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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je vous souhaite la bienvenue aujourd'hui, le 19 mars, à la
séance de la commission des transports sur la question avec
débat. Elle étudiera la question du député de
Laporte au ministre des Transports sur le sujet suivant: Les interventions du
gouvernement dans le transport aérien et plus particulièrement
dans Québecair.
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Si vous permettez une note préliminaire,
auriez-vous l'obligeance de noter que M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M.
Mailloux (Charlevoix) comme membre de cette commission.
Le Président (M. Rancourt): Cela sera fait, M. le
député de Brome-Missisquoi.
Donc, suivant les règles, M. le député de Laporte,
vous avez droit de parole.
Exposé du sujet M. André
Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président, je salue ce matin les
députés qui se sont déplacés pour venir discuter
avec nous de cette importante question des investissements du gouvernement du
Québec dans le domaine aérien et plus précisément
dans la société Québecair. Je salue mon collègue le
député de Brome-Missisquoi, qui est un parlementaire
chevronné et qui pourra sûrement nous aider à faire un peu
de lumière sur ce dossier. Je salue également le ministre des
Transports et l'autre député du côté
ministériel.
M. le Président, au mois de juillet dernier c'est-à-dire
1981, le gouvernement du Québec annonçait avoir investi 15 000
000 $ dans la société Québecair. D'ailleurs, la commission
parlementaire qui étudie les engagements financiers du gouvernement en a
été prévenue puisque le décret qui couvre cet
investissement et que j'ai devant moi dit qu'il s'agit de frais de souscription
de 6 666 666 actions privilégiées, série B, de INTAIR,
nouvelle compagnie à être formée suite à la
restructuration de Québecair; le montant de l'engagement est donc de 15
000 000 $.
On sait qu'au mois de juillet 1981
Québecair éprouvait déjà des
difficultés financières et que les actionnaires de la compagnie
songeaient à se départir de l'entreprise. Deux groupes se sont
manifestés et semblaient intéressés à faire
l'acquisition de Québecair. Le premier groupe était la
société Nordair, une société
québécoise, dont le siège social est situé à
Montréal, dont le président était M. André Lizotte,
et dont la majorité des membres du conseil d'administration
étaient des Québécois francophones et le sont encore
d'ailleurs, société dont la très grande majorité
des employés sont des Québécois. En fait, on compte
environ 1000 employés québécois sur 1300 à l'emploi
de Nordair. Or, Nordair fit une offre pour acheter les intérêts de
Québecair, une offre qui se situait environ à 7 100 000 $. C'est
alors qu'un deuxième acheteur se présenta, soit le gouvernement
du Québec, piloté par son ministre d'État au
Développement économique, qui incidemment est en train de faire
un voyage à l'étranger dont on entend beaucoup parler ces
jours-ci. Le gouvernement du Québec montra son intérêt
à acheter Québecair. Quand on connaît l'expérience
du gouvernement du Québec dans le domaine aérien - les plus
notoires exploits sont les voyages des ministres entre Québec et
Montréal, avec les chauffeurs et les limousines qui suivent les
ministres en automobile pour les prendre aux deux bouts de la ligne - nous
sommes en droit de nous demander si vraiment le gouvernement du Québec
était un interlocuteur valable pour se porter acquéreur d'une
société comme Québecair, une société qui
fait du transport aérien commercial. (10 h 15)
Quels étaient les buts du gouvernement du Québec au moment
de l'acquisition? Si on se fie à ce qui a été dit à
ce moment -vous me permettrez, M. le Président, de citer un
communiqué de presse diffusé par Telbec et émis par le
ministère des Transports, en date du 24 juillet 1981. Les buts
avoués étaient les suivants: Premièrement, il fallait
consolider financièrement Québecair; deuxièmement, le
gouvernement du Québec entendait assurer l'amélioration du
service aérien aux populations de toutes les régions du
Québec; troisièmement, assurer une place de plus en plus grande
aux francophones dans les emplois de pointe reliés au transport
aérien; quatrièmement, le gouvernement du Québec
croyait dans l'objectif fédéral de rationaliser davantage
le transport aérien régional dans le Nord-Est de
l'Amérique, mais non pas au prix de l'abandon par le Québec du
contrôle de ses deux derniers transporteurs aériens,
Québecair et Nordair. Voilà les buts, les objectifs
recherchés par le gouvernement du Québec lors de l'annonce de son
investissement de 15 000 000 $ dans Québecair.
M. le Président, depuis cette date, huit mois se sont
passés. Nous avons tenté à de nombreuses reprises
d'obtenir du ministre des Transports des renseignements en ce qui concerne
cette transaction. Au mois de décembre dernier, nous avons posé
des questions, ici même en Chambre, au ministre des Transports de
façon qu'il puisse nous éclairer non seulement nous, mais toute
la population du Québec sur les détails de cet investissement,
sur les faits qui entourent l'investissement de 15 000 000 $ dans
Québecair. Malgré nos demandes répétées,
tout ce que nous avons à peu près pu retirer du ministre des
Transports, c'est une phrase dans laquelle il nous disait ceci: "Je dirai au
député de Laporte qu'à compter du moment où on
investit dans une compagnie privée - il ne s'agit pas ici d'une
société d'État - je n'ai pas à donner l'ensemble du
portrait de la compagnie privée qu'est Québecair."
Évidemment, le ministre, à ce moment-là, a
été très avare de renseignements et l'Opposition et les
citoyens du Québec sont demeurés sur leur faim, n'ayant pu
connaître les dessous ou les détails de la transaction.
Aujourd'hui, après huit mois, j'aimerais demander au ministre
s'il considère avoir atteint ses objectifs ou s'il considère que
ses objectifs sont en voie d'être atteints. Le premier objectif
était de consolider l'entreprise. Quand on dit consolider l'entreprise,
on pense qu'il s'agit de faire en sorte de rationaliser les équipements,
de redresser la situation.
Or, des nouvelles assez étonnantes nous parviennent en ce qui
concerne la consolidation de l'entreprise. Il semble en effet que la compagnie
Québecair avait commandé des avions de type Boeing 737, ces
avions qui contiennent 119 places et qui coûtent à peu près
15 000 000 $ chacun. La compagnie Québecair en a cinq
présentement dont trois ou quatre sont sa propriété et un
ou deux - le ministre aura peut-être la gentillesse de nous
préciser cela - sont en location.
La compagnie Québecair avait autrefois des avions de type Bac
111, des avions de 79 places qui avaient été achetés en
1969 et qui étaient entièrement payés. Ce sont tous des
avions à réaction ou des jets, si vous voulez. Les trois Bac 111
qui étaient entièrement payés, qui sont des avions
à réaction et qui volaient jusqu'à récemment ont
été mis de côté au cours de l'année pour
faire place à de nouveaux avions, comme je l'ai dit, des Boeing 737 qui
ont coûté 15 000 000 $ ou à peu près chacun.
Subséquemment, on s'est rendu compte que les fameux Boeing 737
n'étaient pas remplis, qu'ils voyageaient souvent avec un coefficient de
remplissage très bas, que pour posséder un avion qui coûte
15 000 000 $ ça coûte, avec les intérêts, 2 000 000 $
à 2 500 000 $ par année uniquement pour en être le
propriétaire, avant même de l'utiliser. Si on multiplie ça
par trois, par quatre ou par cinq - parce qu'on en a plusieurs - ça
coûte une fortune à garder.
Alors, récemment, on a décidé qu'après tout
les BAC-111, les bons petits BAC-111, n'étaient pas si mauvais que
ça et que, tout compte fait, on était peut-être mieux de
reprendre les BAC-111 qui étaient aux boules à mites et de les
remettre sur la route après les avoir un peu rénovés et,
semble-t-il, de revendre les Boeing 737. Ce qui, évidemment, fait en
sorte qu'on se demande où est la consolidation de l'entreprise.
J'aimerais, M. le Président, citer un article du journal La
Presse, en date du 11 février 1982, qui parle, justement, de cette
question et qui dit ceci: "Québecair se retrouve donc avec des avions de
trop, des hausses de tarifs en perspective, une réduction possible du
nombre de voyageurs, engendrant ainsi des conséquences qui vont se
répercuter de façon automatique sur l'ensemble des
activités de la société." Un peu plus loin on dit ceci:
"II y a à peine deux ans, les vieux conseillers de Québecair,
habitués à retaper des avions, estimèrent qu'il valait
mieux rafistoler les BAC-111 plutôt que d'acheter ou louer une flotte de
cinq Boeing 737. La direction, subjuguée par un plan d'expansion
audacieux - surtout après l'investissement de 15 000 000 $ du
gouvernement - sollicitée par Boeing qui peut vendre des frigidaires aux
Esquimaux dans un contexte où toutes les compagnies d'aviation
s'apprêtaient à gérer la décroissance, opta pour une
flotte composée de Boeing 737, dont le coût en dollars
d'aujourd'hui rejoint les 16 000 000 $ l'unité. "Ce n'est pas sans
grande fierté qu'on annonça un rajeunissement de la flotte,
réservant d'un même souffle une oraison de circonstance pour le
retrait des BAC-111. Depuis, les coûts de propriété se sont
accrus considérablement. Il en coûte au moins 6 000 000 $ à
Québecair pour posséder deux de ses Boeing 737. Le retour
à un plan plus modeste, c'est-à-dire le rappel des BAC-1-11,
permet au transporteur d'économiser substantiellement - dans le fond, on
devrait dire "permettra" parce qu'ils ne sont pas encore en opérations.
Les trois petits BAC-111 - enfin petits, ils contiennent chacun 79 places -
qui, par un hasard du diable, n'avaient pas trouvé acheteur,
coûteront 400 000 $ chacun en travaux de rénovation.
Ils voleront à nouveau ce printemps avec un "new look". "La
clientèle de Québecair continuera de voler en jet. N'eût
été la malchance de ne pas trouver acheteur pour les BAC-111
retirés, Québecair aura été contrainte à
rechercher des avions hélices usagés pour son service
intérieur à la manière de la filiale Régionair.
Mais, la réalité étant ce qu'elle est, il reste que
Québecair possède ou a des options sur cinq Boeing 537. Elle
tentera d'en refiler deux à Boeing ou encore de les louer à
d'autres transporteurs."
M. le Président, quand on regarde, quand on lit un article comme
celui-là, qu'on considère un fait comme celui-là, on est
en train de se demander où on s'en va avec la consolidation de
l'entreprise.
Le deuxième objectif annoncé était
l'amélioration du service aérien dans les régions. Or, on
se rend compte que, depuis un an, et surtout depuis que le gouvernement
investit dans Québecair, Québecair se lance à bride
abattue sur les marchés extérieurs comme une ligne vers Toronto,
par exemple. On a demandé et obtenu de la Commission canadienne des
transports le droit de faire du transport entre Montréal et Toronto. Or,
déjà, sur cette ligne-là, on a Air Canada, qui fait du
transport, ainsi que Nordair, CP Air, Eastearn Provincial Airways, et
maintenant, Québecair en fait également. Toutes ces compagnies
vont vers Toronto. Le résultat est que les activités de
Québecair vers Toronto sont absolument néfastes pour
l'entreprise; on fonctionne avec un coefficient de remplissage de 15%, 20% ou,
parfois, 25% ce qui veut dire qu'on fonctionne sans cesse à perte et que
la compagnie perd continuellement de l'argent sur cette ligne-là.
Il y a également la Floride où Québecair investit
une très grande partie de ses énergies. Sur les envolées
vers la Floride, on offre des tarifs à rabais comme d'ailleurs tous les
transporteurs qui font du charter, mais le problème avec
Québecair, c'est que d'autres transporteurs utilisent leurs avions les
fins de semaine pour faire du charter quand les avions ne sont pas
utilisés sur les lignes intérieures, tandis que Québecair
fait du charter ou de l'affrètement vers la Floride d'une façon
systématique et continuelle et les chiffres indiquent - nos chiffres
à nous - que, pour chaque voyageur qui voyage vers la Floride à
bord de Québecair, la compagnie perd 100 $ sur un voyage aller-retour.
On sait que les régions se plaignent du mauvais service de
Québecair. Demandez aux gens de Sept-Îles ce qu'ils pensent du
service de Québecair; il périclite continuellement.
Demandez aux gens de la Côte-Nord; le service de Québecair va en
diminuant continuellement. Dans toutes les régions du Québec - et
nous avons pris la peine de nous informer - les gens se plaignent de plus en
plus du mauvais service de Québecair. Alors, au deuxième
objectif, qui est d'améliorer le service aérien aux
régions, nous croyons qu'en dépit de l'investissement du
gouvernement, il n'y a aucune amélioration, nous pensons même
qu'il y a eu une détérioration.
Le troisième objectif était d'assurer une place aux
francophones. Nous nous posons de sérieuses questions là-dessus
aussi. Nous demandons au ministre: Est-ce qu'en investissant 15 000 000 $ dans
Québecair vous avez créé de nouveaux emplois? Pourtant le
président de Québecair annonçait récemment - je
cite un article de la Presse du 28 janvier 1982 - un plan de rationalisation
qui prévoyait 85 mises à pied, dont 32 en décembre
dernier, quelques autres cet hiver et les dernières dans les prochains
mois et les prochaines années. Donc, on voit que là aussi les
francophones n'ont pas trouvé leur compte. On se demande, de ce
côté-ci de l'Assemblée, si vraiment on a rendu service aux
francophones en les associant à un pareil désastre
aérien.
Le quatrième objectif du gouvernement était de
rationaliser le transport aérien dans le Nord-Est de l'Amérique.
Compte tenu de ce que nous avons dit précédemment, les
déboires de Québecair sur les lignes extérieures - puisque
quand on parle du Nord-Est de l'Amérique on parle évidemment
d'ambitions extraterritoriales - nous ne pensons pas que la venue du
gouvernement québécois dans Québecair et l'expansion qu'il
lui a permis de prendre contribuent à rationaliser le transport
aérien dans le Nord-Est de l'Amérique.
Nous allons tout à l'heure entendre la réplique du
ministre. Nous savons qu'il va nous dire en premier lieu que l'achat de
Québecair a été fait dans le but de sauvegarder le dernier
transporteur régional francophone, Québecair, et de
l'empêcher de tomber entre des mains étrangères.
Peut-être n'emploiera-t-il pas le mot "étrangères" mais
nous soumettons humblement que, si la fusion avec Nordair s'était
effectuée, nous aurions également sauvegardé un
transporteur francophone qui aurait été plus important.
Deuxièmement, le ministre va également nous dire dans sa
réplique, dans quelques instants, que si ça va mal à
Québecair c'est la faute d'Air Canada, de la concurrence déloyale
d'Air Canada. Or, Air Canada fait la même concurrence à tous les
transporteurs régionaux au pays. Air Canada fait exactement la
même chose dans toutes les régions, elle a ses lignes comme
Canadien Pacifique a ses lignes et la concurrence qu'elle fait, c'est une
concurrence normale dans une société comme celle dans laquelle on
vit. Mais, si le gouvernement québécois veut donner des
leçons de non-concurrence, il devrait peut-être commencer par
regarder ce que lui-
même est en train de faire aux transporteurs de troisième
niveau, aux petits transporteurs locaux. Le gouvernement du Québec est
en train de créer un vrai monopole dans ce domaine-là et de tuer
la concurrence.
Les autres transporteurs aériens régionaux, comme
Québecair, au Canada ne font pas des pertes, ils font des profits. Ils
sont tous traités de la même façon par Air Canada. On n'a
qu'à voir, lors des commissions parlementaires à Ottawa, les
autres transporteurs régionaux qui font également état de
la concurrence d'Air Canada. La concurrence est égale, elle est partout
et je pense qu'elle est normale dans un contexte de saine économie.
Dans ces conditions, nous ne pensons pas, de ce côté-ci,
que la concurrence d'Air Canada soit pour quelque chose dans la
dégradation de la situation économique ou financière de
Québecair. La question que j'aimerais poser au ministre au début
de ce débat est la suivante: Le ministre maintient-il toujours que les
15 000 000 $ qu'il a investis dans Québecair lui ont permis d'atteindre
ses objectifs?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
Réponse du ministre M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, je voudrais, dans un premier
temps, remercier mon collègue de Laporte de nous donner l'occasion de
discuter d'un sujet très important, à savoir les interventions du
gouvernement du Québec dans le transport aérien, et plus
particulièrement dans Québecair, selon l'avis qu'il a
lui-même donné à cette Chambre.
Je voudrais, dans un premier temps, exposer très
brièvement l'ensemble des interventions du gouvernement du Québec
dans le dossier du transport aérien, y inclus Québecair bien
sûr, mais pas exclusivement Québecair, puisque,
conformément à l'avis qui avait été donné
par le député de Laporte, j'avais cru comprendre que son
intérêt ne se limitait pas seulement au dossier de
Québecair, mais à l'ensemble du dossier du transport
aérien au Québec. Je crois que ces remarques préliminaires
constitueront une information de base nécessaire à la
compréhension des gestes qu'a posés et que continuera de poser
mon ministère dans le secteur du transport aérien. Je suis
également convaincu qu'elles seront de nature à rassurer mes
collègues de l'Opposition quant aux motifs qui sous-tendent ces actes et
quant aux objectifs que nous poursuivons. (10 h 30)
Je vais vous démontrer que les interventions du gouvernement dans
le dossier du transport aérien se regroupent sous trois chapitres
principaux: premièrement, les infrastructures nécessaires
à la navigation aérienne; deuxièmement, la surveillance
des intérêts légitimes des Québécois devant
les instances fédérales, et troisièmement, les
investissements directs dans des compagnies privées. Je veux cependant
vous faire remarquer que, malgré leur diversité apparente, ces
types d'intervention ne sont en somme qu'autant de moyens dans la recherche
d'un seul et même but, à savoir le maintien d'un secteur
aérien vigoureux au sein de l'économie du Québec afin d'en
maximiser les retombées socio-économiques au profit des
Québécois et d'assurer aux diverses régions de notre vaste
territoire une desserte adéquate.
En ce qui concerne d'abord les infrastructures aéroportuaires, je
pense que l'on peut affirmer que les grands centres urbains du Québec,
notamment Québec et Montréal, sont relativement bien pourvus en
ce qui concerne les infrastructures nécessaires à la navigation
aérienne. Mais je crois également que nos communautés les
moins populeuses et les plus éloignées ont été
particulièrement négligées à ce point de vue et
qu'on compte un retard de plusieurs dizaines d'années en ces
matières.
C'est pourquoi, dans un premier temps, je m'emploie à faire
toutes les pressions possibles et imaginables sur mon collègue
fédéral, duquel, traditionnellement a toujours relevé cet
aspect du dossier du transport aérien, pour corriger dans les meilleurs
délais des lacunes qui constituent de réelles entraves à
une desserte aérienne adéquate. Ce que je demande au gouvernement
fédéral à ce chapitre, c'est de doter les aéroports
en territoire québécois des mêmes équipements dont
il a lui-même pourvu les aéroports des autres provinces et des
territoires.
Le député de Laporte demandait tantôt si on
était en train d'atteindre tous nos objectifs sur la
régularité du service de Québecair et de Régionair
sur la Côte-Nord et dans l'Est du Québec. Il sera sûrement
étonné d'apprendre que, par exemple, 37,5% seulement des
aéroports du réseau de Québecair sont dotés
d'instruments d'approche de précision, alors que ce pourcentage
s'élève à 65% pour Nordair et à 83% pour Eastern
Provincial Airways, ce qui constitue en soi des facteurs qui influencent
directement la qualité du service que peut offrir un transporteur
aérien, sa rentabilité, sans compter les subventions qui sont
accordées par le gouvernement fédéral à certains
transporteurs aériens régionaux d'une manière purement
discriminatoire quand on considère l'ampleur du réseau de
Québecair, de Régionair par rapport à celui d'Eastern
Provincial Airways.
Les indications que je peux donner là-dessus, c'est qu'alors
qu'Eastern Provincial Airways dessert un territoire beaucoup plus restreint il
bénéficierait, selon nos informations, de subventions annuelles
du gouvernement fédéral de l'ordre d'à peu près 1
600 000 $. Alors qu'à Québecair, qui dessert un réseau qui
n'est pas bien pourvu en aide à la navigation, seulement 37,5% des
aéroports desservis par Québecair sont dotés d'instruments
d'approche de précision, chez Eastern Provincial Airways ça
atteint 83% et les subventions sont justement pour cette compagnie.
Même si je dois regretter le fait qu'il ne soit pas toujours
possible de s'entendre sur les priorités à observer dans le
développement du transport aérien comme ce fut le cas, notamment,
pour l'aéroport de Havre-Saint-Pierre où le fédéral
a décidé de procéder unilatéralement et sans aucune
consultation, un fait qui est reconnu par le ministre fédéral des
Transports lui-même, nous pouvons quand même dire que dans certains
dossiers, comme c'est le cas de l'aéroport de Chibougamau-Chapais qui
sera reconstruit au coût de 7 000 000 $, cet aéroport sera
financé à parts égales par les deux gouvernements. C'est
le cas aussi de 13 aéroports constituant les principaux points de
desserte du Nouveau-Québec sur le littoral de la baie James, de l'Hudson
et de l'Ungava.
En effet, alors que les territoires du Nord-Ouest d'autres provinces
canadiennes ont pu bénéficier d'investissements à 100%
pour la construction de pistes d'atterrissage et d'aéroports nordiques,
nous sommes convenus - comme on emploie présentement le mot dans le
langage fédéral - au moins verbalement que l'on pourrait
équiper ces 13 villages nordiques d'aéroports dignes de ce nom
sur une période de 8 à 10 ans; jusqu'à maintenant il ne
s'agit que d'une entente verbale, mais les pourparlers progressent dans ce
sens-là.
Vous comprendrez sûrement, le collègue de Laporte
comprendra sûrement qu'alors qu'on a doté à 100% d'autres
régions du Canada d'infrastructures payées complètement
par le gouvernement fédéral, le moins qu'on puisse dire, c'est
que c'est bien peu ce qu'on va obtenir du gouvernement fédéral
dans ce cas.
Enfin, je dois vous informer que j'ai été mandaté
par le gouvernement du Québec pour presser le ministre
fédéral des Transports de parachever un plan d'équipement
promis depuis 1972, mais constamment remis en ce qui concerne les
aéroports de la Moyenne-Côte-Nord et de la Basse-Côte-Nord,
tels les aéroports de Natashquan, de Chevery, de Blanc-Sablon. De plus,
il serait normal que Transports Canada s'implique financièrement avec
nous pour les aéroports de Saint-Augustin, de
Tête-à-la-
Baleine, de La Tabatière, de La Romaine et de certaines
autres.
Dans un deuxième temps, pour ce qui est des aéroports
à propriété strictement québécoise, nous
faisons face à des politiques fédérales difficiles
à comprendre et pour lesquelles les autorités de Transports
Canada n'ont jamais voulu produire de documents officiels. Je veux parler des
aides à la navigation et plus particulièrement des aides
d'approche et de précision. Transports Canada s'oppose à
participer au financement de l'installation de tels équipements,
à moins que l'aéroport ne lui appartienne. C'est le cas de
l'aéroport de Saint-Honoré. Pourtant, en d'autres occasions et en
d'autres lieux, cette politique est mise de côté, comme ce fut le
cas ici même au Québec dans le cas de l'aéroport de
Chibougamau-Chapais. Or, ces aides à la navigation sont essentiels au
bon fonctionnement du transport aérien, mais sont aussi très
coûteuses. Plus encore, nous sommes incapables de connaître les
définitions de ce que Transports Canada appelle le réseau
national, pour lequel il se dit d'accord d'en assumer toutes les
responsabilités. Les réseaux dits régionaux
relèvent donc de la responsabilité des provinces et des
municipalités. C'est pourquoi nous devons construire et entretenir des
aéroports tels que Bonaventure, Mingan, Poste-de-la-Baleine, Matagami ou
autres, et apporter notre aide à certaines municipalités telles
les municipalités qui gravitent autour de Dolbeau, par exemple.
Deuxième sujet: la surveillance des droits des
intérêts des Québécois. Il s'agit là d'un
autre aspect extrêmement important de l'action du ministère des
Transports, soit de représenter les droits et intérêts
légitimes des Québécois dans le domaine aérien
auprès du gouvernement fédéral, qui a une large
juridiction sur cette sphère d'activité et de veiller à ce
que ses droits soient respectés. Bien sûr, je ne veux pas vous
entretenir des représentations usuelles faites lorsqu'un transporteur
présente à la Commission canadienne des transports une demande
relative à un permis d'exploitation au Québec. Je veux cependant
informer cette commission de l'état de deux dossiers en particulier,
parce qu'ils pourraient s'avérer extrêmement lourds de
conséquences pour le Québec s'ils n'étaient pas
traités dans le respect plein et entier des aspirations légitimes
des Québécois. Il s'agit du dossier du projet de politique
fédérale sur le transport aérien et du dossier de
Dorval-Mirabel.
Je suis heureux de constater que le député de Laporte
s'intéresse au dossier Québecair, mais s'il s'intéresse
vraiment au dossier du transport aérien pour l'ensemble du
Québec, ce sont des dossiers dont il ne refusera pas de discuter
aujourd'hui, parce que ce sont des dossiers majeurs,
fondamentaux pour le développement du transport aérien au
Québec.
En août 1981, le gouvernement fédéral faisait
connaître son projet de politique sur le transport aérien au
Canada et invitait les provinces à faire connaître leurs
commentaires. Je tiens à vous résumer ici les remarques que j'ai
fait parvenir à M. Pepin afin que tous sachent dans quels cadres sont
appelés à évoluer et nos transporteurs régionaux et
les gouvernements provinciaux. Le 10 décembre dernier, je faisais savoir
à mon vis-à-vis fédéral qu'à mon avis, son
projet de politique causerait de très graves préjudices au
Québec puisqu'en officialisant la situation présente, il consacre
la mainmise du fédéral sur tous les secteurs rentables du
transport aérien et confine les gouvernements des provinces et les
transporteurs régionaux et locaux à des activités
marginales tant sur le plan économique que financier. Il s'agit d'abord
et avant tout d'une politique protectionniste qui maintient ou accroît
tous les privilèges des transporteurs nationaux et qui limite les
possibilités d'expansion des transporteurs régionaux et locaux.
Il s'agit aussi d'une politique qui impose toutes sortes de restrictions
rigoureuses aux régionaux en termes de limite de poids, de type
d'avions, de limites territoriales et de distances à parcourir. Ces
contraintes ne visent qu'à protéger les nationaux qui pourront
atteindre, dans un contexte de monopole ou quasi-monopole, une
efficacité et une stabilité financière garanties,
puisqu'en plus de se partager un quasi-monopole sur le transport de premier
niveau ils conservent le droit de concurrencer jusqu'à les tuer les
transporteurs régionaux et locaux sur des lignes comme Sept-Îles,
Val-d'Or, Montréal.
En outre, le projet de politique laisse le développement des vols
nolisés vers l'extérieur du Canada qui peuvent être
exploités de façon rentable par des transporteurs
régionaux à la merci de la volonté fédérale
et d'Air Canada.
De même, M. Pepin dévolue aux gouvernements de provinces et
au gouvernement du Québec notamment les éléments les moins
rentables, comme les infrastructures, les équipements
aéroportuaires et les services aériens des régions
éloignées qui nécessitent d'importantes subventions.
Enfin, l'aspect le plus décevant du projet de M. Pepin est qu'il
n'offre aucun élément de solution au dossier
Québecair-Nordair. C'est, selon nous, la pierre d'assise de la
rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada et elle aurait
donc dû constituer une pièce majeure de la nouvelle politique
fédérale, mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet un peu
plus tard. La tentation sera certes grande pour mon collègue de Laporte
de dire: Ah! il s'agit là encore une fois d'une prise de position
péquiste du gouvernement du Québec.
M. le Président, pour conclure justement sur ce point
particulier, je tiens à souligner aux membres de cette commission que
mon collègue de l'Ontario, James Snow, ministre des Transports et
des
Communications, a, dans une déclaration ministérielle
faite à Queen's Park le 11 décembre 1981, émis exactement
les mêmes réserves et les mêmes critiques concernant le
projet de politique de transport aérien de M. Pepin. Si mes
collègues étaient intéressés à en prendre
connaissance, je pourrais leur remettre une copie de la déclaration
ministérielle qu'il a prononcée à Queen's Park le 11
décembre dernier.
Nous retrouvons dans l'autre dossier, M. le Président, dans le
dossier des aéroports Dorval et Mirabel, une intervention du même
ordre du gouvernement du Québec où celui-ci s'oppose, a priori,
à tout projet du fédéral relativement au transfert de vols
de Dorval vers Mirabel jusqu'à ce que soit clairement
démontré qu'un tel transfert permettrait d'accroître de
façon significative le volume du trafic aérien à
Montréal. Il m'est absolument impossible d'adopter une autre position
à cause de l'importance de cette question pour toute l'économie
montréalaise et même pour l'économie
québécoise.
Pour cette même raison, j'ai pris l'initiative...
Le Président (M. Rancourt): Je m'excuse, M. le
ministre.
M. Paradis: Question de règlement. Sans vouloir
interrompre indûment le ministre dans sa réplique, il y avait
quand même une question très précise qui lui était
posée. Il vous reste, sur votre intervention originale, M. le ministre,
à peine cinq minutes. La question était la suivante: De l'argent
des Québécois, de nos contribuables, vous avez
décidé d'investir 15 000 000 $ dans la société
Québecair avec quatre buts très précis qui étaient
la consolidation financière de Québecair,
l'amélioration...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, s'il vous
plaît, oui.
M. Clair: Question de règlement. M. le Président,
le député manque de patience. Nous avons jusqu'à 13 heures
pour discuter de ces questions. Le député de Laporte, dans la
question avec débat aujourd'hui, mentionne le dossier du transport
aérien au Québec et plus particulièrement celui de
Québecair. J'arrive rapidement au dossier de Québecair plus
particulièrement.
Si votre intérêt pour le transport aérien se limite
à Québecair, il fallait le noter et j'aurais parlé
uniquement de Québecair.
M. Paradis: Dans ma question de règlement, M. le
Président, je voulais strictement m'assurer que le ministre, dans son
intervention, réponde aux questions précises du
député de Laporte.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, s'il vous
plaît!
M. Clair: Dans le dossier des aéroports Dorval et Mirabel,
M. le Président, j'indiquais quelle était la position de principe
du gouvernement du Québec, à savoir de ne pas consentir à
un transfert de vols Dorval-Mirabel sans une garantie qu'il y aura un
accroissement significatif du trafic aérien global.
Pour cette même raison, j'ai pris l'initiative de présenter
au ministre fédéral des Transports un plan d'action visant avant
tout un accroissement global du trafic aérien à Montréal,
que ce soit au niveau des passagers ou au niveau des marchandises, et un
accroissement de l'activité industrielle et commerciale dû
à l'activité aéroportuaire.
Ma proposition comprenait les mesures suivantes: Que le gouvernement
canadien rétablisse, par l'attribution des permis d'atterrissage,
l'équilibre avec d'autres aéroports canadiens et incite
d'importantes compagnies aériennes internationales à desservir
Montréal; que la Commission canadienne des transports se montre
davantage disposée à l'attribution de permis à des
transporteurs aériens de marchandise voulant desservir Montréal;
que le gouvernement fédéral émette des directives afin que
la société Air Canada développe une activité accrue
de transport de marchandises; que Transports Canada offre à Mirabel des
conditions d'exploitation préférentielles pour les transporteurs
desservant cet aéroport; que le ministère fédéral
des Travaux publics mette à la disposition de la SPICAM des terrains et,
enfin, que le gouvernement canadien considère sérieusement le
projet de construction d'accès au PICA. (10 h 45)
Deux autres points, en ce qui concerne Dorval, que le
fédéral fasse connaître, dans les meilleurs délais,
un programme d'investissements à Dorval et que Transports Canada exige
d'Air Canada la mise en place de services aériens adéquats
à partir de Mirabel, afin de rendre cet aéroport plus
intéressant pour la clientèle internationale et de minimiser les
transferts interaéroports.
Voilà, M. le Président, deux interventions
extrêmement importantes de mon ministère dans le but de
protéger les intérêts les plus légitimes et les plus
fondamentaux des Québécois. Nous attendons toujours une
réponse du gouvernement central sur ces questions, sur lesquelles les
prises de position de celui qui vous parle ont été
appuyées par le COPEM, par l'ensemble des intervenants et même,
dans le cas de la politique aérienne, par le ministre des Transports de
l'Ontario lui-même.
Je voudrais maintenant passer au troisième volet des
interventions du gouvernement du Québec dans le dossier du transport
aérien, soit celui des investissements effectués directement dans
deux compagnies privées, c'est-à-dire Propair et
Québecair. M. le Président, l'implication du gouvernement dans le
dossier Propair remonte déjà à 1977. C'est à cette
époque que le ministre québécois des Transports fut
sollicité dans le but de faciliter la fusion de quatre transporteurs de
niveau local du Nord-Ouest, à savoir, Lasarre Air Service, Air Fecteau,
Direct Air et Air Brazeau, afin de mieux concurrencer les transporteurs venant
de l'extérieur du Québec.
Cependant, mon prédécesseur dut s'engager
financièrement une première fois en 1979, lorsque Air Brazeau a
décidé de se retirer du groupe et de vendre les actifs ainsi que
les permis s'y rattachant. Le gouvernement décida alors de se porter
acquéreur de ces actifs et permis au montant de 350 000 $, avec
l'engagement de les remettre à la compagnie qui résulterait de la
fusion. Le regroupement fut finalement réalisé en juin 1981, en
l'absence toutefois de Direct Air qui avait également choisi de se
retirer. Le gouvernement du Québec souscrivait alors 3 000 000 $ en
actions privilégiées convertibles, non participantes et non
votantes, alors que ses deux partenaires privés se partageaient
également les actions ordinaires à la suite de versements
d'actifs et d'investissements additionnels.
Quels étaient donc les motifs d'investir ces sommes? M. le
Président, ils étaient les suivants: d'abord,
accélérer le processus de fusion dans le but d'assurer au
Nord-Ouest québécois un transporteur de troisième niveau
qui serait viable, maintenir au Québec certains permis et canaliser vers
le Québec les retombées économiques des activités
reliées à la Baie-James plutôt que vers l'Ontario.
Je puis aujourd'hui informer les membres de cette commission que Propair
a terminé sa première année d'exploitation avec un
léger profit, qu'elle a obtenu une nouvelle route
Amos-Rouyn-Montréal et qu'elle attend une réponse à une
requête en vue d'un permis sur Val-d'Or-Rouyn-Gatineau.
Quant à Québecair, M. le Président, il est bien
évident que mon ministère suit de très près son
évolution depuis assez longtemps, bien qu'il serait plus juste de dire
qu'il a suivi et qu'il suit toujours l'évolution du dossier
Québecair-Nordair. Comme le gouvernement de l'Alberta, il y a longtemps
que nous sommes conscients de l'importance, pour l'économie d'une
région, de la présence d'un transporteur aérien
régional indépendant et fort. Si nous ne sommes intervenus
directement et financièrement qu'en juillet dernier,
c'était que nous n'avions pas d'autre choix. Après avoir
accaparé 86% de Nordair, en janvier 1978, Air Canada s'apprêtait
à se saisir de la propriété entière du seul
transporteur de deuxième niveau demeurant sous contrôle
québécois, c'est-à-dire Québecair. En tant que
ministre des Transports, je répète que je ne pouvais agir
autrement lorsque que l'on considère le geste d'Air Canada. J'aurai
l'occasion, tantôt, de citer au député de Laporte les
propos de son chef au mois de décembre 1979 qui, à cette
époque, peut-être parce qu'il n'était pas encore
complètement soumis au diktat du Parti libéral
fédéral à Ottawa, avait eu le courage de reconnaître
l'enjeu que représente le contrôle par des Québécois
d'un transporteur aérien régional.
M. le Président, qu'aurait signifié le geste d'Air Canada?
Cela aurait signifié, premièrement, la perte
irrémédiable pour les Québécois du contrôle
de leur transporteur régional, avec ce que cela implique comme absence
de sensibilisation à nos besoins propres. Deuxièmement, la perte
du seul outil véritable de promotion des francophones dans le secteur du
transport aérien. À ce sujet, M. le Président, laissez-moi
citer des extraits des rapports annuels du commissaire aux langues officielles
que je ne commenterai même pas. En 1979, il écrivait: "La
proportion de francophones dans la haute direction est passée à
24,4% alors que, pour l'ensemble de la société, elle se chiffre
à 19,4%. Cependant, elle n'atteint que 15,8% chez les cadres et 15,6% au
niveau du soutien administratif et technique. Les francophones sont aussi
nettement sous-représentés aux opérations aériennes
puisqu'ils n'y fournissent que 10% des pilotes et 5% des cadres. À la
maintenance, ils représentent 35% des syndiqués, mais seulement
15% des cadres."
En 1981, et je cite: "Air Canada a poursuivi en 1980 son ascension vers
les éclaircies linguistiques, mais les turbulences demeurent nombreuses
comme le prouve le nombre élevé de plaintes encore
déposées contre la société. Il en sera probablement
ainsi tant qu'elle hésitera à faire le nécessaire pour
éliminer les contraintes syndicales qui l'empêchent d'utiliser son
personnel bilingue de façon plus rationnelle et plus efficace. La
société devra aussi se pencher plus attentivement sur la place du
français dans les domaines techniques, entretien des avions,
opérations de vols par exemple, l'emploi de cette langue n'y ayant
guère dépassé le stade embryonnaire." Par comparaison, je
voudrais rappeler que, chez Québecair, 96% de l'ensemble du personnel
est francophone.
M. le Président, à ce chapitre, je voudrais
également rappeler qu'à la suite du jugement... Peut-être
aurais-je le consentement pour avoir trois ou quatre minutes additionnelles; je
ferai preuve de la même souplesse à l'égard de mon
collègue...
Le Président (M. Rancourt): Vous acceptez?
M. Clair: Je voudrais rappeler qu'à la suite de la
décision qui a été rendue par les tribunaux dans le cas de
la Loi sur les langues officielles, ce que nous avons su, c'est que le ministre
fédéral des Transports et le ministre d'État à la
colonie québécoise, Serge Joyal, nous ont annoncé avec
beaucoup de suffisance qu'Air Canada allait tolérer l'utilisation du
français, qu'elle ne changerait pas son comportement si la loi ne l'y
contraignait pas; la place du français semble donc être ça
dans le domaine aérien au Canada; une place qui est
tolérée.
La troisième conséquence de la prise de contrôle de
Québecair par Air Canada est le risque que le Québec perde des
retombées économiques importantes, ceci relié au fait que
les sièges sociaux et les bases d'exploitation de Nordair et de
Québecair sont actuellement tous situés au Québec. Je n'ai
pas à rappeler aux membres de cette commission les transferts
d'activité déjà effectués par Air Canada au profit
de Toronto et de Winnipeg, au détriment de Montréal.
Quatrièmement, le risque que la rationalisation du transport
aérien dans l'Est du Canada s'effectue au détriment des
intérêts légitimes des Québécois.
Cinquièmement, le retrait de l'appui de ce gouvernement et des
investisseurs québécois qui avaient pris le risque d'investir
dans Québecair sur la foi de la promesse fédérale de
retourner Nordair à l'entreprise privée. Les 15 000 000 $ que
nous avons investis dans Québecair ont servi à racheter, d'abord
et avant tout, la parole des fédéraux qui avaient promis de
revendre cette compagnie Nordair à des intérêts
québécois et qui ont trahi leur propre engagement au
mépris d'investisseurs privés qui avaient eu confiance dans cette
parole.
Donc, le 24 juillet 1981, le gouvernement du Québec a
réagi en investissant 15 000 000 $ en actions privilégiées
participantes, convertibles mais non votantes. Au cours de cette transaction,
il y a eu rachat, sur la base de l'offre faite par Air Canada, des actions
privilégiées des actionnaires participant à la
création d'une société de gestion appelée 1848-7199
Québec Inc. Le solde de l'investissement gouvernemental a servi à
consolider la structure financière de Québecair. Quant aux
actions ordinaires, elles ont toutes été gardées au sein
de la compagnie mère. La convention entre actionnaires prévoit
toutefois qu'elles sont rachetables en tout ou en partie, si tel est le
désir des partenaires,
à une date fixée à l'avance, mais cependant au
même prix que celui qu'offrait Air Canada au mois de juillet 1981. Cette
convention contient également une clause incitant nos partenaires
à la meilleure gestion possible et à demeurer actionnaires de
Québecair.
J'aimerais prendre un moment pour faire ici une brève analyse
comparative des interventions directes du gouvernement du Québec avec
celles faites par d'autres gouvernements. Qu'a fait l'Alberta, M. le
Président, à compter de 1974? Elle a graduellement acquis toutes
les actions des entreprises de second niveau desservant le territoire qu'elle
visait pour fusionner ces compagnies en une seule, dont elle détient la
propriété entière. Qu'a fait, M. le Président, le
fédéral, lui-même détenteur à 100% d'une
société de la couronne oeuvrant dans l'aéronautique,
lorsqu'il s'est agi d'acquérir Nordair en janvier 1978? Il s'est
emparé de 86,4% des actions ordinaires, après s'être
livré à une surenchère qui avait fait passer ses titres de
2,10 $ à 12,61 $? M. le Président, que s'apprêtait-il
à faire en juillet 1981? À acquérir ni plus ni moins que
100% des actions de Québecair. Et nous, M. le Président, en quoi
ont résidé nos interventions, ces interventions qui semblent
soulever tellement d'inquiétude chez certains? Tout simplement à
venir appuyer les efforts d'entrepreneurs privés par l'achat, dans des
circonstances bien précises, d'actions privilégiées non
votantes.
Je laisse le soin aux membres de cette commission de déterminer
quel type d'intervention devrait en fait soulever le plus de questions. On me
demande aujourd'hui, à juste titre, comment ça va à
Québecair. M. le Président, c'est un secret de polichinelle,
ça ne va pas très bien à Québecair. Comme c'est le
cas chez la plupart des transporteurs nord-américains et
européens, comme c'est le cas chez les membres de l'Association
internationale des transporteurs aériens, qui ont enregistré des
pertes combinées de plus de 2 000 000 000 $ en 1981 et, c'était
dans le journal aujourd'hui, on prévoit pour l'IATA des pertes de
l'ordre de 3 000 000 000 $ en 1982.
L'on m'objectera qu'Air Canada a réalisé un profit de 40
000 000 $. J'aimerais rappeler qu'en 1977 le gouvernement fédéral
a effacé une dette de 329 000 000 $ et qu'il a en plus consenti en
prêt de 305 000 000 $ au taux de 7,2% échéant en 1993. S'il
était capable d'offrir les mêmes conditions à
Québecair, M. le Président, je pense que ce n'est pas
nécessaire d'insister bien gros, que sur le fait, sans ces subventions
directes, indirectes, ces taux d'intérêt privilégiés
du gouvernement central, et ce ne serait pas réjouissant, Air Canada se
retrouverait elle aussi dans une situation déficitaire, ne pourrait pas
déclarer des profits mais déclarerait des pertes.
En fait, Québecair est soumise aux mêmes problèmes
que ceux qui assaillent toute l'industrie, entre autres la montée des
coûts de fonctionnement surtout du carburant, lequel représente
maintenant 42% des coûts totaux, alors que ce poste ne
représentait que 10% il y a à peine quatre ans; les taux
d'intérêt excessifs et le marasme économique
généralisé. Mais, à ces causes
générales, il faut ajouter deux causes spécifiques: la
première réside dans le déclin économique de la
côte nord, laquelle représentait une source importante de trafic
pour Québecair. L'autre consiste purement et simplement à la
concurrence déloyale que livre Air Canada sur le marché de Fort
Lauderdale à un transporteur régional, pour lequel tout ce qu'il
essayait de faire était de rentabiliser ses services dans l'ensemble, en
essayant de développer des activités rentables par du "charter"
et du vol ABC. S'il y allait de la survie d'Air Canada, M. le Président,
on pourrait comprendre une telle guerre des prix, mais ce n'est pas le cas ici,
et je m'insurge d'autant plus qu'en définitive, ce sont les
contribuables qui écopent de ces décisions d'Air Canada.
Pour conclure, M. le Président, il n'y a pas de doute que les
investissements consentis dans Propair et Québecair représentent
un aspect important de nos interventions dans le secteur aérien.
Cependant, la constitution d'un réseau aéroportuaire
adéquat, la défense des intérêts légitimes
des Québécois face aux instances fédérales sont
aussi d'une importance majeure, et je veux vous assurer, M. le
Président, que j'y apporte également toute l'attention et toutes
les énergies requises.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Brome-Missisquoi.
Argumentation M. Pierre J. Paradis
M. Paradis: M. le Président, brièvement, le
ministre des Transports a demandé au Conseil du trésor d'investir
15 000 000 $ dans la société Québecair. C'était un
choix qu'il avait l'autorité d'effectuer, comme ministre, c'était
une priorité qu'il a choisie. On connaît l'ensemble du circuit
routier du Québec surtout en milieu rural et semi-rural, il faudrait
peut-être qu'il vienne faire un tour dans nos comtés, pour
s'apercevoir que là aussi il y a des priorités et,
peut-être, après examen de notre circuit routier, se rendrait-il
compte que les priorités sont peut-être moins à se
garrocher dans les airs, pour utiliser une expression du ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, que sur terre. Le député de
Laporte a cité quatre motifs
qui ont présidé à cette décision du ministre
des Transports d'investir 15 000 000 $ de l'argent des contribuables du
Québec dans cette société aérienne qu'est
Québecair. (11 heures)
La première raison était la consolidation
financière de l'entreprise. Le ministre nous avoue bien candidement
aujourd'hui - sans le citer au texte, je reprends l'essentiel de ce qu'il a dit
- que cela ne va pas très bien, financièrement, à
Québecair, que c'est un secret de polichinelle; il nous livre un paquet
d'excuses et de raisons. Est-ce que le ministre est au courant que, sur les
quatre transporteurs aériens régionaux au Canada, il y en a trois
qui font des profits et un qui fait un déficit, soit Québecair?
Il nous a donné des motifs -si vous voulez prendre note de la question,
M. le ministre - de concurrence déloyale d'Air Canada sur les lignes
à Fort Lauderdale, etc. Lorsque Québecair fait de la concurrence
sur les lignes à Fort Lauderdale, comme contribuable au Québec,
cela sort de mes poches, des poches des gens qui m'ont élu et des poches
des gens qui vous ont élu, M. le ministre. Tantôt on entendait un
chiffre de 100 $ de subvention par billet d'avion pour aller dans le Sud par
Québecair.
Le ministre nous a donné une deuxième raison:
amélioration des services aériens pour les populations
régionales. Est-ce que, M. le ministre, ce service, depuis que vous avez
investi ces 15 000 000 $ et à cause de ces 15 000 000 $, est
réellement amélioré? C'est une question assez directe et
je vous demanderais d'y répondre aussi directement, si possible.
Un point très important, le 3e article pour lequel le ministre a
choisi d'investir 15 000 000 $ de l'argent des contribuables, c'était
pour que les francophones du Québec occupent une place qui leur revient
dans le domaine de l'aviation. Combien d'emplois ont été
créés à la suite de l'investissement de ces 15 000 000 $,
pour des francophones et pour des Québécois? Quelle est la place
qu'occupe dans la direction de Québecair la défense de la
francophonie ou du français? Est-ce que le ministre a pris connaissance
d'un article paru dans la Presse du mercredi 4 novembre 1981 et qui se lit
comme suit. Je cite au texte: "Pour la direction de Québecair, dont le
gouvernement du Québec est un actionnaire important - on l'a vu - il
semble bien que le français, langue officielle au Québec, demeure
une vue de l'esprit, du moins en ce qui concerne l'utilisation de la langue de
Molière dans ses opérations quotidiennes. En effet, selon les
informations obtenues par la Presse et de différentes sources, soit
syndicales ou par l'Association des gens de l'air, la direction a
carrément refusé d'accepter les requêtes de cinq de ses
pilotes en période de cours sur l'opération de Boeing 737, en
anglais seulement; il y a un an le syndicat des pilotes, qui est aujourd'hui
présidé par Robert Dufour, demandait à la direction de
Québecair que les pilotes puissent suivre ces cours de simulation de vol
en français. Cependant, il semble bien que la direction de
Québecair ait oublié ou décidé de ne pas demander
à la compagnie Nordair, qui donne ces cours, d'avoir un instructeur de
langue française. C'est pour l'une ou l'autre de ces raisons que les
cinq pilotes, en plus d'un superviseur de la compagnie, ont commencé
à suivre des cours uniquement en anglais à compter de lundi de
cette semaine. La période d'entraînement dure en moyenne un mois.
Québecair aurait tout simplement omis d'adresser une demande à
Nordair pour obtenir un instructeur pouvant s'exprimer en français. Si
cette situation était excusable il y a un an, lorsque la première
demande était adressée à la compagnie, elle ne l'est plus
maintenant, estime un pilote qui désire garder l'anonymat afin
d'éviter des représailles possibles. Ce dernier a même
souligné à la Presse que Québecair n'avait pas encore fait
traduire le manuel d'opération en français alors que la chose est
déjà faite à Air Canada. Il semble bien évident que
la compagnie Québecair ne tient absolument pas compte des dispositions
de la loi 101 qui fait du français la langue officielle au
Québec."
Sur ce point, les deux questions sont bien brèves. Combien
d'emplois pour les francophones ont été créés suite
à notre investissement collectif de 15 000 000 $? Au contraire, y a-t-il
eu, comme le député de Laporte l'a mentionné, une perte
d'emplois qui se chiffrerait aux alentours de 85? Est-ce que le ministre est au
courant de la politique linguistique de Québecair, telle que
rapportée dans le journal La Presse du mercredi 4 novembre?
Le quatrième point pour lequel le ministre a jugé
prioritaire, suivant sa déclaration, d'investir 15 000 000 $ de notre
argent à nous tous dans la compagnie Québecair, c'était
pour rationaliser le transport aérien dans le Nord-Est de
l'Amérique. Cela fait neuf mois, M. le ministre, que l'investissement
est fait, au bout de neuf mois on serait dû pour un accouchement. Est-ce
qu'il y a au moins signe de vie, est-ce qu'il y a au moins embryon que les
motifs, qui semblent justifiés à première vue, qui vous
ont poussé ou qui vous ont convaincu d'investir ces 15 000 000 $ ont
abouti à quelque résultat que ce soit au bout de neuf mois, aussi
précisément que cela, M. le ministre.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Michel Clair M. Clair: M. le Président, d'abord, je
pense que le député de Brome-Missisquoi, dans la toute
première partie de sa question lorsqu'il compare les routes et le
transport aérien, est injuste à l'égard des populations de
la Basse-Côte-Nord, des Îles-de-la-Madeleine et de la
Gaspésie. On ne peut pas uniquement investir dans le domaine routier,
avec le budget du gouvernement du Québec et du ministère des
Transports. Quand on pense à la Basse-Côte-Nord et à la
Moyenne-Côte-Nord, ces populations n'ont d'autre moyen de sortir de chez
eux que l'avion et je suis convaincu que le député, dans sa
question, ne voulait pas laisser entendre qu'on devrait négliger le
transport aérien au profit exclusif du transport routier.
M. Paradis: Vous avez parfaitement raison.
M. Clair: Le député de Brome-Missisquoi dit: II y a
trois transporteurs, trois autres transporteurs canadiens de second ou de
premier niveau qui font des profits. M. le Président, on peut les
prendre un par un. D'abord, Air Canada, transporteur national, la preuve est
faite avec la conversion de dettes en capital-actions, avec des prêts
à long terme à des taux d'intérêt réduits.
Changez cela, remettez à Air Canada les dettes qu'elle avait en 1978
quand la conversion a eu lieu, mettez-les aux taux d'intérêt du
marché auxquels Québecair est obligée de faire face, et le
profit d'Air Canada vient de fondre; c'est un déficit qu'on retrouve
à Air Canada.
CPR a annoncé des pertes de 20 000 000 $. On ne connaît pas
les chiffres en ce qui concerne Wardair, mais puisque Wardair fait face, sur le
Sud, à une concurrence aussi déloyale de la part d'Air Canada, on
se doute fort quelle est la situation chez Wardair, même si on n'a pas
d'indication précise, on sait qu'ils font face à des
difficultés eux aussi.
Pacific Western Airlines fait des profits; un gouvernement conservateur
a décidé, en 1974, devant l'indécision du gouvernement
fédéral, son incapacité de rationaliser le transport
aérien, de prendre le contrôle des compagnies aériennes de
sa région. Il les contrôle à 100% et parce qu'il est
capable justement d'infléchir le développement du transport
aérien dans l'Ouest du Canada, Pacific Western Airlines fait des
profits.
En ce qui concerne Nordair, qui a annoncé des profits de l'ordre
de 2 600 000 $, à cause de sa proche parenté avec Air Canada, les
échanges de services et, selon les informations que nous avons,
certaines dispositions d'actif, c'est-à-dire des profits extraordinaires
comme Québecair en avait fait l'année précédente
sur certaines dispositions d'actifs, encore là, on peut voir fondre le
profit de Nordair qui est, somme toute, assez minime.
En ce qui concerne Eastern Provincial Airways, j'avais tantôt les
chiffres exacts de subventions qui ont été accordées
à Eastern Provincial Airways; ce n'est pas 1 600 000 $, c'est
plutôt 1 200 000 $, ce qui vient considérablement garnir les
coffres d'une compagnie. D'autre part, le gouvernement de Terre-Neuve qui
détenait lui aussi, qui était intervenu dans le passé lui
aussi pour aider financièrement Eastern Provincial Airways a
procédé à certaines radiations au cours des
récentes années, ce qui contribue également à
rentabiliser une compagnie sans compter que le développement des
ressources maritimes, des ressources "offshore" dans les Maritimes a
certainement contribué à améliorer la performance
financière de ce transporteur aérien régional.
En ce qui concerne la participation du gouvernement du Québec
dans la consolidation financière de Québecair - et j'ai toujours
dit que l'investissement de 15 000 000 $ était un geste purement
défensif, un geste qui visait à empêcher que le
contrôle de ce transporteur aérien n'échappe
complètement au Québec, que le Québec soit
complètement absent, soit par des intérêts privés,
soit par des intérêts publics - si le gouvernement du
Québec n'était pas intervenu, avec une somme de 15 000 000 $, les
difficultés réelles dont faisait part tantôt le
député de Laporte en ce qui concerne, par exemple, le financement
de Boeing 737 auraient été beaucoup plus graves qu'elles ne le
sont présentement. Alors, je pense que si Québecair avait pu
évoluer dans les mêmes conditions que celles d'autres
transporteurs régionaux, l'investissement de 15 000 000 $ aurait pu
suffire pour rentabiliser Québecair.
En ce qui concerne l'amélioration du service aux régions,
comme je le disais tantôt, les difficultés économiques
vécues par la Côte-Nord - on a parlé de l'aviation de fer,
qui était la principale source de clientèle de Québecair
et de Régionair - le déclin économique de cette
région a nui considérablement à la rentabilité de
Québecair et de Régionair. Cependant, ce que cela a permis de
faire, l'investissement du gouvernement du Québec, cela a permis de
poursuivre dans la décision qui avait été prise avant
l'investissement des 15 000 000 $ du mois de juillet dernier, cela a permis de
poursuivre l'amélioration des équipements disponibles, puisque,
maintenant, il y a quatre Hawker Siddeley 748 qui ont été
complètement remis à neuf, "retapés", comme on dit, et qui
sont maintenant en service. Il y a eu des difficultés de départ
parce que, effectivement, il y a eu des difficultés en ce qui concerne
la certification des appareils, les pilotes, la mise en marche des
horaires,
mais, au moment où on se parle, en termes d'équipement, la
situation s'est considérablement améliorée.
En ce qui concerne Fort Lauderdale et Toronto, le député
de Brome-Missisquoi... C'est une opinion qui est assez répandue,
notamment sur la Basse-Côte-Nord, où on met en parallèle
des tarifs sur la Floride avec des tarifs de Blanc-Sablon et de Sept-Îles
vers Québec et Montréal. Quand je disais que Québecair
fait face à une concurrence déloyale de la part d'Air Canada, je
m'explique un peu là-dessus. Surtout avec les difficultés
économiques de l'Est et du Nord québécois, c'est
évident que le réseau Québecair est très difficile
à rentabiliser avec à peu près n'importe quel type
d'appareil que ce soit. Avant même que nous intervenions dans
Québecair, cette compagnie, afin d'essayer de développer un
marché lucratif, a commencé l'année dernière
à offrir un service de vols nolisés, de vols ABC, sur Fort
Lauderdale, même à partir de Québec, ce qui était
une première; Québecair était la seule compagnie à
desservir la région de Québec à partir de
l'aéroport de l'Ancienne-Lorette vers Fort Lauderdale.
La preuve que Québecair avait raison et qu'il était
possible de développer des opérations rentables - je n'ai pas le
chiffre exact, mais on pourrait certainement le trouver - Québecair,
l'an dernier, a réalisé 1 000 000 $ à peu près de
profits sur les vols ABC nolisés vers le Sud et espérait, avec
ces profits, être capable de continuer justement à maintenir,
à améliorer ses services sur le réseau. Or, que s'est-il
produit depuis ce temps? Air Canada qui effectivement a des moyens très
puissants, avec l'appui du gouvernement fédéral au niveau des
ententes bilatérales pour desservir telle ou telle région du
monde, a décidé de s'engager dans une lutte de concurrence
très vive avec Québecair et Wardair. Le ministre des Transports
de l'Ontario m'a souligné en privé, a souligné en public
que la politique pratiquée par Air Canada vers le Sud à partir de
Toronto et de Montréal vise exclusivement, à toutes fins utiles,
à faire perdre de l'argent à Québecair et à
Wardair.
Si quelqu'un ne voit pas cela, quelqu'un est aveugle, parce qu'il aurait
été possible de garder une place pour les transporteurs
régionaux. Est-ce que cela devrait se faire seulement les fins de
semaine, comme le suggérait le député de Laporte? C'est
certainement quelque chose à regarder. Est-il possible d'avoir un ou
deux appareils qui rentabilisent les opérations par des activités
de vols nolisés vers le Sud? C'est certainement à regarder
puisque Québecair a fait la preuve l'année dernière que
cela pouvait être intéressant.
Quand le ministre fédéral des Transports dépose une
politique de transport aérien pour l'ensemble du Canada, il prend bien
soin de ne pas parler de cette question. Il parle des vols à
l'intérieur du Canada, mais il prend bien soin de ne pas parler des vols
nolisés. Il n'y a pas le moindre élément de politique en
transport aérien pour les vols nolisés afin justement de laisser
le champ libre à Air Canada pour essayer de faire culbuter
Québecair et Wardair. (11 h 15)
En ce qui concerne la place faite aux francophones dans l'aérien,
c'est vrai qu'actuellement Québecair a dû procéder à
des mises à pied, mais, M. le Président, il faut bien comprendre
le contexte dans lequel on évolue présentement. J'espère
que cela ne tombe pas dans les oreilles du député de
Brome-Missisquoi comme des chiffres sans signification, que l'ensemble des
transporteurs aériens, l'année dernière, dans le monde
entier, ont perdu 2 000 000 000 $. Ce matin, si vous lisez le journal, alors
que Swissair, une des rares compagnies à annoncer des profits - il y en
a à peu près une dizaine dans le monde entier - on annonce
déjà que, pour 1982, les pertes seront de l'ordre de 3 000 000
000 $. Laker Air Services, M. le Président, a fait faillite; PAN AM a
vendu son siège social pour être capable de continuer à
voler. CP Air fait 200 mises à pied par 20 000 000 $ et on pense qu'on
pourrait, avec les circonstances dans lesquelles le gouvernement
fédéral force Québecair à fonctionner,
dégager des profits! Il faut être irresponsable pour penser cela.
Quand on voit l'attitude du gouvernement fédéral à
l'égard du dossier Québecair-Nordair, ses retards à
prendre des décisions en ce qui concerne la fusion de Québecair
et Nordair, M. le Président, je pense qu'on comprendra aisément
que ce ne soit pas facile actuellement pour les actionnaires et pour la
direction de Québecair.
En ce qui concerne la place aux francophones, si on regarde le portrait,
je pourrais citer des chiffres en détail, mais c'est tellement de
commune renommée, qu'avons-nous besoin de démontrer que, chez
Nordair, malgré des efforts qui ont été faits, et je les
reconnais, par M. Lizotte pour essayer d'améliorer la place des
francophones, malgré de petits efforts aussi qui ont été
faits chez Air Canada, la seule, l'unique compagnie aérienne qui ait
fait une très large place aux francophones dans le transport
aérien - c'est un fait qui ne se contredit pas, qui est de commune
renommée, connu quasiment du monde entier - cela a toujours
été Québecair.
Le député de Brome-Missisquoi pourra bien essayer de
monter en épingle tel ou tel document qui n'a pas encore
été transmis, qui n'a pas encore été traduit,
essayer de monter en épingle que, pour un pilote ou quatre ou cinq
pilotes francophones, Québecair n'a pas pu offrir un service en
français, mais il y a des questions de coût qui sont
rattachées à cela et on ne peut pas en même temps demander
à Québecair, qui est à 96% francophone...
M. Paradis: Si les millions servaient à celai
M. Clair: ... qui est la compagnie qui a la meilleure performance
sur ce point en plus, dans des contraintes économiques difficiles,
d'atteindre les 100%; 9,6 sur 10, c'est mieux que 1,5 et 0,5 sur 10, M. le
Président. Je pense qu'à ce point de vue on aurait eu tout
à perdre pour les francophones de laisser Québecair passer dans
le giron d'Air Canada.
M. le Président, le dernier point en ce qui concerne la
rationalisation du transport aérien, c'est le seul point sur lequel je
suis d'accord avec mon homologue fédéral, et cela fait des
années qu'on est d'accord, sur le fait qu'il faut, dans le Centre et
dans l'Est du Canada, procéder à une rationalisation des lignes
aériennes, faire des économies d'échelle en ce qui
concerne l'entretien, le type d'équipement à mettre en oeuvre,
mais c'est, je pense, le 6 novembre 1978 que le gouvernement
fédéral prenait l'engagement de revendre dans les douze mois
Nordair à des intérêts privés afin de
procéder à la rationalisation du transport aérien dans le
Centre et l'Est du Canada.
Jusqu'au 21 juillet 1981, cette parole a été trahie; elle
n'a pas été tenue. Le fédéral a reçu toutes
sortes de propositions en ce qui concerne la fusion Québecair-Nordair et
il s'est démenti constamment. Vous pourrez relire les journaux de
l'époque. Qu'est-ce qui a amené Provost, de Provost Corporation,
Hamel, la Société d'investissements Desjardins à investir
dans Québecair? c'est parce qu'ils avaient pris la parole du
fédéral disant que ce serait possible de fusionner
Québecair et Nordair. Jusqu'au 21 juillet 1981, le fédéral
a renié sa parole et non seulement il a renié sa parole, non
seulement il ne remettait pas Nordair à des intérêts
privés, mais il accaparait Québecair, à 100%, ce qui
était exactement le contraire de ce qu'ils avaient promis de faire.
Là, maintenant, le député de Brome-Missisquoi et le
député de Laporte vont venir essayer de faire croire à
l'opinion publique que si la fusion Québecair-Nordair n'a pas eu lieu,
comme Jean-Luc Pepin essaie de le laisser croire, c'est parce qu'on a investi
15 000 000 $. M. le Président, il y a une différence entre une
fusion justement négociée, équitablement
réalisée entre des intérêts ontariens et
québécois et l'imposition, la nationalisation de
Québecair, parce que c'était de ça qu'il s'agissait, le
gouvernement fédéral voulait nationaliser Québecair. Je
pense que, là-dessus, on croit davantage que le fédéral
à la rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada.
C'est la raison pour laquelle, malgré les déclarations
ambiguës que M. Pepin a faites à l'occasion du départ de M.
Lizotte de la direction de Nordair, en dépit des déclarations
ambiguës qui ont semé l'émoi, tant en Ontario qu'au
Québec, chez ceux-là qui croient encore à la
rationalisation du transport aérien dans l'Est et le Centre du Canada,
en dépit de ça, on continue à essayer de travailler
activement, au moment où on se parle, à la rationalisation du
transport aérien dans l'Est du Canada et dans le Centre du Canada.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, vous me permettrez, dans un
premier temps, de relever certaines des affirmations du ministre. On ne peut
quand même pas tout laisser passer comme ça, surtout que le
ministre a pris 40 minutes pour nous sortir sa salade et qu'il est très
frustrant d'entendre des allégations qu'on ne peut pas réfuter
parce qu'on ne veut pas interrompre le conférencier. Pour ce qui est de
Nordair, une société québécoise, contrairement
à ce que dit le ministre, dont le siège social est à
Montréal, dont le conseil d'administration est francophone, comme dit le
ministre on veut qu'elle reste ici...
M. Clair: On veut qu'elle reste.
M. Bourbeau: Le ministre sait fort bien que, dans le projet de
fusion, Nordair a offert d'acheter Québecair. Un des actionnaires
actuels de Nordair, c'est la Société d'investissement Desjardins;
le ministre oublie de le dire. La Société d'investissement
Desjardins était la société qui mettait l'argent dans
Nordair pour acheter Québecair, de sorte que la Société
d'investissement Desjardins aurait augmenté à 30% son
investissement dans Nordair. Première question, le ministre n'a pas
parlé de ça, tout à l'heure. Il ne parle que du
gouvernement du Canada...
M. Clair: Je peux y répondre tout de suite, M. le
Président.
M. Bourbeau: ... et d'Air Canada. Maintenant... Non, il n'en
n'est pas question, vous avez parlé...
M. Clair: Vous avez peur des réponses.
M. Bourbeau: Je ne suis pas pour vous donner un autre...
M. Clair: Vous ne la voulez pas la
réponse.
M. Bourbeau: M. le Président, vous comprendrez que, si je
laisse la parole au ministre, il va parler encore 20 minutes et je ne parlerai
pas avant qu'une heure arrive. Je connais le petit truc, on m'a avisé de
prendre mon temps pour parler, parce que, sans cela, je n'aurai plus le droit
de parole. D'ailleurs, ça fait 1 h 20 qu'on a commencé et j'ai eu
à peine quinze minutes pour parler.
Alors, c'est évident que Nordair est une société
québécoise. Quand on dit que Québecair serait
passée en des mains étrangères, ça nous fait rire.
D'autant plus, que le ministre...
M. Clair: ... M. le Président...
M. Bourbeau: ... le ministre sait fort bien, à part
ça...
M. Clair: Question de règlement.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le ministre.
M. Clair: Question de règlement, M. le Président,
le mot "étrangères", je n'ai jamais utilisé ce
mot-là.
M. Bourbeau: D'accord, M. le Président. Disons...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, le ministre n'a
peut-être pas, dans ses textes, dit le mot "étrangères"
mais on l'a vu dans des coupures de journaux. De toute façon, s'il ne
l'a pas dit comme tel, textuellement, je prends sa parole. Alors là, le
ministre sait fort bien que l'intention des parties - la SID, le Mouvement
Desjardins, et Air Canada -était, après la fusion de
Québecair et de Nordair, de faire une distribution des actions de la
nouvelle société au public en général. Le ministre
est au courant de ça, j'en suis convaincu.
Les actions de Nordair, de la nouvelle société, qui,
incidemment, ne se serait probablement appelée ni Nordair ni
Québecair, on avait en vue un nouveau nom, pour bien montrer que
c'était une nouvelle société, les actions de cette
nouvelle société auraient été, en partie,
redistribuées au public en général, de sorte que tous les
Québécois auraient pu, en plus du Mouvement Desjardins, faire
l'acquisition d'intérêts dans la nouvelle société.
C'est tout à fait différent de ce que tente de nous faire croire
le ministre.
Maintenant, revenons à la situation actuelle des transporteurs
aériens. Il est évident qu'il y a des problèmes dans le
transport aérien. Il y a des sociétés internationales qui
font des profits, il y en a d'autres qui font des pertes. Il ne faut quand
même pas mélanger les pommes et les oranges. Quand le ministre
vient parler des déficits du Canadien Pacifique et des profits d'un
transporteur régional, il ne faut quand même pas mêler
ça. Il y a des transporteurs nationaux, au Canada. Il y en a deux. Il y
a Air Canada et il y a Canadien Pacifique. Ce sont des compagnies qui font des
vols en Europe, à l'étranger et dans d'autres pays outre-mer, et
qui ont également des vols à l'intérieur du Canada, sur
des lignes importantes, sur de longues distances.
En second lieu, il y a des transporteurs qu'on appelle régionaux,
il y en a quatre: dans l'Est, dans les Maritimes, Eastern Provincial Airways;
au Québec, il y a Québecair; encore au Québec, il y a
Nordair qui dessert également l'Ontario, et finalement, dans l'Ouest
canadien, il y a Pacific Western.
Ensuite, de troisième niveau, il y a les transporteurs locaux,
des petits transporteurs qui oeuvrent un peu partour à travers les
régions. Il y également des sociétés qui font du
charter ou de l'affrètement et le ministre parlait tout à l'heure
de Wardair qui a des problèmes. Ce qu'il faut dire, c'est que, dans le
domaine de l'affrètement, dans le domaine du charter, il y a de
sérieux problèmes pour tous ceux qui en font parce que,
actuellement, les transporteurs transportent les touristes à des
coûts nettement inférieurs aux coûts des transporteurs.
C'est pour ça que Lakers Airways a des problèmes, comme le disait
le ministre, tout à l'heure; c'est pour ça que Wardair a des
problèmes et c'est pour ça que Québecair a des
problèmes parce que Québecair fait du charter en bas de son prix
coûtant.
Je maintiens mon affirmation que ça coûte 100 $
aller-retour, au Québec, à chaque fois qu'un touriste prend
Québecair pour se rendre en Floride, de telle sorte que les 15 000 000 $
du gouvernement servent en grande partie à subventionner les
Québécois qui s'en vont en Floride à raison de 100 $ du
voyage. Évidemment, les charters ne font pas d'argent. Ce qu'on doit
dire, c'est qu'il y a une façon de faire de l'argent avec le charter et
c'est ce que font Air Canada, Delta Airlines, Eastern et les grosses
compagnies. Sur leur vol régulier, où ils vendent des billets au
prix normal, quand il y a des places libres, ils prennent un certain nombre de
sièges, 10% ou 15%, et ils les mettent en vente comme charters à
des taux, évidemment, très compétitifs, des taux qui
souvent sont en bas de leur coût normal, mais qui font que, pour eux,
c'est un profit additionnel que, de toute façon, ils n'auraient pas si
ces sièges étaient vides. Cela est une façon intelligente
de faire du charter et
c'est ce que font les grands transporteurs internationaux.
Or, si Québecair utilisait ses Boeing 737 à des moments
où elle n'en a pas besoin, comme pendant les fins de semaine, par
exemple, alors qu'ils ne sont pas utilisés, ce serait différent.
Mais, faire du charter à tous les jours, c'est un suicide parce que
ça coûte 100 $ de plus que chaque billet qu'on vend. C'est
là qu'est le problème. Quand le ministre dit qu'Air Canada fait
une concurrence, Air Canada ne fait que remplir ses vols réguliers avec
des billets charter, c'est la politique, alors que Québecair utilise ses
avions à temps plein sur le charter. D'ailleurs, Wardair fait la
même chose et c'est la raison pour laquelle elle a des problèmes.
La solution est d'augmenter les tarifs des charters.
Maintenant, M. le Président, si vous voulez, nous allons passer
à un problème important, je pense, le problème de l'achat
de Québecair, par le gouvernement, en juillet 1981. En juillet 1981, le
gouvernement décide d'investir 15 000 000 $ dans Québecair.
M. Clair: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le ministre des Transports.
M. Clair: Le député de Laporte a la même
formation que moi et les documents qui ont été rendus publics
sont suffisants pour démontrer que le gouvernement du Québec n'a
pas acheté Québecair.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, si vous restez avec nous
jusqu'à la fin du débat, vous comprendrez que le gouvernement du
Québec a bien acheté Québecair.
Alors, M. le Président, le gouvernement du Québec investit
15 000 000 $ dans Québecair en juillet 1981. Que s'est-il passé?
Normalement, on penserait que 15 000 000 $ se sont retrouvés dans le
fonds de roulement de la compagnie. Or, ce n'est pas exact. Le gouvernement du
Québec a remis, payé, aux actionnaires de Québecair, soit
à M. Alfred Hamel, Expeditex, SID et la Corporation Provost qui sont les
actionnaires, une somme de 4 500 000 $ pour les rembourser du coût de
leurs actions privilégiées. Alors qu'est-il resté? Dans
Québecair, il est resté la différence, c'est-à-dire
15 000 000 $ moins 4 500 000 $, soit 10 500 000 $, dans le fonds de roulement
de la compagnie.
Maintenant, il y a également quelque chose d'autre qui s'est
passé. Tout à l'heure, le ministre a dit, je pense, que le
gouvernement a garanti le paiement des Boeing 737. N'y a-t-il pas eu une
garantie de donnée? Est-ce que le ministre n'a pas garanti la dette des
Boeing 737? Pas du tout. Enfin, on pourra vérifier, je pense que le
ministre devrait peut-être se renseigner un peu.
M. Clair: Non, M. le Président.
M. Bourbeau: Pardon. Il n'y a aucune garantie donnée par
le gouvernement du Québec sur les Boeing. Est-ce que le gouvernement
entend garantir les Boeing 737 quand ils vont être livrés? Pas du
tout. Le ministre nous fait signe que non, nous prenons sa parole. (11 h
30)
Au moment de l'achat, de l'investissement de 15 000 000 $ dans
Québecair, le gouvernement a également fait un cadeau de 300 000
$ au président de Québecair, M. Alfred Hamel. La raison
invoquée pour ce cadeau de 300 000 $ qui n'a jamais été
déclaré par quiconque, c'est qu'on se serait assuré, et je
parle de mémoire, que M. Hamel demeure. On voulait être sûr
qu'il demeure dans la société, qu'il garde une position
majoritaire, de façon à pouvoir éventuellement
négocier certains prêts de la compagnie. Or, si on regarde les
bilans de Québecair, on se rend compte que la plupart des emprunts de
Québecair sont des prêts à long terme; par exemple, les
débentures qui existent depuis que M. Hamel a acheté, depuis
1979, avec Imperial Trust, par exemple, parce que c'est un des prêts
qu'on parle de renégocier; eh bien il s'agit d'un prêt qui, selon
le bilan même de la compagnie...
M. Clair: M. le Président, à ce stade-ci je
voudrais publiquement mettre le député en garde. Il s'aventure
sur un terrain qui est très dangereux. Je constate par les propos qu'il
tient qu'il a entre les mains la convention entre actionnaires qui est
intervenue en juillet dernier; cette convention qui est intervenue entre
actionnaires privés et le gouvernement, le ministre des Transports comme
actionnaire, contient effectivement des dispositions...
M. Bourbeau: Une question de règlement, M. le
Président.
M. Clair: M. le Président.
M. Bourbeau: Une question de règlement. Je dois m'opposer
à ce que dit le ministre. Le ministre affirme que j'ai en main une
convention privée. Le ministre n'a aucune preuve et je le mets au
défi de prouver que j'ai en main la convention. Si le ministre ne peut
pas le prouver, tout le reste de son argumentation ne vaut absolument rien.
M. Clair: Alors, M. le Président, je ne peux pas le
prouver. Je dis simplement que les renseignements qu'il possède
sûrement, puisqu'il s'aventure sur des questions d'intérêts
purement privés entre une personne qui, un jour, a pris le
contrôle de Québecair, à certaines conditions, qui
aujourd'hui a toujours le contrôle de Québecair, qui a
contracté des obligations à l'égard de 1848 Inc. M. le
Président, tout ce que je dis, c'est que le député de
Laporte risque par ses propos de nuire à des intérêts
purement privés et, s'il veut le faire, qu'il en assume pleinement la
responsabilité.
M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Sur la question de
règlement. Le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Nous prenons bonne note des propos du ministre des
Transports et de sa mise en garde. Il s'agit quand même, et le ministre
sera d'accord avec le député de Brome-Missisquoi
là-dessus, de fonds publics de 15 000 000 $. Ce que le
député de Laporte est en train de faire présentement c'est
de donner la ventilation, devant les membres de l'Assemblée nationale du
Québec, des 15 000 000 $ une fois qu'ils ont quitté le
trésor québécois. On a vu, à la suite des
révélations qu'il nous a faites, qu'il y avait 4 000 000 $ qui ne
s'étaient pas retrouvés dans le fonds de roulement de
Québecair. Il nous parle présentement de 300 000 $ qui
n'étaient pas là. Il s'agit de fonds publics, M. le ministre, qui
ont été dépensés. Si vous les avez bien
dépensés au profit de la collectivité
québécoise, il n'y a rien qui puisse mettre en péril
l'entreprise privée. Il y a peut-être là quelque chose qui
peut mettre en péril, par la façon de dépenser, le
gouvernement du Québec, par exemple.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, sur la question de
règlement le député de Laporte, là où il
était rendu, il n'était pas sur les investissements du
gouvernement du Québec, mais sur des relations d'affaires, une
convention, des prêts qui ont été consentis avant
même que le gouvernement du Québec intervienne dans
Québecair, et ça fait appel à des relations qui concernent
soit M. Hamel personnellement ou Expeditex Inc. Comme je le dis, M. le
Président sur des questions comme: Où sont allés les 15
000 000 $? je n'ai aucune difficulté à répondre. Mais, si
le député veut aller dans les affaires privées de
Québecair, d'Alfred Hamel ou d'Expéditex Inc., c'est sa
liberté de parlementaire de profiter de l'immunité parlementaire
dont il dispose pour nuire à des gens.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je peux dire au ministre des
Transports que je ne suis pas particulièrement impressionné par
les menaces qu'il me fait; quand même je suis prêt à dire
ceci: J'affirme de mon siège de député...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît,
j'aimerais à ce stade-ci que vous preniez conscience de ce que vous
dites ici à l'Assemblée nationale.
M. Bourbeau: Je vous soumets respectueusement, M. le
Président, qu'à mon âge, j'ai conscience de ce que je
dis.
J'affirme, de mon siège de député, pour faire
plaisir au ministre, que je n'ai pas en main la convention en question et que
je ne l'ai jamais vue. J'espère que le ministre va être satisfait
de ma parole.
M. Clair: C'est sa parole.
M. Bourbeau: M. le Président, au moment où le
ministre m'a interrompu d'une façon importune tout à l'heure,
j'étais non pas en train de parler de la convention et d'exhiber la
convention, mais d'exhiber les bilans les états financiers de
Québecair. Je pense que c'est un document qui a largement circulé
dans la population, étant donné qu'il y a environ 130
actionnaires dans la compagnie. Le ministre me fera confiance que, sur les 130,
j'en connaissais peut-être un ou deux, et pas parmi les plus gros, mais
plutôt parmi les plus petits. Le ministre sait qu'il y a 125 petits
actionnaires au Québec, dont le ministre ne s'est pas du tout
préoccupé lorsqu'il a décidé d'investir ou
d'acheter les actions de Québecair.
Les bilans de Québecair nous montrent quel est l'état de
la dette à long terme de Québécair. Quand on regarde non
pas la convention, comme s'en plaignait le ministre, mais les bilans de
Québecair, on se rend compte que les dettes de Québecair sont
à long terme. Le premier emprunt, la fameuse débenture due en
1990, les taux d'intérêt sont de 6%, 7% et 8% sur quinze ans. Ce
n'est certainement pas ce prêt que vous avez demandé à M.
Alfred Hamel de vous renégocier et ce n'est certainement pour cela que
vous lui avez payé 300 000 $. Il y a un autre prêt de 2 239 000 $
échéant en 1990. Je ne pense pas qu'on va renégocier un
prêt comme celui-là au taux d'aujourd'hui alors qu'on a un
prêt jusqu'en 1990.
Un autre prêt de 6 238 000 $ est remboursable également en
1990. Un autre de 6 046 000 $ au taux LIBOR plus 1%, est
remboursable en vingt versements semi-annuels, un autre à dix
ans. Il y en a comme cela...
M. Clair: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): Oui.
M. Clair: Est-ce que le député accepterait la
responsabilité qu'éventuellement ces prêts dont
bénéficie présentement Québecair ne puissent
continuer à être à l'avantage de Québecair de par sa
propre responsabilité?
M. Bourbeau: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Le ministre n'arrête pas de m'interrompre, je
sais qu'il n'aime pas ce que je suis en train de lui dire, mais je dis que
l'ensemble du financement de Québécair est présentement un
financement à long terme...
M. Clair: On veut continuer à s'assurer qu'elle le
garde.
M. Bourbeau: En conséquence, on ne voit pas pourquoi on
avait besoin des services de M. Alfred Hamel, pourquoi on avait besoin de lui
payer 300 000 $ en prime, le 1er juillet dernier, pour aller renégocier
des prêts. Étant président de la compagnie, c'est justement
son travail de voir à renégocier les prêts de la compagnie
et d'administrer la compagnie. Au surplus, le gouvernement peut, beaucoup plus
que n'importe quel individu, négocier des prêts. Je
prétends, j'affirme que ce montant de 300 000 $ qui a été
payé à M. Alfred Hamel, en cadeau, lors de la prise de
contrôle ou lors de l'achat par le gouvernement des actions
privilégiées, n'était vraiment pas une somme d'argent
versée a M. Hamel dans le but de renégocier des prêts.
Qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-là? M. le
ministre nous a fait état tout à l'heure de l'investissement du
gouvernement dans Propair, qui est maintenant une filiale de Québecair,
Québecair détenant 50% des actions de Propair. Propair est le
résultat d'une fusion, comme le ministre l'a dit, entre Air Fecteau et
La Sarre Air Service. Or, Air Fecteau était une filiale de
Québecair qui devait à Québecair tout près de 3 000
000 $ sur un billet promissoire. C'était une filiale qui n'avait
réellement aucune valeur puisqu'elle faisait des pertes. La
dernière année d'opération d'Air Fecteau, il y avait des
pertes d'opération et le bilan de la compagnie était
déficitaire, forcément, puisqu'elle devait tout près de 3
000 000 $ à sa compagnie mère, Québecair. Qu'est-ce qu'a
fait le gouvernement? Il a injecté au-delà de 3 000 000 $ dans
Propair pour lui permettre de rembourser la dette de 2 850 000 $ à
Québecair, alors que la compagnie ne valait rien, à toutes fins
utiles. Le gouvernement a donc payé 3 000 000 $ trop cher pour ce qui ne
valait à peu près rien, uniquement pour permettre à la
compagnie de renflouer Québecair de 3 000 000 $. Je pense que c'est
clair, on se comprend. Si le ministre s'imagine que j'ai encore fouillé
dans des documents ultra-confidentiels, il n'a qu'à regarder les
états financiers de la compagnie, c'est indiqué. Je peux le lire
au ministre, s'il le veut. On va sortir les bilans. On va prendre le temps de
prouver ce qu'on avance.
Les notes au bilan de l'année 1979 que j'ai devant moi disent
ceci: Dans le cadre de la fusion des compagnies aériennes de
troisième niveau dans le Nord-Ouest québécois, la
compagnie Québecair a signé un protocole d'entente relativement
à la vente de son placement dans Air Fecteau pour une somme de 150 000
$. Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a eu 150 000 $ pour les actions, donc
150 000 $, plus 2 850 000 $, cela fait 3 000 000 $ et l'acquisition de 750 000
$ de 50% du capital-actions d'une compagnie à être formée,
Propair.
Alors, on dit ceci: La transaction, lorsque complétée,
permettra à la compagnie Québecair d'obtenir le remboursement de
l'avance due par Air Fecteau de 2 850 000 $ et de réduire le
déficit consolidé. C'est une condition, pour la transaction, que
la compagnie Québecair soit remboursée de ses 2 850 000 $; ce
sont les bilans de l'année 1979. Or, en 1980 - si on regarde le bilan de
1980 - on se rend compte qu'effectivement cela s'est passé ainsi. On dit
ceci: Le contrat de vente de ces actions stipule...
M. Clair: Et après?
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Bourbeau: Après, donc le ministre vient de confirmer
que c'est exact, j'en suis heureux. Cela confirme une chose, c'est que,
lorsqu'on dit que le gouvernement a investi 15 000 000 $ dans Québecair,
ce n'est plus vrai. À ce jour, le gouvernement a investi 18 000 000 $
parce que le prix qu'il a payé pour Air Fecteau c'était 3 000 000
$ alors que cela valait zéro; le seul but c'était de rembourser
Québecair de ses 3 000 000 $.
Maintenant, la convention dont le ministre faisait état tout
à l'heure stipule également - bien que je n'en aie pas copie, je
l'ai dit au ministre - qu'en juillet 1983 le gouvernement s'était
engagé à payer aux actionnaires de Québecair une autre
somme de 3 000 000 $. Évidemment, comme on n'a
pas les chiffres précis, on marche par déduction; le
ministre ne veut pas donner les chiffres, il prétend que c'est une
société privée. Mais, selon les informations qu'on a pu
glaner ici et là, il semble que c'est un peu plus de 3 000 000 $ que le
gouvernement s'est engagé à payer encore aux actionnaires de
Québecair vers le fin de juillet 1983, peut-être le 1er août
1983. Ce qui veut dire qu'effectivement le gouvernement aura payé, en
juillet 1983, aux actionnaires 4 500 000 $ l'an dernier, 3 100 000 $ l'an
prochain, plus 300 000 $ à M. Alfred Hamel, ce qui fait grosso modo pas
tellement loin de 8 000 000 $.
Or, ces actions-là, toujours selon nos renseignements, ont
été payées 4 900 000 $, en 1979, par M. Alfred Hamel. Il
les a achetées de la famille Webster; il en a revendu une partie
à ses associés le Mouvement Desjardins et la corporation Provost.
Finalement, le gouvernement du Québec est intervenu l'été
dernier pour racheter le tout - en partie l'été dernier, et on
terminera l'achat l'été prochain - et il va payer grosso modo 7
800 000 $, 7 900 000 $, cela dépend si on inclut ou non le cadeau. Cela
veut dire que sur une période de deux ans les actions de
Québecair auront rapporté un profit de 2 500 000 $ aux
actionnaires en général. Moi, je n'ai rien contre les profits, au
contraire, mais ce que je me dis, ce que les Québécois vont se
dire quand ils vont apprendre cela, c'est: Est-ce qu'il est raisonnable qu'une
société qui fait des pertes continuellement depuis trois ans, qui
montre continuellement des pertes dans ses opérations... Là on
pourra dire qu'il n'y a peut-être pas eu des pertes l'an dernier. On
viendra au bilan de 1980, je vous prouverai qu'il y a eu des pertes l'an
dernier aussi. Alors, c'est une société qui fait des pertes
continuellement. Est-ce raisonnable que le gouvernement ait accepté de
payer un profit sur les actions? Non seulement le gouvernement a
remboursé en totalité les actionnaires, mais en plus de cela il
leur a payé un profit et des cadeaux.
Il y a dans Québecair des petits actionnaires, il y en a 125, des
gens qui sont actionnaires de Québecair depuis les débuts de la
compagnie en 1945, 1946, 1947, des petits investisseurs québécois
qui ont mis de l'argent au tout début de la compagnie, et qui ont en
tout environ 7% du capital-actions. Ces actionnaires n'ont jamais touché
au cours des années un seul cent de dividende sur leur investissement.
Quand Nordair avait fait une offre, elle avait offert équitablement de
payer le même prix aux petits actionnaires qu'aux gros. Or, je voudrais
savoir du ministre si également il a fait une offre pour acheter les
actions des petits actionnaires de Québecair à 2,25 $...
M. Clair: ... savoir...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Bourbeau: ... comme les autres. On voudrait savoir si le
ministre va s'occuper des petits actionnaires de Québecair et non pas
faire comme ils ont fait dans l'amiante ou ailleurs, laisser les petits pour ne
s'occuper que des gros. (11 h 45)
En général, M. le Président, c'est à peu
près ce qui s'est passé l'été dernier. J'aimerais
que le ministre nous confirme l'essentiel de ce que je viens de dire,
étant donné que c'est lui qui détient les secrets de la
compagnie, étant donné, comme il le dit si bien, que c'est une
compagnie privée et que, pour nous, de l'Opposition, il est très
difficile d'avoir des renseignements sur Québecair.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, d'abord, sur la question des
vols vers le Sud, encore une fois, le député de Laporte dit: Les
grands transporteurs font du nolisé la fin de semaine seulement. Je
voudrais juste prendre un exemple: Québec-Fort-Lauderdale, un
marché qui a été développé exclusivement,
à l'origine, par Québecair qui, au début, l'a desservi
seulement les fins de semaine et qui a développé un marché
rentable. Alors que, jusqu'à cette année, Air Canada ne
desservait pas Fort Lauderdale à partir de Québec; elle le
dessert maintenant tous les jours avec un DC 9.
M. le Président, si ce n'était pas une stratégie
pour essayer de nuire, qu'est-ce que cela pouvait bien faire à Air
Canada que Québecair essaie de développer un marché
rentable pour lui permettre de faire des profits entre Québec et Fort
Lauderdale où elle a eu un taux d'occupation qui frisait les 90%
l'année dernière, où encore cette année le taux
d'occupation est d'à peu près 84%, si ma mémoire est
bonne? Voulez-vous bien m'expliquer la raison pour laquelle Air Canada est
venue, avec la puissance financière qu'on lui connaît, desservir
Fort Lauderdale à partir de Québec alors que Québecair
était capable de le faire et aurait pu le faire d'une façon
rentable?
M. le Président, c'est vrai que c'est plus rentable de faire du
nolisement seulement la fin de semaine avec des types d'appareils. C'est vrai
qu'Air Canada peut, à cause de son nombre d'appareils et de ses
nombreuses lignes - c'est très bien qu'elle le fasse ainsi - assurer une
meilleure rentabilité de leurs opérations en faisant du
nolisé, de l'ABC, en ajoutant toutes sortes de programmes pour essayer
de rentabiliser. Je
n'ai aucune objection à cela. On ne vise pas à faire en
sorte qu'Air Canada soit une compagnie qui ne soit pas profitable. On n'a pas
intérêt à cela comme Québécois, aucunement.
Cependant, il me semble qu'il n'y a pas juste Air Canada qui a le droit de
vivre. Que ce soit au niveau de la politique aérienne du gouvernement
central, que ce soit au niveau des décisions de concurrence prises par
Air Canada, tout nous porte à conclure que, dans l'opinion du
gouvernement fédéral, du ministère fédéral
des Transports, le droit de vivre et de faire des profits, c'est bon pour Air
Canada, mais ce n'est pas bon pour les autres.
M. le Président, c'est un fait indéniable que
Québecair avait développé seule son marché de Fort
Lauderdale à partir de Québec et qu'Air Canada est venue
s'installer pour essayer de lui faire une concurrence très vive.
M. le Président, on peut ajouter également que
Québecair actuellement demande une ligne régulière sur
Fort Lauderdale pour faire la même chose qu'Air Canada, mais cela n'a pas
été dans les ententes bilatérales qui sont
négociées par le gouvernement fédéral. Cela n'a pas
été retenu jusqu'à maintenant.
M. le Président, j'ai beaucoup de difficulté à
comprendre la position du député de Laporte dans la transaction
qui a eu lieu en juillet dernier. Je dis et j'affirme de mon siège que
les offres que nous avons faites aux actionnaires de Québecair
étaient basées sur le modèle même des offres qui
étaient faites par Air Canada pour la même compagnie, pour les
mêmes actionnaires. Je dirai même plus, l'offre que nous avons
faite est moins avantageuse pour les actionnaires de Québecair que celle
qui était faite par Air Canada. Je vais déposer un
télégramme en date du 20 juillet 1981, qui avait
été adressé, par hasard ou par volonté - on ne le
saura jamais - par Jean Douville, aujourd'hui président-directeur
général de Nordair à l'honorable Bernard Landry, comme
s'il avait été actionnaire de Québecair. Je le lis, c'est
une copie qui était adressée à M. Landry. "Pour faire
suite à l'offre de Nordair d'acheter Québecair que vous avez
reçue et pour répondre aux demandes additionnelles que vous avez
formulées, je désire vous informer comme suit: "a) le prix pour
les actions ordinaires que vous détenez sera de 2,25 $ par action, tel
qu'offert aux autres actionnaires; le prix par action privilégiée
sera de 100 $ par action."
Si le député de Laporte affirme qu'on a payé trop
cher, comment se fait-il que, l'automne dernier, lui et le chef de son parti
ont déclaré que cette offre de Nordair était parfaitement
acceptable, qu'elle était correcte dans les circonstances, que
c'était équitable et je ne sais trop quel autre terme a pu
être employé très exactement? Comment se fait-il que, quand
Air Canada et Nordair font une offre aux actionnaires de Québecair, que
le gouvernement du Québec fait une offre identique mais moins
avantageuse, le député de Laporte vire sur un "dix-cents", change
d'opinion et que ce qui était bon pour Air Canada et Nordair n'est pas
bon pour le gouvernement du Québec quand il ne peut pas nier que les
intérêts québécois étaient en cause dans
cette affaire? "Le prix pour les actions ordinaires que vous détenez
sera de 2,25 $ par action, tel qu'offert aux autres actionnaires; le prix par
action privilégiée sera de 100 $ par action." M. le
Président, je l'ai déjà dit, nous avons
procédé au moment de cet investissement au rachat des actions
privilégiées aux mêmes conditions que celles qui
étaient offertes par Air Canada-Nordair.
En ce qui concerne le prix des actions ordinaires, nous n'en avons
racheté aucune; nous avons cependant pris des engagements à terme
en ce sens que, lorsqu'une période de temps déterminée se
sera écoulée, la compagnie 1848 Inc., une fois les actions
privilégiées converties, pourra racheter au moins deux ans plus
tard ces actions au même prix. En valeur actualisée. Alors que les
actionnaires auraient pu bénéficier de 2,25 $ l'action sur le
champ, au mois de juillet 1981, ils ont accepté de laisser leurs actions
dans Québecair pour une période déterminée,
étant à peu près convaincus qu'il n'y avait que peu de
chance que, dans un aussi court délai avec l'indécision du
gouvernement fédéral, on parvienne à payer des dividendes
sur les actions. Ils ont accepté de laisser leur investissement en
actions ordinaires dans Québecair, ce qui fait que l'offre que nous leur
avons faite était moins avantageuse, puisqu'ils avaient le choix entre
2,25 $ pour les actions ordinaires tout de suite et 2,25 $ dans au moins deux
ans pour une période de temps déterminée que tout le monde
s'était donnée, les actionnaires de Québecair et le
gouvernement, pour essayer d'en venir à une entente avec le gouvernement
fédéral quant à la fusion de Nordair.
M. le Président, si on actualise 2,25 $ en 1983, cela fait
à peu près 1,70 $ l'action. Comment le député de
Laporte peut-il dire en même temps que l'offre d'Air Canada-Nordair
était raisonnable - cela a été rapporté dans les
journaux - comme il l'a laissé entendre dans ses questions tantôt,
et trouver à redire sur la transaction qui a été faite
l'été dernier pour sauver le dernier transporteur aérien
québécois de la mainmise du gouvernement fédéral?
Pendant que le député de Laporte cherche à prendre
conseil, parce que ce que je lui dis le désarçonne...
M. Bourbeau: Cela va très bien.
M. Clair: ... je voudrais continuer la lecture du
télégramme en question. "Vous pourrez siéger au conseil
d'administration et agir comme conseiller auprès du président de
Nordair pour une période de trois ans à un salaire de 100 000 $
par année." M. le Président, je vais vous dire en termes assez
simples et assez crus ce qu'Air Canada proposait. C'est bien connu que je ne
connaissais même pas M. Alfred Hamel quand je l'ai rencontré en
juin dernier, que M. Hamel n'est pas un allié du gouvernement du Parti
québécois, qu'il est un homme qui a bâti une entreprise de
camionnage dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord et qui, un
jour, a pris la parole des fédéraux sur le fait qu'ils
revendraient Nordair à des intérêts dans lesquels les
intérêts québécois seraient largement
présents. Il leur a fait confiance, M. le Président, il a
accepté d'investir dans Québecair et d'en prendre le
contrôle. En juillet dernier, qu'est-ce qu'on lui fait, à M.
Hamel? Qu'est ce qu'on a dit à M. Alfred Hamel? On a dit: On ne veut
tellement pas te voir comme camionneur québécois dans
l'aérien qu'on est prêt à te payer 100 000 $ par
année, pendant trois ans, pour que tu restes chez toi à attendre
un coup de téléphone au cas où on aurait besoin de toi.
C'était ça la place qu'on proposait au francophone Alfred Hamel
dans la nouvelle compagnie Nordair-Québecair fusionnée.
C'était lui dire: Pour se débarrasser de toi, on va te donner 100
000 $ par année, pour être bien sûr qu'il n'y aura plus
jamais de Québécois comme toi qui vont venir essayer de prendre
une place dans le transport aérien au Québec.
Qu'est-ce qu'on a fait, nous? On faisait face à une proposition
comme celle-là. Moyennant un certain nombre de conditions, le
gouvernement du Québec a accepté de payer une prime, qui
équivaut à 300 000 $, pour les circonstances et les raisons
suivantes. La première, je viens de la citer. C'est qu'Air Canada
était prête à donner 100 000 $ par année à M.
Alfred Hamel pour s'en débarrasser. Il avait donc une offre
précise entre les mains. Deuxième raison, en 1977, après
que le gouvernement fédéral eût permis au gouvernement de
l'Alberta de prendre le contrôle des transporteurs aériens
régionaux dans l'Ouest du Canada, il a adopté une loi interdisant
au gouvernement du Québec de faire la même chose. Deux poids, deux
mesures, M. le Président. Le fédéral a mis dans la loi de
l'aéronautique -si le député de Laporte ne l'a jamais lue,
j'en ai une copie, je pourrais la lui donner -il a mis dans une loi une
interdiction à tout gouvernement de province - et ça ne visait
que le gouvernement de Québec - de prendre le contrôle d'une
compagnie aérienne sans quoi il menace de lui retirer les permis de
vol.
Québec n'avait donc pas le choix, là non plus. Il fallait
que M. Alfred Hamel conserve le contrôle de la compagnie, afin de pouvoir
répondre aux exigences de la loi fédérale sur
l'aéronautique. On a donc payé, pour cela, à cause de la
décision du gouvernement fédéral, une prime, en ce qui
concerne les actions de M. Hamel. Troisième raison - c'est là que
j'ai mis en garde tantôt le député de Laporte - le
député de Laporte fait état de prêts très
avantageux dont bénéficie Québecair. Le
député de Laporte doit savoir que, comme dans n'importe quelle
autre transaction, quand on détient des prêts à des taux
d'intérêt avantageux, il y a généralement des
conditions particulières d'attachées à cela. Les
conditions dans lesquelles M. Hamel et Québecair ont pu financer la
prise de contrôle de Québecair en 1979 ne concernent que les
actionnaires de Québecair et leurs prêteurs. Là-dessus,
aussi M. Hamel a contracté des engagements en ce qui concerne des
prêts intéressants qui ont été consentis à la
compagnie Québecair ou à lui-même personnellement, sans
préciser. Une chose est certaine, c'est qu'à comparer l'offre que
nous faisions à M. Alfred Hamel, nous lui avons proposé de garder
le contrôle de la compagnie Québecair et, parce qu'il a
accepté de le garder, une prime a été payée sur ses
actions et, de l'autre côté, on lui offrait 300 000 $ pour le
sortir du transport aérien. Et bien, si le député de
Laporte veut essayer de monter cette affaire-là en épingle, je
pense qu'il va avoir une pente à remonter par rapport à bien des
gens dans l'opinion publique. (12 heures)
M. Paradis: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Le ministre a affirmé qu'il avait offert
à M. Hamel de conserver la direction de Québecair. J'attire
l'attention du ministre sur une déclaration de son superministre au
marasme économique, Bernard Landry, qui, dans le Devoir du samedi 25
juillet 1981, une semaine après l'offre d'achat de Nordair, disait ce
qui suit: "Mais si la situation l'exige, le gouvernement pourra convertir ses
actions en actions ordinaires et ainsi détenir 87% des
intérêts; Québecair pourrait donc éventuellement
être nationalisée."
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, ça ne contredit pas du
tout ce que j'ai dit dans le communiqué de presse...
M. Bourbeau: Question de règlement, M.
le Président.
M. Clair: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le ministre...
M. Bourbeau: Question de règlement le premier, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): deuxième.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai demandé une
question de règlement en premier.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le député de Laporte, et aussi question de règlement,
M. le ministre.
M. Bourbeau: Tout à l'heure, M. le Président, le
ministre a fait son discours et vous noterez qu'en ce qui concerne le partage
du temps, on est nettement défavorisé jusqu'à ce
moment-ci, M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): Nous tenons compte du
temps.
M. Bourbeau: ... je n'ai pas terminé ma question de
règlement, M. le Président, et que mon collègue, le
député de Brome-Missisquoi, a fait une question de
règlement qui n'était pas une intervention. Je soutiens
respectueusement que le droit de parole, à partir de maintenant, devrait
revenir au député de Laporte, je pense, et non pas au ministre
qui s'apprête à faire un autre discours.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, le député ne peut
pas dire, les auditeurs qui nous écoutent et tout le monde ici ne
peuvent pas dire que je ne suis pas en train de répondre à ses
questions. Il n'aime pas ça les réponses, c'est ça qui ne
fait pas son affaire.
Pour répondre à la question de règlement du
député de Brome-Missisquoi, mais, ma foi, c'était dans le
communiqué de presse qui a été émis en juillet
dernier que les actions étaient convertibles. Il cite mon
collègue, le ministre d'État au Développement
économique, qui l'indiquait lui-même cette
journée-là. Il n'apprend une nouvelle à personne. Sur ce
point-là, en terminant, je pense que c'est comme ça que ça
se présente.
M. Bourbeau: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: J'affirme, M. le Président, que le ministre
ne peut pas commencer un autre discours, la parole est au député
de Laporte. Je ne vois pas pourquoi je ne peux pas parler.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte, M. le ministre vient de dire qu'il terminait son intervention.
M. Clair: Oui, je termine, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Clair: Je termine en deux ou trois phrases.
J'aimerais citer le chef de l'Opposition officielle, en décembre
1979, au moment où mon prédécesseur, le
député de Saguenay, était ministre des Transports et
annonçait qu'une proposition concrète en ce qui concerne la
fusion Québecair-Nordair était sur la table. Je vous lis les
commentaires du chef de l'Opposition: "M. le Président, inutile de dire
que, du côté de l'Opposition officielle, nous sommes tout à
fait sympathiques à l'idée fondamentale qui a été
exprimée par le ministre dans sa communication, c'est-à-dire
l'idée suivant laquelle, d'abord, les besoins aigus du Québec en
matière de service de transport aérien soient comblés de
manière plus satisfaisante dans l'avenir et, deuxièmement, le
principe voulant que des citoyens de cette partie du Canada, le Québec,
soient davantage impliqués dans la prise de responsabilités et de
décisions dans l'industrie du transport aérien." Je pourrais
ajouter, M. le Président, ce même jour, en décembre 1979,
à la page 4409 du journal des Débats: "Après avoir fait
certaines réserves, ces réserves étant faites...
M. Bourbeau: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je vous dis respectueusement
que je ne comprends pas comment il se fait que le député de
Laporte, qui est censé avoir le même temps que le ministre pour
parler en cette Chambre ne puisse pas avoir la parole. Le ministre a fait son
discours tout à l'heure, -les règlements de ces débats
disent que chacun doit parler l'un après l'autre - il a terminé,
le député ici a fait une question de règlement qui n'est
pas un droit de parole et qui n'est pas un discours et le ministre s'est
engagé dans un autre discours et vous lui laissez la parole. Je
ne sais pas ce qui va se passer, mais, quand le débat sera
terminé, à 13 heures, si vous voulez que je parle pendant encore
une heure, ça ne donnera absolument rien, il n'y a aucun des
Québécois qui nous écoutent qui pourra savoir ce que j'ai
à dire sur le sujet.
En toute logique et en toute justice, M. le Président, je vous
dis qu'actuellement, la parole devrait être de ce côté-ci
parce qu'on a un retard sérieux dans le minutage depuis le début.
Je pense qu'il y a un devoir de justice et d'équité de la part de
la présidence envers l'Opposition, dans ce débat.
M. Clair: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, question de
règlement.
M. Clair: Étant donné, je pense, que le
député de Laporte est non seulement en retard dans le temps, mais
est également en retard dans les nouvelles et pas mal à
côté du sujet, en tout cas, dans les déclarations qu'il
faisait tantôt, je n'ai aucune restriction, on peut lui donner son bloc
de vingt minutes et, à 12 h 20, je reviendrai. Peut-être que, vu
les propos qu'il a eu le temps d'échanger avec son collègue de
Brome-Missisquoi et son recherchiste à côté, aura-t-il des
choses plus intéressantes à nous dire. J'aurai l'occasion de
revenir et de terminer pour démontrer, en déposant le document
auquel je faisais allusion tantôt, à quel point même le chef
de l'Opposition, dans le temps, partageait l'idée fondamentale qu'il
faut garder une place pour les Québécois dans le contrôle
du transport aérien.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît.
J'aimerais, a cette période-ci, mentionner qu'il n'y a pas de
dépôt de documents, mais qu'on peut faire parvenir aux membres de
cette commission, porter à leur connaissance ce que vous, M. le
ministre, vous avez donné tout à l'heure. M. le
député de Laporte. À vous la parole.
M. Bourbeau: M. le Président, je vous suis infiniment
reconnaissant de me donner la parole pour avoir une chance de répondre
un peu à toutes les insinuations du ministre des Transports. Le ministre
des Transports fait des...
M. Clair: M. le président, ce ne sont pas des
insinuations, ce sont des affirmations que j'ai faites.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte, vous avez la parole.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Et les affirmations et les insinuations, M. le
Président. Le ministre des Transports est en train de nous faire un long
discours pour tenter de nous convaincre que, s'il y avait eu une fusion
l'été dernier entre Nordair et Québecair, les
Québécois n'auraient pas eu la place qui leur revient. Je
rappelle au ministre des Transports, qui est en train de discuter avec ses
adjoints, comme il me reprochait de le faire tout à l'heure et qui est
entouré, comme moi, de ses sous-ministres et de tout son personnel, je
rappelle au ministre des Transports, M. le Président, que la transaction
par laquelle Nordair aurait fusionné l'été dernier avec
Québecair était financée exclusivement avec l'argent du
Mouvement Desjardins. Le ministre le sait. Donc, quand le ministre vient nous
parler de la mainmise d'un transporteur québécois par des
intérêts de l'extérieur, le ministre sait que
c'étaient les fonds exclusifs du Mouvement Desjardins qui étaient
injectés dans la nouvelle société pour racheter
Québecair, premièrement. Cela change drôlement le
portrait.
Quand le ministre maintenant vient nous dire que c'était une
bonne façon pour lui de sauver la compagnie, il oublie que, pour la
nouvelle société qui aurait été formée de la
fusion de Québecair et de Nordair, ça aurait été
beaucoup plus facile de rentabiliser la compagnie, puisque Nordair étant
actuellement un transporteur régional et Québecair aussi, les
deux compagnies auraient pu regrouper leurs effectifs, regrouper leurs
équipements, regrouper leur personnel et ainsi obtenir des
économies d'échelle substantielles. Or, le gouvernement
québécois a choisi de faire en sorte que la fusion n'ait pas
lieu, en intervenant dans le dossier, et c'est pour ça qu'aujourd'hui
Québecair perd tellement d'argent, parce que Québecair
actuellement est administrée d'une façon telle qu'il est
impossible qu'elle soit rentable.
M. le Président, revenons, si vous le voulez, à la
question de M. Alfred Hamel, dont le ministre se fait le grand
défenseur, qui dit que, dans l'offre de Nordair, on voulait sortir M.
Alfred Hamel du transport aérien dans l'Est du Canada. M. Hamel, que je
ne connais pas moi non plus, pas plus que le ministre, a fait sa marque dans le
transport, dans le camionnage. Je pense qu'il est reconnu dans ce milieu comme
un homme d'une grande compétence. Il a fait l'achat des actions de
Québecair en 1979, et, depuis ce temps-là, on ne peut pas dire en
toute objectivité que Québecair fait des affaires d'or. Or, quand
il s'est agi, l'été dernier, de faire une fusion entre Nordair et
Québecair, Nordair avait à sa tête un président
francophone, M. André Lizotte, qui est aussi francophone, que je sache,
que M. Alfred
Hamel, mais qui a fait carrière dans l'aviation et qui, si on se
fie uniquement au bilan, semble avoir de meilleurs résultats de gestion
que M. Hamel dans Québecair. Je ne veux pas, M. le Président,
porter de jugement sur la capacité des deux hommes. Je me fie aux faits
et aux chiffres. Tout ce que je peux dire, c'est que, dans un contexte comme
celui-là, il fallait qu'un des deux soit président; on ne peut
pas avoir deux présidents, on ne peut pas d'ailleurs avoir deux
ministres des Transports. On a actuellement deux ministres des Finances, le
président du Conseil du Trésor et le ministre des Finances, mais
le ministre des Transports, on n'en a qu'un.
M. Clair: J'ai trois critiques de l'Opposition aux
transports!
Une voix: Deux députés de Laporte, ça serait
peut-être bon!
M. Bourbeau: M. le Président, il fallait choisir entre les
deux. Vous aviez Nordair, une société qui vaut à peu
près 30 000 000 $ et qui a un président francophone, et vous
aviez de l'autre côté Québecair qui valait, disons,
l'été dernier, 7 000 000 $ et qui avait un président
francophone; on devait choisir. Nordair et, j'estime, le Mouvement Desjardins
puisque le Mouvement Desjardins devenait un des actionnaires importants de la
nouvelle société ont estimé que M. Lizotte était
mieux placé que M. Hamel pour être président. Et pour faire
en sorte que M. Hamel ne soit pas mis de côté, comme a dit le
ministre, erronément d'ailleurs, on a dit à M. Hamel: Vous, si
vous le voulez, vous serez consultant auprès du président et on
vous paiera 100 000 $ par année. M. le Président, je pense que
100 000 $ par année, c'était bien traiter M. Hamel, contrairement
à ce que dit le ministre.
Or, ce qu'il y a d'intéressant là-dedans, c'est que le
ministre tantôt vient de faire une admission extrêmement
intéressante. Il nous a appris qu'effectivement l'offre que Nordair
avait faite contenait une clause à savoir que M. Hamel aurait
été consultant auprès du président au salaire de
100 000 $ par année pendant trois ans. C'est ce que vous avez dit tout
à l'heure.
M. Clair: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le ministre.
M. Clair: J'ai lu le texte du télégramme. Je veux
rectifier les faits. "Vous pourrez siéger au conseil d'administration et
agir comme conseiller auprès du président de Nordair pour une
période de trois ans à un salaire de 100 000 $ par année."
N'importe qui connaissant un peu ce que cela signifie, comprend que ça
signifie 100 000 $ pour sortir quelqu'un d'une compagnie.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: C'est l'interprétation qu'en fait le
ministre. Je pense que les écrits qu'il vient de citer indiquent que
Nordair offrait de payer 100 000 $ à M. Hamel pour demeurer adjoint ou
conseiller au président. Or, quand le gouvernement du Québec a
fait son offre, il a décidé, d'après les aveux du
ministre, de payer à M. Hamel le même montant. M. Hamel qui,
à ce moment-là, contrôlait Québecair, a dit au
gouvernement du Québec: Vous n'achèterez pas Québecair
à condition de me donner le même montant que Nordair, c'est ce que
le ministre vient de nous dire. Or, dans le document que le ministre a
signé, il est dit que ces 300 000 $ ne sont pas la même chose
qu'offrait Nordair, mais un bon! pour renégocier des prêts de la
compagnie. On a employé une phraséologie tout à fait
diffuse et compliquée qui - je n'ai pas le texte, mais j'en ai entendu
parler - était pour renégocier des prêts. Le ministre
pourra vérifier. Je pense qu'il ne niera pas cela. Je me demande
pourquoi vous avez utilisé ce tour de passe-passe pour cacher le fait
que vous payiez un cadeau de 300 000 $ à Alfred Hamel? Pourquoi
n'avez-vous pas eu la limpidité, la transparence et
l'honnêteté de dire que c'étaient 300 000 $ pour "matcher"
le salaire - si je puis dire - que Nordair offrait à Alfred Hamel?
Pourquoi avez-vous utilisé ces moyens détournés pour ne
pas avouer l'inavouable? C'est cela que je ne comprends pas. Il aurait
été facile de dire, comme vous venez de dire tout à
l'heure, après qu'on vous eût mis au pied du mur. Puisque Nordair
offrait 300 000 $, nous aussi, on a offert 300 000 $. Non, vous dites: Ce n'est
pas cela qu'on a fait.
M. Clair: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le ministre des Transports.
M. Clair: Le député de Laporte, au cours des
questions qu'il me posait sur Québecair l'automne dernier, ne m'a jamais
posé cette question.
M. Bourbeau: Je n'ai pas dit cela. J'en ai parlé tout
à l'heure quand...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte. S'il vous plaît!
M. Bourbeau: Je viens d'en parler, pas l'automne dernier, c'est
tout à l'heure que j'en ai parlé. Le ministre nous a dit que
c'était parce que Nordair avait offert de payer un salaire de 100 000 $
à Alfred Hamel que Québec aussi a décidé de faire
la même chose. On sait que c'est vrai. Sans cela, M. Hamel ne vous aurait
pas laissé acheter Québecair.
Pourquoi le ministre a-t-il employé ce moyen
détourné pour cacher la vérité? Pourquoi est-ce
qu'on a employé dans le contrat ces mots "non pas un salaire, mais un
montant d'argent qui va lui être payé de façon à
s'assurer qu'il demeure actionnaire et qu'il pourra renégocier les
prêts qui existent présentement avec la compagnie". Je ne
comprends pas pourquoi le ministre a choisi cette phraséologie.
Je voudrais revenir à une autre chose: le ministre nous dit que
c'est une convention privée, etc. Or, le ministre était partie
à la convention. Les 15 000 000 $ qu'il a investis, ce sont des fonds
publics. Quand le ministre nous fait un plat et un drame du fait que c'est une
convention privée, je vous affirme que le ministre était partie
à la convention. Ce n'est pas un ministre privé, c'est un
ministre public. Il a été élu par les contribuables, comme
nous, et il n'utilise pas son argent personnel, que je sache. Le
député de Drummondville n'a pas investi 15 000 000 $ dans
Québecair.
M. Clair: Non.
M. Bourbeau: Non! Alors, c'est l'argent des contribuables que
vous avez utilisé, n'est-ce pas?
Le ministre tout à l'heure nous disait! Nous avons reçu
une offre de Nordair, ce sont les mots du ministre tout à l'heure, dans
un télégramme adressé à M. Landry. Le ministre
confirme que les négociations ont eu lieu avec le gouvernement du
Québec, dans le bureau de M. Landry, et non pas avec la compagnie
privée qu'est Québecair. Le ministre nous a dit en Chambre: C'est
une société privée, Québecair, je n'ai pas à
donner de renseignements. Or, on apprend, d'après les aveux mêmes
du ministre, que les négociations ont eu lieu entre Nordair, d'une part,
ou Air Canada, en tout cas le ministre Landry, le ministre des Transports et le
gouvernement du Québec. Je pense donc que l'Opposition est en droit
d'affirmer que c'est le gouvernement du Québec qui s'est porté
acquéreur de Québecair et non pas une société
privée. Quand le ministre vient nous raconter qu'il n'a pas à
dévoiler les détails de la transaction, je pense qu'il charrie un
peu. (12 h 15)
J'aimerais revenir à la situation actuelle de Québecair.
Tout à l'heure, j'ai fait état de certaines transactions
où on a acheté des Boeing-737, on a mis les BAC-111 aux boules
à mites, on a ressorti les BAC-111 et fait toutes sortes de transactions
qui semblent avoir été assez onéreuses. J'aimerais
demander au ministre - je pense que le ministre pourra tout à l'heure
répondre - s'il est exact qu'au cours de l'année 1981
Québecair aurait fait un déficit d'exploitation entre 8 000 000 $
et 9 000 000 $. Tout à l'heure, j'ai cité un article de journal
qui est ici à côté de moi et qui dit que cela aurait
été d'environ 6 000 000 $. Or, on sait - enfin ceux qui sont
proches de Québecair le savent - que Québecair, s'est
départie, au cours de l'année 1981, des avions F-27 qu'elle
possédait autrefois et dont le prix de vente aurait été
d'environ 2 500 000 $ canadiens. Ce qui veut dire que le déficit de 6
000 000 $ qu'on est sur le point de rapporter a en fait été un
déficit d'exploitation de 8 500 000 $ - enfin, le ministre est
sûrement plus au courant que moi - et non pas de 6 000 000 $. J'aimerais
que le ministre tout à l'heure dans sa réponse nous dise s'il est
exact qu'en 1981 Québecair aurait fait entre 8 000 000 $ et 9 000 000 $
de déficit.
Maintenant, est-ce que le ministre pourrait également nous dire,
puisqu'il a en principe trois de ses adjoints qui siègent au conseil
d'administration de la société privée Québecair
dont un au comité exécutif, s'il est exact que Québecair
aurait perdu, en janvier et février 1982, une somme d'environ 2 200 000
$, 2 300 000 $ dans les deux premiers mois de l'année? C'est une autre
question à laquelle on aimerait avoir une réponse.
Maintenant, il y a la question aussi des BAC-111 dont j'ai parlé
tout à l'heure. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si finalement
Québecair, puisque le ministre a ses représentants au conseil
d'administration, va bientôt vendre des Boeing-737? C'est ce que les
journaux ont insinué récemment. Dans le fond, lorsqu'on regarde
cela, la question de BAC-111 et des Boeings ça a l'air un peu d'une
pièce de boulevard. Vous avez d'un côté Québecair
qui achète des Boeing-737 et qui met ses BAC-111 aux boules à
mites, et tout à coup change d'idée, ramène ses BAC-111 et
annonce qu'elle va vendre des Boeing-737. Cela ressemble à une
pièce de boulevard, où les portes claquent, vous avez le mari qui
entre et la femme qui sort, après cela l'amant qui arrive et la femme
qui ressort, on ne sait pas finalement... Pendant ce temps-là, devant ce
vaudeville où les avions arrivent, repartent, sortent, il y a les
spectateurs qui sont dans la salle, qui assistent au spectacle et qui trouvent
cela très drôle, évidemment, mais qui ont payé un
prix très élevé pour y assister parce que le prix
d'entrée a été de 15 000 000 $. Nous, les
Québécois, on est là et on regarde les avions qui arrivent
et qui
partent, et Québecair ne sait pas si elle va les garder ou non,
et pendant ce temps-là Québecair perd 9 000 000 $ ou à peu
près en 1981. Je pense qu'à un moment donné il va falloir
que les spectateurs dans la salle qui assistent au spectacle, on leur dise
exactement où cela va finir, parce que c'est peut-être drôle
à un moment donné ce jeu de portes qui claquent, mais je pense
que le vaudeville commence à coûter cher.
Pour ce qui est de la Floride, j'aimerais dire quelques mots seulement
pour prouver au ministre que Québecair perd sa chemise sur la Floride,
et je vais être très court parce que je sais que le temps passe.
Cela coûte, pour faire marcher un Boeing-737, 4000 $ l'heure; le ministre
pourra contester cela, je lui dis très rapidement ce que cela
coûte. L'équipage coûte 350 $ l'heure, l'essence 1250 $
l'heure, la maintenance 300 $ l'heure, la dépréciation 800 $
l'heure, ce qui fait 2700 $ l'heure. Si vous ajoutez à cela les frais de
ce qu'on appelle l'"over head", les frais de gestion, d'administration et les
profits, parce que je présume que Québecair doit faire des
profits, on arrive facilement à 4000 $ l'heure. Mais je l'ai
calculé à moins cher que cela, je l'ai calculé à
3000 $ l'heure pour être bien certain que le ministre va me dire que des
profits on n'en fait pas, etc. Or cela prend 6,75 heures pour aller en Floride
et revenir, ce sont les normes. Il y a également des frais fixes
à chaque voyage, comme la nourriture des passagers; M. le ministre, cela
coûte 1200 $ la nourriture, 1000 $ les frais de manutention, et les frais
de publicité 2500 $, de sorte que le coût d'un voyage aller-retour
en Floride est de 22 925 $, disons 23 000 $
Si vous prenez, M. le ministre, ce chiffre, qui est le coût d'un
voyage aller-retour en Floride, et que vous le divisez par le nombre de
passager dans un Boeing-737, qui est 119, cela revient à 187 $ le
siège aller-retour. Il faut ajouter à cela une provision pour les
sièges non vendus, et dans le milieu on prend toujours 15%, parfois
c'est plus, parfois c'est moins, ce qui porte le coût du billet à
220 $. Après cela, il faut payer pour la mise en marché,
forcément, parce qu'il faut les vendre ces places-là; ça
coûte 30 $, donc, cela fait 250 $ par billet aller-retour. Après
cela, malheureusement, il faut payer des commissions à des agents de
voyage, parce que quand on vend des voyages, il faut passer par des agences. La
commission est de 15%. Cela fait monter le coût à 294 $.
Voilà le coût d'un billet aller-retour pour une compagnie de
charter pour aller en Floride aller-retour. Québecair, au cours de
l'hiver, a vendu ses billets entre 169 $ et 219 $ chacun, ce qui veut dire que,
le coût moyen étant environ de 185 $ -ce que Québecair a
retiré pour ses billets d'avion en Floride - on a un coût de 294 $
pour la compagnie et une recette de 185 $. Donc, il y a un déficit
d'au-delà de 100 $ le billet chaque fois qu'un Québécois
se rend en Floride. C'est subventionné avec l'argent des contribuables
du Québec pendant que dans les régions du Québec, on se
plaint que Québecair ne donne pas de service.
Maintenant, je voudrais terminer en demandant au ministre s'il peut nous
confirmer qu'il est exact qu'actuellement Québecair a perdu, en 1981,
entre 8 000 000 $ et 9 000 000 $, s'il est exact que l'année 1982
s'amorce de la même façon par des déficits très
importants, et également ce qu'il entend faire pour redresser la
situation de Québecair dans le meilleur délai, avant que le
gouvernement n'ait à réinvestir de façon massive dans
l'entreprise.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Transports.
M. Michel Clair
M. Clair: En entendant le député de Laporte, j'ai
l'impression d'assister à la pièce de boulevard qu'il citait: La
porte qui claque. Cela fait bien du bruit, mais cela ne fait pas autre chose.
Premièrement, le député confond deux
réalités: la réalité d'une fusion volontaire de
Québecair et de Nordair pour procéder à la rationalisation
du transport aérien dans le centre et dans l'Est du Canada, qui
permettrait des économies d'exploitation, que nous ne nions pas, bien au
contraire, nous les affirmons, nous poursuivons activement l'objectif de la
fusion Québecair-Nordair, pour la rationalisation du transport
aérien dans le centre et l'Est du Canada.
Cependant, toute la question qui se posait, c'était celle de
savoir si cette rationalisation allait se faire au détriment des
intérêts québécois, en l'absence de tout
contrôle pour infléchir le développement du transporteur
fusionné en fonction des intérêts du Québec dans ces
régions dans la base d'opération de cette compagnie comme sur la
question du siège social.
M. le Président, c'est vrai que, du strict point de vue de la
rationalisation, si Air Canada avait, comme elle voulait le faire
l'été dernier, nationalisé Québecair, c'est vrai
qu'elle aurait pu, théoriquement, procéder à la
rationalisation, à partir des entreprises qu'elle détenait. Elle
aurait détenu Air Canada, Nordair, Québecair. Cette question
aurait été réglée. Toute la question, c'est de
savoir si les Québécois vont avoir un mot à dire en ce qui
concerne le développement du transport aérien ou s'ils vont avoir
juste le droit de se plaindre, de se fier aux belles paroles qui nous sont
dites. Le député de Laporte dit: Dans la proposition de Nordair,
la Société
d'investissement Desjardins aurait été impliquée.
Elle aurait détenu 27% des actions, avec un engagement de revendre plus
tard, probablement dans cinq ans, quand ce sera rentable, autrement dit quand
cela fera son affaire, de revendre dans le privé, par une
émission publique d'actions, cette nouvelle compagnie. La question que
je pose au député de Laporte: Entre le 6 novembre 1978 et le 21
juillet 1981, si je compte bien, il s'était écoulé deux
ans et demi, est-ce que le gouvernement fédéral ne s'était
pas engagé fermement, publiquement, à plusieurs reprises,
à revendre Nordair à des intérêts privés
québécois et ontariens. C'est exact qu'ils avaient pris cet
engagement. Qu'est-ce qu'ils ont fait de leur engagement? Ils ont fait de leur
engagement la même chose qu'ils avaient faite - je m'en souviens, mes
oreilles bourdonnent encore de cela - le 14 mai 1980. Il y avait une
assemblée de 5000 personnes à Drummondville pour le
référendum et j'entendais le discours de Trudeau, de l'autre
côté, avec un petit appareil de radio pour avoir une chance de
répliquer. "Nous mettons nos sièges en jeu, M. le
Président", parlant qu'ils étaient pour faire une réforme
constitutionnelle. "Je mets en garde les provinces de l'Ouest et la province de
l'Ontario, etc., qu'il va falloir faire une plus grande place au
Québec."
Qu'est-ce qu'ils en ont fait de leur engagement? Ils l'ont
déchiré, ils ne l'ont pas tenu et, aujourd'hui, sur le plan
constitutionnel - le député de Laporte le sait on est en train
d'essayer d'écraser le Québec, de le déstabiliser
financièrement, politiquement, par tous les moyens. Et vous pensez qu'on
les aurait pris au sérieux l'été dernier, alors qu'ils
avaient dit qu'ils vendraient Nordair dans les douze mois. Quand on voit la
façon dont ils ont procédé, on se serait fié
à un engagement verbal, général, disant: Oui, on va le
revendre quand, sur ce même dossier, ils avaient trahi leur engagement!
M. le Président, à moins d'être un complice du gouvernement
fédéral ou encore d'être d'une naïveté aussi
grande que celle qu'a démontrée le chef du Parti libéral
au moment du référendum, on ne pouvait pas croire cela et on ne
l'a pas cru. C'est vrai que Bernard Landry, ministre d'État au
Développement économique, et moi-même, nous avons
rencontré les gens de Nordair et d'Air Canada. C'est une l'encontre dont
je vais garder longtemps le souvenir. Je n'oublierai jamais qu'un
vice-président d'Air Canada, que je ne nommerai pas, a eu le front de
dire devant Bernard Landry et Jean-P. Vézina, sous-ministre en titre au
Développement économique: On est allé consulter l'Ontario
et ils sont d'accord. Ils avaient même rencontré, nous avaient-ils
dit, Bill Davis, premier ministre de l'Ontario. Je n'ai rien contre cela,
qu'ils aillent rencontrer le premier ministre de l'Ontario, qu'ils le
consultent. Mais, nous autres, il a fallu qu'on intervienne, il a fallu que M.
Alfred Hamel vienne me rencontrer pour m'expliquer et m'exposer la situation
pour qu'on ait l'honneur de pouvoir recevoir les dignitaires d'Air Canada.
Même situation que dans tout le reste; des paroles dont on se
dédit, qu'on renie par la suite! M. le Président, c'était
cela, le fond de la question, à savoir si on allait se fier à des
paroles qui avaient déjà été reniées ou si
on allait plutôt se donner les moyens ou, je devrais dire, continuer
à se donner les moyens de s'assurer que les Québécois
pourraient jouer un rôle important dans le développement du
transport aérien régional. Ma décision a été
vite prise, M. le Président. Entre la trahison des intérêts
du Québec et les risques que cela comportait tant sur le plan financier
que politique, j'ai assumé mes responsabilités et j'ai dit que
non, ils ne viendraient pas nous emberlificoter encore une fois avec des belles
paroles "verbales" dont on se dédit par la suite. Toute la question
était là. Nous y croyons, à la rationalisation du
transport aérien; nous y travaillons plus activement et plus
positivement que le gouvernement fédéral.
Pour les intérêts ontariens et québécois qui
croient encore à la possibilité de fusionner Québecair et
Nordair sur une base volontaire - le député de Laporte sait qu'il
y a des intérêts ontariens qui y croient autant que des
intérêts québécois à cette possibilité
- comment pensez-vous que sont tombées dans le paysage les
déclarations de Jean-Luc Pepin, ministre fédéral des
Transports, à l'occasion du départ de M. André Lizotte,
président-directeur général qui s'est en allé
vice-président aux Postes du Canada? Comment pensez-vous que c'est
tombé? Comme une autre attitude de personnes qui ne veulent pas prendre
la décision, de personnes qui essaient de leurrer les gens en faisant
des déclarations ambiguës dans lesquelles on ne sait pas trop de
quel côté elles se branchent. Je sais, pour l'avoir bien connu,
que Jean-Luc Pepin est un honnête homme. Il a été
député de Drummond. Je le connais; je connais sa famille. M. le
Président. Je ne mets pas sa conduite personnelle en doute, parce que,
comme ministre fédéral des Transports, et surtout quand on sait
ce qu'il avait écrit dans le rapport Pepin-Robart et ce que son
gouvernement en a fait par la suite, je suis porté à lui
pardonner un très grand nombre de choses, parce que je sais qu'il marche
avec le gouvernement qu'il a.
Ceci étant dit, il n'empêche que, dans les faits, notre
contribution, notre investissement dans Québecair contribuera, j'en suis
certain, à permettre de résoudre ce problème que
maintenant, les fédéraux sont obligés de tenir compte de
la présence
d'intérêts québécois qui sont capables de
racheter leur parole à eux quand eux ne la tiennent pas. Sur la question
des Boeing-737...
M. Paradis: Question de règlement.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: J'ai observé avec attention, M. le
Président, que vous teniez le temps occupé par chacune des
formations politiques avec toute la conscience qui vous sied bien.
J'interviens, à ce moment-ci, j'ai utilisé cinq minutes de mon
droit de parole, l'Opposition libérale est déficitaire au niveau
du temps utilisé. Je vous demanderais de me céder la parole
jusqu'à moins vingt; à ce moment-là, vous devrez
m'interrompre pour la céder au député de Laporte puis au
ministre des Transports, qui pourra conclure à ce moment-là.
M. Clair: Dans cinq minutes, M. le Président, sur
l'affaire... Est-ce que mon temps est expiré, M. le Président?
J'ai commencé à et vingt.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît,
à 12 h 40 je dois réserver 20 minutes à partager
également entre le député de Laporte et
vous-même...
M. Paradis: ... et le ministre.
Le Président (M. Rancourt): ... M. le ministre, pour
terminer. Actuellement, si je départage le temps entre le parti
ministériel et le parti de l'Opposition, il est exact que le parti de
l'Oppostion est déficitaire, si...
M. Paradis: Pas autant, excusez, je dois, M. le
Président...
M. Clair: M. le Président, j'invoque le règlement.
J'ai droit à 20 minutes, mes 20 minutes ne sont pas expirées. J'y
tiens.
M. Paradis: M. le Président, M. le Président, M. le
Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Le ministre a sollicité au début de
cette l'encontre un prolongement de son droit de parole. Il a demandé la
collaboration de l'Opposition, on lui a accordé cette collaboration. En
gentleman que je suppose qu'il est, je lui demande de me rendre la
réciproque maintenant.
M. Clair: D'accord, M. le Président, d'accord.
Le Président (M. Rancourt): Je suis sûr que, M. le
ministre...
M. Clair: C'est parce que j'aurais pu préciser, en ce qui
concerne les BAC-111 et les Boeing-737, je le ferai à la fin.
Le Président (M. Rancourt): Vous pourrez le faire tout
à l'heure.
M. Clair: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: M. le Président, j'ai écouté
attentivement, n'étant pas un expert au même titre que le
député de Laporte ou que le ministre des Transports, ce
débat sur Québecair. Ce qui m'importe et ce qui importe sans
doute à l'ensemble des députés de cette Chambre, ce sont
les investissements de notre argent de contribuables que vous avez faits, M. le
ministre, dans cette société-là. Au moment où le
président du Conseil du trésor parcourt la province en nous
expliquant qu'il faut couper dans l'éducation, qu'il faut couper dans
les services sociaux, qu'il faut couper dans les programmes économiques
comme l'agriculture, je trouve étrange que vous continuiez à agir
au nom de sentiments qui me sont apparus très clairs, vous me
pardonnerez le mot à la fin de votre exposé, des sentiments de
bataille constitutionnelle, finalement.
Je me retrouvais; dans cette Assemblée nationale, dans le
même genre d'atmosphère où on s'est retrouvé au
moment où on discutait de constitution. Je pense que, dans la
période de crise économique que vivent nos concitoyens,
présentement, on devrait peut-être laisser de côté un
peu les batailles constitutionnelles et se mettre à gérer les
deniers dont on est responsable d'une façon honnête et
responsable. Vous avez, M. le ministre des Transports, investi 15 000 000 $
dans un premier temps, 3 800 000 $ dans un deuxième temps, dont 3 000
000 $ sont finalement retombés dans Québecair. Comme
Québécois, comme député à l'Assemblée
nationale, il y a 18 000 000 $ de l'argent des contribuables qui sont
déjà embarqués dans cette aventure. Là, l'avion
décolle. De ces 18 000 000 $, on apprend que 4 500 000 $ ne sont pas
allés dans Québecair mais dans les poches des actionnaires.
J'espère qu'ils ont pensé à prendre l'avion eux aussi.
On apprend qu'en 1983 vous vous proposez de réinjecter 3 100 000
$ additionnels, non pas encore une fois dans Québecair mais dans les
poches des actionnaires. On a également appris qu'il y
avait 300 000 $ en plus qui étaient passés directement
dans les poches d'un actionnaire. Ce qui est étrange, c'est qu'on a bien
pris soin, du côté du gouvernement, des gros actionnaires. On a
laissé de côté les 125 petits actionnaires de
Québecair. Cela ressemble étrangement à l'attitude du
gouvernement dans plusieurs autres dossiers où on tente,
premièrement, d'acquérir du capital-actions pour ensuite
nationaliser. On laisse de côté les petits investisseurs
québécois.
On a donc 18 000 000 $ d'investis, on a donc 8 000 000 $ qui partent
vers les poches des actionnaires et 10 000 000 $ qui restent dans la
société Québecair pour renflouer le capital-actions. Ce
qui m'inquiète à la suite des propos que vous-même, M. le
ministre, avez tenus, à la suite des propos tenus par le
député de Laporte, c'est que ces 10 000 000 $ ne semblent pas
suffisants aujourd'hui pour garantir l'évolution de la compagnie
Québecair. Combien allez-vous demander aux Québécois de
fournir dans les prochaines années, M. le ministre? Si on a les
déficits qui sont annoncés et qu'on a vus l'année
dernière, entre 6 000 000 $ et 8 000 000 $, et qu'on est encore en
situation déficitaire en 1982, de combien Québecair aura-t-il
besoin?
Vous nous parlez quasiment de besoins illimités, vous nous
manifestez quasiment une volonté d'y aller d'une façon
illimitée avec les fonds publics dans ce dossier-là, pour un
principe: Sauver l'intérêt des Québécois.
Êtes-vous convaincus hors de tout doute que la fusion
Nordair-Québecair n'aurait pas garanti ces intérêts
québécois, tout en garantissant les intérêts
économiques des investisseurs québécois? Est-ce que les
Lizotte et Lefrançois, respectivement président et
président du conseil d'administration de la société
Nordair, ne sont pas des Québécois, comme vous vous plaisez
souvent à les appeler, pure laine? Est-ce que le siège social de
cette compagnie qui est Nordair n'est pas également situé au
Québec? Est-ce que la démarche que vous avez entreprise, en
connaissant la situation financière précaire de Québecair,
vous voulez la maintenir, vous voulez en mettre davantage? Moi, comme
investisseur, comme contribuable et comme député en
représentant plusieurs en cette Chambre, je me demande ce que valent mes
actions dans Québecair.
Dans vos dix dernières minutes, j'aimerais, M. le ministre des
Transports, que vous me disiez ce que valent aujourd'hui les 18 000 000 $ en
argent sonnant parce que aujourd'hui il faut parler d'économie.
L'indépendance culturelle, ça commence par l'indépendance
économique. Je pense que votre ministre des Finances vous a
déjà parlé de ça. Ce n'est pas en investissant les
deniers publics dans des gouffres qu'on va libérer ce qu'on peut appeler
le peuple québécois. C'est en investissant dans des choses qui
sont saines. Est-ce que le jugement qu'a porté le Mouvement Desjardins
en voulant investir dans la fusion Nordair-Québecair était un
jugement complètement erroné? Est-ce que c'était un
jugement antiquébécois? Est-ce que le Mouvement Desjardins a
posé là un geste antiquébécois, lui qui recueille
toutes les semaines, tous les mois et chaque année les épargnes
des Québécois? Ont-ils posé ce geste d'une façon
anti-québécoise? J'ai des doutes sur le jugement que vous portez
parce que, lorsque vous parlez de Nordair, vous pouvez parler d'Air Canada et
ça vous permet peut-être de faire votre salade habituelle contre
le gouvernement fédéral. N'oubliez pas qu'il y a d'autres
actionnaires importants chez Nordair et que le Mouvement Desjardins en est un
et que, si le Mouvement Desjardins a décidé que c'était
dans l'intérêt et du Mouvement Desjardins et des
Québécois d'y aller, cela aurait peut-être valu la peine
d'y regarder d'un peu plus près. Là, vous auriez eu entre les
mains une compagnie qui, une fois fusionnée, avec un siège social
au Québec, aurait pu rentabiliser l'ensemble des entreprises. On
pourrait avoir aujourd'hui, si le gouvernement du Québec avait
décidé d'embarquer dans cette opération-là, des
bilans qui nous donnent et des dividendes culturels et des dividendes
linguistiques et des dividendes financiers. Aujourd'hui, qu'a-ton? On n'a aucun
dividende; il n'y a eu aucune augmentation de la francisation à
Québecair à cause de votre geste. Donc, aucun dividende
linguistique, aucun dividende culturel et un gouffre financier. C'est le genre
de dossier dans lequel le gouvernement "piquiste" a l'habitude de nous
embarquer. Je m'excuse mais c'est aussi l'argent de vos contribuables, M. le
député.
M. le Président, il me reste à peine deux minutes pour
conclure. Je voudrais, avant que vous alliez plus loin dans ce dossier, M. le
ministre des Transports - je vous invite à le faire sérieusement
- que vous sondiez la possibilité de rentabiliser cette
aventure-là. On vous a fait état - et vous nous l'avez
confirmé - qu'on s'en allait de déficits en déficits; je
ne peux, comme représentant des contribuables, vous donner un
"chèque en blanc" là-dessus, pas plus que vos électeurs
peuvent le faire même si vous pensez que c'est la seule façon de
sauver le français dans l'air. Il y a peut-être d'autres
façons de sauver le français dans l'air tout en rentabilisant ces
activités. Le député de Laporte vous a fait état
des voyages en Floride qui exportent notre tourisme québécois,
qui amènent des dépenses là-bas et qu'on subventionne. On
a un débat sur le tourisme présentement, le mercredi, en cette
Chambre. J'espère que vous êtes conscient de ce que cela
déplace comme économie
québécoise, et c'est subventionné par votre
ministère; alors que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme nous dit qu'il faut garder cela ici, vous, vous subventionnez l'argent
pour qu'il s'en aille en dehors.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: En terminant, cela aurait peut-être
été plus rentable, parce que cela semble être une aventure
un peu burlesque dans laquelle on s'est embarqué, vous auriez pu vous
embarquer à la place avec votre argent personnel, mais non avec l'argent
des contribuables québécois, dans la compagnie de disques qui a
commandité la chanson de Charlebois, Québecair, Nordair, etc., et
vous auriez peut-être fait des dividendes à même votre
argent personnel.
Le Président (M. Rancourt); M. le député de
Laporte, vous avez dix minutes.
Conclusion M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. En un premier temps,
j'aimerais revenir sur un des points qu'a touchés le ministre et
malheureusement on n'a pas eu l'occasion d'en discuter. C'est la fameuse
réglementation du gouvernement fédéral qui, d'après
lui, impose des contraintes épouvantables aux transporteurs
régionaux. Je veux que le ministre sache qu'on s'est également
préoccupé de cette question. J'ai ici devant moi le document qui
est la politique concernant le transport aérien; c'est un document pour
fins de discussion. Évidemment, on ne peut pas imputer les
problèmes actuels de Québecair à cette politique parce
qu'elle n'est pas en vigueur. C'est un document qu'on a fait circuler et on a
demandé à tous les intervenants dans le domaine du transport
aérien de faire connaître leur point de vue. Alors, le ministre
nous a dit, tout à l'heure, que, dans ce document, on impose aux
transporteurs régionaux des limites de poids, des limites de type
d'avion, des limites territoriales, des limites de distance à parcourir.
J'affirme, M. le Président, après avoir lu le document et l'avoir
étudié, que ce n'est pas vrai. Le ministre nous induit en erreur.
Si le ministre le veut, tout à l'heure, on va s'asseoir tous les deux et
on va faire le tour du document.
M. Clair: Une question de règlement, M. le
Président. C'est un document public.
Le Président (M. Rancourt): Sur une question de
règlement, M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, j'espère que vous ne
soustrayez pas ces interruptions de mon temps. Les types d'avion, il est dit
dans le document qu'il n'y a pas de restrictions sur les types d'avion. Je peux
même vous citer le paragraphe où on en parle. On dit là
dedans que les transporteurs pourront utiliser les appareils de leur choix. Le
rôle des transporteurs régionaux leur permettrait d'utiliser les
appareils aux dimensions de leur choix, à la condition qu'ils
n'envisagent pas d'acheter des appareils capables d'assurer des services sans
escale sur de longs parcours, à moins que les services qu'ils sont
autorisés à exploiter de par leur rôle ne les justifient
pleinement. Il n'y a pas de restriction, sauf qu'on veut éviter qu'un
transporteur comme Québecair n'aille acheter des Boeing 747 pour faire
les voyages entre Sept-Îles et Montréal, ce qui le mettrait
littéralement en faillite.
Pour ce qui est des distances à parcourir, c'est une vraie farce,
parce que le règlement dit que les transporteurs régionaux
pourront faire 1300 kilomètres sans escale, sans contrevenir à la
loi; ce qui veut dire que c'est beaucoup plus que les lignes actuelles de
Québecair qui fait Montréal-Toronto, et on sait qu'il y a
à peu près 400 milles. Or, 1300 kilomètres, c'est 800
milles. On dit même plus. Si jamais le transporteur régional
voulait aller en dehors de sa région, et incidemment on donne à
Québecair la région jusqu'à Winnipeg, M. le
Président, la région de l'Est du Canada, s'il voulait aller en
dehors de la région, dans certains cas, on pourrait le permettre, comme,
par exemple, quand un transporteur national ne veut pas exploiter une ligne, on
pourrait le permettre à un transporteur régional. Dans ce cas, M.
le Président, il pourrait faire plus de 800 milles. Même à
l'intérieur de sa zone, un transporteur régional pourra faire
plus de 800 milles s'il fait une escale en route. Alors, il n'y a pas de
contrainte.
Maintenant, pour ce qui est des limites de poids, c'est la même
chose, il n'y a pas de limite de poids non plus. Le ministre nous lance de la
poudre aux yeux. On fait uniquement référence au poids quand on
parle des transporteurs nationaux où l'on dit qu'ils doivent utiliser
des avions, etc. C'est plutôt à l'endroit des transporteurs
nationaux qu'il y a des problèmes au chapitre des poids. Le ministre
lance de la poudre aux yeux à la population, s'imaginant que personne ne
va examiner les documents. Eh bien, on les a examinés. Je mets au
défi le ministre de prouver ce qu'il a dit tout à l'heure.
Je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur des questions de
réglementation fédérale parce qu'on pourrait en discuter
pendant deux jours. Le moment est venu de tirer des conclusions. (12 h 45)
Si j'étais journaliste, je pense que le titre que j'accorderais
au débat que nous venons de faire pourrait être quelque chose
comme: Clair tire notre argent en l'air. Il me semble que cela serait un beau
titre. Pour être plus sérieux - parce qu'il faut quand même
être sérieux quand on conclut -je dirai ceci: Le gouvernement du
Parti québécois vient, une fois de plus, de nous prouver son
incurie administrative. Comment justifier autrement cet investissement? On a
enrichi les actionnaires d'une entreprise en difficulté à
même les fonds publics. Des actions payées 4 900 000 $ en
août 1979 par M. Alfred Hamel ont été rachetées par
le gouvernement du Québec 7 500 000 $ environ - on n'a pas les chiffres
exacts mais on s'en doute - en juillet 1981. Pour ajouter la cerise sur le
gâteau - un gâteau incidemment qui commence à goûter
amer -on a donné à ce même M. Hamel un bon! de 300 000 $
sans aucune raison valable. Ceci pour une société qui accumule
des pertes d'exploitation, année après année.
On subventionne même, au coût approximatif de 100 $ par
personne, les Québécois qui vont en Floride à une
époque où on demande aux Québécois de se serrer la
ceinture. On finance à perte la ligne Montréal-Toronto où
le coefficient de remplissage oscille entre 15% et 25% et, pendant ce temps, on
néglige le service sur les lignes intérieures qui desservent les
Québécois vivant dans les régions éloignées
du Québec. Où est la faute? Serait-ce encore le
fédéral? Non, M. le Président. Si c'était le
fédéral qui était la cause des déboires financiers
de Québecair, comment expliquer le fait que les trois seuls autres
transporteurs régionaux au Canada, soit Eastern Provincial Airways,
Nordair et Pacific Western, font des profits? Ils ont pourtant les mêmes
règles du jeu; ils subissent la même concurrence d'Air Canada.
C'est le gouvernement du Parti québécois qui en est le grand
responsable, par une décision mauvaise, arbitraire, contraire à
tous les principes d'une saine gestion et motivée uniquement par un
aspect sentimentaliste. Ce n'est même pas du vrai nationalisme. On a
empêché la fusion Québecair-Nordair. On a
empêché une société québécoise de
grandir, de prendre de l'expansion, de devenir le grand transporteur
régional de l'Est du Canada.
Cette société aurait eu à sa tête un
président francophone, M. André Lizotte, et son équipe
à majorité francophone, un conseil d'administration à
majorité francophone, un siège social au Québec et 80% des
2000 employés de la nouvelle société auraient
été des Québécois qui auraient travaillé au
Québec et dont le mouvement Desjardins aurait été un
actionnaire important. On a empêché une fusion qui aurait permis
des économies d'échelles, la rationalisation des
équipements, du personnel, etc. Ce transporteur aurait fait honneur aux
Québécois.
Le gouvernement du Québec déclarait l'été
dernier que son intervention et son achat de Québecair devaient donner
la chance aux Québécois de faire leur marque dans cette
industrie. C'est l'inverse qui est en train de se produire. Privée des
avantages de la rationalisation et des économies d'échelles
importantes que la fusion avec Nordair lui aurait apportés,
Québecair est en train de couler à pic, causant ainsi un tort
irréparable à la réputation des francophones dans ce
domaine. Bien plus, le gouvernement du Parti québécois se vante
d'avoir un préjugé favorable envers les petites gens. On a
encore, comme dans le cas de Domtar et de l'Asbestos, laissé tomber les
quelque 125 petits actionnaires de Québecair, presque tous des
Québécois francophones, les vrais fondateurs de Québecair.
On ne leur offre rien, on ne leur promet rien.
M. le Président, cette mauvaise décision a
déjà coûté aux Québécois et aux
Québécoises tout près de 18 000 000 $ et on devra
bientôt réinvestir pour garder Québecair en vie. Je
conclus, M. le Président, en disant ceci: À une époque
où on augmente les taxes sur l'essence, sur la bière, sur le
tabac, sur les plaques d'immatriculation, sur l'assurance automobile et
probablement bientôt les impôts et où on coupe sans vergogne
dans les services essentiels comme les soins hospitaliers et
l'éducation, les Québécois trouvent que ce
pseudo-nationalisme commence à leur coûter cher.
M. le Président, je comprends que des membres de ce gouvernement,
comme par exemple le ministre Landry, rêvent d'atterrir à Paris
sur des ailes fleurdelysées, comme il l'a déjà dit
d'ailleurs, mais les Québécois en ont assez de ces rêves en
couleur. Ils réclament de leur gouvernement une gestion plus
sérieuse et plus transparente des fonds publics.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, vous avez dix
minutes, vous aussi.
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, c'est parce que les
Québécois en avaient assez de la servilité du Parti
libéral du Québec que, le 15 novembre 1976, ils ont envoyé
le Parti libéral dans l'Opposition. C'est parce qu'ils n'ont pas
été dupes de la servilité, du caractère domptable,
reconnu "from coast to coast" au Canada, du Parti libéral du
Québec que, le 13 avril 1981, ils ont réélu le Parti
québécois au pouvoir. Et je pense qu'avec l'exposé que
vient de faire le député de Laporte, il doit y avoir un
très grand nombre de Québécois qui se disent: Mon Dieu!
qu'on
a bien décidé. Avec quelle servilité ces
gens-là défendraient les intérêts du
Québec.
M. le Président, pour vous démontrer un tant soit peu la
servilité aveugle, totale, le perron de porte du Parti libéral du
Québec en ce qui concerne la politique aérienne, cela a
été rejeté non seulement par le gouvernement de
Québec, comme je le disais tantôt, cette politique aérienne
du ministère fédéral des Transports, mais même par
le ministère des Transports de l'Ontario. Plus voué aux
intérêts des autres que le député de Laporte, avec
les propos qu'il vient de tenir, cela ne se peut pas, c'est invraisemblable. Je
vous cite la déclaration ministérielle. Ce n'est pas moi qui le
dis, c'est James Snow, ministre des Transports de l'Ontario, concernant la
politique de transport aérien du gouvernement fédéral: To
begin with we find the proposal too restrictive - et je continue plus loin - in
short, rather than acting as an intended blue print for future development of
this vital industry, the proposed policy is instead a statement of the statu
quo - l'établissement du statu quo renforcé - with a few added
restrictions - avec encore plus de restrictions, il dit qu'il n'y avait pas de
contrainte en ce qui concerne les transporteurs aériens locaux, je
prends à témoin le ministre des Transports de l'Ontario: "As well
the federal proposal restricts local carriers from using jet equipment, this,
in our view, would impede rather than stimulate any development in the air
carrier industry." II continue, mais je ne veux pas faire une citation trop
longue. Le ministre de l'Ontario lui-même, défendant les
intérêts des Ontariens, dit: "La politique fédérale,
on n'en veut pas, même s'il la pratique présentement, parce que ce
n'est qu'un renforcement du statu quo." Avec servilité, dompté
par le gouvernement fédéral, le député de Laporte
vient ici et il défend les intérêts du gouvernement
fédéral dans cette affaire.
M. Paradis: Question de règlement.
M. Clair: J'ai laissé parler le député de
Brome-Missisquoi...
M. Paradis: Question de règlement.
M. Clair: ... qu'on me laisse mon temps.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de règlement, M. le député de Brome-Missisquoi,
en tenant bien compte que M. le ministre a dix minutes pour terminer.
M. Paradis: II aura l'assentiment de l'Opposition, si je prends
une minute, pour continuer une minute de plus. Ce que le député
de Laporte vous a dit, c'est d'avoir un transporteur québécois
fort, qui ne sera pas servile. Votre attitude a été de
créer un transporteur québécois faible qui, lui, va
être servile.
M. Clair: On a parlé de cela, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Transports.
M. Clair: J'ai répondu à sa question. Le
député de Brome-Missisquoi, je ne l'en blâme pas, ne
distingue pas les dossiers: la politique de transport aérien canadienne
et le dossier de fusion Québecair-Nordair et le dossier de
rationalisation, ce sont trois choses différentes. Je continue. Je
disais, donc, que le député de Laporte, par les propos qu'il a
tenus, s'est simplement trompé de Parlement. Il y a un autre Parlement,
à quelque 200 milles à l'ouest de Québec, à Ottawa.
C'est là qu'il aurait dû être s'il voulait défendre
la politique de transport aérien du gouvernement
fédéral.
M. le Président, l'offre que nous avons faite - je le
répète et je l'ai démontré -était moins
avantageuse que celle qui était faite par Air Canada aux actionnaires de
Québecair. Comment le député de Laporte peut-il
aujourd'hui essayer de laisser entendre que le gouvernement du Québec a
commis une erreur alors que cette offre est exactement la même que celle
d'Air Canada? Encore une fois, pourquoi le député de Laporte
a-t-il tenu ces propos? Par servilité.
En ce qui concerne la fusion, pendant trois ans, des
intérêts québécois et ontariens, avec l'appui du
gouvernement de Québec, ont essayé de développer toutes
sortes de propositions acceptables pour le gouvernement fédéral.
Ils se sont dédits de leur parole. Encore récemment, Jean-Luc
Pepin jouait sur les mots pour dire oui, non à la fusion
Québecair-Nordair. Nous y croyons à la rationalisation du
transport aérien dans le centre et l'Est du Canada. Nous y travaillons
à cette rationalisation. La différence entre le
député de Laporte et celui qui vous parle, M. le
Président, c'est que la rationalisation du transport aérien dans
le Centre et l'Est du Canada ne se fera pas en marchant sur le corps ou sur la
tête des francophones, sur le corps et la tête des
Québécois dans le transport aérien. Les offres qui ont
été faites, l'été dernier, par Air Canada ne
donnaient aucune garantie.
Je souligne en passant le rôle très positif joué par
le Mouvement Desjardins. Quand on connaît le dossier, on sait
qu'actuellement le Mouvement Desjardins, par la Société
d'investissement Desjardins, est impliqué dans les deux transporteurs
aériens, dans Nordair et dans Québecair, parce que lui aussi
croyait à la possibilité de
rationaliser le transport aérien par une fusion
Québecair-Nordair.
Le député de Laporte disait: Les trois autres fontdes profits. J'ajoute à ce que je disais tantôt. Air Canada ne
concurrence pas Eastern Provincial Airways sauf sur Halifax; elle ne
concurrence pas Nordair sauf sur Toronto; elle ne concurrence pas Pacific
Western Airlines sur son réseau régional en aucune façon.
J'ai démontré la structure financière d'Air Canada, de
PWA, de Nordair; si ces compagnies avaient à se débattre dans les
mêmes conditions que celles qui sont faites par le gouvernement
fédéral à Québecair, elles seraient probablement
dans une situation très différente de ce qui existe
présentement.
M. le Président, Québecair a une chance de se
développer, les francophones ont une chance d'avancer dans l'occupation
de postes, que ce soit au niveau de pilote ou de la direction. Je ne nie pas
qu'Air Canada et Nordair aient fait des efforts dans ce sens, que le conseil
d'administration de Nordair soit représenté très largement
par des francophones, que M. Lizotte soit un francophone. Nous n'en voulons
aucunement à Nordair. Le chef de l'Opposition a laissé entendre
récemment qu'on en voulait à Nordair. On n'en veut aucunement
à Nordair. Ce qu'on dit simplement c'est que, s'il doit y avoir une
fusion entre Québecair et Nordair pour la rationalisation du transport
aérien dans le Centre et l'Est du Canada, nous y croyons à cet
objectif, mais cela ne se fera pas en risquant de perdre siège social,
bases d'opération, bases d'entretien pour la nouvelle compagnie.
M. le Président, le député de Laporte dit: Ce n'est
pas vrai. Je vais lui en apprendre une bonne, M. le Président. Alors que
l'été dernier, quasiment au moment même où des
représentants d'Air Canada étaient de l'autre côté
dans le bureau du ministre d'État au Développement
économique, Bernard Landry, pour nous dire que, dans cinq ans, ce serait
intéressant de vendre dans le privé et qu'ils prenaient des
engagements aussi louvoyants que ceux qu'ils avaient pris en 1978, au
même moment, nous avons des renseignements venant de l'Ontario qu'Air
Canada, de l'autre côté, ou le gouvernement fédéral,
devrais-je dire plutôt, laisse entendre à des
intérêts ontariens que, s'il y a la fusion proposée
Québecair-Nordair Air Canada va vider de l'intérieur, en partie,
des postes à Montréal pour les envoyer à Toronto.
M. le Président, nous n'étions pas dupes, nous ne le
sommes pas, nous voulons simplement nous tenir debout pour assurer le
développement du transport aérien, qui est une donnée
fondamentale pour le développement économique d'une
région, comme l'Alberta l'a compris, comme les Ontariens le comprennent,
avec les déclarations qu'ils font. Ils ont une position similaire
à la nôtre, à toutes fins utiles; il n'est pas question de
laisser aller Québecair, filiale de Nordair ou d'Air Canada, par une
nationalisation. J'insiste là-dessus. Ce qu'Air Canada voulait faire -
je vois que le député de Bonaventure est ici, il me fait plaisir
de le saluer - l'été dernier, c'est nationaliser Québecair
pour la fusionner à Nordair, ce qui aurait entraîné des
économies d'échelle, mais ce qui aurait entraîné la
perte irrémédiable d'un rôle important pour les
francophones, les Québécois dans le transport aérien.
C'est cela qui était inacceptable.
Rapidement, en ce qui concerne une question particulière et
à laquelle je voulais répondre - j'ai essayé de
répondre au plus grand nombre de questions possible - celle des
Boeing-737 et des BAC-111, ce que le député de Laporte sera
heureux d'apprendre, peut-être, c'est qu'une réglementation
américaine de la Federal Aviation Authority, la FAA, prévoyait
l'interdiction de voler sur les BAC-111, à compter de 1985. US Air, qui
possède une trentaine de BAC-111, a fait des pressions auprès de
la FAA pour pouvoir continuer à les utiliser jusqu'en 1988, ce qui
permettrait d'allonger considérablement la période de
rentabilité de ces appareils, parce qu'ils font face eux aussi, aux
États-Unis, aux mêmes difficultés économiques, au
même déclin dans certaines régions, ce qui rend plus
rentable de continuer l'utilisation d'appareils comme les BAC-111, par rapport
aux Boeing 737. (13 heures)
Les décisions qui ont été prises par la FAA, et qui
ont vraisemblablement été prises également par le
gouvernement du Canada, permettent d'allonger la durée de vie des
BAC-111. C'est évident qu'avec des conditions comme celles que j'ai
décrites, qui sont faites à Québecair, avec un
marché qui est difficile, présentement, Québecair fait
comme d'autres transporteurs aériens et cherche à se rabattre sur
des appareils moins coûteux, surtout en coûts de
propriété, au moment où le gouvernement
fédéral nous gratifie de taux d'intérêt sans
précédent dans l'histoire du Canada mais que, par exemple, il
donne des conditions de financement à long terme à Air Canada
à des taux d'intérêt très avantageux.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, il est 13
heures. Je veux remercier les membres de la commission permanente des
transports qui nous ont permis de nous rendre à destination à la
vitesse de croisière prévue et aussi à assurer l'horaire
convenu.
Donc, j'ajourne la commission permanente des transports sine die.
(Fin de la séance à 13 h 02)