Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, February 10, 2022
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Vol. 46 N° 6
Special consultations and public hearings on Bill 15, an Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions
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Intervenants par tranches d'heure
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Lecours, Isabelle
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Weil, Kathleen
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Zanetti, Sol
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Carmant, Lionel
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Lecours, Isabelle
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Lecours, Isabelle
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Provençal, Luc
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Tremblay, François
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Girard, Éric
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Weil, Kathleen
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Robitaille, Paule
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Lecours, Isabelle
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Weil, Kathleen
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Robitaille, Paule
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Provençal, Luc
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
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Asselin, Mario
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Carmant, Lionel
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Tremblay, François
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Zanetti, Sol
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Weil, Kathleen
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Ouellet, Martin
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-sept minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de la santé et des services sociaux ouverte.
Je souhaite la bienvenue... Mon Dieu, c'est
l'ordre... excusez-moi, parce que je ne veux pas faire d'erreur, Ordre
professionnel des criminologues du Québec, dont Mmes Goyette et Giroux
seront les porte-parole. Mesdames, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes
pour votre exposé, et par la suite il y aura échange avec les membres de la
commission. Alors, je vous cède la parole. Merci beaucoup de votre...
Une voix : ...
Mme Rioux (Josée) : Merci
beaucoup. Alors, M. le Président de la commission...
Le Président (M. Provençal)
: Une minute. Une minute, s'il vous plaît, parce que j'ai
oublié de... Je veux être trop rapide, ce matin.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce); Mme Sauvé (Fabre) est remplacée par Mme Robitaille
(Bourassa-Sauvé); M. Marissal (Rosemont) est remplacé par M. Zanetti
(Jean-Lesage); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine) est remplacé par M. Ouellet
(René-Lévesque).
Le Président (M. Provençal)
: Et ce matin nous entendrons les groupes suivants : l'Ordre
professionnel des criminologues du Québec et la Fondation Marie-Vincent. Alors,
mesdames, je vous cède la parole.
Mme Rioux (Josée) : Alors,
merci beaucoup. Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes,
MM. les députés membres de commission et Mme la directrice nationale, bonjour.
Je suis Josée Rioux, criminologue et présidente de l'Ordre professionnel des
criminologues du Québec. Je suis accompagnée ce matin de Mme Michèle
Goyette, qui est également criminologue, elle est spécialisée en protection de
la jeunesse et la précédente présidente de notre ordre. Mme Goyette nous a
d'ailleurs représentés lors des auditions de la commission Laurent en 2020.
Nous tenons évidemment à saluer la
célérité avec laquelle le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux a
déposé ce projet de loi. Ceci témoigne sans contredit d'une volonté de mettre
en oeuvre les changements proposés par la commission Laurent, à l'instar de
plusieurs collègues qui nous ont présentés depuis mardi. C'est donc avec...
C'est donc avec honneur et privilège... de nous présenter devant vous pour
commenter ce projet de loi qui, de notre avis, constitue une pièce maîtresse du
devoir que nous avons collectivement d'être une société bienveillante pour nos
jeunes et nos enfants. C'est d'ailleurs le titre que nous avons choisi pour... à
donner à notre mémoire.
D'entrée de jeu, nous sommes d'avis que ce
projet de loi propose plusieurs avancées intéressantes. Nous croyons toutefois
essentiel d'aller plus loin sur certaines questions de fond.
Notre ordre a été constitué en 2015 et <compte...
Mme Rioux (Josée) :
...toutefois
essentiel d'aller plus loin sur certaines questions de fond.
Notre ordre a été constitué en 2015 et
>compte près de 1 700 membres. Il a pour mandat premier d'assurer
la protection du public, notamment en encadrant la qualité des services
professionnels fournis par les criminologues aux personnes contrevenantes, aux personnes
victimes et à la communauté. Plus de la moitié de nos professionnels en oeuvre
sont en protection de la jeunesse.
La compétence des criminologues se traduit
notamment par une agilité en contexte volontaire... tant en contexte volontaire
que d'aide contrainte ou sous mandat légal, une polyvalence qui constitue un
atout de taille pour accompagner les enfants, les jeunes et leurs parents dans
leur démarche d'aide, de réadaptation ou de réinsertion. Bref, les
criminologues sont des spécialistes de l'aide en contexte d'autorité.
• (11 h 30) •
Les enfants d'aujourd'hui sont nos adultes
de demain. Il faut donc faciliter le passage à la vie adulte pour une
réinsertion sociale réussie chez nos jeunes. Trop souvent, ces jeunes en
protection se retrouvent dans les milieux correctionnels adultes, notamment en
incarcération, faute de services adéquats lorsqu'ils atteignent leur majorité.
Ce projet de loi doit impérativement nous donner les moyens de briser le cycle.
La continuité des services et leur accessibilité
demeurent à ce jour un défi important auquel il faut s'adresser rapidement pour
bien guider l'adulte en devenir. Pour cela, il faut se donner concrètement les
leviers et les moyens de nos ambitions. Nous considérons que c'est un important
projet de société.
La protection du public prend tout son
sens lorsqu'on parle de protection de la jeunesse. L'application de la loi
comporte des enjeux importants concernant les droits fondamentaux des enfants
et des familles. La notion de l'intérêt de l'enfant est complexe, peu définie
et perçue de façon variable. Il demeure primordial d'en donner une définition
claire permettant que les modifications à la loi ne soient pas vaines.
Bien protéger le public implique que nous
puissions baliser les interventions tant sociales que judiciaires, encadrer la
prise de décision afin de s'assurer de la rigueur de celle-ci et du respect de
la loi, tant dans son esprit que dans son libellé.
Ainsi, nous devons nous assurer que la
révision de cette loi permette de clarifier sans équivoque ce que nous
entendons collectivement comme étant le fait de prioriser l'intérêt de l'enfant.
Dans cet esprit, nous avons posé un regard critique face aux éléments retenus
dans ce projet de loi et ceux qui, de notre avis, auraient dû s'y retrouver. Ma
collègue Mme Goyette va y revenir.
En ce qui concerne les enfants
autochtones, nous n'avons pas la prétention de parler au nom des communautés
des Premières Nations. Par ailleurs, nous partageons le point de vue de la
commission Laurent et déplorons l'écart qui existe entre cette prise de
position de la commission et les dispositions du projet de loi en la matière.
Les changements apportés à la déclaration
de principes de loi nous rallient. Nous y adhérons sans réserve. Nous saluons
également la clarification de plusieurs principes accentuant la primauté et l'intérêt
de l'enfant, la responsabilisation parentale, la stabilité des liens, la
collaboration entre les différents intervenants et la clarification des règles
de confidentialité. Toutefois, nous sommes d'avis que pour être pleinement
efficaces, ces principes doivent s'incarner concrètement dans des modifications
législatives touchant certains articles clés de la loi. Autrement, nous
craignons que les écarts d'interprétation subsistent et nuisent à l'atteinte
des objectifs poursuivis par ce projet de loi.
En somme, pour actualiser pleinement la
vision et les principes affirmés haut et fort dans le préambule et les articles
touchant les principes généraux, il est essentiel que ces derniers s'accompagnent
de modifications supplémentaires dans l'esprit des recommandations formulées
par la commission Laurent. Maintenant, je laisse Mme Goyette aborder
certaines propositions que l'ordre vous fait aujourd'hui.
Mme Goyette (Michèle) : Merci,
Josée. Bonjour, tout le monde. Merci de nous donner l'occasion d'être entendues
ce matin.
Le premier enjeu que nous voulons soulever
est lié à la question de la stabilité des enfants. La commission Laurent a été
très éloquente sur cet enjeu : une famille pour la vie. Voilà l'objectif
clair à atteindre. Les ravages de l'instabilité chez les enfants sont
documentés et très bien connus. Elle a des conséquences sur la vie entière des
enfants.
Or, même si, depuis 2007, la loi devrait
permettre une plus grande stabilité grâce aux dispositions sur les durées
maximales de placement, force est de constater que nous n'y sommes pas arrivés.
Il faut certes réaffirmer les principes de façon plus claire, mais il faut
surtout fournir des leviers légaux pour que les principes s'actualisent et
changent la vie des enfants vraiment.
Alors, nos recommandations sur ce sujet
sont les suivantes : d'introduire dans la loi l'obligation de planifier un
projet de vie alternatif dès le premier placement d'un enfant de moins de cinq ans;
introduire l'idée que le tribunal doit prendre une décision qui assure la
stabilité de l'enfant et non pas «tend à assurer», tel que libellé actuellement;
indiquer que le tribunal, lors d'une décision de placement permanent, doit
statuer sur les contacts avec les parents et éventuellement sur le transfert
des attributs...
11 h 30 (version révisée)
(Visioconférence)
Mme Goyette (Michèle) : ...tel
que libellé actuellement, indiquait que le tribunal, lors d'une décision de
placement permanent, doit statuer sur les contacts avec les parents, et
éventuellement, sur le transfert des attributs de l'autorité parentale;
préciser que le seul motif pour outrepasser les délais est l'intérêt de l'enfant,
tel qu'analysé et documenté par le tribunal; préciser que le placement en
famille d'accueil à majorité n'est pas un projet de vie stable; et introduire,
comme motif d'admissibilité à l'adoption, le dépassement des durées maximales
de placement.
Notre deuxième sujet d'intérêt est le
passage à la vie autonome. C'est un sujet qui nous préoccupe, comme
criminologues, nous accordons une grande importance à l'insertion sociale. Nous
saluons d'abord la volonté du législateur de s'y adresser, notamment en donnant
des leviers supplémentaires pour s'assurer qu'une préparation minimale est
offerte aux jeunes avant leurs 18 ans. Nous croyons aussi que la conservation des
dossiers jusqu'à l'âge de 43 ans est une avancée importante pour ceux dont le
dossier, à la protection de la jeunesse, constitue l'histoire de vie. Ces
changements sont positifs, mais selon nous, c'est trop peu. Il y a un vaste
chantier à créer et de façon urgente pour mettre en place des mesures visant à
faciliter cette difficile transition pour les jeunes qui ont été placés. Ces
mesures ne sont pas toutes de nature législative, évidemment, mais nous croyons
qu'il y aurait certainement eu lieu d'introduire dans la loi la possibilité de
maintenir le placement d'un jeune adulte jusqu'à ses 21 ans, avec son accord,
évidemment, et sans obligation de scolarisation.
Notre troisième sujet est la transmission
d'informations confidentielles. Nous souscrivons clairement à la volonté de
profiter de l'actuelle révision législative pour insuffler une plus grande
souplesse dans l'interprétation des règles devant guider les intervenants qui
doivent, au quotidien, échanger des informations. Comme ordre professionnel, cela
nous préoccupe tout particulièrement puisque nous avons le devoir de veiller
sur la qualité des pratiques exercées dans l'intervention en protection de la
jeunesse, tout autant que sur le respect de la confidentialité et du secret
professionnel. Nous sommes tout à fait d'accord avec le principe sous-jacent de
subordonner la transmission d'informations à l'intérêt de l'enfant. Nous
recommandons cependant que l'application des changements à la loi en cette
matière s'accompagne d'un chantier de clarification et de formation pour
soutenir les intervenants sociaux et judiciaires. Les ordres professionnels
pourraient être associés à ces travaux. Nous avons, dans notre mémoire, soulevé
certaines balises que je ne répéterai pas ici, mais qui devraient être prises
en considération pour encadrer la transmission d'informations et la levée du
secret professionnel.
Nous saluons l'enchâssement dans la loi d'une
fonction de directeur national de la protection de la jeunesse et d'un forum
des directeurs de la protection de la jeunesse. Ces deux mesures permettent une
meilleure harmonisation des pratiques et soutiendront leur développement.
Toutefois, nous aurions souhaité que le directeur national de la protection de
la jeunesse ait un peu plus de pouvoirs sur les services de première ligne pour
les enfants et les familles. Il faut agir en amont, comme l'a martelé la commission
Laurent, et je cite ici le rapport : il faut rehausser, renforcer et
compléter une trajectoire robuste de services de proximité à la famille. Il faut
que quelqu'un porte cette mission. Le nouvel article 28 institue un
rôle-conseil pour le ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la
protection de la jeunesse et les enfants en situation de vulnérabilité. C'est
une bonne chose, mais nous souhaitons que la loi soit plus contraignante à ce
sujet. Nous souhaitons aussi que la fonction de commissaire aux droits des
enfants soit enchâssée dans la loi. Nous formulons donc deux recommandations :
d'ajouter au nouvel article 28 la création d'une table interministérielle,
chapeautée par le ministre de la Santé et des Services sociaux pour mettre en
place et coordonner des actions préventives susceptibles de soutenir le
développement des enfants; d'instituer d'ores et déjà, dans ce projet de loi,
les fonctions de commissaire et commissaire adjoint au bien être et aux droits
des enfants.
Je termine avec l'intervention judiciaire.
Bien que la judiciarisation des situations en protection de la jeunesse
constitue, dans certaines circonstances, l'avenue à privilégier, dans le
respect des droits des membres de la famille, le passage au tribunal devrait,
selon nous, être le dernier recours. L'approche contradictoire imposée par l'appareil
judiciaire n'est pas, selon nous, le meilleur véhicule pour faire évoluer les
familles au bénéfice des enfants. Cette approche engendre souvent une
cristallisation des conflits.
En conséquence, il faut, selon nous,
moderniser, humaniser, adapter le processus judiciaire afin qu'il serve mieux l'intérêt
de la famille et des enfants dans le contexte d'application de la loi. Il y a
peu de changements dans le projet de loi qui favoriseront l'utilisation des
approches consensuelles. À titre d'exemple, la conférence de règlement à l'amiable,
instaurée depuis 2007, est toujours sous-utilisée. Y a-t-il lieu de créer dans
la loi des obligations précises de recours à des approches consensuelles? C'est
une question qui mérite réflexion, selon nous. Nous souscrivons aux
dispositions de la loi qui augmentent la possibilité de conclure des ententes
volontaires et nous sommes aussi d'accord avec la représentation obligatoire
des enfants par un avocat. Il y a trois points, cependant que nous aimerions
amener. Premièrement... oui?
Le Président (M. Provençal)
: Madame? <Vous allez m'excuser, mais vous dépassez
déjà largement le 10 minutes, ça fait que je n'ai pas le choix de vous
interrompre.
Mme Goyette (Michèle)T :
...que nous aimerions amener. Premièrement... oui?
Le Président (M. Provençal)
:
Madame? >Vous allez m'excuser,
mais vous dépassez déjà largement le 10 minutes, ça fait que je n'ai pas
le choix de vous interrompre.
Mme Goyette (Michèle) :
D'accord.
Le Président (M. Provençal)
: Je vais demander le consentement pour la redistribution du
temps. Oui, ça va. Alors, M. le ministre, vous avez maintenant
16 min 30 s pour l'échange.
• (11 h 40) •
M. Carmant : Parfait,
merci beaucoup. Bonjour, Mme Goyette, j'espère je vais vous redonner du
temps pour terminer vos explications en vous posant les bonnes questions.
Mme Rioux, enchanté. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Merci pour
vos remarques, ce matin.
D'entrée de jeu, effectivement, pour nous,
l'intérêt de l'enfant doit primer. Le définir dans la loi pourrait entraîner
des complications parce que quand on fait des listes de situations, on en
manque toujours. Donc, quand vous nous suggérez de le définir dans la loi
comment... qu'est ce que vous voulez dire par là?
Mme Goyette (Michèle) :
Alors, c'est clair que ce n'est pas une mission facile de définir l'intérêt de
l'enfant, et c'est clair que jusqu'ici, dans l'application de la loi, l'intérêt
de l'enfant n'a pas toujours été compris de la même façon. À partir du moment
où on parle de questions comme la stabilité, par exemple, à partir du moment où
on va plus loin dans des mesures, dans des leviers qui précisent comment on
doit privilégier, par exemple, la stabilité, déjà, bien, on s'attaque davantage
à l'intérêt de l'enfant. Alors, c'est pourquoi que nos recommandations sont
vraiment dans le sens de donner des leviers supplémentaires, parce que notre
interprétation de l'intérêt de l'enfant, il faut la préciser dans ces leviers
supplémentaires là. Alors, c'est un peu la façon dont nous on y répond avec des
leviers supplémentaires.
M. Carmant : Je
comprends. Merci. Un autre point que vous avez mentionné aussi, c'était le
calcul de la durée maximale de placement, là, qui est souvent dépassée et qu'on
doit vraiment mieux définir et mettre un point de départ clair. Certains sont
même allés jusqu'à nous proposer de raccourcir ces délais maximaux de
placement. Êtes-vous en accord avec ça ou comment vous vous positionnez par
rapport à ça? Ou déjà juste de les respecter serait suffisant?
Mme Goyette (Michèle) :
Si je peux me permettre, Mme Rioux, je répondrai aussi à cette question.
Je pense que vous avez tout à fait raison, M. le ministre, quand vous dites :
Déjà de le respecter serait suffisant. On comprend que quand une situation se
produit à la protection de la jeunesse qui nécessite un placement, il y a déjà,
il y a plusieurs choses qui ont été tentées, et il y a du travail à faire avec
les parents pour les amener à être capables d'assurer la sécurité et le
développement de leurs enfants. Il faut donner ce temps-là, et les délais qui
existent nous apparaissent suffisants pour donner ce temps-là. Mais à partir du
moment où le temps a été donné, où les services ont été donnés, et ça, c'est un
autre aspect très important, si on donne temps, mais que les services qui
peuvent aider ces parents-là à évoluer ne sont pas au rendez-vous, on augmente,
à ce moment-là, les délais en disant : Bien, les parents n'ont pas reçu
les services. Mais pendant ce temps là, l'enfant, lui, s'attache ailleurs.
Donc, il faut impérativement que les services soient disponibles. Mais c'est
possible que malgré que les services soient disponibles, malgré que les parents
y contribuent, y participent activement, que la situation ne se résorbe pas, ça
arrive malheureusement, mais à ce moment-là, il y a une décision très difficile
à prendre, mais il faut la prendre. Et c'est là que quand on met des leviers
comme expliquer de façon très claire en quoi ce ne serait pas dans l'intérêt de
l'enfant de respecter les délais, on ajoute des contraintes qui vont faire qu'on
va resserrer le respect de ces délais-là. C'est un peu le point de vue qu'on
amène ce matin.
M. Carmant : Aussi, vous
avez mentionné que le placement en famille d'accueil à la majorité n'est pas un
projet de vie stable. Alors, ça, c'est la déclaration qui m'a fait le plus
réfléchir. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Puis comment on peut
améliorer les choses?
Mme Goyette (Michèle) :
Encore une fois, je me permets de répondre, Mme Rioux, si ça vous
convient. Évidemment, ça a été largement documenté dans le rapport de la
commission Laurent que le placement à majorité dans une famille d'accueil, ça n'implique
pas qu'un enfant a une famille pour la vie. Ça peut impliquer qu'il a plusieurs
familles tout au long de sa vie, qu'il se promène d'une famille d'accueil à l'autre.
La décision demeure la même : placement à majorité. Mais sa vie, elle, n'est
pas stable parce qu'il se promène d'une famille d'accueil à l'autre. Alors, c'est
sûr que des moyens comme la tutelle ou l'adoption sont des mesures beaucoup
plus aptes à procurer de la stabilité aux jeunes. Si on s'en va vers des
mesures de placement en famille d'accueil à majorité, il faut s'assurer que ce
soit la même famille d'accueil jusqu'à la majorité puis à ce moment-ci les
règles entourant les contrats avec les familles d'accueil ne permettent pas... <en
tout cas, il y a sûrement moyen de trouver une façon de stabiliser ces enfants-là,
mais dans le moment ce n'est pas la réalité pour certains d'entre eux...
Mme Goyette (Michèle) :
...puis à ce moment-ci les règles entourant les contrats avec les familles d'accueil
ne permettent pas... >en tout cas, il y a sûrement moyen de trouver une
façon de stabiliser ces enfants-là, mais dans le moment ce n'est pas la réalité
pour certains d'entre eux. Il y en a certains qui vont demeurer dans la même
famille d'accueil, mais ce n'est pas la majorité, je dirais.
M. Carmant : D'accord, merci.
Puis, quand on parle également un petit peu de l'arrimage avec les services
pour... Quand on parle de la transition à la vie adulte, nous, on a quand même
déployé ou accéléré le déploiement du programme Aire ouverte, qui justement
permet la transition, là, 18-25 ans, avec une visée surtout santé mentale. Mais
je sais que le chercheur, là, je pense, Dr Goyette aussi, peut-être, là, je ne
sais pas si je confonds les noms, là, mais qu'il nous propose d'utiliser ce
programme-là pour justement aider les jeunes qui sortent de la protection de la
jeunesse à faire la transition vers la vie adulte. Avez-vous déjà utilisé les
services d'Aire ouverte ou connaissez-vous le modèle? Puis qu'est-ce que vous
en pensez, de cette option-là?
Mme Goyette (Michèle) :
Personnellement, je ne connais pas le programme, malheureusement. Je connais
bien M. Martin Goyette pour l'étendue de ses travaux, justement, sur le passage
à la vie autonome. En passant, il n'y a pas de lien de parenté. Mais je pense
que Mme Rioux a aussi des choses à mentionner, là, par rapport au passage à la
vie autonome.
Mme Rioux (Josée) : Vous
savez, nos jeunes... Bonjour, M. le ministre. Vous savez, nos jeunes n'ont pas
toujours les services requis. Quand on quitte à 18 ans puis qu'on a été cadré
toute sa vie, que d'arriver à l'âge adulte et devoir se cadrer soi-même, ce n'est
pas quelque chose qui est facile, et de pouvoir bénéficier des services
rapidement quand on arrive à... quand on passe à la vie adulte demeure
important, parce que, pour avoir travaillé longtemps auprès des adultes, on les
voit en centre de détention, ils ne sont pas capables de s'adapter à la vie
adulte. Et, quand un jeune va faire des demandes de services, qu'on soit en
pédopsychiatrie, qu'on soit en psychiatrie ou qu'on soit en services généraux
en CLSC, s'il y a de l'attente, les jeunes, ils ne vont pas persévérer. C'est
sur le moment qu'ils doivent être pris en charge pour pouvoir développer un
lien avec la communauté, de pouvoir développer des capacités d'être autonomes,
et, si on attend deux, trois, quatre mois, le momentum est terminé, là, le
jeune, il ne va pas revenir, et c'est là où est-ce qu'on risque de les perdre,
nos jeunes, et c'est là où c'est important qu'il y ait vraiment une continuité
de services.
M. Carmant : O.K. Donc, c'est
en plein ce qu'on offre avec Aire ouverte, là, un service sans rendez-vous d'aide
psychosociale, santé mentale, etc. Donc, je pense que ce serait important que
ce pont-là se confirme, se concrétise.
Mme Rioux (Josée) : Effectivement.
M. Carmant : Je pense que c'est
définitivement sous-utilisé. Merci.
Un autre sujet qui m'intéresse beaucoup,
là, c'est l'hébergement jeunesse, puis ça, vous l'avez mentionné. Il y a peu de
gens qui l'ont mentionné dans leur rapport, là. Comment voyez-vous la capacité,
là, de rendre ça plus accessible, de rehausser les services d'hébergement
jeunesse puis d'utiliser les ressources pour faciliter la transition, tu sais,
que ce soient ceux de moins de 18 ans, ceux de plus de 18 ans?
Mme Goyette (Michèle) : Si je
peux me permettre, je pense qu'il y a des projets excessivement prometteurs qui
ont été mis en place, notamment par des fondations. Je vais noter l'exemple du
Projet Clé en Montérégie où, grâce à des dons, on soutient des jeunes pour
continuer leurs études, on soutient le paiement de leur appartement, etc.
Peut-être que ce n'est pas normal que ce ne soient que les fondations qui
soutiennent budgétairement ces projets-là. Alors, les jeunes sont ouverts à
recevoir de l'aide puis ont besoin de cet accompagnement-là, mais c'est
difficile de trouver le bon véhicule. Alors, dans le flou qui existe dans tous
les services au niveau des jeunes, bien, les fondations ont retroussé leurs
manches, et plusieurs ont fait des projets intéressants, mais ça ne peut pas ne
reposer que sur les fondations.
Il y a aussi tout le réseau des Aberges du
coeur, qui année après année trouvent difficilement des moyens de se financer,
qui ne sont pas financées à la hauteur des services qu'elles donnent. Alors, je
pense qu'il y a un investissement à faire pour soutenir cet... l'hébergement et
soutenir aussi le paiement au loyer, la commission Laurent l'a recommandé...
est un point intéressant. Je ne sais pas, Josée, si tu voulais...
Mme Rioux (Josée) : Oui. Si
vous permettez, on a des réalités régionales aussi, hein? Ce qui offert en
Montérégie, ce qui est offert à Montréal n'est pas nécessairement offert sur la
Côte-Nord. Alors, c'est certain que plus on va arriver à pouvoir fournir de l'hébergement
comme ça aux jeunes dans toutes les régions, on va les aider encore davantage,
et moins on risque encore, je maintiens ma position, de les retrouver dans le
monde adulte au niveau correctionnel. C'est vraiment cette portion-là qui est
inquiétante, c'est de voir un dérapage, <de voir un glissement
rapidement, et que d'offrir un hébergement dans toutes les régions du Québec,
que ce ne soit pas à géométrie variable, je pense que ce serait quelque chose
de gagnant à ce moment-là...
Mme Rioux (Josée) :
...c'est vraiment cette portion-là qui est inquiétante, c'est de voir un
dérapage, >de voir un glissement rapidement, et que d'offrir un
hébergement dans toutes les régions du Québec, que ce ne soit pas à géométrie
variable, je pense que ce serait quelque chose de gagnant à ce moment-là.
M. Carmant : On a offert des
PSL, là, des plans de supplément au loyer, qui aident les jeunes, mais une fois
qu'ils sont en situation d'itinérance. Est-ce qu'il y aurait moyen, selon vous,
là, d'utiliser ça comme transition directement vers du centre jeunesse?
Mme Goyette (Michèle) :
Absolument, en prévention de l'itinérance, justement.
Mme Rioux (Josée) :
Effectivement. Puis c'est vrai que les Auberges du coeur peuvent aussi être une
bonne alternative.
M. Carmant : Pour utiliser
ces PSL-là?
Mme Rioux (Josée) : Pour
offrir l'hébergement, pour pouvoir, là, justement prendre en charge les jeunes,
parce qu'il quand même des bons services dans les Auberges du coeur.
• (11 h 50) •
M. Carmant : Mais est-ce qu'ils
ont de la capacité additionnelle? Je pense que c'est ça, le problème.
Mme Rioux (Josée) : Tout
dépendant. C'est, encore là, tout dépendant des régions, tout dépendant du
financement.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup. M. le Président, je passerais la parole à la députée de
Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Allez-y, Mme la députée.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour. Moi, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure concernant
l'intervention judiciaire. Vous avez parlé de moderniser, humaniser et vous
avez parlé aussi de règlement à l'amiable. J'aimerais vous entendre plus
longuement là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Goyette (Michèle) :
Alors, dès 2007, il y a eu des dispositions, dans la loi, qui ont favorisé
certaines possibilités d'entente consensuelle, la révision sans audition, et la
conférence de règlement à l'amiable était une de ces dispositions-là. Ça fait
quand même 15 ans, je vous dirais qu'il y a eu beaucoup de travaux qui ont été
faits pour essayer de mettre ça en place, mais pour des raisons que je peux
difficilement expliquer, ça n'a vraiment pas levé, ça n'a vraiment pas
fonctionné. Alors, c'est dans ce sens-là que nous, on pense que, comme l'approche
contradictoire, les parents, l'enfant contre la DPJ au tribunal, ça cristallise
des positions, ce n'est pas de nature à trouver des solutions gagnant-gagnant,
si je peux me permettre, puis de donner du pouvoir aux jeunes puis aux parents.
Nous, on aimerait que ces approches-là soient davantage utilisées, alors
comment on fait pour qu'elles soient davantage utilisées? Mais, nous, on
soulève la question : Y a-t-il lieu de mettre quelque chose d'obligatoire,
comme une médiation obligatoire, ou de rendre ces mécanismes-là plus
automatiques?
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
O.K. Moi, j'ai fait un mandat en violence conjugale, je le sais que, quand il y
a des séparations de couple, tout ça, la médiation, c'est... puis, tu sais,
quand il y a eu de la violence conjugale, ce n'est pas recommandé de faire des
règlements à l'amiable parce que, justement, on ne peut pas se parler, quand il
y a la DPJ là-dedans aussi, j'imagine que, quand il y a de la violence, je ne
comprends pas trop... bien, le règlement à l'amiable quand...
Mme Goyette (Michèle) : Bien,
en fait, je pense que si on part du principe que, dans une situation de
protection de la jeunesse, il y a un enfant qui vit... dont la sécurité de
développement est compromise, puis il y a des parents qui sont certainement...
qui aiment cet enfant-là certainement, qui veulent son objet, on devrait être
capable de s'entendre sur qu'est ce que ça veut dire, son intérêt, et de
convenir ensemble de moyens, au lieu de s'affronter dans le débat
contradictoire, c'est ce qu'on veut dire. Et évidemment il y a déjà des mesures
volontaires qui existent, on est content qu'il y ait a une prolongation
possible des mesures volontaires. Mais le système contradictoire en tant que
tel, par rapport à un problème social, parce que la protection de l'enfant, c'est
un problème social comme la violence conjugale, est-ce que c'est le meilleur
moyen pour trouver la meilleure solution? Des fois, oui, mais pas toujours.
Alors, est-ce qu'on peut aller un petit peu plus loin dans des ententes
consensuelles? C'est la proposition qu'on fait.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Au niveau de la formation, par rapport à l'enfance, dans les différents
curriculums, il y a d'autres groupes qui sont venus avant puis qui ont dit que
c'était... on n'en parlait pas beaucoup dans les curriculums, est-ce que c'est
le même cas en criminologie? Qu'est-ce qui devrait être fait d'après vous?
Mme Goyette (Michèle) : Bien,
au niveau de la formation des criminologues, il y a tout ce qui est nécessaire
pour travailler auprès des enfants en besoin de protection. Le cursus a été
reconnu par les travaux concernant le p.l. n° 21 et
fait en sorte que les criminologues font partie des trois ordres professionnels
qui ont... qui ont la <capacité d'exercer les activités réservées en
protection de la jeunesse.
Mme Goyette (Michèle) :
...qui
ont la >capacité d'exercer les activités réservées en protection de la
jeunesse.
Les recommandations qu'on fait, nous, sont
beaucoup plus liées vers le monde judiciaire, où on dit, par exemple, l'avocat
qui représente un enfant, comment fait-il pour déterminer quel est l'intérêt de
son client, principalement quand ce client-là est très jeune et ne peut pas
nécessairement s'exprimer lui-même. Ça prend quelques notions au niveau de qu'est
ce que c'est, le développement d'un enfant, de quoi un enfant a besoin, toutes
les notions d'attachement. À partir du moment où on connaît ces notions-là, on
a une plus grande sensibilité à toute la question de la stabilité, à toute la
question des effets de la maltraitance sur les enfants.
Alors, nous, notre position, c'est
beaucoup de dire, en plus des formations qui existent déjà, d'aller un petit
peu plus loin, là, au niveau de la magistrature et des avocats qui exercent
auprès des enfants.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Donc, bonjour, Mmes Rioux et Goyette. Merci pour votre mémoire. Très
intéressant d'avoir votre point de vue en étant l'Ordre des criminologues. Et
on a entendu plusieurs ordres, hier, donc il y a certaines convergences, mais
on voit que chacun a sa spécificité, et ça apporte des lumières intéressantes.
Et d'ailleurs plusieurs groupes se
prononcent sur votre premier sujet, là, dans votre mémoire, je crois bien que c'est
le premier, sur la timidité du projet de loi sur les enfants autochtones, et
que c'est le temps d'aller plus loin. C'est beaucoup ce que les gens disent. On
sent un mouvement dans la population, la société québécoise. Est-ce que vous
pourriez vous exprimer... Est-ce que vous avez une expérience dans ce domaine?
Mme Goyette (Michèle) : Si tu
me permets, Josée, je vais me prononcer là-dessus.
Mme Rioux (Josée) : Bien sûr.
C'est toi la spécialiste.
Mme Goyette (Michèle) : En
fait, personnellement, moi, j'ai eu l'occasion de travailler dans des
communautés autochtones dans les dernières années. Et quand on dit que l'autodétermination
est probablement la meilleure chose, j'en conviens tout à fait. Parce que dans
le rôle que j'ai joué auprès de ces communautés-là, je constate que les gens
des communautés sont les mieux placés pour déterminer comment résoudre leurs
problèmes, comment donner la meilleure stabilité à leurs enfants, comment
soutenir le mieux possible les parents. Il y a une différence culturelle
importante entre ce que, nous, on fait, les Occidentaux, si je peux me
permettre, parce que c'est comme ça, souvent, qu'ils nous appellent, et les
communautés autochtones. Et nos moyens, souvent, se heurtent à leur culture et
à leurs traditions, et il y a comme une incompréhension, puis c'est
particulièrement vrai quand on est à la cour. En général, au tribunal, ce sont
des blancs qui sont là pour prendre des décisions. Alors, je pense que plus on
peut aller vers une forme d'autodétermination, mieux ce sera. C'est le point de
vue qu'on a exprimé dans notre mémoire.
Mme Weil : Très bien. Très intéressant.
Oui, à la page 7 de votre mémoire, vous parlez de... «nous craignons que
les écarts d'interprétation...» pour l'intérêt de l'enfant et les dérives que
ça pourrait comporter. Est-ce que vous pourriez peut-être expliquer, bien, vous
parlez déjà de dérives, expliquer votre expérience à cet égard? Donc, l'interprétation
des uns et des autres par rapport à cette notion qui existe dans la loi depuis
très longtemps. Peut-être, aller sur votre expérience et des exemples, ça rend
ça très concret.
Mme Goyette (Michèle) : Oui,
alors... Merci, Josée. Effectivement, mon expérience en protection m'a amené à
voir que l'intérêt de l'enfant, pour moi, ça peut être une chose, et pour mon
voisin, ça peut être autre chose. Et c'est pour ça que quand je répondais
tantôt à la question de M. le ministre Carmant, ce que je disais, c'est que
plus la loi est précise dans ses modalités, dans son application, plus cela va
permettre de clarifier. On est d'accord, tout le monde, pour dire que l'intérêt
de l'enfant, c'est de vivre dans une famille stable. Ça, tout est documenté,
tout est bien expliqué. Mais si on n'a pas les leviers légaux pour s'assurer
que ça se fait... Moi, je peux être une personne qui croit beaucoup à la force
des liens biologiques, parce que c'est ma croyance, et, si c'est moi qui a à
prendre la décision, je pourrais peut-être m'écarter de la question de la
stabilité. <Alors, en mettant des objectifs et des moyens, des leviers
légaux très clairs, on précise des principes qu'on a mis de l'avant...
Mme Goyette (Michèle) :
...peut-être,
m'écarter de la question de la stabilité. >Alors, en mettant des
objectifs et des moyens, des leviers légaux très clairs, on précise des
principes qu'on a mis de l'avant.
Alors, c'est pour ça que nous, on fait les
recommandations qu'on fait, en disant : Oui, c'est beau que ce soit dans
les principes, mais si on veut que ça s'actualise, il faut aller plus loin que
les principes. Autrement, ça laisse place à l'interprétation de tout un chacun
de qu'est-ce que c'est, l'intérêt de l'enfant. Parce qu'on le sait, on n'a pas
tous la même vision par rapport à ça.
Mme Weil : Comment
arriver à ces précisions? Quel serait l'exercice que le gouvernement devrait
faire?
Mme Goyette (Michèle) : Eh
bien, je pense que...
Mme Weil : Est ce que ce
serait tout de suite dans le projet de loi?
• (12 heures) •
Mme Goyette (Michèle) : Bien,
je pense que le meilleur et le meilleur exemple qu'on peut donner, c'est
vraiment la question de la stabilité. À partir du moment où il y a des leviers
dans la loi qui disent écoutez si vous dépassez les durées maximales de
placement, il faut vraiment prendre le temps de faire une analyse rigoureuse
que c'est dans l'intérêt de l'enfant et non pas parce que les parents ont eu de
telles difficultés, ou il est arrivé telle chose, ou... est ce que c'est
vraiment dans l'intérêt de l'enfant de dépasser les durées de placement? Et si
ça ne l'est pas, on ne les dépasse pas. Alors, ces leviers-là font en sorte
qu'on ne permet plus autant de latitude pour préciser ces choses-là. C'est
vraiment une question de refermer l'entonnoir par des dispositions légales
précises, puis le projet de loi le fait dans beaucoup de choses. Par exemple,
on a dit beaucoup que ce n'était pas dans l'intérêt de l'enfant parfois de ne
pas s'échanger d'informations. Effectivement, parfois, ça nuit à des enfants qu'on
ne se transmette pas d'informations. Alors là, on dit, si c'est dans l'intérêt
de l'enfant, vous devez le faire, vous devez même être relevé de votre secret
professionnel. Alors, il y en a déjà des moyens dans le projet de loi,
beaucoup, et on en est très heureux, mais nous on va un petit peu plus loin
avec la recommandation qu'on fait.
Mme Weil : Non, mais c'est
la stabilité, je pense que cette notion du temps de l'enfant est incluse un peu
dans cette notion de stabilité, et assez rapidement établir cette stabilité
avant que...
Mme Goyette (Michèle) : Voilà.
Mme Weil : ...il y ait
des conséquences sur son développement et son bien être.
Mme Goyette (Michèle) : Absolument.
Mme Weil : On a parlé
déjà de judiciarisation, j'aimerais vous vous amener... Bon, vous dites que le
Québec est le cancre du Canada. C'est sûr que quand je vois ce mot-là et quand
je vois ces comparaisons-là, ça invite à une réflexion pour qu'on soit à niveau
concernant donc des programmes pour... des programmes et l'obligation qu'ils
soient ancrés quelque part pour les 18‑21 ans. Donc, le ministre a évoqué
des expériences qui ont des... qui connaissent des succès, etc. Qu'est-ce que
vous avez... Est-ce que vous avez des exemples de modèles ailleurs au Canada
que vous trouvez qu'on peut suivre? Je sais quoi aux États-Unis, apparemment, c'est
la Californie qui a le meilleur programme. C'est ce qu'on a découvert. Et
est-ce que c'est logique, ou est-ce qu'on donne la mission et l'autorité,
auquel cas, il faudrait changer la loi, à la DPJ? Parce que c'est cette
entité-là qui a cette mission, est-ce que c'est transféré au ministère de l'Emploi
ou autre et c'est le gouvernement, puis on trouve qui sont les meilleurs? Bon.
La DPJ fait la préparation, puis ensuite c'est entre les mains... Donc, comment
ils font dans les autres provinces qui sont des modèles?
Mme Goyette (Michèle) : C'est
si je peux me permettre une des choses qui existent dans toutes les autres
provinces que le Québec, mais que nous, on n'a pas fait des réseaux d'entraide
entre jeunes placés et ex-jeunes placés qui sont très... Ces jeunes-là sont des
jeunes adultes qui ont vécu le placement et qui soutiennent des jeunes dans
leur transition à la vie adulte. Ces réseaux-là sont soutenus financièrement et
ces réseaux-là sont écoutés aussi par rapport à quels sont les besoins. Quand
on a vécu le placement, quels sont nos besoins? Ils se sont présentés à la
commission Laurent. Ils ont été très éloquents dans leurs recommandations. Il y
a un petit noyau de réseaux qui existent au Québec, mais qui vivotent, si je
peux me permettre. Alors, je pense qu'il faut donner la parole aux jeunes,
puis, ces moyens-là, c'est vraiment une façon de le faire.
Ensuite est-ce que ce sont des mécanismes
qui devraient être dans la loi? Nous on en propose un, la question de permettre
le placement... la poursuite du placement jusqu'à 21 ans. Est-ce que ça
peut entrer dans la Loi sur la protection de la jeunesse, qui est une bonne
question? Mais c'est clair qu'il y a un chantier à faire autour de cette
question-là. Bon, le ministre nous a parlé du projet Aire ouverte.
Personnellement, je ne le connaissais pas, mais je pense que ce genre de chose
qui doit être développée et qui doit être développée de concert avec les gens
qui s'occupent des adolescents jusqu'à leur majorité et les gens qui vont s'occuper
d'eux après leur majorité. Il y a un travail de collaboration à faire là très
important.
Mme Weil : Et c'est
toujours quand même bien aussi, je pense, d'avoir un ministère ou le
gouvernement qui est aussi... je pense au ministère de l'Emploi pour la portion
emploi peut-être...
12 h (version révisée)
Mme Weil : ...je pense, d'avoir
un ministère ou le gouvernement, qui est aussi... je pense au ministère de l'Emploi
pour la portion emploi, peut-être, en tout cas, donc, de l'ancrer quelque part,
donc, pour que ça soit, comment dire, une obligation, une responsabilité du
gouvernement. Je sais ce que vous dites par rapport aux réseaux. Il y a des
réseaux qui existent au Québec, mais ils sont fragiles. Et hier, donc, Camil Bouchard
nous disait : Des fois, il y a des belles expériences dans la communauté,
mais, ah!, les gens ont quitté, ils ont trouvé d'autres fonctions ailleurs, et
finalement ça s'effrite. Mais, quand c'est ancré au gouvernement, et ensuite on
développe l'expertise... Donc, à réfléchir. Donc, il me reste...
Mme Rioux (Josée) : Vous
savez, le Québec est novateur souvent, dans la majorité de ses programmes. Alors,
que d'être capable d'imaginer quelque chose qui pourrait prendre la relève de
la DPJ ou du ministère de la Santé, là, et des Services sociaux, ça pourrait
être quelque chose qui pourrait être intéressant. C'est un chantier, comme Mme Goyette
dit, qu'il faut qu'on prenne en compte. Et, quand je disais tout à l'heure que
c'est un... c'est un chantier de société, hein, c'est là, hein, pour ne pas que
le jeune tombe entre deux chaises, il faut vraiment qu'on trouve, là, un
mécanisme pour pouvoir maintenir les services avec ces jeunes-là.
Mme Weil : Mais avec du
financement public, essentiellement, parce que sans ce financement stable, c'est
de la bienfaisance et c'est des dons.
Mme Rioux (Josée) : Le
financement public et la responsabilité du ministère aussi.
Mme Weil : Absolument. Il
reste une minute? Pas une minute.
Le Président (M. Provençal)
:C'est terminé.
Mme Weil : Très bien. Merci beaucoup
pour votre présentation.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons compléter cet échange
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Dans votre mémoire, vous proposez «d'introduire dans la LPJ l'obligation de
planification concurrente d'un projet de vie dès le premier placement d'un
enfant âgé de moins de cinq ans». Pouvez-vous nous dire pourquoi?
Mme Goyette (Michèle) : Je
peux... Je vais me permettre de répondre. À partir du moment où on décide de
retirer un enfant de moins de cinq ans de sa famille, c'est une décision très
lourde de conséquences et c'est une décision qui est prise parce qu'on n'a
vraiment pas le choix, que ce soit par le directeur de la protection de la
jeunesse ou par un tribunal. Ça signale une difficulté importante pour les
parents et ça signale que ça ne sera peut-être pas possible que cet enfant-là
revienne. On va tout faire le travail qu'on peut faire pour que l'enfant
revienne dans sa famille, on va fournir les services, et j'insiste sur la
nécessité que ces services-là soient disponibles pour les parents, mais il faut
avoir un plan B. Il ne faut pas se promener d'une échéance à l'autre, que
le jeune enfant est maintenu dans une famille d'accueil sans jamais savoir s'il
va revenir avec ses parents. Et c'est difficile pour l'enfant de s'attacher à
cette famille d'accueil là, il y a... Alors, je n'ai pas besoin d'aller plus
loin, là, pour vous illustrer qu'il faut qu'on ait déjà en tête un plan B,
mais on travaille sur le plan A, évidemment, avec toute l'énergie possible
et avec tous les services requis autant que possible.
M. Zanetti : ...c'est de dire :
Il faut toujours qu'il y ait au moins un plan sûr...
Mme Goyette (Michèle) : Absolument.
Absolument.
M. Zanetti : ...un plan
stable. Je comprends. Puis sur la question de la confidentialité puis du
partage d'information, est-ce que vous avez un critère à proposer de balises à
ne pas dépasser, par exemple?
Mme Goyette (Michèle) : Bien,
nous, dans notre mémoire, vous allez voir qu'on a mis différentes balises, mais
je pense que la principale, c'est une balise qui est déjà connue dans les
milieux, qui est la nécessité et la pertinence, une information, pour qu'elle
soit divulguée, soit pertinente à la protection de l'enfant et soit en lien
avec son intérêt, et que ce soit nécessaire que cette information-là soit
divulguée. Alors, ce n'est pas des critères mathématiques, malheureusement, et
on n'est pas dans des choses qui se tranchent au couteau, mais je pense que
tous les professionnels, et que ce soit dans le système judiciaire ou dans le
système social, qui travaillent avec des clientèles en protection de la
jeunesse, doivent avoir en tête ces balises-là, parce que le respect de la vie
privée, c'est un droit aussi. Et je pense que, nous tous, si nous avions une
situation où nos informations confidentielles sont divulguées, on voudrait que
la loi soit bien respectée.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, Mme Rioux,
Mme Goyette, merci beaucoup de votre contribution et de votre
participation à nos travaux.
Je suspends temporairement les travaux
pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise à 12 h 11)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la
Fondation Marie-Vincent. Mesdames, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes
pour votre présentation, et par la suite nous procéderons aux échanges. Alors,
je vous cède immédiatement la parole.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Merci. Alors, bonjour. Bien, tout d'abord, on souhaite remercier la commission
pour cette invitation à contribuer à vos travaux pour cet important projet de
loi en protection de la jeunesse. Je commencerais par vous dire quelques mots
sur notre organisation puis ensuite je vais céder la parole à ma collègue la
directrice des services cliniques.
Donc, Marie-Vincent, qui sommes-nous?
Alors, nous sommes un organisme à but non lucratif qui soutient les enfants et
les adolescents victimes de violence sexuelle en leur offrant, sous un même
toit et en collaboration avec nos partenaires, les services dont ils ont
besoin. On contribue aussi, à Marie-Vincent, à prévenir la violence sexuelle en
misant sur l'éducation, la sensibilisation, et on aide aussi les enfants qui
présentent des comportements sexuels problématiques, et on outille, évidemment,
bien, les adultes qui les entourent.
Donc, Marie-Vincent est ce qu'on appelle
un centre d'appui à l'enfance et à la jeunesse qui offre des services intégrés.
Ça, ce que ça veut dire, c'est que du dévoilement à la fin du suivi
thérapeutique, les services dont les jeunes et leurs familles, finalement, ont
besoin, les parents non agresseurs, que nous, on appelle, ont besoin... peuvent
avoir besoin, et ces services-là sont tous offerts sous un même toit. Par
exemple, les corps policiers, les médecins viennent à Marie-Vincent pour
rencontrer les enfants dans des salles adaptées, dans des salles qui sont plus
chaleureuses. Les intervenants de la protection de la jeunesse aussi se
déplacent dans nos centres puis peuvent accompagner les enfants quelquefois
aussi à titre d'adultes significatifs.
Donc, nous, ce qu'on offre avec nos
cliniciennes, bien, ce sont des services psychosociaux, des services
psychothérapeutiques, du soutien aux parents. Tout ça, c'est offert dans notre
centre.
Je vous ai dit en début, en introduction,
qu'on offre des services cliniques, mais le deuxième pilier de l'offre de
services de Marie-Vincent, bien, c'est la prévention. Donc, on développe des
programmes de prévention auprès des tout-petits, 0-5 ans, auprès des
adolescents, 13-17, puis là on vient d'avoir du financement aussi pour
développer des programmes de prévention pour les 6-12 ans, donc on pourra
offrir des services 0-17 ans également en prévention.
Marie-Vincent, c'est aussi une offre de
formation, donc on participe au transfert des connaissances avec des formations
pour nos partenaires, les partenaires de la protection de la jeunesse, les
partenaires des écoles, les centres de la petite enfance, d'autres organismes
communautaires, nos partenaires du sociojudiciaire aussi, les avocats, les
CAVAC, les gens qui oeuvrent autour des enfants. On offre des formations
également en prévention aussi, comme comment recevoir un dévoilement, comment
mieux accompagner les enfants. Ça, ce sont tous des services que nous offrons à
Marie-Vincent.
Maintenant, pour en venir au coeur du
sujet, dans le fond, nos commentaires sur le projet de loi n° 15, bien,
selon nous, il s'agit d'une occasion à saisir pour faciliter la collaboration
entre les partenaires pour, dans le fond, solidifier notre modèle de centre d'appui
aux enfants à Marie-Vincent, briser les silos, faciliter la collaboration entre
les partenaires qui gravitent autour des enfants. C'est au cœur du modèle de
notre <service...
Mme Gareau (Stéphanie) :
...les silos, faciliter la collaboration entre les partenaires qui gravitent
autour des enfants. C'est au cœur du modèle de notre >service.
Ce qu'on se rend compte aussi, bien, ce qu'on
a entendu avec bonheur, c'était au coeur aussi des recommandations de la Commission
spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, mais, avec
le projet de loi n° 15, on voit aussi que c'est une préoccupation du
gouvernement.
Je pense que... On pensait, à
Marie-Vincent, que ce qui était intéressant de notre contribution à vos
travaux, c'était aussi que la directrice des services cliniques,
Mme Dionne, puisse vous illustrer, dans le fond, l'importance de la
circulation de l'information puis de la collaboration avec les partenaires pour
le meilleur intérêt des jeunes victimes de violence sexuelle qui sont accompagnées
par nos thérapeutes. Donc, je lui demanderais peut-être d'illustrer plus
concrètement ce que ça veut dire pour les enfants pour qu'ensuite de ça vous
ayez une meilleure compréhension de nos recommandations. Merci.
Mme Dionne (Sonia) : En
effet, au-delà de toutes les recommandations qui vont... auxquelles vous
pourrez avoir accès, là, dans notre mémoire, il nous apparaît, là, vraiment
très... de façon très importante... de vous illustrer l'engagement puis l'impact
qu'un organisme comme Marie-Vincent a sur les enfants. Nos familles et les
enfants qu'on rencontre à Marie-Vincent, on les suit pendant des semaines, des
mois et même des années. On les connaît pendant très longtemps, on les suit
pendant très longtemps. Nos services sont adaptés à leurs besoins, à leurs
particularités et aussi à leur évolution dans le temps. On le sait, les enfants
évoluent rapidement à travers les étapes. On les suit dans leur évolution, ce
qui nécessite un travail essentiel au niveau de la collaboration, donc, oui,
avec la DPJ et aussi avec tous les autres partenaires.
Un partage fluide des informations
pertinentes entre les différents partenaires, pas seulement avec la DPJ, entre
les différents partenaires, est primordial. L'expérience l'a démontré, les échanges
en silo, ça ne nous permet pas d'atteindre nos objectifs de protection des
enfants. À Marie-Vincent, on a les enfants, Mme Gareau l'a spécifié, on a
les enfants à partir du dévoilement, quelquefois tout de suite après l'investigation
policière, qui se fait dans nos lieux ou ailleurs, mais aussi par référence de
différents partenaires comme la DPJ, les écoles, les organismes communautaires,
les policiers. Différents partenaires peuvent nous référer des enfants victimes
de violence sexuelle.
Dès les premiers jours, une
intervention... (panne de son) ...se fait en parallèle avec tout ce que les
autres partenaires font dans la situation d'urgence suite à un dévoilement. C'est
important pour nous de spécifier que notre travail se fait toujours en
parallèle avec le système de justice, ce que la DPJ va mettre sur pied pour
protéger ces enfants-là. Donc, l'intervention interdisciplinaire et concertée
est le moyen, pour nous, essentiel à offrir les meilleurs services de sécurité
et de protection aux enfants victimes de violence sexuelle qu'on rencontre dans
notre ressource.
Donc, suite à cette crise-là, suite à ce
que, nous autres, on image comme la bombe qui tombe dans la famille suite au
dévoilement, il y a ces rencontres qu'on offre aux parents et aux adolescents
pour assurer un filet de sécurité, un filet de sécurité pour s'assurer qu'ils
ont les ressources, qu'ils ont les bonnes personnes de confiance dans leur
entourage pour traiter toutes les difficultés que peut engendrer une situation
de violence sexuelle dans une famille. Les besoins sont différents d'une
famille à l'autre, la structure de la maison qui reçoit une bombe peut être
endommagée de façon différente, et donc on s'adapte à chacun des besoins. Et
chacun des partenaires, selon les besoins, seront interpelés par un organisme
comme nous, et d'autres viendront nous chercher aussi.
Donc, suite à cette crise-là, les enfants
auront droit, là, à une quinzaine d'heures d'intervention psychosociale afin de
leur permettre, là, de travailler sur leur situation, leurs besoins. Et,
pendant toutes ces heures-là, une guidance parentale est aussi offerte. Donc,
nous offrons un service à la famille, et non pas seulement à la victime pour
faire en sorte que tout le monde travaille ensemble.
Suite à ces rencontres-là, il y a aussi un
service psychothérapeutique. Marie-Vincent a la <chance...
Mme Dionne (Sonia) :
...ensemble.
Suite à ces rencontres-là, il y a aussi
un service psychothérapeutique. Marie-Vincent a la >chance d'être formée
d'une équipe de professionnels expérimentés et spécialisés en violence
sexuelle. Notre expertise est importante, recherchée, et on aime la partager,
et on s'assure que plus... dans les meilleurs moments, on puisse concerter
notre travail avec celui de la DPJ et des autres.
Donc, l'action concertée et adaptée aux
besoins évolutifs des enfants est essentielle. Chaque étape du processus de
guérison de ces enfants que nous soutenons doit être faite avec tous les
partenaires concernés par la situation vécue par les enfants. Je te cède la
parole pour terminer, Stéphanie.
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui.
Donc, dans le fond, en conclusion, vous l'aurez vu dans...
Le Président (M. Provençal)
: Moins d'une minute.
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui.
Bien, alors ce que je voulais juste dire en conclusion, c'est qu'à
Marie-Vincent on n'est pas des avocats dans notre quotidien. Nous, notre
objectif, en participant aux travaux de la commission, c'est qu'il soit clair à
la fin de notre témoignage que, dans le fond, il faut que le projet de loi n° 15
donne aux organismes comme le nôtre les moyens de faire notre travail, de
collaborer, de transmettre de l'information. Parce que tout ça, au final, c'est
pour aider les enfants puis pour veiller à leur meilleur intérêt. Merci.
• (12 h 20) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup de votre exposé. Avant de céder la parole à
M. le ministre, je veux rappeler aux membres que M. le ministre devra quitter à
12 h 53 pour son débat de fin de séance au salon bleu. Alors, je
tenais à informer les membres. M. le ministre.
M. Carmant : Merci pour la
nouvelle, M. le Président. Bonjour, Mme Gareau, Mme Dionne. Bien,
premièrement, bien, je vous remercie pour le travail que vous faites, là, pour
nos enfants, là. J'ai eu la chance de vous rencontrer dans le passé, puis c'est
clair que Marie-Vincent, c'est une institution pour nous qui est importante.
Puis le modèle de services intégrés que vous utilisez, on veut le déployer,
comme vous le savez, là, à travers le Québec.
Le point que vous parlez, c'est beaucoup
la communication entre les différents intervenants, puis on a voulu travailler
ça quand on a parlé au niveau de la confidentialité. Mais vous, est-ce... Quand
je lis votre mémoire, vous semblez plus inquiètes de la... partage d'information
entre les différents professionnels. Mais, pour vous, c'est quand même plus
facile dans un modèle intégré. Comment on... Est-ce que c'est avec la DPJ, les
difficultés de partage d'information, ou c'est vraiment entre les différents
professionnels qui évaluent l'enfant? Ce n'était pas clair pour moi.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, je peux commencer, mais je pense que Sonia pourra compléter parce que c'est
davantage elle dans son quotidien, là. Nous, dans le fond, ce qu'on constate, à
la lecture du projet de loi n° 15, c'est qu'il y a beaucoup d'outils pour que
la DPJ puisse aller chercher de l'information. Nous, on veut collaborer, on
veut fournir de l'information, mais il faut que cette conversation-là puisse
avoir lieu dans les deux sens. Ça fait que oui, la DPJ, mais oui aussi que l'information
puisse circuler entre les différents partenaires qui, dans le fond, qui
entourent l'enfant, là. Peut-être plus concrètement, Mme Dionne pourra
vous préciser, là, ce que vous cherchez à comprendre mieux, là.
Mme Dionne (Sonia) : En
effet, l'objectif et notre souhait pour le projet de loi, c'est de faire en
sorte que l'information ne soit pas offerte seulement dans une seule
trajectoire, donc qu'elle soit échangée, et que nous ne sommes plus une forme d'outil
pour permettre à la DPJ d'aller jusqu'au bout de leur objectif. Ceci dit, on a
des très bonnes collaborations avec la DPJ, ce n'est pas visé, mais on pense
que la loi devrait permettre aux travailleurs et aux travailleuses de la DPJ de
pouvoir échanger avec des professionnels tels que nous le sommes, et ceci en
toute humilité, mais nous avons une expertise, et c'est important qu'on puisse
avoir une loi qui nous permet d'échanger et non pas d'être un outil d'information.
C'est dans ce sens-là qu'on évite les silos, on évite de travailler en silo et
de faire en sorte qu'on voit tous les aspects de l'enfant dans sa généralité
avec tous les acteurs présents, dont la DPJ, pour s'assurer qu'on a une
compréhension globale de la situation de l'enfant et assurer sa sécurité en
bout de ligne.
M. Carmant : O.K. Donc,
clairement, parce que ça, c'est la... Moi, c'est ce que je voulais, là, comme
législateur. Donc, clairement, vous ne trouvez pas qu'on va assez loin. Je sais
qu'on a inclus les familles d'accueil, parce que ce n'était même pas dans le
groupe, mais on parle des <professionnels...
M. Carmant :
...a
inclus les familles d'accueil, parce que ce n'était même pas dans le groupe,
mais on parle des >professionnels. Donc, qu'est-ce qu'on doit modifier à
la loi pour, tu sais, que vraiment cet échange d'information se fasse plus
fluidement?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, ce qu'on pense, par exemple, c'est que, tu sais, nous, on trouve que l'ajout
du préambule, c'est une excellente amélioration. Puis on se disait, bien, dans
le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants, là, on parlait
d'une charte des droits des enfants. Mais, dans les considérants qu'il y avait
dans cette charte-là, on parlait, là, que le droit à la protection de l'enfant,
ça implique un partage fluide des informations pertinentes entre les divers
acteurs qui composent le réseau de protection. Ça fait que nous, ce qu'on dit,
c'est, bon, peut-être que vous n'êtes pas rendu encore à aller là, vers une
charte, mais il y a une occasion, avec l'ouverture de la Loi sur la protection
de la jeunesse, avec le projet de loi n° 15, peut-être d'intégrer dans le
préambule cette notion de partage fluide entre tous les partenaires.
Tu sais, il y avait quatre points, là,
dans le rapport des commissaires, là, où on parlait... Ils sont reproduits dans
notre mémoire, là, je les répète pour les fins de la discussion, mais il y
avait le partage fluide, il y avait l'importance de reconnaître que l'enfant,
dans le fond, il évolue dans... il a besoin d'une intervention collective et
interdisciplinaire, qu'il faut que ça serve, que le partage, évidemment, il
faut que le partage d'information serve les besoins et l'intérêt de l'enfant,
là, c'est clair pour nous, et puis qu'évidemment les gens qui reçoivent cette
information-là ont un devoir de discrétion. Ces quatre points-là étaient dans
le rapport de la CSDEPJ, puis on pense que ça pourrait être un ajout fort utile
au préambule du projet, avec le projet de loi n° 15.
M. Carmant : Et est-ce que...
On a quand même senti, auprès des différents ordres auxquels on a parlé, une
certaine hésitation ou un certain tiraillement quant au sujet de la
confidentialité que nous, on veut vraiment élargir. Est-ce que, dans votre
pratique quotidienne, vous avez ce même sentiment-là?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, dans tous les cas, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que, tu sais,
quand la loi n'est pas claire, bien, on s'abstient. Donc, ça vise exactement
ça. Il y a différents ordres professionnels, ils ont des codes de déontologie
distincts, il y a une frilosité qui est plus grande auprès de certains, moins
grande auprès de d'autres. Donc, on se dit, mais si, dans la loi, on indique
clairement qu'il y a ce partage d'information là dans le meilleur intérêt de l'enfant,
avec un devoir de discrétion, on pense que peut-être ça va pallier toutes ces
interprétations distinctes que chacun fait. Tu sais, on se dit que dans... La
Loi sur la protection de la jeunesse, son objectif, clairement, c'est de
veiller au meilleur intérêt de l'enfant. Pour nous, ce qu'on observe, c'est que
ce meilleur intérêt là, il est servi par un partage d'information. Donc, si on
intègre à la loi cette notion-là, ça va clarifier ces interprétations
distinctes là.
M. Carmant : Parfait, merci.
Un autre point qui m'a touché, dans votre mémoire, c'est la capacité d'un
parent de pouvoir prendre une décision, surtout dans une situation comme celle
des enfants que vous prenez en charge. Pouvez-vous nous illustrer des exemples
où ce n'est pas possible pour un parent de prendre une décision? Puis comment
on...
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui,
Sonia, je pense que tu es mieux placée que moi.
Mme Dionne (Sonia) : Oui. Je
peux y aller avec des exemples concrets. C'est-à-dire que, dans une situation
comme à Marie-Vincent, on se rend compte que, dans la majorité des cas, là, je
ne vous sortirai pas des chiffres que je ne... qui pourraient être faux, mais
on a, là, jusqu'à 99 % des enfants accompagnés à Marie-Vincent qui
connaissent leur agresseur. Donc, quand ça se trouve... quand on retrouve que l'agresseur
est un parent, soit la mère, soit le père, soit un grand-parent, on se retrouve
avec des situations où les deux parents doivent consentir à des soins. L'agresseur
n'est souvent pas intéressé à donner son accord pour des soins qui pourraient
ne pas lui rendre service dans sa défense. Il est important, pour nous, de
mentionner, dans cette situation-là, que l'offre de soins aux enfants qui n'ont
pas obtenu l'autorisation ou le consentement des deux parents peut être
reportée, puisqu'on doit s'assurer que soit les deux parents donnent leur
consentement ou soit qu'il y ait un ordre de la cour qui nomme qui est le
parent protégeant qui a l'autorité parentale. Donc, ça peut faire en sorte que
des soins sont reportés par cette situation-là, quand on pense dans des
situations de violence sexuelle où les soins peuvent... ont toute leur
importance et doivent être donnés le plus rapidement <possible...
Mme Dionne (Sonia) :
...de
violence sexuelle où les soins peuvent... ont toute leur importance et doivent
être donnés le plus rapidement >possible.
M. Carmant : D'accord. Et ça,
vous... ce serait... on pourrait l'insérer dans quel article de la loi?
Mme Gareau (Stéphanie) : Honnêtement,
là, les article par article, je suis désolée, je ne suis pas certaine. Quand j'ai
mentionné qu'on n'était pas des avocats...
M. Carmant : Non, non, je
comprends. Je m'excuse.
Mme Gareau (Stéphanie) : ...c'était
exactement ce commentaire-là. Mais, dans le fond, l'idée, pour nous, c'est, on
sent qu'il y a une volonté au niveau du gouvernement de répondre à cette problématique-là,
puis c'est ce qu'on nomme dans notre mémoire, c'est-à-dire que dans le projet
de loi qui modifie le Code civil, tu sais, il y a un souhait d'aller dans cette
direction-là. C'est juste qu'on parle de parents, tu sais, père, mère, mais nous,
des fois... bien, pas des fois, on va voir souvent des cas de grands-parents ou
de tantes, ou dans la fratrie, puis ça demande d'aller chercher une
autorisation ou une attestation qu'il y a une violence dans la famille, là, les
modifications qui sont proposées. Mais nous, ce qu'on dit, c'est que dans la
Loi sur la protection de la jeunesse, un peu à l'instar que les commissaires l'avaient
recommandé, là, dans la commission, la CSDEPJ, c'est que, dans tous les cas où
on est en protection de la jeunesse, qu'un seul des deux parents puisse
consentir aux soins, ça éviterait, là, les situations dont Mme Dionne
vient de parler.
• (12 h 30) •
M. Carmant : D'accord, parce
qu'effectivement on ne touche pas au consentement aux soins, là, donc j'accueille
votre proposition.
Mme Gareau (Stéphanie) : Merci.
M. Carmant : M. le Président,
je passerais, avec votre consentement, la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
:Allez-y, Mme la députée.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour. Moi, j'aimerais ça revenir au sujet de la confidentialité. Vous
avez dit que vous n'êtes pas un outil d'information. Ce n'est pas la première
fois que j'entends ça. Moi, j'ai fait un mandat en violence conjugale, puis les
gens dans les maisons d'aide et d'hébergement me disaient la même chose. Jusqu'où
aller dans le partage d'information? Puis c'est qu'est-ce qui est pertinent et
non pertinent, selon vous?
Mme Dionne (Sonia) : Est-ce
que je pourrais résumer ça en quelques phrases? Je ne le sais pas, mais c'est
toujours dans le meilleur intérêt de l'enfant. À partir du moment où on fait
affaire avec des gens qui sont des professionnels, comme à la DPJ, comme à
Marie-Vincent, on a des professionnels, des intervenants psychosociaux, des
psychothérapeutes, il faut toujours s'assurer que l'encadrement qui est donné,
c'est que les informations qui sont transmises doivent permettre, dans le
meilleur intérêt de l'enfant, de mieux connaître sa situation en général.
Qu'est-ce qui est nécessaire comme tel? Je
pense que c'est une longue discussion. Je ne pense pas que je peux arriver dans
tous les détails, à moins que tu aies quelque chose à ajouter, Stéphanie. Mais il
reste qu'en termes de violence familiale et sexuelle, le partage d'information,
le consentement et la confidentialité sont des enjeux de sécurité importants,
et il faut permettre, dans toutes les situations, qu'on puisse échanger
rapidement les informations pour assurer une intervention globale.
Qu'est-ce qui est... Dans chacune des
situations, ce sera particulier. Les professionnels ont cette formation-là pour
distinguer quelles sont les informations pertinentes à partager pour chacune
des situations particulières vécues, selon moi.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Vous pensez que les gens ont la formation nécessaire. D'après vous, est-ce
qu'il faut baliser, dans le projet de loi, qu'est-ce qui... ou faire de la
formation, ou ce n'est pas nécessaire, vous avez déjà tous les outils?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien,
ce que j'ai envie de vous dire, là, c'est que... puis c'est pour ça qu'on met
les... dans les quatre points qu'on parlait pour le préambule, c'est que, oui,
on pense que les professionnels sont outillés, on pense que les professionnels
ont l'information. Puis, quand je parlais tantôt que Marie-Vincent fait de la
formation, comment recevoir un développement... un dévoilement, on fait aussi
de la formation sur l'entrevue non suggestive, comment poser les questions. On
ne parle pas... On ne questionne pas un enfant comme on questionne un adulte.
Donc, tout ça, c'est des choses que nous, on offre, mais on pense que les
professionnels qui oeuvrent autour des enfants, ils ont la compétence de savoir
quelles questions demander, quelles informations aller chercher. Puis le
corollaire de ça, c'est le devoir de discrétion, évidemment, tu sais. Donc,
oui, il faut que l'information circule, mais la seule raison pour laquelle
cette information-là doit circuler, c'est pour qu'on puisse offrir le meilleur
service à cet enfant-là qui est devant nous, là.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Est-ce que vous pouvez me parler de
continuation des services? D'après vous, jusqu'à quel âge qu'on devrait
continuer...
12 h 30 (version révisée)
Mme Gareau (Stéphanie) : ...devant
nous, là.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Est-ce que vous pouvez me parler de continuation des services? D'après vous,
jusqu'à quel âge qu'on devrait continuer les services, quels services offrir
puis sous quelle forme?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien
là, c'est sûr que, si vous me parlez de Marie-Vincent, nous, notre clientèle, c'est
0-18 ans, là. Ça fait que c'est clair que nous, on est très nichés, là,
dans l'intervention qu'on peut faire. Ça fait que j'aurais le goût de réserver
à ça mes commentaires.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
:M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : Oui, oui. Je
vais aller ailleurs. Merci, M. le Président. Ravi de vous rencontrer.
Dites-moi, on a évoqué le fait de peut-être instaurer des fondations
Marie-Vincent à l'échelle du Québec. Ce que j'aimerais savoir, c'est... à votre
avis, vous travaillez souvent en réseau, c'est flatteur, est-ce que toutes les
régions, à l'heure actuelle, en lien avec p.l. n° 15,
sont bien outillées pour offrir le type de services que vous offrez? Dans la
présentation précédente, il était question d'Auberges du cœur, d'hébergement,
mais, bon, ça semble ne pas être nécessairement cohérent au niveau de la
qualité de structure qu'il y a d'une région à l'autre. Êtes-vous au fait s'il y
a du travail à faire? Puis est-ce qu'il y a de la place pour avoir des
structures davantage reconnues, intégrées dans toutes les régions du Québec? On
a aussi parlé de forums, de la réalité d'une région à l'autre. Comment vous
voyez cette potentielle avancée-là au niveau des structures de services?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien,
à votre question : Est-ce qu'il y a l'équivalent de Marie-Vincent partout
dans chacune des régions du Québec?, la réponse, c'est non. Nous, on se fait
approcher par plusieurs régions qui souhaitent développer le modèle ou qui
souhaitent développer un partenariat similaire. Je vous dirais que la bonne
nouvelle, c'est que, là, on est à l'aube d'ouvrir un centre Marie-Vincent en
Montérégie, là, à Châteauguay, pour desservir la population, les jeunes
victimes de violences sexuelles en Montérégie, mais, évidemment, quand on se
fait appeler par d'autres régions, bon, tu sais, nous, on n'a pas la capacité d'ouvrir
des Marie-Vincent partout au Québec, mais on pense qu'il pourrait y avoir des
forces régionales qui peuvent se concerter. Nous, ça nous ferait bien plaisir d'être
en consultation, ou d'appuyer, ou d'aider au développement, assurément, là. Là,
présentement, on se concentre sur Montréal et sur la Montérégie, mais j'ai d'autres
régions qui nous sollicitent, évidemment. Mais il n'existe pas cette offre de
services partout à travers le Québec, mais il y a le potentiel qu'elle existe,
je dirais.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, la suite des
échanges appartient maintenant à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Donc, Mme Gareau, Mme Dionne, merci beaucoup pour votre présence, et
votre mémoire, et pour le travail que vous faites. Alors, j'ai eu l'occasion,
comme le ministre, de visiter votre centre il y a plusieurs années. Et aussi vous
êtes venus en aide dans un cas qui m'a été référé par un autre comté. Puis je
ne savais pas à quelle porte frapper, puis je vous ai appelés, et vous avez
répondu à l'appel. Et c'est vraiment un service d'urgence que vous offrez dans
un domaine tellement complexe et délicat. Donc, vous jouez un rôle essentiel.
Je suis contente d'entendre qu'il y aura un deuxième site, et espérons que ce
modèle va se retrouver un peu partout au Québec, des grands centres comme ça,
parce que vous faites un travail extraordinaire.
Juste pour... Des fois, c'est un soupçon
que peut-être la mère peut avoir, un soupçon de quelque chose. L'enfant ne va
pas bien. L'enfant ne va pas bien, ils ne savent pas trop ce que c'est puis ils
ont besoin d'une évaluation. Comment ces gens-là, donc... parce qu'on a suivi
son parcours, dans le sens qu'on nous a raconté... elle nous a raconté les
portes auxquelles elle a frappé. Puis il y avait votre porte. C'est pour ça que
j'ai pensé à vous. Il n'y avait pas une porte d'ouverte, les CLSC, etc. Donc,
ils ne savaient pas où... à qui... Et, en plus, issus de la diversité, là, mais
ce n'était pas familial, elle ne savait pas trop ce qui s'était passé, mais
elle avait un doute.
Et donc comment les gens rentrent chez
vous, les parents, ou un parent, ou quelqu'un qui serait inquiet? La DPJ, je
comprends qu'eux, quand ils ont des soupçons, ils vont directement chez vous,
la police <aussi...
Mme Weil :
...inquiet?
La DPJ, je comprends qu'eux, quand ils ont des soupçons, ils vont directement
chez vous, la police >aussi, mais d'autres. Est-ce qu'il y a quelqu'un
qui les réfère? Sinon, le filet de sécurité n'est pas très, comment dire,
avancé. Une fois qu'ils sont chez vous, oui, mais, avant ça, ils ne savent pas
à quelle porte frapper.
Mme Dionne (Sonia) : Je peux
débuter, si ça convient. Notre service est évidemment un service de protection,
de référence. Donc, la... toute... la totalité, en fait, de notre clientèle est
référée par des professionnels. C'est-à-dire que, des situations comme vous la
nommez, le parent qui a besoin de soutien doit passer par des services comme
ceux offerts par la protection de la jeunesse. Il y a des gens, effectivement,
qui nous appellent, à la fondation, pour connaître : Qu'est-ce que je peux
faire dans ma situation? À chaque fois, nous aussi, on va les référer soit à la
police, s'il y a des actes criminels qui ont été commis, soit à la protection
de la jeunesse, qui va être là pour évaluer la situation avec la famille, pour
ensuite les référer à nos services à Marie-Vincent, puisque, dans notre offre
de services, il n'est pas possible d'offrir le service à la population,
directement. On fonctionne toujours par référence de professionnels et aussi
avec l'intervention immédiate, par exemple, ou... avec l'investigation
policière. Les policiers peuvent venir directement dans nos locaux, et, à ce
moment-là, lorsqu'il y a un dévoilement, tout de suite, à partir de là, on peut
commencer à offrir un support. Mais, déjà là, c'est passé par la police, par la
protection de la jeunesse, et c'est là que, dès les premières journées, suite
au dévoilement, on peut s'inscrire dans la démarche de soutien à l'enfant et à
la famille.
• (12 h 40) •
Mme Weil : Donc, dans toutes
les régions du Québec, ce serait... qui seraient les intervenants? Donc, ça
peut être un membre de la famille, ça peut être l'école, peut-être, qui ferait
un signalement parce qu'ils ont des doutes, ils ont une certaine expérience,
les CLSC, c'est un peu tout. Et donc il y a vraiment, peut-être, une formation
de sensibilisation à faire en attendant qu'il y ait des Marie-Vincent un peu
partout au Québec, mais c'est vraiment de sensibiliser tout le monde à quels
seraient les indices. Parce que c'est un rôle tellement important que vous
jouez, là. Vous êtes capables de faire en sorte qu'un jeune, un enfant qui vit
ce traumatisme puisse s'en sortir et éventuellement devenir un adulte, comment
dire, bien dans sa peau.
Alors, bon, je pense que vous partagez la
vision, certainement, parce que vous allez créer un autre Marie-Vincent, donc,
à Châteauguay, si j'ai bien compris.
Mme Dionne (Sonia) : Et c'est
ce qu'on fait. Tout le... Pardon.
Mme Weil
: Allez-y.
Non, non, allez-y.
Mme Dionne (Sonia) : C'est ce
qu'on fait, en fait. Tout le département, là, de prévention, formation, c'est
ce qu'on fait. On va dans les milieux, on va dans les écoles pour former les
enseignants pour être capable de dépister, pour être capable de recevoir un
dévoilement. On va dans les CPE, on va dans les différents milieux, on va même
dans les communautés autochtones. On est allés dans différents endroits pour
justement sensibiliser les professionnels à mieux dépister et à mieux référer dans
des situations comme celles-là, dans des ressources comme la DPJ, mais aussi
comme Marie-Vincent.
Mme Gareau (Stéphanie) : Puis,
si je peux me permettre aussi, on parle beaucoup de former et de sensibiliser
les intervenants, mais il y a aussi tout un travail de prévention qui se fait
auprès des jeunes. Quand on parle d'aller dans les CPE, donc, oui, on va former
des intervenantes en centres de la petite enfance, services de garde éducatifs
qui vont instaurer...
On a un programme, par exemple, qui s'appelle
le programme Lanterne, où on fait de l'éducation à la sexualité, on fait de l'éducation
aux relations égalitaires. Donc, les jeunes vont connaître... les enfants vont
reconnaître les situations qui sont plus à risque, ils vont pouvoir nommer les
choses. C'est important de nommer, de nommer les situations, de nommer les
parties intimes. Comme ça, quand un enfant, un petit enfant entre, mettons, 0-5
ans ou 2 à 5 parle à son parent, bien, il va dire les choses telles qu'elles
sont, il va savoir ce qui est inacceptable.
C'est aussi ce rôle-là qu'on doit jouer. Puis,
ça, c'est une partie du travail qui est fait à Marie-Vincent. Oui, former les
intervenants, mais aussi éduquer les jeunes sur la réalité puis ce qui est
acceptable et ce qui est inacceptable aussi.
Mme Weil : J'aimerais
revenir... Combien j'ai de temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Weil
: ...sur les
considérants que vous voudrez rajouter et l'idée d'une charte pour les enfants.
Le Président (M. Provençal)
: Quatre minutes.
Mme Weil
: Quatre
minutes. Donc, vous avez le temps de partager votre vision des choses selon ce
que la commission spéciale recommande, donc. Donc, parlez-moi de cette charte
des droits de l'enfant et la nécessité ou, selon vous, l'intérêt d'avoir une
charte et une bonne définition de l'intérêt de l'enfant.
Mme Gareau (Stéphanie) : <
Bien...
Mme Weil :
...
l'intérêt d'avoir une charte et une bonne définition de l'intérêt de l'enfant.
Mme Gareau (Stéphanie) :
>Bien, dans le fond, nous, on... La charte des droits de l'enfant en
protection de la jeunesse, je pense que c'est un outil qui pourra aider à la
sensibilisation, à la meilleure définition, à une meilleure compréhension. Mais
ce qu'on... Nous, dans le fond, on s'est inspirés de certains considérants de
cette charte-là en se disant : Bien, peut être qu'on n'est pas rendus là
encore, ou peut être que ça fait partie de ce qu'il y a dans les projets du
gouvernement, mais, comme on a une opportunité maintenant en ouvrant la Loi sur
la protection de la jeunesse avec le projet de loi n° 15, bien, il y a
peut être certains considérants qui étaient dans la charte, qu'on ne sait pas
quand elle pourrait voir le jour, donc utilisons cette opportunité parce qu'il
y a des principes, il y a des grands principes, celui du partage fluide de
l'information, qui sont essentiels puis qui s'inscrivent tout à fait dans la
logique puis dans la philosophie de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Ça fait que c'est cette... c'est plus une
inspiration pour le libellé, pour ce qui est important de mettre de l'avant
puis ce qui est important de bien établir, je dirais.
Mme Weil : ...charte des
droits et libertés actuelle est trop vaste, n'est pas spécifique, n'est pas
assez pointue. On a eu des discussions avec la Commission des droits de la
personne hier par rapport à leur rôle. Beaucoup de débats sur, bon, est-ce que...
le fait qu'ils ne sont pas juste dédiés aux enfants, ce qui a créé, donc, cette
recommandation de commissaires.
Donc, c'est une charte qui serait
spécifique, mais, entre-temps, vous recommandez d'ajouter des considérants qui
vont justement sur ces points qui seraient dans une charte, donc des
considérations qu'on doit prendre en compte lorsqu'on regarde lésion de droits
ou qu'un enfant est vulnérable parce qu'on ne respecte pas certains droits.
C'est bien ça, c'est ça, le lien que vous faites, c'est-à-dire que la charte
québécoise et pas assez détaillée.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, nous, dans le fond, c'est que l'enjeu du partage de l'information, de la
collaboration, pour nous, c'est ce qui ressortait dans les commentaires qu'on
souhaitait mettre de l'avant sur le projet de loi n° 15. Puis plutôt que
d'inventer un nouveau libellé, on trouvait qu'il y avait un travail
extraordinaire qui avait été fait par les commissaires, qui élaborait,
finalement, ce que, nous, on souhaite mettre de l'avant. Ça fait qu'on se
disait : Bien, profitons du travail bien fait, intégrons ces
considérants-là parce qu'ils touchent le coeur de ce que, nous, on a à mettre
de l'avant en lien avec la confidentialité.
Mme Weil : Oui. Je trouve que
c'est... ça ajoute de la profondeur, d'ailleurs.
Oui, cette question de... Vous avez
expliqué que, dans un projet de loi, actuellement, on discute de modifications
au Code civil. Très intéressant, ce que vous proposez. C'est qu'on y aille
directement puis on corrigerait tout de suite le problème pour avoir la
permission d'intervenir, un parent puisse procéder sans l'accord de l'autre,
parce que vous expliquez très bien qu'un parent pourrait avoir un genre de
conflit d'intérêts par rapport à lui-même ou quelqu'un d'autre dans la famille.
Ça, c'est intéressant, très intéressant, parce que le gouvernement pourrait
l'instaurer tout de suite dans ce projet de loi qui est dédié aux enfants, de
toute façon, et leur protection. J'imagine qu'il y aura des discussions avec le
ministère de la Justice aussi là-dessus, mais on comprend ce que vous
recommandez.
Et cette compilation d'attestation, peut-être
en parler, justement. C'est-à-dire que, dans la procédure qui serait dans le Code
civil, il y ait une complication, c'est qu'une tierce personne qui doit faire une
attestation alors que... Peut-être expliquer cet enjeu.
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, ça revient un peu à ce que ce que ma collègue disait. C'est que, quand il
y a un dévoilement dans une famille, c'est une bombe qui explose. Donc, on se
dit que... Le Code civil, ce qui est fait dans... ce qui est proposé dans le projet
de loi n° 2 pour le Code civil, c'est très bien, là, dans le sens où c'est
une loi d'application générale. Mais là on se dit : Là, on est dans la Loi
sur la protection de la jeunesse. Est-ce que c'est nécessaire, quand on est
dans le spectre de la protection de la jeunesse, d'avoir recours à une
attestation additionnelle? On est dans une situation où il y a eu un
signalement. Donc, le fait qu'il y ait une situation de violence sexuelle, ou
violence parentale, ou violence conjugale est un peu plus avéré, puis je me
promène... je le mets entre guillemets, évidemment, parce que la preuve doit
être faite, là, puis les enquêtes doivent être faites, mais on est davantage
dans un environnement où c'est plus probable que pas probable qu'il y ait un
enjeu. Donc, pourquoi ajouter un volet administratif? C'est une famille...
Une famille, là, qui vit un dévoilement,
là, de violence sexuelle, elle est... elle est complètement démunie, là. Donc,
ce qu'on se dit, c'est : Ne mettons des barrières <additionnelles...
Mme Gareau (Stéphanie) :
...de violence sexuelle, elle est... elle est complètement démunie, là. Donc,
ce qu'on se dit, c'est : Ne mettons des barrières >additionnelles pour
permettre à l'enfant... Parce que c'est ça, ultimement, l'objectif : c'est
que l'enfant reçoive les services, que la famille soit outillée pour faire face
à cette situation-là.
Donc, ce qu'on dit, c'est : On est
dans une loi d'application spécifique, donnons les outils aux gens pour
intervenir adéquatement et rapidement, toujours dans le meilleur intérêt de l'enfant.
• (12 h 50) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Gareau et Mme Dionne, pour votre
participation, votre contribution et la qualité de ces échanges.
Je suspends les travaux jusqu'à cet
après-midi, là, jusqu'à 13 heures. Pas jusqu'à 13 heures, mais... Oui, c'est
ça, 13 heures. Excusez-moi.
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Non, c'est parce qu'à 13 heures on a une autre
séance de travail. C'est pour ça que je dois dire 13 heures, M. le
ministre. Et je vais demander aux gens qui ne participent pas à cette séance de
travail de quitter.
Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre
collaboration et de votre contribution.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
13 h 30 (version révisée)
(Reprise à 14 h 02)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux
membres de la Centrale des syndicats démocratiques. Je vous rappelle que vous
aurez 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons aux
échanges avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole.
Merci.
M. Bissonnette (Kaven) :
Merci beaucoup. Vous m'entendez bien? Bien, premièrement, on tient à remercier les
membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui.
La Centrale des syndicats démocratiques
regroupe, sur une base régionale, cinq associations démocratiques de ressources
à l'enfance du Québec, ce qui en fait l'organisation la plus représentative au
Québec avec près de 3 000 familles d'accueil à l'enfance.
Notre mémoire sur le projet de loi n° 15, la Loi modifiant la Loi sur la protection de la
jeunesse, représente donc la perspective des familles d'accueil sur cette
traduction de nombreuses recommandations de la commission Laurent en texte de
loi. En conséquence, vous comprendrez que nous ne commenterons pas tous les
articles du projet de loi n° 15, d'autant plus
qu'aujourd'hui on veut réellement vous présenter la perspective des familles d'accueil,
et non pas une dissertation en droit.
Dans un premier temps, qu'on vient dire
que la plupart des recommandations du mémoire de la CSD à la commission Laurent
intitulé Les familles d'accueil veulent être traitées en partenaires ont
trouvé écho dans le rapport final de cette commission importante créée pour
réformer le système de protection de la jeunesse au Québec en mettant l'intérêt
de l'enfant de l'avant... à l'avant-plan, un objectif partagé par les familles
d'accueil que nous représentons d'abord et avant tout parce que le sort des
enfants vulnérables est la préoccupation première des personnes qui décident de
devenir famille d'accueil.
Avant de commencer, aussi, dans notre
mémoire, il y a un élément qui ne se retrouve peut-être pas, mais je tiens à le
préciser rapidement. Hier, suite au témoignage, là, de Mme Laurent, quand
elle mentionne qu'au deuxième considérant du projet de loi... qu'on dit que ça
devrait... «Considérant que l'intérêt de l'enfant est une considération
primordiale dans toute décision prise à son sujet», la CSD et les associations
de familles d'accueil chez nous partagent son point de vue quand elle dit que
ça devrait être libellé de la façon suivante dans...
14 h (version révisée)
M. Bissonnette (Kaven) : ...considérant
que l'intérêt de l'enfant c'est... au lieu de «est une considération», ça
devrait être la considération primordiale. Ça, on partage ça, on tient à le
dire, parce que ça ne se retrouve pas dans notre mémoire, mais on le partage.
Par contre, bien que le projet de loi n° 15
constitue une avancée importante pour les droits des enfants au Québec, nous
considérons qu'il ne répond pas pleinement aux recommandations des familles d'accueil,
faites dans le but de faire de l'intérêt de l'enfant la considération
primordiale.
Ainsi... Je vais y aller en grands blocs,
là, pour maximiser l'efficacité de notre temps. L'élément numéro un, là, qu'on
voit, c'est : pour nous, il est fondamental que les familles d'accueil
soient consultées pour toute décision concernant les enfants qui leur sont
confiés, si le gouvernement est sérieux dans sa volonté de réforme. Les
familles d'accueil, qui vivent 24 h sur 24, 365 jours par année avec
des jeunes, donc, on prend des décisions à leur égard. C'est un incontournable
que les familles d'accueil soient consultées et non pas simplement de façon
facultative.
Donc, quand on regarde au niveau des
considérants, également, le septième considérant, on pense qu'on devrait
également y insérer la participation de l'enfant et de ses parents aux
décisions qui les concernent et la prise en compte de leur opinion. Mais je
pense qu'on devrait ajouter... on pense qu'on devrait ajouter également :
«et la famille d'accueil, le cas échéant». Si un enfant est en famille d'accueil,
la famille d'accueil devrait être impliquée dans le processus.
Le deuxième grand bloc, c'est que, pour
nous, on devrait ajouter un article de loi pour prévoir que, dans tous les cas
où un tribunal doit prendre une décision à l'égard... dans l'intérêt de l'enfant
et que cet enfant-là est en famille d'accueil, il devrait y avoir une
obligation de consulter la famille d'accueil et non pas une invitation ou une
possibilité pour la famille d'accueil d'y participer. Ça devrait être obligatoire,
pour être certain que les décisions qui sont rendues au regard de cet enfant-là
soient les bonnes et également que toutes les informations pertinentes soient
prises en considération par le tribunal avant de prendre une décision,
considérant que la ressource, la famille d'accueil, est la personne qui vit 24 h
sur 24 avec ce jeune.
Et également on pense, puis ça, c'est une
autre loi, on a une recommandation quand même, qu'au niveau de la loi n° 24, la Loi sur la représentation des ressources, que l'article 63
devrait éventuellement être modifié pour éviter que certains établissements se
cachent derrière les pouvoirs et responsabilités exclusifs de l'établissement
pour mettre de côté l'expertise et les informations privilégiées connues de la
famille d'accueil.
Troisième bloc, c'est : au-delà de 18 ans.
Pour nous, un enfant qui est en famille d'accueil ne devrait pas être laissé à
lui-même à 18 ans et une journée. On devrait pouvoir lui offrir les
services, s'il le demande, au-delà de 18 ans. Et ça, c'est un élément qui
est crucial, qui est majeur. On en reparlera, j'imagine, un peu plus loin. Puis
également on demande, les familles d'accueil, que soit réinstituée une forme d'intervenante-ressource,
comme il existait à l'époque, sans qu'il y ait de lien de subordination.
Nos familles d'accueil ont souvent besoin
de support au-delà du cadre, entre guillemets, professionnel ou des services à
rendre aux jeunes. Nos familles d'accueil, ce qu'ils nous demandent, c'est que...
Les choses ont bien changé, ont bien évolué au fil des dernières années, mais
il y a un côté humaniste qui s'est effrité au profit d'un côté
professionnalisation de ce qui est une famille d'accueil. Il y a du bon, il y a
eu des éléments — contrôle de qualité, cadre de références — une
famille d'accueil, aujourd'hui, effectivement qu'elle est probablement mieux
outillée qu'il y a 30 ans. Mais il y a un côté humain. Ces gens-là ne font
pas ça pour l'argent. Quand on devient famille d'accueil, c'est qu'on a des
convictions profondes qu'on veut aider des jeunes.
Donc, à cet égard-là, on demande qu'il y
ait une forme de réintégration de cette personne-là qui pourrait être un
support à la famille d'accueil et également qui pourrait donner un coup de main
aux familles d'accueil de proximité. Familles d'accueil de proximité, quand les
jeunes sont placés chez des personnes significatives, pour elles, ces gens-là,
quand ils deviennent famille d'accueil de proximité, n'ont pas suivi un
processus de recrutement puis d'évaluation comme une famille d'accueil
régulière. Donc, ce qu'on comprend puis ce qu'on entend de ces gens-là qu'on
représente, c'est qu'ils ont souvent besoin de beaucoup d'aide, et <d'appui,
et de...
M. Bissonnette (Kaven) :
...régulière. Donc, ce qu'on comprend puis ce qu'on entend de ces gens-là qu'on
représente, c'est qu'ils ont souvent besoin de beaucoup d'aide, et >d'appui,
et de conseils de la part de l'établissement. Donc, dans leur cas à eux, l'intervenant-ressource
prend encore plus toute sa place. Mme Thomas va vous en parler un peu plus
tard.
Et le dernier bloc, bien, c'est sur le forum
des directeurs de la protection de la jeunesse, qui est une très bonne chose en
soi. On croit que les organisations de familles d'accueil devraient pouvoir
siéger au sein de ce forum-là pour qu'on puisse avoir une vision, la vision la
plus élargie possible pour... dans le cadre de la mission de la loi et du
projet de loi.
Je vais laisser Mme Thomas. Là, je ne
sais pas, là, il reste un petit peu de temps, je ne sais pas combien de temps,
mais je vais laisser Mme Thomas se présenter.
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
• (14 h 10) •
Mme Thomas (Diane) :
Bonjour. Mon nom, c'est Diane Thomas. Je suis la présidente des ADREQ au niveau
provincial. J'ai le plaisir d'avoir plusieurs régions à m'occuper, avec mes
consoeurs qui sont présidentes régionales.
Ce que M. Bissonnette vous a parlé, c'est
vraiment primordial. Il y a des sujets là-dedans... On joue avec la vie des enfants.
Et je crois qu'on est là, les familles d'accueil, et j'aimerais qu'on nous
donne une voix plus forte, une voix pour protéger nos enfants. Souvent, on est
la seule personne qui peut s'exprimer à la place de l'enfant. C'est très
difficile pour un enfant, dans un tribunal, d'aller parler contre son parent
qui est assis à côté de lui. Donc, nous, on pense qu'on a une place dans toutes
ces instances-là, qu'il faudrait qu'on soit présents pour parler au nom de l'enfant,
pour, ce qu'il n'est pas capable de faire, que nous, nous soyons capables de le
faire.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup... Vous pouvez ajouter, oui, allez-y.
Mme Thomas (Diane) :
Oui. Je voulais vous dire, je tiens à coeur... je sais que ce n'est pas dans
les projets de loi, tout ça, les familles d'accueil de proximité, mais c'est
des familles d'accueil, surtout ceux qui sont en attente. Au Québec, on a une
loi qui protège les enfants, et j'ai l'impression qu'on les a carrément
abandonnés, ces enfants-là. Le jour un que le parent ou le grand-parent ou l'oncle,
la tante qui est accréditée reçoit cet enfant-là, elle ne reçoit aucune aide.
Donc, ces enfants-là, qui ont des droits, se font bafouer le temps d'accréditation,
qui est une question hyperimportante, l'accréditation des ressources. Mais
pourquoi cet enfant-là perd tous ses droits? Tout ce qu'il aurait besoin, il n'a
pas accès à ça parce qu'il est placé chez un membre de sa famille. C'est
tragique. Je vous expliquerai plus loin pourquoi, mais ça crée vraiment des
problèmes.
Et pour finir, mes 18-21, c'est essentiel,
pour moi, les 18-21, c'est... il faut se battre pour eux autres, parce qu'on l'expliquera
plus loin c'est des enfants qui ont besoin de nous autres. Parce qu'on ne
devient pas adulte à 18 ans.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons débuter cette période d'échange
avec M. le ministre. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Carmant : Merci
beaucoup, M. le Président. Mme Thomas, M. Bissonnette, enchanté. Merci pour
votre exposé. Allons-y en grands blocs, là, comme vous dites. La première chose
que j'aimerais voir avec vous, c'est ce sujet-là que j'entends souvent,
récemment surtout, les familles d'accueil de proximité et cette période d'évaluation,
là, ou de ce que vous appelez d'accréditation. Qu'est-ce qu'on peut faire pour
améliorer ça, là? Tu sais, j'en ai parlé avec mes collègues, là, tu sais, de
rétroactivité ou, tu sais... C'est quoi, le problème, puis qu'est-ce que vous
suggérez pour le régler?
Mme Thomas (Diane) :
Aussi simple... Si je peux me permettre, Kaven. Aussi simple que : le jour
un, qu'il sorte du tribunal, qu'ils soient accrédités, et vous ferez les
évaluations par la suite. Mais, quand la famille sort du tribunal avec l'obligation,
l'enfant est confié à cette ressource-là, elle devrait avoir droit au panier de
services. Il y a un frais particulier... il y a un document qui existe, Frais
particuliers pour enfants placés en ressource, nous, on l'appelle le panier
de services, qui donne droit à cet enfant-là à tous les services scolaires,
dentiste, les lunettes. Cet enfant-là a ce droit-là. Et ces familles-là qui
reçoivent ces enfants-là, présentement, les accréditations peuvent aller de six
mois, j'ai même vu 18 mois pour accréditer. Donc, cette famille-là, là,
elle doit tout assumer les frais de cet enfant-là, et, des fois, c'est «ces
enfants-là». Parce que j'ai vu beaucoup de fratries, j'ai vu des ressources... des
gens recevoir deux, trois enfants qui arrivent avec des grands besoins, des
grandes lacunes.
Et elle-même, la famille d'accueil a des
besoins particuliers parce qu'elle... Nous, on se prépare pendant quelques
mois, pendant qu'on se fait accréditer, les familles d'accueil régulières, mais
les familles d'accueil de proximité non. Le jour un du tribunal, ils
débarquent, ils emmènent trois enfants chez eux, et leur vie change, mais ils n'ont
aucun soutien, aucun support. Ils ont une intervenante qui y va un petit peu
pour voir si tout est correct, mais ils ont besoin de plus que ça. Ils ont besoin
de formation, ils ont besoin <d'écoute...
Mme Thomas (Diane) :
...intervenante qui y va un petit peu pour voir si tout est correct, mais ils
ont besoin de plus que ça. Ils ont besoin de formation, ils ont besoin >d'écoute,
ils ont besoin de nous, qu'on les aide, les associations, l'ADREQ, on est là
pour les aider, mais ils ne sont pas accrédités. Vous comprendrez que je ne
peux pas les défendre, je ne peux pas les représenter, je ne peux pas
représenter non plus le besoin de ces enfants-là, qui est criant. Puis je
trouve ça très triste de les laisser abandonnés avec des familles complètes puis
laisser cette charge-là, souvent, à des grands-parents qui sont obligés de, des
fois, laisser leur travail pour s'occuper de leurs petits-enfants et toute
cette charge financière là, les lacunes. Donc, on prend des enfants, on
appauvrit des familles complètes. C'est triste, puis ça ne devrait pas, là.
M. Carmant : Je vous entends.
Puis une autre chose que vous avez dite, puis l'autre groupe de familles d'accueil
à qui on a parlé a mentionné la même chose, puis ça aussi, là, je... (panne de
son) ...proches, serrer là-dessus, dans la dernière année, on a investi quand
même 10 millions de dollars, là, pour supporter les familles d'accueil. Tu
sais, on ne voulait pas utiliser le mot que vous avez utilisé, là,
«intervenant-ressource», mais le but, c'était vraiment, tu sais... On m'avait
expliqué que chaque enfant avait son propre intervenant, ça fait que la famille
devait dealer avec plusieurs intervenants. Donc, on voulait vraiment venir au
modèle où une famille d'accueil va avoir le soutien d'un intervenant. Vous me
dites... vous aussi, vous me dites que, sur le terrain, ça ne s'est pas
matérialisé. Là, on a parlé de soutien aux usagers, là, ou je ne sais pas trop?
Mme Thomas (Diane) : Oui.
Moi, présentement, je n'ai aucune nouvelle de ça, dans ma région, ça n'existe
pas, mes consoeurs non plus. Et présentement on est beaucoup en pénurie, donc,
au contraire, on manque d'intervenants. J'ai des jeunes... iIl y a beaucoup de
familles d'accueil qui me rapportent qu'il y a des jeunes qui peuvent être des
mois et des mois sans intervenants ou ne pas les voir parce que les
intervenants sont débordés. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, c'est que les
établissements manquent d'intervenants.
M. Carmant : Oui, mais, tu
sais, le but, c'était d'optimiser le processus aussi, là, au lieu d'avoir trois
intervenants qui dealent avec une famille, qui dealent avec une... Dans quelle
région vous êtes? Je peux savoir, par intérêt?
Mme Thomas (Diane) : Moi,
Chaudière-Appalaches. Et ça va très bien, sauf qu'ils font avec ce qu'ils ont.
Puis, oui, il y a... un intervenant par ressource pourrait aider, effectivement.
M. Carmant : O.K. Bien, on va
suivre ça. Bon, pour revenir au début, la considération primordiale, je pense
que... comme vous dites, Mme Laurent l'a dit, puis on a bien pris note de ça, puis
c'est l'intention qu'on avait également en déposant le projet de loi, c'est l'intention
du législateur, là, ça, il n'y a pas de problème. La consultation de la famille
d'accueil, expliquez-moi un petit peu. Parce que, moi, à ce que je sache, on
vous demande votre opinion, on vous... Tu sais, qu'est-ce que vous voulez dire :
Soyez... être consultés dans les décisions?
M. Bissonnette (Kaven) :
Bien... Ah! bien, je peux... je vais y aller. Bien, effectivement, quand...
Trop souvent, les décisions sont prises... Tu sais, je vois deux types, là :
je vois soit devant un tribunal ou dans la vie courante d'une famille d'accueil.
Ça se fait trop souvent. Les décisions, oui, la ressource va être consultée,
mais les recommandations ou les informations que la ressource va donner, on n'a
jamais aucune garantie que ça va être utilisé dans la prise de décision. Ça, ça
pose souvent problème. On ne demande pas d'être décisionnels, on comprend que
les services, c'est la responsabilité de l'établissement, on ne demande pas d'avoir
ce pouvoir, là. Moi... à tout le moins, que la personne qui 24 heures sur 24, est
avec un jeune, 365 jours par année, à tout le moins, que son expertise
soit reconnue puis que ça soit bien inscrit en quelque part que la ressource,
elle dit : Moi, là, voici ce que je constate, voici ce que je pense qui
devrait être fait. Et trop souvent, ce n'est pas fait. Ça, c'est le premier
volet. Puis j'essaie d'y aller de façon très succincte, là. M. le ministre, s'il
y a de quoi, n'hésitez pas, vous pouvez m'interrompre.
Puis l'autre élément, c'est au niveau du
tribunal. On sait que, depuis la dernière modification, les ressources peuvent
intervenir, une famille d'accueil peut intervenir devant le tribunal pour
présenter ses observations. C'est bien. Mais, nous, ce qu'on pense, c'est que,
dès qu'il y a des décisions qui doivent être prises au regard d'un enfant qui
est placé en famille d'accueil, on ne peut pas rendre... bon, à moins qu'on
parle d'une décision qui soit carrément... mais ce qui est très rare. Mais
généralement, quand on est devant le tribunal avec un jeune, bien, on parle d'ordonnance,
on parle de changement de paramètres, je vois très mal comment un juge peut
prendre une décision sans avoir exigé d'entendre la famille d'accueil qui vit
avec ce jeune-là 24 heures sur 24. Ça, pour nous, ça devrait être
obligatoire, tu sais? Puis je pense que, si on veut le portrait réel d'un jeune,
où il se situe dans le temps puis de ses besoins, il y a un intervenant dans le
portrait, là, qu'on ne peut pas ignorer, qui est la famille d'accueil, quand il
y en a une, bien sûr.
Ça fait que ça, c'est les deux volets, là, si je réponds à votre
question, là, c'est les deux volets, pour nous, qui sont primordiaux.
M. Carmant : Puis le
volet II, je l'avais déjà entendu, là. Dans le volet I, <est-ce
que...
M. Bissonnette (Kaven) :
...deux volets, pour nous, qui sont primordiaux.
M. Carmant :
Puis
le volet II, je l'avais déjà entendu, là. Dans le volet I, >est-ce
que... J'essaie juste de bien comprendre puis voir si j'ai bien compris ce que
vous avez dit. C'est comme un manque de transparence, un peu, on vous demande
de l'information, mais il n'y a pas de rétroaction, hein? Ça, j'ai entendu ça
beaucoup cette semaine.
M. Bissonnette (Kaven) :
Effectivement, puis vous le dites bien. Puis on n'accuse pas personne d'être de
mauvaise foi, là, loin de là. On a tous des charges de travail, on sait que les
intervenants ont des charges de travail qui ne sont pas faciles. Nos ressources,
tout le monde est bien occupé, tout le monde fait son possible. Ça fait qu'on
ne veut surtout pas accuser les intervenants, les établissements de mauvaise
foi, loin de là. C'est que... mais, il y a des informations qui se perdent
puis... et qui sont importantes et que... Et finalement il y a des décisions,
des fois, au regard d'un enfant, qui vont arriver quelques semaines plus tard,
quelques mois plus tard, compte tenu de la charge de travail qu'un intervenant
peut avoir, puis ça ne sera pas nécessairement bon. Et, dans ce qui va être
demandé pour le jeune, bien, les propos, les observations de la ressource ne se
retrouveront pas là. Puis on ne le voit pas nulle part, c'est comme... c'est
disparu, puis ça, ça ne devrait pas.
• (14 h 20) •
M. Carmant : Je vous
comprends tout à fait. Forum des directeurs, comment vous voyez votre
participation ou votre interaction avec cet... ce qu'on veut créer, là,
comme... Tu sais, ce n'est pas comme la... c'est un petit peu la... Avant, il y
avait la Table des centres jeunesse, là, puis là, tu sais, on veut évoluer vers
peut-être un nouveau modèle. Mais comment vous voyez votre rôle là-dedans? Puis
comment vous participiez avant? Puis comment vous verriez ça, votre
contribution?
M. Bissonnette (Kaven) :
Tout à fait. Bien, notre contribution, on la voit... Bien qu'on soit des
associations représentatives, une organisation syndicale, on ne voit pas notre
intervention dans un sens de revendication ou de négociation, loin de là, mais
plutôt, et ce n'est pas... et plutôt dans une intervention sur l'expertise de
nos ressources, de nos présidentes qui consultent, qui rencontrent leurs
ressources plusieurs fois par année, qui reçoivent les appels de l'ensemble de
leurs familles d'accueil, de ce qu'ils vivent, des problématiques. On pense que
se serait une grande plus-value que nos représentants des différentes
organisations de familles d'accueil puissent avoir des sièges là, parce que c'est
eux qui sont toujours en première ligne des problématiques vécues par les
familles d'accueil. Donc, on pense ça serait une grande plus-value d'avoir les
gens qui sont sur le terrain assis là.
M. Carmant : Parce que
moi, j'aimerais ça qu'il y ait un gros volet formation, là, dans ce projet-là.
Est-ce que vous vous voyez votre rôle, ici, de la formation, mentorat, tu sais?
Comme...
M. Bissonnette (Kaven) :
Je vais laisser Mme Thomas... Au niveau de la formation, elle a une
expertise que je n'ai pas.
Mme Thomas (Diane) :
Oui, effectivement, la formation, nous, en Chaudière-Appalaches, c'est notre
priorité. Et les ADREQ, il y a... beaucoup d'ADREQ ont beaucoup de formation. C'est
une de nos priorités, parce que c'est le meilleur moyen de se comprendre. Et, à
force d'être informé, autant pour le côté... dans ce comité-là, que pour les
enfants, que pour les familles d'accueil, c'est toujours aidant. Donc, oui, le
volet formation nous intéresse beaucoup puis une participation positive, comme
disait mon confrère.
M. Carmant : Puis
penseriez-vous que ça nous aiderait à recruter des familles d'accueil, ça?
Mme Thomas (Diane) :
Effectivement, c'est le meilleur moyen pour savoir. Moi, j'ai toujours dit :
Quand on est transparent et on dit la vérité... Vous pouvez recevoir tel genre
d'enfant, on va vous équiper, on va vous donner les ressources pour. C'est le
meilleur moyen d'avoir des familles d'accueil.
Moi, personnellement, je commencerais le
processus comme le cadre de référence, l'instrument, je les donnerais à ceux
qui sont postulants, pour qu'ils sachent dans quoi qu'ils s'en vont, au lieu d'attendre
d'être accrédités. Je le donnerais avant. Comme ça, nos familles d'accueil, le
jour un de l'accréditation, ils seraient outillés et ils sauraient quoi faire.
Présentement, ce n'est pas le cas. Famille d'accueil, là, le temps que j'aie le
temps de faire le tour puis de les former, ça peut me prendre, des fois, six
mois, parce qu'on donne des formations en automne puis au printemps, donc ça
peut... il peut y avoir un laps de temps, et c'est là qu'ils font des gaffes.
Et c'est là aussi que, ne sachant pas comment intervenir avec des jeunes qui
ont des troubles de santé mentale de plus en plus lourds, des traumatismes de
plus en plus fréquents... C'est bon que tout le monde soit formé.
M. Carmant : D'accord.
Une petite dernière question, parce que... avant de passer la parole à ma
collègue. Vous vouliez dire quelque chose sur les 18-21 ans, puis on vous
a un peu coupé. C'était quoi?
M. Bissonnette (Kaven) :
Bien, je peux-tu? Je peux y aller. Je vais répondre en première... rapidement.
Bon, je suis avocat de formation. Je suis vice-président de la CSD depuis 2019,
et je suis un jeune de famille d'accueil. J'ai passé dans le réseau des
familles d'accueil, j'ai eu ce bonheur-là, j'ai eu cette chance-là et je ne
serais jamais devenu ce que je suis devenu aujourd'hui sans avoir eu la chance
d'avoir une famille d'accueil. Et d'ailleurs, une des raisons pour quoi je suis
devenu avocat, puis je ne veux pas prolonger le temps de la commission, c'est
que mon papa de famille d'accueil, je l'appelle <comme ça...
M. Bissonnette (Kaven) :
...raisons pourquoi je suis devenu avocat, puis je ne veux pas prolonger le
temps de la commission, c'est que mon papa de famille d'accueil, je l'appelle >comme
ça, il était bibliothécaire à la Faculté de droit de l'Université de
Sherbrooke, et j'allais lire des livres de droit en l'attendant, et je
regardais les étudiants, et les juges, et les avocats, puis c'est pour ça que
je suis devenu ce que je suis devenu.
Et je veux juste dire une chose, quand
j'ai quitté, à 18 ans, parce que j'ai dû quitter, je me suis retrouvé en
appartement et au cégep à assumer une responsabilité que je n'étais pas prêt à
assumer. Je n'étais pas outillé. Bien que j'aie une bonne famille d'accueil,
j'ai un bagage derrière moi, j'avais bien, bien des choses que j'avais...
j'étais loin d'avoir la maturité nécessaire pour faire face à la vie, et mon
cégep a été un fiasco. Et j'ai perdu plusieurs années de ma vie, suite à ça,
alors que c'est le moment où j'aurais eu le plus besoin d'un milieu de vie
stable de 18 à... 18, 19, 20 ans, le temps de faire mon cégep puis de
commencer à avancer dans la vie.
Puis l'autre élément, puis je vais y aller
rapidement, c'est difficile, quand on arrive à 18 ans, en appartement,
avec très peu de ressources financières et qu'on voit... et qu'on a... Toute
notre vie, on s'est senti un peu à part des autres, et là on voit nos amis qui
ont des vies, qui vivent chez leurs parents, qui ont des autos, qui sortent,
qui peuvent aller au restaurant puis que, toi, bien, tu ne peux pas y aller.
Mais à 18 ans, qu'est-ce que tu fais? Tu y vas puis le 15 du mois, quand
tu as dépensé tes prêts et bourses, bien, tu n'as plus rien et donc éventuellement
tu ne paies pas ton loyer, éventuellement, tu fais débrancher le téléphone
et... Bref, c'est majeur. Puis mon frère de famille d'accueil, qui, lui,
commençait un D.E.P., ça a été la même histoire. Bien, lui, ça a été plus
tragique, il ne s'est même pas rendu à 19 ans, il s'est suicidé à
18 ans et 9 mois. Et je convaincu que, s'il avait pu rester dans
notre famille d'accueil, il aurait fait son D.E.P., puis ça ne serait
probablement pas arrivé.
Et ça, c'est juste mon exemple et un autre
exemple. C'est majeur, ce n'est pas juste... Peu importe ce que ça peut coûter
en argent, on ne peut pas passer à côté de ça. À 18 ans, on n'est pas
apte, capable... En tout cas, il y en a peut-être, mais ça doit être des
exceptions. Puis, si on ne le fait pas, on vient un peu annihiler tout le beau
travail qui a été fait avant, par nos familles d'accueil. Ça, bien, en tout
cas, pour nous puis pour moi, personnellement, ça me tient à coeur, ça.
M. Carmant : Je pense
que, tout le monde, ça tient à coeur. Puis merci d'avoir partagé ça avec nous, monsieur.
J'apprécie le courage.
Le Président (M. Provençal)
: ...aimerait intervenir, M. le ministre.
M. Carmant : Oui, bien sûr.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bissonnette, Mme Thomas. Je vais faire ça
rapidement. Au niveau de la FFARIQ, je veux avoir un peu votre point de vue. Ils
recommandaient, eux, entre autres, qu'une personne ou une famille d'accueil
soit admise à l'audience entière de toute demande relative à l'enfant qui lui
est confié. Il y avait aussi une autre recommandation. J'aimerais savoir, là, êtes-vous
en accord avec ces recommandations-là de la Fédération des familles d'accueil?
Et qu'est-ce que cela aurait comme avantage?
M. Bissonnette (Kaven) :
Bien, moi, je suis... On n'est pas... peut-être pas d'accord à 100 %.
Toute demande... Il faut être conscient qu'il peut y avoir des demandes qui ne sont
pas, là, nécessairement de nature, comment je pourrais dire... plus accessoire,
tu sais, il y a des demandes peut-être plus accessoires. Je ne pense pas que la
famille d'accueil a nécessairement l'intérêt de toujours être là. Mais, dans la
mesure où on a à trancher des questions, rendre des décisions au regard de l'intérêt
de l'enfant, bien, on pense que, oui, on doit être là. Mais, sur des mesures
purement accessoires, non.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Le temps, malheureusement, est écoulé.
Alors, nous allons poursuivre cet échange avec Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bonjour,
alors, Mme Bissonnette... M. Bissonnette et Mme Thomas. Très contente
de vous avoir et de vous entendre. Et merci de partager, comme le ministre l'a
dit... merci de partager votre expérience. Parce que ça vient toujours, ces
expériences personnelles, et souvent, dans les questions qu'on pose, on veut
que... Vous êtes les experts. Pour nous, de légiférer, surtout si on n'est pas
dans ce domaine ou on n'a pas... et c'est sûr que la plupart des députés n'ont
pas d'expérience à la DPJ, on a besoin de comprendre. On comprend que les
recommandations qui se retrouvent dans le projet de loi sont appréciées, mais
il y a des améliorations, puis, pour qu'on amène ces améliorations, c'est
vraiment très utile d'avoir votre vécu.
Alors, pour revenir aux familles d'accueil,
parce que, ça, on a eu cette recommandation, et qu'on puisse poursuivre, donc,
il y aurait différents scénarios. Mais, là où l'enfant a été placé <dans
une...
Mme Weil :
...familles
d'accueil, parce que, ça, on a eu cette recommandation, et qu'on puisse
poursuivre, donc, il y aurait différents scénarios. Mais, là où l'enfant a été
placé >dans une d'accueil et le lien d'attachement s'est fait, pourquoi ne
pas utiliser cette famille d'accueil pour la suite des choses? D'ailleurs, ils
nous ont même parlé, certains, à 40 ans, qui reviennent poser des
questions puis vouloir... parce que la relation est tellement bonne, est
tellement proche que, leur vie durant, quand ils ont des enfants, ils veulent
avoir comme un papa puis une maman, l'expérience, tout ça. Donc, ça, c'est une
voie pour les familles d'accueil.
Pour tous les autres, parce qu'on a parlé
des aspects plus techniques de ça, qui prendraient la relève de ça, après la
DPJ, comment crée-t-on, donc, un réseau après 18 ans? Est-ce que vous avez
réfléchi à cette question-là? Vous, vous êtes... évidemment, vous parlez des
familles d'accueil, mais est-ce que vous avez réfléchi à ça, comment ça
pourrait être construit? Car la compétence de la DPJ, c'est vraiment jusqu'à
18 ans, mais la loi peut faire en sorte que cette compétence et
responsabilité continue. Comment vous voyez ça?
Mme Thomas (Diane) : Bien, si
je peux me permettre, présentement, ça existe déjà, certains jeunes qui n'ont
pas terminé leur secondaire sont suivis, et après le dossier se transfère au
CLSC. Il y en a d'autres que c'est des jeunes qui ont des troubles de santé
mentale, donc c'est transféré au CRDI. Le placement se continue jusqu'à
21 ans, et il y a un suivi qui se fait par certains intervenants de
différents milieux.
• (14 h 30) •
Mme Weil : Il faudrait que ça
soit, comment dire, obligatoire ou que ça soit... c'est-à-dire qu'on le
garantisse, une garantie dans la loi?
Mme Thomas (Diane) : Oui.
Nous, ce qu'on aimerait, c'est sûr, si l'enfant veut rester dans sa famille, on
aimerait vraiment que l'enfant puisse. Parce que, ces enfants-là, il faut que
vous compreniez quelque chose, même nos enfants, à 18 ans, ils ne sont pas
prêts. Imaginez un enfant qui arrive chez moi, à neuf ans, avec son sac à dos
plein de roches. Il faut travailler des années, des années, des années. On a le
pur bonheur qu'il finisse son secondaire avant 18 ans, des fois, on a
cette chance-là, et la récompense qu'on leur donne, c'est : «Woosh!
Woosh!», 18 ans, toi, va t'en au cégep puis débrouille-toi.
C'est cruel. Parce que cet enfant-là a
vidé peut-être, des fois, en partie, son sac à dos, mais il reste avec des
chocs post-traumatiques, il reste avec, des fois, la maturité qui n'est pas...
à 18 ans. Le fait qu'il a fallu qu'il se débatte pour de la survie a fait
en sorte que cet enfant-là en trouble d'attachement, entre autres... ces
enfants-là, ils n'ont pas la même maturité. Donc, ils partent avec des crises,
en partant. Donc, c'est comme si on les envoyait se planter, puis on le sait,
puis on ne les arrête pas. Moi, je trouve ça cruel. Je veux les aider à réussir,
je veux que ça devienne des bons citoyens.
Et c'est vous qui allez être gagnant, le
gouvernement, parce que ces enfants-là, s'ils sont bien accompagnés dans leur
vie adulte, vont coûter beaucoup moins cher au réseau, en vieillissant, soit en
sa santé mentale, soit en occupation. On essaie d'éviter que ces jeunes-là
deviennent... Il y en a beaucoup qui finissent à la rue. On a un pourcentage,
dans une étude, qui était, si ma mémoire est bonne, de 28 % de jeunes qui
sortent des ressources et qui finissent itinérants. On ne peut pas laisser les
choses aller comme ça, c'est immoral. Présentement, là, je trouve ça cruel. Il
faut changer les choses.
Puis, au contraire, vous voyez un enfant
qui fait comme nos enfants : il va au cégep, il a maman qui l'aide, on le
laisse voler de ses propres ailes, mais on adoucit... dès qu'ils sortent du
nid, on adoucit avec un petit coussin, on essaie de mettre les choses en place
pour ça aille bien. Mais il faut qu'on reste dans leur vie. Puis moi, j'en ai
de 35 ans, aussi, qui reviennent, puis ils ont encore besoin du budget,
ils ont encore besoin de conseils. Ils veulent acheter une maison, ils viennent
me voir : Quelle meilleure banque? Ils ont besoin que nous, on reste dans
leur vie. On n'est pas une famille d'accueil jusqu'à 18 ans, là...
Mme Weil : Oui, c'est
formidable. L'évolution de la qualité des services, de l'appui que les familles
d'accueil ont du gouvernement, etc., vous voyez une évolution, disons... Vous,
ça fait combien d'années que vous êtes familles d'accueil? Bien, vous deux avez
de l'expérience commune, là, mais ça fait longtemps, c'est ça? Est-ce que vous
avez vu des améliorations, au fil des années, par rapport à l'appui que vous
avez, que vous recevez?
Mme Thomas (Diane) : Il y a
beaucoup eu de changements, dans les dernières années, qui fait que ça ralentit
le réseau, je crois. On manque beaucoup de main-d'œuvre, donc les enfants n'ont
pas le soutien nécessaire, des fois. Les intervenantes sont brûlées. Je ne sais
pas comment vous dire autrement, le réseau est fatigué, et ces enfants-là ont
de plus en plus de grands besoins.
Moi, les enfants que j'avais quand j'ai
commencé, il y a 17 ans, avaient beaucoup moins de problèmes et de
troubles de santé mentale qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, les enfants sont de plus
en plus lourds. Et ça, ça fait en sorte que... La chose que j'ai vue qui s'est
améliorée grandement, quand l'établissement le veut bien puis que la
collaboration est là, c'est l'information, on nous outille pour aider ces
enfants-là. Et, quand le partenariat est là...
14 h 30 (version révisée)
(Visioconférence)
Mme Thomas (Diane) : ...collaboration
est là, c'est les formations. On nous outille pour aider ces enfants-là. Et
quand le partenariat est là... et ça, c'est la clé, il faut que l'établissement
ait un bon partenariat avec l'association pour mettre les choses en place pour
aider les familles d'accueil, mais si ce n'est pas le cas, c'est les enfants
qui payent au bout de la ligne, et les familles parce qu'elle ne restera pas
famille d'accueil si elle n'est pas capable de comprendre le trouble d'attachement,
si elle n'est pas capable de contrer les crises, puis d'avoir des outils pour
calmer ces crises-là. Et il y a des régions qui ont perdu beaucoup. Avant ça,
on avait des programmes éducateurs qui étaient beaucoup plus présents.
Maintenant, on les a, mais en bloc, ça fait que ça dépend des besoins. C'est
tous des programmes comme ça qu'on aimait beaucoup comme intervenantes réseau
qui ont disparu avec le temps.
Mme Weil : Donc, c'est toute
une réflexion, hein? Parce qu'il y a du bon, dans le passé, il y a la situation
qui est rendue plus dramatique et plus difficile. Il y a la pénurie en même
temps. Pour contrer cette pénurie, j'ai vu de deux centres jeunesse qui
avaient... DPJ, qui avaient fait, comment dire, une journée ou deux journées
de... pour attirer les familles, de promotion, si on veut. Et ils se sentaient
obligés de le faire. C'était intéressant. Ils avaient fait des... ils étaient
sur les réseaux sociaux, etc. Puis je ne sais pas s'ils ont eu des réussites
avec ça. Mais est-ce que c'est difficile d'attirer les familles d'accueil de
nos jours? C'est plus difficile maintenant que c'était, disons, il y a vingt
ans?
Mme Thomas (Diane) : Oui, c'est
très difficile présentement parce que les cas sont de plus en plus lourds et
les familles d'accueil des fois, on en a qui sont accréditées, mais court
terme, ils ne restent pas plus de deux ans. S'ils ont trop des jeunes lourds,
avec la connaissance qu'ils ont, dès qu'ils commencent, c'est très, très
difficile. Et n'oubliez pas que présentement, près de la moitié de nos membres
au Québec sont des familles d'accueil de proximité. Donc, eux aussi ont la
chance de... leurs enfants aussi. Donc, eux, ils ont un volet qui est encore
plus lourd. Puis, pour nos familles d'accueil régulières... écoutez, il n'y en
a plus, il en faut, des familles d'accueil. J'ai fait des campagnes de
promotion avec mon établissement. On essaie de faire des publicités dans les
cinémas, dans les restos, un peu partout, dans les médias, des campagnes
publicitaires, mais... puis les émissions de télé pour essayer de recruter les
gens. Ça a fonctionné à un certain point, mais il en manque encore beaucoup.
Dans mes ADREQ, moi, il en manque encore beaucoup.
Et ça fait en sorte que, quand on parle de
qualité de service à l'enfant, si, dans une région comme la mienne, mettons qu'il
y a 15 places disponibles, pour dire quelque chose, mais que cet enfant-là
ne... les familles d'accueil ne conviennent pas dans ces 15 places-là, ce
n'est pas des familles d'accueil qui sont outillées pour recevoir ce genre d'enfant
là. Malheureusement, cet enfant-là va avoir un mauvais pairage, parce qu'on est
en manque. Ça fait qu'il faut mettre les choses en place pour attirer les
familles d'accueil, simplifier les choses, puis arrêter de se sentir jugé, se
sentir en partenariat, c'est important. Les familles d'accueil, souvent, ont
peur de parler parce qu'ils ont peur de perdre les enfants. Il y a des
établissements, ça va superbien, mais il y en a d'autres, seigneur, que je vais
vous dire, le partenariat, là, ça serait à apprendre. C'est important.
Mme Weil : C'est là où le
directeur national, la directrice nationale peut jouer un rôle, uniformiser les
pratiques, comment... les bonnes pratiques pour... qui est vraiment une
collaboration, un partenariat avec les familles d'accueil, avec ce respect de
partager l'information qui est essentielle, tout ça peut être mis dans la loi.
Je vous écouterais pendant des heures, mais je pense que ma collègue a peut-être
des questions. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Malheureusement...
Mme Weil : Ah! Ah! non,
excusez.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais vous permettre une question
rapide.
Mme Robitaille : Ah! bien,
écoute, rapide, parce que c'est tellement... bien, c'est tellement pertinent ce
que vous dites. J'essaie juste de voir, est-ce que dans la loi... parce que je
vous écoute, puis ce que je sens, c'est que c'est de plus en plus lourd pour
les familles d'accueil de prendre charge d'un enfant. Ça explique peut-être
pourquoi il n'y a pas beaucoup de familles qui s'offrent comme familles d'accueil.
Qu'est-ce qu'on pourrait insérer dans la loi pour améliorer, pour envoyer le
signal, puis donner les outils pour mieux outiller les familles d'accueil, puis
leur donner le soutien qu'il faut?
M. Bissonnette (Kaven) : Je
peux y répondre. Je pense que, quand on regarde notre mémoire, quand on parle
du partage d'informations, quand on parle que la famille d'accueil soit
consultée à plusieurs niveaux, quand il y a des prises de décisions, ça, on
croit fermement que ça pourrait être un incitatif pour que nos familles
d'accueil, des gens aient le goût de le devenir et aient le goût de le
demeurer. <Parce qu'on a souvent des histoires de familles d'accueil où
la relation parfois avec l'établissement ou avec l'intervenant, il n'y a pas
une grande synergie, où on se fait imposer, bon, voici ce que tu vas faire...
M. Bissonnette (Kaven) :
...devenir
et aient le goût de le demeurer. >Parce qu'on a souvent des histoires de
familles d'accueil où la relation parfois avec l'établissement ou avec l'intervenant,
il n'y a pas une grande synergie, où on se fait imposer, bon, voici ce que tu
vas faire, voici ce que... et qu'on ne la consulte pas. Tu sais, quand je disais
redonner un côté humaniste à la relation entre la ressource, la famille d'accueil...
excusez le terme, «ressource», je suis dans la loi, mais la famille d'accueil
avec l'intervenant, avec l'établissement, réhumaniser. Qu'il y ait ce lien-là,
ce lien de confiance là, qui est peut-être disparu parce que, bon, il y a eu
une loi, il y a eu la syndicalisation des ressources, il y a eu plusieurs
impératifs qui ont peut-être fait que tout le monde a voulu rester un peu sur
ses gardes, bien, ça, c'est nocif. Ce n'est pas bon puis on a les familles d'accueil,
les associations ont leur raison d'être, ont le droit de négocier, ont des
droits, comme tout le monde. Mais on pense que... Là, je vois que le temps est
restreint, mais c'est recréer cette synergie-là entre l'établissement et la
famille d'accueil. Ça, ça aiderait beaucoup à promouvoir.
• (14 h 40) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour ces éléments de réponse. Nous allons
poursuivre cet échange avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui. Merci. Les
intervenants-ressources dont vous parlez, là, dans votre mémoire, par rapport à
l'importance de reconnaître les familles d'accueil comme partenaire, là, qu'est
ce qu'ils feraient exactement? Pouvez-vous nous décrire le rôle de ces
intervenants-ressources là, même s'ils ne s'appelleraient pas nécessairement
comme ça.
Mme Thomas (Diane) : La
différence, à l'époque puis aujourd'hui, c'est un contrôle de qualité qui
vérifie l'ensemble du service qu'on donne à l'enfant, qui va venir vérifier
notre maison, vérifier nos détecteurs, vérifier si on a des armes, tout ça.
Mais nous, ce qu'on aimait de nos intervenantes-ressources, c'était la personne
qui venait dans notre cuisine, qui s'assoyait avec nous, qui décortiquait une
crise avec nous puis qui pouvait nous outiller puis nous dire : Moi, j'essaierais
ça comme ça, ça, je ferais ça comme ça. Et il y a des places au Québec que ça
ne se fait plus du tout. Et c'est ça qui est triste. D'avoir l'inspecteur qui
arrive dans la maison, qui vérifie tout, c'est normal que vous vérifiiez tout,
ça, je n'ai pas de problème, mais l'intervenant ressource, elle, c'est la
personne qui s'occupait de la ressource, elle s'occupait aussi de voir si la
famille d'accueil allait bien, parce que parfois, je peux vous dire que, par
expérience, que c'est très difficile. Des fois, on a des enfants qui,
malheureusement, doivent quitter, et c'est très touchant pour la famille d'accueil.
Il faut s'assurer que les familles d'accueil vont bien pour qu'elles reçoivent
des... recevoir les enfants pour s'assurer que la famille d'accueil comprend
bien le besoin de l'enfant aussi. Donc, c'est ce bout-là humain qui nous
manque, puis ça, il faut à tout prix aller rechercher ça parce que c'est là que
ça fait des pairages gagnants, c'est là que, souvent, on évite des
déplacements. C'est peut être une heure de payée, je le sais, mais c'est une
heure qui est payante, je peux vous le dire.
M. Zanetti : C'est comme si
vous étiez passé dans une dynamique où la famille d'accueil se sent plus perçue
comme un prestataire de services, plus froidement, là, tandis que c'est un
partenaire qu'il faut aider, soutenir parce que les familles d'accueil
n'arrivent pas nécessairement avec toute l'expérience, tout le temps qu'il faut
pour faire ça, pour jouer ce rôle-là, c'est ça.
Mme Thomas (Diane) : C'est
exactement ça. Le cadre de référence donne une norme à faire, mais c'est froid,
c'est un cadre, c'est très, très froid, mais la ressource et l'enfant, c'est...
ce n'est pas écrit dans tous les... là, chaque enfant est différent, chaque
ressource est différente, puis il faut faire fitter ces gens-là ensemble, puis
il faut que les gens soient heureux. Moi, mon mandat associatif, c'est... puis
je dis toujours qu'une famille d'accueil heureuse fait des enfants très
heureux. Mais il faut que les gens soient bien, puis il faut donner les
services pour.
Je vous donne un exemple, à un moment
donné, j'ai eu une jeune qui s'est suicidée à l'âge adulte. L'intervenante a eu
du support, la famille a eu du support, ce qui est normal, mais personne n'est
venu voir la famille d'accueil pour voir si elle, elle avait besoin d'aide. Et
c'est ça qui est triste. Nous, on n'a jamais de support, nos enfants non plus,
et ça, les gens l'oublient, nos enfants aussi ont des droits, et ça, c'est
important. Le support devrait être donné à toute la famille, ce que l'intervenant
ressource faisait, il s'assurait que tout le monde était correct, puis que tout
le monde allait bien. C'est ça la... c'est ça notre mission, de le rendre
heureux, cet enfant-là.
M. Zanetti : C'est très
clair, je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Alors,
maintenant, on complète cet échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Bissonnette, Mme Thomas. Qu'est-ce
qui fait que ça bloque, qu'on ne soit pas capable de reconnaître qu'un jeune de
19, 20, 21 ans puisse avoir encore besoin d'aide, là? On a souvent en tête
que la majorité, c'est 18. Un permis de conduire, c'est 16 ans. Fumer du
cannabis, c'est 21. Donc, pourquoi dans le développement de l'enfant, pour
vous, c'est important de ne pas s'arrêter à 18 ans et de donner un continuum de
services à 21 ans. <Pourquoi c'est... Parce que, tu sais, au-delà
des témoignages qu'on a entendus, ça semble être une priorité fondamentale de
votre groupe de travailler à faire reconnaître cette opportunité-là...
M. Ouellet :
...de ne pas s'arrêter à 18 ans et de donner un continuum de services à
21 ans. >Pourquoi c'est... Parce que, tu sais, au-delà des
témoignages qu'on a entendus, ça semble être une priorité fondamentale de votre
groupe de travailler à faire reconnaître cette opportunité-là. Donc, qu'est-ce
qui bloque? Est-ce que c'est au niveau de la justice? Est-ce que c'est parce
que nos lois sont faites que la majorité est reconnue à 18 ans et qu'on
arrête les services parce qu'on parle que la personne est rendue un adulte? Qu'est-ce
qui fait que ça bloque? Et comment, comme législateurs, nous, on pourrait faire
débloquer cela?
M. Bissonnette (Kaven) :
Je vais répondre. A priori, ce qu'on s'en rend compte, c'est les situations où
un jeune de 18 ans peut demeurer en famille d'accueil, ça va être un jeune,
mettons, qui n'a pas terminé son secondaire V, ça, ça peut arriver. Dès qu'il
y a un autre agent payeur, que ce soit les... pour parler des prêts et bourses
pour un DEP ou pour le cégep, là, ça ne fonctionne plus, là. Là, là, il y a une
rupture, il y a un autre agent payeur. S'il y a une demande de prêts et
bourses, on ne peut pas payer une famille d'accueil parallèlement. On dirait,
là, là, je vous dis, c'est la perception que j'ai. Dès qu'il y a un autre agent
payeur qui est disponible, ça ne fonctionne pas. Si le jeune travaille à temps
plein, bien, on oublie ça aussi.
Donc, c'est là que ça accroche puis c'est
là que c'est fondamental. Puis honnêtement, moi, pour l'avoir vécu, là, j'aurais
aimé bien mieux de ne pas avoir à gérer. Tu sais, j'aurais aimé ça qu'on m'apprenne
à gérer un budget comme il faut, mais j'aurais aimé mieux pouvoir faire mon
cégep dans ma famille d'accueil, comme mes collègues au cégep qui vivaient chez
leurs parents, puis qui arrivaient le soir, puis que le repas était fait, puis
qui avaient de l'aide dans leurs devoirs, puis qui avaient un coup de main
quand ça n'allait pas émotionnellement, quand que... parce qu'au cégep, c'est
une marche, là, ça fait qu'il y a une marche entre le secondaire et le cégep.
Et, quand tu arrives d'une famille d'accueil avec ton bagage, qui n'a pas
toujours été facile depuis la naissance, bien, tu ne peux pas monter cette
marche-là seul, là, tu ne peux pas. C'est beau, là, qu'on me donne des prêts et
bourses, puis tu as droit à un maximum, qui n'est déjà pas grand-chose, là,
mais un maximum parce que, bon, tu n'as officiellement pas de parent
contributeur. Ce n'est pas une question d'argent, là, c'est une question... On
est ailleurs.
Et ça, une famille d'accueil, bien, moi, j'aurais
bien aimé ça pouvoir vivre chez ma famille d'accueil le temps de faire mon
cégep. Je n'aurais pas perdu autant d'années, ça n'aurait pas été un fiasco.
Probablement que je serais devenu avocat bien avant aussi.
M. Ouellet : Je crois
comprendre... Vous faites référence à cet important moment de transition de la
vie personnelle entre une vie académique vers une vie plus professionnelle.
Cette transition-là s'opère chez plein de jeunes, à 18, à 19, à 20,
21 ans. Moi le premier. J'ai eu la chance de faire mon cégep à
Baie-Comeau, j'ai fait mon université à Québec, mais je peux vous dire qu'à
20 ans j'avais encore besoin de mes parents. Un coup de téléphone, la fin
de semaine, et un support, là, je n'étais pas grand, grand, grand autonome dans
ce que j'avais à faire. Mais je comprends que, pour des jeunes en centre d'accueil,
en maison d'accueil, ce que ça prend aussi, c'est cette possibilité d'avoir
cette transition facile et qui permet un accompagnement en fonction du besoin
du jeune. C'est ça que vous nous dites aujourd'hui. Donnons cette possibilité
que, ceux et celles à 19, 20 ans qui ont besoin de support, réussissons
cette transition, pas juste la vie académique à la vie professionnelle, mais de
la vie familiale à une vie plus personnelle. C'est ça, le message que vous nous
dites aujourd'hui?
Mme Thomas (Diane) :
Exactement ça, si je peux me permettre. Présentement, le réseau compte sur
nous, mais ce n'est pas toutes les familles d'accueil qui sont capables de
garder les enfants, et ça leur crève le coeur de leur dire de partir. Vous
voyez, moi, je vais être confrontée à ça bientôt. J'ai une jeune de 17 ans
qui, je l'ai rassurée, je vais te garder. Mais, moi, comme famille d'accueil,
ça me fragilise, parce que je ne peux pas accueillir un autre jeune, vous
comprenez. Et toutes les familles d'accueil qui gardent leur jeune après
18 ans tombent avec la charge du jeune complètement à 100 %, et
personne ne les aide non plus. On est des gens de coeur, donc souvent on les
garde. Mais il y en a qui ne peuvent pas, puis je les comprends de ne pas
pouvoir, parce que financièrement on ne peut pas, des fois, on ne peut pas, c'est
simplement ça. Des fois, c'est une question de contrat aussi. L'établissement,
des fois, ne veut pas qu'on les garde. Et moi, je me dis, si un jeune adulte de
18 ans me dit : Diane, je veux rester chez toi, aide-moi à passer à l'adulte,
c'est avec plaisir que je vais le faire. Mais, après ça, vous nous donniez le
droit de les garder jusqu'à 21 ans.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour et le témoignage et surtout votre
participation et votre contribution à l'évolution de nos travaux.
Je vais suspendre temporairement les
travaux pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de vous êtes mis disponible
pour cette rencontre.
(Suspension de la séance à 14 h 49)
(Reprise à 15 heures)
(Visioconférence)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue à l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape
pour femmes et enfants victimes de violence conjugale. Nous aurons trois
intervenantes, Mme Lemeltier, Mme Pontel et Mme Fedida. Alors, mesdames, je
vous cède la parole 10 minutes pour votre présentation et par la suite on fait
nos échanges. À vous.
Mme Lemeltier (Sabrina) : Bonjour,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous
recevoir. Je suis Sabrina Lemeltier, présidente de l'Alliance des maisons d'hébergement
de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale. Et je
suis accompagnée de Maud Pontel, coordonnatrice générale, et de Gaëlle Fedida,
coordonnatrice des dossiers politiques de l'Alliance. L'Alliance représente
35 maisons d'hébergement de 2e étape à travers le Québec et nous
tenterons de porter à votre attention les sérieuses préoccupations des
organismes spécialisés en violence conjugale sur le projet de la loi n° 15.
Pour votre compréhension, les maisons d'hébergement
de 2e étape offrent un accompagnement spécialisé en violence conjugale
postséparation aux femmes et aux enfants suite à un séjour en maison d'aide et
d'hébergement selon les critères d'évaluation de la dangerosité de l'ex-conjoint.
Nous agissons directement en prévention de l'homicide conjugal. Cela concerne
8 % des femmes au sortir de l'urgence, soit environ 600 femmes au
Québec chaque année.
L'absence de la reconnaissance dans la Loi
de la protection de la jeunesse de la violence conjugale comme motif de
compromission a de très sérieuses conséquences pouvant aller jusqu'au meurtre
des enfants. Nous partageons avec vous cet exemple. Une maman et ses enfants
arrivent en Maison d'aide et d'hébergement pour femmes victimes de violence
conjugale suite aux menaces de mort proférées par le conjoint. Il y a eu
intervention policière, arrestation et une plainte au criminel. En parallèle,
un signalement est fait par la police à la protection de la jeunesse. Afin de
maintenir un filet de sécurité autour de la famille, celle-ci ira ensuite en
maison d'hébergement de 2e étape. La DPJ s'implique dans la vie de Mme et
souhaite mettre en place des visites supervisées pour que le papa puisse revoir
ses enfants. Maman exprime ses craintes, nomme que monsieur veut la tuer, et qu'il
pourrait s'en prendre à ses enfants pour lui faire du mal. Elle est entendue,
mais l'intervenante nomme que les événements ont eu lieu il y a plusieurs mois,
qu'elle est en sécurité, ainsi que ses enfants, que monsieur a droit et qu'il
est dans l'intérêt des enfants de voir papa. Des visites supervisées sont mises
en place et il est demandé à maman de collaborer dans l'intérêt des enfants.
Lors d'une visite supervisée, monsieur fait une demande à laquelle l'intervenante
de la protection de la jeunesse opposera un refus. Monsieur, en réponse, menace
de mort l'intervenante à la protection de la jeunesse. Ce fut le salut de Mme
et de ses enfants. La dangerosité de monsieur est enfin reconnue. Une plainte
est déposée. Monsieur est arrêté et les visites sont suspendues.
Nous lançons aujourd'hui un cri d'alarme .
Les enfants victimes de violence conjugale ne sont pas... actuellement par la
Loi de la protection de la jeunesse et nous allons, à travers notre
présentation, démontrer comment la loi telle que modifiée ne va pas changer
cette affirmation. Merci.
Mme Pontel (Maud) : Quand les
femmes et les enfants arrivent en maison d'hébergement, ils sont souvent
désorientés et affolés d'avoir pris la fuite avec quelques effets personnels et
surtout confrontés à l'inconnu. Les mères et les enfants sont souvent en état
de choc. Les femmes se mettent en mode de protection pour elle et leurs
enfants. Lorsque l'on parle de violence conjugale, on ne parle pas d'une
chicane de couple, mais bien d'une dynamique insidieuse qui s'établit dans le
temps et se poursuit bien au-delà de la séparation. Bien que la violence revête
plusieurs formes, il est important d'évoquer le contrôle coercitif. On parlera
alors d'une multiplicité d'actes de contrôle et de manipulation qui vont petit
à petit isoler les femmes et les enfants, les enfermant psychologiquement et
alimentant leur peur des représailles si leur soumission n'est pas totale.
Considérant notre contexte d'intervention,
les maisons d'hébergement de 2e étape, nous pouvons affirmer sans aucun
doute que pour l'ensemble des femmes et des enfants qui y sont hébergés, la fin
de la relation ne constitue pas un arrêt de la violence, mais bien au
contraire. Les techniques de contrôle de l'agresseur se multiplient et se diversifient
afin de maintenir son emprise. Les femmes victimes de violence conjugale
postséparation qui sont hébergées dans nos maisons craignent pour leur sécurité
et celle de leurs enfants. Alors que ces mères évoquent leur crainte d'un
passage à l'acte sur elle ou sur leurs enfants, cette peur n'est pas considérée
à la hauteur de la gravité qu'elle représente pour eux. Trop souvent, ce qui
est pour nous de la violence conjugale postséparation, sera perçu comme un
conflit sévère de séparation par les intervenants de la DPJ où les actions des
mères qui sont en mode de protection pourront jusqu'à être qualifées de
comportements aliénants...
15 h (version révisée)
Mme Pontel (Maud) : ...ce
qui est pour nous de la violence conjugale postséparation sera perçue comme un
conflit sévère de séparation par les intervenants de la DPJ, où les actions des
mères, qui sont en mode de protection, pourront jusqu'à être qualifiées de
comportements aliénants. En résulte alors une possible mise en danger du fait
que les plans d'intervention proposés par les intervenants de la direction de
la protection de la jeunesse, basés sur une évaluation de la dynamique
familiale plutôt que conjugale, ne sont pas pensés en fonction du risque de
récidive de l'ex-conjoint ou de l'exposition à la violence, mais orientés vers
une coparentalité où la responsabilité de la mère et du père sont mises sur un
même pied d'égalité. En d'autres mots, on rappelle constamment à ces mères leur
responsabilité de collaborer avec leur agresseur. On constate une dissociation
entre les capacités parentales et les comportements violents du père et, par le
fait même, une minimisation de la violence vécue et de ses impacts néfastes sur
les mères et les enfants.
Les mamans auprès desquelles la direction
de la protection de la jeunesse intervient ne sont pas responsables du lien
père-enfant, tout comme elles ne sont pas responsables de la violence qu'elles
ont vécue et qu'elles continuent d'expérimenter dans un contexte de
postséparation.
Considérant les effets dévastateurs de la
violence conjugale à court, moyen et long terme et les impacts sur le
développement des enfants qui y sont exposés, et ce, même dans un contexte de
postséparation, il nous apparaît impératif de considérer l'exposition de la
violence conjugale comme un motif de compromission en soi. Cela permettrait une
détection et une évaluation beaucoup plus juste des situations et permettrait,
par le fait même, de mettre en place des interventions visant une véritable
mise en sécurité des mères et des enfants. Merci.
Mme Fedida (Gaëlle) : En
terminant, une fois qu'on a dit ça, que la violence conjugale doit devenir un
outil de compromission comme tel, il faut aussi parler de l'efficacité de la
loi et des dispositions à prendre pour la mettre en cohérence avec l'ensemble
du travail gouvernemental contre la violence conjugale qu'on a pu connaître
massivement depuis les deux dernières années. Donc, on parle de cohérence avec
la définition qui est incluse dans la Loi sur le divorce de la violence
familiale, qui reprend, justement, ces éléments de contrôle coercitif qui sont
dans la définition de la politique québécoise. C'est la concordance avec le
rapport Rebâtir, et notamment, tout récemment, donc, la Loi sur les
tribunaux spécialisés, qui dispose de la nécessité de services intégrés pour
ces familles. C'est la concordance avec les recommandations de la commission
Laurent, qui préconisait très, très explicitement le fait d'introduire la
violence conjugale comme un motif de compromission. Et c'est aussi la
concordance avec les travaux du coroner qui démontrent bien qu'il faut profiter
de chaque contact avec les services pour pouvoir agir pour améliorer la
protection et la sécurité des personnes.
Bien entendu, tout ça, au final, requiert
aussi un investissement majeur dans la formation des personnels. On a déjà vu
plusieurs initiatives dans ce sens sur le terrain. Notre mémoire vous expose l'initiative
que nous avons conduite avec la DPJ de Montréal, dans la dernière année, et qui
a porté des fruits extrêmement intéressants. On va s'arrêter là.
Je voulais aussi simplement vous
rementionner, pour vous mettre un petit peu dans le contexte de ce que vivent les
enfants, qu'on vous a fait parvenir ce document qui s'appelle Il se prenait
pour le roi de la maison!, qui est un ouvrage fait par des chercheurs en
sciences sociales avec des enfants victimes de violence conjugale et qui peut
vous éclairer sur la réalité que vivent ces enfants aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
maintenant débuter l'échange avec M. le ministre. M. le ministre, je vous cède
la parole.
M. Carmant : Merci
beaucoup, M. le Président. Mme Lemeltier, Mme Pontel, Mme Fedida,
merci d'être là. Merci pour ce que vous faites également pour les femmes
vulnérables. Donc, je pense que la discussion doit vraiment focuser sur votre
point, là, la violence conjugale.
Nous, on avait... Tu sais, comme vous
parlez de l'action gouvernementale, on avait regardé ça. Premièrement, mon
collègue ministre de la Justice, dans son projet de loi n° 2, là, sur le
droit de la famille, a clairement exprimé que la parentalité doit s'exprimer
sans violence, là, ce qui, je pense, est un pas vers l'avant significatif.
Puis, nous, ce qu'on a entendu ici, puis je vais voir si vous êtes... si c'est
suffisant ou <si...
M. Carmant :
...significatif.
Puis, nous, ce qu'on a entendu ici, puis je vais voir si vous êtes... si c'est
suffisant ou >si... est-ce que vous... si c'est ce que vous recherchez.
M. Hotte nous a parlé qu'on pourrait mettre dans un alinéa spécifique la
violence conjugale, qui, actuellement, dans la loi de la DPJ, est à l'article 38c,
dans le grand groupe, là, des... comment on appelle ça, des...
Une voix : ...mauvais
traitements psychologiques.
M. Carmant : ...mauvais
traitements psychologiques, exactement. Donc, est-ce que ce serait le genre de
modifications que vous regarderiez? Seriez-vous satisfaite?
• (15 h 10) •
Mme Fedida (Gaëlle) : Absolument.
C'est d'introduire un nouvel alinéa qui soit, en soi, un motif de compromission
à l'égard des mauvais traitements psychologiques, oui, tout à fait.
M. Carmant : D'accord. Bien,
ça, on accepte ça très positivement, là. Puis, évidemment, on va en discuter
avec nos collègues, mais ça a été accueilli très positivement par tout le
monde, je crois.
Une chose que j'aimerais parler avec vous,
là, puis c'est quelque chose que.... dont je suis même sorti publiquement, là,
c'est cette histoire d'aliénation parentale. Comment on améliore ça, là? C'est
un non-sens, là. C'est un paradoxe choquant, là, cette histoire-là. Comment on règle
cette histoire-là?
Mme Pontel (Maud) : Effectivement,
quand on parle d'aliénation parentale, on se rend compte que ça a été utilisé
sans des données probantes et que le fait d'avoir, justement, cette absence de
contexte, de recherche, etc., ça fait en sorte que c'est utilisé à tort et à
raison.
Donc, ce que, nous, on constate avec les
femmes avec lesquelles on travaille... D'une part, on travaille dans un
contexte postséparation. Donc, quand les intervenants de la DPJ arrivent, là,
dans les dossiers des enfants, la séparation s'est déjà opérée. Et ce que l'on
voit, ce que les, comment dire, les intervenants vont qualifier soit de conflit
sévère de séparation ou encore de comportement aliénant ou d'aliénation
parentale, pour nous, c'est clairement de la violence conjugale
post-séparation.
Quand on parle d'aliénation parentale, et
ce qu'on retrouve, nous, par exemple, chez les femmes avec lesquelles on
travaille dans nos maisons d'hébergement, c'est que ces femmes sont en mode de
protection. Elles ne sont pas en train d'aliéner les enfants en disant que papa
est un malpropre, ou quoi que ce soit, elles sont en mode de protection. Ces
femmes ont vécu de la violence, des abus à répétition, ont été menacées de
mort, de violences physiques. Les enfants aussi. Donc, il est tout à fait
légitime pour ces femmes, pour ces mères, d'exprimer leurs craintes à l'égard
de la violence que le père pourrait faire subir aux enfants ou encore à l'égard
de la violence qu'elles pourraient subir.
Ce qu'on voit, c'est que, dans une
perspective où la parentalité, la coparentalité est encouragée, où les deux
parents sont mis sur un même pied d'égalité, bien évidemment, ça va fausser
toutes les analyses et toutes les évaluations. Pourquoi? Parce qu'on est en
présence d'un débalancement de pouvoir entre une personne qui agresse et une
personne qui est victime. Donc, une personne qui est victime va exprimer ses
craintes, va exprimer ses peurs. Les enfants vont aussi, eux, exprimer leurs
craintes et leurs peurs, et tout de suite on va se mettre à penser que c'est
parce que maman ne veut pas que les enfants voient le papa, parce que maman
porte un discours qui est dénigrant par rapport à papa. Alors, que les
intervenants se mettent dans une perspective de travail de coparentalité, la
coparentalité, c'est quelque chose qui ne fait pas de sens dans une dynamique
de violence conjugale.
Donc, quand on entend parler d'aliénation
parentale, je pense que c'est une manière de justifier la position du père, de
la parentalité du père versus ce qu'on impose aux mères en termes de
responsabilité et de l'absence de prise en compte de leur vécu de violence
conjugale. Donc, les intervenants vont encourager la coparentalité, vont
encourager la présence du père, mettre en place des plans d'intervention qui ne
font pas de sens et qui mettent en danger la mère et les enfants. Et, quand les
mères ou les enfants abordent leurs préoccupations, leurs craintes, on va
parler d'aliénation parentale. Ça ne fait absolument aucun sens. Il n'y a pas
de volonté de manipulation, il n'y a pas de volonté de contrôle, il y a juste
une volonté de protection.
M. Carmant : Donc, est-ce que...
Mme Fedida (Gaëlle) : Pour
revenir à la question concernant qu'est-ce qu'on peut faire par rapport à ça,
on s'est rendu compte, justement, qu'avec de la formation auprès des
intervenants de la DPJ aux réalités de la violence conjugale et de la violence
conjugale postséparation, c'est là qu'on a vécu... On a vécu, même, des
expériences assez incroyables avec <eux...
Mme Fedida (Gaëlle) :
...vécu... On a vécu, même, des expériences assez incroyables avec >eux.
On explique, dans le mémoire, qu'on a tout un projet avec la DPJ de Montréal. On
a fait des sensibilisations auprès des 500 intervenants de Montréal. Et,
au sortir de ces séances, plusieurs disaient : Mais, mon Dieu! il va
falloir que je revoie mon «caseload» parce que, là, avec ce que je viens de
comprendre ce matin, bien, je me rends compte que j'en ai échappé puis qu'il y
en a qu'il va falloir que j'aille réviser. C'est vraiment... Et, pour eux, c'est...
Pour nous, c'est très encourageant parce que c'est une prise de conscience qui
mène à l'action. Donc...
Mme Pontel (Maud) : Et
je rajouterais même que, dans les sensibilisations qu'on a menées, c'était
vraiment d'amener les intervenants à analyser les situations non plus
uniquement au niveau de la dynamique parentale, mais aussi de la dynamique
conjugale. Et, à partir de ce moment-là, ça faisait une véritable différence
dans leur capacité à comprendre les situations et à détecter des éléments de
violence conjugale.
M. Carmant : Je suis
très heureux vous entendre dire que la formation est utile et même clé. On va s'assurer
que vous soyez invitées au forum parce que je pense que ça va être le bon
endroit pour faire ça, là. Je pensais que c'était quelque chose de plus ancré,
mais, si... la formation, là, c'est parfait, ça.
Je voulais vous demander également les... un
des gros enjeux qu'on a discutés cette semaine, puis, vous, je crois que ça va
vous impliquer beaucoup, c'est l'enjeu de la confidentialité, comment on gère
ça dans un contexte, là, de violence conjugale, puis pas juste... des deux
côtés, du côté de la mère... bien, non, non, je ne devrais pas dire ça, là...
du côté de l'agresseur et du côté de la personne agressée. Comment on gère ça?
Mme Pontel (Maud) : Vu
qu'on ne voit pas notre collègue, là, c'est un petit peu difficile de savoir si
jamais elle veut prendre la parole. Sabrina, je vais commencer, puis
éventuellement, là, si tu veux... si tu veux supporter. Je pense que, quand on
parle, justement, là, au niveau de la confidentialité, à partir du moment où il
y a une évaluation sévère du risque, la confidentialité doit être levée. Donc,
quand on travaille...
Moi, j'ai la chance, là, d'être membre du comité
du coroner sur l'analyse des décès en contexte de violence conjugale, et c'est
vraiment une des informations clés, là, dans nos discussions, où, quand on voit
qu'il y a une un risque élevé de passage à l'acte, de dangerosité, il faut
absolument qu'il y ait un partage d'informations entre les différents
intervenants clés. Et je pense que ça va aussi dans le sens, là, de la mise en
place des cellules d'intervention rapide en violence conjugale.
Donc, tout ce qui est le projet pilote, là,
au niveau du ministère de la Justice, ça va dans ce sens-là, où on va réunir
des acteurs du terrain qui vont être au courant d'une situation à haut risque
de passage à l'acte, et donc les informations vont pouvoir être partagées dans
ce sens-là. Mais ça fait... c'est une des clés, là, vraiment, au niveau d'une
meilleure intervention puis de la mise en place d'un filet de sécurité rapide
et efficace.
Mme Fedida (Gaëlle) : Et
on comprend que ça pose des questions aux gens de la DPJ parce que, c'est bien
clair, ils sont dans un cadre actuellement où on leur dit : Tout ça, c'est
confidentiel, il faut protéger les données, etc.
Maintenant, les dispositifs en cours, les
cellules de crise, elles sont déployées actuellement dans plusieurs régions,
mais enfin il y en a quand même un certain nombre qui étaient déjà très
fonctionnelles depuis plusieurs, plusieurs années. Et tous les dispositifs de
levée de confidentialité dans le cas de dangerosité sont déjà connus, et on a
déjà des outils pour ça et des processus de... à partir de quand est-ce qu'on
déclenche la levée de confidentialité, par exemple.
Donc, tout ça, ce sont des processus qui
existent actuellement et qu'on peut tout à fait mettre en place également dans
un meilleur arrimage et articulation du travail avec la DPJ.
M. Carmant : Mais moi,
je vais vous dire que je suis confronté régulièrement avec des histoires où un
professionnel dans la famille n'a pas voulu partager l'information, cellule de
crise ou pas, là.
Mme Fedida (Gaëlle) :
Effectivement, mais... certains ordres aussi. Et encore et toujours, la
formation, l'objectif de ces professionnels, leur mandat, ça reste la
protection. Et puis leur mandat, ce n'est pas la protection des données. Leur
mandat, c'est la protection des personnes. Donc ça, ça fait partie de la
formation, justement, de bien distinguer à quoi sert la confidentialité. Elle
sert elle-même à protéger les personnes. Donc, quand la règle de
confidentialité devient contre-productive par rapport à l'objectif de mise en <sécurité...
Mme Fedida (Gaëlle) :
...quand la règle de confidentialité devient contre-productive par rapport à
l'objectif de mise en sécurité >, bien, c'est clair que la règle, elle
tombe, effectivement.
M. Carmant : Parfait. C'est
bien entendu, ça. Peut-être, M. le Président, je passerais la parole à la
députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Lotbinière-Frontenac? Avec plaisir.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour, mesdames. Moi, j'aimerais ça, qu'on... Bien, on a parlé de... M. le
ministre a parlé de confidentialité. J'aimerais ça, que vous parliez, à votre
niveau, les maisons d'aide et d'hébergement, comment ça fonctionne, la
confidentialité avec la... Par exemple, les intervenants de la DPJ, vous parliez
souvent, là, de sens unique.
Mme Fedida (Gaëlle) :
Sabrina?
• (15 h 20) •
Mme Lemeltier (Sabrina) :
Oui, je peux... C'est certain qu'à partir du moment que la protection de la
jeunesse est impliquée dans le dossier et que nous recevons maman et ses enfants,
une prise de contact va être faite, toujours avec l'autorisation de maman. Et
puis, là, on est vraiment dans, je dirais, une collaboration active autour de
la maman et des enfants.
Où ça va poser des fois un problème, et
puis je ne répéterai pas ce qui a été dit un peu plus tôt, c'est quand, par
exemple, nous évaluons que la dangerosité de monsieur est assez élevée. Nous
faisons une analyse auprès de l'intervenant de la protection de la jeunesse, et
qui va nous refléter que nous, nous empêchons madame de prendre de la distance
ou d'avoir une attitude plus positive par rapport aux droits du papa et, par
exemple, à des accès du papa aux enfants.
Donc, je vous dirais qu'au niveau de la
confidentialité, à partir du moment où la femme est en maison d'hébergement,
nous collaborons activement avec les intervenants de la protection de la
jeunesse.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Oui.
Mme Fedida (Gaëlle) : Ce qu'on
peut voir, peut-être, simplement, c'est qu'à un moment donné aussi, malheureusement,
c'est très personne dépendant, et on voit des, je dirais, des qualités d'expertise
vraiment très, très, très différentes d'une personne à l'autre, d'une région à
l'autre. Donc, c'est là aussi que l'élément de la formation redevient majeur
parce que c'est là qu'on donne des bases communes, une compréhension commune de
ces enjeux-là aux travailleurs.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
À ce que j'ai compris, là, durant les derniers mois, pendant mon mandat de
violence conjugale, c'est que la formation des intervenants est quand même
différente d'un établissement à l'autre. La notion de violence conjugale n'est
pas vue dans tous les établissements d'enseignement. C'est un peu laissé à
chaque établissement. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait un... Tu sais, je
le sais, que vous, vous faites de la formation des intervenants qui sont déjà
en poste, mais il y a beaucoup, beaucoup de, je dirais, de... le terme anglais,
«turnover», là, dans le personnel. Est-ce que la formation en violence conjugale
de tous les intervenants, déjà, à la base, dans les établissements d'enseignement
serait un plus pour vous, là?
Mme Pontel (Maud) :
Absolument. Absolument. C'est sûr que, si on prend l'exemple de ce qui s'est
passé, là, au niveau de notre collaboration avec les Centres jeunesse de
Montréal, la première sensibilisation a permis de toucher plus de
500 personnes, donc 500 intervenants, des chefs d'équipe, des
superviseurs, des... même des avocats. Et maintenant cette sensibilisation-là,
elle a été enregistrée. Elle est obligatoire pour tous les nouveaux
intervenants qui arrivent à la DPJ. Ça fait partie de leur passeport de
formation.
Donc, il y a un document qui a été
développé en collaboration qui s'appelle Les essentiels, violence
conjugale, violence conjugale postséparation. Et donc tous les nouveaux
intervenants, parce qu'effectivement il y a beaucoup de roulement de personnel,
tous les nouveaux intervenants doivent suivre, voir ce webinaire-là et avoir
accès au document sur Les essentiels en violence conjugale, violence
conjugale postséparation.
Mais au-delà de ça, effectivement, on le
voit, d'une région à l'autre, d'un établissement à l'autre, la formation est
assez inégale. Et je pense que ça devrait venir d'en haut pour qu'il y ait
vraiment une uniformisation et une harmonisation quant à la formation en
violence conjugale et violence conjugale postséparation.
Mme Fedida (Gaëlle) : Et
effectivement le fait d'introduire les notions... cette notion-là dans les
cursus de formation initiaux, oui, mais on n'est pas là. Mais, oui, on est tout
à fait favorables à ça, bien entendu. On le dit depuis deux ans, d'ailleurs,
sur beaucoup de corps de métier, ce n'est pas uniquement au niveau de la DPJ, c'est
au niveau de toutes les occasions de contact...
Mme Fedida (Gaëlle) :
...corps
de métier, ce n'est pas uniquement au niveau de la DPJ, c'est au niveau de
toutes les occasions de contact que ces femmes et ces enfants ont avec les
institutions. C'est ce qui est démontré aussi dans les rapports de coroner où
on voit que, malgré... enfin, les homicides ont eu lieu alors que tous ces
gens-là avaient été connus des services... des différents services, dont la
DPJ, mais pas seulement, donc les occasions ratées d'intervenir et de bonifier
un filet de sécurité. Donc, c'est certain que, si ça faisait partie du corpus
initial dans les formations que reçoivent ces gens-là à l'université ou dans
les écoles, travail social, etc., ça serait bien évidemment extrêmement
facilitant pour la suite.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la
parole, madame.
Mme Weil : Oui. Alors,
bienvenue. Et c'est tellement, comment dire, important que vous soyez là, qu'on
puisse avoir votre point de vue avec le nombre de féminicides qu'on a vécus, et
moi, de beaucoup de cas personnels, les gens qui m'appelaient. Et je me
rappelle quand le ministre avait réagi sur cette... l'autorité parentale, et c'était
un cas semblable. Il a dit : Il faut corriger absolument la loi. Je ne me
rappelle pas exactement les circonstances, mais c'est les droits de visite qu'on
donnait, donc, bien, qu'on donnait au père violent, même avec un dossier
criminel et qui... et la femme était victime de violence conjugale. Alors, les
femmes aux prises avec ça, avec qui j'ai pu parler, les avocats aussi disent
que la DPJ, les intervenants ne reconnaissaient pas du tout le syndrome de la
femme victime de violence conjugale, pensaient qu'elle était juste têtue puis
faisait à sa tête. Puis la primauté parentale faisait qu'ils allaient toujours
essayer de bâtir des ponts, l'enfant terrorisé d'aller passer la fin de semaine
avec son père qui s'en prenait beaucoup à sa mère.
Alors, tout ça, la formation, je me
demandais : Est-ce qu'il faudrait... C'est tellement important, ce sujet.
Tellement important. Il faut que toute la société soit mobilisée autour de ça.
Et là, voilà, la loi est ouverte. C'est sûr qu'il y a certaines intervenantes,
et, dépendant des régions, c'est inégal. C'est surtout ça qui est important, c'est
qu'ils ont besoin de formation. Moi, je n'aurai jamais connu ça parce que... la
plupart des gens ne connaissent pas ça, mais les avocats ont besoin de bien
comprendre, tout le monde, les juges, etc., les syndromes, les aspects
psychologies, qu'est-ce qu'ils ont vécu, comment l'homme peut agir, hein, bon,
même ça, le profil. En psychologie, ils savent bien reconnaître le type de
profil, et j'imagine que vous connaissez bien le profil aussi. Il y a des
patterns qui reviennent. Et on ne parlera pas de l'aide qu'il faudrait donner,
évidemment, à cette personne, mais surtout en termes de protéger les enfants.
Est-ce qu'il y aurait un considérant ou un
préambule, quelque chose auquel on pourrait réfléchir? Et, si vous n'avez pas
la réponse aujourd'hui... Parce que je trouve que c'est un sujet tellement
important, que la société soit mobilisée autour de cette question. On le voit,
que c'est partout, hein? Ce n'est pas juste au Québec, c'est au Canada, c'est
partout. Mais là on a l'occasion parce qu'il y a, en justice, il y a ce projet
de loi, ici, le projet de loi protection de la jeunesse. On serait capables de
vraiment mettre de l'avant cet enjeu-là.
Donc, ça, c'est une question que j'ai, si
vous avez pensé à cet aspect-là. Je pense que vous êtes surtout là pour nous
dire que ça prend de la formation sérieuse et étalée partout au Québec, hein,
donc cette formation. Est-ce qu'il y a d'autres recommandations que vous voulez
mettre en lumière?
Mme Lemeltier (Sabrina) : Gaëlle,
est-ce que tu me permets?
Mme Fedida (Gaëlle) : Oui. Go.
Mme Lemeltier (Sabrina) : Oui.
C'est certain que la formation est un élément important, on l'a souligné, mais
ce qui est très important, c'est de s'assurer, comme il a été nommé un peu plus
tôt dans notre présentation, que l'ensemble des mesures prises par le
gouvernement soient cohérentes.
Donc, par exemple, vous l'avez nommé, on
peut être au criminel, avoir un monsieur qui est accusé de choses très graves
et qui va accéder, à travers la protection de la jeunesse, à des droits d'accès
à ses enfants, et les cours ne se parlent pas. À travers le tribunal
spécialisé, c'est ça qui va être possible, c'est-à-dire que l'ensemble des
cours se parlent et qu'on se centre sur les besoins, bien, sur la sécurité de
la maman et des enfants. En ayant une loi n° 15 qui
reconnaît la violence conjugale clairement, je vous dirais que je pense que la
formation va suivre, et ensuite nos mesures de protection vont être cohérentes
les unes envers les autres.
Donc, nous, on le voit vraiment comme un
tout. La formation, c'est un plus, mais ce qui est important, c'est d'avoir des
lois claires, d'avoir <une...
Mme Lemeltier (Sabrina) :
...mais ce qui est important, c'est d'avoir des lois claires, d'avoir une >une
orientation gouvernementale à travers toutes les mesures ensemble pour qu'elles
se complètent et avoir, je dirais, des ancrages juridiques forts qui nous
permettent de, quand on donne les formations, aussi, de dire : Voilà où,
dans la Loi de la protection de la jeunesse, on reconnaît qu'il est nécessaire
de protéger les enfants. Et là on va avoir quelque chose qui va se tenir dans
son ensemble.
Mme Weil : Tous ceux qui ont
une responsabilité vis-à-vis ces enfants, incluant les familles d'accueil,
parce qu'on vient de... alors là, ils nous ont fait une présentation. On a eu
deux présentations très, très intéressantes sur leur besoin de bien connaître l'historique
de l'enfant et donc que cette information soit partagée. Eux aussi, ces
familles-là, elles aussi, auraient besoin de formation. Donc, c'est de bien
réfléchir à tous ceux qui sont dans le parcours de cet enfant, puissent
connaître son parcours, mais être formés pour reconnaître. Parfois, ils ont été
victimes eux-mêmes, parfois non, mais traumatisés, quoi qu'il en soit. Alors
donc, vous voyez ça, cette formation, qui irait sur toute la ligne,
essentiellement.
• (15 h 30) •
Mme Fedida (Gaëlle) :
Absolument. Puis la question de la cohérence gouvernementale aussi. Bon, vous
verrez que certains chiffres dans notre mémoire... si vous comprenez que les 2e
étapes sont là pour héberger ceux qui sont à plus gros risque de dangerosité et
d'événements critiques, bien, clairement, il faut... clairement, c'est l'arrimage
global, là, c'est-à-dire... Je pense que, excusez-moi, j'ai perdu mon idée. Je
vais repasser la main à ma collègue Maud et je reviendrai après.
Mme Pontel (Maud) : Donc,
oui, c'est vraiment au niveau de la cohérence entre toutes ces différentes
actions qui se sont... On l'a vu, il y a vraiment une volonté gouvernementale d'agir
par rapport à la violence conjugale. Je vous dirais aussi, ce qui... c'est un
devoir de société. C'est un devoir de société. La violence conjugale n'est pas
uniquement quelque chose qui se passe dans la sphère privée. C'est quelque
chose qui se passe dans la sphère publique. On l'a vu, vous l'avez dit,
18 féminicides, plusieurs infanticides, 40 enfants orphelins maintenant
à cause de ces meurtres-là. C'est un devoir social qu'on doit se faire que de
pouvoir comprendre à quel point la violence conjugale n'est pas uniquement
quelque chose qui se passe derrière les portes closes, mais que tout le monde a
un rôle à jouer à l'intérieur de ça.
Donc, effectivement, quand on parle d'avoir
un motif de compromission spécifique sur la violence conjugale, c'est aussi
donner une orientation par rapport à tout ce qui va découler de ça. Donc, il
faut que l'instrument législatif puisse donner cette orientation en démontrant
que la violence conjugale est un enjeu de société, et de là va découler, je
dirais, une cohérence dans les actions, une cohérence dans la formation et une
prise de conscience pour toutes les personnes qui vont travailler à protéger
les enfants.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Bourassa-Sauvé aurait... voudrait
intervenir.
Mme Robitaille : O.K. Merci.
Donc, deux minutes, environ?
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
Mme Robitaille : O.K. Je veux
juste revenir un peu sur le point 3, là, de vos recommandations. Vous
dites que les services de la DPJ devraient avoir l'obligation statutaire de
collaborer avec les milieux d'hébergement. Il me semble que c'est une évidence,
c'est vrai, mais vous... selon votre expérience, ça ne se fait pas assez et ça
ne se fait pas systématiquement.
Mme Fedida (Gaëlle) : Bien,
en fait, comme on dit, ça va sans dire, mais ça va mieux en le disant. Je vais
répondre comme ça. Comme on l'a expliqué, elle était très, très, très inégale d'une
région à l'autre. Puis même, dans une même région, ça peut être très inégal d'un
service à l'autre. Après ça, c'est sûr qu'on essaie quand même de nouer des
relations avec les directions, hein, régionales. Malheureusement, les
dispositifs ne sont toujours pas en place partout. Ça, c'est quand même des
mesures du plan d'action qui datent de 2018 et toujours pas en place dans
toutes les régions, alors que les budgets sont là, la volonté politique est là,
la mesure elle est inscrite...
Mme Robitaille : Mais ça ne
bouge pas.
Mme Fedida (Gaëlle) : ...mais
ce n'est toujours pas ce qui se passe dans la réalité, malheureusement.
J'aurais juste voulu faire peut-être
une... justement rebondir aussi sur une autre question qui a été posée sur,
O.K., la formation, d'accord, mais quoi d'autre? Bien, justement, le mandat de
la DPJ, la compréhension du mandat de la DPJ. Le problème qu'on a, c'est que,
même quand on a des interlocuteurs qui s'assoient avec nous aux tables de
concertation, par exemple...
15 h 30 (version révisée)
Mme Lemeltier (Sabrina) :
...assez régulièrement, je dirais, mais pas le responsable du service qui est
là. Ils envoient quelqu'un qui va prendre des notes. Il va éventuellement
comprendre ou ne pas comprendre les enjeux dont on parle. Puis voilà. Il n'y a
pas une présence active et consciente, je dirais, et solide, de l'institution
DPJ dans ces concertations-là, alors que c'est là que ça se joue. C'est là qu'il
serait capable de comprendre. C'est là qu'il serait capable d'entendre aussi ce
que les maisons disent. Donc, c'est sûr, nous, on travaille dans des maisons d'hébergement.
Donc, pour nous, un milieu de vie comme un
milieu d'hébergement, c'est certain qu'on a les enfants avec nous au quotidien,
là. Donc, on a quand même une capacité de parler de leur vécu. Et puis, bon,
les intervenants sont aussi des professionnels, là. Ce n'est pas une gang d'amis,
là. Ce sont des gens qui eux-mêmes, eux-mêmes aussi, font parfois des
signalements à la DPJ. On a de toute façon notre éthique aussi, là.
Mme Pontel (Maud) : Mais
effectivement, il y a un besoin de collaboration puis d'établir des mécanismes
qui puissent faciliter le dialogue et la collaboration. Et je dirais quand on
voit des directions qui sont très ouvertes justement à la collaboration, c'est
là où il va y avoir, comment dire, des interventions beaucoup plus positives.
Donc, il y a vraiment une nécessité de reconnaître l'expertise aussi, qui est
en maison d'hébergement parce qu'effectivement, quand les expertises se
rencontrent et qu'elles avancent dans une même direction, là, on est capable de
faire des avancées quand même remarquables pour la sécurité des enfants. Mais
dans un dialogue, il faut que les deux personnes aient la volonté de se parler.
Or, ce que l'on peut voir sur le terrain,
c'est que parfois, il y a un des deux côtés qui est un petit peu plus fermé.
Donc, c'est important d'apporter ça au niveau des directions pour qu'elles
entendent ce que les maisons d'hébergement ont à dire et qu'elles s'inscrivent
dans des mécanismes de collaboration.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec le
député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui, je
vous remercie. On vient de recevoir d'ailleurs le livre. Alors, je vous
remercie pour ça. On sait que le comité, là, qui a mené au rapport Rebâtir
la confiance a été aboli. Mais est-ce qu'il y a des éléments de ce
rapport-là qui touchent la DPJ, qui n'ont pas été nommés aujourd'hui et que
vous voudriez porter à notre attention?
Mme Pontel (Maud) :
Sabrina.
Mme Lemeltier (Sabrina) :
Bien, dans le rapport, Rebâtir la confiance, ce qu'on voit vraiment, c'est qu'il
y avait... En parallèle la commission Laurent avait lieu. Donc, pour avoir
participé au rapport Rebâtir la confiance, on est vraiment... On s'est vraiment
dit : La commission Laurent fait un travail, et ça va être important de
pouvoir lui laisser toute sa place. Cependant, si on regarde dans le rapport
rebâtir, c'est vraiment ce qu'on vient vous vous présenter aujourd'hui, c'est-à-dire
de reconnaître la violence conjugale que d'arrêter cette confusion avec les
conflits sévères de séparation et d'aliénation parentale et de former l'ensemble
des intervenants afin qu'ils y aient une intervention, je dirais, adéquate et
qui participe au filet de sécurité autour de la femme et des enfants.
J'irais plus loin. Les discussions qu'il y
a beaucoup... qui ont beaucoup, je dirais, animé nos rencontres, c'était de se
dire : On veut très rapidement remettre en place le lien père-enfant. Est
ce qu'on peut... Est-ce qu'on pourrait se permettre un temps d'arrêt, un temps
d'analyse, laisser aussi quand il y a des démarches légales à avoir, qu'elles
progressent et qu'elles arrivent à une certaine, je dirais, à leur conclusion
pour nous permettre que l'intérêt de l'enfant soit réellement au centre des
décisions qui vont être prises au niveau de la protection de la jeunesse. C'est
vraiment, je vous dirais, l'essence des discussions ou des éléments qu'on peut
retrouver dans Rebâtir où la partie sur les enfants, là, est quand même... est
quand même petite, mais sachant que la commission Laurent faisait elle-même un
travail sur ce sujet-là.
M. Zanetti : Je vous
remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons poursuivre maintenant avec le député de
René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Je
connais bien la Maison Anita-Lebel qui est chez moi, sa coordonnatrice Suzie
Levasseur, car on a l'occasion de se parler à chaque année, pas juste lorsque
des événements à souligner les événements tragiques des féminicides, mais aussi
lorsque les maisons deuxième étape font face à des défis financiers. Je pense
que c'est important de reconnaître leur importance et du succès qu'elles
apportent dans le <parcours pour sortir les femmes d'un milieu violent...
de violence, pardon...
M. Ouellet :
...reconnaître
leur importance et du succès qu'elles apportent dans le >parcours pour
sortir les femmes d'un milieu violent... de violence, pardon.
J'aimerais peut-être revenir à la toute
fin de votre mémoire ou de votre présentation. Vous présentez un cas type d'Alice
devant la CDPDJ avec les conclusions que je résume brièvement, là, qu'il y a un
manque de formation des intervenants de la DPJ sur la violence conjugale,
vision sur la présence du père dans la vie de l'enfant ne correspond pas à une
situation de violence conjugale, non-respect du rythme de l'enfant compte tenu
de son vécu, les autres professionnels entourant la mère, victime de violence
conjugale, ne sont pas consultés. Bref, c'est quand même frustrant de voir tout
ça. Alors, j'aimerais savoir de votre part, mesdames, pourquoi la DPJ est
autant réfractaire aux organismes oeuvrant auprès des femmes. Pourquoi, selon
vous, il y a un frein?
• (15 h 40) •
Mme Lemeltier (Sabrina) : Maud.
Mme Pontel (Maud) : Bien, je
pense qu'on ne se le cachera pas, c'est une institution qu'on peut qualifier de
patriarcale. Et donc quand on essaie de faire valoir les droits des femmes, les
droits des mères et des enfants, ceux-ci prennent le bord au profit des droits
des pères, malgré le fait que ce soit des agresseurs.
Donc, je pense qu'il y a beaucoup de
choses à changer au niveau de l'institution, beaucoup de choses au niveau, je
dirais, philosophique. On a beaucoup évolué. On travaille beaucoup. On comprend
maintenant que ce que, nous, on veut dire, c'est qu'il faut entendre les femmes
et les enfants quand ils évoquent leurs peurs, leurs craintes. Il faut
absolument arrêter avec la primauté du droit du père au profit de la sécurité
des mères et des enfants, particulièrement ceux qui sont victimes de violence
conjugale.
Donc, je vous dirais, il faut faire de l'institution
une institution qui puisse faire valoir la parole de ces femmes, de ces enfants
qui vivent dans des climats de peur, qui vivent dans des climats toxiques et
qui veulent absolument pouvoir vivre une vie sans violence.
M. Ouellet : Vous faisiez
référence, tout à l'heure, au projet de loi n° 2 qui sera étudié, ici, à l'Assemblée
nationale, et je pense que vous nous demandez, ici, comme législateur, de
porter une attention particulière aux discussions et adoption des règles et des
lois qui pourraient maintenant régir le droit de la famille.
Vous nous invitez aussi à s'assurer qu'il
y a une certaine concordance. Donc, ce qu'on va faire aussi, en parallèle, ici,
d'être certain que si on reconnaît, dans un contexte familial, que les enfants
peuvent être victimes des contrecoups de la violence conjugale envers une
femme, c'est aussi le cas en matière de protection de la jeunesse.
Donc, vous nous amenez, comme législateur,
à avoir une oreille attentive sur ce qui se passe dans une autre commission
pour être certain que, si on convient d'une chose pour ce qui est de la
protection de la femme en matière de violence conjugale pour le droit familial,
on doit avoir cette même préoccupation, encore plus pour les enfants dans cette
commission. C'est ce que je comprends.
Mme Lemeltier (Sabrina) : Absolument.
Mme Pontel (Maud) : Exactement.
M. Ouellet : Parfait. Merci
beaucoup, mesdames, de votre présentation.
Une voix : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vous remercie de votre
collaboration et de votre contribution à vous trois.
Nous allons suspendre les travaux pour
faire place au dernier groupe de la journée. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 54)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Marc Potvin du Groupe
des ex-commissaires experts de la Commission spéciale sur les droits des
enfants et sur la protection de la jeunesse. M. Potvin est accompagné de
trois de ses collègues qui pourront prendre la parole selon les besoins de la
commission. Alors, vous avez 10 minutes pour votre présentation et par la
suite, nous aurons nos échanges. À vous.
M. Potvin (Jean-Marc) : Alors...
Bien, d'abord, merci de nous accueillir devant cette commission. <Nous
sommes un groupe constitué des six ex-commissaires experts de la Commission
spéciale sur les droits des enfants et sur la protection de la jeunesse...
M. Potvin (Jean-Marc) :
...devant
cette commission. >Nous sommes un groupe constitué des six
ex-commissaires experts de la Commission spéciale sur les droits des enfants et
sur la protection de la jeunesse.
Je suis accompagné aujourd'hui de Danielle
Tremblay, Gilles Fortin et de Jean-Simon Gosselin qui, lui, est au téléphone.
Outre nous, nous quatre, deux personnes ont participé à la confection du
mémoire. Il s'agit de Lesley Hill et André Lebon. Alors, tous les six avons une
longue expérience en matière de protection de la jeunesse.
D'entrée de jeu, on veut souligner que la
grande majorité des enfants pris en charge par la DPJ du Québec sont maintenus
ou retournés dans leurs familles dans un délai raisonnable avec succès.
Cependant, il y a une minorité d'enfants qui entrent dans le système de
protection et qui vont y demeurer très longtemps, parfois dans des parcours qui
ont commencé à un très jeune âge marqué par l'insécurité, les frayeurs, les
manques, les ruptures. Les effets pour ces enfants sont dévastateurs. Ce sont
ces enfants qui nous préoccupent, et qu'il faut cesser de ballotter et à qui il
faut donner une famille pour la vie. Il y a plusieurs enjeux adressés dans le
p. l. n° 15 et plusieurs avancées. Nous les saluons
sincèrement, mais nous allons traiter ici que de la stabilité de ces enfants
pour lesquels les avancées nous semblent nettement insuffisantes.
Je vais maintenant passer la parole à
Danielle.
Mme Tremblay (Danielle) : …je
m'excuse. Je vais vous parler d'un enfant qui souffre en silence, bébé Léo. Dès
sa naissance, sa situation est signalée à la DPJ. Malgré l'aide apportée à
Sarah et Maxim, ses parents, on constate rapidement qu'il ne reçoit pas de
réponses régulières à ses besoins. Il pleure pendant des heures parce qu'il a
faim, soif, trop froid, trop chaud, besoin d'être changé. Il est amorphe et
souvent laissé seul dans son lit. Lors d'une situation de crise, à six
semaines, il doit être placé d'urgence, car ses parents ont consommé et sont
désorganisés. Léo est confié à une famille d'accueil de dépannage au milieu de
la nuit. Les parents refusent de collaborer avec la DPJ, mais n'ont pas de
solution à proposer. Le placement se prolonge, et il est déplacé vers une
famille d'accueil régulière. Léo récupère et progresse bien en famille d'accueil.
Il est plus actif, enjoué, se développe bien. À 9 mois, il retourne vivre
avec sa maman, qui a amélioré sa situation. Il réagit beaucoup à ce changement
de vie. Malgré l'aide reçue, la maman se sent démunie et rapidement impatiente,
d'autant plus que le papa ne s'implique pas. Sept semaines après son retour,
elle n'en peut plus et, en crise, demande qu'il soit placé, sans quoi elle
menace de le frapper. À 11 mois, Léo est donc confié à une nouvelle
famille d'accueil. Cependant, il est perturbé par toute l'instabilité et l'insécurité
vécue depuis sa naissance. C'est un enfant difficile qui fait des crises et a
des retards de développement. Entre l'âge de 11 mois et 8 ans, malgré
une ordonnance de placement à majorité en famille d'accueil, survenue à l'âge
de 2 ans, Léo connaîtra cinq familles d'accueil. Elles démissionnent l'une
après l'autre devant l'ampleur de ses problèmes. De plus, ses parents exigent
des contacts, ce qui le déstabilise encore plus. Cette spirale d'instabilité
fait en sorte que Léo n'est plus capable de s'intégrer dans une famille. Il
provoque sans cesse le rejet. À 8 ans, il est confié dans une ressource
spécialisée, en trouble sévère d'attachement. Il demeurera en ressources de
réadaptation jusqu'à ses 18 ans.
En audience, nous avons reçu des jeunes
ayant vécu un tel parcours d'instabilité. Ils nous ont témoigné des impacts
négatifs sur eux et de la grande détresse qu'ils ont vécue.
Les données de recherche nous indiquent
que le tiers des enfants réunifiés avec leurs familles sont replacés dans la
première année qui suit. Le placement en famille d'accueil à majorité est le
projet de vie le plus souvent utilisé, même si c'est celui qui offre le moins
de stabilité. L'adoption et la tutelle sont peu utilisées et de moins en moins
au fil du temps. Enfin, les durées maximales d'hébergement sont outrepassées la
plupart du temps. Le placement à majorité constitue une solution adéquate pour
certains enfants. Les familles d'accueil doivent alors avoir tous les leviers
pour bien s'en occuper. Mais le recours à cette mesure, par défaut, va à l'encontre
de l'intérêt de nombre d'enfants, particulièrement lorsqu'ils sont placés en
très bas âge, et que les parents demeurent peu impliqués.
Vivre toute son enfance sous la tutelle de
la DPJ ne constitue pas une vie normale d'enfant. S'ils ne peuvent pas
retourner chez leurs parents, l'adoption et la tutelle sont les options les
plus favorables. L'enfant ne se perçoit plus comme un enfant de la DPJ placé
jusqu'à sa majorité. Il est l'enfant d'une famille engagée envers lui pour la
vie.
Concernant Léo, pensez-vous que son
parcours de vie aurait pu être différent si des décisions efficaces <avaient
été prises plus tôt dans sa vie, pour lui permettre de s'ancrer solidement dans
une famille en bas âge...
Mme Tremblay (Danielle) :
...si des décisions efficaces >avaient été prises plus tôt dans sa vie,
pour lui permettre de s'ancrer solidement dans une famille en bas âge. Alors,
Jean-Marc...
M. Potvin (Jean-Marc) :
Alors, pour nous, le p.l. n° 15 clarifie les
principes de la loi, notamment sur la question de l'intérêt de l'enfant et sur
l'importance de la stabilité affective, c'est très important, mais c'est
insuffisant pour réfléchir des trajectoires d'instabilité telles que celles de
Léo. Pour atteindre ce but, il faut introduire, dans la loi, les leviers
nécessaires, voici ces leviers : Concernant l'intérêt de l'enfant, les
valeurs et les convictions de chacun peuvent teinter les décisions sociales et
judiciaires au détriment d'une l'analyse sérieuse des véritables enjeux pour l'enfant.
Les connaissances cliniques et scientifiques sur le développement de l'enfant
et sur ce que l'enfant exprime devraient être prises en compte impérativement
dans l'appréciation de son intérêt, ce n'est pas toujours le cas. Nous
recommandons donc que la loi prévoie, à l'article 3, que chaque décision, tant
sociale que judiciaire, soit documentée par une analyse rigoureuse de l'intérêt
supérieur de l'enfant.
• (16 heures) •
Concernant les droits et obligations des
parents, nous sommes d'avis qu'il faut sortir de l'apparente opposition entre
les droits des enfants et ceux des parents, comme s'il fallait toujours
forcément trancher en faveur de l'un ou de l'autre. Les droits des parents ne
sont pas un absolu. La Cour suprême du Canada a établi clairement le principe à
l'effet que les parents sont titulaires de droit afin de pouvoir remplir leurs
obligations envers leurs enfants. Nous recommandons donc que la loi énonce
clairement, à l'article 11.4, que les parents sont titulaires de droit afin de
pouvoir remplir leurs obligations.
Concernant la permanence et la stabilité des
liens, l'article 91.1 a été introduit à la loi en 2006, il vise à actualiser un
projet de vie stable dans un délai raisonnable lorsque le retour de l'enfant
dans sa famille n'est pas possible. Les durées maximales d'hébergement sont
alors introduites pour respecter le temps de l'enfant. Nous constatons aujourd'hui
que l'introduction de cet article n'a pas permis d'atteindre le but visé, alors
qu'il constitue notre site principal pour assurer à tout enfant un projet de
vie stable et viable. Nous recommandons que l'article 91.1, demeuré inchangé
dans le p.l. n° 15, prévoie que les durées maximales
d'hébergement commencent à courir dès le premier placement de l'enfant et non
pas dès la première décision judiciaire sur le fond. On recommande aussi que le
seul motif, qui permettrait de passer outre à ce délai, soit l'intérêt de l'enfant
dans le cadre d'une analyse rigoureuse de celui-ci, et enfin, qu'au terme d'une
durée maximale d'hébergement, lorsque le retour de l'enfant dans sa famille n'est
pas possible, que le tribunal, un, doit statuer... doive rendre une décision
qui assure la stabilité et la permanence des liens, plutôt que de... tel que la
loi actuelle l'édicte, et, deux, que le tribunal doive aussi statuer sur le
maintien ou non des contacts avec ses parents et décider ou non du transfert de
l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale aux personnes qui en
ont la garde, toujours en fonction de l'intérêt de l'enfant.
Concernant le recours à l'adoption et à la
tutelle, on sait clairement qu'il constitue les projets de vie alternatifs qui
donnent les meilleures garanties de stabilité, de permanence pour les enfants,
il faut en faciliter l'accès. Dans d'autres juridictions au Canada ou ailleurs
dans le monde, le seul fait d'atteindre les durées maximales de placement prévues
par la loi est un motif qui donne ouverture à la tutelle ou à l'adoption. Il
faut donc introduire que l'atteinte des durées maximales d'hébergement, sans
retour possible de l'enfant chez les parents, constitue un motif donnant
ouverture à une demande de déclaration d'admissibilité à l'adoption ou de
tutelle. Il faut aussi introduire l'adoption simple, sans rupture de lien de
filiation, pour favoriser l'adoption d'enfants plus âgés, pour qui les liens,
avec leurs parents biologiques, peuvent être importants à leurs yeux.
En conclusion, l'atteinte de la durée
maximale d'hébergement, qui respecte le temps de l'enfant, doit réellement
constituer un moment charnière dans la vie de l'enfant pour lui offrir un
projet de vie stable, viable, sécuritaire dans une famille pour la vie. Ce n'est
pas le cas actuellement pour bon nombre d'enfants. La grande majorité des
enfants signalés au DPJ finissent par évoluer harmonieusement auprès de leurs
parents, et c'est heureux. Mais rien n'est jamais à négliger pour soutenir les
parents, le placement d'un enfant doit être considéré comme une situation qui
requiert les soins intensifs sociaux sans délai, mais lorsque le retour de l'enfant
n'est pas possible, il faut avoir le courage de prendre des décisions pour
préserver l'enfant. Il importe de le faire aussi souvent que possible avec l'adhésion
des parents eux-mêmes. Tous les parents veulent le bien-être de leurs enfants,
y compris les parents qui n'ont pas la capacité de les assumer, mais, en
définitive, les décisions doivent assurer un projet de vie alternatif qui offre
les meilleures garanties pour chaque enfant en particulier. À notre avis, le
p.l. n° 15 n'intègre pas certains éléments essentiels
pour qu'on puisse y arriver...
16 h (version révisée)
M. Potvin (Jean-Marc) : ...en
particulier. À notre avis, le p.l. n° 15 n'intègre
pas certains éléments essentiels pour qu'on puisse y arriver. Nous sommes
convaincus que non seulement il y a maintenant une plus grande acceptabilité
sociale à prendre des décisions claires et non équivoques en faveur de la
stabilité des enfants, mais que la société s'attend à cela des DPJ et de l'État.
Pour nous, le plus grand échec du système
de protection est de prendre en charge un enfant à la naissance et de voir celui-ci
sortir, à ses 18 ans, du système, vulnérable. Nous estimons que le
devoir... l'État a le devoir et la capacité d'infléchir de telles trajectoires
d'enfants, surtout s'ils ont été pris en charge très tôt dans leur vie. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. En premier lieu, je vais
céder la parole au député de Vanier-Les Rivières.
M. Asselin : Bonjour. Merci, M.
le Président. Je voudrais, premièrement, vous remercier beaucoup pour la
qualité de votre mémoire et de votre présentation. Je sais que vous étiez six
autour de la table, et, franchement, votre mémoire en particulier m'a beaucoup
touché. À titre d'ex-directeur d'un pensionnat au secondaire, de plusieurs
pensionnats au secondaire, je sais à quel point les ados ont besoin de temps en
temps de prendre du recul vis-à-vis de leur famille. Puis c'est important, le
travail que vous avez fait, même si c'est des circonstances particulières dans
lesquelles vous avez présenté votre devoir.
Moi, je souscris parfaitement au devoir
que vous avez institué de donner à chaque enfant une famille pour la vie. C'est
vraiment important d'y penser, même si parfois il y a des petites pauses qu'on a
besoin que l'enfant vive par rapport à sa famille. Donc, j'aimerais que
peut-être que vous commenciez par nous parler de l'atmosphère qui a régné dans
votre groupe de six. Je sais que vous avez pris votre travail au sérieux, mais
parlez-nous un peu des valeurs qui vous ont guidés.
M. Potvin (Jean-Marc) : Bien,
en fait, nous, on s'est senti la responsabilité de produire un mémoire puis de
se faire entendre, parce qu'on estime que si, pour la commission spéciale, il y
avait une recommandation-phare qui était d'établir un commissaire pour enfant,
concernant la protection de la jeunesse, la thématique-phare, c'est d'être
capable de procurer à un enfant une famille pour la vie. Et là on a l'impression
que le p.l. n° 15 n'introduit pas les leviers pour
faire ça et qu'il y a des enfants qui vont demeurer dans des parcours d'instabilité.
C'est ça qui a animé le groupe des six. Je ne sais pas, Danielle, si tu veux
compléter, là.
Mme Tremblay (Danielle) : Et,
quand on parle d'une famille pour la vie, on parle de stabiliser les enfants le
plus tôt possible dans leur vie. Vous savez, un tout petit enfant, et c'est
pour ça qu'on vous a présenté l'histoire de bébé Léo, mais l'histoire de bébé
Léo reflète très bien l'histoire de plusieurs enfants. Comme l'a bien dit
Jean-Marc, ce n'est pas la majorité des enfants qui font affaire avec le
système de la protection de la jeunesse que ça concerne. Ça concerne une petite
proportion de ces enfants-là, mais c'est quand même... ça représente, au total
du nombre, un nombre significatif d'enfants à qui on ne donne pas ces
chances-là de pouvoir s'ancrer solidement dans une famille, de pouvoir avoir un
parcours de développement qui va leur permettre de réaliser leur potentiel.
Alors, et vous savez, quand on parle...
Vous avez entendu beaucoup, dans le cadre de la commission, parler d'attachement,
du temps de l'enfant, mais un enfant qui développe des troubles de l'attachement,
c'est un enfant qui porte des stigmates pour le reste de sa vie. Ça se
manifeste par des problèmes de comportement, des retards de développement, des
retards d'apprentissage, des difficultés dans ses relations interpersonnelles.
Et ces difficultés-là risquent de perdurer tout au long de leur vie. C'est ce
que les jeunes sont venus nous témoigner.
Et vous savez, bien, il faut briser ce cycle-là
des enfants qui ne sont pas bien pris soin en très jeune âge pour éviter,
justement... On a entendu parler aussi beaucoup, dans le cadre de votre
commission, de la transition à la vie adulte. C'est excessivement important. Mais
il faut essayer de faire en sorte de stabiliser le plus possible les enfants
très tôt dans leur vie, les enfants, bien sûr, qui ne pourront pas vivre auprès
de leurs parents, cette petite proportion d'enfants là, pour éviter justement
ces parcours-là dont on a entendu parler, de jeunes qui se retrouvent à 18 ans
complètement démunis et qui ne sont pas capables d'assumer leur majorité.
Alors, c'est ce qui nous a animés.
M. Asselin : Mme Tremblay,
M. Potvin, M. Gosselin, et monsieur... le troisième qui vous a
accompagné, merci beaucoup pour votre contribution.
Le Président (M. Provençal)
: M. le ministre.
M. Carmant : Merci beaucoup.
Mme Tremblay, M. Potvin, Dr Fortin, M. Gosselin, un plaisir
de vous revoir. Merci pour le mémoire aussi puis pour tout le travail que vous
avez fait, là, lors de la commission et par la <suite...
M. Carmant :
...M. Potvin,
Dr Fortin, M. Gosselin, un plaisir de vous revoir. Merci pour le
mémoire aussi puis pour tout le travail que vous avez fait, là, lors de la
commission et par la >suite.
Bon, premier point superimportant, vous
parlez d'analyse rigoureuse de l'intérêt de l'enfant. Comment on s'assure que
ça a été fait puis comment on s'assure que cette analyse a été rigoureuse? On a
entendu beaucoup de nos participants, là, parler de, tu sais, d'inquiétudes au
niveau de la transparence, puis on nous demande beaucoup d'informations, mais
on n'a pas de rétroaction, là. Comment, moi, comme législateur, je vais m'assurer
que l'intérêt de l'enfant a vraiment été pris en compte dans toutes les étapes
du processus?
• (16 h 10) •
M. Potvin (Jean-Marc) : C'est
ça. En fait, notre recommandation va dans le sens de documenter l'analyse de l'intérêt
de l'enfant, donc tant dans les décisions sociales que judiciaires. Certains
vous ont proposé de décrire l'intérêt de l'enfant dans la loi. On pense aussi,
puis on a fait cette réflexion-là à la commission spéciale, que c'est complexe,
d'introduire ça dans une loi, des paramètres de l'intérêt de l'enfant. Par
contre, il y a des connaissances scientifiques, il y a des connaissances
cliniques qui sont très claires, qui nous aident à déterminer ce qu'est l'intérêt
de l'enfant dans le cas particulier de chaque enfant.
Alors, nous, ce qu'on veut, c'est que ce
soit documenté, que le DPJ documente ça quand il amène une recommandation à la cour,
puis que le juge reprenne ces éléments-là avec, évidemment, les arguments des
parents, de l'enfant, mais que la discussion soit obligée devant la cour sur l'intérêt
de l'enfant, que la décision de la cour porte sur une appréciation documentée
de l'intérêt de l'enfant à partir des arguments des parties. Ce n'est pas le
cas actuellement. Dans un jugement de cour, on va simplement invoquer qu'on
prend telle décision puis, implicitement, on va considérer que c'est dans l'intérêt
de l'enfant sans que ce soit expliqué. Or, on sait que les valeurs jouent
beaucoup dans cette appréciation de l'intérêt de l'enfant. Forcer la discussion
devant le tribunal sur l'intérêt de l'enfant, ça nous ramène à l'enfant, et c'est
ça qui est important, au développement de l'enfant notamment, à l'attachement,
à ses besoins.
M. Carmant : Vous voulez
compléter, Dr Fortin?
M. Fortin (Gilles) : Oui, si
je peux me permettre d'ajouter justement à ce que Jean-Marc vient de dire, il
faut aussi se préoccuper d'aller chercher la parole de l'enfant. On ne peut pas
prétendre défendre l'intérêt de l'enfant si on ne fait pas les efforts de
comprendre qu'est-ce qu'il veut, à qui est-il attaché, qu'est-ce qui le rend
heureux. Vous allez me dire : Oui, ce n'est pas facile. C'est vrai que ce
n'est pas facile. Plus l'enfant est jeune, plus c'est difficile peut-être, mais
ça se fait très bien. Il ne s'agit souvent, en bas âge, que d'observer les
comportements de l'enfant. Par ses attitudes, ses comportements, on voit très
bien qui est significatif pour l'enfant et qui est important pour lui. Et je
pense que, quand on parle d'une analyse rigoureuse de l'intérêt de l'enfant, ça
veut dire aussi faire les efforts pour recueillir la pensée, la parole, les
désirs de l'enfant, quel que soit son âge.
M. Carmant : Et là je vais
sauter directement à un autre point où, tu sais, on veut introduire la présence
d'un avocat pour représenter l'enfant dans toutes les conditions. On nous a
même suggéré d'aller même dans les mesures volontaires. Qu'est-ce que vous
pensez de cette proposition?
M. Potvin (Jean-Marc) :
Peut-être Danielle.
Mme Tremblay (Danielle) :
Oui. La recommandation à laquelle on en est venu, à la commission, c'est,
effectivement, la représentation des enfants est importante. Et justement, dans
le commissaire, on disait : C'est quand même un exercice très rigoureux
pour les avocats de représenter un enfant, alors on suggérait que le
commissaire établisse un mécanisme d'accréditation des avocats pouvant
représenter les enfants, parce que ça nécessite des connaissances
particulières.
Maintenant, au niveau de la... le droit à
la représentation, nous, comme on l'a positionné, c'est que l'avocat, oui, peut
être présent à toutes les étapes du processus en protection de la jeunesse, pas
nécessairement uniquement au niveau judiciaire, mais agir à titre d'accompagnateur
et de conseiller de l'enfant. Parce que c'est sûr qu'on ne veut pas...
Actuellement, dans les tribunaux, la majorité des enfants sont représentés.
Mais effectivement on en est venu à la conclusion qu'en amont, avant qu'on se
rende au tribunal, et dans l'espoir d'éviter le tribunal aussi, lorsque c'est
possible, que l'avocat puisse servir d'accompagnateur, de soutien à l'enfant
dans la recherche... dans sa représentation pour la recherche de la meilleure
solution dans son intérêt.
M. Potvin (Jean-Marc) : Mais
pour nous, en complément, ce qui est fondamental, c'est que les avocats soient
très bien formés sur les enjeux de développement de l'enfant et sur, justement,
ce que peut être l'intérêt de l'enfant. Ce n'est pas toujours le cas
actuellement. Il y a beaucoup d'avocats qui prennent des situations à pied
levé, sans nécessairement connaître les... surtout pour les très jeunes
enfants. Quand un adolescent peut s'exprimer, ça va bien, mais pour un très
jeune enfant, ça prend des <connaissances...
M. Potvin (Jean-Marc) :
...enfants. Quand un adolescent peut s'exprimer, ça va bien, mais pour un très
jeune enfant, ça prend des >connaissances et des compétences
particulières pour les avocats.
M. Carmant : Puis, d'un autre
côté, j'ai été surpris de représentantes d'intervenants qui nous ont dit que c'était
très difficile pour les enfants de se présenter à la cour et que même on devait
considérer qu'en bas d'un certain âge ou en bas... avec certaines difficultés
neurologiques, ou autres, cognitives, on devrait les... tu sais, comme les...
tu sais, ne pas les laisser avoir à vivre un traumatisme, même, ils parlaient.
Puis, tu sais, ils voulaient même qu'on inclue ça dans la loi. Je ne sais pas
si vous avez réfléchi à cet aspect-là.
M. Potvin (Jean-Marc) : Oui.
Bien, peut-être Danielle, sur ça.
Mme Tremblay (Danielle) :
Oui, bien, écoutez, on vous dit... Dr Fortin vous a bien dit, tout à l'heure,
l'importance de prendre en compte la parole de l'enfant, ce que l'enfant
exprime, et quel que soit son âge, que ce soit par ses paroles, par ses
comportements, par ses réactions, il faut prendre en compte, donc il faut que
la parole de l'enfant puisse être entendue au tribunal.
Maintenant, concernant la présence des
enfants, une des recommandations qu'on a faite à la commission, c'est d'adapter
les tribunaux à la présence des enfants. On a eu une jeune femme qui est venue
témoigner que la juge était sortie de son estrade pour venir s'asseoir à côté d'elle
et s'adresser à elle personnellement, là. Vous savez, les cours, les cours de
justice, c'est effectivement très, très impressionnant pour tous les citoyens
qui ne sont pas habitués à fréquenter les palais de justice, alors, d'autant
plus pour un enfant. Et de là la nécessité d'adapter les lieux, d'adapter les
façons de faire, mais pour permettre que l'enfant qui désire être entendu soit,
oui, représenté, mais, lorsque c'est dans son intérêt, qu'il puisse également
être présent.
Vous savez, c'est important pour les
décideurs d'avoir une vraie image, ils ont un enfant réel devant eux. Alors,
toutes les parties sont là, la DPJ, les parents, donc toutes les parties sont
là, et l'enfant ne serait pas là? Pour moi, j'ai de la difficulté à concevoir
ça, mais il faut le faire dans un contexte où on l'adapte à la réalité des
enfants.
M. Potvin (Jean-Marc) : C'est
d'autant plus important... Oui, peut-être Gilles, tu veux compléter là-dessus?
M. Fortin (Gilles) : Oui, je
pense qu'il faut quand même... Il faut quand même bien réaliser que pour
certains enfants, en raison de leur âge ou de la nature des problèmes, ça peut
être traumatisant d'aller au tribunal, mais ça n'empêche pas qu'ils soient bien
représentés par quelqu'un qui a pris le temps de le rencontrer, de l'entendre,
qui va être un vrai porte-parole de sa parole. Comme on l'a mentionné tantôt,
les avocats, des fois n'ont pas les compétences, des fois n'ont pas le temps, des
fois le dossier leur est remis trop tardivement, des fois ils n'ont pas toutes
les informations, mais je pense que... Est-ce que c'est un avocat que ça prend
chaque fois pour porter la parole de l'enfant devant le tribunal? Je ne sais
pas, mais je pense que c'est important qu'il y ait quelqu'un qui porte la parole
de l'enfant, à défaut du fait qu'il puisse lui-même aller s'affirmer devant le
tribunal.
M. Potvin (Jean-Marc) : C'est
ça. Il faut que l'enfant réel, que sa détresse soit très tangible pour le
tribunal, ce qui n'est pas toujours le cas. La détresse des parents est
tangible, c'est bien, mais il faut que la détresse de l'enfant soit tangible
pour le juge.
M. Carmant : J'ai bien pris
note, là, des changements suggérés au chapitre 91, là, c'était vraiment
très clair. M. le Président, je sais que M. le député de Dubuc aimerait poser
quelques questions, je lui passerais la parole, avec votre consentement.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, ça va. Alors, M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous, messieurs, madame. Ravi de vous rencontrer. Bravo
pour l'ensemble de l'oeuvre. Quelle contribution! Dites-moi, M. le ministre
vient de parler de 91. Vous avez parlé, en début de présentation, de 91.1,
qui, selon vous, au niveau de la durée maximale, serait inchangé, à l'heure où
on se parle, par rapport au p.l. n° 15. Quelles
seraient... Pourriez-vous développer davantage sur les conséquences de modifier 91.1?
M. Potvin (Jean-Marc) : Bien,
peut-être, je peux commencer. 91.1, c'est vraiment l'outil qui fait en sorte
que quand un enfant ne pourra pas retourner chez lui au terme des durées
maximales d'hébergement, c'est l'outil qui permet de mettre en place les
conditions pour donner à l'enfant un projet de vie qui soit viable et
sécuritaire. 91.1 a introduit les durées maximales d'hébergement. On sait qu'elles
ne sont pas respectées dans la majorité des cas. Ça devrait être des durées
maximales, donc on devrait aller au plus loin jusque-là avant de donner un
projet de vie qui soit stable et viable à l'enfant. Donc, on veut le renforcer,
91.1, on veut mettre des outils dans ça, dans 91.1. On ne veut pas
nécessairement <raccourcir...
M. Potvin (Jean-Marc) :
...Donc, on veut le renforcer, 91.1, on veut mettre des outils dans ça, dans
91.1. On ne veut pas nécessairement >raccourcir les délais, mais on veut
que les délais soient respectés. Puis on veut notamment que les délais
commencent à courir dès le premier placement de l'enfant, ce qui n'est pas le
cas actuellement, ils commencent dès la première décision judiciaire qui peut
survenir plusieurs mois après le placement de l'enfant.
On veut aussi, à 91.1, que le seul motif
pour passer outre au délai, ça soit l'intérêt de l'enfant, et aussi que le juge
se penche sur, maintenant qu'on va ordonner un projet de permanence pour l'enfant,
quelles seront les conditions. Est-ce que les contacts avec ses parents sont
bénéfiques, nécessaires, utiles et répondent aux besoins de l'enfant ou, au
contraire, si on les maintient tout simplement parce qu'on considère que c'est
le droit des parents, mais peu importe le préjudice que ça peut causer à l'enfant?
Même chose, la famille d'accueil qui garde un enfant, bien, elle doit avoir les
leviers au quotidien, elle doit pouvoir prendre les décisions pour les sorties
scolaires, pour les soins de santé.
Alors, c'est tout ça qu'on veut, qu'il y
ait une appréciation beaucoup plus sérieuse qui soit faite à cette étape-là
pour s'assurer qu'on donne le plus de chances à l'enfant d'avoir la stabilité.
On sait que les projets en famille d'accueil sont souvent instables, pour
toutes sortes de raisons, alors, 91.1, c'est le moment de faire cette réflexion-là.
• (16 h 20) •
Mme Tremblay (Danielle) : Et
si je peux me permettre de compléter, est-ce que ça va?
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
Mme Tremblay (Danielle) : C'est
qu'à l'article 4 il a été introduit une modification fort importante. L'ancienne...
L'article 4 de la loi actuelle dit que la décision «doit tendre» à assurer
la permanence et la continuité dans la vie de l'enfant. Et le projet de loi n° 15
vient dire : La décision «doit» assurer, et non pas «tendre» à assurer, «doit»
assurer. Et cette nuance-là, elle est très importante. Mais malheureusement,
comme 91.1 n'a pas été modifié d'aucune façon, la concordance... dans 91.1, on
trouve encore le «tendre» à assurer. Alors, ces deux articles-là, ils vont de
pair. Comme disait mon collègue, l'article 4, c'est le principe, et l'article 91.1,
c'est ce qui... le levier, l'outil pour permettre d'actualiser ce principe-là.
Alors, c'est de là qu'on insiste tant sur la modification de 91.1, dans le sens
de ce qu'on vous recommande.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons poursuivre
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Vous proposez, essentiellement, de faciliter la transition entre le
placement en famille d'accueil et l'adoption, ce que j'ai compris de ce que
vous avez dit tout à l'heure. Je comprends les motifs, c'est-à-dire la
stabilité pour l'enfant. Qu'est-ce que ça veut dire, du point de vue des
familles d'accueil, par exemple, le fait de passer du statut de famille d'accueil
à famille qui adopte, du point de vue du soutien que l'État leur donne, par
exemple, pour pouvoir accomplir cette mission? C'est la première question que
je vous poserais.
Puis la deuxième, c'est : Est-ce que
vous pensez... Quel est le point de vue, selon vous, des familles d'accueil par
rapport à ça? Est-ce que c'est quelque chose que vous sentez qui est souhaité
de la part du milieu ou est-ce qu'elles préfèrent, elles, demeurer familles d'accueil
tout simplement?
M. Potvin (Jean-Marc) : Je ne
sais pas, Danielle, si tu veux commencer.
Mme Tremblay (Danielle) :
Bien, écoutez, vous savez que dans le cadre des travaux de notre commission, on
a tenu des forums, on a fait la tournée des régions du Québec, et on a des
familles d'accueil qui se sont beaucoup mobilisées pour participer aux forums.
Et, si un des thèmes qui est ressorti de façon, je ne dirais pas unanime, mais
très, très forte, c'est l'importance de la stabilité des enfants, d'aller vers
des projets plus stables de permanence. Donc, en soi, sur le principe, les
familles d'accueil, tout comme l'ensemble des citoyens et des professionnels qu'on
a rencontrés, sont majoritairement d'accord avec cet état de fait là, d'accord
avec le fait de stabiliser les enfants le plus tôt possible dans leur vie.
Maintenant, vous posez la question : Qu'est-ce
qu'elles en disent, de devenir adoptantes ou tuteurs? Bon, au niveau de la...
dans le fond, il y a des... Il faut savoir qu'il y a différentes catégories de
familles d'accueil. Et il y a des familles d'accueil que c'est ce qu'elles
veulent, d'être des familles de permanence pour les enfants. Et le défi, il est
clinique, très rapidement pouvoir confier les enfants le plus tôt possible. Lorsqu'on
voit, là, qu'on peut travailler très, très fort avec les parents, etc., mais qu'on
n'y arrivera pas, dans l'intérêt de l'enfant, à respecter le temps, hein, le
temps qui leur est dévolu, il faut très rapidement pouvoir confier ces
enfants-là à des familles d'accueil qui, eux autres, veulent s'engager pour la
vie auprès d'un enfant et devenir adoptantes ou tutrices, si c'est le meilleur
projet de vie pour l'enfant.
Maintenant, on a fait, à la commission,
encore là, d'autres recommandations, à savoir d'améliorer le soutien financier
aux <adoptants...
Mme Tremblay (Danielle) :
...on a fait, à la commission, encore là, d'autres recommandations, à savoir
d'améliorer le soutien financier aux >adoptants et aux tuteurs. Parce qu'il
ne faudrait pas que le placement à majorité soit l'option... Actuellement, c'est
l'option qui est retenue par défaut, puis il ne faudrait pas que ça perdure,
ça, parce qu'on vous a fait la démonstration que c'est la forme de permanence
la moins stable, justement. Donc, il ne faudrait pas que des enjeux financiers
fassent en sorte que l'intérêt de l'enfant qu'on veut mettre de l'avant, bien,
passe en deuxième pour des enjeux financiers. Alors, on a fait des propositions
d'améliorer le soutien aux tuteurs et aux adoptants, d'améliorer le soutien, y
compris financier, mais aussi le soutien clinique. Alors, voilà.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Potvin (Jean-Marc) :
Peut-être en complément, c'est que, dès qu'il y a un placement d'enfant, il
faut évaluer le risque que l'enfant ne puisse pas retourner chez lui puis il
faut choisir une famille, une famille d'accueil prête à s'engager à long terme
envers l'enfant, si on estime qu'il y a un risque important que les parents...
qu'on ne réussisse pas avec les parents à ce qu'ils reprennent leur enfant.
Alors, il y a des familles d'accueil qui s'engagent à long terme. Parfois, il y
a des familles de proximité dans l'entourage des parents qui peuvent s'engager
aussi à long terme envers l'enfant, soit dans une tutelle, par exemple, si c'est
quelqu'un de très apparenté aux parents, ou par adoption, mais il faut prévoir
ça dès le départ.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec la
députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui. Merci
beaucoup. À mon tour de vous féliciter pour un travail extraordinaire. Et je
pense que le document que vous avez produit est tellement durable dans le sens
qu'on ne verra peut-être pas toutes les recommandations, on le voit déjà, mais
que ces recommandations sont là pour longtemps et qu'il va falloir toujours se
pencher sur les recommandations qui sont dans ce document.
En regardant cette question du moment, un
poupon, par exemple, un poupon, et souvent c'est même à l'hôpital que tout de
suite, tout le monde à l'hôpital voit que ce n'est pas des parents qui
pourront... hein, c'est assez évident pour les infirmières. Et les gens
racontent des histoires ou des témoignages qu'ils ont puis souvent ils agissent
très, très rapidement avec la DPJ, puis les résultats sont bons. Donc, dès l'arrivée
de cette personne dans la vie, le lien entre, justement, le réseau de la santé,
le réseau de la santé qui est interpelé assez rapidement et la DPJ puis les
observations... Quand vous parlez... On sait tellement de quoi vous parlez
quand vous dites : Le temps est tellement précieux. Parce que ce poupon,
aller d'une famille à l'autre, l'instabilité, retour à la maison... On a juste
à voir un bébé en développement, et plusieurs d'entre nous, on est des grands-parents,
on revit ce qu'on a vécu, on le voit à quel point chaque étape est cruciale de
son développement. Donc, de penser qu'ils vont aller d'un endroit à l'autre,
retourner chez les parents...
Dans la pratique, est-ce qu'assez
rapidement la DPJ est capable d'évaluer la... comment dire, les chances, les
chances que cet enfant va être capable, que les parents vont être capables de
vraiment bien remplir leur rôle? Est-ce que les signaux sont là assez
rapidement? Puis dans ces cas-là, il faut agir quand même assez vite, et c'est
peut-être une question de mois, il faut agir.
M. Potvin (Jean-Marc) : Oui,
c'est ça, je peux peut-être commencer, mais Danielle va vouloir compléter, c'est
certain, sur cette question-là, mais je veux juste mentionner qu'il y a déjà
des projets très porteurs sur des questions comme celles-là, des liens qui se
font avant même la naissance de l'enfant. Donc, quand, à l'hôpital, on constate
qu'il y a vraiment un environnement à risque, que les parents ont des problèmes
de consommation, par exemple, importants, qu'il va y avoir des enjeux pour
prendre soin de l'enfant, pour prévenir un placement à la naissance, qui est un
choc pour les parents, quand la DPJ débarque, là, à l'hôpital, après la
naissance, bien, on commence cette discussion-là avec les parents avant même la
naissance. Puis là on regarde les conditions dans lesquelles... qu'il faut
mettre en place pour qu'ils puissent assumer l'enfant, on discute avec eux. Ça
se fait avec l'hôpital, avec le DPJ.
Ça, ça se répand, ces projets-là, c'est
maintenant plus généralisé, mais ça, c'est très important de le faire. Et
souvent, ça a permis de faire en sorte que les parents prennent leur enfant
mais qu'ils ont fait ce qu'il fallait avant la naissance, puis ils sont
accompagnés dès la naissance, puis ça diminue la judiciarisation. Bon, ça a
beaucoup d'effets bénéfiques, il faut le faire. Dans d'autres cas, on va
convenir avec les parents que leur mode de vie est trop difficile, trop
problématique pour qu'ils puissent garder l'enfant à la naissance, mais ça
évite le choc. Danielle.
Mme Tremblay (Danielle) :
Bien, peut-être en complément, effectivement, même les bébés qui sont signalés
à la naissance en raison des inquiétudes qui se présentent, effectivement,
Jean-Marc a tout à fait raison de dire que l'intervention même durant la
grossesse de la maman, pour tenter de préparer la venue du bébé, les mobiliser,
développer leurs <habiletés...
Mme Tremblay (Danielle) :
...même
durant la grossesse de la maman, pour tenter de préparer la venue du bébé, les
mobiliser, développer leurs >habiletés à prendre soin d'un bébé, ces
projets-là existent de plus en plus, mais ils doivent être généralisés pour
faire en sorte que... Vous savez, le moment de la naissance, c'est un moment
relativement court dans le temps. On ne peut pas tout évaluer ça en l'espace d'une
couple de jours où la maman va être à l'hôpital. Il faut préparer la venue du
bébé. Tant mieux si les parents s'inscrivent dans les services pour faire en
sorte d'être mieux équipés et continuer, bien sûr, ces services-là suite à la
naissance.
• (16 h 30) •
Mais, lorsqu'on voit qu'il n'y a pas de
mobilisation, de conscientisation ou de capacité des parents à bénéficier des
services qui leur sont offerts, bien, c'est là où la décision se prend. Mais
vous savez, les enjeux, ils sont nommés aux parents même durant la grossesse,
hein, les enjeux de dire : Bien, voilà. Puis ce n'est pas des menaces, là,
hein, souvent, on dit : La DPJ fait des menaces. D'ailleurs, dans ma
région, région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, on a un projet comme ça, et c'est
une intervention conjointe entre le CLSC et la DPJ pour accompagner les parents
tout au long de la grossesse et pouvoir, près de l'accouchement, faire le
constat avec eux, à savoir : Oui, oui, vous allez sortir de l'hôpital avec
votre petit bébé, avec les services qu'on va continuer à vous dispenser, ou
bien, malheureusement, on a bien essayé, mais la situation, vous l'avez bien
exprimée, Mme Weil, comment la vulnérabilité d'un bébé est grande. Alors,
voilà.
Mme Weil : Et qui touche
cette notion de temps, parce que le développement est tellement rapide dans ses
premières années, son lien d'attachement. Les sourires viennent quand même
assez jeune, le regard dans les yeux de sa maman, et tout. Et donc, quand vous
parlez du temps de l'enfant aussi, il a... ce temps est précieux dans, j'imagine,
donc, dans son développement. Est-ce que la voie... Donc, par exemple, dans les
situations que vous mentionnez où, très, très tôt, les gens se parlent, on fait
appel à la DPJ pour venir regarder, puis peut-être des discussions avec les
parents, l'option ensuite, l'étape, ce serait famille d'accueil. Et, quand
est-ce que l'option adoption... Il faut que les parents consentent, hein, ça, c'est
tout un...
Mme Tremblay (Danielle) : C'est
une voie, et je vous dirais que c'est... C'est une voie, oui, mon microphone
est activé, c'est une voie, et je vous dirais que c'est la voie qui devrait
être privilégiée, de travailler avec les parents pour les amener à faire le
meilleur choix pour leur enfant, et qui est un choix déchirant pour eux, de
confier leur enfant vers une famille d'accueil qui va s'engager auprès de leur
enfant pour la vie.
Maintenant, quand vous dites : À quel
moment? Et c'est là où mon collègue Jean-Marc parlait tout à l'heure de l'importance
d'établir des pronostics. Oui, on va travailler avec les parents à tenter de
développer leurs capacités. Ce que je viens de vous exprimer, c'est... ça a
déjà commencé, même durant la grossesse, là, de tenter de le faire, O.K.? Mais,
si le pronostic est sombre, parce qu'il y a des situations où le pronostic est
sombre, bien, il faut rapidement, le petit bébé, là, il faut le confier à une
famille d'accueil qui est prête, elle, à prendre le risque de dire : Moi,
je m'engage. Moi, ce que je veux, là, c'est vraiment de m'engager pour l'enfant,
je vais l'adopter, cet enfant-là, s'il devient adoptable, O.K.? Mais, si,
par... par... bon, que le bébé peut finir par retourner chez ses parents, bien,
ce sera moi, comme adulte, qui gérera ma peine, pas le petit bébé.
Mais, encore là, quand je parle, si
retourné chez les parents, la recherche nous démontre que particulièrement chez
les jeunes bébés, lorsqu'il y a des tentatives de retourner chez les parents,
ils sont replacés très rapidement. La recherche nous indique clairement que
pour les jeunes bébés, ils sont replacés à l'intérieur de 57 jours en
moyenne, c'est très rapide. Alors, quand on prend une décision de retourner un
enfant dans sa famille, cette décision-là, elle est lourde de conséquences pour
les enfants.
Mme Weil : Moi, je pense...
M. Potvin (Jean-Marc) : Peut-être
Gilles.
Mme Weil : Allez-y.
M. Fortin (Gilles) : Oui, je
m'excuse. Rapidement, je pense que ce que vous faites ressortir, Mme Weil,
c'est que le temps de l'enfant et le temps de l'adulte n'est pas le même.
Certains parents ont besoin de plusieurs mois, plusieurs années voire, pour se
restaurer. Mais l'enfant, lui, ne peut pas arrêter de se développer. Il se
développe, il établit des relations avec la personne qu'il... les personnes qui
l'entourent. Et malheureusement, des fois, il y a des rendez-vous manqués.
Mme Weil : ...ce que vous
proposez viendrait rassurer tous ceux qui travaillent dans ce domaine. Parce qu'il
y a... c'est un guide, c'est un guide, et on se dit : Bien, ce n'est pas
mes... oui, mes émotions personnelles, mais c'est dans la loi, c'est dans nos
pratiques...
16 h 30 (version révisée)
Mme Weil : ...tous ceux
qui travaillent dans ce domaine, parce que c'est un guide. C'est un guide, et
on se dit : Bien, ce n'est pas mes… oui, mes émotions personnelles, mais c'est
dans la loi, c'est dans nos pratiques. Et on va s'organiser autour de ça parce
que le but qu'on a, tout le monde ensemble, c'est le bien-être de cet enfant et
son développement pour toujours, donc, de créer un adulte, une personne qui
sera compétente dans… et épanouie, parce que je pense que ça doit être très,
très dur pour la DPJ, les décisions déchirantes, pour eux, là, qui sont
là-dedans. On entend, hein, on le voit dans des cas qui sont rapportés dans les
journaux, des jugements que je lis, et on voit que la DPJ essaie tout, là, puis
essaie d'expliquer aux parents pourquoi le développement de l'enfant est
compromis, puis qu'ils ne peuvent pas continuer à prendre...
Donc, on voit les déchirements. Alors, si,
d'entrée de jeu, tout le monde a cette formation puis c'est bien clarifié dans
la loi, comme vous le recommandez, je pense, c'est une piste qui vient rassurer,
en tout cas, moi, c'est mon opinion, surtout les intervenants et intervenantes
auprès de ses enfants, je ne dis pas… qui… Ils ont… Ils sont tous contents d'avoir
des orientations puis une modernisation, si on veut, de la loi à la lumière des
connaissances qu'on a et ce rapport, votre rapport. La pénurie, je ne sais pas,
on n'a pas... je ne sais pas...
Mme Tremblay (Danielle) :
Mais, si je peux me permettre, Mme Weil…
Mme Weil
: Parfait, j'ai
dit à ce que j'avais à dire, donc, merci.
Mme Tremblay (Danielle) :
Si je peux me permettre, Mme Weil, l'idée n'est pas de rassurer
nécessairement les intervenants. Tant mieux, effectivement, si on leur crée des
conditions pour leur permettre de bien travailler à l'intérêt de l'enfant, mais
l'idée, c'est pour les petits bébés, les jeunes enfants, qu'ils soient
stabilisés.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Nous terminons cet échange
avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, chers commissaires.
Vous avez fait la commission. Vous avez parcouru le Québec. Vous avez entendu
des tonnes de témoignages. Et, au courant des travaux de cette semaine, dans
cette commission, il y a une tendance qui a commencé à s'installer, la tendance,
pour les maisons d'accueil et les gens des familles d'accueil, pardon, d'avoir
la possibilité d'accueillir encore les enfants jusqu'à 21 ans. On a
entendu des groupes, pas plus tard que cet après-midi… la reconnaissance de la
violence conjugale comme étant un facteur de prise en compte pour protéger un
enfant. On a entendu aussi d'autres groupes venir nous dire l'importance d'avoir
un continuum de services et l'importance de prendre soin des enfants.
Quand je regarde votre mémoire, il y a une
trame fondamentale qui semble se dessiner, et je vais vous poser la question
qui tue. Pourquoi, pour vous, c'est fondamental de toucher l'article 91.1?
Pourquoi, dans cette commission-ci, après avoir entendu plein de groupes puis
avoir vu le projet de loi en question, pourquoi, comme législateurs, après
avoir adopté la loi à la fin des années 70 et avoir introduit l'article 91
en 2006, pourquoi on doit saisir cette occasion aujourd'hui de faire une
révision de l'article 91.1?
M. Potvin (Jean-Marc) : Écoutez,
comme ex-commissaires, on a analysé le projet de loi, puis il y a beaucoup d'autres
enjeux qu'on a vus, sur lesquels on aurait pu intervenir. On a fait le choix de
venir vous parler de l'enjeu de la stabilité des enfants parce que nous… Pour
nous, c'est critique, cet enjeu-là. Il y a des enfants qui se font placer à la
naissance puis qui sortent à leur majorité du système de protection. C'est
inacceptable dans notre société. J'ai été... Il y a trois travailleurs sociaux
parmi nous. Il y a un médecin spécialiste en protection de l'enfance. Il y a un
avocat. On a tous une longue expérience puis on a vu des enfants qui ont été
démolis par leur expérience, de la naissance à l'âge adulte. Ça n'a pas de bon
sens. On aurait pu choisir une autre thématique, mais celle-là, elle nous
apparaît cruciale. Il faut changer ces trajectoires-là.
On a le pouvoir de… Il faut avoir le
courage de prendre des décisions pour l'enfant, puis ce n'est pas si difficile.
Il faut accompagner les parents dans ça. Il faut apaiser tout le monde dans ça.
Tous les parents souhaitent que leur enfant ne soit pas en difficulté, en
détresse toute leur enfance, adolescence durant, y compris les parents qui ne
pourront pas les assumer. Encore faut-il bien les accompagner, puis, pour nous,
c'est crucial. Si on n'a pas ce courage-là aujourd'hui, on va se retrouver,
dans trois ans, quatre ans, cinq ans, à dire : Il y a encore des enfants
qui sont ballottés dans le système, il y a encore des enfants dont l'enfance
est démolie. Ce n'est pas acceptable. On a le pouvoir de changer les choses. Et,
tous les six, on vient vous dire en choeur que, pour nous, c'est majeur. Bien
sûr, le passage adulte, c'est important, mais on n'en veut plus, d'enfants qui
sortent du système à 18 ans poqués. C'est ça qu'on veut changer
profondément.
Je ne sais pas si mes collègues veulent
compléter, là.
Mme Tremblay (Danielle) :
J'ajouterais qu'on a le pouvoir, mais on a le devoir de le faire, d'avoir le
courage de le faire. Je répète, ce n'est pas pour tous les enfants qui <fréquentent...
Mme Tremblay (Danielle) :
...qui >fréquentent, qui ont affaire au système de protection de la
jeunesse, c'est pour une minorité d'enfants, mais qui représente un nombre
quand même significatif d'enfants, et est-ce que le Québec… On entend parler
beaucoup de la dénatalité au Québec. Est-ce que le Québec a le moyen de se
passer de ses enfants, de certains de ses enfants? À mon avis, non. Alors, il
faut prendre le courage à… et c'est un devoir, comme société, de se donner les
leviers nécessaires pour arriver à offrir à chacun des enfants une famille pour
la vie.
Le Président (M. Provençal)
: Dr Fortin, je pense que vous vouliez conclure?
• (16 h 40) •
M. Fortin (Gilles) :
Oui. Je veux juste signaler qu'en 2006 je suis venu en commission parlementaire
pour demander l'introduction de l'article 91.1, avec d'autres, et
malheureusement je constate, après toutes ces années, qu'il n'a pas livré la
marchandise, et c'est pour ça qu'il faut, je pense, le réviser, le préciser
aujourd'hui.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. Jean-Marc Potvin et vos collègues
ex-commissaires, et on a été très choyés de vous avoir en conclusion de notre
journée. Alors, merci beaucoup de votre présence. Merci beaucoup du temps que
vous nous avez consacré, mais merci aussi pour la qualité du mémoire que vous
nous avez déposé. Je vous souhaite une excellente fin de journée. Je vous
remercie pour votre collaboration.
La commission ajourne ses travaux au
vendredi 11 février, à 10 heures, où elle entreprendra un autre
mandat. Merci beaucoup à vous tous.
(Fin de la séance à 16 h 41)