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Etude du projet de loi no 45 Loi modifiant le Code du
travail
et la Loi du ministère du Travail de la
Main-d'Oeuvre
(Dix heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour procéder à l'étude
article par article du projet de loi no 45 intitulé Loi modifiant le
Code du travail et la Loi du ministère du travail et de la
main-d'oeuvre.
Les membres de la commission sont les suivants: M. Bellemare (Johnson),
M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Picotte
(Maskinongé) en remplacement de M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Johnson (D'Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M.
Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Raynauld (Outremont) en
remplacement de M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce); M. Marois (Laporte);
M. O'Gallagher (Robert Baldwin) en remplacement de M. Pagé (Portneuf);
M. Roy (Beauce-Sud). Y a-t-il d'autres remplacements? M. Mercier (Berthier)
remplace M. Marois (Laporte).
Il y aurait maintenant lieu de désigner immédiatement un
rapporteur pour cette commission. Quelqu'un aurait-il une suggestion à
faire? M. Mercier, député de Berthier, accepte-t-il d'agir comme
rapporteur?
M. Mercier: Oui.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Clair): Merci. Cela va. Tout d'abord, je
tiens à nous excuser auprès de nos invités à cause
d'une erreur de communication, d'une part. Les gens se sont
présentés pour 10 heures alors que les députés
avaient été appelés pour cette commission à 10 h
30. D'autre part, on a d'autres minutes de retard qui sont accumulées
à cause d'un malencontreux accident sur le pont Pierre Laporte, qui
semble en avoir retardé plus d'un.
Le mandat de la commission est de procéder à
l'étude article par article du projet de loi. Cependant, je suis en
mesure d'annoncer qu'une entente est intervenue entre les différents
partis politiques représentés dans cette commission, en vertu de
l'article 154 de notre règlement. En vertu de cette entente, le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a été appelé
à se faire entendre. Les deux composantes de ce conseil, soit les
représentants du patronat et les représentants des syndicats,
auront donc droit à deux périodes éga- les, à
toutes fins pratiques, d'audition et de questions. Nous commençons
aujourd'hui en entendant les représentants du patronat.
Je demanderai à nos invités de tenir compte de cette
entente, qui comporte une répartition du temps indicative et qui, je
pense, est dans votre intérêt, soit celle de prendre environ une
heure ou une heure et demie au maximum pour la présentation du
mémoire afin de laisser une heure, et demie ou peut-être
même deux heures pour la discussion, suivant le temps que vous prendrez
pour la présentation du mémoire.
D'autre part, il y a également entente au niveau de cette
commission, si les travaux ne sont pas terminés en ce qui concerne les
représentants patronaux d'aujourd'hui, pour qu'après la
période des questions de cet après-midi, soit vers seize heures
et demie la commission puisse siéger à nouveau pour terminer
l'audition des représentants patronaux, qui seront les seuls à
être entendus aujourd'hui.
L'entente prévoit à peu près la même chose
pour jeudi prochain, au moment où nous entendrons les
représentants syndicaux. S'il y a des membres qui désireraient
avoir immédiatement des précisions sur cette entente, ils
auraient avantage à poser immédiatement leurs questions au
président. Il serait dans l'intérêt de tout le monde que le
plus rapidement possible et avec le moins de débat,
d'interférence ou de procédure on puisse commencer à
entendre les représentants du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Y a-t-il des questions?
M. Forget: M. le Président, je voudrais être bien
sûr que tous nos invités comprennent le sens de ce que vous venez
de dire. Si je comprends bien, il y a plusieurs groupes qui appartiennent au
grand groupe patronal. La même chose sera vraie jeudi. Il y a plusieurs
groupes syndicaux qui représentent également la partie syndicale
du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. A l'intérieur
des limites de temps que vous avez indiquées, je crois comprendre et les
groupes aussi doivent comprendre c'est là ma question
qu'ils sont libres de répartir le temps entre les différentes
composantes tel qu'ils le jugent opportun.
Le Président (M. Clair): Effectivement. A titre de
président de la commission, j'ai eu des indications quant à la
répartition du temps qu'entendaient faire les représentants des
patrons et ceux des syndicats. Cependant, libre à ces deux parties de se
répartir le temps entre elles, entre les différentes composantes
syndicales et patronales comme elles en jugeront. L'important c'est qu'on
comprenne bien qu'il serait sûrement souhaitable pour la bonne marche de
nos travaux que, dans les deux cas, on ne prenne pas plus qu'une heure ou une
heure et demie pour la présentation du
mémoire afin d'avoir le plus de temps possible pour discuter.
Y a-t-il d'autres questions?
Je donne donc immédiatement la parole au ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, il me fait plaisir, au nom du
gouvernement, d'accueillir aujourd'hui, parmi nous, les membres du Conseil du
patronat ainsi que les groupements qui s'y sont adjoints dont la Chambre de
commerce du Québec, et, certains représentants, à titre
individuel, de l'Association des manufacturiers canadiens, et quelques autres
groupements patronaux.
Le Conseil du patronat, à titre de membre participant du Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre va nous présenter
aujourd'hui le sommaire d'un mémoire qu'il m'a fait parvenir par
écrit, tout récemment, et dont j'ai fait parvenir copie à
tous les membres de cette commission la semaine dernière.
J'aimerais remercier ces représentants du patronat de
s'être déplacés aujourd'hui; il s'agit d'une commission
parlementaire d'une nature un peu spéciale, que l'on a appelée
une minicommission parlementaire. Je crois qu'il sera possible, aujourd'hui,
par le bref exposé et cette période de questions, grâce
à la qualité du mémoire qui nous a été
soumis, de faire le tour de façon concise et précise des sujets
qui préoccupent le patronat face au projet de loi no 45.
En terminant, je désire m'excuser, au nom du secrétariat
des commissions, d'être obligé de vous entendre dans cette salle
81 qui a une longue histoire, qui est considérée comme la salle
des commissions parlementaires, mais qui a cet inconvénient majeur de
vous mettre derrière une balustrade, contrairement au salon rouge, qui,
lui, dégage peut-être une atmosphère un peu plus
détendue parfois.
Je vous souhaite la bienvenue, et, quant à moi, je suis
prêt à entendre les représentants de l'Opposition à
ces propos.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, j'aimerais, tout d'abord,
souligner en la précisant une des remarques que vous avez faites tout
à l'heure, à savoir qu'il y avait une entente au niveau de la
commission quant à la bonne marche de nos travaux. Je ne voudrais pas
qu'il y ait de malentendu quant à la nature de l'entente qui existe
effectivement relativement à la procédure pour l'étude des
mémoires. Il faut souligner qu'on peut se souvenir avec encore
passablement de vivacité des efforts qu'ont déployés
différents groupes au mois d'août dernier ainsi que les
porte-parole de l'Opposition, de tous les partis de l'Opposition à
l'Assemblée nationale pour obtenir une maxi-commission, une
véritable commission parlementaire avant la deuxième lecture.
Ce voeu, qui était exprimé alors par un grand nombre de
personnes et par les partis de l'Opposition, n'a cependant pas
été entendu par le ministre et par le gouvernement. C'est ce qui
nous amène aujourd'hui à une mini-commission parlementaire. Je ne
voudrais pas être méchant, M. le Président, mais on
pourrait dire qu'il s'agit d'une petite commission sur un petit projet.
Effectivement, une des lignes d'argumentation qu'a développées le
ministre sur plusieurs aspects de ce projet de loi, c'était qu'il ne
faisait que consacrer une réalité établie ou qu'il ne
modifiait que peu de choses. C'est peut-être ce qui explique son attitude
de ne vouloir en faire l'objet que d'une mini-commission parlementaire.
Nous ne sommes pas d'accord avec lui sur la portée du projet, non
plus que sur la décision relative à la commission parlementaire
qui vient seulement après la deuxième lecture. Mais il nous faut
bien accepter la force du nombre, n'est-ce pas, et nous plier devant la
volonté du ministre là-dessus. Cependant, j'aimerais vous
exprimer le souhait, M. le Président, que vous ne serez pas trop
rigoureux dans l'interprétation du mandat de cette commission. Parce
qu'elle intervient après la deuxième lecture, il serait possible
d'argumenter que le principe a été adopté et que, le
principe étant adopté, un grand nombre des propos qui seront
inévitablement tenus en commission parlementaire seront
irréguliers en quelque sorte, puisqu'il est assez difficile de tracer la
ligne de démarcation entre des principes et des modalités
d'application lorsqu'on en vient à une législation comme le Code
du travail.
Je préfère croire et ceci est tout à
l'avantage, de toute façon, du gouvernement que le seul principe
véritable que nous avons adopté en deuxième lecture
à l'Assemblée nationale, avec la dissension du seul groupe
parlementaire que je représente, c'était l'intention de bien
faire, manifeste d'ailleurs, du ministre et que, quant au reste, tout est
modalité, ce qui nous permettra d'aborder tous les sujets avec un
minimum d'ennuis de nature procédurière.
D'autre part, M. le Président, je crois qu'il serait exact,
historiquement au moins, de rappeler que ce projet est un ramassis en quelque
sorte de fonds de tiroir. Il y a des occasions, particulièrement cette
année, où nous sommes, en tant que membres de la formation
politique à laquelle j'appartiens, plus fiers de voir le gouvernement
assumer notre héritage.
Dans ce cas, notre fierté est beaucoup moins manifeste. Il est
clair que même si, effectivement, un grand nombre, peut-être 80%
des articles qui se retrouvent dans ce projet et qu'on retrouvait anciennement
dans le projet de loi no 24 sont, mot pour mot, des fonds de tiroir
littéralement de l'ancien gouvernement, ils seraient peut-être
restés encore plus longtemps dans cet état si certains
changements n'étaient pas intervenus. Ce n'est donc pas avec une
fierté remarquable que l'on peut rappeler au gouvernement actuel qu'au
lieu
de reprendre l'ensemble de la législation du travail, comme il
l'avait laissé soupçonner, il s'est contenté en quelque
sorte de brocher dans un seul recueil un certain nombre de feuilles
éparses qu'il a trouvées en arrivant.
Le ministre a fait allusion, lors de conférences de presse, et
très peu souvent au Parlement, à une commission Parent sur le
travail. C'est là les propos les plus clairvoyants qu'il ait tenus. Ce
ne sont pas les seuls propos clairvoyants qu'il ait tenus mais ce sont sans
doute les plus clairvoyants parmi ceux qu'il a tenus sur le sujet. Cependant,
après avoir évoqué cette possibilité de
façon peut-être un peu théorique, il n'en a pas
reparlé beaucoup récemment, et il semble qu'on devra se contenter
de ce que l'ancienne Opposition appelait les cataplasmes plutôt que d'une
vision globale toujours en utilisant le vocabulaire de l'époque
des problèmes du travail et de leurs solutions possibles. On
devra se contenter, cette fois-ci, semble-t-il, d'un cataplasme. Je suis le
premier à le regretter.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent, je voudrais juste vous souligner qu'effectivement l'entente
porte sur le fait d'entendre le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Personnellement, et sans vouloir restreindre d'aucune
façon le droit d'expression de tous les députés, je
souhaiterais que, le plus tôt possible, on commence à entendre le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuyre. On aura tout le loisir,
au début de l'étude article par article véritablement du
projet de loi, de défendre les positions respectives. Je vous invite
à faire le plus brièvement possible, s'il vous plaît, dans
le but d'avoir le plus de temps qu'on pourra pour discuter avec nos
invités du projet de loi no 45, et surtout de leur mémoire.
M. Forget: Sans doute, M. le Président, je ne veux pas
commencer un débat de procédure là-dessus. Je crois que
les ententes n'éliminent en rien le droit de parole normal des membres
de la commission, ententes partout essentiellement sur le temps alloué
à ceux qui viennent témoigner devant nous.
De toute façon, je n'ai pas l'intention de m'étendre
longuement là-dessus parce que c'est soit trop tard, malheureusement, ou
trop tôt relativement à l'étude article par article.
J'aimerais, malgré tout, terminer en suggérant que c'est
peut-être injuste pour le ministre actuel. C'est peut-être une
injustice qu'il s'impose à lui-même ou que les circonstances lui
imposent d'assumer à 100% la paternité, le parrainage de ce
projet de loi qui est un projet de loi controversé, un projet de loi
qu'il a présenté à peine trois semaines après avoir
été nommé à ce poste et dont on peut penser, sans
lui faire injure, qu'il n'a pas pensé à cela tout seul et qui
risque de lui coller longtemps à la peau et à la
réputation, à moins qu'il envisage de le reconsidérer.
Je n'ai pas eu de la part du ministre, les autres membres de la
commission parlementaire non plus, pas plus que de nos invités, des
indications précises sur les modifications qui, semble-t-il, seraient
envisagées de sa part. C'est peut-être malheureux puisqu'un
certain nombre des propos qui seront tenus par nos invités risquent de
porter à faux. Peut-être lui sera-t-il possible de nous donner
là-dessus des précisions très bientôt.
Au-delà de cela, au-delà des modifications de
détail dans la formulation de certains articles que le ministre pourrait
décider d'introduire, il me semble que l'occasion est excellente, s'il
accepte de la saisir, pour aborder le sujet sur un plan différent de
celui sur lequel on s'apprête à l'aborder. Avant même qu'on
s'engage sur des discussions de caractère partisan en commission
parlementaire, autour de la formulation précise de chacune des clauses
de ce projet de loi, avant même qu'on entende la partie patronale et la
partie syndicale nous délivrer des points de vue sans aucun doute
divergents sur le problème des relations de travail au Québec, ne
serait-il pas opportun qu'on saisisse l'occasion, encore une fois, pour
désamorcer ces antagonismes qui sont peut-être inutiles
étant donné le caractère partiel des réformes au
Code du travail qu'on nous suggère pour aborder la question dans son
ensemble?
Dans cette optique, M. le Président, j'aimerais formuler un voeu
et j'aimerais inviter la commission parlementaire à formuler un voeu de
manière, encore une fois, que le débat ne s'embourbe pas dans des
détails, dans des oppositions qui vont grossir les problèmes qui
existent dans le domaine des relations de travail et de leur réforme
souhaitable mais, au contraire, qui nous amène plus près d'une
solution qui, autrement, risque fort d'être compromise pour longtemps, si
même elle demeure possible dans le mandat actuel du gouvernement.
Demande d'une commission
qui étudierait l'ensemble des
relations de travail
La nature de ce voeu, M. le Président, est concluse dans un
projet de résolution que je vais vous distribuer et qui se lit de la
façon suivante: Que cette commission parlementaire formule le voeu que
l'Assemblée nationale constitue une commission parlementaire ad hoc,
avec le mandat d'étudier l'ensemble de la législation
québécoise en matière de relations de travail, et de
formuler toutes les propositions pertinentes relatives à la refonte du
Code du travail et à l'élaboration d'un nouveau régime de
relations de travail dans le secteur public et parapublic;
Qu'une telle commission soit formée selon l'usage établi
de représentants de tous les partis politiques représentés
à l'Assemblée nationale;
Qu'une telle commission ait le pouvoir d'inviter ou de convoquer toute
personne ou tout groupe susceptible de l'aider a remplir son mandat et de
s'adjoindre tout le personnel expert ou de soutien nécessaire à
l'accomplissement de sa tâche;
Qu'une telle commission puisse tenir des séances publiques ou
à huis clos et qu'elle puisse siéger à Québec et au
besoin dans toutes les régions du Québec;
Qu'une telle commission soit dotée d'un budget adéquat et
qu'elle puisse se constituer un secrétariat ad hoc pour toute la
durée de son mandat;
Qu'une telle commission puisse siéger durant et en dehors des
sessions de l'Assemblée nationale et qu'elle ait l'obligation de faire
rapport à l'Assemblée, avant le 30 juin 1978.
Il s'agit, M. le Président, de suggérer que dans cette
question extrêmement délicate, extrêmement
controversée des relations de travail, les parlementaires
eux-mêmes, pour une fois, comme il a été
suggéré dans bien des contextes par les membres même de la
formation ministérielle majoritaire, constituent un comité de
parlementaires, avec une tâche et un mandat spécifique, savoir,
celui d'étudier le problème des relations de travail et
l'ensemble des dispositions du Code du travail en vue de leur réforme.
Il s'agirait d'une commission parlementaire prélégislative, qui
devrait déboucher sur des constatations et des recommandations, laissant
à l'initiative gouvernementale le soin d'agir ou de ne pas agir pour
traduire ces recommandations dans un projet de loi d'une réforme
d'ensemble du Code du travail.
Mais il demeure que c'est un problème qui peut être fait
par des parlementaires, pourvu qu'ils aient l'assistance d'experts. Ils sont
peut-être les mieux préparés à avoir toutes les
difficultés, la nécessité de concilier tous les points de
vue opposés dans cette question. Il me semble que si le ministre
acceptait de prendre à son compte une telle résolution, nous
pourrions faire un progrès sensible, peut-être avec un retard de
quelques mois, quant à certaines mesures particulières; mais,
comme le ministre le plaidera devant nous, sans aucun doute, ces mesures sont
déjà soit inscrites dans les faits, soit de faible importance,
etc.
Quel mal y aurait-il à les retarder de six mois ou même
d'un an pour permettre une vision d'ensemble des problèmes? Cela
permettrait également aux parlementaires de prendre connaissance de tous
les points de vue pertinents et de se développer une vision d'ensemble
de la question du travail, du Code du travail et de sa réforme.
M. le Président, je termine ici en invitant le ministre en
particulier, mais tous les membres de la commission parlementaire à se
joindre à moi dans ce jeu qui, je pense, se situe tout à fait
dans le prolongement des considérations relatives au domaine propre du
travail, mais des considérations aussi que nous partageons, des deux
côtés de l'Assemblée nationale, quant à
l'évolution du rôle du parlementarisme et du rôle des
députés dans la formulation d'orientations gouvernementales,
d'orientations législatives.
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Johnson: ... si vous le permettez, je pense que le critique
officiel de l'Opposition officielle en matière de relations de travail
vient d'émettre un voeu; si je comprends bien, il ne s'agit pas d'une
motion devant cette commission. Etant donné qu'il s'agit d'un voeu et
qu'il y a, d'ailleurs, des précédents au niveau des commissions
lors de cette session, je prends bonne note du voeu, et je me ferai un plaisir,
dans les semaines qui viennent, de faire une déclaration substantielle
sur les mécanismes, sur l'opportunité, le contenu et
l'échéancier d'une étude en profondeur de l'ensemble des
relations de travail au Québec.
M. Forget: M. le Président, voyant l'attitude sympathique
du ministre vis-à-vis de ce voeu, je me demande s'il serait possible de
franchir un pas de plus et de considérer que ce voeu puisse s'incorporer
dans une motion formelle à laquelle pourraient souscrire les membres de
la commission.
M. Chevrette: Sur la recevabilité.
Le Président (M. Clair): Premièrement, je tiens
à préciser que je considère ce qui est
présenté par le député de Saint-Laurent comme
constituant une motion non annoncée en commission parlementaire. Je vous
indique que je n'ai pas l'intention d'entendre indéfiniment des gens sur
la recevabilité de la motion. Je permets, cependant,
immédiatement au député de Joliette-Montcalm de s'exprimer
sur ce sujet.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: D'abord, M. le Président, nous
siégeons ici en vertu d'un mandat bien précis de
l'Assemblée nationale, qui est d'étudier, article par article, le
projet de loi no 45. C'est un mandat bien précis et on n'a pas le droit
de déroger à cette règle.
Deuxièmement, dans la motion même du député
de Saint-Laurent, il y a une dimension qui irait à rencontre
déjà de mesures administratives et de décisions
gouvernementales. Par exemple, sur les relations de travail dans le secteur
public et parapublic, déjà, il y a une commission formée,
la commission Martin. Il touche à cette dimension dans cette motion.
Troisièmement, on dit aussi à l'article 154 qu'en
deuxième lecture il ne s'agit pas de discuter du fond du projet de loi,
mais bien des détails du projet de loi. La proposition vise
essentiellement à discuter du fond même des relations de travail,
ce qui va à l'encontre du mandat premier donné par
l'Assemblée nationale. Si le député de Saint-Laurent
voulait vraiment en faire un voeu, il devrait faire une motion pour que... Je
vous demanderais de vous baser sur le précédent
créé à la commission parlementaire qui a
étudié le projet de loi 53 qui demande de discuter de ces motions
à la fin des travaux de la présente commission.
Pour ces raisons, je vous demande de rejeter cette motion afin qu'on
commence à passer à travers le véritable mandat pour
lequel on est ici.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: Rapidement, M. le Président. Je pense que
cette motion n'est pas recevable, quant à moi, pour la seule et unique
raison qu'elle engage des fonds. On prévoit un budget. On dit que cette
commission devrait engager ou s'adjoindre du personnel expert. C'est une motion
qui doit être présentée seulement par un ministre selon la
loi de la Législature et notre règlement. Elle doit donc venir de
l'Assemblée nationale. En me prononçant sur la
non-recevabilité de la motion je ne rejette pas, cependant, le fond qui
est défendu par le député. C'est un mécanisme qu'on
aurait avantage à étudier, mais ultérieurement au niveau
de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Clair): M. le député
d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Très brièvement, M. le
Président, sur la recevabilité. Il n'y a rien qui interdise
à une commission parlementaire d'examiner une proposition qui est faite
à son mérite. La raison pour laquelle c'est un voeu, c'est
justement pour répondre à l'objection qui vient d'être
faite. C'est vrai qu'une commission comme celle-ci engagerait des fonds, par
conséquent on n'a pas le droit d'en faire une proposition en bonne et
due forme. C'est pour cela que c'est exprimé sous forme de voeu. En
fait, cela accentue son acceptabilité plutôt que le contraire.
Ensuite, ce n'est pas un voeu ou une résolution sous forme de voeu qui
porte sur le fond du projet de loi. Cela porte sur le fond du problème,
cependant, mais ce n'est pas sur le fond du projet de loi. A cet égard,
je ne pense pas que cela puisse être relié de près ou de
loin à une modification dans la procédure qui est prévue
à l'heure actuelle pour cette commission parlementaire.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Robert-Baldwin.
M. John O'Gallagher
M. O'Gallagher: M. le Président, le ministre a
indiqué qu'il était en faveur des principes émis dans
notre...
Le Président (M. Clair): Vous n'avez à parler que
sur la recevabilité de la motion, M. le député de
Robert-Baldwin.
M. O'Gallagher: Vu que les principes sont appuyés par le
ministre, on devrait retourner à l'Assemblée nationale pour
demander la permission de changer le mandat.
Le Président (M. Clair): Sur la recevabilité de la
motion, M. le député de Richmond; j'ai également
l'intention de vous reconnaître plus tard sur des propos
préliminaires avant d'entendre nos invités. M. le
député de Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Pour
ma part, je crois que la motion est tout à fait recevable. Ce n'est pas
la première fois qu'une telle motion est présentée dans le
cadre d'une commission parlementaire, même avec le mandat restreint que
nous avons aujourd'hui. De ce côté, M. le Président, vous
pouvez vous référer aussi aux traditions qui ont pu être
établies dans le passé. La motion vise essentiellement à
soumettre un voeu au bon vouloir de l'Assemblée nationale. Il serait
souhaitable que, dans ce sens, elle puisse peut-être, si c'est le
désir du ministre, devenir éventuellement un ordre de la Chambre.
En ce qui nous concerne, il y a une raison peut-être plus
particulière qui peut militer en faveur de cela, c'est que l'Union
Nationale a également inscrit au feuilleton une motion exactement dans
le même sens et visant les mêmes objectifs. Il y a deux ans,
d'ailleurs, M. Bellemare en avait également inscrit une dans le
même sens où on devait aborder la question de façon
globale. M. le Président, c'étaient les commentaires que je
voulais vous émettre brièvement en faveur de la
recevabilité de cette motion.
Le Président (M. Clair): J'entendrai encore deux personnes
sur la recevabilité de la motion. Le député de Beauce-Sud
et le député de Saint-Henri.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Pour ce qui a trait
à la recevabilité de la motion, je pense qu'on ne trouve aucun
article, dans le nouveau règlement de l'Assemblée nationale, qui
nous permet de ne pas accepter ce genre de motion en commission parlementaire.
J'aimerais, si on trouve certains articles, qu'on nous éclaire de ce
côté. Je pense que cela va apporter une contribution aux travaux
de la commission parlementaire. A la page 85 de notre règlement
et je cite l'article 163 on dit: "A moins de dispositions contraires,
les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux
commissions".
Je pense qu'en vertu de cet article c'est clairement établi,
d'autant plus que cette motion ne va pas à l'encontre du mandat qu'a
reçu la commission parlementaire. Je comprends que nous siégeons
après une deuxième lecture et qu'habituellement, après une
deuxième lecture, la commission parlementaire siège pour
étudier les articles un par un. Lorsque nous avons des groupes qui se
présentent devant nous, lorsque nous avons des invités,
normalement je dis bien cela se fait après la
première lecture et avant la deuxième lecture. Alors, le mandat
de la commission, à ce moment-ci, si j'ai bien compris le mandat qui a
été
donné par l'Assemblée nationale, il ne s'agit pas
d'étudier la loi article par article; le mandat qu'a reçu la
commission, c'est d'entendre des groupes, les invités qui sont
actuellement devant nous. Il faudra une deuxième motion devant
l'Assemblée nationale pour que nous puissions procéder à
l'étude de cette loi article par article. Cette motion, à mon
avis et selon ce que j'ai entendu à l'Assemblée nationale, ne
nous autorise pas à procéder à ce moment-ci puisque,
effectivement, nous avons des groupes qui sont devant nous.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Beauce-Sud, je vous interromps immédiatement parce que le mandat de la
commission est, effectivement, d'étudier, article par article, le projet
de loi. Ce matin même, entre les partis représentés ici, en
commission vous étiez absent, je m'en excuse une entente
est intervenue afin d'entendre le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Le mandat de la commission est d'étudier, article par
article, le projet de loi.
M. Roy: S'il y a une entente qui est intervenue ce matin, je n'en
étais pas au courant parce que je suis arrivé en retard à
la commission, et je m'en excuse, à cause des accidents qui sont
arrivés au pont de Québec. J'ai dû attendre, j'ai
été pris dans les embouteillages qui ont eu lieu là, je
n'étais pas au courant et je m'en excuse. Mais, même là,
cela n'empêche pas les membres de la commission parlementaire de
présenter la motion qui est actuellement devant nous; au contraire, je
dis que cette motion doit être reçue.
Troisième point, M. le Président, on a dit tout à
l'heure que c'est une motion qui engage des fonds; c'est un argument qu'on nous
amène souvent lorsqu'il y a des motions qui sont
présentées par les députés de l'Opposition. Il est
bien dit dans la motion, et je l'ai bien noté, que cette commission
formule le voeu que l'Assemblée nationale constitue une commission
parlementaire; c'est un voeu qu'on émet. Si on s'applique à
interpréter le règlement à la lettre, comme on semble
vouloir l'interpréter, à savoir que cela peut impliquer des
dépenses du gouvernement, je dois dire qu'à ce moment-là
je ne vois pas quel genre de motion on pourrait présenter à la
commission parlementaire, pas plus que je ne verrais quel genre de motion on
peut présenter à l'Assemblée nationale lors de la
journée des députés, le mercredi.
Il y a une tradition d'établie, il y a toute une jurisprudence
parlementaire qui est établie de ce côté, et c'est permis.
Je me réfère aux traditions établies, à notre
règlement de l'Assemblée nationale, également aux
dispositions précises qu'on retrouve à l'article 163 de notre
règlement qui dit, et je répète encore une fois: "A moins
de dispositions contraires, les règles relatives à
l'Assemblée s'appliquent aux commissions." Même si la motion
présentée par les représentants de l'Opposition officielle
était acceptée, je ne vois pas en quoi cela mettrait le mandat de
la commission de côté.
Le Président (M. Clair): Un dernier intervenant
rapidement, M. le député de Saint-Henri.
M. Jacques Couture
M. Couture: M. le Président, je ne veux pas reprendre les
arguments, je veux simplement souligner qu'il y a ordre de la Chambre
d'étudier un projet de loi article par article; il y a une entente entre
les parties pour écouter les représentants du comité
consultatif; enfin, un voeu a été émis dont le ministre a
pris bonne note. Cela me paraît, à ce moment-ci, suffisant pour
déclarer qu'il faut procéder à l'étude, tel que le
demande l'Assemblée nationale, article par article d'après
l'entente, en suivant les recommandations qu'il a eu entre les parties. C'est
l'ordre de l'Assemblée nationale de procéder à ladite
étude.
Recevabilité prise en
délibéré
Le Président (M. Clair): Je tiens à préciser
immédiatement que l'entente, contrairement à
l'interprétation qu'en a fait le député de Saint-Laurent,
quant à mon rôle de président, m'appa-raît porter non
seulement sur la répartition du temps, mais également sur le fait
d'entendre le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Dans les
circonstances, dans le but de permettre au président, d'une part, de
rendre la décision la plus éclairée possible et, d'autre
part, de rendre efficace autant que faire se peut cette entente, à
savoir, d'entendre les représentants du Conseil consultatif et de la
main-d'eouvre le plus complètement possible, dans les meilleurs
délais possible, je prends donc en délibéré la
question de la recevabilité de cette motion et je m'engage à
rendre une décision au plus tard au début de l'étude
article par article du projet de loi no 45, puisqu'il m'apparaît qu'au
début d'une commission, comme celle-ci, il n'y a pas avantage à
prendre trop de temps pour recevoir des motions, les débattre et
également pour rendre des décisions sur la recevabilité de
ces motions.
Je donne immédiatement la parole au député de
Richmond quant à ses commentaires préalables avant d'entendre les
représentants du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
M. le député de Richmond.
M. Forget: M. le Président, juste une parenthèse
très brève avant de donner la parole, avec sa permission, au
député de Richmond.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Vous avez mentionné la question de l'entente.
Je ne veux pas ouvrir un débat là-dessus, mais nous avons
reçu, comme tous les membres de cette commission, un certain nombre de
mémoires qui, je pense, ne peuvent pas s'inscrire dans le cadre des
parties au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je pense.
par exemple, au mémoire du Barreau, et, il y en a deux ou trois
autres du même genre. Je ne voudrais pas que vous impliquiez par vos
remarques qu'on a consenti à ce que ces gens ne puissent pas
apparaître devant nous. Dans le fond, je ne veux pas soulever ce point,
je crois que c'est assez bien connu. J'aimerais demander au ministre si le fait
d'avoir reçu ces mémoires l'amène à envisager la
possibilité d'entendre le Barreau et deux ou trois autres groupes qui se
sont exprimés.
Le Président (M. Clair): Quant à mon
interprétation, M. le député de Saint-Laurent, l'entente
est limitative, mais non exclusive. J'interprète restrictivement
l'entente qui est intervenue. Cependant, s'il survenait d'autres ententes, il
appartiendra au président d'en déterminer les
modalités.
M. le ministre.
M. Johnson: Non, le ministre n'a pas l'intention de demander au
Barreau, à l'Association canadienne du Barreau qui a soumis un
mémoire ainsi qu'à deux ou trois autres groupements ou personnes
qui ont soumis des mémoires au ministre, et non pas à la
commission... J'ai cru, cependant, qu'il était normal, nécessaire
et souhaitable pour le moins que l'ensemble des membres de cette commission
soit renseigné sur certains des paramètres qui guideront le
ministre lors de l'étude article par article et qui permettront, je
pense, pour la meilleure clarté de cette discussion et pour le meilleur
contexte possible de législation, aux membres de cette commission de
s'inspirer des critiques qui sont venues d'individus ou d'organismes.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. Après ce petit
détour, très brièvement, j'aimerais, au nom de l'Union
Nationale, souhaiter la bienvenue à toutes les personnes qui se sont
déplacées ce matin, au Conseil du patronat du Québec,
ainsi qu'à tous les groupements qui se sont associés à lui
pour venir présenter ce mémoire aujourd'hui. Dans ce
sens-là, il nous a fait plaisir de collaborer pour donner notre
consentement afin que, cet après-midi, puisse siéger plus d'une
commission parlementaire pour vider la question avec le Conseil du patronat et
les organismes qui s'y sont associés sur l'importante question du projet
de loi no 45.
Il m'a fait d'autant plus plaisir de le faire que nous avions
insisté sur le fait que nous devions tenir cette commission
parlementaire. Au début, en ce qui concerne l'Union Nationale je
m'étais fait, à ce moment, le promoteur d'une motion nous
voulions que la Commission parlementaire puisse avoir un mandat beaucoup plus
large, qu'on puisse étudier toute la question des relations dans le
monde du travail et également qu'on puisse entendre les
différentes personnes intéressées, mais sur une base
beaucoup plus large. Nous avions même utilisé ce qu'on peut
appeler nos cartouches de rechange à l'Assemblée nationale, en ce
qui concerne les motions spéciales du mercredi. Cela a donné lieu
à une certaine discussion qui a été quand même
fructueuse. En effet, le ministre a, à ce moment, démontré
une ouverture d'esprit en acceptant finalement, à la suite de ces
discussions que nous avons eues à l'Assemblée nationale, de tenir
cette commission parlementaire aujourd'hui, où, tout au moins, on peut
aborder la question avec les principaux organismes intéressés et
déjà entrer dans le vif du sujet.
Si cela ne répond pas entièrement au voeu que nous avions
exprimé à ce moment, à tout le moins on peut
déjà aborder la question et, en ce qui concerne, on en est fort
heureux. C'est un premier pas. Nous aurions souhaité évidemment,
plutôt que le projet de loi no 45, qu'on aborde le problème dans
le sens d'une réforme globale qui a été souhaitée,
je pense, par tous les partis politique, y compris par le parti
ministériel qui forme maintenant le gouvernement. Nous aurions
souhaité qu'on aborde la question de plein front, qu'on vide cette
question, une fois pour toutes. Maintenant, le projet de loi qu'on nous
présente, tout en étant une réforme partielle, modifie
quand même en profondeur les règles du jeu dans le secteur
concerné. Ce qui crée également la difficulté un
peu de la présente commission parlementaire, c'est qu'en ayant un mandat
restreint; en aborde le problème des relations de travail d'une
façon partielle plutôt qu'en s'attaquant à la
réforme globale. De l'autre côté, on doit s'en ternir
à certaines réserves, tout en voyant le problème et les
besoins qui existent de ce côté, et en modifiant, comme je le
disais, les règles du jeu de façon assez profonde.
Sur l'ensemble du projet de loi no 45, comme j'ai eu déjà
l'occasion de l'exprimer, nous sommes d'accord sur les grands objectifs. Il y a
énormément à faire dans ce secteur. Cependant, comme je
l'ai également souligné, à différents autres
endroits, nous maintenons beaucoup de réserves sur différents
points, sur différentes modalités. Nous aurons, d'ailleurs,
l'occasion d'en discuter plus profondément, ici à cette
commission parlementaire, avec le ministre. Nous aurons également
l'occasion d'avoir les commentaires des principaux intéressés.
J'espère je crois bien que c'est le voeu de l'ensemble des
membres de cette commission parlementaire, comme de ceux qui se
déplacent pour y venir aujourd'hui que le ministre, à la
toute fin de la course, à la lumière des discussions qui seront
les nôtres à partir de maintenant, modifiera certaines positions
qui, à ce stade-ci, du moins avec l'éclairage qu'il nous est
possible d'avoir maintenant, nous semblent douteuses et assez risquées.
Nous demandons au ministre de bien regarder avant de faire son lit
définitivement en ce qui concerne les modifications profondes qu'apporte
le projet de loi no 45.
Je veux, en terminant, aussi remercier le ministre de nous avoir fait
parvenir, vendredi dernier, toute la documentation et des informations
perti-
nentes aux discussions que nous allons tenir. Sur ce, je remercie nos
invités et j'espère que cette commission parlementaire fera la
lumière en vue je pense que c'est l'objectif qu'on doit d'abord
viser d'établir vraiment un équilibre des forces dans le
monde du travail.
Le Président (M. Clair): Le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. A mon tour, je veux
souhaiter la bienvenue à nos invités, à ceux qui se sont
dérangés ce matin pour venir nous apporter leur point de vue sur
le projet de loi qui est actuellement devant nous.
J'espère que, tous ensemble, nous pourrons travailler afin que ce
projet de loi no 45 puisse répondre aux aspirations et aux besoins du
monde de l'économie québécoise. Cependant, je suis un peu
déçu d'avoir entendu le ministre, tout à l'heure, dire de
façon catégorique, en mettant de côté une suggestion
qui lui était faite par un collègue, qu'on ne permettra pas au
Barreau, ni aux autres groupes qui l'ont demandé, de se faire entendre
sur ce projet de loi.
Lorsque le gouvernement annonce des grands projets de réforme...
Je me rappelle très bien, pour avoir siégé à
plusieurs séances de commissions parlementaires sur des réformes
de grands projets de loi, du temps de l'ancien gouvernement, que, par la force
des choses, dans les circonstances, je devais faire équipe avec le parti
qui forme aujourd'hui le gouvernement. Je ne voudrais pas rappeler les propos
qui ont été tenus à l'époque, mais on a toujours
soutenu que pour qu'il y ait une véritable réforme et que la
réforme, quelle qu'elle soit, réponde aux objectifs
recherchés, il fallait travailler avec les gens concernés par la
réforme. J'ai été très déçu qu'on ne
permette même pas des séances de commission parlementaire avant
même qu'on commence l'étude en deuxième lecture du projet
de loi no 45. Je n'en fais pas de reproche a l'actuel ministre parce que je
pense que le projet de loi no 45 était passablement prêt au moment
où il a accepté le poste de ministre du Travail; c'est une
distinction que je tenais à faire à ce moment-ci. Je me demande
sérieusement comment on peut faire une véritable réforme
dans le monde du travail alors qu'un projet de loi comme celui qui porte le no
45 a suscité énormément d'inquiétude dans le
Québec; je ne parle pas des grandes sociétés, je parle du
milieu québécois, le milieu de l'entreprise
canadienne-française, dans la petite et la moyenne entreprise.
Les mémoires et les lettres que j'ai reçus sont
très nombreux sur les inquiétudes des intéressés.
Il y a des demandes faites aux députés, des demandes faites au
ministre et des demandes faites au gouvernement de revoir certaines
dispositions de cette loi. Compte tenu des inquiétudes qu'il suscite
dans le milieu des affaires, compte tenu des inquiétudes qu'il suscite
dans tous les milieux de l'économie québécoise, je
m'étonne sérieusement sur les intentions véritables du
gouverne- ment. En ce qui me concerne, je ne suis aucunement lié par
certains engagements électoraux. On me comprendra, je ne suis aucunement
lié. Si le gouvernement veut travailler à améliorer les
relations de travail des travailleurs du Québec, il ne faudrait pas
oublier que pour avoir du travail, il faut des entreprises, c'est
élémentaire. Que le gouvernement remarque bien que dans le monde
de l'économie, dans le milieu des affaires, pour ce qui est des projets
annoncés mais qui retardent encore, cela n'est pas dû au
référendum ou encore à la question de la loi 101; je pense
que le projet de loi no 45 y est pour quelque chose.
Je dis bien sincèrement ce matin que le gouvernement devrait
réviser sa position pour permettre à ceux qui ont quelque chose
à dire dans ce dossier, dans cette réforme de le faire afin que
ce soit une réforme véritable et non pas une réforme qui
découle, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'un engagement
politique. C'est élémentaire! On demande aux représentants
des partis de l'Opposition, on demande aux membres de la commission
parlementaire, des deux côtés de la table, de travailler en toute
objectivité, de travailler à faire en sorte que ce projet de loi
rencontre les objectifs recherchés, alors, qu'on permette aussi aux
membres de la commission d'avoir tout l'éclairage nécessaire et
qu'on permette aux groupes d'être entendus. C'est le voeu que je
formule.
En terminant, que cette commission parlementaire prenne tout le temps
nécessaire et s'il s'avère utile, à un moment
donné, de convoquer des groupes devant la commission parlementaire,
qu'on le fasse. Ce projet de réforme ne pourra apporter les correctifs
et les objectifs recherchés; ce projet de loi devra faire l'objet
d'énormément d'amendements pour qu'il puisse conserver un
équilibre entre le monde patronal et le monde syndical.
En terminant, je ne sache pas que le monde syndical et le syndicalisme
au Québec soient en danger au point de leur donner les pouvoirs qu'ils
réclament et les pouvoirs qu'on retrouve dans ce projet de loi.
Je pense que nous devons, non seulement nous inquiéter pour ce
qui regarde l'avenir du syndicalisme au Québec, mais il va falloir qu'on
commence à s'inquiéter bientôt sur les droits des
travailleurs qui ont de moins en moins leur mot à dire dans ce domaine.
Je termine là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Je vous remercie, M. le
député de Beauce-Sud. M. DesMarais, je vous invite à
présenter les gens qui vous accompagnent et à procéder
immédiatement à la présentation de votre
mémoire.
Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre
Conseil du patronat du Québec
M. Des Marais (Pierre): M. le Président, MM. les membres
de la commission, nous vous remercions de nous avoir reçus ce matin. Je
suis ac-
compagné de représentants d'associations patronales
à deux niveaux, soit présidents ou représentants
élus des associations et aussi permanents d'associations patronales, de
façon à pouvoir répondre, s'il y a lieu, aux questions des
membres de la commission.
La présentation que nous voulons vous faire, M. le
Président, c'est d'exposer le mémoire du Conseil du patronat et
ensuite de demander à quatre représentants d'associations
importantes d'indiquer leur position rapidement, d'indiquer la position de leur
association respective sur la question. Alors, sans plus, je voudrais vous
présenter, M. le Président, le premier au bout de la table ici,
à ma gauche, M. Arthur P. Earle, qui est vice-président de la
Dominion Textile, qui représente le Montreal Board of Trade et qui est
membre du CPQ. A ses côtés, M. Richard Laplante, qui est
vice-président de la société Laplante et Langevin, qui est
président du Centre des dirigeants d'entreprise, qui est membre du CPQ.
Le suivant, M. Guy-H. Laurin, qui est directeur général,
région de l'Est, de Steel Company of Canada Limitée,
vice-président de l'Association des manufacturiers canadiens, section
Québec, membre du CPQ. Et à ma gauche, M. James-N. Doyle, qui est
vice-président exécutif de Steinberg Limitée et qui est le
président de la Chambre de commerce de la province de Québec. Sa
société est un membre corporatif du Conseil du patronat du
Québec.
A ma droite, on retrouve M. Jerry Giles, directeur des relations de
travail de l'Union des municipalités du Québec et membre du CPQ.
Le suivant, M. Jean Massicotte, spécialiste en droit de travail et
président du comité des relations de travail de la Chambre de
commerce de la province de Québec. Le suivant, Me Edmund E. Tobin,
membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et
représentant au CPQ de l'Association des quotidiens du Québec. M.
Roger Martin, membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre,
représentant au CPQ de l'Association des industries forestières.
A ma gauche, parce qu'il manquait de place, M. Bob Nuth, directeur
général de l'Association de la construction de Montréal et
du Québec et membre du CPQ et, à ma droite, la cheville
ouvrière du CPQ, le vice-président exécutif, M. Ghislain
Dufour.
M. le Président, au milieu du mois dernier, le CPQ a remis
à tous les membres de l'Assemblée nationale un exposé
aussi explicite et aussi cohérent que possible de ses opinions sur le
projet de loi no 45. Ce document n'était pas le fruit de
l'improvisation. Dès la publication du projet de loi, de nombreux
groupes ont participé au débat qui s'ensuivit.
Nous avons analysé, jour après jour, tous les
éléments apportés par ce débat. D'autre part,
plusieurs dirigeants d'entreprise ont communiqué directement avec le
ministre du Travail pour lui faire part de leurs expériences et
plusieurs d'entre eux nous ont fait tenir copies de leurs lettres au ministre.
De plus, naturellement, bon nombre d'associations et d'entreprises membres du
CPQ ont communiqué avec nous pour nous signaler les points qui selon
leur expérience paraissaient les plus importants.
A partir de l'analyse de ces divers matériaux, analyse rendue
d'autant plus facile que, malgré la diversité des sources, on
pouvait en dégager les lignes directrices, claires et cohérentes,
le CPQ a d'abord préparé un document de consultation qui a
été soumis à toutes les associations membres du CPQ. Nous
étions alors au début de septembre. Ensuite le CPQ a
rédigé un premier projet de mémoire qui a
été de nouveau soumis à tous les membres du CPQ et qui a
été l'objet d'une réunion spéciale de consultation
à la fin de septembre.
A cette réunion ont assisté une soixantaine de
spécialistes de relations de travail venus non seulement de l'entreprise
privée, mais aussi de certaines entreprises d'Etat, des commissions
scolaires, des hôpitaux et des municipalités. Notre projet de
mémoire a alors été étudié ligne par ligne
puis récrit entièrement. Depuis lors, nous n'avons pas
cessé de suivre avec attention tout ce qui s'est dit sur le projet de
loi. Nous avons constaté avec satisfaction que nul porte-parole du
milieu des affaires québécois, qui est pourtant un milieu fort
diversifié, n'a essayé de démontrer la fausseté de
l'un ou de l'autre de nos arguments. Bien au contraire, même les hommes
d'affaires qui se disent tout à fait extérieurs au CTQ, quand ils
ont voulu mettre en lumière leur position particulière,
revenaient inévitablement à des sujets déjà
traités dans notre mémoire. Dans ces cas, il s'est agit à
peu près toujours des effets du projet de loi 45 sur la petite ou la
moyenne entreprise, ce que notre mémoire souligne
déjà.
Tant au point de vue des principes en cause dans le projet de loi 45
qu'au point de vue des effets prévisibles de ce projet sur le climat des
relations de travail et sur la vie économique en général,
nous n'avons guère de thèmes à aborder en dehors de ceux
que nous avons déjà soumis à l'attention des membres de
l'Assemblée nationale. Comme les membres de la présente
commission parlementaire ont dû s'intéresser
particulièrement à ce projet de loi, il n'y a aucun doute qu'ils
ont déjà pris connaissance de ce mémoire. Il serait donc
inutilement fastidieux d'en faire la lecture complète aujourd'hui.
Vous nous permettrez donc, M. le Président, de remplacer cette
trop longue lecture par un résumé de nos principales positions
enrichies à l'occasion de quelques réflexions
suggérées par l'état présent du débat sur ce
projet de loi en général, et, en général, sur une
révision souhaitée du Code du travail.
Sur la loi "antiscabs": Nous avons déjà profité de
toutes les occasions que nous avons eues depuis trois mois pour expliquer
publiquement en quoi les mesures interdisant de substituer d'autres
travailleurs à des grévistes, telles qu'elles sont
proposées dans le projet de loi actuel, nous paraissent inacceptables et
au plan des principes et à cause de leurs effets prévisibles. Le
mémoire que nous avons remis à l'Assemblée nationale est,
je crois, suffisamment explicite à ce sujet.
En résumé, au plan des principes en cause,
nous rappelons la position d'une autorité dont la bonne foi et
l'indépendance ne font pas de doute. Il s'agit du rapport du groupe de
travail sur les relations de travail, connu sous le titre de rapport Woods, et
voici quelle est sa position: "Pour l'employeur, la sanction économique
équivalente à la grève n'est que rarement le lock-out.
C'est plutôt sa capacité de faire face à la grève.
Il est important de noter que la capacité d'un employeur d'encaisser une
grève dépend pour une large part de sa possibilité de
stocker des marchandises en prévision d'une grève et de son'
droit de faire appel à d'autres employés et à un personnel
suppléant pour accomplir le travail normalement dévolu aux
grévistes. Ce droit, joint au lock-out, constitue pour l'employeur
l'équivalent du droit de grève des travailleurs. Il nous semble
que les choses sont comme elles doivent être".
Ajoutons que rien, dans les circonstances actuelles, ne nous permet de
croire que nous pouvons remplacer "la sanction économique
équivalente à la grève" dont parle le rapport Woods, par
quelque chose d'autre. Interdire aux grévistes de travailler pour un
autre employeur serait peut-être une mesure juste, mais les
contrôles qu'elle supposerait la rendent inapplicable.
D'autre part, il est faux de croire que les mesures à propos des
scabs changeront de façon significative la situation de la violence dans
les conflits ouvriers puisque, selon les chiffres cités par le ministre
de la Justice, le 22 août dernier: "Seulement 2% des conventions
collectives donnent lieu à des grèves ou lock-out, et que 3% de
ce 2%, c'est-à-dire seulement 0.6% de l'ensemble, donnent lieu à
l'utilisation de briseurs de grèves." La cause importante de la violence
dans les relations de travail n'est certainement pas là. Par contre, on
connaît l'usage abusif et indéfiniment extensible que les
syndicats ont du mot "scab". Une fois acquis, une manière de
légalité dans leur volonté d'interdire toute forme
d'activité à une entreprise en cas de grève, ce sont les
cadres de l'entreprise, les fournisseurs et les clients, de même que les
membres des autres syndicats de la même entreprise, qui seront
affublés de l'étiquette "scab". En somme, et comme nos syndicats,
n'ont pas l'habitude de s'embarrasser des nuances d'un texte de loi, les
mêmes appels à la violence contre les scabs continueront a
être répétés à tort et à travers comme
auparavant.
Comment peut-on même penser qu'un texte de loi, s'appliquant dans
0,6% des cas de relations de travail, amènera les syndicats à
changer leur propagande dans tous les cas? Le mot "scab" dans la propagande
syndicale n'a qu'un lien très lointain avec le "scab" dont parle le
projet de loi.
Qu'arrivera-t-il quand un syndicat transformera une ligne de piquetage
en barrage physique, empêchera par la force la libre circulation des
cadres d'une entreprise en grève et que l'opération sera
accompagnée de la conférence de presse habituelle pour
dénoncer les "scabs"?
Qu'arrivera-t-il quand le mot d'ordre sera donné de bloquer le
passage des "scabs" et que des piqueteurs expérimentés se
lanceront sur le camion d'un fournisseur ou d'un client pour le démolir,
ou sur le camionneur lui-même pour lui donner une leçon de
solidarité?
Qu'arrivera-t-il encore dans une grève affectant les
hôpitaux quand, après une bonne guerre de communiqués de
presse pour dénoncer les "scabs", la force physique sera utilisée
pour empêcher le personnel nécessaire au maintien des services
essentiels de santé de se rendre à son travail?
Un "scab" dans la philosophie syndicale, c'est toute personne qui ne se
soumet pas au mot d'ordre d'un syndicat de cesser son travail au moment
où le juge à propos ledit syndicat. Telle est la thèse
clairement énoncée par l'ex-président de la CSN devant le
47e congrès de cet organisme, le 27 juin 1976, il y a à peine un
an.
Peut-on oublier, pour comprendre l'extension que la propagande peut
donner au mot "scab", que selon un certain syndicalisme le droit de
grève et son exercice ne doivent pas être
réglementés? Ce droit de grève doit être permanent
et, lorsque le mot d'ordre de grève est lancé n'importe où
et n'importe quand, toute production doit cesser. Quiconque refuserait, dans
ces circonstances, de se soumettre à ce mot d'ordre serait un
"scab".
Qui peut croire sérieusement qu'en acceptant en partie la
thèse syndicale sur les "scabs" on jouira demain d'une plus grande paix
sociale? Si dans les faits, au Québec, il existait un réseau
d'organisation professionnelle réussissant à faire fonctionner
n'importe quelle usine ou service en cas de grève, on pourrait dire que
la situation des relations patronales-syndicales est changée et qu'il
faut maintenant trouver un nouveau principe d'équilibre.
Or, un tel réseau n'existe pas au Québec et rien ne permet
de croire qu'il est même possible d'en construire un. Vaut-il la peine
que le législateur se prémunisse dès maintenant contre une
telle éventualité? Ce n'est pas certain, mais ce ne serait pas
absurde de le soutenir. Dans cette perspective, le législateur serait
conduit à mettre au point une loi interdisant l'emploi de briseurs de
grève professionnels, comme celle de la Colombie-Britannique, ce qui est
tout autre chose que l'actuel projet de loi. Notre mémoire, en citant la
jurisprudence de la Colombie-Britannique, le démontre largement à
la page treize.
Résumons donc nos conclusions à ce sujet.
Premièrement, les mesures antibriseurs de grève, telles qu'elles
sont conçues dans l'actuel projet de loi, favorisent indûment
l'organisation syndicale au détriment d'un équilibre fragile que
le législateur a le devoir de préserver.
Deuxièmement, nous ne nous opposons pas, en principe, à ce
que, dans une législation bien pondérée, le recours
à des briseurs de grève professionnels soit interdit.
Troisièmement, une législation pondérée dont
l'objectif serait vraiment la recherche de la paix sociale supposerait d'autres
mesures s'appliquant, cette fois, à l'activité syndicale en temps
de grève, principalement à propos du piquetage et du boycottage
secondaire, de même que sur les normes
à respecter par ceux qui sont chargés de la protection de
la propriété privée.
Quant au précompte syndical obligatoire, qu'on appelle aussi,
mais faussement, la formule Rand, la vraie formule Rand, la plupart des
employeurs l'acceptent. D'ailleurs, historiquement, cette formule a vu le jour
par un accord entre un employeur privé, la Ford Motor, et un syndicat
à partir d'une proposition d'un juge de la Cour suprême du Canada,
le juge Ivan C. Rand.
Ce que le projet de loi retient, ce n'est pas la formule Rand, mais un
seul élément tiré de cette formule sans
considération pour les libertés individuelles et sans mesure de
contrôle contre les abus de pouvoir. Notre position de principe est la
suivante: la cotisation syndicale obligatoire pour tous déduite à
la source à la façon d'un impôt, si elle n'est pas
accompagnée de conditions qui garantissent les libertés
individuelles et précisent les responsabilités syndicales, est un
privilège contraire aux règles les plus
élémentaires de la démocratie.
Quelles conditions rendraient un tel privilège acceptable dans
une société fondée sur les libertés individuelles
et sur la responsabilité publique des pouvoirs? En nous inspirant de la
formule Rand, la vraie formule Rand, et en y ajoutant des conditions s'adaptant
à la situation actuelle, nous en avons énuméré
sept, dans notre mémoire, et elles sont toutes importantes:
Premièrement, l'obligation, pour tout syndicat, de tenir un vote
de grève au scrutin secret de tous les travailleurs de l'unité de
négociation avant le déclenchement de toute grève
générale ou partielle, un tel vote devant se tenir sous la
surveillance d'un fonctionnaire du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
Deuxièmement, l'obligation, pour le syndicat, de répudier
toute grève ou cessation de travail concertée qui n'a pas
été autorisée et déclarée par le syndicat.
Obligation, également, de déclarer illégal et n'engageant
aucunement les membres du syndicat tout piquet de grève établi
à l'occasion de cette grève.
Troisièmement, en plus des mesures disciplinaires que la
compagnie peut légitimement prendre, amende individuelle quotidienne
pour tout travailleur participant à un arrêt de travail
illégal, et perte d'une année d'ancienneté par semaine de
grève illégale.
Quatrièmement, perte du privilège de la retenue des
cotisations à la source pour au moins deux mois, et, au plus, six mois
lorsque le syndicat n'aura pas dénoncé une grève
illégale.
Cinquièmement, définition précise de la cotisation
syndicale, ce qui suppose la description exacte et limitative de tous les
usages légaux du produit d'une telle cotisation.
Sixièmement, imposition de procédure et de contrôle
garantissant que la décision de hausser la cotisation syndicale ne peut
être prise que par la majorité des cotisants.
Septièmement, le droit des non-syndiqués, pour raison de
convictions religeuses ou politiques, objection de conscience, die faire verser
le montant déduit de leur paie à titre de cotisation syndicale
à une organisation charitable.
Parlons maintenant et brièvement de la démocratie
syndicale que le projet de loi 45 prétend servir en obligeant les
syndicat à prévoir, dans leur statut, le vote secret pour les
décisions importantes, notamment pour décider du
déclenchement d'une grève. Par rapport aux problèmes
concrets qu'oppose l'instauration d'un climat démocratique dans la vie
interne des syndicats, une telle proposition est dérisoire. L'amendement
proposé, en effet, ne fait aucune référence à la
surveillance du vote de grève par une autorité extérieure
au syndicat, limite le vote aux seuls membres de l'association de
salariés, attribue un pouvoir de décision à la
majorité des seuls membres participant au vote sans tenir compte de la
majorité des personnes impliquées, ne prévoit aucune
disposition quant à l'information préalable à la tenue du
scrutin, à l'endroit et à la date du scrutin, à la
nécessité de reprendre un vote de grève après que
la grève ait eu cours durant une certaine période.
Notons, en particulier, le silence absolu du projet de loi à
propos de l'information préalable à la tenue d'un scrutin. Que
vaut un vote même secret, si les votants n'ont pas d'autres
données pour juger d'une situation que les discours passionnés
d'une seule des parties en cause? Que vaut un vote même secret s'il
termine une réunion de pure propagande?
Le silence du projet de loi, à ce sujet, revient à confier
au syndicat seul la responsabilité de fournir une information objective
et complète à tous les employés présents ou non
à une assemblée non seulement sur ses propres positions mais
aussi sur celle de l'employeur. Les membres du gouvernement auraient profit
à relire certains passages du rapport Cliche afin de comprendre le
rapport mystérieux qui peut exister entre une réunion syndicale,
fiers-à-bras et vote de grève. Mais, pour la paix sociale, nous
croyons qu'il faut établir un rapport entre information, jugement libre
et décision démocratique.
Notons enfin que le projet de loi ne confirme même pas le droit
élémentaire, pour un employeur, de communiquer directement avec
ses employés à un moment utile avant que ne se prennent des
décisions importantes. Quant à ces prétentions syndicales
selon lesquelles toute législation imposant des règles
démocratiques dans la gestion interne des syndicats serait une intrusion
contraire au principe de la totale liberté d'action des syndicats, elle
représente, à notre avis, un véritable sophisme. En effet,
les mêmes personnes considèrent comme tout à fait
légitime que les législateurs interviennent pour
déterminer le mode de financement des syndicats pour limiter, en faveur
d'un syndicat majoritaire, la liberté d'association des individus ou
pour limiter aussi la liberté d'action d'un syndicat rival et
restreindre ses moyens de maraudage.
C'est absurde d'affirmer, d'une part, que le législateur a le
droit d'intervenir pour donner des pouvoirs et des privilèges aux
syndicats et, d'autre part, que le même législateur n'ait pas le
droit d'in-
tervenir pour définir les devoirs et les responsabilités
des syndicats ou pour s'assurer que ces devoirs et responsabilités sont
pleinement assumés.
Autres questions sur lesquelles nous désirons attirer l'attention
de la commission. Malgré que le projet de loi 45 soulève d'autres
difficultés majeures, nous allons éviter de décrire une
à une ces difficultés, comptant sur le fait que notre
mémoire pourra servir de guide pour la suite de notre discussion. Nous
nous contenterons donc de noter brièvement les sujets sur lesquels
l'analyse contenue dans notre mémoire devrait être reprise par
cette commission, puis soumise à l'attention de l'Assemblée
nationale. Premièrement, la formule proposée pour faciliter la
négociation d'une première négociation collective,
à savoir le recours à un arbitre dont la décision serait
exécutoire, n'atteindra pas son objectif puisqu'elle encourage un
syndicat à ne négocier que pour la frime en attendant
l'intervention de l'arbitre. De plus, nous attirons votre attention sur le fait
que le poids de cette mesure sera presque tout entier porté par la
petite et moyenne entreprise.
Deuxièmement, il nous apparaît tout à fait illusoire
de vouloir assurer aux grévistes un retour inconditionnel à leur
emploi à la fin de la grève. Notre position est la suivante: A
certaines conditions précises que nous énumérons dans
notre mémoire, le CPQ est d'accord avec la règle
générale qu'un gréviste ou un lock-outé retrouve
son emploi à la fin de la grève ou du lock-out de
préférence à toute autre personne.
Mais, dans aucun cas, cette règle générale ne
justifie, à notre point de vue, qu'un protocole de retour au travail ait
pour effet d'empêcher ou de mettre un terme à des poursuites
judiciaires normales pour des gestes posés pendant le conflit de
travail. Une révision sérieuse du Code du travail devrait trouver
les moyens de rendre inopérante toute entente entre les parties
privées dont le but serait d'empêcher l'action normale de la
justice. Troisièmement, le CPQ s'est déclaré
disposé à essayer la formule proposée par le projet de loi
45 permettant la tenue d'un vote de représentation syndicale dès
le moment où un syndicat peut faire la preuve que ses membres
représentent au moins 35% des salariés de l'unité de
négociation.
Le CPQ est quand même étonné qu'au moment où
le législateur québécois prend cette orientation le
législateur de la Colombie-Britannique, quant à lui, ayant
déjà fait une telle expérience, propose de hausser de 35%
à 45% le nombre de cartes de membres nécessaires pour
déclencher un vote d'accréditation. Quatrièmement,
contrairement à l'amendement proposé par le projet de loi 45,
l'article 2, à la page 45 de notre mémoire, nous croyons que la
personne élue par les salariés au conseil d'administration d'une
institution publique ne devrait pas agir à ce conseil à titre de
délégué syndical et ne devrait pas avoir le droit
d'être en même temps officier de son syndicat.
Cinquièmement, nous trouvons abusif de pouvoir accorder à
un syndicat d'exiger le congédiement d'un salarié qui aurait agi
contre l'intérêt de son syndicat sous l'instigation de son
employeur. Article 38, page 52 de notre mémoire. C'est un pouvoir de
règlement de compte par lequel le syndicat pourrait, sans distinction,
écraser aussi bien un mercenaire qu'un adversaire de bonne foi
exerçant son droit strict d'opposition. Sixièmement, nous
considérons comme une restriction inutile des droits du citoyen de lui
interdire d'avoir recours lui-même à la procédure
d'arbitrage des griefs tel que prévu à l'article 46 de la page 55
de notre mémoire.
Quant à la portée générale du projet de loi
45, à travers son analyse détaillée, on découvre
une philosophie sociale qui privilégie des droits collectifs au
détriment des libertés individuelles et qui privilégie
parmi les parties en cause dans les relations de travail, à savoir les
travailleurs, les employeurs, les syndicats et l'ensemble des citoyens, la
seule organisation syndicale. En mettant tout son poids d'un seul
côté de la balance, le législateur
déséquilibre les forces en présence dans les relations de
travail au lieu de travailler à conduire les parties vers un consensus
minimum, ce qui apparaît manifestement comme une mauvaise manière
de concevoir le rôle du législateur dans les relations de
travail.
Nous croyons que cette façon de traiter les problèmes
actuels du travail, bien loin de servir la cause de la paix sociale, aura des
conséquences sociales négatives et, de ce fait, nuira au
développement économique du Québec.
Nous croyons que cette opinion du CPQ rejoint, non seulement celle de
l'immense majorité des cadres, tant du secteur public que du secteur
privé, mais aussi celle de la plupart des citoyens du Québec.
Cette conviction nous permettait d'écrire dans le mémoire remis
à l'Assemblée nationale: "Depuis dix ans, les citoyens du
Québec ont été témoins et souvent les victimes
impuissantes d'actions syndicales qui leur sont apparues comme le
résultat d'un usage abusif des pouvoirs que la loi a
conférés aux syndicats, surtout après que les syndicats
eurent fermé des écoles et des hôpitaux et coupé
l'électricité, ces citoyens ont été portés
à croire que les syndicats sont trop puissants. Le gouvernement ne peut
pas prétendre satisfaire à un voeu de la majorité des
citoyens quand il propose d'augmenter les pouvoirs de l'organisation
syndicale".
Après la rédaction de ce texte que je viens de citer, nous
avons quand même voulu vérifier si, à partir de quelques
questions clés très significatives, notre appréciation de
l'opinion majoritaire des citoyens pouvait être confirmée, ou si,
au contraire, elle devait être infirmée. C'est pourquoi nous avons
commandé à une société indépendante, CROP,
un sondage auprès d'un échantillon représentatif de
l'ensemble de la population du Québec.
Disons, en un mot, le sens des résultats obtenus. Non seulement
ces résultats ont confirmé notre appréciation
antérieure, mais encore, les opinions que nous avions attribuées
sur une base empirique à la population se sont
révélées partagées par un nombre de citoyens
beaucoup plus
grand que nous avions cru au départ. Par exemple, il n'y a
même pas un Québécois sur cinq, suivant cette
enquête, c'est-à-dire exactement 17% qui croient que les
employeurs ont trop de pouvoirs. C'est également une minorité,
à savoir un sur quatre, exactement 24%, qui croit que c'est le
gouvernement qui en a trop. Quand il s'agit des syndicats, c'est la
majorité absolue, à savoir 54%, qui déclare qu'ils ont
trop de pouvoirs.
Précisons ce tableau. Parmi les personnes interrogées par
CROP, il y a seulement un citoyen sur dix qui déclare que les syndicats
n'ont pas assez de pouvoirs, alors qu'il y a près d'un tiers, 30%, des
répondants qui portent ce jugement à propos du gouvernement et
même un peu plus d'un tiers, 35%, quand il s'agit des employeurs. Il nous
paraît donc évident que le projet de loi qui, pour l'essentiel,
ajoute des pouvoirs nouveaux aux syndicats, diminue la marge des
libertés des citoyens, ne donne aucun pouvoir nouveau aux employeurs, ne
donne enfin aucun pouvoir nouveau de contrôle et de surveillance à
l'Etat, est tout le contraire de ce que la population du Québec attend
déjà depuis plusieurs années.
Il n'y a certes pas de sujet autre que celui des pouvoirs des syndicats
sur lesquels la volonté populaire s'est exprimée depuis plus
longtemps et avec plus de clarté. Cette volonté est de ramener
l'activité syndicale dans les cadres stricts de la
légalité, en imposant aux syndicats des contrôles plus
sévères et plus efficaces. Nous admettons difficilement qu'un
gouvernement se permette d'ignorer tout à fait une donnée aussi
fondamentale en démocratie.
Il n'est pas nécessaire de s'appuyer sur un sondage pour soutenir
ces positions. Une observation honnête de la vie publique au
Québec, surtout depuis le début des années soixante-dix,
conduit à des conclusions claires en ce sens. Puisque les chiffres ont
leur magie particulière, regardons d'autres données qui
précisent en quel sens la population du Québec désire que
le Code du travail soit amendé.
Sur le vote de grève, il y a presque l'unanimité sur ce
que doit être un vote de grève. En effet, 91% de la population dit
que ce vote doit être secret et 86%, qui doit être surveillé
par une autorité extérieure aux syndicats. Sur la grève
dans le public, c'est également une majorité écrasante qui
désire l'interdiction de la grève dans les hôpitaux, 84%;
dans les services d'électricité et gaz, 84% encore; dans les
écoles 78%; et même, dans les services publics en
général, 70%. Nous sommes loin du droit de grève permanent
sans loi et sans réglementation que cherchent à imposer certains
syndicalistes. En tout cas, il est assuré que si des syndicalistes
doivent compter sur l'appui de la population pour atteindre leurs fins, ils n'y
parviendront jamais. Est-il possible qu'ils puissent compter par ailleurs sur
la complicité du législateur?
En conclusion, M. le Président, il y a beaucoup de facettes du
projet de loi no 45 qui n'ont pas été examinées dans ces
propos. Nous espérons pourtant qu'il n'est pas nécessaire d'aller
plus loin pour vous permettre de tirer au moins une première conclusion
applicable à l'ensemble du projet de loi. Cette conclusion
générale, elle doit être la suivante:
II y a de bonnes raisons de douter du bien-fondé ou, tout au
moins, de l'à-propos des amendements au Code du travail proposés
par le projet de loi no 45. Nous savons bien que, dans un dossier aussi
complexe que celui des relations de travail, il est impossible d'arriver
à des propositions si évidentes qu'elles conduiraient à la
certitude et à l'unanimité. Nous espérons seulement qu'en
considérant avec attention les diverses données que nous avons
présentées il se crée au moins un doute sur
l'à-propos des réformes proposées.
Nous ne demandons pas que tous les membres de cette commission fassent
leur la totalité des opinions du CPQ. Pour justifier notre
dernière proposition, il nous suffit de savoir que l'analyse de nos
opinions peut conduire à un doute raisonnable. Puisque nous avons des
raisons de croire c'est le moins qu'on puisse dire qu'il subsiste
des doutes sérieux sur l'à-propos des réformes
proposées par le projet de loi no 45, il nous paraît logique de
demander au gouvernement de se donner encore un temps de réflexion. Le
gouvernement lui-même a déjà mis de l'avant le projet d'une
commission de révision des lois ouvrières. Ne serait-il pas alors
plus cohérent d'attendre les conclusions d'une telle commission avant de
faire une révision partielle des lois ouvrières? Cette conclusion
ne paraît-elle pas évidemment la plus sage quand il existe un
doute sérieux à propos des principes mêmes de cette
révision partielle? Voilà notre conclusion
générale, quant à nous.
Même si nous sommes profondément convaincus qu'il y a des
erreurs fondamentales dans l'orientation proposée par le projet de loi
no 45, nous sommes prêts à admettre qu'il s'agit seulement d'une
orientation douteuse exigeant une étude plus approfondie. D'ailleurs,
comme le démontre notre mémoire, dans le Code du travail, tous
les éléments sont liés et le résultat
recherché doit être finalement un équilibre. C'est pourquoi
une proposition inacceptable dans certaines conditions pourrait devenir utile
dans le cadre d'une révision générale où d'autres
éléments serviraient de contrepoids.
M. le Président, messieurs les membres de la commission, c'est le
mémoire du Conseil du patronat du Québec.
Le Président (M. Clair): Y a-t-il d'autres
représentants qui désirent se faire entendre? En effet, tel que
convenu, vous disposez de toute la matinée jusqu'à 13 heures pour
vous faire entendre, la période de discussion pouvant avoir lieu,
puisqu'il y a consentement au niveau de la commission, à compter de la
fin de la période des questions jusqu'à 18 heures ce soir. M. Des
Marais.
M. Des Marais: M. le Président, je demanderais au
président de la Chambre de commerce de la province de Québec
d'exprimer son point de vue.
Le Président (M. Clair): Allez-y.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Doyle (James): M. le Président, messieurs les membres
de la commission, la Chambre compte un "membership" réparti sur
l'ensemble du territoire québécois dans près de 200
chambres et "boards of trade" locaux, groupant ainsi au-delà de 31 500
membres auxquels s'ajoutent plus de 2500 entreprises de toutes tailles. Puisque
la Chambre n'est pas membre du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, il nous fait plaisir d'avoir été invités
à participer aux travaux de cette commission comme d'habitude, sans
aucune par-tinerie et dans l'intérêt de nos membres.
Tout d'abord, je dois vous faire part que jamais un projet de loi n'a
provoqué autant de réactions chez nos membres. Ils nous ont
communiqué leur opposition unanime de tous les coins de la province par
des centaines de lettres et d'appels téléphoniques.
C'était surtout la réaction de propriétaires et de
dirigeants de petites et moyennes entreprises. La chambre appuie
entièrement la position de principe du CPQ et elle est d'avis que les
problèmes soulevés dans le mémoire du patronat ne peuvent
être résolus qu'après une étude en profondeur et par
des experts, tout en prenant en considération ce qui se dit aujourd'hui,
ce qui se dira plus tard cette semaine devant cette commission, et ce qui a
déjà été dit au gouvernement par nous-mêmes,
par d'autres associations et par les media d'information.
Permettez-nous donc, dans ce contexte, de vous rappeler pourquoi nous ne
pouvons accepter ce projet de loi. Premièrement, il n'atteint pas,
à sa face même l'objectif visé de l'amélioration du
climat social par la réduction du degré de violence entourant les
conflits de travail.
Dans plusieurs cas, on se propose de réglementer, voire de
proscrire des exceptions, sans modifier les comportements
généraux beaucoup plus nocifs. Deuxièmement, il
confère aux associations de salariés une sécurité
à toute épreuve et des droits accrus au détriment des
salariés et, à un moindre degré, des employeurs, sans
imposer, en contrepartie, des responsabilités équivalentes.
Troisièmement, sa rédaction souffre de plusieurs
inexactitudes et d'ambiguïtés, lesquelles seront source de litiges
et occasionneront les délais dans le règlement de conflits.
Finalement, M. le Président, comme tous les membres de cette commission,
la violence dans les relations de travail nous préoccupe au plus haut
point. Le ministre a proposé la création d'une commission
d'enquête sur les vraies causes de la violence. Nous appuyons cette
proposition et nous espérons que le gouvernement y donnera suite
plutôt que de croire que les dispositions du bill 45 apporteront une
solution à ce problème.
Merci, M. le Président.
M. Des Marais: M. le Président, je demanderais maintenant,
avec votre permission, à M. Guy Laurin, qui est vice-président de
l'Association des manufacturiers canadiens, d'exprimer la position de son
groupe.
Le Président (M. Clair): M. Laurin.
Association des manufacturiers canadiens
M. Laurin (Guy): M. le Président, membres de la
commission, la division du Québec de l'Association des manufacturiers
canadiens est une de sept divisions à l'intérieur du pays qui
forment l'Association des manufacturiers canadiens. A son tour, la division du
Québec se divise en huit sections, à savoir: Montréal,
Québec, Drummondville, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, Granby, Sherbrooke
et la Mauricie.
Dans son ensemble, ces huit sections québécoises
représentent 1700 membres, 1700 entreprises manufacturières dont
70% sont de la petite et moyenne entreprise de 200 employés ou moins et,
par conséquent, très affectées par ce projet de loi.
Toutes nos sections ont été consultées directement, en
réunion, par l'entremise des comités de relations de travail
respectifs et notre mémoire représente une synthèse des
préoccupations majeures de notre membership.
Ce mémoire de l'AMC a déjà été soumis
à l'attention du ministre du Travail, et je vous dispenserai d'une
répétition superflue. Je me dois de souligner que nos
commentaires épousent étroitement ceux que l'on retrouve dans le
témoignage du Conseil du patronat. En qualité de membre du
Conseil du patronat, l'Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec, endosse sans réserve le mémoire qui vous est
soumis par le Conseil du patronat, soulignant autant les priorités que
les conséquences néfastes des retombées
économiques, si le projet de loi 45 est adopté tel que
soumis.
Le Code du travail est une élucubration dans laquelle on retrouve
une entité et une continuité de pensée. Vouloir y changer
certains principes fondamentaux par le projet de loi 45 sans les relier
à l'ensemble de la philosophie, c'est risquer sérieusement d'en
affecter sa valeur intrinsèque et d'engendrer une
détérioration du climat ouvrier au Québec et de
l'économie de la province.
Nous retenons, M. le Président, l'intention qu'aurait
manifestée le ministre du Travail il n'y a pas longtemps et qui a
été répétée sous une autre formule par M.
Forget, d'instituer, en quelque sorte, une commission Parent qui se pencherait
sur tous les problèmes relatifs à l'application du Code du
travail. Une des premières tâches de cette commission pourrait
être l'étude des retombées probables du projet de loi 45 en
fonction des revendications et témoignages précités.
A cet effet, M. le Président, nous désirons
réitérer encore une fois l'entière collaboration de
l'Association des manufacturiers canadiens. Merci, M. le Président.
M. Des Marais: M. le Président, avec votre permission, je
demanderais à M. Richard Laplante,
le président du Centre des dirigeants d'entreprise, d'exprimer
l'opinion de son groupe.
Le Président (M. Clair): M. Laplante, allez-y.
Centre des dirigeants d'entreprise
M. Laplante (Richard): Merci. Le Centre des dirigeants
d'entreprise est composé d'environ 450 entreprises qui nous
délèguent 900 individus; 80% du membership sont composés
de petites et moyennes entreprises.
Nous avons réuni nos membres au sujet du bill 45 pour discuter de
ce projet de loi, et nous avons été surpris de
l'agressivité que le projet de loi a suscitée chez les
représentants des PME, non pas qu'ils ne reconnaissent pas le rôle
qu'ils doivent jouer pour assainir le climat des relations de travail, mais ils
croient que le projet de loi 45 déséquilibre les forces entre le
monde patronal et le monde syndical, et ils sont convaincus que c'est la PME
qui devra en payer la facture.
Nous avons participé à toutes les consultations du CPQ sur
le sujet. Je peux vous assurer que le document qui vous est
présenté ce matin reflète les préoccupations et les
demandes des petites et moyennes entreprises.
Vendredi dernier, le Centre des dirigeants d'entreprise a tenu son
congrès, qui était axé sur les relations de travail. Les
membres présents n'ont fait que confirmer leur opposition au projet de
loi 45 et leur désir de le voir déféré à une
commission qui étudierait l'ensemble des relations de travail au
Québec. Merci.
M. Des Marais: M. le Président, avec votre permission, je
demanderais à M. Arthur P. Earle, représentant du Montreal Board
of Trade, d'exprimer l'opinion de ses membres.
Le Président (M. Clair): Allez-y, M. Earle. Montreal
Board of Trade
M. Earle (Arthur P.): Merci, M. le Président. M. le
ministre et membres de la commission, je suis représentant du Montreal
Board of Trade. Les membres de notre organisation sont des entreprises
commerciales et industrielles dans la région de Montréal. Il y a
2800 sociétés qui sont membres de notre "board".
Notre politique est de ne pas accepter des individus comme membres; ceux
qui remplissent des fonctions au "board" sont représentants des
organismes membres de notre organisation. Le "board" est, de son
côté, membre du Conseil du patronat du Québec. Nous sommes
complètement en accord avec les deux mémoires que vous avez dans
vos mains maintenant, celui qui a été soumis à tous les
membres de l'Assemblée le mois dernier et celui que M. Des Marais vient
de présenter devant cette commission ce matin. Notre "board" pense que
les différentes clauses de ce projet de loi auront un effet très
sérieux sur l'équilibre fragile entre le côté
patronal et le côté syndical.
M. Des Marais: M. le Président, nous avions limité
volontairement le nombre des interventions pour qu'il n'y ait pas de
répétition. A toutes fins pratiques, cela termine notre
présentation devant votre commission.
Le Président (M. Clair): Nous pouvons commencer
immédiatement la période de discussion. A la suite de
l'exposé que vous avez fait, messieurs les invités, je pense
qu'il serait normal et d'usage de donner la parole au ministre, aux
représentants de l'Opposition officielle, de l'Union Nationale et au
député de Beauce-Sud, dans l'ordre. M. le ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: D'abord, M. le Président, j'aimerais, encore
une fois, remercier les représentants au Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire le Conseil du patronat, ainsi que
les groupements qui les accompagnaient, pour leurs présentations.
Je crois que nous pouvons nous entendre là-dessus. Cet
après-midi, à moins vraiment que la Chambre s'y oppose, en
principe, nous devrions reprendre les auditions vers environ 4 h 30,
après la période de questions, et les questions selon l'article
34, pour venir terminer cette discussion pendant environ 1 h 30.
J'aurais une série de questions assez spécifiques à
poser. J'aimerais, M. le Président, si vous permettez, me
réserver la possibilité de revenir. J'irai brièvement, sur
certaines questions, immédiatement, quitte à revenir en cours de
route si vous n'avez pas d'objections.
Le Président (M. Clair): Sûrement, allez-y.
Réplique du ministre
M. Johnson: II me semble y avoir, de la part des
représentants que nous avons entendus, une inquiétude,
particulièrement en ce qui a trait à la petite et la moyenne
entreprise, inquiétude que j'ai vu partagée, il est vrai, par des
représentants de cette industrie lors de différents colloques
auxquels j'ai assisté depuis un mois et demi. Cependant, il y a une
question sur laquelle j'aimerais qu'on m'éclaire. Il est évident,
au moment où on se parle, qu'une petite entreprise fait, en
général, face, de façon plus difficile, à une
grève, qu'une très grande entreprise, et on se
réfère ici en particulier aux multinationales et aux entreprises
de 500 employés et plus.
Je me demande dans quelle mesure on invoque le fait du projet de loi no
45 pour affirmer que ce déséquilibre, entre les grandes et les
petites entreprises, est accentué. Ce déséquilibre, au
moment où l'on se parle, existe. Je me permettrai de citer un exemple.
General Motors, je crois, peut faire face à une grève de
façon beaucoup plus facile que ne peut le faire le propriétaire
d'une entreprise qui a 25 employés. Je ne vois pas en quoi vraiment le
projet de loi no 45 modifie cette situation. J'aimerais peut-être
entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Des Marais: M. le Président, nous pensons que dans une
situation de grève, une société comme celle qu'a
mentionnée le ministre peut très bien subir les effets d'une
fermeture plus ou moins longue, continuer à produire, s'il le faut,
ailleurs, prévoir des stocks étant donné les
capacités financières de ces sociétés beaucoup
mieux que la PME de 25 employés qui n'a pas cette capacité
financière, qui n'a pas ce choix d'aller produire ailleurs. Si elle est
soumise au projet de loi no 45 tel qu'il est devant nous, cela veut dire qu'au
moment où il y a une situation conflictuelle dans cette entreprise, elle
n'a d'autre choix que de fermer. A notre avis, cela ne peut être que
mortel pour cette petite entreprise. Elle ne pourra peut-être pas
survivre. Souvent, une entreprise de 25 ou 50 employés qui se trouve en
situation de grève ou lock-out peut possiblement continuer à
produire juste assez ou écouler ses stocks juste assez pour se rendre
jusqu'à la fin de la grève, mais compte tenu des dispositions
soit disant "antiscabs" que nous retrouvons dans le projet de loi no 45, on lui
enlève exactement tous les moyens. Je répète que
contrairement à la grande entreprise qui, elle, a des
possibilités très grandes et des solutions qui lui permettent de
survivre pendant une période indéterminée.
M. Johnson: Pourtant, M. le Président, si on se
réfère à la réalité statistique, des 755
conflits au Québec qui, depuis 1972, ont donné lieu à
l'engagement de briseurs de grève ou de "scabs" au sens de personnes
remplaçantes d'autres sur la ligne de production, on se rend compte
qu'il y en a eu 27. Je ne vois pas en quoi, encore une fois, le projet de loi
no 45 modifie cette situation. Au moment où on se parle, s'il y a une
entreprise, de taille moyenne ou petite, qui subit une grève, elle est,
effectivement, beaucoup plus vulnérable qu'une très grande
entreprise. Or, l'expérience nous démontre que moins de 3% des
conflits dans lesquels on retrouvait une grève ou un lock-out, ont
donné lieu à l'engagement de briseurs de grève. Je me dis,
dans le reste, cette situation, même si elle est plus difficile, a quand
même été tolérée par la petite et moyenne
entreprise. Je ne vois pas en quoi le projet de loi no 45 modifie cette
situation, sauf pour les 3% de ces entreprises dont la majorité
c'est vrai était des petites et moyennes entreprises, qui
utilisaient déjà des briseurs de grève.
M. Des Marais: M. le Président, il faut bien comprendre
que si le syndicat possède, après l'adoption du projet de loi, la
capacité de fermer à toutes fins pratiques de façon
sûre, claire, nette et précise l'entreprise qui est en
grève, c'est un effet psychologique absolument extraordinaire. Vous avez
raison en disant que les statistiques ne semblent peut-être pas indiquer
un très grand nombre. Nous avons d'ailleurs utilisé ces
statistiques. Je demanderais, avec votre permission, M. le Président,
à M. Ghislain Dufour d'expliciter cette réponse.
Le Président (M. Clair): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): La réponse est là.
Finalement, vous donnez maintenant un outil qui n'existait pas dans la loi.
Vous ajoutez dans la loi un autre outil dont vous ne parlez pas. C'est
l'arbitrage obligatoire dorénavant du premier différend. C'est
bien évident qu'en termes de stratégie syndicale, on va attendre
l'arbitrage qui va probablement donner plus que la dernière offre
patronale. A ce moment, par la disposition "antiscab" vous fermez l'entreprise.
Vous placez la PME dans une situation impossible parce que ce n'est pas la
grande entreprise aujourd'hui qui n'est pas accréditée, c'est la
PME.
Alors, c'est vers la PME que vous dirigez finalement votre arbitrage du
premier différend. Vous donnez un outil additionnel au syndicalisme, en
disant: Dorénavant, tu fermes! Vous faites une distinction dans la loi
en disant: Les cadres pourront assumer la production. Il faut avoir ce qu'est
une petite entreprise, finalement, ou une PME. Le cadre, c'est le gérant
de production, c'est le chef d'entreprise, finalement. Alors, le voyez-vous
utiliser son équipement pour faire de la production? Ce n'est pas
possible. Alors, vous la fermez automatiquement.
Maintenant, je souligne, M. le ministre vous avez bel et bien
indiqué vous-même, que c'était une inquiétude; c'est
un mot qui revient souvent qu'on n'a pas fait d'affirmation. C'est
l'inverse; on dit: C'est le gouvernement qui légifère, à
ce moment-ci, dans ce domaine. Est-ce que, lui, a évalué la
retombée sur les PME, retombée qui n'est pas celle du contexte
actuel, parce que vous donnez maintenant aux structures syndicales des pouvoirs
qu'elles n'avaient pas avant. Ce serait se leurrer de penser qu'elles ne les
utiliseront pas.
M. Johnson: Puisque vous semblez relier ceci, en fait, à
ce qu'on appelle parfois la grève de reconnaissance syndicale ou le
lock-out de reconnaissance syndicale dans le contexte d'une première
convention collective, ne croyez-vous pas qu'un arbitrage, sur décision
du ministre, en vertu du projet de loi tel qu'il est rédigé ou
tel qu'il pourrait être modifié, exercerait une pression
considérable sur les parties de conclure une entente, si cet arbitrage
était assorti, par exemple, de l'obligation de retourner au travail ou
de mettre fin au lock-out à partir du moment où l'arbitre
inter-veint? Ne croyez-vous pas qu'il s'agit là d'un moyen de pression
considérable et sur le syndicat et sur l'entreprise pour en arriver
à une entente qui soit une entente librement, mais dans un contexte de
pression, consentie par les deux parties?
M. Dufour: M. le ministre, je voudrais vous faire
préciser, parce que ce que vous dites dans la deuxième partie de
votre intervention, c'est neuf. Imposer le retour au travail tant et aussi
longtemps que la sentence arbitrale n'est pas rendue, c'est nouveau, cela.
M. Johnson: Je le pose comme hypothèse.
M. Dufour: Est-ce qu'on doit aussi considérer
l'hypothèse en réponse?
M. Johnson: Oui.
M. Dufour: En fait, l'objection majeure du patronat sur cette
orientation tient à l'intervention pure et simple de l'Etat dans le
domaine des relations de travail. On considère que les relations de
travail, c'est la loi des parties patronales-syndicales et que le moins l'Etat
interviendra, le mieux c'est. En acceptant le principe, on donne ouverture
à une intervention accrue de l'Etat. Aujourd'hui, pour le premier
contrat de travail, demain pour le deuxième. Si la sentence arbitrale,
finalement, a été assez favorable au syndicat, qu'est-ce qui va
se passer la deuxième fois? On va faire la même revendication pour
dorénavant régler par arbitrage à peu près tous les
conflits.
Le système d'arbitrage même est mis en question au
Québec et, comme gouvernement vous devriez le savoir aussi
vos préoccupations vis-à-vis du régime d'arbitrage au
Québec. Il est sûr que le syndicat va normalement attendre la
sentence arbitrale parce que cela va l'avantager. Je ne connais pas d'arbitre,
au Québec, qui ne donne pas un petit peu plus que la dernière
offre patronale. Vous allez tout simplement accentuer le
phénomène des grèves à ce moment-là.
Quant à la deuxième hypothèse que vous
émettez, à savoir si on exigeait le retour au travail en
attendant la sentence arbitrale, nous avons fait une proposition qui est tout
à fait différente, c'est une commission de médiation qui
devrait rendre public son rapport. On a l'impression que la pression du public
sur les parties serait suffisante pour déclencher le mécanisme
d'un règlement sans que l'Etat intervienne.
M. Johnson: J'aimerais peut-être entendre M. Massicotte sur
cette question.
M. Massicotte (Jean): Sur votre hypothèse, M. le
ministre?
M. Johnson: De façon générale, sur la
question de la première convention collective.
M. Massicotte: D'abord, M. le Président et M. le ministre,
je crois que c'est une erreur de faire deux conditions pour le
déclenchement de ce mécanisme de la première convention
collective.
Premièrement, de la façon dont le texte est
rédigé, on dit: La première condition, il faut que
l'intervention du conciliateur ait été infructueuse. On sait que
dans le projet de loi 45, la conciliation est maintenant devenue optionnelle.
S'il n'y a pas de demande, ni d'une partie, ni de l'autre, pour un
conciliateur, la première condition ne peut pas être remplie. Elle
ne pourra être remplie que si vous, M. le ministre, vous décidez
proprio motu de faire intervenir un conciliateur dans le conflit.
Deuxièmement, la deuxième condition, c'est qu'avant
qu'entre en jeu le mécanisme, il faut qu'il y ait grève. Je pense
qu'au point de vue strictement psychologique, le fait que ce soit dans la loi,
vous allez augmenter les grèves parce que les syndicats vont s'en
servir. Il y a une loi, comme tout le monde le sait, en Colombie-Britannique,
qui a trait à la première convention collective. Disons, sans
être tout à fait d'accord avec la législation de la
Colombie-Britannique, qu'au moins il y a des aspects qu'évidemment on ne
touche pas dans la loi 45, comme par exemple, on confie, en
Colombie-Britannique, le soin de déterminer le comportement des parties
à la table de négociations à la Commission des relations
de travail.
Dans la loi 45, le ministre va confier cela à un enquêteur.
Quel enquêteur? On ne le sait pas. Sur quels critères il va se
baser pour déterminer que l'une ou l'autre des parties n'a pas
négocié de bonne foi? On ne le sait pas. En Colombie-Britannique,
évidemment, les plaintes, en ce qui concerne le caractère de
bonne foi des négociations, font partie de la juridiction de la
Commission des relations de travail. Ils ont leur jurisprudence, ils ont tout
cela. En Colombie-Britannique, le ministre peut décider de confier
à la Commission des relations de travail: 1) de déterminer si
d'abord il y a eu mauvaise foi dans les négociations; 2) de
décider si la commission doit intervenir.
Ici, c'est le rapport de l'enquêteur qui va déclencher la
commission d'arbitrage dont parle la loi 45. Un rapport d'enquêteur que,
je suppose, nous ne verrons jamais. Une enquête sur laquelle l'employeur
ne pourra pas faire valoir les preuves qu'il pourrait avoir à l'encontre
des accusations qu'on porte contre lui. Ce qui veut dire que dès que
votre commission d'arbitrage va être formée, l'employeur va
être présumé coupable d'avoir négocié de
mauvaise foi. Je pense que la commission d'arbitrage, du moment que vous lui
donnerez un mandat, ne pourra pas ne pas penser: Voici un employeur qui a
négocié de mauvaise foi. Et l'employeur n'aura pas...
M. Johnson: Et le syndicat.
M. Massicotte: Oui, et le syndicat, sauf, encore là, si on
parle du syndicat, le code actuel ne reconnaît même pas que lui
puisse négocier de mauvaise foi. Si vous regardez au chapitre des
pénalités, il y a une pénalité spéciale
simplement contre l'employeur qui négocie de mauvaise foi. Il n'y en a
pas pour les syndicats. Voyez-vous la philosophie de votre projet de loi, c'est
que l'employeur c'est un méchant. On avait déjà les
articles 14, 15 et 16 où on est présumé coupable. On en
ajoute d'autres où on est encore présumé coupable. Et en
plus de tout cela, par exemple, à l'article, je pense, 58, en plus de
mélanger le droit civil, le droit pénal, on dit à un
employeur, par exemple: Si on trouve que tu as congédié quelqu'un
illégalement, tu vas le réembaucher, tu vas payer tout ce qu'il a
perdu jusqu'au moment où tu le réembaucheras. Si tu ne paies pas,
si tu ne le réembauches pas, en plus de cela, on t'impose une amende de
$500 par jour.
Dans la petite et moyenne entreprise, si on veut en parler, une amende
de $500 par jour, pendant une dizaine de jours, c'est à peu près
le plus
qu'elle va endurer. Votre projet ne prévoit pas non plus, par
exemple, s'il y a un appel.
Supposons qu'il y ait une décision d'un commissaire du travail
qui dit: Cet employeur a congédié illégalement. J'ordonne
la réinstallation. Le code prévoit dix jours pour faire un appel
au tribunal du travail. Voici la question que je me pose. D'abord cela peut
prendre du temps avant que la permission d'appeler soit accordée. Est-ce
simplement au moment où la permission d'en appeler est accordée
que l'ordonnance du commissaire-enquête devient exécutoire? Si
tout est suspendu, qu'arrive-t-il entre les deux? Cela va nous coûter
$500 par jour.
M. Johnson: Une dernière, puisque je veux quand même
laisser aux représentants de l'Opposition l'occasion de prendre la
parole avant que nous suspendions ce matin. D'abord, vous me permettrez de
considérer, M. Massicotte, que vous avez un peu élargi ma
question; je ne peux pas vous en blâmer. Il y a cependant, a mon avis,
une chose que je peux relever, la présomption de mauvaise foi; non pas
la présomption de mauvaise foi, mais l'orientation du code,
historiquement, était là puisqu'il existait et le
législateur, à l'époque, l'a constaté une
série de mécanismes, si on se reporte historiquement à il
y a une quinzaine d'années, utilisés par la partie patronale pour
finalement asseoir un pouvoir arbitraire face à des tentatives de
syndicalisation. De la même façon que la Commission du salaire
minimum a été créée, de la même façon
dans ce code on a reconnu une réalité qui était celle de
la force absolument arbitraire et incontrôlée de l'employeur dans
les relations de travail.
On se reporte historiquement à une période où le
syndicalisme n'avait peut-être pas les moyens qu'il a aujourd'hui de
façon générale pour défendre l'intérêt
des salariés.
En second lieu, je voudrais qu'on se comprenne bien, il n'est pas
et je ne pense pas qu'on puisse parler de l'intention du législateur
de l'intention du ministre de considérer que seuls les employeurs
peuvent être de mauvaise foi. Je pense que le code, à son article
41, impose une obligation de négociation, de diligence et de bonne foi
aux deux parties et qu'il prévoit par ailleurs, à l'article 126,
des pénalités qui sont des pénalités
générales s'appliquant à tout le monde. Finalement quant
à la peine de $500, il s'agit bel et bien d'un maximum de $500. Il
faudrait se rappeler qu'il s'agit d'une question, par les tribunaux
compétents, d'application de ces peines.
Une dernière question que j'adresserais de façon
générale, c'est celle qui touche cette notion de
l'équilibre et de recherche difficile dans une société des
droits exprimés collectivement et des droits des individus. J'aimerais
peut-être entendre puisque je sais que c'est une
préoccupation particulièrement de M. Dufour avec qui, d'ailleurs,
j'envisage d'acheter une roulotte bientôt puisque, chaque fois que je me
promène dans les colloques au Québec il est tout le temps
là élabore un peu ce point de vue de la difficulté
de réconciliation des intérêts à travers des
structures et des intérêts de l'individu par lui-même, en ce
qui a trait surtout aux griefs et à l'exercice du droit d'appel à
l'arbitrage.
M. Dufour: C'est-à-dire que dans votre intervention, M. le
ministre, il y a quand même plusieurs mots qui sont sortis: le mot
"équilibre", par exemple. Au départ, je pense que notre attaque
vis-à-vis du bill 45 tient d'abord dans ce mot. On dit que vous ne
créez pas d'équilibre. On devrait peut-être vous rappeler
que, depuis des années, le monde patronal demande aussi des amendements
au code on pourrait en énumérer toute une série
d'ailleurs ils sont dans le mémoire.
Nous arrive le bill 45 et je vous cite les grands thèmes de ce
projet de loi. La formule Rand, ce n'est sûrement pas à l'avantage
des employeurs. La loi "antiscabs", ce n'est sûrement pas à
l'avantage des employeurs. L'arbitrage du premier différend non plus, le
simulacre de vote de grève au scrutin secret, ce n'est à
l'avantage des employeurs.
Donc, dans la loi, on défait l'équilibre traditionnel en
donnant à peu près le paquet, je ne dis pas aux travailleurs,
mais aux structures syndicales. On le fait souvent au détriment des
droits individuels. Je ne vous en cite que quatre ou cinq. La loi "antiscabs";
évidemment, on peut en discuter sur une base économique, mais
c'est une question de principe, c'est un droit individuel, un droit de
propriété qui est mis en cause. C'est drôle de voir comment
sur certaines autres tribunes on peut défendre certaines libertés
individuelles; ici, on en a une qui est fondamentale dans notre système,
qui est le droit de propriété, et on la balance: Le droit, pour
un travailleur qui paie une cotisation syndicale, d'avoir son mot à dire
dans une décision qui l'embarque drôlement, la grève. Vous
faites disparaître, dans votre projet de loi no 45, la possibilité
pour un travailleur individuel, dorénavant, de soumettre lui-même
un grief à l'arbitrage; il devra passer par le syndicat.
Vous demandez à un employeur de ne pas conserver à son
emploi un travailleur qui, au moment d'une campagne de maraudage syndical, par
exemple, travaillerait pour un autre syndicat. Si le syndicat décide de
l'expulser, l'employeur n'a pas le choix.
Voici quatre ou cinq libertés individuelles qui sont
transférées vis-à-vis du syndicalisme et vis-à-vis
des droits collectifs. Ce n'est pas le rôle de l'Etat de faire un tel
transfert compte tenu des pouvoirs actuels des structures syndicales. S'il y
avait au moins certains avantages conférés aux travailleurs,
notamment, sur le plan des libertés individuelles, on pourrait
peut-être, mais il n'y en a aucun. Quant à nous, on serait heureux
de se faire identifier une seule de ces libertés individuelles
confirmée dans le projet de loi no 45.
M. Johnson: Je ferai peut-être une dernière
remarque, non pas poser une question. D'abord, je voudrais vous faire remarquer
qu'au Québec, depuis 12 ans, il y a eu une douzaine de lois
spé-
ciales, des lois qui, toutes, ordonnaient le retour au travail avec un
tribunal d'arbitrage ou la fixation de conditions dans la loi elle-même,
ou encore la nomination d'un médiateur spécial dont la
décision devait être considérée comme finale et
nomination d'un médiateur spécial dont la décision devait
être considérée comme finale et définitive.
Ces lois spéciales, si on les prend individuellement, au niveau
de l'opinion publique, pouvaient peut-être sembler justifiées; je
pense, entre autres, à des secteurs aussi névralgiques que les
hôpitaux. Cependant, si on fait le cumul de cette législation
depuis quelques années, je pense que les salariés au
Québec ont appris à développer une certaine
appréhension face à l'Etat qui pouvait sembler être d'abord
et avant tout le bras politique d'une vision patronale de la
réalité des relations de travail. En ce sens, le projet de loi no
45, avec toutes ses imperfections et avec toutes celles qui demeureront
possiblement après des amendements, est fondamentalement
différent au niveau de ce que j'appellerais la crédibilité
de l'Etat en matière de relations de travail.
Pour revenir brièvement sur cette question des droits collectifs
et des droits individuels, je vous ferai remarquer que le "closed shop" est une
chose qui a été négociée. Je vous ferai remarquer
que des employeurs ont signé des conventions collectives incluant des
dispositions qui donnaient un pouvoir de vie ou de mort sur le travail par les
syndicats; par exemple, pour continuer à travailler dans une entreprise,
il faut appartenir au syndicat. D'autre part, on sait que dans certains
secteurs je ne donnerai pas d'exemples, mais il y en a le
syndicat pouvait utiliser ce pouvoir de retrait de la carte de façon
également tout à fait arbitraire.
Pourtant, le projet de loi 45 met fin, par un article, à ce type
de dispositions. D'autre part et cela je peux vous l'annoncer comme un
amendement, car effectivement il y a une ambiguïté de
rédaction quand on parle d'activités contre son syndicat,
on parle, évidemment, d'une activité qui est reliée
à la notion de collusion avec l'employeur. Il ne s'agit pas, par
définition, d'empêcher les travailleurs de choisir librement leur
syndicat. Ce n'est pas parce qu'un syndicat est dans une entreprise qu'il doit
y rester à jamais. C'est vrai que le texte est ambigu, mais il sera
modifié en ce sens.
Finalement je pourrais peut-être commenter le fait que le vote
secret, à mon avis, je ne vois pas en quoi, par définition il
favorise la structure syndicale. Je pense qu'il est fondamental.
Peut-être avez-vous quelques réserves sur la mécanique
lourde, complexe qui sera également l'objet de certains amendements,
mais je crois fondamental la notion du vote secret qui, d'ailleurs, existe dans
90% des cas, qui est prévu dans l'immense majorité des syndicats
et qui fait partie de la pratique courante dans la majorité des
syndicats.
Par exemple, dans le cas de certains syndicats dans le secteur public,
une grève ne peut pas être déclenchée sans un
scrutin secret de 66%. C'est la même chose, si je ne m'abuse, pour les
métallos; c'est la même chose pour le syndicat des professeurs de
l'Université de Montréal; c'est le cas dans plusieurs secteurs.
En ce sens, le vote secret est introduit dans cette loi comme obligatoire,
même si nous savons qu'il est exercé dans la majorité des
cas. Il y a là une valeur de message dans cette notion de l'obligation
du vote secret que nous introduisons. Je pense que c'est là, d'abord et
avant tout, pour permettre aux humains, aux êtres individuels d'exercer
dans leur conscience, avec leurs responsabilités, ce choix de prendre
une décision aussi importante que celle d'avoir recours à la
grève ou pas.
En ce sens, je pense qu'il s'agit là d'une chose fondamentale au
niveau de cette notion du respect des droits des travailleurs comme individus,
indépendamment des structures auxquelles ils appartiennent.
M. Dufour: M. le ministre, dans votre première
intervention, vous avez référé à onze ou douze lois
spéciales connues au cours des dernières années. Je
partage entièrement votre point de vue à l'effet qu'il y en a eu
trop. Mais on devrait probablement vous rappeler que c'est purement ou à
peu près dans les secteurs public et parapublic. Il y a eu la
construction. Or, le défaut fondamental du projet de loi 45, c'est de
n'apporter rien de neuf, justement, dans les mécanismes de
négociation dans la fonction publique et parapublique.
Vous allez me répondre: II y a la commission Martin. Quand
même, les vrais problèmes de relations de travail au
Québec, ils existent dans les secteurs qui relèvent de
l'autorité gouvernementale et, finalement, vous n'apportez rien comme
réponse dans le projet de loi 45.
Quant à l'article 38, et le "closed shop", je vous signale qu'on
n'est pas en désaccord avec la première partie de l'article. On
l'a toujours appuyé et on l'appuie dans le mémoire. Ce à
quoi on en a dans cet article, c'est lorsque vous faites
référence après aux activités directes, indirectes,
etc. Quand les centrales syndicales disent que finalement ce sont des nids pour
du juridique, vous en avez un exemple ici. Comment voulez-vous décrire
une activité directe ou indirecte ou même la collusion? Quant au
vote de grève, je vais demander à un autre collègue d'en
parler. Quand on dit, nous, que c'est un simulacre, c'est que ce que vous
faites vous venez de l'exprimer c'est confirmer ce que les
centrales syndicales nous disent depuis trois mois sur la place publique.
Cela existe déjà, c'est déjà dans nos
statuts, c'est déjà dans nos règlements. Mais vous
n'entourez pas tout le vote de grève au scrutin secret des dispositions
que vous recommande notamment le Barreau, que vous recommande l'ensemble des
gens qui sont préoccupés de cette question. Surtout, vous ne
pouvez pas parler d'assurer la liberté individuelle quand vous acceptez
que le vote de grève, même s'il est au scrutin secret, ne soit pas
surveillé par une instance extérieure au syndicat, quand,
deuxièmement, dans une situation de formule Rand, vous empêchez
les gens qui ne sont pas membres du syndicat de participer à ce qui les
engage drôlement, et quand, surtout,
vous ne mettez même pas de pourcentage obligatoire. Vous allez
revivre exactement les mêmes situations où 200 gars
décident pour 5000 travailleurs.
M. Johnson: On a élu des commissaires scolaires sur
l'île de Montréal avec moins de 17% de la population.
M. Dufour: Oui, mais ils ne sont pas obligés de payer une
formule Rand.
M. Johnson: Ils payent des impôts scolaires, par
exemple.
M. Chevrette: Ils peuvent entamer des budgets.
M. Johnson: On pourra peut-être revenir là-dessus
cet après-midi.
M. Dufour: On reviendra.
M. Johnson: M. le Président, je veux bien permettre
à l'Opposition d'amorcer une première série de
questions.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'aimerais, en premier lieu, remercier nos
invités pour non seulement un excellent mémoire, une excellente
présentation, mais aussi pour les réponses qui, dans certains cas
au moins, ont ajouté des éléments nouveaux, du moins pour
votre humble serviteur, à l'ensemble du débat sur les questions
touchées par la loi 45.
J'aimerais aborder un certain nombre de questions. Je n'aurai pas le
temps de le faire entièrement d'ici 13 heures mais, en premier,
j'aimerais apporter certaines questions sur la question de la partie antiscabs
ou antibriseurs de grève, et la question de la violence dans les
relations de travail. Avant de poser ma question, je peux à peine
résister à l'occasion que le mémoire nous offre de
démontrer et ce sera peut-être la seule fois que des
parlementaires savent mieux compter que le Conseil du patronat. Il y a
peut-être une erreur de frappe, à la page 6, où vous avez
un pourcentage qui est dix fois trop gros, puisque 3% de 2% fait .06% et non
pas .6%. Votre argument est d'autant plus fort pour cela. Vous
reconnaîtrez que la tentation était trop grande.
Sur cette question, et pour revenir à des choses
sérieuses, de l'importance des briseurs de grèves dans le sens
technique dans lequel la loi aborde la définition de briseurs de
grève, ce ne sont certainement pas des briseurs de jambes. Il y a une
certaine confusion dans le public entre la violence et les briseurs de
grève. Je crois que c'est une confusion qui doit être
clarifiée. Pour ce qui est des pourcentages que vous citez, est-ce
qu'à votre connaissance ces choses sont contestées par qui que ce
soit ou si c'est un terrain commun, qu'on admet, autrement dit, en autant que
vous le sachiez, de tous côtés, qu'effectivement le phé-
nomène des briseurs de grèves en est un très minoritaire
comme pratique actuelle?
M. Des Marais: Je pense qu'on ne peut que répéter
que, si on élimine des services publics où il y a eu beaucoup de
grèves, on ne retrouve habituellement pas des briseurs de grève
là, dans le sens large du mot. Dans les grandes entreprises, pas
très souvent. Dans la petite entreprise, peut-être un peu plus
souvent, mais pas beaucoup. Ces chiffres ne sont pas nos chiffres. Ils sont
peut-être mal interprétés. Ce sont les chiffres qu'a
émis le ministre de la Justice. La base de notre argument n'est pas
tellement dans le nombre, quoique le nombre nous dise que ce n'est
peut-être pas un si grand problème que cela, mais c'est
d'appliquer une mesure tel que le prévoit la loi no 45 sur les briseurs
de grève. Cela n'enlèvera pas le but que nous poursuivons, sans
doute, tous ensemble, d'éliminer la violence dans les conflits.
D'ailleurs nous avons une très longue liste de conflits que vous
connaissez où il n'y avait pas un seul "scab", un seul briseur de
grève et où, à partir du moment où a
été déclenchée la grève, il a
commencé à y avoir de la violence, du vandalisme. Nous avons eu
de nombreux exemples au cours des quatre ou cinq dernières
années, autant dans le domaine public que dans le domaine
privé.
M. Forget: Autrement dit, on pourrait dire qu'il peut y avoir des
briseurs de grève sans violence et il peut y avoir la violence sans
briseurs de grève. Il n'y a pas de lien nécessaire entre les
deux. La violence c'est un phénomène plus répandu que le
phénomène de briseurs de grève.
M. Des Marais: M. le Président, sans l'ombre d'un doute.
Reprenons des cas dans le domaine public. Au moment où les pompiers de
Montréal se sont mis illégalement en grève, est-ce qu'il y
avait des "scabs"? Il n'y en avait pas de "scabs". Il y a eu de la violence. Au
moment où les policiers ont posé des gestes certainement
répréhensibles, il n'y avait pas de "scabs". Il y a eu de la
violence. Au moment où plus près je ne peux manquer
d'utiliser cet exemple de moi, dans une grève absolument
légale à ville d'Outremont, l'été dernier,
où il n'y avait pas de "scabs", il n'y avait pas de briseurs de
grève, où c'était bien entendu avec le syndicat que, du
moment que la grève était déclenchée, il n'y avait
aucun effort de fait de la part de l'employeur pour tenter de continuer aucun
des services donnés à la population, dans les premières
minutes qui ont suivi le déclenchement de la grève, cela a
été du vandalisme, de la violence pendant sept semaines.
M. Forget: Pour cette question de la violence qui, sans aucun
doute, préoccupe tous les observateurs de la scène des relations
de travail dans votre mémoire il y a un certain nombre de
suggestions est-ce qu'il y a eu des tentatives faites soit par les
membres du Conseil consultatif du travail, soit par le Conseil du patronat ou
d'autres organismes patronaux en conjonction avec des organismes syndicaux pour
essayer de définir en
quelque sorte un certain code d'éthique relativement à un
certain nombre de pratiques qui engendrent la violence ou qui peuvent engendrer
à certains moments de la violence? On parle, d'un côté, des
agences de sécurité; d'autre part, des problèmes allant
alentour du piquetage, de l'interprétation du piquetage, de sa
portée, etc. Est-ce qu'il y a eu des tentatives qui ont
été faites entre les parties en présence sur le
marché du travail par leur porte-parole officiel pour en venir à
des règles du jeu qui seraient acceptées par les deux
côtés?
M. Des Marais: M. le Président, la réponse est non.
C'est certainement un projet qui devrait être étudié par
les membres qui siègent au CCTM.
Vous pourrez je vous le suggère respectueusement
poser la question à la partie syndicale qui sera ici jeudi. Au moment
où on en parle de façon informelle, ces gens nous
répondent que ce ne sont pas eux qui créent la violence, c'est un
état de frustration qui est amené chez leurs membres pour toutes
sortes de bonnes raisons qui crée un climat propice à la
violence, ce sont les mauvais agents de sécurité et il y
en a sans doute mais, de façon générale qui
provoquent les employés ou les ouvriers sur la ligne de piquetage.
Cela va beaucoup plus loin, c'est un état d'esprit où, au
Québec, depuis plusieurs années, on tient pour acquis qu'au
moment où il y a un conflit ouvrier, les lois habituellement en vigueur
ne s'appliquent plus, c'est-à-dire qu'on peut casser la gueule de son
voisin durant une grève et s'en tirer, on peut collectivement briser des
choses, endommager la propriété privée et s'en tirer.
D'ailleurs, dans ce domaine, il y a aussi tellement d'exemples de gestes qui
seraient posés hors d'une grève qui amèneraient
automatiquement quelqu'un en cour, où les policiers procéderaient
à une poursuite: par contre, en situation de grève ou de
lock-out, tout est permis. C'est beaucoup plus un état d'esprit,
effectivement, de déterminer les droits et les responsabilités de
chacun, l'employeur ayant sans doute des droits et les employés membres
d'une unité de négociation ayant sans doute aussi le droit
d'informer le public comme c'est la base du principe de piquetage
qu'il y a là un conflit de travail et non d'établir une
barrière physique pour empêcher toute suite dans les
opérations.
M. Forget: Est-ce qu'on pourrait affirmer, à la suite de
votre réponse, que le Conseil du patronat serait disposé à
entreprendre de pareilles discussions avec le mouvement syndical si, d'autre
part et on va le lui demander sûrement il y avait, de ce
côté-là, le désir de régler cela
peut-être même sans qu'il soit nécessaire de
légiférer? Je pense que, dans ces domaines, les lois suivent plus
facilement les moeurs que le contraire. Il est clair qu'il y a un
problème réel qui préoccupe tout le monde. Sans savoir qui
a apporté le microbe, on peut s'entendre pour guérir la maladie
ensemble. A ce point de vue, je pense que ce serait peut-être un
élément très positif à part les travaux qui se
déroulent à l'Assemblée nationale qui, eux, ne sont pas
toujours positifs, qui essaient de l'être, ce serait un
élément positif de la part des deux partenaires, sur le
marché du travail, d'essayer d'établir des règles du jeu;
mais ce n'est qu'une suggestion. On reposera certainement la question à
vos contreparties.
Vous avez parlé des premières négociations.
J'aimerais bien que M. Des Marais ou M. Massi-cotte, qui a fait quelques
remarques fort intéressantes sur le mécanisme prévu par la
loi à ce sujet, nous expliquent la signification qu'a cette
première convention selon eux. C'est une question d'appréciation,
bien sûr. Si le ministre a décidé d'introduire cette mesure
dans un projet de loi, c'est qu'il envisage qu'il existe un problème
particulier. Du côté patronal, j'aimerais savoir quelle est la
signification que vous attachez à cette première étape,
à ce premier contact en quelque sorte entre un syndicat et
l'employeur.
M. Des Marais: Je demanderais peut-être à Me
Massicotte de répondre.
M. Massicotte: M. le Président, je pense que la
première réaction, c'est celle que le Conseil du patronat vous a
donnée, c'est l'ingérence de l'Etat dans ce domaine. La
première convention collective, à mon sens et selon
l'expérience que j'ai un peu de la négociation, n'est pas plus
difficile à négocier que la deuxième ou la
troisième ou la quatrième. Je ne connais pas d'exemple ou, du
moins, je ne connais pas, si vous voulez, les faits qui amènent le
gouvernement à suggérer que, lors d'une première
convention collective, si les parties sont en grève, son contenu soit
imposé par un conseil d'arbitrage.
D'abord, il y a une chose certaine, du moins du côté
patronal, c'est qu'on considère que peut-être on veut substituer
les décisions d'un conseil d'arbitrage aux décisions qui
appartiennent en propre à un employeur. Je vois mal un conseil
d'arbitrage, surtout avec le genre de composition que la loi prévoit,
déterminer pendant un an les clauses d'ancienneté, par
exemple.
Le conseil d'arbitrage peut être complètement ignorant du
fonctionnement pratique de l'entreprise, de la relation ou de la non-relation
entre les différentes occupations à l'intérieur d'une
entreprise; un conseil d'arbitrage pourrait, par exemple, parce qu'il a
confiance dans le principe de l'ancienneté, déclarer que dans la
convention collective de la compagnie X et du syndicat Y, il y aura une
ancienneté stricte en matière de promotion, en matière de
mise à pied, en matière de transfert, etc., sans avoir tenu
compte des faits ou des particularités de l'entreprise. Je pense que les
praticiens dans ce domaine savent qu'une clause d'ancienneté peut mettre
une entreprise, particulièrement une petite entreprise, en faillite, si
vous avez une clause d'ancienneté stricte.
Le ministre a suggéré tout à l'heure la
possibilité que, dès que la commission d'arbitrage est
formée, la grève ou le "lock-out" se termine, selon ce qu'on l'a
appelé dans certains milieux, et que la commission d'arbitrage rende une
décision intérimaire. Dire: Retournez au travail, on se penche
sur votre problème et on va vous décider ce qu'il doit y avoir
dans la convention collective.
Si je reviens à la Colombie-Britannique, au moins dans la
législation de la Colombie-Britannique, on a donné à la
commission des relations de travail certains critères pour
déterminer quel serait le contenu de la première convention
collective. On a dit: Vous ferez des comparaisons avec des secteurs
comparables. Vous ferez telle et telle chose. Ici, nous n'avons rien de cela.
Cela va être laissé, jusqu'à un certain point, de la
façon que je comprends le bill 45, à l'arbitraire du conseil
d'arbitrage. C'est un conseil d'arbitrage à trois membres, ce sera la
décision du président et cela dépendra évidemment
de la valeur des personnes que l'employeur et le syndicat auront nommées
au conseil d'arbitrage. C'est tout cela qui nous pousse à avoir des
inquiétudes.
Ce qui nous pousse surtout à avoir des inquiétudes, moi
personnellement, c'est l'enquêteur, avec tous les pouvoirs de la loi sur
les commissions d'enquête, c'est-à-dire l'enquêteur qui est
accusateur, qui est procureur, qui est juge, qui est tout ce que vous voulez,
et à qui on ne pourra pas faire valoir si on est de mauvaise foi ou si
on n'est pas de mauvaise foi. Il va faire son rapport au ministre, cela finit
là. La commission d'arbitrage ne pourra même pas savoir si
l'employeur ou le syndicat a agi de mauvaise foi dans ces négociations.
C'est tout cela qui nous inquiète.
Le Président (M. Clair): Messieurs, il est treize heures,
nous devrions reprendre nos travaux vers seize heures trente, mais pour
l'instant, nous ajournons nos travaux sine die, en attendant un ordre de la
Chambre, cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
Reprise de la séance à 16 h 40
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour procéder à l'étude
article par article du projet de loi no 45 intitulé: Loi modifiant le
Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Conformément à une entente intervenue entre les
partis représentés à l'Assemblée nationale, nous
entendrons les membres du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Les membres de la commission, s'il n'y a pas de changement,
seront les mêmes que lors de la séance de ce matin.
M. Forget: Oui. M. Ciaccia...
Le Président (M. Clair): Alors allons-y. M. Bellemare
(Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), et M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste
(Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Raynauld
(Outremont) remplace M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce); c'est bien cela?
M. Mercier (Berthier) remplace M. Marois (Laporte); M. O'Gallagher (Robert
Baldwin) remplace M. Pagé (Portneuf); M. Roy (Beauce-Sud).
Au moment où nous avons ajourné nos travaux, plus
tôt dans la journée, la parole était au
député de Saint-Laurent. Avant d'accorder la parole au
député de Saint-Laurent, je voudrais inviter tous les
intervenants à être le plus brefs possible dans leurs questions.
Nous aurons largement l'occasion de faire des commentaires sur chacun des
articles au moment de faire l'étude article par article du projet de
loi.
M. le député de Saint-Laurent, vous aviez
déjà pris une quinzaine de minutes. Juste à titre
indicatif, je pense qu'une dizaine d'autres minutes, avant d'entamer la liste
des députés qui ont manifesté le désir
d'intervenir, serait convenable.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président.
M. Couture: Vous n'êtes pas obligé de prendre vos
quinze minutes.
M. Forget: Je ne suis pas obligé. Je vais essayer de m'y
restreindre, M. le Président. J'avais commencé une question sur
la première convention et on a donné, à ce
moment-là, une réponse qui peut paraître surprenante pour
les non-initiés du moins, réponse selon laquelle la
première convention n'est pas nécessairement plus difficile que
la deuxième ou la troisième. C'est peut-être le cas dans un
certain nombre de situations concrètes. Le Conseil du patronat, ou un
autre des organismes qui sont devant nous, pourrait-il nous dire comment, dans
les faits, on peut évaluer la difficulté de la conclusion d'une
première convention
collective? Par exemple, est-ce qu'une proportion relativement plus
forte des conflits, des grèves, des lock-out se produit à
l'occasion d'une première convention collective? Parce que, encore une
fois, pour les non-initiés, on a souvent l'impression qu'il y a
là un problème. Et je suis un peu surpris qu'on nous dise: Non,
il n'en est rien, c'est un problème comme les autres, c'est une
négociation comme les autres. Pourriez-vous nous éclairer
là-dessus?
M. Dufour: Je vais demander à M. Massicotte de
répondre. En tout cas, je pense que la question est bien posée.
Il faudrait probablement demander au ministre du Travail qui a glissé
cette proposition dans le projet de loi 45 de nous le dire, mais il faut
sûrement faire une distinction entre les grandes entreprises et les
petites et moyennes entreprises. Dans les grandes, il y a déjà ce
qu'on appelle un "pattern Bargaining" qui est déjà établi.
C'est bien sûr que l'employeur, à moins de lutter pour un certain
nombre de principes, si c'est purement au niveau des clauses salariales par
exemple, on va éviter les grèves; c'est évident.
Au niveau des PME, je ne pense d'ailleurs pas qu'il y ait des chiffres
au niveau du ministère qui existent là-dessus, en tout cas, le
ministre pourra y répondre; mais je pense que cela revient à ce
qu'on disait ce matin. Ce n'est pas tellement la situation actuelle qu'il faut
envisager, c'est la situation à venir, considérant que,
dorénavant, comme on l'exprimait ce matin, le syndicalisme n'aura jamais
rien à perdre à faire la grève. Il peut demander n'importe
quoi et finalement, à ce moment-là, il sait que ce sera un
arbitre qui réglera éventuellement le problème. On a
souvent dit dans notre mémoire que toutes les propositions sont
intégrées. Il ne faut pas oublier non plus que vous avez une
autre disposition dans le projet de loi 45 qui prévoit que,
dorénavant, on pourra déclencher un vote d'accréditation
lorsqu'on aura 35% des cartes de membres signées au lieu de 50%. C'est
présenté par le syndicalisme... par le gouvernement, comme devant
accentuer le syndicalisme. Lapsus qui n'était peut-être pas
tellement discutable.
Mais vous avez là une autre ouveture qui permettra des
accréditations additionnelles et qui amplifiera, éventuellement,
le problème des grèves possibles. C'est sur le plan purement
théorique. Au plan pratique, dans le concret, Me Massicotte, qui est un
praticien, pourra compléter.
M. Massicotte: M. le Président, je peux simplement me
baser sur mon expérience personnelle dans les négociations.
J'oserais m'aventurer à dire qu'il y a moins de conflits sans
avoir de statistiques précises mais en me basant sur mon
expérience de quelques années qu'il y a moins de conflits
à l'occasion de la première convention collective qu'il y en a
à l'occasion des renouvellements. On dirait que les syndicats et les
employeurs font face à la première convention collective. Ils ont
envie d'en finir le plus tôt possible. Les négociations sont
évidemment peut-être un peu plus dures à l'occasion d'une
première convention collective parce que c'est tout nouveau pour
l'employeur et aussi pour les employés, pas pour les
représentants des employés. A ce moment-là,
l'expérience semble indiquer, même s'il n'y a pas de statistiques
disponibles à ce sujet, qu'il y a moins de conflits à l'occasion
d'une première convention qu'à l'occasion de ces
renouvellements.
M. Forget: Dans le contexte de vos remarques sur les
mécanismes envisagés pour la loi lors de la conclusion ou de la
non-conclusion d'une première convention collective, et l'intervention
du ministre... Sans vous demander d'accepter ce que vous jugez en principe
inacceptable, il reste que, pour explorer avec vous différentes
possibilités, le ministre a indiqué ce matin qu'il pouvait
envisager que cette règle soit assortie d'une condition de retour au
travail. Vous avez souligné que, malgré tout et malgré
cette disposition, il restait que, pour le syndicat, c'était pile je
gagne, et face le patron perd. Ceci dans une certaine mesure puisqu'il y a
toujours une possibilité de gain par l'arbitrage. Pour éviter que
ce soit utilisé à des fins stratégiques parce que, dans le
fond, c'est ce que vous disiez, si la formule de l'arbitrage devait être
maintenue, ne serait-il pas plus acceptable d'envisager que l'arbitre ait le
choix entre deux possibilités seulement? C'est-à-dire soit de
prendre l'une ou l'autre des dernières offres ou des dernières
demandes de l'une ou l'autre des parties.
M. Dufour: On a déjà eu l'occasion, au conseil, de
se prononcer sur cette formule qu'on appelle le "final offer selection" ou le
choix de la dernière offre, et on l'a refusée. Parce qu'à
ce moment-là, comme on le mentionnait ce matin, vous pouvez
mélanger des clauses monétaires avec des clauses
d'ancienneté et pour l'employeur cela peut justement être les
clauses d'ancienneté où la procédure d'arbitrage de grief
est importante. Alors que cela peut être le monétaire pour le
syndicat. Comment vont se faire les stratégies?
Cette formule qui existe aux Etats-Unis a d'ailleurs été
très peu utilisée jusqu'à maintenant. Cela pourrait
être un objet d'étude, si vous permettez, M. le
député, mais la réaction rapide du conseil a
été de refuser le choix de la dernière offre. Je ne pense
pas que, même au niveau gouvernemental, on se prêterait à ce
genre de formule d'arbitrage des différends dans le contexte de la
formule actuelle.
M. Forget: Un autre sujet. Le Conseil du patronat, dans son
mémoire, suggère, exhorte même, le gouvernement et le
ministre, à différer l'adoption finale de ce projet de loi, de
manière à se donner une meilleure vue d'ensemble des
réformes sur l'ensemble du droit de travail qui devrait être
introduit. J'aimerais savoir si c'est... Je vais y aller très
directement mais c'est délibérément que je le fais pour
vous provoquer là-dessus... Mais on pourrait facilement dire que c'est
une mesure dilatoire, les mêmes problèmes se poseront dans
quelques mois. Dans le fond, on ne gagnerait rien, ni l'ensemble de la
population, ni le gouvernement, par un délai additionnel.
Croyez-vous vraiment que, d'une part, en considérant le
problème dans son ensemble, les possibilités d'une
façon réaliste d'en arriver à des solutions qui
soient les moins contestables possible je pense bien qu'on n'aura jamais
l'accord complet mais des chances d'arriver à quelque chose qui
soit une solution d'ensemble, pour autant qu'on peut trouver une solution
d'ensemble, mais une réforme en profondeur de l'ensemble du droit du
travail, que ce serait plus probable d'obtenir cette espèce de consensus
que de procéder d'abord, comme semble le vouloir le ministre, par une
réforme partielle et, après cela, la faire suivre d'une
réforme de plus d'envergure? J'aimerais que vous répondiez
à cela, non pas seulement théoriquement, mais quant à
votre propre attitude, comme Conseil du patronat en face de ces deux options,
parce qu'il est clair qu'il y aurait aussi des problèmes de conscience
lors d'une révision d'ensemble du Code du travail, et est-ce que vous
croyez sincèrement qu'il vous serait plus facile d'accepter une
révision d'ensemble qu'une révision partielle?
M. Des Marais: M. le Président, la réponse est non.
Nous ne cherchons d'aucune façon un délai pour le délai,
il faut se rappeler que, quand nous avons répondu à l'invitation
du gouvernement au sommet économique, il a été question de
ces choses. Nous avions demandé très clairement au premier
ministre un moratoire d'un an de façon à pouvoir revoir cette
question. La réponse du premier ministre a été très
claire à ce moment, c'était non! Cependant, nous avions compris,
en quittant le sommet économique, qu'il n'y aurait pas de changement
majeur dans un court délai et ce fut à notre grande surprise en
effet que nous avons appris la présentation du projet de loi 45. En
conséquence, on peut se poser la question. Quels seraient les dangers
d'un délai additionnel pour d'abord raffiner le projet de loi tel qu'il
est présenté? Je le répète, sur certains des
aspects du projet, nous n'avons pas d'objection de principe, c'est plutôt
dans l'application qu'on se pose des questions. Mais quelles seraient les
pénalités d'un délai de quelques mois ou même de six
mois encore d'aujourd'hui, alors que, de façon générale,
le climat des relations de travail est meilleur et qu'on peut prévoir
qu'il n'y n'y a pas de convention qui vient à échéance, de
façon normale, dans les mois qui viennent, qui puisse nous amener dans
une période conflictuelle? En conséquence, c'est non au
délai et c'est beaucoup basé sur l'attitude absolument unanime du
monde patronal quant à notre réaction à ce projet de loi
que nous disons: Veuillez, s'il vous plaît, messieurs, revoir toute cette
question, passer par le chemin, que ce soit comme nous le proposons, une
commission de révision des lois ouvrières ou, comme il a
été proposé ce matin par le député de
Saint-Laurent une commission de l'Assemblée, ou encore, comme on le voit
dans le Star d'aujourd'hui, une espèce de commission royale
d'enquête, qui d'ailleurs a déjà été
annoncée par le ministre il y a quelques semaines, sinon un mois. Nous
pensons qu'il n'y a pas de danger au délai et qu'il y a un avantage pour
tout le monde. Les parties seront sensibilisées, la partie patronale de
tous les milieux, de la grande entreprise à la très petite
entreprise, quelles que soient les différentes tendances
idéologiques à l'intérieur des associations patronales,
est absolument unanime. Nous, nous sommes prêts, comme nous l'avons fait,
je pense, à faire valoir chacun de nos arguments, quel que soit le genre
de commission qui serait mise sur pied, elle n'aurait pas à travailler,
à notre avis, très longtemps et on pourrait en arriver on
ne serait peut-être pas complètement satisfait du résultat
éventuel à un meilleur consensus que celui auquel on veut
nous faire face aujourd'hui.
M. Forget: Une dernière question, M. le Président.
Devant cete argumentation, je crois ne pas faire de fausse
représentation en disant: Le gouvernement, le ministre vous disent que
le climat sera encore meilleur si on adopte ce projet de loi qui est de nature
à accorder certaines choses, à consacrer dans la loi certaines
choses qui vont de soi et à diminuer les possibilités de violence
dans les conflits; alors, avec un meilleur climat, on va pouvoir faire une
revue de l'ensemble des lois du travail, dans des conditions optimales.
Croyez-vous qu'effectivement ce projet de loi peut contribuer à
améliorer le climat des négociations, peut diminuer la violence
et ainsi rendre plus facile la réalisation du but que tout le monde
souhaite?
M. Dufour: M. le Président, ce matin, M. le
député de Saint-Laurent a lui-même corrigé le
chiffre de notre mémoire pour dire que c'était 0.03, ce qui veut
dire que, finalement, par la loi antiscabs, on ne réglera pas beaucoup
de problèmes; ce n'est pas là qu'est la violence. Ce qu'on n'a
pas tellement exploré ce matin, c'est qu'on semble rattacher la notion
de violence à grève. Ce n'est absolument pas le cas dans le
domaine des relations du travail au Québec. C'est bien avant la
grève qu'il y a de la violence au Québec, dans le domaine des
relations du travail. Il faut quand même se rappeler toutes les
méthodes de harcèlement qui ne sont pas propres au secteur
privé; vous connaissez ce problème dans le secteur public et
parapublic. On peut énumérer et on énumérera
tantôt toute une série de cas qui ont appelé de la violence
avant même que la grève soit déclenchée et, on l'a
dit ce matin, cela n'avait souvent rien à voir avec des cas
éventuels où on embaucherait des scabs. Ce qu'on dit
là-dessus, c'est que l'ensemble de la loi est peut-être bon,
finalement, et on n'a peut-être pas à rechercher une nouvelle loi
pour régler le problème de la violence dans le domaine des
relations du travail.
Notre problème fondamental au Québec, c'est que les lois
du travail ne sont pas observées; elles ne sont souvent pas
observées par l'Etat employeur et cela a souvent été dit.
On peut rappeler ce qui s'est passé dans certains secteurs comme celui
de la construction et on a assisté récemment, il y a huit mois,
à la décision gouvernementale de balayer d'un revers de la main
toutes les poursuites qui avaient finalement été entreprises
à l'occasion de gestes illégaux commis dans certaines
grèves qu'on connaît bien. Donc, on sait, on a
créé au Québec une espèce de climat où la
législation, quand on est dans le domaine des relations du travail, cela
n'existe plus, alors que, dans tous les autres secteurs, comme citoyen, cela
existe. Ce que l'on dit, c'est que, finalement, au lieu de modifier,
d'additionner, de demander aux partenaires de s'intégrer dans le nouveau
concept, il y a peut-être lieu, au départ, d'appliquer la loi
parce que, tous les employeurs sont d'accord pour le dire, la loi n'est
pas appliquée et de peut-être définir les principes
de relations du travail qu'on a déjà et qui ne sont vraiment pas
conçus de la même façon par les petites. On parlait du
piquetage, ce matin; il est bien évident que, tant et aussi longtemps
que le piquetage sera interprété, par le syndicalisme, comme
étant de bloquer l'entrée à l'entreprise, on va avoir de
la violence, mais ce n'est pas cela le piquetage, ce n'est vraiment pas cela.
Même chose avec le boycottage secondaire, il n'y a pas de
législation là-dessus, mais pourtant, ce sont des concepts avec
lesquels on vit à longueur d'année dans le domaine des relations
du travail.
Tout cela pour dire, M. le Président, que la violence, telle
qu'on semble vouloir la régler dans le projet de loi 45,
c'est-à-dire exclusivement par la disposition antiscabs, ne règle
absolument rien.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Je pense que monsieur avait une réponse
additionnelle à donner.
Le Président (M. Clair): M. Doyle.
M. Doyle: Juste un mot, M. le Président. Il me semble que,
si on procède à l'adoption d'une telle loi et qu'un peu plus
tard, on procède à la révision ou à la
réforme du Code du travail que, déjà, on aura
consacré, dans la loi, un autre groupe de soi-disant droits acquis et on
doit reconsidérer l'effet mutuel de ces différentes lois. A ce
moment, il faut reconsidérer ce qu'on va adopter dans ce projet de loi
parce que les deux sont intimement liés.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Dans le mémoire
qui nous a été présenté ce matin, on a fait
état de trois points majeurs à part d'autres aussi
qui semblaient présenter des effets possiblement désastreux pour
la PME; on a parlé, à certains égards, de la loi
antiscabs; on a parlé de la formule Rand; on a parlé des
dispositions relatives à la première convention collective et je
pense on me corrigera si je suis dans l'erreur à ce sujet
que c'est là le principal point, le point majeur d'où certains
problèmes naissent. Ceci pour dire que vous avez, à un moment
donné, fait état aussi de toute la question de la
définition de la bonne foi. Je pense qu'on touche à un aspect
assez important et en même temps difficile à cerner.
J'aimerais, à ce stade-ci, si c'était possible, que vous
nous donniez davantage votre point de vue sur cette question de la bonne foi
qu'il est souhaitable de déceler chez les parties en cause et de quelle
façon. Avez-vous prévu une façon de l'incorporer dans une
législation? De quelle façon tracer la ligne autrement dit
dans cette question de bonne foi, parce que ce sentier n'est pas facile
à explorer. Où commence-t-on, où arrête-ton, de
quelle façon peut-on se doter d'un mécanisme qui nous permette de
juger de cette fameuse bonne foi? Là, on y fait appel, mais selon une
notion très générale. Je comprends que ce soit un objectif
très louable, mais lorsqu'on pense en termes d'application, est-ce que,
dans vos discussions, vous êtes allés plus loin de ce
côté et avez-vous certaines indications à nous donner?
M. Dufour: Je vais demander à Me Tobin de
renchérir, mais on a déjà discuté de cette question
avec le ministre du Travail lui-même, toute cette question de bonne foi
dans certains conflits qu'on a connus au cours de l'été.
Finalement, on en est arrivé à conclure que le Code du travail
actuel, qui est basé sur la négociation de bonne foi, est
inapplicable parce qu'on ne réussit pas à cerner ce qu'est la
bonne foi. C'est cela qui nous pose un problème vis-à-vis de
l'arbitrage du premier différend. Actuellement, on ne peut poursuivre un
employeur ou un syndicat parce qu'on n'est pas tout à fait capable
d'affirmer qu'il a négocié de mauvaise foi. On garde les
mêmes termes dans le projet de loi 45, on dit: Dorénavant ce sera
le ministre qui décidera, par l'intermédiaire de son
enquêteur, s'il y a eu négociation de bonne foi, de part et
d'autre.
On ne voit pas pourquoi, aujourd'hui, la loi ne serait pas applicable.
Sans redéfinir les termes, elle le serait plus dans le cadre du projet
de loi 45... Effectivement, dans notre mémoire, on demande au
ministère du Travail ou au ministre de mieux définir ce que peut
être la bonne foi, mais tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas
certains critères là-dessus, vous avez parfaitement raison, on
n'aura rien changé à la situation actuelle.
M. Tobin (Edmund E.): M. le Président, pour ce qui est de
cette question de bonne foi, je pense que la notion de bonne foi pourrait
d'abord se comparer, très rapidement, à la simple question
d'unité de négociation appropriée. Si on regarde dans le
Code du travail, on constate que l'accréditation est accordée
selon des règles touchant l'unité de négociation
appropriée. Il y a très peu qui soit mentionné dans le
Code du travail concernant l'unité de négociation
appropriée. Ce sont presque des cas d'espèce. Avec le temps, la
jurisprudence a fait en sorte que, dans tel genre d'industrie, l'unité
de négociation, normalement, colle à une certaine
réalité.
On voit que cela varie d'une entreprise à l'autre, d'un secteur
industriel à l'autre. Il y a une gamme de décisions prises par
nos commissaires-enquêteurs, ici au Québec, qui font les
distinctions qui s'imposent, chaque jour, selon l'entreprise qui est à
l'étude à ce moment-là.
Pour ce qui est de la notion de bonne foi dans une négociation,
Me Massiootte en parlait tantôt lorsqu'on parlait d'arbitrage dans le cas
d'un premier différend, cette notion de bonne foi est, par la force des
choses, une question très subjective qu'on laisserait à la
détermination de quelqu'un qui serait mandaté par le ministre
selon des paramètres qui, pour le moment du moins, seraient
nécessairement assez personnels; ils ne sont pas du tout définis
dans la loi.
Lorsqu'il y a eu des décisions sur la bonne foi dans les
négociations, il y en a eu quelques-unes je pense surtout
à certaines décisions à l'extérieur du
Québec on a été obligé de scruter le
déroulement de la négociation presque au pas pour décider
si, dans une certaine négociation, l'employeur a démontré
la bonne foi requise par cette loi ou, selon le cas, le syndicat.
A la longue, on est presque obligé de constater qu'il serait
très difficile de donner tous les détails voulus des
paramètres de la bonne foi. Je donnerai comme exemple le cas des
unités de négociation appropriées qui sont aussi
mentionnées au Code du travail. A la suite d'une certaine
évolution collée à une certaine réalité
industrielle, on en est venu à tirer certains paramètres.
Mais c'est très difficile de marquer bonne foi ici, et je pense
encore à ce que disait Me Massi-cotte, ce matin, lorsqu'on donnerait
comme seul critère de bonne foi, à un représentant, si on
veut, du ministère, sans en même temps lui donner quelques autres
paramètres, parce que sa décision est nécessairement
très importante et les retombées de son rapport au ministre sont
nécessairement d'un intérêt capital pour les parties
à longue échéance.
M. Brochu: Oui, parce qu'étant difficilement cernable, il
ne faudrait pas qu'elle prête flanc non plus à une critique, si on
veut l'inclure, à un moment donné, dans un projet de loi et qu'on
ne peut pas suffisamment l'étayer. Je comprends qu'en soi, la notion est
difficile à établir.
On aura l'occasion, de toute façon, de revenir sur ce sujet; je
vais me conformer pour le moment aux directives du président et faire
peut-être un premier tour de table pour revenir. On a beaucoup
parlé de la question des contrôles financiers à
l'égard des syndicats. A vos yeux, qu'est-ce que cela devrait être
et de quelle façon le législateur devrait-il aborder cette
question épineuse du contrôle financier de nos syndicats?
M. Dufour: Vous parlez de la formule Rand; avant même de
parler de formule Rand, nous disons que les syndicats devraient être au
Québec des entités juridiques, au moins au même titre que
le sont les entreprises. Etant des entités juridiques au même
titre que le sont les entreprises, à ce moment, ils seraient assujettis
à un certain nombre de contraintes auxquelles sont assujetties les
entreprises en vertu de la première partie ou de la troisième
partie de la Loi des compagnies; il y aurait donc au départ une certaine
structuration qui éviterait peut-être certains problèmes
dans l'application éventuelle de la formule Rand. Ceci étant, au
niveau du syndicat, comme entité juridique, quand on arrive à la
formule Rand, et cela nous permet de préciser, parce que, souvent
peut-être pas nous, mais certains ont voulu donner l'impression qu'on
s'opposait à la formule Rand, on ne s'oppose pas aux principes de la
formule Rand et je pense que cela doit être très clair, le
principe comme tel est achetable, mais à condition qu'il y ait des
contrôles. Ces contrôles, on les énumère dans notre
mémoire, on est inspiré, si vous voulez, de son auteur, le juge
Rand, qui en énonçait cinq ou six, mais il y a certaines
particularités, à l'époque des relations du travail qu'on
vit, qui exigent qu'il y ait des contrôles, notamment sur l'utilisation
des fonds, à titre d'exemple, est-ce que cet argent va servir à
la défense des intérêts socioprofessionnels des
travailleurs ou s'il va servir à des fins politiques? C'est
carrément une question qu'on doit se poser.
M. Brochu: En somme, vous voulez, dans l'ensemble, que la
question des privilèges, à ce niveau, soit contrebalancée
directement par des responsabilités équivalentes. Là on
parle en termes de l'équilibre de force que vous mentionnez dans
l'ensemble de votre mémoire.
M. Dufour: Si c'est le législateur qui l'impose, si ce
n'est pas le syndicat qui va le chercher chez un employeur par la
négociation, cela devient un impôt. Or, il n'y a pas une situation
d'imposition par l'Etat d'une taxe, parce que c'en est une, qui ne s'accompagne
pas d'un contrôle. Il n'est pas possible qu'on délègue
carrément comme cela des pouvoirs sans les accompagner de
responsabilités. Au moment où le législateur dit: Vous
aurez la possibilité dorénavant et ce sera automatique,
sous peine de congédiement de prélever des cotisations
syndicales, à ce moment, il doit absolument donner la contrepartie et la
contrepartie n'est pas purement sur l'utilisation des sommes comme telles, mais
elle oscille sur les responsabilités qu'on est prêt à
consentir aux travailleurs non syndiqués qui paieront dorénavant
une cotisation syndicale. Cette question a quand même deux volets,
l'utilisation des sommes, la détermination des cotisations syndicales
actuellement les syndicats sont libres de déterminer les
cotisations comme ils veulent, mais, dans une structure Rand, cela devient
excessivement différent, alors qu'est-ce qu'on impose, à ce
moment, comme contrôle de cet impôt ou de cette taxe que
décrète le gouvernement?
Le Président (M. Clair): M. le ministre de
l'Immigration.
M. Couture: M. le Président, seulement quelques petits
points pour éclaircir des déclarations.
Vous avez parlé du libre jeu des relations du travail et j'ai cru
comprendre que vous souhaitiez finalement qu'on laisse les parties
établir leur rapport de force au moins au maximum, sans intervenir comme
Etat, au moins dans la philosophie générale des relations du
travail.
J'aimerais que vous précisiez au moins si vous
pouvez évaluer la responsabilité de l'Etat face à
des situations pourries. C'est qu'on se rend compte que, quand l'Etat
légifère, c'est souvent pour réparer des situations, y
rémédier. Ce n'est pas toujours de gaieté de coeur que
l'Etat intervient, ce serait peut-être préférable
tout le monde est pour la vertu souhaitable que les parties
elles-mêmes négocient de bonne foi et arrivent à un contrat
sans heurt et sans difficulté.
Mais comment pouvez-vous dire en même temps que vous êtes
pour le libre jeu des relations du travail et nous laisser croire que, face
à des situations pourries, l'Etat n'aurait pas cette
responsabilité de chercher remède à ces situations
pourries? Je crois, sans donner d'exemples précis, qu'il y en a eu
plusieurs au Québec et la législation que nous apportons, dans
l'ensemble, chercher à apporter des éléments de solution
à certaines causes qui engendrent ces situations pourries. Est-ce que
vous y voyez quand même vous-mêmes un rôle pour l'Etat?
Si vous permettez, je vais donner un deuxième volet, c'est que je
vois un peu une contradiction dans vos déclarations. Vous disiez
souhaiter que l'Etat intervienne le moins possible dans les relations du
travail et, par ailleurs, quand il s'agit de vote secret chez les syndicats,
vous nous avez apporté une série de conditions que vous aimeriez
voir établir et, à ce moment-là, vous cherchez à ce
que l'Etat soit présent et intervienne. Moi, j'y voyais une
contradiction, est-ce que vous pourriez nous éclairer
là-dessus?
M. Desmarais: M. le Président, je ne sais trop où
le ministre trouve exactement ce semblant de contradiction. Nous partageons les
mêmes objectifs que le gouvernement, d'avoir les relations du travail les
plus harmonieuses possible. Nous ne demandons pas que l'Etat se retire
complètement, c'est une responsabilité, l'Etat est au-dessus des
deux groupes en présence et surtout au-dessus des citoyens. Je ne pense
pas que nous ayons et si cela a été perçu comme
ça, c'est une perception pas très exacte demandé au
gouvernement de se retirer ou à l'Etat de se retirer
complètement. En conséquence, je ne vois aucune contradiction
quand, au moment où on parle du vote de grève et compte tenu des
événements qui se sont produits ou de la façon dont
ça fonctionne aujourd'hui, à ce qu'il y ait de la part du
ministère ou d'un organisme gouvernemental quelconque, une surveillance
de ces votes de grève.
Je ne vois pas exactement, M. le Président, comment M. le
ministre a pu interpréter les choses de cette façon. Une fois dit
que nous partageons les objectifs, nous croyons bien sincèrement que les
méthodes proposées par le projet de loi 45 ne résoudront
pas les problèmes sur lesquels nous nous entendons, nous sommes
d'accord.
M. Couture: Je prends donc acte que vous acceptez que l'Etat,
lors de situations pourries, qu'on...
M. Dufour: C'est quoi une situation pourrie?
M. Couture: Prenons une situation comme celle de Pierreville ou
celle du Trust général, qui ont duré quand même de
longs mois.
M. Dufour: C'est pourri.
M. Couture: ... On y sentait que les parties n'avaient pas
l'instrument nécessaire pour en arriver à dépasser le
rapport de force et parvenir à une solution. Je prends note que vous
acceptez que l'Etat intervienne. J'aurais une autre...
M. Desmarais: M. le Président, si le ministre me le
permettait, il ne faudrait quand même pas nous imputer des
volontés qui ne sont pas les nôtres. J'ai dit, au nom des gens que
je représente, admettre que l'Etat doive intervenir occasionnellement,
mais, quand on nous fait dire que, dans des cas particuliers comme ceux
mentionnés...
M. Couture: Je voudrais parler en termes de loi,
c'est-à-dire que si, par la pratique, par l'usage, certaines situations
difficiles, je pense qu'au Québec, nous en avons vécu un certain
nombre. C'est la même chose dans le secteur public. C'est la
responsabilité de l'Etat de bonifier et d'améliorer ses
instruments au service des parties.
Je voulais quand même être sûr que c'était
votre position là-dessus. Autre point, puis je vais arrêter
là. J'ai cru comprendre aussi que vous faisiez une distinction entre le
syndicat et les travailleurs, dans le sens que vous reprochiez, au
gouvernement, dans le projet de loi, de privilégier les syndicats sans
tellement apporter quelque chose aux travailleurs.
Pourriez-vous admettre que le syndicalisme, étant l'instrument
des travailleurs, si la pratique du syndicalisme peut, dans certains cas,
laisser à désirer on peut faire des évaluations
différentes dans des conditions idéales, où les
travailleurs prennent leurs responsabilités, se mobilisent quand il y a
une possibilité de conflit, quand ils ont à se prononcer sur une
convention collective, sont responsables, possèdent leur syndicat,
l'Etat, en favorisant le syndicalisme comme instrument des travailleurs et en
l'aidant à assumer ses responsabilités, ne privilégie pas
les "establishments" syndicaux, comme on peut peut-être le laisser
entendre, mais simplement, privilégie l'instrument des travailleurs,
qu'est le syndicalisme, et c'est la responsabilité des travailleurs de
contrôler ou d'être des responsables à l'intérieur de
ces structures?
M. Doyle: M. le ministre, il me semble que l'Etat peut et doit
légiférer sur les règles du jeu, mais des règles du
jeu qui seront justes et équitables pour tout le monde. Ces
règles du jeu doivent être perçues comme étant
justes et équitables pour tout le monde, pour les employés, pour
les employeurs, pour les syndicats. Et si la législation qu'on propose
d'adopter est perçue comme favorisant indûment les
intérêts des syndicats et ne rend pas justice à tout le
monde, une telle législation ne sera pas acceptée, ni par les
travailleurs, ni
par les employeurs. Elle pourra peut-être être
acceptée par des syndicats, mais je suppose que même là, un
bon nombre de bons syndicats ne seront pas satisfaits non plus.
M. Couture: Un dernier petit point.
M. Dufour: Si vous le permettez, M. le Président, sur
votre question précise d'avantager les structures syndicales
plutôt que les travailleurs, si on a bien compris, vous dites finalement
que le projet de loi avantage aussi les travailleurs. Nous disons que non. Nous
disons que vraiment, c'est un projet de loi qui défait les forces en
présence, ou l'équilibre des forces. Cela nous gêne de
parler de l'équilibre, parce qu'on a déjà l'impression
qu'il est défait, l'équilibre, qu'on ne l'a plus.
Mais prenez simplement la question du vote de grève au scrutin
secret. Comment pouvez-vous dire que cette partie du bill 45 avantage les
travailleurs? Ce que vous faites finalement, c'est d'imposer purement le vote
au scrutin secret. Mais l'enquête CROP dont on parlait ce matin, avec les
chiffres si importants qu'on a mentionnés, révèle que 85%
de la population interrogée, et c'est le même pourcentage pour les
travailleurs syndiqués déclare: II faut que ce vote soit
surveillé par le ministère du Travail.
Cela devient drôlement important. Donc, ils ne se sentent pas
protégés, par définition, par la loi 45, parce que cela
n'y est pas.
Le Président (M. Clair): M. le ministre de
l'Immigration.
M. Couture: Je vais terminer, mais on fera nos commentaires
à l'étude, article par article, cela donnerait lieu à un
long débat. Au sujet de la loi antiscabs, vous apportiez des
considérations sur la violence en disant que,finalement, ce n'est pas la
présence des scabs qui constitue le point central de la violence sur les
lignes de piquetage. Je veux simplement savoir si vous admettez quand
même, parce qu'on se rend compte, même si le conflit n'est pas
important au point de vue du nombre... C'est pour cela que votre 00.3 n'est pas
énorme. Souvent, il s'agit de douze, quinze, vingt ou trente
travailleurs. Cependant le conflit est mal perçu par l'opinion publique
et les étapes du conflit font mal parfois. L'espèce de perception
globale de ce qui se passe peut durer des mois, cela ne se règle pas. Il
y a des voleurs de "jobs" à l'intérieur. Ils ne sont pas
nombreux, mais parfois cela a un effet sur toute une région. Cela a un
effet psychologique sur l'ensemble du climat de travail.
Je veux simplement vous demander si vous admettez quand même,
même si le nombre n'est pas important, que le fait de diminuer, au moins
dans ces cas précis où la présence de briseurs de
grèves engendre la violence; le fait au moins d'éliminer ce
facteur, cela n'a pas comme conséquence de rendre plus sain le climat
social, même si ce n'est pas important au niveau du nombre.
M. Des Marais: M. le Président, je pense qu'il faudrait
prendre des exemples mais cela peut nous engager dans un long débat.
Cependant, étant donné que le ministre a mentionné deux
cas, je voudrais en retenir un, celui de Pierreville pour lequel on peut se
poser la question: Est-ce que cela a nui à la région? Les
renseignements que nous avions je suis convaincu que le ministre le
savait quand il occupait ce poste indiquaient clairement qu'il y avait,
à un moment donné, plus d'employés qui travaillaient
à l'intérieur de l'usine pendant la grève qu'il n'y en
avait avant que la grève ne soit déclenchée ou que la
situation ne s'envenime. Cela veut dire qu'au niveau économique, il y a
des gens qui souffraient sans doute, mais c'était une minorité.
En conséquence, il faut procéder un peu cas par cas, et indiquer,
c'est notre très profonde opinion, qu'en adoptant un projet de loi de ce
genre, cela ne réglera pas ce dont on parle, c'est-à-dire la
violence dans le cas des conflits de travail.
Les conflits, comme le mot l'indique très bien, M. le
Président... Bien sûr que quelqu'un doit prendre ses
responsabilités. Si les employés décident d'aller en
grève, c'est un geste que nous allons présumer avoir
été pris de façon claire, nette, précise et
décidé démocratiquement. Mais grève, cela ne veut
pas dire... On entend trop souvent les rumeurs qui nous parviennent des
assemblées au cours desquelles cela est décidé: On va
voter la grève et cela ne durera pas longtemps. Une grève, on
sait quand cela commence, mais on ne sait pas, ni d'un côté ni de
l'autre, quand cela va se terminer. La même chose pour le lock-out quand
l'employeur l'utilise. Il sait très bien il joue avec le feu
quand cela commence, mais lui non plus ne sait pas quand cela va
finir.
Encore une fois, M. le Président, nous sommes convaincus que les
objectifs qui sont exprimés par le minisrtre, et que nous partageons, ne
seront pas atteints en adoptant ce projet de loi tel que
présenté.
Le Président (M. Clair): J'ai en lice les
députés de Joliette-Montcalm, Robert Baldwin, Laviolette, de
même que le ministre qui désirent intervenir pendant les dix ou
quinze dernières minutes. Je vous invite, tant dans vos questions que
dans vos réponses, à être brefs. M. le député
de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, ma question s'adresse
à qui que ce soit de ce côté. Je voudrais tout d'abord, au
sujet de la loi antiscabs ou antibriseurs de grèves, vous donner
certains chiffres que nous avons par la suite, vous pourrez les
commenter pour démontrer l'importance des scabs dans les conflits
où il y en a vraiment eu, au sens propre du terme, pendant la
période 1972-1975. Il y a eu 755 conflits dont 27 ont eu des scabs. La
moyenne des jours de grève des 755 conflits a été de 36,4
jours, alors que, dans ces 27, il y a eu en moyenne 171 jours de conflit.
Déjà, ces chiffres dénotent que, dans les conflits
où il y a eu utilisation de scabs, les grèves ont
été beaucoup plus longues.
Comment ne pas faire un lien, à ce moment-là, avec
certaines connotations de violence, celles
dont on parle depuis le début, quand la grève persiste
depuis aussi longtemps? La moyenne parle d'elle-même. Si vous regardez
les conflits où il y a eu violence, c'est souvent là où il
y a eu des scabs. Exemples: United Aircraft, Canadian Gypsum à Joliette.
Je pourrais en donner d'autres que vous connaissez autant que nous autres.
Je me demande pourquoi vous vous refusez carrément à
reconnaître cette évidence à partir de ces
chiffres-là.
M. Dufour: Si vous vous rappelez, M. le député, au
tout début, ce matin, on a établi d'abord que c'était une
question de principe, la question de liberté pour l'entreprise de tenter
de fonctionner au mieux, même avec une grève. C'est la situation
nord-américaine du "bargaining power". Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime
pas, c'est celle-là. On vous a cité le rapport Woods, ce matin,
qui établissait cette notion, cette économie de base dans les
relations du travail. Si vous regardez la littérature, en
Colombie-Britannique, si vous regardez les sentences de la Cour
supérieure dans le cas que vous venez de citer, Canadian Gypsum, on vous
confirme toujours ce droit fondamental de l'entreprise de tenter de
fonctionner.
Au départ, c'est bien évident que, pour nous, c'est une
question de principe. Après cela, quand vous arrivez et vous dites: On
va agir, parce qu'il y a eu 27 cas sur 700. Nous, on va retourner la question,
on va dire: Qu'est-ce que vous faites dans le cas des deux grèves des
hôpitaux, en 1972 et en 1975? Ce sont finalement des cas ad hoc que l'on
va chercher dans le domaine des relations du travail. Nous, on dit: Cela ne
nous satisfait pas, parce que, quand vous aurez réglé cela, non
seulement vous n'aurez rien réglé, mais vous allez avoir plus de
problèmes, parce que la définition de scab, comme on la faisait
ce matin, va s'étendre. Ce seront des cadres, ce seront des
fournisseurs. Essayez donc de faire appliquer cela, éventuellement vous
ne serez pas capable.
M. Chevrette: Quelles sont les solutions que vous suggérez
dans le cas d'une grève où il y a utilisation de scabs? A partir
des expériences concrètes, vous voyez que les grèves sont
de beaucoup plus longues. Dans votre mémoire, vous ne suggérez
aucune solution pour ce qui regarde les conflits où il y a utilisation
de scabs.
M. Dufour: II faudrait vous retourner la question. C'est quoi
pour vous un scab?
M. Chevrette: C'est quelqu'un qui prend la place d'un autre
travailleur qui, légalement, est en grève ou en lock-out. Pour
moi, c'est cela un scab.
M. Dufour: En fait, cela veut dire qu'à ce
moment-là, le cadre qui va aller sur une ligne de production devrait
être, dans votre définition, un scab?
M. Chevrette: Non, pas au sens de la loi 45, vous le savez
très bien, M. Dufour.
M. Dufour: Vous l'éliminez, mais on peut définir le
scab selon 56 façons. Ce que l'on dit, comme suggestion très
pratique, c'est la loi de la Colombie-Britannique et celle de quatre
états américains a prévu le genre de situation de briseurs
professionnels de grèves. A ce moment-là, on dit: On est d'accord
à 100% pour une loi sur le briseur professionnel de grève, mais,
là où il faut agir on est d'accord là-dessus
c'est de...
M. Bisaillon: C'est quoi un briseur de grève
professionnel?
M. Dufour: Le briseur de grève professionnel?
M. Jolivet: C'est quoi, professionnel, à vos yeux?
M. Dufour: C'est défini par la jurisprudence de
Colombie-Britannique. C'est vraiment un bonhomme qui est au service d'agences
spécialisées dans le domaine... On appelle cela des
fiers-à-bras ou, selon le vocabulaire... Il y a des agences qui sont
spécialisées dans certaines provinces. C'est cela un briseur de
grève professionnel.
Mais ce qui est important, dans notre thèse à nous, c'est
de protéger le travail du gréviste ou du "lock-outé".
C'est là qu'on est prêt à agir. En termes de proposition,
d'ailleurs, on accepte cette dimension du bill 45 où on dit, si tu
protèges la "job" du gars et qu'à la fin de la grève tu
l'assures qu'il va la reprendre sous certaines réserves qu'on
énumère, à ce moment-là, le travailleur est
protégé et vous conservez le principe de l'économie des
relations du travail.
M. Couture: Je vais changer de sujet. Concernant le grief...
M. Brochu: M. le Président, je m'excuse. Je pense que Me
Massicotte avait quelques-autres petites réponses à donner.
M. Massicotte: Je voudrais simplement ajouter une chose à
ce que M. Dufour vient de dire. C'est que non seulement, à la fin d'une
grève... Même si les gens ont travaillé pendant la
grève, si, selon le bill 45, on leur donne préférence
d'emploi, on conserve leur emploi. Je pense qu'il faut aller encore un peu plus
loin que cela.
Quand on peut travailler pendant une grève, ceux qui veulent
travailler il y en a qui ne le veulent pas assurent le maintien
d'une "job" à ces gars, parce que ce qui se produit dans les cas
où vous allez fermer toutes les usines, ce qui va se produire pour les
emplois, c'est évidemment que l'employeur ou la compagnie n'est plus
capable de respecter ses obligations vis-à-vis de ses clients, n'est
plus capable de livrer la marchandise, perd ses clients et, au bout de la
grève, vous avez une perte d'emplois.
Prenons, par exemple, le phénomène, même si c'est de
juridiction fédérale, de la grève des minoteries. Les
minoteries ont été obligées de s'approvisionner de farine
des Etats-Unis. Les Améri-
cains savaient qu'elles étaient en très grande
difficulté. Alors, ils ont dit: On va vous fournir de la farine, mais on
va vous en fournir pendant une période X de temps. C'est notre condition
pour vous en fournir. Avec le résultat qu'à la fin de la
grève des minoteries, elles sont encore prises à acheter de la
farine américaine et celles qui la fabriquent actuellement... Tout le
monde sait qu'il y a eu des pertes d'emplois dans les minoteries à la
suite du règlement de la grève, des pertes d'emplois pour la
province de Québec, ce qui veut dire une création d'emplois aux
Etats-Unis. C'est pour cela qu'il faut penser que... Il y a des employeurs qui
ne veulent pas produire, c'est leur droit, mais s'il y en a qui veulent essayer
de continuer, ils ont l'obligation vis-à-vis de leurs actionnaires, par
exemple, de minimiser leurs pertes, peut-être pas de faire des profits,
mais de minimiser au moins leurs pertes. Ils ont l'obligation vis-à-vis
de leurs actionnaires d'essayer de garder la clientèle pour que
l'entreprise survive après la grève. Ils ont peut-être
aussi l'obligation, si on veut bien leur prêter de bonnes intentions, de
garder des emplois pour les gens qui sont en grève. Je pense qu'on
devrait leur laisser cette liberté, à ceux qui veulent
l'exercer.
Le Président (M. Clair): Le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je vais quand même changer de sujet. Je
pourrais argumenter dans le sens contraire, mais je pense que ce n'est pas le
temps. Je voudrais passer aux griefs. Au niveau des griefs, vous semblez vous
opposer à ce que le syndicat ait un droit exclusif de faire un grief, de
déposer un grief. Tout d'abord, il y a des contradictions qui
m'apparaissent évidentes dans votre résumé du
mémoire là-dessus. Premièrement, il me semble qu'au CCTMO,
c'est-à-dire au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre,
vous aviez eu un accord là-dessus, selon les rapports que j'ai pu en
lire antérieurement. Deuxièmement, si je regarde les conventions
collectives du secteur privé, c'est un droit qui a été
concédé très largement par le patronat dans les
conventions collectives, le droit exclusif au syndicat de faire des griefs.
Vous arrivez, au niveau du mémoire, en défendant des droits
individuels. Pourriez-vous me justifier cela?
M. Dufour: M. Martin.
M. Martin (Roger): M. le Président, la position qui a
été défendue par la députation patronale à
l'intérieur du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre
était en vue de maintenir au salarié le privilège de
pouvoir conduire son grief ou de forcer son syndicat à débattre
son grief à l'intérieur de la procédure de grief, sous
l'empire de la convention collective de travail. Si ma mémoire m'est
fidèle mon collègue ici est en train d'essayer de trouver
nos notes nous étions d'accord, lorsque le moment était
venu de référer le grief à l'étape de l'arbitrage,
que le syndicat, à ce moment, étant donné les montants que
cela impli- quait, pouvait avoir une décision à prendre. Cette
distinction, à l'intérieur des conventions collectives,
prévoit que le salarié peut piloter ou obliger son syndicat
à débattre son grief, d'une part, et aussi que le syndicat
d'ailleurs, dans la plupart des conventions collectives, vous avez des
dispositions qui prévoient que, s'il y a lieu d'un grief collectif, le
syndicat pourra amorcer le grief lui-même.
M. Chevrette: Est-ce que c'est au principe fondamental que vous
vous attaquez ou si c'est parce que vous craignez la discrimination? Parce que
vous avez dit, ce matin, que c'est un droit inaliénable, une
liberté individuelle. Est-ce au principe fondamental ou si c'est parce
que vous avez été témoin de discrimination flagrante?
C'est face à certaines discriminations que vous argumentez dans le sens
de laisser à l'individu le soin de pousser sur son grief jusqu'à
l'époque de l'arbitrage, par exemple?
M. Martin: Non, personnellement, je ne peux pas me
référer à des expériences ou à des
connaissances de cas où il y aurait eu abus de la part du syndicat.
Peut-être qu'il y en a déjà eu; personnellement, selon mon
expérience, je ne peux pas y référer. Mais je crois que,
du moins au moment de la discussion à l'intérieur du CCTM, c'est
une question de principe voulant que le grief soit la propriété
du salarié.
M. Chevrette: Je fais une hypothèse. Advenant qu'on assure
qu'il ne peut y avoir discrimination au niveau de la poursuite d'un grief,
est-ce que vous seriez d'accord pour laisser au syndicat le soin de piloter le
grief?
M. Martin: A l'intérieur d'une convention collective,
c'est le syndicat ou les représentants syndicaux qui pilotent le grief
que l'employé a décidé de soulever. Dans ce sens, le
syndicat agit comme agent.
M. Tobin: M. le Président, j'aimerais ajouter un facteur
d'expérience cependant à ce que Roger Martin vient de soulever au
niveau de nos discussions au CCTM, et ce que je dis là à propos
du 88, je pense, s'applique dans bien d'autres domaines aussi. On nous dit que
l'expérience démontre, dans la plupart des cas, que telle et
telle chose se voient, que ce soit dans le domaine du pilotage d'un grief en
arbitrage par le syndicat ou d'autres domaines. Je pense qu'il faut quand
même se souvenir d'un fait précis, c'est que tout ce qui se trouve
dans une convention collective, si ça ne fait pas l'affaire, vu
l'expérience qu'on aura vécue avec cet article de la convention,
est sujet à renégociation. J'insiste là-dessus, parce que,
dans bien des cas, j'ai sûrement négocié des conventions
collectives où j'étais d'accord, parce que la compagnie que je
représentais avait une expérience favorable dans ce sens, que ce
soit le syndicat qui pilote le grief en arbitrage, mais, en même temps,
je dois dire que si, lors de la renégociation de cette convention
collective, l'expérience
était devenue défavorable, soyez certains que cela aurait
été une de nos demandes pour modifier ça la prochaine
fois. C'est ce qui, probablement, est le plus frappant dans ce projet de loi,
autant à 88 qu'ailleurs. Même si on dit que c'est basé sur
l'expérience vécue, la minute qu'on le met dans un projet de loi,
ce n'est plus renégociable la prochaine fois, si l'expérience est
défavorable. C'est dans ce domaine-là, je pense, que ce soit
à 88 ou à d'autres articles, on nous lie les mains pour
renégocier des changements si l'expérience avait
été défavorable à la suite de la convention
collective qu'on vient de vivre.
Le Président (M. Clair): M. le député
de...
M. Massicotte: M. le Président?
Le Président (M. Clair): Oui, monsieur, allez-y!
M. Massicotte: Dans la législation américaine, au
niveau fédéral, il y a si on me permet, dans cette
enceinte, des mots anglais la notion de "duty of fair representation",
c'est-à -dire l'obligation pour le syndicat de représenter
équitablement, sans discrimination, tous les employés, à
cause du monopole qu'on lui a donné de représenter tous les
employés. C'est dans la loi américaine. C'est peut-être une
notion dont le gouvernement pourrait tenir compte.
M. Chevrette: Dernière petite question. Vous semblez
je dis bien: Vous semblez présumer que l'arbitrage, lors
d'une première convention collective, à toutes fins pratiques,
c'est de la foutaise. Je me demande sur quoi vous pouvez vous baser. Parce que
vous niez, à toutes fins pratiques, la forme même d'arbitrage
actuelle. Je me demande comment vous pouvez rejeter du revers de la main, un
système d'arbitrage dans le cas d'une première convention
collective, quand on sait que les arbitres n'ont jamais été
contestés comme tels.
On dirait que vous tenez pour acquis que vous serez toujours les grands
perdants, dans le cas d'un arbitrage obligatoire, lors d'une première
convention collective. Si vous étiez les grands gagnants, vous seriez
heureux?
Vous présumez donc automatiquement au départ, que les
arbitres qui sont appelés à rendre une sentence dans le cas d'une
première convention collective donneront raison aux syndicats?
M. Massicotte: Cela a été l'expérience, il y
a quelques années, quand les arbitres se promenaient dans les secteurs
municipaux, dans les secteurs hospitaliers, dans les secteurs scolaires. Cela a
été la grande expérience.
M. Chevrette: Dans le temps, M. Massicotte, ne croyez-vous pas
qu'on en était à des débuts de syndicalisation? Les gens
ne pouvaient pas se référer à des secteurs similaires ou
des cas semblables pour juger. C'est vrai qu'il y avait peut-être des
différences énormes d'une sentence arbitrale à une
autre.
Mais, dans un contexte où la syndicalisation s'est accrue, ne
croyez-vous pas que cela a des chances d'être beaucoup plus
équitable qu'anciennement?
M. Massicotte: Si vous le permettez, j'aimerais vous
répondre par les extraits de décisions de la Commission des
relations du travail de la Colombie-Britannique, à son article 70, qui
correspond à ce qui est suggéré dans le bill 45, en
principe. Je traduis.
On dit: Ordinairement, l'arbitrage obligatoire est institué dans
un cas spécial. Il y a eu impasse dans les négociations, une
grève s'est ensuivie et cela cause des difficultés
sérieuses au public.
L'arbitrage est imposé par le gouvernement comme un substitut
à la grève, de façon à en arriver à un
règlement sans qu'il y ait d'autres dommages pour le public. Mais cela
n'est pas le but dé l'intervention, en vertu de l'article 70, de la
"section" 70. Les critères suggérés dans la
législation de la Colombie-Britannique, en vertu de l'article 71, c'est
jusqu'à quel point il y a eu bonne foi dans la négociation et la
comparabilité des conditions d'emploi plutôt que le
caractère public du litige.
On peut résumer la portée de l'article 70 en disant que
son objectif est de promouvoir la négociation collective libre et non
pas de s'y substituer. Il ne devrait servir que dans les cas où cet
objectif particulier demande cette méthode inhabituelle. Le but n'est
pas de donner une réponse standard à une impasse dans les
négociations, même dans le cas d'une première
négociation. Même les parties qui veulent s'entendre sur les
termes de la convention peuvent ne pas pouvoir le faire. D'un
côté, l'union peut être tellement engagée sur des
standards de base qu'elle a négociés ailleurs et ne pas vouloir
prendre le risque d'accepter les conditions et de diluer des standards en
acceptant moins dans l'unité.
L'employeur, de son côté, peut considérer et croire
que les mêmes conditions ne sont pas appropriées aux circonstances
économiques spéciales dans lesquelles il opère. Les deux
parties sont sincèrement et honnêtement préparées
à signer une convention collective, mais ni l'une ni l'autre ne veut
bouger de sa position qu'elle considère raisonnable, à son point
de vue.
Dans notre jugement, ce n'est pas le genre de cas pour lequel l'article
70 a été fait. Quand on parle, comme le ministre Couture en
parlait, des conflits qui pourrit...
M. Bisaillon: Qui pourrissent.
M. Massicotte: ... excusez-moi, des conflits qui pourrissent, il
faudrait peut-être se demander et faire la preuve qu'on exige qu'il y a
eu en Colombie-Britannique, des négociations de mauvaise foi.
M. Chevrette: M. le Président, je terminerai par un simple
commentaire, parce que je sais qu'il y a plusieurs personnes sur la liste. Vous
avez dit que nos relations du travail se situaient dans un cadre
nord-américain, vous avez semblé scandalisé du fait que le
ministre du Travail présente,
dans le projet de loi 45, un pourcentage de 35% pour loger une demande
d'accréditation, vous seriez scandalisé de savoir que le
président Carter en demande 30%.
M. Dufour: M. le Président, non seulement on n'est pas
scandalisé, mais c'est une des dimensions qu'on appuie. On a seulement
interrogé, on a dit: Qu'est-ce qui se passe en Colombie-Britannique? Ils
avaient 35% et ils montent à 45%. Alors, on dit qu'il faudrait
peut-être se préoccuper de ça.
M. Johnson: Ils avaient 50%, ils demandent 30% maintenant.
M. Couture: Ce n'est pas le même gouvernement en
Colombie-Britannique.
M. Dufour: Sur la question du principe, on ne le débat
pas.
Le Président (M. Clair): Au risque d'être
taxé de favoriser le non-respect de nos propres règlements,
messieurs, il est 17 h 45, j'ai encore sur ma liste, les députés
de Robert Baldwin, de Laviolette, de Sainte-Marie et de Berthier. Puis-je vous
proposer que ces' quatre députés soient les quatre derniers
à intervenir avant le ministre et que tous et chacun le fassent avant 18
heures, de sorte que nous terminions nos travaux à 18 h 45, avec le
consentement unanime? Cela va?
M. le député de Robert Baldwin, je vous indique qu'il y a
trois noms sur ma liste après vous.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président, ça ne sera
pas long, car je pense que la question d'accréditation à propos
des 35% au lieu de 45% a été éclaircie.
Pourquoi la Colombie-Britannique a décidé de porter
à 45% le nombre de travailleurs pour l'accréditation?
M. Dufour: Vous nous demandez quelle est la raison?
M. O'Gallagher: Oui.
M. Dufour: C'est un projet de loi qui vient tout juste
d'être déposé en Colombie-Britannique. On l'a appris au
moment de la rédaction du mémoire, alors on n'avait pas le temps
de vérifier, mais on a transposé la question au ministre.
M. Johnson: D'après ce que j'ai cru comprendre, c'est
à cause d'un passage de Barrett à Bennett.
Le Président (M. Clair): Le député de Robert
Baldwin.
M. O'Gallagher: L'autre question que j'avais, M. le
Président, messieurs, seriez-vous d'accord qu'en matière
d'accréditation, le Code du travail exige une formule d'adhésion
type comprenant certains détails sur la date d'adhésion, le
montant d'accréditation que l'adhérent s'engage à
payer?
M. Dufour: Oui.
M. O'Gallagher: Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Clair): Le député de
Laviolette.
M. Jolivet: A la page 6 de votre rapport sur la question
d'utilisation des briseurs de grève, vous dites que 0,06% des
grèves et des lock-out amènent l'utilisation des briseurs de
grève. Vous dites que ce n'est pas ça qui changerait, de
façon significative la situation de la violence, sauf que l'on sait que
dans l'ensemble de la situation des briseurs de grève, il y a de la
violence.
La question à laquelle je me réfère a
été posée à deux occasions, à ma
connaissance, il n'y a pas de réponse précise. Même si,
d'après vous, ce n'est pas l'essentiel de la violence, il y en a
à l'intérieur de ces utilisations, pourquoi vous opposez-vous
à une loi qui empêcherait l'utilisation des briseurs de
grève?
M. Dufour: M. le Président, je pense qu'on a donné
assez d'exemples pour dire que la violence n'existait pas seulement dans ces
conflits. Je tiens à souligner que ce ne sont pas nos chiffres, ce sont
les chiffres...
M. Jolivet: J'ai bien compris, mais je vous demande pourquoi,
même s'il y a de la violence, vous vous opposez à ce qu'on adopte
une loi par laquelle on empêcherait les briseurs de grève.
M. Desmarais: M. le Président, il y a une question de
principe là-dedans, on a mentionné aussi ce matin...
M. Jolivet: Le rapport Woods, 1968.
M. Desmarais: ... que ça nous amenait tranquillement
à des conflits à chaque fois, et la grève, pratiquement
à toute négociation.
M. Jolivet: Qu'est-ce que c'est le rapport Woods?
M. Doyle: Je crois également que nous avons
suggéré, c'était également la suggestion du
ministre, qu'il y ait une entente sur la question des causes de la violence.
Est-ce qu'on sait que dans ces circonstances, l'utilisation des scabs
était l'unique cause de cette violence? Je doute fort que vous ayez les
données sur cela.
M. Jolivet: J'ai fait une présomption au départ en
disant que ce n'était pas une affirmation.
M. Doyle: Une présomption.
M. Dufour: Le rapport Woods est un rapport
sur les relations du travail qui a été fait pour
l'ensemble canadien vers les années soixante-huit et qui était
présidé par le doyen de l'Université McGill, M. Woods, qui
a donné son nom à la commission. Cette commission comportait dans
ses rangs un spécialiste des relations du travail, un
Québécois, l'abbé Gérard Dion, dont on a lu un bon
nombre de ses écrits au cours des derniers jours et qui n'a pas
changé d'idée, en 1977 par rapport à ce qu'il
écrivait en 1968.
M. Jolivet: Sauf qu'entre 1969 et 1976, il y a eu des
événements qui n'étaient pas prévus au moment de la
rédaction du rapport.
M. Dufour: Non, mais lui n'a pas changé d'idée. Si
vous avez lu ses articles, il est beaucoup plus contraignant aujourd'hui qu'il
ne l'était dans le rapport Woods.
M. Jolivet: C'est son droit. L'autre question que je veux vous
poser concerne la page 11 dans laquelle vous dites que la formule Rand telle
que proposée deviendrait en quelque sorte une forme d'impôt. A
partir de ce moment, vous dites que vous vous opposez à l'utilisation de
ces sommes d'argent parce qu'on ne garantit pas les libertés
individuelles ni les responsabilités syndicales.
Comment faites-vous le joint entre les réunions syndicales
où on détermine la cotisation syndicale à être
prélevée et le phénomène que vous dites être
un impôt? Je veux avoir votre impression sur cette question.
M. Dufour: C'est purement une question de terminologie.
M. Jolivet: Oui, mais c'est une chose importante. Un impôt
et une cotisation syndicale, ce sont deux choses.
M. Dufour: On ne dit pas que la cotisation syndicale est un
impôt. On dit que le législateur, en instituant cette disposition
dans le projet de loi 45, donne un droit d'impôt.
M. Jolivet: ... que les syndiqués, dans leurs
règlements, par l'intermédiaire de leur budget, peuvent
vérifier. Ils peuvent décider du montant de la cotisation.
M. Dufour: Si vous n'êtes pas membre du syndicat, bien
sûr, c'est celui-là qui est visé par la formule Rand. Pour
ceux qui paient déjà une cotisation syndicale, il n'y a pas de
problème. Ce sont ceux qui ne sont pas membres du syndicat qui,
dorénavant, devront payer l'équivalent d'une cotisation
syndicale. Ce n'est pas une cotisation syndicale, parce qu'ils ne sont pas
membres. Le fait de poser ce geste pour l'Etat, c'est un impôt.
M. Jolivet: G'est justement le but de ma question. Je veux savoir
pourquoi vous dites que l'individu qui, à l'intérieur du
syndicat, le détermine par ses formules d'assemblée, etc., au
niveau du budget... Par la suite, pour celui qui profite des retom- bées
de l'organisation syndicale, vous appelez cela un impôt. Pourquoi vous
opposez-vous à ce que lui bénéficie des retombées
de son action syndicale?
M. Dufour: Au contraire. On accepte le principe de la formule
Rand. On dit que le fait qu'il y ait un syndicat dans une boîte, cela a
des retombées heureuses pour tout le monde. Donc, cela nous permet
d'acheter le principe de la formule Rand et de faire payer le gars qui n'est
pas membre du syndicat. En principe, on accepte cela, mais une fois qu'on a dit
cela, comme c'est un impôt décrété pour les
non-membres par l'Etat, à ce moment, on dit: Cela ne brimera pas les
libertés individuelles si on prévoit que ce gars aura la
possibilité de se prononcer sur des questions qui l'engagent
drôlement, comme la détermination de la cotisation parce que, si,
on augmente la cotisation de $8 à $15 et qu'il n'est pas impliqué
en aucune façon, à ce moment, comme législateurs, vous
aurez joué un rôle...
M. Jolivet: Ce que je comprends difficilement, c'est que vous
dites: Parce que c'est donné par législation, cela devient un
impôt. Quand vous-même, les patrons, acceptez de l'accorder dans
une convention collective, vous n'appelez pas cela un impôt.
M. Dufour: C'est parce que les employeurs n'ont pas le
système de taxation ou d'impôt. Au Québec, c'est le
gouvernement...
M. Jolivet: Vous jouez sur les mots...
M. Dufour: Non. Je ne joue pas sur les mots. Le fait que le
gouvernement décrète une taxe de ce genre, c'est un impôt
pour les non-membres. Comprenons-nous bien. Pour les membres, c'est une
cotisation syndicale.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Merci, M. le Président. M. Des Marais, dans
la présentation de votre mémoire, il y a un de vos
collègues qui a parlé de la présentation sans
partisanerie. Je dois vous avouer que j'ai un certain nombre de
préjugés sur les questions qu'on étudie actuellement.
Le Président (M. Clair): Voulez-vous parler plus
près de votre micro, s'il vous plaît?
M. Bisaillon: ... loin, M. le Président. Je dois avouer
que j'ai un certain nombre de préjugés quant au point qu'on
discute actuellement. Je voudrais seulement comparer votre objectivité
avec mes préjugés sur la question, par exemple, de la cotisation
syndicale obligatoire.
Dans une de ses interventions, M. Dufour a mentionné que
c'était une des mesures du projet de loi 45 qui faisait mal à
l'employeur et je dois vous avouer que ce sont les mots textuels et que cela a
été dit en matinée. Vous avez donné un cer-
tain nombre de points de vue, d'aspects du projet de loi 45 qui visaient
l'employeur, qui atteignaient l'employeur et vous avez utilisé
l'expression: Cela fait mal à l'employeur.
Je voudrais savoir en quoi la cotisation syndicale obligatoire peut
faire mal à l'employeur.
M. Des Marais: Ce n'est pas ma perception. Si vous le permettez,
je vais demander à M. Dufour de répondre, mais je n'ai pas
compris ces mots.
M. Dufour: II faudra lire ensemble le journal des Débats,
mais ce n'est sûrement pas cela que je voulais exprimer.
Quand on a énuméré une série de grandes
préoccupations, on a parlé d'équilibre total. Dans ce
sens-là, l'équilibre total faisait mal aux employeurs. C'est bien
sûr que si, par la formule Rand, vous donnez des millions de plus aux
centrales syndicales, c'est bien évident qu'à ce
moment-là, en termes de structures, d'équilibre des forces, vous
faites mal aux employeurs.
M. Bisaillon: Est-ce qu'on pourrait s'entendre pour dire que cela
ne représente pas beaucoup de millions de plus puisque
déjà 85% des conventions collectives, d'après les
dernières statistiques, comportent, au minimum, la cotisation syndicale
obligatoire quand ce n'est pas pire? Je pense que le ministre a souligné
ce matin que l'atelier fermé, entre autres, est assez fréquent
dans un certain nombre de conventions collectives, l'atelier parfait ou
l'atelier imparfait. La cotisation obligatoire est déjà comprise
dans un bon nombre de conventions collectives. Alors, cela ne représente
pas beaucoup comme sommes additionnelles. Comment pouvez-vous, à ce
moment-là, défendre le pourcentage qui reste, étant
donné que celles qui ont déjà été
accordées ou le principe qui a déjà été
accordé par 85% des employeurs, c'est déjà celui de
reconnaître la cotisation syndicale obligatoire?
M. Demarais: M. le Président, on ne se chicanera pas sur
les millions, mais un des buts de ce projet de loi, ce que nous avons compris,
c'est de prévoir une plus grande syndicalisation des employés. En
conséquence, on peut prévoir qu'il y a plus que les 85%
actuels...
M. Bisaillon: Oubliez le million. Prenez l'ensemble des
conventions collectives actuelles. Si 85% des conventions collectives
donc des employeurs qui ont déjà négocié de
gré à gré avec leurs employés une convention
collective si 85% des employeurs ont déjà, au moment
où on se parle, reconnu la possibilité d'accorder la cotisation
syndicale obligatoire, comment, aujourd'hui, pouvez-vous dire que c'est une
question de principe, que c'est un principe qui n'a pas été
reconnu par au moins 85% des employeurs jusqu'à maintenant, à ce
que je sache?
M. Dufour: On ne remet pas en cause la formule Rand au niveau du
principe, mais dans tous les cas, dans les 85 cas, cela a été
négocié et, étant négocié, vous le savez, M.
le député, à ce moment-là, cela a été
des échanges et cela a été le libre jeu de la
négociation de la convention collective. Parce qu'inversement, on
pourrait retourner la question et dire: C'est vrai que c'est dans les
conventions collectives, pourquoi, dans le bill 45, n'y a-t-il pas une clause
qui affirme les droits de gérance? On l'a aussi dans nos conventions
collectives. On ne pourrait pas avoir cela dans le bill 45? Pardon?
M. Bisaillon: Le droit de gérance existe tout le temps.
C'est un principe suprême.
M. Dufour: Ah oui?
M. Bisaillon: Sauf quand il est limité par une convention
collective. C'est sûr, c'est évident. On part d'un droit de
gérance à 100% et on le limite par des conventions collectives.
C'est le jeu de la négociation. Je ne pense pas que vous deviez vous
préoccuper de cela. C'est bien sûr que, quand on est en demande...
De la même façon que vous n'avez pas à vous
préoccuper de la bonne foi du syndicat quand il négocie, il est
en demande, c'est bien sûr que c'est son intérêt d'aller en
chercher le plus vite possible et le maximum possible. C'est l'employeur qui a
intérêt à ne pas négocier de bonne foi parce que lui
n'est pas en demande. Il est en réponse. C'est à lui à en
donner le moins possible. Il me semble que cela se fait de la même
façon.
Je reviens à la cotisation syndicale obligatoire parce que je ne
peux pas oublier la grève de la United Aircraft qui a duré 22
mois et je pense qu'il y a un certain nombre d'employeurs qui ne peuvent pas se
permettre de l'oublier non plus. A la base de cette grève, il y avait
quand même la cotisation syndicale obligatoire. On a fait une
grève de 22 mois, entre autres choses, là-dessus. Comment
pouvez-vous essayer de défendre je ne qualifierai pas la
façon dont vous essayez de le faire ceux qui, par un libre choix
qu'on leur reconnaît, ont décidé de ne pas être
membres d'un syndicat? Vous voulez les défendre du fait qu'on les
oblige, par ailleurs, à payer un montant d'argent qui correspond aux
services que, de toute façon, même s'ils ne sont pas membres, ils
reçoivent d'une convention collective parce que l'employeur l'applique
à tout le monde, mais, par ailleurs, vous voudriez, dans la loi, nous
demander de leur donner ce droit strict qui appartient à des membres, au
moment où on prend une décision, de voter au moment de la
grève. Vous voulez, d'une part, ne pas forcer la loi à accorder
la cotisation syndicale obligatoire pour préserver ceux qui ne sont pas
membres, mais, lorsque arrive le droit de grève, vous dites: Tous les
employés, même ceux qui ne sont pas membres du syndicat, devraient
voter pour ou contre la grève. Je ne comprends pas votre position
à ce moment-là.
M. Des Marais: M. le Président, avec tout le respect que
je dois au député de Sainte-Marie, il nous a bien expliqué
que c'était un préjugé ou des préjugés et il
les explique très bien.
M. Bisaillon: Mais j'aurais aimé que vous ayez la
même franchise.
M. Des Marais: Quant à avoir, M. le Président, la
franchise, nous disons ce que nous croyons avec les yeux de la
réalité de tous les jours. Vous avez raison sur des conflits et,
encore une fois, quand on prend des exemples précis, c'est sûr
qu'on peut... Il est difficile de déterminer les torts de chacun.
Mais je tiens à répéter ce que M. Dufour a
d'ailleurs indiqué. Je voudrais bien qu'on comprenne que nous ne sommes
pas, en principe, contre le précompte obligatoire, la formule Rand
on l'appelle la formule Rand nous ne sommes pas contre ça.
On demande que ce soit assorti... De s'assurer que les gens qui ne sont pas
membres du syndicat soient aussi protégés, mais ce n'est pas
notre rôle. Jeudi prochain, peut-être que d'autres personnes ici le
feront.
Le Président (M. Clair): Je permettrai deux
dernières questions au député de Berthier, puisqu'il est
déjà près de 18 heures. M. le député de
Berthier.
M. Mercier: Merci, M. le Président. Notre Code du travail
a pour objet d'arbitrer les conflits entre le capital et le travail.
Rassurez-vous, je ne veux pas faire d'analyse marxiste-léniniste. Bref,
il y a là-dedans tout un ensemble de recettes pour prévoir un
rapprochement entre les parties. Il y a différents niveaux, je pense, de
conflits. Dans l'esprit du code, normalement, s'il survient un conflit et si
l'écart est mineur, cela peut être sur les conditions de travail,
sur les mauvaises relations patronales-ouvrières, ou autre chose, si
l'écart est mineur, normalement, ça devrait se régler par
les mécanismes ordinaires de conciliations d'arbitrage. Dès qu'on
arrive avec des conflits beaucoup plus agressifs, c'est-à-dire avec des
écarts plus considérables entre les aspirations des travailleurs
et les positions patronales, ce que le patronat est prêt à
consentir, à ce moment-là, naît le phénomène
de la grève qui peut devenir de plus en plus agressif.
Je pense que le projet de loi no 45 veut couvrir un certain nombre...
Veut apporter d'autres mécanismes à un type de conflit qui se
trouvait peu couvert par des situations qui n'étaient pas couvertes par
notre Code du travail. C'est le cas de conflits vraiment très
sérieux, des conflits de fond, des affrontements très graves
où chaque partie est dressée contre l'autre et des situations qui
peuvent dégénérer en des conflits très
violents.
Maintenant, je pense bien qu'on sera tous d'accord là-dessus que
depuis plusieurs années, les parties patronales ou ouvrières se
sont organisées chacune de leur côté. Enfin, il y a des
façons, pour de très grandes compagnies, d'éviter les
inconvénients de grève, c'est de faire partie de groupes
financiers plus importants. Les multinationales, d'ailleurs, peuvent
échapper à peu près totalement aux inconvénients
qu'un conflit de travail peut leur apporter dans un secteur donné.
D'autre part, du côté syndical, il y a également des
stratégies, c'est-à-dire qu'on peut, à un moment
donné, dans une région, attaquer un employeur un peu plus faible,
lui créer une situation absolument impossible, le mettre hors du
marché complètement en espérant pouvoir ajuster dans
d'autres...
Le Président (M. Clair): M. le député...
M. Mercier: Oui, j'arrive. ... en espérant pouvoir
créer des précédents dont on se servira ailleurs.
Bref, toutes ces stratégies, d'une part patronales et d'autre
part syndicales, rendent beaucoup plus difficile l'application d'un code du
travail qui était prévu pour des conflits propres dans une
entreprise donnée.
La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il est possible de
concevoir un code de travail uniforme pour la fonction publique, pour la
très grande entreprise, pour la petite et la moyenne entreprise? Est-ce
qu'il ne faudrait pas envisager des ensembles de règles du jeu pour
différents niveaux?
Le Président (M. Clair): II y a une réponse du
côté de nos invités?
M. Dufour: Devant la commission Martin, on va faire un type de
proposition comme celle-là, distinguer les mécanismes de
négociation dans le secteur public, parapublic et dans le secteur
privé.
M. Mercier: Mais dans le secteur privé... Je m'excuse, il
y a différents niveaux. Je pense que la distinction n'est pas superflue,
selon qu'on ait une entreprise de 50 employés isolés et une
entreprise multinationale de 500 employés qui fait partie d'un groupe
immense.
M. Dufour: C'est justement le type de problèmes qu'on
voudrait voir abordé par la Commission de réforme des lois du
travail.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Berthier, je considère que vos deux questions sont posées et je
donne immédiatement la parole au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. le ministre.
M. Johnson: Messieurs, avant de vous remercier formellement,
j'aimerais simplement évoquer quelques-uns des éléments
que vous avez portés devant nous aujourd'hui et terminer sur une note,
j'espère, très positive, en vous demandant votre opinion sur deux
autres éléments.
En ce qui a trait aux briseurs de grèves, aux prétendus
scabs, je ferais remarquer, pour les besoins de la galerie et de nos amis de la
presse, qu'en aucune façon, le projet de loi ne les définit.
Ce que le projet de loi fait, c'est qu'il pose une interdiction à
l'employeur d'utiliser les services de certaines catégories, ce qui veut
dire que, par définition, ceux qui ne sont pas visés par cette
interdiction ont et, à mon avis, c'est le pendant d'un
respect des droits de tous en matière de relations du travail
accès au lieu de travail où sévit une
grève.
En ce qui a trait à la formule Rand, vous semblez insister sur
cette notion, en employant par exemple l'expression "taxation" ou des
expressions analogues, et sur le fait qu'il devrait y avoir un pendant à
ce précompte syndical. Sur le vote secret, vous avez exprimé des
réserves que j'ai moi-même exprimées publiquement depuis
quelque temps quant à la qualité de ce texte pour assurer, dans
ces rares cas où le vote secret n'est pas pris librement, que les
dispositions ne soient pas caduques à cause d'un processus beaucoup trop
lourd.
Tout cela me semble quand même sous-tendu par une conception au
sujet de laquelle je ne peux pas porter vraiment de jugement quant à ce
qui a amené cette conception qu'il y a des phénomènes de
contrôle et de violence dans la vie syndicale. Je pense que
l'expérience concrète des dernières années et
particulièrement ce qui aura fait l'objet des manchettes, ce qui aura
fait l'objet d'une sensibilisation du public, nous met dans une situation
où on ne peut pas nier que nous vivons dans une société
qui est violente et que cette violence se manifeste également au niveau
des relations du travail. Le projet de loi 45, je pense, est un effort
encore une fois, c'est ma conviction en vue d'un ensemble à
travers le genre d'impasses sociales, de conflits irréductibles,
inévitables et en cul-de-sac, que nous vivons, pour qu'on passe à
travers tout cela ensemble.
Je pense que le projet de loi est loin de vouloir consacrer ce que vous
jugez être certaines pratiques inadmissibles de la part de ce que vous
appelez des "establishments syndicaux"; c'est un projet de loi qui
reconnaît effectivement l'importance du syndicalisme. Je me permettrai
simplement de faire appel à l'histoire du syndicalisme en
Amérique du Nord, en vous disant que s'il n'y avait pas eu de
syndicalisme, il y aurait probablement encore des enfants de douze ans dans les
mines. S'il n'y avait pas eu de syndicalisme, il y aurait probablement encore
de larges secteurs de la population qui seraient exploités. Je ne
prétends pas que nous vivons en 1977 un climat qui ressemble à
celui des premiers moments de la révolution industrielle. Je pense
cependant qu'en 75 ans, le syndicalisme a démontré qu'il pouvait
être une force positive dans une société. C'est une force
positive qui doit d'abord et avant tout être au service de ceux qui sont
les officiers et les élus du syndicalisme qu'ils
représentent.
Je terminerai en vous demandant votre opinion rapidement sur la notion
de conciliation volontaire et sur la notion qu'on retrouve à
l'avant-dernier article du projet de loi 45 et qui touche ce que j'appellerais
une mesure préventive ou l'amorce d'une prévention en
matière de relations du travail. Malgré la discrétion qui
a pu entourer le débat, la discrétion dont on a fait montre face
à ces deux éléments, je pense qu'il s'agit de deux
éléments fondamentaux de ce projet de loi qui auront des
répercussions très concrètes au niveau des relations du
travail au Québec. J'aimerais peut-être vous entendre parler
quelques minutes de chacun de ces deux éléments.
M. Dufour: Sur la question de la conciliation, M. le ministre,
notre mémoire indique qu'on est prêt à en faire un essai
loyal. On pense qu'il peut y avoir un certain nombre de problèmes, mais
on est prêt à en faire l'essai. Je pense que c'est très
clair. Sur les pouvoirs du ministre, à l'article 68, on s'interroge sur
la portée exacte de l'amendement qui est proposé, c'est
très large, cela pourrait donner ouverture à bon nombre
d'interventions non pas du ministre, mais de ses enquêteurs, de ses
délégués. Même si, pour nous, cela peut être
très utile, si cela peut être un objectif tout à fait
louable, il faudrait probablement le cadrer davantage, parce qu'on ne voudrait
pas que ce soit finalement une loi-cadre qui donne, par cet article, tous les
pouvoirs au ministre. Je pense que ce n'est pas purement du côté
patronal, c'est aussi du côté syndical. C'est un peu omnibus,
l'objectif est louable, mais on demande vraiment de la cadrer davantage.
M. Johnson: Cela répond à mes questions. Je vous
remercie, M. Dufour.
Je voudrais, en terminant, vous remercier, d'abord pour la
qualité de la présentation que vous avez faite aujourd'hui ainsi
que pour la qualité du mémoire. Celui-ci reflète, je
pense, de façon générale un climat qui a
été, depuis un mois sûrement, extrêmement sain autour
des discussions quant au projet de loi 45; je souhaite et je suis assuré
que nous aurons une discussion de même niveau jeudi prochain avec vos
collègues d'en face, aux tables de négociation.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je voudrais m'associer aux
remerciements que le ministre a exprimés au groupe qui est devant nous
aujourd'hui. Je n'ai pas l'intention d'ajouter quoi que ce soit puisque la
période des débats à la fois précède et suit
cet exercice de consultation. Probablement que le meilleur remerciement que le
ministre pourrait effectivement faire à ceux qui se présentent
devant nous c'est non seulement de les entendre, mais aussi, au moins un
certain nombre de fois, de les écouter.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
nos invités qui sont venus amorcer je dis bien amorcer, parce que j'ai
fortement l'impression, à la suite de cette journée, qu'on ne
fait qu'ouvrir l'enveloppe, à toutes fins pratiques, et que le vrai fond
du débat reste encore à venir. Je le vois, à ce moment,
dans le sens d'une première, étant donné qu'on doit se
limiter à la portée de cette commission parlementaire. Je pense
qu'on devra se donner comme travail d'avenir d'aborder cette réforme
globale du Code du travail qu'on
veut atteindre et de revoir toute cette question en profondeur. Les
discussions, en ce qui me concerne, ne m'ont pas convaincu jusqu'à
présent; du moins, je maintiens certaines réserves, comme je
l'avais d'ailleurs exprimé en deuxième lecture au ministre, en ce
qui concerne plusieurs des aspects de son projet de loi. J'aurai d'ailleurs
l'occasion de revenir sur le sujet, mais je pense qu'aujourd'hui nous avons vu
le dessus de l'iceberg et on doit maintenant s'attaquer par la suite à
tout ce qui reste.
M. le Président, au nom de l'Union Nationale, merci à tous
les invités qui nous ont apporté leurs lumières sur la
question.
Le Président (M. Clair): M. Des Marais.
M. Des Marais: M. le Président, je voudrais remercier ceux
qui ont rendu possible cette rencontre aujourd'hui. Nous savons combien
c'était compliqué, pour toutes sortes de bonnes raisons, qu'elle
puisse se tenir et nous avons été très heureux que vous
preniez le temps de nous entendre. Je voudrais souligner, en terminant, que
d'aucune façon la partie patronale n'a voulu remettre en cause,
directement ou indirectement, le syndicalisme au Québec. Le ministre a
conclu, peut-être à tort, qu'on reculait de 40 ans; au contraire,
je pense que les discussions que nous avons eues aujourd'hui sont des
discussions extrêmement positives; nous avons tenté, avec les yeux
qui sont les nôtres, de projeter la position qui est la nôtre, mais
dans le meilleur intérêt de la population du Québec et des
gens que nous représentons. En conséquence, nous vous remercions
à nouveau d'avoir pris le temps de nous entendre.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Johnson: Une dernière remarque tout simplement pour
relever les propos de M. Des Marais.
En aucune façon, je ne voudrais que mes propos soient
interprétés comme étant de vous affubler d'un vocable
comme celui d'antisyndical. Cependant, je voudrais simplement souligner qu'il
semble, à travers ce débat, se dégager, non pas une remise
en cause du syndicalisme, mais vraiment une anxiété face au
phénomène de la syndicalisation et même si le Conseil du
patronat a démontré dans le passé et
particulièrement lors du débat public sur le projet de loi 45
qu'il est extrêmement apte et équipé pour articuler sa
position dans ce domaine, je me réfère peut-être plus
à des perceptions que j'ai eu l'occasion de connaître dans
différents colloques, depuis quelques temps.
Le Président (M. Clair): Messieurs, je remercie tant les
invités que les membres de cette commission de leur collaboration, ce
qui a facilité mon travail.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 10)