(Neuf heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 38, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Asselin (Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Jacques (Mégantic); Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac), par Mme Hébert (Saint-François); M. Tremblay
(Dubuc), par Mme Dorismond (Marie-Victorin); Mme Sauvé (Fabre), par M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par Mme Hivon
(Joliette).
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Ce matin, nous débuterons par les remarques
préliminaires puis nous entendrons par visioconférence les personnes et groupes
suivants : le Collège des médecins du Québec, la Fédération québécoise des
sociétés d'Alzheimer et l'Association québécoise pour le droit de mourir dans
la dignité.
Comme la séance a débuté à 9 h 22, y
a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux, si besoin, au-delà de l'heure
prévue, soit jusqu'à 12 h 10? Consentement?
Des voix : Consentement.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
J'invite maintenant M. le ministre de la Santé
et des Services sociaux à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre,
vous disposez de 5 min 34 s.
M. Christian Dubé
M. Dubé : Je vois déjà que le Dr Gaudreault
est en ligne, mais je le saluerai après les remarques préliminaires.
Alors, je suis vraiment très heureux qu'on
puisse commencer aujourd'hui les consultations particulières sur ce projet de
loi qui est très important. C'est une autre étape qu'on franchit aujourd'hui
pour l'évolution de notre loi concernant les soins de vie ainsi que l'accès à
l'aide médicale à mourir. En fait, c'est un message fort que nous lançons
aujourd'hui en tenant ces consultations qui abordent la question de la demande anticipée.
J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour
remercier la commission spéciale pour son travail essentiel qui nous a menés
ici aujourd'hui et tous les députés qui en faisaient partie. Avec la charge de
l'agenda législatif et celle de notre commission santé, le ministère a malgré
tout fait un travail titanesque dans les délais qu'on avait pour faire un
projet de loi et le déposer avant la fin de la session. Maintenant, les défis
sont énormes sur un sujet qui est aussi important et délicat, et c'était
essentiel pour nous de faire ce projet de loi et de donner suite au rapport de
la commission spéciale. C'était une demande des parlementaires, et nous avons
livré, nous avons déposé le projet de loi.
On sait tous, par contre, que le temps est
compté, mais on veut bien faire des choses et on va prendre le temps d'écouter
les parties prenantes et étudier adéquatement le projet de loi. Par contre, on
a dû faire aussi des choix qui sont déchirants, autant pour les consultations
particulières afin de respecter notre échéancier — je pense entre autres
que plusieurs autres intervenants auraient aimé être avec nous — mais
on a dû faire aussi des choix sur les sujets que l'on doit mettre de côté par
manque de consensus. Maintenant, il reste à savoir si nous pourrons le voter
dans les délais qui nous sont imposés, mais je reste confiant.
À la suite du
dépôt du projet de loi de la semaine dernière, on a bien entendu les
préoccupations qui ont été soulevées par
les partis d'opposition par rapport à l'ajout du handicap neuromoteur. Par
contre, je comprends les préoccupations du Collège des médecins, on va
d'ailleurs les entendre dans les prochaines minutes. C'est eux... il faut le
rappeler, ce sont eux qui sont sur le
terrain, qui administrent l'aide médicale à mourir et qui auront à gérer un
flou juridique qu'ils nous expliqueront.
Je rappelle que cet aspect avait d'ailleurs été
amené lors des consultations de la commission mais n'a pu être traité parce que
ce n'était pas dans le mandat de la commission. Mais j'ai bien entendu les
préoccupations des oppositions, et notre priorité est de ne pas compromettre
l'adoption du projet de loi, qui porte principalement sur les décisions
anticipées et sur l'inaptitude. On va déposer, lors de l'étude détaillée, deux
amendements pour retirer les dispositions sur le handicap neuromoteur, qu'on
pourra discuter à ce moment-là.
J'ai dit qu'il y avait
plusieurs défis, mais un des défis est le temps qu'il nous reste, M. le
Président. Un autre défi est que le projet de loi soit applicable sur le
terrain. Et on le sait, on le sait, M. le Président, sur un sujet aussi
délicat, le diable est souvent dans les détails. D'ailleurs, durant les
consultations, s'il y a d'autres éléments qu'on doit ajouter ou enlever, on est
prêts à s'ajuster rapidement, tant que c'est cohérent avec l'esprit du projet
de loi, ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Donc, c'est pour ça qu'on
veut que les intervenants, lors des consultations particulières des deux
prochains jours, nous disent ce avec quoi ils sont inconfortables ou
confortables pour qu'on puisse s'ajuster dans le temps qui nous est imparti et
atteindre notre consensus.
En conclusion, M. le Président, je le répète, on
est très heureux qu'on puisse discuter ce matin, commencer ce matin les consultations
particulières et entendre le plus de groupes possible. Dans les prochains
jours, nous avons l'occasion de franchir une autre étape dans l'aide médicale à
mourir avec les demandes anticipées. Mais, je le résume, nous avons trois
défis, trois défis : on a un temps qui est limité, on doit avoir un
consensus sur les décisions... les recommandations de la commission, et le
projet de loi doit être bien applicable sur le terrain, trois défis. Je peux
vous assurer que nous allons tout faire pour réussir à aller de l'avant, mais,
si jamais on voit que ça ne fonctionne pas, on aura tous essayé ensemble, comme
on l'a déjà fait dans d'autres circonstances. Mais, je le répète, je pense
qu'on peut réussir. Je suis certain qu'on va avoir la collaboration de tout le
monde. On doit bien faire les choses pour les Québécois. C'est un sujet qui est
trop important et c'est une étape, encore une fois, importante. Merci, M. le
Président, et bonne journée à tous.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le ministre.
J'invite maintenant le porte-parole de
l'opposition officielle et député de D'Arcy-McGee à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de 3 min 43 s. À vous la
parole.
M. David Birnbaum
M. Birnbaum : Mes salutations,
M. le Président, M. le ministre, son équipe et l'équipe du ministère, mes
collègues députés du côté ministériel, mes collègues qui ont travaillé
fortement avec moi et autres sur la commission, les députés de l'opposition.
Je reconnais... Premièrement, j'apprécie
l'ouverture du ministre et la façon qu'il encadre notre travail. Je me permets
de reconnaître le travail de notre commission, de sa présidente, qui nous a
dirigés de façon humaine et efficace, et mes collègues du comité directeur
ainsi que les collègues de la commission qui ont confié quelque 200 heures
de façon ardue, transparente et responsable pour produire un rapport signé par
chaque membre de façon unanime et transpartisane, ce n'est pas rien.
La question devant nous est la plus solennelle
et importante. Nous avons une responsabilité à la fois d'aider le public à
comprendre où nous sommes rendus. On n'est pas devant un vacuum. L'aide
médicale à mourir est légale au Québec. Le débat est sur l'élargissement et sur
les paramètres d'un mandat qui a été assez clair. Alors, je crois qu'on va
écouter avec grande attention les témoins de ces deux journées en dedans des
paramètres du projet de loi devant nous. Je
prends très au sérieux l'engagement du ministre, malgré le fait qu'on va
écouter comme il faut que l'élargissement pour les handicapés atteints
des problèmes neuromoteurs ne feraient pas partie du projet de loi qu'on va
mettre de l'avant, je le dis clairement.
Sans oublier que nous aurions la grande responsabilité d'écouter comme il faut
et peut-être de signaler qu'un débat sur ce sujet tellement important
doit se faire dans un avenir peut-être assez proche.
On est devant un paradoxe, le ministre y a fait
référence. Nous avons l'obligation solennelle de faire notre travail de façon
diligente, d'équiper les 125 députés à faire une décision éclairée et
responsable. À la fois on a la responsabilité de faire tout notre possible afin
de présenter pour un vote à nos collègues de l'Assemblée nationale un projet de
loi étoffé, clair, implantable, et réaliste, et compatissant, et là, dans leur
sagesse, les 125 députés vont trancher là-dessus. Moi, je partage la
confiance du ministre qu'on peut arriver à atteindre tous ces objectifs de
façon honorable, transparente et non partisane. Merci.
• (9 h 30) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le député.
J'invite maintenant le porte-parole du deuxième
groupe d'opposition et député de Rosemont à faire ses remarques préliminaires
pour une durée maximale de 56 secondes.
M. Vincent
Marissal
M. Marissal : Oui, merci. De
toute façon, ça ne sera pas plus long que ça : de un, je perds la voix; de
deux, on a beaucoup discuté de ça, on en est à l'étape finale. Moi, je pense
que c'est faisable, puis on ne refera pas l'histoire, mais il aurait été préférable
d'arriver avec ça avant parce que, là, on sent un petit peu la baïonnette dans
le dos, ce n'est pas idéal pour adopter ce genre de choses. Alors, allons-y,
allons-y rondement, mais je crois, comme mon collègue de D'Arcy-McGee, que la
question qui avait été rajoutée un peu dernière minute sur handicap
neuromoteur, on ouvre une tout autre porte, là, dont on n'a pas discuté de
façon exhaustive, ce qu'on a fait avec les autres sujets.
Alors, cela dit, je suis là pour écouter puis,
dans un monde idéal, adopter ça d'ici le 10 juin.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le député.
J'invite maintenant la porte-parole du troisième
groupe d'opposition et députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires
pour une durée maximale de 56 secondes.
Mme Véronique
Hivon
Mme Hivon : Alors, merci.
Heureuse de retrouver les collègues de la commission.
Écoutez, M. le Président, j'ai beaucoup de
choses à dire, je vis beaucoup d'émotions, et tout ça en 56 secondes, donc
c'est un défi.
On est dans la salle Pauline-Marois. Je veux
juste faire un petit clin d'oeil à Pauline Marois parce que, quand je lui étais
arrivée avec l'idée initiale de créer une commission sur le sujet, elle m'a
écoutée, elle m'a entendue et puis elle m'a soutenue. Alors, petit clin d'oeil
à elle.
Écoutez, oui, c'est une amorce d'une autre étape
fondamentale pour concrétiser cette demande, je pense, d'une grande partie de
la population, d'avoir la possibilité d'une demande anticipée. C'est un
principe qui est fort, qui est très consensuel, mais le diable va être dans les
détails, il faut que ce soit solide pour un enjeu aussi complexe et sensible.
Et moi, je veux juste rappeler que je me sens
investie d'une grande responsabilité, parce qu'à l'époque on avait dit aux opposants, parce qu'il y avait beaucoup de
réticences pour le principe même, qu'il y aurait toujours un pacte avec
la population, qu'à chaque fois qu'il y aurait une nouvelle avancée possible,
un nouveau débat, il y aurait une large discussion
pour être sûrs qu'il y aurait un consensus. Je pense que ça doit continuer à
nous guider. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée. Merci
pour ces remarques préliminaires.
Auditions
Nous allons maintenant débuter les auditions. Je
souhaite la bienvenue aux représentants du Collège des médecins du Québec. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je vous cède la
parole, messieurs.
Collège des médecins du
Québec (CMQ)
M. Gaudreault
(Mauril) : Merci. Je suis Mauril
Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec. Ça me fait plaisir
d'être avec vous ici ce matin. M. Provençal, députés membres de cette même
commission, M. le ministre Christian Dubé également, merci d'entendre
aujourd'hui la voix du Collège des médecins du Québec, même si la voix de son
président est un peu éraillée et enrouée. Étant... Ayant été testé COVID
positif hier matin, j'ai un peu de toux et
un peu de congestion nasale, je m'en excuse. Je suis accompagné du directeur
général du collège, le Dr André Luyet, psychiatre, qui a participé à
l'élaboration de notre positionnement. Et je souligne aussi l'importante
contribution chez nous de notre Direction des affaires juridiques.
La mission de notre ordre professionnel est de
protéger le public en offrant une médecine de qualité, en offrant des soins de
qualité, et l'aide médicale à mourir, au sens proprement médical, est un soin,
un soin qui s'inscrit dans les choix offerts aux personnes lorsque leur
souffrance devient intolérable et sans fin, une souffrance à laquelle des
personnes préfèrent la démarche de fin de vie. En toutes circonstances, jusqu'à
la fin, le médecin est là auprès de son patient à remplir son devoir éthique et
déontologique.
Le projet de loi n° 38
a été déposé mercredi dernier. Un amendement majeur survenait le lendemain.
Nous voici, moins d'une semaine plus tard, à étudier ce projet de loi. Les
choses vont vite, je suis d'accord avec vous, elles se bousculent, mais nous
composons avec la situation. Cependant, pour nous, la fenêtre est là, ouverte à
un élargissement de l'aide médicale à mourir au profit des personnes
handicapées, que l'on songe à la disparition du critère de fin de vie, à
l'autorisation donnée aux infirmières praticiennes spécialisées d'administrer
l'aide médicale à mourir et la sédation
palliative continue, à la demande anticipée d'aide médicale à mourir ou à
l'élargissement de celle-ci à toutes les maisons de soins palliatifs.
C'est pourquoi notre mémoire est concis et aborde les points que nous estimons,
ici, essentiels.
Nous tenons... Je tiens vraiment à souligner
l'écoute du ministre Dubé à l'endroit du collège et son ouverture face à nos
propositions, mais nous ne doutons aucunement de celle des membres de cette
commission. Nous tenterons de convaincre l'ensemble des parlementaires du
bien-fondé des avancées du projet de loi sur le plan médical et formulerons des
recommandations sur certains aspects.
Voilà bientôt 20 ans que le Collège des médecins
participe à l'évolution de l'aide médicale à mourir en contribuant notamment
activement à la réflexion ayant mené à l'adoption de la Loi concernant les
soins de fin de vie. En 2015, le collège publiait déjà trois guides d'exercice
afin d'aider les médecins qui accompagnent les personnes en fin de vie.
Prochainement, des changements seront apportés au guide d'exercice sur l'aide
médicale à mourir par l'ajout d'une référence aux protocoles pharmacologiques
produits par l'INESSS. Il sera aussi mis à jour pour donner suite éventuellement aux ajustements qui pourraient être
apportés au Code criminel. Nous dirons, ici, les choses franchement,
toujours dans le sens médical et dans l'intérêt des personnes.
Au Québec, les personnes disposent actuellement
de moins d'options de soins de fin de vie que les autres Canadiens. Pour nous,
le Collège des médecins, cela est inacceptable. Nous devons offrir aux
personnes aux prises avec une condition de santé grave, une maladie ou un
handicap accompagné de souffrances intolérables et inapaisables la même
panoplie d'options que celles offertes à l'ensemble des citoyens canadiens.
Hors du Québec, une personne souffrant d'un
handicap entraînant des souffrances physiques et psychiques intolérables a
librement accès à l'aide médicale à mourir en vertu du Code criminel. Au
Québec, il lui faut en plus être atteinte d'une maladie
grave et incurable. Si cette même personne vivait à Ottawa plutôt qu'à
Gatineau, elle ne passerait pas le reste de sa vie à souffrir et à attendre la
mort. Il ne peut y avoir deux lois pour une même souffrance.
Pour le Collège des médecins, aborder l'aide
médicale à mourir strictement sous le spectre de la trajectoire de fin de vie
ou de la maladie incurable occulte toute la dimension de la souffrance
intolérable associée à des handicaps et à laquelle doivent se résigner les
personnes.
C'est ici que se confrontent les approches
médicale et politique de l'aide médicale à mourir : l'une tente de
distinguer l'origine d'un handicap, tandis que l'autre s'attarde à la
souffrance intolérable et irréversible de la personne, peu importe les
circonstances. Cette situation distincte au Québec engendre de la confusion.
Elle engendre également un certain malaise, un fort malaise, même, pour les
médecins qui doivent évaluer l'admissibilité d'une personne à l'aide médicale à
mourir.
Lors du dépôt du projet de loi n° 38, le
collège a perçu comme une avancée pour les personnes l'ajout du handicap
neuromoteur comme critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Nous en
avions d'ailleurs fait la recommandation dans le rapport de votre groupe... de
notre groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir que nous avions rendu
public. Son retrait du projet de loi a été justifié par le fait que les
parlementaires n'avaient pas étudié en profondeur ce volet. Nous respectons
cela totalement, bien sûr, mais, au nom des patients, il importe que cet examen
se déroule dans les meilleurs délais. Le ministre de la Santé et des Services
sociaux en a pris formellement l'engagement. Nous comprenons que ce n'est que
partie remise, c'est pourquoi nous réclamons à nouveau une harmonisation des
lois québécoises et fédérales touchant l'aide médicale à mourir. Les Québécois
souffrant d'un handicap, affligés de souffrances intolérables qui ne peuvent
être soulagées doivent, comme tous les Canadiens, avoir librement droit à ce
soin. Et nous insistons pour que la loi québécoise soit formulée de manière à
ce que le qualificatif «neuromoteur» ne soit pas plus limitatif que ce que
prévoit le Code criminel au sujet du handicap. C'est une question d'équité
envers toutes les personnes. Je vous le redis, il ne peut y avoir deux lois
pour une même souffrance.
Et on ne peut pas parler, ici, d'acceptabilité
sociale ou de politique lorsqu'il s'agit de priver les Québécois de certains
soins prévus d'un océan à l'autre dans le Code criminel. Il faut éviter que ce
soient les personnes touchées qui fassent valoir leurs droits devant les
tribunaux. La cohabitation de deux législations fait jouer le rôle de
professeurs de droit aux médecins. Chaque semaine, des médecins, des familles
nous relatent comment des personnes se sont laissé mourir de faim, se sont
suicidées faute d'accès à l'aide médicale à mourir auxquelles elles ont
pourtant légalement droit en vertu du Code criminel. D'autres sont même allées
obtenir ce soin à l'étranger. Il est grand temps pour nous de tenir compte de
l'intérêt des Québécois sur cette question.
Je demande maintenant au Dr Luyet d'aborder
la question des demandes anticipées et d'autres dispositions du projet de loi.
• (9 h 40) •
M. Luyet (André) : Merci,
Dr Gaudreault.
Le projet de loi n° 38 autorisera désormais
les demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Les personnes atteintes d'une
maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins pourront
présenter une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Cependant, cela n'est
pas encore possible au Canada. On ne peut présenter pareille demande, car le
mécanisme n'est pas prévu au Code criminel, mais on sait que les demandes
anticipées font actuellement l'objet d'un examen par le gouvernement fédéral.
Le collège estime que cette disposition du
projet de loi n° 38, bien qu'inapplicable actuellement, constitue un gain
pour la société québécoise et est le reflet de son acceptabilité. Nous
recommandons donc que le législateur prévoie déjà la formulation du décret
nécessaire pour une entrée en vigueur immédiate de cette disposition, une fois
que le Code criminel le permettra.
Nous recommandons aussi que soit dès maintenant
élaboré le formulaire dans lequel il est prescrit que soit consignée chaque demande anticipée afin que la
mise en application de cette nouvelle disposition ne souffre aucun
délai.
Sur la question de la santé mentale maintenant,
le projet de loi est clair sur son exclusion en matière de maladie grave et
incurable. Il en va de même pour le Code criminel, du moins jusqu'en mars 2023,
mais le gouvernement fédéral étudie aussi cette question.
Si le projet de loi n° 38 est adopté sans
disposition prévoyant une harmonisation immédiate advenant une modification en ce sens du Code criminel, nous placerions les patients, les médecins et les IPS en situation de
porte-à-faux. À nouveau les Québécois disposeraient de moins de choix en
matière d'aide médicale à mourir, cela n'a aucun sens pour nous. Mais nous
reconnaissons toute la sensibilité de cette question, que le collège a étudiée
pendant de longs mois avec des cliniciens dont l'expertise est reconnue dans la
sphère médicale et juridique. On constate que le niveau de souffrance élevé
engendré par certains problèmes de santé mentale est aussi inapaisable que
celui rencontré dans tout autre problème de santé.
Dans le rapport de notre groupe de réflexion...
Le Président (M. Provençal)
: Je vais vous demander de conclure,
s'il vous plaît.
M. Luyet (André) : Dans le rapport
de notre groupe de réflexion, nous proposons des balises claires pour guider
les cliniciens. Nous recommandons donc au gouvernement d'accélérer sa réflexion
sur l'admissibilité à l'aide médicale à mourir des personnes souffrant d'un
trouble mental et de prendre en considération les balises proposées par le
collège dans ces cas.
Et nous saluons enfin l'ajout des IPS comme
professionnels pouvant administrer l'aide médicale à mourir et la sédation
palliative continue, mais le texte de loi proposé précise que cela ne vaut que
pour les IPS exerçant leur profession dans un centre exploité par un établissement public. Le lieu
d'administration du soin ne devrait pas être limité.
Je cède maintenant la parole au
Dr Gaudreault.
Le Président (M. Provençal)
: Maintenant, on va... Je m'excuse,
votre temps est écoulé. Nous allons procéder à la période d'échange avec les
membres de la commission, et je vais faire une suggestion pour que le temps
résiduel soit réparti, avec votre consentement, aux membres de l'opposition.
Consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, nous allons débuter cette période d'échange
avec M. le ministre. Je vous cède la parole pour les
15 min 15 s.
M. Dubé : Oui. M. le Président,
tout d'abord, je voudrais faire deux choses : remercier le
Dr Gaudreault et le Dr Luyet pour leurs commentaires. Je sais que ce
n'est pas une situation facile pour le Collège des médecins. Je pense qu'on l'a
dit, que... Et d'ailleurs ma collègue députée de Joliette a bien dit que
c'était une question d'applicabilité sur le terrain, puis nos médecins sont sur
le terrain, puis c'est eux qui sont souvent dans cette situation-là
inconfortable. J'aimerais dire que je salue beaucoup la position qu'il vient de
prendre, là, en disant qu'il comprend la décision que nous avons prise de
retirer la question des handicaps neuromoteurs, même si ce n'est pas leur
préférence, de comprendre qu'il est important d'avoir un consensus. Alors,
Dr Gaudreault et votre collègue, j'apprécie cette précision importante que
vous faites en début de de cette consultation-là, c'est tout à votre honneur.
Mon deuxième point, c'est que j'aimerais donner
toute la place, M. le Président, non seulement à notre députée de Roberval,
mais il faut rappeler que c'est quand même... là je me permets de l'appeler par
son prénom, je ne sais pas si je vais avoir le droit de faire ça, mais c'est
quand même Mme Guillemette, Nancy, qui a conduit, avec les autres députés,
cette commission-là, qui a passé, comme vous l'avez dit, M. le député, plus de
200 heures, alors je pense qu'il serait tout à fait respectueux de ma part
et de notre part de donner toute la place aux députés qui ont fait ce
travail-là, et particulièrement à Mme Guillemette.
Alors, je vous laisse aller avec vos questions
que vous pouvez avoir pour le Collège des médecins.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, M. le
ministre. Et je partage ce moment-là avec les collègues et les collègues de la
banquette en avant de moi également. Donc, on l'a fait ensemble et on va le
mener ensemble jusqu'au bout.
Merci, messieurs, d'être avec nous ce matin.
J'apprécie vraiment encore qu'on puisse rediscuter de ce sujet qui est
tellement important, mais aussi tellement sensible. On entend bien votre
message pour l'harmonisation, également pour la santé mentale, pour le handicap
neuromoteur. Je souhaite remercier votre ouverture que vous avez eue pour nous
tendre la main pour la suite des choses et que vous comprenez bien la situation
et ce qui a été discuté avec les collègues en commission. On sait que, pour
vous, ce n'est pas la situation idéale, et on souhaite tous vous rendre la
chose plus facile.
Par contre, ce matin, on va discuter de la
demande anticipée de l'aide médicale à mourir, et, dans ce sens-là, j'aimerais
savoir est-ce qu'il est possible d'évaluer objectivement la souffrance d'une
personne avec des troubles cognitifs majeurs qui est devenue inapte.
M. Gaudreault
(Mauril) : Dr Luyet, je vous laisserais
répondre.
M. Luyet (André) : Je pense
qu'il est bien important qu'au moment de donner un consentement libre et
éclairé dans une demande, on puisse examiner vraiment tous les cas de figure
possibles, toutes les éventualités, les choses qui sont susceptibles de
subvenir pour que ce soit bien clair pour la personne qui donne son
consentement.
Maintenant, dans le cours de l'évolution, c'est
sûr que cette possibilité-là d'exprimer verbalement, adéquatement sa souffrance peut être entachée par l'évolution de la
maladie. Mais la souffrance, la douleur, ça s'exprime à travers toutes
sortes de postures, de crispation, de faciès, d'agitation au plan psychomoteur,
de troubles de sommeil, enfin il y a
plusieurs indices qui nous permettent d'avoir une idée du niveau de souffrance
vécu par la personne. Est-ce que c'est aussi précis, aussi bien
déterminé que si la personne avait pu l'exprimer elle-même? Non, mais il y a
quand même des voies alternatives, là, pour évaluer cette souffrance-là.
Mme Guillemette : La personne a
conscience qu'elle souffre physiquement ou mentalement, là. C'est certain que
la souffrance mentale est plus difficile à évaluer, à ce moment-là, que la
souffrance physique, mais la personne a conscience qu'elle souffre.
M. Luyet (André) : Oui, oui.
• (9 h 50) •
Mme Guillemette : Dans
votre rapport sur l'aide médicale à mourir publié en décembre dernier, il est
mentionné que, dans les situations où la
personne est en situation d'inaptitude, seul le refus catégorique s'opposerait
à l'administration de l'aide médicale
à mourir. Qu'est-ce qui est, pour vous, le refus catégorique, et pouvez-vous me
donner des exemples? On a eu un exemple d'une situation qui s'est produite, là, en Europe. Et
qu'est-ce que c'est, pour vous, le refus catégorique? Quelqu'un qui va
être inconfortable, qui va tasser son bras, est-ce que c'est, pour vous, un
refus catégorique ou... Pour nous permettre de bien baliser cet aspect-là.
M. Luyet (André) : Bien, encore
une fois, c'est des situations qui sont extrêmement complexes, mais le problème
ne se posera pas uniquement ce jour-là. Je pense qu'il faut déjà réunir les
conditions pour permettre, là, de prendre les meilleures décisions. Alors,
encore une fois, au moment de prendre la décision, une fois le diagnostic posé
alors que la personne est encore apte d'explorer les différentes évolutions,
les différents cas de figure, les différentes complications qui peuvent
survenir, de pouvoir dire précisément quelles sont ses volontés, de pouvoir
communiquer cette décision-là très clairement à ses proches et en particulier à
la personne ou au tiers désigné aussi, c'est important. Et au moment
d'administrer l'aide médicale à mourir, selon l'évolution, je pense que, là
aussi, la communication est importante. Il
ne faut pas aller vers une opposition, mais essayer de partager l'actualisation
d'une décision qui aurait été prise
et exprimée clairement par la personne alors qu'elle était en état de le faire,
et ça, ça devrait être la chose qui est la plus... la balise la plus la plus cardinale, la plus importante à
respecter, les volontés clairement exprimées par la personne.
M. Gaudreault
(Mauril) : Et, vous savez, en complément
de réponse, si je peux me permettre, le médecin, il n'est pas seul dans l'évaluation
de telles situations si complexes, ça se passe beaucoup en interdisciplinarité
également, avec d'autres personnes qui interviennent dans les soins et pour
lesquels les opinions de toutes et chacune sont partagées par rapport à la
difficulté, la complexité d'évaluer le degré de souffrance intolérable et
inapaisable pour un individu — nommons seulement les infirmières, mais
aussi d'autres intervenants qui participent, là, à l'échange, à la question et
au plan de traitement qui est par la suite adopté ou partagé. Donc, c'est
complexe, mais le médecin n'est pas seul pour évaluer cela correctement.
Mme Guillemette : O.K. Et, dans
le cas d'un refus catégorique, est-ce que la personne pourrait noter dans son
formulaire, pour être certaine de ne pas avoir de refus, qu'elle veut une
sédation palliative avant le grand moment, ou c'est exclu?
M. Luyet (André) : Bien, en
fait, ça fait partie de toutes les choses qu'il faudra explorer. Ce n'est pas
quelque chose qui va se signer superficiellement, sans avoir toute
l'information nécessaire, là.
Quand je parlais de tous les cas de figure qu'il
faut discuter avec la personne pour avoir un consentement vraiment éclairé sur
la façon dont les choses vont se dérouler, dont la... est extrêmement
importante, et ça, ça... Je pense que la question se pose aussi, de dire :
Bien, arrivé dans une situation comme celle-là — et c'est une évolution
possible, c'est quelque chose qui pourrait arriver — comment vous voudriez
qu'on procède, à ce moment-là? Comment vous voudriez
qu'on puisse concilier ce que vous nous dites maintenant avec ce qui pourrait
être exprimé à ce moment-là? Et, si les choses sont claires dès le
départ, je pense qu'on va dissoudre un grand nombre de complications, là, qu'on
va raconter autrement.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Dubé : Bien, écoutez, je
voudrais continuer dans le même sens. Puis je vais offrir à mes autres
collègues aussi, s'ils ont des questions, mais peut-être que je reviendrais sur
un des points que j'ai soulevés. Dr Gaudreault, étant donné votre grande
expérience, là, sur le terrain, si on met de côté les troubles neuromoteurs,
qu'est-ce que, dans le projet de loi, là, qui... on pourrait avoir de votre
part les enjeux qu'on doit régler rapidement pour être sûrs que c'est le plus
applicable possible? Parce que, là, maintenant qu'on se concentre sur des
décisions anticipées, étant donné votre grande expérience, qu'est-ce que vous
nous dites, là, qu'on doit prendre... Parce qu'on a quand même le temps
d'ajuster. Je l'ai offert, je l'ai offert à mes collègues de l'opposition. Y
a-t-il d'autres choses, selon vous, qui sont importantes qu'on devrait
s'assurer dans...
Parce que c'est toujours... on l'a bien dit, là,
il y a la loi puis il y a le terrain, et vous, vous allez appliquer la loi sur
le terrain. Est-ce qu'il y a des choses qui vous préoccupent en ce moment qu'on
devrait peut-être tenir compte? Parce qu'on a toute une équipe, là, de
légistes, ici, qui ont fait un travail extraordinaire de faire, je dirais,
quelque chose qui est très bon à 90 %, mais, je l'ai dit, il... pas parce
qu'ils n'ont pas fait l'effort, mais la loi, souvent, puis le terrain, ce n'est
pas pareil. Est-ce qu'il y en a, des éléments qui vous sautent aux yeux qu'on
devrait tenir compte dans les prochains jours?
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, écoutez, M. le ministre, ça va vous
décevoir, ma réponse, là, mais c'est comme toujours la même réponse. Je veux dire, c'est difficile pour des médecins
d'appliquer... en fait, de soulager les souffrances d'un individu le
plus possible avec deux lois, deux lois par rapport à l'admissibilité de ces
personnes-là. C'est difficile pour les
médecins sur le terrain, c'est difficile, c'est pour ça que j'ai utilisé
l'expression «professeurs de droit». C'est ça.
M. Dubé : Mais ça, je... Mais,
Dr Gaudreault, Dr Gaudreault, on a décidé... on a décidé... puis je
le dis, là, très clairement, on a décidé qu'on mettait cet imbroglio-là de
côté. Vous l'avez bien dit, vous acceptez qu'on va revenir sur cet aspect-là.
Ça, je comprends ça. Mais il y a-tu, à l'intérieur de ce cadre-là que vous
acceptez... J'ai salué votre ouverture de l'accepter parce que c'est une étape
que l'on fait aujourd'hui. Ça ne veut pas dire qu'on ne reviendra pas, autant
sur la santé mentale que... la commission l'avait dit, ce n'était pas dans leur
mandat.
Mais ce que je veux savoir
de votre part... puis je sais que ce n'est pas facile, ce que je pose comme
question, mais il y a-tu des choses qu'on devrait savoir aujourd'hui qui vont
nous permettre, lorsqu'on va rentrer dans le détail de la loi, de faciliter?
Puis, si vous voulez le faire un petit peu plus tard dans les prochains jours,
j'aimerais qu'on le sache, parce que je pense que tout le monde ici comprend
que ce n'est qu'une autre étape. La députée de Joliette l'a bien dit, il y a
une grosse étape qui a été faite en 2015. On s'est ajustés, suite à votre
demande en 2019... Quand est-ce qu'on s'est ajustés pour... 2021, il y a eu un
ajustement qui avait été fait. Là, on en fait un, qui est majeur, sur les
demandes anticipées, et je suis certain que ça va continuer d'évoluer dans la
tête des Québécois puis dans la tête des parlementaires. Mais ce que je voulais
savoir... puis je ne veux pas trop prendre de temps, mais est-ce qu'il y a
d'autres choses dans lesquelles vous vous dites : Il y a quelque chose qui
nous titille, là, à part le fédéral, là, je vais dire ça comme ça, qu'on
pourrait modifier dans le projet de loi?
M. Gaudreault
(Mauril) : ...
M. Dubé : Votre micro est...
Votre micro.
M. Luyet (André) : Mauril, on
ne vous entend pas.
M. Gaudreault
(Mauril) : Je vais répéter qu'on est
contents par rapport à ce qui est actuellement, par rapport aux demandes
anticipées possibles, à la disparition du critère de fin de vie, à
l'autorisation donnée aux IPS puis à l'élargissement aux maisons de soins
palliatifs. Ça, c'est un pas dans la bonne direction. Je vous le dis, on va
continuer à travailler avec vous, les parlementaires, vous, M. le ministre,
mais aussi tous les parlementaires, pour voir comment on pourrait aller plus
loin, pour faire en sorte d'harmoniser cela avec le fédéral. Mais je pense
qu'il faut... je pense qu'il faut se préparer. Il faut se préparer, à mon avis,
aussi à un élargissement possible du gouvernement fédéral au cours de
l'année 2023.
Donc, ce que j'aimerais, c'est que, oui, vous
allez, dans toute votre sagesse, recommander ce qu'il va falloir, à la suite de
ces deux jours d'auditions, mais se préparer dès, je dirais, l'élection d'un
prochain gouvernement pour revenir là-dessus.
M. Dubé : Je n'ai rien à voir
là-dedans, mais...
M. Luyet (André) : En
complément de réponse, si vous le permettez.
M. Dubé : Oui, allez-y,
Dr Luyet.
M. Luyet (André) : Bien, en
fait, des points d'amélioration, là, concernant les IPS... on comprend, là,
que, dans une perspective de contrôle de la qualité, là, on limite aux IPS qui
exercent en milieu hospitalier ou un en établissement, mais ça nous embête
quand même un peu qu'une infirmière qui pourrait être engagée auprès d'un
patient, qui établirait une relation de suivi avec elle ne puisse pas l'accompagner
aussi au moment où elle formule une demande d'aide médicale à mourir et qu'elle
doive, à ce moment-là, s'en remettre à un autre professionnel, alors, tout ça
pour assurer un contrôle de la qualité de l'exercice. Mais il y aurait
certainement une exploration à faire sur comment on pourrait trouver un lien de
rattachement entre ces infirmières-là et une structure d'évaluation de l'acte.
Puis, structure d'évaluation de l'acte, pour ce qui concerne les médecins, ça
se passe beaucoup autour des CMDP puis du Collège des médecins, mais on
pourrait aussi explorer comment on pourrait le faire conjointement avec les
infirmières aussi, avec les conseils...
M. Dubé : C'est le genre de
demande concrète, Dr Luyet. Puis il y a une chose que je voudrais dire,
là, j'apprécie... parce que c'est un petit peu ça qu'on cherche, là, d'avoir
ces discussions-là dans les prochains jours. Puis, vu qu'il me reste juste
quelques secondes, M. le Président, ce que je voudrais aussi que les gens
comprennent, c'est qu'on aura le choix, et c'est déjà prévu au projet de loi
qu'on pourra discuter quelle est la date d'entrée en vigueur de certaines
mesures, justement, pour essayer de minimiser certains détails, certains flous
qui sont là en ce moment. Mais on pourra revenir sur ce point-là.
En attendant, encore une fois, vous deux, merci
pour votre contribution. Merci beaucoup.
• (10 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le ministre.
Maintenant, je cède la parole au député de D'Arcy-McGee.
Vous disposez de 11 min 42 s.
M. Birnbaum : Merci beaucoup,
M. le Président. Et j'apprécie que notre temps, quand il en reste, va être
partagé avec les formations de l'opposition. Merci, le Dr Gaudreault et Dr
Luyet, et surtout le Dr Gaudreault, dans les circonstances personnelles
difficiles. J'espère que ça se règle dans un court, court délai.
Écoutez, évidemment, on apprécie beaucoup votre
intervention. Je crois que nous sommes... nous sommes ensemble en comprenant
que la cible de tout ce qu'on fait, c'est le bien-être des personnes et surtout
des gens qui risquent d'être touchés par ce projet de loi. Mais, en deuxième
lieu, pour réaliser notre premier objectif, on doit être satisfaits que vous et
vos membres sont équipés pour donner suite à cet éventuel projet, alors on vous
écoute avec grande attention.
Avant d'évacuer la
question, le ministre ne pouvait pas être plus clair, et vous aussi, qu'on ne
va pas, au sein de ce projet de loi, parler des problèmes neuromoteurs atteints
par les personnes handicapées. Avant d'évacuer la question, il y a deux choses qui me préoccupent dans vos revendications
là-dessus, et j'aimerais passer au moins quelques secondes là-dessus.
Vous parlez beaucoup de la concordance avec la
loi actuelle fédérale et des changements qui risquent de venir ainsi que le
Code criminel. Vous serez les premiers à comprendre qu'au Québec, dans ce
dossier, de façon légale, ainsi que dans tout dossier qui touche la santé, pour
ne pas parler de toutes sortes d'autres juridictions, vos membres, à juste titre, ont à se réconcilier avec la façon de faire
chez nous. Alors, je ne vous cache pas que, surtout de l'entendre des
médecins, ça a l'air d'être une grande, grande préoccupation, cette
concordance.
Et je reviens à ma préoccupation de votre rôle
primordial : pouvez-vous m'expliquer comment cette préoccupation risque de
compromettre la capacité de vos membres d'implanter dans les délais qui vont
être prescrits par l'Assemblée nationale... d'un projet de loi éventuellement
réalisé? Comment c'est un obstacle à votre capacité d'agir sur l'éventuel
projet de loi?
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, pour moi, un élément de
réponse, ce n'est pas un obstacle, en fait, en fait c'est une difficulté. Les
médecins qui sont... les médecins... on parle des médecins, c'est nos membres,
les médecins, mais souvent c'est une équipe
de soins qui sont vis-à-vis un patient ou une patiente qui présente de telles
souffrances, veulent faire tout ce qu'ils peuvent pour les soulager.
Donc, ce n'est pas un obstacle, dans le sens que c'est un soin qui serait disponible pour eux, mais qui, légalement parlant,
ne le sera pas, exemple. Donc, les médecins, ils composent avec ça, là.
En passant, il y a 25 000 membres du
Collège des médecins du Québec, il n'y a pas 25 000 médecins qui
administrent l'aide médicale à mourir, il y en a 200 qui font ça de façon
régulière. De plus en plus, c'est difficile pour eux, le fait de devoir
envisager deux lois pour une même souffrance, mais je ne reviendrai pas
là-dessus, vous avez compris notre position, là.
Mais ce n'est
pas un obstacle, là, c'est une difficulté que vivent les médecins sur le
terrain, cette situation-là, c'est pour
ça qu'on revient souvent là-dessus. Je m'en excuse, là, mais ce n'est pas
Mauril Gaudreault qui décide ça ou André Luyet, là, c'est vraiment les membres qui nous le demandent, mais c'est
le public aussi, dans les sondages qu'on veut faire.
M. Birnbaum : Mais justement je
crois que, si je peux... tout le monde qui s'implique dans ce dossier depuis
longue, longue date comprend l'importance d'un aspect pédagogique. Une loi ne
marche pas si ce n'est pas compris ni encadré de façon très transparente. C'est
dans cette optique que je pose ces questions. Et surtout vos membres doivent
être en mesure de comprendre et de clarifier quand il y a des ambiguïtés.
Mais il y a une deuxième chose qui me trouble,
une autre fois, parce que ça touche au débat qui va se poursuivre en étude
détaillée, et c'est le constat rapporté dans La Presse que, si on
écarte, comme on va faire pour l'instant, le débat primordialement important
sur les problèmes de neuromotricité, vous avez fait le constat que le collège
craint que des médecins choisiraient de ne plus administrer l'aide médicale à
mourir dans cette situation où on va se trouver. Ça m'étonne et ça m'inquiète
au plus haut point. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?
M. Gaudreault
(Mauril) : Mais ça aussi, c'est le cas
maintenant, mais c'est le cas depuis un bon bout de temps. En raison des
difficultés, puis des critères d'admissibilité, puis le fait que certains
patients, de l'avis d'un médecin, devraient pouvoir bénéficier de ce soin-là,
ne le peuvent pas, bien, certains d'entre eux — puis ça, ce n'est pas depuis
hier — cessent
d'administrer le soin en raison de la difficulté de son admissibilité et des
critères difficiles. Donc, oui, il y en a encore puis il y en aura toujours,
là, ça, il ne faut pas craindre cela, mais, quand même, le fait qu'il y a des
médecins qui l'administraient puis cessent de l'administrer à cause de la
complexité, bien, ça nous préoccupe et ça devrait, tous ensemble, nous
préoccuper.
M. Luyet (André) : Et je
rajouterais qu'ils sont préoccupés des avis qu'ils reçoivent, dans ces
contextes-là, de la Commission des soins de fin de vie également.
M. Birnbaum : Donc, ce qui
s'imposerait, une obligation que je crois que le ministre accepte et nous tous,
c'est la clarté, transparence et l'obligation, comme je dis, d'une grande
pédagogie suite à un éventuel élargissement.
Moi, j'ai deux autres questions, si je peux. Sur
la question de demande anticipée, qui est, en quelque part, le noeud de
l'affaire, et vous vous êtes prononcés là-dessus, sur la temporalité de ça, je
veux m'assurer que j'ai bien compris une de vos précisions, est-ce qu'à vos
yeux... Vous n'êtes pas des avocats, vous êtes des médecins, mais j'ai cru
comprendre que, de votre lecture, l'actuel état du Code criminel ne
reconnaîtrait pas ou laisserait une zone grise en ce qui a trait à une adoption
immédiate, possiblement, de l'accès à l'aide médicale à mourir par demande
anticipée dans les cas dont on parle. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Gaudreault
(Mauril) : Dr Luyet.
M. Luyet (André) : Oui, c'est
notre compréhension, que les directives anticipées d'aide médicale à mourir ne
sont pas encore permises au niveau fédéral.
M. Birnbaum : Et étonnant, pour
en dire le moins. Dernière question de mon côté, parce que voilà une autre
question qui a été soulevée et qui risque d'être... qui est dans le projet de
loi actuellement, et c'est que les établissements de
soins palliatifs soient assujettis à l'obligation de fournir ces services, que,
je nous rappelle, sont à un bout du continuum de soins de santé. Plusieurs de
vos membres font leur travail au sein de ces établissements-là, qui vont
exprimer devant nous quelques inquiétudes que cette obligation risque de
compromettre leur mission, très sacrée aussi. Comment
vous vous positionnez vis-à-vis cette question sur l'élargissement de
l'obligation aux centres de soins palliatifs?
M. Gaudreault (Mauril) : C'est un soin, c'est un soin qui est disponible parmi
l'ensemble des choix possibles pour un patient, un soin, on va convenir, là,
qui est comme de dernier recours, hein, après avoir développé tout ce qu'on
peut développer, en 2022, pour soulager un patient et que ses souffrances
demeurent inapaisables. Ce soin-là devrait être considéré et, à notre avis, il
devrait être considéré dans toutes les maisons de soins palliatifs.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le député.
Je cède maintenant la parole au député de
Rosemont. Vous disposez de 4 min 30 s.
• (10 h 10) •
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Drs Gaudreault et Luyet, merci d'être là, encore une fois, on remet ça.
Je comprends votre insistance sur «handicap neuromoteur», mais comprenez la
nôtre, notre hésitation là-dessus. Vous parlez beaucoup... et ce n'est pas un
reproche, là, vous parlez beaucoup de l'inconfort des médecins. Soit, ça existe
probablement. Mais, nous, là, notre job de législateurs ici, à moins que je ne
me trompe, là, c'est d'assurer le confort de la population, et ce qu'on a
compris de plus d'un an de consultations avec vous puis avec bien d'autre
monde, c'est qu'on n'était pas rendus là, ce pourquoi ce n'est pas dans le
rapport, d'ailleurs, pas plus que les troubles mentaux.
Alors, est-ce qu'on n'est pas, dans ce cas-ci,
plus proches de quelque chose qui ressemble à du suicide assisté? Puis c'est correct, hein, la Commission des droits
de la personne nous a dit : Vous devriez commencer à réfléchir à ça.
Moi, je suis tout à fait d'accord à
réfléchir à ça, mais, comme je l'ai dit souvent, en matière d'aide médicale à
mourir, les fleurs ne poussent pas
plus vite quand on tire dessus, on va attendre les consensus et on va les
cultiver, parlant de fleurs, justement.
Alors, votre argument de dire : Le fédéral
le fait, donc on devrait le faire, honnêtement, ça ne me convainc pas, et je
pense qu'on y reviendra, on y reviendra, notamment, pour la question du
handicap neuromoteur mais des troubles mentaux aussi. Alors, je ne sais pas si
vous voulez essayer de me convaincre une autre fois, je suis parlable.
M. Gaudreault (Mauril) : Dans un premier temps... puis je laisserai la parole à
André, là, mais dans un premier temps, M. Marissal, je ne suis pas là pour
vous convaincre, je suis là pour partager avec vous des difficultés, partager
avec vous comment on pourrait faire en sorte de mieux soulager les personnes
qui présentent des souffrances qui sont inapaisables, qui sont importantes et
pour lesquelles les soins n'ont pas permis de les soulager. Ce n'est pas du
suicide assisté, ça, c'est un soin. Et bien sûr, quand on voit que c'est
disponible dans d'autres provinces du Canada — puis c'est un indépendantiste
qui parle en plus, là — ça,
ça nous trouble. Ça fait que, moi, c'est ça, mais ce n'est pas... On est là,
ensemble, là, pour faire évoluer la société. Je n'essaie pas vous convaincre,
simplement de faire en sorte qu'on offre
toutes les panoplies d'options, de choix à nos citoyens quand ils sont dans de
telles situations. André.
M. Luyet (André) : Si je peux
me permettre de compléter, ce n'est pas du tout la défense, là, pour le retour au confort des médecins, ce n'est pas du tout de
ça qui est notre propos. L'inconfort des médecins vient du fait qu'il y
a des droits qui sont reconnus pour l'ensemble des Canadiens et qui ne sont pas
reconnus pour les Québécois face à la souffrance. C'est ça qui est embêtant.
Et, dans un
handicap neuromoteur, qu'il soit inné, par une malformation sévère, ou qu'il
soit acquis par traumatisme, on se
retrouve souvent, en fin d'évolution, avec des modifications posturales, avec
des spasmes musculaires, des troubles respiratoires,
une dépendance complète, aucune mobilité, une perte de dignité, des douleurs,
et de ne pas pouvoir offrir cette option-là
aux personnes qui le demandent, c'est ça qui rend les médecins dans une
position inconfortable, ce n'est pas... Le noeud de l'affaire n'est pas
le confort des médecins, c'est la réponse aux besoins exprimés par la
population qui souffre.
M. Marissal : Je comprends, Dr
Luyet. Vous savez, par contre, si on fait le parallèle avec le fédéral, le
fédéral ne permet pas la demande anticipée, nous, on s'apprête à le permettre,
alors ce n'est pas parfaitement symétrique, cette affaire-là, là. Puis on a
toujours pris les décisions ici, entre nous, sur la base de notre consensus,
ici. Le fédéral, il a erré aussi, à l'occasion, dans ce dossier-là ou, en tout
cas, il s'est cherché. Nous, on fait avec nos consensus, ici.
Vous dites, par ailleurs, qu'il faudrait
prévoir, dans le projet de loi n° 38, un mécanisme d'harmonisation
immédiat, si d'aventure le fédéral ouvrait aux troubles mentaux. Encore là,
est-ce que ce n'est pas en contradiction avec l'approche qu'on a prise ici?
Puis elle n'est pas religieuse, l'approche, là. Je veux dire, je ne suis pas le
pape puis je ne fais pas des bulles, là, ce n'est pas ça, la question, c'est
juste qu'on a décidé de fonctionner comme ça. Vous, vous dites d'emblée :
Prévoyez le déclencheur si le fédéral va vers les troubles mentaux.
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, je dirais, prévoir de se
rasseoir à nouveau puis de voir comment on pourrait aller plus vite dans ce
sens-là.
M. Luyet (André) : ...il y a des
travaux qui sont menés au niveau fédéral, on le sait, qu'il y a une date... il
y a une échéance qui est prévue, on le sait, que les travaux se déroulent,
actuellement. Alors, déjà, envisagez l'exploration de têtes de pont, là, pour
essayer de réunir ces deux univers-là, dans la mesure du possible, là, pour
clarifier les choses.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup, M. le député. Je vais céder, maintenant, la parole à la députée de
Joliette. Vous disposez, vous aussi, de trois... excusez, 4 min 30 s.
Mme Hivon : Merci beaucoup, M.
le Président.
Bonjour à vous deux. Je dois vous dire que moi,
j'aurais aimé vous entendre beaucoup plus en détail sur la demande anticipée.
Par exemple, quelques éléments. 29.2, la
description à l'avance, dans le plus grand détail possible, des souffrances,
est-ce que c'est réaliste? Si, par exemple, la personne vit une souffrance
quand elle est rendue inapte, mais qui n'avait pas été prévue, qu'est-ce qu'on
fait avec ça? Je pense, c'est une question importante.
J'aurais aimé vous entendre sur tout le rôle que
les médecins ont... le professionnel compétent, ça peut être l'IPS aussi, à
29.11. Nous, on avait prévu que c'était le tiers de confiance qui agitait le
drapeau pour dire : Je pense, par exemple, que ma mère est rendue au stade
qu'elle avait prévu puis qu'elle semble souffrir, pouvez-vous amorcer le
processus d'évaluation? Ce qui est suggéré à 29.11, c'est que c'est vraiment le
professionnel, donc le médecin, l'infirmière, qui a la charge de voir à ça, et
il ne fait que consulter et aviser le tiers. Est-ce que c'est un trop gros
fardeau qu'on met sur les médecins?
Une autre disposition, ça exige du médecin, au
moment 2 de l'évaluation pour l'éventuelle administration, de consulter le
médecin du moment 1, qui aurait signé, contresigné le formulaire de la
personne qui l'aurait demandé, peut-être,
trois, quatre ans avant. Est-ce que c'est réaliste qu'on puisse encore
mettre en contact ces deux médecins-là? Est-ce que c'est une charge trop grande? Donc, moi, j'aimerais vraiment
vous entendre sur ces éléments-là très concrets.
Mais je sais que, vous, vraiment, votre passion,
c'est la question de l'harmonisation. Alors, je veux quand même dire un mot
là-dessus, parce que ça... je trouve qu'il faut faire vraiment attention avec
ça. Premièrement, si on avait attendu après le fédéral, au Québec, alors qu'on
a toutes les compétences en matière de santé et en matière de lois
professionnelles, on n'aurait jamais bougé, au Québec, puis on n'aurait pas été
les précurseurs qu'on a été, puis on n'aurait pas influencé l'ensemble du
Canada pour la suite.
Deuxième chose, on les a, les compétences pour
la demande anticipée. Je suis très surprise d'entendre ce que vous dites
aujourd'hui. Toute la question de l'inaptitude, du consentement d'une personne
inapte, c'est dans le Code civil, c'est en matière de droit civil, on les a,
ces pouvoirs-là, donc je suis très surprise que vous vouliez mettre ça à la
remorque du fédéral, avec l'enjeu de l'harmonisation.
Puis je veux pousser plus loin sur la question
du handicap, même si... Et je salue vraiment le geste du ministre, parce que
c'est un débat... On s'est engagés, au Québec, à ce que chaque fois qu'on
ouvrirait une autre potentialité, on ferait un débat avec la population et les
experts. Donc, je pense que vous comprenez l'inconfort que moi, je peux avoir,
parce que j'ai fait ce pacte-là avec les gens, notamment avec les opposants,
qu'on n'arriverait pas avec quelque chose comme ça sans débat préalable.
Mais juste pour entendre, là, tantôt vous nous
avez dit : Oui, handicap neuromoteur, il faudrait que ça soit interprété
comme le handicap dans la loi fédérale, parce qu'au fédéral on ne dit pas
«neuromoteur». Moi, on me dit qu'au fédéral une personne qui est aveugle, une
personne qui est sourde, ce sont des handicaps qui peuvent se qualifier, en
théorie, si les autres critères sont remplis. Est-ce que c'est ça que vous avez
en tête? Il y a l'affection, aussi. Quelqu'un qui a très mal à une hanche, ce
n'est pas une maladie grave et incurable. Là, est-ce que ça veut dire que,
l'harmonisation, il faut aller jusque-là sans faire un gros débat au Québec?
Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Gaudreault
(Mauril) : Un, pour ce qui est de
l'harmonisation... Bien, vous avez compris que l'expert, parmi nous deux, pour
les demandes anticipées, c'est le Dr Luyet, donc je vais lui demander de
répondre à votre première question.
Mais, pour l'harmonisation, là, ce n'est pas
quelque chose qu'on prend à la légère, c'est quelque chose de très sérieux,
puis on va vouloir continuer à travailler avec vous dans le sens d'améliorer
les soins à des patients souffrants, pour quelque raison que ce soit, que ça
soit un handicap, une affection ou une maladie, des patients souffrants qui
sont inapaisables. C'est toujours, toujours à ça que je reviens. Et nous serons
là, Mme Hivon. Merci pour toute la contribution, d'ailleurs, que vous avez
eue là-dedans. Mais nous serons là pour continuer à réfléchir avec vous pour
aller de l'avant dans ces situations-là.
André, pour ce qui est des demandes anticipées.
M. Luyet (André) : En fait, ce
qui est de... vraiment souhaité, c'est la clarté. Il y a une zone d'inconfort,
là, entre les deux lois, puis on sait que la vérité est quelque part dans une
mitoyenneté avec les articles de l'un et les articles de l'autre, les plus
contraignants étant ceux qui s'appliquent. Alors, ça devient difficile, des
fois, dans la prise de décision quotidienne entre une personne qui demande
l'aide médicale à mourir, et les soignants et les médecins dans
l'administration du soin. Donc, c'est cet inconfort-là qu'on essaie de
souligner puis le besoin de clarté, à ce niveau-là, pour éclairer la prise de
décision pour rendre le soin le plus approprié possible.
Maintenant, c'est sûr qu'une surdité partielle
ne sera pas un handicap. On parle de quelque chose de grave et incurable, là,
qui s'accompagne de grandes souffrances. Puis la souffrance, bien, c'est
quelque chose qui est beaucoup plus large qu'un simple constat de... juste du concept
de douleur, là, c'est toutes sortes d'autres dimensions qu'il faut prendre en
compte aussi. Mais toute l'atteinte à l'autonomie, toute la dépendance extrême,
toutes les interventions médicales requises, etc., il y a beaucoup de choses
qui peuvent être incluses dans le grand chapitre, là, de la souffrance, qui est
beaucoup plus que la douleur, encore une fois.
• (10 h 20) •
Le Président
(M. Provençal)
: La
députée de Joliette voudrait ajouter un petit point. Mme la députée.
Mme Hivon : Est-ce que mon
temps est écoulé, pratiquement?
Le Président (M. Provençal)
: Il était écoulé, mais je pense que
vous...
Mme Hivon : C'est vraiment
gentil. Je veux juste dire, si vous avez des commentaires sur la question de la
demande anticipée, parce que c'est vraiment le coeur du projet de loi et de nos
travaux, je serais vraiment heureuse de les entendre sur les articles en
détail, notamment en lien avec les questions que je vous ai posées. Je sais que
vous êtes revenus encore sur le handicap, c'est correct, mais on aimerait
vraiment vous entendre là-dessus, c'est vos médecins qui allez appliquer ça sur
le terrain.
Puis je veux juste dire, en terminant : Si
on y va juste sur le critère de la souffrance pure, pas de maladie, pas de...
vous réalisez qu'il y a des gens qui vont nous dire : Moi, je vis un deuil
pathologique, moi, j'ai une déprime de vivre, j'ai un isolement social, je
souffre atrocement et j'aimerais qu'on le considère. Donc, il faut juste être
conscients que, quand on sort des éléments du projet de loi, ça nous amène dans
un tout autre débat, et je pense qu'on ne peut pas prendre ça à la légère.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie. Je remercie les
représentants du Collège des médecins du Québec pour leur contribution à nos
travaux.
Je suspends des travaux quelques instants afin
que nous puissions accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup de votre
présence ce matin, messieurs.
(Suspension de la séance à 10 h 22)
(Reprise à 10 h 27)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux.
Je souhaite
la bienvenue aux représentantes de la Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer. Je vous rappelle, mesdames, que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter
puis à débuter votre exposé. Merci beaucoup.
Fédération québécoise
des sociétés Alzheimer (FQSA)
Mme Grenier (Sylvie) : Bonjour,
tout le monde. Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Donc, je suis
Sylvie Grenier, directrice générale de la Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer.
Et c'est avec... c'est très favorablement que la
fédération accueille le dépôt du projet de loi n° 38,
qui vise à étendre l'accès à l'aide médicale à mourir de manière anticipée aux
personnes atteintes de maladies neurocognitives majeures telles que la maladie
d'Alzheimer, et ce, en cas d'inaptitude.
Ce projet de loi était attendu, surtout suite
aux recommandations de la commission des soins de vie et de l'avis de plusieurs
experts sur l'acceptabilité sociale de la société québécoise, qui est largement
en faveur de cet élargissement. On déplore, par contre, le processus législatif
qui est mis en place pour permettre aux personnes inaptes d'avoir accès à l'AMM
en fin de session parlementaire, avec un risque de ne pas avoir le temps de
réflexion sur le processus à mettre en place.
La fédération avait déjà pris part aux
consultations de la Commission des soins de fin de vie à la fin du mois d'août
dernier, et plusieurs points abordés par la fédération ont été entendus,
soit : que la demande anticipée d'aide médicale à mourir soit envisagée
uniquement une fois le diagnostic de maladie incurable, telle la maladie d'Alzheimer
ou encore un autre TNCM, ait été formulé; que le processus soit enclenché par
un tiers significatif et non pas par un tiers externe, donc, par exemple, le
Curateur public, et de la possibilité qu'un autre tiers suppléant puisse être
inscrit dans la loi et que le processus soit notarié, au besoin; qu'une
tentative d'harmonisation soit envisagée entre les juridictions provinciale et
fédérale afin que le processus inclue et permette des infirmières praticiennes
spécialisées et que la demande d'aide médicale à mourir soit consignée dans le
registre qui sera mis en place, pour des directives médicales anticipées.
C'est, en gros, l'introduction qu'on voulait
vous faire. Certains autres processus sont d'ordre plus technique, et tout ça,
et je laisserais... je donnerais la place, à ce moment-ci, à ma collègue Nouha
de vous en faire l'exposé.
• (10 h 30) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour, MM. les députés.
En effet, d'autres articles du projet de loi
nécessitent cependant plus de précisions pour mieux encadrer l'administration
d'une demande anticipée d'AMM, tout d'abord par rapport au processus de suivi,
qui va certainement être trop contraignant pour les professionnels compétents,
que ce soient les médecins ou les IPS, et qui vont avoir un rôle majeur à jouer
à chaque étape du processus.
Si on les dénombre, ça va de l'information sur
la demande anticipée, l'évolution de la maladie, les traitements potentiels,
les effets bénéfiques et néfastes de la médication, s'assurer également que la
personne ne subit pas de pression extérieure, rappeler les intervalles
réguliers et raisonnables, la possibilité de modifier ou de retirer la demande anticipée, d'accompagner le professionnel compétent, s'il
est différent, lors de l'administration de l'aide médicale à mourir. Alors, la
pandémie nous a montré à quel point l'accès à un médecin de famille ou à un
spécialiste pouvait être compliqué et difficile, et ce processus va nécessiter
des temps de consultation et de suivi beaucoup plus importants.
Bien sûr, la fédération se réjouit de cette
approche qui sera plus axée sur le patient et non pas sur la maladie, mais est-elle réaliste dans le contexte actuel? On
vous pose la question. L'implication, également, d'autres professionnels
de la santé qui interviennent déjà auprès des personnes atteintes serait
peut-être aussi à envisager pour entamer et poursuivre la discussion, notamment
par rapport au processus à mettre en place pour effectuer une demande d'AMM.
Également, dans l'article 29.2 de la loi,
il y a également, des... donc, des conditions qui pourraient mener à l'AMM. Il
est mentionné que la demande anticipée sera accordée en présence de souffrances
médicalement reconnues et que celles-ci doivent être spécifiques d'un déclin
avancé et irréversible, qui soit objectivable par un professionnel compétent.
Or, les personnes atteintes décèdent rarement de la maladie d'Alzheimer, mais
plutôt des complications médicales qui peuvent survenir durant leur parcours.
Alors, il serait, à ce moment-là, pertinent, justement, de donner plus de
précisions. Est-ce qu'on fait référence à une pneumonie, des infections
urinaires à répétition lorsque la maladie sera
avancée? Fait-on référence à des pertes langagières, mnésiques, à des
difficultés de nutrition ou encore à l'incapacité de s'habiller ou
effectuer des soins personnels? Il y a des échelles d'autonomie qui sont
validées, qui sont disponibles, et elles devraient être utilisées, justement,
pour mieux encadrer et définir les critères de souffrance insoutenable.
Et puis dans le cadre, justement, des directives
médicales anticipées, les critères d'accès ont bien été définis dans la loi,
avec l'énoncé de quatre soins qui sont soit à accepter ou à refuser par la
personne. La question, donc, se pose quant au processus qui sera suivi ou
encore le contenu du formulaire qui sera mis à la disposition des
personnes : Est-ce que la personne aura à cocher une multitude de cases ou
à décrire par elle-même les douleurs qu'elle assume insoutenables? Et puis,
bien, ce processus demande à la personne de se projeter dans un avenir
incertain avec la maladie, dont l'évolution est différente d'une personne à
l'autre et dépend de plusieurs facteurs, alors que celle-ci doit d'abord
comprendre, accepter et vivre avec le diagnostic qu'elle vient de recevoir.
Également, dans l'article 29.1, il y a
certains comportements qui sont associés à l'évolution des troubles
neurocognitifs majeurs qui sont associés à des troubles mentaux et qui sont
qualifiés... que vous connaissez peut-être, donc,
les SCPD. C'est le cas, notamment, de symptômes dépressifs, de l'anxiété,
d'états psychotiques qui sont associés à un delirium, des idées
délirantes ou encore des hallucinations, et ces comportements déroutants
amènent une souffrance psychique à la personne atteinte, son entourage et les
professionnels de la santé. Or, ces troubles mentaux ne sont pas reconnus comme
des causes pouvant mener à l'accès à une demande anticipée d'AMM.
Également, le rôle du tiers qui est mentionné
dans l'article 29.4, il faudrait... il nous semble que les mêmes
conditions qui sont attribuées à une demande contemporaine soient appliquées
également à une demande anticipée et que le tiers significatif, bien sûr, ne
soit pas un mineur, qu'il ne soit pas un majeur inapte, mais aussi qu'il n'y
ait pas d'intérêt financier dans le patrimoine de la personne, tel que déjà
mentionné dans le projet de loi pour la demande contemporaine. Et également, le
second tiers, quant à lui, on pense qu'effectivement il devrait agir dans des
situations où le premier tiers est rendu inapte ou encore lorsque celui-ci est
dans l'incapacité de soutenir la personne atteinte en raison d'un décès et non
pas parce qu'il refuse tout simplement pour des valeurs personnelles de
soutenir la personne. Et les conditions qui sont mentionnées dans le projet de
loi pourraient mener à des situations complexes, difficiles au sein des membres
d'une famille, entre ceux qui ont à coeur le bien-être de la personne et ceux
qui vont plutôt mettre leurs valeurs personnelles pour prolonger la vie.
Également l'article 29.12, où là on voit,
ici, un changement au niveau du libellé... Également, au niveau de l'article 29.3, le personnel compétent se
doit, dans notre... à notre opinion, et non pas, le cas échéant, informer les
membres de l'équipe, le tiers de confiance, le professionnel compétent. C'est
important de miser sur le travail multidisciplinaire et les compétences variées
dans une équipe pour, justement, statuer sur une décision aussi lourde de sens.
Et enfin les articles 29.15 et 30.2, dans lesquels on voit une
contradiction qui va à l'encontre du principe d'autodétermination de la
personne lorsqu'elle a formulé une demande d'aide médicale à mourir alors
qu'elle était apte à consentir aux soins.
Alors, merci, justement, de nous donner cette
opportunité de prendre la parole aujourd'hui avec vous. Alors, en dépit du
large consensus qui entoure l'élargissement de l'aide médicale à mourir, il ne
faudrait pas que les demandes anticipées d'AMM deviennent la solution de facilité
à l'incapacité de notre système de santé et des services sociaux à prendre soin
et à accompagner adéquatement les personnes les plus vulnérables de notre
société jusqu'à la fin de vie. Il ne faudrait pas non plus qu'en raison de
préjugés, de stigmates ou encore d'expériences négatives personnelles, on
accélère la mort des personnes atteintes, alors qu'on devrait plutôt les
soutenir pour qu'elles puissent avoir une meilleure qualité de vie. Et le
dernier rapport de la Vérificatrice générale dresse un portrait accablant de la
prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Alors, on se doit de faire
mieux pour nos grands-parents, nos parents, nos conjoints, conjointes et
potentiellement pour nous tous. Merci à vous.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous débutons cette période d'échange avec M. le
ministre. À vous.
M. Dubé :
Je vais être assez bref dans mes commentaires, encore une fois, là, pour
laisser la place à mes collègues, mais il y a deux choses que je voudrais vous
mentionner à toutes les deux. Premièrement, vous avez répondu exactement à la
question que j'ai posée, en donnant cette grande liste de questions que vous
avez. Je vous demanderais, parce que je n'ai pas vu encore de mémoire puis je
sais que vous n'avez pas eu beaucoup le temps, est-ce que ce serait possible de
nous faire parvenir ces questions-là, parce que je vous dirais que, comme
parlementaires, c'est exactement ce qu'on cherche. Je vois mes collègues du
ministère qui étaient là comme des petites fourmis à prendre des notes, mais je pense que ça nous aiderait beaucoup pour la
préparation de l'article par article d'avoir... un, de l'avoir par écrit pour
qu'on puisse, à l'avance, avec les légistes qu'on a et l'équipe qui se penche
sur ça... Ça fait que, un, je veux vous remercier, premièrement.
M. le Président, je
veux juste aussi... ça a un rapport avec l'autre présentation, mais je ne peux
pas m'empêcher de vous dire que je demanderais à la députée de Joliette — je ne
peux pas la nommer — de
nous faire parvenir ses questions qu'elle a données aux médecins tout à l'heure
de la même façon, parce que c'étaient des questions très précises, puis je
pense qu'on pourrait les envoyer. Alors, je fais juste dire : focussons
sur être capable d'avoir des questions précises pour que, quand on sera rendus,
on aura eu la chance de poser ces questions-là. Ça fait que merci, Mme la
députée.
Puis j'aimerais ça
préparer à l'avance... puis là je ne veux pas enlever la question à mon
collègue le député de Rosemont, mais il m'a dit, tout à l'heure, quelque chose,
il m'a dit... il ne m'a pas dit «M. le ministre», il a dit : Christian, est-ce qu'on sait c'est quoi, la
statistique du nombre de personnes qu'on prévoit qui vont être atteints
d'alzheimer dans les prochaines années? Puis j'aimerais ça que vous nous en
parliez un petit peu avant que je passe la question, ou si vous aimez mieux
répondre à la question de mon collègue, mais je vous dirais que ça, pour les
Québécois, ça serait intéressant de vous entendre aujourd'hui, de combien on
pense qu'on a de personnes qui sont atteintes de l'alzheimer. On sait qu'on en
a beaucoup dans nos CHSLD, mais j'aimerais ça voir de votre association, qui...
c'est votre vie, là, c'est votre raison d'être... nous parler un petit peu de
combien de personnes cette maladie-là peut aller atteindre d'autres Québécois
au cours des prochaines années, parce que je trouvais que la question que le
député me posait... puis je n'étais pas en mesure de lui répondre, alors, si
vous pouvez le faire tout de suite ou attendre que ce soit son intervention,
mais préparez-vous à cette question-là parce que je la trouve importante :
Pourquoi les Québécois voient qu'on se concentre là-dessus aujourd'hui? C'est
ça, la demande anticipée, les principaux bénéficiaires vont être les gens qui
sont atteints de la maladie, qui auraient un diagnostic. Puis en plus je retiens
le dernier élément de votre intervention, il faudra que ça soit toujours un
choix. C'est une option qu'on donne à quelqu'un. Ça veut dire que quelqu'un
peut prendre le risque de dire : Même moi, si j'ai eu le diagnostic, je
vais vivre avec. Alors, je veux juste qu'on se comprenne bien, aujourd'hui, ce
qu'on en train de discuter, c'est de donner un choix, ce n'est pas une
obligation d'aller vers là à quelqu'un qui aurait le diagnostic.
Alors, si vous avez
la chance de nous en parler un petit peu, de combien de personnes on parle,
puis, si vous n'êtes pas prêts à le faire tout de suite, je vous donnerais un
peu... Mais là peut-être que je poserais la... je passerais la parole à mes
collègues, là, du côté gouvernemental.
Le Président
(M. Provençal)
: Ça
va? Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci.
M. Dubé :
Peut-être...
Le Président (M. Provençal)
: Oui, est-ce que vous êtes
en mesure de répondre à la question de M. le ministre? Alors, je vais
vous demander de nous donner la réponse, et par la suite la députée de Roberval
va poursuivre l'échange.
Mme Grenier
(Sylvie) : Merci, M. le ministre, de votre question. Je vais y
répondre partiellement, puis Nouha vous donnera les chiffres plus exacts parce
qu'effectivement on les a. C'est un petit peu, même, épeurant. Je peux juste vous dire... De mon côté, je vais vous dire que
d'ici 10 ans il y aura plus de personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer ou d'un autre trouble cognitif majeur qu'il y a de personnes
atteintes de problèmes cardiaques et de cancers réunis. Donc, voilà, ça peut
faire une image.
Mais
Nouha, elle, si vous voulez qu'elle réponde, on a aussi toutes les... selon la
courbe démographique, tout ce qu'on peut prévenir... prévoir,
présentement, au niveau des cas.
• (10 h 40) •
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Donc, effectivement, on compte actuellement plus de
163 000 Québécois qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer, et ça,
c'est des estimés. Si on regarde les chiffres de l'INSPQ, effectivement, les
chiffres sont plus bas parce que c'est associé à des données administratives.
Donc, si on regarde l'évolution de la maladie, on considère que ce nombre va
plus que doubler d'ici moins de 10 ans.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme
la députée de Roberval.
M. Dubé :
Merci. Merci beaucoup à vous deux.
Mme Guillemette :
Merci beaucoup, M. le ministre. C'est assez impressionnant comme chiffre,
évidemment, effectivement.
Merci
d'être avec nous ce matin pour répondre à nos grandes questions, là, pour faire
avancer ce projet de loi là.
Vous parliez du
processus puis de faire en sorte que les gens soient vraiment... une décision
libre et éclairée. Est-ce qu'il y a des choses, dans le projet de loi, qu'on
peut mettre en place, présentement, pour faire en sorte qu'on soit sûrs que les
gens soient libres et éclairés lors de cette décision-là?
Mme Grenier
(Sylvie) : Bien, en fait, je pense que ça va être,
justement... il faudrait... Nous, ce qu'on dit, c'est que ça prend
d'abord un diagnostic, parce que, pour pouvoir faire un choix éclairé, ça... et
ce qu'on demande, c'est vraiment qu'il y ait vraiment un
diagnostic qui soit posé. On sait que, dans la maladie d'Alzheimer, les
médecins ont souvent tendance à retarder l'annonce ou ne pas annoncer
réellement que c'est une maladie d'Alzheimer, mais parce qu'à ce moment-ci on
dit : On n'a pas de médicament, donc à quoi ça sert? Mais il faut vraiment
qu'il y ait eu un diagnostic qui soit confirmé pour la maladie d'Alzheimer ou
un autre trouble neurocognitif, et à partir de là, bien, prévoir, justement, un
accompagnement, informer des gens comme il faut, comme c'est dit dans le projet
de loi actuel.
Mme Guillemette : Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...
Mme Grenier (Sylvie) : Si tu
veux rajouter, Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui. Si
je peux rajouter également, il faudrait vraiment que les gens connaissent aussi
les différentes options qui s'offrent à eux. Actuellement, la loi actuelle,
bien, on a beaucoup parlé d'aide médicale à mourir, mais on a très peu
entendu... en fait, les directives médicales anticipées, alors qu'effectivement
les personnes atteintes ont déjà été incluses dans le processus législatif.
Donc, on a beaucoup mis l'accent sur l'aide médicale à mourir, alors qu'il y
avait aussi une autre option qui leur était offerte.
Donc, miser aussi sur des campagnes de
sensibilisation, d'information pour, justement, donner l'information, d'une
part, et que, par la suite, le médecin ou le professionnel compétent prenne le
temps, c'est ça qui va être important. Il faudra prendre le temps d'expliquer,
justement, les différentes options, les options médicamenteuses, donc les
traitements, surtout que, bien, on l'espère, que d'ici quelques années il y ait
d'autres options médicamenteuses, là, qui soient proposées pour les personnes
atteintes. Mais aussi il va falloir expliquer le processus, à quoi est-ce qu'il
va falloir s'attendre ou quelles sont, finalement, les différentes évolutions
de la maladie auxquelles il faudra penser en termes de perte d'autonomie, de
perte de dignité, pour que, justement, la personne puisse prendre ce choix
éclairé.
Il faut juste garder en tête également que,
malheureusement, à date, le diagnostic est posé à un stade modéré à avancé chez
plus de la moitié des personnes qui reçoivent un diagnostic. Et donc la fenêtre
d'aptitudes est quand même assez faible, elle est assez limitée. Et donc est-ce
qu'il faudra miser sur, justement, faire valoir cette option d'aide médicale à
mourir anticipée versus une qualité de vie, des soins à domicile? C'est un
choix qu'il faudra faire.
Et puis, bien, c'est aussi le temps que les
professionnels devront prendre pour que, justement, les personnes aient
l'information désirée. Surtout qu'avec le diagnostic vient de la peur, du déni,
le rejet, de la colère, et donc, bien, comment balancer ça? Comment parler de
l'aide médicale à mourir de manière anticipée au bon moment? Ça ne peut pas se
faire au même moment que le diagnostic, c'est impossible. Il y a énormément
d'émotions qui sont associées au diagnostic pour ne pas tout de suite aborder
la question de l'aide médicale à mourir, même si, pour certaines personnes, ça
va être un choix très rapide à faire.
Mme Guillemette : Puis là j'ai
une question. Notre discussion m'amène à une question. On sait qu'il y a
l'équipe de soins autour, mais est-ce que vous, en tant qu'organisation,
pourrez être en mesure d'accompagner certains patients? Puis là on sait que
vous allez y aller selon vos moyens, mais est-ce que vous pourriez être mis à
profit pour accompagner certains patients, justement, pour démystifier tout cet
aspect-là?
Mme Grenier (Sylvie) : Vas-y,
Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien,
en fait, on le fait déjà. On le fait déjà, justement, parce qu'on reçoit
énormément de questions par rapport à l'aide médicale à mourir : Est-ce
qu'elle est disponible pour ma mère, pour mon
père qui vit avec la maladie actuellement? Et donc, oui, effectivement, on a un
rôle de sensibilisation, d'information par rapport au processus mis en
place. Et puis, bien, ça, effectivement, on le soumet comme une option, qu'il y
ait d'autres professionnels qui soient impliqués dans ce processus-là, parce
que, bien, veux veux pas, le médecin ne pourra pas passer autant de temps à
expliquer le processus et à donner les choix. Donc, faire appel à d'autres
professionnels, et pourquoi pas, aussi la société Alzheimer pourrait être
impliquée dans ce processus.
Mme Guillemette : Parfait,
merci.
Le processus proposé par le projet de loi,
est-ce qu'il vous semble suffisant? Est-ce qu'il vous semble suffisant avant,
pendant mais aussi après pour accompagner la famille ou les proches de la
personne? Est-ce qu'il y a des choses que vous voudriez porter... des éléments
que vous voudriez porter à notre attention sur le processus, là, où on devrait
porter une attention particulière?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui,
c'est surtout, en fait, à la fin du projet de loi, les articles 29.15 et
30.2, qui, pour nous, vont, en fait, à l'encontre du processus
d'autodétermination de la personne. On parle que «[le] refus de recevoir l'aide
médicale à mourir [...] doit être respecté et [qu'il] ne peut d'aucune manière
y être passé outre». À la suite, on dit «[le] professionnel compétent [...]
doit s'assurer que la demande est radiée, dans les plus brefs délais». Là, se
pose la question : Bien, combien de tentatives seront nécessaires pour
radier une demande? Et justement on y voit là, en fait, vraiment deux libellés
qui vont l'un à l'encontre de l'autre. Est-ce qu'effectivement parce qu'une
personne aura refusé l'aide médicale à mourir au moment où, finalement... parce
qu'elle aura répondu aux critères et donc, bien, qu'elle pourra y accéder, puis, bien, que, veux veux pas, elle refuse,
elle se débat, elle... et qu'il y ait une réaction, finalement, de protection, bien, à ce
moment-là, oui, on arrête, mais est-ce qu'on revient? Est-ce que, finalement,
on se donne comme objectif de respecter la volonté de la personne,
qu'elle aura effectivement libellée dans sa demande anticipée? C'est ça, toute la question. Combien de fois est-ce
qu'on va tenter l'aide médicale à mourir avant de se dire : Bien non,
maintenant, ça suffit, on va radier la demande? Donc...
Mme Guillemette : O.K. Parfait.
Je vais céder la parole à mes collègues. Je crois que ma collègue de
Saint-François a une question, peut-être ma collègue de Soulanges aussi, puis
je reviendrai par la suite, si... Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Saint-François.
M. Dubé : Il reste combien de
temps?
Le Président (M. Provençal)
: 2 min 46 s.
M. Dubé :
O.K., O.K.
Mme Hébert : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames, pour votre intervention. Et vous venez de poser une
excellente question, que j'ai notée.
Dans l'article 29.4, on parle du tiers de
confiance qui peut être désigné dans la demande. On parle aussi que cette
personne-là doit consentir à sa désignation. Elle doit apposer sa signature,
aussi, qui vient mettre un engagement. Moi, je voulais savoir : Est-ce que
vous trouvez qu'en mettant un tiers de confiance on devrait, justement, lui
donner un petit peu plus de pouvoir? Parce que, présentement, c'est plus
l'équipe médicale, dans le projet de loi, qui a du pouvoir. Mais pensez-vous
qu'on devrait porter une attention particulière à ce tiers de confiance, qui
connaît très bien, aussi, la personne? Souvent, c'est quelqu'un qui est très
près, soit de la famille, une amie proche, et qui a vécu tout ce processus-là, souvent peut-être même lors de
l'annonce de la maladie. Donc, j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.
• (10 h 50) •
Mme Grenier (Sylvie) : En fait,
pour ce qui est du tiers de confiance, bien, encore là, ça laisse place à
beaucoup d'ouverture, mais je pense que c'est aussi celui ou celle qui va
accompagner la personne jusqu'à la fin, donc avoir un jugement à ce propos.
Nous, on préconise qu'il devrait y avoir deux tiers de confiance qui
accompagnent la personne, on ne sait pas, en cas de décès ou encore en cas
de... Et parce que les gens n'ont pas tous non plus les mêmes valeurs. Donc...
Et, par rapport au droit de décision, je pense qu'il y a un pouvoir d'influence
aussi sur les décisions qu'il y aura à
prendre, mais on sait que c'est le corps médical qui va aussi dire si la
personne est, oui ou non, rendue à ce point-là. La personne aura aussi,
dans ses directives médicales anticipées, eu le... ou sa demande d'AMM,
spécifié aussi, probablement, jusqu'à quel point elle veut se rendre. Et, sur
ce, nous, on dit que les balises ne sont pas claires, parce que... est-ce que c'est basé sur nos expériences personnelles
d'avoir accompagné une personne puis se dire : Bien, moi, je ne
veux pas me rendre là, ou... Puis je vous donne un exemple, si je suis
incontinente, je ne veux pas continuer, mais, quand on est rendu là, peut-être
que c'est différent aussi. Donc, la personne tierce aurait certainement, oui,
un rôle important à jouer aussi à travers de ça.
Je ne sais pas si tu veux ajouter, Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Puis on
lui donne quand même un certain pouvoir, à la personne tierce, puisque c'est
elle qui enclenche le processus. L'équipe soignante a quand même un rôle
majeur, là, dans ce processus, puisque c'est elle qui doit évaluer des critères
de la souffrance. Il faut... Et puis, bien là, c'est important, justement,
d'avoir le professionnel compétent qui va prendre cette... qui va avoir ce
regard médical pour, effectivement, évaluer, bien, la pertinence de l'aide
médicale à mourir ou pas. C'est pour ça que je vous demande... je vous disais
aussi, dans nos remarques d'ouverture, qu'il doit être impliqué dans toutes les
étapes, que ce soit lors de... je veux dire, pour enclencher le processus, lors
du... justement, de la... donc de la signature du formulaire, par la suite, pour
accompagner la personne dans la maladie lorsque c'est possible, mais aussi
lorsque les conditions sont réunies pour administrer l'aide médicale à mourir.
Il doit être là, mais comme on l'a spécifié également, il ne doit... le fait
qu'il y ait le tiers de confiance n° 2, bien, la première personne doit
vraiment, lorsqu'elle a signé, respecter les valeurs de la personne et non pas
mettre ses valeurs à elle de l'avant. Puis, bien, généralement, là, quand on
fait confiance à une personne pour signer un formulaire comme celui-ci, on
s'assure que nos valeurs à nous vont être respectées. Je pense qu'il y a aussi
un pacte de confiance, là, à établir avec le tiers de confiance, parce que
sinon, bien, ce ne sera pas lui, tout simplement.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Nous allons poursuivre, maintenant, cet échange
avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames, pour cette présentation tellement pertinente et
utile à nos réflexions.
Je tiens à souligner une de vos mises en garde à
la fin de vos remarques préliminaires, où, si j'ai bien compris, vous êtes en
train de dire que l'idée d'élargir l'accès possible à l'aide médicale à mourir
ne peut jamais, mais jamais être prétexte pour ralentir sur l'obligation de
l'État, du système de soins de santé et services sociaux à veiller aux soins de
vie, parce que vous parlez du choix, qui est primordial dans ce projet de loi,
que la compréhension soit le plus claire. On
parle de se prévaloir de l'option, aucunement, mais aucunement l'obligation
implicite ou explicite, mais aucunement, donc,
toute l'importance... et je crois que nous tous, chacun des intervenants,
intervenantes au sein du système de santé, en conviennent que jamais, mais
jamais nos discussions soient un prétexte pour ralentir notre obligation, pas
toujours rejoindre la meilleure façon, admettons-le, de donner les soins de
vie. Parce que vous allez comprendre, et ça faisait sujet de plusieurs
discussions que nous aurions eues, on veut le moins que possible, si on peut
l'éliminer, que le choix de la personne apte, devant un diagnostic, ne soit pas
alimenté par une réflexion : Le système n'est pas en mesure de m'aider, alors voilà l'option. Ce n'est pas ça, ce
n'est pas de ça qu'on parle ou qu'on veut parler. Alors, je tenais à
donner suite à votre mise en garde tellement, tellement pertinente.
Sur les choses très spécifiques, vous avez parlé
d'un paradoxe, en quelque part, qui nous touche, et tout au long de nos
discussions, l'importance d'assurer aucun dérapage et que le consentement libre
et clair soit compris, que les conditions soient énumérées, tout ça. L'autre
côté du paradoxe, et vous l'avez souligné, et j'aimerais que vous pouviez
élaborer là-dessus, est-ce que le suivi prescrit risque d'être trop
contraignant? Vous partagez avec nous une grande préoccupation, je suis sûr,
sur l'équitabilité... la nature équitable de cette éventuelle offre en région
éloignée comme dans les grandes métropoles. Alors, je vous invite d'élaborer. Vous
avez fait quelques précisions, mais, quand vous parlez de votre inquiétude que
le suivi prescrit risque d'être trop contraignant, est-ce que vous pouvez nous
guider un petit peu plus à ce sujet-là?
Mme Grenier (Sylvie) : Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement,
notre dernière mise en garde dans notre énoncé d'ouverture, c'était que notre
préoccupation que les personnes qui auront accès à l'aide médicale à mourir de
manière anticipée versus ceux qui, finalement, sont déjà dans le système de
santé, qui vivent avec la maladie d'Alzheimer et qui peut-être n'ont pas les
services, les soins nécessaires à leur condition par manque, pour différentes
raisons. Et donc, c'est pour ça que, oui, c'est un choix, mais il ne faut pas
également oublier toutes les personnes qui n'auront pas fait ce choix-là et
qui, elles, nécessitent d'avoir l'attention particulière pour avoir les
meilleures qualités de vie, que ce soit par de la formation au niveau des
professionnels, que ce soit par un changement au niveau des ratios dans les
milieux d'hébergement, que ce soit par une approche centrée sur la personne et
non pas sur la maladie. Donc, c'est tout cet ensemble-là qui doit être revu
pour, effectivement, les personnes qui n'ont pas fait ce choix-là.
Vous mentionnez également le choix libre et
éclairé de la personne et puis, bien, comment le respecter tout au long, là, et
les suivis qu'il va falloir faire. On voit quand même, là, effectivement, que
le suivi va être assez contraignant pour les
professionnels compétents, parce qu'on leur demande d'être là du début jusqu'à
la fin, même si, lors de, finalement, de l'aide médicale à mourir,
lorsqu'elle sera donnée, il se peut que ce soit un autre professionnel
compétent, mais on demande quand même à ce professionnel d'être là à des étapes
charnières de la personne. Et puis, bien, je veux dire, actuellement, oui, si elle refuse d'administrer l'aide médicale à
mourir, elle doit se référer à un autre professionnel compétent.
Donc, on veut aussi s'assurer qu'il y ait une
continuité dans l'aide médicale à mourir anticipée puis qu'elle soit,
finalement, donnée à la personne qui en aura fait le choix, mais ça va être un
processus compliqué, sachant qu'actuellement la situation actuelle, les
personnes... pardon, les médecins peinent à faire un suivi avec les personnes atteintes lorsqu'elles reçoivent un diagnostic.
Généralement, ce n'est pas le même médecin qui est en milieu
d'hébergement, et puis la relation, ou le
contact, ou le suivi se fait très peu, voire il est quasi inexistant avec le
médecin qui a posé le diagnostic.
Donc, c'est toute cette dynamique-là pour
laquelle, en fait, on se questionne. Et puis, bien, dans la praticabilité, dans
la réalité des faits, ça va être, finalement, un enjeu, et il ne faudrait pas
que ce processus-là soit un frein aux personnes pour avoir accès à l'aide
médicale à mourir.
M. Birnbaum : Bon, en quelque
part, un diagnostic très important. Si vous avez à la... d'autres prescriptions
pour résoudre ces difficultés, elles seraient, évidemment, très appréciées.
Si j'ai bien compris, dans votre énumération de
préoccupations et de questions touchant à l'article 29, qui était très
intéressante, vous avez soulevé la dynamique devant des diagnostics, des
symptômes de maladies graves de nature dégénérative. Il y a souvent des
symptômes très importants de l'ordre comportemental et mental : dépression
jusqu'à, si j'ai bien compris — je crois que c'est la vérité — des
épisodes psychotiques.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Tout à
fait.
M. Birnbaum : Très important.
Vous êtes au courant du fait que la commission recommande, et le projet de loi
devant nous prend note qu'on n'aborde pas les questions très, très sérieuses
qui touchent aux gens atteints des troubles mentaux de l'ordre grave. Un autre
débat qui doit se poursuivre, probablement.
Est-ce que votre compréhension, quand on parle
de l'évaluation de souffrances dans les cas qui sont... qui pourraient être
assujetties selon le projet de loi devant nous, compte tenu qu'on évaluerait,
le cas échéant, quelqu'un devant une maladie neurodégénérative, tous les
symptômes, dont même des symptômes de l'ordre mental, si vous voulez...
Autrement dit, est-ce que vous n'êtes pas satisfaites, ou y aurait-il une
suggestion, sinon, que, dans l'évaluation de souffrances aux deux étapes, là,
que les symptômes de manifester... de l'ordre, en quelque part, mentaux
puissent faire partie de l'évaluation légitime des cas assujettis au projet de
loi devant nous?
• (11 heures) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
en fait, les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence sont...
Il y a toujours des causes déclencheurs, il y a toujours un élément qui va
faire que la personne va effectivement faire de l'errance, qu'elle va avoir de
l'anxiété, qu'elle va avoir des idées délirantes. Il y a, bien sûr, des
facteurs qui sont associés à la maladie elle-même, ça
peut également être dû à des interactions médicamenteuses, mais il y a d'autres
causes qui, elles, sont inhérentes à l'environnement dans le cas de la
personne, et ça peut être de la surstimulation comme de la sous-stimulation, ça
peut être également l'approche qui est menée par les personnes qui l'entourent
et puis, bien, il y a des éléments de l'histoire de vie de la personne. Donc,
ces symptômes-là, pour nous, oui, ils font partie, effectivement, des symptômes
psychologiques associés aux troubles cognitifs majeurs, mais, dans l'approche
des sociétés Alzheimer, ce sont des causes qui sont tout à fait modifiables et
pour lesquelles on peut agir. Donc, on comprend parfaitement, effectivement,
ces deux débats qui sont tout à fait différents entre des personnes qui sont
atteintes de troubles mentaux versus une personne atteinte qui aurait des
comportements psychologiques associés à un trouble neurocognitif majeur. Mais c'est
ça, malheureusement, qui fait que les personnes ne veulent pas se projeter à la
fin de vie parce que, bien, veux veux pas, c'est des symptômes, c'est des
comportements qui vont aller en augmentant avec l'évolution de la maladie, et
c'est ça qui fait peur.
Donc, oui, ce ne sont pas des troubles mentaux,
mais c'est des conséquences de la maladie qu'il faudra... qu'il faudra
effectivement penser et c'est pour ça que les conditions de souffrance
insoutenable pour la personne... bien, c'est là qu'on doit l'amener, en fait,
c'est à se projeter face à ces comportements-là, c'est de se dire : Bien,
dans une situation où, effectivement, il y a des idées délirantes, il y a des
hallucinations qui sont parfois très... comment dire, très... qui peuvent être justifiées, justifiables et sur lesquelles on
peut agir, bien, il faut les projeter, là, et malheureusement c'est
quelque chose qu'on ne peut pas prédire, ça, comment la personne va évoluer
avec la maladie.
Donc, il va
falloir, en fait, avoir, bien, une meilleure approche d'accompagnement des
personnes face aux comportements psychologiques et de comportements...
de troubles neurocognitifs majeurs pour que ce ne soit pas, effectivement, le
fait de se dire, bien, je ne veux pas aller là, qui fait que les personnes refusent
l'aide médicale à... acceptent, pardon, l'aide médicale à mourir.
M. Birnbaum : Merci. Il ne me
reste qu'une minute.
Le projet de loi fait référence à un éventuel
refus de l'aide médicale à mourir par une personne qui aurait, lorsqu'elle aurait
été apte, en bonne et due forme, indiqué ses intentions et, à cet instant de
passer à l'acte, aurait aussi autrement rempli toutes les conditions. Par
contre, le projet de loi parle d'un refus, sans grande clarification là-dessus.
Est-ce que vous avez des inquiétudes en tout ce qui a trait à cette
instance-là, où un refus est manifesté, de quelle façon, avant de passer à
l'acte, que ça va nuire à la possibilité de passer à l'acte? Comment vous
réagissez à ça?
Le Président (M. Provençal)
: 30 secondes pour votre réponse.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien,
tout à fait. La personne peut voir l'administration de l'aide médicale à mourir
comme une agression, donc elle peut se débattre, elle peut crier, elle peut
frapper, elle peut... Je veux dire, il va y avoir une réaction, veux veux pas.
Il va y avoir une réaction, étant donné... puis ça a été... je veux dire, c'est
quelque chose qu'on a vu avec une personne atteinte de troubles neurocognitifs
en fin de vie, en Belgique, où, bien, l'aide — enfin, en l'occurrence,
là-bas, c'était l'euthanasie — n'a pas pu être donnée parce que la
personne s'est débattue. Donc, à ce moment-là, bien, c'est quoi, les recours?
C'est quoi, les options qui s'offrent aux professionnels compétents, aux
professionnels de la santé qui accompagnent la personne, aux tiers? Et est-ce
qu'on réessaye? Est-ce qu'on revient à la charge, ou on se dit : Bien, il
y a eu un premier refus?
M. Birnbaum : Est-ce que je
peux... Est-ce que vous avez des... Est-ce que vous pouvez... Est-ce que vous
avez des réponses à nous écrire sur la question? Là, vous posez la question
comme moi. On aimerait entendre votre réponse là-dessus. Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Vous nous ferez parvenir les
questions que vous avez. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui, merci, M. le
Président. Merci, mesdames, d'être là. J'ai comme trois questions et demie. Si
je fais ça en une minute, il va vous rester trois minutes. On essaie ça.
L'alzheimer, contrairement à d'autres maladies
neurodégénératives, a des stades, c'est l'échelle de Reisberg, là, que vous
connaissez certainement, là. Est-ce qu'on devrait s'y référer? C'est 1 à 7. Je
comprends que 1, c'est le tout début; 7, c'est le terminus. Est-ce qu'on
devrait s'y référer? Ça a été suggéré.
Vous dites que les diagnostics arrivent souvent
au stade modéré ou avancé. Comment, alors, on peut réconcilier le fait, si
c'est modéré ou avancé, qu'il n'y a pas beaucoup de temps et qu'on n'a pas le
droit de faire la promotion de l'aide médicale à mourir? Comment on réconcilie
ça en s'assurant que la personne a quand même l'option et que l'option lui est
présentée, mais que ce n'est pas de la vente à pression?
Qu'est-ce qu'on fait avec la démence heureuse?
Vous en avez parlé un peu tout à l'heure. Je pense que ce serait peut-être le
moment non pas d'en finir, parce qu'on n'en finira jamais, mais de revenir
là-dessus.
Et, pour terminer, vous avez parlé de ces cas — peut-être
assez rares, cela dit, là — de
gens qui se débattent. Il y a eu un cas, je crois, aux Pays-Bas, où l'équipe
médicale a dû — en
tout cas, c'était une très mauvaise idée, là — recourir à la contention, ce
qui est vraiment une mauvaise idée, là. Est-ce qu'on devrait préciser ça, ici?
Est-ce qu'on devrait aussi préciser l'usage ou non de calmants avant
l'administration de l'aide médicale à mourir? Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) : En
fait, l'échelle de Reisberg, on l'avait mentionnée lors de la Commission des
soins de fin de vie. Donc, effectivement, on considère que de se fier à l'évolution
de la maladie, parce qu'elle est associée également à une
perte d'autonomie et à une perte de dignité de la personne, donc, à partir du
stade 5, ça nous apparaît légitime de penser à une aide médicale à mourir.
Il y a également d'autres échelles de perte d'autonomie qui sont également
utilisées dans le réseau, qui, elles, sont plus associées aux activités de la
vie quotidienne, donc, les échelles d'ISO-SMAF. Effectivement, là aussi, ça
nous paraît important de se fier à des échelles, des échelles validées pour
pouvoir définir le moment.
Vous
avez mentionné la démence heureuse. Bien, la démence heureuse va à l'encontre
des critères, actuellement, de la demande anticipée de l'aide médicale à
mourir, à savoir que la personne ne vit pas de souffrance physique ou
psychique, et on considère que, lorsqu'une personne vit une démence heureuse,
c'est parce qu'elle est encadrée, qu'elle a le soutien nécessaire parce que,
tout simplement, elle a une certaine qualité de vie en dépit de la maladie.
Donc, la démence heureuse, finalement, ne rentrerait pas dans le cadre du
projet de loi actuel.
Est-ce que j'ai
oublié quelque chose dans vos questions?
M. Marissal :
Préciser l'utilisation de calmants...
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Oui, je crois, la contention.
M. Marissal :
...la contention, oui.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Alors, bien, effectivement, si on regarde du côté de
l'approche ou de la philosophie des sociétés
Alzheimer, ça fait... ça va totalement à l'encontre de notre approche, que ce
soit par l'utilisation de contention physique ou médicamenteuse. Après,
bien, on laissera quand même le libre choix à l'équipe soignante qui évalue la
pertinence du recours à des calmants, le cas échéant.
M. Marissal :
Rappelez-moi, sur la démence heureuse... parce qu'on a eu des heures et des
heures de débat là-dessus, puis je suis sûr que vous aussi, c'est un concept
philosophique plus que médical, on s'entend, là, parce que c'est dans l'oeil de
la personne qui regarde la personne démente et non pas la personne elle-même,
qui n'est plus capable de se prononcer sur elle-même. Vous êtes persuadée que,
dans un cas où l'équipe médicale établit que... je pense qu'on ne peut même pas
l'établir... prétend qu'il y a démence heureuse, la loi ne pourrait s'appliquer.
Donc, l'application de l'aide médicale à mourir ne pourrait avoir lieu, c'est
ce que vous dites.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Parce qu'effectivement il faut qu'il y ait des souffrances
physiques et psychiques. Dans le cas d'une
démence heureuse, la personne est bien. C'est parce qu'elle est accompagnée,
c'est parce qu'elle a... le proche aidant a du répit, c'est parce que la
communication est toujours établie avec la personne. On considère qu'avec
l'évolution de la maladie la communication verbale devient inexistante, tout
passe par du non-verbal. Et donc, bien, lorsque la personne...
• (11 h 10) •
M. Marissal :
Bien, c'est ça que je vous dis, c'est pour ça que je vous dis que c'est
purement philosophique.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Bien, c'est tout à fait... Tout à fait.
M. Marissal :
Si un arbre tombe dans la forêt, à mille lieues de toute terre habitée,
est-ce que l'arbre fait du bruit en tombant dans la forêt? On ne le saura
jamais.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Mais la souffrance...
M. Marissal :
C'est peut-être la même chose pour des gens qui ont une démence heureuse,
mais qui ont néanmoins... De toute façon, on ne refera pas ça aujourd'hui, là,
j'en conviens, mais je suis heureux de vous avoir entendue là-dessus.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup.
Je vais céder,
maintenant, la parole à la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Merci infiniment. C'est tellement percutant. Je vous entendrais pendant des
heures, mais j'ai quatre minutes.
Donc, vous êtes...
vous avez soulevé le point que je soulevais tantôt. On exige, dans le projet de
loi, que le médecin, au moment 2 — le moment 2, c'est
l'évaluation pour l'éventuelle administration — consulte le médecin du
moment 1 quand la demande en toute aptitude a été faite. Est-ce que c'est
réaliste, selon vous? Est-ce que vous pensez qu'on devrait ne pas se retourner
vers le médecin du moment 1, qui, normalement, a bien accompagné la
personne?
Je vous les donne,
moi aussi, puis après vous aurez le temps de répondre.
Ensuite, il y a toute
la question... Dans notre rapport, on parlait que ce qui devait est prévu dans
la demande anticipée, c'étaient les manifestations dans l'état et dans
l'évolution de l'état de la personne qui pourraient donner ouverture, puis la
personne pouvait aussi décrire les souffrances qu'elle pouvait anticiper, mais
le coeur n'était pas aussi détaillé qu'à l'article 29, tout le détail des
souffrances. Est-ce que vous aimez mieux l'approche du projet de loi, le détail
de toutes les souffrances? Est-ce que tous les médecins peuvent accompagner
adéquatement une personne? Les généralistes, par exemple, qui vont arriver au
diagnostic, est-ce qu'ils peuvent accompagner pleinement une personne,
se projeter? Est-ce qu'ils ont tous l'expertise pour pouvoir prévoir les
souffrances, ou ça va être quelques types de médecins? S'il y a un autre type
de souffrance qui n'avait pas été anticipé, par exemple la personne, elle a en
plus un cancer qui la fait souffrir, évidemment, elle n'a pu prévoir ça il y a
quatre ans, est-ce qu'on la considère, cette souffrance-là, ou on considère
juste les souffrances anticipées? Et puis le poids sur les professionnels, un
peu, du déclenchement, je l'ai dit tantôt, là, mais le déclenchement du
processus, verser la demande au dossier, est-ce que c'est le bon dosage ou
est-ce que ça risque de tomber entre les craques parce que les médecins vont
dire : On en a tellement sur les épaules, on ne peut pas se mettre à
évaluer, puis c'est vraiment le tiers qui devrait avoir le rôle ou vous trouvez
qu'on a atteint le juste équilibre dans le projet de loi?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement,
le fait que... Vous posez plusieurs questions qui peuvent être regroupées par
rapport au rôle du professionnel compétent entre, effectivement, celui qui était
présent au début versus celui qui va donner l'aide médicale à mourir,
l'expertise des médecins ou encore, bien, le rôle qu'ils vont avoir pour le
déclenchement. Actuellement, avec le plan Alzheimer Québec, les médecins ont
été formés à effectuer le repérage, poser un diagnostic et assurer le suivi.
Ils sont outillés, oui, certes, à donner le diagnostic, mais c'est quelque
chose qui n'est pas encore largement effectué. Il y a une absence au niveau du
repérage et un suivi qui est de qualité médiocre. Donc, ça, c'est la réalité
actuelle.
Alors, demander à ces médecins-là de prendre en
charge ou d'accompagner les personnes atteintes jusqu'au moment de l'aide
médicale à mourir, pour nous, nous paraît irréaliste. Il faudrait que ce soit
la... enfin, l'équipe soignante qui est au chevet de la personne au moment où,
effectivement, les critères de l'aide médicale à mourir sont remplis pour
pouvoir donner le soin en question parce que, veux veux pas, ils auront aussi
développé une relation de confiance et puis ils auront aussi développé une
meilleure connaissance de la personne, parce que 80 % des personnes vont
mourir en CHSLD, donc, il y a une équipe, là, habilitée à accompagner les
personnes, et puis, bien, cette équipe est là depuis un certain nombre d'années,
voire plus que ça. Donc, ils ont les compétences pour dire : Bien, on a
évalué la personne, elle répond aux
critères, on administre l'aide médicale à mourir. Le fait qu'il y ait un
deuxième professionnel compétent qui soit aussi impliqué dans le
processus, bien, nous apparaît aussi important pour, justement, éviter de
revenir vers le premier professionnel compétent. Ça, c'est quelque chose qui
est déjà inclus dans la loi.
Mme Hivon : Et puis l'approche,
focusser uniquement, bien, ça peut être très bien, là, mais sur les
souffrances, dans le détail, objectivables,
qu'on... versus l'évolution de l'état jumelée au moment 2, aux
souffrances, votre préférence par rapport à ça? Parce qu'il y a une
distinction entre le rapport puis la loi.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Tout
à fait. Bien, pour nous, c'est important d'avoir le détail. Comme ça a été fait
pour les directives médicales anticipées où, effectivement, les personnes
doivent cocher les soins qu'elles acceptent ou qu'elles refusent, il faut que
la... il faut que le formulaire pour la demande anticipée d'aide médicale à
mourir soit autant précis que possible pour éviter, en fait, des jugements de
valeur qui pourraient survenir par la suite.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cet échange,
mesdames. Alors... Oui?
M. Dubé : Est-ce que je
pourrais faire un commentaire de deux secondes?
Le Président (M. Provençal)
: Oui, allez-y, M. le ministre.
M. Dubé : J'aimerais
juste qu'on apprécie tous la qualité de l'intervention qui vient d'être faite
par Mme Grenier et par Mme Gaied. Je pense que c'est
extraordinaire, toute la connaissance que vous avez, que vous venez de partager
dans peu de temps. Mais je voulais souligner la qualité de vos réponses et des
questions que vous nous posez, alors je me permets de faire le messager de mes
collègues, ici. Merci beaucoup.
Mme Grenier (Sylvie) : Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Et vous me permettrez de vous
rappeler que vous avez formulé quand même plusieurs questions sur les
dispositions particulières aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Alors, les membres de la commission sont
très intéressés à recevoir vos questions pour que nous puissions vraiment
approfondir ces dernières. Alors, je
tiens à vous remercier de votre présence et pour l'ensemble des réponses que
vous nous avez données. Merci beaucoup.
Et je suspends pour accueillir le prochain
groupe.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 19)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux.
Je souhaite la bienvenue au Dr Georges
L'Espérance, de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la
dignité. Vous aurez 10 minutes pour votre présentation, et par la suite
nous procéderons à une période d'échange. Alors, je vous invite à vous
représenter et à débuter votre exposé. Je vous cède la parole.
Association
québécoise pour le droit
de mourir dans la dignité (AQDMD)
M. L'Espérance (Georges) : Merci,
M. le Président. Mmes, MM. les députés de l'Assemblée nationale, l'Association
québécoise pour le droit de mourir dans la dignité tient d'abord à vous
remercier pour l'invitation à cette commission d'étude.
Mon nom est Georges L'Espérance, président de
l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité. À titre de président, là, qui représente
notre conseil d'administration, mon propos sera marqué par trois
sources : toutes les questions du public et des patients que je reçois
quotidiennement, les questionnements des médecins prestataires et ma propre
expérience comme neurochirurgien et médecin prestataire de l'aide médicale à
mourir.
• (11 h 20) •
En guise d'introduction, je tiens à souligner le
remarquable travail du groupe transpartisan qui a produit le rapport sur
l'évolution de la loi et à remercier du fond du coeur le ministre Dubé et son
équipe d'avoir rapidement proposé ce projet de loi qui respecte les
recommandations du rapport. Je remercie aussi tous les députés qui ont accepté
de siéger sur cette commission et de faire un travail législatif de fond pour
que l'élargissement de la loi devienne réalité. Et je tiens à rassurer M. le
ministre ainsi que son équipe de petites fourmis à l'arrière que mon mémoire a
été adressé hier vers 18 heures. Donc, vous avez tous les aspects que vous
voulez. N'étant ni législateur ni juriste, j'insisterai sur les aspects
médicaux et pratiques en trois sections : les notes explicatives, les
articles du projet de loi et une réflexion essentielle sur la question du
handicap. J'ai bien compris tout ce que vous avez dit au début sur la question
du handicap.
Les notes explicatives. Nous sommes totalement
en accord avec l'exclusion temporaire des problématiques de santé mentale, bien
que les troubles de santé mentale représentent une maladie réelle qui amène des
souffrances réelles, parfois intolérables et résistantes à tout traitement. Le
gouvernement fédéral a introduit l'exclusion de la santé mentale par C-7 avec
une clause dite crépusculaire qui prend fin au 18 mars 2023. Il faudra
donc y revenir dans les prochains mois et élaborer, avec les experts — pardon — les
patients et les familles, les critères médicaux nécessaires pour l'aide
médicale à mourir chez les personnes aux prises avec un problème de santé
mentale grave, récidivant et résistant à toute thérapeutique.
J'ajoute qu'il est essentiel de garder un
interdit absolu et définitif sur les personnes vivant avec un déficit
intellectuel qui ne leur permet pas d'exercer leur libre arbitre.
Deuxième point, l'inclusion des infirmières
praticiennes spécialisées. Nous nous réjouissons au plus haut point de cette
modification qui haussera les Québécois au même niveau d'accessibilité que tous
les Canadiens, non seulement en région éloignée, mais aussi en plein
centre-ville de Montréal. Et il y a aussi les IPS en pratique extérieure, comme
dans les organisations de soins palliatifs du Grand Montréal, pour donner un
exemple. Je crois qu'elle devrait être incluse et non pas simplement limitée
aux infirmières... aux IPS qui travaillent uniquement en milieu hospitalier.
Enfin, l'inclusion des maisons de soins
palliatifs. Nous sommes très heureux de cette précision du ministre, qui
corrige ainsi une anomalie de la loi n° 2, introduite en 2014, pour
faciliter l'adoption de la loi. Plusieurs maisons de soins palliatifs ont
depuis révisé leur position, et c'est heureux. L'aide médicale à mourir est un
acte médical et doit être reconnu comme tel par les maisons de soins
palliatifs, dont la plupart, sinon la totalité, bénéficient d'un financement
public de l'ordre de 70 %, selon les données disponibles, ce qui en fait
un établissement... ce qui en fait des établissements publics. Et, comme
plusieurs de mes collègues, j'ai eu à évaluer des patients en maisons de soins
palliatifs et j'ai dû expliquer au demandeur et à sa famille que nous devions
le sortir le jour ou la veille du soin, mourant ou très détérioré, parfois en
hiver, souvent, et le transporter en ambulance à l'hôpital, loin des soignants
qui l'avaient soutenu pendant des semaines.
Je passe maintenant aux articles du projet de
loi, et mes commentaires seront en référence à la numérotation des articles du projet
de loi n° 38. Il est implicite que ne sont pas mentionnés les articles
avec lesquels nous sommes en accord complet.
Donc, l'article 9, maisons de soins
palliatifs. Nous proposons de donner six mois de délai aux administrateurs et
au personnel soignant pour actualiser.
Article 13 — excusez-moi — modifications
aux articles 26 et 27 de la loi n° 2. À 26.3°, garder l'inclusion du
terme «handicap neurolocomoteur», j'y reviendrai à la fin.
27 et 27.1, le tiers signataire, qui indique «ne
peut [...] avoir un intérêt financier dans le patrimoine». Nous avons parfois
affaire à des personnes seules ou des couples seuls, sans enfants ni famille,
cela peut être un problème pour nos patients. Rares sont les personnes qui ont
un patrimoine très important, et souvent le demandeur n'a qu'une personne qui
hérite de ses biens, la plupart du temps modestes, tels un appartement, une
petite maison ou un chalet et un restant de bilan financier. Je ne suis pas
juriste, mais pourquoi ne pas ajouter le terme, ouvrez les guillemets, «intérêt
financier significatif»? Tout clinicien et juriste pourra comprendre ce que
signifie le terme «significatif».
L'article 15 du projet de loi, modification
de l'article 29. Encore une fois, «handicap», je vais y revenir un peu.
Article 16 du projet de loi, ajout à
l'article 29 de la loi n° 2. Nous suggérons de faire deux sections
distinctes afin de clarifier l'énoncé de la loi, tant pour les médecins que
pour les demandeurs : première section, «dispositions en regard de la
formulation de demande anticipée», les articles 29.1 à 29.10, et, deuxième
section, «dispositions en regard de la mise en oeuvre de la demande anticipée
des autres articles».
Nous proposons aussi quelques commentaires sur
les articles de cette section.
29.2, deuxième
alinéa. Nous sommes d'accord avec cette formulation, et ça répond un peu aux
questions des intervenants précédents. La liste des symptômes, ou signes, ou
conditions que le demandeur pourrait suggérer devra relever
d'un guide de pratiques et non pas être dans la loi, un guide de pratiques à
élaborer par un comité ad hoc de médecins, IPS, travailleurs sociaux,
représentants de demandeurs, par exemple la société Alzheimer. Ce guide ne devrait servir que de feuille de route, en quelque
sorte, afin d'aider nos patients. Le reste de 29.2 est impeccable au
plan clinique et facilement gérable.
Je comprends de 29.4
que le ministre se veut moins catégorique que le rapport du comité
transpartisan et n'oblige pas à la
nomination d'un tiers de confiance. Cela répond à des objections faites par des
membres de l'association, même si cet
intermédiaire paraît souhaitable, en ce qui me concerne, et ce, afin de veiller
aux intérêts exprimés du demandeur.
29.6. Si cet article,
et là c'est vraiment parce que...
Une voix :
...
M. L'Espérance
(Georges) : Pardon? C'est vraiment parce que je ne suis pas juriste.
Si cet article signifie qu'il n'y a pas d'obligation d'acte notarié mais
seulement une déclaration devant témoins, je suis d'accord, car la question des coûts d'un notaire revient
régulièrement dans les renseignements qu'on me demande. Et la même
remarque que je faisais plus haut sur les tiers avec intérêt financier
significatif s'appliquerait ici aussi.
29.15.2°. Afin
d'éviter toute ambiguïté, plusieurs membres du conseil d'administration
suggèrent d'ajouter la précision suivante au début de la phrase, ajouter «dans
le cas d'une personne encore apte, tout refus de recevoir», etc. Tout le reste
de cet ajout de 29 apparaît très pertinent et satisfaisant, à une seule
interrogation près. Je comprends que le tiers de confiance avertit l'équipe
soignante, et c'est très bien. Par contre, s'il n'y a pas de tiers de
confiance, le mandat de vérification revient au professionnel de la santé, ce
qui revient à placer dans les mains d'un seul intervenant une décision
éminemment personnelle. Il y a ici un risque d'aveuglement volontaire.
Afin de protéger les
droits du demandeur, nous suggérons d'ajouter que la demande anticipée d'aide
médicale à mourir versée au registre soit obligatoirement revisitée aux six
mois par deux professionnels de la santé, indépendants l'un de l'autre, bien
sûr, s'il n'y a pas de tiers.
Article 17,
substitution de la loi... 30. À 30.1, nous suggérons de clarifier ce point en
ajoutant à la fin de la phrase, et la phrase se termine par «du refus de
recevoir cette aide manifestée par la personne encore apte». On suggère
d'ajouter «encore apte», ici. Ne pas indiquer cette précision reviendrait, dans
certains cas, à nier la demande anticipée.
30.2, faire une
précision s'il s'agit d'un refus chez une personne encore apte et, l'autre
situation, d'une personne qui est devenue inapte, auquel cas la modification
suivante viendrait s'ajouter, c'est-à-dire qu'à 30.2 nous suggérons d'ajouter ici l'équivalent de
l'article 241.2(3.3) du Code criminel canadien sur le renoncement au
consentement final, ce qui revient aussi à une discussion précédant, qui est
cet article qui dit :
«Précision
«(3.3) Il est entendu
que des paroles, des sons ou des gestes involontaires en réponse à un contact
ne constituent pas une manifestation de refus ou de résistance pour
l'application...»
Dernier point,
l'article 23, les modifications de l'article 39, qui porte sur la
Commission des soins de fin de vie. Honnêtement, je me demande qu'est-ce qui
justifie l'ajout de deux membres de plus à la commission. Et pourquoi ne pas
plutôt réduire la Commission des soins de fin de vie à des cliniciens actifs seulement,
même s'ils sont retraités, médecins et IPS, et à du personnel administratif
compétent en statistiques? Et en plus il y a une question de coûts.
Les articles 24
à 36 du projet de loi n° 38 ne sont pas de notre ressort. Je prends
quelques minutes pour faire un peu de pédagogie, comme disait M. Marissal.
Je tiens ici à remercier pour la question de maladie, handicap et infection. Je remercie sincèrement le ministre
d'avoir été à l'écoute des demandes de l'ensemble des médecins
prestataires, à l'ensemble de mes collègues prestataires et aussi de quelques
appels que j'ai reçus du public. Je ne peux que déplorer le retrait de cette
modification.
Et je fais ici
quelques mots, je m'en tiendrais à quelques précisions, et à titre de médecin,
et particulièrement de neurochirurgien, car ce sont souvent ces cas qui ont été
mis de l'avant comme exemple, l'argument avancé que la question du handicap n'a
pas été discutée, ne correspond pas à la réalité. En tout respect et avec
égards, je m'inscris en faux contre cette affirmation pour des raisons
factuelles élaborées dans le même mémoire. Toute maladie peut conduire à un
handicap, temporaire ou permanent, et, à l'inverse, tout handicap provient
d'une maladie, que ce soit in utero, à l'accouchement, pendant l'enfance, suite
à un traumatisme, et l'exemple qui est souvent donné est celui du blessé
médullaire, quadriplégique ou paraplégique, mais qui a souffert par définition
d'un traumatisme ostéomédullaire avec compression de la moelle et ischémie
subséquente, souvent hémorragique et contusionnelle. Donc, c'est une maladie
ischémique, comme un infarctus.
Alors, je reprendrai
aussi, à titre d'exemple, le paragraphe 310 de la décision Baudouin, où
Mme la juge écrivait que M. Truchon et Mme Gladu désirent qu'on leur
reconnaisse le choix de décider pour eux-mêmes : «Agir autrement peut
conduire à discriminer les personnes handicapées compte tenu de leur seul
handicap.»
Je vous...
• (11 h 30) •
Le Président
(M. Provençal)
: C'est
beau, docteur.
M. L'Espérance (Georges) :
...et je suis disposé à répondre à vos questions avec plaisir et au
meilleur de ma...
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup pour votre exposé, Dr L'Espérance. Alors, M. le ministre.
M. Dubé : Écoutez,
vous êtes... vous n'êtes pas légiste, mais vous êtes très clair. Je vais vous
dire, votre allocution qui fait le point sur plusieurs des articles, je
pense, c'est exactement ce qu'on a demandé ce matin.
Ce qui m'apparaît très
clair, puis je veux que les Québécois comprennent bien, il y a eu une
commission qui a passé plus de 200 heures pour arriver à des grandes
conclusions. Le défi de nos légistes, ça a été de mettre ça dans un projet de
loi. Puis là vous arrivez, à un moment donné, vous dites : Je veux juste m'assurer
que nos objectifs qu'on avait dans la commission sont bien reflétés dans le
projet de loi. C'est exactement ce que vous venez de faire.
On a une petite différence sur la question des
handicaps, je ne m'y attarderai pas, mais je pense que, ce matin, on a clarifié
la raison pour laquelle ça a été fait, je pense qu'on a besoin d'avoir un
consensus. Ce n'est qu'une autre étape. Je veux juste faire ce commentaire-là,
parce que je suis d'accord avec l'essentiel de ce que vous venez de dire. Puis
une précision que je ferais, ce n'est pas ma commission, ce n'est pas mes
recommandations, personnellement, c'est tout le travail qui a été mis ensemble
par toute cette équipe-là, puis j'apprécie vos points, mais c'est tout le
travail de tout le monde.
Alors, merci
beaucoup d'avoir eu la rigueur de faire ce que vous venez de faire. J'apprécie
beaucoup. Maintenant, je vais passer la parole à la députée de Roberval,
M. le Président, si vous êtes d'accord.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci, M. le
ministre. Merci, M. le Président.
Merci beaucoup, Dr L'Espérance, d'être avec nous
ce matin. Votre discours est très, très porteur pour nous, pour la suite des
choses, pour nous et pour les gens, là, qui auront et qui demanderont, dans les
prochains mois, dans les prochaines années, l'administration de l'aide médicale
à mourir.
On entend bien votre demande pour la suite des
choses et on espère aussi, là, en tant que groupes parlementaires... Vous
savez, c'était une commission transpartisane, et cet aspect-là est très
important, c'est le reflet de notre société. Donc, on va continuer à travailler
sur cet aspect-là.
Maintenant, en quoi la proposition du projet de
loi quant aux demandes anticipées vous permet-elle d'envisager une mort digne
pour les gens qui auront accès à l'aide ou qui demanderont l'accès à l'aide
médicale à mourir anticipée?
M. L'Espérance (Georges) : Bien, en
fait, la réponse vient de ce que demande la population puis certainement les
gens que vous allez entendre, à savoir qu'à partir du moment où un diagnostic
est donné, et ça, c'est une condition sine qua non, en tout cas, en ce qui me
concerne... et donc les gens savent comment évolue leur maladie. C'est vrai pour l'alzheimer, avec les stades qui ont été
décrits, mais c'est tout aussi vrai pour les autres pathologies
neurodégénératives. Le parkinson, généralement, c'est un petit peu plus long,
les démences à corps de Lewy, les démences vasculaires, c'est souvent un petit peu fluctuant et plus long, mais on sait toujours
très bien où ça va aller, où est-ce que ça va aboutir, et, bon, le temps peut être plus ou moins long,
mais c'est ça que les gens ne veulent pas. Et je suis convaincu qu'il n'y
en a aucun de vous qui est autour de la table, là, ou dans votre salle
Marois... qu'il n'y a aucun de vous qui veut se voir couché en chien de fusil
dans un lit à la fin de ses jours sans savoir où est-ce qu'il est, et c'est à
ça qu'il faut répondre, c'est à ça qu'appartient la dignité.
Actuellement, les gens qui ont un tel
diagnostic, vous le savez, peuvent obtenir l'aide médicale à mourir, on en a
tous fait quelques-uns, mais ils sont encore aptes, comme Mme Sandra
Demontigny, qui est dans les médias. Alors, Sandra, elle pourrait avoir l'aide
médicale à mourir maintenant, mais va perdre quelques mois ou même une année ou
deux de vie encore intéressante avec ses proches. Et c'est ça qu'est la
dignité, c'est-à-dire de savoir que, lorsque je ne serai plus apte, je ne veux
plus vivre dans un état... je ne veux pas vivre dans un état de déchéance qui,
de toute façon, va se produire, parce que c'est comme ça qu'évolue la maladie,
particulièrement l'alzheimer, mais les autres types de démence aussi.
Donc, la dignité, elle est là, pas souvent dans
les souffrances physiques, parce que c'est souvent aussi un des arguments qu'on
entend : Bien, comment on va faire pour évaluer la souffrance physique?,
il n'y en a pas beaucoup. Il peut y en avoir, par exemple, des plaies de lit,
etc., mais c'est surtout la souffrance existentielle qui vient auparavant. J'ai
vécu, pendant 70, 75, 80 ans, avec ma propre personnalité, avec mon
éclairage, avec ma famille, mes proches, avec mon projet de vie et je ne veux
pas que, les cinq, six, sept dernières années de ma vie, je sois devenu une
autre personne qui n'a plus du tout la même personnalité que j'ai eue pendant
toute ma vie, et c'est ça, la dignité, je ne veux pas me retrouver dans cet
élément-là, et ça, c'est une souffrance existentielle qui, bien entendu, est
anticipée, elle est faite avant que la personne devienne inapte.
Et là on entre, encore une fois, dans tout le
débat de la soi-disant démence heureuse. Je pense, vous le savez, vous avez
tous été dans la commission auparavant, on en a parlé aussi, je ne suis pas du
tout... je ne crois pas que ça existe, la démence heureuse, pas plus que
certains neurologues qui sont versés là-dedans, mais c'est la... Toute la
question de la dignité, c'est la question de savoir qui étais-je ou qui ai-je
été pendant toute ma vie et qu'est-ce que je ne veux pas vivre dans mon
existence en bout de ma vie parce que je ne serai plus moi-même. La question
est là, et la dignité, elle est là, à mon avis.
Mme Guillemette : Donc, pour
vous, la démence heureuse, si la personne la définit bien, il n'y a pas d'enjeu
à avoir accès à l'aide médicale à mourir.
M. L'Espérance (Georges) : Non, et
il y a même la... Me Jocelyn Downie, qui travaille beaucoup avec la CAMAP, au
Canada anglais, avait dit : Bien, pourquoi simplement ne pas indiquer dans
les critères, par exemple : Bien, si on me donne un diagnostic de démence
heureuse, je veux tout de même obtenir l'aide médicale à mourir? Ça pourrait
très bien faire partie des critères. Et je reviens aussi... parce que, là, ça a
été la question : Quels sont... quels vont être les
critères? Je ne pense pas du tout que ça doit partir dans... être dans un
projet de loi, ça doit être dans un guide de pratiques, et ça, ça pourrait très
bien faire partie... par exemple, article n° 25 du
guide de pratiques, si tout le monde s'entend pour dire que le patient est dans
une démence heureuse, non, moi, je coche ça, je ne veux pas même me rendre à la
démence heureuse. Ça pourrait être un exemple.
Mme Guillemette : Et un guide
de pratiques qui serait élaboré par un groupe de médecins? J'aimerais vous
entendre plus sur, justement, ce guide de pratiques là.
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
on est obligés d'aller vite en commission, mais c'est écrit dans le
mémoire : guide de pratiques, médecins, IPS, travailleurs sociaux, qui
sont très, très impliqués, et des gens comme la société d'Alzheimer.
Mme Gaied, je la connais, je l'ai vue quelques fois, là, elle est très
pertinente. Et pourquoi pas aussi peut-être des gens de votre honorable
Assemblée? Mais en fait des gens qui sont habitués de travailler dedans, et faire un guide de pratique, ça peut être
relativement simple : Lorsque je ne serai plus capable de vivre seul, ou
lorsque je ne serai plus capable de me laver moi-même, ou etc., tout ce qui a
déjà été dit, mais la démence heureuse pourrait faire partie de ce type de
critère, et je l'appuie là-dessus. J'appuie Me Downie beaucoup.
Mme Guillemette : O.K. Une
dernière question, avant de passer la parole à mes collègues, pour moi. On a
entendu, tout à l'heure, qu'il pourrait y avoir une difficulté sur le terrain
parce qu'en pratique, aussi, sur le terrain, il faut voir comment ce sera
applicable. Il pourrait y avoir une difficulté, sur le terrain versus le médecin
n° 1, qui soigne et qui traite le patient... versus
le médecin n° 2, qui va administrer l'aide médicale à
mourir. Vous voyez ça comment, ce processus-là entre les deux médecins?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
écoutez, on fonctionne déjà comme ça, hein? Il y a des médecins traitants, par
exemple dans les unités de soins palliatifs ou les unités de gériatrie, et il y
en a qui transmettent la demande d'aide médicale à mourir, mais qui ne veulent
pas s'impliquer, c'est parfait. Moi, je le fais très régulièrement avec des
gens de soins palliatifs, et donc on rencontre le patient.
Alors, en ce qui concerne les patients avec une
altération de leurs facultés cognitives, à mon avis, le processus revient au
même, c'est-à-dire que le médecin prestataire, lui, pourra prendre connaissance
du dossier et rencontrer le médecin traitant qui s'occupe du patient, que ce
soit en CHSLD, que ce soit n'importe où, et puis, par la suite, procéder, bien
sûr, après avoir rencontré la famille, s'il y en a, ou les proches, s'il y en
a. Sincèrement, pour moi, ça ne pose pas un gros problème. Le problème,
c'est... je crois qu'il y a un article de loi, mais je ne suis pas certain de
l'avoir bien compris, je ne suis pas juriste, encore une fois, il ne faut pas
mettre en lien la demande d'aide médicale à mourir anticipée faite par le
médecin à ce moment-là en lien obligatoire avec le moment de l'aide médicale à
mourir parce que, là, ça peut être trois ans, quatre ans, cinq ans plus tard.
Un moyen
de... D'abord, premièrement, c'est un écrit, donc un écrit a quand même valeur.
Puis, deuxièmement, il y a aussi une suggestion qui a été faite
d'utiliser les moyens vidéographiques, et, pourquoi pas, avec le médecin qui évalue le patient lorsqu'il est apte, qui sert de
genre de témoignage ou de testament pour plus tard, parce que ce
médecin-là qui a évalué le patient au
départ, il est... il a peut-être pris sa retraite, il est peut-être parti
ailleurs, il est peut-être décédé. Je ne sais pas si je réponds à votre
question.
• (11 h 40) •
Mme Guillemette : Oui, oui,
parfaitement, merci. En tant que neurochirurgien, là, est-ce qu'il y a des
personnes souffrantes, présentement, au Québec qui ne sont pas admissibles pour
recevoir l'aide médicale à mourir, mais qui, selon vous, devraient l'être pour
la suite des choses?
M.
L'Espérance (Georges) : Bien, il y en a... tous les patients qui ont des
pathologies, comme l'encéphalopathie néonatale... mais honnêtement c'est
là où le Collège des médecins et nous tous, on a le même malaise, c'est que le Code criminel le permet, et le Collège des
médecins nous a tous assurés, nous, les médecins prestataires, que, si on
suit le Code criminel, bien, de toute façon, on n'aura pas d'ennuis avec le
collège. Mais il reste que, pour des plus jeunes médecins... Moi, je suis un vieux. Pour les plus jeunes médecins et puis
pour ceux qui sont un petit peu plus frileux, disons, bien là, ils se sentent coincés et ils ont peur
d'avoir une lettre de la Commission des soins de fin de vie, et c'est pour
ça qu'on nous demande de régler cette
histoire-là d'harmonisation entre maladie, handicap et affection, mais sinon,
honnêtement, il y a des patients qui ne sont pas acceptés, dépendant du médecin
qui va les voir, et d'autres qui vont être acceptés.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci.
Je vais passer la parole à mes collègues.
J'aurais d'autres questions, si jamais... mais je passe la parole à mes
collègues.
Le Président (M. Provençal)
: Allez-y.
Mme Picard : Merci, M. le
Président.
Dr L'Espérance, votre exposé, au départ, était
hyperintéressant. J'aimerais juste que vous nous réexpliquiez... que vous élaboriez davantage par rapport à... Vous
avez fait certaines distinctions quant au refus, vous avez fait deux
distinctions, si le patient fait... démontre une résistance. Pouvez-vous juste
nous élaborer un petit peu plus ou bien nous expliquer votre cheminement?
M. L'Espérance
(Georges) : Oui, ça m'a été amené par des membres du conseil
d'administration, qui étaient craintifs que, lorsque l'on parle du refus, bien,
que, finalement, on ferme le dossier puis... Alors, c'est pour ça que j'ai
parlé d'avoir deux sections : lorsque le patient est apte, toute la mise
en place des demandes anticipées, puis, deuxièmement, lorsque le patient...
c'est le temps de le mettre en application. Et là, forcément, si on fait ça
comme ça, dans cette deuxième section, les articles de loi s'adresseront à des
patients qui sont devenus inaptes. Si le patient est devenu inapte, il ne peut
plus refuser, par définition. La seule façon de refuser, à ce moment-là, c'est
par des gestes, par des refus, etc., et ça... et c'est pour ça que je dis,
moi : Pourquoi est-ce qu'on ne prend pas la clause d'exclusion du Code criminel qui dit : lorsqu'on approche
un patient, bien, qu'un bruit, qu'un grognement ou qu'un mouvement ne
veut pas dire que le patient refuse l'aide
médicale à mourir? Parce que c'est ça qu'on fait face chez les patients qui... pour
le moment, là, chez les patients qui
n'ont plus leur conscience. Par contre, si le patient refuse et qu'il est
encore apte, bien, la question ne se pose pas : il est encore apte,
donc c'est son droit de refuser. Si le patient refuse, mais qu'il n'est plus
apte, bien, on retourne dans le carreau n° 1, à
savoir que, s'il n'est plus apte, c'est pour ça qu'il a fait sa demande
anticipée.
Donc, je trouvais qu'il y avait ici un peu
une... Disons, je ne suis pas trop comment dire ça, il y a un petit peu un
imbroglio dans les articles de la loi de la façon dont ils sont décrits et,
honnêtement, de la façon dont je les comprends. Peut-être que je les comprends
mal.
Mme Picard : Ça m'amène à une
petite question. Advenant où un patient fait... a manifesté un refus, qu'il est
apte, est-ce que, selon vous, on devrait réouvrir la possibilité dans un
certain temps ou à un certain moment ou on le garde fermé?
M. L'Espérance (Georges) : Si
j'ai bien compris votre question, vous dites «si le patient est apte». Bien, si
le patient est apte et qu'il refuse, bien, ça s'arrête là, sauf si le patient
redevient... revient plus tard en disant : Bien, écoutez, finalement, j'ai
encore une fois changé d'idée puis je le redemande. Bien oui, mais, une fois
que le patient... si le patient est apte et qu'il refuse, c'est son droit le
plus strict de fermer les dossiers, de la même façon qu'actuellement un patient
peut nous dire : Bien, écoutez, moi, l'aide médicale à mourir, j'ai prévu
ça pour le 24 juin cette année, puis le 22 il m'appelle puis il dit :
Bien, non, écoutez, savez-vous, je vais passer l'été. Ça m'est arrivé puis
c'est arrivé à d'autres collègues, et puis, bien, voilà, c'est comme ça qu'on
fait, on garde la demande ouverte. Mais, si le patient dit, alors qu'il est
apte : Je ne veux plus faire ça, parfait, très bien, on ferme le dossier.
Mme Picard : Merci. Je n'ai
plus de question.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Oui, merci.
On va... Je voudrais vous entendre sur l'obligation que les maisons de soins
palliatifs auront d'offrir l'aide médicale à mourir. On sait qu'il y a un
contexte où, présentement, on a une trentaine de maisons de soins palliatifs. Il y en a qui, de façon volontaire, ont
accepté d'administrer l'aide médicale à mourir, il y en a d'autres qui n'acceptent pas d'administrer
l'aide médicale à mourir pour plein de raisons. J'aimerais vous entendre
sur cette obligation-là, parce qu'on sait
qu'il y en a qui ont des contraintes. J'aimerais que vous m'en dites un peu
plus là-dessus.
M. L'Espérance
(Georges) : Oui, au tout début, la grande majorité des maisons
de soins palliatifs ont refusé parce qu'elles faisaient partie de
l'alliance des soins palliatifs. Soyons clairs — je suis chirurgien, on
va être précis — c'est
beaucoup le lobby religieux catholique... et de un.
Et, de deux, plusieurs de ces maisons-là... Et,
entre autres, je souligne que la Maison Aline-Chrétien, qui a ouvert à
Shawinigan juste après le début de la loi, a d'emblée accepté les aides
médicales à mourir. D'autres maisons l'ont fait progressivement, et même, cette
année, la Maison Michel-Sarrazin, à Québec, qui est un peu un chef de file.
Certains nous disent que des médecins sont mal à l'aise, ça peut être vrai.
Certains nous disent que c'est les administrateurs, ça peut être vrai. On sait,
par en dessous, que c'est beaucoup question du financement qui vient parfois,
sinon souvent, de communautés religieuses. Et je vais vous donner un seul
exemple, l'unité de Marie-Clarac, qui est une magnifique unité de soins
palliatifs, tenue par des religieuses qui, au départ, étaient favorables, mais
qui ont eu un ordre d'en haut — choisissez, «en haut», qui vous voulez,
là — de
ne pas offrir l'aide médicale à mourir.
Et donc, ça, je trouve ça inadmissible, ne
serait-ce que pour un point de vue d'équité du public. Toutes ces maisons-là
reçoivent... et j'ai fait mes petites recherches, ce que ça vaut, comme ils
disent, sur l'Internet, et à peu près... toutes les maisons ont à peu près
70 % de financement public. Bien, dans mon esprit à moi, 70 % de
financement public, ça en fait un établissement public, exactement comme c'est
écrit dans la loi.
Et l'autre élément, puis, je dirais, le plus
important, et, je vais vous dire, je me suis fait dire la même chose par des
médecins et du personnel soignant à Marie-Clarac pas plus tard que la semaine
dernière, c'est — je
vais choisir un bon terme — inhumain
de sortir des patients en plein coeur de janvier pour avoir... obtenir l'aide
médicale à mourir, les amener dans une petite chambre d'hôpital, à 24 heures
d'avis, en jaquette, et alors qu'ils étaient dans une chambre spacieuse,
confortable, avec du personnel qu'ils connaissaient, avec lequel ils étaient
habitués, et je l'ai fait à quelques reprises.
Je ne suis pas seul, d'autres l'ont fait, et c'est inadmissible, du point de
vue du patient. Alors, non, puis c'est un soin.
Une voix : ...
M. L'Espérance (Georges) : Pardon?
Mme Guillemette :
Merci beaucoup, Dr L'Espérance.
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de D'Arcy-McGee, c'est à
vous, la parole.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président.
Merci beaucoup, Dr L'Espérance. Votre
présentation a été aussi éclairante et importante qu'alors que vous étiez
devant notre commission spéciale. Alors, je vous remercie beaucoup.
J'avais des questions sur le soin palliatif,
mais, compte tenu de vos réponses, je vais tout simplement noter l'importance et la pertinence de vos réponses.
Elles vont nous aider dans nos réflexions en étude détaillée, j'en suis
sûr.
Lors de vos interventions sur l'article 13 de la
loi, qui touche à 26 et 29, vous avez parlé d'une question qui me préoccupe
aussi, la possibilité d'écarter des tiers à cause d'un intérêt financier
conflictuel, en quelque part. Vous allez comprendre, j'imagine, que d'aborder
la question, c'est pour assurer d'une autre façon, mais très nécessaire, un
dérapage possible, un membre d'une famille non bienveillant, etc. Il y a des
risques, je crois qu'on va en convenir.
Par contre, je partage votre préoccupation,
surtout quand on veut parler de l'équité de l'offre, si je peux me permettre le
mot, à l'accès à l'aide médicale à mourir. Et il y a des gens en situation très
difficile où même identifier un tiers ne va être pas facile. Alors, l'idée
d'écarter des tiers, sauf pour des raisons très, très nécessaires, serait
problématique, je vous suis là-dessus.
À part... Vous avez suggéré un petit libellé, le
mot «significatif». Est-ce que vous avez d'autres suggestions pour assurer qu'on fait le pont entre l'idée
d'écarter la possibilité d'un dérapage pour une raison... mais de protéger
l'accès à un tiers pour tout le monde en région, mal fortuné, qui vit seul, et
tout ça? Est-ce que vous avez d'autres choses à nous proposer à ce sujet-là?
• (11 h 50) •
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
écoutez, on peut tourner ça dans tous les sens, mais, si on prend, par
exemple... Et merci beaucoup de votre question. D'ailleurs, ça me fait plaisir
de vous revoir ainsi que vos collègues Marissal et Mme Hivon. On peut
tourner ça dans tous les sens, mais, si on prend un soignant, bien, on pourrait
dire aussi qu'il y a un intérêt. Mais, par exemple, en CHSLD, je ne vois pas du
tout quel conflit d'intérêts pourrait avoir une aide-soignante ou un
aide-soignant qui s'occupe de la personne depuis des mois et, de temps en
temps, on les voit signer comme témoin. Maintenant, c'est permis. La question
de la personne avec un intérêt, c'est sûr, je comprends très, très bien les
difficultés, mais, honnêtement, là, tous les gens qu'on voit, là, il n'y en a
pas beaucoup qui ont des millions en banque pour, disons, susciter une demande
d'aide médicale à mourir. Sincèrement, c'est mon expérience à moi, mais je suis
pas mal certain que c'est la même chose pour plein d'autres, le patrimoine de
ces gens-là est, la plupart du temps, très restreint. C'est pour ça que j'ai
mis «significatif».
Écoutez, depuis 2014... 2015, plutôt, 2016, on a
fonctionné avec le terme de «mort naturelle raisonnablement prévisible» sans
que personne ne sache ce que voulait dire «raisonnablement», puis on s'est
accommodés de cela. C'est pour ça que j'ai pris le terme «significatif», mais
je n'ai pas d'autres idées qui me viennent en tête pour ça. Est-ce qu'on
pourrait dire «une personne significative d'intérêt»? Honnêtement, je dirais
que ça appartient peut-être plus à des législateurs ou à des juristes de faire
ça, mais, dans une majorité des cas, on a affaire à des gens qui n'ont pas
beaucoup de proches ou, quand ils en ont, il n'y a pas d'intérêt
financier : Écoutez, je vais mourir puis je laisse mon appartement ou mon
chalet, bon, mais...
M. Birnbaum : Oui, pour
revisiter brièvement la question de refus, qui est, en quelque part, presque un
oxymoron, de dire à une personne inapte... je vous suis... que je refuse, de
façon éclairée, le traitement que j'ai demandé quand j'étais apte, je vous suis
là-dessus. Est-ce que vous avez des inquiétudes en ce qui a trait à
l'applicabilité de notre projet de loi dans cette instance-là? Et je parle du
comportement des médecins qui vont se trouver peut-être devant quelqu'un qui
manifeste un refus. Précision, je comprendrais que, de passer à l'acte... il y
aurait un premier genre d'injection antianxiolytique qui pourrait peut-être
pallier à une réaction qui est tout simplement réflexive. Alors, est-ce que
vous avez des inquiétudes sur le plan... implantation et sur la capacité de
chaque médecin obligé de passer à l'acte de poursuivre l'affaire si ce refus se
manifeste, en quelque part?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
s'il y a un refus très fort, effectivement, il y a la question d'une sédation
par la bouche. Je suis — je
suis, dans le sens de «suivre», là — tout à fait d'accord avec ce
qu'avait dit M. Marissal tout à l'heure, que les contentions, non, ça, ça
serait un peu trop, là, mais une sédation par la bouche, comme ça se fait,
d'ailleurs, tous les jours dans tous les CHSLD et dans les unités de gériatrie,
pourrait très bien être acceptable. La question de savoir est-ce que des
médecins seraient mal à l'aise de procéder devant une personne qui réagit dans
tous les sens, oui, je crois que, oui, avec une sédation, la problématique se
pose beaucoup moins, une sédation légère, la problématique se pose moins.
La question qui se pose un peu plus, et
peut-être qu'elle vous a été posée, c'est : Est-ce que plusieurs médecins
seraient mal à l'aise de procéder à l'aide médicale à mourir chez un patient
qui a fait ses demandes médicales anticipées et qui arrive à un moment donné où
il n'est plus apte, et on n'est plus devant une personne qui peut nous regarder
dans les yeux? Bien, plusieurs de mes collègues, lorsque nous discutons sur le
forum médical confidentiel, là, se disent tout à fait à l'aise avec ça.
C'est vrai qu'il y a probablement des médecins
qui seraient moins à l'aise, mais je pense qu'on est tous là pour nos patients
et nous tous qui faisons la promotion de ces demandes anticipées pour des
raisons que tout le monde connaît, là, bien, évidemment, nous devons,
excusez-moi, faire suivre les babines avec les bottines ou, le contraire, faire suivre les bottines avec les babines, de savoir qu'il
faut qu'on... si on accepte ça, qu'il faut le faire, bien, il faut procéder en
toute compassion, en toute empathie, chez un patient qui est devenu
complètement inapte, qui n'est plus du tout la même personne qu'elle était
lorsqu'elle a fait sa demande.
M. Birnbaum : Merci. En ce qui
a trait à votre recommandation que la demande anticipée soit revalidée et
rediscutée avec l'équipe ainsi qu'avec l'individu, l'individu apte qui aurait
fait la demande, est-ce que vous n'avez pas des préoccupations, une autre fois,
sur le plan implémentation... implantation, que ça reste difficile... pas,
j'imagine, pour la personne devant un diagnostic où l'horizon risque d'être
restreint, et on risque d'avoir... selon ses voeux, passer à l'acte dans une
période de même huit à 12 mois, mais est-ce que c'est réalisable, de votre
avis, pour quelqu'un où l'horizon peut durer jusqu'à 10 ans, même plus,
entre la demande et la nécessité de passer à l'acte?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
peut-être que je me suis mal exprimé, et je m'en excuse. La question de la révision aux six mois, c'est lorsque la personne
est devenue inapte ou qu'elle est beaucoup moins apte, mais qu'elle n'a
pas encore atteint tous les degrés qu'elle avait indiqués au tout départ. Par
exemple, elle n'est pas encore complètement incontinente — je
donne un exemple — mais
elle est devenue inapte et qu'elle n'a pas de tiers... elle n'a pas de tiers,
elle n'a pas un tiers significatif pour
avertir l'équipe traitante, à ce moment-là la décision revient à l'équipe
traitante, et donc à un médecin qui va évaluer le patient puis qui peut
très bien dire : Bon, bien, le patient n'est pas rendu à l'étape qu'il
disait.
Et c'est là où je parle d'aveuglement
volontaire, il peut très bien poursuivre cette négation-là pendant longtemps.
Et c'est pour ça que je dis... Enfin, je suggère que, dans une telle condition,
un patient qui est devenu inapte, mais qui n'a pas encore atteint tous les
stades qu'il avait mis au départ et qui n'a pas de tiers significatif pour
faire la précision, c'est-à-dire, bien là,
il faudrait que la demande soit revisitée aux trois, quatre mois, six mois, là.
J'ai mis six mois parce que c'est rare que ça se détériore à toute
vitesse.
M. Birnbaum : Merci. Je comprends
les précisions qui sont assez... ce n'est pas une petite nuance, mais ma
question, donc, va se poser quand même. Est-ce que vous avez des inquiétudes
sur le plan faisabilité dans les conditions que vous venez de clarifier?
M. L'Espérance (Georges) : Que
la demande soit revisitée?
M. Birnbaum : Que ça soit
faisable de façon équitable partout au Québec, que ça soit revisité à chaque
trois, six mois, dans les conditions que vous venez de clarifier.
M. L'Espérance (Georges) : Bien, en
général, on s'entend que les patients rendus à ce stade-là sont vraiment...
soit sont en institution ou encore ils ne sont plus chez eux... Faisabilité,
oui, enfin, sincèrement, bien, je ne vois pas la difficulté, mais... Peut-être
qu'il y a quelque chose que je ne vois pas bien, là, mais je ne vois pas trop,
trop la difficulté, de la même façon qu'actuellement tout patient qui arrive à
l'urgence... le médecin a l'obligation d'aller voir dans le DSQ si le patient
n'a pas fait ses directives médicales anticipées, c'est une obligation légale.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons poursuivre avec le député
de Rosemont.
M. Marissal : Oui, merci, M. le
Président.
Dr L'Espérance, c'est un plaisir réciproque de
vous revoir et de vous entendre, c'est toujours aussi clair.
Est-ce que vous iriez aussi loin que de dire
qu'une maison de soins palliatifs qui est financée à une hauteur x ou y de
fonds publics devrait nécessairement offrir le soin, à défaut de quoi elle
perdrait son financement public? C'est ce que vous dites?
M. L'Espérance
(Georges) : Bien, oui, allons-y directement, oui, avec un...
pour qu'ils puissent s'installer, là.
M. Marissal : Avec quoi?
M. L'Espérance (Georges) : Avec
un délai pour que la maison de soins palliatifs puisse changer ses règles au
conseil d'administration et parmi les soignants.
M. Marissal : J'en prends bonne
note pour la suite de nos travaux.
Je suis pas mal à la même place que vous sur la
question de l'intérêt financier de la personne tierce. Il y a un problème très évident que je vois là-dedans, c'est
qu'une personne, qu'elle soit très, très riche ou pauvre comme Job, peut
avoir dans son entourage une seule ou deux
seules personnes qui seront d'accord pour jouer ce rôle. Bien, s'il se trouve
que c'est son conjoint ou sa fille,
nécessairement il y a un lien financier, il n'y a pas nécessairement un intérêt
financier. Comme vous, je prends en
note que vous suggérez quelques façons de contourner ça, mais vous avez donné
quelques suggestions tout à l'heure.
Par ailleurs, puis je
reviens sur un sujet dont on a parlé avec le groupe juste avant vous, les
sociétés d'Alzheimer du Québec, vous avez une position divergente à la leur
concernant la démence heureuse. Comment on règle ça, nous, dans
un projet de loi? Parce que vous dites : On ne le met pas dans le projet
de loi, on le met dans un guide de pratiques. Il faudrait juste qu'on s'assure
qu'il n'y ait pas des contestations judiciaires à l'infini parce qu'on n'y
arrivera pas, à définir ça existe-tu ou ça n'existe pas, là. Ça, c'est le
secret de la Caramilk, là, on ne le trouvera pas aujourd'hui. Alors, comment on
fait ça, nous autres?
• (12 heures) •
M. L'Espérance
(Georges) : Bien, honnêtement, la réponse courte, à mon avis, là,
c'est de ne pas du tout parler de démence heureuse dans le projet de loi, et ce
sera au... parce que ça n'appartient pas au législateur de parler de démence
heureuse, et ce, je dis ça en tout respect, là. Ce n'est pas du tout péjoratif,
ce que je dis là, c'est une question vraiment clinique. Alors, il y en a qui...
Et vous avez... Je pense, c'est vous qui avez dit ça, tout à l'heure, que la
démence heureuse, c'est dans les yeux de la personne qui regarde l'autre et ce
n'est pas la personne qui est démente qui
pense ça, et je pense qu'il faut tous aller revoir l'extraordinaire témoignage
de Judes Poirier lors de votre commission.
Et, moi, c'est sûr
que, comme neurochirurgien, je suis un peu biaisé. Je suis très organiciste,
là, mais la démence heureuse, pour moi, là, c'est une vue de l'esprit. Ce qu'on
veut dire, c'est que c'est un patient qui est calme, qui est souriant puis
qui... Bon, bien, c'est ça, mais ce n'est plus la même personne que cette
personne-là a été pendant 50, 60, 70 ans, c'est ça qui est le plus
important. Et je m'appuie beaucoup sur Jocelyn Downie, qui est une grande
avocate, là, et qui a dit : Écoutez, faites simplement écrire «démence
heureuse» dans les critères puis ça va régler le problème philosophique...
bien, peut-être pas philosophique, mais, en tout cas, le problème légal.
M. Marissal :
C'est tout pour moi. Merci, Dr L'Espérance.
M. L'Espérance
(Georges) : Merci, M. Marissal.
Le Président
(M. Provençal)
: Nous
complétons cet échange avec la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Bonjour, Dr L'Espérance. Merci beaucoup pour votre présentation.
On va continuer
là-dessus. Écoutez, vous n'avez pas assisté à toutes nos délibérations, qui ont
duré des dizaines et dizaines... des centaines d'heures, en fait, sur ce
sujet-là, notamment.
Je vous amène un
petit pas plus loin. Vous, en fait, votre logique, vous aviez été clair aux
auditions, vous estimez que la souffrance anticipée, elle est suffisante et
qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une souffrance contemporaine au moment de
l'administration de l'aide médicale à mourir au moment 2. Vous me
corrigerez si j'erre dans l'interprétation. L'enjeu avec ça, si on suit cette
philosophie-là, c'est que les critères sont moins exigeants pour une demande
anticipée que pour une demande contemporaine. On ne serait plus obligés d'avoir
une présence de souffrance au moment de
l'administration, alors qu'on l'exige pour une personne qui a un cancer, pour
une personne qui a une SLA. Comment peut-on réconcilier ça,
philosophiquement, alors qu'on devrait être encore plus vigilants pour une
personne qui n'est plus apte à nous témoigner comment elle se sent?
Je pense que c'est
vraiment un élément avec lequel on a eu extrêmement de mal, et c'est ce qui
fait en sorte que la souffrance
contemporaine est toujours un critère dans la loi. Moi, je vous soumettrai que
je pense que c'est une bonne orientation, parce que je ne vois pas
comment on ne pourrait pas avoir les mêmes critères pour la demande anticipée.
M. L'Espérance
(Georges) : Oui, vous avez raison, mais, à mon avis, tout le... si je
peux me permettre, la réponse — et d'abord, bonjour, Mme Hivon — la
réponse, c'est dans l'aptitude. On demande que le patient exprime une
souffrance physique, psychologique ou existentielle lorsqu'il est apte dans le
cadre actuel de l'aide médicale à mourir, mais, bien évidemment, lorsque le
patient n'est plus apte, il ne pourra pas exprimer sa souffrance existentielle.
Il pourra exprimer une souffrance physique, que ce soit par des plaies de lit,
que ce soit par tout ce que vous voudrez, ça a déjà été discuté.
Mais la problématique
se rencontre — et
c'est relativement étroit — chez
les patients qui n'ont pas de souffrance physique évidente ou objectivable.
Mais on ne peut certainement pas évaluer leur souffrance existentielle, ils
sont devenus inaptes, et c'est pour ça que, dans les demandes médicales
anticipées, le patient peut dire : Moi, je ne veux pas vivre ça, parce que
ça, c'est son existence, c'est sa dignité à lui. Et, bien évidemment, lorsqu'il
est devenu inapte, on ne peut plus évaluer ça. Là-dessus, je vous suis
complètement. Sauf qu'on va se retrouver avec un régime où n'auraient droit à
l'aide médicale à mourir, chez les patients devenus... avec une maladie
neurodégénérative, que ceux qui ont une souffrance physique que l'on pourrait
objectiver, alors qu'ils ne pourront pas objectiver... ou ils ne pourront pas
décrire leur souffrance psychologique ou existentielle.
Bon, l'autre chose,
si un patient pleure toute la journée dans son lit puis qu'il se balance, on va
dire : Ah! bien, lui, il a une souffrance existentielle. On va dire :
Bien non, il pleure, il est peut-être juste déprimé. On ne le sait pas, il est
devenu inapte, et c'est pour ça que, pour moi, c'est l'aptitude qui est le
coeur de tout ça, l'aptitude lorsque le patient était lui-même ou elle-même,
là, les deux s'englobent.
Mme Hivon :
En tout cas, je ne referai pas le débat qu'on a fait pendant des heures.
Mais il y en a qui nous disent que l'errance, l'agressivité, l'agitation
incontrôlable, ce sont des signes de souffrance qui peuvent être physiques,
mais qui peuvent être de différents ordres. Donc, il y en a qui nous disent que
c'est tout à fait possible d'évaluer, même avec une personne qui est
non-verbale, les manifestations de souffrance.
M. L'Espérance
(Georges) : Oui, bien, c'est exactement ce que je vous ai dit avant.
Il y a des choses qui sont objectivables, quelques... Mais la personne qui est
dans le fond de son lit ou de son fauteuil, qui est souriante, qui a de l'incontinence, qui est... dont la vie n'a plus de
signification pour elle-même par rapport à ce qu'elle était avant, on ne peut
pas le savoir si elle a une souffrance existentielle, par définition elle est
devenue inapte. Si elle n'a pas de souffrance physique, est-ce qu'on va lui refuser
l'aide médicale à mourir parce qu'elle n'a pas de souffrance physique évidente
ou, en tout cas, objectivable, alors qu'elle a une souffrance existentielle?
Mais on ne peut pas le savoir si elle a une souffrance existentielle, parce que
ce n'est plus la même personne qu'elle était auparavant, lorsqu'elle a fait
son... ses demandes... sa demande anticipée. Mais je comprends qu'au point de
vue philosophique ça peut...
Mme Hivon :
Oui, mais... c'est ça, mais il faut aussi se questionner : Est-ce qu'il
y a des limites? Je veux dire, on veut faire l'avancée, mais est-ce qu'en même
temps il n'y a pas des choses qui, par essence même, sont des limites, puis
qu'on ne pourra pas tout à fait inclure? En tout cas, je pense, c'est une
question, pour nous, à vraiment débattre, là. J'avais mille autres
questions — puis
je n'ai plus de temps — très
techniques. Donc...
Le Président
(M. Provençal)
: Malheureusement,
Mme la députée...
Mme Hivon :
...je les poserai à d'autres médecins. Mais merci infiniment.
M. L'Espérance
(Georges) : Ça me fera plaisir de répondre. Mais une barrière finale,
le déficit intellectuel sans aptitude. Ça, c'est...
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup, Dr L'Espérance, pour votre contribution à nos travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 16 h 25. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12
h 07)
(Reprise à 16 h 28)
Le Président
(M. Provençal)
: ...à
la Commission de la santé et des services sociaux.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant
la loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions
législatives.
Cet après-midi, nous
entendrons par visioconférence les personnes et groupes suivant : l'Ordre
des infirmières et infirmiers du Québec et Me Nicole Filion conjointement
avec le Pr Jocelyn Maclure.
Je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants de l'Ordre des infirmiers et des
infirmières du Québec. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons
à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite
à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je vous cède maintenant la
parole.
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)
M. Mathieu
(Luc) : Merci. Merci, M. le Président.
M. le ministre, Mmes
et MM. les parlementaires, je suis Luc Mathieu, président de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec. Je suis accompagné de deux collègues de
l'ordre : Mme Caroline Roy, directrice déléguée, Relations avec les
partenaires externes, et de Mme Pénélope Fortin, avocate.
Alors, nous vous
remercions de votre invitation à émettre nos commentaires sur le projet de loi
n° 38 concernant la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de
vie et d'autres dispositions législatives. Nous accueillons très favorablement
la volonté du gouvernement du Québec d'élargir l'accessibilité à l'aide
médicale à mourir pour la population du Québec en permettant notamment aux
personnes atteintes de maladies graves et incurables menant à l'inaptitude à
consentir aux soins de formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
L'ordre ne peut que
saluer également la reconnaissance des infirmières praticiennes spécialisées et
les infirmiers praticiens spécialisés, que je nommerai les IPS, à titre de
professionnels compétents pour tout le processus d'aide médicale à mourir et
pour la sédation palliative continue. Soulignons aussi la possibilité pour les
infirmières, les infirmiers du Québec de constater le décès d'une personne.
Le droit de mourir
dans la dignité est un enjeu de société de première importance. Nous sommes à
même de constater que les échanges soutenus entre le ministère de la Santé et
des Services sociaux, l'Office des professions du Québec, l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec et avec nos collègues du Collège des
médecins du Québec auront contribué à permettre aux IPS de participer
activement à ces soins sensibles et délicats dans une perspective
d'accessibilité et d'interdisciplinarité. (Panne de son) ...mémoire énonce des
recommandations visant à bonifier le projet de loi déposé, lesquelles
rejoignent l'objectif de maximiser l'accès aux soins de fin de vie, tout en
s'assurant de la qualité des actes posés par les professionnels, pour le plus
grand bénéfice de la population québécoise. Plus particulièrement, nos
recommandations portent sur le moment de l'entrée en vigueur des dispositions
entourant le constat de décès, sur l'exclusion des IPS exerçant leur profession
au privé ainsi que sur la disparité des mécanismes mis en place pour procéder à
l'évaluation de la qualité de l'acte.
• (16 h 30) •
Nos recommandations
sont formulées dans une perspective de maximiser l'accessibilité aux soins de
fin de vie et dans un souci d'assurer un arrimage cohérent relativement aux
mécanismes entourant l'évaluation de la qualité de
l'acte. Nous saluons les modifications apportées notamment au Code civil du
Québec et à la Loi sur la santé publique visant à permettre aux
82 000 infirmières et infirmiers du Québec de constater le décès
d'une personne et de dresser le constat de décès. Depuis plus d'une décennie,
l'ordre et le Collège des médecins militent pour ce changement. Cette avancée
avait été rendue possible par arrêté ministériel pendant l'urgence sanitaire,
mais n'avait pas été pérennisée. Ceci a eu pour effet de provoquer plusieurs
défis organisationnels ainsi que des délais significatifs pour les familles
endeuillées. Il est donc primordial que ces mesures entrent en vigueur le plus
tôt possible.
Notre première
recommandation est donc que l'ensemble des dispositions relatives au constat de
décès entre en vigueur immédiatement. Rappelons qu'avec l'entrée en vigueur de
la Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres
dispositions afin de favoriser l'accès aux services de santé en janvier 2021,
les IPS sont désormais autorisés à diagnostiquer des maladies et à déterminer
des traitements médicaux. Ces activités, en plus des autres activités qui leur
sont réservées, leur permettent ainsi d'exercer, selon leur classe de
spécialité, les activités professionnelles nécessaires à l'évaluation de
l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, à sa prescription et à son
administration ainsi qu'à l'administration de la sédation palliative continue.
Le projet de loi
vient restreindre l'administration de la sédation palliative continue et de
l'aide médicale à mourir uniquement aux IPS qui exercent leur profession dans
un centre exploité par un établissement public. Pour l'ordre, cette limitation
n'est pas souhaitable pour plusieurs raisons. Premièrement, cette limitation
perpétue l'écart avec les autres provinces canadiennes. À l'heure actuelle, la
majorité des provinces canadiennes autorisent les IPS à administrer l'aide
médicale à mourir, et ce, sans égard à leur lieu d'exercice. Du point de vue de
la protection du public, mission première des ordres professionnels, nous
sommes soucieux de nous assurer de la conformité du processus ainsi que de la
qualité de l'acte posé, et ce, sans égard ni au professionnel qui pose cet acte
ni au lieu où il est posé. Il importe de préciser que le risque de préjudice est
associé à l'acte posé et non au lieu où il est dispensé.
Selon le deuxième
rapport annuel sur l'aide médicale à mourir au Canada de 2020, les principaux
milieux de prestation de l'aide médicale à mourir étaient les résidences
privées, pour 47,6 %, et les hôpitaux, pour 28 %. Les établissements
de soins palliatifs représentent 17,2 %. Toujours selon ce rapport, la
prévalence des soins de fin de vie ira en augmentant, notamment dans les
maisons de soins palliatifs ainsi que dans les centres d'hébergement de soins
de longue durée. Il importe de préciser que ces milieux ne sont pas toujours
des centres exploités par un établissement public. Malgré certaines ententes
établies avec le réseau public, ces centres sont à même de pouvoir embaucher
leurs propres professionnels. Notre deuxième recommandation est donc que tous
les IPS soient reconnus à titre de professionnels compétents pour prodiguer la
sédation palliative continue ainsi que l'aide médicale à mourir, pour assister
une demande anticipée, sans égard à leur lieu d'exercice.
Nous souhaitons
maintenant aborder la question de l'évaluation de la qualité des soins fournis.
La compétence professionnelle est l'une des valeurs fondamentales du Code de
déontologie des infirmières et infirmiers. Elle constitue l'un des éléments
essentiels à la qualité des soins et des services. Dans un contexte aussi
délicat et éthique que le processus d'aide médicale à mourir, l'évaluation de
la qualité des soins prodigués prend une ampleur particulière et nécessite que
nous y accordions la plus grande importance. Pour l'ordre, il ne fait aucun
doute que, grâce à leurs connaissances et compétences cliniques avancées, les
IPS sont des professionnels tout indiqués pour accompagner les patients ainsi
que leur famille, en leur permettant de mourir dans la dignité.
Toutefois, à titre
d'ordre professionnel, nous sommes soucieux de nous assurer que les mécanismes
visant à assurer l'évaluation de la qualité des soins soient déployés
indistinctement du professionnel qui l'effectue, de manière harmonisée et dans
une perspective de collaboration interprofessionnelle. Dans cet esprit, l'OIIQ
tient à manifester des préoccupations à l'égard du projet de loi, qui prévoit
des mécanismes d'évaluation différents en fonction du professionnel visé et du
lieu de prestation de services. À l'heure actuelle, ce sont les conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens des établissements qui procèdent à
l'évaluation de la qualité de l'acte pour les médecins qui administrent l'aide
médicale à mourir ou la sédation palliative continue dans le secteur public.
Ils évaluent notamment le respect des normes cliniques et peuvent émettre un
signalement au Collège des médecins, le cas échéant.
Pour ce qui est de
l'aide médicale à mourir ou de la sédation palliative continue administrée à un
médecin dans le secteur privé, le Collège des médecins est l'organisme qui
évalue la qualité de cet acte via le comité sur les soins de fin de vie.
Celui-ci évalue également le respect des normes cliniques, puis pourrait
permettre un signalement, le cas échéant. Il faut également souligner que la
Commission sur les soins de fin de vie peut aussi faire un signalement au
Collège des médecins si elle a un doute sur la qualité de l'acte d'un médecin
qui administre un de ces soins.
Le projet de loi
prévoit que, dans le cas des IPS, l'évaluation de la qualité de l'acte sera
effectuée par le directeur des soins infirmiers de l'établissement. Il y aura
alors présence de trois mécanismes distincts pour procéder à l'évaluation d'un
même acte en fonction des mêmes critères. Alors, considérant les mandats
premiers des conseils des infirmières et des infirmiers et des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens, nous recommandons que soient institués des
comités conjoints regroupant ces instances pour procéder à l'évaluation de la
qualité de soins fournis pour la sédation palliative continue et l'aide
médicale à mourir. Nous sommes d'avis qu'un tel mécanisme harmonisé permettrait
de démontrer la transparence du processus et de favoriser la confiance du
public à l'égard de la législation sur l'aide médicale à mourir et de son
application.
Notre troisième
recommandation est donc la suivante : que les instances concernées
explorent la possibilité que les mécanismes visant à l'évaluation de la qualité
des soins fournis relativement à la sédation palliative continue et à l'aide
médicale à mourir soient harmonisés pour l'ensemble des professionnels
compétents, et ce, sans égard au fait qu'ils exercent dans un établissement
public ou dans un établissement privé.
Alors, nous vous
remercions. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup pour votre présentation.
Je vais maintenant céder la parole à M. le
ministre pour les 15 min 15 s qui suivent. À vous la parole.
M. Dubé : Merci beaucoup, M. le
Président.
Alors, M. Mathieu, Mme Roy,
Mme Fortin, encore une fois, je sais qu'on vous voit souvent dans les
commissions parlementaires depuis quelques mois. À chaque fois, vous prenez le
temps nécessaire de vous préparer puis je veux vous remercier, parce qu'on vous
a vu quand même assez souvent dans les derniers mois, et c'est très apprécié,
je pense, de tous les membres ici, de la commission.
Vous avez été très clairs dans les trois recommandations,
puis c'est un petit peu ce qu'on a demandé ce matin, de dire... pour que notre
personnel... que nos légistes et le personnel du ministère puissent, après ces
deux jours de consultations, arriver avec
des recommandations très claires de ce que vous suggérez qu'on devrait modifier
ou ajuster dans notre projet de loi.
Moi, je... avant de passer la parole à ma collègue ici, la députée de Roberval,
il y en a une qui me chicote un petit peu de ce matin, puis je dois dire
que je ne connais pas toute la dynamique, je veux juste bien comprendre.
Prenons un exemple extrême d'une personne qui
est dans une RPA, puis on en a beaucoup, de gens qui sont dans des résidences
pour personnes âgées, qui sont vues comme des résidences privées, hein, ce sont
des résidences privées. Quand... Donc, je vais vous parler des RPA.
Deuxièmement, vous dites qu'il y a à peu près 80 IPS qui sont... qui ne
sont pas dans le public. Alors, je veux juste voir si, par exemple, je faisais
un amalgame puis je disais : Est-ce qu'en ce moment une IPS qui a le droit
de pratiquer l'aide médicale à mourir ne pourrait pas pratiquer l'aide médicale
à mourir dans une RPA? Première question. Parce que, si c'est ça, je voudrais
qu'on se questionne par rapport à ce fait-là, parce que, si on a une vision de
mieux traiter nos gens dans leur environnement, il y a quand même plus de, je
ne sais pas, presque 1 million de personnes qui sont dans des RPA puis
qu'un jour, si jamais c'était leur choix d'aller vers l'aide médicale à mourir,
qui aimeraient être traitées dans leur lieu de résidence, hein? On le voit déjà
à Verdun, il y a cette philosophie-là qui est en train d'être développée.
Alors, je veux juste bien comprendre, parce que 80 IPS, ça ne semble pas
beaucoup, mais ce matin on entendait du Collège des médecins qu'il y a à peu
près seulement 200 médecins sur 25 000 qui font de l'aide médicale à
mourir. Alors, moi, je veux juste bien comprendre, puis, aidez-moi, parce que
vous connaissez bien vos infirmières, est-ce que c'est 80 infirmières qui
travaillent dans un contexte privé? Et puis
là j'essaie de faire le lien avec les RPA. Est-ce que je suis clair dans ma
question, M. Mathieu, ou peut-être vos deux collègues? Parce que
j'aimerais qu'on réfléchisse à ça dans les prochains jours pour bien comprendre
où on veut aller avec ça, là...
• (16 h 40) •
M. Mathieu (Luc) : Je vais demander à mes collègues... (panne de son) ...de
vous répondre, à votre question.
M. Dubé : Oui.
Mme Roy (Caroline) : Oui, bien, en
fait, effectivement, M. le ministre, les IPS... il y a 80 IPS, là, qui ont
été déclarées, qui n'exerçaient pas au sein du réseau, et ces IPS là pourraient
effectivement être à l'embauche d'une résidence privée pour aînés ou d'un autre
secteur, là, oui, qui ne sont pas... ils ne relèvent pas d'un établissement
public. Donc, ce qui fait que la façon dont la définition d'un professionnel
compétent a été définie au projet de loi, c'est
que ça vient restreindre le fait que l'IPS doit être rattachée à un
établissement public, donc celle qui serait, par exemple, embauchée par
une résidence privée pour aînés ne pourrait pas, à ce moment-là, dispenser...
va devoir transférer le patient, là, dans un établissement public, là, pour
qu'une IPS puisse procéder à ce moment-là.
M. Dubé : Puis,
même si la RPA, en quelque sorte, a une certaine... un certain attachement avec
un établissement de santé ou un CISSS
ou un CIUSSS, c'est réputé comme un établissement privé, donc le lien que je
faisais en ce moment ne permettrait
pas à cette IPS de faire... Et il y en a combien, selon vous, d'IPS,
aujourd'hui, qui sont dans ce contexte-là qui seraient en mesure... ou
qui font déjà de l'aide médicale à mourir?
Mme Roy (Caroline) : À l'heure
actuelle, nous, on n'a pas d'infirmières praticiennes spécialisées, là, qui
possèdent... On n'a pas ce détail-là. On pourrait effectivement peut-être vous
transmettre ces données ultérieurement, là, mais à ce stade-ci, on n'a pas
spécifiquement où est-ce qu'elles exercent, on sait juste qu'ils n'ont pas de
lien d'attache, là, avec un établissement public du réseau, là, parmi les 80.
Donc, dans le potentiel des 80, il y en a qui déclarent différents lieux
d'exercice, là. Il faudrait extraire manuellement, donc, on pourrait vous
donner l'information. Mais à ce stade-ci, nous, ce qu'on a, c'est un bassin
d'infirmières praticiennes spécialisées qui ne relèvent pas du réseau public,
là, qui sont à l'embauche d'un autre...
M. Dubé : Je ne me souviens pas
du nom de la présidente, là, qui est venue, elle aussi, en différentes
commissions. Si vous étiez capable assez rapidement d'obtenir ça, parce que ça
peut sembler pas beaucoup, 80, mais, quand je comprenais qu'il y a
200 médecins qui en font, bien, 80, c'est quand même un gros nombre.
Alors, c'est un peu ma question. Puis moi, je discuterai avec les collègues de
l'opposition dans les prochains jours de l'importance de bien servir nos Québécois dans leur lieu de
résidence, parce que je donne l'exemple, puis je vous donne cet exemple-là, le
CIUSSS de... j'allais dire de Verdun, mais du Centre-Sud a fait des soins à
domicile qu'on appelle des soins intensifs à domicile, d'aide médicale à
mourir sur... dans la résidence des gens, et c'est un principe qui a été
énormément accepté, peut-être même ma collègue pourra en parler. Donc, je veux
juste qu'on ait cette vision-là de dire pourquoi... le pour et le contre de le
faire dans un environnement privé, première question.
Puis, deuxième question,
quelle devait être, comment je dirais, la couverture ou l'assurance que c'est
bien fait? Parce que c'est ça qui semble être, M. Mathieu, votre
préoccupation. Alors, est-ce que ça doit être fait par l'Ordre des infirmières?
Est-ce que ça doit être fait... En tout cas, c'est un débat, mais je voulais
vous entendre. Donc, vous le recommandez, que ça se fasse au privé, c'est ça
que j'ai bien compris de votre recommandation. Puis une RPA pourrait se
qualifier, selon vous, c'est une demande que vous pourriez faire. Est-ce que...
Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, là, mais je veux juste bien
comprendre votre question ou votre recommandation. Est-ce que ça va?
M. Mathieu (Luc) : Oui, tout à fait. Puis il y a des RPA puis il y a aussi...
dans certains cas, ça pourrait être des maisons de soins palliatifs aussi, qui
sont autonomes, qui n'ont pas de lien, là, qui peuvent engager leur propre
personnel. Ça pourrait être un autre cas de figure.
M. Dubé : O.K. Mme Roy ou
Mme Fortin, vous avez une question?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
peut-être juste en complément de ce que M. Mathieu a dit. Nous, en fait,
ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il n'y ait pas de restriction à l'égard de
l'IPS, donc qu'un IPS soit... que tout IPS soit reconnu comme un professionnel
compétent sans égard au lieu où est dispensé le soin.
M. Dubé : O.K. Là, je pense, ça
met ça très clair. O.K., c'est beau. Je vais laisser, M. le Président, notre
députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, M. le
ministre. Merci, M. le Président.
Merci d'être avec nous aujourd'hui pour faire un
complément d'information pour la suite des choses, pour nous ce sera très
important. Je vous entendais sur les RPA et les maisons de soins palliatifs.
Vous pensez quoi du fait qu'on va... en tout cas, qu'on regarde pour obliger
les maisons de soins palliatifs à administrer l'aide médicale à mourir? Est-ce
que vous avez une opinion là-dessus ou...
M. Mathieu (Luc) : Bien, je pense que les soins, que ce soit l'aide médicale à
mourir ou la sédation palliative continue qui est offerte dans le réseau de la
santé, bien, ça devrait couvrir aussi les maisons de soins palliatifs parce que
sinon on discrimine en fonction de certains lieux et puis au niveau de la
fluidité des services, là, ça fait qu'on est assez d'accord avec cette
obligation-là, là.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. À titre de professionnel qui pourra éventuellement, là, administrer les
demandes anticipées, pensez-vous que le projet de loi, il fournit assez
d'indications aux fins de l'administration de l'aide médicale à mourir,
notamment à l'égard de la souffrance objectivable?
M. Mathieu (Luc) : Bien, peut-être, Caroline... ma collègue Caroline Roy peut
vous répondre là-dessus.
Mme Roy (Caroline) : C'est
certain que le caractère objectif, quand on travaille avec l'humain, il y a
toujours un flou qu'on doit considérer. Puis à titre de professionnels de la
santé, les infirmières, infirmiers et les IPS sont habitués aussi de conjuguer
des réalités où est-ce qu'on doit mettre en profit... mettre à profit les
outils cliniques pour objectiver le plus possible, mais aussi le jugement
clinique pour reconnaître chez les patients qui ont souvent des déficits
cognitifs ou quoi que ce soit, pour reconnaître les signes de souffrance, et
tout ça. Donc, nos professionnels sont formés pour ça. C'est certain que...
Est-ce qu'on va arriver avec des critères absolument objectivables? Je ne crois
pas que c'est possible, mais je pense que
les balises sont là. Et surtout, en misant sur la collaboration
interprofessionnelle, je pense que ça ne
repose pas uniquement sur les épaules d'un seul professionnel. Et qu'on vienne
mettre à profit, là, les autres professionnels de la santé, mais y
compris d'autres professionnels compétents, là, pour regarder les demandes
médicales anticipées serait un ajout pertinent.
Mme Guillemette : Merci.
Vous parliez, tout à l'heure... bien, M. le ministre parlait, tout à
l'heure, de l'harmonisation des soins
IPS versus l'équipe de soins, puis j'ai entendu... vous parliez d'un comité
conjoint. Est-ce que c'est à ce comité-là où on pourrait s'asseoir
ensemble puis uniformiser les pratiques et les façons de faire, les processus
sur le terrain?
Mme Roy
(Caroline) : Bien, en fait, oui, effectivement, si on fait du
pouce sur l'idée, là, de la commission Mourir dans la dignité, là, qui a
été présentée plus tôt ce matin, effectivement, ça pourrait être un comité tout
à fait pertinent, là, qui comprend à la fois des médecins, des infirmières,
mais aussi tout autre acteur expert, là, qui pourrait aider à rendre les critères le plus objectif possible. Ça
pourrait être une piste intéressante, là, pour, entre autres, c'est ça,
accompagner les professionnels, mais aussi les familles, là, dans ce processus
qui peut ne pas être... comme on l'a dit, qui est sensible et délicat. Donc, ça
pourrait être une belle avenue, de travailler avec les conseils des infirmières
et les CMDP.
Mme Guillemette : Et rapidement,
si ça vous vient, là, tout autre professionnel pertinent, ça pourrait être qui?
À part les IPS, les médecins, travailleuses sociales, vous verriez qui sur ce
comité conjoint là?
Mme Roy (Caroline) : Bien, en
fait, ça pourrait être aussi... là, c'est sûr qu'il y a des IPS, mais les
infirmières aussi sont partie prenante de la démarche des soins palliatifs, les
travailleurs sociaux, certainement, mais là...
M. Mathieu (Luc) : Les
pharmaciens.
Mme Roy
(Caroline) : C'est ça, je ne veux pas en oublier. Mon président me
souffle aussi «les pharmaciens». Donc, c'est certain que ça serait l'équipe
multi qui a affaire avec les besoins du patient qui devrait être présente pour
discuter de tous les tenants et aboutissants, une équipe de soins au complet
qui pourrait être mise à profit.
Mme Guillemette :
Mais en fait chaque territoire, de ce qu'on m'a dit, de RLS a une équipe de
soins palliatifs, donc ça pourrait être cette équipe-là qui soit mise à profit,
là, au niveau d'un comité conjoint, si ce n'est que peut-être ajouter un ou
deux titres de professionnels. Mais est-ce que ça pourrait être ce comité qui
est déjà en place, là, pour ne pas multiplier les structures?
Mme Roy
(Caroline) : Tout à fait. En fait, oui, ça pourrait être les
professionnels qui sont déjà en place, qui connaissent bien cette réalité de
soins palliatifs et qui pourraient être tout à fait mis à contribution avec les
experts cliniques.
Mme Guillemette :
Avant de passer la parole à mes collègues, dans votre mémoire déposé en
commission spéciale, vous mentionnez que les proches aidants, ils font souvent
le fardeau des décisions difficiles. Qu'est-ce que vous pensez de la
proposition du tiers de confiance? Et j'aimerais vous entendre un peu sur le
tiers de confiance.
M. Mathieu
(Luc) : Caroline.
Mme Roy
(Caroline) : Oui. Bien, en fait, c'est certain que ce n'est pas un
choix facile non plus, pour les familles, d'accompagner. Donc, je pense que les
tiers de confiance font partie quand même de la solution qui doit être mise à profit.
Est-ce que... Donc, je pense qu'ils doivent être partie prenante de la
décision, on doit les accompagner au même titre que la personne qui décide de
procéder par le biais de l'aide médicale à mourir. Donc, qu'il y ait un tiers de confiance, qu'il y en ait deux, je pense que
c'est des avenues intéressantes qui doivent effectivement figurer à la
loi.
Mme Guillemette : Parfait. Merci. Je crois
que j'ai ma collègue de Soulanges... ma collègue de Marie-Victorin, M.
le Président, qui aurait...
Le Président
(M. Provençal)
: Alors,
Mme la députée de Marie-Victorin, à vous la parole.
Mme Dorismond :
Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre.
Bonjour, monsieur et
mesdames de l'OIIQ. Ma question, ce serait : Est-ce que vous pensez
vraiment que le projet de loi, dans sa forme actuelle, est applicable sur le
terrain?
• (16 h 50) •
M. Mathieu
(Luc) : Bien, on pense que oui. Avec les
commentaires que nous, on fait, puis d'autres collègues, là, que vous avez
entendu au cours de la journée puis d'ici la fin de la journée, oui, ça va
pouvoir être applicable. Il faut se donner les moyens, l'accompagnement pour la
mise en place de cette loi-là.
Mme Dorismond :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Maintenant,
qui a la... Nancy... excusez, Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Vous êtes chanceux, je réponds aux deux noms.
Le Président
(M. Provençal)
: ...
Mme Guillemette :
En fait, vous parliez, tout à l'heure, de formation. Dans une autre question,
vous avez abordé cet aspect-là. Est-ce que toutes les infirmières praticiennes
spécialisées sont formées en aide médicale à mourir, pour administrer puis tout
le processus, on imagine, avant, pendant et après, là, ou est-ce que c'est une
formation spécifique qu'il y a au niveau des IPS?
M. Mathieu
(Luc) : Bien, je peux commencer, puis tu
pourras compléter, Caroline. C'est que les IPS... Je vais commencer par dire
lesquelles, il y a plusieurs spécialités d'IPS, là, en première ligne soins aux
adultes. Actuellement, là, avec ce qui est prévu, ce sont ces IPS là, dans ces
spécialités-là, qui pourraient le faire. Celles en santé mentale, par exemple,
soins en pédiatrie, bien, ça ne pourrait pas être possible, là, compte tenu de
la teneur, là, de ce qu'on retrouve dans le projet de loi. Alors, ça, c'est
pour les spécialités des IPS.
Ensuite, concernant
la formation, bien, la formation des infirmières praticiennes spécialisées est
assez costaude au Québec par rapport aux
autres provinces canadiennes, c'est une des plus larges, mais je pense qu'il
est recommandé qu'il y ait une formation, là, d'appoint dans les
programmes de formation. Bien, je pense que c'est le Comité de la formation des IPS, là, qui a suggéré ça. Je ne sais pas si
c'est ça. Caroline, là, peut compléter, vous me corrigerez, là, le cas
échéant.
Mme Roy
(Caroline) : Bien, effectivement, il y a quelques mois déjà, on a
saisi notre comité de la formation des infirmières praticiennes pour qu'il
puisse se positionner sur la question de la formation des infirmières
praticiennes spécialisées. On a reçu un avis favorable,
là, qu'effectivement il y avait des notions qui étaient abordées dans les
contenus de formation initiale. Il recommandait, par exemple, qu'on ait aussi
un ajustement, parce que ça fait quand même quelques années que les IPS
dispensent des soins palliatifs, l'aide médicale à mourir, et en raison des
contours juridiques, éthiques, et tout ça, il y avait une suggestion, là,
d'introduire un certain nombre d'heures à la fois à la formation initiale et de
rendre disponible la formation continue, ce qu'on s'engage à faire, là, à
l'Ordre des infirmières, de faire le nécessaire pour que nos membres aient les
connaissances et les compétences requises pour pouvoir exercer. Donc, on est en
lien aussi avec le Bureau de coopération interuniversitaire, là, pour s'assurer
de l'arrimage avec les programmes de formation.
Mme Guillemette :
Parfait, merci.
Le Président
(M. Provençal)
: M.
le ministre.
M. Dubé :
Bien, peut-être juste... puis, si jamais vous n'avez pas le temps de
répondre... Rapidement, ma question, M. Mathieu puis vos collègues, sur
le... je reviens sur les résidences privées, parce que ça me préoccupe
beaucoup, cette affaire-là, et je voudrais savoir si vous avez des
recommandations spécifiques sur ce qui devrait être l'encadrement nécessaire
pour que ça puisse arriver dans les résidences privées, comme par exemple les
RPA. Et, si vous n'avez pas le temps de répondre aujourd'hui... Parce que, je
vous dis, quand je fais... je compare à l'exemple de Verdun, ce qui se fait
actuellement, il y a une... ça se fait dans des résidences privées, de l'aide
médicale à mourir, mais ça se fait... une
combinaison d'une infirmière avec un médecin. C'est habituellement l'infirmière
du CLSC qui travaille conjointement avec un médecin, c'est un peu la
formule que Verdun a prise. Alors, si vous pensez que l'ordre, que l'OIIQ peut
faire office de surveillant, je vais le dire comme ça, je voudrais juste que...
si vous n'avez pas le temps de répondre, parce que je dois laisser de la
question aux autres... j'aimerais comprendre ce que vous suggéreriez pour que
ça se fasse dans un environnement correct, je n'ai pas d'autre mot, là. Ça
va-tu?
Le Président
(M. Provençal)
: ...que
le temps d'échange est terminé. Si vous avez une réponse à formuler, vous
pourrez l'envoyer au secrétariat de la commission, et on fera parvenir votre
réponse à l'ensemble des membres de la commission. Merci beaucoup.
Maintenant, c'est le
député de D'Arcy-McGee qui prend la suite pour 10 min 10 s.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président.
M. Mathieu,
Mmes Roy et Fortin, bienvenue, et merci pour vos remarques. J'aimerais
vous inviter... moi, j'aurai d'autres
questions sur le même phénomène, mais... de poursuivre votre réponse. On est
dans l'esprit de maximiser nos efforts ensemble et pour bonifier comme
il faut le projet de loi, alors je vous invite d'offrir quelques précisions sur
la question du ministre. Et je risque d'avoir d'autres questions sur le même
sujet ainsi que d'autres.
M. Mathieu
(Luc) : Bien, je peux commencer un élément
de réponse, qui mériterait un peu plus de réflexion de notre part, parce que
comment sont arrivés... là, on tombe dans l'organisation des soins et des
services, puis là ce n'est plus nécessairement de notre ressort à nous, c'est
au niveau du réseau. Alors, il faudrait voir, là, dans les territoires de CISSS
et de CIUSSS, avec les médecins qui sont disponibles, les IPS, comment ça peut
se faire. Là, je ne sais pas quel type d'entente qu'il y a actuellement avec
les... Parce que, tantôt, M. le ministre parlait qu'il y a certaines
ententes, des fois, entre les établissements du réseau et des RPA, mais là
est-ce qu'il faudrait bonifier ces ententes-là ou prévoir d'autres mécanismes,
là? C'est ça qu'il faudrait voir pour faire en sorte que, si c'est ça, la
volonté, là, que des IPS puissent prodiguer l'aide médicale à mourir puis la
sédation palliative continue, là, dans les résidences pour personnes âgées. Je
ne sais pas si, Caroline, tu voulais ajouter quelque chose par rapport à ça.
Mme Roy
(Caroline) : Bien, en fait, c'était tout à fait l'objet de notre
troisième recommandation, qui était qu'on réfléchisse, justement, avec les
instances concernées pour permettre cette évaluation-là par les établissements,
un peu comme le proposait le Collège des médecins plus tôt ce matin, de
s'assurer que les IPS qui travailleraient, par exemple, au privé puissent
également se référer aux instances locales, là, comme les CI, par exemple, qu'on
nommait tout à l'heure, c'est leur mission première, avec les CMDP, donc de
voir comment on pourrait favoriser ce rattachement-là, là, de l'évaluation de
la qualité de l'acte qui soit faite par les conseils des infirmières et
infirmiers en collaboration avec les CMDP,
considérant que c'est le même acte, le même... donc qu'on ne le fasse pas
indistinctement des professionnels, mais qu'on le fasse conjointement, de
manière harmonisée et qu'il y ait le lien aussi avec les soins dispensés au privé. Donc, ça pourrait être une
avenue, là, de miser sur les conseils des infirmières et infirmiers, les
CMDP.
M. Birnbaum :
Votre préoccupation est claire sur les modalités, les façons de faire. Si
votre implication dans l'aide médicale à mourir a été... pourrait être étendue
à votre rôle dans les établissements privés, voyez-vous des problèmes ou des
questions de l'ordre logistique, déontologique? Je peux imaginer quelques
avantages. J'imagine qu'actuellement c'est impossible, souvent, de passer à
l'acte dans ces établissements parce qu'il n'y a pas de médecins de présents,
mais pouvez-vous... si on jugeait intéressant de passer à l'acte sur votre
recommandation, pouvez-vous réfléchir avec nous, maintenant, un tout petit peu
sur les genres d'adaptations qu'il y aurait à faire, peut-être? Y a-t-il des
enjeux en ce qui a trait aux médecins et leur appui pour un éventuel amendement
de cette sorte-là? La question de... que les services soient équitables à
travers le Québec, est-ce qu'il y a des enjeux là-dessus? Je vous invite d'en
parler davantage sur votre recommandation sur le terrain et ce qu'il y aurait à
faire si nous étions pour l'implanter.
M. Mathieu
(Luc) : Vous voulez dire d'implanter pour
que les IPS puissent prodiguer, là, l'aide médicale à mourir puis la sédation
palliative continue, c'est ça?
M. Birnbaum : Justement, et
dans les établissements de toutes sortes, là où vous êtes des fois là en
l'absence d'un médecin, c'est-à-dire des résidences privées de toutes sortes de
qualité.
M. Mathieu (Luc) : Oui, bien dans les résidences... ça dépend du type
d'établissement. Puis tantôt n'hésitez pas, là, Caroline ou Pénélope, à
intervenir. Dépendamment du type d'établissement, quand c'est des
établissements publics, il y a déjà l'infrastructure d'organisation, du
soutien, parce que le soutien, là, si on va de l'avant avec le projet de loi...
discuter cette semaine avec les gens de la Commission sur les soins en fin de
vie, il faudrait qu'il y ait un encadrement, un certain coaching, là, pendant
un certain temps, pour les IPS qui vont pouvoir administrer l'aide médicale à
mourir puis la sédation palliative continue.
Après ça, à l'intérieur des établissements
publics, il y a des mécanismes de surveillance, là, de la... qui relèvent des
directions de soins infirmiers. Nous, à l'ordre, c'est nos mécanismes de
surveillance habituels, là, l'inspection professionnelle, par exemple. Et, si,
à un moment donné, il y a des problèmes, il y a des gens qui peuvent faire des
signalements à l'ordre, au bureau du syndic, par exemple, alors, ça, on est
organisés quand ça concerne des établissements publics. Puis il y a même... je
parle des CHSLD privés conventionnés, il y a cette structure-là qui ressemble à
ça aussi. Mais les établissements privés conventionnés, si je reviens à la
question de... à la recommandation que ce ne soit pas seulement dans le public,
parce que, dans les CHSLD privés conventionnés, il y en a un certain nombre, et
puis là il y aurait des IPS qui seraient appelées à intervenir dans ces
milieux-là. Mais, là encore, il y a des directrices de soins. C'est dans les
milieux de résidences pour personnes âgées ou les maisons de soins palliatifs
où là il faudrait réfléchir davantage au niveau de l'encadrement, quoiqu'il y a
des gens qui sont responsables des soins infirmiers, là. Je pense plus
particulièrement aux maisons de soins palliatifs, mais, dans le cas des RPA,
là, c'est là qu'il faudrait voir avec les organisations des CISSS et CIUSSS
comment ça peut actualiser, puis nous, comme ordre, qui a le mandat de protéger
le public avec nos mécanismes de protection du public, bien, comment on peut
s'articuler avec le réseau là-dessus. Je ne sais pas si ça répond un peu à
votre question, ou je ne sais pas si, Caroline, tu voulais...
• (17 heures) •
M. Birnbaum : Merci. Je trouve
que ça nous aide à comprendre les paramètres d'une question sérieuse et
peut-être avec des implications très intéressantes en termes de l'accès partout
au Québec, alors merci pour ça.
Vous avez parlé aussi d'une préoccupation avec
les mécanismes pour l'évaluation de l'acte et de l'implication et que ça vous
semble problématique qu'il y ait deux systèmes d'évaluation de proposés, trois
systèmes, finalement, et on peut comprendre que c'est compliqué. Est-ce que
vous ne pouvez pas imaginer que la qualité, pas d'évaluer, mais la nature de
vos interventions en tant qu'infirmiers et infirmières et IPS aussi des fois va
se différencier des interventions du médecin, donc peut-être une nécessité
d'une évaluation un petit peu distincte? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Deuxième
chose, parce que vous avez l'air d'être convaincus de... qu'on est devant un
problème, là, pouvez-vous nous parler
peut-être un petit peu des conséquences sérieuses si tout
ça n'était pas réglé ou simplifié, alors, les deux aspects de cette
question-là?
M. Mathieu (Luc) : Je vais commencer un début de réponse, puis après,
Caroline, je vais te laisser...
On est dans... c'est... on le mentionne, puis
tantôt, je pense, Mme Roy l'a mentionné, on est dans... c'est la même...
c'est les mêmes actes, hein? La sédation palliative continue, que ce soit fait
par un médecin, une IPS, c'est le même acte, la même chose pour l'aide médicale
à mourir. Et puis ce que je voulais faire valoir surtout, avant de passer la
parole à ma collègue, c'est qu'on est dans l'ère de la collaboration
professionnelle, ça fait que, quand... si c'est le même acte qui est fait par
des professionnels différents... Puis, les IPS puis les médecins, on le sait,
hein, ils sont... ils travaillent très étroitement. Ce rôle-là, professionnel
des IPS a été fait pour ça notamment, travailler en étroite collaboration avec
les médecins avec lesquels elles travaillent. Alors, ça, c'est le premier volet
de la réponse.
Puis pour aller poursuivre, là, je vais laisser
ma collègue Mme Roy poursuivre.
Mme Roy (Caroline) : En fait...
Puis l'importance pour laquelle on veut miser sur des mécanismes, bien,
harmonisés d'évaluation de la qualité de l'acte, c'est pour éviter des
disparités. On ne voudrait pas que, par exemple, des soins qui sont... une
évaluation de qualité de l'acte qui est effectuée, par exemple, au Saguenay
soit différente d'une autre... d'un milieu à l'autre, alors, pour ça, on
voulait miser... à acte égal, que l'évaluation soit la même. C'est sûr que le
rôle des infirmières praticiennes spécialisées n'est pas le même que le
médecin, en général, mais, dans le cadre de l'aide médicale à mourir, de la
sédation palliative continue, les actes qui sont autorisés aux IPS sont les
mêmes que ceux des médecins. Donc, pour ça... c'est pour ça qu'on considère que
ce serait une avenue à privilégier, d'assurer un mécanisme d'évaluation de la
qualité de l'acte qui soit harmonisé.
Le Collège des médecins aussi, on a eu des
échanges avec eux, ils sont ouverts à cette discussion-là. On est aussi... on
avait aussi ouvert la porte, là, avec le ministère de la Santé pour qu'on
puisse discuter avec l'association des conseils des infirmiers et infirmières
et l'association des CMDP pour qu'on puisse, justement, trouver cette voie-là
et avoir un regard commun sur l'évaluation de la qualité de l'acte qui est
faite. Et, comme M. Mathieu le mentionnait, c'est sûr qu'à titre d'ordre
professionnel nos mécanismes vont s'appliquer, là, pour... quand il y a
dérogation, et tout ça, on va continuer de jouer un rôle, mais on pense que,
localement, au niveau des établissements, il y aurait un avantage à ce que ce
soit harmonisé, qu'il n'y ait pas trois mécanismes différents.
M. Birnbaum :
Merci. Alors, M. le Président, je vous invite à ajouter mes quelques
secondes qui restent à mes collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le député.
Nous poursuivons avec le député de Rosemont. À
vous.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Il y a combien d'IPS au Québec? J'ai manqué le début.
M. Mathieu (Luc) : Actuellement?
Mme Roy (Caroline) : ...
M. Marissal : Je n'ai pas bien
compris.
Mme Roy (Caroline) : Environ...
M. Marissal : Eh boy! Ça coupe.
Autour de 1 000?
Mme Roy (Caroline) : Oui, plus
que... Oui, près de 1 100 IPS.
M. Marissal : O.K. Combien de
ces IPS sont spécialisées en géronto, mais en maladies neurodégénératives, puisque, dans le cas de la demande anticipée,
c'est le bassin visé, pour ne pas dire exclusif, là, mais c'est le bassin
visé?
M. Mathieu (Luc) : On l'a par spécialité, là, je ne sais pas si...
Mme Roy (Caroline) : En fait,
il y a cinq classes de spécialités d'infirmières praticiennes spécialisées.
Actuellement, il y a les IPS en soins de première ligne, les IPS en soins aux
adultes... Certaines IPS en soins aux adultes, là, pourraient avoir développé
une expertise à cet égard-là, mais y compris aussi les IPS en soins de première
ligne, qui pourraient assurer le suivi de ces clientèles-là. Donc, combien, en
termes de spécialités, là... on pourrait vous le dire en tranches de
spécialités. Je n'ai pas les chiffres devant moi, malheureusement, mais on
pourrait vous les donner en termes de...
M. Marissal : On va faire
quelque chose, si vous voulez bien, parce que j'ai très, très peu de temps,
comme dans «très, très peu de temps», vous pouvez nous envoyer ça par écrit, ce
sera utile pour la suite de nos travaux.
Moi, il y a une chose que je veux vérifier,
néanmoins, c'est est-ce que les IPS ont, comme les médecins, le droit de
refuser de pratiquer ça. Avez-vous l'assurance de cela, de pratiquer l'AMM, de
un?
De deux, puisqu'il a été beaucoup question, ce
matin, du tiers, de la tierce personne qui accompagnera la personne qui est visée par l'AMM, est-ce que vous
êtes à l'aise avec l'idée que, dans le cas où cette personne n'a pas de tiers, c'est l'équipe soignante qui prend la
suite? Et il est fort possible que, dans plusieurs cas, ce soit donc l'IPS qui
hérite de cette tâche, je présume qu'il faudrait qu'elle soit d'accord, mais
êtes-vous à l'aise avec cette façon de fonctionner?
M. Mathieu (Luc) : Votre première question, M. Marissal, c'est que, oui,
une infirmière, une IPS, là, comme n'importe quelle infirmière, peut refuser de
donner la... de prodiguer l'aide médicale à mourir. Ça, c'est possible.
Pour le deuxième volet de la question, je ne
sais pas si c'est Pénélope ou Caroline qui pourrait répondre.
Mme Roy (Caroline) : Bien, peut-être,
Pénélope, peux-tu extrapoler sur...
Mme Fortin (Pénélope) : Oui. En
fait, par rapport à votre question, à savoir si une IPS peut également refuser
de fournir l'aide médicale à mourir, en fait... bien, j'imagine que vous faites
référence à l'objection de conscience, qui est, en fait, pour nous, un concept,
bon, moral, juridique, éthique que l'infirmière a la possibilité d'invoquer
lorsqu'elle octroie des soins, y compris l'aide médicale à mourir, et, dans le
cadre du projet de loi n° 38, la disposition 31... en fait, l'article 31
est venu modifier l'article 50 de la Loi concernant les soins de fin de vie, où
il est expressément mentionné, là, qu'un professionnel compétent peut refuser
d'administrer l'aide médicale à mourir, et le professionnel compétent inclut,
donc, l'IPS et le médecin. Alors, ça, c'est prévu spécifiquement dans la Loi
concernant les soins de fin de vie. Il faut savoir aussi qu'il y a une
disposition à cet effet-là dans le Code criminel, du côté fédéral, mais, plus
spécifique à la loi québécoise, c'est effectivement prévu, là. Donc, de ce
côté-là, la réponse est oui, une IPS peut refuser de... à ce niveau-là.
M. Marissal : Comme j'ai eu
deux fois la réponse à la même question, est-ce que je peux néanmoins avoir
réponse à la deuxième question, s'il vous plaît?
M. Mathieu (Luc) : Oui, c'était pour vous amener... Oui, bien, l'IPS, oui,
pourrait être amenée, dans le cas que le... ce que vous mentionnez, là, que le
tiers... je ne sais pas comment on l'appelle, là, j'ai oublié l'expression...
pourrait intervenir, bien, l'IPS, oui, elle peut intervenir, mais elle ne le
fera pas... ce qu'on anticipe, elle ne le fera pas seule,
là, elle va le faire avec... avec ses collègues médecins, là, l'équipe qu'il y
a autour. Ce n'est pas une décision qui appartient uniquement à elle, là, même
si, de par ce que la loi lui permettrait de faire, elle pourrait le faire.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, nous allons poursuivre
avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci beaucoup.
Bonjour à vous trois, merci de votre présentation.
Écoutez, je
pense qu'il va falloir absolument trouver un moyen, là, ça me frappe, mais
d'entendre les IPS elles-mêmes, là. Je pense aussi que j'aurais mille
questions, parce qu'évidemment il y a tellement d'enjeux, on aurait pu faire
une autre heure avec vous, parce que, là, vous êtes beaucoup sur la pratique
professionnelle, l'ouverture à votre réalité, mais évidemment les IPS vont
avoir les deux mains dedans, donc ce serait vraiment intéressant de les
entendre sur tous les aspects très concrets.
Je vous amène sur deux choses. Évidemment,
maintenant, les IPS auraient le pouvoir d'administrer l'aide médicale à mourir,
la sédation palliative. Ça, c'est une chose. Mais, à 29.2, elles sont aussi le
professionnel compétent qui pourrait assister et accompagner la personne qui
est toujours apte, qui a son diagnostic pour prévoir, par exemple, les souffrances, pour prévoir le détail de comment
les choses pourraient se concrétiser. Comment ça, ça pourrait... Est-ce
que vous êtes à l'aise avec ça? Puis comment ça pourrait se faire,
concrètement, là, au-delà de l'expertise d'être capable de prévoir les
souffrances dans le détail? Mais est-ce qu'on peut imaginer des bureaux d'IPS
qu'on irait consulter pour faire une demande anticipée d'aide médicale à
mourir, dans le concret?
Puis, mon autre question — moi
aussi, j'ai très peu de temps — à 29.11, deuxième alinéa, on dit, à la
fin : «De plus, il avise — c'est le professionnel compétent — tout
tiers de confiance désigné dans la demande du fait qu'il a constaté
l'inaptitude de la personne», ça, je veux juste être sûre que ce n'est pas un
acte réservé au médecin, le constat d'inaptitude. Formellement, est-ce que les
IPS peuvent faire ça aussi?
M. Mathieu (Luc) : Veux-tu répondre, là, Caroline? Il y a deux questions, là.
• (17 h 10) •
Mme Roy (Caroline) : Oui, bien,
pour votre première question à savoir si les IPS sont à l'aise, effectivement,
les IPS sont des professionnelles qui sont formées pour être en mesure
d'accompagner la personne qui reçoit un diagnostic, par exemple, de troubles
cognitifs majeurs et qui est en mesure de lui proposer des alternatives. Avec
les nouvelles activités qui sont... qui ont été autorisées, les IPS sont en
mesure de voir venir... et de pouvoir expliquer à la personne, là, le
cheminement et... de tout ce qui est prévisible et des signes et symptômes,
donc elles sont en mesure d'accompagner les personnes qui voudraient,
effectivement, faire une demande médicale anticipée.
Puis là, pour ce qui est... puis là je vais
peut-être laisser, après, la parole à ma collègue Me Fortin, là, pour ce qui
est de l'inaptitude, en fait, c'est sûr que l'IPS est en mesure de déterminer
l'aptitude à consentir aux soins, qui était une différence à apporter, versus
l'inaptitude.
Et là je vais peut-être lancer la balle à ma
collègue Me Fortin, là, pour ce qui est du concept d'inaptitude, là, de manière
plus large.
Mme Fortin
(Pénélope) : En fait, au niveau de l'inaptitude à consentir aux
soins, de l'aptitude et de l'inaptitude à consentir aux soins, il faut
savoir que tous les professionnels, en fait, sont appelés à déterminer
quotidiennement, dans leur pratique, à savoir si la personne qui est en face
d'eux, leur client, leur patient est apte à consentir à leurs soins. Alors, à
ce niveau-là, ce n'est pas... pour répondre à votre question, ce n'est pas une
activité réservée. Donc, l'IPS est très bien en mesure de déterminer, là, si
son client est apte ou inapte à consentir à ces soins, ce qu'elle fait, là,
dans sa pratique, là, au quotidien, là, donc ce n'est pas une activité
réservée, là.
Mme Hivon : O.K. Et toute la
question, là... c'est ça, dans le concret de l'affaire, là, maintenant, c'est
vraiment l'IPS ou le médecin qui aurait la responsabilité de s'assurer que la
personne qu'elle traite a... est rendue à un stade qui est celui qui était
prévu dans sa demande anticipée, donc à aller voir au registre, aller
commencer, dire : Je pense que, les circonstances, on les a atteintes.
Est-ce que vous trouvez que ça, ça devrait vous revenir ? Il y a eu une question un peu semblable, là,
mais d'approfondir ça à vous, comme professionnels, d'avoir le fardeau de
dire : On est rendus au moment prévu avant, ou vous seriez plus
confortables que ce soit le tiers de confiance qui agite le drapeau, puis après
ça implique que vous commenciez l'évaluation... (panne de son) ...de penser que
vous allez avoir le temps de le faire pour tous les patients?
Mme Roy (Caroline) : Bien, en
fait, je pense que le tiers de confiance, c'est vraiment un partenaire de
premier choix, aussi, qui connaît bien la personne, mais je pense que les
professionnels compétents sont aussi habilités à pouvoir le faire et pouvoir
accompagner la personne, le cas échéant. Donc, est-ce ça pourrait revenir aux deux ? À mon avis, quand il y a un
tiers, je pense que c'est toujours la personne qui connaît mieux la personne
visée qui est bien placée pour le faire, mais les professionnels de la santé
sont aussi formés pour le faire, et être en mesure de détecter le moment à
partir de ce qui a été écrit.
C'est sûr que ça
nécessite que les IPS soient... aient accès au registre pour pouvoir,
justement, s'assurer de tout ça, et voir que la demande a bel et bien été
faite, et que la personne rencontre les critères. Mais, encore une fois, ça
s'appuie sur des grilles qui seraient utilisées, ça s'appuie sur le jugement
clinique du professionnel, ça s'appuie sur le comportement
de la personne aussi, et tout ça. Donc, je pense que nos professionnels sont
formés pour pouvoir être en mesure de faire ce type d'accompagnement des
familles et de la personne.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup.
Nous allons compléter
cet échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président.
Bonjour à tous.
Bonjour à vous trois, merci d'être là avec nous.
D'entrée de jeu, bon,
je n'ai pas beaucoup de temps, mais simplement vous dire, je pense
qu'effectivement il faudra clarifier la question du... de la pratique en lieu
privé, là. Je suis retournée voir l'article, notamment, 21.1, il y a peut-être
certaines ambiguïtés ou un certain vide. Mais moi, je suis très sensible aux
commentaires que vous avez soulevés là-dessus, sachant, effectivement, qu'on a
de plus en plus d'aînés qui non seulement vivent en résidence privée, mais qui
souhaiteront probablement aussi finir leurs jours dans leur maison, et donc il
faut favoriser, certainement, l'accès à des professionnels en ce sens-là.
Je voulais revenir...
Vous avez... D'entrée de jeu, dans votre présentation, vous avez mentionné
que... vous êtes revenus sur le tiers, puis je vais rebondir sur la question
qui a été posée par le député de Rosemont. Vous souligniez que c'était
important d'avoir un tiers de confiance d'impliqué dans le processus. Puis on
sait qu'on est dans une société vieillissante, où il y a beaucoup de gens...
nous, on le voit dans nos circonscriptions tous les jours, où il y a des gens,
malheureusement, qui sont seuls, qui sont isolés. Est-ce que... Puis vous
répondiez que, oui, vos membres, les infirmiers, infirmières pourraient être
impliqués comme... dans ce lien-là pour remplacer, mais est-ce que vous croyez que ce professionnel-là doit nécessairement avoir
un lien avec la personne, ou on pourrait, par exemple, faire référence...
ou interpeler quelqu'un qui a une spécialisation, justement, en soins de fin de
vie qui serait à même de faire une évaluation, là?
Mme Roy
(Caroline) : Bien, dans un cas comme dans l'autre, là, je crois que ça
pourrait être aussi pertinent que ce soit quelqu'un qui a une expertise en
particulier ou la personne, le professionnel qui est compétent pourrait aussi
être celui qui est... c'est prévu dans le projet de loi aussi, mais aussi
l'équipe de soins, là, qui pourrait être en mesure d'alerter. Donc, ça, ces
aspects-là sont prévus. Mais ça pourrait aussi être quelqu'un d'expert, là, on
n'a pas d'objection à cet égard-là.
Mme Montpetit :
Parfait. Et, rapidement, aussi sur la question... vous l'avez souligné, là,
toute la question du mécanisme d'évaluation sur la qualité de l'acte, là, les
enjeux qui sont soulevés par le fait d'avoir les trois mécanismes, vous
soulignez des préoccupations, mais aussi j'aimerais ça revenir sur la question
qui vous a été posée vraiment pour bien
comprendre vos préoccupations par rapport à ça. Quand vous dites qu'il pourrait
y avoir un impact d'avoir deux ou trois types d'évaluation de la qualité
de l'acte différents, comment... qu'est-ce que ce serait, les conséquences de
ce maintien-là et de ne pas avoir un seul mécanisme en place?
Mme Roy
(Caroline) : Bien, en fait, c'est sûr que... ça fait en sorte qu'il y
a des regards qui sont posés... que le geste... pour nous, que le geste soit
posé par un médecin ou par une infirmière praticienne spécialisée, peu importe
le lieu où il est donné, c'est important qu'il y ait un regard constant et
qu'on n'ait pas des normes ou des critères qui seraient différents à l'un, à l'autre. Donc, on voudrait vraiment
avoir... au niveau de la population aussi, qu'il puisse y avoir un
regard harmonisé sur la qualité de l'acte et que les critères soient les mêmes,
et que, comme on dit, c'est ça, l'acte est la même chose.
Donc, pour nous,
c'est important qu'il n'y ait pas, par exemple, un regard qui soit posé sur la
pratique médicale qui ne soit pas le même pour l'IPS, parce que c'est le même
geste qui va être posé auprès de la clientèle, au final. Donc, on voudrait
vraiment s'assurer que c'est harmonisé, et qu'on puisse bénéficier de
l'expertise de l'un et de l'autre aussi. Parce qu'on le sait, les IPS... c'est
nouveau dans la pratique des IPS, donc, de pouvoir compter aussi sur
l'expertise, là, des médecins, qui, depuis quelques années, le font. Donc, on
pense que c'est essentiel d'avoir ce mécanisme conjoint là pour avoir un regard
harmonisé et éviter les disparités.
M. Mathieu
(Luc) : Puis, si je peux me permettre, en
complément, c'est que les constats qui seraient faits, si on regarde la façon
de faire actuelle, c'est que... comment on pourrait faire une synthèse des
différentes évaluations qui sont faites, parce qu'on évalue le même acte, là,
c'est fait par des... différents professionnels. Alors, l'idée, c'est de mettre
ça en commun pour s'assurer que... d'exercer une vigie, que ce soit pour la
sédation palliative continue ou pour l'aide médicale à mourir, faire une vigie,
puis, s'il y a des ajustements à faire dans la pratique des professionnels,
bien, qu'on puisse le faire, parce qu'autrement, bien là, il faut s'organiser
pour trianguler, là, les différentes évaluations qui sont faites par
différentes instances.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup pour votre contribution et votre participation à nos travaux.
Je suspends quelques
instants pour qu'on puisse faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de
votre disponibilité et de votre contribution.
(Suspension de la séance à 17
h 18)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite maintenant la bienvenue à Me Nicole Filion et
au Pr Jocelyn Maclure. Pour cette période d'échange, vous disposez de 10
minutes, et par la suite nous procéderons à un échange avec les membres de la
commission. Je vous cède la parole immédiatement.
Mme Nicole Filion
et M. Jocelyn Maclure
Mme Filion
(Nicole) : Bonjour à tous. À titre de coprésidents du Groupe d'experts
sur la question de l'inaptitude et
l'aide médicale à mourir, nous sommes heureux, le Pr Maclure et moi, de pouvoir
participer aux consultations entourant le projet de loi n° 38. Rappelons que ce groupe d'experts là avait été
constitué à la demande du ministre de la Santé et des Services sociaux
en 2017 et était composé de 13 experts issus du domaine de la médecine, de la
pharmacie, des sciences infirmières, de la psychologie, du travail social, de
la philosophie, du droit et de la défense des droits des usagers.
Le mandat général du Groupe d'experts était le
suivant, c'est-à-dire d'examiner la possibilité qu'il y ait des amendements
apportés à la Loi concernant les soins de fin de vie après avoir évalué des
enjeux tant cliniques, éthiques que juridiques. Évidemment, on nous demandait
de déposer ensuite un rapport qui faisait état de nos recommandations. Alors,
les travaux se sont déroulés sur une période de 18 mois, de décembre 2017
à juin 2019, et au terme de ces travaux-là il y a eu un rapport intitulé L'aide
médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste équilibre entre le droit à l'autodétermination, la
compassion et la prudence. Ce
rapport a été déposé le 29 novembre 2019. Il fait état de 14
recommandations, dont, évidemment, la possibilité de rédiger une demande
anticipée d'aide médicale à mourir après l'obtention d'un diagnostic de maladie
grave et incurable et pendant, évidemment, que la personne est toujours apte.
D'entrée de jeu, j'aimerais préciser que
M. Maclure et moi, à titre de coprésidents, nous ne pouvons pas exprimer
des opinions sur le projet de loi n° 38 au nom des experts qui ont
constitué le groupe, puisqu'évidemment le mandat de ce groupe est terminé, et
le groupe a été dissous. Toutefois, à la lumière des recommandations émises, on
peut certainement affirmer que le projet de loi, qui traite particulièrement de
la demande anticipée d'aide médicale à mourir, est généralement en adéquation
avec les conclusions auxquelles en sont venues le groupe en 2019. Puisque notre
temps est limité, j'invite les membres de la commission à prendre connaissance
des pages 2 à 5 de notre mémoire, qui
sera déposé sous peu, où nous avons réalisé un exercice de concordance avec les
articles proposés au projet de loi n° 38 et les recommandations
émises par le groupe en 2019.
Puisque nous n'avions pas eu l'occasion de le
faire, nous nous permettons de saluer le projet de loi n° 83, adopté le
10 juin 2021, qui a amendé l'article 29 en permettant désormais aux
personnes en fin de vie de renoncer à donner un consentement final avant de
recevoir l'aide médicale à mourir. On croit que l'amendement mérite d'être
souligné, car il constitue une avancée en matière de respect des droits et de
la dignité des personnes, et le Groupe d'experts en avait d'ailleurs fait sa
première recommandation au ministre.
Alors, sur ce, je cède la parole à
M. Maclure.
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup. Bonsoir, tout le monde.
Donc, comme Me Filion l'a dit, on accueille
favorablement les dispositions du projet de loi qui concernent les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir, en particulier pour des personnes qui ont
eu un diagnostic d'une maladie neurocognitive dégénérative qui va mener
éventuellement à l'inaptitude, et donc c'est sur ces aspects-là qu'on commente
le projet de loi.
Donc, de façon générale, on est très heureux de
cette proposition contenue dans le p.l. n° 38. Il nous semble toutefois qu'il y a deux problèmes importants avec
la formulation actuelle du projet de loi, dont un, un problème qui est majeur, hein, qui devrait être corrigé avant
l'adoption éventuelle du projet de loi. Donc, je passe en revue ces deux
problèmes.
Le premier est contenu dans l'article 17 du
projet de loi n° 38. J'attire votre attention sur la modification qui
serait apportée à l'article 30.2 de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Donc, dans le p.l. n° 38, on peut... on lit ceci : «Lorsqu'un
professionnel compétent conclut qu'il ne peut administrer l'aide médicale à
mourir à une personne qui a formulé une demande anticipée en raison du refus de
recevoir cette aide manifesté par la personne, il doit s'assurer que la demande
est radiée, dans les plus brefs délais, du registre établi...» Donc, cette
disposition nous semble entièrement en porte-à-faux avec la logique
justificative qui a mené à la recommandation, donc, d'intégrer les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir à la Loi sur les soins de fin de vie. Cette
idée de radier la demande après ce qui est perçu comme un refus, donc, ce
n'était pas dans le rapport du Groupe d'experts. À notre connaissance, ce
n'était pas, non plus, dans le rapport de la commission spéciale qui a mené des
travaux en 2021. Donc, on ne sait pas exactement d'où vient cette proposition,
mais ce n'est pas de ces rapports importants.
Rappelons que l'application d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir ne peut se faire, hein, qu'au moment où la
personne qui a rédigé la demande anticipée est devenue en situation
d'inaptitude, hein, et qu'elle se trouve en situation de souffrance constante
et insupportable, une souffrance qui ne peut pas être apaisée de façon
satisfaisante. Donc, une hypothèse, hein, est que cet article modifié, 30.2,
là, vient peut-être de cas comme celui qu'on a constaté aux Pays-Bas, dont on
fait mention dans notre rapport, où une personne a semblé résister, hein, à
l'administration de, là-bas, ce qui est appelé l'euthanasie, une personne qui
n'était plus apte, hein, à consentir à ces soins, mais qui a fait, de façon
répétée... a demandé, donc, une... qui avait fait une demande anticipée.
Et il se peut, hein, tout à fait qu'une personne
plutôt confuse, en situation de souffrance, qui ne comprend pas la situation
dans laquelle elle est... qu'elle manifeste, hein, des comportements qu'on peut
associer à un refus, en tout cas qu'elle résiste, hein,
qu'elle est agitée, elle semble récalcitrante, hein, et c'est... il faut
prendre ça tout à fait au sérieux, mais comment interpréter cette résistance?
Comme je le disais, la personne n'est plus apte, hein, à comprendre, hein, la
situation dans laquelle elle se trouve. Évidemment, elle ne comprend plus les
enjeux entourant, entre autres, hein, la demande anticipée, mais c'est très
difficile de dire, hein, ce à quoi elle résiste à ce moment-là, hein? Est-ce qu'elle est souvent récalcitrante lorsque vient le
temps de lui prodiguer des soins? Est-ce qu'elle a vu l'aiguille? Est-ce
que la peur de l'aiguille est en jeu? Est-ce qu'elle est dans un état de
confusion? Mais on sait, en tout cas, que, si on est prêts à administrer l'aide
médicale à mourir, hein, c'est que la personne est dans un état de mal-être,
hein, constant, et que ses souffrances sont importantes. Donc, clairement, il
nous semble, à tout le moins, que cette notion de refus, hein, doit être
clarifiée dans le projet de loi, peut-être même remplacée, parce qu'il n'est
pas évident que la personne est capable de refuser rationnellement, hein, un
soin qu'elle a demandé dans le passé, à cette étape-là.
Évidemment, hein, il faut être clairs
là-dessus : tant que la personne est apte à consentir à ces soins, elle
peut changer d'idée, réviser ses choix, radier une demande anticipée d'aide
médicale à mourir. Donc, ça, c'est tout à fait important. Mais notre
recommandation, là, est que la résistance à l'administration de l'AMM, hein,
pour une personne qui est devenue inapte, ne devrait pas mener
systématiquement, et purement, et simplement à l'abrogation de la demande
anticipée d'AMM, hein, à sa radiation, donc, du registre, parce qu'une
abrogation de la demande, hein, ne pourrait vraisemblablement qu'être
définitive, hein, parce que la personne ne retrouverait probablement pas
l'aptitude, hein, pour faire une nouvelle demande, hein? Donc, si on la radie
purement et simplement, bien, ça fait en sorte, hein, que sa volonté antérieure
va tout simplement être ignorée, balayée du revers de la main.
Et, quand je disais que cette disposition est en
porte-à-faux avec les raisons fortes qui ont mené à la proposition d'intégrer
les demandes anticipées, hein, c'est qu'on veut favoriser, hein, l'autonomie de
la personne lorsqu'elle délibère au sujet de la fin de vie qu'elle se souhaite,
se sachant atteinte d'une maladie neurodégénérative. C'est important que sa
volonté, hein, si on ne la respecte pas, à un moment ou un autre, au moins
qu'on prenne en considération hein, sa demande, hein? Donc, la résistance peut
mener à un report, hein, de la procédure, mais la demande, hein, doit rester,
et l'état de la personne doit être réévalué à un moment ou à un autre dans le
temps. Donc, ça, c'est la... notre recommandation principale.
Je vois que le temps file. J'ai... On avait une
autre, aussi, bon, réflexion sur l'idée que la personne doive décrire, hein, ce qu'elle considère, de son propre point de
vue, comme étant des souffrances insupportables. On pourra y revenir, si
vous le souhaitez, si vous nous interrogez là-dessus dans la période de
questions. Pour les dernières secondes, je laisse la parole à Nicole.
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, le temps est écoulé de... pour la
présentation, il ne reste... vous aviez 10 minutes.
Alors, M. le ministre, je vous invite à
débuter l'échange.
• (17 h 30) •
M. Dubé : Bien, écoutez, encore
une fois, là, j'apprécie la qualité de votre présentation puis surtout de
toutes les réflexions que vous avez, votre groupe d'experts, et vous deux en
particulier, là, depuis toutes ces années. Alors, moi, je bois vos paroles
aujourd'hui, je dois vous dire, là. C'est très important pour nous tous de bien
comprendre votre point de vue.
Donc, sur votre premier... vous êtes un peu au
même endroit — je
vais le dire comme ça, dans mes mots — que le Dr L'Espérance, un
peu, ce matin, qui disait que ce n'est peut-être pas un refus, comme ça, de
quelqu'un qui n'est plus... inapte, qu'on devrait prendre du revers de la main
puis de radier, là. C'est un peu... vous êtes un peu en accord avec ce que
j'entendais du Dr L'Espérance un peu plus tôt aujourd'hui.
J'aimerais ça vous donner du temps, justement,
pour que vous me parliez de votre deuxième point, parce que, s'il est aussi
important que le premier, j'aimerais bien ça vous entendre.
M. Maclure (Jocelyn) : Très
bien. Merci beaucoup, M. le ministre...
M. Dubé : ...mon temps, ce sera
sur le temps de notre groupe, ici, là. Je pense que c'est important de vous
donner tout le temps nécessaire.
M. Maclure (Jocelyn) : En fait,
je vais être...
M. Dubé : M. le Président,
êtes-vous d'accord avec ça?
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
M. Maclure (Jocelyn) : ...je
vais être bref, et Me Filion pourra compléter.
Le deuxième point est important, moins
déterminant que le premier, mais important aussi. Il y a un accent très fort
qui est mis sur l'idée que la personne qui fait une demande anticipée...
qu'elle doive décrire dans la demande ce qu'elle
considère comme étant des souffrances qu'elle juge, elle, insupportables, hein,
et on comprend cette volonté-là, hein, de bien comprendre la position de
la personne. Le problème potentiel, là, est qu'il est fort possible que les
personnes décrivent, hein, des symptômes ou des indicateurs qui ne
correspondent pas aux critères habituels et généraux d'admissibilité à l'aide
médicale à mourir, hein? Ce qu'on a beaucoup entendu, nous, c'est que des
personnes se disent : Si je ne reconnais plus mes proches, c'est à ce
moment-là que je voudrais avoir accès à l'aide médicale à mourir,
ou : Si ma perte d'autonomie fait en sorte que je dois être placé en
centre d'hébergement de longue durée, c'est à ce moment-là que je voudrais que
la procédure soit appliquée aussi. Puis il y a un fardeau pour les proches
aussi, je deviens, par exemple, en situation d'incontinence, et ainsi de suite.
Donc, on comprend la détresse qui est... qui peut être vécue. Mais il est par
ailleurs possible, hein, que des personnes vivent ces symptômes, hein, qui sont
causés par la maladie, mais qu'elles soient par ailleurs, hein, dans un état de
bien-être quand même constatable, qu'elles soient dans une phase de la maladie
qu'on appelle souvent, là, sans l'idéaliser, la démence plutôt paisible et
heureuse, hein? C'est possible de ne plus reconnaître ses proches, mais quand
même d'avoir de nouveaux petits plaisirs, on a acquis des nouveaux intérêts. On
ne se souvient plus, évidemment, de notre volonté antérieure, mais il y a une
certaine qualité de vie. Et, le rapport, hein, notre orientation principale,
c'est qu'il faut équilibrer le droit à l'autodétermination des personnes par
rapport aux choix en fin de vie et la protection des personnes vulnérables que
sont les personnes qui sont devenues inaptes. Et notre crainte, ici, c'est
qu'en mettant beaucoup d'importance à cette description des souffrances on n'en
vienne qu'à administrer trop tôt l'aide médicale à mourir parce qu'on
constate... bon, voici ce qu'elle a décrit, donc allons-y, mais par ailleurs la
personne est encore... a encore une certaine qualité de vie. Et nous... en tout
cas, la position du groupe, c'était : il faut vraiment constater la
souffrance, là, qu'elle soit objectivable, et que, vraiment, la personne est
dans une situation de mal-être, et qu'il faut vraiment la libérer de ses
souffrances, donc, l'idée étant qu'il ne faudrait pas que cette insistance mène
à des administrations, disons, hâtives de l'aide médicale à mourir.
M. Dubé : O.K. Je ne suis pas
certain que je comprends tout ce que vous venez de dire, parce que ça devient
très délicat, là. Si la personne, dans sa liste d'étapes, dit : Moi, c'est
ça qui me rend inconfortable puis que je voudrais procéder, là, vous me dites :
Il faut la requestionner. Ça devient très délicat, là. Je comprends très bien
votre point, mais... et je me demande : Est-ce que c'est dans le guide
qu'on pourrait le faire? En tout cas, je vais me questionner, là, je vais
laisser peut-être les autres personnes poser les questions, mais votre
commentaire rend ça un petit peu plus difficile de requestionner le jugement de
la personne qui, elle, à l'avance... Parce que je pense que c'est ça, le
principe d'une demande d'aide anticipée, c'est de déterminer à l'avance quel
est le taux... Puis, quand vous dites «de souffrances», là, vous avez entendu
la discussion qu'on a eue un peu plus tôt aujourd'hui sur la démence joyeuse,
heureuse, ça devient très délicat, là, très difficile à juger. Mais, en tout
cas, je pense que je comprends votre point, mais on pourra y revenir.
Moi, vous ne l'avez pas mentionné, mais, étant
donné votre expertise, il y en a un autre qui me préoccupe, c'est le fameux
tiers, là, le tiers de confiance. Est-ce que ça ne pourrait pas... justement,
en lien avec votre deuxième point, d'augmenter un peu le rôle de ce tiers de
confiance là dans le jugement final ou l'application finale de l'aide médicale
à mourir? Parce qu'en ce moment, c'est vrai, puis je pense qu'on l'a entendu de
quelques invités, c'est qu'en ce moment la pression est plus sur le médecin que
sur le tiers de confiance. Si le tiers de confiance a participé à l'élaboration
de la liste de ce que le patient veut voir comme aide médicale à mourir, quels
sont les symptômes qui le justifieraient de passer à l'acte, est-ce qu'on
pourrait donner un rôle plus grand, qui est dans le projet de loi — ça,
je veux votre expertise là-dedans — par rapport au tiers de
confiance? Parce qu'en ce moment il y en a juste un. Est-ce ça pourrait aider
d'en avoir un deuxième? Comme le dit souvent le député en face de moi, là, je
voudrais vous entendre là-dessus, parce que je pense que c'est important de...
Je comprends que vous, vous n'agissez pas pour le groupe qui était en place en
2019, mais... en 2017, pardon, là, mais je voudrais vous entendre sur ce
point-là parce que, moi, la question du tiers de confiance me préoccupe un
petit peu, là.
Mme Filion (Nicole) : Si je
peux me permettre, M. le ministre, dans le cadre de nos travaux, nous avions
aussi prévu l'implication d'un tiers de confiance, et son rôle se limitait
vraiment... ce n'est pas un rôle de mandataire, de tuteur ou de curateur, son
rôle... il ne donnait pas un consentement substitué, là, son rôle était plutôt
à titre de gardien de la volonté de la personne qui a fait une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, un peu... un peu à titre de porte-voix, là.
Il ne choisit pas pour la personne, mais ce qu'il fait, c'est qu'il rappelle
aux professionnels compétents l'existence du formulaire et il doit s'assurer
que la demande va être consultée et considérée.
Et souvent vous allez avoir des tiers de
confiance qui sont aussi des proches. Alors, les proches sont en mesure... Et
je fais une parenthèse, ici, on a... je constate que, dans le projet de loi n° 38, les proches ne sont pas beaucoup présents. Je les
vois simplement à l'article 29.3, alinéa 1d. Ailleurs, ils n'y sont pas.
Bien sûr, il appartient à la personne de dire : Est-ce que je veux ou non
une implication d'un proche?, parce que ça pourrait être son souhait de ne pas
vouloir l'implication d'un proche dans une démarche pour toutes sortes de
raisons, mais je pense que ce n'est pas une raison pour évacuer l'implication
de proches si c'est effectivement le soin de la... le souhait de la personne.
Pourquoi? Parce qu'un proche est en mesure de témoigner de l'histoire de la
personne, ses valeurs, les facettes de son existence, rapporter son vécu et
aussi peut-être informer le personnel, l'équipe soignante des volontés que
cette personne-là a déjà exprimées par le passé, alors qu'elle était apte, sa
conception d'une mort digne pour elle. Et souvent ces proches-là, aussi,
apportent des soins quotidiennement, ils accompagnent la personne dans la
maladie, alors ils sont à même de décoder des signaux de souffrances chez la
personne. Et là on ne parle pas juste de souffrances physiques, mais je parle
aussi de souffrances psychologiques existentielles qui pourraient être liées à
une détresse, à une anxiété, à une peur.
Alors, on déplore, M. Maclure et moi, que
les proches ne sont pas suffisamment présents dans le projet de loi, si telle
est la volonté de la personne malade.
M. Dubé : Me Filion, là,
j'apprécie beaucoup votre commentaire parce que c'est peut-être une façon de
trouver l'équilibre entre le commentaire de Pr Maclure sur comment on
respecte la demande versus la participation ou... soit d'un proche ou, en tout cas, du tiers. Je pense
que je vais laisser mes autres collègues, mais ça va me faire réfléchir,
là, à un peu le... les deux points de vue que
vous venez d'amener, là. Je pense qu'on peut combiner peut-être ces deux
éléments-là.
Alors, je vais laisser, M. le Président,
peut-être à mes collègues, le... Il nous reste du temps, de toute façon.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée... Mme la députée
voulait poser une question?
Mme Guillemette : Oui.
Le Président (M. Provençal)
: Allez-y.
Mme Guillemette : Merci. Il
nous reste quelques minutes, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Il vous reste cinq minutes.
Mme Guillemette : Merci.
M. Dubé : Je lui ai donné...
• (17 h 40) •
Mme Guillemette : Ça va.
Merci beaucoup, Me Filion et Pr Maclure, d'être
avec nous aujourd'hui. On vous a entendus en commission, mais il y a quand même
des points à éclaircir, et je ferais un peu la suite de ce que M. le ministre
vous a posé comme question. On a des gens qui sont venus témoigner, et ils nous
disent que le tiers de confiance ne devrait pas avoir de lien, ne serait-ce
que, bon, monétaire ou peu importe. Mais, si on veut que la personne connaisse
bien la personne qui demande l'aide médicale à mourir, on réconcilie ça
comment, ces deux aspects-là ?
Et est-ce que c'est réconciliable ?
Mme Filion (Nicole) : Écoutez,
de mon avis, la personne qui va faire sa demande anticipée d'aide médicale à
mourir pourrait très bien désigner un tiers de confiance qui pourrait être sa
fille, son épouse, son époux, son conjoint, peu importe, un frère, une soeur,
et il reste que, qu'on le veuille ou non, il y aura un lien monétaire. Je pense
qu'il faut laisser exprimer une volonté à cet égard-là.
Maintenant, vous m'ouvrez la porte sur quelque
chose, parce que nous avions, comme membres du Groupe d'experts, exprimé une
préoccupation pour le sort des personnes qui sont totalement isolées, qui ne
reçoivent pas des soins en continu et qui ne sont pas en mesure de désigner un
tiers de confiance, alors, je pense qu'il nous importait, au niveau du groupe,
de répondre aux besoins de ces personnes isolées et que l'impossibilité de
désigner un tiers de confiance ne doit pas pour autant compromettre le droit à
l'autodétermination de ces personnes-là qui ont rédigé les demandes anticipées
d'aide médicale à mourir. Et par ailleurs le Groupe d'experts recommandait qu'en
l'absence de tiers, il y ait une autorité neutre qui puisse agir un peu comme
porte-voix et que cette autorité neutre là aurait pour rôle que d'attirer
l'attention des soignants sur l'existence de la demande anticipée. Alors, c'est
important de ne pas laisser de côté les
personnes qui sont totalement isolées et qui n'ont pas nécessairement des soins
continus dispensés par le réseau.
Mme Guillemette : Parfait. Je
vous remercie. Comme il nous reste deux minutes, je céderais, M. le Président,
la parole à ma collègue de Saint-François.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée, allez-y.
Mme Hébert : Merci, M. le
Président.
Je vais être rapide, je veux revenir sur la
résistance. Vous avez parlé d'une personne qui serait plus apte, mais qui
aurait une certaine résistance. Je suis contente que vous parliez du tiers de
confiance, parce que, justement, ce tiers de confiance là connaît bien la
personne, donc, advenant qu'il y ait une résistance et que ce tiers-là en est
témoin, il va dire : Je connais la personne, puis elle ne veut pas, là, tu
sais, elle est capable de donner cet indice-là.
Moi, je veux savoir... Vous parliez de report de
procédure. Ça va en prendre combien, de reports de procédure, pour arrêter la procédure, que peut-être que, la
personne, finalement, on n'ira pas avec l'aide médicale à mourir? Est-ce
que c'est une possibilité?
M. Maclure (Jocelyn) : Merci de
votre question, Mme la députée. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut exclure
complètement a priori, hein? Je pense qu'il faut garder en tête qu'il s'agit,
là, dans les cas atypiques, de maladies qui sont dégénératives, hein, donc
l'état n'est pas stable, hein, l'état se dégrade progressivement. Et ce que
les... les experts, là, qui ont accompagné des personnes, entre autres, aux
prises avec l'alzheimer, montrent que, bon, dans
l'évolution d'un stade à l'autre, hein, il y a évidemment un impact important
sur la qualité de vie aussi, hein, il y a un moment dans l'évolution où
la souffrance, hein, devient constante, hein, où la personne semble toujours en
situation de mal être, semble souffrir énormément, et c'est pour ce genre de
situation là, hein, dans ces cas-là où on se dit : Bien là, l'aide
médicale à mourir est véritablement un soin parce que la personne n'a plus de
qualité de vie, il n'y a plus rien qui donne un sens à ses journées. Et je
pense qu'il faut réévaluer, hein, l'état de la personne. Si on constate, hein,
une résistance importante à un moment x, il faut voir, plus tard, est-ce que,
là, vraiment, ça viendrait la soulager, et c'est une évaluation qu'il faut
faire périodiquement.
Mais l'important, c'est
qu'on ne doit pas radier, hein, la demande qui a été faite, hein? Lorsqu'elle
était encore apte, hein, elle a réfléchi rationnellement sur la fin de vie
qu'elle se souhaitait, elle a dit : Bien, j'aimerais ça avoir l'aide
médicale à mourir, hein, lorsque je serai en situation de souffrances, eh bien,
il faut... il faut réévaluer son état et voir si on ne doit pas procéder,
justement, à un autre moment à cette procédure, oui.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée.
Nous poursuivons maintenant l'échange avec le
député de D'Arcy-McGee pour 10 min 10 s.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci.
Merci beaucoup, Mme Filion et
M. Maclure. Vous étiez présents et vous restez présents de façon
essentielle à ce débat-là. Alors, je vais faire de mon mieux pour essayer de
laisser un petit peu plus de temps à mes collègues aussi parce que votre
implication, depuis le début, est tellement importante. J'ai quelques
questions, mais je vais essayer de laisser un petit peu de temps à mes
collègues aussi.
Je vous écoute sur les deux problèmes majeurs,
mais je vous écoute aussi, je vous entends quand vous vous dites que, généralement,
le projet de loi devant vous et nous est en adéquation avec votre apport au
début et les paramètres qui ont été suivis par nous dans nos délibérations en
commission spéciale.
Sur l'article 17, là, vos élaborations...
juste tantôt, M. Filion, pour moi, je crois comprendre qu'on est dans
l'enjeu très important, évidemment, du moment de déclenchement de l'acte — et
évidemment il y a toutes sortes de balises, actuellement, qui gouvernent ça — et
que ça soit établi de façon la plus fidèle et complète, que, dans un premier
temps, on est en alignement avec l'éventuelle loi ainsi que les voeux tels
qu'exprimés lors de la demande. Mais ici on parle aussi — et
vous étiez assez clair là-dessus — de la possibilité d'une manifestation de
refus de quelqu'un qui est inapte et on est devant, en quelque part, une
contradiction. Mais, si je vous ai bien suivi, même là-dessus votre langage a
été un petit peu conditionnel, vous avez dit que ça ne devrait pas, un tel
refus, amener de façon systématique à un désistement de l'acte, ce qui suggère
que vous pouvez imaginer des conditions où il faut que ce refus exprimé par
quelqu'un inapte doit avoir des conséquences, c'est-à-dire qu'on ne passe pas à
l'acte. Est-ce que vous pouvez décrire une telle situation ou comment, souvent,
vous croirez que ça risque de se manifester?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui.
Merci beaucoup, M. le député, pour votre question. Je pense que ce qui a frappé
l'imagination, hein, c'est ce cas néerlandais d'une personne, hein, qui avait
demandé à répétition, hein, l'euthanasie dans ce contexte et qui, au moment
venu, a résisté, s'est débattue, était agitée. Et une des grandes leçons qu'il
faut tirer de ce cas-là, c'est que ça prend un protocole médical très clair à
suivre, hein, lorsqu'on administre une AMM à une personne qui est devenue en situation d'inaptitude, hein? C'est un geste
extrêmement délicat, hein? On pense qu'il y a de bonnes raisons de le
faire, de le permettre, mais il faut que ça soit extrêmement bien balisé, et le
protocole médical doit être clair et il doit être élaboré par des experts
cliniciens, là, mais il faut savoir comment on s'y prend. Est-ce qu'on utilise
la sédation modérée ou pas? Et ça, donc, ça devrait être, je pense, établi dans
un guide de pratiques, là.
Mais, si la résistance est claire, hein, je
pense qu'il ne faut pas procéder à l'aide médicale à mourir si on a bien suivi
le protocole établi. Il faut... Il n'y a pas de problème à réévaluer la
situation plus tard, et je... encore là, une fois qu'un protocole médical a été
clairement établi, l'idée étant qu'on réévalue, hein, périodiquement où en est
la personne. Et, comme il s'agit de maladies
qui sont dégénératives, encore une fois, hein, l'état de santé se dégrade et
les souffrances deviennent très importantes. Donc, je pense que l'idée,
c'est de... et les proches et le personnel soignant, de réévaluer
périodiquement l'état de la personne.
• (17 h 50) •
M. Birnbaum : Je me permets de
vous inviter de nous proposer, même, par la suite un libellé qui risque de nous
aider à réconcilier ces aspects un petit peu conflictuels parce que vous soulevez
une assez grande question.
Votre deuxième grande question, vous parlez de
la difficulté d'assurer que les descriptions des conditions offertes par un
individu dans leur demande d'accès à l'aide médicale à mourir peuvent être
discordantes avec la situation actuelle au moment où ils auraient prescrit
qu'on passe à l'acte. Une autre fois, là, il y a des balises, il y a toutes les
choses qui doivent déclencher l'acte, mais pouvez-vous élaborer un petit peu
comment on réconcilie ces choses? Et y a-t-il un risque qu'on met un fardeau
trop ouvert, trop difficile sur l'équipe médicale à l'instant où l'aide
médicale à mourir est pour être déclenchée?
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
merci, c'est aussi une question importante. Lorsque... en contexte, disons, normal
d'aide médicale à mourir, hein, ce qui importe au plus haut point, ce sont les
critères d'admissibilité, hein, et maintenant, bon, la fin de vie a été
retirée, donc c'est essentiellement, bon, maladie grave et incurable, déclin
avancé et irréversible des capacités et souffrances vraiment persistantes,
hein, et qui ne peut pas être apaisée d'une façon jugée acceptable, hein? Je
pense que c'est ça, les plus... les critères les plus importants.
La problématique que je soulève, c'est que, dans
la description, hein, antérieure de ce qui constitue des souffrances
insupportables, on sait que les personnes n'ont pas envie de devenir
dépendantes d'autrui, de se penser comme étant un fardeau, de ne plus
reconnaître les proches, mais ce qui est important de remarquer, là, c'est
qu'on peut se trouver dans ces états tout en n'étant pas en état en situation
de grandes souffrances, là. Et en réponse aussi au ministre, tout à l'heure,
pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, dans tous les cas, la souffrance
doit être contemporaine, hein, ça doit être la souffrance de la personne malade
et non pas la souffrance anticipée de la personne qui s'imagine devenir un
fardeau pour ses proches. Et donc le point, ici, c'est qu'il faut le plus
possible objectiver cette souffrance-là.
Et, bon, je sais que
certaines personnes n'ont pas envie de devenir dépendantes d'autrui, hein, mais
ça peut tous nous arriver. Et, si la personne a par ailleurs une certaine
qualité de vie, et je vous invite à revoir le cas de Margot discuté dans notre
rapport, qui a acquis des nouveaux plaisirs, des nouveaux intérêts, bien, notre
message, ici, c'est : il ne faut pas procéder trop tôt à l'aide médicale à
mourir, il faut attendre, hein, que l'état de santé se dégrade et que les
souffrances soient objectivables.
M. Birnbaum : Merci. Troisième
question, brièvement. Vous avez recommandé, en quelque part, qu'une place accrue soit accordée dans le projet de loi
aux proches. Pas facile. Envisagez-vous des problèmes possibles s'il y a
une discordance entre deux proches, si les proches n'auraient pas été
identifiés de façon claire par la personne en question? N'y a-t-il pas, dans un
premier temps, une façon de nommer un de ses proches comme tiers? Voyez-vous
des problématiques, dans votre recommandation, qu'une place plus grande soit
accordée aux proches?
Mme Filion (Nicole) : Je ne
vois pas de hiérarchie en ce qui a trait à l'importance des proches.
C'est-à-dire que je pense que c'est une... Les proches sont une mine
d'informations qu'il ne faut pas négliger.
C'est assez étonnant que, par exemple... qu'on
lit, par exemple, dans le projet de loi n° 38, que les proches ne sont pas
informés des conclusions du professionnel concerné avant d'administrer l'aide
médicale à mourir, alors les proches ne sont pas informés non plus au terme de
l'examen effectué par le professionnel. Qu'en est-il? M. Maclure et moi
sommes d'avis qu'il y a une place prépondérante, quand même, à faire aux
proches, toujours sous réserve de la volonté de la personne, qui, comme je le
disais plus tôt, pourrait ne pas vouloir impliquer ses proches dans la démarche
d'aide médicale à mourir.
Alors, je pense que l'équipe soignante ne
devrait pas se priver de l'apport de proches dans des situations aussi graves
et importantes que l'administration de l'aide médicale à mourir à une personne
inapte.
M. Birnbaum : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
Alors, nous allons poursuivre, maintenant, avec
le député de Rosemont. Vous disposez de 2 min 37 s.
M. Marissal : Avec le
consentement des collègues, M. le Président, je transférerais mon temps à la
collègue de Joliette, cette fois-ci.
Le Président (M. Provençal)
: Consentement?
Des voix : Consentement.
Mme Hivon : Merci infiniment à
mon collègue, je vais lui revaloir ça.
Donc, merci beaucoup. J'ai beaucoup de questions
pour vous, donc je vais vous les présenter. J'ai à peu près cinq minutes
maintenant, grâce à ce don, et donc vous pourrez voir l'ampleur des questions.
Un, je pense que vous venez de faire ressortir
qu'on peut dire qu'on ne veut pas être incontinent, qu'on ne veut pas vivre en
CHSLD, ce n'est pas parce qu'on aurait dit ça que ça veut dire qu'on va avoir
une souffrance. Donc, il faut être vraiment clairs sur les souffrances.
Nous, dans notre rapport, on avait comme un
entre-deux, on parlait de signifier à l'avance les manifestations de l'état
qu'on ne souhaitait pas voir survenir, par exemple, qui pourraient être plus
larges, et, par exemple, d'indiquer aussi les souffrances. Et puis ensuite, au
moment 2, là il faut vraiment être sûrs qu'il y a des souffrances
contemporaines, objectivables, et tout ça. Mais, pour avoir une meilleure idée
de ce que la personne envisage dans son parcours, on parlait plus largement,
pas juste des souffrances, mais des manifestations de son état. J'aimerais vous
entendre là-dessus.
L'autre chose, les souffrances, le déclin avancé
irréversible, vous avez bien fait ressortir, c'est un des critères fondamentaux de l'article actuel 26, lui, il ne se
retrouve plus dans les critères au moment 2 de l'administration, c'est-à-dire
qu'on n'est plus obligés de constater en temps réel le déclin avancé
irréversible. Il ne se retrouve, à moins que j'erre, mais juste à 29.2, via les
souffrances qui vont être décrites et qui doivent être liées à un déclin avancé
irréversible. Mais, je ne sais pas si vous me suivez, au moment 2, moi, je
pense qu'il faut encore être sûrs qu'on est dans ça, pas juste quand on le
prévoit. Je vois une légiste qui hoche de la tête, donc peut-être qu'il m'a
manqué quelque chose, donc, mais je voulais vous entendre là-dessus.
Ensuite de ça, le tiers de confiance, c'est
vraiment... on doit vous... rendre à César ce qui est à César, ça provient de
votre rapport, qu'on est amenés... on a amené cette idée-là. Mais maintenant,
quand vous regardez dans le projet de loi, à 29.11, deuxième alinéa, la
demande, là, ce n'est pas le tiers de confiance qui agite le drapeau, c'est
vraiment la responsabilité du professionnel. Je veux savoir ce que vous pensez
de ça. Est-ce que c'est trop lourd, de demander ça? Et est-ce que ça pourrait
figer les professionnels parce qu'ils n'auront pas le goût de s'embarquer
là-dedans, puis donc laisser des gens entre deux chaises?
Et finalement, j'en aurais plein d'autres, mais,
le refus, votre solution, est-ce que c'est la sédation? Est-ce que c'est la
personne qui le dirait à l'avance : Si je refuse, je veux quand même
l'avoir? Est-ce que c'est un recours au tribunal? Et est-ce qu'on ne devrait
pas parler de refus catégorique, parce que c'est déjà présent, ça, dans le Code
civil pour la personne inapte, la notion de refus catégorique? Donc, voilà... (panne
de son) ...est-ce qu'une autre souffrance qui arriverait
en fin de parcours — vous
êtes inapte, vous avez l'alzheimer, mais vous avez un cancer en plus, qui vous
fait souffrir — est-ce
qu'on exclut ces souffrances-là parce qu'elles doivent absolument être liées à
la maladie d'Alzheimer ou on les considère?
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
merci beaucoup pour ces excellentes questions. Donc, je vais essayer,
modestement, de répondre à certaines d'entre elles.
Par rapport à
la première question, je pense que le sens de notre recommandation, ici, n'est
pas de dire qu'on devrait tout simplement exclure la possibilité, hein,
de rédiger ou de décrire, hein, ce qui est pour nous, hein, des souffrances
insupportables. Je pense que c'est le statut donné à cette réflexion. Et moi,
je pense qu'on devrait plutôt voir ça comme un témoignage, hein? C'est un
témoignage. La personne témoigne de ce qu'elle juge comme étant des souffrances
insupportables, un témoignage qui a pour but d'aider le personnel de la santé à
bien comprendre cette personne-là.
Mais, dans le projet de loi, me semble-t-il, on
trouve une espèce d'exigence, là, d'adéquation entre les souffrances décrites
et la situation contemporaine, et c'est ça qui nous semble peut-être excessif,
mais en temps... un peu comme une espèce de schème interprétatif, là, qui nous
aide à mieux comprendre une personne qui est devenue inapte, ça peut avoir
encore une importance considérable. Mais ce qui est vraiment déterminant, ce
sont les autres critères, là, dont vous avez parlé. Et ça m'avait échappé, là,
que le déclin avancé irréversible n'était pas mentionné. Là, je ne suis pas un
juriste, encore moins un légiste, mais, si c'est le cas, ça pose effectivement
un problème. Mais, c'est ça, il faut plutôt s'assurer que ce déclin est bel et
bien là et que les souffrances, hein... objectivement, on est capables de
constater que la personne, hein, souffre, et c'est ce qui est l'essentiel, le
plus important.
Je vais laisser Nicole par rapport au tiers de
confiance.
Sur le refus, bon, je pense que la
question : Est-ce qu'on procède à la sédation?, c'est une des grandes
questions. Ce n'est pas... Le groupe d'experts interdisciplinaire, là, on n'a
pas été dans le fin détail sur le protocole, ce que j'appelais le protocole
médical, mais ça doit absolument être fait, et je pense qu'on pourrait
s'appuyer sur comment on utilise la sédation dans d'autres contextes, y compris
avec des personnes qui ne sont plus aptes à consentir à leurs soins, hein? Il y
a déjà des protocoles dans d'autres types de cas, et on pourrait s'appuyer
là-dessus. Et j'aime beaucoup cette idée,
que... dans le fond, au moins pour réfléchir, là, est-ce qu'on devrait demander
aux personnes d'autoriser à l'avance l'usage
de la sédation? Ça, ça me semble parfaitement conforme à l'esprit des
recommandations en faveur des déclarations anticipées d'aide médicale à
mourir, donc je pense que c'est une proposition à prendre très au sérieux.
Nicole.
• (18 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: Rapidement, parce que le temps est
écoulé, mais je veux quand même avoir... vous laisser la parole, madame.
Mme Filion (Nicole) : Oui, je
vais être brève.
Je pense que la personne qui a pris la peine de
faire une demande d'aide médicale à mourir en prévision de son inaptitude
souhaite au plus profond de son coeur que ses volontés soient respectées ou, à
tout le moins, considérées dès le moment venu. Donc, on ne devrait pas se
priver de toute personne qui pourrait, comme vous dites, Mme Hivon, agiter
le drapeau et signaler, que ce soit le professionnel, le tiers de confiance, un
proche, mais de signaler à l'équipe soignante
qu'ils ont observé des souffrances, et donc pouvez-vous considérer la demande
de mon proche en conséquence? Et je pense que ça, ça vient respecter
l'objectif du respect à l'autodétermination et la dignité de la personne.
Voilà.
Le Président (M. Provençal)
: Merci...
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Nous allons terminer cette période d'échange avec
la députée de Maurice-Richard pour les
2 min 20 s qu'il reste.
Mme Montpetit : Je vous
remercie M. le Président.
Bonjour à tous les deux. Peut-être... Je pense
qu'il manquait peut-être une petite réponse à la dernière question que ma
collègue a posée sur si une maladie... advenant qu'une maladie impliquant des
souffrances arrivait en fin de parcours et ne faisait pas partie, dans le fond,
du corpus de maladies du départ. Comment vous envisagez ça? Je pense, c'est une
question fort pertinente, là.
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
tout à fait, et c'est tout à fait possible, hein, en fin de vie, que ça
survienne. Mais, comme je le disais, ce sont les souffrances contemporaines,
hein, qui sont déterminantes. S'il y a des souffrances non anticipées qui
surviennent, je pense que ça fait tout à fait partie, hein, de l'état de santé
et des souffrances objectivables de la personne. Donc, oui, ça pourrait déclencher,
donc, l'application d'une demande anticipée, même si c'est lié à une autre
maladie ou à un autre état de santé.
Mme Montpetit : Merci pour la
précision.
J'ai très peu de temps, malheureusement, moi
aussi. J'aurais beaucoup de questions, mais je voudrais vraiment revenir sur la
question. Tu sais, vous avez émis des réserves quand même assez importantes sur
certains éléments, dont sur la question du refus, là, qui a été abordée aussi
par mes collègues. On le sait, là, les personnes, souvent, justement, qui ont
des troubles cognitifs vont avoir de la résistance à certains soins, puis je
comprends vos réserves par rapport à ça, là, de ne pas
faire une adéquation entre cette résistance-là et le refus. Mais comment vous
verriez... Quelle pourrait être la réponse à ça? Est-ce que c'est de revenir,
par... d'encadrer ça par un refus répété ou peut-être d'impliquer aussi le
jugement professionnel... le jugement du professionnel davantage aussi dans le
projet de loi?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
bon, une bonne part de la réponse en tient à ce qui va être décidé par rapport
à l'usage de la sédation, hein? Parce qu'évidemment, si on utilise... on fait
un usage de la sédation, la personne va être dans un état plus calme. Mais,
bon, on n'a pas besoin de reporter une procédure comme celle-là, hein, il n'y a
pas... ce n'est pas une catastrophe, hein? Comme ce sont des maladies
dégénératives, à un moment, l'état de santé va se dégrader, et je pense que,
pour l'ensemble des intervenants, il va être clair que la personne n'a
absolument plus aucune qualité de vie et que c'est le temps, là, de respecter
sa demande. Donc, je pense que c'est avec les proches et les professionnels de
réévaluer dans le temps l'état de la santé de la personne.
Mme Montpetit : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup à vous deux pour votre
contribution et votre participation à nos travaux, surtout de votre
disponibilité.
Ceci... la commission va suspendre ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 18 h 05)
(Reprise à 19 h 31)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, bienvenue à la Commission de
la santé et des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre
les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 38, Loi modifiant la loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Ce soir, nous entendrons par visioconférence les
personnes et groupes suivants : le Barreau du Québec conjointement avec la
Chambre des notaires, l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux
et familiaux du Québec, et le Dr David Lussier.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants du bureau... du Barreau du Québec, excusez-moi, et de la Chambre
des notaires du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
l'ensemble de vos deux groupes, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et
à débuter votre exposé. Je vous cède la parole.
Barreau du Québec et
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
Mme Claveau (Catherine) : Alors,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, alors, je suis
Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Sylvie
Champagne, qui est notre directrice des affaires juridiques.
Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir
invité à participer aux consultations particulières entourant ce projet de loi
important. Compte tenu des délais extrêmement courts entre le dépôt du projet
de loi et notre comparution, nous avons besoin de quelques jours avant de vous
transmettre notre mémoire.
Le Barreau a participé à la réflexion entourant
l'aide médicale à mourir avec grand intérêt, et ce, dès mai 2010, soit lors de
la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. L'accès à
l'aide médicale à mourir soulève des questions juridiques importantes. Une
grande partie de ces questions a été réglée par la Cour suprême du Canada en
2015, alors qu'elle a établi le régime juridique légal en matière d'aide
médicale à mourir en tenant compte des principes fondamentaux suivants :
le droit à l'autodétermination, à la vie et à la dignité de la personne, le
droit à l'accès aux soins de fin de vie et à l'aide médicale à mourir, le droit
à l'égalité, droit incontournable lorsque vient le temps de réaliser pleinement
le droit à la vie et le droit à l'autonomie de chaque personne apte à consentir
à l'aide médicale à mourir, et enfin la protection contre la discrimination,
plus particulièrement en évitant de perpétuer les stéréotypes visant les
groupes de personnes considérées vulnérables en concluant d'entrée de jeu à
leur incapacité à pleinement consentir à l'aide médicale à mourir. C'est dans
ce contexte que nous souhaitons vous faire part de certains commentaires
concernant quatre aspects du projet de loi n° 38.
Premièrement, nous réitérons la nécessité de
suivre les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter. Dans
cet arrêt, la Cour suprême a reconnu que l'aide médicale à mourir devrait être
accessible selon les conditions suivantes, et je cite : «...la prohibition
de l'aide d'un médecin pour mourir à une personne — donc, l'aide médicale
à mourir — est
nulle dans la mesure où elle prive de cette aide un adulte capable dans les cas
où (1) la personne touchée consent clairement à mettre fin à ses jours; et (2)
la personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y
compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances
persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.»
Actuellement,
la Loi concernant les soins en fin de vie ne se conforme pas à cet arrêt,
puisqu'elle ne reconnaît pas le handicap comme seul motif d'accès aux
soins de vie et maintient l'exigence d'un déclin avancé et irréversible des capacités de la personne. Afin d'établir un régime
clair, égalitaire et bienveillant en matière d'accessibilité à l'aide
médicale à mourir, en 2019, la Cour supérieure abonde dans le même sens dans la
décision Truchon... de la Cour supérieure.
Le deuxième aspect qui ne
peut demeurer sous silence est l'absence d'harmonisation du Code criminel et de
la Loi concernant les soins de fin de vie. Le Québec a été la première province
à légiférer sur cette question. Toutefois, depuis 2015, il y a une valse de
projets de loi qui font en sorte qu'il est difficile, voire périlleux pour les
juristes, patients et médecins de s'y retrouver. En effet, il est primordial
pour la protection du public et les professionnels compétents qui auront à
administrer l'aide médicale à mourir que les conditions soient claires,
précises et surtout qu'elles ne soient pas contradictoires.
Cet aspect est interrelié à notre prochain
commentaire, qui touche les nouvelles dispositions particulières concernant les demandes anticipées d'aide médicale
à mourir. Pour l'instant, le Code criminel ne prévoit que deux
exceptions où l'aide médicale à mourir peut être prodiguée sans le consentement
contemporain de la personne, à savoir la renonciation au consentement final est
permise pour la personne dont la mort est raisonnablement prévisible et lorsque
la personne a commencé l'autoadministration et perd conscience lors de
l'autoadministration de l'aide médicale à mourir. Nous estimons que cette
disposition ne devrait pas entrer en vigueur avant une modification du Code
criminel, autrement cela ne favoriserait pas l'accès pour les demandes
anticipées en raison de craintes justifiées de poursuites criminelles pour les
professionnels compétents autorisés à poser cet acte médical.
Quant à la possibilité que le formulaire soit
signé en présence d'un médecin, de deux témoins ou devant notaire sous forme
d'acte notarié en minute, nous nous interrogeons sur l'opportunité
d'authentifier ce document par voie notariée, procédure plus coûteuse et
inutilement formaliste.
Puisque le diable est dans les détails,
plusieurs aspects du projet de loi sont présentement étudiés par nos experts.
Nous réitérons qu'il nous fera plaisir de vous soumettre d'autres commentaires
dans notre mémoire, que nous vous transmettrons dans les prochains jours. Nous
vous remercions encore une fois pour cette invitation et nous sommes prêtes à
recevoir vos questions.
Le
Président (M. Provençal)
:
Alors, est-ce que les gens de la Chambre des notaires ont une présentation à faire?
M. Lambert (Jean) : Certainement,
M. le Président.
Alors, tout
d'abord, m'accompagne Me Brunelle, directeur général de la chambre. Et moi, mon
nom, Jean Lambert, ex-président de la chambre et responsable du dossier
de l'aide médicale à mourir à la chambre depuis plus de 10 ans.
Alors, tout d'abord, je voudrais remercier et
féliciter le ministre d'être allé de l'avant avec un projet de loi sur un sujet
aussi complexe et sensible. Et d'avance aussi je remercie les parlementaires de
l'opposition d'agir dans un cadre non partisan pour le bénéfice de nos
citoyens, tel que ce dossier a connu depuis 2013‑2014.
Pourquoi imposer l'acte notarié? Alors, c'est
une question de confiance. Comme l'a soulevé le conseil canadien des académies,
il y a un haut degré d'incertitude et d'anxiété qui entoure ces questions.
Confiance... Depuis plus de 40 ans, les sondages indiquent que la confiance
du public envers les notaires les situe en haut de la liste, avec les médecins, et un sondage CEFRIO du ministère de la
Justice de mai 2019 classe le notaire au premier rang au plan de la
confiance du public, avec 84 %.
Le notaire est une distinction du Québec, la
véritable, selon moi... Je reconnais que je suis biaisé, mais, dans le cadre
des discussions identitaires que nous avons, le notariat ne se retrouve nulle
part ailleurs au Canada, alors qu'on parle français ailleurs, il y a des lacs,
des sapins ailleurs qu'au Québec. Donc, nous sommes vraiment une distinction.
Et pourquoi? Parce que le droit civil privilégie la prévention, donc le
législateur, en accordant le statut d'officier public au notaire, a voulu que
certains écrits de l'ordre privé soient d'une fiabilité et d'une sécurité à
toute épreuve et donc accorde une force probante qu'aucun autre écrit n'a, les
situe au rang de l'État.
Niveau d'incertitude chez la personne, chez les
soignants, chez le tiers de confiance, s'il y a lieu. Donc, ce professionnel du
droit particulier qu'est le notaire, dans sa grande tradition de son devoir de
conseil, voit à ce que les choses soient bien dites, bien rédigées, avec
rigueur, et surtout que les personnes qui ont un consentement à donner le
donnent en toute clarté et connaissance de cause, après avoir été bien
informées, et, pour les soignants, qu'il y ait la garantie certaine de
l'identité de la personne qui aura signé, que son consentement aura été donné
d'une façon tout à fait éclairée, et surtout qu'il y ait assurance que tous les
prérequis et les formalités préalables soient satisfaits, et chez le tiers de
confiance, évidemment, qu'il y ait une bonne compréhension de l'étendue de ses
obligations et aussi de l'importance du maintien d'une relation avec la
personne qui formule la demande, évidemment, pour qu'on puisse, le moment venu,
s'assurer que la personne avait toujours conservé ses valeurs et maintenu sa
volonté. Et à l'occasion le notaire recommandera au tiers de confiance de
consulter une ressource psychosociale face à la charge émotive qu'il aura à
vivre lorsque le moment sera venu.
Le Code criminel, à son article 241.2,
demande que le témoin soit indépendant et clarifie très clairement que le
personnel soignant, donc le professionnel compétent, ne peut pas être ce
témoin. Alors, par acte notarié, le notaire sera définitivement ce témoin
indépendant et... parce qu'il est bien que le législateur québécois prévoie
aussi l'engagement précis et... présence du professionnel compétent.
Les obligations déontologiques, la formation...
tout comme ce fut le cas lors des procédures devant notaire pour l'ouverture
des régimes de protection et homologation de mandat, alors, les notaires auront
probablement une accréditation, si tel le veut le législateur, mais ce qui est
certain, c'est que nul notaire ne peut s'aventurer dans une matière dont... il
ne connaît pas et dont il n'a pas la formation appropriée. Alors, l'acte
notarié technologique pourra aussi faciliter les choses en cas de difficultés
de déplacement.
Et je termine
en disant qu'il s'agit ici du rôle social de la profession, il n'est pas
question ici d'un enrichissement en vue, et probablement que le
législateur pourra prévoir que les frais et l'honoraire du notaire, comme tous
les autres professionnels impliqués, soient assumés par l'État selon une
tarification réglementée. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci
beaucoup à vos deux groupes pour la présentation.
Nous allons débuter
la période d'échange avec M. le ministre. À vous la parole.
• (19 h 40) •
M. Dubé :
Merci beaucoup, M. le Président.
Alors, Me Claveau, Me
Champagne, je vais commencer par vous. Encore une fois, comme je l'ai dit à
d'autres aujourd'hui, on s'est vus pas mal souvent dans les derniers mois, merci
encore. Puis je le sais, que le temps a été court pour vous aider à... donner
le temps à préparer une bonne présentation, mais merci beaucoup d'être là,
encore une fois.
Moi, je vais me...
Parce que vous avez, bon... On a discuté, je pense, amplement, jusqu'à
maintenant, la question de l'harmonisation avec le fédéral, là, puis je pense
qu'on a... on comprend votre position, mais j'aimerais mieux, moi, me
concentrer sur la demande anticipée, parce que je pense que, du côté... Puis je
pense que les Québécois le comprennent bien, là, c'est qu'en ce moment ce n'est
pas de savoir si on rattrape ou pas le fédéral, je pense que ce point-là a été
amplement discuté, mais... Ce que j'aimerais savoir, c'est, si on va plus loin
que le fédéral, ce qui est le cas de la demande anticipée, pour le moment,
qu'est-ce qu'on peut faire en attendant?
Vous, vous
recommandez, puis je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, ça fait
que je vais vous demander de peut-être préciser si j'ai bien compris... Vous
pouvez dire : Oui, vous devriez attendre que le fédéral ait pris position
pour ne pas remettre encore une couche qui ferait qu'il y aurait un besoin
d'harmonisation, mais j'aimerais vous entendre que... Cette espèce de
leadership là qui a été pris par le gouvernement du Québec, là, dans les années
2015 et suivantes, même si ça a été rattrapé par le fédéral, j'aimerais ça voir
comment vous pensez que, légalement, parce que c'est votre rôle, au Barreau,
puis on a beaucoup confiance dans vos opinions... comment ça pourrait se faire.
Un, nous, l'option
qu'on pouvait peut-être considérer, c'est d'avoir une date d'application qui
est différée, du projet de loi, ça peut être une façon de faire, mais il y a
d'autres façons. Est-ce qu'on peut s'entendre avec les procureurs qu'il n'y
aurait pas de mesure qui serait appliquée, de contravention au Code criminel?
Alors, moi, je vous dis : En prenant l'hypothèse que nous allons passer le
projet de loi qui donne ça, comment on peut aider ce leadership-là québécois
tout en répondant à la loi? Vous me suivez? Parce que...
Une voix : C'est
très clair.
M. Dubé :
O.K. Alors, est-ce que vous avez des suggestions, à part une date différée?
Mme Champagne
(Sylvie) : Mais en fait, nous, ce qu'on pense, c'est que vous pouvez adopter
si vous voulez effectivement avoir le leadership, parce que, bien, dans le Code
criminel, comme vous l'avez dit, il n'y a pas la possibilité de faire une
demande d'aide médicale anticipée. Par contre, si vous mettez une date d'entrée
en vigueur qui va être un peu plus loin, il faut savoir qu'on n'a pas,
évidemment, de boule de cristal puis on ne sait pas à quel moment le Code
criminel va être modifié, donc il faudrait quand même la mettre assez loin. On
sait qu'il y a une date au fédéral. Le fédéral doit se repencher sur la
question de l'aide médicale à mourir pour, notamment, réglementer ceux qui
souffrent de troubles mentaux, et donc peut-être qu'à ce moment-là, s'ils
voient le leadership du Québec, ils pourront regarder aussi les demandes anticipées,
mais il faudrait la mettre assez loin.
Ou une autre façon
que nous, on privilégie, c'est d'attendre d'être prêts, que tous les
formulaires soient prêts, mais d'attendre que le Code criminel soit modifié et
d'y aller par décret.
M. Dubé :
...la partie que j'aime moins, mais ça, c'est ma partie personnelle, là,
mais ce que j'aimerais vous demander...
C'est qu'il y a deux... Bien, je pense qu'il y a plus qu'une façon. On peut
mettre une date très loin ou on peut dire que cette date-là sera décidée
par décret, hein, ça peut être ça aussi, parce que, je veux dire, on n'a pas
besoin de s'entendre sur une date, mais de dire, simplement, que ça pourrait
être voté par un gouvernement en place au moment où il juge bon le faire, mais le projet de loi, lui, a pu être adopté,
conditionnellement à une date qui serait décrétée plus tard.
Le deuxième point,
c'est que... Est-ce qu'il y a eu des cas où... puis là je vous demande, hein,
l'expertise du Barreau, puis, pour moi, elle est importante, d'avoir de ces cas-là
où on a décidé qu'il pouvait y avoir une discussion avec les différents procureurs pour dire : Écoutez... pour régler
l'enjeu des médecins qui se retrouvent un peu en porte-à-faux entre ces
deux lois-là, de ne pas agir... Est-ce qu'il y a déjà eu des espèces de gel de
poursuite jusqu'à tant que le différend soit réglé? Est-ce que vous avez eu
connaissance qu'il y a des cas comme ça ou des discussions qu'il y aurait déjà
eu avec les procureurs pour éviter que ces inconforts-là soient mis devant les
médecins?
Mme Champagne
(Sylvie) : Pas à notre connaissance, mais... Vous savez, le Barreau,
ça fait longtemps qu'on demande l'harmonisation, et, à ma connaissance, il n'y
a pas eu de directive publique, là, d'émise par le Directeur des poursuites
criminelles et pénales. Alors, si vous voulez aller dans ce sens-là, je pense
qu'il faudrait que ce soit très transparent, et que le DPCP fasse une
directive, puis qu'elle soit affichée avec toutes les autres directives pour
que les médecins et, maintenant, si le projet de loi est adopté, les
infirmières...
M. Dubé :
...les demandes anticipées. Moi, ma préoccupation, c'est pour les demandes
anticipées, mais, étant donné votre grande connaissance... Puis ce que je vous
dirais, c'est que... Si vous étiez au courant de cas semblables où ça a été
appliqué, comme vous allez nous aider dans les prochains jours, puis je pense
qu'on va encore en parler pendant encore au moins quelques jours, si vous
pouviez nous donner cette information, moi, ça m'aiderait, parce que je
voudrais voir s'il y a d'autres façons de contourner le problème.
Mme Claveau (Catherine) : Bien
sûr. On le prend en note puis on...
M. Dubé : Pour
ce qui est de... puis je vais laisser mes collègues, là, mais, pour ce qui est
des actes notariés, je comprends votre opinion, que vous trouvez que ça peut
être... alourdir le processus, mais je vais en profiter pendant qu'on a Me
Lambert et Me Brunelle qui sont là. Me Brunelle, dites-moi donc... donnez-moi
donc d'autres exemples de cas où... Parce qu'ici, dans le projet de loi, pour
que les Québécois comprennent bien, puis c'est peut-être moi qui n'ai pas
compris, mais on donne le choix aux Québécois de faire deux choses : ou
bien cette entente-là va être signée avec deux témoins, ou bien on va donner le
choix d'aller chez le notaire. Je pense que, si je résume, là, c'est peut-être sursimplifié, mais est-ce que... Premièrement,
est-ce que ma compréhension est bonne? Puis, deuxièmement, est-ce qu'il
y a d'autres cas d'inaptitude ou d'autres mandats qui sont donnés où on donne
ce choix-là aux Québécois, c'est-à-dire de s'entendre devant témoin ou
d'enregistrer avec un notaire à la Chambre des notaires? Parce que l'important,
c'est d'avoir un registre, à quelque part.
J'aimerais juste ça vous entendre, parce que
c'est quand même un acte très important qu'on est en train de définir là, c'est
un acte où on demande l'aide médicale à mourir. Je voudrais vous entendre.
Est-ce qu'il y a d'autres cas que des cas d'aide médicale à mourir où on donne
aux Québécois le choix de soit convenir entre eux ou de le donner à un notaire,
par exemple?
M. Brunelle (Stéphane) : Bien,
un des choix simples, c'est le mandat en cas d'inaptitude, hein, qui pourrait
être fait devant témoin, mais les gens vont préférer... puis, la preuve, on en
a 3 500 000 dans les registres des testaments et mandats, des mandats
notariés, où les gens vont préférer s'en remettre à un notaire qui va leur
donner un conseil éclairé sur la portée des engagements qu'ils vont confier à
un mandataire. Et, sur la suite, bien, je vais lancer le relais à Me Lambert,
qui est vraiment, là, notre expert de contenu.
M. Dubé : C'est exactement ce
que j'avais en tête, mais je voulais vous entendre pour être sûr que j'avais la
bonne compréhension, que c'est peut-être comparable, mais je vous laisse
peut-être, Me Lambert, compléter.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, il y a également l'ouverture des régimes de protection, où ça peut...
• (19 h 50) •
M. Dubé : Excusez-moi, je n'ai
pas compris.
M. Lambert (Jean) : L'ouverture
des régimes de protection, mandats, les personnes... curatelles, etc., ça peut
être fait devant notaire. Avant l'an 2000, ce n'était pas possible; depuis l'an
2000, ça peut être fait, et le notaire fait la procédure d'un bout à l'autre,
et dépose ses conclusions au greffe de la cour, qui s'assure que la procédure a
été suivie, mais ne touche pas le fond de ce qui s'est fait par le notaire, ou
les gens peuvent aller voir un avocat, ou aller voir quelqu'un dans une
clinique populaire pour faire la procédure devant notaire... devant le
tribunal. Donc, il y a déjà, là aussi, un choix. Depuis l'ouverture des
procédures devant notaire, la majorité se font devant notaire parce que c'est
beaucoup plus facile, plus simple pour les gens, c'est... le délai est beaucoup
plus court.
M. Dubé : Puis, pour ce qui est
du registre, parce que je pense qu'il est important, lorsqu'une entente comme
ça est faite puis que le diagnostic — je vais donner un exemple
très simple — serait
porté sur une maladie d'Alzheimer, disons, aujourd'hui, et que les signes qui
justifieraient l'acte, comme tel, seraient 10 ans plus tard, puis qu'on
n'a pas le bon médecin ou que le médecin a pris sa retraite, tout les cas qu'on
a entendus depuis quelques heures, l'avantage du notaire, c'est que tous vos
actes sont notariés devant... dans le registre ou... de la Chambre des
notaires, là, je ne sais pas comment exactement l'appeler, mais il n'y aurait
pas...
M. Lambert (Jean) : ...
M. Dubé : Oui. Pardon?
M. Lambert (Jean) : Non,
allez-y, poursuivez, j'interviendrai après.
M. Dubé : ...voir c'est quoi,
l'équivalent de ça, ou que... Si c'est deux Québécois qui décident de
s'entendre pour l'aide médicale à mourir, est-ce qu'il y aurait un registre aussi,
de la même façon? Quel est... En tout cas, je vous pose la question, mais je
veux vous entendre. C'est quoi, la différence entre l'avoir au registre des
notaires versus un registre d'aide médicale à mourir où on peut s'assurer qu'on
fait un suivi? C'est quoi, l'avantage, si avantage il y a?
M. Lambert (Jean) : L'avantage
de l'acte notarié n'est pas au niveau des registres, M. le ministre, parce que
le notaire, comme dans le cas des directives médicales anticipées, il fait
l'inscription au registre de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Donc,
au niveau des registres, là, il n'y a pas de problème.
L'avantage de l'acte notarié, c'est qu'il est
conservé. Les actes notariés, ce sont les seuls écrits privés qui doivent être
conservés par la loi. Et, quand un notaire cesse d'exercer, c'est un autre
notaire ou le greffe de la Cour supérieure qui les prend, donc c'est des
documents qui sont conservés continuellement. Mais les avantages de l'acte notarié se situent ailleurs pour les demandes
d'aide médicale à mourir. Je ne sais pas si vous voulez poursuivre là-dessus,
mais voilà.
M. Dubé : Bien, c'est clair...
M. Lambert
(Jean) : Je dois dire... Oui?
M. Dubé : ...mais je suis
agréablement surpris qu'il y ait 3,5 millions de Québécois qui ont signé
un acte notarié pour des mandats d'inaptitude, c'est... ça me surprend.
M. Lambert (Jean) : Vous savez,
M. le ministre, le notaire, c'est le juriste des familles : naissances,
mariages, acquisition d'une maison, planification de sa succession, testament
et règlement de succession. Vous retrouvez le notaire d'un bout à l'autre de
cette chaîne. Et, particulièrement, au niveau, par exemple, du choix des
mandataires, il y a une discussion qui est tout à fait semblable à celle que le
notaire aura avec la personne qui veut formuler une demande anticipée quant au
choix du tiers de confiance. Il s'agit de s'assurer que c'est une personne qui
va être capable d'être à la hauteur, alors, et ça, c'est à la discussion. On le
voit souvent, les gens nous arrivent pour désigner un mandataire, et on
dit : Votre fils, là, bardé de diplômes en finances, il va-tu avoir la
sensibilité lorsqu'il va agir comme protecteur à la personne, ou s'il n'y a pas
quelqu'un d'autre dans votre famille qui serait mieux? Et là les gens
disent : Savez-vous, vous avez raison, notaire, c'est vrai, je n'avais pas
pensé à ça; mon garçon, il est bien bon, mais il ne saura pas si j'ai tout ce
qu'il faut à mon lit, à l'hôpital, lui, il va être dans les finances. Alors
donc, on voit qu'ici le rôle de conseil du notaire, il est clé.
M. Dubé : ...vous qui lui dites
ça plutôt que le parent, mais ça, c'est bien correct de votre part, de prendre
cette chaleur-là.
M. Lambert (Jean) : Bien, c'est
notre rôle.
M. Dubé : Non, non, O.K. Bien,
moi, ça répond à mes questions, puis, merci, ça fait du bien de rire un peu ce
soir, là. Alors, je vais laisser mes collègues continuer, mais merci au
Barreau, parce que... et la Chambre des notaires. J'ai beaucoup apprécié vos
interventions.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Roberval,
2 min 30 s.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président.
Moi... sur le tiers de confiance, parce qu'on a
cet aspect-là dans notre projet de loi, puis il y a deux écoles de pensée, en
fait, et il y en a une qui dit que le tiers de confiance ne devrait pas avoir
de lien significatif, là, au niveau financier ou biens quelconques. Qu'est-ce
que vous pensez de ça? Parce que, dans votre pratique, vous avez dû en voir,
là, des vertes et des pas mûres, là, à ce niveau-là, du tiers de confiance qui
devra dire, à ce moment-là : Bien, je crois
que monsieur ou madame X, ou mon père, ou ma mère est devenu... et au moment où
il souhaiterait partir. Est-ce qu'il peut y avoir un danger là?
Des voix : ...
Une voix : Il est ouvert.
M. Lambert (Jean) : Ah bon.
Excusez-moi, je vais... je pense que l'aiguilleur n'était pas trop certain à
qui vous adressiez la question. Alors, est-ce que vous vous adressez à nous,
les notaires?
Mme Guillemette : Oui.
M. Lambert (Jean) : Si c'est à
nous, je vous dirais que, oui, effectivement, il y a une possibilité de danger,
et déjà le Code criminel dit que, si une personne peut penser qu'elle pourrait
avoir un avantage successoral, bon... Alors, c'est certain qu'on conseillerait
peut-être de... en fait, pas peut-être, on conseillerait définitivement de voir
à rechercher une autre personne qui n'a pas ce lien-là. Alors, ça, ça fait
partie, effectivement, là, de la discussion dont je parlais sur le choix du
tiers de confiance.
Maintenant, il y a une question, si vous me
permettez, subsidiaire qui est arrivée, à savoir si la personne a un mandataire
efficace, le mandat a été homologué, ou un curateur... bien, tu sais, ça, je
pense que ça va disparaître, là, mais l'assistant de la nouvelle loi sur le
Curateur public et le tiers de confiance, lequel des deux va l'emporter? Alors,
je pense que, comme pour les mandats... pour les directives médicales
anticipées, où on dit qu'elles prévalent sur les dispositions d'un mandat, je
pense qu'on pourrait établir la même prévalence pour le tiers de confiance par
rapport à un mandataire ou un protecteur, selon la loi du Curateur public.
Mme Guillemette : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée.
Mme Champagne (Sylvie) : Est-ce
que vous me permettez de compléter, ou c'est terminé?
Le Président (M. Provençal)
: C'est terminé, mais allez-y donc, une
petite minute, peut-être.
Mme Champagne
(Sylvie) : Oui. Je veux juste dire qu'il faut faire attention, que le
tiers de confiance, ça ne sera pas un mandataire, ce n'est pas un consentement
substitué. Donc, il faut faire vraiment attention pour ne pas faire des
raccourcis, ici, parce que le tiers de confiance ne donnera pas le consentement
pour l'aide médicale à mourir, il va seulement lever un drapeau. Alors, ce
n'est vraiment pas le même rôle qu'il aura à jouer qu'un mandataire.
Le Président (M. Provençal)
: ...précision.
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Non, je m'excuse. Je m'excuse,
maintenant, je dois céder la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président.
Merci, mesdames messieurs, pour vos
interventions assez importantes pour nos délibérations.
Écoutez, je m'adresse, dans un premier temps, à
maître... mais... Me Champagne, ce n'est pas une mince affaire, vous êtes
en train, si j'ai bien compris, de nous dire que la recommandation de notre
commission spéciale, le noeud du projet de loi devant nous, en quelque part, je
le dis comme ça, devrait être lettre morte jusqu'à tant que vous n'êtes pas en
mesure de prédire que le Code criminel soit amendé de la bonne façon. Pas du
tout une mince affaire. Vous êtes, comme moi, sans reconnaître qu'on est dans
un champ où il y aurait de la jurisprudence en pleine évolution chaque six
mois, chaque année.
Je veux, dans un premier temps, comprendre si
votre recommandation est assez inconditionnelle, dans un premier temps, et,
plus important, dans un deuxième temps, de comprendre vraiment, dans l'état
actuel où se trouve notre Code criminel aujourd'hui, c'est quoi, de façon
spécifique... On veut être responsables, comme législateurs, on a l'obligation de l'être, de comprendre les
conséquences de procéder, comme le Québec, dans ce dossier-là, a été
pionnier déjà et a procédé dans les zones grises, pour en dire le moindre,
jusqu'à date.
Pouvez-vous, comme je dis, nous clarifier, sur
ces deux aspects de questions? Est-ce que votre recommandation est
inconditionnelle, et, si oui, les conséquences que vous jugez très néfastes si
on était pour procéder avec une date identifiée et prescrite avant que le Code
criminel soit amendé de la façon que vous jugez nécessaire?
• (20 heures) •
Mme Champagne (Sylvie) : Je
pense, pour répondre à votre question, il faut faire un petit rappel
historique. Rappelez-vous, quand le Québec a légiféré puis a adopté la loi sur
les soins de fin de vie, il n'y avait pas de dispositions dans le Code criminel
sur l'aide médicale à mourir, il y avait comme un vide. Et la loi a été
adoptée, mais elle est entrée en vigueur beaucoup plus tard, c'est-à-dire en
décembre 2015, pour permettre aux professionnels de se préparer. Et, entre-temps, donc, en février 2015, il y a eu
l'arrêt Carter. Aujourd'hui, on n'est plus dans la même situation, c'est-à-dire
que le Code criminel a des dispositions qui décrivent très clairement
l'exception, dans le fond, qui est reconnue pour l'aide médicale à mourir, que
ça ne sera pas un crime.
Alors, si... et, si on regarde le Code criminel,
je peux vous donner les dispositions précises où il y a la possibilité d'y aller sans le consentement. Il y a deux cas
très précis, que Mme la bâtonnière vous a mentionnés tout à l'heure,
c'est lorsque la personne va avoir... elle
va avoir consenti, puis entre le deuxième moment... le deuxième médecin va
rendre son opinion, va perdre son
aptitude, il y a une possibilité, là, si elle avait dit dans son entente
qu'elle était prête à recevoir quand même
l'aide médicale à mourir, et ça, c'est l'article 241.2, 3.2a, qui le prévoit,
et 241.2, 3.5, si elle fait une autoadministration puis elle perd conscience. Outre ça, dans le Code
criminel, présentement, il n'y a pas de possibilité d'administrer une
aide médicale à mourir sans le consentement
contemporain. Maintenant, je pense, comme on vous l'a dit, c'est que le
Québec, on est encore en avant pour les demandes anticipées, et je pense que
c'est important de regarder et de faire l'exercice de bonifier le projet de loi
et d'être prêts quand le Code criminel sera permissif du côté de la demande
anticipée.
M. Birnbaum : Donc, alors, je
vais être clair sur ma deuxième question : C'est quoi, l'enjeu exact puis
précis? Admettons que, si le gouvernement du Québec identifiait une date pour
entrée en vigueur de la possibilité légale d'agir sur une demande anticipée,
est-ce que c'est qu'aux yeux du Code criminel ça serait illégal ou que ce n'est
pas prescrit, mais c'est une zone grise? Est-ce que c'est votre lecture que ça
serait un acte illégal de permettre dans... (panne de son) ...Québec avec une
date dans un proche avenir?
Mme Champagne (Sylvie) : Bien,
si le Code criminel n'est pas changé, c'est sûr que les médecins ou les
infirmières praticiennes spécialisées, c'est eux, dans le fond, qui vont
administrer l'aide médicale à mourir, et ça va les poser dans une zone très
inconfortable, sachant que le Code criminel n'est pas amendé.
Donc, vous avez eu le Collège des médecins, ce
matin, qui vous ont dit que, pour eux, leur interprétation était que ça ne
serait pas permis. Et placez-vous à la place, là, des professionnels
compétents, s'ils sont, comme vous dites, dans une zone grise et qu'ils sont
passibles de commettre un acte criminel, là, qui n'est pas rien, qui peut
entraîner de la prison, ce n'est pas la situation idéale, là, pour donner accès
aux personnes à l'aide médicale à mourir anticipée.
Donc, je pense qu'il faut... c'est des
situations qui sont sensibles, qui sont complexes, et je pense qu'il faut avoir
toutes les conditions gagnantes pour permettre, là, tant aux citoyens d'avoir
accès à l'aide médicale anticipée, mais aussi aux professionnels.
M. Birnbaum : Si je peux, parce
que le temps est très limité et je veux vous challenger...
Le
Président (M. Provençal)
: Et
Me Lambert voulait vous répondre aussi.
M. Birnbaum :
Est-ce que je peux offrir une précision à ma question, afin de vous laisser
répondre de façon la plus claire que possible? Vous avez, dans un temps, parlé
d'une zone grise, d'une autre fois, de longtemps, affirmé qu'on parlerait d'un
acte peut-être criminel. C'est deux choses différentes. Est-ce que c'est votre
lecture que, comme je dis, si le gouvernement du Québec déclenchait, avec une
date précise, la possibilité de donner suite à une demande anticipée, ça
serait, de votre lecture, un acte criminel aux yeux du code d'aujourd'hui?
Le Président
(M. Provençal)
: Me
Lambert, puis après ça on va redonner...
M. Lambert
(Jean) : Très rapidement, très rapidement. La chambre est tout à fait
d'accord avec la position du Barreau. S'il n'y avait pas eu la demande très
claire de la sénatrice Pamela Wallin, qui s'est fait refuser... Donc, si on
regarde... parce que, quand on interprète une loi, on regarde toujours les
travaux du législateur. Or, ça a été mis de côté. Donc, ça renforce le fait que
ce qu'on a devant nous, dans notre projet de loi, actuellement, ça serait
extrêmement dangereux. Et je pense que ce que le ministre disait, tantôt, d'une
mise en vigueur par arrêté en conseil plutôt que d'une date, ça serait vraiment
l'approche sage.
M. Birnbaum :
Merci. Je vais le laisser le temps qui reste à mes collègues. Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup.
Alors, M. le député
de Rosemont, au départ, vous avez 2 min 37 s, on ajoutera en
fonction. Allez-y.
M. Marissal :
O.K. Merci, M. le Président.
Il me semble, là,
qu'on s'égare un petit peu. Que le Québec prenne les devants avec sa
juridiction, ce n'est pas inusité, ce n'est
pas inusité. Puis, de toute façon, on le sait, qu'il y aura des contestations.
Ça a évolué de contestation en contestation. Je pense qu'on peut vivre
avec ça. Mais là, si je comprends bien, on irait de l'avant avec «handicap neuromoteur», par souci d'harmonisation avec le
fédéral, mais on mettrait sur pause «demande anticipée d'aide médicale à
mourir». C'est complètement le contraire de
ce qu'on a discuté ici. Puis à ce moment-là, bien, on peut déménager à
Ottawa aussi, peut-être, puis attendre qu'ils nous donnent leurs directives,
là. Mais je pense qu'on s'en va dans un cul-de-sac, là, avec ça.
Je comprends, je
comprends votre point de vue, là, légaliste, je le comprends, mais, pour une
fois que, là, tout le monde s'entend là-dessus, là, même nos amis libéraux,
avec qui, des fois, on ne s'entend pas tout le temps sur les juridictions puis
le rôle de l'un et de l'autre, là... C'est une discussion québécoise qu'on a
ici, là. Je ne veux pas faire de la politique, là, mais il se trouve qu'on fait
ça pareil ici, là. Je vois mal comment on pourrait retarder, d'autant que la
raison pour laquelle on a déposé le projet de loi là, là, puis qu'on veut
l'adopter avant la fin de la session, c'est parce qu'on pense qu'on peut le
faire puis qu'il y a des gens qui attendent, puis on s'est comme engagés à
faire ça.
Alors, faire un
projet de loi avec... c'est le contraire d'une date de péremption, c'est une
date d'entrée en vigueur, là, pour dire : On va peut-être faire ça dans
trois ans... Supposons que les conservateurs prennent le pouvoir à Ottawa puis
qu'ils décident que ce n'est pas du tout dans leurs priorités, le consensus
québécois vient de voler en éclats puis de passer à travers les volontés
d'Ottawa, Ottawa qui s'est cherché aussi un peu, là, là-dedans, là. Je ne les
blâme pas, c'est un dossier complexe, on a passé des centaines d'heures, nous,
ici, à étudier la chose.
Mais, à moins que
vous trouviez un autre argument, en tout cas, moi, je ne suis absolument pas de
l'avis politique — mais
je ne suis pas avocat puis je ne suis pas membre du Barreau, là — qu'il
faut aller de l'avant avec votre suggestion.
Le Président
(M. Provençal)
: ...
Mme Claveau
(Catherine) : Si vous me permettez, je veux juste vous rappeler que le
Barreau a comme mission principale, là, la protection du public, et, lorsqu'on
intervient pour commenter des projets de loi, on lève des drapeaux rouges, on
éclaire les parlementaires sur les impacts légaux issus de la jurisprudence, de
la tendance... la différence entre un Code criminel et une loi québécoise,
alors, c'est notre rôle. Évidemment, on n'est pas ici pour prendre position, et je vous le rappelle, c'est
bien important. Mais malheureusement, dans l'état actuel des choses, il y
a des risques, et, si on peut réitérer ce que l'ordre des médecins vous a dit
ce matin, pour les professionnels de la santé, c'est une situation très
inconfortable.
M. Marissal :
...et je comprends votre point de vue, là. Je comprends le rôle que vous jouez
aussi, puis on apprécie, là, prenez-le pas mal, on apprécie vos lumières. Cela
dit, est-ce qu'il est possible d'avancer puis de faire avancer cette
législation, de mettre... je vais le dire comme ça parce que je n'ai pas
beaucoup de temps, là, pour faire de la finesse, là, mais de mettre la balle au
jeu puis d'y aller avec le consensus du Québec avec une loi au Québec? Est-ce
que c'est possible de le faire?
• (20 h 10) •
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, nous, notre proposition, c'est d'aller de l'avant,
donc, de tout préparer, d'être prêts, pas attendre un an et demi ou deux ans,
là, que le Code criminel soit... mais déjà prendre les devants puis tout
faire... tu sais, mettre en place ce système-là pour que, lorsque, finalement,
la loi aura été modifiée, le moment que ça sera en vigueur, bien, on sera prêts
à... qu'on soit prêts, que ça ne soit pas... été retardé.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup.
Alors, je vais céder la parole à la députée de
Joliette pour 3 min 17 s.
Mme Hivon : Merci beaucoup, M.
le Président.
Merci beaucoup à vous deux. Un, sur un aspect
très, très factuel, à la suite de la question du ministre, juste se rappeler
qu'à l'époque de l'adoption québécoise, vu qu'il y avait ces craintes-là qui
étaient énoncées par les médecins, il y avait eu une approche ceinture et
bretelles, on était dans nos champs de compétence, ça a été confirmé par la
Cour d'appel, d'ailleurs. Plusieurs nous disaient qu'on n'était pas dans nos
champs de compétence, à l'époque, quand on a fait la première loi sur les soins
de fin de vie. La Cour d'appel l'a confirmé en décembre 2015, que notre
compétence, elle était bien correcte, malgré le fait que le Code criminel
n'avait pas bougé. Mais il y avait eu une approche ceinture et bretelles de la
Procureure générale de l'époque, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée,
qui avait envoyé, donc, une orientation pour instruire les procureurs de ne pas
poursuivre, pour envoyer un message très clair que, s'il y avait une confusion,
c'était très clair, et donc, à leur tour, le DPCP envoyait cette directive aux
procureurs en chef. Juste pour qu'on s'en rappelle. Je viens d'aller vérifier,
puis l'orientation ministérielle, elle est toujours là, sur le site du DPCP,
donc elle pourrait être ajustée, éventuellement.
Mais, comme on l'avait dit à l'époque, c'était
vraiment ceinture et bretelles, parce qu'on était tout à fait convaincus qu'on
était dans notre champ de compétence. Et là moi, je dois vous dire, humblement
soumis, comme on dit dans le langage juridique, que, là, je pense qu'on l'est
toujours avec la demande anticipée, parce qu'on est vraiment dans le domaine du
Code civil, l'inaptitude, tout ce qui est ce qu'une personne inapte peut faire,
ne pas faire.
Donc, on pourrait avoir un grand débat constitutionnel,
là, j'en conviens, puis il pourrait y avoir plusieurs avis différents. Ce n'est
pas le but, ce soir. Mais je pense que c'est important que nous, on soit
conscients aussi qu'on a nos compétences en droit civil, en santé, en lois
professionnelles. Et ça ne veut pas dire que ça ne simplifierait pas la vie de
tout le monde que tout soit parfaitement pareil, mais, si le Québec avait
attendu ça, on serait restés les deux pieds dans le ciment puis on n'aurait
jamais été les précurseurs qu'on a été, qui ont influencé le reste du Canada.
Puis, je pense, c'est un peu ce qui nous anime pour la demande anticipée, parce
qu'on ne voit pas ça à l'horizon, au fédéral, et je pense qu'ici, au Québec, il
y a vraiment une grande réflexion puis un grand consensus là-dessus. Donc, je
voulais juste mettre ça dans le contexte.
Sur la question de l'acte notarié, je voulais
vous entendre les deux. Évidemment, vous avez des positions un peu différentes.
Quelqu'un nous dit : tout le temps notarié; le Barreau nous dit :
jamais notarié. La proposition, dans la loi, c'est un peu comme les directives
médicales anticipées, c'est de dire : la personne a le choix. Donc, si
elle veut être certaine puis être bien accompagnée par un professionnel du
droit, elle va chez le notaire, mais on permet, comme pour les directives
médicales anticipées, un formulaire qui fait en sorte qu'une personne n'est
peut-être pas accompagnée de la même manière, mais, si elle se sent, elle,
outillée, c'est plus accessible. Bon, je ne suis pas ent train de dire que vous
avez des honoraires prohibitifs, mais on se comprend qu'il n'y a pas
d'honoraires. Est-ce que c'est un compromis, autant la Chambre des notaires que
le Barreau, avec lequel vous pouvez vivre, notamment à la lumière de
l'expérience pour les directives médicales anticipées? Je ne sais pas qui veut
se lancer.
Une voix : ...
Mme Hivon : Les notaires? Oui,
parfait.
M. Lambert (Jean) : Alors, le
choix, bien sûr, c'est mieux que rien. Mais je pense qu'on est ici à un niveau
où le degré de certitude, de fiabilité est très élevé. Et vous parliez tantôt
de le... et vous savez l'admiration que j'ai pour vous, que... le rôle de
précurseur, mais il faut comprendre qu'à l'époque on traitait de personnes qui
étaient conscientes, aptes jusqu'à la fin, ce qui n'est pas le cas, et ça
change beaucoup la donne. Et c'est pourquoi je m'interroge, moi, malgré la
directive qui peut être donnée par le ministère de la Justice au DPCP :
Qu'est-ce qui arriverait si un citoyen pas heureux que ça se soit passé dans sa
famille décide de porter plainte directement? Alors, comment ça va être traité?
Et je pense que la date de mars 2023, au fédéral, pour accoucher, on devrait
penser que ça va... à ce moment-là, que ça
devrait régler la question. D'après nos informations, ça serait ça. Donc,
l'entrée en vigueur par décret, ça serait parfait.
Et contrairement à ce que M. Marissal
pense, vous ne faites pas oeuvre inutile, bien au contraire, vous allez, encore
une fois, exprimer le leadership, vous allez mettre de la pression pour que ça
aille de l'avant, et quand ça va arriver, nous, au Québec, on va être prêts.
Le Président (M. Provençal)
: Je vais passer la parole, maintenant,
à la députée de Maurice-Richard... Vous cédez votre temps?
Mme Montpetit : Je peux céder
mon temps à la députée de Joliette, oui, absolument.
Le Président (M. Provençal)
: Alors...
Mme Hivon : Il y a tellement de
magnanimité ici, c'est extraordinaire!
Donc, je veux juste dire, oui, mais 2023, c'est
les troubles mentaux, hein? Il n'y a rien dans le Code criminel... Je veux
dire, il n'y a pas de discussion. Il y a une discussion, là, générale sur la
demande anticipée, mais il n'y a pas de clause crépusculaire par rapport à ça,
contrairement aux troubles mentaux.
Je
reviens, donc, acte notarié ou pas, donc, le Barreau va vouloir me répondre, je
vais vous écouter.
Puis mon autre
question — parce
que, même si ma collègue est super généreuse, il me reste juste deux minutes — c'est
que, dans la loi, ça prévoit que, si on travaille avec un notaire, il faut à la
fois avoir la personne qui fait la demande,
le notaire, le médecin qui l'accompagne et le témoin. Ma question à
1 000 $ : Est-ce réaliste de réunir tout ce monde-là? Avec la
réalité de chacune de ces professions-là, est-ce qu'on devrait être plus
flexibles? Donc, voilà.
Le Président
(M. Provençal)
: Alors,
on commence par madame.
Mme Champagne
(Sylvie) : Sur l'acte notarié, je vous dirais qu'également le projet
de loi prévoit que le formulaire doit être annexé à l'acte notarié, donc c'est
un formalisme qui est très exigeant. Qu'une personne choisisse d'aller chez le
notaire pour le faire, c'est une chose, mais que la loi dise qu'on doit aller
chez le notaire ou le faire par témoin, c'est le «doit» qui est... c'est un ou
l'autre. Alors, c'est comme si on... et qu'une fois qu'on va chez le notaire
avec l'acte notarié, on est obligé, comme vous avez dit, de déplacer tous ces
gens ou de concilier tous les agendas. Et il
y a aussi toutes les questions, lorsque la personne va vouloir retirer sa
demande anticipée ou qu'elle va vouloir la modifier. Il ne faut pas
oublier que, si ça a été fait par acte notarié, bien, on n'aura pas le choix de
retourner chez le notaire.
Donc, pour nous, ça
complexifie, alors que les formulaires permettraient, parce que les formulaires
vont être bien faits, comme les DMA, aux personnes de le faire avec un
formalisme moins grand.
Le Président
(M. Provençal)
: 30 secondes,
Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : Avec respect, le retrait n'a pas besoin d'être notarié. Je
pense que le formulaire de la RAMQ, du registre va suffire. Par ailleurs, au
niveau des honoraires, si on élimine la question des honoraires, vous pouvez
être certains que les gens vont choisir d'aller notarier.
Maintenant, il y a
une chose, c'est qu'aujourd'hui, sur le plancher de l'Assemblée nationale, il y
a eu le dépôt du projet de loi n° 40 qui va rendre permanent l'acte
notarié technologique, où là les gens n'ont pas à se déplacer, il s'agit qu'ils
soient en présence. Et on l'a fait, c'est de même qu'on a réglé de nombreux...
milliers de cas, pendant la pandémie, tellement que maintenant, le législateur,
vous avez devant vous un projet pour rendre ça permanent, tellement que ça a
été utile et facilitateur.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup pour cette qualité des échanges. Alors, je vous invite, si vous avez
d'autres documents à nous faire parvenir, à nous les faire parvenir.
Et, sur ce, nous
allons suspendre pour faire place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 20
h 20)
(Reprise à 20 h 24)
Le Président
(M. Provençal)
: Nous
reprenons nos travaux.
Je souhaite la bienvenue
aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec
les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et, par la suite,
à débuter votre exposé. Je vous cède maintenant la parole.
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Bonjour, M. le Président. Mon nom est Pierre-Paul
Malenfant, je suis président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des
thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, je suis accompagné ce soir par Mme Marie-Lyne
Roc, travailleuse sociale et directrice des affaires professionnelles à l'Ordre
des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec,
ainsi qu'avec M. Alain Hébert, conseiller principal au sein de cette même
équipe.
Je
tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir invités à prendre part à ces
consultations particulières sur le projet
de loi n° 38, Loi modifiant la Loi concernant les soins de
fin de vie et d'autres dispositions législatives. Malgré le court préavis, qui n'a pas permis à l'ordre de
faire une analyse aussi approfondie qu'à l'habitude, j'espère que les
préoccupations soulevées ce soir
trouveront un écho auprès de vous et permettront de vous éclairer dans votre
rôle de législateur.
D'entrée de jeu,
l'analyse du projet de loi nous a permis de constater la cohérence entre ce
dernier et les recommandations figurant au sein du rapport de la Commission
spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, déposé
en décembre dernier. Le projet de loi prévoit en effet la possibilité de
formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir pour les personnes
atteintes d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir
aux soins, dans la mesure où elle répond aussi aux autres critères prévus à la
loi.
L'ordre comprend la
volonté du gouvernement et des différents partis d'opposition de tabler sur les
consensus pour procéder à une adoption rapide du projet de loi, mais nous
estimons qu'il faudra, plus tôt que tard, se pencher sur la possibilité de permettre
l'aide médicale à mourir pour les personnes avec un handicap neuromoteur grave
et incurable ainsi que celles vivant avec un trouble mental réfractaire.
Les
quelques observations présentées ci-après sont, d'une part, le fruit des
réflexions de l'ordre depuis plusieurs années. Elles sont également le
reflet de l'expérience professionnelle de nos membres, travailleurs sociaux et travailleuses sociales, qui, depuis l'entrée en
vigueur de la loi, jouent un rôle important au sein des équipes
interdisciplinaires.
Les travailleurs sociaux accompagnent les
personnes qui ont fait une demande d'aide médicale à mourir en les informant
des différents soins et services de fin de vie possibles. Ils discutent des
enjeux qui y sont reliés, tout en les soutenant, au besoin, dans leur prise de
décision. Ils apportent aussi un soutien émotionnel à la personne et à ses
proches, que ce soit en amont, avant le soin d'aide médicale à mourir, ou
après, pour accompagner les proches dans le deuil. Enfin, par leur évaluation du
fonctionnement social, ils contribuent à contextualiser la demande d'aide
médicale à mourir formulée par la personne.
Dans le cas des demandes anticipées,
l'implication du travailleur social est d'autant plus pertinente alors que le Code
des professions le reconnaît comme le seul professionnel du domaine de la santé
mentale et des relations humaines pouvant procéder à l'évaluation psychosociale
d'une personne majeure en situation d'inaptitude.
Pour l'essentiel, l'ordre est d'accord avec les
nouvelles dispositions prévues au projet de loi n° 38.
Soulignons particulièrement, dorénavant, l'obligation pour les établissements
de constituer un groupe interdisciplinaire de soutien.
L'ordre souhaite toutefois attirer l'attention
des parlementaires et faire part de ses préoccupations sur certains points
majeurs : premièrement, le rôle du tiers, l'évaluation des souffrances et
la nécessité d'une garantie procédurale; deuxièmement, l'organisation des
services et l'évaluation de l'implantation des nouvelles dispositions; enfin,
la poursuite des réflexions pour l'admissibilité des personnes présentant un
handicap neuromoteur et celles vivant avec un trouble mental réfractaire.
Dans son mémoire, l'ordre soulignait le rôle
majeur de l'ensemble des professionnels engagés auprès de la personne et
réitérait l'implication indispensable des médecins qui se voient confier la
lourde responsabilité de dispenser l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, nous
accueillons favorablement le partage de cette responsabilité, dorénavant, avec
les infirmières praticiennes spécialisées dans les dispositions du projet de
loi.
Toutefois, l'ordre rappelle ici, comme il le
faisait dans son mémoire, l'importance que ce soin ne devienne pas strictement
une affaire de professionnels. Dans cet esprit, nous nous inquiétons des
responsabilités quasi exclusives accordées aux professionnels compétents, sans
contrepartie tierce, nécessaire dans le processus de traitement d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir.
En ce sens, nous recommandons d'inclure dans le
projet de loi la recommandation 8 formulée dans le rapport Filion-Maclure
en 2019, à savoir : «Qu'en l'absence d'un tiers désigné, ou dans
l'éventualité d'un refus, désistement ou empêchement de sa part, la demande de
traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir se fasse par une
personne démontrant un intérêt pour le patient ou, à défaut, par une autorité
externe impartiale, dont le mandat serait de protéger la volonté du patient et
d'agir dans son meilleur intérêt.»
Dans une perspective de protection du public et
d'intérêt supérieur de la personne, le rôle du tiers de confiance ainsi bonifié
permettrait d'assurer une garantie procédurale. En outre, devant le refus
d'administrer le soin d'aide médicale à mourir, le tiers de confiance devrait
être en mesure, sur la base de motifs sérieux, d'en appeler à une instance
appropriée et impartiale pour adresser une demande de révision.
L'ordre reconnaît le droit absolu de refuser, en
tout temps, un soin, particulièrement dans un contexte d'aide médicale à
mourir. Toutefois, l'ordre est préoccupé par l'actualisation des dispositions
relatives au refus de la personne inapte lors de l'administration de ce soin,
alors qu'elle en avait fait la demande anticipée. Ce sujet devrait être amplement
discuté, avec toute la considération voulue, lors de la formulation de la
demande anticipée.
• (20 h 30) •
L'ordre souhaite également porter à l'attention
des parlementaires les difficultés de mise en oeuvre que posent les
articles 29.7 à 29.10 dans le contexte actuel des services de santé et des
services sociaux. En effet, ces articles réfèrent à un idéal malheureusement
bien loin des réalités vécues et rapportées par nos professionnels ainsi que
par les usagers eux-mêmes.
Les nouvelles dispositions supposent l'existence
d'une équipe de soins stable autour de la personne, avec une continuité de
services qui perdurent dans le temps. Or, il appert, selon plusieurs
observations et constats, que l'existence de ces conditions est pour le moins
inégale dans le réseau de la santé et des services sociaux, constituant un
obstacle majeur à la mise en oeuvre de la loi d'un point de vue de protection
du public. Ainsi, il nous apparaît quasi impossible d'assurer une prestation de
services optimale à la hauteur des désirs et responsabilités des
professionnels, et des souhaits, et des droits de la population.
Force est de constater que les nouvelles
dispositions pour permettre aux personnes inaptes d'obtenir le soin d'aide
médicale à mourir poseront des défis et des enjeux majeurs. En ce sens, l'ordre
recommande d'intégrer au mandat de la Commission sur les soins de fin de vie
celui de procéder à une recherche évaluative de leur implantation au cours des
prochaines années. Cela permettrait d'apporter les ajustements nécessaires dans
un esprit d'amélioration continue et d'accès aux services.
Par ailleurs, dans son mémoire, en août dernier,
l'ordre mentionnait s'expliquer mal les raisons de restreindre la possibilité
de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir aux seules personnes
ayant reçu un diagnostic de maladie dégénérative incurable. En vertu du
principe d'autodétermination de la personne, nous sommes d'avis que les
personnes aptes qui le souhaitent devraient pouvoir faire une telle demande en
prévision de toute situation médicale se caractérisant par un déclin avancé et
irréversible de leurs capacités ainsi que le fait d'éprouver des souffrances
insupportables, incluant la survenue d'un accident.
En ce sens, l'idée de
permettre aux personnes vivant avec un handicap neuromoteur de demander l'aide
médicale à mourir est accueillie favorablement par l'ordre, dans la mesure où
les critères prévus à la loi s'appliquent. Nous sommes...
nous demeurons tout aussi d'avis que les personnes vivant avec un trouble mental
réfractaire puissent y avoir accès. Cependant, nous comprenons qu'il n'y a pas
consensus suffisamment large sur cette question et qu'un dialogue social doit
se poursuivre afin de pouvoir l'intégrer à la loi éventuellement.
En terminant, vu le
délai très court dans lequel se déroule l'étude de ce projet de loi extrêmement
sensible, je me permets de formuler une mise en garde. Au cours de la dernière
semaine, nos échanges avec les travailleurs sociaux sur le terrain soulèvent
des préoccupations par rapport à l'accès aux demandes anticipées et à la
stabilité des équipes de soins. Dans la mesure où au cours des consultations
particulières demain vous en veniez à la conclusion que plusieurs voient trop d'enjeux quant aux modalités d'élargissement de
l'acte à l'aide médicale à mourir... ont été soulevés par les groupes
entendus, nous croyons qu'il faudrait alors faire preuve de prudence, de
sagesse et considérer l'option de poursuivre la réflexion au-delà du
10 juin.
Je vous remercie de
votre attention, et nous sommes maintenant prêts à échanger avec vous.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup pour votre exposé.
Nous allons initier
cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, c'est à vous la parole.
M. Dubé :
Oui, très bien. M. Malenfant, entre autres, et vos deux collègues, là,
Mme Roc et M. Hébert... M. Malenfant,
j'ai eu la chance de vous rencontrer, la semaine dernière, dans une rencontre
où tous les ordres professionnels étaient là, et vous m'avez bien dit de
faire attention, lorsque je référais au réseau de la santé, de bien dire au
«réseau de la santé et des services sociaux», alors donc je me suis forcé,
depuis une semaine, à respecter vos désirs.
Puis on me portait
comme attention que, dans l'article 29.11, on a peut-être une précision à
apporter dans le dernier paragraphe, parce qu'on parle ici du... «professionnel
informe de l'existence de la demande les autres professionnels de la santé», et
on devrait lire «et des travailleurs sociaux». Alors, je veux juste être certain
que nous allons faire cette correction-là, parce que je pense qu'il est
important de référer au ministère dans... je dirais, dans toutes ses lettres de
noblesse, et vous en faites partie. Et je m'excuse de ne peut-être pas avoir
été à la hauteur de ça dans les dernières semaines, et je m'en excuse, je vais
corriger.
Vous venez de dire
quelque chose que je trouve très important, là, par rapport au délai et au
travail immense qu'on fait dans une dizaine de jours. J'ai bien expliqué ce
matin que jamais, au grand jamais, nous n'allons demander aux parlementaires de procéder si les gens ne sont
pas à l'aise avec l'avancement des travaux. Je pense que la qualité des
discussions qu'on a avec les différents experts — comme vous, entre
autres, aujourd'hui — me
font penser qu'il sera possible de le faire, mais je ne veux pas présupposer
des conclusions, on est à notre première journée de consultations.
Mais ce que
j'aimerais vous demander, un peu ce que j'ai demandé à tous les autres, là...
puis là je n'ai pas eu... je n'ai pas eu la
chance... je regardais pour voir si vous avez publié un mémoire. Le mémoire
dont on parle, est-ce que c'est celui que j'ai devant moi? Est-ce que le
mémoire qui vient d'être déposé là, qui a été déposé dans la journée et qui
fait référence aux trois points... Attendez une minute, là, je suis juste en
train de regarder, parce que je vous écoutais puis je regardais les points.
Qu'est-ce qui, selon vous... Je vais vous le demander autrement :
Qu'est-ce qui, selon vous, aujourd'hui, ferait qu'on ne serait pas en mesure de
procéder la semaine prochaine? S'il y a quelque chose, là, qui est important pour vous, pour votre ordre, à vous, qu'est-ce qui
est important de régler, ou de s'assurer qu'il y ait un consensus sur un
ou deux points, là, que vous venez de discuter?
Parce que, moi, ce
que j'entends, je vous donne un exemple, j'entends qu'il y a des aires communes
ou des thèmes communs, où tout le monde a l'air de s'entendre ou pas,
aujourd'hui. Il y a... On a déjà commencé à voir des thèmes, où on dit :
Ça, il faut faire une correction sur, par exemple, la dernière volonté, s'il y
avait une hésitation du patient, ça a été soulevé plusieurs fois. Bon, je vous
donne cet exemple-là, là, mais il y en a sûrement d'autres. Pour vous, en tant qu'ordre
professionnel des travailleurs de la santé et des services sociaux, c'est quoi
qui vous préoccupe le plus? Est-ce que c'est le tiers indépendant? Est-ce
que... Je veux juste vous entendre là-dessus pour qu'on puisse préciser,
lorsqu'on fera l'article par article, des éléments où on dit : Ça, quand
on a écouté cet ordre professionnel là, c'est ça qu'ils nous ont soulevé.
Est-ce que je peux vous demander de me revenir avec un ou deux points?
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Bon. La question, bien entendu, des pairs aidants, je
ne sais plus comment qu'on l'appelait exactement, là, des tiers, je pense que
c'est très important qu'on le précise.
Et, à la question,
également, de la disponibilité des services dans la continuité...
M. Dubé :
...excusez-moi, je ne veux pas vous couper. Continuez, je reviendrai.
Excusez-moi.
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Il y a toute la question de la disponibilité des
services. Quand on parle des équipes qui vont suivre, au fil du temps, la
personne pour pouvoir assurer les services, il s'agit juste de s'imaginer la
différence de services qui peut exister dans une région comme Montréal, ou bien
donc sur la Basse-Côte-Nord, ou encore en Gaspésie, ou en Abitibi, où on voit
qu'il y a déjà une pénurie de personnel, de professionnels, alors d'assurer une
continuité, à partir du moment que la personne, elle a signé cette demande
anticipée, aller jusqu'à l'application, il risque d'y avoir un roulement de
personnel qui fait en sorte que ça va être difficile d'assurer, à un moment donné,
une cohérence entre la demande anticipée et l'application au moment venu.
Et je pourrais
peut-être laisser mon collègue Alain Hébert compléter.
M. Dubé :
O.K. On va écouter.
M. Hébert
(Alain) : Oui. Puis en fait, c'est ça, c'est que, dans l'effort que
nous avons fait de présentation ce soir, dans le fond, auprès de vous, les
éléments importants, on les a vraiment ciblés dans... vous disiez, là, le
mémoire, effectivement, en fait c'est l'allocution de ce soir qui est
présentée. On faisait allusion à un mémoire qu'on a présenté l'été dernier, au mois d'août, dans le cadre des
travaux de la commission, là. C'est de ça dont on voulait parler par
«mémoire».
Maintenant, c'est sûr que les... ce qu'on trouve
comme points majeurs dans ce qu'on vous présente ce soir, ce sont, pour nous,
les éléments de vigie qu'on vous soulève comme préoccupations. Comme vous
voyez, on est d'accord sur le fond, tout à fait, et on comprend très bien, et
on s'est prononcés à ce sujet-là déjà à différentes reprises. Mais les points
de vigie par rapport au tiers de confiance, par rapport à la question de
l'actualisation du refus de la personne, la question
d'une évaluation d'implantation par rapport aux nouvelles dispositions
relatives aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir, ce sont
vraiment des éléments importants, là, en complément de ce que M. Malenfant
vous apporte.
Je ne sais pas, Marie-Lyne, si tu souhaitais
compléter.
M. Dubé : ...très bien. Tout à
l'heure, c'est parce que j'étais mêlé entre celui que vous aviez déposé
l'automne dernier versus celui qui est daté du 31 mai, là, mais, avec
votre précision, je le vois très bien. Je n'aurai pas besoin d'autre commentaire,
c'est très clair, ce que vous avez fait dans... Puis, encore une fois,
j'apprécie que vous l'ayez déposé dans presque un temps record, je vais le dire
comme ça, là, alors merci beaucoup.
Puis, sur la question de cette tierce personne
là, est-ce que votre ordre professionnel permettrait qu'un membre de votre
ordre puisse agir comme tiers... je ne me souviens jamais du nom...
Une voix : ...
M. Dubé : ...de tiers de
confiance? Merci. Est-ce que votre ordre professionnel le permettrait?
• (20 h 40) •
Mme Roc (Marie-Lyne) : En fait,
nous n'avons pas pensé que le tiers de confiance serait un professionnel. En
fait, ce qu'on a pensé, c'est plus de s'assurer que le tiers, au contraire,
serait un proche de la personne, une personne qui l'a vu évoluer, qui était
présente lors de la mesure anticipée... de la demande anticipée. Effectivement,
l'évaluation du travailleur social serait une évaluation indépendante, là, du
tiers de confiance. Effectivement, le tiers de confiance pourrait... le travailleur
social pourrait consulter le tiers de confiance dans le processus pour bien
s'assurer qu'effectivement on est... on respecte les volontés de la personne et
la souffrance qu'elle anticipait vivre, bien, on est capable, effectivement, de
la contextualiser. C'est dans cet esprit-là. Donc, on voyait que c'était quand
même deux personnes indépendantes, là.
M. Dubé : Très
bien. O.K. Bien, j'aurais d'autres questions, mais, si jamais... Je vais aller
du côté de mes collègues.
Une voix : ...
M. Dubé : Bien, écoutez, c'est
parce que... S'il n'y a pas de question pour le moment, je peux y aller encore,
Nancy? Oui.
Bien, c'est parce que j'essaie de... bon. Vous
me dites : Le travailleur social ne devrait pas être le tiers, mais, en
même temps, comment important il est dans cette analyse-là? Parce qu'on parle
beaucoup du rôle du médecin ou de l'IPS,
mais on n'a pas... moi, je n'ai pas beaucoup entendu parler du rôle du
travailleur social dans un cas où... peut-être par défaut ou par préjugé, je pense plus à santé mentale quand je pense
à un travailleur social, alors que ce n'est peut-être pas juste ça qu'il faut penser. Alors,
expliquez-nous, pour qu'on réfléchisse, comment est important le rôle du
travailleur social dans cette évaluation-là, dans un contexte où on ne parle
pas de santé mentale, ici, là, parce qu'on l'a bien dit, même si un jour
peut-être qu'on sera rendus là, comme le dit bien... si bien la députée de
Joliette, mais on n'est pas là aujourd'hui. Quel est le rôle que vous voyez du
côté du travailleur social dans cette première ou cette deuxième phase là qu'on
est en train de faire? Je ne sais pas...
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : M. Dubé, écoutez, j'aime ça vous entendre
quand vous dites : Bien, on a souvent l'image du travailleur
social, la travailleuse sociale en santé mentale. Souvent, nous, on trouve, des
fois, qu'on ne parle pas assez du rôle des travailleurs sociaux en santé
mentale. Alors, oui, on est en santé mentale, mais on est dans tous les secteurs de la société. Qu'on travaille en
protection de la jeunesse, qu'on travaille avec la petite enfance, partout,
on est partout, donc. Puis, comme aussi
quand on... il est question d'évaluation psychosociale pour l'ouverture d'un
régime de protection, alors, c'est un acte qui est réservé exclusivement
à notre profession. Alors, c'est dans... je dirais, dans notre ADN, de faire ce
travail-là, et on est impliqués dans les équipes interdisciplinaires, que ce
soit pour l'aide médicale à mourir ou que ce soit pour d'autres problèmes
sociaux. On joue un rôle très important parce qu'il est de notre mandat, de notre acte, je dirais, de base d'assurer
l'évaluation du fonctionnement social de la personne dans son environnement
et...
M. Dubé : Je veux juste
peut-être être plus précis dans ma question. Jusqu'à maintenant — ce
que moi, j'ai entendu — ça
devient assez évident d'écouter le médecin ou l'IPS pour parler des aspects
cliniques, des aspects de souffrance physique, ça m'apparaît assez clair. Quand
on arrive avec le travailleur social, puis lorsqu'on définissait quels étaient
les stades, puis là est-ce que je peux parler de démence heureuse, est-ce que
je peux penser... de différents concepts qui sont plus, pour moi, de... puis là
je veux faire attention, parce que ce n'est pas de santé mentale... on veut le
mettre de côté. Mais je veux vous entendre là-dessus, comment vous pouvez aider
à quelqu'un qui va avoir à faire sa liste, de dire :
Moi, c'est à ce moment-là que je voudrais... je suis peut-être rendu, au niveau
clinique, au stade 5 d'alzheimer, mais en termes de comment je me sens, la
dépendance par rapport à des proches. Tout ce qu'on a discuté un peu
aujourd'hui, je pense que vous pouvez... à ce moment-là, les travailleurs
sociaux peuvent apporter beaucoup de valeur. C'est ça que je veux entendre,
comment vous êtes importants dans ce processus-là, alors que, même, on ne parle
pas de... spécifiquement de santé mentale. Vous... J'espère que je suis clair
dans ma question. C'est sur ça que je veux vous entendre.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : J'inviterais
mon collègue Alain à préciser.
M. Hébert (Alain) : Bien, pour
nous, comme ordre, on voit... Le travailleur social, ce qu'il fait, c'est une
évaluation du fonctionnement social, c'est ça, son champ d'exercice. Et, pour
nous, on voit, comme ordre, que cette évaluation du fonctionnement social peut
être contributive, apporter un éclairage au professionnel compétent, on va
dire, maintenant, avec le projet de loi, au médecin ou à l'infirmière praticienne
spécialisée qui va être... qui va avoir le rôle de déterminer l'admissibilité à
l'aide médicale à mourir et le rôle aussi, au départ, d'assister la personne
pour formuler une demande anticipée, là. Il n'est pas nécessairement prévu que
le travailleur social soit formellement présent au moment de la formulation de
la demande. Il pourrait l'être comme membre de l'équipe interdisciplinaire au
moment où il paraît y avoir des souffrances qui pourraient nécessiter une
évaluation de la situation de la personne pour déterminer si on est parvenu au
moment où elle correspond aux critères pour recevoir cette aide médicale à
mourir telle qu'elle... comme elle en a formulé la demande. Mais il n'est pas
du tout exclu que le travailleur social, à cette première étape, puisse agir
comme, premièrement, aide à une décision de la personne, aider la personne à
prendre une décision, est-ce que je vais faire une demande anticipée ou pas de
façon complémentaire au professionnel compétent. Le travail social, ce qu'il va
voir avec la personne, sa réflexion va porter sur le fonctionnement social de
la personne, c'est-à-dire sur comment elle pense répondre à ses besoins,
comment elle exerce ses rôles sociaux, comment... c'est quoi, son projet de
vie, quelles sont ses aspirations, ses relations avec les autres, avec son
environnement. Et, à ce moment-là, ce qu'elle va regarder, c'est à quel moment
la personne va estimer que son fonctionnement social va être entravé par ses
souffrances et les critères pour recevoir l'aide médicale à mourir de façon
suffisante pour justifier sa demande, pour
aider la personne à faire cette réflexion-là, quoique ce n'est pas
nécessairement le rôle du travailleur social, dans le projet de loi, de
faire ça. Mais, pour nous, on ne veut pas enlever les responsabilités au
professionnel compétent de faire ça, là,
soyez rassurés, mais, simplement, on pourrait être un professionnel qui
contribue par son évaluation à ceci.
Même chose au moment où le médecin... où le
professionnel compétent, je devrais dire, est prévu dans le projet de loi comme
pouvant... comme ayant le mandat d'évaluer la situation de la personne pour
déterminer si on est parvenu au moment de lui administrer l'aide médicale à
mourir, le projet de loi prévoit une discussion et un échange avec les professionnels,
les membres de l'équipe interdisciplinaire lorsqu'il y a... ils sont présents
lorsqu'il y a un suivi. À ce moment-là, le travail social peut être
contributeur, en termes d'éclairage, dans cette prise de décision par le
médecin, comme membre de l'équipe interdisciplinaire.
M. Dubé : Pour moi, c'est très
clair. O.K., c'est beau. Merci beaucoup. Je vais laisser peut-être...
Le Président (M. Provençal)
: Une minute, Mme la députée.
Mme Guillemette : Une minute.
Merci, M. le ministre.
Merci d'être avec nous ce soir. Très, très
rapidement, j'aimerais vous entendre, parce que, oui, accompagner la personne
qui demande l'aide médicale à mourir, mais vous êtes en mesure également
d'accompagner le tiers qui aura à vivre après avec le fait qu'il a déclenché la
demande d'aide médicale à mourir, donc je pense qu'on ne peut pas... bien, je
dis «abandonner»... on ne peut pas le laisser, on aura un suivi à faire avec
cette personne-là, et je pense que l'Ordre des travailleurs sociaux serait en
mesure d'accompagner, pour un certain temps, cette personne-là pour qu'elle
soit à l'aise avec la situation qu'elle aura vécue.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Effectivement,
on est vraiment au coeur, là, de ce que font les travailleurs sociaux. Vous
savez, il y a une grande partie, c'est de travailler avec la personne et son
environnement. Son environnement, on entend les proches, son environnement
immédiat, son environnement qu'on appelle sociétal, donc toutes les parties prenantes qui gravitent autour de cette
personne-là. Donc, notamment, la personne qui aura à prendre cette décision-là
et à tout le moins de lever le drapeau pour dire : Bien, ma personne chère
avait fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir, et je crois que je
veux, en respect de ses volontés... je souhaite déclencher ça, effectivement,
ça va susciter toutes sortes d'émotions, et le travailleur social est vraiment
une personne clé qui peut accompagner la personne. On est formés pour ça et
puis on le fait déjà. C'est-à-dire, pour les personnes, les proches qui
accompagnent une personne qui demande l'aide médicale à mourir, on sait que la
suite est souvent très difficile parce qu'on doit traverser un deuil, et on est
tout à fait formés pour accompagner les personnes en ce sens.
Mme Guillemette : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Nous allons poursuivre cet échange avec le
député de D'Arcy-McGee pour 10 min 10 s.
• (20 h 50) •
M. Birnbaum :
Merci beaucoup, M. le Président.
Merci beaucoup, Mme Roc,
M. Malenfant, M. Hébert, pour votre exposé aussi éclairant cette
fois-ci que ce l'était devant notre commission spéciale. Vous avez, en quelque
part, justement, une perspective privilégiée et très intéressante sur le
terrain. Et en vertu, en quelque part, de votre rôle, je me permets de le dire
comme ça, généraliste, c'est une perspective très intéressante et très
importante. Nous, on doit, à chaque seconde, je l'espère, penser et réfléchir
sur la façon que tout ça va atterrir et comment d'assurer que ce soit fait de
façon compatissante et très équitable sur le terrain et que, quand on parle des
choix libres et éclairés, et tout ça, est-ce que ça se manifeste, une autre
fois, de façon équitable et claire sur le terrain.
Et là-dessus, compte
tenu de l'expérience de vos membres, j'aimerais vous entendre sur l'état actuel
de l'échange d'information avec des personnes, la compréhension du rôle des
intervenants. Et ce que j'entends par ça, il y a... on le sait, il y a des
options, dont l'aide médicale à mourir n'est qu'une : il y a les soins
palliatifs, il y a la sédation palliative continue, il y a des directives
médicales. Tout ça, c'est des options, un qui n'est pas aux dépens de l'autre,
et aucune qui ne devrait se classer en deuxième plan suite à une loi qu'on
risque de faire adopter. De votre lecture actuelle, parce que vous avez parlé
aussi des inégalités possibles en ce qui a trait à la mise en oeuvre d'une
éventuelle loi là-dessus, de votre expérience, où est-ce qu'on est rendus?
Est-ce que les personnes sont bien accompagnées en tout ce qui a trait aux
options devant eux en situation de fin de vie?
M. Hébert
(Alain) : Oui, bien, écoutez, c'est... on s'entend, puis on est en
contact avec des dizaines, voire des centaines de travailleurs sociaux, là,
annuellement, dans le cadre de nos activités comme ordre professionnel, sur
toutes sortes de sujets, on n'a pas nécessairement de recherche, là, évaluative
pour, tu sais, documenter de façon certaine, par exemple, jusqu'à quel point
les personnes sont bien accompagnées ou plus ou moins bien accompagnées à
travers la connaissance de l'ensemble des options qui s'offrent à elles. On a
quand même quelques indicateurs. On s'entend que c'est quand même assez
complexe, et le premier devoir qu'on a comme professionnel, qui qu'on soit,
c'est d'informer la personne sur les différentes options possibles.
Et c'est la
perspective dans laquelle on voit ces nouvelles dispositions pour permettre à
des personnes, survenant leur inaptitude dans les critères qui sont énoncés
dans le projet de loi... c'est une option supplémentaire aux personnes, mais ça
ne doit pas être... on s'entend toujours, ce n'est pas une obligation, c'est
une offre, c'est une possibilité, c'est une option qui s'ajoute. Mais les
autres options, force est de constater qu'à cause de leur complexité, pas
nécessairement à cause de défaut dans les informations données par les
professionnels, mais sont peut-être... gagnent peut-être encore à être mieux
connues par la population.
Alors, les
professionnels qui informent les personnes, c'est un canal de communication. On
pourrait se poser la question, socialement, est-ce qu'il n'y a pas d'autres
canaux de communication qui pourraient être privilégiés, puis en fonction de la
littératie, aussi, des différents groupes de la population et en particulier
pour des personnes pour qui les connaissances en santé sont un petit peu... un
petit peu plus défaillantes, un petit peu moins fournies. Alors, on a peut-être
un devoir, comme société, de tenter de joindre ces personnes, dans une
perspective d'égalité et d'équité, pour les
informer davantage sur l'éventail de possibilités qui s'offrent à elles. Ça
constitue, effectivement, un enjeu. Et on pense, sans nécessairement avoir de recherche bien documentée, qu'il y a quand même
du chemin à faire à ce niveau-là, là. Puis notre propos n'est pas pour
mettre en infraction les professionnels, le système et tout, mais je pense que,
socialement, il y a un devoir d'aller un petit peu plus loin en termes
d'information, surtout à cause de la complexité des options et de la
distinction entre les différentes options, qui, parfois, ne sont pas claires,
même pour certains professionnels.
M. Birnbaum :
Merci. Et, comme je dis, M. Malenfant, vous avez fait une mise en
garde sur... en tout cas, ce qui a trait à vos inquiétudes d'une... comme je
dis, d'une mise en oeuvre égale, vous avez noté vos préoccupations. Est-ce vous
pouvez élaborer un petit peu? Parce que vous dites qu'en général le projet de
loi est conforme à votre lecture des recommandations de notre commission et
avec vos orientations. Pouvez-vous élaborer brièvement sur vos inquiétudes en
ce qui a trait à la nécessité d'une offre égale de services en tout ce qui a
trait à l'aide médicale à mourir?
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Bien, de façon générale, je pense que c'est important
de bien comprendre. Vous savez, c'est... ce n'est pas nouveau pour personne, il
y a une pénurie de personnel, il y a eu, j'oserais dire, là, de la négligence
au niveau du déploiement des services sociaux un peu partout. Vous savez, il y
a des listes d'attente dans plusieurs programmes, et c'est le cas, entre
autres, pour les services à domicile. Donc, les équipes... dans le réseau de la
santé et des services sociaux, les équipes ne sont pas en nombre suffisant pour
être capable de répondre à l'ensemble des besoins. Donc, quand on arrive avec
la situation d'une demande d'aide médicale à mourir anticipée, il faut bien
comprendre que, si on est dans un secteur plus éloigné, plus isolé, ça va être
difficile de pouvoir compter sur une équipe qui va pouvoir faire... L'équipe
qui va être en place... qui est en place va faire le mieux qu'elle peut, mais
c'est difficile de voir le roulement. Vous savez, dans des régions éloignées,
par exemple, une équipe, par rapport à une personne
qui a fait une demande aujourd'hui, bien, dans 10 ans, dans... peut-être
dans cinq ans, la situation va avoir évolué et probablement que les
personnes qui... les professionnels qui sont dans le service ne seront
peut-être plus les mêmes.
Je profiterai
peut-être de l'occasion aussi pour mentionner le fait que le commissaire sur
les soins de fin de vie a demandé une rencontre avec moi pour me faire part que
la commission devait refuser régulièrement des demandes de personnes âgées, de
personnes qui présentent des problèmes de santé importants, et, ces
personnes-là, leur demande est refusée parce que c'est vraiment dans la
catégorie de la détresse sociale, de l'isolement social, du désoeuvrement
social. Donc, il faut absolument éviter que ce soit une option pour ces
personnes-là qui n'ont pas accès aux services, qui n'ont pas accès à un réseau
d'entraide dans leur communauté.
Et je pense que Mme Roc pourrait aussi
apporter certains éléments.
Mme Roc
(Marie-Lyne) : Oui. En fait, notre préoccupation, comme on disait dans
nos notes d'allocution, c'est vraiment au niveau de la mise en oeuvre, par
rapport au fait que les dispositions, tel qu'elles sont libellées, bien,
réfèrent à, finalement, un idéal de contexte de soins, qu'on observe, qui n'est
pas tout à fait à point, actuellement, du moins c'est ce qu'on observe et c'est
ce qu'on nous rapporte. En fait, on prévoit, finalement, que ce sera une équipe
de soins stable, continue dans le temps, puis on sait très bien qu'actuellement
ce n'est pas le cas. Alors, à l'annonce d'un diagnostic, on peut rencontrer un
professionnel. Vu que la personne à qui on a diagnostiqué une maladie
dégénérative ne va pas nécessairement nécessiter des soins continus, il y aura
nécessairement — et
la plupart du temps, c'est ce qu'on observe — des interruptions. Et donc
supposer que l'équipe est capable de suivre la personne dans le temps,
l'accompagner dans l'évolution de sa maladie, l'accompagner en l'informant,
bien, c'est un idéal qu'on souhaite tous, mais, dans le contexte actuel, on
voit bien que ce n'est pas ça qui se passe, donc on dit : Bien, à ce
moment-là, il ne faudrait pas que les dispositions soient aussi strictes pour,
finalement, limiter l'accès aux personnes. Alors, c'est ça qu'on veut quand même
alerter le législateur.
M. Birnbaum :
Merci. Dans le petit temps qu'il me reste, j'aimerais aborder la question
du refus en tout temps. Et, si je vous ai bien compris, vous êtes à l'aise avec
ça, ce qui m'étonne un petit peu, avec tout respect. Vous avez noté que c'est
les travailleurs sociaux, sociales qui sont les experts en évaluation
d'inaptitude. Dans un premier temps, comment on peut assurer qu'on respecte les
voeux de cette personne lorsqu'ils auraient fait une demande anticipée pour
l'aide médicale à mourir et constater de façon crédible un refus de ce même
individu en état d'inaptitude?
Une voix : M. Hébert.
M. Hébert
(Alain) : Oui. En complément, là, je vous invite à peut-être réitérer
une sous-question.
Je vais essayer de
voir si j'ai bien saisi votre question, mais, pour nous, la préoccupation au
niveau du refus qu'on énonçait tantôt — elle est d'ailleurs en lien
avec ce que ma collègue et M. le président de notre ordre disaient tantôt — c'est
au niveau de la mise en oeuvre, c'est-à-dire qu'on comprend... évidemment,
comme ordre, on est extrêmement sensibles au fait qu'une personne en tout temps
peut refuser un soin, n'importe quel soin, et évidemment l'aide médicale à
mourir. Maintenant, la façon avec laquelle on voit les libellés par rapport au
refus dans le projet de loi nous préoccupe, dans le sens où ça dégage, pour
nous, à notre lecture, à notre compréhension, une impression que, sur refus
simple une fois d'une personne inapte de recevoir l'aide médicale à mourir,
alors qu'elle en a fait la demande de façon anticipée... mettrait fin, en
quelque sorte, au processus.
Et, nous, pour nous,
le refus, il doit être évalué aussi dans le temps, jusqu'à un certain point. Il
demande du temps. On doit rencontrer la personne à un certain nombre de
reprises, parce que, là, on parle des personnes avec quand même une maladie
dégénérative importante, et il ne faut pas confondre un réflexe mécanique de
refus avec un refus réel manifesté de façon stable dans le temps.
Alors, ça demande
quand même des conditions de mise en oeuvre pour bien respecter le refus d'une
personne, mais en même temps sa volonté de recevoir l'aide médicale à mourir
formulée de manière anticipée, du temps pour observer ce refus-là, et
possiblement des discussions avec les membres de l'équipe interdisciplinaire,
et possiblement aussi avec les proches et
des membres de la famille qui sont, à notre point de vue... on n'en a pas
nécessairement beaucoup parlé dans nos notes d'allocution, mais assez
peu présents dans le projet de loi par rapport, par exemple, à d'autres
rapports, le rapport de la commission sur l'évolution de la loi sur les soins
de fin de vie et celui aussi de Filion-Maclure.
Alors, on le voit un
petit peu moins, cette notion-là, dans le projet de loi actuel. Et on vous a
parlé tantôt... comme travailleurs sociaux, on a une vision systémique des
choses, donc, pour nous, il y a une importance des proches et de la famille,
pas à tout prix, si ce n'est pas voulu par la personne, mais quand même, ces
personnes-là devraient être mises à contribution aussi pour qu'on puisse bien
évaluer est-ce qu'il s'agit bien d'un refus qu'on a en face de nous. Parfois,
on utilise la notion de refus catégorique, mais...
• (21 heures) •
Le Président
(M. Provençal)
: Je
dois vous interrompre. Merci beaucoup.
Je vais céder
maintenant la parole au député de Rosemont pour 2 min 37 s.
M. Marissal :
Merci, M. le Président.
Mme Roc,
M. Hébert, M. Malenfant, merci de votre présentation.
Je vais y aller avec
vous, M. Malenfant, ou ça peut être qui vous voulez. Supposons, là, qu'on
dise que les personnes seules, très seules, qui n'ont pas de personne tierce de
confiance, doivent se tourner vers quelqu'un dans l'équipe soignante, puis
mettons qu'on dit : Il y a un match naturel avec les TS pour les raisons
que vous avez expliquées, quand on considère le nombre de gens que ça peut
toucher dans les prochaines années, surtout avec la demande anticipée qui va
tripler et quadrupler, peut-être quintupler le nombre de gens admissibles,
est-ce que vous avez assez de monde? Puis ça vous tente-tu, d'abord?
Professionnellement, c'est-tu quelque chose que vous voudriez prendre à
bras-le-corps? Parce qu'il a été dit, puis c'est vrai qu'en fréquentant un peu
le milieu de la santé, il y a quelque chose là d'à peu près organique, ce n'est
pas le médecin spécialiste qui a nécessairement le plus de temps et de
disponibilité pour accompagner quelqu'un là-dedans. On se retournerait
naturellement, puis c'est peut-être un cliché de ma part, vous me le direz, là,
auquel cas je changerai de registre, mais c'est presque organique de la part
des TS d'occuper ce rôle-là. Mais vous avez parlé de pénurie de main-d'oeuvre.
Êtes-vous suffisamment nombreux et nombreuses pour prendre une tâche comme
celle-ci?
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Bien, écoutez, je pense qu'on n'est pas suffisamment
nombreux. Ça fait quand même un bon bout, là, qu'on suggère, qu'on recommande
d'augmenter les admissions dans les universités. Juste pour vous dire, en
passant, il rentre 800 TS dans le système professionnel par année, et il y
a 5 000 demandes d'admission dans les programmes d'université. Donc,
ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de jeunes qui veulent faire le métier.
Maintenant, votre question, c'est une question
qui est quand même très délicate. Je pense que la question du tiers de
confiance... Effectivement, il y a des gens qui sont seuls, qui sont très
isolés. Est-ce qu'on doit regarder du côté d'un professionnel de confiance?
Maintenant, c'est le lien significatif, hein, et créer un lien de confiance, ça
demande du temps, ça demande du doigté, ça demande de la persistance. Et je ne
le sais pas, on ne s'est pas penchés sur cette question-là de façon précise,
mais est-ce qu'on devrait le regarder en lien avec un professionnel de confiance
ou toute autre personne de confiance? C'est une bonne question.
Je ne sais pas si mes collègues... Je vois
Marie-Lyne Roc, peut-être, pour aborder un point là-dessus.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
effectivement, vous avez raison quand vous dites qu'on se tourne souvent vers
le travailleur social, la travailleuse sociale. De par nos façons de faire, on
a des pratiques de proximité, on est souvent dans l'environnement de la
personne, on est capables de témoigner de sa situation, on fait souvent son
histoire sociale. Donc, de par notre formation, c'est vrai qu'on a tendance à
avoir recours au travailleur social.
Par contre, ce que dit notre président est
extrêmement important, le rôle de personnes qui sont près de la personne qui
souhaite se prévaloir de l'aide médicale à mourir puis dans... questions
anticipées encore plus, bien, on doit voir qui est la personne la mieux
désignée pour pouvoir, justement, à tout le moins, faire valoir les volontés de
cette personne-là parce qu'elle la connaît.
Donc, utiliser le travailleur social juste parce
que c'est lui qui est là, ce n'est pas la bonne mesure à prendre. Je pense que
le travailleur social peut contribuer. Je pense qu'on doit, dans notre société,
justement, comme disait mon collègue M. Hébert, avoir vraiment une
sensibilité par rapport à ces questions-là, des connaissances. Je pense que
tout le personnel soignant doit être au courant des mesures possibles.
Et finalement la personne la plus désignée est
celle qui accompagne, alors ça pourrait être l'infirmière, infirmière
auxiliaire. On ne peut pas prétendre que seuls les travailleurs sociaux
pourraient faire ça, mais effectivement on peut être contributifs.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre réponse.
Alors, je vais céder, maintenant, la parole à la
députée de Joliette pour deux minutes.
Mme Hivon : Merci beaucoup, M.
le Président.
Merci de
votre présentation, très éclairant. Et donc je vais renchérir sur ce que le
ministre a dit, comme ex-ministre des Services sociaux, c'est très
important de ne jamais oublier les services sociaux.
Donc, écoutez, moi, là, je vous rejoins
parfaitement, quand vous avez noté 29.7 à 29.10, c'est bien beau en théorie,
mais est-ce réaliste? Moi, ma crainte... On veut tous que la demande anticipée
devienne réalité, mais, justement, on veut que ce soit applicable. Et, moi, ma
pire crainte, ce serait qu'on crée un beau droit théorique, mais qu'il y ait
impossibilité de l'appliquer, soit parce qu'il n'y a pas les ressources ou
parce que nos dispositions ne sont pas ancrées dans la réalité. Donc, je pense,
c'est très pertinent quand vous nous soulevez ça.
Je veux savoir, 29.10, on dit qu'une fois que la
demande est faite «le professionnel compétent qui a prêté assistance à la
personne [...] doit, tant qu'elle est apte à consentir aux soins, lui rappeler,
à des moments différents et espacés par un délai raisonnable compte tenu de
l'évolution de son état, qu'elle peut retirer ou modifier sa demande». Est-ce
que ça ne va pas un peu contre le principe de l'autodétermination? Parce que,
la personne, on l'a renseignée, est-ce qu'il faut vraiment renchérir tout le
temps? Est-ce réaliste de penser qu'il va y avoir un professionnel qui va se
donner comme mission, à chaque six mois, de dire à quelqu'un : Êtes-vous
toujours sûr de votre demande anticipée? La personne est toujours apte.
Première chose.
29.11 — je la pose souvent, celle-là,
mais elle me hante un peu, là — deuxième alinéa, ce n'est vraiment pas le
tiers de confiance, contrairement au rapport Maclure puis à notre rapport, qui
agite le drapeau, c'est une responsabilité qui revient au professionnel
compétent. Est-ce que, selon vous, c'est réaliste que le professionnel compétent va se mettre lui-même dans cette
situation-là? Est-ce que ça peut entraîner des demandes qui n'aient pas de
réponse?
Finalement — j'aurais mille autres questions — quand vous dites : Le rôle du tiers,
s'il n'y a pas de tiers, vous aimeriez ça
qu'on puisse désigner par une autorité externe, vous pensez à qui, le Curateur public? Avez-vous quelque chose en tête?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : J'inviterais
mon collègue M. Hébert.
M. Hébert (Alain) : Bien,
écoutez, oui, ça fait écho, Mme la députée, aux propos que nous avions tantôt,
là, sur le contexte dans lequel, aussi, va se vivre concrètement le projet de
loi. Peut-être un point qui va permettre de répondre ou d'apporter un éclairage
aux trois questions ou des éléments de réponse aux trois questions, pour nous,
comme ordre, ce qu'on voit, c'est qu'on voit une responsabilité partagée, dans
ce domaine-là, entre, oui, les professionnels compétents, l'équipe de soins et
de services, le tiers, oui, qui agit comme porte-parole de la personne, et les
proches, et la famille. C'est comme s'il doit y avoir, idéalement, l'ensemble de
ces entités.
Et, lorsqu'on... il a été question... tantôt, on
a discuté de personnes isolées, c'est pour ça qu'on ramène cette recommandation
du rapport Filion-Maclure de réfléchir, parce qu'on ne la retrouve pas dans le
projet de loi tel qu'il est formulé actuellement, mais on estime qu'il serait
important qu'on puisse faire appel à une autorité externe. Malheureusement,
dans les délais impartis, on a évoqué certaines possibilités, là, mais pas
suffisamment, aujourd'hui, comme ordre, pour
en faire une recommandation nécessairement formelle. Mais on pense qu'on doit
identifier le meilleur acteur, instance sociale pour agir comme étant
cette autorité externe impartiale qui pourrait, elle aussi, déclencher le
processus d'évaluation pour permettre l'obtention de l'aide médicale à mourir à
une personne qui est devenue inapte.
Au niveau du rappel, bien, c'est sûr, ça suppose
des nuances. Ça doit être des rappels salutaires en des moments opportuns et
non pas des rappels mécaniques selon une certaine fréquence pour, comment dire,
faire de l'acharnement auprès de la personne pour lui rappeler ceci. Ça doit
être vraiment des moments particuliers.
Puis au niveau du réalisme, bien, il faudrait
peut-être voir. En tout cas, nous, on apporte le questionnement : Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu que cette responsabilité soit partagée entre le
professionnel compétent et les membres de l'équipe? Déjà, on aurait un bassin
un petit peu plus large de personnes qui pourraient agir de la sorte auprès de
la personne, mais évidemment, on s'entend, sans acharnement. Alors, c'est
peut-être des éléments de réponse qu'on pourrait vous amener, là, pour le
moment.
• (21 h 10) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Alors, je vais maintenant compléter cette
période d'échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président.
Merci à tous les trois d'être là à cette heure
relativement tardive. C'est très, très apprécié de vous rendre disponibles pour
répondre à nos nombreuses questions.
J'ai assez peu de temps, mais je voyais que vous
aviez quand même plusieurs mises en garde dans votre... dans le document que
vous nous avez fourni, notamment sur le contexte, sur la stabilité des équipes,
sur l'accès aux demandes anticipées, j'imagine, une stabilité, pénurie,
également, main-d'oeuvre et tout. Et ce que... vous ne l'avez pas énormément
élaboré, mais c'est quand même parapluie à l'ensemble du projet de loi. Donc,
j'aurais aimé ça vous donner l'opportunité d'élaborer davantage sur votre mise
en garde, sur comment on doit la recevoir puis comment on doit en tenir compte
à la lumière des articles du projet de loi.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Mme Roc,
s'il vous plaît.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien, en
fait, cette mise en garde, c'est justement si, à la fin des consultations
actuelles, on voit qu'il y a encore trop d'enjeux soulevés, on dit :
Est-ce que, finalement, il n'est pas trop tôt pour procéder et peut-être,
justement, de déborder après le 10 juin pour pouvoir bien asseoir les
choses et pouvoir vraiment adopter un projet de loi qui est plus réaliste dans
sa mise en oeuvre? C'était un de nos premiers éléments
Et puis, évidemment, bien, ce qu'on ne
souhaiterait pas, c'est que, finalement, parce qu'on souhaite qu'il y ait
beaucoup de... bien... En fin de compte, ce qu'on devrait vraiment s'assurer,
c'est que le principe d'autodétermination doit primer. Et on comprend qu'on
souhaite mettre à profit des professionnels compétents puis qu'on veut que tout
le monde, finalement, ait une vigie, mais l'autodétermination de la personne
doit être au coeur de la décision, puis ça aussi, c'est un élément qui nous
apparaît extrêmement important. Nous, c'est ce qui nous guide, c'est l'élément
majeur qui nous guide dans nos positions, puis nous assurer de l'accès aussi.
Et l'accès, pour nous, c'est extrêmement important. Et on ne voudrait surtout
pas qu'un projet de loi ait tellement de particularités et puis que c'est
tellement difficile de le mettre en oeuvre que, finalement, ça ne permet pas l'accès.
Or, le projet de loi veut, finalement, élargir l'accès, alors il ne faudrait
pas oublier cette finalité qui était visée à prime abord.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre
participation, votre collaboration. Et, comme le disait Mme la députée, malgré
l'heure tardive, vous avez pris le temps de répondre à l'ensemble des questions
qui vous ont été posées, nous vous en remercions.
Sur ce, nous allons suspendre les travaux pour
faire place au prochain intervenant. Merci beaucoup. Bonne fin de soirée.
(Suspension de la séance à 21 h 14)
(Reprise à 21 h 19)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux.
Je vais maintenant souhaiter la bienvenue au
Dr David Lussier, médecin gériatre. Et je vous rappelle, docteur, que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, par la suite nous aurons un
échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à vous
représenter et à initier votre exposé.
M. David Lussier
M. Lussier (David) : Daccord.
Merci, M. le Président. Merci de me recevoir. Ça me fait plaisir d'être ici en
cette heure tardive, là, pour parler d'aide médicale à mourir.
Donc, quelques minutes pour me présenter. Donc,
je suis gériatre, je pratique à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Puis en plus de ma résidence en gériatrie, j'ai fait aussi une formation, là,
en douleur et en soins palliatifs
au début des années 2000. Mais, depuis mon début de pratique, je ne
pratique pas en soins palliatifs, ma pratique, actuellement, est presque
exclusivement en clinique de gestion de la douleur chronique pour les personnes
âgées.
• (21 h 20) •
Je m'intéresse à l'aide médicale à mourir depuis
le début de la réflexion sur le sujet. Moi, durant les 18 mois entre
l'adoption de la loi et son entrée en vigueur, j'ai fait partie d'un comité
interdisciplinaire du ministère qui a établi le processus de cheminement d'une
demande d'AMM et qui a, entre autres, créé les groupes interdisciplinaires de
soutien, qu'on appelle les GIS, qui n'étaient pas prévus dans la loi, mais qui
sont ajoutés dans ce projet de loi.
Depuis décembre 2015, je suis aussi membre
de la Commission sur les soins de fin de vie du Québec, dont un des mandats est
de s'assurer du respect de la loi en analysant tous les formulaires de
déclaration d'AMM. Et donc, depuis le 10 décembre 2015, à la commission,
on a analysé plus de 10 000 formulaires de déclaration d'AMM. Mais je
tiens à préciser, là, que ce soir je suis ici en mon nom personnel et non au
nom de la commission.
Enfin, je pratique des aides médicales à mourir,
entre cinq et 10 par année, habituellement — cette année, ça va être
certainement beaucoup plus que ça — donc, dans des milieux de
soins différents : à domicile, dans les hôpitaux, dans les CHSLD, et je
suis aussi un peu l'expert des cas complexes à cause de mon expertise, là, sur
le sujet. Et enfin j'ai fait partie du groupe d'experts pour la politique et le
plan d'action pour l'hébergement et les soins de longue durée qui a été déposé
récemment.
Donc, pour passer au projet de loi de façon plus
spécifique, premièrement, je crois que c'est assez évident que le projet de loi
répond à une demande exprimée par la population. Il y a un consensus social
assez large au sein de la population québécoise et du corps médical. Cependant,
le projet de loi ou l'introduction de l'aide médicale à mourir par demande
anticipée représente aussi un changement important pour les soignants qui sont
impliqués auprès des patients âgés, et particulièrement ceux avec des troubles
cognitifs, donc je crois qu'il ne faut pas non plus négliger cet aspect-là
quand on va vouloir mettre en application le projet de loi parce que c'est un
changement de culture assez important, là, pour plusieurs personnes.
Je vais me concentrer, maintenant, sur les points
les plus importants. Vous avez eu, dans le document que j'ai déposé, là, une discussion article par article qui
répond un petit peu à mon trouble obsessif-compulsif, où j'ai pris
chaque article et j'ai fait quelques
recommandations de changement, mais ce serait assez fastidieux, là, donc je
vous laisse en prendre connaissance et poser des questions, si vous le
voulez, et je vais me concentrer sur les points les plus importants.
Donc, premièrement, je répète souvent que le
Québec a la meilleure législation puis la meilleure approche au monde pour
l'aide médicale à mourir parce que l'aide médicale à mourir est considérée
comme un soin, un soin qui s'inscrit dans un continuum de soins offerts à la
personne, mais aussi parce que la loi... ou l'aide médicale à mourir, plutôt,
est encadrée par une loi dont l'un des premiers articles, le quatrième, dit
«toute personne, dont l'état le requiert, a le droit de recevoir des soins de
fin de vie». Selon moi, c'est l'article le plus important, là, de la loi n° 2. Et, quand on dit «soins de fin de vie», ici, on
entend soins palliatifs en fin de vie et AMM. Cet article-là est important
parce qu'il offre l'assurance que l'AMM ne soit pas choisie par défaut d'avoir
accès à des soins de fin de vie.
Par contre, un des grands problèmes rencontrés
avec les personnes en fin de vie, c'est que les soins palliatifs arrivent
souvent trop tard dans l'évolution de leur maladie. Donc, je crois que plutôt
que de dire que toute personne a le droit de recevoir des soins de fin de vie,
ce serait hautement préférable de dire que toute personne a le droit de
recevoir des soins palliatifs et de fin de vie, pour inclure les soins
palliatifs plus tôt dans le cheminement de la personne.
Par ailleurs, il faudrait que le même esprit
soit présent pour les patients qui souffrent d'une maladie grave et incurable,
mais ne sont pas en fin de vie, incluant ceux avec des troubles neurocognitifs.
Donc, pour ces personnes comme pour celles en fin de vie, l'AMM ne doit pas
être un soin qu'elles choisissent par défaut d'avoir accès à des soins de
qualité et adaptés à leur condition. Donc, à cet effet, je suggérerais
d'ajouter à l'article 4 que «toute personne avec une maladie grave et
incurable, incluant une maladie menant à l'inaptitude, a droit à des soins de
qualité adaptés à sa condition et ses objectifs de soins». Je crois que cet
ajout-là rassurerait beaucoup la population, ça rassurerait aussi les personnes
atteintes et leurs proches, mais ça rassurerait surtout plusieurs cliniciens
qui sont impliqués dans les soins aux aînés qui craignent que des aînés
choisissent l'AMM parce qu'ils ne reçoivent pas les soins nécessaires.
Un autre élément important à considérer, c'est
que le projet de loi, s'il est adopté, est seulement une étape. Encore, il va
falloir avoir un guide de pratiques qui soit très détaillé pour guider les
médecins et aussi une guidance et un accompagnement des médecins qui vont
pratiquer ce soin.
Si on y va un
peu plus en détail, quand un patient fait une demande anticipée ou... attendez
un petit peu... oui, quand un patient fait une demande anticipée, on dit
qu'il doit être assisté d'un professionnel compétent. À l'article 29.10, on demande que le professionnel compétent qui a
prêté assistance à la personne lui rappelle à des moments différents et
espacés par un délai raisonnable qu'elle peut retirer ou modifier sa demande. À
mon avis, c'est peu probable que, au moins au début, il y ait beaucoup de
cliniciens de première ligne qui se sentent aptes à accompagner les patients
pour faire des demandes, donc ça va probablement surtout revenir aux
professionnels qui sont dans des cliniques de deuxième et troisième ligne. Et
souvent ces personnes ne suivent pas les personnes de façon longitudinale
durant plusieurs années, donc ça pourrait être assez difficile que le même
professionnel compétent refasse l'évaluation et rappelle à la personne qu'elle
peut retirer sa demande. Et s'ajoute à ça, évidemment, le problème si le
professionnel compétent prend sa retraite ou change de milieu de pratique. Donc,
ce serait probablement préférable de dire que la personne doit être rencontrée
à des moments différents par un professionnel compétent plutôt que le même qui
l'a assistée depuis le début, parce que ce professionnel-là, sinon, a un rôle
qui dure pendant plusieurs années, ça peut être lourd et pourrait décourager
des personnes, là, de s'impliquer dans le soin.
Un autre élément qui m'a frappé, c'est que,
selon l'article 29.15, l'évaluation de la présence des souffrances
décrites par la personne pour recevoir l'AMM se fait seulement une fois pour la
considérer admissible. Je crois que, comme pour la
demande contemporaine, ce serait préférable que les souffrances soient
persistantes, donc il faudrait exiger plusieurs évaluations à des moments
différents une fois que la personne est devenue inapte plutôt qu'une seule
évaluation pour la considérer admissible.
Encore à l'article 29.15, on retrouve le
problème le plus important, je crois, qui a déjà été dit aujourd'hui, là, qui
est la notion de refus, quand on dit que tout refus de recevoir l'AMM manifesté
par la personne doit être respecté et il ne peut d'aucune manière y être passé
outre. Même qu'à l'article 30.2 on dit que la demande doit être radiée en
cas de refus. On comprend, évidemment, la rationnelle, là, qu'on ne peut pas
imposer un soin si la personne inapte le refuse, mais je crois qu'il faut
vraiment préciser la notion du refus. Est-ce que ça implique qu'il faut
demander à la personne si elle accepte de recevoir l'AMM et, si elle refuse, on
annule la demande? Je crois qu'on veut plutôt parler de refus catégorique, il
faudrait le préciser. Donc, le refus catégorique est une manifestation de
volonté qui ne laisse aucun doute quant à sa signification. Dans les faits,
c'est souvent une personne qui se débat.
Par contre, il y aura aussi, là, un problème,
qui a aussi été évoqué, que les patients qui ont des troubles neurocognitifs
assez avancés présentent souvent ce qu'on appelle des symptômes comportementaux
et psychologiques de la démence — le SCPD, dans notre jargon — puis
ces personnes, souvent, ne veulent simplement pas être touchées, donc il y a
une résistance aux soins, il y a une résistance à aller prendre un bain. Donc,
on peut penser qu'une personne qu'on voudrait simplement amener pour recevoir
l'AMM opposerait cette résistance. Est-ce qu'on doit considérer ça alors comme
un refus catégorique? Si c'est le cas, on va se retrouver à refuser
d'administrer l'AMM à un très, très, très grand nombre de personnes qui
souhaitaient la recevoir. Donc, il faudrait peut-être prévoir un peu plus de
latitude laissée au jugement clinique du professionnel qui sera présent à ce
moment-là, soit en essayant à plusieurs reprises, s'il y a un refus catégorique
la première fois, ou en permettant une légère sédation. Puis, encore là, ça
devrait sûrement être impliqué... être inclus dans un guide de pratiques.
Puis enfin il y a un élément dans la pièce, je
sais qu'il a déjà été évoqué ici... pas un élément, mais un éléphant dans la
pièce, puis cet éléphant, c'est le Code criminel. Évidemment, je n'ai aucune
compétence constitutionnelle ni juridique, mais, si le projet de loi est adopté
et que le Code criminel n'est pas modifié pour permettre l'administration de
l'AMM par demande anticipée, il faudra expliquer clairement aux professionnels
compétents pourquoi et comment ils seront protégés contre des poursuites en
vertu du Code criminel parce que, si les professionnels ne sont pas
suffisamment rassurés sur ce fait, ils vont refuser de s'impliquer, car ils
vont avoir peur de poursuites criminelles. Donc, s'il n'y a pas de risque de
poursuite criminelle, il faudra bien l'expliquer et bien les convaincre.
Donc, voilà. L'article par article, il y a
plusieurs éléments qui sont aussi importants, donc si vous en avez pris
connaissance et vous voulez en discuter, là, plus en détail, je serai,
évidemment, heureux de le faire.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé.
Alors, M. le ministre, on débute cette période
d'échange.
M. Dubé : À cette heure tardive
pour...
Le Président (M. Provençal)
: À cette heure tardive.
M. Dubé : ...Dr Lussier,
j'ai l'impression que je rencontre une star des réseaux sociaux aujourd'hui. Je
dois vous dire que, depuis que je suis à la Santé, je vous suis sur les réseaux
sociaux, et je dois vous dire que vous faites, avec quelques autres médecins,
une job extraordinaire de vulgarisation. Et j'en profite, parce que c'est moins
drôle quand on parle d'aide médicale à mourir, mais le travail que vous avez
fait durant la pandémie jusqu'à maintenant est exemplaire, puis je tiens à vous
remercier. J'en profite pour pouvoir le faire, parce que vous faites un travail
extraordinaire, puis votre présence ce soir à cette heure en est un autre
exemple.
Deuxième exemple, c'est la qualité de votre
mémoire. Moi, je le lis depuis tout à l'heure, on m'a noté... Moi, j'ai
l'impression qu'on peut prendre ça, là, puis donner ça à nos légistes, puis
dire : Réglez-nous ces problèmes-là d'ici jeudi prochain, puis on est en
business. C'est assez clair, je...
Une voix : ...
• (21 h 30) •
M. Dubé : Hein? Non, je ne sais
pas, mais je veux juste vous dire, Dr Lussier, là, c'est tellement clair,
ce que vous dites, que moi, je n'ai pas vraiment de questions. J'ai essayé,
tout à l'heure, de me dire... Vous êtes clair, ça prend un guide par rapport
à... On ne pourra pas tout mettre ça dans une loi, vous reconnaissez, là... J'y
vais en rafale, puis, si j'en oublie des importants, à part le fait
qu'effectivement on a un leadership dans la loi qu'il ne faut pas perdre, puis
je pense qu'on y reviendra avec votre éléphant dans la pièce, j'aime beaucoup
votre...
Le guide, je l'ai dit, je passe à un autre
point. Vous dites que la personne doit être rencontrée à des moments différents
par un professionnel plutôt que par la même personne qui a assisté. Je pense
que, quand on entendait, tout à l'heure, les gens qui sont venus, notamment des
travailleurs sociaux, dire : Ça va être difficile parce qu'il manque de
personnel en ce moment... je pense que cette multidisciplinarité ou cette
flexibilité va nous permettre, au début, parce que c'est un changement de
paradigme qu'on fait, d'être capable de ne pas être pris avec un seul
professionnel, un peu comme on a fait, là... je ne veux pas faire de la publicité
pour p.l. n° 11, mais c'est un peu ça, de rendre plus
large qui peut faire de la prise en charge. Je pense que c'est un peu ça que
vous dites ici, à moins que j'interprète mal votre...
Vous avez été clair... Puis là peut-être le seul
défaut que je vous dirais, c'est qu'elles ne sont pas numérotées, vos pages, je
ne suis pas capable de les suivre, mais ce n'est pas grave. Si c'est le seul
défaut de la soirée, ce n'est pas grave, Dr Lussier. Je dirais que... Vous venez de faire le
commentaire sur «refus catégorique», je vais laisser mes collègues,
parce que, votre expertise, vous venez de le dire, là, il y a des signes clairs
pour un professionnel qui est capable de reconnaître
que quelqu'un... ce n'est pas vraiment un refus, mais c'est un réflexe normal de
quelqu'un qui est dans cet état-là.
Bon, l'éléphant dans la pièce, j'aime beaucoup
ce que vous dites, parce que je ne veux pas critiquer le commentaire du
Barreau, mais c'est très facile de dire qu'on ne suit pas la loi, alors qu'on
dit : Qu'est-ce qu'on peut faire en attendant pour rendre nos
professionnels à l'aise? Parce qu'il est important de trouver une solution.
C'est un peu ça que vous dites, c'est : Qu'est-ce qu'on peut dire qui va
permettre à nos professionnels d'être à l'aise de faire le travail, même si peut-être
l'environnement légal n'est pas parfait? Je dis souvent que le mieux est
l'ennemi du bien, mais en ce moment, ce qu'on a besoin, c'est d'être mieux et
non d'avoir le bien parfait, alors donc je pense que votre commentaire à cette
page-là est important.
L'article 26, c'est intéressant, je n'avais
pas vu ça, ça... vous avez dit... vous dites, ici : «Or, toute personne
peut formuler une demande, qu'elle soit admissible ou non.» C'est suite à la
demande formulée. Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que...
M. Lussier (David) : En fait,
je crois que c'est probablement une coquille, là, ou... Ce qui est dit, c'est
qu'une personne peut formuler une demande contemporaine si elle satisfait aux
conditions suivantes, et là les conditions suivantes, c'est les conditions
d'admissibilité. C'est comme si on implique que, pour faire une demande, il
faut déjà être admissible, ce qui n'est évidemment pas le cas, il faut...
M. Dubé : ...ça qui était
souhaité. O.K., je comprends.
M. Lussier (David) : C'est ça.
Je crois que... c'est pour ça que c'est probablement une coquille, là, qui a
échappé aux gens qui ont écrit le projet de loi.
M. Dubé : Bon. Pour la question
du tourisme médical, là, je pense que c'est important qu'on le traite. On l'a
fait avec les enfants immigrants puis on a trouvé une façon, je crois, dans...
je ne me souviens pas c'est quoi, le projet de loi, le numéro du projet de loi,
mais on y reviendra parce que vous soulevez une question là-dessus puis... Et je
pense que c'est tout, mais... Le bon professionnel, plutôt que d'être
spécifique aux médecins, puis le manque de personnel, on en a parlé.
M. Lussier (David) : Il y avait
peut-être un autre élément, si je peux me permettre, là, où, quand on dit que
le professionnel de la santé qui constate que les souffrances sont présentes
quand la personne est devenue inapte, on dit qu'elle doit aviser un
professionnel compétent. Moi, je crois que ça devrait être le professionnel
compétent qui est en charge de la personne, pour qu'on reste dans l'équipe de
soins, parce que, sinon, on va aller... on peut aller chercher des spécialistes
de l'AMM qui vont arriver seulement pour faire l'AMM, et ça, c'est ce qu'on ne
veut pas, je crois. Donc, ce serait préférable que ça reste dans l'équipe de
soins.
M. Dubé : En tout cas, pour
quelqu'un qui ne voulait pas faire l'article par article, ce que vous dites à
votre début, bien, vous l'avez fait. Ça fait que merci beaucoup, parce que je
ne sais pas quand est-ce vous avez fait ça, là, mais c'est très aidant. Merci
beaucoup. Je vais laisser à mes collègues...
M. Lussier (David) : C'était la
nuit dernière.
M. Dubé : La nuit dernière? En
tout cas, un énorme merci, Dr Lussier.
Mme Guillemette : Merci, Dr
Lussier, d'être avec nous ce soir.
On parle des rencontres avec les professionnels
pour évaluer une douleur persistante, parce que ça devra être une douleur
persistante. Qu'est-ce qui serait acceptable, comme délai ou comme momentum,
là? Combien de fois, qui, comment, pour bien évaluer la douleur persistante?
Sur un an, sur deux ans, aux trois mois?
M. Lussier (David) : Est-ce que
vous voulez dire une fois que la personne est devenue inapte, là, au moment où
on évalue l'admissibilité? Je crois que... pour avoir beaucoup travaillé avec
la loi, là, depuis le début, je crois que le plus on laisse de latitude au
jugement clinique de la personne, le médecin ou l'infirmière praticienne, le
mieux c'est. J'aime beaucoup l'article de la loi actuelle qui dit «un délai raisonnable
compte tenu de l'évolution de son état [ou de sa maladie]». Je crois que ça, ça
nous laisse beaucoup de latitude et de jugement clinique. Donc, ça pourrait
être quelque chose de semblable, là, pour s'assurer qu'on évalue la présence de
souffrances, là, pas seulement à une reprise.
Mme Guillemette : Merci. Vous
parlez également d'un guide de pratiques très détaillé. Qu'est-ce qu'on aurait
besoin dans un guide de pratiques? Et qui pourrait élaborer ce guide de
pratiques là ou qui devrait l'élaborer?
M. Lussier (David) : Bien, le
guide de pratiques, je faisais surtout référence au guide de pratiques des
ordres professionnels qui existe déjà, qui est un peu la bible pour les
médecins, actuellement, qui va le devenir aussi, là. C'est... on l'appelle
parfois le guide de pratiques du Collège des médecins, mais c'est tous les
ordres professionnels qui le font de façon conjointe. Vous avez posé la... Je
n'ai pas beaucoup écouté, aujourd'hui, mais j'ai beaucoup aimé votre première question, ce matin, au Collège des médecins,
quand vous demandiez comment évaluer la... décrire la souffrance objectivable.
Je crois que ça, c'est quelque chose qui doit se retrouver dans un guide de
pratiques, parce que moi-même qui connaît très bien le domaine, j'ai de la
difficulté, actuellement, si je voulais conseiller quelqu'un à décrire ses souffrances, à lui donner des exemples
de souffrances qui pourraient être incluses dans les demandes
anticipées, des souffrances qui seraient objectivables. Donc, je crois que ça,
ça doit... on ne peut pas écrire ça dans la loi, quelles souffrances pourraient
être incluses, mais je crois qu'il faut que ce soit dans un guide de pratiques,
absolument.
Mme Guillemette : Si
on avait, demain matin, à, bon... on dit : O.K., la loi est prête, on
administre, sur le terrain, concrètement, pour les gens qui vont avoir à
administrer ou... à administrer, mais aussi tout le continuum avant le processus, est-ce qu'il y a des choses dans le
projet de loi qu'il faudrait... que vous voyez, là, que c'est incohérent avec
ce qui se passe sur le terrain, là, selon votre expérience?
M. Lussier (David) : Bien, j'ai
déjà nommé, tantôt... on a déjà discuté le fait que le professionnel qui
assiste la personne dans sa demande ne peut pas réévaluer à des intervalles
réguliers parce que le délai moyen, là, entre le moment du diagnostic et la
déclaration d'inaptitude, ça va être entre trois et 10 ans, probablement, on ne
peut pas s'attendre à ce que quelqu'un réévalue la personne, parce que ça
apporterait une charge, beaucoup, dans les cliniques, puis on ne peut pas non
plus, je crois, imposer aux cliniques secondaires et tertiaires de devoir
revoir des personnes exprès pour ça, il faut que ce soit dans le processus de
soins. Donc, ça, c'est un élément, je crois, qu'il ne faudrait pas que ce soit
réévalué toujours par la même personne.
Un autre
élément qui fait problème, selon moi, aussi, c'est, quand le professionnel
compétent évalue l'admissibilité, on dit qu'il doit discuter avec le
professionnel qui a assisté la personne quand elle a fait sa demande, mais donc ça, c'était... il y a un délai de trois,
cinq, 10 ans entre les deux, ce n'est pas du tout réaliste qu'on va aller
retrouver la personne et la contacter. Et aussi que... premièrement, si on a
déjà des souffrances décrites par la personne, ce n'est pas pertinent, je
crois, de reparler à ce professionnel-là. Moi, je crois que, ça, il faudrait
enlever cet élément-là parce que ça va seulement être un obstacle, finalement,
là, inutile.
Il y a un
autre élément que j'avais noté, qui est un détail, mais on demande... si c'est
fait devant témoin, on demande qu'il y ait deux témoins. Je ne voyais
pas bien pourquoi deux témoins, parce qu'on a déjà le professionnel compétent,
on a déjà le tiers de confiance, on a un témoin, donc pourquoi avoir deux
témoins? On a eu la mauvaise expérience, avec la loi fédérale, où il fallait
trouver deux témoins, c'était très, très, très difficile. Ça va peut-être être
différent parce que ça va être dans un milieu de soins, mais trouver un témoin
indépendant, là, en pratique, ce que c'est quand c'est fait à domicile, c'est
le voisin, le facteur, le laitier, parce que ça ne doit pas être dans l'équipe
de soins, ça ne doit pas être quelqu'un qui est un héritier, donc on va prendre
des gens qui... Finalement, on se trouve parfois à briser la confidentialité,
sinon il faut amener un professionnel qui n'est pas dans l'équipe de soins,
mais d'amener une infirmière juste pour être témoin, ce n'est pas une bonne
utilisation des ressources. Donc, je crois qu'un témoin, ça devrait être
vraiment suffisant, là, comme on a déjà plusieurs personnes, et, déjà, de
réunir tous ces gens-là, c'est beaucoup.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, Dr Lussier, c'est très éclairant, ce soir, pour la suite des choses
pour nous. M. le Président...
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci beaucoup, M.
le Président.
Bonjour, Dr Lussier. J'avais une question pour
vous : Est-ce que c'est possible pour les professionnels d'évaluer la souffrance
psychologique, la souffrance physique d'une personne avec des troubles
cognitifs majeurs et inapte, selon vous?
• (21 h 40) •
M. Lussier (David) : Oui, c'est
une excellente question. La souffrance physique, c'est assez... ce que je fais
tous les jours, là, dans... c'est souvent la douleur qu'on va considérer comme
une souffrance physique, et il y a des façons de l'évaluer. Donc, pour la
souffrance physique, on a même des échelles qui ont été validées, qui ne sont
pas parfaites, évidemment, parce que la douleur ou même la souffrance est
subjective, donc c'est toujours très difficile de faire une hétéroévaluation,
d'évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre, c'est très difficile.
Actuellement, avec la demande contemporaine, quand je fais des formations, je
dis que c'est le plus facile à évaluer, la personne dit qu'elle souffre, elle
souffre, on arrête là, mais, quand c'est une personne inapte, c'est beaucoup
plus difficile. Donc, pour la souffrance physique, c'est possible de le faire,
on a des échelles, on est capables de former les gens pour le faire.
Pour la souffrance psychologique, c'est beaucoup
plus difficile parce qu'il faut se référer à ce que la personne considérait comme une souffrance psychologique
avant de perdre son aptitude, et de là tout... Je n'en ai pas parlé, mais
j'ai trouvé que le projet de loi traitait bien le concept de ce qu'on
appelle... je n'aime pas appeler ça comme ça, mais c'est comme ça qu'on
l'appelle, là, la démence heureuse, c'est-à-dire des gens qui ne réalisent pas
qu'ils ont des problèmes cognitifs, qui sont
heureux dans l'ici et maintenant. Je crois qu'en demandant qu'il y ait une
souffrance objectivable... je crois qu'on vient un peu enlever le
problème ou le malaise que les gens avaient à dire qu'on va donner l'AMM à
quelqu'un qui semble heureux, là, dans le quotidien. Donc, pour la souffrance
psychologique, comme je le disais, c'est beaucoup plus difficile, donc il va
falloir vraiment y aller avec ce que la personne a décrit elle-même comme étant
une souffrance.
Et, comme je le
disais un peu aussi, c'est que, souvent, je crois que ça va être des... ce qui
va être décrit comme une souffrance, ça va être l'agitation, ça va être
l'agressivité, ça va être la résistance aux soins. La personne ne voudra pas vivre cette étape-là
ou faire vivre ça aux autres, à ses proches, donc il faudra que ça soit bien
décrit, que ça soit bien encadré, puis raison de plus, quand je parlais
du refus catégorique, là, de faire attention à ça, parce que ça peut être même
une souffrance qu'on interprète comme un refus.
Mme Picard :
Et il ne me reste pas beaucoup de temps, je crois.
Le Président
(M. Provençal)
: Une
minute.
Mme Picard :
Une minute. J'aimerais savoir, selon vous, sur le terrain, comment va se
manifester, la personne qui lève le drapeau,
là, le professionnel ou le tiers de confiance. Est-ce que vous pensez, en fait,
que ça devrait plus être le tiers de confiance ou bien le professionnel
qui joue ce rôle-là de lever le drapeau du bon moment?
M. Lussier (David) :
Moi, je crois que... l'un ou l'autre. Maintenant, on donne le choix un peu,
on dit que c'est un professionnel de la
santé, donc ce n'est pas nécessairement un professionnel compétent, là, c'est
un professionnel de la santé. Et, s'il ne le fait pas, c'est le tiers de
confiance. Donc, je crois qu'en le faisant on se donne toutes les chances pour
que ça ne passe pas inaperçu.
Mme Picard :
Merci beaucoup, Dr Lussier.
M. Lussier
(David) : Avec plaisir.
Le Président
(M. Provençal)
: Nous
poursuivons avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président.
Merci, Dr Lussier,
pour vos interventions rigoureuses, lucides, pragmatiques et claires, tellement
utiles. Entre autres, il me semble que vous nous proposez des arguments
incontournables en ce qui a trait à l'idée de produire un guide de pratiques et
que le projet de loi peut aller jusqu'à un certain point pour encadrer un tel
guide, mais que le travail resterait à faire pour vraiment faciliter le travail
sur le terrain des intervenants.
Est-ce que je peux
comprendre, quand on parle de l'importance d'assurer, surtout les médecins sur
le terrain, qu'ils ne sont pas vulnérables sur le plan légal... Je prends pour
acquis, vous allez me dire si je me trompe, que vous êtes à l'aise que le
législateur procède et identifie une date, je présume, là, la plus vite que
possible pour l'implantation d'un éventuel projet de loi advenant un code
criminel qui ne se prononce pas nécessairement de façon si claire sur
l'affaire. Est-ce que je comprends bien?
M. Lussier
(David) : Je veux dire que je crois qu'il faut prendre pour acquis que
le Code criminel ne sera pas amendé dans un avenir prochain, donc, à moins
qu'on veuille retarder l'adoption ou la mise en application de ça pendant plusieurs années, ça va être fait sans une
modification du Code criminel. Mais les médecins, en général — c'est sûrement la même chose pour les
infirmières praticiennes — sont
plutôt peureux quand il est question...
surtout, bon, tout le médicolégal, mais encore plus quand il est question de
criminel. Donc, les gens ne voudront pas aller contre le Code criminel,
à moins qu'on les ait rassurés de façon certaine qu'ils n'encourent pas de
risque.
Et ce qu'on nous
disait avant, parce qu'on a déjà vécu, là... on a déjà joué dans ce film-là
quand la loi a été adoptée en 2015 et que le Code criminel n'avait pas encore
été modifié, on nous disait, bon : On va donner la directive à nos
procureurs généraux de ne pas poursuivre les médecins pour cette raison. Pour
les médecins autour de moi, ce n'est pas suffisant, parce qu'on change de
gouvernement, et le nouveau gouvernement change d'idée, ou il y a une plainte
privée qui arrive d'un groupe opposé, parce qu'il y en a, des groupes opposés.
Donc, il y a beaucoup de travail à faire, je crois, pour ça.
Évidemment, ce n'est
pas mon expertise, mais je crois qu'il faut être très convaincants pour
convaincre les médecins d'embarquer dans ça parce que plus c'est complexe, plus
les... je dis «les médecins», mais on entend aussi les IPS, là, maintenant, si
c'est dans le projet, mais il faut travailler très fort pour les garder parce
que plus c'est complexe et plus ils hésitent à s'embarquer dans ça, ce qui est
très demandant au niveau temps, émotion, planification, et donc il faut
vraiment les aider le plus possible et les rassurer.
M. Birnbaum : Oui, je comprends, c'est
un enjeu réel, les médecins doivent être équipés pour agir. Comment...
Est-ce que vous avez quelques suggestions de comment concrétiser cette
assurance? Et y aurait-il un aspect de cette obligation qui se manifesterait
dans le projet de loi comme tel ou dans la suite? Est-ce que vous avez des
suggestions concrètes à nous offrir?
M. Lussier (David) :
Bien, en fait, ce n'est pas du tout, du tout mon expertise, mais, si le
législateur québécois est convaincu qu'il peut aller de l'avant avec la loi,
avec les demandes anticipées sans modification du Code criminel, il faut qu'il
en convainque les médecins avec des arguments convaincants. Et je n'ai aucun
doute que c'est le cas, que le législateur québécois croit qu'il peut aller de
l'avant, mais il faut en convaincre les médecins avec des arguments que moi, je
ne possède pas, là.
M. Birnbaum :
Merci. Bon, j'ai une autre question, et je laisserai le temps, si vous me
permettez, M. le Président, à mes collègues, le temps qu'il me resterait. Je
comprends vos précisions, très intéressantes, sur l'idée que le
refus soit catégorique. On parle quand même, comme vous avez bien dit, et
d'autres, que c'est une personne inapte, à ce point-là, qui agit, en quelque
part, au nom d'elle-même, comme personne dont elle... quand elle était apte,
voulait passer à l'acte dans les conditions actuelles. Alors, en quelque part,
tout un paradoxe. Même avec le mot «catégorique», comment vous êtes satisfait
qu'il y ait un refus crédible, je me permets le mot, offert par une personne
qui est inapte?
M. Lussier
(David) : Bien, encore là, il faut le baliser. Je ne suis pas certain
que ça puisse être fait dans une loi, mais que... c'est plus, plutôt, une bonne
pratique médicale, de pouvoir identifier un refus catégorique. Est-ce qu'on
pourrait donner une légère sédation, quelque chose pour... pas pour empêcher le
refus catégorique, évidemment, mais pour calmer cette agitation ou cette
résistance à tout soin qu'on voit souvent chez ces personnes-là, et après ça on
pourrait procéder, s'il n'y a pas d'agitation, de refus catégorique? Ce qu'on
veut éviter, évidemment, c'est de restreindre la personne pour lui faire une
injection intraveineuse parce que c'est très traumatisant pour tout le monde. Je crois que ça ne doit pas être fait, mais on
doit trouver des façons de pouvoir respecter la volonté de cette personne-là,
finalement, qu'elle a exprimée auparavant, mais sans aller jusque-là, et ça,
selon moi, ça relève plus de la pratique médicale que de la loi, donc ça
pourrait être encadré dans un guide de pratiques.
M. Birnbaum :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Alors,
nous allons poursuivre avec le député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président.
Dr Lussier, merci
d'être de garde pour nous. Vous pourrez aller dormir après, maintenant que vous
avez fait vos devoirs la nuit dernière. On aimerait ça que vous soyez en forme
demain pour faire votre journée. Blague à part, merci d'être là.
Vous dites, tout à
l'heure : Une personne qui se débat, en général, c'est parce que... la
personne se débat, c'est ça qui est perçu comme un refus ou, en tout cas, une
rebuffade, ça, c'est sûr. Mettons, là, les patients alzheimer stade 5, 6, 7, là... mettons 6, 7, quel est le
pourcentage de ces gens, dans votre expertise, là, qui réagissent assez mal si
on doit les manipuler? Je ne parle
pas de leur peigner un petit cheveu de travers, là, de les manipuler pour
préparer l'aide médicale à mourir. Quel est le pourcentage de ces
gens-là qui risquent de gigoter?
• (21 h 50) •
M. Lussier
(David) : C'est plus les 5, 6, en fait, parce que les 7 sont
grabataires et ils ne bougent pas. Donc, les 7, ce n'est pas un problème, mais
je crois que, souvent, les gens s'imaginent que l'AMM va être administré au
stade 7, mais de la façon dont on le décrit ici, ça va être de façon plus
précoce parce qu'ils deviennent inaptes autour du stade 5, donc... Ça dépend
beaucoup. Il y a des gens qui... Ce serait difficile de mettre en pourcentage,
mais le pourcentage est... peut être très
élevé. Moi, je dirais que c'est plus que 50 % des gens en stade 5 qui va
être, selon moi, la majorité de ceux
qui vont recevoir l'AMM, 5 ou début de 6, qui... c'est la majorité qui
voudront... qui vont le sentir comme une
agression, le fait qu'on veuille faire quelque chose, parce que c'est comme si
nous, on ne réalise pas ce qui se passe, on ne réalise pas l'objectif de
la personne qui vient nous chercher, puis encore plus pour mettre une
intraveineuse, c'est très difficile, ils vont l'arracher, donc ce n'est pas
facile. Donc, ça va être un très, très haut pourcentage. Donc, le projet de
loi, comme il est maintenant, selon moi, ce ne sera presque jamais administré
si on laisse le refus comme ça.
M. Marissal : C'est clair, et ce n'est pas le but, là, on
s'entend. Le but serait de permettre à ces personnes d'obtenir la mort
qu'elles ont voulue. Donc, je pense qu'il n'y a personne qui aime ça, parler de
ça, là, mais on est... on ne peut pas évacuer, faire l'économie du débat sur le
sédatif, là. On exclut la contention, qui est vraiment barbare, mais le sédatif, je ne vois pas trop comment on peut ne
pas en parler, là, peut-être pas dans le projet de loi. C'est peut-être que
ça va dans vos pratiques, soit, mais la moitié, faites le calcul, considérant
le pourcentage de gens atteints de maladie — et là je ne parle que
d'alzheimer — ça
fait pas mal de monde.
M. Lussier
(David) : Oui, oui, je crois qu'on ne peut pas éviter... en pratique,
on ne pourra pas éviter de donner un sédatif quelconque à plusieurs de ces
personnes-là si on veut pouvoir... On donne des sédatifs pour donner un bain. À
la grande majorité des gens, quand on veut leur donner un bain, on leur donne
un sédatif. Si on veut installer une intraveineuse parce qu'il y a une
pneumonie, il faut donner un sédatif. Donc, pour faire une aide médicale à
mourir, un très, très grand nombre, il va falloir donner un sédatif si on veut
procéder. À ce moment-là, si on veut, comme société, ne pas procéder, c'est
correct, mais, si on veut procéder, ce que je crois qui est légitime parce qu'on
veut respecter les volontés exprimées par la personne... Ou peut-être qu'on
pourrait, dans la demande anticipée... il pourrait y avoir un élément où la
personne accepte ou non de recevoir un sédatif. Peut-être que ça nous
rassurerait, ça nous légitimerait, de
dire : J'accepte de recevoir un sédatif si c'est nécessaire pour pouvoir
recevoir l'AMM à ce moment-là.
M. Marissal :
...ça, vous voyez ça dans vos guides de pratiques et pas nécessairement
dans un article de loi?
M. Lussier
(David) : Encore là, vous êtes plus expert que moi dans ce qui doit
être dans une loi, mais je crois que ça pourrait être bien encadré dans un
guide de pratiques, mais probablement que, pour que ce soit clair que c'est
possible, il faudrait le mettre quelque part dans la loi, que le médecin peut
donner un sédatif si c'est jugé nécessaire.
M. Marissal : Je vous remercie,
c'est vraiment très éclairant. Merci de votre temps puis de votre expérience
terrain, ça nous aide beaucoup. Merci.
M. Lussier
(David) : Avec plaisir.
Le
Président (M. Provençal)
:
Nous poursuivons avec la députée
de Joliette pour les quatre minutes qui suivent.
Mme Hivon : Merci beaucoup.
Merci, Dr Lussier, extrêmement utile et
apprécié. J'ai plein de questions. Justement, pour ce qui est de la sédation,
tantôt on évoquait cette idée-là, que, dans la demande anticipée, la personne
le prévoie, ce qui pourrait donner un niveau de confort à l'équipe soignante
plus grand.
Très, très techniquement, là, les personnes qui
sont rendues à ces stades-là, quand vous donnez un sédatif pour le bain, par
exemple, c'est quelle forme de sédatif? Est-ce que c'est quelque chose qui se
dissout? Est-ce que c'est une injection? Est-ce que... Donc, juste pour savoir
si... Donc, ça, ça va m'intéresser. Je vous fais ma nomenclature de questions
puis... dans mon gros quatre minutes, bon.
Vous avez... Moi, j'ai une petite question très
technique entre le 29.4 et le 29.11. Vous l'avez soulevé, mais le 29.4 vient
dire à quoi va servir le tiers de confiance, qui est d'aviser un professionnel
compétent lorsqu'il pense que la personne éprouve les souffrances, donc,
d'agiter le drapeau, mais, quand on arrive à 29.11, au temps réel, au
moment 2 de l'évaluation, moi, je trouve que le tiers de confiance, il n'a
comme plus le rôle, là, c'est vraiment le professionnel qui prend en charge.
Donc, j'aimerais ça que vous nous disiez si on pourrait clarifier ça ou si,
selon vous, c'est cohérent. Moi, j'avais peur que, si on met trop le poids, là,
juste sur le professionnel, il y ait plein de professionnels qui disent :
C'est trop de trouble, ce n'est pas vrai que c'est moi qui vais enclencher
toute l'affaire. Donc, j'avais peur que les demandes tombent entre deux
chaises. Vous, vous amenez une autre perspective, vous dites : Bien, il y
a peut-être une sécurité supplémentaire, il y a le tiers puis il y a le
professionnel. Comment on harmonise tout ça?
Et, dans ce que vous nous avez dit, 29.2, là,
l'accompagnement puis décrire les souffrances à l'avance, là, vous avez
dit : Ça va être essentiellement des personnes de deuxième et de troisième
ligne qui vont pouvoir faire ça, parce que j'imagine que vous présupposez qu'il
faut une très grande expertise pour pouvoir décrire à la personne les
souffrances qu'elle pourrait vivre. Réalistement, là, est-ce qu'on va
pouvoir... est-ce que les gens vont pouvoir avoir accès à ces experts de
deuxième et de troisième ligne? Voilà.
M. Lussier (David) : Je vais
prendre votre troisième question, parce que je vais avoir de la difficulté à me
souvenir des deux premières, donc je vais tout de suite y aller avec la
troisième. Et je crois que ce que j'ai dit, ce n'est pas nécessairement que
c'est eux qui ont l'expertise, mais je crains que les gens de première ligne,
au début, ne se sentent pas à l'aise. Peut-être que, dans 10 ans, ça va
être entré dans les normes et dans la pratique, mais au début je crois qu'ils
ne se sentiront pas à l'aise. Moi, je crois que ça va relever beaucoup des
deuxième et troisième lignes, donc des spécialistes comme les gériatres.
Et ce qui est intéressant ou inquiétant, c'est
que, quand on regarde les médecins qui pratiquent l'aide médicale à mourir,
actuellement, c'est, 87 %, des médecins de famille et, 13 %, des
médecins spécialistes. C'est dans le rapport annuel de la Commission des soins
de fin de vie de 2020‑2021. Donc, il faut augmenter l'intérêt des médecins
spécialistes. Et on avait une rencontre de l'association des gériatres du
Québec en fin de semaine, et j'ai fait un petit sondage auprès des gériatres,
et de façon assez étonnante, je dirais, il y en avait jusqu'à... sur
80 personnes présentes, il y en avait presque la moitié qui se sentaient à
l'aise d'accompagner le patient pour faire la demande d'AMM. Donc, je crois
que... sauf que ces 40 personnes, s'il y en a 400 par année, on voit tout
de suite, puis... il faut les suivre, puis il n'y a personne qui va vouloir en
faire sa pratique principale. Donc, c'est pour ça, je crois, qu'il ne faut pas
surcharger ces services-là.
Vos autres questions, pour le sédatif qu'on donne,
ça peut être de différentes façons, on peut le donner qui se dissout dans la
bouche, on peut le donner oralement, si on a du temps. On évite habituellement
les injections, là, comme intramusculaires parce que c'est plus traumatisant,
donc... c'est plus facile.
Et, le tiers de confiance, j'ai aussi un peu la
même observation que vous, dans le sens où on perd un peu le tiers de confiance
dans l'histoire. Au début, on pense qu'il va avoir un rôle majeur dans notre
histoire, mais après ça c'est un peu décevant, le rôle qu'on lui donne, dans le
sens où il devient un peu seulement là pour une assurance et pour être
consulté. Donc, le tiers de confiance devient un peu, là, un représentant pour
aider ou... pour aider s'il n'y a personne qui va aller signaler la présence
des souffrances. Sauf que, comme je le disais tout à l'heure, si on peut le
voir seulement comme l'assurance, selon moi, ça peut aller aussi, parce que le
tiers de confiance peut avoir changé, peut être décédé, tu sais. Il y a
beaucoup d'années, là, entre ça, je crois que c'est ça qu'on ne réalise pas
tout à fait, c'est qu'on est entre trois et 10 ans entre le moment de la
signature puis le moment de l'administration, donc il peut arriver plusieurs
choses avec le tiers de confiance entre-temps. Donc, je crois que, oui, on
comprend plus ou moins son rôle vers la fin, mais, si on le voit comme une aide
ou quelqu'un... une assurance, je crois que ça pourrait aller.
Mme Hivon : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Provençal)
:
Nous allons compléter notre
séance d'échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, M. le
Président.
Bonsoir, Dr Lussier. Merci d'être avec nous ce
soir. Contente de vous revoir. J'ai deux questions. Je vais faire comme ma collègue, je vais vous les poser et je
vais vous laisser le temps pour y répondre, comme j'ai assez peu de
temps.
Vous nous mettez en garde,
comme plusieurs l'ont fait, sur la question du refus, qu'un refus entraînerait
l'abandon de la demande. Je pense qu'effectivement... quand on est familier
avec toute la question des SCPD, je pense que... tu sais, en connaissant la
réalité puis les réactions qu'ils peuvent avoir, l'agressivité, le refus de
soins, je pense que c'est bien de mettre en garde là-dessus. Vous ouvrez... vous
faites comme proposition de... que peut-être qu'en fait la réponse à ça pourrait être un nombre de tentatives, donc faire
confiance au jugement du clinicien, du professionnel... un nombre de
tentatives raisonnable, qu'il juge raisonnable.
Donc, comme nous,
ici, il faudra, évidemment, libeller des amendements ou voir comment on peut
perfectionner ça, je voulais vous entendre
sur, vous, comme praticien, ce que vous entendez par un nombre raisonnable et
dans quel contexte.
Et aussi, très rapidement, bon, je sais que vous
êtes un expert, justement, des cas complexes, où l'admissibilité n'est pas
toujours claire. L'objectif de ce projet de loi là, évidemment, est d'améliorer
l'accès. Est-ce que vous nous mettez en garde aussi sur certains éléments, sur
la complexité ou sur certaines choses qui pourraient désengager ou, en tout
cas, ne pas favoriser l'accès, sur l'attractivité pour les médecins ou sur
les... sur des médecins qui pourraient se désengager ou simplement ne plus
souhaiter faire des soins de fin de vie, de l'aide médicale à mourir?
• (22 heures) •
M. Lussier (David) : C'est deux
excellentes questions. Pour la première, sur le nombre raisonnable, je crois
qu'il faut éviter, probablement, de mettre un nombre, parce que ce n'est pas...
on n'est pas au baseball, là, où on a droit à trois prises. Donc, on pourrait y
aller... c'est pour ça qu'on laisse le jugement, avec le nombre raisonnable.
C'est la première chose qui m'a frappé en lisant le projet de loi, c'est
qu'après un refus on radie la demande du registre, donc c'est comme si on
déchire le papier que la personne a mis tant de soins à écrire, puis à
rediscuter, et à revalider plusieurs fois, et elle refuse une fois, et on
annule tout ça. Selon moi, c'est vraiment aller contre les volontés de la personne,
qu'elle avait exprimées. Donc, le nombre raisonnable selon le jugement
clinique, moi, je trouve que ça nous guide assez bien, là, pour savoir quoi
faire, plutôt que de dire trois, quatre, cinq ou six, là, ce qui serait tout à
fait arbitraire.
Et, pour votre autre question, évidemment, je
l'ai oubliée, je m'excuse, c'était sur... oui, si ça va décourager certaines
personnes. Donc, plus c'est complexe, évidemment, plus on risque de décourager
des gens. Il y a des... Chaque médecin qui participe à l'aide médicale à mourir
a une ligne qu'il a tracée, qui est sa ligne personnelle d'objection de
conscience et qui dit : Moi, je ne traverserai pas cette ligne-là. Pour
certains, c'est, par exemple, si c'est ouvert aux troubles psychiatriques, à un
certain moment, ils ne traverseront jamais ça; pour d'autres, c'est si la
personne n'est pas en fin de vie. Donc, c'est certain qu'il va y avoir des gens
qui ne voudront pas le faire par demande anticipée.
Il faut aussi voir, ce que je trouve assez
fascinant pour le vivre, actuellement, dans les milieux de soins de longue
durée, c'est que les milieux de soins de longue durée, ils vivent exactement ce
que les soins palliatifs ont vécu au début de la loi, c'est-à-dire qu'ils se
sentent menacés par l'arrivée de l'AMM. Et là ce n'est même pas pour les
demandes anticipées, on parle de patients qui font des demandes contemporaines
pour un trouble cognitif, là, et pour lequel
ils sont admissibles maintenant. Ils se disent : Est-ce que c'est parce
que vous trouvez que je ne fais pas bien mon travail que vous voulez
donner l'aide médicale à mourir à mes patients, à mes résidents? Donc, il faut
rassurer ces gens-là.
Et, oui, ça va décourager peut-être certaines
personnes, mais, si on les encadre bien, qu'on les accompagne bien... On parle,
depuis le début, d'avoir un téléphone rouge où le médecin qui a des questions
peut prendre le téléphone rouge puis appeler puis consulter quelqu'un. Ce n'est
pas une approbation préalable, mais c'est une guidance claire pour un... dans un cas précis. Ça, ça rassurerait
beaucoup et ça pourrait éviter de perdre des personnes impliquées, je
crois.
Mme Montpetit : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Dr Lussier, pour
votre contribution à nos travaux, surtout d'avoir accepté de... ces échanges,
alors que nous sommes... Je peux vous dire que c'est apprécié par l'ensemble
des membres de la commission.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux au
mercredi 1er juin, après les affaires courantes, où elle poursuivra son mandat.
Merci et bonne fin de soirée à tous.
(Fin de la séance à 22 h 04)