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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Friday, January 30, 2015 - Vol. 44 N° 12

Special consultations and public hearings on the draft revised Government Sustainable Development Strategy 2015–2020


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Table des matières

Auditions (suite)

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Switch, L'Alliance pour une économie verte

Association des médecins spécialistes en santé communautaire du Québec

Québec en forme

Autres intervenants

M. Pierre Reid, président

M. David Heurtel

M. Sylvain Gaudreault

M. Claude Surprenant

M. Serge Simard

M. Donald Martel

M. Ghislain Bolduc

Mme Marie-Claude Nichols

M. Norbert Morin

*          Mme Michèle Beaupré Bériau, INSPQ

*          M. Réal Morin, idem

*          M. Daniel G. Bolduc, idem

*          Mme Ginette Paquet, idem

*          M. Jean Simard, Switch, L'Alliance pour une économie verte

*          Mme Anne-Marie Saulnier, idem

*          M. Yv Bonnier Viger, Association des médecins spécialistes en santé communautaire du Québec

*          Mme Caroline Huot, idem

*          Mme Julie Dostaler, Québec en forme

*          Mme Marie Rochette, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Reid) : ...s'il vous plaît. Nous allons commencer. Ayant constaté le quorum, tout à fait, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, ce que je viens de faire moi-même.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bourgeois (Abitibi-Est) sera remplacé par M. Morin (Côte-du-Sud) et Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), par M. Surprenant (Groulx).

Auditions (suite)

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci, Mme la secrétaire. Alors, voici l'ordre du jour de ce matin. Nous avons quatre groupes invités : d'abord, l'Institut national de santé publique du Québec, l'Alliance pour une économie verte au Québec, l'Association des médecins spécialistes en santé communautaire et Québec en forme.

Alors, nous allons commencer par le premier groupe, donc l'Institut national de santé publique du Québec. Je vais vous demander de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous ferai un signal quand il restera une minute pour vous permettre d'atterrir, et nous allons avoir par la suite une période d'échange de 35 minutes avec les membres de la commission. Alors, je vous donne la parole.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Mme Beaupré Bériau (Michèle) : Merci, M. le ministre. M. le Président, membres de la commission, au nom de l'Institut national de santé publique, je vous remercie de l'invitation à participer à vos travaux sur la Stratégie gouvernementale de développement durable 2015-2020. Je me présente, Michèle Beaupré Bériau. Je suis secrétaire générale à l'Institut national de santé publique. Je suis accompagnée de Mme Ginette Paquet, coordonnatrice à la recherche et chercheure, Dr Réal Morin, directeur scientifique, Développement des individus et des communautés, et M. Daniel Bolduc, directeur, Santé environnementale et toxicologie.

Créé en 1998, l'institut est un centre d'expertise et de référence en santé publique. Son mandat, c'est de soutenir le ministre de la Santé et des Services sociaux, les autorités régionales de santé publique et les établissements en regard de leurs responsabilités. Plus spécifiquement, l'une des missions de l'institut est d'évaluer les impacts des politiques publiques sur la santé de la population québécoise en s'appuyant sur les meilleures données disponibles et sur les différents travaux et avis scientifiques que nous avons préparés.

D'entrée de jeu, l'institut réagit très favorablement au projet de stratégie gouvernementale, qui porte plus loin les efforts de l'administration publique depuis l'adoption de la Loi sur le développement durable en 2006. Nous constatons que la santé se retrouve au coeur de la stratégie et s'arrime aux préoccupations de santé publique. L'institut insiste sur le fait que le développement durable contribue au maintien et à l'amélioration de la santé et du bien-être en favorisant l'action sur les déterminants de la santé.

Avant de céder la parole au Dr Morin, qui présentera les principaux commentaires, notamment en lien avec la réduction des inégalités, avec la prévention de la santé de la population et l'aménagement du territoire, je souhaiterais porter à votre attention certains enjeux autour de la mise en oeuvre de cette stratégie-là. L'institut croit fermement que la concertation des divers intervenants de la stratégie permet d'assurer la cohérence des actions et le partage des responsabilités. Cependant, les divers partenariats existants devront être renforcés, à notre point de vue, et tous les partenaires sectoriels doivent être mis à contribution.

Il nous apparaît également essentiel de rappeler l'importance de l'implication et de l'imputabilité des hauts dirigeants. Si on souhaite que nos plans d'action ne soient pas un voeu pieux, il est vraiment important qu'ils se sentent imputables et permettent réellement à l'organisation de s'engager dans leur démarche de développement durable.

Finalement, la stratégie prévoit que les ministères et organismes auront adopté leurs plans d'action au printemps 2015. On parle du 1er juillet 2015. Nous estimons ce délai très court parce que, si on veut vraiment impliquer notre personnel et notre conseil d'administration dans les choix qu'on va faire pour notre plan d'action en développement durable, on vous suggérerait d'au moins reporter l'échéance à l'automne 2015 et être effectif rétroactivement au 1er avril. Réal.

M. Morin (Réal) : Merci. Effectivement, une perspective de déterminant de la santé qui est largement adoptée par la stratégie nous sied très bien à l'Institut national de santé publique, et ça correspond à une perspective internationalement reconnue que l'action sur les déterminants de la santé est une action qui contribue au développement durable, et vice versa.

Le logement, la création d'emplois, les services de garde, l'environnement bâti, quelques mots au regard de la réalité des inégalités sociales et des inégalités sociales de la santé.

Le logement. Premier message important selon nous, le coût du logement est un facteur de stress important chez les familles vulnérables, à un point tel que l'effort financier à consacrer au logement a des impacts fréquemment rencontrés, notés, documentés sur des dépenses essentielles reliées à l'alimentation, notamment, et, évidemment, la saine alimentation est fondamentale à un mode de vie sain et à la santé.

Les logements qui sont de mauvaise qualité ont des impacts sur la santé également. Ça a été largement documenté à Montréal, notamment, la réalité des moisissures, préoccupation très importante, et qui ajoute au stress parental, et qui ajoute aussi au problème de mobilité de... en fait, de déménagements fréquents qu'on retrouve chez les populations vulnérables, et qui crée de la déstabilisation sociale qui concourt, finalement, à l'isolement des familles les plus vulnérables.

Création d'emplois. Fondamental, on ne peut pas passer à côté de la création d'emplois dans une logique de sortie d'exclusion sociale et de lutte contre la pauvreté. Le message clé que nous souhaitons vous communiquer ici, c'est : Il existe au Québec plusieurs mesures de réinsertion à l'emploi, mais l'accompagnement des personnes plus vulnérables et à renforcer est fondamental. Évidemment, en amont, la qualité des services éducatifs, des stages, etc., est importante, mais nous proposons, nous souhaitons un accompagnement plus intensif pour les personnes qui ont besoin d'être accompagnées dans un retour au travail.

• (9 h 40) •

Peu de mentions sont faites dans la stratégie sur les services de garde. Nous souhaitons mentionner le rôle très, très important des services de garde de qualité et accessibles aux personnes les plus vulnérables. Nous sommes convaincus — et la recherche l'a très, très bien démontré, notamment des recherches réalisées par ma collègue — que l'inclusion des enfants des familles plus vulnérables dans des services de garde de qualité est un facteur clé — comment dire? — dans la rupture, là, intergénérationnelle qu'on souhaite dans la réplication des problèmes de pauvreté. Très important de l'assurer. Et on sait aussi que la mixité sociale qu'on rencontre dans les services de garde contribue à la proximité culturelle, je dirais, et à l'égalité des chances entre les différents groupes, est aussi un facteur clé d'égalité entre les hommes et les femmes.

L'environnement bâti en milieu de vulnérabilité est une préoccupation importante. On a très bien documenté l'impact de ce qu'on appelle les déserts alimentaires, c'est-à-dire la faible accessibilité à des aliments sains dans les populations plus... au sein des quartiers plus vulnérables. Plus de dépanneurs, plus de fast-food que d'accès à une variété d'aliments de qualité. C'est quelque chose à quoi on n'aurait pas pensé il y a à peine quelques décennies de ça, mais maintenant on a bien étudié ces facteurs-là. C'est une préoccupation d'urbanisme qui est très importante et de lutte contre la pauvreté.

Il est heureux que la stratégie fasse largement mention des habitudes de vie comme étant une préoccupation essentielle. On fait souvent référence à la saine alimentation, aussi à l'activité physique, et on sait qu'en milieu de vulnérabilité le sentiment de sécurité du milieu est important pour permettre l'adoption d'un mode de vie physiquement actif. On sait, par exemple, qu'une densité de circulation très grande ou le sentiment de ne pas être confortable, crainte des agressions, par exemple... évidemment, pas nécessairement démontrée, pas nécessairement réelle, mais crée un obstacle à l'adoption d'un mode de vie physiquement actif.

La stratégie parle de la santé mentale. Nous sommes très heureux de voir la santé mentale comme étant un facteur transversal à la qualité de vie, à la santé et à la notion de développement durable. On ne peut pas faire plus d'encouragements qu'on le fait dans la stratégie. Cependant, on l'associe beaucoup à des éléments reliés à la santé physique et on insiste assez peu sur la nécessité d'avoir accès à des services d'accompagnement psychologique, un peu dans la même logique plus tôt que... quand on parlait d'insertion au travail. Nous remarquons au Québec une très grande difficulté d'avoir accès à des services d'accompagnement psychologique lors d'une détresse, lors d'un problème anxieux, problème dépressif. L'intervention aiguë de type approche maladie, on a des services au Québec, mais le suivi plus intensif est très difficilement accessible pour une partie importante de la population, notamment, bien sûr, les plus vulnérables.

La qualité de l'air. La qualité de l'air intérieur, préoccupation très importante, bien documentée en santé publique, pas assez prise en compte par les pouvoirs publics. Nous sommes heureux que ce soit mentionné. On va insister pour que c'en soit une, préoccupation, qui conduise à des actions. Mon collègue Daniel Bolduc pourra éventuellement, selon votre intérêt, vous parler davantage de cette notion.

Peu, sinon pas du tout de référence au bruit environnemental. En milieu de travail, préoccupation bien documentée. Intervention de plus en plus appropriée, bien que ça n'est pas encore parfait. Mais le bruit environnemental, que ce soit à cause du transport routier, ferroviaire ou aérien, encore une fois, ils sont plus exposés, les plus vulnérables de note société. 500 000 Québécois sont exposés à des bruits qui dérangent, qui nuisent réellement à la santé, qui concourent au stress, à l'anxiété, à l'isolement et même à des troubles d'apprentissage. Dans une perspective de développement durable, on devrait aussi s'intéresser au bruit. Encore une fois, les inégalités sociales sont au coeur de la problématique.

Je terminerai peut-être simplement en parlant, évidemment, de ce qui vous intéresse. Nous savons que ça intéresse énormément la commission, les changements climatiques. À l'Institut national de santé publique, une quarantaine de projets d'aménagement ont été... bon, que nous avons travaillés, évidemment, en collaboration pour contrer les îlots de chaleur urbains.

Et, M. le Président, c'est là-dessus que je vais clore. Vous avez en main un mémoire dans lequel on trouve des propositions qui vont dans le renforcement des quelques messages. Évidemment, dans une documentation aussi importante que celle que vous avez fournie, nous avons, bon, insisté sur quelques-uns d'entre eux, mais ça nous fera plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je passe maintenant la parole au ministre pour commencer la période d'échange.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Premièrement, merci beaucoup pour votre mémoire et votre présentation. Très important d'avoir une contribution aussi importante du domaine de la santé dans le cadre de nos travaux et pour alimenter nos réflexions, là, sur la stratégie de développement durable du gouvernement.

Je voudrais continuer sur les changements climatiques parce que, dans beaucoup de points que vous avez soulevés et dans votre présentation et dans votre mémoire, moi, je vois un fil conducteur. En tout cas, je vois les changements climatiques relier beaucoup des différents points que vous soulevez et je vois là, à travers la lutte contre les changements climatiques, une possibilité d'effectuer des changements importants de la façon dont on approche plusieurs problématiques que vous soulevez qui, oui, sont présentées dans la stratégie, mais là-dessus... Puis vous commenciez à en parler à la fin de votre présentation, mais j'aimerais vous entendre davantage sur l'importance de bien intégrer la perspective de santé dans la lutte contre les changements climatiques, mais aussi de bien intégrer tout cela dans la stratégie de développement durable et s'assurer que, justement, le gouvernement, à travers tous les ministères et organismes, s'assure qu'en amont d'un processus décisionnel ces principes-là sont pris en compte d'une façon très, très, très concrète.

Mme Beaupré Bériau (Michèle) : M. Bolduc pourra répondre à votre question.

M. Bolduc (Daniel G.) : Bonjour, M. le ministre et MM. les membres de la commission. Effectivement, depuis le début de l'action gouvernementale sur les changements climatiques, le milieu de la santé est impliqué, a été interpelé. Ils se sont investis, que ce soit à travers les différentes organisations de santé publique, mais aussi en tentant de mobiliser l'action gouvernementale, les groupes communautaires, différents organismes à s'impliquer dans l'adaptation aux changements climatiques. Une action qui nous semble intéressante pour le gouvernement pour impliquer et mobiliser l'ensemble des acteurs gouvernementaux, c'est la lutte, justement, aux îlots de chaleur. Quand on pense aux changements climatiques, on pense automatiquement aux vagues de chaleur, à la chaleur extrême, à la chaleur accablante qui vient affecter les populations urbaines, mais les populations rurales également, et plus particulièrement des groupes vulnérables comme les personnes âgées, les personnes atteintes de santé mentale, les gens isolés qui souffrent de la chaleur dans leur logement en pleine vague de chaleur et qui, sans s'en rendre compte, se déshydratent et pour lesquels, à ce moment-là, une série de symptômes survient.

Nous avons remarqué d'ailleurs, lors des dernières grandes vagues de chaleur, notamment en 2010, une augmentation de 30 % des hospitalisations dans plusieurs régions du Québec, particulièrement en Montérégie et à Montréal, et ce, particulièrement chez les personnes âgées. Donc, il y a une action majeure à prendre, et la lutte aux îlots de chaleur urbaine permet de diminuer, justement, ces effets-là. Ça ne peut pas être la seule action, évidemment. Il faut avoir les systèmes de surveillance qu'il faut, les surveillances d'alerte pour pouvoir aviser les populations, créer des réseaux pour que les familles se préoccupent des personnes vulnérables pour pouvoir à ce moment-là...

Mais le gouvernement étant un propriétaire immobilier important, beaucoup de bâtiments, beaucoup d'infrastructures, beaucoup de terrains appartiennent au gouvernement, et les ministères les gèrent, les ministères... Le gouvernement a un impact important aussi sur l'aménagement... bien entendu, a ses propres règles, mais est aussi propriétaire de... s'occupe de l'entretien d'infrastructures importantes comme le transport, mais, bon, influence aussi les établissements scolaires, les établissements du réseau de la santé, les établissements des services de garde. Donc, tout ça mis ensemble, il y a une action gouvernementale qui peut être prise qui va avoir un impact en favorisant le verdissement, en favorisant dans les cours d'école... pas nécessairement d'avoir... pas juste des cours d'école avec, juste, du gravier en pleine chaleur. Vous allez me dire : Ils ne sont pas à l'école l'été, c'est vrai, là, les enfants, mais, quand même, ça a un effet sur l'ensemble de l'environnement urbain aux alentours.

Donc, c'est pourquoi, dans le plan d'action changements climatiques, comme vous le savez sans doute, M. le ministre, il y a un volet santé important qui est axé sur l'adaptation aux changements climatiques. Donc, la lutte aux îlots de chaleur, c'est important pour nous. C'est important que les différents ministères aussi travaillent ensemble pour surveiller, mais aussi pour pouvoir prévenir l'augmentation de maladies infectieuses reliées au climat. Bon, vous en avez tous entendu parler. Puis M. le président est dans le secteur de l'Estrie, donc tout le monde a entendu parler de l'extension de la maladie de Lyme, notamment. Donc, c'est important de pouvoir le suivre et de pouvoir prendre des actions ensemble parce que ça ne peut pas être juste une action de la Santé, mais il y a d'autres ministères qui vont devoir intervenir pour pouvoir améliorer la situation.

Il faut favoriser la recherche dans l'action gouvernementale, particulièrement sur les personnes vulnérables ou les secteurs vulnérables et, bien entendu, s'impliquer, pouvoir mieux cerner, mieux prévenir les impacts de ce qu'on appelle les aléas climatiques, donc les événements climatiques extrêmes qui amènent des inondations ou d'autres événements du genre qui créent des impacts importants sur la santé, aigus dans certains cas, mais, dans d'autres cas, des impacts sociaux, des impacts sur les personnes qui peuvent durer plusieurs années. Juste en analogie, ce n'est pas lié aux changements climatiques, mais, dans le comté de M. Bolduc, le député ici présent de Mégantic, vous avez vu ces derniers jours, justement, les impacts psychologiques qui perdurent depuis longtemps, depuis plus d'un an finalement, et qui continuent suite à l'événement de Lac-Mégantic. Ce n'est pas lié aux changements climatiques, mais on documente et on voit la même chose dans des événements qui sont liés aussi aux événements climatiques extrêmes.

• (9 h 50) •

M. Heurtel : Si on continue sur cette thématique-là, donc, au niveau des changements climatiques et les actions qui doivent être prises, on voit que c'est véritablement une action horizontale qui doit être faite. Ça ne touche pas spécifiquement le secteur de la santé, mais, pour avoir un impact positif sur notre santé publique, collective, il faut toucher, donc, à plusieurs différents domaines, aménagement, transport, et autres.

Ce que je voudrais comprendre de votre point de vue... Parce qu'évidemment les changements climatiques ont des impacts très importants sur la santé, vous en avez parlé. Il y en a davantage, bon, toutes les maladies respiratoires, cardiaques, et puis, la recherche, on découvre de plus en plus que d'autres maladies... On a même vu un lien avec l'autisme, récemment, là, être révélé en recherche. Ce que j'essaie de comprendre, c'est... Dans le cadre de la stratégie, si on ramène ça à la stratégie de développement durable, est-ce que les secteurs municipaux et de la santé devraient être assujettis à la stratégie, de votre point de vue? Parce que, présentement, ils ne le sont pas.

M. Bolduc (Daniel G.) : Bien, je vais tenter une réponse. Évidemment, nous n'avons pas étudié comme telle... L'institut, c'est un organisme de savoir, donc nous n'avons pas étudié l'application de la stratégie. Mais, comme je vous disais tout à l'heure, un volet important de la stratégie de développement durable porte sur l'aménagement urbain, les environnements sains et les... Autant le milieu de la santé que le milieu de l'éducation sont des propriétaires d'édifices qui sont bien implantés dans le milieu puis qui occupent un espace important, et, si ces organismes deviennent aussi assujettis à la stratégie de développement durable, ils vont pouvoir aussi contribuer, à mon avis... C'est vraiment un avis personnel parce que ce n'est pas un avis de l'organisation en tant que telle, on n'a pas vraiment étudié la question, mais ils vont pouvoir aussi contribuer comme acteurs structurants de l'aménagement d'un territoire également à atteindre les objectifs de la stratégie de développement durable, c'est certain.

M. Heurtel : Combien il me reste de temps?

Le Président (M. Reid) : Il reste encore cinq minutes.

M. Heurtel : Cinq minutes. O.K.

Mme Beaupré Bériau (Michèle) : Réal.

M. Morin (Réal) : Oui.

Mme Beaupré Bériau (Michèle) : Peut-être un complément d'information...

M. Morin (Réal) : En fait, comme Santé publique, nous avons certains rapports avec le monde municipal, notamment à travers le Réseau québécois des villes et villages en santé, où il y a une contribution de l'Institut national de santé publique et du réseau de santé publique à cette stratégie qui est née dans les années 80 autour de ce qu'on appelle la charte d'Ottawa en promotion de la santé. Quand il s'est agi de réfléchir en termes de déterminants de la santé, ça a eu un rôle clé, cet événement international qui a lancé le mouvement de promotion de la santé, à toutes fins pratiques. Est né, donc, ce réseau québécois en lien avec des réseaux internationaux, villes santé, et il me semble — c'est subjectif — que, dans mes rapports que j'ai avec les maires membres du conseil d'administration — je fais partie de ce conseil d'administration là — il me semble qu'il va de soi pour les municipalités — en tout cas, celles que je connais — de prendre une responsabilité directe en regard des changements climatiques. Ils seraient, il me semble, des alliés naturels.

Est-ce que l'assujettissement plus formel serait un élément, un ajout, un apport substantiel à la stratégie? Je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais, à prime abord, je dirais, pour ce que j'en sais, on a là des alliés naturels avec lesquels on travaille. Déjà, on a des initiatives qu'on a prises, des projets pilotes qu'on a réalisés dans des logiques de mode de vie sain, des logiques de transport actif, dans des logiques de réduction, finalement, des émissions, et ça fonctionne bien. De ces travaux-là, il y a un certain nombre de publications qui vont probablement émerger, puis bientôt, parce que c'est assez récent qu'on fait de la recherche là-dessus. Mais, comme institut, je pense qu'on pourrait collaborer, d'une certaine façon, à décoder le potentiel de ces initiatives. Mais là s'arrête notre commentaire en ce qui regarde la notion d'assujettissement, qui dépasse, je dirais, nos compétences immédiates.

M. Heurtel : Je comprends, mais c'est parce que vous avez beaucoup parlé, tant dans votre mémoire que dans votre présentation, justement, du secteur de la santé, et du secteur de l'éducation, et du secteur municipal. Puis, dans nos travaux, on parle beaucoup de cohérence d'action à travers l'ensemble des joueurs de l'État, là — et je prends l'État, là, au sens large — et donc c'est quand même intéressant d'avoir votre point de vue sur la nécessité de, justement, bien intégrer au minimum l'ensemble de ces secteurs-là, d'avoir une vision commune.

Un autre point... Parce que souvent, dans la population, quand on entend «santé publique», l'expression elle-même est souvent reliée à une catastrophe ou à un sinistre, quelque chose. Là, tout à coup, santé publique, c'est pour une autre raison, là, ce n'est pas directement lié à vous, évidemment. Mais aussi, quand on voit... En termes de changements climatiques, ça va être important, je crois, dans les prochaines années, puis je voudrais savoir si l'institut regarde ça ou serait intéressé à regarder ça. On va avoir besoin d'avoir une meilleure compréhension aussi de l'impact, je veux dire, les catastrophes naturelles, qu'est-ce qui s'en vient, que ce soit l'érosion côtière, qui provoque déjà énormément de problèmes, mais qui va en provoquer beaucoup d'autres le long du Saint-Laurent et qui va affecter... et qui affecte déjà la quasi-totalité de la population québécoise directement ou indirectement.

Les catastrophes météorologiques, ça va être important, je crois, de comprendre l'impact sur notre santé non seulement directement de ces catastrophes-là, mais aussi, comme je le mentionnais tout à l'heure, les diverses maladies, les conséquences. Et déjà notre eau potable est souvent mise à risque pour diverses raisons, encore une fois, reliées aux changements climatiques. Bref, là-dessus, j'aimerais, rapidement, là, vous entendre sur comment vous voyez les perspectives, là, pour l'avenir, quel travail on peut faire là-dessus comme gouvernement.

M. Bolduc (Daniel G.) : Oui. Bien, évidemment, on est pleinement en accord avec vous, M. le ministre, pour dire qu'il faut poursuivre la recherche, il faut poursuivre les activités de surveillance et les améliorer pour pouvoir mieux cerner les impacts sur la santé des changements climatiques et des conséquences, en fait, de l'augmentation de ces changements climatiques là, particulièrement sur les catastrophes. Donc, nous-mêmes, on a, dans le cadre du plan d'action sur les changements climatiques 2013-2020... l'institut contribue étroitement avec le ministère de la Santé à l'application de plusieurs actions, dont plusieurs, justement, concernent la recherche, la surveillance, la surveillance des maladies infectieuses liées au climat, la recherche sur la vulnérabilité des populations. Donc, une perspective de recherche sur les impacts, mais aussi sur comment s'adapter, comment aider les gens, les personnes à s'adapter, mais aussi comment aider les organisations, le système, le milieu gouvernemental à adapter ses actions pour permettre à la population elle-même de mieux s'adapter à ces changements parce qu'ils sont là, ils sont là pour rester, malheureusement.

Malgré les efforts pour diminuer, les gaz à effet de serre sont majeurs, et il faut continuer. Mais il faut aussi savoir qu'il faut bien... on est bien conscients, comme le gouvernement, qu'il faut s'adapter aussi à ces changements-là qui vont arriver, qui vont, hélas, arriver. Donc, de la recherche sur la vulnérabilité, particulièrement en lien avec les inégalités sociales, parce qu'il y a des groupes plus vulnérables qui vont souffrir davantage des changements climatiques, de la pollution atmosphérique, bien entendu, et, comme vous disiez très bien, les événements climatiques extrêmes, et particulièrement une recherche sur les impacts psychosociaux, les... donc sur les milieux de vie.

• (10 heures) •

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Nous allons passer maintenant au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci de votre présence ici, en commission, l'Institut national de santé publique. Je pense que vous venez ici, au fond, pour représenter une des sphères essentielles du développement durable. Souvent, on a le réflexe d'associer le développement durable essentiellement ou quasi essentiellement à l'environnement, ce qui n'est pas faux, mais, évidemment, il y a tout le volet économique, le volet social, et donc votre présence est extrêmement, extrêmement importante. Et je pense qu'effectivement on a tout un travail de pédagogie à faire au niveau du Québec pour démontrer davantage les liens entre les changements climatiques — on vient d'en parler — et l'impact sur la santé publique, sur la santé en général à long terme. Et, quand on comprend bien, justement, ces impacts, notamment les impacts financiers sur la santé, bien là on s'aperçoit que, justement, les mesures de prévention, les mesures d'aménagement du territoire, mesures de développement social ont des gains à long terme.

Alors, je voudrais poursuivre un peu dans la lignée entamée par le ministre avec vous dans la discussion. Moi, j'aimerais ça que vous nous précisiez la différenciation des impacts sur les niveaux de vie qu'entraînent les changements climatiques. Par exemple, si on prend l'exemple classique, je dirais, sur l'île de Montréal, l'impact des changements climatiques ne sera pas le même pour une communauté vivant, disons, dans Hochelaga-Maisonneuve versus Westmount. J'aimerais ça, vous entendre plus là-dessus, puis, après ça, on verra comment on peut s'en inspirer, nous, dans nos travaux.

M. Morin (Réal) : Bien, je pense que tous les trois, on aura quelque chose à dire.

Une voix : Tous les trois ont quelque chose à dire.

Une voix : Allez-y, messieurs.

M. Gaudreault : On peut vous laisser, on reviendra dans 15 minutes.

M. Morin (Réal) : Peut-être une entrée en matière sur le social. Bon, la vulnérabilité de certains quartiers et des personnes qui y résident, par exemple Hochelaga-Maisonneuve, elle est réelle et à plusieurs niveaux, santé physique, santé mentale, la qualité du logement, etc., les ilots de chaleur, mais aussi la réalité de l'isolement social. On sait très bien, par exemple, que la grande canicule... française, notamment les décès qu'on a trouvés dans une ville comme Paris, chez les gens âgés, plus fragiles physiquement, mais c'est les gens fragiles socialement qui ont été le plus... en fait, qui sont décédés davantage. Donc, le message, la quantité de facteurs de vulnérabilité à considérer en milieu plus pauvre, évidemment, inclut la vulnérabilité sociale, qui peut être... À plusieurs égards, il devient le principal déterminant de la résilience ou de la résistance aux changements climatiques.

Et, là-dessus, Mme Paquet a fait des études sur... Évidemment, elle travaille beaucoup sur les inégalités sociales, il y a un volet social. Mon collègue Daniel... Bon, alors, je ne sais pas, par rapport à votre question...

Une voix : Vas-y, Daniel.

M. Gaudreault : Je veux juste vous dire qu'on a 10 minutes dans mon bloc à moi, et il en reste cinq.

M. Morin (Réal) : On pourrait en parler longuement, mais, par rapport au niveau de vie comme tel, là, c'est l'oeuf et la poule un peu, là. Daniel, avais-tu...

M. Bolduc (Daniel G.) : Bien, écoutez, personnellement, j'aimerais avoir ici mon collègue responsable des impacts des changements climatiques à l'institut, qui pourrait en parler certainement plus clairement et plus...

M. Gaudreault : Abondamment.

M. Bolduc (Daniel G.) : ...plus abondamment, voilà — même si le temps est limité — que moi. Mais, écoutez, il n'y a pas beaucoup de recherche, pas beaucoup d'études encore qui se sont faites. Ça commence, ça devient de plus en plus important. L'important, ça va être de favoriser, justement, d'amener les équipes de recherche, de chercheurs à s'intéresser au lien changements climatiques et inégalités sociales. C'est prévu, disons, mais on a nous-mêmes de la difficulté à identifier les équipes de recherche, de chercheurs qui sont en mesure de pouvoir bien faire le travail actuellement au Québec.

Je pense qu'il y a quand même de bonnes équipes de recherche, ça va venir. Mais, comme mon collègue Dr Morin disait, il y a des groupes qui sont extrêmement vulnérables et qui le sont, de toute façon, dans leur milieu. On parle des personnes âgées, mais j'ajouterais les gens qui souffrent de santé mentale. On s'en est rendu compte en 2010, c'est les gens qui devraient être rejoints, mais qu'on ne réussit pas à rejoindre pour les aviser qu'il y a, par exemple, une vague de chaleur, qu'ils doivent prendre des mesures parce que, de par leur état, les outils de communication ne sont pas adaptés, par exemple, à ces personnes-là. Donc, il y a des actions supplémentaires à prendre pour pouvoir rejoindre différents groupes qui sont plus vulnérables, là.

M. Gaudreault : Je veux, tout de suite, intervenir parce que je sais que le temps file, mais je veux juste bien vous entendre, est-ce que vous trouvez que cette préoccupation... O.K. Je comprends qu'elle n'est pas encore assez documentée, mais on le sait quand même que l'hypothèse est vérifiée, là, il y a des exemples internationaux, puis, bon, est-ce que vous trouvez que cette hypothèse, justement, n'est pas assez présente dans la stratégie, qu'on devrait la mettre davantage en valeur dans la stratégie et interpeller les ministères concernés — on pense au ministère de l'Éducation, au ministère de la Santé — davantage en lien avec la stratégie?

M. Bolduc (Daniel G.) : Peut-être la vulnérabilité sociale comme étant un facteur clé à considérer dans la résilience aux changements climatiques?

M. Gaudreault : Exact.

M. Bolduc (Daniel G.) : Bien, en fait, j'ai relu hier... j'étais heureux de voir qu'on en parle. En parlons-nous suffisamment? Bien, je prendrais la balle au bond en disant qu'il faut certainement en parler plus. Si l'impression ressort que le social n'est pas compris comme étant déterminant dans l'adaptation aux changements climatiques, c'est dire qu'il faudrait probablement insister davantage, qu'elle soit plus explicite.

M. Gaudreault : Parfait. Est-ce qu'il me reste du temps?

Mme Paquet (Ginette) : Peut-être un dernier mot.

Le Président (M. Reid) : Il reste trois minutes.

M. Gaudreault : Trois minutes. O.K. Allez-y, madame.

Mme Paquet (Ginette) : Je ne voudrais pas qu'on laisse en message que c'est inéluctable, qu'on ne peut rien faire et que les personnes au bas de l'échelle sociale vont nécessairement être malades. Et les communautés ou les municipalités où il y a vraiment... on brise l'isolement social, où il y a une cohérence sociale peuvent de beaucoup prévenir des problèmes liés... Bon, on parle des îlots de chaleur, là, mais généralement la personne qui... On a vu des études, à Paris, assez claires par des chercheurs au moment où ils ont eu leur grosse canicule, ce n'est pas que la personne était pauvre, ce n'était pas le principal motif pour lequel... Bon, elle était âgée, bien sûr. Où il y a eu un taux de mortalité élevé, c'est parce qu'elle était isolée. Et les familles ou les municipalités qui avaient brisé l'isolement n'ont pas eu des taux de mortalité plus élevés. Donc, on peut vraiment agir, ce n'est pas inéluctable.

M. Gaudreault : Tout à fait. Mais soyez rassurés, là, c'est...

Mme Paquet (Ginette) : Il ne faut pas être pessimiste, là.

M. Gaudreault : ...parce qu'on n'est pas fatalistes qu'on est ici aussi, là.

Mme Paquet (Ginette) : Voilà. Voilà.

M. Gaudreault : Donc, on veut que la stratégie, justement, soit la meilleure possible, la plus bonifiée possible, si on peut dire, pour, justement, être capables d'identifier des pistes d'action.

Il reste peu de temps, mais je veux vous entendre sur un peu plus de technique. Vous dites à la page 10 que vous souhaitez que le plan d'action des ministères soit déposé à l'automne 2015 plutôt qu'au printemps 2015. Moi, j'ai plutôt tendance à vouloir pousser la machine plutôt que lui donner plus de temps. Alors, je voudrais vous entendre un peu plus là-dessus.

Mme Beaupré Bériau (Michèle) : D'accord. Je vous dirais que, souvent, il faut qu'il y ait une certaine appropriation et une implication des gens à l'élaboration du plan d'action. Sinon, si on n'a pas suffisamment de temps pour la concertation intraorganisation, les gens disent : Ah! bien, ce plan d'action là, là, c'est le plan d'action d'un petit groupe. Donc, l'idée, c'est que nous, si on veut, on en a un, plan d'action, comme tous les organismes. Si on veut qu'il vive vraiment dans l'organisation, il faut consulter les gens sur les meilleures actions à mener pour soutenir la stratégie. Et je crois qu'il faut aussi impliquer notre conseil d'administration, qui va nous exiger des redditions de comptes et qui va... Si on les implique dans les choix, ils vont sentir ces choix-là leurs choix et ils vont vouloir savoir comment l'organisation... est-ce qu'elle fait vraiment ce qu'elle avait prévu dans son plan d'action. Parce que, malheureusement, beaucoup de plans d'action qu'on fait, que ce soit notre plan stratégique, si on veut qu'il vive, il faut impliquer les gens lors de l'élaboration, il faut qu'ils se sentent partie prenante des choix. Donc, juste le fait de se donner le printemps pour bien discuter de ces choix-là avec les gens, pendre la période de l'été pour vraiment construire notre plan d'action et le faire entériner par nos conseils d'administration en septembre ou octobre, on sent que c'est beaucoup plus gagnant. Voilà.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci beaucoup. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je donne la parole au député de Groulx.

M. Surprenant : M. le Président, merci. Mesdames messieurs, bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui. Alors, je vais traiter, à la page 5, de votre proposition concernant l'orientation 4, qui est de favoriser l'inclusion sociale et réduire les inégalités sociales et économiques. Alors, le rapport quinquennal de la stratégie 2008-2013 démontre que seulement cinq des 1 149 actions des ministères et organismes visaient à améliorer l'employabilité des personnes éloignées du marché du travail. Alors, on parle de formation et de programmes de soutien, d'accompagnement psychologique également. La stratégie 2015-2020 met peu d'emphase — ou trop peu d'emphase, même — sur ce volet du développement durable. Alors, je comprends que vous souhaitez que davantage d'actions soient mises en oeuvre à cet égard. Alors, comment vous voyez ça? Et lesquelles, s'il y a lieu?

Mme Paquet (Ginette) : On ne peut pas aller... Je pense, ce n'est pas notre champ de compétence d'aller dans la définition fine, là, des actions, mais ça prend un soutien assurément si on veut que des personnes qui ont été en retrait du marché du travail... Souvent, ce n'est pas que l'emploi n'est pas disponible, c'est qu'ils n'ont pas certaines compétences psychosociales pour retrouver et occuper un emploi de façon satisfaisante pour l'employeur. Alors, il y a des mesures d'accompagnement qui... je pense, les gens de solidarité sociale connaissent beaucoup mieux que nous. Mais souvent le personnel n'a pas le temps de bien accompagner les personnes qui ont un besoin, et il y a aussi, en prévention, d'éviter que les personnes n'arrivent pas à terminer un secondaire V ou n'aient pas un diplôme. Et ça, on sait comment le faire, il y a assez de recherches, là. Il faut commencer très tôt. Avant d'entrer à l'école, il faut permettre à tous d'avoir des chances égales.

Mais c'est d'un accompagnement et c'est aussi... On sait que, quand les personnes ont des problèmes de santé mentale légers, pas nécessairement majeurs comme des maladies psychiatriques, mais des troubles de dépression, des troubles anxieux, si elles n'ont pas de suivi ou de soutien, il y a, malheureusement, trop souvent des problèmes de consommation qui s'installent, et donc il faut accompagner les gens pour les rendre, pour plusieurs...

M. Surprenant : ...vous vouliez rajouter? Non?

Mme Paquet (Ginette) : Oui, allez-y.

M. Surprenant : Vous vouliez rajouter quelque chose, j'ai l'impression. Non? O.K. Parfait, excellent. Alors, ma deuxième question concerne la proposition 2 de cette même orientation, à l'égard de cette même orientation, qui concerne l'accès aux services de garde à l'enfance, alors, à coût modique. Alors, on sait qu'il y a eu des mesures récentes qui ont été instaurées de hausses bien au-delà de l'inflation, et il va y avoir des impacts, donc, qui vont accentuer le problème, on va avoir plus de gens, peut-être... On parle de dames qui pourraient retourner à la maison, donc encore plus d'enfants, là, dans des services de garde et qui voudraient y avoir accès, mais qui n'y auront peut-être pas accès. Alors, on est conscients que... Souvent, on dit : Tout se joue avant trois ans, là, il faut donner des chances égales à chacun. Alors, comment vous voyez ça, de pouvoir... Puis même actuellement, sans augmentation, on dit qu'il y a moins de jeunes de milieux défavorisés qui vont dans les CPE ou dans les garderies en général. Alors, quel effort vous pensez qui pourrait être fait au concret pour changer cette façon d'être là?

Mme Paquet (Ginette) : Je pense qu'il faut s'assurer qu'on ne permet pas à... qu'on ne favorise pas... Je pense qu'il faudra voir si les études vont en témoigner, là, mais on peut être inquiet, au minimum, si on hausse le prix des services de garde, que des femmes — bien, c'est souvent des femmes — qui ont un revenu ou une profession avec un... qui ne permet pas d'être très gagnant si les coûts de... Ça, c'est assez bien documenté, que si les coûts pour faire garder son enfant dans un service de qualité sont un peu trop chers, bien, le bénéfice d'aller sur le marché du travail, parfois il peut être questionné dans le couple, et c'est souvent la femme... Ça, on peut s'inquiéter. On n'a pas encore... on ne sait pas si, au Québec, on va se diriger vers ça, mais, au minimum, on peut s'inquiéter.

Et l'autre élément, bien, il faut... Je pense, on a des études assez sérieuses, assez solides qui ont été faites qui démontrent que les enfants de familles au bas de l'échelle sociale sont ceux qui bénéficient le plus de fréquenter un service de garde de qualité, et il faut favoriser davantage, je pense, des places. Il y en a certaines qui sont réservées pour eux, peut-être qu'il n'y en a pas suffisamment. C'est peut-être là un des moyens, là, mais il faut être alerte et être sûr qu'on permet et qu'on réserve des places pour ces enfants-là.

M. Surprenant : Donc, vous présumez que ce n'est pas une question, donc, nécessairement de... c'est une question essentiellement de coût, et non pas, là, de...

Mme Paquet (Ginette) : C'est plus complexe que ça, mais je n'ai pas le temps...

M. Surprenant : C'est plus complexe que ça, à mon avis, oui. O.K.

Mme Paquet (Ginette) : Oui, oui, oui. Il faut voir le rôle... Je n'ai pas le temps d'entrer dans le détail, mais ça peut être plus complexe que ça.

M. Morin (Réal) : En fait, on n'a pas et on ne fera pas d'étude de type économique sur l'impact des changements des mesures fiscales ou apparentées, mais ce qu'il est certainement nécessaire de faire d'un point de vue de santé publique, c'est l'impact des changements sur l'accueil, la capacité d'accueil et la fréquentation des populations plus vulnérables. C'est sûr qu'on souhaite l'accès à tous, la mixité sociale, etc., mais le fait, pour un enfant de milieu vulnérable, de participer à des services de qualité, c'est fondamental, bien démontré. Et la démonstration est faite sur la valeur ajoutée particulièrement pour ces personnes-là, alors il faut vérifier cet impact-là et faire les correctifs politiques éventuels si, de fait, on perd du terrain par rapport à cet objectif-là très, très largement partagé.

M. Surprenant : Merci.

Le Président (M. Reid) : Alors, je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

Alors, je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités, c'est-à-dire l'Alliance pour une économie verte au Québec, de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 16)

(Reprise à 10 h 17)

Le Président (M. Reid) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je veux souhaiter la bienvenue à nos invités de l'Alliance pour une économie verte au Québec. Je vous rappelle que vous allez disposer de 10 minutes pour faire votre présentation. J'essaierai de vous faire un signal quand il restera une minute pour vous aider à conclure, et, par la suite, nous aurons un échange de 35 minutes avec les membres de la commission. Alors, je vous demande de vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne.

Switch, L'Alliance pour une économie verte

M. Simard (Jean) : Bonjour, M. le Président. Merci de nous recevoir. Mon nom est Jean Simard. Je suis président et chef d'exploitation de l'Association de l'aluminium du Canada et membre du comité directeur de Switch, L'Alliance pour une économie verte. Je suis accompagné de la coprésidente du chantier sur les approvisionnements responsables, Anne-Marie Saulnier, qui est directrice générale de l'ECPAR.

Switch, L'Alliance pour une économie verte au Québec souhaite accélérer le virage vers une économie plus verte afin de contribuer à une société québécoise innovante, résiliente, concurrentielle, qui réconcilie équité sociale, environnement et qualité de vie.

L'alliance regroupe des organisations issues des milieux économiques financiers, associatifs et environnementaux : Cycle Capital Management, la Fondation David Suzuki, Écotech Québec, Équiterre, l'Association de l'aluminium du Canada, les ingénieurs-conseils. Elle est soutenue par le Mouvement Desjardins, Enerkem, Innergex, le Fonds mondial pour la nature, la CSN et le RNCREQ, ainsi que Gaz Métro.

Nous avons, afin d'élaborer le mémoire qui vous a été remis, travaillé en comité, le Comité sur les marchés publics et les achats responsables, comité qui a bénéficié de l'apport de la ville de Longueuil, de Gaz Métro, du créneau accord métallurgie de Quantis, d'Écotech Québec, du Mouvement Desjardins, de Sous-traitance industrielle Québec, Marketech, du MEIE et de l'ECPAR.

Le travail a visé principalement à appuyer et à renforcer l'orientation 1 de la stratégie gouvernementale, qui vise la gouvernance en développement durable dans l'administration publique. Globalement, on comprend que ce qui est visé ici, c'est la réduction des impacts environnementaux négatifs découlant des activités des ministères et organismes et l'accroissement des acquisitions écoresponsables.

Je vais maintenant passer la parole à Anne-Marie, qui va vous faire un état des lieux et aussi partager avec vous notre vision des pratiques et des outils à mettre en place.

• (10 h 20) •

Mme Saulnier (Anne-Marie) : Donc, rapidement, avec l'état des lieux en matière d'achats responsables au sein de l'appareil gouvernemental, qu'est-ce qu'on pense qu'il est important de constater, c'est que la précédente stratégie de développement durable identifiait clairement un objectif, l'orientation 3, produire et consommer de façon responsable. Donc, il y avait une obligation pour chacun des ministères et organismes de respecter cette orientation-là et d'inclure, donc, des actions de consommation responsable dans leur plan d'action de développement durable. Donc, l'orientation était forte, était satisfaisante sur ce plan-là, et, quand on regarde au fond le rapport, de l'état des lieux en matière de développement durable qui a été déposé par le gouvernement en décembre 2014, après, donc, sept ans d'application de cette stratégie-là, on a peine à identifier des résultats concrets en matière d'achats responsables au sein de l'appareil gouvernemental. On parle d'achat de papier avec de la matière recyclée, d'ordinateurs certifiés IT. Donc, c'est quand même très peu. Et, au fond, ce qu'on veut constater dans ces sept années-là, c'est le fait que les acheteurs nous disent que c'est la dichotomie entre l'orientation développement durable et la tangente du plus bas soumissionnaire qui prévaut toujours, qui est le principal obstacle à l'achat responsable. Donc, il y a un enjeu majeur à ce niveau-là.

Il y avait une loi qui prévoyait aussi l'utilisation d'une marge préférentielle pour privilégier les fournisseurs qui étaient plus responsables ou les produits plus responsables qui n'était à peu près pas utilisée. Les outils disponibles pour les acheteurs, pour faire de l'achat responsable aussi, très peu accessibles, pas diffusés au public, très peu accessibles au niveau de l'appareil gouvernemental. Tout ça dans un contexte où, sur la scène internationale, il y a une tangente très forte pour que les pays se donnent des plans d'action de développement durable. Avec le plan Rio+20, il y a des financements, des orientations. La Commission européenne oblige tous ses pays à se donner un plan national d'achat responsable. Les États-Unis étudient en ce moment une stratégie très forte pour que des certifications soient utilisées. Donc, on a un contexte, au fond, qui veut que la question des coûts totaux de propriété, les critères de performance, la formation des acheteurs, la formation des gestionnaires soient mis à l'ordre du jour. Donc, je vais te laisser, Jean, continuer.

M. Simard (Jean) : Nous avons, de notre côté... On a relevé l'importance d'utiliser des outils tels que l'analyse du coût total de possession, qui est un outil d'aide à la décision dont l'utilité est démontrée dans différentes administrations publiques et qui permet d'internaliser les coûts réels lors de l'acquisition de biens, que ce soit au niveau des infrastructures, du transport, ou d'autres types d'utilisations. On pense que ces critères-là, quand on se base sur, par exemple, des exemples concrets d'achats responsables qui sont documentés au fil de notre document, c'est des outils qui permettraient à l'administration publique d'améliorer considérablement sa performance en termes de développement durable.

Je vous amène maintenant vers les recommandations de notre rapport. En fait, je pense qu'il est important de camper ça dans la perspective suivante. Pour nous, ce qui est absolument important, c'est d'avoir un plan d'action gouvernemental où on passe des mots à l'action. Ce qu'on a eu au cours des dernières années, c'est un peu une corne d'abondance, une invitation, un grand menu avec beaucoup d'éléments aussi valables les uns que les autres, mais c'est... on laisse le choix à l'utilisateur final, à l'administration publique, à l'acteur dans l'administration publique de prendre ce qui fait son affaire, si ça fait son affaire et quand ça fait son affaire. On ne peut pas arriver à atteindre des résultats de cette façon-là. Alors, ce qu'on a tenté de faire dans le cadre de notre exercice, c'est de vous proposer un plan d'action avec des recommandations qui reposent sur quatre principes.

Le premier, c'est de se donner des objectifs clairs, très clairs en impliquant les acteurs privés et les acteurs des ministères gouvernementaux pour définir des orientations, c'est-à-dire les objectifs et les cibles. Donc, ici, on parle de quantifier, et non de seulement de qualifier. On parle aussi d'identifier des produits et des services prioritaires en matière d'achats écoresponsables. On pense que le mur-à-mur, ça ne peut pas fonctionner, c'est évident, mais il y a moyen de tracer des lignes de progression pour avancer dans le temps sur des opportunités qui sont peut-être plus faciles à atteindre au départ et qui vont permettre de se familiariser avec différents processus et d'accroître, finalement, l'atteinte des objectifs au fil du temps, donc une progression.

Renforcer les compétences en matière d'achats écoresponsables. Il y a un besoin d'assurer l'adéquation entre les visées d'un plan d'action sur les achats écoresponsables et la capacité de l'administration publique à livrer la marchandise. Il faut outiller, équiper les gens, il faut former les gens. Mais non seulement il faut le faire dans l'administration publique, il faut aussi faire percoler cette formation-là, faire une adéquation entre le donneur d'ordres qu'est le gouvernement et le secteur privé à travers, par exemple, des associations sectorielles qui pourraient s'assurer de donner écho à cette formation et de s'assurer que les livreurs de biens aient ce qu'il faut comme formation pour pouvoir livrer la marchandise.

On parle de faire évoluer la conception et les processus d'appel d'offres, et ça, c'est pas mal le noeud gordien. On l'a mentionné tout à l'heure, Anne-Marie l'a mentionné, tant et aussi longtemps qu'on demeure avec le paradigme du plus bas soumissionnaire, on ne pourra jamais avancer, on ne pourra jamais atteindre d'objectifs. On pense — et on le mentionne dans le mémoire — qu'on est à la croisée des chemins. Il y a un momentum présentement au Québec, la commission Charbonneau, le constat que, dans des grands projets d'infrastructure, ça a coûté plus cher en bout de ligne que ce qui était prévu. Il y a des outils d'aide à la décision, que ça soit l'analyse du coût total de possession, l'analyse du cycle de vie, qui permettent aujourd'hui de quantifier, de prévoir à l'avance comment faire la différence entre quelque chose qui apparaît comme étant moins cher à l'achat, mais qui, ultimement, devient plus dispendieux à l'usage, et on le fait dans le secteur privé, ça se fait couramment. Ça se fait dans des PPP, par exemple. Pourquoi? Parce que le fardeau est transposé vers le fournisseur de la solution, et il a donc intérêt à s'assurer que ça soit viable le plus longtemps possible.

Pourquoi ne pas s'assurer qu'à l'intérieur de l'administration publique on ait cette capacité d'analyse? On l'a démontré, on a fait l'expérience au sein d'associations. On a fait faire une analyse du coût total de possession sur un projet de passerelle en aluminium comparé avec la même passerelle en acier. Tout le monde, au départ, était certain que ça coûtait plus cher. On a fait la démonstration — et ça a été confirmé par une certification de Deloitte, la firme de consultants — à l'effet que l'ouvrage dure plus longtemps que le même ouvrage fabriqué en acier, coûte moins cher en termes d'entretien et, finalement, quand on annualise les coûts, il est moins dispendieux sur sa durée de vie. Mais, si on faisait un appel d'offres conventionnel, on ne pourrait même jamais donner ouverture à une solution en aluminium versus une solution en acier.

On parle aussi de s'assurer que les pratiques d'achat permettent le déploiement des technologies propres compétitives. On parle ici de changement, de changement dans la façon de faire, de changement dans la façon d'évaluer les choses. On parlait tout à l'heure de former les ressources à l'interne pour s'assurer qu'elles puissent livrer la marchandise comme donneurs d'ordres. Vous comprendrez que, quand on parle de déployer des technologies propres, il faut changer la façon de faire, il faut se donner la possibilité, et la capacité, et le cadre d'analyse pour pouvoir évaluer ces technologies-là. Et donc on parle ici de vitrines technologiques, de bancs d'essai, en fait de processus qui sortent du cours ordinaire des choses, qui requièrent des équipes qui ont une expertise, une mission et une vision qui est cohérente avec l'objectif visé, qui est de faire émerger ces technologies-là. Donc, dans le mémoire, ce qu'on propose, c'est d'avoir des équipes au sein du gouvernement qui ont ce cadre d'analyse là qui est propre et qui ont les coudées franches pour faire émerger à travers des appels d'offres des technologies émergentes, que ce soit par le biais de bancs d'essai ou d'autres façons de le faire. J'ai terminé.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous avons un petit peu dépassé le temps. Alors, nous allons passer à la période d'échange, je passe la parole au ministre.

• (10 h 30) •

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci, tout d'abord, pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Et puis je tiens à souligner l'importante contribution que fait Switch à la conversation nationale que nous avons, notamment sur les changements climatiques, mais, évidemment, sur la plus grande question du développement durable. J'ai pris le plaisir de participer à la table ronde sur l'écofiscalité plus tôt cette semaine que vous avez organisée avec la commission canadienne sur l'écofiscalité. C'est un excellent événement, là, c'était à Montréal mardi dernier. Également, il y a trois ou quatre membres de Switch qui siègent sur le Comité-conseil sur les changements climatiques, que nous avons formé l'année dernière. Alors, merci pour votre contribution globale à l'avancement, là, nécessaire de notre pensée non seulement en développement durable, mais en changements climatiques.

Ceci dit, votre présentation, je trouve, touche, je crois, un nerf fondamental. Et là, pour, justement, aller de l'avant, on parle, je crois, d'une transformation majeure de l'appareil de l'État, de sa façon de faire les choses, et donc... Parce que ce qu'on doit, c'est passer à une étape où on intègre des principes encore une fois de façon horizontale parce que ça ne va pas juste être dans un ministère, ça ne va pas juste être... ça veut dire on parle du Conseil du trésor, on parle du ministère des Finances, et là, après ça, ça descend sur l'ensemble des ministères et organismes, sur la façon dont l'État se procure ses biens et services.

Et donc ma question, c'est peut-être profiter du temps qui m'est alloué pour peut-être faire, justement, ici un exercice plus pédagogique, de parler, justement, davantage d'internalisation des coûts, qu'est-ce que ça veut dire. C'est une notion que, bon, plusieurs initiés connaissent, qu'on connaît, mais, encore une fois, ce n'est pas, encore une fois, très, très répandu, puis la nécessité, justement, que nous avons, comme État, d'adopter ces principes-là. On est encore au tout début, à la phase très embryonnaire de vraiment intégrer ce concept-là, la notion de cycle de vie, et aussi qu'est-ce que nous devrions faire aussi pour faire comprendre... Parce que l'idée du plus bas soumissionnaire puis de payer ce qui est le meilleur marché, c'est un peu... c'est un réflexe, c'est quelque chose qui est très programmé dans notre société, surtout lorsqu'on parle de finances publiques, mais, en général, tu sais, on veut le plus bas prix tout de suite. Mais, quand on regarde, bien, peut-être payer un peu plus cher, en amont, sur la longueur de vie d'un produit, finalement on y gagne. Par exemple, construire une maison, bien, un système de géothermie va coûter plus cher peut-être, mais, à la longue, on y gagne. Alors, ça veut dire la construction de nos immeubles...

Alors, je voudrais voir quelles sont vos idées sur comment on peut aussi mieux communiquer cette idée-là parce qu'il va falloir aller chercher vraiment un consensus global non seulement à l'intérieur du gouvernement, qui est un moyen défi, mais aussi, dans la société, de comprendre que peut-être que la facture va être un peu plus élevée, surtout dans une période de redressement de nos finances, mais qu'à la longue on est gagnants en faisant ça.

M. Simard (Jean) : C'est une question qui est fort pertinente et qui soulève un enjeu de société, en fait. Pour des raisons culturelles, je pense qu'au Québec on peut se dire avec humilité qu'on est un peu le Dollarama dans le domaine des approvisionnements et des achats, que ça soit... Quand vous lisez, par exemple, des analyses qui sont faites des habitudes de consommateurs pour des produits alimentaires, des restaurants qui achètent, et ainsi de suite, on est l'endroit par excellence, quand on regarde l'importance qu'on accorde à la fonction alimentaire, on est l'endroit où on se refuse le plus à acheter la meilleure qualité, on cherche toujours le deal, le compromis le moins cher. Si vous allez au Marché central le matin puis vous regardez les gens qui vendent, vous faites le tour, il y en a très peu qui vendent de la première, première qualité, ça va aller à des restaurants très haut de gamme comme le Toqué, ainsi de suite. Mais le 80 %, la loi de Pareto, là, c'est : Où est-ce qu'est le deal?

C'est un peu la même chose dans des appels d'offres publics, on a développé cette culture du plus bas soumissionnaire sans se demander, comme dans l'alimentation : En bout de ligne, qu'est-ce que j'en retire? Est-ce que j'en ai pour mon argent? J'ai l'impression d'en avoir pour mon argent parce que je ne paie pas cher puis j'ai quelque chose qui répond au besoin que j'ai identifié, mais il faut s'éduquer comme société au fait que ce n'est pas de devenir propriétaire de quelque chose qui lui confère toute sa valeur, c'est que cette chose-là conserve sa valeur le plus longtemps possible. On est dans une ère où le changement de génération permet aujourd'hui d'ouvrir sur ces notions-là, ce qui n'était peut-être pas le cas auparavant. Je pense qu'un des premiers rôles du gouvernement, c'est de s'assurer de faire comprendre, de faire réaliser que, dans des démarches d'acquisition, l'important, c'est le long terme et c'est là où toute la société est gagnante parce qu'on valorise l'utilisation des meilleurs matériaux aux meilleurs endroits plutôt que de chercher le plus bas soumissionnaire. Si vous faites le tour des municipalités, ils sont les premiers à lever la main et à crier haut et fort qu'il faut les sortir de ce carcan-là parce qu'ils n'en ont pas pour leur argent. Le moment est venu, les gens sont plus mûrs qu'on le pense.

Puis je terminerais en vous disant : J'ai été chez Gaz Métro comme vice-président au développement durable pendant un petit bout de temps, puis, un jour, j'ai utilisé un stylo qui venait des approvisionnements de Gaz Métro. Puis, à un moment donné, j'ai fait venir la personne des achats, puis j'ai dit : Pourquoi on achète des stylos qui explosent? Il m'a regardé et il a dit : Qu'est-ce que vous voulez dire? Bien, j'ai dit : Ça fait trois fois que je l'utilise, puis il a cassé la troisième fois. C'est-u parce qu'ils sont moins chers, puis ils sont faits en Chine? Il m'a dit oui. J'ai dit : Ça donne quoi? Ça sert trois fois. Puis en plus on donne ça en cadeau quand il y a des gens qui viennent. Ça ne marche pas, ça coûte beaucoup trop cher. Et là ils se sont mis à réfléchir, dire... Il faut évoquer la réalité qui nous échappe pour commencer à amener les gens à raisonner et à penser autre chose, et tout est là pour le faire. C'est un enjeu considérable, on a ce qu'il faut pour le faire.

M. Heurtel : Donc, moi, ce que j'entends au niveau... si je ramène ça à la stratégie de développement durable, moi, j'entends deux choses fondamentales. Un, il y a un besoin de mettre en place une stratégie de communication très importante au niveau de la stratégie pour, justement, faire de la pédagogie, expliquer, sensibiliser. J'imagine aussi que cette stratégie de communication doit non seulement se faire par le gouvernement, mais en partenariat avec des acteurs de la société civile, et également qu'il y a... Puis là je vais prendre un terme qu'on utilise souvent ces temps-ci, mais j'entends que, de votre point de vue — puis l'alliance Switch représente quand même une diversité très intéressante de joueurs de la société civile — qu'il y a une forme d'acceptabilité sociale sur le concept que l'État doit changer ses pratiques en matière d'achats, en matière d'appels d'offres, en matière d'acquisition de biens et services pour intégrer cette notion d'aller chercher les biens qui ont véritablement la meilleure qualité, là. Puis c'est le mot «qualité» au sens qui englobe l'écoresponsabilité, l'écoconditionnalité, et donc... mais c'est de rendre ça une obligation.

M. Simard (Jean) : Oui, c'est l'exemplarité de l'État. Et Anne-Marie voudrait ajouter.

Mme Saulnier (Anne-Marie) : Oui. Peut-être faire atterrir un peu cette considération-là parce qu'en fait, quand on présente cette notion-là de coûts totaux de possession à des acheteurs, ils sont extrêmement sensibles à ça, et ce n'est pas du tout les personnes qui sont à convaincre de la pertinence de ce genre de moyen là d'évaluer combien coûte un produit, effectivement. L'enjeu est plutôt au niveau d'avoir des outils pour être capable d'arriver à évaluer quel est le coût de possession, donc, sur la durée de vie. Et ça, ça semble quelque chose qui est totalement en dehors du moyen des acheteurs, et ces outils-là existent aujourd'hui. Donc, l'important, au fond, c'est que les acheteurs soient munis des outils qui permettent déjà de calculer les coûts totaux de propriété. On a identifié des coûts totaux de propriété sur au moins huit produits d'usage courant, on sait exactement quoi demander aux fournisseurs. Donc, après, il s'agit de documenter est-ce que ça s'est vraiment fait, ces gains-là, sur le coût de possession. Donc, c'est plutôt les gestionnaires, peut-être, qui doivent être sensibilisés, et les outils rendus à la disponibilité des acheteurs. Et les outils existent.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je vais passer la parole maintenant au député de Dubuc.

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président. Donc, vous venez de changer, effectivement, le petit... que tous les Québécois utilisent : Le beau, bon, pas cher, ça ne va pas ensemble. Maintenant, c'est beau, bon, pas cher, durable, ça ne va pas ensemble. C'est ce que vous venez nous dire aujourd'hui. Et c'est très intéressant, ce que vous proposez, parce qu'en réalité je pense que l'ensemble des Québécois devraient avoir cette préoccupation-là. On regarde aujourd'hui, c'est le fast-food, puis ça crée beaucoup, beaucoup, beaucoup de déchets, il faut le dire. Et je suis très, très satisfait. Puis je lisais tout à l'heure encore une fois votre mémoire, et vous avez un plan bien structuré, j'aimerais, le plan que vous proposez au gouvernement, que dans quelques mots, pour le bien des gens qui nous écoutent... Il y a des milliers de personnes qui nous écoutent, là, et puis j'aimerais... Je suis très optimiste, M. le Président. J'aimerais, mais, quand même, que vous expliquiez en gros, rapidement, c'est quoi, le plan que vous proposez et puis la finalité de tout ça. Comme ça, les gens qui nous écoutent, parce qu'ils n'ont pas la chance de lire votre mémoire... mais, tout au moins, pour que, si le gouvernement met en place des paramètres que vous proposez, les gens comprendront vers quoi on veut aller.

• (10 h 40) •

M. Simard (Jean) : Bien, le plus rapidement possible, là, je vais essayer de synthétiser la chose. Il faut, dans une première mesure, habiliter, former les gens, donner des outils aux personnes qui sont les acteurs de changement au sein de l'administration gouvernementale, les fonctionnaires qui sont responsables de programmes d'acquisition. Au Québec, on achète pour 30 milliards de dollars de biens et services annuellement. Dans une société de 8 millions d'habitants qui n'a pas de masse critique suffisante pour faire émerger des technologies strictement en fonction du marché des consommateurs, il y a un guichet unique qui peut faire la différence, qui est le plus grand levier stratégique, c'est le marché gouvernemental, 30 milliards par année. Il faut qu'à l'intérieur de cette Administration-là les fonctionnaires, à partir du Conseil du trésor, en passant par les Finances, en descendant jusqu'aux approvisionnements, en passant par le ministère des Transports, et autres, soient habilités, qu'ils aient la formation, les compétences et les directives, le cadre d'opération voulus pour pouvoir procéder à livrer la marchandise. En contrepartie de ça, il faut s'assurer aussi que le marché qui répond à ces demandes-là soit aussi au même rythme. Donc, il y a une mise à niveau à faire au niveau du gouvernement et au niveau du secteur privé. Et, si on veut s'assurer que les deux fonctionnent ensemble, il faut avoir un modus operandi, une façon, une plateforme qui s'assure que les deux travaillent au même rythme. C'est la première chose.

On demande, on suggère aussi de chiffrer, de quantifier la progression, quantifier des cibles, des objectifs pour pouvoir s'assurer que, dans un an, deux ans, on avance, qu'on puisse détecter le rythme d'avancement et qu'on puisse aussi décrire ce qui fonctionne puis ce qui ne fonctionne pas.

On recommande aussi de cibler des produits et des services de façon prioritaire. Il y a des secteurs où est-ce qu'on peut bouger maintenant. Il y a des secteurs où est-ce que ça va prendre du temps avant de pouvoir bouger. Il y a des secteurs où est-ce qu'on a des leviers qui sont considérables. Je vais vous en donner un qui m'est très familier, on finance à coups de centaines de millions de dollars des achats d'autobus puis de véhicules de transport en commun au Québec. À ce jour, on fait encore des autobus en acier, alors qu'ailleurs dans le monde on fait des autobus en aluminium. Est-ce que l'économie du Québec ne pourrait pas plus bénéficier d'utiliser des matériaux d'ici pour répondre à des besoins d'ici qui pourraient, par la suite, être exportés ailleurs dans le monde? Alors, qu'on mette en valeur nos filières industrielles, mais pas de façon éhontée, à des prix qui n'ont pas de sens. Ça peut être fait de façon très compétitive. Mais, aujourd'hui, les appels d'offres excluent spécifiquement l'utilisation d'autres matériaux que l'acier pour la production d'autobus, c'est spécifié «acier». Un des éléments fondamentaux qu'on relève ici, on dit : Arrêtez de faire des appels avec des spécifications. Responsabilisez le livreur, faites des appels d'offres de performance.

On a fait faire une opinion juridique il y a plusieurs années à l'association pour voir si un gouvernement comme le gouvernement du Québec pouvait, en tenant compte des accords de commerce internationaux, des accords interprovinciaux, procéder à des appels d'offres qui permettent l'utilisation d'un matériau comme l'aluminium sans jamais le nommer. Oui, c'est faisable, et ça se fait ailleurs dans le monde. Il s'agit d'étalonner, de baser, de référencer l'appel d'offres sur des critères environnementaux. C'est inattaquable. Alors, on parle d'empreinte carbone, on parle d'utilisation d'un outil comme le coût total de possession et de l'analyse du cycle de vie et on dit : Moi, j'ai besoin d'autobus, de véhicules de transport qui ont une masse ou un poids de x, et, pour tout ce qui va être moins que ça, vous allez avoir des points de plus lors de l'évaluation. L'empreinte carbone doit être la plus basse possible, et, ce faisant, ça veut dire qu'on ne se retrouve pas avec de l'aluminium qui vient de Chine, qui est à 17 tonnes équivalent CO2 au lieu de 2 tonnes équivalent CO2. Puis, finalement, on demande une analyse du coût total de possession puis une analyse de cycle de vie qui vont démontrer ça. Il faut penser à ça, sinon on retourne encore avec des appels d'offres où est-ce qu'on dit : C'est un autobus en acier. Il faut asseoir 32 personnes. Il faut qu'il fasse telle chose, il faut qu'il dure tant de temps, puis ainsi de suite. On fait juste continuer de faire ce qu'on a toujours fait, puis on va toujours avoir le même résultat.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, nous allons passer maintenant au groupe de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci, M. le Président. Merci, Mme Saulnier, M. Simard, d'être ici. C'est sûr, que, pour le député qui a le premier pont d'aluminium, entièrement construit en aluminium au monde... Le premier pont est dans mon comté, c'est sûr que vous n'aurez pas à plaider longuement pour l'importance et la durabilité de l'aluminium dans les infrastructures et dans nos structures en particulier. D'ailleurs, on l'a retapé l'année passée, là. Si vous voulez voir un exemple de pont d'aluminium, là, je vous invite chez moi. C'est une anecdote, mais pas tant que ça, il est un bel exemple de ce que nous pourrions faire davantage.

Et là on est en commission parlementaire, là, on a l'immunité parlementaire, là, je vous donne l'occasion de vous faire plaisir. On a eu à travailler ensemble déjà quand j'étais au ministère des Transports puis aux Affaires municipales, parlez-nous de la résistance de l'administration publique, parlez-nous de la résistance de la machine, entre guillemets, là, parlez-nous de la résistance des culturelles organisationnelles tellement fortes qui empêchent, dans le fond... ou que c'est tellement compliqué de pousser de nouveaux produits. J'aimerais ça, vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Simard (Jean) : Bien, écoutez, merci de l'opportunité, puis je vais demander à Anne-Marie d'ajouter. Je vais juste vous amener à la page 81 du document de consultation où est-ce qu'on dit — et je cite — «acquisition écoresponsable de matériaux», et on donne en exemple à peu près tous les matériaux, sauf l'aluminium. Je pense qu'un bon départ, là, ce serait d'ajouter l'aluminium à bois, béton, acier et caoutchouc. Du caoutchouc, on n'en produit pas ici. De l'aluminium, on en produit, c'est 10 000 emplois directs. Alors, quand on se met à spécifier, le danger, c'est qu'on fait de l'exclusion.

Pour répondre à votre invitation, écoutez, ça fait six ans que je préside l'Association de l'aluminium. On a certains des plus grands producteurs d'aluminium au monde qui sont installés ici, puis on a pris la décision, il y a six ans, d'agir comme catalyseur pour la transformation de l'aluminium. Ce n'est pas notre métier de base de faire de la transformation, mais on est prêts à tout faire pour qu'il s'en fasse. On a donc interpelé différents ministères, dont le ministère des Transports, pour qu'on prenne en considération l'utilisation de ce matériau-là, et le vocable qu'on a toujours utilisé... Et je vous le soumets parce que je pense que c'est très pertinent dans cette commission, on a toujours revendiqué l'utilisation du bon matériau au bon endroit. Ce n'est pas de l'aluminium à tous crins, mais c'est de l'aluminium là où il peut contribuer à faire la différence dans une perspective de développement durable pour réduire les gaz à effet de serre, donc l'allègement du poids d'un véhicule, par exemple, ou sa contribution à l'enveloppe écoénergétique d'un bâtiment.

J'ai rencontré à l'époque un fonctionnaire du ministre des Transports pendant deux heures de temps pour lui expliquer comment l'aluminium est utilisé pour fabriquer des autobus ailleurs dans le monde. Deux heures de temps. Deux semaines plus tard, je rencontrais son supérieur, qui m'avouait que son fonctionnaire avait dit que ça n'existait pas, des autobus en aluminium, et donc qu'on ne peut pas bouger de ce côté-là. Et je lui ai montré une mappemonde, on a fait faire un échantillonnage par le centre national de recherches du Canada de tous les autobus fabriqués en aluminium dans le monde, et ils en avaient échantillonné — c'est un échantillon, ce n'est pas total — 200 000 qui roulent depuis à peu près 14 ans dans le monde. Alors, ce n'est probablement pas de la mauvaise foi, c'est un problème de formation.

On a compris à l'association que, quand on enseigne strictement l'acier et le béton dans nos facultés de génie, il y a déjà un déficit, on produit des analphabètes fonctionnels, des ingénieurs qui n'ont pas la formation pour utiliser l'aluminium. On a donc fait développer des cours de formation qui sont donnés par la Société canadienne de génie civil et le Réseau des ingénieurs pour former les ingénieurs qui sont en pratique présentement pour les habiliter à s'approprier le matériau. On a offert la même formation à des ingénieurs du ministère des Transports. Aujourd'hui, il y a des gens qui, normalement, sont capables de bouger. Le problème, c'est que la commande n'est pas là. On nous dit toujours — ça revient toujours à la même chose: Ah! bien, moi, si on me dit de faire ça, je vais le faire.

Alors, on fait des représentations, on dit : Vous allez acheter 450 autobus dans deux ans, ça va coûter tant de millions de dollars. Est-ce qu'on pourrait prévoir pas qu'ils soient tous en aluminium, que le dernier 10 % qui va être livré intègre l'aluminium, qu'on fasse un premier pas? C'est toujours impossible. C'est toujours impossible, et pourtant, pourtant, on met 30 millions de dollars dans un projet d'autobus électrique qui tire de la patte, qui devait être livré il y a deux ans, qui n'est toujours pas livré puis dans lequel, aujourd'hui, on ne sait toujours pas est-ce que ça va être des composites ou ça va être de l'aluminium. J'inviterais Anne-Marie à ajouter.

• (10 h 50) •

Mme Saulnier (Anne-Marie) : Oui. Bien, peut-être pour enchaîner, au fond, en matière de résistance et si on revient à la nécessité d'un plan d'action, c'est de regarder et éviter que chacun des ministères et organismes importants ait à faire la révision des formulaires, des documents, des façons de faire qui font en sorte que ces situations-là surviennent. Dans les plans d'action, il y a une condition préalable, au fond, c'est de réévaluer ces processus-là, ces formulaires-là pour les adapter immédiatement et éviter que ça soit dupliqué dans tout l'appareil gouvernemental, d'où l'importance d'un plan d'action avec un cheminement, des vérifications annuelles pour voir si on a réussi à faire ces modifications-là. Donc, c'est pourquoi la stratégie a déjà des actions clés, je pense, qui sont identifiées. Ce qui manque, c'est quelque chose de structurant, étape par étape, comment on va y arriver cette fois-ci à mettre en place les processus qui vont permettre de le faire. Donc, je pense que c'est un appel pour vraiment quelque chose de structurant pour le marché en général.

M. Gaudreault : Oui, c'est fascinant. On aurait le goût de rire, mais ce n'est pas drôle. Et, en tout cas, moi, je crois beaucoup à la théorie des organisations qui sont comme des êtres vivants. Parce que vous avez parlé tout à l'heure qu'il n'y a pas de mauvaise foi. Moi, je ne pense pas qu'il y ait une mauvaise foi des individus, mais c'est comme si l'organisation était plus forte que les individus qui la composent, puis que la structure même de l'organisation faisait en sorte qu'on résiste au changement. En tout cas, on ne fera pas de philosophie ici, là, on en a fait hier avec Trotsky.

On va continuer sur autre chose, je voudrais que vous me parliez des traités internationaux. Il me reste-tu du temps encore un peu?

Le Président (M. Reid) : ...

M. Gaudreault : Oui, deux minutes. Alors, on se fait souvent dire : Ah! on ne peut pas changer nos appels d'offres, les traités internationaux nous l'empêchent. Je veux vous entendre plus là-dessus.

M. Simard (Jean) : Bien, moi, je peux vous dire que c'est faux. C'est faux dans la mesure où les modifications apportées reposent sur l'un des deux piliers suivants, à savoir l'environnement ou la santé publique. Tout État, toute juridiction peut, dans le cadre d'appels d'offres, utiliser des paramètres qui sont dictés par des questions ou de santé publique ou d'environnement. Et c'est inattaquable, et tout le monde le fait. Puis celui qui le fait le plus présentement, c'est l'Union européenne. Puis tenez-vous bien parce qu'ils n'ont pas fini de le faire. Et le plus gros enjeu qui guette l'économie du Québec, c'est l'entrée en vigueur de l'accord avec l'Europe, où est-ce qu'on va voir potentiellement déferler des entreprises qui sont rompues à des exigences beaucoup plus élevées là-bas qu'ici. Et eux vont pouvoir venir ici partir à l'assaut de nos marchés, et nous, quand on va arriver là-bas, on ne sera pas équipés pour le faire.

Et, dans ce contexte-là, on pense qu'il y a tout lieu pour le gouvernement de commencer à préparer, à travers ses marchés publics de 30 milliards de dollars, commencer à préparer le tissu industriel, les fournisseurs de biens et de services pour que, dans deux ans, quand l'ouverture va se faire, ils soient à même de se protéger ici sur leur marché et aussi qu'ils aient la solidité pour partir à l'assaut des marchés là-bas. Alors, d'utiliser des paramètres environnementaux — d'autant plus quand on jouit d'une faible empreinte carbone sur notre production ici — moi, si j'étais au gouvernement, là, c'est le premier as que je jouerais. Il n'y a personne, personne qui pourra attaquer des paramètres qui concernent l'empreinte carbone des produits qui sont livrés, puis on va être gagnants sur toute la route.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition. Je donne la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonjour, vous deux. Mon collègue faisait état de la résistance des fonctionnaires, mais je pense qu'il faut se regarder aussi dans le miroir, il y a une résistance aussi des politiciens. Des fois, on va aller dans des projets qui, on le sait, ne sont pas les mieux au niveau du développement durable, mais, pour des questions politiques, on va y aller quand même. On apprenait, voilà une journée ou deux, qu'Hydro-Québec envisageait d'aller sur le marché extérieur pour la fabrication des pylônes. Là, je ne ferai pas le débat acier-aluminium, là, quoique ce serait intéressant, mais on parle d'une économie de 45 %, puis Hydro-Québec, en fin de compte, c'est les contribuables, c'est... Ça fait que, d'un point de vue économique, ça peut être quand même intéressant de regarder ça qu'on peut acheter à l'extérieur pour une économie de 45 %. Il y a quand même des répercussions au niveau local parce qu'on se prive quand même d'une fabrication, mais comment...

Moi, j'aimerais ça, vous entendre par rapport à des règles qu'on s'impose au Québec, des fois des règles environnementales qui vont être plus sévères, des règles de travail, des conditions. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais, des fois, on va être obligé de payer la main-d'oeuvre beaucoup plus cher que des pays extérieurs. Ça fait qu'on arrive à faire un choix, puis on dit : C'est évident que, si on va au niveau de l'Inde, ça va nous coûter plus cher. Moi, j'aimerais ça vous entendre par rapport à ça, est-ce que de s'imposer... Puis je ne veux pas qu'on ne s'en impose pas, là, mais il faut être cohérent dans les décisions qu'on va prendre. Si on impose des mesures à nos fabricants, on ne peut pas, par la suite, les pénaliser puis dire : On va acheter à l'extérieur, vous produisez à trop cher. Vous comprenez ce que je veux dire?

Mme Saulnier (Anne-Marie) : Bien, peut-être, rapidement, avant de laisser Jean poursuivre pour la situation exacte avec Hydro-Québec, au fond, Hydro-Québec a un code de conduite pour ses fournisseurs. Donc, certainement, il y aura un enjeu si le contrat est donné dans des circonstances comme celles-là, comment assurer, effectivement, que la production soit réalisée en vertu des propres règles internes que s'est données Hydro-Québec. Donc, ce qu'on voit souvent, c'est que ces enjeux-là deviennent tellement importants que les entreprises préfèrent s'approvisionner d'une façon plus locale ou régionale que d'avoir à mettre en place toutes les pratiques, au fond, qui leur permettent de s'assurer, par exemple, du respect des droits du travail ou des problématiques environnementales à l'étranger, ce qui est beaucoup plus simple ici.

Et, l'autre question des coûts supposés et, effectivement, d'économie de 45 %, est-ce que l'économie va être réelle sur la durée où on aura à gérer le contrat ou le bien? Ça, c'est encore d'autres points qui sont questionnés. Donc, moi, c'est ce que je pourrais répondre. Au fond, ce qu'on cherche à faire en sorte, c'est d'être capable d'évaluer tout ça par le biais des mesures d'achat responsable et de prendre les bonnes décisions dans les appels d'offres.

M. Simard (Jean) : J'ajouterais, si vous permettez, pour conclure que ce qui est important, c'est d'internaliser tous les coûts, tout ce qui est apparent puis tout ce qui n'est pas apparent aussi. Et, quand vous regardez ce qui s'appelle le «reshoring», qui est en train de se produire aux États-Unis, le rapatriement de la fabrication industrielle qui avait été délocalisée vers des pays comme la Chine pendant plusieurs années, les dernières statistiques démontrent qu'aujourd'hui le pourcentage de coûts évités entre faire une fabrication aux États-Unis puis la faire en Chine, c'est 10 %. 10 %. Ce n'est pas pour rien que le tissu industriel est en train de renaître aux États-Unis puis qu'on rapatrie la capacité. Ce n'est plus rentable d'aller faire ça dans ces pays-là parce qu'il y a des problèmes de qualité, parce que le coût de la main-d'oeuvre augmente, parce que, quand on met les coûts de transport, ça commence à être plus cher, puis parce que, quand tu as un problème, là, retourner un pylône là-bas, là, ce n'est pas évident.

M. Martel : Il me reste un petit peu de temps?

Le Président (M. Reid) : Oui, encore deux minutes.

M. Martel : Le règlement sur les contrats des organismes publics, là, il suggère qu'on puisse intégrer des critères dans nos appels d'offres. Je pense qu'on peut aller quelque chose comme 10 %. Est-ce que vous proposeriez qu'on l'oblige, tu sais? Là, on dit «on peut», mais on pourrait dire «doit». Est-ce que ce serait le genre de proposition que vous pourriez faire? Puis, si oui, est-ce qu'on devrait s'imposer une espèce de quota par rapport à ça?

Mme Saulnier (Anne-Marie) : Bien, c'est tout l'intérêt, au fond, de se fixer des cibles, comme on se disait, d'avoir des objectifs précis. Donc, oui, la marge préférentielle est très peu utilisée. Ça va jusqu'à 10 %, mais, en fait, ce n'est pas un moyen qui semble très utile. Les coûts totaux de propriété sont un moyen beaucoup plus utile, et, dans notre plan d'action, au fond, ce qu'on pourrait, c'est prioriser les produits qui, en calculant les coûts totaux de propriété, permettent de réaliser des gains au niveau de nos opérations et de renforcer un développement socioéconomique au Québec.

Donc, oui, on peut les prioriser, mais la marge préférentielle, ça ne s'est pas révélé un outil, et ailleurs on ne voit pas non plus que c'est un outil qui est très pratique. Contraindre, sur des familles de produits stratégiques, à ce qu'il y ait des résultats en matière d'intégration de clauses environnementales dans les contrats, je pense qu'on est rendus là, et ailleurs c'est ce qu'on fait. Donc, ne pas laisser le choix aux ministères de le faire, leur donner les outils, et, au fond, quand l'outil existe, qu'il soit utilisé et, après ça, qu'il y ait un indicateur qui documente qu'est-ce qui a été fait exactement. Le choix des indicateurs est extrêmement important aussi.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants pour permettre à nos prochains invités, l'Association des médecins spécialistes en santé communautaire, de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Dubuc. Alors, nous recevons nos prochains invités, l'Association des médecins spécialistes en santé communautaire. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Vous aurez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous aurons un échange de 35 minutes avec les membres de la commission. Je vais essayer de vous prévenir quand il restera une minute pour permettre d'atterrir en douceur. Et je vous demande de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne. À vous la parole.

Association des médecins spécialistes en
santé communautaire du Québec

M. Bonnier Viger (Yv) : Bon, merci. Alors, je m'appelle Yv Bonnier Viger. Je suis un médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive et président de l'association. Et je suis accompagné de Caroline, qui va se présenter.

Mme Huot (Caroline) : Oui, bonjour. Caroline Huot, je suis médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive et je suis membre de l'association des médecins spécialistes.

M. Bonnier Viger (Yv) : Alors, l'Association des médecins spécialistes en santé communautaire du Québec regroupe, en fait, deux spécialités médicales, les spécialistes en santé publique et médecine préventive et les spécialistes en médecine du travail. Et cette association-là, bien sûr, a comme rôle de voir à l'amélioration des conditions de travail de ses membres, mais aussi de voir à leur formation continue ainsi que de donner des opinions dans la société sur les points qui concernent la santé publique et la médecine du travail.

Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on a accepté avec plaisir l'invitation qui nous a été faite de venir vous rencontrer pour donner notre opinion sur la stratégie. Alors, notre mémoire, en fait, si vous l'avez lu, il s'en dégage trois points importants. Le premier, c'est que nous considérons que la Loi sur le développement durable est une loi assez fondamentale qui a quasiment... Quant à moi, c'est un texte qui est quasiment aussi fondateur... quasiment, qui devrait être mis dans une constitution, tellement il crée des conditions de vie en société qui sont importantes, et l'association reconnaît que cette loi-là, avec ses 16 principes, porte beaucoup de potentiel de préserver la santé et le bien-être des populations du Québec.

Le deuxième point, c'est que, quand on regarde la... Le bilan qui a été fait de la première stratégie, quand on avait regardé le bilan en termes de capitaux, on remarquait que le capital social était celui qui avait peu progressé par rapport aux autres capitaux.

Et, finalement, on va discuter du lien étroit qui existe entre la Loi de santé publique et la Loi du développement durable, et donc de la stratégie.

Alors, je ne reviens pas beaucoup sur le premier point parce que je pense que ce n'est qu'une appréciation fondamentale de la Loi sur le développement durable comme un instrument important dans notre société pour nous assurer d'avoir une santé optimale un bien-être pour l'ensemble de la population.

Le deuxième point, qui est sur la question du déficit, finalement, de progrès dans le capital social dans le cours de la dernière stratégie, bien, ça nous a amenés à réfléchir sur quelles sont les orientations et les activités qu'il faudrait peut-être prioriser lors de la deuxième stratégie pour, justement, faire remonter ce capital social là, qui est déficient. Si vous vous souvenez, je pense que, dans le bilan de la première stratégie, on avait parlé du capital naturel, du capital produit, du capital financier, du capital humain, qui, tous, avaient connu une bonne progression. Donc, autrement dit, la stratégie avait donné de bons résultats à cet égard-là. Par contre, le capital social, lui, avait peu progressé, même peut-être même un peu diminué quand on regardait la progression des inégalités sociales.

Alors, à ce titre-là, donc, on a identifié quelques orientations qui, à notre avis, devraient être mises en priorité. Et je sais qu'il y a des activités dans la stratégie qui ont été considérées comme indispensables, là, tu sais — l'adjectif exact m'échappe — mais on n'est pas certains, nous, que ce sont ces priorités-là qui ont été identifiées en termes d'activités qui vont vraiment permettre de rattraper le retard du côté du capital social. On pense qu'il est très important que les ministères et les organisations gouvernementales soient fortement incités à travailler au niveau de l'orientation 4, qui est de favoriser l'inclusion sociale et réduire les inégalités sociales et économiques.

Et on voudrait peut-être rappeler les activités qui sont dans la stratégie qui nous semblent être de nature à vouloir permettre ça comme augmenter la participation des personnes les plus vulnérables à des activités de développement qui facilitent leur accès au travail, comme renforcer l'appui et la promotion des interventions des organismes communautaires et d'économie sociale, qui contribuent à l'inclusion sociale et à la réduction des inégalités, et comme améliorer les mesures permettant d'élargir l'accès à des services de base offerts aux personnes issues des milieux défavorisés. Alors ça, c'est dans la stratégie, et on pense que, si ça, c'est priorisé, on sera en mesure de renforcer ce capital social là,

L'orientation 5, améliorer par la prévention la santé de la population, donc je pense qu'on reprend un peu ce que nos collègues de l'INSPQ avaient dit tout à l'heure, mais augmenter l'accès pour tous à une saine alimentation et à la promotion; augmenter l'accès aux milieux propices à la pratique de l'activité physique ainsi que la valorisation d'un mode de vie plus actif; mettre en avant des mesures et des actions visant la prévention et la promotion de la santé et de la sécurité dans les milieux de vie, incluant la lutte contre l'intimidation; mettre en avant des mesures qui contribuent à l'amélioration de la qualité de l'air extérieur et intérieur; et mettre en avant des interventions concertées pour assurer la protection des sources d'eau potable et l'approvisionnement de la population. Alors, ça, ça nous semble toutes des activités importantes à mettre en priorité.

Au niveau de l'orientation 6, assurer l'aménagement durable du territoire et soutenir le dynamisme des collectivités : mettre en oeuvre des mesures et des programmes qui soutiennent le développement économique des collectivités dans une perspective de développement durable; et soutenir des initiatives qui favorisent la participation des citoyens et des autres acteurs du milieu dans le développement de leur collectivité.

Finalement, l'orientation 7, soutenir la mobilité durable, qui est d'améliorer l'intégration de la planification des transports et l'aménagement du territoire en prenant en compte l'efficience économique, bien sûr, l'environnement, la sécurité, mais la santé, et la qualité de vie, ainsi que le patrimoine culturel; améliorer les services de transport collectif et actif; mettre en oeuvre des mesures de gestion de la demande en transport pour favoriser le transfert des modes collectifs et actifs; et accroître l'accessibilité aux services, aux lieux d'emploi, ainsi qu'aux territoires.

Mais tout cela ne peut être rendu possible si on ne met pas un accent important, et ça a été souligné, je pense, dans les discussions que vous venez d'avoir... de l'orientation 8, qui est de favoriser la production et l'utilisation d'énergies renouvelables, d'efficacité énergétique en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre parce que la production de gaz à effet de serre nous entraîne dans des changements climatiques qui bouleversent l'ensemble de nos vies. Donc, réaliser des mesures et des projets visant l'utilisation d'énergies qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre; et former, sensibiliser et diffuser les connaissances relatives à l'utilisation d'énergies permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Donc, deux activités qui nous semblent aussi essentielles, mais qui supportent l'ensemble.

Donc, je pense que nous, en tout cas, ce qui nous frappe, c'est que la stratégie de développement durable et la Loi de santé publique, il y a une grande congruence entre les deux. Et il y a une grande congruence aussi dans la façon dont on veut la mettre en oeuvre. En fait, on pense que, dans la stratégie, on s'est donné des moyens pour mettre en oeuvre la stratégie qui nous semblent intéressants et qu'on devrait arrimer un peu les éléments de la Loi de santé publique aussi à cette stratégie-là, dans le sens où vous avez prévu dans la stratégie d'avoir des officiers ou officières de santé durable...

• (11 h 10) •

Une voix : ...

M. Bonnier Viger (Yv) : ... — il reste une minute, c'est parfait — donc, des officiers et officières, donc des relais au niveau de chacun des ministères, chacun des organismes gouvernementaux, des gens qui vont avoir la responsabilité de veiller à l'application de la stratégie. Et, dans la Loi de santé publique, on demande aussi au ministre de la Santé de veiller à ce que, dans tous les ministères, on s'assure que toutes les mesures qui sont prises vont bénéficier à la santé et au bien-être de la population, et surtout ne pas lui nuire. Mais il n'y a pas de mécanisme de prévu comme dans la stratégie pour que ça s'applique, et il y aurait une belle congruence là, il y aurait un beau travail d'harmonisation à faire si ces mêmes personnes là pouvaient aussi être les relais du ministère de la Santé, et non seulement du ministère de l'Environnement et du Transport.

Alors, voilà ce qu'il y avait comme points dans notre mémoire, et nous sommes à votre disposition.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Nous allons commencer maintenant notre période d'échange avec les membres de la commission. Je passe la parole au ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre mémoire ainsi que votre présentation. Une excellente contribution, là, à nos travaux, importante, une voix importante qu'il faut entendre.

Ma première question, ça serait par rapport aux changements climatiques. De votre point de vue, vous parlez d'arrimage au niveau de la santé publique, mais l'importance... Évidemment, la stratégie le mentionne, c'est une orientation, mais je me demande, en termes de cohérence, s'il n'y a pas lieu, justement, d'intégrer davantage les principes de lutte contre les changements climatiques à l'ensemble de l'action gouvernementale dans la stratégie. Et, plus particulièrement, si vous pouviez élaborer davantage, de votre point de vue, là, quand on parle de santé communautaire, l'importance de s'assurer, justement, que les principes, les stratégies, les actions prévues en changements climatiques soient intégrés à la stratégie de développement durable et que l'ensemble des ministères et organismes s'assurent de bien intégrer ces principes-là dans les processus décisionnels.

Mme Huot (Caroline) : Oui. Bon, je peux tenter quelques éléments de réponse. C'est sûr qu'au niveau de la santé publique qu'est-ce qui nous préoccupe particulièrement, comme nos collègues de l'institut l'ont soulevé plus tôt, c'est les inégalités qui peuvent exister dans les impacts que peuvent avoir les changements climatiques sur la population et dans les possibilités de s'adapter aussi à ces changements climatiques là. Donc, ce qui nous préoccupe particulièrement, c'est d'être capable de tenir compte des différentes vulnérabilités qui peuvent exister au sein de la population, quand on pense aux personnes âgées, par exemple, aux personnes qui sont plus défavorisées, aux personnes qui sont davantage isolées socialement. Donc, ce qu'il est important de pouvoir faire, c'est de pouvoir bien documenter cette vulnérabilité-là puis d'être capable d'accompagner les populations dans une préparation aux différents événements qui pourraient survenir et de tenir compte... bien, de tenir compte de leur vulnérabilité dans cette préparation-là.

Je ne sais pas si tu veux ajouter autre chose.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, effectivement, je pense que, quand on parle d'intégration, là, c'est fondamental. Ça fait partie des mandats d'un directeur de la santé publique de veiller à l'intersectorialité parce qu'on est tout à fait conscients que la santé ne dépend pas uniquement du réseau de la santé et des services sociaux, mais vraiment de l'action de tout le monde, particulièrement, évidemment, des ministères comme l'Environnement, le Transport, les Municipalités, l'Éducation, etc.

Et donc avoir augmenté... On a parlé beaucoup, beaucoup dans la stratégie de travail d'éducation aussi à faire. Donc, je pense que faire l'éducation de la population sur les conséquences des changements climatiques, le rôle que chacun peut jouer... Évidemment, on a déjà commencé à sentir ces changements-là, et probablement qu'à moins d'une décision collective au niveau international on va en subir davantage. Mais comment est-ce qu'on réagit collectivement? Comment est-ce qu'on s'assure qu'effectivement, comme tu le dis, les plus vulnérables ne seront pas plus impactés que les autres? Je pense, ça nous concerne tous.

M. Heurtel : Dans cette perspective-là, présentement les organismes, le milieu de la santé n'est pas assujetti à la stratégie. Alors, avez-vous une opinion sur ça? Alors, il y a le milieu municipal, le milieu de l'éducation, le milieu de la santé n'est pas assujetti présentement à la stratégie.

M. Bonnier Viger (Yv) : Alors, comme je le disais tout à l'heure, il nous semble que cette loi-là est tellement structurante et fondamentale dans le fonctionnement de notre société qu'effectivement elle devrait être élargie puis impliquer davantage les autres secteurs publics, bien sûr, mais éventuellement aussi le secteur privé. À ce titre-là, je comprends qu'il y a une certaine pédagogie, une certaine prudence qu'on a voulu mettre dans les stratégies en offrant un buffet d'options à tout le monde qui est impliqué puis en leur disant : Bien, vous allez choisir ce qui va vous intéresser le plus. Je pense que, compte tenu de la réalité des changements climatiques et de l'importance de travailler ensemble, il faudrait peut-être être un petit peu plus ferme et puis d'abord assujettir... Le mot «assujettir» a l'air un petit peu autoritaire, mais, néanmoins, impliquer davantage le secteur public, mais commencer aussi peut-être cette fois... avoir la même pédagogie de buffet pour le secteur privé pour éventuellement aussi assujettir l'ensemble de la société à cette Loi de développement durable.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Dubuc.

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président. Merci de votre mémoire. Étant donné que... À la lecture de votre mémoire, il y a des choses qui me reviennent. Et puis, bien sûr, aussi, lorsqu'on a rencontré tout à l'heure l'INSPQ, j'avais la même impression. Moi, je demeure dans un comté qui a été très touché par le déluge, et puis la Santé publique, en collaboration, bien sûr, avec le ministère des Transports, chez nous, la municipalité a demandé de faire une analyse exhaustive des zones à risque de glissement de terrain — on le sait, il y a des enfants qui ont été écrasés par une montagne, là — et puis des zones à risque au niveau des inondations par rapport aux zones inondables.

Dans le cadre des changements climatiques, croyez-vous que les gouvernements municipaux devraient être assujettis obligatoirement à faire une démarche d'évaluation des zones à risque dans leur municipalité, dans leur région? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Huot (Caroline) : Bien, comme le disait mon collègue, c'est certain qu'assujettir est un bien grand mot. Je pense qu'à tout le moins, initialement il faudrait, très certainement, solliciter leur collaboration sur ce sujet-là, les sensibiliser. Je pense qu'en sensibilisant la population à l'impact potentiel des changements climatiques, au fait que c'est important de connaître où est-ce que ça va frapper davantage pour pouvoir mieux s'y préparer, c'est un élément qui peut être porteur pour amener les élus à être sensibilisés puis à intégrer davantage volontairement des démarches comme celle-là. Maintenant, est-ce qu'on devrait, finalement, obliger... Moi, je n'oserais pas me prononcer là-dessus, là.

M. Bonnier Viger (Yv) : Mais, comme je le disais tout à l'heure aussi, c'est important d'arrimer les lois existantes. La Loi de santé publique oblige déjà le directeur de santé publique à informer la population sur les risques. Puis on ne peut pas informer si on n'a pas d'étude qui nous informe sur les risques, et moi, je pense que solliciter les municipalités pour qu'elles s'assurent de bien connaître leur territoire en termes de risque, c'est fondamental. Et je pense que, si on n'est pas dans l'assujettissement, on est au moins dans la très forte recommandation...

Une voix : ...

• (11 h 20) •

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, j'irais plus loin que toi, moi, j'irais quasiment dire que les municipalités devraient être assujetties à cette loi-là, tout comme les ministères et les établissements du réseau de la santé, les établissements de l'éducation. Je pense qu'on est rendus là, je pense que personne ne se sentirait frustré d'être partie prenante de cette loi-là.

Mais, comme je le dis, on a déjà quand même des obligations, comme réseau de santé publique, de s'assurer qu'on connaît bien tous ces risques-là, mais on n'a pas, effectivement, tous les moyens. Et ça, c'est un autre élément qu'on a fait ressortir dans le mémoire, c'est que, si on veut que la loi et la stratégie s'appliquent, il va falloir peut-être penser à certains incitatifs et facilitations financières pour que les gens qui veulent agir puissent le faire aussi. Ça demande évidemment, j'imagine, une réflexion beaucoup plus globale de l'ensemble du gouvernement sur ses priorités. Mais, compte tenu du fait qu'on voit que les autres capitaux progressent puis que le capital social, au Québec, stagne, il me semble que ça devrait être une priorité. Et on ne peut pas avoir un développement durable si on n'a pas d'harmonie entre le développement de tous les différents capitaux, de tous ces différents aspects.

M. Simard (Dubuc): Parce que, justement, ma question était... M. le Président, excusez si je n'ai pas demandé la parole. Ma question était justement à l'effet que vous parliez d'entrée de jeu que le capital social, il n'avait pas augmenté. Donc, à partir du moment où on implique les municipalités d'une façon plus importante au niveau de la protection civile, au niveau de la santé publique et puis, bien sûr, leur donner, tout au moins sur leur territoire, la possibilité de bien comprendre, de bien connaître qu'est-ce qui pourrait arriver, donc, comme être humain, comme père de famille ou encore comme individu, lorsqu'on est au courant, on pose des gestes ou on prend des décisions qui sont éclairées en fonction de l'information que l'on a, et ça augmente, justement, le capital social de ce fait là. C'est la raison, M. le Président, pour laquelle je posais la question, et tout ça, justement dans le but d'aider les citoyens à se sentir bien chez eux et à oublier le fait d'être nerveux, stressés lorsqu'il pleut. Chez nous, vous savez, lorsqu'il pleut, M. le Président, les personnes âgées qui ont vécu ça sont extrêmement inquiètes. Lorsqu'il pleut depuis deux, trois jours, là tout le monde se pose des questions, les gens en parlent, les gens sont stressés par ça. Pourquoi? Parce qu'ils ont vécu un grand malheur. Et le fait de savoir où on a les deux pieds, c'est très important pour les gens et ça augmente le capital social.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, vous avez... je peux répondre?

Le Président (M. Reid) : Oui, allez-y.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, vous avez totalement raison. Moi, j'ai eu à intervenir, par exemple, à East Broughton à un moment donné sur un déferlement de boue qui venait d'une halde d'amiante. Alors, c'est le genre de risque que des municipalités peuvent vivre, là, dépendant des endroits où elles sont situées, et c'est important que les gens les connaissent, les risques dans... et qu'ils soient capables, donc, de prendre déjà des mesures préalables pour pouvoir garantir cela.

L'autre élément, c'est que, quand on parle d'assujettissement, à partir du moment où on donne des responsabilités formelles à un groupe, j'imagine qu'on doit aussi réfléchir à comment est-ce qu'ils vont s'acquitter de leurs responsabilités, et c'est sûr que, là, nos collègues qui sont responsables des municipalités, maires et conseillers, vont se dire : Mais où on va prendre l'argent pour ça? Et là il y aura une réflexion à faire aussi sur l'équité entre les municipalités parce qu'il y a des municipalités plus riches puis il y a des municipalités plus pauvres, et comment l'ensemble des municipalités pourra s'acquitter de cette responsabilité-là, ça, c'est une réflexion aussi qu'on doit avoir.

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci. J'aimerais vous entendre, moi, sur comment on devrait faire évoluer la prévention. Parce qu'on parle de prévention, il y a la santé, naturellement, mais il y a aussi tout l'aspect social. Vous avez élaboré ces choses-là, est-ce que vous préconisez une structure ou des changements majeurs dans la façon dont on fait les choses aujourd'hui ou ce qu'on fait là, ça va bien? Comment vous voyez ça, là, dans la perspective du développement durable, qu'on étudie ici?

Mme Huot (Caroline) : Bien, je pense qu'un point important sur lequel il faut mettre l'accent, c'est que, quand on parle de prévention, on a eu souvent tendance à penser — c'est encore comme ça — à la promotion auprès des individus, de bon, il faut changer vos habitudes de vie pour adopter des habitudes de vie saines, mais il ne faut pas négliger, comme nos collègues de l'institut l'ont dit plus tôt, l'impact des environnements qui sont favorisants pour adopter de telles saines habitudes de vie, donc l'accès à des centres d'entraînement sportif, des pistes cyclables, des parcs pour pouvoir améliorer, augmenter notre activité physique, avoir accès à des aliments sains proches de chez soi. Donc, l'impact, finalement, des environnements favorisants n'est pas à négliger, est très important.

M. Bonnier Viger (Yv) : C'est ça. Puis, si je peux rajouter...

M. Bolduc (Mégantic) : Allez-y, allez-y.

M. Bonnier Viger (Yv) : ...la prévention, je pense que vous vous en rendez compte que c'est extrêmement important, c'est penser en amont. Ça ressemble un petit peu à ce que nos autres collègues, là, de... voulaient parler, là, en termes d'achat d'équipement, si on ne réfléchit qu'à court terme, bien, finalement, on fait des investissements qui ne sont pas vraiment rentables. Il faut réfléchir sur le long terme puis voir où est-ce que ça s'en va, tout ça. Alors, en santé, évidemment, c'est pareil. Si on ne fait pas de prévention, on se ramasse avec des gens qu'on doit, entre guillemets, réparer, qu'on doit soigner.

Et je me permets un petit éditorial entre parenthèses. Actuellement, dans les réflexions que le gouvernement fait sur ses coupures, bien, le seul secteur qui a été coupé, c'est le secteur de la prévention, c'est le secteur de la santé publique actuellement. On a coupé à peu près 30 millions, qu'on nous annonce, dans les activités des directions de santé publique. Alors, il y a aussi une réflexion à faire, à l'ensemble du gouvernement, de cohérence par rapport à des lois comme le développement durable, les lois de santé publique, le bien-être de la population que l'on veut et les budgets que l'on met. Si on ne les met pas dans la prévention, on n'arrivera pas non plus à réaliser les intentions.

Mme Huot (Caroline) : Peut-être un petit complément d'information sur l'élément dont je parlais, les environnements favorisants. Si on veut pouvoir faire des transformations à ce niveau-là, c'est évident, il faut pouvoir travailler avec nos collègues des autres secteurs comme l'aménagement du territoire, les transports, tout ça. Donc, à ce niveau-là, la stratégie de développement durable est vraiment un outil incontournable parce qu'il faut pouvoir agir en transversalité, là, à l'intérieur du gouvernement puis à l'intérieur de toute la société, finalement, là.

Le Président (M. Reid) : Brève question.

M. Bolduc (Mégantic) : Écoutez, moi, j'aurais aimé ça, vous entendre très brièvement sur les circuits courts d'alimentation parce que vous savez que c'est un grand débat dans notre société aujourd'hui puis que les aliments font presque le tour du continent. Est-ce que vous considérez ça comme un élément très important, que le gouvernement devrait insister dans le cadre, justement, du développement durable et de la santé des gens?

Le Président (M. Reid) : Rapidement.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, c'est toute la question de la sécurité alimentaire aussi. C'est qu'avoir des... continuer à laisser aller des circuits alimentaires qui passent par des grands circuits internationaux, dès qu'il y aura un petit peu de perturbations on n'aura pas les capacités de produire pour notre population. C'est déjà un premier problème. Je pense que les agriculteurs en sont tout à fait conscients.

Et, du point de vue santé, bien, il y a aussi... on a parlé de la qualité, tout à l'heure, alimentaire. Je pense qu'on est beaucoup plus à même de favoriser des liens consommateur-producteur les plus proches possible pour que les consommateurs puissent exprimer leurs besoins en termes de qualité aux producteurs, que les producteurs puissent aussi l'assurer. Alors, pour nous, c'est important.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Nous passons maintenant au porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Merci d'être ici, d'avoir pris le temps de faire cette réflexion-là et de nous la partager. Un peu comme je disais à l'Institut de santé publique tout à l'heure, on a une déformation qui fait en sorte qu'on associe beaucoup le développement durable strictement à l'environnement. D'ailleurs, bon, c'est le ministre de l'Environnement qui porte le dossier. Moi, je suis porte-parole en environnement, c'est moi qui suis désigné pour être sur cette commission-là. Et pourtant le développement durable a trois sphères. On pourrait élaborer davantage, là, mais, grosso modo, que vous connaissez aussi bien que moi, là, le social, l'économique et l'environnemental. Donc, votre présence est importante pour nous éveiller à cette sphère, justement, de la prévention, de la santé, du social.

Je n'ai pas remarqué si vous étiez dans la salle quand les gens de l'Institut national de santé publique ont passé. Vous étiez là, alors vous les avez entendus. Vous m'avez entendu également leur poser la question que je vous repose. Moi, je m'interroge beaucoup sur les liens entre les populations vulnérables et les changements climatiques versus les populations mieux nanties, disons, ou dans des conditions plus favorables. Les gens de l'institut nous ont dit que cette hypothèse-là est vérifiée, vérifiable, mais qu'il reste encore du travail à faire. Moi, j'aimerais ça, vous entendre davantage là-dessus, votre point de vue à cet égard pour essayer de nous aiguillonner encore plus.

• (11 h 30) •

M. Bonnier Viger (Yv) : O.K. Alors, bien, je pense qu'on ne peut qu'appuyer... Nous, bien, beaucoup de nos membres travaillent à l'institut, donc c'est clair qu'on va faire écho au même message, que les changements climatiques... même n'importe quelle catastrophe va toujours impacter davantage les gens qui, déjà, ont une marge de tolérance qui est beaucoup réduite par leur condition. Alors, on parlait des personnes isolées, on parlait des personnes vieillissantes, on parlait des personnes qui... Bien, nous, typiquement, les personnes enceintes, actuellement, c'est une période de la vie pendant laquelle les capacités de tolérer des agressions, qu'elles soient du climat, ou environnementales, ou autres, sont beaucoup réduites. Donc, de façon générale, notre façon de raisonner, en santé publique, c'est toujours de réfléchir à qui va connaître l'impact le plus grand de tel ou tel événement, et donc, oui, on ne peut que confirmer que les changements climatiques vont impacter davantage les personnes qui sont plus vulnérables à plusieurs titres.

Et c'est pourquoi c'est important, puis c'est pourquoi qu'on travaille beaucoup en santé publique à réduire les inégalités sociales, parce que, justement, cette réduction d'inégalités sociales va réduire la quantité et la proportion de gens qui seront plus vulnérables à ces différents changements là. Je ne me souviens plus, mais notre collègue de droite, là, pendant la présentation, indiquait bien que les municipalités ou les communautés où il y avait plus de cohésion sociale, où il y avait moins de gens isolés ont connu beaucoup moins de mortalité pendant les vagues de chaleur. Je pense que c'est un bel exemple qui le démontre.

M. Gaudreault : Mme Paquet.

M. Bonnier Viger (Yv) : Mme Paquet, oui.

M. Gaudreault : O.K. Bien, dans le même sens, je voudrais vous entendre encore plus sur ce que vous évaluez comme coûts financiers — je ne sais pas si vous avez des chiffres plus précis — je dirais, quant à l'absence de cohérence dans les politiques de transport, d'aménagement du territoire, la congestion routière, le temps perdu sur les autoroutes, même en termes de santé, les périodes de smog, par exemple, dans les milieux urbains occasionnées par de la congestion, qui, elle-même, est occasionnée par des autoroutes qui se multiplient avec du béton, puis de l'asphalte, puis ainsi de suite. Bon. C'est chiffrable, ça, ces données-là, là, sur la santé publique, mais sur les finances publiques aussi, là. Alors, j'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

Mme Huot (Caroline) : Bien, c'est sûr que le transport urbain, la congestion routière puis l'effet de la pollution du transport, finalement, sur la qualité de l'air extérieur, c'est un enjeu important en santé publique. En fait, le transport, c'est l'élément important pollueur dans les environnements urbains, là, au niveau de la qualité de l'air extérieur. Puis la qualité de l'air extérieur, c'est sûr que c'est un déterminant important de la santé. Je n'ai pas de chiffres exacts, mais, quand on pense aux problèmes respiratoires, cardiaques, il y a toujours une certaine proportion de ces problématiques-là qui, soit dit en passant, touchent souvent de façon plus importante les personnes qui sont plus vulnérables. Donc, il y a toujours une proportion importante de ces problèmes de santé là qui sont causés par des problèmes de qualité de l'air extérieur. Donc, oui, il y a d'autres facteurs, les habitudes de vie, mais il y a aussi la qualité de l'air, les épisodes de smog urbain, que, s'ils sont très importants, peuvent être considérés au même titre que les épisodes de chaleur avec une surmortalité importante au niveau respiratoire, cardiaque.

Donc, ça a des impacts importants au niveau de la santé puis au niveau de la santé publique. Je n'ai pas de chiffres, de coûts à vous donner ou de pourcentages, mais la qualité de l'air extérieur, c'est un déterminant important de la santé, et le bruit aussi. On en parle de plus en plus, le bruit environnemental, on le considère comme une problématique importante en santé publique. Puis le transport, ça fait partie de ça. Donc, tous ces facteurs-là sont à considérer impact santé à la population.

M. Bonnier Viger (Yv) : Ceci dit, les chiffres existent. On ne s'était pas préparés ce matin pour arriver avec ces chiffres-là, mais on pourrait vous les faire suivre si vous le voulez. Ce qui m'amène aussi à faire un autre commentaire, il y a eu des éditorialistes dernièrement qui se sont un peu indignés du fait que la Santé publique se préoccupait d'aménagement urbain. Là, je pense que vous l'avez bien expliqué que les conditions d'aménagement urbain, les conditions dans lesquelles les gens peuvent circuler et se déplacer ont une incidence sur leur santé, et ça concerne définitivement la Santé publique aussi.

Le Président (M. Reid) : Oui.

M. Gaudreault : Si vous aviez une suggestion à faire pour bonifier la stratégie de développement durable qu'on a devant nous, là, si vous aviez un élément, là, que vous nous recommandez de façon inconditionnelle, là, ça serait quoi? Est-ce que ça serait de modifier, justement... d'insister davantage sur la prévention, sur un réel aménagement... un meilleur aménagement du territoire versus les transports? Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, là, je veux vraiment, là... Mettons, là, vous êtes face à un choix, vous partez sur une île déserte, puis il faut faire un choix de priorité, là, ce serait quoi?

M. Bonnier Viger (Yv) : Là, on ne s'est pas posé cette question-là comme association...

M. Gaudreault : Je vous la pose.

M. Bonnier Viger (Yv) : ...donc je vais donner mon opinion un peu avec mon expérience. Je pense que les moyens que se donne la stratégie pour qu'elle soit applicable et appliquée sont l'élément déterminant pour que ça marche.

M. Gaudreault : Les moyens financiers.

M. Bonnier Viger (Yv) : Les moyens organisationnels. Et je parlais, entre autres choses, de l'idée d'avoir dans chaque organisation gouvernementale ou dans chaque ministère une personne qui est porteuse de la stratégie. Et, comme je le disais, si on l'arrime aussi avec les obligations que donne la Loi de santé publique au ministre de la Santé et à ses directeurs, si on était capable de donner à ces gens-là suffisamment d'imputabilité puis, donc, d'avoir des comptes à rendre, bien, je pense que ces gens-là seraient des gens qui seraient capables, dans leur milieu, de s'assurer que cette stratégie-là s'applique. Parce qu'elle est pleine de bonnes intentions, mais ça peut ne rester que des bonnes intentions. Donc, il faut se donner un mécanisme de gestion qui permet vraiment de l'appliquer puis de la réaliser. Si j'avais une seule chose à dire, c'est ça.

M. Gaudreault : Oui, il faut que les bottines suivent les babines.

M. Bonnier Viger (Yv) : Exact.

M. Gaudreault : Oui. Il nous reste-tu du temps?

Le Président (M. Reid) : Un petit peu moins d'une minute.

M. Gaudreault : Ah! bien, il reste du temps en masse. Moyens financiers, je sais que vous en parlez à quelque part dans votre mémoire, là. J'aimerais ça, vous entendre un peu plus là-dessus, sur ce que vous reprochez quant aux pratiques gouvernementales sur les ressources financières et...

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, je l'ai un peu évoqué tout à l'heure, puis ça revient un peu à ce qu'on vient de dire, il faut que les bottines suivent les babines. C'est-à-dire que, si on me parle qu'on veut mettre de la prévention puis on coupe dans la prévention en même temps, ça ne marche pas. Si on donne à chaque ministère des officiers qui sont responsables de l'application de la stratégie, mais qu'ils n'ont pas de moyens financiers pour supporter ce qu'ils disent, bien, ça ne marchera probablement pas. Alors, ça, ça me semble juste découler, là... les moyens financiers découlent de... On ne peut pas... C'est comme on parlait de municipalités, bien, si on ne donne pas aux municipalités les ressources qu'elles ont de besoin, on ne pourra pas les rendre imputables.

Le Président (M. Reid) : Merci. Juste vous souligner, Dr Bonnier Viger, que, si vous avez des informations à transmettre à la commission, vous les transmettez à la secrétaire de la commission, qui va, elle, les distribuer à tous les membres de la commission.

M. Bonnier Viger (Yv) : D'accord.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous passons maintenant au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Nicolet-Bécancour.

• (11 h 40) •

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Tout le monde, on va convenir, là, de la vertu de la santé publique par rapport à... Tu sais, on est tous très ouverts par rapport à ça, mais moi, j'aimerais ça vous entendre... Parce qu'on a vu votre mémoire, mais moi, j'aimerais ça, vous entendre, votre critique par rapport à ce qu'on vient de passer. Parce que c'est bien beau d'arriver ici, nous faire des propositions, mais c'est intéressant, des fois, de regarder en arrière pour voir, la dernière fois qu'on est venu vous voir, on vous a fait des propositions, est-ce que ça a bien été.

Quand on regarde les actions qui ont découlé du dernier plan stratégique, moi, j'ai recensé... on a recensé deux objectifs, là, qui touchaient un peu à la santé publique. Il y avait l'objectif 20, qui, lui, touchait plus l'accès aux services de santé et des conditions de vie. Puis il y avait l'objectif 4, qui, lui, visait plus la promotion, la prévention, les conditions pour établir des conditions favorables, etc. Si je vais dans le premier, dans l'objectif 20, en tout, le plan d'action, là, on a fait 1 149 actions. Il y en a 26 qui ont touché cet objectif-là, là, c'est-à-dire l'accès aux services, puis, là-dessus, il y en avait déjà 22 qui étaient entreprises. Je parle du plan d'action 2008-2013. Donc, il y a eu quatre nouvelles actions qui ont touché à cet objectif-là. Puis, de l'autre côté, il y a 32 actions. Je vous dis beaucoup de chiffres, là, je pourrai les répéter. Mais ce qui est important, c'est la proportion : quatre actions nouvelles par rapport à l'accès; puis, dans les 32 qu'on a identifiées au niveau de la promotion, de la prévention, il y a plus que la moitié des actions qui visaient les employés de la fonction publique, donc même pas la population en général. Moi, j'aimerais ça, entendre votre opinion critique par rapport à ce qu'on vient de faire.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bon, je pense qu'on va convenir que l'accès aux services de santé n'est pas optimal au Québec. Je pense bien qu'il reste beaucoup, beaucoup de travail à faire là-dessus. Nous, notre association, on a aussi envoyé un mémoire au ministre, on n'a pas passé en commission parlementaire sur la loi n° 10, là. On ne pense pas qu'une organisation qui ne relève pas de la base, qui ne permet pas aux personnes qui sont proches des personnes, proches des communautés de pouvoir donner leur point de vue et de s'organiser pour ensuite faire remonter leurs besoins, une organisation qui est beaucoup trop hiérarchisée et trop concentrée ne permettra pas d'améliorer les services. Donc, à ce titre-là, cet objectif-là qu'on n'a pas réussi encore à atteindre ne risque pas d'être atteint, en tout cas, dans ce contexte-là. Nous, on croit beaucoup plus que les communautés... On parlait tout à l'heure des gens, la cohésion sociale est importante pour protéger les populations les plus vulnérables. Si, éventuellement, on ne se redonne pas, même si, à l'intérieur des structures... si on ne se redonne pas les capacités de faire intervenir les gens au niveau de la base pour pouvoir leur permettre d'exprimer leurs besoins, d'exprimer leur capacité d'organisation, leur vie communautaire, le système de santé ne rejoindra pas réellement les gens qui en ont le plus besoin, puis ça, c'est certainement la première chose.

Pour ce qui est de la prévention, promotion, bien là je ne veux pas trop taper sur le clou, mais c'est une question de... il y a eu des décisions de prises à un moment donné. Vous allez entendre probablement Québec en forme, mais l'effet pervers, parfois, d'accepter des dons qui sont un peu trop ciblés dans une société, c'est que ça dépouille un peu le système public de ses capacités. L'arrivée de Québec en forme a, malheureusement, les investissements en promotion et prévention dans les directions de santé publique, a dépouillé un peu les directions de santé publique de leur personnel qui était plus expérimenté, qui est allé travailler avec ce groupe-là. Le problème de ce groupe-là, c'est que, si on pouvait s'assurer de leur pérennité, ce serait très bien, mais, malheureusement, c'est un investissement pour une dizaine d'années, puis on en arrive à la fin, puis là qu'est-ce qu'il arrive avec ça? Alors, c'est cette déstabilisation-là qui ne permet pas de construire à long terme, là.

M. Martel : Est-ce qu'il me reste un petit peu de temps?

Le Président (M. Reid) : 1 min 30 s.

M. Martel : Bien, juste compléter quand même là-dedans. Moi, ce que je veux vous faire ressortir, là, c'est que, dans la promotion, etc., la plupart des actions, plus que 50 %, visaient uniquement des employés de la fonction publique, alors que, pour moi, la Santé publique est là pour desservir la population en général, là, c'est...

M. Bonnier Viger (Yv) : Je suis d'accord avec vous, mais, honnêtement, je ne le sais pas qu'est-ce qui a été à l'origine de la réflexion qui a dit : Bien, on va commencer par les... Peut-être qu'on a dit : On va commencer par les employés du réseau public. Mais, effectivement, nous, la Santé publique, elle, dans son ensemble, s'occupe de tout le monde, et en particulier des populations les plus vulnérables, bien sûr, pour compenser les problèmes qu'elles ont.

M. Martel : Dans le fond, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là, mais j'imagine que vous ne souhaitez pas que c'est ce qui va arriver dans le prochain plan stratégique, c'est-à-dire que la plupart des actions qu'on va mettre vont toucher la population en général, pas juste les employés de la fonction publique.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien sûr.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci, tous les deux, de votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux de la commission quelques instants, le temps, pour Québec en forme, nos prochains invités, puisqu'on en parlait, de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos invités de Québec en forme. Vous aurez 10 minutes pour faire votre présentation. J'essaierai de vous donner un signal pour la fin, la dernière minute. Ensuite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission pour 35 minutes. Alors, je vous donne la parole en vous demandant de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne.

Québec en forme

Mme Dostaler (Julie) : Merci. Donc, M. le ministre, M. le Président et membres de la commission, merci de l'invitation. Je me présente dans un premier temps. Mon nom est Julie Dostaler, je suis directrice générale de Québec en forme. Je suis accompagnée par Marie Rochette, qui est médecin spécialiste en santé publique et également membre de la direction de Québec en forme.

Dans un premier temps, je veux quand même mentionner qu'on a été agréablement surpris de constater la présence de l'orientation 5, qui portait sur la santé de la population. Ça rejoint tout à fait nos convictions et nos préoccupations.

Je vais vous présenter aussi sommairement notre organisation. Donc, Québec en forme, c'est un OBNL. On a reçu un mandat de 10 ans qui est issu d'un partenariat entre le gouvernement du Québec et la Fondation Lucie-et-André-Chagnon. Notre mandat, c'est de contribuer aux habitudes de vie des jeunes Québécois 0-17 ans. L'approche privilégiée qu'on a choisie dès le départ, ça a été une approche de mobilisation de la communauté ou des communautés. Donc, on travaille activement sur le terrain à accompagner l'ensemble des acteurs locaux qui sont impliqués par les saines habitudes de vie des jeunes, c'est-à-dire tous les milieux de vie, les CPE, tout le milieu de la petite enfance, les écoles, les municipalités, les gens de la santé, pour qu'il y ait vraiment des changements durables qui puissent se produire au niveau des habitudes de vie. Donc, c'est vraiment une perspective de vision à moyen et long terme. On a fait le choix de ne pas faire, nous, directement des actions, mais vraiment de travailler en concertation puis en cohérence avec l'ensemble des acteurs impliqués. On sait que les saines habitudes de vie, c'est une préoccupation qui est transversale. Ça fait que ça nous prenait vraiment l'engagement puis l'adhésion de l'ensemble de ces partenaires-là. Actuellement, c'est 163 milieux, là, qui sont impliqués pour la cause des habitudes de vie.

On travaille en multistratégies, là. On sait que, dans des problématiques complexes de cet ordre-là, il faut aussi venir soutenir le travail des acteurs locaux. Donc, c'est pourquoi qu'on travaille également avec les régions. Donc, l'ensemble des régions du Québec, il y a des tables de concertation au niveau des habitudes de vie, donc les tables intersectorielles régionales en saines habitudes de vie qui travaillent en collaboration aussi avec nous dans l'optique de soutenir les transformations qui se font à l'échelle locale. Et on a également des partenariats à l'échelle nationale qui visent à soit développer de l'expertise, transférer des connaissances ou faire des actions spécifiques pour vraiment soutenir toute l'action terrain qui est en train de se dérouler.

À l'heure actuelle, c'est plus de 4 000 partenaires, là, qui travaillent dans cette cohérence d'action là. On a, dans le fond, les 17 régions du Québec qui travaillent aussi en concertation avec nous puis plus d'une quarantaine d'acteurs d'organismes nationaux qui ont vraiment des créneaux spécifiques ou de l'expertise spécifique à partager. Je vais laisser Marie vous présenter les grandes lignes de notre mémoire.

• (11 h 50) •

Mme Rochette (Marie) : Alors, comme il a été mentionné, on a été, évidemment, enchantés de voir que le volet habitudes de vie se retrouve dans la stratégie. D'une part, parce que ça fait partie de notre mission, et on est convaincus qu'il est important de travailler aux habitudes de vie. Mais, je vous dirais, surtout pour deux autres raisons, d'une part parce qu'il y a vraiment une convergence entre le fait de travailler à la promotion des saines habitudes de vie et le fait de travailler sur le développement durable, plusieurs actions contribuent tantôt à un et à l'autre à la fois, puis également parce que, dans toute la réflexion qu'on a faite au cours des dernières années sur la façon d'avoir le plus d'impact possible à long terme sur les habitudes de vie des jeunes, ça nous a amenés à développer un certain modèle d'intervention qu'on pense qu'il peut être également tout à fait compatible avec des visées de développement durable.

Dans le fond, on a repris à l'intérieur du mémoire nos trois grandes orientations sur lesquelles on s'appuie pour travailler. La première, qui est la mobilisation des communautés locales, on a la ferme conviction que c'est sur le terrain que l'action se passe et, si on veut faire en sorte que les jeunes adoptent et maintiennent de saines habitudes vie, c'est que c'est auprès des acteurs des différents milieux que ça va se passer puis qu'il est important aussi que les gens travaillent ensemble entre les secteurs pour avoir une action qui va être la plus porteuse et durable. Donc, ça rejoint, entre autres, ce qu'on retrouve dans la stratégie. Quand on parle d'aménagement durable du territoire et de dynamisme des collectivités, quand on parle de renforcer les capacités des collectivités, quand on parle de la participation publique, c'est vraiment au coeur, je vous dirais, d'un des principes d'action qu'on a mis en place au fil des années.

Un autre élément, une deuxième orientation de notre action, c'est toute la question de la modification des environnements. Environnement qui est vu vraiment dans le sens d'environnement favorable aux saines habitudes de vie. Environnement dans le sens de tout ce qui entoure un individu — et, dans notre cas, plus particulièrement les jeunes de 0-17 ans — qui va faire en sorte que les choix sains, que ce soit en termes d'activités physiques, de mode de vie actif ou de saine alimentation, que ça va être facile pour ces jeunes-là d'aller dans ce sens-là. Autrement dit, que l'école, que la garderie, que le milieu communautaire, que l'environnement dans lequel le jeune vit fasse en sorte que ça devienne tout à fait normal et naturel que d'avoir de saines habitudes de vie. Donc, on rejoint encore une fois certaines orientations qu'on retrouve dans la stratégie de développement durable, notamment tout ce qui touche les bonnes pratiques en aménagement du territoire, qui touche aussi toute la question de la mobilité durable avec la planification intégrée à la fois de l'aménagement du territoire et du transport. Comme, par exemple, quand on travaille à favoriser le transport actif des jeunes, faire en sorte qu'ils se déplacent pour aller à l'école à pied ou à vélo, que ce soit par des aménagements sécuritaires, par la promotion à l'intérieur de l'école, la promotion auprès des parents de cette façon de se déplacer, bien, on contribue aussi à, évidemment, réduire l'utilisation de l'automobile et la pollution atmosphérique, gaz à effet de serre, etc.

Notre troisième orientation, c'est autour de la norme sociale. Parce que, oui, modifier les environnements physiques dans lesquels vivent les jeunes, c'est une chose, mais également il est important que l'ensemble de la population trouve normal de le faire, donc qu'on puisse travailler à la fois à venir soutenir une norme sociale qui fait en sorte que se déplacer de façon active, bouger au quotidien, manger sainement, c'est juste... même pas une question de choix, c'est juste normal maintenant d'y adhérer. Donc, les campagnes de communication peuvent aider. Justement, on travaille, entre autres, auprès de jeunes à promouvoir l'activité physique chez les 9-13 ans, là, par une grande campagne autour du plaisir de bouger, etc.

Un autre élément qui est important dans notre stratégie d'action, si on veut, c'est l'action, je dirais, auprès des milieux défavorisés. Toute la question de la défavorisation est au coeur de nos préoccupations, comment on s'assure, dans le domaine des habitudes de vie, de faire en sorte que les gens qui ont moins de ressources, que ce soient financières ou autres, puissent avoir accès également à une saine alimentation puis à un mode de vie physiquement actif. On fait ça à la fois en intervenant de façon plus particulière dans les communautés qui sont plus défavorisées puis en faisant des actions spécifiques. On parle notamment de projets qu'on soutient autour de la sécurité alimentaire des familles, ces éléments-là, pour faciliter l'accès, par exemple, aux fruits et légumes dans des milieux où cet accès-là est plus difficile, et ça rejoint en ce sens-là une des orientations qu'on retrouve dans la stratégie d'inclusion sociale et de réduction des inégalités.

Puis finalement un dernier principe qui est très important pour nous, c'est toute la notion de pérennité, comment on s'assure de soutenir des actions qui vont avoir un impact sur le jeune de maintenant, mais qui vont avoir aussi un impact pour les générations futures. Donc, comment, à chaque fois qu'on octroie un financement, on le réfléchit pour s'assurer que ces actions-là vont faire en sorte qu'on aura des changements dans les pratiques des intervenants, au niveau des institutions, au niveau des environnements physiques, par exemple, donc, ça aussi, c'est un élément qu'on juge très important dans le cadre de notre action. Je vais te laisser conclure.

Mme Dostaler (Julie) : Peut-être, en conclusion, les recommandations qu'on vous ferait, c'est, dans un premier temps, de rendre plus explicite le fait que de travailler sur les saines habitudes de vie, il faut aussi travailler sur les environnements afin de les rendre favorables, là. Donc, ce n'est pas juste une question de sensibilisation ou de promotion.

Dans un deuxième temps, on l'a entendu tantôt dans les questions, là, mais, je pense, ce serait important de mieux camper l'interrelation des trois dimensions, là, sociales. Puis, pour nous, c'est toute la question des inégalités puis les questions de santé, entre autres, là, donc cette dimension-là, avec les deux dimensions, économique et environnementale.

Puis on ne l'a pas nommée explicitement dans le mémoire, mais il y a toute la question de la gouvernance collective pour soutenir les changements de pratiques. Si on veut faire un changement social, en fait, que la préoccupation soit campée à travers l'ensemble des milieux de vie, bien, c'est important qu'il y ait une gouvernance collective qui puisse soutenir ces changements-là. Donc, merci.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup de votre présentation. Nous allons passer maintenant à la période d'échange. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre mémoire et votre présentation. Je trouve ça très intéressant qu'on puisse parler de saines habitudes de vie puis de prendre le temps, là, de bien faire le lien avec la stratégie de développement durable du gouvernement.

Vous avez parlé brièvement de l'importance... Je crois que c'est votre troisième recommandation qui parle, justement, d'une approche très horizontale au niveau de l'action gouvernementale. Tu sais, on parle d'aménagement durable, de mobilité durable et des impacts directs qu'il y a entre ça, donc toute la planification gouvernementale. Parce que c'est très vaste, là. Si on parle d'une planification urbaine durable, ça touche énormément de secteurs de l'action gouvernementale et ça veut donc dire que, pour avoir une stratégie de développement durable efficace, il va falloir avoir des leviers, il faut dire, presque contraignants, véritablement, là, pour pouvoir s'assurer que, dans le processus de prise de décision des organismes, ces facteurs-là soient pris en compte dès le départ. J'aimerais ça, vous entendre davantage sur le lien qu'il y a entre les saines habitudes de vie et la lutte contre les changements climatiques, comment c'est, finalement, très lié.

Mme Rochette (Marie) : C'est sûr qu'on n'est pas, loin de là, des spécialistes des changements climatiques. Ce qu'on voit malgré tout comme convergence de tout ça, c'est ce qu'on mentionnait tantôt, travailler sur les habitudes de vie, c'est notamment faire en sorte qu'on favorise le transport collectif, qu'on amène les gens à se déplacer aussi de façon active. On sait que le transport collectif, le fait de prendre l'autobus ou le métro va généralement impliquer un déplacement à pied, donc c'est une façon d'être, si on veut, physiquement actif dans une journée. L'ensemble des déplacements aussi actifs, que ce soit à pied, à vélo, ce sont des moyens qui vont faire en sorte qu'on va réduire l'utilisation de l'automobile. On calcule qu'il y a à peu près, sur les déplacements pour aller au travail, à peu près 12 % de ces déplacements-là qui sont faits en voiture et qui sont à moins de 1,6 kilomètre, donc 15 à 20 minutes de marche. Ça fait que c'est comme un potentiel, là, peut-être d'autour de 10 %, 12 % qu'il y aurait moyen d'aller chercher si on avait toutes sortes de mesures qui favorisaient encore plus les déplacements à pied ou à vélo pour aller au travail. Donc, c'est sûr qu'il y a, évidemment, une parenté, ou, en tout cas, une complémentarité, ou une synergie, peu importe, entre le fait de travailler à favoriser ce type de déplacements là et également la lutte contre les changements climatiques ou la pollution atmosphérique.

• (12 heures) •

M. Heurtel : Quand on parle de nos jeunes, parce que vos actions visent les 0-17 ans, nécessairement on va parler du milieu scolaire, des CPE. Bon, bref, il y a beaucoup de ces organismes-là qui ne sont pas directement assujettis à la stratégie dans l'état actuel des choses. Avez-vous une opinion là-dessus?

Mme Dostaler (Julie) : Bien, je pense que, si on veut faire un changement sociétal, ça prend l'implication de tout le monde. Bon, est-ce que c'est par une mobilisation, de la sensibilisation? Trouver peut-être une façon que ces instances-là ou ces milieux de vie là puissent donner aussi un sens entre ce qu'ils font, leurs préoccupations et cette dimension-là. Donc, je pense que oui, là, il faut quand même que tous les acteurs impliqués aient un rôle à jouer. Comment, concrètement, ça pourrait se dérouler? Là, on n'a pas fait une réflexion concrète là-dessus.

Mme Rochette (Marie) : Bien, je pourrais peut-être compléter. Si on prend, par exemple, le milieu de garde, actuellement on travaille avec le ministère de la Famille, avec plusieurs instances à la fois régionales, nationales et locales à faire en sorte qu'il y ait un cadre de référence sur la saine alimentation et le jeu actif auprès des tout-petits qui se mette en place dans l'ensemble des milieux de garde au Québec. Un cadre de référence, ça n'a pas de valeur contraignante, il n'y a pas de sanctions associées à ça. En même temps, il y a toute une orientation qui est donnée par le ministère. Il y a également des organismes qu'on a financés qui viennent soutenir l'appropriation du cadre de référence, la formation des intervenants. On est au début, on verra ce que ça va donner. Mais, en tout cas, on a bon espoir que ça puisse, de cette façon-là, contribuer à venir changer les pratiques au niveau des milieux de garde par rapport aux saines habitudes de vie sans qu'on ait eu à, justement, agir de façon coercitive. Et, en même temps, bien, ça prend aussi, je dirais, un appui à l'ensemble des milieux, comme je le mentionnais, que ce soit au niveau de la formation, au niveau de l'aménagement, etc., pour faire en sorte que ça puisse se produire.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je donne maintenant la parole à Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Alors, d'entrée de jeu, je voudrais faire une grande parenthèse... bien, d'abord, vous féliciter pour votre excellent travail. Québec en forme est un organisme qui prend beaucoup, beaucoup de place et qui est très... En tout cas, dans mon comté, c'est très populaire. Et d'ailleurs je fais une parenthèse pour remercier la Fondation Lucie-et-André-Chagnon, qui sont des citoyens de mon comté et qui sont très impliqués pas seulement dans Vaudreuil, mais aussi partout à travers le Québec, et on le voit, là, par leur contribution depuis 2007 à Québec en forme, où ils ont investi plus de 400 millions de dollars sur une période de 10 ans. Évidemment, avec une contribution gouvernementale aussi, mais je pense que c'est un bel apport de citoyens du Québec, justement, pour les saines habitudes de vie.

Et d'ailleurs vous soutenez, là, que les regroupements locaux de vos partenaires qui sont présents, là, sur le territoire du Québec peuvent appuyer ou faire connaître les orientations des saines habitudes de vie de la stratégie gouvernementale de développement durable. Selon vous, cet appui-là des regroupements locaux pourrait-il être mis en profit par des plans d'action de développement durable des divers ministères et organismes de manière à ce que cela génère encore des effets plus bénéfiques dans nos différents milieux?

Mme Rochette (Marie) : Évidemment, au départ, Québec en forme a un mandat saines habitudes de vie, les regroupements travaillent à bâtir un plan d'action autour des habitudes de vie. Ce qu'on voit de plus en plus, c'est le souhait des milieux, des communautés d'intégrer le volet habitudes de vie dans des démarches plus larges. Tantôt, ça va être axé vers le développement durable, certains autres vont regarder plutôt le développement social comme étant un peu le moteur. Donc, c'est comme si le noyau qu'on a financé, les acteurs collectifs autour des habitudes de vie voient de plus en plus l'intérêt d'une telle démarche et souhaitent s'associer aussi à des démarches plus larges, que ce soit une démarche de quartier autour du développement durable ou du développement social.

Alors, oui, on est beaucoup dans cette mouvance-là, à vouloir appuyer les milieux qui ont ce souhait-là d'élargir, et je pense qu'effectivement on pourrait facilement retrouver des plans d'action qui visent à la fois des objectifs de développement durable, et des objectifs plus spécifiques aux habitudes de vie, puis des objectifs qui croisent les deux, en quelque sorte.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. Écoutez, moi, je voudrais vous poser une question à deux volets, là. Premièrement, je voudrais que vous nous donniez votre position qui est en regard du développement durable. Vous savez que la stratégie actuelle est orientée plus vers les ministères et organismes. Nous avons rencontré plusieurs intervenants qui nous ont mentionné que possiblement cette stratégie-là devrait s'étendre aux organismes de santé et d'éducation et les municipalités et regroupements régionaux, ce qui permettrait, encore là, d'élargir, si on veut, la portée et les impacts. Même, beaucoup de gens nous ont dit qu'on devrait étendre ça à la population globale. On n'est peut-être pas rendus là, là, mais je voudrais vous entendre là-dessus parce que je pense que c'est un point important.

Le deuxième point, c'est : Quand vous parlez de saine alimentation, fruits et légumes ou... chez les jeunes, etc., comment vous vous approvisionnez ou comment vous développez cet aspect-là?

Donc, c'est les deux éléments sur lesquels je voudrais vous entendre.

Mme Dostaler (Julie) : Peut-être pour la première dimension, c'est là qu'on voyait quand même un parallèle entre les réflexions qu'on a faites sur le modèle d'intervention de Québec en forme, qui est spécifique aux habitudes de vie, versus l'enjeu du développement durable. Tu sais, on pense que, si on veut qu'une préoccupation transversale comme celle du développement durable puisse avoir des chances, vraiment, de prendre ancrage au sein de la population, il y a quand même des vecteurs importants sur lesquels travailler, c'est important qu'il y ait la mobilisation puis l'engagement de l'ensemble des acteurs venant de tous les secteurs.

Nous, on a constaté que de mettre ensemble les secteurs, les différents secteurs, et de partager, et travailler sur une cohérence, une compréhension commune, là, des enjeux puis de partager un peu chacun les champs d'intervention, c'est un facteur important, là, de réussite, qu'il y ait aussi un porteur de dossiers et des porteurs de dossiers qui s'assurent que la préoccupation... Parce que, tu sais, c'est sûr qu'à l'échelle d'une municipalité ils ont plusieurs choses à travailler. Donc, le développement durable, ce n'est pas un seul dossier, là, c'est à travers différents dossiers. Donc, comment qu'on s'assure qu'il y a une saine pression qui vient sur une thématique spécifique et qui est portée par un porteur qui va le faire à l'échelle de la province. Donc, c'est un petit peu le parallèle qu'on mettait entre notre modèle d'intervention saines habitudes de vie et un modèle d'intervention développement durable, là, que... Je pense qu'il y a quand même des vecteurs qui sont connus, puis c'est à partir de ces vecteurs-là qu'il y a du travail qui peut se faire.

Donc, ça, c'était pour la première question. La deuxième, peut-être, Marie, je te laisserais aller, là, pour le...

Mme Rochette (Marie) : En ce qui concerne l'approvisionnement des jeunes en matière de saine alimentation, comme Julie le mentionnait tantôt, on travaille beaucoup à soutenir des organismes qui viennent soutenir des jeunes et même parfois d'autres organisations. Donc, on n'a pas d'actions directes pour faire en sorte qu'il y ait un plus grand approvisionnement, mettons, de fruits et de légumes auprès des jeunes. Donc, par exemple, un milieu va regarder quelle est la disponibilité, par exemple, des fruits et des légumes dans un quartier plus défavorisé d'un milieu. S'il y a vraiment une problématique en termes d'accès fruits et légumes, c'est de regarder avec les acteurs du milieu, les acteurs communautaires, les acteurs privés, comment faire en sorte que cet accès-là puisse être facilité.

Ça peut être aussi via, par exemple, des organismes communautaires qui viennent, justement, en aide à des enfants plus défavorisés, comment faire le lien avec l'école, comment faire en sorte aussi que ces organismes-là soient sensibilisés à la question de la saine alimentation, puis certains ont décidé même de changer puis d'augmenter leur budget par rapport à l'offre pour s'assurer que les jeunes aient accès dans le cadre... des jeunes qui n'avaient rien, par exemple, pas accès à un dîner sur l'heure du dîner, qu'ils puissent avoir accès à une alimentation adéquate. Donc, il y a beaucoup de travail à la fois de sensibilisation qui est fait. Ça peut être de travailler aussi avec certains organismes pour avoir des prix réduits par des achats de groupe, etc. On a des initiatives, là, comme Bonne Boîte Bonne Bouffe dans Lanaudière, qui est tout un système d'achats regroupés de producteurs locaux pour vente aux familles plus défavorisées. Ça fait que c'est comme ça qu'on va travailler ces éléments-là.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole au député de Côte-du-Sud.

M. Morin (Côte-du-Sud) : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Les temps changent. Quand j'ai fait mon primaire, secondaire, on marchait au moins un kilomètre pour aller à l'école. Et même j'ai vu des jeunes, voilà une vingtaine d'années, venir à vélo à l'école, et la direction de l'école les empêchait. Il fallait que les vélos soient chez un voisin de l'école. Donc, les mentalités changent. Je ne sais pas si les parents sont plus protecteurs de nos jours que l'étaient nos parents, mais on a quand même bien réussi.

Je regarde ici, là, vous voulez transformer les normes sociales par réglementation et législation. Peut-être, ce que vous avez discuté depuis tantôt, ça touche ça, mais voulez me préciser un petit peu votre pensée?

Mme Rochette (Marie) : Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il y a certaines politiques publiques, certaines réglementations qui peuvent venir contribuer à modifier ces normes sociales là, et vice et versa. C'est parce qu'on est dans une norme sociale qui est plus favorable, qui permet de venir adopter certaines lois ou réglementations. Donc, l'idée est de travailler les deux, à la fois par des campagnes, de venir faire en sorte que les gens soient plus favorables à certaines modifications comme telles, et la législation va venir aussi appuyer ça. Je pense que, dans l'exemple du tabagisme, c'est les deux à la fois, toutes les campagnes de sensibilisation qui ont fait en sorte qu'on a été capable d'adopter une législation sur le tabac, puis c'est en même temps la législation qui a fait en sorte que c'est devenu normal de ne plus fumer dans des endroits publics. Donc, un vient renforcer l'autre. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on le présentait.

Mme Dostaler (Julie) : Peut-être...

M. Morin (Côte-du-Sud) : Oui.

Mme Dostaler (Julie) : ...pour compléter — désolée — il y a aussi... Comme Marie dit, il y a un travail préalable aussi à faire avant d'arriver aux réglementations et aux lois. Donc, il faut aussi rendre... Vous donnez l'exemple du vélo, là, où est-ce que se rendre en vélo à l'école, se rendre à pied à l'école, il y a des enjeux de sécurité, il y a des enjeux de normes, si on veut, qui encadrent ça, donc comment on fait un travail à la fois pour venir préparer, venir modifier certaines choses. Par exemple, on soutient un projet avec Vélo Québec, là, qui est pour venir travailler au niveau de l'aménagement puis pour faciliter les accès à l'école en vélo, pour que les parents cessent aussi d'être inquiets ou d'êtres préoccupés pour des questions de sécurité. Il y a tout ce travail-là en parallèle qu'il faut qu'il soit fait aussi avec la question des... avant l'arrivée des réglementations et des législations, donc comment on fait un juste dosage et qu'on travaille différentes stratégies de front, là, si on veut.

Le Président (M. Reid) : 30 secondes pour un court commentaire.

M. Morin (Côte-du-Sud) : Oui. Peut-être que... Est-ce qu'on pense à la pédagogie? Souvent, c'est mieux que la réglementation puis la législation, apprendre aux jeunes que la fumée, c'est toxique, ce n'est pas bon. Mais est-ce que vraiment on a délaissé un petit peu pour en arriver à la législation quand la pédagogie ne fonctionne pas?

Le Président (M. Reid) : Rapidement.

Mme Dostaler (Julie) : Nous, on pense que c'est les deux. C'est qu'en fait, oui, il y a un choix individuel. Donc, il faut que les gens soient sensibilisés, soient prêts à le faire, mais, outre la sensibilisation, il faut aussi s'assurer que les environnements soient favorables, donc que ce soit facile de le faire. Par exemple, je peux être sensibilisée puis vouloir bien m'alimenter. Si je vais à l'aréna puis que, la nourriture, on a seulement...

Le Président (M. Reid) : Merci.

Mme Dostaler (Julie) : Bien, c'est les deux, tu sais. Dans le fond, il faut que j'aie le choix de le faire.

Le Président (M. Reid) : Merci, le temps est écoulé. Nous passons maintenant à l'opposition officielle avec son porte-parole, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme Rochette, Mme Dostaler, de votre présence et de votre présentation. Bon, évidemment, les saines habitudes de vie, nous pourrions en parler longuement et avec plaisir parce que c'est vraiment un changement de culture, je pense, qui est en train de s'opérer depuis quelques années au Québec à cet égard. D'ailleurs, c'est là-dessus que je veux qu'on commence à échanger, êtes-vous capables d'évaluer les changements... Avez-vous des chiffres à Québec en forme ou des études sur les différences dans... ou les conséquences de ces changements de comportement? Visiblement, les saines habitudes de vie sont beaucoup plus courantes. Ce n'est pas pour rien qu'il y a plus qu'avant d'accidents de vélo, c'est parce qu'il y a plus de gens qui font du vélo. Je dis ça de façon totalement désintéressée. Donc, bon, puis ainsi de suite. On souhaite qu'il n'y ait plus d'accidents de vélo, évidemment, là, mais, bon, s'il y en a plus, c'est parce qu'il y a plus de gens qui en font. Est-ce que vous avez... Bon, je vais changer de sujet, là.

Une voix : Il y a trop de députés qui en font.

M. Gaudreault : Je reviens sur le fond des choses, êtes-vous capables de démontrer les conséquences déjà bénéfiques par des études ou une démonstration de cela?

Mme Dostaler (Julie) : C'est ça, il y a plusieurs... C'est assez complexe, là, quand même comme enjeu. Effectivement, on sent que... On a des donnés pour appuyer que la question de la norme, la norme sociale, donc la volonté des gens, là, de bouger plus, de mieux manger, c'est là. Ça fait qu'on a des données de sondages où est-ce que les gens ont une intention de passer à l'action. On le voit, tu sais, quand la nouvelle année approche, les gens ont tous comme résolution de bien manger puis de faire de l'exercice physique. Donc, il y a ça qui est quand même assez clair. Malheureusement, au niveau de l'état de santé, ça, on ne voit pas encore tant que ça d'amélioration.

Ce qu'on est en train d'essayer de documenter, c'est les changements qui concernent plus... au niveau des environnements, donc la... Puis ça, on est en train de le documenter, mais on est quand même capables de constater qu'il y a de plus en plus de municipalités qui, à l'intérieur de leur politique familiale, portent des dimensions sur les saines habitudes de vie. Il y a des environnements qui sont en train d'évoluer et de se modifier, et nous, on pense que, si on continue d'avoir ces résultats-là, on va éventuellement avoir des résultats sur la santé de la population, mais c'est sûr que c'est du long terme.

M. Gaudreault : Oui. Et, en plus, il y a quand même un vieillissement de la population qui vient peut-être un peu déséquilibrer, je dirais, les chiffres qui pourraient nous démontrer, justement, que la prévention puis les saines habitudes de vie ont des gains en matière de santé. Je comprends ça. En tout cas, moi, je vous dis que, si, effectivement, à un moment donné, vous avez des chiffres un peu plus précis, je pense, ce serait intéressant pour la commission de faire parvenir à la commission ou à chacun des députés, là, ces chiffres-là pour qu'on puisse s'en inspirer.

Puis ça m'amène sur une autre dimension en lien avec ce dont je viens de vous parler, avez-vous une idée des coûts évités sur les investissements en saines habitudes de vie? Autrement dit, si on construit une nouvelle piscine dans une ville ou un nouveau gymnase, c'est des coûts d'infrastructures, c'est clair, ça peut demander un 15 millions d'infrastructures publiques, par exemple, ou 30 millions, tout dépendant de l'infrastructure. Puis, si on veut faire un centre intégré de sport... Mais, en investissant un 30 millions là, on évite d'autres coûts ailleurs, sur, par exemple, un agrandissement d'un centre de réadaptation physique pour des gens qui ont eu des problèmes cardiaques ou, bon, ainsi de suite. Alors, comment vous voyez ça, les coûts évités? Est-ce que vous êtes en train de travailler là-dessus? Moi, je pense que c'est comme l'argument massue pour les esprits chagrins qui disent encore qu'il faut arrêter d'investir dans des infrastructures juste pour faire du béton. L'idée, ce n'est pas de faire du béton, c'est de faire des gymnases, c'est de faire en sorte que les gens bougent, et que, quand on fait les coûts évités, bien, ça, c'est intéressant.

Mme Rochette (Marie) : On n'a pas de chiffres à cet égard-là, puis on n'a pas travaillé là-dessus parce que c'est, bon, plus ou moins dans notre mandat, en quelque sorte. On a quelques données qui viennent d'organisations, là, qui font des analyses économiques qui montrent que l'obésité, ça entraîne un fardeau important au niveau de la société, que le coût de l'inactivité physique aussi est également très élevé. On sait que l'institut de santé publique travaille actuellement à chiffrer, au Québec, ce que coûte l'obésité en termes de coûts de soins de santé, et leur rapport devrait, normalement, être publié, je crois, au courant de cette année. Donc, on s'appuie plus sur des organisations d'experts au niveau de l'économie, là, pour nous fournir ces chiffres-là.

Nous, on n'a pas regardé de façon spécifique nos investissements versus ce que ça rapporte. Ça devient un exercice qui est très complexe dans la mesure où on travaille avec un ensemble de partenaires, on n'est pas les seuls à faire les actions, en quelque sorte. On travaille avec différents réseaux, le réseau de la santé, le réseau de l'éducation, des services de garde, donc c'est toute cette foule d'acteurs là qui va contribuer. Donc, comment on arrive à faire vraiment la part des choses entre l'investissement puis le rendement, ça, c'est un exercice qui est extrêmement complexe.

• (12 h 20) •

M. Gaudreault : O.K. Mais que vous trouvez intéressant à faire et souhaitable.

Mme Rochette (Marie) : Tout à fait. Tout à fait.

M. Gaudreault : Bon. O.K. Maintenant, une de vos recommandations, c'est qu'on élargisse la stratégie pour faire ressortir que ce n'est pas des mesures individuelles, mais également plus collectives qu'il faut mettre en avant. C'est parce que vous trouvez que la stratégie, présentement, elle porte trop sur, justement, les actions individuelles? Comment on fait le passage, là, de l'individuel au collectif? Comment vous voulez qu'on articule ça dans la stratégie?

Mme Rochette (Marie) : On l'a ciblé essentiellement par rapport à l'objectif 4.3, qui parle de mesures sociales et économiques pour les personnes défavorisées. On trouvait important que ce ne soit pas que des mesures individuelles qui soient placées là. Oui, des mesures de soutien aux individus, mais il y a également toutes sortes de mesures qui viennent appuyer une collectivité qui nous apparaissent tout aussi importantes pour lutter contre l'exclusion sociale et réduire les inégalités, donc travailler, par exemple... Tu sais, dans le domaine qui nous concerne, si on prend la saine alimentation, c'est comment on vient travailler non pas à faire du dépannage alimentaire uniquement, même s'il est très important, mais comment aussi on s'assure, par exemple, de mettre en lien, bon, certains marchands qui ont des surplus qui pourraient fournir à des organismes de dépannage, justement, les marchands locaux ou les producteurs locaux pour faciliter un approvisionnement de proximité, des achats de groupe, des cuisines collectives. Donc, comment on s'assure que, dans un milieu, tous ces organismes-là qui travaillent, par exemple, à soutenir des individus qui sont plus vulnérables... comment on est capable, dans un milieu, de se doter de moyens intégrés et faire en sorte que les gens aient accès à une saine alimentation. Donc, pas juste, encore une fois, des mesures individuelles, mais vraiment des mesures qui vont viser une collectivité.

M. Gaudreault : Est-ce que vous constatez une différence chez Québec en forme sur le territoire, par exemple les milieux urbains ou très urbanisés comme Montréal et les régions, quant à la pratique, là, des saines habitudes de vie?

Mme Dostaler (Julie) : C'est surtout au niveau des enjeux. En fait, les freins liés à la pratique ou liés... sont différents là. En milieu dévitalisé, il y a plus d'enjeux sur l'accessibilité, l'accès aussi à soit de l'expertise, à... Ça fait qu'il y a des enjeux qui sont différents, là, que ce soit en milieu urbain ou en milieu plus dévitalisé.

Le Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Nous terminons nos échanges avec le deuxième groupe d'opposition et son porte-parole, M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Le député de Côte-du-Sud, tantôt, il disait que, quand il était plus jeune, lui, il allait à l'école à pied. Nous, on jouait au hockey dans les rues. Moi, j'habitais à Grand-Mère, là, et on jouait au hockey dans la rue, on se mettait des «pins» pour faire les buts. Puis on voyait ça à beaucoup d'endroits dans la municipalité, des jeunes qui jouaient au hockey dans la rue. Je ne vois plus ça. Je ne me rappelle pas la dernière fois que j'ai circulé en voiture puis que j'ai vu des jeunes jouer au hockey dans la rue. On fait des patinoires, puis là on est en train de faire des patinoires des espèces de préaux. Ce que je veux dire, c'est qu'on donne beaucoup, beaucoup de moyens beaucoup plus raffinés aux enfants, puis le résultat — puis je n'ai pas votre expertise, là — je ne suis pas certain qu'on augmente, en bout de ligne, l'activité physique auprès des jeunes.

Un peu dans la même veine que mon collègue de Jonquière, vous avez une expertise panquébécoise, là, au niveau rural, au niveau urbain, puis moi, urbain, là, pour moi, Nicolet, il y a un milieu urbain par rapport à ça. C'est quoi, le diagnostic que vous faites au niveau de la forme physique des enfants, là?

Mme Rochette (Marie) : Le diagnostic qu'on peut faire, c'est qu'évidemment le temps passé devant l'écran chez les jeunes, de nos jours, est très important, que ce soit jeux vidéo, tablette, télévision, et ça occupe une bonne partie de leur temps en dehors du cadre scolaire pour toutes sortes de raisons. Également, les parents qui travaillent, qui arrivent tardivement le soir, la crainte des parents de laisser les enfants aller jouer dans le quartier quand il est rendu tard le soir, etc., les enfants, qui ont aussi appris à se faire organiser puis qui n'ont plus vraiment d'idées de faire des jeux libres, donc tout ça contribue à rendre nos jeunes plus sédentaires qu'ils ne l'étaient auparavant.

Puis c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a mis en place une campagne qui s'appelle Wixx, qui s'adresse aux 9-13 ans et qui est vraiment axée sur le plaisir de bouger et le jeu libre. Donc, on invite les gens puis on utilise le Web pour faire en sorte que les jeunes trouvent toutes sortes d'idées pour bouger avec des promotions, des concours, etc., et également une mesure qui fait en sorte qu'après sept minutes — et je ne me rappelle pas combien de secondes — ils ne peuvent plus rester branchés sur le site, le message, c'est : Va jouer dehors ou va jouer avec tes amis. Donc, on veut vraiment par cette campagne-là... puis on espère que cette cohorte de jeunes là qui aura baigné dans cet esprit Wixx va réapprendre à jouer par soi-même, à aller jouer dehors. On a fait une promotion hockey-bottines. Ces temps-ci, c'est le Défi Château de neige, donc, dans le cadre du Carnaval de Québec. Alors, on veut vraiment, par ces mesures-là, faire en sorte qu'on réhabilite, si on veut, le jeu dehors, le jeu libre, le jeu avec les amis ou même tout seul à jouer au diabolo, peu importe.

M. Martel : Dans les dernières années, là, on a vu de plus en plus d'écoles secondaires offrir des concentrations sportives, que ça soit le hockey puis... Quand on regarde l'ensemble des écoles, évidemment il y a des écoles qui ont — comment je pourrais dire ça? — des beaux équipements, des belles infrastructures à offrir aux jeunes, puis ça fait en sorte que d'autres écoles... puis souvent, en région rurale, ils ont moins d'équipement. Est-ce que vous faites un parallèle entre les jeunes qui... Globalement, là, je ne parle pas juste des jeunes qui sont dans les équipes sportives d'élite ou des choses comme ça, mais voyez-vous vraiment une carence au niveau de l'activité physique dans les écoles où il n'y a pas de concentration sportive comme ça?

Mme Dostaler (Julie) : Bien, on n'a pas nécessairement fait ce parallèle-là. Ce que Marie, quand même, expliquait par rapport à tout ce qui est retrouver le plaisir de bouger, tu sais, on pense qu'il y a quand même une certaine proportion de la population que ce sont des jeunes actifs qui ont le goût d'être dans des ligues sportives, puis c'est souvent toujours les mêmes qui vont jouer au soccer l'été, jouer au hockey l'hiver. Et nous, ce qu'on veut, c'est vraiment faire venir ceux qui sont sédentaires puis qui n'auront peut-être pas d'intérêt à jouer dans une ligue organisée, dans un sport d'équipe, donc comment qu'on vient trouver quelque chose que... Tu sais, c'est des gens qui ont peut-être moins le goût d'être dans quelque chose de compétitif, d'organisé, puis venir retravailler, tu sais, sur le jeu libre, donc de jouer avec un diabolo dans la cour, de faire un château de neige, une bataille de boules de neige.

Tu sais, c'est vraiment ce créneau-là qu'on a souhaité rejoindre, là, par la campagne Wixx parce que... Bien, je pense que c'est important, là, qu'il y ait des programmes, qu'il y ait des mesures pour soutenir toute la question des infrastructures pour la partie des jeunes qui veulent être actifs ou le développement du sport, mais il y a comme toute l'autre partie des jeunes qui ne sont pas nécessairement rejoints par le biais de ça. Donc, c'est cette clientèle-là, en fait, qu'on ciblait, là, notamment par la campagne Wixx, tu sais, on veut augmenter les pourcentages de façon significative, là, sur l'ensemble.

M. Martel : Il reste du temps? Un petit peu? Tantôt, on a parlé de la pérennité de votre organisation, il y avait une échéance de 10 ans. Est-ce que vous voyez que ça peut s'extensionner? Est-ce que vous pensez que vous arrivez vraiment dans les dernières années de... C'est quoi, votre point de vue par rapport à ça?

Mme Dostaler (Julie) : Dès le départ, là, Québec en forme, quand il a été créé, l'optique, c'était vraiment de travailler à accompagner les communautés pour qu'elles prennent en charge la préoccupation puis qu'il y ait une certaine pérennité qui passe non pas par l'organisation Québec en forme, mais par le travail qui aurait été fait sur le terrain. Donc, nous, dans le discours puis dans le langage qu'on a eu, ça a toujours été de dire : On est là pour une période... on essaie de faire le maximum dans une période de 10 ans. Mais on n'a jamais voulu remplacer, dans le fond, l'expertise qui existait sur le terrain, on a voulu travailler à renforcer cette expertise-là, à mettre les gens en réseau, à développer une certaine culture de partage puis des réflexes, puis de dire que, s'il y a une fin en 2017 puis s'il n'y avait rien après, que ce qu'on a acquis, ça soit une base assez solide pour qu'il y ait des choses qui puissent perdurer dans le temps. Donc, on a toujours été...

Le Président (M. Reid) : Merci.

Mme Dostaler (Julie) : Merci.

Le Président (M. Reid) : Alors, merci à toutes les deux pour votre contribution aux travaux de notre commission.

L'ordre du jour étant épuisé, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux jusqu'à lundi prochain, lundi le 2 février, à 14 heures.

(Fin de la séance à 12 h 30)

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