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(Quinze heures dix minutes)
Le Président (M. Blouin): La commission permanente du
travail reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de cette commission
est d'étudier le projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et
diverses dispositions législatives.
Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Johnson (Anjou), Mme Harel
(Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Payne (Vachon), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Marquis (Matapédia), M. Paradis
(Brome-Missisquoi), M. Rivest (Jean-Talon), M. Lachance (Bellechasse).
Les intervenants sont: M. Bélanger (Mégantic-Compton), M.
Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M.
Pagé (Portneuf), M. Lavigne (Beauharnois), M. Polak (Sainte-Anne), M.
Proulx (Saint-Jean), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Nous avons donc aujourd'hui jusqu'à 18 heures, selon ce qu'on m'a
dit, pour terminer l'entretien avec la Fédération des policiers
du Québec et, ensuite, nous entendrons la Chambre de commerce de la
province de Québec, dont je présume que les représentants
sont présents. Est-ce que les représentants sont ici? Ils sont
ici. Ensuite, la Centrale de l'enseignement du Québec. Les
représentants de la centrale sont-ils ici?
Je vous rappelle que nous avons certaines contingences, comme toujours,
en termes de temps. Lors de la suspension de la séance, il y a deux
jours, la Fédération des policiers du Québec avait
terminé sa présentation grâce à la
générosité dont nous avions fait part en termes de temps.
Maintenant, nous allons aborder la partie des échanges avec cette
fédération.
M. Nadon, aux fins du journal des Débats, vous pourriez
peut-être, à nouveau, vous identifier et identifier ceux qui vous
accompagnent. Ensuite, je demanderai au ministre des Affaires sociales de
commencer l'échange.
Fédération des policiers du
Québec (suite)
M. Nadon (André): M. le Président, je vous
remercie. Mon nom est André Nadon, président de la
Fédération des policiers du Québec; à ma gauche, M.
Guy Marcil, directeur exécutif du même organisme; à ma
droite, Me Guy Bélanger, procureur à l'emploi de la
fédération.
Le Président (M. Blouin): M. Nadon.
M. Nadon: M. le Président, M. le ministre, messieurs
dames, membres de la commission, j'aimerais que vous m'accordiez quelques
minutes uniquement dans le but de récapituler.
Le Président (M. Blouin): Monsieur...
M. Nadon: Vous savez, le mémoire a été
présenté - on se rappelle l'heure qu'il était - et il y a
au moins un aspect auquel on n'a malheureusement pas eu le temps de toucher,
qui était, pour une part, la question de l'article 99.
Évidemment, nous sommes ici en commission parlementaire, qui est
également une phase de consultation par rapport aux amendements
proposés. Nous l'avons déjà évoqué dans
notre mémoire, nous n'avons pas eu préalablement la chance
d'être consultés sur les amendements qui touchent de façon
très particulière le recours que nous avons au niveau des
relations du travail, au niveau des policiers. Or, j'aurais un bref
exposé à faire concernant l'article 99.
Le Président (M. Blouin): Quand vous dites, M. Nadon, un
bref exposé, vous l'évaluez à combien de minutes?
M. Nadon: À deux ou trois minutes au plus.
Le Président (M. Blouin): D'accord, allez-y.
M. Nadon: Je dois vous dire que - de toute façon, cela est
souligné dans notre mémoire - nous sommes très heureux de
constater que, finalement, le gouvernement a donné suite à une
inéquité qui était contenue dans le Code du travail, soit
la question de l'article 99 qui limitait, à toutes fins utiles, la
rétroactivité concernant une sentence arbitrale.
Évidemment, nous en sommes heureux, mais encore faudrait-il
prévoir par ailleurs un mécanisme à l'intérieur
duquel le fait que l'article 99 n'existe plus ne soit pas le feu vert pour
prolonger les délais. Il va être question tantôt de la
question des délais et nous aurons à y répondre.
Alors, c'est pour cela que nous avons
prévu, à l'intérieur de notre mémoire, une
disposition afin que le conseil d'arbitrage puisse déterminer, s'il le
juge à propos, un intérêt selon, évidemment, la
question des délais. Il y avait ça que j'avais à dire. Il
y avait aussi la question des trois ou quatre points fondamentaux qui nous
touchent, la question de l'article 4, c'est-à-dire la question du droit
d'association, le contenu de la convention collective qui touche plus
particulièrement, en fait, tout ce qui touche la réglementation
municipale et le concept de la notion d'équité et de bonne
conscience. M. le Président, nous nous prêtons de bonne
grâce aux questions que M. le ministre et les membres de la commission
voudront bien nous poser.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Nadon.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Johnson (Anjou): M. Nadon, voici ma première question.
Dans le cas des policiers, en ce qui concerne le retour à l'arbitrage
par opposition à une négociation conclue sans arbitrage,
qu'est-ce que ça représente environ comme pourcentage ou comme
cote?
M. Nadon: De façon générale, si l'on se
place dans le contexte actuel, je dois vous dire que c'est peut-être
faussé par rapport à toutes les revendications qui ont pu
être faites par les municipalités, ce qui a amené un
changement d'attitude au niveau de la négociation.
D'une part, on est arrivé au niveau de la négociation avec
une norme qu'on qualifie d'aléatoire et d'arbitraire dans notre
mémoire, qui est une augmentation de 6% et de 5%, et il y a beaucoup de
municipalités qui se sont retranchées derrière cette norme
en refusant de procéder de façon normale au processus de
négociation.
Nous ne voulons pas faire de procès d'intention auprès des
municipalités, mais on s'est aperçu qu'il semblait y avoir une
espèce de concertation pour proposer ce genre d'augmentations et, si
c'était refusé, à ce moment, automatiquement, on n'avait
guère de choix, on n'en avait qu'un, qui était de recourir
à l'arbitrage. Ce ne sont pas les municipalités qui recouraient
à l'arbitrage. Elles se limitaient à faire leurs propositions et,
une fois que la sentence était rendue -on a vu ce qui s'est dit dans les
journaux, dans les médias on attaquait à ce moment purement et
simplement le système.
C'est pour cela que je vous dis que, si vous me demandez de vous
répondre de façon précise, de vous dire, par exemple, quel
est le pourcentage de conventions collectives qui aboutissent à
l'arbitrage par rapport à celles qui sont négociées entre
les parties, je peux vous dire que, si vous m'aviez posé la question il
y a quatre ou cinq ans, j'aurais évidemment une réponse
différente de celle que je vais vous donner.
Présentement, possiblement 80% des conventions collectives...
M. Johnson (Anjou): 80%? M. Nadon: Possiblement, oui.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que les pompiers, à votre
connaissance, sont soumis aux mêmes genres d'approche de la part des
municipalités?
M. Nadon: Au niveau de l'approche?
M. Johnson (Anjou): Oui. Les conditions salariales, 6% et 5%, ou
des choses de cette ordre-là; est-ce qu'ils sont soumis à peu
près à la même chose?
M. Nadon: Je ne peux pas vous dire quelle est l'attitude parce
qu'on a pu voir, au niveau de la tendance par les années passées,
qu'il y avait un genre de lien - ou de rapprochement - qui existait entre les
conditions de travail des pompiers et des policiers. C'est-à-dire que,
si vous aviez, à un moment donné, un écart de salaire de
l'ordre de 500 $ à 600 $, cela avait tendance à être
maintenu au cours des années.
Souvent, dans la majorité des cas, on voyait, par exemple, que
les policiers - sans aucune prétention - faisaient figure de proue au
niveau de la convention collective, au niveau de la négociation et, par
la suite, les conditions de travail qui avaient été obtenues en
négociation pour les policiers étaient accordées aux
pompiers.
Je ne peux pas vous dire si l'attitude est la même, mais j'ai
l'impression que le fait que les policiers pavaient indirectement la voie
à la négociation des pompiers avait pour effet d'amener des
règlements à la table de négociation.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Ce qui me frappe quand vous
mentionnez 80%, c'est que les employeurs sont les mêmes, finalement,
à l'exception des communautés urbaines, en pratique. Toutefois,
pour l'ensemble du territoire du Québec, l'immense majorité des
syndicats de pompiers ou de policiers, vous faites affaires avec le même
interlocuteur patronal. Pourtant, j'ai été frappé et
même un peu surpris - je voulais vous le dire - de voir que, dans le cas
des pompiers, c'était un nombre absolument marginal. Trois ou quatre cas
étaient allés en arbitrage. Les autres cas avaient
été négociés, alors que chez vous, 80% vont en
arbitrage et pourtant c'est le même employeur.
M. Nadon: Oui, mais j'ai partiellement
répondu à votre question plus tôt, M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais est-ce que vous pensez vraiment que
c'est applicable dans chacune des municipalités dont on parle? Des
pompiers, des policiers ont obtenu une sentence arbitrale et, par la suite,
c'est plus ou moins, mutatis mutandis, ce qui était appliqué aux
pompiers.
M. Nadon: Je dois vous dire que, d'après ma connaissance
personnelle, plusieurs associations de policiers attendent effectivement que
les pompiers aient négocié leur convention collective pour
entreprendre la leur. En fait, si vous vouliez pousser le raisonnement plus
loin ou l'étude de façon un peu plus exhaustive, il faudrait
faire une recherche au niveau des conventions collectives des pompiers et des
policiers. Peut-être les conditions de travail, ont-elles
été obtenues pour les pompiers par voie de négociations,
mais vous allez vous rendre compte - j'en suis pratiquement sûr - que les
conditions de travail que les policiers ont obtenues sont comparativement les
mêmes que celles des pompiers. Pour cela, il faudrait que vous
recueilliez toutes ces conventions collectives et en fassiez
l'étude.
M. Johnson (Anjou): M. Nadon, j'ai lu dans votre mémoire,
qui est abondamment documenté, j'ai revu certaines revendications
traditionnelles de votre syndicat, notamment à l'égard de
l'affiliation syndicale. On sait que vous voulez le maintien du statu quo
à l'égard des arbitres à la fois quant à la
composition du tribunal d'arbitrage et quant aux critères
d'équité et de bonne conscience. On sait également que
vous êtes en faveur du retrait de l'article 99. Sur l'ensemble de ces
choses, je pense que les enjeux sont clairs. Il y a quelque chose qui sous-tend
tout cela, indépendamment des longues démonstrations statistiques
qu'on peut faire.
Dans la mesure où vous avez dans une municipalité, quelque
part, des citoyens qui sont des employés de cette municipalité,
mais à un autre titre que policiers - on sait le rôle
extrêmement important que vos membres jouent - qui acceptent des
conditions qui ressemblent à un gel ou à quelque chose en
deçà de l'inflation, croyez-vous que les policiers devraient
être à l'abri de cela dans notre société?
M. Nadon: Je dois vous dire que, dans les municipalités,
le recours à la négociation, du moins pour la fixation des
conditions de travail, est différent du nôtre. Comme vous le
savez, nous faisons partie d'un régime d'exception. Que je sache, je ne
connais pas d'employés dans les municipalités qui aient
accepté de gaieté de coeur la proposition que vous venez de me
faire. Notamment au niveau des cadres, on sait que, dans bien des situations,
ils n'avaient guère le choix: on leur a tout simplement imposé
soit un gel de salaire, soit une augmentation très minime.
Par rapport à l'ensemble des autres unités syndicales,
c'est le rapport de forces qui joue et qui continue à jouer au niveau du
mécanisme auquel elles sont assujetties dans le Code du travail,
c'est-à-dire la négociation et, par la suite, la
grève.
Je dois vous dire que, si j'en parle, je vais vous parler de Laval, qui
est la ville d'où je viens. Il y a eu une négociation qui s'est
faite à ce niveau. Les augmentations de salaire qui ont
été consenties à ces employés, j'ai eu toute la
misère du monde d'obtenir la même augmentation de salaire. Cela
avait été consenti aux pompiers, aux cols bleus, aux cols blancs.
Quand est venue la question des policiers, l'offre de la ville était
inférieure. J'ai soupçonné pourquoi il en était
ainsi. C'est parce qu'on craignait, politiquement, que la municipalité
ne crée tout un émoi en accordant une augmentation de salaire qui
aurait été pourtant comparable à celle des autres
employés. Si vous me demandez, au niveau de la province, par exemple,
quels sont les sacrifices volontaires qui ont été faits par les
autres employés, je ne pourrai pas vous répondre parce que je ne
connais pas de syndicat ou de groupement d'employés qui ait
accepté tout simplement un gel de salaire ou une augmentation
très réduite. Si vous le permettez, M. Marcil pourrait
renchérir là-dessus.
M. Marcil (Guy): En fait, à la question du ministre, je
travaillais hier à un dossier de Victoriaville où les
employés ont eu cette année leurs salaires gelés; pas
d'augmentation de salaires pour les cols blancs et les cols bleus. Ce qui a
été amené par l'employeur, ce furent des comparaisons avec
Drummondville. Actuellement, le col blanc de Victoriaville, en fait, qui est le
plus payé... Attendez un peu. Celui qui est le moins payé,
à Victoriaville, le col blanc, a 0,04 $ l'heure de moins que le col
blanc de Drummondville qui est le mieux payé. Alors que chez les
policiers, il y a une différence à peu près de 10% en
moins dans le salaire entre un policier de Victoriaville par rapport à
un policier de Drummondville. Comme je l'ai dit l'autre jour, c'est que les
critères de négociations sont difficiles à appliquer dans
notre secteur. La grande majorité des cols blancs et des cols bleus ont
le SCFP, la CSN, la CSD et ils ont des patterns d'établis entre
différentes villes.
À la question que vous avez posée concernant les pompiers,
je crois que la Fédération des pompiers regroupe environ une
trentaine de corps de pompiers au Québec, alors que, dans la
fédération, on a actuellement 70 corps de policiers-pompiers.
Vous avez souvent un corps de policiers,
comme à Rimouski, qui comprend environ une quarantaine de
personnes par rapport à quatre ou cinq pompiers, mais, en fait,
sustentés par des pompiers volontaires. Le rapport de forces,
évidemment, ce que M. Nadon vous a dit, c'est qu'en grande partie les
pompiers vont attendre qu'il y ait eu une négociation au niveau des
policiers pour pouvoir acheminer leurs demandes.
M. Johnson (Anjou): Je pense que je vais pouvoir laisser la
parole à mon collègue de l'Opposition, mais, juste avant, je
voudrais passer une remarque et poser une dernière question. La remarque
est la suivante: Je trouve frappant que vous utilisiez le vocable de rapport de
forces qui est une chose courante en vertu du code, qui fait partie de la
réalité nord-américaine. De plus en plus, je pense que
l'époque que nous vivons, et vous n'en disconviendrez pas, vous
êtes les serviteurs de l'État comme la plupart des gens qui sont
rémunérés par des corps publics... De plus en plus,
à cause de la situation économique, il faut accepter le principe
- je pense qu'il y a un bout de chemin important qui est en train de se faire,
même dans les structures syndicales -que s'en remettre purement au
rapport de forces va amener finalement l'éclatement de la
société, à moins, évidemment, qu'on ne soit tous
des autruches. Je ne pense pas que vous soyez des autruches. Je ne pense pas
que la plupart des structures syndicales soient des autruches. Au contraire, il
y a un cheminement qui se fait dans beaucoup de structures syndicales à
l'égard d'une prise de conscience de la réalité
économique et de ses conséquences sur la capacité de
rémunération, que ce soient des corps publics ou même, dans
certains secteurs industriels, des entreprises privées.
Je voulais simplement m'assurer que vous vous inscrivez dans ce
mouvement d'une nouvelle conscience qui ne signifie en aucune façon que
vous ferez de l'à-plat-ventrisme -et Dieu sait que votre historique
démontre que vous n'avez jamais fait cela - et que vous êtes
d'accord pour vous engager dans une réflexion extrêmement
exigeante pour des leaders syndicaux qui doivent expliquer à leurs
commettants qu'à toutes fins utiles, il faut des appétits un peu
moins grands dans certains cas.
La question porte essentiellement sur le tribunal d'arbitrage. À
l'égard du tribunal d'arbitrage, on a parfois des échos et c'est
même formalisé à l'occasion... Quand j'étais au
ministère du Travail, il m'est arrivé d'avoir des plaintes de
gens de la Conférence des arbitres qui prétendent que, dans le
système d'arbitrage à trois arbitres, même s'ils veulent le
maintien du statu quo actuel pour toutes sortes de raisons, il arrive qu'ils se
sentent parfois intimidés en tant qu'arbitres.
Le rôle de l'arbitre est de trancher dans un litige et non pas de
se substituer à une des parties, mais ils ont parfois l'impression que
l'arbitre syndical - j'ai vu le contraire se produire aussi du
côté patronal, mais je parle à un syndicat - les intimide
un peu comme s'il était l'employeur. Je voudrais juste vous entendre
commenter là-dessus. Est-ce que notre système n'a pas finalement
un peu érigé cela en habitude, qu'autour de la table les
arbitres, celui qui vient du côté patronal et celui du
côté syndical, recommencent la médiation, la conciliation,
les nuits tardives et, à un moment donné, cela
dégénère en ce qui arrive beaucoup dans les relations du
travail, des menaces verbales, des coups de poing sur la table et le reste? Et
finalement, tout ce monde est obligé de signer un rapport. (15 h 30)
M. Nadon: Je vais commencer par répondre à
l'observation que vous avez faite tantôt en rapport avec le rapport de
forces. Évidemment, ce qu'on veut dire, ce qu'on signifie, en fait, par
le rapport de forces, s'il y a quelque chose, c'est que le rapport de forces
nous défavorise à l'heure actuelle par rapport à la
question de l'enjeu. Disons que je préférerais qualifier le
rapport de nos relations du travail de rapport d'équilibre de forces
entre les parties. Je ne pense pas qu'on puisse aujourd'hui même penser
ou invoquer le fait que le rapport d'équilibre était à
notre avantage.
Vous allez même vous en rendre compte par le mémoire qu'on
vous a présenté, la question de l'arbitrage comme telle a
réussi, au cours des années, à nous consentir une certaine
forme de rattrapage. On n'a jamais innové, on n'a jamais
révolutionné des tendances au niveau des augmentations de
salaires ou au niveau des différentes conditions de travail qui ne se
retrouvaient pas ailleurs dans d'autres conventions collectives. Nous avons
fonctionné sur une base de comparaison et, en fait, ce sont les seuls
effets bénéfiques que le système nous a procurés
jusqu'à maintenant, tellement que le rapport de forces... On parle
abondamment, dans notre mémoire, de la question de la négociation
du fonds de retraite et des régimes d'assurances. Toutes les
unités syndicales, quelles qu'elles soient, ont, je ne dirais pas le
privilège mais le droit de négocier leurs conditions de travail
et, pour nous, c'est primordial.
Depuis cinq ou six ans, nous n'avons plus le droit de le faire parce
qu'il y a eu une certaine forme de jurisprudence qui s'est créée
au niveau des tribunaux d'arbitrage, qui sont, en fait, décriés
par l'Union des municipalités qui nous a nié des
améliorations à ce chapitre, c'est-à-dire qu'on a
décliné juridiction. Or, on est en Cour d'appel
présentement. Il y a déjà eu
une décision de rendue en Cour supérieure et une autre
décision a été rendue à la Cour suprême dans
une autre province. Mais il reste que, si vous parlez toujours du rapport
d'équilibre, il est considérablement déstabilisé en
ce qui nous concerne.
En ce qui touche, par exemple, le tribunal d'arbitrage comme tel, vous
savez que la décision qui est rendue par un tribunal d'arbitrage est
finale, exécutoire et lie les parties. C'est différent au niveau
de l'arbitrage de griefs parce que l'arbitrage de griefs est basé sur du
droit existant et, de toute façon, les sentences de l'arbitrage de
griefs sont sous la surveillance de la Cour supérieure. Donc, il y a une
juridiction à être exercée par les arbitres et, à
défaut d'excéder leur juridiction, il y a des recours qui peuvent
être exercés à la Cour supérieure tandis qu'en ce
qui nous concerne, il n'y en a pas. Il n'y a pas d'appel et on n'en veut pas
non plus. Je comprends que ce soit une proposition faite par l'UMQ. On peut
s'imaginer comment cela pourrait judiciariser le système parce qu'on a
vu que, même au niveau des arbitrages de griefs, chaque fois qu'il y
avait une décision qui pouvait être attaquable, à ce
moment, c'étaient des évocations, des mandamus ou je ne sais
trop. J'ai bien l'impression qu'il en serait ainsi si jamais nous avions des
décisions arbitrales qui nous étaient favorables au niveau des
différends.
Il reste qu'à tous les paliers supérieurs où vous
avez à décider d'enjeux importants, vous avez une composition qui
est quand même de plus d'une personne. Vous avez la Cour d'appel du
Québec, c'est au moins trois personnes - deux tout au moins - et,
à la Cour suprême du Canada, vous avez neuf personnes. Encore
là, peut-être que ce n'est pas assez puisqu'on dit que les
décisions penchent toujours du même côté.
En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas voir un tribunal qui puisse
comprendre moins de trois personnes. La proposition qui est contenue dans les
amendements proposés, c'est qu'il y ait un arbitre unique mais, s'il y a
entente entre les parties, il pourrait y avoir des assesseurs. Je pense
qu'à ce niveau les enjeux sont considérablement importants et
qu'il faudrait continuer à laisser les enjeux se jouer, comme c'est le
cas présentement. Maintenant, je cède la parole à M.
Marcil concernant l'autre partie.
M. Marcil: Sur la remarque du ministre au niveau de
l'intimidation de certains présidents, je peux vous dire que j'ai fait
à peu près 200 arbitrages dans les cinq ou six dernières
années et j'ai toujours abordé le tribunal de différends
comme n'étant pas un tribunal d'indifférence.
L'intérêt que nous représentons, le fait que nous n'avons
pas le droit de grève ou d'association nous place évidemment dans
une position souvent inférieure vis-à-vis de certains procureurs
patronaux où la preuve présentée est souvent
accompagnée d'études économiques qu'on n'est pas capable
de se payer. Je pense, entre autres, à une étude
dernièrement, dans la ville de Sherbrooke, qui a dû coûter
de 15 000 $ à 20 000 $. Alors, en ce qui me concerne, je pense que le
système comme tel n'a pas eu de remarques désobligeantes de notre
côté à l'endroit des arbitres ou à l'endroit des
arbitres patronaux et des procureurs patronaux qui, à l'occasion, n'ont
pas suivi les règles du jeu. Dans sa balance des inconvénients,
nous avons accepté le système et ce qu'on vous demande, c'est
simplement de le reconduire.
M. Johnson (Anjou): Si vous le permettez, M. le Président,
une dernière remarque, puisque je suis sûr que cela n'implique pas
M. Marcil. Je prends connaissance ici d'une sentence arbitrale rendue le 29
septembre 1982 dans le cas du différend opposant la Fraternité
des policiers de Longueuil à la ville de Longueuil, dans laquelle le
président du tribunal d'arbitrage dit ceci, à la fin de sa
sentence:
La violence. Au-delà du contenu de cette décision, cet
arbitrage s'est déroulé dans un climat qui me fait douter de la
validité de la décision. En effet, j'ai été
à trois reprises l'objet de menaces verbales ou physiques
sérieuses et je noterai à l'intention des parties, et
particulièrement du ministre du Travail, que l'arbitre syndical à
deux reprises a proféré des menaces très sérieuses
à mon égard dans des termes non équivoques, incluant des
menaces de mort qui étaient accompagnées de gestes non
équivoques, de bousculades, de coups de pied et de coups de poing sur
les effets personnels jusqu'au point où le président du conseil a
dû intervenir de manière virulente pour faire cesser les menaces
dont j'étais alors la victime. D'ailleurs, au cours d'un de ces
événements, le président a lui-même fait l'objet
d'une menace de la part de l'arbitre syndical. Il est vrai qu'il s'agissait
d'une menace d'un autre ordre, celle en particulier d'être rayé de
la liste. Dans un tel climat, est-il vraiment permis de croire que cette
décision a une valeur juridique probante?
Je ne pense pas que ce soit la règle, mais le problème de
fond que cela pose, c'est le suivant: des cas comme celui-là ou des cas
analogues. Dans la mesure où il y a un tribunal - et parce qu'il y a un
tribunal, c'est une sentence du tribunal - il est très clair que des
événements de la nature de l'intimidation et de la violence et
surtout l'argument "on va te faire rayer de la liste" que j'ai entendu 100 fois
et qui est d'ailleurs le propos courant qui revient périodiquement au
moment où la liste est soumise au CCTM, cela met cette institution dans
une situation
un peu drôle, pour ne pas dire étrange. En ce sens, les
mérites de l'arbitre unique et de la proposition qui est dans la loi, ce
n'est pas d'empêcher l'expression du point de vue syndical, mais de ne
pas soumettre l'institution à la nécessité de rendre une
décision qui pourrait être à ses propres yeux
entachée parce que l'institution elle-même a été
atteinte lors de conversations qui ont dégénéré en
autre chose que des conversations. C'est là une des rationalités
qu'il y a derrière cela. C'est la protection de l'institution
elle-même.
Encore une fois, je ne prétends aucunement que c'est
généralisé, ce type de choses-là, mais c'est
suffisamment grave pour qu'un président de tribunal d'arbitrage signe
cela dans la sentence.
M. Marcil: Peut-être que je suis impliqué
là-dedans. Je peux vous dire que si, à toutes les fois...
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas vous qui étiez le
procureur syndical.
M. Marcil: Oui, j'étais l'arbitre syndical.
M. Johnson (Anjou): Ah! Vous étiez l'arbitre syndical?
M. Marcil: La personne à qui il se réfère,
c'est moi. D'accord? Si, à toutes les fois, M. le ministre, depuis 30
ans que je fais de l'arbitrage, je vous avais écrit le comportement de
certains arbitres ou de certains arbitres patronaux ou procureurs patronaux, je
pense que vous auriez un dossier plus volumineux. Je regarde les relations du
travail dans une dimension beaucoup plus détaillée où les
règles des parties ne sont pas écrites. J'ai toujours cru que,
lorsque l'arbitrage était fini, comme disent les Anglais: "Let bygones,
be bygones". La lettre ou le document qui vous a été
envoyé a été envoyé dix mois après que
l'arbitrage fut terminé. Je n'ai même pas répliqué
et, quand je l'ai reçu, le document comme tel a pris exactement la
"filière ronde" et il s'en est allé en dessous de mon bureau
parce que l'individu, à mon point de vue, n'avait aucune
crédibilité. J'aurais pu vous écrire et vous pourriez,
aujourd'hui, mentionner qu'une séance d'arbitrage avait
été déterminée par les parties. À la
dernière minute, l'arbitre patronal s'est rapporté malade, celui
qui écrit. Le climat des relations du travail entre les policiers de
Longueuil et la ville de Longueuil était un climat explosif, et il l'est
encore. On retourne à l'arbitrage avec d'autres acteurs. D'accord?
Mais, quand le tribunal a fixé la date, l'arbitre patronal s'est
rapporté malade. Il y a un policier de Longueuil qui a
téléphoné à son bureau le lendemain. Il devait
être alité et malade. Il s'est fait passer pour un conseiller de
Sainte-Marthe et a pris rendez-vous avec lui, alors que ce type s'était
rapporté malade pour "stâler" le tribunal d'arbitrage et
l'empêcher de tenir sa séance d'audition. Je n'ai pas pris la
plume. Je n'ai pas écrit. Je ne me suis pas plaint. Vous savez,
là-dedans, il faut que vous en preniez et il faut que vous en
laissiez.
Ce sont des hommes, ce sont des êtres humains et on essaie, autant
que possible, par l'expérience qu'on a, de donner une dimension aux
parties au cours de la négociation, et c'est ce qui est important. Pour
les vingt derniers arbitrages qu'on a faits l'année dernière, il
y a eu de nouveaux présidents à au moins dix d'entre eux. Ils
n'avaient aucune notion de ce genre de relation du travail. Évidemment
qu'il y a des discussions. Il se peut que, avec le sang latin que nous avons,
il y ait des choses qui se disent. En fait, la violence à laquelle on
s'est référé à ce sujet, je prendrais cela entre
guillemets.
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'on n'est pas ici pour faire le
procès, encore une fois, et surtout pas le vôtre, d'autant plus
que je tenais pour acquis que vous n'étiez pas dans ce dossier, parce
que je n'ai lu que le bas de la page où il est écrit: procureur
syndical, M. Miron. Il est vrai que vous étiez l'arbitre syndical. Mais
je vous dirai que votre réponse, M. Marcil, à bien des
égards... Dans ce cas spécifique, vous dites: Voilà
l'arbitre patronal qui a pris une mesure dilatoire.
M. Marcil: Oui.
M. Johnson (Anjou): Je présume que ce que vous nous dites
est vrai, pour les fins de notre discussion. N'est-ce pas la
démonstration même que notre système d'arbitrage est
soumis...
M. Marcil: Une fois le prix... M. le ministre....
M. Johnson (Anjou): Non, mais n'est-ce pas la
démonstration même que notre système d'arbitrage, s'il
oblige une institution tripartite à rendre des décisions, est
soumis, à cause de ce contexte dont vous parlez de tensions normales
entre êtres humains qui savent ce que c'est et qui connaissent le tabac -
merci! - en général, constamment à des procédures
dilatoires, est soumis à un ensemble d'enchevêtrements
d'événements de droits, de respect de la notion de tripartisme?
Tout cela, en fin de compte, qu'est-ce que cela donne? Cela donne des sentences
qui ne sortent pas ou qui sont longues à sortir.
Ce que vous évoquez, comme les motifs
qui auraient pu résulter de cette personne qui a écrit
cela, l'exemple que vous donnez pour justifier ou pour expliquer ce qui s'est
passé, pour moi, c'est de l'eau au moulin sur la notion du respect de
cette institution qui est essentielle. Ce projet, probablement, viendrait
confirmer, dans la mesure où il n'y a qu'un arbitre unique et des
assesseurs syndicaux qui, parce qu'ils sont assesseurs, se tireront un peu les
cheveux, ce qui est un peu normal, mais qui ne mettront pas en péril
l'institution elle-même de l'arbitrage...
M. Marcil: Je vous l'ai dit en aparté: Si, parce qu'il y a
un incident auquel je ne vous ai même pas référé...
Ce n'est pas un incident qui fait changer le système, M. le ministre.
À cause d'un incident, vous accrochez... Je vous l'ai dit dans le
passage tantôt: Est-ce que, parce qu'on a fait une grève le 7
octobre 1969 - j'étais ici, de l'autre côté - le
système a été changé? Je vous pose la question. Le
système n'a pas été changé parce qu'il est survenu
une grève. Est-ce que le système a été
changé parce qu'on n'a pas le droit de négocier nos fonds de
retraite et nos assurances? Cela nous cause un préjudice indu. Mais
parce qu'on s'attache à un événement qui est arrivé
et que nous-mêmes n'avons pas porté à votre attention... On
s'est dit: Parfait, c'est dans les règles du jeu. Mais je tiens à
vous dire que la partie patronale, elle va mettre le paquet, elle va mettre les
meilleurs procureurs. Quant aux mesures dilatoires, je dois tout de même
dire que ce n'est pas une pratique courante de la part des employeurs. On ne
vous a jamais fait de plaintes écrites ou orales à quelque
occasion que ce soit. On se dit: Ce n'est pas à cause d'un incident
qu'on va se donner le droit de changer ce qui est la pierre angulaire de nos
relations du travail, même avec ses imperfections, même avec le
temps que cela prend, même avec l'argent qu'on n'a pas dans nos poches.
Mais on se dit: C'est tout de même une institution, qu'on ne
connaît peut-être pas en Europe ou aux États-Unis, mais
c'est une institution qui a une certaine crédibilité à
notre niveau.
M. Nadon: M. le ministre... (15 h 45)
M. Johnson (Anjou): Merci, M. Marcil.
M. Nadon: Je voudrais ajouter quelque chose là-dessus,
concernant le système comme tel. Il y a eu des décisions rendues
de l'ordre de 4.3 dont vous vous souvenez certainement. On n'en a pas
profité non plus pour changer le système. Évidemment, on a
décrié le système. Il reste qu'il est resté tel
quel jusqu'à ce que l'Union des municipalités fasse des
représentations tellement soutenues qu'à un moment donné
on a eu l'impression de voir le gouvernement répondre en partie tout au
moins à ses demandes. Lorsqu'on parle de l'institution du tribunal
d'arbitrage, comme M. Marcil le disait tantôt, évidemment des
incidents surviendront à l'intérieur de tous les tribunaux
d'arbitrage qui ont été constitués au cours des
années. C'est bien sûr, mais ce n'est pas en ayant des incidents
de cette nature qui peuvent se produire à l'occasion qu'il faudra
remettre en question l'institution même des conseils d'arbitrage.
M. Johnson (Anjou): Merci, M. Nadon.
Le Président (M. Blouin): Merci. Avant de donner la parole
au député de Brome-Missisquoi et sans vouloir être
désagréable envers qui que ce soit, je rappelle cependant - je
sais que nous sommes en train de nous remettre en marche - que nous devrions
essayer, dans la mesure du possible - je parle à l'égard de
chacun des partis représentés ici - de condenser les
interventions en une vingtaine de minutes -ce qu'on a excédé un
peu cette fois-ci - si on ne veut pas en décevoir d'autres encore
aujourd'hui. M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez la
parole.
M. Paradis: M. le Président, je peux vous assurer que je
ne serai assurément pas plus long que le ministre. Dans un premier
temps, je tiens à vous féliciter de la qualité de votre
présentation. Le mémoire est complet, bien fait,
recherché, fouillé. Vous avez fait un beau travail.
Maintenant, au niveau du fond, au niveau des principes, on retrouve
à la page 9, au bas de la page, la citation suivante: "On y apprendrait
aussi que, dans plusieurs de nos municipalités, le policier municipal a
pour fonction en plus de faire respecter les lois fédérales,
provinciales et les règlements municipaux d'agir également comme
pompier." J'ai vécu dans une petite municipalité qui avait un
petit service et je trouve votre citation un peu incomplète, parce que,
dans plusieurs municipalités, ce sont également des
éducateurs au niveau de la jeunesse, ces policiers. Il faudrait le
mentionner la prochaine fois parce que cela arrive dans plusieurs
municipalités au Québec.
Pour ce qui est des salaires, de la rémunération qui est
un point assez crucial, j'ai retrouvé dans la transcription d'un
enregistrement d'une émission télévisée qui
s'appelle Actualités, produite le 7 février 1983, le passage
suivant qu'on vous attribue, M. Nadon, et qui se lit comme suit: Ce que nous
revendiquons, c'est un salaire égal pour tous les policiers du
Québec, indépendamment de l'endroit où ils se situent. Il
n'y a rien de nouveau à cela. Nous prétendons que la fonction
comme telle est la même, indépendamment où vous allez.
Selon les
milieux, comme législateurs, on nous soumet, région par
région, municipalité par municipalité, des indices de
richesse des populations qui ont à payer les salaires des policiers
municipaux. Cela varie au Québec. Cela varie énormément
d'une région à l'autre. Les policiers sont habituellement des
gens qui sont impliqués dans leur communauté, non seulement
à titre de policier, mais dans les loisirs et d'autres fonctions
également. Est-ce que vous pensez que, socialement, le membre que vous
représentez pourrait bénéficier d'un salaire très
supérieur à l'ensemble de ses concitoyens et se sentir à
l'aise dans la communauté où il vit?
M. Nadon: En fait, il est vrai que j'ai fait cette citation. Vous
la retrouverez d'ailleurs à l'intérieur de notre mémoire.
Nous n'avons absolument aucun complexe vis-à-vis des objectifs que nous
voulons atteindre. Ce que nous recherchons, c'est d'obtenir, pour une fonction
comparable... Et même, elle n'est peut-être pas tout à fait
comparable, vous venez d'ajouter un élément à notre
fonction qu'on n'a pas souligné, mais que, peut-être, nos
collègues de la Sûreté du Québec n'ont pas à
exercer. Dans certains milieux, peut-être, mais pas autant que nous
autres, puisque nous sommes en milieu urbain et avec toute la panoplie des
services que nous devons offrir à nos concitoyens... Il reste qu'il y a
le rapport Saulnier qui a été publié en janvier 1978 et
nous avons annexé l'une des recommandations du rapport Saulnier.
À l'époque, je dois vous dire que les personnes qui
siégeaient à ce comité formaient ce qu'on appelait le
groupe de travail sur les fonctions policières, dont M. Lucien Saulnier
était président. Vous aviez également M. Jacques
Bellemarre, avocat; M. Réjean Breault, secrétaire de la
Commission de police; M. Roch Dufort; M. Gérard Giroux, qui était
directeur de police de Chicoutimi; Me Jacques O'Bready, qui était maire
de Sherbrooke et qui était aussi président de l'UMQ. Ils ont tous
conclu, concernant la question des traitements - et c'est ce que vous allez
retrouver à la toute fin de notre mémoire, en annexe 3... On dit
qu'une comparaison tirée des réponses à un questionnaire
dont une copie paraît à l'annexe 3 montre des écarts
appréciables entre les traitements payés selon la taille des
municipalités. Cependant, il existe une tendance au nivellement -
même à ce moment-là, cela avait été
perçu, on voyait les écarts qui diminuaient - il existe donc une
tendance au nivellement des traitements entre villes ayant la même
importance démographique. Le tableau 16 donne les traitements
hebdomadaires selon la taille des municipalités, et là on dit:
"une première constatation s'impose". Un policier qui a les mêmes
qualifications et le même emploi du temps payé peut recevoir 7384
$ par année de moins selon qu'il est employé par une
municipalité de moins de 2500 habitants ou de plus de 100 000
habitants.
On dit: L'analyse des questionnaires indique des disparités entre
les municipalités situées dans une même région
administrative. En réalité, ces disparités sont, en bonne
partie, dues à... Enfin, on dit - ce qui est l'essence même de la
recommandation que vous retrouverez à la toute fin - et je vous fais
grâce du début: En effet, dans les services gouvernementaux
où prévaut une uniformité de traitements sur tout le
territoire, le coût est assumé en totalité par
l'État. On indique que les salaires devraient être sensiblement
les mêmes et là où il y a des disparités, une partie
devrait être comblée par l'Etat.
Tout est proportionnel. Je ne pense pas que la ville de Montréal
ou une petite municipalité de la province ait plus les moyens de payer
un policier tant par année qu'une autre municipalité dans une
autre région. Dans le cas de Montréal, par exemple, vous vous
rendrez compte, dans les statistiques qui nous sont données par la
Commission de police, que le coût per capita, pour un policier à
Montréal, est pas mal plus élevé que celui en province. Il
y a évidemment de multiples raisons qui expliquent cette situation.
D'une part, le rôle du policier de Montréal va
au-delà des limites territoriales de la communauté urbaine. Vous
avez un taux d'encadrement qui est nettement supérieur à celui
des petites municipalités. C'est peut-être là-dessus que je
tire une certaine conclusion quand je dis que tout est proportionnel. Dans
certaines municipalités, vous avez un taux d'encadrement... À
Montréal, par exemple, vous vous rendrez compte qu'il est de 2,50
policiers par 1000 habitants. À d'autres endroits, le taux d'encadrement
est d'un policier par 1000 habitants. Là où cela se rejoint au
niveau du raisonnement, c'est que, si vous regardez le budget qui est
affecté à la police par rapport au budget municipal, cela se
situe aux environs de 10% ou 11% pour l'ensemble des municipalités.
C'est la même chose pour un employé de la
Sûreté du Québec qui, elle, se retrouve à travers
toute la province et même, à certains endroits, on lui accorde une
prime d'éloignement. Il est bien certain que, lorsqu'on commence
à faire des calculs au niveau du per capita, il en coûte moins
cher pour un policier de la Sûreté du Québec parce que
c'est divisé par 6 000 000 de Québécois tandis qu'au
niveau d'une municipalité donnée, c'est divisé par le
nombre de gens qui composent la municipalité.
Pour répondre à votre question, les budgets qui sont
consacrés aux policiers par
rapport à une municipalité sont tous à peu
près les mêmes. Ça varie de 10% à 12%. Dans une
municipalité de taille importante, par exemple, vous avez besoin de 2,50
policiers par 1000 habitants et, dans une autre municipalité voisine,
vous aurez peut-être besoin d'un policier par 1000 habitants, d'où
provient le coût moins élevé d'un corps de police par
habitant par rapport à une grosse municipalité ou encore, par
rapport à l'ensemble de la population.
M. Marcil: Je veux juste rajouter ceci: Si on prend, en fait,
deux villes, les preuves qui peuvent être apportées sont
basées en grande partie... Quand on parle d'équité et de
bonne conscience, je peux vous dire que le tribunal d'arbitrage tient
également, je pense, en priorité, tout le contexte de la ville:
les revenus, la situation de chômage. Cela est tout de même retenu
au niveau du conseil et je pense que c'est dans ses priorités.
Vous allez arriver, comme j'ai fait à
Sainte-Thérèse à l'automne, dans une ville où on a
à peu près le même corps de police qu'à
Saint-Lambert, où on met en preuve que c'est une ville où la
criminalité est, tout de même, assez visuelle. L'employeur dit au
tribunal: Nous autres, c'est vrai, mais par contre on est une ville
composée d'ouvriers, de petites et moyennes entreprises, de PME, et on
n'a pas la capacité de payer les salaires que demande la
fraternité, entre autres celle de Saint-Lambert ou celle des villes de
la rive sud. Ces gens disent: Si on avait les revenus ou les moyens de
Saint-Lambert, il n'y a pas de doute qu'on serait peut-être dans une
meilleure situation de rémunérer nos policiers. C'était
l'argument de fond.
Il y a deux semaines, je m'en vais à Saint-Lambert. À
Saint-Lambert, l'argument était le suivant: Vous savez, nous autres, M.
le Président, c'est une ville dortoir. Si on avait la criminalité
de Sainte-Thérèse, si on avait, en fait, ce
phénomène de situations qu'on retrouve avec les grèves,
mais, chez nous, vous savez, M. le Président, c'est une ville dortoir;
nos gens, nous autres, à une heure, la nuit... Alors, d'une place
à l'autre, il y a toujours une bonne raison pour laquelle les gars ne
devraient pas avoir le même salaire pour une même fonction, les
mêmes critères d'embauche, la même sélection, en plus
d'être pompier dans bien des endroits, en plus de faire l'application des
règlements municipaux. Quand vous arrivez... On a le rapport Saulnier
qui a été déposé en 1978, rapport d'un groupe de
travail qui avait été demandé par le gouvernement de M.
Bourassa et qui a été entériné par le gouvernement
de M. Lévesque. Ce rapport, depuis 1978, il n'y a personne qui en a vu
les recommandations; c'est nous qui les sortons de temps en temps. Si vous
regardez nos statistiques, quand on dit, dans le rapport, qu'il ne devrait pas
y avoir ces inéquités; regardez-les, si on les a mises, ce
n'était pas seulement pour faire des statistiques. En fait, si on a
apporté des modifications au régime actuel dans lequel on est,
c'est parce qu'il y a un dicton anglais traduit en français qui dit que
la roue qui grince, c'est elle qui a la graisse, c'est parce qu'à
l'Union des municipalités, la roue grince et elle grince encore. Il nous
semble que cela a été le seul facteur des sentences qui sont
sorties, qui ont fait seulement un rattrapage; elles n'ont pas
créé des patterns de salaire, simplement un rattrapage, en les
replaçant où elles étaient il y a environ six ou sept
ans.
M. Paradis: Vous conviendrez quand même que le rapport
Saulnier se situe en janvier 1978, et on n'était pas en crise
économique comme on l'est présentement, et la situation de
l'ensemble du Québec, au niveau de l'économie - le gouvernement
péquiste n'avait pas eu le temps de faire son oeuvre - était en
meilleure santé à ce moment-là.
Deuxièmement, vous admettrez qu'il y a un principe dans les
recommandations et je ne sais pas ce qu'il en est advenu, où vous en
êtes avec le gouvernement; on ne nous tient pas nécessairement
informés.
La conclusion d'une des citations que vous avez données
tantôt se lit très clairement comme suit: - cela change beaucoup
de choses au niveau de qui paie la rémunération - Cependant, si
on estime que, comme dans d'autres secteurs, il ne doit pas y avoir de
différence de traitements pour une même fonction dans des
régions différentes, l'État doit alors accorder une aide
financière spéciale aux municipalités. En effet, dans les
services gouvernementaux où prévaut une uniformité de
traitements sur tout le territoire, le coût est assumé en
totalité par l'État. Cela est quand même différent
de la situation où vous vous retrouvez aujourd'hui, où vous
négociez municipalité par municipalité.
M. Nadon: Je vais vous dire, à part cela, que cette
remarque est très pertinente, parce que, si vous faites la comparaison
avec l'Ontario, la majorité des corps de police sont
régionalisés. Vous avez un palier gouvernemental qui pourrait
peut-être ressembler aux MRC ici, éventuellement. Alors, vous avez
ce qu'on appelle les gouvernements régionaux d'une région comme
telle ou d'une municipalité comme telle. À ce moment, au niveau
des effectifs policiers, il y a une subvention qui est accordée au
gouvernement régional, qu'il s'agisse de Durham, de Peel ou de Niagara.
Lorsqu'on regarde les salaires qui sont consentis là-bas... Je ne peux
pas vous dire qu'il y a une
uniformité complète des salaires à travers la
province de l'Ontario, ce n'est pas le cas, mais il reste que la province est
fragmentée, si vous voulez, en environ neuf régions. À ce
moment, les salaires ont une quasi-uniformité. Vous avez au moins le
même salaire dans chaque région. Au départ, lorsque cela a
commencé, il y avait une subvention per capita de l'ordre de 15 $ qui a
été ajustée au cours des années selon l'indexation.
Je tenais à apporter cette précision. (16 heures)
M. Paradis: Je vous remercie d'avoir abordé le sujet,
c'était ma prochaine question. Est-ce que vous avez des approches, une
philosophie, une négociation d'entamée avec le gouvernement
concernant les nouvelles structures de gouvernement régional que
constituent les MRC? Si vous n'avez pas de négociations en cours, est-ce
que vous avez une idée de la façon dont cela devrait fonctionner?
Le plus brièvement possible, quand même, parce qu'on est
limité et que j'ai quelques autres questions.
M. Nadon: Je vais vous référer tout simplement au
mémoire qu'on avait déposé au groupe Saulnier dans lequel
on préconisait la régionalisation des corps de police. Quant au
principe des MRC, si les municipalités composant les MRC pouvaient
créer leurs propres structures policières, évidemment,
nous aimerions être invités à participer, de façon
très modeste, à l'élaboration des structures
policières à ce chapitre. On n'est évidemment pas
contre.
M. Paradis: Mais il n'y a rien d'enclenché à ce
niveau, ni à votre...
M. Nadon: II n'y a absolument rien. C'est pour cela qu'on dit
dans notre mémoire que c'est inéquitable pour l'ensemble des
contribuables québécois, puisque, à l'heure actuelle, le
fait que dans je ne sais combien de municipalités du Québec il
n'y ait pas de corps policiers, c'est que le fardeau fiscal pour ceux qui ont
un corps policier est d'autant plus lourd. Il y a 1 600 000
Québécois pour qui la protection policière est
financée à même les deniers des contribuables de l'ensemble
de la province. Nous, on dit que chaque citoyen devrait payer sa part normale
et équitable pour sa protection.
M. Paradis: À la page 10 de votre mémoire, à
l'avant-dernier paragraphe, vous notez ce qui suit: "II est à signaler
néanmoins que le système d'arbitrage actuel n'a jamais
influencé les salaires des policiers de la Sûreté du
Québec et de la CUM et, ironiquement, c'est à l'endroit de ceux
qui sont les parents pauvres de la profession que l'on veut remettre en cause
le système." En regardant le tableau et en tenant ces chiffres pour
acquis - je n'ai pas eu le temps de vérifier les statistiques
officielles -il semble que ce soient les policiers de la SQ et ceux de la CUM
qui soient ce qu'on appelle les "price leaders", finalement...
M. Nadon: C'est cela. Exact.
M. Paradis: ...et que vous vous suivez.
M. Nadon: C'est un fait.
M. Paradis: Vous ne les avez jamais dépassés nulle
part?
M. Nadon: Jamais.
M. Marcil: La Sûreté du Québec, en quinze
ans, n'a jamais été en arbitrage, ni la CUM depuis 1969, il y a
treize ans. En fait, je le dis en toute déférence, c'est
là-dessus qu'on dit: Pourquoi changer le système? Ce n'est pas
cela qui a permis d'établir des patterns, parce que les
différences qu'on avait il y a six ans, on les retrouve encore. Je
pourrais vous dire que les arbitres, en ce qui concerne les clauses
mécaniques, sont le groupe le plus conservateur que vous puissiez avoir
pour modifier une clause de convention collective. Ce que nous avons obtenu,
c'est à peu près sur les salaires, les vacances. Mais le reste de
la convention collective, nos clauses de protection de discipline, nos clauses
de griefs, je peux vous dire qu'il y a très peu de changements qui ont
été effectués au cours des années.
M. Paradis: Donc, si on voulait apporter des changements, il
faudrait revoir l'ensemble du dossier, la question de la régionalisation
et la question de la rémunération globale. Et là, il me
semble que vous avez - je vous le dis en toute bonne foi - une drôle de
pente à pic à remonter, si je me fie aux propos du chef du
gouvernement. À une question que je lui adressais... Parce que je me
plaignais, moi, que, dans les petits villages ou les petites villes, on
était obligé d'augmenter les taxes municipales de façon
radicale pour pouvoir rémunérer les policiers à des taux
qui, dans plusieurs cas, étaient supérieurs au salaire moyen de
la place. Je m'en plaignais et le premier ministre me répondait en
Chambre, le 10 mars 1983: "Pour ce qui est des cas sur lesquels il y a
déjà eu des décisions de prises par voie d'arbitrage, il
reste à voir comment on pourrait les soulager. Mais une chose est
certaine, c'est qu'on a demandé au ministre du Travail de faire savoir
aux corps des arbitres, parce qu'ils sont bien connus, que cela
commençait - et je pèse mes mots dans tous les coins à
devenir dangereusement exorbitant. Si on ne veut pas être obligé
de changer certains aspects du
système d'arbitrage traditionnel, il faudra que tout le monde
revienne un peu à la raison. Je suis parfaitement d'accord que les
municipalités ne peuvent pas endurer cela indéfiniment."
Et, le 30 avril, cela faisait suite à une déclaration du
premier ministre au congrès de l'Union des municipalités du
Québec, le premier ministre s'est exprimé très clairement
de la façon suivante, et cela semblait être une volonté
gouvernementale arrêtée: "Et puis, il y a également,
très spécifique aussi, l'épineuse et vous me direz
plutôt très coûteuse question des arbitrages concernant les
policiers et les pompiers, essentiellement. Là-dessus, je vais vous
admettre d'emblée que vous avez parfaitement raison de soutenir que ces
arbitrages risquent trop souvent d'aller au-delà de
l'équité qui est toujours indispensable et de devenir proprement
ruineux pour un bon nombre de municipalités. En principe, ce n'est pas
du tout normal qu'à partir de ses seules balises personnelles, si
louables soient-elles, une personne non élue puisse affecter à sa
guise des tranches aussi importantes des fonds publics dont vous avez la
responsabilité. "Je suis d'accord sur ce point avec mon collègue,
le ministre du Travail, et je vous assure donc conjointement avec lui que nous
entendons agir dans les plus brefs délais, dès cette session,
pour encadrer ou baliser - on verra concrètement de quoi il doit s'agir
-cette discrétion arbitrale qui est excessive au point de donner
ça et là des résultats qui sont franchement aberrants et
parfois même ruineux. Vous avez donc notre engagement très
concret."
Quand je parlais d'une côte à pic, je pense que vous avez
peut-être la chance d'avoir un ministre influent au Conseil des
ministres. Est-ce que ce que vous nous dites, c'est que le projet de loi
17...
M. Johnson (Anjou): Est-ce que le député de
Brome-Missisquoi est d'accord avec ce qu'il vient de lire, M. le
Président?
M. Paradis: Est-ce que je peux poser des questions au
ministre?
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Paradis: Est-ce qu'il est d'accord avec les propos de son
premier ministre? Excusez, mais je vais...
M. Johnson (Anjou): Vous avez ma réponse dans le projet de
loi.
M. Paradis: ...revenir aux gens qui sont devant nous. Vous dites
que ce n'est pas la loi 17 que vous voulez, mais une réforme en
profondeur où tous les intéressés seront impliqués
et où vous aurez un mécanisme auquel vous aurez participé.
Et en attendant, vous voulez le statu quo.
M. Nadon: M. le député, je pense que le premier
ministre s'est fait prendre comme bien des gens par rapport à toute
cette propagande qui a été dite concernant les sentences
arbritrales, les augmentations "exorbitantes". Je dois vous dire qu'on n'a
malheureusement pas rencontré le premier ministre. On n'a
rencontré que le ministre de la Justice à quelques occasions. Je
dois vous dire qu'il n'y a pas eu jusqu'à maintenant une étude
qui pouvait démontrer l'exactitude des revendications faites par l'UMQ.
Il y a une chose que le gouvernement a faite. On a ici le rapport du groupe de
travail sur l'arbitrage de différends qui a été fait par
le gouvernement, par des membres désignés par le gouvernement. Il
y a certaines recommandations à l'intérieur de ce rapport
où on voit la question de l'arbitrabilité des fonds de retraite;
et au niveau du régime d'arbitrage comme tel, au lieu d'appeler les
arbitres des arbitres, on les appelle des assesseurs, mais avec la même
fonction, ou du moins avec les mêmes prérogatives que maintenant.
S'il y avait véritablement une étude sérieuse sur la
question de la rémunération des policiers ou encore sur la
question des sentences arbitrales et leur portée, je pense qu'à
ce moment-là le débat serait un peu moins politisé. On
aurait des faits et on pourrait véritablement y répondre. De
toute façon, en ce qui nous concerne, nous serions prêts à
y participer. C'est tout ce qu'on demande.
M. Paradis: M. le Président, en concluant, pour
répondre à la question que le ministre m'a adressée - par
politesse, je voulais laisser les gens nous répondre avant -il est clair
par la question que j'ai posée à l'Assemblée nationale et
je pourrais vous relire la transcription si vous insistez, elle est disponible,
que je me suis inquiété à la demande de
municipalités - je vous le dis bien franchement - des traitements qu'on
donnait dans certaines municipalités et où la capacité de
payer des citoyens était drôlement remise en question en pleine
période de crise économique. J'avais justement terminé,
avant que le premier ministre ne me réponde de la façon suivante,
je vous le répète aussi clairement que je l'ai dit: Comme le
ministre du Travail est absent, comme le ministre des Affaires municipales ne
semble pas trop au courant du dossier ou disposé à proposer des
mesures concrètes, comme il y a deux ministres impliqués, est-ce
que je pourrais demander au premier ministre ce qu'il entend faire pour
s'assurer que les citoyens de ces municipalités n'aient pas à
payer, au cours des deux prochaines années, des augmentations de 20%
à 37% - je faisais
référence à cinq ou six municipalités - et
pour que cela n'arrive pas à d'autres citoyens d'autres
municipalités en pleine crise économique? C'était le sens
de ma question et je pense que cela peut répondre aux propos que vous
m'avez adressés, M. le ministre. Ce qui m'intéresse
drôlement, c'est de faire une réflexion d'ensemble au niveau de la
régionalisation, au niveau de l'ensemble des traitements, de l'ensemble
des policiers, du rôle et de la fonction des policiers. Cela
m'intéresse.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Une dernière chose, ce n'est pas un
commentaire, c'est simplement pour s'assurer que les membres de la commission
ont des précisions. Je dois dire, et on me l'a confirmé du bureau
du ministre de la Justice, que la possibilité d'orientation du
gouvernement à l'égard d'un tribunal à arbitre unique a
été évoquée devant les représentants de la
Fédération des policiers.
M. Nadon: Vous voulez dire que c'est nous qui aurions
suggéré...
M. Johnson (Anjou): Non, je n'ai pas dit cela. M. Nadon, est-ce
que j'ai dit cela?
M. Nadon: Non, ce n'est pas cela. Vous dites que cela a
été évoqué.
M. Johnson (Anjou): J'ai dit que cela avait été
évoqué par le ministre de la Justice.
M. Nadon: Cela a été évoqué...
M. Johnson (Anjou): Je voulais tout simplement le dire.
M. Nadon: ...la question des assesseurs. M. Johnson (Anjou):
C'est cela.
M. Nadon: En fait, ce qu'on a compris de l'intervention du
ministre de la Justice, c'est que cela ne changeait pas grand-chose.
Finalement, les arbitres, plutôt que de les appeler arbitres, on les
appelait assesseurs. Dans notre esprit, c'est dans le but d'enlever toute
ambiguïté au défunt article 164. Est-ce que vous vous
rappelez la contestation qui avait eu lieu avec les pompiers de Montréal
et tout cela par rapport au rôle de l'arbitre, l'intérêt
qu'il doit avoir? À ce moment-là, on se disait: Pour autant qu'il
ait la même juridiction, les mêmes prérogatives, on est
d'accord. Dans le projet de loi, on voit qu'il doit y avoir au préalable
entente entre les parties pour qu'effectivement il y ait présence
d'assesseurs. Je dois vous avouer bien honnêtement qu'on ne le savait
pas.
M. Johnson (Anjou): Merci, MM. Nadon, Marcil et
Bélanger.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M.
Nadon. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie de votre
importante participation. Sur ce, je demande maintenant aux
représentants de la Chambre de commerce de la province de
Québec...
M. Nadon: On vous remercie.
Le Président (M. Blouin): II n'y a pas de quoi. ...aux
représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec
de venir prendre place à la table des invités.
Avant de donner la parole aux représentants de la Chambre de
commerce, je vous rappelle - je crois que vous avez assisté à une
bonne partie de nos travaux depuis le début - que nous sommes quand
même - c'est normal qu'il en soit ainsi, c'est la tradition qui le veut -
relativement limités dans le nombre d'heures que nous avons à
notre disposition. Je vous demande, dans la mesure du possible, comme l'ont
fait les autres organismes, de limiter votre présentation à une
vingtaine de minutes. Sur ce, je demande aux représentants de la Chambre
de commerce de s'identifier, aux fins du journal des Débats... Oui, M.
le député.
M. Paradis: Cela ne m'arrive jamais de remettre en cause les
propos de la présidence, mais, lorsqu'on parle d'un carcan, d'un cadre
limité, ce n'est pas la tradition que les projets de loi soient
présentés comme cela. En fin de session, cela arrive comme cela,
mais on n'est pas obligé de présenter les projets de loi en fin
de session quand on est au gouvernement.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Brome-Missisquoi, je vous signale que les règles de pratique sont
très claires à cet égard. Je vous signale
qu'habituellement, dans de pareilles commissions, c'est cette procédure
qui s'applique. Cependant, ce que j'ai dit était davantage une directive
pour éviter que nous ne tombions dans des abus...
M. Paradis: Je l'avais pris comme tel.
Le Président (M. Blouin): ...qu'une stricte intervention
en termes de minutes. Il faut, dans la mesure du possible, se limiter à
ce genre de limite de temps.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Earle (Arthur): Merci, M. le Président. Nous sommes
deux représentants de la Chambre de commerce de la province de
Québec ici aujourd'hui. Mon nom est Arthur Earle, je suis
vice-président de premier rang de la Chambre de commerce. J'ai avec moi
M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la
chambre. Nous étions plusieurs représentants de la chambre de
commerce au moment où nous avons été invités mardi
soir. Pour des raisons que, M. le Président, vous connaissez
probablement beaucoup plus que nous, nous n'avons pu faire notre
présentation à ce moment-là et aujourd'hui nous sommes
seulement deux. (16 h 15)
Avant de passer à mon exposé proprement dit, j'aimerais
vous remercier, M. le Président, de même que les membres de cette
commission, de nous fournir l'occasion d'être entendus aujourd'hui. Quant
à la période allouée en vue de la préparation de
notre intervention, c'est inutile de dire qu'onze jours ouvrables depuis le
dépôt du projet de loi ne sont pas suffisants pour toute l'analyse
et la consultation nécessaires devant un projet de loi aussi complexe.
La Chambre de commerce du Québec est une fédération
comptant quelque 200 chambres de commerce locales qui regroupent près de
40 000 membres au Québec. La chambre compte aussi plus de 3100
entreprises membres qui y adhèrent directement.
Les objectifs de la chambre sont et demeurent de favoriser le
progrès économique, civique et social du Québec. Notre
organisation est d'avis que la liberté est essentielle au plein
épanouissement de l'homme et au progrès de la
collectivité. M. le ministre, nous avons noté avec satisfaction
que votre collègue, M. Fréchette, a retranché l'article 45
de l'avant-projet de loi et n'a pas imposé la négociation
multipatronale ou sectorielle, dans le projet de loi tel que
déposé. Il importe de voir les modifications au Code du travail
dans une perspective d'équilibre des rapports de forces dans
l'entreprise. Aussi, c'est dans cette perspective que nous avons campé
les différents arguments constituant le corps de notre
présentation. À titre de premier vice-président de
Dominion Textile, je passe peut-être, aux yeux de certains, comme
porte-parole de la grande entreprise au Québec. Qu'il soit bien entendu
cependant qu'à titre de vice-président de premier rang de la
Chambre de commerce du Québec, mes commentaires se veulent tout autant
le reflet des préoccupations d'un très large éventail de
nos sociétés membres, dont la plus imposante partie est
composée de petites et moyennes entreprises.
Grandes ou petites, les entreprises du
Québec font face, ici comme ailleurs, aux mêmes
contraintes. Essentiellement, elles doivent maintenir un haut niveau de
compétitivité avec les entreprises d'ici et d'ailleurs. Aussi, il
importe de ne pas augmenter leurs impôts ni leurs fardeaux
réglementaires. En parlant de compétitivité et du
progrès économique du Québec, nous ne pouvons pas laisser
passer cette occasion sans souligner la nécessité pour notre
province d'être compétitive avec les autres provinces du Canada
ainsi que les États des États-Unis afin d'attirer des
investissements. Plus le gouvernement donnera de pouvoirs aux syndicats qui,
selon la plupart de nos citoyens, en ont déjà trop, plus il
deviendra difficile d'attirer des investissements et de créer des
emplois.
Je vais maintenant faire quelques remarques directes sur votre projet de
loi. Après, je vais demander à M. Létourneau de passer
plus en détail. D'abord, au sujet de l'accréditation, le
gouvernement a dit vouloir assouplir certains mécanismes administratifs
qui, jusqu'ici, auraient retardé indûment l'accréditation
de certains syndicats. Sur ce point, la chambre, dès le grand sommet de
Québec d'avril 1982, a dit trouver juste de vouloir faciliter, sur une
base de reconnaissance du principe de la liberté d'association,
l'accréditation des syndicats ayant dûment cumulé de
façon volontaire le nombre requis des salariés désireux de
se regrouper. Or, le nouvel article 37.1, selon ce qu'il nous a
été donné de comprendre, constitue un facteur de maintien
de la syndicalisation, surtout en ce que moins de 50% plus 1 pourront
désormais permettre à un syndicat de représenter une
unité de négociation. On a été bien au-delà
des simples dispositions administratives. On aura par le biais du maraudage
syndical ouvert la porte à une surenchère à
l'accréditation syndicale.
Puisque, à l'avenir, 26% des salariés pourront à
eux seuls sceller l'issue de la syndicalisation, les droits des salariés
en majorité ne sont pas respectés dans ce cas. Certains
s'étonneront que l'entreprise veuille revendiquer le respect des droits
individuels. À cela, je rappellerai que l'entreprise constitue toujours
un milieu où s'exerce l'initiative de chacun.
À ceux qui croient que l'entreprise privée constitue le
principal pôle de développement socio-économique, je dirai:
Appuyez-nous aujourd'hui avant qu'il ne soit trop tard, car l'esprit
d'"entrepreneurship" est difficile à créer et à
entretenir, et peut finir par être découragé. Il faudra
bien un jour l'admettre et agir en ce sens.
Quelques remarques au sujet des grèves. L'article 109.1
confère aux syndicats, de modifications en modifications, un
véritable droit de veto à l'activité industrielle et
commerciale. L'article 109.1, dans sa forme
actuelle, rend de plus en plus inefficace, inopérant et
autodestructeur le recours par un employeur à son droit de lock-out.
Si le droit de grève et le droit de lock-out pour les syndicats
et les employeurs ont représenté jusqu'ici les
éléments d'un équilibre de forces, l'article 109.1 viendra
créer un déséquilibre encore plus grand en faveur de la
partie syndicale. En effet, pour la très grande majorité des PME
dont la particularité est de n'avoir qu'un établissement, le fait
de ne pouvoir sous-traiter dans son unique établissement constitue une
condamnation à la paralysie par décret pour une PME en
grève ou en lock-out.
Remarque sur la première convention. La détermination du
contenu de la première convention collective, laquelle commandera toute
négociation ultérieure des conditions d'embauche, de
rémunération et de travail, est trop importante pour être
laissée à l'arbitraire d'une seule personne, si
éclairée, inspirée et impartiale soit-elle. À la
lumière des nouvelles dispositions du Code du travail, on est en droit
de se demander si le gouvernement n'est pas en train d'instituer au
Québec un régime universel de syndicalisation. M. le
Président, Mmes et MM. les députés, si le syndicalisme
est, de l'avis de ses missionnaires, le plus enviable, il n'est pas pour autant
le plus envié.
Je demanderai maintenant à M. Létourneau de vous donner un
aperçu du contenu.
Le Président (M. Blouin): M. Létourneau.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, je vais
procéder rapidement, comme vous l'avez demandé. Ceux qui ont
notre mémoire pourront me suivre. Je vais indiquer la page au fur et
à mesure. Je ne signalerai que les endroits que nous estimons
stratégiques dans notre mémoire.
Donc, je suis à la page 1 où je souligne que, depuis sa
création en 1964, le Code du travail a subi plusieurs modifications,
soit en 1965, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972, 1977, 1978, 1979, 1980, 1981 et
1982. Contrairement aux prétentions des parties syndicales, il
n'était pas urgent de le modifier.
À la page 3, M. le Président, la protection accrue des
activités syndicales. L'article 14 modifié stipule... Mais je ne
le lirai pas parce que, sans doute, on vous l'a lu plusieurs fois. Je continue
en disant qu'un employeur ne pourra - à l'interprétation -refuser
d'employer, et je cite: "une personne à cause de l'exercice par cette
personne d'un droit qui lui résulte du présent code."
Actuellement, cette protection ne s'applique qu'aux membres et officiers d'un
syndicat. Selon ce qui est écrit, les activités syndicales
visées pourraient avoir lieu chez l'un des employeurs
précédents, l'employeur éventuel étant
présumé être au courant de ces activités, de ces
faits.
Or - à la page 4 - les lois des autres provinces, ou du Canada,
ne laissent pas la porte ouverte à ce genre de présomptions.
Elles les limitent aux cas où l'employeur est de fait au courant des
activités syndicales visées, c'est-à-dire celles de ses
propres employés. Par exemple, dans le Code canadien du travail,
l'article 184.3 est exprimé au présent, ce qui élimine les
actions passées d'une personne, et énumère des
activités syndicales précises.
À la page 5, Dieu merci, les présomptions "at large" -
article 14 - ne donneront pas lieu à une ordonnance d'embauche par le
commissaire du travail, comme il était prévu dans l'avant-projet.
C'est une autre chose que nous apprécions, que cela ait
été éliminé de l'avant-projet.
Malgré cela, les employeurs demeurent sujets à des
sanctions pénales inutiles - à l'article 143 - et non
méritées si les présomptions demeurent ce qu'elles
sont.
L'article 14 innove aussi en ce que tout droit sera désormais
protégé et non seulement le fait de devenir membre ou officier
d'un syndicat. On ajoute que, outre les menaces de renvoi, l'intimidation et
l'imposition d'une sanction, l'employeur ne pourra chercher, par des mesures
discriminatoires ou des représailles, à contraindre un
salarié à s'abstenir ou à cesser d'exercer un droit lui
résultant du Code du travail.
Et je continue, à la page 6: N'étant pas définies,
ces notions de "représailles" et "mesures discriminatoires" pourront
être invoquées à tout propos. Elles serviront à
qualifier à peu près n'importe quoi, n'importe quel comportement
de l'employeur. Par exemple: l'employeur me fait travailler la nuit.
L'employeur m'a refusé une promotion. Il ne m'a pas accordé
d'augmentation de salaire, etc.
On rajoute aussi les "représailles" et "mesures discrimatoires"
aux articles 15 et suivants du code, sur les cas de congédiement, de
suspension ou déplacement des salariés pour activités
syndicales. De tels amendements ont d'autant plus de conséquences pour
l'employeur que, dans ces cas de plaintes en vertu des articles 15, 16 et 17 du
code, il y a présomption en faveur de l'employé dès qu'il
a pu établir qu'il exerçait un droit lui résultant du
code. C'est l'employeur qui a le fardeau de prouver qu'il a pris cette mesure
"pour une autre cause juste et satisfaisante."
À la page 7, on mentionne que le gouvernement a aussi
annoncé son intention de protéger la formation en cours d'un
syndicat en ajoutant que des représailles ne pourraient être
exercées contre un membre
d'un syndicat en formation. Mais dans leur formulation, les articles 14
et 15 ne s'appliquent pas exclusivement aux employés d'un employeur. Ils
peuvent être élargis aux employés d'un employeur
précédent.
La chambre recommande donc que les présomptions sur le refus
d'embauche demeurent sous leur forme actuelle et ne soient pas élargies
à "une personne à cause de l'exercice d'un droit résultant
du code" -ce qui est vraiment très large - que les pratiques syndicales
visées soient clairement définies et limitées et que les
mentions de "mesures discriminatoires" et de "représailles" soient
enlevées, à cause, évidemment, d'une interprétation
possiblement très large et peut-être abusive.
À la page 8: Les modifications des règles de
l'accréditation. Le nouvel article 27.1 rendra irrecevable toute autre
requête en accréditation. Je ne lis pas l'article, tout le monde
le connaît ici, je pense, depuis le temps qu'on examine le projet.
Dans ce seul cas, le droit à l'accréditation sera
accordé si l'association des salariés groupe la majorité
absolue des salariés selon l'article 21.
Le syndicat pourrait être accrédité sur le champ si
l'agent d'accréditation, selon l'article 28a, venait à la
conclusion que l'association jouit du caractère représentatif
requis et s'il constatait qu'il y a encore accord entre l'employeur et
l'association sur l'unité de négociation et sur les personnes
qu'elle vise.
L'article 28c a été modifié tel qu'il suit, et
encore une fois je ne citerai pas. Mais dans l'interprétation, nous
continuons en disant que l'employeur ne peut plus refuser son accord sur
l'unité de négociation, mais il doit proposer l'unité
qu'il croit appropriée, donc, acquiescer automatiquement à une
unité. Les employeurs des PME seront pris au dépourvu, car ils
auront quinze jours de la réception de la requête pour communiquer
leur désaccord. Sinon, on présumera qu'ils ont donné leur
accord. Avant, l'agent d'accréditation demandait à l'employeur
les raisons de son désaccord. Dans les cas où il y a
déjà une association représentée, on abolira la
règle de la majorité absolue par l'insertion, après le
premier alinéa de l'article 21, de l'alinéa suivant: À
également droit à l'accréditation l'association des
salariés qui, dans les cas prévus à l'article 37.1,
obtient le plus grand nombre de voix à la suite d'un scrutin.
Le nouvel article 37.1 quant à lui - et, encore une fois, il est
mentionné ici et je ne le citerai pas - nous l'interprétons
subséquemment en disant: Auparavant, en présence de deux
associations, l'association qui avait droit à l'accréditation
était celle qui obtenait la majorité absolue des voix des
salariés de l'employeur. En ne respectant plus l'esprit du code actuel,
on se retrouvera bientôt avec des syndicats pouvant représenter
26%, ou peut-être moins - nous y reviendrons plus tard - ou 30% et de
toute façon, moins de 50% plus 1 des salariés visés par
une accréditation.
À la page 11: Pourtant, la majorité des salariés
refuseraient peut-être toute accréditation plutôt que de se
retrouver avec un syndicat qu'ils jugeraient indésirable si celui pour
lequel ils ont voté d'abord s'est fait battre. (16 h 30)
Si la formulation actuelle du projet de loi est maintenue, les
mêmes règles devraient s'appliquer pour révoquer une
accréditation. L'article 41 devrait être modifié pour que
le commissaire du travail puisse révoquer l'association qui ne groupe
plus le nombre de voix selon lequel elle a été
accréditée. Il me semble que ce ne serait que justice que de
faire l'équivalent de l'autre côté, dans ce cas-là,
si on adopte cette formule.
En ce qui concerne les requêtes en accréditation, d'autres
amendements visent à favoriser l'obtention de celles-ci, notamment
l'article 32 où le commissaire du travail ne serait pas obligé de
tenir enquête en présence de l'employeur sur la question relative
à l'unité de négociation. "Après enquête",
dit-on, n'implique pas obligatoirement la présence de l'employeur. Le
droit des parties d'être entendues n'est plus respecté.
L'article 53.1 a aussi été ajouté, mais je ne le
lis pas; je passe à l'interprétation, à la page 12: On
négociera comme si le syndicat existait de facto. La négociation
sera enclenchée même si le syndicat doit tomber après
jugement sur les personnes visées par l'accréditation. On
prétend que tous et chacun de ces articles visent à
abréger les délais, mais, ce faisant, les règles du jeu ne
sont plus respectées. Les modifications proposées sont
inacceptables, sauf celles prévues à l'article 25.
La chambre recommande donc que l'accréditation ne soit
accordée qu'à l'association regroupant la majorité absolue
des votes des salariés visés par une requête, que l'article
32 ne soit pas modifié pour s'assurer que le commissaire du travail
tienne enquête en présence de l'employeur sur toute question
relative à l'unité de négociation.
À la page 13: Nouveaux pouvoirs de l'arbitre. Les
différends, les griefs et le contenu de la première convention
collective seront désormais soumis à un seul arbitre au lieu et
place d'un conseil d'arbitrage composé de trois membres. Cet arbitre
unique pourra être choisi par les parties si elles s'entendent (l'article
77). - Deux assesseurs, chacun désigné par une partie, pourraient
l'assister, toujours s'il y a entente à cet effet entre les parties.
Cette
modification de forme n'accélérera pas le processus
administratif. Il est notoire que les délais sont présentement
causés par la non-disponibilité des arbitres.
Page 14: Pourtant, on n'abrège pas les délais durant
lesquels l'arbitre unique devrait rendre sa décision; ils restent
à 60 jours de sa nomination, tout comme le délai auquel
était soumis le conseil d'arbitrage, à l'article 90. Alors,
pourquoi instituer un nouveau système? Les délais changeront peu,
mais on laissera à une unique personne le choix d'exercer des
décisions importantes, soit, premièrement, imposer le contenu
d'une première convention collective, à l'article 93.4, mais je
ne le lis pas. L'article 93.4 indique un seul cas où les délais
seront raccourcis et ce, au détriment de l'intention des parties et de
l'esprit du code. Une seule personne jugera d'un délai raisonnable
à respecter.
Or, le contenu d'une première convention est trop décisif
pour être imposé par une seule personne qui ne sera pas
nécessairement au courant des conditions de travail propre à
l'ensemble - ou à des parties - des secteurs d'activité que
compte le Québec. Il n'y aura plus libre négociation là
où il importe tellement de ne pas bousculer le processus des relations
entre employeur et employés. Pourtant, on sait que le contenu de la
première convention sert de canevas aux autres conventions. Même
s'il y avait, aux côtés de l'arbitre unique, un assesseur de la
partie employeur, ses pouvoirs seraient inexistants puisqu'il ne pourrait
même pas poser de questions, l'article 100.7 modifié. Seul
l'arbitre pourrait poser des questions.
Régler les différends: sur ce point, nos commentaires
précédents s'appliquent. Arbitrer les griefs: les griefs doivent
être normalement soumis à l'arbitrage en la manière
prévue dans la convention collective, mais on ajoute, à l'article
100.0.1 - et je ne le lis pas, puisque vous le connaissez sans doute
très bien, je lis le commentaire: Si une convention collective
prévoit un délai supérieur à 30 jours, doit-on voir
qu'il ne pourrait plus soumettre son grief en la manière prévue
dans sa convention collective, mais bel et bien le déférer tout
de suite à un arbitre ou doit-on interpréter cet article comme
imposant un délai maximal de 30 jours aux arbitres? Il y a sans doute
une erreur de rédaction et l'article devrait se lire comme dans
l'avant-projet de loi, c'est-à-dire: Malgré toute disposition
d'une convention collective prévoyant un délai moindre, un
salarié peut avoir recours à la procédure de grief dans
les 30 jours de la date où la cause de l'action a pris naissance.
On retrouve, parsemées dans le texte, d'autres règles qui
n'accéléreront en rien le processus, par exemple, à
l'article 100.2.1: Aucun grief ne doit être considéré comme
nul ou rejeté pour vice de forme ou irrégularité de
procédure. Plus besoin de respecter les délais, tout retard sera
considéré comme une irrégularité de
procédure, il n'en sera pas tenu compte. Alors, à quoi bon
établir une procédure si l'on permet ensuite de ne pas en tenir
compte?
Pour ces raisons, la chambre recommande que l'arbitrage des griefs et le
contenu d'une première convention collective soient laissés aux
soins d'un conseil d'arbitrage; que le conseil d'arbitrage puisse
décider du contenu de la première convention collective si les
négociations ne sont pas poursuivies avec diligence ou bonne foi et,
enfin, que les délais soient réduits en augmentant le nombre
d'arbitres disponibles au ministère. C'est là qu'est le
problème.
Page 19. L'actuel article 109.1 est déjà l'un des plus
restrictifs au Canada. L'employeur ne peut utiliser dans l'établissement
où une grève ou un lock-out a été
déclaré les services des salariés du syndicat en
grève ou en lock-out ni ceux des salariés employés dans un
autre établissement. Il ne peut embaucher une personne physique, selon
la jurisprudence constante, pour établir les fonctions d'un
salarié représenté par un syndicat en grève ou en
lock-out. Il restait donc la possibilité d'embaucher une personne morale
pour permettre une continuation des opérations. Les cadres
n'étaient pas visés non plus par l'expression
"salariés".
Les modifications proposées enlèvent ces
possibilités. On exclut expressément l'utilisation des services
d'une personne morale dans l'établissement où la grève ou
le lock-out aura été déclaré, 109.1b; on exclut les
services d'une personne employée dans un autre établissement
("personne" est plus large que "salarié") ce qui englobe les cadres
à 109.1.e; on exclut les services des salariés non visés
par la grève qui travaillent dans le même établissement
où la grève a été déclarée,
109.1.f.
À toutes fins utiles, on ne prohibe pas seulement l'emploi des
"scabs", mais on arrête systématiquement la production des
entreprises. Ceci entraînera fatalement des arrêts de travail dans
d'autres usines ou entreprises puisqu'elles ne seront plus alimentées
par la première source de production. À long terme, les
entreprises devront fermer leurs portes ou elles décideront de ne pas
ouvrir de nouvelles usines. Certaines feront faillite faute de ne pouvoir payer
un personnel à ne rien faire.
L'article 109.1.f est particulièrement inquiétant. Si les
employeurs ne peuvent faire travailler les employés non visés par
la grève pour remplir les fonctions des grévistes dans le
même établissement, ceux-ci devront être mis à pied.
Un maillon de la chaîne manquant, il n'y aura plus de production
normale possible.
Page 21: Les PME seront surtout touchées. Quant aux entreprises,
certaines auront les moyens de donner des contrats de sous-traitance à
l'extérieur du Québec. Une fois rendues sur place, plusieurs
continueront probablement à y faire affaires, les lois y étant
moins sévères. De plus, les PME ont très rarement plus
d'un établissement où sont installés leurs moyens de
production. La loi interdisant l'utilisation des services d'une personne morale
dans l'établissement où la grève a été
déclarée, les PME ne pourront remplir leurs commandes. Les PME
seront ainsi grandement pénalisées. Pourtant, le gouvernement
affirme s'appuyer sur celles-ci comme le plus grand levier d'emplois au
Québec. Les seuls emplois créés par cette mesure seront
ceux des fonctionnaires servant à fermer les usines.
Un dernier point encore, toutes les restrictions et limites de remplir
les fonctions d'un salarié en grève. Qu'arrive-t-il alors,
lorsque, à la veille de la grève, par exemple, un surplus de
travail aurait normalement exigé l'embauche additionnelle de personnel?
On ne pourra plus faire exécuter le travail qui, de toute façon,
n'aurait pas été fait par les employés en
grève.
Page 22. Le rapport de forces se trouve nettement modifié et
privilégie encore une fois la partie syndicale, la grève devenant
plus que jamais entre ses mains une arme redoutable. Les employeurs n'auront
plus qu'à plier l'échine ou plier bagage. En contrepartie, les
salariés en grève auront tout le loisir de travailler ailleurs ou
de retirer l'assurance-chômage tandis que l'employeur sera contraint de
ne plus faire fonctionner son usine. Nous comprenons que, dans
l'immédiat, peut-être que cette possibilité s'appliquerait
moins; cependant, n'oublions pas que ces lois ne sont pas faites pour ne durer
que quelques mois.
On oublie trop facilement que les employeurs doivent satisfaire à
des normes de production. Souvent, leurs contrats seront annulés s'ils
ne les respectent pas. Leur survie, tout comme la survie des emplois qu'ils
créent au Québec, en dépend. Pour ces motifs, la chambre
recommande qu'aucune modification ne soit apportée à l'article
109.1.
Il y a divers articles, comme l'article 130, qui seront modifiés.
Alors, pourquoi changer les règles du jeu en imposant des relations du
travail malsaines et conflictuelles aux deux parties? C'est d'autant plus
inconcevable si la décision en appel n'ordonnait pas la
réintégration, mais reconnaissait le congédiement pour une
cause juste et raisonnable.
L'article 74 de la Loi sur les normes du travail serait aussi
modifié par l'addition de l'alinéa que vous connaissez et que
nous interprétons en disant que la chambre a toujours demandé que
les projets de règlement soient déposés en même
temps que les projets de loi. Encore une fois, les contribuables devront
attendre avant de pouvoir se prononcer sur ce projet-ci.
Aperçu des conséquences économiques. Il est
impossible, compte tenu des délais impartis, de présenter une
évaluation de l'impact économique du projet de loi 17. On peut
cependant dresser un aperçu théorique en se
référant à des considérations économiques
d'ordre général, de même qu'à de la documentation
économique sur le sujet. La loi actuelle a accordé aux syndicats
des privilèges coercitifs qui leur donnent sur le marché du
travail des positions de monopole ou de cartel. Ces privilèges incluent,
premièrement, le monopole de représentation que
l'accréditation confère à un syndicat;
deuxièmement, la cotisation syndicale obligatoire; troisièmement,
le monopole de travail en cas de grève. Le projet de loi 17 aura donc
pour effet d'augmenter le pouvoir de marchandage des syndicats, d'augmenter
leur capacité d'obtenir des conditions de travail irréalistes et
de diminuer encore la flexibilité et l'efficacité de notre
économie.
Puisque nous ouvrons la porte à des modifications, la chambre
présente des suggestions pour améliorer le Code du travail comme,
par exemple - nous en avons une série de huit: Que la définition
du mot "grève" comprenne un ralentissement du travail et qu'il soit
précisé qu'aucun salarié ou groupe de salariés ne
pourra encourager un ralentissement d'activités, pas seulement un
syndicat;
Que la définition du mot "salarié" appliquée au
gouvernement soit aussi appliquée aux salariés des entreprises
privées afin d'exclure les personnes dont l'emploi est confidentiel;
Que les cartes de membres soient annexées à la
requête en accréditation lorsqu'elle est adressée au
commissaire du travail;
Que les employés soient avisés du dépôt d'une
requête et qu'il leur soit possible de faire des représentations
sur cette demande -je parle de requêtes en accréditation;
Qu'il y ait un vote instantané dans les cinq jours de la
réception de la requête sur l'opportunité de cette
requête, comme cela se fait en Nouvelle-Écosse;
Que les votes de grève soient supervisés par le
ministère et que la grève ne soit permise que si elle
représente le désir d'une majorité de salariés;
Qu'en cas de grève, l'employeur puisse prendre les moyens
nécessaires pour assurer la protection et l'entretien de ses meubles et
immeubles;
Que les délais d'appel soient raccourcis en permettant l'appel de
piano au Tribunal du travail.
En conclusion, M. le Président, à la page 28, la chambre
recommande que les présomptions sur le refus d'embauche demeurent sous
leur forme actuelle, c'est-à-dire qu'elles soient limitées
à une personne membre ou officier d'une association et non pas
élargies à une personne à cause de l'exercice d'un droit
résultant du code, que les pratiques syndicales visées soient
clairement définies et limitées, que les nouvelles mentions de
mesures discriminatoires et de représailles soient enlevées, que
l'accréditation ne soit accordée qu'à l'association
regroupant la majorité absolue des votes des salariés
visés par une requête, que l'article 32 ne soit pas modifié
pour s'assurer que le commissaire du travail tienne enquête en
présence de l'employeur sur toute question relative à
l'unité de négociation, que l'arbitrage des différends et
le contenu d'une première convention collective soient laissés
aux bons soins d'un conseil d'arbitrage, que le conseil d'arbitrage puisse
décider du contenu de la première convention collective si les
négociations ne sont pas poursuivies avec diligence ou bonne foi, que
les délais soient réduits en augmentant le nombre d'arbitres
disponibles au ministère, et nous soulignons cette recommandation
qu'aucune modification ne soit apportée à l'article 109.1.
M. le Président, en terminant, lors de son témoignage, le
président de la Fédération des travailleurs du
Québec, M. Louis Laberge, a eu les propos suivants, ou à peu
près... Je n'ai pas vu la transcription, mais je les ai entendus au
moment où ils ont été formulés. Il a dit: Je n'ai
jamais entendu la chambre de commerce recommander à ses membres de
respecter les lois du travail, ou à peu près. Je ne veux pas
être trop précis parce que, encore une fois, je n'ai pas vu la
transcription. Je tiens à signaler que nous avons apporté
à cette fin un document annexe à notre mémoire qui est un
rapport que nous avons produit l'an dernier sur la responsabilité
sociale de l'entreprise. Nous avons identifié 18 sujets
spécifiques de responsabilité sociale de l'entreprise. Nous
estimons, selon nos recherches, que c'est la seule proposition aussi
spécifique qui existe au Canada en matière de
responsabilité sociale de l'entreprise. (16 h 45)
Or, dans ces propositions, la première vis-à-vis de
l'entreprise est le respect des lois. Il y en a deux autres qui touchent
à la qualité des relations du travail dans l'entreprise. Je tiens
à signaler cela, M. le Président. Cela a été
public, cela a été dévoilé et débattu lors
de notre assemblée annuelle l'an dernier. Donc, c'est un message que
nous venons d'émettre il y a quelques mois et que nous allons continuer
d'émettre dans l'avenir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M.
Létourneau. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. Earle et M. Létourneau, je vous
remercie de votre exposé. On a été témoin des
résultats de l'expérience encore une fois. Je pense que la
dernière fois, M. Létourneau, que j'avais le plaisir de vous
avoir en face de moi à une commission parlementaire, c'était il y
a quatre ans. Vous y occupiez les mêmes fonctions. Vous appartenez au
club, je présume, des Louis Laberge et quelques autres, si vous me
permettez. Alors, je veux vous remercier de votre mémoire et souligner,
avant d'entrer dans quelques précisions sur certaines de vos demandes ou
de vos remarques, que je suis effectivement conscient que la chambre de
commerce a publié récemment un document sur la
responsabilité sociale de l'entreprise. À cet égard, ce
qui se passe chez vous, comme à quelques autres endroits au
Québec, à la fois dans le monde patronal et dans le monde
syndical, c'est une authentique recherche difficile qui s'amorce tout juste,
mais une authentique recherche de redéfinir certains
éléments de base du contrat social. Probablement que le
succès de cette entreprise, dans le monde patronal comme dans le monde
syndical, dépendra beaucoup de la capacité des parties de ne pas
toujours s'en remettre à l'État pour régler les
problèmes à leur place. Ceci dit, le cheminement n'étant
pas terminé, l'État intervient une fois de plus pour modifier,
pour la quatorzième fois en seize ans, le Code du travail - pour la
douzième fois en treize ans, je ne sais plus.
Vous avez fait quelques commentaires à l'égard, notamment,
d'une chose plus technique que je voudrais évacuer. À la
page 15 de votre mémoire, vous vous inquiétez de la formulation
de l'article 100.7 sur l'arbitre. Vous dites que l'arbitre peut poser à
un témoin les questions qu'il croit utiles. Vous dites que,
rédigé comme cela, cela voudrait peut-être dire que les
assesseurs ne peuvent pas intervenir. Il s'agit de dispositions qui ne touchent
que l'arbitrage de griefs et non pas l'arbitrage de différends. Dans la
mesure où cela toucherait l'arbitrage de différends, je
comprendrais votre inquiétude, mais cela ne touche que l'arbitrage de
griefs.
À l'égard du délai de 30 jours, à 100.0.1,
on dit: "Malgré toute disposition d'une convention collective
prévoyant un délai moindre, un grief peut être soumis
à l'arbitrage dans les 30 jours de la date où la cause de
l'action a pris naissance". À la page 16 de votre mémoire, vous
vous inquiétez de cette formulation. Si je vous disais au départ
- je ne sais pas si cela vous satisfera - que votre mémoire va
être analysé; il a déjà, d'ailleurs, fait l'objet
d'une analyse pour les fins de la préparation
de la commission. L'interprétation que j'en fais -
peut-être qu'il faudra le clarifier en cours de route - c'est qu'on dit
qu'on ne peut pas, par disposition contractuelle, prescrire le recours à
l'arbitrage à moins de 30 jours. C'est le sens de la disposition. Ceci
dit, peut-être qu'il faudra apporter des corrections à la
rédaction, mais, a priori, je pense que le texte est clair à cet
effet. On va quand même fouiller votre inquiétude.
À l'égard de l'arbitrage de différends, vous dites
que les délais sont causés par les arbitres du gouvernement qui
ne sont pas assez nombreux. Je dois vous dire que je suis un peu, je ne vous
dirai pas étonné, mais là-dessus vous faites front commun
avec le Conseil du patronat, ce qui n'est pas toujours constant. Vous
réclamez presque qu'on augmente les effectifs gouvernementaux dans
certains secteurs. Est-ce que ce n'est pas plutôt le problème de
la jonction des horaires compliqués qui fait qu'il y a des
délais? Il y a un tribunal d'arbitrage, donc, en pratique, le
président ne peut pas siéger sans les deux autres. Il ne peut pas
siéger non plus s'il n'entend pas les parties, par
définition.
Les parties, au départ, on le sait, que ce soient les procureurs
patronaux dans les plus grandes entreprises qui font affaires avec des gros
bureaux d'avocats, que ce soient les syndicats qui utilisent des permanents
syndicaux, on sait qu'au départ, il y a des problèmes de jonction
d'horaires. Ces problèmes ne sont, évidemment, pas
simplifiés quand il y a, en plus de cela, un arbitre patronal et un
arbitre syndical qui, eux, ont aussi des carnets de commandes compliqués
et qui ont aussi des problèmes d'horaires sérieux.
À moins qu'on ne soit naïf, il faut se dire qu'on va
diminuer les délais parce qu'il y a moins de monde dans le puzzle et
que, à toutes fins pratiques, l'arbitre unique pourra siéger sans
l'assesseur dans la mesure où il avise l'assesseur qu'il doit être
présent. Il ne vient pas, mais ça ne doit pas empêcher le
processus.
Je vous soumets ça comme réflexion; je pourrais
peut-être vous entendre là-dessus. Je pourrais faire le tour
rapidement et vous pourriez reprendre. Je crois que ce serait plus rapide comme
ça.
Je vous poserais la question: Pourquoi voulez-vous conserver le
critère de bonne foi dans la première convention collective, par
opposition à l'improbabilité des parties d'en arriver à
une entente?
J'ai pris bonne note, hier, après lecture, de vos
considérations sur les dispositions "antiscabs". À l'égard
de l'article 100.2.1, au sujet des irrégularités de
procédure, je vous dirai que notre intention -l'on vérifiera
quant à la rédaction - est bel et bien de ne couvrir que les
vices de forme et non pas la prescription, c'est-à-dire de ne pas
toucher aux délais.
Sur les recommandations de la Chambre de commerce du Québec...
D'abord, l'article 108 interdit, en ce moment, le ralentissement à
l'association syndicale. Je ne disconviens pas du fait qu'on n'assimile pas
ça à "grève" dans le code, c'est exact, et que le
ralentissement devient donc sanctionnable de deux façons. À cause
de l'article 108, d'une part, il y a une plainte pénale qui est
possible; deuxièmement, il y a les recours devant les tribunaux
réguliers, mais on ne le conseille à personne pour toutes sortes
de raisons.
Quant à la définition de "salarié" à
l'égard de la confidentialité, c'est un débat, je pense,
qui dure aussi depuis un certain nombre d'années. Je prends en
considération vos préoccupations à cet égard. Je ne
peux pas dire qu'on retiendra nécessairement votre suggestion, mais,
dans la mesure où le fait de la confidentialité à
l'égard des unités d'accrédiation est impliqué,
quand on regardera la définition de l'unité
d'accréditation, il faudra peut-être être sensible aux
conséquences de certains des articles du code ou du projet de loi.
Je prends aussi bonne note du fait que vous formez consensus avec la FTQ
et le Conseil du patronat pour que l'original de la demande
d'accréditation soit accompagné des cartes, ce qui, a priori,
selon tous les intervenants qui vous ont précédés, serait
sûrement de nature à diminuer les délais.
Quant à l'avis à l'employeur qu'il y a eu
dépôt d'une requête, je vais revérifier. Quant au
vote instantané, je remarque que vous partagez l'opinion du Conseil du
patronat.
À l'égard de l'entretien pendant la grève, je pense
que l'article 109.3 le prévoit dans la mesure où il dit que
l'employeur peut prendre toutes les mesures nécessaires pour la
protection matérielle. C'est bien.
Voilà, j'ai fait le tour de l'ensemble des dispositions sur
lesquelles j'aimerais vous entendre tantôt répondre, tantôt
réagir.
M. Létourneau: Concernant la disponibilité des
arbitres - enfin la question des arbitres - nous avons entendu les
témoins précédents qui ont concordé dans le
même sens que nous, à savoir que leur expérience
n'était pas que ce soit tellement abusif, que ce soit la principale
cause des délais. Qu'il y en ait, nous en convenons, sauf que la
façon dont on s'y prend et les conséquences de n'avoir qu'un
arbitre nous apparaissent assez conséquentes pour les employeurs, d'une
part. D'autre part, ceux qui sont quotidiennement dans le domaine des relations
du travail nous disent qu'en fait c'est cela qui est un grand problème,
le manque d'arbitres.
D'ailleurs, au dernier sommet économique, plusieurs parties
s'étaient entendues sur ce point. Cela avait été
convenu et avait été l'objet de notre démarche
lorsque nous avons convenu qu'il devrait y en avoir plus. On confie à
ces gens-là les questions dont on parle ici mais aussi beaucoup d'autres
sujets. Il semble que ces personnes soient surchargées. Que cela
amène quelques employés de plus à l'État, c'est de
bonne guerre, M. le ministre, que vous nous retourniez cet argument. Nous
sommes évidemment des gens qui demandent de diminuer au maximum les
dépenses publiques. Nous convenons qu'il y a des situations où,
pour l'efficacité du fonctionnement du système, il faut en
ajouter. Il y a beaucoup d'autres endroits où on pourrait en
retrancher.
Le problème de mettre moins de monde - comme vous le dites - dans
le puzzle... D'après notre analyse, ce n'est pas sûr qu'avec les
dispositions qu'on voit dans le projet de loi, on arrive à des
diminutions de délais si on n'ajoute pas au nombre des arbitres.
Vous nous dites qu'à 102.1, l'intention du gouvernement est de ne
couvrir là que les vices de forme. C'est bien ce que j'ai compris.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Létourneau: Donc, aucun grief ne doit être
considéré comme nul ou rejeté pour vice de forme. Vous
ajoutez "ou irrégularité de procédure". C'est bien ce que
je lis dans l'article 102.1.
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.
M. Létourneau: Cela nous semble dépasser...
D'abord, vices de forme, cela couvre passablement de choses. Aller
jusqu'à ajouter irrégularité de procédure, il nous
apparaît que cela laisse beaucoup de latitude pour accepter à peu
près n'importe quoi. C'est notre perception, c'est notre
interprétation.
Nous suggérons donc, si vous voulez qu'il existe des
règles de procédure vraiment et qu'on s'y tienne, que
l'employeur, par exemple - je ne dis pas que cela ne pourrait pas arriver
à la partie syndicale non plus -ne se voie pas pris dans des situations
d'être devant des requêtes, des réclamations longtemps
après les délais prévus ou dans des formes absolument
inusitées ou inattendues.
Vous nous dites: 108 interdit déjà le ralentissement. Nos
experts qui ont examiné la question nous amènent, enfin
interprètent les nouvelles dispositions et les anciennes comme
n'étant pas suffisantes pour vraiment protéger l'employeur ou
permettre à l'employeur des recours lorsqu'il y a des ralentissements de
production qu'on sait volontaires et qui pourraient être
démontrés comme étant volontaires, qu'ils soient
causés par des employés syndiqués ou non.
Vous hésitez à répondre favorablement à
notre requête concernant la même définition de
"salariés" pour l'entreprise privée que pour le secteur public.
Nous serions tentés de dire, M. le ministre, que, si cette situation se
continue, c'est encore une fois une situation de deux poids deux mesures. Le
gouvernement, lorsqu'il efface ses propres lois, lorsqu'il voit que cela
l'embête un peu trop, se crée des employés confidentiels,
mais ne semble pas comprendre que le même problème puisse exister
dans l'entreprise privée. Il se refuse donc à nous accorder, aux
gens de l'entreprise, les mêmes - je ne dirais pas privilèges ou
avantages -conditions d'opérations que celles qu'il se donne
lui-même, lorsqu'il est vraiment dans une situation où il estime
que cela ne pourrait pas fonctionner ou que cela n'a pas de sens de ne pas
considérer certains employés comme ayant une fonction
confidentielle. (17 heures)
Je souligne simplement, par exemple, que, dans l'entreprise
privée, les gens qui font la paie, les gens qui travaillent sur les
ordinateurs et qui ont accès aux listes de prix ou à des secrets
de fabrication ou à des choses semblables il y a des tas de gens qui ont
accès à des renseignements très confidentiels pour
l'entreprise parfois, on ne peut s'empêcher de les considérer
comme des personnes syndiquées.
Concernant l'avis de dépôt d'une requête, je ne sais
pas si on s'entend bien, si je parle du même article, mais je me
réfère à cet article où nous demandons que les
employés, dans le cas d'une accréditation, soient mis au fait
qu'il y a une requête en accréditation et le soient
immédiatement.
Vous dites que l'article 109.3 prévoit déjà
l'entretien; M. Earle a quelques commentaires là-dessus, M. le
Président.
M. Earle: La clause actuelle dit que l'application de l'article
109.1 ne peut avoir pour effet d'empêcher un employeur de prendre, le cas
échéant, les moyens nécessaires pour éviter la
destruction ou la détérioration grave de ses biens meubles ou
immeubles. La suggestion que nous avons apportée est celle que nous
pensons que les mots "protection et entretien de ses immeubles" sont un petit
peu plus raisonnables que ceux "d'éviter la destruction totale".
Notre idée est de protéger l'emploi parce qu'on pense que,
finalement, la grève va se terminer. Au lieu de dire qu'on a le droit de
se protéger contre la destruction de l'usine, d'après ce que nous
pensons, ce n'est pas très raisonnable... Nous pensons que,
raisonnablement, cela veut dire qu'on peut entretenir notre usine et notre
équipement. Je pense que le point est raisonnable.
M. Johnson (Anjou): Si vous avez un syndicat d'entretien, M.
Earle, cela veut dire qu'il ne peut pas profiter des dispositions de l'article
109.
M. Earle: Oui, mais vous savez très bien, M. le ministre,
que, dans presque tous les cas de grève, il y a des dommages. Je peux
vous parler de la nôtre où les dommages ont été de
plus de 1 000 000 $ pour une grève de deux ou trois semaines. Cela
arrive presque tout le temps. Je parle de quelque chose, d'une situation
actuelle qui existe presque constamment. Nous ne demandons pas quelque chose
qui n'est pas raisonnable. Vraiment, finalement, on veut protéger
l'emploi des personnes qui sont en grève.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Earle. M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, seulement pour faire
suite, et je pense que je vais terminer là-dessus. À
l'égard de l'article 102, sur la question des vices de forme et des
irrégularités de procédure, on me dit qu'il y a une
jurisprudence constante qui dit que la notion d'irrégularités de
procédure ne peut impliquer une action sur les délais de
prescription. Donc, à cet égard, je réponds à une
partie de vos préoccupations, non pas à toutes, je n'en
disconviens pas. On couvre les vices de forme et les
irrégularités de procédure qui ne peuvent pas entacher le
fond, si on veut. La notion d'irrégularités de procédure
n'implique pas qu'on a un effet d'agir sur les délais. Je voulais
simplement vous rassurer quant à cela au sujet de la jurisprudence.
J'aimerais vous entendre une dernière fois et, cette fois, sur la
notion de confidentialité et sur les exemples que vous avez
donnés. Il est vrai que cette exclusion existe dans l'État. Mais
l'État applique de façon automatique, en vertu d'autres lois et
d'autres dispositions, des conditions de travail absolument identiques. C'est
ce qu'on appelle le personnel syndicalisable non syndiqué dans la
fonction publique.
Votre préoccupation, je peux la comprendre dans la mesure
où la jurisprudence québécoise est peut-être moins
restrictive pour la protection de la confidentialité que ne l'est la
jurisprudence ontarienne, par exemple, qui a tendance à identifier plus
clairement et plus fréquemment des postes dits "confidentiels".
Cependant, est-ce qu'en soi le fait d'être syndiqué - c'est tout
le problème - met la personne qui est dans une situation de
confidentialité dans une position potentielle de conflit
d'intérêts? Qu'est-ce qu'on fait pour les employés qui
seraient syndicables non syndiqués dans le secteur privé? Dans
l'État, c'est très clair. Il le fait en vertu des lois et en
vertu de ses conventions collectives et de la pratique. C'est vrai pour tous
les hôpitaux. C'est vrai pour toutes les commissions scolaires. C'est
vrai pour le gouvernement lui-même. Par exemple, les employés au
bureau du sous-ministre du ministère du Revenu ou les employés de
la direction du personnel des ministères ou des établissements,
qui sont exclus des certificats d'accréditation pour des raisons de
confidentialité, ont exactement les mêmes conditions de travail
que les tâches dites "assimilables". L'État peut régler
cela parce qu'il est en même temps l'employeur. Il peut s'engager
à le faire. Comment voyez-vous qu'on pourrait l'appliquer dans le
secteur de l'entreprise?
M. Létourneau: J'ai bien l'impression, M. le
Président, qu'en pratique il va se passer là ce qui se passe pour
les autres catégories d'employés qui ne sont pas syndiqués
et qui, en général, dans l'entreprise, ont des conditions de
travail comparables, compte tenu de leurs fonctions, à celles qui sont
accordées à la partie des employés qui sont
syndiqués. Je ne pense pas qu'il y ait des distorsions atroces ou,
enfin, qu'il y ait des demandes de gens en ligne à la porte du
ministère à n'en plus finir, pour essayer de régler les
cas des gens qui ne sont pas présentement syndiqués. D'ailleurs,
le droit de se syndiquer existe pour ceux qui ne le sont pas. J'ai l'impression
que, dans une entreprise où il y a du personnel syndiqué et du
personnel non syndiqué, le personnel non syndiqué, en
général, reçoit, de la part de l'employeur, un traitement
et des conditions qui se comparent, compte tenu des fonctions, à ce qui
existe pour les employés syndiqués. Je pense que l'entreprise qui
ferait autrement court après des problèmes. En
général, j'ai l'impression que ce qui se passe est que ces
employés reçoivent un traitement comparable.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Vous répondez, je pense, en
partie à ma préoccupation...
M. Létourneau: En pratique.
M. Johnson (Anjou): ...au niveau de la pratique du marché,
finalement. J'ai une autre préoccupation quant à la notion de
confidentialité, cependant. C'est le fait que, dans les secteurs public
et parapublic, de plus en plus, on assimile à du personnel
"confidentiel" celui qui est directement relié aux questions de
relations patronales-ouvrières. Vous citiez, à titre d'exemple de
fonction confidentielle, tout à l'heure, celui qui a accès
à l'informatique, à des brevets, à des
procédés d'invention particuliers, mais le fait qu'il soit
syndiqué ou non ne règle pas le problème. Je comprends,
par exemple,
que le comptable qui s'occupe de produire les chiffres pour
l'entreprise, pour la stratégie de négociation, vous pose un
autre type de problème. Je comprendrais que vous disiez que lui, vous ne
voulez pas le voir dans le syndicat parce que c'est lui qui fabrique les
chiffres pour savoir si vous offrirez 6% ou 8% l'an prochain. Je comprends
cela. Mais, à l'égard des procédés de fabrication
et d'autres choses de cette nature, j'ai visité à
Saint-Hyacinthe, il y a quelques années, une très grande
chocolaterie - dont j'oublie le nom, Comat ou quelque chose comme cela -
où ils ont un procédé secret pour la fabrication d'un
produit européen sur le marché. Les trois personnes qui
travaillent dans cette partie de l'entreprise peuvent être
syndiquées, mais elles sont soumises à des obligations
particulières, à des clauses pénales très
spécifiques, à un engagement solennel et tout cela pouvant
être sanctionné par les tribunaux, en termes de
responsabilité et même d'injonction. Alors, ils ont trouvé
les moyens de le faire.
Je distingue cela vraiment, en termes de confidentialité sur les
contenus du travail, par opposition à une présence dans un groupe
qui est relié aux relations du travail dans l'entreprise. Je ne sais pas
si...
M. Létourneau: M. le Président, nous convenons que
ceux qui sont reliés à la stratégie des relations du
travail dans une entreprise, effectivement, devraient être
considérés comme des personnes ayant accès à une
confidentialité qui ne doit pas être brisée. Nous avons
été témoins, depuis quelques années, d'un
comportement que nous avons beaucoup de difficulté à comprendre
dans les situations de grève, mais qui, néanmoins, existent de la
part des salariés en grève. C'est celui, au moment de la
grève, de vouloir faire en sorte, à un moment donné, que
le public... En quelque sorte, on dirait un mouvement suicidaire de vouloir
détruire l'entreprise qui les emploie. L'exemple qui me vient à
l'esprit à ce moment-ci - j'aurais dû me documenter à cet
effet - c'est la dernière grève à la Presse. Il y avait
des gens qui disaient: N'achetez pas la Presse, ce n'est pas bon, etc.
C'étaient des salariés en grève qui ne voulaient pas qu'on
utilise le produit et qui insistaient auprès du public pour que ce
produit ne soit pas utilisé ou qu'on refuse le produit ou le service
fourni par l'entreprise. Si, dans des conditions semblables, des
salariés, membres d'une unité de négociation, font partie
de ce groupe qui adopte un comportement que nous trouvons suicidaire, il peut
s'exercer sur eux des pressions très fortes pour donner à la
partie qui organise cette stratégie beaucoup plus d'arguments et
d'outils plus efficaces pour arriver à cette fin. C'est un aspect
où nous pensons que des gens qui ont accès à de la
documentation confidentielle ne devraient pas être soumis à de
telles pressions. Ils ne devraient pas faire partie de l'unité de
négociation, surtout à des moments où, par une
espèce d'aberration, à cause de la frustration, on adopte des
comportements de ce genre. C'est tout simplement prévenir
l'intégrité de l'entreprise. C'est une demande qui, à
notre avis, encore une fois, ne nous semble pas déraisonnable puisque
l'État lui-même y a recours et considère qu'il doit le
faire. Alors, nous aimerions que l'entreprise puisse y avoir accès.
C'est simplement une mesure d'équité, à notre point de
vue.
M. Johnson (Anjou): M. Létourneau, je vous remercie.
Évidemment, le Code du travail a ses limites et ses contraintes pour
l'entreprise, je n'en disconviens pas, dans bien des cas. Mais il ne peut pas
réglementer les comportements et...
M. Létourneau: Non, non, ce n'est pas non plus ce qu'on
demande.
M. Johnson (Anjou): Je pense que beaucoup des choses que vous
évoquez relèvent peut-être des comportements chez certains
individus bien que les mettre à l'abri ou les exclure de la
syndicalisation, en termes de nombre, cela poserait peut-être moins de
problèmes. Mais je pense qu'en termes de comportement, c'est le
comportement.
M. Létourneau: Vous comprenez, M. le Président, que
nous voulons faire de la prévention.
M. Johnson (Anjou): Quand vous dites des gens qu'ils ont une
espèce d'instinct suicidaire à vouloir tuer leur entreprise, je
dirai que je comprends que, à l'occasion, des travailleurs incitent les
citoyens de l'environnement ou les gens qui consomment le produit de
l'entreprise contre laquelle ils font une grève à ne pas acheter.
Qu'est-ce qu'ils font? Dans le fond, ils essaient d'exercer leur rapport de
forces sur le plan économique. Quand cela va jusqu'à la
destruction, je suis d'accord avec vous que c'est une autre paire de manches.
Mais, pour moi, cela vient d'un comportement qui est peut-être
suicidaire, mais c'est un comportement.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de...
M. Johnson (Anjou): Merci, M. Létourneau.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Malgré les délais très courts
qui vous ont été impartis, vous avez quand même su, dans
votre mémoire, dégager des principes importants ainsi qu'attirer
notre attention sur des points techniques.
J'ai une première question à adresser à M.
Létourneau. Vous mentionnez que la Chambre de commerce du Québec
regroupe plus de 200 chambres de commerce locales et associations similaires
qui comptent tout près de 40 000 membres au Québec. De plus,
environ 3100 entreprises, grandes et petites, adhèrent directement
à la Chambre de commerce du Québec. Cela rejoint combien
d'employés?
M. Létourneau: Combien d'employés? M. Paradis:
Oui.
M. Létourneau: Nous n'avons que des estimations sommaires
pour le moment parce que nous avons - et tout dépend comment nous
faisons ce calcul - d'abord une trentaine d'associations d'employeurs membres
plus, évidemment, environ 3050 ou 3070 entreprises de toutes tailles.
Nous avons trouvé très difficile de déterminer le nombre
d'employés parce que ce qui n'est pas facile à déterminer
quand on parle d'employés, c'est la notion d'employé permanent et
d'employé temporaire. Néanmoins, nous pouvons dire qu'il y en a
plusieurs centaines de milliers et certainement au-delà de 500 000. (17
h 15)
Nous n'avons pas de calcul très précis. Si nous
additionnons, comme certains le font, les employés permanents, les
employés temporaires, le nombre d'employés de chaque employeur
dans chaque association membre, il est possible que nous atteignions des
chiffres beaucoup plus grands. Nous n'avons pas voulu risquer de chiffres sur
ce point parce qu'il est extrêmement difficile d'en faire la
vérification. Nous avons demandé des informations au
gouvernement, nous en avons même demandé à nos membres.
Comme ils ne sont pas obligés de nous fournir l'information, parfois
nous l'avons et parfois nous ne l'avons pas; c'est une information qui, ces
temps-ci, fluctue drôlement. Je ne voudrais pas risquer un chiffre trop
précis, mais seulement un ordre de grandeur.
M. Paradis: Est-ce que vous avez un aperçu du taux de
syndicalisation, du pourcentage de syndicalisation dans les entreprises
membres?
M. Létourneau: Nous croyons que, chez nos membres, le taux
de syndicalisation est plus élevé que la moyenne du secteur
privé.
M. Paradis: Ma prochaine question s'adresse à M. Earle.
Vous avez parlé, M.
Earle, du droit de grève et du droit de lockout en
parallèle et vous avez parlé de déséquilibre
à ce niveau. Comme employeurs, vos membres, les gens que vous
représentez, ont quand même un droit de lock-out, le droit de
mettre la clé dans la porte. Dans les dispositions antibriseurs de
grève, finalement, on ajoute des mécanismes à un principe
qui avait déjà été discuté, sur lequel vous
aviez déjà fait des représentations. La nature de ce
déséquilibre...
M. Earle: Le problème que nous voyons se trouve à
l'article 109.1f, où l'employeur n'a même pas le droit de faire
travailler les cadres qui ne sont pas syndiqués quand il y a un lock-out
ou une grève. Nous pensons qu'avec le projet de loi qui est
présenté il y a un déséquilibre. Par exemple, quand
les négociations commencent, à la fin d'un contrat, comme vous le
savez probablement très bien, on a souvent des problèmes - je ne
parle pas de mon entreprise, je laisse cela de côté, je parle en
général - comme des arrêts de travail, des ralentissements
de travail. À un certain moment, il n'est plus rentable de faire
fonctionner l'usine. La seule chose que l'employeur peut faire à ce
moment-là - il perd de l'argent parce que l'usine fonctionne à
30% ou à 40% de sa capacité - c'est de faire un lock-out. Il n'a
aucun autre choix pour protéger son entreprise. Il fait un lock-out,
mais il n'a pas le droit de faire travailler les cadres ou les personnes non
syndiquées à certaines choses qui sont très importantes
pour nous et pour d'autres employeurs. L'équilibre n'existe plus. C'est
dans ce sens que nous avons parlé de déséquilibre.
M. Létourneau: II y a non seulement ces situations que
vient d'expliquer M. Earle, mais aussi l'exaspération de l'employeur
vis-à-vis de l'attitude de la partie syndicale qui l'inciterait à
faire le lock-out. Avec les conditions qu'on a là, il se pénalise
tellement que ce recours est beaucoup moins valable pour lui. Cela le
pénalise beaucoup plus et, à ce moment-là, cela devient
illusoire comme véritable mesure d'équilibre.
M. Paradis: Dans le chapitre où vous traitez des
modifications des règles de l'accréditation, vous parlez
d'acquiescement automatique à une unité de négociation.
Vous parlez d'employeurs de PME qui seront pris au dépourvu car ils
auront quinze jours. Vous parlez du délai de réception de la
requête pour communiquer leur désaccord, sinon ils seront
présumés avoir donné leur accord. Est-ce qu'un dirigeant
de PME n'a pas suffisamment de temps, en quinze jours, pour réagir quand
cela arrive?
M. Létourneau: M. le Président, je pense que tous
ceux qui connaissent les
relations du travail savent comment, dans une première
accréditation, la définition de l'unité de
négociation est importante. La plupart des PME - moi, je dirais la
totalité -sont formées de gens qui n'ont pas d'expérience
dans les relations du travail. Lorsque cette question survient, c'est vraiment
la panique pour la plupart parce que, primo, ils n'ont pas la connaissance du
sujet et, secundo, on se rend compte que, par des appels qui nous sont faits
fréquemment chez nous par des membres, ils n'ont même pas la
connaissance des gens qui sont spécialistes en la matière. Ils ne
savent même pas où les trouver. Ils nous appellent et nous
demandent si on connaît un bon avocat dans ce domaine. Ils ne savent
même pas faire la différence entre un spécialiste des
relations du travail du côté syndical et du côté
patronal. Je ne veux pas les blâmer. Que voulez-vous? Ils n'ont jamais
été placés face à des problèmes semblables.
Évidemment, on peut toujours essayer de les aider, mais le temps
d'entrer en contact, d'expliquer la situation, de connaître le
problème de l'entreprise, son fonctionnement, etc., de réagir
à la proposition de l'unité de négociation qui lui est
fournie...
En plus de cela, bien souvent, je dois vous dire que l'employeur de PME
va reculer devant les frais considérables que signifie pour lui le fait
d'aller chercher cette expertise. D'abord, parce qu'il faut la trouver et,
quand on la trouve, on s'aperçoit, parce que la bonne expertise dans ce
domaine est relativement rare, qu'elle est assez coûteuse. Il n'est pas
habitué à ces frais et, tout à coup, il se voit
placé devant le fait d'être obligé de payer des honoraires
très onéreux. En tout cas, il n'est pas habitué à
cela et il hésite. Il va essayer de marchander un peu. Finalement, c'est
la panique. Nous pensons qu'il devrait y avoir plus de délai pour sa
capacité de réaction à la question de l'unité de
négociation.
M. Paradis: À la page 10, au dernier paragraphe, vous
dites ce qui suit: "Auparavant, en présence de deux associations,
l'association qui avait droit à l'accréditation était
celle qui obtenait la majorité absolue des voix des salariés de
l'employeur. En ne respectant pas l'esprit du code actuel, on se retrouvera
avec des syndicats pouvant représenter 26% ou 30% des salariés
visés par une accréditation. Ceci contredit l'article 3 du code
qui stipule que "tout salarié a droit d'appartenir à une
association de salariés de son choix". Les libertés individuelles
sont brimées car, si plusieurs groupes de salariés manifestent
l'intention de se syndiquer, chacun avec le syndicat de son choix,
l'accréditation leur sera automatiquement imposée. Pourtant, la
majorité des salariés refuseraient peut-être toute
accréditation plutôt que de se retrouver avec un syndicat
indésirable."
C'est une affirmation importante quant au principe fondamental du Code
du travail... Les droits des individus...
M. Létourneau: Effectivement, nous croyons que c'est
très important. J'avais dit, dans ma présentation, que j'avais
justement une question. Nous avons écrit ici 26%. On aurait dû
écrire 25% plus 1%. On l'a fait par prudence, parce qu'on a l'impression
que cela peut être pire encore. Là-dessus, j'aimerais avoir
l'interprétation que peuvent en faire les responsables ici ou, enfin,
ceux qui connaissent à fond la législation.
Je reprends l'article 37.1b, qui se lit comme suit... Enfin, je vais me
passer des lectures parce que vous connaissez cela beaucoup mieux que nous.
Mais le paragraphe b dit ceci: "lorsqu'il y a plus de deux associations en
présence, tenir un nouveau scrutin sans la participation de celle qui a
obtenu le plus petit nombre de voix et, s'il n'y a plus que deux associations
en présence, accréditer celle qui a obtenu le plus grand nombre
de voix."
Je vais faire une hypothèse et j'aimerais qu'on me dise ce qui va
se produire dans cette hypothèse. On tient un vote et il y a 51% ou
à peu près, disons, il y a la majorité de 52%, si vous
voulez. Mais, enfin, disons 51%. On va pousser l'exemple au maximum. Il y a 51%
des travailleurs qui enregistrent leur vote pour chacune des trois associations
qui demandent d'être accréditées. Le résultat de ce
vote est 18% pour la première, 17% pour la seconde et 16% pour la
troisième, ce qui fait un total de 51%. Il y a eu chez nous divergence
de vues quant à l'interprétation et nous avons fait
l'hypothèse... Je vais vous dire quelle hypothèse on a fait.
D'abord je pose la question: Est-ce possible que, dans un cas semblable, les
16% soient éliminés et, puisqu'il n'en reste que deux, que celui
qui a le plus grand nombre, soit 18%, soit accepté et forme le syndicat
qui accrédite toute l'unité de négociation?
Je pense que c'est une interprétation qu'on peut donner à
l'article 37,1 b. Dans ce cas, on ne parlerait même pas de 25% plus un,
on parlerait de la possibilité pour 18% des salariés de
l'unité de négociation de pouvoir obtenir
l'accréditation.
M. Johnson (Anjou): Dans votre exemple, vous dites qu'il y a
trois associations au départ?
M. Létourneau: Comme c'est prévu à l'article
b qui dit: Lorsqu'il y a plus de deux associations. Disons qu'il y en a
trois.
M. Johnson (Anjou): Vous dites: il y en a trois. L'unité,
c'est 100 personnes.
M. Létourneau: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): II y en a 49 qui vont jouer au golf.
M. Létourneau: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): II y en a 51 qui décident de
voter.
M. Létourneau: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Sur les 51 qui votent, ils se divisent...
Qu'est-ce que vous dites...
M. Létourneau: 18%, 17% et 16%.
M. Johnson (Anjou): 16%, 17% et 18%. Cela tombe bien.
M. Létourneau: Excusez-moi, M. le Président. Il peut y
avoir autre chose que jouer au golf. Il peut aussi y avoir des annulations de
vote.
M. Johnson (Anjou): Oui, je comprends. M. Létourneau:Très bien.
M. Johnson (Anjou): Bref, ils ne votent pas ou le vote est
invalide.
M. Létourneau: Ils vont le rendre invalide parce qu'il n'y a pas
de possibilité de dire qu'on ne veut pas de syndicat sur le
bulletin.
M. Johnson (Anjou): On dit: lorsqu'il y a plus de deux
associations en présence, tenir un nouveau scrutin sans la participation
de celle qui a obtenu le plus petit nombre de voix. On tient un deuxième
vote. Ce que vous me dites, dans votre hypothèse au deuxième
vote, combien de personnes vont voter au deuxième vote? Encore 51%.
M. Létourneau: Je retiens ici, à la lecture de
b...
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Létourneau: ...qu'il est techniquement possible... Il y
en a plus que deux, on a tenu un scrutin, on a éliminé celle des
16%. Donc il n'y en a plus que deux.
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.
M. Létourneau: Alors, accréditer celle qui a obtenu
le plus grand nombre de votes. Donc, c'est celle qui a 18% qui obtient
l'accréditation.
M. Johnson (Anjou): Au deuxième tour, vous faites bien de
le souligner, dans la mesure où ce n'est pas absolument limpide, mais il
va falloir s'entendre sur ce qu'on veut. Il y a un deuxième tour et il
se fait entre les deux gagnants. Regardez le congrès conservateur en fin
de semaine, c'est un peu de même que cela se passe.
M. Létourneau: M. le Président, dans le concret, il
se passe la situation suivante: D'abord, dans l'hypothèse que j'ai
soulevée, il y en a souvent un bon nombre qui n'en veulent vraiment pas.
Ou ils ne vont pas voter ou ils annulent leur vote. Ce n'est peut-être
pas tous les cas mais on veut évidemment - si cela va s'appliquer dans
l'avenir - bien prévoir ce qui se passera. Disons que cette
hypothèse se réalise. Est-ce que nous devons présumer que
l'intention gouvernementale est qu'à chaque fois qu'il y a un vote, il y
ait 51%, et, quand il n'y en a plus que trois, lorsqu'il n'en reste que deux,
on reprend le vote et il faut encore qu'il y en ait 51% qui se prononcent? (17
h 30)
M. Johnson (Anjou): Notre objectif, c'est de faire en sorte qu'on
s'assure non pas, qu'il y a 51% à l'association qui sera
accréditée - elle pourrait avoir moins de 51% - mais qu'on
s'assure que plus de 50% des travailleurs ont exprimé leur désir
d'avoir une association de salariés, celle qui a la majorité dans
la mesure où il y a une pluralité d'expression, une
majorité absolue d'expression de voix, non pas en faveur d'un syndicat,
mais en faveur du fait d'avoir un syndicat. C'est le syndicat qui a la
pluralité des voix.
M. Earle: M. le ministre, s'il y a trois groupes qui votent, et
que le total est 51%, c'est possible que les 49% qui n'ont pas voté ne
veuillent pas de syndicat. Si, dans les 51% - on va continuer avec les 16%, 17%
et 18% dans ce cas - il y en a 8% de ces 16% qui ne veulent pas de syndicat,
sauf le syndicat pour lequel ils ont voté, nous avons 49% plus 8%, 57%
des gens qui ne veulent pas le syndicat, mais on en a un. On joue avec les
droits des individus. Si on retourne à la protection des droits des
individus, nous, nous proposons qu'il y ait 51% des personnes qui votent pour
un syndicat et disent: C'est celui-là qu'on veut.
M. Létourneau: Remarquez que, même si M. le ministre
nous répondait qu'à chaque vote, il en faut 51%, on ne serait pas
encore d'accord, pour la raison que vient d'invoquer M. Earle. Il y a des gens
qui préféreraient ne pas avoir de syndicat que celui pour lequel
ils n'ont pas voté. Dieu sait, on ne parle pas de ceux qui n'ont pas
voté ou qui ont annulé leur vote et qui n'en voulaient pas.
Là, on ouvre la possibilité au maintien d'un syndicat par une
faible minorité. Enfin,
on a dit 25% plus 1...
M. Johnson (Anjou): Au moins 25% plus un.
M. Létourneau: ...pour se protéger, en
présumant qu'au moins... Est-ce qu'on doit comprendre que le texte sera
précisé ou raffiné pour qu'il soit bien clair
qu'après un vote avec trois, il y aura un autre vote avec deux et que ce
vote avec deux devra réunir 51% des membres de l'unité
d'accréditation, comme c'est le cas dans l'article 37.1a?
M. Johnson (Anjou): Vous connaissez le cas classique de
Valcartier. 49,1% des travailleurs ont voté en faveur de la CSN et 49,5%
des travailleurs ont voté en faveur de la FTQ; si on additionne cela
comme il faut, cela fait 99% des gens qui ont voté et il n'y a pas de
syndicat.
M. Létourneau: Je pense qu'il n'y a rien de renversant
là-dedans parce que, connaissant ce que sont les rivalités
syndicales, il est fort possible qu'une très forte majorité de
ceux qui ont voté pour le syndicat perdant n'auraient pas voté
pour le syndicat gagnant parce qu'ils préféreraient ne pas
être représentés plutôt que d'être
représentés par l'autre.
M. Johnson (Anjou): Je ferai une remarque. Vous savez que c'est
la majorité simple parmi les votants qui est la règle dans
l'ensemble des provinces et dans le code canadien.
M. Earle: Dans ce cas, est-ce que toutes les personnes qui ont le
droit de voter ont voté ou si c'est seulement, je ne sais pas, une
quarantaine des personnes qui ont voté?
M. Johnson (Anjou): C'est la majorité des votants. C'est
le principe du scrutin qu'on retrouve, que ce soit au niveau scolaire...
M. Létourneau: Nous avons eu nos précisions. Nous
vous remercions.
M. Johnson (Anjou): Merci.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Létourneau: Je m'excuse, j'ai peut-être
dévié de la réponse à la question du
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Vous n'avez pas dévié, au contraire,
c'était dans ce sens qu'elle était dirigée.
M. Johnson (Anjou): Cela a fait avancer le débat.
M. Paradis: J'aurais une dernière question. M. Earle a
parlé du haut niveau de compétitivité. Vous avez
parlé d'attirer les investisseurs pour créer des emplois. Est-ce
que vous retrouvez dans le projet de loi qui est devant nous des
éléments favorables à stimuler l'économie -
excusez, je vais continuer ma question - à maintenir et à
créer des emplois?
M. Earle: Pas à ma connaissance.
M. Létourneau: Je peux ajouter quelque chose, M. le
Président?
Le Président (M. Blouin): Oui, certainement.
M. Létourneau: Je dois ajouter que la perception dans notre
milieu est à peu près unanime - écoutez, on n'a pas
consulté profondément, on a dit qu'on n'avait pas eu tellement de
temps, mais on a eu quand même des communications avec nos membres -
c'est que, encore une fois, voici un projet de loi en matière de
relations du travail où il n'y a rien pour l'employeur; encore une fois,
tout est pour la partie syndicale Cela ne peut faire autrement, quand c'est
connu, c'est perçu comme cela dans le milieu, que de décourager
l'esprit d'"entrepreneurship", que d'éroder la capacité pour le
Québec d'attirer ici des investissements, de retenir des investissements
et de créer des emplois, ce qui est notre objectif numéro un
actuellement. Que voulez-vous que je vous dise?
M. Paradis: J'ai peut-être...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Vu que l'adjoint parlementaire, le
député de Prévost, n'est pas là et qu'il pose
habituellement toujours la question, je vais vous la poser pour qu'elle ne soit
p?s oubliée. Les autres participants ou la quasi-totalité nous
ont mentionné qu'ils étaient prêts à s'asseoir pour
une réforme en profondeur du Code du travail. Est-ce que la Chambre de
commerce de la province de Québec a le même sentiment?
M. Earle: Après tous les changements du code que nous
avons eus dans les derniers quinze ans, que M. Létourneau a
soulignés au tout début de ses remarques, nous ne pensons pas que
ce soit nécessaire de rouvrir le Code du travail, mais, si le
gouvernement décide de l'ouvrir, nous pensons que c'est absolument
nécessaire que nous ayons des représentants sur le groupe de
"task force", le groupe de travail. On est prêt à nommer
quelqu'un ou quelques personnes.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Earle.
M. Létourneau: Si vous me permettez d'ajouter quelque
chose, M. le Président. Il est évident que nous serons là
si la question est rouverte. Nous avons trop à dire et aussi trop
à perdre. Mais vraiment je dois vous avouer que nous ne voyons pas, en
dehors des questions des secteurs public et parapublic, où il y a
évidemment problème ou il va falloir régler cela... Nous
acceptons qu'il faille revoir les règles du jeu en ce domaine, mais nous
ne voyons pas l'urgence d'une réforme complète du Code du
travail. Nous y participerons si on ouvre la question. La tendance qui a
guidé chaque amendement depuis qu'on en fait, ces dernières
années, ne nous enthousiasme pas du tout et ne nous fait pas
prévoir qu'on aura des avantages considérables à rouvrir
le code. Nous avions cru qu'on avait enfin arrêté de parler de la
fameuse question de la multipatronale; on nous promet de rouvrir encore la
question de la multipatronale. Pour nous, c'est d'une évidence à
crever les yeux qu'amener la multipatronale, c'est encore se caler, ce n'est
pas possible, et on va ramener encore l'affaire. On va y aller, on va essayer
de faire nos devoirs, on va fouiller la question, on va l'examiner sous l'angle
économique et on va apporter nos arguments encore une fois, mais il me
semble que c'est d'une évidence crevante qu'amener une proposition
semblable n'est pas à notre avantage, surtout dans le contexte actuel;
cela ne veut pas dire que ce sera mieux plus tard, mais surtout dans le
contexte actuel.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de... Oui, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Si vous permettez. Seulement une
dernière question. J'ai oublié de l'évoquer. Vous ne le
mentionnez pas dans votre mémoire. Je me demandais si vous étiez
d'accord avec cette proposition qui est faite par le Conseil du patronat
à laquelle la FTQ nous dit ne pas s'opposer, bien au contraire, celle de
la délégation de mandat pour fins de négociation à
des associations d'employeurs avec irrévocabilité des mandats. Je
m'explique, le vocabulaire est un peu technique. Le Conseil du patronat
suggère que l'on modifie le code de telle sorte que l'on puisse
reconnaître à des associations d'employeurs une formule juridique
précise pour fins de négociation à plusieurs employeurs,
évidemment sur une base volontaire.
M. Létourneau: M. le Président, nous sommes
perplexes devant cette proposition. Nous ne l'avons pas examinée chez
nous, nous ne l'avons pas approfondie, mais nous sommes vraiment perplexes.
Nous sommes opposés à la négociation sectorielle et a
priori, on se demande si des accréditations de ce genre n'y conduiraient
pas. C'est une réflexion très a priori, la question n'a pas
été débattue chez nous et nous ne pouvons nous prononcer
sur cette question à ce moment-ci.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
députée de Maisonneuve.
M. Bélanger: M. le Président, question de
règlement. J'avais demandé la parole.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
de Mégantic-Compton. J'ai bien noté que vous aviez demandé
la parole. Je vous rappelle cependant que nous appliquons
généralement la règle de l'alternance.
M. Bélanger: Oui, mais le ministre vient de terminer.
Le Président (M. Blouin): Le ministre a
effectivement...
M. Bélanger: Attendez que je sois ministre.
Le Président (M. Blouin): ...émis un bref
commentaire qui n'a pas entraîné de débat, mais je crois
qu'en toute justice, nous pourrions permettre à Mme la
députée de Maisonneuve de s'exprimer brièvement, tout en
lui rappelant, et à tous les membres de la commission, que nous mettrons
fin à nos travaux à 18 heures. En conséquence, je souhaite
que les interventions soient les plus brèves possible pour que chacun
ait le loisir de s'exprimer.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Paradis: M. le Président, que Mme la
députée de Maisonneuve parle, cela va, mais quant au principe de
l'alternance, le ministre avait posé une question et obtenu une
réponse, qui peut être satisfaisante ou non satisfaisante. Je ne
voudrais pas que cela entre dans la jurisprudence pour l'alternance.
Le Président (M. Blouin): Supposons que cela n'entre pas
dans la jurisprudence et que nous n'analyserons pas...
Mme Harel: Les considérations de procédure
étant faites, j'ai souvent l'occasion de lire les lettres que vous nous
faites parvenir, à nous les parlementaires, et j'ai eu l'occasion de
prendre connaissance de votre mémoire. Des réponses que vous
apportiez tantôt, j'aimerais savoir si vous êtes d'avis que
l'actuel régime de négociations... Vous savez, il y a eu des
plaidoyers, je ne sais pas si vous étiez présent; je pense
en particulier à l'intervention du président de la CSD qui a fait
un plaidoyer très passionné où il invoquait la
nécessité de réviser l'économie
générale du droit du travail qui en serait un de confrontation
beaucoup plus que de concertation. Tantôt vous avez dit que vous aviez
tout à perdre dans une refonte; moi, j'avais le goût de vous
demander ce que vous auriez à y gagner de vous asseoir et,
peut-être, de réviser une forme d'accès à la
syndicalisation qui a, dans certaines sociétés industrielles,
donné des résultats. Je pense à l'Autriche, par exemple.
Vous connaissez le scénario qui existe là-bas. C'est
au-delà de 87%, je crois, le taux de syndicalisation. Cela semble, en
tout cas, donner des résultats, sur le plan économique, assez
éloquents. J'aimerais savoir comment vous réagissez.
M. Létourneau: M. le Président, j'ai
conditionné la réponse tantôt lorsque j'ai dit que nous
croyons que nous aurions beaucoup à perdre dans une éventuelle
refonte très prochaine à cause des tendances qu'a amenées
chaque révision du Code du travail depuis quelque temps. Dans le sens de
la dernière, il n'y a rien là pour l'employeur, tout est pour la
partie syndicale. En tout cas, c'est notre perception. Je sais que ce n'est
pas...
Mme Harel: Mais la partie syndicale dit aussi qu'il n'y a rien
là pour elle.
M. Létourneau: Bien oui, enfin, je l'ai entendue
celle-là. C'était probablement de bonne guerre, mais enfin, je
vous assure qu'après l'avoir regardée dans tous les sens, un
observateur objectif ne trouverait pas grand-chose qui avantage l'employeur par
rapport à la partie syndicale dans la dernière réforme,
mais en tout cas! C'est dans ce sens qu'on n'est pas plus enthousiastes qu'il
ne le faut. Évidemment que nous aimerions beaucoup que l'environnement
de confrontation et de judiciarisation des relations du travail qui est
créé par le code actuel et ses complications épouvantables
soit simplifié et un peu ramené à des possibilités
de négociations plus simples. Mais nous vivons depuis plusieurs
décennies dans un environnement où c'est vraiment une culture de
confrontation dans laquelle nous sommes situés. Il semble que les lois
accentuent cela chaque fois. Si on nous disait qu'on va revoir le Code du
travail pour en simplifier les procédures et chercher des moyens de
faire pour que nous soyons moins incités à la confrontation et
que, pour ce qui nous concerne, tout ne serait pas aux dépens de la
partie patronale, de la partie employeur, et qu'on ne continuerait pas dans ce
processus de perdre des droits de gérance, des plumes et qu'on ne se
marginaliserait pas par rapport aux États ou à ceux qui nous
environnent, au Canada et aux États-Unis, dans ce sens, nous sommes
intéressés. (17 h 45)
Mme Harel: Vous me permettrez une question concernant la
situation particulière qui serait faite aux employeurs ou aux
investisseurs. Il y a eu un certain nombre d'interventions tendant à
penser que des provinces canadiennes, notamment la Colombie britannique, par
exemple, avaient une commission des relations ouvrières qui intervenait
avec un pouvoir d'ordonnance de loin supérieur aux interventions qui
pouvaient être faites ici par divers intervenants. Notamment, il
était souligné que les tactiques étaient peut-être
aussi différentes du côté des employeurs. Il semblerait que
la cessation d'emploi, par exemple, dans le cas d'une grève
légale, soit beaucoup plus fréquente dans certaines provinces
canadiennes qu'ici. Une tactique comme celle d'utiliser le recours à
l'injonction pour faire diminuer le nombre de piqueteurs est de plus en plus
utilisée et de plus en plus souvent accordée.
On a beaucoup fait état - vous devez certainement le
connaître - de tout le dossier des raffineries et des grèves qui
ont eu lieu dans les raffineries de l'est de Montréal. C'est un dossier
assez éloquent sur l'inefficacité des recours en cas de maintien
des activités même en violation du code. Vous savez sans doute que
les agents qui se présentent doivent envoyer un préavis. Par la
suite, leur rapport dépend un peu de l'envoi d'information de la part de
l'employeur, ce qui les retarde souvent indûment. Ce rapport est souvent
rendu possible bien après la résorption du conflit. Est-ce qu'il
n'y a pas aussi des tactiques qui amènent à la confrontation?
M. Létourneau: M. le Président, j'ai indiqué
que nous vivons malheureusement nos relations du travail dans un climat de
confrontation pas mal trop élevé à notre goût.
Mme Harel: Est-ce qu'il n'y a pas des employeurs qui y sont pour
quelque chose?
M. Létourneau: On nous cite l'exemple de la Colombie
britannique. Je signale qu'il peut y avoir certains bons côtés
quand on parle de grandes entreprises, mais la structure industrielle et
commerciale du Québec est très différente de celle de la
Colombie britannique. Notre caractéristique est d'avoir une très
forte proportion de PME. Je ne suis pas certain que les méthodes
utilisées en Colombie britannique seraient avantageuses au
Québec, d'une part.
La situation de l'Autriche, c'est un autre pays où on n'a pas
vécu cette culture
de confrontation. Quand je parle de culture, ce sont des attitudes
enracinées dans la tête des gens de part et d'autre. Cela
amène des comportements qu'on ne peut pas changer du jour au lendemain,
mais qu'on peut peut-être lentement modifier - comment dirais-je? -amener
vers d'autres attitudes plus convergentes.
Des projets de loi comme celui-ci, je sais que cela durcit l'attitude
des employeurs, parce qu'on se dit qu'on se fait encore arracher tout le temps,
à chaque fois, des morceaux. Toutes nos possibilités de continuer
de faire fonctionner nos entreprises sont diminuées par rapport à
ceux qui nous environnent et avec qui on est obligés d'être en
concurrence tous les jours.
De fait, nous sommes intéressés à examiner toutes
les propositions qui pourraient nous conduire à des relations du travail
plus harmonieuses. Nous serons présents et nous y participerons, mais,
encore une fois, nous voyons venir cela avec certains doutes à cause de
ce qui nous est arrivé régulièrement dans le passé,
chaque fois qu'on a présenté le problème.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Létourneau.
M. Earle: J'aurais un bref commentaire à faire, si vous me
le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. Earle.
M. Earle: Excusez-moi, Mme la députée, mais vous
avez fait une remarque qu'on ne peut laisser passer sans la clarifier. Vous
avez dit que tous les syndicats n'étaient pas satisfaits du projet de
loi et y étaient opposés. Mais moi j'étais, à ce
moment, à l'étage supérieur, lorsqu'ils ont
exprimé, l'un après l'autre, leurs applaudissements pour ce qui a
été fait. Je pense qu'on ne peut pas laisser passer une remarque
comme celle-là sans la corriger. Il y avait quelques petits points et je
pense qu'il y en a cinq ou six qui ont dit: Vous n'avez pas été
assez loin. Oui, je comprends, ils veulent obtenir davantage, comme tout le
monde.
Vous avez posé une question sur la possibilité d'ouvrir le
Code du travail et de recommencer en neuf pour essayer de trouver un meilleur
système. La seule chose qui m'inquiète un peu, c'est qu'à
chaque fois que nous donnons plus de pouvoirs aux syndicats, on voit qu'ils
n'agissent pas de façon très responsable.
Ici, au gouvernement, au cours des derniers dix-huit mois, il y a eu un
cas très particulier. Des syndiqués ont eu droit de grève
et je pense qu'ils n'ont pas exercé ce droit de grève avec
maturité. On doit faire très attention lorsqu'on entreprend une
autre chose parce que tout ce qu'on fera, ce sera de donner plus de pouvoirs
aux syndicats. Je ne vois pas que les syndicats accepteraient d'entreprendre
des négociations, des discussions et des études dans le but
d'obtenir moins de pouvoirs. J'en doute fort. Je suis personnellement inquiet
et la chambre l'est aussi. C'est sûr et certain. Mais si une étude
était commandée ou déclenchée par le gouvernement,
il est évident que nous serons là, et c'est nécessaire que
nous y soyons. Nous travaillerons très fort pour essayer de trouver les
meilleurs moyens d'agir.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Earle.
Mme Harel: M. le Président, je ne vais pas relever les
remarques d'ordre général. J'imagine que ces remarques auraient
besoin d'être nuancées, comme les miennes peut-être, et je
laisse les dernières minutes...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mégantic-Compton, pour conclure.
M. Bélanger: Merci M. le Président.
M. Létourneau, vous avez déclaré que votre
perception du projet de loi était que "c'était tout pour les
syndicats, rien pour l'employeur". J'ai l'impression que le gouvernement l'a
également compris et que le malheur est qu'il y a plus de travailleurs
que d'employeurs. Et pour leurs fins, ça les sert très bien.
Je voudrais aller à vos suggestions, à la page 26,
où il y en a une - je vous le dirai tout de suite - que je partage
à 100%, où vous demandez que le vote de grève soit
supervisé par le représentant du ministère du Travail.
Selon vous, combien, en pourcentage, aurions-nous pu éviter
d'arrêts de travail au Québec si cela avait été fait
de cette façon-là depuis, disons, les dernières dix
années? Ce qui est tout à fait démocratique, je l'ajoute.
C'est tout à fait démocratique et je pense que les syndicats
devraient adhérer à ça avec plaisir et dire: c'est parfait
venez voir de quelle façon chez nous c'est démocratique. Je pense
qu'ils seraient entièrement d'accord.
M. Létourneau: Vous me posez une question vraiment
difficile, M. le député...
M. Bélanger: Bien, elle est hypothétique, mais je
voudrais savoir, selon votre expérience...
M. Létourneau: Votre question est vraiment difficile.
C'est qu'il faudrait avoir connaissance de ce qui a conditionné chaque
vote de grève chaque fois qu'il y en a eu et que le vote de grève
a penché du côté de la grève.
Malheureusement, quelqu'un qui répondrait à
l'emporte-pièce seulement avec une impression bien superficielle
pourrait dire: Au moins la moitié. Ce serait peut-être injuste et
présumer un peu trop rapidement parce que je ne sais pas combien de
personnes ont une connaissance suffisante des conditions qui ont entouré
des votes de grève. Et comment arriver à déterminer ce
chiffre? Je ne peux malheureusement pas répondre. La seule chose que je
puisse dire, c'est que nous en aurions certainement eu beaucoup moins. Mais de
là à dire combien, je ne saurais répondre
précisément à votre question.
M. Bélanger: M. le Président, je voudrais demander
à M. Létourneau... Je crois que ce ne serait pas non plus
antidémocratique que de dire que les travailleurs, s'ils ne participent
pas au vote de grève dans une proportion de 50% + 1%, ne devraient pas
non plus avoir le droit de tenir des votes de grève. Je m'explique. Si
19% des employés membres d'une entreprise vont voter en faveur d'une
grève à 85%, ça veut dire qu'il y en a 17% qui votent.
Est-ce que cela est plus démocratique, selon vous, que de dire, par
exemple, que pour un vote de grève... C'est important, un vote de
grève, parce qu'un vote de grève veut dire qu'un employé
n'est pas satisfait de ses conditions de travail, salariales ou autres. S'il
n'a pas le courage ou, tout simplement, le désir de se rendre voter,
cela veut dire que, pour lui, ce n'est pas un conflit extrêmement
important. Selon moi, on pourrait ajouter qu'au moins 60%... Restons à
50% plus 1% des travailleurs se doivent de participer au vote de grève.
On connaît des situations où 18%, 19%, 20% des travailleurs sont
allés en réunion et ont voté pour la grève. Est-ce
qu'on peut appeler cela de la démocratie? À mon avis, ce n'est
pas de la démocratie. Et à mon avis, cela ne serait pas torturer
les travailleurs, cela ne serait pas aller à l'encontre des syndicats
que de dire aux travailleurs qui sont mécontents de leurs conditions de
travail, qui veulent les améliorer... C'est leur droit et je ne veux pas
abolir le syndicat; c'est une chose qui est là pour rester et je le
souhaite. Est-ce que cela ne serait pas souhaitable qu'on favorise une plus
grande participation des travailleurs au vote de grève?
M. Létourneau: En effet, M. le Président, nous
connaissons de multiples exemples où les situations décrites par
le député se sont produites, où, effectivement, ce sont
des minorités qui ont déclenché la grève. Mais,
encore là, le phénomène de la démocratie en milieu
syndical ou le phénomène de la démocratie n'importe
où, c'est assez délicat quand on touche à cela. Je ne
pense pas qu'on puisse toucher le fond de cette question au cours de cette
commission, ici, aujourd'hui. Je pense qu'en effet il y a grand besoin
d'introduire plus de démocratie là, parce qu'on sait quelles sont
les tactiques. C'est courant, c'est connu, c'est de notoriété
publique comment, bien souvent, on "écoeure" le monde avec des
réunions pour réussir à obtenir le vote de grève
quand on le veut de la part de la structure syndicale. Cela arrive.
Ce qui nous inquiète cependant, dans ce processus, c'est que,
comme c'est le cas chez nous, dans notre milieu, on ne voudrait pas que les
mesures qu'on va apporter nuisent à ceux qui, dans le monde syndical, se
comportent raisonnablement, parce qu'il y en a qui se comportent
raisonnablement et qui font relativement bien les choses. Comme c'est un
mécanisme délicat, cela mérite beaucoup d'attention et
d'étude lorsqu'on veut toucher à cela et amender cela. On
voudrait que cela arrive. Est-ce que c'est par de nouveaux règlements et
de nouvelles lois encore qu'on va réussir à arriver là? On
n'est pas trop certain. Sans doute que cela en prendrait, disons, qui soient au
moins équivalentes à celles auxquelles on est soumis de l'autre
côté, mais c'est un autre monde et, là aussi, il faudrait
voir quel est le comportement de ceux qui se comportent bien et si les mesures
qu'on veut amener pour éviter les abus de ceux qui se comportent mal ne
seraient pas préjudiciables à ceux qui se comportent bien.
Ayant dit cela, j'ouvre la possibilité à un examen
vraiment très attentif des mécanismes qui sont assez
délicats et, surtout si on les met dans la réglementation, il
faut y penser deux fois.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
député de Mégantic-Compton; merci, M. Létourneau et
M. Earle.
M. Johnson (Anjou): Merci de votre exposé, de votre
patience et de la précision de vos commentaires.
Le Président (M. Blouin): Merci aussi, au nom de tous les
membres de la commission, aux représentants de la Chambre de commerce de
la province de Québec. Sur ce, nous ajournons nos travaux sine die.
À ce qu'on m'a dit, nous nous réunirons demain au salon rouge,
après la période des questions, pour entendre les derniers
intervenants, et nous changerons de salle un peu plus tard.
(Fin de la séance à 17 h 59)