(Neuf heures trente et une minutes)
Le Modérateur : Alors,
bonjour, tout le monde, et bienvenue à ce point de presse du Parti québécois
portant sur la qualité des services de garde éducatifs à l'enfance et le dépôt
d'une pétition sur ce sujet. Alors, prendront la parole lors de ce point de
presse, le député des Îles-de-la-Madeleine est porte-parole du Parti québécois
en matière de famille et CPE, Joël Arseneaul, ensuite, Marylin Dion, directrice
générale de Ma place au travail, Frédérique Gaudet, maman d'un petit garçon, et
Audrey Proulx, qui est administratrice de Valorisons ma profession.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Alors, moi, j'aimerais dire que le réseau de services de garde à la petite
enfance qu'on a mis en place au Québec depuis 1997, c'est un joyau. C'est un
joyau qui a fait la fierté de générations de parents, d'enfants, de gens qui sont
impliqués, également d'intervenants dans les réseaux et même des gens qui font
de la politique. On était innovants, on était avant-gardistes. Et vraiment,
aujourd'hui, ce qu'on constate, c'est que ce réseau-là, il est menacé, il est
en déroute par les gestes qui sont posés et qui ne sont pas posés dans certains
cas par la Coalition avenir Québec.
Et j'en veux pour preuve le dépôt, il y a
six mois déjà, du rapport de la Vérificatrice générale du Québec qui sonnait
l'alarme sur la baisse de qualité des services offerts aux familles et aux
enfants du Québec. On le sait, le service de garde éducatif à l'enfance, c'est
le socle sur lequel on peut s'appuyer pour favoriser l'égalité des chances pour
la génération, les générations montantes. C'est essentiellement le premier
palier éducatif qui mène à l'école primaire, et secondaire, et ensuite à la
poursuite des études et d'une carrière où les jeunes peuvent réaliser leur
plein potentiel.
Ce qu'a constaté la Vérificatrice générale
au printemps dernier, c'est essentiellement quatre constats. On met en place
des mesures d'évaluation de la qualité des services et on voit que dans la
dernière année, 2022‑2023, il y a 40 % des services de garde qui n'ont pas
obtenu la note de passage. Mais pire encore, le ministère n'a pas fait de suivi
adéquat pour s'assurer que des mesures correctives soient mises en place. À
peine 11 % de ceux qui ont coulé essentiellement cet examen-là ont mis en
place les mesures correctrices. Le déclin du ratio du personnel éducateur qualifié
s'est poursuivi. Le ratio de deux éducatrices qualifiées sur trois était celui
qui était en place. Avec la pandémie, on a vu que c'était... ça s'était
complètement inversé, une éducatrice qualifiée sur trois. On a vu également que
les éducatrices quittaient le navire à bout de forces, souvent avec des
conditions de travail qui sont impossibles et avec des conditions salariales
qui sont largement inférieures à tout, tout ce qu'on offre sur le marché
aujourd'hui dans des domaines connexes.
On sait que la technique d'éducation à
l'enfance, bien, c'est celle qui est la moins bien rémunérée, là, lorsqu'on
atteint le marché du travail. On a recensé près de 4 000 départs au
cours de la dernière année chez les éducatrices et on se doutait qu'elles
étaient remplacées par des éducatrices qui n'avaient pas la formation adéquate.
On apprend aujourd'hui à Radio-Canada que
le remplacement des éducatrices dont s'enorgueillit la ministre Suzanne Roy,
mais essentiellement, c'est un remplacement des éducatrices qualifiées par des
éducatrices non qualifiées. On parle de 278 éducatrices qui se sont
qualifiées sur un total de 7 000, presque 7 600 éducatrices qui
ont été recrutées au cours des trois dernières années. C'est un pourcentage de
3,7 % de qualification. On retient même comme étant qualifiées des
éducatrices qui n'ont fait qu'une année sur trois dans le DEC qui est censé
leur donner une formation qualifiante.
Alors ça, c'est... ce sont des constats
que l'on peut faire aujourd'hui sur la dégradation des services de garde à la
petite enfance au Québec. Sans compter le fait que le gouvernement s'est donné
dans le chantier des familles l'objectif de créer des places, toutes sortes de
places et privilégier les places en services... en garderies privées pour les
convertir en garderies privées subventionnées, au mépris du système de CPE
qu'on avait mis en place et qui est celui que l'on doit privilégier au Parti
québécois.
D'ailleurs, notre programme, depuis 1997,
a toujours été de compléter le réseau de CPE pour en faire un véritable niveau
d'éducation préscolaire qui puisse encore une fois donner la chance à tous de
réaliser leur plein potentiel. Alors, ce qu'on demande à travers la pétition
qui est déposée aujourd'hui, qui a atteint presque 4 000 signatures,
c'est un plan de la part de la ministre. Premièrement, qu'elle se prononce sur
les constats qui ont été établis par la Vérificatrice générale et qu'elle se...
dépose un plan d'action pour mettre en œuvre les six recommandations qui sont
au rapport de mai dernier, alors que depuis les six derniers mois, c'est
silence radio. Dans l'espace public, la ministre continue de nous dire que les
choses vont bien, qu'elle travaille avec les partenaires à l'amélioration des
services, mais il n'y a absolument aucune feuille de route qui a été déposée,
aucun plan crédible qui a été présenté.
Et, malheureusement, pour ce qui est du
chantier des familles, l'objectif à atteindre, d'avoir une place de qualité
pour chaque enfant au Québec en mars prochain, bien, ça n'arrivera pas. Au
rythme où va la CAQ dans la création de places, c'est 20 ans que ça va
prendre à avoir des places pour l'ensemble des tout-petits. Et là, évidemment,
ce qu'on veut aussi, ce sur quoi on veut insister, c'est que les places qui
sont créées soient des places de qualité, en CPE, qui sont accompagnées
d'éducatrices qualifiées, valorisées, engagées et dûment payées, avec des
conditions de travail qui permettent l'attraction et la rétention du personnel.
Là-dessus, j'ai plein d'accompagnatrices, alors je leur laisse la parole.
Mme Dion (Marylin) : Aujourd'hui,
nous déposons une pétition signée par des milliers de citoyens et citoyennes
qui sont préoccupés par la qualité éducative dans nos services de garde. Ce
geste est une réponse aux inquiétudes grandissantes des parents du Québec, des
professionnels qui oeuvrent dans le réseau aussi, et une demande répétée pour
que des actions concrètes soient prises immédiatement de la part du
gouvernement.
Rappelons que le rapport de la
Vérificatrice générale nous disait que 30 % des services de garde évalués
échouaient à offrir des normes minimales de qualité éducative. Et, quand on
parle de qualité éducative, là, on ne parle pas d'apprendre une deuxième langue
ou d'apprendre à lire ou à écrire, on parle simplement d'avoir un environnement
où on peut s'assurer du bien-être de nos tout-petits et du développement de
leur plein potentiel, la base.
Le rapport montre aussi que des nombreux
milieux en échec ne mettent pas en place des mesures correctives ou ne
disposent pas de plan adéquat pour régler leurs problèmes. Le système de
traitement des plaintes, lui, manque de rigueur. Les risques ne sont pas gérés
correctement, et les manquements fréquents ne sont pas toujours corrigés. Donc,
la liste est longue des choses qui étaient dans ce rapport-là, qui est
accablant.
Pourtant, ce n'est pas juste une question
de rapport ou de statistiques, c'est une question de sécurité, de bien-être de
nos tout-petits et de confiance des parents envers le réseau. Les parents ont
besoin de savoir que leurs enfants évoluent dans des milieux sécuritaires et de
qualité et puis qu'ils peuvent aller travailler l'esprit en paix. Mais,
aujourd'hui, cette confiance est ébranlée. Non seulement la ministre de la
Famille n'a toujours pas expliqué au public ce que son ministère compte faire
pour s'assurer que nos milieux soient de qualité, mais, en plus, les mauvaises
nouvelles s'accumulent sur l'état de santé du réseau, notamment concernant la
qualification des éducatrices.
Les éducatrices qualifiées sont un pilier
essentiel pour garantir la qualité éducative dans nos milieux et elles quittent
massivement le réseau. Ces départs de professionnels affectent directement la
capacité des services de garde à offrir un environnement adapté aux besoins
nombreux et diversifiés de nos tout-petits. On apprenait, encore ce matin, là,
que seulement 278 éducatrices qualifiées ont été embauchées, au net, dans
les trois dernières années. Ça, ça signifie que la majorité des nouvelles
embauches concernent des personnes qui sont non formées et qui n'ont pas la
formation ou les outils nécessaires pour s'assurer d'intervenir correctement
avec nos enfants.
Toutes les études le démontrent, pourtant,
les premières années de vie sont cruciales pour le développement. Les enfants
doivent évoluer dans des lieux de garde avec des personnes qui sont formées,
qui sont capables de les accompagner de manière adéquate. On ne parle pas de
gardiennes, là, mais on parle de professionnelles qui connaissent le
développement de l'enfant et qui savent réagir de la bonne façon au bon moment.
Les conséquences d'un service de garde de mauvaise qualité peuvent être
importantes et avoir des impacts à long terme sur les individus. Donc, juste ce
seul fait là ne devrait-il pas suffire pour que cet enjeu soit une priorité
nationale?
Ces dernières semaines, il y a des
reportages extrêmement troublants qui ont été révélés concernant des cas de
maltraitance dans les services de garde. C'est des situations qui sont
inacceptables et puis qui nuisent gravement au développement des enfants qui en
sont victimes. Ces cas, malheureusement, ne sont peut-être que la pointe de
l'iceberg. Combien d'autres histoires devrons-nous lire impuissants, dans notre
salon, avant que le problème ne soit pris au sérieux et à la hauteur de ce
qu'il devrait être? Et lorsque les parents osent porter plainte, bien, ils se
heurtent à un système qui est trop souvent inefficace. Hein, les parents et
leurs enfants n'ont pas d'accompagnement adéquat et sont souvent obligés de
naviguer dans des dédales administratifs sans savoir ce qui s'est réellement
passé ou quelles seront les conséquences concrètement dans le milieu de garde.
La pénurie de places, qui touche encore des dizaines de milliers d'enfants,
aggrave encore davantage la situation parce que ce manque de choix empêche les
parents d'être exigeants lorsqu'ils acceptent une place.
La pétition que nous déposons aujourd'hui
demande des actions urgentes pour assurer la qualité éducative. La
Vérificatrice générale a identifié six recommandations claires pour corriger la
situation, et ce qu'on demande, c'est que le gouvernement applique ces
recommandations et en fasse une priorité. On doit agir maintenant parce que si
on laisse le réseau dériver comme c'est le cas aujourd'hui, bien, les
conséquences sur nos enfants seront significatives. Nous en paierons le prix
dans les écoles, dans le système de santé ou dans nos familles. Nous sommes les
adultes qui doivent protéger nos tout-petits et leur offrir un avenir qui est
convenable et qui est digne de ce nom. C'est aujourd'hui qu'il faut agir.
Merci.
Mme Gaudet (Frédérique) : Je
me tiens devant vous aujourd'hui le cœur lourd et à bout de souffle. Je prends
la parole pour mon fils qui, du haut de ses quatre ans, a été victime de
violence physique et psychologique de la part de son éducatrice en milieu de
garde, un lieu censé être un havre de sécurité, d'amour et de bienveillance,
mais où il a plutôt vécu l'inacceptable. Trop tôt, il a appris que dénoncer
n'est pas toujours synonyme d'être cru ou entendu, car à travers le processus,
il a perdu sa place au service de garde, ses repères, ses amis, son
insouciance, toute sa vie d'enfant. Comme parent, nous avons aussi perdu une
partie de nous-mêmes lorsque ce petit être si curieux et heureux au regard vif
est devenu un enfant terrifié et mal dans sa peau.
Pourtant, nous avons fait, je crois, tout
ce qu'il fallait. Nous avons porté plainte aux différentes instances
impliquées, avons collaboré, relancé, partagé les moindres détails, mais la
réponse, chaque fois, a été caractérisée par un laxisme inquiétant, des doutes
constants et une trop grande opacité. De la direction du milieu, au ministère
de la Famille, en passant par les corps policiers, nous sommes livrés à
nous-mêmes, pris dans un enchevêtrement administratif interminable et
déshumanisé. Un enfant victime de mauvais traitements mérite la réponse
immédiate et sans équivoque que ce n'est pas acceptable. Et les parents qui
dénoncent méritent une écoute et un soutien. Chaque jour sans réponse, chaque
refus d'information, chaque opportunité manquée d'offrir du support est
intolérable lorsqu'on parle du bien-être de nos enfants.
Aujourd'hui, je vous implore de prendre
vos responsabilités en valorisant la profession et en mettant aussi en place un
accompagnement adapté et sensible lorsqu'un débordement survient, plutôt que de
laisser les familles se perdre dans un processus défaillant. Faites-le pour
Sylvie, Houria, Fatma, Audrey, Marie-Luce qui ne méritent pas que les drames
prennent plus de place que le travail exceptionnel qu'elles font auprès de nos
tout-petits, et faites-le surtout pour Alexis, mais aussi pour Noa, Raphaël,
Charlotte, Mohamed, Théo, Laurier, Lou, Madeleine et Julia, pour qu'ils
puissent grandir dans toute la légèreté que la petite enfance devrait procurer,
entourés de parents rassurés. Merci.
Mme Proulx (Audrey) : Le
rapport de la Vérificatrice générale a mis en lumière des faits accablants,
comme on l'a entendu de mes collègues juste avant. Ces constats ne sont pas des
surprises pour nous, les personnes éducatrices qui ont vu l'état de ce qui se
passe sur le terrain, mais ça illustre parfaitement l'indifférence du
gouvernement envers ce qui se passe dans notre réseau pour nos tout-petits.
L'accès à une éducation de qualité dès la petite enfance est un droit pour
tous, peu importe l'origine ou le milieu. Mais ce droit ne peut être garanti
sans des personnes éducatrices qualifiées et soutenues.
Les recherches des dernières années en
petite enfance ont maintes fois démontré que la qualité des interactions entre
les personnes éducatrices et les enfants est la dimension de la qualité
éducative qui a d'impact sur leur développement. Pour que la qualité des
interactions soit optimale, il est essentiel de bien comprendre le
développement des enfants afin de mieux les accompagner. Nous le savons, une
éducation à la petite enfance de qualité réduit les inégalités. Elle permet
également à chacun de mener une vie plus saine et durable. De plus, elle joue
un rôle clé dans le développement de la tolérance et la construction de
sociétés plus pacifiques. Celles qui assurent la qualité des services quittent
le réseau.
Maintenant, le plus choquant reste
l'attitude du gouvernement face à la désertion massive des personnes
éducatrices qualifiées. Ce sont ces personnes qui ont étudié le développement
de l'enfant et qui ont les connaissances pour intervenir positivement auprès de
nos tout-petits. Pourquoi elles quittent? Parce que le gouvernement leur refuse
des conditions de travail dignes de leur expertise, des conditions essentielles
pour offrir une éducation de qualité à nos tout-petits du Québec. Et, pendant
que ces professionnelles expérimentées s'épuisent ou quittent leur poste, le
gouvernement se félicite d'intégrer des milliers de nouvelles recrues, sans
préciser que, comme le révélait le journaliste Thomas Gerbet, la grande
majorité d'entre elles n'est pas qualifiée. Notre profession est en voie de
disparition. Mais ce n'est pas seulement pour nous que nous sommes inquiètes,
c'est pour notre société, pour nos enfants et les vôtres que l'on prive
d'interactions de qualité dans la période la plus cruciale de leur développement.
Il y a un consensus scientifique et économique sur l'importance d'investir dans
la qualité éducative en petite enfance. Il est temps de prendre une décision.
Si on continue dans cette voie, on va frapper l'iceberg, et les conséquences
seront dévastatrices pour nos tout-petits et notre société. Alors, quel avenir
souhaitons-nous pour notre société?
Le Modérateur : Alors, merci.
On serait prêts à prendre les questions.
Journaliste : Bonjour. Je
m'appelle Marie-Michèle Sioui. Je travaille au Devoir. Je m'excuse, je
n'ai pas entendu votre nom.
Mme Gaudet (Frédérique) : Frédérique.
Journaliste : Frédérique. Je
voulais juste... Si vous pouvez vous avancer, oui, au micro. Frédérique, votre
nom de famille?
Mme Gaudet (Frédérique) : Gaudet.
Journaliste : Godet,
G-O-D-E-T?
Mme Gaudet (Frédérique) : G-A-U-D-E-T.
Journaliste : G-A-U-D-E-T.
O.K. Par rapport à ce qui est arrivé à votre fils, est-ce que vous faites le
lien entre cet événement-là et le manque d'éducatrices qualifiées?
Mme Gaudet (Frédérique) : C'est
difficile pour moi de faire ce lien-là directement. Je suis juste une maman qui
essaie de se sortir de tout ça. Mais ce que je peux certainement dire, c'est
qu'à travers tout ce que j'ai appris dans les 12 derniers mois, parce que
ça fait 12 mois maintenant que c'est arrivé, il y a effectivement un grand
enjeu au niveau des différentes instances, donc incluant le ministère de la
Famille, sur ce qui peut être fait en garderie, dans le sens où je sens un
grand manque d'encadrement et de supervision. Puis le lien que je pourrais
faire, c'est que sans les éducatrices qualifiées, c'est comme si l'encadrement
est d'autant plus important, et c'est ce qui est inquiétant. C'est comme si
tous les morceaux du casse-tête font que le casse-tête est extrêmement
troublant et perturbant.
Journaliste : Puis est-ce que
ça fait en sorte... Si je vais trop en détail, vous me le dites, là, mais
est-ce que la situation a perduré peut-être plus longtemps qu'elle aurait pu
perdurer dans un autre type de milieu ou dans un autre contexte?
Mme Gaudet (Frédérique) : Je
ne peux pas entrer dans tous les détails. Nous, on a retiré notre enfant, mais,
oui, il y avait... il y a des éléments qui ont été inquiétants, à savoir :
Est-ce que ça aurait pu perdurer pour d'autres enfants dans le milieu?
Journaliste : C'était dans
quel type de milieu?
Mme Gaudet (Frédérique) : Nous,
c'était dans un CPE.
Journaliste : Merci.
M. Arseneau : Si vous vous
permettez, juste un petit ajout. C'est parce qu'il y a un des constats de la
Vérificatrice générale qui indique que le système de traitement des plaintes au
sein du ministère, c'est le foutoir le plus total. Tout le monde se lance la
balle, et il n'y a pas de suivi adéquat. Les mesures ne sont pas prises. Les
parents, comme on vient de l'entendre... Frédérique, se sentent abandonnés par
le système, et c'est un constat qui est très grave. Et ça faisait aussi partie
des demandes de la pétition qu'on n'a peut-être pas assez soulignées à gros
traits, là. Il y a la question de la qualité des évaluations qui sont faites
des CPE, mais il y a aussi tout le système de traitement des plaintes qui n'a
pas de bon sens au sein du ministère pour lequel des recommandations... ont été
faites au ministère. Et jusque-là, bien, on n'a pas d'indication à l'effet que
les choses vont s'améliorer ou que la ministre ou le ministère a un plan à cet
égard.
Journaliste : ...la même
question, M. Arseneau, vous demandez un plan, mais pour les parents, là,
dont l'enfant en est à sa troisième, quatrième, cinquième, sixième éducatrice,
là, depuis le mois d'août et le mois de septembre, qu'est-ce qu'on peut faire
rapidement ou concrètement pour améliorer la situation?
M. Arseneau : Bien, moi,
je l'ai dit tout à l'heure, c'est qu'on a... On a vraiment l'impression que la
ministre est sur le Titanic, on l'a mentionné, la ministre sur le Titanic qui
fonce vers l'iceberg. Et là elle a tous les rapports qui indiquent qu'on va
dans la mauvaise direction puis elle dit : Les choses vont bien. On y travaille
sans jamais apporter de solutions concrètes. Ce qu'on veut, c'est un plan
concret. Comment on va pouvoir rétablir le ratio des éducatrices qualifiées?
Pour commencer à la base, on a appris, encore la semaine dernière, que la
relève boude les programmes de technique en éducation à l'enfance parce qu'elle
voit qu'il n'y a pas d'avenir sur le plan financier puis sur le plan
professionnel également.
On a mis en place des bourses. Ces
bourses-là, ça ne fonctionne pas. Qu'on en tire des conclusions. On n'a pas
l'impression véritablement que la ministre est aux commandes et qu'elle
dit : Voici un problème. Voici l'enjeu que ça soulève. Et voici comment je
vais aborder la question. Sa seule feuille de route semble être le tableau de
bord qui est publié à tous les mois et qui indique qu'on crée des places
essentiellement en services de garderies privées subventionnées, sans se
soucier du fait que tout ce réseau-là est en train de s'effondrer.
Et effectivement il y a des gens qui en
sont victimes au quotidien, les enfants en particulier. Moi, je... Comment on
peut agir rapidement? C'est d'abord d'avoir un objectif, une vision et mettre
les moyens en place avec un calendrier réaliste pour que l'on puisse justement
rétablir le ratio, qu'on puisse mettre en place un système de traitement des
plaintes, qu'on puisse aussi s'assurer de la santé et de la sécurité, parce
qu'il y a aussi ces éléments-là révélés par la Vérificatrice générale. Le
recrutement, la valorisation des éducatrices, c'est fondamental, mais on continue
de tergiverser sur les négociations actuellement et puis sur les compromis
qu'on va demander aux éducatrices si on est pour rehausser leur salaire. On
n'est pas là, là. On est dans un mouvement de dégradation constant et
probablement accéléré depuis le rapport de la Vérificatrice générale, et on ne
semble pas s'en formaliser au gouvernement.
Journaliste : Hausse des
salaires, c'est mûr pour vous, certainement?
M. Arseneau : Bien,
absolument. En fait, ce que demandait une autre pétition qui a été déposée pas
plus tard que la semaine dernière, c'est-à-dire si on croit véritablement que
l'éducation doit être une priorité pour le Québec et pour le gouvernement du
Québec, ça commence avec la petite enfance. Il faut que les éducatrices soient
valorisées à travers, oui, les conditions de travail et les conditions
salariales à la hauteur des éducateurs de niveau supérieur. C'est là que se
construit la base des petits êtres humains dont on veut qu'ils prennent la
relève.
Journaliste : Au niveau des
enseignants, vous voulez dire?
M. Arseneau : Bien,
absolument.
Journaliste : Au lieu des
enseignants?
M. Arseneau : Absolument.
C'est ce qu'on demandait essentiellement. Puis je pense qu'il y a une
éducatrice qui pourrait vous l'exprimer encore mieux que moi.
Mme Péloquin (Mariève) : Bonjour.
La Modératrice : ...votre
nom.
Mme Péloquin (Mariève) : Mariève
Péloquin... ma profession. Oui, en fait, on parle des histoires d'horreur,
malheureusement. Honnêtement, sincèrement, je m'inquiète. Il va y en avoir de
plus en plus selon moi. Parce que quand on ouvre la porte aux personnes qui
n'ont pas de qualifications, qui n'ont pas de diplômes, ce n'est pas qu'elles
sont moins bonnes ou des moins bonnes personnes, c'est qu'elles ont... Leur
boîte à outils, elle est moins complète.
Le cours de technique d'éducation à
l'enfance, la formation, elle est très complète au niveau du développement de
l'enfant. On comprend en fait le développement de l'enfant. Donc, on est mieux
en mesure de les accompagner. Puis là, honnêtement, on est très inquiets en
fait de cette ouverture-là de... En fait, n'importe qui, qui n'a pas d'absence
d'empêchement, peut venir travailler auprès des tout-petits. Aussi, qu'est-ce
qui m'inquiète, c'est de voir qu'il n'y a rien qui est pris en compte de ça. En
fait, on prend des personnes éducatrices comme acquis. Donc, on ne les
considère pas. Sur la place publique, bien, on les banalise, on les compare
avec les enseignantes de maternelle quatre ans. Mais finalement, au bout du compte,
quand on regarde les cours qu'elles ont en éducation versus le bac en éducation
préscolaire et enseignement scolaire, on se rend compte que notre formation,
elle est beaucoup plus complète, il faut travailler avec les tout-petits.
Aussi, on tente de faire croire que les...
que n'importe qui, en fait, qui aime la... qui aime les enfants du fond du cœur
peut être une excellente éducatrice en formation. Donc, la... c'est... on ne
peut pas en vouloir aux personnes qui sont non formées qui travaillent auprès
des enfants puis qui... ça peut arriver, des accidents malheureusement puis
c'est tragique, là, mais ces personnes-là n'ont pas d'outils. Donc, face à des
situations, mais oui, elles vont avoir des comportements inadéquats. Mais même
on rapporte aussi des éducatrices qui ont eu leur formation il y a 20 ans.
La formation continue, elle n'a pas été adéquate non plus, donc elle a été un
peu négligée. Donc, souvent, il va y avoir des personnes éducatrices qui ont eu
des formations il y a 20 ans, mais qui vont... qui n'ont jamais su ou qui
n'ont jamais pu se moderniser avec des formations du jour, en fait, là, qui
touchent à l'éducation. Donc, ça aussi c'est questionnable. Donc, en fait, on a
vraiment l'impression qu'en ouvrant la porte à n'importe qui, on est en train
de dire que n'importe qui peut faire cette job-là. Puis, dans les discours
publics, en banalisant le fait que les personnes éducatrices quittent le
réseau, pour nous, ça envoie un message très négatif dans le sens que, mais
finalement qu'on étudie ou qu'on n'étudie pas, n'importe qui peut faire ce
travail-là. Donc...
Mme Dion (Marylin) : Si je
peux rajouter quelque chose, c'est le fait que dans le rapport de la
Vérificatrice générale du Québec, elle nomme aussi qu'une des principales
raisons de la baisse de cette qualité éducative là, c'est le ratio des
éducatrices formées versus non formées. Donc, on voit que c'est intimement lié.
Puis, tout à l'heure, vous parliez avec raison, là, du fait qu'il y a plusieurs
enfants qui vont avoir cinq, six, sept éducatrices dans une année, ce qui a,
par ailleurs, des impacts, là, sur le développement de l'attachement des
tout-petits. Mais est-ce que, vraiment, on se pose la question? Puis là je ne
le sais pas, je ne suis pas dans la tête des décideurs ou du ministère de la
Famille, des membres du ministère de la Famille, mais est-ce qu'on se pose la
question sur pourquoi ces personnes quittent ou non, mais n'est pas capables de
les garder? Il y a cette question de rétention où est-ce qu'on les connaît, les
raisons, parce que les éducatrices l'expriment, elles disent ce dont elles ont
besoin. Là, ce qu'on entend de la part du gouvernement, c'est plutôt : On
a fait ci, on a fait ça, on a fait ça. Mais est-ce qu'on pourrait aller aux
racines des causes de la désertion puis de s'assurer de faire en sorte de
travailler les causes? Parce qu'on aura beau pitcher toutes les solutions, si
on ne va pas à la source, bien, on n'y arrivera jamais, finalement, là.
Journaliste : Est-ce que je
peux vous demander votre nom?
M. Arseneau : Il va falloir
quitter pour la période...
Mme Dion (Marylin) : Oui,
c'est Marylin Dion de Ma place au travail.
M. Arseneau : Souvenez-vous,
au début des deux dernières années scolaires, lorsqu'on avait un manque de
professeurs, de milliers de professeurs, il y a eu une déclaration que beaucoup
de gens ont retenue de la part du ministre de l'Éducation, M. Drainville,
qui disait : On va s'assurer d'avoir au moins un adulte dans chaque
classe. Là, c'est comme si on disait que, pour compléter le réseau des services
de garde éducatifs au Québec, là, on s'assurait d'avoir une adulte dans chaque
classe, dans chaque groupe. Si c'est ça la vision du gouvernement, imaginez
quel avenir on a pour ce réseau-là, qu'on voulait un réseau de qualité qui
fasse partie, là, essentiellement de la trajectoire éducative puis qui
constitue la base pour donner, encore une fois, l'élan à tous ces tout-petits
du Québec, qu'on souhaite voir réussir dans la vie. Alors, moi, c'est... la
question fondamentale, elle est là. Si l'idée, c'est de trouver un adulte par
groupe, c'est-à-dire qu'on va plomber le système pour de bon. Et ce n'est pas
une question, là, circonstancielle, ce n'est pas une question contextuelle,
c'est comme si c'était là-dessus qu'on établissait les bases du réseau à venir,
ce qui n'a évidemment pas de bon sens.
(Fin à 10 heures)