentaires sur l'ensemble des dispositions de ce projet de loi qui en comprend un très grand nombre. Nous aurons, lors de l'étude en commission parlementaire article par article, l'occasion de commenter plusieurs de ces nouvelles dispositions législatives que propose le ministre des Affaires sociales et qui appartiennent, pour la plupart, à une catégorie de dispositions quasi administratives qui ont bien sûr leur importance mais dont la discussion détaillée dépasse le cadre de ce débat de deuxième lecture où seulement les faits les plus saillants, les principes principaux doivent faire l'objet de débat. Même au-delà de cela, je m'abstiendrai de faire des commentaires sur les fusions forcées que le ministre propose d'effectuer ou, du moins, du pouvoir qu'il veut s'arroger d'effectuer de telles fusions forcées.

Mon collègue de Mégantic-Compton tout à l'heure a eu à ce sujet des propos que j'approuve entièrement et je n'ai donc pas l'intention de les répéter. Je n'ai pas non plus l'intention de m'étendre sur la prohibition que comporte le projet de loi d'émission de permis à des établissements privés. Je pense que ce qui a été dit là-dessus exprime également notre sentiment. Il s'agit d'une mesure qui est par trop arbitraire et absolue mais je laisse cela de côté pour essayer, dans les quelques minutes qui sont à ma disposition, de faire le point sur ce qui est sans aucun doute l'aspect le plus significatif, à mes yeux du moins, de ce projet de loi, celui qui est de nature à modifier de la façon la plus sensible et la plus profonde, une des caractéristiques importantes de notre régime de services de santé.

Je pense, bien entendu, à ce contingentement des postes de médecins à l'intérieur de nos hôpitaux, qui est envisagé par le projet de loi. C'est une mesure nouvelle. J'aimerais faire un peu l'historique du problème pour permettre à ceux qui ne sont pas familiers avec le milieu hospitalier,

mais qui sont malgré tout des citoyens intéressés par la qualité des services, de situer le genre de solution que propose le ministre des Affaires sociales, le problème que l'on prétend résoudre, sa véritable envergure et les inconvénients de la solution proposée et même, je dirais, ces déficiences. (21 h 20)

L'historique du problème peut se faire en quelques mots. Il y a environ une dizaine d'années et cela depuis un passé immémorial, les hôpitaux au Québec comme un peu partout dans le monde étaient essentiellement des établissements privés qui fonctionnaient selon les règles qu'ils se donnaient eux-mêmes tant au plan de l'administration qu'au plan de la question de déterminer qui parmi l'ensemble des médecins qui ont le droit de pratiquer au Québec était admis à pratiquer son art à l'intérieur des murs d'un hôpital donné.

Même après l'introduction de l'assurance-hospitalisation en 1961, les hôpitaux ont conservé ce pouvoir, parce qu'ils étaient des institutions privées, de décider qui serait admis pour pratiquer la chirurgie ou la médecine, ou une branche quelconque de la médecine ou de la chirurgie à l'intérieur d'un hôpital. Bien sûr, un certain nombre de médecins et d'autres personnes qui étaient les dirigeants des hôpitaux à l'époque avaient le dernier mot sur cette question. Une situation comme celle-là, on peut s'en douter, alors que le gouvernement, à même les impôts, finance le fonctionnement des hôpitaux et même leur construction, a donné lieu à de nombreuses critiques puisqu'un certain nombre de médecins se voyaient devant des portes closes. La porte de certains hôpitaux où ils avaient tous les droits d'espérer être admis pour y pratiquer se trouvait fermée. Il y avait, bien sûr, de la part de ceux qui étaient déjà à l'intérieur, un certain malthusianisme, un certain protectionnisme et on pouvait assez facilement dire dans certains cas du moins — ce n'est pas tous les cas, mais des cas trop nombreux — que ces hôpitaux, ces conseils de médecins se comportaient un peu comme des clubs privés et que c'était désormais un comportement qui répugnait au caractère essentiellement public du financement des hôpitaux.

C'est ce qu'a observé la commission Caston-guay-Nepveu qui, comme on le sait, a produit son rapport en 1970. C'est une constatation qu'elle a pu faire, une plainte qu'elle a reçue de la part d'un certain nombre de groupes et d'individus. À la suite de cela, la loi 65, celle que nous amendons par ce projet de loi, M. le Président, fut adoptée. Le remède qui fut adopté alors a été un remède radical. Au lieu de procéder par toute autre espèce de moyen, on a tout simplement décrété à l'article 92 de la loi que tout médecin quel qu'il soit au Québec avait le droit de demander son admission comme membre du personnel médical d'un hôpital et que cet hôpital ne pouvait pas le refuser à moins de pouvoir alléguer que le comportement du médecin en question, sa compétence ou effectivement des choses qu'on peut alléguer sur le plan de son honnêteté, de son intégrité profes- sionnelle et de son comportement, par exemple qu'il était soit narcomane, soit alcoolique, etc., le rendaient inapte à pratiquer. De toute façon, si on ne pouvait pas invoquer ces raisons très étroitement définies, tout médecin avait le droit de venir pratiquer dans n'importe quel hôpital.

La situation était donc radicalement transformée. Tout le monde poussa un soupir de soulagement. On s'est dit: Voilà un nouveau régime qui résout les problèmes du passé. Malheureusement, les problèmes du passé étaient résolus, mais de nouveaux problèmes ont surgi, comme c'est parfois le cas. En particulier, dans les hôpitaux d'enseignement, on s'est rendu compte qu'on était maintenant la cible d'un pléthore de demandes d'admission, puisqu'il s'attache naturellement maintenant un certain prestige pour le médecin qui est admis à faire partie du personnel médical de tel ou tel hôpital prestigieux ou hôpital d'enseignement. Devant un tel afflux de candidatures, ces hôpitaux étaient dans une position difficile pour assurer un fonctionnement normal, pour donner à tous ces médecins une chance égale d'effectivement pratiquer la médecine à l'intérieur de leurs murs, mais surtout, ce qui est peut-être plus important, pour assurer que les standards de qualité d'une institution qui se veut non seulement une institution de santé mais aussi une institution d'enseignement clinique, puissent être atteints par quiconque se présentait ainsi.

En effet, il en est de la médecine comme de n'importe quelle autre profession. Il y en a qui réussissent avec brio leurs examens, qui sont des premiers de classe et se méritent une certaine position dans leur profession, méritent qu'on les considère comme capables d'enseigner, de transmettre leurs connaissances. D'autres sont tout juste capables de réussir les examens, sont malgré tout admis, mais on peut se poser à leur égard des questions sérieuses quant à leurs capacités d'assumer des responsabilités autres que les responsabilités minimales, bien sûr, qui vont de pair avec leur appartenance professionnelle.

Il était donc clair qu'il y avait une nécessité de faire quelque chose. Pendant un certain temps, devant l'état de la loi, les hôpitaux d'enseignement ont essayé d'argumenter devant les tribunaux les exigences particulières que leur imposait leur statut d'institution d'enseignement. Il en est résulté des litiges très longs devant les tribunaux, devant la Commission des affaires sociales et on a dû se rendre à l'évidence que, devant l'état de la loi, ces prétentions légitimes des hôpitaux d'enseignement ne pouvaient pas avoir gain de cause.

Un amendement introduit en 1974 par votre humble serviteur, qui ajoutait certaines qualifications additionnelles dans le texte de l'article 92, à l'expérience encore devant les tribunaux, ne s'est pas avéré suffisant, ce qui fait qu'on se trouvait donc devant la nécessité d'agir et d'agir législativement dans une certaine mesure au moins. C'est ce qui justifie, je pense, pour une part au moins, l'action actuelle du ministre des Affaires sociales.

Il y a plusieurs façons cependant d'agir, et c'est à ce moment que des choix s'offrent, que des

options sont possibles. C'est à ce moment que les chemins se divisent, en quelque sorte, entre la voie, d'une part, prise par le ministre actuel, ce qui pourrait, à nos yeux, au moins, apparaître comme une solution plus raisonnable, plus appropriée à la nature et à l'envergure du problème. La solution suggérée consiste dans une exigence nouvelle de la loi, à savoir que le plan d'organisation, si on veut, l'organigramme d'un hôpital doit comporter un plan d'organisation des départements cliniques, c'est-à-dire des différents départements de chirurgie et de médecine qui sont énumérés, ceux qui doivent exister dans cet hôpital, étant donné ses ressources, ses capacités, ses aspirations, son rôle dans une région donnée. Ce plan d'organisation, selon la proposition du ministre, doit en plus être soumis à l'approbation du ministre.

C'est donc dire que la solution envisagée dans ce projet de loi fait reposer sur les épaules du ministre — personnage qui n'est pas un personnage imaginaire, c'est non seulement le ministre personnellement, mais l'ensemble, l'appareil bureaucratique du ministère — de trancher du nombre de médecins et de l'organisation clinique de chacun des quelque 250 hôpitaux au Québec. C'est la solution du gouvernement.

On peut cependant se poser la question à savoir s'il ne serait pas plus raisonnable, étant donné que le problème s'est posé de façon aiguë seulement du côté des hôpitaux d'enseignement, de restreindre une telle obligation aux hôpitaux d'enseignement puisque ce sont ces hôpitaux d'enseignement seuls ou largement seuls qui sont la cible d'un afflux de demandes d'admission considérables, qui gêne d'ailleurs leur fonction d'enseignement beaucoup plus qu'elle ne peut gêner leurs fonctions cliniques proprement dites, de restreindre, donc, aux hôpitaux d'enseignement l'exigence d'un plan d'organisation du personnel clinique avec l'énumération du nombre de postes qui est prévu. (21 h 30)

Étant donné que le mobile qui devrait nous animer dans tout ceci, c'est de rendre compatible le principe général d'admissibilité des médecins aux hôpitaux avec les impératifs de l'enseignement, ne serait-il pas raisonnable de prévoir une consultation des facultés de médecine, mais dans le texte de loi, pas seulement au niveau des intentions verbales; et de prévoir, pour les conseils régionaux où existent les hôpitaux d'enseignement et les facultés de médecine, un rôle de décision ou d'allocation de distribution? Autrement dit, d'éliminer la tutelle directe du ministre dans une question comme celle-là, puisqu'elle n'est rigoureusement pas nécessaire pour que les arbitrages, les décisions se fassent. Le conseil régional est au courant des ressources globales des centres hospitaliers d'enseignement. La faculté de médecine est bien au courant de la nécessité d'organiser, de façon rationnelle, un certain enseignement clinique et de le faire avec des standards de qualité les plus élevés possible quant aux médecins qui sont appelés à collaborer à cet enseignement clinique. Il y a donc là tous les élé- ments nécessaires qui sont connus à ce niveau et il ne nous semble pas du tout nécessaire de faire intervenir le ministère comme tel.

Pour ce qui est des autres hôpitaux, il n'est pas du tout évident qu'un contingentement quelconque soit nécessaire; du moins, il serait souhaitable d'en faire la preuve et de régler d'abord le problème des hôpitaux d'enseignement et de voir plus tard si c'est vraiment nécessaire de franchir une étape de plus. Rien ne nous indique qu'une deuxième étape est nécessaire. Par contre, elle accorderait la liberté à la fois aux établissements de déterminer, avec un minimum de contraintes, leur organisation clinique et, aux médecins, de déterminer également la répartition de leurs efforts, leur style de pratique, leur choix quant au lieu de pratique, avec un maximum de liberté, avec tout ce que cela implique à la fois de liberté pour les médecins qui sont déjà en pratique médicale, mais tout ce que cela implique également de liberté pour les jeunes médecins qui arrivent pour la première fois, en quelque sorte "sur le marché du travail". Ils sont, à juste titre, inquiets de l'espèce d'embrigadement auquel on veut désormais, et pour la première fois, les soumettre. Il est bien évident, M. le Président, que ce genre de mesures va toucher d'abord et avant tout ceux qui ne sont pas déjà membres du personnel clinique, membres du Conseil des médecins et dentistes de nos hôpitaux. Ceux qui arrivent pour la première fois, ceux qui font pour la première fois une demande d'admission sont ceux qui sont exclus.

C'est donc une réglementation qui a un impact assez inégal, qui est en quelque sorte — je ne veux pas dramatiser, mais, malgré tout, c'est le seul mot qu'on peut utiliser — discriminatoire par rapport aux nouveaux arrivants et qui n'est pas, encore une fois, nécessaire, d'après les indications que l'on peut avoir sur cette question. D'ailleurs, dans les bulletins de la Corporation professionnelle des médecins pour 1977, on nous donnait la distribution géographique des médecins et on ne trouve pas — au moins au niveau des omnipraticiens, c'est quand même un groupe important, surtout lorsqu'on pense aux régions éloignées du Québec, aux régions excentriques — une disparité telle qu'il faille des moyens aussi énergiques que ceux qui sont envisagés pour redresser la situation. Même s'il fallait des moyens plus énergiques, il faut rappeler ici que les ententes conclues en 1976, à la fois avec la Fédération des médecins omnipraticiens et la Fédération des médecins spécialistes, prévoient explicitement des ententes supplémentaires et des mécanismes de collaboration entre ces fédérations et le ministère des Affaires sociales pour corriger, mais de façon conjointe et coopérative, les disparités qui peuvent apparaître des sources sérieuses de difficultés et de faible accessibilité à certains services médicaux dans certaines régions.

Il y a donc des instruments qui sont déjà à la portée du ministre, qui n'ont pas, j'en ai bien l'impression et j'en ai bien peur, été adéquatement utilisés, et voilà qu'au lieu d'utiliser des moyens consensuels, des moyens contractuels qui sont

déjà prévus, auxquels la porte est déjà ouverte, on veut utiliser une méthode impérative, une méthode législative dont on n'a pas fait la preuve du besoin.

M. le Président, cette solution du ministre est sérieuse par ses implications. J'ai essayé de l'illustrer, parce qu'elle est une dimension absolument nouvelle, sans précédent au Québec et sans guère de précédent hors du Québec, du moins en Amérique du Nord, quant à la façon d'intégrer dans le fonctionnement de nos établissements de santé la profession médicale.

Jusqu'à maintenant, fort heureusement, malgré des tensions parfois évidentes et des moments difficiles, l'évolution rapide des mesures sociales, des mesures sociales particulièrement dans le domaine de la santé, depuis environ dix ans, l'introduction de l'assurance-maladie et d'autres mesures telles que la législation que nous sommes en train d'amender, tout cela s'est fait avec, malgré tout, une harmonie somme toute assez bonne, une entente somme toute satisfaisante pour les deux côtés, à la fois le côté gouvernemental et le côté professionnel.

Il ne faudrait pas faire, dans le domaine des affaires sociales, dans le domaine de la santé, ce que l'on a parfois reproché à ceux qui ont fait la réforme de l'éducation, soit de faire cette réforme contre les professionnels qui doivent assumer le principal du fardeau dans ce secteur.

J'ai l'impression, parfois, à entendre certaines remarques du côté gouvernemental — je pense en particulier à ce que nous avons entendu hier de la part du député de Mercier — qu'il y a une espèce de rancoeur, une espèce de haine vis-à-vis de la profession médicale. On a cité avec un plaisir évident, on a mordu dans les mots de "privilégiés", comme si la situation qui est faite aux médecins au Québec était si loin de celle qui est faite à de nombreux autres groupes professionnels, comme si ce groupe professionnel était une espèce de mafia qu'il faut absolument écraser, comme si ce n'est pas avec le plein assentiment et d'accord avec l'ensemble de la collectivité québécoise que ce statut et ces revenus — puisqu'il faut le dire — sont ceux de la profession. Il n'y a jamais eu, à mon avis, de malaise ou de critique généralisée, sauf dans certains milieux marginaux, mais il semble que ces milieux marginaux aient une oreille particulièrement attentive de la part du ministre actuellement.

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Taschereau.

M. Guay: Je m'excuse, je ne voudrais pas interrompre le député de Saint-Laurent au milieu d'une phrase, mais comme ses phrases sont longues et que cela fait, je pense, 20 minutes qu'il parle...

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Saint-Laurent, vous avez déjà dépassé votre temps. Je vous demanderais de terminer, s'il vous plaît!

M. Forget: Je vais terminer très rapidement, M. le Président.

Ces propos, cette haine, ce ressentiment que l'on sent, de façon voilée, mais de façon très sensible, malgré tout, dans certains propos des députés ministériels, sont inquiétants dans la mesure où on peut croire qu'ils inspirent les actions du gouvernement.

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Oui, M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: J'en ferai en même temps, M. le Président, une demande de directive, parce que je ne suis pas un expert du règlement dans cette Chambre, mais je crois qu'il y a un article, dans notre règlement, qui interdit à un député de prêter des sentiments ou des intentions à un autre député. J'ai écouté, depuis deux minutes, le député de Saint-Laurent, dire que le député de Mercier — qui n'est pas en cette Chambre actuellement — éprouverait une haine envers les médecins. Je suis certain que ce sont des propos, à toutes fins utiles, calomniateurs, diffamatoires. Mais est-ce que, à votre avis, M. le Président, c'est parlementaire et c'est conforme à notre règlement d'imputer de tels sentiments à un député de la part du député de Saint-Laurent?

Le Vice-Président: II y a deux choses qui sont, d'une part, des termes qui ne seraient pas parlementaires; je ne les reconnais pas dans les termes qu'a employés M. le député de Saint-Laurent. Si le député impliqué était là, il aurait pu, en vertu de l'article 49, alinéa 2, soulever une question de privilège. Il pourrait le faire, avec un avis, s'il le désire, à la prochaine séance.

M. le député de Saint-Laurent, en vous priant, s'il vous plaît, de terminer. (21 h 40)

M. Forget: Je termine, M. le Président, en mentionnant une seule chose. Hier, nous avons eu des propos qui n'étaient pas très polis pour des gens qui ont voulu se faire entendre en commission parlementaire. On s'est amusé à faire de I humour, un humour douteux.

Le Vice-Président: À l'ordre! À l'ordre! Je l'ai déjà dit, il y a plus d'un an: Je ne sais pas ce qui se passe en commission parlementaire.

Mme Lavoie-Roux: C'est à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président: Vous avez dit en commission parlementaire.

M. Forget: Ils voulaient se faire entendre en commission.

Le Vice-Président: D'accord.

M. Forget: On a fait des gorges chaudes, même du côté de l'Union Nationale, je regrette de le dire, avec deux personnes qui parlaient non pas en leur nom personnel, mais au nom des organis-

mes qui sont tout à fait justifiés d'invoquer le droit d'être entendus: le Regroupement des étudiants en médecine de l'Université Laval et des étudiants...

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Laurent, je vous ai dit déjà que le temps est dépassé. Je vois difficilement quelle est la pertinence de cette fameuse lettre d'hier soir avec le débat que nous poursuivons. Soyons quand même gentilshommes. Je vous prierais de terminer. Je vous permets une dernière phrase.

M. Forget: M. le Président, je voulais simplement, en terminant, mentionner que les problèmes qui ont été soulevés par cette loi et ceux auxquels j'ai fait allusion dans mon intervention sont suffisamment sérieux pour qu'une consultation ait lieu, pour qu'on entende les intéressés. Il n'y a véritablement pas eu, contrairement à ce que nous a dit le ministre, la consultation à laquelle nous serions en droit de nous attendre. Il n'y a pas eu de consultation auprès des facultés de médecine. Il n'y a pas eu de consultation auprès des regroupements d'internes et de résidents, et cela mérite d'être dit à ce moment-ci.

M. Lazure: Une question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant. Avant votre question de privilège, je veux rappeler que l'amendement de Mme le député de L'Acadie a été rejeté. Je ne sais pas s'il reste une question de privilège.

M. Lazure: Très brièvement, M. le Président.

Le Vice-Président: C'est une question de privilège ou votre réplique?

M. Lazure: Oui, pour rectifier les faits, parce que le député de Saint-Laurent, comme il le fait souvent, induit la Chambre en erreur quand il prétend que le ministre des Affaires sociales n'a pas consulté les groupements. Hier soir, j'ai donné une liste partielle que je vais compléter ce soir. Je voulais tout de suite rectifier les faits, M. le Président.

Le Vice-Président: D'accord.

M. Forget: Une question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Saint-Laurent, sur une question de privilège.

M. Forget: Nous n'affirmons pas sans l'avoir vérifié nous-mêmes que, par exemple, les groupes que j'ai mentionnés n'ont effectivement pas été consultés.

Le Vice-Président: À l'ordre! M. le député de Sherbrooke.

M. Gérard Gosselin

M. Gosselin: M. le Président, je veux dire quelques mots sur le projet no 103 pour signifier que je vais voter pour cette loi, en signalant en même temps certaines critiques ou certaines interrogations qui me restent et qui restent dans le public à propos des réformes de fond et des transformations de l'exercice de la responsabilité publique dans le secteur des affaires sociales. Ce n'est pas une chose qu'on peut réaliser d'un seul coup. C'est nécessaire dans un monde en évolution, pas seulement pour cette année, mais pour les prochaines années où on devra connaître des transformations encore plus fondamentales que celles que nous entreprenons un peu à la pièce, malheureusement, par des projets de loi comme le projet de loi no 103.

Je voudrais dire qu'on a trop maintenu le secteur des affaires sociales au Québec dans un attentisme qui n'a plus sa place, cet attentisme qui fait souvent passer l'intérêt de groupes particuliers avant le service aux patients, cet attentisme qui permet d'institutionnaliser certaines pratiques dans les milieux de la santé, qu'on sait tous, d'entendement commun, être parfois contraires à l'intérêt le plus élémentaire des clientèles, cet attentisme qui permet d'assister en maints endroits à des dédoublements de services intolérables ou, en tout cas, qu'on ne tolérerait pas aisément dans le secteur privé.

Cet attentisme permet de laisser vide la satisfaction de besoins à tout prix élémentaires dans la population parce que l'organisation traditionnelle, à certains endroits, privilégie, par la volonté des équipes qui sont là, par l'absence de concertation véritable, l'absence de pouvoirs coercitifs, d'autres formes de pratique déjà surabondantes.

Je voudrais signaler, entre autres, qu'au Québec, présentement, on connaît un vide absolument navrant, avec le vieillissement de nos populations, de soins adéquats aux malades chroniques et aux malades psychiatriques. À cause de l'attentisme de nos lois, il arrive qu'on fasse, pendant des années — c'est le cas un peu chez nous — des discours stériles, des répétitions de préoccupation qui aboutissent difficilement à créer les ressources, à forcer l'organisation conséquente des services pour la satisfaction de ces besoins. Cette loi s'impose au nom même d'une saine gestion des deniers publics et d'une organisation plus fonctionnelle des services à la population. C'est consacrer des scrupules malhonnêtes que de ne pas reconnaître à l'autorité publique certains pouvoirs de réglementation. Quant aux exigences relatives à la délivrance des permis, relatives à l'établissement de critères fermes et reconnus universellement quant aux traitements de certaines maladies dans certains départements avec des équipes professionnelles en quantité voulue. Je pense qu'on a par trop assisté jusqu'à présent à un laxisme et à une forme de démission, jusqu'à un certain point, dans l'exercice concret et immédiat, dans nos institutions et dans nos régions, de ce

que doivent véritablement exiger la reconnaissance des besoins et l'évolution de ces besoins et la satisfaction de ces besoins pour la population.

Je voudrais dire un mot sur le cas du Sherbrooke Hospital parce que le député de Mégantic-Compton en a fait l'essentiel de son exposé de tout à l'heure et qu'il a largement débordé la pertinence du débat. Vous me permettez de déborder la pertinence du débat deux minutes. Je crois me situer, de toute manière, dans la pertinence du débat pour corriger certains faits relativement au Sherbrooke Hospital. Effectivement, dans la région 05, dans la région de l'Estrie, cela fait des années qu'on parle de la nécessité d'organiser des soins conséquents pour les malades chroniques et psychiatriques. Cela fait des années qu'on fait des forums à ce sujet, qu'on se répète, au Conseil régional des services sociaux et de la santé, dans les institutions, dans le public, par des reportages, que c'est fondamentalement important d'organiser ces soins-là et qu'il n'existe pas, malgré qu'on ait des ressources importantes chez nous — qu'on ait un Centre hospitalier universitaire et un certain nombre d'institutions voisines — de ressources franchement conséquentes pour cette clientèle des malades chroniques et psychiatriques. Cela fait des années qu'on en parle. Jamais on n'a encore réussi à arrêter une décision. Jamais on n'a encore réussi, malgré tous les efforts de concertation qui se sont faits, ni du côté du ministère, ni du côté du conseil régional qui, de toute manière, n'a pas les pouvoirs coercitifs voulus pour trancher. Cela fait donc des années qu'on reconnaît ce problème et qu'on n'a pas réussi à trouver une solution parce qu'on se maintient dans l'attentisme, on attend le jour où tout le monde acceptera des institutions qu'elles libèrent d'office des budgets par leur seule et unique bonne volonté. On attend toujours cette heure et on va attendre longtemps. Pendant ce temps-là, il va se développer d'autres besoins dans la population et on ne les satisfera pas, si l'autorité publique n'a pas le pouvoir d'agir. (21 h 50)

Bien évidemment, il faut agir dans la consultation. Sur les services psychiatriques chroniques, à Sherbrooke, cela fait trois ans qu'il y a de la consultation. Il y a eu un comité de travail que le conseil régional des services sociaux et de la santé a mis sur pied. Il impliquait des représentants de toutes les institutions et il a formulé un rapport, lequel rapport n'avait même pas été officiellement reçu par le CRSSS au moment où il a été rendu public dans les media d'information. Je pense que c'est important de dire cela. Ce rapport n'a pas encore été endossé par le CRSSS. Il n'a pas encore été discuté au conseil régional des services sociaux et de la santé.

On semble vouloir faire un cas du Sherbrooke Hospital parce que le comité sur l'organisation des services chroniques psychiatriques recommandait qu'une partie du Sherbrooke Hospital serve dorénavant à organiser une unité de soins pour les malades chroniques psychiatriques. Cette recommandation n'a pas été officiellement discutée au conseil régional des services sociaux et de la santé. Le conseil régional des services sociaux et de santé a annoncé qu'il prolongeait la consultation jusqu'en janvier et qu'il consultait systématiquement les cinq institutions du milieu. Donc, consultation sur l'organisation des services chroniques psychiatriques à Sherbrooke. Cette recommandation n'a pas encore été discutée au niveau du conseil régional des services sociaux et de la santé. C'est faire beaucoup de démagogie à ce moment-ci, de la part du député de Mégantic-Compton et d'autres, que de laisser entendre que le conseil régional des services sociaux et de la santé a mal procédé dans ce dossier.

Le Vice-Président: Question de privilège, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, d'abord, je n'ai jamais dit que le conseil régional des services de santé avait mal... Le député n'a certainement pas suivi mon intervention. J'ai demandé la collaboration pour que le centre Sherbrooke Hospital ne devienne pas uniquement un centre de psychiatrie chronique. C'est ce que j'ai demandé dans mon intervention. Le député aurait dû saisir également, dans les interventions que j'ai faites à la presse la semaine dernière, et ce soir — si je ne l'ai pas cité de façon spécifique — que je suis conscient qu'il faut faire une relocalisation des services de santé. Je suis conscient de cela mais je n'ai jamais prétendu, par exemple, que le CRSSS avait fait... Je sais aussi que la recommandation va être portée devant le CRSSS au mois de janvier, mais on prévient, par un mouvement, que cela se fasse comme cela. C'est absolument inadéquat que ce centre le devienne. C'est la rectification que je voulais faire.

Le Vice-Président: D'accord. M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: J'ai aussi dit, M. le député de Mégantic-Compton — je pense que vous allez partager mon opinion — que les responsabilités d'organisation de soins nouveaux comme ceux-là, de départements de gériatrie ou de départements de soins pour les malades chroniques, psychiatrique ou autres, ces responsabilités ne sont jamais l'apanage d'un seul organisme. Ils doivent toujours être la responsabilité conjointe de tout un milieu et, en l'occurrence, d'une région. L'organisme régional accrédité, en l'occurrence, c'est le conseil régional des services sociaux et de la santé. On peut parfois se plaindre du type de démocratie représentative qui existe dans ces organismes mais je pense que ce serait saboter nos seuls instruments d'intervention et de démocratie dans le secteur des affaires sociales que de discréditer les rouages normaux de consultation qui ont cours par les conseils régionaux des services sociaux et de la santé.

En disant cela, je ne veux pas dire que j'endosse la position du comité de travail technique qui a formulé au conseil d'administration du

CRSSS cette recommandation, mais je veux dire que cela fait partie des mécanismes normaux de consultation. Je n'ai pas l'intention, quant à moi, comme député, de m'interposer là-dedans pour poser des jugements prématurés avant que cette consultation qui se continue n'ait un terme par une décision formelle. Dans deux mois, quand cette consultation sera terminée, je vais demander, par exemple, que les décisions se prennent. On ne recommencera pas une autre ronde de consultation trois ans de temps. Ce n'est pas vrai. Il va falloir avoir la décence, un jour, de satisfaire vraiment aux besoins de la population.

Ceci dit, sans préjudice à la vocation du Sherbrooke Hospital parce que les décisions ne sont pas rendues, les consultations ont toujours cours. Ce que je voulais ajouter dans certains éléments de critique, je pense, c'est qu'on doit reconnaître que cette loi 103, ce n'est pas la fin du monde, qu'elle donne simplement certains pouvoirs coercitifs absolument élémentaires au nom d'une saine gestion des services de santé dans l'organisation des conseils régionaux et des institutions. Il y a une interrogation qui pour moi reste encore ouverte. C'est celle des pouvoirs relatifs qu'auront les régions dans une perspective de décentralisation administrative par rapport aux pouvoirs qui reviendront toujours au ministre.

Évidemment, un gouvernement élu répond totalement de tous ses actes, même à travers ses organismes intermédiaires, parce que c'est l'instance démocratique ultime. Il est normal donc que ce soit le ministre qui, en dernière instance, ait à approuver les budgets et à établir les spécifications quant aux permis ou autres. Mais dans une perspective véritable de décentralisation administrative — l'expérience est tout près de s'engager chez nous selon les engagements qui ont été pris — je pense qu'il faudra donner aux organismes régionaux des pouvoirs beaucoup supérieurs à ceux que nos lois actuelles leur donnent. Je pense que la loi 103 à cet égard ne donne pas, ne détaille pas ces nouveaux pouvoirs qui devraient survenir dans une véritable décentralisation administrative.

Je pense que d'autres dispositions législatives devront s'ajouter dans les prochaines années, dans la cohérence avec le projet de décentralisation du gouvernement pour mieux consacrer les pouvoirs véritables des organismes régionaux, des institutions régionales représentatives. J'étais hier à une assemblée générale du Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Estrie où il y avait plus de 250 personnes, dont la moitié était de simples usagers et l'autre moitié un petit peu le personnel clinique ou médical des institutions hospitalières. C'était une assemblée très réussie où on a discuté abondamment à la fois des priorités régionales et à la fois de la conception qu'on se fait de la démocratie dans le secteur des affaires sociales. Il y avait vraiment dans tous les ateliers, une expression unanime et cela non plus n'apparaît pas ultimement, idéalement, dans tout ce qu'on pourrait en souhaiter, dans le projet de loi no 103.

C'est pour cela que le projet de loi no 103 pour moi est une étape. Il devrait y en avoir d'autres. C'est tout cet aspect de la participation du public, la participation de la population. On a noté, je pense, à juste titre d'ailleurs, que la notion d'usager dans un hôpital est fort restrictive. Actuellement seule la personne qui a le bénéfice ou l'avantage d'avoir été hospitalisée — si on peut appeler cela un avantage — dans un hôpital a le droit de se présenter et de siéger dans un conseil d'administration. On notait, à juste titre, que cette notion d'usager était particulièrement restrictive. On notait aussi que les usagers dans un conseil d'administration, c'est-à-dire les représentants de la population, avaient somme toute assez peu de pouvoirs et étaient souvent perdus, n'avaient pas le temps de vivre les expériences qui leur étaient nécessaires pour affirmer une véritable représentation du public là-dessus.

On a espéré voir s'améliorer le processus de désignation des représentants de la population dans les organismes de santé et voir augmenter substantiellement leur nombre dans la proportion des élus de ces conseils d'administration. Je crois que c'est une démarche fondamentale de démocratisation qui est encore à faire. Peu importent les contraintes que l'amélioration de nos lois amène, y compris les améliorations très sensibles qu'apporte le projet de loi 103, il faut se dire, et je pense qu'on en est à l'avance convaincu, que cela va bien aller, dans le secteur de la santé au Québec, le jour où les gens s'en sentiront pleinement responsables, le jour où il y aura une vigilance consciente et agissante d'un public réel, organisé, chargé de surveiller ses intérêts autour des institutions de santé ou des affaires sociales. (22 heures)

Ce pouvoir est encore à donner au public. Il est encore à consacrer par des lois, il est à reconnaître dans une opération de démocratisation des structures qui, je l'espère, sera une étape complémentaire au projet de loi no 103. Merci beaucoup.

Le Vice-Président: M. le député de D'Arcy McGee, je vous reconnais même à travers vos confrères.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. C'est vrai à part cela.

M. le Président, je voudrais dire quelques mots avant que nous procédions à la mise aux voix de ce projet de loi. Je voudrais revenir d'abord à quelque chose que j'ai soulevé hier. Dans les commentaires du ministre sur ce projet de loi, je vous rappelle qu'il a offert des statistiques. Il a dit que, dans certaines régions éloignées — il a mentionné la Gaspésie et le Nord-Ouest québécois — le rapport médecin/population est d'un médecin pour 3000 citoyens, tandis que, dans la région métropolitaine de Montréal, c'est d'un médecin par 400 citoyens. J'ai souligné la différence qui existe dans un grand centre métro-

politain quant à la disponibilité des médecins. Je voudrais demander au ministre si dans sa réplique il peut nous informer sur un aspect qui, pour moi, est fondamental. J'ai dit hier, Mme la Présidente, que l'intéressé le plus important, c'est le malade. Quand on parle du rapport médecin/population, on parle de la disponibilité de médecins. J'aimerais que le ministre nous dise s'il est plus facile pour le malade d'obtenir un rendez-vous avec un médecin, dans diverses spécialités à Montréal avec un rapport de 1 à 400 que dans des régions excentriques avec un rapport de 1 à 3000. Je ne suis pas convaincu que tel est le cas.

Je suis encore, dans une faible mesure, actif dans l'exercice de ma profession. Je connais les difficultés qu'éprouvent des citoyens montréalais à obtenir des rendez-vous avec des spécialistes dans divers domaines. Mme la Présidente, si le ministre, à l'appui de sa demande du pouvoir exécutoire d'approuver ou de désapprouver des plans d'organisation des départements cliniques des hôpitaux, veut nous dire que c'est parce qu'il y a une pénurie effective de médecins dans certaines régions éloignées et que c'est pour remédier à cette pénurie qu'il veut intervenir d'autorité avec le pouvoir qu'il demande par ce projet de loi, il me semble qu'il devrait faire la démonstration que vraiment il y a trop de médecins à certains endroits et qu'il est facile pour la population d'avoir accès à ces médecins au lieu de se contenter des chiffres bruts, parce que les chiffres n'expriment pas ce qui arrive quand le malade prend le téléphone et compose le numéro du cabinet de consultation du médecin.

Deuxième point, Mme la Présidente, je voudrais réagir à des commentaires faits il y a quelques instants par le député de Sherbrooke, qui, à l'appui de la demande du ministre d'obtenir par ce projet de loi des pouvoirs exécutoires, des pouvoirs, à mon sens, exceptionnels, a invoqué le dédoublement d'équipement dans certains établissements de santé. Là aussi j'en sais quelque chose; je connais la fierté, pour ne pas dire l'orgueil qui a amené des institutions à vouloir se doter d'équipement qui était quand même disponible dans d'autres établissements de la même région.

Je me rappelle aussi fort bien qu'au début des années soixante, précisément en 1961 et 1962, le gouvernement fédéral, si mes amis d'en face m'excusent d'en parler, a créé une Commission royale d'enquête sur les services de santé au Canada, commission présidée par le juge Emmett Hall. Quand cette commission a siégé à Montréal, il y a eu certains témoignages qui ont été, pour moi, extrêmement intéressants, en particulier celui de certains de nos grands hôpitaux, un en particulier, qui parlait de l'expérience vécue après une année de régime d'assurance hospitalisation. Cet hôpital rapportait que le nombre d'admissions à l'hôpital avait augmenté de 7% dans cette première année de l'existence du régime d'assurance hospitalisation, tandis que les tests de laboratoires, notamment en radiologie et en biochimie, avaient augmentés de 25%.

Je suis conscient de cela, mais, quand même, si, dans un effort de rationaliser la disponibilité d'équipement, de rationaliser les dépenses, on place le malade dans une situation où son médecin traitant est inquiet et veut procéder à certains tests et se fait dire: II n'y a pas moyen, parce que l'on a dépassé la norme établie au ministère des Affaires sociales, ce n'est pas, à mon sens, dans l'intérêt du malade que l'on aille jusque-là. Je ne veux pas exagérer, je ne veux pas dramatiser, je veux souligner une inquiétude qui, pour moi, est réelle, et cette inquiétude est fondamentale, parce qu'elle concerne la bureaucratisation des soins. C'est aussi simple et aussi fondamental que cela.

J'en arrive à mon troisième point, je veux parler de ce qui est prévu à l'article 12. Je ne parlerai pas de l'article, mais simplement je veux souligner une considération par rapport à cette question de l'approbation du ministre des effectifs dans les départements cliniques. Si le ministre réclame ce pouvoir, c'est parce qu'il estime que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Si elle n'est pas satisfaisante, de deux choses l'une: ou bien il y a des établissements où il y a trop de médecins, ou bien il y en a où il n'y en a pas assez. Peut-être que le ministre me dira que les deux cas existent au Québec, qu'il y en a où il y en a trop et d'autres où il n'y en a pas assez. (22 h 10)

Mais il y a plus que cela, Mme la Présidente. Il est évident — et je parle toujours dans l'intérêt des malades — que, s'il n'y a pas assez de médecins, il va sans dire que les malades ne recevront pas les soins auxquels ils auront droit. S'il y en a trop, le problème se pose différemment, mais au moins il y aura une disponibilité de personnel professionnel. Il y a aussi une question fort délicate, il n'est pas facile d'en parler, mais tout comme dans un parti politique, par exemple, il faut un minimum de compatibilité entre les membres de la formation pour qu'elle puisse fonctionner en équipe; la même chose existe dans un hôpital.

Oui, Mme la Présidente, il y a eu, et probablement qu'il y en a encore, des chasses gardées au Québec dans les hôpitaux. J'en suis bien conscient; ce n'est pas pour rien que j'ai été quatre années gouverneur de ce qui était, à l'époque, le Collège des médecins et chirurgiens du Québec, qui s'appelle aujourd'hui corporation professionnelle. J'en suis bien conscient, au moins pour le passé; je suis moins renseigné sur la situation qui peut exister aujourd'hui. Je sais qu'il y a eu des chasses gardées, peut-être qu'il y en a encore. Mais substituer à l'évaluation des candidatures par les gens qui sont sur place et qui sont en mesure, au moins, de voir à ce que l'équipe puisse fonctionner comme équipe, substituer à cela l'autorité du ministre, je suis loin d'être convaincu que c'est dans l'intérêt de la collectivité. Il me semble que là aussi, si le ministre réclame de tels pouvoirs, il devrait les justifier plus précisément qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant.

Mon collègue de Saint-Laurent a parlé de la fonction enseignement qui est la particularité de nos hôpitaux affiliés aux universités. Mme la

Présidente, je voudrais vous dire bien simplement que je ne suis pas de ceux qui voudraient que l'enseignement devienne un prétexte pour faire d'un hôpital universitaire une chasse gardée. Non seulement cela, si l'on dit qu'il y a des médecins — je parle toujours des médecins, parce que j'en suis un, mais la même considération serait pertinente pour d'autres professions de la santé — qui, de par leur formation et leur expérience, méritent d'être absorbés dans le personnel d'un hôpital universitaire, il y en a d'autres qui n'ont pas les capacités, n'ont pas l'expérience qui justifieraient leur acceptation comme membre d'une telle équipe, il me semble que l'on condamne ceux qui se trouvent dans cette deuxième catégorie à une permanence de déficience.

Si de tels médecins avaient le contact quotidien de ceux qui sont les plus spécialisés, qui font de l'enseignement, qui sont à la fine pointe du progrès médical, ce contact, cette osmose leur serait bénéfique.

Je suis bien conscient de cela, mais, soyons francs, le problème se pose surtout dans les grands centres. Si l'on prend l'île de Montréal, combien y a-t-il de centaines, même de milliers de médecins?

Est-ce que dans une telle région on dirait que tous les médecins peuvent faire partie du personnel médical de tous les hôpitaux, de chacun des hôpitaux, de n'importe quel hôpital? Ce serait fort compliqué.

Je ne dis pas que le système actuel est parfait, loin de là. Je connais ses imperfections. Je ne suis pas convaincu cependant que la substitution de l'approbation du ministre va nécessairement améliorer les choses. J'aimerais que le ministre nous dise plus précisément quelles sont les améliorations qu'il voudrait apporter en exerçant ce pouvoir qu'il demande.

Je voudrais dire un mot de ce qui paraît si ma mémoire est fidèle, à l'article 28 un autre pouvoir qui, à mon sens, est exorbitant. Le ministre réclame le pouvoir de fusionner des institutions sans la participation des responsables actuels à la prise de cette décision.

Le ministre actuel est ici depuis seulement novembre 1976. Son voisin de gauche est ici depuis plus longtemps. Son voisin de gauche a fait ce que le ministre n'a pas été en mesure de faire. Il s'est élevé à combien de reprises contre les fusions forcées? Et voici que son collègue, qui a peut-être oublié de le consulter, je ne le sais pas. demande le pouvoir de forcer des fusions. Mme la Président, il me semble que ce parti, qui réclamait toujours des référendums, la participation des intéressés, l'expression de l'avis des intéressés sur l'opportunité de faire ou de ne pas faire une fusion, devrait insérer dans son projet de loi au moins un mécanisme de consultation formalisée que l'on pourrait appeler référendum. À d'autres égards, on demande à des membres du personnel, à des malades, à d'anciens malades ou à des parents de malades de choisir, d'élire des membres du conseil d'administration. Et l'on fait tout ce processus démocratique pour arriver au point où ses personnes élues démocratiquement sont privées du droit de s'exprimer sur l'opportunité de la fusion de leur institution avec une autre; le ministre s'arroge le pouvoir de décider lui-même. Il me semble que cette demande n'est pas compatible avec le visage qu'a voulu nous présenter, dans le passé, le parti qui aujourd'hui a les responsabilités du pouvoir au Québec.

Aussi, Mme le Présidente, j'aimerais que le ministre me réponde sur un point que j'ai soulevé hier dans le contexte du débat sur une motion de report. L'article 32 permet au ministre de comptabiliser les services bénévoles. C'est à quelle fin exactement? J'aimerais que le ministre nous explique cela. Est-ce pour pouvoir diminuer la contribution gouvernementale à l'institution dans la mesure où des services auraient été fournis gratuitement par des bénévoles? Il serait important que les institutions en question le sachent. (22 h 20)

Nous avons devant nous un projet de loi qui est important. Le gouvernement semble nous faire croire que c'est un projet de loi qui vraiment n'est pas très grave, qui ne va pas très loin, qui ne mérite pas la convocation de la commission parlementaire. À cet égard, Mme le Président, je ne referai pas le débat d'hier, sauf que j'aimerais vous dire que la fonction normale, légitime et démocratique de l'Opposition dans notre système, c'est d'alerter l'opinion publique qui, peut-être, n'a pas, au moment où l'on en parle, réagi suffisamment pour réclamer l'occasion de s'exprimer devant une commission parlementaire, seul endroit où cette opinion publique peut parler directement aux élus.

Mme la Présidente, je termine mon intervention en disant ceci au nom de mes collègues. Dans un domaine comme celui des services de santé et de bien-être social, il serait désirable que l'unanimité se fasse en cette Chambre. Nous sommes conscients de cela. Nous aimerions pouvoir offrir cette unanimité au gouvernement; mais, à cause des inquiétudes que nous inspire ce projet de loi, je suis obligé de dire, au nom de mes collègues du Parti libéral du Québec, que nous ne nous trouvons pas en mesure de voter en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture. Nous allons non seulement écouter attentivement la réplique du ministre, mais nous allons travailler en commission parlementaire pour obtenir des améliorations. En fonction de ce que le gouvernement acceptera de modifier, peut-être serons-nous en mesure de voter favorablement en troisième lecture, mais ce n'est pas un engagement que nous sommes en mesure de donner ce soir.

Mme le Vice-Président: La réplique de M. le ministre des Affaires sociales.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Mme la Présidente, je veux d'abord remercier tous les intervenants de toutes les formations politiques, surtout les intervenants qui ont fait des suggestions concrètes, constructives

ou qui ont posé des questions pertinentes. En particulier, je veux souligner la contribution du député de Sherbrooke ce soir et l'assurer que, bien évidemment, ce projet de loi n'a pas la prétention d'aller aussi loin dans les réformes importantes qu'il faudra un jour apporter à cette loi qui a été longtemps connue sous le terme de bill 65 ou loi 65.

Cette loi est sans prétention, Mme la Présidente, et elle vise essentiellement à améliorer la coordination entre les divers éléments de cet immense réseau de 1500 établissements qui relèvent de la juridiction du ministre des Affaires sociales. Ce projet de loi vise aussi à faire en sorte que les régions éloignées du Québec connaissent une meilleure qualité de soins, une plus grande quantité de soins et qu'il y ait une meilleure répartition des effectifs médicaux à travers le Québec.

Je vais d'abord rappeler à cette Assemblée, contrairement à ce que plusieurs députés, en particulier, le député de L'Acadie et le député de Saint-Laurent, ont voulu insinuer, que ce projet de loi, au cours de sa préparation, a été accompagné de plusieurs consultations et plus spécialement à partir du mois de juin.

Les groupes suivants ont été rencontrés par moi-même et par un groupe de fonctionnaires de mon ministère: La Fédération des omnipratiens du Québec; la Fédération des spécialistes du Québec; la Fédération des résidents internes du Québec; les grandes centrales syndicales oeuvrant dans le milieu des affaires sociales; le conseil d'administration de l'Association des hôpitaux du Québec; la conférence des conseils régionaux des services de santé et de services sociaux.

Quand certains députés de l'Opposition du Parti libéral essaient de faire croire à cette Assemblée, et à la population, par ricochet, que le ministre des Affaires sociales a procédé de façon expéditive et autoritaire, ces députés sont de mauvaise foi et ils essaient d'induire la population en erreur.

Quant aux deux étudiants porte-parole de deux groupements qui ont déposé ou fait déposer hier soir une demande de commission parlementaire sur mon pupitre, je les ai rencontrés hier soir et nous avons convenu d'une rencontre de travail au cours de la semaine prochaine. Contrairement aux insinuations du député de Saint-Laurent, jamais je n'ai refusé une consultation.

Puisque j'ai parlé de l'Association des hôpitaux du Québec, je dirai tout de suite, au départ, que cette association, qui regroupe tous les hôpitaux du Québec, non seulement a été consultée mais nous a présenté, au mois d'août 1978, un document intitulé: La révision de la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec. Je me permets de lire la recommandation no 34, puisqu'elle touche un des articles de ce projet de loi qui a fait l'objet de plusieurs remarques négatives de la part des partis d'Opposition. Recommandation no 34: "L'AHPQ, Association des hôpitaux, recommande de modifier l'article 92a de la loi actuelle afin de permettre aux centres hospitaliers, à chaque hôpital de refuser la candidature d'un médecin, en plus des motifs déjà énoncés, c'est-à-dire incompétence ou malhonnêteté, pour des raisons de provisions budgétaires insuffisantes en fonction du volume de soins dispensés, en fonction de la vocation de l'hôpital et des diverses disciplines pratiquées dans l'établissement".

En somme, un des articles de ce projet de loi les plus contestés par certains membres de l'Opposition, surtout de l'Opposition officielle, a été pratiquement transcrit mot à mot du rapport annuel de l'Association des hôpitaux du Québec. C'est peut-être ce qui explique qu'à part la demande des deux étudiants en médecine représentant un certain nombre d'étudiants, à part cette demande — je le répète encore une fois — nous n'avons reçu aucune demande pour tenir une commission parlementaire, absolument aucune. Je veux rassurer le député de Mégantic-Compton, puisqu'il y a fait allusion au cours de son allocution ce soir, nous n'avons reçu aucune autre demande, sauf celle des deux étudiants en médecine.

Aussi bien, puisqu'on parle de l'Association des hôpitaux, tout de suite toucher à l'autre article du projet de loi qui a retenu l'attention de plusieurs intervenants: c'est celui touchant la fusion obligatoire, dans certains cas exceptionnels. Or, l'association recommande aux autorités compétente d'envisager la constitution d'entités corporatives avec juridiction légale et administrative sur un groupe d'établissements à services complémentaires. En termes plus simples, cette recommandation, l'Association des hôpitaux en a fait un des sujets principaux de son congrès cette année. (22 h 30)

En termes très clairs, cette recommandation nous dit, au ministère, au gouvernement: De grâce, prenez les moyens pour qu'il y ait une meilleure articulation allant jusqu'à la fusion puisque dans plusieurs régions du Québec nous assistons à un gaspillage d'argent, un gaspillage d'énergies parce que nous avons eu depuis une dizaine d'années une multiplication excessive et inutile d'un tas de corporations alors que les mêmes services que l'on retrouve dans deux, trois ou quatre établissements pourraient être dispensés par une seule corporation. Je reviendrai tantôt sur cette question de fusion.

Mme la Présidente, hier soir on a dit plusieurs choses sur cette question du contingentement, qu'on devrait appeler de façon plus juste une question d'une meilleure répartition géographique des médecins à travers le Québec. On a dit par exemple: C'est une mesure qui va à l'encontre du libre choix par le patient de son médecin.

Mme la Présidente, je vous soumets humblement que ces gens qui essaient de faire peur au monde par une telle remarque ignorent que dans plusieurs régions du Québec des milliers et des milliers de citoyennes et de citoyens n'ont qu'un seul médecin, que ce soit sur la Côte-Nord, que ce soit en Gaspésie, que ce soit en Abitibi. Je pense qu'il faut dégonfler ce ballon, il faut détruire ce

mythe qu'évoquaient Mme le député de L'Acadie et M. le député de Saint-Laurent et qu'évoquent parfois mes confrères médecins, à savoir qu'en voulant exercer un certain contrôle sur l'entrée massive de médecins dans certains hôpitaux de grandes villes nous allons soi-disant priver la population des grandes villes de libre choix du médecin. Je dis que des milliers et des milliers de citoyens et citoyennes n'ont pas ce libre choix, n'ont même pas le choix de se soigner eux-mêmes ou de se faire soigner par un médecin.

Ils doivent se soigner eux-mêmes dans bien des cas. Je répète aussi que le gouvernement du Québec dépense, à même les deniers publics, au-delà de $2 milliards dans le réseau des hôpitaux du Québec, au-delà de $600 millions pour les professionnels de la santé. Il me semble que la population va comprendre que cette somme énorme, nous avons l'obligation de faire en sorte que l'ensemble de la population du Québec en ait des retombées justes et équitables. Que cette somme excessivement grande, si vous voulez, cet argent qui est particulièrement rare ces années-ci, que cet argent profite équitablement et justement aux citoyens du Québec, qu'ils habitent en Gaspésie, en Abitibi ou sur la Côte-Nord.

Le député de D'Arcy McGee et le député de Saint-Laurent se posaient des questions tantôt, est-ce qu'il y a vraiment beaucoup d'hôpitaux où on retrouve trop de médecins? La réponse, c'est oui, et catégoriquement. Non seulement les hôpitaux universitaires, et il faut dire que c'est dans ceux-là où on retrouve les abus ou les excès les plus flagrants en nombre de médecins.

Un exemple: Un hôpital de Montréal, hôpital général avec département de psychiatrie contenant environ 85 lits, a actuellement au-delà de 50 psychiatres à temps complet ou l'équivalent de temps complet, à son service. Sur la Côte-Nord, aucun psychiatre. En Abitibi, un psychiatre. Un autre hôpital de Montréal, Mme la Présidente, a parmi ses effectifs médicaux, très nombreux, 82 pédiatres à temps complet, ou équivalent de temps complet, pour un hôpital pédiatrique pouvant hospitaliser environ 250 enfants. Sur la Côte-Nord, aucun pédiatre. En Abitibi, un pédiatre. En Gaspésie, au Bas-Saint-Laurent, quelques pédiatres.

Je pense que l'ensemble de la population va comprendre le bien-fondé de cette mesure. Le député de Saint-Laurent a lui-même avoué que la législation antérieure à il y a une dizaine d'années était telle que dans beaucoup d'hôpitaux les médecins avaient établi une espèce de chasse gardée, une boutique fermée, boutique qui comportait plusieurs privilèges que ces médecins ne voulaient pas partager avec des confrères.

Le député de Saint-Laurent a même avoué que la nouvelle loi, depuis 1970, 1971, a probablement ouvert trop grandes les portes des hôpitaux. Moi, je dis que certainement cette loi a ouvert trop grandes les portes des hôpitaux, et, encore une fois, au détriment des régions éloignées.

La qualité des soins a été évoquée par quel- ques intervenants, spécialement le député de D'Arcy McGee. Il s'agit là, encore une fois, d'un beau prétexte pour vouloir maintenir le statu quo. Personne n'a démontré que la qualité des soins était synonyme de quantité de personnel ou de quantité de médecins. Au contraire, comme le député de Mégantic-Compton se plaît à le dire avec raison, souvent c'est dans de petits hôpitaux où il y a peu de personnel et peu de médecins que souvent on retrouve une excellente qualité de soins.

Il est bien évident que les partis de l'Opposition, en particulier les représentants de l'Opposition officielle, tentent de discréditer ce projet de loi, tentent de faire peur à la population. Nous pensons, de notre côté, qu'il était temps que le gouvernement prenne ses responsabilités vis-à-vis d'une répartition si injuste pour des centaines de milliers de citoyens de notre Québec.

Quant aux fusions, il est bien évident que dans la très grande majorité des cas, ces fusions recommandées par l'Association des hôpitaux se feront sur une base volontaire, selon le processus normal de consultation. On a eu des exemples ce soir, autant par l'intervention du député de Mégantic-Compton que par celle du député de Sherbrooke, que des consultations se déroulent constamment dans toutes les régions du Québec, que ce soit pour un changement de vocation d'un établissement ou que ce soit pour une fusion.

Cependant, je pense qu'il est normal, toujours dans l'optique d'une meilleure répartition des effectifs, d'une plus grande efficacité administrative, tel que recommandé par l'Association des hôpitaux, que le gouvernement — non pas le ministre des Affaires sociales, comme on l'a dit en faisant erreur tantôt — après une consultation obligatoire avec le conseil régional, puisse — et c'est dans le texte de loi, M. le député de D'Arcy McGee, consultation obligatoire avec le conseil régional — dans certains cas procéder à une fusion obligatoire quand les deux parties en cause n'arrivent pas à une entente et que cette entente est entravée par des intérêts particuliers aux dépens du bien public.

Mme la Présidente, en ce qui concerne les établissements privés, ce projet de loi ne vise pas à discontinuer le financement public des établissements privés. Ce projet de loi vise simplement à limiter au nombre qui existe actuellement les centres d'accueil privés ou les hôpitaux privés, à les limiter et à favoriser, plutôt du côté du réseau public, le développement de nouveaux services. Je trouve un peu curieux que le député de Saint-Laurent ait la mémoire si courte quand il dénonce une telle mesure, puisque tout le monde le sait, c'était déjà une pratique établie par le gouvernement antérieur.

Nous pensons que le soin aux personnes âgées ou aux enfants handicapés ne doit pas faire l'objet d'une poursuite de profit matériel. Nous continuons de financer les établissements actuels et nous continuons aussi d'émettre des permis à des nouveaux établissements privés qui sont prêts à s'autofinancer. Je pense que la distinction est

importante et il faut que la population soit bien renseignée.

(22 h 40)

Mme la Présidente, il y a plusieurs autres inexactitudes ou plusieurs faussetés qui ont été apportées au cours de ce débat. Le temps ne me permet pas de les relever toutes; je retourne à l'essentiel. L'expérience des dix dernières années a démontré que ce projet de loi était absolument nécessaire, car il est normal, au sujet de cette réforme de la santé initiée par le rapport Caston-guay-Nepveu, qu'en cours d'usage, avec l'expérience, on se rende compte qu'il y a des choses à rajuster. C'est ce que nous faisons, mais ce n'est pas un projet de loi ambitieux. Je pense qu'il faudra bientôt envisager une réforme majeure de la loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux, surtout en ce qui concerne la composition des conseils d'administration. Je pense que cette réforme-là devrait faire partie d'un projet gouvernemental de décentralisation plus général.

Je pense qu'il faut retenir que ce projet de loi est largement désiré, largement accepté non seulement par l'ensemble de la population, mais par l'ensemble des associations qui oeuvrent dans le réseau des affaires sociales. Il va apporter une meilleure distribution des soins à la population et il va aussi apporter des mesures d'économie, chose qui n'est pas négligeable à l'époque de difficultés économiques que nous connaissons. Merci.

Mme le Vice-Président: La motion du ministre des Affaires sociales proposant la deuxième lecture du projet de loi no 103, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives, est-elle adoptée?

M. Lavoie: Mme le Président, nous désirons un vote enregistré, mais, pour ne pas retarder les travaux, je pense qu'en vertu de nos règlements on pourrait reporter ce vote à demain, après la période des questions, s'il y a accord avec tous les partis dans cette Chambre.

Mme le Vice-Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: C'était également notre intention de demander un vote enregistré sur cette deuxième lecture et ce serait parfait qu'on le fasse demain au cours de la journée.

Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: D'accord, nous allons obtempérer à la demande faite par les partis de l'Opposition afin de reporter ce vote à demain.

Mme le Vice-Président: Puisque vous me le demandez, M. le leader du gouvernement, nous enregistrerons les noms sur ce vote demain, au moment de l'enregistrement des voix.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: À ce moment-ci, avant d'appeler le prochain article, je voudrais simplement poser la question à nos collègues de l'Opposition. Nous avions discuté tout à l'heure de la possibilité — je le dis à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, car nous en avions discuté à l'extérieur de la Chambre — d'étudier, dès ce soir, les projets de loi no 106 et 112, l'un portant sur la ville de Saint-Eustache et l'autre étant la Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière. Nous aurions adopté ces deux lois ce soir et discuté du projet de loi sur les municipalités de l'Outaouais à une autre séance de l'Assemblée nationale. J'avais obtenu un consentement...

M. Levesque (Bonaventure): Si M. le député me le permet, je voudrais indiquer notre collaboration la plus entière. Je pense qu'il y a quelques instants, pendant que nous étions en Chambre, le ministre des Affaires municipales a eu une conversation avec notre critique en matière municipale et on pourrait peut-être commencer par le projet de loi no 112.

M. Bertrand: D'accord. Est-ce que cela suppose aussi qu'une fois ce projet de loi adopté on pourra passer immédiatement à celui de Saint-Eustache et l'adopter ce soir?

M. Levesque (Bonaventure): Oui, mais on pourra peut-être à ce moment-là, après le discours du ministre, juger de l'à-propos de continuer.

M. Bertrand: Bon, alors, très bien. À ce moment-ci, j'appelle l'article 150).

Projet de loi no 112 Deuxième lecture

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 112, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Guy Tardif

M. Tardif: Mme le Président, le projet de loi no 112 donne suite à certains éléments des deux derniers discours sur le budget et apporte des modifications de nature à assurer que le rythme d'implantation des rôles d'évaluation annuels, faits conformément à la Loi sur l'évaluation foncière, soit celui qui convienne le mieux à chaque municipalité du Québec.

Ce projet de loi n'apporte pas d'amendement vraiment majeur à la Loi de l'évaluation foncière. Une révision plus importante de cette loi est toutefois envisagée, à l'occasion de la réforme de la fiscalité municipale, laquelle devrait être mise en oeuvre à compter du 1er janvier 1980.

En ce qui concerne les mesures découlant du discours du budget 1977/78, en raison de diverses contraintes relatives à l'agencement des travaux de cette Chambre, certaines mesures annoncées dans le discours du budget 1977/78, qui concerne la Loi sur l'évaluation fdncière, n'ont pu être traduites en texte législatif, au cours de la session dernière, non plus qu'au cours de la première partie de la présente session. Ces mesures concernent la taxation foncière des maisons mobiles et l'imposition d'une surtaxe sur les terrains vagues desservis par les réseaux publics d'aqueduc et d'égout.

En rapport avec les maisons mobiles, d'abord, dans son discours sur le budget 1977/78, mon collègue, le ministre des Finances, disait ceci: "La maison mobile constitue une forme d'habitation de plus en plus répandue et, comme je l'indiquais plus tôt, il serait normal de la considérer comme telle, au niveau de la taxation. Aussi, continuait le ministre des Finances, la Loi sur l'évaluation foncière sera-t-elle modifiée de façon à permettre une imposition des maisons mobiles qui s'apparentera à une véritable taxation foncière." Plus loin il ajoutait: "Cette mesure fait partie d'un programme de consolidation et d'amélioration de l'assiette foncière, qui se poursuivra pendant quelques années encore et dont la pierre angulaire est la réforme du processus d'évaluation foncière."

Le projet de loi no 112 fait donc en sorte que les maisons mobiles ou, plus exactement, les roulottes — pour utiliser les termes mêmes de la Loi sur l'évaluation foncière — soient inscrites au rôle d'évaluation, si elles ont acquis un caractère d'immobilité, selon les critères édictés par le Code civil. Quant à celles qui conservent leur caractère de mobilité, elles continueront d'être assujetties à un permis et à une compensation pour services municipaux, cela en vertu de l'article 107 de la Loi sur l'évaluation foncière.

Il est à remarquer que le projet de loi no 112 ne crée pas entièrement du droit nouveau dans ce domaine; une bonne partie de la jurisprudence du Bureau de révision de l'évaluation foncière et des tribunaux de droit commun est déjà à l'effet qu'une roulotte, qui est devenue un immeuble, perd sa qualité de roulotte et, par conséquent, doit être inscrite au rôle d'évaluation et taxée foncièrement, plutôt qu'assujettie au régime du permis et de la compensation.

Ce que le projet de loi fait, c'est de clarifier les définitions d'immeuble et de roulotte dans le sens même de cette jurisprudence. Cependant, le projet de loi édicte une règle particulière dans le cas des roulottes, devenues immeubles, qui sont placées sur le terrain d'autrui. Normalement, ces roulottes devraient être évaluées comme un tout, avec le terrain sur lequel elles sont situées et devraient être inscrites au nom du propriétaire du terrain. (22 h 50)

On voit d'ici les conséquences par exemple pour les propriétaires de parcs de maisons mobiles qui devraient payer la taxe foncière, non seulement pour le terrain dont ils sont propriétaires, mais également pour toutes les roulottes situées dessus et inscrites à leur nom.

Le projet de loi 112 prévoit donc que ces roulottes constituent des immeubles distincts du terrain sur lequel elles sont placées et sont inscrites au nom de leur propriétaire. Ainsi, chaque propriétaire de roulotte recevra-t-il directement son compte de taxe foncière et en sera-t-il responsable, comme n'importe lequel propriétaire d'immeuble.

Deuxièmement, Mme la Présidente, la surtaxe sur les terrains vagues desservis. Avec la sanction des chapitres 52 et 53 des lois de 1977 — le 15 décembre 1977 — les municipalités du Québec obtenaient en principe le pouvoir d'imposer une surtaxe sur les terrains vagues desservis, c'est-à-dire les terrains sur lesquels il n'y a pas de bâtiment dont la valeur est d'au moins 10% de celle du terrain et qui sont adjacents à une rue publique en bordure de laquelle les services d'aqueduc et d'égouts sanitaires sont disponibles. Cette législation faisait suite au discours sur le budget 1977/78 et visait à favoriser une meilleure utilisation du territoire desservi, à améliorer la planification du développement urbain et à atténuer, jusqu'à un certain point, la spéculation foncière. Toutefois en vertu des articles 521a de la Loi des cités et villes et 696b du Code municipal, édictés par les chapitres susmentionnés, pour que la surtaxe soit applicable il faut que les terrains vagues desservis soient identifiés comme tels sur le rôle d'évaluation à la date de l'entrée en vigueur de ce rôle.

Le projet de loi 112 vise donc à rendre effectif le pouvoir donné aux municipalités d'imposer une surtaxe sur les terrains vagues desservis et pour ce faire il modifie la Loi sur l'évaluation foncière de façon à donner à l'évaluateur le pouvoir de faire, sur le rôle d'évaluation, les inscriptions nécessaires concernant les immeubles pouvant être assujettis à cette surtaxe. Il instaure par ailleurs une certaine souplesse afin d'éviter que l'estimateur procède inutilement à des recherches et analyses. Il n'a le devoir de faire ces inscriptions que s'il en a été requis par la corporation municipale au moins sept mois avant la date prévue pour le dépôt du rôle devant contenir ces inscriptions. Afin que la surtaxe puisse être imposée dès l'exercice financier municipal commencé en 1979, considérant la période de l'année, le projet de loi écarte provisoirement la règle concernant la date où les inscriptions au rôle doivent être faites et celle concernant le délai pour requérir de l'estimateur de procéder à ces inscriptions. Voilà, Mme le Président, les mesures contenues dans le projet de loi 112 et découlant du discours du budget 1977/78.

La deuxième série de mesures proposées par le projet de loi 112 découle du discours sur le budget 1978/79. Plusieurs des mesures concernant l'évaluation foncière annoncée dans ces discours du budget sont des mesures qui seront mises en oeuvre uniquement lors de la révision globale de la Loi sur l'évaluation foncière. Toutefois, il est souhaitable que certaines d'entre elles soient dès maintenant traduites sous forme de lois. C'est le cas du nouveau régime fiscal des entreprises de télécommunication, de la hausse

du plafond de la compensation tenant lieu de taxe pour certains immeubles et du pouvoir du ministre des Affaires municipales de prescrire la forme et le contenu minimal de certains documents qui s'adressent aux contribuables.

Concernant d'abord les entreprises de télécommunication, en vertu de la loi actuelle, Mme la Présidente, les immeubles d'un réseau de télévision par câble sont portés au rôle d'évaluation et donc assujettis aux taxes foncières. Par contre, les immeubles de tout autre réseau de télécommunication, à l'exception d'une station de radiodiffusion ou de télévision, ne sont pas portés au rôle. L'exploitant de ce réseau paie, à titre de taxes foncières pour ces immeubles, une taxe égale à 10% de ses revenus nets provenant de l'exploitation du réseau au Québec au cours de son dernier exercice financier. Pour faire suite au discours sur le budget 1978/79 et aux consultations qui l'ont suivi entre le gouvernement, d'une part, et les représentants du secteur des télécommunications, d'autre part, le projet de loi 112 apporte des changements à ce régime fiscal.

Ainsi, les immeubles faisant partie d'un réseau de télévision par câble ne sont plus portés au rôle et l'exploitant d'un tel réseau est soumis dorénavant aux mêmes règles que l'exploitant d'un autre réseau de télécommunication. Un tel exploitant paie, à titre de taxes foncières, une taxe basée sur son revenu brut imposable pour son exercice financier précédent. La notion de revenu brut imposable est définie dans le projet de loi. Le taux de cette taxe est variable. Dans le cas d'un exploitant de réseau de télévision par câble, c'est 2% de la première tranche de $5 millions de revenu brut imposable et 3% pour l'excédent, alors que dans les autres cas c'est 3% pour la première tranche de $5 millions et 5% pour l'excédent.

La raison de cette assimilation du cas du réseau de télévision par câble à celui des autres réseaux de télécommunication est une raison d'uniformité et de simplification. En effet, il s'avère que l'évaluation des immeubles faisant partie d'un réseau de télécommunication est aussi difficile à faire que celle des immeubles faisant partie des autres réseaux. Quant au fait de passer d'un régime de taxation basé sur les revenus nets à un régime basé sur des revenus bruts imposables, il appert que ce dernier permet, d'une part, une meilleure coordination avec le régime applicable en Ontario et s'apparente le mieux à ce que paieraient ces exploitants en taxes foncières si leurs immeubles étaient portés au rôle.

En corollaire, Mme la Présidente, le projet de loi 112 apporte des changements pour favoriser la perception et le recouvrement des taxes imposées aux exploitants de réseaux de télécommunication et de distribution par câble, notamment en prévoyant que les états de revenus et le paiement de la taxe doivent être transmis au ministre du revenu dans les six mois de la fin de l'exercice financier concerné et en prévoyant le transfert de la dette lorsqu'une corporation débitrice de la taxe cesse d'exister avant de l'avoir payée. De plus, le projet de loi 112 supprime certains pouvoirs donnés dans des chartes municipales permettant d'imposer une taxe supplémentaire aux utilisateurs ou exploitants des services ou appareils téléphoniques.

Tel qu'annoncé dans le discours du budget 1978/79, Mme la Présidente, le taux maximal de la compensation pour services municipaux qu'une municipalité peut exiger des propriétaires d'immeubles exempts de taxes foncières, comme les écoles, les hôpitaux et les centres d'accueil, est porté de $0.30 à $0.50 par $100 d'évaluation sans, évidemment, qu'il puisse excéder le taux de la taxe foncière générale dans ces municipalités. Cette hausse est rétroactive au début de I'exercice financier municipal commencé en 1978. (23 heures)

Cette modification est, bien sûr, due à la croissance du coût des services municipaux et vise à aider les municipalités à récupérer une plus grande partie des frais encourus pour fournir les services municipaux aux immeubles exempts de la taxe foncière.

Quant à la mesure concernant la prescription que le ministre des Affaires municipales peut avoir quant à la forme et au contenu de certains documents relatifs à la perception de la taxe foncière, le projet de loi no 112 donne en effet au ministre des Affaires municipales le pouvoir de prescrire par règlement la forme et le contenu minimal de certains documents comme le compte de taxe foncière générale, l'avis d'évaluation et le certificat de l'évaluateur modifiant un rôle.

Ceci se situe dans le cadre d'une politique d'information du contribuable afin de faciliter sa compréhension et d'améliorer sa perception de l'administration locale. Cette innovation s'inscrit également dans la recherche d'une plus grande transparence au niveau local et d'une plus grande démocratisation de l'appareil administratif municipal. Les travaux nécessaires à l'adoption du règlement en question vont bon train et un projet est en voie d'élaboration. Des consultations sont actuellement menées auprès de quelques municipalités et nous prévoyons pouvoir adopter le règlement vers la fin de janvier 1979. Nous envisageons la possibilité de publier ce règlement vers cette date mais de ne le mettre en vigueur qu'à compter du 1er janvier 1980 de sorte que les municipalités pourraient facultativement s'y conformer en 1979.

Le projet de loi no 112 contient d'autres amendements à la Loi sur l'évaluation foncière qui ne découlent pas des deux derniers discours du budget. Certes, le plus important de ces amendements est-il celui qui assure l'implantation des rôles annuels dits de nouvelle génération, selon le rythme le plus convenable pour chaque municipalité du Québec.

Dans l'état actuel de la Loi sur l'évaluation foncière, le ministre des Affaires municipales a le pouvoir par ordonnance de fixer le premier exercice financier pour lequel le premier rôle annuel des corporations municipales doit être fait. Le 11 mars 1977, le ministre a signé une ordonnance s'adres-sant à toutes les corporations municipales à

l'exception de celles faisant partie d'une corporation de comté et fixant non pas un exercice financier précis pour l'application du premier rôle annuel mais plutôt une échéance ultime, soit l'exercice financier commençant en 1984. Cette ordonnance est entrée en vigueur le 15 avril 1977. Donc, à compter de cette date, ces corporations municipales sont devenues visées par une ordonnance ministérielle même si celle-ci leur laissait le choix de l'exercice financier pour lequel leur premier rôle annuel devait être fait.

Cependant, l'article de la Loi sur l'évaluation foncière, qui dit que l'évaluateur doit faire le rôle pour chaque exercice financier, donc, qui lui impose l'obligation de faire un rôle annuel, prend effet à compter de la date où la corporation municipale est visée par une ordonnance. L'ensemble des corporations municipales ayant été visé par une ordonnance le 15 avril 1977, les évaluateurs du Québec avaient donc l'obligation de préparer un rôle annuel à compter de cette date. Ainsi, tous les rôles de ces corporations, pour leur exercice financier commençant en 1978, auraient dû être des rôles annuels.

On voit donc la contradiction entre l'ordonnance qui visait à respecter l'esprit général de la loi et cet esprit, Mme la Présidente — j'insiste pour dire qu'il était de ne pas obliger les municipalités à procéder toutes ensembles et dans des délais très courts à la confection des nouveaux rôles d'évaluation et à étaler ceci sur une période de cinq ans — cet esprit, dis-je, venait en contradiction avec un passage particulier de la loi. Le projet de loi no 112 vise donc à corriger cette contradiction et opte pour l'esprit que sous-tendait le projet de loi qui avait été adopté à l'époque. En effet, il est inconcevable que ces corporations municipales soient tenues d'avoir des rôles annuels depuis 1978. La réforme serait beaucoup trop brusque pour avoir les effets bénéfiques escomptés. La somme de travail exigée des évaluateurs serait beaucoup trop grande. Les coûts de préparation des nouveaux rôles seraient beaucoup trop élevés.

Ainsi, le projet de loi corrige donc la Loi sur l'évaluation et une autre disposition pertinente de façon que le rythme d'implantation des nouveaux rôles soit le plus conforme possible aux moyens et à la volonté de chaque municipalité. Le pouvoir du ministre de ne fixer par ordonnance que l'exercice financier ultime pour lequel doit être fait le premier rôle annuel est donc confirmé. Le pouvoir de chaque municipalité de choisir, si elle le veut, un exercice financier antérieur à celui fixé par l'ordonnance est introduit. L'obligation pour l'évaluateur de faire un rôle annuel prend effet au début de l'exercice financier qui précède celui fixé par l'ordonnance ou choisi par la municipalité selon le cas.

Toutes les autres modifications de concordance sont faites pour éviter toute confusion. Ces corrections ont un effet rétroactif à la date de la signature de la première ordonnance, mais les rôles annuels faits entre cette date et l'entrée en vigueur du projet de loi sont validés.

Enfin, Mme la Présidente, la question tou- chant les ententes concernant les services municipaux. Dans l'état actuel du droit, la compensation que paient les propriétaires d'immeubles exempts de taxes foncières remplace toute autre taxe ou compensation pour les services municipaux qui pourraient être exigés d'eux. Malgré la hausse de $0.30 à $0.50 les $100 d'évaluation que propose le projet de loi no 112 concernant le maximum du taux de cette compensation, il reste que dans bien des cas cette compensation est grandement inadéquate pour éviter à la municipalité des pertes considérables occasionnées par la fourniture de services municipaux à un immeuble exempt de taxes foncières.

Aussi, Mme la Présidente, ce projet de loi no 112 permet-il à la municipalité et au propriétaire d'un tel immeuble de s'entendre pour que ce dernier paie une somme d'argent en sus de la compensation exigible en contrepartie des services municipaux dont bénéficie son immeuble.

Dernier point, Mme la Présidente. Actuellement, la Loi sur l'évaluation foncière prévoit que, lorsqu'un immeuble d'un gouvernement étranger est déclaré exempt de taxes foncières par le gouvernement du Québec, il est automatiquement assujetti à la compensation dont on vient de parler, laquelle est plafonnée. Toutefois, dans les faits, en vertu d'accords de réciprocité, il arrive que le gouvernement paie à la place du gouvernement étranger, nous dit le gouvernement du Québec, paie à la place du gouvernement étranger le plein montant non limité de la compensation exigée pour un service municipal, comme un contribuable ordinaire.

Le projet de loi no 112, afin de valider et d'encourager cette situation et de maintenir les revenus ainsi obtenus par les municipalités, enlève la règle voulant qu'un immeuble d'un gouvernement étranger déclaré exempt de taxes foncières soit automatiquement assujetti à la compensation plafonnée. Mme la Présidente, ce projet de loi vivement attendu par le monde municipal, qui a déjà commencé dans certains cas à se prévaloir de certaines mesures, notamment la surtaxe sur les terrains vagues desservis, répond à un besoin, d'autant plus que, dans certains cas, elle permet de taxer le gouvernement du Québec, rétroactivement au 1er janvier dernier. Je vous remercie. (23 h 40)

M. Gratton: Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet de loi à caractère plutôt technique que le ministre des Affaires municipales nous demande d'étudier, nous vient à une heure quand même assez tardive, compte tenu qu'il est 23 h 10. Je prendrai donc le moins de temps possible pour exprimer les réserves que l'Opposition officielle a par rapport à ce projet de loi no 112, Loi qui modifie la Loi sur l'évaluation foncière

et qui modifie également d'autres dispositions législatives.

Il faut dire qu'on ne retrouve rien de bien nouveau dans ce projet de loi, puisque, comme le ministre l'a dit, il s'agit de modifier la Loi de l'évaluation foncière pour tenir compte de certaines propositions, de certaines décisions qui nous avaient été annoncées dans les budgets de 1977/78 et 1978/79.

Quant à la première considération, soit celle de taxer les roulottes qui ont un caractère d'immobilité au même titre que les habitations normales, cela constitue, bien entendu, une source de revenus additionnelle pour les municipalités. Forcément, cela constitue par le fait même une hausse des taxes foncières que devront payer les personnes qui habitent lesdites roulottes. Cela donne suite, comme l'a dit le ministre, au budget de 1977/78. Quant à nous, M. le Président, ce n'est pas un principe sur lequel nous nous battrons bien longtemps, sauf qu'en commission parlementaire, nous pourrons peut-être formuler certaines suggestions au ministre.

Quant à la surtaxe de 50% que les municipalités peuvent imposer aux propriétaires de terrains vacants, mais pour lesquels les services municipaux sont disponibles, on sait que l'an dernier cette Assemblée nationale avait adopté les projets de loi qui modifiaient la Loi des cités et villes et le Code municipal pour permettre aux municipalités d'imposer cette surtaxe. Il s'agit ici d'un article, à toutes fins utiles, de concordance, qui indiquera aux municipalités de quelle façon elles pourront se prévaloir de ces pouvoirs qui lui ont été accordés l'an dernier lors de l'adoption de ces projets de loi. Encore là, il s'agit d'une proposition qui était contenue dans le budget de 1977/78 et qui, selon les indications que nous a fournies le gouvernement, a pour objectif de faire en sorte que les terrains vacants, dans les municipalités du Québec, terrains où les services municipaux tels les égouts et les aqueducs sont disponibles... Cette proposition voulait motiver les propriétaires de ces terrains vacants à les exploiter, à faire des constructions le plus tôt possible plutôt que de perpétuer cette tendance qu'il y a pour les gens de déménager en banlieue.

Or, il faut bien faire remarquer que l'imposition d'une telle surtaxe peut bien avoir exactement le résultat contraire de l'objectif que l'on recherche. Effectivement, ce n'est pas nécessairement pour strictement des fins de spéculation que certains spéculateurs sont propriétaires de terrains vacants dans les centre-ville ou dans le périmètre, dans les parties plus urbanisées d'une ville. Assez souvent, le propriétaire d'un terrain vacant ne trouve pas — à cause des coûts inhérents, taxes, entretien, etc. — d'acheteur pour le prix minimum qu'il doit obtenir pour réussir à couvrir ses frais. Imposer une surtaxe de 50% ne fera que rendre encore plus critique la situation, c'est-à-dire qu'en augmentant les coûts, il sera encore plus difficile pour ce propriétaire d'en disposer. Forcément, la municipalité qui se prévaut de cette disposition le fera sans doute et dans tous les cas, toutes les municipalités s'en prévaudront parce que, justement, il est question, dans toutes ces mesures que le projet de loi no 112 contient, de fournir des sources de revenus additionnels aux municipalités. Rares seront celles qui ne les imposeront pas.

Quant à la taxe pour les compagnies de télécommunications, encore là, il s'agit d'une mesure qui nous avait été annoncée dans le budget de 1978/79. Le principe de taxer sur la base du revenu brut, M. le Président, plutôt que sur la base du revenu net, comme c'était le cas, comme c'est encore le cas, jusqu'à l'adoption de ce projet de loi, nous apparaît dangereux. En effet, les compagnies de télécommunications et les autres, peuvent fort bien fonctionner sans réaliser de bénéfices nets et cette notion de taxer, même si on réduit le pourcentage de 10% qui est imposé sur le revenu net, comme l'a expliqué le ministre dans le cas de la télévision par cable, à 2% sur le revenu brut, jusqu'à concurrence de $5 millions, de 3% sur l'excédent et, quant aux autres compagnies, de 3% du revenu net jusqu'à $5 millions et de 5% pour l'excédent, cette notion fera en sorte, je présume en tout cas, que les compagnies qui réalisent des bénéfices moindres présentement subiront effectivement une augmentation de taxes.

On peut bien se limiter à dire que de taxer une compagnie de distribution par cable, par exemple, n'a rien de répréhensible en soi, sauf qu'il faut pousser la logique jusqu'à la réalité à savoir que plus les compagnies de cablodistribution paieront des taxes, forcément plus les usagers des services fournis par ces compagnies devront payer, puisqu'il sera tout à fait normal et logique que ces compagnies ajustent leurs taux, leurs factures, pour prendre en considération ces hausses de taxes.

Il y a un autre élément, quant à cette partie du projet de loi, que le ministre n'a pas touché. C'est la disposition que l'on retrouve dans le projet 112 quant à la répartition des revenus qui découleront de cette mesure. La loi, présentement, stipule que la totalité des revenus — les revenus provenant de l'application de l'article 100 — après déduction de leurs frais de perception, sont répartis entre les corporations municipales. Or, le projet de loi 112 propose qu'on amende la formule de répartition, en disant que la totalité ou une partie des revenus provenant de l'application de l'article 100 sont répartis entre les corporations municipales. (23 h 20)

Je pense, M. le Président, qu'il y a lieu de poser la question au ministre. Est-ce qu'effectivement, du fait d'avoir fait sauter la partie de l'article de la loi actuelle qui exige que le gouvernement du Québec fasse la répatition de la totalité des revenus de cette taxe, après déduction des frais de perception, puisque le projet de loi no 112 nous propose maintenant un article qui n'obligera pas le gouvernement à remettre la totalité de ses revenus aux municipalités, il y a lieu de se demander, M. le Président, si l'intention du gouvernement n'est pas de se servir de ces revenus, à répartir parmi les municipalités, pour fins de négo-

ciations, quant à l'ensemble de la réforme fiscale qui est annoncée et dont nous verrons sûrement les effets très prochainement? Présentement, je le répète, le gouvernement doit remettre aux municipalités, l'ensemble des revenus qui proviennent de cette taxe, après déduction des frais de perception. Or, le projet de loi 112, s'il est adopté, fera en sorte que le gouvernement n'aura aucune obligation de remettre la totalité de ces revenus, mais il pourra le faire en partie. À ce moment, il est important que les maires et conseillers d'une municipalité sachent que, si on leur donne une façon d'aller chercher des revenus additionnels auprès de ces compagnies de télécommunications, ce n'est pas nécessairement vrai, à moins que le ministre ne nous l'affirme au moment de sa réplique. À ce moment, s'il devait nous l'affirmer, nous insisterions, bien entendu, en commission parlementaire, pour que la rédaction de l'article en question soit faite en conséquence et pour qu'il n'y ait d'ambiguïté pour personne.

Quant à la mesure qui touche la compensation que les municipalités reçoivent des propriétaires d'édifices, tels que les édifices gouvernementaux, écoles, hôpitaux, etc., compensation que les municipalités reçoivent en remplacement de la taxe foncière que ces institutions ne paient pas, le projet de loi propose que le maximum qu'il est permissible aux municipalités d'exiger, qui est présentement de $0.30 les $100 d'évaluation, passe à $0.50. La disposition du projet de loi qui permet à une municipalité, s'il y a entente avec le propriétaire dudit édifice — ce pourrait être le gouvernement du Québec aussi bien que le gouvernement fédéral — ferait en sorte que la municipalité puisse imposer ou puisse percevoir un montant supérieur à ces $0.50 d'évaluation.

On nous dit qu'il s'agit là d'une mesure que le ministre des Finances avait promise, lors de la conférence Québec-municipalités de juin dernier.

Concernant les immeubles étrangers ou immeubles qui appartiennent à des gouvernements étrangers dans la loi actuelle, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui détermine quels sont ces immeubles, mais la compensation prévue à l'article 5 du projet de loi ne s'applique pas nécessairement. C'est ainsi que, si le projet de loi no 112 est adopté tel quel, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra déterminer quels immeubles de gouvernements étrangers seront assujettis à cette taxe de $0.30 et lesquels ne le seront pas. Cela permettra — à titre d'exemple, M. le Président — au lieutenant-gouverneur en conseil de décréter que la France, par exemple, n'a pas à payer de compensation à la municipalité, là où son ambassade est située, et possiblement qu'on pourrait imposer au propriétaire, la Grande-Bretagne ou un autre pays, cette taxe de $0.30

Bien entendu, M. le Président, il n'y a rien là pour nous énerver outre mesure, mais c'est à se demander pourquoi le gouvernement juge utile, à ce moment, de déroger à la loi que tous connaissent, à la loi telle qu'elle existe présentement en cette matière.

Il y a une autre question à laquelle j'aimerais que le ministre nous fournisse une réponse lors de sa réplique. On retrouve au projet de loi deux annexes qui constituent une liste de municipalités. Je pense deviner de quoi il s'agit, M. le Président, mais j'aimerais que le ministre explique les raisons de ces deux annexes.

Finalement, on sait qu'il y a environ 10% des municipalités qui ne relèvent pas du bureau de révision de l'évaluation municipale quant aux appels sur l'évaluation. Le ministre des Affaires municipales nous avait dit, au moment de l'étude des crédits en mai 1978, et je cite le ruban 2389 du journal des Débats, M. le Président: "II est prévu en effet que le bureau de révision de l'évaluation foncière deviendra l'instance d'appel pour toutes les municipalités au Québec." J'aimerais que le ministre nous dise pourquoi il ne saisit pas l'occasion qu'il a avec ce projet de loi no 112 pour concrétiser cette affirmation, cet engagement qu'il prenait en mai dernier, c'est-à-dire de faire en sorte que l'ensemble des municipalités, les 10% — environ — des municipalités qui ne relèvent pas du bureau de l'évaluation, relèvent de ce bureau comme toutes les autres.

En conséquence et en résumé, ce projet de loi, de nature plutôt technique, vise à fournir aux municipalités un certain nombre de sources de revenu additionnelles; par contre, il institue des principes qui, dans certains cas, sont loin de recueillir l'appui de l'Opposition officielle et c'est plutôt en commission parlementaire, au moment de l'étude article par article, que nous pourrons débattre avec le ministre du bien-fondé de certaines de ces dispositions.

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: M. le Président, le projet de loi 112 que nous devons étudier actuellement, à 23 h 30, en deuxième lecture, et qui a pour titre: Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, je crois, s'inscrit dans le cadre de la réforme fiscale telle que présentée par le ministre en juin dernier à la conférence Québec-municipalités. M. le Président, on ne peut s'opposer à des mesures qui visent à redonner, du moins pour le moment, une répartition de revenu plus élevée pour les municipalités dans une autonomie relative accrue. Par ce projet de loi, les maisons mobiles, qui seront devenues des immeubles, seront inscrites au rôle d'évaluation des corporations municipales et assujetties au paiement de taxes sur immeubles.

Un autre aspect de ce projet de loi a pour but d'indiquer au rôle d'évaluation les immeubles pouvant être assujettis à la surtaxe sur les terrains vagues desservis et dont l'imposition est prévue par la loi des cités et villes et le Code municipal.

Nul doute que cette imposition incitera les propriétaires de terrains vagues actuellement desservis par les services d'aqueduc et d'égouts à se départir de leurs terrains, et cela, pour le plus

grand bien de la municipalité qui y trouvera, pour la construction d'immeubles, des revenus accrus. (23 h 30)

Concernant les terrains vagues, je crois que le projet de loi 90 sur la protection du territoire agricole créera en milieux urbain ou semi-urbain une rareté de terrains étant donné que le projet de loi 90 interdit la construction de maisons le long des routes en zone agricole où les services d'égouts et d'aqueduc ne sont pas en place. Afin d'éviter, en milieux urbain ou semi-urbain, une hausse galopante du prix des terrains, je demande au ministre des Affaires municipales d'accorder aux municipalités le pouvoir d'acquérir des terrains aux fins d'habitation. Actuellement, les municipalités ont le pouvoir d'acquérir des terrains pour fins industrielles ou commerciales. Pourquoi ne pourraient-elles pas avoir le pouvoir d'acquérir des terrains aux fins d'habitation? Un tel pouvoir accordé aux municipalités leur permettrait de mettre à la disposition de leurs citoyens des terrains pour un prix raisonnable.

M. le Président, je crois sincèrement que personne ne s'opposera à ce que les propriétaires de certains immeubles publics ou parapublics, exempts de taxes foncières, aient à payer une compensation de $0.50 par $100 d'évaluation. De plus, ce projet de loi permet, moyennant entente, le paiement de sommes d'argent supplémentaires en contrepartie des services municipaux dont bénéficient ces immeubles.

Est-ce que le ministre pourrait nous faire part sur quelle base les parties en cause pourront discuter pour s'entendre sur ce sujet?

En terminant, je ne peux m'empêcher de souligner que ces revenus additionnels pour les municipalités seront certainement les bienvenus, mais en contrepartie il ne faut pas oublier que ces sommes d'argent proviendront, en définitive, toujours du même endroit, soit le citoyen. Par contre, tantôt M. le ministre a fait allusion au fait qu'il voulait uniformiser les privilèges accordés à certaines villes soit en leur enlevant certains privilèges qui leur furent accordés par certaines lois spéciales. À regret, M. le Président, je dois vous dire que, à l'article 19, la ville de Saint-Hyacinthe y est mentionnée et, à cause de cet article, elle perdra $111 000 de revenus l'an prochain. Nous fournirons en commission parlementaire les chiffres dont le ministre aura sans aucun doute besoin.

On me demande si je vais voter en faveur.

Une voix: Comme conseiller municipal, cela ne vous touche pas.

M. Cordeau: Également, on parle dans le projet de loi d'une taxe, c'est-à-dire d'un changement à la taxation sur les entreprises de télévision par câble. Là aussi, il ne faut pas oublier que ce qui sera imposé aux compagnies sera par après imposé aux citoyens pour les services qu'il recevra. Je vous remercie.

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Guy Tardif

M. Tardif: M. le Président, je vais tenter d'apporter un certain nombre de réponses aux questions soulevées. Je pense que l'essentiel pourra cependant être fait lors de l'étude article par article, puisqu'il ne s'agit pas d'objection sur le principe même de la loi mais bien sur certains passages. En conséquence, pour certaines réponses, il faudra attendre en commission parlementaire lors de l'étude article par article.

Je voudrais tout simplement dire ceci concernant la taxe sur les roulottes. Si, d'une part, celles-ci, devenues immobiles, privées de leurs roues, mises sur une assise de béton ou autrement sont rendues fixes, elles vont être taxées dorénavant comme des immeubles. Par ailleurs, il faut penser que le discours du budget qui annonçait cela annonçait également que ces immeubles nouveaux allaient être dorénavant exemptés de la taxe de vente. C'est quand même la contrepartie; à partir du moment où ce n'est plus un bien meuble mais un bien immeuble, on exempte de la taxe de vente de 8% et, à la place, il y a celle-là. Ce ne sont donc pas deux mesures où, enfin, un type d'habitat qui serait taxé deux fois.

Deuxième élément, c'est la surtaxe sur les terrains vagues desservis. Je voudrais simplement rappeler certains chiffres que je citais à l'occasion de mon discours en deuxième lecture sur le projet de loi 90, sur la protection des territoires agricoles, à savoir que, pour viabiliser un terrain, faire passer devant ce terrain des tuyaux d'égout, d'aqueduc, des rues et des trottoirs, il en coûte au-delà de $110 le pied linéaire; pour un terrain de 60 pieds de façade, il en coûte à peu près, actuellement, $6700. Lorsqu'on pense que, dans certaines municipalités, il peut y avoir 500 000 terrains viabilisés, c'est-à-dire desservis, pour lesquels il a coûté à la collectivité $6700 chacun s'ils ont été viabilisés au cours des deux ou trois dernières années, ces coûts sont assumés par l'ensemble de la population...

À ce moment-là, que le propriétaire devant le terrain duquel passent ces immeubles se décide et qu'il construise son immeuble ou, peut-être, qu'il construise sur son terrain et qu'il le vende...

En ce qui concerne les entreprises de télécommunication, le député de Gatineau a dit: C'est dangereux, parce que certaines de ces entreprises pourraient ne pas faire de revenus nets, c'est-à-dire une fois toutes les dépenses payées... je vous rappellerai que cette mesure touchant les entreprises de télécommunication ne s'adresse pas aux petites entreprises que des individus ordinaires possèdent; il s'agit d'entreprises comme la compagnie de téléphone Bell, il s'agit d'entreprises comme CNCP. D'autre part, ces entreprises paient, en Ontario, sur la base de leurs revenus bruts, ce qui rapporte à peu près $25 millions de plus en Ontario qu'au Québec. C'est donc dire, étant donné que ce sont les mêmes compagnies qui font affaires toutes les deux, que nous subventionnons la compagnie de téléphone Bell pour des taxes qu'elle paie en Ontario. Je pense que cela

est beaucoup plus malsain et qu'il y a lieu de corriger cette situation.

Quant à l'article 100 — j'y arriverai lors de l'étude article par article — je voudrais tout simplement dire que l'ancien article 101, qui disait comment étaient réparties les sommes, prévoyait quand même que le ministère du Revenu qui les percevait pouvait garder des frais de perception. Ce n'est plus formulé de la même manière. Il faudra voir si la totalité ou la partie s'applique précisément aux frais de perception. Je veux bien vérifier cela avec le ministre des Finances et du Revenu pour donner la réponse en commission parlementaire.

La question posée, c'est: Pourquoi ne profite-t-on pas de l'occasion pour rendre le BREF, le Bureau de révision d'évaluation foncière, universel, sur tout le territoire du Québec. Ce bureau, qui a été créé par la Loi d'évaluation foncière, a quand même pris un certain rythme de croisière et c'est à l'occasion de la grande réforme de la loi d'évaluation que nous voudrions étendre sa compétence. Nous avons plutôt ici tenté de parer au plus pressé en donnant effet au discours du budget. Il est bien évident qu'avec la réforme de la fiscalité municipale, la loi devra être refondue presque entièrement. (23 h 40)

Dernière remarque concernant les interventions du député de Saint-Hyacinthe. Il a raison de dire que cette mesure s'inscrit dans le sens de la réforme fiscale en ce sens que les biens gouvernementaux, qui étaient taxés à un taux de $0.30 des $100, le seront maintenant à $0.50 plus une compensation de services, c'est-à-dire une espèce de tarification pour les services et que c'est un pas dans la direction qui consiste à faire en sorte, ou vers l'objectif qui consiste à faire payer au gouvernement une taxation à pleine valeur de ses biens comme tout autre contribuable. C'est donc un pas dans cette direction, le reste venant avec la réforme de la fiscalité.

Maintenant, M. le Président, le député de Saint-Hyacinthe posait la question: Mais alors, sur quelle base pourraient négocier les municipalités avec le gouvernement ou les propriétaires de l'immeuble exempt des services? Cela peut être sur différentes bases. Cela peut être sur le coût réel d'installation des services, par exemple, pour rendre un tuyau d'égout et d'aqueduc à un cégep, à un hôpital situé à un quart de mille à l'extérieur. Cela peut s'évaluer, ces coûts-là. Cela peut être sur une base de tarification, tant du gallonnage. Enfin, la base n'est pas précisée dans la loi. Les municipalités peuvent la déterminer selon leurs coûts réels, leurs coûts effectifs. Je voudrais terminer, M. le Président, en disant que j'ai pris bonne note de la suggestion du député de Saint-Hyacinthe sur la création de réserves foncières pour des fins d'habitation par les municipalités.

Actuellement, au Québec, c'est vrai, il n'y a que six municipalités qui ont ce pouvoir d'acquérir des immeubles pour des fins autres que municipales. Montréal en est une, Sainte-Foy en est une autre; il y en a six seulement qui ont ce pouvoir dans leurs charges. Je pense qu'effectivement nous devrions nous orienter vers une politique foncière où les municipalités pourraient ou bien se porter acquéreurs de terrains pour des fins d'habitation ou bien, en tout cas, en faciliter l'utilisation pour ces fins. Je dois dire qu'au niveau des principes je suis tout à fait d'accord. J'ai une équipe qui est au travail là-dessus. C'est une question complexe. On comprendra qu'on ne veut pas que les municipalités se servent des deniers publics pour acheter des terrains à prix chers pour ensuite les céder à vil prix à des promoteurs.

Je pense qu'avec les balises qui pourraient être contenues dans un tel projet de loi... Au niveau du principe, je suis totalement d'accord et j'inviterais le député de Saint-Hyacinthe à s'en souvenir lorsqu'un projet de loi à cet effet sera déposé devant cette Chambre. Merci.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 112, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation foncière, sera adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture du projet de loi.

Le Vice-Président: Sur division? Adopté sur division. Oui, adopté sur division.

M. le leader parlementaire suppléant.

Renvoi à la commission des affaires municipales

M. Lessard: M. le Président, je voudrais faire une motion de renvoi à la commission parlementaire des affaires municipales.

Le Vice-Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. Lessard: M. le Président, j'appellerais l'article 140...

M. Lamontagne: Question de règlement.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: C'est à vous que je voudrais m'adresser, M. le Président. Depuis quelques jours, nous réclamons, quant à nous, une réunion des leaders de tous les partis à l'Assemblée nationale pour essayer de mieux coordonner nos travaux. Je ne crois pas, M. le Président, qu'il soit tout à fait normal de commencer un projet de loi, l'étude d'un projet de loi important à minuit moins quart. La meilleure preuve c'est que le ministre des Transports, je lui en sais gré, doit agir ce soir

à titre de leader du gouvernement, les trois sont mêmes absents. Je sollicite que dès demain il y ait une meilleure organisation des travaux et que vous-même, M. le Président, vous suggériez fortement à tous les membres de cette Assemblée de prendre ce soir une bonne nuit de repos. Nous avons commencé un nouvel horaire lundi avec une journée de tempête. Les députés ont eu de la difficulté à venir ici, jusqu'à 12 h 45 mardi, jusqu'à 1 h 45 ce soir, on commence, 23 h 45, pour peut-être se rendre jusqu'à 2 heures. Je suggérerais, dès demain matin, une réunion des leaders pour essayer de voir comment nous pourrons faire fonctionner nos travaux parce que tout le long de la semaine et les semaines subséquentes nous aurons, l'Union Nationale, nous-mêmes et d'autres à donner notre consentement continuel pour la bonne marche des travaux.

Nous vous assurons dès à présent notre collaboration, mais nous voudrions également demander à la présidence de voir à une bonne marche régulière des travaux pour une fin de session sans exagération. J'ai l'impression qu'on est en train d'exagérer.

M. Lessard: M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire suppléant.

M. Lessard: Je pense qu'il y a quand même eu des discussions entre les leaders parlementaires pour que nous puissions engager la discussion, ce soir, sur le projet de loi no 106 concernant la ville de Saint-Eustache. D'ailleurs les représentants de la ville de Saint-Eustache sont ici. Je pense que c'était entendu entre les différents leaders et c'est pourquoi nous appelons l'article 140, soit le projet de loi no 106 concernant Saint-Eustache.

Le Vice-Président: M. le député de Roberval, pour répondre à votre question, vous pouvez être assuré...

M. Lamontagne: Question de règlement, M. le Président; je voudrais informer, par votre intermédiaire, le leader et tous ceux qui agissent comme leaders adjoints, que dès demain matin, à toutes les fois que vous nous demanderez notre consentement — et vous savez combien de fois vous aurez à le demander — dès demain, nous y songerons sérieusement. Tout le long de la journée, depuis hier soir, nos travaux ont été modifiés. Hier soir, on nous a informés des travaux; lisez le journal des Débats et ce ne sont pas ceux sur lesquels nous discutons aujourd'hui. Nous arrivons avec différents projets de loi, mais ce que je porte à l'attention du ministre des Transports, c'est qu'à cette heure, quel que soit l'arrangement... La commission va arrêter à minuit, il me semble que rendu à minuit, au lieu d'offrir une augmentation de salaire aux députés par un projet de loi déposé, mettez-les en temps supplémentaire.

M. Lessard: M. le Président, je soulève une question de règlement. Jusqu'ici on a tenté quand même d'avoir la collaboration de l'Opposition. Depuis deux ans, nous avons toujours essayé de siéger ici à l'Assemblée nationale selon des heures normales, mais nous n'avons pas connu la même situation dans le passé. Parce que, comme ancien député, je peux dire que j'ai eu l'occasion de siéger jusqu'à 5 heures et 6 heures du matin.

Le Vice-Président: Un instant! À minuit moins douze il y en a trois qui se lèvent.

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Très calmement, M. le Président, et pour tenter de répondre au député de Lamontagne, mon bon ami le député de Roberval...

M. Lamontagne: Même vous, là...

M. Bertrand: On peut même commettre des impairs. Le député laissera peut-être un jour son nom au comté dont il est le député en ce moment.

M. Lamontagne: Je ne me rendrai pas jusque-là.

Le Vice-Président: S'il vous plaît!

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement indiquer que le député de Roberval laisse sous-entendre que nous avons un certain nombre de problèmes au niveau de l'organisation du travail à l'Assemblée nationale. Je voudrais simplement indiquer que cet après-midi, j'avais dit qu'après avoir étudié le projet de loi no 103 déposé par le ministre des Affaires sociales, après avoir étudié ce projet de loi, nous entreprendrions l'étude du projet de loi no 84. C'est ce que j'avais dit. Une entente est intervenue à l'heure du souper, à la faveur d'ailleurs de l'Opposition officielle qui a donné son accord total pour que la commission parlementaire des affaires municipales siège sur le projet de loi no 84 lundi et que les discours en deuxième lecture aient lieu mardi, entente conclue à la satisfaction de l'Opposition officielle.

Ce soir, nous avions un ordre de travail qui était le suivant; Nous poursuivions l'examen du projet de loi du ministre des Affaires sociales, et par la suite, nous entreprenions l'étude du projet de loi sur les municipalités de l'Outaouais, par la suite sur la ville de Saint-Eustache, et par la suite sur l'évaluation foncière. Je me suis fait dire par l'Opposition officielle que si nous avions, par malheur pour nous-mêmes, semble-t-il, l'audace d'entreprendre l'étude du projet de loi sur les municipalités de l'Outaouais, que cela pourrait chauffer. J'ai accepté, à ce moment, de faire un certain nombre de propositions au ministre des Affaires municipales, à la suggestion de l'Opposition officielle, pour que nous étudiions les projets de loi de Saint-Eustache et celui sur l'évalua-

tion foncière, ce qui fut fait, ce qui fut conclu à l'entendement de l'ensemble des Partis, libéral, Union Nationale, Parti québécois, à 9 h 50. À 10 h 20 le consentement était retiré. (23 h 50)

L'Opposition officielle pouvait avoir ses raisons, mais, à ce moment-là, vous comprendrez que nous nous trouvions dans une situation passablement délicate, ayant obtenu un consentement et nous trouvant placés dans une situation où le ministre ne se trouvait plus capable de savoir exactement ce que l'Opposition voulait discuter avec nous: évaluation, Saint-Eustache, Buckingham, etc. Dans un tel contexte, nous avons entrepris, avec l'accord de l'Opposition officielle, l'étude du projet de loi sur l'évaluation foncière, nous l'avons adopté. Nous pensons qu'à ce stade-ci, nous pouvons entreprendre l'étude du projet de loi sur la ville de Saint-Eustache, d'autant plus que l'Opposition officielle avait offert sa collaboration là-dessus.

Je veux simplement indiquer par là, que loin de nous de vouloir empêcher la collaboration, nous l'avons tellement offerte, autant sur le projet de loi 84 que sur le projet de loi touchant les municipalités de l'Outaouais, que sur le projet de loi 103, que je ne comprends pas l'intervention du député de Roberval qui dit: Où s'en va le gouvernement dans toute son organisation de travail? Je dis, au contraire: Pourquoi l'Opposition nous refuse-t-elle des consentements une demi-heure après nous les avoir accordés, alors que déjà, à cette heure-ci, nous aurions terminé l'étude des projets de loi sur l'évaluation foncière et sur la ville de Saint-Eustache, n'eussent été des problèmes que nous avons rencontrés, qui n'étaient certainement pas causés par la mauvaise volonté du gouvernement.

M. le Président, à cause de cela, j'appelle effectivement l'article 140 du projet de loi no 106, inscrit au nom du ministre des Affaires municipales et modifiant la Charte de la municipalité de Saint-Eustache.

Le Vice-Président: D'accord, Mme le député de L'Acadie, question de règlement?

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le Président. Le leader adjoint...

Le Vice-Président: S'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Je pourrais faire passer un examen aux gens de l'autre côté de la Chambre aussi, sur les différents articles de notre règlement Le leader adjoint du gouvernement a laissé entendre qu'il nous avait fait une concession à l'égard du projet de loi 84. Je voudrais quand même vous dire que c'est le gouvernement qui nous a offert le choix d'en reporter l'étude à mardi, après l'audition en commission parlementaire des groupes qui veulent se faire entendre sur le projet de loi no 84, ce qui est beaucoup plus normal que de le faire après une deuxième lecture et aussi, avec l'entente qu'à ce moment-là, le nombre d'interventions du côté de l'Opposition serait limité à quelques-unes. Ce sont des conditions qui ont été mises de l'avant et, à ce moment-ci, vous nous apportez cela comme étant une faveur que vous nous avez accordée. Je pense que le donnant donnant était à partir du nombre d'interventions que nous ferions en deuxième lecture sur le projet de loi 84. Je tenais à rectifier cela.

Le Vice-Président: D'accord. À supposer que ce soit une question de règlement. M. le député de Mégantic-Compton, question de règlement aussi?

M. Grenier: Je n'ai quasiment plus de ressorts. On nous dit qu'on a donné notre consentement sur bien des choses. Bien honnêtement, depuis 17 ou 18 heures ce soir, on nous informe des décisions qui sont prises entre le gouvernement et le Parti libéral. On dit: Oui et on dit: Oui et, des fois, on dit: "Noui", on ne le sait pas.

Hier, je n'ai pas l'impression qu'on a servi la cause du Québec pendant de nombreuses heures dans la soirée, mais, aujourd'hui, je pense qu'on a fait une bonne journée de travail et il semble bien que, rendu à cette heure-là, il est 23 h 55, on est sur pieds depuis 7 heures ce matin... Le meilleur de mes lumières a été donné à l'avantage des Québécois, je peux vous dire cela, et je ne vois pas ce que l'on peut donner de bien fort à partir de 24 h, il faudra être encore sur pieds demain matin à 8 heures. On n'est pas encore rendus au 20 décembre et j'aimerais qu'on aille se coucher, ce serait une bien bonne affaire.

Le Vice-Président: Je vais donner une chance à M. le leader parlementaire adjoint.

M. Bertrand: En toute légitimité pour le député de L'Acadie, je voudrais lui donner raison sur les précisions qu'elle a apportées. Il y a eu, effectivement, négociation et je pense qu'il y avait du donnant donnant, je vous l'accorde.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

M. Bertrand: Très bien. Ceci étant dit, je voudrais dire au député de Mégantic-Compton que nous avons bénéficié de ses lumières dans l'étude des quatre projets de loi du ministre des Affaires sociales; je pense qu'il y a eu un effort majeur du député de Mégantic-Compton, au cours des deux dernières journées, mais vous avez peut-être remarqué que, ce soir, mercredi, troisième journée de cette semaine, c'est la soirée où cela va le mieux; cela va tellement bien que, le député de Mégantic-Compton ayant épuisé toutes les lumières dont il disposait, nous pourrions peut-être maintenant transporter les feux de la rampe sur le député de Saint-Hyacinthe qui, lui, n'en manque pas...

M. Grenier: Les multiples lumières de l'arbre de Noël!

M. Bertrand: ... et est tout à fait disposé à apporter un éclairage sur le projet de loi que le

ministre va maintenant présenter en deuxième lecture, soit celui touchant la ville de Saint-Eustache.

Le Vice-Président: Un instant! M. le député de Mont-Royal, une question de règlement?

M. Ciaccia: M. le Président, à l'article 49.2... Le Vice-Président: Question de privilège? M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: Je comprends cela tout de suite, même à cette heure-ci!

M. Ciaccia: Merci pour votre courtoisie, M. le Président; vous êtes toujours courtois.

M. le Président, le député de Saguenay a laissé entendre que c'est seulement quand le gouvernement libéral était au pouvoir qu'on siégeait après minuit...

Une voix: Ce n'est pas une question de privilège.

M. Ciaccia: ... il a aussi laissé entendre que le gouvernement actuel ne nous a pas laissés siéger. Ne nous a pas fait siéger après minuit. Je voudrais rectifier ce fait. Au mois de juin de cette année, avant l'ajournement d'été, nous avons siégé une fois jusqu'à 4 h 45 du matin et une autre fois jusqu'à 5 heures du matin. Je crois que c'était sur des projets de loi introduits par le ministre des Affaires municipales. Alors, je crois que les propos du député de Saguenay ne sont pas exacts.

Le Vice-Président: D'accord, le message est passé.

M. le député de Gatineau.

M. Lessard: On siégeait plus souvent quand les libéraux étaient de ce côté-ci de la Chambre.

Le Vice-Président: D'accord, M. le député de Gatineau, question de privilège ou de règlement?

M. Gratton: La même question de règlement, M. le Président; pourquoi n'y irais-je pas moi aussi?

Le Vice-Président: À cette heure-ci?

M. Gratton: Le leader adjoint du gouvernement a mentionné une espèce d'entente qui, a-t-il dit, a eu lieu vers 9 h 50, ce soir, à savoir qu'on étudierait d'abord le projet de loi 112 et ensuite le projet de loi 106. J'en conviens, j'étais partie à cette entente. Sauf qu'à 21 h 50, on s'imaginait bien que ce ne serait pas à minuit qu'on nous appellerait le projet de loi 106 pour étude en deuxième lecture. J'ai l'habitude d'être franc et je dis tout de suite au leader adjoint que si le ministre des Affaires municipales veut faire son discours, tant mieux, on l'écoutera avec grande attention. Quant à moi, je n'ai pas l'intention d'intervenir en deuxième lecture et, étant critique officiel de l'Opposition officielle, en matières d'affaires municipales, je ne le ferai pas. Si je dois m'exécuter, M. le Président, je présenterai une motion d'ajournement qu'on débattra, on convoquera le quorum et on exigera qu'il existe en tout temps et je promets une très bonne nuit à tout le monde, du côté du gouvernement.

M. le Président, en terminant, j'ajouterai que si c'est cela la revalorisation du rôle du député, la réforme parlementaire que ce gouvernement nous prône et nous crie dans les oreilles depuis deux ans, si c'est cela de commencer l'étude d'un projet de loi, qui met en cause non seulement la municipalité dont le maire est ici, pourquoi ne pas adopter aussi le projet de loi 119 sur la municipalité de Buckingham, parce que, justement, le maire de Buckingham est également ici? S'il y en avait un autre, on pourrait peut-être trouver un autre projet de loi.

M. le Président, ce n'est pas revaloriser le rôle du député...

M. Tardif: M. le Président, j'accepte la suggestion du député de Gatineau, je suis prêt à passer aux deux.

M. Gratton: M. le ministre des Affaires municipales fait de l'humour, M. le Président, c'est très drôle!

Le Vice-Président: À l'ordre!

M. Gratton: Je n'ai pas fini, M. le Président, je dis donc que si c'est cela, la réforme parlementaire et la revalorisation de nos institutions parlementaires, que de demander à des députés d'entreprendre l'étude du projet de loi qui est important, non seulement pour la municipalité de Saint-Eustache, mais qui est important pour un grand nombre de personnes dans cette municipalité et qui crée, en quelque sorte, un certain précédent, moi, je ne marche pas et je dis au gouvernement qu'il en subira les conséquences.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Tardif: M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant!

M. le ministre des Affaires municipales. (minuit)

M. Tardif: Est-ce que je dois comprendre, par l'intervention du député de Gatineau, qu'il préférerait qu'on aborde le projet de loi touchant une municipalité de sa région avant celui de Saint-Eustache, auquel cas je suis également prêt, c'est-à-dire le projet de loi touchant Buckingham?

M. Lamontagne: M. le Président, je pense...

Le Vice-Président: Un instant. M. le député de Roberval. Un instant.

M. Gratton: M. le Président, la question m'est posée, je vais répondre tout de suite.

Le Vice-Président: D'accord.

M. Gratton: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. J'ai dit qu'à minuit, on ne commençait pas l'étude d'un projet de loi, surtout pas celui de Buckingham, et le ministre en est fort conscient. Je ne le trouve pas drôle encore cette fois-ci.

M. Bertrand: M. le Président, avant de vous...

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: ... inviter de nouveau, comme nous l'avons fait vers 11 h 45, à appeler l'article 140, je voudrais tout simplement dire au député de Gatineau qu'avec tout le respect que je lui dois, et je pense que je vais respecter ce genre d'obligation que nous fait le règlement de l'Assemblée nationale, il admettra que nous n'avons certainement pas manqué de bonne volonté, parce qu'à l'heure où l'on se parle, justement, et à l'heure où il dit qu'il est un peu tard pour appeler le projet de loi sur la ville de Saint-Eustache, nous serions en train de discuter du projet de loi de la ville de Buckingham, n'eût été notre bonne volonté et de notre effort pour organiser le travail...

M. Gratton: C'est faux, c'est faux. M. le Président...

Le Vice-Président: Comme nous sommes rendus déjà à demain, je vous accorde votre question de privilège.

M. Gratton: M. le Président, si le gouvernement s'est rendu à notre demande de ne pas aborder l'étude du projet de loi 119 sur la ville de Buckingham, c'est qu'il sait qu'on a l'intention de faire une bataille à mort sur le projet.

Le Vice-Président: À l'ordre!

M. Lamontagne: Les commissions ne siègent plus à partir de minuit. Appelez les députés pour le quorum.

Le Vice-Président: C'est exact, M. le député de Roberval. Que l'on appelle les députés.

Mme le Vice-Président: À l'ordre! Nous avons effectivement quorum. S'il vous plaît! M. le député de Saint-Hyacinthe, M. le député de Lac-Saint-Jean, M. le député de Sainte-Anne, M. le député de Mégantic-Compton, ora pro nobis, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Affaires municipales. M. le whip en chef du parti ministériel, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous avons effectivement quorum. M. le leader adjoint du gouvernement, quel article appeliez-vous, s'il vous plaît?

M. Bertrand: Toujours le même depuis 11 h 45, Mme la Présidente; l'article 140).

Projet de loi no 106 Deuxième lecture

Mme le Vice-Président: À l'article 140), M. le ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi 106, Loi concernant la ville de Saint-Eustache.

M. le ministre.

M. Guy Tardif

M. Tardif: Mme la Présidente, au cours du mois d'avril 1978, des émanations de vapeur gazeuse causées par l'infiltration de produits pétroliers ont été détectées dans la ville de Saint-Eustache. À la suite de deux explosions qui se sont produites les 11 et 12 avril 1978, la station de pompage de la ville, ayant été en grande partie détruite et quatre personnes ayant été blessées, le conseil de la ville de Saint-Eustache a dû prendre certaines mesures urgentes afin de protéger sa population. Ces mesures ont consisté notamment en l'évacuation des personnes habitant dans la zone dangereuse et à leur relogement dans un autre secteur de la ville, en l'exécution de travaux visant à déterminer la quantité et la localisation de produits pétroliers répandus sur la nappe phréatique ainsi qu'à leur élimination et à l'engagement de consultants à ces fins. Accessoirement, le conseil a mis sur pied et assuré les frais de subsistance d'une équipe de bénévoles qui assistaient les policiers pour la surveillance de la zone évacuée. Il est à noter qu'aucun acte de vandalisme n'a été rapporté dans la zone ainsi évacuée et surveillée.

Devant l'impossibilité de la ville de Saint-Eustache d'éliminer entièrement les produits pétroliers ainsi infiltrés dans son sous-sol, des travaux ont été entrepris afin d'éviter de revivre l'expérience du printemps dernier. Sur le plan strictement légal, le conseil de la ville de Saint-Eustache a posé, dans le cadre de l'état d'urgence et en toute bonne foi, dans le but de protéger les personnes et les biens, des gestes pour lesquels il n'avait aucune habilitation législative. De plus, la situation exigeant une intervention rapide, le conseil a procédé sans observer les formalités prescrites par la loi. (0 h 10)

Le présent projet de loi empêche donc que soit fondée sur des motifs de l'absence d'inhabili-tation législative l'omission d'une formalité même impérative et de l'inobservation d'une disposition législative, une action en inhabilité ou en responsabilité civile ou pénale contre un membre du conseil de la ville de Saint-Eustache ou un fonctionnaire de celle-ci en raison d'actes accomplis concernant l'état d'urgence qui a prévalu au printemps 1978 dans cette ville. Le projet de loi empêche également qu'un règlement ou une réso-

lution du conseil soit cassé ou annulé pour les mêmes motifs.

Il importe de souligner ici, cependant, que ce projet de loi n'empêche aucunement les recours en dommages-intérêts fondés sur des motifs autres que ceux qui y sont énumérés. De plus, la ville de Saint-Eustache nous informait que les travaux effectués présentement ne comportent pas toutes les garanties que la situation ne pourra pas se reproduire le printemps prochain. À cet effet, le ministre de la Justice, responsable de la protection civile, et le ministre délégué à l'Environnement sont bien au fait de la situation et peuvent assurer cette municipalité de leur intervention rapide si des événements similaires devaient se reproduire.

Parmi les autres éléments à ajouter, il y a d'abord le fait que cette loi a un effet rétroactif au 11 avril 1978, que cette loi est déposée à la suite d'une résolution du conseil de la ville de Saint-Eustache priant le gouvernement d'adopter cette loi, résolution no 78408 adoptée le 10 juillet 1978 et que nous aurions pu procéder, dans ce cas, par voie de projet de loi privé. Si nous avons jugé préférable de le faire par une loi publique, c'est qu'il nous semblait bon d'éviter aux contribuables les frais d'un projet de loi privé pour rectifier, somme toute, une situation qui n'est pas de leur volonté, ni de leur responsabilité.

Des représentations ont été faites à mon cabinet par le procureur de cette municipalité quant au libellé d'un article. J'ai fait donner l'assurance par les membres de mon cabinet que, lors de l'étude en commission parlementaire article par article, j'étais tout à fait ouvert à la reformulation de l'article en question. Enfin, il me semble que ce projet de loi, qui vise en quelque sorte à régulariser une série de gestes posés par cette municipalité en période d'urgence, devrait être adopté sans difficulté. Merci.

M. Fontaine: Est-ce que le ministre me permettrait une question qui pourrait peut-être faire avancer le débat, si le ministre peut y répondre? Selon nos renseignements, il y aurait contre la ville actuellement des poursuites pour $2 514 000. Est-ce que la loi aura pour effet de mettre fin à ces poursuites et d'en empêcher de futures? On sait qu'on a deux ans pour réclamer en dommages-intérêts. Est-ce que cette loi va empêcher ces poursuites?

Mme le Vice-Président: M. le ministre.

M. Tardif: La loi, Mme le Président, vise en effet à assurer aux membres du conseil et à la municipalité, en fait, une protection contre toute poursuite pour les gestes qu'ils ont posés de bonne foi dans cet état d'urgence.

Mme le Vice-Président: M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: Question additionnelle, Mme la Présidente. Pour un meilleur éclairage, est-ce que la municipalité de Saint-Eustache avait des polices d'assurance contre de tels événements?

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: Mme la Présidente, c'est une question qui est peut-être une réponse dans le dossier que j'ai ici. Je ne saurais immédiatement la donner, mais je présume que toutes les municipalités ont généralement des polices d'assurances pour réclamation en responsabilité.

M. Lamontagne: Est-ce que vous pourriez avoir cette information en quelques minutes, dune façon ou d'une autre?

M. Tardif: À cette heure, il n'y a plus beaucoup de fonctionnaires.

M. Lamontagne: C'est très important.

M. Tardif: Je peux m'engager à la fournir en commission parlementaire.

M. Lamontagne: C'est la base même du débat que vous proposez.

M. Tardif: À cette heure, cela m'est impossible de le faire.

M. Lamontagne: ... que je vous disais tout à l'heure. Question fort importante.

Mme le Vice-Président: Alors, M. le ministre, vous avez terminé votre intervention?

M. Lavoie: Une question, madame, pour accélérer le débat.

Mme le Vice-Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: Le ministre des Affaires municipales nous a parlé d'un certain amendement qu'il désirait proposer. Est-ce que vous avez dit, dans votre intervention, que vous avez l'intention de soumettre un amendement qui pourrait clarifier certains articles?

M. Tardif: Non, Mme la Présidente. J'ai dit que j'étais ouvert à une reformulation d'un article, plus précisément, en fait, l'article 2, et qu'un texte devait nous être soumis, mais il me semblait que, ceci ne devant pas changer le principe même du projet de loi, ce n'était pas à ce moment-ci que nous pouvions l'adopter. Maintenant, Mme la Présidente, je tiens à préciser qu'une foule de gestes ont été posés, tels que l'adoption d'un règlement d'emprunt, des mesures et des dépenses ont été faites pour reloger, déplacer des gens, évacuer 544 familles. Ce sont tous des gestes que, normalement, une municipalité n'a pas le pouvoir de poser en vertu de la Loi des cités et villes.

Il s'agit donc, encore une fois, de faire en sorte que ce qui a été fait à l'occasion de cet état

d'urgence, c'est-à-dire le déplacement de ces 544 familles, de ces quelque 40 commerces qui ont été temporairement fermés, ne soit pas, encore une fois, entaché de poursuite.

M. Lalonde: Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voudrais demander, si le ministre le permet encore une fois dans un effort de faire accélérer les travaux, est-ce que le terme qu'il est prêt à modifier ou enfin qu'il fait examiner serait la fin du premier alinéa de l'article 2, à savoir, l'inobservation d'une disposition législative?

M. Tardif: C'est exact.

M. Lalonde: Mme le Président, j'aurais une question de règlement à soulever ici. Le ministre vient de dire: C'est exact. Je ne sais pas si cela a été enregistré. Donc, la réponse du ministre confirme qu'un des principes — il y en a quelques-uns dans ce projet de loi comme dans tout projet de loi — un des principes, un principe important, à savoir que l'inobservation d'une disposition législative pourrait être excusée par ce projet de loi, est appelé à être changé par le ministre, à un moment donné, je ne sais pas quand exactement, cette nuit ou au moment de l'étude article par article.

Mme la Présidente, ma question de règlement est la suivante: Comment pouvons-nous, à cette Assemblée, faire un débat sur le principe de ce projet de loi, alors que le ministre vient de nous dire qu'un des principes de ce projet de loi est sujet à changement. Je ne veux pas en faire une question de procédure, mais j'inviterais le leader adjoint du gouvernement à considérer la possibilité de soit reporter l'étude de ce projet de loi à demain, ou enfin à bientôt, une fois que le ministre aura fait son lit — aujourd'hui, parce qu'on est rendu à 24 h 20 — et qu'il saura exactement ce qu'il veut nous offrir comme principe. Je demande au leader adjoint du gouvernement de réagir à cette suggestion.

Mme le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, je réagis ainsi à ce que vient de dire le député de Marguerite-Bourgeoys. Comme l'a indiqué le ministre, il a l'intention d'apporter en commission parlementaire, au moment de l'étude article par article, une modification, comme le disait le député de Marguerite-Bourgeoys, sur les derniers mots du premier paragraphe de l'article 2. (0 h 20)

Comme le député de Marguerite-Bourgeoys est déjà au courant que le ministre compte apporter une modification et que le ministre est sans doute en mesure de dire dans quel sens cette modification serait apportée, je pense que l'As- semblée nationale jouit à ce moment d'une information suffisamment importante pour être en mesure de savoir quelles sont les intentions du gouvernement et surtout d'avoir l'assurance qu'au moment de l'étude article par article en commission parlementaire, effectivement et précisément à cet endroit, il y aura possibilité d'une discussion sur le genre d'amendement qui sera apporté et sur lequel, je pense, le ministre ne s'est pas caché pour dévoiler ses intentions. Dans un tel contexte, Mme la Présidente, sur un projet de loi qui a cinq articles et dans lequel projet de loi, dans le fond, l'Opposition sait fort bien quelle est l'intention visée par le gouvernement pour répondre aux demandes de la ville de Saint-Eustache, je pense qu'à ce moment-ci on pourrait fort bien disposer en deuxième lecture du projet de loi, en sachant d'avance sur quoi exactement va porter l'amendement qui sera apporté en commission parlementaire, parce que le ministre l'a indiqué et que ses intentions sont très claires à ce point de vue.

Alors, je pense qu'il n'y a aucun problème, il s'agit simplement de se rendre en commission parlementaire et de faire la modification, sans doute avec peut-être une précision que l'Opposition officielle va nous apporter sur le sens qui devrait être donné à l'amendement apporté par le gouvernement. Là-dessus, nous n'avons aucune objection de poursuivre le débat en ce moment sur la façon dont l'Opposition officielle voit cet amendement pour aider le ministre au moment de la formulation en commission parlementaire.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, Mme la Présidente, avant que vous nous disiez quelle est votre décision, à savoir si cette Assemblée est habilitée actuellement à discuter en deuxième lecture de ce projet de loi. Les propos que j'ai écoutés attentivement du député de Vanier sont clairs. Le ministre a décidé de changer d'idée sur un principe, et nous l'acceptons. Mais c'est sur une partie importante qui, d'après moi, d'ailleurs je le soumets à votre jugement, est un des principes de ce projet de loi. Nous savons que le ministre a décidé de changer d'idée, mais nous ne savons pas quel principe il va nous offrir, il va nous proposer en échange. Comment pouvons-nous, à ce moment, discuter en toute connaissance de cause, Mme la Présidente? C'est la question que je vous pose.

M. Lessard: Question de règlement.

M. de Bellefeuille: Mme le Président, sur une question de règlement.

Mme le Vice-Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: J'estime, Mme la Présidente, que le principe de ce projet de loi c'est de savoir si la ville de Saint-Eustache a eu raison d'agir vite ou bien si elle aurait dû se traîner les pieds sous prétexte qu'il y avait des exigences, des règlements à faire adopter, etc. C'est cela le

principe. Je pense que personne ne peut douter du bien-fondé du principe de ce projet de loi.

M. Forget: Mme la Présidente, sur cette question.

M. Lessard: Mme le Président, je soulève une question de règlement.

Mme le Vice-Président: J'entendrai les deux questions de règlement de ceux qui veulent intervenir maintenant, mais ce sera suffisant ensuite.

M. le ministre des Transports.

M. Lessard: Mme le Président, nous sommes actuellement en deuxième lecture d'un projet de loi. Le ministre des Affaires municipales a fait son discours de deuxième lecture et il est normal, comme on l'a fait dans le passé, que des amendements soient apportés au niveau de la commission parlementaire, soit par le ministre des Affaires municipales ou soit par l'Opposition. Maintenant, c'est que nous en sommes rendus actuellement à une période de questions. Je dois vous dire que, si les députés de l'Opposition officielle veulent faire un discours sur la deuxième lecture, qu'ils le fassent, c'est leur droit, nous allons les écouter, nous sommes à ce niveau actuellement, au niveau du discours de deuxième lecture. En ce qui concerne la commission parlementaire et les questions qui peuvent être posées au ministre des Affaires municipales, il pourra y répondre en temps et lieu.

Mme le Vice-Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je ne suis pas un légiste, mais je suis quand même capable, je pense, de comprendre qu'il y a au moins deux principes dans l'article 2 de ce projet de loi. Il y a d'abord un principe qui fait que les irrégularités formelles qui ont pu être commises, c'est-à-dire la non-approbation par la Commission municipale, par le ministre des Affaires municipales etc., ne vicient pas les actes posés, c'est un premier principe qui me semble incorporé dans le deuxième alinéa de l'article 2. Et l'autre principe semble être un pardon rétroactif donné à toute erreur qui aurait pu être commise, même si les actes sont techniquement valables. Toute erreur, toute responsabilité de la municipalité ou d'un fonctionnaire qui aurait pu être engagé est ipso facto considérée comme ne s'étant pas produite et ne donne pas ouverture au recours ordinaire de la loi. Ce principe il est modifié de façon importante par la déclaration hypothétique que vient de formuler le ministre des Affaires municipales et nous rend incapables de juger si oui ou non nous pouvons approuver en deuxième lecture le projet de loi.

Mme le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Affaires municipales voudrait-il intervenir? J'accepterais une seule intervention maintenant.

M. Tardif: Mme la Présidente, ce qu'il est important, je pense, de répéter ici, c'est que ce que le député de Saint-Laurent appelle une espèce de pardon général pour tous les faits et gestes qui auraient été posés par des fonctionnaires ou employés de la municipalité, c'est toujours uniquement en rapport avec les événements survenus. C'est ce que dit l'article 2, et si ce n'était pas assez précis, je présume que le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait nous faire part en commission parlementaire de ses lumières pour mieux cerner encore le libellé. Mais c'est bien évident que si quelqu'un, à l'occasion des événements en question, avait dérogé à l'une quelconque des dispositions du Code pénal, avait commis des actes, ou des infractions frauduleuses, criminelles, il ne serait pas à l'abri des poursuites qui pourraient être intentées contre lui. Je parle des fonctionnaires et conseillers municipaux qui, de bonne foi, ont engagé les deniers publics contrairement aux stipulations de la Loi des cités et villes, de la Loi des travaux municipaux, de la Loi de la commission municipale. Encore une fois, je pense que, sur le plan du principe, il a été énoncé assez clairement, jusqu'à maintenant, qu'il ne devrait pas y avoir de discussion, mais j'ai dit que j'étais ouvert. Aux procureurs de la municipalité — je ne les ai pas rencontrés personnellement, les gens de mon cabinet les ont rencontrés — j'ai dit que j'étais ouvert à une reformulation de cet article qui vise justement à mieux cerner encore de quoi il s'agit. J'en donne ma parole devant cette Chambre. En commission parlementaire il me fera plaisir d'accepter les suggestions de l'Opposition pour parvenir aux fins souhaitées.

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition officielle, j'avais dit que je n'accepterais plus d'intervention, à moins que vous n'apportiez un élément tout à fait nouveau... Oui? Alors, M. le leader parlementaire, je vous entendrai.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, j'écoute un peu comme spectateur et observateur les échanges. Je me demande si nous n'avons pas devant nous le cas de l'étude d'un projet de loi qui, à mon sens, aurait dû être étudié en commission parlementaire avant qu'on ait à se prononcer sur le principe et sur la deuxième lecture. Je vous souligne qu'une loi concernant une ville, ordinairement et souvent, est étudiée après la première lecture, pour que ces détails, assez importants — même qui touchent un principe important — puissent recevoir le plus de lumières possible, et ces lumières-là viennent normalement en commission parlementaire. Même si on en discutait toute la soirée et toute la nuit, on ne pourrait peut-être pas arriver à une conclusion. Est-ce que ce ne serait pas un règlement honorable que de pouvoir entendre le ministre, au moins, ou d'autres témoins, si la commission le juge à propos, et à ce moment-là on pourrait peut-être être en meilleur... Je donnerais mon consentement et je pense bien que l'Opposition officielle donne-

rait son consentement pour avoir, dès demain matin, une courte commission parlementaire, pour que ces échanges puissent avoir lieu et que le libellé, peut-être, puisse être modifié. C'est une suggestion que je fais, je n'y tiens pas plus que cela. Mme la Présidente, vous m'avez demandé si j'avais un élément nouveau. Humblement, modestement, c'est un élément nouveau que je voulais apporter.

M. Bertrand: Mme la Présidente...

Mme le Vice-Président: Écoutez, c'est quand même un projet de loi public. En deuxième lecture, nous discutons sur les principes, le bien-fondé, là-propos d'un projet de loi. En commission parlementaire, M. le ministre parle d'un amendement. (0 h 30)

Ce n'est pas à moi de décider quelle sorte d'amendement il proposera. Cette commission parlementaire des affaires municipales pourrait accepter ou refuser cet amendement. Ce n'est pas à moi de décider de ce que fera la commission parlementaire. Je pense que la question est purement hypothétique.

M. Bertrand: Je vais même aller plus loin que cela; je vais donner mon consentement à l'interprétation donnée par la présidence en qui j'ai une confiance absolument totale. Je pense que le jugement rendu est on ne peut plus convenable dans les circonstances, juste et raisonnable pour l'Opposition. Je donne mon consentement à l'interprétation que vient de donner madame la présidente.

Mme le Vice-Président: Je l'espère bien, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, je désire non pas intervenir à propos du règlement, mais dire deux mots dans le débat en deuxième lecture de ce projet de loi.

Mme le Vice-Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Le ministre a rappelé les circonstances. Je voudrais juste ajouter, puisque j'habite moi-même à Saint-Eustache, un témoignage de quelqu'un qui a vu ces événements se dérouler. Cela a été pour la population de Saint-Eustache, comme vous pouvez l'imaginer, un grand dérangement; il y a eu un moment de très grande inquiétude. Il n'y a pas matière à rire; je ne vois pas pourquoi certains de nos collègues en rient. Je tiens, dans les circonstances...

M. Lavoie: Écoutez là!

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

Mme le Vice-Président: Sur une question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): Je demanderais au député de Deux-Montagnes d'identifier ceux qui rient ou qui ont ri et c'est peut-être de son côté qu'il trouvera ceux qui ricanent le plus.

Mme le Vice-Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, je ne m'arrêterai pas, vu l'heure tardive, à ce petit "débaticule". Je tiens, Mme la Présidente, à féliciter la ville de Saint-Eustache d'avoir agi vite, puisque c'est cela, le principe du projet de loi; il s'agit de faire en sorte que la ville de Saint-Eustache ne soit nullement pénalisée, ne se trouve nullement dans l'illégalité parce qu'elle a agi vite. Non seulement elle a agi vite; elle a agi de façon efficace et elle a agi avec beaucoup d'humanité. Les dirigeants de la ville, les services gouvernementaux qui ont apporté leur concours, les bénévoles ont fait en sorte que la population de Saint-Eustache a pu traverser cette épreuve de la façon la plus paisible, la plus harmonieuse possible dans les circonstances. Je tiens à féliciter, en particulier, le maire de la ville de Saint-Eustache, Me Guy Bélisle, qui, dans ces circonstances, s'est révélé un organisateur hors pair, un animateur qui a été constamment présent auprès des familles évacuées, dont une certaine proportion n'ont pu réintégrer leur foyer que tard durant l'été. Vu que je suis convaincu que les autorités de la ville de Saint-Eustache ont bien agi, comme il faut agir dans des circonstances d'urgence, je voterai en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture.

Mme le Vice-Président: Vous désirez intervenir, M. le député de Gatineau?

M. Gratton: Mme la Présidente, je pense que vous devinez bien ce que je vais faire compte tenu des propos que j'ai tenus il y a un moment sur une question de règlement, alors que j'ai dit au leader adjoint du gouvernement que je ferais motion d'ajournement du débat si je me voyais dans l'obligation d'intervenir sur ce projet de loi. Je n'ai pas l'intention de faire le contraire de ce que j'ai déjà annoncé que je ferais, Mme la Présidente. Je fais donc une motion d'ajournement du débat en vertu de l'article 77 et je vous expliquerai pourquoi je fais cette motion. D'abord...

Mme le Vice-Président: J'ai presque envie de vous faire une taquinerie, M. le député, mais une motion en vertu de l'article 77 est une motion non annoncée. Je me demanderais presque si elle est recevable. De toute façon, allez-y donc!

M. Gratton: Je pense que, entre vous et moi, on sait qu'elle est recevable, Mme la Présidente. Je dirais donc...

M. Bertrand: Mme le Président...

Mme le Vice-Président: N'intervenez pas sur des questions de règlement. Je pense que je peux les avoir suscitées, M. le leader.

M. Bertrand: Douze secondes, c'est simplement pour m'assurer qu'à compter de maintenant, étant donné que la motion vient de nous être présentée, les dix minutes du député de Gatineau sont comptées?

Mme le Vice-Président: Évidemment. M. le député de Gatineau...

M. Gratton: Vous pensez peut-être que le secrétaire général de l'Assemblée nationale est ici strictement parce que le débat l'intéresse?

Mme le Vice-Président: ... vous avez dix minutes pour...

M. Gratton: ... qu'il n'est pas ici pour prendre également note du temps où je commence à parler?

Mme le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: II faudrait peut-être lui demander ce qu'il en pense de ce débat, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Sur cette motion...

Motion d'ajournement du débat

M. Michel Gratton

M. Gratton: Je fais donc motion pour ajourner ce débat, Mme la Présidente, pour une raison bien simple. C'est que demander à l'Assemblée nationale d'entreprendre l'étude d'un projet de loi en deuxième lecture, alors qu'il est déjà minuit — et demie maintenant, mais au moment où on a abordé l'étude du projet de loi, il était minuit, Mme la Présidente — pour ce même gouvernement qui se gargarise depuis deux ans qu'il est le gouvernement de la réforme électorale — je note d'ailleurs l'absence ce soir du ministre des Consommateurs, on sait ce qu'elle pense de l'institution parlementaire et j'ai hâte de la rencontrer demain pour lui demander ce qu'elle pense de la manoeuvre...

Des voix: Règlement!

Mme le Vice-Président: À l'ordre!

M. Gratton: II y a une question de règlement quelque part?

Mme le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Gratton: Vous avez une question de règlement, M. le ministre des Affaires municipales?

Mme le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: C'est une motion d'ajournement du débat, M. le ministre des Affaires municipales, j'ai l'intention de dire ce que j'ai à dire, quoi que vous en pensiez.

Le député de Deux-Montagnes, Mme la Présidente, disait tantôt: Le principe du projet de loi, c'est strictement de savoir si oui ou non le conseil municipal de Saint-Eustache a bien agi en agissant vite, au moment de cet état d'urgence, ou s'il aurait dû se traîner les pieds et laisser tout le monde, en quelque sorte, crever en attendant l'approbation de la commission municipale, en attendant la demande de...

M. Lessard: ... Mme la Présidente.

M Gratton: ... soumission pour des contrats...

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Transports, est-ce que je présume de vos intentions en me disant que vous allez faire appel à la pertinence du débat?

M. Lessard: Oui, exactement, Mme la Présidente, s'il s'agit de...

Mme le Vice-Président: Bon, alors, je pense que votre intervention pourrait être superflue, à moins que vous n'y teniez absolument.

M. Lessard: Je n'y tiens pas plus que cela, Mme la Présidente, en autant que...

Mme le Vice-Président: Alors, si vous voulez... M. Lessard: ... suivre la pertinence du débat.

Mme le Vice-Président: M. le député de Gatineau, je vous demanderais de nous dire pourquoi vous voulez que nous ajournions le débat.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, question de règlement. Je pense que les auteurs sont unanimes là-dessus, il y a une latitude assez forte, si l'on veut, lorsqu'il s'agit d'un débat sur l'ajournement d'un débat. À ce moment-là, Mme la Présidente, on ne parle pas du fond de la question, on parle d'une façon générale de l'opportunité de mettre fin au débat, mais il y a beaucoup de latitude à ce moment-là, il n'y a pas de projet de loi devant nous d'une façon particulière. On peut demander l'ajournement d'un débat et on peut demander l'ajournement de la Chambre et alors, je pense, la présidence est tenue par les règles ordinaires de la procédure parlementaire qui permet à l'opinant d'avoir des propos qui débordent largement, évidemment, le débat, qui devrait être plus restreint que sur une motion de deuxième lecture. Je pense bien que le député de Gatineau est parfaitement dans l'ordre de pouvoir établir, de la façon dont il l'entend — il n'a que dix minutes pour le faire — les raisons qui demandent l'ajournement du débat.

M. Bertrand: Je demande une directive, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Suite à cette intervention du député de Bonaventure, chef de l'Opposition parlementaire, je vous demande de rendre une directive interprétant l'article 77 qui, quant à nous, signifie que le député de Gatineau peut forcément parce que le règlement le lui permet, parler dix minutes pour l'ajournement du débat et que le débat qui est en cours est relatif à un projet de loi fort précis qui concerne la ville de Saint-Eustache et qu'il ne saurait être question que cet ajournement sur la nécessité d'ajourner le débat, et non sur le projet de loi de la ville de Saint-Eustache, se fasse en conformité avec ce débat et non pas d'autres débats que nous aurions pu avoir ce soir. Je vous demande de rendre une directive immédiatement, Mme la Présidente, conformément au règlement. (0 h 40)

Mme le Vice-Président: Vous aviez droit à dix minutes pour intervenir sur une motion d'ajournement du débat. Je vous demanderais de nous dire pourquoi vous voulez que nous ajournions maintenant ce débat sur le projet de loi concernant la ville de Sainte-Eustache.

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Mme le Président, je propose l'ajournement du débat même si je suis complètement d'accord que le conseil municipal de Saint-Eustache a agi de la meilleure façon possible, même si je considère que le conseil municipal de Saint-Eustache n'avait pas le choix de faire autrement, dans la mesure où on a pu l'établir, bien entendu, sans vérification policière. Même si nous sommes d'accord avec ce principe, il n'en demeure pas moins qu'il y a un deuxième principe dans ce projet de loi, principe qu'ont évoqué les députés de Saint-Laurent et de Marguerite-Bourgeoys, et sur lequel il nous est impossible de nous prononcer ce soir, compte tenu de l'indication que le ministre des Affaires municipales a donnée concernant un amendement qu'il pourrait possiblement apporter dont nous ne connaissons pas la nature exacte.

C'est donc, parmi plusieurs raisons, les principales. Il est 0 h 40 le lendemain du début de cette séance, bien entendu, nous sommes là depuis 15 heures, nous avons débattu plusieurs projets de loi, certains de mes collègues ont passé la journée en commission parlementaire — par exemple, sur le projet de loi 90 sur la protection du territoire agricole — et nous sommes là...

Une voix: ...

M. Gratton: Les sans-culottes ont quelque chose à dire?

Une voix: Pertinence du débat.

Mme le Vice-Président: M. le député de Sainte-Marie, M. le député de Gatineau a dix minutes... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député d'Arthabaska, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je disais donc, Mme la Présidente, que, alors que nous sommes là depuis 15 heures, le gouvernement — je ne sais pour quelles raisons — probablement par entêtement du leader adjoint du gouvernement qui veut laisser sa marque dans la grande réforme parlementaire entreprise par ce gouvernement, nous oblige à, non pas débattre cette motion d'ajournement, mais étudier un projet de loi dont les implications sont fort importantes pour un très grand nombre de personnes, où possiblement on créera un précédent juridique dont, personnellement — je l'admets en toute candeur, Mme la Présidente — je ne suis pas en mesure de mesurer toute l'importance à ce moment-ci.

C'est la principale raison pour laquelle je propose que l'Assemblée nationale ajourne non pas à demain, mais à ce matin, dix heures, c'est-à-dire dans environ neuf heures et quinze minutes, ce qui permettra au ministre de consulter ses légistes quant à la nature de l'amendement qu'il pourrait nous apporter et qui pourrait possiblement nous permettre d'adopter le projet de loi en deuxième lecture à ce moment-là. On n'aura pas perdu de temps puisque, au moins, on se sera assuré du côté de l'Opposition — il me semble que cela devrait être aussi important pour le côté ministériel — qu'en adoptant le projet de loi 112 on ne crée pas un précédent qu'on pourrait regretter éventuellement.

Mme le Vice-Président: 106.

M. Gratton: On a demandé au ministre des Affaires municipales de nous dire si la municipalité avait une police d'assurance qui donnerait une certaine garantie pour ceux qui auraient des recours contre la municipalité. Le ministre nous a dit: Comment voulez-vous que je vous réponde à cette heure-ci? Je ne peux rejoindre personne. Mais comment voulez-vous que nous, de l'Opposition, qui n'avons pas collaboré à la préparation du projet de loi, qui n'avons participé d'aucune façon à la réaction de ce projet de loi, puissions, si le ministre ne peut pas nous donner ces informations des plus sommaires et des plus...

Une voix: Elémentaires.

M. Gratton: ... élémentaires, continuer ce débat, d'adopter un principe dangereux sans prendre au moins la peine de présenter cette motion d'ajournement du débat que nous ne pouvons faire qu'une fois, mais peut-être bien qu'on trouvera autre chose plus tard, si le gouvernement continue à s'entêter.

Mme le Vice-Président: M. le député de Nicolet-Yamaska, dix minutes vous sont allouées.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Si je me lève, c'est en vertu de l'article 77 de notre

règlement qui permet à chaque parti d'intervenir pendant dix minutes sur une motion d'ajournement. Je voudrais vous dire que je ne comprends pas l'acharnement du gouvernement à vouloir faire adopter cette loi à tout prix, ce matin, à une heure moins le quart. Je pense que véritablement le gouvernement veut essayer de nous passer un sapin. L'Opposition ne se laissera pas faire ce soir, même s'il est tard.

Nous avons siégé toute la journée à l'Assemblée nationale et en commission et je pense que les députés de l'Opposition ont collaboré avec le gouvernement pour essayer de faire adopter le plus de lois possible. En commission parlementaire nous avons entendu des témoins et étudié des projets de loi article par article; même sur la réforme de la carte électorale, nous avons passé trois heures, assidus, cet après-midi, pour étudier cette nouvelle réforme.

Je pense que les députés ont donné des heures convenables de travail, d'un travail soutenu pendant toute la journée et qu'il serait raisonnable, ce soir, surtout devant un projet de loi qui, quand même, aborde une question aussi fondamentale, de consentement, d'ajourner nos travaux pour continuer demain à discuter de ce projet de loi à tête reposée. À ce moment, peut-être que le ministre des Affaires municipales pourra nous apporter d'autres arguments que ceux qu'il nous a apportés tantôt, ainsi peut-être que les amendements dont il nous a parlé et les renseignements qu'on lui a demandés.

J'appuie la motion d'ajournement, parce qu'on veut nous faire aborder une question fondamentale, à cette période de la nuit, qui serait le principe de cautionner une ingérence du législatif dans le judiciaire. Le ministre nous a dit tout à l'heure qu'on devrait abandonner certaines poursuites contre la municipalité. C'est une question fondamentale, et je ne pense pas que ce soit l'heure ce soir pour aborder ce problème.

Le ministre n'est pas prêt non plus à nous présenter son projet de loi. En deuxième lecture, il nous dit: J'aurai un amendement à vous présenter. Il ne nous dit pas ce que c'est, mais à force de l'interroger, on s'aperçoit que c'est un amendement qui porte sur le principe même de la loi. J'étais d'accord avec la suggestion du chef de l'Opposition officielle tantôt, lorsqu'il nous disait que ce projet de loi aurait dû être étudié en commission parlementaire, immédiatement après la première lecture. Cela nous aurait permis d'avoir ces amendements et de savoir véritablement de quel principe on discutait. Nous ne sommes pas prêts à discuter ce projet de loi, parce que l'amendement n'est pas formulé. Nous ne savons pas exactement sur quel principe on discutera. Également, le ministre manque de documentation. On lui a posé une question concernant les assurances. Il n'a pas été capable de nous répondre. C'est tout de même fondamental, pour savoir quelle position l'Opposition adoptera face à l'étude de ce projet de loi.

Mme le Président, je veux vous dire que si on veut penser que les autorités de Saint-Eustache ont bien agi en agissant rapidement, avec célérité, nous, les députés de l'Assemblée nationale, nous ne sommes pas obligés d'en faire autant. Il n'y a pas de sinistre ce soir, ici, à l'Assemblée nationale. Nous n'étudions pas le projet de loi no 94. Nous avons amplement de temps devant nous, jusqu'au 21 décembre, pour étudier ce projet de loi et avec la collaboration, tant du ministre que du leader adjoint du gouvernement, on pourra certainement régler cette question. Si le ministre nous informe que, par exemple, il a des modifications à apporter à l'article 2, qui pourraient régler les interrogations de l'Opposition, nous serions certainement en mesure de le faire, surtout s'il y avait, comme on l'a suggéré tout à l'heure, une commission parlementaire avant de continuer la deuxième lecture. À ce moment, le leader du gouvernement pourrait certainement être assuré de la collaboration de l'Opposition et on épargnerait énormément de temps et d'argent à la population du Québec et aux députés. (0 h 50)

Le Président: M. le député de Vanier.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, je veux simplement dire aux députés de l'Opposition que la seule raison fondamentale... et je pense que c'est tout à l'honneur du gouvernement et c'est sans doute en même temps pour satisfaire la municipalité de Saint-Eustache pour laquelle on apporte ce projet de loi devant l'Assemblée nationale, dans un bill public, dans le fond, qui épargne de l'argent à la municipalité, soit à peu près $400, sans compter les frais d'avocats qui seraient nécessaires pour défendre ce projet de loi devant une commission parlementaire en bill privé. Dans un contexte comme celui-là, si le projet de loi que nous avons devant nous, qui est à peu près du type de ceux qu'on se voit présenter par les municipalités à chaque session... Ce sont des projets de loi comme ceux-là qu'on se voit présenter, Beauport, Sherbrooke, Laval va nous arriver tantôt...

M. Lavoie: M. le Président, question de règlement. On a invoqué tout à l'heure à l'égard du député de Gatineau une question de règlement. Je voudrais bien que la pertinence du débat soit respectée par l'honorable député de Vanier. Qu'il nous dise pourquoi, à une heure du matin, on doit continuer le débat. C'est cela la pertinence du débat.

Le Président: M. le député de Vanier, vous devez nous expliquer pourquoi nous sommes encore ici.

M. Bertrand: M. le Président, ma réponse à votre question sera très simple et je sais que ce n'est pas parce que vous vouliez vous impliquer dans le débat que vous avez posé la question. Loin de vous, dans la neutralité de votre poste, d'inter-

venir dans ce débat, j'en suis convaincu. N'eût été le refus de l'Opposition officielle de consentir, lorsque nous disposions de ces projets de loi dans un contexte où il y avait effectivement une négociation avec l'Opposition officielle, il ne serait pas 0 h 50... On serait déjà rendu tout le monde dans nos chambres, et on aurait quitté cette Chambre et les projets de loi seraient adoptés. Alors, ce n'est certainement pas à l'Opposition de dire au gouvernement qu'il est responsable de la situation qui existe en ce moment.

Pour revenir à la pertinence du débat... Non, c'est la faute du Parti libéral. Pour revenir à la pertinence du débat, M. le Président, je disais et je répète, et c'est tout à fait dans le cadre des arguments qui doivent être invoqués pour refuser cette motion d'ajournement du débat, je disais que ce projet de loi no 106, Loi concernant la ville de Saint-Eustache, aurait pu être étudié très facilement en commission parlementaire comme n'importe quel autre bill privé qui est présenté par des municipalités. Nous l'avons fait sous forme de bill public, de projet de loi public, pour épargner des frais à la municipalité. Dans le fond, en commission parlementaire, quand vous allez étudier ce projet de loi no 106, article par article, vous allez faire exactement la même chose que ce que vous faites quand un projet de loi de municipalité vient devant une commission parlementaire et non pas devant l'Assemblée nationale, on en discute le fond...

Je parle de l'ajournement du débat. Qu'on en discute le fond et la forme et chacun des articles pris individuellement et c'est ce qu'on vous offre de faire. C'est la raison pour laquelle on vous dit: Adoptez immédiatement ce projet de loi. N'ajournons pas inutilement un débat qui pourrait se terminer dans cinq minutes avec la satisfaction de savoir que nous avons une commission parlementaire assurée d'avance qui va nous permettre de prendre chacun de ces articles et même l'ensemble du projet de loi et de le regarder dans son fond, dans sa forme, dans chacun de ses articles et de disposer d'un projet de loi qui, j'en suis convaincu, ne fait absolument pas problème pour l'Opposition officielle. Le député de Gatineau vient de dire lui-même qu'il est d'accord avec le principe de ce projet de loi, mais il ne sait pas exactement quel est l'amendement que le ministre va apporter.

Comme on sait fort bien que le ministre va l'apporter en commission parlementaire, que donc il va être discuté, que donc il va y avoir un débat sur la recevabilité, que donc tous les arguments pourront être apportés, je ne vois vraiment pas de quoi on se formalise au niveau de l'Opposition officielle quand on demande l'ajournement d'un débat qui pourrait être ajourné forcément d'ici cinq minutes si l'Opposition décidait qu'on en dispose et qu'à ce moment on se transporte en commission parlementaire et qu'on termine notre travail.

Il n'y a pas là le début d'un commencement de discussion possible sur l'ajournement du débat. Je me demande dans le fond pourquoi l'Opposition officielle a fait une telle motion. Vous savez fort bien qu'avec toute la bonne volonté du monde on peut en disposer immédiatement. C'est véritablement une motion dilatoire. Dans le fond, si vous voulez veiller encore plus tard et faire des motions dilatoires, ce n'est pas le gouvernement qui va vous y encourager. Nous autres, nous sommes prêts immédiatement, il est une heure moins cinq, dans une minute, on est prêt à clore tout le débat, à se transporter en commission parlementaire, à voir tout cela avec le ministre des Affaires municipales, en sachant d'avance que tout est possible et, mon Dieu, on pourra tous s'en aller chacun dans nos chambres individuelles et quitter cette Chambre collective. On vous en fait la proposition, nous sommes prêts immédiatement à le faire. Je pense que l'Opposition est prête à collaborer. Vous aviez offert un consentement à dix heures moins dix; ce qu'il s'agirait dans le fond, c'est que maintenant, 55 minutes après l'heure qu'on s'était fixée pour terminer tout ce débat, on décide que dans le fond effectivement cela vaut la peine de le terminer tout ce débat, on décide que dans le fond effectivement cela vaut la peine de le terminer immédiatement avec toutes les assurances qu'on vous donne.

M. Lavoie: M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

Merci, M. le député de Vanier.

M. Lavoie: Je voudrais intervenir quelques minutes en vertu de l'article 77, M. le Président, au nom de l'Opposition...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, avant de vous permettre d'intervenir, vous allez m'expliquer en vertu de quoi. Je vous souligne que l'article 77 du règlement dit: "Une motion non annoncée d'ajournement du débat peut être faite en tout temps; une telle motion, sauf si elle est faite par un ministre ne peut être faite qu'une seule fois au cours d'une séance. Elle est mise aux voix sans amendement à la suite d'un débat restreint au cours duquel un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes, le proposeur pouvant exercer un droit de réplique de même durée." Si je comprends bien les dispositions de l'article 77, c'est un représentant de chaque parti reconnu, ce qui signifie un représentant de l'Opposition officielle, un représentant de l'Union Nationale et, bien sûr, un représentant de la majorité ministérielle. L'article me paraît clair. S'il y a une jurisprudence contraire, je voudrais que vous me la citiez avec la date si possible.

M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: M. le Président, très brièvement, pour vous dire qu'un cas de la sorte, des cas apparentés à ceci sont arrivés quelquefois dans le passé. Je ne peux pas vous donner les dates. Vous

rendrez votre décision dans le sens que vous voudrez. Je pourrai vous la produire demain matin.

M. le Président, c'est arrivé dans le passé et le ministre des Transports va s'en rappeler. La décision du président à l'époque avait été la suivante, à l'effet qu'une motion d'ajournement est faite à titre personnel par un député. Elle est faite à titre personnel par un député qui a le droit de faire une motion dans le sens d'ajourner le débat. Le parti n'est pas nécessairement d'accord et cela a été la décision qui a été rendue, à quelques reprises. Je ne vous dis pas à dix reprises mais, à deux ou trois : reprises, c'est arrivé. Je vois sourire le ministre des Transports, lors de certains "filibusters" mémorables du Parti québécois, ce que nous n'avons pas du tout l'intention de faire ce soir. C'est la même chose que si la motion d'ajournement avait été faite à titre personnel par le député de Pointe-Claire qui n'est pas membre d'un parti reconnu. Si vous voulez consulter le secrétaire général de l'Assemblée ce serait peut-être très facile de trouver la date et la jurisprudence à cet effet. Je vous dis sous ma parole de député, ma parole d'honneur, qu'il y a eu des décisions dans ce sens à l'effet que cette motion est faite à titre personnel par un député et il n'est pas nécessairement, conjointement et solidairement, le parti auquel il appartient n'est pas nécessairement solidaire et conjointement solidaire de la décision ou du choix d'un député de faire une telle motion. (1 heure)

M. Bertrand: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Roberval, un représentant par parti sur la question de règlement.

M. Lamontagne: C'est strictement à titre d'ex-vice-président de l'Assemblée nationale que je vous confirme la même chose; des décisions ont été rendues...

Le Président: En quelle année?

M. Lavoie: En 1970, en 1973 et en 1976.

M. Lamontagne: ... si je me souviens bien, c'est le ministre délégué à l'Environnement actuel qui avait parlé contre la motion de son collègue.

M. Lavoie: Mettez votre siège en jeu.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est une question de directive. Si j'ai bien compris la lecture du texte de l'article 77 dont vous nous avez informé et l'explication fournie par le député de Laval sur des décisions précédentes, je comprends que le maximum d'interventions possibles, c'est quatre, dans les circonstances, puisqu'il y a trois partis reconnus. Si le député de Laval veut interpréter que le député de Gatineau est intervenu à titre personnel, ses dix minutes qu'il a utilisées, s'il ne les a pas utilisées pour le Parti libéral, est-ce que c'était son droit de réplique avant? Il semble que de toute façon, il y a une période de dix minutes qui a été utilisée et que le maximum, même dans l'interprétation du député de Laval, c'est quatre interventions. Alors, où en est-on rendu? Peu importe qu'on accepte l'intervention du député de Laval, on sera, de toute façon, obligé de refuser le droit de réplique du député puisqu'il a déjà pris dix minutes au moment où il a fait sa motion.

Le Président: M. le leader adjoint... M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Je pense que vous devez être dans une situation drôlement facile; je ne voudrais pas appuyer le député de Laval dans sa proposition, parce qu'il vous dit, au fond: Le député de Gatineau a fait cela à titre personnel pour arriver à ce que le parti ne soit pas d'accord avec la proposition qui a été faite par le député de Gatineau. Je ne veux pas encourager la scission au sein du Parti libéral, je trouverais cela malsain. Il y en a déjà beaucoup et il ne faut pas que cela se poursuive à l'Assemblée nationale, comme on sent que cela se déroule à l'extérieur de l'Assemblée nationale. Je pense que vous devez appliquer l'article 77 tel que rédigé. Le proposeur, le député de Gatineau...

Le Président: Le député de Gatineau a son droit de réplique, cela ne fait aucun doute.

M. Bertrand: ... peut exercer un droit de réplique de même durée et pour le reste, c'est un représentant de chaque parti reconnu. Je pense que le député de Gatineau...

Le Président: M. le député de Vanier...

M. Bertrand: ... hors de tout doute, est encore membre du Parti libéral, membre d'un parti reconnu et je ne voudrais pas que le député de Gatineau, à cause du député de Laval, soit mis dans une situation de ne pas être reconnu comme un député légitimement élu au sein de sa formation politique.

M. Lavoie: M. le Président... M. Gratton: Juste...

Le Président: M. le député de Vanier, me permettez-vous de vous poser une question pour avoir un éclairage additionnel? Si la motion d'ajournement avait été soumise par le député de Beauce-Sud, admettriez-vous qu'il y aurait eu trois représentants de parti reconnu qui auraient eu le droit d'intervenir?

M. Bertrand: Effectivement, je reconnais que si la proposition avait été faite par le député de Beauce-Sud, il y aurait eu une intervention de l'Union Nationale, du Parti libéral, du Parti québé-

cois, avec un droit de réplique du député de Beauce-Sud, comme proposeur de la motion. Mais comme le député de Gatineau est membre du même parti politique reconnu que le député de Laval qui voudrait se mettre en contradiction avec le député de Gatineau, je pense que dans un cas aussi spécifique que celui qui nous est présenté ce soir, il est clair que le proposeur étant le député de Gatineau, membre d'un parti politique reconnu qui est le même parti politique reconnu que celui du député de Laval, c'est le député de Gatineau qui doit exercer son droit de réplique.

Le Président: Puisqu'on m'affirme qu'il y a une jurisprudence à ce sujet, je pense que la prudence élémentaire consiste à consulter la jurisprudence. Je vais donc suspendre les travaux pour quelques minutes seulement, histoire de consulter la jurisprudence.

Suspension de la séance à 1 h 5

Reprise à 1 h 15

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

J'ai analysé soigneusement les dispositions de l'article 77, le droit et également les faits. Nous avons essayé de retrouver, dans la jurisprudence, aux procès-verbaux depuis l'adoption du nouveau règlement, une jurisprudence permettant de fournir un éclairage sur l'article 77; malheureusement, nous n'avons trouvé aucun procès-verbal qui rapportait cette jurisprudence. Sans doute que le cas s'est déjà soulevé, mais je signale une chose, c'est que, manifestement, le député de Gatineau intervenait, quand il a pris la parole la dernière fois, comme représentant de l'Opposition officielle. D'ailleurs, lui-même — et cela apparaît au journal des Débats — avait annoncé qu'il était le critique officiel de son parti sur ce projet de loi en particulier. En conséquence, je ne crois pas qu'il soit possible de faire une distinction et je pense que, quand le député de Gatineau a demandé l'ajournement du débat, il intervenait manifestement aussi comme représentant de son parti. Suivant les dispositions de l'article 77, cela ne permet pas d'autres interventions de l'Opposition officielle, comme cela ne permettrait pas d'autres interventions de d'autres formations politiques, sauf que M. le député de Gatineau peut exercer son droit de réplique de dix minutes.

M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, j'exercerais volontiers mon droit de réplique si je soupçonnais, pour un seul instant, qu'il reste encore des téléspectateurs qui nous guettent. À ce moment, je pourrais au moins m'exprimer de façon à ce que quelqu'un me comprenne parce que, de l'autre côté, personne du parti ministériel ne semble m'avoir compris, ne semble avoir compris les raisons pour lesquel- les on s'oppose vigoureusement à étudier des projets de loi, à en débuter l'étude en deuxième lecture après minuit.

M. le Président, devant l'incompréhension totale, devant surtout l'entêtement du ministre des Affaires municipales ce n'est pas la première fois que I'ex-membre de la Gendarmerie royale canadienne impose ses volontés...

M. Pagé: Mais c'est une des dernières, par exemple!

M. Gratton: C'est probablement l'une des dernières fois, justement, qu'il le fait à titre de ministre des Affaires municipales; l'avenir le dira, M. le Président. Quant à moi, je n'ai pas l'intention de perdre mon temps plus longtemps, je termine donc là mon droit de réplique.

Mise aux voix de la motion

Le Président: Est-ce que la motion d'ajournement de M. le député de Gatineau sera adoptée?

Vote à main levée, suivant les dispositions de notre règlement. Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'ajournement veuillent bien lever la main, s'il vous plaît!

Que ceux qui sont contre cette motion d'ajournement veuillent bien lever la main.

Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien lever la main.

La motion est rejetée.

M. le député de Vanier. (1 h 20)

M. Bertrand: M. le Président, voulant donner suite à ce que je disais tantôt — et là-dessus, je donne vraiment suite aux propos tenus par le député de Marguerite-Bourgeoys, qui posait un certain nombre de questions fort pertinentes au ministre des Affaires municipales et qui, dans le fond, à la suite de certains autres intervenants, commençait déjà le débat de commission parlementaire sur ce projet de loi — je m'avance d'un pas prudent mais, jusqu'à un certain point, avec une certaine audace en utilisant le règlement sessionnel qui a été adopté, l'article 10, qui amende l'article 119 de notre règlement. Ce règlement dit que: "À moins que cinq députés ne s'y opposent, le leader parlementaire du gouvernement peut, par une motion non annoncée qui n'est pas susceptible de débat ni d'amendement, proposer que la motion de deuxième lecture d'un projet de loi soit mise aux voix sans débat. " À ce moment-ci, je demande si l'Opposition consent à ce qu'on puisse immédiatement mettre aux voix ce projet de loi présenté par le ministre des Affaires municipales et, ensuite, débattre de toute la question en commission parlementaire, article par article.

Deuxième lecture (suite) M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: M. le Président, très brièvement, sur cette motion de deuxième lecture, nous n'ac-

ceptons pas votre proposition, c'est clair? Je veux parler quelques minutes pour...

M. Lessard: Avez-vous cinq personnes qui sont contre?

M. Lavoie: Je parle sur la motion. Le débat de deuxième lecture est amorcé actuellement, le ministre a fait son discours de deuxième lecture et j'ai l'intention de participer à ce débat de deuxième lecture.

Assez brièvement, M. le Président, la raison pour laquelle je crois que l'Opposition officielle va s'abstenir de voter en deuxième lecture — je vais l'expliquer bien calmement — c'est que, suite aux demandes que nous avons faites tout à l'heure lors de la présentation du projet de loi et une raison, également, je crois, pour laquelle le député de Gatineau a demandé l'ajournement du débat, c'est que nous trouvons dans ce projet de loi une question de principe. Or, c'est plutôt rare et très rare à l'Assemblée nationale que celle-ci semble se substituer aux tribunaux.

Le ministre nous a dit dans son intervention de deuxième lecture qu'il y a actuellement devant les tribunaux des poursuites de quelques millions de dollars. Est-ce que je me trompe en disant $5 millions ou $6 millions? Bon, $3 millions, $4 millions.

Une voix: $2 millions.

M. Lavoie: Ou $6 millions. Je me pose des questions et j'aurais aimé avoir plus de renseignements avant de voter le principe de ce projet de loi. Est-ce que l'Assemblée nationale a le droit de se substituer...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, excusez-moi d'interrompre le fil de votre discours, mais je dois vous signaler, aux termes de l'article 119 — je croyais que vous interveniez là-dessus — proprio motu, je dois le faire comme président, mais je pense que la motion du député de Vanier était irrecevable, parce que le débat était amorcé. Comme le débat était donc déjà amorcé, M. le député de Vanier, parce que le ministre des Affaires municipales avait engagé le débat, l'article 119a ne peut s'appliquer que lorsque le débat n'est pas amorcé, et, proprio motu, je dois le dire.

M. Lavoie: Je continue, M. le Président, et...

M. Grenier: Question de règlement. Il semble qu'on s'engage pour passer une partie de la nuit dans notre Chambre commune. Je vous demande, M. le Président, si vous ne pourriez pas, de votre autorité, faire ouvrir quelque endroit afin qu'on puisse manger sur place, prendre un café au moins, parce que je n'ai pas envie d'avaler le poulet de la Guyane ce soir.

Le Président: Sans vouloir passer de commerciaux à la télévision, M. le député de Mégantic-

Compton, je vous suggère de faire appel à un restaurant qui fait la livraison. Ce n'est pas un commercial que de vous référer aux pages jaunes. M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: M. le Président, j'ai l'intention de continuer mon intervention. Je disais donc qu'avant de m'exprimer sur le principe, la portée, la valeur intrinsèque de ce projet de loi, j'aurais aimé — de même que plusieurs députés de l'Opposition libérale — avoir plus de renseignements. Souvent, pour les projets de loi privés où il y a beaucoup moins d'implications que $5 millions ou $6 millions, il y a des auditions, il y a des avis dans les journaux pour inviter les gens qui auraient des droits brimés à pouvoir s'exprimer devant l'Assemblée nationale. En l'occurrence, ici, on nous dit qu'il y a plusieurs personnes, à tort ou à raison — ce n'est pas à moi de juger de la valeur des poursuites qu'ils ont intentées contre la ville, contre le maire ou contre les conseillers municipaux... Ce n'est pas à moi de juger du bien-fondé de ces poursuites. Mais avant, par un vote — par mon vote — en deuxième lecture, que l'Assemblée nationale mette fin à ces procès sans qu'on puisse entendre les parties qui ont intenté ces actions, je crois que c'est très exceptionnel.

On le sait, il y a la séparation des pouvoirs: il y a l'exécutif, il y a le législatif et il y a le judiciaire. Dans notre vote de deuxième lecture, le législatif se substitue au judiciaire. On ne veut pas faire un chiard, on ne veut pas faire un débat; on a tenté, avant que le ministre entreprenne son débat de deuxième lecture, d'amorcer une rencontre. On ne veut pas retarder les travaux de l'Assemblée, mais je crois qu'on n'a pas le droit de trancher, à main levée ou par un vote enregistré, des questions devant les tribunaux. Il peut y avoir des dommages terribles qu'on peut provoquer et qu'on peut causer par notre vote. On aurait aimé... Je me permets encore de faire un appel, M. le Président, au ministre des Affaires municipales. Je lui proposerais qu'on suspende ce débat, s'il y a un consentement, qu'il y ait une rencontre sans commission parlementaire avec le député de Gatineau ou un autre député de notre côté qui a porté une attention particulière à ce dossier et qui s'occupe des projets de loi sur les questions municipales, avec un représentant de l'Union Nationale, avec le ministre des Affaires municipales et d'autres députés — peut-être le député de Deux-Montagnes — qui pourraient nous éclairer sur la portée de notre vote.

On ne voudrait pas voter à l'aveuglette. Un autre point, M. le Président. C'est une loi rétroactive au 11 avril 1978. On replace les parties à six mois passés. On veut féliciter également les autorités de la ville de Saint-Eustache d'avoir pris les moyens pour secourir les citoyens, etc. Mais on veut en savoir un peu plus long avant de voter aveuglément. Je pense qu'on ne serait pas des parlementaires sérieux si on n'obtenait pas le peu de renseignements qu'on désire du ministre des Affaires municipales. Il est au courant du dossier.

C'est le ministre des Affaires municipales qui le propose. Il le connaît, il pourrait nous dire: M. Untel a pris une action de tant de milliers de dollars contre le maire, contre le secrétaire de la municipalité, contre le gérant, contre les conseillers municipaux. Pour quelles raisons ces actions ont-elles été prises? Vraiment, je ne suis pas en état ce soir de voter oui ou non. Je n'ai pas assez d'information. Je pense que, si le ministre des Affaires municipales et les députés d'en face se trouvaient dans ma situation, ils feraient la même chose que moi, autrement la population serait déçue de ses représentants. C'est tout ce qu'on a à dire. (1 h 30)

C'est tout, je termine. C'est la raison pour laquelle, de notre côté, nous ne pouvons pas nous exprimer. Nous allons nous abstenir. Nous ne pourrons pas participer au vote de deuxième lecture. Nous obtiendrons les renseignements en commission, il est vrai, et nous voterons en troisième lecture, pour ou contre, mais parce que nous aurons eu les renseignements dont nous avons besoin. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour...

M. Bertrand: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Nicolet-Yamaska. Sur une question de règlement, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Simplement, avant que le député de Nicolet-Yamaska ne fasse son intervention, il aimerait peut-être avoir le renseignement que je suis prêt à donner au député de Laval, relativement à la proposition qu'il a faite au ministre des Affaires municipales. Nous sommes tout à fait disposés à ce que, en commission parlementaire, les gens de la municipalité soient présents, comme c'est le cas habituellement devant les commissions parlementaires où un projet de loi privé est étudié. Nous sommes tout à fait disposés à ce qu'ils soient là.

Je voudrais simplement rappeler au député de Laval qu'à 21 h 50, quand il y a eu un consentement, il ne semblait pas y avoir de problème sur le projet de loi de la ville de Saint-Eustache, ce projet de loi est déjà au feuilleton depuis le 21 novembre de cette année, donc il y a plus de deux semaines.

M. Lavoie: Une question de privilège.

M. Bertrand: Vous aviez tout le temps pour obtenir les informations.

Le Président: M. le leader parlementaire de I'Opposition officielle.

M. Lavoie: Je veux dire ceci: Le député de Vanier semble dire que j'ai donné un consentement à 21 h 50. Est-ce que le député de Vanier reconnaît que je n'ai pas donné de consentement à 21 h 50? De toute façon, le président en est témoin, il devait y avoir une conférence, avec le député de Saint-Jacques, des leaders parlementaires du gouvernement, vers 18 heures. Je me suis rendu à votre bureau, M. le Président. J'ai vu le député de Johnson pour parler des travaux de l'Assemblée, mais cette rencontre n'a pas eu lieu, parce que le député de Saint-Jacques n'était pas disponible à cette heure-là.

C'est ma question de privilège, je ne voudrais pas que vous laissiez entendre que j'ai donné un consentement que je retire aujourd'hui, parce que ce n'est pas dans mes habitudes et ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer une telle chose.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le député de Gatineau, une question de privilège.

M. Gratton: Oui, parce que le leader adjoint du gouvernement a fait référence à une entente qu'il y aurait eue. Effectivement, j'ai rencontré le ministre des Affaires municipales, en compagnie du leader adjoint du gouvernement. À ce moment, il était dans notre intention, selon les indications que nous avions, qu'il pourrait être assez facile de voter le principe du projet de loi, c'est-à-dire le premier des deux principes qu'on a évoqués, sauf qu'à la suite de cette rencontre, on m'a remis une copie du dossier qui a été adressé au ministre des Affaires municipales par les procureurs d'une des personnes impliquées dans toute cette affaire, qui fait état de requête en dommages dépassant $6 millions et qu'il y a un doute dans l'esprit de certaines personnes... Oui, c'est ce que j'ai ici. C'est adressé au ministre des Affaires municipales. C'est une copie.

Si le ministre n'a pas vu ce dossier, ce n'est pas mon problème. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi je ne l'ai pas vu avant ce soir non plus. C'est ce qui explique pourquoi, à ce moment-ci, nous ne sommes plus dans les mêmes dispositions qu'au moment où nous nous sommes rencontrés à 21 h 50.

Le Président: M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Deux éléments d'information. Tout d'abord, c'est exact que le député de Laval n'était pas de cette entente. C'est exact qu'à ce moment l'entente avait été conclue avec le député de Roberval, après consultation, entre autres, avec le député de D'Arcy McGee et le député de Gatineau. Là-dessus, je veux rectifier les faits.

Deuxièmement, si le député de Gatineau, en apportant justement les éléments d'information qu'il apporte, veut simplement indiquer au gouvernement qu'il serait peut-être très avantageux, pour que les députés se fassent une idée exacte de ce

projet de loi et de ses implications en commission parlementaire, les gens qui mériteraient d'être entendus, pas simplement ceux de la ville de Saint-Eustache, mais ceux dont vous semblez faire mention dans le document que vous possédez, je pense que le ministre n'aura aucune objection à ce que ces gens puissent se faire entendre en commission parlementaire.

En d'autres mots, qu'on puisse disposer immédiatement de la deuxième lecture, aller en commission parlementaire, comme on le fait au moment d'un projet de loi privé et se donner toutes les latitudes pour en discuter de façon appropriée et revenir en troisième lecture et voir exactement comment on peut voter.

M. Tardif: M. le Président, une simple petite question.

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: Est-ce qu'ils nous laissent entendre...

M. Fontaine: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Vous m'aviez donné la parole sur le discours de deuxième lecture et je veux ercer-cer mon droit de parole, M. le Président. Je pense que j'ai le droit de le faire, comme les autres députés en cette Chambre. Si on veut se poser des questions ou faire des caucus, qu'on aille derrière, dans l'antichambre, comme on l'a fait tout au cours de la soirée, mais cela n'a pas donné grand-chose.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska, vous avez la parole.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Le leader du gouvernement choisit les moyens pour faire adopter ses projets de loi et l'Opposition a à juger si les moyens qu'il décide d'adopter sont les meilleurs. Il nous offre, maintenant que cela fait deux heures qu'on discute sur des questions de règlement, de convoquer des gens en commission parlementaire pour qu'ils puissent venir donner leur position quant au principe de ce projet de loi qui sera déjà voté à l'Assemblée nationale. Ce qu'on a suggéré tout à l'heure, c'était plutôt d'aller en commission parlementaire avant qu'on étudie le projet de loi en deuxième lecture, et cela aurait été logique, mais pas d'y aller après que le principe du projet de loi aura été adopté en deuxième lecture.

Je pense qu'il n'y a aucun député en cette Chambre qui peut d'une façon sincère voter pour ce projet de loi, puisqu'il ne peut pas en connaître véritablement toutes les conséquences. Il y a de nombreuses poursuites dans cette affaire. Même si le député de Gatineau nous dit qu'il a reçu un document au cours de la soirée, je pense que n'importe qui, en faisant la lecture de différents journaux depuis quelque temps, sait que, par exemple, la ville de Saint-Eustache a poursuivi une certaine personne pour $2 600 000 et sait également qu'il y a 21 personnes au moins, à ma connaissance, qui ont poursuivi la ville de Saint-Eustache et les officiers de la ville de Saint-Eustache.

Le Président: À l'ordre!

M. Fontaine: M. le Président, je pense que le gouvernement n'est pas sérieux dans sa façon de vouloir faire adopter ce projet de loi. Si le projet de loi no 94 que nous avons commencé à étudier cette semaine à l'Assemblée nationale avait été adopté le 11 avril 1978, c'est bien sûr que les gens de Saint-Eustache auraient pu se prévaloir de ce projet de loi et que cela aurait peut-être réglé une bonne partie des problèmes. Mais tel n'est pas le cas. La loi concernant les sinistres n'est pas adoptée et ils sont obligés, bien sûr, de venir devant l'Assemblée nationale aujourd'hui. On ne peut blâmer, en tant que députés, le conseil municipal de Saint-Eustache d'avoir agi de la façon dont il a agi dans les circonstances, bien sûr.

Si le gouvernement ne nous demandait aujourd'hui que de ratifier, par exemple, des règlements ou des résolutions que le conseil municipal aurait adoptés, je pense qu'on n'aurait pas d'objection du tout à adopter un tel projet de loi. Mais le gouvernement nous présente un projet de loi d'exception, un projet de loi avec des procédures spéciales. Les députés de l'Assemblée nationale, avec les informations qu'ils ont présentement sur le dossier, s'aperçoivent que c'est une atteinte véritablement au pouvoir judiciaire. Il y a des poursuites d'intentées et ce projet de loi fait véritablement une intrusion du pouvoir législatif dans le pouvoir judiciaire. Pour que les députés puissent se prononcer sur ce principe, il aurait fallu qu'ils aient les explications nécessaires avant de pouvoir le faire. Je pense qu'il n'y a aucun député dans cette Chambre qui pourrait consciencieusement voter pour ce projet de loi parce qu'on n'a pas les informations. C'est une loi d'exception qui crée en même temps des modifications au Code civil, M. le Président. Il y a des poursuites d'intentées et on connaît le Code civil à son article 1053 qui dit que "toute personne capable de discerner le bien du mal est responsable du dommage causé par sa faute à autrui, soit par son fait, soit par son imprudence, négligence ou inhabilité ".

On sait, M. le Président, que les personnes qui ont de telles réclamations ont deux ans pour intenter une poursuite. Du seul fait qu'on veuille rendre ce projet de loi rétroactif et annuler les poursuites contre ces personnes, je pense qu'on modifie, premièrement, le Code civil et qu'on cautionne une intrusion du pouvoir législatif dans le pouvoir judiciaire. (1 h 40)

Également du fait de la rétroactivité, je pense qu'encore là c'est inacceptable. Le député de Deux-Montagnes, dans un billet du député qu'il avait signé lors de la victoire du 9 novembre 1978, expliquait le projet de loi qu'on présentait à l'Assemblée nationale et disait: Du point de vue juridique cependant, il faut s'assurer que les engagements financiers que la ville a pris sont valables. C'est le but principal de la loi spéciale. Si ce n'était que cela, M. le Président, nous n'aurions aucune espèce d'objection à voter immédiatement pour ce projet de loi. Mais le député de Deux-Montagnes a oublié de mentionner l'autre partie de la loi qui consiste à annuler purement et simplement des procédures judiciaires qui sont déjà intentées ou des procédures judiciaires qui peuvent être intentées dans les deux années qui viennent.

M. le Président, je ne veux pas faire un débat à n'en plus finir là-dessus, mais il y a un principe fondamental qui n'est pas respecté — et l'Union Nationale et l'Opposition officielle l'ont dit tout à l'heure — on ne pourra certainement pas voter pour un projet de loi semblable, tout au plus pourrons-nous également nous abstenir de voter. Si je ne me retenais pas, M. le Président, je voterais purement et simplement contre un tel projet de loi.

Le Vice-Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, j'ai reçu moi aussi une copie des documents qui ont été confiés au ministre. Ces documents comprennent, entre autres, copies de poursuites qui ont été entreprises par des citoyens. Il y a ici dans une cause par exemple que je viens de découvrir, parce que je les ai reçus ce soir en même temps que le ministre... Dans la cause devant la Cour supérieure du district de Terrebonne, no 700-05-002185-787, il y a 34 citoyens et citoyennes qui ont poursuivi deux défendeurs que je ne nommerai pas, la ville de Saint-Eustache qui, le ministre en conviendra, n'est pas excusée par ce projet de loi de façon directe, et le Procureur général de la province de Québec représentant Sa Majesté le chef de la province, donc représentant le gouvernement dont fait partie le ministre. Il y a une allégation ici que je vais vous lire dans cette demande.

Au paragraphe 12, on dit: "Le ministère des Richesses naturelles n'a pas pris les moyens nécessaires pour veiller à l'application de la loi et des règlements sur le commerce des produits pétroliers et ce, de manière à éviter un tel sinistre".

C'est une allégation, je n'en connais pas la valeur. Ce sera au tribunal et il appartiendra aux parties de l'établir. Mais il reste que le gouvernement est pris à partie dans cette action. Si on lit attentivement le projet de loi, à l'article 2, on dit: "Aucune action en déclaration d'inhabilité d'un membre du conseil ou d'un fonctionnaire munici- pal — mettons cela de côté pour l'instant — aucune action en responsabilité civile — ensuite on dit, en troisième partie — ni aucune action pouvant entraîner une condamnation à une amende contre un membre du conseil ou un fonctionnaire municipal"... Troisième partie de la phrase. Reprenons la deuxième: "Aucune action en responsabilité civile — je saute le reste qui n'est pas nécessaire — ne peut être fondée sur le motif de l'inobservation d'une disposition législative".

On vient de donner un pardon, non pas seulement à la municipalité, au maire et aux conseillers ou aux fonctionnaires, on vient d'empêcher des citoyens de poursuivre le gouvernement qui nous demande ce pardon ce soir. C'est une interprétation que le ministre peut contester, que d'autres pourraient contester, mais je vous dis qu'à première vue, à deux heures moins quart du matin, je pense que c'est assez sérieux pour que des ministres et des députés ministériels se posent des questions.

Qu'est-ce qu'on est en train de faire voter ce soir? Non, je ne pense pas... Je ne veux pas en faire un plat, cela a peut-être échappé au ministre, c'est le danger d'ailleurs de prendre un projet de loi privé sous sa responsabilité. Il a voulu le faire, naturellement, pour le bon motif. Il dit que c'est pour éviter des frais aux contribuables. Je lui accorde le bénéfice du doute là-dessus, mais voici qu'on nous propose ce soir d'enlever des droits qui existent, qui ont déjà commencé à être exercés devant les tribunaux par de simples citoyens contre le gouvernement. Cela friserait l'indécence, M. le Président, si je ne croyais pas qu'au fond, cela est passé inaperçu au ministre. Je lui donne le bénéfice du doute et je ne veux pas lui en tenir rigueur, mais je pense que je peux, au-dessus de la partisanerie, faire appel au ministre des Affaires municipales, compte tenu de cette interprétation qui est valable, qui, à première vue, se tient debout. Je pense qu'il devrait immédiatement retirer ce projet de loi de cette Assemblée et le faire examiner plus sérieusement.

Est-ce que ce serait — je viens de le découvrir — une abstention qu'on devrait faire devant cette... Je suis encore prêt à m'abstenir modestement, en présumant que mon interprétation est contestable, quoique je croie que ce soit valable. Le minimum qu'on peut demander au gouvernement, actuellement, au leader adjoint, qui a la responsabilité des travaux de cette Chambre, et surtout au ministre qui propose ce projet de loi, c'est la prudence. Étant donné que je suis convaincu qu'il n'a pas l'intention, par ce projet de loi, de donner un pardon au gouvernement pour ce qu'il a pu faire ou omettre de faire dans cet événement, je pense que le minimum de décence, c'est de s'abstenir de demander aux députés de voter sur ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales, c'est votre réplique.

M. Goldbloom: Non, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant! Vous êtes deux du même parti. M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: II y en a un debout, l'autre est assis.

Je désire intervenir sur cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 106. J'interviendrai, bien entendu, seulement sur le premier principe, soit celui qui entérine les décisions qu'a prises le conseil municipal, lors des événements que l'on connaît, en avril 1978. Je répéterai que le député de Deux-Montagnes a posé la question et la réponse, quant à nous, dans la mesure où on a pu vérifier, est qu'effectivement le conseil municipal de Saint-Eustache a agi comme tout bon gouvernement responsable se devait d'agir dans les circonstances, c'est-à-dire qu'il ne s'est pas interrogé sur la nécessité d'obtenir des approbations de la Commission municipale, de procéder par soumissions publiques comme l'exige la Loi des cités et villes pour faire exécuter les contrats qui étaient de nature urgente, de ne pas attendre tout le processus qui est normalement suivi pour adopter un règlement d'emprunt pour subvenir ou pour payer les dépenses encourues, bref, le conseil municipal a fait ce qu'il était urgent et nécessaire de faire pour assurer la sécurité des citoyens. Donc, on n'a qu'à le féliciter, dans la mesure où nous connaissons tous les gestes posés, toutes les raisons qui ont pu motiver le conseil de les poser.

Il y a un fait à noter dans tout cela, c'est que, contrairement à ce qu'a prétendu le ministre des Affaires municipales lundi, au moment où il intervenait en deuxième lecture sur le projet de loi no 94 du ministre de la Justice, loi qui concerne les mesures d'urgence en cas de sinistre, le ministre affirmait que si la ville de Saint-Eustache, si le projet de loi no 94 avait été adopté à ce moment, il n'aurait pas été nécessaire de revenir devant l'Assemblée nationale pour faire entériner les gestes que la municipalité a posés et qui sont les mêmes que ceux qu'on autorise par le biais du projet de loi no 94. (1 h 50)

II y a une objection à cela, M. le Président, c'est qu'effectivement, même si la loi 94 était dans nos statuts, il serait encore nécessaire, dans le cas spécifique de Saint-Eustache, de revenir devant l'Assemblée nationale avec un projet de loi, puisque nulle part, dans le projet de loi no 94, retrouvons-nous une disposition qui permettrait à la municipalité de contracter un règlement d'emprunt, sans suivre la procédure normale prévue dans la Loi des cités et villes, si un tel règlement d'emprunt était nécessaire pour défrayer les dépenses encourues au cours de l'état d'urgence.

Le projet de loi no 106, M. le Président, entérine, à toutes fins utiles — et on l'a répété assez de fois pour qu'il ne soit pas nécessaire que j'en parle très longuement — les actes du conseil municipal, notamment les travaux donnés en régie sans soumissions et, de façon générale, les dépenses encourues.

Ce que nous demanderons au ministre de nous fournir, lors de l'étude en commission parlementaire, ce seront, bien entendu, les montants impliqués dans ces contrats donnés sans soumission, dans ces règlements d'emprunt qui n'ont pas suivi le processus normal.

On retrouve d'ailleurs, dans le projet de loi no 94 qui est devant cette Chambre, un article, le no 38, qui permettrait, si ce projet de loi était déjà adopté, au gouvernement de venir en aide financièrement à la municipalité. Nous tenterons donc de savoir du ministre des Affaires municipales, en commission parlementaire, si, d'abord, le gouvernement est venu en aide financièrement à la municipalité de Saint-Eustache et s'il est dans son intention de le faire à l'avenir.

M. le Président, je répète que, quant au deuxième principe inhérent du projet de loi, celui qui exonère les membres du conseil municipal aussi bien que les fonctionnaires pour tout acte qu'ils ont pu poser... Je répète que je ne suis pas avocat, je ne suis pas juriste, je ne suis pas en mesure, surtout pas à 1 h 55 du matin, de juger de la valeur des arguments qui ont été présentés de part et d'autre. Il me semble, par contre, qu'il s'agit là d'un principe fondamental, sur lequel les membres de cette Assemblée ne devraient pas être appelés à voter à la légère, surtout à un moment où nous n'avons même pas quorum en cette Assemblée.

Le Vice-Président: En êtes-vous sûr?

M. Gratton: Je vous demande de faire le compte, M. le Président.

Le Vice-Président: II y a maintenant quorum.

M. Gratton: M. le Président, je dis donc que, sur ce deuxième principe, il nous est impossible, à la lumière des informations que nous n'avons pas ce soir, de nous prononcer en toute connaissance de cause. Il nous est d'ailleurs impossible de le faire, en grande partie parce que le ministre n'est pas capable de nous dire si la municipalité possède des assurances de responsabilité publique qui donneraient quand même une certaine garantie à ceux qui peuvent avoir des recours contre la municipalité de ne pas être brimés dans leur droit d'exercer ces recours.

On a fait état des nombreuses intentions de poursuites qui peuvent s'adresser tant à la municipalité qu'à d'autres personnes impliquées. Il s'agit d'un montant de plus de $6 millions. Il semble que certaines personnes ont tenu pour acquis qu'il y a une personne, un garagiste, dans la ville de Saint-Eustache, qui est le seul responsable de ces incidents.

Or, M. le Président, aucun tribunal n'a encore statué là-dessus. Mais si cette personne devait être reconnue coupable, selon nos informations, elle possède une assurance de $1 million. C'est donc dire que les réclamants, ceux qui exerceront des recours, pourraient se voir rembourser pour les dommages subis à peine 20% de leur réclamation.

C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que l'Opposition officielle se doit de s'abstenir sur la deuxième lecture de ce projet de loi, tant et aussi longtemps que le ministre et le gouvernement ne nous auront pas fourni les renseignements essentiels pour que nous puissions nous prononcer de façon positive ou négative.

M. Goldbloom: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: ... j'interviens brièvement sur ce projet de loi. Je ne voudrais pas adresser des critiques au ministre, mais je voudrais dire en toute sincérité que je crois que nous avons devant nous de la mauvaise législation.

Je m'explique, M. le Président. Hier — c'est maintenant avant-hier — mardi de cette semaine, la commission parlementaire des Affaires municipales a étudié six projets de loi privés, a entendu les témoins qui ont fait valoir leurs points de vue, ont fait valoir les raisons pour lesquelles l'Assemblée nationale devait leur accorder certains pouvoirs ou certaines autorisations.

Voici, M. le Président, un projet de loi qui, à mon sens, se situe dans le domaine privé. Mais, puisque le ministre a choisi de le présenter sous la forme d'un projet de loi public, c'est lui-même qui en assume la responsabilité; c'est à lui que nous devons adresser nos questions, questions de détail, pour obtenir les renseignements pertinents et nécessaires à la prise d'une décision de notre part. Si c'était un projet de loi privé, M. le Président, la responsabilité de fournir les réponses n'appartiendrait pas au ministre mais, plutôt, aux témoins qui viendraient et expliqueraient pourquoi une situation d'exception s'était produite, des actions avaient dû être prises et, donc, une certaine considération devrait être donnée au fait que les formalités requises par la loi n'étaient pas toutes accomplies.

M. Verreault: M. le Président, question de règlement.

Le Président suppléant (M. Marcoux): Oui, M. le député de Shefford.

M. Verreault: Je m'excuse auprès de mon collègue, mais je vous demanderais de vérifier, pour la nième fois, le quorum.

Le Président suppléant (M. Marcoux): Nous avons maintenant quorum.

La parole est au député de D'Arcy-McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je disais que si ce projet de loi était à caractère privé, les témoins seraient obligés de nous fournir les renseignements... (2 heures)

M. Proulx: Question de privilège, M. le Président. Il n'y a aucun membre de l'Union Nationale à l'heure actuelle, et seulement deux membres du Parti libéral.

Le Président suppléant (M. Marcoux): Ce n'est pas une question de privilège.

M. Cordeau: M. le Président, je veux bien croire qu'il se fait tard, mais M. le député de Saint-Jean devrait s'ouvrir les yeux.

M. Proulx: C'est une apparition.

Le Président suppléant (M. Marcoux): À l'ordre! À l'ordre!

M. Proulx: Question de règlement, M. le Président.

M. Cordeau: M. le Président, il y avait quelqu'un de l'Union Nationale.

Le Président suppléant (M. Marcoux): La parole est au député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais soumettre à votre considération deux choses. D'abord, la suggestion a été faite, au cours de ce débat, que des témoins puissent intervenir en commission parlementaire, après l'adoption en deuxième lecture du projet de loi, par mesure d'exception parce que, normalement, quand la commission parlementaire siège après la deuxième lecture, ce n'est pas pour entendre des témoins. La proposition a néanmoins été faite.

Je n'ai pas besoin de vous le rappeler, mais par votre intermédiaire je rappelle aux autres membres de cette Chambre, dont certains semblent l'avoir oublié, que quand une commission parlementaire siège pour entendre des témoins, normalement il y a des avis qui permettent aux intéressés non seulement de savoir qu'il y aura séance de la commission parlementaire et qu'ils auraient le droit, s'ils le désiraient, de se présenter devant cette commission et s'exprimer, mais aussi à quel moment siégerait cette commission parlementaire.

Le Président suppléant (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais un peu de silence pour pouvoir écouter le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, si l'on nous suggère que parce que certaines personnes sont ici et pourraient, au cours de cette journée déjà commencée, s'exprimer devant la commission parlementaire, j'attire votre attention sur le fait qu'il y a sûrement d'autres intéressés qui ne sont pas ici et qui ne seraient pas en mesure de venir à si peu d'avis et s'exprimer, et que la commission parlementaire n'aurait pas l'éclairage valable qu'elle devrait avoir pour pouvoir se prononcer sur un tel projet de loi.

Deuxième considération, M. le Président, qui est, à mon sens, encore plus grave. S'il s'agissait d'un projet de loi à caractère privé, l'attitude normale et historique de l'Assemblée nationale, exprimée normalement par les membres de la commission parlementaire qui siégerait pour entendre les témoins, serait: Nous ne nous substituerons pas aux tribunaux, nous n'interviendrons pas là où il y a des causes pendantes devant les tribunaux et, pourtant, voici une situation... Je ne dis pas, M. le Président, avant que ne me le rappellent certains collègues, qu'il n'y a pas de précédent, que l'Assemblée nationale n'est jamais intervenue là où il y avait des causes pendantes devant les tribunaux. Mais, M. le Président, c'est un mauvais principe. C'est une chose à éviter à tout prix. Je pense que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys a offert des preuves de l'intervention intempestive de l'Assemblée nationale dans une situation où les tribunaux devraient avoir la liberté de trancher des questions.

Enfin, M. le Président, il y a ce paradoxe d'un gouvernement qui, d'un côté, présente un projet de loi général et, en même temps, pour un cas particulier, présente un projet de loi public, particulier et rétroactif.

Quand on regarde ce que le même gouvernement nous propose comme régime général, je fais allusion au projet de loi no 94, Mme la Présidente, pour fins de comparaison, je constate qu'une personne qui aurait participé à l'application de mesures d'urgence serait exemptée des responsabilités du dommage causé de bonne foi à autrui qui résulte de sa participation. C'est plus général, c'est beaucoup moins précis que ce que nous propose le projet de loi sur la ville de Saint-Eustache. De deux choses l'une. Ou bien ce qui est proposé dans le projet de loi particulier de Saint-Eustache est le genre de mesures qui devraient être appliquées à toutes les municipalités. On sait qu'à tous les jours, au Québec, il y a des sinistres qui se produisent au Québec, si on pense par exemple, aux incendies dont quelques-uns prennent la proportion de conflagration. Les autorités municipales doivent intervenir d'urgence et peuvent être tenues responsables d'une action mal jugée ou mal inspirée, peuvent être au moins poursuivies avec la prétention, de la part de la personne qui prend la poursuite, qu'il y ait eu un mauvais jugement, une action mal inspirée.

Ou bien ce qu'on nous propose pour Saint-Eustache devrait se retrouver dans une loi générale, qui s'appliquerait à tous les maires et à tous les conseillers municipaux du Québec, ou bien le ministre devrait prendre ce que son gouvernement propose dans le projet de loi no 94 et remplacer ce qui se trouve dans le projet de loi no 106 par ce que la loi générale donnerait comme protection aux maires et aux conseillers.

Mme la Présidente, je n'ai pas l'intention de me désolidariser de mon parti, mais je vous avoue que j'ai la tentation personnelle non pas de m'abstenir, mais de voter contre le projet de loi, à cause des lacunes, des failles que j'ai exposées dans cette brève intervention.

Mme le Vice-Président: M. le député de Mégantic-Compton.

Une voix: Bravo! Bravo! M. Grenier: Mme le Président... M. Jolivet: Cela prend du courage! M. Fernand Grenier

M. Grenier: Continuez, foule en délire! À 2 h 10 du matin, j'ai déjà dit que mes lumières étaient basses, mais elles se maintiennent quand même un peu allumées. Je vois passer devant nous un projet de loi qui mérite qu'on redouble d'énergie à cette heure de la nuit et qu'on se dise qu'on ne se fera pas passer un pareil sapin! Cela doit appeler sur le fauteuil le président qui s'approche. On le fera venir.

Il y a trop de choses inconnues dans ce projet de loi. Nous ne sommes pas en Guyane ici pour se faire passer du "Kool-Aid", M. le ministre!

Les avocats qui poursuivent les membres du conseil de ville de Saint-Eustache...

M. Jolivet: Consentement, consentement.

M. Grenier: ... on ne sait pas encore de quel ordre. J'imagine que le maire est encore dans les galeries, puisque quelqu'un a les yeux vers cette galerie. J'ai l'impression qu'ils ne se touchent pas du coude tant ils sont nombreux! On le signalait tout à l'heure. On ne savait pas s'il y avait des gens de I Union Nationale qui étaient présents ou non. Je peux vous dire que, si dans mon comté on apprenait qu'il y a encore des gens en Chambre à 2 h 10 du matin, on rirait de nous. Je n'ai pas de honte à dire qu'il n'y a pas beaucoup de gens ici.

Mme le Président, il y a trop de choses qui ne sont pas comprises dans ce projet de loi. On tente de nous passer une loi en nous disant: Écoutez, on ne le sait pas trop, finalement, ce qu'il y a là-dedans. On ne sait pas trop ce qu'il y a dans cette loi, mais votez donc pour cela ce soir. C'est la course au leader parlementaire. On a décidé qu'on ne reculerait pas. On a un échantillon de loi qu'on nous a présenté ce matin, une journée qui va assez bien, et on a décidé qu'on ne reculerait pas. (2 h 10)

On a fait son lit sur ce projet de loi ce soir, et on décide, correct ou pas, après tant d'arguments qu'on aura donnés du côté de l'Opposition, qu'on ne recule pas, même si cela n'a pas de bon sens. Vous parlez d'une histoire!

Si on n'a pas là-dedans l'information requise pour voter sur ce projet de loi, il me semble qu'on aurait pu au moins avoir la décence de changer pour un autre qui était plus complet. On était en train de se convaincre tout à l'heure qu'on s'abstiendrait de voter, et on en est presque rendu à vouloir voter contre tant on découvre à chaque quart d'heure — et remarquez bien que là, on n'a personne qui peut nous donner des renseigne-

ments, et on faiblit, on n'a même plus rien pour se sustenter, on a l'air pris en conclave ici — qu'il y a des poursuites intentées contre le gouvernement. Je pense que le ministre ne peut même pas nous dire de quel ordre elles sont, il ne peut même pas nous établir un ordre des poursuites qui sont intentées.

Du même coup, dans ce projet de loi, ce projet de loi qui est rétroactif, on passe l'éponge sur la période entre le 11 avril 1978 et le 15 août 1978. On n'a aucun renseignement ce sur quoi on veut effacer cette période du 11 avril au 15 août, blanchissage complet. L'époque de Mme Blancheville, au cours de l'été. On ne sait pas ce qui s'est passé, mais votez pour cela quand même, on vous informera de cela en commission parlementaire. Là, on est prêt à nous amener tout le monde dont on a besoin en commission parlementaire. Savez-vous que si on tenait la commission parlementaire avec ces gens qu'on invite à venir nous rencontrer, qui nous fourniront des renseignements, j'ai la conviction que quand on reviendrait en chambre, il n'y aurait pas beaucoup d'intervenants. Ce ne serait pas long avant de passer à la deuxième lecture et de voter ici, en Chambre, une fois qu'on aurait eu, en commission parlementaire, les renseignements dont on a besoin.

Le député de Vanier, qui a la responsabilité, ce soir en Chambre, au nom du gouvernement, devrait comprendre, il me semble. Il est brillant, ce petit gars-là. Il y a des bouts de temps où il nous fait voir qu'il a de l'intelligence...

M. Jolivet: ... de la lumière.

M. Grenier: ... et ce soir, il se bute à vouloir faire adopter ce projet de loi. On n'a pas l'information dont on a besoin. Le député de Deux-Montagnes se fend en quatre pour nous dire comment le maire de Saint-Eustache est un homme compétent et tout cela, et hier matin, il était en train d'avoir des insinuations à l'endroit de la Régie de l'assurance-récolte, il me semble que cela a été un spectacle intéressant à la commission.

M. de Bellefeuille: Question de règlement. Je pense que nous ne savons pas ce qui se passe dans les commissions, Mme le Président!

M. Grenier: Oui, mais on en a une bonne idée quand c'est le même monde qui siège en haut et qui siège en bas. On n'est peut-être pas supposés en être informés légalement, mais quand on a mis le nez dans les commissions parlementaires, on sait pas mal à quoi s'en tenir. Ces divergences d'opinions qu'il y avait hier matin entre le député de Deux-Montagnes avec ses insinuations... Oui, mais Mme le Président, on est en train de dire que tout est parfait et on a laissé porter des doutes sur des personnes hier matin, mais là, on trouve que tout est correct. On donne des bénédictions à deux mains, si c'est possible. Dépêchez-vous et votez-nous cela, l'Opposition.

On ne votera pas tout de suite! On veut avoir plus d'information que cela avant de voter. On est assez nombreux ici pour demander de l'information au gouvernement. Ce n'est pas parce qu'on suppose que la pureté est d'un bord et l'impureté de l'autre qu'on va décider d'un coup sec qu'on fait confiance à tout ce monde.

On nous présente un projet de loi qui est incomplet et sur lequel il nous manque plusieurs renseignements, et cela va grandissant à chaque quart d'heure. Demain matin, on va se faire reprocher par la population d'avoir endossé ce projet qui nous est présenté par le ministre des Affaires municipales. On ne vous demande pas d'avoir la perfection, on vous demande d'avoir du bon sens et de ne pas apprendre aux poissons à nager à reculons.

Faites siéger la commission, donnez-nous l'information en commission, demain! Ces gens sont prêts à venir témoigner devant la commission et de fournir aux membres de la commission, aux députés, les renseignements dont on a besoin. Et la deuxième lecture, cela va passer comme du beurre dans la poêle, parce qu'on aura eu, en commission, l'information dont on a besoin. Ce qu'on vous demande, on ne peut pas l'avoir ce soir. C'est évident, on nous l'a dit tout à l'heure. Les bureaux sont fermés partout, on ne peut plus avoir aucun détail. C'est évident que l'Opposition, n'a pas envie de voter pour le projet de loi. Est-ce qu'on va continuer à se dire des choses comme cela jusqu'à 6 heures ce matin seulement pour le plaisir de dire qu'on adopte le projet de loi, pour dire que le gouvernement a raison contre l'Opposition, ou que l'Opposition ne laissera pas adopter ce projet de loi par le gouvernement? Je trouve qu'il est tôt dans le mois de décembre pour commencer à nous faire veiller jusqu'à 6 heures du matin. On pourrait peut-être attendre d'être plus proche des Fêtes un peu. Je suis bien prêt à passer des nuits, mais pas commencer cela dans la première semaine, cela commence mal.

Il pourrait y avoir de la bonne volonté de la part du gouvernement. On ne perdra pas la face. On ne le dira pas. Il n'y a pas un journal qui va écrire quoi que ce soit, il est 2 h 15. Il n'y aura pas une ligne d'écrite dans le journal demain. Il n'y a personne qui aura perdu la face.

Allons donc se coucher. Demain matin on reprendra cela à tête reposée. Les bureaux seront ouverts, on aura l'information dont on aura besoin et on sera capable, à ce moment-là, lucidement, de voter pour ou contre ce projet de loi, mais on saura pourquoi on vote. On est en train de vouloir s'abstenir, parce qu'on ne sait pas ce qu'il y a dans ce projet de loi. Le gouvernement s'entête tout simplement à dire: On va l'adopter, on va adopter la loi ce soir. On va en adopter deux ou cela va aller mal. Ce n'est quand même pas comme cela qu'on a envie de piloter les projets de loi d'ici au 21 décembre, j'espère.

Un acte de générosité... Que le ministre, qui est en train d'avoir un conciliabule avec le député de Vanier, reprenne son fauteuil et nous dise: Oui, vous avez raison. Vous avez passablement de jugement, M le député de Mégantic-Compton, à

2 h 15 du matin. Vous avez plus de lumière qu'on ne pensait...

M. Jolivet: Belle lumière! Belle lumière!

M. Grenier: On retire notre projet et on remet cela à demain. Demain matin on votera avec plus de clarté sur le projet de loi. Je suis convaincu que cela ferait l'affaire de passablement de personnes et personne ne perdrait la face. En tout cas, s'il y en a qui perdent la face, cela ne sera dit nulle part, vous pouvez en être sûrs, il n'y a plus personne qui surveille nos débats. Pour l'intérêt qu'il y a là...

Mme le Vice-Président: M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Mme le Président, depuis que nous avons commencé à discuter du projet de loi, il me semble que de nouveaux faits ont été dévoilés à l'Assemblée nationale. On a découvert, au fur et à mesure, des discussions, des actes, des événements qui nous portent à vraiment nous poser des questions sur les principes fondamentaux de ce projet de loi. Mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, en a soulevé une quant au gouvernement du Québec qui n'aurait pas de responsabilité vis-à-vis des actions qui ont été prises non seulement contre la municipalité, mais aussi contre, je crois, le procureur général du Québec.

Le ministre nous a expliqué que le projet de loi ne concernait que les individus, le maire et les conseillers et ne devait pas toucher la municipalité. Je crois que cette interprétation n'est pas exacte, parce que, si on lit le projet de loi, on peut voir que, sur deux plans, pour deux raisons, il y a disculpation de la municipalité. Je sais que le ministre a dit que ce n'était pas son intention.

Je lis l'article 2. Je ne lirai pas tout l'article, mais je lirai l'interprétation, les parties de cet article qui pourraient enlever la responsabilité de la municipalité: "... aucune action en responsabilité civile,... en rapport avec un acte accompli lors de l'état d'urgence,... ne peut être fondée... sur le motif de l'inobservation d'une disposition législative."

Il n'y a pas seulement la question de l'interprétation. L'article 2 du projet de loi le dit clairement. Vous définissez, vous donnez une définition de l'état d'urgence: c'est la situation causée par des infiltrations suprêmes de produits pétroliers qui a commencé le 11 avril 1978 et qui s'est terminée le 15 août 1978. Vous dites qu'à l'égard des actes qui ont été accomplis durant cet état d'urgence, il n'y aura pas de responsabilité. Vous ne limitez pas cela au maire, aux conseillers, cela peut être n'importe qui. Cela va même plus loin que disculper la ville, cela peut même disculper n'importe quel citoyen qui peut être considéré dans les termes de cet article. C'est un article complètement général qui non seulement affecte le maire, les conseillers, mais la ville, le gouver- nement. Cela peut même affecter des individus et les disculper.

En plus des arguments qui ont été apportés par mes collègues quant à l'ingérence du pouvoir législatif dans le pouvoir judiciaire, nous avons clairement ici une clause, une interprétation qui peut enlever cette responsabilité. Je serais presque d'accord avec mon collègue de D'Arcy McGee. (2 h 20)

On va être solidaires de ce côté-ci, mes collègues de l'Opposition officielle et moi-même, mais vraiment, ce qu'on devrait faire, c'est, sinon voter contre, du moins convaincre le gouvernement de reporter à demain ou à un jour ou deux l'étude de ce projet de loi parce que ce sont des principes absolument fondamentaux qui sont en jeu. On ne fait pas de l'opposition pour le plaisir d'en faire. Ce n'est pas à 2 h 20 du matin qu'on va parler contre le gouvernement pour ne rien dire. Lorsque le gouvernement — on l'a prouvé dans le passé — a pris une position qui n'était même pas trop populaire à certains égards, et qu'on l'a jugée acceptable, on a appuyé le gouvernement.

Mais dans une question comme celle-ci, je pense que même le ministre des Affaires municipales doit se rendre compte du pétrin dans lequel le gouvernement s'est placé en présentant la deuxième lecture de ce projet de loi, et je vais être charitable envers le ministre. Je veux rappeler à ce dernier... je me demande pourquoi cela arrive toujours au ministre des Affaires municipales.

Il y a eu le projet de loi 31, je crois. Le même problème quant aux principes fondamentaux s'est posé. Le ministre a cédé. On a été obligé de discuter jusqu'aux petites heures du matin. Il y a eu le projet de loi 44. Encore le ministre des Affaires municipales. On a continué jusqu'à 5 heures moins quart le matin.

Alors, je me demande... ou le ministre doit changer les conseillers qui rédigent les projets de loi pour lui, ou il doit être un peu plus soigneux dans la lecture qu'il fait lui-même de ses projets de loi avant de les présenter à l'Assemblée nationale. Je voudrais faire appel à la bonne volonté et à la responsabilité du gouvernement pour qu'il retire la deuxième lecture, pour qu'il la reporte, soit à plus tard aujourd'hui, soit à demain, pour faire les changements que même le ministre veut faire, mais il ne peut les faire après la deuxième lecture parce que lorsqu'on va en commission parlementaire après la deuxième lecture, les principes sont acceptés.

On ne peut pas poser de questions et dire qu'à l'article 2 on devrait enlever les mots "... sur le motif de l'inobservation d'une disposition législative... " La réponse qu'on va se faire donner est que ce principe a été accepté en deuxième lecture. Alors, même nos suggestions, nos recommandations, nos motions d'amendement seront irrecevables. Si ce n'est pas l'intention du ministre, s'il est vraiment de bonne foi et qu'il dit que la seule intention qu'il a par ce projet de loi est de s'assurer que les gens, le maire et les conseillers qui ont agi de bonne foi ne devraient pas être

pénalisés et que la ville, qui a agi d'une façon responsable et qui a posé certains gestes pour aider la population, ne devrait pas être pénalisée, nous sommes d'accord sur ces principes, mais ce ne sont pas ces principes que nous voyons dans le projet de loi.

Nous n'avons pas l'information nécessaire. Non seulement nous n'avons pas l'information nécessaire, mais nous avons un projet de loi qui va à l'encontre même de tous les principes et même de nos lois, des principes fondamentaux de notre loi.

Alors, je ferais appel — je ne veux pas éterniser le débat... Je pourrais parler... si cela était vraiment notre intention de faire un "filibuster". Cela ne l'est pas. Je veux assurer le ministre de cela. Je pourrais continuer le débat pendant encore dix ou quinze minutes, mais je veux seulement porter à l'attention du ministre exactement ce que dit ce projet de loi, ses implications, ses conséquences. Je demanderais au gouvernement de démontrer vraiment sa responsabilité en reportant l'étude de ce projet de loi.

On aurait pu faire une motion de report de 48 heures ou de 24 heures, si on a voulu faire des procédures, ce n'était pas notre intention. À moins, Mme le Président, que le ministre nous indique qu'il est complètement fermé à toutes les suggestions que nous lui faisons, qu'il ne nous écoute pas et qu'il ne veut même pas considérer la possibilité de retarder l'étude en deuxième lecture.

Mme le Président, pour ces raisons, je demanderais, avec responsabilité et sincérité... Nous avons aussi le même souci que vous de s'assurer que les gens qui ont agi de bonne foi à Saint-Eustache ne soient pas pénalisés, mais ce n'est pas avec ce projet de loi que vous allez accomplir cela. La raison pour laquelle je vous ai référé aux deux autres projets de loi que vous avez présentés à cette Chambre dans les deux dernières années, c'est que les mêmes choses se sont produites. Finalement, après six, sept, huit heures de discussions, vous avez cédé. Je pense, qu'en raison de votre peu d'expérience, on pouvait vous pardonner à la première session. Vous étiez nouvellement arrivé à votre ministère. On pouvait excuser cela mais je pense que vous avez dû prendre un peu d'expérience depuis ce temps-là, ne pas répéter les mêmes erreurs et dire: C'est vrai, quelqu'un... Ce n'est pas vous qui avez rédigé personnellement ce projet de loi; ce sont vos légistes, ce sont vos juristes et quelqu'un a commis des erreurs fondamentales dans cette rédaction. Cela ne nous arrive pas seulement dans ce projet de loi-ci. Hier, j'étais en commission parlementaire et les modifications qu'on nous apporte des fois sont plus nombreuses que le projet de loi original.

Alors, je fais appel, en terminant, Mme le Président, à la bonne volonté du ministre, à son sens des responsabilités et je demanderais tout bonnement qu'il reporte l'étude de ce projet de loi, Mme le Président, et j'en fais motion.

M. Forget: Mme le Président, est-ce qu'on demande la parole?

Mme le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Lavoie: Le leader a déjà parlé sur cette motion. On demande la parole.

M. Lessard: Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le ministre des Transports et M. le député de Saint-Laurent ensuite.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: Mme le Président, j'aimerais parler sur le projet de loi 106 et préciser un peu dans quel sens ce projet de loi a été déposé. Je pense que ce projet de loi est très clair et n'a pas pour but, en fait, d'empêcher toute procédure contre le conseil municipal de la ville de Saint-Eustache, mais a pour but, Mme le Président, de protéger un certain nombre de personnes. Il faut bien se situer dans le contexte.

En effet, le 11 avril 1978, une situation d'urgence se présente dans la ville de Saint-Eustache qui touchait l'infiltration souterraine de produits pétroliers. À ce moment-là les citoyens étaient vraiment dans une situation où leur seule possibilité était de demander au conseil municipal d'intervenir. Et en même temps, le conseil municipal n'avait pas tous les pouvoirs d'intervention. Il fallait qu'il prenne les moyens nécessaires pour faire face à la situation. Les membres du conseil municipal ont dû prendre ces moyens.

C'est exact que toutes les lois n'avaient pas été prévues pour faire face à une telle situation. Il est exact que, comme membres du conseil municipal, ces gens-là n'avaient pas toute la protection nécessaire en vertu des lois du Québec mais, Mme le Président, quand il y a des gens qui sont en danger, quand la vie humaine des citoyens est en danger, il faut quand même...

M. Grenier: Je demanderais le quorum.

Mme le Vice-Président: Nous allons compter le nombre de députés. Voulez-vous vérifier le nombre de députés dans cette Assemblée, s'il vous plaît? (2 h 20)

M. le ministre des Transports, nous avons maintenant quorum.

M. le ministre.

M. Lessard: Mme le Président, la vie de citoyens était en danger le 11 avril 1978. Les lois du Québec n'avaient pas entièrement prévu des situations comme celle qui se présentait à Saint-Eustache. Ces gens ne pouvaient pas convoquer l'Assemblée nationale pour demander que ces procédures puissent être adoptées ici. Comme membres du conseil municipal, ils étaient appelés par l'ensemble de leurs citoyens à prendre des mesures pour protéger la vie personnelle, et je dis bien, la vie personnelle des citoyens de Saint-Eustache.

Les membres du conseil municipal ont entamé ces procédures, ont pris ces moyens, conscients de leurs responsabilités, mais conscients en même temps qu'ils couraient des risques. Sans se préoccuper des risques personnels qu'ils couraient à cette occasion, ils ont décidé quand même de faire des gestes pour protéger la vie de leurs citoyens. Gestes qui n'étaient pas nécessairement acceptés en vertu de leurs lois, parce qu'ils ont dû engager des fonds municipaux pour protéger la vie de leurs citoyens.

Est-ce qu'aujourd'hui, on peut condamner ces individus? Est-ce qu'aujourd'hui, on peut permettre à des citoyens de prendre des procédures contre des gens qui ont été élus démocratiquement, contre des gens qui ont pris en même temps les moyens nécessaires pour sauver des vies humaines?

Mme la Présidente, la loi qui vous est proposée ici ce soir a simplement comme objectif et pour but d'empêcher que des procédures soient prises contre ces individus, membres du conseil municipal, contre des personnes, individuellement. Je n'ai pas le droit, à l'occasion de la deuxième lecture, de lire textuellement un article du projet de loi, mais je voudrais quand même vous donner un article qui explique le principe de ce projet de loi. Cet article n'a pas pour but d'empêcher que des procédures civiles soient prises contre l'ensemble du conseil municipal. Cet article a pour but d'empêcher que des individus membres du conseil municipal soient poursuivis en tant qu'individus. En effet, on définit dans ce projet de loi l'état d'urgence...

M. Lavoie: Mme la Présidente...

Mme le Vice-Président: Question de règlement, M. le leader.

M. Lavoie: ... je m'excuse d'interrompre le ministre des Transports dans cette grande envolée, mais je voudrais, à 2 h 35, vous rappeler qu'il n'y a pas quorum, nous sommes 26 députés environ.

Le Président (Mme Cuerrier): Commencez par compter les députés, M. le leader. Vous pouvez continuer, M. le ministre des Transports, nous avons maintenant quorum.

M. Lessard: Mme la Présidente, l'objectif de ce projet de loi est d'empêcher qu'aucune action en déclaration d'inhabileté d'un membre du conseil ou d'un fonctionnaire municipal, qu'aucune action en responsabilité civile ni aucune action pouvant entraîner une condamnation à une amende contre un membre du conseil ou un fonctionnaire municipal, en rapport avec un acte accompli lors de l'état d'urgence, au moment où des vies humaines sont en danger; qu'aucune de ces actions ne peut être fondée sur le motif de l'omission d'une formalité même impérative ou sur le motif de l'inobservation d'une disposition législative.

Quand on parle de disposition législative, il y a des fonds qui ont été engagés à ce moment-là par la municipalité, pour sauver des vies humaines. Est-ce qu'on peut actuellement condamner ou accepter que des gens soient condamnés parce qu'un état d'urgence s'est présenté — et Mme la Présidente, l'état d'urgence est décrit dans le projet de loi — soit la situation causée par des infiltrations souterraines de produits pétroliers.

On sait que les puits des individus, des citoyens de Saint-Eustache, avaient été envahis par du pétrole. Il y avait une situation où les membres du conseil municipal devaient intervenir. L'objectif de ce projet de loi est tout simplement de dire ce soir que ces gens-là, que nous devrions d'ailleurs féliciter de leur action, parce que sans considérer les risques dans lesquels ils s'engageaient, sans considérer leurs risques personnels et sans consultation avec le gouvernement du Québec, ces gens-là, membres d un conseil municipal, ont pris les moyens nécessaires pour sauver des vies humaines.

Et aujourd'hui, Mme le Président, on hésiterait, nous, membres de l'Assemblée nationale, à prendre les moyens nécessaires pour empêcher que ces individus, que ces personnes, membres d'un conseil municipal, pour empêcher qu'ils soient sujets à des procédures individuelles, par des citoyens, par des organismes, par des compagnies; nous, on va éviter un projet de loi qui empêche ces procédures?

Mme le Président, je dis qu'il y a des situations spéciales, il y a des situations anormales qui se présentent et, à ce moment-là, il y a des citoyens qui sont obligés de prendre les moyens nécessaires pour sauver des vies humaines.

Je vous dis, en conclusion, Mme le Président, que ce projet de loi n'a pas pour but d'empêcher toute procédure au civil contre le conseil municipal comme tel, mais a tout simplement pour but d'empêcher que des individus soient obligés de payer, à même leurs propres deniers, à même leur propre argent et plus que cela, Mme le Président, à même leur vie personnelle, qu'ils soient obligés de payer de leur propre situation financière parce qu'ils ont pris les moyens nécessaires pour sauver la vie de leurs concitoyens.

Mme le Président, je pense que nous sommes d'accord, même à trois heures moins vingt du matin, pour passer un projet de loi comme celui-là, et nous allons le passer.

Mme le Vice-Président: M. le député de Saint-Laurent. (2 h 40)

M. Claude Forget

M. Forget: Mme le Président, l'envolée que nous venons d'entendre de la part du ministre des Transports est basée essentiellement sur un argument qui est insuffisant. L'argument est à peu près celui-ci; l'intention du ministre, ou l'intention du Conseil des ministres, dans la préparation et la présentation de ce projet de loi était une intention louable. On nous présente cette loi un peu comme

une loi du bon Samaritain, une loi qui cherche à exonérer de toute responsabilité des gens qui sont venus au secours d'autrui à leurs propres risques. Et dans la mesure où ce serait là le seul effet de la loi, on pourrait, bien sûr, être d'accord avec le gouvernement, être d'accord avec le ministre des Transports. Mais comme il le sait peut-être puisqu'il est avocat, la question de l'intention du législateur ne se résout pas...

Une voix: Qui est avocat? Il n'est pas avocat.

M. Forget: II n'est pas avocat? Ah! Il va peut-être l'apprendre, à ce moment-là.

M. Lessard: Heureusement!

M. Forget: La question de l'intention du législateur n'est pas identique à la question de savoir quelle est l'intention du ministre. Quand les tribunaux sont amenés à interpréter une loi, ils ne sont même pas tenus — et il y a une pratique effectivement contraire — de consulter les déclarations du ministre à l'Assemblée nationale ou à l'extérieur de l'Assemblée nationale. Il y a même une pratique qui veut que l'on ne regarde pas ces déclarations parce qu'elles ne nous renseignent pas sur la véritable intention du législateur au sens de la loi.

Cette intention du législateur, il faut la déduire du sens ordinaire des mots dans un texte de loi. C'est en regardant ce que les mots veulent dire, dans le dictionnaire, que l'on en déduit une intention, un sens. Quand on se livre à cette opération, on peut, bien sûr, retrouver le sens que le ministre des Transports et le ministre des Affaires municipales y retrouvent. Mais on y retrouve aussi un certain nombre d'autres sens possibles.

L'intention que nous avons de ce côté-ci de l'Assemblée nationale n'est pas de frustrer le gouvernement dans son louable désir d'aider les bons Samaritains qu'ont été les membres du conseil municipal de la ville de Saint-Eustache, mais c'est d'éviter que des conséquences imprévues, apparemment imprévues par le gouvernement et indésirables, ne se réalisent.

Et pour voir ces autres conséquences, il est nécessaire de décomposer, en quelque sorte, dans ses parties constituantes, l'ensemble des décisions prises par le conseil municipal qui pourraient donner ouverture à des actions en justice, sous prétexte de responsabilité civile, sous prétexte de responsabilité pénale, parce que certaines lois auraient été enfreintes.

Quand on fait cela, on a un certain nombre de distinctions à faire.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le député de Vanier.

M. Bertrand: C'est simplement une question de règlement à ce stade-ci. Je ne sais pas si le député de Saint-Laurent me permettra de l'interrompre.

M. Forget: C'est déjà fait.

Nouvelle motion d'ajournement du débat

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: C'est fait.

M. le Président, je voudrais faire une proposition à ce moment-ci à l'Opposition, aux deux Oppositions. Étant donné que, de part et d'autre, des arguments fort valables ont été apportés, que ce soit par le ministre des Transports, le ministre des Affaires municipales ou les députés de l'Opposition, relativement à ce projet de loi, et que, de part et d'autre, on sent fort bien que l'ardeur dans notre dynamisme à poursuivre le débat ne s'estompera pas, même faute de combattants, je demanderais à ce moment-ci si l'Opposition acquiescerait à une proposition qui serait la suivante: Ce serait de faire motion pour suspendre l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture, de suspendre le débat sur ce projet de loi en deuxième lecture, de donner avis immédiatement à la Chambre que le projet de loi est déféré à la commission parlementaire des Affaires municipales, pour qu'on y regarde tous les aspects juridiques et autres relatifs à ce projet de loi.

Que par contre, l'Opposition nous donne son consentement pour que le délai de sept jours habituellement requis entre la publication de l'avis au feuilleton et la tenue de la commission ne soit pas respecté, et qu'en plus, il soit possible que ce projet de loi puisse être étudié en commission parlementaire dès lundi, au moment où d'autres projets de loi du même ministère seront appelés, pour qu'ainsi l'organisation de nos travaux ne soit pas bouleversée inutilement et qu'après avoir obtenu les renseignements requis par l'Opposition pour être en mesure de poser un jugement éclairé sur ce projet de loi, nous revenions ensuite à l'Assemblée nationale, que nous disposions du projet de loi en deuxième lecture, je crois, sans même qu'il soit utile d'avoir un véritable débat, puisqu'il aura sans doute eu lieu en commission parlementaire, et qu'ensuite, nous procédions selon les règlements, habituellement prévus à l'Assemblée nationale, soit de le déférer de nouveau pour étude article par article avec d'autres projets de loi du ministère des Affaires municipales, et enfin, vote en troisième lecture à l'Assemblée nationale puis sanction par le lieutenant-gouverneur.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: M. le Président, je crois qu'on peut résumer cette proposition; elle me paraît acceptable pour l'Opposition libérale. Je présume qu'il y a demande d'ajournement du débat. Pour résumer, il y aura déférence du projet de loi en commission parlementaire des affaires municipales pour lundi, retour à la Chambre pour la fin du débat de deuxième lecture — je prévois que le débat ne sera pas tellement long — et procédures normales.

Je remercie le leader adjoint du gouvernement d'accéder à la demande de l'Opposition libérale et de l'Union Nationale. Cela nous convient. Une simple technicité, je crois que l'ajournement du débat ne pourra pas être fait, en vertu de l'article 77, par le député de Vanier. Il faut qu'il soit fait nécessairement par un ministre, soit le ministre des Transports ou le ministre des Affaires municipales, les seuls ministres présents en Chambre actuellement.

M. Tardif: M. le Président, il me fait plaisir de demander la suspension du débat, l'ajournement, si l'on préfère, aux termes et sous réserve des conditions évoquées par le leader.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, cela me tenterait quasiment à 2 h 50 de dire que cela ne nous va pas, quand on sait que c'est une proposition qui a été faite sous le coup de 23 heures, hier soir, et qu'on en arrive exactement aux mêmes fins. Ce serait tentant de dire que cela ne nous va pas, quand on voit maintenant que le gouvernement a retraité là-dessus et qu'il a décidé d'accepter la proposition tout à fait correcte qui a été faite par les deux Oppositions. Nous donnons notre consentement.

Le Président: La formule la plus simple, M. le député de Vanier, à mon humble avis, compte tenu du fait qu'il semble y avoir un consentement unanime, c'est qu'on accepte, par consentement, que M. le député de Saint-Laurent propose l'ajournement du débat. C'est la formule la plus simple, enfin, techniquement... Est-ce qu'il y a consentement à ce que la motion d'ajournement...

M. Lavoie: Consentement que ce soit fait par le ministre des Affaires municipales.

Renvoi à la commission des affaires municipales

Le Président: D'accord. Cette motion est adoptée. Il faudrait peut-être une motion de renvoi à la commission des affaires municipales, proposée par M. le député de Vanier. Est-ce que cette motion de renvoi à la commission des affaires municipales sera adoptée?

Travaux parlementaires

M. Lavoie: Adopté.

Je voudrais bien qu'on s'entende sur cette question. Au début, il n'y avait qu'un projet de loi à être étudié par la commission des affaires municipales, lundi, puis, c'était deux, plus tard, cela a été trois et maintenant, c'est quatre. Il y en a eu un autre de déféré...

M. Bertrand: Consentement. Sherbrooke. Sur Beauport, il n'y a pas eu consentement, le leader de l'Opposition de l'Union Nationale a refusé son consentement.

(2 h 50)

M. Lavoie: Je voudrais bien, quand même, qu'il y ait priorité pour étudier le bill privé de la ville de Laval, lundi matin en commission parlementaire.

M. Tardif: On verra.

M. Lavoie: M. le ministre, je vous le demande bien gentiment, sans agressivité. C'est prioritaire.

M. Tardif: Cela me fera plaisir d'examiner cela.

M. Lavoie: Pourrais-je avoir, quand même, votre acquiescement à cela?

Le Président: M. le ministre.

M. Tardif: II ne m'appartient pas de décider ici, à ce moment, de l'ordre dans lequel seront appelés les projets de loi qui seront étudiés. La commission est maîtresse de son calendrier de travail. Sur les projets qui ont été étudiés hier, pas plus tard qu'hier, cinq bills privés, nous avons convenu d'une entente entre tous les partis. Je suis ouvert à la discusion là-dessus, mais je ne voudrais pas ici...

Généralement, on les prend par ordre croissant de difficultés. On commence par les choses les plus faciles de façon à libérer les gens le plus rapidement et on termine par les choses les plus complexes.

M. Lavoie: Je suis convaincu que, dans ce cas, nous allons commencer par la ville de Laval parce que nos arguments sont assez puissants pour convaincre très rapidement le ministre. On pourra donc procéder, en premier lieu, par le projet de loi de la ville de Laval.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle et M. le ministre des Affaires municipales, je peux vous suggérer un compromis très facile. On pourrait commencer par Beauport.

M. Bertrand: M. le Président on s'excuse infiniment parce qu'on a voulu vraiment vous aider dans cette cause très noble pour aider la municipalité de Beauport, mais le leader de l'Union Nationale nous a refusé son consentement pour que Beauport soit inscrit à la commission des affaires municipales pour lundi. Je suis totalement d'accord avec le député de Laval. On peut effectivement commencer par le projet de loi relatif à la ville de Saint-Eustache. Je suis totalement d'accord avec le député de Laval.

M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas ce qu'il a dit.

M. Gratton: Ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a dit le contraire.

M. Lavoie: Voulez-vous qu'on continue?

M. Bertrand: Je le sais. C'est justement pour cela que je le dis. Là-dessus, étant donné que la commission est maîtresse de ses travaux, je pense qu'on peut attendre à lundi matin pour discuter de cette chose, vers 10 h, 10 h 30 ou 11 heures; cela serait peut-être préférable. C'est, d'ailleurs, à 10 heures que la commission est prévue.

Une voix: Y a-t-il autre chose?

M. Bertrand: Oui, il y a autre chose.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le chef parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): ... vous me permettrez à ce moment-ci de rappeler simplement un détail. Le député de Saint-Laurent avait la parole. Je pense bien que le consentement doit comprendre le fait que le député de Saint-Laurent pourra continuer, s'il y a lieu, en deuxième lecture.

M. Bertrand: Oui.

M. Levesque (Bonaventure): S'il y a lieu.

Lé Président: C'était le sens de la suggestion que j'ai faite tout à l'heure. Il y aura consentement. Alors, on tiendra pour acquis, M. le député de Saint-Laurent, s'il y a lieu, le cas échéant, que vous avez demandé l'ajournement du débat.

M. le député de Vanier.

M. Bertrand: II me fait plaisir de dire que, dans sept heures à compter de maintenant, nous reprendrons nos travaux à l'Assemblée nationale. Après la période des questions, nous aborderons l'étude du projet de loi no 116, Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

Il y a entente pour qu'il y ait discours...

M. Fontaine: il n'y a pas d'entente.

M. Bertrand: Un instant! Il y a entente pour qu'il y ait discours du ministre de l'Agriculture en deuxième lecture sur son projet de loi. Il y a entente pour que le Parti libéral tienne son discours en réponse au ministre de l'Agriculture. Il y a entente pour qu'il y ait ajournement ensuite du débat pour que l'Union Nationale puisse préparer son discours...

Une voix: Non. Non.

M. Bertrand: ... et le tenir quand elle sera disposée à le faire et qu'ensuite nous passions au projet de loi no 123, Loi modifiant la Loi électorale.

M. Lavoie: Bien calmement...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: ... car ce n'est pas l'heure d'être agressif, pourrais-je vous demander avec qui vous avez eu une entente du côté libéral? Avec qui?

M. Bertrand: Le leader parlementaire de l'Opposition officielle sait fort bien qu'en dehors de la possibilité d'avoir des conférences de leaders à l'occasion, pour justement prévoir ce travail, il y a souvent coopération entre des fonctionnaires de chacune des formations politiques qui ont, jusqu'à un certain point, le mandat de communiquer avec leurs députés pour qu'on puisse établir notre travail.

J'ai ici, me venant du leader du gouvernement, une note disant, de façon très explicite que des représentants du Parti libéral, et je pense que vous savez de qui je parle, ont accepté de donner la réplique au ministre de l'Agriculture sur ce projet de loi des marchés agricoles, et qu'ensuite il y ait ajournement du débat pour que l'Union Nationale puisse se préparer à tenir son discours et que, pendant ce temps, nous passions à l'étude du projet de loi no 123.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Je m'excuse auprès du député de Mégantic-Compton. Je vous ai posé la question parce que, premièrement, je n'étais pas concerné. Le chef du parti à ma droite me dit qu'il n'a jamais eu connaissance de cette entente. Le whip du parti est là également et d'autres députés. Il y a deux personnes ici qui appartiennent au bureau de recherches au cabinet de l'Opposition, je vais les nommer, M. Rivest et M. Pitre, qui sont attachés, l'un au chef du parti et l'autre au cabinet du leader, et ils me font signe qu'il n'y a pas eu de telle entente. Je voudrais bien savoir avec qui vous avez... Écoutez. Je vais vous dire pourquoi. La simple raison, c'est que le porte-parole de l'Opposition officielle, l'Opposition libérale, dans les lois sur l'agriculture, c'est le député de Montmagny-L'Islet qui, depuis quelques jours, siège d'une manière très intense, à la commission de l'agriculture sur la loi du zonage agricole. Le député de Montmagny-L'Islet me dit que son dossier n'est pas à point pour répondre au ministre. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas prêts à étudier ce projet de loi demain matin, c'est impensable.

M. Grenier: M. le Président, j'aimerais vous faire part également...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: ... que le leader du parti n'a pas été informé et que personne de notre formation

politique n'a entendu parler de cette proposition. Il est bien évident que s'il y avait eu une espèce de demi-entente, à savoir qu'on répondrait au ministre de l'Agriculture, de même que le porte-parole du Parti libéral, c'est bien évident que notre porte-parole aurait été aussi prêt que tous ceux-là. On a le même problème. Notre porte-parole, le député de Huntingdon, siège à la commission du zonage agricole et le dossier n'est pas prêt pour demain. Je ne vois pas ce qui presse tant que cela, sauf une que tout le monde soupçonne pour demain soir, à l'heure du souper, mais ce n'est pas une urgence nationale.

Le Président: M. le député de Vanier, est-ce qu'il y a entente pour admettre qu'il n'y a pas d'entente?

M. Bertrand: À trois heures moins trois, M. le Président, je suis tellement heureux de savoir que, dans quelques minutes, je me retrouverai à l'intérieur d'une chambre beaucoup plus accueillante que celle-ci, qu'il me fait plaisir, à ce moment-ci, de dire que quelque indication que ce soit sur l'organisation de nos travaux demain sera donnée par le député de Saint-Jacques. Vous apprendrez de sa bouche que c'est le projet de loi 116 ou un autre projet de loi qui sera appelé, et dans l'état, dans la forme qui prévaudra en cette Assemblée nationale, je pense que nous serons prêts à donner des accords que nous ne donnerons pas à trois heures moins trois.

Le Président: M. le ministre des Transports, puis-je vous suggérer de proposer l'ajournement des travaux de la Chambre.

M. Lessard: Merci, M. le Président. Je propose la suspension des travaux...

Le Président: L'ajournement.

M. Lessard: ... l'ajournement de nos travaux.

Le Président: Adopté? Adopté. Alors, l'Assemblée ajourne ses travaux à aujourd'hui 10 heures.

Fin de la séance à 2 h 59

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