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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Thursday, February 24, 1983 - Vol. 26 N° 244

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le plan d'action proposant de nouvelles avenues pour le taxi


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, mesdames et messieurs! La commission reprend ses travaux.

Voici les membres et les intervenants pour cette séance: M. Bissonnet (Jeanne-Mance), Mme Lachapelle (Dorion), M. Bourbeau (Laporte), M. Clair (Drummond), M. Desbiens (Dubuc), M. Lachance (Bellechasse), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Rocheleau (Hull), M. Rodrigue (Vimont), M. Polak (Sainte-Anne), M. Blank (Saint-Louis), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Caron (Verdun), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Blais (Terrebonne), M. Gauthier (Roberval), M. Grégoire (Frontenac), M. Dauphin (Marquette), M. Perron (Duplessis).

Voici l'ordre du jour. Nous allons procéder à l'audition des mémoires des organismes suivants: l'Association Covoiturage Québec Inc., la ville de Montréal, la Conférence des maires de la banlieue de Montréal, l'Association québécoise du transport et des routes Inc., l'Association haïtienne des travailleurs du taxi, la Communauté régionale de l'Outaouais, Taxi GSM Ltée, Taxis LaSalle (1964) Inc., et la Ligue de taxis de Baie-Comeau, pour dépôt de mémoire seulement.

J'inviterais immédiatement les représentants de l'Association Covoiturage Québec Inc., à s'avancer à la table, s'il vous plaît. Nous allons nous limiter à une heure de présentation et de discussion pour chacun des organismes. Je vous demanderais, autant que possible, de vous limiter à un maximum de 20 minutes pour la présentation. Le reste du temps servira à l'échange des questions et des réponses. J'inviterais le porte-parole à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Association Covoiturage Québec Inc.

M. Guilbault (Noël): Mon nom est Noël Guilbault, je suis président de l'Association Covoiturage Québec Inc.; ma compagne est Ginette Forgues, directrice générale de l'association et membre permanente de l'association.

Je voudrais remercier la commission de nous avoir invités à nouveau à vous faire part de notre désir de mieux faire connaître le covoiturage. Il en a été question durant les deux jours précédents, mais très peu. Ce matin, nous espérons que notre participation pourra éclairer tous les membres de la commission et les aider à mieux connaître le covoiturage et le but de notre association.

Dans un premier temps, nous allons parler de l'objet du mémoire, du contexte actuel du covoiturage ici, au Québec, de ce qu'est le covoiturage comme tel; nous allons vous dire pourquoi nous voulons promouvoir le covoiturage, quelle est la situation actuelle du covoiturage au Québec, quelle place occupe le covoiturage en regard du transport urbain et quelles sont nos recommandations au gouvernement, à la commission, sur le covoiturage.

M. le ministre Clair invitait, en août 1982, les citoyens et citoyennes du Québec à analyser les propositions gouvernementales portant sur la réforme du taxi et sur la légalisation du covoiturage. Pour donner suite à cette invitation, l'Association Covoiturage Québec Inc., vous présente aujourd'hui un mémoire endossant la proposition gouvernementale visant à légaliser le taxi collectif et la pratique existante du covoiturage, ainsi qu'à en faire la promotion au Québec.

Quelle est l'importance de l'automobile dans le contexte actuel? Avant d'analyser l'impact du covoiturage sur la société québécoise, il faut d'abord rappeler l'importance du véhicule automobile dans nos vies quotidiennes. Soulignons, d'abord, qu'il y a 2 400 000 automobiles en circulation au Québec. Cet accès répandu du véhicule automobile a fortement influencé notre société par la mobilité qu'il nous procure. Présentement, plus de 70% des Québécois utilisent leur voiture personnelle pour se rendre quotidiennement à leur travail. Soulignons que 50% des navetteurs - plus de 1 000 000 - voyagent seuls dans leur voiture.

De plus, la survalorisation de la voiture personnelle nous a entraînés à associer la mobilité individuelle à la liberté individuelle. Les conséquences de ce choix sont importantes: un étalement urbain croissant dans les années soixante et soixante-dix, l'impossibilité d'offrir des services de transport en commun adéquats pour l'ensemble de la zone urbaine, un coût social élevé des services de transport en commun pour desservir des régions à faible densité, des dépenses publiques élevées pour fournir

l'infrastructure routière requise pour les automobilistes, une circulation urbaine massive aux heures de pointe, des espaces urbains considérables devant être alloués au stationnement des automobiles, une pollution atmosphérique croissante causée par les véhicules automobiles, une grande demande de pétrole pour alimenter ces véhicules, un style de vie de plus en plus individualiste et un coût individuel très élevé pour la propriété de ce véhicule. Selon le Club automobile du Québec, une automobile coûte entre 5000 $ et 7000 $ annuellement à son propriétaire. Nous ne voulons pas faire ici le procès de l'automobile, mais plutôt vous souligner que l'absence de gestion des déplacements individuels, particulièrement en ce qui a trait aux déplacements communs et réguliers des travailleurs, a de lourdes conséquences sur notre société.

Comme alternative, nous offrons le covoiturage. Le gouvernement du Québec a reconnu, avec raison, que l'époque des nouveaux investissements importants en infrastructures reliées au transport terrestre est révolue. Nous vivons présentement une situation économique difficile. Les dépenses publiques doivent être réduites et nos investissements du passé doivent être rationalisés. En d'autres mots, nous nous devons maintenant de gérer adéquatement ce que nous avons acquis dans le passé. Les entreprises sont aussi touchées par ce phénomène. La demande de biens et de services est réduite et la rentabilité de l'exploitation est affectée. Finalement, le consommateur voit son pouvoir d'achat baisser et il est forcé, lui aussi, de rationaliser ses dépenses.

Le covoiturage n'est pas la solution à tous ces problèmes, mais il est certainement un des éléments de solution pouvant être incorporés dans un plan global de restructuration du transport au Québec. Les raisons sont diverses: entre autres, son adoption n'implique aucune dépense publique additionnelle en ce qui a trait à l'infrastructure sous-jacente; la promotion de ce mode de transport n'implique que des investissements minimes pour le gouvernement par rapport aux retombées économiques qu'il procure; le covoiturage offre une solution de rechange économique aux consommateurs obligés d'utiliser leur voiture personnelle pour se rendre à leur travail; finalement, jumelé à l'adoption du taxi collectif, il offre une alternative intéressante aux commissions de transport en commun devant fournir des services dans des régions où l'achalandage est trop faible.

Le covoiturage comme mode de transport complémentaire. Ce qu'est le covoiturage. Avant de faire ressortir quels sont les avantages du covoiturage pour les travailleurs, pour les entreprises et pour la société, voyons, d'abord, ce qu'est le covoiturage et quelles sont les expériences américaines et ontariennes dans ce domaine. Le covoiturage est un mode de transport collectif privé où un groupe de personnes -au moins trois - travaillant au même endroit ou dans le même secteur font le trajet ensemble entre leurs résidences voisines et leur lieu de travail ou d'études. Ces personnes partagent un même véhicule et les frais associés à ces déplacements. Les usagers du covoiturage demeurent habituellement environ à une quinzaine de kilomètres (9 milles) de leur travail, s'ils font du covoiturage par automobile, et à une quarantaine de kilomètres (24 milles), s'ils font du covoiturage par fourgonnette.

Le covoiturage n'est pas du nouveau. En réalité, le covoiturage n'est pas un nouveau mode de transport. En effet, un sondage du Conseil des transports de la région de Montréal démontrait, l'été dernier, que quelque 110 000 navetteurs de la région de Montréal font du covoiturage pour se rendre à leur travail. Sur l'ensemble du Québec, cette pratique est adoptée par environ 20% des travailleurs. Soulignons ici que, pour les fins de ces statistiques, le covoiturage se définit comme étant simplement le transport régulier de plus d'une personne dans un véhicule privé. Un sondage de Covoiturage Québec, réalisé l'été dernier, démontre que près de 50% du covoiturage actuel est de type familial. En conclusion, le covoiturage se pratique déjà de façon spontanée et naturelle depuis de nombreuses années. C'est dans sa forme organisée et systématique que Covoiturage Québec propose d'en faire la promotion. Cette initiative a déjà été amorcée avec succès depuis 1973 aux États-Unis et depuis 1978 en Ontario. Le Québec peut donc bénéficier de ces expériences entreprises par ses voisins et, ainsi, éviter certaines erreurs de parcours normalement vécues lors des premiers essais.

Ce qu'est le covoiturage aux États-Unis. Aux États-Unis, comme nous le disions précédemment, le covoiturage est pratiqué de façon organisée depuis la crise du pétrole en 1973. Le gouvernement fédéral, y voyant un intérêt collectif important, s'est hautement impliqué. Entre autres, il a: rédigé une loi type pouvant être adoptée par les États pour légaliser le covoiturage (environ 40 États ont, depuis, légalisé le covoiturage); permis certains transferts de fonds alloués aux autoroutes pour permettre l'implantation de centres de covoiturage (Highway Planning Funds, UMTA Funds, etc.); créé un Centre national d'information sur le covoiturage au sein du "Department of transportation"; créé le "Executive Loan Program" pour aider au démarrage de programmes dans les entreprises; incité les employeurs à voir à ce qu'au moins 20% de leurs employés se déplacent en covoiturage; encouragé les États à offrir des incitatifs en ce qui concerne les

Commission permanente

péages, les voies réservées, les centres de regroupement de navetteurs, etc.; établi un réseau d'expertise regroupé sous deux organismes: la "National Van Pool Operators Association" et "l'Association of Ridesharing Professionals".

Les résultats témoignent de l'engagement gouvernemental. Le covoiturage se répand de plus en plus et tous les bénéficiaires s'impliquent dans l'organisation: les gouvernements étatiques, municipaux et régionaux, les commissions de transport en commun, les employeurs, certaines entreprises commerciales, les particuliers. Conséquemment, aux États-Unis, quelque 250 000 travailleurs se rendent à leur travail régulièrement en fourgonnette et ces 20 000 fourgonnettes enlèvent 150 000 automobiles de la route aux heures de pointe. Le covoiturage par automobile étant plus difficile à quantifier, le nombre exact nous échappe, mais il se situerait dans les millions d'unités.

Le covoiturage en Ontario. En Ontario, c'est le gouvernement ontarien qui a amorcé la promotion du covoiturage. Comme la plupart des provinces canadiennes et des États américains, l'Ontario a, d'abord, dû modifier son "Public Vehicles Act" en 1977 pour légaliser et déréglementer la pratique du covoiturage. Puis il a mis sur pied le "Share-A-Ride Program" au ministère des Transports et des Communications, offrant une aide-conseil et une aide technique aux employeurs désirant parrainer le covoiturage pour leurs employés. Plus de 110 unités de covoiturage par fourgonnette ont ainsi fait leur apparition dans des entreprises telles que Dofasco, Northern Telecom, 3M, Westinghouse, Bell Canada et Union Carbide. Un nombre beaucoup plus grand d'unités de covoiturage par automobile a aussi vu le jour. Comme mesure incitative additionnelle, le gouvernement ontarien a créé 25 "parkings" d'échange logeant gratuitement plus de 800 automobiles par jour et permettant aux automobilistes en solo de transférer à un point donné à des unités de covoiturage ou au transport en commun.

Finalement, on a aussi fondé le "Ontario Van Pool Organization Ltd.," une société d'État, propriétaire de 35 fourgonnettes mises à la disposition de groupes de navetteurs parcourant de longues distances pour se rendre à leur travail. Ces covoitureurs défrayent ensemble les coûts de leur fourgonnette (utilisation et immobilisation) et voyagent ainsi de façon économique.

Le covoiturage au Canada. Au Canada dans son ensemble, le covoiturage prend de l'essor. Les statistiques ne sont pas précises, mais Énergie, Mines et Ressources Canada estime à 450 le nombre d'unités de covoiturage par fourgonnette et à quelques millions le nombre d'unités de covoiturage par automobile. Plusieurs provinces canadiennes ont des lois assouplies encourageant la pratique du covoiturage. Entre autres, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, l'Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan encouragent la pratique du covoiturage.

Pourquoi faire la promotion du covoiturage? En quoi le covoiturage est-il intéressant pour la société québécoise? Nous avons déjà identifié plusieurs avantages sociaux, mais nous n'avons pas souligné ceux qui se rattachent particulièrement aux navetteurs et aux entreprises.

Les avantages pour les navetteurs: Les navetteurs voyageant habituellement seuls dans leur automobile bénéficient du covoiturage à divers niveaux, dont: les économies de transport pour se rendre à leur travail. Dépendant du kilométrage, du type de véhicule utilisé, du nombre de covoitureurs et de la formule de covoiturage, les économies varient entre 500 $ et 5000 $ annuellement. Par exemple, un groupe d'employés de la firme IBM, à Bromont, copropriétaires d'une fourgonnette, voyagent régulièrement entre Montréal et leur lieu de travail dans un véhicule à quinze places. Ils épargnent chacun plus de 3000 $ annuellement en essence, péages et entretien. Si on ajoute à cela l'économie réalisée sur l'usure accélérée de leur automobile, cette épargne annuelle s'élève à environ 5000 $, sans compter les avantages suivants: l'élimination du besoin d'une deuxième voiture et parfois même d'une voiture tout court; la réduction du stress de la conduite; le confort et la rapidité d'un véhicule privé; la fiabilité des horaires de transport; la possibilité de voyager agréablement avec des collègues de travail et des voisins, etc. (10 h 30)

Les avantages pour les entreprises. Les entreprises qui ont parrainé ce mode de transport pour leurs employés témoignent, elles aussi, des avantages qu'elles en reçoivent: économies sur la construction et l'entretien d'espaces de stationnement. (On sait qu'un espace de stationnement extérieur coûte entre 500 $ en banlieue et 2000 $ au centre-ville annuellement à un employeur; un espace intérieur peut coûter jusqu'à 6000 $); accès à une main-d'oeuvre élargie (Ceci est particulièrement avantageux pour les entreprises situées dans les parcs industriels éloignés des centre-villes); la stabilité du personnel (Il est démontré aux États-Unis que les entreprises parrainant le covoiturage ont diminué leur roulement de personnel); l'amélioration du taux d'absentéisme et de la ponctualité (Chrysler Canada, à Windsor, a réduit son taux d'absentéisme et amélioré la ponctualité des deux tiers en parrainant le covoiturage de ses employés); l'amélioration de la productivité (Il a été démontré que les employés faisant du covoiturage sont moins

stressés et plus productifs); une meilleure relation employeur-employés; une image corporative dynamique et soucieuse du bien-être de ses employés, etc.

Les avantages pour la collectivité. Nous n'insisterons pas sur les avantages que la société québécoise peut retirer du covoiturage, car nous en avons déjà identifié quelques-uns, notamment: l'optimisation des modes de transport existants; la réduction de la congestion urbaine; l'optimisation des espaces urbains; les économies d'énergie; l'amélioration de la qualité de l'air et de la vie, etc.

Nous aimerions, cependant, vous souligner aussi deux autres avantages importants: la rentabilité de l'infrastructure routière existante et les conséquences sur les assurances automobiles. En effet, le covoiturage permet aux autorités en transport d'augmenter l'accès à des ponts, des échangeurs, des routes, tout en réduisant l'achalandage sur ceux-ci. En 1970, le "Golden Gate Bridge Transportation Authority", cherchant à solutionner un grave problème d'embouteillage sur le pont Golden Gate à San Francisco, a fait une campagne dynamique pour promouvoir le covoiturage des navetteurs. Le résultat est que, en 1980, 10 000 navetteurs additionnels circulaient quotidiennement sur le pont, et ce sans augmenter le nombre de véhicules transporteurs.

En ce qui a trait aux assurances, nous aimerions souligner au gouvernement que le covoiturage réduit le risque d'accidents sur les routes, car une unité de covoiturage par fourgonnette enlève en moyenne huit automobiles de la route, alors qu'une unité de covoiturage par automobile en enlève de deux à trois; il est prouvé que le conducteur d'une unité de covoiturage est plus conscient de la responsabilité qu'il accepte et, conséquemment, sa conduite est plus prudente. À cet effet, l'expérience américaine démontre que les unités de covoiturage ont une moyenne d'accident de 3,76 par million de milles parcourus, comparativement à 6,36, soit presque le double, pour les autres véhicules automobiles.

De plus, les passagers d'une unité de covoiturage ont habituellement une automobile pour leurs besoins personnels et payent leur prime d'assurance de toute façon, ce qui bénéficie à la Régie de l'assurance automobile du Québec et aux assureurs privés, tout en réduisant le risque d'accidents. Notons à ce chapitre que, depuis la mise en place en 1978 du système d'assurance automobile actuel, il n'y a aucune crainte à avoir au niveau des assurances pour les navetteurs en ce qui a trait au covoiturage.

La situation actuelle du covoiturage au Québec. Comme nous le disions précédemment, le covoiturage se pratique déjà au Québec depuis bon nombre d'années. Un relevé de Statistique Canada indique que près de 500 000 travailleurs québécois se rendent régulièrement à leur travail en faisant du covoiturage. Il reste, cependant, que plus d'un million de Québécois voyagent encore seuls dans leur voiture pour faire le trajet entre leur résidence et leur lieu de travail. Ce sont ces automobilistes en solo que Covoiturage Québec tente présentement de rejoindre.

Les objectifs de Covoiturage Québec. Comme vous le savez déjà, Covoiturage Québec est un organisme à but non lucratif subventionné par le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec. Son intérêt et son mandat résident dans la promotion et l'organisation du covoiturage parmi les travailleurs afin d'augmenter le transport collectif au Québec. Pour ce faire, Covoiturage Québec a choisi de rejoindre les automobilistes par le biais de leurs employeurs. Nous nous adressons donc présentement aux grandes entreprises peu ou pas desservies par le transport en commun ou à celles dont le covoiturage peut résoudre un problème de stationnement.

Les entreprises déjà impliquées ou intéressées. Malgré le fait que la situation légale du covoiturage ne soit pas encore clarifiée, plusieurs entreprises québécoises ont déjà réalisé des projets de covoiturage. À titre d'exemple, la compagnie Canadian Marconi, à ville Mont-Royal, est présentement à instaurer, avec l'aide de Covoiturage Québec, un projet de covoiturage par automobile pour ses employés. Quelque 300 employés, voyageant en automobile, ont déjà manifesté le désir de covoiturer. Pour sa part, la compagnie s'est engagée à offrir un stationnement gratuit à ces covoitureurs. La compagnie Pratt & Whitney, à Longueuil, a organisé plus de 200 unités de covoiturage par automobile en offrant un stationnement réservé près de la porte d'entrée à ses employés faisant du covoiturage. Soulignons que cet incitatif est intéressant puisque le parc de stationnement chez Pratt & Whitney s'étend sur une superficie rectangulaire de 0,7 mille. La compagnie IBM, à Bromont, est présentement à organiser le même type de covoiturage pour ses employés. À cet effet, il est intéressant de rappeler qu'un groupe de quinze employés de cette compagnie, habitant à Montréal, a acheté une fourgonnette en copropriété pour couvrir économiquement les 22 000 milles parcourus annuellement pour se rendre à leur travail. À l'École polytechnique de Montréal, un projet de covoiturage monté par les étudiants en génie a produit quelque 80 unités de covoiturage. Chez Marine Industrie, à Sorel, c'est le syndicat qui a fait le travail nécessaire pour regrouper des travailleurs en covoiturage. D'autre part, la compagnie Bell Canada s'est engagée à réaliser un projet

expérimental de covoiturage par fourgonnette lorsque la loi permettra officiellement le covoiturage avec rémunération. D'autres entreprises sont aussi prêtes à s'impliquer.

Cet intérêt des entreprises envers le covoiturage est assez important en Amérique du Nord, puisqu'un sondage récent du "National Association of Van Pool Operators" indique que plus de 700 employeurs nord-américains parrainent déjà le covoiturage par fourgonnette pour leurs employés. Un nombre encore plus grand organise du covoiturage par automobile.

Les autres organismes intéressés. D'autres organismes et regroupements sont aussi intéressés par le covoiturage. Les villes de Bernières et de Sainte-Julie offrent un service de regroupement à leurs citoyens se rendant à Québec et à Montréal pour leur travail. Le ministère des Transports du Québec a déjà envisagé le covoiturage comme un des éléments de solution à un problème de congestion routière occasionné par les travailleurs de l'Alcan, à Arvida. Le CLSC de Terrebonne a tenu une séance d'information et entrepris un service de regroupement pour les citoyens de la région. La société de télédiffusion Radio-Québec s'est engagée à faire une série d'émissions sur le covoiturage dès que cette pratique sera légalisée. Des organismes aussi importants que la Chambre de commerce de Montréal, le "Board of Trade of Montréal", le Club automobile du Québec, la Commission d'initiative et de développement de Montréal (CIDEM), la Société pour le progrès de la rive sud, Sociétal, l'Association québécoise du transport et des routes, regroupant à eux seuls des milliers de membres, supportent aussi le covoiturage et les activités entreprises par notre organisme pour en faire la promotion.

Le contexte légal actuel au Québec. Toutefois, comme vous le savez déjà, le contexte légal actuel du covoiturage au Québec est présentement ambigu. L'article 36 de la Loi sur les transports exige qu'un permis soit émis par la commission à ceux qui offrent des services en transport moyennant rémunération. Or, la commission n'a pas de permis explicite au covoiturage. Que doit faire un citoyen voulant se conformer à la loi? M. Jean-Claude Doyon, de Saint-Guillaume, a vécu cet imbroglio légal. Il a voulu se conformer à la loi actuelle et a dû attendre cinq mois, prendre congé de son travail et embaucher un avocat pour enfin obtenir un permis de transport saisonnier de la Commission des transports du Québec. Soulignons qu'il voulait transporter des collègues de travail en fourgonnette, dans une région où le transport en commun est inexistant. Cette ambiguïté légale sème de la crainte chez les navetteurs et chez certaines entreprises intéressées au covoiturage.

La place du covoiturage dans le transport au Québec. Avant de terminer, nous aimerions vous renseigner brièvement sur la clientèle visée par le covoiturage, sur les formes que peut prendre le covoiturage et sur les contrôles que la Loi sur les transports devrait imposer au covoiturage afin qu'il complémente les industries du taxi et du transport en commun.

La clientèle visée par le covoiturage. En ce qui a trait à la clientèle, le covoiturage est avantageux pour les travailleurs et étudiants qui n'ont pas accès au transport en commun, pour qui le transport en commun n'est pas pratique ou qui doivent parcourir des distances supérieures à une quinzaine de kilomètres pour se rendre à leur lieu de travail ou d'études. Le covoiturage est particulièrement avantageux pour les automobilistes voyageant seuls, pour les entreprises situées en banlieues éloignées, pour les entreprises où le transport des employés crée des problèmes et pour les commissions de transport voulant rentabiliser leurs activités alourdies par l'obligation de desservir des zones urbaines à faible densité de population.

À San Francisco, on a calculé que, dans certaines régions, il n'en coûte que 0,25 $ à 0,35 $ par siège pour organiser du covoiturage par opposition à 1,47 $ par siège pour fournir un autobus additionnel aux heures de pointe.

L'impact sur le transport urbain. Avant de parler des types de covoiturage qui pourront se faire officiellement au Québec après l'adoption d'un amendement à l'article 36 de la Loi sur les transports, rappelons que le covoiturage est un mode de transport collectif privé. Il ne demande aucun investissement en immobilisations de la part du secteur public. Il aide aussi aux commissions de transport à régulariser leur achalandage aux heures de pointe, qui demande de grands investissements pour satisfaire aux besoins de quelques heures seulement, finalement, le covoiturage des travailleurs décongestionne les centre-ville et aère la circulation urbaine dense entre 7 heures et 9 heures et entre 16 heures et 18 heures.

Les formes de covoiturage. Trois formules sont utilisées pour le covoiturage: le covoiturage par automobile, le covoiturage par fourgonnette et le covoiturage par taxi. Le covoiturage par automobile se fait habituellement entre voisins ou travailleurs d'une même entreprise avec l'automobile d'une seule personne ou en alternant l'utilisation des véhicules des covoitureurs. Le covoiturage par fourgonnette est soit parrainé par l'entreprise, par les employés ou par un particulier qui achète ou loue un véhicule à 12 ou à 15 places à ces fins. Pour faire du covoiturage par taxi, on établit une entente avec une compagnie ou un

chauffeur de taxi pour le transport régulier d'un groupe de personnes. Cette formule s'appelle taxi collectif. Covoiturage Québec s'engage à faire connaître ces trois formes de covoiturage aux travailleurs québécois.

Les éléments de contrôle que pourrait prévoir la loi. Nous avons démontré dans ce mémoire que le covoiturage a sa place dans un système global de transport intégré au Québec. Nous sommes aussi d'avis que le gouvernement du Québec devrait prévoir certains contrôles à la pratique du covoiturage afin qu'il s'intègre et complète harmonieusement les autres modes de transport existants, tels que le taxi et le transport en commun. À cet effet, il nous semble approprié de vous suggérer de vous inspirer de la réglementation sur le covoiturage mise de l'avant par le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Cette réglementation exige que les covoitureurs respectent certaines clauses dont, un maximum de quinze places assises dans la fourgonnette; pas plus d'un aller-retour par jour; un propriétaire ou un locataire de véhicule automobile utilisé à des fins de covoiturage ne peut posséder ou louer un autre véhicule automobile aux mêmes fins, à moins qu'il ne soit l'employeur de la majorité des covoiturés qui voyagent dans chaque véhicule; les passagers ne peuvent pas payer le tarif plus souvent qu'une fois par semaine; les unités de covoiturage doivent se soumettre aux exigences de la loi des véhicules automobiles.

Si ces conditions sont remplies, aucune immatriculation commerciale ou aucun permis de la Commission des transports ne sont requis. Selon cette province, de telles conditions assurent un contrôle sur les activités du covoiturage et protègent le transport public contre toute forme d'abus.

Nos recommandations au gouvernement du Québec. À la lumière des éléments que nous venons d'exposer dans ce mémoire et sachant que le covoiturage offre des avantages intéressants aux navetteurs, aux entreprises publiques et privées et à la collectivité; que le covoiturage est un élément essentiel d'un plan de transport global; que le covoiturage est un mode de transport complémentaire aux modes de transport publics et privés existants; que le covoiturage n'entraîne pas de nouveaux investissements de la part du gouvernement et devient même un service à la collectivité; que le covoiturage se pratique déjà par des centaines de milliers de Québécois, nous endossons la proposition gouvernementale exposée dans De nouvelles avenues pour le taxi quant à l'élimination des obstacles institutionnels et légaux sur la pratique du taxi collectif et du covoiturage et nous endossons aussi le gouvernement dans sa proposition de faire la promotion du covoiturage.

(10 h 45)

En foi de quoi, nous recommandons au gouvernement du Québec qu'il amende l'article 36 de la Loi sur les transports afin que le covoiturage par automobile et par fourgonnette, avec un maximum de 12 à 15 places, soit légal sans obtention de permis de la Commission des transports du Québec; deuxièmement, qu'il accorde une priorité à ce projet de loi afin qu'il soit déposé et adopté au cours de la prochaine session de l'Assemblée nationale; troisièmement, qu'il adopte des éléments de contrôle pour le covoiturage, similaires à ceux existant au Nouveau-Brunswick, afin de protéger les industries de transport existantes; quatrièmement, qu'il recommande, dans le cadre de la juridiction provinciale, des mesures incitatives, réglementaires ou autres, visant à favoriser le développement du covoiturage telles que des taux de péage préférentiels, des campagnes de promotion, etc; cinquièmement, qu'il encourage les autres intervenants du domaine tels que les municipalités et les organismes de transport public à épauler la politique provinciale en ce domaine par des mesures complémentaires relevant de leur juridiction particulière, à savoir des artères réservées, des aires de stationnement particulières, des "parkings" d'échange, etc.

Si vous avez des questions, il me fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, d'abord, quelques mots pour remercier M. Quilbault et Mme Forgues, de l'Association Covoiturage Québec Inc., d'être venus passer leur message quant à la légalisation du covoiturage. Je dois dire, M. le Président, que j'ai eu l'occasion de discuter avec le conseil d'administration de l'Association Covoiturage Québec Inc. jeudi ou vendredi de la semaine dernière.

En fait, je pense que, parmi les parlementaires, des deux côtés de la table, tout le monde s'entend sur la nécessité et sur les avantages de légaliser le covoiturage au Québec. Je pense qu'on pourrait faire nôtres la plupart des commentaires qui se retrouvent dans le mémoire. Le seul obstacle qui demeure sur la route de la légalisation du covoiturage, c'est l'opposition traditionnelle - qui semble, cependant, s'être atténuée - du milieu du taxi. Je sais que vous vous êtes penchés sur cette question des impacts possibles de la légalisation du covoiturage sur le secteur du taxi. J'aimerais, plutôt que de poser plusieurs questions, vous donner l'occasion de nous communiquer les résultats de l'analyse que vous avez faite d'un impact possible sur le taxi, si on légalise le covoiturage.

M. Guilbault: M. le Président, nous avons essayé de répondre à ces questions. Évidemment, cela demanderait beaucoup de recherches et les statistiques en ce sens ne sont pas nombreuses en ce moment. Cela nous demanderait beaucoup plus de recherches pour répondre, avec une certaine précision, à certains arguments soulevés par les associations de taxis. Nous avons déjà eu une rencontre avec elles pour discuter des divergences de vues entre les deux organisations. Nous nous sommes promis de nous rencontrer encore pour en discuter et pour essayer quand même de faire en sorte que les deux associations puissent se compléter et non pas se nuire. D'ailleurs, dans notre approche en tant qu'organisme également sans but lucratif et en tant que service à la collectivité, loin de nous l'intention de vouloir nous substituer autant au taxi qu'au transport en commun.

Alors, si on regarde l'impact du covoiturage sur l'industrie du taxi, il est pratiquement nul si on considère que. seulement 1% des navetteurs utilisent le taxi pour se rendre à leur lieu de travail. En plus, l'utilisation du taxi se fait à 84% pour des distances de moins de deux milles. On mentionnait au début que le covoiturage voulait essentiellement desservir les gens qui voyageaient plus de neuf milles pour se rendre à leur lieu de travail ou à leur milieu d'études. De plus, le covoiturage s'adresse à 49% des navetteurs qui se rendent seuls dans leur voiture à leur lieu de travail. Le covoiturage est aussi intéressant pour ceux qui parcourent de bonnes distances, comme je viens de le mentionner.

Ce sont les réponses que nous formulons, les arguments que nous avançons pour prouver que le covoiturage ne peut nuire à l'industrie du taxi. Au contraire, notre rôle de promotion, qui vise à aller chercher essentiellement les voyageurs en solo dans leur voiture, va plutôt aider l'industrie en général et favoriser le transport en commun.

M. Clair: Dans ce sens-là, ai-je bien compris que, s'il y avait légalisation du covoiturage, l'une des formes du covoiturage étant l'utilisation du taxi collectif, toute initiative de promotion qui serait mise de l'avant par votre association porterait également sur la promotion du taxi collectif comme tel?

M. Guilbault: C'est cela. D'ailleurs, c'est déjà prévu dans notre plan de promotion du covoiturage, et avec des spécialistes en communications également, de faire ressortir non seulement le covoiturage comme tel, mais le taxi collectif et le transport en commun également. Il n'est nullement question pour le covoiturage de vouloir accaparer la clientèle actuelle des transports en commun.

M. Clair: Le 18 février dernier, vous m'avez fait parvenir un petit document intitulé Quelques éléments de réponse à la question portant sur l'impact du covoiturage sur l'industrie du taxi au Québec. Est-ce que vous avez objection à ce que ce soit versé au dossier des membres de la commission, pour informations additionnelles, avec le mémoire qui a été produit ou est-ce que cela a été adressé à tous les membres de la commission?

M. Guilbault: Non, nous n'avons pas d'objection à ce que vous le déposiez pour tous les membres.

M. Clair: J'en ferai faire des photocopies et je les distribuerai.

M. Bissonnet: Cela nous fait plaisir. M. Clair: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer de nouveau M. Guilbault et Mme Forgues, qui ont pris l'excellente habitude de venir lorsque la commission parlementaire des transports siège.

Je dois dire, en premier lieu, que le Parti libéral ne peut qu'applaudir à toute initiative visant la promotion du transport collectif privé, donc ne nécessitant aucun investissement public. On peut dire que cette politique s'inscrit bien dans la philosophie même du Parti libéral, qui privilégie autant que c'est possible l'initiative et l'entreprise privée et qui considère l'État comme ayant un rôle supplétif dans ce domaine-là, bien qu'essentiel, il faut le reconnaître.

On connaît, en effet, les énormes déficits qu'accumulent les commissions de transport public. Le ministre des Transports est là pour en témoigner; son budget en souffre annuellement de plusieurs centaines de millions. Je pense que tout ce que l'industrie privée peut faire pour alléger le transport public doit être considéré comme une façon de diminuer les coûts si, effectivement, on peut arriver à cet objectif-là.

Je pense que votre organisme ne vit pas que de l'air du temps. Pourriez-vous nous dire exactement comment vous existez, où vous prenez les fonds pour pouvoir exercer vos fonctions actuelles?

M. Guilbault: L'association a obtenu sa charte en 1981 et a commencé ses activités en mai 1982. Les fonds, puisqu'on est un organisme sans but lucratif, nous viennent de subventions du gouvernement fédéral, soit

110 000 $ par année, plus des contributions du gouvernement provincial également en tant que bureaux mis à notre disposition, équipement de bureau, argent pour produire des documents d'information auprès de la population. Les deux gouvernements nous fournissent ce genre d'aide.

Pour le moment, cette aide nous a suffi puisqu'il s'agissait d'un départ, de faire un travail de base, mais cela ne nous permet pas d'avoir plus de trois permanents dans notre organisation. Nous sommes seulement trois à temps plein et on peut voir, d'après les quelques contacts que nous avons eus avec certaines entreprises, que nous n'aurons pas suffisamment de fonds pour faire le travail de déblayage et d'organisation de base requis pour faire démarrer dans une entreprise un système de covoiturage. Évidemment, ce sera à nous de nous adresser à nouveau aux organismes gouvernementaux pour faire augmenter cette aide en leur présentant un plan d'action très précis indiquant ce qu'on veut faire, où on veut aller et déterminant à quel endroit une certaine aide financière ou un support quelconque pourrait nous être utile.

M. Bourbeau: Vous avez dit que vous receviez une subvention de 110 000 $ par année du gouvernement fédéral. Est-ce que votre organisme fait du travail en dehors du Québec ou si ses activités sont restreintes au Québec seulement?

M. Guilbault: C'est strictement au Québec.

M. Bourbeau: Seulement au Québec.

M. Guilbault: Ces sommes d'argent sont données pour développer le covoiturage au Québec.

M. Bourbeau: Si vous voulez, on va parler un peu des fourgonnettes. Vous avez bien mentionné dans votre mémoire qu'il y a trois façons de pratiquer le covoiturage: l'automobile privée - on connaît assez bien ce genre de covoiturage - et aussi les fourgonnettes. C'est un petit autobus, je présume, genre minibus acheté par l'un des covoitureurs ou par l'ensemble des navetteurs et qui sert à l'usage de tout le monde. En général, est-ce toujours le même conducteur ou si chacun des navetteurs prend le volant à tour de rôle?

M. Guilbault: On retrouve les deux. Si le propriétaire est seul, comme cela arrive dans bien des cas, c'est lui qui prend la charge, c'est lui qui conduit, mais il faut toujours un remplaçant en cas d'absence ou de maladie. Il y en a d'autres qui se regroupent et chacun, à tour de rôle, se fait conducteur. Ici, il faut noter que, pour conduire un autobus de 12 à 15 places, il faut un permis spécial du ministère des Transports. Ce n'est pas tout le monde qui a ce permis et qui peut passer l'examen requis pour obtenir ce permis. C'est une question que chaque compagnie ou chaque organisme devra étudier en fonction de ses besoins. Il y a également des entreprises qui se proposent d'acheter ou de louer des autobus pour les mettre à la disposition de leurs employés. Là aussi, j'imagine qu'il y aura quelqu'un d'attitré, mais on n'a pas assez d'expérience vécue encore pour le savoir. On s'aperçoit, d'après l'expérience vécue ailleurs, que cela se fait des deux façons.

M. Bourbeau: Dans le cas d'une fourgonnette qui appartient à un seul propriétaire, qu'est-ce qui arrive si le propriétaire est malade, un bon jour? En général, est-ce que des arrangements se font d'avance entre les navetteurs pour qu'un autre puisse prendre la relève? Je vous pose des questions de détail, mais c'est intéressant, pour ceux qui n'ont pas d'expérience, de voir comment cela fonctionne.

M. Guilbault: Je vais laisser Ginette répondre à cela, elle est plus au courant de ces problèmes que je ne le suis dans le moment.

M. Bourbeau: Elle est experte sur le terrain?

M. Guilbault: Oui.

Mme Forgues (Ginette): Habituellement, il y a un conducteur substitut. On lui offre habituellement des avantages, c'est-à-dire qu'il ne paie pas le transport entre sa résidence et son travail. C'est l'avantage qu'on lui donne.

M. Bourbeau: Cela m'amène, justement, à ma question suivante. Est-ce que le propriétaire du véhicule fait un profit avec ses conavetteurs ou si c'est simplement sur une base de remboursement des coûts?

Mme Forgues: C'est habituellement sur une base de remboursement des coûts. Ce sont des coûts variables et des coûts fixes. Ils sont tout simplement répartis entre le nombre de navetteurs qui utilisent ce véhicule.

M. Bourbeau: Quand on parle d'un contrat d'adhésion, je présume que le propriétaire du véhicule propose un tarif à ses conavetteurs et que chacun accepte ou refuse selon le cas. C'est cela?

Mme Forgues: Exactement. Cela se fait comme dans la libre entreprise. Si le tarif

est intéressant, les navetteurs utilisent ce moyen de transport.

M. Bourbeau: Qu'est-ce qui arrive si, à un moment donné, les navetteurs trouvent que le tarif est trop élevé en cours de route et décident d'abandonner? Y a-t-il un contrat de signé entre ces gens ou si c'est simplement verbal?

Mme Forgues: Habituellement, il n'y a pas de contrat, à moins qu'ils ne soient copropriétaires ou colocataires. S'ils sont copropriétaires, chacun a un intérêt particulier et, de toute façon, il n'y a pas de problème parce que les dépenses sont vraiment réparties également entre chacun des propriétaires et les livres sont ouverts. Si c'est un propriétaire qui transporte d'autres gens, habituellement, il n'y a pas de contrat, c'est une entente à l'amiable. C'est du transport simple et privé.

M. Bourbeau: N'y a-t-il pas un danger que les commissions de transport public voient dans ce genre de transport une forme de concurrence? Quand on parle des fourgonnettes, ce sont, quand même, de petits autobus. Avez-vous remarqué une forme d'hostilité de la part des commissions de transport ou s'il n'y a pas de problème? Dans votre mémoire, vous sollicitez l'aide des commissions de transport pour mettre sur pied le système. Est-ce que vous pourriez dire quelques mots là-dessus? (11 heures)

Mme Forgues: On n'a pas eu d'hostilité, non, de la part des commissions de transport parce que, d'une part, on s'adresse aux régions où le transport en commun n'existe pas ou est inadéquat. Les commissions de transport reconnaissent, finalement, si vous voulez, notre mode de transport comme étant essentiel et nécessaire.

M. Bourbeau: La réponse que vous me faites m'étonne parce que, dans votre mémoire, vous citez toute une série d'expériences avec de grosses entreprises dans la région de Montréal: Pratt & Whitney, Bell Canada. Il m'est apparu que la plupart sont dans la région de Montréal. Ce n'est certainement pas une région où le transport en commun n'est pas organisé. C'est le contraire.

Mme Forgues: II faut comprendre que beaucoup d'employés viennent de l'extérieur de Montréal. Ils partent, vous savez, de Saint-Bruno, de Sainte-Julie et ils doivent utiliser leur voiture personnelle pour se rendre à leur travail. C'est dans ce sens que des employeurs de la région de Montréal s'intéressent au covoiturage. Maintenant, quand on parle de Canadian Marconi, par exemple, il faut savoir que chez Canadian

Marconi il y a 2500 employés et nous sommes en train d'organiser du covoiturage pour 300 employés. Ce sont 300 employés qui habitent dans des régions où le transport en commun n'existe pas ou n'est pas pratique pour eux parce que pour certaines personnes, il y a de deux heures à deux heures et demie d'autobus à faire pour se rendre à leur travail. Donc, cela n'a pas d'allure. Ils prennent leur voiture.

M. Bourbeau: II y a une certaine similitude entre le taxi collectif à contrat et le covoiturage; il me semble que c'est pas mal la même chose. C'est un véhicule qui est utilisé par trois, quatre personnes, sauf que, dans le cas du taxi, le chauffeur n'est pas un des navetteurs. Vous faites la promotion de ce genre de covoiturage même si ce n'est pas exactement du covoiturage, enfin, comme les deux autres formes de covoiturage. Dans un cas, les navetteurs sont propriétaires du véhicule et fournissent la main-d'oeuvre, si je puis dire, alors que, dans l'autre cas, cela prend plutôt un transport public. Cela ne vous crée pas de problème de promouvoir ce genre-là?

Mme Forgues: Non. Nous disons aux gens que c'est du covoiturage avec chauffeur. C'est tout. C'est une forme de transport collectif et nous favorisons toutes les formes de transport collectif.

M. Bourbeau: Est-ce que le fait qu'un navetteur devienne tout à coup un chauffeur de véhicule public, enfin, semi-public ne crée pas de problème avec les syndicats? Je vous pose la question comme cela parce qu'on pourrait dire que c'est un job qui est enlevé à un chauffeur d'autobus pour être accaparé par quelqu'un, un individu à cette étape.

Mme Forgues: Nous n'avons pas eu de manifestation de la part des syndicats probablement parce qu'ils le voient aussi comme un service aux employés. Les employés que la compagnie aide à former des unités de covoiturage apprécient cette aide qui leur est donnée de la compagnie. En ce sens, nous avons rencontré, par exemple, les trois syndicats de la compagnie Canadien Marconi et ils étaient complètement favorables. Mais là vous parlez des syndicats, j'imagine, des compagnies d'autobus.

M. Bourbeau: Oui.

Mme Forgues: Non, on n'a pas eu de manifestation de leur part.

M. Guilbault: On pourrait peut-être ajouter ici que l'Association Covoiturage a déjà prévu, au niveau de son conseil, un membre de la Commission de transport, justement, pour éviter ces conflits.

Deuxièmement, la clientèle que l'on vise n'est pas du tout celle qui est visée par le taxi collectif, du moins dans ce que je peux comprendre, puisque nous, nous allons seulement en dehors des zones de transport en commun, et pour les employés qui n'ont pas d'autres choix que celui-là. Je ne sais pas si le taxi collectif circule à l'intérieur des zones de transport en commun qui est beaucoup différent de la clientèle que l'on vise.

M. Bourbeau: Dernière question. Dans votre document, vous faites des suggestions pour promouvoir le covoiturage et, en fait, vous citez des exemples un peu partout. Parmi ces suggestions, vous faites état d'expériences américaines où on a utilisé les voies réservées sur les ponts, par exemple, ou sur les grandes artères pour favoriser le covoiturage. Est-ce que vous pourriez dire quelques mots là-dessus?

M. Guilbault: Je ne peux pas vous parler d'une expérience sur les voies réservées. Probablement que Ginette s'est informée beaucoup sur cela. Les incitatifs que nous envisageons du gouvernement, il y en a, évidemment, toute une série. L'Association Covoiturage a quand même essayé de réduire ses demandes à quelques points particuliers. Ces incitatifs tiennent compte des différentes clientèles que nous voulons desservir. Nous voulons desservir les navetteurs, qui est une des clientèles; les employeurs aussi qui, eux, ont intérêt également a encourager le covoiturage. Mais on veut aussi demander des incitatifs qui ne relèvent pas nécessairement du gouvernement comme tel. Cela peut relever d'un autre niveau de gouvernement et cela peut relever des entreprises également. Ce sont tous ces incitatifs que nous avons essayé de regrouper en un nombre limité au départ, en tout cas, pour nous aider à faire démarrer le covoiturage. On pourrait s'étendre davantage sur cela si le temps le permet, mais je ne sais pas si vous voulez aller plus loin.

M. Bourbeau: Pas nécessairement, sauf que, lorsqu'on voyage un peu aux États-Unis, on voit parfois aux abords des grandes villes des affiches qui indiquent que certaines artères ou certaines sections de l'autoroute sont réservées, à une heure précise, aux automobiles où il y a deux, trois personnes ou plus. Je voudrais savoir si, dans vos recherches, vous avez pu constater que cela fonctionne bien, que c'est rentable pour la collectivité, ce genre de traitement réservé aux gens qui font du covoiturage.

Mme Forgues: En effet, on se rend compte que les incitatifs qui affectent la rapidité du transport sont très appréciés, par exemple, les voies réservées. Il y a des exemples à Washington, à Houston, à Miami et en Californie, comme vous l'avez vu. Dans les zones où c'est congestionné, ces incitatifs encouragent la pratique du covoiturage parce que c'est beaucoup plus rapide. Ces voies sont réservées aux automobiles qui transportent trois personnes ou plus. Un autre incitatif qui aide beaucoup les navetteurs, ce sont les péages gratuits, parce qu'à ce moment-là ils n'attendent pas en ligne pour payer. Ils filent tout droit au péage. Il y a un sondage, d'ailleurs, qui a été fait l'été dernier par le COTREM, qui démontrait que les gens ne prennent pas le transport en commun parce qu'ils trouvent que l'automobile est plus rapide, plus souple et plus confortable. Les péages gratuits et les voies réservées répondent justement à la rapidité que les navetteurs recherchent. Cela leur permet de filer plus rapidement.

M. Bourbeau: Je vous remercie.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Bonjourl M. Guilbault, j'aimerais vous poser une question, parce que tout en étant très intéressée par le covoiturage et le transport collectif d'ailleurs, je vous l'ai signifié dernièrement -j'ai aussi des inquiétudes. En effet, quand je sais qu'une compagnie s'organise pour faire du covoiturage pour ses employés, je me dis: La personne qui va conduire la fourgonnette ou l'automobile est un employé d'une compagnie. Donc, pour elle, ce n'est pas son gagne-pain comme c'est le cas pour les chauffeurs de taxi. Je m'inquiète un peu à ce sujet. Je me dis toujours que c'est bon qu'on en fasse la promotion sous toutes ses formes, mais pensez-vous - je ne sais pas si vous pourriez me répondre là-dessus - que vous allez mettre l'accent sur le transport collectif afin qu'il soit surtout utilisé de façon à être plus rentable pour les chauffeurs de taxi? On est ici aussi pour parler de la rentabilité du taxi à Montréal. Je me dis que, pour le chauffeur de taxi, c'est son seul gagne-pain. Je ne voudrais pas que, quand même, toutes les compagnies et aussi toutes les petites compagnies se joignent à cela et que, finalement, cela ôte encore du marché au taxi à Montréal. J'aimerais que vous m'éclairiez à ce sujet.

M. Guilbault: Je ne sais pas si j'ai bien saisi votre question. Évidemment,

Covoiturage Québec n'est pas là pour réaliser des profits. Ce n'est pas à but lucratif, de toute façon. On n'intervient pas au niveau des chauffeurs de taxi pour leur faire concurrence dans ce sens-là. Ce que nous recherchons, ce sont des gens qui désirent un transport collectif et qui n'ont pas le choix d'un transport en commun satisfaisant. Le

taxi collectif, pour eux, devient beaucoup plus onéreux. Donc, ils ne peuvent pas, financièrement, s'en servir comme tel. On leur offre une alternative qui, au moins, va les satisfaire du côté financier, de sorte qu'ils vont payer ce que cela coûte. Ils n'auront pas à prévoir un salaire pour conduire le véhicule. Évidemment, s'ils choisissent d'avoir un chauffeur et de payer le chauffeur, cela s'ajoutera à leurs coûts. Ce sera à eux de le décider. Mais ce qui est prévu par Covoiturage Québec, c'est qu'ils s'organisent ensemble et défraient les coûts du transport; non pas de réaliser un profit à la fin de la semaine ou de l'année.

Je ne sais pas si cela répond à votre question. Je sais que la marge est assez étroite; il peut y avoir du covoiturage avec profit, j'imagine qu'il pourrait s'en glisser, mais ce n'est pas la formule que nous proposons. Ce serait peut-être là qu'il faudrait avoir une certaine réglementation. On ne cherche pas à avoir une réglementation. La seule raison pour laquelle on parle de réglementation dans cette loi, c'est pour assurer les compagnies de taxi collectif, de taxi en général et les transports en commun que nous ne sommes pas là pour empiéter sur leur domaine. Alors, on se dît: On va mettre des règles du jeu beaucoup plus précises pour limiter et diminuer les interférences dans ce sens. Mais, de toute façon, on préférerait ne pas avoir de réglementation.

Le Président (M. Brouillet): Une dernière question, M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Lors de l'audition des mémoires sur le transport de la région de Montréal, au mois d'octobre - la ville de Repentigny est assez avancée dans le domaine du covoiturage - je me rappelle les propos du maire de la municipalité qui disait que cela devenait très rentable pour celui qui offrait sa voiture à des voisins qui travaillaient pas nécessairement à la même compagnie, mais dans le même secteur. Selon ce que j'ai compris tantôt, vous voulez développer le système de covoiturage dans des régions où le transport en commun n'existe pas ou à peu près pas.

Je ne sais pas si vous avez eu - je vais me faire l'interprète des chauffeurs de taxi -des communications, par exemple, avec la compagnie Bell Canada. Cette compagnie alimente beaucoup l'industrie du taxi dans la région de Montréal, plus particulièrement le soir alors que, aux changements d'équipes, on favorise le développement du taxi. Il y a, peut-être, 200 à 250 voyages entre 23 h 30 et 0 h 30, car Bell Canada paie le taxi pour ses employés, après une certaine heure, selon leur convention collective, pour les retourner chez eux.

La première question que je me pose est: Pour Bell Canada, cela devient peut-être très intéressant d'essayer d'impliquer un de ses employés à l'intérieur d'un service pour véhiculer quatre ou cinq employés à ces heures. C'est là que cela surgit, à mon avis, un conflit; il y aura un manque à gagner de façon inévitable si Bell Canada s'engage dans un tel système.

Lorsque vous me parlez d'Econoline ou de camion pour dix à douze passagers, cela m'inquiète. Évidemment, s'il n'y a pas de transport en commun dans une région, c'est presque un bienfait d'avoir un système de véhicules du genre Econoline, mais lorsqu'on tombe dans la région de Québec ou dans la région de Montréal où il y a du transport en commun, je vois d'un bon oeil une voiture familiale, mais, lorsqu'on parle d'un autre type de véhicule, j'ai certaines restrictions. (11 h 15)

Dans les recherches que vous avez faites dans d'autres municipalités ou dans d'autres provinces où le système de covoiturage est légalisé, est-ce que évidemment, cela ne fait pas longtemps que vous fonctionnez - vous avez des statistiques pour savoir si ce sont plutôt des voitures familiales ou si on essaie de développer le système d'Econoline ou de fourgonnette, comme mon collègue, le député de Laporte, le mentionnait? À titre d'exemple, vous m'avez parlé de Marconi tantôt, mais je veux parler de Bell Canada: je me pose des questions pour l'industrie du taxi à cet égard. Deuxièmement, avez-vous des statistiques pour savoir quelle sorte de véhicules on utilise dans les endroits où le covoiturage est devenu - cela existe beaucoup au Québec actuellement - un moyen de transport que la population avantage? Troisièmement, comment allez-vous oeuvrer à l'intérieur de votre association pour nous assurer que vous allez plutôt vous diriger vers les endroits où le transport en commun n'existe pas ou presque pas?

Mme Forgues: II semble y avoir deux ou trois questions. Pour la première question, en ce qui concerne Bell Canada, nous pouvons vous assurer que le projet expérimental se fait avec les employés de jour, premièrement, et non avec ceux de nuit pour lesquels Bell Canada accorde des contrats aux compagnies de taxi. Maintenant, Bell Canada veut tenter deux expériences pilotes dans des régions où le transport en commun n'existe pas ou est inadéquat, par exemple à Granby et dans son bureau de Dorval. Je ne sais pas si cela répond à votre question. Vraiment, cela ne touche absolument pas les ententes avec les taxis à Montréal.

En ce qui a trait aux fourgonnettes, il faut savoir que le transport en covoiturage

par fourgonnette est intéressant seulement lorsqu'il y a une grande distance à parcourir, lorsqu'il y a un nombre suffisant de personnes pour remplir cette fourgonnette, parce que les coûts d'achat d'une fourgonnette sont assez appréciables. On ne peut absolument rien avoir en bas de 15 000 $. En d'autres mots, ce n'est pas intéressant dans les centres urbains de s'acheter une fourgonnette et de faire du covoiturage par fourgonnette. C'est seulement intéressant, par exemple, pour les employés de Bromont qui habitent à Montréal et qui parcourent 22 000 milles par année; pour eux, c'est vraiment intéressant de faire du covoiturage par fourgonnette. Pour ce mode de transport, les conditions économiques dictent seules, finalement, la façon dont cela sera utilisé.

Maintenant, en ce qui a trait aux statistiques, il est évident qu'il y a un beaucoup plus grand nombre d'unités de covoiturage par automobile que par fourgonnette, justement à cause des raisons qu'on a données précédemment. C'est donc le mode de covoiturage le plus utilisé.

M. Bissonnet: Merci.

M. Clair: M. le Président, en terminant, j'ai vu des gens sourciller tantôt, surtout dans le coin à droite, du côté des journalistes, quand ils ont appris que l'Association Covoiturage Québec était subventionnée par les deux gouvernements. Comme on parle de légalisation du covoiturage, des gens peuvent penser qu'on subventionne une association qui est elle-même dans l'illégalité et qui encouragerait l'illégalité. Je dois dire là-dessus, d'abord, que c'est dans le cadre des politiques...

M. Bissonnet: Des décrets.

M. Clair: ...énergétiques du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec que l'Association Covoiturage Québec reçoit un appui financier des deux gouvernements. D'autre part, on pourrait faire une longue discussion sur la légalité ou non du covoiturage. Quand on parle de légaliser le covoiturage, en fait, on parle davantage de mettre un terme à l'insécurité juridique des navetteurs et des covoiturés, que d'enlever une illégalité, puisque la Loi sur les transports dit simplement qu'il est interdit de faire du transport de personnes contre rémunération sans permis. La cause de M. Doyon dont on parlait tantôt, et quelques autres, ont démontré que, justement, c'était une situation incertaine quant à savoir si partager des frais fixes et des frais variables pour l'utilisation d'un véhicule automobile, c'était ou pas du transport contre rémunération, même s'il n'y avait pas de notion de profit. Tout cela pour dire que quand l'Association Covoiturage demande la légalisation du covoiturage et que le ministère propose de le faire, ce n'est pas dans le sens d'enlever une illégalité, mais de donner une sécurité juridique, un encadrement pour les navetteurs qui assure qu'ils soient dans une situation vraiment légale.

Je vous remercie, M. le Président, et je remercie les gens de Covoiturage Québec d'être venus en commission parlementaire.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce que le député de Jeanne-Mance aurait un tout petit mot à ajouter?

M. Bissonnet: J'aurais une question à poser au ministre concernant les assurances. Si on légalise le covoiturage et le transport de passagers, est-ce que les taux d'assurance concernant les blessures corporelles seront les mêmes que ceux que le propriétaire d'une automobile paie actuellement?

M. Clair: C'est déjà le cas et tout passager d'un véhicule automobile au Québec - et c'est là l'énorme avantage du régime instauré en 1978 - est couvert par la Régie de l'assurance automobile du Québec. C'est ce qui est venu enlever un des plus gros obstacles qu'il y avait à la légalisation du covoiturage en mettant tout le monde sur un pied d'égalité. D'autre part, dans la mesure où le covoiturage se fait déjà avec des véhicules automobiles réguliers, chaque véhicule automobile paie la plaque d'immatriculation et la prime d'assurance reliées au type de véhicule qui est en cause. Il n'est pas question de modifier cela.

M. Bissonnet: C'est parce que le taxi paie trois fois plus cher.

M. Clair: Mais ils ont un escompte de 40% sur l'immatriculation, cependant.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous allons mettre un terme à la discussion. Je remercie beaucoup...

M. Guilbault: Merci de nous avoir entendus.

Le Président (M. Brouillet): ...l'association. Nous entendrons maintenant la ville de Montréal. J'inviterais le porte-parole à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Ville de Montréal

M. Allard (Jules): Mon nom est Jules Allard. Je suis directeur adjoint du contentieux de la ville de Montréal. Je suis accompagné, à ma gauche, par M. Bertrand Bergeron, conseiller en recherches

économiques et, à ma droite, par M. Jean-Claude Le Lannic, assistant contrôleur général.

M. le Président, M. le ministre, messieurs et madame, membres de cette commission, il nous fait plaisir, au nom de la ville de Montréal, de participer aux travaux de cette commission parlementaire sur l'industrie du taxi. Dans un premier temps, nous entendons lire notre mémoire et, par la suite, nous prêter à un échange de propos avec les membres de la commission.

L'industrie du taxi a bien évolué à Montréal depuis l'apparition de la première auto-taxi dans les rues de la métropole en 1909. Considérée dans les débuts comme une profession lucrative, cette activité avait rapidement attiré un grand nombre d'artisans puisque, dès 1929, on recensait déjà 1500 taxis dans la ville. Cet engouement pour la profession devait, cependant, aboutir rapidement à une situation bien connue, soit celle d'un trop grand nombre de taxis par rapport à la demande de services. La crise de 1930 et la guerre allaient permettre de résoudre, de façon temporaire, cette inadéquation entre l'offre et la demande.

Mais, à la suite de l'adoption après la guerre des mesures de libéralisation recommandées par la commission Asselin, le nombre des permis de taxi à Montréal allait, de nouveau, croître très rapidement, passant de 765, en 1946, à 4300 en 1953. Cette libéralisation a, évidemment, permis d'ouvrir les portes de cette industrie à un plus grand nombre d'intervenants, mais elle a, par contre, occasionné deux problèmes majeurs qui sont celui de la rentabilité de cette activité et celui de la qualité du service fourni à la population.

Comme cela se produit souvent lorsque émerge un problème, des commissions ont été formées à différentes époques afin d'étudier la question du taxi et presque toutes, invariablement, ont été l'occasion de mettre en évidence la nécessité de réduire le nombre de permis. À deux reprises, soit en 1952 à Montréal et en 1956 dans le reste de l'île, une démarche fut entreprise dans ce sens et une limite imposée au nombre de permis.

Compte tenu, cependant, de l'ampleur du problème, ces décisions, bien que souhaitables, se révélèrent insuffisantes. Aussi, à la suite des événements de 1969 et compte tenu de certaines recommandations du rapport Bossé, les autorités gouvernementales décidèrent, dans le cadre de la nouvelle Loi des transports de 1972, de retirer aux gouvernements locaux leurs responsabilités en matière de taxi. Cette industrie est donc maintenant régie, de façon centralisée, par les règlements nos 6 et 4, les municipalités ne conservant une autorité qu'en matière d'aires de stationnement; et encore sont-elles obligées de se soumettre à l'approbation du ministère des Transports.

La Loi sur les transports permet au gouvernement du Québec d'établir des normes relatives à la construction, l'utilisation, la sécurité, la garde, l'entretien, la propriété et la possession des véhicules-taxis. Le gouvernement détermine également les tarifs, le nombre de permis, le territoire desservi, le rôle des différents intervenants, telles les ligues de propriétaires, et, enfin, les conditions d'obtention des permis de chauffeur.

Le problème du taxi en 1983. La centralisation décrétée pour l'ensemble de la province en 1973 afin de régler un problème essentiellement montréalais n'a, malheureusement, pas apporté les solutions espérées à l'industrie du taxi à Montréal. Elle a, certes, permis la création d'agglomérations de taxi, elle a entraîné la mise sur pied des ligues de propriétaires et, en avril 1979, le gouvernement en est venu à geler les permis de catégorie agglomération. Mais les problèmes de fond, soit ceux de la rentabilité de l'industrie et de la qualité des services dans la métropole, n'ont jamais été résolus comme le prouve la formation du Groupe de travail sur la rentabilité du taxi dans l'île de Montréal. On peut même penser qu'ils ont empiré à cause de la détérioration de la conjoncture et parce que cette industrie a dû faire face à un rétrécissement de son marché. Le résultat est qu'il y a aujourd'hui 5818 taxis en service sur l'île de Montréal, mais, parce que les revenus sont insatisfaisants, il en découle une qualité de service qui peut être très aléatoire.

Ce trop grand nombre de taxis fait également que le nombre de courses par heure et par conducteur est très bas. Aussi, afin de se garantir un revenu minimum, l'industrie a régulièrement fait pression sur le gouvernement pour qu'il augmente les tarifs, ce qui a eu pour effet de maintenir les prix élevés et de décourager encore un peu plus la clientèle potentielle. En d'autres mots, le cercle vicieux: excès de l'offre, insuffisance des revenus, détérioration de la qualité du service, demeure et l'établissement d'une tarification, sans lien avec les forces du marché, a simplement permis de faire durer cette situation.

L'analyse que fait le document gouvernemental de la situation insiste grandement sur les méfaits de la centralisation et ils sont réels, notamment en ce qui concerne les contrôles. L'insuffisance de ces derniers explique, en effet, l'état mécanique douteux de centaines de taxis, le calibrage imprécis de plusieurs taximètres, l'inexistence d'un registre d'affectation à la RAAQ, la compétence insuffisante de nombre de chauffeurs et le manque de recours véritables pour les clients insatisfaits. Le rapport gouvernemental souligne également, à juste titre, le caractère restrictif de sa

réglementation et ses effets sur le développement éventuel des services offerts par cette industrie. Mais, de manière assez surprenante, la cause principale du problème, soit le trop grand nombre de taxis à Montréal, n'est pas identifiée dans ce rapport comme étant le premier problème à corriger.

Le projet de réforme insiste, en effet, sur la nécessité d'ouvrir de nouveaux marchés et de faire une certaine décentralisation. Mais, dans la mesure où la question fondamentale demeure sans réponse, il en découle que la réforme proposée ne résout pas vraiment le problème de fond de cette industrie. Le projet gouvernemental, lui, permettrait simplement de transférer au monde municipal un dossier qu'il s'est approprié il y a quelques années, mais face auquel il semble reconnaître aujourd'hui son impuissance à y apporter des solutions valables et définitives.

La réforme proposée. En premier lieu, nous parlerons de l'ouverture des nouveaux marchés. Le document gouvernemental propose, dans un premier temps, l'ouverture de nouveaux marchés afin de permettre à l'industrie du taxi de rentabiliser davantage son investissement en équipement et en temps. Ceci se ferait par la suppression des barrières réglementaires qui interdisent aux propriétaires de taxi d'offrir à la population des services plus diversifiés que le taxi traditionnel. (11 h 30)

Même si nous pensons que certains champs qui seraient ainsi ouverts à l'industrie du taxi sont probablement déjà occupés par d'autres transporteurs et ne représentent, dès lors, qu'un potentiel de développement limité, nous ne pouvons néanmoins qu'être en faveur de cette mesure, pour autant qu'elle ne pénalise pas d'autres agents économiques. Il importe, cependant, de souligner qu'une telle démarche pourrait très bien être accomplie dans le cadre législatif réglementaire actuel puisqu'il suffirait au gouvernement de corriger ses règlements.

La décentralisation. La deuxième démarche suggérée par le gouvernement afin de résoudre le problème du taxi est la décentralisation. Ce retour à une juridiction municipale sur l'industrie du taxi ne signifierait pas, cependant, un retour à la situation d'avant 1973, mais plutôt un partage des responsabilités entre le gouvernement du Québec et les municipalités. Le gouvernement du Québec se réserverait le pouvoir d'imposer à un propriétaire de taxi l'obligation de détenir un permis pour un territoire et un véhicule donnés et le gel des permis décrété le 4 avril 1973 serait maintenu.

Le gouvernement aurait également le pouvoir de préparer des normes de propriété dans les règles d'immatriculation et des règles applicables à la possession. Il se garderait des pouvoirs en matière de tarification, d'affichage et d'identification du véhicule et du chauffeur. La Commission des transports du Québec continuerait à administrer les permis de propriétaire, mais les règles applicables aux transferts de permis et au respect des règlements seraient plus sévères. La Régie de l'assurance automobile du Québec, elle, conserverait la responsabilité de la délivrance du permis de conduire, conditionnel à l'obtention du permis de travail. Un moratoire serait imposé sur la délivrance des permis de chauffeur de taxi rétroactivement au 14 août 1982. Finalement, le gouvernement se réserverait la responsabilité de fixer les normes de sécurité des véhicules et de préciser les règles applicables à l'immatriculation des véhicules-taxis.

Les autorités locales, elles, se verraient confier des pouvoirs qui leur permettraient d'édicter des normes relatives à l'aménagement du véhicule, à son équipement, à son utilisation, à sa sécurité, à sa garde et à son entretien. Elles pourraient établir des tarifs, réglementer l'identification du véhicule et du chauffeur, le calibrage et l'utilisation du taximètre, l'éthique du chauffeur, le confort et la sécurité du client, la propreté du véhicule et les normes de stationnement. Elles pourraient également délivrer les permis de travail grâce auxquels les propriétaires artisans et les chauffeurs pourraient conduire un véhicule.

Tous ces pouvoirs devraient s'exercer dans le cadre des limites imposées par les pouvoirs concurrents du gouvernement et des autorités locales et, surtout, devraient se traduire par des contrôles qui, comme le reconnaît le document gouvernemental, n'ont pas été exercés de manière satisfaisante depuis 1973, notamment au chapitre de la délivrance des permis de chauffeur.

Le dernier élément de la proposition gouvernementale concerne la concertation. Le gouvernement choisit de maintenir les ligues de propriétaires pour chaque agglomération, mais en retranchant de leur rôle toute responsabilité de coordination et d'organisation de l'industrie. En d'autres mots, le gouvernement souhaite que les ligues ne soient que des associations professionnelles et des organismes de promotion. La Commission des transports du Québec resterait responsable de la reconnaissance des ligues pour les agglomérations.

Le document se termine par la mention de perspectives de développement allant des nouvelles formes d'énergie à l'institutionnalisation du covoiturage, autant de suggestions intéressantes, mais dont la réalisation peut très bien se faire dans le cadre actuel.

La position de la ville de Montréal. L'intérêt que porte la ville de Montréal à l'industrie du taxi ne date pas d'aujourd'hui. Il se justifie parfaitement si l'on se rappelle que le chauffeur de taxi est souvent notre premier porte-parole vis-à-vis de nos visiteurs extérieurs et que cette industrie assure un service de transport important, voire même parfois essentiel. Il est donc nécessaire que l'activité du taxi à Montréal retrouve, le plus rapidement possible, le niveau de qualité auquel la population est en droit de s'attendre et qu'elle assure à ceux qui y travaillent un revenu équitable. C'est donc dans cette perspective que la ville de Montréal a pris position sur les divers aspects de la proposition gouvernementale.

Tout d'abord, l'élargissement du marché. Ainsi que nous l'avons mentionné au début, la ville de Montréal n'a aucune objection à l'élargissement du rôle de l'industrie du taxi, qu'il s'agisse du transport d'écoliers, de personnes handicapées et de biens, du transport à l'occasion de baptêmes, mariages ou funérailles, du transport sous forme contractuelle avec l'entreprise privée, les organismes à but non lucratif, les commissions scolaires et autres ou du transport substitut ou complément au transport en commun, à la condition, bien sûr, que ces nouveaux marchés constituent des débouchés nouveaux véritables et non un empiétement dans des marchés déjà exploités par l'entreprise privée ou publique de façon rationnelle et rentable puisque ce serait simplement élargir le problème du taxi à d'autres secteurs de l'industrie du transport. Cependant, il serait inutile de nous illusionner sur les effets d'une telle mesure. La rentabilité du taxi à Montréal réside d'abord et avant tout dans la diminution du nombre de permis.

Le ratio entre le nombre de permis et le niveau de population dans l'agglomération

A-11 de Montréal, soit le centre de l'île, est de un taxi pour 248 personnes, alors que, selon l'annexe du règlement 6, le ratio qui est prévu est de un taxi pour 400 à 500 personnes. Ailleurs sur le territoire de la CUM, le ratio est de un taxi pour 790 personnes à l'ouest, et de un pour 825 personnes à l'est. À Laval, l'agglomération de taxi A-8, le ratio est de un pour 1248 personnes, alors que dans l'agglomération de taxi A-2, à Longueuil, le ratio est de un taxi pour 820 personnes.

En d'autres mots, seule l'agglomération de taxi A-11 de Montréal présente, dans la région métropolitaine, un ratio qui n'est pas conforme aux normes du règlement no 6 et le problème de la rentabilité de cette industrie est, en fait, le problème de l'agglomération A-11.

En 1983 comme en 1973, le problème de fond demeure le trop grand nombre de permis dans l'agglomération A-11. Lorsque ce problème aura été résolu, et seulement lorsqu'il aura été résolu, c'est-à-dire lorsque le nombre de permis de taxi aura été réduit substantiellement, tous les autres problèmes pourront être résolus.

Cette solution n'est pas nouvelle; elle a fait partie des recommandations de la plupart des commissions qui se sont penchées sur cette question. Ce dont l'industrie du taxi a besoin, selon nous, ce n'est pas tant d'un élargissement des marchés, aussi souhaitable que puisse être cette démarche, que d'une stratégie de réduction progressive du nombre de permis qui permettra de réduire le ratio de l'agglomération A-11. Je parle du ratio réel et non du ratio sur papier. Mais, c'est là un objectif que la proposition gouvernementale ne rejoint définitivement pas dans la mesure où elle se limite, pour le moment, à la recommandation d'un gel des permis de propriétaires au niveau existant le 4 avril 1979.

La décentralisation. Après avoir considéré la centralisation comme la solution, en 1973, le gouvernement estime, en 1983, que c'est maintenant la décentralisation qui est la solution.

Dans la mesure où le transport urbain est généralement reconnu comme une compétence municipale et dans la mesure où les gouvernements municipaux sont effectivement plus proches des problèmes quotidiens que rencontre cette industrie, la ville de Montréal favoriserait une politique de décentralisation qui redonnerait aux municipalités les pouvoirs de gestion et de contrôle en matière de taxi. L'inquiétude que soulève dès lors la proposition gouvernementale vient donc non pas du projet de décentralisation, mais de la signification même que le gouvernement donne à ce concept.

Selon la définition du Conseil de planification et de développement du Québec, "la décentralisation est l'action par laquelle un pouvoir de l'administration publique, qu'il soit d'ordre politique ou administratif, et exercé par une autorité centrale ou unique est remis à des autorités locales ou régionales."

Or, si l'on examine le partage proposé des responsabilités entre les autorités locales et le gouvernement du Québec dans le document intitulé De nouvelles avenues pour le taxi, on lit ceci: "Le gouvernement garde le pouvoir de définir le service. La Régie de l'assurance automobile du Québec est maintenue dans son rôle de gardienne de la sécurité routière, tandis que la Commission des transports du Québec conserve son rôle quasi judiciaire et a pleine autorité sur les permis de propriétaire. Pour leur part, les autorité locales auront pour tâche de préciser les normes d'exploitation, d'établir les règles de qualité de services et de fixer les tarifs."

Si l'on met en parallèle la répartition actuelle des responsabilités et la répartition proposée, comme l'illustre le tableau 1 qui apparaît au mémoire, on ne peut que constater un certain chevauchement des compétences entre les deux gouvernements. Le rapport gouvernemental fait par ailleurs clairement état de la subordination des politiques locales à celles du gouvernement provincial. En d'autres mots, le gouvernement décentralise, mais se réserve suffisamment de pouvoirs pour être en mesure d'intervenir chaque fois qu'il le jugera bon, que ce soit en matière de permis, de tarification, de protection des usagers ou autres.

Mais, pour les municipalités, ce qui peut être encore plus préoccupant que cette décentralisation qui n'en est pas vraiment une, c'est le fait que le rapport laisse au gouvernement et à ses organismes le pouvoir de définir une multitude de normes et de règlements qui devront nécessairement faire l'objet d'un contrôle dont les gouvernements locaux assumeront le coût et la responsabilité.

En d'autres termes, la décentralisation, telle que proposée, aurait surtout pour effet d'imputer aux autorités locales la responsabilité de voir à l'application et au respect des divers règlements régissant cette industrie, qu'ils soient d'origine gouvernementale ou locale. Pour reprendre une expression fréquemment utilisée lors des discussions entourant la réforme de la fiscalité municipale, il s'agirait essentiellement d'une décentralisation des coûts. Il est peut-être opportun de signaler à cet égard que ce ne serait pas là une situation très nouvelle à Montréal, puisque même si le taxi est, depuis 1973, sous juridiction provinciale, la police de la Communauté urbaine de Montréal a continué, durant toutes ces années, à assurer une certaine application du règlement no 6, comme en témoignent les plaintes qu'elle a déposées devant la Cour municipale de Montréal pour la période allant de 1975 à 1982, au tableau 2 que nous joignons également à notre mémoire.

En résumé, la démarche décentralisatrice mise de l'avant par le gouvernement souffre de deux faiblesses majeures. Elle ne simplifie en rien la complexité administrative actuelle dans la mesure où elle ajoute aux organismes existants un niveau d'autorité supplémentaire, sans pour autant établir clairement les champs d'intervention des différents centres de décision. Deuxièmement, elle impute aux municipalités la responsabilité et le coût de voir à assurer la surveillance et le respect d'une réglementation qui pourra originer d'un autre niveau de gouvernement, et ce sans proposer quelque forme de compensation financière.

La ville de Montréal estime en effet que, s'il doit y avoir décentralisation, celle-ci doit être complète et claire, de manière que les responsabilités de chacun soient parfaitement établies.

Les voies d'une solution. La mise en place d'une solution véritable aux problèmes de l'industrie du taxi à Montréal exige davantage qu'une simple récupération des services policiers municipaux afin de contrôler la réglementation gouvernementale, puisque ceci se fait déjà.

La première étape, nous l'avons dit, c'est la réduction du nombre de permis de taxi. Ainsi que nous l'avons mentionné à maintes reprises, le problème du taxi est essentiellement un problème particulier à l'agglomération A-11. Toute réforme qui ne commencerait pas par l'établissement d'un processus de réduction du nombre de permis de taxi dans cette agglomération serait absolument futile, et il est inutile de parler de décentralisation tant que ce préalable n'aura pas été satisfait.

La ville de Montréal propose donc que le gouvernement élabore et applique immédiatement une stratégie de réduction des permis de taxi dans l'agglomération A-11, ce qui devrait permettre d'y ramener le ratio du nombre de taxis par habitant à un niveau correspondant à une rentabilité acceptable.

C'est seulement dans la mesure où les parties auront convenu du principe et des modalités d'une telle stratégie qu'il sera possible, pour la ville de Montréal, d'envisager la seconde étape, soit un transfert des responsabilités entre le gouvernement du Québec et les municipalités. (11 h 45)

Deuxième étape: décentralisation véritable. La ville de Montréal endosse en effet pleinement le principe d'une décentralisation véritable, à la fois parce qu'elle dispose déjà d'une structure d'accueil qui est la CUM, d'une expérience de plus de 50 ans dans ce domaine et surtout parce qu'il s'agit là d'une responsabilité véritablement municipale et d'un problème que nous avons été appelés à vivre pendant trop longtemps.

Cette décentralisation, outre le fait qu'elle suppose la réalisation de la première étape, devra, par ailleurs, se traduire par un transfert réel de tous les pouvoirs sans exception, accompagné de compensations financières suffisantes et non par une simple décentralisation des coûts.

Ceci signifie que les composantes essentielles telles l'émission, la suspension, le transfert, la révocation des permis, la tarification, le développement des services, les normes de sécurité, la qualité des services, la délivrance des permis de travail, etc. devront relever de l'autorité municipale qui, dans le cas de la ville de Montréal, sera déléguée pour l'essentiel à la communauté

urbaine.

Cette décentralisation, en réduisant substantiellement les interventions du ministère des Transports, de la Commission des transports du Québec et de la Régie de l'assurance automobile permettra d'éliminer dans une large mesure les lourdeurs administratives qui handicapent, à l'heure actuelle, le fonctionnement de cette industrie, et elle permettra surtout d'établir un dialogue direct entre elle et les gouvernements locaux.

En conclusion, en déposant son rapport sur le taxi, le gouvernement a clairement indiqué qu'il était conscient des problèmes auxquels fait face cette industrie et qu'il souhaite corriger la situation actuelle.

Les propositions contenues dans ce document ouvrent des perspectives intéressantes, qu'il s'agisse de nouveaux marchés ou de transferts d'autorité aux gouvernements municipaux. La ville de Montréal estime cependant qu'il existe un préalable à toute réforme, soit la mise en place immédiate d'une stratégie de réduction du nombre de permis de taxi dans l'agglomération A-11. C'est seulement lorsque le principe et les modalités d'un tel processus auront été établis qu'il sera possible d'envisager une véritable décentralisation permettant de ramener au niveau local le contrôle de l'industrie du taxi. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Allard.

M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance du mémoire de la ville de Montréal. Comme j'ai eu l'occasion de le dire précédemment au cours de cette commission, 60% de l'industrie du taxi est concentrée, à toutes fins utiles, au coeur de l'agglomération montréalaise. Dans ce sens, que ce soit la Ligue A-11, la Communauté urbaine de Montréal ou la ville de Montréal, les mémoires qui nous sont présentés nous intéressent au plus haut point, puisqu'on discute à ce moment du problème majeur du taxi. Contrairement à ce qui semble être affirmé, ce qu'on peut lire entre les lignes dans le mémoire, il y a également des problèmes ailleurs dans le taxi au Québec, mais ils sont de moins grande envergure, c'est évident, que les problèmes qu'on peut connaître dans l'agglomération montréalaise.

Mon premier commentaire sur le mémoire de la ville de Montréal qui endosse les nouvelles avenues pour le taxi, désire une décentralisation plus poussée, sera en résumé à peu près le suivant. Je dirai que vraiment, dans les municipalités au Québec, tous les goûts sont dans la nature en ce qui concerne la possibilité de décentraliser. On a entendu hier, en commission parlementaire, l'Union des municipalités régionales de comté, par exemple, s'opposer formellement à toute décentralisation ou à peu près; même une fois réglée la question financière, elle n'était pas vraiment désireuse qu'on procède à cette décentralisation. À l'inverse, la ville de Montréal dit: Quant à parler de décentralisation, si nous devons décentraliser, décentralisons tout, complètement. Je vous dirai là-dessus qu'on essaie d'être un peu au milieu des deux positions. Je craindrais fort, quant à moi - je le dis comme je le pense -que si on revenait complètement à la situation d'avant 1973, cela veut dire à ce moment que le règlement no 6 serait, à toutes fins utiles, complètement aboli et que le service de taxi ne serait régi que par des autorités locales.

Je craindrais qu'à ce moment-là, on ne garde pas les avantages qu'a quand même procurés la réforme de 1973 avec les définitions des agglomérations, avec le gel de permis qui a été appliqué à travers le Québec, finalement, en 1979. Je craindrais qu'on perde un certain nombre d'acquis de 1973 et que le balancier aille complètement à l'autre bout de sa course, qu'après avoir vécu un régime de centralisation excessive, on passe à un régime de décentralisation excessive et qu'on en revienne à connaître exactement les mêmes problèmes que ceux qu'a amenés la centralisation en 1973: les pouvoirs qu'on désire garder ou centraliser, l'émission des plaques, la définition du service traditionnel de taxi. Il me semble que c'est effectivement une responsabilité nationale que de dire: Qu'est-ce que c'est qu'un taxi? Le gel des permis de propriétaires, cela a été un des problèmes quand le gouvernement de l'époque, en 1973, a - passez-moi l'expression - ramassé le phénomène des problèmes du taxi. Déjà, le problème du trop grand nombre de permis était là. Déjà, c'était un phénomène qui était connu. Ce n'était pas le ministère des Transports qui l'avait créé, le problème du trop grand nombre de permis, mais les municipalités. Et, on a entendu des chauffeurs et des propriétaires de taxi venir nous demander, la première journée, que le ministre les protège contre un retour de l'émission des permis dans les municipalités craignant que cela devienne un sujet trop politique. Alors, le gel des permis, le contrôle des permis par la Commission des transports du Québec et le retrait des permis pour des infractions graves comme l'utilisation du "meter" - excusez-moi, je ne retrouve pas le mot français - du taximètre frauduleux, il me semble que la gérance de cette partie-là du taxi devrait demeurer centralisée à la Commission des transports. On ne voit pas l'utilité de centraliser cela, même si on dit qu'on est prêt cependant à ce que les municipalités puissent aller à la

Commission des transports faire valoir leur point de vue si elles réclamaient une augmentation du nombre de permis de taxi dans leur agglomération pour des raisons qui le justifieraient.

Par ailleurs, l'immatriculation et la sécurité routière: je ne vois pas comment on pourrait confier cela à quelqu'un d'autre qu'à la Régie de l'assurance automobile du Québec, sans quoi on pourrait faire immatriculer les camions par je ne sais pas qui, les véhicules de promenade par quelqu'un d'autre. Tous les États dans le monde fonctionnent comme nous, et je ne vois pas comment on pourrait décentraliser l'immatriculation. Ce qu'on propose de transférer aux municipalités, aux autorités locales, c'est les principaux éléments de gestion du taxi comme un mode de transport des personnes en milieu urbain. Une plainte, par exemple, qui vient régulièrement, surtout à Montréal, c'est au sujet de la qualité des chauffeurs. On a essayé de contrôler centralement la qualité des chauffeurs et -passez-moi l'expression - ç'a fait patate, ça n'a pas marché. On pense qu'il y aurait avantage à revenir à la situation d'avant 1973, ce qui est un gros problème.

Deuxièmement, ce sont les autorités locales qui sont responsables de l'intégration du transport par taxi dans les politiques de transport urbain. Il nous apparaît, quand on parle de normes d'utilisation de définition du service de taxi collectif et autres, que cela devrait aussi, si on veut vraiment que cela s'intègre dans une politique de transport urbain, appartenir à ceux qui sont responsables d'établir cette politique, donc aux autorités locales.

Finalement, il y a la tarification et le contrôle qui seraient effectués par les autorités locales encore là, parce qu'on y voit, nous, des avantages importants. D'ailleurs, la ville de Montréal l'affirme dans son mémoire. Elle dit: Les méfaits de la décentralisation notamment en ce qui concerne le contrôle. Je suis heureux que vous le souligniez parce que, dans bien d'autres mémoires du milieu municipal, on mettait en cause l'idée que les municipalités soient mieux placées pour contrôler. Et je suis heureux de voir que notamment en ce qui concerne les contrôles, l'on considère que la centralisation n'a pas donné les effets escomptés depuis 1973.

Voilà pour les commentaires, M. le Président, sur le mémoire de la ville de Montréal. Tout cela est dit d'un point de vue très positif par ailleurs, parce que je reçois très positivement le mémoire de la ville de Montréal qui, finalement, donne un appui aux deux grandes orientations moyennant des ajustements, des réserves, décentralisation et ouverture de nouveaux marchés.

Voici maintenant mes questions, M. le Président. La ville de Montréal dit:

Cependant, le problème no 1, c'est le trop grand nombre de permis et, tant qu'il n'y aura pas une stratégie de réduction du nombre de permis, nous ne sommes pas intéressés.

Si je faisais un commentaire méchant, je dirais qu'on ne fait que gérer le nombre de permis qui nous ont été transférés en 1973, mais je ne le ferai pas. Je poserai seulement la question suivante: Quelle est la stratégie que vous avez envisagée, si vous en avez envisagé une, de réduction des permis? Ce serait par rachat? Par retrait des permis? Comment voyez-vous cette question-là?

M. Allard: C'est à dessein, d'une certaine façon, M. le ministre, que nous n'avons pas explicité dans le mémoire comme tel, la question de la stratégie. Nous croyons qu'elle devrait être préparée, bien sûr, par toutes les parties intéressées et, en tout premier lieu, par les gens mêmes de l'industrie en concertation avec les autres intervenants dans le transport, principalement, le gouvernement.

À ce stade-ci, j'aimerais inviter mon collègue Le Lannic à vous faire part peut-être d'une idée parce que nous avons remarqué que dans le document gouvernemental, aux pages 6 et 7, on a fait un peu rapidement le tour de la question. Sur la question de la limitation du nombre de permis, on a fait état des difficultés qu'il y avait à réaliser cela. On a aussi fait état de la nécessité d'avoir moins de permis, mais on n'a pas osé conclure, parce qu'on parlait d'une intervention gouvernementale par le rachat d'un certain nombre de permis. Je me demande si on a vraiment examiné toutes les avenues possibles de ce côté-là.

J'inviterais peut-être mon collègue Le Lannic à vous faire part d'une proposition que nous n'osons pas présenter comme une proposition appuyée d'une longue étude experte, mais il y a sûrement quelque chose à faire de ce côté-là.

M. Le Lannic (Jean-Claude): Bonjour. Comme vient de le dire Me Allard, il ne s'agit pas d'une proposition de la ville de Montréal, c'est simplement une idée qui est venue sur la table lorsque nous avons regardé ensemble le problème.

Il est évident pour nous que le vrai problème du taxi à Montréal, c'est le trop grand nombre de taxis par rapport à la clientèle possible. Lorsqu'on dit qu'il faudra peut-être changer les méthodes de contrôle, je pense qu'on s'attaque aux effets plutôt qu'à la cause du problème. Le jour où le nombre de taxis aura été réduit substantiellement à Montréal et le jour où ce sera devenu une activité très rentable, je pense que le besoin de contrôle sera beaucoup moindre qu'il ne peut l'être

aujourd'hui. C'est le même problème dans toutes les industries. S'il y a un trop grand nombre d'offreurs, on assiste généralement à une dégradation de la qualité du service offert à la population.

L'idée à laquelle nous avons pensé, qui pourrait peut-être servir de base de discussion, est la suivante. Il est évident que ce n'est pas au gouvernement de racheter les permis et de contribuer ainsi à donner une rente, à toutes fins utiles, à ceux qui gardent leur permis puisque celui-ci prendra une plus grande valeur au fur et à mesure que le nombre de permis diminuera.

Le principe de base est à peu près le suivant: ce sont ceux à qui une telle mesure bénéficiera qui devront payer pour ce rachat. On pourrait adopter le scénario suivant. On déterminerait quel serait le prix du permis en 1983. Il peut être de 10 000 $, il peut être de 15 000 $, je ne le sais pas. Il y a à peu près 5000 taxis dans la zone centrale à Montréal. Si l'objectif est de 2500 permis, cela veut dire qu'il faut en éliminer à peu près 2500. Cela peut représenter entre 25 000 000 $ et 35 000 000 $.

Il est évident qu'on ne peut pas demander une telle somme demain matin. On pourrait constituer une espèce de fonds qui servirait à racheter les permis en excédent, les 2500 de trop. Mais ces permis seraient rachetés au prix de 1983 indexé, c'est-à-dire que si la personne vend son permis au fonds, puisqu'elle n'aurait plus le droit de vendre son permis à d'autres - tout permis devrait être revendu à ce fonds - si la personne le revend en 1983, c'est 10 000 $ ou 15 000 $, mettons, et en 1984 ce serait toujours 10 000 $ ou 15 000 $ mais indexés. (12 heures)

On pourrait financer ce fonds de rachat des permis à même une cotisation annuelle qui pourrait être elle-même graduée pour tenir compte de la plus-value progressive et de la rentabilité plus grande progressivement dans le temps des permis qui subsisteraient. On pourrait par exemple dire: En 1983, pour exploiter un taxi à Montréal, cela coûtera 200 $ et en 1984, dépendant du nombre de permis qui auront été retirés, cela pourra coûter 400 $ et ainsi de suite. L'idée, c'est d'avoir un étalement tel dans le temps que cela n'impose pas une charge trop grande à ceux qui demeurent dans l'industrie et que la charge qu'on leur impose soit proportionnelle à la rentabilité croissante de leur activité.

Comme je viens de vous le dire, ce n'est pas une proposition de la ville de Montréal, c'est une idée qui a été amenée pour discussion et on est toujours prêt à en discuter.

M. Clair: C'est une idée sur laquelle nous aussi, on se penche. La difficulté principale, c'est que si le gouvernement impose cette cotisation par voie d'une augmentation - c'est une avenue qu'on pourrait emprunter - s'il augmente le coût de l'émission d'un permis annuel de taxi de, je ne sais pas, 100 $ ou 200 $ pour alimenter ce fonds, il faut être bien conscient qu'à ce moment on n'a pas consulté nécessairement les propriétaires eux-mêmes quant à leur volonté de le faire. Ce serait imposé par le gouvernement. D'autre part, si on demande aux propriétaires de taxi s'ils sont prêts à le faire et qu'on autorise, mettons, la ligue A-11 à imposer une cotisation additionnelle comme elle en a demandé le pouvoir pour elle-même procéder au rachat des permis, nous connaissons tous les difficultés de fonctionnement de la ligue

A-11 au cours des récentes années et les procédures judiciaires à n'en plus finir qui se sont ensuivies.

Ma crainte, à ce moment, ce serait que, si on accorde un tel pouvoir, on fasse face à d'éventuelles contestations judiciaires de la part de dissidents pour quelque raison que ce soit et qu'on se retrouve dans des difficultés aussi importantes que celles qu'on a connues en 1979, 1980 et 1981. C'est effectivement une idée intéressante qui mérite d'être creusée.

Voici la deuxième question que je voulais poser. La ville de Montréal est certainement la ville qui a eu le plus d'expérience, et je le dis dans le sens positif, en termes de gestion du secteur du taxi et de contrôle en ce qui concerne les années d'avant 1973. Depuis 1973, le contrôle policier est demeuré le même au service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Maintenant, quant aux autres responsabilités qui étaient assumées par la ville de Montréal avant 1973, je ne sais pas si vous avez les chiffres. Je serais intéressé vivement à connaître combien il y avait de personnes à la ville de Montréal qui étaient affectées à ce service de contrôle du secteur du taxi. Combien cela coûtait-il à la ville de Montréal? Combien y a-t-il eu de personnes qui ont dû être congédiées ou réaffectées dans d'autres services à la ville de Montréal après 1973? Je ne sais pas si vous avez ces chiffres avec vous ou si vous pourriez les avoir?

M. Allard: M. le ministre, j'ai quelques éléments de réponse à cette question. Il y avait effectivement une vingtaine de personnes, de policiers et de commis qui étaient préposés à l'émission des permis de propriétaires, des permis de taxi comme tels, à l'inspection des véhicules, à l'inspection sommaire. Si le véhicule était trop âgé, il y avait une inspection dans un centre prévu à cette fin. Il devait y avoir un certificat. À une certaine époque, c'était ce groupe qui faisait passer aux chauffeurs des examens. Par la suite, la CECM est venue à la rescousse et lorsqu'un aspirant chauffeur

se présentait à un examen et qu'il échouait, il était tenu, pour se représenter de nouveau, de suivre des cours du soir qui s'étalaient sur une période de trois mois au terme desquels des examens très pertinents, très adaptés à la ville de Montréal étaient proposés aux gens. Par exemple, on les mettait en face de situations bien précises et on leur demandait le plus court chemin de tel point à tel autre point? Nous avons, je crois, assisté un peu, au cours des dernières années, à une détérioration de cet aspect de la compétence, parce que la vérification, qui a été faite d'une façon plus centralisée, n'a pas atteint exactement le même degré de qualité qu'elle avait à l'époque. Il y avait, en plus de ces 20 policiers qui contrôlaient de façon immédiate l'émission des permis de travail, et l'émission des permis de taxi, quinze autres équipes de policiers qui, eux, veillaient à l'application du règlement 2745 de la ville, règlement qui...

M. Clair: Qu'entendez-vous par quinze autres équipes?

M. Allard: Quinze équipes de deux policiers...

M. Clair: Deux personnes.

M. Allard: ...de deux personnes, ce qui veut dire un effectif total d'environ 50 personnes qui veillaient à l'application de la réglementation du taxi à Montréal à l'époque. On m'informe que la principale préoccupation, à ce moment-là, de ces équipes était de veiller à ce qu'il n'y ait pas de maraudage de l'extérieur, à savoir des chauffeurs de taxi venant de l'extérieur qui venaient travailler sur le territoire de la ville de Montréal. C'était une des principales préoccupations. Il y avait, bien sûr, tout le reste des autres dispositions réglementaires ayant trait à la propreté des véhicules, propreté extérieure et intérieure. Ce bureau recevait également les plaintes du public et veillait à les résoudre de la manière la plus satisfaisante possible pour le public. Bien sûr, au cours des années, depuis 1973, le service de police a perdu une partie importante de ses attributions et le contrôle, qui a été exercé sur le règlement, a été graduellement retransmis aux postes des districts policiers, et il n'y a que deux districts actuellement où il y a un policier qui, à temps plein, voit à l'application du règlement provincial, du règlement no 6. Ce sont les deux districts policiers du centre-ville même de Montréal, le 33 et le 25. Combien cela pouvait-il coûter à la ville de Montréal à l'époque, en 1973? Il s'agirait de tirer une moyenne de ce qu'était le salaire d'un policier et de le multiplier par 50 à peu près.

M. Clair: Si on considère que le contrôle ne se fait plus par la police de Montréal, à toutes fins utiles, parce que ce que j'avais compris jusqu'à maintenant de la part de la Communauté urbaine de Montréal, c'est qu'en termes de contrôle policier, on n'exigeait pas de personnes additionnelles puisqu'on semblait dire - je ne veux pas parler à leur place, mais c'est du moins ce que j'avais compris - que pour le contrôle policier comme tel, on considérait que les équipes existantes devraient normalement suffire à la tâche. Leurs chiffres coïncidaient passablement avec les vôtres puisqu'ils me parlaient de 25 personnes additionnelles pour le service de police, parce qu'ils voyaient, eux aussi, comme cela existait auparavant, je pense, le service de contrôle, si on veut, d'émission des permis de chauffeurs et des permis de propriétaires plutôt centralisé auprès du service de police qu'auprès d'un autre service. C'est donc dire qu'on parle en gros de 20 à 50 personnes additionnelles.

C'est mon commentaire là-dessus, M. le Président. Ce que cela m'inspire, c'est que, encore là, comme je le disais hier, au moment de la rencontre avec la Communauté urbaine de Québec, on voit qu'il ne s'agit quand même pas de sommes astronomiques si on transférait avec certaines responsabilités les revenus provenant en partie ou en totalité de l'émission des permis de chauffeurs.

M. Bissonnet: On parle de 2 000 000 $. M. Clair: Pour la ville... M. Bissonnet: Au minimum.

M. Clair: Pour l'ensemble de la Communauté urbaine de Montréal.

M. Bissonnet: On parle d'un minimum de 2 000 000 $.

M. Clair: M. le Président, je vais donner l'occasion à mes collègues de pouvoir poser des questions aussi.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je profite de l'occasion, au nom des membres de la commission, pour saluer les représentants de la ville de Montréal. Dans votre mémoire, à la page 10, entre autres, vous mentionnez qu'il est important de signaler à cet égard que ce ne serait pas là une situation très nouvelle à Montréal puisque même si le taxi est, depuis 1973, sous la juridiction provinciale, la police de la Communauté urbaine de Montréal a continué, durant ces années, à assurer une certaine application du règlement no 6.

À la page no 10b, on tient compte du nombre de plaintes portées devant la Cour municipale de Montréal. Est-ce que ces plaintes ont été portées uniquement par les policiers de la Communauté urbaine de Montréal? Et qu'est-ce que cela représente en proportion du nombre de plaintes totales qui ont été portées par les policiers ou les représentants du ministère des Transports qui, eux aussi, ont la juridiction? À quel pourcentage cela s'élève-t-il?

M. Allard: Les plaintes qui ont été portées devant la Cour municipale de Montréal, en vertu du tableau 10b, l'ont toutes été uniquement par le service de police de la Communauté urbaine de Montréal. À ma connaissance, il n'y a eu aucune plainte portée devant la Cour municipale par des représentants du ministère des Transports. J'ignore s'il y a eu des plaintes devant d'autres tribunaux, comme à la Cour des sessions de la paix, par exemple. Peut-être M. le ministre pourra-t-il vous répondre là-dessus.

M. Rocheleau: Je me pose la question à savoir si le ministère des Transports, qui avait la responsabilité de l'entretien des véhicules, taximètres ou autres, lui aussi avait appliqué le règlement no 6 et en quelle proportion cela pouvait...

M. Allard: Pas devant la Cour municipale.

M. Rocheleau: Pas devant la Cour municipale?

M. Allard: Non.

M. Clair: J'aurais peut-être un élément d'information pour le député de Hull. On m'indique que la Sûreté du Québec et le service d'inspection du ministère des Transports, à l'occasion, participent à des opérations avec le service de police de la Communauté urbaine de Montréal, mais il ne semble pas qu'il y ait eu de plaintes de portées sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Elles ne sont pas portées à l'initiative du service d'inspection.

M. Rocheleau: D'accord. Dans le tableau 2, à la page 10b, vous tenez compte des plaintes portées devant la Cour municipale depuis les années 1975 jusqu'à 1982. En 1981, il semble y avoir une différence assez importante entre les années antérieures, tenant compte de 1975, 1976 et même de 1982. Quel genre de plaintes sont habituellement portées?

M. Allard: La différence s'explique peut-être par le fait qu'il y a eu des changements d'attribution de sections de travail à l'intérieur même du service de police. Graduellement, il y a eu des réductions de personnel au cours des dernières années, et il y avait une section, qu'on appelait la section des permis, qui veillait à l'application du règlement du taxi et qui a été démantelée au cours des années 1980 et 1981, ce qui a expliqué la baisse graduelle que l'on constate dans le nombre de plaintes. Ce qui ne veut pas dire qu'effectivement la situation s'était améliorée au cours de ces années.

Cependant, l'an dernier, la ville de Montréal a demandé à la direction du service de police de redoubler d'efforts en vue de faire appliquer davantage le règlement no 6, à la suite de plaintes ou de commentaires que les autorités de la ville de Montréal avaient recueillis.

Le type de plainte qui est le plus fréquemment noté par la police, c'est de ne pas respecter les stations d'attente, c'est-à-dire les normes prévues pour les stations d'attente. Si, par exemple, vous avez des postes d'attente prévus pour cinq taxis et qu'il y en a huit ou neuf, immédiatement, lorsque des policiers s'aperçoivent de la chose, ils portent des plaintes dans ce sens.

Sur les 2029 plaintes, il y a eu 1030 poursuites et le plus grand pourcentage va à ce type d'infraction ou encore au stationnement en double file près des postes d'attente.

Il y a aussi 474 plaintes pour les voitures endommagées. Pour la malpropreté extérieure, 78, et la malpropreté intérieure, 43. C'est le gros des plaintes, ce sont les principales infractions notées par le service de police. Je sais cependant que, avant 1973, le service de police insistait beaucoup sur l'affichage intérieur de la photographie, ce qu'on appelait à l'époque le "pocket number" du chauffeur. Aujourd'hui, j'ignore si le service de police y porte autant d'attention qu'auparavant, mais il y a plusieurs commentaires que nous recevons à savoir que les voitures se passent d'un chauffeur à l'autre et que ce n'est absolument pas surveillé. Enfin! (12 h 15)

M. Rocheleau: Tenant compte du fait qu'avant 1975 la responsabilité totale relevait de la ville de Montréal, est-ce que vous avez des comparaisons au point de vue des plaintes portées, tenant compte du fait que vous sembliez à ce moment avoir plus d'employés ou plus de policiers directement affectés à la surveillance de cette industrie du taxi?

M. Allard: Je n'ai pas relevé les statistiques qui ont pu être rédigées, colligées au cours de 1968, 1969, etc. Cela devait jouer entre 2500 à 3000 plaintes par année.

M. Rocheleau: Maintenant, en bas de la page 11, vous semblez avoir effectivement un prérequis. "Toute réforme qui ne commencerait pas par l'établissement d'un processus de réduction du nombre de permis de taxis dans cette agglomération serait absolument futile..." dites-vous. À toutes fins utiles, un prérequis pour régler ce qui semble être davantage le problème que connaissent actuellement Montréal et plus particulièrement les propriétaires de taxi de Montréal, c'est le nombre de permis qui sont actuellement en circulation.

M. Allard: Il n'y a qu'à se promener dans la ville et observer. Je vous donne simplement l'exemple du terminus Voyageur. Vous allez y voir facilement dix véhicules-taxis pendant de très longs moments qui ne prendront strictement aucune course. Allez un peu partout, pas besoin de faire une longue étude pour se rendre compte qu'il y en a trop. Est-ce que c'est relié aussi à un manque de contrôle de la répartition, de l'affectation des véhicules? Nous ne le savons pas, mais si vous questionnez des chauffeurs de taxi, c'est un commentaire que vous allez avoir régulièrement. Il y a 2000 taxis de trop à Montréal. Pour nous, cela nous apparaît essentiel de fournir à l'industrie la chance d'être rentable pour qu'elle puisse vraiment s'autodiscipliner, que ce ne soit pas la jungle.

M. Rocheleau: En 1973, avant le changement de politique, c'est la ville de Montréal qui émettait les permis dans les différentes régions. Dans la région A-11, en 1973, combien y avait-il de permis?

M. Allard: Là-dessus, j'ai tenté d'avoir des chiffres. Cela ne m'est pas possible de vous donner des chiffres validés, mais on me dit, selon un policier qui travaillait à la section à l'époque, qu'il devait y en avoir entre 4300 et 4400 alors que maintenant il y en a 5218, ce qui veut dire qu'il y a eu augmentation depuis 1973. Par ailleurs, en réponse à M. le ministre, qui semblait nous faire un reproche amical d'avoir transféré au gouvernement un problème en 1973, je dois dire qu'on n'avait pas les pouvoirs de restreindre, de diminuer ou de contingenter le nombre des permis. Les municipalités ont des pouvoirs délégués qui sont fort limités, vous savez.

M. Rocheleau: Maintenant, une dernière question, étant donné que le ministre semble prétendre que la ville de Montréal partage totalement ou en grande partie ses opinions sur les nouvelles avenues. À la page 12, vous mentionnez, entre autres, à l'avant-dernier paragraphe, que "cette décentralisation, outre le fait qu'elle suppose la réalisation de la première étape, devra, par ailleurs, se traduire par un transfert réel de tous les pouvoirs sans exception, accompagné de compensations financières suffisantes, et non par une simple décentralisation des coûts." Avez-vous fait une certaine évaluation des coûts de ce transfert de pouvoirs accompagné de nouvelles responsabilités? Tantôt, vous avez mentionné qu'avant 1973, vous aviez des effectifs de tant de policiers, de tant de cols blancs ou d'employés de bureau. Si, demain matin, le gouvernement, par l'entremise de son humble serviteur, le ministre des Transports, décidait d'appliquer la décentralisation non seulement des pouvoirs, mais aussi des responsabilités financières, cela voudrait dire quoi, comme coûts? J'ai l'impression que vous ne prenez pas les responsabilités; vous n'acceptez pas la décentralisation sans pour autant négocier avec le gouvernement une responsabilité financière aussi qui devrait être décentralisée. Avez-vous établi certains coûts?

M. Allard: Non, nous n'avons pas cherché à déterminer ou à préciser les coûts, parce qu'ils nous paraissent relativement faciles à établir à partir du moment où on sait que cela va prendre entre 25 et 30 employés de plus possiblement. Il s'agit d'évaluer évidemment les salaires que cela va occasionner ainsi que toutes les autres ressources qui entourent cela. Fort probablement qu'un calcul rapide comme celui du député de Jeanne-Mance tout à l'heure, à savoir 2 000 000 $, pourrait être un chiffre raisonnable dans le cas de la Communauté urbaine de Montréal.

M. Rocheleau: J'aurais peut-être une question, M. le Président, à l'égard du ministre.

Le Président (M. Brouillet): Si le ministre l'accepte, je suis tout à fait ouvert à ce genre de dialogue.

M. Rocheleau: Il va sûrement l'accepter.

Une voix: Il est mieux. Il n'a pas le choix.

M. Clair: Oui, oui, toujours, oui, oui.

M. Rocheleau: On parle beaucoup de décentralisation, M. le ministre, et tous les mémoires y ont fait allusion, autant l'Union des conseils de comté que les municipalités régionales de comté et l'Union des municipalités; cela coûte combien, à votre ministère, actuellement, cette opération taxi au Québec, tant chez les petits bonshommes bleus, que l'ensemble des...

M. Clair: C'est justement, M. le

Président. Une chose que nous savons, c'est que cela ne coûte pas très cher, compte tenu du nombre de personnes affectées à ce service, si on veut. Mais ce qui est difficile à établir, c'est le coût exact, puisque les personnes qui ne sont affectées qu'au taxi... Si on prend, par exemple, l'équipe des inspecteurs en transport, ce n'est pas leur seule affectation; c'est difficile, surtout qu'ils travaillent très peu sur l'île de Montréal, mais principalement ailleurs en province et, dans la même journée, ils peuvent s'occuper de la vérification des taxis, des autobus ou des camions. C'est difficile d'établir un coût réel, mais je pense que les chiffres méritent d'être étudiés; il s'agit surtout d'établir ce que cela coûterait aux municipalités, c'est ce qu'il faut établir. Ce qu'on peut regarder comme revenus possibles, il y a d'abord les revenus des amendes. Il y a 2000 plaintes. D'ailleurs, c'est une question que je voulais poser. Les 2000 plaintes ont rapporté combien en termes de revenus? On m'accuse souvent, comme ministre des Transports, de financer le gouvernement avec des augmentations d'amendes pour infractions au Code de la sécurité routière, mais il y a un revenu rattaché à cela. Deuxièmement, il y a le revenu relié à la délivrance du permis de chauffeur qui pourrait être transféré aux municipalités. Il y a 15 000 permis de chauffeur sur l'île de Montréal. S'il y en a 15 000, mettons chacun par hypothèse à 100 $, cela fait 1 500 000 $, plus le revenu des amendes. On voit que ce n'est pas...

M. Allard: Le revenu des amendes est de 100 000 $.

M. Clair: 100 000 $?

M. Allard: Oui, au maximum.

M. Clair: C'est une moyenne de combien? 100 $?

M. Allard: Non, 50 $.

M. Clair: De 50 $. C'est cela, 50 $. Tout ce que je veux dire au député de Hull, c'est qu'on voit que, surtout basé sur le principe qui a été retenu, je pense, par l'Union des municipalités du Québec, lors de son dernier congrès, à savoir qu'autant que possible, les réglementés paient le coût de leur réglementation, on voit qu'il y a des avenues qui peuvent être ouvertes de ce côté. À mon avis, le problème de la compensation financière est relativement simple et peu coûteux à résoudre pour le gouvernement. C'est évident qu'on n'entend pas décentraliser seulement des factures, mais on n'entend pas non plus laisser les municipalités - et je sais que les gens de la ville de Montréal qui sont devant nous ne sont pas des élus - profiter de l'occasion pour venir trouver une source additionnelle de revenus dépassant le coût des services décentralisés.

M. Rocheleau: Vous avez tout de même remarqué, M. le Président, que ce ne sont pas les municipalités qui sont accourues ici, demandant de leur transférer ou de permettre cette décentralisation, tenant compte de l'opération des taxis, mais...

M. Clair: Je ne veux pas contredire le député ni engager un débat avec lui, mais on lit dans la position de la ville de Montréal, sous le titre "Décentralisation véritable": "Cela signifie que les composantes essentielles, telles l'émission, la suspension, le transfert, et la révocation des permis de taxi, la tarification, le développement des services, les normes de sécurité, la qualité des services, la délivrance des permis de travail, etc., devront relever de l'autorité municipale qui, dans le cas de la ville de Montréal, sera déléguée pour l'essentiel à la CUM." Ce que je comprends, c'est que la ville de Montréal dit à la décentralisation non seulement oui, mais encore plus loin que ce que vous envisagez, M. le ministre, à une condition, compensation financière.

M. Rocheleau: Oui, mais il faut tenir compte du fait que la ville de Montréal, c'est la ville de Montréal, ce n'est pas l'ensemble du Québec...

M. Clair: Là, vous avez raison, ce n'est pas Saint-Germain-de-Grantham, c'est la ville de Montréal.

M. Rocheleau: Non, il faut faire une distinction importante dans toute cette philosophie.

Une voix: Ce n'est pas Drummondville.

M. Clair: Méfiez-vous, on s'en vient bien.

M. Rocheleau: II ne demeure pas moins qu'on examine depuis hier les nouvelles avenues pour le taxi. On a écouté plusieurs intervenants qui ont présenté des mémoires drôlement intéressants, mais je me pose toujours une question. Premièrement, on traite du problème du taxi. Les propriétaires de taxi ont à faire face à leurs obligations, tenant compte de la conjoncture économique et autre. À Montréal, actuellement, on tient compte que dans la zone A-11, il y a, à toutes fins utiles, un nombre de taxis qui dépassent la normale de beaucoup, mais on n'a pas entendu ou à peu près pas de commentaires - ce n'est peut-être pas son rôle non plus - du ministre sur les problèmes qu'affrontent actuellement les propriétaires

de taxi, c'est-à-dire les coûts d'assurances, qui sont exorbitants, la taxe ascenseur de M. Parizeau sur l'essence, etc. On a discuté aussi des possibilités d'avoir une ristourne semblable à celle du fédéral qui accorde un cent le litre. Est-ce qu'on va discuter éventuellement de ce phénomène ou si on discute simplement du problème du gouvernement, du problème des municipalités, du problème de l'Union des conseils de comté et de l'Union des municipalités et on oublie de parler du problème que vivent les propriétaires de taxi dans leur quotidien, c'est-à-dire des coûts qu'ils ont à supporter pour gérer leurs frais quotidiens, hebdomadaires, mensuels et annuels?

M. Clair: Peut-être le député de Hull n'a-t-il pas pu, à cause des ses autres obligations, participer à l'audition de tous les mémoires, mais ces questions ont été posées par les gens de la Fédération des ligues de taxis.

M. Rocheleau: Oui, je les ai entendus.

M. Clair: À ce point de vue, je ne partage pas du tout votre avis. Quand la ville de Montréal fait des propositions quant à la réduction du nombre de permis, c'est une idée qui peut contribuer effectivement à la rentabilité. Je ne crois pas que les propriétaires et les chauffeurs de taxi demandent des formes déguisées d'aide sociale. Ce qu'ils veulent, c'est pouvoir évoluer dans un marché qui leur permette d'être rentables. Si, par l'ouverture de nouveaux marchés, diminution du nombre de permis, meilleur contrôle chez les chauffeurs ou quelles que soient les mesures qui pourront être retenues et mises de l'avant, l'objectif est d'en améliorer la rentabilité et que cet objectif est atteint... Vous savez, il y a des compagnies de transport qui paient effectivement des primes d'assurances très élevées aussi, qui paient un carburant très élevé, mais qui s'en plaignent moins, pourquoi? Parce qu'elles sont dans un secteur où elles parviennent à rentabiliser leur exploitation. À ce compte-là, je pense que ce serait - c'est toujours la mentalité qui m'a animé - faire fausse route que de dire: Ils ont des problèmes de rentabilité, on va leur donner deux ou trois "candy", on va donner une petite ristourne sur le carburant, on va jouer un peu avec les tarifs d'assurances à la Régie de l'assurance automobile et, bingo! c'est réglé. Mais ce ne sera malheureusement pas le cas, parce qu'il y a un problème d'occupation de ces véhicules-taxis et le problème va demeurer entier. On aurait donné du bonbon à court terme, mais on n'aurait pas vraiment réglé le problème.

Ce que la ville de Montréal suggère, ce que d'autres aussi ont suggéré va dans le même sens, la problématique du taxi, c'est d'abord un problème de rentabilité et ce problème de rentabilité peut être résolu par plusieurs avenues. Ce que je retiens de la commission, c'est qu'on n'aura pas à en retenir une seule mais, par une panoplie de moyens, on pourra atteindre l'objectif de rentabiliser le taxi, d'une part, et de mieux l'intégrer dans la problématique du transport urbain comme un mode de transport à part entière. Ces autres questions ont été discutées. (12 h 30)

M. Rocheleau: Je sais qu'on a traité de plusieurs de ces questions. Il y a certaines auditions de mémoires auxquelles je n'ai pu assister, mais j'ai quand même eu l'occasion de les lire de toute façon. On a beaucoup parlé de décentralisation et des possibilités de voir éventuellement les MRC ou les communautés urbaines ou régionales prendre en charge cette forme de décentralisation, mais il n'en demeure pas moins, M. le ministre... Je comprends que, si le nombre de taxis excède les normes, je pense qu'on retrouve le problème plus particulièrement -en tout cas à 75% peut-être - à Montréal. C'est Montréal qui connaît et qui vit ce problème; ici, à Québec, c'est peu. On a suggéré - je pense que même les coopératives l'ont suggéré - entre autres, à Montréal, un homme par véhicule sur 24 heures, ce qui réduirait le nombre de véhicules en circulation sur une période de 24 heures par jour.

Je persiste à croire et je souhaiterais savoir si, au cours de cette commission parlementaire, tenant compte du fait que les propriétaires actuels de taxi ont des problèmes dans l'immédiat, le ministre a l'intention de s'attarder un peu plus au problème du coût des assurances des taxis où il semble y avoir un abus actuellement. Je ne sais pas si c'est attribuable aux compagnies ou aux accidents causés par les taxis ou les propriétaires de taxi. Cela ne semblait pas être le cas l'autre jour lorsqu'on l'a analysé; il semblait y avoir à peu près 12% de responsabilité imputable aux propriétaires de taxi.

Il y a aussi le problème du carburant. Tantôt, M. le ministre, vous avez dit qu'il n'est pas question de subventionner l'industrie du taxi, et je comprends. Déjà, le Québec et les municipalités subventionnent en grande partie le transport en commun à des coûts drôlement effarants. Mais ce n'est pas non plus à l'industrie du taxi de subventionner le gouvernement du Québec par le coût des plaques d'immatriculation...

M. Clair: ...qui est de 40% inférieur à celui des véhicules automobiles réguliers.

M. Rocheleau: Quand vous prenez l'ensemble des coûts: les assurances se

chiffrent à peu près à 400 $ pour un véhicule...

M. Clair: Non, c'est... M. Bissonnet: ...397 $ M. Clair: La moyenne, cela?

M. Bissonnet: Non, pour un taxi, la plaque d'immatriculation coûte 393 $.

M. Clair: Immatriculation et assurance.

M. Bissonnet: Alors, avec l'assurance, c'est deux fois plus cher...

M. Clair: Immatriculation et assurance.

M. Bissonnet: ...que pour une automobile privée.

M. Rocheleau: En tout cas, de toute façon... Tenant compte du fait que le gouvernement n'a pas nécessairement la responsabilité de l'assurance sur le véhicule pour lequel le propriétaire doit s'assurer, je pense qu'on devrait tenter d'étudier quand même certaines modalités dans le but d'avoir des coûts préférentiels pour ces propriétaires qui possèdent une flotte de taxis quand même drôlement importante au Québec, je pense, pour l'ensemble du Québec.

M. Clair: M. le Président, je suis content que le député revienne sur la question des assurances parce que cela me permettra, d'abord, de préciser que l'étude des formulaires qui avaient été remplis par les propriétaires de taxi, concernant le taux de leur prime d'assurance automobile dans le domaine du dommage matériel, a été faite. Ce qu'on m'indique au bureau du Surintendant des assurances, je l'ai communiqué. Comme on n'a rien à cacher, j'ai fait tirer des photocopies; je voulais les donner hier et je l'ai oublié. L'étude qui a été faite par le directeur de l'actuariat à la Direction générale des assurances, aux institutions financières et coopératives, en vient à certaines conclusions. Le député pourra en prendre connaissance, mais je pense que c'est important, ce que le député soulève, même si on retarde peut-être un peu l'audition des mémoires.

Prenons l'exemption de la taxe sur les carburants. Celle-ci a été octroyée, aux alentours des années cinquante, à un groupe qui s'appelait les producteurs agricoles. C'était pour le carburant des tracteurs de ferme et de la machinerie de ferme. Cela a été considéré à l'époque comme allant effectivement améliorer. Ce fut électoralement très populaire, mais quelle a été l'efficacité réelle de cela en agriculture au Québec? Cela a été zéro. Qu'est-ce qui a amélioré le sort des producteurs agricoles au Québec? C'est quand ils sont parvenus, par des plans conjoints, à ajuster l'offre à la demande, à cesser de surproduire et d'être dans une situation où, effectivement, un peu comme dans le taxi, l'offre dépasse la demande dans le cadre des services traditionnels actuellement offerts par le taxi.

Même si on donnait une ristourne sur le carburant: En moyenne les chiffres que j'avais, c'est que la taxe sur le carburant par véhicule-taxi, représente à peu près 1200 $ par année. Je regrette, mais je ne pense pas qu'on réglerait le problème avec 1200 $ de remboursement de la taxe sur le carburant par année. C'est sûr que la première année, l'année où on poserait le geste, ce serait populaire. Mais on n'aurait pas réglé le problème fondamental de la rentabilité du taxi. C'est probablement la raison pour laquelle les gouvernements qui se sont succédé après cette exemption de la taxe sur le carburant pour les producteurs agricoles dans les tracteurs et autres équipements de ferme n'ont pas retenu ce genre de solution; cela s'appelle des expédients, cela s'appelle ne pas s'attaquer à la racine du mal et c'est ce qu'on essaie de faire, avec la proposition de programme d'action qu'on a, de s'attaquer à la racine du mal qu'est la rentabilité du taxi. Quelqu'un qui exploite un service rentable, comme le disaient justement les gens de la ville de Montréal, c'est évident que cela aurait un effet très positif sur la qualité du service.

Quand on voit un nombre important de plaintes sur des véhicules en mauvais état, ce n'est pas parce qu'il y a une taxe de 40% sur le carburant. C'est parce que le véhicule-taxi ne parvient pas à être suffisamment rentable pour permettre le renouvellement de la flotte et pouvoir offrir une bonne qualité de service.

La question des assurances, cela a été étudié; aucune objection, d'ailleurs le ministère des Institutions financières, cette année, fait encore une analyse de la situation des assurances afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'injustice, c'est une chose. S'il y a des problèmes, le ministre l'a dit, on agira. Mais les études qui ont été faites n'amènent pas à la conclusion qu'il y a abus. Que les primes soient très élevées, ce n'est pas dur à constater, tout le monde est d'accord là-dessus. Qu'il y ait abus par rapport aux règles normales de fonctionnement des assurances dans ce domaine, la conclusion avait été négative, il n'y avait pas d'abus en vertu des règles normales.

La surtaxe sur le carburant, on peut bien en parler toute la journée mais cela ne réglera pas le problème. Il faut des règles du genre un homme, une voiture, une réduction du nombre des permis ou, ce qui est l'option privilégiée dans le programme d'action,

l'ouverture de nouveaux marchés et toute une série d'autres mesures comme la conversion au GNC, comme l'ouverture vers le transport des personnes handicapées, je parlais d'un lien Mirabel-centre-ville. Il faut toute une série de mesures qui permettraient d'améliorer la rentabilité. C'est ma philosophie et c'est dans ce sens que je suis prêt à subir longtemps les critiques de l'Opposition sur cela; se contenter de réduire la taxe sur le carburant ou se contenter de jouer un peu avec les primes d'assurance automobile dans le domaine qui relève de nous, dans le domaine public, cela ne réglerait rien. Je pense que ce serait leurrer les propriétaires de taxi que de leur laisser croire que cela réglerait tout.

M. Rocheleau: Je pense quand même, M. le Président, sans éterniser la discussion, qu'il faut examiner l'ensemble du problème.

M. Clair: Je suis d'accord sur cela.

Le Président (Brouillet): II faudrait terminer bientôt...

M. Bissonnet: Je tiens à avoir mon droit de parole.

Le Président (Brouillet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Dans la ville de Montréal, il y a 53% des taxis. Le mémoire que vous avez présenté reflète inévitablement le problème no 1 de la ligue A-11 qui dessert véritablement la ville de Montréal et, par le biais de la CUM, les agglomérations A-5 et A-12. C'est bien évident que dans la ligue

A-11 - M. le ministre, vous le savez très bien, la députée de Dorion, qui s'implique dans le dossier du taxi, le sait elle aussi très bien - c'est qu'il y a trop de permis de taxi à Montréal. Il n'y a pas de doute. Il y a des avenues pour les réduire; il y a eu une proposition qui a été faite par l'assistant contrôleur général de la ville de Montréal, il y a évidemment la ligue de l'agglomération

A-11 qui a fait des suggestions, il y a également la ligue A-36 de Québec, qui est déjà intéressée à racheter des permis, parce qu'il y en a trop à Québec. Elle veut les racheter et probablement qu'elle a plus les moyens de les racheter que dans la ligue A-11.

Lorsqu'on parle de permis, vous avez mentionné tantôt qu'en 1970, il y avait 4400 permis environ à Montréal, ce qui est exact, parce qu'en 1954, il y en avait 4300. Il y a eu l'annexion de Saint-Michel et de Rivière-des-Prairies et on arrive à 4400. Il est arrivé un événement en 1967 et au moment où je vous parle, le ministère ne semble pas trouver la réponse. C'est qu'il y a eu 500 permis additionnels qui ont été accordés pour l'Exposition universelle, à Terre des hommes. Actuellement, il y a 5218 dans la ligue A-11, cela inclut évidemment toutes les autres municipalités qui ont été obligées de se joindre, en vertu du règlement 36, à la ligue

A-11, soit la côte Saint-Luc, Montréal-Ouest, LaSalle, Saint-Laurent, Saint-Pierre, Verdun et Westmount. On totalise actuellement 5218 permis. Pour la ligue de taxis A-11 à Montréal, pour la Fédération des ligues, et probablement pour le ministère, on pense que ces 500 permis, qui ont été émis temporairement, sont devenus permanents. Évidemment, votre section des taxis était bien efficace avant 1973. Je sais que c'était M. Saulnier qui avait fait la demande au gouvernement à l'époque. Êtes-vous au courant ou pourriez-vous nous donner des informations additionnelles si ces 500 permis sont devenus des permis permanents? Première question.

M. Allard: J'ai eu une consultation avec un membre du service de police, qui travaillait à l'époque dans la section des permis de taxi, et il conteste cette affirmation qu'il y aurait eu 500 permis de taxi accordés en 1967. Je ne suis pas en mesure d'infirmer ni de confirmer cette affirmation. Il faudrait peut-être qu'elle soit vérifiée. Je ne sais pas s'il existe de la documentation quelque part, mais il semble qu'il y ait eu, en 1967, une entente entre les trois gouvernements: fédéral, provincial et la ville de Montréal pour établir un système de transport pour les dignitaires qui prévoyait effectivement une flotte d'environ 500 véhicules. Est-ce que c'est devenu des permis de taxi? Personnellement, je n'en ai aucune indication et pour nous ce n'est pas encore prouvé.

M. Bissonnet: Merci. Lorsque vous dites qu'avant 1973, il y avait le service des taxis à la police, qu'il y avait, comme vous l'avez mentionné, à peu près une vingtaine de policiers, des équipes et il y avait également à l'intérieur de la division des permis de taxi un personnel de fonctionnaires municipaux qui était à peu près composé de douze à treize personnes en plus de deux employés qui étaient à l'office municipal du tourisme, qui étaient préparés aux examens pour les nouveaux candidats pour obtenir un permis dit "pocket number". Lorsque vous mentionnez également le contrôle avant 1973, je pense que c'est une question très prioritaire, M. le ministre, concernant le contrôle des voitures et le contrôle des chauffeurs. On a, à titre d'exemple, les gens qui arrivent à Montréal par autobus, qui veulent prendre un taxi au coin des rues Berry et de Maisonneuve, c'est quasiment une guérilla pour entrer sur les "stands". Il y a peut-être 20 autos qui veulent entrer pour un emplacement de cinq à huit voitures. Il

est évident qu'on ne voit actuellement aucun contrôle sur la compétence. Selon les informations que j'ai, beaucoup de personnes conduisent un taxi sans "pocket number". Le "pocket number" que le ministère a émis, l'occupant de la voiture ne peut même pas regarder la photo parce que c'est une petite photo de un pouce sur deux, alors qu'autrefois, c'était un "pocket number" que tout le monde pouvait voir. Quand quelqu'un avait une plainte à formuler, il avait le nom et le numéro. C'était très bien identifié. (12 h 45)

Une des sources très actuelles - vous allez probablement me le confirmer - est qu'il y a un manque, actuellement, selon ce qu'il y avait avant 1973 et aujourd'hui, au point de vue de la vérification du service qui est donné par auto-taxi dans la ville de Montréal. Est-ce que vous pourriez établir une différence entre les deux systèmes et nous indiquer votre constatation par rapport au système auquel nous faisons face aujourd'hui?

M. Allard: Oui, je pense que la différence principale est que, avant 1973, il y avait un contrôle avant que le permis de travail soit donné, avant que le permis de taxi soit donné, alors qu'aujourd'hui le contrôle n'est qu'après que tous ces permis soient donnés. C'est beaucoup plus facile d'assurer une qualité quand on contrôle dès la demande de permis que lorsqu'on se contente d'arriver après pour appliquer un règlement et qu'on traite avec des gens qu'on n'a pas eu l'occasion de connaître, d'examiner et sur lesquels on n'a pas enquêté.

De plus, à l'époque, il existait des communications constantes entre le monde du taxi et la police. Il y avait même beaucoup de coopération, parce qu'il y avait une unité de travail, une unité de fonctionnaires qui avait ce type de relation très dynamique avec l'industrie du taxi. Aujourd'hui, ce sont des policiers qui sont pris pour se faire détester, si vous voulez, en allant régler des problèmes ou des chicanes sur les postes d'attente. Justement, au poste d'attente que vous mentionniez, M. Bissonnet, il y a environ un mois, un peu plus d'un mois, j'ai été témoin d'une bagarre à coups de bâtons entre chauffeurs de taxi. Ce n'est pas pour encourager l'industrie du taxi à Montréal, pour inciter les visiteurs à prendre ce moyen de transport, quand cela se produit.

M. Clair: ...chauffeur de taxi, oui.

M. Allard: J'ai pris un taxi hier pour me rendre à la gare Bonaventure, j'ai été très bien servi, d'ailleurs, dois-je dire.

M. Bissonnet: Une autre question. À la ville de Montréal, dans les années cinquante, on avait un système de postes d'attente privilégiés à des associations de services. Au cours de l'année 1953, si ma mémoire est fidèle, on a mis tous ces postes d'attente sur rue en commun. Dans votre mémoire, je ne trouve rien en ce qui a trait aux concessions. Je ne sais pas si c'est à l'intérieur de votre comité. Vous avez étudié les concessions qui se donnent à des associations de services à l'intérieur de la ville. À titre d'exemple, on va considérer les établissements qui sont des propriétés gouvernementales: l'hôpital Notre-Dame, l'hôpital Maisonneuve. Est-ce que vous avez analysé, dans la facette de la rentabilisation et de l'égalité de tous les propriétaires d'auto-taxi, s'ils sont traités sur le même pied, d'égal à égal avec tous leurs confrères? Est-ce que vous avez traité de ce sujet?

M. Allard: Malheureusement, nous n'avons pas, dans notre comité, de fonctionnaires qui ont votre ancienneté comme fonctionnaire à la ville de Montréal.

M. Bissonnet: Vous me faites rougir. On a parlé tantôt de décentralisation. Il est bien évident, quand vous demandez une décentralisation qui est assez complète, que vous ne demandez pas que la plaque d'immatriculation soit émise par la ville de Montréal, ce qui serait impossible. Mais dans toute cette décentralisation - je vous ai parlé tantôt d'un chiffre qui peut être conservateur - si, évidemment, on met le service de la police de la CUM vraiment à un contrôle efficace de cette industrie, on parlait de 2 000 000 $ - je considère que cela prend à peu près 60 personnes.

M. Allard: II faudrait vraiment, véritablement s'asseoir et examiner exactement quels seront les pouvoirs décentralisés, si vous me permettez l'expression. La difficulté était de bien déterminer exactement quelle allait être la responsabilité qui allait être dévolue au niveau local. On voit que, en matière de tarification, il semble exister un chevauchement, en matière d'émission de permis de propriétaire. Je réitère que nous le faisions auparavant et je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capable de le faire de nouveau, dans la mesure où on aurait les pouvoirs nécessaires pour parler de révocation, de suspension et de toutes ces choses-là.

M. Clair: Mais vous admettrez, Me Allard, que dans le cadre actuel ce serait plutôt un pouvoir de retrait de permis qu'un pouvoir de délivrance de permis, parce que si on suit votre logique, celle de la ville de Montréal, il y a trop de permis actuellement.

M. Allard: Pendant un bon bout de

temps, ce serait cela, M. le ministre.

M. Clair: Cela m'inquiète un peu si vous me parlez d'un pouvoir de délivrance.

M. Bissonnet: M. le ministre, ils n'ont jamais eu de pouvoir de retrait de permis, cela a toujours été la Commission des transports.

M. Clair: La commission, absolument.

M. Bissonnet: Le rôle que la ville de Montréal avait surtout à jouer lorsqu'elle était responsable de l'émission des permis de chauffeurs de taxi...

M. Clair: ...de chauffeurs.

M. Bissonnet: ...de chauffeurs, c'était toujours elle qui les émettait... Les examens étaient tenus par elle avec l'Office municipal du tourisme...

M. Clair: Mais M. le Président, on s'entend, on propose de leur donner...

M. Bissonnet: ...et à cette époque-là, M. le ministre, je peux vous dire qu'on ne parlait pas de la non-compétence des chauffeurs de taxi à Montréal, c'était acquis.

M. Clair: C'est exactement ce qu'on dit.

M. Bissonnet: Comme le disait mon collègue, le député de Hull, on a une commission parlementaire, on écoute des mémoires, mais nous autres on veut que vous passiez à l'action, puis vite, ça presse. Merci.

M. Clair: Alors, on comptera sur l'appui de l'Opposition, M. le Président, au moment du dépôt du projet de loi.

M. Bissonnet: On va vous faire des propositions très très constructives...

M. Rocheleau: ...et pertinentes plus tard cet après-midi.

Le Président (M. Brouillet): Messieurs...

M. Clair: M. le Président, avant que les gens de la ville de Montréal nous quittent, je voudrais simplement les remercier de s'être déplacés ce matin, d'être venus nous présenter leur point de vue, d'avoir répondu avec autant de précision, d'ailleurs, aux questions pertinentes du côté ministériel et du côté de l'Opposition. Je vous remercie.

Le Président (M. Brouillet): Merci, messieurs. Alors, nous allons suspendre nos travaux. Oui?

M. Bourbeau: M. le Président, je pensais qu'on avait convenu d'entendre les gens de l'AQTR... Je ne sais pas s'ils sont ici. Est-ce que les gens de l'AQTR sont ici?

M. Clair: Oui, ils sont là, mais...

M. Bourbeau: Étant donné qu'il n'est pas une heure encore, est-ce qu'on ne pourrait pas commencer au moins à les entendre un peu ou...

M. Clair: Je pense, M. le Président que...

Le Président (M. Brouillet): Savez-vous que commencer à entendre un groupe puis l'arrêter au milieu de la présentation de son mémoire, ce n'est pas très très bien.

M. Bourbeau: C'est parce que j'aurais voulu poser quelques questions à ces gens-là. Malheureusement...

Le Président (M. Brouillet): À compter de 15 heures cet après-midi, vous aurez le loisir de poser vos questions, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Malheureusement, M. le Président, ce qui arrive, c'est que le ministre dit qu'il a une réunion et qu'il doit s'absenter. Et le député de Laporte a une réunion à 15 heures cet après-midi, de sorte que je ne pourrai pas du tout assister à cette présentation-là. C'est malheureux.

Le Président (M. Brouillet): Alors, je pourrais vous suggérer de passer votre question à l'un de vos collègues qui sont ici, je suis certain qu'ils sauront la poser.

M. Clair: Votre message est passé.

M. Polak: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui.

M. Polak: On a encore dix minutes avant une heure. Est-ce qu'on ne peut pas parler, pendant ces dix minutes, du problème de celui qui ne peut ni lire ni écrire et de son permis, son "pocket number"? C'est un problème très très important. On n'a pas besoin que les gens restent ici, mais j'aimerais bien qu'on prenne dix minutes parce que, dans tous nos comtés, il y a des cas comme ça, et je pense qu'il faut y trouver une solution.

M. Clair: M. le Président, les gens de la Régie de l'assurance automobile du Québec seront présents cet après-midi à 15 heures; ils ne sont pas ici dans le moment.

M. Polak: D'accord.

M. Bissonnet: M. le Président, je propose qu'on suspende nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Le Président (M. Brouillet): Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente des transports reprend ses travaux. Nous allons entendre les représentants de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal. Si vous voulez vous avancer, s'il vous plaît. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.

Conférence des maires de la banlieue de Montréal

M. Lang (Bernard): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les députés. Mon nom est Bernard Lang. En ma qualité de membre du conseil d'administration de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal, j'ai l'honneur de soumettre ce mémoire à votre compétence, au nom de mes collègues.

Le gouvernement du Québec, par son projet de réforme, indique clairement sa conscience et sa préoccupation des problèmes auxquels est confrontée l'industrie du taxi, composante importante du transport urbain. Il témoigne aussi de sa volonté de collaborer intensément avec tous les intéressés dans la recherche des meilleures solutions possible. C'est dans ce même esprit de collaboration que nous vous prions de recevoir ce document.

La réforme proposée. Bien que nous ne nous attarderons pas sur chaque thème proposé dans le livre blanc, il importe que nous fassions connaître nos vues sur le projet de réforme de l'industrie du taxi en général.

Une réforme de l'industrie du taxi doit se faire dans le contexte de la problématique du transport urbain. Une décentralisation véritable doit se réaliser à partir d'un partage de pouvoirs réels et non d'un transfert de contrôles seulement. Une décentralisation des contrôles doit être accompagnée d'un transfert de tous les pouvoirs impliquant l'entière autonomie décisionnelle en matière de gestion. Une décentralisation réelle doit inclure des compensations financières. Le taxi, comme moyen de transport paracollectif, est une option qui peut être considérée dans la recherche d'alternatives.

Ce projet de réforme de l'industrie du taxi s'inscrit dans un objectif de décentralisation. Cet objectif tient sa réalisation du nouveau partage des responsabilités entre les paliers de gouvernement provincial et municipal. Mais le livre blanc ne développe pas l'aspect financier comme, par exemple, les coûts générés par l'augmentation des effectifs policiers, nécessaires à l'application du programme d'action proposé. D'un examen de la situation du taxi, sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, se dégagent des éléments majeurs dont nous retenons l'écart entre l'offre et la demande, moins conséquents dans les municipalités de banlieue que dans la métropole.

Le taxi, comme moyen de transport paracollectif. Partage des pouvoirs et aspect financier. Une nuance existe entre partage des pouvoirs, partage des compétences et partage des responsabilités, dont le projet de réforme ne semble pas tenir compte. Ce que propose le livre blanc est surtout un partage des compétences et des responsabilités, mais très peu un partage des pouvoirs. Le transfert proposé s'effectue surtout au niveau des contrôles, plutôt qu'au niveau des normes, ce qui a pour effet de libérer le gouvernement de ses fonctions.

Les autorités locales n'ont actuellement aucun pouvoir véritable sur le transport par taxi, bien qu'il soit généralement admis qu'il devrait relever de la compétence municipale. Une décentralisation réelle devrait être accompagnée d'un transfert de tous les pouvoirs impliquant l'entière autonomie décisionnelle en matière de gestion dans ce domaine. Une décentralisation réelle devrait inclure des compensations financières pour permettre aux municipalités de faire face aux coûts engendrés par les responsabilités nouvelles qu'elles devraient assumer directement ou par l'entremise de la Communauté urbaine de Montréal.

Parmi ces responsabilités, nous retrouvons les permis de taxi, les permis de travail, la tarification, les services de sécurité, les avis de stationnement, l'inspection des véhicules.

Le taxi sur le territoire de la communauté. Un examen de la situation du taxi sur le territoire de la CUM ne saurait se faire sans tenir compte de l'écart entre l'offre et la demande. Il y a actuellement 5818 taxis sur l'île de Montréal. Ce nombre est jugé excédentaire par rapport à la demande. Il en découle donc des effets négatifs: revenus insuffisants, insatisfaction des détenteurs de permis, services diminués au niveau de l'éthique du chauffeur et de la sécurité de la clientèle.

Le problème de rentabilité du taxi en banlieue, comme dans d'autres agglomérations, peut être associé au trop grand nombre de permis émis. Néanmoins celui-là n'est pas aussi aigu que dans la

métropole où le ratio entre le nombre de permis et le niveau de population est largement supérieur à celui que l'on retrouve ailleurs sur le territoire: À Montréal, un taxi pour 248 personnes; dans l'ouest de l'île, un taxi pour 790 personnes; dans l'est de l'île, un taxi pour 825 personnes.

Toutefois, le ratio de l'agglomération A-11 de Montréal ne peut être évalué de la même façon qu'ailleurs, la grande majorité des voyages se faisant répétitivement et sur une courte distance, régulièrement pour un grand nombre d'usagers. Dans les municipalités de banlieue par contre, les voyages d'un point à un autre ou d'une ville de banlieue à une autre représentent une distance beaucoup plus longue, effectuée généralement sur une base occasionnelle. Une étude comparative de rentabilité sur le territoire devra tenir compte de ce facteur, bien que la rentabilité de l'industrie ne soit pas, pour les municipalités, le but envisagé.

Le taxi comme moyen de transport paracollectif. Conçu comme moyen de transport individuel, le transport par taxi n'est pas facilement conciliable avec la notion d'un mode de transport paracollectif. Aussi, l'élargissement du marché à des groupes comme les écoliers et les personnes handicapées doit être étudié en profondeur en matière de sécurité et de coûts avant d'être encouragé.

Dans la recherche d'alternatives au mode de transport de masse dans des secteurs où des problèmes de transport sont observés, le véhicule-taxi pourrait être considéré.

Les municipalités doivent pouvoir avoir l'option de déterminer dans tous les cas si ce service leur convient localement ou non.

Conclusion. En conclusion, les municipalités sont conscientes qu'une réforme doit être réalisée dans l'industrie du taxi. Elles ne sont pas prêtes toutefois à accepter qu'un nouveau partage des responsabilités ne soit accompagné, en même temps, d'un partage de pouvoirs réels. Quant à l'aspect financier, toute responsabilité nouvelle qui serait dévolue aux municipalités doivent essentiellement comporter des compensations financières. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je voudrais remercier M. Lang de venir représenter la Conférence des maires de la banlieue de Montréal par un court mémoire sur la question de nouvelles avenues pour le taxi.

Mes commentaires seront brefs. D'abord, en ce qui concerne l'élargissement à d'autres marchés comme les personnes handicapées, les écoliers, il me semble que l'expérience acquise dans la région de Québec à ce titre, notamment dans le transport adapté pour les personnes handicapées, démontre clairement que, tant en termes de sécurité qu'en termes de coût, c'est avantageux pour la collectivité. Je pense que l'expérience de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec est très éloquente à ce point de vue-là.

En ce qui concerne par ailleurs les autres points, plusieurs ont été soulevés déjà par la Communauté urbaine de Montréal ou d'autres. La question, par exemple, de la garantie de compensation financière. Ma réponse à cela est qu'effectivement il faudrait qu'il y ait des compensations financières qui soient équivalentes au transfert de responsabilité, de compétence ou de juridiction, dans la mesure, cependant, du coût additionnel qui est ainsi produit, puisqu'on sait, par exemple, que sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, déjà le service de police de la communauté est responsable de l'application du règlement no 6. Et, je ne pense pas que la compensation financière en cause soit un problème important, puisqu'il ne s'agit pas là de sommes très importantes. On sait que 60% des permis de taxi au Québec se concentrent sur l'île de Montréal et les chiffres qui nous étaient donnés ce matin par des gens de la ville de Montréal, sur la base de l'expérience qu'ils avaient eue antérieurement, pourraient être - le député de l'Opposition le disait lui-même - de 2 000 000 $. 2 000 000 $ pour une lacune. cela semble un gros chiffre. Si cela couvre 60% des coûts reliés à la réforme, on se rend compte qu'on ne parle pas de sommes de dizaines de millions de dollars, mais c'est quand même important quoique limité.

La position de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal est de dire: S'il y a une décentralisation, on veut une décentralisation véritable. On fait une distinction entre des compétences, des responsabilités et des pouvoirs. On nous dit: Vous voulez nous décentraliser les responsabilités et les compétences, mais non pas les pouvoirs réels. Je pose la question très directement: Si on donne aux autorités locales, comme on le propose, le pouvoir de contrôler complètement la question des chauffeurs, la tarification, les services qui pourraient être instaurés, c'est-à-dire que les autorités locales pourraient décider elles-mêmes si elles appuient le taxi collectif, paracollectif, de quelle façon, à quel rythme, sur quelles lignes sans aucune obligation, il reste quoi au niveau du gouvernement du Québec? Le gel des permis.

Vous demandez que - vous soulignez dans votre mémoire qu'il y a trop de permis - le pouvoir de délivrer des permis reste centralisé à Québec. Dans le moment, si ce pouvoir était décentralisé - c'est plus le pouvoir de retirer des permis que d'en

délivrer - on garderait l'immatriculation, la définition de certaines normes de sécurité minimales applicables à tous les véhicules au Québec, le permis de propriétaire rattaché à la Commission des transports du Québec, les normes de sécurité routière qui s'appliquent à l'ensemble de la population auprès de la Régie de l'assurance automobile. Quels sont les pouvoirs additionnels que vous voudriez avoir pour que vous considériez qu'il y a une décentralisation réelle des pouvoirs?

M. Bissonnet: Avant que M. le maire Lang réponde à cette question, j'aimerais clarifier ceci. Dans votre question, lorsque vous parlez des autorités locales et que vous faites référence au transport collectif, les autorités locales...

M. Clair: Dans le cas de Montréal.

M. Bissonnet: ...à l'intérieur de la communauté urbaine, la Conférence des maires de banlieue, ne peuvent rien décider en ce qui a trait au transport collectif parce que cela relève de la CTCUM et, malheureusement, la CTCUM, comme à de nombreuses reprises, n'est pas présente ici. Je m'implique en disant cela, en ce sens que les autorités locales de la CUM ne peuvent rien décider quant au transport collectif.

M. Clair: Je pense que la question mérite d'être posée puisque, par exemple, l'autorité que la CUM a actuellement sur le taxi, c'est surtout par l'entremise de son service de police et le règlement d'application. La notion d'autorité locale dans le cas du taxi à Montréal, je pense que tout le monde l'a comprise; la proposition, dans ce sens-là, est claire: c'est de remettre l'autorité à la Communauté urbaine de Montréal en respectant la structure qui est déjà en place et non pas en renvoyant la responsabilité à un exploitant, la CTCUM.

Je repose ma question. Vous semblez favoriser une décentralisation - vous dites véritable - des pouvoirs réels. Après avoir pris connaissance de la proposition du gouvernement, quels sont ces pouvoirs réels dont vous souhaitez voir la décentralisation en admettant, encore une fois, que la question de la compensation financière soit réglée?

M. Lang: J'admets qu'il faut étudier ces solutions en profondeur afin de répondre à votre question. C'est seulement un principe que je déclare aujourd'hui.

M. Clair: C'est donc une position de principe. Pour nous, cela est important. Vous dites que vous voulez avoir des pouvoirs réels et je vous dis: Voici les pouvoirs que je vous donne. Je les écris noir sur blanc dans un programme d'action. J'imagine que lorsqu'on me dit, dans un document, qu'on ne veut pas simplement des compétences, des responsabilités ou des fonctions, mais des pouvoirs réels, on doit avoir une idée assez précise de ces pouvoirs réels qu'on voudrait. Sans quoi, c'est une position de principe qui, vous en conviendrez, est difficile à recevoir de mon point de vue.

M. Lang: Peut-être que nous pouvons envoyer une lettre supplémentaire pour déclarer tous les sujets qui nous inquiètent.

M. Clair: D'accord, parce que ce que j'ai vu dans votre mémoire, après avoir pris connaissance du mémoire de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des municipalités régionales de comté, c'est qu'il s'inspirait largement du leur. Je l'ai dit devant ces gens-là, il m'apparaissait que ce que l'Union des municipalités du Québec réclamait surtout, c'était justement ce qu'on proposait et qu'il y avait peut-être un écart d'entendement, si on veut, quant à la signification des pouvoirs qu'on souhaite transférer aux municipalités. Finalement, on était substantiellement sur la même longueur d'onde. Alors, c'était ma question, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, très brièvement, je pense que c'est le premier mémoire présenté par quelqu'un que je connais personnellement, le maire Lang, dont la langue première est l'anglais. So I will just put a few questions to you, Mr Mayor, in English. First of all, I want to thank you for appearing here before us. After all, the Conference of Mayors represents 42% of the population of the Urban Community of Montréal and the voice of the mayors is very important to us.

Do I understand correctly? Really what you are saying in your brief is: We do not mind taking on some of this work that may be given to us by the Government but you have to pay us for the work that we will do. That is what it means. It may be my own personal pretension, but my experience with you in the Government is so that you like to give jobs but you do not pay for them and so we are a little bit worried. Is that so in a nutshell?

M. Clair: M. le Président... M. Polak: Excusez-moi.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président. Ce que le député vient d'affirmer...

M. Polak: Voulez-vous que je traduise

là?

M. Clair: Non, je vous ai suivi. Je ne parle pas aussi bien anglais que vous, je le reconnais bien humblement. Quand le député fait cette affirmation, c'est parce qu'il n'a pas regardé les chiffres de la réforme de la fiscalité municipale de 1980. Il n'affirmerait pas cela parce qu'on a envoyé beaucoup d'argent. C'est 400 000 000 $, si ma mémoire est fidèle?

M. Polak: Tout ce que j'ai dit, M. le Président... En réponse à la question de règlement.

Une voix: 300 000 000 $.

M. Clair: Je vais me contenter de dire que je m'inscris en faux contre les propos du député de Sainte-Anne, complètement, M. le Président.

M. Polak: M. le Président, je réponds toujours, quand on m'accuse de faire une déclaration fausse, en disant que pas seulement ceux qui sont devant nous, mais la population en général commence à perdre un peu confiance dans vos paroles et vos promesses. Donc, on dit: Payez-nous et on va s'assurer de faire le job que vous payez. C'est tout ce qu'ils disent, pas plus que cela.

M. Clair: Si vous êtes certain que la confiance augmente envers vous, bienheureux!

M. Polak: Vous allez le voir, c'est garanti là!

M. Rocheleau: De jour en jour.

M. Polak: Mr. Mayor, one additional question. Yesterday you were not here but there was some extensive discussion concerning the transport of handicapped people, physically as well as mentally handicapped, and of course in connection with the industry of the taxi. They say that - and the figures were produced before us -in Montréal, the system as it is now, it will be probably much more expensive than if we sort of farm this out through cooperatives like they do in Québec City, a whole new point of view which seems to be very interesting. Do you have any comments on this? I know that in you brief you stated that this should be discussed "en profondeur" but I always feel there comes a time where we should stop discussing and studying in "profondeur" and maybe take a position. If it could be proven that this would be less costly to the community, I assume the mayors would be in favour of such a change?

M. Lang: Provided that we consider it to be a safe means of transport of handicapped people, yes definitely.

M. Polak: Is the Conference of suburban mayors involved in the study of this or I misread them when I mentioned that the "communauté urbaine" had a committee looking into it? Are you participating in that?

M. Lang: We will be participating in the very near future.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Sainte-Anne, est-ce que vous avez terminé?

M. Polak: Oui, je pense que vraiment c'est tout. That is all, thank you.

M. Clair: M. le Président, si les membres de la commission parlementaire ont finalement fait le tour assez rapidement du mémoire de la Conférence des maires de la banlieue de Montréal, cela s'explique non pas par un manque d'intérêt, je pense, pour le mémoire qui a été présenté mais surtout par le fait que les prises de position de la Conférence des maires de la banlieue se retrouvent également dans d'autres mémoires sur plusieurs des points. Cela explique, je pense, qu'il serait inutile que les parlementaires reposent les mêmes questions; on connaît un peu les réponses et l'esprit de votre mémoire ressemble à celui d'autres mémoires. Je remercie M. le maire de Saint-Luc de sa présence parmi nous.

Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Je proposerais qu'on étudie maintenant le mémoire no 6, la Communauté régionale de l'Outaouais, considérant que les porte-parole doivent prendre l'avion dans peu de temps. Il n'y a qu'un seul avion ce soir, à 17 heures, pour Hull.

M. Clair: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement?

M. Clair: Consentement.

Le Président (M. Brouillet): Les parties sont d'accord. Nous allons entendre la Communauté régionale de l'Outaouais et, après, nous reprendrons l'ordre du jour de ce matin.

Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Communauté régionale de l'Outaouais

M. Ménard (Pierre): Je suis Pierre Ménard, président de la Communauté régionale de l'Outaouais. Je suis accompagné de Mme Claudine Brunet, qui est chargée de la planification et qui est urbaniste de profession, et de M. Antoine Grégoire qui est président-directeur général de la Commission de transport de la Communauté régionale de l'Outaouais.

J'aimerais vous mentionner tout de suite, au début de notre exposé, que même si la Commission de transport de la Communauté régionale de l'Outaouais ne présente pas de mémoire distinct, les dirigeants de la commission ont participé à nos discussions, ont participé aux rencontres d'information qui ont eu lieu avec les fonctionnaires du ministère et ceux-ci souscrivent aux propos qui sont dans notre mémoire quant à la question de l'élargissement des marchés et quant aux différentes questions du document qui traite des commissions de transport.

Il y aurait lieu de commencer par un exposé de la situation dans l'Outaouais, particulièrement, au départ, par rapport au territoire et à sa desserte. La communauté régionale couvre un vaste territoire de quelque 2400 kilomètres carrés. Elle comprend onze municipalités, dont six affichent un caractère franchement rural. À l'extrémité est du territoire, se trouvent les deux petites villes de Masson et de Buckingham dont la population combinée se chiffre à environ 12 300 habitants. Cette population est desservie de manière adéquate par cinq taxis dotés de permis de catégorie région. Le principal centre urbain de la communauté est constitué par la conurbation de Gatineau, Hull et Aylmer où se concentrent 85% de la population globale, soit environ 158 000 habitants. Il y a deux agglomérations de taxi dans cette zone urbaine: l'agglomération de Hull A-34 et celle de Gatineau, A-55.

L'agglomération de Hull a une population totale de 59 800 habitants et elle est dotée de 84 permis de taxi. Cela représente un ratio de un permis par 710 habitants, presque le double de celui qui est fixé dans le règlement 6. Pourtant, l'industrie du taxi à Hull se porte assez bien. Cela est dû à la demande importante générée par les édifices administratifs du centre-ville le jour, et par la clientèle ontarienne des clubs, bars et restaurants le soir.

L'agglomération de Gatineau a une population de près de 75 000 habitants et 61 permis de taxi y sont en vigueur, soit un permis pour 1230 habitants. Ce ratio est très proche des limites fixées par le règlement. Cependant, les centres d'emploi de Gatineau sont de type industriel plutôt qu'administratif, tandis que les établissements nocturnes recrutent la plupart de leur clientèle localement. En conséquence, la demande pour les services de taxi est très modérée et un certain nombre d'exploitants ont du mal à s'assurer un revenu satisfaisant.

La ville d'Aylmer compte à l'heure actuelle près de 27 000 habitants. Son territoire n'a jamais été désigné comme agglomération, de sorte que les 22 taxis qui y circulent sont dotés de permis de catégorie région. Cette situation devrait être corrigée par la création d'une nouvelle agglomération couvrant le territoire de la ville ainsi que la partie de la banlieue qui s'étend dans le canton de Eardley, sur le territoire de la municipalité de Pontiac. Le rapport permis/population pour Aylmer s'établit à un pour 1225 et il est conforme à la norme réglementaire. La demande est cependant trop faible pour assurer une pleine utilisation du potentiel de l'industrie dans cette ville.

Ces quelques constatations soulèvent une interrogation concernant le bien-fondé des normes relatives au nombre de permis, édictées à l'article 69 du règlement 6. Ces normes, basées uniquement sur des données démographiques, nous semblent peu aptes à assurer une adéquation, même approximative, de l'offre à la demande. Il nous apparaît évident que les facteurs sociaux et économiques ont sur la demande une influence beaucoup plus déterminante que la simple taille de la population. Les normes actuelles n'ont donc, à notre avis, aucune utilité réelle et elles devraient être retranchées.

Ceci dit, le fait demeure que le nombre de véhicules présentement autorisés à effectuer le service de taxi dans l'ensemble de la zone métropolitaine de Gatineau-Hull-Aylmer est amplement satisfaisant pour répondre à la demande. La communauté est donc favorable, pour l'instant, au maintien du gel des permis. Advenant une augmentation sensible de la demande dans l'une ou l'autre des parties de la zone, il siérait de profiter de l'occasion pour pallier les légers surplus que nous avons relevés. Nous souscrivons donc à l'idée de favoriser dans un premier temps le transport de permis d'un territoire à un autre. La politique en ce sens devrait cependant être formulée de manière à accorder expressément la priorité à la récupération des permis excédentaires dans les agglomérations d'une même région géographique.

Dans le but de nous familiariser avec la problématique du taxi dans notre région, nous avons invité les dirigeants des ligues de propriétaires de nos deux agglomérations à venir nous rencontrer. Ces personnes nous ont confirmé les affirmations que nous avions obtenues d'autres sources concernant le niveau de la demande pour les services de

taxi dans les différentes parties de notre territoire. Elles nous ont également exprimé leur satisfaction à l'égard des procédures de révision tarifaire établies par la Commission des transports, avec la seule réserve que des hausses de tarif plus fréquentes, mais moins importantes, seraient plus bénéfiques.

Autant que nous puissions en juger, les deux ligues fonctionnent bien. Dans le cadre du mandat que leur attribue la réglementation actuelle, des accords ont été conclus entre les membres relativement au partage des territoires qui leur sont alloués. Elles procèdent aussi à des échanges d'information concernant les chauffeurs disponibles. Sur ce dernier point, d'ailleurs, il semble s'être établi une coopération étroite entre les deux ligues.

D'après nos interlocuteurs, le problème majeur des propriétaires de taxis serait le manque de chauffeurs. La Régie de l'assurance automobile dénombre 612 permis de chauffeur dans la zone métropolitaine de Gatineau-Hull-Aylmer. Ce chiffre représente 3,6 chauffeurs par taxi, soit sensiblement la même proportion que celle mentionnée dans le livre blanc pour l'ensemble du Québec. Selon les propriétaires, la majorité de ces permis serait détenus par des individus qui ne sont pas vraiment intéressés à les utiliser sur une base régulière et il y aurait un réel besoin pour un plus grand nombre de chauffeurs disposés à travailler.

Nous ne sommes pas en mesure de porter un jugement éclairé sur cette question et nous sommes biens conscients de la nécessité de maintenir un équilibre normal entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre. Toutefois, nous tenons à faire état de nos réserves en ce qui a trait au moratoire proposé sur les permis de chauffeur.

Nous nous devons de mentionner que les propriétaires souhaiteraient même voir une libéralisation de la procédure de délivrance des permis de chauffeur. Ils ne nient pas la nécessité d'une procédure stricte de sélection des candidats. Bien au contraire, ils disent n'être pas entièrement satisfaits de la performance de la Sûreté du Québec dans ce domaine et citent certains cas où des individus ont pu obtenir des permis de chauffeur alors même qu'ils étaient impliqués dans des activités criminelles. Les propriétaires considèrent cependant que la procédure actuelle implique des délais beaucoup trop longs, compte tenu de la carence de chauffeurs qualifiés. Ils suggèrent qu'un permis provisoire puisse être émis à n'importe quel détenteur de permis de conduire de catégorie 31, sur présentation d'une preuve d'offre d'emploi par une compagnie de taxi. Au terme de l'enquête de la sûreté, ce permis provisoire serait ou remplacé par le permis permanent ou révoqué, si cela s'avérait préférable.

L'idée, à notre avis, est intéressante et nous recommandons au gouvernement d'étudier la possibilité non seulement d'instituer des permis provisoires, mais aussi d'utiliser la preuve d'emploi, au lieu du moratoire proposé, comme clé d'ajustement de l'offre à la demande.

Qu'en est-il maintenant de nos commentaires par rapport aux grandes réformes proposées dans le projet? Par rapport à l'ouverture de nouveaux marchés, le gouvernement propose d'élargir sensiblement le champ d'action de l'industrie du taxi. Il entend ainsi assurer la rentabilité à long terme de l'industrie et du même coup faciliter la tâche des commissions de transport public en diversifiant l'éventail des moyens à leur disposition pour assurer le transport des passagers. Sur ces derniers aspects, rappelons-le, une action a déjà été amorcée l'année dernière avec l'adoption des dispositions relatives aux transporteurs scolaires dans le cadre du projet de loi no 31.

La possibilité d'intégrer au système de transport collectif un mode de transport plus souple et moins coûteux que l'autobus nous paraît au départ assez séduisante. Un certain nombre d'expériences ont été tentées dans ce domaine dans plusieurs régions de l'Amérique du Nord. Les résultats, sans être absolument probants, semblent indiquer que, dans certaines conditions, le taxi collectif peut être utilisé avantageusement soit comme complément ou soit comme substitut aux modes plus conventionnels de transport en commun. La question toutefois est loin d'être simple et il importe de ne pas minimiser les écueils qui pourraient se trouver sur cette voie.

Tâchons de voir comment, pratiquement, pourrait se réaliser l'intégration. De prime abord, on serait tenté de proposer le recours au taxi collectif pendant les heures de pointe, afin de réduire les dépenses d'immobilisation. Cette avenue cependant s'avère peu praticable car les heures de pointe sont celles, justement, où les taxis traditionnels sont le plus en demande et font les meilleures affaires. Les gens du taxi préféreraient évidemment être appelés à prêter main-forte au transport en commun pendant les heures creuses de la journée et de la soirée. Il n'est pas exclu que cette dernière approche puisse être avantageuse pour les organismes de transport. Elle permettrait d'offrir, sur certaines lignes, un service adapté à la demande, à des coûts d'opération relativement bas par comparaison au maintien en service d'autobus réguliers.

On peut penser également à la desserte des secteurs périphériques en voie de développement où la demande est encore trop faible pour justifier la mise en service de circuits d'autobus. Dans des cas de ce genre, en faisant appel au taxi pour

effectuer un rabattement sur les lignes déjà en place, on pourrait sûrement retarder certaines échéances au chapitre des immobilisations. Il faut se rappeler ici que le contrôle de l'aménagement est une fonction qui n'est exercée à la communauté régionale que depuis une dizaine d'années. La croissance urbaine s'est faite pendant longtemps chez nous d'une manière assez aléatoire, de telle sorte que l'agglomération présente un contour assez flou. Nous pourrions énumérer une multitude de petits groupements résidentiels, à quelques kilomètres des centre-ville, où les déplacements des jeunes adolescents, des personnes à la maison et des gens âgés comptent parmi les petits soucis quotidiens. La réforme du taxi qui nous est proposée permet d'imaginer une formule pour offrir à ces citoyens un service minimal qui pourrait leur convenir. Reste à savoir quels en seraient les coûts et comment il faudrait les répartir. Le recours aux fonds publics nous paraît inévitable si l'on veut à la fois garder les tarifs à un niveau abordable pour les usagers et offrir aux exploitants du taxi une entreprise viable. Considérant le nombre élevé de secteurs potentiellement éligibles à des services de ce genre dans notre région, nous nous devons d'agir avec prudence et nous aurons besoin d'un temps de réflexion assez long avant de passer à l'action.

Il est fort probable qu'une mise à contribution judicieuse de l'industrie du taxi pour le transport des passagers permettrait aux commissions de transport de réaliser des économies appréciables au niveau du carburant, de l'entretien des véhicules et de la main-d'oeuvre. Nous entrevoyons cependant un problème en ce qui a trait à la main-d'oeuvre. Quelle serait la réaction des syndicats face à des projets comme ceux que nous venons d'esquisser? On sait l'incertitude qui entoure à l'heure actuelle l'interprétation et l'application par les tribunaux de l'article 45 du Code du travail dans les cas de sous-traitance. La polémique jurisprudentielle qui a cours présentement est centrée sur la notion du contrat. Or, la forme contractuelle qui est suggérée par le livre blanc pour régir la collaboration de l'industrie du taxi, confirmerait l'existence d'un lien de droit entre la commission de transport et l'exploitant du taxi. Celui-ci ne serait-il pas alors lié par la convention collective en vigueur entre la commission et ses employés? Cela représenterait une situation intolérable pour les gens du taxi qui ont toujours rejeté énergiquement tous les efforts de syndicalisation. La perspective de complications de ce genre ne peut manquer de provoquer chez eux des réticences bien justifiées. Il est évident que cette question devra être éclaircie dès le départ à la satisfaction de toutes les parties concernées.

Il nous faut parler enfin d'un problème encore plus fondamental. Le taxi collectif, même placé sous l'autorité de la commission de transport, représente une forme de concurrence par rapport aux modes conventionnels. Du point de vue de l'usager, le concurrent possède, par surcroît des atouts importants comparativement aux véhicules à plus grande capacité et aux modes de fonctionnement plus rigides qu'ils commandent. Pour qui se préoccupe avant tout de l'intérêt collectif, il est clair que, dans le contexte technologique actuel, les systèmes de grande et moyenne capacité sont les plus aptes à nous rendre maîtres des problèmes de congestion urbaine et de gaspillage d'énergie. Les investissements considérables qui ont été consentis dans ce domaine par tous les paliers de gouvernement témoignent éloquemment de telles convictions. Il importe donc de ne pas perdre de vue nos objectifs de promotion et de développement de systèmes de transport en commun rationnels, "rentables" - entre guillemets - et adaptés aux besoins de nos populations. Les taxis conventionnels, aussi bien que collectifs, et les autobus scolaires, ont peut-être un rôle à jouer. C'est ce rôle qu'il faut tenter de définir. (15 h 45)

À la communauté régionale, l'état d'avancement de la planification en matière de transport des personnes ne nous permet pas encore d'évaluer l'apport potentiel des moyens nouveaux que nous offre le gouvernement. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de porter un jugement éclairé sur l'opportunité des amendements législatifs proposés. Nous estimons que c'est à la commission de transport qu'il reviendrait de se pencher sur la question, préférablement en collaboration avec les autres commissions de transport du Québec. Nous recommandons donc au gouvernement de reconnaître le caractère distinct et spécifique des propositions du livre blanc qui ont une incidence sur l'organisation du transport en commun et d'engager à leur sujet un dialogue avec les intervenants directement concernés.

Le nouveau partage des responsabilités. Le livre blanc préconise une décentralisation progressive des pouvoirs et des tâches reliés à l'encadrement et au contrôle des activités du taxi. Seule la première étape du processus fait l'objet d'une description détaillée dans le document tel que publié. Pouvons-nous présumer que le gouvernement entend confier, plus tard, des responsabilités plus grandes aux autorités locales? Si tel est le cas, nous croyons que ces intentions devraient être énoncées clairement afin que nous puissions nous faire une idée juste de l'ampleur éventuelle de la tâche que l'on nous propose d'assumer.

Le projet de décentralisation, tel qu'il nous est présenté, ne touche qu'une faible

partie de l'ensemble des pouvoirs qui continueront d'être exercés à l'endroit de l'industrie du taxi. Le gouvernement, en effet, croit préférable de conserver tous les pouvoirs relatifs aux permis de propriétaires, à l'immatriculation et à la sécurité des véhicules, aux permis de conduire et aux ligues de propriétaires. Il entend - je cite -"prendre les mesures nécessaires afin de protéger les usagers en ce qui concerne la tarification, l'affichage, l'identification du véhicule et du chauffeur" et il se réserve en outre le pouvoir de définir le service.

Les autorités locales, quant à elles, se verraient confier le pouvoir d'établir les tarifs, de délivrer le permis de travail aux chauffeurs et de réglementer l'aménagement et l'utilisation des taxis, sous réserve de compatibilité avec la législation provinciale.

En ce qui a trait d'abord au pouvoir d'établir les tarifs, nous croyons que le transfert aux instances locales ne deviendra nécessaire que lorsqu'on envisagera d'amorcer l'intégration du taxi au système de transport en commun et de définir une politique globale de tarification. D'ici là, nous ne voyons pas d'utilité à ce que le palier central se départisse de son rôle. On se souviendra d'ailleurs que les gens du taxi nous ont déjà fait part de leur satisfaction quant à l'action de la Commission des transports du Québec dans ce domaine.

Nous voyons quelques avantages cependant à ce que soient assumés localement les pouvoirs relatifs à la délivrance et au renouvellement des permis de chauffeur. Cette mesure permettrait sans doute de remédier aux délais excessifs dont se plaignent les représentants de l'industrie. En outre, il est probable que les policiers locaux, étant plus familiers avec le milieu que les agents de la Sûreté du Québec, réussissent plus facilement à identifier et à écarter les éléments indésirables.

En ce qui regarde maintenant les pouvoirs généraux de réglementation de l'aménagement et de l'utilisation des taxis, nous devons avouer que nous demeurons perplexes. Il nous semble que l'encadrement minimal qu'entend se réserver le gouvernement laisse peu de place à l'exercice d'un pouvoir local. Une fois que la loi provinciale a défini le service, établi les normes de sécurité et pris des mesures pour protéger les usagers en matière de tarification, d'affichage et d'identification, que reste-t-il à régler autre que de l'accessoire? La propreté et l'entretien du véhicule, le confort du client, l'éthique du chauffeur, ce sont là des éléments de la qualité du service, laquelle ne saurait être assurée par des voies réglementaires. Elle est beaucoup plus du ressort de l'industrie elle-même. Le document est clair dans ce cas, entre autres, à la page 30.

La fonction de contrôle. Si le livre blanc propose un transfert de pouvoirs des plus limités, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit des responsabilités en matière de contrôle et de surveillance. On y lit: "Les communautés devront s'assurer de la surveillance et du respect de la réglementation établie pour l'ensemble de leur territoire et donner suite aux infractions devant les cours municipales." Cette fois, il n'y a pas à s'y tromper. Les autorités locales ont bel et bien la responsabilité et le gouvernement ne se réserve rien.

Les structures d'accueil. Après avoir passé en revue les responsabilités que nous assigne le livre blanc, nous tâcherons d'imaginer ce que représenterait pour la communauté régionale et ses municipalités la mise en oeuvre de la décentralisation telle qu'elle est proposée.

L'élaboration de normes et de règles adaptées aux besoins réels de la région nécessite des ressources et des compétences professionnelles que la communauté ne possède pas à l'heure actuelle. Il faudrait analyser le marché du taxi et les conditions d'exploitation, établir une structure tarifaire appropriée, élaborer un projet de réglementation et concevoir les mécanismes de contrôle requis.

Pour ce faire, plusieurs approches pourraient être envisagées, soit l'embauche d'un professionnel en transport sur une base contractuelle, soit la création d'un groupe de travail intermunicipal et le recours à un conseiller technique qualifié provenant soit de l'entreprise privée, soit possiblement du ministère des Transports ou, comme troisième possibilité, le recours à l'entreprise privée.

Ensuite, il faudrait voir à exercer les contrôles établis. Le livre blanc prévoit confier les responsabilités à la communauté pour l'ensemble de son territoire. Cela impliquerait des ententes avec cinq corps de police, incluant la Sûreté du Québec. La tenue des enquêtes préalables à l'émission des permis de chauffeur et la surveillance des taxis entraîneraient pour ceux-ci une charge additionnelle et nous ne savons pas si les corps policiers municipaux seraient en mesure de l'assumer avec les effectifs dont ils disposent présentement. En outre, quelle que soit la formule que l'on ait adoptée pour établir la réglementation, il faudrait quand même que la communauté se dote d'une structure permanente, aussi peu lourde soit-elle, pour la coordination et l'encadrement administratif.

Il est évident que la prise en charge par le palier local du contrôle et de la surveillance des taxis entraînerait des coûts non négligeables tant à la communauté qu'aux municipalités. Nous n'avons pour l'instant aucun moyen d'évaluer ces coûts. En contrepartie, le projet prévoit deux sources de revenus: les frais de délivrance des

permis de chauffeur et les amendes imposées pour les infractions aux règlements. Les revenus qui pourraient être engendrés par les permis n'atteindront pas des montants très importants à l'échelle de la communauté. Nous avons présentement quelque 600 détenteurs de permis de chauffeur dans la région et les nouveaux candidats sont peu nombreux, selon les dires mêmes des propriétaires.

Quant aux amendes, le niveau des revenus qu'elles représentent sera en fonction de l'effort consenti par les corps policiers pour déceler les infractions, mais n'oublions pas que, sur tout le territoire de la communauté, il n'y a que 174 taxis. Somme toute, il est très peu probable que ces revenus potentiels puissent compenser pour les coûts occasionnés par le transfert des responsabilités que propose le gouvernement. Il est essentiel qu'une analyse complète des coûts et des revenus associés au contrôle du taxi soit rendue disponible si le gouvernement entend se départir de cette fonction pour la confier à un nouvel intervenant.

Les effets de la décentralisation proposée. Nous venons de faire état des difficultés que nous entrevoyons en rapport avec l'application des propositions du gouvernement dans notre région. Nous tenons maintenant à formuler un dernier commentaire qui est d'un intérêt beaucoup plus général. Dans cette optique, permettez-moi de citer un passage du projet Des nouvelles avenues pour le taxi: "Le grand nombre d'intervenants administrativement indépendants et l'éloignement des organes gouvernementaux par rapport aux centres d'exploitation ont rendu difficiles le suivi de la situation du taxi et l'apport de réponses satisfaisantes aux problèmes qui se sont posés. L'éparpillement des responsabilités a entravé l'exercice d'un certain contrôle de la part du gouvernement. Chaque organisme a, de par ses responsabilités, de multiples préoccupations. Il ne faut donc pas s'étonner qu'un ajustement administratif pleinement justifié ne puisse quelquefois être appliqué avant plusieurs mois."

Nous avons cité ce long passage parce qu'il exprime parfaitement les craintes que nous éprouvons face à la décentralisation partielle qui nous est proposée. Au lieu de réduire le nombre des intervenants, on en ajoute à plusieurs paliers qui sont tous administrativement indépendants les uns des autres et qui, par surcroît, ne sont aucunement familiers aux intervenants actuels. Les organismes gouvernementaux demeurent à leur place, loin des centres d'exploitation, et ils conservent toujours leurs pouvoirs sur des éléments clés du secteur du taxi. Les nouveaux acteurs que l'on veut mettre en scène ont déjà de multiples préoccupations et, pour certains d'entre eux, ces préoccupations n'ont aucun lien, si ténu soit-il, avec la responsabilité qu'on leur propose d'assumer.

Le volet décentralisation du projet de réforme, à notre avis, risque de créer plus de problèmes qu'il n'en pourra résoudre. Le partage des pouvoirs, tel qu'il est proposé, nous plongerait dans une situation d'ambiguïté et sèmerait la confusion dans les esprits. Les responsabilités seraient encore plus diluées qu'à l'heure actuelle et le processus décisionnel serait davantage vulnérable aux blocages administratifs et aux imbroglios bureaucratiques. Si le gouvernement estime ne pas être en mesure de continuer à exercer le contrôle sur les activités du taxi, nous croyons qu'il faudrait envisager ou bien une formule plus radicale de décentralisation ou bien le simple recours à des ententes pour assurer la surveillance.

En conclusion, la communauté régionale a trouvé dans le livre blanc certains motifs d'appréhension et beaucoup d'éléments prometteurs pour l'avenir. La préparation de ce mémoire lui a permis de se familiariser avec certains aspects de la problématique régionale qu'elle n'avait pas eu le loisir d'examiner dans le passé.

Sur le territoire de la communauté, l'industrie ne semble souffrir d'aucun problème sérieux. Sous réserve de quelques petits ajustements mineurs comme la création d'une nouvelle agglomération pour la ville d'Aylmer et des améliorations à apporter aux procédures de délivrance des permis de chauffeur, toutes les parties concernées sont satisfaites de la situation actuelle.

Le projet de réforme présenté dans le livre blanc comporte deux grands volets bien distincts qui doivent être abordés séparément. L'ouverture de nouveaux marchés pour le taxi a une forte incidence sur l'organisation du transport des personnes en milieu urbain. Cela relève donc de la compétence des commissions de transport et c'est avec celles-ci que le gouvernement devra engager le dialogue.

La décentralisation, telle qu'elle est proposée, s'apparente beaucoup plus à une attribution de tâches qu'à un réel transfert de pouvoirs. Elle entraîne cependant une implication administrative et financière importante pour la communauté. Ces aspects devront faire l'objet d'éclaircissements et d'analyses systématiques avant que la communauté puisse prendre position sur le projet mis de l'avant. Merci de votre attention.

Le Président (Brouillet): C'est bien. Merci. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, d'abord je voudrais remercier M. Ménard et les gens qui l'accompagnent de cette présentation de leur

mémoire. Un mémoire qui est l'un des bons mémoires, je pense, l'un des mémoires les plus fouillés que nous ayons eus. Je profite de l'occasion pour souligner publiquement d'ailleurs que le groupe de travail, les gens qui m'accompagnent aujourd'hui ont eu et apprécié l'occasion qui leur a été offerte de discuter de la proposition de restructuration de l'industrie du taxi. Je pense, comme vous le soulignez vous-même, M. Ménard, que cela a été l'occasion aussi pour la Communauté régionale de l'Outaouais de pouvoir mieux se familiariser avec les problèmes du taxi. L'analyse que vous en avez faite est, à cet égard, éloquente puisqu'on constate à peu près les mêmes éléments sur lesquels vous avez attiré notre attention.

Plusieurs des éléments que vous avez soulevés sont très intéressants. En ce qui concerne, par exemple, la création d'une agglomération à Aylmer, nous allons nous pencher là-dessus. C'est une question ad hoc, ponctuelle, qui ne pose pas de problème ailleurs au Québec mais je pense que cela mérite d'être étudié.

Sur la question du transfert de permis d'un territoire à un autre, nous partageons le même point de vue. Il s'agirait de savoir qui aurait autorité, justement, pour assurer ces transferts de permis d'un territoire à un autre.

En ce qui concerne le manque de chauffeurs et le gel des permis de chauffeur qui a été décrété en août dernier, c'est une situation qui semble particulière à l'Outaouais; il y a peut-être quelques autres agglomérations où ce problème se présente mais ce n'est pas un problème généralisé et nous allons aussi essayer de savoir quelles sont les raisons pour lesquelles il y a un manque de chauffeurs. Peut-être que cela tiendrait à la centralisation des permis ou de l'association de services mais, encore là, ce que je viens de vous dire est sujet à caution. Le gel que nous avons imposé en août dernier, c'est simplement que la régie... La Régie de l'assurance automobile n'a pas cessé d'émettre des permis de chauffeur. Tout ce que nous avons dit, c'est qu'à compter du mois d'août dernier tous ceux et celles qui voulaient obtenir un permis de chauffeur, devaient être avisés qu'à compter de cette date ils pourraient avoir à se soumettre à de nouvelles formalités, à se requalifier en quelque sorte pour conserver, dans l'avenir, leur permis de chauffeur. Cela n'empêche pas le recrutement, actuellement, de nouveaux chauffeurs.

Sur ces deux questions - c'est une interprétation - le transfert de permis d'un territoire à un autre et la sélection des chauffeurs, situation particulière dans l'Outaouais, il me semble que la situation que vous décrivez milite justement en faveur de normes qui soient administrées localement.

Si, dans l'Outaouais, la disponibilité de chauffeurs est limitée et qu'on doit avoir des normes un peu moins exigeantes, peut-être, ou favoriser le recrutement par quelque façon que ce soit, il semble que ce serait avantageux que l'émission des permis de chauffeurs puisse se faire localement. Ce serait plus facile de régler ce problème si la Communauté régionale de l'Outaouais avait juridiction là-dessus plutôt que nous qui devrions essayer de le régler à partir de Québec. (16 heures)

C'est la même chose sur les transferts de permis d'un territoire à un autre. Je pense que ce serait plus facile à faire à partir de structures d'accueil comme la Communauté régionale de l'Outaouais, qu'à partir de la Commission des transports du Québec ou du ministre des Transports. Parce qu'à ce moment-là, nécessairement, les délais sont plus longs.

Pour les commentaires, c'était essentiellement cela. Donc, un mémoire fouillé et intéressant qui s'est penché vraiment sur les possibilités qui pourraient être offertes dans l'Outaouais. Je pense que c'est un mémoire positif à ce point de vue là. Maintenant, au sujet des questions, à la page 10 et aux pages suivantes du mémoire, on dit: "Le gouvernement, en effet, croit préférable de conserver tous les pouvoirs relatifs aux permis de propriétaire, à l'immatriculation, à la sécurité des véhicules, aux permis de conduire et aux ligues de propriétaires." Effectivement, à une nuance près, les pouvoirs relatifs aux permis de propriétaire, c'est de laisser le pouvoir à la Commission des transports du Québec, à toutes fins utiles, d'annuler des permis puisqu'il y a un gel qui est décrété. On n'a pas l'intention de revenir là-dessus.

L'immatriculation. Il nous semble que cela va de soi que l'immatriculation demeure centralisée à Québec. Les normes de sécurité des véhicules. Je pense qu'il n'y a personne qui peut sérieusement proposer qu'on ait des normes de sécurité pour les véhicules qui soient différentes de l'Outaouais, à Drummondville, à Trois-Rivières, à Chicoutimi. Il me semble que cela va de soi. Quant aux permis de conduire, la délivrance d'un permis de conduire comme tel, non pas du permis de travail, du "pocket number", mais du permis de conduire comme tel, il m'apparaît, qu'effectivement, c'est normal que cela reste centralisé entre les mains de la Régie de l'assurance automobile.

La question des ligues de propriétaires: Elles sont déjà accréditées. À moins qu'on veuille les abolir et en créer de nouvelles, je ne vois pas tellement l'utilité de commencer ce processus, dans la mesure où cela ne semble pas créer de problème. Vous dites vous-même que chez vous les ligues fonctionnent bien. Alors, il reste le pouvoir

de définir le service. Entendons-nous ce que signifie définir le service dans notre esprit. C'est que s'il y avait une loi encadrant le service de taxis, cela nous paraît évident qu'il faudrait définir ce qu'est une ligue, définir ce qu'est un service de taxis, ce qu'est un service "jitney", ce qu'est un service de taxis collectifs, ce qu'est du taxi à contrat. Chaque municipalité ou autorité locale, communauté dans votre cas, ayant le pouvoir d'implanter ou de ne pas implanter telle ou telle variante du service par taxi.

Alors, voilà les pouvoirs que vous décrivez et que nous conservons. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Mais par la suite, vous faites valoir, au même titre que la Conférence des maires de banlieue tantôt, qu'en transférant le contrôle des permis, l'intégration du taxi à une politique de transport urbain, le contrôle de la qualité du service, c'est plutôt des tâches et non pas tellement des pouvoirs. Je vous pose la question que je posais à M. Lang, tantôt. Si vous voyez des avantages à la décentralisation des pouvoirs, tenant pour acquis qu'on règle la question de la compensation financière, mais en décentralisation quels sont les pouvoirs additionnels que vous verriez parmi ceux qu'on énumère? Quels sont ceux qui seraient conservés par le gouvernement? Quels sont les pouvoirs additionnels dont vous pensez avoir besoin pour être en mesure de voir autre chose qu'une attribution de tâches dans la réforme qui est proposée?

M. Ménard: Je pense, M. le ministre, que tout repose dans la définition de ce qu'on appelle l'encadrement minimal qui sera fourni par le gouvernement. Vous dites, entre autres, vous avez repris mes deux points concernant les questions de territoires et les questions de nombre de permis de chauffeurs et de disponibilité de chauffeurs, en disant: Cela milite en faveur de la décentralisation. C'est vrai que cela milite en faveur de cela, pour autant qu'il n'y ait pas un cadre normatif rigide qui fasse que finalement on en vienne à exécuter des tâches, mais dans un cadre dont la rigidité va empêcher de tenir compte des disparités régionales ou des différences régionales. C'est peut-être là le plus gros de notre inquiétude. Si on reprend la majorité des points que vous avez énumérés, je pense qu'il n'est pas question d'avoir la prétention de revenir sur la question des immatriculations ou quoi que ce soit. Quand on lit cette phrase dans le projet qui dit: "Prendre les mesures nécessaires afin de protéger les usagers en ce qui concerne la tarification, l'affichage, l'identification du véhicule et du chauffeur", qu'est-ce que cela veut dire exactement, cet encadrement minimal, M. le ministre? On nous dit: Vous allez avoir le pouvoir de fixer la tarification au niveau local. D'autre part, vous dites: Le gouvernement entend prendre les mesures afin de protéger les usagers par rapport à la tarification. C'est toute cette définition d'encadrement minimal qui nous fait nous poser des questions et c'est là qu'on se pose véritablement des questions sur les pouvoirs locaux qui resteront. Une loi-cadre peut être très large, mais elle peut devenir aussi de plus en plus contraignante à certains moments. C'est là qu'on dit: On ne voudrait pas être de simples exécutants d'une loi qui, peut-être, d'année en année, viendrait s'engraisser d'autres normes provinciales.

M. Clair: C'est justement - je peux vous rassurer là-dessus, M. Ménard l'objectif inverse qu'on poursuit, parce que je pense qu'on ne peut pas centraliser plus que cela ne l'est présentement. On le pourrait toujours sur les stationnements. Je pense que le seul pouvoir qui reste aux municipalités, c'est le pouvoir de déterminer les stationnements pour les taxis. C'est le seul pouvoir, à peu près, dont on ne dispose pas. L'objectif, c'est d'aller vers une décentralisation réelle.

Ces pouvoirs, qui resteraient centralisés, sont des normes très minimales qui doivent être appliquées à travers le Québec. Quand on dit: "Prendre les mesures nécessaires afin de protéger les usagers en ce qui concerne la tarification", cela fait référence essentiellement à l'usage frauduleux d'un taximètre. On dit dans le programme d'action, même si c'est mis en cause par certains propriétaires de taxi, certains chauffeurs, qu'on sera très sévère à l'égard de l'usage frauduleux du taximètre, parce que, actuellement, c'est un peu ridicule. On peut frauder avec un taximètre; la seule pénalité, c'est une suspension ou encore le transfert de permis. Tu vends ton permis à ta femme ou à ton frère ou à n'importe qui. La sanction est insuffisante. Si des usagers sont fraudés, on prévoirait dans la loi des mesures très sévères de répression de la fraude dans le domaine de l'utilisation d'une tarification frauduleuse.

L'affichage et l'identification du véhicule: la plaque d'immatriculation doit être placée en arrière - je ne sais pas trop à quel endroit - et l'identification du chauffeur - c'est un reproche qu'on nous a fait ce matin - doit être affichée clairement. Dans les véhicules, on doit afficher clairement le "pocket number" afin de protéger l'usager. Ces mesures ne nous apparaissent tellement pas contentieuses qu'on se dit: qu'elles soient conservées centralement, c'est comme dire que les automobiles doivent avoir des pneus qui sont en bon état. C'est fondamental. Vous donner le pouvoir plutôt que le garder, le seul avantage qu'il y a le garder centralisé, c'est qu'on s'assure qu'il y a une norme qui est applicable à tout le monde.

Quand on parle d'encadrement minimal, dans notre esprit, c'est vraiment un encadrement minimal afin de laisser les municipalités - ou, dans votre cas, les communautés - être vraiment en mesure de définir quelle est leur politique d'utilisation du taxi comme mode de transport des personnes dans un territoire urbanisé, premièrement; deuxièmement, de voir quelle est l'utilisation qu'on fait des nouvelles avenues, comment on contrôle l'entrée des chauffeurs. Le reste, c'est l'immatriculation, le contrôle de permis. C'est pour cela que j'ai de la difficulté à voir quels seraient les pouvoirs additionnels à ceux que nous proposons que vous aimeriez voir décentralisés.

M. Ménard: C'est difficile de vous répondre, M. le ministre. C'est sûr que si on s'en tient aux explications que vous venez de donner par rapport à un encadrement minimal, effectivement, l'argumentation ne sera pas longue. Sauf que...

M. Clair: Vous aimeriez voir le projet de loi.

M. Ménard: Bien, on aimerait peut-être voir l'encadrement minimal, effectivement. Puis au risque de sembler méchant, M. le ministre, c'est que la lecture du document me laisse l'impression qu'on est parti avec une excellente idée, puis qu'au fur et à mesure que vous l'avez montré aux différentes commissions, services, régies, puis tout ça, tout le monde est venu ajouter un petit bout de sa chasse gardée qu'il ne voulait pas laisser aller. À ce moment-là, l'idée était peut-être excellente au départ, mais finalement, tout le monde s'est peut-être dit dans les ministères, dans les régies, puis dans les commissions: C'est jamais dans l'établissement de nos normes qu'on s'est trompé; on a toujours eu de la misère à les appliquer. Alors, gardons-nous l'établissement des normes parce que nous, à Québec, on est bon pour faire ça, mais à ce jour on n'a pas été bien bien bon pour les appliquer, alors on va décentraliser ça. On sera toujours là peut-être un peu pour venir dire après: Messieurs, je ne suis pas sûr que vous avez bien appliqué la réglementation puis le contrôle de nos normes.

Tout ce temps-là, ce fonctionnaire hors région, puis hors contexte, il va l'avoir écrit puis il va avoir du temps pour en imaginer un autre. À un moment donné, on va se réveiller et petit à petit on va peut-être se trouver d'autres normes. C'est pour cela que je vous dis que toute la notion... Ce n'est pas clair, puis ce n'est évidemment pas définitif ce que cela va être, l'encadrement minimal. Nous, quant à devenir purement des distributeurs de contraventions, comme on le dit dans notre document, faites des ententes de services avec les corps policiers, donnez des ristournes sur les contraventions, puis ils vont se payer la traite, ils vont en donner pour vous autres.

M. Clair: C'est pour cela, je pense, que ce que vous venez de dire démontre à quel point, si ç'avait été l'objectif poursuivi, cela aurait été simple. Si cela avait été juste de faire appliquer localement le règlement no 6, un règlement centralisé, c'est exactement ce qu'on aurait fait. On l'a envisagé, cette possibilité, mais ça ne règle pas le problème du contrôle de la qualité des chauffeurs, de l'intégration du transport par taxi dans une politique de transport urbain qui relève des autorités locales. Cela ne règle pas la possibilité d'utiliser le taxi comme substitut à certains autres modes de transport. Je peux seulement réaffirmer ce que je disais tantôt, soit que la décentralisation que nous envisageons est réelle. Non seulement elle est réelle, mais je vais même plus loin. Je vous dis que je comprends qu'il faudra peut-être qu'on attende de voir le contenu du projet de loi. Un peu comme le disait une personne célèbre: Nommez-m'en un pouvoir de plus que vous voulez. Parce que les pouvoirs qui resteraient à la Régie de l'assurance automobile ou à la Commission des transports du Québec apparaissent devoir rester là inévitablement. L'immatriculation et le contrôle de la sécurité routière, il y a un organisme au Québec qui en est chargé, c'est la Régie de l'assurance automobile.

Le contrôle des permis de propriétaire pour l'instant, à la limite, si on voulait on pourrait... On se fait dire qu'on voudrait refiler une patate chaude. Si on voulait refiler la patate chaude plutôt que de laisser la responsabilité à la Commission des transports du Québec de retirer des permis pour usage frauduleux du taximètre ou pour non-respect grave de certaines obligations, ce serait là refiler une patate chaude, parce que, effectivement, ce sont des décisions difficiles à prendre. Tant vous que moi, comme élus, on aime autant que ce soit plutôt un tribunal quasi judiciaire qui prenne les décisions que des hommes politiques. On serait peut-être plus embarrassé. (16 h 15)

Je pense que l'objectif de la réforme, ça va dans le sens que vous souhaitez. Il restera à voir le projet de loi, afin de vous en convaincre réellement. Mais, quand même, je pense que cela va dans le sens que vous souhaitez. Peut-être n'avons-nous pas été assez précis sur ce qu'est un encadrement minimal? Maintenant, je me dis que vous n'avez pas beaucoup de risques à prendre, parce que cela ne peut pas être plus centralisé que cela l'est actuellement. Comme on n'a pas retenu la voie d'ententes de services pour contrôler quelque chose qui serait établi nationalement, je pense que

vous pouvez croire en nous quand on vous dit qu'on a une volonté réelle de décentraliser.

M. Ménard: On n'a pas à s'en plaindre que ce soit centralisé présentement, parce qu'on n'a pas à faire le boulot. Si le projet se concrétise en projet de loi, nous aurons à faire le boulot. Je vais vous donner deux petits exemples. Quant à la question des permis de propriétaire, vous dites que c'est une patate chaude. C'est vrai que c'est une patate chaude. D'autre part, on a démontré au début de notre mémoire, qu'il ne faudrait pas que ce soit seulement des normes de ratio permis-population. Chez nous, cette norme ne fonctionne pas. Il serait peut-être aussi plus simple que ce point soit administré chez nous. Je ne dis pas, donnez-le moi, je le veux. Je vous dis que c'est effectivement une patate chaude dans un contexte comme Montréal, mais ce n'est peut-être pas une patate chaude dans le contexte de chez nous.

Un autre exemple que je veux vous donner. Cela concerne la question de la sécurité des véhicules. Un chauffeur de taxi qui est en infraction à 50 km de Hull, il faut qu'il revienne à Hull, dans les 48 heures pour montrer que la réparation a été faite. Il va perdre sa demi-journée. Mais cela c'est un domaine que vous conservez. Pourquoi celui-là? Vous me dites que vous avez des installations techniques. Oui, peut-être, mais quant à son application pour les propriétaires, cela n'est pas nécessairement facile non plus dans une région en dehors de Montréal, parce que le centre de vérification est plus éloigné.

M. Clair: Oui, vous avez raison en partie sur cela. Mais ce que nous cherchons a éviter... L'histoire du taxi a été marquée par un mouvement de balancier, d'une centralisation excessive à une décentralisation excessive, à une centralisation excessive. Ce qui nous guide comme orientation c'est de dire: essayons de conserver les acquis de la centralisation. Il y en a eu un certain nombre. Les gouvernements avant nous n'ont pas tout mal fait. Ils ont quand même quelques petits éléments positifs. Je pense que la réforme de 1973 a quand même eu des aspects très positifs.

Dans l'analyse qu'on fait de la situation, on essaie de se dire que ce qui a bien fonctionné nationalement, peut-être qu'on devrait le laisser là où il est. Ce dont les municipalités s'occupaient et qui avait connu un meilleur résultat avant que ce que nous pouvons faire maintenant à partir de Québec, on dit, essayons de faire un départage qui va éviter le mouvement de balancier de la décentralisation complète à la centralisation, sans jamais finalement régler le problème.

C'était ma dernière intervention. Je veux donner l'occasion au député de Hull qui, j'imagine, a des questions, de les poser.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je tiens sûrement à souligner l'apport important que la Communauté régionale de l'Outaouais nous apporte aujourd'hui par la présentation de son mémoire. Je remercie en même temps le président de la Commission de transport de la Communauté régionale de l'Outaouais qui l'accompagne ainsi que Mme Brunet qui est chargée de la planification à la communauté régionale.

J'ai été très heureux de lire, et même à quelques reprises, ce mémoire. Cela rencontre, je pense, les grands objectifs de la Communauté régionale de l'Outaouais qui, d'une part, a été créée comme telle en 1969. Elle a accompli énormément depuis ces années, même si elle est toujours en attente d'une restructuration qui se fait, pour le moins, imminente, dans les prochains mois, souhaitons-le, tenant compte du fait que cela fait près de sept ou huit ans maintenant que nous demandons cette restructuration. Et, à la page 15 du mémoire, il y a un paragraphe très intéressant qui résume très bien la pensée de la communauté régionale. C'est celui qui dit: "Le volet décentralisation du projet de réforme, à notre avis, risque de créer plus de problèmes qu'il n'en pourra résoudre. Le partage des pouvoirs, tel qu'il est proposé, nous plongerait dans une situation d'ambiguïté et sèmerait la confusion dans les esprits".

C'est là un point de vue relativement intéressant. Vous êtes président de la Communauté régionale de l'Outaouais. Vous avez déjà été aussi dans la politique municipale comme conseiller municipal à Hull. Cela m'amène à vous poser, tenant compte de cette expérience et de cette expertise dans le domaine, certaines questions qui découlent effectivement de nouvelles avenues du taxi. J'en profite pour relire, à la page 24 un passage du document que nous déposait le ministère des Transports il y a quelques mois: "Les communautés urbaines et régionales existent depuis plusieurs années. Elles ont eu le temps de consolider leurs assises et jouent déjà un râle majeur dans le domaine du transport par le biais des commmissions de transport. Il nous apparaît donc souhaitable de leur confier, dans les plus brefs délais, des responsabilités étendues en matière de taxi." Je continue: "Après avoir examiné le rôle et la vocation des MRC, il nous apparaît également pensable de leur confier les responsabilités que nous voulons décentraliser". Le ministre me disait à ce sujet hier: Je comprends qu'elles n'ont pas toutes appris à fonctionner encore, les municipalités régionales de

comté, mais il y en a qui sont prêtes à s'embarquer dans ces nouvelles responsabilités, ou qui pourraient vouloir s'embarquer dans ces nouvelles responsabilités.

M. Ménard, vous qui vivez dans une région relativement importante du Québec, très importante même, et qui connaissez justement les problèmes que nous vivons avec les municipalités régionales de comté, si on tient compte, entre autres, des municipalités régionales de comté de la Haute-Gatineau, la vallée de l'or, Pontiac où il y a actuellement des conflits de délimitation de territoires, j'aimerais entendre vos commentaires sur les réactions et sur la position qu'a prise le Conseil de planification et de développement du Québec, un organisme très important - ou qui était important du moins, à venir jusqu'à tout récemment - lorsqu'il dit ceci: Le Conseil de planification et de développement du Québec constate qu'après avoir constitué la MRC comme une instance administrative responsable de l'aménagement du territoire, le gouvernement du Québec, sans vouloir lui attribuer un statut de gouvernement régional... Cette orientation diffère des recommandations du conseil émises en 1978. Et, on mentionne ici que le conseil ne souscrit pas à cette orientation gouvernementale qui vise à faire un gouvernement régional de la MRC. C'est là une orientation qui ne lui apparaît fondée ni sur les besoins ni sur les aspirations des collectivités locales, mais plutôt tenir de position technocratique relevant davantage de données théoriques.

Tantôt, vous avez soulevé un point relativement important quant au partage des responsabilités où il y avait cinq corps de police impliqués, incluant la Sûreté du Québec. Alors, cela tient compte des municipalités comme telles. Et, dans les recommandations du Conseil de planification et de développement du Québec, on lit ceci: "Le Conseil de planification et de développement du Québec recommande que la décentralisation se fasse d'abord vers et avec les gouvernements locaux selon ce que ces derniers seraient prêts à assumer comme nouvelles responsabilités, d'une part; d'autre part, il recommande aussi, par conséquent, que les gouvernements locaux aient accès à de nouvelles ressources fiscales autonomes pour faire face aux nouvelles responsabilités. Alors, plutôt que de diriger vers la MRC une nouvelle ou des nouvelles responsabilités, que ce soit davantage dirigé vers les gouvernements locaux qui pourraient, à la suite des demandes des municipalités qui les composent, demander à leur MRC de s'impliquer avec un consensus global."

Je voudrais savoir si vous partagez cette opinion, à savoir qu'une MRC est au service des municipalités qu'elle représente, ou si ce sont les municipalités qui sont au service d'une MRC. Je voudrais vous entendre là-dessus, parce que la Communauté régionale de l'Outaouais est une grosse MRC.

M. Ménard: On nous qualifie de grosse MRC et de la plus vieille MRC du Québec. Je pense qu'effectivement, quand on parle d'une communauté, on ne peut pas parler de gouvernement régional. Je ne veux pas entrer dans les grands exposés de science politique, mais la notion de gouvernement implique des élus, élus directement à ce niveau-là. On parle, entre autres, des pouvoirs de taxation. Ce sont deux choses que les communautés n'ont pas et que les MRC n'ont pas. Dans ce sens, on revient à votre question et on dit: Oui, la MRC ou la communauté est beaucoup plus un organisme de services. Quant à savoir si cela doit venir d'en bas et aller vers le haut ou si cela doit venir d'en haut et redescendre vers le bas, il est bien évident que, dans la majorité des cas, cela devrait effectivement venir du bas et aller vers le palier régional.

Je pense que vous connaissez l'histoire de la CRO, tout aussi bien que moi, sinon mieux. Vous savez très bien que si, à certains moments, il n'y avait pas eu des actions gouvernementales, il y aurait peut-être encore des choses qui ne seraient pas réglées au niveau régional. Je ne dis pas cela dans le sens de militer en faveur de la question du taxi. La question du taxi, nous ne l'avons pas demandée et on ne la rejette pas du revers de la main. On ne la souhaite pas ardemment, mais on se dit qu'il y a probablement moyen - si les sommes sont disponibles, s'il y a des accommodements -de vivre avec, malgré les difficultés importantes de fonctionnement qu'il pourrait y avoir.

Dans un contexte global - si votre question est vraiment dans un contexte global - je pense qu'il y a des gestes qui doivent être posés à un niveau où, localement, les gens ne pourraient pas nécessairement s'entendre. Je ne reviendrai pas sur toute l'histoire de notre région mais, si on regarde certaines des difficultés qu'il a pu y avoir au niveau du fonctionnement de la CRO, si les compétences avaient toujours émané du niveau local, on n'aurait peut-être pas l'espèce de "maturité" - entre guillemets - qu'on a aujourd'hui. Fondamentalement, je ne peux pas être en désaccord avec votre exposé en disant que, logiquement, les besoins devraient émaner des municipalités locales pour aller vers un palier supralocal ou régional d'un organisme de services -parce que finalement, les communautés, c'est cela.

M. Rocheleau: Je vous remercie, M. Ménard. Vous conservez toujours une attitude très forte d'excellent politicien, pouvant parler quand même très longtemps sans vous

mouiller. Je vous félicite. Je voudrais...

M. Clair: ...C'est un talent que le député de Hull vous envie.

M. Rocheleau: C'est toujours en préparation, M. le ministre. On a des aptitudes extraordinaires dans mon coin. Une question que je pourrais vous poser, M. le ministre, si vous avez la gentillesse d'y répondre - je suis persuadé que vous l'avez -est la suivante: Dans un projet de loi à être préparé éventuellement, à la suite des mémoires qu'on a entendus et des recommandations énoncées dans De nouvelles avenues, est-il possible que cette décentralisation se fasse uniquement dans certaines régions qui connaissent actuellement des problèmes tout à fait particuliers, par exemple, Montréal? (16 h 30)

M. Clair: La façon dont j'envisage la chose - je tiens à dire que le député l'a souligné à plusieurs reprises, on était nous-mêmes conscients de cela - tout le monde n'est pas au même niveau de problème et tout le monde n'est pas au même niveau de préparation pour recevoir une décentralisation du taxi. Dans les MRC, par exemple, le député l'a souligné à plusieurs reprises, cela nous apparaît évident. On disait: Avant quelques années, ou forts de l'expérience de quelques mois encore... Mais on peut utiliser les mots "plusieurs années" dans le cas de certaines MRC. La façon dont j'envisage actuellement la chose, ce qu'on pourrait faire - et là ce serait vraiment en termes de pouvoirs - c'est vivre pendant 'un certain temps dans un double régime, un régime centralisé pour les municipalités qui ne voient pas d'intérêt à ce que les pouvoirs soient décentralisés, et un régime décentralisé pour les municipalités ou les communautés qui le désirent. Autrement dit, avoir une loi qui définit ce qu'est le taxi, le taxi collectif, le taxi à contrat, les associations de services, les ligues; une loi qui prévoit quels sont les pouvoirs qui pourraient être confiés aux municipalités ou aux communautés et que, une à une, les communautés ou les municipalités qui désirent embarquer dans le projet de réforme le fassent; à ce moment-là, nous nous retirons.

J'ai la conviction - conviction morale -qu'avec ce qu'on espère être capable de mettre au point comme proposition on n'aura besoin de forcer le bras à personne pour embarquer dans la proposition de réforme une fois qu'elle sera traduite dans un texte de loi parce que c'est de l'intérêt même des collectivités locales qu'elles aient un bon service de taxi, de qualité. Si c'est possible d'utiliser les nouvelles avenues, cela va apparaître de l'intérêt de la CTCRO, de la Commission de transport de Sherbrooke, de

Québec ou de Laval, de peu importe laquelle. Ce qu'on va faire, c'est essayer d'avoir un encadrement minimal dans une loi qui définit un certain nombre de choses qui doivent être définies centralement et de prévoir une décentralisation progressive. Dans ce sens-là, je ne suis pas du tout fermé à l'hypothèse qu'évoque le député de Hull, à savoir que, plutôt que d'imposer une décentralisation, on offre des pouvoirs et que ceux qui sont intéressés à les exercer les exercent mais en étant conscients qu'on a atteint la limite de la centralisation.

Je ne vois pas qu'on puisse beaucoup améliorer le système tel qu'il existe présentement à partir d'une administration centralisée à Québec. Le pire qui arriverait à ceux qui n'embarqueraient pas dans le régime décentralisé, c'est qu'ils continueraient à vivre le système actuel. À ce moment-là, chacun considérera les deux hypothèses: le système centralisé qu'on connaît avec ses problèmes et ses avantages et le système décentralisé avec ses contraintes mais ses avantages. C'est certainement une possibilité à retenir.

M. Rocheleau: Merci, M. le ministre. Il y a un autre point... Mme la Présidente, on vous salue. Une autre question que j'aimerais poser - et elle m'inquiète un peu celle-là; il y a bien des choses qui m'inquiètent mais celle-là m'inquiète un peu plus - à la page 14, vous mentionnez ici, entre autres, vers la fin: "Il n'y a que 174 taxis. Somme toute, il est très peu probable que ces revenus potentiels puissent compenser les coûts occasionnés par le transfert des responsabilités que propose le gouvernement." Là, vous parlez plutôt de possibilités de revenus en provenance d'amendes. Est-ce que cela pourrait être une forme de revenus par laquelle les municipalités anticiperaient de financer leurs dépenses de décentralisation et de responsabilité de taxi? C'est-à-dire, de tenter de pincer les taxis davantage pour se faire des revenus pour défrayer les dépenses occasionnées pour maintenir une certaine expertise sur leur territoire. Cela pourrait m'inquiéter, M. le Président.

M. Clair: Ce n'est pas à cela, M. le Président, je pense, que la CRO fait référence. C'est qu'il existe déjà un service d'inspection qui, lorsqu'il fait des vérifications, impose, en fait, des amendes pour un certain nombre d'infractions qui sont prévues au règlement, sans qu'on en fasse abus. C'est évident qu'il y aura toujours des infractions qui seront commises dans le domaine du taxi, comme dans d'autres domaines, et ces revenus, il est certain que ce sont des revenus qui seraient limités. Dans un cas comme celui de la CRO, il y a 174 ou 175 permis, mais il y aurait sûrement encore un certain nombre de revenus qui

pourraient provenir de cela. Je ne pense pas que la CRO ait voulu proposer un harcèlement des chauffeurs ou des propriétaires de taxi.

M. Rocheleau: On partage peut-être la même appréhension parce qu'on connaît aussi les policiers et ce qu'ils font. Sans faire du harcèlement, quand les policiers décident de payer la traite à quelqu'un, ils peuvent le faire. Et cela, c'est au détriment des propriétaires de taxi dans une région. J'ai déjà été maire de Hull et je vous avoue qu'on avait des revenus assez substantiels des amendes en provenance de stationnement illégal, etc. On se faisait même parfois demander si nos agents étaient payés à la commission sur les billets qu'ils distribuaient durant la journée.

M. Clair: De bons policiers, d'habitude, appliquent les règlements municipaux. Si les règlements municipaux du maire de Hull étaient trop sévères, c'était son problème. Qu'il ne mette pas cela sur le dos de la police.

M. Rocheleau: Les règlements municipaux sont là pour être appliqués, mais il y a toujours une certaine... On dit souvent que c'est écrit dans le livre, mais il y a aussi la question de tenir compte de tous les facteurs et de comprendre aussi...

M. Clair: Vous feriez un bon ministre de la Justice, vous!

M. Rocheleau: Je n'ai pas pensé à celui-là, encore. J'aimerais peut-être entendre le président de la communauté parce que c'est bien à cela qu'il a fait allusion. C'est une forme de source de revenus pour payer les coûts de cette décentralisation et cela m'inquiète un peu.

M. Ménard: Effectivement, M. le député, comme l'a mentionné le ministre, le projet fait déjà référence à ce volet. Il parle à la fois du revenu provenant des "pocket number" et à la fois des revenus provenant des infractions. Ce n'est pas nécessairement parce qu'on les souhaite. Si on se fie aux chiffres donnés par la ville de Montréal ce matin et si on a fait un ratio pour notre région, il y a un potentiel de revenus et cela semble toujours un peu effrayant de le dire comme cela, d'espérer qu'il y ait pour 4350 $ d'amendes. Si on se fie au ratio de Montréal, le potentiel est celui-là chez nous. Je partage votre inquiétude, M. le député. Lorsqu'on a partagé des responsabilités autour d'une même table de conseil de ville et qu'effectivement on budgétisait des amendes provenant du service de la police, on faisait un peu ce même genre d'exercice.

M. Clair: Vous ne faisiez pas cela? Ce n'est pas possible, Mme la Présidente!

M. Rocheleau: On tentait de les diminuer. Dans les autres postes, on tentait d'aller chercher des revenus additionnels. C'est tout, Mme la Présidente. Je tiens à remercier les représentants de la communauté régionale ainsi que ceux de la commission des transports. Je pense que c'est un mémoire qui va nous servir énormément et qui est très intéressant.

M. Clair: Je ne peux que joindre mes commentaires à ceux du député de Hull pour remercier les gens de l'Outaouais et les féliciter pour leur ouverture d'esprit et le travail qu'ils ont effectué en souhaitant qu'on puisse continuer dans la préparation éventuelle du projet de loi. Je souhaite avoir l'occasion de voir avec vous, de façon encore plus détaillée, ce que vous entrevoyez comme concept de décentralisation. Je vous remercie, Mme la Présidente.

M. Ménard: Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, merci.

La Présidente (Mme Lachapelle): J'appelle le groupe suivant à se présenter: l'Association québécoise du transport et des routes Inc.

Association québécoise du transport et des routes Inc.

M. Reeves (Lionel): Mme la Présidente, c'est moi Lionel Reeves, directeur général de l'AQTR. Le document qui va vous être présenté a été préparé par un comité ad hoc ou un comité formé de professionnels, de technologues bénévoles, ils étaient dix. Ce document vous sera lu et commenté par notre vice-président aux affaires techniques, M. Georges Gratton, et M. Pierre Alpin, membre du comité, nous accompagne comme personne-ressource.

M. Gratton (Georges): Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, c'est avec intérêt que l'Association québécoise du transport et des routes a analysé le document du gouvernement du Québec portant sur De nouvelles avenues pour le taxi, et ce par l'implication de ses membres dans la recherche, la conception et l'application d'éléments ou de systèmes de transport.

En effet, l'AQTR est un organisme sans but lucratif dont le millier de membres, individuels ou collectifs, oeuvrent dans le domaine du transport au Québec. Qu'ils proviennent du secteur public ou du secteur privé, qu'ils oeuvrent au niveau des infrastructures, des opérations, de la planification, de la gestion ou de la

recherche, leur adhésion à l'association n'a qu'un seul objectif: le développement des techniques de transport.

En conséquence, la contribution de l'AQTR à ce dossier est de nature technique dans la poursuite d'objectifs précis, soit de répondre aux besoins de mobilité de la population et de rechercher l'efficacité des systèmes de transport des personnes.

C'est ainsi que l'AQTR a institué un comité ad hoc pour vous présenter ses commentaires et suggestions sur le sujet.

Les principes. Dans ce document, nous nous attardons principalement sur le premier volet de la proposition gouvernementale, soit "l'élargissement du rôle du taxi afin qu'il s'intègre mieux au réseau actuel du transport des personnes."

Les principes qui sous-tendent notre intervention sont les suivants: l'amélioration de la qualité des services à la population; la réduction des coûts de transport pour l'ensemble de la société; l'optimisation de l'utilisation des ressources transports. Nous devons constater que dans les conditions de réglementation existantes, ce sont des principes dont l'application est difficile, sinon impossible, particulièrement en regard des contraintes institutionnelles.

Le taxi est un mode de transport individuel. Le choix du véhicule est réglementé et le taxi fonctionne à la demande d'une tarification individuelle selon la distance. Si l'on considère l'érosion du marché traditionnel du taxi, l'augmentation considérable de l'offre de transport, la situation économique difficile et la compétition entre les différents modes de transport, nous en tirons la conclusion qu'une recherche concertée de nouveaux marchés s'impose.

D'un point de vue technique, l'AQTR est d'avis que les principaux éléments de la réforme gouvernementale répondent à ses préoccupations concernant la gestion optimale des systèmes de transport des personnes. Il nous apparaît évident qu'on doive encourager les propriétaires de taxi à s'adapter à l'évolution de la demande de transport et d'utiliser pleinement le potentiel d'équipement.

Les conditions particulières à l'ouverture du marché du taxi sont, à notre point de vue, les suivantes: l'avènement de nouveaux services ne doit pas changer la vocation première du taxi, soit la mise en disponibilité d'un service personnalisé à la demande; les marchés ne doivent pas déjà être desservis par d'autres modes plus adéquats; les rôles des différents modes de transport doivent demeurer cohérents.

Les conditions énumérées ci-dessus sont en tout point conformes aux vues exprimées par l'AQTR à la commission parlementaire sur le transport en commun à Montréal à l'automne de 1982. Nous traitons ci-après quelques-unes des avenues envisagées.

Ainsi, la considération des avenues suivantes nous semble très valable: le taxi servant pour le transport des handicapés, particulièrement les personnes ambulantes; le taxi comme service collectif à titre de substitut ou complément au transport en commun à des fins de transport d'écoliers ou de transport à contrat; la législation sur le covoiturage qui ouvre de nouveaux marchés durant la journée et pour le retour à domicile; la considération des énergies nouvelles et l'utilisation de véhicules spécialisés. (16 h 45)

Le transport des personnes handicapées. Par l'utilisation de systèmes adaptés au transport des handicapés, le Québec a choisi une excellente avenue à l'égard des expériences vécues ailleurs, particulièrement aux États-Unis. Cependant, l'utilisation du taxi à ces fins offre un potentiel d'économie additionnel appréciable qui est peu exploité au Québec.

En effet, entre 30% et 50% des déplacements effectués par des services de transport adapté le sont pour des personnes ambulantes; dans certains cas, le pourcentage est même beaucoup plus élevé. De plus, la moyenne d'utilisation au Québec varie de 1,2 à 2 déplacements par véhicule-heure pour des trajets d'une dizaine de kilomètres. La plupart du temps, il n'y a donc qu'une personne à bord du véhicule. Les coûts unitaires varient aussi énormément, soit de l'ordre de 10 $ à 20 $ le déplacement selon le système. Or, de tels déplacements en taxi coûtent environ 8 $.

L'utilisation des taxis pour le transport des handicapés ambulants représente donc une solution à la fois efficace et économique et qui permettrait d'offrir, au même coût, une plus grande capacité de transport à ce groupe de personnes.

Services collectifs. Au moins 150 expériences de taxi collectif ont été tentées en Amérique du Nord depuis 20 ans. Très peu sont toujours en cours et elles sont, dans tous les cas, soit subventionnées, soit implantées dans des conditions tout à fait particulières.

Nous ne citerons ici que certains exemples parmi les plus éloquents. La ville d'Edmonton en Alberta remplaçait, en 1980, certains circuits d'autobus par un service de taxi collectif fonctionnant le soir, le dimanche et les jours fériés. En mars 1981, le service était aboli. Les coûts élevés d'exploitation et le faible achalandage rendaient le service inefficace.

Des services de taxi collectif de type "jitney" existent présentement dans les villes américaines d'Atlantic City et de San Francisco. Dans le premier cas, le service de taxi collectif remplace le transport en commun, inexistant à Atlantic City. Dans le

cas de San Francisco, le service est offert uniquement aux heures de pointe et concurrence taxi conventionnel et transport en commun. Ces deux services fonctionnent avec une certaine rentabilité et leur clientèle est constituée principalement d'anciens usagers de taxi conventionnel et d'autobus.

D'autres services de taxi collectif desservent certains centres d'activité. Les villes de Saint-Bernard Parish, en Louisiane, et Peterborough, en Ontario, offrent de tels services. Ils ont des achalandages quotidiens de quelque 200 passagers. Il importe cependant de souligner que ces deux services sont subventionnés par des organismes publics.

La ville de Little Rock, en Arkansas, possède un service de taxi collectif depuis 1952. Le système n'est pas subventionné, mais a la particularité de fonctionner sur un territoire où le taux de permis de taxi (conventionnels et collectifs) est de cinq permis par 10 000 habitants, soit quatre fois moins qu'à Québec et six fois moins qu'à Montréal.

En d'autres termes, le taxi collectif ne devrait pas être perçu comme la solution à tous les maux du taxi. Il serait probablement plus juste de le percevoir soit comme un tremplin servant au développement de services de transport en commun conventionnels, soit comme un substitut pur et simple au transport par autobus.

Avant de s'aventurer sur un tel terrain, il faudrait d'abord répondre aux questions suivantes: Devrait-on subventionner le transport de passagers par taxi collectif? Le taxi collectif devrait-il être en concurrence directe avec le transport en commun et le taxi conventionnel? Devrait-on restreindre le marché du taxi collectif à certains territoires ou l'étendre à l'ensemble du Québec? La réponse à ces questions permettra vraisemblablement d'identifier une formule de taxi collectif et un territoire d'essai sur lequel un projet pilote serait tenté.

Quoi qu'il en soit, l'expérience démontre bien que les chances de succès sont plus élevées dans des villes de taille moyenne, où le transport en commun est réduit ou inexistant et le nombre de permis de taxi par 10 000 habitants n'excède pas 10.

En ce qui concerne d'autres formules de taxi collectif, tels le transport à contrat lors d'événements spéciaux et le transport d'écoliers, nous suggérons de les envisager dans un contexte d'optimisation de l'utilisation des ressources de transport sur un territoire défini.

Une intégration modale apparaît essentielle à l'utilisation rationnelle de cas modes de transport collectif avec les systèmes existants, dans la recherche d'une complémentarité des réseaux.

Le covoiturage. Nous sommes en accord avec la position gouvernementale, a savoir que le covoiturage est une mesure rationnelle visant à une meilleure utilisation des ressources existantes et qui entraîne des économies d'énergie, une meilleure utilisation des réseaux routiers, une décongestion des centre-ville de même qu'un soulagement des ressources pointes de transport collectif. Par ailleurs, cette mesure a pour efffet de créer des déplacements additionnels durant la journée et pour le retour à domicile. Ceci ne peut qu'être bénéfique à l'industrie du taxi.

Les énergies nouvelles. L'incitation à l'utilisation d'énergies autres que le pétrole est de nature à répondre à nos objectifs d'efficacité et de protection de l'environnement, particulièrement lorsqu'on analyse les avantages de l'utilisation de carburants tels le propane ou le gaz naturel comprimé. Le résultat des expériences menées au Québec devrait nous guider dans ces avenues.

Les véhicules spécialisés. Compte tenu de l'importance des problèmes actuels reliés aux voitures-taxis, à savoir la capacité limitée, l'accessibilité, la durabilité, les coûts d'exploitation et d'entretien, et compte tenu des nouvelles avenues de marché envisagées, il importe de favoriser le développement, l'implantation et l'utilisation de véhicules spécialement conçus pour les services de taxi, telles que la création québécoise du GSM.

Les systèmes auxiliaires. L'implantation de services élargis de transport de personnes, tel que présenté plus haut, requiert l'utilisation de systèmes auxiliaires ne faisant pas partie des équipements de transport conventionnels.

Il n'y a pas de doute que les changements et déviations aux services conventionnels de transport de personnes vont nécessiter des systèmes améliorés pour la prise de commandes des passagers, la répartition des chauffeurs, le contrôle des déplacements de véhicules et pour l'application des méthodes de tarification qui seront approuvées.

Les systèmes envisagés pour répondre à ces besoins sont du type TELIMOVE, c'est-à-dire Téléinformatisation des mouvements de véhicules. Ce sont des infrastructures télématiques dont le développement et l'implantation s'intègrent tout à fait au programme d'action envisagé pour le virage technologique du Québec.

Recommandations. En somme, nous formulons les recommandations suivantes: 1. Promouvoir l'utilisation du taxi pour le déplacement des handicapés ambulants. 2. Promouvoir l'utilisation du taxi collectif à titre de complément ou substitut au transport collectif, là où les conditions essentielles sont satisfaites à titre de

complément au transport des personnes. 3. Promouvoir le covoiturage. 4. Favoriser l'expérimentation contrôlée d'autres formes d'énergie dans l'industrie du taxi. 5. Assurer l'évaluation et l'expérimentation de véhicules plus adaptés au transport par taxi, tel le GSM. 6. Considérer l'industrie du taxi comme un mode de transport individuel et collectif et s'assurer de son intégration et de sa complémentarité aux systèmes existants. 7. Encourager le développement et l'application des systèmes de gestion et d'infrastructures télématiques.

Pour la collectivité, il sera toujours plus avantageux de coordonner positivement les divers éléments affectant le transport des personnes. Si les résultats des recommandations formulées plus haut en vue d'agir positivement sur la demande ne se révèlent pas suffisants, il sera toujours possible de prendre des mesures en vue de limiter l'offre. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Clair: Permettez-moi d'abord de remercier M. Reeves, M. Gratton et M. Alepin de la préparation de ce mémoire parce que, effectivement, comme on l'a souligné tantôt, c'est un comité de bénévoles qui a travaillé au projet De nouvelles avenues pour le taxi. Je pense que cela mérite d'être signalé. L'Association québécoise du transport et des routes n'a qu'un point de vue technique à exprimer, avec les deux objectifs de répondre au besoin de mobilité et de rechercher l'efficacité des systèmes de transport des personnes. C'est donc dire tout l'intérêt que les membres de la commission peuvent porter à un mémoire comme celui-là.

M. le Président, deux points en particulier ont retenu mon attention dans le mémoire. Sur plusieurs points, on confirme en quelque sorte, on valide les orientations retenues par le ministère, avec un certain nombre de nuances, de limites quant au taxi collectif, notamment.

Vous vous prononcez clairement pour la légalisation du covoiturage en affirmant que cette mesure aura pour effet de provoquer des déplacements additionnels durant la journée pour le retour à domicile, ce qui ne peut qu'être bénéfique à l'industrie du taxi. Vous avez sûrement entendu parler déjà de la réticence traditionnelle du milieu du taxi à la légalisation du covoiturage, voyant dans cette légalisation une possibilité de perdre du marché plutôt que de l'accroître. Cette affirmation que vous faites, est-ce qu'elle est basée sur une impression ou si vous avez gratté un peu, analysé quelles pourraient être les conséquences sur l'industrie du taxi?

M. Gratton (Georges): M. le ministre, je pense que quand on analyse la situation des déplacements particulièrement en milieu urbain, on constate qu'environ 85% des déplacements de l'industrie du taxi le sont pour de courtes distances, de un à deux milles. On constate aussi que les déplacements par véhicule automobile sont en moyenne beaucoup plus élevés, particulièrement lorsque les gens font du covoiturage, comme il y en a qui en font actuellement, leur distance moyenne de parcours est de l'ordre de 15 kilomètres. C'est dire qu'on constate que le marché du taxi n'est absolument pas celui du covoiturage, tout comme le marché du taxi et du covoiturage n'est pas celui du transport en commun. Je citerai un exemple pour illustrer cela. À la commission de transport de Laval, on avait l'habitude de dire que 13 500 personnes de Laval venaient vers Montréal durant la journée et que 16 500 personnes de Montréal venaient vers Laval par transport en commun le soir; c'est-à-dire qu'il y a un déplacement de l'ordre de 20% de la population du transport en commun qui se rend à Montréal par des moyens autres, comme le covoiturage, qui revient le soir par transport en commun ou par taxi et qui, durant la journée, est dépendant d'autres modes de transport que de la voiture et du covoiturage. Alors, c'est vous dire qu'effectivement il y a des déplacements vers l'industrie du taxi et vers le transport en commun par l'industrie du covoiturage, si on peut l'appeler ainsi.

M. Clair: C'est un achalandage induit au taxi par le développement progressif du covoiturage.

M. Gratton (Georges): Oui, puisque tous les gens qui font partie de l'équipe de covoiturage ne finissent pas nécessairement à la même heure le soir et ils ne vont pas toujours à la même destination durant la journée.

M. Clair: Merci. Ma deuxième question. Même si le commentaire est bref. On fait allusion à l'article 4.6 des systèmes auxiliaires. On dit: "L'implantation de services élargis de transport de personnes tels que présentés plus haut, requiert l'utilisation de systèmes auxiliaires ne faisant pas partie des équipements de transport conventionnels." On parle de la répartition des chauffeurs, du contrôle de déplacement de véhicules, de l'application de méthodes plus sophistiquées de tarification. On ajoute: "Les systèmes envisagés pour répondre à ces besoins sont de type TELIMOVE, téléinformatisation des mouvements de véhicules. Ce sont des infrastructures télématiques dont le développement et l'implantation s'intègrent tout à fait bien au

programme d'action envisagé pour le virage technologique du Québec." On voit plus ce qui se passe à l'étranger lorsqu'on fait une mission de travail spécifique que ce qu'on voit chez nous et qu'on pourrait voir tous les jours. De retour d'une mission de travail avec des élus de la région de Montréal sur les questions de transport en commun dans les villes de Paris, Lyon, Marseille et Hambourg, ce qui m'a le plus frappé sur le plan technique, c'est l'utilisation très poussée de l'informatique justement dans le contrôle des mouvements de transport, un souci de mettre à contribution tout le potentiel offert par l'informatique en matière de rationalisation, de productivité des modes de transport. Cela m'a frappé parce que je pense qu'il y a effectivement beaucoup à faire là-dessus. (17 heures)

En discutant avec les techniciens de la Communauté urbaine de Montréal, il y a peu de temps, on m'expliquait que, quitte à ce que ce soit vérifié, si on contrôlait mieux la fréquence de certaines rames de métro, on pourrait éviter pendant longtemps l'achat de matériel additionnel avec du matériel informatique un peu plus sophistiqué. Voici ma question. Est-ce que l'AQTR s'est penchée sur l'état de l'utilisation de l'informatique dans les systèmes de transport au Québec, transport de personnes, transport de surface? Quelles sont les conclusions qui se dégagent, le cas échéant?

M. Gratton (Georges): En fait, je pense que vous avez raison, M. le ministre. En Europe, on voit beaucoup d'intégration des systèmes informatiques au contrôle et à la gestion des transports en commun, en fait, de tous les systèmes de transport. On peut facilement s'en inspirer. Il y a des cas d'application ici au Québec. Mais je laisserais M. Pierre Alepin répondre à votre question puisqu'il est lui-même spécialiste en informatique dans le domaine des transports. Pierre.

M. Alepin (Pierre): Merci. M. le ministre, pour répondre à votre question à savoir si l'AQTR s'est penchée sur les systèmes d'informatique appliqués au transport, permettez-moi de vous dire que nous commençons présentement à nous pencher sur le sujet. Nous allons avoir un premier colloque sur l'utilisation de l'informatique dans les transports au mois de mai prochain.

Au nom de l'AQTR, c'est assez difficile de vous répondre techniquement sur le sujet, mais je suis à votre disposition pour répondre d'après mon expérience personnelle.

M. Clair: En conclusion, M. le Président, il m'apparaîtrait que cela pourrait être très intéressant, dans un premier temps, de dresser ce que j'appelais un état de la situation comparatif à ce qui se fait ailleurs dans le monde, pour voir si le niveau de pénétration, la mise à contribution de l'informatique est suffisante au Québec présentement, que ce soit en termes de transport par taxi, de transport par autobus, de coordination de différents modes de transport. C'est une analyse qu'on aurait avantage à faire. Si l'AQTR est intéressée à s'y pencher, je serais prêt à envisager - je le dis spontanément - une contribution du ministère des Transports pour essayer de dresser cet inventaire s'il n'a pas déjà été fait quelque part ailleurs auparavant.

M. Gratton (Georges): En fait, c'est un projet qui nous intéresse grandement. Comme le soulignait Pierre, il va y avoir un colloque prochainement sur l'informatique dans le domaine des transports. L'an prochain, fort probablement que notre congrès international - puisqu'on espère en avoir un avec l'aide du ministère fort probablement - portera sur l'informatique dans le domaine des transports, son implication, son utilisation et à quel point cela peut nous permettre de solutionner et de faire avancer l'état de l'art dans le domaine.

M. Reeves: M. le ministre, lors d'un colloque, récemment, à l'Association des routes et transports du Canada, quelques ateliers ont étudié ce sujet. Son congrès qui a lieu à l'automne - à Calgary ou Edmonton, je ne me souviens pas - va porter encore là-dessus. L'informatique, cette technologie de pointe, nous tient à coeur et elle nous bouscule tout le monde dans notre vie d'aujourd'hui, parce que c'est une technologie qui a évolué tellement rapidement qu'on se doit de la connaître ou même de se recycler si on veut.

M. Clair: C'était ma dernière question, M. le Président. Effectivement on doit s'y intéresser. Quand on m'affirme, par exemple, que dans le secteur du transport en commun dans la région de Montréal, 5 000 000 $ investis dans l'informatique pourraient épargner 100 000 000 $ d'investissements dans le matériel roulant, cela me fait dresser les oreilles comme ministre des Transports. Cela suscite toutes sortes de questions. C'est la raison pour laquelle j'ai posé des questions là-dessus. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: M. le Président, je voudrais remercier, au nom de l'Opposition, l'Association québécoise du transport et des routes d'avoir présenté ce mémoire à notre commission parlementaire. Je constate, et je

pense que c'est une constante dans la plupart des mémoires que nous avons eus jusqu'ici, une volonté de céder le transport des personnes handicapées à l'industrie du taxi. C'est évident que pour le gouvernement, ce sera moins coûteux et pour les handicapés, ce sera un service plus adéquat.

Quant au service collectif, vous vous êtes peut-être penchés de façon plus sérieuse sur la majorité des mémoires que nous avons reçus. Ce que je constate, c'est que vous avez raison de dire que le transport par taxis collectifs est un substitut pur et simple au transport par autobus. Lorsqu'on regarde les différentes expériences que vous avez analysées, on peut se poser la question que c'est peut-être un transport de taxi collectif. Évidemment, il n'y a pas eu au gouvernement une première phase d'un projet pilote actuellement, peut-être que l'interrogation que je me pose, compte tenu qu'on n'a aucune expertise ni aucune compétence dans ce domaine au Québec, c'est qu'il sera peut-être obligatoire pour le gouvernement, de subventionner ledit transport collectif. D'autre part, que vous insistiez pour qu'il y ait un projet pilote, je pense qu'aujourd'hui, nous sommes déjà en retard. Un projet pilote aurait dû naître il y a deux ou trois ans, compte tenu des études qui ont été faites à l'intérieur du ministère des Transports.

Quant au covoiturage, il y avait une certaine compétition avec le taxi, mais je tiens compte des informations que vous donnez du comité des dix, qui sont probablement personnelles. Évidemment, avec le temps, on saura si cela apportera une croissance à l'industrie du taxi, ce dont je me permets de douter un peu, personnellement. C'étaient des commentaires d'ordre général, mais je pense, en ce qui concerne l'informatique, que c'est une nouvelle avenue. Je pense que le gouvernement doit, s'il y a lieu, épargner des coûts à quelque échelon que ce soit du transport. Il est important de s'impliquer à cet effet, mais je tiens compte qu'à l'égard du service des transports de taxis collectifs, qu'on ne peut pas prévoir actuellement les résultats et qu'on est devant une interrogation. Je suis convaincu que cela ne rentabilisera pas de façon adéquate l'industrie du taxi dans la province de Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie les membres de l'Association québécoise du transport et des routes qui nous ont présenté leur point de vue. Je demanderais maintenant à l'Association haïtienne des travailleurs du taxi de s'approcher, s'il vous plaît!

M. Barthélémy, coordonnateur, veuillez nous présenter celui qui vous accompagne, s'il vous plaît!

Association haïtienne des travailleurs du taxi

M. Barthélémy (Gérard): M. Cicéron, coordonnateur adjoint de l'association.

M. Clair: S'il n'y a pas d'autres personnes, j'aimerais, si c'est possible, qu'ils s'installent plus à gauche, j'aurais plus de facilité à voir nos invités. Parfait, merci.

M. Barthélémy: Notre association est heureuse de la tenue de cette commission parlementaire sur le taxi. Le mémoire que nous vous présentons n'est pas un document tout à fait étoffé. Vous comprendrez que la situation même des gens qui font du taxi à Montréal nous empêche de produire un travail plus complet. Cependant, ce document a l'avantage de faire écho du point de vue de citoyens du Québec vivant à Montréal et qui doivent chaque jour faire face à une situation des plus difficiles dans la recherche du pain quotidien.

Dans la première partie de notre mémoire, il y a la présentation de notre organisme et, dans les trois volets à l'intérieur, nous essayons d'apporter notre contribution aux trois points soulevés dans le document du ministre des Transports.

L'Association haïtienne des travailleurs du taxi, organisme à but non lucratif incorporé au Québec en mars 1982, a comme objectifs principaux la promotion des droits et la défense des intérêts fondamentaux des artisans et chauffeurs de taxi réguliers; la mise sur pied de mécanismes d'autodéfense et de représentation pour la revendication des droits des travailleurs du taxi; l'information du public et des institutions concernées sur la situation et les difficultés vécues dans l'industrie du taxi par les membres des minorités surtout visées; l'action auprès des autorités compétentes afin de les porter à assumer toutes leurs responsabilités dans ce domaine; la recherche de voies et l'établissement des bases d'un processus de consultation communautaire dans le but d'aplanir les difficultés qui surgissent entre travailleurs du taxi appartenant à des ethnies différentes.

L'Association haïtienne des travailleurs du taxi prend acte du désir du gouvernement du Québec de mettre un terme au marasme qui sévit depuis trop longtemps dans l'industrie du taxi, par la présentation du document du ministère des Transports: De nouvelles avenues pour le taxi. L'Association estime cependant que le programme d'action présenté dans le document du ministère des Transports ne peut permettre d'espérer vraiment une amélioration sensible dans cette industrie, du moins dans la région de Montréal qui nous intéresse plus particulièrement.

Nos considérations, qui seront axées sur

trois aspects indispensables à toute réforme de l'industrie du taxi - rentabilité, décentralisation et concertation - sont loin d'être exhaustives. Nous les proposons, néanmoins, dans un esprit d'ouverture et de collaboration.

La rentabilité. L'industrie du taxi à Montréal est loin du seuil de la rentabilité en raison du trop grand nombre de permis en circulation. C'est là le problème majeur de cette industrie, la source de nombreux maux et de multiples frictions. Le ministère des Transports a innové et fait preuve d'originalité en proposant, plutôt qu'une réduction du nombre de permis, l'ouverture de nouveaux marchés.

Le document du ministère des Transports propose de légaliser certaines pratiques courantes, mais illégales, comme par exemple, le transport des biens. Si nous applaudissons à une telle mesure, nous devons relever qu'il ne s'agit pas d'un nouveau marché à proprement parler.

Le document propose également que de nouveaux services puissent être rendus de façon inexclusive par le taxi: le transport de personnes handicapées, transport intégré au transport en commun, etc. Si ces projets nous semblent positifs, leur réalisation à Montréal paraît plutôt problématique et pourrait même être la cause de graves conflits. De plus, cela pourrait n'aboutir qu'à déplacer les problèmes, qu'à exporter à d'autres secteurs les difficultés du taxi.

Enfin, il n'est pas dit que ces mesures suffiront à éponger le surplus de permis actuellement en opération à Montréal. Il nous semble donc qu'une étude spéciale est nécessaire quant à la viabilité et l'opportunité de ces mesures à Montréal.

Il faut signaler, de plus, que le document du ministère passe totalement sous silence des problèmes concrets de rentabilité comme le coût considérable des assurances requises; les frais onéreux exigés pour l'entretien des voitures; le prix très élevé de l'essence à Montréal ainsi que celui de la taxe de vente sur les voitures-taxis.

Rien n'est dit sur d'éventuelles mesures qui permettraient d'alléger, dans ces domaines, le fardeau des travailleurs du taxi, malgré l'escalade du coût de la vie et la diminution de la clientèle du taxi. (17 h 15)

La décentralisation. Le ministère des Transports se propose de transmettre aux autorités locales la tâche de préciser les normes d'exploitation, d'établir les règles de qualité de service et de fixer les tarifs en raison des problèmes résultant de la lourdeur, de l'éloignement et de la complexité de l'appareil gouvernemental."

Nous en concluons que nous devrons attendre ce transfert des pouvoirs et espérer que les autorités concernées voudront bien nous consulter avant de trouver réponse à de graves questions comme, par exemple: l'insuffisance des stands, surtout aux bons endroits, et l'impossibilité d'utiliser ces stands aux heures les plus rentables; l'existence de "concessions" dans les édifices publics, hôpitaux, gares ou sur les propriétés publiques (abords d'hôtels); la surutilisation des voitures des flottes.

Nous craignons que cette attente soit fort longue et que le marasme actuel ne s'aggrave lourdement. Mais il est un point qui ne saurait souffrir d'attente et sur lequel le ministère des Transports se doit de se prononcer clairement et sans délai: le droit de tous les travailleurs du taxi, en règle avec la loi, de vivre de leur métier et ce, sans aucune discrimination.

Nous ne pouvons taire notre étonnement de voir que le document du ministère ne prévoit aucune disposition qui permettrait de prévenir la répétition de situations de discrimination qui ont pourtant fait la une de l'information durant plusieurs semaines, en juillet 1982. C'était à Montréal. Il est indéniable que le ministère des Transports a été directement impliqué dans la distribution des permis de taxi à l'aéroport de Dorval dans des circonstances et avec des résultats qui nous ont fait craindre d'assister à l'amorce d'un mouvement visant à éliminer le plus possible de l'industrie du taxi les travailleurs haïtiens.

Les remous provoqués par l'affaire de la compagnie S.O.S. TAXI, à la fin de juin 1982, n'ont pu que raviver ces craintes. Force est de constater que jamais le ministère des Transports ne s'est prononcé publiquement sur la discrimination ouverte pratiquée par certaines compagnies ni sur l'utilisation de cette discrimination comme moyen de concurrence déloyale envers les travailleurs haïtiens du taxi. Il serait sain que, sur cette question, le ministère des Transports démontre sans ambiguïté qu'il fait partie de la solution et non pas du problème.

Au chapitre de la décentralisation, le document du ministère annonce deux choix très importants:

A. la volonté de diminuer, voire d'éliminer la pratique illégale mais courante de la vente à tempérament. À notre avis, il faudrait accorder un délai pour permettre que soient achevées les transactions en cours, afin de ne pas pénaliser ceux que l'on veut protéger, les acheteurs.

B. le projet d'un moratoire temporaire sur la délivrance des permis de chauffeur de taxi. Selon nous, ce moratoire devrait pouvoir durer jusqu'à deux ans, surtout à Montréal. De plus, des mesures doivent être envisagées en vue d'arriver à l'annulation de certains permis détenus par des personnes exerçant déjà un emploi à temps plein, par exemple les pompiers et autres.

La concertation. Alors que le document du ministère des Transports manifeste une

volonté de modifier la structure même de l'industrie du taxi, aucun changement structurel n'est proposé pour favoriser la concertation. On se contente de réaffirmer l'obligation de constituer une ligue de propriétaires pour chaque agglomération. On introduira la possibilité d'intervention du ministre dans l'administration des ligues pour faire respecter le processus démocratique; pour Montréal, c'est déjà chose faite.

Nous sommes d'avis qu'au moins dans le cas de Montréal, il faudrait aller plus loin: penser à modifier les structures mêmes de la ligue en permettant, par exemple, aux artisans et aux propriétaires de s'organiser sur des bases différentes, même regroupées au sein de la ligue.

Nous pensons qu'il est indispensable que soit mise sur pied une véritable table de concertation regroupant tous ceux qui sont susceptibles d'intervenir dans l'industrie du taxi à Montréal, à savoir: les autorités de la Communauté urbaine de Montréal; les associations de services; les flottes; les propriétaires artisans et, enfin, les chauffeurs.

Je crois qu'il revient au ministère des Transports de faciliter la mise sur pied de cette table de concertation.

Même si l'Association haïtienne des travailleurs du taxi a centré ses considérations sur trois thèmes évoqués dans le document du ministère des Transports, De nouvelles avenues pour le taxi, elle n'en demeure pas moins consciente que de nombreuses questions et de nouveaux problèmes n'ont même pas été soulevés, qui touchent de très près au domaine de l'industrie du taxi. Les membres de l'association espèrent, néanmoins, que leurs observations, leurs suggestions et leurs réflexions, même limitées et incomplètes, pourront contribuer avec celles d'autres groupes de travailleurs à l'amélioration des conditions de travail et de vie de tous ceux qui, dans la région de Montréal, ont fait du taxi leur gagne-pain quotidien. Merci.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Clair: Permettez-moi, d'abord, de remercier M. Barthélémy et M. Cicéron, de l'Association haïtienne des travailleurs du taxi, d'avoir pris connaissance des nouvelles avenues que nous proposons en matière de taxi et d'être venus nous faire part de leur point de vue. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion, avant la publication des nouvelles avenues, de rencontrer des représentants de l'Association haïtienne des travailleurs du taxi. C'est à ce moment qu'on avait convenu qu'ils étudieraient la proposition gouvernementale et qu'ils viendraient en commission parlementaire nous faire part de leur point de vue. Nous l'apprécions aujourd'hui.

Je vais commencer mon commentaire par une affirmation non ambiguë quant à la question de la discrimination dans l'embauche de chauffeurs ou dans l'admission de chauffeurs. Il ne fait aucun doute que le ministère des Transports et celui qui vous parle sont opposés à la discrimination dans le secteur du taxi, au même titre que dans les autres secteurs qui relèvent de ma juridiction. Cela dit, le problème de la discrimination est beaucoup plus complexe qu'un simple problème de transport. Nous pouvons effectivement, jusqu'à un certain point, avoir un encadrement juridique qui incite à la non-discrimination. Dans ce sens, dès que le rapport de la Commission des droits de la personne sera connu, dans la mesure où il y aurait des dispositions qu'on devrait inclure dans notre réglementation pour favoriser la non-discrimination, nous les étudierons à leur juste valeur. J'ajouterai même qu'en ce qui concerne la redistribution des permis de taxi à l'aéroport de Dorval nous n'aurions aucune objection, quant à nous, en particulier M. Jean-Jacques Lemieux qui a beaucoup travaillé sur ce dossier avec le groupe de recherche sur la rentabilité du taxi à Montréal, à aller expliquer à la commission quel était l'esprit qui animait le ministère des Transports du Québec dans la réglementation qui a été adoptée, puisqu'elle ne visait nullement à discriminer qui que ce soit.

La méthode retenue était assez simple, finalement. C'était par tirage au sort. Les propriétaires pouvaient participer au tirage pour seulement un permis de taxi. Ceci semble avoir eu pour effet d'écarter effectivement les flottes. Les deux seules conclusions qu'on puisse en tirer, c'est que, premièrement, il semble, selon les informations qu'on m'a fournies, qu'il y ait eu peu de propriétaires haïtiens qui aient postulé. Je crois qu'il y en a eu moins d'une dizaine. Donc, les chances au tirage au sort étaient d'autant plus limitées.

D'autre part, on pourrait prétendre que les travailleurs du taxi, membres de l'Association haïtienne des travailleurs du taxi, probablement, travaillent en plus grand nombre pour les flottes qui, effectivement, elles, étaient un peu discriminées, si on veut, par la réglementation retenue. Mais c'était une réglementation qui ne visait nullement à discriminer qui que ce soit, mais simplement à essayer d'offrir, au plus grand nombre possible de propriétaires de permis de taxi, l'occasion d'être tirés au sort dans ce cas-là.

Quant à nous, au ministère des Transports, on a agi, il nous semble, dans le meilleur intérêt de l'industrie du taxi et sans discrimination. On prendra connaissance avec beaucoup d'intérêt des recommandations, des conclusions de la commission. Également, on est prêt, en tout temps, à aller expliquer à

la Commission des droits de la personne, si on y était convié, quels sont les principes qui ont guidé l'action du ministère des Transports dans ce cas-là et d'ailleurs, celle de l'administration de l'aéroport de Dorval, puisque cela a été fait conjointement avec elle.

Par ailleurs, ce qui m'inquiète, c'est essentiellement deux choses. Comme le milieu du taxi, vous proposez la diminution du nombre de permis de propriétaire de taxi. Vous proposez même, en ce qui concerne les nouveaux chauffeurs, un moratoire de deux ans. Imaginons qu'effectivement on procède, d'une façon ou d'une autre, au rachat de certains permis de propriétaire de taxi, les chances sont grandes que les personnes financièrement les plus vulnérables vont vouloir vendre leur permis. Cela a de fortes chances d'être, dans certains cas, des gens dont la rentabilité est marginale. Ma crainte est celle-ci, et c'est la question que je vous pose. S'il advenait que ce soient des propriétaires de permis membres de votre association qui vendent, ne risquerait-on pas de voir là une façon d'essayer d'éliminer des propriétaires de taxi qui sont membres de votre association?

Même chose pour la question de la règle un homme une voiture par jour. Si cette règle devait être implantée ou si on devait décréter un moratoire complet de deux ans sur l'émission de nouveaux permis, comment cela se passerait-il dans la pratique? Je ne le sais pas et c'est ce qui m'inquiète un peu. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Ne risquerait-on pas, en procédant au rachat de permis ou à l'élimination d'un certain nombre de permis de chauffeur, de toucher à un grand nombre de membres de votre association?

M. Barthélémy: Je peux vous répondre, M. le ministre. En passant, je veux dire que je souscris entièrement à l'idée mise de l'avant par les représentants de la ville de Montréal à ce sujet. Si on veut racheter des permis, cela se fera, à mon humble avis, sur une base volontaire. On ne va pas imposer à quelqu'un de vendre son permis. Cela dit, ceux qui vendront leur permis, c'est parce qu'ils auront décidé de le faire.

Vous soulignez que, si on rachète des permis comme ceux qui font le moins d'argent sont peut-être des nôtres et ils seront peut-être portés à vendre leur permis. Je souligne qu'actuellement, à Montréal, c'est l'ensemble des artisans surtout qui est intéressé à se débarrasser des permis. Si, éventuellement, il y a rentabilité, soit par l'élargissement du marché ou par le rachat de certains permis, ceux qui restent seront intéressés à demeurer sur le marché. Le dégoût des artisans est attribuable au fait qu'on passe des journées de 18 heures à ne rien faire, finalement. C'est là le problème.

Quant aux membres de notre communauté, qui seront, eux aussi, pénalisés par le fait qu'on décrétera un moratoire sur l'émission de nouveaux permis de chauffeur, nous ne voyons pas seulement notre communauté visée dans une telle démarche; nous voyons l'ensemble du monde du taxi qui est plein à craquer, si vous voulez. Il y a un marché saturé, il y a trop de monde dans ce secteur d'activité. Nous pensons à un moratoire de deux ans. Qu'il pénalise des gens de notre communauté ou d'autres communautés, c'est un sacrifice qu'on peut se payer, qu'on doit se payer.

M. Clair: Pour augmenter la rentabilité, il y a trois grandes avenues: l'élargissement à de nouveaux marchés, l'ouverture de nouveaux marchés, le rachat ou l'extinction d'un certain nombre de permis de propriétaire ou encore la règle un homme une voiture. Sur cette question, est-ce que votre association a une position précise? (17 h 30)

M. Barthélémy: Nous pensons que le système un homme par voiture ne fera pas un bien excessif à cette industrie vraiment malade, surtout à Montréal, mais cela peut apporter un léger soulagement à la situation actuelle. D'après les échanges avec les chauffeurs de notre association et de notre nationalité, dans l'ensemble du monde du taxi, il y a consensus sur ce point. Un homme par voiture peut apporter une certaine amélioration, mais la résistance est, je pense, chez les grands propriétaires de flottes de taxis.

M. Clair: Si une telle mesure devait être mise en application par force de loi ou par la volonté de ligues ou des associations de services une fois qu'elles seraient pleinement habilitées à le faire, est-ce que vous verriez des mesures particulières à prendre pour s'assurer qu'il n'y ait pas de discrimination dans le choix qui se ferait des chauffeurs par les propriétaires de flottes? Voyez-vous des précautions particulières à prendre sur cette question?

M. Barthélémy: À mon avis, la seule précaution qu'on devrait prendre, c'est de procéder avec justice pour tous. Si on procède avec justice, il n'y a aucune chance que les membres de notre association soient victimes d'une mesure en ce sens. Nous avons une étude qui nous prouve que 60% des Haïtiens qui font du taxi à Montréal sont propriétaires de leur voiture.

M. Clair: 60%?

M. Barthélémy: Oui; 7% sont copropriétaires, 23% sont locataires.

M. Clair: En résumé, votre association

se prononce en faveur de l'hypothèse qui a été invoquée ce matin par M. Le Lannic, de la ville de Montréal, à savoir une cotisation additionnelle chez les détenteurs de permis pour éliminer, éteindre ou racheter des permis. Elle se prononce également en faveur de la règle un homme une voiture.

M. Barthélémy: Oui.

M. Clair: Sur ces deux questions?

M. Barthélémy: On n'a pas de problème sur ces deux approches.

M. Clair: Sur ces deux approches? M. Barthélémy: Oui.

M. Clair: De même que vous favorisez l'ouverture de nouveaux marchés. Là, je pense que cela va.

Enfin, vous indiquez, relativement aux ligues de taxis, à la page 6 de votre mémoire: "Nous sommes d'avis qu'au moins dans le cas de Montréal il faudrait aller plus loin: penser à modifier les structures mêmes de la ligue en permettant, par exemple, aux artisans et aux propriétaires, sur des bases différentes, même regroupés au sein de la ligue." Je n'ai pas très bien compris quels étaient les changements que vous proposiez aux structures mêmes de la ligue. Pourriez-vous nous donner un peu de précisions là-dessus? Qu'est-ce que vous voyez comme modifications aux structures de la ligue?

M. Barthélémy: En ce qui concerne la ligue A-11, la plus grosse ligue de Montréal, nous pensons que sa structure actuelle, c'est-à-dire un conseil d'administration de sept membres pratiquement coupés de la base, n'ayant que des relations d'affaires, si vous voulez - envoi de comptes pour la cotisation annuelle et quelquefois d'une brochure quelconque pour faire de la publicité pour ses projets ou pour des biens comme les pneus et certains garages - ne peut vraiment pas servir les intérêts de ceux que cette ligue était censée représenter. Nous verrions plutôt une ligue militante où les relations entre la base et le sommet seraient soutenues, une ligue avec des instances fonctionnelles qui permettraient aux membres d'avoir leur mot à dire, de faire valoir leur point de vue. Et...

M. Clair: Je m'excuse de vous interrompre, M. Barthélémy. Je souhaite, comme ministre des Transports, que la ligue soit plus dynamique, qu'elle fonctionne, qu'elle crée des groupes de travail, etc., mais je pense que cela ne se fait pas par des changements à la loi. Cela doit venir de l'interne, de l'intérêt que les membres portent à leur ligue. C'est pour cette raison que, quand vous parliez des modifications aux structures de la ligue, je répète ma question. Faire des voeux pieux, c'est une chose; voir comment on peut modifier les structures de façon à atteindre les objectifs qu'on partage tous les deux, cela en est une autre. C'est sur cela que j'aimerais avoir votre opinion.

M. Barthélémy: Si vous voulez une précision, je parlais des structures externes de fonctionnement de cette ligue. Nous avons raté une occasion de le faire au cours de l'automne quand le ministère des Transports est intervenu dans le litige qu'il y avait pratiquement entre cette ligue et ses membres. Nous avons vu cela de cette manière: le ministère des Transports est venu et il a tranché la question. Il a mis tout le monde à sa place et, après les élections, on commence à marcher dans cette même ligue qui, aux yeux de ses membres, ne voulait rien dire et n'avait aucun sens. Malgré tout l'effort qu'on a fait durant l'automne, tout l'argent qu'on a dépensé, tous les investissements qu'au niveau même du ministère des Transports on a faits, on est dans la même situation qu'avant, une ligue qui, pratiquement, ne veut rien dire.

M. Clair: Ce que vous mettez en cause, n'est-ce pas davantage l'existence même de la ligue que ses structures? Parce que, sur des modifications aux structures, s'il y en avait de plus précises que celles que vous venez d'évoquer à proposer, je serais tout disposé à les examiner, mais je ne vois pas tellement ce qu'on peut faire d'autre que de proposer ce qu'on propose justement dans notre programme d'action. Est-ce qu'au fond ce n'est pas davantage l'existence même de la ligue que vous mettez en cause?

M. Barthélémy: Je vous ai déjà souligné cet aspect. À notre avis, une ligue est censée représenter ses membres. Si, dans la pratique, il n'y a aucun signe que cette ligue soit en mesure d'intervenir et de défendre plus ou moins efficacement l'intérêt de ses membres, on peut se permettre de se poser des questions sur son existence même ou sur l'utilité d'avoir cette ligue. Nous pensons qu'il y a toujours place pour des améliorations, mais il faut vraiment être sensibilisé à cette question que la ligue A-11 qu'on a maintenant reste telle qu'elle est présentement, aujourd'hui ou demain, à notre avis, c'est de l'argent qu'on soutire de la poche de ses membres pour aider seulement quatre ou cinq personnes à se tailler une position, et c'est tout.

M. Clair: En tout cas, M. le Président, en concluant, avant de donner l'occasion à mon collègue, le député de Jeanne-Mance et aux autres de poser des questions, je peux simplement, quant à moi, vous encourager et

encourager les membres de votre association, membres de la ligue A-11 également, à s'activer, justement, eux-mêmes afin de rendre vivante cette ligue autant que c'est possible de le faire. Comme ministre des Transports, c'est à peu près tout ce que je peux faire: souhaiter que les membres s'intéressent à la vie de leur ligue et que ce ne soit pas simplement le ministre des Transports qui, une fois de temps en temps, est obligé de retourner par loi spéciale mettre de l'ordre. Ce que j'ai déjà indiqué, ce n'est pas un jeu auquel le Parlement se prêterait à tous les deux ou trois ans, je pense. La prochaine fois qu'il s'en mêlerait, il s'en mêlerait pour la dernière fois, j'ai l'impression.

M. Barthélemy: C'est là notre problème: on n'a pas les moyens d'intervenir pour faire bouger les choses dans cette ligue.

M. Clair: C'est la vie interne de la ligue.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Seulement un commentaire. Je vais passer la parole au député de Sainte-Anne et je reviendrai après lui. Au niveau des assemblées de la ligue A-11, ils n'en ont pas eu depuis deux ans et demi.

M. Clair: II y en a eu deux.

M. Bissonnet: II y en a eu une dernièrement pour les élections, point. Il n'y a pas d'implication des chauffeurs de taxi dans une ligue lorsqu'elle ne tient pas d'assemblées. Évidemment, il y a un nouveau conseil d'administration. Si on a des assemblées, on peut inciter les propriétaires, les chauffeurs de taxi - en fait, ce sont les propriétaires, ce ne sont pas les chauffeurs -à s'impliquer là-dedans. Durant deux ans, il n'y a pas eu d'assemblées, pas d'états financiers. Si on veut qu'une ligue fonctionne, il faut qu'il y ait un contact direct et quotidien avec ses membres.

M. Clair: On fait les mêmes voeux, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. M. Barthélemy, au nom de l'Opposition, je voudrais vous remercier, vous et vos camarades, d'être venus ici, de Montréal. J'imagine que vous avez fait du covoiturage, tous ensemble. Je sais comment il est difficile de préparer un tel mémoire. Il y a tout de même des points là-dedans qui sont différents de ceux des autres mémoires. On a quelque chose en commun: nous sommes aussi un groupe minoritaire. On pense aujourd'hui à vivre en minorité.

J'ai quelques questions à poser. Vous parlez de votre association, de ses objectifs principaux. Vous parlez de défendre les intérêts des artisans, chauffeurs de taxi, etc. Est-ce que ce sont seulement des Haïtiens qui peuvent entrer dans votre association ou si vous acceptez un gars comme moi, d'origine hollandaise? Je viens d'un bon petit pays, la Hollande, je suis venu comme immigrant. Si j'avais un taxi, est-ce que j'aurais le droit de devenir membre chez vous?

M. Cicéron (Willy): Pouvez-vous répéter votre question?

M. Polak: Avez-vous compris ma question?

M. Cicéron: Oui, mais je veux que vous repreniez la question.

M. Polak: Dans votre Association haïtienne des travailleurs du taxi, quand je lis vos objectifs, je ne vois pas qu'ils limitent le membership à ceux qui sont haïtiens. L'association s'appelle l'association haïtienne. Est-ce que d'autres gens qui travaillent dans l'industrie du taxi, à part les Haïtiens, peuvent devenir membres?

M. Cicéron: Nous avons formé une association de travailleurs haïtiens. Par contre, nous pouvons collaborer et nous sommes là pour collaborer avec tous les chauffeurs de taxi, artisans du taxi pour travailler ensemble afin d'améliorer la situation du taxi.

M. Polak: Parfait. Ma deuxième question est la suivante. À la page 3 de votre mémoire, vous parlez, comme d'ailleurs tous les groupes de taxi, soit les artisans, soit les chauffeurs nous l'ont soumis, du coût des assurances et du prix très élevé de l'essence. Cela revient toujours. Vous étiez ici, ce matin, quand le ministre a répondu: Ce n'est pas grave, c'est seulement 1200 $ par année de taxe sur l'essence. Pour les assurances, ce n'est pas grave, non plus, parce qu'il y a eu un beau petit mémoire de quelqu'un, le Surintendant des assurances ou je ne sais qui, qui dit que, vraiment, la situation n'est pas différente de celle qu'il y avait avant la nouvelle loi sur l'assurance.

Avez-vous du matériel de comparaison avec quelqu'un qui a un taxi à Toronto ou dans d'autres villes? Parce qu'il y a beaucoup d'Haïtiens qui sont dans d'autres villes au Canada aussi. Vous avez tout de même des contacts entre vous, dans la

communauté. Avez-vous des statistiques pour démontrer que, n'importe où ailleurs au Canada, ils font beaucoup mieux qu'à Québec ou à Montréal?

M. Cicéron: Malheureusement, nous n'avons pas de contact avec d'autres chauffeurs haïtiens, qu'ils soient à Toronto ou à New York. Ce que nous pouvons dire, si on fait la comparaison entre Montréal et Toronto, c'est qu'à Toronto, où la population est beaucoup plus élevée qu'à Montréal, on a à peu près la moitié du nombre de permis de taxi. Donc, le problème du nombre élevé de permis que tous les intervenants ont souligné ici, c'est un fait irrévocable. Comme nous le soulignons dans notre document, c'est le problème majeur du taxi à Montréal.

M. Polak: Au point de vue des frais de fonctionnement, avez-vous du matériel comparatif - peut-être que le ministre pourrait le faire vérifier par un de ses adjoints ici, il y en avait douze hier soir -entre Toronto, Ottawa, Calgary et Vancouver, pour savoir combien cela coûte pour faire fonctionner un taxi par année, en moyenne, et ce qu'il reste comme revenu net pour un tel artisan? Il y a certainement des statistiques qui existent. J'aimerais bien le savoir. J'ai entendu dire que dans la province de Québec, à Montréal et dans les grands centres, c'est presque devenu scandaleux en comparaison des autres. (17 h 45)

M. Clair: Je n'ai pas de chiffres là-dessus, mais une chose est évidente. Comme le soulignait M. Barthélemy, je ne pense pas que ce soit une question de coût de fonctionnement, mais une question d'ajustement de l'offre et de la demande. Comme M. Barthélemy l'indiquait - ce sont à peu près les proportions - à Toronto, il y a deux fois moins de taxis pour une population à peu près équivalente; c'est évident que cela joue sur la rentabilité de l'industrie.

M. Polak: Mon dernier point, M. Barthélemy, c'est un point très important pour vous et, personnellement, je le trouve très important aussi, c'est la question de la discrimination. Tout à l'heure, le ministre a dit - je suis content qu'il l'ait dit même si c'est peut-être une déclaration pieuse - qu'il était contre la discrimination, qu'il ne pouvait tolérer ça, etc. Ensuite, il a dit qu'il attendrait le résultat de ce qui se passera à la commission pour voir s'il y a des changements à faire. Mais oublions, pour le moment, le résultat de ce qui se passera devant la commission. Avez-vous, comme association, des suggestions sur le plan pratique à offrir maintenant au ministre des Transports dans le secteur du taxi? Peut-être y a-t-il quelques points sur lesquels vous pourriez insister ou suggérer pour qu'on en tienne compte bientôt concernant justement ce facteur. Ou peut-être préféreriez-vous dire: On a fait nos recommandations à la commission et on va attendre le résultat, comme le ministre l'a dit tout à l'heure.

M. Barthélemy: Pour nous, c'est trop long d'attendre le résultat de la commission. Nous aimerions que le ministre fasse quelque chose d'urgence en ce sens. Certaines compagnies, pour concurrencer une autre compagnie, ne veulent pas engager de Noirs sous prétexte d'attirer plus de clientèle. Plusieurs compagnies manifestent de la discrimination vis-à-vis de la communauté noire et particulièrement des Haïtiens. Nous en avons parlé déjà, si je me rappelle bien, lors de notre première entrevue avec le ministre à ce sujet. Par exemple, prenons la compagnie Coop de Montréal et la compagnie Co-Op de l'Est qui veulent concurrencer, dans le nord-est de la ville, la compagnie SOS, la compagnie Champlain, dans l'ouest, pour accaparer la clientèle des hôtels du centre-ville. C'est dit verbalement aux chauffeurs. J'ai réussi, dernièrement, à faire parler un chauffeur de la Co-Op de l'Est qui défend parfois les Haïtiens et qui a reçu verbalement des menaces du président de la Co-Op. S'il veut appuyer l'entrée d'un Noir dans la Co-Op, il va se faire bousculer, se faire mettre dehors.

M. Polak: Qu'est-ce que le ministre des Transports pourrait faire, puisque vous réclamez une action immédiate, en termes de mesures concrètes?

M. Barthélemy: Ce que je demande au ministre des Transports, ce n'est pas de forcer les compagnies à engager des Noirs, mais il y a effectivement de la discrimination chez ces compagnies dans le but d'attirer la clientèle. Nous demandons au ministre des Transports d'insérer, dans une loi qui ne sera pas trop arbitraire en ce sens, quelque chose qui dirait que, si nous avons un permis de taxi, nous avons le droit de travailler dans l'association de notre choix, ce qui n'existe pas. Si on va à la Coop de Montréal, on ne va même pas accepter notre demande; on va nous dire qu'il n'y a pas de place pour nous ici.

Par conséquent, le ministre des Transports, peut apporter certaines corrections à la loi en s'appuyant sur ce que dit la Commission des droits de la personne. C'est une atteinte aux droits de la personne. Il peut demander que ces compagnies aient un quota de Noirs afin d'éliminer cette pratique discriminatoire. Sinon, il va toujours y avoir une querelle entre telle ou telle compagnie. La Coop de Montréal, la Co-Op de l'Est et Champlain taxi disent ouvertement aux chauffeurs: Vous ne devez jamais engager de Noirs sur vos voitures-

taxis. On a un exemple très clair. Un chauffeur de Taxi Moderne a acheté un taxi de la Co-Op de l'Est à midi, et à quatre heures du matin, on a coupé son appel parce qu'un Blanc lui avait vendu son taxi.

M. Clair: M. le Président, si le député de Sainte-Anne me permet un bref commentaire avant qu'il continue ses questions, c'est une avenue qui m'avait été proposée avant même la publication de De nouvelles avenues pour le taxi. Mais le député de Sainte-Anne va comprendre mon point de vue, j'en suis sûr. La discrimination est déjà, en soi, si on veut, déclarée illégale par la Charte des droits et libertés de la personne. Je me demande comment on pourrait, dans une réglementation, en vertu du règlement no 6 qui serait le seul moyen d'agir, rendre plus illégal quelque chose qui est déjà prévu dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Quant à des mesures du type de celles qu'évoque M. Cicéron, je pense que la Commission des droits de la personne est beaucoup plus habilitée que votre humble serviteur d'abord à mesurer exactement de quoi il s'agit et, deuxièmement, à faire des recommandations. C'est pour cette raison que j'indiquais tantôt que, quant à moi, je vais attendre de voir le résultat des recommandations de la Commission des droits de la personne, sans quoi, j'aurais un peu l'impression de me porter juge à la place de la Commission des droits de la personne et d'agir peut-être moi-même avec discrimination, n'étant pas informé autant que le sera la Commission des droits de la personne. Cela m'apparaît difficile.

Je ne voudrais pas que les gens de l'Association haïtienne des travailleurs du taxi retiennent de ma position que je ne veux rien faire. Il y a deux procédures possibles, une première où le ministre des Transports lui-même prend des dispositions législatives ou réglementaires pour agir pendant que l'organisme réellement mandaté pour s'occuper de ces questions, qui est la Commission des droits de la personne, est en train de faire une enquête; j'aurais un peu l'impression de devancer les conclusions de la commission, d'une part, et, d'autre part, de me porter juge ou en quelque sorte interprète de la charte à la place de la commission.

M. Polak: Une dernière question. En ce qui concerne la recommandation, je pense que je suis d'accord avec le ministre, qui veut attendre le résultat de l'enquête de cette commission. Mais devant cette commission, avez-vous fait des suggestions positives? Si le but de la commission est seulement de déterminer s'il y a eu discrimination, oui ou non, cela ne règle pas votre problème. Donc, y a-t-il des propositions actuellement sur la table devant la commission? Sinon, il faut les mettre sur la table devant le ministre.

M. Cicéron: Pratiquement, nous n'avons pas passé encore publiquement devant la commission. Nous avons délégué certains membres de notre association à huis clos. La première phase est déjà terminée au niveau de Montréal-Nord, c'est-à-dire le conflit entre Taxi Moderne et la compagnie Co-Op de l'Est taxi. La semaine dernière, c'était leur tour de présenter les mémoires et on devait attendre encore deux semaines la reprise des travaux de la commission, mais on ne sait pas encore la date. La commission devait fixer la date des travaux qui vont commencer, effectivement, avec Montréal, c'est-à-dire la ligue A-11. Ensuite, ce sera le tour de la ligue A-12.

Pour terminer la première question -j'y reviens encore - au niveau du ministère des Transports, la déclaration des compagnies qui n'engagent pas de Noirs est la suivante: Je n'engagerai pas de Noirs tant que le gouvernement ne m'y forcera pas. C'est le point de vue de certaines compagnies qui n'engagent pas de Noirs. Elles attendent le gouvernement pour engager des Noirs. Tant que le gouvernement ne les y forcera pas, elles n'en engageront jamais.

M. Barthélemy: J'aimerais apporter un autre élément de réponse à votre dernière question. En ce qui concerne l'enquête de la Commission des droits de la personne actuellement en cours à Montréal, l'association a préparé un mémoire; nous n'avons pas beaucoup de copies ici, mais on peut en fournir une. On a essayé de voir le phénomène, qu'on a d'ailleurs dénoncé, parce que, dans sa façon de s'exprimer, de s'extérioriser, nous croyons qu'il y a beaucoup d'injustice à l'égard de notre communauté et nous avons mis de l'avant certains éléments de solution au problème. Justement, nous avons déjà présenté notre mémoire à la commission et je crois que le travail que nous avons produit a été d'une grande utilité pour les travaux de cette commission, contribution que les commissaires n'ont pas manqué de souligner.

M. Polak: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Dorion, je vous cède la parole, mais avant...

M. Bissonnet: Consentement pour...

M. Clair: Consentement pour continuer jusqu'à épuisement.

M. Bissonnet: ...continuer jusqu'à épuisement.

Le Président (M. Desbiens): Jusqu'à épuisement de la liste des intervenants, d'accord? Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Je voudrais faire deux remarques, avant de poser deux questions. Concernant la Charte des droits et libertés de la personne, je pense que vous êtes bien au courant qu'il n'y a pas seulement de la discrimination à cause de la couleur, mais souvent de l'âge, du sexe, etc. Le gouvernement du Parti québécois en est bien conscient et n'arrête pas d'améliorer sa charte, c'est ce qu'on a fait à l'automne dernier. Maintenant, on peut avoir recours pour être entendu et le verdict viendra.

Concernant la ligue - tout à l'heure, vous parliez de la ligue de taxis A-11 en particulier - je pense que votre communauté doit quand même se réjouir de voir quelqu'un de votre communauté élu au sein de cette ligue. Je pense que, si vous avez des choses à dire, c'est important que votre communauté fasse pression auprès de votre membre pour que celui-ci, à son tour, fasse des pressions pour convoquer des assemblées générales afin que vous puissiez discuter des points qui vous préoccupent.

Ma question est la suivante. À la page 3 du document, vous vous dites d'accord avec les marchés proposés par le document du ministère. Vous semblez inquiets face à l'intégration du transport pour les handicapés et le transport intégré au transport en commun dans la ville de Montréal. Pourriez-vous m'expliquer quelles sont vos inquiétudes?

M. Barthélemy: Nos inquiétudes se basent sur l'expérience qu'on a connue à Dorval. Par exemple, à Dorval, 80% à 90% de l'effectif étaient des chauffeurs noirs, des chauffeurs haïtiens, quand, le 1er avril 1981, est entrée en vigueur l'exploitation d'un service de limousines, octroi de permis qui venait enlever près de 60% du marché du taxi à l'aéroport. Nous devions alors faire face à une situation nouvelle où l'effectif qui travaille à l'aéroport n'arrive pas à joindre les deux bouts. Dans la tête d'un petit groupe de chauffeurs blancs, ordinairement hostiles à la présence haïtienne à l'aéroport, s'est dessinée une affaire établissant que, s'il y avait 225 voitures à l'aéroport, après le coup de Samson Limousine on pourrait finalement tirer son épingle du jeu. (18 heures)

Ces gens se disaient: Étant les plus anciens ici, nous avons une sorte de droit, de privilège d'être là. Et il y avait un certain va-et-vient entre ces gens qui voyaient l'exploitation du taxi à l'aéroport de cette façon et des agents de la Gendarmerie royale du Canada qui surveillaient le stand de taxis pour le compte de Transports

Canada qui s'occupe un peu de l'aéroport. Cette idée, dans un premier temps, n'a pas fait son chemin parce qu'on ne trouvait pas assez d'adhérents à cela. On avait dit: On va faire un examen. Il faut que la personne parle anglais couramment. Malheureusement, les Haïtiens ne sont pas très bons en anglais. On se disait: On va chercher tous les moyens pour les coincer. On savait cela. Il y avait des Haïtiens qui étaient bien "chums" avec ces chauffeurs. On voulait faire entrer quatre ou cinq Haïtiens dans cette affaire. Donc, la chose a chuté. On savait ce qu'il y avait dans la tête de ces gens. Cela n'a pas fonctionné.

Quelques mois après, Transports Canada est venu avec ce que ces gens qui étaient embêtés par la présence haïtienne à l'aéroport de Dorval avaient comme projet. Dans un pareil cas, que l'on soit fou ou sage, on doit se poser des questions. N'est-ce pas le même projet qui est transféré à Transports Canada par ces gens qui ne voulaient plus de nous? Tous ces moyens, qui accompagnaient l'entrée en vigueur de ces nouvelles mesures à l'aéroport, étaient vraiment discriminatoires à l'égard de tous ceux qui travaillent à l'aéroport. Comme on savait que les Haïtiens se tenaient plus ou moins ensemble, on était contre cela. On savait que les Haïtiens n'allaient pas marcher, mais on n'a pas fait du tort seulement aux Haïtiens, on a sacrifié quasiment tous les chauffeurs blancs aussi et tous ceux qui travaillaient à Dorval.

Actuellement, ceux qui sont là, en majorité, ne savaient pas ce qu'on mange à Dorval, pratiquement. Une journée, on fait quatre voyages. Les gens qui étaient habitués à Dorval savaient que cela ne valait pas la peine de payer 1200 $ pour travailler à l'aéroport, alors qu'avant on ne payait que 0,75 $ par voyage. Donc, on a pratiquement mis dehors tout le personnel qui était là avant pour le remplacer par d'autres qui ne savaient pas. On a raconté toutes sortes d'histoires autour de cette question. On a dit que les Haïtiens n'étaient pas là parce qu'ils n'étaient pas propriétaires de leur voiture. Il est drôle de remarquer, finalement, que les gens qui étaient à l'origine de ce projet au niveau des chauffeurs blancs, ceux-là les mêmes qui n'ont pas été pigés parmi les candidats, le 1er avril, à notre grand étonnement, étaient dans la file. C'est cette forme d'appréhension qui nous fatigue. On craint de voir appliquer une réédition de Dorval, si on n'alerte pas les gouvernements ou les personnes intéressées dans le dossier.

Mme Lachapelle: Je pourrais ajouter quelque chose. C'est le cas de Dorval qui vous rend un peu craintifs. Quand on parle du transport des personnes handicapées ou de l'intégration de tous ces nouveaux services au transport en commun, je pense que ce ne

sera peut-être pas les mêmes critères qui vont jouer à ce moment. Tout le monde va pouvoir y avoir accès. Les craintes ne devraient pas être les mêmes.

M. Cicéron: Pour moi, de nouveaux services tels que le transport des personnes handicapées et le transport intégré au transport en commun, c'est un programme que le ministère des Transports voulait légaliser. Par contre, c'est un transport que les chauffeurs de taxi ont l'habitude de faire couramment. Cela ne veut pas dire que c'est nouveau sur le marché du taxi. C'est juste la légalisation de ce système.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bissonnet: Je vais revenir là-dessus, si vous voulez attendre.

M. Clair: Non, c'est juste pour clarifier une question. Je pense qu'en commission parlementaire, ce n'est ni le lieu, ni le moment, ni l'endroit pour débattre de toute la question de Dorval. D'ailleurs, avec les affirmations de M. Barthélemy, il y a des gens de mon ministère qui se sentent un peu accusés; ils vont probablement requérir l'occasion de se faire entendre par la Commission des droits de la personne afin de pouvoir donner leur version. On se tromperait, comme commission parlementaire, si on essayait de porter des jugements là-dessus. Il y a un organisme chargé d'enquêter sur l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, c'est la Commission des droits de la personne, et je me sens un peu mal à l'aise de voir la tournure de la discussion. Je pense qu'on n'est pas habilité, personne, à trancher cette question. Comme je l'indiquais tantôt, en ce qui concerne mon ministère et mes fonctionnaires, moi-même, individuellement, et eux-mêmes, individuellement, au nom des responsabilités que nous assumons, tout ce qu'on peut dire, c'est que nous sommes disponibles pour répondre aux questions de la commission. Nous serons vivement intéressés à prendre connaissance de ses recommandations dans ce secteur.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Je voudrais juste parler un peu de la façon dont on a confié les postes d'affectation à l'aéroport de Dorval. La seule question que je voulais poser s'adresse au responsable du ministère pour savoir combien il y a eu de demandes. On compte 185 postes dans la ligue A-11.

Une voix: Plusieurs centaines.

M. Bissonnet: Plusieurs centaines. M. Clair: Plusieurs centaines.

M. Bissonnet: Au sujet de l'aéroport de Dorval, je voudrais faire un commentaire. Le ministre a dit tantôt que moins de dix de nos concitoyens d'origine haïtienne avaient fait leur demande. Je comprends que c'est 0,75 $ du voyage. Les conditions requises pour faire une demande afin de faire partie des 185 propriétaires de taxi, qui peuvent aller à Dorval sont, entre autres, de payer un montant de 100 $ par mois. C'est une des conditions qui ont été acceptées par Transports Canada et par Transports Québec.

Quand je vais à l'aéroport, je prends souvent un taxi. J'ai été très surpris d'entendre que moins de dix de nos concitoyens haïtiens ont fait leur demande alors qu'il y en a beaucoup plus qui "jouent" Dorval. J'ai déjà été chauffeur de taxi et j'ai "joué" un peu; à un moment donné, je me suis arrêté. On nous a dit qu'il y en avait moins de dix. Vous nous avez dit qu'il y avait des examens en anglais, mais tous ceux qui étaient intéressés pouvaient faire une demande. Après, on aurait pu voir s'il y avait eu discrimination à cet effet. Le tout s'est fait par tirage au sort, mais j'aimerais vérifier certaines choses auprès de la ligue.

Première question: À Montréal, dans la ligue A-11, combien y a-t-il de propriétaires de taxi d'origine haïtienne?

M. Barthélemy: Actuellement, on a entre 400 et 450 propriétaires qui sont d'origine haïtienne.

M. Bissonnet: Deuxième question: Combien y a-t-il de chauffeurs réguliers - je ne parle pas des chauffeurs à temps partiel, mais de chauffeurs qui gagnent leur vie exclusivement de l'industrie du taxi - qui sont d'origine haïtienne? Approximativement.

M. Barthélemy: D'après une étude que nous venons de faire, nous pouvons avancer le chiffre de 700 Haïtiens qui sont impliqués dans cette industrie à Montréal.

M. Bissonnet: Ils sont 700 chauffeurs. Est-ce qu'on inclut les 400 propriétaires?

M. Barthélemy: Oui.

M. Bissonnet: On parle de 1200 travailleurs d'origine haïtienne qui, chaque jour, oeuvrent dans l'industrie du taxi.

M. Barthélemy: On s'est posé la question là-dessus et c'est ce qui nous a poussés à mener cette enquête. Nous avons constaté que plusieurs ont laissé cette industrie. Par exemple, quelqu'un qui loue une voiture-taxi à Montréal présentement, je

n'arrive pas à comprendre de quoi cette personne vit si elle n'a pas une autre source de revenu. Donc, il y a beaucoup de gens qui ont lâché cette industrie et notre étude nous prouve que cela ne dépasse pas 700 à 800...

M. Bissonnet: Tantôt, le ministre vous posait une question relativement au rachat des permis. Actuellement, un propriétaire de taxi a-t-il des difficultés - qu'il soit d'origine haïtienne ou non - à vendre? On me dit qu'actuellement, à la ligue A-11, cela se vend environ 7700 $ à 8000 $, valeur marchande. Y a-t-il des difficultés réelles pour quelqu'un comme vous si, demain matin, vous décidez - vous en avez soupe - de vendre votre permis? Aurez-vous des difficultés à trouver un acheteur?

M. Barthélemy: D'après mon expérience quotidienne, ce que je réalise, c'est que si quelqu'un veut vendre son permis pour 7000 $, il va trouver preneur facilement. Mais l'individu qui a payé son permis 12 000 $, 14 000 $ ou 15 000 $ et qui n'a pas un autre emploi, qui n'a pas une autre source de revenu, garde son permis dans l'espoir que, quelques mois plus tard, il pourra y avoir une reprise économique au pays et qu'il pourra toujours vendre son permis pour 9000 $ ou 10 000 $. Mais présentement, si on offre son permis à 7000 $ - il y a des gens qui ont de l'argent quand même - on va l'acheter; peut-être pas des chauffeurs de taxi.

M. Bissonnet: Actuellement, le marché, aujourd'hui et la semaine dernière, comment cela fonctionne-t-il? Les permis se vendent-ils facilement? Évidemment, le prix n'est pas le même qu'il y a un an et demi; je suis bien d'accord avec vous. Il y en a qui l'ont payé 10 000 $ ou 12 000 $ et là, on me dit que c'est 8000 $. Y a-t-il une demande au marché de l'offre de vendre des permis?

M. Barthélemy: Au niveau de la demande, je n'en vois pas.

M. Bissonnet: Dans votre mémoire, vous avez parlé des ventes à tempérament. Je suis convaincu qu'il y a beaucoup de membres de votre association qui ont eu de grandes difficultés dans ce domaine. Dans le projet De nouvelles avenues pour le taxi, on parle d'adopter une nouvelle formule qui est le nantissement. Cette avenue permettra à des personnes qui veulent acheter des permis d'avoir un financement bancaire contre un nantissement garanti, ce qui évitera toute la situation des ventes à tempérament où des gars de taxi achètent des autos et les paient 50 000 $ dans l'espace de quatre ans. C'est une mesure qu'il faut mettre de l'avant, M. le ministre, le plus rapidement possible.

En ce qui a trait à la Commission des droits de la personne et à l'enquête sur la racisme dans l'industrie du taxi, j'ai assisté à l'ouverture de l'enquête, la première journée, et j'ai constaté que la Commission des droits de la personne fait une enquête très exhaustive. Il faut attendre le rapport. Malgré que la commission ait étudié à huis clos toute l'industrie du taxi, évidemment, on fait aujourd'hui des audiences publiques, mais il faut, en tant que parlementaires, concernant les lois qui nous régissent ou lorsqu'un citoyen, quel qu'il soit, a une revendication à faire au niveau de cet organisme, attendre les résultats. Je pense que, dès que les résultats seront connus, le gouvernement aura à agir en fonction des résultats de cette commission.

On a parlé tantôt de la question - et j'y reviens - d'un homme, une voiture. De vos 400 à 450 propriétaires, combien y en a-t-il qui sont affiliés à une association et combien y en a-t-il qui sont indépendants? (18 h 15)

M. Barthélemy: Selon notre étude, ces propriétaires sont affiliés dans une proportion de 92,8%. Vous remarquerez qu'on avait...

M. Bissonnet: La question que je vous pose, Gérard...

M. Barthélemy: Barthélemy.

M. Bissonnet: M. Barthélemy, je suis habitué à la communauté haïtienne; dans mon comté, j'ai 7000 à 8000 membres de la communauté haïtienne. Ce que je veux vous dire, c'est que ce ne sont pas ceux qui sont membres de votre association...

M. Barthélemy: ...réponse.

M. Bissonnet: Quels sont ceux qui sont affiliés, par exemple?

M. Barthélemy: À une association de services.

M. Bissonnet: Combien en avez-vous à Diamond, à SOS taxi?

M. Barthélemy: C'est ce que...

M. Bissonnet: C'est inclus dans les 92%?

M. Barthélemy: Nous avions interrogé 425 chauffeurs, donc on peut se faire une idée, et 92%... Non, excusez-moi, je précise. Il y en a 83% qui sont abonnés aux trois principales associations de services de Montréal: Diamond, La Salle et SOS taxi. Suivent dans l'ordre, Taxi Moderne, 9,2%; Beaubien, 4,2% et Veterans, 1,3%. Il y en a 35% de locataires et on peut...

M. Bissonnet: Pour être bien clair -

cela va mieux répondre à ma question, quant aux compagnies auxquelles ils sont affiliés, cela ne m'importe peu - combien y a-t-il de propriétaires qui ont un dôme A-11? Sont-ils indépendants? Font-ils du "fly"? Se tiennent-ils près des hôtels, dans les postes communs, etc.? Combien y en a-t-il sur ces 400 qui ne sont affiliés à personne, sans téléphone, etc.?

M. Barthélemy: Nous n'avions pas fait de différence entre ceux qui font partie d'associations de services et qui sont propriétaires et ceux qui ne le sont pas. Ce que nous avons fait, c'est le compte du nombre de voitures appartenant à des Haïtiens qui font partie d'une association de services. Comme je le disais tantôt, 83% de l'échantillonnage sont abonnés aux trois principales associations de services, Diamond, La Salle et SOS taxi, 9% à Taxi Moderne, 4,2% à Beaubien et 1,3% à Veterans.

M. Bissonnet: Ce qui voudrait dire qu'il y a environ 200 voitures, conduites par des chauffeurs d'origine haïtienne, qui ne font pas partie d'associations.

M. Barthélemy: Oui, à peu près, c'est 50-50.

M. Bissonnet: D'accord. Vous n'avez pas parlé des concessions dans votre mémoire.

M. Barthélemy: Oui, on l'a fait.

M. Bissonnet: Vous avez parlé de l'abolition des concessions?

M. Barthélemy: Oui.

M. Bissonnet: D'accord. Vous recommandez l'abolition des concessions?

M. Cicéron: Oui. En ce qui a trait à la concession, nous demandons le retrait des concessions, surtout près des édifices publics, édifices qui appartiennent aux instances municipales, provinciales ou fédérales, comme les gares, les hôpitaux et aussi aux abords de certains hôtels. Si nous regardons, d'après ce que je constate actuellement, l'abolition des concessions faisant partie de la rentabilité du taxi aussi, cela peut aider les chauffeurs et les propriétaires à recevoir moins de tickets, comme ils le font maintenant. Pourquoi? Parce que, avec l'abolition des concessions, cela permettra à certains chauffeurs de trouver plus de "stands" réservés pour se stationner et exempter certaines infractions à l'heure d'achalandage. Par exemple, des stands qui se placent dans de mauvais endroits où à l'heure de pointe, on est obligé de les quitter, c'est-à-dire de 7 heures à 9 h 30 et de 16 heures à 18 h 30. Une fois ces stands fermés, ces chauffeurs se retrouvent sans endroit pour stationner. C'est cela, je pense, qui provoque parfois des stationnements en double file à certains stands. Donc, on peut arriver à avoir ces stands de quatre ou de six taxis. En d'autres termes, il y a aussi des édifices municipaux, tels les hôpitaux, l'hôpital Notre-Dame, l'hôpital Royal Victoria, l'Hôtel-Dieu, l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui sont des concessions de certaines compagnies. Ce sont des hôpitaux sous juridiction municipale. Si ces concessions étaient abolies, cela donnerait plus de possibilités à certains chauffeurs de trouver une place au moins pour faire un petit peu plus de revenus, au lieu d'accumuler des tickets de 52 $ en période de circulation intense.

Je veux revenir à la question que j'avais posée tout à l'heure. C'est surtout pour les édifices publics. Si je regarde bien et que j'analyse bien, d'après les rumeurs qui circulent, nous disons... Je n'accuse pas le ministère des Transports, parce que le ministère des Transports devait, afin de rendre l'industrie du taxi rentable pour les propriétaires de taxi, veiller à ce que les édifices publics soient des stands publics, en commun. Le Palais des congrès, qu'on est à la veille de terminer - en mai prochain, ce sera son inauguration...

M. Bissonnet: C'est un bon "spot", cela.

M. Cicéron: Oui, mais on sait déjà que deux compagnies se battent pour avoir cette concession. Je trouve que c'est au ministère des Transports de mettre un frein à cela afin de - je ne sais pas combien il peut y avoir de places - donner du travail à certains chauffeurs. Si on la remet à ces associations, c'est sûr et certain que certains chauffeurs seront toujours dans l'illégalité aux heures de pointe.

M. Bissonnet: Juste une dernière question et un bref commentaire avant de poser la question. Nous, de l'Opposition, calculons que tous ceux qui ont un permis de véhicule-taxi doivent avoir la même chance, d'égal à égal, que tous les autres propriétaires de véhicule-taxi, qu'ils soient avec n'importe quelle compagnie. Cela est peut-être difficile avec les concessions privées, par exemple, l'hôtel Quatre-Saisons -il y en a moins qu'il n'y en avait - mais, au minimum, tous les édifices qui appartiennent au gouvernement, tous les hôpitaux, cela devrait être ouvert à tous les chauffeurs de taxi, de quelque association ou indépendants qu'ils soient. C'est un point qu'on tient à voir dans un nouveau projet de loi.

Deuxièmement, avez-vous, en moyenne, le coût des assurances que paient les membres de l'association haïtienne, globalement? Avez-vous une moyenne, à savoir combien cela coûte à tous vos propriétaires qui sont dans l'association?

Combien cela coûte par année pour assurer leur automobile?

M. Barthélemy: Pour une voiture récente...

M. Bissonnet: En moyenne?

M. Barthélemy: ...disons 1982, pour avoir l'assurance complète, d'une compagnie à l'autre, cela peut varier entre 1500 $ et 1800 $ annuellement.

M. Bissonnet: En moyenne. Merci.

M. Cicéron: Pour apporter plus de précision à ce que mon confrère a dit, pour une voiture récente, de 1981, que j'avais demandé d'assurer, cela m'avait coûté 1644 $. J'ai passé l'année sans accident. Mon renouvellement d'assurance était de 2091 $.

M. Bissonnet: On vous remercie beaucoup, en tant qu'Opposition, de votre participation à cette commission. Le seul souhait que je formule est celui-ci: Vous avez peut-être des problèmes mais l'important, à mon avis, c'est de s'intégrer comme Québécois à la société québécoise.

M. Clair: Juste quelques mots pour remercier les représentants de l'Association haïtienne des travailleurs du taxi de leur présence et de leur mémoire.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Je demanderais maintenant au représentant du groupe Taxi GSM Ltée de s'approcher, s'il vous plaît. C'est le mémoire no 21. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Taxi GSM Ltée

Mme Boucher (Marie-Claude): Je m'appelle Marie-Claude Boucher; à ma droite, M. Al Cibulak; à ma gauche, M. Morrey Smith et Mme Lyse Stecko. Nous représentons la compagnie Magnat/GSM, une association qui a été formée dans le but de faire une analyse du coût de la manufacture et la mise en marché d'un véhicule qui pourrait remplir les nombreux rôles prévus au livre blanc.

Le taxi a toujours eu comme rôle, dans les villes, de transporter sur demande un seul ou, tout au plus, quelques passagers à la fois. C'est du reste ce qui explique le peu d'efficacité des voitures-taxis, le chauffeur devant attendre ou se promener à vide entre deux courses. Or, la flambée des coûts de l'essence et l'exploitation des voitures a diminué la rentabilité de l'industrie du taxi et son attrait comme entreprise commerciale. C'est le souci de rentabilisation qui explique la popularité croissante des petites voitures et la montée des tarifs. Au Québec, les règlements restrictifs n'ont servi qu'à décupler les problèmes puisqu'ils limitent les services que peut offrir le taxi. Ces divers problèmes et les quelques autres qui affectent l'industrie du taxi, le gouvernement du Québec montre bien qu'il en est conscient, dans son livre blanc, et nous sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de faire valoir notre point de vue.

Les réformes proposées dans le livre blanc à l'industrie du taxi nous semblent nécessaires et souhaitables. L'élargissement du rôle du taxi lui permettant d'offrir de nouveaux services aux usagers faciliterait, en effet, son intégration à l'ensemble du réseau de transport en commun. La réforme contribuera aussi à la rentabilité de l'industrie et permettra d'offrir un service bien mieux adapté aux besoins des usagers. L'Annexe I énumère certains types de services offerts actuellement ailleurs, en Amérique du Nord. Il est important de se souvenir que le même véhicule peut, au cours d'une même journée, jouer plusieurs rôles. Dans le document joint, Une journée dans la vie du taxi GSM, nous illustrons des utilisations possibles des véhicules.

Le transport en commun des handicapés se répand de plus en plus grâce au service public et à l'entreprise privée. Tous les taxis devraient pouvoir offrir aussi un tel service, pour peu que le chauffeur sache comment s'y prendre et que le véhicule soit adapté au transport des fauteuils roulants. Les véhicules actuels ainsi que les règlements sur le taxi limitent le transport des handicapés à un ou deux exploitants seulement, incapables de suffire à la tâche.

La livraison de marchandises est un autre service que les taxis devraient être en mesure d'offrir afin d'utiliser le plus efficacement possible les chauffeurs et les véhicules.

Or, s'ils veulent élargir et améliorer les services que le taxi peut rendre au public, les règlements doivent aussi encourager la conception de nouveaux véhicules. Les taxis actuels sont de simples voitures de tourisme, n'offrant ni l'espace ni le confort voulu aux passagers et dont la construction n'assure pas une durée d'exploitation commercialement rentable. Après les réformes, la voiture-taxi remplira de nombreux rôles et les règlements doivent les prévoir.

La ville de Londres est un bon exemple de normes du taxi. La capitale anglaise exige, en effet, que la place réservée aux passagers soit de grande dimension, que les entrées et sorties soient faciles et que le siège soit confortable. Ces normes, relativement au chauffeur, assurent de plus un service professionnel. (18 h 30)

Pour atteindre pleinement l'objectif fixé, soit l'élargissement des services aux usagers du taxi, il faut permettre aux exploitants du taxi d'avoir recours à un véhicule spécialisé comme le taxi GSM. Ce véhicule offre en effet de nombreuses caractéristiques répondant aux besoins des utilisateurs dans les nouveaux marchés qui s'ouvriraient avec les réformes.

Le véhicule GSM est fait pour accueillir les personnes en fauteuil roulant, caractéristique grandement souhaitable et qu'on ne retrouve absolument pas sur les taxis ordinaires. La version allongée peut transporter douze écoliers. Le taxi GSM est également conçu pour bien jouer son rôle traditionnel. L'espace supplémentaire au-dessus de la tête, la largeur de sièges et le plancher surbaissé sont autant de caractéristiques appréciées des usagers, surtout des gens âgés pour qui les voitures compactes, qui servent actuellement de taxi, posent des difficultés.

Le taxi GSM a aussi des caractéristiques appréciées des propriétaires et des exploitants. Le rouage d'entraînement, la suspension, les matériaux de la carrosserie ainsi que le dessin intérieur contribuent en effet à la bonne apparence du véhicule et à sa bonne tenue mécanique, ce qui constitue du reste une exigence de la loi actuelle.

Toutes ces composantes ont été conçues ou choisies en fonction de leur durabilité et de leur facilité d'entretien. Avec un bon programme d'entretien périodique et les soins voulus, le taxi GSM aura une durabilité d'au moins trois ou quatre fois plus grande que celle des taxis actuels.

Un pare-chocs moulé protège tout le véhicule et contribue à lui garder son apparence de neuf. De plus, les panneaux de carrosserie en fibre de verre durent indéfiniment et se réparent facilement. Le véhicule peut être construit en version standard ou allongée à partir des mêmes pièces de carrosserie et de suspension, ce qui rend le concept applicable à différents types de service.

Comme le dit le livre blanc, le ministère des Transports et celui de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du Québec, en collaboration avec le secteur manufacturier, entendent raviver les efforts de mise au point de commercialisation d'un véhicule mieux adapté au transport par taxi et stimuler par le fait même la production de matériel de transport.

Le véhicule GSM pourrait bien offrir la possibilité de créer d'importantes installations de fabrication au Québec, non seulement pour le marché québécois, mais pour l'ensemble du marché nord-américain du taxi que l'on estime à 50 000 véhicules par année. Cette nouvelle industrie aurait des retombées économiques très intéressantes pour le Québec.

Une fois les nouveaux règlements en vigueur, nous recommandons fortement que le Québec mette à l'essai, à titre de projet pilote, divers types de services parapublics de transport. Cela montrerait au public et à l'industrie du taxi ce qui peut se faire par des nouveaux types de services et créerait un marché pour ces services. Ce serait aussi une salle de démonstration des nouveaux véhicules qui seront mis au point pour répondre aux nouvelle normes. L'industrie privée sera sûrement disposée à participer, si le Québec contribue en partie aux frais de démarrage.

Ce projet pilote montrerait comment les nouveaux services peuvent s'intégrer aux modes de transport existants, métro, autobus et train. On connaît bien désormais les notions relativement nouvelles que sont les trajets fixes des taxis à vide et la répartition par ordinateur. Le projet pilote pourrait servir à évaluer ces idées et d'autres du genre.

On sait qu'il existe au Québec un marché pour ces nouveaux types de service de transport en commun. De plus, l'étude intitulée Les services de taxi collectif, quelques expériences et des perspectives d'implantation au Québec, faite par Transports Québec, en 1980, montre que le public est tout disposé à payer davantage pour obtenir des modes de transport flexibles.

Conçu, fabriqué et testé au Québec, le taxi GSM a prouvé qu'il se comporte très bien dans divers rôles. Le ministère des Transports dispose actuellement d'une occasion sans pareille d'utiliser ce taxi pour assurer la bonne implantation des réformes.

Le gouvernement du Québec indique clairement que son livre blanc sur l'industrie du taxi contribuera à la mise au point et à la commercialisation d'un type nouveau de voiture-taxi. Il s'est également engagé à offrir de l'aide financière et technique aux municipalités et aux organismes désireux de lancer des projets expérimentaux de service de transport parapublic.

Nous estimons que le taxi GSM est le véhicule tout désigné, et nous sommes disposés à travailler avec le gouvernement et tout autre organisme participant à ce projet. Mais une question demeure toutefois. Quel type de projet le gouvernement entend-il lancer et quelle somme est-il disposé à y consacrer? Ces questions sont encore en suspens. Nous serions heureux de soumettre des suggestions au ministère des Transports. Le Québec possède tous les éléments essentiels du succès, sauf les règlements et l'aide financière. Si les changements proposés sont bien appliqués, le Québec deviendra un chef de file dans le transport en commun parapublic et dans l'industrie du taxi. Et si des projets originaux naissent du projet de loi sur le taxi, il montrera de nouveau qu'il

est capable de concevoir et d'appliquer des idées neuves dans le domaine du transport. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je voudrais d'abord remercier Mme Boucher et les autres personnes qui l'accompagnent de cette présentation à la commission parlementaire des transports. Effectivement, dans les nouvelles avenues, dans les mesures particulières, le ministère des Transports s'engageait à relancer, avec le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, la poursuite des études devant mener - on l'espère - à la concrétisation de ce projet. Je peux indiquer là-dessus aux membres de la commission qu'effectivement le ministère des Transports est en communication avec le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme pour l'avancement du dossier.

M. le Président, ma première question* porte sur des études de faisabilité qui ont été réalisées ou qui sont en cours. J'aimerais savoir à quel stade on en est présentement, à quel niveau d'avancement en sont rendues les études en question et quels sont les résultats jusqu'à maintenant de ces études de faisabilité.

Mme Boucher: Parlez-vous du côté financier ou du côté technique?

M. Clair: Des deux côtés, du côté financier et du côté technique.

Mme Boucher: Mes deux collègues ici ne parlent pas français. Je vais leur poser la question en anglais et si cela ne vous fait rien, soit que je traduise ou qu'ils répondent en anglais.

M. Clair: Non, non, traduisez. Cela va aller plus vite.

Mme Boucher: Je vais traduire? D'accord.

Nous croyons que dans environ trois mois, du côté technique, nous aurons les spécifications formulées. Du côté financier, c'est encore très préliminaire, parce que les coûts ne seront pas déterminés avant que nous sachions quel nombre de véhicules on pourra mettre en marché. Comme de raison, le coût va être relatif au nombre de véhicules qu'on va pouvoir manufacturer pendant la première année.

M. Clair: L'étude de marché jusqu'à maintenant révèle qu'il pourrait y avoir de la place sur le marché nord-américain pour combien d'unités environ?

Mme Boucher: II semble qu'il y aurait une nécessité d'environ 50 000 véhicules, mais ce n'est pas seulement dans l'industrie du taxi. Ce serait dans d'autres industries aussi. Ce seraient, par exemple, les véhicules de services des gouvernements, ce genre de choses, pas seulement le taxi.

M. Clair: Et le marché québécois pourrait représenter quel pourcentage du marché nord-américain?

Mme Boucher: Environ 10%

M. Clair: Environ 10%. Pour l'industrie du taxi comme telle, la Ligue de taxi A-11, par ses porte-parole, a dit en substance à peu près ceci: Cela peut être intéressant, mais vous avez besoin, M. le ministre, de ne pas nous imposer le modèle de taxi GSM. On veut être libre. Ma question est la suivante: Y a-t-il eu des approches de faites auprès du milieu du taxi au Québec ou ailleurs au Canada afin d'établir un contact et de faire la promotion du Taxi GSM auprès des ligues de taxi, par exemple, au Québec?

Mme Boucher: II n'y a pas eu de communications directes avec les compagnies de taxi au Québec. Cependant, nous avons eu une demande par une compagnie de Vancouver.

M. Clair: En tout cas, je pense que cela pourrait être intéressant que des contacts soient pris à ce sujet avec les gens du milieu du taxi au Québec afin que, justement, ils soient sensibilisés aux avantages et à la nature de la proposition que Taxi GSM pourrait faire.

C'étaient mes questions, M. le Président. Je ne sais pas si mon collègue, le député de Sainte-Anne, a des questions.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: I will ask my questions directly in English, so we will go even faster. The model we see here, the car, you know, where is it operating, in what cities in Canada?

M. Smith (Morrey): Well, it is a test, a prototype. He has been operating in Montreal and neighboring regions, not on a business basis, just as a test operating basis. It has not been in service.

M. Polak: It says here, in your "mémoire", that the company is manufacturing "pièces d'automobiles" for North America "avec usines au Canada", so with plants in Canada. Do you have a plant in Canada?

M. Smith: Not yet.

M. Polak: Not yet. I hope you'll

consider Québec if you set up a plant, you know. We would like to do a lot of business here. From that point of view, we feel the same way as the Government. We are very nationalistic, we like people to establish themselves in Québec and give work to Quebeckers.

Mme Boucher: La référence dans le mémoire est à la compagnie Magna International qui est établie en Ontario. Elle a 50 manufactures en Ontario. La compagnie GSM est établie à Montréal.

M. Polak: Elle est à Montréal. Mme Boucher: Oui.

M. Polak: Yesterday, we had a group here and they talked about replacing gasoline for taxis with the new liquid gas. Is this envisaged for that véhicule also or not?

M. Smith: Yes.

M. Polak: It could? That is all. Thank you very much. I appreciated it.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Just a minute. On that prototype, you know, what is the expect as economy as mile per litre with the test you make on it to the advantage of the taxi driver? How many miles per litre they could do with a car like that?

M. Smith: Miles per gallon, I have never made the adjustment yet...

M. Bissonnet: How many miles per gallon?

M. Smith: 21, 22, 23 in the city and above 30 on the highway. It is about 12 or 14 litres per hundred, but 9 to 10 per litres per hundred on the highway.

M. Bissonnet: We would have some difficulties, you know, if you got some cars like that or some prototypes like that in Montreal for the repairs and everything. You expect to have few dealers or only one place to go for the repairs and everything?

Mme Boucher: Nous sommes en train de discuter avec les grands manufacturiers d'un genre de projet conjoint avec un ou plusieurs grands manufacturiers. La réparation des véhicules serait faite soit par General Motors ou Ford, une des grandes compagnies, donc par leurs distributeurs.

M. Bissonnet: Vous n'avez pas les prix maintenant, mais avez-vous une estimation d'une automobile comme celle-là?

Mme Boucher: Nous estimons que le prix sera concurrentiel, environ 15 000 $ ou 20 000 $. La différence avec un véhicule conventionnel, c'est que ce véhicule sera probablement fabriqué totalement en plastique, comme les devants de la Firebird et de la Camaro. C'est le même genre de plastique qui sera utilisé pour faire toutes les parties. Donc, l'entretien du véhicule sera très économique.

M. Bissonnet: Cela veut dire que les assurances vont baisser.

Mme Boucher: Elles devraient baisser. Il n'y a rien qui baisse, tout monte.

M. Clair: M. le Président, je voudrais remercier les gens de GSM Ltée d'être venus faire cette présentation et les assurer de tout l'intérêt et le soutien du ministère des Transports. C'est certain qu'en matière de fabrication, d'aide financière, c'est davantage le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui est concerné. Quant à nous, comme développement du transport des personnes, nous sommes intéressés d'abord et avant tout, c'est sûr, aux services. Nous sommes un peu clients, nous sommes les représentants de l'ensemble de la clientèle pour ses besoins de mobilité, mais nous sommes aussi vivement intéressés aux retombées économiques susceptibles de profiter à l'ensemble de la population québécoise. C'est donc dire tout l'intérêt que nous portons à ce dossier. Je vous remercie.

Mme Boucher: Merci beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Je demanderais maintenant aux représentants de Taxi La Salle de prendre place à l'avant, s'il vous plaît. Entre-temps je souligne, pour le bénéfice des membres de la commission, que la Ligue de taxis de Baie-Comeau a également présenté un mémoire, mais pour dépôt seulement.

Je demanderais au porte-parole de Taxi La Salle de s'identifier, s'il vous plaît et d'identifier son collègue.

Taxi La Salle

M. Brunet (Richard): Richard Brunet, vice-président de Taxi La Salle et Gilles Vermette, directeur de la mise en marché.

Je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez aujourd'hui de vous présenter notre mémoire. L'industrie du taxi à Montréal vit, depuis le début des années soixante-dix, le pire marasme de son existence. Jamais les gens du taxi n'ont été aussi insatisfaits et aussi insécures.

Il est vrai que les gens du taxi de

toutes les villes sont souvent insatisfaits. Il s'agit d'avoir voyagé un peu pour le constater. Nous osons croire que les gens qui prendront les décisions quant à notre avenir ne se serviront pas de ce soi-disant problème international pour ignorer le problème du taxi à Montréal.

Aujourd'hui, nous ne pouvons que nous réjouir de ce que le gouvernement avoue l'échec total, conséquence directe des erreurs du passé, et désire améliorer notre sort en décentralisant et en créant de nouveaux marchés. Nous croyons que nous devons être considérés comme de véritables Québécois au même titre que les autres citoyens. Pour atteindre ce but, il est normal qu'une réglementation juste, honnête et surtout facile d'application ait lieu. La population doit être protégée et se sentir en sécurité, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Notre compagnie, de concert avec notre comité consultatif, a rencontré tous les membres de l'association et nous sommes heureux de vous présenter ce mémoire qui, selon Taxi La Salle, pourrait résoudre là majorité des problèmes du taxi à Montréal.

Taxi La Salle est une association de services, depuis 1918, à Montréal. Elle fait partie de l'agglomération A-11 et regroupe plus de 15% des détenteurs de cette même agglomération. La grande majorité de ses membres sont des propriétaires artisans. Taxi La Salle fait partie du groupe Brunet-La Salle Corporation et les autres filiales de Brunet-La Salle Corporation sont toutes reliées à l'industrie du taxi, soit Station de service La Salle - qui sont des stations d'essence - Charge Wise Taxico Ltée - carte de crédit dans tout le Canada - Amar Entreprises Inc. - flotte de voitures-taxis de 13 unités - Rockland Garage - atelier de débosselage, de mécanique et de radiateurs -Les Plastiques Rockland, fabrication de lumières de toit et gravure de tout genre; Annonces roulantes, enseignes sur les toits des voitures-taxis pour la publicité de différentes compagnies nationales; la Concorde, compagnie d'assurances générales assurances automobiles, habitation, ayant une charte québécoise.

Comme vous pouvez le constater, notre groupe se spécialise dans l'industrie du taxi et nous avons à coeur cette industrie.

Par le passé, nous avons soumis plusieurs mémoires qui ont malheureusement été ignorés complètement. Nous ne voulons pas faire un retour sur le passé, car c'est le futur qui prévaut. Cependant, nous sommes convaincus que les erreurs du passé pourront sûrement vous aider dans les décisions que vous aurez à prendre.

Notre but en présentant ce mémoire n'est pas de protéger les intérêts des associations de services, mais bien de réaliser les objectifs communs de l'industrie du taxi et du ministre, soit d'accroître la rentabilité et de faire en sorte que le service soit mieux adapté aux besoins des usagers.

Notre mémoire vous est malheureusement soumis avec un retard - si on tient compte de la date - car un groupe de travail de l'industrie du taxi, connu sous le nom du Groupe uni du taxi, regroupant les propriétaires de flottes, la ligue de taxis et les associations de services de l'agglomération A-11 avait été formé pour la rédaction d'un mémoire collectif.

Après plusieurs séances de travail, le mémoire devait être préparé par les gens de la ligue et tous les points y avaient été discutés.

À notre grande stupéfaction, le mémoire de la ligue et non celui du Groupe uni du taxi nous fut remis le vendredi 11 février et son contenu est totalement différent des discussions. Même les directeurs de la ligue n'y ont eu accès avant l'envoi. Ne pouvant appuyer un tel mémoire personnel, il nous fait plaisir de vous présenter ce mémoire.

Nous avons été agréablement surpris de constater la profondeur du livre blanc intitulé De nouvelles avenues pour le taxi.

Les problèmes décrits dans ce travail sont vérifiques. Quant à la réforme, nous l'appuyons, mais avec certaines modifications.

Concernant l'ouverture de nouveaux marchés, nous sommes très emballés par les suggestions du livre blanc relatives aux nouveaux marchés possibles. Nous sommes convaincus que l'objectif d'accroître la rentabilité pourra être atteint très facilement si de nouveaux marchés, tel que suggéré, se réalisent. Il est évident que la réticence au changement ne fera pas exception à l'industrie du taxi et qu'à court terme, la rentabilité ne sera pas atteinte dans les prochaines 24 heures. Car les solutions simples et faciles n'existent pas.

Mais à moyen et à long terme, nous sommes convaincus que ces nouveaux marchés répondront plus adéquatement aux besoins des usagers et augmenteront la rentabilité de notre industrie.

Pour ce faire, nous croyons que l'implication des associations de services fera la différence entre la réussite ou l'échec de tels projets. L'association de services est la mieux placée pour faire la promotion de tels services et pour assurer un service de qualité, sécuritaire et surtout continuel. Nous ne croyons pas au contrat entre le client et le propriétaire de taxi car actuellement des contrats style "run de lait" existent en petit nombre et ne sont pas rentables. Il est plus facile pour une association d'établir un service de taxi collectif ou "jitneys" ou encore d'autobus que pour le propriétaire artisan. C'est d'ailleurs le rôle et le devoir des associations de services de fournir le travail aux chauffeurs de taxi, c'est notre

raison d'etre. L'étude faite en 1980 par M. Michel Trudel, intitulée Les Services de taxis collectifs: Quelques expériences et des perspectives d'implantation au Québec démontre clairement que lorsque les associations de services y étaient impliquées, la réussite était plus forte.

Le jour où les associations de services auront à promouvoir ces nouveaux marchés, la concurrence entre elles ne fera que réduire le délai pour atteindre la rentabilité. La force de frappe de l'association pour promouvoir un nouveau produit n'est pas comparable à celle de chaque propriétaire de taxi isolé. À titre d'exemple, avant l'entrée des loteries gouvernementales, plusieurs miniloteries existaient et les fraudes étaient nombreuses. Aujourd'hui, les loteries gouvernementales ont un volume largement supérieur à ces loteries d'antan et les fraudes ont été éliminées. Le public est mieux protégé. C'est la même chose pour le taxi. Ne donnez pas l'occasion à tous les distributeurs de mini-Loto l'autorisation de faire leur propre loterie, car les problèmes d'antan vont resurgir rapidement. Soyons professionnels.

L'addition de nouveaux marchés répondrait plus adéquatement aux besoins des usagers et résoudrait en grande partie le problème des autobus scolaires, des autobus publics, des problèmes de stationnement des centre-ville et de la circulation.

Nous croyons qu'il y a quatre nouveaux marchés fort intéressants pour notre industrie: le complément au transport en commun; les "jitneys" - trajets fixes avec prix fixes - ; "run de lait" taxi collectif et transport de biens.

Pour ce faire, il faudrait que les associations de services développent ces nouveaux marchés; que les associations de services soient responsables du respect des listes des taux établis; que les compagnies signent des contrats avec les différents réseaux d'autobus et que les minibus soient acceptés comme véhicule-taxi; que le rôle d'une association soit bien défini, de même que ses responsabilités.

C'est l'association de services qui est la plus proche de ses membres et de la population. C'est aussi elle qui est la mieux placée pour l'établissement et le développement de ces nouveaux marchés. Sans l'intervention des associations de services, ces nouveaux marchés seraient un échec certain et ne sèmeraient que des problèmes additionnels déjà trop nombreux dans notre industrie. Nous sommes persuadés que ces nouveaux marchés, par le biais des associations, feront accroître la rentabilité de l'industrie à court terme.

Quant au transport de biens, nous n'acceptons pas le texte du livre blanc car, encore là, il sera une source de problèmes pour l'application du règlement. Si les autobus de Voyageur, les trains du CN et les avions d'Air Canada livrent des colis, pourquoi ne pourrions-nous pas livrer des colis de petite taille? Nous avons un permis très dispendieux et une concurrence avec les autres transporteurs de biens ne ferait qu'améliorer le service et répondrait davantage aux besoins des usagers. Encore là, ce marché pourrait être développé facilement par des associations de services.

Quant à la décentralisation, elle nous semble une nécessité pour la réussite d'un tel projet. Cependant, nous croyons que l'industrie du taxi devrait être dotée des outils nécessaires pour s'autocontrôler au même titre que l'Association des courtiers de la province de Québec, le Collège des médecins, le barreau, etc. Les autorités gouvernementales seraient ainsi soulagées d'un poids difficile à assumer en cette période de crise et ne devraient que superviser et contrôler un tel organisme.

Cet organisme que nous préconisons sera appelé, pour les fins du texte, la Régie du taxi. La composition de ses membres est très importante et c'est là l'unique façon d'éviter des problèmes éventuels par la formation de petits groupes, tel que vécu dans le passé. Selon nous, les autorités gouvernementales, les ligues de taxi, les regroupements de chauffeurs, la chambre de commerce et les associations de services devraient être représentés au conseil de cette régie. Une telle régie représenterait l'ensemble de l'industrie et pourrait se doter de sous-comités pour améliorer l'efficacité.

Pour ce faire, nous croyons que les représentants devraient être choisis de la façon suivante: A) Représentants gouvernementaux nommés par les autorités gouvernementales; B) Représentants de la ligue.

Une ligue de propriétaires devrait exister d'une manière démocratique et devrait être conçue de la façon suivante: 1) Chaque association de services devrait former un comité consultatif suivant le nombre de voitures comme suit: a) 300 voitures et plus, onze directeurs, soit quatre chauffeurs, quatre propriétaires d'une voiture, deux propriétaires de deux voitures et plus et un employé de la compagnie; b) de 100 à 300 voitures, neuf directeurs, soit trois chauffeurs, trois propriétaires d'une voiture, deux propriétaires de deux voitures et plus et un employé de la compagnie; c) 100 voitures et moins, il appartiendra à l'organisation supérieure de la conurbation de suggérer et de déterminer la formation de cedit comité. 2) Chaque comité consultatif portera le nom de l'association de services. Exemple: Comité consultatif de Taxi La Salle. 3) Le comité consultatif de chacune des associations de services, aussitôt formé, devra fournir la liste de ses directeurs à la régie du taxi de la conurbation. 4) L'employé

de l'association sera nommé pour une année par l'association de services. 5) Les chauffeurs et les propriétaires d'une association de services seront élus pour une période n'excédant pas deux ans à une assemblée générale des chauffeurs et propriétaires de cette même association et seulement la moitié des propriétaires et chauffeurs élus devront démissionner chaque année, mais auront le privilège d'être réélus. 6) Un administrateur de l'association de services devra assister à toutes les assemblées du comité consultatif afin de répondre aux questions administratives. Cependant, ce dernier n'aura pas droit de vote. 7) Les directeurs du comité consultatif de l'association de services devront se réunir une fois par mois. 8) Les directeurs du comité consultatif de l'association de services devront être rémunérés par cette dernière moyennant une somme à être déterminée par assemblée. 9) Chacun des comités consultatifs devra élire parmi ses directeurs des propriétaires délégués qui feront partie de la ligue des propriétaires. Les chauffeurs et les employés ne pourront être élus à ce poste et le nombre de propriétaires délégués sera déterminé comme suit: a) association de services de 300 voitures et plus, trois propriétaires; b) association de services de 100 à 300 voitures, deux propriétaires; c) association de moins de 100 voitures, un propriétaire. Ces nombres peuvent très facilement être discutés. 10) Chacun des comités consultatifs devra fournir les noms de ses délégués à la ligue de taxi de sa conurbation, laquelle les suggérera à la régie. 11) Tous les délégués auront le privilège d'assister aux assemblées générales de la ligue des propriétaires et eux seuls seront admissibles à être élus comme directeurs de la ligue. 12) Les directeurs de la ligue des propriétaires devront faire partie d'associations de services différentes.

En résumé, cette façon de choisir les directeurs de la ligue des propriétaires serait, à notre avis, la plus démocratique, la plus efficace et la compétence de ces derniers serait supérieure, vu que le privilège de siéger à cette direction ne reviendrait pas à n'importe qui. Cette suggestion se résume donc comme suit: 1) être élu par les membres de son association de services; 2) être élu par son comité consultatif; 3) être élu par les délégués. De cette manière plus que démocratique, on éliminera la possibilité de formation de groupes indésirables pour représenter l'industrie du taxi.

C) Représentants des chauffeurs. La façon de procéder chez les propriétaires pourrait s'appliquer. D) Représentants de la chambre de commerce: nommés par la chambre de commerce. E) Représentants des associations de services: Ils devront être choisis par un vote des différentes associations de services.

La régie du taxi ainsi constituée pourrait répondre aux besoins de l'industrie et des autorités gouvernementales. Elle devrait relever uniquement de la Communauté urbaine de Montréal. Ses tâches seraient de préciser les normes d'exploitation, d'établir les règles de qualité de services, de présenter les révisions de tarification à la Commission des transports du Québec, de permettre le développement du taxi collectif après acceptation des autorités locales, de s'occuper de l'application des règlements, de juger les infractions, de faire la réglementation qui devrait être acceptée par les autorités locales, de voir à l'application de la réglementation par des personnes spécialement autorisées et non par des novices dans l'industrie du taxi.

Ses responsabilités: adopter sa politique et choisir le type de services qu'elle voudra développer avec l'accord de la Communauté urbaine de Montréal; pourra se doter de moyens de contrôle; la CUM conserverait un encadrement minimal des services de taxi; établir une cohérence entre les rôles des différents modes de transport et conservera les aspects positifs acquis de la centralisation; pourra édicter les normes relatives à l'aménagement du véhicule et de son équipement ainsi que les normes d'utilisation de sécurité de garde et d'entretien; présenter à la Communauté urbaine de Montréal les tarifs des services de taxi traditionnels ou collectifs, s'il y a lieu; pourra compléter par réglementation les normes déjà prévues par la législation gouvernementale, pour autant qu'il n'y a pas d'incompatibilité; pourra réglementer: l'idenfication du véhicule et du chauffeur; le compteur; l'éthique du chauffeur; le confort et la sécurité du client; la propreté et l'entretien du véhicule; les aires de stationnement. Elle administrera les permis des propriétaires sous la responsabilité de la CUM. (19 heures)

Si la régie veut augmenter ou réduire le nombre de permis de sa conurbation, elle pourra les acheter en répartissant le coût sur l'ensemble des propriétaires restants, car la valeur de leur commerce sera ainsi augmentée.

La régie pourra endosser le permis d'un propriétaire de taxi lorsqu'il le nantira à une institution financière. De cette façon, certaines gens voulant profiter de cette situation seront éliminés et les institutions financières pourraient financer un permis jusqu'à 50% ou 75% de la valeur du permis. En cas d'impossibilité de payer, la régie paiera l'institution financière et décidera soit de le revendre ou encore de l'éliminer. Ainsi, la protection sera excellente pour les

propriétaires artisans et pour les institutions financières. Le problème relatif au nombre de permis sera ainsi entre les mains des gens du taxi et c'est eux qui prendront les décisions et paieront pour cette réduction s'il y a lieu.

Quant au chauffeur sans permis, nous croyons que les règlements de la régie pourront facilement prévoir cette sorte d'infraction trop répandue actuellement, mais corrigeable très facilement. Actuellement, toutes les associations de services ont des règlements à cet effet. Vous trouverez en annexe une copie des règlements de notre compagnie. Il serait absurde d'enlever le permis à un propriétaire sans l'avoir avisé au préalable, car si le propriétaire n'est pas avisé des représailles envers son chauffeur, il ne faudrait pas le punir sévèrement pour des actes dont il ne serait pas informé.

La régie devrait aussi avoir la responsabilité de la délivrance des permis de chauffeur, de donner des cours de formation spécialement conçus et adaptés aux chauffeurs de taxi, de déterminer le nombre de chauffeurs nécessaires, etc. Qui de mieux placés que les gens du taxi pour connaître leurs besoins véritables?

Cependant, nous comprenons que toute décentralisation trop rapide entraîne d'autres problèmes et que cette décentralisation devrait se faire sous la surveillance de la Communauté urbaine de Montréal uniquement.

Nous croyons que l'industrie du taxi a assez de maturité pour se diriger elle-même. Cependant, pour éviter des abus et pour que tous aient une ligne de pensée commune, il est nécessaire que les autorités locales et gouvernementales nous supervisent et collaborent étroitement. De plus, de cette façon, nous sommes persuadés que le peuple québécois épargnera des sommes d'argent importantes tout en augmentant l'efficacité. En résumé, les autorités devraient établir les grandes lignes à suivre et laisser l'industrie faire la cuisine elle-même.

Nous croyons que l'industrie du taxi a besoin de subventions au même titre que d'autres.

Nous ne voulons pas être privilégiés, nous ne voulons qu'être traités également. Ceci aurait un impact direct sur la rentabilité de notre industrie.

Actuellement, la Société de développement industriel accorde des prêts à des taux réduits ou des subventions pour l'achat de machinerie. Il serait bon que l'industrie du taxi puisse profiter de ces avantages pour l'achat de véhicules neufs, de radios ou de tout autre équipement nécessaire à son travail.

Le gouvernement accorde des subventions pour le changement de système de chauffage ou pour l'isolation des habitations afin de réduire la consommation énergétique. Nous croyons qu'une subvention pour l'achat de véhicules plus économiques aiderait grandement à réduire la consommation d'essence, c'est notre plus grosse dépense.

Les agriculteurs ont des réductions sur le prix de l'essence. Ne croyez-vous pas qu'il serait grand temps que nous ayons ces mêmes avantages? Le fédéral accorde déjà une ristourne sur l'achat de l'essence.

Nous apprécierions que la taxe de vente de 9% soit abolie pour l'achat de voitures neuves, ceci nous aiderait à acheter de nouvelles autos, ce qui projetterait une meilleure image aux touristes. Car, il ne faut pas l'oublier, le chauffeur de taxi est souvent le premier contact avec le touriste en sol québécois.

Nous sommes les gens les plus lésés depuis le nouveau régime d'assurance automobile. La convention d'indemnisation directe a fait grimper les primes d'assurances. Nous croyons que le minimum serait de subventionner une partie de ces coûts. Il en est de même pour les assurances contre des blessures corporelles.

Quant au covoiturage, nous ne croyons pas que ce mode de transport aiderait l'industrie du taxi. Au contraire, il pourrait se créer un autre système de taxi maquillé. Les limousines, actuellement, nous suffisent.

Les limousines devraient être de vraies limousines et non des taxis maquillés sans permis. Ces limousines ont contribué à l'érosion d'un marché. Il y a un marché pour les limousines et il est grand temps qu'un contrôle soit exercé par les autorités gouvernementales. Une concurrence déloyale n'est jamais bien appréciée.

Nous sommes persuadés que nos suggestions à l'égard de la nomination des directeurs de la ligue, permettraient à cette dernière de réaliser les objectifs définis dans le livre blanc.

L'abolition des concessions n'est pas possible tant que les propriétaires de taxi ne seront pas obligés d'appartenir à une association de leur choix. Si tous les propriétaires de taxi appartenaient à une association, les concessions seraient abolies immédiatement. Car, il est temps que nous cessions de payer pour donner notre service. De plus, le rôle des associations pourrait s'accentuer de beaucoup, et leur responsabilité serait aussi accrue, ce qui pourrait faciliter le travail de la Communauté urbaine de Montréal et de la ligue. Le service à la clientèle serait ainsi plus adapté aux besoins des usagers.

Dans l'exemple cité dans le livre blanc où la ligue A-5 a réussi un bon travail selon l'auteur, il est à remarquer que tous les propriétaires faisaient partie d'une association de leur choix et c'est là l'unique condition de réussite de toute réforme. Il faut éliminer à tout jamais l'idée d'éliminer

les associations de services. Le passé l'a prouvé sans équivoque.

Seules les associations de services peuvent contrôler leurs membres et s'assurer du respect des normes. Dans le passé, le gouvernement a toujours évité cette question mais, l'expérience le démontre clairement, tant et aussi longtemps que le propriétaire de taxi ne sera pas obligé d'appartenir à une association de taxi de son choix, rien de concret ne sera réalisable.

Il est temps que cette question soit vidée. Pour ce faire, il faudrait que l'association soit bien définie et que des normes soient établies pour la création de nouvelles associations afin d'éviter une multitude d'associations d'une ou deux voitures.

Conclusion. La réforme pourrait résoudre en grande partie le problème du taxi. La création de nouveaux marchés aidera certainement à la réalisation des objectifs. Le décentralisation aura aussi des effets bénéfiques, mais le tout est conditionné à la participation des associations de services.

Seules les associations peuvent aider au respect des normes; aider le développement des nouveaux marchés; Abolir les concessions; trouver des avantages aux propriétaires de taxi. Sans les associations et l'obligation du propriétaire de taxi d'appartenir à une association de son choix, il serait utopique d'examiner une solution aux problèmes du taxi. Ce n'est pas une prétention de notre part, mais l'expérience du passé nous l'a clairement démontré et il en est de même pour les villes qui ont réussi avec le taxi collectif.

Nous espérons que vous trouverez le mémoire constructif. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je remercie beaucoup M. Brunet et M. Vermette de leur présentation. Ce mémoire est très intéressant en ce sens que je pense que c'est le seul mémoire qui nous est venu d'une association de services. Je pense que c'est un point de vue qui est éminemment important dans l'organisation de l'industrie du taxi. Là-dessus j'ai déjà reconnu, plus tôt au cours de cette commission, que peut-être nous n'avions pas accordé autant d'importance que nous aurions dû le faire au rôle joué par les associations de services dans le programme d'action que nous avons présenté, et dans ce sens-là, on va certainement tenir compte du point de vue qui est exprimé. Nous allons même essayer peut-être d'élargir notre connaissance et nos propositions sur les associations de services.

M. le Président, les propositions de Taxi La Salle sont claires, précises et ne suscitent pas beaucoup de questions, si ce n'est les suivantes.

Vous affirmez que l'abolition des concessions n'est pas possible tant que les propriétaires de taxi ne seront pas obligés d'appartenir à une association de services de leur choix. Probablement parce que je ne connais pas encore assez le secteur, mais j'ai de la difficulté à voir comment l'obligation d'appartenir à une association de services entraînerait automatiquement la disparition des concessions.

M. Brunet: Depuis au moins 5 à 6 ans, toutes les compagnies de taxi sont d'accord que c'est ridicule de payer pour donner du service. Actuellement on continue à le faire. Pourquoi? C'est qu'on ne veut pas perdre nos membres parce que sans cela ils iraient dans l'autre. C'est tout simplement la compétition qui nous fait offrir des prix actuellement aux concessions.

M. Clair: Mais si tout le monde était membre d'une association de services ça changerait quoi? Une association de services pourrait continuer à...

M. Brunet: ...à exister.

M. Clair: Non seulement continuer à exister mais pourrait continuer à être intéressée à soumissionner pour une concession.

M. Brunet: Si vous remarquez depuis 19...

M. Clair: ...à moins que vous vouliez signifier que le choix de l'appartenance à une association de services se fait une fois pour la vie.

M. Brunet: Non, non, non ce n'est pas ça qui est l'idée. Si l'on regarde depuis 1973, depuis que c'est rendu à Québec, le nombre de taxis que chez nous on appelle "fantômes" dans notre jargon, il a augmenté beaucoup. Puis s'il a augmenté c'est probablement dû au manque de contrôle. C'est pour cela aussi qu'il y a un marasme total actuellement. Donc, la question de la concession, c'est une chose dont les compagnies de taxi se font accuser énormément. Dans le fond, le jour où on n'aura pas une concurrence déloyale, pourquoi quelqu'un resterait-il chez nous s'il peut avoir les mêmes services pour rien s'il est indépendant? C'est tout à fait normal.

M. Clair: Vous parlez du contrôle, vous dites que les associations de services sont les mieux placées pour assurer, d'abord, la mise en application des nouvelles avenues et le contrôle de la qualité du service. Je voudrais vous poser une question sur un sujet que vous n'avez pas abordé, c'est la question d'un homme, une voiture. Comme

représentant d'une association de services, quel est votre point de vue sur cette question d'un homme, une voiture? Quel est votre point de vue? C'est la première question.

M. Brunet: Cette proposition-là, ça été fait dernièrement. On ne l'a pas appliquée chez nous. On n'était pas nécessairement pour ni contre. Étant donné que 90%, je pense, des propriétaires chez nous sont artisans, ça ne règle pas un problème. C'était seulement une goutte d'eau dans l'océan, ce problème-là. Aujourd'hui, au moins chez La Salle que, moi, je connais, il n'y en a pas tellement. On n'a pas 100 voitures avec des chauffeurs.

M. Clair: Sur la question...

M. Brunet: Il y a une autre affaire, excusez. Il faut donner du service, puis souvent c'est la fin de semaine. Qui va travailler? C'est le monsieur qui a un deuxième travail qui va faire ce travail-là. Dans notre cas, c'est ça.

M. Clair: Dans votre association de services par exemple, de deux choses l'une, soit que vous décidez d'implanter la règle un homme, une voiture, soit encore que, par règlement ou loi, vous êtes forcés d'appliquer une réglementation comme celle-là, un homme une voiture. Est-ce que vous êtes en mesure de me dire si vous seriez capables d'effectuer le contrôle d'une règle comme celle-là?

M. Brunet: Assez facilement, oui. Parce que tous les chauffeurs qui travaillent chez La Salle sont enregistrés, ils ont tous un dossier de chauffeur. Il s'agirait d'avoir un seul chauffeur par permis.

M. Clair: Donc, ça ne vous créerait pas de problème.

M. Brunet: Aucun, parce que actuellement nos chauffeurs sont très bien contrôlés, dans notre compagnie. S'il veut venir travailler chez nous, il doit avoir un "pocket number" et il doit, d'ailleurs, passer un test de connaissance de la ville. On ne se fie pas maintenant seulement au "pocket number", ce n'est pas bon.

M. Clair: Vous développez vos propres tests.

M. Brunet: Exactement.

M. Clair: Dernière question, M. le Président.

M. Polak: Vos examens ne sont pas forts.

M. Clair: M. le député de Sainte-Anne trouve ça drôle, mais on a indiqué la faiblesse des examens, justement. C'est connu. C'est de notoriété publique. C'est écrit noir sur blanc dans l'énoncé de politique. Cela démontre juste que le député de Sainte-Anne n'a pas lu notre programme d'action.

M. Polak: M. le Président, celui qui ne peut pas écrire et qui veut avoir son "pocket"...

M. Clair: M. le Président, c'est une question que j'ai posée à la ligue A-11, et la ligue A-11 nous disait qu'on progressait. Je pense qu'à certains égards c'est une affirmation qui peut être soutenue dans l'établissement d'un consensus dans le milieu du transport par taxi à Montréal. On a sursauté à la lecture de la page 3. On dit, d'abord: "Un groupe de travail de l'industrie du taxi, connu sous le nom de Groupe uni du taxi, regroupant les propriétaires de flottes, la ligue de taxi et les associations de services de l'agglomération A-11, avait été formé pour la rédaction d'un mémoire collectif. Après plusieurs séances de travail, le mémoire devait être préparé par les gens de la ligue et tous les points y avaient été discutés. À notre grande stupéfaction, le mémoire de la ligue et non celui du Groupe uni du taxi nous fut remis vendredi le 11 février 1983 et son contenu est totalement différent."

Simplement parce qu'on a posé la question à la ligue, et compte tenu de cette affirmation-là et du climat qui a prévalu au cours des dernières années dans l'industrie du taxi à Montréal, ça nous intéressait tous, je pense, de savoir votre version puisqu'on a demandé sa version à la ligue.

M. Brunet: Jusqu'au 11 février, j'étais convaincu qu'enfin on avait un regroupement. Malheureusement, le 11 février, je me suis aperçu qu'on était dans le même marasme qu'il y a 3 mois ou 3 ans.

M. Clair: Mais c'était quoi, ce groupe-là? Qui en faisait partie?

M. Brunet: Les associations avaient nommé 3 représentants, la ligue avait nommé aussi 3 représentants, puis il y avait 3 représentants de propriétaires de flottes de taxis. On faisait un échange d'idées de tout le monde pour essayer d'arriver une fois pour toutes avec un mémoire qui demandait la même chose pour l'ensemble. Par exemple, la question qui semble vous choquer, de tous les taxis membres d'une association, c'était là-dedans, tout le monde était d'accord.

M. Clair: Choquer?

M. Brunet: Non, non, mais ça semble. Je sais que ça choque du monde de l'industrie. (19 h 15)

M. Clair: Non, c'est parce que cela m'intéressait d'avoir la réponse.

M. Brunet: C'est disparu dans la brume, avec une foule de choses. Je sais bien que je suis le premier déconcerté. Si vous avez sursauté à la réception de notre document, moi, j'ai sursauté le 11 février et depuis ce temps il n'y a rien eu d'autre.

M. Clair: Je vous remercie, M. le Président.

M. Brunet: On ne dit pas que c'est partagé par les autres compagnies, remarquez. On parle pour nous.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Je peux dire, M. le Président, que la compagnie La Salle donne un excellent service, ayant été chauffeur de cette compagnie pendant cinq ou six ans.

M. Polak: II y a un conflit d'intérêts, M. le Président.

M. Clair: Vos affaires se sont améliorées depuis, n'est-ce pas? J'en suis convaincu.

M. Bissonnet: J'ai même joué au hockey avec M. Brunet. Il ne se le rappelle pas.

M. Brunet: Oui, je m'en souviens. C'est parce qu'on a des ligues. On a maintenant une ligue de soccer pour éviter, justement, les problèmes dont on parlait tantôt.

M. Bissonnet: Ah bon! Il est plus jeune, effectivement.

M. Polak: Arrêtez de faire des confessions.

M. Bissonnet: M. le vice-président, simplement pour le bénéfice de la commission, vous êtes une association de services et, dans le mémoire, vous indiquez que vous avez consulté vos membres pour ce mémoire. De quelle façon, chez vous, à la compagnie La Salle, consultez-vous vos membres pour avoir l'appui des membres? Parce qu'on est en face d'une compagnie privée et les membres sont ceux qui paient la cotisation pour avoir le service de la compagnie.

M. Brunet: Ce qu'on a fait, on a vu le nouveau livre De nouvelles avenues pour le taxi. On a convoqué, par groupe de 30 pen- dant un mois, tous les soirs tous les chauffeurs et les propriétaires. Ils étaient 30 ou 40 par soir. Cela a pris environ 32 réunions pour les rencontrer et, cette semaine, après l'avoir terminé, nous leur avons présenté le mémoire avant de venir ici. Donc, ils sont au courant du mémoire qu'on présente. Ce n'est pas l'idée des 800. Il y en a sûrement qui n'étaient pas d'accord avec tout le contenu -et c'est normal - mais ils ont tous eu l'occasion de le voir à la préparation et de le voir à la fin, avant vous.

M. Bissonnet: Vous avez un consensus là-dessus.

M. Brunet: On a un comité consultatif depuis le début de Taxi La Salle, depuis 1964, pour autant que nous sommes concernés. C'est une des raisons pour lesquelles la compagnie va très bien, parce que je pense que les chauffeurs sont mieux placés pour savoir, par exemple, où un centre de taxis devrait être que moi qui suis derrière un bureau. D'ailleurs, c'est ce qu'on propose au point de vue de la régie. C'est le même principe.

M. Clair: Ce que j'ai trouvé le plus intéressant - je m'excuse auprès du député -justement dans votre proposition - une régie, on va d'abord y réfléchir bien comme il faut - c'est l'existence de comités consultatifs dans les associations de services. Il me semble, en tout cas, que c'est très intéressant. Je ne sais pas si c'est en vigueur dans les autres associations, mais il me semble que c'est dans l'intérêt même d'une association de services.

M. Brunet: Selon nous, c'est une nécessité si vous voulez connaître les besoins.

M. Bissonnet: Je reviens. Vous m'avez fait perdre le fil de mes idées. Le document du ministère des Transports énumère de nouvelles avenues qui ont été explorées par certains mémoires. Au niveau de la rentabilité du taxi - votre association de services est un chef de file dans ce domaine à Montréal - le mémoire de la ville de Montréal nous dit effectivement, et de façon bien évidente, qu'il y a beaucoup trop de permis dans l'agglomération A-11. On a fait une suggestion et la ligue de taxis nous a également fait une suggestion quant à la possibilité du rachat de permis en investissant, à titre d'exemple, un montant annuel de 200 $ pour racheter les permis en trop. Évidemment, avec les nouvelles avenues, nous prévoyons, nous, de l'Opposition, qu'on pourra aller chercher un maximum de 200 à 250 permis transférables soit dans le taxi collectif ou dans le taxi pour les handicapés et d'autres taxis, en

supplément des taxis traditionnels. Je suis convaincu qu'on parle de cela à l'intérieur de votre association par l'entremise de ceux qui sont membres de l'association. De quelle façon les propriétaires de taxi qui sont inclus chez vous verraient-ils cela, payer un montant annuel supplémentaire pour le rachat de permis de taxi qui seraient en trop dans la région de Montréal?

M. Brunet: Le problème est plus profond que cela, je crois. C'est bien beau de dire de racheter des permis, mais savoir combien et à quel prix, c'est une autre histoire. Le fait qu'il y ait de nouveaux marchés peut peut-être résoudre le problème, si cela fonctionne. Je suis un des plus optimistes. Je suis prêt à penser qu'on pourrait doubler et même tripler notre chiffre d'affaires avec les possibilités de nouveaux marchés. Si c'est fait avec du bon marketing, je suis convaincu qu'on peut doubler notre chiffre d'affaires.

Quant au nombre de permis, le problème, c'est que ce n'est pas rentable actuellement. Je ne sais pas si c'est parce qu'il n'y a pas assez de clients ou parce qu'il y a trop d'autos. En réalité, je crois que c'est une combinaison des deux. Si on suppose que le marché demeure le même qu'il est actuellement, assurément il faut enlever des véhicules.

Il y a plusieurs années, on avait proposé une façon: pendant six mois, on prenait les prix qui étaient enregistrés lors des ventes, parce que tous les prix de vente sont enregistrés au gouvernement. Vous établissiez un prix moyen, disons 7500 $ par exemple, et on disait qu'on n'achetait pas 2000 ni 1000, mais 100; c'étaient les 100 premiers qui voulaient vendre à 7500 $, répartis sur l'ensemble. Dans le passé, je suis convaincu que nos membres - d'ailleurs, on en a souvent parlé - étaient tous d'accord à payer un peu pour cela, si c'était prouvé que c'était plus rentable après. Cela devrait l'être, à moins que le marché ne continue à descendre comme il descend depuis dix ans. Vous avez beau en enlever, vous réglez un problème de façon temporaire, parce que, dans cinq ans, il y aura le même problème, vous allez devoir abaisser le nombre encore.

M. Bissonnet: La cotisation à l'association La Salle est de combien par mois?

M. Brunet: Elle est de 75 $. Cela comprend l'assurance-vie des propriétaires et un paquet d'autres choses, si vous voulez. C'est environ le même prix pour à peu près toutes les compagnies à Montréal. Cela peut varier de 5 $ à 10 $.

M. Bissonnet: Vous avez également dans votre corporation une compagnie d'assurances. Au niveau des assurances d'autos-taxis, à titre d'exemple, dans la région de Québec, on nous a dit qu'il n'y avait qu'une compagnie qui assurait les propriétaires d'autos-taxis. Votre compagnie d'assurances qui fait partie du groupe La Salle offre-t-elle des assurances aux autos-taxis? Pourriez-vous nous expliquer, en fait, le marché des assurances, qui est compliqué pour ceux qui ne sont pas experts dans ce domaine?

M. Brunet: Ce sont des assurances qui datent depuis longtemps. De 1967, 1968 jusqu'à 1971, on avait de la difficulté à s'assurer parce qu'on assurait tous les La Salle à l'époque. Pour résoudre le problème, on avait acheté Sterling Insurance, de Sherbrooke, pour assurer strictement nos taxis. C'était le but premier.

Après dix ans d'existence, je peux vous dire que notre chiffre d'affaires n'est même pas de 4% constitué de taxis. La loi Payette, avec l'indemnisation directe, a fait revirer du tout au tout le taxi. Dans les six premières années où on a eu l'assurance-taxi, à toutes les années, nous avons été rentables. Il y a des années qui étaient plus creuses que d'autres, mais nous avons toujours eu une rentabilité. Depuis la loi Payette, cela a été déficitaire quatre ans de suite au niveau des taxis. C'est assez facile à expliquer. Avec l'indemnisation directe, sans subrogation, si vous avez un accident, c'est le chauffeur qui frappe une autre personne qui est responsable. On ne paie plus les dommages de l'autre. Si, par contre, le chauffeur se fait frapper dans un accident et qu'il n'est pas responsable, c'est la Concorde qui paie et elle ne va pas en recours contre l'autre.

Donc, nous, à La Salle, si vous assurez 1000 taxis et que vous avez une fréquence de 100%, vous allez avoir 1000 accidents, c'est automatique. Une année, vous allez en avoir 920, l'année suivante, vous allez en avoir 1080. Avant le nouveau régime, 75% des accidents étaient non responsables. C'est donc dire que je payais un accident sur quatre et que je payais un véhicule moyen d'un particulier, qui est plus vieux qu'une auto-taxi, si vous voulez. Les véhicules-taxis sont plus neufs que les véhicules privés, selon la moyenne.

En plus, on doit payer la perte d'usage si la personne n'est pas responsable. Dans le cas d'une voiture-taxi, on parle de 25 $ par jour. Donc, trois fois sur quatre, tu dois payer 25 $ par jour, contrairement à avant, où tu ne payais jamais cela, sauf si tu frappais un autre taxi ou un camion. Du jour au lendemain - c'est la même fréquence, cela n'a pas changé, nos chauffeurs sont aussi bons; dans 75% des accidents, nous ne sommes pas responsables - vous êtes obligés de tripler la prime en partant et de

l'augmenter, parce que la valeur du véhicule assuré est plus élevée que ce qu'on payait comme dommages auparavant et vous devez rajouter à cela la question de la perte d'usage.

En même temps, le service des assurances a changé sa police d'assurance automobile pour tout le monde. Les appareils de radio sont inclus. Une radio de taxi chez nous vaut entre 1200 $ et 1400 $. Cela augmente donc votre prime de 12% encore. Pourquoi cela n'a pas paru lors de la loi Payette? Je vais vous l'expliquer dans deux secondes. Mais, si on parle de cela seulement, vous n'avez pas le choix. Prenez la prime que vous avez payée en 1978, triplez-la et vous arrivez au montant. Ajoutez à cela les coûts de l'inflation que vous avez eu à payer, comme tous les consommateurs dans l'assurance normale.

Si on revient à 1978, pourquoi est-ce que cela n'a pas paru immédiatement? C'est parce que tous les assureurs automobiles québécois et étrangers sont partis avec l'idée que le mauvais risque devenait un bon risque avec la loi Payette. Le taxi était reconnu comme un mauvais risque auparavant. Des compagnies américaines et surtout de l'Ontario sont venues assurer ici, à des prix ridicules de 325 $ par année. Vous avez vu les compagnies locales comme Bélair, Concorde, Wawanesa, Canadian Universal se retirer quasiment du marché parce qu'on ne pouvait pas arriver avec la concurrence qui était trop déloyale. C'était trois fois plus cher.

Dans le temps, tous les membres étaient obligés d'être assurés chez nous. On a dit: Allez vous assurer ailleurs. On a même envoyé une lettre à tous nos membres pour dire: Allez chez telle compagnie, c'est moins cher, profitez-en, la manne passera, mais pas pour longtemps.

Mes propres autos, je les ai assurées ailleurs. Pour vous dire à quel point c'était ridicule, un an après, cette compagnie-là est sortie du Québec par hasard, une autre est arrivée et actuellement il n'y en a plus d'autres. Les quatre ou cinq compagnies d'avant sont revenues avec des taux réguliers qui sont, malheureusement, inabordables pour l'industrie du taxi parce qu'on est les premiers.

Pour compenser cela, on a essayé un nouveau système cette année chez nous. On dit que la personne, responsable ou non, a une franchise à payer. On limite aussi la valeur de l'auto parce que tout le monde sait qu'après deux ou trois ans la valeur du taxi est beaucoup moindre qu'une auto privée. On assure donc la valeur bien spécifique et, responsable ou pas, la personne paie 500 $. En réalité on coupe peut-être la prime de 700 $ à 800 $, mais si la personne se fait frapper deux fois pendant que sa voiture est stationnée, cela lui coûte plus cher. Au moins, la prime est contrôlée un peu plus qu'avant. C'est le seul moyen qu'on a pu trouver pour réduire un peu la prime. Cela concerne les dommages matériels.

Si vous me le permettez, au point de vue des blessures corporelles, au début, on nous demandait cinq fois 85 $. On a fait des représentations à Concorde parce que, selon nous, la prime d'un véhicule-taxi pour les blessures corporelles valait 54 $ par année. On frappe des piétons, mais beaucoup moins que... Il n'y a pas de mort; s'il y en a, ce n'est pas tellement. Le gouvernement est arrivé avec une prime de 425 $ qui a été réduite à 255 $ après. Dernièrement, il nous a donné un cadeau de 5 $. À mon avis, c'est complètement ridicule parce qu'en ajoutant cela à notre prime nous demandons de 1200 $ à 1600 $, il n'y a pas un taxi qui peut arriver actuellement.

M. Bissonnet: M. Brunet, les statistiques relativement aux accidents où les propriétaires d'autos-taxis sont impliqués au niveau corporel, quel pourcentage cela représente-t-il?

M. Brunet: De mémoire, même pas 1%; parce que, depuis 1978, on ne s'occupe plus de cela. Il y a un blessé, on demande si l'auto est endommagée; sinon, il n'y a rien là.

M. Bissonnet: Pas 1%? M. Brunet: À l'époque.

M. Bissonnet: Quand vous parlez de l'obligation de tous les propriétaires d'autos-taxis de faire partie de l'association, il y a beaucoup d'automobiles fantômes maintenant "on the street". Pensez-vous qu'il pourrait y avoir un consensus - je tiens, évidemment, compte de votre mémoire - pour arriver à regrouper tous ces propriétaires indépendants dans des associations quelles qu'elles soient?

M. Brunet: Avant le 10 février, cela semblait être accepté de tout le monde. Honnêtement, si on demande à la police de Montréal de venir nous surveiller, pourquoi payer un gars 35 000 $? Dans le fond, on serait bien mieux de se servir des compagnies de taxi qui pourraient avoir des inspecteurs. Obligez-nous à avoir des responsabilités précises et cela ne nous fait rien de faire la fameuse discipline et de rapporter cela.

Quant à tous les abus qui se sont passés à Dorval, je n'avais quasiment pas de La Salle à Dorval dans le temps où on parlait des problèmes. C'est drôle, mais j'avais plus de plaintes juste de là que dans tout le reste de la ville. Pourtant, je pense que je n'avais pas 15 La Salle par jour qui allaient là. C'est le manque de contrôle qui

fait que vous avez des plaintes actuellement. (19 h 30)

M. Bissonnet: Dans une question posée au ministre par le vice-président de la ligue A-11, on nous a dit que depuis trois mois il y avait un consensus entre les ligues, les associations de services sur un homme, une voiture. Est-ce qu'il y a eu, effectivement, un consensus à cet effet?

M. Brunet: Cela fait suite à ce dont je parlais à la page 3. Beaucoup de choses ont été discutées. Je suis un de ceux qui étaient prêts à consentir à un homme, une voiture. Il nous fallait d'autres concessions. Comme de raison, on faisait un tout. Cela ne pouvait pas faire l'affaire de tout le monde, assurément. Le mémoire était censé être fait au nom de tout le monde et il répondait aux besoins de tout le monde. Malheureusement, il y a eu trois mémoires avec des tangentes différentes.

M. Bissonnet: Nonobstant cette chose, est-ce qu'il y a beaucoup de relations entre la ligue A-11 et les associations de services? Y a-t-il échange d'opinions régulièrement? Y a-t-il des rencontres, en temps normal, entre la direction de la ligue et les associations de services?

M. Brunet: Au cours des six derniers mois, il y en a eu presque une fois par mois. C'est bon signe. Cela a été bon pour les deux parties. Cela semble bloqué maintenant, mais je crois que c'est facilement corrigeable.

M. Bissonnet: Merci beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Juste une question additionnelle. Vous avez parlé tout à l'heure d'un chauffeur par automobile. Qu'est-ce qui arrive en fin de semaine, parce que le même chauffeur ne peut pas travailler sept jours par semaine? Est-ce que ce serait une solution, par exemple, de dire que quelqu'un pourrait avoir un permis juste pour la fin de semaine, une sorte de permis restreint? Je suis d'accord avec vous, un homme par véhicule, c'est bien beau, mais, à un moment donné, il n'y aura plus de services donnés parce que tout le monde veut avoir son samedi ou son dimanche chez lui, possiblement. Cela peut créer des problèmes.

M. Clair: La question du député de Sainte-Anne est un peu dans le même sens que celle que je voulais poser. Si c'était à implanter, avez-vous fait un scénario pour voir comment vous ajusteriez l'offre sur la base de la règle un homme, une voiture?

M. Brunet: Actuellement, c'est si peu rentable que je suis convaincu que vous auriez du service 24 heures par jour, sept jours par semaine dans n'importe quelle compagnie. Cela ne sert à rien de penser à un scénario à court terme, mais si vous adoptez une loi à cet effet, c'est une affaire à long terme, je crois qu'on ferait une grave erreur. C'est mon avis. Ce n'est pas rentable à l'heure actuelle, mais je ne pense pas que la base de la réforme, ce soit seulement un homme, une voiture.

M. Clair: Non, ce n'était même pas un élément de la réforme.

M. Brunet: C'est une goutte d'eau dans l'océan.

M. Clair: Cela a été beaucoup discuté par d'autres groupes.

M. Brunet: Je suis un de ceux qui pensent que c'est une goutte d'eau dans l'océan. Remarquez que je ne parle pas au nom de Taxi La Salle; je parle en mon nom tout simplement. Je ne crois pas que ce serait la solution à vos problèmes actuels. Si cela devient rentable... Je crois beaucoup aux nouveaux marchés que vous préconisez, énormément. Si le chauffeur est obligé d'avoir un contrat dans sa boîte à gants, on perd notre temps. Ce sera de la folie furieuse et cela ne vaut rien. Actuellement, comme ce n'est pas rentable, un homme par véhicule, c'est beau, mais si cela devient rentable - parce que nous, on pense à long terme, on est convaincu que cela va devenir rentable un jour ou l'autre - ce serait peut-être une erreur de faire cela.

M. Clair: Si l'association de services que vous formez devait soumettre ses propriétaires au vote, cette possibilité de la règle un homme par voiture, seriez-vous prêts à vous soumettre au résultat qui en sortirait?

M. Brunet: Certainement, on pourrait le faire le plus rapidement possible et si la majorité l'emporte...

M. Clair: Je n'avance rien. Vous avez l'air de penser que j'annonce des décisions comme cela. Ce sont des questions.

M. Brunet: Non, c'est peut-être parce que, chez nous, on prend des décisions plus rapidement.

M. Clair: Elle est bonne! Vous avez plus de souplesse pour agir. Vous n'avez pas l'Opposition en face.

M. Brunet: D'ailleurs, à la prochaine assemblée, si vous voulez avoir la parole, ce

sera peut-être un des sujets à discuter. Il n'y a aucun problème de faire un sondage auprès de tous nos membres. Cela nous fait plaisir, d'ailleurs. Remarquez que cela ne dérangera aucunement la compagnie La Salle. Qui fait l'argent? C'est notre chauffeur, s'il y en a plus à faire. En réalité, si notre gars est satisfait, il va rester chez nous. Personnellement, je crois que c'est une goutte d'eau dans l'océan, cette solution.

M. Clair: Dans certaines associations de services où c'est en vigueur, on nous a parlé d'une amélioration de 30%. Je pense que Me Élie est encore dans la salle.

M. Élie: Cela dépend, encore là, comme vous disiez...

M. Brunet: Si vous voulez parler de compagnies précises, M. Élie, on peut en parler. Cela me ferait plaisir. Je pense que ce n'est pas le sujet de ce soir.

M. Clair: Je ne voulais pas ouvrir un débat avec Me Élie. C'était simplement à titre de renseignements parce qu'il me semblait que c'était lui qui l'avait souligné.

M. Brunet: Parce que s'ils sont si forts, ils semblent avoir bien peur que cela comprenne d'autre chose.

M. Clair: Juste un dernier commentaire. Est-ce que le député de Sainte-Anne avait d'autres questions?

M. Polak: Je voudrais faire remarquer au ministre que je dois prendre l'avion. J'aimerais qu'après ce mémoire on parle de mon analphabète parce que j'aimerais bien essayer de régler cela ici.

M. Clair: Dernier commentaire, en tout cas. J'ai déjà eu l'occasion de parler, en particulier, d'assurance en matière de dommages matériels, de distribuer aux membres de la commission l'analyse qui a été faite à ce sujet par le Surintendant des assurances. Maintenant, sur la question de la Régie de l'assurance automobile, juste les statistiques, les résultats de 1978-1979, 1979-1980, 1980-1981, quant à la fréquence des accidents impliquant les véhicules-taxis quant au coût moyen des accidents. Juste quelques chiffres. Si on établit une comparaison entre les véhicules-taxis et les véhicules de promenade c'est uniquement pour des accidents impliquant des dommages corporels, non pas pour des dommages matériels, car la régie n'est pas obligée à cela - la fréquence des accidents pour 1978-1979, 5,28% fois plus élevée; 1979-1980, 4,39% fois plus élevée; 1980-1981, 4,91% fois plus élevée; 1978-1981, la moyenne des trois années, 4,87% fois plus élevée.

En termes de coût des accidents, le coût moyen, cependant, la gravité, autrement dit, des dommages, c'est beaucoup moins important. Voyez-vous, si on établit un rapport de véhicules-taxis et véhicules de promenade, on arrive pour 1978-1979 à 0,57% par rapport aux coûts. Donc, à peu près la moitié moins. 1979-1980, à 0,56%. 1980-1981, 0,78%. Maintenant, les facteurs combinés, si on veut, amènent la régie à conclure que ce qu'on impute c'est à peu près la proportion du risque représenté.

M. Brunet: En somme, vous parlez du taxi dans l'ensemble du Québec?

M. Clair: Oui.

M. Brunet: D'accord. Si vous faisiez l'isolation de Montréal ou de la ville même de Québec où la circulation est totalement différente, vous auriez tout à fait une autre histoire. Quant à vos ratios de...

M. Clair: Probablement qu'on aurait une plus grande fréquence.

M. Brunet: Une plus grande fréquence, non. Des coûts moins élevés parce que vous avez moins de morts. Où ça se tue, c'est sur les grandes routes.

M. Clair: Je ne veux pas entreprendre un débat sur cette question nécessairement. Par contre, si la Régie de l'assurance automobile isolait presque à l'infini la nature des risques, ce n'est pas possible.

M. Brunet: Je vous comprends. Mais votre ratio que vous avez mentionné, 5,28% plus de blessures corporelles qu'auparavant...

M. Clair: Pas qu'auparavant. 5,28% plus de fréquence d'accidents avec blessures corporelles pour les années que j'ai énumérées en comparant véhicules-taxis et véhicules de promenade. Cela ne veut pas dire qu'il y en a plus qu'avant la Régie de l'assurance automobile. C'est simplement la comparaison pour ces années, véhicules de promenade, véhicules-taxis, en termes de fréquence d'accidents rapportés à la régie impliquant des dommages corporels.

M. Brunet: De toute façon, actuellement, les primes d'assurance, soit pour les blessures corporelles ou pour les dommages matériels, cela n'a réellement pas d'allure pour l'industrie du taxi. Remarquez, on est assureur et on est obligé de l'exiger cette prime parce qu'il faut payer nos pertes. Même si le groupe du taxi faisait une compagnie d'assurances lui-même, le coût serait déficitaire de la même façon qu'actuellement.

Une voix: Le "no fault".

M. Brunet: Exactement, le "no fault". En réalité, le problème, c'est que, si vous prenez les compagnies de camions, ce n'est pas le même genre de véhicules. Ils ne paieront pas un accrochage. Ils vont payer seulement la grosse perte. Tandis que nous, on a des voitures privées comme taxis, dans le fond. Donc, un pare-chocs qui est égratigné ou une aile qui est juste un petit peu accidentée, c'est la même chose que pour une voiture privée et c'est beaucoup plus dispendieux.

M. Clair: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

M. Brunet: Juste un dernier point. Votre histoire d'un chauffeur, une automobile, le problème.

M. Clair: Ce n'est pas mon histoire.

M. Brunet: En fait, c'est ce dont on parlait tantôt. Quelle est la définition exacte de cela? Parce que vous avez beaucoup d'individus qui ont acheté un permis à deux ou à trois personnes et, après, en ont acheté un deuxième. Comment pourriez-vous déterminer que c'est seulement un chauffeur, celui qui l'a depuis trois jours et l'autre qui l'a depuis quatre jours, ou lorsque c'est le père qui a le permis et que le fils travaille dessus les fins de semaine, comme on en a quelques-uns chez La Salle? Le jeune va à l'université et il travaille avec le taxi de son père. Que fait-on avec ces gens? Je pense qu'il y aurait bien des cas, si on adopte cela. C'est quoi, un homme, c'est quoi, un véhicule, et c'est quoi, la combinaison des deux?

M. Clair: II est évident que cela devrait être précisé.

M. Brunet: Elle est très délicate à faire, je pense, si vous y pensez comme il faut.

M. Bissonnet: M. Brunet, en tout cas...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: ...l'Opposition vous remercie de votre mémoire. Quant à toute la nouvelle structure - nous avons reçu cela dans les derniers jours - nous allons quand même l'étudier et on vous fera connaître nos commentaires à une période ultérieure sur cette nouvelle formulation.

M. Clair: Je voudrais remercier M. Brunet. Je pense que cela a été très intéressant pour les membres de la commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions. Il y a, avant de...

M. Polak: M. le Président, question de privilège.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Sainte-Anne, sur une question de règlement.

M. Polak: M. le Président, je voudrais revenir sur le cas suivant avec, d'ailleurs, l'assentiment du ministre hier. Quelqu'un qui a de la difficulté à passer le test ou l'examen par écrit. J'ai vu le cas. Je ne dirai pas qu'il s'agit d'un analphabète, il s'agit de quelqu'un dans mon comté C'est un très bon chauffeur de taxi. C'est un jeune homme de 24 ans qui veut travailler et qui ne veut pas recevoir l'aide sociale. Il est capable de lire les noms de rues. Il connaît très bien la ville de Montréal - il y travaille - sauf qu'il ne peut pas passer cet examen au point de vue écriture. Il n'est pas analphabète à 100%, mais disons que c'est un problème. J'ai écrit au ministre - il s'en souvient - quand j'ai été élu député, au début, quand j'avais encore peur du ministre - maintenant, c'est changé un peu - et il m'a répondu: Le problème, c'est que, selon le règlement tel qu'il est maintenant, on ne peut pas déroger à cela, parce qu'on parle vraiment de connaissance écrite de la langue française. Il faut passer l'examen par écrit aussi. L'argument qu'on a invoqué est le suivant: qu'est-ce qui arrive avec votre chauffeur de taxi si quelqu'un l'arrête dans la rue pour prendre un taxi et que cette personne est sourde-muette? Donc, qu'arrive-t-il avec ce chauffeur de taxi? Il n'est pas capable. Le monsieur ou la dame sourde-muette montre une note où c'est écrit: S'il vous plaît, transportez-moi à telle ou telle adresse, à tel numéro. Il ne peut ni lire, ni écrire. Bon! Combien de fois cela arrive-t-il qu'un sourd-muet arrête un chauffeur de taxi? Si cela arrive, voici ce que mon chauffeur fait. Je lui ai posé la question et il m'a dit: C'est bien facile. J'appelle ma compagnie de services - La Salle, par exemple - ils sont rapides, ils vont envoyer un gars tout de suite qui peut lire et qui va transporter cette personne. Cela peut prendre cinq ou dix minutes. Mais par ce qu'on fait maintenant, on pénalise un bonhomme qui est vraiment handicapé, lui aussi. Il est handicapé au point de vue de son incapacité à passer cet examen. Donc, là, je pense qu'il faut rétablir un peu l'aspect humain dans tout cela. Quand vous allez faire le changement, je suggère vraiment que vous pensiez à des cas exceptionnels où un pauvre homme a déjà raté deux ou trois fois l'examen. Il n'est pas capable de le passer.

Je connais même un avocat qui n'était pas capable de passer l'examen du barreau. Il était trop nerveux. À un moment donné, le barreau a décidé de ne plus faire subir d'examen écrit. C'est un des meilleurs avocats à Montréal. Je ne veux pas révéler son nom, mais je connais l'histoire. Donc, il faut peut-être...

M. Clair: J'étais aussi bien nerveux, mais ils ne m'ont pas donné ce privilège, moi.

M. Polak: Oui, mais vous étiez capable de subir cet examen. Vous n'êtes pas nerveux. Donc, le sujet est vraiment, M. le Président...

M. Clair: Vous ne voyez pas mes griffonnages!

M. Polak: Je sais qu'il y a des députés ministériels qui ont exactement le même problème. J'en ai parlé à quelques-uns de vos députés qui m'appuient dans cette demande. Ce n'est pas du tout une affaire de politique partisane. Je suggère que, pour des cas exceptionnels, on change le règlement pour dire: Tel homme, il faut évidemment qu'il fasse la preuve qu'il est capable de lire les noms de rues - je comprends qu'il y a certaines choses - pour exercer son métier. Mais il n'a pas de problèmes. Il l'a exercé depuis deux ou trois ans. Évidemment, chaque fois qu'il est pris, il paie des amendes très fortes. Donc, il ne travaille plus maintenant.

Le ministre m'a répondu, au mois de juillet 1982: Cette question pourra être revue à l'occasion de l'examen de la nouvelle politique en matière de taxi qui sera publiée bientôt. Donc, M. le ministre, je suis ici pour la réponse. Je dis toujours, à la fin de la commission: On a été une Opposition bien correcte. On a coopéré. Peut-être pourrez-vous faire quelque chose sur le plan humain, pas pour moi, mais pour un chauffeur de taxi qui veut vraiment travailler et pour d'autres qui sont dans la même situation. (19 h 45)

M. Clair: M. le Président, la question soulevée par le député de Sainte-Anne est importante et elle est plus importante, justement, qu'il peut le croire à première vue. S'il s'agissait d'un cas exceptionnel, susceptible de se présenter seulement une fois tous les deux, trois, cinq ou dix ans, l'approche qu'on pourrait avoir pourrait être une approche effectivement non réglementaire. D'un point de vue humain, on pourrait dire: Voyons comment on peut régler le problème.

Maintenant, la situation se complique, quand on m'informe à la Régie de l'assurance automobile du Québec qu'il y a en moyenne de trois à quatre personnes par semaine qui demandent un permis de chauffeur et qui ne répondent pas à cette norme d'être en mesure de parler, de lire et d'écrire. Le problème est plus important que ce qu'on peut y voir à première vue.

En termes de qualité de services, on doit avoir des normes minimales. Est-ce trop exigeant que de demander d'être capable d'écrire en français, notamment? L'écriture, cela pourrait être réexaminé à la Régie de l'assurance automobile, mais je pense que simplement abolir cette norme d'être en mesure de lire et d'écrire, en termes de qualité de services, il faut être prudent là-dessus, parce que dans un cas cela pourrait effectivement, sur le plan humain, se révéler un bon candidat, mais peut-être que plusieurs autres personnes ne se révéleraient pas nécessairement de bons candidats. On va y penser encore, mais quand la régie m'indique qu'il y a de trois à quatre cas semblables par semaine, j'hésite bien gros à lui demander de changer ses règlements là-dessus.

M. Bissonnet: Juste une petite minute, M. le ministre.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Est-ce que les gens qui sont à la régie ont déjà conduit des autos-taxis? S'ils ont déjà conduit des autos-taxis, la seule condition qui s'impose, c'est de savoir conduire et de savoir où l'on va. Dans un taxi, c'est très rare qu'on va vous donner une adresse - à moins que ce ne soit un touriste - sur un papier, à moins de rencontrer une personne qui est handicapée, sourde et muette. C'est très rare!

M. Clair: Entendons-nous bien...

M. Bissonnet: II y a des personnes dans la vie qui ont réussi, qui ne savaient pas écrire et qui ne savaient pas lire. Il y en a qui ont monté des entreprises vraiment impressionnantes. Posez la question à des gens du taxi qui sont là, ils vont vous répondre.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, je voudrais juste répondre au ministre. Je comprends très bien qu'il y a certains tests à passer au point de vue de la connaissance du métier. On a parlé ici des touristes qui viennent et qui ont reçu des services. Je comprends très bien. Tout ce que je dis, c'est qu'il doit y avoir un moyen. On ne va pas abolir le test, vos règlements vont rester tels quels, mais on pourrait ajouter un paragraphe qui dise dans les cas exceptionnels, où la personne a

tout de même toute la compétence requise mais n'est pas capable de faire cet examen par écrit, d'envoyer les inspecteurs avec le gars faire un petit tour en ville, d'une heure, une heure et demie, assez vite pour voir s'il est capable de lire telle et telle rue, oui ou non. Tout ce que je veux dire, c'est de mentionner dans le texte qu'il peut y avoir une sorte de règle exceptionnelle, à savoir que cet homme doit passer tous les autres tests et avoir toutes les compétences requises, autrement il n'aura pas son permis. Je suis d'accord avec cela. Je ne plaide pas pour dire que chaque analphabète - il y en a encore dans notre province - aura le droit d'avoir un permis de taxi comme cela. Ce n'est pas cela que je demande. Je dis simplement: Cet homme, quant à moi, est handicapé, il a un handicap.

M. Clair: Voyez-vous, ce...

M. Polak: Qu'il ait un examen oral ou que quelqu'un aille avec lui. Il y a bien des méthodes pour le faire. Au lieu de dire rigoureusement: Voici: le texte dit par écrit. On ne fait pas d'exception. Qu'on inclue une règle pour les cas exceptionnels. Il faut que dans un cas comme cela... C'est terrible que cet homme n'ait pu avoir un permis comme chauffeur de taxi, alors qu'il est très bon.

M. Clair: Remarquez que l'avantage de la décentralisation serait justement de pouvoir faciliter la solution de ce genre de problèmes. On m'indique qu'il y a deux ans à peine, effectivement, on faisait des tests oraux, semble-t-il, quand c'était administré par le Bureau des véhicules automobiles, avant que ce ne soit fusionné à la Régie de l'assurance automobile. Dans les dispositions, on exige un rapport médical, on exige de ne pas avoir été condamné depuis deux ans pour un acte criminel, punissable de plus de deux ans. Le danger de créer des cas exceptionnels à la marge de chacun des critères d'admissibilité, d'un côté, c'est de passer pour inhumain et bureaucratique. De l'autre, cela risque de conduire à l'absence de normes, par contre. Je pense que la décentralisation à ce point de vue pourrait certainement faciliter la solution de problèmes comme ceux-là, de tenir compte davantage de situations semblables.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Je voudrais juste donner une information. Je sais qu'il y a eu un précédent comme cela à l'Office de la construction. Il y a eu des gens qui connaissaient le métier, qui connaissaient quand même les mesures, etc, mais de là à passer le test écrit, ils avaient eu des problèmes et ils ont créé un précédent. Je pense que c'était justement à l'entrevue orale. Il faudrait peut-être...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: J'aurais un autre point à apporter dans le même sens que celui du député de Sainte-Anne, à la suite des points de démérite de la sécurité routière. Pour votre réflexion, M. le ministre, je pense qu'il faudrait améliorer cette situation.

Actuellement une personne qui gagne sa vie en conduisant un taxi est six jours par semaine sur la rue. Les clients sont toujours pressés et les chauffeurs commettent des infractions assez régulièrement.

On a une qualité de conducteurs qui ont des permis de conduire de chauffeur qui sont considérés sur le même pied qu'un chauffeur comme vous, un chauffeur comme moi ou un chauffeur qui ne gagne pas sa vie ainsi. Il prend douze points en deux ans. Pour les premiers douze points, il n'y a pas de problème. On lui donne un permis spécial, mais il peut reprendre encore douze points à l'intérieur de 24 mois. Ce n'est pas difficile pour un chauffeur de taxi d'avoir 24 points, considérant que le client est pressé. Il le prend, trois points. Le client ne paie pas, c'est vous qui payez, mais quand vous avez pris les 24 points, là c'est un problème. Le gars doit recevoir du bien-être social parce qu'il ne peut plus gagner sa vie. J'en connais trois actuellement qui ont pris, à l'intérieur de 24 mois, plus de 24 points, ce qui représente, en moyenne, huit infractions pour un gars qui est six jours par semaine sur la route. À l'intérieur du Code de la sécurité routière, on n'a pas prévu cela. On considère tout le monde sur un même pied, mais gagner sa vie tous les jours avec son auto, les risques inhérents à l'annulation du permis sont beaucoup plus - il n'y a pas de statistiques...

M. Clair: 5,8 fois plus élevés. C'est un indice.

M. Bissonnet: Ah bon! Je pense qu'à l'intérieur du Code de la sécurité routière on pourrait avoir une façon de donner plus de points d'inaptitude à ceux qui sont sur la route, comme les camionneurs, les chauffeurs de taxi, même les chauffeurs d'autobus, malgré qu'eux n'ont pas souvent de billets.

C'est simplement à titre de réflexion parce que je pense que ces personnes-là sont lésées. Elles se retrouvent sans travail et je pense qu'elles sont pénalisées par la loi. Je pense que la loi est trop sévère pour elles, si on les compare à d'autres conducteurs qui n'ont pas besoin de conduire leur auto pour gagner leur vie.

M. Clair: M. le Président, on a déjà eu

l'occasion d'en discuter. Le député de Jeanne-Mance et moi ne partageons pas le même point de vue là-dessus même si je reconnais qu'effectivement les chauffeurs de taxi, comme les chauffeurs de camion, comme les voyageurs de commerce, comme les députés, justement, je pense que c'est un exemple à donner... On sait que plusieurs collègues... Il n'y a pas de cachette là-dessus, on est plus présents sur la route, donc, on est plus portés, à l'occasion, à...

M. Polak: Moi, j'ai déjà deux points...

M. Clair: Sans être plus portés, on est plus susceptibles...

M. Bissonnet: Tu te promènes en avion.

M. Clair: ...de commettre telle ou telle infraction. Si on ajustait le nombre de points d'inaptitude au nombre de kilomètres parcourus par année, cela ne voudrait plus rien dire. C'est justement ceux qui sont plus présents sur la route qui représentent le plus grand risque.

La meilleure preuve, c'est que dans le cas du taxi - je donnais les chiffres tantôt -les blessures corporelles pour les années 1978 à 1981 représentent une fréquence d'accident d'à peu près cinq fois plus élevée. C'est évident que ce sont ces personnes-là qui doivent le plus faire attention sur la route et qui doivent être plus prudentes, même si j'admets que, par simple calcul de probabilité, quand tu es présent 18 heures par jour sur la route, tu cours beaucoup plus de risques d'avoir un accident, tu cours plus de risques de commettre une infraction par inattention ou autrement. Mais comme le risque qu'on représente est plus grand, on doit être d'autant plus prudent. Même si cela a l'air bête et méchant de la part du ministre des Transports, en termes de sécurité routière, je ne pense pas que depuis l'instauration du régime des points de démérite, points d'inaptitude maintenant, par le député de Charlevoix, votre collègue, aucun ministre des Transports ait accepté de remettre ce principe en cause même si ce n'est pas une ligne de défense facile à maintenir. Je pense que ce serait diminuer l'importance des points d'inaptitude que d'essayer de faire des passe-droits pour les voyageurs de commerce, qui m'en ont demandé, pour les livreurs à domicile, pour tous ceux - pour les femmes? - qui sont plus présents sur la route. Je pense qu'en termes d'intérêt pour la sécurité routière, je ne vois pas qu'on puisse faire cela.

M. Bissonnet: Je peux vous répondre qu'au niveau de la sécurité routière, on est tous d'accord avec cela, mais il demeure que c'est un marché particulier. Si on mettait un plus grand nombre de points précisément pour ceux qui ont un permis de classe 31, ce n'est pas n'importe qui qui a la classe 31, je vous dis qu'en donnant douze points additionnels pour les deux ans, ils vont respecter autant la sécurité routière. Quand vous prenez un taxi, dites-vous une chose: Votre client est pressé et souvent c'est bien difficile à contrôler. Quand le type tombe sur l'aide sociale, ce n'est pas un cadeau.

M. Clair: C'est une question de mentalité à changer, pour tout le monde. Cela, je le reconnais.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Sainte-Anne. En terminant, si vous voulez.

M. Polak: Un dernier point à ajouter. Vu que le ministre vient de refuser la demande du député de Jeanne-Mance, je pense que pour être juste, il faut encore donner plus de raison à la demande du député de Sainte-Anne. Comprenez-vous?

Le Président (M. Desbiens): La commission élue permanente des transports a accompli le mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée nationale. Je demanderais au rapporteur de présenter son rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais.

La commission ajourne ses travaux sine die.

M. Clair: Peut-être juste quelques mots avant... J'aurais l'occasion de faire un bref exposé sur les conclusions, mais je pense que compte tenu de l'heure, ce n'est peut-être pas nécessaire. Enfin, mon collègue, le député de Jeanne-Mance et moi-même, on les a à peu près tirées.

M. Bissonnet: Enfin, M. le ministre, je pense qu'à l'intérieur de ce débat, sans en faire une conclusion de façon bien précise...

M. Clair: On continue. Conclusions

M. Bissonnet: Je tiens à remercier tous ceux qui ont soumis des mémoires. Nous avons tous, du côté de l'Opposition, bien examiné et nous avons posé les questions les plus pertinentes qu'on ait trouvées à l'intérieur de ces mémoires. D'une part, il est bien évident qu'on a exprimé nos points de vue personnels et on peut les regrouper à l'extérieur de cette commission. La seule chose que je voudrais signaler, en terminant, c'est que vous avez eu un monsieur qui était avec moi depuis le début de cette commission et il vous a soumis une étude, des recommandations sur la situation du taxi à Montréal. Il s'agit de M. Paquet, que la

plupart des gens connaissent dans l'industrie du taxi. Je pense qu'au niveau historique du taxi à Montréal, concernant certaines solutions, son mémoire est très valable et vous auriez intérêt à l'analyser pour que le service du taxi soit mieux offert à la population.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Clair: L'objectif de cette commission parlementaire, c'était d'essayer de voir comment on pouvait critiquer, enrichir un programme d'action que nous avons proposé en août dernier. C'est une volonté très ferme chez moi de déboucher le plus rapidement possible sur la rédaction, le dépôt d'un projet de loi, pour mieux encadrer l'industrie du taxi, lui permettre de se rentabiliser. Parce qu'on a convenu d'être bref, je dirais simplement qu'aucune des suggestions qui ont été faites au cours de cette commission parlementaire n'est rejetée du revers de la main. (20 heures)

On va tenter de soupeser le pour et le contre de chacune des avenues qui nous ont été proposées le plus rapidement possible. Compte tenu que la Communauté urbaine de Montréal a créé un groupe de travail, je ne voudrais pas déposer un projet de loi avant d'avoir ses conclusions. J'espère que cela se fera le plus rapidement possible, mon objectif étant de déposer un projet de loi peut-être pas pour adoption, mais pour étude, avant l'ajournement de la session, le 20 juin prochain. Nous espérons que, lorsque nous déposerons le projet de loi, il représentera suffisamment les consensus qui ont pu se dégager au cours de cette commission pour être adopté rapidement par l'Assemblée nationale, quitte à ce qu'au cours de l'été on ait l'occasion de revoir une dernière fois, avec les principaux intéressés, les dispositions de ce projet de loi.

M. le Président, je remercie mes collègues, les députés de Jeanne-Mance et de Sainte-Anne, ainsi que mes collègues du côté ministériel, dont la députée de Dorion qui, comme vous le savez, m'a beaucoup appuyé dans les relations avec le milieu du taxi à Montréal. Elle a l'avantage de représenter un comté montréalais, ce que je n'ai pas quant à moi et, donc, d'être encore plus proche, sur le plan de l'intérêt de ses électeurs, des problèmes de taxi de l'agglomération A-11 de Montréal. Je la remercie beaucoup de m'avoir assisté tout au long de ces travaux et vous-même, M. le Président, du travail que vous avez effectué de main de maître.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. Je remercie tous les membres de la commission de leur collaboration. Cette fois-ci, pour vrai, je demanderai au rapporteur de la commission de faire rapport dans les plus brefs délais. La commission élue permanente des transports a accompli le mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale et elle ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 20 h 02)

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