Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, May 31, 2022
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Vol. 46 N° 36
Special consultations and public hearings on Bill 38, An Act to amend the Act respecting end-of-life care and other legislative provisions
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Birnbaum, David
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Provençal, Luc
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Dubé, Christian
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
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Birnbaum, David
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Provençal, Luc
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Guillemette, Nancy
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Hébert, Geneviève
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Birnbaum, David
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Birnbaum, David
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Provençal, Luc
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Dubé, Christian
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Provençal, Luc
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Guillemette, Nancy
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Picard, Marilyne
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Birnbaum, David
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Provençal, Luc
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Guillemette, Nancy
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Dorismond, Shirley
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Birnbaum, David
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Birnbaum, David
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Provençal, Luc
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Montpetit, Marie
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Dubé, Christian
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Dubé, Christian
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Provençal, Luc
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Guillemette, Nancy
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Hébert, Geneviève
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Birnbaum, David
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Montpetit, Marie
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Montpetit, Marie
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Provençal, Luc
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
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Birnbaum, David
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Provençal, Luc
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Montpetit, Marie
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
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Marissal, Vincent
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Marissal, Vincent
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Provençal, Luc
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Hivon, Véronique
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Montpetit, Marie
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Dubé, Christian
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Dubé, Christian
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Guillemette, Nancy
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Provençal, Luc
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Picard, Marilyne
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Birnbaum, David
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Marissal, Vincent
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Hivon, Véronique
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Montpetit, Marie
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Montpetit, Marie
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Provençal, Luc
9 h (version révisée)
(Neuf heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 38, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Asselin (Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Jacques
(Mégantic); Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), par Mme Hébert
(Saint-François); M. Tremblay (Dubuc), par Mme Dorismond
(Marie-Victorin); Mme Sauvé (Fabre), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par Mme Hivon (Joliette).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Ce matin, nous débuterons par les
remarques préliminaires puis nous entendrons par visioconférence les personnes
et groupes suivants : le Collège des médecins du Québec, la Fédération
québécoise des sociétés d'Alzheimer et l'Association québécoise pour le droit
de mourir dans la dignité.
Comme la séance a débuté à 9 h 22,
y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux, si besoin, au-delà de l'heure
prévue, soit jusqu'à 12 h 10? Consentement?
Des voix : Consentement.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
J'invite maintenant M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux à faire ses remarques préliminaires. M. le
ministre, vous disposez de 5 min 34 s.
M. Christian Dubé
M. Dubé : Je vois déjà
que le Dr Gaudreault est en ligne, mais je le saluerai après les remarques
préliminaires.
Alors, je suis vraiment très heureux qu'on
puisse commencer aujourd'hui les consultations particulières sur ce projet de
loi qui est très important. C'est une autre étape qu'on franchit aujourd'hui
pour l'évolution de notre loi concernant les soins de vie ainsi que l'accès à l'aide
médicale à mourir. En fait, c'est un message fort que nous lançons aujourd'hui
en tenant ces consultations qui abordent la question de la demande anticipée.
J'aimerais aussi profiter de l'occasion
pour remercier la commission spéciale pour son travail essentiel qui nous a
menés ici aujourd'hui et tous les députés qui en faisaient partie. Avec la
charge de l'agenda législatif et celle de notre commission santé, le ministère
a malgré tout fait un travail titanesque dans les délais qu'on avait pour faire
un projet de loi et le déposer avant la fin de la session. Maintenant, les
défis sont énormes sur un sujet qui est aussi important et délicat, et c'était
essentiel pour nous de faire ce projet de loi et de donner suite au rapport de
la commission spéciale. C'était une demande des parlementaires, et nous avons
livré, nous avons déposé le projet de loi.
On sait tous, par contre, que le temps est
compté, mais on veut bien faire des choses et on va prendre le temps d'écouter
les parties prenantes et étudier adéquatement le projet de loi. Par contre, on
a dû faire aussi des choix qui sont déchirants, autant pour les consultations
particulières afin de respecter notre échéancier — je pense entre
autres que plusieurs autres intervenants auraient aimé être avec nous — mais
on a dû faire aussi des choix sur les sujets que l'on doit mettre de côté par
manque de consensus. Maintenant, il reste à savoir si nous pourrons le voter
dans les délais qui nous sont imposés, mais je reste confiant.
À la suite du dépôt du projet de loi de la
semaine dernière, on a bien entendu les préoccupations qui ont été soulevées
par les partis d'opposition par rapport à l'ajout du handicap neuromoteur. Par
contre, je comprends les préoccupations du Collège des médecins, on va d'ailleurs
les entendre dans les prochaines minutes. C'est eux... il faut le rappeler, ce
sont eux qui sont sur le terrain, qui administrent l'aide médicale à mourir et
qui auront à gérer un flou juridique qu'ils nous expliqueront.
Je rappelle que cet aspect avait d'ailleurs
été amené lors des consultations de la commission mais n'a pu être traité parce
que ce n'était pas dans le mandat de la commission. Mais j'ai bien entendu les
préoccupations des oppositions, et notre priorité est de ne pas compromettre l'adoption
du projet de loi, qui porte principalement sur les décisions anticipées <et
sur l'inaptitude. On va...
M. Dubé :
...projet
de loi, qui porte principalement sur les décisions anticipées >et sur
l'inaptitude. On va déposer, lors de l'étude détaillée, deux amendements pour
retirer les dispositions sur le handicap neuromoteur, qu'on pourra discuter à
ce moment-là.
J'ai dit qu'il y avait plusieurs défis,
mais un des défis est le temps qu'il nous reste, M. le Président. Un autre défi
est que le projet de loi soit applicable sur le terrain. Et on le sait, on le
sait, M. le Président, sur un sujet aussi délicat, le diable est souvent dans
les détails. D'ailleurs, durant les consultations, s'il y a d'autres éléments
qu'on doit ajouter ou enlever, on est prêts à s'ajuster rapidement, tant que c'est
cohérent avec l'esprit du projet de loi, ce que nous avons fait jusqu'à
maintenant. Donc, c'est pour ça qu'on veut que les intervenants, lors des
consultations particulières des deux prochains jours, nous disent ce avec quoi
ils sont inconfortables ou confortables pour qu'on puisse s'ajuster dans le
temps qui nous est imparti et atteindre notre consensus.
En conclusion, M. le Président, je le
répète, on est très heureux qu'on puisse discuter ce matin, commencer ce matin
les consultations particulières et entendre le plus de groupes possible. Dans
les prochains jours, nous avons l'occasion de franchir une autre étape dans l'aide
médicale à mourir avec les demandes anticipées. Mais, je le résume, nous avons
trois défis, trois défis : on a un temps qui est limité, on doit avoir un
consensus sur les décisions... les recommandations de la commission, et le
projet de loi doit être bien applicable sur le terrain, trois défis. Je peux
vous assurer que nous allons tout faire pour réussir à aller de l'avant, mais,
si jamais on voit que ça ne fonctionne pas, on aura tous essayé ensemble, comme
on l'a déjà fait dans d'autres circonstances. Mais, je le répète, je pense qu'on
peut réussir. Je suis certain qu'on va avoir la collaboration de tout le monde.
On doit bien faire les choses pour les Québécois. C'est un sujet qui est trop
important et c'est une étape, encore une fois, importante. Merci, M. le
Président, et bonne journée à tous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre.
J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition
officielle et député de D'Arcy-McGee à faire ses remarques préliminaires pour
une durée maximale de 3 min 43 s. À vous la parole.
M. David Birnbaum
M. Birnbaum : Mes
salutations, M. le Président, M. le ministre, son équipe et l'équipe du
ministère, mes collègues députés du côté ministériel, mes collègues qui ont
travaillé fortement avec moi et autres sur la commission, les députés de l'opposition.
Je reconnais... Premièrement, j'apprécie l'ouverture
du ministre et la façon qu'il encadre notre travail. Je me permets de
reconnaître le travail de notre commission, de sa présidente, qui nous a
dirigés de façon humaine et efficace, et mes collègues du comité directeur
ainsi que les collègues de la commission qui ont confié quelque 200 heures
de façon ardue, transparente et responsable pour produire un rapport signé par
chaque membre de façon unanime et transpartisane, ce n'est pas rien.
La question devant nous est la plus
solennelle et importante. Nous avons une responsabilité à la fois d'aider le
public à comprendre où nous sommes rendus. On n'est pas devant un vacuum. L'aide
médicale à mourir est légale au Québec. Le débat est sur l'élargissement et sur
les paramètres d'un mandat qui a été assez clair. Alors, je crois qu'on va
écouter avec grande attention les témoins de ces deux journées en dedans des
paramètres du projet de loi devant nous. Je prends très au sérieux l'engagement
du ministre, malgré le fait qu'on va écouter comme il faut que l'élargissement
pour les handicapés atteints des problèmes neuromoteurs ne feraient pas partie
du projet de loi qu'on va mettre de l'avant, je le dis clairement. Sans oublier
que nous aurions la grande responsabilité d'écouter comme il faut et peut-être
de signaler qu'un débat sur ce sujet tellement important doit se faire dans un
avenir peut-être assez proche.
• (9 h 30) •
On est devant un paradoxe, le ministre y a
fait référence. Nous avons l'obligation solennelle de faire notre travail de
façon diligente, d'équiper les 125 députés à faire une décision éclairée
et responsable. À la fois on a la responsabilité de faire tout notre possible
afin de présenter pour un vote à nos collègues de l'Assemblée nationale <un
projet de loi étoffé, clair, implantable...
>
9 h 30 (version révisée)
<15371
M. Birnbaum :
...à nos collègues de l'Assemblée nationale >un projet de loi
étoffé, clair, implantable, et réaliste, et compatissant, et là, dans leur
sagesse, les 125 députés vont trancher là-dessus. Moi, je partage la
confiance du ministre qu'on peut arriver à atteindre tous ces objectifs de
façon honorable, transparente et non partisane. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député.
J'invite maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition et député de Rosemont à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de 56 secondes.
M. Vincent Marissal
M. Marissal : Oui,
merci. De toute façon, ça ne sera pas plus long que ça : de un, je perds
la voix; de deux, on a beaucoup discuté de ça, on en est à l'étape finale. Moi,
je pense que c'est faisable, puis on ne refera pas l'histoire, mais il aurait
été préférable d'arriver avec ça avant parce que, là, on sent un petit peu la
baïonnette dans le dos, ce n'est pas idéal pour adopter ce genre de choses.
Alors, allons-y, allons-y rondement, mais je crois, comme mon collègue de D'Arcy-McGee,
que la question qui avait été rajoutée un peu dernière minute sur handicap
neuromoteur, on ouvre une tout autre porte, là, dont on n'a pas discuté de
façon exhaustive, ce qu'on a fait avec les autres sujets.
Alors, cela dit, je suis là pour écouter
puis, dans un monde idéal, adopter ça d'ici le 10 juin.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député.
J'invite maintenant la porte-parole du
troisième groupe d'opposition et députée de Joliette à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de 56 secondes.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon : Alors,
merci. Heureuse de retrouver les collègues de la commission.
Écoutez, M. le Président, j'ai beaucoup de
choses à dire, je vis beaucoup d'émotions, et tout ça en 56 secondes, donc
c'est un défi.
On est dans la salle Pauline-Marois. Je
veux juste faire un petit clin d'oeil à Pauline Marois parce que, quand je lui
étais arrivée avec l'idée initiale de créer une commission sur le sujet, elle m'a
écoutée, elle m'a entendue et puis elle m'a soutenue. Alors, petit clin d'oeil
à elle.
Écoutez, oui, c'est une amorce d'une autre
étape fondamentale pour concrétiser cette demande, je pense, d'une grande
partie de la population, d'avoir la possibilité d'une demande anticipée. C'est
un principe qui est fort, qui est très consensuel, mais le diable va être dans
les détails, il faut que ce soit solide pour un enjeu aussi complexe et
sensible.
Et moi, je veux juste rappeler que je me
sens investie d'une grande responsabilité, parce qu'à l'époque on avait dit aux
opposants, parce qu'il y avait beaucoup de réticences pour le principe même, qu'il
y aurait toujours un pacte avec la population, qu'à chaque fois qu'il y aurait
une nouvelle avancée possible, un nouveau débat, il y aurait une large
discussion pour être sûrs qu'il y aurait un consensus. Je pense que ça doit
continuer à nous guider. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Merci
pour ces remarques préliminaires.
Auditions
Nous allons maintenant débuter les
auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Collège des médecins
du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je
vous cède la parole, messieurs.
Collège des médecins du Québec (CMQ)
M. Gaudreault
(Mauril) :Merci. Je suis Mauril
Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec. Ça me fait plaisir d'être
avec vous ici ce matin. M. Provençal, députés membres de cette même
commission, M. le ministre Christian Dubé également, merci d'entendre aujourd'hui
la voix du Collège des médecins du Québec, même si la voix de son président est
un peu éraillée et enrouée. Étant... Ayant été testé COVID positif hier matin,
j'ai un peu de toux et un peu de congestion nasale, je m'en excuse. Je suis accompagné
du directeur général du collège, le Dr André Luyet, psychiatre, qui a participé
à l'élaboration de notre positionnement. Et je souligne aussi l'importante
contribution chez nous de notre Direction des affaires juridiques.
La mission de notre ordre professionnel
est de protéger le public en offrant une médecine de qualité, en offrant des
soins de qualité, et l'aide médicale à mourir, au sens proprement médical, est
un soin, un soin qui s'inscrit dans les choix offerts aux personnes lorsque
leur souffrance devient intolérable et sans fin, une souffrance à laquelle des
personnes préfèrent la démarche de fin de vie. En toutes circonstances, jusqu'à
la fin, le médecin est là auprès de son patient à remplir son devoir éthique et
déontologique.
Le projet de loi n° 38
a été déposé mercredi dernier. Un amendement majeur survenait le lendemain.
Nous voici, moins d'une semaine plus tard, à étudier ce projet de loi. Les
choses vont vite, je suis d'accord avec vous, elles se bousculent, mais nous
composons avec la situation. Cependant, pour nous, la fenêtre est là, ouverte à
un élargissement de l'aide médicale à mourir au profit des personnes
handicapées, que l'on songe à la disparition du critère de fin de vie, à l'autorisation
donnée aux infirmières praticiennes spécialisées d'administrer l'aide médicale
à mourir et la sédation palliative continue, à la demande anticipée d'aide
médicale à mourir ou à l'élargissement de celle-ci à toutes les maisons de
soins palliatifs. C'est pourquoi notre mémoire est <concis...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...de celle-ci à toutes
les maisons de soins palliatifs. C'est pourquoi notre mémoire est >concis
et aborde les points que nous estimons, ici, essentiels.
Nous tenons... Je tiens vraiment à
souligner l'écoute du ministre Dubé à l'endroit du collège et son ouverture
face à nos propositions, mais nous ne doutons aucunement de celle des membres
de cette commission. Nous tenterons de convaincre l'ensemble des parlementaires
du bien-fondé des avancées du projet de loi sur le plan médical et formulerons
des recommandations sur certains aspects.
Voilà bientôt 20 ans que le Collège des
médecins participe à l'évolution de l'aide médicale à mourir en contribuant
notamment activement à la réflexion ayant mené à l'adoption de la Loi concernant
les soins de fin de vie. En 2015, le collège publiait déjà trois guides
d'exercice afin d'aider les médecins qui accompagnent les personnes en fin de
vie. Prochainement, des changements seront apportés au guide d'exercice sur
l'aide médicale à mourir par l'ajout d'une référence aux protocoles
pharmacologiques produits par l'INESSS. Il sera aussi mis à jour pour donner
suite éventuellement aux ajustements qui pourraient être apportés au Code
criminel. Nous dirons, ici, les choses franchement, toujours dans le sens
médical et dans l'intérêt des personnes.
Au Québec, les personnes disposent
actuellement de moins d'options de soins de fin de vie que les autres
Canadiens. Pour nous, le Collège des médecins, cela est inacceptable. Nous
devons offrir aux personnes aux prises avec une condition de santé grave, une
maladie ou un handicap accompagné de souffrances intolérables et inapaisables
la même panoplie d'options que celles offertes à l'ensemble des citoyens
canadiens.
Hors du Québec, une personne souffrant
d'un handicap entraînant des souffrances physiques et psychiques intolérables a
librement accès à l'aide médicale à mourir en vertu du Code criminel. Au
Québec, il lui faut en plus être atteinte d'une maladie grave et incurable. Si
cette même personne vivait à Ottawa plutôt qu'à Gatineau, elle ne passerait pas
le reste de sa vie à souffrir et à attendre la mort. Il ne peut y avoir deux
lois pour une même souffrance.
Pour le Collège des médecins, aborder
l'aide médicale à mourir strictement sous le spectre de la trajectoire de fin de
vie ou de la maladie incurable occulte toute la dimension de la souffrance
intolérable associée à des handicaps et à laquelle doivent se résigner les
personnes.
C'est ici que se confrontent les approches
médicale et politique de l'aide médicale à mourir : l'une tente de
distinguer l'origine d'un handicap, tandis que l'autre s'attarde à la
souffrance intolérable et irréversible de la personne, peu importe les
circonstances. Cette situation distincte au Québec engendre de la confusion.
Elle engendre également un certain malaise, un fort malaise, même, pour les
médecins qui doivent évaluer l'admissibilité d'une personne à l'aide médicale à
mourir.
Lors du dépôt du projet de loi n° 38,
le collège a perçu comme une avancée pour les personnes l'ajout du handicap
neuromoteur comme critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Nous en
avions d'ailleurs fait la recommandation dans le rapport de votre groupe... de
notre groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir que nous avions rendu
public. Son retrait du projet de loi a été justifié par le fait que les
parlementaires n'avaient pas étudié en profondeur ce volet. Nous respectons
cela totalement, bien sûr, mais, au nom des patients, il importe que cet examen
se déroule dans les meilleurs délais. Le ministre de la Santé et des Services
sociaux en a pris formellement l'engagement. Nous comprenons que ce n'est que
partie remise, c'est pourquoi nous réclamons à nouveau une harmonisation des
lois québécoises et fédérales touchant l'aide médicale à mourir. Les Québécois
souffrant d'un handicap, affligés de souffrances intolérables qui ne peuvent
être soulagées doivent, comme tous les Canadiens, avoir librement droit à ce
soin. Et nous insistons pour que la loi québécoise soit formulée de manière à
ce que le qualificatif «neuromoteur» ne soit pas plus limitatif que ce que
prévoit le Code criminel au sujet du handicap. C'est une question d'équité
envers toutes les personnes. Je vous le redis, il ne peut y avoir deux lois
pour une même souffrance.
• (9 h 40) •
Et on ne peut pas parler, ici,
d'acceptabilité sociale ou de politique lorsqu'il s'agit de priver les
Québécois de certains soins prévus d'un océan à l'autre dans le Code criminel.
Il faut éviter que ce soient les personnes touchées qui fassent valoir leurs
droits devant les tribunaux. La cohabitation de deux législations fait jouer le
rôle de professeurs de droit aux médecins. Chaque semaine, des médecins, des
familles nous relatent comment des <personnes...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...de droit aux
médecins. Chaque semaine, des médecins, des familles nous relatent comment des
>personnes se sont laissé mourir de faim, se sont suicidées faute
d'accès à l'aide médicale à mourir auxquelles elles ont pourtant légalement
droit en vertu du Code criminel. D'autres sont même allées obtenir ce soin à
l'étranger. Il est grand temps pour nous de tenir compte de l'intérêt des
Québécois sur cette question.
Je demande maintenant au Dr Luyet
d'aborder la question des demandes anticipées et d'autres dispositions du
projet de loi.
M. Luyet (André) : Merci,
Dr Gaudreault.
Le projet de loi n° 38 autorisera
désormais les demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Les personnes
atteintes d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir
aux soins pourront présenter une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Cependant,
cela n'est pas encore possible au Canada. On ne peut présenter pareille
demande, car le mécanisme n'est pas prévu au Code criminel, mais on sait que
les demandes anticipées font actuellement l'objet d'un examen par le
gouvernement fédéral.
Le collège estime que cette disposition du
projet de loi n° 38, bien qu'inapplicable actuellement, constitue un gain
pour la société québécoise et est le reflet de son acceptabilité. Nous
recommandons donc que le législateur prévoie déjà la formulation du décret
nécessaire pour une entrée en vigueur immédiate de cette disposition, une fois
que le Code criminel le permettra.
Nous recommandons aussi que soit dès
maintenant élaboré le formulaire dans lequel il est prescrit que soit consignée
chaque demande anticipée afin que la mise en application de cette nouvelle
disposition ne souffre aucun délai.
Sur la question de la santé mentale
maintenant, le projet de loi est clair sur son exclusion en matière de maladie
grave et incurable. Il en va de même pour le Code criminel, du moins jusqu'en
mars 2023, mais le gouvernement fédéral étudie aussi cette question.
Si le projet de loi n° 38 est adopté
sans disposition prévoyant une harmonisation immédiate advenant une
modification en ce sens du Code criminel, nous placerions les patients, les
médecins et les IPS en situation de porte-à-faux. À nouveau les Québécois
disposeraient de moins de choix en matière d'aide médicale à mourir, cela n'a
aucun sens pour nous. Mais nous reconnaissons toute la sensibilité de cette
question, que le collège a étudiée pendant de longs mois avec des cliniciens
dont l'expertise est reconnue dans la sphère médicale et juridique. On constate
que le niveau de souffrance élevé engendré par certains problèmes de santé
mentale est aussi inapaisable que celui rencontré dans tout autre problème de
santé.
Dans le rapport de notre groupe de
réflexion...
Le Président (M. Provençal)
:Je vais vous demander de conclure,
s'il vous plaît.
M. Luyet (André) : Dans
le rapport de notre groupe de réflexion, nous proposons des balises claires
pour guider les cliniciens. Nous recommandons donc au gouvernement d'accélérer
sa réflexion sur l'admissibilité à l'aide médicale à mourir des personnes
souffrant d'un trouble mental et de prendre en considération les balises
proposées par le collège dans ces cas.
Et nous saluons enfin l'ajout des IPS
comme professionnels pouvant administrer l'aide médicale à mourir et la
sédation palliative continue, mais le texte de loi proposé précise que cela ne
vaut que pour les IPS exerçant leur profession dans un centre exploité par un
établissement public. Le lieu d'administration du soin ne devrait pas être
limité.
Je cède maintenant la parole au Dr Gaudreault.
Le Président (M. Provençal)
:Maintenant, on va... Je m'excuse,
votre temps est écoulé. Nous allons procéder à la période d'échange avec les
membres de la commission, et je vais faire une suggestion pour que le temps
résiduel soit réparti, avec votre consentement, aux membres de l'opposition.
Consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous allons débuter
cette période d'échange avec M. le ministre. Je vous cède la parole pour les
15 min 15 s.
M. Dubé : Oui. M. le
Président, tout d'abord, je voudrais faire deux choses : remercier le Dr Gaudreault
et le Dr Luyet pour leurs commentaires. Je sais que ce n'est pas une
situation facile pour le Collège des médecins. Je pense qu'on l'a dit, que... Et
d'ailleurs ma collègue députée de Joliette a bien dit que c'était une question
d'applicabilité sur le terrain, puis nos médecins sont sur le terrain, puis
c'est eux qui sont souvent dans cette situation-là inconfortable. J'aimerais
dire que je salue beaucoup la position qu'il vient de prendre, là, en disant
qu'il comprend la décision que nous avons prise de retirer la question des
handicaps neuromoteurs, même si ce n'est pas leur préférence, de comprendre
qu'il est important d'avoir un consensus. Alors, Dr Gaudreault et votre
collègue, j'apprécie cette précision importante que vous faites <en début
de...
M. Dubé :
...Dr Gaudreault
et votre collègue, j'apprécie cette précision importante que vous faites >en
début de de cette consultation-là, c'est tout à votre honneur.
Mon deuxième point, c'est que j'aimerais
donner toute la place, M. le Président, non seulement à notre députée de
Roberval, mais il faut rappeler que c'est quand même... là je me permets de
l'appeler par son prénom, je ne sais pas si je vais avoir le droit de faire ça,
mais c'est quand même Mme Guillemette, Nancy, qui a conduit, avec les
autres députés, cette commission-là, qui a passé, comme vous l'avez dit, M. le
député, plus de 200 heures, alors je pense qu'il serait tout à fait respectueux
de ma part et de notre part de donner toute la place aux députés qui ont fait
ce travail-là, et particulièrement à Mme Guillemette.
Alors, je vous laisse aller avec vos
questions que vous pouvez avoir pour le Collège des médecins.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci,
M. le ministre. Et je partage ce moment-là avec les collègues et les collègues
de la banquette en avant de moi également. Donc, on l'a fait ensemble et on va
le mener ensemble jusqu'au bout.
Merci, messieurs, d'être avec nous ce
matin. J'apprécie vraiment encore qu'on puisse rediscuter de ce sujet qui est
tellement important, mais aussi tellement sensible. On entend bien votre
message pour l'harmonisation, également pour la santé mentale, pour le handicap
neuromoteur. Je souhaite remercier votre ouverture que vous avez eue pour nous
tendre la main pour la suite des choses et que vous comprenez bien la situation
et ce qui a été discuté avec les collègues en commission. On sait que, pour
vous, ce n'est pas la situation idéale, et on souhaite tous vous rendre la
chose plus facile.
Par contre, ce matin, on va discuter de la
demande anticipée de l'aide médicale à mourir, et, dans ce sens-là, j'aimerais
savoir est-ce qu'il est possible d'évaluer objectivement la souffrance d'une
personne avec des troubles cognitifs majeurs qui est devenue inapte.
M. Gaudreault
(Mauril) :Dr Luyet, je vous laisserais
répondre.
M. Luyet (André) : Je
pense qu'il est bien important qu'au moment de donner un consentement libre et
éclairé dans une demande, on puisse examiner vraiment tous les cas de figure
possibles, toutes les éventualités, les choses qui sont susceptibles de
subvenir pour que ce soit bien clair pour la personne qui donne son
consentement.
Maintenant, dans le cours de l'évolution,
c'est sûr que cette possibilité-là d'exprimer verbalement, adéquatement sa
souffrance peut être entachée par l'évolution de la maladie. Mais la
souffrance, la douleur, ça s'exprime à travers toutes sortes de postures, de
crispation, de faciès, d'agitation au plan psychomoteur, de troubles de sommeil,
enfin il y a plusieurs indices qui nous permettent d'avoir une idée du niveau
de souffrance vécu par la personne. Est-ce que c'est aussi précis, aussi bien
déterminé que si la personne avait pu l'exprimer elle-même? Non, mais il y a
quand même des voies alternatives, là, pour évaluer cette souffrance-là.
Mme Guillemette : La
personne a conscience qu'elle souffre physiquement ou mentalement, là. C'est
certain que la souffrance mentale est plus difficile à évaluer, à ce moment-là,
que la souffrance physique, mais la personne a conscience qu'elle souffre.
M. Luyet (André) : Oui,
oui.
• (9 h 50) •
Mme Guillemette : Dans
votre rapport sur l'aide médicale à mourir publié en décembre dernier, il est
mentionné que, dans les situations où la personne est en situation
d'inaptitude, seul le refus catégorique s'opposerait à l'administration de
l'aide médicale à mourir. Qu'est-ce qui est, pour vous, le refus catégorique,
et pouvez-vous me donner des exemples? On a eu un exemple d'une situation qui
s'est produite, là, en Europe. Et qu'est-ce que c'est, pour vous, le refus
catégorique? Quelqu'un qui va être inconfortable, qui va tasser son bras, est-ce
que c'est, pour vous, un refus catégorique ou... Pour nous permettre de bien
baliser cet aspect-là.
M. Luyet (André) : Bien,
encore une fois, c'est des situations qui sont extrêmement complexes, mais le
problème ne se posera pas uniquement ce jour-là. Je pense qu'il faut déjà
réunir les conditions pour permettre, là, de prendre les meilleures décisions.
Alors, encore une fois, au moment de prendre la décision, une fois le
diagnostic posé alors que la personne est encore apte d'explorer les
différentes évolutions, les différents cas de figure, les différentes
complications qui peuvent survenir, de pouvoir dire précisément <quelles
sont ses...
M. Luyet (André) :
...figure,
les différentes complications qui peuvent survenir, de pouvoir dire précisément
>quelles sont ses volontés, de pouvoir communiquer cette décision-là
très clairement à ses proches et en particulier à la personne ou au tiers
désigné aussi, c'est important. Et au moment d'administrer l'aide médicale à
mourir, selon l'évolution, je pense que, là aussi, la communication est
importante. Il ne faut pas aller vers une opposition, mais essayer de partager
l'actualisation d'une décision qui aurait été prise et exprimée clairement par
la personne alors qu'elle était en état de le faire, et ça, ça devrait être la
chose qui est la plus... la balise la plus la plus cardinale, la plus
importante à respecter, les volontés clairement exprimées par la personne.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et, vous savez, en complément
de réponse, si je peux me permettre, le médecin, il n'est pas seul dans
l'évaluation de telles situations si complexes, ça se passe beaucoup en
interdisciplinarité également, avec d'autres personnes qui interviennent dans
les soins et pour lesquels les opinions de toutes et chacune sont partagées par
rapport à la difficulté, la complexité d'évaluer le degré de souffrance
intolérable et inapaisable pour un individu — nommons seulement les
infirmières, mais aussi d'autres intervenants qui participent, là, à l'échange,
à la question et au plan de traitement qui est par la suite adopté ou partagé.
Donc, c'est complexe, mais le médecin n'est pas seul pour évaluer cela
correctement.
Mme Guillemette : O.K.
Et, dans le cas d'un refus catégorique, est-ce que la personne pourrait noter
dans son formulaire, pour être certaine de ne pas avoir de refus, qu'elle veut
une sédation palliative avant le grand moment, ou c'est exclu?
M. Luyet (André) : Bien,
en fait, ça fait partie de toutes les choses qu'il faudra explorer. Ce n'est
pas quelque chose qui va se signer superficiellement, sans avoir toute
l'information nécessaire, là.
Quand je parlais de tous les cas de figure
qu'il faut discuter avec la personne pour avoir un consentement vraiment
éclairé sur la façon dont les choses vont se dérouler, dont la... est
extrêmement importante, et ça, ça... Je pense que la question se pose aussi, de
dire : Bien, arrivé dans une situation comme celle-là — et c'est
une évolution possible, c'est quelque chose qui pourrait arriver — comment
vous voudriez qu'on procède, à ce moment-là? Comment vous voudriez qu'on puisse
concilier ce que vous nous dites maintenant avec ce qui pourrait être exprimé à
ce moment-là? Et, si les choses sont claires dès le départ, je pense qu'on va
dissoudre un grand nombre de complications, là, qu'on va raconter autrement.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Dubé : Bien, écoutez,
je voudrais continuer dans le même sens. Puis je vais offrir à mes autres
collègues aussi, s'ils ont des questions, mais peut-être que je reviendrais sur
un des points que j'ai soulevés. Dr Gaudreault, étant donné votre grande
expérience, là, sur le terrain, si on met de côté les troubles neuromoteurs,
qu'est-ce que, dans le projet de loi, là, qui... on pourrait avoir de votre
part les enjeux qu'on doit régler rapidement pour être sûrs que c'est le plus
applicable possible? Parce que, là, maintenant qu'on se concentre sur des
décisions anticipées, étant donné votre grande expérience, qu'est-ce que vous
nous dites, là, qu'on doit prendre... Parce qu'on a quand même le temps
d'ajuster. Je l'ai offert, je l'ai offert à mes collègues de l'opposition. Y
a-t-il d'autres choses, selon vous, qui sont importantes qu'on devrait
s'assurer dans...
Parce que c'est toujours... on l'a bien
dit, là, il y a la loi puis il y a le terrain, et vous, vous allez appliquer la
loi sur le terrain. Est-ce qu'il y a des choses qui vous préoccupent en ce
moment qu'on devrait peut-être tenir compte? Parce qu'on a toute une équipe,
là, de légistes, ici, qui ont fait un travail extraordinaire de faire, je
dirais, quelque chose qui est très bon à 90 %, mais, je l'ai dit, il... pas
parce qu'ils n'ont pas fait l'effort, mais la loi, souvent, puis le terrain, ce
n'est pas pareil. Est-ce qu'il y en a, des éléments qui vous sautent aux yeux
qu'on devrait tenir compte dans les prochains jours?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, écoutez, M. le ministre,
ça va vous décevoir, ma réponse, là, mais c'est comme toujours la même réponse.
Je veux dire, c'est difficile pour des médecins d'appliquer... en fait, de
soulager les souffrances d'un individu le plus possible avec deux lois, deux
lois par rapport à l'admissibilité de ces personnes-là. C'est difficile pour
les médecins sur le terrain, c'est difficile, c'est pour ça que j'ai utilisé
l'expression «professeurs de droit». C'est ça.
M. Dubé : Mais ça, je...
Mais, Dr Gaudreault, Dr Gaudreault, on a décidé... on a décidé... puis
je le dis, là, très clairement, on a décidé qu'on mettait cet <imbroglio-là...
M. Dubé :
...puis
je le dis, là, très clairement, on a décidé qu'on mettait cet >imbroglio-là
de côté. Vous l'avez bien dit, vous acceptez qu'on va revenir sur cet
aspect-là. Ça, je comprends ça. Mais il y a-tu, à l'intérieur de ce cadre-là
que vous acceptez... J'ai salué votre ouverture de l'accepter parce que c'est
une étape que l'on fait aujourd'hui. Ça ne veut pas dire qu'on ne reviendra
pas, autant sur la santé mentale que... la commission l'avait dit, ce n'était
pas dans leur mandat.
Mais ce que je veux savoir de votre
part... puis je sais que ce n'est pas facile, ce que je pose comme question,
mais il y a-tu des choses qu'on devrait savoir aujourd'hui qui vont nous
permettre, lorsqu'on va rentrer dans le détail de la loi, de faciliter? Puis,
si vous voulez le faire un petit peu plus tard dans les prochains jours, j'aimerais
qu'on le sache, parce que je pense que tout le monde ici comprend que ce n'est
qu'une autre étape. La députée de Joliette l'a bien dit, il y a une grosse
étape qui a été faite en 2015. On s'est ajustés, suite à votre demande en
2019... Quand est-ce qu'on s'est ajustés pour... 2021, il y a eu un ajustement
qui avait été fait. Là, on en fait un, qui est majeur, sur les demandes
anticipées, et je suis certain que ça va continuer d'évoluer dans la tête des
Québécois puis dans la tête des parlementaires. Mais ce que je voulais
savoir... puis je ne veux pas trop prendre de temps, mais est-ce qu'il y a d'autres
choses dans lesquelles vous vous dites : Il y a quelque chose qui nous
titille, là, à part le fédéral, là, je vais dire ça comme ça, qu'on pourrait
modifier dans le projet de loi?
M. Gaudreault (Mauril) :
...
M. Dubé : Votre micro
est... Votre micro.
M. Luyet (André) : Mauril,
on ne vous entend pas.
M. Gaudreault
(Mauril) :Je vais répéter qu'on est
contents par rapport à ce qui est actuellement, par rapport aux demandes
anticipées possibles, à la disparition du critère de fin de vie, à l'autorisation
donnée aux IPS puis à l'élargissement aux maisons de soins palliatifs. Ça, c'est
un pas dans la bonne direction. Je vous le dis, on va continuer à travailler
avec vous, les parlementaires, vous, M. le ministre, mais aussi tous les
parlementaires, pour voir comment on pourrait aller plus loin, pour faire en
sorte d'harmoniser cela avec le fédéral. Mais je pense qu'il faut... je pense qu'il
faut se préparer. Il faut se préparer, à mon avis, aussi à un élargissement
possible du gouvernement fédéral au cours de l'année 2023.
Donc, ce que j'aimerais, c'est que, oui,
vous allez, dans toute votre sagesse, recommander ce qu'il va falloir, à la
suite de ces deux jours d'auditions, mais se préparer dès, je dirais, l'élection
d'un prochain gouvernement pour revenir là-dessus.
M. Dubé : Je n'ai rien à
voir là-dedans, mais...
M. Luyet (André) : En complément
de réponse, si vous le permettez.
M. Dubé : Oui, allez-y,
Dr Luyet.
M. Luyet (André) : Bien,
en fait, des points d'amélioration, là, concernant les IPS... on comprend, là,
que, dans une perspective de contrôle de la qualité, là, on limite aux IPS qui
exercent en milieu hospitalier ou un en établissement, mais ça nous embête
quand même un peu qu'une infirmière qui pourrait être engagée auprès d'un
patient, qui établirait une relation de suivi avec elle ne puisse pas l'accompagner
aussi au moment où elle formule une demande d'aide médicale à mourir et qu'elle
doive, à ce moment-là, s'en remettre à un autre professionnel, alors, tout ça
pour assurer un contrôle de la qualité de l'exercice. Mais il y aurait
certainement une exploration à faire sur comment on pourrait trouver un lien de
rattachement entre ces infirmières-là et une structure d'évaluation de l'acte.
Puis, structure d'évaluation de l'acte, pour ce qui concerne les médecins, ça
se passe beaucoup autour des CMDP puis du Collège des médecins, mais on
pourrait aussi explorer comment on pourrait le faire conjointement avec les
infirmières aussi, avec les conseils...
M. Dubé : C'est le genre
de demande concrète, Dr Luyet. Puis il y a une chose que je voudrais dire,
là, j'apprécie... parce que c'est un petit peu ça qu'on cherche, là, d'avoir
ces discussions-là dans les prochains jours. Puis, vu qu'il me reste juste
quelques secondes, M. le Président, ce que je voudrais aussi que les gens
comprennent, c'est qu'on aura le choix, et c'est déjà prévu au projet de loi qu'on
pourra discuter quelle est la date d'entrée en vigueur de certaines mesures,
justement, pour essayer de minimiser certains détails, certains flous qui sont
là en ce moment. Mais on pourra revenir sur ce point-là.
En attendant, encore une fois, vous deux,
merci pour votre contribution. Merci beaucoup.
• (10 heures) •
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le ministre.
Maintenant, je cède la parole au député de
D'Arcy-McGee. Vous disposez de 11 min 42 s.
M. Birnbaum : Merci
beaucoup, M. le Président. Et j'apprécie que notre temps, quand il en reste, va
être partagé avec les formations de l'opposition. Merci, le Dr Gaudreault et Dr
Luyet, et surtout le Dr Gaudreault, dans les circonstances personnelles
difficiles. J'espère que ça se règle dans un court, court délai.
Écoutez, évidemment, on apprécie beaucoup
votre intervention. Je crois que nous sommes... nous sommes ensemble en comprenant
que la cible de tout ce qu'on fait, c'est le bien-être des personnes et surtout
des gens qui risquent <d'être touchés...
>
10 h (version révisée)
<15371
M. Birnbaum :
...en comprenant que la cible de tout ce qu'on fait, c'est le
bien-être des personnes et surtout des gens qui risquent >d'être touchés
par ce projet de loi. Mais, en deuxième lieu, pour réaliser notre premier
objectif, on doit être satisfaits que vous et vos membres sont équipés pour
donner suite à cet éventuel projet, alors on vous écoute avec grande attention.
Avant d'évacuer la question, le ministre
ne pouvait pas être plus clair, et vous aussi, qu'on ne va pas, au sein de ce
projet de loi, parler des problèmes neuromoteurs atteints par les personnes
handicapées. Avant d'évacuer la question, il y a deux choses qui me préoccupent
dans vos revendications là-dessus, et j'aimerais passer au moins quelques
secondes là-dessus.
Vous parlez beaucoup de la concordance
avec la loi actuelle fédérale et des changements qui risquent de venir ainsi
que le Code criminel. Vous serez les premiers à comprendre qu'au Québec, dans
ce dossier, de façon légale, ainsi que dans tout dossier qui touche la santé,
pour ne pas parler de toutes sortes d'autres juridictions, vos membres, à juste
titre, ont à se réconcilier avec la façon de faire chez nous. Alors, je ne vous
cache pas que, surtout de l'entendre des médecins, ça a l'air d'être une
grande, grande préoccupation, cette concordance.
Et je reviens à ma préoccupation de votre
rôle primordial : pouvez-vous m'expliquer comment cette préoccupation
risque de compromettre la capacité de vos membres d'implanter dans les délais
qui vont être prescrits par l'Assemblée nationale... d'un projet de loi
éventuellement réalisé? Comment c'est un obstacle à votre capacité d'agir sur l'éventuel
projet de loi?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, pour moi, un élément de
réponse, ce n'est pas un obstacle, en fait, en fait c'est une difficulté. Les
médecins qui sont... les médecins... on parle des médecins, c'est nos membres,
les médecins, mais souvent c'est une équipe de soins qui sont vis-à-vis un
patient ou une patiente qui présente de telles souffrances, veulent faire tout
ce qu'ils peuvent pour les soulager. Donc, ce n'est pas un obstacle, dans le
sens que c'est un soin qui serait disponible pour eux, mais qui, légalement
parlant, ne le sera pas, exemple. Donc, les médecins, ils composent avec ça,
là.
En passant, il y a 25 000 membres
du Collège des médecins du Québec, il n'y a pas 25 000 médecins qui
administrent l'aide médicale à mourir, il y en a 200 qui font ça de façon
régulière. De plus en plus, c'est difficile pour eux, le fait de devoir
envisager deux lois pour une même souffrance, mais je ne reviendrai pas
là-dessus, vous avez compris notre position, là.
Mais ce n'est pas un obstacle, là, c'est
une difficulté que vivent les médecins sur le terrain, cette situation-là, c'est
pour ça qu'on revient souvent là-dessus. Je m'en excuse, là, mais ce n'est pas
Mauril Gaudreault qui décide ça ou André Luyet, là, c'est vraiment les membres
qui nous le demandent, mais c'est le public aussi, dans les sondages qu'on veut
faire.
M. Birnbaum : Mais
justement je crois que, si je peux... tout le monde qui s'implique dans ce
dossier depuis longue, longue date comprend l'importance d'un aspect
pédagogique. Une loi ne marche pas si ce n'est pas compris ni encadré de façon
très transparente. C'est dans cette optique que je pose ces questions. Et
surtout vos membres doivent être en mesure de comprendre et de clarifier quand
il y a des ambiguïtés.
Mais il y a une deuxième chose qui me
trouble, une autre fois, parce que ça touche au débat qui va se poursuivre en
étude détaillée, et c'est le constat rapporté dans La Presse que, si on
écarte, comme on va faire pour l'instant, le débat primordialement important
sur les problèmes de neuromotricité, vous avez fait le constat que le collège
craint que des médecins choisiraient de ne plus administrer l'aide médicale à
mourir dans cette situation où on va se trouver. Ça m'étonne et ça m'inquiète
au plus haut point. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?
M. Gaudreault
(Mauril) :Mais ça aussi, c'est le cas
maintenant, mais c'est le cas depuis un bon bout de temps. En raison des
difficultés, puis des critères d'admissibilité, puis le fait que certains
patients, de l'avis d'un médecin, devraient pouvoir bénéficier de ce soin-là,
ne le peuvent pas, bien, certains d'entre eux — puis ça, ce n'est pas
depuis hier — cessent d'administrer le soin en raison <de la
difficulté de...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...d'entre eux — puis
ça, ce n'est pas depuis hier — cessent d'administrer le soin en
raison >de la difficulté de son admissibilité et des critères
difficiles. Donc, oui, il y en a encore puis il y en aura toujours, là, ça, il
ne faut pas craindre cela, mais, quand même, le fait qu'il y a des médecins qui
l'administraient puis cessent de l'administrer à cause de la complexité, bien,
ça nous préoccupe et ça devrait, tous ensemble, nous préoccuper.
M. Luyet (André) : Et je
rajouterais qu'ils sont préoccupés des avis qu'ils reçoivent, dans ces
contextes-là, de la Commission des soins de fin de vie également.
M. Birnbaum : Donc, ce
qui s'imposerait, une obligation que je crois que le ministre accepte et nous
tous, c'est la clarté, transparence et l'obligation, comme je dis, d'une grande
pédagogie suite à un éventuel élargissement.
Moi, j'ai deux autres questions, si je
peux. Sur la question de demande anticipée, qui est, en quelque part, le noeud
de l'affaire, et vous vous êtes prononcés là-dessus, sur la temporalité de ça, je
veux m'assurer que j'ai bien compris une de vos précisions, est-ce qu'à vos
yeux... Vous n'êtes pas des avocats, vous êtes des médecins, mais j'ai cru
comprendre que, de votre lecture, l'actuel état du Code criminel ne
reconnaîtrait pas ou laisserait une zone grise en ce qui a trait à une adoption
immédiate, possiblement, de l'accès à l'aide médicale à mourir par demande
anticipée dans les cas dont on parle. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Gaudreault
(Mauril) :Dr Luyet.
M. Luyet (André) : Oui,
c'est notre compréhension, que les directives anticipées d'aide médicale à
mourir ne sont pas encore permises au niveau fédéral.
M. Birnbaum : Et étonnant,
pour en dire le moins. Dernière question de mon côté, parce que voilà une autre
question qui a été soulevée et qui risque d'être... qui est dans le projet de
loi actuellement, et c'est que les établissements de soins palliatifs soient
assujettis à l'obligation de fournir ces services, que, je nous rappelle, sont
à un bout du continuum de soins de santé. Plusieurs de vos membres font leur
travail au sein de ces établissements-là, qui vont exprimer devant nous
quelques inquiétudes que cette obligation risque de compromettre leur mission,
très sacrée aussi. Comment vous vous positionnez vis-à-vis cette question sur
l'élargissement de l'obligation aux centres de soins palliatifs?
M. Gaudreault
(Mauril) :C'est un soin, c'est un soin
qui est disponible parmi l'ensemble des choix possibles pour un patient, un
soin, on va convenir, là, qui est comme de dernier recours, hein, après avoir
développé tout ce qu'on peut développer, en 2022, pour soulager un patient et
que ses souffrances demeurent inapaisables. Ce soin-là devrait être considéré
et, à notre avis, il devrait être considéré dans toutes les maisons de soins
palliatifs.
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député.
Je cède maintenant la parole au député de
Rosemont. Vous disposez de 4 min 30 s.
• (10 h 10) •
M. Marissal : Merci, M.
le Président. Drs Gaudreault et Luyet, merci d'être là, encore une fois, on
remet ça. Je comprends votre insistance sur «handicap neuromoteur», mais
comprenez la nôtre, notre hésitation là-dessus. Vous parlez beaucoup... et ce
n'est pas un reproche, là, vous parlez beaucoup de l'inconfort des médecins. Soit,
ça existe probablement. Mais, nous, là, notre job de législateurs ici, à moins
que je ne me trompe, là, c'est d'assurer le confort de la population, et ce
qu'on a compris de plus d'un an de consultations avec vous puis avec bien
d'autre monde, c'est qu'on n'était pas rendus là, ce pourquoi ce n'est pas dans
le rapport, d'ailleurs, pas plus que les troubles mentaux.
Alors, est-ce qu'on n'est pas, dans ce
cas-ci, plus proches de quelque chose qui ressemble à du suicide assisté? Puis
c'est correct, hein, la Commission des droits de la personne nous a dit :
Vous devriez commencer à réfléchir à ça. Moi, je suis tout à fait d'accord à
réfléchir à ça, mais, comme je l'ai dit souvent, en matière d'aide médicale à
mourir, les fleurs ne poussent pas plus vite quand on tire dessus, on va
attendre les consensus et on va les cultiver, parlant de fleurs, justement.
Alors, votre argument de dire : Le
fédéral le fait, donc on devrait le faire, honnêtement, ça ne me convainc pas,
et je pense qu'on y reviendra, on y reviendra, notamment, pour la question du
handicap neuromoteur mais des troubles mentaux aussi. Alors, je ne sais pas si
vous voulez essayer de me convaincre une autre fois, je suis parlable.
M. Gaudreault
(Mauril) :Dans un premier temps... puis
je laisserai la parole à André, là, mais dans un premier temps, M. Marissal,
je ne suis pas là pour vous convaincre, je suis là pour partager avec vous des
difficultés, partager avec vous comment on pourrait faire en sorte de mieux
soulager les personnes qui présentent des souffrances qui sont <inapaisables...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...mieux soulager les
personnes qui présentent des souffrances qui sont >inapaisables, qui
sont importantes et pour lesquelles les soins n'ont pas permis de les soulager.
Ce n'est pas du suicide assisté, ça, c'est un soin. Et bien sûr, quand on voit
que c'est disponible dans d'autres provinces du Canada — puis c'est
un indépendantiste qui parle en plus, là — ça, ça nous trouble. Ça
fait que, moi, c'est ça, mais ce n'est pas... On est là, ensemble, là, pour
faire évoluer la société. Je n'essaie pas vous convaincre, simplement de faire
en sorte qu'on offre toutes les panoplies d'options, de choix à nos citoyens
quand ils sont dans de telles situations. André.
M. Luyet (André) : Si je
peux me permettre de compléter, ce n'est pas du tout la défense, là, pour le
retour au confort des médecins, ce n'est pas du tout de ça qui est notre
propos. L'inconfort des médecins vient du fait qu'il y a des droits qui sont
reconnus pour l'ensemble des Canadiens et qui ne sont pas reconnus pour les
Québécois face à la souffrance. C'est ça qui est embêtant.
Et, dans un handicap neuromoteur, qu'il
soit inné, par une malformation sévère, ou qu'il soit acquis par traumatisme,
on se retrouve souvent, en fin d'évolution, avec des modifications posturales,
avec des spasmes musculaires, des troubles respiratoires, une dépendance
complète, aucune mobilité, une perte de dignité, des douleurs, et de ne pas
pouvoir offrir cette option-là aux personnes qui le demandent, c'est ça qui
rend les médecins dans une position inconfortable, ce n'est pas... Le noeud de
l'affaire n'est pas le confort des médecins, c'est la réponse aux besoins
exprimés par la population qui souffre.
M. Marissal : Je
comprends, Dr Luyet. Vous savez, par contre, si on fait le parallèle avec le
fédéral, le fédéral ne permet pas la demande anticipée, nous, on s'apprête à le
permettre, alors ce n'est pas parfaitement symétrique, cette affaire-là, là. Puis
on a toujours pris les décisions ici, entre nous, sur la base de notre
consensus, ici. Le fédéral, il a erré aussi, à l'occasion, dans ce dossier-là
ou, en tout cas, il s'est cherché. Nous, on fait avec nos consensus, ici.
Vous dites, par ailleurs, qu'il faudrait
prévoir, dans le projet de loi n° 38, un mécanisme d'harmonisation
immédiat, si d'aventure le fédéral ouvrait aux troubles mentaux. Encore là,
est-ce que ce n'est pas en contradiction avec l'approche qu'on a prise ici?
Puis elle n'est pas religieuse, l'approche, là. Je veux dire, je ne suis pas le
pape puis je ne fais pas des bulles, là, ce n'est pas ça, la question, c'est
juste qu'on a décidé de fonctionner comme ça. Vous, vous dites d'emblée :
Prévoyez le déclencheur si le fédéral va vers les troubles mentaux.
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, je dirais, prévoir de se
rasseoir à nouveau puis de voir comment on pourrait aller plus vite dans ce
sens-là.
M. Luyet (André) : ...il
y a des travaux qui sont menés au niveau fédéral, on le sait, qu'il y a une
date... il y a une échéance qui est prévue, on le sait, que les travaux se
déroulent, actuellement. Alors, déjà, envisagez l'exploration de têtes de pont,
là, pour essayer de réunir ces deux univers-là, dans la mesure du possible, là,
pour clarifier les choses.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Je vais
céder, maintenant, la parole à la députée de Joliette. Vous disposez, vous
aussi, de trois... excusez, 4 min 30 s.
Mme Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président.
Bonjour à vous deux. Je dois vous dire que
moi, j'aurais aimé vous entendre beaucoup plus en détail sur la demande
anticipée.
Par exemple, quelques éléments. 29.2, la
description à l'avance, dans le plus grand détail possible, des souffrances,
est-ce que c'est réaliste? Si, par exemple, la personne vit une souffrance
quand elle est rendue inapte, mais qui n'avait pas été prévue, qu'est-ce qu'on
fait avec ça? Je pense, c'est une question importante.
J'aurais aimé vous entendre sur tout le
rôle que les médecins ont... le professionnel compétent, ça peut être l'IPS
aussi, à 29.11. Nous, on avait prévu que c'était le tiers de confiance qui
agitait le drapeau pour dire : Je pense, par exemple, que ma mère est
rendue au stade qu'elle avait prévu puis qu'elle semble souffrir, pouvez-vous
amorcer le processus d'évaluation? Ce qui est suggéré à 29.11, c'est que c'est
vraiment le professionnel, donc le médecin, l'infirmière, qui a la charge de
voir à ça, et il ne fait que consulter et aviser le tiers. Est-ce que c'est un
trop gros fardeau qu'on met sur les médecins?
Une autre disposition, ça exige du
médecin, au moment 2 de l'évaluation pour l'éventuelle administration, de
consulter le médecin du moment 1, qui aurait signé, contresigné le
formulaire de la personne qui l'aurait demandé, peut-être, trois, quatre ans
avant. Est-ce que c'est réaliste qu'on puisse encore mettre en contact ces deux
médecins-là? Est-ce que c'est une charge trop grande? Donc, moi, j'aimerais
vraiment vous entendre sur ces éléments-là très concrets.
Mais je sais que, vous, vraiment, votre
passion, c'est la question de l'harmonisation. Alors, je veux quand même dire
un mot là-dessus, parce que ça... je trouve qu'il faut faire vraiment attention
avec ça. Premièrement, si on avait <attendu après le fédéral, au Québec,
alors...
Mme Hivon :
...
attention avec ça. Premièrement, si on avait >attendu après le fédéral,
au Québec, alors qu'on a toutes les compétences en matière de santé et en
matière de lois professionnelles, on n'aurait jamais bougé, au Québec, puis on
n'aurait pas été les précurseurs qu'on a été, puis on n'aurait pas influencé
l'ensemble du Canada pour la suite.
Deuxième chose, on les a, les compétences
pour la demande anticipée. Je suis très surprise d'entendre ce que vous dites
aujourd'hui. Toute la question de l'inaptitude, du consentement d'une personne
inapte, c'est dans le Code civil, c'est en matière de droit civil, on les a,
ces pouvoirs-là, donc je suis très surprise que vous vouliez mettre ça à la
remorque du fédéral, avec l'enjeu de l'harmonisation.
Puis je veux pousser plus loin sur la
question du handicap, même si... Et je salue vraiment le geste du ministre,
parce que c'est un débat... On s'est engagés, au Québec, à ce que chaque fois
qu'on ouvrirait une autre potentialité, on ferait un débat avec la population
et les experts. Donc, je pense que vous comprenez l'inconfort que moi, je peux
avoir, parce que j'ai fait ce pacte-là avec les gens, notamment avec les
opposants, qu'on n'arriverait pas avec quelque chose comme ça sans débat
préalable.
Mais juste pour entendre, là, tantôt vous
nous avez dit : Oui, handicap neuromoteur, il faudrait que ça soit
interprété comme le handicap dans la loi fédérale, parce qu'au fédéral on ne
dit pas «neuromoteur». Moi, on me dit qu'au fédéral une personne qui est
aveugle, une personne qui est sourde, ce sont des handicaps qui peuvent se
qualifier, en théorie, si les autres critères sont remplis. Est-ce que c'est ça
que vous avez en tête? Il y a l'affection, aussi. Quelqu'un qui a très mal à
une hanche, ce n'est pas une maladie grave et incurable. Là, est-ce que ça veut
dire que, l'harmonisation, il faut aller jusque-là sans faire un gros débat au
Québec? Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Gaudreault
(Mauril) :Un, pour ce qui est de
l'harmonisation... Bien, vous avez compris que l'expert, parmi nous deux, pour
les demandes anticipées, c'est le Dr Luyet, donc je vais lui demander de
répondre à votre première question.
Mais, pour l'harmonisation, là, ce n'est
pas quelque chose qu'on prend à la légère, c'est quelque chose de très sérieux,
puis on va vouloir continuer à travailler avec vous dans le sens d'améliorer
les soins à des patients souffrants, pour quelque raison que ce soit, que ça
soit un handicap, une affection ou une maladie, des patients souffrants qui
sont inapaisables. C'est toujours, toujours à ça que je reviens. Et nous serons
là, Mme Hivon. Merci pour toute la contribution, d'ailleurs, que vous avez
eue là-dedans. Mais nous serons là pour continuer à réfléchir avec vous pour
aller de l'avant dans ces situations-là.
André, pour ce qui est des demandes
anticipées.
M. Luyet (André) : En
fait, ce qui est de... vraiment souhaité, c'est la clarté. Il y a une zone
d'inconfort, là, entre les deux lois, puis on sait que la vérité est quelque
part dans une mitoyenneté avec les articles de l'un et les articles de l'autre,
les plus contraignants étant ceux qui s'appliquent. Alors, ça devient
difficile, des fois, dans la prise de décision quotidienne entre une personne
qui demande l'aide médicale à mourir, et les soignants et les médecins dans
l'administration du soin. Donc, c'est cet inconfort-là qu'on essaie de
souligner puis le besoin de clarté, à ce niveau-là, pour éclairer la prise de
décision pour rendre le soin le plus approprié possible.
Maintenant, c'est sûr qu'une surdité
partielle ne sera pas un handicap. On parle de quelque chose de grave et
incurable, là, qui s'accompagne de grandes souffrances. Puis la souffrance,
bien, c'est quelque chose qui est beaucoup plus large qu'un simple constat de...
juste du concept de douleur, là, c'est toutes sortes d'autres dimensions qu'il
faut prendre en compte aussi. Mais toute l'atteinte à l'autonomie, toute la
dépendance extrême, toutes les interventions médicales requises, etc., il y a
beaucoup de choses qui peuvent être incluses dans le grand chapitre, là, de la
souffrance, qui est beaucoup plus que la douleur, encore une fois.
Le Président (M. Provençal)
:La députée de Joliette voudrait
ajouter un petit point. Mme la députée.
• (10 h 20) •
Mme Hivon : Est-ce que
mon temps est écoulé, pratiquement?
Le Président (M. Provençal)
:Il était écoulé, mais je pense que
vous...
Mme Hivon : C'est
vraiment gentil. Je veux juste dire, si vous avez des commentaires sur la
question de la demande anticipée, parce que c'est vraiment le coeur du projet
de loi et de nos travaux, je serais vraiment heureuse de les entendre sur les
articles en détail, notamment en lien avec les questions que je vous ai posées.
Je sais que vous êtes revenus encore sur le handicap, c'est correct, mais on
aimerait vraiment vous entendre là-dessus, c'est vos médecins qui allez
appliquer ça sur le terrain.
Puis je veux juste dire, en terminant :
Si on y va juste sur le critère de la souffrance pure, pas de maladie, pas
de... vous réalisez qu'il y a des gens qui vont nous dire : Moi, je vis un
deuil pathologique, moi, j'ai une déprime de vivre, j'ai un isolement social,
je souffre atrocement et j'aimerais qu'on le considère. Donc, il faut juste
être conscients que, quand on sort des éléments du projet de loi, ça nous amène
dans un tout autre débat, et je pense qu'on ne peut pas prendre ça à la légère.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Je vous <remercie...
Mme Hivon :
...je
pense qu'on ne peut pas prendre ça à la légère. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:
Je vous >remercie. Je
remercie les représentants du Collège des médecins du Québec pour leur
contribution à nos travaux.
Je suspends des travaux quelques instants
afin que nous puissions accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup de votre
présence ce matin, messieurs.
(Suspension de la séance à 10 h 22)
(Reprise à 10 h 27)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux.
Je souhaite la bienvenue aux
représentantes de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Je vous
rappelle, mesdames, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous procéderons à la <période...
Le Président
(M. Provençal)
:
...disposez
de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la >période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter
puis à débuter votre exposé. Merci beaucoup.
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)
Mme Grenier (Sylvie) : Bonjour,
tout le monde. Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Donc, je suis
Sylvie Grenier, directrice générale de la Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer.
Et c'est avec... c'est très favorablement
que la fédération accueille le dépôt du projet de loi n° 38,
qui vise à étendre l'accès à l'aide médicale à mourir de manière anticipée aux
personnes atteintes de maladies neurocognitives majeures telles que la maladie
d'Alzheimer, et ce, en cas d'inaptitude.
Ce projet de loi était attendu, surtout
suite aux recommandations de la commission des soins de vie et de l'avis de
plusieurs experts sur l'acceptabilité sociale de la société québécoise, qui est
largement en faveur de cet élargissement. On déplore, par contre, le processus
législatif qui est mis en place pour permettre aux personnes inaptes d'avoir
accès à l'AMM en fin de session parlementaire, avec un risque de ne pas avoir le
temps de réflexion sur le processus à mettre en place.
La fédération avait déjà pris part aux
consultations de la Commission des soins de fin de vie à la fin du mois d'août
dernier, et plusieurs points abordés par la fédération ont été entendus, soit :
que la demande anticipée d'aide médicale à mourir soit envisagée uniquement une
fois le diagnostic de maladie incurable, telle la maladie d'Alzheimer ou encore
un autre TNCM, ait été formulé; que le processus soit enclenché par un tiers
significatif et non pas par un tiers externe, donc, par exemple, le Curateur
public, et de la possibilité qu'un autre tiers suppléant puisse être inscrit
dans la loi et que le processus soit notarié, au besoin; qu'une tentative
d'harmonisation soit envisagée entre les juridictions provinciale et fédérale
afin que le processus inclue et permette des infirmières praticiennes
spécialisées et que la demande d'aide médicale à mourir soit consignée dans le
registre qui sera mis en place, pour des directives médicales anticipées.
C'est, en gros, l'introduction qu'on
voulait vous faire. Certains autres processus sont d'ordre plus technique, et
tout ça, et je laisserais... je donnerais la place, à ce moment-ci, à ma
collègue Nouha de vous en faire l'exposé.
• (10 h 30) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour, MM. les députés.
En effet, d'autres articles du projet de
loi nécessitent cependant plus de précisions pour mieux encadrer
l'administration d'une demande anticipée d'AMM, tout d'abord par rapport au
processus de suivi, qui va certainement être trop contraignant pour les
professionnels compétents, que ce soient les médecins ou les IPS, et qui vont
avoir un rôle majeur à jouer à chaque étape du processus.
Si on les dénombre, ça va de l'information
sur la demande anticipée, l'évolution de la maladie, les traitements
potentiels, les effets bénéfiques et néfastes de la médication, s'assurer
également que la personne ne subit pas de pression extérieure, rappeler les
intervalles réguliers et raisonnables, la possibilité de modifier ou de retirer
la demande anticipée, d'accompagner le professionnel compétent, s'il est
différent, lors de l'administration de l'aide médicale à mourir. Alors, la
pandémie nous a montré à quel point l'accès à un médecin de famille ou à un
spécialiste pouvait être compliqué et difficile, et ce processus va nécessiter
des temps de consultation et de suivi beaucoup plus importants.
Bien sûr, la fédération se réjouit de
cette approche qui sera plus axée sur le patient et non pas sur la maladie,
mais est-elle réaliste dans le contexte actuel? On vous pose la question.
L'implication, également, d'autres professionnels de la santé qui interviennent
déjà auprès des personnes atteintes serait peut-être aussi à envisager pour
entamer et poursuivre la discussion, notamment par rapport au processus à
mettre en place pour effectuer une demande d'AMM.
Également, dans l'article 29.2 de la
loi, il y a également, des... donc, des conditions qui pourraient mener à
l'AMM. Il est mentionné que la demande anticipée sera accordée en présence de
souffrances médicalement reconnues et que celles-ci doivent être spécifiques
d'un déclin avancé et irréversible, qui soit objectivable par un professionnel
compétent. Or, les personnes atteintes décèdent rarement de la maladie
d'Alzheimer, mais plutôt des complications médicales qui peuvent survenir
durant leur parcours. Alors, il serait, à ce moment-là, pertinent, justement,
de donner plus de précisions. Est-ce qu'on fait référence à une pneumonie, des
infections urinaires à répétition lorsque la maladie sera avancée? Fait-on
référence à des pertes langagières, mnésiques, à des difficultés de nutrition
ou encore à l'incapacité de s'habiller ou effectuer des soins personnels? Il y
a des échelles d'autonomie qui sont validées, qui sont disponibles, et elles
devraient être utilisées, justement, pour mieux encadrer et définir les
critères de souffrance insoutenable.
Et puis dans <le cadre, justement...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Ben Gaied (Nouha) :
...justement,
pour mieux encadrer et définir les critères de souffrance insoutenable.
Et puis dans >le cadre,
justement, des directives médicales anticipées, les critères d'accès ont bien
été définis dans la loi, avec l'énoncé de quatre soins qui sont soit à accepter
ou à refuser par la personne. La question, donc, se pose quant au processus qui
sera suivi ou encore le contenu du formulaire qui sera mis à la disposition des
personnes : Est-ce que la personne aura à cocher une multitude de cases ou
à décrire par elle-même les douleurs qu'elle assume insoutenables? Et puis,
bien, ce processus demande à la personne de se projeter dans un avenir
incertain avec la maladie, dont l'évolution est différente d'une personne à l'autre
et dépend de plusieurs facteurs, alors que celle-ci doit d'abord comprendre,
accepter et vivre avec le diagnostic qu'elle vient de recevoir.
Également, dans l'article 29.1, il y
a certains comportements qui sont associés à l'évolution des troubles neurocognitifs
majeurs qui sont associés à des troubles mentaux et qui sont qualifiés... que
vous connaissez peut-être, donc, les SCPD. C'est le cas, notamment, de
symptômes dépressifs, de l'anxiété, d'états psychotiques qui sont associés à un
delirium, des idées délirantes ou encore des hallucinations, et ces
comportements déroutants amènent une souffrance psychique à la personne
atteinte, son entourage et les professionnels de la santé. Or, ces troubles
mentaux ne sont pas reconnus comme des causes pouvant mener à l'accès à une
demande anticipée d'AMM.
Également, le rôle du tiers qui est
mentionné dans l'article 29.4, il faudrait... il nous semble que les mêmes
conditions qui sont attribuées à une demande contemporaine soient appliquées
également à une demande anticipée et que le tiers significatif, bien sûr, ne
soit pas un mineur, qu'il ne soit pas un majeur inapte, mais aussi qu'il n'y
ait pas d'intérêt financier dans le patrimoine de la personne, tel que déjà
mentionné dans le projet de loi pour la demande contemporaine. Et également, le
second tiers, quant à lui, on pense qu'effectivement il devrait agir dans des
situations où le premier tiers est rendu inapte ou encore lorsque celui-ci est
dans l'incapacité de soutenir la personne atteinte en raison d'un décès et non
pas parce qu'il refuse tout simplement pour des valeurs personnelles de
soutenir la personne. Et les conditions qui sont mentionnées dans le projet de
loi pourraient mener à des situations complexes, difficiles au sein des membres
d'une famille, entre ceux qui ont à coeur le bien-être de la personne et ceux
qui vont plutôt mettre leurs valeurs personnelles pour prolonger la vie.
Également l'article 29.12, où là on
voit, ici, un changement au niveau du libellé... Également, au niveau de l'article 29.3,
le personnel compétent se doit, dans notre... à notre opinion, et non pas, le
cas échéant, informer les membres de l'équipe, le tiers de confiance, le
professionnel compétent. C'est important de miser sur le travail
multidisciplinaire et les compétences variées dans une équipe pour, justement,
statuer sur une décision aussi lourde de sens. Et enfin les articles 29.15
et 30.2, dans lesquels on voit une contradiction qui va à l'encontre du
principe d'autodétermination de la personne lorsqu'elle a formulé une demande d'aide
médicale à mourir alors qu'elle était apte à consentir aux soins.
Alors, merci, justement, de nous donner
cette opportunité de prendre la parole aujourd'hui avec vous. Alors, en dépit
du large consensus qui entoure l'élargissement de l'aide médicale à mourir, il
ne faudrait pas que les demandes anticipées d'AMM deviennent la solution de
facilité à l'incapacité de notre système de santé et des services sociaux à
prendre soin et à accompagner adéquatement les personnes les plus vulnérables
de notre société jusqu'à la fin de vie. Il ne faudrait pas non plus qu'en
raison de préjugés, de stigmates ou encore d'expériences négatives
personnelles, on accélère la mort des personnes atteintes, alors qu'on devrait
plutôt les soutenir pour qu'elles puissent avoir une meilleure qualité de vie.
Et le dernier rapport de la Vérificatrice générale dresse un portrait accablant
de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Alors, on se doit de
faire mieux pour nos grands-parents, nos parents, nos conjoints, conjointes et
potentiellement pour nous tous. Merci à vous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous débutons cette période d'échange avec
M. le ministre. À vous.
M. Dubé : Je vais être assez
bref dans mes commentaires, encore une fois, là, pour laisser la place à mes
collègues, mais il y a deux choses que je voudrais vous mentionner à toutes les
deux. Premièrement, vous avez répondu exactement à la question que j'ai posée,
en donnant cette grande liste de questions que vous avez. Je vous demanderais,
parce que je n'ai pas vu encore de mémoire puis je sais que vous n'avez pas eu
beaucoup le temps, est-ce que ce serait possible de nous faire parvenir ces
questions-là, parce que je vous dirais que, comme parlementaires, c'est
exactement ce qu'on cherche. Je vois mes collègues du ministère qui étaient là
comme des petites fourmis à prendre des notes, mais je pense que ça nous
aiderait beaucoup pour la préparation de l'article par <article...
M. Dubé :
...des
petites fourmis à prendre des notes, mais je pense que ça nous aiderait
beaucoup pour la préparation de l'article par >article d'avoir... un, de
l'avoir par écrit pour qu'on puisse, à l'avance, avec les légistes qu'on a et
l'équipe qui se penche sur ça... Ça fait que, un, je veux vous remercier,
premièrement.
M. le Président, je veux juste aussi... ça
a un rapport avec l'autre présentation, mais je ne peux pas m'empêcher de vous
dire que je demanderais à la députée de Joliette — je ne peux pas la
nommer — de nous faire parvenir ses questions qu'elle a données aux
médecins tout à l'heure de la même façon, parce que c'étaient des questions
très précises, puis je pense qu'on pourrait les envoyer. Alors, je fais juste
dire : focussons sur être capable d'avoir des questions précises pour que,
quand on sera rendus, on aura eu la chance de poser ces questions-là. Ça fait
que merci, Mme la députée.
Puis j'aimerais ça préparer à l'avance...
puis là je ne veux pas enlever la question à mon collègue le député de
Rosemont, mais il m'a dit, tout à l'heure, quelque chose, il m'a dit... il ne
m'a pas dit «M. le ministre», il a dit : Christian, est-ce qu'on sait
c'est quoi, la statistique du nombre de personnes qu'on prévoit qui vont être
atteints d'alzheimer dans les prochaines années? Puis j'aimerais ça que vous
nous en parliez un petit peu avant que je passe la question, ou si vous aimez
mieux répondre à la question de mon collègue, mais je vous dirais que ça, pour
les Québécois, ça serait intéressant de vous entendre aujourd'hui, de combien
on pense qu'on a de personnes qui sont atteintes de l'alzheimer. On sait qu'on
en a beaucoup dans nos CHSLD, mais j'aimerais ça voir de votre association,
qui... c'est votre vie, là, c'est votre raison d'être... nous parler un petit
peu de combien de personnes cette maladie-là peut aller atteindre d'autres
Québécois au cours des prochaines années, parce que je trouvais que la question
que le député me posait... puis je n'étais pas en mesure de lui répondre, alors,
si vous pouvez le faire tout de suite ou attendre que ce soit son intervention,
mais préparez-vous à cette question-là parce que je la trouve importante :
Pourquoi les Québécois voient qu'on se concentre là-dessus aujourd'hui? C'est
ça, la demande anticipée, les principaux bénéficiaires vont être les gens qui
sont atteints de la maladie, qui auraient un diagnostic. Puis en plus je
retiens le dernier élément de votre intervention, il faudra que ça soit
toujours un choix. C'est une option qu'on donne à quelqu'un. Ça veut dire que
quelqu'un peut prendre le risque de dire : Même moi, si j'ai eu le
diagnostic, je vais vivre avec. Alors, je veux juste qu'on se comprenne bien, aujourd'hui,
ce qu'on en train de discuter, c'est de donner un choix, ce n'est pas une
obligation d'aller vers là à quelqu'un qui aurait le diagnostic.
Alors, si vous avez la chance de nous en
parler un petit peu, de combien de personnes on parle, puis, si vous n'êtes pas
prêts à le faire tout de suite, je vous donnerais un peu... Mais là peut-être
que je poserais la... je passerais la parole à mes collègues, là, du côté
gouvernemental.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va? Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci.
M. Dubé : Peut-être...
Le Président (M. Provençal)
:Oui, est-ce que vous êtes en mesure
de répondre à la question de M. le ministre? Alors, je vais vous demander de
nous donner la réponse, et par la suite la députée de Roberval va poursuivre
l'échange.
Mme Grenier (Sylvie) : Merci,
M. le ministre, de votre question. Je vais y répondre partiellement, puis Nouha
vous donnera les chiffres plus exacts parce qu'effectivement on les a. C'est un
petit peu, même, épeurant. Je peux juste vous dire... De mon côté, je vais vous
dire que d'ici 10 ans il y aura plus de personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer ou d'un autre trouble cognitif majeur qu'il y a de personnes
atteintes de problèmes cardiaques et de cancers réunis. Donc, voilà, ça peut
faire une image.
Mais Nouha, elle, si vous voulez qu'elle
réponde, on a aussi toutes les... selon la courbe démographique, tout ce qu'on
peut prévenir... prévoir, présentement, au niveau des cas.
• (10 h 40) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Donc,
effectivement, on compte actuellement plus de 163 000 Québécois qui
sont atteints de la maladie d'Alzheimer, et ça, c'est des estimés. Si on
regarde les chiffres de l'INSPQ, effectivement, les chiffres sont plus bas
parce que c'est associé à des données administratives. Donc, si on regarde
l'évolution de la maladie, on considère que ce nombre va plus que doubler d'ici
moins de 10 ans.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Roberval.
M. Dubé : Merci. Merci
beaucoup à vous deux.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, M. le ministre. C'est assez impressionnant comme chiffre, évidemment,
effectivement.
Merci d'être avec nous ce matin pour
répondre à nos grandes questions, là, pour faire avancer ce projet de loi là.
Vous parliez du processus puis de faire en
sorte que les gens soient vraiment... une décision libre et éclairée. Est-ce
qu'il y a des choses, dans le projet de loi, qu'on peut mettre en place,
présentement, pour faire en sorte qu'on soit sûrs que les gens soient libres et
éclairés lors de cette <décision-là...
Mme Guillemette :
...soit
sûrs que les gens soient libres et éclairés lors de cette >décision-là?
Mme Grenier (Sylvie) : Bien,
en fait, je pense que ça va être, justement... il faudrait... Nous, ce qu'on
dit, c'est que ça prend d'abord un diagnostic, parce que, pour pouvoir faire un
choix éclairé, ça... et ce qu'on demande, c'est vraiment qu'il y ait vraiment
un diagnostic qui soit posé. On sait que, dans la maladie d'Alzheimer, les
médecins ont souvent tendance à retarder l'annonce ou ne pas annoncer réellement
que c'est une maladie d'Alzheimer, mais parce qu'à ce moment-ci on dit :
On n'a pas de médicament, donc à quoi ça sert? Mais il faut vraiment qu'il y
ait eu un diagnostic qui soit confirmé pour la maladie d'Alzheimer ou un autre
trouble neurocognitif, et à partir de là, bien, prévoir, justement, un
accompagnement, informer des gens comme il faut, comme c'est dit dans le projet
de loi actuel.
Mme Guillemette : Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...
Mme Grenier (Sylvie) : Si
tu veux rajouter, Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui.
Si je peux rajouter également, il faudrait vraiment que les gens connaissent
aussi les différentes options qui s'offrent à eux. Actuellement, la loi
actuelle, bien, on a beaucoup parlé d'aide médicale à mourir, mais on a très
peu entendu... en fait, les directives médicales anticipées, alors
qu'effectivement les personnes atteintes ont déjà été incluses dans le
processus législatif. Donc, on a beaucoup mis l'accent sur l'aide médicale à
mourir, alors qu'il y avait aussi une autre option qui leur était offerte.
Donc, miser aussi sur des campagnes de
sensibilisation, d'information pour, justement, donner l'information, d'une
part, et que, par la suite, le médecin ou le professionnel compétent prenne le
temps, c'est ça qui va être important. Il faudra prendre le temps d'expliquer,
justement, les différentes options, les options médicamenteuses, donc les
traitements, surtout que, bien, on l'espère, que d'ici quelques années il y ait
d'autres options médicamenteuses, là, qui soient proposées pour les personnes
atteintes. Mais aussi il va falloir expliquer le processus, à quoi est-ce qu'il
va falloir s'attendre ou quelles sont, finalement, les différentes évolutions
de la maladie auxquelles il faudra penser en termes de perte d'autonomie, de
perte de dignité, pour que, justement, la personne puisse prendre ce choix
éclairé.
Il faut juste garder en tête également que,
malheureusement, à date, le diagnostic est posé à un stade modéré à avancé chez
plus de la moitié des personnes qui reçoivent un diagnostic. Et donc la fenêtre
d'aptitudes est quand même assez faible, elle est assez limitée. Et donc est-ce
qu'il faudra miser sur, justement, faire valoir cette option d'aide médicale à
mourir anticipée versus une qualité de vie, des soins à domicile? C'est un
choix qu'il faudra faire.
Et puis, bien, c'est aussi le temps que
les professionnels devront prendre pour que, justement, les personnes aient
l'information désirée. Surtout qu'avec le diagnostic vient de la peur, du déni,
le rejet, de la colère, et donc, bien, comment balancer ça? Comment parler de
l'aide médicale à mourir de manière anticipée au bon moment? Ça ne peut pas se
faire au même moment que le diagnostic, c'est impossible. Il y a énormément
d'émotions qui sont associées au diagnostic pour ne pas tout de suite aborder
la question de l'aide médicale à mourir, même si, pour certaines personnes, ça
va être un choix très rapide à faire.
Mme Guillemette : Puis
là j'ai une question. Notre discussion m'amène à une question. On sait qu'il y
a l'équipe de soins autour, mais est-ce que vous, en tant qu'organisation,
pourrez être en mesure d'accompagner certains patients? Puis là on sait que
vous allez y aller selon vos moyens, mais est-ce que vous pourriez être mis à
profit pour accompagner certains patients, justement, pour démystifier tout cet
aspect-là?
Mme Grenier (Sylvie) : Vas-y,
Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien,
en fait, on le fait déjà. On le fait déjà, justement, parce qu'on reçoit
énormément de questions par rapport à l'aide médicale à mourir : Est-ce
qu'elle est disponible pour ma mère, pour mon père qui vit avec la maladie
actuellement? Et donc, oui, effectivement, on a un rôle de sensibilisation,
d'information par rapport au processus mis en place. Et puis, bien, ça,
effectivement, on le soumet comme une option, qu'il y ait d'autres
professionnels qui soient impliqués dans ce processus-là, parce que, bien, veux
veux pas, le médecin ne pourra pas passer autant de temps à expliquer le
processus et à donner les choix. Donc, faire appel à d'autres professionnels,
et pourquoi pas, aussi la société Alzheimer pourrait être impliquée dans ce
processus.
Mme Guillemette :
Parfait, merci.
Le processus proposé par le projet de loi,
est-ce qu'il vous semble suffisant? Est-ce qu'il vous semble suffisant avant,
pendant mais aussi après pour accompagner la famille ou les proches de la
personne? Est-ce qu'il y a des choses que vous voudriez porter... des éléments
que vous voudriez porter à notre attention sur le <processus...
Mme Guillemette :
...éléments
que vous voudriez porter à notre attention sur le >processus, là, où on
devrait porter une attention particulière?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui,
c'est surtout, en fait, à la fin du projet de loi, les articles 29.15 et
30.2, qui, pour nous, vont, en fait, à l'encontre du processus d'autodétermination
de la personne. On parle que «[le] refus de recevoir l'aide médicale à mourir [...]
doit être respecté et [qu'il] ne peut d'aucune manière y être passé outre». À
la suite, on dit «[le] professionnel compétent [...] doit s'assurer que la
demande est radiée, dans les plus brefs délais». Là, se pose la question :
Bien, combien de tentatives seront nécessaires pour radier une demande? Et
justement on y voit là, en fait, vraiment deux libellés qui vont l'un à l'encontre
de l'autre. Est-ce qu'effectivement parce qu'une personne aura refusé l'aide
médicale à mourir au moment où, finalement... parce qu'elle aura répondu aux
critères et donc, bien, qu'elle pourra y accéder, puis, bien, que, veux veux
pas, elle refuse, elle se débat, elle... et qu'il y ait une réaction,
finalement, de protection, bien, à ce moment-là, oui, on arrête, mais est-ce qu'on
revient? Est-ce que, finalement, on se donne comme objectif de respecter la
volonté de la personne, qu'elle aura effectivement libellée dans sa demande
anticipée? C'est ça, toute la question. Combien de fois est-ce qu'on va tenter
l'aide médicale à mourir avant de se dire : Bien non, maintenant, ça
suffit, on va radier la demande? Donc...
Mme Guillemette : O.K. Parfait.
Je vais céder la parole à mes collègues. Je crois que ma collègue de
Saint-François a une question, peut-être ma collègue de Soulanges aussi, puis
je reviendrai par la suite, si... Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Saint-François.
M. Dubé : Il reste
combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
:2 min 46 s.
M. Dubé :
O.K.,
O.K.
Mme Hébert : Merci, M.
le Président. Merci, mesdames, pour votre intervention. Et vous venez de poser
une excellente question, que j'ai notée.
Dans l'article 29.4, on parle du
tiers de confiance qui peut être désigné dans la demande. On parle aussi que
cette personne-là doit consentir à sa désignation. Elle doit apposer sa
signature, aussi, qui vient mettre un engagement. Moi, je voulais savoir :
Est-ce que vous trouvez qu'en mettant un tiers de confiance on devrait,
justement, lui donner un petit peu plus de pouvoir? Parce que, présentement, c'est
plus l'équipe médicale, dans le projet de loi, qui a du pouvoir. Mais
pensez-vous qu'on devrait porter une attention particulière à ce tiers de
confiance, qui connaît très bien, aussi, la personne? Souvent, c'est quelqu'un
qui est très près, soit de la famille, une amie proche, et qui a vécu tout ce
processus-là, souvent peut-être même lors de l'annonce de la maladie. Donc, j'aimerais
avoir votre point de vue là-dessus.
• (10 h 50) •
Mme Grenier (Sylvie) : En
fait, pour ce qui est du tiers de confiance, bien, encore là, ça laisse place à
beaucoup d'ouverture, mais je pense que c'est aussi celui ou celle qui va
accompagner la personne jusqu'à la fin, donc avoir un jugement à ce propos.
Nous, on préconise qu'il devrait y avoir deux tiers de confiance qui
accompagnent la personne, on ne sait pas, en cas de décès ou encore en cas
de... Et parce que les gens n'ont pas tous non plus les mêmes valeurs. Donc...
Et, par rapport au droit de décision, je pense qu'il y a un pouvoir d'influence
aussi sur les décisions qu'il y aura à prendre, mais on sait que c'est le corps
médical qui va aussi dire si la personne est, oui ou non, rendue à ce point-là.
La personne aura aussi, dans ses directives médicales anticipées, eu le... ou
sa demande d'AMM, spécifié aussi, probablement, jusqu'à quel point elle veut se
rendre. Et, sur ce, nous, on dit que les balises ne sont pas claires, parce que...
est-ce que c'est basé sur nos expériences personnelles d'avoir accompagné une
personne puis se dire : Bien, moi, je ne veux pas me rendre là, ou... Puis
je vous donne un exemple, si je suis incontinente, je ne veux pas continuer,
mais, quand on est rendu là, peut-être que c'est différent aussi. Donc, la
personne tierce aurait certainement, oui, un rôle important à jouer aussi à
travers de ça.
Je ne sais pas si tu veux ajouter, Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Puis
on lui donne quand même un certain pouvoir, à la personne tierce, puisque c'est
elle qui enclenche le processus. L'équipe soignante a quand même un rôle
majeur, là, dans ce processus, puisque c'est elle qui doit évaluer des critères
de la souffrance. Il faut... Et puis, bien là, c'est important, justement, d'avoir
le professionnel compétent qui va prendre cette... qui va avoir ce regard
médical pour, effectivement, évaluer, bien, la pertinence de l'aide médicale à
mourir ou pas. C'est pour ça que je vous demande... je vous disais aussi, dans
nos remarques d'ouverture, qu'il doit être impliqué dans toutes les <étapes...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...je
vous disais aussi, dans nos remarques d'ouverture, qu'il doit être impliqué
dans toutes les >étapes, que ce soit lors de... je veux dire, pour
enclencher le processus, lors du... justement, de la... donc de la signature du
formulaire, par la suite, pour accompagner la personne dans la maladie lorsque
c'est possible, mais aussi lorsque les conditions sont réunies pour administrer
l'aide médicale à mourir. Il doit être là, mais comme on l'a spécifié
également, il ne doit... le fait qu'il y ait le tiers de confiance n° 2,
bien, la première personne doit vraiment, lorsqu'elle a signé, respecter les
valeurs de la personne et non pas mettre ses valeurs à elle de l'avant. Puis, bien,
généralement, là, quand on fait confiance à une personne pour signer un formulaire
comme celui-ci, on s'assure que nos valeurs à nous vont être respectées. Je
pense qu'il y a aussi un pacte de confiance, là, à établir avec le tiers de
confiance, parce que sinon, bien, ce ne sera pas lui, tout simplement.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Nous allons poursuivre, maintenant, cet
échange avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président. Merci, mesdames, pour cette présentation tellement pertinente et
utile à nos réflexions.
Je tiens à souligner une de vos mises en
garde à la fin de vos remarques préliminaires, où, si j'ai bien compris, vous
êtes en train de dire que l'idée d'élargir l'accès possible à l'aide médicale à
mourir ne peut jamais, mais jamais être prétexte pour ralentir sur l'obligation
de l'État, du système de soins de santé et services sociaux à veiller aux soins
de vie, parce que vous parlez du choix, qui est primordial dans ce projet de
loi, que la compréhension soit le plus claire. On parle de se prévaloir de
l'option, aucunement, mais aucunement l'obligation implicite ou explicite, mais
aucunement, donc, toute l'importance... et je crois que nous tous, chacun des
intervenants, intervenantes au sein du système de santé, en conviennent que
jamais, mais jamais nos discussions soient un prétexte pour ralentir notre
obligation, pas toujours rejoindre la meilleure façon, admettons-le, de donner
les soins de vie. Parce que vous allez comprendre, et ça faisait sujet de
plusieurs discussions que nous aurions eues, on veut le moins que possible, si
on peut l'éliminer, que le choix de la personne apte, devant un diagnostic, ne
soit pas alimenté par une réflexion : Le système n'est pas en mesure de
m'aider, alors voilà l'option. Ce n'est pas ça, ce n'est pas de ça qu'on parle
ou qu'on veut parler. Alors, je tenais à donner suite à votre mise en garde
tellement, tellement pertinente.
Sur les choses très spécifiques, vous avez
parlé d'un paradoxe, en quelque part, qui nous touche, et tout au long de nos
discussions, l'importance d'assurer aucun dérapage et que le consentement libre
et clair soit compris, que les conditions soient énumérées, tout ça. L'autre
côté du paradoxe, et vous l'avez souligné, et j'aimerais que vous pouviez
élaborer là-dessus, est-ce que le suivi prescrit risque d'être trop
contraignant? Vous partagez avec nous une grande préoccupation, je suis sûr,
sur l'équitabilité... la nature équitable de cette éventuelle offre en région
éloignée comme dans les grandes métropoles. Alors, je vous invite d'élaborer. Vous
avez fait quelques précisions, mais, quand vous parlez de votre inquiétude que
le suivi prescrit risque d'être trop contraignant, est-ce que vous pouvez nous
guider un petit peu plus à ce sujet-là?
Mme Grenier (Sylvie) : Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement,
notre dernière mise en garde dans notre énoncé d'ouverture, c'était que notre
préoccupation que les personnes qui auront accès à l'aide médicale à mourir de
manière anticipée versus ceux qui, finalement, sont déjà dans le système de
santé, qui vivent avec la maladie d'Alzheimer et qui peut-être n'ont pas les
services, les soins nécessaires à leur condition par manque, pour différentes
raisons. Et donc, c'est pour ça que, oui, c'est un choix, mais il ne faut pas
également oublier toutes les personnes qui n'auront pas fait ce choix-là et
qui, elles, nécessitent d'avoir l'attention particulière pour avoir les
meilleures qualités de vie, que ce soit par de la formation au niveau des
professionnels, que ce soit par un changement au niveau des ratios dans les
milieux d'hébergement, que ce soit par une approche centrée sur la personne et
non pas sur la maladie. Donc, c'est tout cet ensemble-là qui doit être revu
pour, effectivement, les personnes qui n'ont pas fait ce <choix-là....
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...effectivement,
les personnes qui n'ont pas fait ce >choix-là.
Vous mentionnez également le choix libre
et éclairé de la personne et puis, bien, comment le respecter tout au long, là,
et les suivis qu'il va falloir faire. On voit quand même, là, effectivement,
que le suivi va être assez contraignant pour les professionnels compétents,
parce qu'on leur demande d'être là du début jusqu'à la fin, même si, lors de,
finalement, de l'aide médicale à mourir, lorsqu'elle sera donnée, il se peut
que ce soit un autre professionnel compétent, mais on demande quand même à ce
professionnel d'être là à des étapes charnières de la personne. Et puis, bien,
je veux dire, actuellement, oui, si elle refuse d'administrer l'aide médicale à
mourir, elle doit se référer à un autre professionnel compétent.
Donc, on veut aussi s'assurer qu'il y ait
une continuité dans l'aide médicale à mourir anticipée puis qu'elle soit,
finalement, donnée à la personne qui en aura fait le choix, mais ça va être un
processus compliqué, sachant qu'actuellement la situation actuelle, les
personnes... pardon, les médecins peinent à faire un suivi avec les personnes
atteintes lorsqu'elles reçoivent un diagnostic. Généralement, ce n'est pas le
même médecin qui est en milieu d'hébergement, et puis la relation, ou le
contact, ou le suivi se fait très peu, voire il est quasi inexistant avec le
médecin qui a posé le diagnostic.
Donc, c'est toute cette dynamique-là pour
laquelle, en fait, on se questionne. Et puis, bien, dans la praticabilité, dans
la réalité des faits, ça va être, finalement, un enjeu, et il ne faudrait pas
que ce processus-là soit un frein aux personnes pour avoir accès à l'aide
médicale à mourir.
M. Birnbaum : Bon, en
quelque part, un diagnostic très important. Si vous avez à la... d'autres
prescriptions pour résoudre ces difficultés, elles seraient, évidemment, très
appréciées.
Si j'ai bien compris, dans votre
énumération de préoccupations et de questions touchant à l'article 29, qui
était très intéressante, vous avez soulevé la dynamique devant des diagnostics,
des symptômes de maladies graves de nature dégénérative. Il y a souvent des
symptômes très importants de l'ordre comportemental et mental : dépression
jusqu'à, si j'ai bien compris — je crois que c'est la vérité — des
épisodes psychotiques.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Tout à fait.
M. Birnbaum : Très
important. Vous êtes au courant du fait que la commission recommande, et le
projet de loi devant nous prend note qu'on n'aborde pas les questions très,
très sérieuses qui touchent aux gens atteints des troubles mentaux de l'ordre
grave. Un autre débat qui doit se poursuivre, probablement.
Est-ce que votre compréhension, quand on
parle de l'évaluation de souffrances dans les cas qui sont... qui pourraient
être assujetties selon le projet de loi devant nous, compte tenu qu'on
évaluerait, le cas échéant, quelqu'un devant une maladie neurodégénérative,
tous les symptômes, dont même des symptômes de l'ordre mental, si vous voulez...
Autrement dit, est-ce que vous n'êtes pas satisfaites, ou y aurait-il une
suggestion, sinon, que, dans l'évaluation de souffrances aux deux étapes, là,
que les symptômes de manifester... de l'ordre, en quelque part, mentaux puissent
faire partie de l'évaluation légitime des cas assujettis au projet de loi
devant nous?
• (11 heures) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
en fait, les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence sont...
Il y a toujours des causes déclencheurs, il y a toujours un élément qui va
faire que la personne va effectivement faire de l'errance, qu'elle va avoir de
l'anxiété, qu'elle va avoir des idées délirantes. Il y a, bien sûr, des
facteurs qui sont associés à la maladie elle-même, ça peut également être dû à
des interactions médicamenteuses, mais il y a d'autres causes qui, elles, sont
inhérentes à l'environnement dans le cas de la personne, et ça peut être de la
surstimulation comme de la sous-stimulation, ça peut être également l'approche
qui est menée par les personnes qui l'entourent et puis, bien, il y a des
éléments de l'histoire de vie de la personne. Donc, ces symptômes-là, pour
nous, oui, ils font partie, effectivement, des symptômes psychologiques
associés aux troubles cognitifs majeurs, mais, dans l'approche des sociétés
Alzheimer, ce sont des causes qui sont tout à fait modifiables et pour
lesquelles on peut agir. Donc, on comprend parfaitement, effectivement, ces
deux débats qui sont tout à fait différents entre des personnes qui sont
atteintes de troubles mentaux versus une personne atteinte <qui aurait
des comportements...
>
11 h (version révisée)
< Mme Ben Gaied (Nouha) :
...entre des personnes qui sont atteintes de troubles mentaux versus
une personne atteinte >qui aurait des comportements psychologiques
associés à un trouble neurocognitif majeur. Mais c'est ça, malheureusement, qui
fait que les personnes ne veulent pas se projeter à la fin de vie parce que,
bien, veux veux pas, c'est des symptômes, c'est des comportements qui vont
aller en augmentant avec l'évolution de la maladie, et c'est ça qui fait peur.
Donc, oui, ce ne sont pas des troubles
mentaux, mais c'est des conséquences de la maladie qu'il faudra... qu'il faudra
effectivement penser et c'est pour ça que les conditions de souffrance
insoutenable pour la personne... bien, c'est là qu'on doit l'amener, en fait, c'est
à se projeter face à ces comportements-là, c'est de se dire : Bien, dans
une situation où, effectivement, il y a des idées délirantes, il y a des
hallucinations qui sont parfois très... comment dire, très... qui peuvent être
justifiées, justifiables et sur lesquelles on peut agir, bien, il faut les
projeter, là, et malheureusement c'est quelque chose qu'on ne peut pas prédire,
ça, comment la personne va évoluer avec la maladie.
Donc, il va falloir, en fait, avoir, bien,
une meilleure approche d'accompagnement des personnes face aux comportements
psychologiques et de comportements... de troubles neurocognitifs majeurs pour
que ce ne soit pas, effectivement, le fait de se dire, bien, je ne veux pas
aller là, qui fait que les personnes refusent l'aide médicale à... acceptent,
pardon, l'aide médicale à mourir.
M. Birnbaum : Merci. Il
ne me reste qu'une minute.
Le projet de loi fait référence à un
éventuel refus de l'aide médicale à mourir par une personne qui aurait, lorsqu'elle
aurait été apte, en bonne et due forme, indiqué ses intentions et, à cet
instant de passer à l'acte, aurait aussi autrement rempli toutes les
conditions. Par contre, le projet de loi parle d'un refus, sans grande
clarification là-dessus. Est-ce que vous avez des inquiétudes en tout ce qui a
trait à cette instance-là, où un refus est manifesté, de quelle façon, avant de
passer à l'acte, que ça va nuire à la possibilité de passer à l'acte? Comment
vous réagissez à ça?
Le Président (M. Provençal)
:30 secondes pour votre réponse.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Bien, tout à fait. La personne peut voir l'administration de l'aide
médicale à mourir comme une agression, donc elle peut se débattre, elle peut
crier, elle peut frapper, elle peut... Je veux dire, il va y avoir une
réaction, veux veux pas. Il va y avoir une réaction, étant donné... puis ça a
été... je veux dire, c'est quelque chose qu'on a vu avec une personne atteinte
de troubles neurocognitifs en fin de vie, en Belgique, où, bien, l'aide — enfin,
en l'occurrence, là-bas, c'était l'euthanasie — n'a pas pu être
donnée parce que la personne s'est débattue. Donc, à ce moment-là, bien, c'est
quoi, les recours? C'est quoi, les options qui s'offrent aux professionnels
compétents, aux professionnels de la santé qui accompagnent la personne, aux
tiers? Et est-ce qu'on réessaye? Est-ce qu'on revient à la charge, ou on se dit :
Bien, il y a eu un premier refus?
M. Birnbaum : Est-ce que
je peux... Est-ce que vous avez des... Est-ce que vous pouvez... Est-ce que
vous avez des réponses à nous écrire sur la question? Là, vous posez la
question comme moi. On aimerait entendre votre réponse là-dessus. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Vous nous ferez parvenir les
questions que vous avez. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Oui,
merci, M. le Président. Merci, mesdames, d'être là. J'ai comme trois questions
et demie. Si je fais ça en une minute, il va vous rester trois minutes. On
essaie ça.
L'alzheimer, contrairement à d'autres
maladies neurodégénératives, a des stades, c'est l'échelle de Reisberg, là, que
vous connaissez certainement, là. Est-ce qu'on devrait s'y référer? C'est 1 à
7. Je comprends que 1, c'est le tout début; 7, c'est le terminus. Est-ce qu'on
devrait s'y référer? Ça a été suggéré.
Vous dites que les diagnostics arrivent
souvent au stade modéré ou avancé. Comment, alors, on peut réconcilier le fait,
si c'est modéré ou avancé, qu'il n'y a pas beaucoup de temps et qu'on n'a pas
le droit de faire la promotion de l'aide médicale à mourir? Comment on
réconcilie ça en s'assurant que la personne a quand même l'option et que l'option
lui est présentée, mais que ce n'est pas de la vente à pression?
Qu'est-ce qu'on fait avec la démence
heureuse? Vous en avez parlé un peu tout à l'heure. Je pense que ce serait
peut-être le moment non pas d'en finir, parce qu'on n'en finira jamais, mais de
revenir là-dessus.
Et, pour terminer, vous avez parlé de ces
cas — peut-être assez rares, cela dit, là — de gens qui se
débattent. Il y a eu un cas, je crois, aux Pays-Bas, où l'équipe médicale a dû — en
tout cas, c'était une très mauvaise idée, là — recourir à la
contention, ce qui est vraiment une mauvaise idée, là. Est-ce qu'on devrait
préciser ça, ici? Est-ce qu'on devrait aussi préciser l'usage ou non de
calmants avant l'administration <de l'aide médicale...
M. Marissal :
...l'usage
ou non de calmants avant l'administration >de l'aide médicale à mourir?
Merci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
En fait, l'échelle de Reisberg, on l'avait mentionnée lors de la Commission
des soins de fin de vie. Donc, effectivement, on considère que de se fier à l'évolution
de la maladie, parce qu'elle est associée également à une perte d'autonomie et
à une perte de dignité de la personne, donc, à partir du stade 5, ça nous
apparaît légitime de penser à une aide médicale à mourir. Il y a également d'autres
échelles de perte d'autonomie qui sont également utilisées dans le réseau, qui,
elles, sont plus associées aux activités de la vie quotidienne, donc, les échelles
d'ISO-SMAF. Effectivement, là aussi, ça nous paraît important de se fier à des
échelles, des échelles validées pour pouvoir définir le moment.
Vous avez mentionné la démence heureuse.
Bien, la démence heureuse va à l'encontre des critères, actuellement, de la
demande anticipée de l'aide médicale à mourir, à savoir que la personne ne vit
pas de souffrance physique ou psychique, et on considère que, lorsqu'une
personne vit une démence heureuse, c'est parce qu'elle est encadrée, qu'elle a
le soutien nécessaire parce que, tout simplement, elle a une certaine qualité
de vie en dépit de la maladie. Donc, la démence heureuse, finalement, ne
rentrerait pas dans le cadre du projet de loi actuel.
Est-ce que j'ai oublié quelque chose dans
vos questions?
M. Marissal : Préciser l'utilisation
de calmants...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Oui, je crois, la contention.
M. Marissal : ...la contention,
oui.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Alors, bien, effectivement, si on regarde du côté de l'approche ou de la philosophie
des sociétés Alzheimer, ça fait... ça va totalement à l'encontre de notre
approche, que ce soit par l'utilisation de contention physique ou
médicamenteuse. Après, bien, on laissera quand même le libre choix à l'équipe
soignante qui évalue la pertinence du recours à des calmants, le cas échéant.
M. Marissal : Rappelez-moi,
sur la démence heureuse... parce qu'on a eu des heures et des heures de débat
là-dessus, puis je suis sûr que vous aussi, c'est un concept philosophique plus
que médical, on s'entend, là, parce que c'est dans l'oeil de la personne qui
regarde la personne démente et non pas la personne elle-même, qui n'est plus
capable de se prononcer sur elle-même. Vous êtes persuadée que, dans un cas où
l'équipe médicale établit que... je pense qu'on ne peut même pas l'établir... prétend
qu'il y a démence heureuse, la loi ne pourrait s'appliquer. Donc, l'application
de l'aide médicale à mourir ne pourrait avoir lieu, c'est ce que vous dites.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Parce qu'effectivement il faut qu'il y ait des souffrances physiques et
psychiques. Dans le cas d'une démence heureuse, la personne est bien. C'est
parce qu'elle est accompagnée, c'est parce qu'elle a... le proche aidant a du
répit, c'est parce que la communication est toujours établie avec la personne.
On considère qu'avec l'évolution de la maladie la communication verbale devient
inexistante, tout passe par du non-verbal. Et donc, bien, lorsque la
personne...
• (11 h 10) •
M. Marissal : Bien, c'est
ça que je vous dis, c'est pour ça que je vous dis que c'est purement
philosophique.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Bien, c'est tout à fait... Tout à fait.
M. Marissal : Si un
arbre tombe dans la forêt, à mille lieues de toute terre habitée, est-ce que l'arbre
fait du bruit en tombant dans la forêt? On ne le saura jamais.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Mais la souffrance...
M. Marissal : C'est
peut-être la même chose pour des gens qui ont une démence heureuse, mais qui
ont néanmoins... De toute façon, on ne refera pas ça aujourd'hui, là, j'en
conviens, mais je suis heureux de vous avoir entendue là-dessus.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Je vais céder, maintenant, la parole à la
députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci
infiniment. C'est tellement percutant. Je vous entendrais pendant des heures,
mais j'ai quatre minutes.
Donc, vous êtes... vous avez soulevé le
point que je soulevais tantôt. On exige, dans le projet de loi, que le médecin,
au moment 2 — le moment 2, c'est l'évaluation pour l'éventuelle
administration — consulte le médecin du moment 1 quand la
demande en toute aptitude a été faite. Est-ce que c'est réaliste, selon vous?
Est-ce que vous pensez qu'on devrait ne pas se retourner vers le médecin du
moment 1, qui, normalement, a bien accompagné la personne?
Je vous les donne, moi aussi, puis après
vous aurez le temps de répondre.
Ensuite, il y a toute la question... Dans
notre rapport, on parlait que ce qui devait est prévu dans la demande
anticipée, c'étaient les manifestations dans l'état et dans l'évolution de l'état
de la personne qui pourraient donner ouverture, puis la personne pouvait aussi
décrire les souffrances qu'elle pouvait anticiper, mais le coeur n'était pas
aussi détaillé qu'à l'article 29, tout le détail des souffrances. Est-ce
que vous aimez mieux l'approche du projet de loi, le détail de toutes les
souffrances? Est-ce que tous les médecins peuvent accompagner adéquatement une
personne? Les généralistes, par exemple, qui vont arriver au diagnostic, est-ce
qu'ils peuvent accompagner pleinement une personne, se projeter? Est-ce qu'ils
ont tous l'expertise pour pouvoir prévoir les souffrances, ou ça va <être...
Mme Hivon :
...ont
tous l'expertise pour pouvoir prévoir les souffrances, ou ça va >être
quelques types de médecins? S'il y a un autre type de souffrance qui n'avait
pas été anticipé, par exemple la personne, elle a en plus un cancer qui la fait
souffrir, évidemment, elle n'a pu prévoir ça il y a quatre ans, est-ce qu'on la
considère, cette souffrance-là, ou on considère juste les souffrances
anticipées? Et puis le poids sur les professionnels, un peu, du déclenchement,
je l'ai dit tantôt, là, mais le déclenchement du processus, verser la demande
au dossier, est-ce que c'est le bon dosage ou est-ce que ça risque de tomber
entre les craques parce que les médecins vont dire : On en a tellement sur
les épaules, on ne peut pas se mettre à évaluer, puis c'est vraiment le tiers
qui devrait avoir le rôle ou vous trouvez qu'on a atteint le juste équilibre
dans le projet de loi?
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Effectivement, le fait que... Vous posez plusieurs questions qui peuvent
être regroupées par rapport au rôle du professionnel compétent entre,
effectivement, celui qui était présent au début versus celui qui va donner
l'aide médicale à mourir, l'expertise des médecins ou encore, bien, le rôle
qu'ils vont avoir pour le déclenchement. Actuellement, avec le plan Alzheimer
Québec, les médecins ont été formés à effectuer le repérage, poser un
diagnostic et assurer le suivi. Ils sont outillés, oui, certes, à donner le
diagnostic, mais c'est quelque chose qui n'est pas encore largement effectué.
Il y a une absence au niveau du repérage et un suivi qui est de qualité
médiocre. Donc, ça, c'est la réalité actuelle.
Alors, demander à ces médecins-là de
prendre en charge ou d'accompagner les personnes atteintes jusqu'au moment de
l'aide médicale à mourir, pour nous, nous paraît irréaliste. Il faudrait que ce
soit la... enfin, l'équipe soignante qui est au chevet de la personne au moment
où, effectivement, les critères de l'aide médicale à mourir sont remplis pour
pouvoir donner le soin en question parce que, veux veux pas, ils auront aussi
développé une relation de confiance et puis ils auront aussi développé une
meilleure connaissance de la personne, parce que 80 % des personnes vont
mourir en CHSLD, donc, il y a une équipe, là, habilitée à accompagner les
personnes, et puis, bien, cette équipe est là depuis un certain nombre
d'années, voire plus que ça. Donc, ils ont les compétences pour dire :
Bien, on a évalué la personne, elle répond aux critères, on administre l'aide
médicale à mourir. Le fait qu'il y ait un deuxième professionnel compétent qui
soit aussi impliqué dans le processus, bien, nous apparaît aussi important pour,
justement, éviter de revenir vers le premier professionnel compétent. Ça, c'est
quelque chose qui est déjà inclus dans la loi.
Mme Hivon : Et puis
l'approche, focusser uniquement, bien, ça peut être très bien, là, mais sur les
souffrances, dans le détail, objectivables, qu'on... versus l'évolution de
l'état jumelée au moment 2, aux souffrances, votre préférence par rapport
à ça? Parce qu'il y a une distinction entre le rapport puis la loi.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Tout à fait. Bien, pour nous, c'est important d'avoir le détail. Comme ça a
été fait pour les directives médicales anticipées où, effectivement, les
personnes doivent cocher les soins qu'elles acceptent ou qu'elles refusent, il
faut que la... il faut que le formulaire pour la demande anticipée d'aide
médicale à mourir soit autant précis que possible pour éviter, en fait, des
jugements de valeur qui pourraient survenir par la suite.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour cet échange, mesdames.
Alors... Oui?
M. Dubé : Est-ce que je
pourrais faire un commentaire de deux secondes?
Le Président (M. Provençal)
:Oui, allez-y, M. le ministre.
M. Dubé : J'aimerais
juste qu'on apprécie tous la qualité de l'intervention qui vient d'être faite
par Mme Grenier et par Mme Gaied. Je pense que c'est extraordinaire,
toute la connaissance que vous avez, que vous venez de partager dans peu de
temps. Mais je voulais souligner la qualité de vos réponses et des questions
que vous nous posez, alors je me permets de faire le messager de mes collègues,
ici. Merci beaucoup.
Mme Grenier (Sylvie) :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Et vous me permettrez de vous
rappeler que vous avez formulé quand même plusieurs questions sur les
dispositions particulières aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Alors, les membres de la commission sont très intéressés à recevoir vos
questions pour que nous puissions vraiment approfondir ces dernières. Alors, je
tiens à vous remercier de votre présence et pour l'ensemble des réponses que
vous nous avez données. Merci beaucoup.
Et je suspends pour accueillir le prochain
groupe.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 19)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux.
Je souhaite la bienvenue au Dr Georges L'Espérance,
de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité. Vous aurez
10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous procéderons à une
période d'échange. Alors, je vous invite à vous représenter et à débuter votre
exposé. Je vous cède la parole.
Association québécoise pour le droit de mourir dans
la dignité (AQDMD)
M. L'Espérance (Georges) : Merci,
M. le Président. Mmes, MM. les députés de l'Assemblée nationale, l'Association
québécoise pour le droit de mourir dans la dignité tient d'abord à vous
remercier pour l'invitation à cette commission d'étude.
Mon nom est Georges L'Espérance, président
de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité. À titre de
président, là, qui représente notre conseil d'administration, mon propos sera
marqué par trois sources : toutes les questions du public et des patients
que je reçois quotidiennement, les questionnements des médecins prestataires et
ma propre expérience comme neurochirurgien et médecin prestataire de l'aide
médicale à mourir.
En guise d'introduction, je tiens à
souligner le remarquable travail du groupe transpartisan qui a produit le
rapport sur l'évolution de la loi et à remercier du fond du coeur le ministre
Dubé et son équipe d'avoir rapidement proposé ce projet de loi qui respecte les
recommandations du rapport. Je remercie aussi tous les députés qui ont accepté
de siéger sur cette commission et de faire un travail législatif de fond pour
que l'élargissement de la loi devienne réalité. Et je tiens à rassurer M. le
ministre ainsi que son équipe de petites fourmis à l'arrière que mon mémoire a
été adressé hier vers 18 heures. Donc, vous avez tous les aspects que vous
voulez. N'étant ni législateur ni juriste, j'insisterai sur les aspects
médicaux et pratiques en trois sections : les notes explicatives, les
articles du projet de loi et une réflexion essentielle sur la question du
handicap. J'ai bien compris tout ce que vous avez dit au début sur la question
du handicap.
Les notes explicatives. Nous sommes
totalement en accord avec l'exclusion temporaire des problématiques de santé
mentale, bien que les troubles de santé mentale représentent une maladie réelle
qui amène des souffrances réelles, parfois intolérables et résistantes à tout
traitement. Le gouvernement fédéral a introduit l'exclusion de la santé mentale
par C-7 avec une clause dite crépusculaire qui prend fin au 18 mars 2023.
Il faudra donc y revenir dans les prochains mois et élaborer, avec les experts — pardon — les
patients et les familles, les critères médicaux nécessaires pour l'aide
médicale à mourir chez les personnes aux prises avec un problème de santé
mentale grave, récidivant et résistant à toute thérapeutique.
J'ajoute qu'il est essentiel de garder un
interdit absolu et définitif sur les personnes vivant avec <un déficit
intellectuel...
M. L'Espérance (Georges) :
...garder un interdit absolu et définitif sur les personnes vivant
avec >un déficit intellectuel qui ne leur permet pas d'exercer leur
libre arbitre.
Deuxième point, l'inclusion des infirmières
praticiennes spécialisées. Nous nous réjouissons au plus haut point de cette
modification qui haussera les Québécois au même niveau d'accessibilité que tous
les Canadiens, non seulement en région éloignée, mais aussi en plein
centre-ville de Montréal. Et il y a aussi les IPS en pratique extérieure, comme
dans les organisations de soins palliatifs du Grand Montréal, pour donner un
exemple. Je crois qu'elle devrait être incluse et non pas simplement limitée
aux infirmières... aux IPS qui travaillent uniquement en milieu hospitalier.
Enfin, l'inclusion des maisons de soins
palliatifs. Nous sommes très heureux de cette précision du ministre, qui
corrige ainsi une anomalie de la loi n° 2, introduite en 2014, pour
faciliter l'adoption de la loi. Plusieurs maisons de soins palliatifs ont
depuis révisé leur position, et c'est heureux. L'aide médicale à mourir est un
acte médical et doit être reconnu comme tel par les maisons de soins
palliatifs, dont la plupart, sinon la totalité, bénéficient d'un financement
public de l'ordre de 70 %, selon les données disponibles, ce qui en fait un
établissement... ce qui en fait des établissements publics. Et, comme plusieurs
de mes collègues, j'ai eu à évaluer des patients en maisons de soins palliatifs
et j'ai dû expliquer au demandeur et à sa famille que nous devions le sortir le
jour ou la veille du soin, mourant ou très détérioré, parfois en hiver,
souvent, et le transporter en ambulance à l'hôpital, loin des soignants qui
l'avaient soutenu pendant des semaines.
Je passe maintenant aux articles du projet
de loi, et mes commentaires seront en référence à la numérotation des articles
du projet de loi n° 38. Il est implicite que ne sont pas mentionnés les
articles avec lesquels nous sommes en accord complet.
Donc, l'article 9, maisons de soins
palliatifs. Nous proposons de donner six mois de délai aux administrateurs et
au personnel soignant pour actualiser.
Article 13 — excusez-moi — modifications
aux articles 26 et 27 de la loi n° 2. À 26.3°, garder l'inclusion du terme
«handicap neurolocomoteur», j'y reviendrai à la fin.
27 et 27.1, le tiers signataire, qui
indique «ne peut [...] avoir un intérêt financier dans le patrimoine». Nous
avons parfois affaire à des personnes seules ou des couples seuls, sans enfants
ni famille, cela peut être un problème pour nos patients. Rares sont les
personnes qui ont un patrimoine très important, et souvent le demandeur n'a
qu'une personne qui hérite de ses biens, la plupart du temps modestes, tels un
appartement, une petite maison ou un chalet et un restant de bilan financier.
Je ne suis pas juriste, mais pourquoi ne pas ajouter le terme, ouvrez les
guillemets, «intérêt financier significatif»? Tout clinicien et juriste pourra
comprendre ce que signifie le terme «significatif».
L'article 15 du projet de loi,
modification de l'article 29. Encore une fois, «handicap», je vais y
revenir un peu.
Article 16 du projet de loi, ajout à
l'article 29 de la loi n° 2. Nous suggérons de faire deux sections
distinctes afin de clarifier l'énoncé de la loi, tant pour les médecins que
pour les demandeurs : première section, «dispositions en regard de la
formulation de demande anticipée», les articles 29.1 à 29.10, et, deuxième
section, «dispositions en regard de la mise en oeuvre de la demande anticipée
des autres articles».
Nous proposons aussi quelques commentaires
sur les articles de cette section.
29.2, deuxième alinéa. Nous sommes
d'accord avec cette formulation, et ça répond un peu aux questions des
intervenants précédents. La liste des symptômes, ou signes, ou conditions que
le demandeur pourrait suggérer devra relever d'un guide de pratiques et non pas
être dans la loi, un guide de pratiques à élaborer par un comité ad hoc de
médecins, IPS, travailleurs sociaux, représentants de demandeurs, par exemple
la société Alzheimer. Ce guide ne devrait servir que de feuille de route, en
quelque sorte, afin d'aider nos patients. Le reste de 29.2 est impeccable au
plan clinique et facilement gérable.
Je comprends de 29.4 que le ministre se
veut moins catégorique que le rapport du comité transpartisan et n'oblige pas à
la nomination d'un tiers de confiance. Cela répond à des objections faites par
des membres de l'association, même si cet intermédiaire paraît souhaitable, en
ce qui me concerne, et ce, afin de veiller aux intérêts exprimés du demandeur.
29.6. Si cet article, et là c'est vraiment
parce que...
Une voix : ...
M. L'Espérance (Georges) : Pardon?
C'est vraiment parce que je ne suis pas juriste. Si cet article signifie qu'il
n'y a pas d'obligation d'acte notarié mais seulement une déclaration devant
témoins, je suis d'accord, car la question des coûts d'un notaire revient
régulièrement dans les renseignements qu'on me demande. Et la même remarque que
je faisais plus haut sur les tiers avec intérêt financier significatif
s'appliquerait ici aussi.
29.15.2°. Afin d'éviter toute ambiguïté,
plusieurs membres du conseil d'administration suggèrent d'ajouter la précision
suivante au début de la phrase, ajouter «dans le cas d'une personne encore
apte, tout refus de recevoir», etc. Tout le reste de cet ajout de 29 apparaît
très pertinent et satisfaisant, à une seule <interrogation près...
M. L'Espérance (Georges) :
...cet
ajout de 29 apparaît très pertinent et satisfaisant, à une seule >interrogation
près. Je comprends que le tiers de confiance avertit l'équipe soignante, et
c'est très bien. Par contre, s'il n'y a pas de tiers de confiance, le mandat de
vérification revient au professionnel de la santé, ce qui revient à placer dans
les mains d'un seul intervenant une décision éminemment personnelle. Il y a ici
un risque d'aveuglement volontaire.
Afin de protéger les droits du demandeur,
nous suggérons d'ajouter que la demande anticipée d'aide médicale à mourir
versée au registre soit obligatoirement revisitée aux six mois par deux
professionnels de la santé, indépendants l'un de l'autre, bien sûr, s'il n'y a
pas de tiers.
Article 17, substitution de la loi...
30. À 30.1, nous suggérons de clarifier ce point en ajoutant à la fin de la phrase,
et la phrase se termine par «du refus de recevoir cette aide manifestée par la
personne encore apte». On suggère d'ajouter «encore apte», ici. Ne pas indiquer
cette précision reviendrait, dans certains cas, à nier la demande anticipée.
30.2, faire une précision s'il s'agit d'un
refus chez une personne encore apte et, l'autre situation, d'une personne qui
est devenue inapte, auquel cas la modification suivante viendrait s'ajouter,
c'est-à-dire qu'à 30.2 nous suggérons d'ajouter ici l'équivalent de l'article 241.2(3.3)
du Code criminel canadien sur le renoncement au consentement final, ce qui
revient aussi à une discussion précédant, qui est cet article qui dit :
«Précision
«(3.3) Il est entendu que des paroles, des
sons ou des gestes involontaires en réponse à un contact ne constituent pas une
manifestation de refus ou de résistance pour l'application...»
Dernier point, l'article 23, les
modifications de l'article 39, qui porte sur la Commission des soins de
fin de vie. Honnêtement, je me demande qu'est-ce qui justifie l'ajout de deux
membres de plus à la commission. Et pourquoi ne pas plutôt réduire la
Commission des soins de fin de vie à des cliniciens actifs seulement, même
s'ils sont retraités, médecins et IPS, et à du personnel administratif compétent
en statistiques? Et en plus il y a une question de coûts.
Les articles 24 à 36 du projet de loi
n° 38 ne sont pas de notre ressort. Je prends quelques minutes pour faire
un peu de pédagogie, comme disait M. Marissal. Je tiens ici à remercier
pour la question de maladie, handicap et infection. Je remercie sincèrement le
ministre d'avoir été à l'écoute des demandes de l'ensemble des médecins
prestataires, à l'ensemble de mes collègues prestataires et aussi de quelques
appels que j'ai reçus du public. Je ne peux que déplorer le retrait de cette
modification.
Et je fais ici quelques mots, je m'en
tiendrais à quelques précisions, et à titre de médecin, et particulièrement de
neurochirurgien, car ce sont souvent ces cas qui ont été mis de l'avant comme exemple,
l'argument avancé que la question du handicap n'a pas été discutée, ne
correspond pas à la réalité. En tout respect et avec égards, je m'inscris en
faux contre cette affirmation pour des raisons factuelles élaborées dans le
même mémoire. Toute maladie peut conduire à un handicap, temporaire ou
permanent, et, à l'inverse, tout handicap provient d'une maladie, que ce soit
in utero, à l'accouchement, pendant l'enfance, suite à un traumatisme, et
l'exemple qui est souvent donné est celui du blessé médullaire, quadriplégique
ou paraplégique, mais qui a souffert par définition d'un traumatisme
ostéomédullaire avec compression de la moelle et ischémie subséquente, souvent
hémorragique et contusionnelle. Donc, c'est une maladie ischémique, comme un
infarctus.
Alors, je reprendrai aussi, à titre
d'exemple, le paragraphe 310 de la décision Baudouin, où Mme la juge
écrivait que M. Truchon et Mme Gladu désirent qu'on leur reconnaisse
le choix de décider pour eux-mêmes : «Agir autrement peut conduire à discriminer
les personnes handicapées compte tenu de leur seul handicap.»
Je vous...
• (11 h 30) •
Le Président (M. Provençal)
:C'est beau, docteur.
M. L'Espérance (Georges) : ...et
je suis disposé à répondre à vos questions avec plaisir et au meilleur de ma...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé, Dr L'Espérance.
Alors, M. le ministre.
M. Dubé : Écoutez, vous
êtes... vous n'êtes pas légiste, mais vous êtes très clair. Je vais vous dire,
votre allocution qui fait le point sur plusieurs des articles, je pense, c'est
exactement ce qu'on a demandé ce matin.
Ce qui m'apparaît très clair, puis je veux
que les Québécois comprennent bien, il y a eu une commission qui a passé plus
de 200 heures pour arriver à des grandes conclusions. Le défi de nos
légistes, ça a été de mettre ça dans un projet de loi. Puis là vous arrivez, à
un moment donné, vous dites : Je veux juste m'assurer que nos objectifs
qu'on avait dans la commission sont bien reflétés dans le projet de loi. C'est
exactement ce que vous venez de faire.
On a une petite différence sur la question
des handicaps, je ne m'y attarderai pas, mais je pense que, ce matin, on a
clarifié la raison pour laquelle ça a été fait, je pense qu'on a besoin d'avoir
un consensus. Ce n'est qu'une autre étape. Je veux juste faire ce
commentaire-là, parce que je suis d'accord avec l'essentiel de ce que vous
venez <de dire...
>
11 h 30 (version révisée)
<12223
M. Dubé :
...l'essentiel de ce que vous venez >de dire. Puis une
précision que je ferais, ce n'est pas ma commission, ce n'est pas mes
recommandations, personnellement, c'est tout le travail qui a été mis ensemble
par toute cette équipe-là, puis j'apprécie vos points, mais c'est tout le
travail de tout le monde.
Alors, merci beaucoup d'avoir eu la
rigueur de faire ce que vous venez de faire. J'apprécie beaucoup. Maintenant,
je vais passer la parole à la députée de Roberval, M. le Président, si vous
êtes d'accord.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée.
Mme Guillemette : Merci,
M. le ministre. Merci, M. le Président.
Merci beaucoup, Dr L'Espérance, d'être
avec nous ce matin. Votre discours est très, très porteur pour nous, pour la
suite des choses, pour nous et pour les gens, là, qui auront et qui
demanderont, dans les prochains mois, dans les prochaines années, l'administration
de l'aide médicale à mourir.
On entend bien votre demande pour la suite
des choses et on espère aussi, là, en tant que groupes parlementaires... Vous
savez, c'était une commission transpartisane, et cet aspect-là est très
important, c'est le reflet de notre société. Donc, on va continuer à travailler
sur cet aspect-là.
Maintenant, en quoi la proposition du
projet de loi quant aux demandes anticipées vous permet-elle d'envisager une
mort digne pour les gens qui auront accès à l'aide ou qui demanderont l'accès à
l'aide médicale à mourir anticipée?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
en fait, la réponse vient de ce que demande la population puis certainement les
gens que vous allez entendre, à savoir qu'à partir du moment où un diagnostic
est donné, et ça, c'est une condition sine qua non, en tout cas, en ce qui me
concerne... et donc les gens savent comment évolue leur maladie. C'est vrai
pour l'alzheimer, avec les stades qui ont été décrits, mais c'est tout aussi
vrai pour les autres pathologies neurodégénératives. Le parkinson,
généralement, c'est un petit peu plus long, les démences à corps de Lewy, les
démences vasculaires, c'est souvent un petit peu fluctuant et plus long, mais
on sait toujours très bien où ça va aller, où est-ce que ça va aboutir, et,
bon, le temps peut être plus ou moins long, mais c'est ça que les gens ne
veulent pas. Et je suis convaincu qu'il n'y en a aucun de vous qui est autour
de la table, là, ou dans votre salle Marois... qu'il n'y a aucun de vous qui
veut se voir couché en chien de fusil dans un lit à la fin de ses jours sans
savoir où est-ce qu'il est, et c'est à ça qu'il faut répondre, c'est à ça qu'appartient
la dignité.
Actuellement, les gens qui ont un tel
diagnostic, vous le savez, peuvent obtenir l'aide médicale à mourir, on en a
tous fait quelques-uns, mais ils sont encore aptes, comme Mme Sandra
Demontigny, qui est dans les médias. Alors, Sandra, elle pourrait avoir l'aide
médicale à mourir maintenant, mais va perdre quelques mois ou même une année ou
deux de vie encore intéressante avec ses proches. Et c'est ça qu'est la
dignité, c'est-à-dire de savoir que, lorsque je ne serai plus apte, je ne veux
plus vivre dans un état... je ne veux pas vivre dans un état de déchéance qui,
de toute façon, va se produire, parce que c'est comme ça qu'évolue la maladie,
particulièrement l'alzheimer, mais les autres types de démence aussi.
Donc, la dignité, elle est là, pas souvent
dans les souffrances physiques, parce que c'est souvent aussi un des arguments
qu'on entend : Bien, comment on va faire pour évaluer la souffrance
physique?, il n'y en a pas beaucoup. Il peut y en avoir, par exemple, des
plaies de lit, etc., mais c'est surtout la souffrance existentielle qui vient
auparavant. J'ai vécu, pendant 70, 75, 80 ans, avec ma propre
personnalité, avec mon éclairage, avec ma famille, mes proches, avec mon projet
de vie et je ne veux pas que, les cinq, six, sept dernières années de ma vie,
je sois devenu une autre personne qui n'a plus du tout la même personnalité que
j'ai eue pendant toute ma vie, et c'est ça, la dignité, je ne veux pas me
retrouver dans cet élément-là, et ça, c'est une souffrance existentielle qui,
bien entendu, est anticipée, elle est faite avant que la personne devienne
inapte.
Et là on entre, encore une fois, dans tout
le débat de la soi-disant démence heureuse. Je pense, vous le savez, vous avez
tous été dans la commission auparavant, on en a parlé aussi, je ne suis pas du
tout... je ne crois pas que ça existe, la démence heureuse, pas plus que
certains neurologues qui sont versés là-dedans, mais c'est la... Toute la
question de la dignité, c'est la question de savoir qui étais-je ou qui ai-je
été pendant toute ma vie et qu'est-ce que je ne veux pas vivre dans mon
existence en bout de ma vie parce que je ne serai plus moi-même. La question
est là, et la dignité, elle est là, à mon avis.
Mme Guillemette : Donc,
pour vous, la démence heureuse, si la personne la définit bien, il n'y a pas d'enjeu
à avoir accès à l'aide médicale à mourir.
M. L'Espérance (Georges) : Non,
et il y a même la… Me Jocelyn Downie, qui travaille beaucoup avec la CAMAP, au
Canada anglais, avait dit : Bien, pourquoi simplement ne pas indiquer dans
les critères, par exemple : Bien, si on me donne un diagnostic de démence
heureuse, je veux tout de même obtenir l'aide médicale à mourir? Ça pourrait
très bien faire partie des critères. Et je reviens aussi… parce que, là, ça a
été la question : Quels sont… quels vont <être…
M. L'Espérance (Georges) :
...quels vont >être les critères? Je ne pense pas du tout que
ça doit partir dans... être dans un projet de loi, ça doit être dans un guide
de pratiques, et ça, ça pourrait très bien faire partie... par exemple, article
n° 25 du guide de pratiques, si tout le monde
s'entend pour dire que le patient est dans une démence heureuse, non, moi, je
coche ça, je ne veux pas même me rendre à la démence heureuse. Ça pourrait être
un exemple.
Mme Guillemette : Et un
guide de pratiques qui serait élaboré par un groupe de médecins? J'aimerais
vous entendre plus sur, justement, ce guide de pratiques là.
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
on est obligés d'aller vite en commission, mais c'est écrit dans le mémoire :
guide de pratiques, médecins, IPS, travailleurs sociaux, qui sont très, très
impliqués, et des gens comme la société d'Alzheimer. Mme Gaied, je la
connais, je l'ai vue quelques fois, là, elle est très pertinente. Et pourquoi
pas aussi peut-être des gens de votre honorable Assemblée? Mais en fait des
gens qui sont habitués de travailler dedans, et faire un guide de pratique, ça
peut être relativement simple : Lorsque je ne serai plus capable de vivre
seul, ou lorsque je ne serai plus capable de me laver moi-même, ou etc., tout
ce qui a déjà été dit, mais la démence heureuse pourrait faire partie de ce
type de critère, et je l'appuie là-dessus. J'appuie Me Downie beaucoup.
Mme Guillemette : O.K.
Une dernière question, avant de passer la parole à mes collègues, pour moi. On
a entendu, tout à l'heure, qu'il pourrait y avoir une difficulté sur le terrain
parce qu'en pratique, aussi, sur le terrain, il faut voir comment ce sera
applicable. Il pourrait y avoir une difficulté, sur le terrain versus le
médecin n° 1, qui soigne et qui traite le patient…
versus le médecin n° 2, qui va administrer l'aide
médicale à mourir. Vous voyez ça comment, ce processus-là entre les deux
médecins?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
écoutez, on fonctionne déjà comme ça, hein? Il y a des médecins traitants, par
exemple dans les unités de soins palliatifs ou les unités de gériatrie, et il y
en a qui transmettent la demande d'aide médicale à mourir, mais qui ne veulent
pas s'impliquer, c'est parfait. Moi, je le fais très régulièrement avec des
gens de soins palliatifs, et donc on rencontre le patient.
Alors, en ce qui concerne les patients
avec une altération de leurs facultés cognitives, à mon avis, le processus
revient au même, c'est-à-dire que le médecin prestataire, lui, pourra prendre
connaissance du dossier et rencontrer le médecin traitant qui s'occupe du
patient, que ce soit en CHSLD, que ce soit n'importe où, et puis, par la suite,
procéder, bien sûr, après avoir rencontré la famille, s'il y en a, ou les
proches, s'il y en a. Sincèrement, pour moi, ça ne pose pas un gros problème.
Le problème, c'est... je crois qu'il y a un article de loi, mais je ne suis pas
certain de l'avoir bien compris, je ne suis pas juriste, encore une fois, il ne
faut pas mettre en lien la demande d'aide médicale à mourir anticipée faite par
le médecin à ce moment-là en lien obligatoire avec le moment de l'aide médicale
à mourir parce que, là, ça peut être trois ans, quatre ans, cinq ans plus tard.
Un moyen de... D'abord, premièrement,
c'est un écrit, donc un écrit a quand même valeur. Puis, deuxièmement, il y a
aussi une suggestion qui a été faite d'utiliser les moyens vidéographiques, et,
pourquoi pas, avec le médecin qui évalue le patient lorsqu'il est apte, qui
sert de genre de témoignage ou de testament pour plus tard, parce que ce
médecin-là qui a évalué le patient au départ, il est… il a peut-être pris sa
retraite, il est peut-être parti ailleurs, il est peut-être décédé. Je ne sais
pas si je réponds à votre question.
• (11 h 40) •
Mme Guillemette : Oui,
oui, parfaitement, merci. En tant que neurochirurgien, là, est-ce qu'il y a des
personnes souffrantes, présentement, au Québec qui ne sont pas admissibles pour
recevoir l'aide médicale à mourir, mais qui, selon vous, devraient l'être pour
la suite des choses?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
il y en a... tous les patients qui ont des pathologies, comme l'encéphalopathie
néonatale… mais honnêtement c'est là où le Collège des médecins et nous tous,
on a le même malaise, c'est que le Code criminel le permet, et le Collège des
médecins nous a tous assurés, nous, les médecins prestataires, que, si on suit
le Code criminel, bien, de toute façon, on n'aura pas d'ennuis avec le collège.
Mais il reste que, pour des plus jeunes médecins… Moi, je suis un vieux. Pour
les plus jeunes médecins et puis pour ceux qui sont un petit peu plus frileux,
disons, bien là, ils se sentent coincés et ils ont peur d'avoir une lettre de
la Commission des soins de fin de vie, et c'est pour ça qu'on nous demande de
régler cette histoire-là d'harmonisation entre maladie, handicap et affection,
mais sinon, honnêtement, il y a des patients qui ne sont pas acceptés,
dépendant du médecin qui va les voir, et d'autres qui vont être acceptés.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci.
Je vais passer la parole à mes collègues.
J'aurais d'autres questions, si jamais… mais je passe la parole à mes
collègues.
Le Président (M. Provençal)
:Allez-y.
Mme Picard : Merci, M.
le Président.
Dr L'Espérance, votre exposé, au départ,
était hyperintéressant. J'aimerais juste que vous nous réexpliquiez… que vous
élaboriez davantage par rapport à... Vous avez fait certaines distinctions
quant au refus, vous avez fait deux distinctions, si le patient fait...
démontre une résistance. Pouvez-vous juste nous élaborer un petit <peu...
Mme Picard :
...
un
petit >peu plus ou bien nous expliquer votre cheminement?
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
ça m'a été amené par des membres du conseil d'administration, qui étaient
craintifs que, lorsque l'on parle du refus, bien, que, finalement, on ferme le
dossier puis... Alors, c'est pour ça que j'ai parlé d'avoir deux sections :
lorsque le patient est apte, toute la mise en place des demandes anticipées,
puis, deuxièmement, lorsque le patient… c'est le temps de le mettre en
application. Et là, forcément, si on fait ça comme ça, dans cette deuxième
section, les articles de loi s'adresseront à des patients qui sont devenus
inaptes. Si le patient est devenu inapte, il ne peut plus refuser, par
définition. La seule façon de refuser, à ce moment-là, c'est par des gestes,
par des refus, etc., et ça... et c'est pour ça que je dis, moi : Pourquoi
est-ce qu'on ne prend pas la clause d'exclusion du Code criminel qui dit :
lorsqu'on approche un patient, bien, qu'un bruit, qu'un grognement ou qu'un
mouvement ne veut pas dire que le patient refuse l'aide médicale à mourir?
Parce que c'est ça qu'on fait face chez les patients qui... pour le moment, là,
chez les patients qui n'ont plus leur conscience. Par contre, si le patient
refuse et qu'il est encore apte, bien, la question ne se pose pas : il est
encore apte, donc c'est son droit de refuser. Si le patient refuse, mais qu'il
n'est plus apte, bien, on retourne dans le carreau n° 1,
à savoir que, s'il n'est plus apte, c'est pour ça qu'il a fait sa demande
anticipée.
Donc, je trouvais qu'il y avait ici un peu
une... Disons, je ne suis pas trop comment dire ça, il y a un petit peu un
imbroglio dans les articles de la loi de la façon dont ils sont décrits et,
honnêtement, de la façon dont je les comprends. Peut-être que je les comprends
mal.
Mme Picard : Ça m'amène
à une petite question. Advenant où un patient fait... a manifesté un refus, qu'il
est apte, est-ce que, selon vous, on devrait réouvrir la possibilité dans un
certain temps ou à un certain moment ou on le garde fermé?
M. L'Espérance (Georges) : Si
j'ai bien compris votre question, vous dites «si le patient est apte». Bien, si
le patient est apte et qu'il refuse, bien, ça s'arrête là, sauf si le patient
redevient... revient plus tard en disant : Bien, écoutez, finalement, j'ai
encore une fois changé d'idée puis je le redemande. Bien oui, mais, une fois
que le patient... si le patient est apte et qu'il refuse, c'est son droit le
plus strict de fermer les dossiers, de la même façon qu'actuellement un patient
peut nous dire : Bien, écoutez, moi, l'aide médicale à mourir, j'ai prévu
ça pour le 24 juin cette année, puis le 22 il m'appelle puis il dit :
Bien, non, écoutez, savez-vous, je vais passer l'été. Ça m'est arrivé puis c'est
arrivé à d'autres collègues, et puis, bien, voilà, c'est comme ça qu'on fait, on
garde la demande ouverte. Mais, si le patient dit, alors qu'il est apte :
Je ne veux plus faire ça, parfait, très bien, on ferme le dossier.
Mme Picard : Merci. Je n'ai
plus de question.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Oui,
merci. On va... Je voudrais vous entendre sur l'obligation que les maisons de
soins palliatifs auront d'offrir l'aide médicale à mourir. On sait qu'il y a un
contexte où, présentement, on a une trentaine de maisons de soins palliatifs.
Il y en a qui, de façon volontaire, ont accepté d'administrer l'aide médicale à
mourir, il y en a d'autres qui n'acceptent pas d'administrer l'aide médicale à
mourir pour plein de raisons. J'aimerais vous entendre sur cette obligation-là,
parce qu'on sait qu'il y en a qui ont des contraintes. J'aimerais que vous m'en
dites un peu plus là-dessus.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
au tout début, la grande majorité des maisons de soins palliatifs ont refusé
parce qu'elles faisaient partie de l'alliance des soins palliatifs. Soyons
clairs — je suis chirurgien, on va être précis — c'est
beaucoup le lobby religieux catholique... et de un.
Et, de deux, plusieurs de ces
maisons-là... Et, entre autres, je souligne que la Maison Aline-Chrétien, qui a
ouvert à Shawinigan juste après le début de la loi, a d'emblée accepté les aides
médicales à mourir. D'autres maisons l'ont fait progressivement, et même, cette
année, la Maison Michel-Sarrazin, à Québec, qui est un peu un chef de file.
Certains nous disent que des médecins sont mal à l'aise, ça peut être vrai.
Certains nous disent que c'est les administrateurs, ça peut être vrai. On sait,
par en dessous, que c'est beaucoup question du financement qui vient parfois,
sinon souvent, de communautés religieuses. Et je vais vous donner un seul
exemple, l'unité de Marie-Clarac, qui est une magnifique unité de soins
palliatifs, tenue par des religieuses qui, au départ, étaient favorables, mais
qui ont eu un ordre d'en haut — choisissez, «en haut», qui vous
voulez, là — de ne pas offrir l'aide médicale à mourir.
Et donc, ça, je trouve ça inadmissible, ne
serait-ce que pour un point de vue d'équité du public. Toutes ces maisons-là
reçoivent... et j'ai fait mes petites recherches, ce que ça vaut, comme ils
disent, sur l'Internet, et à peu près... toutes les maisons ont à peu près
70 % de financement public. Bien, dans mon esprit à moi, 70 % de
financement public, ça en fait un établissement public, exactement comme c'est
écrit <dans la loi...
M. L'Espérance (Georges) :
...écrit >dans la loi.
Et l'autre élément, puis, je dirais, le
plus important, et, je vais vous dire, je me suis fait dire la même chose par
des médecins et du personnel soignant à Marie-Clarac pas plus tard que la
semaine dernière, c'est — je vais choisir un bon terme — inhumain
de sortir des patients en plein coeur de janvier pour avoir... obtenir l'aide
médicale à mourir, les amener dans une petite chambre d'hôpital, à 24 heures
d'avis, en jaquette, et alors qu'ils étaient dans une chambre spacieuse,
confortable, avec du personnel qu'ils connaissaient, avec lequel ils étaient
habitués, et je l'ai fait à quelques reprises. Je ne suis pas seul, d'autres
l'ont fait, et c'est inadmissible, du point de vue du patient. Alors, non, puis
c'est un soin.
Une voix : …
M. L'Espérance (Georges) : Pardon?
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, Dr L'Espérance.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de D'Arcy-McGee, c'est à
vous, la parole.
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président.
Merci beaucoup, Dr L'Espérance. Votre
présentation a été aussi éclairante et importante qu'alors que vous étiez
devant notre commission spéciale. Alors, je vous remercie beaucoup.
J'avais des questions sur le soin
palliatif, mais, compte tenu de vos réponses, je vais tout simplement noter
l'importance et la pertinence de vos réponses. Elles vont nous aider dans nos
réflexions en étude détaillée, j'en suis sûr.
Lors de vos interventions sur l'article 13
de la loi, qui touche à 26 et 29, vous avez parlé d'une question qui me
préoccupe aussi, la possibilité d'écarter des tiers à cause d'un intérêt
financier conflictuel, en quelque part. Vous allez comprendre, j'imagine, que
d'aborder la question, c'est pour assurer d'une autre façon, mais très
nécessaire, un dérapage possible, un membre d'une famille non bienveillant,
etc. Il y a des risques, je crois qu'on va en convenir.
Par contre, je partage votre
préoccupation, surtout quand on veut parler de l'équité de l'offre, si je peux
me permettre le mot, à l'accès à l'aide médicale à mourir. Et il y a des gens
en situation très difficile où même identifier un tiers ne va être pas facile.
Alors, l'idée d'écarter des tiers, sauf pour des raisons très, très
nécessaires, serait problématique, je vous suis là-dessus.
À part... Vous avez suggéré un petit
libellé, le mot «significatif». Est-ce que vous avez d'autres suggestions pour
assurer qu'on fait le pont entre l'idée d'écarter la possibilité d'un dérapage
pour une raison... mais de protéger l'accès à un tiers pour tout le monde en
région, mal fortuné, qui vit seul, et tout ça? Est-ce que vous avez d'autres
choses à nous proposer à ce sujet-là?
• (15 h 50) •
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
écoutez, on peut tourner ça dans tous les sens, mais, si on prend, par
exemple... Et merci beaucoup de votre question. D'ailleurs, ça me fait plaisir
de vous revoir ainsi que vos collègues Marissal et Mme Hivon. On peut
tourner ça dans tous les sens, mais, si on prend un soignant, bien, on pourrait
dire aussi qu'il y a un intérêt. Mais, par exemple, en CHSLD, je ne vois pas du
tout quel conflit d'intérêts pourrait avoir une aide-soignante ou un
aide-soignant qui s'occupe de la personne depuis des mois et, de temps en
temps, on les voit signer comme témoin. Maintenant, c'est permis. La question
de la personne avec un intérêt, c'est sûr, je comprends très, très bien les
difficultés, mais, honnêtement, là, tous les gens qu'on voit, là, il n'y en a
pas beaucoup qui ont des millions en banque pour, disons, susciter une demande
d'aide médicale à mourir. Sincèrement, c'est mon expérience à moi, mais je suis
pas mal certain que c'est la même chose pour plein d'autres, le patrimoine de
ces gens-là est, la plupart du temps, très restreint. C'est pour ça que j'ai
mis «significatif».
Écoutez, depuis 2014... 2015, plutôt,
2016, on a fonctionné avec le terme de «mort naturelle raisonnablement
prévisible» sans que personne ne sache ce que voulait dire «raisonnablement»,
puis on s'est accommodés de cela. C'est pour ça que j'ai pris le terme
«significatif», mais je n'ai pas d'autres idées qui me viennent en tête pour
ça. Est-ce qu'on pourrait dire «une personne significative d'intérêt»?
Honnêtement, je dirais que ça appartient peut-être plus à des législateurs ou à
des juristes de faire ça, mais, dans une majorité des cas, on a affaire à des
gens qui n'ont pas beaucoup de proches ou, quand ils en ont, il n'y a pas
d'intérêt financier : Écoutez, je vais mourir puis je laisse mon
appartement ou mon chalet, bon, mais…
M. Birnbaum : Oui, pour <revisiter…
M. Birnbaum :
...pour
>revisiter brièvement la question de refus, qui est, en quelque part,
presque un oxymoron, de dire à une personne inapte... je vous suis… que je
refuse, de façon éclairée, le traitement que j'ai demandé quand j'étais apte,
je vous suis là-dessus. Est-ce que vous avez des inquiétudes en ce qui a trait
à l'applicabilité de notre projet de loi dans cette instance-là? Et je parle du
comportement des médecins qui vont se trouver peut-être devant quelqu'un qui
manifeste un refus. Précision, je comprendrais que, de passer à l'acte… il y
aurait un premier genre d'injection antianxiolytique qui pourrait peut-être
pallier à une réaction qui est tout simplement réflexive. Alors, est-ce que
vous avez des inquiétudes sur le plan… implantation et sur la capacité de
chaque médecin obligé de passer à l'acte de poursuivre l'affaire si ce refus se
manifeste, en quelque part?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
s'il y a un refus très fort, effectivement, il y a la question d'une sédation
par la bouche. Je suis — je suis, dans le sens de «suivre», là — tout
à fait d'accord avec ce qu'avait dit M. Marissal tout à l'heure, que les
contentions, non, ça, ça serait un peu trop, là, mais une sédation par la
bouche, comme ça se fait, d'ailleurs, tous les jours dans tous les CHSLD et
dans les unités de gériatrie, pourrait très bien être acceptable. La question
de savoir est-ce que des médecins seraient mal à l'aise de procéder devant une
personne qui réagit dans tous les sens, oui, je crois que, oui, avec une
sédation, la problématique se pose beaucoup moins, une sédation légère, la
problématique se pose moins.
La question qui se pose un peu plus, et peut-être
qu'elle vous a été posée, c'est : Est-ce que plusieurs médecins seraient
mal à l'aise de procéder à l'aide médicale à mourir chez un patient qui a fait
ses demandes médicales anticipées et qui arrive à un moment donné où il n'est
plus apte, et on n'est plus devant une personne qui peut nous regarder dans les
yeux? Bien, plusieurs de mes collègues, lorsque nous discutons sur le forum
médical confidentiel, là, se disent tout à fait à l'aise avec ça.
C'est vrai qu'il y a probablement des
médecins qui seraient moins à l'aise, mais je pense qu'on est tous là pour nos
patients et nous tous qui faisons la promotion de ces demandes anticipées pour
des raisons que tout le monde connaît, là, bien, évidemment, nous devons,
excusez-moi, faire suivre les babines avec les bottines ou, le contraire, faire
suivre les bottines avec les babines, de savoir qu'il faut qu'on... si on
accepte ça, qu'il faut le faire, bien, il faut procéder en toute compassion, en
toute empathie, chez un patient qui est devenu complètement inapte, qui n'est
plus du tout la même personne qu'elle était lorsqu'elle a fait sa demande.
M. Birnbaum : Merci. En
ce qui a trait à votre recommandation que la demande anticipée soit revalidée
et rediscutée avec l'équipe ainsi qu'avec l'individu, l'individu apte qui
aurait fait la demande, est-ce que vous n'avez pas des préoccupations, une
autre fois, sur le plan implémentation… implantation, que ça reste difficile…
pas, j'imagine, pour la personne devant un diagnostic où l'horizon risque
d'être restreint, et on risque d'avoir... selon ses voeux, passer à l'acte dans
une période de même huit à 12 mois, mais est-ce que c'est réalisable, de
votre avis, pour quelqu'un où l'horizon peut durer jusqu'à 10 ans, même
plus, entre la demande et la nécessité de passer à l'acte?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
peut-être que je me suis mal exprimé, et je m'en excuse. La question de la
révision aux six mois, c'est lorsque la personne est devenue inapte ou qu'elle
est beaucoup moins apte, mais qu'elle n'a pas encore atteint tous les degrés
qu'elle avait indiqués au tout départ. Par exemple, elle n'est pas encore
complètement incontinente — je donne un exemple — mais elle
est devenue inapte et qu'elle n'a pas de tiers... elle n'a pas de tiers, elle
n'a pas un tiers significatif pour avertir l'équipe traitante, à ce moment-là
la décision revient à l'équipe traitante, et donc à un médecin qui va évaluer
le patient puis qui peut très bien dire : Bon, bien, le patient n'est pas
rendu à l'étape qu'il disait.
Et c'est là où je parle d'aveuglement volontaire,
il peut très bien poursuivre cette négation-là pendant longtemps. Et c'est pour
ça que je dis… Enfin, je suggère que, dans une telle condition, un patient qui
est devenu inapte, mais qui n'a pas encore atteint tous les stades qu'il avait
mis au départ et qui n'a pas de tiers significatif pour faire la précision,
c'est-à-dire, bien là, il faudrait que la demande soit revisitée aux trois,
quatre mois, six mois, là. J'ai mis six mois parce que c'est rare que ça se détériore
à toute vitesse.
M. Birnbaum : Merci. Je <comprends…
M. Birnbaum :
…merci.
Je >comprends les précisions qui sont assez... ce n'est pas une petite
nuance, mais ma question, donc, va se poser quand même. Est-ce que vous avez
des inquiétudes sur le plan faisabilité dans les conditions que vous venez de
clarifier?
M. L'Espérance (Georges) : Que
la demande soit revisitée?
M. Birnbaum : Que ça
soit faisable de façon équitable partout au Québec, que ça soit revisité à
chaque trois, six mois, dans les conditions que vous venez de clarifier.
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
en général, on s'entend que les patients rendus à ce stade-là sont vraiment...
soit sont en institution ou encore ils ne sont plus chez eux… Faisabilité, oui,
enfin, sincèrement, bien, je ne vois pas la difficulté, mais… Peut-être qu'il y
a quelque chose que je ne vois pas bien, là, mais je ne vois pas trop, trop la
difficulté, de la même façon qu'actuellement tout patient qui arrive à l'urgence…
le médecin a l'obligation d'aller voir dans le DSQ si le patient n'a pas fait
ses directives médicales anticipées, c'est une obligation légale.
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons poursuivre avec le député
de Rosemont.
M. Marissal : Oui,
merci, M. le Président.
Dr L'Espérance, c'est un plaisir
réciproque de vous revoir et de vous entendre, c'est toujours aussi clair.
Est-ce que vous iriez aussi loin que de
dire qu'une maison de soins palliatifs qui est financée à une hauteur x ou y de
fonds publics devrait nécessairement offrir le soin, à défaut de quoi elle
perdrait son financement public? C'est ce que vous dites?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
oui, allons-y directement, oui, avec un... pour qu'ils puissent s'installer,
là.
M. Marissal : Avec quoi?
M. L'Espérance (Georges) : Avec
un délai pour que la maison de soins palliatifs puisse changer ses règles au
conseil d'administration et parmi les soignants.
M. Marissal : J'en prends
bonne note pour la suite de nos travaux.
Je suis pas mal à la même place que vous
sur la question de l'intérêt financier de la personne tierce. Il y a un
problème très évident que je vois là-dedans, c'est qu'une personne, qu'elle
soit très, très riche ou pauvre comme Job, peut avoir dans son entourage une
seule ou deux seules personnes qui seront d'accord pour jouer ce rôle. Bien, s'il
se trouve que c'est son conjoint ou sa fille, nécessairement il y a un lien
financier, il n'y a pas nécessairement un intérêt financier. Comme vous, je
prends en note que vous suggérez quelques façons de contourner ça, mais vous
avez donné quelques suggestions tout à l'heure.
Par ailleurs, puis je reviens sur un sujet
dont on a parlé avec le groupe juste avant vous, les sociétés d'Alzheimer du
Québec, vous avez une position divergente à la leur concernant la démence
heureuse. Comment on règle ça, nous, dans un projet de loi? Parce que vous
dites : On ne le met pas dans le projet de loi, on le met dans un guide de
pratiques. Il faudrait juste qu'on s'assure qu'il n'y ait pas des contestations
judiciaires à l'infini parce qu'on n'y arrivera pas, à définir ça existe-tu ou
ça n'existe pas, là. Ça, c'est le secret de la Caramilk, là, on ne le trouvera
pas aujourd'hui. Alors, comment on fait ça, nous autres?
• (12 heures) •
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
honnêtement, la réponse courte, à mon avis, là, c'est de ne pas du tout parler
de démence heureuse dans le projet de loi, et ce sera au... parce que ça n'appartient
pas au législateur de parler de démence heureuse, et ce, je dis ça en tout
respect, là. Ce n'est pas du tout péjoratif, ce que je dis là, c'est une
question vraiment clinique. Alors, il y en a qui... Et vous avez... Je pense, c'est
vous qui avez dit ça, tout à l'heure, que la démence heureuse, c'est dans les
yeux de la personne qui regarde l'autre et ce n'est pas la personne qui est
démente qui pense ça, et je pense qu'il faut tous aller revoir l'extraordinaire
témoignage de Judes Poirier lors de votre commission.
Et, moi, c'est sûr que, comme
neurochirurgien, je suis un peu biaisé. Je suis très organiciste, là, mais la
démence heureuse, pour moi, là, c'est une vue de l'esprit. Ce qu'on veut dire,
c'est que c'est un patient qui est calme, qui est souriant puis qui... Bon,
bien, c'est ça, mais ce n'est plus la même personne que cette personne-là a été
pendant 50, 60, 70 ans, c'est ça qui est le plus important. Et je m'appuie
beaucoup sur Jocelyn Downie, qui est une grande avocate, là, et qui a dit :
Écoutez, faites simplement écrire «démence heureuse» dans les critères puis ça
va régler le problème philosophique... bien, peut-être pas philosophique, mais,
en tout cas, le problème légal.
M. Marissal : C'est tout
pour moi. Merci, Dr L'Espérance.
M. L'Espérance (Georges) : Merci,
M. Marissal.
Le Président (M. Provençal)
:Nous complétons cet échange avec la
députée de Joliette.
Mme Hivon : Bonjour, Dr L'Espérance.
Merci beaucoup pour votre présentation.
On va continuer là-dessus. Écoutez, vous n'avez
pas assisté à toutes nos délibérations, qui ont duré des dizaines et dizaines…
des centaines d'heures, en fait, sur ce <sujet-là, notamment...
>
12 h (version révisée)
<27
Mme Hivon :
...des centaines d'heures, en fait, sur ce >sujet-là,
notamment.
Je vous amène un petit pas plus loin.
Vous, en fait, votre logique, vous aviez été clair aux auditions, vous estimez
que la souffrance anticipée, elle est suffisante et qu'il n'est pas nécessaire
d'avoir une souffrance contemporaine au moment de l'administration de l'aide
médicale à mourir au moment 2. Vous me corrigerez si j'erre dans l'interprétation.
L'enjeu avec ça, si on suit cette philosophie-là, c'est que les critères sont
moins exigeants pour une demande anticipée que pour une demande contemporaine.
On ne serait plus obligés d'avoir une présence de souffrance au moment de l'administration,
alors qu'on l'exige pour une personne qui a un cancer, pour une personne qui a une
SLA. Comment peut-on réconcilier ça, philosophiquement, alors qu'on devrait
être encore plus vigilants pour une personne qui n'est plus apte à nous
témoigner comment elle se sent?
Je pense que c'est vraiment un élément
avec lequel on a eu extrêmement de mal, et c'est ce qui fait en sorte que la
souffrance contemporaine est toujours un critère dans la loi. Moi, je vous
soumettrai que je pense que c'est une bonne orientation, parce que je ne vois
pas comment on ne pourrait pas avoir les mêmes critères pour la demande
anticipée.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
vous avez raison, mais, à mon avis, tout le... si je peux me permettre, la
réponse — et d'abord, bonjour, Mme Hivon — la réponse,
c'est dans l'aptitude. On demande que le patient exprime une souffrance
physique, psychologique ou existentielle lorsqu'il est apte dans le cadre
actuel de l'aide médicale à mourir, mais, bien évidemment, lorsque le patient n'est
plus apte, il ne pourra pas exprimer sa souffrance existentielle. Il pourra
exprimer une souffrance physique, que ce soit par des plaies de lit, que ce
soit par tout ce que vous voudrez, ça a déjà été discuté.
Mais la problématique se rencontre — et
c'est relativement étroit — chez les patients qui n'ont pas de
souffrance physique évidente ou objectivable. Mais on ne peut certainement pas
évaluer leur souffrance existentielle, ils sont devenus inaptes, et c'est pour
ça que, dans les demandes médicales anticipées, le patient peut dire :
Moi, je ne veux pas vivre ça, parce que ça, c'est son existence, c'est sa
dignité à lui. Et, bien évidemment, lorsqu'il est devenu inapte, on ne peut
plus évaluer ça. Là-dessus, je vous suis complètement. Sauf qu'on va se
retrouver avec un régime où n'auraient droit à l'aide médicale à mourir, chez
les patients devenus... avec une maladie neurodégénérative, que ceux qui ont
une souffrance physique que l'on pourrait objectiver, alors qu'ils ne pourront
pas objectiver... ou ils ne pourront pas décrire leur souffrance psychologique
ou existentielle.
Bon, l'autre chose, si un patient pleure
toute la journée dans son lit puis qu'il se balance, on va dire : Ah!
bien, lui, il a une souffrance existentielle. On va dire : Bien non, il
pleure, il est peut-être juste déprimé. On ne le sait pas, il est devenu inapte,
et c'est pour ça que, pour moi, c'est l'aptitude qui est le coeur de tout ça, l'aptitude
lorsque le patient était lui-même ou elle-même, là, les deux s'englobent.
Mme Hivon : En tout cas,
je ne referai pas le débat qu'on a fait pendant des heures. Mais il y en a qui
nous disent que l'errance, l'agressivité, l'agitation incontrôlable, ce sont
des signes de souffrance qui peuvent être physiques, mais qui peuvent être de
différents ordres. Donc, il y en a qui nous disent que c'est tout à fait
possible d'évaluer, même avec une personne qui est non-verbale, les
manifestations de souffrance.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
bien, c'est exactement ce que je vous ai dit avant. Il y a des choses qui sont
objectivables, quelques... Mais la personne qui est dans le fond de son lit ou
de son fauteuil, qui est souriante, qui a de l'incontinence, qui est... dont la
vie n'a plus de signification pour elle-même par rapport à ce qu'elle était
avant, on ne peut pas le savoir si elle a une souffrance existentielle, par
définition elle est devenue inapte. Si elle n'a pas de souffrance physique,
est-ce qu'on va lui refuser l'aide médicale à mourir parce qu'elle n'a pas de
souffrance physique évidente ou, en tout cas, objectivable, alors qu'elle a une
souffrance existentielle? Mais on ne peut pas le savoir si elle a une
souffrance existentielle, parce que ce n'est plus la même personne qu'elle
était auparavant, lorsqu'elle a fait son... ses demandes... sa demande
anticipée. Mais je comprends qu'au point de vue philosophique ça peut...
Mme Hivon : Oui, mais...
c'est ça, mais il faut aussi se questionner : Est-ce qu'il y a des
limites? Je veux dire, on veut faire l'avancée, mais est-ce qu'en même temps il
n'y a pas des choses qui, par essence même, sont des limites, puis qu'on ne pourra
pas tout à fait inclure? En tout cas, je pense, c'est une question, pour nous,
à vraiment débattre, là. J'avais mille autres questions — puis je n'ai
plus de temps — très techniques. Donc...
Le Président (M. Provençal)
:Malheureusement, Mme la députée...
Mme Hivon : ...je les
poserai à d'autres médecins. Mais merci infiniment.
M. L'Espérance (Georges) : Ça
me fera plaisir de répondre. Mais une barrière finale, le déficit intellectuel
sans aptitude. Ça, c'est...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dr L'Espérance,
pour votre contribution à nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
16 h 25. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 07)
16 h (version révisée)
(Reprise à 16 h 28)
Le Président (M. Provençal)
:...à la Commission de la santé et des
services sociaux.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 38, Loi modifiant la loi concernant les
soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons par
visioconférence les personnes et groupes suivant : l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec et Me Nicole Filion conjointement avec le Pr Jocelyn
Maclure.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Ordre des infirmiers et des infirmières du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je vous cède
maintenant la parole.
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
(OIIQ)
M. Mathieu (Luc) :Merci. Merci, M. le Président.
M. le ministre, Mmes et MM. les
parlementaires, je suis Luc Mathieu, président de l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec. Je suis accompagné de deux collègues de l'ordre :
Mme Caroline Roy, directrice déléguée, Relations avec les partenaires
externes, et de Mme Pénélope Fortin, avocate.
Alors, nous vous remercions de votre
invitation à émettre nos commentaires sur le projet de loi n° 38 concernant
la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives. Nous accueillons très favorablement la volonté du
gouvernement du Québec d'élargir l'accessibilité à l'aide médicale à mourir
pour la population du Québec en permettant notamment aux personnes atteintes de
maladies graves et incurables menant à l'inaptitude à consentir aux soins de
formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
L'ordre ne peut que saluer également la
reconnaissance des infirmières praticiennes spécialisées et les infirmiers
praticiens spécialisés, que je nommerai les IPS, à titre de professionnels
compétents pour tout le processus d'aide médicale à mourir et pour la sédation
palliative continue. Soulignons aussi la possibilité pour les infirmières, les
infirmiers du Québec de constater le décès d'une personne.
Le droit de mourir dans la dignité est un
enjeu de société de première importance. Nous sommes à même de constater que
les échanges soutenus entre le ministère de la Santé et des Services sociaux, l'Office
des professions du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et
avec nos collègues du Collège des médecins du Québec auront contribué à
permettre aux IPS de participer activement à ces soins sensibles et délicats
dans une perspective d'accessibilité et d'interdisciplinarité. (Panne de son) ...mémoire
énonce des recommandations visant à bonifier le projet de loi déposé,
lesquelles rejoignent l'objectif de maximiser l'accès aux soins de fin de vie,
tout en s'assurant de la qualité des actes posés par les professionnels, pour
le plus grand bénéfice de la population québécoise. Plus particulièrement, nos
recommandations portent sur le moment de l'entrée en vigueur des dispositions
entourant le constat de décès, sur l'exclusion des IPS exerçant leur profession
au privé ainsi que sur la disparité des mécanismes mis en place pour procéder à
l'évaluation de la qualité de l'acte.
• (16 h 30) •
Nos recommandations sont formulées dans
une perspective de maximiser l'accessibilité aux soins de fin de vie et dans un
souci d'assurer un arrimage cohérent relativement aux mécanismes entourant l'évaluation
de la qualité de l'acte. Nous saluons les modifications apportées notamment au
Code civil du Québec et à la Loi sur la santé publique visant à permettre aux 82 000 infirmières
et infirmiers du Québec de constater le décès d'une personne et de dresser le
constat de décès. Depuis plus d'une décennie, l'ordre et le Collège des
médecins militent pour ce changement. Cette avancée avait été rendue possible
par arrêté ministériel pendant l'urgence sanitaire, mais n'avait pas été
pérennisée. Ceci a eu pour effet de provoquer plusieurs défis organisationnels
ainsi que des délais significatifs pour les familles endeuillées. Il est donc
primordial que ces mesures entrent en vigueur le plus tôt possible.
Notre première recommandation est donc que
l'ensemble des dispositions relatives au constat de décès entre en vigueur
immédiatement. Rappelons qu'avec l'entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi
sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions afin de
favoriser l'accès aux services de santé en janvier 2021, les IPS sont désormais
autorisés à diagnostiquer des maladies et à déterminer des traitements
médicaux. Ces activités, en plus des autres activités qui leur sont réservées,
leur permettent ainsi d'exercer, selon leur classe de spécialité, les activités
professionnelles nécessaires à l'évaluation <de l'admissibilité...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Mathieu
(Luc) :
...à exercer, selon leur
classe de spécialité, les activités professionnelles nécessaires à l'évaluation
>de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, à sa prescription et à
son administration ainsi qu'à l'administration de la sédation palliative
continue.
Le projet de loi vient restreindre l'administration
de la sédation palliative continue et de l'aide médicale à mourir uniquement
aux IPS qui exercent leur profession dans un centre exploité par un
établissement public. Pour l'ordre, cette limitation n'est pas souhaitable pour
plusieurs raisons. Premièrement, cette limitation perpétue l'écart avec les
autres provinces canadiennes. À l'heure actuelle, la majorité des provinces
canadiennes autorisent les IPS à administrer l'aide médicale à mourir, et ce,
sans égard à leur lieu d'exercice. Du point de vue de la protection du public,
mission première des ordres professionnels, nous sommes soucieux de nous
assurer de la conformité du processus ainsi que de la qualité de l'acte posé, et
ce, sans égard ni au professionnel qui pose cet acte ni au lieu où il est posé.
Il importe de préciser que le risque de préjudice est associé à l'acte posé et
non au lieu où il est dispensé.
Selon le deuxième rapport annuel sur l'aide
médicale à mourir au Canada de 2020, les principaux milieux de prestation de l'aide
médicale à mourir étaient les résidences privées, pour 47,6 %, et les
hôpitaux, pour 28 %. Les établissements de soins palliatifs représentent
17,2 %. Toujours selon ce rapport, la prévalence des soins de fin de vie
ira en augmentant, notamment dans les maisons de soins palliatifs ainsi que
dans les centres d'hébergement de soins de longue durée. Il importe de préciser
que ces milieux ne sont pas toujours des centres exploités par un établissement
public. Malgré certaines ententes établies avec le réseau public, ces centres
sont à même de pouvoir embaucher leurs propres professionnels. Notre deuxième
recommandation est donc que tous les IPS soient reconnus à titre de
professionnels compétents pour prodiguer la sédation palliative continue ainsi
que l'aide médicale à mourir, pour assister une demande anticipée, sans égard à
leur lieu d'exercice.
Nous souhaitons maintenant aborder la
question de l'évaluation de la qualité des soins fournis. La compétence
professionnelle est l'une des valeurs fondamentales du Code de déontologie des
infirmières et infirmiers. Elle constitue l'un des éléments essentiels à la
qualité des soins et des services. Dans un contexte aussi délicat et éthique
que le processus d'aide médicale à mourir, l'évaluation de la qualité des soins
prodigués prend une ampleur particulière et nécessite que nous y accordions la
plus grande importance. Pour l'ordre, il ne fait aucun doute que, grâce à leurs
connaissances et compétences cliniques avancées, les IPS sont des
professionnels tout indiqués pour accompagner les patients ainsi que leur
famille, en leur permettant de mourir dans la dignité.
Toutefois, à titre d'ordre professionnel,
nous sommes soucieux de nous assurer que les mécanismes visant à assurer l'évaluation
de la qualité des soins soient déployés indistinctement du professionnel qui l'effectue,
de manière harmonisée et dans une perspective de collaboration
interprofessionnelle. Dans cet esprit, l'OIIQ tient à manifester des
préoccupations à l'égard du projet de loi, qui prévoit des mécanismes d'évaluation
différents en fonction du professionnel visé et du lieu de prestation de
services. À l'heure actuelle, ce sont les conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens des établissements qui procèdent à l'évaluation de la qualité de l'acte
pour les médecins qui administrent l'aide médicale à mourir ou la sédation
palliative continue dans le secteur public. Ils évaluent notamment le respect
des normes cliniques et peuvent émettre un signalement au Collège des médecins,
le cas échéant.
Pour ce qui est de l'aide médicale à
mourir ou de la sédation palliative continue administrée à un médecin dans le
secteur privé, le Collège des médecins est l'organisme qui évalue la qualité de
cet acte via le comité sur les soins de fin de vie. Celui-ci évalue également
le respect des normes cliniques, puis pourrait permettre un signalement, le cas
échéant. Il faut également souligner que la Commission sur les soins de fin de
vie peut aussi faire un signalement au Collège des médecins si elle a un doute
sur la qualité de l'acte d'un médecin qui administre un de ces soins.
Le projet de loi prévoit que, dans le cas
des IPS, l'évaluation de la qualité de l'acte sera effectuée par le directeur
des soins infirmiers de l'établissement. Il y aura alors présence de trois
mécanismes distincts pour procéder à l'évaluation d'un même acte en fonction
des mêmes critères. Alors, considérant les mandats premiers des conseils des
infirmières et des infirmiers et des conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens, nous recommandons que soient institués des comités conjoints
regroupant ces instances pour procéder à l'évaluation de la qualité de soins
fournis pour la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir. Nous
sommes d'avis qu'un tel mécanisme harmonisé permettrait de démontrer <la
transparence...
M. Mathieu (Luc) :
...et l'aide médicale à mourir. Nous sommes d'avis
qu'un tel mécanisme harmonisé permettrait de démontrer >la transparence
du processus et de favoriser la confiance du public à l'égard de la législation
sur l'aide médicale à mourir et de son application.
Notre troisième recommandation est donc la
suivante : que les instances concernées explorent la possibilité que les
mécanismes visant à l'évaluation de la qualité des soins fournis relativement à
la sédation palliative continue et à l'aide médicale à mourir soient harmonisés
pour l'ensemble des professionnels compétents, et ce, sans égard au fait qu'ils
exercent dans un établissement public ou dans un établissement privé.
Alors, nous vous remercions. Nous sommes
maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
présentation.
Je vais maintenant céder la parole à M. le
ministre pour les 15 min 15 s qui suivent. À vous la parole.
M. Dubé : Merci
beaucoup, M. le Président.
Alors, M. Mathieu, Mme Roy, Mme Fortin,
encore une fois, je sais qu'on vous voit souvent dans les commissions
parlementaires depuis quelques mois. À chaque fois, vous prenez le temps
nécessaire de vous préparer puis je veux vous remercier, parce qu'on vous a vu
quand même assez souvent dans les derniers mois, et c'est très apprécié, je
pense, de tous les membres ici, de la commission.
Vous avez été très clairs dans les trois
recommandations, puis c'est un petit peu ce qu'on a demandé ce matin, de
dire... pour que notre personnel... que nos légistes et le personnel du
ministère puissent, après ces deux jours de consultations, arriver avec des
recommandations très claires de ce que vous suggérez qu'on devrait modifier ou
ajuster dans notre projet de loi. Moi, je... avant de passer la parole à ma
collègue ici, la députée de Roberval, il y en a une qui me chicote un petit peu
de ce matin, puis je dois dire que je ne connais pas toute la dynamique, je
veux juste bien comprendre.
Prenons un exemple extrême d'une personne
qui est dans une RPA, puis on en a beaucoup, de gens qui sont dans des
résidences pour personnes âgées, qui sont vues comme des résidences privées,
hein, ce sont des résidences privées. Quand... Donc, je vais vous parler des
RPA. Deuxièmement, vous dites qu'il y a à peu près 80 IPS qui sont... qui
ne sont pas dans le public. Alors, je veux juste voir si, par exemple, je
faisais un amalgame puis je disais : Est-ce qu'en ce moment une IPS qui a
le droit de pratiquer l'aide médicale à mourir ne pourrait pas pratiquer l'aide
médicale à mourir dans une RPA? Première question. Parce que, si c'est ça, je
voudrais qu'on se questionne par rapport à ce fait-là, parce que, si on a une
vision de mieux traiter nos gens dans leur environnement, il y a quand même
plus de, je ne sais pas, presque 1 million de personnes qui sont dans des
RPA puis qu'un jour, si jamais c'était leur choix d'aller vers l'aide médicale
à mourir, qui aimeraient être traitées dans leur lieu de résidence, hein? On le
voit déjà à Verdun, il y a cette philosophie-là qui est en train d'être
développée. Alors, je veux juste bien comprendre, parce que 80 IPS, ça ne
semble pas beaucoup, mais ce matin on entendait du Collège des médecins qu'il y
a à peu près seulement 200 médecins sur 25 000 qui font de l'aide
médicale à mourir. Alors, moi, je veux juste bien comprendre, puis, aidez-moi,
parce que vous connaissez bien vos infirmières, est-ce que c'est
80 infirmières qui travaillent dans un contexte privé? Et puis là j'essaie
de faire le lien avec les RPA. Est-ce que je suis clair dans ma question, M. Mathieu,
ou peut-être vos deux collègues? Parce que j'aimerais qu'on réfléchisse à ça
dans les prochains jours pour bien comprendre où on veut aller avec ça, là...
• (16 h 40) •
M. Mathieu (Luc) :Je vais demander à mes collègues... (panne de son) ...de
vous répondre, à votre question.
M. Dubé : Oui.
Mme Roy (Caroline) : Oui,
bien, en fait, effectivement, M. le ministre, les IPS... il y a 80 IPS,
là, qui ont été déclarées, qui n'exerçaient pas au sein du réseau, et ces IPS là
pourraient effectivement être à l'embauche d'une résidence privée pour aînés ou
d'un autre secteur, là, oui, qui ne sont pas... ils ne relèvent pas d'un
établissement public. Donc, ce qui fait que la façon dont la définition d'un
professionnel compétent a été définie au projet de loi, c'est que ça vient restreindre
le fait que l'IPS doit être rattachée à un établissement public, donc celle qui
serait, par exemple, embauchée par une résidence privée pour aînés ne pourrait
pas, à ce moment-là, dispenser... va devoir transférer le patient, là, dans un
établissement public, là, pour qu'une IPS puisse procéder à ce moment-là.
M. Dubé : Puis, même si
la RPA, en quelque sorte, a une certaine... un certain attachement avec un
établissement de santé ou un CISSS ou un CIUSSS, c'est réputé comme un
établissement privé, donc le lien que je faisais en ce moment ne permettrait
pas à cette IPS de faire... Et il y en a combien, selon vous, d'IPS, aujourd'hui,
qui sont dans ce contexte-là qui seraient en mesure... ou qui font déjà de
l'aide médicale à mourir?
Mme Roy (Caroline) : À
l'heure actuelle, nous, on n'a pas d'infirmières praticiennes <spécialisées...
M. Dubé :
...qui
seraient en mesure... ou qui font déjà de l'aide médicale à mourir?
Mme Roy (Caroline) :
À
l'heure actuelle, nous, on n'a pas d'infirmières praticiennes >spécialisées,
là, qui possèdent... On n'a pas ce détail-là. On pourrait effectivement
peut-être vous transmettre ces données ultérieurement, là, mais à ce stade-ci,
on n'a pas spécifiquement où est-ce qu'elles exercent, on sait juste qu'ils
n'ont pas de lien d'attache, là, avec un établissement public du réseau, là,
parmi les 80. Donc, dans le potentiel des 80, il y en a qui déclarent
différents lieux d'exercice, là. Il faudrait extraire manuellement, donc, on
pourrait vous donner l'information. Mais à ce stade-ci, nous, ce qu'on a, c'est
un bassin d'infirmières praticiennes spécialisées qui ne relèvent pas du réseau
public, là, qui sont à l'embauche d'un autre...
M. Dubé : Je ne me souviens
pas du nom de la présidente, là, qui est venue, elle aussi, en différentes
commissions. Si vous étiez capable assez rapidement d'obtenir ça, parce que ça
peut sembler pas beaucoup, 80, mais, quand je comprenais qu'il y a
200 médecins qui en font, bien, 80, c'est quand même un gros nombre.
Alors, c'est un peu ma question. Puis moi, je discuterai avec les collègues de
l'opposition dans les prochains jours de l'importance de bien servir nos
Québécois dans leur lieu de résidence, parce que je donne l'exemple, puis je
vous donne cet exemple-là, le CIUSSS de... j'allais dire de Verdun, mais du
Centre-Sud a fait des soins à domicile qu'on appelle des soins intensifs à
domicile, d'aide médicale à mourir sur... dans la résidence des gens, et c'est
un principe qui a été énormément accepté, peut-être même ma collègue pourra en
parler. Donc, je veux juste qu'on ait cette vision-là de dire pourquoi... le
pour et le contre de le faire dans un environnement privé, première question.
Puis, deuxième question, quelle devait
être, comment je dirais, la couverture ou l'assurance que c'est bien fait?
Parce que c'est ça qui semble être, M. Mathieu, votre préoccupation.
Alors, est-ce que ça doit être fait par l'Ordre des infirmières? Est-ce que ça
doit être fait... En tout cas, c'est un débat, mais je voulais vous entendre.
Donc, vous le recommandez, que ça se fasse au privé, c'est ça que j'ai bien
compris de votre recommandation. Puis une RPA pourrait se qualifier, selon vous,
c'est une demande que vous pourriez faire. Est-ce que... Je ne veux pas vous
mettre les mots dans la bouche, là, mais je veux juste bien comprendre votre
question ou votre recommandation. Est-ce que ça va?
M. Mathieu (Luc) :Oui, tout à fait. Puis il y a des RPA puis il y a aussi... dans
certains cas, ça pourrait être des maisons de soins palliatifs aussi, qui sont
autonomes, qui n'ont pas de lien, là, qui peuvent engager leur propre
personnel. Ça pourrait être un autre cas de figure.
M. Dubé : O.K.
Mme Roy ou Mme Fortin, vous avez une question?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
peut-être juste en complément de ce que M. Mathieu a dit. Nous, en fait,
ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il n'y ait pas de restriction à l'égard de
l'IPS, donc qu'un IPS soit... que tout IPS soit reconnu comme un professionnel
compétent sans égard au lieu où est dispensé le soin.
M. Dubé : O.K. Là, je
pense, ça met ça très clair. O.K., c'est beau. Je vais laisser, M. le
Président, notre députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci,
M. le ministre. Merci, M. le Président.
Merci d'être avec nous aujourd'hui pour
faire un complément d'information pour la suite des choses, pour nous ce sera
très important. Je vous entendais sur les RPA et les maisons de soins
palliatifs. Vous pensez quoi du fait qu'on va... en tout cas, qu'on regarde
pour obliger les maisons de soins palliatifs à administrer l'aide médicale à
mourir? Est-ce que vous avez une opinion là-dessus ou...
M. Mathieu (Luc) :Bien, je pense que les soins, que ce soit l'aide médicale à
mourir ou la sédation palliative continue qui est offerte dans le réseau de la
santé, bien, ça devrait couvrir aussi les maisons de soins palliatifs parce que
sinon on discrimine en fonction de certains lieux et puis au niveau de la
fluidité des services, là, ça fait qu'on est assez d'accord avec cette
obligation-là, là.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. À titre de professionnel qui pourra éventuellement, là, administrer les
demandes anticipées, pensez-vous que le projet de loi, il fournit assez
d'indications aux fins de l'administration de l'aide médicale à mourir,
notamment à l'égard de la souffrance objectivable?
M. Mathieu (Luc) :Bien, peut-être, Caroline... ma collègue Caroline Roy peut
vous répondre là-dessus.
Mme Roy (Caroline) : C'est
certain que le caractère objectif, quand on travaille avec l'humain, il y a
toujours un flou qu'on doit considérer. Puis à titre de professionnels de la
santé, les infirmières, infirmiers et les IPS sont habitués aussi de conjuguer
des réalités où est-ce qu'on doit mettre en profit... mettre à profit les
outils cliniques pour objectiver le plus possible, mais aussi le jugement
clinique pour reconnaître chez les patients qui ont souvent des déficits
cognitifs ou quoi que ce soit, pour reconnaître les signes de souffrance, et tout
ça. Donc, nos professionnels sont formés pour ça. C'est certain que... Est-ce
qu'on va arriver avec des critères absolument objectivables? Je ne crois pas
que c'est possible, mais je pense que les balises sont là. Et surtout, en
misant sur la collaboration interprofessionnelle, je pense que ça ne repose pas
uniquement sur les épaules d'un seul professionnel. Et qu'on vienne mettre à
profit, là, les autres professionnels de la santé, mais y compris d'autres
professionnels compétents, là, pour regarder les demandes médicales anticipées
serait <un ajout pertinent.
Mme Guillemette :
Merci.
Vous parliez, tout à l'heure...
Mme Roy (Caroline) :
...les
demandes médicales anticipées serait >un ajout pertinent.
Mme Guillemette : Merci.
Vous parliez, tout à l'heure... bien, M. le ministre parlait, tout à
l'heure, de l'harmonisation des soins IPS versus l'équipe de soins, puis j'ai
entendu... vous parliez d'un comité conjoint. Est-ce que c'est à ce comité-là
où on pourrait s'asseoir ensemble puis uniformiser les pratiques et les façons
de faire, les processus sur le terrain?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, oui, effectivement, si on fait du pouce sur l'idée, là, de la
commission Mourir dans la dignité, là, qui a été présentée plus tôt ce matin,
effectivement, ça pourrait être un comité tout à fait pertinent, là, qui
comprend à la fois des médecins, des infirmières, mais aussi tout autre acteur
expert, là, qui pourrait aider à rendre les critères le plus objectif possible.
Ça pourrait être une piste intéressante, là, pour, entre autres, c'est ça,
accompagner les professionnels, mais aussi les familles, là, dans ce processus
qui peut ne pas être... comme on l'a dit, qui est sensible et délicat. Donc, ça
pourrait être une belle avenue, de travailler avec les conseils des infirmières
et les CMDP.
Mme Guillemette : Et
rapidement, si ça vous vient, là, tout autre professionnel pertinent, ça
pourrait être qui? À part les IPS, les médecins, travailleuses sociales, vous
verriez qui sur ce comité conjoint là?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, ça pourrait être aussi... là, c'est sûr qu'il y a des IPS, mais les
infirmières aussi sont partie prenante de la démarche des soins palliatifs, les
travailleurs sociaux, certainement, mais là...
M. Mathieu (Luc) :Les pharmaciens.
Mme Roy (Caroline) : C'est
ça, je ne veux pas en oublier. Mon président me souffle aussi «les
pharmaciens». Donc, c'est certain que ça serait l'équipe multi qui a affaire
avec les besoins du patient qui devrait être présente pour discuter de tous les
tenants et aboutissants, une équipe de soins au complet qui pourrait être mise
à profit.
Mme Guillemette : Mais
en fait chaque territoire, de ce qu'on m'a dit, de RLS a une équipe de soins palliatifs,
donc ça pourrait être cette équipe-là qui soit mise à profit, là, au niveau
d'un comité conjoint, si ce n'est que peut-être ajouter un ou deux titres de
professionnels. Mais est-ce que ça pourrait être ce comité qui est déjà en
place, là, pour ne pas multiplier les structures?
Mme Roy (Caroline) : Tout
à fait. En fait, oui, ça pourrait être les professionnels qui sont déjà en
place, qui connaissent bien cette réalité de soins palliatifs et qui pourraient
être tout à fait mis à contribution avec les experts cliniques.
Mme Guillemette : Avant
de passer la parole à mes collègues, dans votre mémoire déposé en commission
spéciale, vous mentionnez que les proches aidants, ils font souvent le fardeau
des décisions difficiles. Qu'est-ce que vous pensez de la proposition du tiers
de confiance? Et j'aimerais vous entendre un peu sur le tiers de confiance.
M. Mathieu (Luc) :Caroline.
Mme Roy (Caroline) : Oui.
Bien, en fait, c'est certain que ce n'est pas un choix facile non plus, pour
les familles, d'accompagner. Donc, je pense que les tiers de confiance font
partie quand même de la solution qui doit être mise à profit. Est-ce que...
Donc, je pense qu'ils doivent être partie prenante de la décision, on doit les
accompagner au même titre que la personne qui décide de procéder par le biais
de l'aide médicale à mourir. Donc, qu'il y ait un tiers de confiance, qu'il y
en ait deux, je pense que c'est des avenues intéressantes qui doivent
effectivement figurer à la loi.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Je crois que j'ai ma collègue de Soulanges... ma collègue de
Marie-Victorin, M. le Président, qui aurait...
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée de
Marie-Victorin, à vous la parole.
Mme Dorismond : Merci, M.
le Président. Merci, M. le ministre.
Bonjour, monsieur et mesdames de l'OIIQ.
Ma question, ce serait : Est-ce que vous pensez vraiment que le projet de
loi, dans sa forme actuelle, est applicable sur le terrain?
• (16 h 50) •
M. Mathieu (Luc) :Bien, on pense que oui. Avec les commentaires que nous, on
fait, puis d'autres collègues, là, que vous avez entendu au cours de la journée
puis d'ici la fin de la journée, oui, ça va pouvoir être applicable. Il faut se
donner les moyens, l'accompagnement pour la mise en place de cette loi-là.
Mme Dorismond : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Maintenant, qui a la... Nancy... excusez,
Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Vous
êtes chanceux, je réponds aux deux noms.
Le Président (M. Provençal)
:...
Mme Guillemette : En
fait, vous parliez, tout à l'heure, de formation. Dans une autre question, vous
avez abordé cet aspect-là. Est-ce que toutes les infirmières praticiennes
spécialisées sont formées en aide médicale à mourir, pour administrer puis tout
le processus, on imagine, avant, pendant et après, là, ou est-ce que c'est une
formation spécifique qu'il y a au niveau des IPS?
M. Mathieu (Luc) :Bien, je peux commencer, puis tu pourras compléter,
Caroline. C'est que les IPS... Je vais commencer par dire lesquelles, il y a
plusieurs spécialités d'IPS, là, en première ligne soins aux adultes.
Actuellement, là, avec ce qui est prévu, ce sont ces IPS là, dans ces
spécialités-là, qui pourraient <le faire...
M. Mathieu (Luc) :
...soins aux adultes. Actuellement, là, avec ce qui
est prévu, ce sont ces IPS là, dans ces spécialités-là, qui pourraient >le
faire. Celles en santé mentale, par exemple, soins en pédiatrie, bien, ça ne
pourrait pas être possible, là, compte tenu de la teneur, là, de ce qu'on
retrouve dans le projet de loi. Alors, ça, c'est pour les spécialités des IPS.
Ensuite, concernant la formation, bien, la
formation des infirmières praticiennes spécialisées est assez costaude au
Québec par rapport aux autres provinces canadiennes, c'est une des plus larges,
mais je pense qu'il est recommandé qu'il y ait une formation, là, d'appoint
dans les programmes de formation. Bien, je pense que c'est le Comité de la
formation des IPS, là, qui a suggéré ça. Je ne sais pas si c'est ça. Caroline,
là, peut compléter, vous me corrigerez, là, le cas échéant.
Mme Roy (Caroline) : Bien,
effectivement, il y a quelques mois déjà, on a saisi notre comité de la
formation des infirmières praticiennes pour qu'il puisse se positionner sur la
question de la formation des infirmières praticiennes spécialisées. On a reçu
un avis favorable, là, qu'effectivement il y avait des notions qui étaient
abordées dans les contenus de formation initiale. Il recommandait, par exemple,
qu'on ait aussi un ajustement, parce que ça fait quand même quelques années que
les IPS dispensent des soins palliatifs, l'aide médicale à mourir, et en raison
des contours juridiques, éthiques, et tout ça, il y avait une suggestion, là,
d'introduire un certain nombre d'heures à la fois à la formation initiale et de
rendre disponible la formation continue, ce qu'on s'engage à faire, là, à
l'Ordre des infirmières, de faire le nécessaire pour que nos membres aient les
connaissances et les compétences requises pour pouvoir exercer. Donc, on est en
lien aussi avec le Bureau de coopération interuniversitaire, là, pour s'assurer
de l'arrimage avec les programmes de formation.
Mme Guillemette : Parfait,
merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre.
M. Dubé : Bien,
peut-être juste... puis, si jamais vous n'avez pas le temps de répondre... Rapidement,
ma question, M. Mathieu puis vos collègues, sur le... je reviens sur les
résidences privées, parce que ça me préoccupe beaucoup, cette affaire-là, et je
voudrais savoir si vous avez des recommandations spécifiques sur ce qui devrait
être l'encadrement nécessaire pour que ça puisse arriver dans les résidences
privées, comme par exemple les RPA. Et, si vous n'avez pas le temps de répondre
aujourd'hui... Parce que, je vous dis, quand je fais... je compare à l'exemple
de Verdun, ce qui se fait actuellement, il y a une... ça se fait dans des
résidences privées, de l'aide médicale à mourir, mais ça se fait... une
combinaison d'une infirmière avec un médecin. C'est habituellement l'infirmière
du CLSC qui travaille conjointement avec un médecin, c'est un peu la formule que
Verdun a prise. Alors, si vous pensez que l'ordre, que l'OIIQ peut faire office
de surveillant, je vais le dire comme ça, je voudrais juste que... si vous
n'avez pas le temps de répondre, parce que je dois laisser de la question aux
autres... j'aimerais comprendre ce que vous suggéreriez pour que ça se fasse
dans un environnement correct, je n'ai pas d'autre mot, là. Ça va-tu?
Le Président (M. Provençal)
:...que le temps d'échange est
terminé. Si vous avez une réponse à formuler, vous pourrez l'envoyer au
secrétariat de la commission, et on fera parvenir votre réponse à l'ensemble
des membres de la commission. Merci beaucoup.
Maintenant, c'est le député de
D'Arcy-McGee qui prend la suite pour 10 min 10 s.
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président.
M. Mathieu, Mmes Roy et Fortin,
bienvenue, et merci pour vos remarques. J'aimerais vous inviter... moi, j'aurai
d'autres questions sur le même phénomène, mais... de poursuivre votre réponse.
On est dans l'esprit de maximiser nos efforts ensemble et pour bonifier comme
il faut le projet de loi, alors je vous invite d'offrir quelques précisions sur
la question du ministre. Et je risque d'avoir d'autres questions sur le même
sujet ainsi que d'autres.
M. Mathieu (Luc) :Bien, je peux commencer un élément de réponse, qui
mériterait un peu plus de réflexion de notre part, parce que comment sont
arrivés... là, on tombe dans l'organisation des soins et des services, puis là
ce n'est plus nécessairement de notre ressort à nous, c'est au niveau du réseau.
Alors, il faudrait voir, là, dans les territoires de CISSS et de CIUSSS, avec
les médecins qui sont disponibles, les IPS, comment ça peut se faire. Là, je ne
sais pas quel type d'entente qu'il y a actuellement avec les... Parce que,
tantôt, M. le ministre parlait qu'il y a certaines ententes, des fois,
entre les établissements du réseau et des RPA, mais là est-ce qu'il faudrait
bonifier ces ententes-là ou prévoir d'autres mécanismes, là? C'est ça qu'il
faudrait voir pour faire en sorte que, si c'est ça, la volonté, là, que des IPS
puissent prodiguer l'aide médicale à mourir puis la sédation palliative
continue, là, dans les résidences pour personnes âgées. Je ne sais pas si,
Caroline, tu voulais ajouter quelque chose par rapport à ça.
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, c'était tout à fait l'objet de notre troisième recommandation, qui
était qu'on réfléchisse, justement, avec les instances concernées pour
permettre cette évaluation-là par les établissements, un peu comme le proposait
le Collège des médecins plus tôt ce matin, de s'assurer que les IPS qui travailleraient,
par exemple, au privé puissent également se référer aux instances locales, là,
comme les CI, par exemple, qu'on nommait tout à l'heure, c'est leur mission
première, avec les CMDP, donc de voir comment on pourrait favoriser ce
rattachement-là, là, de l'évaluation de la qualité de l'acte qui soit faite par
les conseils des infirmières et infirmiers en collaboration avec les CMDP,
considérant que c'est le même acte, le même... donc qu'on ne le fasse pas
indistinctement des professionnels, mais qu'on le fasse conjointement, de
manière harmonisée et qu'il y ait le lien aussi avec les soins dispensés au
privé. Donc, ça pourrait être une avenue, là, de miser sur les conseils des
infirmières <et infirmiers, les CMDP...
Mme Roy (Caroline) :
...avec
les soins dispensés au privé. Donc, ça pourrait être une avenue, là, de miser
sur les conseils des infirmières >et infirmiers, les CMDP.
M. Birnbaum : Votre
préoccupation est claire sur les modalités, les façons de faire. Si votre
implication dans l'aide médicale à mourir a été... pourrait être étendue à
votre rôle dans les établissements privés, voyez-vous des problèmes ou des
questions de l'ordre logistique, déontologique? Je peux imaginer quelques
avantages. J'imagine qu'actuellement c'est impossible, souvent, de passer à
l'acte dans ces établissements parce qu'il n'y a pas de médecins de présents, mais
pouvez-vous... si on jugeait intéressant de passer à l'acte sur votre
recommandation, pouvez-vous réfléchir avec nous, maintenant, un tout petit peu
sur les genres d'adaptations qu'il y aurait à faire, peut-être? Y a-t-il des
enjeux en ce qui a trait aux médecins et leur appui pour un éventuel amendement
de cette sorte-là? La question de... que les services soient équitables à
travers le Québec, est-ce qu'il y a des enjeux là-dessus? Je vous invite d'en
parler davantage sur votre recommandation sur le terrain et ce qu'il y aurait à
faire si nous étions pour l'implanter.
M. Mathieu (Luc) :Vous voulez dire d'implanter pour que les IPS puissent
prodiguer, là, l'aide médicale à mourir puis la sédation palliative continue,
c'est ça?
M. Birnbaum : Justement,
et dans les établissements de toutes sortes, là où vous êtes des fois là en
l'absence d'un médecin, c'est-à-dire des résidences privées de toutes sortes de
qualité.
M. Mathieu (Luc) :Oui, bien dans les résidences... ça dépend du type
d'établissement. Puis tantôt n'hésitez pas, là, Caroline ou Pénélope, à
intervenir. Dépendamment du type d'établissement, quand c'est des
établissements publics, il y a déjà l'infrastructure d'organisation, du
soutien, parce que le soutien, là, si on va de l'avant avec le projet de loi...
discuter cette semaine avec les gens de la Commission sur les soins en fin de
vie, il faudrait qu'il y ait un encadrement, un certain coaching, là, pendant
un certain temps, pour les IPS qui vont pouvoir administrer l'aide médicale à
mourir puis la sédation palliative continue.
Après ça, à l'intérieur des établissements
publics, il y a des mécanismes de surveillance, là, de la... qui relèvent des
directions de soins infirmiers. Nous, à l'ordre, c'est nos mécanismes de
surveillance habituels, là, l'inspection professionnelle, par exemple. Et, si,
à un moment donné, il y a des problèmes, il y a des gens qui peuvent faire des
signalements à l'ordre, au bureau du syndic, par exemple, alors, ça, on est
organisés quand ça concerne des établissements publics. Puis il y a même... je
parle des CHSLD privés conventionnés, il y a cette structure-là qui ressemble à
ça aussi. Mais les établissements privés conventionnés, si je reviens à la
question de... à la recommandation que ce ne soit pas seulement dans le public,
parce que, dans les CHSLD privés conventionnés, il y en a un certain nombre, et
puis là il y aurait des IPS qui seraient appelées à intervenir dans ces milieux-là.
Mais, là encore, il y a des directrices de soins. C'est dans les milieux de
résidences pour personnes âgées ou les maisons de soins palliatifs où là il
faudrait réfléchir davantage au niveau de l'encadrement, quoiqu'il y a des gens
qui sont responsables des soins infirmiers, là. Je pense plus particulièrement
aux maisons de soins palliatifs, mais, dans le cas des RPA, là, c'est là qu'il
faudrait voir avec les organisations des CISSS et CIUSSS comment ça peut
actualiser, puis nous, comme ordre, qui a le mandat de protéger le public avec
nos mécanismes de protection du public, bien, comment on peut s'articuler avec
le réseau là-dessus. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question, ou je
ne sais pas si, Caroline, tu voulais...
• (17 heures) •
M. Birnbaum : Merci. Je
trouve que ça nous aide à comprendre les paramètres d'une question sérieuse et
peut-être avec des implications très intéressantes en termes de l'accès partout
au Québec, alors merci pour ça.
Vous avez parlé aussi d'une préoccupation
avec les mécanismes pour l'évaluation de l'acte et de l'implication et que ça
vous semble problématique qu'il y ait deux systèmes d'évaluation de proposés,
trois systèmes, finalement, et on peut comprendre que c'est compliqué. Est-ce
que vous ne pouvez pas imaginer que la qualité, pas d'évaluer, mais la nature
de vos interventions en tant qu'infirmiers et infirmières et IPS aussi des fois
va se différencier des interventions du médecin, donc peut-être une nécessité
d'une évaluation un petit peu distincte? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Deuxième chose, parce que vous avez l'air
d'être convaincu de... qu'on est devant un problème, là, pouvez-vous nous
parler peut-être un petit peu <des conséquences...
>
17 h (version révisée)
M. Birnbaum : ...qu'on
est devant un problème, là. Pouvez-vous nous parler peut-être un petit peu des
conséquences sérieuses si tout ça n'était pas réglé ou simplifié, alors, les
deux aspects de cette question-là?
M. Mathieu (Luc) :Je vais commencer un début de réponse puis, après,
Caroline, je vais te laisser... On est dans... c'est... on le mentionne, puis
tantôt, je pense, Mme Roy l'a mentionné, on est dans... c'est la même... c'est
les mêmes actes, hein? La sédation palliative continue, que ce soit fait par un
médecin, une IPS, c'est le même acte, la même chose pour l'aide médicale à
mourir. Et puis ce que je voulais faire valoir surtout, avant de passer la
parole à ma collègue, c'est qu'on est dans l'ère de la collaboration
professionnelle. Ça fait que, quand... si c'est le même acte qui est fait par
des professionnels différents... Puis les IPS puis les médecins, on le sait,
hein, ils sont... ils travaillent très étroitement. Ce rôle-là, professionnel,
des IPS a été fait pour ça notamment, travailler en étroite collaboration avec
les médecins avec lesquels elles travaillent. Alors, ça, c'est le premier volet
de la réponse.
Puis pour aller poursuivre, là, je vais
laisser ma collègue Mme Roy poursuivre.
Mme Roy (Christine) : En
fait... Puis l'importance pour laquelle on veut miser sur des mécanismes, bien,
harmonisés d'évaluation de la qualité de l'acte, c'est pour éviter des
disparités. On ne voudrait pas que, par exemple, des soins qui sont... une
évaluation de qualité de l'acte qui est effectuée, par exemple, au Saguenay
soit différente d'une autre... d'un milieu à l'autre. Alors, pour ça, on
voulait miser à acte égal, que l'évaluation soit la même. C'est sûr que le rôle
des infirmières praticiennes spécialisées n'est pas le même que le médecin, en
général, mais, dans le cadre de l'aide médicale à mourir, de la sédation
palliative continue, les actes qui sont autorisés aux IPS sont les mêmes que
ceux des médecins. Donc, pour ça... C'est pour ça qu'on considère que ce serait
une avenue à privilégier d'assurer un mécanisme d'évaluation de la qualité de l'acte
qui soit harmonisé.
Le Collège des médecins, aussi, on a eu
des échanges avec eux, ils sont ouverts à cette discussion-là. On est aussi...
on avait aussi ouvert la porte, là, avec le ministère de la Santé pour qu'on
puisse discuter avec l'Association des conseils des infirmiers et infirmières
et l'association des CMDP, pour qu'on puisse, justement, trouver cette voie-là,
et avoir un regard commun sur l'évaluation de la qualité de l'acte qui est
faite. Et, comme M. Mathieu le mentionnait, c'est sûr qu'à titre d'ordre
professionnel nos mécanismes vont s'appliquer, là, pour... Quand il y a
dérogation, et tout ça, on va continuer de jouer un rôle. Mais on pense que,
localement, au niveau des établissements, il y aurait un avantage à ce que ce
soit harmonisé, qu'il n'y ait pas trois mécanismes différents.
M. Birnbaum : Merci.
Alors, M. le Président, je vous invite à ajouter mes quelques secondes qui
restent à mes collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Nous poursuivons
avec le député de Rosemont. À vous.
M. Marissal : Merci, M.
le Président. Il y a combien d'IPS au Québec? J'ai manqué le début.
M. Mathieu (Luc) :Actuellement?
Mme Roy (Christine) : ...
M. Marissal : Je n'ai
pas bien compris.
Mme Roy (Christine) : Environ...
M. Marissal : Eh! boy,
ça coupe. Autour de 1 000?
Mme Roy (Christine) : Oui,
plus que... Oui, près de 1 100 IPS.
M. Marissal : O.K.
Combien de ces IPS sont spécialisées en géronto, mais en maladies
neurodégénératives? Puisque, dans le cas de la demande anticipée, c'est le
bassin visé, pour ne pas dire exclusif, là, mais c'est le bassin visé.
M. Mathieu (Luc) :On l'a par spécialité, là. Je ne sais pas si...
Mme Roy (Christine) : En
fait, il y a cinq classes de spécialités d'infirmières praticiennes
spécialisées. Actuellement, il y a les IPS en soins de première ligne, les IPS
en soins aux adultes... Certaines IPS en soins aux adultes, là, pourraient
avoir développé une expertise à cet égard-là, mais y compris aussi les IPS en
soins de première ligne, qui pourraient assurer le suivi de ces clientèles-là.
Donc, combien, en termes de spécialités, là... On pourrait vous le dire en
tranches de spécialités. Je n'ai pas les chiffres devant moi, malheureusement,
mais on pourrait vous les donner en termes de...
M. Marissal : On va
faire quelque chose, si vous voulez bien, parce que j'ai très, très peu de
temps, comme dans... très, très peu de temps. Vous pouvez nous envoyer ça par
écrit, ce sera utile pour la suite de nos travaux. Moi, il y a une chose que je
veux vérifier, néanmoins, c'est : Est-ce que les IPS ont, comme les
médecins, le droit de refuser de pratiquer ça? Avez-vous l'assurance de cela,
de pratiquer l'AMM? De un. De deux, puisqu'il a été beaucoup question, ce
matin, du tiers, de la tierce personne qui accompagnera la personne qui est
visée par l'AMM, est-ce que vous êtes à l'aise avec l'idée que, dans le cas où
cette personne n'a pas de tiers, c'est l'équipe soignante qui prend la suite?
Et il est fort possible que, dans plusieurs cas, ce soit donc l'IPS qui hérite
de cette tâche. Je présume qu'il faudrait qu'elle soit d'accord. Mais êtes-vous...
êtes-vous à l'aise avec cette façon de fonctionner?
M. Mathieu (Luc) :Votre première question, M. Marissal, c'est que, oui,
une infirmière, une IPS, là, comme n'importe quelle infirmière, peut refuser de
donner la... de prodiguer l'aide médicale à mourir. Ça, c'est possible. Pour le
deuxième volet de la question, je ne sais pas si c'est Pénélope ou Caroline qui
pourrait répondre?
Mme Roy (Caroline) : Bien, peut-être,
Pénélope, peux-tu extrapoler sur...
Mme Fortin (Pénélope) : Oui.
En fait, par rapport à votre question, à savoir si une IPS peut également refuser
de fournir l'aide médicale à mourir, en fait... Bien, j'imagine que vous faites
référence à l'objection de conscience, qui est, en fait, pour nous, un concept,
bon, moral, juridique, éthique que l'infirmière a la possibilité <d'invoquer...
Mme Fortin (Pénélope) :
...
à l'objection de conscience, qui est, en fait, pour nous, un concept, bon,
moral, juridique, éthique que l'infirmière a la possibilité >d'invoquer
lorsqu'elle octroie des soins, y compris l'aide médicale à mourir. Et dans le
cadre du projet de loi n° 38, la disposition 31... en fait, l'article 31
est venu modifier l'article 50 de la Loi concernant les soins de fin de vie, où
il est expressément mentionné, là, qu'un professionnel compétent peut refuser
d'administrer l'aide médicale à mourir, et le professionnel compétent inclut
donc, l'IPS et le médecin. Alors, ça, c'est prévu spécifiquement dans la Loi
concernant les soins de fin de vie. Il faut savoir aussi qu'il y a une
disposition à cet effet-là dans le Code criminel, du côté fédéral, mais plus
spécifique à la loi québécoise, c'est, effectivement, prévu, là. Donc, de ce
côté-là, la réponse est oui, une IPS peut refuser de... à ce niveau-là.
M. Marissal : Comme j'ai eu
deux fois la réponse à la même question, est-ce que je peux, néanmoins, avoir
réponse à la deuxième question, s'il vous plaît?
M. Mathieu (Luc) :Oui, c'était pour vous amener... Oui, bien, l'IPS, oui,
pourrait être amenée, dans le cas que le... ce que vous mentionnez, là, que le
tiers... je ne sais pas comment on l'appelle, là, j'ai oublié l'expression...
pourrait intervenir. Bien, l'IPS, oui, elle peut intervenir, mais elle ne le
fera pas... ce qu'on anticipe, elle ne le fera pas seule, là, elle va le faire
avec... avec ses collègues médecins, là, l'équipe qu'il y a autour. Ce n'est
pas... Ce n'est pas une décision qui appartient uniquement à elle, là, même si,
de par ce que la loi lui permettrait de faire, elle pourrait le faire.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous allons poursuivre
avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci beaucoup. Bonjour
à vous trois, merci de votre présentation. Écoutez, je pense qu'il va falloir
absolument trouver un moyen, là, ça me frappe, mais d'entendre les IPS
elles-mêmes, là. Je pense aussi que j'aurais mille questions, parce
qu'évidemment il y a tellement d'enjeux, on aurait pu faire une autre heure
avec vous. Parce que là, vous êtes beaucoup sur la pratique professionnelle,
l'ouverture à votre réalité, mais, évidemment, les IPS vont avoir les deux
mains dedans, donc ce serait vraiment intéressant de les entendre sur tous les
aspects très concrets.
Je vous amène sur deux choses. Évidemment,
maintenant, les IPS auraient le pouvoir d'administrer l'aide médicale à mourir,
la sédation palliative. Ça, c'est une chose. Mais à 29.2, elles sont aussi le
professionnel compétent qui pourrait assister et accompagner la personne qui est
toujours apte, qui a son diagnostic, pour prévoir, par exemple, les
souffrances, pour prévoir le détail de comment les choses pourraient se
concrétiser. Comment ça, ça pourrait... Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça?
Puis comment ça pourrait se faire concrètement, là, au-delà de l'expertise
d'être capable de prévoir les souffrances dans le détail? Mais est-ce qu'on
peut imaginer des bureaux d'IPS qu'on irait consulter pour faire une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, dans le concret?
Puis mon autre question. Moi aussi, j'ai
très peu de temps. À 29.11, deuxième alinéa, on dit, à la fin : «De plus,
elle avise — c'est le professionnel compétent — tout tiers
de confiance désigné dans la demande, du fait qu'il a constaté l'inaptitude de
la personne.» Ça, je veux juste être sûre que ce n'est pas un acte réservé au
médecin, le constat d'inaptitude. Formellement, est-ce que les IPS peuvent
faire ça aussi?
M. Mathieu (Luc) :Veux-tu répondre, là, Caroline? Il y a deux questions, là.
• (17 h 10) •
Mme Roy (Caroline) : Oui,
bien, pour votre première question, à savoir si les IPS sont à l'aise, effectivement,
les IPS sont des professionnels qui sont formés pour être en mesure
d'accompagner la personne qui reçoit un diagnostic, par exemple, de troubles
cognitifs majeurs, et qui est en mesure de lui proposer des alternatives. Avec
les nouvelles activités qui sont... qui ont été autorisées, les IPS sont en
mesure de voir venir... et de pouvoir expliquer à la personne, là, le
cheminement et... de tout ce qui est prévisible, et des signes et symptômes.
Donc, elles sont en mesure d'accompagner les personnes qui voudraient,
effectivement, faire une demande médicale anticipée.
Puis là pour ce qui est... Puis là je vais
peut-être laisser, après, la parole à ma collègue Me Fortin, là, pour ce qui
est de l'inaptitude. En fait, c'est sûr que l'IPS est en mesure de déterminer
l'aptitude à consentir aux soins, qui était une différence à apporter, versus
l'inaptitude. Et là je vais peut-être lancer la balle à ma collègue Me Fortin,
là, pour ce qui est du concept d'inaptitude, là, de manière plus... plus large.
Mme Fortin (Pénélope) : En
fait, au niveau de l'inaptitude à consentir aux soins, de l'aptitude et de
l'inaptitude à consentir aux soins, il faut savoir que tous les professionnels,
en fait, sont appelés à déterminer quotidiennement, dans leur pratique, à savoir
si la personne qui est en face d'eux, leur client, leur patient est apte à
consentir à leurs soins. Alors, à ce niveau-là, ce n'est pas... pour répondre à
votre question, ce n'est pas une activité réservée. Donc, l'IPS est très bien
en mesure de déterminer, là, si son client est apte ou inapte à consentir à ces
soins, ce qu'elle fait, là, dans sa pratique, là, au quotidien, là. Donc, ce
n'est pas une activité réservée, là.
Mme Hivon : O.K. Et toute la
question, là... C'est ça, dans le concret de l'affaire, là, maintenant, c'est
vraiment l'IPS ou le médecin qui aurait la responsabilité de s'assurer que la
personne qu'elle traite a... est rendue à un stade qui est celui qui était
prévu dans sa demande anticipée, donc à aller voir au registre, aller
commencer, dire : Je pense que les circonstances, on les a atteintes.
Est-ce que vous trouvez que ça, ça devrait vous revenir ? Il y a <eu...
Mme Hivon :
...aller
commencer, dire : Je pense que les circonstances, on les a atteintes.
Est-ce que vous trouvez que ça, ça devrait vous revenir
? Il y a >eu une
question un peu semblable, là, mais d'approfondir ça à vous, comme
professionnel, d'avoir le fardeau de dire : On est rendus au moment prévu
avant? Ou vous seriez plus confortables que ce soit le tiers de confiance qui
agite le drapeau, puis, après, ça implique que vous commenciez l'évaluation... (panne
de son) ...de penser que vous allez avoir le temps de le faire pour tous les
patients?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, je pense que le tiers de confiance, c'est vraiment un partenaire de
premier choix aussi, qui connaît bien la personne. Mais je pense que les
professionnels compétents sont aussi habilités à pouvoir le faire et pouvoir
accompagner la personne, le cas échéant. Donc, est-ce ça pourrait revenir aux
deux ? À mon avis, quand
il y a un tiers, je pense que c'est toujours la personne qui connaît mieux la
personne visée qui est bien placée pour le faire. Mais les professionnels de la
santé sont aussi formés pour le faire, et être en mesure de détecter le moment
à partir de ce qui a été écrit.
C'est sûr que ça nécessite que les IPS
soient... aient accès au registre, pour pouvoir, justement, s'assurer de tout
ça, et voir que la demande a bel et bien été faite, et que la personne
rencontre les critères. Mais, encore une fois, ça s'appuie sur des grilles qui
seraient utilisées, ça s'appuie sur le jugement clinique du professionnel, ça
s'appuie sur le comportement de la personne aussi, et tout ça. Donc, je pense
que nos professionnels sont formés pour pouvoir être en mesure de faire ce type
d'accompagnement des familles et de la personne.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons compléter
cet échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Bonjour à tous. Bonjour à vous trois, merci d'être
là avec nous. D'entrée de jeu, bon, je n'ai pas beaucoup de temps, mais
simplement vous dire : Je pense qu'effectivement il faudra clarifier la
question du... de la pratique en lieux privés, là. Je suis retourné voir
l'article, notamment, 21.1, il y a peut-être certaines ambiguïtés ou un certain
vide. Mais moi, je suis très sensible aux commentaires que vous avez soulevés...
que vous avez soulevés là-dessus, sachant, effectivement, qu'on a de plus en
plus d'aînés qui non seulement vivent en résidence privée, mais qui
souhaiteront, probablement, aussi, finir leurs jours dans... dans leur maison,
et donc il faut favoriser, certainement, l'accès à des professionnels, en ce
sens-là.
Je voulais revenir... Vous avez...
D'entrée de jeu, dans votre présentation, vous avez mentionné que... vous êtes
revenus sur le tiers. Puis je vais rebondir sur la question qui a été posée par
le député de Rosemont. Vous souligniez que c'était important d'avoir un tiers
de confiance d'impliqué dans le processus. Puis on sait qu'on est dans une
société vieillissante, où il y a beaucoup de gens... nous, on le voit dans nos
circonscriptions tous les jours, où il y a des gens, malheureusement, qui sont
seuls, qui sont... qui sont isolés. Est-ce que... Puis vous répondiez que, oui,
vos membres, les infirmiers, infirmières pourraient être impliqués comme...
dans ce lien-là pour remplacer. Mais est-ce que vous croyez que ce
professionnel-là doit nécessairement avoir un lien avec la personne, ou on
pourrait, par exemple, faire référence... ou interpeler quelqu'un qui a une
spécialisation, justement, en soins de fin de vie, qui serait à même de faire
une évaluation, là ?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
dans un cas comme dans l'autre, là, je crois que ça pourrait être aussi
pertinent que ce soit quelqu'un qui a une expertise en particulier ou la
personne, le professionnel qui est compétent pourrait aussi être celui qui
est... C'est prévu dans le projet de loi aussi, mais aussi l'équipe de soins,
là, qui pourrait être en mesure d'alerter. Donc, ça, ces aspects-là sont
prévus. Mais ça pourrait aussi être quelqu'un d'expert, là, on n'a pas
d'objection à cet égard-là.
Mme Montpetit : Parfait.
Et, rapidement aussi, sur la question... vous l'avez souligné, là, toute la
question du mécanisme d'évaluation sur la qualité de l'acte, là, les enjeux qui
sont soulevés par le fait d'avoir les trois mécanismes. Vous soulignez des
préoccupations, mais aussi, j'aimerais ça revenir sur la question qui vous a
été posée, vraiment pour bien comprendre vos préoccupations par rapport à ça,
quand vous dites qu'il pourrait avoir un impact d'avoir deux ou trois types
d'évaluation de la qualité de l'acte différents. Comment... Qu'est-ce que ce
serait, les conséquences de ce maintien-là, et de ne pas avoir un seul
mécanisme en place?
Mme Roy (Caroline) : Bien,
en fait, c'est sûr que... ça fait en sorte qu'il y a des regards qui sont posés...
Que le geste... Pour nous, que le geste soit posé par un médecin ou par une
infirmière praticienne spécialisée, peu importe le lieu où il est donné, c'est
important qu'il y ait un regard constant et qu'on n'ait pas des normes ou des
critères qui seraient différents à l'un, à l'autre. Donc, on voudrait vraiment
avoir... au niveau de la population aussi, qu'il puisse y avoir un regard
harmonisé sur la qualité de l'acte et que les critères soient les mêmes, et que,
comme on dit, c'est ça, l'acte est la même chose.
Donc, pour nous, c'est important qu'il n'y
ait pas, par exemple, un regard qui soit posé sur la pratique médicale qui ne
soit pas le même pour l'IPS, parce que c'est le même geste qui va être posé
auprès de la clientèle, au final. Donc, on voudrait vraiment s'assurer que
c'est harmonisé, et qu'on puisse bénéficier de l'expertise de l'un et de
l'autre aussi. Parce qu'on le sait, les IPS... c'est nouveau dans la pratique
des IPS, donc, de pouvoir compter aussi sur l'expertise, là, des médecins, qui,
depuis quelques années, le font. Donc, on pense que c'est essentiel d'avoir ce
mécanisme conjoint là pour avoir un regard harmonisé et éviter les disparités.
M. Mathieu (Luc) :Puis, si je peux me permettre, en complément, c'est que les
constats qui seraient faits, si on regarde la façon de faire actuelle, c'est
que... comment on pourrait faire une synthèse des différentes évaluations qui
sont faites, parce qu'on évalue le même acte, là, c'est fait par des différents
professionnels. Alors, <l'idée...
M. Mathieu (Luc) :
...qui sont faites, parce qu'on évalue le même acte,
là, c'est fait par des différents professionnels. Alors, >l'idée, c'est
de mettre ça en commun pour s'assurer que... d'exercer une vigie, que ce soit
pour la sédation palliative continue ou pour l'aide médicale à mourir, faire
une vigie, puis, s'il y a des ajustements à faire dans la pratique des
professionnels, bien, qu'on puisse le faire. Parce qu'autrement, bien là, il
faut s'organiser pour trianguler, là, les différentes évaluations qui sont
faites par différentes instances.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
contribution et votre participation à nos travaux.
Je suspends quelques instants pour qu'on
puisse faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de votre disponibilité et
de votre contribution.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 20)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite maintenant la bienvenue à Me Nicole Filion et
au Pr Jocelyn Maclure. Pour cette période d'échange, vous disposez de 10
minutes, et, par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la
commission. Je vous cède la parole immédiatement.
Mme Filion (Nicole) : Bonjour
à tous. À titre de co-présidents du Groupe d'experts sur la question de
l'inaptitude et l'aide médicale à mourir, nous sommes heureux, le Pr Maclure et
moi, de pouvoir participer aux consultations entourant le projet de loi
n° 38. Rappelons que ce groupe d'experts là avait été constitué à la
demande du ministre de la Santé et des Services sociaux en 2017, et était
composé de 13 experts issus du domaine de la médecine, de la pharmacie, des
sciences infirmières, de la psychologie, du travail social, de la philosophie,
du droit et de la défense des droits des usagers.
Le mandat général du groupe d'experts
était le suivant, c'est-à-dire d'examiner la possibilité qu'il y ait des
amendements apportés à la Loi concernant les soins de fin de vie, après avoir
évalué des enjeux tant cliniques, éthiques que juridiques. Évidemment, on nous
demandait de déposer, ensuite, un rapport, qui faisait état de nos
recommandations. Alors, les travaux se sont déroulés sur une période de
18 mois, de décembre 2017 à juin 2019, et, au terme de ces travaux-là, il
y a eu un rapport intitulé L'aide médicale à mourir pour les personnes en
situation d'inaptitude : le juste équilibre entre le droit à
l'autodétermination, la compassion et la prudence. Ce rapport a été déposé
le 29 novembre 2019. Il fait état de 14 recommandations, dont,
évidemment, la possibilité de rédiger une demande anticipée d'aide médicale à
mourir après l'obtention d'un diagnostic de maladie grave et incurable et
pendant que... évidemment, que la personne est toujours apte.
D'entrée de jeu, j'aimerais préciser que
M. Maclure et moi, à titre de coprésidents, nous ne pouvons pas exprimer des
opinions sur le projet de loi n° 38 au nom des experts qui ont constitué
le groupe, puisqu'évidemment le mandat de ce groupe est terminé, et le groupe a
été dissous. Toutefois, à la lumière des recommandations émises, on peut
certainement affirmer que le projet de loi, qui traite particulièrement de la
demande anticipée d'aide médicale à mourir, est, généralement, en <adéquation...
Mme Filion (Nicole) :
...peut
certainement affirmer que le projet de loi, qui traite particulièrement de la
demande anticipée d'aide médicale à mourir, est, généralement, en >adéquation
avec les conclusions auxquelles en sont venues le groupe en 2019. Puisque notre
temps est limité, j'invite les membres de la commission à prendre connaissance
des pages 2 à 5 de notre mémoire, qui sera déposé sous peu, où nous avons
réalisé un exercice de concordance avec les articles proposés au projet de loi
n° 38 et les recommandations émises par le groupe en 2019.
Puisque nous n'avions pas eu l'occasion de
le faire, nous nous permettons de saluer le projet de loi n° 83, adopté le
10 juin 2021, qui a amendé l'article 29, en permettant désormais aux
personnes en fin de vie de renoncer à donner un consentement final avant de
recevoir l'aide médicale à mourir. On croit que l'amendement mérite d'être
souligné, car il constitue une avancée en matière de respect des droits et de
la dignité des personnes, et le groupe d'experts d'experts en avait d'ailleurs
fait sa première recommandation au ministre.
Alors, sur ce, je cède la parole à
M. Maclure.
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup. Bonsoir, tout le monde. Donc, comme Me Filion l'a dit, on accueille
favorablement les dispositions du projet de loi qui concernent les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir, en particulier pour des personnes qui ont
eu un diagnostic d'une maladie neurocognitive dégénérative, qui va mener,
éventuellement, à l'inaptitude, et donc c'est sur ces aspects-là qu'on commente
le projet de loi. Donc, de façon générale, on est très heureux de cette
proposition contenue dans le p.l. n° 38. Il nous semble, toutefois,
qu'il y a deux problèmes importants avec la formulation actuelle du projet de
loi, dont un, un problème qui est majeur hein, qui devrait être corrigé avant
l'adoption éventuelle du projet de loi. Donc, je passe en revue ces deux
problèmes.
Le premier est contenu dans
l'article 17 du projet de loi n° 38. J'attire votre attention sur la
modification qui serait apportée à l'article 30.2 de la Loi concernant les
soins de fin de vie. Donc, dans le p.l. n° 38, on peut... on lit ceci :
«Lorsqu'un professionnel compétent conclut qu'il ne peut administrer l'aide
médicale à mourir à une personne qui a formulé une demande anticipée en raison
du refus de recevoir cette aide manifesté par la personne, il doit s'assurer
que la demande est radiée, dans les plus brefs délais, du registre établi.»
Donc, cette disposition nous semble entièrement en porte-à-faux avec la logique
justificative qui a mené à la recommandation, donc, d'intégrer les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir à la Loi sur les soins de fin de vie. Cette
idée de radier la demande après ce qui est perçu comme un refus, donc, ce
n'était pas dans le rapport du groupe d'experts. À notre connaissance, ce
n'était pas, non plus, dans le rapport de la commission spéciale qui a mené des
travaux en 2021. Donc, on ne sait pas exactement d'où vient cette proposition,
mais ce n'est pas de ces rapports importants.
Rappelons que... qu'une... que
l'application d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir ne peut se
faire, hein, qu'au moment où la personne qui a rédigé la demande anticipée est
devenue en situation d'inaptitude hein, et qu'elle se trouve en situation de
souffrance constante et insupportable, une souffrance qui ne peut pas être
apaisée de façon satisfaisante. Donc, une hypothèse, hein, est que cet article
modifié, 30.2, là, vient peut-être de cas comme celui qu'on a constaté aux
Pays-Bas, dont on fait mention dans notre rapport, où une personne a semblé
résister, hein, à l'administration de, là-bas, ce qui est appelé l'euthanasie,
une personne qui n'était plus apte, hein, à consentir à ces soins, mais qui a
fait, de façon répétée... a demandé, donc une... qui avait fait une demande
anticipée.
Et il se peut, hein, tout à fait qu'une
personne plutôt confuse en situation de souffrance, qui ne comprend pas la
situation dans laquelle elle est, qu'elle manifeste, hein, des comportements
qu'on peut associer à un refus, en tout cas qu'elle résiste, hein, qu'elle est
agitée, elle semble récalcitrante, hein, et c'est... il faut prendre ça tout à
fait au sérieux. Mais comment interpréter cette résistance? Comme je le disais,
la personne n'est plus apte, hein, à comprendre, hein, la situation dans
laquelle elle se trouve. Évidemment, elle ne comprend plus les enjeux entourant,
entre autres, hein, la demande anticipée. Mais c'est très difficile de dire,
hein, ce à quoi elle résiste à ce moment-là, hein? Est-ce qu'elle est souvent
récalcitrante lorsque vient le temps de lui prodiguer des soins? Est-ce qu'elle
a vu l'aiguille? Est-ce que la peur de l'aiguille est en jeu? Est-ce qu'elle
est dans un état de confusion? Mais on sait, en tout cas, que, si on est prêts
à administrer l'aide <médicale...
M. Maclure (Jocelyn) :
...la peur de l'aiguille est en jeu? Est-ce qu'elle est dans un état de
confusion? Mais on sait, en tout cas, que, si on est prêts à administrer l'aide
>médicale à mourir, hein, c'est que la personne est dans un état de
mal-être, hein, constant, et que ses souffrances sont importantes. Donc,
clairement, il nous semble, à tout le moins, que cette notion de refus, hein,
doit être clarifiée dans le projet de loi, peut-être même remplacée, parce qu'il
n'est pas évident que la personne est capable de refuser rationnellement, hein,
une... un soin qu'elle a demandé dans le passé à cette étape-là.
Évidemment, hein, il faut être clairs
là-dessus : tant que la personne est apte à consentir à ces soins, elle
peut changer d'idée, réviser ses choix, radier une demande anticipée d'aide médicale
à mourir. Donc, ça, c'est tout à fait important. Mais notre recommandation, là,
est que la résistance à l'administration de l'AMM, hein, pour une personne qui
est devenue inapte, ne devrait pas mener, systématiquement, et purement, et
simplement, à l'abrogation de la demande anticipée d'AMM, hein, à sa radiation,
donc, du registre, parce qu'une abrogation de la demande, hein, ne pourrait
vraisemblablement, qu'être définitive, hein, parce que la personne ne
retrouverait probablement pas l'aptitude hein, pour faire une nouvelle demande,
hein? Donc, si on la radie purement et simplement, bien, ça fait en sorte,
hein, que sa volonté antérieure va, tout simplement, être... être ignorée,
balayée du revers de la main.
Et, quand je disais que cette disposition
est en porte-à-faux avec les raisons fortes qui ont mené à la proposition d'intégrer
les demandes anticipées, hein, c'est qu'on veut favoriser hein, l'autonomie de
la personne lorsqu'elle délibère au sujet de la fin de vie qu'elle se souhaite,
se sachant atteinte d'une maladie neurodégénérative. C'est important que sa
volonté, hein, si on ne la respecte pas, à un moment ou un autre, au moins, qu'on
prenne en considération hein, sa demande, hein? Donc, la résistance peut mener
à un report, hein, de la procédure, mais la demande, hein, doit rester, et l'état
de la personne doit être réévalué, à un moment ou à un autre, dans le temps.
Donc, ça, c'est la... notre recommandation principale.
Je vois que le temps file. J'ai... On
avait une autre, aussi, bon, réflexion sur l'idée que la personne doive
décrire, hein, ce qu'elle considère de son propre point de vue, comme étant des
souffrances insupportables. On pourra y revenir, si vous le souhaitez, si vous
nous interrogez là-dessus, dans la période de questions. Pour les dernières
secondes, je laisse la parole à Nicole.
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, le temps est écoulé de... pour la
présentation, il ne reste... vous aviez 10 minutes. Alors, M. le ministre, je
vous invite à débuter l'échange.
M. Dubé : Bien, écoutez,
encore une fois, là, j'apprécie la qualité de votre présentation puis, surtout,
de toutes les réflexions que vous avez, votre groupe d'experts, et vous deux,
en particulier, là, depuis toutes ces années. Alors, moi, je bois vos paroles
aujourd'hui, je dois vous dire, là. C'est très important pour nous tous de bien
comprendre votre point de vue.
• (17 h 30) •
Donc, sur votre premier... vous êtes un
peu au même endroit — je vais le dire comme ça, dans mes mots — que
le Dr L'Espérance, un peu, ce matin, qui disait que ce n'est peut-être pas un
refus, comme ça, de quelqu'un qui n'est plus... inapte, qu'on devrait prendre
du revers de la main puis de radier, là. C'est un peu... vous êtes un peu en
accord avec ce que j'entendais du Dr L'Espérance un peu plus tôt aujourd'hui.
J'aimerais ça vous donner du temps,
justement, pour que vous me parliez de votre deuxième point, parce que, s'il
est aussi important que le premier, j'aimerais bien ça vous entendre.
M. Maclure (Jocelyn) : Très
bien. Merci beaucoup, M. le ministre...
M. Dubé : ...mon temps... ce
sera sur le temps de notre groupe ici, là. Je pense que c'est important de vous
donner tout le temps nécessaire.
M. Maclure (Jocelyn) : En
fait, je vais être...
M. Dubé : M. le Président,
êtes-vous d'accord avec ça?
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
M. Maclure (Jocelyn) : ...je
vais être bref, et Me Filion pourra compléter. Le deuxième point est important,
moins déterminant que le premier, mais important aussi. Il y a un accent très
fort qui est mis sur l'idée que la personne qui fait une demande anticipée, qu'elle
doive décrire dans la demande, ce qu'elle considère comme étant des souffrances
qu'elle juge, elle, insupportables, hein, et on comprend cette volonté-là,
hein, de bien comprendre la position de la personne. Le problème potentiel, là,
est qu'il est fort possible que les personnes décrivent, hein, des symptômes ou
des indicateurs qui ne correspondent pas aux critères habituels et généraux d'admissibilité
à l'aide médicale à mourir hein? Ce qu'on a beaucoup entendu, nous, c'est que
des personnes se disent : si je ne reconnais plus mes proches, c'est à ce
moment-là que je voudrais avoir accès à l'aide médicale à mourir. Ou : si
ma perte d'autonomie fait en sorte que je dois être placé en centre d'hébergement
de longue durée...
17 h 30 (version révisée)
M. Maclure (Jocelyn) : ...c'est
à ce moment-là que je voudrais que la procédure soit appliquée aussi. Puis il y
a un fardeau pour les proches aussi. Je deviens, par exemple, en situation d'incontinence,
et ainsi de suite. Donc, on comprend la détresse qui est... qui peut être
vécue. Mais il est par ailleurs possible, hein, que des personnes vivent ces
symptômes, hein, qui sont causés par la maladie, mais qu'elles soient par
ailleurs, hein, dans un état de bien-être quand même constatable, qu'elles
soient dans une phase de la maladie qu'on appelle souvent, là, sans l'idéaliser,
la démence plutôt paisible et heureuse, hein? C'est possible de ne plus
reconnaître ses proches, mais quand même d'avoir de nouveaux petits plaisirs.
On a acquis des nouveaux intérêts. On ne se souvient plus, évidemment, de notre
volonté antérieure, mais il y a une certaine qualité de vie. Et le rapport,
hein, notre orientation principale, c'est qu'il faut équilibrer le droit à l'autodétermination
des personnes par rapport aux choix en fin de vie et la protection des
personnes vulnérables que sont les personnes qui sont devenues inaptes.
Et notre crainte, ici, c'est qu'en mettant
beaucoup d'importance à cette description des souffrances, qu'on n'en vienne qu'à
administrer trop tôt l'aide médicale à mourir parce qu'on constate... bon,
voici ce qu'elle a décrit, donc allons-y. Mais par ailleurs la personne est
encore... a encore une certaine qualité de vie. Et nous, en tout cas, la position
du groupe, c'était : il faut vraiment constater la souffrance, là, qu'elle
soit objectivable, et que vraiment la personne est dans une situation de
mal-être, et qu'il faut vraiment la libérer de ses souffrances, donc l'idée
étant qu'il ne faudrait pas que cette insistance mène à des administrations,
disons, hâtives de l'aide médicale à mourir.
M. Dubé : O.K. Je ne
suis pas certain que je comprends tout ce que vous venez de dire parce que ça
devient très délicat, là. Si la personne, dans sa liste d'étapes, dit :
Moi, c'est ça qui me rend inconfortable puis que je voudrais procéder, là, vous
me dites : Il faut la requestionner. Ça devient... Ça devient très
délicat, là. Je comprends très bien votre point, mais... Et je me demande :
Est-ce que c'est dans le guide qu'on pourrait le faire? En tout cas, je vais me
questionner, là, je vais laisser peut-être les autres personnes poser les
questions, mais votre commentaire rend ça un petit peu plus difficile, de
requestionner le jugement de la personne qui, elle, à l'avance... Parce que je
pense que c'est ça, le principe d'une demande d'aide anticipée : c'est de
déterminer à l'avance quel est le taux... Puis, quand vous dites «de souffrances»,
là, vous avez entendu la discussion qu'on a eue un peu plus tôt aujourd'hui sur
la démence joyeuse, heureuse, ça devient très délicat, là, très difficile à
juger. Mais, en tout cas, je pense que je comprends votre point, mais on pourra
y revenir.
Moi, vous ne l'avez pas mentionné, mais,
étant donné votre expertise, il y en a un autre qui me préoccupe, c'est le
fameux tiers, là, le tiers de confiance. Est-ce que ça ne pourrait pas...
justement en lien avec votre deuxième point, d'augmenter un peu le rôle de ce
tiers de confiance là dans le jugement final ou l'application finale de l'aide
médicale à mourir? Parce qu'en ce moment, c'est vrai, puis je pense qu'on l'a
entendu de quelques... de quelques invités, c'est qu'en ce moment la pression
est plus sur le médecin que sur le tiers de confiance. Si le tiers de confiance
a participé à l'élaboration de la liste de ce que le patient veut voir comme
aide médicale à mourir, quels sont les symptômes qui le justifieraient de
passer à l'acte? Est-ce qu'on pourrait donner un rôle plus grand, qui est dans
le projet de loi — ça, je veux votre expertise là-dedans — par
rapport au tiers de confiance? Parce qu'en ce moment il y en a juste un. Est-ce
ça pourrait aider d'en avoir un deuxième? Comme le dit souvent le député en
face de moi, là, je voudrais vous entendre là-dessus parce que je pense que c'est
important de... Je comprends que, vous, vous n'agissez pas pour le groupe qui
était en place en 2019, mais... en 2017, pardon, là, mais je voudrais vous
entendre sur ce point-là parce que, moi, la question du tiers de confiance me
préoccupe un petit peu, là.
Mme Filion (Nicole) : Si
je peux me permettre, M. le ministre, dans le cadre de nos travaux, nous avions
aussi prévu l'implication d'un tiers de confiance. Et son rôle se limitait
vraiment... Ce n'est pas un rôle de mandataire, de tuteur ou de curateur. Son
rôle... Il ne donnait pas un consentement substitué, là. Son rôle était plutôt
à titre de gardien de la volonté de la personne qui a fait une demande
anticipée d'aide médicale à mourir, un peu... un peu à titre de porte-voix, là.
Il ne choisit <pas...
Mme Filion (Nicole) :
...d'aide
médicale à mourir, un peu... un peu à titre de porte-voix, là. Il ne choisit
>pas pour la personne, mais ce qu'il fait, c'est qu'il rappelle aux
professionnels compétents l'existence du formulaire et il doit s'assurer que la
demande va être consultée et considérée.
Et souvent vous allez avoir des tiers de
confiance qui sont aussi des proches. Alors, les proches sont en mesure... Et
je fais une parenthèse ici. On a... Je constate que, dans le projet de loi n° 38, les proches ne sont pas beaucoup présents. Je les
vois simplement à l'article 29.3, alinéa 1d. Ailleurs, ils n'y sont pas.
Bien sûr, il appartient à la personne de dire : Est-ce que je veux ou non
une implication d'un proche? Parce que ça pourrait être son souhait de ne pas
vouloir l'implication d'un proche dans une démarche pour toutes sortes de
raisons. Mais je pense que ce n'est pas une raison pour évacuer l'implication
de proches si c'est effectivement le soin de la... le souhait de la personne.
Pourquoi? Parce qu'un proche est en mesure de témoigner de l'histoire de la
personne, ses valeurs, les facettes de son existence, rapporter son vécu et
aussi, peut-être, informer le personnel, l'équipe soignante des volontés que
cette personne-là a déjà exprimées par le passé, alors qu'elle était apte, sa
conception d'une mort digne pour elle. Et souvent ces proches-là aussi
apportent des soins quotidiennement. Ils accompagnent la personne dans la
maladie. Alors, ils sont à même de décoder des signaux de souffrances chez la
personne. Et là on ne parle pas juste de souffrances physiques, mais je parle
aussi de souffrances psychologiques existentielles qui pourraient être liées à
une détresse, à une anxiété, à une peur.
Alors, on déplore, M. Maclure et moi,
que les proches ne sont pas suffisamment présents dans le projet de loi, si
telle est la volonté de la personne malade.
M. Dubé : Me Filion,
là, j'apprécie beaucoup votre commentaire parce que c'est peut-être une façon
de trouver l'équilibre entre le commentaire de Pr Maclure sur comment on
respecte la demande versus la participation ou... soit d'un proche ou, en tout
cas, du tiers. Je pense que je vais laisser mes autres collègues, mais ça va me
faire réfléchir, là, à un peu le... les deux points de vue que vous venez
d'amener, là. Je pense qu'on peut combiner peut-être ces deux éléments-là.
Alors, je vais laisser, M. le Président,
peut-être à mes collègues, le... Il nous reste du temps, de toute façon.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée. Mme la députée voulait
poser une question?
Mme Guillemette : Oui.
Le Président (M. Provençal)
: Allez-y.
Mme Guillemette : Merci. Il
nous reste quelques minutes, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
:Il vous reste cinq minutes.
Mme Guillemette : Merci.
M. Dubé : Je lui ai
donné...
• (17 h 40) •
Mme Guillemette : Ça va.
Merci beaucoup, Me Filion et Pr Maclure, d'être avec nous aujourd'hui. On vous
a entendus en commission, mais il y a quand même des points à éclaircir. Et je
ferais un peu la suite de ce que M. le ministre vous a posé comme question. On
a des gens qui sont venus témoigner, et ils nous disent que le tiers de
confiance ne devrait pas avoir de lien, ne serait-ce que, bon, monétaire ou peu
importe. Mais, si on veut que la personne connaisse bien la personne qui
demande l'aide médicale à mourir, on réconcilie ça comment, ces deux aspects-là ? Et est-ce que c'est
réconciliable ?
Mme Filion (Nicole) : Écoutez,
de mon avis, la personne qui va faire sa demande anticipée d'aide médicale à
mourir pourrait très bien désigner un tiers de confiance qui pourrait être sa
fille, son épouse, son époux, son conjoint, peu importe, un frère, une sœur. Et
il reste que, qu'on le veuille ou non, il y aura un lien monétaire. Je pense
qu'il faut laisser exprimer une volonté à cet égard-là.
Maintenant, vous m'ouvrez la porte sur
quelque chose, parce que nous avions, comme membres du groupe d'experts,
exprimé une préoccupation pour le sort des personnes qui sont totalement
isolées, qui ne reçoivent pas des soins en continu et qui ne sont pas en mesure
de désigner un tiers de confiance. Alors, je pense qu'il nous importait, au
niveau du groupe, de répondre aux besoins de ces personnes isolées et que
l'impossibilité de désigner un tiers de confiance ne doit pas pour autant
compromettre le droit <à...
Mme Filion (Nicole) :
...de
désigner un tiers de confiance ne doit pas pour autant compromettre le droit
>à l'autodétermination de ces personnes-là qui ont rédigé les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir. Et par ailleurs le groupe d'experts
recommandait qu'en l'absence de tiers, qu'il y ait une autorité neutre qui
puisse agir un peu comme porte-voix et que cette autorité neutre là aurait pour
rôle que d'attirer l'attention des soignants sur l'existence de la demande
anticipée. Alors, c'est important de ne pas laisser de côté les personnes qui
sont totalement isolées et qui n'ont pas nécessairement des soins continus
dispensés par le réseau.
Mme Guillemette : Parfait.
Je vous remercie. Comme il nous reste deux minutes, je céderais, M. le
Président, la parole à ma collègue de Saint-François.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée, allez-y.
Mme Hébert : Merci, M.
le Président. Je vais être rapide, je veux revenir sur la résistance. Vous avez
parlé d'une personne qui serait plus apte, mais qui aurait une certaine résistance.
Je suis contente que vous parliez du tiers de confiance parce que, justement,
ce tiers de confiance là connaît bien la personne. Donc, advenant qu'il y ait
une résistance et que ce tiers-là en est témoin, il va dire : Je connais
la personne, puis elle ne veut pas, là. Tu sais, elle est capable de donner cet
indice-là.
Moi, je veux savoir, vous parliez de
report de procédure. Ça va en prendre combien, de reports de procédure, pour
arrêter la procédure, que peut-être que, la personne, finalement, on n'ira pas
avec l'aide médicale à mourir? Est-ce que c'est une possibilité?
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
de votre question, Mme la députée. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut
exclure complètement a priori, hein? Je pense qu'il faut garder en tête qu'il
s'agit, là, dans les cas atypiques, de maladies qui sont dégénératives, hein,
donc l'état n'est pas stable, hein, l'état se dégrade progressivement. Et ce
que les... les experts, là, qui ont accompagné des personnes, entre autres, aux
prises avec l'Alzheimer, montrent que, bon, dans l'évolution d'un stade à
l'autre, hein, il y a évidemment un impact important sur la qualité de vie
aussi, hein? Il y a un moment dans l'évolution où la souffrance, hein, devient
constante, hein, où la personne semble toujours en situation de mal être,
semble souffrir énormément. Et c'est pour ce genre de situation là, hein, dans
ces cas-là, où on se dit : Bien là, l'aide médicale à mourir est
véritablement un soin parce que la personne n'a plus de qualité de vie, il n'y
a plus rien qui donne un sens à ces journées. Et je pense qu'il faut réévaluer,
hein, l'état de la personne. Si on constate, hein, une résistance importante à
un moment x, il faut voir, plus tard, est-ce que, là, vraiment, ça viendrait la
soulager. Et c'est une évaluation qu'il faut faire périodiquement.
Mais l'important, c'est qu'on ne doit pas
radier, hein, la demande qui a été faite, hein? Lorsqu'elle était encore apte,
hein, elle a réfléchi rationnellement sur la fin de vie qu'elle se souhaitait,
elle a dit : Bien, j'aimerais ça, avoir l'aide médicale à mourir, hein,
lorsque je serai en situation de souffrances. Eh bien, il faut... il faut
réévaluer son état et voir si on ne doit pas procéder, justement, à un autre
moment à cette procédure, oui.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Nous
poursuivons maintenant l'échange avec le député de D'Arcy-McGee...
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Provençal)
:...pour 10 min 10 s.
M. Birnbaum : Merci.
Merci beaucoup, Mme Filion et M. Maclure. Vous étiez présents et vous
restez présents de façon essentielle à ce débat-là. Alors, je vais faire de mon
mieux pour essayer de laisser un petit peu plus de temps à mes collègues aussi
parce que votre implication, depuis le début, est tellement importante. J'ai
quelques questions, mais je vais essayer de laisser un petit peu de temps à mes
collègues aussi.
Je vous écoute sur les deux problèmes
majeurs, mais je vous écoute aussi, je vous entends quand vous vous dites que,
généralement, le projet de loi devant vous et nous est en adéquation avec votre
apport au début et les paramètres qui ont été suivis par nous dans nos
délibérations en commission spéciale.
Sur l'article 17, là vos élaborations...
juste tantôt, M. Filion, pour moi, je crois comprendre qu'on est dans
l'enjeu très important, évidemment, du moment de déclenchement de l'acte — et
évidemment il y a toutes sortes de balises, actuellement, qui gouvernent ça — et
que ça soit établi de façon la plus fidèle et complète, que, dans un premier
temps, on est en alignement avec l'éventuelle loi ainsi que les vœux tels
qu'exprimés lors de la demande. Mais ici on parle aussi — et vous
étiez assez clair là-dessus — de la possibilité d'une <manifestation...
M. Birnbaum :
...lors
de la demande. Mais ici on parle aussi
— et vous étiez assez
clair là-dessus
— de la possibilité d'une >manifestation
de refus de quelqu'un qui est inapte et on est devant, en quelque part, une
contradiction. Mais, si je vous ai bien suivi, même là-dessus, votre langage a
été un petit peu conditionnel. Vous avez dit que ça ne devrait pas, un tel
refus, emmener de façon systématique à un désistement de l'acte, ce qui suggère
que vous pouvez imaginer des conditions où il faut que ce refus exprimé par
quelqu'un inapte doit avoir des conséquences, c'est-à-dire qu'on ne passe pas à
l'acte. Est-ce que vous pouvez décrire une telle situation ou comment souvent
vous croirez que ça risque de se manifester?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui.
Merci beaucoup, M. le député, pour votre question. Je pense que ce qui a frappé
l'imagination, hein, c'est ce cas néerlandais d'une personne, hein, qui avait
demandé à répétition, hein, l'euthanasie dans ce contexte et qui, au moment
venu, a résisté, s'est débattue, était agitée. Et une des grandes leçons qu'il
faut tirer de ce cas-là, c'est que ça prend un protocole médical très clair à
suivre, hein, lorsqu'on administre une AMM à une personne qui est devenue en
situation d'inaptitude, hein? C'est un geste extrêmement délicat, hein? On
pense qu'il y a de bonnes raisons de le faire, de le permettre, mais il faut
que ça soit extrêmement bien balisé. Et le protocole médical doit être clair et
il doit être élaboré par des experts cliniciens, là. Mais il faut savoir
comment on s'y prend. Est-ce qu'on utilise la sédation modérée ou pas? Et, ça,
donc, ça devrait être, je pense, établi dans un guide de pratique, là.
Mais, si la résistance est claire, hein,
je pense qu'il ne faut pas procéder à l'aide médicale à mourir, si on a bien
suivi le protocole établi. Il faut... Il n'y a pas de problème à réévaluer la
situation plus tard, et je... encore là, une fois qu'un protocole médical a été
clairement établi, l'idée étant qu'on réévalue, hein, périodiquement où en est
la personne. Et comme il s'agit de maladies qui sont dégénératives, encore une
fois, hein, l'état de santé se dégrade et les souffrances deviennent très
importantes. Donc, je pense que l'idée, c'est de... et les proches et le
personnel soignant, de réévaluer périodiquement l'état de la personne.
• (17 h 50) •
M. Birnbaum : Je me permets
de vous inviter de nous proposer, même, par la suite, un libellé qui risque de
nous aider à réconcilier ces aspects un petit peu conflictuels parce que vous
soulevez une assez grande question.
Votre deuxième grande question, vous
parlez de la difficulté d'assurer que les descriptions des conditions offertes
par un individu dans leur demande d'accès à l'aide médicale à mourir peuvent
être discordantes avec la situation actuelle au moment où ils auraient prescrit
qu'on passe à l'acte. Une autre fois, là, il y a des balises, il y a toutes les
choses qui doivent déclencher l'acte. Mais pouvez vous élaborer un petit peu
comment on réconcilie ces choses, et y a-t-il un risque qu'on met un fardeau
trop ouvert, trop difficile sur l'équipe médicale à l'instant où l'aide
médicale à mourir est pour être déclenchée?
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
merci. C'est aussi une question importante. Lorsque... en contexte, disons,
normal d'aide médicale à mourir, hein, ce qui importe au plus haut point, ce
sont les critères d'admissibilité, hein, et maintenant, bon, la fin de vie a
été retirée, donc c'est essentiellement, bon, maladie grave et incurable,
déclin avancé et irréversible des capacités et souffrances vraiment persistantes,
hein, et qui ne peut pas être apaisée d'une façon jugée acceptable, hein? Je
pense que c'est ça, les plus... les critères les plus importants.
La problématique que je soulève, c'est que,
dans la description, hein, antérieure de ce qui constitue des souffrances
insupportables, on sait que les personnes n'ont pas envie de devenir
dépendantes d'autrui, de se penser comme étant un fardeau, de ne plus
reconnaître les proches. Mais ce qui est important de remarquer, là, c'est
qu'on peut se trouver dans ces états tout en n'étant pas en état en situation
de grandes souffrances, là. Et en réponse aussi au ministre, tout à l'heure,
pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, dans tous les cas, la souffrance
doit être contemporaine, hein? Ça doit être la souffrance de la personne malade
et non pas la <souffrance...
M. Maclure (Jocelyn) :
...contemporaine,
hein? Ça doit être la souffrance de la personne malade et non pas la >souffrance
anticipée de la personne qui s'imagine devenir un fardeau pour ses proches. Et
donc le point, ici, c'est qu'il faut le plus possible objectiver cette
souffrance-là.
Et, bon, je sais que certaines personnes
n'ont pas envie de devenir dépendantes d'autrui, hein, mais ça peut tous nous
arriver. Et, si la personne a par ailleurs une certaine qualité de vie, et je
vous invite à revoir le cas de Margot discuté dans notre rapport, qui a acquis
des nouveaux plaisirs, des nouveaux intérêts, bien, notre message, ici, c'est :
il ne faut pas procéder trop tôt à l'aide médicale à mourir. Il faut attendre,
hein, que l'état de santé se dégrade et que les souffrances soient
objectivables.
M. Birnbaum : Merci.
Troisième question. Brièvement, vous avez recommandé, en quelque part, qu'une
place accrue soit accordée, dans le projet de loi, aux proches. Pas facile.
Envisagez-vous des problèmes possibles s'il y a une discordance entre deux
proches, si les proches n'auraient pas été identifiés de façon claire par la
personne en question? N'y a-t-il pas, dans un premier temps, une façon de
nommer un de ses proches comme tiers? Voyez-vous des problématiques, dans votre
recommandation, qu'une place plus grande soit accordée aux proches?
Mme Filion (Nicole) : Je ne
vois pas de hiérarchie en ce qui a trait à l'importance des proches.
C'est-à-dire que je pense que c'est une... Les proches sont une mine
d'informations qu'il ne faut pas négliger.
C'est assez étonnant que, par exemple...
qu'on lit, par exemple, dans le projet de loi n° 38, que les proches ne
sont pas informés des conclusions du professionnel concerné avant d'administrer
l'aide médicale à mourir. Alors, les proches ne sont pas informés non plus au
terme de l'examen effectué par le professionnel. Qu'en est-il? M. Maclure et
moi sommes d'avis qu'il y a une place prépondérante, quand même, à faire aux
proches, toujours sous réserve de la volonté de la personne, qui, comme je le
disais plus tôt, pourrait ne pas vouloir impliquer ses proches dans la démarche
d'aide médicale à mourir.
Alors, je pense que l'équipe soignante ne
devrait pas se priver de l'apport de proches dans des situations aussi graves
et importantes que l'administration de l'aide médicale à mourir à une personne
inapte.
M. Birnbaum : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous allons poursuivre
maintenant avec le député de Rosemont. Vous disposez de
2 min 37 s.
M. Marissal : Avec le
consentement des collègues, M. le Président, je transférerais mon temps à la
collègue de Joliette cette fois-ci.
Le Président (M. Provençal)
:Consentement?
Des voix : Consentement.
Mme Hivon : Merci infiniment
à mon collègue. Je vais lui revaloir ça. Donc, merci beaucoup. J'ai beaucoup de
questions pour vous, donc je vais vous les présenter. J'ai à peu près cinq
minutes maintenant, grâce à ce don, et donc vous pourrez voir l'ampleur des
questions.
Un, je pense que vous venez de faire
ressortir qu'on peut dire qu'on ne veut pas être incontinent, qu'on ne veut pas
vivre en CHSLD. Ce n'est pas parce qu'on aurait dit ça que ça veut dire qu'on
va avoir une souffrance. Donc, il faut être vraiment clairs sur les
souffrances.
Nous, dans notre rapport, on avait comme
un entre-deux : on parlait de signifier à l'avance les manifestations de
l'état qu'on ne souhaitait pas voir survenir, par exemple, qui pourraient être
plus larges, et, par exemple, d'indiquer aussi les souffrances. Et puis
ensuite, au moment deux, là il faut vraiment être sûrs qu'il y a des
souffrances contemporaines, objectivables, et tout ça. Mais, pour avoir une
meilleure idée de ce que la personne envisage dans son parcours, on parlait
plus largement, pas juste des souffrances, mais des manifestations de son état.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
L'autre chose, les souffrances, le déclin
avancé irréversible, vous avez bien fait ressortir, c'est un des critères
fondamentaux de l'article actuel 26, lui, il ne se retrouve plus dans les
critères au moment deux de l'administration, c'est-à-dire qu'on n'est plus
obligés de constater en temps réel le déclin avancé irréversible. Il ne se
retrouve, à moins que j'erre, mais juste à 29.2, via les souffrances qui vont
être décrites et qui doivent être liées à un déclin avancé irréversible. Mais,
je ne sais pas si vous me suivez, au moment deux, moi, je pense qu'il faut
encore être sûrs qu'on est dans ça, pas juste quand on le prévoit. Je vois une
légiste qui hoche de la tête, donc peut-être qu'il m'a manqué quelque chose,
donc, mais je voulais vous entendre là-dessus.
Ensuite de ça, le tiers de confiance,
c'est vraiment... on doit vous... rendre à César ce qui est à César. Ça
provient de votre rapport, qu'on est amenés... on a amené cette idée-là. Mais
maintenant, quand vous regardez dans le projet de loi, à 29.11, deuxième <alinéa...
Mme Hivon :
...on a
amené cette idée-là. Mais maintenant, quand vous regardez dans le projet de
loi, à 29.11, deuxième >alinéa, la demande, là, ce n'est pas le tiers de
confiance qui agite le drapeau, c'est vraiment la responsabilité du
professionnel. Je veux savoir ce que vous pensez de ça. Est-ce que c'est trop
lourd de demander ça? Et est-ce que ça pourrait figer les professionnels parce
qu'ils n'auront pas le goût de s'embarquer là-dedans, puis donc laisser des
gens entre deux chaises?
Et finalement, j'en aurais plein d'autres,
mais, le refus, votre solution, est-ce que c'est la sédation? Est-ce que c'est
la personne qui le dirait à l'avance : Si je refuse, je veux quand même
l'avoir? Est-ce que c'est un recours au tribunal? Et est-ce qu'on ne devrait
pas parler de refus catégorique — parce que c'est déjà présent, ça,
dans le Code civil pour la personne inapte, la notion de refus catégorique?
Donc, voilà... (panne de son) ...est-ce qu'une autre souffrance qui arriverait
en fin de parcours — vous êtes inapte, vous avez l'Alzheimer, mais
vous avez un cancer, en plus, qui vous fait souffrir — est-ce qu'on
exclut ces souffrances-là parce qu'elles doivent absolument être liées à la
maladie d'Alzheimer ou on les considère?
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
merci beaucoup pour ces excellentes questions. Donc, je vais essayer,
modestement, de répondre à certaines d'entre elles. Par rapport à la première
question, je pense que le sens de notre recommandation, ici, n'est pas de dire
qu'on devrait tout simplement exclure la possibilité, hein, de rédiger ou de
décrire, hein, ce qui est pour nous, hein, des souffrances insupportables. Je
pense que c'est le statut donné à cette réflexion. Et moi, je pense qu'on
devrait plutôt voir ça comme un témoignage, hein? C'est un témoignage. La
personne témoigne de ce qu'elle juge comme étant des souffrances
insupportables, un témoignage qui a pour but d'aider le personnel de la santé à
bien comprendre cette personne-là.
Mais, dans le projet de loi, me
semble-t-il, on trouve une espèce d'exigence, là, d'adéquation entre les
souffrances décrites et la situation contemporaine, et c'est ça qui nous semble
peut-être excessif, mais en temps... un peu comme une espèce de schème interprétatif,
là, qui nous aide à mieux comprendre une personne qui est devenue inapte, ça
peut avoir encore une importance considérable. Mais ce qui est vraiment
déterminant, ce sont les autres critères, là, dont vous avez parlé. Et ça
m'avait échappé, là, que le déclin avancé irréversible n'était pas mentionné. Là,
je ne suis pas un juriste, encore moins un légiste, mais, si c'est le cas, ça
pose effectivement un problème. Mais, c'est ça, il faut plutôt s'assurer que ce
déclin est bel et bien là et que les souffrances, hein... objectivement, on est
capables de constater que la personne, hein, souffre, et c'est ce qui est
l'essentiel, le plus important.
Je vais laisser Nicole par rapport aux
tiers de confiance.
Sur le refus, bon, je pense que la
question : Est-ce qu'on procède à la sédation?, c'est une des grandes
questions. Ce n'est pas... Le groupe d'experts interdisciplinaire, là, on n'a
pas été dans le fin détail sur le protocole, ce que j'appelais le protocole
médical, mais ça doit absolument être fait. Et je pense qu'on pourrait
s'appuyer sur comment on utilise la sédation dans d'autres contextes, y compris
avec des personnes qui ne sont plus aptes à consentir à leurs soins, hein? Il y
a déjà des protocoles dans d'autres types de cas, et on pourrait s'appuyer
là-dessus. Et j'aime beaucoup cette idée, que, dans le fond, au moins pour
réfléchir, là : Est-ce qu'on devrait demander aux personnes d'autoriser à
l'avance l'usage de la sédation? Ça, ça me semble parfaitement conforme à
l'esprit des recommandations en faveur des déclarations anticipées d'aide
médicale à mourir. Donc, je pense que c'est une proposition à prendre très au
sérieux. Nicole.
• (18 heures) •
Le Président (M. Provençal)
:Rapidement, parce que le temps est
écoulé. Mais je veux quand même avoir... vous laisser la parole, madame.
Mme Filion (Nicole) : Oui, je
vais être brève. Je pense que la personne qui a pris la peine de faire une
demande d'aide médicale à mourir en prévision de son inaptitude souhaite au
plus profond de son cœur que ses volontés soient respectées ou, à tout le moins,
considérées dès le moment venu. Donc, on ne devrait pas se priver de toute
personne qui pourrait, comme vous dites, Mme Hivon, agiter le drapeau et
signaler, que ce soit le professionnel, le tiers de confiance, un proche, mais
de signaler à l'équipe soignante qu'ils ont observé des souffrances, et donc pouvez-vous
considérer la demande de mon proche en conséquence? Et je pense que ça, ça
vient respecter l'objectif du respect à l'autodétermination et la dignité de la
personne. Voilà.
Le Président (M. Provençal)
:Merci...
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Nous allons terminer cette période d'échanges avec
la députée de Maurice-Richard pour les 2 min 20 s
qu'il reste.
Mme Montpetit : Je vous
remercie M. le Président. Bonjour à tous les deux. Peut-être... Je pense qu'il
manquait peut-être une petite réponse à la dernière question...
18 h (version révisée)
Mme Montpetit : ...Peut-être...
je pense qu'il manquait peut-être une petite réponse à la dernière question que
ma collègue a posée sur si une maladie... advenant qu'une maladie impliquant
des souffrances arrivait en fin de parcours et ne faisait pas partie, dans le
fond, du corpus de maladies du départ. Comment vous envisagez ça? Je pense, c'est
une question fort pertinente, là.
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
tout à fait. Et c'est tout à fait possible, hein, en fin de vie, que ça
survienne. Mais, comme je le disais, ce sont les souffrances contemporaines,
hein, qui sont déterminantes. S'il y a des souffrances non anticipées qui
surviennent, je pense que ça fait tout à fait partie, hein, de l'état de santé
et des souffrances objectivables de la personne. Donc, oui, ça pourrait
déclencher, donc, l'application d'une demande anticipée, même si c'est lié à
une autre maladie ou à un autre état de santé.
Mme Montpetit : Merci
pour la précision. J'ai très peu de temps, malheureusement, moi aussi j'aurais
beaucoup de questions, mais je voudrais vraiment revenir sur la question. Tu
sais, vous avez émis des réserves quand même assez importantes sur certains
éléments, dont sur la question du refus, là, qui a été abordée aussi par mes
collègues. On le sait, là, les personnes, souvent, justement, qui ont des
troubles cognitifs vont avoir de la résistance à certains soins. Puis je
comprends vos réserves par rapport à ça, là, de ne pas faire une adéquation
entre cette résistance-là et le refus. Mais comment vous verriez... Quelle
pourrait être la réponse à ça? Est-ce que c'est de revenir, par... d'encadrer
ça par un refus répété ou peut-être d'impliquer aussi le jugement
professionnel... le jugement du professionnel davantage, aussi, dans le projet
de loi?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui.
Bon, une bonne part de la réponse en tient à ce qui va être décidé par rapport
à l'usage de la sédation, hein? Parce qu'évidemment, si on n'utilise... on fait
un usage de la sédation, la personne va être dans un état plus calme. Mais,
bon, on n'a pas besoin de reporter une procédure comme celle-là, hein, il n'y a
pas... ce n'est pas une catastrophe, hein? Comme ce sont des maladies
dégénératives, à un moment, l'état de santé va se dégrader, et je pense que,
pour l'ensemble des intervenants, il va être clair que la personne n'a
absolument plus aucune qualité de vie, et que c'est le temps, là, de respecter
sa demande. Donc, je pense que c'est avec les proches et les professionnels de
réévaluer, dans le temps, l'état de la santé de la personne.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup à vous deux pour votre
contribution et votre participation à nos travaux, surtout de votre
disponibilité.
Ceci... la commission va suspendre ses travaux
jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 18 h 05)
19 h (version révisée)
(Reprise à 19 h 31)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, bienvenue à la Commission de
la santé et des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre
les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 38,
Loi modifiant la loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Ce soir, nous entendrons par
visioconférence les personnes et groupes suivants : Le Barreau du Québec,
conjointement avec la Chambre des notaires, l'Ordre des travailleurs sociaux et
thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et le Dr David Lussier.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants du bureau... du Barreau du Québec, excusez-moi, et de la Chambre
des notaires du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour l'ensemble
de vos deux groupes, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec
les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter
votre exposé. Je vous cède la parole.
Mme Claveau (Catherine) : Alors,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Alors je suis
Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Sylvie
Champagne qui est notre directrice des affaires juridiques.
Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir
invité à participer aux consultations particulières entourant ce projet de loi
important. Compte tenu des délais extrêmement courts entre le dépôt du projet
de loi et notre comparution, nous avons besoin de quelques jours avant de vous
transmettre notre mémoire...
19 h 30 (version révisée)
Mme Claveau (Catherine) : ...nous
avons besoin de quelques jours avant de vous transmettre notre mémoire.
Le Barreau a participé à la réflexion
entourant l'aide médicale à mourir avec grand intérêt, et ce, dès mai 2010,
soit lors de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité.
L'accès à l'aide médicale à mourir soulève des questions juridiques
importantes. Une grande partie de ces questions a été réglée par la Cour
suprême du Canada en 2015, alors qu'elle a établi le régime juridique légal en
matière d'aide médicale à mourir en tenant compte des principes fondamentaux
suivants : le droit à l'autodétermination, à la vie et à la dignité de la
personne; le droit à l'accès aux soins de fin de vie et à l'aide médicale à
mourir; le droit à l'égalité, droit incontournable lorsque vient le temps de
réaliser pleinement le droit à la vie et le droit à l'autonomie de chaque
personne apte à consentir à l'aide médicale à mourir; et, enfin, la protection
contre la discrimination, plus particulièrement en évitant de perpétuer les
stéréotypes visant les groupes de personnes considérées vulnérables en
concluant d'entrée de jeu à leur incapacité à pleinement consentir à l'aide
médicale à mourir.
C'est dans ce contexte que nous souhaitons
vous faire part de certains commentaires concernant quatre aspects du projet de
loi n° 38. Premièrement, nous réitérons la nécessité de suivre les
enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter. Dans cet arrêt,
la Cour suprême a reconnu que l'aide médicale à mourir devrait être accessible
selon les conditions suivantes, et je cite : «La prohibition de l'aide d'un
médecin pour mourir à une personne — donc, l'aide médicale à mourir — est
nulle dans la mesure où elle le prive de cette aide un adulte capable dans les
cas où, 1, la personne touchée consent clairement à mettre fin à ses jours, et,
2, la personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables, y
compris une affection, une maladie ou un handicap lui causant des souffrances
persistantes, qui lui sont intolérables au regard de sa condition.».
Actuellement, la Loi concernant les soins
en fin de vie ne se conforme pas à cet arrêt, puisqu'elle ne reconnaît pas le
handicap comme seul motif d'accès aux soins de vie et maintient l'exigence d'un
déclin avancé et irréversible des capacités de la personne. Afin d'établir un
régime clair, égalitaire et bienveillant en matière d'accessibilité à l'aide
médicale à mourir, en 2019, la Cour supérieure abonde dans le même sens dans la
décision Truchon... de la Cour supérieure.
Le deuxième aspect, qui ne peut demeurer
sous silence, est l'absence d'harmonisation du Code criminel et de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Le Québec a été la première province à
légiférer sur cette question. Toutefois, depuis 2015, il y a une valse de
projets de loi qui font en sorte qu'il est difficile, voire périlleux pour les
juristes, patients et médecins, de s'y retrouver. En effet, il est primordial
pour la protection du public et les professionnels compétents qui auront à
administrer l'aide médicale à mourir que les conditions soient claires,
précises et surtout qu'elles ne soient pas contradictoires.
Cet aspect est interrelié à notre prochain
commentaire, qui touche les nouvelles dispositions particulières concernant les
demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Pour l'instant, le Code criminel
ne prévoit que deux exceptions où l'aide médicale à mourir peut être prodiguée
sans le consentement contemporain de la personne, à savoir : la
renonciation au consentement final est permise pour la personne dont la mort
est raisonnablement prévisible et lorsque la personne a commencé l'autoadministration
et perd conscience lors de l'autoadministration de l'aide médicale à mourir.
Nous estimons que cette disposition ne devrait pas entrer en vigueur avant une
modification du Code criminel. Autrement, cela ne favoriserait pas l'accès pour
les demandes anticipées en raison de craintes justifiées de poursuites
criminelles pour les professionnels compétents autorisés à poser cet acte
médical.
Quant à la possibilité que le formulaire
soit signé en présence d'un médecin, de deux témoins ou devant notaire sous
forme d'acte notarié en minute, nous nous interrogeons sur l'opportunité d'authentifier
ce document par voie notariée, procédure plus coûteuse et inutilement
formaliste.
Puisque le diable est dans les détails,
plusieurs aspects du projet de loi sont présentement étudiés par nos experts.
Nous réitérons qu'il nous fera plaisir de vous soumettre d'autres commentaires
dans notre mémoire que nous vous transmettrons dans les prochains jours. Nous
vous remercions encore une fois pour cette invitation et nous sommes prêtes à
recevoir vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, est-ce que les gens de la Chambre
des notaires ont une présentation à faire?
M. Lambert (Jean) : Certainement,
M. le Président. Alors, tout d'abord, m'accompagne Me Brunelle, directeur
général de la chambre. Et moi... mon nom... Jean Lambert, ex-président de la
chambre et responsable du dossier de l'aide médicale à <mourir...
M. Lambert (Jean) :
...Me Brunelle, directeur général de la chambre, et moi... mon nom, Jean
Lambert, ex-président de la chambre et responsable du dossier de l'aide
médicale à >mourir à la chambre depuis plus de 10 ans.
Alors, tout d'abord, je voudrais remercier
et féliciter le ministre d'être allé de l'avant avec un projet de loi sur un
sujet aussi complexe et sensible. Et, d'avance, aussi, je remercie les
parlementaires de l'opposition d'agir dans un cadre non partisan pour le
bénéfice de nos citoyens, tel que ce dossier a connu depuis 2013‑2014.
Pourquoi imposer l'acte notarié? Alors,
c'est une question de confiance. Comme l'a soulevé le conseil canadien des
académies, il y a un haut degré d'incertitude et d'anxiété qui entoure ces
questions. Confiance... Depuis plus de 40 ans, les sondages indiquent que
la confiance du public envers les notaires les situe en haut de la liste, avec
les médecins, et un sondage CEFRIO du ministère de la Justice de mai 2019
classe le notaire au premier rang, au plan de la confiance du public, avec
84 %.
Le notaire est une distinction du Québec,
la véritable, selon moi... Je reconnais que je suis biaisé, mais, dans le cadre
des discussions identitaires que nous avons, le notariat ne se retrouve nulle
part ailleurs au Canada, alors qu'on parle français ailleurs, il y a des lacs,
des sapins ailleurs qu'au Québec. Donc, nous sommes vraiment une distinction.
Et pourquoi? Parce que le droit civil privilégie la prévention, donc le
législateur, en accordant le statut d'officier public au notaire, a voulu que
certains écrits de l'ordre privé soient d'une fiabilité et d'une sécurité à
toute épreuve et donc accorde une force probante qu'aucun autre écrit n'a, les
situe au rang de l'État.
Niveau d'incertitude chez la personne,
chez les soignants, chez le tiers de confiance s'il y a lieu. Donc, ce
professionnel du droit particulier qu'est le notaire, dans sa grande tradition
de son devoir de conseil, voit à ce que les choses soient bien dites, bien
rédigées, avec rigueur, et surtout que les personnes qui ont un consentement à
donner le donnent en toute clarté et connaissance de cause, après avoir été
bien informées, et, pour les soignants, qu'il y ait la garantie certaine de
l'identité de la personne qui aura signé, que son consentement aura été donné
d'une façon tout à fait éclairée, et surtout qu'il y ait assurance que tous les
prérequis et les formalités préalables soient satisfaits. Et, chez le tiers de
confiance, évidemment, qu'il y ait une bonne compréhension de l'étendue de ses
obligations et aussi de l'importance du maintien d'une relation avec la
personne qui formule la demande, évidemment, pour qu'on puisse, le moment venu,
s'assurer que la personne avait toujours conservé ses valeurs et maintenu sa
volonté. Et, à l'occasion, le notaire recommandera au tiers de confiance de consulter
une ressource psychosociale face à la charge émotive qu'il aura à vivre lorsque
le moment sera venu.
• (19 h 40) •
Le Code criminel, à son
article 241.2, demande que le témoin soit indépendant et clarifie très
clairement que le personnel soignant, donc le professionnel compétent, ne peut
pas être ce témoin. Alors, par acte notarié, le notaire sera définitivement ce
témoin indépendant et... parce qu'il est bien que le législateur québécois
prévoie aussi l'engagement précis et... présence du professionnel compétent.
Les obligations déontologiques, la
formation, tout comme ce fut le cas lors des procédures devant notaire pour
l'ouverture des régimes de protection et homologation de mandat... Alors, les
notaires auront probablement une accréditation, si tel le veut le législateur,
mais ce qui est certain, c'est que nul notaire ne peut s'aventurer dans une
matière dont... il ne connaît pas et dont il n'a pas la formation appropriée.
Alors, l'acte notarié technologique pourra aussi faciliter les choses en cas de
difficultés de déplacement.
Et je termine en disant qu'il s'agit ici
du rôle social de la profession, il n'est pas question ici d'un enrichissement
en vue, et probablement que le législateur pourra prévoir que les frais et
l'honoraire du notaire, comme tous les autres professionnels impliqués, soient <assumés...
M. Lambert (Jean) :
...pourra
prévoir que les frais et l'honoraire du notaire, comme tous les autres
professionnels impliqués, soient >assumés par l'État selon une
tarification réglementée. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup à vos deux groupes
pour la présentation. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le
ministre. À vous la parole.
M. Dubé : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, Me Claveau, Me Champagne, je vais commencer par vous.
Encore une fois, comme je l'ai dit à d'autres aujourd'hui, on s'est vus pas mal
souvent dans les derniers mois. Merci encore. Puis je le sais, que le temps a
été court pour vous aider à... donner le temps à préparer une bonne
présentation, mais merci beaucoup d'être là, encore une fois.
Moi, je vais me... Parce que vous avez,
bon... On a discuté, je pense, amplement, jusqu'à maintenant, la question de
l'harmonisation avec le fédéral, là, puis je pense qu'on a... on comprend votre
position, mais j'aimerais mieux, moi, me concentrer sur la demande anticipée,
parce que je pense que, du côté... Puis je pense que les Québécois le
comprennent bien, là, c'est qu'en ce moment ce n'est pas de savoir si on
rattrape ou pas le fédéral, je pense que ce point-là a été amplement discuté, mais...
Ce que j'aimerais savoir, c'est, si on va plus loin que le fédéral, ce qui est
le cas de la demande anticipée, pour le moment, qu'est-ce qu'on peut faire en
attendant?
Vous, vous recommandez, puis je ne veux
pas vous mettre les mots dans la bouche, ça fait que je vais vous demander de
peut-être préciser si j'ai bien compris... Vous pouvez dire : Oui, vous
devriez attendre que le fédéral ait pris position pour ne pas remettre encore
une couche qui ferait qu'il y aurait un besoin d'harmonisation, mais j'aimerais
vous entendre que... Cette espèce de leadership là, qui a été pris par le
gouvernement du Québec, là, dans les années 2015 et suivantes, même si ça a été
rattrapé par le fédéral, j'aimerais ça voir comment vous pensez que, légalement,
parce que c'est votre rôle, au Barreau, puis on a beaucoup confiance dans vos
opinions... comment ça pourrait se faire.
Un, nous, l'option qu'on pouvait peut-être
considérer, c'est d'avoir une date d'application qui est différée, du projet de
loi, ça peut être une façon de faire, mais il y a d'autres façons. Est-ce qu'on
peut s'entendre avec les procureurs qu'il n'y aurait pas de mesure qui serait
appliquée, de contravention au Code criminel? Alors, moi, je vous dis : En
prenant l'hypothèse que nous allons passer le projet de loi qui donne ça, comment
on peut aider ce leadership-là, québécois, tout en répondant à la loi? Vous me
suivez? Parce que...
Une voix : C'est très clair.
M. Dubé : O.K. Alors, est-ce
que vous avez des suggestions, à part une date différée?
Mme Champagne (Sylvie) : Mais,
en fait, nous, ce qu'on pense, c'est que vous pouvez adopter si vous voulez
effectivement avoir le leadership, parce que, bien, dans le Code criminel,
comme vous l'avez dit, il n'y a pas la possibilité de faire une demande d'aide
médicale anticipée. Par contre, si vous mettez une date d'entrée en vigueur qui
va être un peu plus loin, il faut savoir qu'on n'a pas, évidemment, de boule de
cristal puis on ne sait pas à quel moment le Code criminel va être modifié, donc
il faudrait quand même la mettre assez loin. On sait qu'il y a une date au
fédéral. Le fédéral doit se repencher sur la question de l'aide médicale à
mourir pour, notamment, réglementer ceux qui souffrent de troubles mentaux, et
donc peut-être qu'à ce moment-là, s'ils voient le leadership du Québec, ils
pourront regarder aussi les demandes anticipées, mais il faudrait la mettre
assez loin.
Ou une autre façon que nous, on
privilégie, c'est d'attendre d'être prêt, que tous les formulaires soient
prêts, mais d'attendre que le Code criminel soit modifié et d'y aller par
décret.
M. Dubé : ...la partie que
j'aime moins, mais ça, c'est ma partie personnelle, là, mais ce que j'aimerais
vous demander... C'est qu'il y a deux... Bien, je pense qu'il y a plus qu'une
façon. On peut mettre une date très loin ou on peut dire que cette date-là sera
décidée par décret, hein, ça peut être ça aussi. Parce que, je veux dire, on
n'a pas besoin de s'entendre sur une date, mais de dire, simplement, que ça
pourrait être voté par un gouvernement en place au moment où il juge bon le
faire, mais le projet de loi, lui, a pu être adopté, conditionnellement à une
date qui serait décrétée plus tard.
Le deuxième point, c'est que... Est-ce
qu'il y a eu des cas où, puis là je vous demande, hein, l'expertise du Barreau,
puis, pour moi, elle est importante... d'avoir de ces cas-là où on a décidé
qu'il pouvait y avoir une discussion avec les différents procureurs pour dire :
Écoutez... pour régler l'enjeu des médecins qui se retrouvent un peu en
porte-à-faux entre ces deux lois-là, de ne pas agir... Est-ce qu'il y a déjà eu
des espèces de gel de poursuite jusqu'à tant que le différend soit réglé?
Est-ce que vous <avez...
M. Dubé :
...Est-ce
qu'il y a déjà eu des espèces de gel de poursuite jusqu'à tant que le différend
soit réglé? Est-ce que vous >avez eu connaissance qu'il y a des cas
comme ça ou des discussions qu'il y aurait déjà eu avec les procureurs pour
éviter que ces inconforts-là soient mis devant les médecins?
Mme Champagne (Sylvie) : Pas
à notre connaissance, mais... Vous savez, le Barreau, ça fait longtemps qu'on
demande l'harmonisation, et, à ma connaissance, il n'y a pas eu de directive
publique, là, d'émise par le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
Alors, si vous voulez aller dans ce sens-là, je pense qu'il faudrait que ce
soit très transparent, et que le DPCP fasse une directive, puis qu'elle soit
affichée avec toutes les autres directives pour que les médecins et,
maintenant, si le projet de loi est adopté, les infirmières...
M. Dubé : ...les demandes
anticipées. Moi, ma préoccupation c'est pour les demandes anticipées, mais
étant donné votre grande connaissance... Puis ce que je vous dirais, c'est que...
Si vous étiez au courant de cas semblables où ça a été appliqué, comme vous
allez nous aider dans les prochains jours, puis je pense qu'on va encore en
parler pendant encore au moins quelques jours, si vous pouviez nous donner
cette information, moi, ça m'aiderait, parce que je voudrais voir s'il y a
d'autres façons de contourner le problème.
Mme Claveau (Catherine) : Bien
sûr. On le prend en note puis on...
M. Dubé : Pour ce qui est de...
puis je vais laisser mes collègues, là, mais, pour ce qui est des actes
notariés, je comprends votre opinion, que vous trouvez que ça peut être... alourdir
le processus. Mais je vais en profiter pendant qu'on a Me Lambert et Me
Brunelle qui sont là. Me Brunelle, dites-moi donc... donnez-moi donc d'autres
exemples de cas où... Parce qu'ici, dans le projet de loi, pour que les
Québécois comprennent bien, puis c'est peut-être moi qui n'ai pas compris, mais
on donne le choix aux Québécois de faire deux choses : ou bien cette
entente-là va être signée avec deux témoins, ou bien on va donner le choix
d'aller chez le notaire. Je pense que, si je résume, là, c'est peut-être
sursimplifié, mais est-ce que... Premièrement, est-ce que ma compréhension est
bonne? Puis, deuxièmement, est-ce qu'il y a d'autres cas d'inaptitude ou
d'autres mandats qui sont donnés où on donne ce choix-là aux Québécois,
c'est-à-dire de s'entendre devant témoin ou d'enregistrer avec un notaire à la
Chambre des notaires? Parce que l'important, c'est d'avoir un registre, à
quelque part.
J'aimerais juste ça vous entendre, parce
que c'est quand même un acte très important, qu'on est en train de définir là,
c'est un acte où on demande l'aide médicale à mourir. Je voudrais vous
entendre. Est-ce qu'il y a d'autres cas que des cas d'aide médicale à mourir où
on donne aux Québécois le choix de soit convenir entre eux ou de le donner à un
notaire, par exemple?
M. Brunelle (Stéphane) : Bien,
un des choix simples, c'est le mandat en cas d'inaptitude, hein, qui pourrait
être fait devant témoin, mais les gens vont préférer... puis la preuve, on en a
3 500 000, dans les registres des testaments et mandats, des mandats
notariés, où les gens vont préférer s'en remettre à un notaire qui va leur
donner un conseil éclairé sur la portée des engagements qu'ils vont confier à
un mandataire. Et, sur la suite, bien, je vais lancer le relais à Me Lambert
qui est vraiment, là, notre expert de contenu.
M. Dubé : C'est exactement ce
que j'avais en tête, mais je voulais vous entendre pour être sûr que j'avais la
bonne compréhension, que c'est peut-être comparable, mais je vous laisse,
peut-être, Me Lambert, compléter.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, il y a également l'ouverture des régimes de protection où ça peut...
• (19 h 50) •
M. Dubé : Excusez-moi, je
n'ai pas compris.
M. Lambert (Jean) : L'ouverture
des régimes de protection, mandats, les personnes... curatelles, etc. Ça peut
être fait devant notaire. Avant l'an 2000, ce n'était pas possible, depuis l'an
2000, ça peut être fait, et le notaire fait la procédure d'un bout à l'autre,
et dépose ses conclusions au greffe de la cour, qui s'assure que la procédure a
été suivie, mais ne touche pas le fond de ce qui s'est fait par le notaire. Ou
les gens peuvent aller voir un avocat, ou aller voir quelqu'un dans une
clinique populaire pour faire la procédure devant notaire... devant le
tribunal. Donc, il y a déjà, là aussi, un choix. Depuis l'ouverture des
procédures devant notaire, la majorité se font devant notaire parce que c'est
beaucoup plus facile, plus simple pour les gens, c'est... Le délai est beaucoup
plus court.
M. Dubé : Puis, pour ce qui
est du registre, parce que je pense qu'il est important, lorsqu'une entente
comme ça est faite puis que le diagnostic, je vais donner un exemple très
simple, serait porté sur une maladie d'Alzheimer, disons, aujourd'hui, et que
les signes qui justifieraient l'acte, comme tels, seraient 10 ans plus
tard, puis qu'on n'a pas le bon médecin ou que le médecin a pris sa retraite...
tout les cas qu'on a entendus depuis quelque heures, l'avantage du notaire,
c'est que tous vos actes sont notariés devant... dans le registre ou... de la
Chambre des notaires, là, je ne sais pas comment exactement <l'appeler...
M. Dubé :
...dans
le registre ou... de la Chambre des notaires, là, je ne sais pas comment
exactement >l'appeler, mais il n'y aurait pas...
M. Lambert (Jean) : ...
M. Dubé : Oui. Pardon?
M. Lambert (Jean) : Non,
allez-y, poursuivez, j'interviendrai après.
M. Dubé : ...voir c'est
quoi, l'équivalent de ça, ou que... Si c'est deux Québécois qui décident de
s'entendre pour l'aide médicale à mourir, est-ce qu'il y aurait un registre
aussi, de la même façon? Quel est... en tout cas, je vous pose la question,
mais je veux vous entendre. C'est quoi la différence entre l'avoir au registre
des notaires versus un registre d'aide médicale à mourir où on peut s'assurer
qu'on fait un suivi? C'est quoi, l'avantage, si avantage il y a?
M. Lambert (Jean) : L'avantage
de l'acte notarié n'est pas au niveau des registres, M. le ministre, parce que
le notaire, comme dans le cas des directives médicales anticipées, il fait
l'inscription au registre de la Régie de l'assurance maladie du Québec. Donc,
au niveau des registres, là, il n'y a pas de problème.
L'avantage de l'acte notarié, c'est qu'il
est conservé. Les actes notariés, ce sont les seuls écrits privés qui doivent
être conservés par la loi, et, quand un notaire cesse d'exercer, c'est un autre
notaire ou le greffe de la Cour supérieure qui les prend. Donc, c'est des
documents qui sont conservés continuellement, mais les avantages de l'acte
notarié se situent ailleurs pour les demandes d'aide médicale à mourir. Je ne
sais pas si vous voulez poursuivre là-dessus, mais voilà.
M. Dubé : Bien, c'est
clair...
M. Lambert (Jean) : Je
dois dire... Oui?
M. Dubé : ...mais je
suis agréablement surpris qu'il y ait 3,5 millions de Québécois qui ont
signé un acte notarié pour des mandats d'inaptitude, c'est... Ça me surprend.
M. Lambert (Jean) : Vous
savez, M. le ministre, le notaire, c'est le juriste des familles : naissances,
mariages, acquisition d'une maison, planification de sa succession, testament
et règlement de succession. Vous retrouvez le notaire d'un bout à l'autre de
cette chaîne. Et, particulièrement, au niveau, par exemple, du choix des
mandataires, il y a une discussion qui est tout à fait semblable à celle que le
notaire aura avec la personne qui veut formuler une demande anticipée quant au
choix du tiers de confiance. Il s'agit de s'assurer que c'est une personne qui
va être capable d'être à la hauteur, alors, et ça, c'est à la discussion. On le
voit souvent, les gens nous arrivent pour désigner un mandataire, et on dit :
Votre fils, là, bardé de diplômes en finances, il va-tu avoir la sensibilité,
lorsqu'il va agir comme protecteur à la personne, ou s'il n'y a pas quelqu'un
d'autre dans votre famille qui serait mieux? Et là les gens disent :
Savez-vous, vous avez raison, notaire, c'est vrai, je n'avais pas pensé à ça. Mon
garçon, il est bien bon, mais il ne saura pas si j'ai tout ce qu'il faut à mon
lit, à l'hôpital, lui, il va être dans les finances. Alors donc, on voit qu'ici
le rôle de conseil du notaire, il est clé.
M. Dubé : ...vous qui
lui dites ça plutôt que le parent, mais ça, c'est bien correct, de votre part,
de prendre cette chaleur-là.
M. Lambert (Jean) : Bien,
c'est notre rôle.
M. Dubé : Non, non, O.K.
Bien, moi, ça répond à mes questions, puis, merci, ça fait du bien de rire un
peu ce soir, là. Alors, je vais laisser mes collègues continuer, mais merci au Barreau
parce que... et la Chambre des notaires. J'ai beaucoup apprécié vos
interventions.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Roberval, 2 min 30 s.
Mme Guillemette : Merci,
M. le Président. Moi... sur le tiers de confiance, parce qu'on a cet aspect-là
dans notre projet de loi, puis il y a deux écoles de pensée, en fait, et il y
en a une qui dit que le tiers de confiance ne devrait pas avoir de lien
significatif, là, au niveau financier ou bien quelconque. Qu'est-ce que vous
pensez de ça? Parce que, dans votre pratique, vous avez dû en voir, là, des
vertes et des pas mûres, là, à ce niveau-là, du tiers de confiance, qui devra
dire, à ce moment-là : Bien, je crois que Monsieur ou Madame X, ou mon
père, ou ma mère est devenu... et au moment où il souhaiterait partir. Est-ce
qu'il peut y avoir un danger là?
Des voix : ...
Une voix : Il est ouvert.
M. Lambert (Jean) : Ah
bon. Excusez-moi, je vais... je pense que l'aiguilleur n'était pas trop certain
à qui vous adressiez la question. Alors, est-ce que vous vous adressez à nous,
les notaires?
Mme Guillemette : Oui.
M. Lambert (Jean) : Si
c'est à nous, je vous dirais que oui, effectivement, il y a une possibilité de
danger. Et déjà, le Code criminel dit que, si une personne peut penser qu'elle
pourrait avoir un avantage successoral, bon... Alors, c'est certain qu'on
conseillerait peut-être de... en fait, pas peut-être, on conseillerait
définitivement de voir à rechercher une autre personne qui n'a pas ce lien-là.
Alors, ça, ça fait partie, effectivement, là, de la discussion dont je parlais,
sur le choix du tiers de confiance.
Maintenant, il y a une question, si vous
me permettez, subsidiaire qui est arrivée, à savoir si la personne a un
mandataire efficace, le mandat a été homologué, ou un curateur. Bien, tu sais,
ça, je pense que ça va disparaître, là, mais l'assistant de la nouvelle loi sur
le Curateur public et le tiers de confiance, lequel des deux...
M. Lambert (Jean) :
...tu
sais, ça, je pense que ça va disparaître, là, mais l'assistant de la nouvelle
loi sur le Curateur public et le tiers de confiance, lequel des deux va
l'emporter? Alors, je pense que, comme pour les mandats... pour les directives
médicales anticipées, où on dit qu'elles prévalent sur les dispositions d'un
mandat, je pense qu'on pourrait établir la même prévalence pour le tiers de
confiance, par rapport à un mandataire ou un protecteur, selon la loi du
Curateur public.
Mme Guillemette : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, madame la députée.
Mme Champagne (Sylvie) : Est-ce
que vous me permettez de compléter ou c'est terminé?
Le Président (M. Provençal)
:C'est terminé, mais allez-y donc, une
petite minute, peut-être.
Mme Champagne (Sylvie) : Oui.
Je veux juste dire qu'il faut faire attention, que le tiers de confiance, ça ne
sera pas un mandataire. Ce n'est pas un consentement substitué. Donc, il faut
faire vraiment attention pour ne pas faire des raccourcis, ici, parce que le
tiers de confiance ne donnera pas le consentement pour l'aide médicale à
mourir, il va seulement lever un drapeau. Alors, ce n'est vraiment pas le même
rôle qu'il aura à jouer qu'un mandataire.
Le Président (M. Provençal)
:...précision.
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Non, je m'excuse. Je m'excuse, maintenant,
je dois céder la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci, mesdames messieurs, pour vos interventions assez importantes
pour nos délibérations.
Écoutez, je m'adresse, dans un premier temps, à
Me... mais... Me Champagne, ce n'est pas une mince affaire, vous êtes en train,
si j'ai bien compris, de nous dire que la recommandation de notre commission spéciale,
le nœud du projet de loi devant nous, en quelque part, je le dis comme ça,
devrait être lettre morte jusqu'à tant que vous n'êtes pas en mesure de prédire
que le Code criminel soit amendé de la bonne façon. Pas du tout une mince
affaire. Vous êtes, comme moi, sans reconnaître qu'on est dans un champ où il y
aurait de la jurisprudence en pleine évolution chaque six mois, chaque année.
Je veux, dans un premier temps, comprendre
si votre recommandation est assez inconditionnelle, dans un premier temps, et
plus important, dans un deuxième temps, de comprendre, vraiment, dans l'état
actuel où se trouve notre Code criminel aujourd'hui, c'est quoi, de façon
spécifique... On veut être responsables, comme législateurs, on a l'obligation
de l'être, de comprendre les conséquences de procéder, comme le Québec, dans ce
dossier-là, a été pionnier, déjà, et a procédé dans les zones grises, pour en
dire le moindre, jusqu'à date.
Pouvez-vous, comme je dis, nous clarifier,
sur ces deux aspects de question, est-ce que votre recommandation est
inconditionnelle, et, si oui, les conséquences que vous jugez très néfastes si
on était pour procéder avec une date identifiée et prescrite avant que le Code
criminel soit amendé de la façon que vous jugez nécessaire?
• (20 heures) •
Mme Champagne (Sylvie) : Je
pense, pour répondre à votre question, il faut faire un petit rappel
historique. Rappelez-vous, quand le Québec a légiféré puis a adopté la loi sur
les soins de fin de vie, il n'y avait pas de disposition dans le Code criminel
sur l'aide médicale à mourir. Il y avait comme un vide. Et la loi a été
adoptée, mais elle est entrée en vigueur beaucoup plus tard, c'est-à-dire en
décembre 2015, pour permettre aux professionnels de se préparer. Et, entre
temps, donc, en février 2015, il y a eu l'arrêt Carter. Aujourd'hui, on n'est
plus dans la même situation, c'est-à-dire que le Code criminel a des
dispositions qui décrivent très clairement l'exception, dans le fond, qui est
reconnue pour l'aide médicale à mourir, que ça ne sera pas un crime.
Alors, si... Et, si on regarde le Code
criminel, je peux vous donner les dispositions précises où il y a la
possibilité d'y aller sans le consentement. Il y a deux cas très précis, que
Mme la bâtonnière vous a mentionnés tout à l'heure. C'est lorsque la personne
va avoir... elle va avoir consenti, puis entre le deuxième moment... le
deuxième médecin va rendre son opinion, va perdre son aptitude, il y a une
possibilité, là, si elle avait dit dans son entente qu'elle était prête à
recevoir quand même l'aide médicale à mourir. Et ça, c'est l'article 241.2, 3.2
a, qui le prévoit, et 241.2, 3.5, si elle fait une auto-administration puis
elle perd conscience. Outre ça, dans le Code criminel, présentement, il n'y a
pas de possibilité d'administrer une aide médicale à mourir sans le
consentement contemporain...
20 h (version révisée)
Mme Champagne (Sylvie) : ...d'administrer
une aide médicale à mourir sans le consentement contemporain. Maintenant, je
pense, comme on vous l'a dit, c'est que le Québec, on est encore en avant pour
les demandes anticipées, et je pense que c'est important de regarder et de
faire l'exercice de bonifier le projet de loi et d'être prêts quand le Code
criminel sera permissif du côté de la demande anticipée.
M. Birnbaum : Donc, alors
je vais être clair sur ma deuxième question : C'est quoi, l'enjeu exact
puis précis? Admettons que, si le gouvernement du Québec identifiait une date
pour entrée en vigueur de la possibilité légale d'agir sur une demande
anticipée, est-ce que c'est qu'aux yeux du Code criminel ça serait illégal ou
que ce n'est pas prescrit, mais c'est une zone grise? Est-ce que c'est votre
lecture que ça serait un acte illégal de permettre dans... (panne de son) ...Québec
avec une date dans un proche avenir?
Mme Champagne (Sylvie) :
Bien, si le Code criminel n'est pas changé, c'est sûr que les médecins ou les
infirmières praticiennes spécialisées, c'est eux, dans le fond, qui vont
administrer l'aide médicale à mourir, et ça va les poser dans une zone très
inconfortable, sachant que le Code criminel n'est pas amendé.
Donc, vous avez eu le Collège des
médecins, ce matin, qui vous ont dit que, pour eux, leur interprétation était
que ça ne serait pas permis. Et placez-vous à la place, là, des professionnels
compétents, s'ils sont, comme vous dites, dans une zone grise et qu'ils sont
passibles de commettre un acte criminel, là, qui n'est pas rien, qui peut
entraîner de la prison, ce n'est pas la situation idéale, là, pour donner accès
aux personnes à l'aide médicale à mourir anticipée.
Donc, je pense qu'il faut... c'est des
situations qui sont sensibles, qui sont complexes, et je pense qu'il faut avoir
toutes les conditions gagnantes pour permettre, là, tant aux citoyens d'avoir
accès à l'aide médicale anticipée, mais aussi aux professionnels.
M. Birnbaum : Si je peux
parce que le temps est très limité et je veux vous challenger...
Le Président (M. Provençal)
:Et Me Lambert voulait vous répondre
aussi.
M. Birnbaum : Est-ce que
je peux offrir une précision à ma question, afin de vous laisser répondre de
façon la plus claire que possible? Vous avez, dans un temps, parlé d'une zone
grise, d'une autre fois, de long temps, affirmé qu'on parlerait d'un acte peut-être
criminel. C'est deux choses différentes. Est-ce que c'est votre lecture que,
comme je dis, si le gouvernement du Québec déclenchait, avec une date précise,
la possibilité de donner suite à une demande anticipée, ça serait, de votre
lecture, un acte criminel aux yeux du code d'aujourd'hui?
Le Président (M. Provençal)
:Me Lambert, puis après ça on va
redonner...
M. Lambert (Jean) : Très
rapidement, très rapidement. La chambre est tout à fait d'accord avec la
position du Barreau. S'il n'y avait pas eu la demande très claire de la
sénatrice Pamela Wallin, qui s'est fait refuser... Donc, si on regarde... Parce
que, quand on interprète une loi, on regarde toujours les travaux du
législateur. Or, ça a été mis de côté. Donc, ça renforce le fait que ce qu'on a
devant nous, dans notre projet de loi, actuellement, ça serait extrêmement
dangereux. Et je pense que ce que le ministre disait, tantôt, d'une mise en
vigueur par arrêté en conseil plutôt que d'une date, ça serait vraiment l'approche
sage.
M. Birnbaum : Merci. Je
vais le laisser le temps qui reste à mes collègues. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, M. le député
de Rosemont, au départ, vous avez 2 min 37 s, on ajoutera en
fonction. Allez-y.
M. Marissal : O.K.
Merci, M. le Président. Il me semble, là, qu'on s'égare un petit peu. Que le
Québec prenne les devants avec sa juridiction, ce n'est pas inusité, ce n'est
pas inusité. Puis, de toute façon, on le sait qu'il y aura des contestations.
Ça a évolué de contestation en contestation. Je pense qu'on peut vivre avec ça.
Mais là, si je comprends bien, on irait de <l'avant avec...
M. Marissal :
...
pense qu'on peut vivre avec ça. Mais là, si je comprends bien, on irait de >l'avant
avec «handicap neuromoteur», par souci d'harmonisation avec le fédéral,
mais on mettrait sur pause «demande anticipée d'aide médicale à mourir». C'est
complètement le contraire de ce qu'on a discuté ici. Puis à ce moment-là, bien,
on peut déménager à Ottawa, aussi, peut-être, puis attendre qu'ils nous donnent
leurs directives, là. Mais je pense qu'on s'en va dans un cul-de-sac, là, avec
ça.
Je comprends, je comprends votre point de
vue, là, légaliste, je le comprends. Mais, pour une fois que, là, tout le monde
s'entend là-dessus, là, même nos amis libéraux, avec qui, des fois, on ne
s'entend pas tout le temps sur les juridictions puis le rôle de l'un et de
l'autre, là. C'est une discussion québécoise qu'on a ici, là. Je ne veux pas
faire de la politique, là, mais il se trouve qu'on fait ça pareil ici, là. Je
vois mal comment on pourrait retarder, d'autant que la raison pour laquelle on
a déposé le projet de loi là, là, puis qu'on veut l'adopter avant la fin de la
session, c'est parce qu'on pense qu'on peut le faire puis qu'il y a des gens
qui attendent. Puis on s'est, comme, engagés à faire ça.
Alors, faire un projet de loi avec... C'est
le contraire d'une date de péremption, c'est une date d'entrée en vigueur, là,
pour dire : On va peut-être faire ça dans trois ans. Supposons que les
conservateurs prennent le pouvoir à Ottawa puis qu'ils décident que ce n'est
pas du tout dans leurs priorités, le consensus québécois vient de voler en
éclats puis de passer à travers les volontés d'Ottawa. Ottawa qui s'est cherché
aussi un peu, là, là-dedans, là. Je ne les blâme pas, c'est un dossier complexe,
on a passé des centaines d'heures, nous, ici, à étudier la chose.
Mais, à moins que vous trouviez un autre
argument, en tout cas, moi, je ne suis absolument pas de l'avis politique — mais
je ne suis pas avocat puis je ne suis pas membre du Barreau, là — qu'il
faut aller de l'avant avec votre suggestion.
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Claveau (Catherine) : Si
vous me permettez, je veux juste vous rappeler que le Barreau a comme mission
principale, là, la protection du public. Et, lorsqu'on intervient pour
commenter des projets de loi, on lève des drapeaux rouges, on éclaire les
parlementaires sur les impacts légaux issus de la jurisprudence, de la
tendance... la différence entre un Code criminel et une loi québécoise. Alors,
c'est notre rôle. Évidemment, on n'est pas ici pour prendre position, et je
vous le rappelle, c'est bien important. Mais malheureusement, dans l'état
actuel des choses, il y a des risques. Et, si on peut réitérer ce que l'ordre
des médecins vous a dit ce matin, pour les professionnels de la santé, c'est
une situation très inconfortable.
M. Marissal : ...et je
comprends votre point de vue, là. Je comprends le rôle que vous jouez, aussi,
puis on apprécie, là, prenez-le pas mal, on apprécie vos lumières. Cela dit,
est-ce qu'il est possible d'avancer puis de faire avancer cette législation, de
mettre, je vais le dire comme ça parce que je n'ai pas beaucoup de temps, là,
pour faire de la finesse, là... mais de mettre la balle au jeu puis d'y aller
avec le consensus du Québec avec une loi au Québec? Est-ce que c'est possible
de le faire?
• (20 h 10) •
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
nous, notre proposition, c'est d'aller de l'avant, donc, de tout préparer,
d'être prêts, pas attendre un an et demi ou deux ans, là, que le Code criminel
soit... mais déjà prendre les devants puis tout faire... tu sais, mettre en
place ce système-là pour que, lorsque, finalement, la loi aura été modifiée, le
moment que ça sera en vigueur, bien, on sera prêts à... qu'on soit prêts, que
ça ne soit pas été retardé.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vais céder
la parole à la députée de Joliette pour 3 min 17 s.
Mme Hivon : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci beaucoup à vous deux. Un, sur un aspect très, très
factuel, à la suite de la question du ministre, juste se rappeler qu'à l'époque
de l'adoption québécoise, vu qu'il y avait ces craintes-là qui étaient énoncées
par les médecins, il y avait eu une approche ceinture et bretelles, on était
dans nos champs de compétence. Ça a été confirmé par la Cour d'appel,
d'ailleurs. Plusieurs nous disaient qu'on n'était pas dans nos champs de
compétence, à l'époque, quand on a fait la première Loi sur les soins de fin de
vie. La Cour d'appel l'a confirmé, en décembre 2015, que notre compétence, elle
était bien correcte, malgré le fait que le Code criminel n'avait pas bougé.
Mais il y avait eu une approche ceinture et bretelles de la Procureure générale
de l'époque, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, qui avait envoyé,
donc, une orientation pour instruire les procureurs de ne pas poursuivre, pour
envoyer un message très clair que, s'il y avait une confusion, c'était très
clair. Et donc, à leur tour, le DPCP envoyait cette directive au procureur en
chef. Juste pour qu'on s'en rappelle. Je viens d'aller vérifier, puis
l'orientation ministérielle, elle est <toujours, là...
Mme Hivon :
...
rappelle. Je viens d'aller vérifier, puis l'orientation ministérielle, elle est
>toujours là, sur le site du DPCP, donc elle pourrait être ajustée,
éventuellement.
Mais, comme on l'avait dit à l'époque,
c'était vraiment ceinture et bretelles, parce qu'on était tout à fait convaincus
qu'on était dans notre champ de compétence. Et là moi, je dois vous dire,
humblement soumis, comme on dit dans le langage juridique, que, là, je pense
qu'on l'est toujours, avec la demande anticipée, parce qu'on est vraiment dans
le domaine du Code civil, l'inaptitude, tout ce qui est ce qu'une personne
inapte peut faire, ne pas faire.
Donc, on pourrait avoir un grand débat
constitutionnel, là, j'en conviens, puis il pourrait y avoir plusieurs avis
différents. Ce n'est pas le but, ce soir. Mais je pense que c'est important que
nous, on soit conscient aussi qu'on a nos compétences en droit civil, en santé,
en lois professionnelles. Et ça ne veut pas dire que ça ne simplifierait pas la
vie de tout le monde que tout soit parfaitement pareil. Mais, si le Québec
avait attendu ça, on serait restés les deux pieds dans le ciment puis on
n'aurait jamais été les précurseurs qu'on a été, qui ont influencé le reste du
Canada. Puis, je pense, c'est un peu ce qui nous anime pour la demande
anticipée, parce qu'on ne voit pas ça à l'horizon, au fédéral, et je pense
qu'ici, au Québec, il y a vraiment une grande réflexion puis un grand consensus
là-dessus. Donc, je voulais juste mettre ça dans le contexte.
Sur la question de l'acte notarié, je
voulais vous entendre les deux. Évidemment, vous avez des positions un peu
différentes. Quelqu'un nous dit : Tout le temps notarié. Le Barreau nous
dit : Jamais notarié. La proposition, dans la loi, c'est un peu comme les
directives médicales anticipées, c'est de dire : La personne a le choix.
Donc, si elle veut être certaine puis être bien accompagnée par un
professionnel du droit, elle va chez le notaire, mais on permet, comme pour les
directives médicales anticipées, un formulaire qui fait en sorte qu'une
personne n'est peut-être pas accompagnée de la même manière, mais, si elle se
sent, elle, outillée, c'est plus accessible. Bon, je ne suis pas ent train de
dire que vous avez des honoraires prohibitifs, mais on se comprend qu'il n'y a
pas d'honoraires. Est-ce que c'est un compromis, autant la Chambre des notaires
que le Barreau, avec lequel vous pouvez vivre, notamment à la lumière de
l'expérience pour les directives médicales anticipées? Je ne sais pas qui veut
se lancer.
Une voix : ...
Mme Hivon : Les notaires?
Oui, parfait.
M. Lambert (Jean) : Alors,
le choix, bien sûr, c'est mieux que rien. Mais je pense qu'on est ici à un
niveau où le degré de certitude, de fiabilité est très élevé. Et vous parliez
tantôt de le... et vous savez l'admiration que j'ai pour vous, que... le rôle
de précurseur. Mais il faut comprendre qu'à l'époque on traitait de personnes
qui étaient conscientes, aptes jusqu'à la fin. Ce qui n'est pas le cas, et ça
change beaucoup la donne.
Et c'est pourquoi je m'interroge, moi,
malgré la directive qui peut être donnée par le ministère de la Justice au DCP :
Qu'est-ce qui arriverait, si un citoyen, pas heureux que ça se soit passé dans
sa famille, décide de porter plainte directement? Alors, comment ça va être
traité? Et je pense que la date de mars 2023, au fédéral, pour accoucher, on
devrait penser que ça va... à ce moment-là, que ça devrait régler la question.
D'après nos informations, ça serait ça. Donc, l'entrée en vigueur par décret,
ça serait parfait.
Et contrairement à ce que M. Marissal
pense, vous ne faites pas œuvre inutile, bien au contraire, vous allez encore
une fois exprimer le leadership, vous allez mettre de la pression pour que ça
aille de l'avant. Et, quand ça va arriver, nous, au Québec, on va être prêts.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais passer la parole, maintenant,
à la députée de Maurice-Richard... Vous cédez votre temps?
Mme Montpetit : Je peux
céder mon temps à la députée de Joliette, oui, absolument.
Le Président (M. Provençal)
:Alors...
Mme Hivon : Il y a
tellement de magnanimité ici, c'est extraordinaire! Donc, je veux juste dire :
Oui, mais 2023, c'est les troubles mentaux, hein? Il n'y a rien dans le Code
criminel... Je veux dire, il n'y a pas de discussion. Il y a une discussion,
là, générale sur la demande anticipée, mais il n'y a pas de clause
crépusculaire par rapport à ça, contrairement aux troubles mentaux.
Je reviens, donc, actes notariés ou pas, donc,
le Barreau va vouloir me répondre, je vais vous écouter. Puis mon autre
question — parce que, même si ma collègue est supergénéreuse, il me
reste juste deux minutes — c'est que, dans la loi, ça prévoit que, si
on travaille avec un notaire, il faut à la fois avoir la personne qui fait la
demande, le notaire, le médecin qui l'accompagne et le témoin. Ma question a
1 000 $ : Est-ce réaliste de réunir tout ce monde-là? Avec la réalité
de chacune de ces professions-là, est-ce qu'on devrait être plus flexibles?
Donc, voilà.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on commence par madame.
Mme Champagne (Sylvie) : Sur
l'acte notarié, je vous dirais qu'également le projet de loi prévoit que le
formulaire doit être annexé à l'acte notarié, donc c'est un formalisme qui est
très exigeant. Qu'une <personne...
Mme Champagne (Sylvie) :
...
annexé à l'acte notarié, donc c'est un formalisme qui est très exigeant. Qu'une
>personne choisisse d'aller chez le notaire pour le faire, c'est une
chose, mais que la loi dise qu'on doit aller chez le notaire ou le faire par
témoin, c'est le «doit» qui est... c'est un ou l'autre. Alors, c'est comme si
on... et qu'une fois qu'on va chez le notaire avec l'acte notarié, on est
obligé, comme vous avez dit, de déplacer tous ces gens ou de concilier tous les
agendas. Et il y a aussi toutes les questions, lorsque la personne va vouloir
retirer sa demande anticipée ou qu'elle va vouloir la modifier. Il ne faut pas
oublier que, si ça a été fait par acte notarié, bien, on n'aura pas le choix de
retourner chez le notaire.
Donc, pour nous, ça complexifie, alors que
les formulaires permettraient, parce que les formulaires vont être bien faits,
comme les DMA, aux personnes de le faire avec un formalisme moins grand.
Le Président (M. Provençal)
:30 secondes, Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Avec
respect, le retrait n'a pas besoin d'être notarié. Je pense que le formulaire
de la RAMQ, du registre, va suffire. Par ailleurs, au niveau des honoraires, si
on élimine la question des honoraires, vous pouvez être certains que les gens
vont choisir d'aller notarier.
Maintenant, il y a une chose, c'est
qu'aujourd'hui, sur le plancher de l'Assemblée nationale, il y a eu le dépôt du
projet de loi n° 40 qui va rendre permanent l'acte notarié technologique,
où là les gens n'ont pas à se déplacer, il s'agit qu'ils soient en présence. Et
on l'a fait, c'est de même qu'on a réglé de nombreux... milliers de cas, pendant
la pandémie. Tellement que, maintenant, le législateur, vous avez devant vous
un projet pour rendre ça permanent, tellement que ça a été utile et
facilitateur.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour cette qualité des
échanges. Alors, je vous invite, si vous avez d'autres documents à nous faire
parvenir, à nous les faire parvenir.
Et, sur ce, nous allons suspendre pour
faire place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 20)
(Reprise à 20 h 24)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux.
Je souhaite la bienvenue aux représentants
de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux
du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission.
Je vous invite à vous présenter et, par la suite, à débuter votre exposé. Je
vous cède maintenant la parole.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Bonjour, M. le Président. Mon nom est Pierre-Paul Malenfant, je suis
président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et
familiaux du Québec. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
je suis accompagné ce soir par Mme Marie-Lyne Roc, travailleuse sociale et
directrice des affaires professionnelles à l'Ordre des travailleurs sociaux et
des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, ainsi qu'avec M. Alain
Hébert, conseiller principal au sein de cette même équipe.
Je tiens tout d'abord à vous remercier de
nous avoir invités à prendre part à ces consultations particulières sur le
projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi concernant
les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives. Malgré le court
préavis qui n'a pas permis à l'ordre de faire une analyse aussi approfondie
qu'à l'habitude, j'espère que les préoccupations soulevées ce soir trouveront
un écho auprès de vous et permettront de vous éclairer dans votre rôle de
législateur.
D'entrée de jeu, l'analyse du projet de
loi nous a permis de constater la cohérence entre ce dernier et les
recommandations figurant au sein du rapport de la Commission spéciale sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, déposé en décembre
dernier. Le projet de loi prévoit en effet la possibilité de formuler une
demande anticipée d'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une
maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins, dans la
mesure où elle répond aussi aux autres critères prévus à la loi.
L'ordre comprend la volonté du
gouvernement et des différents partis d'opposition de tabler sur les consensus
pour procéder à une adoption rapide du projet de loi, mais nous estimons qu'il
faudra, plus tôt que tard, se pencher sur la possibilité de permettre l'aide
médicale à mourir pour les personnes avec un handicap neuromoteur grave et
incurable ainsi que celles vivant avec un trouble mental réfractaire.
Les quelques observations présentées
ci-après sont, d'une part, le fruit des réflexions de l'ordre depuis plusieurs
années. Elles sont également le reflet de l'expérience professionnelle de nos
membres, travailleurs sociaux et travailleuses sociales qui, depuis l'entrée en
vigueur de la loi, jouent un rôle important au sein des équipes
interdisciplinaires.
Les travailleurs sociaux accompagnent les
personnes qui ont fait une demande d'aide médicale à mourir en les informant
des différents soins et services de fin de vie possibles. Ils discutent des
enjeux qui y sont reliés, tout en les soutenant, au besoin, dans leur prise de
décision. Ils apportent aussi un soutien émotionnel à la personne et à ses
proches, que ce soit en amont, avant le soin d'aide médicale à mourir, ou
après, pour accompagner les proches dans le deuil. Enfin, par leur évaluation
du fonctionnement social, ils contribuent à contextualiser la demande d'aide
médicale à mourir formulée par la personne.
Dans le cas des demandes anticipées,
l'implication du travailleur social est d'autant plus pertinente alors que le Code
des professions le reconnaît comme le seul professionnel du domaine de la santé
mentale et des relations humaines pouvant procéder à l'évaluation psychosociale
d'une personne majeure en situation d'inaptitude.
Pour l'essentiel, l'ordre est d'accord
avec les nouvelles dispositions prévues au projet de loi n° 38.
Soulignons particulièrement, dorénavant, l'obligation pour les établissements
de constituer un groupe interdisciplinaire de soutien.
L'ordre souhaite toutefois attirer <l'attention
des...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...
interdisciplinaire de soutien.
L'ordre souhaite toutefois attirer >l'attention
des parlementaires et faire part de ses préoccupations sur certains points
majeurs : premièrement, le rôle du tiers, l'évaluation des souffrances et
la nécessité d'une garantie procédurale; deuxièmement, l'organisation des
services et l'évaluation de l'implantation des nouvelles dispositions; enfin,
la poursuite des réflexions pour l'admissibilité des personnes présentant un
handicap neuromoteur et celles vivant avec un trouble mental réfractaire.
Dans son mémoire, l'ordre soulignait le
rôle majeur de l'ensemble des professionnels engagés auprès de la personne et
réitérait l'implication indispensable des médecins qui se voient confier la
lourde responsabilité de dispenser l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, nous
accueillons favorablement le partage de cette responsabilité, dorénavant, avec
les infirmières praticiennes spécialisées, dans les dispositions du projet de
loi.
Toutefois, l'ordre rappelle ici, comme il
le faisait dans son mémoire, l'importance que ce soin ne devienne pas
strictement une affaire de professionnels. Dans cet esprit, nous nous
inquiétons des responsabilités quasi exclusives accordées aux professionnels
compétents, sans contrepartie tierce, nécessaire dans le processus de
traitement d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
En ce sens, nous recommandons d'inclure,
dans le projet de loi, la recommandation 8 formulée dans le rapport
Filion-Maclure, en 2019, à savoir qu'en l'absence d'un tiers désigné ou dans
l'éventualité d'un refus, désistement ou empêchement de sa part la demande de
traitement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir se fasse par une
personne démontrant un intérêt pour le patient ou, à défaut, par une autorité
externe impartiale dont le mandat serait de protéger la volonté du patient et
d'agir dans son meilleur intérêt.
Dans une perspective de protection du
public et d'intérêt supérieur de la personne, le rôle du tiers de confiance
ainsi bonifié permettrait d'assurer une garantie procédurale. En outre, devant
le refus d'administrer le soin d'aide médicale à mourir, le tiers de confiance
devrait être en mesure, sur la base de motifs sérieux, d'en appeler à une
instance appropriée et impartiale pour adresser une demande de révision.
L'ordre reconnaît le droit absolu de
refuser, en tout temps, un soin, particulièrement dans un contexte d'aide
médicale à mourir. Toutefois, l'ordre est préoccupé par l'actualisation des
dispositions relatives au refus de la personne inapte lors de l'administration
de ce soin, alors qu'elle en avait fait la demande anticipée. Ce sujet devrait
être amplement discuté, avec toute la considération voulue, lors de la
formulation de la demande anticipée.
• (20 h 30) •
L'ordre souhaite également porter à
l'attention des parlementaires les difficultés de mise en œuvre que posent les
articles 29.7 à 29.10 dans le contexte actuel des services de santé et des
services sociaux. En effet, ces articles réfèrent à un idéal, malheureusement,
bien loin des réalités vécues et rapportées par nos professionnels ainsi que
par les usagers eux-mêmes.
Les nouvelles dispositions supposent
l'existence d'une équipe de soins stable autour de la personne, avec une
continuité de services qui perdurent dans le temps. Or, il appert, selon
plusieurs observations et constats, que l'existence de ces conditions est pour
le moins inégale, dans le réseau de la santé et des services sociaux,
constituant un obstacle majeur à la mise en œuvre de la loi d'un point de vue
de protection du public. Ainsi, il nous apparaît quasi impossible d'assurer une
prestation de services optimale à la hauteur des désirs et responsabilités des
professionnels, et des souhaits, et des droits de la population.
Force est de constater que les nouvelles
dispositions pour permettre aux personnes inaptes d'obtenir le soin d'aide
médicale à mourir poseront des défis et des enjeux majeurs. En ce sens, l'ordre
recommande d'intégrer au mandat de la Commission sur les soins de fin de vie
celui de procéder à une recherche évaluative de leur implantation au cours des
prochaines années. Cela permettrait d'apporter les ajustements nécessaires dans
un esprit d'amélioration continue et d'accès aux services.
Par ailleurs, dans son mémoire, en août
dernier, l'ordre mentionnait s'expliquer mal les raisons de restreindre la
possibilité de faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir aux seules
personnes ayant reçu un diagnostic de maladie dégénérative incurable. En vertu
du principe d'autodétermination de la personne, nous sommes d'avis que les
personnes aptes qui le souhaitent devraient pouvoir faire une telle demande en
prévision de toute situation médicale se caractérisant par un déclin avancé et
irréversible de leurs capacités ainsi que le fait d'éprouver des souffrances
insupportables, incluant la survenue d'un accident.
En ce sens, l'idée de permettre aux
personnes vivant avec un handicap neuromoteur de demander l'aide médicale à
mourir est accueillie favorablement par l'ordre dans la mesure où les critères
prévus à la loi s'appliquent. Nous sommes... nous demeurons tout aussi d'avis
que les personnes vivant avec un trouble mental réfractaire puissent y avoir
accès. Cependant, nous comprenons qu'il n'y a pas consensus...
20 h 30 (version révisée)
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...puisse
y avoir accès. Cependant, nous comprenons qu'il n'y a pas consensus
suffisamment large sur cette question et qu'un dialogue social doit se
poursuivre afin de pouvoir l'intégrer à la loi, éventuellement.
En terminant, vu le délai très court dans
lequel se déroule l'étude de ce projet de loi extrêmement sensible, je me
permets de formuler une mise en garde. Au cours de la dernière semaine, nos
échanges avec les travailleurs sociaux sur le terrain soulèvent des
préoccupations par rapport à l'accès aux demandes anticipées et à la stabilité
des équipes de soins. Dans la mesure où, au cours des consultations
particulières, demain, vous en veniez à la conclusion que plusieurs voient trop
d'enjeux quant aux modalités d'élargissement de l'acte à l'aide médicale à
mourir... ont été soulevés par les groupes entendus, nous croyons qu'il
faudrait alors faire preuve de prudence, de sagesse et considérer l'option de
poursuivre la réflexion au-delà du 10 juin.
Je vous remercie de votre attention. Et
nous sommes maintenant prêts à échanger avec vous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous allons initier cette période d'échange avec M. le ministre. Alors c'est à
vous la parole.
M. Dubé : Oui. Très bien. M.
Malenfant, entre autres, et vos... et vos deux collègues, là, Mme Roc et M.
Hébert.
M. Malenfant, j'ai... j'ai eu la chance de
vous rencontrer la semaine dernière dans une rencontre, où tous les ordres
professionnels étaient là. Et vous m'avez bien dit de faire attention, lorsque
je référais au réseau de la santé, de bien dire au «réseau de la santé et des
services sociaux». Alors donc je me suis forcé depuis une semaine à respecter
vos désirs.
Puis on me portait comme attention que,
dans l'article 29.11, on a peut-être une précision à apporter dans le
dernier paragraphe. Parce qu'on parle ici du... «professionnel informe de l'existence
de la demande les autres professionnels de la santé», et on devrait lire «et
des travailleurs sociaux». Alors, je veux juste être certain que nous allons
faire cette correction-là, parce que je pense qu'il est important de référer au
ministère dans... je dirais, dans toutes ses lettres de noblesse, et vous en
faites partie. Et je m'excuse de ne peut-être pas avoir été à la hauteur de ça
dans les dernières semaines, et je m'en excuse, je vais corriger.
Vous venez de dire quelque chose que je
trouve très important, là, par rapport au délai et au travail immense qu'on
fait dans une dizaine de jours. J'ai bien expliqué ce matin que jamais, au
grand jamais, nous n'allons demander aux parlementaires de procéder si les gens
ne sont pas à l'aise avec l'avancement des travaux. Je pense que la qualité des
discussions qu'on a avec les différents experts comme vous, entre autres,
aujourd'hui, me font penser qu'il sera possible de le faire, mais je ne veux
pas présupposer des conclusions, on est... on est à notre première journée de
consultations.
Mais ce que j'aimerais vous demander, un
peu ce que j'ai demandé à tous les autres, là... Puis là je n'ai pas eu... je
n'ai pas eu la chance... je regardais pour voir si vous avez publié un mémoire.
Le mémoire dont on parle, est-ce que c'est celui que j'ai devant moi? Est-ce
que le mémoire qui vient d'être déposé là, qui a été déposé dans la journée et
qui fait référence aux trois points... Attendez une minute, là, je suis juste
en train de regarder. Parce que je vous écoutais puis je regardais les points.
Qu'est-ce qui, selon vous... Je vais vous le demander autrement : Qu'est-ce
qui, selon vous, aujourd'hui, ferait qu'on ne serait pas en mesure de procéder
la semaine prochaine? S'il y a quelque chose, là, qui est important pour vous,
pour votre ordre à vous? Qu'est-ce qui est important de régler, ou de s'assurer
qu'il y ait un consensus sur un ou deux points, là, que vous venez de discuter?
Parce que, moi, ce que j'entends, je vous
donne un exemple, j'entends qu'il y a des aires communes ou des thèmes communs,
où tout le monde a l'air de s'entendre ou pas, aujourd'hui. Il y a... Il y a...
On a déjà commencé à voir des thèmes, où on dit : Ça, il faut faire une
correction sur par exemple la dernière volonté, s'il y avait une hésitation du
patient. Ça a été soulevé plusieurs fois. Bon, je vous donne cet exemple-là, là,
mais il y en a sûrement d'autres. Pour vous, en tant qu'ordre professionnel des
travailleurs de la santé et des services sociaux, c'est quoi qui vous préoccupe
le plus? Est-ce que c'est... Est-ce que c'est le tiers indépendant? Est-ce
que... Je veux juste vous entendre là-dessus pour qu'on puisse préciser, lorsqu'on
fera l'article par article, des éléments où on dit : Ça, quand on a écouté
cet ordre professionnel là, c'est ça qu'ils nous ont soulevé. Est-ce que je
peux vous demander de me revenir avec un ou deux points?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bon.
La question, bien entendu, des pairs aidants, je ne sais plus comment qu'on l'appelait
exactement, là, des tiers, je pense que c'est très important qu'on le précise.
Et, à la question également de la
disponibilité des services dans la <continuité...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...qu'on
le précise.
Et, à la question également de la
disponibilité des services dans la >continuité...
M. Dubé : ...excusez-moi. Je
ne veux pas vous couper. Continuez. Je reviendrai. Excusez-moi.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Il
y a toute la question de la disponibilité des services. Quand qu'on parle des
équipes qui vont suivre, au fil du temps, la personne pour pouvoir assurer les
services, il s'agit juste de s'imaginer la différence de services qui peut
exister dans une région comme Montréal, ou bien donc sur la Basse-Côte-Nord, ou
encore en Gaspésie, ou en Abitibi, où on voit qu'il y a déjà une pénurie de
personnel, de professionnels, alors d'assurer une continuité, à partir du
moment que la personne, elle a signé cette demande anticipée, aller jusqu'à
l'application, il risque d'y avoir un roulement de personnel qui fait en sorte
que ça va être difficile d'assurer, à un moment donné, une cohérence entre la
demande anticipée et l'application au moment venu.
Et je pourrais peut-être laisser mon
collègue Alain Hébert compléter.
M. Dubé : O.K. On va écouter.
M. Hébert (Alain) : Oui. Puis,
en fait, c'est ça. C'est que, dans l'effort que nous avons fait de présentation
ce soir, dans le fond, auprès de vous, les éléments importants, on les a
vraiment ciblés dans... vous disiez, là, le mémoire, effectivement. En fait,
c'est l'allocution de ce soir, qui est présentée. On faisait allusion à un
mémoire qu'on a présenté l'été dernier, au mois d'août, dans le cadre des
travaux de la commission, là. C'est de... C'est de ça dont on voulait parler
par «mémoire».
Maintenant, c'est sûr que les... ce qu'on
trouve comme points majeurs dans ce qu'on vous présente ce soir, ce sont, pour
nous, les éléments de vigie qu'on vous soulève comme préoccupations. Comme vous
voyez, on est d'accord sur le fond, tout à fait. Et on comprend très bien. Et
on s'est prononcé à ce sujet-là déjà à différentes reprises. Mais les points de
vigie par rapport au tiers de confiance, par rapport à la question de
l'actualisation du refus de la personne, la question d'une évaluation
d'implantation par rapport aux nouvelles dispositions relatives aux demandes
anticipées d'aide médicale à mourir, ce sont vraiment des éléments importants,
là, en complément de ce que M. Malenfant vous apporte.
Je ne sais pas, Marie-Lyne, si tu
souhaitais compléter.
M. Dubé : ...très bien. Tout
à l'heure, c'est parce que j'étais mêlé entre celui que vous aviez déposé
l'automne dernier versus celui qui est daté du 31 mai, là. Mais, avec
votre précision, je le vois très bien. Je n'aurai pas besoin d'autre
commentaire. C'est très clair, ce que vous avez fait dans... Puis, encore une
fois, j'apprécie que vous l'ayez déposé dans presque un temps record, je vais
le dire comme ça, là, alors merci beaucoup.
Puis, sur la question de cette tierce
personne là, est-ce que votre... est-ce que votre ordre professionnel
permettrait qu'un membre de votre ordre puisse agir comme tiers... je ne me
souviens jamais du nom...
Une voix : ...
M. Dubé : ...de tiers de
confiance? Merci. Est-ce que votre ordre professionnel le permettrait?
• (20 h 40) •
Mme Roc (Marie-Lyne) : En
fait, nous n'avons pas pensé que le tiers de confiance serait un professionnel.
En fait, ce qu'on a pensé, c'est plus de s'assurer que le tiers, au contraire,
serait un proche de la personne, une personne qui l'a vu évoluer, qui était
présente lors de la mesure anticipée... de la demande anticipée. Effectivement,
l'évaluation du travailleur social serait une évaluation indépendante, là, du
tiers de confiance. Effectivement, le tiers de confiance pourrait... le
travailleur social pourrait consulter le tiers de confiance dans le processus
pour bien s'assurer qu'effectivement on est... on respecte les volontés de la
personne et la souffrance qu'elle anticipait vivre, bien, on est capable
effectivement de la contextualiser, c'est dans cet esprit-là. Donc, on voyait
que c'était quand même deux personnes indépendantes, là.
M. Dubé : Très bien. O.K.
Bien, j'aurais d'autres questions, mais si jamais, je vais... je vais aller du
côté de mes collègues.
Une voix : ...
M. Dubé : Bien, écoutez, c'est
parce que... S'il n'y a pas de question pour le moment, je peux y aller encore,
Nancy? Oui.
Bien, c'est parce que j'essaie de... Bon.
Vous me dites : Le travailleur social ne devrait pas être le tiers, mais
en même temps, comment important il est dans cette analyse-là? Parce qu'on
parle beaucoup du rôle du médecin ou de l'IPS, mais on n'a pas... moi, je n'ai
pas beaucoup entendu parler du rôle du travailleur social, dans un cas où,
peut-être par défaut ou par préjugé, je pense plus à santé mentale, quand je
pense à un travailleur social, alors que ce n'est peut-être pas juste ça qu'il
faut penser. Alors, expliquez-nous, pour qu'on réfléchisse, comment est
important le rôle du travailleur social dans cette évaluation-là, dans un
contexte où on ne parle pas de santé mentale ici, là. Parce qu'on l'a bien dit,
même si, un jour, peut-être qu'on sera rendus là, comme le dit bien... si bien
la députée de Joliette, mais on n'est pas là aujourd'hui, quel est le rôle que
vous voyez du côté du travailleur social dans cette première ou cette deuxième
phase là qu'on est en train de <faire...
M. Dubé :
...Parce
qu'on l'a bien dit, même si, un jour, peut-être qu'on sera rendus là, comme le
dit bien... si bien la députée de Joliette, mais on n'est pas là aujourd'hui,
quel est le rôle que vous voyez du côté du travailleur social dans cette
première ou cette deuxième phase là qu'on est en train de >faire? Je ne
sais pas ...(panne de son)...
M. Malenfant (Pierre-Paul) : M.
Dubé, écoutez, j'aime ça vous entendre quand vous dites : Bien, on a
souvent l'image du travailleur social, la travailleuse sociale en santé
mentale. Souvent, nous, on trouve, des fois, qu'on ne parle pas assez du rôle
des travailleurs sociaux en santé mentale. Alors, oui, on est en santé mentale
mais on est dans tous les secteurs de la société. Qu'on travaille en protection
de la jeunesse, qu'on travaille avec la petite enfance, partout, on est
partout, donc. Puis, comme aussi quand qu'on... il est question d'évaluation
psychosociale pour l'ouverture d'un régime de protection, alors c'est un acte
qui est réservé exclusivement à notre profession. Alors, c'est dans... je
dirais, dans notre ADN de faire ce travail-là. Et on est impliqués dans les
équipes interdisciplinaires, que ce soit pour l'aide médicale à mourir ou que
ce soit pour d'autres problèmes sociaux. On joue un rôle très important parce
qu'il est de notre mandat, de notre... de notre acte, je dirais, de base
d'assurer l'évaluation du fonctionnement social de la personne dans son
environnement et...
M. Dubé : Je veux juste
peut-être être plus précis dans ma question. Jusqu'à maintenant — ce
que moi, j'ai entendu — ça devient assez évident d'écouter le médecin
ou l'IPS pour parler des aspects cliniques, des aspects de souffrance physique.
Ça m'apparaît assez clair. Quand on arrive avec le travailleur social, puis
lorsqu'on définissait quels étaient les stades, puis là, est-ce que je peux
parler de démence heureuse, est-ce que je peux penser... de différents concepts
qui sont plus, pour moi, de... puis là, je veux faire attention parce que ce
n'est pas de santé mentale. On veut le mettre de côté. Mais je veux vous
entendre là-dessus, comment vous pouvez aider à quelqu'un qui va avoir à faire
sa liste, de dire : Moi, c'est à ce moment-là que je voudrais... je suis
peut-être rendu, au niveau clinique, au stade 5 d'Alzheimer, mais en
termes de comment je me sens, la dépendance par rapport à des proches. Tout ce
qu'on a discuté un peu aujourd'hui, je pense que vous pouvez... à ce moment-là,
les travailleurs sociaux peuvent apporter beaucoup de valeur. C'est... C'est ça
que je veux entendre, comment vous êtes importants dans ce processus-là, alors
que, même, on ne parle pas de... spécifiquement de santé mentale. Vous... J'espère
que je suis clair dans ma question. C'est sur ça que je veux vous entendre.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : J'inviterais
mon collègue Alain à préciser.
M. Hébert (Alain) : Bien,
pour nous, comme ordre, on voit... Le travailleur social, ce qu'il fait, c'est
une évaluation du fonctionnement social. C'est ça, son champ d'exercice. Et,
pour nous, on voit, comme ordre, que cette évaluation du fonctionnement social
peut être contributive, apporter un éclairage au professionnel compétent, on va
dire, maintenant, avec le projet de loi, au médecin ou à l'infirmière
praticienne spécialisée qui va être... qui va avoir le rôle de déterminer
l'admissibilité à l'aide médicale à mourir et le rôle aussi, au départ,
d'assister la personne pour formuler une demande anticipée, là. Il n'est pas
nécessairement prévu que le travailleur social soit formellement présent au
moment de la formulation de la demande. Il pourrait l'être comme membre de
l'équipe interdisciplinaire au moment où il paraît y avoir des souffrances qui
pourraient nécessiter une évaluation de la situation de la personne pour
déterminer si on est parvenu au moment où elle correspond aux critères pour
recevoir cette aide médicale à mourir telle qu'elle... comme elle en a formulé
la demande. Mais il n'est pas du tout exclu que le travailleur social, à cette
première étape, puisse agir comme, premièrement, aide à une décision de la
personne, aider la personne à prendre une décision, est-ce que je vais faire
une demande anticipée ou pas de façon complémentaire au professionnel compétent.
Le travail social, ce qu'il va voir avec la personne, sa réflexion va porter
sur le fonctionnement social de la personne, c'est-à-dire sur comment elle
pense répondre à ses besoins, comment elle exerce ses rôles sociaux, comment...
c'est quoi, son projet de vie, quelles sont ses aspirations, ses relations avec
les autres, avec son environnement. Et, à ce moment-là, ce qu'elle va regarder,
c'est à quel moment la personne va estimer que son fonctionnement social va
être entravé par ses souffrances et les critères pour recevoir l'aide médicale
à mourir de façon suffisante pour justifier sa demande, pour aider la personne
à faire cette réflexion-là. Quoique ce n'est pas nécessairement le rôle du
travailleur social dans le projet de loi de faire ça. Mais, pour nous, on ne veut
pas enlever les responsabilités au professionnel compétent de faire ça, là,
soyez rassurés. Mais simplement on pourrait être un professionnel qui contribue
par son évaluation à ceci.
Même chose au moment où le médecin... où
le professionnel compétent, je devrais dire, est prévu dans le projet de loi
comme pouvant... comme ayant le mandat d'évaluer la situation de la personne
pour déterminer si on est parvenu au moment de lui administrer l'aide médicale
à mourir, le projet de loi prévoit une discussion et un échange avec les
professionnels, les membres de l'équipe interdisciplinaire. Lorsqu'il y a... Ils
sont présents lorsqu'il y a un suivi. À ce moment-là, le travail social peut
être contributeur, en termes d'éclairage, dans cette prise de décision par le
médecin, comme membre de l'équipe <interdisciplinaire...
M. Hébert (Alain) :
...Lorsqu'il
y a... Ils sont présents lorsqu'il y a un suivi. À ce moment-là, le travail
social peut être contributeur, en termes d'éclairage, dans cette prise de
décision par le médecin, comme membre de l'équipe >interdisciplinaire.
M. Dubé : Pour moi,
c'est très clair. O.K. C'est beau. Merci beaucoup. Je vais laisser peut-être...
Le Président (M. Provençal)
:1 minute. Mme la députée.
Mme Guillemette : 1 minute.
Merci, M. le ministre. Merci d'être avec nous ce soir.
Très, très rapidement. J'aimerais vous
entendre, parce que, oui, accompagner la personne qui demande l'aide médicale à
mourir, mais vous êtes en mesure également d'accompagner le tiers qui aura à
vivre après avec le fait qu'il a déclenché la demande d'aide médicale à mourir.
Donc, je pense qu'on ne peut pas... bien, je dis «abandonner», on ne peut pas
le laisser, on aura un suivi à faire avec cette personne-là. Et je pense que l'ordre
des travailleurs sociaux serait en mesure d'accompagner pour un certain temps
cette personne-là pour qu'elle soit à l'aise avec la situation qu'elle aura
vécue.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Effectivement,
on est vraiment au cœur, là, de ce que font les travailleurs sociaux. Vous
savez, il y a une grande partie, c'est de travailler avec la personne et son
environnement : son environnement, on entend les proches, son
environnement immédiat, son environnement qu'on appelle sociétal, donc toutes
les parties prenantes qui gravitent autour de cette personne-là. Donc,
notamment, la personne qui aura à prendre cette décision-là et à tout le moins
de lever le drapeau pour dire : Bien, ma personne chère avait fait une
demande anticipée d'aide médicale à mourir, et je crois que je veux, en respect
de ses volontés... je souhaite déclencher ça, effectivement, ça va susciter
toutes sortes d'émotions. Et le travailleur social est vraiment une personne
clé qui peut accompagner la personne. On est formés pour ça et puis on le fait
déjà. C'est-à-dire, pour les personnes, les proches qui accompagnent une personne
qui demande l'aide médicale à mourir, on sait que la suite est souvent très
difficile parce qu'on doit traverser un deuil, et on est tout à fait formés
pour accompagner les personnes en ce sens.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Mme Guillemette : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons poursuivre cet échange
avec le député de D'Arcy-McGee pour 10 min 10 s.
• (20 h 50) •
M. Birnbaum : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Roc, M. Malenfant,
M. Hébert, pour votre exposé aussi éclairant cette fois-ci que ce l'était
devant notre commission spéciale. Vous avez, en quelque part, justement une
perspective privilégiée et très intéressante sur le terrain. Et, en vertu, en
quelque part, de votre rôle, je me permets de le dire comme ça, généraliste,
c'est une perspective très intéressante et très importante. Nous, on doit, à
chaque seconde, je l'espère, penser et réfléchir sur la façon que tout ça va
atterrir et comment d'assurer que ce soit fait de façon compatissante et très
équitable sur le terrain et que, quand on parle des choix libres et éclairés,
et tout ça, est-ce que ça se manifeste, une autre fois, de façon équitable et
claire sur le terrain.
Et là-dessus, compte tenu de l'expérience
de vos membres, j'aimerais vous entendre sur l'état actuel de l'échange
d'information avec des personnes, la compréhension du rôle des intervenants. Et,
ce que j'entends par ça, il y a... on le sait, il y a des options, dont l'aide
médicale à mourir n'est qu'une : il y a les soins palliatifs, il y a la
sédation palliative continue, il y a des directives médicales. Tout ça, c'est
des options, un qui n'est pas aux dépens de l'autre. Et aucune qui ne devrait
se classer en deuxième plan suite à une loi qu'on risque de faire adopter. De
votre lecture actuelle, parce que vous avez parlé aussi des inégalités
possibles en ce qui a trait à la mise en œuvre d'une éventuelle loi là-dessus,
de votre expérience, où est-ce qu'on est rendus? Est-ce que les personnes sont
bien accompagnées en tout ce qui a trait aux options devant eux en situation de
fin de vie?
M. Hébert (Alain) : Oui.
Bien, écoutez, c'est... On s'entend, puis on est en contact avec des dizaines,
voire des centaines de travailleurs sociaux, là, annuellement, dans le cadre de
nos activités comme ordre professionnel, sur toutes sortes de sujets, on n'a
pas nécessairement de recherche, là, évaluative pour, tu sais, documenter de
façon certaine par exemple jusqu'à quel point les personnes sont bien accompagnées
ou plus ou moins bien accompagnées à travers la connaissance de l'ensemble des
options qui s'offrent à elles. On a quand même quelques <indicateurs...
M. Hébert (Alain) :
...de
façon certaine par exemple jusqu'à quel point les personnes sont bien
accompagnées ou plus ou moins bien accompagnées à travers la connaissance de
l'ensemble des options qui s'offrent à elles. On a quand même quelques >indicateurs.
On s'entend que c'est quand même assez complexe. Et le premier devoir qu'on a
comme professionnel, qui qu'on soit, c'est d'informer la personne sur les
différentes options possibles.
Et c'est la perspective dans laquelle on
voit ces nouvelles dispositions pour permettre à des personnes, survenant leur
inaptitude dans les critères qui sont énoncés dans le projet de loi... c'est
une option supplémentaire aux personnes. Mais ça ne doit pas être... on
s'entend toujours, ce n'est pas une obligation. C'est une offre, c'est une
possibilité, c'est une option qui s'ajoute. Mais les autres options, force est
de constater qu'à cause de leur complexité, pas nécessairement à cause de
défaut dans les informations données par les professionnels, mais sont
peut-être... gagnent peut-être encore à être mieux connues par la population.
Alors, les professionnels qui informent
les personnes, c'est un canal de communication. On pourrait se poser la
question, socialement, est-ce qu'il n'y a pas d'autres canaux de communication
qui pourraient être privilégiés, puis en fonction de la littéracie aussi des
différents groupes de la population et en particulier pour des personnes pour
qui les connaissances en santé sont un petit peu... un petit peu plus
défaillantes, un petit peu moins fournies. Alors, on a peut-être un devoir,
comme société, de tenter de joindre ces personnes, dans une perspective
d'égalité et d'équité, pour les informer davantage sur l'éventail de
possibilités qui s'offrent à elles. Ça constitue effectivement un enjeu. Et on
pense, sans nécessairement avoir de recherche bien documentée, qu'il y a quand
même du chemin à faire à ce niveau-là, là. Puis notre propos n'est pas pour
mettre en infraction les professionnels, le système, et tout, mais je pense que
socialement, il y a un devoir d'aller un petit peu plus loin en termes
d'information, surtout à cause de la complexité des options et de la
distinction entre les différentes options, qui, parfois, ne sont pas claires,
même pour certains professionnels.
M. Birnbaum : Merci. Et,
comme je dis, M. Malenfant, vous avez fait une mise en garde sur... en
tout cas, ce qui a trait à vos inquiétudes d'une... comme je dis, d'une mise en
oeuvre égale. Vous avez noté vos préoccupations. Est-ce vous pouvez élaborer un
petit peu? Parce que vous dites qu'en général le projet de loi est conforme à
votre lecture des recommandations de notre commission et avec vos orientations.
Pouvez-vous élaborer brièvement sur vos inquiétudes en ce qui a trait à la
nécessité d'une offre égale de services en tout ce qui a trait à l'aide
médicale à mourir?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Bien, de façon générale, je pense que c'est important de bien comprendre.
Vous savez, c'est... ce n'est pas nouveau pour personne, il y a une pénurie de
personnel, il y a eu, j'oserais dire, là, de la négligence au niveau du
déploiement des services sociaux un peu partout. Vous savez, il y a des listes
d'attente dans plusieurs programmes, et c'est le cas, entre autres, pour les
services à domicile. Donc, les équipes, dans le réseau de la santé et des
services sociaux... les équipes ne sont pas en nombre suffisant pour être
capables de répondre à l'ensemble des besoins. Donc, quand qu'on arrive avec la
situation d'une demande d'aide médicale à mourir anticipée, il faut bien
comprendre que, si on est dans un secteur plus éloigné, plus isolé, ça va être
difficile de pouvoir compter sur une équipe qui va pouvoir faire... L'équipe
qui va être en place... qui est en place va faire le mieux qu'elle peut, mais
c'est difficile de voir le roulement. Vous savez, dans des régions éloignées,
par exemple, une équipe, par rapport à une personne qui a fait une demande
aujourd'hui, bien, dans 10 ans, dans... peut-être dans cinq ans, la
situation va avoir évolué et probablement que les personnes qui... les
professionnels qui sont dans le service ne seront peut-être plus les mêmes.
Je profiterai peut-être de l'occasion
aussi pour mentionner le fait que le commissaire sur les soins de fin de vie a
demandé une rencontre avec moi pour me faire part que la commission devait
refuser régulièrement des demandes de personnes âgées, de personnes qui
présentent des problèmes de santé importants. Et, ces personnes-là, leur
demande est refusée, parce que c'est vraiment dans la catégorie de la détresse sociale,
de l'isolement social, du désœuvrement social. Donc, il faut absolument éviter
que ce soit une option pour ces personnes-là, qui n'ont pas accès aux services,
qui n'ont pas accès à un réseau d'entraide dans leur communauté.
Et je pense que Mme Roc pourrait
aussi apporter certains éléments.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Oui.
En fait, notre préoccupation, comme on disait dans nos notes d'allocution,
c'est vraiment au niveau de la mise en œuvre, par rapport au fait que les
dispositions, tel qu'elles sont libellées, bien, réfèrent à finalement un idéal
de contexte de soins, qu'on observe, qui n'est pas tout à fait à point,
actuellement. Du moins, c'est ce qu'on observe et c'est ce qu'on nous rapporte.
En fait, on prévoit finalement que ce sera une équipe de soins stable, continue
dans le temps, puis on sait très bien qu'actuellement ce n'est pas le <cas...
Mme Roc (Marie-Lyne) :
...qui
n'est pas tout à fait à point, actuellement. Du moins, c'est ce qu'on observe
et c'est ce qu'on nous rapporte. En fait, on prévoit finalement que ce sera une
équipe de soins stable, continue dans le temps, puis on sait très bien
qu'actuellement ce n'est pas le >cas. Alors, à l'annonce d'un
diagnostic, on peut rencontrer un professionnel. Vu que la personne à qui on a
diagnostiqué une maladie dégénérative ne va pas nécessairement nécessiter des
soins continus, il y aura nécessairement — et la plupart du temps,
c'est ce qu'on observe — des interruptions. Et donc supposer que
l'équipe est capable de suivre la personne dans le temps, l'accompagner dans
l'évolution de sa maladie, l'accompagner en l'informant, bien, c'est un idéal
qu'on souhaite tous, mais dans le contexte actuel, on voit bien que ce n'est
pas ça qui se passe. Donc, on dit : Bien, à ce moment-là, il ne faudrait
pas que les dispositions soient aussi strictes pour finalement limiter l'accès
aux personnes. Alors, c'est ça, qu'on veut quand même alerter le législateur.
M. Birnbaum : Merci. Dans le petit
temps qu'il me reste, j'aimerais aborder la question du refus en tout temps.
Et, si je vous ai bien compris, vous êtes à l'aise avec ça, ce qui m'étonne un
petit peu, avec tout respect. Vous avez noté que c'est les travailleurs sociaux,
sociales, qui sont les experts en évaluation d'inaptitude. Dans un premier
temps, comment on peut assurer qu'on respecte les voeux de cette personne,
lorsqu'ils auraient fait une demande anticipée pour l'aide médicale à mourir,
et constater de façon crédible un refus de ce même individu en état
d'inaptitude?
Une voix : M. Hébert.
M. Hébert (Alain) : Oui. En
complément, là, je vous invite à peut-être réitérer une sous-question.
Je vais essayer de voir si j'ai bien saisi
votre question. Mais, pour nous, la préoccupation au niveau du refus qu'on
énonçait tantôt — elle est d'ailleurs en lien avec ce que ma collègue
et M. le Président de notre ordre disaient tantôt — c'est au niveau
de la mise en œuvre. C'est-à-dire qu'on comprend, évidemment, comme ordre, on
est extrêmement sensible au fait qu'une personne en tout temps peut refuser un
soin, n'importe quel soin, et évidemment l'aide médicale à mourir. Maintenant,
la façon avec laquelle on voit les libellés par rapport au refus, dans le
projet de loi, nous préoccupe, dans le sens où ça dégage, pour nous, à notre
lecture, à notre compréhension, une impression que, sur refus simple une fois
d'une personne inapte de recevoir l'aide médicale à mourir, alors qu'elle en a
fait la demande de façon anticipée... mettrait fin, en quelque sorte, au
processus.
Et nous, pour nous, le refus, il doit être
évalué aussi dans le temps, jusqu'à un certain point. Il demande du temps. On
doit rencontrer la personne à un certain nombre de reprises, parce que là, on
parle des personnes avec quand même une maladie dégénérative importante, et il
ne faut pas confondre un réflexe mécanique de refus avec un refus réel
manifesté de façon stable dans le temps.
• (21 heures) •
Alors, ça demande quand même des
conditions de mise en œuvre pour bien respecter le refus d'une personne, mais
en même temps, sa volonté de recevoir l'aide médicale à mourir formulée de
manière anticipée, du temps pour observer ce refus-là, et possiblement des
discussions avec les membres de l'équipe interdisciplinaire, et possiblement
aussi avec les proches et des membres de la famille qui sont, à notre point de
vue... on n'en a pas nécessairement beaucoup parlé dans nos notes d'allocution,
mais assez peu présents dans le projet de loi par rapport, par exemple, à
d'autres rapports, le rapport de la commission sur l'évolution de la Loi sur
les soins de fin de vie et celui aussi de Filion-Maclure.
Alors, on le voit un petit peu moins,
cette notion-là, dans le projet de loi actuel. Et on vous a... on vous a parlé
tantôt, comme travailleurs sociaux, on a une vision systémique des choses, donc
pour nous, il y a une importance des proches et de la famille, pas à tout prix,
si ce n'est pas voulu par la personne, mais quand même, ces personnes-là
devraient être mises à contribution aussi pour qu'on puisse bien évaluer est-ce
qu'il s'agit bien d'un refus qu'on a en face de nous. Parfois, on utilise la
notion de refus catégorique, mais...
Le Président (M. Provençal)
:Je dois vous interrompre. Merci
beaucoup. Je vais céder maintenant la parole au député de Rosemont pour
2 min 37 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Mme Roc, M. Hébert, M. Malenfant, merci de votre présentation.
Je vais y aller avec vous, M. Malenfant,
ou ça peut être qui vous voulez. Supposons, là, qu'on dise que les personnes
seules, très seules, qui n'ont pas de personne tierce de confiance, doivent se
tourner vers quelqu'un dans l'équipe soignante. Puis mettons qu'on dit :
Il y a un match naturel avec les TS pour les raisons que vous avez expliquées.
Quand on considère le nombre de gens que ça peut toucher dans les prochaines
années, surtout avec la demande anticipée qui va tripler et quadrupler,
peut-être quintupler le nombre de gens admissibles, est-ce que vous avez assez
de monde? Puis ça vous tente-tu d'abord? Professionnellement, c'est-tu quelque
chose que vous voudriez prendre à bras-le-corps?...
21 h (version révisée)
M. Marissal : ...peut-être
quintupler le nombre de gens admissibles. Est-ce que vous avez assez de monde?
Puis ça vous tente-tu, d'abord? Professionnellement, c'est-tu quelque chose que
vous voudriez prendre à bras le corps? Parce qu'il a été dit, puis c'est vrai
qu'en fréquentant un peu le milieu de la santé, il y a quelque chose là d'à peu
près organique, ce n'est pas le médecin spécialiste qui a nécessairement le
plus de temps et de disponibilité pour accompagner quelqu'un là-dedans. On se
retournerait naturellement, puis c'est peut-être un cliché de ma part, vous me
le direz, là, auquel cas je changerai de registre, mais c'est presque organique
de la part des TS d'occuper ce rôle-là. Mais vous avez parlé de pénurie de
main-d'oeuvre. Êtes-vous suffisamment nombreux et nombreuses pour prendre une
tâche comme celle-ci?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bien,
écoutez, je pense qu'on n'est pas suffisamment nombreux. Ça fait quand même un
bon bout, là, qu'on suggère, qu'on recommande d'augmenter les admissions dans
les universités. Juste pour vous dire, en passant, il rentre 800 TS dans
le système professionnel par année, et il y a 5 000 demandes d'admission
dans les programmes d'université. Donc, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de
jeunes qui veulent faire le métier.
Maintenant, votre question, c'est une
question qui est quand même très délicate. Je pense que la question du tiers de
confiance… Effectivement, il y a des gens qui sont seuls, qui sont très isolés.
Est-ce qu'on doit regarder du côté d'un professionnel de confiance? Maintenant,
c'est le lien significatif, hein, et créer un lien de confiance, ça demande du
temps, ça demande du doigté, ça demande de la persistance. Et je ne le sais
pas, on ne s'est pas penchés sur cette question-là de façon précise, mais
est-ce qu'on devrait le regarder en lien avec un professionnel de confiance ou
toute autre personne de confiance? C'est une bonne question. Je ne sais pas si
mes collègues... Je vois Marie-Lyne Roc, peut-être, pour aborder un point
là-dessus.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
effectivement, vous avez raison quand vous dites qu'on se tourne souvent vers
le travailleur social, la travailleuse sociale. De par nos façons de faire, on
a des pratiques de proximité, on est souvent dans l'environnement de la
personne, on est capables de témoigner de sa situation, on fait souvent son
histoire sociale. Donc, de par notre formation, c'est vrai qu'on a tendance à
avoir recours au travailleur social.
Par contre, ce que dit notre président est
extrêmement important, le rôle de personnes qui sont près de la personne qui
souhaite se prévaloir de l'aide médicale à mourir puis dans… questions
anticipées encore plus, bien, on doit voir qui est la personne la mieux
désignée pour pouvoir justement, à tout le moins, faire valoir les volontés de
cette personne-là parce qu'elle la connaît.
Donc, utiliser le travailleur social juste
parce que c'est lui qui est là, ce n'est pas la bonne mesure à prendre. Je
pense que le travailleur social peut contribuer. Je pense qu'on doit, dans
notre société, justement, comme disait mon collègue, M. Hébert, avoir
vraiment une sensibilité par rapport à ces questions-là, des connaissances. Je
pense que tout le personnel soignant doit être au courant des mesures
possibles.
Et finalement la personne la plus désignée
est celle qui accompagne. Alors, ça pourrait être l'infirmière, infirmière
auxiliaire. On ne peut pas prétendre que seuls les travailleurs sociaux
pourraient faire ça. Mais effectivement on peut être contributifs.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre réponse.
Alors, je vais céder maintenant la parole à la députée de Joliette pour deux
minutes.
Mme Hivon : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci de votre présentation, très éclairant. Et donc je vais
renchérir sur ce que le ministre a dit, comme ex-ministre des Services sociaux,
c'est très important de ne jamais oublier les services sociaux.
Donc, écoutez, moi, là, je vous rejoins
parfaitement, quand vous avez noté 29.7 à 29.10, c'est bien beau en théorie,
mais est-ce réaliste? Moi, ma crainte... On veut tous que la demande anticipée
devienne réalité, mais, justement, on veut que ce soit applicable. Et moi, ma
pire crainte, ce serait qu'on crée un beau droit théorique, mais qu'il y ait
impossibilité de l'appliquer, soit parce qu'il n'y a pas les ressources ou
parce que nos dispositions ne sont pas ancrées dans la réalité. Donc, je pense,
c'est très pertinent quand vous nous soulevez ça.
Je veux savoir, 29.10, on dit qu'une fois
que la demande est faite «le professionnel compétent qui a prêté assistance à
la personne doit, tant qu'elle est apte à consentir aux soins, lui rappeler, à
des moments différents et espacés par un délai raisonnable compte tenu de
l'évolution de son état, qu'elle peut retirer ou modifier sa demande». Est-ce
que ça ne va pas un peu contre le principe de l'autodétermination? Parce que,
la personne, on l'a renseignée. Est-ce qu'il faut vraiment renchérir tout le
temps? Est-ce réaliste de penser qu'il va y avoir un professionnel qui va se
donner comme mission à chaque six mois de dire à <quelqu'un...
Mme Hivon :
...qu'il
va y avoir un
professionnel qui va se donner comme mission à chaque six
mois de dire à >quelqu'un : Êtes-vous toujours sûr de votre demande
anticipée? La personne est toujours apte. Première chose.
29.11, je la pose souvent, celle-là, mais
elle me hante un peu, là, deuxième alinéa, ce n'est vraiment pas le tiers de
confiance, contrairement au rapport Maclure puis à notre rapport, qui agite le
drapeau, c'est une responsabilité qui revient au professionnel compétent.
Est-ce que, selon vous, c'est réaliste que le professionnel compétent va se
mettre lui-même dans cette situation-là? Est-ce que ça peut entraîner des
demandes qui n'aient pas de réponse?
Finalement, j'aurais mille autres
questions, quand vous dites : Le rôle du tiers, s'il n'y a pas de tiers,
vous aimeriez ça qu'on puisse désigner par une autorité externe. Vous pensez à
qui? Le Curateur public? Avez-vous quelque chose en tête?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : J'inviterais
mon collègue, M. Hébert.
M. Hébert (Alain) : Bien,
écoutez, oui, ça fait écho, Mme la députée, aux propos que nous avions tantôt,
là, sur le contexte dans lequel aussi va se vivre concrètement le projet de
loi. Peut-être un point qui va permettre de répondre ou d'apporter un éclairage
aux trois questions ou des éléments de réponse aux trois questions, pour nous,
comme ordre, ce qu'on voit, c'est qu'on voit une responsabilité partagée, dans
ce domaine-là, entre, oui, les professionnels compétents, l'équipe de soins et
de services, le tiers, oui, qui agit comme porte-parole de la personne et les
proches et la famille. C'est comme s'il doit y avoir, idéalement, l'ensemble de
ces entités.
Et, lorsqu'on... Il a été question,
tantôt, on a discuté de personnes isolées, c'est pour ça qu'on ramène cette
recommandation du rapport Filion-Maclure de réfléchir, parce qu'on ne la retrouve
pas dans le projet de loi tel qu'il est formulé actuellement, mais on estime
qu'il serait important qu'on puisse faire appel à une autorité externe.
Malheureusement, dans les délais impartis, on a évoqué certaines possibilités,
là, mais pas suffisamment, aujourd'hui, comme ordre, pour en faire une recommandation
nécessairement formelle. Mais on pense qu'on doit identifier le meilleur
acteur, instance sociale pour agir comme étant cette autorité externe
impartiale qui pourrait, elle aussi, déclencher le processus d'évaluation pour
permettre l'obtention de l'aide médicale à mourir à une personne qui est
devenue inapte.
Au niveau du rappel, bien, c'est sûr, ça
suppose des nuances. Ça doit être des rappels salutaires en des moments
opportuns et non pas des rappels mécaniques selon une certaine fréquence pour,
comment dire, faire de l'acharnement auprès de la personne pour lui rappeler
ceci. Ça doit être vraiment des moments particuliers.
Puis au niveau du réalisme, bien, il
faudrait peut-être voir, en tout cas, nous, on apporte le questionnement :
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que cette responsabilité soit partagée entre
le professionnel compétent et les membres de l'équipe? Déjà, on aurait un
bassin un petit peu plus large de personnes qui pourraient agir de la sorte
auprès de la personne, mais évidemment, on s'entend, sans acharnement. Alors,
c'est peut-être des éléments de réponse qu'on pourrait vous amener, là, pour le
moment.
• (21 h 10) •
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vais
maintenant compléter cette période d'échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Merci à tous les trois d'être là à cette heure
relativement tardive. C'est très, très apprécié de vous rendre disponibles pour
répondre à nos nombreuses questions. J'ai assez peu de temps, mais je voyais
que vous aviez quand même plusieurs mises en garde dans votre… dans le document
que vous nous avez fourni, notamment sur le contexte, sur la stabilité des
équipes, sur l'accès aux demandes anticipées, j'imagine, une stabilité,
pénurie, également, main-d'oeuvre, et tout. Et ce que... vous ne l'avez pas
énormément élaboré, mais c'est quand même parapluie à l'ensemble du projet de
loi. Donc, j'aurais aimé ça vous donner l'opportunité d'élaborer davantage sur
votre mise en garde, sur comment on doit la recevoir puis comment on doit en
tenir compte à la lumière des articles du projet de loi.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Mme Roc,
s'il vous plaît.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
en fait, cette mise en garde, c'est justement, si, à la fin des consultations
actuelles, on voit qu'il y a encore trop d'enjeux soulevés, on dit :
Est-ce que, finalement, il n'est pas trop tôt pour procéder et peut-être,
justement, de déborder après le 10 juin pour pouvoir bien asseoir les
choses et pouvoir vraiment adopter un projet de loi qui est plus réaliste dans
sa mise en oeuvre? C'était un de nos premiers éléments.
Et puis évidemment, bien, ce qu'on ne
souhaiterait pas, c'est que, finalement, parce qu'on souhaite qu'il y ait
beaucoup de... bien… En fin de compte, ce qu'on devrait vraiment s'assurer,
c'est que le principe d'autodétermination doit primer. Et on comprend qu'on
souhaite mettre à profit des professionnels compétents puis qu'on veut que tout
le <monde...
Mme Roc (Marie-Lyne) :
...qu'on
souhaite mettre à profit des professionnels compétents puis qu'on veut que tout
le >monde, finalement, ait une vigie, mais l'autodétermination de la
personne doit être au cœur de la décision, puis ça aussi, c'est un élément qui
nous apparaît extrêmement important. Nous, c'est ce qui nous guide, c'est
l'élément majeur qui nous guide dans nos positions, puis nous assurer de l'accès
aussi. Et l'accès, pour nous, c'est extrêmement important. Et on ne voudrait
surtout pas qu'un projet de loi ait tellement de particularités et puis que
c'est tellement difficile de le mettre en œuvre que, finalement, ça ne permet
pas l'accès. Or, le projet de loi veut, finalement, élargir l'accès, alors il
ne faudrait pas oublier cette finalité qui était visée à prime abord.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
participation, votre collaboration. Et, comme le disait Mme la députée, malgré
l'heure tardive, vous avez pris le temps de répondre à l'ensemble des questions
qui vous ont été posées, nous vous en remercions.
Sur ce, nous allons suspendre les travaux
pour faire place au prochain intervenant. Merci beaucoup. Bonne fin de soirée.
(Suspension de la séance à 21 h 14)
(Reprise à 21 h 19)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je vais
maintenant souhaiter la bienvenue au Dr David Lussier, médecin gériatre. Et
je vous rappelle, docteur, que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé. Par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission.
Alors, je vous invite à vous représenter et à initier votre exposé.
M. Lussier (David) : Daccord.
Merci, M. le Président. Merci de me recevoir. Ça me fait plaisir d'être ici en
cette heure tardive, là, pour parler d'aide médicale à mourir. Donc, quelques
minutes pour me présenter. Donc, je suis gériatre. Je pratique à l'Institut
universitaire de gériatrie de Montréal. Puis en plus de ma résidence en
gériatrie, j'ai fait aussi une formation, là, en douleur et en soins palliatifs
au début des années 2000. Mais, depuis mon début de pratique, je ne
pratique pas en soins palliatifs, ma pratique actuellement est presque
exclusivement en clinique de gestion de la douleur chronique pour les personnes
âgées.
• (21 h 20) •
Je m'intéresse à l'aide médicale à mourir
depuis le début de la réflexion sur le sujet. Moi, durant les 18 mois
entre l'adoption de la loi et son entrée en vigueur, j'ai fait partie d'un
comité interdisciplinaire du ministère qui a établi le processus de cheminement
d'une demande d'AMM et qui a entre autres créé les groupes interdisciplinaires
de soutien, qu'on appelle les GIS, qui n'étaient pas prévus dans la loi mais
qui sont ajoutés dans ce projet de loi.
Depuis décembre 2015, je suis aussi
membre de la Commission sur les soins de fin de vie du Québec, dont un des
mandats est de s'assurer du respect de la loi en analysant tous les formulaires
de déclaration d'AMM. Et donc, depuis le 10 décembre 2015, à la commission,
on a analysé plus de 10 000 formulaires de déclaration d'AMM. Mais je
tiens à préciser, là, que ce soir je suis ici en mon nom personnel et non au
nom de la commission.
Enfin, je pratique des aides médicales à
mourir, entre cinq et 10 par année, habituellement, cette année, ça va être
certainement beaucoup plus que ça, donc, dans des milieux de soins différents,
à domicile, dans les hôpitaux, dans les CHSLD. Et je suis aussi un peu l'expert
des cas complexes à cause de mon expertise, là, sur le sujet. Et enfin j'ai
fait partie du groupe d'experts pour la politique et le plan d'action pour
l'hébergement et les soins de longue durée, qui a été déposé récemment.
Donc, pour passer au projet de loi de
façon plus spécifique, premièrement, je crois que c'est assez évident que le
projet de loi répond à une demande exprimée par la population. Il y a un
consensus social assez large au sein de la population québécoise et du corps
médical. Cependant, le projet de loi ou l'introduction de l'aide médicale à
mourir par demande anticipée représente aussi un changement important pour les soignants
qui sont impliqués auprès des patients âgés, et particulièrement ceux avec des
troubles cognitifs. Donc, je crois qu'il ne faut pas non plus négliger cet
aspect-là, quand on va vouloir mettre en application le projet de loi, parce
que c'est un changement de culture assez important, là, pour plusieurs
personnes.
Je vais me concentrer maintenant sur les
points les plus importants. Vous avez eu, dans le document que j'ai déposé, là,
une discussion article par article qui répond un petit peu à mon trouble
obsessif compulsif où j'ai pris chaque article et j'ai fait quelques
recommandations de changement, mais ce serait assez fastidieux, là. Donc, je
vous laisse en prendre connaissance et poser des questions, si vous le voulez,
et je vais me concentrer sur les points les plus importants.
Donc, premièrement, je répète souvent que
le Québec a la meilleure législation puis la meilleure approche au monde pour
l'aide médicale à mourir parce que l'aide médicale à mourir est considérée
comme un soin, un soin qui s'inscrit dans un continuum de soins offerts à la
personne, mais aussi parce que la loi ou l'aide médicale à mourir, plutôt, est
encadrée par une loi dont l'un des premiers articles, le quatrième, dit :
«Toute personne, dont l'état le requiert, a le droit de recevoir des soins de
fin de vie.» Selon moi, c'est l'article le plus important, là, de la loi n° 2. Et, quand on dit «soins de fin de vie» ici, on entend
soins palliatifs en fin de vie et AMM. Cet article-là est important parce qu'il
<offre...
M. Lussier (David) :
...on
entend soins palliatifs en fin de vie et AMM. Cet article-là est important
parce qu'il >offre l'assurance que l'AMM ne soit pas choisie par défaut
d'avoir accès à des soins de fin de vie.
Par contre, un des grands problèmes rencontrés
avec les personnes en fin de vie, c'est que les soins palliatifs arrivent
souvent trop tard dans l'évolution de leur maladie. Donc, je crois que plutôt
que de dire que «toute personne a le droit de recevoir des soins de fin de
vie», ce serait hautement préférable de dire que «toute personne a le droit de
recevoir des soins palliatifs et de fin de vie» pour inclure les soins
palliatifs plus tôt dans le cheminement de la personne.
Par ailleurs, il faudrait que le même
esprit soit présent pour les patients qui souffrent d'une maladie grave et
incurable mais ne sont pas en fin de vie, incluant ceux avec des troubles
neurocognitifs. Donc, pour ces personnes, comme pour celles en fin de vie, l'AMM
ne doit pas être un soin qu'elles choisissent par défaut d'avoir accès à des
soins de qualité et adaptés à leur condition. Donc, à cet effet, je suggérerais
d'ajouter, à l'article 4, que «toute personne avec une maladie grave et
incurable, incluant une maladie menant à l'inaptitude, a droit à des soins de
qualité adaptés à sa condition et ses objectifs de soins». Je crois que cet
ajout-là rassurerait beaucoup la population, ça rassurerait aussi les personnes
atteintes et leurs proches, mais ça rassurerait surtout plusieurs cliniciens
qui sont impliqués dans les soins aux aînés, qui craignent que des aînés
choisissent l'AMM parce qu'ils ne reçoivent pas les soins nécessaires.
Un autre élément important à considérer, c'est
que le projet de loi, s'il est adopté, est seulement une étape. Encore, il va
falloir avoir un guide de pratique qui soit très détaillé pour guider les
médecins et aussi une guidance et un accompagnement des médecins qui vont
pratiquer ce soin.
Si on y va un peu plus en détail, quand un
patient fait une demande anticipée... ou, attendez un petit peu, oui, quand un
patient fait une demande anticipée, on dit qu'il doit être assisté d'un
professionnel compétent. À l'article 29.10, on demande que le
professionnel compétent qui a prêté assistance à la personne lui rappelle, à
des moments différents et espacés par un délai raisonnable, qu'elle peut
retirer ou modifier sa demande.
À mon avis, c'est peu probable que, au
moins au début, il y ait beaucoup de cliniciens de première ligne qui se
sentent aptes à accompagner les patients pour faire des demandes. Donc, ça va
probablement surtout revenir aux professionnels qui sont dans des cliniques de
deuxième et troisième ligne. Et souvent ces personnes ne suivent pas les
personnes de façon longitudinale durant plusieurs années. Donc, ça pourrait
être assez difficile que le même professionnel compétent refasse l'évaluation
et rappelle à la personne qu'elle peut retirer sa demande. Et s'ajoute à ça,
évidemment, le problème, si le professionnel compétent prend sa retraite ou
change de milieu de pratique. Donc, ce serait probablement préférable de dire
que la personne doit être rencontrée à des moments différents par un
professionnel compétent, plutôt que le même qui l'a assistée depuis le début,
parce que ce professionnel-là, sinon, a un rôle qui dure pendant plusieurs
années. Ça peut être lourd et pourrait décourager des personnes, là, de s'impliquer
dans le soin.
Un autre élément qui m'a frappé, c'est
que, selon l'article 29.15, l'évaluation de la présence des souffrances
décrites par la personne pour recevoir l'AMM se fait seulement une fois pour la
considérer admissible. Je crois que, comme pour la demande contemporaine, ce
serait préférable que les souffrances soient persistantes, donc il faudrait
exiger plusieurs évaluations à des moments différents, une fois que la personne
est devenue inapte, plutôt qu'une seule évaluation, pour la considérer
admissible.
Encore à l'article 29.15, on retrouve
le problème le plus important, je crois, qui a déjà été dit aujourd'hui, là, qui
est la notion de refus, quand on dit que «tout refus de recevoir l'AMM
manifesté par la personne doit être respecté et ne peut d'aucune manière y être
passé outre». Même qu'à l'article 30.2 on dit que la demande doit être
radiée en cas de refus.
On comprend, évidemment, la rationnelle, là,
qu'on ne peut pas imposer un soin si la personne inapte le refuse, mais je
crois qu'il faut vraiment préciser la notion du refus. Est-ce que ça implique
qu'il faut demander à la personne si elle accepte de recevoir l'AMM et, si elle
refuse, on annule la demande? Je crois qu'on veut plutôt parler de refus
catégorique. Il faudrait le préciser. Donc, le refus catégorique est une
manifestation de volonté qui ne laisse aucun doute quant à sa signification. Dans
les faits, c'est souvent une personne qui se débat.
Par contre, il y aura aussi, là, un
problème qui a aussi été évoqué que les patients qui ont des troubles
neurocognitifs assez avancés présentent souvent ce qu'on appelle des symptômes
comportementaux et psychologiques de la démence, le SCPD dans notre jargon.
Puis ces personnes, souvent, ne veulent simplement pas être touchées, donc il y
a une résistance aux soins, il y a une résistance à aller prendre un bain.
Donc, on peut penser qu'une personne qu'on voudrait simplement emmener pour
recevoir l'AMM opposerait cette résistance. Est-ce qu'on doit considérer ça
alors comme un refus catégorique? Si c'est le cas, on va se retrouver à refuser
d'administrer l'AMM à un très, très, très grand nombre de personnes qui
souhaitaient la recevoir. Donc, il faudrait peut-être prévoir un peu plus de
latitude laissée au jugement <clinique...
M. Lussier (David) :
...la
recevoir. Donc, il faudrait peut-être prévoir un peu plus de latitude laissée
au jugement >clinique du professionnel qui sera présent à ce moment-là,
soit en essayant à plusieurs reprises, s'il y a un refus catégorique la
première fois, ou en permettant une légère sédation. Puis, encore là, ça
devrait sûrement être impliqué… être inclus dans un guide de pratique.
Puis enfin il y a un élément dans la
pièce, je sais qu'il a déjà été évoqué ici… pas un élément, mais un éléphant
dans la pièce, puis cet éléphant, c'est le Code criminel. Évidemment, je n'ai
aucune compétence constitutionnelle ni juridique, mais, si le projet de loi est
adopté et que le Code criminel n'est pas modifié pour permettre
l'administration de l'AMM par demande anticipée, il faudra expliquer clairement
aux professionnels compétents pourquoi et comment ils seront protégés contre
des poursuites en vertu du Code criminel. Parce que, si les professionnels ne
sont pas suffisamment rassurés sur ce fait, ils vont refuser de s'impliquer,
car ils vont avoir peur de poursuites criminelles. Donc, s'il n'y a pas de
risque de poursuite criminelle, il faudra bien l'expliquer et bien les
convaincre.
Donc, voilà. Si… l'article par article, il
y a plusieurs éléments qui sont aussi importants, donc si vous en avez pris
connaissance et vous voulez en discuter, là, plus en détail, je serai
évidemment heureux de le faire.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Alors, M. le ministre, on débute cette période d'échange.
M. Dubé : À cette heure
tardive pour...
Le Président (M. Provençal)
:À cette heure tardive.
M. Dubé : Dr Lussier,
j'ai l'impression que je rencontre une star des réseaux sociaux, aujourd'hui.
Je dois vous dire que depuis que je suis à la Santé, je vous suis sur les
réseaux sociaux, et je dois vous dire que vous faites, avec quelques autres
médecins, une job extraordinaire de vulgarisation. Et j'en profite, parce que
c'est moins drôle quand on parle d'aide médicale à mourir, mais le travail que
vous avez fait durant la pandémie jusqu'à maintenant est exemplaire, puis je
tiens à vous remercier, j'en profite pour pouvoir le faire, parce que vous
faites un travail extraordinaire. Puis votre présence ce soir à cette heure en
est un autre exemple.
Deuxième exemple, c'est la qualité de
votre mémoire. Moi, je le lis depuis tout à l'heure, on m'a noté... Moi, j'ai
l'impression qu'on peut prendre ça, là, puis donner ça à nos légistes, puis
dire : Réglez-nous ces problèmes-là d'ici jeudi prochain, puis on est en
business. C'est assez clair, je...
Une voix : ...
• (21 h 30) •
M. Dubé : Hein? Non, je
ne sais pas, mais je veux juste vous dire, Dr Lussier, là, c'est tellement
clair, ce que vous dites, que, moi, je n'ai pas vraiment de question. J'ai
essayé tout à l'heure de me dire… Vous êtes clair, ça prend un guide par
rapport à... On ne pourra pas tout mettre ça dans une loi, vous reconnaissez,
là… J'y vais en rafale, puis, si j'en oublie des importants, à part le fait
qu'effectivement on a un leadership dans la loi qu'il ne faut pas perdre, puis
je pense qu'on y reviendra avec votre éléphant dans la pièce. J'aime beaucoup
votre...
Le guide, je l'ai dit. Je passe à un autre
point. Vous dites que la personne doit être rencontrée à des moments différents
par un professionnel plutôt que par la même personne qui a assisté. Je pense
que, quand on entendait tout à l'heure les gens qui sont venus, notamment des
travailleurs sociaux, dire : Ça va être difficile, parce qu'il manque de
personnel en ce moment, je pense que cette multidisciplinarité ou cette
flexibilité va nous permettre au début, parce que c'est un changement de
paradigme qu'on fait, d'être capable de ne pas être pris avec un seul
professionnel, un peu comme on a fait, là, je ne veux pas faire de la publicité
pour p.l. n° 11, mais c'est un peu ça, de rendre plus
large qui peut faire de la prise en charge. Je pense que c'est un peu ça que
vous dites ici, à moins que j'interprète mal votre...
Vous avez été clair... Puis là peut-être le
seul défaut que je vous dirais, c'est qu'elles ne sont pas numérotées, vos pages,
je ne suis pas capable de les suivre, mais ce n'est pas grave. Si c'est le seul
défaut de la soirée, ce n'est pas grave, Dr Lussier. Je dirais que… Vous venez
de faire le commentaire sur refus catégorique, je vais laisser mes collègues
parce que votre expertise, vous venez de le dire, là, il y a des signes clairs
pour un professionnel qui est capable de reconnaître que quelqu'un, ce n'est
pas vraiment un refus, mais c'est un réflexe normal de quelqu'un qui est dans
cet état-là. Bon.
L'éléphant dans la pièce, j'aime beaucoup
ce que vous dites parce que je ne veux pas critiquer le commentaire du Barreau,
mais c'est très facile de dire qu'on ne suit pas la loi, alors qu'on dit :
Qu'est-ce qu'on peut faire en attendant pour rendre nos professionnels à l'aise?
Parce qu'il est important de trouver une solution. C'est un peu ça que vous
dites, c'est : Qu'est-ce qu'on peut dire qui va permettre à nos
professionnels d'être à l'aise de faire le travail, même si peut-être
l'environnement légal n'est pas parfait? Je dis souvent que le mieux est
l'ennemi du bien, mais en ce moment, ce qu'on a besoin, c'est d'être mieux et
non d'avoir le bien parfait. Alors donc, je pense que votre commentaire à cette
page-là est important.
L'article 26, c'est intéressant, je
n'avais pas vu ça, ça, vous avez dit… Vous dites ici : «Or, toute personne
peut formuler...
21 h 30 (version révisée)
M. Dubé : ...c'est
intéressant, je n'avais pas vu ça, ça. Vous avez dit... vous dites, ici :
«Or, toute personne peut formuler une demande, qu'elle soit admissible ou non.»
C'est suite à la demande formulée. Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus parce
que...
M. Lussier (David) : En fait,
je crois que c'est probablement une coquille, là, ou... Ce qui est dit, c'est
qu'une personne peut formuler une demande contemporaine si elle satisfait aux
conditions suivantes, et là les conditions suivantes, c'est les conditions d'admissibilité.
C'est comme si on implique que, pour faire une demande, il faut déjà être
admissible, ce qui n'est évidemment pas le cas, il faut...
M. Dubé : ...ça qui était
souhaité. O.K., je comprends.
M. Lussier (David) : C'est ça.
Je crois que... c'est pour ça que c'est probablement une coquille, là, qui a
échappé aux gens qui ont écrit le projet de loi.
M. Dubé : Bon. Pour la
question du tourisme médical, là, je pense que c'est important qu'on le traite.
On l'a fait avec les enfants immigrants puis on a trouvé une façon, je crois,
dans... Je ne me souviens pas c'est quoi, le projet de loi, le numéro du projet
de loi... mais on y reviendra parce que vous soulevez une question là-dessus
puis... Et je pense que c'est tout, mais... Le bon professionnel, plutôt que d'être
spécifique aux médecins, puis le manque de personnel, on en a parlé.
M. Lussier (David) : Il y
avait peut-être un autre élément, si je peux me permettre, là, où, quand on dit
que le professionnel de la santé qui constate que les souffrances sont
présentes quand la personne est devenue inapte... on dit qu'elle doit aviser un
professionnel compétent. Moi, je crois que ça devrait être le professionnel
compétent qui est en charge de la personne, pour qu'on reste dans l'équipe de
soins, parce que, sinon, on va aller... on peut aller chercher des spécialistes
de l'AMM qui vont arriver seulement pour faire l'AMM, et ça, c'est ce qu'on ne
veut pas, je crois. Donc, ce serait préférable que ça reste dans l'équipe de
soins.
M. Dubé : En tout cas, pour
quelqu'un qui ne voulait pas faire l'article par article, ce que vous dites à
votre début, bien, vous l'avez fait. Ça fait que, merci beaucoup, parce que je
ne sais pas quand est-ce vous avez fait ça, là, mais c'est très aidant. Merci
beaucoup. Je vais laisser à mes collègues...
M. Lussier (David) : C'était
la nuit dernière.
M. Dubé : La nuit dernière?
En tout cas, un énorme merci, Dr Lussier.
Mme Guillemette : Merci, Dr
Lussier, d'être avec nous ce soir. On parle des rencontres avec les
professionnels pour évaluer une douleur persistante, parce que ça devra être
une douleur persistante. Qu'est-ce qui serait acceptable, comme délai ou comme
momentum, là, combien de fois, qui, comment, pour bien évaluer la douleur
persistante? Sur un an, sur deux ans, aux trois mois?
M. Lussier (David) : Est-ce
que vous voulez dire une fois que la personne est devenue inapte, là, au moment
où on évalue l'admissibilité? Je crois que... pour avoir beaucoup travaillé
avec la loi, là, depuis le début, je crois que le plus on laisse de latitude au
jugement clinique de la personne, le médecin ou l'infirmière praticienne, le
mieux c'est. J'aime beaucoup l'article de la loi actuelle qui dit «un délai
raisonnable compte tenu de l'évolution de son état ou de sa maladie» Je crois
que ça, ça nous laisse beaucoup de latitude et de jugement clinique. Donc, ça
pourrait être quelque chose de semblable, là, pour s'assurer qu'on évalue la
présence de souffrances, là, pas seulement à une reprise.
Mme Guillemette : Merci. Vous
parlez également d'un guide de pratiques très détaillé. Qu'est-ce qu'on aurait
besoin, dans un guide de pratiques, et qui pourrait élaborer ce guide de
pratiques là, ou qui devrait l'élaborer?
M. Lussier (David) : Bien, le
guide de pratiques, je faisais surtout référence au guide de pratiques des
ordres professionnels qui existe déjà, qui est un peu la bible pour les
médecins, actuellement, qui va le devenir aussi, là, c'est... On l'appelle
parfois le guide de pratiques du Collège des médecins, mais c'est tous les
ordres professionnels qui le font de façon conjointe. Vous avez posé la... Je n'ai
pas beaucoup écouté, aujourd'hui, mais j'ai beaucoup aimé votre première
question, ce matin, au Collège des médecins, quand vous demandiez comment
évaluer la... décrire la souffrance objectivable. Je crois que ça, c'est
quelque chose qui doit se retrouver dans un guide de pratiques parce que
moi-même, qui connaît très bien le domaine, j'ai de la difficulté, actuellement,
si je voulais conseiller quelqu'un à décrire ses souffrances, à lui donner des
exemples de souffrances qui pourraient être incluses dans les demandes
anticipées, des souffrances qui seraient objectivables. Donc, je crois que ça,
ça doit... On ne peut pas écrire ça dans la loi, quelles souffrances pourraient
être incluses, mais je crois qu'il faut que ce soit dans un guide de pratiques,
absolument.
Mme Guillemette : Si on
avait, demain matin, à, bon... On dit : O.K., la loi est prête, on
administre, sur le terrain, concrètement, pour les gens qui vont avoir à <administrer...
Mme Guillemette :
...O.K.,
la loi est prête, on administre, sur le terrain, concrètement, pour les gens
qui vont avoir à >administrer ou... à administrer, mais aussi tout le
continuum avant le processus, est-ce qu'il y a des choses, dans le projet de
loi, qu'il faudrait... que vous voyez, là, que c'est incohérent avec ce qui se
passe sur le terrain, là, selon votre expérience?
M. Lussier (David) : Bien,
j'ai déjà nommé tantôt... on a déjà discuté le fait que le professionnel qui
assiste la personne dans sa demande ne peut pas réévaluer à des intervalles
réguliers. Parce que le délai moyen, là, entre le moment du diagnostic et la
déclaration d'inaptitude, ça va être entre trois et 10 ans, probablement, on ne
peut pas s'attendre à ce que quelqu'un réévalue la personne, parce que ça
apporterait une charge, beaucoup, dans les cliniques, puis on ne peut pas non
plus, je crois, imposer aux cliniques secondaires et tertiaires de devoir revoir
des personnes exprès pour ça, il faut que ce soit dans le processus de soins.
Donc, ça, c'est un élément, je crois, qu'il ne faudrait pas que ce soit
réévalué toujours par la même personne.
Un autre élément qui fait problème, selon
moi, aussi, c'est, quand le professionnel compétent évalue l'admissibilité, on
dit qu'il doit discuter avec le professionnel qui a assisté la personne quand
elle a fait sa demande, mais donc, ça, c'était... il y a un délai de trois,
cinq, 10 ans entre les deux. Ce n'est pas du tout réaliste qu'on va aller
retrouver la personne et la contacter. Et aussi que... premièrement, si on a
déjà des souffrances décrites par la personne, ce n'est pas pertinent, je
crois, de reparler à ce professionnel-là. Moi, je crois que ça, il faudrait
enlever cet élément-là, parce que ça va seulement être un obstacle, finalement,
là, inutile.
Il y a un autre élément que j'avais noté,
qui est un détail, mais on demande... si c'est fait devant témoin, on demande
qu'il y ait deux témoins. Je ne voyais pas bien pourquoi deux témoins, parce
qu'on a déjà le professionnel compétent, on a déjà le tiers de confiance, on a
un témoin. Donc, pourquoi avoir deux témoins? On a eu la mauvaise expérience,
avec la loi fédérale, où il fallait trouver deux témoins, c'était très, très,
très difficile. Ça va peut-être être différent parce que ça va être dans un
milieu de soins, mais trouver un témoin indépendant, là, en pratique, ce que
c'est, quand c'est fait à domicile, c'est le voisin, le facteur, le laitier,
parce que ça ne doit pas être dans l'équipe de soins, ça ne doit pas être
quelqu'un qui est un héritier, donc on va prendre des gens qui... Finalement, on
se trouve parfois à briser la confidentialité, sinon, il faut emmener un
professionnel qui n'est pas dans l'équipe de soins, mais d'emmener une
infirmière juste pour être témoin, ce n'est pas une bonne utilisation des
ressources. Donc, je crois qu'un témoin, ça devrait être vraiment suffisant,
là, comme on a déjà plusieurs personnes, et, déjà, de réunir tous ces gens-là,
c'est beaucoup.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, Dr Lussier, c'est très éclairant, ce soir, pour la suite des choses
pour nous. M. le Président...
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, Dr Lussier. J'avais une question pour vous :
Est-ce que c'est possible pour les professionnels d'évaluer la souffrance
psychologique, la souffrance physique d'une personne avec des troubles
cognitifs majeurs et inapte, selon vous?
• (21 h 40) •
M. Lussier (David) : Oui,
c'est une excellente question, la souffrance physique, c'est assez... ce que je
fais tous les jours, là, dans... c'est souvent la douleur, qu'on va considérer
comme une souffrance physique, et il y a des façons de l'évaluer. Donc, pour la
souffrance physique, on a même des échelles qui ont été validées, qui ne sont pas
parfaites, évidemment, parce que la douleur ou même la souffrance est
subjective, donc c'est toujours très difficile de faire une hétéroévaluation,
d'évaluer la souffrance de quelqu'un d'autre, c'est très difficile.
Actuellement, avec la demande contemporaine, quand je fais des formations, je
dis que c'est le plus facile à évaluer, la personne dit qu'elle souffre, elle
souffre, on arrête là, mais, quand c'est une personne inapte, c'est beaucoup
plus difficile. Donc, pour la souffrance physique, c'est possible de le faire,
on a des échelles, on est capable de former les gens pour le faire.
Pour la souffrance psychologique, c'est
beaucoup plus difficile parce qu'il faut se référer à ce que la personne
considérait comme une souffrance psychologique avant de perdre son aptitude. Et
de là tout... Je n'en ai pas parlé, mais j'ai trouvé que le projet de loi
traitait bien le concept de ce qu'on appelle... je n'aime pas appeler ça comme
ça, mais c'est comme ça qu'on l'appelle, là, la démence heureuse, c'est-à-dire
des gens qui ne réalisent pas qu'ils ont des problèmes cognitifs, qui sont
heureux dans l'ici et maintenant. Je crois qu'en demandant qu'il y ait une
souffrance objectivable... je crois qu'on vient un peu enlever le problème ou
le malaise que les gens avaient à dire qu'on va donner l'AMM à quelqu'un qui
semble heureux, là, dans le quotidien. Donc, pour la souffrance psychologique,
comme je le disais, c'est beaucoup plus difficile, donc il va falloir vraiment
y aller avec ce que la personne a décrit elle-même comme étant une souffrance.
Et, comme je le disais un peu aussi, c'est
que, souvent, je crois que ça va être des... ce qui va être décrit comme une
souffrance, ça va être l'agitation, ça va être l'agressivité, ça va être la
résistance aux soins. La personne ne voudra pas vivre cette étape-là ou faire
vivre ça aux autres, à ses <proches...
M. Lussier (David) :
...ça
va être l'agressivité, ça va être la résistance aux soins. La personne ne
voudra pas vivre cette étape-là ou faire vivre ça aux autres, à ses >proches,
donc il faudra que ça soit bien décrit, que ça soit bien encadré. Puis raison
de plus, quand je parlais du refus catégorique, là, de faire attention à ça,
parce que ça peut être même une souffrance qu'on interprète comme un refus.
Mme Picard : Et il ne me
reste pas beaucoup de temps, je crois.
Le Président (M. Provençal)
:Une minute.
Mme Picard : Une minute.
J'aimerais savoir, selon vous, sur le terrain, comment va se manifester, la
personne qui lève le drapeau, là, le professionnel ou le tiers de confiance?
Est-ce que vous pensez, en fait, que ça devrait plus être le tiers de confiance
ou bien le professionnel qui joue ce rôle-là de lever le drapeau du bon moment?
M. Lussier (David) : Moi, je
crois que... L'un ou l'autre. Maintenant, on donne le choix un peu, on dit que
c'est un professionnel de la santé, donc ce n'est pas nécessairement un
professionnel compétent, là, c'est un professionnel de la santé. Et, s'il ne le
fait pas, c'est le tiers de confiance. Donc, je crois qu'en le faisant on se
donne toutes les chances pour que ça ne passe pas inaperçu.
Mme Picard : Merci beaucoup,
Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Avec
plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons avec le député de
D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Merci, Dr Lussier, pour vos interventions rigoureuses, lucides,
pragmatiques et claires, tellement utiles. Entre autres, il me semble que vous
nous proposez des arguments incontournables en ce qui a trait à l'idée de
produire un guide de pratiques et que le projet de loi peut aller jusqu'à un
certain point pour encadrer un tel guide, mais que le travail resterait à faire
pour vraiment faciliter le travail sur le terrain des intervenants.
Est-ce que je peux comprendre, quand on
parle de l'importance d'assurer, surtout les médecins sur le terrain, qu'ils ne
sont pas vulnérables sur le plan légal... Je prends pour acquis, vous allez me
dire si je me trompe, que vous êtes à l'aise que le législateur procède et
identifie une date, je présume, là, la plus vite que possible, pour
l'implantation d'un éventuel projet de loi advenant un code criminel qui ne se
prononce pas nécessairement de façon si claire sur l'affaire. Est-ce que je
comprends bien?
M. Lussier (David) : Je veux
dire que je crois qu'il faut prendre pour acquis que le Code criminel ne sera
pas amendé dans un avenir prochain, donc, à moins qu'on veuille retarder
l'adoption ou la mise en application de ça pendant plusieurs années, ça va être
fait sans une modification du Code criminel. Mais les médecins, en général,
c'est sûrement la même chose pour les infirmières praticiennes, sont plutôt
peureux, quand il est question...surtout, bon, tout le médicolégal, mais encore
plus quand il est question de criminel. Donc, les gens ne voudront pas aller
contre le Code criminel, à moins qu'on les ait rassurés de façon certaine
qu'ils n'encourent pas de risque.
Et ce qu'on nous disait avant, parce qu'on
a déjà vécu, là... on a déjà joué dans ce film-là quand la loi a été adoptée,
en 2015, et que le Code criminel n'avait pas encore été modifié, on nous disait,
bon : On va donner la directive à nos procureurs généraux de ne pas
poursuivre les médecins pour cette raison. Pour les médecins autour de moi, ce
n'est pas suffisant, parce qu'on change de gouvernement, et le nouveau
gouvernement change d'idée, ou il y a une plainte privée qui arrive d'un groupe
opposé, parce qu'il y en a, des groupes opposés. Donc, il y a beaucoup de
travail à faire, je crois, pour ça. Évidemment, ce n'est pas mon
expertise, mais je crois qu'il faut être très convaincant pour convaincre les
médecins d'embarquer dans ça parce que plus c'est complexe, plus les... je dis
les médecins, mais on entend aussi les IPS, là, maintenant, si c'est dans le
projet, mais il faut travailler très fort pour les garder parce que, plus c'est
complexe et plus ils hésitent à s'embarquer dans ça, ce qui est très demandant
au niveau temps, émotion, planification. Et donc il faut vraiment les aider le
plus possible et les rassurer.
M. Birnbaum : Oui, je
comprends, c'est un enjeu réel. Les médecins doivent être équipés pour agir.
Comment... Est-ce que vous avez quelques suggestions de comment concrétiser
cette assurance? Et y aurait-il un aspect de cette obligation qui se
manifesterait dans le projet de loi comme tel ou dans la suite? Est-ce que vous
avez des suggestions concrètes à nous offrir?
M. Lussier (David) : Bien, en
fait, ce n'est pas du tout, du tout mon expertise, mais, si le législateur
québécois est convaincu qu'il peut aller de l'avant avec la loi, avec les
demandes anticipées sans modification du Code criminel, il faut qu'il en
convainque les médecins avec des <arguments...
M. Lussier (David) :
...avec
les demandes anticipées sans modification du Code criminel, il faut qu'il en
convainque les médecins avec des >arguments convaincants. Et je n'ai
aucun doute que c'est le cas, que le législateur québécois croit qu'il peut
aller de l'avant, mais il faut en convaincre les médecins avec des arguments
que moi, je ne possède pas, là.
M. Birnbaum : Merci. Bon.
J'ai une autre question et je laisserai le temps, si vous me permettez, M. le
Président, à mes collègues, le temps qu'il me resterait. Je comprends vos
précisions très intéressantes sur l'idée que le refus soit catégorique. On
parle quand même, comme vous avez bien dit, et d'autres, que c'est une personne
inapte, à ce point-là, qui agit, en quelque part, au nom d'elle-même, comme
personne dont elle... quand elle était apte, voulait passer à l'acte dans les
conditions actuelles. Alors, en quelque part, tout un paradoxe. Même avec le
mot «catégorique», comment vous êtes satisfait qu'il y ait un refus crédible,
je me permets le mot, offert par une personne qui est inapte?
M. Lussier (David) : Bien,
encore là, il faut le baliser. Je ne suis pas certain que ça puisse être fait
dans une loi, mais que... c'est plus, plutôt, une bonne pratique médicale, de
pouvoir identifier un refus catégorique. Est-ce qu'on pourrait donner une
légère sédation, quelque chose pour... pas pour empêcher le refus catégorique,
évidemment, mais pour calmer cette agitation ou cette résistance à tout soin qu'on
voit souvent chez ces personnes-là, et, après ça, on pourrait procéder, s'il n'y
a pas d'agitation, de refus catégorique? Ce qu'on veut éviter, évidemment, c'est
de restreindre la personne pour lui faire une injection intraveineuse, parce
que c'est très traumatisant pour tout le monde, je crois que ça ne doit pas
être fait, mais on doit trouver des façons de pouvoir respecter la volonté de
cette personne-là, finalement, qu'elle a exprimée auparavant, mais sans aller
jusque-là. Et ça, selon moi, ça relève plus de la pratique médicale que de la
loi. Donc, ça pourrait être encadré dans un guide de pratiques.
M. Birnbaum : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous allons poursuivre avec le
député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M.
le Président. Dr Lussier, merci d'être de garde pour nous. Vous pourrez aller
dormir après, maintenant que vous avez fait vos devoirs la nuit dernière. On
aimerait ça que vous soyez en forme demain pour faire votre journée. Blague à
part, merci d'être là.
Vous dites, tout à l'heure : Une
personne qui se débat, en général, c'est parce que... la personne se débat, c'est
ça qui est perçu comme un refus ou, en tout cas, une rebuffade, ça, c'est sûr.
Mettons, là, les patients Alzheimer, stade 5, 6, 7, là... mettons 6, 7, quel
est le pourcentage de ces gens, dans votre expertise, là, qui réagissent assez
mal si on doit les manipuler? Je ne parle pas de leur peigner un petit cheveu
de travers, là, de les manipuler pour préparer l'aide médicale à mourir. Quel
est le pourcentage de ces gens-là qui risquent de gigoter?
• (21 h 50) •
M. Lussier (David) : C'est
plus les 5, 6, en fait, parce que les 7 sont grabataires et ils ne bougent pas.
Donc, les 7, ce n'est pas un problème, mais je crois que, souvent, les gens s'imaginent
que l'AMM va être administré au stade 7, mais de la façon dont on le décrit
ici, ça va être de façon plus précoce parce qu'ils deviennent inaptes autour du
stade 5, donc... Ça dépend beaucoup. Il y a des gens qui... Ce serait difficile
de mettre en pourcentage, mais le pourcentage est... peut être très élevé. Moi,
je dirais que c'est plus que 50 % des gens, en stade 5, qui va être, selon
moi, la majorité de ceux qui vont recevoir l'AMM, 5 ou début de 6, qui... c'est
la majorité qui voudront... qui vont le sentir comme une agression, le fait qu'on
veuille faire quelque chose. Parce que c'est comme si nous, on ne réalise pas
ce qui se passe, on ne réalise pas l'objectif de la personne qui vient nous
chercher, puis encore plus pour mettre une intraveineuse, c'est très difficile,
ils vont l'arracher. Donc, ce n'est pas facile. Donc, ça va être un très, très
haut pourcentage. Donc, le projet de loi, comme il est maintenant, selon moi,
ce ne sera presque jamais administré si on laisse le refus comme ça.
M. Marissal : C'est clair. Et
ce n'est pas le but, là, on s'entend. Le but serait de permettre à ces personnes
d'obtenir la mort qu'elles ont voulue. Donc, je pense qu'il n'y a personne qui
aime ça, parler de ça, là, mais on est... on ne peut pas évacuer, faire l'économie
du débat sur le sédatif, là. On exclut la contention, qui est vraiment barbare,
mais le sédatif, je ne vois pas trop comment on peut ne pas en parler, là.
Peut-être pas dans le projet de loi. C'est peut-être que ça va dans vos
pratiques, soit, mais la moitié, faites le calcul, considérant le pourcentage
de gens <atteints...
M. Marissal :
...soit,
mais la moitié, faites le calcul, considérant le pourcentage de gens >atteints
de maladie... et là je ne parle que d'Alzheimer, ça fait pas mal de monde.
M. Lussier (David) : Oui.
Oui, je crois qu'on ne peut pas éviter... en pratique, on ne pourra pas éviter
de donner un sédatif quelconque à plusieurs de ces personnes-là si on veut
pouvoir... On donne des sédatifs pour donner un bain. À la grande majorité des
gens, quand on veut leur donner un bain, on leur donne un sédatif. Si on veut
installer une intraveineuse parce qu'il y a une pneumonie, il faut donner un
sédatif. Donc, pour faire une aide médicale à mourir, un très, très grand
nombre, il va falloir donner un sédatif si on veut procéder. À ce moment-là, si
on veut, comme société ne pas procéder, c'est correct, mais, si on veut
procéder, ce que je crois qui est légitime parce qu'on veut respecter les
volontés exprimées par la personne... Ou peut-être qu'on pourrait, dans la
demande anticipée... il pourrait y avoir un élément où la personne accepte ou
non de recevoir un sédatif. Peut-être que ça nous rassurerait, ça nous
légitimerait, de dire : J'accepte de recevoir un sédatif si c'est
nécessaire pour pouvoir recevoir l'AMM à ce moment-là.
M. Marissal : ...ça,
vous voyez ça dans vos guides de pratiques, et pas nécessairement dans un
article de loi?
M. Lussier (David) : Encore
là, vous êtes plus expert que moi dans ce qui doit être dans une loi, mais je
crois que ça pourrait être bien encadré dans un guide de pratiques, mais
probablement que, pour que ce soit clair que c'est possible, il faudrait le mettre
quelque part dans la loi, que le médecin peut donner un sédatif si c'est jugé
nécessaire.
M. Marissal : Je vous
remercie, c'est vraiment très éclairant. Merci de votre temps puis de votre
expérience terrain. Ça nous aide beaucoup. Merci.
M. Lussier (David) : Avec
plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons avec la députée de
Joliette pour les quatre minutes qui suivent.
Mme Hivon : Merci
beaucoup. Merci, Dr Lussier. Extrêmement utile et apprécié. J'ai plein de
questions. Justement pour ce qui est de la sédation, tantôt, on évoquait cette
idée-là que, dans la demande anticipée, la personne le prévoit, ce qui pourrait
donner un niveau de confort à l'équipe soignante plus grand.
Très, très techniquement, là, les
personnes qui sont rendues à ces stades-là, quand vous donnez un sédatif pour
le bain, par exemple, c'est quelle forme de sédatif? Est-ce que c'est quelque
chose qui se dissout? Est-ce que c'est une injection? Est-ce que... donc, juste
pour savoir si... Donc, ça, ça va m'intéresser. Je vous fais ma nomenclature de
questions puis... dans mon gros quatre minutes, bon.
Vous avez... Moi, j'ai une petite question
très technique entre le 29.4 et le 29.11. Vous l'avez soulevé, mais le 29.4
vient dire à quoi va servir le tiers de confiance, qui est d'aviser un
professionnel compétent lorsqu'il pense que la personne éprouve les
souffrances, donc, d'agiter le drapeau, mais, quand on arrive à 29.11, au temps
réel, au moment deux de l'évaluation, moi, je trouve que le tiers de confiance,
il n'a comme plus le rôle, là, c'est vraiment le professionnel qui prend en
charge. Donc, j'aimerais ça que vous nous disiez si on pourrait clarifier ça ou
si, selon vous, c'est cohérent.
Moi, j'avais peur que, si on met trop le
poids, là, juste sur le professionnel, il y ait plein de professionnels qui
disent : C'est trop de trouble. Ce n'est pas vrai que c'est moi qui vais
enclencher toute l'affaire. Donc, j'avais peur que les demandes tombent entre
deux chaises. Vous, vous amenez une autre perspective, vous dites : Bien,
il y a peut-être une sécurité supplémentaire : il y a le tiers puis il y a
le professionnel. Comment on harmonise tout ça?
Et, dans ce que vous nous avez dit, 29.2, là,
l'accompagnement puis décrire les souffrances à l'avance, là, vous avez dit :
Ça va être essentiellement des personnes de deuxième et de troisième ligne qui
vont pouvoir faire ça. Parce que j'imagine que vous présupposez qu'il faut une
très grande expertise pour pouvoir décrire à la personne les souffrances
qu'elle pourrait vivre. Réalistement, là, est-ce qu'on va pouvoir, est-ce que
les gens vont pouvoir avoir accès à ces experts de deuxième et de troisième ligne?
Voilà.
M. Lussier (David) : Je
vais prendre votre troisième question parce que je vais avoir de la difficulté
à me souvenir des deux premières. Donc, je vais tout de suite y aller avec la
troisième. Et je crois que ce que j'ai dit, ce n'est pas nécessairement que
c'est eux qui ont l'expertise, mais je crains que les gens de première ligne,
au début, ne se sentent pas à l'aise. Peut-être que, dans 10 ans, ça va
être entré dans les normes et dans la pratique, mais, au début, je crois qu'ils
ne se sentiront pas à l'aise. Moi, je crois que ça va relever beaucoup des
deuxième et troisième lignes, donc des spécialistes comme les gériatres.
Et ce qui est intéressant ou inquiétant,
c'est que, quand on regarde les médecins qui pratiquent l'aide médicale à
mourir, actuellement, c'est, 87 %, des médecins de famille et, 13 %,
des médecins spécialistes. C'est dans le rapport annuel de la Commission des
soins de fin de vie de 2020‑2021. Donc, il faut augmenter l'intérêt des
médecins spécialistes. Et on avait une rencontre de l'association des gériatres
du Québec, en fin de semaine, et j'ai fait un petit sondage auprès des
gériatres. Et de façon assez étonnante, je dirais, il y en avait jusqu'à... sur
80 <personnes...
M. Lussier (David) :
...fait
un petit sondage auprès des gériatres. Et de façon assez étonnante, je dirais,
il y en avait jusqu'à... sur 80>personnes présentes, il y en avait
presque la moitié qui se sentaient à l'aise d'accompagner le patient pour faire
la demande d'AMM. Donc, je crois que... sauf que ces 40 personnes, s'il y
en a 400 par année, on voit tout de suite, puis... il faut les suivre, puis il
n'y a personne qui va vouloir en faire sa pratique principale. Donc, c'est pour
ça, je crois, qu'il ne faut pas surcharger ces services-là.
Vos autres questions, pour le sédatif
qu'on donne, ça peut être de différentes façons, on peut le donner qui se
dissout dans la bouche, on peut le donner oralement si on a du temps. On évite
habituellement les injections, là, comme, intramusculaires parce que c'est plus
traumatisant, donc... c'est plus facile. Et le tiers de confiance, j'ai aussi
un peu la même observation que vous, dans le sens où on perd un peu le tiers de
confiance dans l'histoire. Au début, on pense qu'il va avoir un rôle majeur
dans notre histoire, mais, après ça, c'est un peu décevant, le rôle qu'on lui
donne, dans le sens où il devient un peu seulement là pour une assurance et
pour être consulté. Donc, le tiers de confiance devient un peu, là, un
représentant pour aider ou... pour aider s'il n'y a personne qui va aller
signaler la présence des souffrances. Sauf que, comme je le disais tout à
l'heure, si on peut le voir seulement comme l'assurance, selon moi, ça peut aller
aussi, parce que le tiers de confiance peut avoir changé, peut être décédé, tu
sais. Il y a beaucoup d'années, là, entre ça, je crois que c'est ça qu'on ne
réalise pas tout à fait, c'est qu'on est entre trois et 10 ans entre le moment
de la signature puis le moment de l'administration. Donc, il peut arriver
plusieurs choses avec le tiers de confiance entre temps. Donc, je crois que,
oui, on comprend plus ou moins son rôle vers la fin, mais, si on le voit comme
une aide ou quelqu'un... une assurance, je crois que ça pourrait aller.
Mme Hivon : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons compléter notre séance
d'échange avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Dr Lussier. Merci d'être avec nous ce soir. Contente de
vous revoir. J'ai deux questions. Je vais faire comme ma collègue, je vais vous
les poser et je vais vous laisser le temps pour y répondre, comme j'ai assez
peu de temps. Vous nous mettez en garde, comme plusieurs l'ont fait, sur la
question du refus, qu'un refus entraînerait l'abandon de la demande. Je pense
qu'effectivement... quand on est familier avec toute la question des SCPD, je
pense que, tu sais, en connaissant la réalité puis les réactions qu'ils peuvent
avoir, l'agressivité, le refus de soins, je pense que c'est bien de mettre en
garde là-dessus. Vous ouvrez... vous faites comme proposition de... que
peut-être qu'en fait la réponse à ça pourrait être un nombre de tentatives,
donc faire confiance au jugement du clinicien, du professionnel... un nombre de
tentatives raisonnable, qu'il juge raisonnable. Donc, comme nous, ici,
il faudra, évidemment, libeller des amendements ou voir comment on peut perfectionner
ça, je voulais vous entendre sur vous, comme praticien, ce que vous entendez
par un nombre raisonnable, et dans quel contexte.
Et aussi, très rapidement, bon, je sais
que vous êtes un expert, justement, des cas complexes, où l'admissibilité n'est
pas toujours claire. L'objectif de ce projet de loi là, évidemment, est
d'améliorer l'accès. Est-ce que vous nous mettez en garde aussi sur certains
éléments, sur la complexité ou sur certaines choses qui pourraient désengager,
ou, en tout cas, ne pas favoriser l'accès, sur l'attractivité pour les médecins
ou sur les... sur des médecins qui pourraient se désengager ou simplement ne
plus souhaiter faire des soins de fin de vie, de l'aide médicale à mourir?
• (22 heures) •
M. Lussier (David) : C'est
deux excellentes questions. Pour la première, sur le nombre raisonnable, je
crois qu'il faut éviter, probablement, de mettre un nombre, parce que ce n'est
pas... on n'est pas au baseball, là, où on a droit à trois prises. Donc, on
pourrait y aller... c'est pour ça qu'on laisse le jugement, avec le nombre
raisonnable. C'est la première chose qui m'a frappé en lisant le projet de loi,
c'est qu'après un refus on radie la demande du registre. Donc, c'est comme si
on déchire le papier que la personne a mis tant de soins à écrire, puis à
rediscuter et à revalider plusieurs fois, et elle refuse une fois, et on annule
tout ça. Selon moi, c'est vraiment aller contre les volontés de la personne,
qu'elle avait exprimées. Donc, le nombre raisonnable selon le jugement clinique,
moi, je trouve que ça nous guide assez bien, là, pour savoir quoi faire, plutôt
que de dire trois, quatre, cinq ou six, là, ce qui serait tout à fait
arbitraire.
Et, pour votre autre question, évidemment,
je l'ai oubliée, je m'excuse, c'était sur... oui, si ça va décourager certaines
personnes. Donc, plus c'est complexe, évidemment, plus on risque de décourager
des gens. Il y a des... Chaque médecin qui participe à l'aide médicale à mourir
a une ligne qu'il a tracée, qui est sa ligne personnelle d'objection de
conscience et qui dit : Moi, je ne traverserai pas cette ligne-là. Pour
certains, c'est, par exemple, si c'est ouvert aux troubles psychiatriques, à un
certain moment, ils ne traverseront jamais ça. Pour d'autres, c'est si la
personne n'est pas en fin de vie...
22 h (version révisée)
M. Lussier (David) : ...psychiatrique
à un certain moment, ils ne traverseront jamais ça, pour d'autres, c'est si la
personne n'est pas en fin de vie. Donc, c'est certain qu'il va y avoir des gens
qui ne voudront pas le faire par demande anticipée.
Il faut aussi voir ce que je trouve assez
fascinant, pour le vivre actuellement dans les milieux de soins de longue
durée, c'est que les milieux de soins de longue durée, ils vivent exactement ce
que les soins palliatifs ont vécu au début de la loi. C'est-à-dire qu'ils se
sentent menacés par l'arrivée de l'AMM. Et là ce n'est même pas pour les
demandes anticipées. On parle de patients qui font des demandes contemporaines
pour un trouble cognitif, là, et pour lequel ils sont admissibles maintenant.
Ils se disent : Est-ce que c'est parce que vous trouvez que je ne fais pas
bien mon travail que vous voulez donner l'aide médicale à mourir à mes
patients, à mes résidents? Donc, il faut rassurer ces gens-là.
Et, oui, ça va décourager peut-être
certaines personnes, mais, si on les encadre bien, qu'on les accompagne bien...
On parle, depuis le début, d'avoir un téléphone rouge où le médecin qui a des
questions peut prendre le téléphone rouge puis appeler puis consulter quelqu'un.
Ce n'est pas une approbation préalable, mais c'est une guidance claire pour
un... dans un cas précis. Ça, ça rassurerait beaucoup et ça pourrait éviter de
perdre des personnes impliquées, je crois.
Mme Montpetit : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Dr Lussier, pour votre
contribution à nos travaux, surtout d'avoir accepté de... ces échanges, alors
que nous sommes... Je peux vous dire que c'est apprécié par l'ensemble des
membres de la commission.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux
au mercredi 1er juin, après les affaires courantes où elle poursuivra son
mandat. Merci et bonne fin de soirée à tous.
(Fin de la séance à 22 h 04)