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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Wednesday, February 5, 1992 - Vol. 31 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le document intitulé « Un financement équitable à la mesure de nos moyens »


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Joly): La commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens».

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Ordre des pharmaciens du Québec

Le Président (M. Joly): Merci. Je vois que déjà, nous avons l'Ordre des pharmaciens du Québec qui a pris place. M. Lafontaine, que je connais, citoyen de Laval, je vous salue particulièrement. Ça me fait plaisir.

Des voix: Ah! Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Et Laval, c'est grand! Je présume, M. Lafontaine, que c'est M. Boisvert qui est avec vous...

M. Lafontaine (Claude): M. Boisvert, oui.

Le Président (M. Joly): ...directeur général et secrétaire.

Une voix:...

Le Président (M. Joly): Je n'ai pas identifié encore... Je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes, un petit peu plus, un petit peu moins, pour nous livrer votre mémoire et qu'après les parlementaires échangeront avec vous. Correct? Je vous cède la parole, M. Lafontaine.

M. Lafontaine: Merci. M. le Président de la commission, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, messieurs et mesdames les membres de la commission, l'Ordre des pharmaciens du Québec tient à remercier la commission des affaires sociales de l'opportunité qui lui est offerte de commenter le document ministériel intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens». Nos commentaires s'inscrivent dans la continuité de ceux que nous avons déjà formulés précédemment auprès de la commission Rochon et lors d'audiences publiques sur l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux, les orientations ministérielles ainsi que sur le projet de loi 120.

L'exercice de la pharmacie comprend à la fois la fourniture d'un bien et celle d'un service professionnel. Ces deux composantes sont intimement reliées dans tous leurs aspects sociosanitai-res et économiques. Toute analyse d'une problématique pharmaceutique doit nécessairement tenir compte de la dualité de l'interaction de ces deux composantes de l'acte pharmaceutique. Notre corporation a toujours insisté sur cette dualité, qui trouve sa source dans la nature particulière du médicament. Le médicament ne peut faire l'objet d'une décision rationnelle par le consommateur, même le plus instruit, et il recèle un potentiel élevé de consommation irrationnelle qui s'avère alors coûteuse pour l'État ou le contribuable, et dangereuse pour l'usager.

C'est ici que le service pharmaceutique prend toute sa valeur. Lié à la fourniture des médicaments, il constitue le mode de contrôle le plus efficace qui puisse être appliqué à la fois aux coûts, à la sécurité et à l'efficacité de ceux-ci. Toute intervention ne visant qu'à contenir le coût des médicaments sans tenir compte du service pharmaceutique que leur utilisation rationnelle doit impliquer comporte le risque de voir disparaître ce mode de contrôle pourtant essentiel. On reconnaît aujourd'hui que le contrôle des budgets pharmaceutiques des établissements de santé ne peut être envisagé sans des interventions constantes et vigoureuses des pharmaciens exerçant dans ces établissements.

De même, toute réduction de la progression des coûts des programmes d'assurance-médicaments devra passer par une telle intervention de la part des pharmaciens oeuvrant en milieu communautaire. Or, une analyse minutieuse des coûts des programmes québécois d'assurance-médicaments au cours des 20 dernières années démontre que l'État investit de plus en plus dans la fourniture des biens et de moins en moins dans celle des services.

Ainsi, selon les statistiques annuelles publiées par la RAMQ, le coût moyen d'une ordonnance a progressé de 3,90 $ en 1972 à 17,50 $ en 1990. Les coûts respectifs du bien et du service n'ont cependant pas évolué de la même façon. En 1972, alors que le coût du service, selon les statistiques, s'élevait à 2,15 $, soit 55 % du coût total, celui du médicament s'élevait à 1,75 $, soit 45 % du coût. Le service en 1990 ne coûtait plus que 4,51 $, soit 25 % du total, alors que le médicament, lui, grimpait à 74 % du coût assumé par la Régie, soit 12,99 $.

Au cours de cette période, toujours selon les statistiques de la Régie, le taux global d'inflation du coût des médicaments a été de 742 %, alors que celui applicable aux services pharmaceutiques n'a été que de 209 %. Au total,

la facture assumée par l'État s'est élevée de 449 %. Si l'on applique à ces statistiques un facteur correctif tenant compte du profit moyen enregistré par le pharmacien sur la revente du médicament, c'est-à-dire le prix chargé à la Régie moins le prix réel de l'acquisition, soit en moyenne, en 1990, 1,71 $, selon les données recueillies par l'AQPP, les coûts réels des deux composantes facturées à l'État ont évolué comme suit: en 1972, les médicaments, 1,75 $, et les services, 2,15 $, ce qui représente respectivement 45 % dans le premier cas et 35 % dans le deuxième cas - il faudrait apporter ici la correction au tableau, parce qu'il y a eu inversion des chiffres. En 1990, le coût des médicaments représente maintenant 65 %, alors que le coût des services est tombé à 35 %. Donc, durant cette période, le coût réel des médicaments a progressé de 630 %, et celui des services de 189 %. L'indice des prix à la consommation, selon Statistique Canada, a, quant à lui, progressé, au cours de cette période, de 357 %.

Il est intéressant de noter que ce phénomène de progression plus rapide du coût d'un bien que celui d'un service n'est pas isolé. L'État éprouve également des problèmes de contention des coûts dans au moins un autre de ses programmes impliquant la distribution de biens, soit celui assurant la fourniture de prothèses. En effet, selon le rapport annuel 1990-1991 de la RAMQ, en page 18, on peut noter que le coût des prothèses avait augmenté de 59 % au cours de la période 1986-1987 versus la période 1990-1991. En comparaison, les coûts des services médicaux, dentaires et optométriques avaient respectivement augmenté de 34 %, 2 % et 31 %, soit à un rythme beaucoup moindre au cours de cette même période.

Nos sources ne nous permettent pas de pousser plus loin l'analyse de ces données. Toutefois, l'écart entre les taux de progression des coûts liés au remboursement de biens, c'est-à-dire prothèses et médicaments, et ceux liés à la fourniture des services, suggère une plus forte augmentation de la demande des premiers ou encore une plus faible efficacité du contrôle de leur coût par l'État par l'intermédiaire des services. Ces observations sont troublantes et laissent craindre pour l'avenir. Il faut en effet considérer qu'au cours de la période étudiée, le coût des médicaments a crû de façon difficilement contrôlable, malgré des coupures considérables au niveau de la liste des médicaments assurés. Nous nous demandons, à bon droit, s'il n'y a pas lieu d'y voir les effets négatifs d'une diminution, en dollars constants, des investissements de l'État en matière de services pharmaceutiques.

Par contre, au niveau des établissements de santé, la progression des budgets pharmaceutiques a été beaucoup mieux contrôlée et ce, malgré une dotation intensive en pharmaciens dans ces milieux. Les effectifs québécois en pharmaciens d'établissements de santé sont en effet passés de 300 en 1981 à plus de 900 en 1991, en dépit d'une conjoncture budgétaire difficile pour les établissements tout au long de cette période. Il ne fait aucun doute que cette meilleure utilisation par l'État des services pharmaceutiques, au niveau de la sélection et du contrôle de l'utilisation des médicaments, a exercé un impact favorable sur les budgets globaux des médicaments. Étant donné la similitude de formation et de compétence des pharmaciens communautaires et d'établissements, nous sommes portés à croire que l'État doit chercher la source de cette différence de croissance des coûts au niveau du contexte où s'exerce la profession. C'est là l'exercice que nous proposons à la commission.

Parmi les considérations générales relatives au programme d'assurance-médicaments, nous voulons d'abord insister sur le rapport coûts-bénéfices favorable de la pharmacothérapie. Pour que l'objectif d'une réforme globale du système de santé québécois puisse être atteint, l'analyse de ces composantes doit s'effectuer sur une base globale. Il sera donc essentiel, lors de l'examen du programme d'assurance-médicaments, de développer une vision macroscopique de l'impact de ce programme sur les autres secteurs du système de santé.

De par sa nature, le médicament représente l'outil thérapeutique le plus fréquemment utilisé afin de pallier un problème de santé. Prescrit rationnellement et utilisé de la bonne manière, le médicament représente, la plupart du temps, la moins coûteuse des thérapies disponibles parce qu'elle fait appel à un nombre restreint de professionnels, soit le prescripteur et le pharmacien. L'utilisation rationnelle des médicaments prévient fréquemment le recours à des thérapies beaucoup plus coûteuses comme la chirurgie, la radiothérapie, la psychothérapie ou les thérapies de réadaptation physique.

Ainsi, le remboursement par l'État d'un médicament et d'un service pharmaceutique, pour coûteux qu'il puisse paraître, s'avère très souvent une économie par rapport aux alternatives. C'est pourquoi, avant de décider la désas-surance d'un médicament, on devrait toujours chercher à mesurer son impact global en comparaison avec les alternatives qui s'offriront au médecin traitant.

Nous voulons également faire ressortir le coût de la pharmacothérapie irrationnelle. La surconsommation des médicaments, leur sous-consommation et, fréquemment, leur mauvaise utilisation coûtent extrêmement cher à l'État. Alors que les effets pernicieux de la surconsommation ne sont plus à démontrer, ceux de la sous-consommation et de la mauvaise utilisation sont peu reconnus du public et de l'État. Ils sont néanmoins fréquents et nous avancerons quelques exemples courants.

La prescription d'une dose trop faible d'un antibiotique de première ligne utilisé afin de

traiter une otite chez un enfant: l'inefficacité de l'antibiotique coûte alors à l'état une seconde visite chez un médecin et le remboursement d'un second antibiotique habituellement plus coûteux que le premier. deuxième exemple, l'inobservance thérapeutique chez les dyslipémiques, les hypertendus ou les diabétiques de type 2, qui entraîne des complications graves: l'état se voit alors forcé d'assumer le remboursement de soins de santé extrêmement lourds en cardiologie, en neurologie, en néphrologie, en ophtalmologie ou en chirurgie. enfin, troisième exemple, l'hospitalisation, souvent d'urgence, ou la mise en institution d'une personne âgée suite à une incapacité de cette dernière de bien gérer sa prise de médicaments.

Des dizaines d'autres exemples pourraient être avancés. Nous nous limitons à ceux-ci à cause de leur caractère explicite et quotidien, et à cause de leur coût énorme pour l'État. La solution de ces problèmes passe par une approche macroscopique de la portée d'un programme d'assurance-médicaments sur laquelle devront s'appuyer les mesures envisagées par le ministère. Par conséquent, dans un premier temps, nous recommandons que la réforme comporte des mesures permettant de favoriser la retransmission par les pharmaciens de l'information nécessaire à la bonne utilisation des médicaments. Dans un deuxième temps, la réforme devra comporter des mesures qui favorisent la communication entre médecins et pharmaciens dans le but de rendre leurs efforts plus efficaces et complémentaires. La carte-santé à microprocesseur pourrait jouer ce rôle.

Voyons maintenant nos recommandations relatives à une réforme du programme d'assurance-médicaments. Nos premières recommandations ont trait aux catégories de médicaments assurés. À notre avis, avec l'exception possible des anxiolytiques et des hypnotiques, toutes les rationalisations qui pouvaient être faites par le biais de la désassurance de certains médicaments ou de certaines catégories de médicaments l'ont déjà été. D'éventuels retraits de médicaments de cette liste comportent un risque plus élevé de stimuler une utilisation excessive d'autres médicaments encore listés sur la simple base de leur gratuité, ou de forcer le recours à des thérapeutiques plus coûteuses.

D'autre part, nous croyons nécessaire de rappeler de nouveau au ministre que le recours à une double liste, une pour les médicaments consommés par des bénéficiaires ambulatoires et une autre, plus complète, pour les établissements de santé, continue de créer un incitatif à l'institutionnalisation pour certains bénéficiaires âgés, à cause de la gratuité de classes de médicaments n'apparaissant qu'à la liste des établissements. Nous suggérons au gouvernement d'évaluer les bénéfices nets de cette politique avant d'en décider le maintien. (10 heures)

À cet effet, nous avons cru bon de vous citer dans notre mémoire une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, où il a été démontré que la désassurance d'un certain nombre de médicaments et de services pharmaceutiques avait conduit, 11 mois plus tard, à un taux d'admission en centres d'accueil de 10,6 %, dans le New Hampshire, contre 6,6 %, dans le New Jersey, où le programme d'assurance-médicaments était demeuré inchangé. Une telle expérience laisse à réfléchir.

En second lieu, nous voulons rappeler au ministre une suggestion qui paraîtra sans doute plus audacieuse dans le contexte actuel. L'Ordre a prôné et prône encore l'extension de la gratuité des médicaments à l'ensemble des Québécois souffrant de dyslipémies, d'hypertension artérielle et de diabète. Ces trois maladies ont en commun une symptomatologie silencieuse durant leur phase initiale, une fréquence élevée d'inobservance thérapeutique et le développement de complications graves à long terme: infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, et j'en passe. Lorsqu'elles apparaissent, ces complications sont la plupart du temps irréversibles et nécessitent des traitements extrêmement coûteux. L'extension de la gratuité à des Québécois qui ne sont pas actuellement visés par le programme lèverait les barrières économiques à l'accessibilité à ces médicaments et réduirait ainsi la fréquence de l'inobservance. À moyen et à long terme, cet investissement de l'État aiderait à prévenir les complications de ces maladies et leurs coûts. Une telle mesure préventive vaut d'être étudiée avec soin.

Le cas des médicaments anxiolytiques ou hypnotiques constitue une exception possible aux principes précédemment formulés. La surconsommation de ces substances est manifeste, mais on ne doit pas oublier qu'elle s'inscrit souvent dans la continuité de problèmes de toxicomanie impliquant les drogues illicites ou l'alcool. Une désassurance de ces médicaments comporte des risques très nets liés au sevrage des bénéficiaires qui en consomment de façon prolongée, comme en fait foi l'expérience récente de l'État de New York dont il est fait mention dans notre rapport.

Nos secondes recommandations ont trait aux catégories de services pharmaceutiques assurés. À l'heure actuelle, l'entente liant l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et le gouvernement du Québec ne porte que sur trois services pharmaceutiques assurés. Nous devons rappeler à la commission l'insuffisance de l'emphase placée au sein du programme sur les services pharmaceutiques susceptibles de prévenir la mauvaise consommation de médicaments et de favoriser l'optimalisation de celle-ci.

La valeur préventive du service pharmaceutique commence à être bien documentée de façon quantitative, comme en fait foi une étude américaine réalisée à l'Université Purdue. Cette étude visait à quantifier les économies pour le

système de santé générées par les interventions des pharmaciens. Elle porta sur 33 000 nouvelles ordonnances exécutées dans 89 pharmacies communautaires réparties sur cinq États américains. Environ 2 % de ces ordonnances comportaient des lacunes ou des erreurs et donnèrent fieu à des interventions pharmaceutiques. La valeur en dollars de ces interventions fut calculée en estimant le coût des soins qui auraient été requis pour pallier les conséquences médicales de chaque erreur, selon une grille adaptée à la gravité de ces conséquences. Or, la valeur ajoutée totale de ces interventions pharmaceutiques totalisa 76 000 $ US, soit 2,32 $ pour chacune des 33 000 ordonnances exécutées.

Cette étude démontre de façon éloquente la valeur ajoutée par des services pharmaceutiques à l'ensemble du système de santé. Malheureusement, chez nous, des obstacles subsistent à la prestation optimale de ces services, en grande partie à cause des barrières bureaucratiques et administratives que recèle la procédure de remboursement de ces actes.

Pourtant, toute réforme efficace du programme d'assurance-médicaments et, à ta limite, du système de santé québécois, passe indéniablement par un rôle accru et par une meilleure utilisation des compétences des pharmaciens. Nous vous référons a ce sujet au rapport de la «Lowy Commission» et à celui de la «British Columbia Royal Commission on Health Care and Costs».

L'expérience québécoise en pharmacie hospitalière le prouve également: lorsque mis à contribution dans un environnement où la rationalisation des coûts des médicaments est clairement identifiée comme un objectif, et lorsque doté d'une capacité d'intervention clinique, le pharmacien québécois livre la marchandise et permet de réduire effectivement ces coûts.

Force nous est cependant de constater que ce mandat et ces conditions n'ont pas été réunis au niveau du programme québécois d'assurance-médicaments. Et, ironiquement, alors que les investissements de l'État en services pharmaceutiques progressaient à un rythme inférieur de moitié au taux d'inflation, ses dépenses de médicaments, elles, croissaient deux fois plus rapidement. Une telle coïncidence est vraiment frappante.

Dans ce contexte, nous ne pouvons qu'insister sur l'urgente nécessité pour l'État de s'orienter, au sein de son programme d'assurance-médicaments, vers la reconnaissance et la rétribution de nouveaux actes pharmaceutiques indépendants de la fourniture du médicament. Tant que la rémunération du pharmacien demeure prisonnière de la dispensation de médicaments, sa capacité de lutter contre la surconsommation de ceux-ci sera amoindrie par l'ambiguïté du mandat que lui confie l'État-payeur.

Il nous apparaît également impérieux de rappeler à la commission la nécessité de dégager l'administration de l'opinion pharmaceutique du carcan bureaucratique dont elle a fait l'objet jusqu'à maintenant, et celle d'instaurer, face à la facturation de ce service et aussi des autres services discutés présentement à la table de négociation, le même climat de confiance que celui dont l'État fait preuve face aux autres professionnels de la santé.

Il va de soi que de telles mesures doivent logiquement être assorties à des moyens de contrôle des services facturés à la RAMQ. Nous réitérons ici notre appui total à la création d'un comité de révision des actes pharmaceutiques, tel que prévu depuis 20 ans à l'article 41 de la Loi sur l'assurance-maladie. Nous souhaitons aussi que la mise sur pied du réseau hospitalier de revue de l'utilisation de médicaments puisse se poursuivre et également qu'elle puisse s'étendre au programme ambulatoire d'assurance-médicaments.

Enfin, nous recommandons au ministre d'élargir les expertises sur lesquelles il peut s'appuyer, notamment au niveau de l'important Conseil consultatif de pharmacologie où, à notre connaissance, on ne dénombre actuellement qu'un seul pharmacien, autre exemple de sous-utilisation de l'expertise pharmaceutique.

Dans les mesures visant à améliorer le contrôle des volumes d'activités, le ministère propose de généraliser, s'il y a lieu, l'application d'une carte d'assurance-maladie avec microprocesseur intégré. Nous reconnaissons les mérites associés à une telle carte. Cependant, pour que les pharmaciens d'officine québécois puissent contribuer davantage à l'amélioration de l'utilisation des médicaments, nous devrons résoudre la question de l'accès à l'information en matière de diagnostic. Contrairement aux pharmaciens qui oeuvrent dans les établissements de santé, les pharmaciens d'officine ne peuvent malheureusement pas s'appuyer sur l'information diagnostique qui est pourtant essentielle à un jugement éclairé sur la pharmacothérapie. En conséquence, les pharmaciens d'office ne peuvent jouer pleinement leur rôle de conseiller, faute d'information suffisante.

En Ontario, la Commission Lowy, déjà citée, en arrivait à la même conclusion et recommandait l'accès par les pharmaciens à cette information par le biais de la carte-santé. Une telle mesure ne remet nullement en question la confidentialité de l'information, le code de déontologie des pharmaciens imposant à ces derniers un secret professionnel équivalent à celui des autres professionnels de la santé.

Nos dernières recommandations portent sur le financement. L'Ordre tient à appuyer les mesures de transparence proposées par le ministère, et qui visent à permettre aux Québécois de réaliser les coûts inhérents aux services de santé ou leur contribution personnelle à l'effort de l'État en cette matière. L'Ordre favorise aussi la

divulgation aux bénéficiaires des coûts des biens et services reçus de l'État, dans le but de mettre fin à la notion illusoire d'une gratuité absolue.

Le projet d'impôt-services appliqué aux médicaments et services pharmaceutiques n'est évidemment pas de nature a générer l'enthousiasme en notre milieu. Il nous apparaît difficile de le commenter sans un complément d'information sur sa portée et sur ses modalités d'application. A priori, cependant, nous ne rejetons pas cette option.

L'option d'une tarification des services pharmaceutiques associée à un crédit d'impôt remboursable a le mérite d'être plus facile à conceptualiser et celui d'avoir déjà été appliquée sur le terrain. Quelle que soit la mesure qui sera retenue, toutefois, les règles suivantes devraient être observées. La participation de l'usager devra nécessairement être adaptée à sa capacité de payer sous peine de générer des barrières inacceptables à des services essentiels. Nous ne pouvons, en effet, nous résoudre au jargon ministériel de «services complémentaires» dans le cas des médicaments et services pharmaceutiques. Pour nous - et nous espérons que lorsque nous quitterons les lieux, ici, pour vous aussi - les médicaments sont considérés comme des services essentiels. Les services pharmaceutiques à caractère préventif...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. Lafontaine...

M. Lafontaine: Pardon!

Le Président (M. Joly): ...vous remarquez que je vous laisse largement déborder, mais ça va nécessairement couper sur le temps d'échange avec les parlementaires.

M. Lafontaine: D'accord. Quelques minutes, seulement.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!

M. Lafontaine: Les services pharmaceutiques à caractère préventif (opinion, refus et nouveaux actes) devront être exonérés de toute forme d'imposition ou de tarification, sous peine de créer des désincitatifs majeurs à leur prestation. Les médicaments plus facilement associés à des comportements d'inobservance thérapeutique devront eux aussi être exonérés de ces mesures. En revanche, une plus grande contribution de l'usager à la fourniture de médicaments à potentiel élevé de surconsommation nous apparaît socialement acceptable, voire même souhaitable.

Enfin, les mesures précitées, sous réserve de discussions plus élaborées quant à leur mise en opération, nous paraissent préférables au ticket modérateur qui possède, selon nous, le double défaut d'un manque évident de flexibilité et d'un faible rendement. Nous pensons notam- ment à son application aux services à caractère préventif ou a la fourniture de médicaments faisant fréquemment l'objet de sous-utilisation.

En terminant, je soulignerai deux points. La progression incontrôlée du coût des médicaments en milieu communautaire reflète, selon nous, les effets négatifs d'une diminution, en dollars constants, des investissements de l'État en matière de services pharmaceutiques. Mince consolation, le Québec n'est pas seul au monde à sous-utiliser la compétence, l'expertise et la grande accessibilité de ses pharmaciens. Les Américains le reconnaissent de plus en plus; d'autres Canadiens également, dont les deux commissions précitées.

L'Ordre, finalement, rappelle au gouvernement qu'il lui a pourtant toujours offert sa pleine collaboration. Aussi, nous devons déplorer le fait que dans l'élaboration et la mise en place de ses programmes, le ministère de la Santé et des Services sociaux fasse si peu appel à l'expertise de pharmaciens agissant sur le terrain et, par conséquent, plus sensibles aux véritables besoins de notre société en matière de services pharmaceutiques. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Lafontaine. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je suis très heureux de recevoir l'Ordre ce matin parce que, à mes yeux, vous êtes peut-être l'un des exemples d'ordre à suivre dans le sens que vous vous situez, à l'occasion, au-dessus du débat. Et je pense que ça apparaît assez évident dans certains des gestes que vous avez posés dans le passé et qui ont soulevé un peu de fumée, mais qui, définitivement, transcendent un certain nombre d'autres ordres qui ne sont pas aussi audacieux dans les gestes qu'ils posent ou dans les propositions qu'ils avancent.

Ceci étant dit, on est dans une situation, effectivement, où la consommation de médicaments augmente à un rythme très, très important. D'ailleurs, vous l'avez dit. Vous avez tenté de donner certaines explications, mais je veux quand même ajouter aux chiffres que vous avez déjà donnés dans votre mémoire. En 1986, le coût: 284 000 000 $; en 1990: 500 000 000 $. Ça, on dit que ça peut effectivement s'expliquer par une augmentation du coût des médicaments, très légère augmentation de la rémunération du professionnel.

Une voix: En plein ça.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai mon voisin de droite qui me confirme ça. Ce qui est assez étonnant lorsqu'on regarde le nombre de personnes admissibles au programme: alors qu'il était de 1 334 000 en 1986, il est de 1 314 000 en 1990. On passe, au niveau des ordonnances, en 1986,

de 16,4 par personne à 21,8 en 1990. Il y a quand même là des phénomènes qui sont, je pense, inquiétants. Si c'est nécessaire, c'est nécessaire, mais il n'y a pas grand monde qui a fait la démonstration, jusqu'à maintenant, que c'était nécessaire. On peut toujours expliquer que l'augmentation du coût, c'est l'augmentation des médicaments - et il doit en prendre une bonne partie - mais le nombre de bénéficiaires admissibles n'a pas augmenté. Au contraire, il a diminué sur cinq ans. Mais le nombre d'ordonnances, lui, a augmenté, de cinq en moyenne, ce qui est quand même assez important.

Au delà des considérations que vous avez évoquées tantôt sur l'augmentation du coût des médicaments dont il faut tenir compte, est-ce qu'il n'y a pas des phénomènes assez inquiétants qui, normalement, doivent interpeller un ordre comme le vôtre, avec les limites qu'il y a là? Parce qu'on reviendra dans d'autres questions tantôt sur les limites, comme je pense que vous pouvez en faire plus, mais avec plus de moyens, à ce que j'ai compris. (10 h 15)

M. Lafontaine: Oui. Je comprends votre situation. Les chiffres que vous avez apportés sont des chiffres globaux qui prennent les bénéficiaires du système et les personnes âgées, mais on n'a pas séparé, dans ces chiffres-là, quelle est la part des personnes âgées. Je crois que les personnes âgées ont plus consommé, elles. Dans l'augmentation, c'est plus attribuable aux personnes âgées qu'aux bénéficiaires, aux prestataires du revenu.

Je pense, M. le ministre, que si le ministère veut démontrer enfin la volonté de valoriser les actes pharmaceutiques à caractère interventionniste auprès du prescripteur et auprès du bénéficiaire, on devrait y gagner beaucoup de ce côté-là. Si le ministère veut - et là, je vais rester dans des termes d'équité - rétribuer de manière équitable ces interventions en tenant compte, par exemple, d'une estimation du coût des soins qui auraient été requis pour pallier les conséquences médicales de l'erreur corrigée par ladite intervention... Je pense, enfin, que si le ministère voulait une fois pour toutes dégager le côté administration du paiement des interventions du carcan bureaucratique dont fait présentement l'objet, entre autres, l'opinion pharmaceutique, on pourrait réduire le nombre d'interactions médicamenteuses, on pourrait réduire les effets secondaires qu'on rencontre dans la consommation des médicaments et on pourrait réduire les hospitalisations coûteuses consécutives à ces effets-là.

M. Côté (Charlesbourg): Entrons dans le concret. Vous nous dites, dans votre mémoire, et je le partage: Les pharmaciens d'hôpitaux ou de centres d'accueil et d'hébergement ont fait un travail fantastique au cours des dernières années et ont réduit la consommation médicamenteuse aux besoins de l'individu parce que, ayant une complicité plus étroite entre le prescripteur et le pharmacien, on est dans une situation où, effectivement, on a pu le suivre, et il y a des bénéfices certains, mais c'est auprès de bénéficiaires qui sont déjà institutionnalisés. C'est clair, ça. Je pense que tout le monde le reconnaît.

En contrepartie, les pharmaciens d'hôpitaux sont des gens qui sont rémunérés à salaire fixe. Lorsqu'on fait la transposition de cette proposition-la, on dit: II y a aussi des pharmaciens d'officine, un peu partout à travers le Québec, qui travaillent sur deux programmes en particulier, celui des gens sur l'aide sociale et celui des personnes âgées, sur le plan des médicaments - donc, 500 000 000 $. Vous nous dites: II faudrait davantage faire appel au professionnel qu'est le pharmacien. Dans la mesure où on fait appel au professionnel avec une bonne jonction avec le prescripteur - donc, connaissance du dossier de l'individu - il y a certainement des choses, aujourd'hui, qui se prescrivent qui, demain, n'auraient pas besoin d'être prescrites et on éviterait l'hospitalisation. Donc, à moyen terme et à long terme, des économies assez appréciables.

Je vais y aller carrément avec... Comme vous êtes au-dessus de la mêlée, est-ce que cette volonté-là est compatible avec une rémunération à l'acte?

M. Lafontaine: Moi, je ne crois pas que la rémunération à l'acte démontre une incompatibilité. Si vous mettez l'accent sur les actes préventifs plutôt que sur les actes de distribution, je pense que les résultats vont être là. Je ne parlerai pas du montant à mettre sur un acte préventif; c'est de la cuisine. Mais si vous mettez l'accent sur les actes préventifs: détection des interactions médicamenteuses, constitution élaborée d'un dossier-patient, gestion des effets secondaires; si vous permettez au pharmacien, par exemple, de participer à des revues d'utilisation médicamenteuse, si vous permettez à des pharmaciens, par exemple, d'aller dans des CLSC et de participer à la décision d'institutionnaliser une personne ou de la garder à domicile. Parce que souvent - je vais vous donner un exemple - il y a bien des gens qui veulent se débarrasser de leurs bons parents, les envoyer en institution parce qu'ils commencent à être lourds. Alors, ils vont aller dans deux, trois pharmacies chercher des ordonnances d'anxiolytiques. Les gens deviennent un peu plus confus. Alors là, on peut justifier leur institutionnalisation. Si vous aviez des pharmaciens au niveau des comités décideurs, à savoir: Est-ce qu'on institutionnalise ou non, ou est-ce qu'on maintient à domicile, vous auriez peut-être de meilleures réponses, à ce moment-là. Il y a toute une série d'actes pharmaceutiques qui peuvent être posés par le pharmacien, tout à fait indépendants de la

fourniture du médicament comme telle, qui ne sont pas exploités dans le système.

M. Côté (Charlesbourg): Ce qui a fait le succès, je pense... Je peux me tromper, et ne vous gênez pas pour me le dire, parce qu'il y en a d'autres qui ne se gênent pas pour me le dire. À partir du moment où on a fait des progrès substantiels en centre hospitalier, en centre hospitalier de longue durée ou en centre d'accueil et d'hébergement, on l'a fait avec des pharmaciens qui étaient rémunérés à salaire. Il y a eu, effectivement - toutes les statistiques le démontrent - partout où on va, on le voit, une progression assez importante. ce que vous me dites, c'est que pour le privé, ça pourrait être différent. on pourrait trouver un moyen de rémunérer le professionnel qui est le pharmacien pour ses avis concernant un dossier, toujours à l'acte, sans nécessairement que ça occasionne au bout de la ligne la vente de médicaments. mais vous vendez des médicaments comme pharmacien dans la mesure où vous avez une prescription médicale. vous ne vendez pas de médicaments si vous n'avez pas une prescription médicale, à part de ce qui est en vente libre à l'intérieur de la pharmacie, on le comprend bien. est-ce qu'on ne doit pas explorer cette possibilité, pour des actes qui font appel au professionnel, à l'opinion d'un pharmacien, de se diriger vers un certain salariat? je le mets sur la table parce que je considère que vous êtes capables...

M. Lafontaine: Oui. M. le ministre, est-ce que vous pensez à la capitation en particulier? On en a parlé ici. Je sais que ça a déjà été dans l'air, ça, la capitation.

M. Côté (Charlesbourg): Ça se pourrait.

M. Lafontaine: On peut peut-être prendre cet exemple-là. Moi, je pense que je n'ai pas d'objection à aucun système en autant que le système obtienne en bout de ligne la protection du public et l'amélioration de la santé et de la qualité de vie des Québécois. Si c'est ça qu'on obtient en bout de ligne, le système, quel qu'il soit, je suis d'accord avec.

Mais le système de capitation, pour prendre cet exemple-là, dans un système où les pharmacies ne sont pas zonées dans la province de Québec, j'en vois difficilement l'application. L'entrepreneurship nord-américain, ce n'est pas compatible avec le zonage des pharmacies. Si on zone les pharmacies et qu'on donne à des pharmaciens un territoire, une responsabilité territoriale à l'intérieur de laquelle des gens habitent, je pense alors qu'on peut parler de salariat. Mais, dans le système actuel où les pharmacies ne sont pas zonées, où vous allez retrouver une densité de pharmacies supérieure à la moyenne, telle qu'on la trouve à Québec présentement, inférieure à la moyenne dans d'autres secteurs, je vois difficilement comment on peut arriver avec des pharmaciens à salaire dans un système semblable.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce n'était pas pour vendre d'autres choses. C'était pour l'opinion du professionnel, on se comprend bien, qu'est le pharmacien en rapport avec un client qui consomme des médicaments, et peut-être pour des programmes dont on parlait tantôt, ceux concernant les personnes âgées et l'aide sociale.

Vous avez fait allusion à un certain nombre de médicaments qui ont été enlevés de la liste, à un certain dépoussiérage du panier de services. Il n'y a pas tellement longtemps, on avait examiné la possibilité aussi, pour tout ce qui est «ben-zo» - très bien connu - de voir si, effectivement, on n'est pas dans une situation d'abus de consommation de ces médicaments. Plus tu en discutes avec les gens, plus tout le monde est bien conscient qu'il y a du monde qui en prend qui ne devrait pas en prendre et, selon les avis, ça varie. Dans certains cas, on nous dit que l'effet thérapeutique, c'est 15 jours; d'autres disent 4 semaines, 5 semaines. Mais il y a quand même une indication très nette que ça a un effet limité.

Tantôt, dans votre présentation, vous avez parlé de faire attention au sevrage. Est-ce qu'on n'est pas dans une situation où il y a véritablement des abus de consommation et d'utilisation de ces médicaments, sachant fort bien qu'il y a des effets thérapeutiques limités dans le temps et qu'on continue de les donner pendant un an, deux ans, trois ans? Est-ce qu'il n'y a pas des choses à faire à ce niveau-là? Qu'est-ce que l'Ordre peut faire dans une situation comme celle-là, parce qu'elle est assez importante, merci?

M. Lafontaine: Qu'est-ce que l'Ordre peut faire? Bien, d'abord, vous savez, M. le ministre, qu'on a mis sur pied, à l'Ordre des pharmaciens, le système Alerte pour détecter la fraude puis pour détecter la surconsommation. Cependant, on croit que la carte-santé à microprocesseur va être d'une utilité très grande pour contrer l'abus de prescripteurs et l'abus de consommation de ces médicaments-là.

Mais, entre-temps, nous avons suggéré, il y a deux ans, de limiter le paiement de ces médicaments-là à peu près 21 jours. On a dit entre 14 et 21 jours, et on vous a suggéré aussi de ne pas payer le renouvellement, comme vous le faites d'ailleurs pour les narcotiques. Vous ne payez pas les renouvellements de narcotiques. Ça restreint, ça, la surconsommation des narcotiques. Que des médicaments soient dans un système de surconsommation, je pense qu'il y en aura probablement toujours, comme il y aura probablement toujours de l'alcool et il y aura probable-

ment d'autres béquilles, je ne sais pas, les drogues illicites et tout ça.

Nous, on vous a fait des suggestions. Elles n'ont pas été appliquées, mais je crois qu'elles sont encore valables. Limitez le paiement de ces médicaments-là à un maximum de 21 jours et aucun renouvellement payant. Ça oblige la personne à retourner chez le médecin. Je vois tout de suite que vous allez me dire que ça va augmenter les actes médicaux. Je n'en suis pas certain parce que c'est un frein psychologique. La personne est mal à l'aise de retourner chez le médecin pour aller lui dire qu'elle en a encore besoin. Parce que le médecin lui a dit: Écoutez, je vous en ai prescrit pour 10 jours; il faut que ça dure un mois, ça. La personne va essayer que ça dure un mois. Tranquillement, elle va se déshabituer. Je vous parle comme quelqu'un qui est sur le terrain.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve très intéressant que vous renouveliez, sur le plan public, une proposition comme celle-là parce que si elle venait du ministre, ça aurait l'air d'un gars qui veut couper. Quand elle vient d'un professionnel qui est capable de donner des avis dans une situation comme celle-là, je pense qu'elle va davantage capter l'intérêt public et être davantage au-dessus de la mêlée. Évidemment, on n'est pas et on ne souhaite pas être dans une situation où on enlève des médicaments à des personnes qui en ont besoin. Mais ce que je comprends dans votre proposition, c'est qu'à partir des 21 jours, dans le cas d'un renouvellement, il y a l'obligation de retourner voir le médecin et, à ce moment-là, d'interpeller à nouveau le professionnel sur la nécessité de le faire ou pas. C'est ça la solution.

M. Lafontaine: Oui, et ça porte la personne à réfléchir. Pourquoi le professionnel m'a-t-il dit: Je t'en donne juste pour 10 jours ou 15 jours, maximum 21 jours? La personne se pose des questions. Il lui dit: Écoutez, il y a un risque d'habitude à ça. Écoutez, faire de l'insomnie... Il n'y a personne qui est venu au monde pour faire de l'insomnie tout le temps. Vous faites de l'insomnie aujourd'hui. Vous n'en ferez pas dans deux ou trois semaines, la semaine prochaine. On va vous aider à régler votre problème, bon, bla, bla, bla. Mais il faut qu'il y ait un dialogue comme ça. Ce qui est dangereux, dans le système actuel, c'est que si on en prescrit 30 puis que c'est renouvelable trois fois, bon, bien là, c'est 120 jours de traitement. C'est certain qu'au bout de la ligne la personne va commencer à souffrir de dépendance.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que, d'après vous, le prescripteur est toujours parfaitement conscient, en disant «renouveler trois fois», des effets thérapeutiques presque inexistants dans le renouvellement?

M. Lafontaine: Je ne croirais pas, mais il faut voir le service pharmaceutique comme la continuation du service médical. Quand un médecin prescrit un médicament, le service pharmaceutique, l'exécution d'une ordonnance médicale, - et c'est là que ce n'est pas pour nous un service complémentaire - c'est le prolongement du service médical. À ce moment-là, je pense que le médecin, quand il a été amené, par des petites contraintes semblables, à réfléchir, à conscientiser davantage les dangers d'un médicament, il a très bien compris. Je rappellerai à cet effet à la commission les contraintes qui ont été apportées sur les médicaments utilisés pour diminuer l'appétit, les anorexigènes, qu'on a mis dans la classe des drogues contrôlées. Et la prescription est tombée drasti-quement.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on me signale que... Je veux quand même compléter parce que ça fait partie d'un tout. Il y a donc l'obligation d'un lien très intime entre le prescripteur et le pharmacien. On voit les effets au niveau du milieu hospitalier et on dit que dans le reste, à l'extérieur, il faut que ce lien-là soit très étroit. La carte à microprocesseur peut être un premier élément. Elle ne réglera pas tout. Est-ce que, entre les deux ordres, puisque mon bon ami Augustin est debout en arrière et écoute attentivement, vous avez essayé de mettre un peu d'ordre là-dedans?

M. Lafontaine: Nous avons des réunions régulièrement pour essayer de...

M. Côté (Charlesbourg): Ça n'accouche pas. Ça prendrait probablement une sage-femme pour le faire!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Vous le dites dans votre mémoire: II faut avoir accès au diagnostic et qu'il y ait une complicité positive entre le médecin et le pharmacien, si on veut s'assurer des résultats au bout de la ligne. Quand est-ce que vous allez nous arriver, les deux ordres, avec une solution à un problème comme celui-là?

M. Lafontaine: Moi, je pense que c'est dans le four. C'est en train de cuire. Les rencontres qu'on a régulièrement avec la Corporation des médecins nous laissent croire qu'il y a peut-être une petite divergence d'opinion actuellement sur la confidentialité, mais je pense que c'est en train de se rétablir. À mon point de vue, le reste, ça va très bien.

M. Côté (Charlesbourg): La confidentialité, on a vu ça au printemps, c'est un dossier qui leur est cher. (10 h 30)

M. Lafontaine: Oui, mais on est liés au secret professionnel autant qu'eux, et je pense que, tranquillement, ils en arrivent à ça.

M. Côté (Charlesbourg): Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je vais souhaiter la bienvenue à MM. Lafontaine et Boisvert. Déjà, de par vos remarques d'ouverture et les questions qui vous ont été posées jusqu'à maintenant, on a un bon aperçu de votre haute responsabilité professionnelle et de votre rôle dans notre société. C'est important d'avoir cet éclairage de votre part parce que, quand on se situe dans le continuum de ce que sont les services pharmaceutiques, la pharmacologie et les médicaments, dans le système de santé ou dans le continuum santé pour un être humain, eh bien, devant cette commission, ici, on a déjà entendu... Ça va du fait que vous êtes des empoisonneurs publics jusqu'à l'opinion que vous nous donnez ce matin, des supports et des éléments intrinsèques importants.

Alors, c'est important d'avoir votre opinion en tant que professionnels du secteur parce que, comme dans d'autres éléments de notre système, il y a des mythes qu'il faut abattre, il y a des mythes qu'il faut détruire, il y a des stéréotypes ou il y a des images qu'il faut écraser, et il faut reconnaître à chacun des éléments du système son apport à l'effet global recherché, qui est la santé et le mieux-être des personnes. Vous le faites très bien, quant à moi, avec ce que vous avez fait dans le passé et ce que vous faites ce matin et, je pense, ce qu'on peut faire dans l'avenir.

Vous savez cependant, évidemment, que nous sommes maintenant réunis ici moins pour réorganiser les structures, moins pour regarder ce que nous pourrions faire en quelque sorte de plus dans le système avec un certain nombre de catégories de professionnels, mais parce qu'on est dans le trou, parce qu'il manque 2 800 000 000 $ d'ici cinq ans. Et on va voir, d'ici la fin de la commission, probablement, l'option du gouvernement. Si l'option du gouvernement, c'est de maintenir sa contribution à partir du fonds consolidé à l'indice des prix à la consommation plus 1 %, au cours des cinq prochaines années, le trou va être de 5 500 000 000 $.

Dans ce contexte-là, oui, il faut donc rechercher, pour une certaine période de temps, si on ne veut pas perdre les acquis du régime, un certain nombre de mesures d'efficacité et d'efficience, et ça, vous pouvez nous aider là-dedans parce que le secteur professionnel dans lequel vous oeuvrez est, je dirais, probablement le plus souvent pointé. Si on regarde ça à vue de nez, il y a deux secteurs qui sont le plus généralement pointés comme étant... Il faut le dire, comme les gens nous le disent ici, ou selon la réflexion qui nous parvient. Ils nous disent: Les médicaments et les médecins...

Hier soir, je disais à des groupes: Je trouve dramatique l'espèce de cassure entre nos professionnels de la santé - j'entends les médecins - et ce qu'un certain nombre de représentants du mouvement communautaire et des organismes bénévoles sont venus nous dire hier soir. Il y a moins de journalistes vers 9 h 50, c'est moins croquant un petit peu. Mais j'ai trouvé ça dramatique de dire qu'il y a 14 000 Québécois et Québécoises, professionnels de la santé, qui sont directement liés à l'amélioration de l'état de santé, qu'il y aurait comme une brisure. Il y a comme une cassure entre ces deux catégories et, comme Québécois et comme Québécoises, on ne peut pas poursuivre indéfiniment cette séquence-là.

C'est ce qui m'amène à m'interroger sur ces éléments-là, sur cette problématique du financement de la santé et de nos services sociaux. À la page 11 de votre mémoire, refaisant un petit peu l'historique de vos ententes et de vos relations avec l'État, avec le gouvernement, vous dites: «L'entente liant l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires - et on y viendra plus particulièrement après - et le gouvernement du Québec ne porte que sur trois services pharmaceutiques assurés: l'exécution ou le renouvellement d'une ordonnance; l'opinion pharmaceutique; le refus d'exécuter une ordonnance ou son renouvellement.»

À l'Ordre, comme dans l'expérience qui s'est faite à Purdue, est-ce que vous avez quantifié le refus d'ordonnance fait par les pharmaciens, compte tenu de ce qui vous arrive, vous autres, comme exécuteurs et professionnels qui avez une opinion quant à la personne qui est devant vous et quant à ce qui lui est prescrit?

M. Lafontaine: J'ai posé la question justement à M. Boucher qui se lève, de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, il y a couple d'années, et le nombre de refus payés par la Régie est d'environ 900 à 1000 par année. Il faut dire, cependant, que quand un pharmacien envoie une réclamation à la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour un refus d'ordonnance, c'est qu'il a la preuve d'un abus flagrant chez un patient ou c'est qu'après avoir discuté avec un médecin sur la non-opportunité d'exécuter l'ordonnance, le médecin a refusé de modifier son ordonnance. Le pharmacien, lui, s'est vu dans l'impossibilité de l'exécuter. Donc, il l'a enregistrée comme un refus. Mais ces refus, si vous voulez, ou ces accrochages, ces chocs entre médecins et pharmaciens, sont quand même très rares parce que le médecin reconnaît: Oui, j'ai donné le mauvais médicament dans ce cas-ci. Ou bien: Je ne savais pas que cette patiente était

allergique à la pénicilline. Bon, vous me l'apprenez. Ou bien: Je ne savais pas que cette personne prenait déjà tel antiinflammatoire - donc, ça fait un deuxième antiinflammatoire. Je vais modifier le dosage.

Il y a entente verbale, si vous voulez, entre le prescripteur et le pharmacien. Les pharmaciens ne vont pas, à ce moment-là, collecter à la Régie de l'assurance-maladie les honoraires qui sont prévus parce qu'il y a eu entente. Bon, mais des relus, il y en a à peu près 1000 par année qui sont réclamés; c'est tout. Ce sont des refus qui sont véritablement des refus. Cela, c'était un blocage entre les deux professionnels. L'un dit: C'est ça qui devrait être. L'autre dit: Non, ce n'est pas ça et je dois refuser. Alors, le patient, à ce moment-là, reprend son ordonnance et s'en va voir un autre pharmacien ou s'en va voir un autre médecin. Je ne sais pas ce qui se passe.

M. Trudel: Dans l'ensemble, quant à la quantité, c'est négligeable.

M. Lafontaine: C'est ça. C'est négligeable, oui.

M. Trudel: Ce n'est pas un problème majeur.

M. Lafontaine: Non, mais il reste que les 1000 cas enregistrés méritaient de ne pas être exécutés. Ça, c'est clair et net, par exemple.

M. Trudel: Et là, vous dites que c'est le comité qui avait été prévu à l'article 41, à la création de la RAMQ, si j'ai bien compris, à la page 14, sur quant à la révision des actes pharmaceutiques. Ça n'a jamais existé, ça ne s'est jamais réuni.

M. Lafontaine: Ça ne s'est jamais réuni et ce n'est pas la faute des pharmaciens parce que ce comité-là doit être réuni à la demande de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ça, ce comité-là, moi, je pense qu'il doit fonctionner. Il doit fonctionner régulièrement parce que ce n'est pas un comité dans le sens policier. C'est un comité qui peut aider la corporation à voir les lacunes chez leurs professionnels, si, dans un profil de pratique... Alors, ça a un effet dis-suasif - si vous le voulez, je le conçois - mais ça peut avoir un effet beaucoup plus grand, c'est-à-dire un effet facilitateur, aider la corporation à améliorer la qualité de la pratique des professionnels. Moi, je suis...

M. Trudel: À la RAMQ, là...

M. Lafontaine: ...je déplore beaucoup, je l'ai dit à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, à M. Cantin, que je déplorais beaucoup que ce comité, qui a été prévu il y a déjà 20 ans, n'ait pas encore commencé à fonctionner.

M. Trudel: C'est parce que c'est assez incroyable, compte tenu du fait qu'on met 500 000 000 $ - 518 000 000 $ plus précisément - dans nos programmes couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, 518 000 000 $, et qu'un comité spécifiquement prévu pour donner les avis par des professionnels du secteur et en matière d'actes et, forcément, en matière de consommation aussi - il y a une relation évidente entre les deux - ne se soit jamais réuni depuis 20 ans. Alors, il ne faut pas se surprendre. M. le président avait quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Joly): M. Boisvert voulait ajouter quelque chose.

M. Boisvert (Alain): C'est particulièrement important dans le contexte de ce comité-là. Il faut le voir comme un actif, il faut le voir comme une contribution réelle, comme une source de dialogue sur le problème, justement, entre autres, de la contention des coûts, mais aussi une façon pour la corporation et pour les pharmaciens propriétaires de donner du «feedback» à l'État sur la justification de certaines réclamations. Il y a parfois des réclamations qui sont faites et qui ne sont pas compréhensibles par l'État, mais qui, lorsqu'on les regarde avec la perspective du terrain, peuvent être compréhensibles. On pense, entre autres, à certaines réclamations qui ont été faites à propos des piluliers hebdomadaires, des semainiers, ce qu'on appelle dans notre jargon, les dosettes. C'est une façon de présenter le médicament pour les personnes âgées, qui en facilite la gestion et qui peut, dans certains cas, prévenir l'institutionnalisation des personnes âgées. Il y a eu beaucoup d'incompréhension sur cette pratique-là en pharmacie alors qu'en réalité, dans la majeure partie des cas, cette pratique-là avait un but préventif: elle permettait aux personnes âgées de mieux utiliser leurs médicaments. Un comité de révision qui aurait été saisi de cette question aurait pu la vider rapidement et empêcher que l'incompréhension qui a pu exister entre l'État et les pharmaciens, pendant un certain temps, se perpétue.

M. Trudel: Une remarque simplement là-dessus. Je trouve ça assez incroyable, même si ça a été prévu formellement dans la loi, qu'on n'ait pas mis à contribution les professionnels de la pharmacie au Québec. On s'aperçoit aujourd'hui qu'on est aux prises avec une somme de questions assez importantes et assez impressionnantes parce qu'on est alarmés, évidemment, par l'impossibilité de continuer dans la même direction au plan des coûts, vous le savez, grâce à qui, je vous fais grâce de la démonstration. Mais aujourd'hui, on se dit: Oui, peut-être qu'on aurait pu demander l'opinion des pharmaciens. Je trouve ça scandaleux qu'on n'ait pas demandé l'opinion des

pharmaciens quant aux 518 000 000 $ que nous payons à titre de services pharmaceutiques. par ailleurs, je suis obligé de vous poser la question un peu globalement. quand je vous dis, parmi les grands phénomènes qui sont pointés en matière de coûts de services assurés au québec, c'est les médicaments et, plus spécifiquement - ça, ça revient de façon régulière dans le décor; on va en entendre parler probablement 40 fois sur 44 au cours des prochains jours - les médicaments chez les personnes âgées... est-ce que vous croyez - on en a pour 396 000 000 $, 400 000 000 $ - qu'un meilleur suivi sur le terrain du résultat et un meilleur contrôle, par exemple, par les pharmaciens auprès des personnes âgées peuvent nous amener à ce chiffre qui est avancé le plus fréquemment d'une économie de 100 000 000 $ par année, en particulier chez les personnes âgées où nous retrouverions la plus grande partie des surconsommateurs de médicaments au québec? est-ce que c'est réaliste ça? parce qu'à la fin de cette commission, le gouvernement va avoir à établir le «score». il sait déjà qu'il lui manque 1 200 000 000 $ parce que le fédéral ne paie pas sa facture. bon, puis là, il faut tenter de sauver les affaires. est-ce que c'est réaliste, 100 000 000 $ pour un meilleur contrôle et suivi des médicaments aux personnes âgées dans le système actuel?

M. Lafontaine: Je ne peux pas chiffrer. Je ne peux pas vous dire si 100 000 000 $ ou 85 000 000 $, c'est réaliste. Je ne peux pas chiffrer ça. Mais je peux vous dire que le service pharmaceutique doit être vu comme la continuation du service médical. C'est pour ça que les services pharmaceutiques ne peuvent pas être considérés comme des services complémentaires. Je ne sais pas où la définition de «services complémentaires» a été prise pour l'appliquer à des services pharmaceutiques. Quand un médecin recommande la chirurgie, je pense que la chirurgie est un service complémentaire à son service médical. Quand il utilise la prescription médicale, je pense que le médicament devient le service essentiel lié a son acte précurseur. Alors, je pense que si la commission voulait changer cette notion de services complémentaires pour les services pharmaceutiques, moi, j'en serais très aise. Les services de prévention, les services reliés à la prévention des effets secondaires, à une meilleure gestion par les personnes âgées de leur médication, que le pharmacien seul peut assurer dans le système chez nous, pourraient certainement amener des économies importantes. Pas seulement des économies chiffrables dans le livre de la Régie de l'assurance-maladie en termes de médicaments, mais des économies en termes de non-hospitalisation consécutive.

M. Trudel: II me reste trois minutes, si vous me le permettez.

Le Président (M. Joly): II y a M. Boisvert, je pense, qui voulait intervenir peut-être, en complément de réponse, rapidement. (10 h 45)

M. Boisvert: Très rapidement. Je voulais simplement mentionner... Je ne sais pas, moi non plus, si une coupure de 100 000 000 $ dans les programmes destinés aux personnes âgées est réaliste, si l'on considère que la première catégorie de médicaments visés, c'est les médicaments cardiovasculaires, où il ne devrait pas logiguement ou rationellement y avoir autant d'abus qu'on le pense. Cependant, j'attire l'attention de la commission sur un élément de notre mémoire qu'on a évoqué, qu'on a souligné à nouveau durant la période de questions, c'est notre suggestion de mettre sur pied le plus rapidement possible, en milieu communautaire, un réseau de revues de l'utilisation des médicaments. Un réseau comme celui-là générerait l'information qui est nécessaire pour répondre à la question que vous me posez. Il nous permettrait de le faire d'une façon spécifique pour certaines classes de médicaments ou certains groupes de bénéficiaires plutôt que pour l'ensemble.

M. Trudel: Pour ramasser du fric, là, vous autres, vous rejetez l'impôt-services sur les services complémentaires. Vous venez de m'expli-quer ça. Vous dites à la page 17: «Le projet d'impôt-services appliqué aux médicaments et aux services pharmaceutiques n'est évidemment pas de nature à générer l'enthousiasme en notre milieu.» C'est comme un rejet, ça, là. Vous autres, vous optez pour la tarification. Est-ce que la tarification sur un médicament, pour vous, c'est en vue de faire baisser la consommation ou de faire entrer plus d'argent dans le système? Est-ce que c'est une taxe ou si c'est un moyen de réduire la consommation?

M. Boisvert: C'est beaucoup plus un moyen de réduire la consommation. La tarification, si elle est appliquée selon les règles qu'on a proposées ici, ce serait un moment de réflexion de la part du consommateur sur la nécessité pour lui de prendre ce médicament. Alors, je ne pense pas que la tarification, si elle était appliquée au système, générerait à ce point-là plus d'argent, parce qu'il ne faut pas perdre de vue, dans notre mémoire, qu'on a insisté sur le fait qu'il fallait demeurer sensible au fait que ça ne crée pas de barrières à l'accessibilité aux services essentiels.

M. Trudel: Parfait, c'est très clair. C'est pour qu'on s'entende bien sur les mots, pour ne pas qu'on dise n'importe quoi. C'est un ticket modérateur. Bon. Soyons clairs. Appelons les choses par leur nom.

M. Lafontaine: Ce n'est pas un ticket modérateur au point de...

M. Trudel: Si c'est pour faire baisser la consommation...

M. Lafontaine: ...réception du médicament. Parce qu'à ce moment-là les personnes âgées vont se refuser à ça. Ça a un incitatif négatif. Et un incitatif négatif, dans les médicaments pour l'hypertension et pour les troubles car-diovasculaires, je peux vous dire que vous allez avoir des coûts d'hospitalisation beaucoup plus élevés. Prévoyez une augmentation de ce côté-là. Ça, c'est important.

Le Président (M. Joly): Merci. En conclusion, s'il vous plaît, M. le député.

M. Trudel: Je conclurai, M. le Président, en disant que je sais bien qu'en employant les mots «ticket modérateur», ça heurte vos oreilles un peu. Mais je vais employer ça au sens positif. Ce n'est pas une mesure chargée d'apporter du fric dans la caisse. C'est ce que vous m'avez répondu à ce titre pour là tarification. Alors, je n'ai pas dit le mot «modérateur», mais ça n'apportera pas de fric dans la caisse.

Merci beaucoup de votre contribution. J'aurais aimé terminer en disant que votre contribution, bien sûr, est importante, et nous verrons probablement avec l'Association des pharmaciens propriétaires, qui sont quand même dans votre famille, un peu plus loin, au niveau de la capitation, ce que ça pourrait vouloir dire. Merci beaucoup de votre contribution. C'est un mémoire très intéressant.

Le Président (M. Joly): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Évidemment, la dernière question aurait mérité d'être continuée parce qu'il s'agit de voir aussi si ailleurs il y a d'autres sortes d'études qui peuvent étayer ça ou apporter d'autres éclairages. C'est une question qui reste là. Il faut continuer de collaborer. Alors, j'attends beaucoup de résultats de votre rencontre avec l'autre ordre. Peut-être que d'ici mardi soir, où on aura le plaisir d'avoir Augustin en soirée, vous pourrez vous voir et essayer de voir quel chemin on peut faire au bénéfice de nos concitoyens consommateurs.

Je vous remercie de votre travail et de l'effort de vous mettre au-dessus de la mêlée, et de vos offres de service aussi. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup au nom des membres de la commission. Je demanderais maintenant à l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. Comme vous voyez, nous sommes un petit peu bousculés par le temps. Alors, s'il vous plaît, j'ai un petit peu de rattrapage à faire. Je vais demander la coopération de tout le monde. Alors, M. Prud'homme, j'apprécierais si vous pouviez nous introduire les gens qui vous accompagnent.

Association québécoise des pharmaciens propriétaires

M. Prud'homme (Jean-Guy): Oui. Alors, les gens qui m'accompagnent ici ce matin sont, à ma gauche, Mme Nancy Morissette et M. André Descôteaux et, à ma droite, M. Raymond Chevalier.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous livrer votre mémoire. Déjà, la version révisée de votre mémoire a été distribuée aux parlementaires.

M. Prud'homme: Parfait, merci. Le Président (M. Joly): Merci.

M. Prud'homme: Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission, permettez-moi d'abord de vous remercier de nous avoir invités à participer à cette commission. Dans la foulée de la publication d'un document de réflexion intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens», le ministère de la Santé et des Services sociaux sollicite les avis des différentes parties concernées par l'évolution et le contrôle des coûts du système de santé québécois. Dans le cadre de ce débat, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'AQPP, désire soumettre un ensemble de propositions dont l'objectif général est d'améliorer l'efficacité et de réduire les coûts du programme provincial d'assurance-médicaments.

La pharmacie communautaire est un point de service vital du système de soins québécois. Le pharmacien communautaire est peut-être le professionnel de la santé qui est le plus accessible aux citoyens, du fait de sa disponibilité, des longues heures d'ouverture et du grand nombre de pharmacies - plus de 1400 à travers le Québec. La dispensation de médicaments étant un acte posé sur une base fréquente et régulière, elle facilite le développement d'une relation de confiance entre le pharmacien et son patient, contribuant à faire de l'officine privée un véritable lieu d'information, de suivi et de conseil.

En tant que professionnels de la santé, les pharmaciens propriétaires du Québec sont préoccupés par la croissance exponentielle des coûts associés à la consommation de médicaments. Dans le présent mémoire, l'AQPP entend rappeler quels sont les principaux facteurs d'augmentation des coûts du programme d'assurance-médicaments et entend soumettre un certain nombre de mesures pour freiner et même réduire sensiblement les coûts. De l'avis de l'AQPP, ces mesures sont

réalistes et présentent l'intérêt de pouvoir être appliquées à très court terme.

En tant que principaux dispensateurs de services dans le cadre du programme, les pharmaciens propriétaires sont prêts à faire plus que leur part dans les efforts de contrôle des coûts. En même temps, les membres de l'AQPP tiennent à faire reconnaître à leur juste valeur leurs interventions auprès des bénéficiaires. Le mémoire abordera donc les thèmes suivants: l'évolution des coûts du programme, les principes d'intervention à respecter, les mesures relatives à la clientèle bénéficiaire, les mesures relatives à la consommation de médicaments, les mesures relatives au coût des médicaments ainsi que les mesures relatives aux honoraires professionnels des pharmaciens.

Le programme d'assurance-médicaments assure la gratuité des médicaments et des services pharmaceutiques aux prestataires de l'aide sociale depuis 1970 et aux personnes âgées depuis 1977. Entre 1985 et 1990, le coût total du programme a doublé, passsant de 245 000 000 $ à 500 000 000 $, soit une augmentation de l'ordre de 15 % par an - et c'est expliqué au tableau, au bas de la page 2. Les deux facteurs responsables de cette hausse importante sont, dans l'ordre: une inflation de 10 % par an du prix des médicaments et une demande accrue d'ordonnances de la part des bénéficiaires. En l'espace de cinq ans, le nombre d'ordonnances remplies annuellement pour chaque bénéficiaire a augmenté de plus de 40 %.

Durant cette période, la clientèle du programme est demeurée stable en raison d'une diminution du nombre de prestataires de l'aide sociale. Néanmoins, les effets du vieillissement de la population ont commencé à se faire sentir sur les coûts du programme, puisque la proportion des coûts totaux imputable aux personnes âgées est passée de 69 % à 76 % entre 1985 et 1990.

Le coût des services pharmaceutiques qui accompagnent la dispensation des médicaments a pour sa part quasiment stagné au cours des dernières années, passant de 4,05 $ par ordonnance en 1985 à 4,51 $ en 1990. Les honoraires professionnels versés aux pharmaciens ne représentent plus que 26 % des coûts du programme, contre 34 % en 1985. Cette situation résulte aussi du fait que les honoraires n'ont pas été indexés depuis 1989.

L'AQPP est consciente que le programme d'assurance-médicaments doit être réévalué et que des mesures doivent être prises pour en contrôler les coûts pour les contribuables. Néanmoins, l'AQPP estime que ce programme comporte des aspects positifs qui méritent d'être sauvegardés, quelles que soient les orientations privilégiées par ailleurs. Ainsi, l'AQPP propose que toute réforme du programme soit inspirée des principes de base suivants: maintenir l'accessibilité entière du programme pour les citoyens les plus démunis; réaffirmer le rôle primordial du pharmacien communautaire comme dispensateur de médicaments dans le cadre du programme, encourager davantage les interventions axées sur la prévention et le suivi des bénéficiaires par rapport à celles axées sur la stricte consommation de médicaments; établir la prérogative de l'État en tant que tiers payeur quant au contrôle des coûts des médicaments; respecter la liberté d'entreprise des responsables de la distribution des médicaments.

Dans la suite du présent document, l'AQPP entreprend une analyse des différentes composantes du programme d'assurance-médicaments et livre ses recommandations quant aux éléments d'une réforme possible et souhaitable qui tienne compte des principes énoncés ci-haut.

La clientèle bénéficiaire. L'AQPP croit qu'il est du ressort ultime du gouvernement de décider quelles clientèles doivent continuer à bénéficier de médicaments gratuits dans le contexte budgétaire et financier actuel et prévisible. Néanmoins, advenant qu'une désassurance partielle soit envisagée, l'AQPP est d'avis qu'elle devrait s'orienter selon deux axes gradués. Dans un premier temps, il serait possible de faire contribuer financièrement la clientèle des personnes âgées, tout en tenant compte de la capacité de payer, afin de garantir l'accessibilité des services pour les personnes à faibles revenus.

L'AQPP est prête à examiner avec le gouvernement les modalités d'application d'un impôt-services ou d'une tarification fixe sur le coût des ordonnances. À titre illustratif, une tarification fixe de 3 $ qui serait appliquée à la moitié des personnes admissibles permettrait de générer un revenu estimé à environ 30 000 000 $ dès la première année d'application, ce qui n'est pas négligeable.

Dans un deuxième temps, il serait possible d'établir des mécanismes de contrôle plus sévères de la consommation des services pharmaceutiques. En 1990, les pharmaciens propriétaires ont conclu une entente avec le ministère pour assurer le suivi de certains patients présentant un profil de consommation exceptionnellement élevé. Toutefois, ce premier effort est loin d'avoir éliminé entièrement les problèmes pour l'ensemble du système de santé, car certains bénéficiaires consultent plusieurs médecins et paient eux-mêmes leurs médicaments dans diverses pharmacies. Il y a lieu d'élaborer des mécanismes de contrôle plus efficaces et de les appliquer à un plus grand nombre de bénéficiaires. Le pharmacien est le partenaire idéal pour développer et appliquer de tels mécanismes. entre 1985 et 1990, le nombre d'ordonnances remplies annuellement pour chaque personne admissible au programme est passé de 15,4 à 21,8. cette tendance pourra sans doute être freinée en partie par l'instauration d'une tarification pour ceux ayant la capacité de payer et par un contrôle plus rigoureux de certaines

catégories de bénéficiaires. Néanmoins, une intervention professionnelle est nécessaire pour enrayer le phénomène de la surmédication, dont les conséquences sont graves tant sur le budget de l'État que sur l'état de santé des bénéficiaires. {11 heures)

Le pharmacien communautaire, grâce aux informations qu'il tient à jour dans les dossiers de ses patients, est à même de détecter les problèmes de consommation de médicaments. Les Interventions professionnelles de la part du pharmacien peuvent générer des économies importantes non seulement au niveau du programme de médicaments, mais également dans les coûts des consultations médicales et dans les frais d'hospitalisation. Par exemple, le dépistage de l'inobservance au traitement chez les hypertendus peut conduire à réduire la fréquence de prise, à diminuer la dose ou à éviter le recours à un médicament plus puissant et souvent plus coûteux. Certains patients consommant un grand nombre de médicaments peuvent être amenés à rationaliser leur consommation suite à la préparation d'un profil pharmaco-thérapeutique détaillé et complet. Un calendrier de sevrage pour un patient prenant des médicaments hypnosédattfs sur une base régulière peut permettre de réaliser une économie annuelle d'une centaine de dollars, lorsqu'il s'avère efficace.

Uniquement pour ces trois cas, la clientèle visée représente plus de 300 000 bénéficiaires du programme. À l'heure actuelle, la complexité des modalités de réclamation fait en sorte que les pharmaciens communautaires ne sont pas incités à réaliser des interventions relatives à ces problèmes, d'autant plus que ces interventions supposent généralement un avis écrit au médecin traitant. C'est pourquoi l'AQPP recommande la mesure suivante. Le gouvernement doit encourager la réalisation d'opinions pharmaceutiques en adoptant une codification type de réclamation et en haussant de façon significative les tarifs d'honoraires applicables aux opinions.

De l'avis de l'AQPP, les économies réalisées suite aux opinions pharmaceutiques dépasseront de beaucoup les honoraires additionnels à verser aux pharmaciens. Alors que l'opinion n'est payée que d'une façon ponctuelle, les économies potentielles s'étalent sur plusieurs mois et même sur toute la durée de vie du patient.

Le coût des médicaments. L'augmentation du coût des médicaments est la principale source d'inflation du programme. Il en coûte présentement autour de 400 000 000 $ pour rembourser aux pharmaciens le coût d'achat des médicaments dispensés aux bénéficiaires. Or, des économies substantielles sont possibles à ce chapitre, et ce, à deux niveaux. D'une part, l'élaboration de la Liste des médicaments devrait tenir compte de critères clairs, objectifs et plus restrictifs pour la sélection des médicaments couverts par le régime. Cette mesure pourrait permettre des économies substantielles. De plus, des conditions d'utilisation balisant la sélection des médicaments lors de la prescription peuvent diminuer encore davantage les coûts du programme.

D'autre part, le gouvernement pourrait réviser sa politique de remboursement relative aux produits substituables de la Liste des médicaments, en appliquant le prix de la source la moins chère, comme le fait déjà le gouvernement ontarien. Le tableau 2, à la page 7, compare justement les prix de 10 produits substituables choisis parmi les 50 médicaments les plus utilisés au Québec, avec les prix de ces mêmes produits en Ontario. On observe des écarts de 25 % à 125 % dans les prix remboursés entre les deux provinces, au détriment du Québec. Selon tes estimations de l'AQPP, le coût de la politique actuelle du gouvernement vis-à-vis des produits substituables est de l'ordre de 10 % de la facture totale des médicaments, représentant une dépensé excédentaire de 40 000 000 $ par an. L'AQPP ne croit pas qu'il est justifié de faire un tel cadeau à l'industrie pharmaceutique, surtout lorsque l'on considère que cette industrie possède déjà un monopole de fait sur environ 60 % du marché de la prescription au Québec, c'est-à-dire sur tous tes médicaments pour lesquels il n'existe qu'une seule source possible d'approvisionnement en vertu de la protection accordée sur les brevets.

En ce qui a trait aux modalités de remboursement des pharmaciens, ces derniers pourraient continuer à obtenir, comme c'est le cas à l'heure actuelle, le prix réel d'acquisition plus une composante relative qui y est directement liée. Cette méthode éviterait que ne se creuse un écart trop important entre la hausse des prix des frais d'administration des pharmaciens et la hausse de leur rémunération, tout en maintenant l'administration simple d'un système de paiement se référant à une liste de prix unique.

En définitive, pour l'AQPP, il est nécessaire de réviser la politique de remboursement du coût des médicaments à partir des trois règles suivantes: T des prix de vente garantis par les fabricants comme étant les plus bas prix au Canada; 2° des prix plafonds, pour les produits substituables, selon la source la moins chère disponible sur le marché; 3° une composante liée au prix réel d'acquisition du médicament comme une portion de la rémunération des pharmaciens.

Le coût des honoraires professionnels. Les honoraires professionnels des pharmaciens propriétaires sont gelés depuis le 1er juin 1989. Cette situation signifie qu'en moyenne les membres de l'AQPP traînent des arriérés d'honoraires avec la Régie de l'ordre de 20 000 $. Par ailleurs, les honoraires des pharmaciens québécois sont maintenus plus de 2 $ sous la moyenne canadienne, et vous pouvez vérifier le tableau qui suit.

L'indexation des honoraires, selon les

paramètres qui ont été appliqués aux autres employés de l'État de 1989 à 1992, devrait ramener la rémunération des pharmaciens propriétaires au taux de 5,40 $ par ordonnance. De plus, pour refléter le manque à gagner encouru au chapitre du coût des médicaments au moment de l'implantation des prix réels d'acquisition, l'AQPP réclame une compensation monétaire qui permettrait de rapprocher le tarif d'honoraires de la moyenne canadienne. La rémunération des pharmaciens propriétaires dans le cadre du programme doit comprendre une composante liée au prix réel d'acquisition du médicament. Il est à noter qu'une telle pratique est répandue dans toutes les provinces, à l'exception de la Colombie-Britannique.

En conclusion, les coûts du programme d'assurance-médicaments ont augmenté au rythme annuel de 15 % depuis 1985, soit beaucoup plus rapidement que l'indice du coût de la vie et que la croissance du produit intérieur brut. L'AQPP reconnaît l'urgence de réévaluer le programme et d'appliquer des mesures de contrôle des coûts. En même temps, l'AQPP désire mettre en garde le ministère contre toute tentative de résoudre l'équation du financement en sabrant dans les honoraires professionnels des pharmaciens. Au tarif actuel de 4,50 $ par ordonnance, ces honoraires sont déjà 2 $ sous la moyenne canadienne, ce qui en dit long sur le rattrapage nécessaire à ce chapitre.

L'AQPP estime que les mesures de contrôle doivent s'adresser avant tout aux deux principales sources d'augmentation des coûts du programme, à savoir l'inflation sur les médicaments et l'augmentation de la consommation. Parmi les mesures réalistes envisageables dès maintenant, l'AQPP préconise notamment la tarification partielle pour les personnes âgées, un contrôle plus rigoureux de la consommation des prestataires de l'aide sociale, un suivi plus étroit des bénéficiaires par les pharmaciens communautaires et le remboursement des médicaments au plus bas prix possible.

De l'avis de l'AQPP, ce train de mesures est apte à générer des économies substantielles dans les coûts du programme, pouvant se chiffrer facilement à quelque 100 000 000 $ dès la première année d'application. À plus long terme, on peut croire que des outils de contrôle et de suivi plus sophistiqués, tels que la carte à puce, etc., permettront de rationaliser davantage l'utilisation des services pharmaceutiques par les bénéficiaires du programme.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Évidemment, on va se rassurer l'un et l'autre, on ne négociera pas ici, on va tenter de faire abstraction de ce qui nous divise ou nous unit dans la négociation que, je souhaite...

M. Prud'homme: Nous sommes tout à fait d'accord, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): ...on termine le plus rapidement possible...

M. Prud'homme: Nous aussi.

M. Côté (Charlesbourg): ...pour aborder d'une manière un petit peu plus générale, mais aussi spécifique, un certain nombre de points qui sont soulevés dans votre mémoire et qui ont le mérite d'être là et d'alimenter notre discussion.

Tantôt, je disais à l'Ordre, et vous étiez ici à ce moment-là, que, de 1986 à 1990, on est passé, vous l'avez dit tantôt, de 250 000 000 $ à 500 000 000 $. Peu importe si les chiffres varient un peu, on a quand même doublé en termes de coûts. Ce n'est pas le nombre de prestataires admissibles qui a augmenté; au contraire, il a diminué de 1 334 000 à 1 314 000. Donc, on a une situation où il n'y a pas plus de personnes qui ont accès à cette gratuité de médicaments. Est-ce que c'est la seule explication... Le nombre d'ordonnances par personne admissible... Parce qu'on est passé, pendant cette période-là, de 16,4 à 21,8. Je suis assez à l'aise de vous la demander à vous, parce que ce n'est pas vous qui donnez les ordonnances, c'est quelqu'un d'autre. Est-ce que ça s'expliquerait uniquement par le vieillissement de la population, l'augmentation de 16,4 ordonnances par bénéficiaire à 21,8, quand on considère qu'il y a 1 314 000 personnes qui bénéficient de ces services-là?

M. Prud'homme: II reste que, oui, une grande explication est fournie par, justement, la diminution des prestataires de l'aide sociale et l'augmentation, finalement, des personnes âgées à l'intérieur de l'enveloppe globale. Je pense qu'il y a une forte augmentation qui est due à ça.

M. Chevalier (Raymond): Le phénomène qui se produit aussi, c'est qu'au cours des années quatre-vingt, il y a plusieurs nouvelles molécules qui se sont retrouvées sur le marché et, au fur et à mesure que la décennie quatre-vingt a avancé, on a traité des pathologies qui, anciennement, requéraient des hospitalisations et des traitements chirurgicaux ou de la radiothérapie avec des médicaments, ce qui fait qu'on a évidemment beaucoup augmenté le nombre de médicaments si on regarde ça. On a augmenté le montant d'argent qui a été investi de ce côté-là, mais on a diminué les coûts de certains soins en centres hospitaliers.

M. Côté (Charlesbourg): Ma question, je vais prendre le soin de le dire, ne se veut pas vicieuse. Non, ce serait plus évident que ça si elle l'était. Est-ce que le semainier n'a pas aussi influencé cette augmentation-là?

M. Prud'homme: En effet, le semainier a évidemment une influence, mais c'est une technologie nouvelle qui a été présentée en pharmacie pour aider, justement, les consommateurs à avoir un meilleur suivi de leur médication. Je pense qu'on ne peut pas mettre de côté l'utilisation de ça.

M. Côté (Charlesbourg): On est quand même passé avec des augmentations substantielles. C'a fait l'objet de nos échanges et je pense que, là-dessus, à tout le moins, on s'est pas mal entendus sur le semainier. Mais il y a eu une augmentation assez substantielle de l'utilisation du semainier, qui n'était pas nécessairement requis, je pense, dans tous les cas. Je comprends que la base même de ça, c'est pour une sécurité de l'individu qui en a besoin pour être capable d'avoir son suivi, mais pas en volume aussi important que ce qu'on a connu au cours des dernières années. Et le plus bel exemple, c'est qu'on s'entend sur une opinion pharmaceutique et sur le moyen d'examiner de très près l'effet de tout ça pour le donner aux personnes qui en ont besoin et non pas aux personnes qui n'en ont pas besoin.

Ma deuxième question porterait sur une discussion qu'on a eue tantôt avec l'Ordre, et j'ai l'impression que vous représentez à peu près les mêmes personnes. Lorsqu'on parlait d'une tarification, tout à l'heure, on disait qu'il y avait certains risques, certains impacts, par exemple dans les maladies cardiovasculaires, l'hypertension et même le cholestérol et on disait tantôt qu'il y a ce risque-là. Est-ce que vous partagez cette opinion? Et je vais vous donner ma deuxième question qui suit pour bien démontrer qu'il n'y a rien de caché, il n'y a pas d'as caché. Si c'est ça, est-ce que ça s'appuie sur des études sérieuses? Parce que, lorsque je regarde le tableau qu'on a rendu public, à la page 122 de notre document, et que je regarde les autres provinces, dans toutes les autres provinces, sauf l'Ontario et le Québec, sur le plan des médicaments, il y a ce genre de tarification. Est-ce à dire que dans les autres provinces ils n'ont pas tenu compte de ce phénomène-là, quant à la tarification ou quant aux effets de la tarification? Moi, ça me paraît un peu spécifique aussi dans ce domaine-là avec l'Ontario par rapport aux autres provinces.

M. Prud'homme: Écoutez, je pense que la tarification, telle qu'on l'a mentionnée, nous, pourrait aider justement à conscientiser finalement un peu tout le monde de prendre leurs médicaments comme il faut. C'est un outil qui est valable. Ce n'est peut-être pas le meilleur moyen pour le gouvernement d'arriver à ses fins, c'est-'à-dire de renflouer le système au complet, mais il reste qu'une certaine tarification rend les gens conscients de prendre leur médication comme il faut. Nous, nous croyons vraiment que, oui, c'est valable. Dans le cas que l'Ordre avançait tantôt, au sujet des trois pathologies principales dont ils ont parlé, il est vrai aussi que le fait d'élargir le système à ces trois pathologies ferait économiser dans tout le système général, évidemment, des coûts importants. (11 h 15)

M. Chevalier: au niveau de l'impact d'un ticket modérateur ou d'une tarification quelconque au niveau des services, il faut regarder qui va être le plus touché. je pense qu'un des meilleurs exemples qu'on peut prendre, c'est au niveau des services dentaires. actuellement, les gens à faibles revenus sont les gens qui négligent le plus les soins dentaires. et le fait que ce soit gratuit n'a rien changé à ça. donc, les gens qui utilisent actuellement les soins dentaires gratuits sont ceux qui auraient les moyens de se les payer. on se retrouverait éventuellement avec le même phénomène. si on impose une tarification au niveau des médicaments pour le cardio-vasculaire, les gens qui ont le plus les moyens de se les payer et qui sont peut-être plus conscients de leur santé vont payer ces frais-là et les gens à faibles revenus vont tout simplement laisser tomber. et ce sont ces gens-là qui vont se retrouver hospitalisés avec des problèmes.

M. Côté (Charlesbourg): II y a du vrai dans tout ça, mais vous n'avez pas connaissance d'études dans les autres provinces autres que l'Ontario et le Québec sur l'effet. Parce qu'il y a une tarification au niveau des autres provinces - et non la moindre, la Colombie-Britannique - donc, dans toutes les autres provinces, sauf l'Ontario et le Québec. Et j'imagine qu'il y a peut-être quelqu'un quelque part qui a fait ces études d'impact. Il serait intéressant, si vous ne les avez pas, mais si jamais vous les aviez à votre disposition, de nous les faire connaître.

On est dans une situation où il y a, à tout le moins, pour un certain nombre d'individus, surconsommation ou malconsommation. Ça se traduit directement par des gens qui sont davantage hospitalisés et qui coûtent très cher à l'État. D'autre part, on a affaire à des gens qui sont des professionnels, les pharmaciens; que ce soit en institution ou que ce soit dans les officines privées, on a affaire à des professionnels qui ont exactement la même compétence et qui ont les mêmes objectifs. Mais, on est quand même dans une situation, avec le système qu'on a actuellement, où il y a surconsommation ou malconsommation. Au-delà de nos échanges sur d'autres choses, moi, j'aimerais savoir ce qui vous empêche aujourd'hui comme professionnels d'éviter cette surconsommation ou cette malconsommation de médicaments.

M. Prud'homme: Je ne pense pas d'abord qu'aujourd'hui les professionnels que nous sommes ne font aucune intervention dans ce sens-là. Nous avons quand même plusieurs preuves, tous les jours, dans chacune de nos

officines où on aide un patient justement à rétablir sa consommation d'une façon normale. il y a de la surconsommation, il en reste toujours quand même, c'est vrai. il y a de la sous-consommation qui est encore plus importante, à mon avis, parce que souvent elle entraîne justement des hospitalisations. mais actuellement, le pharmacien en fait quand même de l'intervention nécessaire, sauf qu'il faudrait, à mon avis, que nous ayons de plus grands moyens pour nous permettre d'agir dans ce sens-là. il est important que le pharmacien puisse avoir une plus grande reconnaissance de sa profession. comme on dit, aujourd'hui, on ne parle plus de services pharmaceutiques, mais on parle de soins pharmaceutiques. alors, il faut dégager des actes professionnels, comme disait l'ordre tantôt, sans dispensation de médicaments pour qu'on puisse agir vraiment et faire des interventions encore beaucoup plus importantes. aujourd'hui, c'est certain que le pharmacien, dans son officine, va prendre le temps quand même de mentionner à un patient, par exemple, que sa consommation est erratique, mais il faudrait lui donner la chance de pouvoir, dans une journée, rencontrer des patients et prendre le temps justement d'être capable de lui parler et de lui expliquer comme il faut.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'à ce moment-là, on ne fait pas appel à une nouvelle forme de rémunération du professionnel? J'ai posé la question tantôt à l'Ordre et elle se pose aussi à vous autres.

M. Prud'homme: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): À ce moment-ci, est-ce qu'il ne serait pas question d'une rémunération différente de ce qu'on connaît maintenant et qui inciterait davantage le professionnel à être conseil plutôt que vendeur?

M. Prud'homme: Écoutez, a priori je pense que l'Association n'est pas contre ça, sauf que ce n'est pas un régime universel que nous avons actuellement. Alors, il va falloir travailler d'une certaine façon pour équilibrer. À notre avis, je pense que ça mérite d'être discuté.

M. Chevalier: Pardon, M. le ministre. M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Chevalier: les grands succès qui ont été accomplis par les pharmaciens d'établissements de santé pour le contrôle des coûts et pour une meilleure rationalisation de l'utilisation des médicaments sont venus en bonne partie par le contrôle du formulaire de chaque institution. par exemple, dans un hôpital il peut n'y avoir qu'un seul anti h2 de disponible pour traiter les ulcères avec un autre qui est gardé en réserve en cas d'échec du premier. ils ont pu hiérarchiser l'utilisation des différents médicaments pour différentes pathologies, tenir des produits hors du formulaire. actuellement, les pharmaciens communautaires n'ont pas ce contrôle-là sur le formulaire. si on reprend toujours l'exemple des anti h2 - je vous dis les années de mémoire - je pense qu'en 1988 il y en avait un seul au formulaire, c'était la cimétidine, qui était le moins cher des quatre produits qui sont disponibles actuellement. on en a eu un autre qui s'est ajouté par la suite, la ranitidine, qui est un médicament d'exception. pour avoir le droit de l'utiliser ou pour avoir le droit de le prescrire, le médecin devait avoir eu soit un échec à la cimétidine ou une contre-indication absolue. sauf que la compagnie merck frosst, de montréal, a mis sur le marché un nouvel anti h2 et, au niveau du gouvernement, il y a eu acceptation quelque part de ce produit-là au formulaire qui a court-circuité le système qu'on avait pour contrôler l'utilisation des anti h2. du côté de la ranitidine on s'est plaint de ça, et maintenant on a quatre anti h2 avec une grande variation de prix, et la sélection d'un produit ou d'un autre est laissée au bon choix du médecin, tandis qu'avec les guides qu'on avait avant on utilisait le moins dispendieux en premier avant d'envisager les autres alternatives. ce contrôle, ils l'ont encore en hôpital et c'est avec ça qu'ils ont réussi à contrôler les coûts.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Chevalier. M. le député de Matapédia.

M. Paradis (matapédia): oui, m. le président. vous avez compris aussi que j'étais en accord avec beaucoup des avancés de mes honorables collègues. vous avez compris ça.

Le Président (M. Joly): Un président, c'est toujours neutre.

M. Paradis (Matapédia): Très bien, M. le Président. Je voudrais continuer sur cette voie-là. Tout à l'heure, l'Ordre a mentionné que le formulaire de la RAMQ avait été pour le moins épuré, mais dans la pratique courante, on voit qu'on pourrait peut-être diminuer l'arsenal thérapeutique en utilisant mieux certains médicaments de telle sorte qu'on pourrait justement venir contrôler les coûts des médicaments.

M. Prud'homme: Ce n'est pas de diminuer l'arsenal. Il s'agit tout simplement de revenir à un état que nous avions avant. Il n'est pas question de retirer de la liste le médicament, mais de le rendre accessible d'une autre façon. Alors, il pourrait y avoir des médicaments de choix au début. S'il n'y a pas réponse normale, par exemple, avec ce médicament-là qui, normalement, doit régler les problèmes d'un fort

pourcentage de la pathologie, à ce moment-là on peut passer à un médicament d'exception, comme on avait avant, et l'exemple est toujours bon à mon avis. Ça n'est pas de l'enlever complètement, il s'agit de le modifier...

M. Paradis (Matapédia): Et de se justifier, jusqu'à un certain point.

M. Prud'homme: ...de justifier l'utilisation, finalement.

M. Chevalier: Les pharmaciens sont à même aussi de vérifier sur le terrain la justification de l'emploi d'un produit. Dans le cas du médicament d'exception, il fallait demander une autorisation à la Régie, soit par téléphone ou par écrit, tandis que le pharmacien est à même de vérifier. S'il est capable de justifier avec son dossier-patient que, effectivement, il y a eu emploi du premier choix et échec, à ce moment-là que le pharmacien soit à même de contrôler la sélection des produits.

M. Paradis (Matapédia): Les...

Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous plaît, M. le député...

M. Paradis (Matapédia): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Joly): ...notre temps est déjà révolu.

M. Paradis (Matapédia): Je regardais avec beaucoup d'intérêt, parce qu'on a reçu, récemment, les statistiques annuelles de la Régie pour 1990, l'opinion pharmaceutique, en 1990: 309 opinions. Y a-t-il une raison pourquoi les gars ou les femmes, les pharmaciens et pharmaciennes n'en font pas plus que ça?

M. Prud'homme: On a déjà expliqué...

M. Paradis (Matapédia): J'aimerais que vous le redisiez pour les fins de la commission.

M. Prud'homme: Les raisons principales, d'abord, de ne pas avoir une codification simple pour la réclamation de l'opinion pharmaceutique est déjà un empêchement. Ensuite, ce que l'on a suggéré à la table de négociation, justement, ça a été de scinder l'opinion. Il pourrait y avoir une opinion plus importante quand il s'agit de problèmes importants. Il pourrait y avoir un avis pharmaceutique pour certaines raisons. Alors, à ce moment-là, c'est plus facile, c'est plus accessible au pharmacien. Le fait d'être obligé, par exemple, d'écrire un roman pour le bénéficiaire, pour le médecin, pour son dossier, ça complique énormément la tâche. Ce que nous considérons plus simple, c'est une codification, une discussion avec le médecin, avec le patient. peut-être un avis écrit, oui, mais ensuite l'opinion demeure dans le dossier du patient à la pharmacie, et on fait une réclamation par codification purement et simplement.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Prud'homme. Je pense qu'on va devoir peut-être demander aux membres de l'Opposition d'explorer la même veine et, si nécessaire, on pourrait revenir. Je me dois parce que là... Je sais ce qui va arriver tantôt.

M. Trudel: Le député de Matapédia est en conflit d'intérêts c'est très clair.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît! M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît!

M. Trudel: Merci. Merci de votre présentation. Je pense qu'effectivement on va mettre de côté toute la négociation qui se déroule actuellement avec l'État en notant au passage là-dessus, cependant, que vous, vous avez la chance de continuer à pouvoir négocier avec le gouvernement en ce qui concerne vos honoraires et votre rémunération. Vous savez que, pour les 250 000 salariés du réseau de la santé et des services sociaux, le choix du gouvernement, compte tenu de l'impasse financière due à vous savez qui, c'est le gel de leur salaire pour les cinq prochaines années, à l'indice des prix à la consommation. C'est ça, l'option qui a été choisie. C'est la fin de la négociation pour ces gens-là. C'est ce qui est indiqué au document, à la page 65. Alors, on n'ira pas vous enlever ça à vous autres parce qu'on l'a enlevé à 250 000 autres personnes. C'est le choix que nous avons fait, quant à nous, de dire: On va laisser agir les mécanismes normaux de la négociation entre les différents groupes de salariés ou de professionnels dans le réseau de la santé et des services sociaux. On s'étonne quand même un peu - ce n'est pas à vous que j'adresse le message - qu'il y ait deux poids, deux mesures quant à cette façon de fonctionner.

Alors, quant à la question, comme je le disais tantôt, qui est le plus souvent soulevée, la consommation des médicaments chez les personnes âgées, vous avancez une mesure qui est assez difficile, quant à moi en tout cas. C'est, dans un premier temps, de faire contribuer financièrement. Pour qu'on puisse avoir une discussion claire, est-ce que votre suggestion de faire contribuer financièrement la clientèle des personnes âgées c'est, pour vous, une mesure de financement ou une mesure de compression visant à restreindre la consommation des médicaments? C'est très important de faire cette distinction parce que ça détermine le restant.

M. Prud'homme: M. le député, ce n'est pas nous qui l'avançons finalement parce qu'on en

fait état déjà dans le livre vert. Alors, nous, ce qu'on dit ici ce matin c'est que, oui, ça peut être une mesure intéressante. Ce n'est pas nous qui l'avançons purement et simplement. À mon avis, ce n'est pas négligeable non plus de penser que cet argent pourrait à la longue être une partie du financement, mais c'est d'abord et avant tout que les gens prennent vraiment conscience de l'utilité et des coûts des médicaments. C'est purement et simplement ça, à notre avis parce que, finalement, si l'on parle de surconsommation, c'est évident que si les gens ont une certaine tarification à payer, ça va les rendre conscients. Maintenant, on dit aussi dans notre mémoire qu'il ne faut pas empêcher les gens d'être capables de se procurer leur médication. Alors, l'accessibilité ne doit pas être court-circuitée par ça.

M. Trudel: M. Prud'homme, il faut appeler un chat par son nom parce qu'on est tous des Québécois et des Québécoises qui sommes tous appelés à dire: On va tous faire une caisse commune pour payer des services, ou on va laisser, suivant la capacité de chacun avec d'autres déterminants pour tenter de sauver à travers le filet les plus démunis... Parce qu'une mesure comme celle-là, si c'est une mesure de financement, c'est la désuniversalisation du programme de médicaments. Il faut que ce soit assez clair, à terme. (11 h 30)

Par ailleurs, si c'est une mesure visant à modérer la consommation, il faut d'abord qu'on ait diagnostiqué de façon assez claire que les citoyens et les citoyennes sont des abuseurs de services. Pourquoi mettre un ticket modérateur ou des frais qui modèrent la consommation si on n'est pas des abuseurs? Et peut-être avez-vous de l'information à cet égard-là? En général, quant aux services de santé au Québec, la première affirmation du document publié par le gouvernement, le 18 décembre, c'est que, grosso modo, on peut faire l'affirmation que les citoyens du Québec ne sont pas des abuseurs de leur système. Il y a peut-être des petits coins ici et là où on peut regarder. Moi, je me fie à ce qui est dit là. Et je trouve ça assez important parce que, écoutez, le mythe est assez durable. Il faudrait qu'on mette des tickets à gauche et à droite parce que les citoyens et citoyennes seraient des abuseurs. Ce que le document ministériel dit, c'est que c'est fini. Les citoyens et citoyennes ne sont pas des abuseurs. Allons voir au niveau d'un programme qui s'appelle le programme complémentaire d'assurance-médicaments. Je prends votre suggestion et je dis: Est-ce que c'est une mesure de financement - et là, il faudra regarder si c'est le meilleur endroit pour en arriver à faire du financement - ou si c'est une question de modérer la consommation? Moi, j'ai compris dans votre réponse, M. Prud'homme - je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit - messieurs, madame, que c'est plus modérateur qu'une mesure de financement là, ce que vous nous suggérez. c'est exact?

M. Prud'homme: M. Chevalier.

M. Chevalier: II faut voir que des frais modérateurs ne s'imposent pas nécessairement sur une population qui abuse d'un système. Il y a des études... Entre autres, le Dr Archambault a présenté une conférence en fin de semaine. Il disait que d'après des études autant européennes que canadiennes, il y aurait à peu près 30 % des soins qui sont dispensés de façon inutile, selon le terme qu'il a employé. Il ne s'agit pas de gens qui abusent de ces soins-là, mais il s'agit de soins qui sont consommés sans qu'il y ait une absolue nécessité à leur dispensation. Au niveau des médicaments, c'est évident qu'un patient qui a accès à un médicament qu'il peut prendre au besoin, si le médicament est gratuit, il va remplir l'ordonnance, il va l'amener chez lui et, s'il en a besoin, il va en prendre. S'il doit débourser ne serait-ce qu'une somme symbolique pour l'obtenir, il va être incité à dire: Je vais attendre et si j'en ai réellement besoin, j'irai l'obtenir. Il ne s'agit pas de dire que celui qui le prend actuellement abuse du système. Il utilise le système dans la forme dans laquelle il a été créé, sauf que si le système avait une forme un peu différente et qu'il y avait des frais simplement à la consommation, les gens, on le croit, consommeraient moins. Plusieurs études pan-canadiennes ont démontré, dans d'autres provinces, que l'introduction de frais modérateurs aussi faibles que 0,25 $ a entraîné des diminutions de consommation des services de l'ordre de 20 %. Et ça, je ne pense pas que les gens abusaient du système avant, mais ils utilisaient simplement le système dans sa forme.

M. Trudel: Moi, je classe ça dans les frais modérateurs et je prends la page 4 de votre mémoire, où vous dites: Par ailleurs, il serait possible d'établir des mécanismes de contrôle plus sévères sur la consommation des services pharmaceutiques. J'aimerais bien savoir s'il est possible d'envisager un certain nombre de mesures ou de mécanismes de contrôle qui nous permettraient d'avoir à peu près le même effet sur la consommation. Parce qu'on est dans une problématique financière. Alors, je veux que vous m'en parliez un peu. Il y a lieu d'élaborer des mécanismes de contrôle plus efficaces et de les appliquer à un plus grand nombre de bénéficiaires. Qu'est-ce que ça veut dire dans la pratique de la consommation des médicaments, ça?

M. Prud'homme: Je pense que vous devez être au courant qu'il existe actuellement un réseau que les pharmaciens ont aidé à mettre sur j pied, c'est le réseau CAPSS, le Centre d'autori-

sation et de paiement des services de santé, et aussi on parle de la carte à puce. Ce sont deux outils qui, à notre avis, pourraient être utilisés justement pour trouver des mécanismes pour freiner un peu la surconsommation. Et ça, ça fait partie justement de ce que nous voulons dire par ce paragraphe. C'est un réseau qui est drôlement important et drôlement efficace. Évidemment, ça va dépendre jusqu'où le gouvernement voudra en faire l'utilisation. S'il s'en sert juste pour transporter des données, ce n'est pas la même chose que de s'en servir pour répondre aux professionnels en même temps. À ce moment-là, on peut voir que des gens pourraient abuser du système tout de suite. S'il y en a qui abusent, ça va évidemment se répercuter sur les coûts totaux. Ce sont des outils qui sont importants, je pense, et j'espère que le gouvernement va aller dans ce sens-là.

M. Trudel: Est-ce que je fais un lien trop rapide en disant: Pour peu qu'on s'intéresserait très fermement à des mécanismes de suivi et de contrôle de la consommation de médicaments, cette impression ou cette réalité de la surconsommation, il y a moyen, en collaboration avec des professionnels comme vous, d'en arriver au même résultat ou à peu près? C'est ce que je conclus de ma série de deux questions, en disant: II y a des mécanismes de contrôle auxquels nous, on participe déjà, votre centre de données. Et vous avez employé le mot «efficace» dans votre réponse. Les informations que j'ai, moi aussi, de mon côté, me disent que c'est très efficace et qu'on peut en arriver à contrôler. Soyons encore plus précis. Le mécanisme qui a été mis en place pour assigner un pharmacien à une personne assurée, dans le cas de l'aide sociale, est-ce que c'est un programme qui fonctionne bien de votre côté? On interrogera les bénéficiaires plus tard. Est-ce que ça fonctionne bien de votre côté? Est-ce que c'est accepté? Est-ce que ça marche, ce système-là? Est-ce que c'est efficace?

M. Prud'homme: M. Chevalier va répondre là-dessus.

M. Chevalier: Oui et non. C'est-à-dire que ce système a été mis en place pour essayer de contrôler les coûts chez les personnes qui abusent de médicaments. Il y avait certains bénéficiaires de l'aide sociale qui voyaient plusieurs médecins, obtenaient plusieurs ordonnances et se les procuraient dans plusieurs pharmacies. Chaque fois, la prescription étant valide, le pharmacien pouvait remplir cette ordonnance. Maintenant, avec le phénomène des pharmacies désignées, les patients qui voudraient abuser du système de cette façon-là en sont incapables. Cependant, ils ont toujours le loisir de voir plusieurs médecins, donc, au niveau du système de santé, de générer encore des coûts. À ce moment-là, ils se présentent dans des phar- macies et ne s'identifient pas comme étant des bénéficiaires de l'aide sociale et obtiennent leurs médicaments en les payant, comme n'importe quel client qui n'est pas couvert. Donc, au point de vue de la diminution de la consommation, ça a eu un certain impact. Au niveau du système général de santé, il y a plusieurs de ces bénéficiaires-là qui continuent d'abuser et qui continuent de générer des coûts ailleurs dans le réseau. Au niveau de la pharmacie et du contrôle des coûts du programme de médicaments, ça a tout à fait bien fonctionné sans avoir enrayé le phénomène.

M. Trudel: Alors, ce que vous nous dites, c'est que ça n'a pas enrayé complètement le phénomène de la surconsommation chez cette catégorie - entre guillemets - très restrictivement définie comme étant des abuseurs, mais que c'est de l'abus privé - si je peux me permettre l'expression - il faut qu'ils paient eux-mêmes parce que l'État ne rembourse que les médicaments qui sont pris chez un professionnel de la santé identifié. Est-ce que c'est ça?

M. Chevalier: C'est vrai, au point de vue des médicaments, mais le réseau de la santé continue à payer les visites multiples chez les médecins, à payer les entrées d'urgence à l'hôpital, lors de cas d'intoxication, et ce genre de choses.

M. Trudel: Ça va. Et, là-dessus, on va s'en occuper, si vous permettez, avec un autre groupe de professionnels que sont les prescripteurs. Si vous permettez, on fera cet examen-là un petit peu plus tard. O.K.? Voilà! Très bien. L'autre question, évidemment, qui est extrêmement intéressante, c'est votre tableau sur le coût des médicaments. Je vais faire une petite question, et il y a ma collègue de Marie-Victorin, aussi, qui a une question là-dessus, sur le coût des médicaments. On s'aperçoit qu'au Québec on paie beaucoup plus cher - je pense que c'est un jugement qu'on peut porter avec votre tableau - les médicaments qui sont disponibles et qui sont remboursés, en comparaison avec d'autres provinces. Est-ce qu'il existe un quelconque incitatif au professionnel pharmacien pour choisir le médicament qui coûte le moins cher? Vous avez la possibilité de quatre médicaments, disons, au niveau de la prescription. Est-ce qu'il existe pour vous un mécanisme incitatif disant: Quant au produit, moi, je pourrais livrer un produit générique, par exemple, qui coûterait beaucoup moins cher, mais ce qui est indiqué sur la prescription c'est «médicament d'origine». Est-ce que, pour vous autres, comme professionnels, en matière de rémunération, il existe un incitatif? Sinon, est-ce que c'est envisageable, ça, que le professionnel de la pharmacie puisse être incité, au niveau de sa propre rémunération, au niveau de l'acte, à livrer le médicament le

moins cher disponible?

M. Prud'homme: Vous parlez du système actuel. Il n'y a pas vraiment d'incitatif à le faire, sinon que, dans la liste des médicaments, il existe quand même la médiane qui est là pour modérer le coût des médicaments. Si on parle d'un système futur, comme on en a parlé dans notre mémoire aussi, il va falloir sauvegarder cet aspect du système parce que, évidemment, dans l'avenir, si on enlève cette médiane, il n'y a pas vraiment plus d'incitatif à ce moment-là pour quiconque. D'abord, il y a le prix réel d'acquisition. Alors, le prix réel d'acquisition, ça veut dire qu'on est remboursé au prix qu'on le paie, le médicament. Alors, il n'y a pas un incitatif là pour acheter le moins cher, c'est évident. Et si, en plus, on enlève la médiane, c'est-à-dire le prix plafond, à ce moment-là, c'est encore pire. On peut retrouver toutes sortes d'excès, c'est évident. Ça ne sera pas un incitatif pour diminuer les coûts.

Le Président (M. Joly): merci. je vais maintenant reconnaître mme la députée de marie-victorin. brièvement, s'il vous plaît, le temps est déjà terminé.

Mme Vermette: Vous dites qu'au niveau des incitatifs ce n'est pas nécessairement un incitatif qui va être relié, en tout cas, à baisser les coûts de toute façon. Quand vous parlez - ça fait partie d'une de vos recommandations - par exemple, de la rémunération des pharmaciens au niveau du prix réel d'acquisition. Pourquoi voulez-vous vous en aller dans cette voie et qu'est-ce que ça apporterait comme bénéfice, en fait, que ce soit de cette façon?

M. Prud'homme: Le problème, c'est que nous, en pharmacie communautaire, nous avons tous, finalement, une petite entreprise. Nous sommes des professionnels, mais nous avons des stocks à gérer. Les coûts d'administration, au niveau de la pharmacie, sont assez importants et, si on se réfère aux années antérieures, ont augmenté, finalement, beaucoup plus rapidement que les augmentations d'honoraires qu'on a eues. Alors, cette espèce de profit qu'on pouvait réaliser un peu avant, ça aidait le pharmacien, justement, sa façon d'acheter, ça lui permettait de pallier un peu ces augmentations de coûts d'administration. Alors, quand on demande, évidemment, une portion qui reste rattachée à des frais d'administration ou à l'administration de la pharmacie, c'est ce qu'on veut dire. C'est que ces coûts, souvent, augmentent très rapidement. Alors, il pourrait y avoir une composante qui ferait qu'il pourrait y avoir rattrapage au niveau du coût plus rapidement, le coût se reliant à l'administration plutôt qu'à l'honoraire pur. C'est ce qu'on veut dire dans ce sens-là.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Chevalier. M. le député...

M. Trudel: Alors, en vous remerciant beaucoup, madame, messieurs. Le temps est toujours trop court ici, ne vous inquiétez pas avec ça. Moi, je retiens une chose fondamentale. Comme professionnels et comme association des pharmaciens propriétaires, moi, j'ai l'impression qu'il y a une bonne partie du problème, en ce qui concerne les médicaments, qui peut être réglée grâce à votre excellente contribution, et que le tarif, ce n'est pas nécessaire pourvu qu'on intensifie nos relations avec nos professionnels qui sont capables de nous aider là-dedans. Merci.

M. Prud'homme: On dit que la qualité coûte 0, c'est la non-qualité qui coûte très cher.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je veux ajouter à cela, comme mon collègue l'a dit, qu'en commission parlementaire, c'est toujours court; en négociation, c'est toujours trop long.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Souhaitant qu'il puisse y avoir un moyen terme entre les deux pour régler vos malheurs et les nôtres. Merci.

M. Prud'homme: Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Madame, messieurs, merci beaucoup. Nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 11 h 54)

Le Président (M. Joly): Alors, la commission reprend ses travaux. S'il vous plaît!

Les membres représentant l'Institut canadien de recherches avancées, s'il vous plaît. J'apprécierais que la personne responsable veuille bien s'identifier et aussi nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Institut canadien de recherches avancées

M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je suis heureux, au nom du groupe sur la santé des populations de l'Institut canadien de recherches avancées, de remercier la commission des affaires sociales de nous avoir invités. J'aimerais d'abord et très brièvement présenter mes collègues: M. Marc Renaud, vice-président de l'ICRA, président du Conseil québécois de la recherche sociale et aussi professeur au département de sociologie de

l'Université de Montréal; Mme Ellen Corin, directrice du groupe de recherche psychosociale de l'hôpital Douglas et professeur de psychiatrie à l'Université McGill; et moi-même, je suis directeur intérimaire du Département de l'administration de la santé de l'Université de Montréal.

Je pense que la première chose, c'est de prendre deux minutes pour vous dire ce qu'est Ii'ICRA, pour nous permettre, après la pause, de passer d'un niveau de discussion à ce que vous allez voir, un peu à un autre niveau, beaucoup plus macro. Vous dire que I'ICRA est un institut canadien à but non lucratif dont l'ambition - et c'est ce qui est inscrit à l'annexe I de notre rapport - est de permettre - et c'est extrêmement ambitieux - à notre pays de conserver et d'accroître sa prospérité au sein d'une économie mondiale qui subit de profondes évolutions, en favorisant le développement d'innovations scientifiques, c'est-à-dire fondées sur le développement des connaissances aussi bien dans les domaines techniques - intelligence artificielle, robotique, supraconductivité, biologie - que dans le domaine social - loi et société, croissance économique, et, entre autres, santé des populations.

Nous sommes membres de ce programme de la santé des populations de l'Institut canadien de recherche avancé, programme qui a comme ambition de mieux comprendre quels sont les déterminants de la santé d'une population, quel rôle jouent le système de soins, les services médicaux, les services sociaux dans cet état de santé; de voir comment l'impact des différents déterminants évolue. Ces travaux nous ont permis, avec des collègues canadiens, américains et anglais, de bâtir ce qu'on peut appeler une espèce de vision beaucoup plus large, beaucoup plus générale du système de santé. Nous avons été très intéressés - ce qui va me permettre de rattraper mon mémoire - de voir que le document sur le financement adopte un point de vue semblable. Alors, dans la présentation, nous allons montrer, nous allons indiquer que si nous sommes globalement d'accord avec les idées qui servent de point de départ à l'analyse du document, si nous partageons en gros l'état de la situation qui est proposée et dressée et si nous acceptons le diagnostic posé, nous avons par contre de très sérieuses réserves sur les recommandations qui sont formulées et nous nous inquiétons des conséquences de ces recommandations.

Le premier point, nous allons très brièvement être d'accord avec vous: le statu quo ne peut plus durer. Cette affirmation repose sur des fondements solides et convaincants. Ces fondements sont parfaitement cohérents avec les travaux que nous faisons sur la santé des populations. Les facteurs qui affectent la santé d'une population ne peuvent être réduits aux services de santé. La santé d'une population dépend, dans des proportions qui sont inconnues, de facteurs environnementaux - environnement au travail; environnement culturel; environnement social et économique - et de facteurs qui caractérisent l'individu lui-même: son bagage génétique, sa sensibilité au stress. Cet état de santé dépend aussi de l'efficacité des services de santé à prévenir et à guérir des maladies. Ces travaux nous permettent de comprendre que si les services de santé contribuent à l'amélioration de la santé d'une population, ils sont insuffisants pour expliquer complètement l'évolution de cette santé.

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a des relations - et on va y revenir - entre les services de santé, leur effet sur la santé, l'impact de la santé sur le dynamisme économique d'une économie et, en retour, la capacité qu'a cette économie de financer des services de santé. Le document du ministère - et là, on est à la page 2 de notre texte - part exactement des mêmes hypothèses. Je ne veux pas y revenir en détail, mais on retrouve au début du texte les mêmes points comme quoi les conditions générales de santé ne dépendent pas uniquement des ressources qu'on consacre aux services de santé, et que l'État a un rôle important dans la contribution à l'amélioration de la santé du monde. On pourrait comme ça, page après page, concevoir et voir que le document est parfaitement cohérent avec cette vision large de ce qu'est la santé et ce que sont les déterminants.

En résumé - page 3 - et en reformulant ce qu'on retrouve dans le document, comme les travaux de I'ICRA, on arrive à la conclusion que le point d'équilibre pour une société entre le niveau de financement de son système de soins et les investissements dans les autres secteurs de l'économie est très difficile à trouver. En effet, trop investir dans notre domaine, dans le système des soins, peut être contre-productif sur le plan de la société globalement, peut réduire notre capacité à créer de la richesse et, par conséquent, peut aussi avoir des effets négatifs sur la santé. À l'inverse, si on n'investit pas assez ou si on utilise des modalités de financement trop régressives, il arrive d'accroître les inégalités dans notre société. Là encore, des travaux récents nous montrent que dans des sociétés trop inégales, trop inéquitables, l'inégalité constitue un frein à la croissance économique. Il est important donc de réaliser que sur le plan macro, ce n'est pas la part du financement assumée par les pouvoirs publics qui est vraiment importante, mais bien les dépenses totales de santé. Nous y reviendrons. Ce sont elles, en effet, qui peuvent priver des secteurs véritablement porteurs de richesses et de ressources des moyens nécessaires pour générer des innovations.

Alors, ce que nous allons faire maintenant, ça va être de redire quelques mots très brièvement sur ce qui nous semble être des points

importants sur lesquels s'accrocher pour continuer la discussion. Alors, nous retrouvons dans le texte un certain nombre d'affirmations caractérisant l'état du système de santé du Québec. Les résultats: l'état de santé des Québécois est globalement bon. Ressources: en gros, les dépenses totales en santé sont élevées; elles sont relativement bien maîtrisées; la part des dépenses financées par le gouvernement est plus élevée au Québec que dans les autres provinces; beaucoup de médecins; des ressources physiques et technologiques en quantité suffisante.

Par contre, en ce qui a trait à l'efficacité et l'efficience, nous partageons le point de vue développé durant la Commission Rochon et d'autres travaux, comme quoi il y a encore de la place pour l'amélioration de l'efficacité et de l'efficience. Le document en parle et nous partageons ce point de vue tout à fait. Il nous semble important de bien comprendre - et le document aussi le dit - que les modalités de paiement des ressources, les budgets globaux, la façon de payer à l'acte ou non les professionnels - on en a parlé ce matin - n'incitent pas les acteurs à utiliser les ressources de façon optimale. Il y a donc place là pour l'amélioration.

Notre système se caractérise aussi par une équité qui n'est pas parfaite. Les ressources ne sont pas distribuées d'une façon optimale sur le plan interrégional et on a l'impression qu'il y a un certain gaspillage qui constitue une sorte d'iniquité dans l'utilisation des ressources.

En ce qui a trait à la situation financière, le document affirme que les revenus du gouvernement du Québec augmentent moins vite que le produit intérieur brut, entre autres à cause du retrait du gouvernement fédéral des programmes à frais partagés et d'une politique fiscale que l'on ne peut modifier sans réduire la compétitivité de l'économie du Québec. Nous avons analysé en détail ces données et, en tant qu'universitaires, nous nous permettons de dire que le document gagnerait en crédibilité si les sources des données étaient présentées plus clairement et si les périodes d'analyse étaient plus clairement identifiées. On a beaucoup de mal à se retrouver dans les chiffres qui sont fournis. Les dépenses du gouvernement s'accroissant plus vite que les revenus, la dette augmente - on ne peut que l'observer. Le document prévoit que les dépenses du ministère de la Santé et des Services sociaux augmenteront dans les années futures plus vite que les recettes du gouvernement. Leur part relative dans les dépenses aurait donc tendance, dans le futur, à s'accroître.

Dans ces conditions, si l'on n'intervient pas, soit la dette du gouvernement va continuer à augmenter, ce que tout le monde considère comme étant inacceptable et constituerait une hypothèque au développement économique du Québec, soit la modification de la structure des dépenses du gouvernement va s'accélérer, ce qui empêchera l'État d'intervenir dans des domaines qui, en favorisant la prospérité générale, lui permettrait d'accroître ses revenus et l'obligerait de limiter ses dépenses dans de nombreux programmes sociaux. Dans ces deux cas, augmentation de la dette ou débalancement de la structure des dépenses, la progression trop rapide des dépenses dans le système de soins qui se ferait au détriment d'autres secteurs pourrait avoir, à long terme, des effets néfastes sur la prospérité générale et, indirectement, sur la santé de la population.

Nous comprenons donc dans quelle impasse nous nous trouvons. En effet, d'une part, la dynamique de croissance du système de soins est nourrie par le développement technologique, le vieillissement, la croissance du nombre de médecins et, d'autre part, les possibilités d'accroissement des recettes du gouvernement sont limitées. Je cite le document: «Cette conjoncture signale pour le gouvernement, pour le réseau, et pour la société québécoise tout entière la nécessité d'entreprendre en priorité un redressement et de réviser en profondeur les choix dans ce secteur.» Jusque là, il s'agit de notre propre résumé de ce qui était dans le document, rien de très original.

Pour sortir de l'impasse, il nous semble qu'il y a trois grandes stratégies possibles que le document, d'ailleurs, identifie: On pourrait contraindre le rythme de croissance des ressources du système de soins en améliorant son efficience; on pourrait réduire le domaine couvert par le programme d'assurance-maladie; on peut trouver de nouvelles sources de financement. Ces trois options ne sont bien sûr pas indépendantes les unes des autres.

Alors, ces trois options sont discutées dans le document mais leur traitement est différent. La première option, celle qui porte sur l'amélioration de l'efficience du système, prend la forme d'un long inventaire de tout ce que, théoriquement, il serait possible de faire. Le chapitre III du document énumère une liste impressionante de mesures sans que l'on puisse ni saisir par quels mécanismes ces mesures agiraient sur l'efficience ni comprendre très bien quelles sont leurs interrelations.

Alors, on a deux exemples. À la page 66, on lit: «Implanter la rémunération à honoraires fixes lorsque appropriée pour des catégories de médecins pratiquant dans les centres hospitaliers universitaires.» Le document n'indique ni qui doit décider du caractère approprié ni comment ce mode de rémunération contribuerait à améliorer la productivité. On ne sait pas quels sont les médecins qui seraient affectés, et on pourrait en citer d'autres. À la page 70, on lit: «Mettre l'accent sur la prévention, notamment en matière d'utilisation des médicaments.» Le document ne donne pas beaucoup d'indications sur la façon dont cela pourrait être fait et ne précise pas pourquoi la prévention dans l'utilisation des

médicaments est plus importante que d'autres formes de prévention.

En fait, la recommandation explicite qui est faite à la page 182 sur cette option d'amélioration de l'efficience prend la forme suivante, et je cite: «L'ampleur du manque à pourvoir témoigne de l'urgente nécessité de mettre en place le plus rapidement possible un ensemble de mesures pour améliorer le contrôle des dépenses, l'efficience et l'efficacité.» Étant donné la nature de cette recommandation, qui est une recommandation de principe, on ne peut qu'être d'accord, tout en comprenant que, de fait, on ne sait pas très bien comment ça va se faire et que les véritables recommandations viennent plus loin et touchent le financement.

Les véritables recommandations portent sur les deux autres stratégies possibles: la couverture des services et l'obtention, la découverte de nouvelles sources de financement. La première recommandation essentielle vise à trouver de nouvelles sources de financement pour le système de santé de façon à combler l'écart attendu entre le rythme de croissance des dépenses du gouvernement, IPC + 1 %, l'objectif que l'on s'est fixé, et celui des dépenses de santé, IPC + 3 %, qui est une poursuite de la tendance actuelle.

Partant du postulat que le fardeau fiscal des Québécois ne peut être accru, seules de nouvelles sources de financement doivent être trouvées et elles ne peuvent provenir que du secteur privé. En clair, la proposition principale du document consiste à accroître la proportion des dépenses de santé qui sont assumées par le citoyen-utilisateur. À court terme, et c'est très clair, il s'agit d'agir sur la couverture des services et sur la tarification de ce qu'on appelle les services complémentaires: désassurance de services - optométrie, services dentaires pour les enfants - tarification d'autres services - médicaments, on en a parlé ce matin - et introduction d'un éventuel impôt-services pour les services complémentaires.

Si on en restait là, on pourrait argumenter que c'est la chose à faire dans l'immédiat pour sauver les meubles. Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c'est de s'apercevoir, à de nombreux endroits dans le texte, qu'à plus long terme, et je cite, page 111, «le ministère n'exclut pas a priori l'éventualité de mesures de tarification sur les services de base.» Il parle aussi de la généralisation de l'impôt-services, à la page 78: «Le mécanisme pourrait s'étendre aux services médicaux et hospitaliers, après révision des normes fédérales...» Et là, alors, on se trouve dans une situation assez paradoxale dans laquelle cette ouverture vers un accroissement potentiellement important de la part du financement privé est actuellement bloquée. En quelque sorte, les Québécois sont protégés par la loi fédérale sur la santé des Canadiens. Dans un avenir proche, 1996-1997, on sait que les programmes a frais partagés au Québec feront en sorte que la composante en nature de ce qui compose les transferts deviendra nulle. Donc, on peut admettre qu'en 1996-1997 les conditions permettant au fédéral de s'assurer du respect des cinq grands principes ne joueront plus pour le Québec. Le fédéral perdra de ce fait sa capacité d'imposer au Québec le respect des cinq principes fondateurs du système de santé: gestion publique, intégralité, universalité, transférabilité et accessibilité. À ce moment-là, les points dont le texte est parsemé qui disent qu'à long terme on pourra alors développer les mécanismes du recours à la privatisation du financement pourront se faire sans problème.

La deuxième véritable recommandation, en tout cas à notre lecture du document, concerne la création d'un fonds général des services sociaux et de santé. Le document indique que ce fonds permettrait au ministre de la Santé de mieux concilier les dépenses et le financement du système de santé, qu'il obligerait à développer des mécanismes d'imputabilité, et que, en quelque sorte, il serait indispensable si l'on créait un impôt-santé étiqueté «santé».

Alors, partant de là, nous avons beaucoup réfléchi à ces propositions, beaucoup analysé la nature de l'impasse et, compte tenu du cadre d'analyse dans lequel nous nous situons, nous avons la conviction que suivre ces recommandations, c'est s'engager sur une pente excessivement glissante et dangereuse.

Les deux principales recommandations nous inquiètent. Elles nous semblent largement en contradiction avec les idées énoncées au début du document sur le rôle de l'État dans le domaine de la santé et des services sociaux. Dans la mesure où l'analyse du système de soins montre qu'il existe encore des gains importants de productivité et d'efficience, nous ne comprenons pas pourquoi il faut de façon urgente prendre des mesures dont les effets à long terme sont potentiellement en contradiction avec les buts recherchés.

La première proposition: la privatisation du financement. Toutes les connaissances que nous avons dans les travaux que nous faisons depuis plusieurs années dans ce domaine nous indiquent que jamais la privatisation du financement dans des pays riches n'a permis de réduire les coûts totaux du système de santé. L'exemple américain que tout le monde connaît est, à cet égard, révélateur. Les tickets modérateurs - et ça fera plaisir au député de l'Opposition - n'ont, de notre point de vue, globalement, de modérateur que le nom. Ce sont, de fait, des moyens pour trouver de l'argent.

M. Côté (Charlesbourg): Pas seulement de l'Opposition.

M. Contandriopoulos: Mais c'est lui qui avait... M. Côté.

M. Côté (Charlesbourg): vous avez un préjugé?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Contandriopoulos: Absolument pas.

M. Trudel: Dites-le à lui surtout.

M. Contandriopoulos: Non, mais comme c'était le député de l'Opposition qui avait pris le flambeau de ce point de vue - je ne m'étais pas permis de l'associer à ce point de vue - je suis heureux que vous le partagiez.

Le deuxième élément que la littérature nous permet d'affirmer, c'est que l'élément critique qui permet la maîtrise des coûts sans pouvoir toutefois l'assurer est d'avoir un financement provenant d'une source unique dont l'ampleur n'est pas directement reliée à l'utilisation des services. Plus les sources de financement se multiplient, plus il est difficile de contrôler les coûts totaux. Encore une fois, les Américains sont un exemple criant, mais ce qu'on voit dans d'autres pays européens, entre autres en France, devrait nous mettre la puce à l'oreille et prendre garde de ne pas ouvrir le financement à des sources trop nombreuses.

Le troisième élément important concerne les frais de gestion des systèmes de soins. On observe partout que les frais de gestion des systèmes de soins dont les mécanismes de financement sont diversifiés sont beaucoup plus lourds que ceux dont le financement est assuré par l'État ou par une caisse nationale de santé. Une étude récente publiée par Rinehardt dans Health Affairs, récemment, nous indique que les écarts des frais de gestion varient, aux États-Unis, de 5,5 % des cotisations à 40 % des cotisations, selon la taille de la compagnie d'assurances qui gère les risques. L'élément important pour l'économie d'un pays, je l'ai déjà dit, n'est pas la partie du coût du système assumée par l'État, mais la totalité des coûts du système. Le plaidoyer actuel des grosses sociétés américaines en faveur d'une réforme du système de soins pour leur permettre d'améliorer leur productivité est, encore une fois, importante.

La principale conséquence de la privatisation, nous disent les études internationales, est un transfert du fardeau financier des biens portants vers les malades et, en réduisant le recours à la fiscalité, un transfert des responsabilités des plus fortunés vers les plus démunis. La privatisation a donc comme effet essentiel d'augmenter les possibilités de financement ou de ralentir les capacités de maîtriser les coûts et d'accroître les iniquités dans le système. L'absence de justification théorique...

Le Président (M. Joly): Excusez, monsieur... M. Contandriopoulos: ...à cette proposition...

Le Président (M. Joly): ...votre temps est déjà écoulé.

M. Contandriopoulos: Je termine.

Le Président (M. Joly): Je vois que vous avez encore quelques pages à votre mémoire.

M. Contandriopoulos: Non, non. Ça va aller très, très vite.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Contandriopoulos: Je passe ici. Donc, le financement, c'est ça.

Deuxième proposition: création d'un fonds général pour les services de santé et les services sociaux. Nous avons l'impression que ce fonds a deux lacunes importantes. La première, c'est qu'il empêcherait d'utiliser au maximum les fonds publics pour travailler sur tous les secteurs qui sont porteurs de santé. Il cloisonnerait, en quelque sorte, les fonds publics pour être utilisés exclusivement dans le domaine médico-social. On disait même qu'il pourrait être interprété par certains presque comme un fonds de sécurité du revenu pour les professionnels et pas comme un fonds de santé. En résumé, ces mesures permettraient de trouver de nouvelles sources de financement, mais elles retarderaient le moment à partir duquel on pourrait envisager de vraiment réformer notre système. (12 h 15)

Alors, en conclusion, nous arrivons à dire que le Québec n'a pas les moyens de ne pas faire une véritable réforme. La réforme est en quelque sorte ce qui est équitable, compte tenu de nos moyens. Nous avons la conviction que le Québec, comme se proposent de le faire la Colombie-Britannique et l'Ontario, devrait définir ses propres grands critères qui structureraient le système de soins. Il devrait définir quels sont les services couverts, quels sont les critères d'accessibilité, quels grands critères ils devraient respecter. C'est dans la mesure où il existerait des critères provinciaux que des négociations avec le fédéral pourraient éventuellement s'ouvrir. Nous pensons que la politique de santé sur laquelle le gouvernement travaille devrait être discutée avant de s'engager dans des réformes importantes du financement. Nous pensons que les gains d'efficacité et d'efficience qui sont disponibles devraient être exploités à fond avant d'aller à rencontre des grands principes qui structurent notre système. Et, enfin, il faudrait entreprendre une réforme.

Il faudrait entreprendre une réforme autour des quatre derniers points. Il faudrait maintenir un système de financement centralisé et fiscalisé du système de soins et organiser un paiement des ressources, des médecins, des pharmaciens, des hôpitaux en fonction des populations à desservir d'une façon générale. Il faudrait décentraliser les

décisions concernant les façons de faire, permettre l'innovation, la flexibilité et s'organiser pour exiger des intervenants qu'ils nous rendent des comptes sur les résultats obtenus. H faudrait trouver un moyen - et l'échec de l'été dernier renforce cette idée-là - de respecter l'autonomie professionnelle de l'ensemble des professionnels - médecins et les autres aussi - dans leurs activités cliniques, mais en même temps de s'assurer que ces activités cliniques sont en permanence critiquées de façon à éliminer ce qui se fait de services inutiles et inefficaces. Finalement, il faudrait développer et utiliser des systèmes d'information permettant de suivre dans le temps l'évolution de la santé des populations, des facteurs déterminants de la santé et de l'utilisation des sciences. Nous vous remercions.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Con-tandriopoulos. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, mesdames, messieurs, 15 minutes, c'est la rapidité de l'éclair, mais comme j'ai l'impression qu'on pourra se revoir au cours de la semaine, on va quand même se garder des choses pour d'ici...

M. Contandriopoulos: Là, vous voyez l'Institut canadien de recherches avancées.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, c'est ça. Il y a un certain nombre de choses que je partage et d'autres que je ne partage pas. Il y a un certain nombre de craintes qui sont dans le document que je voudrais, en tout premier lieu, aborder parce qu'on sent dans le document une crainte de la privatisation. Je pense que ça transcende. Il y a un deuxième élément qui m'apparaît important: le désengagement de l'État. Quand on fait la lecture à la fois du premier texte et du deuxième aussi, même si ça me paraît un petit peu plus nuancé dans le deuxième texte...

M. Contandriopoulos: Le premier, il faut le déchirer, logiquement.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Bon. On dit «financement privé». C'est une crainte que vous avez. Alors qu'on est dans une situation où le Québec, malgré l'évolution des dernières années par rapport à l'Ontario, par rapport à l'ensemble canadien, est quand même selon les tableaux qui sont là et qui n'ont pas été contestés... 77 % des dépenses sont des dépenses publiques et même s'il y a eu un léger recul au fil des années, de 80 % à 77 %, on n'est pas dans une situation pour pouvoir conclure qu'on s'en va vers une privatisation.

Moi, j'aimerais en entendre un petit peu plus pour que ce soit mieux étayé, pour que je comprenne où sont les véritables craintes, surtout compte tenu du fait que vous avez pris tantôt l'exemple des États-Unis, qui n'est pas le meilleur exemple à ce niveau-là. Ça me paraît très intéressant de le mettre sur la place publique, mais on aurait pu aussi mettre en exemple la Suède, qui a été le modèle de référence pendant de nombreuses années et où il y a aussi un certain paiement privé. À mon grand étonnement - je viens de l'apprendre il n'y a pas tellement longtemps, et ce n'est pas dû uniquement au fait d'un nouveau gouvernement, mais c'était commencé antérieurement sous un gouvernement plus libéral - il y a une tarification des services médicaux et les gens sont obligés de payer, y compris dans les services spécialisés. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que je ne voudrais pas qu'on mette sur la place publique des choses aussi qui ne s'avèrent pas. Donc, peut-être que vous avez davantage d'informations à ce niveau-là à nous transmettre sur la privatisation. Le désengagement, j'y reviendrai par la suite.

M. Renaud (Marc): Je peux essayer de répondre. Moi, je ne fais pas partie du GRID d'aucune manière, là. Quand on lit le document, à la première lecture, on est assez emballé parce que, pour une fois, les programmes sont nommés clairement. Ça prend des solutions à quelque part. On ne peut pas se permettre de laisser ce système-là croître indéfiniment. Quand on fait une deuxième lecture, les 70 premières pages sont extrêmement intéressantes. On nous dit: II faut limiter l'expansion du secteur des soins, la prévention est importante et il y a des mécanismes de contrôle à instaurer. Tout à coup, autour de la page 70 - crac! - on dit: Oubliez tout ça, ce dont on a besoin, c'est de billets verts. On a besoin de nouvel argent. Là, le discours change et on cherche différentes manières pour essager de trouver cet argent-là.

Nous, devant ça, la réflexion qu'on a passée ensemble - et on en a discuté longuement -c'est de se dire: Est-ce qu'on est allé assez loin en termes de contrôle des dépenses? Est-ce qu'il faut dès maintenant se mettre à penser en termes d'augmentation des revenus? Là, on se replace sur une carte internationale.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais y arriver, là, à ça. C'est juste la privatisation, la crainte de la privatisation. Elle est apparente dans le document. Vous n'êtes pas les seuls à avoir cette crainte-là. Je l'ai entendue ailleurs aussi. J'aimerais davantage vous entendre sur ce qui vous fait craindre une éventuelle privatisation.

M. Renaud: La crainte de fond, c'est ou on serre la vis et on suit l'exemple de la Grande-Bretagne et du Japon, ou on privatise, on tarifie, on charge encore plus d'impôts et on prend la «track» des États-Unis. C'est l'idée de la pente glissante. Vous, vous êtes ministre maintenant.

Qu'est-ce qui nous dit, dans 20 ans d'ici, si on ouvre la porte, qu'on ne s'en va pas direct vers un système comparable à celui des Américains?

M. Côté (Charlesbourg): II n'y a pas de danger. Dans 20 ans, ça va être M. Trudel.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: J'aime mieux laisser la barrure là.

M. Côté (Charlesbourg): La barrure à 20 ans.

M. Renaud: II y a des principes fondamentaux dont on s'est doté, au Québec. Le système de santé, tel qu'il a été construit, a été construit à partir de valeurs communes aux gens du Québec et du reste du Canada. Ces valeurs-là disent: On ne privatise pas. On mutualise les risques, on les prend en charge publiquement. Ici, ce que vous proposez, ce n'est pas la catastrophe, là. Il reste qu'on ouvre la porte. On dit: Les soins optométriques, on ne les paie plus, les soins dentaires, on ne les paie plus, excepté pour les questions de prévention. Tout ça est renvoyé à la poche des gens.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais... M. Renaud: Et vous dites...

M. Côté (Charlesbourg): ...c'est davantage des appréhensions que le glissement vers la privatisation parce que ce n'est pas ça que les chiffres nous donnent. D'ailleurs, il y a quand même certains autres phénomènes à l'étranger. Je comprends que l'exemple des États-Unis est là - et c'est peut-être le plus mauvais exemple - mais il y a d'autres exemples où il y a eu ce genre d'exercice qui n'ont pas mené au cataclysme appréhendé.

M. Contandriopoulos: II faut bien s'entendre sur ce qu'on veut dire par cataclysme. Ce qu'on est en train de dire... On lit le document et vous faites des recommandations. Les recomman^ dations que vous faites ont comme effet - et je pense que là, personne ne pourra ne pas l'observer - d'accroître encore modérément, mais d'accroître la tendance qu'on observe déjà depuis cinq ou six ans d'une part du financement privé qui augmente. Donc, on le voyait. Là, il y a des mesures qui vont dans ce sens-là. Dans le texte - c'est ça qui nous faisait peur - on dit: Ça va nous permettre plus tard d'avoir des principes qui nous permettront d'ouvrir encore plus.

Dans Le Devoir, hier - je ne sais pas si vous avez été bien cité - vous disiez: Si on fait une bonne fois pour toutes le débat, on n'aura pas, demain, besoin de le refaire. Je lis ça en me disant: Si on fait comme il faut le débat sur la possibilité et sur la nécessité d'introduire des mécanismes comme ('impôt-services ou comme la tarification dans le système de santé québécois, il n'y aura plus qu'à négocier le taux de l'impôt-services ou le taux de la tarification. Ce sont ces éléments-là qui nous font craindre un dérapage vers la privatisation.

M. Côté (Charlesbourg): Mais on doit... Il y en a d'autres vraies questions qu'il faut se poser et se les poser maintenant.

M. Contandriopoulos: O.K. Vous nous demandez: Qu'est-ce que vous savez de l'étranger à propos de la privatisation? On sait de l'étranger que ce qui se passe au Québec se passe aussi ailleurs, qu'il y a un très fort courant actuellement de désengagement de l'État dans certains pays mais, par ailleurs, que dans d'autres pays comme la France, où j'étais l'année dernière en année sabbatique, ils se posent des questions très sérieuses sur les tickets modérateurs, sur les formes de privatisation et actuellement ils pensent à l'enlever.

Le Président (M. Joly): excusez. si c'était possible d'avoir des réponses plus concises de façon à ce qu'on puisse vraiment aller dans le fond...

M. Contandriopoulos: On va essayer. Le Président (M. Joly): ...s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense que les vraies questions se posent puis c'est la place pour être capable d'en discuter. Non? On parle de désengagement de l'État et aussi dune crainte. En tout cas, à ce moment-ci, je ne partage pas cette crainte-là, surtout compte tenu du fait que le budget du ministère dans l'apport gouvernemental est de 31 % et que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'est accaparé 40 % de tous les budgets de développement du gouvernement. Donc, je pense que c'est des choses... Il faut quand même faire attention quand on le dit parce que le désengagement de l'État, il n'est pas si apparent que ça au niveau du gouvernement du Québec - ça va faire plaisir à mon ami Trudel - surtout que le gouvernement du Québec a pris aussi à sa charge le désengagement, lui réel, du gouvernement fédéral sur le plan financier. Ça, ça me paraît extrêmement important. Au-delà de ça, prendre les 40 % du développement... Ça me paraît gros de dire le gouvernement du Québec est dans une situation de désengagement.

Je veux arriver à mon point qui est celui de votre évaluation qui dit que c'est davantage une situation conjoncturelle que structurelle. Prenons les chiffres. Le rythme de croissance naturelle, au moment où on se parie, c'est

IPC + 4, 2 %. Ce qu'on dit dans le document, on veut tenter de ramener ça à IPC + 3 %. Il y a donc un premier 1, 2 % qu'il faut absolument récupérer si on veut se maintenir à IPC + 3 %. Celui-là, il représente 140 000 000 $ par année, additifs qu'il nous faut aller chercher comme mesure d'efficience et d'efficacité - premier problème. C'est du stock, merci, et on s'en rend compte. On n'a pas sauvé bien des piastres depuis deux jours sur le plan de l'efficience et de l'efficacité. Tous de beaux principes mais qui touchent toujours les autres, qui ne touchent jamais celui qui nous en parle. Premier élément.

Deuxième. À partir du moment où on est dans une croissance du coût des dépenses gouvernementales à IPC + 1 % et qu'on se dit qu'il y a IPC + 3 %, il y a une obligation financière minimum de 1 000 000 000 $ entre les deux. Ces 1 000 000 000 $, c'est 200 000 000 $ par année, donc additifs, sur cinq ans. À partir du moment où on aura réussi à ramener le IPC + 4, 2 % - ce qu'il est aujourd'hui - par de l'efficience et de l'efficacité à IPC + 3 %, qui, de plus en plus... Quand on progresse, je m'aperçois que c'est toute une commande à livrer. Il reste quand même un écart entre les deux et ce n'est pas conjoncturel, c'est structurel depuis de nombreuses années. C'est en bonne partie dû au transfert fédéral qu'on a récupéré, mais on n'est plus capable de le faire, là. Il me semble que la situation est plus structurelle que conjoncturelle, et là-dessus, j'aimerais vous entendre.

M. Contandriopoulos: Je pense qu'il ne faut pas non plus tirer ce mémoire plus loin qu'il ne va. Dans ce mémoire-ci, nous n'avons pas, consciemment et volontairement, fait un travail statistique sur les sources de données, c'est clair. On aura l'occasion - vous l'avez dit vous-même - d'en reparler dans la semaine. On va revenir un peu plus... Je pense que quand on parle de conjoncturel et de structurel, on peut faire de longues argumentations sur ce qu'on veut dire. Les chiffres que vous citez, si je comprends bien, sont les chiffres de la dernière ou des deux dernières années.

M. Côté (Charlesbourg): Les tendances, 4, 2 %.

M. Contandriopoulos: Si on part de plus loin dans le temps... Je ne veux pas faire l'argument. Ce qu'on reconnaît là-dedans, ce qu'on reconnaît avec vous, et on le dit, je pense, tout à fait clairement, c'est que les tendances du système de soins, tel qu'il est organisé aujourd'hui, sont les tendances qui poussent - et on le dit depuis plusieurs années - très fort à l'inflation. C'est clair que c'est un système qui a des forces de croissance extraordinairement vigoureuses et les moyens que l'on a de les contraindre sont extrêmement limités. On est d'accord avec ça. Ça, je le partage à 100 %. Toutes nos analyses le montrent. On l'a écrit, on l'a écrit dans plusieurs endroits, c'est clair.

La conviction qu'on a, c'est que pour arriver à sortir de cette solution-là, si c'est un problème structurel, cette dynamique de croissance du système, il faut y répondre par des réponses structurelles. Les réponses structurelles, ce sont des réformes en profondeur du système de santé. C'est un requestionnement - on en pariait tout à l'heure - des modes de paiement des professionnels. C'est un requestionnement des relations entre les établissements et des modes de paiement des établissements. C'est un requestionnement des relations entre les établissements et les professionnels dans différentes régions. Il est question fondamentalement de changer le système de santé, de faire une réforme en profondeur.

Ce que vous me répondez: On n'a pas fait une réforme en profondeur et, actuellement, on a du mal à contrôler. Je suis d'accord avec vous. On vous répond: II faut faire la réforme. (12 h 30)

M. Côté (Charlesbourg): Oui, sauf qu'on voit... D'ailleurs, je pense que votre voisin de gauche pourrait aussi nous en parier, compte tenu des échanges publics qu'il a eus avec un certain ordre établi, sur la difficulté de changer un certain nombre de choses. Je ne mets pas en doute d'aucune manière votre volonté de vouloir changer le système, vous aussi, et de prendre un virage que tout le monde souhaite, sauf que ce dont il faut faire prendre conscience à cette commission-ci, c'est que ce n'est pas une situation financière qui est conjoncturelle, elle est structurelle, et depuis de nombreuses années. Ce n'est pas uniquement par des mesures d'efficience et d'efficacité qui ont déjà leur lot difficile à livrer qu'on va régler le problème dans lequel on est actuellement.

C'est pour ça qu'effectivement il y a un certain nombre de propositions qui sont là-dedans et qui ne sont pas faciles. Le politicien, il aimerait mieux être dans la situation où il arrive avec son lot de 400 000 000 $ additionnels par année qui règlent le problème des centres d'accueil et d'hébergement, qui règlent le problème des pharmaciens et le problème des médecins, et ainsi de suite. Mais on n'est pas dans une situation où on est capables de le faire si on veut demeurer comme société, un Québec concurrentiel, indépendant ou pas, là. Indépendant ou pas, il va falloir être concurrentiel, premièrement. Deuxièmement, il faut faire en sorte aussi que les générations futures ne paient pas la note, et qu'on ne continue pas de pelleter dans leur cour, ce qu'on est en train de faire aujourd'hui, ce qu'on consomme, nous.

M. Contandriopoulos: On est d'accord avec ça. Il n'y a pas de problème avec ça.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Mais, évidem-

ment...

M. Renaud: Mais, ça se réforme un système. M. Côté (Charlesbourg): Pardon? M. Renaud: Ça se réforme un système. M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Renaud: Vous avez essayé... Vous avez des problèmes et on comprend tous.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Renaud: Mais il reste que... On a lu plusieurs des mémoires qui s'en viennent ici. Les gens vont vous donner exemple par-dessus exemple de contrôle des dépenses possible. Les leçons à travers le monde sont claires: II faut arriver à contrôler les dépenses, limiter le nombre de médecins, limiter le nombre aigu de lits. La Colombie-Britannique va même jusqu'à dire: 11 faut ramener ça à 2,75 %, etc. Il y a une série de micro-ajustements.

Mais le cas le plus frappant de l'existence de réforme possible, c'est le cas anglais. Vous y êtes allé, M. Côté, en préparant votre propre proposition de réforme et je ne sais pas si vous avez lu The Economist, la semaine dernière, qui disait: À la grande surprise de tout le monde, ça marche. La Grande-Bretagne, vous le savez, a régionalisé ses budgets, un peu comme nous, incluant le budget de la RAMQ, si on prend une comparaison avec ici. Ce que The Economist rapportait la semaine dernière... Il disait que les travaillistes étaient très contents parce qu'ils avaient le sentiment qu'ils gagneraient leurs prochaines élections parce que la réforme était pour se casser la gueule. Tout le monde se cache maintenant. Les médecins s'y opposaient et maintenant ils sont rendus en faveur. Qu'est-ce qui se passe? Les chiffres qui nous sont cités par l'économiste... Les listes d'attente ont diminué, les hôpitaux ont réussi à s'occuper de plus de patients qu'avant, les services sont humanisés. Il y a 48 % des Anglais qui disent être satisfaits. Il y a une série d'indicateurs. En d'autres mots, le cas anglais, et pourtant ça leur coûte vachement moins cher que nous... Eux ont réussi par la régionalisation à introduire des compétitions entre les régions, faisant en sorte qu'elles se sont émulées l'une l'autre et que, finalement, les dépenses ont été contrôlées.

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas...

M. Renaud: Moi, il me semble qu'au Québec il ne faut pas fermer la porte et dire: On n'y arrivera jamais. C'est sûr que... mais on va y arriver un jour.

M. Côté (Charlesbourg): Non, je ne la ferme pas, mais j'aimerais bien ça être capable d'y retourner en angleterre pour voir comment ils ont évolué aussi rapidement dans l'espace d'un an parce que, je vais vous dire une affaire, à part la région de cambridge, ça faisait dur. ça faisait dur un petit peu. je vais fouiller un petit peu plus.

M. Renaud: Mais, regardez The Economist, c'est très intéressant.

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître madame brièvement parce que le temps du ministre est...

M. Côté (Charlesbourg): C'est un virage.

Le Président (M. Joly): ...terminé et je ne voudrais quand même pas empiéter sur le temps du...

M. Côté (Charlesbourg): Je finis, M. le Président.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): II y avait un virage là-bas qui était spectaculaire, que j'ai adoré, sur le plan de la qualité totale des services - là, je ne veux pas imiter Gérald - y compris sur le plan universitaire. C'est assez intéressant à voir, et avec des principes de base, effectivement, qui sont loin d'être mauvais: vous devez avoir un abonnement à un médecin, un omni. L'allocation est davantage en fonction de la prévention que du curatif puisque le médecin qui a un maximum de 3000 citoyens abonnés qui lui rapportent un montant x a tout intérêt à aller dans la prévention que dans le curatif.

Évidemment, c'est un système qui a été l'objet d'une contestation absolument farouche de la part du corps médical. Mais, ce que j'ai compris et l'histoire nous le répète, au Québec comme ailleurs, c'est que d'opposition farouche on devient des défenseurs du statu quo par la suite quand il nous apporte un certain nombre de profits. On a encore du chemin à faire pour leur montrer que dans un système changé il y aurait des profits. Donc, on a du travail à faire. Évidemment, on continuera parce qu'il y a bien d'autres choses que je veux aborder et comme on aura à se revoir, j'ai l'impression que ça sera le même fil. Disons que la discussion n'est qu'entamée.

Le Président (M. Joly): Merci. Mme Corin.

Mme Corin (Ellen): je voulais juste ajouter le fait que quand on parle d'une réforme ou d'un contrôle de l'intérieur du système de santé on ne parle pas uniquement de contrainte externe. ce qui est indiqué dans le document également, c'est

l'importance et l'intérêt de favoriser un contrôle de la qualité des interventions et des soins de l'intérieur de la profession médicale. Il y a une série de mesures concrètes qui peuvent exister dans la ligne des contrôles des «small area research» et, donc, d'une comparaison où on donne aux associations de médecins également des outils pour contrôler eux-mêmes ce qu'ils font.

Maintenant, pour que cet aspect-là, je dirais, du contrôle du système de soins de l'intérieur puisse avoir lieu, ça demande un certain esprit, ça demande que tout le monde embarque dans un train de mesures qu'on estime nécessaires. Le message qui ressort de l'ensemble du document qui est ici, c'est que cet aspect-là est relativement mis en veilleuse et que l'accent est mis sur le fait d'aller chercher d'autres sources de financement. Je pense qu'il y a là quelque chose qui est potentiellement dangereux et qui risque de faire tourner les solutions envisagées d'un côté au détriment de l'autre côté.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Maintenant, compte tenu que nous avons dépassé notre heure, j'ai besoin de la permission des membres de cette commission pour déborder.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. S'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est extrêmement intéressant parce que je pense que vous nous aidez à donner de la perspective au débat sur le court terme, sur le moyen terme et sur le long terme, sur le virage que l'on doit prendre. Mais, au niveau de l'analyse, il y a quand même certains éléments - je pense qu'il faut le dire - assez remarquables parce que, écoutez, depuis maintenant une journée, il vient de s'ajouter - et ce matin, depuis une dizaine de minutes - quelque chose de nouveau dans le débat au niveau des chiffres. Et là, c'est majeur. Ce que le ministre vient de dire, c'est que le diagnostic financier de la page 101 est plus grave que ce que ça montre à la page 101. C'est-à-dire, le ministre a dit - et on va revenir là-dessus - premièrement sur la question: Le Québec fait-il son travail financier ou pas? Le ministre, grosso modo... Quant à nous, le Québec a raison depuis 12 à 15 ans. Il fait son devoir, son travail.

Dans la situation actuelle, dans le court terme, il y a 140 000 000 $ d'abord à compresser dans le système à chaque année pour en arriver à établir un niveau de dépenses à IPC + 3 %, puisqu'on est à IPC + 4,2 %. J'aurais peut-être dû lire le document quatre fois au lieu de trois. Sauf erreur, je ne l'ai pas lu dans le document, cet élément-là et c'est une information factuelle importante. C'est très important parce que l'ampleur de notre problème est encore beaucoup plus grande. Vous, vous l'illustrez à partir des données mêmes du document. C'est encore beaucoup plus grand que ce qu'on pourrait imaginer, et à cet effet-là - et c'est votre thèse - on ne peut pas penser que de simples mesures de rationalisation, d'efficience, d'efficacité vont nous amener à relever le défi du financement de la santé et des services sociaux quant au régime que nous avons actuellement. Elément un.

Elément deux. Quant à moi, ça aussi, ça m'apparaît majeur dans le débat que nous avons. C'est à la page 4 de votre document. Vous nous avez dit en commentaire: Quand les revenus du gouvernement du Québec augmentent moins vite que le PIB, et que les dépenses de santé, elles, augmentent de façon beaucoup plus rapide, c'est parce qu'il y en a un qui ne fait pas sa job. C'est uniquement cela. Vous le diagnostiquez bien et vous dites: Ça là, c'est comme caché. C'est l'expression que vous avez presque employée tantôt dans votre intervention première. On a de la misère à découvrir la vérité dans ce tableau-là parce que tout est un peu mêlé et intrigué dans ce tableau-là.

Ma question maintenant est la suivante. C'est à la page 7. Vous dites: Heureusement, heureusement, actuellement, la loi fédérale C-3 sur la santé des Canadiens protège la population du Québec. On a vu hier, là-dessus... Vous n'étiez pas ici et je vous le dis. Le ministre a reculé là-dessus, sur le 7 décembre 1990, et n'a plus l'intention de demander d'amender C-3. Est-ce qu'il va falloir, au Québec, se donner... Bien là, il va démentir... Est-ce qu'au Québec on doit se donner cette barrure au niveau de nos programmes en matière de santé et de services sociaux, et de l'universalité, de l'accessibilité et du financement universel de ces programmes?

M. Contandriopoulos: Je pense que la question, on peut y répondre. On dit clairement dans notre mémoire que le Québec, dans la mesure où il conteste la loi C-3, dans la mesure où la loi C-3 aura moins de dents dans les années qui viennent qu'elle n'en a actuellement et le Québec, indépendamment de l'option constitutionnelle que l'on peut avoir, devrait, dans le cadre d'une réforme de son système de santé, se donner des critères, des critères propres qui lui permettraient de discuter. Alors, par rapport à ses propres critères, qu'est-ce qui est service de base, qui n'est pas service de base... Ne pas essayer de s'enfarger, comme on l'a fait ce matin. Est-ce que les médicaments, ce n'est pas de base... Bon, ça n'a pas de sens.

Donc, ce qu'on dit, c'est que, si on veut discuter avec le fédéral d'une façon raisonnable, on serait beaucoup mieux placés si on avait nous-mêmes nos propres critères desquels on

pourrait être fiers et qu'on pourrait amener en disant: Voilà sur quoi est organisé notre système et ces critères-là sont aussi bons ou meilleurs que les vôtres, et puis c'est ceux-là qu'on travaille. Donc, ce qu'on dit, c'est que c'est un peu paradoxal que d'avoir à se protéger d'une lecture peut-être pessimiste du document qu'on voyait déraper vers la privatisation par des mesures d'une loi qu'on veut contester.

M. Trudel: Très bien. Ça va toujours de façon très rapide sur ce chapitre.

M. Contandriopoulos: M. le Président nous a dit d'aller vite.

M. Trudel: Je peux bien me réjouir 20 fois de ce que vous venez de dire, mais je me réjouis de ce que vous venez de dire. Bon, voilà! Il y a un autre mythe que votre document nous permet de détruire. Bon, on va être rendus à 12, parce que je l'ai entendu pas mal souvent depuis hier. Grosso modo, vous êtes d'accord, avec des réserves. C'est intéressant la réserve de danger sur le fonds de santé. On appelle ça communément, dans le langage, la caisse-santé.

M. Contandriopoulos: On n'est pas d'accord là-dedans. C'est clair.

M. Trudel: Vous dites, au début, que c'est une idée, mais c'est très dangereux...

M. Contandriopoulos: O. K. Donc, on n'est pas d'accord.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai compris qu'il n'était pas d'accord. J'ai compris que c'était le premier.

M. Trudel:... à cause surtout de l'intersectoriel. Beaucoup de groupes nous ont dit, depuis une journée et demie, que la caisse-santé et l'impôt-santé, c'était, grosso modo, une bonne idée.

M. Contandriopoulos: Ça dépend pour qui.

M. Trudel: II faut être capable de dire que l'impôt-santé, comme élément séparé de comptabilité, et la caisse-santé, ce n'est pas une mesure de financement, à moins que l'État prenne la décision d'augmenter cette partie de l'impôt. Alors, on est sur le débat du financement de la santé. L'illusion qui est en train de se dessiner, c'est que la création d'une caisse-santé et la création d'un impôt-santé distinct, ce serait un élément de solution de financement. C'est faux, ultra-faux. Vous, vous rajoutez pardessus cela: La création d'une caisse-santé peut nous amener à des difficultés assez grandes. Ça peut nous amener, au niveau de l'intersectoriel en particulier, à des problèmes assez graves. j'aimerais que vous rajoutiez un peu là-dessus sur le pourquoi du danger de la création de la caisse-santé, le mythe du financement étant détruit par ailleurs.

M. Renaud: Pour nous, le problème de la caisse-santé, c'est qu'au Québec, on est très bon dans les débats. On est très bon pour créer des structures, mais, à un moment donné, ça dérape. Premièrement, qu'est-ce qui nous dit que la caisse-santé ne deviendra pas une cagnotte pour docteurs? Qui nous dit qu'elle ne deviendra pas, comme le disait André-Pierre, dans des mots plus polis, un truc réservé à certains professionnels? Deuxièmement, pourquoi isolerait-on dans le budget des grands arbitrages de l'État, les fonds qui sont spécifiquement réservés aux soins? Pourquoi ne pas laisser à l'arbitrage général du gouvernement ce qui va aux soins de santé?

M. Trudel: II faut retenir, quant à moi, ce que vous affirmez et votre réponse. Il faut retenir ça dans notre mémoire pour tout le restant du débat. Ça me semble éminemment important. On est toujours pris avec des contraintes de temps. Mais c'est juste... En fermant votre mémoire, je disais: En conclusion, l'ICRA nous a dit, en particulier - parce qu'on l'a touché aussi ce matin avec les personnes âgées puis les médicaments: Oui, il y a moyen, à court terme, de faire des efforts assez vigoureux au niveau de l'efficacité, de l'efficience, de la rationalisation dans le système. Mais, par ailleurs, tout cela n'est pas fa solution à notre problème dit de financement. Une autre façon de dire les choses... Le ministre, lui, dit: Ce n'est pas conjoncturel, c'est structurel. Ce serait plus juste de dire: Notre problème n'est pas structurel, il est politique. Est-ce que c'est juste quand je tire ça comme conclusion?

M. Renaud: C'est quasiment par définition.

M. Trudel: Ah!

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, il va falloir définir la politique, là.

M. Contandriopoulos: Oui. Toute la politique alors.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Si je comprends votre réponse avec sa question, je ne suis pas sûr qu'en répondant oui c'est exactement à la question.

M. Trudel: Laissez faire les interprétations, je vais rester avec, moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Je vais m'occuper des interprétations.

Le Président (M. Joly): Alors, si vous voulez vous faire plaisir, M. le député...

M. Trudel: Vous déguisez ça en structurel, nous autres, on dira bien c'est quoi la structure.

M. Côté (Charlesbourg): II dit: On la connaît déjà parce qu'elle était très claire au début de votre exposé.

M. Trudel: Vous, vous appelez ça structurel, M. le ministre. Nous autres, on va définir c'est quoi le problème de la structure.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Nous autres, on va être constitutionnels.

M. Trudel: Merci de votre présentation. Moi, je pense que vous nous apportez des éléments au niveau de la réflexion qui sont extrêmement importants, puisque ce n'est pas un débat qui doit nous amener à des conclusions uniquement pour les quelques mois ou pour la période financière très courte à laquelle nous sommes confrontés, mais c'est vraiment pour le très long terme. Votre mémoire, vos réflexions sont extrêmement précieux à cet égard-là, quant à moi. Merci beaucoup, messieurs, madame.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, moi aussi, je veux les remercier. Je pense qu'on commence a rentrer dans un débat qui est plus philosophique, d'idées, que ce qu'on a connu jusqu'à maintenant. Même s'il y a des différences assez appréciables entre vos perceptions et les nôtres, je suis convaincu qu'au bout de la ligne on poursuit le même but. C'est ça qui est stimulant, qui va continuer de nous stimuler de part et d'autre d'ici vendredi matin, parce que ce sera notre prochaine rencontre. Ça va très certainement s'inscrire dans la continuité de la discussion qu'on a entamée et qu'on essaiera de finir vendredi matin. Merci beaucoup.

M. Contandriopoulos: Merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): Merci, madame, merci, messieurs. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures précises, si possible, et nous entendrons l'Association des hôpitaux du Québec. Merci. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise à 14 h 13)

Le Président (M. Joly): J'apprécierais si les personnes représentant l'Association des hôpitaux du Québec voulaient bien s'avancer, s'il vous plaît. Merci.

Alors, bienvenue à cette commission et merci d'être présents. Je vois que M. Favre est déjà en place avec son groupe. Alors, M. Favre, pouvez-vous nous introduire les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Association des hôpitaux du Québec

M. Favre (Henri): Je vous remercie, M. le Président. Je vous salue, ainsi que les membres de cette commission. Je vous remercie de nous avoir invités et donné l'occasion de participer à un débat que nous attendons depuis quelque temps. Nous y pensons, en tout cas, depuis deux ans. Je remercie le ministre Côté de l'initiative qu'il a prise de faire ce débat de société et je pense qu'il s'impose. Il faut toutefois constater que nous nous limitons, dans ce débat, à la santé et aux services sociaux, et que nous avons des problèmes qui, probablement, sont des problèmes de société dans son ensemble. Donc, ce sera sous-jacent à nos interventions: nous nous limitons à un aspect de la question, mais nous pensons à un problème qui est plus vaste.

La présentation de la table: à ma gauche, j'ai le deuxième vice-président, M. Marcel Gagnon, qui est le président de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme; à ma droite, M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif de l'Association; M. Léan-dre Nadeau qui est le vice-président aux affaires administratives. M. Jean-Marie Lance faisait partie de notre petite délégation, mais il se trouve une rangée derrière.

Le Président (M. Joly): Je vous rappelle que vous avez environ 30 minutes pour nous lire votre mémoire et que, par après, nous échangerons avec vous.

M. Favre: C'est ça. Nous représentons 200 hôpitaux. Nous représentons, en plus, 30 associations du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous représentons, en fait, ou nous utilisons 53 % du budget global de ce ministère. Nous venons dialoguer par rapport à ce que le ministre apporte comme enjeu. D'ici cinq ans, il y aura un manque à pourvoir de 1 000 000 000 $, peut-être de 2 000 000 000 $, et nous nous interrogeons à savoir si ces chiffres sont récurrents, s'ils sont cumulatifs. Si on est dans une impasse, dans le fond, quelle est l'origine de cette impasse? Le désengagement du gouvernement fédéral? Mais, nous pouvons nous interroger sur un désengagement possible du gouvernement provincial, sur des modifications en profondeur qui seraient apportées à notre régime de santé et de services sociaux

Le document du ministère fait part de nombreuses solutions qui vont de réductions de services à des améliorations dans l'allocation des ressources, dans l'efficience. Il faudrait réviser le panier des services assurés. Il y a également une discussion à faire sur les sources de financement. Accroître le déficit, compressions dans d'autres secteurs gouvernementaux, accroître le fardeau fiscal, impôt-services, contributions directes: nous avons examiné toutes ces questions-là et nous sommes prêts à engager le dialogue sur chacune d'elles en y apportant des solutions. Nous constatons toutefois que la question des services qui sont non essentiels représente une très faible partie de la somme qui est en jeu, et nous n'avons pas l'impression que les solutions qui sont proposées dans le mémoire ministériel à ce sujet sont vraiment à la mesure de la situation.

Ce que je veux affirmer, avant de donner la parole à M. Jacques Nadeau, qui parlera de situations très précises et de solutions, c'est que l'Association des hôpitaux du Québec est en faveur du maintien du régime actuel et de ses caractéristiques essentielles: l'accessibilité, le financement public, une couverture large de services pour le maintien et l'amélioration de la condition physique, psychique et sociale des individus.

Nous pensons qu'il est possible de maintenir le régime actuel, II y faudra certains ajustements. Il convient de le rendre plus dynamique. Il conviendra de mieux cibler nos interventions, à l'avenir, et d'en calculer les coûts, de façon à ce que l'on puisse continuer à assurer l'accessibilité avec des coûts qui sont compatibles avec la capacité de payer des contribuables et des usagers. Avec votre permission, M. le Président, je donne la parole à M. Jacques Nadeau.

Le Président (M. Joly): M. Nadeau, s'il vous plaît.

M. Nadeau (Jacques A.): m. le président, membres de la commission. au départ, je pense qu'il est bien important de comprendre l'impasse financière. le problème, chiffré entre 1 000 000 000 $ et 2 000 000 000 $, ce n'est pas un problème de liquidités. ce n'est pas un problème passager, mais c'est un problème structurel. à chaque année, un montant vient s'ajouter à l'impasse et, pourtant, dieu sait si le québec contrôle bien ses dépenses de santé! il provient de la baisse des transferts fédéraux - 1 000 000 000 $ la cinquième année - et il provient d'une croissance économique trop lente.

Pour illustrer, les dépenses de santé croissent à IPC + 3 % ou 3,5 %, alors que les recettes du gouvernement croissent à IPC + 2 % à cause de la baisse des transferts fédéraux. À chaque année, environ 200 000 000 $ s'ajoutent. C'est donc dramatique. Je pense qu'on est ici, aujourd'hui, pour essayer de trouver ensemble un certain nombre de solutions qui vont rapporter des choses rapidement, pas dans 10 ans, pas dans 5 ans, le plus rapidement possible.

L'AHQ a analysé trois sortes de solutions, certaines qu'il faut écarter, certaines qu'il faut analyser et documenter, et certaines qu'il faut privilégier tout de suite. Regardons-les. D'abord, les solutions qu'il faut écarter. Le gouvernement pourrait accroître le fardeau fiscal des Québécois, mais je pense qu'en vertu de la compétitivité du Québec, étant donné la mondialisation des marchés, c'est quelque chose qu'il faut rejeter. Le gouvernement pourrait accroître le déficit, mais je pense qu'en vertu du principe d'équité pour les générations futures, il faut aussi rejeter cette solution.

Regardons maintenant des solutions qu'il faut analyser. Il ne faut pas écarter certaines options dont les décisions devraient être précédées d'analyses, d'études sérieuses. Réduction, par exemple, du niveau des dépenses. Est-ce souhaitable et possible de réduire les dépenses de santé? Est-ce si vrai que nos dépenses de santé sont un peu plus élevées que notre richesse nous le permet? On le sait, et on sait pourquoi aussi. On a des normes canadiennes, et quand on est plus pauvre, ça nous coûte plus cher pour respecter les normes canadiennes. On a un contexte de consommation qui est nord-américain. On n'est pas en Hollande, on n'est pas en Suède; on est au Canada, puis on est à côté des États-Unis. On a un taux d'institutionnalisation qui est plus élevé, qui est aux alentours de 7 %, alors que, ailleurs, ça frise les 5 %. On a des réseaux spécifiques, celui des DSC, celui des CLSC, qui n'existent pas ailleurs. Si on voulait réduire les dépenses qu'on consacre à la santé, comment on ferait ça? On couperait des salaires? On fermerait des postes? On fermerait des lits? On réduirait les services? Ce que le réseau hospitalier offre, ce sont des services de base médicalement requis. Si on réduisait les montants qui y sont consacrés, ça aurait des conséquences dramatiques sur l'accessibilité, et on le sait.

Une autre voie qu'il faut étudier, c'est celle de la réduction de l'utilisation abusive des services. Certains disent que des citoyens abusent des services. Je pense que ça peut être vrai du côté des médicaments, et ça, ce n'est pas nécessairement la faute des citoyens; il y a lieu de regarder ça. Mais je ne pense pas qu'en général il soit prouvé que les citoyens abusent du système de santé. Si on veut prendre des mesures dans ce sens-là, il faudrait mieux documenter ce qu'on pourrait appeler des abus.

Troisième voie de solution analysée: la question de l'amélioration dans l'allocation des ressources. Le ministre propose une meilleure allocation entre les différentes régions et entre les établissements. À cet effet, et c'est heureux, il a créé un comité tripartite: ministère, CRSSS, AHQ. Ça, c'est un exemple où on se donne les

moyens d'analyser un problème. La solution, elle risque d'être beaucoup plus réaliste et beaucoup plus crédible parce qu'on l'analyse avant de l'implanter.

Plusieurs parlent d'allocations entre les secteurs. Nous, on vous dit que toute allocation doit répondre aux besoins et préférences des consommateurs en privilégiant les moyens les plus efficaces, c'est-à-dire des études avantages-coûts. Vous savez, il n'y a pas beaucoup d'études sur les préférences des consommateurs. Il n'y a pas beaucoup d'études, non plus, sur l'efficience et l'efficacité. Pourtant, ce sont des bases sur lesquelles on devrait prendre nos décisions. Quand on n'a pas beaucoup d'études, on s'en remet souvent à des comparaisons. Regardons certains cas. Par exemple, le taux d'institutionnalisation. On sait qu'on a un taux d'institutionnalisation plus élevé. On a investi plus dans le béton que certaines autres sociétés, et ça nous a peut-être enlevé les moyens de développer des alternatives à ne pas favoriser l'autonomie des personnes comme, par exemple, un peu plus de centres de jour, d'hôpitaux de jour pour les personnes âgées, la physiothérapie, l'ergothérapie, la gériatrie active et le maintien à domicile.

Un autre exemple, c'est la courte durée physique. On a un taux d'hospitalisation en Ontario qui est de 24 % plus élevé qu'au Québec. Québec a un des taux les plus bas de lits dédiés à la courte durée, même si l'Ontario a beaucoup avancé au niveau de la chirurgie d'un jour, beaucoup plus avancé que le Québec - on en repariera, d'ailleurs, tantôt.

Au niveau des services médicaux de première ligne, je pense qu'on peut dire - tout le monde le reconnaît - que le Québec a un réseau très bien doté de première ligne. Je pense qu'il faudrait faire attention, avant d'agrandir cette première ligne-là, de dupliquer, d'ajouter des ressources humaines et de l'équipement. Il faut rentabiliser les équipements qu'on a ailleurs et, si on doit le faire, il faut le faire cas par cas, en tenant compte du coût-bénéfice. Si c'est plus avantageux de le faire, faisons-le. Si ce n'est pas avantageux de le faire, je ne vois pas pourquoi on le ferait.

Toute la question de la prévention. Certains disent que des investissements additionnels pourraient sauver des millions. Ce qu'il faut se demander, c'est dans quelle mesure ces investissements permettraient de solutionner l'impasse. C'est sûr que c'est important d'investir dans la prévention, c'est évident. Mais il faut reconnaître que, comme société, on a fait des grands pas au Québec dans ce domaine-là. Qu'on regarde ce qui s'est passé et ce qui se passe au niveau de la consommation du tabac, de la diminution des accidents de la route avec Opération Nez rouge, des pénalités plus importantes, de la diminution de la gravité des blessures avec la ceinture et avec le coussin gonflable qui s'en vient, de l'activité physique - il y a beaucoup plus de gens qui font de l'activité physique qu'il n'y en a jamais eu - de la taxation sur les produits néfastes. Donc, en ce qui concerne l'allocation des ressources, la prudence est de mise puisqu'on manque d'information. Il y a une expérience qui est connue, et de laquelle on devrait s'inspirer, c'est celle de l'Orégon qui s'est donné une méthodologie et une organisation pour prioriser les services et procéder aux allocations. Si vous voulez qu'on vous en parle, on vous parlera tout à l'heure de ce qui s'est passé en Oregon, et de ce qui est en train de se passer.

Regardons enfin les solutions qu'il faut privilégier tout de suite. D'abord, la première: l'amélioration de l'efficience, voie qui permettra des bénéfices à moyen et à long terme. Il s'agit de faire mieux avec les mêmes ressources. Il faut dynamiser le système, créer des incitatifs, favoriser la créativité et l'innovation. Moi, je peux vous dire que les producteurs sont prêts à relever ces défis-là. Ils l'ont fait et ils sont prêts à faire un pas de plus dans le processus des soins.

Regardons un élément: l'alternative à l'hospitalisation. Pensons d'abord à la chirurgie de jour. Dans le cadre du projet OPTIMAH, auquel participent six centres hospitaliers et le ministère, nous sommes en train d'identifier le potentiel de développement de la chirurgie de jour et de la médecine de jour. La chirurgie de jour: on estime qu'entre 22 000 et 65 000 interventions pourraient être réalisées en chirurgie de jour, ce qui permettrait de libérer entre 500 et 1500 lits. Aux État-Unis, 50 % des activités chirurgicales se font de jour; en Colombie-Britannique, 44 %; et, au Québec, moins de 30 %. Sur une période de trois ou quatre ans, nous pensons qu'il y aurait moyen d'aller chercher le potentiel.

La médecine de jour. Selon une démarche qui a été entreprise dans un centre hospitalier, il y a trois groupes de patients qui pourraient bénéficier de la médecine de jour: les examens et diagnostics tels que les artériographies, myélographies et bronchoscopies, d'autres comme l'initiation et le dosage d'anticoagulothérapie - ce sont des expression savantes - le traitement pour le diabète et l'asthme. Il y a un potentiel qui n'est pas évalué, à l'heure actuelle, mais l'expérience qui est vécue dans ce centre hospitalier nous démontre qu'il y a aussi, au niveau de la médecine de jour, un potentiel intéressant. (14 h 30) l'autotraitement à domicile. parlons d'anti-biothérapie intraveineuse, de dialyse péritonéaie et d'hémodialyse. l'hôpital à domicile. il y a des choses à faire au niveau de l'hôpital à domicile qui pourraient nous empêcher d'investir dans le béton et dans les lits par la suite.

Parlons du projet RUM que nous travaillons en collaboration avec le ministère et les établis-

sements, et qui est la revue de l'utilisation des médicaments. Nous sommes en train de développer, dans notre réseau, une approche pour utiliser un médicament de la manière la plus efficiente possible. La meilleure utilisation possible pour un médicament, là, nous pensons qu'il y a des sommes importantes à sauver du côté des médicaments.

Parlons de l'allégement de la réglementation et de la bureaucratie comme deuxième solution à appliquer le plus rapidement possible. Regardons nos conventions collectives, nos bibles. Je pense qu'on se doit de convaincre nos partenaires syndicaux qu'il faut véritablement décentraliser l'organisation du travail, et de faire en sorte qu'on puisse adapter à nos particularités propres les conditions de travail en tout ce qui regarde l'organisation du travail. Je peux vous dire qu'il y a des sommes - on ne peut pas évaluer ça - importantes à sauver sur le plan financier et également sur le plan humain. Toute la question d'alléger la réglementation. Je pense que le ministère doit définir les objectifs en accord avec les CRSSS, les programmes, les enveloppes, mais il doit laisser aux établissements le choix des moyens, la marge de manoeuvre. Par exemple, dans le cadre des projets autofinancés, pour en citer quelques exemples, où on le fait sur une période de cinq ans. Mais, souvent ces projets-là sont dépréciés sur une période de dix ans. Est-ce qu'on ne pourrait pas élargir la marge qui nous permettrait d'en faire un peu plus?

Le maintien d'actifs. Combien c'est long pour aller chercher un projet pour, finalement, faire une réparation importante! Les directives. D'ailleurs, M. le ministre, vous nous aviez dit à notre congrès - je sais que vous allez le respecter - que, peu après l'adoption de la loi 120, on s'assoira ensemble et on les regardera, ces directives-là. L'objectif sera d'alléger les directives et de donner plus de marge de manoeuvre aux établissements.

Le cloisonnement des missions, tel qu'il est prévu dans la loi 120. Il faut que ce soit appliqué avec souplesse pour que ça ne soit pas un obstacle aux services. Je vais vous donner des exemples qui pourraient se produire et que le cloisonnement des missions empêcherait de faire. Par exemple, vous avez dans un établissement un débordement à l'urgence et vous aimeriez retourner plus rapidement des personnes à la maison, mais ça vous prendrait quelqu'un pour s'en occuper. Si vous allez vous adresser à d'autres ressources, avant d'avoir la réponse, ça peut prendre du temps. Si vous pouvez affecter immédiatement deux infirmières, vous allez retourner des patients chez eux. Vous allez les surveiller, ils vont être là plus rapidement, vous allez désengorger votre urgence, et ça va vous permettre de fonctionner. Mais, dans le cadre des missions très rigides qu'on a, je ne suis pas sûr que ça pourrait se faire, de sorte que la souplesse dans l'application des missions rigides nous paraît extrêmement importante.

Les régies régionales. Je pense que dans le contexte de l'impasse qui est appréhendée - M. le ministre, vous l'avez répété, et je vous le redis, encore, moi aussi - il serait tout à fait inapproprié d'investir de l'argent neuf dans des structures administratives. Dans les ressources qui sont actuellement au niveau des CRSSS et les ressources qui sont au ministère, il doit y avoir moyen de faire en sorte qu'on puisse avoir les ressources qu'il faut pour équiper les régies. Dans ce sens-là, si on en a un peu moins, on va peut-être éviter la duplication, et ça sera heureux.

Les achats de groupe. M. le ministre, il y a un potentiel important. Je peux vous dire que nous allons collaborer énormément au niveau des achats de groupe. Cependant, n'oubliez pas une dimension: la dimension incitative. Il faut que ce soit incitatif. Il faut que ce soient les établissements qui s'en occupent et les établissements qui reçoivent, sinon la totalité, une partie importante des incitatifs.

Pour dynamiser le système, M. le ministre, on va vous proposer trois projets pilotes. Le premier, c'est un forfaitaire qui serait versé directement à l'usager sur la base de plans de services individualisés. Par exemple, les services à domicile; par exemple, les handicapés. Le deuxième projet, c'est le financement de services médicaux de première ligne à l'échelle d'une région, sur la base d'un per capita pondéré. Plusieurs OSIS dans la région seraient alors en compétition. Expérience de complémentarité à l'échelle d'une MRC. Il y a des établissements qui sont prêts à faire en sorte que si vous leur donnez le budget à eux... Ils sont un certain nombre d'établissements et eux ont à se le répartir entre eux. Je pense qu'ils sont capables, en termes de complémentarité, de mieux travailler et de faire mieux. Je pense que ça vaut la peine de l'essayer.

Il y a une troisième solution qu'il faut regarder, M. le Président, c'est des mécanismes de financement plus incitatifs. C'est un outil pour dynamiser et atteindre les objectifs. C'est important que les budgets des établissements soient ajustés partiellement en tenant compte de la complexité, c'est-à-dire la base des DRG, et on est en train de travailler un projet dans ce sens-là. Ça n'a pas de sens qu'en 1992, on ait une base budgétaire qui soit, dans une large mesure, historique. Il faut vraiment que ça tienne compte de la complexité des cas traités. On est en train de se donner les outils pour le faire et c'est important.

Le financement prospectif de la première ligne, je vous en parlais tantôt. Une formule d'amortissement. Il me semble que ce serait possible de laisser aux établissements la possibilité de prendre un pourcentage, si minime soit-il.de leur budget et de se créer un fonds d'amortissement. À ce moment-là, quand ils

auront des problèmes de maintien des actifs, ils pourront piger là sans être obligés de demander à Pierre, Jean, Jacques et de faire le tour de tout l'appareil pour se faire répondre six mois après. Je pense que ça serait extrêmement intéressant et extrêmement dynamisant.

Fonds d'encouragement à l'innovation. Il y a quelqu'un qui a déjà mis ça sur la table, un fonds d'encouragement à l'innovation. Pourquoi pas? La modulation de la tarification des actes médicaux. Si on veut favoriser la médecine de jour, si on veut favoriser la chirurgie d'un jour, est-ce qu'on ne pourrait pas faire une modulation de la tarification en conséquence? Je pense qu'on pourrait atteindre l'objectif.

Quatrième voie de solution qu'il faut regarder immédiatement, M. le ministre, c'est la question de l'évaluation des services assurés. C'est une voie essentielle pour prioriser les services. Ça nous apparaît incontournable pour l'allocation des ressources. L'expérience de l'Orégon peut nous servir et ils estiment, eux autres, qu'ils vont sauver 20 % du coût de leurs programmes. On pourra vous en parler tantôt si ça vous intéresse.

Le Conseil des technologies a déjà montré son utilité. Juste dans deux projets, les opacifiants et toute la question qu'ils viennent de nous annoncer sur les radiographies pulmonaires, il y a 20 000 000 $ là-dedans. Est-ce qu'on doit créer un nouveau conseil, élargir le mandat du Conseil des technologies ou inclure le Conseil des technologies dans un autre conseil qui aurait un mandat plus vaste? Le moyen est moins important. Ce qui est important, c'est l'objectif. Ça, c'est absolument essentiel, l'évaluation des services assurés.

Cinquièmement, la source complémentaire de financement. M. le ministre, vous avez parlé dans votre document, de créer un fonds général. Je pense que c'est bon. Je pense que ça va rendre plus transparent l'ensemble des montants qui sont consacrés à la santé. Mais, entre nous, qui sait, par exemple, le montant total qui est consacré à la RAMQ? Qui sait ça, à part nous autres qui sommes très intéressés? Qui, dans la population, va savoir le montant total qui est consacré à la santé, qui est affecté à ce fonds-là? Je pense que c'est important d'avoir une transparence au niveau global, nul doute. Mais nous ne pensons pas que ça va influencer la dynamique des dépenses de la santé. Nous pensons qu'il est essentiel d'établir un lien transparent entre la consommation individuelle et le financement individuel. Ça, ça risque d'influencer le comportement du consommateur et du producteur. Tout ça, sans aucunement - c'est absolument essentiel - brimer l'accessibilité au citoyen.

On peut envisager l'impôt-services avec plafond. On peut envisager des contributions modestes. Nous en avons largement discuté sur la place publique. Je peux vous dire que, quant à nous, nos membres favorisent l'impôt-services parce que ça tient compte plus facilement de la capacité de payer des individus, et on ne peut pas dire que c'est un fardeau fiscal additionnel. Un agent économique qui viendrait s'installer au Québec ne dirait pas, parce qu'il peut être appelé à payer un montant additionnel sur son impôt s'il consomme des services de santé, que le fardeau fiscal est augmenté. Il aurait à peu près la même impression que s'il donnait 10 $ chez le dentiste. On n'a pas l'impression que, parce qu'on donne 10 $ quand on va se faire soigner chez un dentiste, on vient d'augmenter notre fardeau fiscal.

Voilà, M. le Président, les réflexions de l'Association des hôpitaux du Québec à cette commission. Je m'en voudrais, en terminant, de ne pas souligner le caractère odieux de la démarche unilatérale du gouvernement fédéral. Ou il révise ses transferts au chapitre des programmes de santé - on sait tous qu'il n'a pas les moyens - ou il donne aux provinces les moyens de maintenir pour leurs citoyens un système de santé et de services sociaux de qualité. Le refus de poser un tel geste serait irresponsable de sa part. M. le Président, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Joly): Merci, messieurs. M. le ministre, à vous la parole.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Tous les mémoires que nous entendons devant cette commission sont, très certainement, des mémoires très importants. Un certain nombre de ceux que nous avons entendus jusqu'à maintenant pèche par convoitise, et, règle générale - vous avez dit vous-mêmes que 53% des budgets étaient dans votre secteur - il est bien évident que tout le monde trouve vos budgets assez gros, merci, à la santé, et très peu importants, merci, au niveau du social. Donc, on prendra le temps de faire le tour de la question.

Mes premières constatations au niveau du mémoire. Il est substantiel, il y a des efforts de réflexion très importants, et ce n'est pas nouveau, d'ailleurs, je pense, de tenter de trouver des pistes de solution. Sur les constats, }e pense qu'on y est, ou à quelques variantes près. On parle beaucoup d'efficience et d'efficacité. Si ma mémoire est fidèle - vous l'avez évoqué tantôt - sur le plan du normatif, il y a, semble-t-il, un bon bout de chemin à faire. Lorsqu'on parle de bout de chemin à faire, oublions les salaires, 11 y a déjà des efforts qui ont été faits à ce niveau-là. mais, sur le normatif, il n'est pas évident qu'il n'y aurait pas avantage à ce que le niveau local - vous le dites très bien, c'est une idée que je partage - ait plus de pouvoirs. mais ça va à rencontre des systèmes organisés, tant gouvernemental que syndical, d'un pouvoir central fort par rapport à un pouvoir local. donc, on délaisse toujours un bras; est-ce que

c'est deux bras et deux jambes qu'on délaisse au niveau local? Je pense que ça, c'est une discussion qui était bien amorcée, et qui, dans les prochaines rondes de négociations, va faire l'objet de discussions très très serrées.

Je voudrais peut-être en arriver à des points plus spécifiques au niveau du normatif. Deux exemples en particulier: santé et sécurité au travail. Pas seulement pour votre secteur, mais globalement, pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est plus ou moins 150 000 000 $ par année. Dans le cas de l'as-surance-salaire, c'est 350 000 000 $ par année. Ça fait quand même partie du normatif. C'est un normatif assez lourd, merci, parce que, si on additionne les deux, ça fait 500 000 000 $. Je pourrais citer l'exemple de Verdun. Je vois M. Levine, ça me rappelle qu'il y a eu des efforts de faits au niveau de la santé et de la sécurité au travail là-bas, qui se sont résumés à des économies de plus ou moins 800 000 $. Je ne sais pas si mon chiffre est toujours bon, mais ça m'avait frappé, l'initiative d'une administration qui décide de prendre le taureau par les cornes, qui interpelle, et qui, dans une seule année, sauve 800 000 $. C'est quand même considérable pour un établissement.

Est-ce qu'il n'y a pas là du travail à faire? Évidemment, les règles syndicales sont là, les normes sont là, mais est-ce qu'il n'y a pas, dans ce panier de 500 000 000 $, des efforts additionnels à faire? Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour améliorer cette situation-là? (14 h 45)

M. Nadeau (Léandre): Alors, M. le Président. Oui, M. le ministre, je pense que, effectivement, pour la santé et la sécurité au travail, il y a des efforts importants qui peuvent être faits. Vous savez, comme nous, que le réseau a été pris par surprise avec la nouvelle tarification de la CSST en janvier 1990, qui a bouleversé les équilibres budgétaires des établissements de santé et de services sociaux comme les entreprises privées et qu'il y a, effectivement, une prise de conscience à ce niveau-là qui est...

M. Côté (Charlesbourg): Ça n'a pas nécessairement réglé le déficit de la CSST non plus.

M. Nadeau (Léandre): Ça ne l'a pas réglé, comme vous avez pu le constater, au contraire. Paraît-il qu'on s'acheminerait là aussi vers un déficit, une impasse de 1 000 000 000 $. On les accumule. Comme vous le savez, en ce qui concerne le secteur santé et services sociaux, je voudrais quand même vous préciser que le nombre d'accidents en santé et sécurité au travail n'a pas augmenté depuis quatre, cinq ans. C'est la tarification de la CSST qui a augmenté considérablement depuis quatre, cinq ans. Si vous comparez le nombre d'accidents et tout ça, au contraire, il y a eu une diminution au cours des dernières années du nombre d'accidents du travail.

Cela étant dit, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'améliorations importantes qui peuvent être faites et qui peuvent être apportées. Nous avions proposé justement au gouvernement de créer un régime rétrospectif collectif dans le secteur hospitalier justement pour être en mesure de mieux appuyer nos établissements dans les efforts en santé et sécurité au travail. Vous avez donné l'exemple de Verdun, c'est tout à fait vrai. Vous avez là un D.G. qui en a fait son dossier principal au cours de la dernière année et qui a eu des résultats excellents. Il y a d'autres hôpitaux, il y a au moins 20, 25 hôpitaux qui ont fait des progrès très importants en santé et sécurité du travail en 1990 et 1991. Ça ne se voit pas dans les chiffres pour la bonne raison que la tarification de la CSST augmente très rapidement et les méthodes de calcul, au provisoire comme on appelle, ont pour effet de créer des déficits artificiels. Cela étant dit, M. le ministre, vous avez tout à fait raison. On en a fait une priorité. La plupart des hôpitaux en font une priorité également de la santé et de la sécurité au travail puis, il y a le volet de l'assurance-salaire qui est relié à ça. Quand on prend des mauvaises habitudes, si vous voulez, qu'il y a un laisser-aller en santé et sécurité au travail, ça se répercute également en assurance-salaire. Donc, il y a des possibilités de gain là, des possibilités d'amélioration.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand on calcule les deux 500 000 000 $, si on avait un objectif demain matin d'en sauver 10 %, c'est 50 000 000 $. Si on sauve 20 %, c'est 100 000 000 $. Ça commence à être des chiffres assez appréciables, merci. Dieu sait que certains sont après faire la démonstration que dans la santé et la sécurité au travail, effectivement, on était dans des situations d'abus, carrément et clairement et que, avec une poigne assez serrée, on peut être capable de rétablir des choses sans créer de préjudice à personne. Il y a donc là, je pense, sur le plan de l'efficience et de l'efficacité, des éléments assez intéressants auxquels il faudrait s'attarder pour travailler ensemble, avec la collaboration du monde syndical qui a démontré une ouverture à ce niveau-là au cours des dernières années, et tenter de corriger... Puis, il faut, je pense, prendre la porte à ce moment, prendre la poignée de la porte, puis l'entrouvir.

M. Nadeau (Léandre): Si vous me permettez, M. le ministre...

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Nadeau (Léandre): ...j'aimerais peut-être ajouter une petite chose là-dessus. il y a un relâchement quand même dans les indications qui ont été données par la csst au niveau du

contrôle des accidents du travail. Quand un établissement de santé, pour économiser des sommes, prend une accidentée du travail, l'affecte à une autre tâche qui n'est pas incompatible avec son accident du travail, et qu'il y a des appels qui sont faits à l'accidentée pour lui dire: Tu n'es pas obligée d'accepter, il y a comme des problèmes là. Dans l'entreprise privée - tout le monde va vous le dire - depuis un an, un an et demi, il y a un relâchement dans les orientations et la direction qu'il faut prendre dans ce domaine-là.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand on parle de relâchement, on voit comment ça se traduit aussi en piastres et cents sur le plan du déficit.

M. Nadeau (Léandre): Voilà!

M. Côté (Charlesbourg): Donc, je pense qu'il y a des messages qui doivent se rendre aux bonnes places. Comptez sur moi pour les passer sur le plan gouvernemental.

Deuxième petite question. J'en ai des vicieuses à travers, j'aime autant le dire tout de suite. Je ne veux pas que personne soit surpris ou m'impute des motifs autres que l'unique vérité des faits et tenter de faire progresser nos échanges et notre discussion. Vous nous dites à plusieurs reprises, à l'intérieur du mémoire, présenté de manière assez éloquente par M. Nadeau: Laissez libre cours, laissez de la place à l'initiative, à la créativité. Vous allez voir tout ce que c'est qu'on est capables de faire. Ça me tenterait de vous dire que vous avez tout ça aujourd'hui, puis c'est un budget global fermé. Qu'est-ce qui fait que, au-delà des directives - je ne voudrais pas qu'on s'enfarge dans...

M. Nadeau (Jacques A.): Au-delà de l'essentiel.

M. Côté (Charlesbourg): ...tout ça, mais ça ne doit pas être la seule raison... Dans la santé et la sécurité au travail - prenons cet exemple-là - il y avait des directives, il y avait des lois, il y a toutes les contraintes, mais il y a quand même du travail qui s'est fait. Qu'est-ce qui nous empêche de le faire à ce moment-ci, de façon à ce qu'on voit clair pour tenter de vous aider aussi à ce niveau-là? On est dans le même bateau.

M. Nadeau (Jacques A.): Ce qu'on vous dit là-dessus... Si vous nous dites: Faites abstraction de toutes les directives qu'on vous donne, je pense que vous venez de donner une indication où on va avoir des marges de manoeuvre extrêmement intéressantes. C'est justement ça, c'est justement les directives qui font que c'est long, c'est lent. Il y a des procédures, il y a tout un système. Je sais que ça vous fait sourire parce que vous le savez très bien, ce qu'on voulait dire, on a eu l'occasion d'échanger ensemble. Je pense qu'il y a moyen de mettre de l'assouplissement dans un bon nombre de directives pour que les gestionnaires, au niveau local, ne soient pas toujours obligés d'aller à gauche et à droite pour demander s'ils peuvent faire ci, pour demander s'ils peuvent faire ça. Je sais que vous allez me dire tout de suite: Oui, mais il y en a qui en abusent de ce pouvoir-là. Bien oui, c'est vrai. Il y a toute sorte de monde qui abusent de toutes sortes de pouvoirs, mais il ne faut pas pénaliser l'ensemble des gens qui sont de bonne foi et qui veulent bien faire parce qu'il y a quelques individus qui abusent. Je pense que c'est une philosophie qui est à la base. C'est un peu une relation de confiance entre le ministre, les organismes régionaux et puis les établissements. Laissons, ne soyons pas obligés de toujours demander, d'avoir l'autorisation de ci ou ça laissons de la place pour travailler. Puis, je pense que ça va améliorer la situation.

M. Côté (Charlesbourg): Mais il en manque un, là-dedans. Vous dites le ministre, les régies régionales et puis les établissements.

M. Nadeau (Jacques A.): Oui.

M. Côté (Charlesbourg): II ne faudrait pas imputer au ministre tous les malheurs de la terre.

M. Nadeau (Jacques A.): Non, mais c'est parce qu'il est encore là, le ministre.

M. Côté (Charlesbourg)-, il dit. m a te ministre, il y le ministère, il y a les régies régionales, puis il y a les établissements. donc, c'est un tout.

M. Nadeau (Jacques A.): Oui, oui, c'est un tout.

M. Côté (Charlesbourg): Mais, vous pensez et vous m'affirmez, de votre fauteuil, devant un micro, que c'est uniquement des directives bien achalantes, bien tatillonnes qui empêchent ou qui tuent l'initiative, la créativité, et que si on faisait un bon ménage là-dedans...

M. Nadeau (Jacques A.): On ne vous dit pas que ça la tue complètement. La preuve, c'est qu'on vient de parler de projets extrêmement intéressants d'individus qui en ont de la créativité, qui en ont de l'imagination, et qui réussissent à faire quelque chose. Nous, on vous dit: Faites donc en sorte que l'ensemble de ces directives-là soient allégé. Il me semble que c'est la preuve d'un leadership où on veut faire de la place à l'initiative et à la créativité. C'est un esprit qu'on communiquait. Dans ce sens-là, je pense que ça serait heureux et bien accepté.

si vous rencontriez l'ensemble des membres des conseils d'administration et des directeurs généraux, ils vous diraient exactement la même chose.

M. Côté (Charlesbourg): Sur les directives, je pense qu'on n'a pas besoin d'échanger longtemps parce que je n'ai pas changé d'idée depuis qu'on s'en est parlé.

M. Nadeau (Jacques A.): Je suis très heureux.

M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est juste le temps d'avoir le temps de faire des choses. Vous parlez d'un fonds d'innovation...

M. Nadeau (Jacques A.): Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...d'initiatives. vous pensez quoi de l'idée que si, demain matin... il faut prendre l'argent quelque part, nous autres, on n'en a pas. on n'en a même pas pour être capable de faire face à nos besoins d'aujourd'hui. c'est clair que pour avoir de l'initiative, il faut mettre des choses en place. ça prend de l'argent neuf ou de l'argent quelque part, puis on n'est pas sûr que les résultats, au bout de la ligne, vont être capables de renflouer le fonds, ou on en est sûr.

Moi, je prends l'hypothèse qu'on est sûr. Ce serait quoi votre réaction demain matin si, par exemple, on s'entendait et on décidait de créer ce fonds aux initiatives, et qu'on disait: Bon, parfait, l'inflation, cette année, est de 4 %. On dit: Bon, parfait, on indexe à 3,5 %, et on prend le 0,5 %, on le met dans un fonds d'initiatives qui permettrait, effectivement, de saluer des initiatives qui vont occasionner des économies, dont les économies serviraient à rembourser, dans le fond, le fonds lui-même pour que le fonds soit sans cesse là pour aider des initiatives comme celles-là et faire en sorte qu'on puisse passer à travers. Je vais aller directement à la question que ça amène, parce que ça va être la deuxième, et vous répondrez en même temps. Sinon, si ce n'est pas possible de le faire avec ça, ce moyen-là, le seul moyen qu'on va avoir tantôt d'être capable d'équilibrer nos comptes et de se donner une marge de manoeuvre, sera de dire: On prend le réseau de A à Z, on prend 1 % de ce qui est dans le réseau, puis on le coupe à tout le monde en même temps. À ce moment-là, on se crée un fonds pour encourager l'initiative et pour, effectivement, répondre à nos priorités. Est-ce que c'est pensable, ça?

M. Nadeau (Jacques A.): Je pense que, sur le plan de la formule, de dire qu'on va trouver un moyen de faire participer les établissements à la création d'un fonds, je pense que, sur le plan du principe, c'est quelque chose qui est regar-dable. Mais quand vous me dites 0,5 %, c'est pas mal d'argent ça, c'est 25 000 000 $. La suggestion que vous aviez faite...

M. Côté (Charlesbourg): Comment vous dites ça? C'est beaucoup d'argent?

M. Nadeau (Jacques A.): Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Non, mais c'est parce que des fois...

M. Nadeau (Jacques A.): La suggestion que vous avez...

M. Côté (Charlesbourg): ...on donne 25 000 000 $ et les gens pensent qu'on veut rire d'eux autres.

M. Nadeau (Jacques A.): Nous autres, on ne rit jamais de vous autres avec 25 000 000 $.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Nadeau (Jacques A.): La suggestion que vous aviez faite, M. le ministre, de la part de votre gouvernement, dans un document qui a été rendu public, c'était un fonds de 25 000 000 $. Si on se donne une manoeuvre globale pour trouver un fonds d'innovations de 5 000 000 $, je pense qu'il y a moyen de regarder ça.

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que vous avez compris que vous n'êtes pas tout seul, même si vous avez 53 %. Il y en a d'autres...

M. Nadeau (Jacques A.): Absolument.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, si c'est bon pour vous autres, ça va être bon pour d'autres.

M. Nadeau (Jacques A.): Ça pourrait être bon pour les autres aussi. Vous savez, l'efficience et l'innovation, c'est bon partout, hein?

M. Côté (Charlesbourg): C'est bon partout. Sauf, évidemment, qu'il y a plus de marge de manoeuvre à l'initiative et à la création quand les budgets sont plus gros.

M. Nadeau (Jacques A.): Mais ça voudrait dire que tout le monde pourrait contribuer au fonds, si j'ai bien compris aussi.

M. Côté (Charlesbourg): Bien sûr. M. Nadeau (Jacques A.): C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Bien sûr. Selon sa proportion de budgétaire...

M. Nadeau (Jacques A.): Voilà!

M. Trudel: II n'y aura pas de vérifications

pour voir s» la progression...

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez abordé la chirurgie d'un jour...

M. Nadeau (Jacques A.): Oui.

M. Côté (Charlesbourg): ...médecine d'un jour. Je pense que c'est quand même suffisamment bien étayé, à l'intérieur de votre document, sur les économies, lorsqu'on regarde les pourcentages: 30 % au Québec, 44 % en Ontario, 50 % en Colombie-Britannique. Il y a donc beaucoup d'espace pour travailler au Québec, pour être plus efficient, et faire en sorte qu'on n'hospitalise pas quelqu'un trois jours pour une chirurgie d'un jour, et ainsi de suite. Au bout de la ligne, c'est entre 500 et 1000 lits. Est-ce que je dois tirer la conclusion que, dans la mesure où on irait dans une démarche comme celle-là, c'est un ajout de services et que, par conséquent, on serait peut-être dans une situation où on pourrait éventuellement fermer entre 500 et 1000 lits de courte durée de manière normale? Si tel était le cas, est-ce que, à ce moment-là, on serait autorisé à aller fermer là où on a des lits en surplus?

M. Nadeau (Jacques A.): C'est vrai, M. le ministre, que vous aviez quelques questions vicieuses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que...

M. Nadeau (Jacques A.): Ce que je pense... Non, mais c'est une très bonne question.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, c'est parce que, juste autrement... Si on fait juste ajouter, on va ajouter de l'argent.

M. Nadeau (Jacques A.): Bien, c'est ça. Mais, dans votre document sur la réforme, M. le ministre, vous nous aviez dit que vous sentiez le besoin, la nécessité de créer, au niveau de la courte durée, au-delà de 2000 lits, au cours des prochaines années. Je pense que, si on faisait ces investissements-là, vous n'auriez pas besoin d'ajouter ces 2000 lits, on se les créerait. Donc, on ne sauverait peut-être pas dans l'immédiat des sommes importantes, mais on éviterait des sommes additionnelles éventuellement.

M. Côté (Charlesbourg): Les 2000 lits étaient prévus pour des places où il en manque, pas pour supporter des places, des lits aux endroits où il y en a de trop. On se comprend là-dessus?

M. Nadeau (Jacques A.): On les ajustera.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, il y aurait un redéploiement certain, à ce moment-là, de lits que nous pourrions faire, mais une économie nette, on se comprend bien, il y aurait une économie nette de lits de courte durée.

M. Nadeau (Jacques A.): Oui, c'est évident.

M. Côté (Charlesbourg): Ça va bien. On commence à sauver de l'argent un peu là, tout en étant efficaces, efficients.

M. Nadeau (Jacques A.): Non, mais je veux dire, M. le ministre, que c'est clair. En Colombie-Britannique, où il y a un taux d'hospitalisation d'un jour, de chirurgie d'un jour qui est très élevé, regardez la moyenne de lits de courte durée. C'est la plus basse au Canada. C'est sûr que ça a des impacts sur le nombre de lits, on est conscients de ça. Quand on vous le met sur la table, c'est parce qu'on est conscients que ça a des impacts, sans ça on n'en parlerait pas.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense que c'est un mémoire qui est très ouvert et je le salue, si je ne l'ai pas suffisamment bien salué. On dit souvent à un ministre qui arrive avec une mesure et qui met un peu d'argent: M. le ministre, c'est dans la bonne voie, continuez. Il n'y en a pas assez, bien, remettez-en encore. Je dis que votre mémoire est dans la bonne voie. Il n'y en a pas assez, continuez, on va faire du chemin ensemble.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Nadeau (Jacques A.): Si on continue tous ensemble, M. le ministre, si tout le monde fait autant d'efforts qu'on en fait, on va peut-être trouver des solutions.

M. Côté (Charlesbourg): II y a un silence dans votre mémoire que je veux mettre sur la table, qui m'apparaît un silence assez important. À peu près tous ceux qu'on a entendus jusqu'à maintenant interpellent un certain nombre de choses: protocoles de soins, protocoles de tests, d'examens. On a des exemples qui sont soulevés et, demain, on l'abordera aussi avec le regroupement médical et ça, à coup sûr. Mais vous, qui avez la responsabilité de la gestion des hôpitaux à travers le Québec, votre mémoire n'en fait pas mention du tout. Donc, c'est une absence à ce niveau-là. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a là beaucoup d'espace ou de questionnement, à tout le moins? Parce que tantôt, j'ai pris des notes sur toutes les choses dont il fallait faire des analyses pour améliorer l'efficience et l'efficacité. À moins d'avoir mal entendu ou d'en avoir manqué un bout, je n'ai pas entendu cet aspect-là, qui me paraît assez important. (15 heures)

M. Nadeau (Jacques A.): Nous, on pense, M.

le ministre, que le Conseil d'évaluation des services pourrait jouer un rôle important là-dedans. Et, quant à nous, on avait l'impression qu'on couvrait ce champ-là de cette façon-là.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Oui. C'est clair qu'en souhaitant... Oui. Ah, vous ne l'avez pas vu?

M. Nadeau (Jacques A.): Pour nous autres, ce n'était pas une omission, c'était...

M. Côté (Charlesbourg): Vous l'aviez dans les solutions, là.

M. Nadeau (Jacques A.): C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pas dans les problèmes, mais c'était dans les solutions, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Bon, l'autre affaire. Une petite affaire pour laquelle je suis un peu plus réticent, c'est l'OSIS. Évidemment, c'est toujours le principe d'arriver avec un beau petit projet-pilote. J'espère que vous aurez moins de difficulté à mettre au jour les OSIS que moi à mettre au jour les projets-pilotes sur les sages-femmes, en passant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ça pourrait être un support mutuel sur le plan de l'ouverture, de la compréhension, vers des modes alternatifs. Est-ce que vous ne croyez pas qu'en faisant ça on se dirigerait carrément vers une ouverture à une privatisation des services, que plusieurs ne veulent pas, malgré les principes que M. Favre a mentionné dès le début?

M. Nadeau (Jacques A.): Non. Dans notre esprit, il ne s'agit pas d'une ouverture vers une plus grande privatisation, il s'agit de mettre en compétition des individus du secteur public pour donner, au meilleur coût possible, des services à la population. Et parce qu'on crée des mécanismes de type marché, parce qu'on introduit toute la question de la concurrence, on a l'impression qu'on va favoriser l'efficacité. D'ailleurs, si on regarde aux États-Unis - qui n'est pas un modèle, les États-Unis, et je ne vous cite pas ça parce que c'est un modèle - la meilleure affaire, c'est probablement les HMO. C'est peut-être la meilleure affaire qu'il y a aux États-Unis. Vous savez que ces formules-là, ça a sauvé jusqu'à 20 % des coûts. Alors, nous, on a l'impression que c'est quelque chose qu'il faut regarder très sérieusement et on a l'impression qu'il y a, dans cette dynamique-là, moyen de sauver des sommes importantes. Et on pense que ça vaudrait la peine d'essayer un projet-pilote dans ce sens-là. C'est uniquement dans le but de créer, entre les producteurs de services, de la concurrence, des mécanismes de type marché.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est un très gros débat, celui-là, et je pense que tous ceux qui sont passés jusqu'à maintenant ont une peur absolument morbide de cette voie-là. Je sors mon portefeuille. Je suis un gars malade et, à l'occasion, je vais faire un petit tour dans les centres hospitaliers. Je sors ma propre expérience. Je suis supposé être un consommateur non abusif...

M. Nadeau (Jacques A.): M. le ministre, peut-être sur le dernier aspect, vous...

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Nadeau (Jacques A.): C'est qu'il faut dire aussi que, dans le cadre des projets qu'on propose, c'est vous qui donneriez aux OSIS le budget.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est clair que vous trouverez le moyen de le soustraire à la régie régionale qui, elle-même, attribuera les budgets.

M. Nadeau (Jacques A.): Passez par la régie si vous voulez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Nadeau (Jacques A.): ...mais en tout cas, ce qu'on veut dire...

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est: Passez-le par où vous voulez, en autant que ça marche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Nadeau (Jacques A.): Non, mais en autant que ça reste public. C'est des fonds...

M. Côté (Charlesbourg): Je sors ma petite expérience personnelle. J'ai ma carte d'assurance-maladie. Celle-là, avec une bonne vue, je vois qu'elle ne se détruit pas tant que ça. Bon, ça, c'est une carte de Santa Cabrini; ça, c'est une carte de l'Hôtel-Dieu de Québec; ça, c'était pour mon coeur; l'Enfant-Jésus, c'était pour d'excellents médecins en médecine interne; le Christ-Roi, bien, j'avais des petits boutons que je me suis fait enlever par chirurgie esthétique...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): ...et quand j'ai eu mal au dos, ça m'en a pris deux à Saint-François.

M. Nadeau (Jacques A.): D'après ce que je peux voir, vous n'avez pas une seule carte de CLSC?

Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: C'est cochon.

M. Côté (Charlesbourg): Je vous dirai là-dessus que probablement qu'ils ont considéré qu'ils n'avaient pas suffisamment de budget pour investir dans des cartes; ils ont décidé de donner des soins à domicile.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Quand il s'est présenté, c'était fermé. Il était passé quatre heures.

M. Nadeau (Jacques A.): C'est probablement le soir que vous êtes allé là, vous, M. le ministre. Vous êtes bien occupé dans le jour.

M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est un peu mieux. Quand on fait faire l'analyse de ce que ça coûte annuellement en cartes plastifiées pour être capable d'assurer un certain contrôle des dossiers, c'est 32 000 000 $, plus ou moins, dans nos établissements. C'est quand même beaucoup d'argent. Évidemment, ça prend un certain contrôlé, puis notre système ne nous permet pas beaucoup de souplesse à ce niveau-là. Est-ce qu'on n'est pas rendu au point... Je sais que vous êtes ouverts à ça, puis c'est pour ça que je la pose, la question, au-delà de ma petite démonstration, parce qu'il faut bien être capable de s'amuser de temps en temps aussi, dans ces métiers très difficiles... En tout cas. Donc, on est dans une situation où il y a 32 000 000 $ là, sur le plan des coûts. Est-ce qu'on ne serait pas dans une situation pour avoir une carte pour un individu, qui pourrait lui permettre d'aller dans n'importe quel établissement, y compris les CLSC? Parce que d'après ce que j'ai compris tantôt, vous n'êtes pas nécessairement contre, en autant que ce soit complémentaire. Et, pour eux, je suis convaincu qu'ils vont être très heureux. Ils vont prendre ça comme un compliment.

M. Nadeau (Jacques A.): Coûts-bénéfices.

M. Côté (Charlesbourg): Coûts-bénéfices. Est-ce qu'on ne serait pas dans une situation où on pourrait avoir la carte d'un bénéficiaire? Même l'Opposition a progressé depuis l'été en disant: La photo, là, ça ne serait plus mauvais, maintenant, la photo sur la carte, de telle sorte qu'on puisse en arriver...

Une voix: On évolue, nous.

M. Côté (Charlesbourg): Ah oui! Si vous saviez comment j'ai évolué depuis le début. Ce n'est pas toujours apparent mais, évidemment, il faut que je garde des secrets aussi. Est-ce qu'on n'est pas dans une situation où il faut s'attaquer à ça rapidement?

M. Nadeau (Jacques A.): Aucune difficulté avec ça, M. le ministre. Il faut cependant que nous ayons des systèmes informatiques qui nous supportent, qui fassent en sorte qu'on puisse communiquer entre les établissements les informations qui sont nécessaires. Il faut qu'on puisse communiquer électroniquement aussi, j'imagine, avec la RAMQ. J'imagine que vous visez tout ça. Aucune objection à ça, au contraire.

M. Côté (Charlesbourg): J'imagine qu'il y a beaucoup de duplication de dossiers d'individus aussi qui disparaîtrait.

M. Nadeau (Jacques A.): Absolument.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Je termine avec une dernière question, parce qu'on me signifie que je n'ai plus trop trop de temps. Puisque vous avez soulevé l'exemple de l'Orégon, que vous semblez l'avoir fouillé et que, eux, avec des mentalités différentes - ce n'est quand même pas négligeable - peuvent, dans certains cas, sauver jusqu'à 20 % des coûts, qu'est-ce que vous retenez de l'Orégon qui est applicable au Québec, qui nous ferait sauver des coûts sans pour autant avoir des services de moindre qualité?

M. Nadeau (Jacques A.): Notre expert de l'Orégon va vous expliquer ça, M. le ministre.

M. Nadeau (Léandre): voyez-vous, en oregon, ce qu'ils ont fait, rapidement, ils se sont donné une loi dès juin 1989, dans laquelle il était précisé qu'ils créaient la commission des services de santé de l'orégon. et, deux ans plus tard, déjà, ils avaient établi une liste des services selon un ordre de priorité.

Les deux critères qui les ont guidés, en Oregon, voyez-vous, c'est premièrement l'importance et la valeur que la population accorde à chacun des services. L'autre critère, c'est l'efficacité clinique de chacun des services. Et c'est sur cette base-là que la Commission a réussi à établir un ordre de priorité dans les différents services, et qui leur permettra, justement, d'économiser à peu près 22 % des coûts de leur système tout en couvrant une beaucoup plus large partie de la population.

On nous dit qu'il y a à peu près 450 000 personnes de plus qui vont être couvertes par le nouveau programme qu'ils sont en train de mettre en place. 450 000 personnes dans des programmes qui s'adressent à des gens qui ont de faibles revenus ou des travailleurs qui ont des revenus, mais qui sont trop malades pour être assurés par le privé, ou encore d'autres qui ont

des emplois trop instables pour se payer de l'assurance privée. Donc, ils vont ajouter 450 000 personnes à leur programme puis, malgré ça, le programme va coûter 22 % de moins.

Comment est-ce qu'on arrive à des résultats semblables? Bien, c'est ça. C'est que, essentiellement, ils se sont donné une démarche pour savoir ce que, cliniquement, chacun des services rapportait, et ils ont consulté des experts. La profession médicale a participé énormément à la démarche, et la population a participé beaucoup. Parce qu'il y a des services qui demeurent extrêmement prioritaires dans la liste. Même si, cliniquement, ils ne sont pas très efficaces, ils demeurent prioritaires pour la raison que la population a dit qu'elle trouvait ça important. Par exemple, les services qui soulagent la souffrance en phase terminale: même si, cliniquement, ça n'ajoutera pas nécessairement beaucoup à la capacité de la personne, la population a jugé que c'était extrêmement important de les donner, ces services-là, et qu'ils devaient demeurer prioritaires.

Ils sont un peu comme dans notre situation. Ils ont demandé dans les derniers mois à leur gouvernement fédéral une dispense des normes fédérales de MEDICAID. Ils ne peuvent pas appliquer leur programme si le gouvernement fédéral américain ne leur accorde pas une dispense des normes de la loi fédérale sur MEDICAID. Ils s'attendent à avoir une réponse positive ces jours-ci, ce mois-ci, et ils mettraient en application le nouveau programme dans six mois environ.

Ce qui est intéressant, c'est que cette commission-là a pris seulement deux ans pour faire son boulot. L'assemblée législative, la législature là-bas et le gouverneur de l'État de l'Orégon ont approuvé la liste des services. Il y a 706 services qui ont été mis sur une liste, et ça pourra être mis en application dans environ 6 mois.

Qu'est-ce qu'on peut en retenir, de ça? Je pense que ce qui est intéressant, c'est que ça nous permet de savoir ce qui est le plus efficace en termes cliniques, ce qui est le plus important pour notre population, et donc d'orienter, peut-être favoriser au plan budgétaire, sans qu'on tire une ligne, mettons, au 600e service par rapport aux 700 services qu'il y a sur la liste. On peut peut-être, les Québécois, compte tenu qu'on a des valeurs différentes, si vous voulez, ne pas tirer de ligne au 600e service comme, eux, s'apprêtent à le faire; on peut peut-être tous les garder, les services, sauf qu'on va savoir où on doit mettre nos disponibilités budgétaires en priorité.

Alors, c'est ça qui peut être fort intéressant. L'autre chose, c'est qu'ils ont fait le travail en deux ans. Ça a coûté 600 000 $ seulement en 2 ans. On a eu des expériences ici qui ont coûté peut-être dix fois plus cher, et je ne suis pas certain qu'on est outillés pour passer à l'action. Alors, voilà.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Nadeau. Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: M. le Président, M. Favre. Messieurs, bienvenue de la part de l'Opposition aussi. C'est un mémoire très impressionnant. Oui, effectivement, j'ai l'impression qu'avec ce que vous nous livrez aujourd'hui, au minimum, on peut dire qu'on fait un grand pas dans la discussion. Il y a des gens qui nous ont fait faire des petits pas au cours des derniers jours, et vous avez l'obligation, de toute façon, de nous faire faire des grands pas parce que, comme on dit souvent, vous représentez ici le complexe médico-hospitalier. Ce n'est pas un péché de dire ça. C'est 8 000 000 000 $, alors, oui, il faut qu'à vous, on vous en demande plus comme effort de réflexion. Vous avez l'obligation, en quelque sorte, de nous en donner pour notre argent, comme vous dites, par rapport à votre réflexion dans les services. Jusqu'à maintenant, quant à moi, vous le faites très bien. Surtout que je pense qu'au niveau de votre analyse, ce qu'il faut regarder, ce qu'il faut analyser, ce qu'il faut écarter, vous saisissez bien cela.

Je prendrai seulement vingt secondes pour dire que, même sur le diagnostic, vous n'y allez pas de main morte. Quand vous dites que le problème financier qu'on a, il est exclusivement dû au fédéral - et vous y allez fort en disant: «irresponsable» - je veux tout simplement dire que, là-dessus, je serais moi-même irresponsable de vous en demander plus. Quittons cette scène-là, on a tous compris. (15 h 15)

Maintenant, au chapitre 2, qui serait le chapitre sur: Est-ce que nous pouvons rationaliser, rendre le service plus efficace, plus efficient?, il y a un nombre de suggestions qui sont fort impressionnantes; elles sont tellement impressionnantes qu'on se demande si quelquefois elles ne seraient pas de nature à régler un très grand pourcentage de notre problème. Je reviendrai sur quelques-unes.

Un aspect d'abord que je veux aborder, celui de la réglementation. Tatillonne, bureaucratique, qui coûte cher, vous en avez mis pas mal là-dedans, et la réaction, quand on est dans un gros système, on réclame de l'assouplissement. C'est ce que vous dites. Est-ce qu'on peut imaginer que vous soyez de la partie pour la faire, cette réglementation? Pour faire ces directives? Ça pourrait améliorer sensiblement les choses. Je vous le dis franchement. C'est parce que, moi, je crains un peu, quand on est dans un très gros système... Je vois mal comment, dans un système, on fait des directives pour en faire. C'est parce que, souvent, il y a un problème pour 5 personnes, comme vous dites, puis on le fait pour 800. Bon. Est-ce qu'un rapprochement

au niveau de la planification et de ceux et celles qui sont chargés, dans un ministère, de faire ces directives-là - et que vous soyez de la partie - ça ne pourrait pas améliorer sensiblement les choses?

M. Nadeau (Jacques A.): Je pense que c'est absolument essentiel, vous avez raison. C'est certain que, dans un gros système, ça prend quand même un minimum de directives et d'encadrement. Ça, on est conscients de ça. On ne peut pas aller tous azimuts. Ça, c'est clair. Mais il y en a des directives puis des règlements qui sont «tatillonneux» et c'est ça qu'on veut éliminer. Et, dans le cadre de la proposition que nous avait faite le ministre et dont j'ai repris les discussions avec M. Dicaire, c'est, évidemment, de nous associer très étroitement à la revue de ces directives-là. Là-dessus, vous pouvez être assuré que nous allons être disponibles parce que nous considérons que c'est extrêmement important. C'est le climat qui va favoriser la créativité, l'innovation et l'efficience.

M. Trudel:. Très bien. Là-dessus, parmi les mesures que vous expérimentez déjà, en quelque sorte, dans quelques endroits, il y a tout ce champ de la chirurgie d'un jour et de la médecine de jour. On est toujours pris avec le temps, là. Et c'est assez impressionnant, ce que vous avez mentionné tantôt et les réponses que vous avez données au ministre - et on n'a pas chiffré le total - pour les gens qui nous observent, ce que ça veut dire. Si le développement de la chirurgie d'un jour ou de la médecine de jour nous permettait de réaliser le travail, les interventions de l'équivalent de 1000 lits de courte durée... C'est ce qu'on a évoqué à peu près comme chiffre, tantôt?

M. Nadeau (Jacques A.): Entre 600 et 1500.

M. Trudel: Bon. On s'entend sur 1000 pour les fins de la démonstration.

M. Nadeau (Jacques A.): Voilà!

M. Trudel: Parfait! 1000 lits de courte durée. Le problème ou l'élément de solution, ce n'est pas de faire ces interventions et que d'autres personnes - parce qu'il faut tout se dire, là-dedans, là - aillent occuper les lits de courte durée. Et vous dites: À la limite, bien, les 2000 que vous, vous avez prévus ou annoncés le 7 décembre 1990 - à la limite, pour les fins du raisonnement - ne les construisez pas, puis on s'organisera avec ça.

Est-ce que les établissements hospitaliers du Québec, dans la situation extrêmement précaire du régime actuellement et de la mise en danger des fondements de ce régime-là seraient prêts à aller jusqu'au bout du raisonnement - de la part du gouvernement aussi et du ministère, bien sûr - et dire: Oui, on pourrait s'engager, en développant ces services-là, à réduire de 1000 lits de courte durée sur une période donnée dans nos établissements, les services que nous offrons.

Et je conclus. Je vais employer la même expression que le ministre, parce que cette mesure-là, de 1000 lits réduits par année en courte durée, c'est 182 000 000 $. Ce n'est pas petit comme suggestion. Et je complète en disant: Si vous preniez cet engagement-là, il faudrait vraiment que ce soit un engagement collectif, parce que ça peut peut-être supposer aussi - il faut dire toute la vérité - qu'il y aurait peut-être un petit peu plus, au minimum le maintien des listes d'attente en courte durée - parce que la théorie des listes d'attente, ça existe aussi. Mais essentiellement, si on coupe 1000 lits de courte durée puis qu'on développe en même temps un service de chirurgie d'un jour, de médecine de jour, on sauve 182 000 000 $.

Est-ce que vous êtes prêts, conjointement, à vous engager dans cette direction? Je ne vous demande pas un engagement de tout faire, là. Dans cette direction-là, mais qu'on réduise.

M. Nadeau (Jacques A.): D'abord, j'aimerais que Léandre vous explique les chiffres, les économies. C'est absolument important.

M. Nadeau (Léandre): En chirurgie d'un jour et en médecine de jour, comme pour l'hôpital à domicile, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les économies qu'on fait, c'est d'abord des économies dans les coûts de construction, c'est-à-dire des lits qu'on n'a pas besoin de construire. Par exemple, si on sauve 1000 lits à cause de la chirurgie d'un jour, en coûts de construction, c'est 170 000 000 $ d'économies.

La question qu'on peut se poser: Est-ce qu'on fait des économies de fonctionnement? Bon, voilà! Sur les économies de fonctionnement, on pense qu'avec 1000 lits, peut-être qu'on peut sauver à peu près une dizaine de millions de dollars de fonctionnement, pas plus que ça. Il faut faire attention parce que, voyez-vous, ce qui est fait maintenant en hospitalisation et qui prend quatre ou cinq jours, ça prend quatre ou cinq jours. En chirurgie d'un jour, ça va prendre une journée. Mais, il faut faire attention. Il n'y a pas des économies de quatre jours là-dedans parce que ce qui coûte cher, c'est la salle d'opération, c'est le diagnostic, c'est toute l'intervention dans les soins intensifs et tout ça. Alors, vous ne sauvez pas les quatre cinquièmes, si vous voulez, de, mettons, 3000 $. Nous, on calcule qu'on économise...

M. Trudel: Un point précis. Un lit de courte durée, par jour, c'est grosso modo 500 $.

M. Nadeau (Léandre): Oui, 400 $; ça dépend des hôpitaux. Disons 400 $ pour être plus près de

la moyenne.

M. Trudel: Le ministère dit 550 $. On va balancer.

M. Nadeau (Léandre): Un hôpital universitaire, oui, c'est de ce prix-là.

M. Trudel: Pas loin de 600 $.

M. Côté (Charlesbourg): II y en a de 600 $.

M. Trudel: II y en a de 600 $. On est dans la «bracket». Mais chirurgie d'un jour, médecine de jour...

M. Nadeau (Léandre): Oui.

M. Trudel: ...pour se faire une idée, là...

M. Nadeau (Léandre): Oui.

M. Trudel: ...on ne sauverait pas plus que 10 %avec cela?

M. Nadeau (Léandre): Si on parie de...

M. Trudel: Je comprends qu'il ne faut pas que le lit soit occupé par un autre, là.

M. Nadeau (Léandre): Non, mais attendez une minute. 500 $, si la personne est là 5 jours, ça veut dire que le cas nous coûte 2500 $, si elle est sur une base d'hospitalisation. Si elle est en chirurgie d'un jour, nous, on calcule qu'on sauve peut-être 200 $, 300 $, en termes de coûts de fonctionnement parce qu'on a quasiment tous les mêmes coûts. Mais ça, c'est des estimés préliminaires. Il faut approfondir ça, là. Mais vous ne faites pas des économies considérables de fonctionnement parce que vous gardez à peu près tous les mêmes coûts. Vous faites des économies de fonctionnement à la marge, qui sont peut-être de l'ordre de 10 000 000 $, si on parle de 1000 lits, mais pas plus que ça. Les grosses économies, c'est sur la construction. Si on parle de 1000 lits, c'est des économies de construction de 170 000 000 $.

M. Trudel: En tout cas, il est important de saisir ce que ça veut dire. C'est très important parce qu'il y a la question de l'amélioration quant à la façon de faire les choses. Prenons, par exemple, le service de chirurgie d'un jour. Et si on parle en termes d'économies, il faut voir l'ampleur de ce dont on parle. Et on n'était pas dans les 150 000 000 $ ou 175 000 000 $, ou 182 000 000 $. On était dans les 10 000 000 $, 15 000 000 $, maximum.

M. Nadeau (Léandre): Absolument.

M. Trudel: Mais là il faudrait évaluer, si on répartissait ça au niveau des constructions, des immobilisations, ce que ça voudrait dire. Parce qu'il faut être conscient de ça aussi; à un moment donné, il faut en arriver à des chiffres quelque part. Ça veut dire combien quand on fait ça?

M. Nadeau (Jacques A.): On les a, ces chiffres-là.

M. Trudel: Vous avez ces chiffres-là?

M. Nadeau (Jacques A.): On a un certain nombre de propositions qu'on a faites. On a chiffré ça.

M. Trudel: II faudrait que j'y repense parce qu'il y avait un certain étonnement des deux côtés. Il faudrait nous les donner plus précisément, ces chiffres-là. En tout cas, nous, on ne les a pas. On aimerait ça les avoir de façon plus précise, vos chiffres là-dessus, sur les économies. Bon. Mais il y a quelque chose là. Donc, il y a un service à développer.

Revenons un peu aussi sur la question de l'Orégon, l'expérience de l'Orégon, parce que je pense qu'il faut regarder cela. On est en Amérique du Nord, et si d'autres sociétés, dans un autre contexte... Vous l'avez dit tantôt, M. Nadeau, je ne prends pas ça comme exemple. Mais est-ce que vous pensez vraiment qu'on peut en arriver, assez rapidemement, à instituer cette espèce de comité, d'équipe qui serait chargée d'évaluer l'efficacité clinique des actes, relativement rapidement au Québec, avec les médecins? Parce que ce sont des éléments de base. Il n'y a pas à sortir de là. Ce sont nos professionnels qui vont nous aider, essentiellement, à porter un jugement là-dessus. Est-ce que vous pensez réellement qu'on peut y arriver, à ces équipes d'évaluation de l'efficacité clinique et qu'on puisse en arriver à un certain arrangement? Est-ce que c'est une formule qui vous apparaît véritablement applicable dans le cas du régime public du Québec?

M. Nadeau (Jacques A.): Moi, je pense que oui, c'est faisable. C'est faisable rapidement. Si l'Orégon l'a fait, je ne vois pas pourquoi nous, Québécois, on ne serait pas en mesure de le faire. Et je vous dis: C'est essentiel, c'est incontournable pour l'allocation des ressources. Si on ne fait pas ça, on ne saura jamais où «prioriser» nos ressources. C'est absolument essentiel qu'on le fasse. Et dans la période qu'on vit, il me semble que s'il y a une mesure qu'on devrait mettre en place le plus rapidement possible, c'est celle-là.

M. Trudel: Je suis tenté d'ajouter: On se demande comment ça se fait qu'on n'y est pas allé un petit peu plus rapidement, à cette évaluation-là, à la fois sur l'efficacité clinique

mais aussi sur le «médicalement requis». C'est assez impressionnant, oui, pour le non-professionnel du secteur, d'examiner le registre des actes qui sont couverts. On se dit bravo quand on regarde l'ensemble des actes, mais on est quelquefois surpris de tout ce qui est couvert, surtout quand quelqu'un nous a créé une impasse quelque part et qu'on risque de mettre en cause les fondements mêmes de notre régime de santé et de services sociaux.

Autre élément sur lequel il faut se pencher, on ne sait trop dans quelle proportion, mais sur les actes médicaux on parle beaucoup d'une assez grande proportion qui serait des actes médicaux défensifs. On sait ce que c'est; c'est essentiellement le professionnel qui commande ou réalise un certain nombre d'actes parce que - en réaction - il a peur des poursuites judiciaires, il prend toutes les précautions nécessaires pour se protéger et en fait plus que moins. Dans les notes d'ouverture à cette commission, j'ai parlé, quant à moi, de la création de façon extrêmement rapide, d'ici un mois - parce qu'on est dans l'urgent - d'un comité qui verrait à la mise sur pied d'un régime d'assurance ou d'indemnisation collective pour les médecins ainsi que la mise sur pied d'un régime de pensions.

Mais, je prends juste la partie du fonds d'indemnisation. Vous avez de l'expérience dans ce secteur à l'Association des hôpitaux du Québec. Je n'ai pas encore vu au Québec quelqu'un qui ait pu diagnostiquer de façon extrêmement précise l'ampleur des actes défensifs, mais lorsqu'on regarde ça, les gens qui en parlent, ça fait peur parce qu'on parle de 20 % à 30 % d'actes défensifs. Est-ce que vous êtes prêts, à l'Association des hôpitaux du Québec, à vous asseoir avec les responsables concernés, avec les intervenants concernés que sont les professionnels de la médecine et à regarder ça rapidement en vue d'en arriver à une solution, si tant est que tout cela est une autre mesure d'efficacité et de rationalisation dans notre système?

M. Nadeau (Jacques A.): Je pense qu'il n'y a aucun doute, nous sommes prêts à regarder ça avec les médecins, avec le gouvernement le plus rapidement possible. Cependant, j'aimerais vous dire que c'est clair qu'il y a une certaine médecine défensive. C'est clair qu'il y a un coût à ça. Cependant, c'est évident qu'elle est plus importante aux États-Unis qu'elle peut l'être au Canada et au Québec. Je ne peux pas vous dire, moi, si c'est 20 % au Québec, si c'est 10 % ou si c'est 5 %. On peut le dire un peu, nous autres, par rapport aux poursuites qu'on a, conjointes, dans notre fonds des assurances. Les médecins au Québec, de façon générale, ne sont pas beaucoup poursuivis. On est loin de parler du système américain. Il y a des différences énormes entre les deux. Malgré ça, il existe une certaine médecine défensive. Et c'est certain qu'on est prêts à s'asseoir avec les médecins, avec le gouvernement pour voir s'il y a des formules qui permettraient de diminuer les coûts de cette médecine défensive-là.

Aussi, on parle du système «no fault». Vous savez qu'il existe en Nouvelle-Zélande et qu'il existe également en Suède. J'ai eu l'occasion de lire certains documents par rapport à ça. Vous savez, ce n'est pas nécessairement le système parfait. Il faut faire attention. Il y a comme un désavantage à déresponsabiliser les gens. Il ne faut pas nécessairement s'imaginer que le système «no fault», c'est la grande solution à tous nos problèmes. (15 h 30)

II y a des formules, cependant, qui peuvent être regardées. Je fais juste penser à la formule que nous avons introduite avec la collaboration du gouvernement dans les centres hospitaliers. Je peux vous dire que depuis 1985-1986, en créant le fonds d'assurance-responsabilité civile et professionnelle de l'Association des hôpitaux du Québec, c'est plus de 50 000 000 $ que nous avons sauvés au gouvernement du Québec à date. Alors, je pense que ça vaut la peine de regarder très sérieusement cette dimension-là.

M. Trudel: En tout cas, pour ma part, j'espère que ce message va être reçu parce que vous savez que 1 % des actes à la RAMQ... Chaque fois qu'on sauve 1 % des actes à la RAMQ...

M. Nadeau (Jacques A.): C'est beaucoup.

M. Trudel: ...on sauve 20 000 000 $. Alors, ne serait-ce que les actes défensifs, réduisez ça à son strict minimum, pour l'image, 1 %. On réduit ça, les actes défensifs, parce qu'on a pris des moyens intéressants pour tout le monde concerné. Chaque fois, à chaque tranche de 1 %, c'est 20 000 000 $. Ce n'est pas petit et on ne touche pas au panier de services.

M. Nadeau (Jacques A.): Absolument.

M. Trudel: Évidemment, on a quelques divergences par rapport à l'ensemble de ce que vous avez présenté. Et si on peut tout sauver ça, je suis sûr que vous allez être d'accord vous aussi. Tout le monde va être d'accord. Si on peut arriver à faire mieux les choses, à faire les choses d'abord, à mieux les faire et qu'on sauve l'ensemble de notre régime, eh bien, tant mieux! Mais on commence à multiplier les exemples de façon assez sérieuse.

Il reste encore un peu de temps. Il y a aussi la question que vous avez soulevée sur ce qu'on pourrait appeler la tarification des actes au rendement, à l'efficacité, l'incitatif à réaliser tel acte dans tel contexte. Est-ce qu'on pourrait, par exemple, dire: Si telle intervention chirurgicale est réalisée à l'intérieur de l'expérience d'une chirurgie d'un jour, ou externe, en quelque

sorte, au système actuel, ça pourrait faire l'objet d'une tarification? C'est dans les incitatifs que vous avez mentionnés, ça.

M. Nadeau (Jacques A.): Oui.

M. Trudel: Est-ce qu'on peut penser que cette expérience de l'incitatif au niveau des actes médicaux, ça pourrait aller encore plus loin que cela? C'est-à-dire tarification et efficacité? Lier ça à l'efficacité, à l'efficience des actes? Vous n'en parlez pas beaucoup dans votre mémoire aujourd'hui mais vous aviez soulevé ça dans votre document. Parce que c'est vous qui avez lancé le débat sur le financement au Québec, l'AHQ. Vous en parliez dans votre document et ça me semblait une voie à explorer, inévitablement. Est-ce que vous avez progressé dans cette réflexion-là?

M. Nadeau (Jacques A.): C'est-à-dire que ce qu'on visait à ce moment-là, c'était de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas rémunérer davantage des actes qui donnent des résultats? Ceux qui n'en donnent pas, on devrait moins les rémunérer, de sorte qu'on favoriserait plutôt les professionnels à travailler dans des actes qui donnent des résultats. D'abord, c'est humain, ce serait plus rémunérateur. Je pense que nous n'avons pas abandonné cette idée-là de regarder ça avec les professionnels de la santé et les médecins. Cependant, ce qui est primordial avant, c'est le comité d'évaluation. Il faut qu'on évalue les résultats de nos services et il me semble que ça, ça pourrait se faire par la suite.

M. Trudel: ça vous apparaît être une piste encore éminemment envisageable, du moins au niveau de l'évaluation? vous dites: on ne le fait pas aveuglément, mais...

M. Nadeau (Jacques A.): En tout cas, c'est quelque chose à regarder, je pense.

M. Trudel: Maintenant, sur le financement. Ça a l'air que quand on sera passé à travers toutes les mesures de rationalisation, d'augmentation de l'efficacité et de l'efficience, compte tenu du désengagement fédéral, de la part à combler entre la croissance de notre PIB - produit intérieur brut - et l'inévitable croissance des dépenses de santé, il va en manquer quand même. Et vous dites: la caisse-santé, le fonds général, bonne idée pour la transparence. J'essaie de répéter depuis quelques heures - parce qu'on a entendu ça dans le décor - que l'impôt-santé, c'est une bonne idée. L'impôt-santé, c'est une bonne idée, mais ça n'apporte rien dans le financement, pas une cent, dans la mesure où l'État, bien sûr, pourrait choisir de l'augmenter, l'impôt-santé, la même chose que pour les impôts généraux. Ça a des vertus de transparence, point à la ligne.

Vous, vous favorisez l'impôt-services, et la raison principale sur laquelle vous vous appuyez, c'est parce que ça tiendrait compte de la capacité de payer ou, deuxièmement, ça nous permettrait d'avoir, au niveau de l'affichage externe, au niveau de la fiscalité, par exemple, pour les gens de l'extérieur qui viennent au Québec, de leur dire: Non, notre fiscalité n'est pas plus élevée ou est comparable à celle d'autres sociétés généralement observées en Amérique du Nord, ou d'autres provinces canadiennes.

Mais notre régime de fiscalité, notre régime d'impôt général, il n'est pas progressif, lui, et il ne tient pas compte de la capacité de payer? C'est-à-dire que plus tu gagnes cher, plus tu en paies, de l'impôt. Pourquoi, à ce moment-là, faire porter le poids de l'argent supplémentaire uniquement sur les personnes qui doivent faire affaire avec le système de santé et qui auraient telle catégorie de revenus? Notre impôt, notre système d'imposition général au niveau des particuliers - je ne parle pas du restant - est-ce qu'il n'est pas progressif lui-même? Pourquoi alors s'en aller vers un impôt-services, à ce moment-là?

M. Nadeau (Jacques A.): Évidemment, si on met ça dans le fonds d'impôt général, à ce moment-là, vous favorisez l'augmentation du fardeau fiscal des citoyens pour payer l'ensemble du système de santé. Nous, on dit que dans le cadre du libre-échange, dans le cadre de la mondialisation des marchés, on ne veut pas augmenter le fardeau fiscal des Québécois et des entreprises québécoises. On pense que si on fait ça, on mettra en péril l'économie québécoise. Les entreprises vont aller travailler ailleurs...

M. Trudel: M. Nadeau...

M. Nadeau (Jacques A.): ...et la fiscalité, c'est bien de valeur, mais c'est important pour quelqu'un qui a à bâtir une entreprise. Il en tient compte. Les cadres, où ils travaillent, ils en tiennent compte.

M. Trudel: Oui.

M. Nadeau (Jacques A.): C'est tellement vrai que vous-mêmes, quand le Parti québécois était au pouvoir, vous avez diminué l'espace entre l'impôt... Vous avez travaillé pour diminuer l'espace entre l'impôt de l'Ontario et l'impôt du Québec. Donc, ça veut dire que le fardeau fiscal est important.

M. Trudel: M. Nadeau, ce n'est pas ça que je conteste dans le raisonnement. Votre raisonnement est soutenu par un très grand nombre de personnes dans notre société. C'est très vrai. Mais il ne faut pas oublier qu'on parle de dépenses. Il y a les dépenses totales pour les personnes aussi. Bien sûr, je peux dire, pour

faire une image, à cette personne de l'Orégon qui s'en vient au Québec: Mon taux d'imposition au niveau des particuliers n'est pas plus élevé que chez vous. Mais, entre vous et moi, strictement là-dessus, est-ce que je suis en train de lui dire qu'elle ne paiera pas pour des services, par ailleurs, au niveau de l'impôt-services? Elle va payer, de toute façon.

M. Nadeau (Jacques A.): Oui.

M. Trudel: Vous me dites: Elles ont la capacité de payer, ces personnes-là. Alors, pourquoi «désuniversaliser»? Pourquoi faire porter le poids du revenu supplémentaire nécessaire sur les personnes qui se servent du système parce qu'elles sont malades, parce qu'elles sont obligées, etc.? On n'allège pas le poids des dépenses des individus. Vous pouvez afficher - vous avez raison, M. Nadeau - à l'extérieur, sur le tableau, que les impôts des particuliers au Québec se retrouvent à tel niveau, mais sur les dépenses de santé, ce n'est pas vrai, ça. Il va payer de toute façon. Et plus que cela - parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps - il va falloir examiner ça parce qu'il y a une démonstration qui s'impose de plus en plus. Quand les dépenses sont de plus en plus privées en santé, ça coûte de plus en plus cher; ça coûte plus cher, par exemple, l'expérience américaine.

M. Nadeau (Jacques A.): Oui.

M. Trudel: Je m'en tiens seulement, M. Nadeau, au raisonnement. Pourquoi l'impôt-services quand notre impôt général est déjà progressif?

M. Nadeau (Jacques A.): C'est sûr que c'est un long débat. Juste cet élément-là, on pourrait en parler longtemps. Moi, quand je vais chez le dentiste et que ça me coûte 50 $, je n'ai pas l'impression que je viens d'ajouter à mon fardeau fiscal 50 $. Si j'ai un impôt-services qui tient compte de ma consommation des services de santé, je n'ai pas l'impression que je viens d'ajouter à mon fardeau fiscal. Absolument pas! J'ai des dépenses que je fais; des fois que je choisis, des fois que je ne choisis pas. Mais ce qui est important, c'est qu'il faut créer des plafonds pour ne pas pénaliser la population. Je sais que vous ne voulez pas que ça pénalise la population.

Et également, ça permet de créer une dynamique entre les producteurs et les consommateurs. Vous savez, si le producteur sait que le consommateur va devoir payer un petit montant pour aller quelque part, il va y penser quand il va lui dire d'aller quelque part. Et le consommateur, quand le producteur va lui dire d'aller à telle place, il va peut-être lui dire: Docteur, est-ce que c'est absolument essentiel? Alors, je pense que ça va créer une dynamique qui va faire réfléchir davantage tant les consommateurs que les producteurs.

M. Trudel: M. Nadeau, je suis content pour votre impression que vous avez de ne pas payer, mais vous payez pareil.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Je suis bien content pour vous. Ceci étant dit, dans la société nord-américaine, la perception, ça joue un rôle aussi au niveau du développement et de l'organisation. Mais la dynamique que vous soutenez est, je dirais... On peut la mettre sur la place publique, et vous faites bien de la mettre sur la place publique. Quant à moi, je n'y adhère pas du tout, pas du tout, mais il faut... Le distinct de la société, c'est qu'au Québec on peut être complètement différents, on se parle dans le pif et on est capables de trouver la meilleure solution avec cela.

Je dis que la dynamique peut être inverse aussi dans ce cas-là, et qu'elle peut amener à créer des services à deux vitesses, suivant qu'on l'a, le fric, ou qu'on ne l'a pas. C'est un peu le choix qu'on a fait en 1971, de la solidarité. Mais la solidarité, ce n'est pas rien que dans les services, dans le fait de profiter des services, c'est aussi dans le financement des services. Comme je trouve qu'il y a une certaine progressivité au niveau des tables d'impôt des particuliers, il me semble qu'on pourrait davantage se questionner sur l'équilibre de ceux et celles qui sont les pourvoyeurs - quand je dis celles, je mets aussi les entreprises là-dedans. Se questionner - je ne donne pas de réponse - là-dessus aussi pour nous permettre d'arriver à s'offrir le plateau, étant donné que le financement public ne nous amènerait pas, c'est le constat qu'on fait après 20 ans...

Le Président (M. Joly): Conclusion, s'il vous plaît, M. le député.

M. Trudel: ...à des dépenses débridées dans ce secteur-là.

Le Président (M. Joly): Très brièvement, M. Nadeau, s'il vous plaît, le temps est déjà écoulé.

M. Nadeau (Jacques A.): Je pense qu'on pourrait en jaser longtemps. Évidemment, l'idée, ce n'est pas de créer deux systèmes. On parle de montants minimes. On parle d'un fardeau fiscal québécois qui est déjà très élevé et qui a la réputation d'être déjà très élevé. Si on ne fait pas quelque chose dans ce sens-là, votre consommateur, dont vous avez peur, n'aura peut-être pas de services de santé tantôt.

Le Président (M. Joly): M. Nadeau...

M. Nadeau (Jacques A.): Merci. Je vais revenir pour la conclusion tantôt, une minute.

Le Président (M. Joly): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

M. Atkinson: Merci, M. le Président. J'ai une question seulement. À la page 43, chapitre 11, Liste des recommandations, à la recommandation 7.3, vous dites être en faveur d'un plus grand contrôle sur la carte d'assurance-maladie, laquelle devrait être considérée plus comme une carte de crédit. Dans 7.4, vous dites également que les liens entre le consommateur et le coût devraient être plus évidents. Il me semble que ces deux suggestions combinées nous rappellent la notion présentée lors de la séance de la commission sur le projet de loi 120: que le patient signe le compte du médecin avec le coût du traitement indiqué. Quelle serait votre réaction à cela?

M. Nadeau (Jacques A.): nous, ce qu'on veut dire dans le cadre de cette recommandation-là, c'est que quand des gens utilisent une carte pour aller au restaurant et faire une dépense de 20 $ ou de 25 $, on vérifie si la carte est bonne. quand ils entrent à l'hôpital pour une dépense qui va peut-être être de 2000 $, 3000 $ ou 4000 $, on ne pourrait pas vérifier si leur carte est bonne? il s'agit de créer des liens électroniques entre la ramq et les établissements et il y a moyen de vérifier les cartes. ça, c'est un des moyens.

Le deuxième, c'est peut-être la question de la photo. Il y en a qui s'offusquent bien gros de ça, d'avoir une photo sur une carte comme ça. Mais, vous savez, quand on est rendu au point où il y a une impasse financière qui compromet nos services de santé, je pense qu'il ne faut pas trop s'offusquer d'avoir une photo sur une carte. Il faut le regarder très sérieusement, cet aspect-là.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Nadeau. M. Atkinson: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. (15 h 45)

M. Trudel: Merci beaucoup de cette importante contribution. Vous aviez publié au départ un document fort important qui a aidé à la discussion au Québec et qui continue d'aider. Vous mettez sur la table des éléments de solutions. Ça fait que je pense... Il y a des fois où on sent ça plus noir, des fois un peu plus gris-blanc; on va vers l'ouverture. Moi, vous me faites voir un peu de lumière. Un peu, beaucoup. En n'oubliant pas de mentionner qu'évidemment, comme représentant d'une région, j'aurais bien aimé discuter de la question d'un budget global pour une expérience-pilote dans une MRC. Je vous appuie 400 % là-dessus. Expérimentalement parlant, on ne peut pas tout décider en même temps. Merci beaucoup de cette contribution.

Et en conclusion, je dirais: Dans tous les cas, vous allez être obligés de nous aider et vous allez être obligés d'aider aussi les citoyens que vous servez. Et, faites attention - quant à moi, une dernière chose - on le sait, la classe moyenne est tout près de décrocher au Québec. Si on en fait un petit peu, un petit pas supplémentaire, socialement, quant à moi, on va y goûter. Alors, il faut être très précieux sur ce qu'on fait comme travail, eu égard à la fiscalité et aux services qu'on rend. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, une contribution tout à fait exceptionnelle, je pense, qui a abordé un certain nombre de problèmes qui sont des problèmes réels et tenté de mettre sur la table des solutions. Je trouve ça très très heureux. Ce que j'ai compris, c'est: Le partenariat est possible. L'incitatif a meilleur goût. Et ce que je retiens de l'incitatif, même si l'ouverture n'est pas grande, c'est que les économies de l'incitatif pourraient peut-être être partageables. Donc, je retiens ça aussi comme ouverture, ce qui est assez intéressant. Et Dieu sait qu'il nous reste encore passablement de travail à faire, mais c'est l'un des premiers mémoires qui nous donne des pistes intéressantes. On en a ajouté d'autres en cours de route en se questionnant, mais le complément des deux fait qu'il y a un peu d'espoir sur l'efficience et l'efficacité dans des choses concrètes. Je vous remercie pour cette contribution-là, et on va le rappeler aux autres aussi, soyez-en sûrs. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, messieurs de l'Association des hôpitaux du Québec, au nom des membres de cette commission. J'appellerais le plus rapidement possible l'Association d'hospitalisation du Québec, Croix Bleue, de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

La commission reprend ses travaux. S'il vous plaît! Est-ce qu'on pourrait fermer la porte en arrière, s'il vous plaît? Merci. Alors, à vous de l'Association d'hospitalisation du Québec. Bienvenue à cette commission, merci d'être présents. M. Ferron, j'apprécierais si vous pouviez nous introduire les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Association d'hospitalisation du Québec (Croix Bleue)

M. Ferron (Claude): Oui, M. le Président, MM. les membres de la commission. À l'extrême gauche, M. André Lafond, qui est vice-président exécutif de l'assurance collective; Mme Jacynthe

Michaud, qui est secrétaire de la compagnie et M. Pierre Julien, qui est vice-président exécutif de l'assurance individuelle.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Ferron. Vous avez environ 30 minutes pour nous exposer votre mémoire et, après, les parlementaires auront le plaisir d'échanger avec vous.

M. Ferron: D'accord. L'Association d'hospitalisation du Québec ou Croix Bleue est une société de secours mutuels à but non lucratif et à charte provinciale oeuvrant principalement dans le domaine de l'assurance accident-maladie au Québec. Cet organisme est membre de l'Association canadienne des Croix Bleue et de Blue Cross and Blue Shield Association, des États-Unis. Elle est la propriété des Québécois et est gérée par ceux-ci. Cette appartenance favorise les échanges entre nos organisations dans le domaine de la santé.

C'est au nom de ses 800 000 membres et aux titres de principal assureur en accident-maladie individuelle et d'assureur important en assurance-voyage et en assurance collective qu'elle désire exposer à cette commission parlementaire son point de vue sur le document intitulé «Un financement équitable à la mesure de nos moyens».

Après 20 ans, personne ne remet en question les principes de base qui ont servi a la naissance de notre système de santé. L'enfant vient de passer sa crise d'adolescence et se questionne sur son orientation en tant qu'adulte. Nous croyons que les soins de base devraient toujours être inclus dans le régime public, avec les ajustements proposés relativement au panier des services assures, mais, par contre, nous remettons en question la couverture des soins complémentaires.

Nous réalisons que les objectifs de départ ayant été atteints en partie face à la vision de l'époque, nous nous devons d'aborder les 20 prochaines années avec les connaissances acquises sur les faiblesses et les irritants du système actuel, et surtout avec les besoins qui nous attendent dans les prochaines décennies. Globalement, notre système de santé fonctionne relativement bien avec les ressources financières que nous voulons bien y consacrer. Le contrôle des coûts et des frais d'administration rencontre les exigences gouvernementales, bien que la qualité des soins demeure difficile à cerner.

Avant l'instauration d'un régime universel étatisé, il y a un peu plus de 20 ans, Croix Bleue constituait pour les employeurs et les citoyens le plus important fournisseur d'assurance accident-maladie au Canada. L'ensemble des Croix Bleue canadiennes constitue encore aujourd'hui le plus important assureur en accident-maladie. Le débat relatif aux options de financement présentement envisagées semble vouloir laisser plus de place aux contributions individuelles pour le finance- ment des services sociaux et de santé. Nous croyons pouvoir contribuer au débat en offrant le point de vue d'un assureur privé et certains éléments de solution au problème du financement des services sociaux et de santé.

Nous croyons que le domaine de la santé doit être une responsabilité partagée entre le gouvernement, les citoyens, les intervenants publics et privés, les dispensateurs de soins de santé et les organismes privés d'assurance-santé. Ces derniers jouent un rôle important dans le financement des soins de santé non couverts par les programmes publics en plus d'assurer la protection du revenu des individus lors d'invalidité à court terme et à long terme. Dans les pages qui suivent, nous commenterons à partir du document faisant l'objet de cette consultation le niveau des dépenses de santé actuel. Nous soulignerons par la suite certains éléments du contexte socio-économique ayant un impact sur le débat. Nous débattrons ensuite du financement des services sociaux et de santé et offrirons enfin quelques éléments de solution.

Le niveau des dépenses des services sociaux et de santé. La question est posée à juste titre. Consommons-nous trop, globalement, et, par ricochet, le niveau actuel des dépenses consacrées aux services sociaux et de santé est-il acceptable? Comme l'indiquent les auteurs du document faisant l'objet de cette consultation, le niveau actuel des dépenses de santé per capita du Québec correspond à sa richesse relative et au comportement moyen des provinces et des pays industrialisés. Par rapport au PIB, nous nous classons bon deuxième après les États-Unis et devant les autres provinces canadiennes. Par rapport à la dépense per capita, nous sommes dans la moyenne canadienne. Par contre, il faut souligner que l'ensemble des pays de l'OCDE ont enregistré une diminution entre 1987 et 1989, alors qu'au Canada et au Québec cela ne s'est pas fait sentir.

Nous notons que la part des dépenses publiques de santé a diminué, de 1984 à 1987, mais que cette baisse est probablement causée par une augmentation des dépenses privées: technologie, médicaments, soins dentaires. Au cours des dernières années, la part des fonds privés dans les soins de santé a encore augmenté, quand on regarde l'évolution du prix des chambres d'hôpital semi-privées et privées.

Mentionnons aussi que, par rapport à certains indicateurs pouvant servir de base de comparaison entre pays, le Canada et le Québec se situent généralement dans le juste milieu: espérance de vie ou longévité, taux de mortalité infantile, pourcentage des dépenses de santé par rapport au PIB, nombre de médecins par 10 000 habitants. Il faut cependant être prudent lorsqu'on mesure les dépenses de santé par rapport au PIB. En effet, de fortes augmentations du PIB, telles que nous en avons connues au cours des années quatre-vingt, peuvent laisser croire

que les dépenses de santé augmentent raisonnablement alors qu'elles peuvent, en réalité, augmenter démesurément.

Ainsi, la question se pose: Contrôlons-nous bien ces dépenses? Tel que mentionné dans le document, les dépenses de santé ont augmenté plus vite que l'IPC entre 1980 et 1987, et cette tendance ne s'est pas résorbée depuis. Nous avons même entrepris un dérapage à cet égard puisque le niveau des dépenses se situe à IPC + 3 % alors que, selon nous, on devrait s'en tenir à IPC + 1 %. Nous tentons toujours d'avoir le meilleur des deux mondes auxquels nous nous identifions: un régime universel et accessible à tous, la technologie américaine, la meilleure qui soit. Nous avons observé la naissance de plusieurs fondations privées dans les années quatre-vingt, afin de nous donner accès à cette technologie. Nous croyons que cette voie devrait être encouragée dans le futur.

Les principaux éléments de contrôle des coûts sont absents de notre système. Pas de coassurance; pas de déboursés par l'utilisateur; facturation directe du fournisseur de services aux tiers payeurs, privés ou publics; aucune sensibilisation de l'utilisateur aux coûts des services consommés - relevés de compte ou autres - ni aux coûts du régime-impôt distinct; finalement, un choix illimité. En fait, les deux seules limites inhérentes au système sont les limites aux montants des dépenses d'immobilisation et, par conséquent, l'impossibilité de répondre à une demande presque infinie, d'où les listes d'attente.

Mais comment, justement, allons-nous réussir à conserver l'équilibre en sachant que la courbe démographique nous amène vers la réalité suivante: les 65 ans et plus, qui représentent actuellement 11 % de la population, entraînent 30 % des coûts de santé. En l'an 2000, c'est-à-dire dans moins de huit ans, ce groupe représentera 15 % du total de la population. Deux autres caractéristiques s'ajoutent, à notre avis, qui devraient nous inciter au questionnement et à la prudence: l'accessibilité au système, la rémunération à l'acte. (16 heures)

Accessibilité. La facilité avec laquelle on peut adhérer au système est presque désarmante, mais le contrôle, par la suite, l'est encore plus. Ainsi, il y aurait présentement au-delà de 300 000 cartes-soleil en circulation dont l'appartenance du titulaire au régime est discutable. Tout le monde a également entendu parler du trafic de cartes-soleil aux États-Unis, où des Québécois vont louer leur carte. Un contrôle plus sévère s'impose et, avec la technologie présentement disponible sur le marché et utilisée abondamment par les émetteurs de cartes de crédit, beaucoup de ces fraudes pourraient être arrêtées.

Rémunération. Les régimes de santé des principaux pays industrialisés sont jalousement gardés par chacun de ces pays et peu d'échanges prennent place. Pourtant, les systèmes de santé font sporadiquement l'objet de réformes importantes ou constituent, tout au moins, des sujets politiques controversés. De plus, malgré de nombreuses différences, beaucoup de problèmes semblables se posent d'un pays à l'autre. Il nous semble important de comparer ces différences et d'en tirer le meilleur parti.

Le sujet le plus discuté lors des réformes est sans doute la rémunération des services médicaux. À notre avis, une partie importante de l'inflation des coûts de santé est reliée au fait que la rémunération des médecins à l'acte n'incite pas beaucoup ces derniers à contrôler les coûts. la quantité de services utilisés au québec compte pour 60 % de l'augmentation annuelle de la hausse des dépenses de services médicaux per capita entre 1970 et 1983, alors qu'elle n'était que de 34 % au canada. la quantité de services dispensés par médecin, quant à elle, constitue 35 % de l'augmentation de la quantité de services utilisés - 14 % pour le canada - alors que l'évolution des effectifs de médecins per capita se situe à 24 % - 20 % pour le canada. c'est donc, comme le soulignait le rapport rochon, qu'au québec la faiblesse relative de l'effet prix a été en partie compensée par la force relative de l'effet quantité.

Nous reviendrons sur ce sujet plus loin, mais mentionnons tout de même qu'il nous semble que des notions de gestion intégrée des soins - «managed care» - pourraient être introduites dans le système et servir d'incitatif aux médecins et hôpitaux à être plus efficaces et efficients. Nous nous inquiétons également de l'écart de plus de 8 % qui existe entre le Québec et l'Ontario relativement aux heures rémunérées par jour-patient dans les hôpitaux, sachant que les ressources humaines représentent 80 % des dépenses du système de santé.

Finalement, pour terminer cette section relative au niveau des dépenses, il convient de questionner l'universalité de notre système. Peut-être est-il temps de remettre en cause l'universalité de certains types de soins par rapport à leur effet sur la santé collective. On s'aperçoit d'ailleurs que le niveau des dépenses de santé ne garantit pas nécessairement un meilleur état de santé collectif, quoique ceci soit plutôt hasardeux à mesurer. Prenons le Japon, par exemple, qui a un des plus bas pourcentages de dépenses de santé par rapport au PBI et qui n'en détient pas moins le record de l'OCDE en regard de la longévité et de la mortalité infantile. Pourtant, ce pays a un régime mixte, privé-public, qui fait place à des contributions du consommateur - copaiement - assorti d'un plafond annuel.

Notre système pourrait, nous le croyons, laisser contribuer plus le secteur privé pour atteindre un niveau comparable à celui de l'Ontario, par exemple, en ne remettant pas en cause l'accessibilité du système aux plus démunis.

Nous sommes d'accord avec le grand principe de l'universalité du système. Mais n'y aurait-il pas lieu de considérer la possibilité de permettre au citoyen qui veut payer plus d'avoir accès à des soins électifs? Cette source de revenu non négligeable permettrait de libérer les listes d'attente et assurerait, du fait même, une plus grande accessibilité aux plus démunis.

Nous croyons également que d'autres aspects de notre société ayant un impact important sur l'état de santé collectif peuvent être mis en cause: habitudes de vie, alimentation, logement, toxicomanie, tabagisme, pauvreté. Ce sont là des éléments qui ne sont pas nécessairement reliés directement aux dépenses de santé, mais qui influencent sérieusement la mesure la plus définitive de notre santé: la longévité. Doit-on favoriser le préventif plutôt que le curatif? L'espérance de vie en bonne santé n'a pas beaucoup bougé en 15 ans, passant de 62 à 63 ans.

Les réalités socio-économiques. Certaines caractéristiques socio-économiques influencent grandement notre état de santé collectif et la part de la richesse que nous y consacrons.

Géographie. Il peut paraître curieux de parler géographie comme étant une réalité socio-économique, mais, en Amérique du Nord, c'est le cas. L'importance et l'influence de notre voisin du Sud se ressentent dans toutes les facettes de notre vie, incluant le financement des soins de santé. Souvenons-nous de l'importance et de l'omniprésence de nos régimes sociaux, dont le système de santé, dans nos discussions entourant le traité de libre-échange.

Technologiquement, notre médecine est d'abord américaine. Et tant mieux puisqu'il s'agit de la technologie la plus avancée de la planète. Faisons donc un bref tour d'horizon du système américain. Les Américains consacrent aujourd'hui 12,3 % de leur PIB à la santé, alors qu'en 1980 il s'agissait de 9,4 %. Comme dans le reste de leur système économique, la santé est soumise à la loi du marché avec le moins d'interventions possible de l'État. Pour eux, seul un système privé garantit le contrôle des coûts, quoique les chiffres mentionnés plus haut semblent vouloir indiquer le contraire.

Malgré MEDICAID, pour les démunis, et MEDICARE, pour les personnes âgées, 15 % de la population n'a pas de couverture d'assurance-santé. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas obtenir de soins pour autant. Mais on est loin de l'universalité. Les régimes mentionnés plus haut drainent 38 % des 700 000 000 000 $ consacrés à la santé; ils sont surréglementés et inefficaces en plus de ne pas suffire à la demande.

La fraude, les abus et les coûts de l'assurance-responsabilité professionnelle menant à une médecine défensive sont probablement la maladie la plus grave dont souffre le système américain. On estime à plus de 75 000 000 000 $ la fraude seulement.

Aujourd'hui, il y a deux fois plus de médecins aux États-Unis qu'il y a 20 ans. Pourtant, on estime qu'il manque encore 35 000 omnipraticiens pour répondre à la demande. Ceci a pour effet que beaucoup de citoyens se dirigent inutilement vers des spécialistes, engendrant du gaspillage. Depuis que les médecins ne font plus ou font rarement payer leurs patients, un élément de freinage naturel important est disparu. On sait maintenant qu'il en coûte 17 % de moins de traiter des citoyens membres de HMO - ils sont maintenant 40 000 000 - par rapport au système traditionnel. En 1995, il est prévu que probablement 80 % des groupes assurés le seront sur cette base et aussi sur la base des PPO.

De par notre proximité, nous sommes très influencés par le régime américain. En ce qui nous concerne, nous avons introduit, dans nos régimes d'assurance-voyage, une notion d'intégration des soins - «managed care». Nous avons pu ainsi réaliser et faire réaliser à la RAMQ des économies importantes au chapitre des soins hors Canada. Ce qui nous permet d'ailleurs également d'assurer des personnes âgées qui partent pour de longs séjours à un prix encore très raisonnable.

En 1960, il y avait une personne sur 11 qui était âgée de plus de 65 ans. En 1987, c'est une sur 7. En 1990, aux États-Unis, 200 000 000 000 $ sur 700 000 000 000 $ sont consacrés aux soins de santé pour les plus de 65 ans. On estime que ce sera 600 000 000 000 $ sur 1,5 trillion $ en l'an 2000. Notre population vieillit tout aussi rapidement et il y aura proportionnellement de moins en moins de jeunes payeurs. Les sources de financement devront donc s'ajuster en conséquence.

Au Québec, nous avons traditionnellement un taux de chômage plus élevé qu'au Canada. La situation pourrait s'améliorer à long terme, mais, dans l'immédiat, un nombre plus élevé de travailleurs aptes à contribuer au régime ne le font pas.

Le financement. Les sources de financement, telles que décrites dans le document dont il est ici question, illustrent plusieurs malaises que nous commenterons. D'abord, si l'on pouvait conclure que le niveau des dépenses pour les services sociaux et de santé se situe à un niveau acceptable comparativement à d'autres pays industrialisés, la taxation, elle, a probablement atteint un point de saturation, autant quant à son niveau qu'à sa diversité. Nous avons inventé toutes les taxes qu'il y avait à inventer... même la taxe sur la taxe!

Les effets de la rationalisation instaurées depuis le milieu des années soixante-dix ont apporté les résultats escomptés jusqu'en 1989-1990. Cependant, les règles du jeu semblent se modifier depuis 1990-1991. D'abord à cause de la récession qui affecte sérieusement plusieurs

secteurs d'activité. Les transferts fédéraux ont régressé régulièrement et seront gelés au niveau actuel pour les cinq prochaines années. Les déficits gouvernementaux prennent, quant à eux, une part de plus en plus grande de l'assiette budgétaire, et l'engagement de ne pas reporter sur les générations futures nos dépenses actuelles sera difficilement maintenu. D'autant plus qu'en pleine période de prospérité et de croissance nous n'avons pas réussi à diminuer les déficits gouvernementaux, mais nous les avons maintenus.

Il nous semble que les revenus provenant des impôts et des taxes au Canada ont atteint le maximum maintenant et que l'écart avec le régime fiscal américain ne peut augmenter. Des choix s'imposent donc entre la stabilisation des dépenses ou la diminution des services, ou les deux. Nous acceptons difficilement l'idée avancée par le gouvernement qu'éventuellement, en période de croissance, nous pourrions rembourser les déficits que nous avons encourus en période de récession. Les coûts de santé augmentent beaucoup plus fortement que l'IPC et, en autant que le système de base soit maintenu et même amélioré grâce au contrôle des coûts, nous croyons que c'est de cette façon que nous allons réussir à protéger les acquis des 20 dernières années.

Nous croyons, d'autre part, avoir le choix, comme société, de rationaliser les ressources humaines et financières dans les domaines de la santé et des services sociaux. Des mesures correctives s'imposent donc et nous tenterons d'en dégager quelques-unes à partir des constatations suivantes.

La gratuité complète d'un service entraîne une consommation plus grande. Rendons l'électricité gratuite et finançons-la à partir des impôts et la demande augmentera dramatiquement. Nous sommes convaincus qu'une participation financière du bénéficiaire, si minime soit-elle, lors d'une visite chez le médecin, à l'hôpital ou à la pharmacie, réduira la demande dans une certaine mesure.

Le paiement par le patient, en tout ou en partie, contribue à diminuer les coûts. Dans notre domaine d'activité, nous pouvons observer une demande plus grande dans les régimes d'assurance-médicaments lorsqu'il y a paiement direct de l'assureur au pharmacien, sans forme additionnelle de contrôle et sans déboursé de la part de l'assuré.

La médecine rémunérée à l'acte n'incite pas à une grande efficacité. L'expérience vécue par nos voisins du Sud dans des régimes intégrés de soins de santé, «managed care», dénote des changements de comportements importants de la part des fournisseurs. Nous avons nous-mêmes, tel que mentionné précédemment, expérimenté de tels changements, et présentement, aux États-Unis, la transformation des régimes traditionnels en régimes intégrés de soins de santé, HMO-PPO, se fait à pleine vapeur. Nous n'en doutons pas, l'efficacité du réseau peut être améliorée en appliquant chez nous des formules similaires adaptées à notre régime.

Le niveau de dépenses en santé seul n'a pas beaucoup d'effet sur le niveau de santé d'une population. D'autres paramètres influencent beaucoup la santé, dont le niveau de pauvreté, les habitudes de vie, la criminalité, incluant la drogue. Il faut mentionner de plus que, même si la longévité s'est sensiblement améliorée au cours des 20 dernières années, le niveau de vie en bonne santé, lui, n'a pas tellement changé et se situe toujours aux environs de 63 ans.

Une plus grande imputabilité contribuera à éviter une explosion des coûts. Les citoyens ne savent généralement pas combien il leur en coûte pour les soins de santé pour lesquels ils ne déboursent rien. Cette impression de gratuité combinée à l'absence à peu près totale de contrôle contribuera à une explosion des coûts si nous n'y prenons garde.

La contribution de la partie publique du financement est plus grande au Québec qu'en Ontario et au Canada. L'écart atteint même 7 % avec l'Ontario où les sources de financement privées constituent une plus grande part du financement total. Cet écart représente 800 000 000 $ par année.

Ces grandes constatations nous indiquent déjà certains éléments de solution. Nous sommes également d'accord avec le gouvernement du Québec à l'effet que le retrait progressif du fédéral devrait s'accompagner d'une plus grande latitude des autorités de chacune des provinces et nous l'appuyons dans sa démarche de faire modifier la loi C-3, puisque la santé est avant tout un domaine de juridiction provinciale.

Les éléments de solution. Conscients que nous ne devons pas mettre en péril l'essentiel du système actuel et que des choix s'imposent, nous sommes d'accord avec les grandes orientations, mesures et options exposées dans le document du ministère afin d'améliorer l'efficacité du système. Nous y apporterions de plus les commentaires suivants: la limitation de l'évolution du coût global de la rémunération des salaires devrait tenir compte de l'avance qu'ont présentement ces salariés par rapport au secteur privé; la rémunération des cadres pourrait être articulée autour d'un système de rétribution stratégique semblable à ce que l'on trouve dans l'entreprise privée en tenant compte des objectifs à atteindre; la rémunération des professionnels pourrait, dans certains cas, être inspirée du système utilisé par les HMO ou par certains régimes privés de soins dentaires, la capitation.

En ce qui a trait à la nécessité d'un nouveau cadre de régulation, nous croyons qu'il devrait en effet y avoir un rapprochement entre la consommation et le financement des dépenses de santé. Il nous apparaît important que les consommateurs, tant par rapport au financement qu'à la consommation, soient en mesure d'en

connaître les coûts. Nous souscrivons donc entièrement à l'idée de mettre en place un cadre intégré de régulation des dépenses et du financement des services sociaux et de santé.

Nous souscrivons également à l'idée d'un fonds général pour l'ensemble des dépenses publiques de santé. Ce concept est déjà appliqué avec succès dans le domaine de l'assurance automobile avec la Société de l'assurance automobile du Québec et nous croyons qu'une telle transparence encouragera le processus de responsabilisation des citoyens. D'autre part, le départage des contributions entre bénéficiaires, employeurs et citoyens assurés permettra une plus grande transparence. Nous croyons par contre important de rétablir la contribution des employeurs et des employés telle qu'elle existait auparavant en proportion équivalente. Un transfert de points d'impôt serait alors effectué aux contribuables, amenant ainsi une plus grande équité en reconnaissant la responsabilité collective de tous les Québécois et Québécoises. Le fonds général des services sociaux et de santé sera confronté à un grand défi budgétaire dans les années à venir. En examinant le déséquilibre annuel évalué entre 200 000 000 $ et 400 000 000 $, entre 1991-1992 et 1996-1997, nous croyons que les engagements existants feront en sorte qu'il sera beaucoup plus près des 400 000 000 $. Des choix devront donc être faits dans les plus brefs délais afin de ramener ce déséquilibre à un niveau plus acceptable.

Considérant tout ce qui précède et tenant compte des grandes contraintes exprimées dans le document du gouvernement, nous proposons certaines recommandations qui, la plupart du temps, s'inscrivent dans le cadre des orientations proposées. Nous avons donc regroupé nos suggestions sous trois grands thèmes: rationalisation, financement et imputabilité, privatisation progressive des services complémentaires. (16 h 15)

Rationalisation. Contrôle des cartes d'assurance-maladie. Il ne fait pas de doute que l'instauration d'un meilleur contrôle des cartes d'assurance-maladie à l'émission, au renouvellement, au remplacement et à l'utilisation entraînerait une économie de montants substantiels. Une meilleure identification sur la carte éviterait également une utilisation frauduleuse.

Désinstitutionnalisation. Les hospitalisations de longue durée ne sont souvent que le résultat d'un manque d'alternatives. Un support logistique - télésurveillance, par exemple - et fiscal - incitatifs fiscaux pour les enfants à garder les parents à la maison - sont des mesures qui permettraient aux centres d'accueil de mieux suffire à la demande. De même, le développement d'autres services alternatifs moins coûteux nous semble s'imposer. Nous aimons beaucoup l'idée avancée récemment de permettre aux citoyens de déduire pour fins fiscales des dépenses reliées au maintien à domicile des parents et grands- parents.

Soins intégrés. Il y a des leçons à tirer de l'expérience américaine de «managed care». L'option PPO, Preferred Providers Organization, semble plus prometteuse. Il s'agit d'une méthode de rémunération des intervenants de type DRG, c'est-à-dire un prix préétabli pour un ensemble de services médico-hospitaliers en relation avec un diagnostic. Elle pourrait constituer pour nous une source d'inspiration qui permettrait d'introduire dans notre système des éléments incitatifs à une meilleure utilisation de nos ressources.

Soins hors Canada. Le Québec est présentement la province canadienne la plus généreuse à ce chapitre. Ramener le niveau de couverture des Québécois et des Québécoises au même niveau que celui des Ontariens, par exemple, serait une mesure équitable qui ne pénaliserait pas les moins nantis parmi nous. Une dizaine de millions de dollars pourraient probablement être économisés.

Imputabilité. Fiscalité. Contrairement à ce qui existait au début du système où les employeurs et les employés contribuaient également, seuls les employeurs sont maintenant identifiés directement au financement des soins de santé. Cela nous semble d'abord inéquitable par rapport à ceux qui n'ont pas, techniquement, d'employeurs: travailleurs autonomes, associés dans des cabinets professionnels. Cette formule a également l'inconvénient de ne pas sensibiliser le contribuable-utilisateur aux coûts associés au système, contrairement aux autres régimes étatiques majeurs: assurance-chômage, Régie des rentes du Québec, SAAQ.

Nous recommandons donc que les soins de santé soient financés à partir d'une contribution clairement identifiable par le contribuable-utilisateur. On pourrait également y transférer les excédents de Loto-Québec, de la SAAQ ou, encore, les résultats de la perception de la taxe sur les cigarettes, d'autant plus que les fumeurs coûtent plus cher en soins de santé. Les assureurs l'ont déjà reconnu en établissant des taux différents pour les fumeurs et les non-fumeurs.

Les gouvernements ont encouragé les citoyens à prévoir leur retraite en leur permettant d'accumuler, à l'abri de l'impôt, des épargnes-retraite en plus des régimes gouvernementaux: régime de rentes du Québec, pensions de vieillesse. Le RRQ est capitalisé et les pensions de vieillesse ne le sont pas. Face aux déficits gouvernementaux qui ne semblent pas se résorber, nous pouvons certes questionner la capacité des futures générations à rencontrer ces coûts énormes reliés aux pensions de vieillesse.

Nous aimerions donc suggérer l'idée d'un régime enregistré d'épargne-santé qui, modelé sur le REER en tant qu'abri fiscal, permettrait aux citoyens d'avoir les fonds libres d'impôt pour se procurer des soins de santé, d'avoir accès à des centres de santé reliés à la population âgée ou encore de faire face à des dépenses imprévues

suite à une maladie chronique. Un tel fonds pourrait également servir à obtenir des soins électifs ou complémentaires. Au décès, puisque ces fonds auraient été exemptés d'impôt, la partie inutilisée pourrait servir à la recherche, au développement de nouvelles technologies ou à capitaliser des fondations privées.

Privatisation progressive des services complémentaires. Bien que de suggérer l'instauration d'un système parallèle privé en compétition avec le système public nous semble intéressant - tel qu'en éducation, par exemple - il est néanmoins plus réaliste de suggérer qu'une partie de plus en plus importante du financement provienne du secteur privé. Certains secteurs d'activité pourraient avantageusement être transférés au secteur privé. Pensons, par exemple, au transport médicalisé des malades au Québec. Des activités, tel le traitement des réclamations hors Canada, pourraient également faire l'objet de sous-traitance.

La redéfinition des services assurés devrait figurer en priorité parmi les mesures envisagées par le ministère. Les services complémentaires pourraient ainsi être progressivement désassurés pour les bénéficiaires dont les moyens ne font pas obstacle à l'obtention de ces services ou, encore, l'instauration de certaines limites financières au-delà desquelles le régime public ne couvre plus et le citoyen a toujours le choix de se munir d'un régime privé ou d'assumer les coûts lui-même. Mais, en aucun cas, la santé financière des citoyens ne devrait être mise en péril suite à une maladie.

Pour les hospitalisations de courte durée, nous croyons que nous devrions envisager une participation des particuliers aux frais des repas et, pour les hébergements de longue durée, la politique actuelle de participation selon les revenus devrait être maintenue.

Nous sommes donc en accord complet avec les objectifs stratégiques proposés par le ministère relativement aux mesures portant sur le financement: faire appel à des ressources complémentaires de financement, opter pour des modalités de financement qui enlèveront ce faux sens de la gratuité et qui inciteront à consommer avec circonspection. Un thème devrait guider le législateur dans sa révision du régime actuel: que ceux qui ont les moyens financiers de contribuer un peu plus au système soient mis à contribution par la voie de contributions personnelles ou de celle d'un régime complémentaire privé.

En conclusion, il semble évident que les gouvernements, au Canada, n'auront pas les moyens d'améliorer les programmes mis de l'avant au cours des 20 dernières années. Durant la décennie quatre-vingt, ils ont retraité dans certains programmes, tels les soins dentaires pour les jeunes ou les soins médicaux d'urgence hors Canada. La Croix Bleue du Québec a instauré récemment un programme avec la Blue Cross and Blue Shield of Florida puisque 85 % de ses assurés choisissent cette destination. Le programme est de type PPO et est administré en collaboration avec la RAMQ. Il permet à nos membres d'avoir accès rapidement aux soins de santé appropriés en Floride sans débourser un sou. On pourrait même ajouter que c'est probablement un HMO, mais il est en Floride.

Ceci est un exemple de complémentarité qui pourrait être développé dans le futur entre le régime de santé public et une organisation comme la Croix Bleue du Québec, qui est une société de secours mutuels à but non lucratif, qui appartient aux Québécois, et qui est bien connue du monde médical. Le régime d'assurance automobile, partagé, lui aussi, entre la Société de l'assurance automobile du Québec et les assureurs privés, est un autre exemple de complémentarité qui aurait avantage à être imité. Nous croyons que le domaine de la santé doit être une responsabilité partagée entre le gouvernement, les citoyens, les intervenants dispensateurs de soins de santé et les organismes d'assurance-santé. Ces derniers jouent un rôle important dans le financement des soins de santé non couverts par les programmes publics, en plus d'assurer la protection du revenu des individus lors d'une invalidité à court terme et à long terme.

Il est curieux que nous acceptions des régimes mixtes, public et privé, dans les secteurs de l'éducation, alors que les écoles privées voisinent les écoles publiques...

Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous plaît, M. Ferron.

M. Ferron: ...créant une dynamique et un choix sans pénaliser l'accès à tous.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. M. Ferron: Oui?

Le Président (M. Joly): On a déjà pas mal débordé.

M. Ferron: Oui. Alors, c'était la conclusion, à toutes fins pratiques.

Le Président (M. Joly): Oui, mais je la trouvais longue. On avait dit le mot «conclusion» il y a trois pages.

M. Ferron: Pas de problème, on l'avait déjà dit avant.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Il y a un effort très important de communiquer du vécu, je pense, dans le mémoire, et je pense qu'il faut le souligner et le saluer à ce moment-ci, de manière particulière, ce avec quoi vous

avez terminé, l'expérience des Québécois en Floride, et Dieu sait qu'il y en a quelques-uns. Si j'ai bien entendu, 80 %?

M. Ferron: 85 % des Québécois choisissent ça, ce qui veut dire que nous, à la Croix Bleue, on doit assurer chaque année probablement 400 000 Québécois qui vont en Floride.

M. Côté (Charlesbourg): C'est considérable. Je pense que...

M. Ferron: C'est considérable. Ça a augmenté beaucoup depuis quelques années.

M. Trudel: ...on prend la Croix Bleue.

M. Côté (Charlesbourg): On prend la Croix Bleue. Ha, ha, ha! Bon. J'imagine que, s'ils vous ont choisis, c'est possiblement parce que vous avez une couverture qui est plus large ou plus adaptée à leurs besoins que certains autres ou, à tout le moins, une plus grande ouverture.

M. Ferron: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Une de vos recommandations à l'intérieur du mémoire est à l'effet de mieux contrôler les coûts hors Canada. Donc, on est en plein dedans, à ce moment-ci. Est-ce que c'est la totalité des gens qui sont en Floride qui sont assurés?

M. Ferron: Non, non.

M. Côté (Charlesbourg): parce qu'une des problématiques, je ne vous apprendrai rien, à vous, mais je pense que, sur le plan de la communication publique, ça m'apparalt important...

M. Ferron: Nous, on...

M. Côté (Charlesbourg): ...c'était notre inquiétude de couvrir l'ensemble de la population, puisque ceux qui ne sont pas couverts sont probablement ceux qui ont plus de difficulté à se trouver une assurance pour se couvrir, donc, des gens plus à risque. Est-ce que les 85 % que vous couvrez peuvent nous permettre de déduire qu'il y a 15 % des gens qui ne sont pas couverts parce qu'ils ne sont pas assurables?

M. Ferron: Non, ce n'est pas... Les 85 %, ça veut dire qu'il y en a 15 % qui vont vers d'autres destinations. Ça peut être soit les Antilles, etc., un peu partout.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. C'est 85 % de vos personnes assurées qui sont en Floride? Ah! Oui, oui.

M. Ferron: De ceux qui sont assurés qui sont en Floride. Alors, c'est ça. Maintenant, vous avez souligné que pour les personnes âgées c'est vrai que ça peut être un problème à cause, des fois, des conditions préexistantes. Sauf que, nous, depuis deux ans, on a développé, si vous voulez, une forme de sélection, de façon à ce que, par un questionnaire médical, on puisse rassurer les gens. Effectivement, on en refuse quelques-uns, mais c'est très minime. Je ne pense pas que ça dépasse 10 %. Et plus on avance, chaque année, ce pourcentage-là diminue. Ce qui veut dire que, dans quelques années, un peu comme en assurance-vie, il va y avoir un pourcentage de gens qui ne pourront pas s'assurer parce que, vraiment, le risque est trop grand. Mais la plupart des gens peuvent trouver... Chez nous en tout cas, on est les plus gros assureurs, en fait, pour les personnes âgées et on est continuellement au travail pour essayer d'assurer le plus de gens possible.

Une des choses qui nous aident beaucoup, actuellement... Tantôt, je disais: Ça ressemble peut-être à un HMO, on travaille beaucoup avec la Régie, on travaille beaucoup en collaboration avec eux. On les représente là-bas. On a développé une compagnie qui s'appelle Canassistance. Nous, vis-à-vis de la Floride, les gens doivent se rapporter à Canassistance. Je ne vous cacherai pas qu'aux États-Unis, c'est la «big business», les soins médicaux, les hôpitaux et tout ça. Nous, par l'entente qu'on a avec la Croix Bleue de Floride, on fait probablement des «savings» de l'ordre de 20 % ou 25 % pour les soins hospitaliers. La Régie en prend la moitié parce qu'elle en assure à peu près la moitié et on a un contrôle.

Je dois vous dire aussi qu'on a découvert - et je pense que tout le monde s'en doute un peu - qu'il pouvait arriver parfois qu'il y avait des opérations qui étaient faites inutilement. Alors, nous, maintenant, ils doivent se rapporter... À moins que ce soit une urgence impensable, on les met en contact avec leur médecin, ici, au Québec. De cette façon-là, on s'aperçoit qu'on a un contrôle beaucoup plus grand.

Maintenant, question de contrôle des coûts, il faut dire que la Floride... Mais ça, c'est en train de s'étendre partout aux Etats-Unis et c'est assez récent, c'est, comme on l'expliquait tantôt, le DRG. Ils viennent établir, si vous voulez, un montant. C'est négocié d'avance chaque année. Supposons une fracture d'une cheville, ils vont dire: Nous, on va vous payer 1500 $ pour tout ce qui entoure la fracture d'une cheville. Si l'hôpital est efficace et que ça lui en coûte 750 $, tant mieux; s'il n'est pas efficace et que ça en coûte 3000 $, tant pis. Mais, dans l'ensemble de tout ça, on réalise qu'on a sauvé énormément et avec des soins qui sont quand même vérifiés par les pairs, ces choses-là. Alors, comme tel, ce qui était tabou il y a peut-être 10 ou 15 ans, de discuter de coûts avec le système

de santé, l'est de moins en moins, en tout cas aux États-Unis, puis probablement ici aussi.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que vous êtes dans une situation où, à l'occasion, vous procédez davantage par évacuation médicale?

M. Ferron: Oui, ça arrive, mais l'expérience des dernières années... Peut-être que M. Julien pourrait nous donner un aperçu de ça.

M. Julien (Pierre): On procède à des évacuations médicales quand le «break even» est dépassé, c'est-à-dire que si on sait, à partir du DRG, que ça va coûter plus cher de le faire traiter là-bas que de le ramener ici, c'est à ce moment-là qu'on détermine l'évacuation. C'est carrément une situation, une décision économique. L'an dernier, pour fins de démonstration, on a fait une quarantaine de rapatriements médicaux sur... on disait tantôt 400 000 personnes assurées. Donc, ce sont vraiment des exceptions.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, si je comprends, si on en arrivait à dire, demain matin: Nous allons payer ce que nous payons au Québec pour un citoyen qui peut être hospitalisé en Floride ou qui a des problèmes en Floride, à ce moment-ci, des gens qui ont décidé d'aller passer six mois en Floride, ou un mois, ou deux mois, pourraient avoir accès de manière très majoritaire à une couverture d'assurance qui est la vôtre et, donc, être protégés à ce niveau-là.

M. Julien: Je vous dirai que ceux qui sont en santé, ceux qui ont la santé pour voyager pourraient, oui, trouver de l'assurance. Le gros drame, actuellement, c'est qu'il y a des gens qui partent en voyage et qui devraient carrément ne pas partir. Il y a des gens qui nous soumettent des questionnaires médicaux pour fins de sélection, pour fins d'évaluation et on se demande s'ils vont vivre assez longtemps pour avoir les résultats du questionnaire médical. C'est incroyable de voir comment les gens qui voyagent en Floride considèrent la Floride comme étant une extension du Québec: ce n'est pas plus compliqué aller en Floride que d'aller à Drummondville. Sauf que ce n'est pas vrai. On s'aperçoit, en réalité, que la grande majorité des gens sont assurables, effectivement, et probablement qu'en réalité il y a moins de 5 % des gens qui ne sont pas assurables aux fins d'un contrat d'assurance hors Canada.

M. Ferron: Peut-être pour ajouter un peu à ce que M. Julien disait, pour nous, actuellement, les moins de 65 ans, je crois que la prime, c'est 1,50 $ par jour. Pour les gens entre 60 ans et 70 ans, c'est 2 $; 70 ans en montant, 3,25 $; 80 ans et plus - parce qu'on a même des gens de 80 ans et plus - 6 $. Nous, on a calculé que si on se ramenait au même niveau que l'Ontario, supposons, un per diem de 400 $ ou 500 $ par jour, il faudrait probablement augmenter nos primes de pas plus de 25 %. Alors, l'effet n'est pas majeur quand on regarde ça. En plus de ça, pour nous, ça nous semble un principe d'équité. Autrement dit, le gouvernement paierait le même montant que pour les citoyens du Québec. (16 h 30)

M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ça me paraît être une des mesures sur lesquelles on devra se prononcer assez rapidement. Mais tant et aussi longtemps qu'on n'avait pas la garantie qu'une compagnie d'assurances pouvait assurer les gens qui étaient là-bas, je pense qu'on était dans une situation où c'était assez difficile.

M. Ferron: Nous, il faut remarquer qu'on est certainement le plus gros, pour les personnes âgées. J'ai l'impression que les autres assureurs, éventuellement, vont aussi embarquer dans ce marché-là. C'est sûr que, lorsque vous regardez l'expérience des 65 ans et plus et que vous la comparez à celle des 65 ans et moins, c'est deux mondes. Je peux vous dire que, dans un cas, ça peut être au moins 75 % et, dans l'autre, 30 %, disons, en gros. Alors, c'est évident qu'un assureur qui ne veut que faire de l'argent, il va assurer les personnes qui sont en bas de 65 ans. La Croix Bleue, c'est un organisme à but non lucratif; on est là pour être au service des citoyens et pour trouver des façons de les assurer dans ce domaine-là.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que, sur le plan de la couverture, c'est une couverture totale des coûts ou s'il y a des frais de base que les gens doivent payer, ou s'il y a un plafond, sur le plan du paiement?

M. Ferron: Non, on rembourse intégralement. La partie de la Régie nous est remboursée parce qu'on y va par subrogation. Mais la différence entre le coût total et, si vous voulez, ce que la Régie rembourse, c'est 100 %. Plus que ça, les gens, quand ils se présentent en Floride - parce qu'on parle de la Floride, actuellement - avec la Croix Bleue, on ne leur demande pas de déposer de l'argent ou d'avoir une carte de crédit, ces choses-là. C'est tout de suite la garantie. Ils sont tout de suite identifiés.

M. Côté (Charlesbourg): Le temps passe vite. Je m'aperçois que c'est quand même... Mon ami Trudel a ouvert le dossier de la Floride de manière spectaculaire hier, et pas à tort non plus, je pense, compte tenu des documents qu'il avait entre les mains; ça nous permet de clairer un certain nombre de choses à ce niveau-là. Vous avez une proposition sur un régime enregistré d'épargne-santé. Si j'ai bien compris, dans la mesure où les sommes ne sont pas utilisées, ça pourrait être utilisé pour des fins de recherche. Je comprends, mais expliquez-moi donc comment

ça marche, dans la vie, cette affaire-là. Ça sert à payer quoi?

M. Ferron: Écoutez, pour nous, disons que c'est le grand concept. On permet au citoyen, chaque année, de contribuer, comme pour un REER. Donc, les fonds sont accumulés, à l'abri de l'impôt, en franchise d'impôt. Maintenant, contrairement au REER, lors de la consommation, si vous voulez, ou du besoin de consommation suite à une maladie chronique, ou une personne de 60, 65 ans qui aurait des problèmes plus particuliers de santé, ou pour les centres d'accueil, les montants seraient, là aussi, dégagés, libres d'impôt. Sauf qu'au décès de quelqu'un ou si quelqu'un se désenregistre, nous, on dit: Ces fonds-là devraient être renvoyés à l'État ou à des fondations privées, pour rester dans le domaine de la santé. Ils ont été accumulés en franchise d'impôt, ils sont consommés en franchise d'impôt, mais, pour les montants qui restent, on dit: Envoyez ça pour servir aux autres générations.

M. Côté (Charlesbourg): Mais ce que je comprends, c'est qu'on serait dans une situation où les gens auraient quand même des frais à payer dans le système. Parce qu'il faut qu'ils paient quelque chose. Aujourd'hui, ils ne paient rien.

M. Ferron: Ils ne paient rien, mais il reste quand même que, si vous regardez nos dépenses, c'est à peu près 2000 $ per capita, chaque année. Le gouvernement en paie à peu près 77 %. Donc, il reste encore des montants importants. Et plus on avance... Simplement une chambre semi-privée, c'est rendu à 50 $ par jour; ce qui veut dire que, pour quelqu'un qui passe un mois à l'hôpital, ça fait déjà 1500 $.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Ce que je comprends, c'est que ça pourrait être affecté à ce genre de paiement là ou à d'autres. Si le gouvernement décidait, par exemple, de désas-surer quelque chose, ça pourrait assumer ça.

M. Ferron: Voilà!

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Vous évoquez, dans une de vos propositions, la trop grande facilité de circulation des cartes. Juste sur le plan de l'information, on en a parlé abondamment ici, il y a quand même des mesures qui ont été prises. À partir de 1993, il y aura l'obligation, aux quatre ans, de remplir une demande de carte, donc pour s'assurer du contrôle. Depuis six mois, évidemment, la RAMQ ne paie plus si la carte n'est pas valide. Donc, il y a quand même un certain nombre de mesures qui ont été mises en place et qui nous permettent de resserrer ça davantage.

Peut-être une dernière, M. le Président, si vous ne me signifiez pas que j'ai dépassé mon temps. Vous évoquez le contrôle des salaires et des rémunérations, avec l'impression que, maintenant, les travailleurs des secteurs public et parapublic sont pas mal au-dessus de ce qui s'apparente à leur travail dans le privé. Ce n'est pas nécessairement encore toujours vrai. C'était vrai dans certains cas très isolés, mais, de manière globale, c'est passablement sous contrôle. Est-ce qu'il n'y a pas plus à faire sur le plan des avantages ou des bénéfices?

M. Ferron: Oui, probablement. Écoutez, lorsqu'on a souligné ça, ce qui nous a frappés, à la lecture de votre document, c'est qu'il y avait un écart avec l'Ontario quand même de 8 %, ce qui est énorme. Ça ne veut pas nécessairement dire que nos employés sont surpayés, loin de là, peut-être. Il y a peut-être une efficacité que nous n'avons pas par rapport à d'autres ou encore, il y a, comme vous dites, les avantages sociaux qui, aujourd'hui, sont devenus importants. Les avantages sociaux dans les entreprises, on ne parle plus de 10 %, 15 %, on est rendu, avec les vacances et tout ça, que c'est au-dessus de 30 %, 35 % par année. Alors, c'est évident...

M. Côté (Charlesbourg): Une petite dernière sur une recommandation que vous faites qui me paraît être dangereuse un petit peu: permettre au citoyen qui désire payer plus d'avoir accès à des soins électifs. Est-ce que ce n'est pas un peu ce qui se passe aux États-Unis, puis ça fait un système parallèle qui coûte une fortune par rapport à ce que ça nous coûte? Parce que le système américain coûte très cher.

M. Ferron: Oui, mais, aux États-Unis, quand vous regardez comme il faut le système... C'est vrai qu'il y a 35 000 000 $ qui, actuellement, même parmi les gens qui travaillent... C'est un problème majeur. Je peux vous dire qu'il n'y a pas une semaine où il n'y a pas quelqu'un des États-Unis qui vient faire un tour ici, au Québec. J'en ai un, de ce temps-ci, d'Oklahoma. Ils veulent regarder notre système parce qu'ils réalisent que la base de notre système est bonne. Mais ils ont des problèmes majeurs. Comme MEDICAID, c'est mal fait, cette histoire-là. On en a parlé un petit peu dans notre document, sur les 700 000 000 000 $ que ça coûte actuellement, on a identifié, de façon assez précise, au moins 75 000 000 000 $ qui étaient simplement de la fraude ou de la médecine défensive ou, encore, d'autres montants importants de «malpractice». Alors, quand vous regardez tout ça, vous vous apercevez qu'il y a des paradoxes épouvantables. Aux États-Unis, les hôpitaux sont remplis à 65 %. Puis, c'est évident que... Soit qu'il y a trop d'hôpitaux, soit qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas comme il faut. C'est sûr que, lorsqu'on dit qu'on veut comparer avec les Américains, ils sont quand même conscients

actuellement et ils ont introduit ce qu'on appelle, le «managed care» ou «DRG», et, à mon avis, ça, c'est la bonne voie. Ils vont être capables... Nous, en tout cas, avec la RAMQ, on a pu voir de façon précise que non seulement on avait des économies, mais qu'il y avait un contrôle qui était fait.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit que la technologie américaine aussi, c'est extraordinaire! On en bénéficie. Il faut payer pour ça. Alors, lorsqu'on dit que les gens pourraient avoir des soins électifs, ce qu'on veut dire, c'est que c'est un peu comme pour le système d'éducation. Il y a quand même des choix, des fois, que les gens veulent faire. Est-ce qu'il y a moyen de trouver une façon de leur permettre de les faire tout en dégageant, si vous voulez, le système? Parce que les listes d'attente, à ma connaissance, sont encore très longues. Vous avez réglé les urgences, mais il semble qu'il y ait encore des listes assez importantes. C'est là qu'on se dit: Comment est-ce qu'on peut trouver une façon de faire ça?

M. Côté (Charlesbourg): II y a eu quelques petits cas de réglés. Effectivement, il en reste d'autres. Mais ça me paraît être une pièce dangereuse parce que, là, les riches vont avoir le moyen de se payer des services dont les pauvres n'auraient pas le moyen. Et le glissement des professionnels... C'est un peu ce qui est arrivé aux États-Unis. Quand on voit la cour qui est faite, par exemple, à des orthopédistes du Québec pour aller travailler aux États-Unis... On ne parle pas de les payer 200 000 $, aux États-Unis, c'est à coups de millions, ce qu'ils pourraient gagner éventuellement. C'est un petit peu le danger qu'il pourrait y avoir avec un système comme celui-là, y compris chez nous, j'ai l'impression. Mais...

M. Ferron: Mais en éducation, on le vit, avec contrôle.

M. Côté (Charlesbourg): Oui.

M. Ferron: Là, je ne dis pas que vous arrivez avec quelque chose qui fait deux sortes de médecine. C'est évident qu'on semble... En tout cas, on a l'impression qu'on pourrait avoir une forme de privatisation dans ce sens-là sans déranger le système de base, et peut-être même permettre que le système public fonctionne mieux.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Ferron et M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Le deuxième groupe d'assureurs. Il y a l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes qui est venue nous voir, au tout début de la commission. Je dirais que, vous, vous êtes entre les deux parce que vous êtes une entreprise à but non lucratif.

M. Ferron: Oui, c'est ça.

M. Trudel: Alors, ça fait peut-être une bonne différence quelque part. C'est intéressant d'avoir des gens qui sont dans le secteur du risque en matière de santé. Comme on a une grosse compagnie d'assurances au Québec, notre régime d'assurance-maladie du Québec, pour qu'on mette 12 000 000 000 $ de primes dedans, on veut en avoir pour notre argent et être sûr qu'on couvre bien ce qu'on veut couvrir collectivement.

Je veux revenir sur des éléments, bien sûr, de votre représentation. On disait tantôt: Peu importe le pourcentage, on entend souvent de nos personnes âgées... Elles ne disent même plus: On va aller chercher une assurance complémentaire. Elles disent: As-tu acheté ta Croix Bleue avant de partir? Donc, vous couvrez une bonne partie de la clientèle dans ce secteur.

À la page 10 de votre document, toujours sur le contrôle des cartes-soleil, vous dites que tout le monde a également entendu parler du trafic des cartes-soleil aux États-Unis, où des Québécois vont louer leur carte. Le ministre disait tantôt: On a pris quelques mesures, depuis quelques mois, il faut remplir un formulaire, etc. Mais là, vous n'y allez pas avec le dos de la cuiller. Vous dites: Les rumeurs et ces histoires-là, nous autres, on vous dit carrément: On a entendu parler du trafic des cartes-soleil aux États-Unis: des Québécois qui louent leur carte. Moi, mon expression pour décrire ça, c'est de dire: Quand il y a des gens actuellement qui encourent des peines criminelles pour payer leur paquet de cigarettes 3 $ au lieu de 6 $, ça ne me surprendrait pas qu'il y ait un trafic sur les cartes d'assurance-maladie, n'est-ce pas, quant aux bénéfices économiques qu'elles procurent. Avez-vous des chiffres, des indications pour qu'on essaie de saisir ça quelque part? Ou bien on va défaire le mythe parce qu'on risque de causer du tort, au moins collectivement, à certains groupes en disant ça, parce que, là, on en entend de toutes les couleurs là-dessus.

M. Ferron: Nous, on ne se référait pas nécessairement aux gens en Floride. On se référait à ceux qui prennent l'autobus à New York et qui s'en viennent ici se faire soigner. On n'a pas de chiffres. On en a eu connaissance, comme peut-être bien des Québécois qui sont dans le milieu, de ces choses-là. On sait qu'il y a un nombre important de cartes qui sont en circulation. Ça, c'est évident. On est conscients aussi que le ministère et la RAMQ non seulement sont conscients, mais qu'ils ont commencé à apporter des correctifs. Lorsqu'on souligne ça ici, c'est beaucoup plus pour leur dire: Envoyez fort,

il est temps qu'on fasse des contrôles. Nous, les compagnies d'assurances, comme tout le monde, on se fait prendre de temps en temps aussi. On s'aperçoit qu'il faut avoir des contrôles très forts, très adéquats parce que ce n'est pas long qu'il y en a qui contournent le système. Mais je n'ai vraiment pas de chiffres.

M. Trudel: Bon. Collectivement, il va falloir bientôt qu'on se donne des chiffres là-dessus pour savoir de quelle ampleur est ce phénomène-là parce que, encore une fois, on peut causer des torts, on peut bâtir des mythes avec ça. On reviendra à propos d'un autre mythe qui a circulé pendant assez longtemps au Québec, et depuis le 18 décembre, pourvu qu'on lise le document gouvernemental sur les citoyens abuseurs au Québec. Ça a l'air qu'on a parlé à travers notre chapeau assez longtemps là-dessus, sur les citoyens abuseurs. Les citoyens n'abusent pas. Quant à la fraude, il serait assez inimaginable que ça n'existe pas, le moins qu'on puisse dire, et vous avez de l'expérience dans ce secteur-là.

Un autre élément qu'il faut regarder, c'est toute la question du «managed care», de la gestion intégrée des soins. Est-ce que vous pensez que, dans le régime québécois - pas besoin de refaire le tour des principales caractéristiques du régime public - on peut vraiment penser qu'on pourrait en faire? Parce que votre affirmation, c'est: Grosso modo, on ne fait pas ça, au Québec. On va à la cafétéria et on se sert du service, peu importe ce qu'il y a en amont. D'autres appellent ça de la prévention, etc. Mais est-ce que, réellement, vous dites: On peut, à travers le régime actuel, faire ça, au Québec?

M. Ferron: Oui, je croirais. Moi, au départ, je suis tombé sur ça un peu par hasard, il y a trois ou quatre ans, lorsqu'on a pris une entente avec les gens en Floride. Ça m'a intrigué un peu, au point de départ, parce que, comme tout le monde, je suis un peu sceptique, tout ça. Mais, après trois ans, je peux vous dire que, hors de tout doute, il y a vraiment un bien meilleur contrôle et il y a un contrôle des coûts autant du côté du dispensateur que de l'hôpital, ces choses-là. Maintenant, c'est sûr que, lorsqu'on regarde ça, c'est assez immense, mais n'oubliez pas qu'après les États-Unis on est probablement les plus grands consommateurs de soins de santé. Nous, on se dit...

M. Trudel: Vous l'avez dit, d'ailleurs: On fait ça à meilleur prix aussi.

M. Ferron: Oui, c'est ça. Dans le fond, ici, il faut dire que le système de base, quand on regarde un peu comment ça a fonctionné, il y a eu quand même des contrôles assez intéressants et, je pense bien, depuis plusieurs années. Là, on commence à avoir peur parce qu'on dérape. Nous, on ne dit pas que le système est vraiment hors de proportion encore, mais il pourrait le devenir rapidement. Le DRG, nous, on y croit beaucoup et on l'a expérimenté. Il y a quand même 300 000 Québécois en Floride, ça fait, comment dire, un bon HMO. Dans le fond, c'est un peu comme ça qu'on fonctionne actuellement. Nous, on leur fait payer une prime ici, qui est de x montant, et, là-bas, on s'est assurés, nous, d'avoir tous les services. On sait d'avance combien ça va nous coûter pour tel acte médical ou tel acte en relation avec un diagnostic. Alors, ça, pour nous autres, je peux vous dire que ça a été des «savings» de 20 %à25 %. (16 h 45)

M. Trudel: Bon. Vous allez me parler de ça un peu, en tout cas. Vous allez m'en parler à moi. C'est quoi, l'entente que vous avez avec la RAMQ? C'est la première fois que j'entends ça, qu'une compagnie...

M. Ferron: La quoi?

M. Trudel: L'entente que vous avez avec la RAMQ. C'est la première fois que j'entends parler de ça, dans le système, quant à moi...

M. Ferron: Écoutez bien...

M. Trudel: ...qu'une entreprise privée à but non lucratif...

M. Ferron: Oui.

M. Trudel: ...a une entente avec Cantin. Alors, je veux savoir l'entente que vous avez avec Cantin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ferron: Oui, oui. Regardez bien ça. L'entente est très simple. Nous, on a pris une entente, il y a trois ou quatre ans - puis les autres assureurs aussi, en passant - avec la RAMQ selon laquelle, lorsque les assurés, nos assurés - on va prendre les assurés de la Croix Bleue - s'en vont en Floride, lorsqu'ils s'en vont à l'hôpital, nous, on s'occupe de tout payer, incluant la part de la Régie. Après ça, on se retourne vers la Régie et on lui remet les factures, tous les trucs et elle fait son travail, à savoir est-ce qu'il y avait urgence? etc., selon les critères, et elle rembourse selon les critères, à savoir les premiers 700 $, ou 50 % de l'excédent, ou encore selon les normes que nous avons. C'est pour éviter que l'assuré qui est en Floride se fasse refuser. Il y a quelques années, on avait deux problèmes. On avait le problème, d'abord, des Québécois qui arrivaient à l'hôpital là-bas et qui ne parlaient pas anglais. On a réglé ce problème-là avec une Canassistance. Le deuxième problème, c'est qu'ils leur demandaient: As-tu

une assurance? Comme tel, nous, on a réglé ça aussi parce que la partie RAMQ est indiquée dans le contrat; c'est nous qui remboursons au complet. Après ça, on se retourne vis-à-vis de la Régie, au lieu que ce soit notre assuré. Notre assuré nous donne une subrogation. C'est, je dirais, beaucoup plus simple pour l'assuré. Il n'a pas à se préoccuper de recevoir un chèque de la Régie, de venir nous rembourser, ces choses-là. On lui a vraiment simplifié la tâche, vraiment, à l'extrême.

M. Trudel: Au minimum, on simplifie l'administration. Le moins qu'on puisse dire...

M. Ferron: Ça, on le souhaiterait.

M. Trudel: ...parce que c'est directement à...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ferron: Ça, on le souhaiterait.

M. Trudel: Ah! Vous en voudriez plus. À ce compte-là, notre plus grosse compagnie d'assurances - elle est publique, celle-là - la RAMQ, aurait pu aussi faire des ententes, également, sauf que, là, elle passe par un assureur privé qui, lui, par ailleurs, couvre une partie des soins à l'extérieur pour une plus grande efficacité. Vous dites: On a sauvé quelque chose comme 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $ à la RAMQ grâce à cela.

M. Ferron: Non, non. Ce qu'on pourrait sauver...

M. Trudel: Ce n'est pas ça que j'ai entendu tantôt?

M. Ferron: Non. M. Trudel: Ah!

M. Ferron: Actuellement, l'an passé, il y a deux ans, on a peut-être sauvé 1 000 000 $.

Une voix: 1 000 000 $?

M. Ferron: 1 000 000 $. Mais c'est 1 000 000 $ quand même là.

M. Trudel: Oui, oui.

M. Ferron: Si le gouvernement, au lieu de payer les premiers 700 $ et 50 % de l'excédent, se ramenait à un niveau, si vous voulez, un peu comme l'Ontario ou les autres provinces - il y a des provinces où c'est beaucoup trop bas - d'environ, peut-être 400 $, ce qui est le coût moyen de l'hospitalisation ici, au Québec, c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on pourrait sauver beaucoup.

M. Trudel: O.KTantôt, sauf effeur, j'avais compris: Ça, ça nous a permis de sauver 20 000 000 $, 30 000 000 $ à la RAMQ. J'ai dit: On les engage tout de suite, eux autres, puis on les met à côté de Cantin puis on règle le trouble de l'affaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Alors, 1 000 000 $. Mais 1 000 000 $, c'est 1 000 000 $.

M. Ferron: Oui, oui.

M. Trudel: Alors, maintenant...

M. Ferron: Remarquez que si on faisait tout le travail pour eux autres, là, on sauverait plusieurs millions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ce seraient juste les mauvais risques à Cantin; vous autres, vous prendriez les bons. Est-ce que vous avez évalué pour cette clientèle... Vous avez de l'expérience dans ce secteur-là. Est-ce que vous avez évalué, effectivement, supposons l'approche qui a été mentionnée hier par le ministre, que nous rembourserions au Québécois, majoritairement, pour les services de la Floride, le taux que nous payons au Québec, s'il est hospitalisé au Québec, pour des soins au Québec? Est-ce que vous avez déjà évalué l'augmentation de prime que ça veut dire chez vous, pour vous... Tantôt, vous avez dit - on va essayer d'être assez précis - 2 $ par jour, quelqu'un à 65 ou 70 ans que...

M. Ferron: Oui. Mais ça, c'est le coût actuel. On a calculé, nous, qu'il y aurait une augmentation d'à peu près 25 %, ce qui veut dire que pour quelqu'un de 55 ans qui paie 1,50 $ par jour, vous ajoutez 25 % sur la piastre et demie et ça va tout couvrir.

M. Trudel: Cinquante cents par jour sur 2 $ puis on est correct. Ça couvre le restant.

M. Ferron: Oui.

M. Trudel: Bon. Ce serait terminé déjà, M. le Président?

Le Président (M. Joly): Eh oui, malheureusement.

M. Trudel: Très bien. Évidemment, je ne peux pas me permettre de conclure, M. le Président, en respectant vos directives.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Je suis assez flexible, quand même.

M. Trudel: Je sais que vous êtes assez flexible et que... On s'entend bien, quoi! À la page 24... Et là, j'ai l'impression que je m'adresse à vous. Je veux avoir un commentaire, plus comme citoyen que... J'espère que je ne me trompe pas de page. Non, c'est celle-là. Plus comme citoyen que comme membre de la Croix Bleue, mais vous êtes dans le secteur, vous connaissez ça. Votre raisonnement, sur le plan de la logique, quant au désengagement fédéral, je ne peux pas dire grand-chose sur la logique du raisonnement. Vous dites: «Nous sommes également d'accord avec le gouvernement à l'effet que le retrait progressif du fédéral devrait s'accompagner d'une plus grande latitude des autorités de chacune des provinces et nous l'appuyons dans sa démarche de faire modifier la loi C-3 - vous allez être déçu parce qu'il a dit qu'il ne demandait plus de modification - puisque la santé est avant tout un domaine de juridiction provinciale.» Vous n'avez pas l'impresssion que, globalement, de se maintenir des verrous ou des niveaux en deçà desquels on se fixe comme objectif de ne pas aller comme société, ça demeure utile, sinon parfois nécessaire?

M. Ferron: Je m'excuse. Le sens de votre question... Vous voulez dire?

M. Trudel: Est-ce que, quand on ferait sauter C-3... C-3, c'est une barrure.

M. Ferron: Oui, d'accord.

M. Trudel: On fait sauter la barrure. Vous n'avez pas l'impression comme citoyen que, dans une société, il faut se donner des barrures comme celle-là, de maintenir un niveau en dessous duquel on ne doit pas aller? Et ça veut dire qu'on fait tous des efforts collectifs pour ne pas aller en dessous de ça. Et, dans ce sens-là, faire sauter C-3 - C'est l'occasion, C-3, ou autre chose - vous n'avez pas l'impression, comme citoyen, que c'est dangereux comme société?

M. Ferron: Écoutez bien, moi, en tout cas, de toute façon, je fais confiance au niveau provincial, si vous voulez, parce que, dans le fond, la santé est de juridiction proviciale. Je pense bien qu'on ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi. Mais il y a peut-être des besoins selon les endroits puis selon la démographie et les gens. Ça dépend un peu des besoins de chacun. Mais, nous, ce qu'on veut dire par ça, c'est que si le gouvernement fédéral, qui avait un engagement d'à peu près 50 % il y a 10 ou 15 ans, est rendu à 33 % ou 35 % puis s'en va en bas de 30 %, là, on dit: II y a quelque chose. Comment quelqu'un qui se désengage, d'une certaine façon, peut imposer, à un moment donné, des limites d'une autre façon? Ça ne veut pas dire qu'il faut laisser sauter le système, loin de là. Il faut garder... Nous, on croit... Puis, je peux vous dire que même les Américains viennent nous voir. J'en ai vu un encore cette semaine, parce que notre système de base... On s'est donné, à part de ça, toute une infrastructure qui est extraordinaire. Il faut regarder ça bien comme il faut: à travers le monde, c'est peut-être un des meilleurs systèmes. Mais, on ne dit pas: Faisons sauter ça dans ce sens-là. On dit: Rapatrions les points d'impôt qu'on a besoin d'avoir et, à ce moment-là, après ça, ayons peut-être un régime plus équilibré. Actuellement, les employeurs, 22 %... Mais, vous devriez poser la question aux gens, à savoir s'ils paient pour la RAMQ sur leur paie. Ils vont vous dire: Oui. Mais ils sont toujours mêlés avec les régimes privés ou autre chose. Alors...

M. Trudel: sur le plan fiscal strictement, vous complétez, quant à moi. vous dites: envoyez-nous les points d'impôt avec, si vous voulez qu'on s'en occupe.

M. Ferron: Bien sûr.

M. Trudel: Puis quand vous dites, au départ, et je conclus là-dessus: Nous, on fait confiance au provincial - nous, on appelle ça le national - vous avez raison. À l'inverse, on ne leur fait pas confiance non plus au fédéral. Merci beaucoup de votre contribution, c'est très apprécié.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

M. Atkinson: Merci, M. le Président. Monsieur, à la page 35, au deuxième paragraphe, vous avez mentionné être arrivé à une entente avec Blue Shield et Blue Cross de la Floride pour que les Québécois, pendant qu'ils sont en Floride, puissent avoir des soins de santé. Ma question: Avez-vous des statistiques sur le nombre de Québécois qui se font traiter pendant qu'ils sont en Floride? Et quels traitements reçoivent-ils?

M. Ferron: On doit... Je vais laisser répondre M. Julien.

M. Julien: Les statistiques démontrent qu'une assurance-voyage... Parce que, même si ce n'est pas de l'assurance-voyage, on parle vraiment plus d'assurance-séjour quand on parie de six mois et de trois mois. Quand on parle d'assurance-voyage, les statistiques démontrent qu'il y a environ 2 % des contrats qui réclament. Donc, il y aurait 2 % des gens qui font des réclamations. Dans notre cas à nous, étant donné qu'on assure une plus grande partie de personnes âgées, ce pourcentage dans cette catégorie d'assurés, c'est-à-dire les plus de 65 ans, monte à 7 %. Donc, on peut dire que, sur les 400 000

assurés qu'on assure en Floride, il y en a, grosso modo, 7 % qui réclament.

Le type de soins, principalement, je dirais, probablement un ordre de grandeur de 80 %, ce sont des problèmes cardio-vasculaires d'urgence. Les autres 20 %, c'est d'autres problèmes d'urgence, des problèmes intestinaux ou des problèmes cérébro-vasculaires, mais surtout du cardio-vasculaire.

M. Atkinson: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Merci. Je pense que ce que M. le député de Notre-Dame-de-Grâce a aussi été tenté de vous demander, c'est: Est-ce que c'est un marché lucratif?

M. Ferron: C'est un marché, je ne dirais pas très lucratif. Mais je peux vous dire que, depuis cinq ou six ans, on ne perd pas d'argent avec ça. Je vais donner une autre raison. Alors que tout le monde se plaint que le dollar est trop haut, nous, on ne se plaint pas parce que nos actuaires avaient calculé leur prime à 0,80 $. Alors, quand on paie avec 0,89 $, comme de raison, on gagne 9 %.

Le Président (M. Joly): Oui. Quel est le pourcentage, M. Ferron, de gens qui voyagent qui s'assurent? Est-ce que tous ou la majorité ont la présence d'esprit et l'intérêt... Bien sûr, l'intérêt, ils l'ont à s'assurer, mais est-ce qu'ils ont la présence d'esprit de poser le geste et d'aller vers vous ou vers un autre assureur?

M. Ferron: Non.

Le Président (M. Joly): par exemple, s'il y a 700 000 personnes qui voyagent en floride, quel est le pourcentage des 700 000 personnes qui peuvent être assurées?

M. Ferron: Moi, je dirais à peu près peut-être 65 %, 70 %. Il faut dire qu'il y a une catégorie qui est difficile à identifier. Ce sont ce qu'on appelle les gens actifs, qui ont déjà des contrats d'accident-maladie privés et qui sont couverts aussi par ça, peut-être pas à 100 %, peut-être à 80 % à cause de la coassurance. Alors, finalement, il y a un bon nombre de gens. Je peux vous dire qu'il y a simplement sept ou huit ans, il y avait beaucoup moins de gens qui s'assuraient. Plus on avance, plus on s'aperçoit que les gens sont responsables. Ils sont conscients qu'il peut arriver une maladie ou un accident et que ça peut coûter très cher.

Le Président (M. Joly): Comment traitez-vous les gens qui ont deux assurances, à savoir qui sont déjà assurés par leur employeur et qui ne le savent pas, ou qui ne connaissent pas vraiment leurs bénéfices? Ils font une réclama- tion chez vous. Qui devient le premier payeur?

M. Ferron: Habituellement, il y a intégration.

M. Julien: On coordonne. M. Ferron: On coordonne.

M. Julien: On s'entend entre assureurs, généralement à 50-50.

Le Président (M. Joly): Parfait. Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Je pense que c'est très éclairant, comme quoi il y a des pistes de solution pour certaines problématiques. Je constate qu'il y a des complicités qui se sont développées, productives pour l'un et pour l'autre et, surtout, pour le bénéficiaire qui est mieux garanti. Merci.

M. Trudel: Merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): Merci au nom des membres de cette commission. À mon tour, je vous remercie.

M. Ferron: Alors, on remercie la commission.

Le Président (M. Joly): Merci. Je demanderais aux gens représentant le Réseau des départements de santé communautaire du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Nous allons prendre un petit «recess» de trois ou quatre minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

(Reprise à 17 h 10)

Réseau des départements de santé communautaire du Québec

Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux. Alors, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je demanderais à la personne responsable du groupe de bien vouloir se présenter et aussi d'introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

M. Poupart (Gilles): Bonjour, mon nom est Gilles Poupart, je suis chef du département de santé communautaire de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, également président du Réseau des DSC qu'on appelle le Conseil de la santé communautaire. J'ai avec moi M. Alain Poirier, qui est chef du DSC de l'hôpital Charles-Lemoyne, Mme Christine Colin, qui est chef du DSC de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, et M. Robert Maguire qui

est chef du DSC de Rimouski.

Le Président (M. Joly): Alors, je vous donne le temps nécessaire pour présenter votre mémoire. Normalement, on dit 20, 25 minutes ou à peu près. Mais, dans le fond, on s'ajuste assez facilement. Par après, eh bien, les parlementaires vont échanger avec vous.

M. Poupart: On vous avait déposé un texte le 20 janvier, on a aussi déposé le texte de l'allocution qu'on va vous présenter aujourd'hui. Malheureusement, vous allez vous apercevoir qu'on a sauté quelques lignes ou quelques paragraphes pour être dans le temps qui nous est alloué. Alors, au nom du Réseau des DSC, nous aimerions tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à participer aux travaux de votre sous-commission. C'est pour nous un honneur et un privilège de pouvoir échanger avec vous dans le but d'identifier comment le réseau de santé publique du Québec peut participer de façon efficace à ce nouveau défi que se donnent les Québécois, soit de maintenir et d'améliorer l'état de santé, et ce, à un coût moindre. Nos propos se situent en continuité avec ceux du premier document que nous avons fait parvenir le 20 janvier 1992.

Avant d'aller plus loin, nous voudrions profiter de l'occasion pour rendre hommage et remercier devant cette commission ceux qui, il y a 20 ans, nous ont donné le système de santé actuel qui est reconnu mondialement. Les principes fondamentaux qui ont orienté ces visionnaires, c'est-à-dire l'universalité, l'accessibilité et la gratuité, sont toujours d'actualité et nous nous devons de les préserver.

En débutant, nous aimerions vous faire part des principes qui nous ont guidés dans cette réflexion et qui se résument comme suit. La santé est une responsabilité sociale autant qu'individuelle. Des facteurs comme l'environnement physique, biologique, social et même économique ont une influence importante sur la santé. La santé publique est une responsabilité d'État qui s'exerce par la mise en place de politiques publiques et par l'organisation de services adéquats. Le document du ministère analyse bien l'état de la situation des dépenses en matière de santé au Québec. Toutefois, pour répondre aux questions quant à la pertinence des dépenses, il aurait fallu comparer les indicateurs de santé des provinces cités dans le mémoire. Nous reviendrons plus loin sur ces comparaisons.

Dans la première partie de ce texte, nous préciserons notre position sur les avenues de solution avancées par le gouvernement pour combler le manque à gagner. Par la suite, nous ferons part de quelques suggestions qui pourraient vous permettre de récupérer, à même l'enveloppe budgétaire actuelle dévolue à la santé, une partie des millions de dollars qui manqueraient. Non seulement faut-il faire plus aujourd'hui avec le même budget, mais il faut aussi viser à maintenir et à améliorer à long terme l'état de santé de la population québécoise tout en stabilisant les dépenses de la santé et, si possible, en les réduisant.

Premièrement, nous tenons à redire devant cette commission que nous sommes pour le maintien du régime universel d'assurance-maladie et d'assurance-hospitalisation et que le financement de ce régime doit être soumis à une organisation centrale forte. Les pays industrialisés et en développement, tels l'Allemagne et le Japon, qui ont réussi à contrôler leurs coûts l'ont fait de cette façon. Ce contrôle central est des plus indispensables pour orienter les dépenses vers les interventions les plus susceptibles de maintenir et d'améliorer l'état de santé. La proposition d'un fonds général des services de santé et des services sociaux nous semble une piste intéressante puisqu'elle permettra d'identifier les sommes allouées à la santé et qu'elle pourra susciter la mise en place d'objectifs de santé mesurables. Une telle initiative nous permettrait de voir si, dans un Québec moderne, le ministère de la Santé réussirait à atteindre ses objectifs et si les Québécois en auraient pour leur argent.

Deuxièmement, l'avance que nous avons prise dans le développement et l'organisation de notre système de soins nous apparaît importante à conserver. Il nous faut voir comment tirer partie de cet investissement et le considérer non pas comme un passif pour la société, mais comme un actif dont nous pouvons être fiers. Cet investissement, si nous y faisons les ajustements nécessaires, nous permettra d'améliorer de façon significative et de maintenir la santé des Québécois et, par ricochet, notre place dans le marché mondial. Un peuple en santé a un avantage non négligeable dans une économie de marché. J'attire votre attention sur un article d'un économiste paru récemment qui mentionnait qu'il en coûte 2000 $ de plus aux États-Unis qu'au Japon pour produire un véhicule, dont environ 700 $ sont reliés aux coûts de l'assurance-santé.

Troisièmement, nous sommes en accord avec le gouvernement pour ne pas risquer de compromettre l'avenir économique de nos jeunes en leur léguant une dette publique très lourde et une fiscalité non concurrentielle.

Quatrièmement, nous partageons l'opinion de votre prédecesseure, Mme Lavoie-Roux, à l'effet qu'il faudrait clairement démontrer que le système de santé est sous-financé avant de chercher des façons de faire payer davantage les contribuables et les usagers. Le document ministériel sur le financement pose, à notre avis, l'une des questions fondamentales qui doivent être résolues avant de penser à faire payer davantage les citoyens contribuables, à savoir: À l'intérieur de la masse de 12 000 000 000 $, en avons-nous réellement pour notre argent? Nous, c'est sur ce point que nous allons nous questionner

Cinquièmement, nous souscrivons à l'idée que des mesures doivent être prises afin d'améliorer l'imputabillté du gouvernement du Québec envers les citoyens à l'égard de sa gestion des dépenses et du financement. Toutefois, cette imputabilité ne doit pas, à notre avis, reposer uniquement sur le ministre de la Santé et des Services sociaux. Tous les administrateurs du réseau de la santé, impliquant autant les bénévoles des conseils d'administration que ceux qui sont à salaire, devraient être imputables de leur gestion et de leurs décisions administratives.

Sixièmement, nous sommes aussi d'accord avec le gouvernement lorsque ce dernier veut limiter le taux de croissance des effectifs médicaux et l'harmoniser au taux de croissance démographique de la population. Dans son document sur le financement, le Conseil des affaires sociales souligne, et je cite: «II est généralement reconnu que le nombre de professionnels de la santé, et principalement de médecins, influe directement sur les coûts du système. Au Québec, il ne manque pas de médecins, c'est leur répartition géographique qui fait défaut.» Fin de la citation.

Septièmement, nous ne pensons pas que plus d'argent investi actuellement dans le système de soins voudrait dire plus de santé pour les citoyens consommateurs. Les Américains en dépensent 2200 $ - je pense que ça fait plusieurs fois qu'on vous le répète, mais on va le répéter encore - les Canadiens 1500 $ et les Japonais 900 $. Pourtant, les Japonais ont une meilleure espérance de vie que les Américains. Ces chiffres doivent nous faire réfléchir. Comme responsables de la santé publique, nous pouvons vous assurer, M. le ministre, que la santé des Québécois ne sera pas affectée si nous en restons à l'investissement actuel. Pour supporter cette affirmation, il faudra cependant s'assurer que les choix qui seront faits cherchent à atteindre des objectifs précis de maintien, d'amélioration de la santé des populations, et ce, par la mise en place de programmes démontrés efficaces.

Huitièmement, nous avons bien compris que la précarité de la situation actuelle est largement tributaire d'une réduction des transferts fédéraux au Québec. Pas besoin d'aller dans les détails sur ce fait. Là où nous sommes inquiets, c'est lorsque le ministère propose de réduire la part actuelle provenant des impôts généraux et de la taxation et d'y aller avec une source de financement complémentaire. Cette proposition s'apparente à une réduction de paiements de transfert mais, cette fois-ci, l'auteur en est le gouvernement du Québec. Si nous ne sommes pas favorables à ce que le gouvernement consacre plus d'impôts des particuliers et des entreprises à la santé, nous ne sommes pas plus favorables à ce que le Québec réduise sa responsabilité. D'ailleurs, il est clairement souligné dans le document que le fardeau fiscal du Québec est déjà très élevé et que sa réduction fait partie des objectifs prioritaires du gouvernement.

Enfin, neuvièmement, il nous semble important que le gouvernement dépose au plus tôt sa politique de santé et de bien-être qui, selon nous, sera le véritable fer de lance de cette réforme.

Alors, je vais passer la parole à M. Alain Poirier.

M. Poirier (Alain): pour ceux qui suivent le document à la lettre, on va faire un petit saut dans les pages et se retrouver à la page 11 pour parler plus directement des suggestions où on pense qu'il y a des bénéfices à court terme. la partie qu'on passe, c'est celle qui décrit l'approche populationnelle de santé publique. on ne veut pas vous refaire un cours, on s'est déjà fait reprocher de le faire ici. alors, vous pourrez la lire tranquillement.

Dans les suggestions des bénéfices à court terme, ce n'est pas exhaustif, mais il y en a quelques-unes sur lesquelles on voulait insister. Les examens qu'on a appelés «moins utiles», c'est peut-être un euphémisme pour dire «inefficaces». Depuis plusieurs années, quelques chercheurs du réseau de la santé publique questionnent sans grand succès la nécessité et l'utilité de faire des examens médicaux à certaines catégories de travailleurs. Plusieurs de ces examens sont imposés par règlement dans plusieurs secteurs de l'administration gouvernementale, et la révision de ces pratiques nous permettrait de faire des économies appréciables. À titre d'exemple, on cite ici une étude du Dr Turcotte, de l'Université Laval, sur les examens qu'on impose aux policiers. Ses conclusions sont à l'effet que ces examens, lorsqu'ils ne sont pas néfastes pour le policier, sont dispendieux et souvent inutiles. Nous pourrions à ce moment-ci requestionner la pertinence d'autres examens de routine, la mauvaise utilisation de l'examen médical périodique, les examens préopératoires et postopératoires. Il n'y a pas de chiffres ici mentionnés, mais il y a sûrement des millions dans ce domaine. À cet égard, l'élargissement du mandat du Conseil d'évaluation des technologies de la santé nous semble majeur, et on pense qu'il doit y avoir un investissement de ce côté et qu'il va avoir un rendement important.

Le deuxième point, plus «touchy» pour un docteur, c'est de parler de la rémunération des médecins. L'argent étant le nerf de la guerre, la vraie réforme risque de venir avec cette discussion-ci, la discussion actuelle sur le financement. La réforme qu'on appelle la deuxième étape pourrait être la vraie réforme en misant, cette fois, sur ceux qui prescrivent nos 12 000 000 000 $ de services au Québec. Cette réforme pourrait se faire par les médecins.

Le véritable consommateur, celui qui transforme les symptômes des patients en visites, en consultations, en hospitalisations, en tests, en examens de radio, en chirurgies, le véritable

consommateur qu'on pourrait appeler c'est le médecin. Je n'ai pas dit que le médecin est coupable, j'ai dit que c'est le consommateur éclairé. La réforme actuelle, celle du financement, devra lui permettre maintenant de transformer ses gestes de clinicien en termes de pertinence ou d'efficacité.

Le médecin a perdu une partie de son contrôle du menu médical. Ce n'est pas toujours ce qu'ils disent, ils ont l'impression qu'une autre forme de revenus le ferait. Mais, on pense qu'il a perdu actuellement le contrôle du menu médical parce qu'il est entraîné, d'une façon un peu malicieuse et perverse, dans une production associée à un tarif. Le médecin a perdu une partie de son autonomie scientifique dans le système actuel, un système de tarification à l'acte. Il ne peut pas faire ce qui lui semblerait plus pertinent ou plus profitable sans oublier pourquoi et comment il est payé. Comprenons-nous bien. Nous ne disons pas ici que le médecin ne mérite pas ce qu'il gagne, nous disons que le système actuel lui dicte ce qu'il doit faire pour le gagner. La rémunération à l'acte lui a enlevé une partie de son autonomie professionnelle qu'une autre forme de rémunération pourrait lui redonner.

On a ici quelques exemples qui, je pense, pourront démontrer ce que n'encourage pas un tel système, le système actuel de rémunération, il n'encourage pas, entre autres, un urgentologue à déléguer 10 % des visites faites à l'urgence pour des infections des voies respiratoires supérieures - si vous aimez mieux les rhumes et puis les grippes - à des infirmières cliniciennes ou à du personnel qui pourrait très bien voir ces cas. Il n'encourage pas non plus un pédiatre à se départir de la majorité de son travail qui consiste à voir des bébés normaux. Il y a bien des endroits où ça se fait. Il n'encourage pas un omni à créer des séances collectives d'information plutôt que de voir ses patients un par un lorsqu'il a à donner de l'information sur l'hypertension ou le tabac, ou alors à organiser différemment 50 % de ses activités jugées déléga-bles à d'autres types de personnel comme des infirmières, selon plusieurs études internationales. Ça n'encourage pas non plus un chef de département à instaurer des règles cliniques et des revues hebdomadaires de dossiers qui, lorsque ça a été fait, a diminué instantanément de 64 % la prescription de tests diagnostiques, selon d'autres études. Ça n'encourage pas non plus, par exemple, un interniste à renvoyer à la maison, après deux jours, les infarctus non compliqués, comme ça se fait dans d'autres pays, ni l'obstétricien à hospitaliser à domicile des milliers de femmes qui, après avoir accouché à l'hôpital - entendons-nous - pourraient donc avoir un mécanisme de suivi ailleurs que sur les étages. Ou encore à développer le dépistage universel de la chlamydia plutôt que la fertilisation in vitro.

Il y a d'autres exemples au niveau de la chirurgie: on sait qu'ici les taux sont de 10 fois, au niveau de la cholécystectomie, que, pour ne pas le nommer, par rapport au Danemark; 4 fois les amygdalectomies, par rapport à la Suède; 2 fois les césariennes et les hysterectomies. Et il n'y a rien qui encourage actuellement à ramener ces taux-là à des taux comparables de pays comparables. Le système n'encourage pas non plus un néonatologiste à lutter contre le tabac, bref, les facteurs de risque, pour réduire les bébés de petit poids.

Il n'y a pas que le système, il n'y a pas que la rémunération à l'acte qui a cet effet pervers mais on pense que c'est un effet majeur pour continuer de faire tourner la roue de la dispensation actuelle des actes. De nombreuses Québécoises ont démontré que, par exemple, avec les HMO, il y a des transformations radicales des habitudes de pratique du médecin quand on lui enlève la pression implicite et perverse de tarifer certains de ses gestes, juste ceux qui sont tarifés selon les ententes actuelles. Et ce, plusieurs études l'ont démontré, sans aucun impact négatif sur la santé des gens; le contraire serait même vrai. On obtient alors toute une série de diminutions par rapport aux actes que j'ai mentionnés.

Troisième point: les taux d'encadrement. L'examen du système de santé, dans l'optique de conserver les acquis, nous a amenés aussi à considérer le taux d'encadrement. Et on voit que dans différents établissements, ça varie beaucoup. Alors, s'il faut rationaliser à différents endroits, probablement qu'on peut rationaliser aussi dans les cadres du système administratif hospitalier, de la RAMQ, et même du ministère, y compris les départements de santé communautaire; en fait, la disparition des départements de santé communautaire... Ce qui reste, la nouvelle santé communautaire.

Quatrième point: De la programmation plus efficace. L'enquête Santé Québec, en 1987, a fort bien démontré que la prévalence des problèmes de santé est identique d'une région à l'autre. Les variables qui influent vraiment sur l'état de santé, ce n'est pas vraiment des questions d'ordre géographique, mais elles sont plutôt reliées à l'âge et à des considérations socio-économiques. Or ces variables ont la même influence sur l'état de santé, peu importe où on est.

Cette constatation ne justifie pas, selon nous, que les grands programmes soient réinventés à l'échelle de chacune des régions et des MRC, parce qu'on donnait aussi un exemple de MRC. L'élaboration de ces programmes-cadres pour les problèmes de santé prioritaires ou de certains services spécifiques éviterait d'énormes duplications et assurerait une qualité de base égale dans l'organisation et la dispensation des services. Les économies ne sont pas chiffrées, mais on pense qu'il y en aurait certaines qui sont loin d'être négligeables dans le contexte

actuel.

On va sauter par-dessus les services ultraspécialisés, parce qu'on manque de temps, pour arriver aux médicaments. Dans son dernier rapport statistique, la RAMQ rapporte que le programme de médicaments et de services pharmaceutiques a coûté 500 000 000 $ pour les personnes âgées de 65 ans et plus. C'était, par rapport à 1989, une augmentation de 15,6 %, ce qui n'est pas négligeable. La RAMQ note que l'accroissement dans les coûts du programme s'explique surtout par l'aspect inflationniste, donc 10 %, dans le coût moyen des médicaments par ordonnance.

Nous croyons qu'avant de remettre en cause l'universalité du programme de médicaments et de services pharmaceutiques, il y a peut-être lieu de négocier avec les compagnies pharmaceutiques et les pharmaciens un pourcentage raisonnable d'augmentation du prix des médicaments. On donne un exemple ici. On pense que si ça avait été fait par rapport au coût de l'inflation, l'État aurait économisé 10 000 000 $.

Enfin, selon le Conseil des affaires sociales et de la famille, les compagnies pharmaceutiques canadiennes auraient dépensé - c'est une vieille statistique, mais je suis sûr que c'est encore pire maintenant - presque 17 % de leur revenu de vente à la promotion, principalement par des visites de promotion auprès des médecins. On pense que là aussi il doit y avoir une certaine forme de limitation parce qu'en bout de compte c'est le consommateur qui paie ces frais sur la promotion des médicaments.

Je vais maintenant passer la parole à Christine Colin pour des suggestions peut-être d'un autre angle.

Mme Colin (Christine): Venons-en, si vous le voulez bien maintenant, à des suggestions à moyen et à long terme. Certaines expériences, basées sur une approche de population plutôt que sur une approche individuelle, nous ont permis de nous impliquer dans des actions de prévention, ce qui nous amène à faire quelques suggestions, toujours dans une optique de réduction des coûts, tout en préservant les acquis actuels du système de santé québécois.

En premier lieu, nous aimerions parler de cliniques de services intégrés, que nous pourrions appeler aussi «cliniques de soins primaires», pour des objectifs de santé bien identifiés. L'organisation des services de santé, telle qu'elle se présente à l'heure actuelle, pourrait être revue afin de répondre plus adéquatement à la demande de soins, et ce, tout en réduisant les coûts, à la fois pour le système et à la fois pour les individus. Mais, cette révision de l'organisation devrait être planifiée en accord avec les objectifs de santé reliés aux problèmes de santé prioritaires que la politique de santé et bien-être va nous identifier. Sur ce plan, nous proposons un mode d'organisation sous le modèle de cliniques - on pourrait aussi parler de programmes éventuellement - pour offrir des services intégrés au sein même du réseau public de santé, en particulier dans les CLSC, mais éventuellement aussi les centres hospitaliers ou les centres d'accueil.

Les cliniques sont ici définies comme un ensemble de services destinés à répondre à des problèmes spécifiques où différents professionnels, incluant les médecins évidemment, sont regroupés en équipes multidisciplinaires pour assurer le diagnostic et le traitement - traitement curatif ou traitement préventif - dans une perspective de continuité des services et des soins.

Avant de donner des exemples, mentionnons que de telles cliniques évitent, d'une part, des examens, des déplacements, des consultations inutiles et, d'autre part, assurent des traitements adéquats rapides. De plus, les expériences actuelles ont permis au personnel de ces cliniques de développer des expertises en prévention et en traitement qui, dans un autre contexte, d'éparpillement ou de morcellement de services, auraient difficilement pu se développer. Il s'agit, somme toute, d'un modèle d'organisation basé sur des standards de pratique qui évitent le morcellement et favorisent des attitudes de services plus efficaces et moins coûteuses.

À titre d'exemple, mentionnons les cliniques de vaccination qui, quand elles sont exclusivement organisées en CLSC, favorisent l'atteinte d'un taux de couverture vaccinale supérieur à un coût moindre et permet de mesurer la couverture vaccinale de façon beaucoup plus facile et efficace.

Les cliniques de MTS, quant à elles, quand elles existent et là où elles existent, les cas de prélèvements des MTS sont systématiquement référés à ces cliniques par les médecins traitants. Et il a été possible d'observer une diminution du nombre de cas de MTS à déclaration obligatoire, comparativement au reste du Québec, où le diagnostic, le traitement et la relance sont laissés à la pratique privée. (17 h 30)

Le troisième exemple que j'aimerais citer est la clinique santé-jeunesse, puisque l'expérience de ces cliniques en CLSC, qui accueillent les jeunes et leur offrent des services dont ils ont besoin, notamment en matière de contraception, des services adaptés à leurs besoins, s'est révélée très efficace et peu coûteuse. On pourrait développer, dans la même optique, des cliniques adaptées pour la période de la grossesse et la période postnatale. On sait que ce sont des périodes cruciales pour le développement et la santé physique et mentale de nos jeunes. Une telle clinique - je sors un peu du texte, excusez-moi - multidisciplinaire, axée sur la prévention par rapport, en particulier, à l'augmentation du poids de naissance et par rapport au développement d'une relation parent-enfant efficace, une

clinique axée également sur la réponse aux besoins globaux des futurs et des jeunes parents et, en particulier, aux besoins alimentaires des femmes enceintes défavorisées, ces cliniques, donc, ont fait leurs preuves ailleurs. Et si l'on en croit les expériences étrangères, à moyen terme, ces services économisent de 1 $ à 3 $ pour chaque dollar investi.

D'autres exemples pourraient être développés, et même dans le secteur curatif - on pense, en particulier, aux maux de dos - pour éviter à la population de courir de la clinique d'urgence, en situation de crise aiguë, au médecin en cabinet privé, quand il n'y a pas de crise aiguë, au chiropracticien, au physiothérapeute, à l'acupuncteur, etc. Les maladies ostéo-articulaires, le dépistage des cancers du col de l'utérus et du sein, en particulier, pourraient bénéficier de telles cliniques.

Pour tous ces problèmes et, en particulier, les derniers, qui représentent une source importante de consultation et de restriction d'activités, l'existence de telles cliniques permettrait aux professionnels qui oeuvrent, et, en particulier, aux médecins, de développer une expertise globale sur la prévention et sur les meilleurs traitements à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de santé identifiés. Bien entendu, il est important de préciser que ces cliniques doivent se situer en complément et non en opposition à l'approche de santé primaire déjà développée dans le réseau de santé publique québécois.

Parmi les autres suggestions à moyen terme, on peut parler de la fiuoration. Elle est recommandée, comme vous le savez, par toutes les instances de santé publique et, selon nous, elle devrait précéder une éventuelle désassurance des soins dentaires curatifs puisqu'elle diminuerait le besoin de ces soins curatifs.

La prévention du tabagisme. Au Canada, et c'est vrai aussi au Québec, 70 % des morts évitables sont dues à trois maladies, les coro-naropathies, les cancers du poumon, de la trachée et des bronches, les accidents cérébro-vasculaires, qui ont toutes en commun un facteur de risque très important: le tabac. Il est donc temps d'adopter diverses stratégies de santé publique adaptées aux différents groupes cibles pour réduire l'usage du tabac au Québec.

Les personnes âgées. S'il est exact que les personnes âgées utilisent plus de services per capita que les personnes plus jeunes, et s'il est exact que le pourcentage des personnes âgées augmente dans la population, selon plusieurs économistes canadiens, il est cependant faux de penser qu'il s'agit là d'une cause majeure d'augmentation des coûts. Si le taux d'utilisation des services en fonction de l'âge se maintient à l'avenir comme il est aujourd'hui, l'augmentation globale des coûts qui résultera de cette augmentation du nombre de personnes âgées ne serait que de 1 %, c'est-à-dire bien inférieur au taux annuel d'inflation.

En d'autres mots, ce n'est pas parce qu'il y aura plus de personnes âgées dans cinq ans qu'il y aura plus de consommation de soins, mais bien parce que, dans cinq ans, si les tendances se poursuivent, une personne de 70 ans consommera plus de services qu'une personne de 70 ans aujourd'hui. On peut parler, entre autres, de médicalisation. Donc, vu sous cet angle, il est important d'expérimenter et d'évaluer de nouvelles façons de rendre des services aux personnes âgées. Dans ce sens, nous pouvons mentionner l'implantation d'unités de gérontogériatrie dans certains centres hospitaliers de soins de courte durée qui a eu pour effet de redonner plus rapidement l'autonomie aux personnes âgées et de réduire le temps d'hospitalisation.

Pourquoi aussi ne pas envisager d'expérimenter les services d'infirmières cliniciennes dans le domaine des soins primaires de santé aux personnes âgées? Des études ont démontré que ces infirmières cliniciennes ont la capacité d'exécuter un grand nombre de fonctions accomplies actuellement par les médecins, ce qui pourrait réduire les coûts reliés aux services médicaux et ambulatoires.

Alors, voici quelques-unes des suggestions à moyen et à long terme qui permettraient d'économiser, et le docteur Maguire va continuer.

M. Maguire (Robert): Je vous entends dire, M. le ministre: Pas encore lui avec ses blessures!

M. Côté (Charlesbourg): C'est comme un créneau qui vous est collé à la peau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Maguire: C'est presque, de ma part, de l'acharnement thérapeutique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: C'est de l'acharnement, oui. Les blessures à Maguire! Tout le temps!

M. Maguire: La raison pour laquelle on a inclu aussi à moyen et à long terme le problème des blessures, c'est parce qu'il nous apparaît là qu'on a un projet gagnant. C'est 10 % des hospitalisations au Québec. Nous pensons qu'il y a moyen de développer très très rapidement des mesures efficaces qui vont nous permettre de diminuer les blessures.

Vous avez été certainement bien sensibilisés, il y a quelque temps, à l'importance de la vaccination, lors du dernier épisode de méningite. Ce que nous vous proposons de promouvoir aujourd'hui, c'est l'administration de vaccins technologiques qui protégeront les Québécois de blessures éventuelles. Cependant, il s'agit d'un genre de vaccin tout à fait particulier: il n'est pas, la majorité du temps, financé par votre ministère. Parmi les exemples de mesures effi-

caces de prévention des blessures, ce que nous appelons des vaccins technologiques, notons, entre autres le coussin gonflable - on s'en est déjà parlé - le port du casque de sécurité à bicyclette, le retrait des marchettes pour enfants en usage au Québec, un programme de prévention pour les chutes chez les personnes âgées, l'installation d'extincteurs dans les nouvelles maisons, la correction des endroits dangereux - c'est là où on s'est rencontrés la première fois...

M. Côté (Charlesbourg): Dans un endroit dangereux, oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Maguire: ...le port obligatoire de vêtements individuels de flottaison lors de la pratique d'activités nautiques, le contrôle de la température de l'eau à la sortie des robinets, l'application de normes municipales concernant les piscines résidentielles, les dispositifs de retenue pour enfants. Il y a beaucoup, beaucoup de choses là-dedans que souvent le ministère a à payer mais, finalement, comme je le dis parfois, «les pitons sont dans le champ des autres».

L'expérience que nous avons acquise au cours des dix dernières années dans le domaine de la prévention des blessures nous a permis de réaliser souvent, comme je le disais, que celui qui paie n'a souvent pas les leviers nécessaires pour corriger la situation. Le dossier des armes à feu et celui des coussins gonflables sont assez révélateurs. Alors que la Société de l'assurance automobile et le ministère de la Santé paient pour les accidentés, celui qui décide de la mise en place de normes sur le marché de vaccins technologiques est habituellement assis tranquillement de l'autre côté de la rivière des Outaouais.

Dans le remue-ménage actuel des commissions qui discutent de notre avenir politique, il serait important d'analyser ce que nous ont coûté et nous coûteront les lenteurs du gouvernement fédéral - un autre dossier. Pour diminuer la majorité des blessures, il faut comprendre que les normes sont les moyens les plus efficaces, et il nous apparaît évident que la société distincte a aussi des besoins distincts lorsqu'il s'agit de revoir les normes qui nous régissent. Les deux dossiers cités précédemment parlent d'eux-mêmes.

Évidemment, dans le dossier que vous avez, il y avait un autre item à court terme où on pouvait récupérer de l'argent et je voudrais ici le soulever. Je pense que si vous n'en avez pas sauvé assez avec les deux journées que vous avez eues là, il y aurait peut-être encore une couple de 1000 $ à sauver là.

M. Côté (Charlesbourg): On vient juste de commencer à en sauver, là.

M. Maguire: Vous venez juste de commencer à en sauver? O.K. Il y a le coût des repas. Nous avons été surpris par la mesure concernant le paiement des repas par les personnes hospitalisées. Dans une perspective du client d'abord, nous pensons qu'il serait plus acceptable de continuer de nourrir gratuitement ceux qui sont malades et de charger les coûts réels des repas pris par les employés à la cafétéria dans les centres hospitaliers. On a fait un certain nombre de calculs et on pourra vous les faire parvenir, mais on se dit que comme personnes qui invitons des gens à vivre chez nous, il y a une espèce de règle d'éthique, là-dedans, qu'on devrait surveiller.

En conclusion, M. le ministre, nous voulons vous dire que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour parler d'un ingrédient indispensable à l'atteinte de nos objectifs à long terme que l'on appelle l'intersectorialité. Notre expérience en prévention des blessures nous incite à vous recommander fortement la mise en place d'un organisme qui aura la responsabilité de suivre l'évolution de la politique de santé et qui aura surtout le pouvoir de susciter le maillage entre les différents secteurs de la société qui contrôlent les véritables leviers et qui semblent être parfois si loin les uns des autres. Une politique de santé dans la grande nature de l'appareil gouvernemental ne donnera des résultats, selon nous, que si elle est située à un très haut niveau.

En terminant, M. le ministre, nous voudrions vous remercier de l'opportunité que vous nous avez donnée. Vous encouragiez aussi le Dr Poirier à parler, tout à l'heure, d'une étude qui avait été faite par le Dr Turcotte. Il y en a d'autres études que le Dr Turcotte a faites, qu'on a lues, elles semblent valoir leur pesant d'or. Je ne sais pas comment vous aurez l'occasion d'en entendre parler, mais on pense qu'il y a là aussi des sources de financement à récupérer. Et, pour finir, je voudrais vous dire que demain matin, si on avait à investir de l'argent dans une région qu'on connaît tous les deux très très bien et qu'on avait 100 000 $... Dans le fond, ce qu'on vous a démontré aujourd'hui ou ce qu'on a essayé de vous démontrer, c'est qu'on dit: Pour nous, en santé publique, l'argent qui devra être investi dans le domaine de la santé, on ne devrait plus en investir beaucoup. Selon nous, on pense qu'on en a suffisamment. Ce qu'on devrait faire, c'est qu'on devrait investir beaucoup plus au niveau des agents économiques. À Matane - je ne pense pas qu'ils en ont demandé un - ils n'auraient pas besoin d'un «scanner». Ce dont ils ont besoin, actuellement, ce sont des jobs. Et comme responsables de la santé publique, on peut vous garantir que, si vous ne mettez pas plus d'argent dans ce système-là, la santé des Québécois et des Québécoises ne se détériorera pas beaucoup plus. On vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, madame, messieurs. M le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je suis très heureux de vous voir là et je vous remercie d'avoir apporté votre contribution dans si peu de temps, à travers des préoccupations quotidiennes qui ont affecté de manière plus dramatique certains d'entre vous. Je vais peut-être en profiter pour remercier et féliciter les départements de santé communautaire qui ont été aux prises avec le problème de la méningite, qui ont fait un travail assez exceptionnel et qui ont su rassembler aussi un certain nombre d'éléments du réseau, comme quoi le réseau est capable de se mobiliser derrière des causes et être complémentaire les uns des autres pour faire face à certaines situations. Je pense que j'aurais manqué une maudite bonne opportunité si je ne l'avais pas dit d'entrée de jeu. Donc, merci de cette contribution.

C'est un mémoire qui a ses pistes rafraîchissantes aussi. Déjà, que des gens viennent nous dire «il y a assez d'argent dans le réseau», on n'est pas bien bien habitués à ça. Il faut quand même admettre qu'ils ont fait un virage assez important, merci, parce qu'il n'y a pas tellement longtemps, tout le monde criait pour en avoir, parce qu'ils n'en avaient pas eu assez, puis il en manquait tout le temps. Je pense qu'on est dans une situation où il y a un virage très important, et il faut le dire.

Vous nous dites de manière générale. Il y a assez d'argent dans le système pour être capable de faire face à nos besoins. Il y a définitivement de la réallocation d'argent qui doit être faite. Je pense que c'est très très présent à l'intérieur du document. Cependant, on est quand même avec une croissance que, nous, on essaie de ramener à IPC + 3 %, avec des écarts très substantiels sur le plan financier, qui ne peuvent pas être comblés, à tout le moins à court terme, uniquement par l'efficience et l'efficacité. Je pense que ce qui est clair, c'est qu'on commence à toucher à du solide sur des sommes qu'on peut éventuellement récupérer, soit pour de la réallocation, soit pour revenir à des pourcentages plus acceptables, selon la capacité de payer.

Mais, il est bien évident qu'il reste quand même, au-delà de tout ça, une marge assez importante qui n'est pas conjoncturelle, mais qui est structurelle, c'est clair. On peut dire que c'est la faute du fédéral, et ça, c'est structurel constitutionnel. Pour tout dire à mon ami, et dans ce sens-là, il y a ce problème-là, mais celui-là n'est pas suffisant non plus. On doit donc faire face à une situation qui est celle-là et on a proposé un certain nombre de pistes qui veulent bien sûr protéger au maximum l'universalité, l'accessibilité, mais, vous autres, vous ajoutez gratuité. Vous l'ajoutez. Vous êtes un des premiers à dire «gratuité». Tout le monde a toujours «flirté» et s'est marié avec «universalité et accessibilité», mais sur le plan de la gratuité, j'aimerais vous entendre un petit peu plus. qu'est-ce que ça signifie pour vous autres «gratuité»? parce que, ça a quand même quelques conséquences.

M. Poupart: M. le ministre, comme vous le disiez tout à l'heure, on a été affectés évidemment par une crise majeure et j'ai probablement été celui qui a été le plus affecté. Comme je vous le disais tout à l'heure, on est rendus à près de 90 000 vaccinés aujourd'hui, dans le territoire de Saint-Jérôme que je dirige et, là-dessus aussi, je veux insister pour remercier la collaboration des CLSC et du conseil régional. C'est très emballant de voir ça et, sans eux, on n'aurait pas été capables d'atteindre le succès qu'on a. Cependant, évidemment, force oblige. J'ai eu un gros coup de main des gens qui sont à côté de moi pour pouvoir être ici présent aujourd'hui et, dans ce sens-là, je pense que je vais un peu diriger certaines des questions, si vous le permettez, vers les gens qui seraient davantage aptes à répondre. Vas-y, Robert. (17 h 45)

M. Maguire: À mon point de vue, M. le ministre, et comme le disait la ministre précédente - on ne dit pas «précédatrice», ça ne se dit pas cette affaire-là - je pense que la santé, c'est une idée de solidarité sociale. Je pense qu'on se doit d'offrir aux gens dans la société des soins quand ils sont malades. Tout à l'heure, les gens qui étaient avant nous parlaient des États-Unis. Je pense que c'est un problème épouvantable qu'ils ont la, ça n'a pas de sens. Pour nous, en termes de gens responsables de la santé publique, on ne pense pas que si vous donnez un coup de vis pour serrer encore plus, ça va effectivement rendre les gens plus malades. Et, dans ce sens-là, c'est important pour nous qu'il n'y ait pas de nouvelles formes de taxation auprès des gens. Parce que de la façon dont on interprète ou on comprend ça, qu'on le prenne dans cette poche-là ou dans cette poche-la... Je veux dire, c'est un peu le problème qu'ils ont aux États-Unis. Finalement, ils avaient trois poches, eux autres. Ce qui a fait que ça leur a coûté très cher.

Et, pour nous, l'idée est que 31 % ou 32 % des sommes du gouvernement du Québec allouées à la santé, c'est un gros maximum. Et on pense, comme responsables de la santé publique, qu'on pourrait même commencer à diminuer. Je vous donnais l'exemple de Matane. C'est sûr qu'à Matane ou à Rimouski, ou partout dans le Québec, si on n'est pas capables de développer des jobs, je veux dire, c'est là que ça va nous coûter cher. Dans ce sens-là, pour nous, ce qui nous apparaît important, c'est que toutes les nouvelles formes de taxation qui pourront se développer au Québec devraient aller dans le sens du développement économique.

Je pense que l'exemple des Japonais parle

de lui-même. Quand ils ont fini la guerre, ils étaient pas mal plus poqués que nous autres, et 40 ans plus tard, ils nous dépassent. Dans ce sens-là, pour nous, et on l'a dit dans le mémoire, plus d'argent dans le système de santé, ça n'améliorera pas la santé des gens. C'est dans ce sens-là qu'on pense que c'est extrêmement important de se dire une fois pour toutes, comme société, que l'argent qu'on investit là-dedans, c'est déjà beaucoup, et qu'on devrait faire beaucoup mieux avec ça.

M. Côté (Charlesbourg): Si on décidait, demain matin, par exemple - parce qu'il est clair que le système santé est davantage développé que le système social, et tout le monde réclame un virage sur le plan social avec une politique de santé et bien-être qui va finir par venir et qui va agir sur un certain nombre de déterminants - de prendre, je ne sais pas, 1 %, 2 % de l'indexation des budgets du réseau au complet, qu'on dise: Parfait, on prend cet argent-là et on le rend disponible pour de nouvelles initiatives dans le domaine du social, par exemple, est-ce que vous pensez que les gens seraient plus malades? Je vais reprendre un peu la piste que vous avez ouverte. Est-ce que vous pensez que le système est capable de prendre ça? Et Dieu sait que 1 % ou 2 %, ce n'est pas gros en pourcentage, mais à voir les contorsions que ça occasionne à l'occasion... Bon, prenons un petit exemple récent. On a parlé de 10 000 000 $ sur les bases budgétaires des CLSC. Semble-t-il que c'a retardé un peu et c'a fait japper passablement. Imaginez-vous, si c'était 2 % de 12 000 000 000 $, ce que ça pourrait signifier! Est-ce que le système est capable de prendre ça?

M. Maguire: Moi, je vous dirais, M. le ministre, que je ne l'investirais pas dans le social. Je l'investirais dans l'éducation et dans l'économie. Je pense que ça aurait beaucoup plus d'impact à moyen et à long terme. Je pense que les questions qu'on se pose par rapport au social... Avant d'en investir plus dans le social, je pense que pour les programmes fossilisés de Mme Lavoie-Roux, on pourrait se poser les mêmes questions. Il y a du ménage, je pense, à faire là aussi, mais c'est plus délicat pour nous d'en parler. Pour moi, les nouvelles sommes qui doivent être investies, c'est beaucoup plus au niveau de l'éducation et de l'économie.

M. Côté (Charlesbourg): C'est majeur, comme prise de position, parce qu'au début je pensais que ça pouvait peut-être être davantage d'investir dans le système de santé et de services sociaux. Mais, là, je comprends davantage l'exemple de Matane et de Rimouski à l'effet que les gens veulent travailler, et s'ils travaillent, peut-être qu'ils vont être un peu moins malades. Sur le plan de la priorité, c'est peut-être davantage une lutte à la pauvreté ou à la création d'emplois qu'on devrait... Mais, là, ça signifie une baisse des budgets de nos établissements qui seraient investis dans la création d'emplois; c'est majeur.

Le Président (M. Joly): Dr Colin.

Mme Colin: M. le ministre, j'aimerais peut-être compléter aussi. C'est clair que, dans le fond, on est effectivement en faveur d'une réallocation pour agir sur les déterminants. Comme votre document, d'ailleurs, les mentionne de façon très importante, tout au long du document. C'est sûr qu'on est à même, par notre présence actuellement dans les hôpitaux, de constater que toute réduction des coûts alloués au fonctionnement fait mal effectivement et qu'il y a des remaniements qui sont de plus en plus difficiles. Bon, c'est vrai. Sauf qu'en même temps, dans le fond, ce qu'on essaie de donner dans ce document-là, c'est des pistes pour, peut-être pas dans le mois qui vient, mais disons dans les mois qui viennent, aller chercher des économies qui feraient peut-être moins mal justement et qui pourraient être allouées autrement.

Et ce qu'on voudrait aussi peut-être signifier, c'est que c'est sûr que le système n'est pas gratuit, il a un coût et on sait bien qu'on paie tous pour ce service. Mais la perte de la gratuité, au niveau de certains services, pourrait avoir des effets pervers ou risquerait, en tout cas, d'avoir des effets pervers. D'une part, il y aurait possiblement une augmentation des coûts de gestion, puisqu'il va falloir décider qui aurait accès aux services gratuits, qui n'y aurait pas accès. D'autre part, il pourrait y avoir une augmentation des dépenses globales de santé. Évidemment, il y aurait une diminution, peut-être, des dépenses publiques de santé, mais il pourrait y avoir une augmentation des dépenses globales de santé.

Enfin, il y aurait sûrement une catégorie de personnes qui ne serait plus assurée puisque, en fait, dans les effets pervers de la désassurance de certains services, une catégorie de population, la plus défavorisée, je pense, pourrait encore être assurée via les services publics; je pense que c'est ce qu'il y a dans le document et, ça, évidemment, c'est capital et on y est très attachés. Une autre catégorie de population pourrait être assurée via des services privés, mais il y a toute une catégorie intermédiaire de population qui risquerait de n'être assurée ni par l'un ni par l'autre et, donc, dans le fond, d'avoir moins de possibilité d'accès aux services de santé.

Le Président (M. Joly): Dr Poirier.

M. Poirier: Oui. J'aurais juste un commentaire. Pour revenir sur la taxation, il y a une prémisse derrière ça, qui, à mon sens, est fausse, qui est de dire que, quand le consommateur va

payer un peu, ça va le responsabiliser et peut-être qu'il va y penser deux fois avant de consommer. La santé, ce n'est pas comme une auto. Une auto, moi, même si je ne sais pas comment ça fonctionne, ou un appareil pour un disque laser, je n'ai pas besoin de le savoir, je ne comprends pas ça. Peut-être qu'on va dire que les services médicaux, c'est la même chose. Mais il n'y a que moi qui peux savoir si c'est pertinent ou pas pour moi d'avoir une auto. C'est moi qui suis le mieux placé, comme consommateur, quand j'achète une auto, pour savoir si c'est pertinent ou pas Les services de santé, moi, quand j'ai mal à la tête ou mal au ventre, je n'en sais rien, moi, s'il faut que j'aille consommer ou pas. Je n'ai pas l'éclairage, je ne connais pas la pertinence de la consultation, d'aller voir un service. Alors, si ça me coûte 10 $, 15 $, 20 $... ça a l'air d'un petit mal de tête, d'un petit mal de ventre, je ne sais pas si c'est pertinent. mais si je m'achète une auto ou pas, il n'y a que moi qui peux le savoir. donc, ça ne se compare pas, le bien-santé. et la logique de l'offre et de la demande pour limiter la demande ne tient pas dans le domaine de la santé, le consommateur n'étant pas assez éclairé. 11 y a ce que les économistes appellent une asymétrie d'information majeure qui fait que n'importe quelle forme de tarification, de taxation individuelle ne peut pas se comparer aux mêmes responsabilisations dans d'autres domaines.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Dr Poirier, je suis pleinement convaincu que vous avez largement inspiré les pages 12 et suivantes. De la manière dont c'est présenté, je ne pouvais pas faire autrement que de souscrire à une présentation comme celle-là. Et toute une piste très intéressante d'interrogations. Qu'est-ce qui empêche le système, aujourd'hui, de ne pas faire ce que vous nous recommandez de faire maintenant, au-delà de la rémunération à l'acte? Est-ce que c'est uniquement la rémunération à l'acte ou s'il y a autre chose qui...

M. Poirier: Moi, je pense que la rémunération, c'est un ingrédient. C'est juste pour dire que, dans la production des services et la délivrance des services, actuellement, l'incitatif - et quand je dis «pervers», ce n'est pas volontaire - qui est là, c'est qu'il y a des montants rattachés à un acte ou à tel autre, plus ou moins, et c'est ça qui entraîne le fonctionnement: c'est l'incitatif de fonctionnement du producteur, celui qui prescrit les 12 000 000 $.

Dans un autre système - on pense, par exemple, aux HMO - l'incitatif devient la santé des gens, pour des docteurs qui peuvent être à salaire dans un HMO, évidemment, s'il est à non-profit. Parce que, l'incitatif... Les gens ont avantage à être en santé, et pas juste à réduire les services en disant: Ça va coûter moins cher. Parce que, si tu réduis les services et que tu manques un problème et qu'il y a une complication, ça coûte cher. Donc, l'incitatif, c'est la qualité des services dans un autre système où les médecins ont une autre pression à délivrer des services, c'est-à-dire garder les gens en santé, pas juste par la prévention, mais par le bon service, le bon diagnostic, pertinent et efficace, et ne pas faire dix fois de cholécystectomies si juste une est bonne, dans certains cas, alors que ça ne le serait pas.

Donc, les actes ne sont plus non seulement productifs... La méthode des DRG dont nous parie l'AHQ, c'est bien beau pour la productivité, mais la pertinence, elle, c'est ça qui nous fait traduire la productivité en efficacité ou en efficience. C'est: Est-ce que l'acte est pertinent? Et, dans un système où la pression ou l'incitatif est autre chose que le revenu personnel... Il n'y a pas que ça, évidemment, les médecins sont là pour la santé des gens mais, l'effet pervers, dans leur mode actuel de rémunération, c'est d'aller chercher à travers les actes, tels qu'ils sont tarifés, leur revenu, et ça, on ne peut pas... Ils ne sont pas plus purs ou moins que les autres.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai eu l'opportunité d'avoir comme guide, en Angleterre, le Dr Lessard, qui travaille à la Cité de la santé de Laval, que j'ai vu tantôt. À travers le système qui est en mutation en Angleterre, il y a un principe de base qui est celui de la capitation. Est-ce que la capitation instaurée au Québec réglerait les problèmes que vous soulevez?

M. Poirier: C'est une formule bien connue pour responsabiliser le médecin par rapport à la santé de son patient, mais elle peut avoir aussi des désavantages parce que c'est responsabiliser un seul médecin par rapport à un seul patient, alors que le patient, il n'a pas que le médecin pour aider à sa santé, il a toute une série d'autres professionnels de la santé. La formule plus élargie de capitation, c'est la capitation pour une organisation de santé qui a d'autres ressources que le docteur. Parce que le docteur, lui, il peut bien faire le maximum pour aider son patient, ce n'est pas toujours lui qui est le plus utile, c'est peut-être le conducteur du service de la HMO en question qui va livrer la nourriture aux personnes âgées pour les garder à domicile et leur donner une qualité de vie. Donc, il y a d'autres professionnels de la santé, et la capitation associant juste un médecin et son patient, c'est peut-être une formule qui responsabilise le médecin, mais qui ne lui donne pas tous les outils, surtout par rapport aux autres secteurs et aux autres professionnels de la santé, qui ont un effet important sur la santé de l'individu.

M. Côté (Charlesbourg): D'où votre proposi-

tion de cliniques intégrées, j'imagine?

M. Poirier: C'est une formule qui a été élaborée et vous n'en avez probablement jamais entendu parler avant, parce qu'on cherchait une façon différente de ne pas ramener les HMO qui ont eu l'air d'être coulés récemment ici, et de ne pas parler non plus des cliniques d'obésité que vous avez décriées dans les journaux, il y a deux jours. On a cherché la façon de le formuler. Ce qu'on veut dire, c'est de mettre ensemble différents professionnels de la santé pour fournir ce qu'il y a de plus pertinent et à moindre coût dans la résolution d'un problème de santé.

M. Côté (Charlesbourg): Sur les cliniques d'obésité, je veux juste vous rassurer, parce que je ne faisais que dire publiquement ce que le Dr Richer m'avait dit privément.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): alors, j'imagine que s'il me l'a dit, lui, il connaît ça. donc, je n'ai été que le perroquet. oui, à travers tout ça, il y a des pistes intéressantes qui, évidemment, ne donnent pas de résultat à court terme, à plus ou moins... il y en a à court terme. et je vais en prendre une. je vais terminer avec celle-là.

M. Maguire: On va avoir de la misère à passer l'hiver!

M. Côté (Charlesbourg): Je vais terminer avec celle-là, celle des repas. Évidemment, vous l'avez fait probablement à votre corps défendant, là. Je comprends. Tout le monde sait que, effectivement, dans nos centres hospitaliers, les repas ne sont pas très chers. Le stationnement n'est pas très cher non plus. Et ce que je comprends comme piste, vous dites: Au lieu de faire payer la personne qui n'a pas le choix de venir à l'hôpital, vous devriez davantage faire payer ce que ça coûte - pas de profit, mais au moins ce que ça coûte pour ses repas ou pour son stationnement - à la personne qui, elle, travaille et qui a quand même le privilège de travailler, aujourd'hui, dans notre société, compte tenu du nombre de chômeurs qu'on a. Cela a-t-il été bien testé, ça, auprès des gens ou si c'est une bonne idée déposée en disant: Coudon, c'est une bonne idée, je la mets sur la table, sans savoir si, au bout de la ligne, les gens vont bien réagir?

M. Maguire: La seule chose que j'ai faite, c'est que j'ai essayé de vérifier combien ça nous coûtait dans notre hôpital et on pense que ça nous coûte entre 100 000 $ et 150 000 $. Donc, si on multiplie ça par une centaine d'hôpitaux, si je compte bien, on ramasse une dizaine de millions. Je me dis que quand on cherche, 10 000 000 $, moi, je ne laisse pas passer ça facilement. Si vous m'en donnez 3 000 000 $ pour faire de la prévention, je vais vous en trouver quelques autres de même, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): donc, ce que je comprends, c'est que si on était dans un système où il y avait quelques incitatifs, ça nous permettrait peut-être d'en trouver davantage.

M. Maguire: M. le ministre, tout à l'heure, vous avez parlé des coûts. Et si vous me permettez, au niveau des incitatifs, on a parlé des examens moins utiles. Je pense qu'un incitatif excellent... Évidemment, le Dr Roy est toujours en arrière de moi.

M. Côté (Charlesbourg): II va avoir son tour!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Maguire: Comme il dit souvent: On est des spécialistes en santé publique tous les deux.

M. Côté (Charlesbourg): Vous n'êtes pas des vrais médecins, vous autres, là!

M. Maguire: Je pense que, au niveau des examens moins utiles, une piste qu'on pourrait explorer assez rapidement, ce serait d'offrir à tous les médecins de laboratoire, demain matin, ce qu'ils gagnent et 20 % de plus. Et je vous garantis que vous allez sauver de l'argent encore. Puis ça, je n'en prendrai rien que 5 % pour la prévention.

M. Côté (Charlesbourg): Y en a-t-il d'autres comme ça, là?

M. Maguire: On ira déjeuner, une bonne fois.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai justement un caucus à Rimouski.

M. Maguire: À un moment donné, vous savez, on ne peut pas trop en dire en commission parlementaire.

M. Côté (Charlesbourg): Pas trop de pistes. Donc, je m'organiserai pour prendre un déjeuner avec vous à Rimouski la semaine prochaine. (18 heures)

M. Maguire: C'est beau!

M. Côté (Charlesbourg): Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue.

M. Trudel: on vous aurait regrettés, si on ne s'était pas repris un peu. vous n'avez pas eu grand temps pour vous préparer. ça aurait été une grande histoire si vous aviez eu beaucoup de temps pour vous préparer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: La première chose, même si c'est à la blague un peu, quand on vous reçoit aujourd'hui, Dr Poupart, Dr Poirier, Dr Maguire et Dr Colin - parce que, hier soir, on nous a dit que dans la profession médicale, quand on se tournait vers le social, on n'était plus des vrais docteurs - j'ai l'impression que je vous souhaite la bienvenue en disant «mes chers défroqués».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Vous nous amenez sur des pistes absolument extraordinaires. Mais tant qu'à être dans l'original, j'aimerais ça soulever une autre hypothèse pour voir comment vous réagiriez à celle-là. Quand on a une piastre publique à dépenser en matière de santé et de services sociaux, grosso modo, sans qu'on se chicane trop trop politiquement, on cherche toujours ce qu'on pourrait appeler le rendement marginal optimum de notre dollar, en faire le plus possible avec la piastre qui m'est remise par le public. Bon, je peux bien le chicaner 10 fois, 20 fois; ça, l'autre bord, il m'engueulerait. La démonstration que vous nous faites aujourd'hui, c'est qu'en termes de rendement optimum, on doit y aller beaucoup plus sur le collectif, sur la prévention, sur le global, sur les déterminants, finalement, de la santé.

Comment, vous autres, vous pensez qu'on peut finalement en société, mais de façon individuelle quasiment, «dealer» avec le fait que le ministre de la Santé et des Services sociaux va se lever demain matin, va ouvrir Le Journal de Québec et, sur la première page, ça va être marqué: II n'y a plus d'argent pour la transplantation de coeur-poumons, et il y a une personne qui attend ça? Ça aussi, il faut gérer ça. Qu'est-ce qui fait que le ministre de la Santé et des Services sociaux, dans cette approche-là, dit non quand il a regardé le rendement marginal de son dollar et de son investissement? Parce que, ça aussi, ça fait partie du phénomène. Comment fait-il pour dire non à ce phénomène-là aussi?

M. Maguire: C'est un peu pour ça qu'on avait abordé la discussion alentour des équipements et des services ultraspécialisés. Pour nous, on pense que, de plus en plus, la société québécoise devra se rendre à l'évidence que, comme vous le dites, il y a des déterminants pour améliorer la santé d'un peuple, mais il y a aussi le système de santé et ce système-là a une valeur marginale, que ce soit entre 15 % et 25 %. Soyons généreux, mettons 25 %, mettons 30 %, mais il y a d'autres déterminants. Dans ce sens-là, si j'avais à prendre une décision - ce qui ne m'arrivera jamais - sur ce qu'on fait par rapport à une transplantation cardiaque, je pense qu'on devrait commencer - si on se dit que c'est un système de solidarité sociale - à mettre dans la balance aussi les 18 %, ou les 15 %, ou les 14 %, ou les 13 % de chômeurs qu'on a parce que, finalement, il y a aussi, là, des choses qui sont moins «glamour», mais qui sont tout aussi importantes. Je veux dire, moi, face à une transplantation cardiaque... Et je pense qu'il faut être extrêmement prudent quand on aborde ce sujet-là. C'est un discours de société, mais, pour moi, c'est aussi important un enfant qui vient de se faire fourrer une maudite volée. Et ça, là-dessus, je pense que, graduellement, avec un taux de chômage qui augmente, on va en voir de plus en plus. Dans ce sens-là, ces décisions-là, on devra les prendre comme société et essayer de les balancer. C'est juste ça que je pourrais vous donner comme réponse.

Le Président (M. Joly): Dr Poirier.

M. Poirier: La transplantation cardiaque, évidemment, c'est une solution qui est coûteuse, mais il faut aussi parfois la comparer à d'autres formules. Par exemple, les coûts astronomiques du patient chronique qui pourrait ne pas avoir de transplantation. Mais ce que j'aurais le goût de répondre, c'est que dans le domaine du curatif comme dans d'autres domaines, idéalement, ça ne devrait pas être le ministre qui prend la décision. Dans la santé publique ou dans les grandes entreprises de protection et de prévention, le ministre s'appuie sur des officiers qui sont responsables de prendre des décisions de santé publique.

Je pense que dans le domaine curatif... Je pense qu'il y a des failles dans le système de l'Orégon, en tout cas ce que j'en comprends, mais il y a un élément important, c'est que le jugement, ou l'analyse, ou l'évaluation de la pertinence des actes et les choix qu'il y a à faire, il ne faut pas que ça soit une décision politique du ministre dans son bureau. Il faut que ce soit remis à la société, premièrement, et, deuxièmement, avec ceux qui peuvent - les fameux prescripteurs, tantôt - prendre des décisions avec les gens qui ont les symptômes, qui ont les maladies pour dire: Est-ce que c'est efficace, est-ce que c'est efficient, est-ce qu'on devrait faire ce genre d'activité-là? Je pense qu'une fois qu'on aura fait ces calculs-là - on ne les a pas maintenant, puis le ministre ne pourrait pas répondre tout de suite - la transplantation coeur-poumons sera probablement bénéfique en coût-efficacité, mais on ne les a pas, ces données-là. Le ministre ne les a pas non plus puis, moi, je ne les ai pas. Donc, il faut probablement élargir le mandat, comme je le disais tantôt, du Conseil d'évaluation des tech-

nologies de la santé pour arriver à cette réflexion-là et surtout inclure les gens qui font les études, qui les connaissent, et qui peuvent comparer et fournir ces données-là. Tant qu'on laisse au ministre le soin de décider, ça va rester une décision politique qui va «insatisfaire» tout le monde: l'Opposition, les docteurs, puis le citoyen. Alors, il faut trouver une mécanique pour, avec le développement des nouvelles technologies, puis des nouvelles thérapeutiques, des nouvelles chirurgies, trouver une façon un peu plus objective de les évaluer puis que ça soit transparent pour que les gens sachent comment les décisions vont se prendre sur ces grandes manoeuvres-là, si on s'embarque, le mois prochain, dans la transplantation du cerveau qui va coûter peut-être 10 fois plus cher que la transplantation coeur-poumons. C'est une folie, là, mais pour vous dire qu'il y a des choix, il y a des réflexions à faire puis il ne faut pas les laisser, à mon sens, à une réflexion purement politique ou administrative.

M. Trudel: C'était très intéressant sur le plan social, ce type de décision, parce que, effectivement, notre système démocratique a ses avantages incomparables, mais il a aussi, quelque part, ses limites, par exemple, dans ce secteur-là. Et, en tout cas, ça renforce un peu... On disait, à l'ouverture du débat ici, que le Conseil d'évaluation des technologies de la santé, là, on devrait au moins tripler, quadrupler son budget parce que, en termes de rendement de dollars, là, il n'y a pas meilleur placement par les temps qui courent, pour le rendement de notre dollar-santé. Et, oui, en termes de décisions-santé, il faut que ça devienne un phénomène social aussi, et il va falloir qu'on s'associe et avec les producteurs et avec les usagers.

Regardez juste l'exercice. On a eu de la misère, un peu, nous, à convaincre qu'il fallait faire un débat sur le financement de la santé et des services sociaux au Québec. Moi, je pense qu'on progresse avec ce qu'on fait là. Puis même, je réaffirme que ce n'est pas la formule idéale. On n'atteint jamais la formule idéale en termes de débat, mais on progresse beaucoup en termes de ce qu'on met socialement au Québec, en santé et services sociaux, dans notre régime et sur les acquis assez précieux qu'on a là. On progresse pour conserver ces acquis-là, avec ce que vous avez ajouté aussi. Dr Maguire, vous avez quelque chose. Je m'excuse.

M. Maguire: Vous parliez du Conseil d'évaluation des technologies de la santé et d'ajouter du budget là-dedans. Je pense qu'il y a une chose qui est extrêmement importante, en tout cas, que je voudrais vous souligner. Au niveau de l'évaluation des technologies, puis au niveau du fonctionnement des gens dans les hôpitaux, je pense qu'il apparaît important d'établir le plus rapidement possible des collaborations avec les gens qui travaillent dans les hôpitaux. Dans plusieurs hôpitaux du Québec, actuellement, il se fait de l'évaluation de la qualité de l'acte médical. Et les véritables changements vont venir, à mon point de vue, de la base. Même si on a un Conseil d'évaluation des technologies qui est très fort puis qu'il publie de beaux rapports, ce qu'on vous disait tout à l'heure pour le Dr Turcotte, ça fait 10 ans que c'est connu, O.K.? Puis la radiographie pulmonaire, ça fait une couple d'années que c'est connu. Je pense que ce qu'il faut essayer de faire, c'est de développer une collaboration entre les gens qui sont sur le terrain.

On dit à la blague, on propose un certain nombre de choses, mais régulièrement... Tout à l'heure, vous parliez de «défroqués». J'ai toujours ma soutane, puis je travaille toujours avec eux autres. Mais ce que je fais, et ce que je fais depuis 15 ans dans ce centre hospitalier, c'est qu'à chaque fois qu'il y a de nouvelles choses qui arrivent, j'essaie de les forcer à se poser des questions comme étant un docteur qui s'occupe de la population. Puis, je leur dis: Si on étend ça à tout le monde, qu'est-ce que ça va nous donner puis qu'est-ce que ça va coûter? Et, pour moi, de vouloir aller plus loin dans le sens des technologies, c'est très rapidement de développer, avec la Corporation des médecins du Québec et les syndicats, des mécanismes qui vont nous permettre régulièrement de questionner et de travailler avec les gens qui sont sur le terrain. Si on ne fait pas ça, on va manquer notre coup. C'est avec les gens qui sont là, qui prennent les décisions à chaque jour, c'est extrêmement important de travailler avec ces gens-là régulièrement. Et si on fait ça, probablement qu'on va le sauver; si on ne fait pas ça, on va se revoir dans cinq ans.

M. Côté (Charlesbourg): Vous savez pourquoi.

M. Trudel: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Hier, on disait à un mouvement communautaire à propos de... Bon. ils nous ont fait une espèce de caricature pour nous montrer une direction, ce qu'ils appelaient le virage social, sur un registre totalement différent. Mais, encore là, c'est très surprenant. Je disais aux gens hier soir: Vous y allez aux «toasts»! Vous aussi vous y allez aux «toasts» sur l'administration de notre régime dans votre mémoire, à la page 2. Vous dites: «Premièrement, nous tenons à redire devant cette commission que nous sommes pour le maintien d'un régime universel d'assurance-maladie et que le financement de ce régime doit être soumis à une organisation centrale forte.» Financement. Puis, plus tard, vous dites: «Ce contrôle central est des plus

indispensables pour orienter les dépenses...» Est-ce qu'au niveau de la dispensation des services ce raisonnement vaut aussi?

M. Maguire: C'est moi qui ai écrit le bout «centrale forte». Je vais essayer de vous l'expliquer.

M. Trudel: Bon, allez-y donc. J'ai bien pensé que ça venait des blessures à Maguire, ça!

M. Maguire: Dans un excellent article de Bob Evants, qui regarde l'évolution des différences des dépenses, au niveau des différents systèmes de santé, au cours des dernières années, que M. Evants nous dit: La façon de contrôler les coûts du système universel: contrôle central fort et, finalement, contrôle des médecins. Et pourquoi un contrôle central fort? C'est parce que, finalement, comme le disait Alain tout à l'heure, ce n'est pas un bien négociable, la santé. Puis on se fera toujours brailler sur quelque chose qui est peut-être bon ou qui n'est pas bon, on ne le sait jamais. Et, dans ce sens-là, à un moment donné, on se dit: II doit y avoir quelque part quelqu'un qui n'est pas sans coeur, mais qui prend des bonnes décisions et puis qui dit: La récréation est finie. Qu'est-ce que qu'on va mettre là-dedans? C'est ça. Mais pour s'avancer comme ça, il faut qu'on ait vraiment la conviction que ce qui améliore la santé d'un peuple, c'est qu'il y a d'autres choses aussi alentour de ça. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit: II faut que le contrôle soit là, qu'il soit fort puis qu'on mette, une fois pour toutes, la main sur le bocal, puis qu'il n'en entre plus, puis qu'il n'en sorte plus, puis qu'on fasse avec ça! Puis qu'on mette l'argent dans l'éducation puis dans l'économie. C'est de même que, dans 20 ans, on va être aussi bons que les Japonais.

M. Trudel: Très bien. On n'échappe pas non plus, encore une fois, à une autre question. On est toujours prisonniers du temps, ici, de façon assez incroyable. Évidemment, c'est à la page 12: «La réforme actuelle, celle du financement, devra lui permettre maintenant de transformer - pour le médecin - ses gestes de clinicien» en autre chose. Bon. Alors, là, vous nous parlez d'un certain nombre d'inefficacités, en quelque sorte, d'inefficacités de la prestation du médecin. Et vous énumérez un bon nombre de gestes qui appartiennent à ce qu'on pourrait appeler l'attribution des actes».

Est-ce que, réellement, au Québec, dans la situation actuelle des forces qui sont en présence, les enjeux qui sont contenus dans vos propositions, on peut en arriver à mettre en oeuvre ces évidences que vous décrivez ici? Est-ce que c'est réaliste qu'on puisse dire - l'un ou l'autre de vos exemples - à un urgentologue de déléguer 10 % de ses visites pour les grippes, les rhumes à des infirmières cliniciennes - l'attribution des actes - et que la compétence, par exemple, chez nos médecins soit consacrée à ce que j'appellerais d'autres gestes significatifs? Est-ce que, dans les conditions actuelles, on peut y arriver? Puis, donnez-moi au moins un indice ou un élément par lequel on devrait commencer pour y arriver? Parce que c'est fondamental, à mon avis, ce que vous mentionnez là.

M. Poirier: Si vous voulez, je vais essayer de commencer à répondre à ça. Les exemples qui sont là sont justement pour montrer que, dans le système actuel, qu'on parle de la pertinence des gestes, de la délégation d'actes - bon, les différents exemples qui sont là - de la réduction d'actes jugés moins efficaces ou autres, il y a un effet qui n'aide sûrement pas, c'est l'incitatif à produire des actes pour amener un revenu. Si un mode de rémunération différent - je ne le nomme même pas - enlève cette pression-là et donne, par exemple, comme les médecins qui travaillent en HMO, qui ont des incitatifs à la santé des gens pour avoir un retour sur l'investissement lorsque les gens sont en santé, bien, là, ils ont toutes sortes d'avantages à s'assurer que les gens n'arrivent pas avec la hanche cassée à l'hôpital parce qu'ils savent que ça coûte cher. (18 h 15) alors, dans le mécanisme en question, il y a toute une série de pressions et d'incitatifs pour transformer leurs gestes, peut-être de dire: je vais peut-être faire moins de chirurgies de la hanche l'an prochain. au lieu d'en faire 100 dans mon année, je vais peut-être en faire rien que 50 mais, somme toute, l'organisation va faire plus d'argent, puis ça peut être un retour sur l'investissement du médecin. c'est donc donner un autre incitatif pour garder ces gens en santé qui peut être le paiement global dans une organisation où lui est payé à salaire. il peut avoir un retour sur le profit de l'organisation, je ne le sais pas. il y a toutes sortes de mécanismes. les gens, ici, au ministère, qui ont étudié les hmo, ont très bien étudié ça puis ont produit des documents là-dessus. c'est une autre sorte d'incitatif pour l'encourager, lui, parce que, dans le système actuel, il n'a aucun intérêt à passer de 100 chirurgies de la hanche à 50. je veux dire, ce qu'il connaît, ce qu'il sait faire, c'est faire des chirurgies, opérer la hanche. alors, lui, que le système lui dise: tu vas en faire 50 de moins, donc, tu vas avoir une réduction de 50 % de ton salaire, il n'a pas d'intérêt dans le système actuel. c'est ce qu'il sait faire. alors, dans un système, que ce soit par capitation, ou comme les hmo dont l'incitatif, c'est la santé des gens, il n'a pas avantage à faire plus de chirurgies parce que ça coûte plus cher à l'organisation. donc, il a avantage à prévenir. on prend l'exemple des chirurgies, mais ça peut être n'importe quel autre service.

II a avantage aussi à déléguer certains gestes qui sont plus pertinents, plus efficaces. Faire de l'éducation sur un rhume, sur une grippe ou encourager les gens à ne pas venir à l'urgence, ce n'est pas utile. Un médecin qui gagne son argent à l'urgence, il ne veut pas encourager les gens à ne plus venir à l'urgence pour un rhume ou pour une grippe, c'est comme ça qu'il gagne sa vie. Mais il a peut-être avantage, dans un autre système où les incitatifs sont différents, à dire: Vous n'avez pas besoin de faire ça; on peut faire de l'éducation aux patients. Peut-être pas lui, parce que ça revient cher, de l'éducation faite par un docteur, mais par une autre personne. Le mode de rémunération puis l'organisation, l'objectif de l'organisation dans laquelle il travaille, si elle n'est plus individuelle - pour son revenu seulement - peut permettre ça.

L'autre chose qui m'apparaît importante, c'est que si on cherche par ça à couper le salaire des docteurs de moitié, je pense que là, l'incitatif majeur, vous venez de le couper. Il faut les mettre à profit pour ce qu'ils savent faire, dans une organisation avec d'autres professionnels de la santé, puis sans dire que c'est par leurs seuls revenus à eux qu'on va aller chercher de l'argent, c'est par la roue qui tourne, la roue de la production de services qu'eux entraînent malicieusement dans leur mode de fonctionnement. C'est ça, pour moi, des incitatifs qui feraient que demain matin, c'est possible.

Le Président (M. Joly): Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Vermette: Oui. Pour continuer un petit peu dans la même veine que mon collègue, moi, ça me pose la question suivante: Est-ce que vous croyez justement que ces incitatifs-là pourraient favoriser, d'une part, que les médecins délaissent un petit peu certains services de santé, notamment tout ce qui peut toucher certains nouveaux phénomènes comme la dépendance? On trouve beaucoup de nouveaux phénomènes qui font en sorte qu'on a tout médicalisé. Tout ce qui est nouveau, maintenant, on le médicalise. Actuellement, je pense à certaines formes de dépendance: ça pourrait être des gens qui ont des dépendances en toxicomanie. On fait des traitements, des thérapies, en fait, puis on médicalise un peu. Les gens qui ont des problèmes d'obésité aussi, on part des thérapies dans ce style-là.

N'y aurait-il pas lieu, à un moment donné, qu'on regarde tout ça, là, les interventions médicales, qu'on en fasse une analyse? À partir de ça, il y a certaines formes de phénomènes qui pourraient être attribuables à une pratique médicale, mais il y en a d'autres qui pourraient être pour d'autres formes de professionnels tout aussi compétents et qui seraient peut-être justement à l'intérieur d'un système qui serait l'efficience, l'efficacité et puis la bonne place pour le bon traitement.

Mme Colin: Absolument. C'est un peu dans cette optique que s'inscrivait notre proposition de cliniques intégrées, c'est-à-dire qu'il y ait une équipe de professionnels, dans le fond, avec des compétences différentes, qui travaillent ensemble dans un même objectif et que ça ne soit pas seulement la responsabilité d'un corps professionnel qui peut, s'il le veut, se référer à d'autres personnes, mais que ce soit vraiment un travail d'équipe. Puis, dans ce sens-là, je pense qu'il faut voir les services comme un continuum. Vous parlez de toxicomanie, par exemple. On doit établir un continuum entre la prévention puis la réadaptation, parce que toutes les étapes sont nécessaires, mais elles ne sont pas nécessaires ni en même temps ni au même moment pour tout le monde. Et, là encore, si on travaille plus dans une optique de soins intégrés, on devrait être capable d'agir au bon endroit au bon moment. Donc, c'est effectivement ça.

Et, par rapport au partage des tâches, je pense qu'on a des exemples déjà concrets de prise en charge de certains problèmes de santé par des équipes multidisciplinaires qui, effectivement, augmentent l'efficacité de la prise en charge. Je pense, en particulier, aux femmes enceintes de milieux défavorisés où l'ajout de nutritionnistes ou d'infirmières et le travail en équipe avec une approche concertée diminuent de beaucoup le taux d'enfants de petit poids et, donc, sont très efficaces.

Le Président (M. Joly): M. le député, pour les remercier, j'imagine.

M. Trudel: Alors, pour terminer, je pense qu'on aurait pu passer plusieurs autres minutes ensemble et, quant à moi, en vous remerciant, je vous laisse sur une réflexion. Parce que, moi, je suis inquiet aussi d'un autre phénomène dans notre système - je pense qu'il n'y a pas un groupe qui est passé ici sans qu'on ne l'évoque - je suis inquiet de cette espèce de désoli-darisation d'une grande partie de la population québécoise d'avec ses médecins. Je ne pense pas que, comme société, on va aller beaucoup plus loin et on va être bien meilleurs si on encourage, si on fait en sorte qu'on poursuit une espèce de désolidarisation d'avec nos médecins. Je ne veux pas accuser qui que ce soit. Je ne veux pas déculpabiliser qui que ce soit. Je dis que, comme société, moi, c'est un phénomène qui m'inquiète profondément. Et là-dessus, ce que vous nous avez présenté aujourd'hui, quant à moi, m'apporte des éléments d'espoir de pistes sur lesquelles on peut travailler, et également sur le problème fondamental, évidemment, qui nous réunit ici, le financement du système de la santé et des services sociaux. Savez-vous, je pense qu'on peut le sauver. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le président, vous remercier de cette bonne contribution, compte tenu du temps que vous aviez à votre disposition. Je tirerai comme conclusion qu'il y a plusieurs pistes de solution avec des propositions audacieuses. Mais, évidemment, ça dépendra aussi du niveau de résistance du public, du citoyen qui, lui, est en attente d'un service, et de savoir jusqu'où on peut prendre de la pression de l'individu qui est sur une liste d'attente en cardiologie, et ainsi de suite, au moment où, dans le préhospitalier, on se rejoindra très prochainement sur une politique très bien articulée et assez extraordinaire. Assez extraordinaire!

M. Trudel: Eh qu'on a hâte!

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Évidemment, on a juste 24 heures par jour, nous autres aussi. Dans ce sens-là, en néo-natalogie, on a des pressions assez importantes aussi dans différents domaines pour toujours ajouter, pour répondre à des besoins qui sont réels. Il y a un virage à faire. Évidemment, pendant le temps du virage, jusqu'où va aller la tolérance à la douleur? Je pense qu'il y a cette question-là aussi à vivre, qui, ciel! est très, très imprégnée du quotidien, qu'il y a ça aussi qu'il faut considérer. Mais il y a des pistes intéressantes, et je pense que tout n'est pas perdu. Effectivement, on progresse. C'est ça qui est important, de progresser à chaque jour. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Dr Poupart.

M. Poupart: Je voudrais juste vous remercier de nous avoir entendus aujourd'hui. On a choisi, dans notre document, de sortir du champ de la prévention et de toucher à tous les domaines. Je vais vous en lancer quand même une dernière, puisque je risque de ne pas être au déjeuner à Rimouski, peut-être une petite piste, aussi, qu'on pourrait examiner. On a donné des pistes d'action en prévention et dans le curatif; il y en aurait peut-être d'autres dans le domaine du préventif. Entre autres, on pourrait envisager d'avoir un organisme central de prévention qui pourrait donner avec justesse les endroits où on doit intervenir pour éviter une certaine forme de duplication. Les DSC, et d'autres organismes qui font de la prévention, font un excellent travail. Mais je pense, malheureusement, qu'il y a une duplication, et envisager un organisme central fort dans le domaine serait certainement une avenue à explorer.

M. Côté (Charlesbourg): Pas au déjeuner, mais après votre retour de vacances.

M. Poupart: Oui.

Le Président (M. Joly): Madame et messieurs, merci de vous être présentés. Donc, au nom des membres de cette commission, merci. Au plaisir de vous revoir. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures, dans cette même salle. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 24)

(Reprise à 20 h 18)

Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec

Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux. Alors, je souhaite la bienvenue à la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Je vois que déjà vous connaissez la procédure. Vous vous étiez avancés et tout ça. Je demanderais donc à la personne responsable de se présenter, et aussi de nous présenter les gens qui l'accompagnent. S'il vous plaît.

M. Beaudoin (Roger): Oui. Bonjour, M. le Président, bonjour, Mmes et MM. les députés et ministres membres de la commission Alors, je vais vous présenter les membres de notre délégation.

Le Président (M. Joly): Votre nom à vous, monsieur?

M. Beaudoin: Moi, je suis Roger Beaudoin. Le Président (M. Joly): Parfait!

M. Beaudoin: Je suis coordonnâtes de l'ACEF de Québec et coordonnateur du comité santé et services professionnels de la FNACQ À l'extrême gauche, il y a Mme Lucie Dupré, qui est de Auto-Psy de Québec. Ensuite, il y a M. Gilbert Martin, coordonnateur de l'ACEF Rive-Sud de Montréal, et, à ma gauche, Mme Lise Pilon, qui est présidente de notre fédération.

Mme Pilon (Lise): Bonsoir.

Le Président (M. Joly): Bonsoir, madame. Alors, vous connaissez un peu la façon de procéder. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire Si vous en prenez moins, ça donne plus de temps pour échanger avec les parlementaires. Si vous en prenez plus, je me dois de couper sur la cédule de temps qui nous est allouée. Alors, je vous laisse la parole, M. Beaudoin.

M. Beaudoin: Merci, M. le Président. Je voudrais juste déposer aux membres de la

commission un petit texte de trois pages qui fait la liste des recommandations qui sont éparpillées un peu partout dans notre mémoire. ça serait peut-être utile pour les membres de la commission.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

M. Beaudoin: Je vais maintenant céder la parole à Mme Lise Pilon qui est notre présidente.

Le Président (M. Joly): Mme Pilon, je vous reconnais.

Mme Pilon: La Fédération nationale des associations de consommateurs est une fédération d'organismes voués à la défense et à la promotion des intérêts des consommateurs et consommatrices, en particulier ceux à faibles et à modestes revenus. Notre fédération a vu le jour en 1978. Elle compte aujourd'hui huit organismes membres et elle intervient dans différents domaines comme l'agro-alimentaire, la téléphonie, l'électricité, l'endettement, le crédit, la santé, les services professionnels, le libre-échange, les préarrangements funéraires, pour ne nommer que quelques-uns des dossiers où on a été appelés à intervenir.

Nous regroupons huit associations de consommateurs qui sont des associations coopératives d'économie familiale, par exemple, dans l'Estrie, à Granby, Québec, et Rive-Sud. On a Auto-Psy de Québec. Nous avons l'Association pour la protection des intérêts des consommateurs de la Côte-Nord, le Centre de recherche et d'information en consommation de Port-Cartier et de Sept-îles. Les associations membres de la FNACQ ont un membership individuel ou de groupe, ou les deux à la fois, ce qui représente au total pour la FNACQ environ 125 000 personnes, membres ou affiliées.

La FNACQ a toujours défendu qu'il fallait conserver la gratuité pour les usagers et les usagères des services sociaux et des soins de santé. Nous nous sommes impliqués avec d'autres organismes sociaux et syndicaux dans une coalition qui a défendu le maintien de la gratuité et qui a organisé un rassemblement face à l'Assemblée nationale et une rencontre avec l'Opposition et M. le ministre en juin dernier. Nous avions alors manifesté notre ferme opposition aux mesures de ticket orienteur et d'impôt-services.

À notre avis, la gratuité doit être maintenue parce qu'il a été démontré de nombreuses fois que la gratuité pour l'usager n'était pas la source des problèmes insolubles que connaît notre système de santé actuellement, mais que c'était davantage au niveau de l'organisation des soins et des services qu'il fallait agir. La gratuité est un acquis pour la population du Québec que nous entendons défendre. Quand un principe aussi fondamental que celui-là est ébranlé, il pourrait malheureusement devenir de plus en plus facile de l'oublier dans l'avenir et ça serait le début du démantèlement et de la privatisation d'un régime qui a tant fait pour améliorer les conditions de vie de la population, et qui représente l'un de nos acquis sociaux les plus importants. La FNACQ tient fortement aux grands principes de base de notre régime public de services sociaux et de santé, soit l'accessibilité, l'universalité et la gratuité pour l'usager et l'usagère.

La FNACQ a demandé que le régime fiscal québécois, ses tendances récentes et leurs impacts sur les différentes catégories socio-économiques fassent l'objet d'une commission d'enquête publique. Il est regrettable que cette commission n'ait pas encore été mise sur pied. À notre avis, le régime fiscal québécois devient de moins en moins progressif et la réforme de la taxe de vente provinciale est un exemple flagrant, comme, d'ailleurs, évidemment, la TPS fédérale. Plusieurs éléments présentés comme de possibles solutions dans le document de consultation sur le financement des services de santé et des services sociaux au Québec rejoignent des tendances récentes que nous avons combattues et que nous continuons de combattre, car ces politiques contribuent à élargir davantage l'écart entre les riches et les pauvres et constituent une pression trop forte sur le pouvoir d'achat des ménages à revenus modestes et moyens. Nous allons maintenant passer à l'étude du contenu du document de consultation et M. Gilbert Martin va poursuivre.

Le Président (M. Joly): M. Martin.

M. Martin (Gilbert): Alors, nos commentaires suivent un peu l'ordre de présentation du document ministériel, là. Ça pourra peut-être vous sembler chaotique mais je vais essayer de résumer le plus possible.

Alors, pour nous, la première chose qu'on a remarquée, c'est que l'approche du document était éminemment comptable. Évidemment, comme il est. question de financement, c'est difficile de passer à côté. On traite quand même un domaine très particuler à dimension très sociale et on l'a très peu ressenti à la lecture du document. On cherche donc en vain une vision sociale, mais la préoccupation majeure qui transpire à travers tout le document, c'est la préoccupation qui concerne la «concurrençante» - en français, c'est la compétitivité économique. Nous aurions aimé disposer, au préalable, d'une politique de santé et de bien-être. Elle nous aurait permis de connaître les objectifs à atteindre dans le domaine de la santé et du bien-être. Elle nous aurait aussi permis de mieux évaluer les moyens à notre disposition, ce dont on parle en quelque sorte, ce soir. Et enfin, on aurait pu entrevoir quelle peut être l'allocation des ressources disponibles en vue des résultats à atteindre.

Pour ce qui est de la perspective générale qui concerne le financement, dans le document, on établit des comparaisons avec l'ensemble des pays de l'OCDE. Somme toute, sans entrer dans les détails, les comparaisons, pour le Québec, sont tout de même avantageuses. On remarque qu'on ne fait ni mieux, ni vraiment pire qu'ailleurs. Selon les auteurs, cependant, il y a un optimum qui est atteint. Il faut voir si on doit continuer à consacrer des ressources et à en injecter de nouvelles dans les soins curatifs et dans le système de santé tel qu'on le connaît actuellement. Alors, c'est certes une bonne question. Cependant, pour nous, les réponses qui nous sont proposées nous inquiètent. On va comprendre pourquoi à travers l'ensemble des commentaires.

Dans le document, on propose de s'orienter d'abord, par exemple, vers l'intervention en amont des problèmes, donc, vers la prévention, ce avec quoi nous sommes tout à fait d'accord. Mais, de quelle manière? C'est là où, pour nous, on va peut-être se distinguer de plusieurs propositions qui nous sont faites. Nous privilégions une politique de lutte contre la pauvreté, par exemple, d'amélioration des conditions de logement, une politique active de développement de l'emploi - pour ne pas parler du plein emploi - alors que ce qui nous est proposé vise plutôt d'autres types de politiques économiques.

Dans un autre ordre d'idées, le document fait des observations sur les pressions sur les coûts de santé et on aborde, en premier lieu, la demande de services. On parle de la question de la surconsommation. Même dans le document, on est obligé d'avouer qu'il n'y a peut-être pas nécessairement une surconsommation de la part des usagers. Pour nous, il est très important de faire une distinction entre la consommation des services de santé et des services sociaux et les autres types de consommation. Souvent, on n'a pas d'alternative. Le service de santé constitue en quelque sorte un monopole. On fait affaire avec des professionnels qui ont la maîtrise, la connaissance pour résoudre les problèmes de santé. Alors, en tant qu'usagers, que malades, on est un petit peu, peut-être pas à la merci, mais on doit quand même faire confiance aux gens qui nous offrent les services. On veut rappeler qu'on ne consomme pas les biens et services de santé par plaisir, on les consomme tout à fait par nécessité. Je rappelle qu'on ne peut pas avoir d'alternative ou de compensation.

On rappelle aussi - et le document en fait mention - que les problèmes qu'on retrouve au niveau de la consommation ne relèvent pas nécessairement de facteurs individuels. En fait, les facteurs sont plutôt d'ordre collectif, et on le cite dans le document: le vieillissement, l'alourdissement des problèmes de santé et des problèmes sociaux, etc. Pour nous, c'est une dimension importante à rappeler. Lorsqu'on parle de responsabiliser individuellement les usagers, j'ai l'impression que souvent on oublie cette dimension de préoccupation plus collective. Donc, pour nous - et le document en fait mention aussi - c'est plutôt envers l'offre de services qu'on devrait peut-être avoir des préoccupations. Je cite le document: «Dans le domaine de la santé, la demande suit l'évolution de l'offre.» Et nous, en tant qu'usagers, on est un peu pris dans cette dynamique-là.

Des facteurs qui, au niveau de l'offre, seraient à mieux évaluer sont, par exemple, la pratique médicale et le mode de rémunération des professionnels de la santé. Cependant, on note l'absence d'une réflexion approfondie, justement, sur la rémunération des professionnels de la santé. On est plutôt déçus à cet égard. On croit aussi qu'il faut accorder une attention particulière à toute la question de la technologie et de la pharmacopée. Tout ça, ce n'est pas la panacée, alors que souvent, ça nous est présenté comme ça.

Au plan de l'argumentation gouvernementale, la problématique est intimement liée à toute la problématique des finances publiques. C'est le noeud de l'argumentation dans le document. On nous parle, là, de la part du PIB qui est consacrée aux dépenses dans le domaine de la santé. Est-ce qu'on a les moyens de consacrer autant de ressources? Pourtant, les statistiques sont équivalentes à celles de plusieurs pays européens, quoique notre part du PIB soit moindre que celle des États-Unis, ou peut-être plus que celle du Canada ou de certaines provinces canadiennes. On dit que la très forte concentration de dépenses par rapport au PIB fait en sorte que ça nuit à la compétitivité.

Pour nous, il y a peut-être moyen de voir le problème autrement. À la page 18 du document, on s'est permis de citer M. Neufeld, de la Banque Royale du Canada, qui fait remarquer, dans une comparaison des systèmes de santé des États-Unis et du Canada, que même si au Canada on a une part très forte du PIB qui est consacrée aux services de santé, quelque part, ça peut devenir avantageux. Ce qu'il s'agit de savoir, ce n'est peut-être pas nécessairement la part, en termes absolus, consacrée aux services de santé, c'est plus l'efficacité des dépenses du système de santé. C'est peut-être là-dessus qu'il faudrait se pencher plutôt que strictement sur la part des dépenses qui y sont accordées. (20 h 30)

D'autre part, le gouvernement fait aussi des propositions sur le contrôle des dépenses des services sociaux et de santé afin d'infléchir et de réallouer les ressources, ou même de diversifier les sources de financement. Il y a des recommandations qui sont, pour notre part, intéressantes, par exemple lorsqu'on parle du contrôle de la rémunération des professionnels. Mais de quelle façon cela se fera-t-il? L'amélioration du contrôle des prix des médicaments, je pense que c'est un impératif, et le contrôle des

technologies de la santé, là aussi, c'est un impératif intéressant à considérer. On parle aussi du contrôle de l'évolution de la main-d'oeuvre médicale et, pour nous, c'est très important. Comme on le signalait, il y a des associations qui sont en régions éloignées et elles se sentent particulièrement concernées par cette dimension.

Pour les autres suggestions, les autres commentaires sur les diverses suggestions qui nous ont été faites, mes collègues feront d'autres commentaires. Je passe la parole à Lucie Dupré.

Le Président (M. Joly): Mme Dupré.

Mme Dupré (Lucie): Dans le même ordre d'idées, une des voies à explorer, que le ministère propose afin de contrer les dépenses globales, d'une part, et de réorienter les ressources disponibles, d'autre part, est de se tourner vers le réseau des organismes communautaires. Depuis qu'on a reconnu le milieu communautaire, d'abord dans le livre blanc, puis dans la Loi sur la santé et les services sociaux, on pouvait s'attendre à ce qu'on y fasse référence dans le document de consultation sur le financement. On y fait effectivement référence, pas dans une optique de financement de ces organismes, mais plutôt dans la mesure où les services que ces organismes dispensent sont moins coûteux.

On propose même, dans le document, de remplacer les ressources institutionnelles par un développement de services alternatifs moins coûteux, par exemple, les organismes communautaires. Il est connu que les organismes communautaires ont depuis longtemps réussi à faire beaucoup avec peu. Le ministère ne pourra toutefois exiger que les organismes communautaires qui sont déjà en place puissent remplacer le réseau institutionnel sans que des moyens financiers importants y soient associés. Il y va vraiment de la qualité des services et, par conséquent, de la santé et du bien-être des citoyens. C'est pourquoi on est surpris de constater qu'il n'est pas question de financement au niveau des organismes communautaires.

C'est pourquoi il ne faudrait pas croire que le communautaire pourrait dispenser de nouveaux services sans qu'il y ait un financement supplémentaire. À ce sujet-là, on aimerait rappeler au ministère l'engagement qu'il a pris dans le livre blanc d'accroître de 8 000 000 $ par année, pendant cinq ans, les sommes qui sont allouées aux organismes communautaires. C'est donc 8 000 000 $ sur un budget total, pour la santé et les services sociaux, de 12 000 000 000 $, et c'est bien peu. C'est vraiment étonnant de constater que le document du ministère sur le financement n'en fasse pas mention. C'est pourquoi nous recommandons un financement adéquat, sur une base triennale pour les organismes communautaires oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux.

D'autre part, pour ce qui est de la carte à mémoire, comme nous l'avons déjà mentionné souvent, nous avons des réserves quant à son utilité et à son application. Nous avons deux préoccupations majeures: d'une part, la protection de la confidentialité de l'information stockée dans la mémoire de la carte et, d'autre part, le danger d'utilisation de cette carte comme moyen de contrôle et de rationnement des services sociaux et de santé.

Ainsi, considérant le manque d'information générale sur le sujet et les dangers au niveau de la confidentialité des renseignements, nous recommandons au ministre de la Santé et des Services sociaux de promouvoir la tenue d'un véritable débat public sur le développement de l'informatisation dans la vie de tous les jours et, notamment, dans le domaine de la santé et des services sociaux. En attendant la tenue de ce débat public, nous demandons un moratoire sur toute nouvelle expérimentation d'informatisation touchant les dossiers des usagers.

À un autre niveau, nous sommes tout à fait d'accord pour que les usagers des services de santé et des services sociaux soient sensibilisés au coût des services utilisés. Toutefois, outre l'aspect éducatif d'une telle mesure, il faudrait éviter que le message reçu par l'usager soit qu'il coûte trop cher à l'État. C'est pourquoi on favorise un type d'information directe et immédiate sur le coût des services, sous la forme d'un bordereau ou d'une facture que l'usager devrait signer lors de chaque consultation et sur laquelle on retrouverait le type de service reçu et le coût associé. Il s'agirait donc d'une mesure de sensibilisation aux coûts pour les usagers, d'une part, et d'un certain contrôle sur le type et le nombre d'actes médicaux déclarés pour les médecins, d'autre part.

Par ailleurs, nous maintenons notre opposition au ticket orienteur. Si le ministre envisage d'appliquer le ticket orienteur afin d'orienter les usagers vers des ressources autres que l'urgence pour des problèmes de santé mineurs, nous croyons qu'il existe des moyens peut-être plus adaptés, dont l'éducation, une campagne d'information auprès de la population et surtout, peut-être, l'instauration, d'abord, de services de première ligne, dont les CLSC, qui seraient ouverts les soirs et les fins de semaine avec des services médicaux disponibles. De plus, les frais d'administration du ticket orienteur pourront être plus élevés que les revenus qu'il pourrait engendrer.

D'autre part, pour la majorité des citoyens, ce n'est pas facile de déterminer le degré d'urgence d'un problème de santé. Est-ce que c'est une urgence d'hôpital ou davantage pour un CLSC? De plus, le ticket orienteur risque de toucher davantage les personnes à faibles et modestes revenus pour qui 5 $ est très significatif. Finalement, le ticket orienteur constitue une brèche importante dans le principe de

gratuité des services de santé et des services sociaux et ça constitue un premier pas dangereux dans l'instauration d'un ticket modérateur. Pour la suite, je cède la parole à Roger Beaudoin.

Le Président (M. Joly): M. Beaudoin.

M. Beaudoin: Alors, pour tenter d'aller de façon très succincte dans la suite... En tout cas, grosso modo, il y a beaucoup de propositions ou de possibilités, dans le document de consultation, mais il y a beaucoup de choses qui nous semblent être inacceptables parce que certaines mesures envisagées sont plus régressives que le financement actuel du système de santé, qui est basé quand même, aujourd'hui, en grande partie du moins, sur l'impôt sur le revenu, qui est quand même une mesure plus progressive.

Quand on parle de tarification, quand on parie de ticket modérateur, par exemple, il nous semble qu'il y a des gros problèmes dans ce type de financement. Pratiquement toujours... Il y a toujours des perdants et les gens aux revenus les plus élevés, par exemple, n'ont jamais de problème avec ça, tandis que d'autres personnes peuvent avoir des problèmes, incluant des gens à modestes et moyens revenus. Par exemple, le ticket modérateur dont il est question et qui est envisagé, ça a été démontré de nombreuses fois que ça diminue la demande de services, mais surtout celle des gens à revenus plus faibles. Si jamais vous dites: Les gens à revenus plus faibles seront protégés de cette mesure-là, à ce moment-là, ce sont des gens juste au-dessus de la barrière que vous aurez indiquée, que vous aurez mise. Ces gens-là, ce sont eux autres qui vont être les victimes de cette mesure-là et il y aura des problèmes à court terme pour ces gens-là, et aussi à long terme pour l'ensemble de la santé publique au Québec. Voilà!

D'autre part, la taxe de vente du Québec, pour nous, c'est quelque chose de très grave, que ce soit fait comme ça, la réforme. D'abord, il faut souligner qu'on s'est battus beaucoup contre la TPS fédérale. D'ailleurs, le gouvernement provincial s'est battu beaucoup contre la TPS fédérale, du moins en paroles. Ensuite de ça, il s'est empressé de s'ajuster à la TPS fédérale, et sans aucune consultation, quelle qu'elle soit. Ça, pour nous, c'est grave, comme association de consommateurs, et pour les consommateurs et les consommatrices, ça a été quelque chose de très grave. À notre avis, et c'est très clair, c'est une mesure très régressive pour toutes sortes de raisons, mais je n'entre pas dans les détails.

Alors, pour nous, grosso modo, ces mesures-là ne sont pas vraiment acceptables et on pense qu'en fait il faudrait maintenir les services de base gratuits. Il faudrait aussi maintenir les services complémentaires tels qu'ils sont et gratuits. Si on nous dit: Écoutez, ça nous prend de l'argent de plus, d'abord, on vous dit qu'on est d'accord avec une certaine partie des recom- mandations en termes de contrôle des coûts. Si on nous dit qu'il y a un besoin d'argent supplémentaire, à ce moment-là, on se dit: On aurait dû faire un examen du régime fiscal québécois dans son ensemble et pas seulement de la question du financement des services de santé. Les entreprises ont eu des diminutions de leur part de charge fiscale, entre autres, par la réforme de la taxe de vente et aussi, quand même, il y a eu des diminutions importantes du taux d'imposition maximum pour les gens à revenus élevés et d'autres types d'abris fiscaux qui ont quand même facilité la vie des gens à revenus élevés, tandis que les gens à revenus modestes et moyens, eux autres, ça a été vraiment la claque, si vous me permettez l'expression.

Donc, à ce, moment-là, s'il y a vraiment de l'argent supplémentaire, bien, il faut aller le chercher du côté d'une légère augmentation de la part des entreprises et d'une légère augmentation de la part des gens à revenus élevés. On ne parle pas de dizaines de milliards. Vous parlez de 200 000 000 $ à 400 000 000 $ par année. D'un autre côté, c'est clair pour nous que le fédéral est un des principaux responsables de la situation actuelle. Et, si vous voulez faire des pressions encore auprès du gouvernement fédéral, comme beaucoup de gens au Québec et probablement beaucoup de gens ailleurs dans les provinces, on est prêts à les faire avec vous, parce que c'est vrai que ça n'a pas de sens que le fédéral se soit désengagé jusqu'à ce point-là du financement de la santé.

Alors, donc, pour nous, le financement doit demeurer au niveau de la fiscalité générale, mais s'il faut augmenter, c'est vraiment ceux qui ont profité de diminutions qui doivent faire leur part davantage. D'autre part, on est prêts, tout de même, à examiner la possibilité de ce qu'on appelle l'impôt-santé, mais évidemment, à condition qu'il y ait des modalités très précises sur la table et à condition que les modalités soient d'ordre progressif, soient vraiment progressives et pas régressives comme, par exemple, la taxe de vente. Alors, en gros, c'est ça qu'on a à vous dire. Pour les détails, évidemment, on est prêts à échanger avec vous.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Beaudoin. M. le ministre, à vous la parole.

M. Côté (Charlesbourg): merci, m. le président. je pense ne pas me tromper en disant que de manière générale vous souhaitez le statu quo. de manière générale, excepté l'ouverture que vous avez faite à la fin de votre présentation: en dernier recours et vraiment en ultime recours, si on est bien mal pris, impôt-santé, si c'est vraiment nécessaire.

Deuxième observation. Vous ne voyez pas de vision sociale dans le document qui a été déposé. Je dois vous dire que je ne sais pas ce que ça

prend pour en voir une. Lorsqu'on consacre 12 000 000 000 $, 31 % aux services de santé et aux services sociaux, et qu'on ne voit pas de vision sociale, ça me paraît inquiétant un petit peu à ce niveau-là, alors que dans toutes les mesures proposées à l'intérieur du document, il y a toujours la notion très claire de protection des démunis. Si ça, ce n'est pas une vision sociale, je me demande ce que c'est qu'une vision sociale.

Ma première question va être la suivante: Est-ce que vous considérez socialement acceptable que le gouvernement du Québec continue d'avoir des déficits de 3 000 000 000 $, de 4 000 000 000 $ et qu'on les fasse payer aux générations futures parce qu'elles vont faire aussi partie de la société de demain?

Le Président (M. Joly): M. Beaudoin.

M. Beaudoin: Alors, M. le ministre, effectivement, on s'aperçoit, dans votre question, que la question centrale est une question de fiscalité et non pas spécifiquement de financement de services de santé, même si les services de santé et les services sociaux sont un gros morceau dans les dépenses de l'État. Il aurait fallu, plutôt, regarder ce qui se passe au niveau du régime fiscal actuel et ce qui s'est passé depuis quelques années.

Je vais vous rappeler deux ou trois petites choses. Par exemple, ici, j'ai devant moi une coupure de presse qui dit: «Les exemptions fiscales aux grandes compagnies sont responsables de l'endettement du pays.» On parle du Canada, à ce moment-là, Statistique Canada. C'est une étude qui est sortie il y a à peu près quelques mois et qui montre qu'il y a eu beaucoup d'avantages fiscaux qui ont été consentis aux entreprises et qui ont nui aux entrées d'argent de l'État fédéral.

Au niveau de l'État québécois, c'est peut-être un peu moins pire, mais il y a certainement eu des diminutions de ce côté-là. Donc, il faut vraiment évaluer la part des entreprises dans la fiscalité. Il y a d'autres chiffres qui sont sortis dernièrement. Par exemple, aux États-Unis, c'est 7,5 % du produit intérieur brut qui représente les charges fiscales des entreprises et au Canada - au Québec, on manque de données, mais ça doit être de cet ordre-là - c'est 6 %. Donc, il y a une marge de manoeuvre au niveau de la fiscalité qui n'est pas actuellement utilisée par le gouvernement du Québec. Il y a eu aussi des diminutions d'impôt sur le revenu, surtout au niveau des gens à revenus élevés, entre autres, le passage de 32 % à 24 % du taux maximum d'imposition. Il y a toutes sortes de raisons à ça. Nous, on ne dit pas de revenir à 32 %, on dit de regarder la possibilité d'aller chercher un léger surplus. Donc, actuellement, il y a une marge de manoeuvre présente au Québec et au Canada qui n'est pas utilisée. Après ça, on se retourne et on dit: Écoutez, vous voyez bien, on n'est pas capable d'aller plus loin, on n'est pas capable de remettre en question la part des différentes sources fiscales de nos revenus fiscaux. alors, on est placé devant cette situation-là. il faut couper dans des choses, ou bien il faut augmenter encore les taxes ou l'impôt des gens à revenus modestes et moyens. alors, ça, ça va trop loin. ça montre justement la nécessité de revoir ce qui se passe au niveau de la fiscalité.

D'autre part, dernier élément, quand vous dites «protéger les démunis», je suis bien d'accord que c'est beaucoup mieux, quand on parle d'une TPS fédérale ou d'une TVQ, de dire qu'il va y avoir des crédits d'impôt pour les gens démunis. Je suis tout à fait d'accord par rapport à ça. C'est moins pire, mais ça ne règle pas la question de la régressivité de ces mesures-là et de l'appauvrissement que ça cause au niveau de la classe moyenne.

Pour vous donner un exemple, ce serait peut-être utile que je vous donne à tous et toutes un petit tableau que vous avez probablement déjà vu. Je m'excuse, je n'étais pas sûr de m'en servir, alors je ne sais pas si quelqu'un pourrait venir les chercher. C'est tout simplement un tableau qui montre, au niveau de la TVQ, tel que c'était proposé, à 7 % en 1992, l'impact que ça aurait en pourcentage des dépenses des ménages suivant le revenu. Ce qu'on constate par rapport à ça, c'est que les gens à faibles revenus, même si on leur donne un crédit d'impôt, ça veut dire une dépense, dans un an, ' supérieure, en pourcentage de leurs revenus à celle des gens à revenus élevés, de 100 000 $ par exemple, pour la TVQ en tant que telle. (20 h 45)

Alors, c'est des questions comme ça qu'on devrait discuter quand on parle du déficit et quand on parle de l'accumulation. C'est de choses comme ça qu'on devrait parler et on aimerait avoir un cadre beaucoup plus large que celui qu'on a actuellement.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est une décision qui a fait beaucoup jaser, qui va continuer de faire jaser et qui, supposément, doit garnir les coffres du gouvernement du Québec. Malgré le fait que ça puisse garnir les coffres du gouvernement du Québec, on a un déficit qui est réel - il est là - de 4 000 000 000 $, qui ne peut pas être uniquement l'affaire des compagnies sur le plan de la marge de manoeuvre supposée au niveau des compagnies. Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas une. C'est la bataille des chiffres des experts, et même, nous autres, on vient qu'on ne sait plus si c'est vrai ou si ça ne l'est pas.

Il est clair qu'à ce niveau-là ce n'est pas uniquement ça qui peut combler l'écart sur le plan financier et je vous dis - vous n'êtes pas obligés de le partager - que c'est aussi socialement inacceptable de prendre ces déficits et de les faire payer par les générations futures. Moi,

je ne marche plus là-dedans, premièrement, et on va devoir avoir au moins le minimum de déeence comme société aujourd'hui, demain, de ne pas faire en sorte que ce qu'on consomme comme services aujourd'hui soit payé par les générations futures, en plus de payer tout ce qu'elles auront à payer pour se donner les services. Pour moi, ça aussi c'est une vision sociale, la société qu'il faut respecter, et ça, c'est nos enfants, c'est vos enfants et c'est ceux qui feront le Québec de demain et le Canada de demain.

On parle d'un certain nombre de choses dans le résumé. Une partie disait: Accessibilité, universalité, gratuité pour les usagers et les usagères, sinon il y a un danger pour l'accès aux services pour une partie de la population qui a des revenus modestes et une partie de la population qui est à faibles et moyens revenus. Comment vous expliquez, par exemple, que dans les soins dentaires, qui est un programme dont vous revendiquez le statu quo, alors que c'est accessible, c'est universel, c'est gratuit, on se retrouve avec une population à faibles revenus qui ne l'utilise pas? La démonstration a été faite de manière très claire que c'est ceux qui ont des revenus moyens et des bons revenus qui l'utilisent. Ce n'est pas un principe d'universalité, d'accessibilité et de totale gratuité qui fait qu'automatiquement les gens se servent de ces services de santé là. Et j'imagine que ce n'est pas uniquement une question d'information ou de manque d'information, certainement pas en 1992.

M. Beaudoin: Écoutez, s'il y a des gens qui veulent rajouter... Moi, j'esquisserais une réponse. La problématique, vous avez tout à fait raison, effectivement, c'est qu'il y a certains services qui ne sont pas assez utilisés par les gens à faibles revenus. J'aurais deux choses à dire par rapport à ça. D'abord, il faut dire qu'il n'y a pas nécessairement tant de publicité que ça qui se fait par rapport aux droits ou aux services qui sont disponibles à l'ensemble de la population, une des raisons étant qu'on ne veut pas trop, non plus, stimuler la demande. Les gens à revenus moyens sont beaucoup plus informés, en général, par toutes sortes de sources que les gens à revenus faibles, pour toutes sortes de raisons. Il y a beaucoup de gens qui se retrouvent dans les revenus faibles qui sont des gens analphabètes ou des gens qui ont peu de contacts avec la presse de façon régulière, ou avec des professionnels de façon régulière. Il y a aussi le fait que quand on augmente...

Quand il y a une grosse partie de la population qui est pauvre, il y a un sentiment, il y a une réalité d'exclusion sociale qui est là, qui est présente et qui a été, d'ailleurs, analysée par plusieurs chercheurs, entre autres, du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il y a des études qui ont été faites qui ont montré que les messages ou l'information qu'on fait circuler par rapport à manger mieux ou manger telle chose sont perçus de façon différente par les gens des quartiers populaires ou les gens à revenus faibles. Alors, ce qu'il faudrait faire, ce n'est pas dire: On va remettre en question l'application universelle de ce programme-là parce que les gens à revenus faibles ne l'utilisent pas. Il faudrait plutôt dire: Comment pourrait-on s'organiser pour que les gens à revenus faibles s'organisent pour, effectivement, y avoir accès dans les faits réellement?

D'autre part, c'est évident que ce genre de mesures qui sont intéressantes - l'assurance dentaire pour les enfants - ne réglera pas fondamentalement la question des inégalités sociales importantes, la question du chômage, la question de la pauvreté. Ça prend aussi d'autres formes de politiques comme le développement de l'emploi, comme la lutte contre les mauvaises conditions de logement, d'autres mesures comme ça qui ne dépendent d'ailleurs pas seulement du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais qui dépendent de l'ensemble de l'État et de l'ensemble de la société. Je ne sais pas si...

M. Côté (Charlesbourg): On me signifie qu'il ne me reste pas grand temps. Il y a quand même une autre question que j'aimerais poser, en particulier à madame qui représente Auto-Psy.

Le Président (M. Joly): Mme Dupré.

M. Côté (Charlesbourg): vous nous dites: une carte à microprocesseur, c'est presque un danger; c'est peut-être davantage un instrument de contrôle qu'un instrument qui va améliorer la qualité. or, plusieurs prescripteurs ou dispensateurs de services nous vantent l'utilité d'un outil comme celui-là sur le plan de la qualité de l'information, effectivement, pour dispenser un certain nombre de services et s'assurer, par exemple, de regroupements de médicaments qui auraient des effets multiples pour une personne qui va consommer de multiples médicaments. je pense que votre réputation n'est plus à faire sur le plan de l'intérêt des clientèles que vous défendez. regardons uniquement les médicaments. dieu sait que vous supportez et défendez une clientèle qui a une certaine consommation de médicaments. je vais éviter, là, la deuxième recommandation disant: nous demandons que le ministère cesse d'invoquer de présumés abus. on ne parle pas d'abus, à ce moment-ci, on parle uniquement de surconsommation de médicaments.

À mon bureau de comté, comme ailleurs, j'ai reçu des gens qui sont venus m'informer d'une consommation assez effrayante, merci, de médicaments. On m'a même donné des cas de 27 pilules par jour pour un bénéficiaire qui a été désinstitutionnalisé, qui est en famille d'accueil. C'est prescrit par quelqu'un, ça, avec le regroupement d'autres médicaments. Il vient qu'il ne sait plus ce qu'il y a dans la maison, si, effectivement, c'est un bénéficiaire qui est en con-

trôie. Est-ce que la carte à microprocesseur n'aurait pas aussi des qualités d'une meilleure continuité des services à dispenser à un individu et, finalement, d'augmenter la qualité du suivi de l'individu et non pas du contrôle de l'individu, premièrement? Deuxièmement, pour vous autres, est-ce que la Commission d'accès à l'information • est suffisamment crédible pour donner des avis valables quant à la carte à microprocesseur?

Le Président (M. Joly): Mme Dupré.

Mme Dupré: Je vais prendre la première partie de la question. Ce qu'on dit dans notre mémoire, et on l'a déjà dit aussi dans les mémoires précédents, c'est qu'on suit quand même avec intérêt ce dossier-là. Aux dernières nouvelles, je pense que le projet-pilote n'était pas encore en application. D'ailleurs, on a peu d'information là-dessus et c'est pourquoi on essaie de suivre le dossier. C'est sûr qu'on peut y voir certains avantages. Si l'information était toute stockée à la même place, on pourrait prévenir certains abus au niveau de médicaments, d'ordonnances qui pourraient être contraires, mais on y voit aussi de très grands risques. C'est cela aussi qui fait que... On ne rejette pas complètement l'idée, mais c'est ça.

J'aimerais dire aussi que, pour la clientèle qu'on dessert, c'est vrai que les gens consomment parfois beaucoup de médicaments. Moi, je me dis toujours que si les gens en consomment, c'est parce qu'il y a des médecins, il y a des spécialistes qui les prescrivent. Ça ne veut pas dire non plus que les gens les prennent toujours parce que, effectivement, des fois, c'est des pharmacies ambulantes et il faut regarder aussi de ce côté-là. Ça peut être le contrôle. La carte peut servir à ça. Elle peut servir peut-être à contrôler certains abus dont les bénéficiaires pourraient se rendre coupables, soit parce qu'ils vont voir plusieurs spécialistes, mais ça peut aussi permettre de contrôler les actes que vont poser les médecins et aussi les prescriptions. Peut-être qu'un médecin va voir qu'un autre a prescrit des choses qui n'étaient peut-être pas convenables ou qui étaient en trop grande quantité.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, c'est un bon contrôle.

Mme Dupré: À ce niveau-là, ça pourrait l'être. Comme je vous le dis, on essaie de voir le pour et le contre, mais on y voit de très grands risques au niveau des usagers. On nous a dit que l'information pourrait être compartimentée, qu'il y aurait cinq ou six tiroirs. Ça, ça peut être une sécurité parce que, par exemple, quelqu'un qui reçoit des services en psychiatrie n'a pas besoin que son médecin, son dentiste ou son pharmar-cien sache nécessairement toutes ces informations-là. Il y a des choses comme ça qui nous rassurent.

M. Côté (Charlesbourg): Juste là-dessus, sur le plan de l'information, effectivement, le projet vient de démarrer à Rimouski sur le plan de l'expérience-pilote. Mais si jamais vous passez par Sherbrooke, je vous invite à aller au CHUS, où c'est peut-être le projet qui est le plus avancé au Canada sur le plan d'un système informatisé, et à voir pour le bénéficiaire de services tous les effets bénéfiques quant à la qualité des actes, quant au contrôle non pas du bénéficiaire, mais de la qualité des actes dispensés à l'individu. J'ai eu l'opportunité d'y aller avec l'autorisation d'un bénéficiaire, donc pas un cas fictif, mais un cas réel avec les clés, avec les compartiments surveillés par la Commission d'accès à l'information pour protéger l'information confidentielle d'un individu. Je peux vous dire que c'est assez étonnant ce que le bénéficiaire peut en tirer, et ça m'a convaincu.

Mme Oupré: À ce niveau-là, moi, je trouve ça dommage que la population en général, les citoyens, les usagers n'aient pas accès à cette information-là, qu'on n'ait pas plus de données sur ce qui se passe présentement, sur ce qui s'en vient. C'est vraiment dommage parce que c'est quand même majeur et ça nous concerne tous. D'autre part...

M. Côté (Charlesbourg): Mais, ce qu'il faut quand même comprendre, c'est qu'on est dans une situation où c'est deux projets-pilotes. On peut au moins leur laisser la chance de finir, et après ça l'information circulera. S'il y a des biais à constater au moment de l'expérience-pilote, ils vont être corrigés. C'était ma dernière question tantôt. Vous n'y avez pas répondu. Est-ce que, pour vous, la Commission d'accès à l'information est suffisamment crédible pour encadrer ce genre d'expérience et mettre les barrières qu'il faut pour éviter qu'on aille dans les vices que vous appréhendez et qu'on ne veut pas du tout nous autres non plus? Je pense que la Commission d'accès à l'information, ça peut être crédible un peu.

M. Martin: Est-ce que vous me permettez une question? Est-ce qu'à ce moment-là on envisagerait une législation sur la confidentialité des données? La FNACQ mène un autre dossier et a déjà comparu auprès d'une commission en ce qui regarde la confidentialité des informations personnelles. Il y a certains aspects du Code civil qui y touchent, mais il y a comme un vide législatif en général. C'est pour ça que, nous, on a peut-être des réticences. On sait bien que peut-être la carte à puces pourrait être un outil intéressant pour la rationalisation des ressources etc., sauf que ce qui nous fait craindre, c'est qu'on ne sait pas si au niveau législatif ce sera blindé. C'est pour ça qu'on a des réticences.

M. Côté (Charlesbourg): Dépendamment de ce que la Commission d'accès à l'information - je termine là-dessus - nous fera comme recommandations, parce qu'à la fin du rapport c'est elle qui donnera l'aval ou non, ou un aval conditionnel. À ce moment-là, le législateur aura, lui, son travail à faire et le parlementaire...

M. Martin: Est-ce qu'il y aurait à ce moment-là une consultation publique et une consultation très serrée et très conviviale, pourrait-on dire, des usagers, par exemple, des services de santé ou des consommateurs en général?

M. Côté (Charlesbourg): Écoutez, je pense que c'est une chose envisageable. On ne s'est pas privé de consulter au cours des dernières années. On va en être la semaine prochaine à notre 23e semaine de commission parlementaire sur le système de santé et de services sociaux. Donc, sur 52 semaines qu'il y a dans l'année, on va en avoir passé à peu près 23 en commission parlementaire. On ne s'en est pas trop trop privé et je pense qu'à ce moment-là ce n'est pas une ou deux de plus qui vont nous empêcher de dormir. Donc, ça demeure dans le domaine des possibilités.

M. Beaudoin: Est-ce que je pourrais faire ajouter une minute d'information?

Le Président (M. Joly): Une courte minute, s'il vous plaît.

M. Beaudoin: D'accord. Alors, ce sera très court. C'est que, effectivement, la FNACQ, on a rencontré des gens de la Commission d'accès à l'information pour parler du dossier de l'informatisation des dossiers de l'usager et de l'usa-gère. On a fait des recommandations. On a eu l'impression qu'on était bien accueilli. On est content de voir que la Commission intervient un petit peu plus dans les médias par rapport à des dossiers qui touchent un peu ces choses-là. On la voit aller. On trouve ça plutôt positif, mais on aimerait quand même que d'autres organismes puissent être associés à ces démarches-là comme, par exemple, la Ligue des droits et libertés ou, comme le disait mon collègue, une possibilité de consultation plus large à un moment donné.

Ceci dit, on se permettra, je pense, de vous envoyer copie de nos recommandations à la Commission d'accès à l'information, parce qu'il y avait aussi dans nos recommandations que la Commission se fasse davantage connaître du grand public, non pas seulement sur la question de l'accès à l'information, mais sur la question de la protection des renseignements personnels. Ça, c'est très méconnu son rôle là-dedans. Il faudrait qu'il y ait une affirmation plus forte de ça et, enfin... Pour être bref, je m'en tiendrai à ça pour le moment, mais ça nous fera plaisir de vous envoyer un exemplaire de notre mémoire là-dessus.

M. Côté (Charlesbourg): merci.

Le Président (M. Joly): Merci. Merci, M. le ministre. Je vais reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. S'il vous plaît, M. le député. (21 heures)

M. Trudel: Merci beaucoup. Merci de cette présentation. Lorsqu'on examine des modifications aux grands pans de notre société, on retrouve dans le circuit, je dirais heureusement, la Fédération nationale des associations de consommateurs. Vous êtes toujours là avec - nous le savons aussi - des moyens qui sont extrêmement faibles. Alors, c'est d'autant plus apprécié, la vision que vous nous donnez ce soir. Je pense qu'il faut avoir, sur le continuum, la vision de tout le monde parce qu'on touche au tiers de l'État, on touche à un bien collectif absolument essentiel pour le Québec. C'est ça qu'on discute ces jours-ci. C'est important que des groupes comme vous viennent nous donner aussi leur vision des choses.

J'essaie d'en faire un petit bout supplémentaire, toujours sur la carte informatisée. Ce que vous dites, finalement, c'est que ce n'est pas tout que des spécialistes nous rassurent, au niveau de la Commission d'accès à l'information, par exemple. Mais ça, c'est aussi une question sociale, une question de société, et c'est important qu'on ait le débat qui favorise l'information et permet de voir dans tous les recoins. C'est ça que je veux vérifier avec vous et, aussi, que tout cela s'accompagne de garanties législatives. C'est assez important, ce que vous avez mentionné.

Si on prend la loi de l'impôt, par exemple, la loi de l'impôt est très très claire au niveau de la confidentialité. Il y a même une responsabilité politique qui est inscrite dans la loi au niveau de la confidentialité des informations. Quand on est en matière de vie quotidienne des citoyens, de leur santé, de ce qu'ils sont comme êtres humains dans notre société, eh bien, le professionnel ne peut avoir le même degré d'imputabilité. Alors, je pense que oui, il faut avoir un débat assez large. Mais vous, vous dites: On est prêt à le faire ce débat-là, il faudrait le faire rapidement. C'est ça que vous dites? Vous êtes prêts à le faire ce débat-là et à le faire très rapidement?

M. Martin: Très rapidement, je ne saurais dire, mais il faut qu'il se fasse. Il faut qu'il se fasse aussi dans un ordre général et non pas strictement en ce qui regarde la carte à puce d'assurance-maladie, parce qu'on se dirige vers l'informatisation de plusieurs types de transactions avec des cartes à mémoire.

M. Trudel: Je dis qu'il faut qu'il se fasse assez rapidement. Peut-être que j'ai été de longs moments inattentif au cours des 23 dernières semaines de commission parlementaire. Je vérifie avec mon recherchiste. C'est la première fois que Sherbrooke est mentionnée. Vous avez toujours mentionné Rimouski, Saint-Fabien. C'a été bien nommé et bien dit sur la place publique, mais Sherbrooke... Je ne questionne pas que ce soit Sherbrooke ou Trois-Rivières. Ce n'est pas ça. Mais Sherbrooke, vous ajoutez un élément d'information supplémentaire. C'est la première fois que, publiquement, j'entends ça.

M. Côté (Charlesbourg): C'est un système qui est en développement depuis déjà un certain temps, et qui fait l'objet d'un développement avec les autorisations de la Commission d'accès à l'information! Un suivi à l'intérieur d'un centre hospitalier qui est différent de la carte à microprocesseur.

M. Trudel: Le seul phénomène qui m'inquiète, ce n'est pas qu'il soit en tel milieu ou que ce soit celui-là. Ce qui m'inquiète, c'est que, par exemple, aujourd'hui, on apprenne publiquement que ça aussi ça existe, sous bon contrôle et tout...

M. Côté (Charlesbourg): Ça a été annoncé publiquement.

M. Trudel: Je regardais des visages tantôt et ça m'avait l'air qu'on était un certain groupe là-dedans. Ce n'est pas ce projet-là, encore une fois, qui m'intéresse, c'est juste le phénomène parce que la question suivante qui se pose, c'est: Y en aurait-il d'autres, quelque part, par des entreprises, par des compagnies, par des choses? C'est pour ça que moi je reçois très bien votre demande de débat public, et je pense qu'on ne l'évite pas là-dessus.

Toujours sur la carte, je pense qu'on a vidé un peu la question de la puce. Mais, comme pièce d'identification, c'est moins lourd de conséquences, en apparence. Vous dites, vous autres: Peut-être qu'on ne fraude pas beaucoup le système. Peut-être qu'il y en a beaucoup aussi. D'autres intervenants sont venus aujourd'hui et ils ont dit: Oh, c'est assez magistral. Vous dites dans une de vos recommandations que la carte devrait contenir une courte description du détenteur et de la détentrice et ce, afin de contrer d'éventuels abus ou erreurs. Ça élimine complètement la photo comme identification et pourquoi?

M. Beaudoin: Pour être très franc là-dessus, on n'a pas eu une grosse discussion entre les personnes qui sont impliquées à la FNACQ et nos groupes membres qui sont bénévoles, le plus souvent, avec quelques employés et tout ça. On en a parlé brièvement. Il y avait des gens qui étaient pour, qui disaient qu'effectivement il y avait trop d'abus, il y avait trop d'erreurs ou d'emprunts - c'est proche de l'abus, ou des fois ça l'est. Mais il y en avait d'autres aussi qui disaient: Écoutez, c'est dangereux cette affaire-là parce qu'on ne connaît pas beaucoup la problématique en termes de droits, de libertés civiques. Mais on a souvent entendu parler d'associations comme la Ligue des droits et libertés ou d'autres associations, comme quoi, si on s'en allait vers ça... C'est sûr que ça facilite l'identification, mais, à ce moment-là, est-ce qu'on s'en irait vers une espèce de mécanisme qui serait utilisé à toutes les sauces, y compris par la police et par à peu près n'importe quel intervenant? Il y a déjà des gens que ça dérange beaucoup de donner une carte d'assurance sociale ou une carte d'assurance-maladie, un peu partout, comme pièce d'identité, pour toutes sortes de raisons. Alors, on hésite à faire le pas, on hésite à dire oui, à la photo, d'autant plus qu'on n'a pas la preuve qu'il y a autant d'abus et de problèmes que ça. Alors, pour s'éviter un autre genre de problème peut-être pire, on ne va pas jusqu'à la photo.

Ceci dit, en fait, ce seraient des gens mieux placés, ce seraient des groupes comme la Ligue des droits et libertés, par exemple. Il faudrait nous-mêmes en discuter avec eux ou en discuter avec vous publiquement. Il nous semblait que, comme pour le permis de conduire, d'avoir une description écrite mais relativement détaillée pourrait quand même diminuer le nombre d'abus possible. D'ailleurs, une des raisons pour lesquelles le permis de conduire est utilisé comme carte d'identité, souvent, c'est parce que ce n'est pas si facile que ça de l'avoir, le permis. Mais c'est aussi parce qu'il y a une courte description de la personne dessus.

Mme Dupré: Je voudrais juste ajouter un élément sur quelque chose dont vous avez parlé. Vous disiez que vous étiez surpris d'apprendre qu'il y avait un projet-pilote au CHUS, à Sherbrooke. Il y en a 20 comme ça. Il y a 20 projets-pilotes, actuellement, d'informatisation au niveau de la santé, au Québec. On en connaît quelques-uns. Entre autres, en psychiatrie, il y en a un qui est en cours au centre hospitalier Robert-Giffard.

M. Trudel: M. le ministre, il y a 20 projets-pilotes, au Québec, d'informatisation des données sur...

M. Côté (Charlesbourg): En santé? M. Trudel: En santé? Il y en a 20?

Une voix: II y a aussi de l'information sur le bénéficiaire.

Mme Dupré: Ce sont les données qu'on a eues. Comme je vous le dis, on a peu de données

là-dessus. Mais, ce qu'on sait, c'est qu'il y a à peu près 20 projets-pilotes en cours, dont un qu'on connaît, ici, au centre hospitalier Robert-Giffard, en psychiatrie. On a peu d'informations là-dessus. Nous, ce qu'on se dit, c'est: Les gens qui sont concernés, est-ce qu'on leur dit: Oui, vous participez au projet-pilote. Oui, vous embarquez. Quelles sont les garanties que vous avez?

M. Trudel: C'est extraordinaire!

Mme Dupré: Je voulais juste le rapporter...

M. Trudel: On est parti à 1, il y a 10 minutes. On est passé à 2. Je ne dis pas que vous ne dites pas la vérité. Je ne cherche pas la... Je dis que vous, vous dites: II y en a 20 quelque part...

M. Côté (Charlesbourg): II faut faire attention. Il y a peut-être 20 centres hospitaliers d'impliqués, mais pas nécessairement dans un projet. Quand on parle de 6 dossiers, par exemple, c'est un projet qui a été annoncé sur la place publique, qui implique Sainte-Justine, qui implique Maisonneuve-Rosemont. C'est un système qui veut se développer, mais qui n'a que des cas fictifs. Dans le cas de Anna-Laberge, en Monté-régie, il y a aussi une expérience qui porte sur des cas fictifs. La seule place où, effectivement, ils sont suffisamment avancés pour le faire avec des cas réels de bénéficiaires, c'est au CHUS, à Sherbrooke, avec une expérience qui est suivie par la Commission d'accès à l'information, d'une manière très serrée.

M. Trudel: Mais quand madame dit... Je ne veux pas confronter la vérité. C'est juste parce que je veux illustrer le phénomène que, à tout le moins... Madame vient de parler de Robert-Giffard. C'est ça que vous avez dit? Bon. Il y aurait quelque chose là, au niveau de l'informatisation des données des dossiers des bénéficiaires. Ce n'est pas dans une optique de confrontation que je fais cela. Le ministre dit: Non, non, il y a peut-être des centres qui participent. Mais juste l'information qu'on se donne ce soir - oui, pour moi - augmente mon degré d'inquiétude aussi et, j'espère, à tort. J'espère, à tort, parce que c'est toujours en vue d'améliorer, comme résultat, ce qu'on fait et ce qu'on donne.

Concluons ce chapitre en disant: II y a suffisamment, me semble-t-il, de projets qui existent officiellement. Il y a suffisamment d'informations qui sont véhiculées autour d'autres expériences, dans le réseau public, dans le réseau privé, pour que, oui, franchement, on y aille rapidement sur un large débat social. Plus on pense qu'on va avoir besoin de cet instrument... Évidemment, le sentiment de l'urgence se présente, il faut se dépêcher de tenir ce débat-là. Tenir un débat, ça ne veut pas dire nécessaire- ment s'installer en commission parlementaire pendant 20, 30 semaines. Mais il faut poser les paramètres de ce que nous sommes comme société, où ça pourrait nous amener, et qu'on lance ça publiquement en disant: De toute façon, dans des semaines ou des mois à venir, nous serons, comme société, confrontés à ce type de problème ou de situation. Qu'on y aille largement et qu'on invite les organismes comme la Commission d'accès à l'information à y aller largement dans l'animation québécoise de ce débat-là.

M. Côté (Charlesbourg): II n'est pas nécessaire que ce soit notre commission à nous. Ça peut être celle de qui relève le ministre responsable ou le ministère responsable des communications. Un débat davantage public.

M. Trudel: Oui, oui. Sauf erreur, la France, là-dessus, s'est donné comme mécanisme institutionnel ce qu'on appelle la Commission de l'informatique qui travaille sur l'ensemble de ces domaines de l'informatisation des fichiers, des contrôles. C'est très suivi parce que c'est large.

Est-ce que vous pensez... Vous dites au début de votre mémoire qu'il est regrettable que nous soyons à procéder au débat sur le financement du réseau de santé et des services sociaux en l'absence de politique de santé et de bien-être. Pourquoi cela aurait-il été différent si nous avions eu une politique de santé et de bien-être? Pourquoi serait-il important d'en avoir une d'abord, de votre point de vue, avant de procéder à ce débat sur le financement de nos services?

M. Martin: C'est peut-être parce que, justement, à partir du débat sur le financement, on ne sait pas exactement sur quoi on pourra évaluer l'avenir du financement. On considère un état de fait actuel, mais on ne sait pas comment évaluer des résultats qui viendront. Par exemple, s'il y a des modifications majeures quant au financement, s'il y a une réallocation des ressources vers plus de prévention, on ne sait pas à partir de quels paramètres au point de vue des objectifs et des résultats. Or, ça devient difficile, je pense, de parler plus sereinement de la question du financement. Les oeufs vont nous être donnés et il faudra faire avec, alors que si on savait plus précisément quels sont les objectifs généraux à atteindre, on aurait un meilleur portrait de ce qu'il y a à faire. Compte tenu des ressources qu'on aurait, on aurait des choix peut-être plus éclairés. Je ne suis pas un spécialiste, mais c'est un peu une réaction première.

Mme Pilon: J'ajouterais justement qu'une politique de santé et de bien-être nous éviterait peut-être de tomber dans la vision comptable des choses qui semble prédominer actuellement, au niveau du gouvernement. On semble dire: Ça coûte très cher, essayons de voir où on peut

couper ou comment augmenter les impôts et les taxes... Finalement, le débat, ça devrait être: C'est quoi les objectifs qu'on se donne en matière de santé? Quels sont les moyens qu'on prend pour réaliser ces objectifs? Disons qu'en parlant d'abord de financement sans parler de politique, à ce moment-là, on va se retrouver dans une situation où on va dire: On va couper des services ou on va essayer d'aménager le système un peu de façon à essayer de voir avec des coupures budgétaires plutôt que de se donner des services de santé. Finalement, en termes de résultats, ça pourrait vouloir dire un retour en arrière, de 10 ans ou de 20 ans, une certaine perte d'acquis au niveau de la santé et des services sociaux.

M. Trudel: Ça me semble effectivement un préalable. Le temps file toujours trop vite. La huitième recommandation, c'est que vous êtes ouverts à une discussion sur l'impôt-santé. J'ai envie de faire un petit test pour savoir... Peut-être que je suis dans l'erreur. C'est quoi, ça, un impôt-santé? Qu'est-ce que c'est ça un impôt-santé?

M. Beaudoin: On pourrait dire d'abord que ce n'est pas tout à fait clair. C'est la première chose qu'on pourrait dire.

M. Côté (Charlesbourg): Même si vous êtes ouverts.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudoin: Mais, en fait, écoutez, ce à quoi on est ouvert, c'est que c'est vrai quand même que les contribuables ou les consommateurs, les usagers et les usagères sont intéressés à une forme de transparence au niveau des coûts. On a déjà parlé tantôt du bordereau ou de quelque chose du genre quand on sort de chez le médecin. Effectivement, les gens sont très soucieux de ce qui se dépense au niveau de la santé et des services sociaux. Donc, il peut y avoir un intérêt à regarder la possibilité de ce qu'on appelle un impôt-santé. Mais là, il faut faire attention à ce qu'on appelle un impôt-santé. Est-ce que ça veut dire que ce qu'on mettrait là-dedans, ce serait une espèce d'enveloppe fermée, éventuellement, un peu comme le régime d'assurance-chômage qui fonctionnait pratiquement seulement à base de cotisations? Ce n'est pas tout à fait ça qui est envisagé à court terme. Mais jusqu'où ça irait? (21 h 15)

D'autre part, pour le type de financement de cet impôt-santé là, effectivement, il y a différentes possibilités. Il y a des possibilités qui sont proches de l'impôt sur le revenu, que ce soit en partie, mais il faut voir les modalités par rapport à ça. Il faut voir, effectivement, à ce que l'impôt sur le revenu et l'impôt sur le revenu dans l'impôt-santé... Il faudrait voir à ce qu'il y ait une diminution d'un bord pour une augmentation de l'autre côté. Il y a des modalités qui sont envisagées dans le document de consultation, mais ce n'est pas toujours clair vers où on pourrait s'en aller.

Ça prendrait effectivement une consultation sur le projet de loi, si jamais il y avait un impôt-santé. On peut mettre un peu n'importe quoi dans l'impôt-santé. Donc, c'est pour ça. Mais, au fond, on met dès l'abord une forme de transparence. On pourrait même dire: L'impôt-santé, ça pourrait être seulement quand on reçoit le retour de notre rapport d'impôt, qu'on nous précise sur nos tableaux la part de notre impôt ou de nos taxes qui va à la santé et aux services sociaux. C'est une façon minimale d'information et de transparence. Ça peut aller jusqu'à la création d'une espèce de caisse strictement pour ça. Mais là, il faut voir comment c'est financé. Donc, en fait, ce sont les modalités qu'il faut regarder. Il y a plusieurs choses d'envisagées. On peut toujours dire que, nous autres, on veut un régime progressif, au niveau de la fiscalité, et qu'on n'aime pas le type de financement qui repose beaucoup ou, en tout cas, presque exclusivement sur les cotisations. Mais, encore là, il faut voir de quelle manière ça s'organise. Donc, pour le moment, on n'a pas de projet précis devant nous. C'est pour ça qu'on dit: On est ouvert, mais, en même temps, on ne peut pas signer un chèque en blanc.

M. Trudel: En tout cas, pour moi, pour le peu de consultations que j'ai faites autour de moi, et un peu partout à travers le Québec, votre réponse concorde très bien avec ce que j'ai entendu. On ne sait pas trop ce que c'est et il y a autant d'interprétations... Il y en a une, entre autres, qui me dérange, c'est celle qui dit que l'impôt-santé, c'est une mesure de financement. À l'opposé, vous venez de le dire, comme version, c'est tout simplement une mesure pédagogique de transparence pour illustrer les coûts de ce que nous avons comme dépenses en santé, la petite case «impôt», au Québec, divisée en deux: impôt Québec général, impôt-santé. Là-dessus, oui, il faut avoir, quant à moi, beaucoup plus d'explications sur le régime de l'impôt-santé. Votre mot «progressif», il est comme déterminant. Ça me semble important qu'on lève la confusion là-dessus. Je souhaite vivement qu'au cours des prochains jours on lève complètement la confusion qui s'est installée autour de ce débat-là, autour de cette idée-là, et qu'on puisse en voir la réelle couleur.

Je termine en vous remerciant et en regrettant de ne pouvoir vous interroger sur C-3 du fédéral. Est-ce qu'on lève ça ou on ne lève pas ça?

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le député.

M. Trudel: Par ailleurs, comme les groupes nous l'ont dit hier soir, ça a l'air qu'il va y avoir un autobus qui va s'organiser pour aller marcher à Ottawa, pour aller chercher de l'impôt. Moi, je pense que ça ne marchera pas, mais... Ça a l'air qu'il y a de la place dans l'autobus. Il y a un autobus qui s'organise pour aller faire... À Ottawa, il faut aller faire: Beuh! Beuh! Beuh!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ça fait 32 ans que ça ne marche pas. L'autobus va être conduit par M. Clair.

M. Côté (Charlesbourg): II faudrait peut-être leur expliquer...

M. Trudel: M. Clair, merci, ça ne marche pas.

M. Côté (Charlesbourg): ...parce qu'ils ne comprendront pas nos «beuh, beuh». Hier, il a dit: M. Lesage a fait «beuh, beuh» en 1960; depuis ce temps-là qu'on fait «beuh, beuh» et ça ne bouge pas fort à Ottawa. C'est pour ça qu'il dit: À notre voyage à Ottawa, on va aller faire: Beuh! Beuh!

Le Président (M. Joly): On va «beu-beu-gler».

M. Trudel: En revenant, je vais être encore ici. Merci.

M. Beaudoin: Avec votre permission, M. le Président...

Le Président (M. Joly): Rapidement, s'il vous plaît, j'ai déjà débordé.

M. Beaudoin: D'accord. J'aimerais rendre la parole pour une minute à Mme Pilon qui aimerait parler d'une expérience très brève par rapport à ce que l'Association des hôpitaux du Québec a déclaré.

Le Président (M. Joly): Là, c'est une promesse, ce n'est pas une promesse d'élections, c'est bref.

M. Beaudoin: Une minute.

Mme Pilon: C'est à propos de la déclaration de l'Association des hôpitaux sur le fait de réduire les coûts par l'hospitalisation d'un jour. Moi, j'ai eu une expérience, cet été, avec ma fille. Justement, on l'a renvoyée après deux jours, après une opération. On a dû la rentrer d'urgence, trois jours après, parce qu'elle faisait une grave infection. Disons que ça peut causer de graves problèmes de santé aux gens si on procède et si on généralise ça. À ce moment-là, si c'est uniquement une question de coût, la santé de la personne va en souffrir énormément. C'est une mise en garde qu'on fait pour ce genre de solutions qui apparaissent des solutions miracles, mais qui pourraient se révéler très désastreuses au niveau de la santé des gens.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Pilon, vous avez été respectueuse.

M. Paradis (Matapédia): M. le Président, rapidement, un commentaire final.

Le Président (M. Joly): Rapidement.

M. Paradis (Matapédia): Ça va prendre cinq mots.

Le Président (M. Joly): M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Le jugement, ça ne s'apprend pas à l'université, madame.

Mme Pilon: Je ne comprends pas.

M. Paradis (Matapédia): Si on a laissé partir votre enfant trop tôt, ce n'est pas la faute du gouvernement, mais c'est la faute de ceux qui ont pris la décision.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est une décision...

Le Président (M. Joly): II y a quelqu'un qui a manqué quelque part.

Mme Pilon: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Joly): C'est ça. Ça ne veut pas dire que ça ne peut pas être bon, mais il y a eu...

Mme Pilon: Oui, mais ce que l'Association des hôpitaux propose, ça pourrait se généraliser. C'est ça le danger.

M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'il ne faut peut-être pas généraliser ce que vous avez vécu...

Une voix: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): ...mais il faut au moins éviter ce que vous avez vécu. Évidemment, 11 faut comprendre que lorsqu'on est parents ou bénéficiaires des services et qu'on se retrouve dans cette situation-là, on ne paie pas 12 000 000 000 $ pour se retrouver dans la situation que...

Une voix: C'est ça.

M. Côté (Charlesbourg): II faut tenter de l'éviter à tout le moins. Je veux, à mon tour, vous remercier même si on n'a pas beaucoup d'accord sur nos visions, et en profiter pour dire que lorsque les choses ne sont pas claires dans un document gouvernemental de consultation - ça ne s'adresse pas seulement à vous autres, ça s'adresse à tout le monde - l'une des contributions qu'on peut faire, c'est de tenter de les éclairer. Alors, c'est ça l'exercice. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. À vous de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, merci d'avoir été présents. Bon voyage de retour.

La Coalition - Réseau alternatif de santé du Québec

J'appellerais maintenant La Coalition - Réseau alternatif de santé du Québec, s'il vous plaît. Rapidement, s'il vous plaît. Bonsoir madame, bonsoir messieurs. Bienvenue à cette commission. Je présume, M. Bouffard?

M. Bouffard (Daniel): C'est ça.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, voulez-vous introduire les gens qui vous accompagnent.

M. Bouffard: M. Yves Paré, qui est membre du C.A. et Mme Brigitte Gilbert, qui est aussi membre du C.A.

Le Président (M. Joly): Bonsoir madame, bonsoir messieurs. Vous avez le temps voulu pour nous présenter votre mémoire, le plus brièvement possible, ça vous laisse plus de temps pour jaser avec les parlementaires.

M. Bouffard: Oui, surtout à cette heure tardive... On voudrait remercier les gens de la commission de nous avoir invités. Je pense que c'est important qu'il y ait une vision alternative dans le dossier sur le financement des coûts.

Présentement, les thérapeutes alternatifs essaient de s'organiser, de se structurer et d'apporter des solutions au sein du secteur de santé. Alors, c'est pour ça que nous avons réfléchi sur le système, mais vous allez voir, comme n'importe quel groupe autour, qui se présente ici, qu'on présente notre philosophie mais, qu'en même temps, évidemment, on défend nos intérêts. Alors, nous n'avons pas peur de l'avouer.

Vous avez, à la page 1, une présentation rapide de ce qu'est La Coalition. Il faut dire que c'est quand même assez récent, ça date de moins d'un an. On a regroupé, si vous voyez les associations qui sont là, les principales associations de thérapeutes alternatifs au Québec. On représente, à l'heure actuelle, 2000 thérapeutes alternatifs. C'est la première organisation structurée et organisée au niveau du milieu alternatif.

La Coalition se fait un devoir de répondre à l'invitation du ministère de la Santé et des Services sociaux et d'exposer à la commission parlementaire ses avis et éléments de solution en vue d'améliorer la condition générale de santé et de bien-être des Québécois et des Québécoises à l'intérieur des ressources limitées disponibles.

La Coalition entend fournir à la commission parlementaire des éléments de solution faisant appel à des ressources qui, bien qu'externes par rapport au système, doivent, de toute nécessité, être mises à contribution dans l'intérêt même de ce système. Il s'agit des ressources réelles et précieuses que constituent les thérapies alternatives, ou médecines douces, et leurs milliers de praticiens. On considère, à l'heure actuelle, au Québec, qu'il y a environ, illégalement bien souvent, environ 7000 thérapeutes alternatifs.

M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce que vous avez fait? Vous avez regardé par-dessus votre épaule pour savoir...

M. Bouffard: Je ne sais pas si on doit l'attendre, c'est pour ça...

M. Côté (Charlesbourg): Vouliez-vous savoir si Augustin était là ou pas? C'est ça que vous avez fait?

Une voix: II est parti. Il y était tout à l'heure.

M. Bouffard: En marge du système de santé établi par le corps législatif actuel, par toutes les diverses lois qui sont là, s'est développé un véritable réseau alternatif de santé au sein duquel, justement, 7000 thérapeutes dispensent à la population pas moins de 40 thérapies étrangères au système, dont l'homéopathie, la naturo-pathie, la massothérapie, la réflexologie, l'or-thothérapie, l'ostéopathie, les psychothérapies, sans parler évidemment des dossiers plus complexes que sont l'acupunture et les sages-femmes.

Véritable phénomène de société, les thérapies alternatives sont utilisées par près du tiers de la population: à peu près tous les sondages qui ont été faits démontrent effectivement qu'un tiers de la population utilise maintenant nos services. Bien qu'illégales au Québec, les thérapies alternatives sont reconnues dans plusieurs autres pays et réglementées dans certains d'entre eux, pour le plus grand bienfait de la santé de leurs ressortissants. Ces thérapies sont appuyées d'une expertise réelle et apportent des résultats concrets. La commission Rochon, justement, a établi, lorsqu'elle a fait son rapport, «qu'il existe maintenant, parallèlement à la médecine, des activités qui peuvent prétendre à un degré de connaissance supérieur à celle-ci dans certains

domaines reliés à la santé.»

Au Québec, les thérapeutes alternatifs se sont regroupés dans des associations dont plusieurs sont comparables, de par leur structure et leurs normes de formation et de discipline, à de véritables corporations professionnelles. La plupart de ces associations font partie de La Coalition. Lorsqu'on parle justement d'organisation et de structure, c'est que pour être membre de La Coalition, les associations doivent montrer patte blanche concernant la protection du consommateur, et avoir des normes de formation très élevées. D'ailleurs, nous-mêmes, si, légalement, nous n'existons pas, nous avons nos propres comités de discipline dans plusieurs des associations. Donc, à ce niveau-là, on fonctionne déjà selon le principe d'une corporation professionnelle.

Le réseau alternatif de santé a atteint un niveau de cohésion et de compétence suffisant pour être considéré comme un intervenant sérieux pour ce qui concerne le système de soins et, surtout, la santé au Québec. Déjà, en décembre 1990, le ministre de la Santé et des Services sociaux a annoncé son intention de consacrer une commission parlementaire à l'examen de ce réseau et des modalités de son intégration éventuelle au système de santé. Bien que cette intention semble avoir été temporairement perdue de vue par le ministre, La Coalition juge opportun, à l'occasion de la présente consultation publique sur le financement du système de santé, de rappeler à son bon souvenir le dossier des thérapies alternatives. M. le ministre, nous aimerions vous rappeler que nous attendons toujours la commission parlementaire promise. C'est la première fois, d'ailleurs, que nous nous présentons en commission, et nous espérons pouvoir profiter de cette expérience lors de futures commissions.

Cette intervention de La Coalition se justifie par les termes mêmes du document «Un financement équitable à la mesure de nos moyens» qui lui a été soumis pour fins de consultation. On y trouve, en effet, à divers endroits, des références à la nécessité pour la population de prendre en charge sa propre santé, de prévenir les problèmes de santé dans la mesure du possible, et de réduire sa dépendance à la polymédication.

Or, ces préoccupations sont justement celles du réseau alternatif de santé: mettre l'accent sur la prévention, aider la population à prendre en charge sa propre santé et réduire, sinon éliminer, sa dépendance vis-à-vis des médicaments. Là, se situe la force, la caractéristique des thérapies alternatives: grâce à des techniques, approches ou produits naturels non invasifs, dénués d'effets nocifs ou secondaires, amener la personne à maintenir ou à rétablir d'elle-même l'équilibre nécessaire de la santé. Les thérapies alternatives peuvent remédier efficacement à nombre de maux et de malaises - psychosomatiques, chroniques, de stress ou autres - que les traitements actuellement défrayés par l'État sont impuissants à guérir ou à soulager. Elles peuvent contribuer à empêcher ces maux et malaises de se déclarer. Prévention, innocuité, approche globale et naturelle, respect de la personne dans son intégrité, autoguérison, tels sont les mots d'ordre. Or, plus ces mots d'ordre seront diffusés et écoutés, plus la population prendra charge de sa propre santé, moins elle sera dépendante du sytème de soins médicaux, et plus les coûts de ce système seront allégés.

Au moment où le système de soins craque de toutes parts et qu'on songe à augmenter son financement et à réduire son assiette, La Coalition estime qu'il est temps pour le ministère de méditer sur la maxime «mieux vaut prévenir que guérir». Les experts en matière de prévention, si l'on donne à cette expression le sens d'«aider une personne à ne pas avoir besoin de recourir au système de soins», ce sont indéniablement les thérapeutes alternatifs.

Afin de permettre au réseau alternatif de santé de jouer un rôle actif et constructif dans le système de santé, il n'est pas nécessaire d'intégrer ce réseau dans le système de soins dont le financement cause tant de soucis. Alors, pour nous, notre position est claire: nous ne voulons pas être intégrés dans ce système. Il suffit simplement de lui permettre de mieux fonctionner, comme il le fait déjà, en marge de ce système, quitte, par la suite, au terme des études et consultations appropriées, à songer à l'intégration de ses composantes compatibles et pertinentes. (21 h 30)

En pratique, cela signifie, dans une première étape, reconnaître la légalité des thérapies alternatives de manière à les soustraire à l'application de la loi médicale; les qualifier pour fins de permis municipaux et régimes privés d'assurance parce que nous rencontrons déjà d'énormes problèmes à ce niveau-là; les soustraire à la TPS et les rendre éligibles à la déduction fiscale pour frais médicaux. Dans un deuxième temps, réglementer les thérapies alternatives d'une manière globale et autonome, de manière à fournir à la population une information adéquate pour l'exercice de ses choix parmi les thérapies et les thérapeutes; soumettre les thérapeutes alternatifs à des règles strictes de conduite et de déontologie - nous sommes prêts à nous soumettre à ça, nous le faisons déjà; permettre au réseau alternatif de la santé de consacrer son expertise à s'autodéterminer sans formalisme excessif, c'est-à-dire sans nous embarquer dans un carcan corporatif comme à l'heure actuelle.

Dans un troisième temps, permettre et réglementer l'enseignement des thérapies alternatives. Nous ne sommes pas innocents, nous savons très bien que nous devons avoir des normes de formation rigoureuses et très strictes.

Procéder à une évaluation objective et impartiale des thérapies alternatives quant à leur efficacité et aux économies qu'elles peuvent permettre de réaliser. À l'heure actuelle, nous n'avons pas les moyens de nous permettre des études actuarielles pour voir effectivement ce que ça peut faire. On a déjà vu, par exemple, certaines études faites par des compagnies d'assurances, mais nous savons que nous pouvons nous permettre de faire une réduction au niveau du système de soins. Protéger l'intégrité des thérapies alternatives en respectant leurs acquis, leur expertise et, surtout, leur philosophie, tout en empêchant qu'elles soient récupérées et dénaturées. Nous ne voulons pas devenir des techniques ou des subalternes d'autres thérapies. La Coalition a, bien sûr, des suggestions précises à soumettre sur tous ces points, qu'elle sera heureuse de communiquer au moment opportun qui, nous l'espérons, sera la commission parlementaire.

La Coalition estime que les mesures susmentionnées pourraient être prises à court terme, et que leur mise à exécution permettrait de faire un grand pas en avant dans le sens de la prévention et de la prise en charge, par la population, de sa propre santé, donc, dans celui du désengorgement du système de soins. Pour l'État, les avantages d'adopter ces mesures seraient multiples. Fournir d'abord à la population, sans déboursé additionnel pour l'État, des services alternatifs de santé de qualité plutôt que clandestins et inégaux. À l'heure actuelle, nous ne coûtons rien à l'État, et nous avons l'intention de continuer à ne rien coûter à l'État. Respecter la liberté de choix de la population quant à sa thérapie et à son thérapeute. Présentement, les gens paient pour nos services et, à l'heure actuelle, ça fonctionne très bien puisqu'il y en a déjà le tiers qui paie pour utiliser nos services.

Réduire, sinon éliminer, le travail au noir des thérapeutes alternatifs et, par conséquent, hausser les revenus fiscaux de l'État. Ce n'est pas normal qu'à l'heure actuelle nous soyons illégaux et que l'État perde de l'argent concernant les revenus qu'on pourrait générer en se déclarant travailleurs autonomes. Nous ne sommes pas encouragés présentement par les services de réglementation, entre autres, municipaux. À l'heure actuelle, si on prend l'exemple de Montréal, il y a des locaux vides sur les rues commerciales, et les thérapeutes alternatifs ne peuvent même pas opérer des locaux et fournir des services professionnels à cause des réglementations qui existent.

Favoriser la prévention et la prise en charge, par la population, de sa propre santé. Réduire la dépendance de la population par rapport au système de soins financés par l'État, donc réduire les dépenses pour ce système. Éventuellement, au fur et à mesure que les études et évaluations appropriées suggéreront de ce faire, remplacer certains traitements défrayés par l'État par des traitements alternatifs aussi ou plus efficaces, et surtout moins coûteux.

La Coalition ne réclame nullement l'addition des thérapies alternatives aux soins couverts par le système de soins actuels. Elle considère qu'une telle mesure serait néfaste à la dimension humaine de ces thérapies et contraire à la philosophie d'autoresponsabilisation qui les sous-tend.

La Coalition abonde dans le même sens que le ministère lorsque, dans son document de consultation, il dénonce l'effet nocif du faux sens de la gratuité sur la prise en charge de la santé par la prévention. Sans prendre parti pour l'une ou l'autre des formules de financement soumises dans ce document, La Coalition se base sur l'expérience de ses membres pour souligner qu'une implication, si minime soit-elle, dans le paiement des soins qu'elle requiert incite la population à prendre davantage conscience de la nécessité de se responsabiliser pour sa propre santé.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Bouffard. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je suis très curieux de nature. J'aimerais ça, pour notre bénéfice, si vous pouviez, après vous être présenté - parce que vous vous êtes présenté - nous dire... Je pense que vous êtes massothérapeute.

M. Bouffard: C'est-à-dire que je suis directeur général de la Fédération québécoise des masseurs et massothérapeutes.

M. Côté (Charlesbourg): O.K.

M. Bouffard: Praticien en massages, en année sabatique à cause des dossiers politiques qui prennent de l'ampleur.

M. Côté (Charlesbourg): Ceux qui vous accompagnent?

M. Bouffard: M. Yves Paré qui est gouverneur, je crois, de l'Ordre des orthothérapeutes AMS, et Mme Brigitte Gilbert, de l'Académie de réflexologie du Québec.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. À la page 3, vous me rappelez mes engagements?

M. Bouffard: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est en 1992 que ça va se passer. On termine celle sur le financement. Il y a la politique de santé et de bien-être qui s'en vient bientôt et en août, septembre, en principe, nous devrions tenir la commission parlementaire sur les thérapies alternatives, de façon à occuper mon ami Augustin pendant l'été un peu aussi. On va s'ennuyer

si on ne le voit pas pendant quelques mois...

Une voix: On s'est habitués. On est bons pour 30 semaines cette année.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, on s'est habitués. Donc, faire en sorte que ce ne soit pas une commission parlementaire qui va durer indéfiniment. Je pense qu'on est capable, en des temps raisonnables, de se donner une bonne idée de ce que les gens pensent, de ce que les gens souhaitent. C'est une commission parlementaire qui va se tenir, et elle va être déterminante pour les séquences futures.

Vous évoquez une quarantaine de thérapies alternatives dans votre mémoire, et je me rappelle, lorsqu'on avait fait l'audition sur l'avant-projet de loi sur la réforme, qu'on nous avait déposé une liste d'à peu près 107 ou 117... C'était épeurant un peu parce qu'il y avait des noms bien bizarres là-dedans. Je ne sais pas trop trop ce que ça faisait...

M. Bouffard: On en épure nous-mêmes, d'ailleurs.

M. Côté (Charlesbourg): Comment?

M. Bouffard: On en épure nous-mêmes, d'ailleurs.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que c'est réaliste, 40? On entend très souvent parler - et vous les nommez, d'ailleurs - d'homéopathie et ainsi de suite, masso, acupuncture. Est-ce qu'on n'est pas dans un contexte où c'est davantage limité que 40, au niveau d'une pratique... J'aimerais peut-être juste... À ce moment-ci, ça va nous donner un avant-goût de ce qu'on vivra au mois d'août ou au mois de septembre, lorsqu'on aura la commission parlementaire.

M. Bouffard: Oui, mais sans trop s'avancer parce qu'on ne veut pas régler ça ce soir non plus. Celles qui sont nommées présentement, ici, ce sont les principales, c'est-à-dire celles où on a recensé quand même une certaine formation, où ce ne sont pas des gens qui s'improvisent à gauche et à droite. Alors, elles sont nommées. Mais on en a déjà répertorié à peu près une quarantaine qui pourrait se pratiquer au Québec. Nous ne comptons pas là-dedans les «pipithé-rapeutes» et autres qui ont fait les manchettes, mais il reste que c'est ça. On en a à peu près une quarantaine qui... C'est le terme «thérapeute» qui nous agace, nous aussi, dans bien des cas.

M. Côté (Charlesbourg): C'était une de celles qui étaient dans la liste des 107 ou des 117.

M. Bouffard: Peut-être.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce que je comprends, c'est qu'on est dans une situation où c'est une affirmation qui est générale. Il y a des thérapies alternatives qui peuvent régler un certain nombre de problèmes. Elles ne peuvent pas régler tous les problèmes.

M. Bouffard: Je pense qu'il faut surtout voir ça du côté de la prévention.

M. Côté (Charlesbourg): Aussi aussi. J'ai déjà fait affaire, moi, avec un chiro. Il m'a réglé un problème de santé - un nerf coincé, le sciatique qui était coincé - qu'un omni n'avait pas pu me régler. Le chiro l'a réglé de la bonne manière. À chacun sa place. La plus belle preuve que les chiros sont devenus des gens qui peuvent exercer, alors que dans le passé on disait que ça ne se pouvait pas, c'est que l'Ordre des médecins compose très bien maintenant avec les chiros, à ce que j'ai compris, ou passablement.

Donc, la société évoluant, il y a peut-être d'autres thérapies alternatives qui, aussi, peuvent être efficaces dans notre système, surtout que vous proposez qu'elles soient à la charge de l'individu qui consomme. Elles pourraient apporter un certain soulagement et, aussi, faire de la prévention. Évidemment, on ne pourra pas quantifier demain matin c'est quoi les économies parce que je pense que vous n'avez pas ce qu'il faut pour le faire et on ne l'a pas, nous autres non plus.

M. Bouffard: II y a des compagnies d'assurances qui l'ont fait, sauf que les études ont été un peu biaisées. Ce qu'on a remarqué, suite à ces études actuarielles, c'est que les compagnies disaient qu'il n'y avait pas de diminution de coûts, mais, à la base de ça, je pense que c'était une question d'éducation. Si je regarde, entre autres, l'étude qui a été faite par l'Assurance-vie Desjardins, c'est que la personne allait voir un médecin - donc, elle avait une prescription de médicaments - mais elle allait voir aussi un homéopathe et avait une prescription, si on veut, de granules. Elle consommait les deux alors que les deux ne vont pas ensemble. Donc, au niveau du consommateur, on n'avait pas fait, à ce moment-là, je pense, une bonne éducation pour lui faire comprendre qu'il y avait un choix à faire.

M. Côté (Charlesbourg): C'est un débat qu'on pourra... De toute façon, l'avis est donné pour ceux qui veulent se préparer. Il ne s'agit pas d'attendre que l'avis soit donné à la commission parlementaire - ça va se passer à l'automne. J'inviterais tous ceux et celles qui veulent se présenter à se préparer, pour la simple et bonne raison qu'il va falloir avoir des choses concrètes sur le plan des démonstrations à faire quant à l'utilité, quant à l'efficience, sur ce que ça prend sur le plan de la formation et ainsi de suite, sur

la protection... Parce qu'il est clair qu'on est dans une situation où il y a une pratique qui n'est pas encadrée - dont les gens sont formés, oui, mais il y en a un certain nombre, puis on ne sait pas comment - et qu'on a une obligation de réagir. Si on dit que ça n'existe pas puis que ça ne doit pas exister, on prendra les moyens pour le faire respecter. Par contre, si certaines doivent vivre une expérience au Québec, les encadrer pour protéger les gens qui utiliseront ces services-là.

Alors, c'est ça. Donc, c'est un rendez-vous qu'on se donne au mois d'août ou au mois de septembre.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci d'avoir répondu à l'invitation des membres de la commission à nous présenter votre point de vue. Ça couvre un bon morceau, déjà, de ce que le ministre disait. Vous, votre principal problème, c'est d'abord votre existence, être reconnu pour exister. Alors, je comprends que le message est maintenant passé. De toute façon, c'est une situation sociale sur laquelle il faut bien se pencher. Le nombre d'intervenants, à partir de méthodes ou d'approches alternatives en santé, étant suffisamment répandu, il faut, à tout le moins, que, ça aussi, on essaie d'y voir clair publiquement et qu'on s'aide tous à mettre, je dirais, de l'ordre là-dedans. Puis, je ne pense pas qu'en employant ce mot-là, ça vous choque parce que...

M. Bouffard: Absolument pas. On va plus loin, nous. On parle de faire du ménage.

M. Trudel: Dans ce sens-là, moi, j'aurais une question. Comme réseau alternatif de santé du Québec, vous autres, vous avez déjà des mesures de protection du consommateur. Est-ce que vous avez des comités de protection pour les gens qui vont vous voir afin de s'assurer qu'il n'y a pas de fraudes, qu'il n'y a pas d'abus? Comment ça fonctionne, ça, chez vous?

M. Bouffard: C'est-à-dire que nous avons déjà un système à l'intérieur de chaque association, au niveau de la protection du consommateur. Il y a des documents qui existent. Par exemple, chez les massothérapeutes, des documents - comment choisir un massothérapeute, comment choisir une école de formation, et tout ça - qui informent le consommateur. Ça existe aussi dans les autres associations. On a établi un comité de discipline au niveau de La Coalition. On est en train de tâter le terrain avec les associations de consommateurs. C'est une formule un peu révolutionnaire, c'est-à-dire que ce serait comme six membres, dont trois consommateurs, trois thérapeutes alternatifs. Si, par exemple, on recevait une plainte contre un masssothérapeute, il n'y aurait qu'un massothérapeute sur les six, c'est-à-dire que les gens ne se jugeraient pas entre eux, ce seraient des gens vraiment externes à la profession.

Alors, face à ça, pour nous, c'est quand même intéressant. C'est vraiment prendre en charge le consommateur à ce niveau-là, c'est-à-dire le protéger.

M. Trudel: Ça va se mettre en branle quelque part? Ça existe?

M. Bouffard: La Coalition n'existant que depuis quelques mois, présentement, nous sommes à le faire. On est aussi en train de s'assurer un financement parce qu'un comité de discipline ça coûte des sous. Alors, présentement, on a voté un montant pour chaque membre de chaque association, pour être capable de payer une partie, justement, des frais du comité.

Le Président (M. Joly): M. Paré.

M. Paré (yves): dans le moment, m. trudel, nous, chez les orthothérapeutes, du moins, ça marche depuis assez longtemps. on continue de faire ça jusqu'à ce que la coalition ait son propre mode. je suis président de ce comité-là, le comité de discipline, puis nous avons des inspections qui sont faites régulièrement par au moins deux membres, une fois par année, une quinzaine choisie «at random», comme ils diraient en anglais, je veux dire, au hasard. nous arrivons là puis nous constatons l'équipement, la propreté des lieux, la compétence des thérapeutes et autres choses du genre. nous faisons un rapport au comité de discipline et ça reste dans les records.

Deuxièmement, nous avons installé une ligne 800. Nous faisons de la publicité assez facile dans les petits journaux. Vous savez, les petites feuilles de chou hebdomadaires dans les différentes villes de la province, au moins une quinzaine, où nous les invitons à utiliser la ligne 800. Si vous avez quelque chose qui ne fait pas avec un thérapeute, voyez-vous, vous nous appelez à 1-800-461-1312. On va répondre, puis on va vous dire quoi... On va aller voir s'il y a quelque chose qui ne fait pas. Ça arrive, de temps à autre, qu'il y en a qui nous demandent: Est-ce que c'est normal que telle chose arrive de telle façon? On a vu à ça pour assurer la protection du public, qui est la première chose. Alors, c'est pour ça que nous avons mis des structures. Nous avons insisté beaucoup là-dessus afin de toujours être capable de répondre, à un moment donné, à une ligne de conduite rigide. Nous sommes maintenant sous le chapeau de La Coalition. C'est exactement la même chose, le même esprit, la même philosophie, mais qui va faire pour les autres.

Vous avez remarqué, dans la liste à la page 1, qu'il y a seulement huit associations de thérapeutes. M. le ministre a dit qu'il y en avait une centaine mais, nous, on parle d'une quarantaine. Il y en a qui avaient des noms longs comme ça. Il y en a qui, d'un coup sec, se bombardaient thérapeutes d'une sorte. Comme il n'y a pas de loi, on n'a pas de pouvoirs pour l'empêcher, sinon aller l'égorger ou l'assommer avec un «bat» de baseball. Donc, on est obligés d'endurer. Mais, lorsqu'est arrivée La Coalition, on a dit: On ne les veut pas. Alors, nous avons épuré et, comme disait mon ami Daniel, nous souhaitons faire un plus grand ménage encore pour être sûrs. Ceux et celles qui sont là sont sujets... Nous avons mis de l'avant, nous avons soumis des critères assez rigides pour leur compétence. Le problème... Vu que c'est toujours pour un problème de financement qu'on est ici, j'ai fondé l'Académie de massage scientifique et j'ai dû entraîner environ 950 personnes depuis 1976. Je peux vous dire que J'en ai autour de 160 qui sont des cliniques ayant pignon sur rue. Les autres sont au noir. Alors, qu'est-ce que l'État perd? Il perd d'abord l'impôt sur les revenus qui seraient déclarés. Il perd aussi les taxes de vente parce qu'il se vend. beaucoup de produits de phytothérapie, d'herbages et de choses du même acabit là-dedans. L'État perd ça, c'est malheureux.

M. Trudel: C'est des éléments qu'on va voir dans le débat de l'automne, au niveau de la reconnaissance.

M. Paré (Yves): Oui, sans doute, alors...

M. Trudel: Pour l'instant, ajoutez donc à ma culture. Qu'est-ce que ça fait un palingéné-siste?

M. Paré (Yves): C'est le mot français pour «rebirth», les «rebirthers».

M. Bouffard: C'est l'Office de la langue française qui a obligé d'utiliser ce nom.

M. Paré (Yves): II a dit: Appelez ça un palingénésiste. Ça fait peur.

M. Trudel: Alors, c'est le «rebirth».

M. Bouffard: C'est les gens qui travaillent avec la respiration.

M. Trudel: Très bien. Alors, je pense qu'on va avoir beaucoup de temps à l'automne pour faire le tour, et il faut faire le tour de ça. Une toute dernière question. Si vous voulez, on va fermer les livres sur les thérapies alternatives. On va interroger les citoyens: deux citoyens et une citoyenne. On ferme ça parce qu'on se revoie à l'automne sur un grand débat. Est-ce que vous pensez qu'on a un problème de financement de notre système de santé et de services sociaux au Québec?

M. Bouffard: Nous avons passé évidemment à travers le livre blanc. Si on regarde honnêtement... J'ai une formation en science politique, alors ça aide un peu. Évidemment, avec l'approche holistique, ça aide encore plus. Il est bien évident qu'à l'heure actuelle l'État a des problèmes au niveau du financement. Nous, sur le principe de la gratuité... Je sais que même si, des fois, des groupes de consommateurs ont peur des termes, je pense que c'est important de considérer... Nous, par notre pratique alternative, on sait que le consommateur qui vient nous voir, il est prêt à payer quelque part. Je ne dis pas sur tout, puis ce n'est pas tout le monde. Ça c'est très clair, et on sait que, quelque part, la personne qui paie, elle se responsabilise à ce niveau-là. C'est pour ça que nous, quand on regarde le dossier, on a comme de la misère à se brancher. Oui, on est d'accord un peu avec la philosophie qui est en arrière de tout ça mais, en même temps, on sait que, d'un autre côté, on risque de perdre des appuis. On pense que, logiquement, oui, il y a un problème de financement. Nous pensons que la reconnaissance des thérapies alternatives n'ayant...

M. Trudel: Non, non. On n'aura pas de misère avec ça pour faire le débat. Donnez-moi votre opinion de citoyen.

M. Bouffard: Non non, mais c'est l'intégration de ça.

M. Trudel: Ne mêlez pas les thérapeutes à ça. On va avoir un bon débat là-dessus, puis on est capables de faire ça entre Québécois et Québécoises. Mais, comme citoyens et citoyennes, vous êtes des payeurs de taxes.

M. Bouffard: Une expérience personnelle, M. Trudel. Juste la veille du Jour de l'an, j'ai été obligé d'aller à la clinique parce que je faisais de l'hypertension. Je n'avais pas le choix, c'était la veille du Jour de l'an. Comme je ne consomme pas de soins de santé au Québec, ma carte était expirée. J'ai dû payer 27,50 $ pour une consultation de dix minutes, avec petite prescription au bout. Je dois vous avouer que, maintenant, je sais ce que c'est la valeur de cette carte, juste pour dix minutes. Alors, en tant que citoyen, je sais effectivement que ça coûte très cher. À ce niveau-là, je pense que, effectivement, il doit y avoir une réduction des coûts du système.

M. Trudel: Madame, vous avez une dernière opinion là-dessus?

Mme Gilbert (Brigitte): Moi, monsieur, j'ai un vécu de santé très large comme consom-

matrice de médecines douces. C'est ce qui m'a amenée, d'ailleurs, à être praticienne et à me faire comprendre, à travers tous les cheminements que j'ai dû traverser, que je devais prendre ma santé en main, sans quoi je serais vite devenue accrochée à un psychiatre et tout ce que cela nécessite: médication, etc. Je dois vous dire que j'ai une pratique de près de 15 ans. Nombreuses sont les personnes qui ont recours à nos services pour se prendre en main. Le malaise se situe au niveau des gens qui sont déchirés envers un thérapeute, qui ne savent pas comment l'évaluer par ses qualificatifs. Les gens ont peu d'informations pour évaluer un thérapeute et savoir quelles sont les informations essentielles sur les critères de formation. Aussi, les gens ont bien du mal à se sentir libres du choix de leur propre médecine pour leur santé.

En ce qui me concerne, monsieur, j'aimerais vous dire que, d'après tous les débats que j'ai pu entendre concernant la santé, je me tourne vers moi-même pour regarder ce que j'ai dû vivre jusqu'à maintenant. J'en conclus que, tous, nous sommes venus sur la planète terre pour cheminer. Dû à ce cheminement, à un moment donné - vous savez, je résume tout ça à une action très philosophique, mais c'est quand même l'essence même de la vie - qui nous permet... Les problèmes de santé sont là pour nous dire: II y a une cause à ton problème. Je pense que le fait de comprendre et de remonter à la cause fait que nous avons une grande chance de solutionner le problème. Je ne parle pas des problèmes, des incidences profondes physiques là, mais il y a quand même beaucoup de circonstances qui méritent, d'une part, qu'on puisse se pencher sur ça. On sait que les gens sont très heureux lorsqu'ils peuvent avoir une oreille - que ce soit par le prétexte d'un massage - lorsqu'ils arrivent à se libérer pour commencer à dire certaines choses qu'ils ont au fond d'eux-mêmes. Seulement cela, seulement cette petite démarche est très aidante.

M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. À l'automne, tôt. Avant la chasse, j'espère.

Le Président (M. Joly): M. Bouffard.

M. Bouffard: Juste un petit mot, peut-être, pour terminer.

M. Côté (Charlesbourg): La chasse au vote référendaire?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: J'ai pris mon permis là. J'ai pris mon permis de chasse.

M. Bouffard: Nous espérons, effectivement, qu'il n'y aura pas de contretemps à la commis- sion. C'est peut-être pour vous mentionner aussi que s'il y a un système alternatif de santé, il y a parallèlement, je crois, des gens qui travaillent pour fa santé du public. Juste une petite chose que j'aimerais vous dire, c'est que nous appuyons des groupes comme Info-Croissance et Info-Secte, qui font du travail admirable au niveau de la prévention. J'espère que ces groupes-là vont aussi servir à l'intérieur du réseau. C'est peut-être comme des sous-traitants, quelque part, mais je pense qu'ils méritent et qu'ils valent la peine, comme les théapeutes alternatifs, d'être financés, d'être quelque part dans le système.

M. Côté (Charlesbourg): D'être financés?

M. Bouffard: Ces groupes-là, pas nous. Nous, on ne veut pas l'être. Mais ces groupes-là ont le droit, je crois, de faire le travail qu'ils font avec certaines subventions.

Le Président (M. Joly): M. le ministre. M. Côté (Charlesbourg): J'entends... M. Bouffard: C'est de la prévention.

M. Côté (Charlesbourg): ...mais je ne change pas ma lettre.

Le Président (M. Joly): Madame, messieurs, à mon tour, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'avoir été présents et de nous avoir enrichis de votre mémoire. Merci, au plaisir! Au revoir!

La commission ajourne ses travaux à demain, 9 h 30, dans cette même salle. Bonsoir, bonne nuit!

(Fin de la séance à 21 h 53)

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