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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, September 11, 2024 - Vol. 47 N° 79

Special consultations and public hearings on Bill 66, an Act to reinforce the supervision of persons in respect of whom has been rendered a verdict of not criminally responsible by reason of mental disorder or of unfit to stand trial


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Provençal) :Alors, bonjour à tous! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. La Commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 66, Loi visant à renforcer le suivi des personnes faisant l'objet d'un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux ou d'inaptitude à subir leur procès. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Grondin (Argenteuil) est remplacée par M. Allaire (Maskinongé); Mme Caron (La Pinière) par Mme Maccarone (Westmount-Saint-Louis); et M. Marissal (Rosemont) par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Provençal) :Compte tenu qu'on a commencé un 16 minutes plus tard, j'ai besoin du consentement pour qu'on puisse additionner un 16 minutes pour respecter les gens qui sont... qui se sont déplacés pour venir présenter un mémoire. Ça va? Consentement? Merci beaucoup.

Donc, ce matin, nous entendrons le témoin suivant : l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Je vous souhaite la bienvenue et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite nous allons procéder aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole, et merci de vous être déplacés.

M. Painchaud (Jacques) :Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, et députés présents, et autres membres, bonjour. Avant de commencer, je vais présenter, à ma droite, M.... Me André Fiset, avocat, qui travaille avec nous, et à ma gauche, Me David Coderre, avocat à l'association.

Alors, d'abord, l'APPQ tient à remercier la commission de l'opportunité qui nous est offerte de faire valoir notre point de vue concernant le projet de loi n° 66. C'est d'autant plus important pour nous, considérant le décès de notre collègue et amie la sergente Maureen Breau, décédée tragiquement le 27 mars 2023 lors d'une intervention policière. Ces événements vont rester gravés dans notre mémoire et ont remis à l'avant-plan le nombre élevé d'enjeux reliés aux personnes aux prises avec des troubles de santé mentale potentiellement dangereuses.

On n'a qu'à penser à l'absence de partage d'information entre les différents acteurs intervenant auprès de ces personnes, détaillée notamment par la coroner, Me Géhane Kamel, dans son rapport rendu public hier. Nous faisons nôtres ses 38 recommandations, notamment celles émises au ministère de la Santé et des Services sociaux, au ministère de la Sécurité publique, au ministre de la Justice, au Directeur des poursuites criminelles et pénales, à la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec, à l'École nationale de police du Québec et à la Sûreté du Québec.

C'est d'ailleurs suivant ces événements que l'APPQ avait présenté à l'Assemblée nationale une pétition ayant accueilli plus de 24 000 signatures demandant notamment au gouvernement un meilleur encadrement des personnes aux prises avec des troubles de santé mentale potentiellement violentes, et en novembre 2023 nous transmettions au gouvernement un document de réflexion exposant nos recommandations à cet égard.

D'abord, il faut mentionner que dans sa globalité, l'APPQ accueille favorablement les modifications proposées par le projet de loi n° 66. Ces modifications sont toutefois insuffisantes dans l'océan des problématiques de santé mentale et de sécurité publique. Plusieurs des modifications proposées dans le projet de loi n° 66 se limitent aux personnes judiciarisées, et non à toute personne potentiellement violente dont l'état mental est perturbé.

Cela dit, nous sommes tout à fait conscients que le projet de loi n° 66 n'est pas une fin en soi, et différentes autres modifications législatives devraient être apportées afin de permettre un meilleur encadrement de ces personnes dans le cadre de d'autres travaux du gouvernement, notamment dans le cadre de la révision de la loi P-38.

Dans ce cadre, et avant d'entrer plus précisément dans nos commentaires relatifs à ce projet de loi, nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec devrait étendre ses modifications législatives afin d'adopter des mesures semblables à la loi Brian, qui furent adoptées en 2000 en Ontario suivant le meurtre de M. Brian Smith par une personne atteinte de troubles mentaux. En outre, cette loi a écarté le critère de danger immédiat nécessaire pour amener une personne contre son gré à l'hôpital par le corps policier. Depuis ces modifications législatives, le modèle ontarien permet notamment aux policiers d'amener une personne...

M. Painchaud (Jacques) :...une personne atteinte de troubles mentaux lorsqu'ils ont des motifs raisonnables et probables de croire que cette personne se comporte d'une manière violente ou désordonnée et qu'elle pourrait s'infliger des blessures graves ou à autrui.

Par ailleurs, cette loi permet d'imposer un plan de traitement et de surveillance à certaines personnes atteintes de problèmes graves de santé mentale, par exemple en contraignant ce dernier à ne pas consommer de l'alcool ou des drogues.

Relativement... Et là, je vais rentrer maintenant directement dans les modifications proposées au projet de loi n° 66. Alors, premièrement, en ce qui concerne l'élargissement du mandat des services correctionnels relativement au suivi des personnes visées par un verdict de non-responsabilité criminelle pour troubles mentaux, visées par la plupart des modifications proposées par le projet de loi n° 66, voici nos commentaires. En cas de verdict de non-responsabilité criminelle et de libération conditionnelle d'un individu, le Code criminel prévoit que le suivi subséquent de ces conditions peut être délégué au responsable d'un hôpital selon les modalités de la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec, malgré les moyens limités et le peu de ressources qu'il dispose pour remplir ce mandat adéquatement. Conséquemment, aucun suivi périodique n'est effectué par quelconque représentant du système judiciaire ou correctionnel. Alors, nous, ce que nous disons, c'est que ce projet de loi répond adéquatement à cette problématique, qui, je vous le dis, dissipe tout doute quant à la compétence et à la capacité des services correctionnels à prendre en charge les personnes visées par un verdict de non-responsabilité criminelle pour troubles mentaux.

Deuxièmement, nous soulignons l'importance d'accorder des ressources adéquates, notamment en ce qui concerne le financement, les effectifs et la formation continue. Nous dénonçons, depuis de plusieurs années, le manque d'effectifs puis de formation continue au sein de la Sûreté du Québec. Nous sommes à même de constater à quel point ce manque d'effectifs et de ressources en formation a un effet sur la prestation de services et nous croyons que ce serait la même chose pour les services correctionnels. Nous sommes d'avis que l'implication à des services correctionnels dans le suivi subséquent pourrait effectivement permettre un encadrement plus rapproché des personnes visées non seulement en ce qui concerne le respect des conditions de libération, mais également en ce qui concerne l'évaluation de leur potentiel niveau dangerosité, le tout en complémentarité avec des équipes médicales. C'est d'ailleurs un des objectifs visés par ce projet de loi. Nous sommes d'avis que les services correctionnels devraient systématiquement être impliqués dans le suivi des personnes visées.

• (11 h 40) •

Troisièmement, en ce qui concerne le partage d'informations entre les intervenants, l'article premier du projet de loi n° 66 permettra à un organisme du secteur de la santé et des services sociaux de communiquer des renseignements qu'il détient à un corps de police qui intervient auprès d'une personne faisant l'objet d'un verdict de non-responsable criminelle. Nous sommes en accord avec les modifications proposées à l'article 76 de la Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux, qui pourrait permettre le partage plus facile d'informations pertinentes. Mais nous nous questionnons sur l'effet de telles modifications en raison, d'abord, de l'absence d'un caractère systématique d'un tel partage d'informations. En effet, dans le contexte de pénurie de main-d'œuvre et les problématiques... les problématiques d'effectifs actuelles, cette modification pourrait ne pas avoir tous les effets escomptés. De plus, la modification prévue à cet article ne prévoit qu'un canal unidirectionnel de partage d'informations, soit de l'organisme vers le corps de police. À notre avis, ce partage devrait concerner tous les intervenants auprès d'une personne visée par le verdict de non-responsabilité criminelle.

Notre recommandation n'a pas pour objectif d'obtenir le dossier médical complet d'un individu, mais plutôt l'obtention de toute information pertinente aux fins d'évaluation des risques, autant de la part des services correctionnels que de l'équipe médicale traitante ou des membres policiers ayant intervenu auprès des personnes, le but ultime de cette récolte d'informations étant de planifier une intervention policière ou autre de la manière la plus sécuritaire possible pour tous les acteurs en permettant une évaluation des risques réels.

Nous recommandons l'inscription et le partage systématique, détaillé et uniformisé d'informations pertinentes pour toutes les parties impliquées non seulement pour l'organisme de santé. Un tel partage et une telle instruction pourraient être effectués au Centre de renseignements policiers de ... qu'on dit, nous, dans nos termes, le CRPQ, ou tout autre système informatique centralisé et provincial permettant le partage d'informations, ce qui aurait un effet concret, réel et immédiat sur le quotidien de nos membres policiers et contribuerait nécessairement à une diminution des risques lors d'une intervention policière. Au même titre, l'inscription systématique de données provenant des décisions du comité d'examen des troubles mentaux du Québec au CRPQ devrait, à notre avis, être uniformisée afin d'assurer la protection du public et de nos membres.

Malgré ces commentaires, nous réitérons que les modifications proposées par le projet de loi n° 66 demeurent une avancée positive. En résumé, nous accueillons favorablement les modifications proposées par le projet de loi n° 66, mais celles-ci ne peuvent à elles seules...

M. Painchaud (Jacques) : ...répondre aux diverses problématiques liées aux enjeux de santé et de sécurité publique. Le suivi effectué par les services correctionnels constitue une mesure adéquate et répond à nos propositions à ce sujet. De fait, les infrastructures numériques et les procédures présentement effectives permettraient nécessairement la mise en place d'un suivi adéquat envers les personnes visées par un verdict de non-responsabilité criminelle pour troubles mentaux ainsi qu'un partage efficace d'informations le cas échéant. Ces modifications devront être accompagnées de ressources financières et organisationnelles adéquates afin d'avoir un effet tangible et réel. Par ailleurs, nous soulignons à nouveau «l'impérativité» de fournir des effectifs supplémentaires et la formation continue à nos membres et à tous les intervenants impliqués. Nous réitérons que le partage d'informations devrait, à notre avis, être réciproque et transmis de manière systématique entre les parties impliquées dans un objectif de sécurité publique et dans le respect des droits fondamentaux de tous. La modification à l'article 76 demeure une avancée positive.

En terminant, nous vous soumettons à nouveau que les commentaires formulés à notre mémoire sont soumis sous toutes réserves, dans la mesure où plusieurs tables de discussion sont présentement en cours. Nous espérons, par ailleurs, que les recommandations émises par la coroner à son rapport déposé hier soient mises en œuvre dans les meilleurs délais et nous invitons ce dernier à poursuivre toutes les démarches afin d'éviter une pareille tragédie, incluant toute modification législative requise. Nous désirons remercier la commission de l'attention qu'elle portera au contenu de ce mémoire. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, M. le ministre, je vous invite à débuter l'échange.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. M. Painchaud. Messieurs, bienvenue. Vous deviez être là hier, mais je sais que vous souhaitiez entendre la coroner. Je me réjouis de voir que vous recevez positivement le projet de loi. Ce n'est pas une fin en soi. Vous êtes à la même place que moi. Je n'ai jamais eu la prétention de dire que tout est parfait. Mais vous le savez... savez, je vous l'avais dit suite à la tragédie Maureen et aussi des trois personnes qui ont été tuées, là, de façon aléatoire en août 2022, qu'il fallait agir rapidement, qu'il ne fallait pas attendre nécessairement le rapport, souhaiter que le rapport aille dans le même axe que nous, mais quand tout cela est arrivé, j'avais demandé à mon sous-ministre,  vous le savez, je vous en avais parlé, on avait un comité interministériel en place puis on était capables rapidement, autant avec le ministère de la Santé, la Justice, le DPCP, différents partenaires, de comprendre, de comprendre ce qui s'est passé puis de quelle façon on devait... on devait y répondre. Puis, sincèrement, humblement, je pense que les deux principaux points, vous les avez entendus,  je vous les répète, puis c'est là-dessus que je vais axer mes deux... mes deux, trois questions pour laisser mon collègue de Maskinongé, s'il le souhaite, qui a vécu la tragédie encore plus fortement... Le nerf de la guerre, bien, c'était les  communications,  les communications entre les intervenants de la santé et vous, les policiers et policières sur le terrain et aussi le suivi, le suivi comme tel.

Je vais commencer par le suivi, tiens. Vous semblez... Bien, je pense que la réponse je l'ai mais je vous la pose pareil, là. Pas dire louangez, là,  mais vous parlez beaucoup, beaucoup des services correctionnels. On s'est fait questionner, bon, les agents de liaison, là, ils viennent d'où, là? Je reste convaincu qu'avec le, on dit en anglais, le «background», mais le passé,  le travail de ces agents de probation qui deviennent en guillemets pour ne pas stigmatiser ces personnes,  des agents de liaison, vous semblez dire que ce sont les bonnes personnes qui ont un passé de criminologues, travailleur social ou autre, ou autre, ou autre, être les bonnes personnes pour faire ce suivi adéquat et être, je pense le mot, vous l'avez même, le même que le mien, complémentaire.

M. Painchaud (Jacques) : On croit vraiment que vous avez bien ciblé les ressources à cet endroit-là pour ça.

M. Bonnardel : Êtes-vous... bien, la réponse, je pense que je l'ai aussi, convaincu que ce suivi que l'on souhaite faire avec les équipes médicales vont nous permettre d'avoir les informations, personne qui a des modalités, ne pas consommer la drogue, d'alcool, pas déménager, médication x, y, rencontrer son psy, ce sont des informations auxquelles vous allez être vous allez être... ce sera utile pour vous dans le CRPQ. Quelle sorte d'information spécifique, le CRPQ va vous aider à avoir la part de soit l'équipe médicale soit l'agent de liaison comme tel.

M. Painchaud (Jacques) : Bien, c'est clair... C'est clair que ces informations, les renseignements, tout renseignement utile qui peut nous permettre de prévoir une éventuelle dangerosité,  prévenir le risque puis certainement avoir des informations précises sur, des fois, sur des indications sur le type d'intervention, ça va nous aider à tout adapter, là, la démarche policière...

M. Painchaud (Jacques) :...en amont. Alors, dans ce contexte-là, ça va être très, très utile.

M. Bonnardel : Puis c'est quoi dans le quotidien, là? La sous-question, là, où je m'en vais, avec l'information, le suivi... Tu sais, on nous expliquait... Le policier ne pouvait pas avoir accès à des informations, pas le diagnostic comme tel, mais le rapport que... pas le client, mais la personne x avait avec son équipe médicale pour être capable de comprendre la réaction du gars l'autre bord de la porte. Comment il réagit face à quelqu'un, exemple, puis je donne souvent l'exemple, qui porte l'uniforme ou autre?

M. Painchaud (Jacques) :Bien, c'est le bon exemple, c'est le bon exemple donné. C'est qu'actuellement, vous savez, il y a des gens qui vont réagir soit à des termes, soit à des perceptions. Il y en a, des gens, qui vont dire : Bien, moi... Il réagit mal si c'est un homme, il va réagir mieux si c'est une femme. Alors, nous, bien, on a une policière, on va demander à la policière de faire la première approche au lieu de l'homme, parce que, là, ça peut l'amener dans une escalade. Alors, c'est... ce sont dans le détail, mais ce sont des détails excessivement importants.

Puis également, bien, quand on apprend sur la nature même des problèmes qu'il peut y avoir au niveau du comportement, bien, pour nous, on veut... on peut adapter adéquatement notre intervention. Alors, il y a vraiment un processus. Puis c'est ça, dans la formation, en réponse à l'état mental perturbé, c'est des approches pour assurer une désescalade. Il va falloir que les gens comprennent bien que la police, on ne veut pas utiliser l'usage de la force. On veut autant que possible ne jamais en avoir recours. L'issue est toujours incertaine. Il y a des dangers. Mais, si on est capables, à ce moment-là, d'avoir le maximum d'informations pour adapter notre intervention, notre discussion, notre dialogue pour désamorcer la situation, bien, c'est clair qu'il y a des particularités qui peuvent nous être utiles. Et, dans ce contexte-là, votre approche de pouvoir permettre un partage d'informations va être bénéfique.

M. Bonnardel : Quand vous dites, là, la recommandation six, là, rendre obligatoire l'inscription de toutes les infos, vous craignez quoi, que l'équipe médicale dise à l'agent de liaison ou aux informations... Qu'est-ce que vous... l'interprétation que vous faites avec ça?

M. Painchaud (Jacques) :Je vais laisser Me Fiset répondre à la question.

• (11 h 50) •

M. Fiset (André) : J'ai eu l'expérience d'assister à l'enquête du coroner Kamel pour la mort de Isaac Brouillard Lessard et Maureen Breau. Je représentais une des parties intéressées, la famille de Maureen. Une des problématiques qu'on s'est aperçu, c'est que parfois les policiers se rendent sur place, ils vont rédiger un rapport, mais, comme il n'y a pas de plaintes criminelles qui vont être requises au DPCP, le rapport de leur intervention dans laquelle ils ont pu constater la présence d'un sabre japonais... de tant de pied, la présence manifeste que M. a bu ou qui a consommé des stupéfiants, malgré le fait qu'il y avait des conditions à l'effet de ne pas consommer, ce rapport-là va rester au niveau du poste de police. Et c'est pour ça que, dans les représentations de l'APPQ, on fait mention que ça ne devrait pas être un escalier mobile ou un... Il faut que ça circule dans les deux sens. Même s'il n'y a pas de procédure criminelle, malgré notre devoir de confidentialité, ce serait important au moins que le médecin traitant soit mis au courant. Il est agressif, il a frappé son concierge. Le concierge ne veut pas porter plainte. Bien, ce serait important que le médecin le sache, parce que c'est lui qui peut s'adresser à la Commission d'examen des troubles mentaux, pour faire en sorte que peut-être ces conditions devraient être un peu plus sévères ou on devrait carrément révoquer sa libération puis faire en sorte qu'il soit traité. Ça, c'était une problématique majeure qu'on a pu constater dans le cas dramatique que nous connaissons. Mais, je peux vous dire, pour avoir représenté des policiers à plusieurs reprises depuis 91, ce n'est pas unique à ce qui est arrivé à Louiseville, malheureusement. Donc, il faudrait que l'information qui provient... sans mettre des renseignements nominatifs, date de naissance, nom des témoins, juste un compte rendu résumé de la part des policiers qui s'en va au médecin traitant pour que lui puisse savoir : Bien, voici ce qui s'est passé en fin de semaine, dans la nuit, à samedi à dimanche.

M. Bonnardel : Je comprends. Je reviens sur notre volonté, votre volonté d'obtenir plus d'infos, là. Concrètement, sur le terrain... Certains nous disaient : Ah! le secret professionnel va être levé. Ce n'est pas ça, là. Tu sais, on... Donnez-moi... Donnez-moi des exemples concrets, là, de la situation où il y a un appel. Qu'est-ce que vous souhaiteriez obtenir au-delà de ce que je vais donner comme exemple, que... je vous donne toujours le même, là? C'est quoi, là, concrètement, que vous auriez besoin comme infos, comme policier, comme policière?

M. Painchaud (Jacques) :Bien, ça... Oui, ça, c'est... effectivement, c'est un élément important, c'est les critères qui sont déterminés par la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec. Donc, ces informations-là sont utiles pour nous, et il faut... il faut les savoir. Et, quand on parle du partage, puis là vous, vous êtes prêts, prêts aussi, où il y a l'intervention policière... mais qu'est-ce qui fait que la personne est libre et sous-condition, elle est dans des situations...

M. Painchaud (Jacques) : ...ne devrait pas l'être en liberté, bien, c'est évident que pour nous, il faut le savoir. Puis à ce moment-là, c'est là l'arrimage que la coroner nous parle aussi, lorsqu'elle fait dans son rapport, c'est que c'est important que tous les acteurs aient ces informations-là de façon progressive et complète. Et c'est pour ça que nous également, on pense qu'il ne faut pas que ça soit juste unidirectionnel, il faut que ça aille dans tous les sens des acteurs, ne serait-ce que pour s'assurer du bon suivi. Parce qu'à un moment donné, il faut comprendre, puis on partage les propos de la coroner qui dit : Il n'y a pas une volonté de ramener ça à tout le monde dans un asile psychiatrique, là, ce n'est pas ça du tout. Les gens doivent... on doit préserver leur liberté et tout ça, mais il faut ramener le critère de sécurité publique au centre. Et la sécurité publique, elle est importante et dans ce cas-ci,  bien, la liberté conditionnelle, s'il y a des situations qui sont rencontrées, que la police peut les voir, bien, elle va voir, oups, c'est important, c'est pertinent. On va indiquer aux autres acteurs ce qui s'est passé et à ce moment-là, il va y avoir une révision et la personne qui ne devrait pas être, parce qu'il est une bombe à retardement, bien, à ce moment-là, même le CETM, on va dire : on révoque la liberté conditionnelle, puis  on va s'assurer que la personne ait des soins internes, qu'on prenne soin d'elle puis qu'elle puisse reprendre le contrôle d'elle-même et qu'il y ait une stabilité. Puis à ce moment-là, qu'elle puisse retourner à ce moment-là en société libre. Alors, c'est dans ce sens-là que le partage d'information est très important et utile.

M. Bonnardel : J'ose vous poser une question, là : Ça arrive-tu que dans des cas particuliers, le policier qui connaît mais ne sait pas en quel état est la personne de l'autre côté de la porte, qu'il se dise : je n'ai pas assez d'infos, je vais essayer d'aller en chercher puis je vais revenir. Ça arrive-tu ça, des cas comme ça ou c'est...

M. Painchaud (Jacques) : Oui, ça arrive...

M. Bonnardel : Ça arrive.

M. Painchaud (Jacques) : Ça arrive, ça arrive. Il faut absolument avoir le maximum d'informations, mais en étant, en sachant qu'elle est à quelque part. Parce que là, actuellement,  on n'a pas ces constats-là, on n'a pas ces accès-là. Et quand... quand on vous parle dans nos commentaires, on parle aussi du caractère du danger, là. Là, il y a eu des modifications l'année passée pour permettre, là, de l'information puisse être partagée, puis il y a une forme d'immunité par les personnels soignants à transmettre l'information à la police. Mais encore là, ce n'est pas un danger imminent. Là, actuellement, il faut absolument... Puis là, le projet de loi vient nous aider dans ce sens-là, mais notre critique, c'est qu'elle ne vise que des gens qui ont fait une infraction criminelle. Nous, on est inquiets des nombreux cas qui n'ont pas encore été judiciarisés et pour lesquels on aurait besoin des informations, de la même chose, autant pour nous pour intervenir, autant pour les autres acteurs pour dire : Hé, on va réévaluer avec ce qui s'est passé. Ça fait que, si, exemple, la police on est intervenu à quatre reprises, mais il n'y a pas, il y a des écarts de comportement, il y a des, il y a des, il y a des... il y a des éléments qui dit que la CETM, ils disent, exemple :  Non, ils ne doivent pas faire ci, il ne doit pas consommer, il doit... et que là, nous, on l'a cet effet-là, bien, nous on va voir une pertinence de le colliger, puis deux, cette pertinence-là, elle va être effective dans la mesure où ça aurait été utilisé par les autres instances pour peut-être faire une révision de sa liberté. Alors, c'est ça qui est important.

Le Président (M. Provençal) : Député de Maskinongé.

M. Allaire : Merci, M. le Président. Vous allez me permettre un commentaire. Je suis content. Je suis content que vous soyez là. Je suis content que vous preniez vos recommandations. Elles sont plus que pertinentes, naturellement. J'ai envie de vous dire aussi que je suis content d'où on est rendus aujourd'hui, après tout le chemin qu'on a, qu'on a vécu depuis la mort notamment de sergente Breau. On a déposé une pétition à l'Assemblée nationale, on l'a déposée, je dirais, ensemble, on avait travaillé ensemble. Ça va être ma première question avec les éléments qui étaient dans la pétition, les éléments qu'on contrôle ici au sein du gouvernement du Québec. Est-ce que vous êtes contents des résultats?

M. Painchaud (Jacques) : Bien, on est, comme je vous dis, on accueille favorablement puis on est... on est contents des avancées qui se produisent. Mais, tout comme la coroner l'a dit, c'est multifacteurs, là, il y a plusieurs éléments, puis ça demande plusieurs organismes où il y a 38 recommandations,  près de neuf organismes, ministères sont interpellés. C'est majeur et on croit, nous, que le passage pour que tout soit effectif et fonctionnel, on doit se rendre à ces recommandations-là. Alors, c'est un pas dans la bonne direction, le projet de loi, c'est important, c'est important pour le Québec, mais quand on voit d'autres législations, comme en Ontario, celle que j'ai mentionnée, on ne comprend pas pourquoi on ne pourrait pas se rendre là. Ça fait déjà 20 ans en Ontario, là,  puis ça semble correct, là. Je pense que nous...

M. Painchaud (Jacques) : ...on est rendu là et il faut aller plus loin. Et j'indiquerais, là, puis je me permets, sur la question que vous me demandez, j'ai une préoccupation. La coroner est préoccupée parce qu'elle veut aussi que ses recommandations puissent avoir une application concrète. Il faudrait que vous vous «assureriez» dans une démarche qu'il y ait comme une table permanente pour laquelle il y a une concertation puis une coordination avec un suivi des recommandations et, à ce moment-là, qu'il puisse y avoir effectivement, parallèlement à ça, un déploiement de formation et d'ajustement, puis de mise de mise en connaissance de tous les acteurs, les intervenants et de nouvelles directives. Donc, il y a... Vous avez des pouvoirs réglementaires pour aller plus loin. Mis à part le projet de loi, puis vous avez des directives qui vont être émises, et elles sont excessivement importantes pour avoir une opérationnalité terrain. Alors, dans ce contexte-là, c'est une approche interdisciplinaire qu'il faut. Et je pense qu'il va falloir que vous vous assuriez, au gouvernement, d'avoir des acteurs qui sont là pour assurer un suivi puis une reddition et, à ce moment-là, on va atteindre aux objectifs. On va être vraiment contents.

M. Allaire : Je pense que la coroner Kamel, hier, elle a été très claire, elle a même salué le fait qu'on ait été proactifs en fait, qu'on n'ait pas attendu justement le dépôt de son rapport pour aller au-devant puis déposer le projet de loi pour que les choses changent, pour améliorer l'aspect communicationnel. Puis elle-même, de son propre aveu, là, je pense que dans le projet de loi, dans le présent projet de loi, elle ne voyait pas comment on aurait pu inclure peut être d'autres éléments qui étaient inscrits dans ses recommandations. On en a parlé tantôt au niveau communicationnel, là, je vais un peu insister là-dessus. Vous avez parlé la communication qui ne doit pas juste être dans un sens pour être sûr d'être efficace, justement, pour que la communication circule aussi dans l'autre sens. Vous voyez ça comment concrètement, là? C'est-à-dire que c'est les policiers qui transmettent l'information à l'agent de liaison. Et après ça, ça chemine...

• (12 heures) •

M. Painchaud (Jacques) : Tout à fait. Vous avez bien, bien saisi, puis, encore une fois, vous savez, dans tous ces enjeux-là, on a besoin de ressources. Je donne juste un exemple, là, on fait... Si on va de l'avant et c'est dans les recommandations de la CNESST, on va de l'avant avec un formulaire d'évaluation du risque pour les interventions planifiées. Encore faut-il que j'aie les équipes, les ressources qui viennent à nous dans une intervention, dans un délai rapide pour venir assister les agents. Alors, on est à bien des endroits à la Sûreté du Québec, dans des petites équipes pour lesquelles, évidemment, si on a besoin de ressources, a besoin de renforts, on a... on va avoir certaines difficultés. Alors, c'est bien sûr que si j'ai un formulaire, puis oui, c'est clair que puis je n'interviendrai pas, puis je vais attendre d'avoir mon backup, comme on dit, il y a une équipe spécialisée qui vient nous aider, bien, encore, il faut qu'elle existe, il faut qu'elle soit disponible. Alors quand on... la coroner fait part, elle en fait mention de l'importance d'amener des ressources puis aussi des effectifs à la Sûreté du Québec. Bien évidemment, ça fait partie de nos, de nos préoccupations et il faut qu'il y ait des réponses adéquates. Puis j'en avais parlé au projet de loi n° 14. J'avais demandé : Est-ce qu'il y a une législation qui vient contraindre les organisations policières à dispenser la formation continue? J'ai compris que le ministre, M. le ministre Bonnardel, va aller plutôt vers la voie réglementaire. Et là aussi bien, vous avez les outils, vous avez le pouvoir de faire changer les choses. Et il va falloir vraiment qu'il y ait des gestes significatifs dans ce sens-là. On en a vraiment besoin. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Alors, Mme la députée, de Westmount—Saint-Louis, je vous cède la parole.

Mme Maccarone : M. le Président. Bienvenue, messieurs, c'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui, encore une fois. Je m'excuse, mais je dois débuter en parlant un peu de la pétition parce que je suis surprise de l'intervention de mon collègue. C'est une pétition que lui-même l'a porté, mais il y a voté contre. Et quand on est venus pour le défendre, il n'était pas là, il a voté contre le mandat d'initiative en lien directement avec cette pétition pour vous épauler et en lien avec ce qui est arrivé à Maureen Breau, alors je trouve ça particulier de le soulever, mais, en tout cas, bravo! Bravo aux policiers pour tout ce que vous avez fait, 24 000 signataires. Ça reste quand même dans cette législature la pétition la plus importante en termes de signataires. Ça fait que vous vous êtes mobilisés pour un cas, qui a, je pense, qui a affecté tous les Québécois et Québécoises?

M. Painchaud (Jacques) : Tout à fait.

Mme Maccarone : Alors, bravo pour votre travail. Je souhaite revenir. Vous avez terminé en parlant de la formation. Je sais que c'est un enjeu puis c'est le nerf de la guerre. On avait discuté pleinement de ça lors des échanges pour le projet de loi n° 14, qui est maintenant la réforme de la Loi de la police. Vous, vous avez proposé les 45 heures, mais, vous savez, je ne sais pas si vous avez lu le rapport Gehane Kamel, elle aussi, elle propose les 45 heures sur trois...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Maccarone : ...si on abordait un amendement en ce sens, est-ce que vous seriez d'accord qu'on amende le projet de loi pour inclure votre recommandation et la recommandation de Me Kamel?

M. Painchaud (Jacques) :Bien, c'est clair que tout ajout pour garantir des arguments de formation est importante. Conséquemment, oui, mais encore une fois, les besoins sont importants. Vous avez vu, même en Ontario, je revenais avec l'Ontario, on parle à terme pour l'intervention policière tactique, on parle de formation continue à raison de quatre jours. C'est pratiquement comme 40 heures une fois par année. Alors évidemment, dans ce contexte-là, les besoins sont là et on demeure toujours attentifs et désireux d'avoir des modifications tangibles. Parce que malheureusement, les organisations policières, pour des raisons soit qu'on manque d'effectifs ou des raisons de coupures budgétaires, vont malheureusement couper sur cet aspect-là. Et actuellement, l'intervention policière revêt un caractère excessivement complexe et l'intervention avec des cas de détresse en santé mentale nécessite des nouvelles approches, de nouveaux outils, plus de temps d'intervention. Conséquemment, on a besoin de stratégies d'intervention, d'outils et de formation et c'est dans ce sens-là qu'il faut y aller.

Mme Maccarone : Mais comment allez-vous atteindre cet objectif si c'est 40 heures minimum par année? Puis on sait qu'il y a un manque d'effectifs puis la SQ nous ont partagé qu'ils ont mis un objectif de former tout le monde d'ici décembre 2025. Est-ce que ça va être possible? Parce que j'ose croire aussi que toute la formation, on ne peut pas tout faire en ligne. Ça prend aussi les simulations pour vous aider à bien, à bien comprendre, pour être bien formés, parce que ça va les deux par la communication,  oui, superimportant, mais que vous êtes formés pour agir. C'est essentiel.

M. Painchaud (Jacques) :Oui. Et dans ce sens-là, la coroner en parle également, elle parle de deux centres, créer deux centres de formation pour permettre le déploiement de la formation et quatre postes satellites pour permettre des activités de formation. Et la préoccupation qu'elle a et que d'autres coroners ont faite dans d'autres rapports avec l'intervention policière, c'est l'importance des simulations. Donc ça répond à la préoccupation. On ne peut pas tout faire avec. Avec une vidéo, il faut absolument vivre ce qu'on appelle l'effet simulation. Et dans ce contexte-là, il y a eu des stratégies, notamment le coaching par les pairs. C'est-à-dire qu'il va y avoir un formateur, un coach qui va arriver, puis il va même se déplacer sur des unités, il y a une partie de la relève qui couvre le territoire, peut faire l'exercice d'une simulation et c'est excessivement important pour le maintien des compétences, pour minimiser ce qu'on appelle l'érosion du savoir. Alors dans ce sens-là, ça nous met actif, ça nous met vigilants et dans ce contexte-là, c'est souhaitable. Et pour ça, ça prend justement des ressources comme vous dites.

Mme Maccarone : Si je me trompe, je pense qu'il y a 10 nouveaux formateurs.

M. Painchaud (Jacques) : Il y a 10 nouveaux qui mènent à 42. Avant, avant les événements, on était à environ 25. Il y a eu des ajouts, mais encore une fois, en ce qui nous concerne, ce n'est pas suffisant. Il va falloir qu'il y ait une augmentation du nombre de formateurs pour répondre. Vous savez, qu'on a plus de 25 programmes différents de formation à la Sûreté du Québec, il y a différents volets. Puis je tiens à vous dire aussi, puis je sais que là, on parle d'intervention policière en tant que telle, mais il ne faut pas oublier non plus le domaine des enquêtes. Le domaine des enquêtes, la cybercriminalité. La criminalité se développe, se complexifie, elle est internationale. Là aussi, vous avez des éléments quand on vous parle du harcèlement, le harcèlement auprès, tu sais, des enfants, puis tout ça, l'Internet, puis tout ça. Les ressources sont insuffisantes puis il y a des stratégies puis il y a des nouvelles formations de pointe qu'il faut que la police soit à l'affût et là aussi, les besoins de formation sont là, ça fait que je vais juste faire un passage qu'au centre, sur la patrouille. Mais il y a aussi d'autres enjeux.

Mme Maccarone : Je partage mon inquiétude parce que je sais comment c'est essentiel cette formation. Puis pour protéger non seulement nos policiers mais aussi la population visée dans les interventions. C'est très important. Puis il y a les deux programmes pour mieux comprendre le CETM et aussi comment agir dans des cas d'état mental perturbé. Il nous reste 15 mois pour atteindre l'objectif. Est-ce que c'est possible? Parce que je pense aussi beaucoup au temps supplémentaire obligatoire. La fatigue de nos policiers, les maladies, les blessures parce qu'ils sont fatigués, parce qu'ils travaillent 80 heures par semaine, comment allons-nous arriver à former tout le monde étant donné qu'on fait face...

Mme Maccarone : ...face à un manque d'effectifs important.

M. Painchaud (Jacques) : Actuellement, suite à notre négociation, on a trouvé des aménagements où on permet, on s'entend que c'est dans certaines conditions, pour assurer la formation atteinte de nos membres, il y aura des modifications d'horaires pour la durée, que les gens puissent se former à l'unité. Ça fait que ça, c'est des approches qu'on a innové au sein de notre convention collective. Par ailleurs, c'est clair que dans les enjeux de formation, la Sûreté du Québec a une obligation de moyens, surtout avec les avis de la CNESST. On est, on est vigilant et on veut que les résultats, ça arrive. Mais quand vous parlez de la formation, puis c'est là aussi quand on veut faire la planification. Vous savez, les formateurs, là, bien, il faut les monter, il faut les créer, il faut les équiper, il faut que... puis qu'ils prennent de l'expérience comme formateurs et il faut qu'ils soient revalorisés. Et actuellement, même à l'école nationale, ils ont leurs propres difficultés pour recruter des formateurs. Donc, c'est clair que c'est des disciplines qui méritent d'être vues et revues dans le sens où il faut s'assurer d'avoir un bassin, tout comme on a besoin de bassins de spécialistes en matière policière auprès des tribunaux. Alors, dans ce contexte-là, à la Sûreté du Québec, il y a des plans qui sont soumis. On espère que les plans vont rencontrer leurs objectifs. On demeure inquiet néanmoins, parce que là, après tant de temps, les ratios sont quand même faibles. Et on sait que pour des interventions planifiées, et autres, l'idéal, c'est que tout le monde sur une équipe soit formé. Pas un soit formé puis deux autres ne le sont pas. Il y a quand même des gros virages en termes d'intervention qui sont présents puis il faut, il faut absolument prévoir des choses. Et une des choses, comme je l'ai dit tantôt, le coaching par les pairs est une manière d'accélérer ou de, parallèlement aux programmes de formation diffusés, de faire cet ajout-là. Parce que je vous dis bien sincèrement, vous savez, il y a le cours MICP, là, qui est le maintien des compétences en intervention policière. Bien, ce maintien-là, la Sûreté, bien on l'avait ramené à deux jours. Bien, là, la coroner : Non, non,  on va l'amener, on va le faire à trois jours. C'est trois jours que c'est nécessaire parce que là, encore une fois, on vient pour couper. Il faut vraiment prendre le temps de faire les choses. On est des professionnels de la sécurité publique et tout comme les cadres professionnels dans les autres ordres, il y a des heures minimales chaque année.

• (12 h 10) •

Mme Maccarone : On ne peut pas avoir des demi-mesures. C'est la même chose aussi quand on parle des agents de liaison qui, en passant, ne sont pas nommés dans le projet de loi.

M. Painchaud (Jacques) : Tout à fait.

Mme Maccarone : Ça fait que je pense qu'on a une importance de les nommer et de comprendre bien leur rôle. Vous, à votre recommandation 4, vous dites que ça va être important, qu'on a un suivi systématique. Vous savez sans doute qu'il y a 1 900 dossiers actuellement et on a une annonce de 18 personnes. Ça fait plus que 100 dossiers par personne, ça fait une intervention de peut-être 1 à 2 fois par année avec les nombres que nous avons à l'intérieur d'une année de travail. Comment allons-nous rejoindre ce critère puis ce besoin que vous souhaitez ici, puis assurer qu'on a un suivi qui est effectif? On a entendu aussi hier qu'apparemment ils vont aussi faire le lien avec les victimes, avec les familles. Elles vont être très occupées ces personnes. Comment est-ce qu'elles vont pouvoir faire systématiquement des appels à 4 heures le matin que vous, vous avez besoin d'avoir de l'information?

M. Painchaud (Jacques) : Oui.

Mme Maccarone : Je n'ai aucune idée comment ça, ça va fonctionner. Est-ce que vous avez une autre recommandation pour nous en ce qui concerne...

M. Painchaud (Jacques) : Moi, c'est là que tantôt je parlais d'avoir une table permanente de coordination-concertation pour faire le suivi. Vous savez, juste pour la personne en détresse, la coroner faisait allusion à un gestionnaire du cas, là. Bien, je vous dirais que de notre côté, pour l'ensemble de l'œuvre, il faut absolument, absolument qu'il y ait comme une équipe qui... une table de concertation qui fait un suivi là-dessus, parce qu'on va se perdre, on va se perdre. Il faut absolument arrimer les choses. Alors, il faut éviter des doublons. Il faut s'assurer de la pertinence, l'efficacité et tout ça puis la bonne compréhension de chaque ministère. Parce que de demander la collaboration, c'est une chose, mais quand chaque service est excédé. Vous savez, là, on est... l'épuisement, le travail, il manque de ressources. Bien, c'est bien sûr que là, actuellement, il va falloir que tout le monde ne voie pas ça comme une tâche supplémentaire. C'est ça, le défi est là, puis ce n'est pas une tâche supplémentaire, ça doit faire partie intégrante de notre démarche et que ça... qu'on puisse travailler tout le monde en concertation.

Mme Maccarone : Il me reste une minute. J'aurais voulu parler avec vous par rapport à P-38...

Mme Maccarone : ...par rapport à plein de choses, mais je veux réserver la dernière minute qui me reste pour soulever que vous êtes en fin de contrat, de mandat. Ça termine pour vous et je veux saluer votre travail, grâce à vous, vous avez amené une bataille ici à l'Assemblée nationale. Au nom de Maureen Breau puis sa famille, de tous vos confrères et consœurs, vous vous êtes battu pour les gens que vous représentez. Vous avez beaucoup à être fier. Vous allez nous manquer beaucoup Jacques, à cause de vous puis votre mandat. Vous allez changer la politique à l'Assemblée nationale. Vous allez charger la vie de plusieurs policiers, plusieurs familles, plusieurs victimes, plusieurs personnes aussi qui souffrent de problèmes de santé mentale. Alors sincèrement, merci beaucoup pour tout ce que vous avez fait. On sait que la relève est pas mal fort mais. Mais vraiment merci puis bravo! Bravo pour ce que vous avez fait.

Le Président (M. Provençal) : Merci, Madame. Merci beaucoup. On poursuit avec le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président, bonjour, M. Painchaud, Fiset, Me Coderre. Merci beaucoup d'être ici avec nous, encore une fois. Je suis. Et j'aimerais avoir un petit peu plus de précisions sur les propos, votre opinion, là, sur la question : Lorsqu'un policier a tendance à dans une intervention à constater qu'il y a un bris de condition, de un.  Il faudrait qu'il sache qu'il y a un bris de conditions. Donc, ça, c'est quelque chose que vous demandez d'ailleurs, là.

M. Painchaud (Jacques) : On a ces informations-là actuellement, on peut avoir, mais sauf qu'il faut, il faut, il faut, il faut avoir tous les détails. Il faut s'assurer également que si effectivement on le relève, il y a une suite logique? On a l'impression souvent qu'on, comment dire, la chaudière, là, dans la barque, puis elle prend l'eau, puis il faut enlever l'eau de la barque, oui, mais il y a un trou, puis ça rentre tout le temps. Alors, il faudrait à un moment donné, des fois, on dit : Aïe, vous avez de l'information, il y a un CRPQ, bien, oui, il y en a quasiment pour deux pages sur... C'est parce que ce n'est pas normal a se passe pas normal qu'on soit rendu à deux pages. Il faudrait à un moment donné d'arriver d'arrêter puis dire : bien, c'est bris par-dessus bris puis il ‘y a comme rien, il n'y a pas de conséquences. Alors, quand il y a des signalements, puis quand il y a des interventions policières pour lesquelles on va effectivement faire les démarches pour le bris condition, il faut absolument qu'il y ait une suite logique, puis qu'à un moment donné, qu'il y ait une révision, puis dire qu'il y ait des conséquences parce que les gens font continuellement des bris puis on est aux prises avec un nombre effarant d'appels. Vous savez, dans le rapport de la coroner, on parle de 73 000 appels les cinq dernières années à la Sûreté du Québec. Pour des gens qui... des appels qui touchent la santé mentale. Là aussi, on a un enjeu, on a un enjeu : Est-ce que la personne a été judiciarisée ou pas? Si elle est judiciarisée, le projet de loi répond bien, mais si elle n'est non judiciarisée, on n'a pas information puis ce n'est pas colligé. Et là aussi, c'est problématique. Alors on pourrait avoir quatre interventions policières dans la semaine. On fait quatre rapports, il n'y a pas matière à judiciarisation, mais c'est une bombe à retardement. Puis là, il n'y a personne qui est dédouané pour pouvoir nous transmettre l'information. Puis nous, on n'a pas de canal, on dit : bien là, on vient de la colliger l'information, elle va où. Alors, on n'est pas capable d'aller dans la pleine prévention comme le permet la loi Brian en Ontario.

M. Fontecilla : Je vais y revenir, là, mais vous parlez des personnes non judiciarisées, là, mais c'est un gros, un gros, un gros problème, là. Nous sommes du côté des judiciarisés. Mais malheureusement là. Même si vous constatez qu'il y a une personne judiciarisée, non et non et non criminellement responsable qui ne respecte pas ses conditions par exemple consommation, etc. Et quel est le pouvoir du policier dans cette situation-là, est-ce qu'il... Et qu'est-ce que vous voudriez que le policier puisse faire?

M. Painchaud (Jacques) : Vous parlez, là, vous parlez en vertu de P-38 ou non?

M. Fontecilla : Non. Bien, en fait, lorsque vous faites une intervention auprès d'une personne non criminellement responsable.

M. Fiset (André) : On est liés par un devoir de confidentialité. C'est un rapport de demander et d'intenter des procédures au DPCP. Le rapport va rester dans nos filières, au poste de police. Je ne peux pas appeler le poste... le centre hospitalier. Je ne peux pas appeler son psychiatre. Je ne peux pas appeler le groupe de travailleurs sociaux qui l'entoure, qui le suit, qui s'assure qu'il prend sa médication. J'ai un devoir de confidentialité comme policier et si je ne respecte pas ce devoir-là, je pourrais être visé par une plainte en déontologie ou même par un processus disciplinaire. Alors, c'est pour ça que j'ai les mains liées. Je ne peux pas rien dire. Je peux parler à mes collègues, je peux sensibiliser mes confrères...

M. Fiset (André) : ...mais je ne peux pas faire rien d'autre. C'est ça, le piège que j'ai.

M. Fontecilla : Est-ce qu'on pourrait penser... Oui.

M. Coderre (David) : Si je peux rajouter. On a certains leviers, en fait, qui sont prévus au Code criminel justement, où est-ce qu'on pourrait partager une certaine information, effectivement. Le problème, comme mon confrère l'a mentionné, c'est qu'on est lié par le serment de discrétion. Ça revient tout le temps à la problématique, on est lié par le secret en tant que tel. Il y a certaines dispositions législatives, puis l'encadrement législatif actuel qui permet un certain partage d'informations en certaines circonstances précises, mais qu'on ne le mentionne pas dans le projet de loi n° 66, d'où notre recommandation, justement, que ce soit bilatéral ou multilatéral, que l'information circule entre les intervenants pour dire : Bien, si jamais il y a des conditions qui ne sont pas respectées, moi, comme policier, je peux transmettre l'information autant que recevoir l'information.

Donc, c'est pour encadrer, puis je sais qu'on n'est pas en train de discuter des réformes au Code criminel aujourd'hui, c'est peut-être d'encadrer les informations qui peuvent être transmises par nos membres policiers, justement.

M. Fontecilla : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je remercie les représentants de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec.

Sur ce, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 20)


 
 

14 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 02)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 66, Loi visant à renforcer le suivi des personnes faisant l'objet d'un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux ou d'inaptitude à subir leur procès.

Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants : l'Ordre professionnel des criminologues du Québec, l'Association des médecins psychiatres du Québec, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail et l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. Nous allons débuter cet après-midi avec Mme Josée Rioux, présidente de l'Ordre professionnel des criminologues du Québec. Alors, Mme, vous avez 10 minutes pour votre présentation et, par la suite, nous poursuivrons avec des échanges. À vous la parole.

Mme Rioux (Josée) : Merci. Bonjour à tous. M. le Président de la commission, M. Bonnardel, Mme Fortin, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de prendre le temps de me donner la parole.

Le Président (M. Provençal) :Pourriez-vous mettre votre... votre micro, juste...

Mme Rioux (Josée) : Vous voulez que je l'approche. Est-ce que c'est mieux?

Le Président (M. Provençal) :Oui.

Mme Rioux (Josée) : Parfait. Je peux porter... ma voix porte loin. Ça fait que je pourrais même ne pas en avoir et me lever debout puis vous enseigner ça, mais je vais... je vais y aller dans les règles de l'art. Donc, merci de prendre le temps d'entendre les commentaires des criminologues qui ont travaillé sur un mémoire à l'ordre professionnel.

Je me présente, comme M. le Président disait, je suis Josée Rioux, je suis la présidente de l'Ordre et je suis aussi enseignante à l'Université Laval, à l'École de travail social et criminologie. J'enseigne bien entendu la criminologie depuis plusieurs années. Juste pour me présenter un peu, j'ai une spécialisation en délinquants sexuels. Au Québec, j'ai ouvert...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Rioux (Josée) : ...trois centres de thérapie pour traiter les délinquants sexuels. J'ai ouvert aussi un regroupement québécois pour regrouper les intervenants qui travaillaient auprès des délinquants sexuels. J'ai été la première présidente de l'Ordre, initiatrice de l'ouverture de l'Ordre des criminologues. J'en suis la troisième actuellement. Et finalement, pendant quatre ans, j'ai été commissaire à la Commission québécoise des libérations conditionnelles, poste que j'ai quitté pour retourner à la présidence de l'Ordre. J'ai consacré toute ma vie à la délinquance adulte. Ce qui me... me fascine le plus dans la vie.

Plusieurs des commentaires que je vais vous faire aujourd'hui sont en lien avec les recommandations du mémoire qui a été déposé lors de mon témoignage à l'enquête publique du décès de Maureen Breau. Ce qu'on constate, c'est que le projet de loi veut modifier deux lois. Si je commence par la Loi sur les renseignements de santé et services sociaux, face à la transmission de renseignements additionnels aux policiers, il faut faire attention à tout type de renseignements qui vont être transmis. Le secret professionnel encadre le type de renseignements qui peut être donné, et force est de constater que la loi sur la police ou le code de déontologie policière a peu d'éléments ou pas d'élément sur le principe de confidentialité et secret professionnel.

Une question se pose : Si les policiers ont des informations liées au secret professionnel, est-ce que ceux-ci devraient être liés par un type de secret professionnel aussi? C'est une question importante. Aussi, ce qui doit être transmis aux différents intervenants devrait être uniquement des renseignements nécessaires et pertinents aux fins poursuivies par l'intervention, et ce, dans une situation d'urgence uniquement. Bien entendu, le Code des professions encadre la levée du secret professionnel et une bonne connaissance des différents critères de cette levée devrait être connue par tous.

Concernant la loi sur le système correctionnel, nous avons recommandé lors de notre... de l'enquête publique, l'établissement d'une ligne de service qui prendra en charge et aidera une personne sur la CETM au long cours. Nous sommes donc très heureux du projet de loi actuel. Avant de discuter des agents de liaison, j'aimerais quand même mentionner que notre mémoire faisait état que, dans le cadre des décisions de la CETM, pour un délit à caractère violent, l'évaluation de la sécurité du public devrait tenir compte de l'ensemble des facteurs liés au risque de violence d'une personne et contenir davantage que le rapport du psychiatre traitant. Le risque de violence est dynamique et doit être réévalué régulièrement avant et après la libération afin que les stratégies de gestion du risque appropriées soient mises en place et ajustées en fonction des besoins et de l'évolution du risque présenté par la personne. Il faut donc voir le risque dans une approche intégrée et que les interventions soient faites en ce sens.

En lien avec ce constat, nous avions recommandé qu'une évaluation soit faite avant le passage d'une personne devant la CETM et sommes très heureux de constater les avancées à ce niveau, notamment par l'ouverture de postes de criminologues dédiés à ces évaluations. Ces dernières permettront d'évaluer le risque ainsi que les besoins de la personne lors de sa libération. La CETM pourra donc établir certaines conditions nécessaires au rétablissement de la personne, et ce, en lien avec ses besoins.

À titre d'exemple, lorsque j'étais commissaire à la Commission québécoise des libérations conditionnelles, si je prends l'exemple d'une personne qui avait fait trois fois des introductions par effraction ou une personne qui avait conduite avec les capacités affaiblies est 100 fois plus encadrée qu'une personne qui est sous mandat de la CETM, et la personne libérée conditionnelle par la CQLC a des conditions en lien avec ses problématiques et ses besoins, tout en étant aidée par un intervenant compétent dans le suivi des libérés conditionnels. Dans le cas d'Isaac Brouillard Lessard, si on prend cet exemple-là, qui avait à son actif cinq NRC en violence, force est de constater que sa libération n'a pas vraiment tenu compte de sa problématique de violence et de ses besoins en termes d'encadrement. La protection du public doit toujours prévaloir et prévoir un suivi en ce sens.

L'agent de liaison prévu au projet de loi serait donc l'intervenant ressource pour les personnes libérées avec des conditions spécifiques, ce qui est en lien avec nos recommandations. Par ailleurs, nous ne sommes pas favorables à un suivi pour tous. Il faut cibler les personnes qui ont des besoins particuliers et qui représentent un risque pour la population, notamment au niveau de comportements violents et de dépendance. Ce peut être aussi des besoins au plan de la réinsertion sociale, d'encadrement face au respect des conditions si la personne a démontré certaines difficultés dans le passé. La finalité du suivi est de s'assurer que la personne va bien et qu'elle ne représente pas sur le moment un risque pour la population. Il faut donc cibler les bonnes personnes à qui imposer un suivi. Tous n'ont pas les mêmes besoins et le même niveau de risque. Par ailleurs, est-ce que le...

Mme Rioux (Josée) : ...le projet de loi actuel permettra aux personnes une belle intégration avec les agents de liaison. Le fait de se retrouver dans un bureau de probation pourrait faire en sorte de stigmatiser les personnes qui, il faut se rappeler, ne sont pas des criminels. Le but de la loi est d'assurer un suivi adéquat des personnes sous la CETM. La question se pose : Est-ce que les agents de liaison pourraient davantage être intégrés aux équipes traitantes du ministère de la Santé et éviter ainsi d'intégrer les usagers sous le giron de la sécurité publique? Ou bien si les agents de liaison sont du MSP, du ministère de la Sécurité publique — pardonnez mes mes acronymes — pourraient-ils être à même de travailler dans le milieu hospitalier? Je pense qu'il y a deux questions qu'il faut qu'on se pose là-dessus pour éviter la stigmatisation, mais aussi pour penser aux parents qui... les parents ou proches pourraient éprouver des difficultés à travailler avec le réseau correctionnel parce que, parfois, ils n'ont jamais travaillé avec ce réseau-là, puis ça peut être quand même assez intimidant. Donc, la question, à ce niveau-là, je pense qu'elle est de toute importance pour pouvoir favoriser la création du lien de confiance et assurer un suivi bénéfique à tous.

• (15 h 10) •

En terminant, plusieurs recommandations de la coroner Kamel font état qu'il reste encore beaucoup de travail à faire pour prendre en charge les gens qui ont une problématique de santé mentale et qui sont non responsables criminellement. À titre d'exemple, j'aimerais mentionner que la recommandation R8 fait état qu'il faut déployer des ressources d'hébergement spécialisées en psychiatrie légale pour s'assurer d'un suivi adapté aux usagers sous la CETM. Le Québec est très mal, très mal desservi à ce moment-là. Il y a peu de ressources spécialisées. À Montréal, il y a quand même des bons services. Mais si on regarde ailleurs dans la province des réseaux d'hébergement pour les personnes qui sont sous mandat de la CETM et une maison de transition, si je prends un exemple à ce niveau-là, il n'y en a pas. Ça fait que les gens sont laissés un peu à eux-mêmes, et le fardeau incombe beaucoup à la famille qui... ce n'est pas toujours évident, à la famille aussi, de rapporter les bris de conditions, mais aussi de prendre en charge les personnes qui ont... qui vivent des difficultés particulières. Ça fait que, des fois, une maison de transition comme à Montréal pourrait être une belle... une belle avenue. Mais je vous dirais qu'ailleurs dans le Québec, même à Québec, il y a peu de ressources. Ça fait que vous imaginez, dans les petites régions que c'est que c'est quelque chose qui ne se retrouve pas. Ça fait qu'on peut dire que ça en prend, mais il faut aussi qu'on pense à essayer de la mettre sur pied. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas de ressources d'hébergement pour ces gens-là, je ne pense pas qu'on va arriver à aider les usagers adéquatement et éviter des drames comme ceux qui sont arrivés dans les dernières années au Québec. La lumière rouge... les lumières rouges qui ont été... qui ont été présentes, là, au cours des deux derniers événements sont quand même importantes à prendre en considération.

Je vais m'arrêter là. Je vous remercie et surtout d'avoir à cœur le bien-être de la personne présentant des problèmes de santé mentale et aussi, bien sûr, la protection du public.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme Rioux. Je veux mentionner que le... vous me reprendrez, votre mémoire, vous ne l'aviez pas acheminé à la commission. C'est un mémoire que vous aviez déposé lors de l'enquête publique sur le décès de Mme Maureen Breau et M. Isaac Bouillard-Lessard.

Mme Rioux (Josée) : Effectivenent. C'est ça. Mais je peux le faire parvenir quand même si... si vous êtes...

Le Président (M. Provençal) S'il vous plaît.

Mme Rioux (Josée) : Parce qu'il est adressé vraiment plus pour la commission.

Le Président (M. Provençal) :Oui.

Mme Rioux (Josée) : Mais je vais je vais vous l'envoyer.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Sur ce, M. le ministre.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Mme, merci d'être là et de nous amener les éclairages importants sur... vos connaissances sur l'expérience que vous avez, que vous avez eue, deux... deux enjeux majeurs, je pense que vous le mesurez très, très bien. Les deux rapports de la coroner Kamel, que ce soit celui du triple homicide sur deux jours en... qui a été déposé en début d'année 2024 versus celui-là nous amène à deux points majeurs c'était la communication qui était déficiente entre les partenaires, ceux des intervenants de la santé versus les policiers, puis je vais commencer par ça avant d'aller, par la suite, au suivi parce que vous avez amené des points... des points intéressants.

Puis là, vous avez parlé un peu de l'inquiétude, le secret professionnel, puis j'ai soulevé la question aussi avec plusieurs. Vous êtes... vous êtes une spécialiste, vous le savez, la seule façon que le policier avait de l'information sur une personne, c'est lorsque l'équipe traitante disait : Va me chercher... Bonjour, je m'appelle Untel ou Untel, va me chercher Bonnardel à telle adresse parce que je pense qu'il est en danger pour sa personne ou pour autrui pour des raisons X, Y, Z. Puis là, bien, le policier pouvait demander des renseignements sur le comportement, puis il y allait. Puis là, la loi va nous permettre, pour un policier, d'essayer d'obtenir de l'info, pas d'essayer, d'obtenir de l'information pas pour un diagnostic, mais de comprendre un peu, peut-être, comment la personne s'est comportée dans les deux...

M. Bonnardel : ...trois dernières semaines face à l'équipe traitante, s'il y a eu rendez-vous ou non. Comment vous voyez ce petit, ce petit bout-là, là, qui est immensément important dans le travail et dans le travail des policiers puis qui a été nécessairement mentionné par la coroner Kamel plus qu'une fois entre secret professionnel, puis je pense que le policier non plus, il ne veut pas le diagnostic complet de la personne, mais peux-tu m'aider à comprendre, puis l'exemple que j'ai donné 100 fois : Comment la personne l'autre côté de la porte réagit face à quelqu'un qui porte l'uniforme. Vous allez... sûrement de meilleurs exemples que moi, là, mais c'est un peu ça que je veux comprendre avec l'expérience que vous avez puis l'interaction et l'échange d'information que le policier va souhaiter obtenir de l'équipe, de l'équipe traitante, ou peut-être de l'agent de liaison.

Mme Rioux (Josée) : Mais c'est pour ça que je parle des informations nécessaires et pertinentes. Je pense que, pour bien protéger, notamment les interventions policières, il y a des informations qui peuvent être données. Si je parle beaucoup du secret professionnel, ça demeure quand même que je suis la présidente de l'Ordre des criminologues, et le secret professionnel, c'est quand même une façon de protéger le public, mais je pense que la transmission de l'information peut se faire quand même de façon adéquate, en autant qu'on sache, qu'on balise un peu plus, dans le fond, c'est quoi les informations qu'on peut donner. Je pense qu'il peut y avoir certains critères précis. Si on enlève l'idée de la levée du secret professionnel, parce que là, à ce moment-là, tout le monde est justifié de pouvoir intervenir, mais si on balise un peu plus, même le mot «pertinent» est nécessaire, il faudrait peut-être le baliser aussi. Qu'est-ce qu'on peut donner comme information et qu'est-ce qui n'est pas nécessaire dépendamment des cas? Je pense que c'est quelque chose qui va être possible, là. Déjà, ça se faisait aussi, là, mais là peut-être que les gens sont un peu plus frileux avec tout ce qui est arrivé, mais la question est soulevée, la question est importante. Mais les policiers doivent avoir certaines informations pour aller intervenir.

M. Bonnardel : Quand vous disiez «ça se faisait», c'est-tu dans l'appel de l'équipe traitante à un policier qui dit : Va me chercher le gars x. Puis là le policier va assurément, je pense, poser quelques questions. Je fais affaire avec qui? Je pense, c'est la première chose que le policier souhaite obtenir comme info, ça fait que j'imagine c'est là que l'équipe traitante, selon vous, est-ce qu'elle était assez formée ou bien informée pour savoir qu'est-ce que je peux te donner comme info pour ne pas non plus lever le secret professionnel, c'est-tu ça que vous que vous... que vous voulez dire?

Mme Rioux (Josée) : Mais je pense que l'information est à géométrie variable dépendamment où est-ce qu'on se retrouve. La spécialisation des équipes aussi, parce qu'il y a certains milieux où les équipes sont moins spécialisées que d'autres, elles sont peut-être moins habituées à avoir des gens qui sont en non-responsabilité criminelle. Mais je pense que ça se faisait. Là, c'est qu'on le soulève, O.K., dans un projet de loi. Et là c'est là où je dis qu'il faut qu'on le balise. Mais moi, je pense qu'il y a certaines informations qui étaient données. Je ne mets pas... je ne mettrais pas un 100 $ sur la table pour ça, là, mais, au cours des années, il y a toujours eu des informations qui se sont partagées. C'est que là on veut le baliser davantage, on l'inscrit dans la loi, chose qui n'était pas là à ce moment-là, là, avant l'affaire Isaac Brouillard-Lessard, là.

M. Bonnardel : Vous l'avez dit, vous avez donné deux exemples, là, une personne qui a été arrêtée avec consommation, puis une personne qui... introduction par effraction trois fois, puis vous avez dit : Ces personnes sont mieux accompagnées que ceux post-CETM. C'est ça que vous avez dit, hein, à peu près?

Mme Rioux (Josée) : Là, c'est ce que je dis. C'est clair.

M. Bonnardel : Parce que j'ai marqué «suivi CETM inadéquat», ça fait que c'est un peu ce que vous avez dit, là.

Mme Rioux (Josée) : Bien, inadéquat, je dirais non complet, O.K.? Quand, moi, je libérais un détenu qui avait fait trois introductions par effraction, je mettais des conditions en lien avec ses problématiques : toxicomanie, peu importe, dépendance, alcoolisme, non-fréquentation, il y avait un suivi avec un agent de probation. Il était beaucoup plus encadré, notamment que si on prend l'exemple d'Isaac Brouillard Lessard qui, après cinq NRC en violence, n'avait pas de suivi en tant que tel au niveau de la violence, chose qui aurait été importante à ce moment-là, là, O.K.? Mais on n'a pas balisé la libération de la même façon. Mais moi, c'est vraiment l'analogie que je faisais entre les deux. Pour avoir été commissaire pendant quatre ans, j'en ai imposé des conditions à plusieurs que, peu importe le type de délit, mais en le on le voit moins, on voit moins cet encadrement-là au niveau d'une personne qui est libérée par la CETM. Et c'est pour ça que je parle d'une ligne de service, l'évaluation avant, le suivi après, et l'évaluation aussi continuelle, parce que le risque de violence est en mouvance selon les événements de la vie d'une personne.

M. Bonnardel : Ça fait que, sans mettre au banc personne, ce que vous dites indirectement, c'est que l'équipe traitante, l'équipe médicale, on va l'appeler l'équipe, n'était pas capable de suivre dans un... adéquatement sur une période, je vais dire au mois, mettons, ou aux deux mois, certaines personnes, exemple, même aussi facile que de déménager. Si la personne ne répondait plus au téléphone, il n'est plus à son rendez-vous, Bonnardel, il est où? Bien là, on ne faisait plus de recherches. En tout cas, j'essaie de...

M. Bonnardel : ...je réponds pour des personnes qui ne sont pas là, là, mais c'est un peu ça que vous... de l'expérience que vous avez, que vous évaluez puis que vous avez, j'imagine, expliqué.

Mme Rioux (Josée) : Bien, c'est un constat, effectivement. Les équipes traitantes ont davantage le mandat de stabiliser l'état de santé de la personne. La surveillance face aux comportements violents, c'est sûr qu'une équipe traitante ne va pas dire : Ah! moi, je ne m'en occupe pas, ça ne fait pas partie de mon champ de compétence. Mais il y a tellement beaucoup de choses puis il y a tellement... les équipes traitantes ont tellement beaucoup de cas sur leur «caseload» qu'à un moment donné, ça devient peut-être difficile. Et ça prend aussi la volonté de la personne. Travailler en contexte involontaire, c'est quelque chose qui est extrêmement difficile. Il faut savoir comment, il faut comprendre c'est quoi, le contexte du non-volontariat. Les équipes traitantes sont peut-être plus habituées, eux, à avoir des gens qui vont chercher de l'aide. Les... Si on prend au niveau correctionnel, bien, les agents de probation sont habitués, eux, à travailler dans un contexte totalement involontaire, là. Ils sont formés pour ça.

M. Bonnardel : J'arrive à l'autre point. Le suivi, l'arrimage entre l'équipe traitante versus les agents de liaison du ministère de la Sécurité publique. J'utilisais hier le mot... puis je pense que ça a été utilisé plus qu'une fois, le mot «complémentaire», le travail qu'eux auront à faire avec l'équipe médicale. Puis ce n'est pas une question de : Moi, je suis meilleur que toi, puis c'est moi qui va décider. Tu sais, le complémentaire, c'est d'arriver à...

• (15 h 20) •

Mme Rioux (Josée) : Chacun sa compétence.

M. Bonnardel : ...chacun ses compétences, puis c'est de protéger puis d'accompagner la personne qui a des... qui a des modalités.

Comment vous voyez cet arrimage entre ces futurs agents de liaison, qui... on va se le dire, qui étaient... qui seront ou qui étaient des agents de probation avant, qui auront une formation additionnelle par le ministère de la Santé, par le MSP, où qu'on va les accompagner, mais qui ont déjà un... un passé, un passé quand même important pour... Puis le but, vous le savez, là, je l'ai dit... le but, ce n'est pas de stigmatiser ces personnes, c'est de les accompagner puis d'assurer un meilleur suivi puis d'assurer leur sécurité puis la sécurité, nécessairement, des policiers, policières.

Donc, l'arrimage entre les... entre l'équipe médicale puis eux, vous... Bien, c'était une demande de la coroner. Je pense que vous étiez dans la même ligne... dans la même ligne de pensée. Mais je veux quand même vous... l'entendre de vive voix de votre part, là.

Mme Rioux (Josée) : Bien, quand on parle d'un dossier qui va suivre une personne à la Sécurité publique... va la suivre de l'arrestation jusqu'à la libération conditionnelle, puis tout le dossier va suivre. Il y a sûrement une mécanique qui peut être faite pour justement que l'agent de... bien, l'agent de liaison puisse communiquer ou puisse avoir des renseignements, puisse travailler de concert avec l'équipe traitante au niveau du ministère de la Santé. C'est une question de disponibilité de dossier puis d'avoir accès aux informations, là, puis je pense que ça, c'est quelque chose qu'il faut qu'il soit prévu, parce qu'ils ne peuvent pas travailler en vase clos. On ne peut pas avoir une équipe traitante, un agent de liaison puis que l'agent de liaison ait certaines informations puis qu'il ne puisse pas la transmettre à l'équipe traitante, ça ne sert à rien, là, je pense. C'est là où je parle de ma ligne de services, du continuum de services, c'est avant, pendant et après. Il faut que tout le monde puisse avoir les informations qui sont contenues au dossier de la personne.

M. Bonnardel : Selon vous...

Mme Rioux (Josée) : Tout en gardant en tête que la personne n'est pas une personne criminelle.

M. Bonnardel : Bien... Selon vous, il y a des avantages que ces agents de liaison, avec leur passé professionnel MSP... d'accompagner ou d'être complémentaires dans le travail des équipes médicales, il y a des avantages pour vous à avoir?

Mme Rioux (Josée) : Bien, c'est les recommandations qu'on fait. Pour nous, c'est que les gens puissent avoir un suivi... pas toutes les personnes, dépendamment des types de délits. Quelqu'un qui a fait... qui est non responsable pour avoir fait trois... trois vols dans un dépanneur, elle n'a pas besoin d'avoir un suivi avec un agent de liaison. C'est pour ça qu'il faut vraiment cibler les bonnes personnes, évaluer le niveau de risque. Mais, pour moi, la continuité de services... Moi, ce que je disais à la commissaire Kamel, c'est, peu importe qui la fera, O.K., que les gens soient compétents dans la continuité de services et faire en sorte que la population soit protégée et que la personne aussi soit protégée d'elle-même, de ses comportements, des fois, qui sont désorganisés.

M. Bonnardel : ...vous lui avez répondu, là, c'est les cas à faible risque versus haut risque, là. On ne mettra pas tout le monde... Bien, de toute façon, ce n'est pas moi qui va décider, là, mais c'est à la CETM, je pense qu'ils ont assez d'expérience pour dire, comme vous l'avez dit : Trois... Trois vols à l'étalage, ce n'est pas ça qui...

Mme Rioux (Josée) : Je pense, ce qui est important, c'est... on prenait l'histoire de Montréal, la personne était... était non criminellement responsable pour avoir, si je me rappelle bien, brûlé un passeport. Probablement qu'elle n'aurait pas été pointée pour avoir un agent de liaison. Mais à ce moment-là, c'est le comportement qu'il faut qu'on regarde, puis la désorganisation qu'il faut qu'on regarde. Peut-être que la CETM ne dira pas qu'il a besoin d'avoir un agent de liaison, mais le comportement par la suite pourrait amener peut-être à avoir un changement dans les conditions, là.

M. Bonnardel : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Collègue?

Une voix : ...

Le Président (M. Provençal) :Ça va? Oui...

Le Président (M. Provençal) :...oui, allez-y, Mme la députée.

Mme Dorismond : J'aurais une question par rapport à votre profession. Croyez-vous que les agents de liaison ou de probation pourront avoir un effet bénéfique?

Mme Rioux (Josée) : On ne peut pas être contre la vertu. C'est certain qu'il va avoir un effet bénéfique, parce que les personnes, quand ils se retrouvent seuls un peu... Prenez l'exemple d'Isaac Brouillard Lessard qui retrouve tout seul dans son appartement, avoir quelqu'un qui va l'accompagner dans sa réinsertion, dans sa réintégration sociale, ça ne peut pas être autrement que bénéfique. Même si la personne considère qu'elle n'a pas besoin, parce que nous, c'est notre lot de nos clients, ça ne peut pas faire autrement que d'être bénéfique. Ça fait que, si elle vit des difficultés, elle va avoir quelqu'un qui va... à qui elle va pouvoir aller voir pour pouvoir, justement, discuter, discuter de certaines difficultés, de problématiques ou peu importe. Je sais qu'il y a toujours l'équipe traitante, mais l'équipe traitante, elle a aussi toute sa fonction, mais l'agent de liaison aurait une fonction différente d'accompagnement dans la communauté. Et ça, c'est pour moi un... ma ligne de service qui est importante.

Mme Dorismond : C'est un plus.

Mme Rioux (Josée) : Oui, un plus, je vous l'ai dit, on ne peut pas être contre la vertu.

Mme Dorismond : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Ça va, M. le ministre? Alors, Mme la députée de Westmount... 

Mme Maccarone : Saint-Louis.

Le Président (M. Provençal) :...Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Rioux. Un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui. Merci pour votre exposé. Moi, je souhaite revenir sur la notion de secret professionnel. J'ai entendu les échanges puis je vous ai entendu dans votre présentation en ce qui concerne aussi pour les policiers, qu'il n'y a pas de balise. Puis je ne sais pas si vous savez, mais juste avant vous, ce matin, c'était l'Association des policiers, policières du Québec, puis eux aussi, ce qu'ils ont évoqué dans leur témoignage, c'est bien d'avoir la communication, puis ils sont contents, parce que, maintenant, ils vont être en mesure d'avoir plus d'informations avant d'agir, mais ils ont demandé que ce soit bidirectionnel. Comment voyez-vous ceci mis en pratique? Est-ce qu'on a des modifications à faire dans la Loi sur la police ou une autre loi pour leur donner la permission, parce qu'ils sont aussi assujettis à la loi en termes de secret professionnel? Mais comment voyez-vous ça pour répondre à leurs besoins? Qu'est-ce qu'on peut faire puis qu'est-ce qu'on devrait partager?

Mme Rioux (Josée) : L'information spécifique au besoin, moi, c'est toujours celle-là. On n'est pas là pour faire un roman. O.K. Ce qui va être déterminant ou dans le service que le policier va rendre ou dans le service que l'agent de liaison va rendre, moi, c'est ça qu'il faut... que je considère qui va être important. Ça fait que je ne peux pas vous donner vraiment un type d'information. Il faut qu'elle soit pertinente et cohérente avec le type, avec la personnalité et les types de besoin de la personne. Mais je pense qu'il faut le baliser, vous posez la question, on se dit : bon, pertinent et dans l'urgence, mais quel type d'information pourrait être... Il faut dédouaner un peu les gens qui vont avoir à donner de l'information, parce que là c'est clair que, si on rentre au niveau de la santé puis qu'on a des gens qui sont membres de leur ordre professionnel, c'est clair qu'eux autres ils ont le secret professionnel à faire respecter. Parce que le syndic de l'ordre, lui, là, sécurité, pas sécurité, si tu as brisé le secret professionnel, tu l'as brisé.

Donc, c'est clair qu'il faut qu'on arrive à donner une forme de dédouanement. Comment est-ce qu'on peut le faire? Ça, je pense que c'est peut-être des modifications à la loi à faire. Il y a toujours aussi la levée du secret professionnel, il y a quand même ces trois critères qui sont importants. Mais, à quelque part, on n'aura jamais... on ne pourra jamais avoir... Je ne pense pas qu'on va avoir une loi qui va prévoir tout. Une loi ne prévoit jamais tout malheureusement, sans ça, on ne serait peut-être pas ici. Mais je pense qu'il faut qu'on soit capable de comprendre quel type d'information doit être transmis, si on dit bidirectionnel, bien oui, l'échange doit être là parce que les deux travaillent avec la même personne.

Mme Maccarone : Mais eux, il faut qu'ils soient dédouaner pour le faire, parce que, présentement, ils ont dit : Ce n'est  pas le cas.

Mme Rioux (Josée) : C'est pour ça qu'il faut le prévoir. Il faut peut-être aller un petit peu plus loin, là, puis donner certains critères.

Mme Maccarone : On a aussi entendu des groupes, avant vous, qui ont parlé de la notion de consentement. J'ai posé plein de questions là-dessus. Comment voyez-vous ça à l'intérieur de ce processus? Parce qu'on a même entendu des personnes qui sont concernées par les modifications, qui ont dit : On souhaite consentir parce que c'est pour notre bien-être. Mais ça a l'air complexe parce qu'on a aussi autres groupes qui sont là pour la défense des droits, des personnes, avec des troubles mentaux, qui on dit : Mais non, le consentement, ça m'appartient, puis je ne suis pas informé, puis je n'ai pas accès à de l'information pour protéger mes droits.

Comment voyez-vous ça à l'intérieur de ce processus aussi? Est-ce qu'on a des modifications à faire? Est-ce qu'il y a quelque chose que nous devons conserver... préparer pour mettre dans la loi ou dans un règlement, ou une directive, ou quelque chose comme ça?

Mme Rioux (Josée) : Bien, la formule de...

Mme Rioux (Josée) : ...consentement, c'est certain que le consentement aux soins puis le consentement à la transmission des informations, si on regarde au niveau correctionnel, c'est quelque chose qui est fait presque systématiquement. Au niveau médical aussi, mais c'est probablement qu'on ne cible pas les bonnes personnes, parce qu'il faut... on ne donne pas un nom, mais on donne un corps de métier. Donc, il faut être... il faut être au fait qu'aussitôt qu'on entre en contact avec un client, il faut qu'on regarde la formule de consentement. Je comprends qu'une personne qui a une problématique de santé mentale puis qui n'est pas tout à fait là, la notion de consentement, elle est... elle va être vue différente, elle va être vue différemment, mais, encore là, je pense que c'est de l'information, c'est de la formation aux gens qui travaillent en direct avec ces gens-là, justement, sur les formules de consentement. Pour beaucoup d'organismes dans le niveau correctionnel, c'est un automatisme.

Mme Maccarone : Puis, quand on parle de secret professionnel ou les informations qui sont très sensibles... puis là on parle que les agents de liaison vont avoir accès à toute cette information. Comment voyez-vous aussi un encadrement de ce rôle? Une formation? Est-ce qu'on devrait avoir un ordre professionnel? Parce que, là, on parle des anciens agents de probation, qui, aussi, soulèvent plein de préoccupations, des gens concernés parce qu'ils se sentent visés, ils ont peur, ils ne se sentent pas pris en main. Même le professeur... hier, nous, on dit qu'elle... tout le monde trouve que l'idée de l'agent de liaison est bonne. C'est une recommandation de Géhane Kamel. Puis, comme vous avez dit, on ne peut pas être contre la vertu, c'est vraiment une bonne idée, mais est-ce que ça devrait vraiment être sous la responsabilité du ministère de... services publics?

Une voix : Santé?

• (15 h 30) •

Mme Maccarone : Oui. Parce que, dans son rapport, le rapport qui était déposé juste hier, elle a dit : Oui, Sécurité publique, mais, en 2022, elle a dit Santé et services sociaux. Ça fait qu'elle... égal. On a posé la question hier, mais votre opinion par rapport au rôle, la formation, comment on devrait l'encadrer puis ça devrait résider où...  Peut-être aux deux places, je ne sais pas.

Mme Rioux (Josée) : Bien, c'est intimidant, hein, des fois, d'entrer dans un bureau de probation, pour quelqu'un qui n'est jamais entré, c'est ce que je mentionnais tantôt. C'est pour ça que je me demandais, est-ce que les équipes ne pourraient pas être... les agents de liaison ne pourraient pas être intégrés aux équipes, aux équipes traitantes? C'est la question qui peut être soulevée.

Les agents... les agents de liaison, si comme... ils sont comme les agents de probation, ils sont tous membres de leur ordre professionnel, donc, eux, ils ont... ils ont... ils savent quoi faire avec l'information. Ils savent c'est quoi, le secret professionnel. Ils savent ce qu'ils peuvent dire, ce qu'ils ne peuvent pas dire puis ils sont capables de donner un cadre auprès des personnes. Si c'est des agents... des agents de probation, je vais dire le mot, «convertis» en agents de liaison, bien, ils savent quoi faire, ils l'ont déjà fait, là, parce que, qu'on soit avec une personne judiciarisée ou qu'on soit avec une personne qui est sous le mandat de la CETM, les informations sont les mêmes, là, et le partage d'information va se faire dans un contexte de secret professionnel et de respect de la personne.

Mme Maccarone : On parle beaucoup aussi de, évidemment, formation, manque d'effectifs. On sait qu'on a entendu, il y a 1900 dossiers, on a annoncé 18 agents de liaison. Vous, vous avez dit, dans votre exposé : Suivis, seulement ceux à risque de violence. Moi, la question juste pratico-pratique, parce que je ne connais pas tout ça, ça fait que je souhaite apprendre, si je siège autour de la table de la commission, pourquoi je donnerais la libération à quelqu'un qui a un risque de violence puis qui a besoin d'avoir un suivi, surtout que j'ai un manque de ressources? Est-ce que ça va changer la nature de la façon qu'eux, ils vont travailler, en sachant que ça se peut qu'il n'y aura pas un agent de liaison qui va suivre cette personne? Vous comprenez un peu la préoccupation? Comment voyez-vous ça?

Mme Rioux (Josée) : Bien, c'est pour ça que je disais tantôt, ce n'est pas tout le monde qui doit être suivi par un agent de liaison. Il faut aller chercher les gens dont le risque qui a été évalué avant que la personne passe devant la CETM et... qui sont capables de statuer qu'il y a un risque de violence, il y a un risque... le risque est plus élevé. Mais il faut avoir foi aussi au système. On est tous dedans. Si on a 18 agents de liaison pour commencer puis qu'on arrive à en avoir plus... mais ce ne sont pas toutes les personnes qui vont être sous mandat... qui vont être... qui sont sous mandat de la CETM qui vont être suivies, ça fait que, si on se retrouve avec des agents de liaison à Rimouski, bien, il y en a peut-être quatre à Rimouski, qui vont être suivies par l'agent de liaison, là, parce qu'il ne doit pas y avoir plus de personnes qui sont sous mandat de la CETM à Rimouski. Même chose à Sherbrooke, là, ça fait que je pense que Québec et Montréal, bien sûr, il y a une concentration un peu plus grande, mais les effectifs vont se répartir. Puis on est à 18, mais peut-être qu'après ça on arrivera à 20, 22. Mais c'est pour ça que je dis que ce n'est pas tout le monde qui a besoin d'être suivi. La ligne des services, ce n'est pas tout le monde, mais, si tout le monde est évalué avant...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Rioux (Josée) : ...O.K., avant son passage devant la CETM, bien, on va arriver avec un résultat et il y a une recommandation à la CETM qui va avoir été faite par l'équipe traitante et par des professionnels qui connaissent leur client et qui connaissent le... qui connaissent le mécanique... la mécanique d'évaluation aussi, là. Le risque de violence, ça s'évalue.

Mme Maccarone : O.K. Puis la recommandation que vous appuyez de Me Kamel aussi, les ressources d'hébergement spécialisées. Savez-vous combien qu'on a actuellement puis combien qu'on a besoin?

Mme Rioux (Josée) : David Henry, de l'ASRSQ, qui va venir vous voir tout à l'heure, va pouvoir vous répondre beaucoup mieux.

Mme Maccarone : O.K.... la question.

Mme Rioux (Josée) : Il connaît son réseau, mais moi, je connais une ou deux ressources à Montréal, Maisons de transition spécialisées en santé mentale, personnes qui ont commis des crimes. Mais ici, à Québec, il n'y en a pas, de ces ressources-là. Ça fait que vous imaginez, là, à Québec, il y a des centres... il y a des centres qui accueillent des gens qui ont des problématiques de santé mentale, mais pas vraiment en hébergement, puis ils ne sont pas spécialisés avec les gens qui sont non... non criminellement responsables au niveau de l'hébergement, de la réinsertion puis du suivi. Si vous... s'il n'y en a pas à Québec, là, vous pouvez imaginer... je vais reprendre Rimouski, parce que c'est ma ville natale, bien, à Rimouski, il n'y en a pas non plus, O.K.? Puis, à Sherbrooke, pour avoir été là longtemps, il n'y en a pas non plus. Ça fait que ça, c'est un manque.

Puis moi qui a été à la commission, je voyais souvent le syndrome de la porte tournante, là, des gens qui est... qui avaient des problématiques de santé mentale, qui entraient puis qui sortaient, parce que des fois ils ont un double statut, une fois, ils ont été non criminellement responsables, ils ont recommis un délit, ils sont criminellement responsables, ils se retrouvent en prison, devant la commission, on ne sait pas quoi faire avec eux autres, O.K., parce qu'on n'a pas de ressource où les libérer. Donc, vous voyez, il faut qu'on ait un système, mais c'est... Pour avoir ouvert trois centres de thérapie au Québec, moi, je peux vous dire que c'est assez ardu d'ouvrir un organisme. Ça fait qu'on s'imagine de peupler le Québec d'au moins dans chaque région, d'une ressource d'hébergement pour les personnes qui sont sous la commission des troubles... la Commission d'évaluation des troubles mentaux, on a du travail à faire. C'est faisable, mais on a du travail à faire. Je suis très positive, moi, dans tout ça.

Mme Maccarone : Ça fait qu'on a noté la question pour savoir combien on a besoin. Là, vous parlez des portes tournantes. C'est un phénomène que les policiers font face au quotidien, 40 appels par jour en... qui sont en lien avec des problèmes de santé mentale. Puis c'est quelque chose qu'eux soulèvent, parce que, c'est sûr, ce projet de loi ne va pas régler ça. C'est un projet de loi qui parle de communication, mais ça ne va pas régler les portes tournantes, ça ne va pas régler le P-38, mais vous savez qu'il y a quand même du travail qui est en train de se faire en parallèle avec ce que nous sommes en train de faire ici. Quelle est votre opinion en ce qui concerne les modifications pour le P-38? Les policiers souhaitent qu'on s'inspire de l'Ontario puis la loi de Brian, par exemple. Que pensez-vous de ça? Puis encore, je veux juste vous situer, les personnes concernées par les modifications, que ce soit le partage de l'information, le consentement, eux, ils sont favorables à une modification qui dit qu'on n'a pas besoin d'évaluer une situation dangereuse avant que les policiers peuvent agir. Quelle est votre opinion sur ceci?

Mme Rioux (Josée) : J'aurais beaucoup de difficulté à vous donner mon opinion pour ne pas avoir assez étudié et pris connaissance des modifications du P-38. Malheureusement, on a beaucoup de modifications aux lois, là, parce qu'on est aussi dans le criminel, mais on est aussi dans la loi... les lois professionnelles. Alors, c'est clair que je n'ai pas pu prendre état de ça, mais je pense que l'Association des médecins psychiatres doit être capable de vous donner pas mal plus de réponses que moi, plus adéquates en tout cas. Puis je ne veux pas me défiler, là, mais je veux juste être honnête.

Mme Maccarone : Tout à fait, il n'y a pas de souci. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci, Mme la députée. Alors, on va poursuivre avec le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Mme Rioux, merci beaucoup d'être ici avec nous. Vous avez mentionné tantôt les questionnements sur l'intégration des agents de liaison, tels qu'on le conçoit, parce qu'on n'a pas beaucoup d'informations. Ils ne sont pas nommés notamment dans le projet de loi, dans les équipes traitantes, les équipes de soins, là.

La question que je me pose, en termes de secret professionnel, de confidentialité, dans l'état actuel des choses, par exemple, un agent de probation pourrait faire partie d'une équipe traitante... comment dire, procéder à un échange d'informations globales sur l'état de la personne?

Mme Rioux (Josée) : Bien, si elle fait partie de l'équipe traitante, puis elle est nommée comme étant... faisant partie de cette équipe-là auprès de la personne, elle va avoir les mêmes informations que les autres. Ce n'est pas parce que c'est un corps de métier différent, puis que ça n'appartient pas au même ministère, mettons, qu'elle ne pourra pas faire partie de l'équipe traitante. Il faut juste qu'elle soit identifiée comme telle.

M. Fontecilla : Donc, en termes d'architecture du secret professionnel, il n'y a pas d'obstacle à cette... à cette participation-là.

Mme Rioux (Josée) : Pas à mon avis à moi, parce qu'elle va faire partie de l'équipe traitante.

M. Fontecilla : Très bien. Et, dites-moi, éclairez-moi, un agent de liaison tel qu'on le conçoit aurait un rôle de surveillance, beaucoup de conditions et est-ce que...

M. Fontecilla : ...ce n'est pas un rôle de surveillance, ce n'est pas un rôle de... thérapeutique, là, d'aide... d'accompagner la personne vers un rétablissement, si on peut... je peux m'exprimer ainsi, là? Est-ce que vous pensez que le rôle de surveillance pourrait mettre à mal une relation thérapeutique une relation d'aide?

Mme Rioux (Josée) : C'est sûr que la création du lien thérapeutique est importante, O.K., l'Alliance thérapeutique qu'on va appeler. Je pense que les agents de liaison sont formés pour être capables de créer un lien avec les personnes. Comme je vous disais tout à l'heure, on travaille... nous, on travaille en contexte non volontaire et on arrive à créer un lien avec les personnes. Je ne vois pas la... Je ne vois pas la dichotomie entre les deux, là. Même s'ils sont là pour surveiller, ils ne vont jamais juste faire de la surveillance. Ils vont faire de l'accompagnement aussi. On est des humains, puis les criminologues, on croit beaucoup, nous, à la réinsertion puis à la réintégration sociale, donc c'est sûr qu'ils ne feront pas juste de la surveillance. Parce que juste faire de la surveillance, c'est sûr que le lien va être difficile à créer. Mais quand il y a un accompagnement qui va avec, c'est sûr qu'à un moment donné, la personne sait que l'intervenant est là pour lui, O.K.? Elle n'est pas là pour... Le contexte... Être capable de marier l'aide et l'autorité, là, c'est ce que je dis souvent à mes étudiants, c'est un... c'est un... c'est un contexte difficile, mais c'est un contexte faisable de marier les deux. J'appelle... Je dis toujours : Avoir une main de fer dans un gant de velours. C'est être capable de faire le parallèle entre les deux puis marier les deux. Je pense qu'un agent de liaison va le faire. S'il a déjà été agent de probation, il sait déjà comment faire, et ce contexte-là est possible.

• (15 h 40) •

M. Fontecilla : Il y a plusieurs intervenants, intervenantes, donc Mme Kamel nous disait que... Ça a été dit il y a quelques minutes : La formule d'agent de liaison, au début, ce n'était pas clair si c'était dans le système de santé ou dans le système correctionnel. Et même la coroner n'avait pas... au début n'avait pas... n'avait pas fait un... Elle a fait... En fait, elle a fait un choix lorsqu'elle a entendu le ministre s'avancer dans cette voie-là. Est-ce qu'on pourrait concevoir un agent de liaison qui dépend du... qui est intégré au système de santé seulement, là, donc avoir une fonction de surveillance dans le système... une équipe traitante dans le système de santé.

Mme Rioux (Josée) : Ce n'est pas incompatible, en autant que les deux puissent... que les agents de liaison puissent fonctionner avec les équipes traitantes. Je dis que ce n'est pas incompatible. C'est sûr que la sécurité publique est davantage habituée, habiletée à faire de la surveillance qu'une équipe traitante au ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais pour moi, l'important, c'est la personne qui va bénéficier du service. Est-ce qu'elle va être capable de sentir qu'elle est bien? C'est pour ça que je parlais... peut-être de... je mettais peut-être un bémol sur le fait de se présenter dans un bureau de probation, parce que ce n'est peut-être pas toujours évident, pour les familles aussi, là. Le réseau correctionnel, ça fait toujours un peu peur. C'est méconnu, hein, mais c'est pour ça que je parlais que les agents soient peut-être même sous la gouverne de la sécurité publique puis puissent aller travailler, un peu comme à Pinel, il y a des agents de probation qui travaillent là, ils sont directement en lien, mais puissent travailler avec le ministère de la Santé dans les établissements hospitaliers au lieu du bureau de probation.

Moi, je trouvais important qu'il y ait un suivi, la formule que ça prendra, nous, on va être là pour supporter, on va être là pour seconder, on va être là pour apporter les bonnes idées. Mais je laisse... je laisse le soin aux gens qui sont concernés à décider où est-ce que ça ira. Je veux juste que la personne se sente à l'aise et ne soit surtout pas stigmatisée. Moi, c'est ma préoccupation à moi, l'individu, pour moi, il est bien important.

M. Fontecilla : Merci...

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député. Alors, je remercie Mme Rioux de l'Ordre professionnel des criminologues du Québec pour sa participation.

On suspend des travaux pour laisser place au prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Provençal) :Nous allons poursuivre maintenant nos travaux. Nous recevons les docteurs Gamache, Allard et Dufour de l'Association des médecins psychiatres du Québec. Alors, je vous invite à nous présenter votre mémoire 10 minutes, et, après ça, on procédera aux échanges.  Je vous cède immédiatement la parole.

Mme Gamache (Claire) : Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je suis ici au nom, donc, de l'Association des médecins psychiatres du Québec. Je suis Claire Gamache, médecin psychiatre depuis 26 ans aux CISSS de Laval, donc en Rive-Nord de Montréal et présidente des médecins psychiatres du Québec depuis quatre ans. Je suis accompagnée de la Dre Marie-Frédérique Allard, une grande célébrité, membre du C.A. de la AMPQ et psychiatre légiste dans la région de Shawinigan, et Dr Mathieu Dufour, psychiatre légiste qui a débuté sa pratique en Ontario et qui est maintenant chef de département à l'Institut national de psychiatrie légale Philippe Pinel de Montréal et président de l'Académie canadienne de psychiatrie et droit. Et docteur Dufour a été aussi sur le C.A. de l'AMPQ en 2020.

Nous tenons à remercier la commission pour l'invitation, évidemment, à présenter nos observations sur un dossier qui nous... qui nous interpelle particulièrement. L'AMPQ tient d'emblée à saluer ces discussions intersectorielles et interministérielles, ainsi que l'élaboration d'un cadre structurant autour de cette patientèle très vulnérable qui représente un grand défi pour les cliniciens que nous sommes. Ces discussions mettent en lumière qu'il s'agit de défis sociaux, familiaux, cliniques et qui touchent la sécurité de la patientèle elle-même, de leurs proches, des cliniciens et de tous les intervenants impliqués auprès d'elle et évidemment de la population impliquée.

L'AMPQ tient aussi à saluer que ce projet de loi implique l'ajout de professionnels autour de cette patientèle, de sa réadaptation, un ajout vraiment essentiel et bienvenu.

Parallèlement, nous devons sans cesse nous dire qu'il est de notre devoir à tous, cliniciens, familles, dirigeants, chroniqueurs, de répéter que la patientèle psychiatrique est beaucoup plus à risque d'être victime de violence que d'être perpétratrice de violence. Une minorité entre 3 à 5 % de tous les actes de violence dans la société sont attribuables à une personne avec un trouble mental. Ça fait que c'est important de se rappeler de ça quand on travaille sur ces dossiers-là.

Nous souhaitons également rappeler, puis plusieurs de vos invités l'ont fait, là, les circonstances tragiques qui nous ont menés au dépôt de ce projet de loi, soit le décès d'une policière et de personnes... d'une personne souffrant de trouble mental. Notre mémoire et nos recommandations...

Mme Gamache (Claire) : ...pour objectif, entre autres, de rendre les interventions policières, lorsque nécessaire, plus sécuritaires pour tous. Nous ne voulons plus de drames Maureen Breau et nous ne voulons plus de drames Alain Magloire, pour n'en nommer que deux.

Avant d'aborder le projet de loi no 66 plus directement, nous voulons d'abord souligner que le corps médical et les corps policiers ne sont pas étrangers l'un à l'autre. Sur le terrain, nous sommes déjà appelés à échanger des informations et à collaborer. Nous voulons aussi rappeler que les patients sous commission d'examen des troubles mentaux représentent un faible pourcentage de notre patientèle, en général. En raison de plusieurs facteurs, ces patients requièrent un encadrement particulier et la mobilisation de plusieurs ressources pour assurer leur suivi et leur traitement. Ce travail et cet encadrement psychiatrique se font en parallèle de tout un éventail de tâches en médecine spécialisée hospitalière qu'est la psychiatrie, soit : des évaluations psychiatriques à l'urgence, la gestion d'hospitalisation, de patientèle variée, de suivi en clinique externe, de support à la première ligne.

• (15 h 50) •

Vous le savez, on entend beaucoup parler de santé mentale, bien, la patientèle sous CETM est une portion de tout ce travail-là, clinique que les psychiatres font. La patientèle sous commission d'examen est généralement aux prises avec une pathologie, en général psychotique. Vous savez possiblement que les pathologies comme la schizophrénie, qui se présentent avec de l'anosognosie, c'est l'absence de reconnaissance de sa propre problématique, arrivent chez 60 % des patients qui sont porteurs de cette pathologie-là. Cela complique grandement l'alliance thérapeutique, car souvent ces personnes malades ne comprennent pas qu'on veuille les traiter ni la pertinence du traitement. Ils se considèrent souvent victimes d'un système qui veut les contraindre à être traités ou à être internés. Si le traitement est précoce et empathique, les patients peuvent progressivement accepter que le traitement améliore leur vie, sans tout à fait accepter le diagnostic. Cette fragilité de l'alliance thérapeutique doit être comprise afin de bien baliser les interventions autour du projet de loi et toujours réfléchir les soins à ces patients en termes de réadaptation et de rétablissement, qui ont comme assise l'alliance avec l'équipe traitante.

C'est dans cette perspective que certains éléments doivent être, à notre avis, clarifiés dans le projet de loi. Pour les cliniciens de l'AMPQ, il est essentiel de baliser clairement les informations utiles à transmettre aux corps policiers lors d'interventions voulant prévenir un risque de violence ou de détérioration pour les usagers sous mandat de la commission d'examen. De plus, logiquement, si de l'information peut être divulguée aux corps policiers lors d'un risque de violence ou de détérioration, doit-on prévoir ce même mécanisme balisé pour divulguer de l'information aux agents de liaison prévus dans le projet de loi? Puisque les agents de liaison ne feront pas partie de l'équipe traitante, ces mêmes balises exceptionnelles devront être définies.

Donc, les recommandations de l'AMPQ, et nous, nous avons déposé un mémoire, là, que vous avez reçu, donc. Les recommandations sont... la première : poursuivre, actualiser et prioriser la hiérarchisation de la psychiatrie légale, travail de collaboration et de concertation entre le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Santé et des Services sociaux, et le ministère de la Justice du Québec, et, évidemment, les acteurs du terrain. Ce travail, qui est très important, va permettre d'encadrer le présent projet de loi dans un espace cohérent et compétent, hein? C'est une espèce de chapeau, la hiérarchisation de la psychiatrie légale, autour de tous ces projets de loi, c'est-à-dire des responsables d'hôpitaux imputables, formés, soutenus et efficaces qui vont encadrer des équipes tout aussi compétentes et efficientes sur le terrain.

Ensuite, plusieurs recommandations autour des agents de liaison envisagés : définir leur statut, leurs rôles et responsabilités et, évidemment, inclure les règles de déontologie qui doivent s'appliquer aux agents de liaison; préciser que les agents de liaison ne peuvent occuper la fonction d'agent de probation, pour nous, ça doit être deux types de travail complètement distincts afin d'éviter la mixité des dossiers et une certaine confusion dans les rôles et responsabilités; permettre aux agents de liaison de transmettre des informations aux équipes traitantes en respectant leur code de profession, donc de l'information bidirectionnelle; on pourra donner des exemples plus tard, préciser que les organismes peuvent transmettre les renseignements aux agents de liaison ainsi qu'aux corps policiers uniquement pour la planification ou l'exécution d'une intervention adaptée aux caractéristiques d'une personne ou de la situation; préciser que le recours à un agent de liaison doit être fixé par la commission d'examen sur la base de critères clairs, par exemple, le passé criminogène, les habitudes de consommation...

Mme Gamache (Claire) :  ...les bris de conditions ou l'historique de violence. Définir et baliser la complémentarité des rôles et responsabilités des nouveaux criminologues et des criminologues déjà en place au ministère de la Santé et des agents de liaison du MSP et s'assurer que l'espace de collaboration sera très clair. Et dernières recommandations, protéger l'alliance thérapeutique essentielle au rétablissement, en précisant clairement les informations utiles à donner lors d'interventions voulant prévenir un risque de violence ou de détérioration. Merci de votre écoute, puis nous sommes là tous les trois pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal) :Alors, merci beaucoup, Dre Gamache, pour votre présentation. Sur ce, j'invite, M. le ministre, à initier cet échange.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Messieurs, Dames, merci d'être là. J'avais hâte de vous recevoir parce que, bon, vous êtes partie prenante de tout ce qui... l'actualité. Vous êtes des personnes immensément importantes. Quand on appelle l'équipe médicale, vous êtes l'équipe médicale dans une... dans une certaine mesure. Puis en premier lieu, je ne vais pas vous poser des questions tout de suite, là, sur le suivi, la communication, les agents de liaison. Je veux mieux comprendre votre rôle dans le quotidien puis que vous me donniez un peu un cas de figure, là. Bonnardel, là, qui passe, là, qui passe devant la CETM. Après ça, qu'il y a des modalités qu'on appelle un suivi conditions. Expliquez-moi, là, le quotidien, là. Moi, là, je suis devant la CTEM, on me dit : M. Bonnardel, vous allez devoir rencontrer l'équipe médicale. Bon, bien, c'est quoi le modus operandi? Ça prend combien de temps avant que la première... Je veux que vous me donniez un petit peu, là, en trois minutes, comment ça fonctionne.

Mme Gamache (Claire) : En fait, il y a plusieurs cas de figure. Un cas de figure, un patient soit qu'on connaissait déjà ou qu'on ne connaît pas et qui fait un délit et qui est reconnu non criminellement responsable. Souvent, les évaluations sur la non-responsabilité criminelle vont se faire dans... dans. On pourra parler hiérarchisation, mais elles vont se faire dans différents hôpitaux. Mais très souvent, à Montréal, ça va se faire à l'Institut Philippe-Pinel.

Donc, l'institut va soit voir ce patient-là en prison ou à l'institut. Il va faire une analyse de responsabilité criminelle. Le juge va reconnaître ce patient-là non criminellement responsable, et ce patient-là va être stabilisé et transféré dans un hôpital de secteur. Donc, il s'en vient chez moi à Laval. Et là on me dit : Dre Gamache, votre patient, que vous connaissiez, ou que vous ne connaissez pas, est reconnu NCR, on vous l'envoie à l'hôpital jusqu'à ce qu'il ait sa prochaine comparution. Donc il va probablement hospitalisé dans mon hôpital jusqu'à ce que je revoie le Tribunal administratif du Québec, donc la commission d'examen. Et je vais connaître ce patient-là et je vais préparer un rapport sur ses risques de dangerosité, sa pathologie, ses antécédents psychiatriques. Je vais aller présenter tout ça à la commission d'examen, qui va ensuite fixer les conditions dans lesquelles ce patient-là peut soit être obligé de rester à l'hôpital encore un bout de temps, mais en général, s'il a été transféré de Pinel, c'est parce qu'on pense qu'après quelques mois il pourrait être en libérations avec des conditions.

Donc, je vais discuter de mon patient, sa pathologie, ses risques, ses antécédents. Est-ce qu'il accepte la médication ou pas? Est-ce qu'il y a une bonne alliance avec nous ou pas? Est-ce que la famille est autour ou pas? Donc tous ces éléments-là, dans quel genre d'équipe je propose de le suivre à son congé? Est-ce que c'est avec une équipe de clinique externe? Est-ce que c'est avec une équipe de suivi intensif dans le milieu? Donc il y a dépendant de ce qui s'est passé, là, un peu... Mme Rioux vous disait : S'il a volé dans un dépanneur, c'est différent que s'il a frappé quelqu'un et tout ça. Et finalement, la commission va donner des conditions à ce patient-là, et on va le suivre en équipe par la suite en fonction de ses conditions : pas le droit de consommer, doit donner son adresse à son équipe traitante, doit venir à ses rendez-vous régulièrement, doit prendre sa médication.

Une fois qu'on a dit ça, le patient va progressivement faire des sorties supervisées pour voir si tout se passe bien et on va le suivre dans la communauté. Il y a toutes sortes de façons de suivre quelqu'un dans la communauté. Une équipe SIM va voir un patient deux ou trois fois par semaine. Certaines équipes SIM vont aller donner les médicaments tous les jours à un patient. Donc, il y a toutes sortes de modalités de suivi en fonction des besoins cliniques puis des besoins pour maintenir une stabilité chez ce patient-là. On fait ça pendant un an. Si on a une délégation de pouvoir puis que notre patient, on sent qu'il n'était pas là aux deux ou trois rendez-vous à la maison. Les parents nous disent : Ah! il n'a pas dormi chez lui. Je pense qu'il a repris un peu de consommation. On s'assure de le retrouver et, si on a une délégation de pouvoir, on va demander aux policiers de nous le ramener à l'hôpital pour qu'on puisse s'en occuper.

M. Bonnardel : O.K. Donc, mettons qu'après un an, là...

Mme Gamache (Claire) : Oui. On retourne en commission d'examen.

M. Bonnardel : O.K. Mais le gars, il est chez eux, là.

Mme Gamache (Claire) : Oui.

M. Bonnardel : Il y a un protocole, on va l'appeler comme ça, là, sur lequel il doit venir vous rencontrer, ou quelqu'un vient le rencontrer.

Mme Gamache (Claire) : Il y a des conditions de la commission d'examen, oui. 

M. Bonnardel : Des conditions... puis disparu.

Mme Gamache (Claire) : Oui.

M. Bonnardel : Ça arrive, j'imagine?

Mme Gamache (Claire) : Oui.

M. Bonnardel : ...

M. Bonnardel : ...Bonnardel ne répond plus, essaie de le rappeler, il ne répond plus, va chez lui, il ne répond pas, plus là. Ça arrive?

Mme Gamache (Claire) : Oui.

M. Bonnardel : Il se passe quoi après, si ça arrive? C'est difficile, là, j'imagine.

Mme Gamache (Claire) : On appelle la police.

M. Bonnardel : Oui. Puis là?

Mme Gamache (Claire) : En fait, moi, il m'est déjà arrivé d'avoir des patients comme ça, j'appelle... j'appelle effectivement les policiers, puis on trouve des façons de retrouver ce patient-là. Il faut... tout le monde ensemble. Puis, des fois, la police de Laval va appeler la police de Montréal : L'avez-vous vu?, et tout ça. Ça fait qu'un patient sous commission d'examen, on met tout en œuvre pour le retrouver puis savoir où il est.

Vas-y, Mathieu.

M. Dufour (Mathieu) : Oui. Puis, si je peux me permettre, c'est rare que, disons, quelqu'un va complètement fuguer, là, ça arrive, mais il y a souvent quand même une progression. Ils vont commencer à moins bien aller quand on va les voir, ils vont commencer à avoir des symptômes de psychose, commencent à prendre des drogues. On fait des dépistages urinaires de drogues, puis là ça devient positif. Il y a quand même souvent une gradation. Je pense que ce que Dre Gamache parle, c'est qu'il y a une... il y a une équipe en clinique externe. Bon, des fois, dans certains centres... Moi, je travaille à Pinel, on a des très bonnes équipes en clinique externe. Dans d'autres hôpitaux désignés, il y en a 45 au Québec, bien, des fois, il y a moins de suivi, hein, puis c'est ça, je pense, qui était clair dans le rapport de la coroner. Mais chaque équipe a quand même le double mandat de surveillance et de soins. Donc, on fait déjà... on regarde déjà les conditions, s'ils sont rencontrés ou pas, et s'il y a une augmentation du risque de violence, comme dit Dre Gamache, on a les leviers légaux pour le rentrer à l'hôpital puis être sûr que ce patient-là ne devient pas plus à risque de violence.

• (16 heures) •

M. Bonnardel : Je ne doute pas, là, que vous faites un travail incroyable, des fois extrêmement difficile, assurément, avec des cas... des cas particuliers.

Une voix : Je vous le confirme.

M. Bonnardel : Oui, ça, j'imagine, j'imagine. Dans le quotidien, ça ne doit pas être simple. Mais, à la fin, les deux derniers rapports de la coroner Kamel, celui de février 2024 sur le triple homicide, là, sur une période de deux jours, on arrive à des conclusions, puis je ne vous blâme pas, là, je ne mets pas personne au banc, où la coroner dit : Le suivi post-CETM... je vais dire déficient, problématique, je vais dire ça de cette façon. Là, vous me voyez aller. La coroner nous dit : Ça prend des agents de liaison pour être capables de faire un meilleur suivi, puis je vais utiliser encore le même terme, complémentaire à l'équipe médicale pour vous aider, s'aider, pour aider qui? La personne, pour ne pas nécessairement... parce qu'on ne veut pas la stigmatiser, c'est pour ça qu'on a utilisé le terme «agent de liaison», mais, de l'autre côté, donner les informations adéquates au policier, policière qui est dans le quotidien plus souvent qu'autrement. Vous l'avez dit, ce n'est pas simple, puis il faut être capable d'avoir le plus d'info possible.

Donc, comment cet arrimage des futurs agents de liaison, vous connaissez leur passé professionnel, qui auront été des agents de probation, qui auront une formation additionnelle par le MSSS, par le MSP, pour bien les préparer, répartis sur l'ensemble du territoire... Donc, c'est un peu ça, cet arrimage, là, qui, pour moi, est... Parce que vous êtes partie prenante de ce succès qu'on a à faire, qu'on a à avoir ensemble pour être capables d'assurer la réussite, la réussite de tout ça. Comment vous voyez cet arrimage entre ces futurs agents? Parce que les commentaires des criminologues tantôt étaient immensément importants, les vôtres aussi le sont parce que vous êtes vraiment dans le quotidien, là, des actions de tous les jours avec ces gens, là.

Mme Gamache (Claire) : C'est extrêmement complexe, hein? Puis on vient de Montréal, hein, on a parlé dans l'auto tout le long. Puis vous avez entendu Mme Crocker hier, vous avez entendu Luc Vigneault, qu'on connaît très bien, là, puis on... Si on parle du cas d'il y a deux ans, puis je le connais bien, là, je suis à Laval, hein, puis c'est un de mes collègues, là, qui avait ce patient-là, puis, oui, c'est... c'est terrible pour un psychiatre puis pour une équipe traitante de vivre des choses comme ça, c'est épouvantable, puis, évidemment, pour les gens qui sont décédés puis pour les familles de ces gens-là, là, et de ce patient-là, mais il ne faut pas oublier que ce patient-là avait aussi déjà un agent de probation, hein? C'était un monsieur qui avait des antécédents criminels puis qui... à un moment donné, on a comme abandonné un peu les accusations criminelles parce qu'il est rentré dans le système de la psychiatrie. Ça fait que ce qu'on a beaucoup dit à la coroner Kamel au moment de nos présentations, c'est : Il faut arrêter de dire que c'est juste un ou juste l'autre.

Ça fait qu'effectivement qu'il faut travailler davantage en collaboration. Puis des fois, oui, on a des patients qui doivent avoir des dossiers criminels, puis des agents de probation, puis des suivis rigoureux, puis avoir probablement, sous CTEM, des suivis aussi extrêmement rigoureux. Ça fait que déjà ça, ça existe, et déjà il faut probablement améliorer la collaboration entre les agents de probation puis baliser ce que l'équipe traitante peut nommer puis ce que l'agent de probation peut faire. Si on met un agent de liaison entre les deux, est-ce que ces agents de liaison là... Il va falloir réfléchir beaucoup, beaucoup aux rôles et responsabilités, au code, aux renseignements qu'on peut se...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Gamache (Claire) : ...mais ce qu'on se disait : Est-ce que ce serait envisageable que ces agents de liaison là, comme ils connaissent très, très bien tous les les enjeux criminogènes et aussi le système criminel, et tout ça... est-ce que ces gens-là pourraient être effectivement la liaison entre l'équipe traitante et le système correctionnel? Et, si on connaît très bien les policiers du quartier, les gens qui travaillent là, les équipes mixtes, et tout ça, ça fait que possiblement que ce serait effectivement de la liaison de façon idéale. On parle de... Est-ce qu'on devrait les mettre carrément dans les équipes traitantes? Si on les met carrément dans les équipes traitantes, il faut qu'ils soient sous le ministère de la Santé. Ça fait qu'il y a... il y a des choses qui ne sont pas nécessairement possibles. Ça, je pense, là, dans... dans le concret. Ça fait qu'à mon avis la liaison doit se faire, il faut mieux communiquer, il faut mieux trouver des façons d'avoir des échanges. Puis c'est sûr que plus ces mondes-là se parlent et se connaissent, tout en respectant vraiment que l'équipe traitante a vraiment un lien avec ces patients-là, puis en se rappelant que ces patients-là ne sont pas des criminels, sauf quand ils le sont en même temps, puis des fois ils le sont en même temps, hein, mes deux collègues ici ont plein de patients qui ont des dossiers criminels, qui ont des pathologies psychiatriques sévères puis qui sont sous commission d'examen, déjà ça, ça existe, là, des gens à double statut, ça existe déjà. Ça fait qu'où est-ce qu'on met les agents de liaison? Comment on arrime tout ça en respectant tout ce qu'on essaie de nommer depuis deux jours? C'est là le grand défi, là.

M. Bonnardel : Je vous pose une question qui est très large, là, puis c'est la CETM qui va le définir à la fin. On parle d'un suivi de ces agents pour ces personnes, pour des cas à haut risque, on va le dire ainsi. Quel type de profils...

Mme Gamache (Claire) : ...peut-être laisser Mathieu répondre, mais des gens à haut risque, je pense qu'il a une sensibilité par rapport à cette nomination-là, là.

M. Dufour (Mathieu) : Puis c'est peut-être juste comme un vocabulaire plus légal, là, je suis psychiatre légiste, ça fait qu'avoir fait la surspécialisation, on apprend toute la jurisprudence. Puis, depuis 2014, suite à la loi C-14 de M. Harper qui avait quand même fait une réforme du système de psychiatrie légale, ils ont créé une nouvelle désignation qui s'appelle «accusé à haut risque», pour les patients qui sont non criminellement responsables, qui sont peut-être plus dangereux que les autres patients. Donc, cette désignation-là... puis, en fait, justement, un projet de recherche, là, récemment, je pense qu'on est à 11 maintenant, aujourd'hui au Québec, puis il y en a 17 partout au Canada. Donc, c'est vraiment des patients qui sont normalement à Pinel ou je sais qu'il y en a quelques-uns à l'Institut universitaire, santé mentale de Québec. Donc, ça, c'est... les accusés haut risque, c'est une désignation particulière, ça fait que peut-être pour répondre à votre question, c'est quels patients qui ont peut-être un plus grand risque de violence par rapport aux autres patients sous CTM, qui devrait avoir plus de surveillance, ou que ce soit agent de liaison ou plus d'équipe spécialisé en... en psychiatrie légale autour d'eux. Je pense qu'on peut utiliser juste des patients qui ont peut-être besoin d'un peu plus de surveillance quand ils sont dans la communauté.

M. Bonnardel : Parlez-moi...

Mme Gamache (Claire) : ...répondre à la question, parce que vous dites : Qu'est-ce qu'on devrait faire avec cette clientèle-là? Bien, il faut vraiment avoir des équipes très solides, hein? On a une nouvelle équipe de SIM, de suivi dans la communauté, forensique à Montréal, donc autour de Pinel, on pense qu'on devrait avoir... Puis là c'est tout le dossier de la hiérarchisation, là, on pense qu'on devrait avoir moins de centres désignés. On pense que les équipes devraient être beaucoup plus solides dans ces centres désignés là pour avoir ce double mandat de surveillance dans la population puis de surveillance de la pathologie psychiatrique. Tu veux peut-être compléter...

Mme Allard (Marie-Frédérique) : Moi, je travaille en région, là, ça fait que c'est un petit peu différent, puis des régions où on a des grands territoires aussi. Ça fait que ça, c'est une autre réalité qui va... qu'il faut... qu'il faut prendre en considération, parce que des fois les équipes SIM, le med drop, tu sais, d'aller porter la médication tous les jours, ce n'est pas toujours facile ou faisable quand que la personne vient d'un village à, mettons, 70 kilomètres de, mettons, Trois-Rivières ou de Shawinigan, ou peu importe. Ça fait qu'il y a certaines particularités. Je pense que la... aussi, avec ce qui est arrivé avec le ministère de la Santé, l'ajout de 44 criminologues, ça va déjà être... c'est vraiment un très bon rehaussement en partant dans nos équipes traitantes. Ça fait que ça, on salue ça. Puis ça va être de voir le... mettons, l'arrimage. Et je pense qu'on a nommé un peu peut-être des pistes de solutions entre comment les équipes traitantes vont pouvoir travailler avec les agents de liaison.

C'est sûr que plus on a d'intervenants autour de nos patients, plus qu'on a de services à offrir... puis on a... on a entendu Mme Rioux aussi qui... je pense qu'on est capable d'établir l'alliance, même si les gens ne sont pas toujours, tu sais, volontaires, là, on finit par le faire, par établir une... Je pense qu'on est capable d'établir une bonne alliance, mais il va y avoir beaucoup de choses à définir, dont des balises au niveau du travail et de la confidentialité.

Puis on se disait... je pense qu'il ne faudra pas que ça se fasse sur un... sur un coin de table, là, peut-être un comité avec des éthiciens, avec plusieurs personnes pour qu'on puisse définir exactement qu'est-ce... qu'est-ce qu'on a besoin, autant pour...

Mme Allard (Marie-Frédérique) : ...la sécurité du public, mais que pour les patients aussi.

M. Bonnardel : Bien, ça, je peux vous assurer qu'on va le travailler le MSSS. Puis je suis convaincu... en tout cas, quelques fois, vous l'avez dit, là, ça peut peut-être devenir pesant, lourd, je suis convaincu que ces agents vont être un support non négligeable, tu sais. La complémentarité, je pense que c'est le meilleur mot qu'on peut utiliser, dans le travail que vous avez à faire, versus ce que les agents, dans le rôle qu'ils auront, spécifique... vous avez le vôtre, ils auront le leur, et ensemble le partage de l'information sera immensément important.

J'ai peut-être une dernière question sur le secret professionnel. Bon. Là, le policier aura la possibilité de parler à l'équipe médicale pour savoir, bon, bien,  je m'en vais à telle adresse, c'est Bonnardel qui reste à cette adresse. M.... Le but, ce n'est pas nécessairement de comprendre puis de connaître le diagnostic, je pense que vous êtes meilleurs spécialistes que moi, mais peut-être le comportement de M. X dans les dernières semaines, sinon depuis sa dernière rencontre avec vous, je pense que... Êtes-vous d'accord sur ce principe, là, de partage d'information, pour certains qui étaient inquiets, là, de... Puis le policier... encore une fois, je ne veux pas parler pour ceux qui auront, des fois, à faire ces appels, mais je pense qu'ils vont se concentrer pas mal plus... je donne encore le même exemple, de quelle façon le M. X réagit face à quelqu'un, exemple, qui porte l'uniforme quand la porte va ouvrir.

• (16 h 10) •

Mme Gamache (Claire) : En fait... en fait, Luc Vigneault vous a un peu dit qu'il y a comme une espèce de culture, effectivement, d'éviter de parler, en psychiatrie, puis c'est une culture qu'il faut effectivement, en partie, défaire, là. Il faut parler de consentement, de divulguer de l'information dès qu'on rencontre nos patients. Puis il y a tout un travail à faire, là, de changement de culture à ce niveau-là. Puis, oui, il y a des patients qui sont... qui sont, évidemment, paranoïdes puis qui ne veulent pas qu'on transmette de l'information, mais, quand on est dans des contextes de risque de violence ou de détérioration, on a déjà les leviers pour pouvoir échanger avec les policiers. Ça fait que je pense que ça fait partie du travail quotidien qui... Ça fait que le secret professionnel n'a plus beaucoup lieu d'être quand on est dans des contextes de dangerosité immédiate, là.

M. Dufour (Mathieu) : Puis si je peux rajouter, tu sais, je pense que l'idée du secret professionnel ou de la confidentialité, c'est si, disons, il y a des agents de liaison qui vont visiter l'hébergement puis qui voient des choses, bien, il faut le rapporter aussi à l'équipe traitante, il faut que ça soit bidirectionnel, parce que ça reste que l'équipe traitante, avec l'hôpital, est ultimement responsable de la gestion de tout le risque du patient de par son rôle, là, tu sais, le... Bien, comme vous savez, M. le ministre, quand quelqu'un est non criminellement responsable, c'est la commission d'examen qui donne des conditions puis ensuite délègue la gestion des conditions au responsable de l'hôpital... que ce risque-là soit relié à la toxicomanie, à un trouble de personnalité ou à la schizophrénie, est responsable de tous le risque. Donc, s'il y a un agent de liaison qui fait une certaine surveillance, il faut que le responsable d'hôpital le sache parce qu'il est aussi responsable de la surveillance, parce que, sinon, ça devient assez redondant, puis il faut absolument se parler.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

M. Bonnardel : Il me reste-tu une minute ou deux? Non?

Le Président (M. Provençal) :Non, désolé.

M. Bonnardel : J'aurais pris... Je vais aller vous la poser après.

Mme Gamache (Claire) : On a le droit de se parler après.

M. Bonnardel : Oui, c'est ça.

Le Président (M. Provençal) :Alors, Mme la députée de Westmount-Saint-Louis.

Mme Maccarone : Oui, merci beaucoup. Merci à vous pour votre exposé, c'est très intéressant, mais je vais continuer dans le même alignement que le ministre, parce que, dans le projet de loi... je veux nous ramener un peu au projet de loi, vous l'avez soulevé, dans votre mémoire, que ce n'est pas précis, à qui vous pourriez donner de l'information, ou l'inverse. Alors, vous, vous souhaitez qu'on amende le projet de loi pour nommer les agents de liaison, pour être en mesure de vraiment partager l'information avec eux, puis aussi l'inverse.

Mme Gamache (Claire) : On veut vraiment que ce soit bidirectionnel. Un peu comme dit Dr Dufour, si les agents de liaison voient des choses puis entendent parler par les policiers qu'il y a vraiment des choses particulières, c'est des patients qu'ils connaissent sous CETM, on veut avoir cette information-là pour travailler. Puis c'est sûr qu'il va falloir qu'on propose à plusieurs patients de signer la possibilité qu'un cercle de soins puisse se parler, hein? C'est hier qu'on disait : L'échange, il faut que ça se fasse peut-être avec un corps de métier plutôt qu'avec des personnes particulières. Ça fait que ça va faire partie des choses qui devront être discutées, là, peut-être avec les éthiciens puis avec des patients partenaires, pour voir dans quelle mesure on ouvre ces éléments-là.

Mme Maccarone : J'ose croire, c'est la même chose pour les policiers. Vous l'avez soulevé un peu, puis vous m'avez entendue dans... lors des derniers échanges, puis peut-être vous avez entendu les policiers, ce matin, qui disaient... c'est ça qu'ils souhaitent, eux aussi, hein, parce qu'ils font face à des difficultés puis ils ne savent pas sur quel pied danser, comment offrir cette information, est-ce que j'ai le droit d'offrir cette information? Ça fait que, peut-être, ça aussi, ça mérite d'être clarifié.

La notion de consentement, je souhaite vous entendre aussi là-dessus. Comment ça figure à l'intérieur de tout ceci? On a entendu des personnes concernées qui disaient que le consentement... eux sont très pour le consentement puis ils disent : Je devrais l'offrir tout le temps parce que je sais que c'est pour mon bien-être, puis c'est pour m'aider aussi, à ma réinsertion sociale. Comment voyez-vous...

Mme Maccarone : ...à l'intérieur de tout ce partage de l'information, comment nous devons le traiter?

Mme Gamache (Claire) : C'est une très grande question, en fait, la notion de consentement. Souvent, quand les patients vont bien, puis j'ai beaucoup aimé M. Vigneault dire, hier, on peut préparer nos... notre espèce de protocole de crise, hein? Donc, dès le départ, les patients, quand ils commencent leur suivi avec nous, on peut prévoir des protocoles de crise. Puis, à la limite, on peut même prévoir, dans ces protocoles-là, si je ne suis plus d'accord à ce que vous donniez de l'information à telle, telle, telle personne parce que je ne vais vraiment pas bien, est-ce qu'on peut s'entendre déjà pour dire : Bien, peut-être que, dans le fond, vous pouvez recevoir de l'information, mais j'aime mieux vous n'en donniez pas à ma mère, que vous n'en donniez pas, mais si je suis vraiment en danger ou je deviens dangereux... Puis à ce moment-là, nous, on peut le dire, là, qu'à ce moment-là on va continuer de donner de l'information à certains corps de... Ça fait que ça fait partie de la conversation qu'on pourrait beaucoup mieux organiser avec la patientèle. Puis ça pourrait même se discuter en commission d'examen, à la limite, puis que ça fasse partie des choses qui sont discutées puis des conditions qui sont discutées, de se faire un protocole de crise que tout le monde va essayer de respecter quand ça va être le temps d'être en désorganisation, là.

Mme Maccarone : O.K. O.K.

M. Dufour (Mathieu) : Puis, si je peux peut-être rajouter, tu sais, tout ce qui est la confidentialité avec le rôle des proches et de la famille. Je pense, hier, il y avait Mme Brabant, là, qui est une proche, et je pense qu'on... tu sais, ce qu'on entend beaucoup des proches, c'est qu'on ne les implique pas assez. Et, des fois, on se cache derrière certaines lois sur la confidentialité quand, des fois, tu sais, on peut, avec les lois actuelles, recevoir de l'information, mais ensuite en donner, c'est là qu'il faut avoir le consentement du patient. Puis, tu sais, je pense, là on parle beaucoup de la psychiatrie légale pour les patients sous CETM, il y a toute la réforme de la P-38, là. Le ministre Carmant avait demandé au professeur Noreau de regarder tout ça.

Mme Maccarone : Devance-moi pas trop, là, j'ai cette question-là aussi.

M. Dufour (Mathieu) : O.K. Mais d'abord je vais juste en parler juste brièvement, parce qu'il y a un aspect de la P-38, les hospitalisations involontaires, qui est en lien avec la confidentialité. Quand est-ce qu'on peut, comme équipe traitante, parler aux proches dans un contexte où qu'on évalue quelqu'un pour un P-38 et autres. Puis Dre Gamache a mentionné, moi, j'ai pratiqué six ans en Ontario en plus de ma résidence, plus six ans, donc j'ai travaillé 11, 12 ans là-bas. Et il y a une section, là je vais devenir technique, là, 54 de la Loi en santé mentale où qui permet aux patients qui sont évalués pour des P-38 ou des patients sous CETM que les mêmes lois de confidentialité dans la santé ne s'appliquent pas. Donc, il y a certaines... disons, il y a beaucoup plus d'ouverture dans cet échange d'information là pour les gens de la santé. Donc, l'Ontario a décidé que pour des patients qui sont plus à risque de violence, qui sont sous CETM de l'Ontario, bien, le secret professionnel ne s'applique pas, ou en tout cas avec des balises beaucoup plus ouvertes que pour les autres patients.

Mme Gamache (Claire) : Autant pour la famille que pour les corps de métier.

M. Dufour (Mathieu) : Exactement. Avec tout le monde.

Mme Maccarone : O.K. Vous avez répondu à ma question pour la P-38. Merci. Ça fait que... Mais je reviens aussi aux agents de liaison puis la notion de famille. Vous l'avez évoqué, on l'a entendu des témoignages, hier, des recoupements des victimes puis aussi, évidemment, le témoignage des familles qui sont concernées. Puis Me Kamel a aussi soulevé que c'est un aspect qui est souvent oublié quand on parle de ces drames. On a entendu aussi de la part du ministre que ça se peut que les agents de liaison auront un rôle aussi auprès des familles. Comment voyez-vous ça? Est-ce que ça va être trop lourd? Comment que ça va fonctionner? Est-ce que ça devrait être leur responsabilité ou est-ce que c'est l'équipe traitante qui devrait avoir ce rôle de partage de l'information puis des suivis avec les membres de la famille ou peut-être les victimes?

M. Dufour (Mathieu) : Je peux peut-être m'essayer. Tu sais, comme je pense qu'il ne faut pas oublier, c'est quand un passant est non criminellement responsable et demeure sous la CETM. Les dernières études justement d'Anne Crocker, qui fait le plus d'études, là, sur le système de psychiatrie légale au Canada, c'est que les gens restent en moyenne 5 à 6 ans en moyenne à travers le Canada. Bon, c'est un peu moins longtemps au Québec parce qu'on a plus de NCR pour des crimes moins sévères, donc qui restent moins longtemps, mais disons, en général, cinq ou six ans. Donc, ça, c'est un épisode de soins, c'est une petite partie, cinq, six ans, dans toute leur vie. La plupart des gens vont être... Donc... une fois, là. C'est rare quand même, comme M. Brouillard-Lessard, qui ont plusieurs verdicts NCR. Donc, après, ces gens-là ont quand même besoin de soins et restent dans le milieu de la santé puis souvent dans les mêmes services, là. Je pense au Dre Allard aussi, a cette réalité-là à Shawinigan. Donc, les familles, il faut les impliquer avec les équipes traitantes parce qu'on... ils vont être impliqués à vie. Tu sais, quelqu'un qui a un diagnostic de schizophrénie, c'est une pathologie qui est malheureusement incurable, pathologie chronique qui vient souvent avec de multiples réhospitalisations, ou en tout cas des rechutes psychotiques, donc il faut vraiment que l'équipe traitante soit impliquée avec la famille, peu importe la présence d'un agent de liaison, pour cette continuité de soins aussi là, quand la CETM ne sera plus là...

Mme Allard (Marie-Frédérique) : ...je pense que probablement qu'il y a des familles qui vont voir ça quand même d'un bon œil, parce qu'ils vont avoir l'impression où ils ont aussi une place où s'adresser, tu sais, puis je pense qu'on a un... il y a un travail à faire pour impliquer...

Mme Maccarone : Une lacune à remplir.

Mme Allard (Marie-Frédérique) : ....encore plus les familles. Mais je pense que, s'il y a un agent de liaison, peu importe où il serait, ou un criminologue, ou comme dans une équipe traitante, bien, je pense que ça peut être aidant pour les familles s'il peut y avoir un échange, des... — des fois, ils ont des questionnements — un endroit où dire : Bien, ça ne va pas. Qui j'appelle? Qu'est-ce que je fais, là?

Mme Maccarone : O.K. Dre Gamache, vous l'avez déjà fait dans vos remarques, où est-ce qu'on... ça devrait loger, ce rôle : Santé et Services sociaux. Vous savez que Pre Crocker, hier, elle a dit : Vraiment Santé, Services sociaux. Puis là, dans les échanges, puis aussi c'est indiqué dans votre mémoire, si on a un agent de probation, on ne devrait pas aussi avoir un agent de liaison? Est-ce que, ça, ça peut résoudre le problème si, mettons, l'agent de liaison était sous la responsabilité du ministère Santé et Services sociaux? Mais on n'aura pas de confusion entre le rôle, parce que c'est vrai, les personnes concernées, ils ont... ils sont craintifs, il y a une peur. Puis, si c'est pour leur bien-être, est-ce que c'est quelque chose que nous pouvons considérer pour régler ce... cette préoccupation que vous avez? 

• (16 h 20) •

Mme Gamache (Claire) : En fait, c'est clair que, si on décide de mettre ça sous le ministère des Services sociaux, ça fait partie de l'équipe traitante, donc tous les enjeux de confidentialité sont...

Mme Maccarone : Réglés.

Mme Gamache (Claire) : ...sont beaucoup moins problématiques, là. Puis moi, j'ai envie de dire : Plus on a d'expertise partout, mieux c'est. Ça fait que, là, on aurait de l'expertise plus, là, au niveau du système criminel. Les criminologues ont beaucoup apporté cette expertise-là aussi dans les équipes traitantes, ça fait que... Mais je ne suis pas certaine que c'est possible, là. Mais c'est sûr que ça réglerait cette...

Mme Maccarone : Tout est possible...

Mme Gamache (Claire) : C'est ça.

Mme Maccarone : ...jusqu'à tant que la loi n'est pas adoptée...

Mme Gamache (Claire) : C'est ça.

Mme Maccarone : ...puis il y a de la place pour des amendements...

Mme Gamache (Claire) : Oui.

Mme Maccarone : ou bien peut-être le dépôt d'un projet de loi futur, si on ne peut pas le régler aujourd'hui.

Avec le très peu de temps qu'il me reste, je souhaite vous entendre en ce qui concerne la...  Je ne suis pas capable. Vous savez le mot?

Mme Gamache (Claire) : Oui.

Mme Maccarone : En psychiatrie légale, expliquez-nous c'est quoi, la problématique — vous l'avez aussi indiqué dans votre mémoire — c'est quoi, la problématique, puis qu'est-ce que nous avons besoin pour régler ce problème.

Mme Gamache (Claire) : C'est très, très vaste, mais c'est un projet qui est discuté depuis plus de 10 ans au Québec, hein, ça fait plus de 12 ans, là, qu'on discute de cette hiérarchisation-là. C'est d'organiser la psychiatrie légale pour que les... les endroits où on désigne des hôpitaux, on ait des équipes solides pour avoir de... dans le fond, de... la détention de cette clientèle-là, donc des unités fermées avec du personnel plus... plus compétent pour s'occuper de cette clientèle-là, puis, quand ces gens-là sont libérés sous condition, avec des... une hiérarchisation, c'est-à-dire que les patients très dangereux seraient suivis dans des hôpitaux désignés beaucoup plus solides, avec des équipes plus solides, et, quand on est en libération, puis que les patients sont, bon, dans une période où ils sont beaucoup plus réadaptés, après des fois deux, trois ans à Pinel, on peut les envoyer dans leur région, avec des équipes qui sont à la fois aussi bien, bien équipées, mais qu'ils pourraient, à la limite, même être supervisés par ceux qui les ont connus dans les périodes où ils étaient très...

Ça fait qu'on voudrait diminuer les hôpitaux désignés. Au Québec, on en a 45, en Ontario il y en a 10. Donc, on voudrait vraiment diminuer les hôpitaux désignés pour que les hôpitaux soient beaucoup mieux équipés avec énormément d'expertise, quand c'est nécessaire, et on pense qu'il devrait y avoir un tribunal spécialisé éventuellement pour s'occuper de toute cette clientèle-là au lieu d'avoir trois, quatre tribunaux, en fait les... la Cour du Québec, la Cour supérieure, pour aller pour les patients.

C'est extrêmement compliqué pour nous. Moi, je ne suis pas une psychiatre légiste, là, puis ça fait deux ans qu'ils me cassent les oreilles avec toutes ces affaires-là, à l'AMPQ, ça fait que là je comprends beaucoup mieux. Mais, pour les familles et les patients, c'est un... c'est un casse-tête incroyable, là.

Mme Maccarone : C'est une recommandation phare...

Mme Gamache (Claire) : Oui.

Mme Maccarone : ...de Géhane Kamel aussi à l'intérieur de ses deux rapports.

Mme Gamache (Claire) : Oui. Puis la dernière chose de la la hiérarchisation, c'est d'avoir des responsables d'hôpitaux qui savent de quoi ils parlent, qui sont compétents, qui connaissent les lois et qui sont capables d'avoir un portrait global de tous les gens qui sont sous CETM dans leurs hôpitaux puis, idéalement, un portrait global au Québec de qui est sous CETM, qui a besoin de surveillance, qui a besoin d'être à Pinel, qui peut aller à Shawinigan, qui peut être suivi à Laval par la suite.

Vous avez entendu parler peut-être du COOLSI pendant la pandémie de COVID-19, les soins intensifs pour les patients très, très malades où est- ce qu'on envoyait les patients. On pense à un COOLPSI pour la hiérarchisation de la psychiatrie légale.

Mme Maccarone : Il me reste une minute. Mme Rioux m'a dit que ça se peut que, vous, vous avez des informations en ce qui concerne les hébergements adaptés, les maisons de transition. Combien est-ce qu'on a actuellement puis combien est-ce qu'on a besoin pour rejoindre la demande?

Mme Gamache (Claire) : C'est Mathieu qui a ces... qui a ces chiffres-là.

M. Dufour (Mathieu) : Oui. Oui, puis... En fait, là, je ne suis pas spécialiste en hébergement. Mais, juste pour faire le lien, Dre Gamache, le projet de hiérarchisation, elle a très bien expliqué...

M. Dufour (Mathieu) : ...AMPQ puis plusieurs autres personnes, dont le ministère de.. de M. le ministre Bonnardel, sont très impliqués, puis, tu sais, c'est un projet... On parle de l'hébergement là-dedans, mais c'est un projet vraiment vaste sur trois ans, un projet du ministère de la Santé qui ont... puis ils ont demandé à Pinel de coordonner. Donc, c'est pour ça, comme cheffe de département à Pinel, c'est Dre Bédard-Charette, notre DSP, qui dirige tout ça, puis c'est vraiment... on améliore le système au complet. Donc, c'est pour ça... Là, on parle d'agents de liaison puis de confidentialité, mais le projet de hiérarchisation est beaucoup plus grand pour améliorer le système, parce qu'on sait qu'il y a des enjeux, puis un des enjeux, c'est l'hébergement. Je pense, Mme Rioux parlait qu'il y a seulement de l'hébergement spécialisé en psychiatrie légale à Montréal. Puis, en fait, on a appris... Parce qu'il y a... il y a l'Entre-Toit, qui s'appelle l'Entre-Toit Saint-Jacques puis Léger à Montréal, ils ont deux centres de services, et l'intervalle... ils sont comme trois ressources spécialisées 24 heures/7. Et on a appris qu'en fait... On pensait que... nous, c'est spécialisé en psychiatrie légale. Mais non, ils prennent d'autres gens aussi. Donc, même là, est-ce qu'ils sont vraiment spécialisés en psychiatrie légale? Bien, ils offrent de bons services. Et nous, la plupart de nos patients à Pinel vont dans ces ressources-là ou vont dans d'autres appartements supervisés, mais à l'extérieur de Montréal, il n'y en a pas.

Une voix : On en a combien à peu près...

M. Dufour (Mathieu) : Disons, là, j'y vais comme ça, là, c'est peut-être 80 à 100 places sur environ le 1 900, 2 000 personnes sous la CETM, donc ce n'est vraiment pas beaucoup. Puis, tu sais, j'ai pratiqué en Ontario, puis on avait beaucoup plus d'hébergement spécialisé en psychiatrie légale qui était en lien avec des organismes de bienfaisance aussi.

Mme Allard (Marie-Frédérique) : Bien, on n'aurait pas besoin de 1 900 places...

Mme Gamache (Claire) : ...en hébergement, mais on a probablement 700 patients en détention actuellement au Québec.

M. Dufour (Mathieu) : Exact. Donc, environ 1 200...

Mme Maccarone : C'est très peu. Je ne m'attendais pas à ce chiffre.

M. Dufour (Mathieu) : Oui.

Le Président (M. Provençal) :On va être obligés de clore cette discussion-là, cet échange-là.

Mme Maccarone : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Et je vais céder la parole maintenant au député de Laurier Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici avec nous, là. Votre expertise est essentielle. Je vais continuer sur le même sujet, là. Je suppose qu'il y a un lien. Beaucoup de ces personnes-là qui sortent de vos services peuvent se retrouver en situation d'itinérance aussi.

Une voix : ...en fait...

M. Dufour (Mathieu) : Bien, je vous dirais... je vous dirais que c'est très rare qu'ils sont en situation d'itinérance. Parce qu'étant donné que le patient qui est sous CETM représente un risque important pour la sécurité du public, s'il n'y avait pas de contraintes légales... Donc, la CETM nous dit : On peut le libérer de l'hôpital, après un séjour à l'hôpital, avec des conditions particulières. Avec ces conditions-là, c'est sécuritaire, mais si on enlevait ces conditions-là, c'est là qu'il serait un risque de violence. Puis quand ils sortent comme ça, avec des conditions en particulier, bien, souvent, il y a une condition que... qu'il faut qu'il soit dans une résidence approuvée par l'hôpital, il faut qu'il vienne à son rendez-vous psychiatrique, qui est souvent des dépistages urinaires de drogues. On en fait souvent. Il y a beaucoup de conditions. Puis je vous dirais... Bon là, moi, c'est peut-être biaisé parce que je travaille à Pinel, c'est les cas les plus lourds puis les plus dangereux, mais on a quand même plus que 150 personnes en clinique externe qu'on suit. Et ces patients-là, moindrement qu'ils perdent leur logement, nous, on ne peut pas tolérer... on les ramène à l'hôpital, parce que l'itinérance vient avec le fait : Est-ce qu'ils vont continuer leurs médicaments? Est-ce qu'ils vont consommer des drogues? Et le risque est trop important. On ne tolère pas... On le ramène à l'hôpital le temps de retrouver un autre logement. Donc, je vous dirais : En majorité, on ne tolère pas l'itinérance. Est-ce qu'il y a des ratés puis, des fois il y a des échappées? Probablement, puis ça, on veut le changer avec le projet de hiérarchisation, mais normalement ils ne sont pas en situation d'itinérance.

Mme Allard (Marie-Frédérique) : ...les problèmes de logement, les problèmes d'hébergement, on a des patients qui restent détenus dans les... donc qui prennent des lits d'hôpitaux parce qu'on n'a pas d'endroit où les envoyer. Puis il y a... il y en a des patients qui sont tout à fait autonomes, qui pourraient sortir d'hôpital, aller vivre en appartement, mais ce n'est pas possible parce qu'on n'en trouve pas. Ça fait que là, on se retrouve avec un risque... bien, avec un problème de lits. Tu sais, je vais prendre l'exemple de la Mauricie-Centre du Québec, on a 15 lits de psychiatrie légale. Bien, il y a... plus que 30 patients qui sont là. On n'est pas capable de faire de nouvelles évaluations parce qu'on a trop de patients en détention au TAQ, parce qu'ils ne sont pas capables de les sortir, parce qu'ils n'ont pas de milieu d'hébergement. Ça fait que vous voyez un petit peu... C'est comme... C'est des vases communicants, puis on se retrouve dans des situations difficiles, parce qu'il y a des gens en détention qui ont besoin de soins, qui ont besoin d'être évalués, mais ça va retarder parce qu'on n'a pas de place dans les hôpitaux... Puis on n'est pas capable...

Mme Gamache (Claire) : ...

Mme Allard (Marie-Frédérique) : C'est ça. Ça fait qu'on est... C'est... C'est... C'est un problème de société, là. Ce n'est pas juste...

M. Fontecilla : Tout à fait. On n'est jamais noir et blanc, là. Mme Gamache, vous avez dit tantôt quelque chose qui m'a intrigué, là. Les agents de liaison, tels qu'ils sont présentés, parce qu'on n'en connaît pas énormément, là, ne feront pas partie de l'équipe traitante. Tantôt, je questionnais Mme Rioux qui nous disait... ou qui ne voyait pas de problème à ce qu'ils...

M. Fontecilla : ...que les agents de liaison fassent partie... Est-ce qu'il y a un problème pratique de...

Mme Gamache (Claire) : Bien, en fait, si je vous dis qu'ils sont engagés par l'hôpital, puis ils travaillent dans le ministère de la Santé, ils vont être dans les équipes traitantes. Mais je ne pense pas que le projet de loi envisage ça comme ça. Ça fait que, s'ils sont dans le ministère de la Sécurité publique, ils ne pourraient pas faire partie intégrante d'une équipe traitante dans un hôpital. Quand on confie un patient sous commission d'examen, on le confie aux responsables de l'hôpital. Donc, ils vont faire partie vraiment d'une autre équipe à l'extérieur, et, dès qu'on est à l'extérieur du système de soins ou de l'équipe traitante, on est obligé de faire des ententes de confidentialité puis de partage d'information, là.

M. Fontecilla : Puis est-ce qu'on pourrait concevoir une façon ou un changement législatif, à la limite, pour faire en sorte que cette... cette intégration puisse se faire avec deux ministères responsables?

• (16 h 30) •

Mme Gamache (Claire) : Je ne sais pas si ça existe. On a les équipes mixtes actuellement, hein, dans plusieurs villes où il y a des travailleurs sociaux qui sont engagés dans.... dans... en fait, qui vont travailler dans les postes de police, mais qui font partie de... Je pense qu'il y a moyen, peut-être, de trouver des arrangements, là, qui est responsable de qui. Je peux vous donner l'exemple de... Chez nous à Laval, on a une grande équipe de travailleurs sociaux qui sont engagés à la ville de Laval depuis des années, ça fait 25 ans, puis on travaille en collaboration. J'ai le cellulaire du chef des travailleurs sociaux de la police de Laval, il a le cellulaire de la plupart des psychiatres chez nous. On ne fait pas partie de la même équipe traitante, mais on se connaît bien puis on a l'habitude de partager de l'information pour la clientèle dans des contextes de dangerosité ou d'évaluation...

M. Fontecilla : Mais il faut établir ce lien-là. C'est formalisé?

Mme Gamache (Claire) : Mais il faut établir les balises. Oui.

M. Fontecilla : Vous avez aussi dit que...

Le Président (M. Provençal) :M. le député, le temps est écoulé.

M. Fontecilla : Écoulé. On connaît la phrase.

Le Président (M. Provençal) :Excusez-moi. Alors, je remercie le Dre Gamache, le Dre Allard et le Dr Dufour pour cet échange, qui a été très intéressant, avec les gens de... et les membres de la commission. Alors, on suspend les travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 31)


 
 

16 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Provençal) :Alors nous recevons maintenant les représentants de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail. Alors, nous avons quatre personnes qui sont présentes. Vous avez 10 minutes pour votre présentation et nous procéderons à l'échange par la suite. Alors, je vous cède la parole.

Mme Gagné (Anouk) : Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de vous remercier pour l'invitation à prendre part à cette consultation. Je me présente, Anouk Gagné, présidente-directrice générale de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Mohamed Aiyar, vice-président à la prévention, ainsi que de Me Julie Perrier et Me François Bilodeau, tous deux avocate et avocat à la Direction générale des affaires juridiques de la CNESST.

La CNESST fait la promotion des droits et des obligations en matière de travail et en assure le respect auprès des travailleurs et des travailleuses et des employeurs du Québec. Elle est ainsi appelée à intervenir dans les domaines des normes du travail, de l'équité salariale, de la santé et de la sécurité du travail. Dans le cadre de sa mission, elle s'est vu confier la gestion du régime de santé-sécurité du travail sur l'ensemble du territoire québécois et est chargée d'appliquer notamment la Loi sur la santé et sécurité du travail, la LSST. Cette dernière a pour objet l'élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique et psychique des travailleuses et des travailleurs. Cette philosophie qui anime la structure de la loi se traduit par une implication paritaire du milieu de travail en prévoyant des mécanismes de participation des travailleurs et des travailleuses, de leur association, ainsi que des employeurs et de leurs associations pour mobiliser tous les milieux à agir en prévention des accidents. Elle s'applique à toute entreprise de juridiction provinciale, incluant le gouvernement, ses ministères et organismes, ainsi qu'à tout lieu de travail tel que le définit la loi. Le législateur a prévu l'imposition d'obligations légales aux acteurs du monde du travail. Les principales obligations des travailleuses et des travailleurs sont de prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé, leur sécurité ou leur intégrité physique ou psychique et veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l'intégrité physique ou psychique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux du travail ou à proximité des lieux du travail. L'employeur, quant à lui, demeure le principal débiteur d'obligations en vertu de la LSST compte tenu de son droit de gérance et de l'autorité qu'il détient sur les lieux de l'organisation du travail, les obligations générales de l'employeur sont notamment de s'assurer que l'organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l'accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur. Utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur. Informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l'entraînement et la supervision appropriés afin de faire en sorte que le travailleur ait l'habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié. S'est ajoutée l'obligation suivante lors de l'adoption en 2021 de la Loi modernisant le régime de la santé et la sécurité du travail, soit prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Certains travailleurs dont les policières et les policiers sont, du fait de leurs fonctions, en contact avec des personnes dont la santé mentale est perturbée et sont conséquemment exposés à des risques importants, dont la violence physique, sans toutefois que l'on puisse qualifier...

Mme Gagné (Anouk) : ...de telles situations comme étrangères aux activités de leur employeur. Bien au contraire, ces situations font partie intégrante des activités des corps policiers qui doivent composer avec cette réalité, et même, à certaines occasions, utiliser la force nécessaire pour maîtriser un individu. Dans un tel contexte, l'obligation de protéger la travailleuse ou le travailleur contre la violence passe nécessairement par une évaluation des risques. Et c'est cette étape qui permet à l'employeur de mettre en œuvre les méthodes de travail appropriées en adéquation avec l'appréciation des risques.

Considérant l'expertise de la commission et son cadre légal, les inspectrices et les inspecteurs mènent plusieurs enquêtes annuellement à la suite d'accidents du travail graves ou mortels. La démarche utilisée par les inspecteurs permet de cerner les causes de l'accident et ainsi faire des recommandations pour éviter qu'un tel accident ne se reproduise.

Cela a notamment été le cas à la suite du décès de la policière Maureen Breau lors d'une intervention en mars 2023. L'enquête de la CNESST a notamment permis de déterminer que l'évaluation du risque lors d'une intervention d'arrestation planifiée était déficiente. Elle a été laissée à la discrétion des policières et des policiers et les a exposés à intervenir face à un individu dont le niveau de dangerosité aurait nécessité une stratégie d'intervention leur assurant une plus grande sécurité. La planification de l'arrestation était inadéquate puisqu'il y a plusieurs éléments des principes de défense et des principes tactiques lors d'une intervention policière n'ont pas été respectés. La formation des policières et des policiers en matière d'emploi de la force était insuffisante. La supervision par l'employeur lors de l'évaluation du risque et de la planification de l'intervention était inadéquate.

En conséquence, la CNESST a émis 13 recommandations qui traitent différents aspects liés à la santé et à la sécurité des policiers et des policières du Québec, en lien avec les interventions planifiées et l'évaluation du risque, le maintien des compétences, la méthode de travail sécuritaire et la supervision. Conséquemment, la CNESST a suggéré quelques pistes afin de tendre vers des standards assurant une plus grande sécurité des travailleurs et du public, notamment au niveau de la communication de l'information personnelle pertinente des personnes dont l'état mental est perturbé. Sans que le dossier médical devienne entièrement accessible, certains éléments essentiels à la santé et à la sécurité des travailleurs devraient être communiqués aux corps policiers. Cette avenue mérite d'être explorée car l'absence ou le manque d'information devient un obstacle à l'évaluation réelle des risques. En effet, si au départ l'évaluation des risques est faussée, la méthode de travail associée en ce serait... sera nécessairement affectée et la santé et la sécurité du travailleur grandement compromise. Ce travail de prévention essentiel doit s'effectuer en amont afin d'avoir une meilleure connaissance et évaluation des risques, ce qui se répercutera positivement dans toute la chaîne décisionnelle. Des décès pourront ainsi être évités.

• (16 h 40) •

La meilleure évaluation du risque est celle qui permet une analyse de toute l'information disponible et du portrait réel d'une situation donnée. En ce sens, les enjeux de confidentialité peuvent être un frein à la mise en œuvre de l'obligation qui incombe à l'employeur de protéger ses travailleuses et ses travailleurs contre une situation de violence. Si l'information permettant d'identifier adéquatement les risques n'est pas accessible ou complète, il est probable que l'évaluation des risques soit faussée et que les méthodes de travail ne soient pas adaptées à la situation, compromettant ainsi la santé, la sécurité et l'intégrité physique ou psychique d'une travailleuse ou d'un travailleur.

Un constat alors s'impose. La limite à la prévention de la violence physique dont peut être victime une policière et un policier intervenant auprès de personnes non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux et sous ordonnance de la Commission d'examen des troubles mentaux est tributaire notamment de l'information médicale concernant cette personne. De ce fait, cet enjeu de confidentialité met en opposition des droits fondamentaux protégés par la charte québécoise, soit le droit à la vie privée et le droit pour un travailleur à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

Ainsi, en ce qui a trait au partage d'informations, la difficulté consiste à trouver un juste équilibre entre la confidentialité des informations médicales ou autres et le droit des conditions de travail qui assurent la santé, la sécurité et l'intégrité physique et psychique des travailleurs intervenant auprès des personnes non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux. En nous présentant ici, nous souhaitons contribuer à la mise en place d'un cadre législatif permettant la mise en œuvre des droits prévus à la LSST et à la Charte des droits et libertés de la personne, plus spécifiquement en soulignant que le travailleur ou la travailleuse a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique et psychique. Toute personne...

Mme Gagné (Anouk) : ...personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respecte encore une fois sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

La CNESST salue donc le dépôt du projet de loi n° 66 visant à renforcer le suivi des personnes non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux ou inaptes à subir leur procès. Cette proposition est en accord avec la suggestion de la CNESST quant à la communication de certains renseignements pertinents concernant des personnes dont l'état mental et perturbé. Ceci entraînera une meilleure évaluation des risques de laquelle découlera une méthode de travail ou une stratégie d'intervention qui favorisera la santé et la sécurité des personnes au travail, plus particulièrement les policières et les policiers.

La CNESST a la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs à cœur et remercie les parlementaires. Je vous remercie pour votre temps. Mes collègues et moi demeurons disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme Gagné, pour votre présentation. M. le ministre.

M. Bonnardel : Oui. Merci, M. le Président. Messieurs, dames, merci d'être là. Quelques questions, la première sur... Bon, vous avez parlé des premières interventions, vous parlez d'intervention planifiée, évaluation du risque. J'aimerais ça que vous me donniez un portrait de ce que, pour vous, ça veut dire. Puis quand vous dites ça... bien, j'imagine que vous avez rencontré... on va parler vite, vite du cas de Maureen Breau, vous avez, j'imagine, rencontré les policiers qui étaient avec Maureen. Quelle analyse vous faites entre cet événement X, la Sûreté du Québec, versus d'autres événements que vous avez peut-être eu à enquêter où il n'y a pas eu tragédie malheureuse, heureusement ou malheureusement, dans ces deux cas? Expliquez-moi un petit peu, là, l'analyse, parce que c'est le premier point que vous mentionnez dans vos recommandations, puis ce bout-là, il m'intéresse parce que je veux le comprendre aussi. Puis ma sous-question va aller entre ce que la Sûreté du Québec... bien, l'enseignement à l'École nationale de police en premier lieu, versus ce que... les requalifications de la Sûreté du Québec versus les autres corps de police, les principaux, Montréal-Laval, Laval-Québec. Donc, c'est ce petit bout-là, là, que je veux... Prenez trois, quatre minutes s'il le faut, là, mais donnez-moi un peu l'analyse que vous faites de cette intervention planifiée, évaluation du risque qui doit être mieux définie selon vos mots.

Mme Gagné (Anouk) : Parfait. Évidemment, les recommandations s'appliquent à tous les corps policiers. Je vais laisser mon collègue, M. Mohamed Aiyar, qui est vice-président à la prévention, répondre à la question, qui pourra peut-être être complétée, s'ils le souhaitent, par nos collègues de la Direction générale des affaires juridiques.

M. Aiyar (Mohamed) : Merci, Mme Gagné. On sait tous que, dans des situations de travail, la meilleure chose à faire, c'est la prévention pour qu'un événement ne se produise pas. Pour faire de la prévention, ça prend des outils, ça prend de l'information. L'information, il faut faire une analyse de risque. Je commence par, bon, c'est prévu dans la LSST qu'un employeur a l'obligation d'assurer la santé et sécurité de ses travailleurs, mais comment? Tout d'abord, en faisant de la prévention. Comment faire la prévention? Bien, tout d'abord, en ayant une description de ses tâches, de passer une analyse détaillée de qu'est-ce que ça comporte comme risques. Donc, ces risques répertoriés, on vient les apprécier. Par la suite, bon, on les priorise et on met des actions, ou pour... idéalement, c'est pour les éliminer à la source ou minimalement les contrôler.

Dans le cas où on parle de la planification de l'intervention, ça commence tout d'abord... Pour avoir... pour pouvoir faire... mener l'analyse de risque, il va falloir avoir de l'information. Et dans le cas de l'intervention des policiers, pour faire une intervention planifiée, il faudrait prendre le temps de collecter de l'information, de l'analyser, de savoir à qui on a affaire face, là, lors de l'intervention, et, surtout, prendre chaque risque et puis dire : Bon, bien, qu'est-ce qu'on va faire pour le minimiser ou pour le contrôler? Donc, on n'arrive pas à l'improviste et on fait une intervention. Donc, la planification est extrêmement importante parce que, parfois, il y a des stratégies d'intervention, on mène des approches d'intervention, des tactiques qui sont différentes, des personnes... on a besoin peut-être de personnes qui sont spécialisées, dépendamment des risques qui étaient identifiés, et ça nous permettrait d'être plus en mesure de prévenir ce qui peut se passer lors de l'intervention.

Par rapport aux événements où il n'y a pas eu d'accident et où il y a eu des événements, mais qui, heureusement, la conséquence était autre chose qu'un décès, c'est qu'effectivement la prévention a joué des rôles qui sont importants. Malheureusement, depuis les 10 dernières années...

M. Aiyar (Mohamed) : ...depuis les 10 dernières années, trois décès chez les policiers. Et à chaque fois, ce qu'on a, la commission, lorsqu'on mène des enquêtes, là, c'est qu'on arrive, c'est que l'intervention n'a pas été bien planifiée. C'est que les policiers et policières manquent de formation. Et donc, ce qui mène un petit peu lorsqu'on arrive, on n'est pas tellement préparé pour faire face à de l'imprévu, de l'imprévu qu'on aurait pu avoir si on avait toute l'information, le prévoir à l'avance.

M. Bonnardel : O.K., si je vous suis, le premier point, vous dites : mauvaise information que le policier avait sur l'état mental du monsieur l'autre côté de la porte...

Mme Gagné (Anouk) : Manque d'information. Pas mauvaise , mais manque d'information...

M. Bonnardel : Manque d'information. ...mauvaise, mais manque d'information. L'autre point, vous dites : peut-être qu'une personne, un travailleur... vous connaissez les équipes mixtes dans les différents postes. Vous dites : peut-être que si un travailleur spécialisé, travailleur social avait accompagné les policiers ce soir-là auraient pu atténuer. Vous dites : C'est un peu ça que vous sous-entendez...

Mme Gagné (Anouk) : Pas nécessairement l'accompagnement, mais si les policiers avaient eu en leur possession l'information associée à l'état de santé mentale de la personne pour qui... vers qui il y a une intervention qui est faite, il y a un risque qui est pris en charge, qui est évalué préalablement et qui permet d'ajuster l'intervention qui sera effectuée. Je ne sais pas si, M. Aiyar, vous voulez compléter.

M. Bonnardel : Je comprends.

Mme Gagné (Anouk) : On est vraiment en prévention, hein? D'avoir une meilleure information permet d'avoir une action plus appropriée et d'éviter de se mettre dans une situation où on met à risque la santé de la travailleuse et du travailleur.

M. Bonnardel : Je peux-tu vous demander si... je comprends votre analyse. Cette journée fatidique, les policiers et policières auraient dû repartir pour obtenir ces informations manquantes, pour être capable de bien connaître la personne qui était de l'autre côté. C'est un peu ça que vous...

Mme Gagné (Anouk) : Mais, dans l'état de la loi actuelle, je ne pense pas que c'était possible pour eux de repartir. Par contre, ce qu'on dit, c'est que ce qui serait souhaité, c'est que normalement, si on reprend cette situation-là, les policières ou policiers auraient dû avoir entre les mains plus d'informations concernant l'état de santé de la personne vers qui ils se dirigeaient pour adapter l'intervention au niveau du risque qui aurait été jugé plus élevé en ayant possédé l'information sur l'état de santé de cette personne.

• (16 h 50) •

M. Bonnardel : Vous dites : À l'École nationale de police, là, qu'on devrait inclure dans le programme de formation initiale en patrouille-gendarmerie, les enseignements relatifs aux interventions planifiées et non planifiées. Donc, ça, c'est un élément d'enseignement qui était pour vous déficient à l'École nationale. C'est-tu ça que vous faites comme...

M. Aiyar (Mohamed) : Les interventions planifiées et non planifiées effectivement, parce qu'on sait que les policiers, ce n'est pas tout le temps qu'ils ont la chance de planifier leurs interventions. Lorsqu'en cas de ... quelqu'un qui est en train de rouler dans son auto, on n'a pas le temps de planifier l'intervention. Par contre, il y a des interventions qui peuvent être planifiées et donc analyser le risque et s'assurer effectivement qu'on a tout ce qu'il faut, que ça soit en termes de méthode d'intervention, que ça soit en termes de support des policiers qui interviennent ou en termes de stratégie aussi. Donc oui, effectivement, l'intervention qui a été faite dans le cas qui nous concerne a été improvisée sur place.

M. Bonnardel : O.K., O.K., j'ai pas mal la réponse, mais je vous la pose quand même, là. J'imagine que le partage d'informations maintenant qui se fera des deux côtés entre l'équipe médicale versus le policier ou la policière qui demande de l'information, ça répond à, ça répond aux attentes que vous... que vous avez...

M. Aiyar (Mohamed) : Définitivement. Le p. l. 66 pour nous, il va donner plus d'informations aux intervenants, policiers et policières pour se préparer. Donc, en ayant cherché de l'information qu'aujourd'hui, au moment qu'on se parle, ils ne seront pas... ils ne sont pas en mesure d'aller la chercher. Oui, c'est très... on est très favorable à ce que les policiers, policières aillent chercher de l'information avant de réaliser leur intervention lorsqu'ils ont la chance de la planifier.

M. Bonnardel : Puis j'imagine que vous avez écouté les intervenants qui étaient avec nous depuis deux jours. J'imagine que les informations comme telles,  secret professionnel qui était une problématique pour certains versus diagnostic versus comportement. Je pense qu'on est plus dans le comportement que le diagnostic que le policier,  policière veut obtenir pour être capable de faire une analyse, en tout cas, la plus précise possible de la personne qui est l'autre côté de la porte quand on va... on va cogner, là.

Mme Gagné (Anouk) : Exactement. Ce n'est pas nécessairement le diagnostic, c'est vraiment de pouvoir prévoir, anticiper quel comportement la personne pourrait avoir. Et je vous rappelle...

Mme Gagné (Anouk) : ...pour nous, c'est toujours dans une perspective d'analyser le risque et d'anticiper le danger, dans le fond, associé à l'intervention.

M. Bonnardel : Merci. Ça va pour moi.

M. Bilodeau (François) : Si je peux me permettre, si je peux me permettre juste un ajout. Et ça va permettre de moduler les méthodes de travail en conséquence. Ça ne veut pas dire une non-intervention, mais ça veut dire que la méthode pourrait être différente. Je m'explique. Par exemple, un policier pourrait demander à la personne qui est sous la CETM de sortir à l'extérieur, l'intervention pourrait se faire à l'extérieur, toutes des choses comme celle-là. Quand on a le temps de planifier une arrestation ou une intervention policière, c'est une occasion en or justement pour aller chercher en amont cette information-là. Pas nécessairement le diagnostic. Des fois, ça peut peut-être être ça aussi, mais à tout le moins savoir si c'est quelqu'un qui est violent, qui a déjà par le passé décompensé, etc. Vous avez parlé de la formation aussi des policiers. Sur quatre policiers, il y avait un policier qui avait la formation REMP, vous savez, là, au niveau des interventions avec des personnes dont l'état mental est perturbé. Alors, voyez-vous, toutes sortes de choses comme celles-là qui peuvent être faites aussi en amont, bien, c'est une très belle piste de solution pour pouvoir arriver à du résultat finalement. Parce que, vous savez, la commission, on va demander aux employeurs d'avoir des méthodes de travail sécuritaires. Ils vont faire leur possible, là, pour pouvoir en avoir, des méthodes sécuritaires. Mais, s'ils n'ont pas la matière brute en amont pour qu'elle soit une méthode qui va fonctionner, qui va être sécuritaire, bien, ça ne marchera pas au final.

Puis j'ai suivi, évidemment, j'ai participé à l'enquête du coroner dans l'affaire de Maureen Breau, je les ai tous entendus, les témoins. J'ai même eu l'occasion de contre-interroger des policiers. Et ils sont un peu démunis face à cette situation-là. Moi, ce que j'entends, là, c'est que c'est quelque chose qui se produit, là, si ce n'est pas quotidiennement, des interventions avec des personnes dont l'état mental est perturbé, c'est au moins deux à trois fois par semaine. Donc, ça prend de la formation qui est associée à ça. Ça prend aussi de l'information pour avoir la bonne façon d'intervenir, là.

M. Bonnardel : Bien. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Ça va? Alors, Mme la députée de Westmount-Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Merci pour votre exposé. Très intéressant. Je souhaite savoir s'il y a eu augmentation de dossiers qui vous êtes en train de suivre en lien avec le e à 425, les états mentaux perturbés pour les policiers. Est-ce qu'il y a une augmentation ou est-ce que c'est en croissance? Combien de dossiers avez-vous en main actuellement?

M. Aiyar (Mohamed) : Oui. On remarque de plus en plus de situations effectivement auxquelles les policiers et les policières sont exposés, donc notamment des incidents, les accidents mortels, on en a vu, on a trois depuis les dernières... les 10 dernières années, mais c'est aussi de plus en plus médiatisé, donc on en apprend souvent là-dessus. Mais oui, c'est en augmentation, effectivement.

Mme Maccarone : Ça fait que, est-ce que c'est un enjeu pour vous que vous êtes en train de traiter spécifiquement avec la SQ? Parce que vous avez un dossier avec eux. Comment ça va, le suivi de ce dossier? Comment ça se passe? Est-ce que ça va bien?

M. Aiyar (Mohamed) : Nous avons émis 13 recommandations dans notre rapport, qu'on trouve intégralement dans le rapport de coroner Kamel. Et, oui, ce sont des recommandations qu'on suit. Le 24 octobre... rencontre avec l'ensemble des organisations qui a reçu nos recommandations, et on va tout d'abord s'assurer que l'information est diffusée, que ces recommandations sont connues de tout le monde et faire un suivi là-dessus.

Mme Maccarone : Mais en ce qui concerne l'information, parce qu'on sait, c'est le nerf de la guerre, vous l'avez évoqué, on comprend, puis vous l'avez soulevé aussi dans votre rapport, ça fait partie des recommandations que vous faites, mais ils font face à des manques d'effectifs très importants qui causent beaucoup de problématiques. On ne peut pas tout faire la formation en visuel, tu sais. On a besoin aussi d'avoir la simulation. C'est quoi l'accompagnement que le CNESST va faire en ce qui concerne ceci? Parce que je me demande comment qu'ils vont réaliser l'objectif de former tout le monde en REMP pour décembre 2025. Comment est-ce qu'ils vont le faire? Est-ce que le CNESST va revenir chaque fois pour dire : Mais ce n'est pas fait, ce n'est pas fait, ce n'est pas fait? Est-ce qu'il va y avoir une directive envoyée au ministère de Sécurité publique? Comment ça se passe pour vous?

M. Aiyar (Mohamed) : Il y a déjà une recommandation, des recommandations qui sont déjà été émises dans le cadre de notre enquête, effectivement, concernant la formation. La CNESST fait le suivi et fera le suivi de ces recommandations. Mais comment, nous, on va accompagner le milieu, vous savez qu'on a 320 inspecteurs et inspectrices qui sillonnent la province, on a mis juste dernièrement une équipe de 18 conseillers spécialistes dans tout ce qui est santé psychologique et qu'eux, ils viennent soutenir les milieux, donner de l'information, démystifier les risques psychosociaux notamment, et s'assurer que les employeurs et les travailleurs...

M. Aiyar (Mohamed) : ...les travailleurs et leurs représentants connaissent leurs droits et leurs obligations, mais aussi on assure aussi tout ce qui est... Si vous allez sur notre site Web, là, vous allez trouver une panoplie d'outils qui sont à la disposition des milieux.

Maintenant, la formation elle-même pour les policiers, les policières, ce n'est pas la CNESST qui va la faire. Par contre, un inspecteur, une inspectrice exigera à ce que la formation soit réalisée dans des délais que l'inspecteur jugera opportuns. Et on fera le suivi effectivement pour s'assurer que la formation est donnée, parce que l'article 51.9 de la LSST demande à ce que les travailleuses et travailleurs soient formés adéquatement, informés des dangers et des risques qu'ils courent en réalisant leur tâche. Et, comme Mme la Présidente directrice générale l'a bien dit, que... s'assurer qu'il acquiert, qu'il arrive à acquérir les habiletés nécessaires pour compléter leurs tâches. Oui, l'inspectorat, chez nous, ça serait effectivement que la formation soit donnée comme convenu, notamment on va le trouver dans le programme de prévention que l'employeur va développer, il va y avoir de la formation là-dedans et puis les inspecteurs vont s'assurer qu'il y ait des suites à que l'information soit donnée.

Mme Gagné (Anouk) : Et la responsabilité appartient premièrement à l'employeur. Donc, nous, on fait des suivis, on offre des outils, de l'accompagnement, mais il y a une responsabilité de l'employeur : apprendre à mettre en place les mesures nécessaires pour assurer la sécurité, la santé, l'intégrité de leur personnel donc...

Mme Maccarone : Qu'est-ce qui arrive quand on ne répond pas à ce besoin, à ce critère? Je comprends que c'est dans la loi. Vous l'évoquez, tous les articles de loi, c'est dans votre mémoire aussi. Ce n'est pas juste le... que les policiers font face en termes de formation, c'est aussi le maintien de compétences. Ça aussi, beaucoup de difficultés dont ils font face, encore une fois, à cause du manque d'effectifs. Parce que ce n'est pas le manque de volonté, l'Association des policiers, policières du Québec ont dit qu'ils souhaitent même que ça soit écrit dans la loi, une obligation de 45 heures à travers trois ans, c'est la même recommandation de Géhane Kamel. Qu'est-ce qui arrive quand on ne rejoint pas cet objectif? Puis j'ajoute à ça l'année prochaine, là, vous avez dit : On a trois, quatre dossiers avec arrêt de travail à cause du E425. On en a 10 l'année prochaine, on fait quoi?

Mme Gagné (Anouk) : Je vais laisser la parole à Me Perrier.

• (17 heures) •

Mme Perrier (Julie) : Bien, écoutez, comme M. Aiyar l'a bien indiqué, évidemment, les inspecteurs essaient de soutenir l'employeur, hein? Il faut rappeler aussi que le choix des moyens appartient toujours à l'employeur. Dans un dossier comme celui-ci, où il y a des impératifs autres qui font en sorte que la correction de la situation problématique, elle est plus difficile, le rôle de l'inspecteur, c'est... en fait, l'inspecteur a le pouvoir de prolonger le délai dans la mesure où il sent qu'il y a une implication, une responsabilisation de la part d'un employeur, hein, c'est ce qui est souhaité en fin de compte. Ultimement, lorsqu'il y a un inspecteur, c'est parce que c'est un pouvoir discrétionnaire non seulement d'ordonner des corrections en vertu de la loi mais c'est aussi un pouvoir discrétionnaire de fixer le délai qui est prévu pour réaliser cette correction-là. Ultimement, lorsque l'inspecteur sent qu'il y a un délaissement, ou une non-prise en charge, ou un manque de volonté, évidemment, à ce moment-là, il peut y avoir, dans le fond, des constats d'infraction qui sont émis, mais ce n'est pas ce qui est souhaité. On souhaite vraiment accompagner dans l'optique d'une prise en charge.

Mme Maccarone : Je comprends, c'est juste que c'est une réalité dont nous faisions face, ça fait je comprends que ça fait partie des recommandations, puis tout le monde a de la bonne volonté, mais je l'ai mentionné à maintes reprises, je ne sais pas comment on va y arriver parce qu'on fait face à énormément de difficultés pour rejoindre cet objectif.

Prenez-vous aussi en considération, dans votre analyse, toujours en prévention, parce que je comprends de prévention, c'est ça qu'on souhaite, les territoires de couverture pour les policiers, pour la SQ, parce que c'est difficile des fois, on n'a pas beaucoup de policiers pour un territoire qui couvre, puis ça se peut qu'ils sont déplacés, puis là il y a un autre territoire qui est vide, alors on va avoir un policier ou une policière qui va se retrouver peut-être seul, ça fait que sa vie est peut-être plus en danger, le niveau de dangerosité est quand même élevé parce qu'on est plus une équipe de deux, est-ce que ça, c'est le genre d'affaire que vous aussi vous surveillez?

M. Aiyar (Mohamed) : Par rapport à ça, ce qu'on regarde, c'est concernant la charge de travail. La charge de travail, on la trouve un petit peu partout, là, avec la pénurie de main-d'œuvre qu'on vient de vivre, qu'on vît encore, c'est un phénomène effectivement. Et puis, nous, on le regarde sous l'angle de risques psychosociaux, tout d'abord, chez la travailleuse, chez le travailleur, la charge de travail, c'est un facteur parmi les facteurs de risques psychosociaux. Mais, définitivement, lorsque...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Aiyar (Mohamed) : ...les travailleuses et les travailleurs n'ont pas la formation, n'ont pas les moyens, n'ont pas le temps, aussi, pour réfléchir et avoir... pouvoir faire un recul en arrière, un pas en arrière lorsqu'ils se trouvent dans des situations, c'est problématique, effectivement, et on le prend en considération.

Mme Maccarone : Et quand nous avons des cas isolés? Le cas de Maureen Breau en est un,  puis c'était souligné aussi dans le rapport de Géhane Kamel. Elle a dit que la formation, même pour Maureen Breau... elle n'a pas eu une formation depuis 2014, malgré qu'elle l'avait demandée à maintes reprises. Ça fait que ça faisait neuf ans qu'elle n'avait pas cette formation. Avez-vous le pouvoir d'intervenir dans des cas individuels? Mettons, si elle, elle avait posé une plainte pour dire : Moi, j'ai besoin d'être formée, je suis maintenant sergente, j'ai accepté ces nouveaux responsabilités, ça fait trois fois, depuis, que je demande d'avoir cette formation, aidez-moi. Est-ce que, ça aussi, c'est quelque chose qui peut se faire?

M. Aiyar (Mohamed) : Oui, on a un service de... une garde téléphonique, là, ouverte 24 heures sur 24, pour recevoir les plaintes. On traite les refus de travail... Effectivement, dans ce cas, ça aurait pu être une plainte, et, oui, l'inspecteur interviendra, il analysera, donc... comme, dans la LSST, c'est une obligation d'avoir la formation nécessaire pour s'acquitter de ses tâches... aurait pu, effectivement, lorsqu'il constate que la formation est en jeu, exiger la formation de la travailleuse dans ce cas, effectivement.

Mme Maccarone : En avez-vous eu, de ce type de plainte, dans les dernières années?

M. Aiyar (Mohamed) : Non, on n'a pas eu de plaintes dans ce sens, par rapport à la formation elle-même. On a eu des plaintes concernant le fonctionnement du système RENIR. Vous avez certainement entendu que la couverture ne rentre pas, que le système ne fonctionne pas. On a eu des plaintes concernant les champs de tir, lorsque les policiers sont entraînés, tout ça.

Mme Maccarone : Oui. Ils sont fermés.

M. Aiyar (Mohamed) : Effectivement. On a eu des plaintes dans ce sens, mais pas spécifiquement sur la formation par rapport à l'intervention elle-même.

Mme Maccarone : O.K. Ça répond à mes questions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je remercie les représentants de la Commission des normes, de l'équité et de la santé et de la sécurité au travail pour votre participation à nos travaux et votre collaboration à notre réflexion. Merci beaucoup.

Je vais suspendre les travaux pour laisser place au prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 06)

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous allons terminer notre journée de travail en recevant M. David Henry, directeur général, et Mme Véronique Lejour, directrice générale du Centre L'Entre-toit, qui représentent l'Association des services de réhabilitation sociale de Québec... du Québec, excusez-moi. Alors, vous aurez 10 minutes pour votre présentation, et nous allons procéder aux échanges. Alors, je vous cède la parole.

M. Henry (David) : Merci. Merci beaucoup, merci pour l'invitation. Donc, mon nom est David Henry. Je suis criminologue, je suis directeur général de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. L'ASRSQ, c'est le regroupement de 75 organismes communautaires qui donnent des services aux personnes contrevenantes et judiciarisées. On regroupe notamment 40 maisons de transition à travers le Québec qui accueillent des personnes en libération conditionnelle, également 28 organismes communautaires qui ont des accords de partenariat avec le ministère de la Sécurité publique pour assurer le suivi en communauté d'environ 7 000 personnes contrevenantes en libération conditionnelle, sursis ou probation, et ce, en collaboration bien entendu avec les agents de probation. Nous regroupons également des organismes spécialisés en santé mentale, dont notamment L'entre-toit, et ma collègue Véronique Lortie, et qui est là aujourd'hui avec moi, la Maison l'Intervalle, à Montréal également, et Pech, l'organisme Pech, à Québec, que vous connaissez peut-être.

Alors... Bien, quelques considérations. D'une manière générale, hein, c'est sûr que, comme criminologue, quand un tribunal pose des conditions réalistes de remise en liberté, il est évident, il est important que celles-ci soient respectées et qu'il puisse y avoir des conséquences en cas de bris de ces conditions de remise en liberté. Donc, je suis d'une manière générale plutôt favorable à l'ajout d'agents de liaison du MSP qui seront chargés de vérifier le respect des modalités, finalement, émises par la commission d'examen. À mon avis, un rôle d'évaluation, peut-être notamment au niveau de la dangerosité, pourrait aussi être confié à ces agents. Par ailleurs, il est évident dans mon esprit que ce ne sont pas toutes les personnes, hein, qui sont sous mandat de la commission d'examen qui nécessitent un suivi serré et qui nécessitent d'avoir un agent de liaison.

Alors, deux grandes considérations. La première question en fait à se poser, c'est la grande question, c'est de savoir comment va s'opérationnaliser vraiment le rôle de ces agents de liaison de concert avec la multitude des acteurs qui sont déjà présents autour des personnes non criminellement responsables - je pense que le rapport de la coroner était assez explicite sur justement le manque de communication et de collaboration entre les différents acteurs - comment cela va s'opérationnaliser auprès des équipes traitantes, auprès des équipes traitantes élargies, qui sont multidisciplinaires, qui comprennent différents professionnels, comment également va s'opérationnaliser leur rôle auprès des organismes communautaires dans la communauté, comment ces agents vont pouvoir vérifier réellement les conditions qui sont émises par la commission d'examen, par le tribunal, quels seront également leurs moyens d'action en cas de non-respect des modalités de remise en liberté ou en cas d'augmentation du risque. Donc, ça, pour moi, c'est vraiment quelque chose de fondamental, et il va falloir réellement réfléchir à...

M. Henry (David) : ...cette opérationnalisation.

La deuxième considération par rapport au projet de loi, de mon point de vue, la réhabilitation et l'intégration des personnes non criminellement responsables passent nécessairement par l'implication d'organismes qui sont ancrés dans la communauté. Actuellement, les organismes communautaires ne sont pas suffisamment soutenus pour mener à bien cette mission de réintégration à long terme. Et il faut bien comprendre, on va en parler, je pense, un peu plus longuement tantôt, mais pour certaines personnes plus à risque, l'hébergement est un élément essentiel pour les stabiliser. Elles ont besoin d'un environnement contrôlé pour se développer et pour pouvoir fonctionner socialement. Et d'ailleurs, M. Brouillard-Lessard a fréquenté pendant plusieurs mois, pendant neuf mois la ressource L'Entre-toit dirigée par ma collègue, avant les tragiques événements, et il fonctionnait très bien dans cet environnement. Donc c'est quelque chose à voir en... L'hébergement est quelque chose d'essentiel pour certaines personnes qui présentent des risques. Elle vous... Elle vous parlera plus en détail, hein, des services qu'ils offrent et de ce que j'appelle, c'est vraiment mon terme à moi, ça n'existe pas réellement, je pense, mais ce que j'appelle la psychiatrie légale communautaire. C'est un secteur qui est complètement sous-développé et qui n'est même pas explicitement reconnu dans les différentes ententes de service. Donc, ce projet de loi, pour moi, c'est un premier pas dans la bonne direction, mais on doit développer davantage la psychiatrie légale communautaire dans toutes les régions du Québec.

Et avant de céder la parole à Véronique, juste quelques considérations à la volée, un peu, dans l'environnement actuel.

Premièrement, il faut accepter que certaines personnes, pas toutes, mais vont avoir besoin d'un suivi à long terme, hein? Tous les passages à l'acte n'ont pas la même intensité, la même dangerosité, et ça doit être pris en considération dans le suivi qui va être fait, d'où l'importance d'une évaluation adéquate. Les personnes qui ont un problème de santé mentale grave et persistant et qui ont commis des gestes de violence vont devoir être suivies à long terme, parce que le risque de désorganisation est toujours possible cinq, 10, 15, 20 ans après. Une perte d'emploi, une rupture amoureuse, la perte du logement, l'arrêt de la médication, la médication qui, pour une raison ou une autre, cesse de fonctionner, une consommation de drogues ou d'alcool excessive, bref, tous ces éléments-là font en sorte que la personne pourrait se désorganiser. Et le suivi va devoir donc être à long terme, suivi qui va devoir varier d'intensité en fonction du besoin et du risque à travers le temps. Mais il faut accepter cet état des... cet état de fait, à mon avis.

Deuxième considération. Ce que j'entends, on a besoin d'hospitaliser certaines personnes qui se désorganisent. La communauté, les organismes ou la famille n'est pas équipée pour les héberger dans ces moments-là. L'hospitalisation peut être de courte durée, hein? Juste le temps de stabiliser l'état mental de la personne, et on la retourne dans la communauté par la suite. Mais cette hospitalisation, elle est importante. Et moi, ce que j'entends actuellement dans la communauté, c'est qu'il est très difficile d'obtenir une hospitalisation lorsqu'on l'estime nécessaire, par manque de place, premièrement, mais il y a aussi des considérations peut-être à avoir sur, je vais en parler un petit peu tantôt, mais la loi P-38, dont vous êtes au courant, il est de plus en plus difficile d'hospitaliser quelqu'un contre son gré. Il faut trouver un équilibre entre les libertés individuelles et les besoins de la communauté. Mais je crois qu'on a des questions à se poser à ce niveau-là.

Troisième... Troisième petite considération rapidement. Extrêmement important, selon moi, la psychiatrie régulière ne doit pas être confondue avec la psychiatrie légale. Ce sont des pratiques et des clientèles différentes, à mon avis. Et, dans les cas de la psychiatrie légale, l'évaluation du risque ne peut pas être seulement en lien avec la désorganisation mentale, mais avec l'ensemble des facteurs de risque criminogènes. Ça, c'est... en tout cas, c'est une petite phrase comme ça, là, mais c'est extrêmement important, à mon avis.

Finalement, avant de laisser la parole à Véronique, il y a beaucoup de changements actuellement dans l'environnement. La hiérarchisation des services en psychiatrie, peut-être la réforme justement de la loi P-38, je vais en parler un petit peu tantôt, la révision des pratiques, peut-être, de la commission d'examen, le p.l. no 66, il faut absolument un fil conducteur et un arrimage entre toutes ces réformes qui sont prévues ou en cours. Et, un des enjeux principaux, c'est de préciser évidemment les rôles et responsabilités ainsi que l'imputabilité des différents services.

Alors, merci beaucoup encore pour cette invitation. Et je vais laisser Véronique présenter ces services. Tu es sur «muet» Véronique.

Mme Lejour (Véronique) : Bonjour, tout le monde. Désolée. Véronique Lejour, directrice générale du Centre L'Entre-toit.

Bon. Bien sûr, David a fait une introduction. Je viens, en fait, pour parler un peu de l'hébergement en psychiatrie légale, proposer, en fait, le modèle, faire connaître le modèle qui existe à Montréal, bon, et la région de Montréal parce qu'on est sortis un petit peu du territoire de Montréal.

En fait, il faut comprendre que ce réseau-là, en hébergement en psychiatrie légale, existe à Montréal depuis 40 ans. Donc...

Mme Lejour (Véronique) : ...ça inclut aussi, là... maintenant, il y a une ressource à Saint-Jérôme puis il y a quelques places qui sont réservées... Montérégie-Centre. Toutes ces ressources sont en entente de services avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, puis c'est davantage sur le modèle de l'entente nationale de... des ressources intermédiaires. Donc, je sais, là, dans un... dans un témoignage précédent, on parlait de maisons de transition. On n'est pas une maison transition. On est vraiment de type ressource intermédiaire ou ressource autre.

Donc, on offre un continuum de services à une clientèle en fonction aussi d'un encadrement qui va varier en intensité. C'est-à-dire qu'il va y avoir des foyers de groupes de... transitoires, des foyers de groupe long-terme et des appartements supervisés. Au fil du temps, bien sûr, on a développé une expertise pour accompagner, encadrer la clientèle de façon intégrée. Donc, je pose le mot «intégrée» puisque c'est important. C'est tant au niveau du rétablissement de la personne, au niveau de la santé mentale, mais aussi au niveau de la réhabilitation sociale, en gérant le risque de désorganisation mentale, mais aussi les autres facteurs de risque qui sont reliés à une récidive probante. Donc, le Centre L'Entre-toit, on fait partie de ces types de ressources là.

On a plusieurs autres services. Je vais me consacrer vraiment à la psychiatrie légale puisque c'est la raison pour laquelle on est là. On a trois points de services en psychiatrie légale, donc deux basés à Montréal et un à Saint-Jérôme. Notre clientèle référée par l'ensemble des établissements qui sont sur le territoire de... des ressources, en fait. Donc, les 85 % de notre clientèle sont sous le joug, là, de la Commission d'examen des troubles mentaux pour non-responsabilité criminelle. C'est sûr que notre clientèle, majoritairement, ce qu'ils ont, c'est qu'ils représentent un risque potentiellement élevé s'ils ne sont pas encadrés et... de façon quotidienne et structurée dans un milieu sécuritaire avec un accompagnement aussi adapté à leurs besoins. Et ils ont... ils sont aussi réfractaires, là, face aux soins et... le traitement. Donc, on parlait tantôt de... une clientèle qui n'est pas toujours d'accord avec ce qui leur sont offerts, là, comme services. On peut parler de séjour qui se comptabilise quand même en années. Donc, même si on est transitoire, il faut comprendre que l'évolution de la personne est variable et chancelante dans le temps en fonction de toutes sortes de facteurs que David tantôt a nommés. Donc, effectivement, des fois les séjours peuvent être de plus longue durée. L'objectif du séjour, en fait, c'est bien sûr d'accompagner la personne dans son niveau fonctionnel, en fait, au niveau de la vie domestique, quotidienne, etc., mais surtout aussi au niveau comportemental et de la santé mentale. Donc, c'est des équipes vraiment d'intervenants 24 heures sur 24 qui vont être présents et qui sont formés dans le domaine de la relation d'aide, soit en criminologie, psychoéducation mais aussi technique d'éducation spécialisée, donc travail social. C'est vraiment une équipe multidisciplinaire.

• (17 h 20) •

Donc, l'objectif du séjour final, c'est vraiment de... On est un peu les yeux et les oreilles, en fait, de l'équipe traitante. C'est eux qui ont vraiment la prise de décision finale au niveau de... les recommandations par rapport à la CETM, où, encore là, l'application de certains plans de contingence lorsqu'on juge qu'il y a un risque qui est présent, ou encore de relocaliser la personne, bien, c'est aussi notre objectif. C'est de donner toutes les informations puis de pousser la personne à évoluer positivement dans ses... dans ses habiletés autant sociales que fonctionnelles, en vue d'un autre hébergement. Les autres hébergements, comme je vous ai nommés, ça peut être d'autres types de ressources, comme... nommés d'entrée de jeu ou encore des appartements supervisés, des appartements autonomes ou un retour en milieu familial.

Donc, je vais arrêter parce que je sais qu'on a pris quand même beaucoup de temps. Bien, c'est sûr qu'il y a des critères qui fait en sorte que le séjour peut être davantage optimal, mais c'est sûr que, dans le rapport de la coroner, plusieurs éléments, là, ressortent par rapport à tout ça. Alors, voilà.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour cet exposé. Alors, M. le ministre, c'est à vous.

M. Bonnardel : Oui. Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être là. Je vais me concentrer un peu sur le travail que vous avez à faire au quotidien avec le ministère de la Sécurité publique. Bien, vous le savez... vous êtes des partenaires, vous avez à travailler avec des agents de probation à tous les jours, à tous les jours. Vous le savez aussi, puis je vais me concentrer, comme je le mentionnais, sur un aspect du rapport du coroner que vous avez, j'imagine, regarder, ou en tout cas minimalement, vu les conclusions, là, puis les recommandations. Une des plus importantes, c'était la problématique de suivi post-CETM. Bon, vous comprenez... puis on ne va pas élaborer, là, pendant cinq minutes sur la... ce que les psychiatres, les criminologues nous ont...

M. Bonnardel : ...mentionné tantôt, mais il y avait une problématique.Puis là, bien, pour ne pas stigmatiser ces gens, le terme «agent de liaison»... puis vous n'êtes pas sans savoir que ces agents de liaison auront été dans leur passé des agents de probation, comment vous voyez cette... puis je vais utiliser le même mot, là, cette complémentarité entre les agents de liaison versus les équipes médicales et le potentiel d'information que ces agents pourront donner aussi dans le futur pour supporter puis aider le travail des policiers, policières dans le quotidien, là? Peu importe, qui vous voulez.

M. Henry (David) : D'accord. Je peux y aller un petit peu puis, Véronique, tu compléteras si tu veux. Bien, comme je le disais, ce qu'on se rend compte, c'est que, dans le fond, le suivi... il est variable en fonction de la région puis des équipes traitantes, etc. Donc, l'arrivée d'un nouvel acteur, d'un agent liaison, qui sera... donc ce que je comprends, en tout cas, du projet de loi, sa spécificité, c'est vraiment de s'assurer du respect des conditions de remise en liberté. Personnellement, encore une fois, je pense que je vois ça d'un bon oeil et je pense que la complémentarité avec les différents acteurs du milieu est possible, mais elle doit être travaillée. Dans le fond, le problème, c'est que la plupart des professionnels travaillent en silo sans nécessairement communiquer l'information à cause de toutes sortes aussi de lois et de contraintes, hein, qui existent par rapport à ça. Mais le fait d'avoir un... on dit, à partir de ce moment-là, on a un professionnel dont la charge spécifique est de s'assurer de ce respect, je crois que c'est une bonne chose et je crois que ça peut être une aide, en fait, dans certains cas, parce que les équipes traitantes ne sont pas toujours bien outillées pour pouvoir le faire. Donc, ce serait mon commentaire à chaud, là. Véronique.

Mme Lejour (Véronique) : En fait, je pense que ça répondait à la question, à moins que vous avez d'autres questions, mais, effectivement...

M. Bonnardel : Non, mais comme vous l'avez, je pense, mentionné aussi tantôt, vous comprenez que ce ne sont pas tous les cas CETM qui vont être suivis, là. Je pense que le mot... bien, le haut risque, on va l'appeler comme ça, là, ce sont une infime partie... je n'ai pas le pourcentage, je ne veux pas en donner, mais ce sont une infime partie de ces personnes qui seront suivies par ces agents de liaison, là.

M. Henry (David) : C'est intéressant. Donc, justement, si on parle de complémentarité, je veux dire, quand même, les agents de probation, le ministère de la Sécurité publique, ont une expertise dans le domaine de l'évaluation de la dangerosité. Donc, d'amener cette expertise complémentairement avec le réseau de la santé, c'est intéressant, c'est un outil de plus. Mais donc, encore une fois, comment, sur le terrain, ça va s'opérationnaliser? Comment ça va être reçu par les équipes traitantes? Quels vont être les leviers d'action? Ça, c'est le côté terrain pratique, là, qui reste à définir.

M. Bonnardel : Ah! ça, je peux vous rassurer, là, on peut appeler ça un cadre de référence entre le travail des agents versus les criminologues, versus les... tout ça va être bien mis, bien écrit, là, pour s'assurer que tout le monde fait son boulot comme il se doit.

J'aurais une dernière question, là. Vous avez parlé de réhabilitation. De quelle façon, selon vous... Bon, il n'est pas prévu que les cas CETM soient accompagnés comme tels. Peut-être qu'ils pourraient l'être pour du logement, mais donnez-moi un peu, là... incitez-moi à mieux comprendre votre travail pour me dire : François, si on avait un ou deux CETM qu'on pourrait accompagner, de quelle façon ça pourrait être fait, hormis le fait que le logement est important pour tout le monde, là? Alors, donnez-moi un peu votre point de vue là-dessus.

Mme Lejour (Véronique) : Bien, en fait, la réalité... Je vais me permettre à ce niveau-là, là...

M. Bonnardel : Allez-y.

Mme Lejour (Véronique) : Bon, comme je suis en hébergement et j'accueille 85 % de ma clientèle CETM, c'est sûr que c'est une nécessité d'avoir de l'hébergement aussi pour certains cas, pas tous les cas. Donc, tu es toujours en évaluation des besoins. Nous, on offre vraiment un encadrement structuré 24 heures sur 24, sept jours sur sept, mais il y a d'autres ressources qui vont faire des appartements supervisés ou que ça va être en appartement supervisé 35 heures/semaine, une supervision. Donc, c'est vraiment adapté, c'est nécessaire et, bon, c'est sûr que je vois des cas de figure aussi où il n'y a pas d'hébergement à l'extérieur de Montréal comme je vous l'ai nommée, il n'y a aucun hébergement. Donc, vers où ces gens-là se retrouvent, dans quel endroit approuvé par l'équipe présente, ils se retrouvent, c'est important. Et est-ce que, là, le rôle justement d'un agent de liaison s'il n'y a pas nécessairement de suivi toujours psychosocial à côté, bien, va avoir une importance à ce niveau-là pour aller voir comment la personne fonctionne.

M. Bonnardel : Allez un petit peu plus loin, là, dans... Bien, voulez-vous intervenir, monsieur?

M. Henry (David) : Non, non, je vais laisser...

M. Bonnardel : Je vais terminer. Allez un peu plus loin dans votre travail, dans votre réflexion. Hormis le logement, l'accompagnement que vous faites...

M. Bonnardel : ...avec ces personnes, le CETM, comment vous mesurez le succès, la réhabilitation de ces gens, là, qui se trouvent un logement qui pourraient trouver un travail. Comment... comment vous travaillez ça, combien de temps ça peut prendre puis le succès, vous le mesurez comment?

Mme Lejour (Véronique) : Bien, en fait, le temps est très variable en fonction de la personne. C'est-à-dire qu'une personne va pouvoir évoluer avec nous pendant cinq ans de temps. Il y en a d'autres qui vont avoir besoin d'un an. C'est très variable en fonction des capacités de la personne, comment elle évolue. Nous, on est transitoires. Donc, notre objectif c'est de les pousser au maximum quand on est rendus dans le maintien, quel autre type de ressources qui peut répondre aux besoins de cette personne-là? Comme je vous ai dit des fois, ça peut être des fois des groupes long terme comme nous, mais en long terme, ça peut être des appartements supervisés, ça peut être des appartements autonomes parce que la personne est totalement autonome parce que la personne est totalement autonome, elle gère aussi d'elle-même une partie du risque qu'elle représente. Elle reconnaît ce risque-là. Donc, c'est très variable d'une personne à l'autre. Et c'est là où, contrairement à une maison de transition sin on fait le parallèle, où la mesure prend fin, la personne quitte, ce n'est pas le cas en psychiatrie légale. Donc ça varie vraiment...

M. Bonnardel : Si je comprends bien votre rôle, vous faites partie des possibles modalités de suivi post CETM.

Mme Lejour (Véronique) : Exactement, dans l'endroit approuvé.

M. Bonnardel : Approuvé.

Mme Lejour (Véronique) : Oui.

M. Bonnardel : Bien reçu. Merci pour vos réponses.

Le Président (M. Provençal) : Mme la députée de Laporte.

• (17 h 30) •

Mme Poulet : Oui, bonjour à vous deux, M. Henry, Mme Lejour. Je voudrais savoir, vous avez parlé de l'évaluation du risque. Comment est-ce que vous qualifiez l'évaluation du risque auprès de la clientèle non criminellement responsable dans le système actuel? Vous avez parlé au niveau de la dangerosité, au niveau de que vous avez parlé de suivi de variable d'une certaine variable d'une personne à l'autre? Mais quel est le risque? Comment vous qualifiez l'évaluation du risque auprès de la clientèle, de cette clientèle-là?

M. Henry (David) : Oui, vas-y je pense que c'est très pratique en plus, ça...

Mme Lejour (Véronique) : En fait, rapidement, on parle de plusieurs hôpitaux désignés donc avec plusieurs services différents. Donc, ce qui fait en sorte qu'effectivement, au niveau de l'évaluation du risque réel offert par les équipes traitantes et tout ça est variable en fonction de chaque réalité. Donc, c'est sûr qu'elle n'est pas toujours faite de façon systématique. On l'a vu, là, le rapport du coroner l'a dit, donc, ... est aussi variable. C'est sûr que c'est important. Il y a des outils qui existent, ça aussi c'est ressort dans  le rapport. Puis c'est sûr qu'à l'heure actuelle aussi au niveau du ministère, je pense qu'il y a un certain ajustement au niveau du ministère de la Sécurité publique, au niveau de l'outil actuariel qui est utilisé, le RBAC, c'est un bel outil, mais c'est quand même au niveau de la santé mentale doit être quand même des fois adapté. Donc voilà, est-ce que ça répond bien à votre question?

Mme Poulet : O.K. Parfait. Merci.

Le Président (M. Provençal) : Oui, allez-y...

M. Henry (David) : C'était juste pour préciser que l'outil actuariel, hein individuel du RBAC-PCQ, ce n'est pas l'outil qui sera utilisé pour évaluer la dangerosité de la clientèle non criminellement responsable, puisque ce n'est pas l'outil qui est là qui est désigné pour ça, là, qui est fait pour ça. Une petite précision.

Mme Poulet : J'aurais juste une question de précision, vous parlez d'ajustement. Pouvez-vous qualifier ces ajustements-là.

Mme Lejour (Véronique) : Bien, en fait, c'est sûr que la... l'outil actuariel en ce moment, qui est utilisé au niveau du ministère de la Sécurité publique, au niveau de la clientèle reconnue criminellement responsable,  ce n'est pas un outil qu'on pourra totalement copier avec une clientèle non criminellement responsable. Donc, c'est sûr qu'il va falloir avoir aussi un ajustement, là, c'est-à-dire d'utiliser les outils qui sont déjà reconnus aussi au niveau de la non-responsabilité criminelle.

Le Président (M. Provençal) : Ça va. Ça va, M. le ministre. Alors, Mme la députée de Westmount-Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre exposé puis votre présentation. C'est très intéressant. Je souhaite rester sur l'ajout d'un agent de liaison. Tout le monde pose les mêmes questions, ça va être quoi les rôles et responsabilités. C'est quoi votre recommandation? Comment devons-nous définir le rôle? Si vous, vous pouvez former la personne, ça va avoir l'air de quoi? Quelle compétence? Ce serait quoi les responsabilités?

M. Henry (David) : Je peux peut-être y aller. Le nom le dit, je pense : Agent de liaison, c'est-à-dire faire la liaison entre les différents professionnels qui entourent la personne non criminellement responsable.  s'assurer que la communication que l'information transige entre les corps policiers, le milieu hospitalier, le milieu communautaire. Donc, c'est un rôle...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Henry (David) : ...peut-être qu'on pourrait définir comme une espèce d'intervenant pivot finalement, qui est là pour s'assurer que l'information circule. C'est une personne qui s'assure du respect des conditions émises et qui a la... idéalement qui a des leviers d'intervention, si la personne ne respecte pas ses conditions de remise en liberté. Ça, c'est un principe criminologique de base, là. Quelqu'un fait quelque chose de mal, on le découvre, il faut qu'il y ait une conséquence à l'acte. Sinon on renforce des comportements qui sont non souhaités. Et finalement, je pense qu'il y a un rôle d'évaluation, j'en parlais un petit peu dans ma présentation, qui peut être intéressant, évaluation, justement, qui pourrait être un soutien aux équipes traitantes.

Mme Maccarone : Vous savez sans doute, bien, ça fait partie aussi de beaucoup des questionnements que nous avons eus lors des autres témoignages, où est-ce que le rôle devrait se loger présentement dans un projet de loi, c'est sous la responsabilité du ministère de Sécurité publique, parce que c'est les anciens agents de probation. Mais si on écoute l'Ordre des psychiatres, eux, ils nous disent que ça... ce serait plus facile que ça se passe sous les responsabilités du ministère de Santé et Services sociaux à cause de toutes les notions de confidentialité puis aussi l'aspect, comme vous soulevez un peu, d'évaluation.

Ils ont aussi soulevé, puis je souhaite vous entendre là-dessus, eux, ça fait partie de leurs recommandations... Parce que vous, vous avez dit : La notion de... Si, mettons, il y a un... ils ne respectent pas les conditions de libération, selon l'Ordre des psychiatres, eux, ce qu'ils souhaitent, c'est une exclusivité du mandat des agents de liaison auprès seulement évidemment des personnes non criminellement responsables, mais aussi que, si les agents de liaison ont quelqu'un en charge, cette personne ne devrait pas aussi être sous la responsabilité d'un agent de probation. Parce que pour eux, c'est une question d'une approche non punitive face aux personnes non criminellement responsables. Votre opinion là-dessus, c'est-tu possible? Parce que vous, vous avez défini un rôle peut-être un peu à part de ça.

M. Henry (David) : Bien, c'est un choc de culture entre deux ministères puis entre deux visions de la personne. Pour le milieu de la santé, la personne non criminellement responsable, c'est un patient, pour le milieu de la sécurité publique, c'est un contrevenant. Donc, c'est évident qu'il y a... il y a un choc de culture. Après, il faut réussir à trouver, je pense, même... il y a moyen, en tout cas j'ose espérer qu'il y a moyen de trouver justement des ponts entre ces deux conceptions, parce qu'une n'est pas complètement vraie, l'autre... vous comprenez? Tout le monde a... En tout cas, c'est... La vérité est souvent grise, hein, en tant que telle. Puis ce que le monde... en tout cas, moi, j'ai une petite expérience aussi en psychiatrie, hein, puisqu'avant de travailler à l'association, je travaillais dans le domaine en tant que tel, et ce que je vois, c'est l'intensité du suivi, du risque, de la dangerosité évolue beaucoup à travers le temps. Et on le voit de toute façon dans le cas présent. Donc, en 24 h, l'évaluation du risque peut changer complètement, parce qu'il y a tel événement, telle chose qui s'est passée. Donc c'est des variables qui sont très importantes. Et c'est pour ça que, bien oui, à certains moments, peut-être que c'est le milieu hospitalier qui est plus adapté, mais des fois, c'est peut-être le milieu plus sécurité publique qui est plus adapté à la situation, qui est... au comportement qui a été adopté par la personne. Donc il faut vraiment réussir à... bien, idéalement, il faudrait réussir à réunir ces deux visions et que toutes les personnes puissent réellement travailler ensemble. Et je comprends qu'au départ, c'est un choc parce que c'est un choc de culture entre... entre des corps de métiers différents.

Mme Maccarone : Mais, si ces personnes sont dans un endroit neutre comme chez vous, L'Entre-toit, c'est un endroit neutre, est-ce que c'est vous qui devez déterminer d'abord? Parce que ça va être le CETM qui va déterminer, on pense, que la personne concernée a besoin d'avoir un agent de liaison. Mais vous, est-ce que vous avez un rôle à faire cette détermination aussi d'abord? Parce que c'est vrai ce que vous dites, c'est plus clinique versus plus contravention. Je ne sais pas c'est quoi, la réponse à la question, mais je vois vraiment les deux pôles qui sont vraiment différents. Puis je suis préoccupée de comment nous allons accompagner ces personnes qui sont vulnérables, qui peuvent aussi être considérées comme des victimes. Surtout si notre but, c'est la réinsertion puis non criminellement responsable, bien, ça se définit tout seul, la définition. Alors, en tout cas, je suis préoccupée de ça parce que je ne sais pas comment que nous allons travailler. Mais vous, est-ce que vous pourriez faire cette recommandation peut-être pour dire : On a besoin de ça ou de ça?

Mme Lejour (Véronique) : Ah bien, c'est sûr qu'à ce moment-là ça serait très variable. Tu sais, nous, notre clientèle est vraiment référée par les milieux hospitaliers. Puis je pense que c'est ça aussi, l'enjeu. C'est que toute la psychiatrie légale a toujours été sous la gouverne de la santé ici. Donc, c'est le responsable de l'hôpital, les hébergements...

Mme Lejour (Véronique) : ...sont avec la santé aussi. C'est l'équipe traitante qui va nous référer le... nos résidents. Donc, c'est un peu cette réalité-là. Est-ce qu'on peut arriver à tricoter quelque chose? J'ose espérer, là. Je crois que c'est... ça peut être possible. Est-ce, justement, quelqu'un qui est encadré 24 heures sur 24 dans un hébergement clôturé, spécialisé nécessite absolument, aussi, un agent de liaison? Toutes ces questions-là sont, donc...

Mme Maccarone : Puis, en général, la relation que les personnes sous votre responsabilité... quel genre de relations est-ce qu'ils ont avec les agents de probation? Est-ce que c'est positif? Est-ce que c'est difficile? Est-ce qu'ils sont craintifs? On a entendu des témoignages des groupes à la défense des droits des personnes avec les troubles mentaux, que, tu sais, ils voient ça comme punitif, ils sont craintifs, si ça reste sous la responsabilité des services correctionnels. Selon votre expérience puis votre expertise, les relations, est-ce qu'elles sont positives, difficiles? Comment ça fonctionne?

M. Henry (David) : ...bien...

Mme Lejour (Véronique) : Je peux y aller. Non, non, je peux y aller, David.

M. Henry (David) : Oui, vas-y, vas-y.

• (17 h 40) •

Mme Lejour (Véronique) : Bien, rapidement, en fait, c'est qu'il faut comprendre aussi que la loi des services correctionnels permet aussi de déléguer le suivi à des organismes communautaires, et L'Entre-toit fait partie de ces organismes communautaires là aussi, au niveau... Donc, c'est sûr que la relation se fait avec un intervenant communautaire, agent de probation, est là, vraiment, en lien pour s'assurer du respect de la mesure et de faire les démarches, là, évidemment légales, a la responsabilité légale. Donc, c'est très complexe. Et comment, ça aussi, ça va s'arrimer dans un contexte de commission d'examen des troubles mentaux? Voilà.

M. Henry (David) : Bien, si je peux juste rajouter quelque chose. J'en ai parlé, là, au début, mais, pour moi, il faut absolument développer la psychiatrie légale communautaire. Des centres comme L'Entre-toit, ça existe juste à Montréal, ça n'existe pas en dehors de Montréal, et ça, c'est un enjeu. Et je crois vraiment que, dans l'environnement, les organismes communautaires sont nécessaires, parce que le rétablissement en santé mentale, il est à long terme, et c'est ces organismes-là qui vont permettre, finalement, d'accompagner la personne dans sa réhabilitation et, ultimement, qui assureront la sécurité de nos communautés. Et, encore une fois, le projet de loi, c'est un bon premier pas, mais il manque, il manque tout un pan de l'accompagnement à plus long terme, là.

Mme Maccarone : Oui, je comprends, ça ne va pas régler tout. Ça ne va pas mettre fin aux portes tournantes, ça ne va pas régler le P-38, ça ne va pas régler beaucoup de difficultés que nous faisions face, ça ne règle pas la formation. Je comprends. Mais c'est un excellent point que vous amenez, en termes de ressources, parce que c'est les questions que j'avais posées à des groupes précédents. Là, vous avez dit qu'il y avait 40 maisons de transition?

M. Henry (David) : Oui, mais les maisons de transition, il ne faut vraiment pas confondre, hein? C'est pour une clientèle qui est criminellement responsable, qui est en libération conditionnelle. Donc, oui. Mais, oui, il y a une quarantaine de... il y a 40 maisons de transition au Québec.

Mme Maccarone : Parce que ce qu'on a entendu, c'est qu'on a un grand besoin d'en avoir plus. Alors, combien est-ce que nous avons besoin, combien de places? Ça coûte combien? Est-ce qu'il y a des régions spécifiquement ciblées?

Mme Lejour (Véronique) : Je vais me permettre juste de faire la distinction entre les ressources de transition, vraiment, qui accueillent une clientèle contrevenante, versus des centres spécialisés en psychiatrie légale. Ça, il y en a quatre, donc c'est très différent. On en a quatre dans la région de Montréal. Nous, on dessert la... Saint-Jérôme aussi. On a une petite ressource de 10 personnes à Saint-Jérôme. Donc, au total, si je prends... de L'Entre-toit, on a 64 résidents. Tantôt, j'entendais des chiffres de 700 personnes qui sont détenues sur la commission d'examen. Ils ne sont pas tous concentrés à Montréal, là. Donc, on sait que même, bon, Pech a une spécificité de psychiatrie légale à Québec, mais il n'y a pas d'hébergement spécialisé à Québec, non plus, pour quand les besoins y sont. Donc, ils sont partout. À quel volume? Ça, nous, on n'a pas les données, malheureusement. Mais c'est sûr qu'ils sont là, les besoins sont là.

Mme Maccarone : O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je vous remercie beaucoup de votre collaboration et de votre contribution à nos travaux.

Avant de conclure des auditions, je procède au dépôt des mémoires des organismes et des personnes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au jeudi 12 septembre, à 8 heures, où elle se réunira en séance de travail. Alors, merci beaucoup, et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 44)


 
 

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