Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
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Tuesday, February 8, 2022
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Vol. 46 N° 4
Special consultations and public hearings on Bill 15, an Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-neuf minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous.
Bienvenue à notre rencontre de ce matin. Ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous
souhaite la bienvenue. Et je demande à toutes les personnes de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
numéro 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions législatives.
Madame la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, monsieur
le Président, monsieur Derraji, Nelligan, est remplacé par Madame Weil, Notre
Dame de Grâce; Madame Sauvé, Fabre, par madame Robitaille, Bourassa-Sauvé;
Monsieur Marissal, Rosemont, par Monsieur Zanetti, Jean Lesage; Monsieur
Arsenau, Îles de la Madeleine, par monsieur Ouellet, René Lévesque.
17829
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Ce matin, nous débuterons par les remarques
préliminaires puis nous entendrons les personnes et groupes suivants :
Madame Régine Laurent, l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec et l'Ordre des psychoéducateurs et
psychoéducatrices du Québec.
J'invite maintenant le ministre délégué à
la Santé et aux Services sociaux. Monsieur le ministre, vous disposez de 6 minutes
pour les remarques préliminaires.
M. Carmant : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Bonjour, tout le monde. Très heureux d'être ici avec
vous ce matin. Je tiens à saluer la présence de mes collègues de Soulanges,
Lotbinière-Frontenac, Dubuc et de Roberval. Merci beaucoup d'être là
aujourd'hui. Je tiens à saluer la présence de la directrice nationale,
direction de la jeunesse. Merci d'être là. Je tiens à saluer également les
collègues des oppositions, opposition officielle, deuxième opposition,
troisième position. Merci d'être là. Je pense que c'est un grand jour pour tout
le monde aujourd'hui.
• (9 h 50) •
Je tiens d'abord à vous remercier de votre
présence à cette séance préliminaire de consultations sur le projet de loi 15,
Loi modifiant la protection de la jeunesse et d'autres dispositions
législatives. Je vous rappelle que ce projet de loi est le fruit de la
commission spéciale constituée suite à la tragédie de Granby qui a changé nos
vies. Composée de 12 commissaires, dont 5 experts, 4 élus des
différents partis à l'Assemblée nationale ainsi qu'une présidente et deux vice-présidents,
cette commission a tenu une très vaste consultation publique qui a permis
d'entendre plusieurs milliers de personnes de tous les horizons.
Il y a huit mois à peine, notre
gouvernement recevait le rapport de cette commission formée en mai 2019 et nous
nous étions engagés à le mettre en oeuvre. Aujourd'hui, nous tenons parole. Ce
rapport, maintenant connu sous le vocable de rapport Laurent, est l'exercice de
la réflexion le plus imposant entrepris depuis l'instauration du...
M. Carmant : ...de protection
de la jeunesse, quelque 65 recommandations qui se déclinent en près de
250 actions que nous réalisons en trois phases, selon un plan que j'ai
présenté en décembre dernier, en plus de ce projet de loi. Bien que d'autres
modifications législatives aient été apportées depuis 1977, il y a eu
8 projets de loi en tout, le projet de loi 15 constitue la plus
grande révision que la Loi de la protection de la jeunesse ait connue depuis
44 ans. Il contient 60 articles qui viennent modifier, remplacer ou
ajouter, près d'une centaine de dispositions de la Loi sur la protection de la
jeunesse, en introduisant notamment un préambule et en consacrant un chapitre
distinct pour les dispositions relatives aux autochtones qui reprennent
l'essentiel des recommandations des rapports Viens et ENFFADA.
L'élément clé de ce projet de loi vise à
placer l'intérêt de l'enfant au centre de la loi de façon primordiale et
prioritaire pour que toute décision soit prise le concernant envisage cet
intérêt de façon primordiale. Nous nous sommes donné les moyens pour que cette
notion devienne une condition sine qua non à toute décision. Ça ne veut pas
dire que les parents n'ont plus leur rôle à jouer, bien au contraire. Ils
demeurent des acteurs principaux dans le développement et le bien être de leurs
enfants. Nous sommes et serons toujours là pour les appuyer et appuyer toutes
les familles vulnérables. Cependant, et j'insiste lourdement, le bien être de
l'enfant est ce qui doit être considéré en premier lieu. Il est révolu le temps
où un enfant devait payer le prix d'une mauvaise interprétation de la loi ou
souffrir d'une situation sur laquelle il n'a aucun contrôle. Parfois, il arrive
qu'un enfant soit mieux de rester en famille d'accueil plutôt que d'être
ballotté d'un milieu à un autre. Il faut le reconnaître, la notion de temps
aussi est très différente chez les enfants. Le placer dans une situation
d'incertitude est traumatisant. L'enfant peut développer des problèmes
d'attachement ou d'autres problèmes à plus long terme.
Ce projet de loi prévoit aussi que le
ministre de la Santé et des Services sociaux est d'office le conseiller du
gouvernement sur toute question relative à la protection de la jeunesse et aux
enfants en situation de vulnérabilité et qu'il doit être consulté lors de toute
décision ministérielle mettant en cause l'intérêt des enfants ou le respect de
leurs droits en matière de protection de la jeunesse.
Par ailleurs, le projet de loi modifie la
Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux pour préciser que le
ministre de la Santé et des Services sociaux doit promouvoir des mesures
propres à répondre aux besoins des enfants et des familles en situation de
vulnérabilité ou à prévenir la compromission de la sécurité ou du développement
des enfants.
De façon plus générale, le projet de
loi 15 vise à améliorer la communication des renseignements confidentiels,
harmoniser et améliorer les pratiques cliniques en matière de protection de la
jeunesse, notamment par la nomination d'une directrice nationale de la
protection de la jeunesse dont on vient préciser les responsabilités et les
pouvoirs. Faciliter le passage des jeunes à la vie adulte et reconnaître que
les autochtones sont les mieux placés pour répondre aux besoins de leurs
enfants de manière appropriée. Je veux également souligner toute l'importance
que ce projet de loi accorde aux Premières Nations et Inuits. C'est avec les
groupes autochtones des communautés conventionnées et non conventionnées et les
Inuits que les propositions d'interventions en protection de la jeunesse en
contexte autochtone ont été développées. Plusieurs rapports d'enquête nous
proposaient des solutions concrètes pour adapter les services aux enfants
autochtones. Ce que nous proposons aujourd'hui est une mise en œuvre de plusieurs
recommandations des rapports de l'ENFFADA et de la Commission Viens. C'est avec
et pour tous nos partenaires des Premières Nations et Inuits que des
adaptations sont proposées à la Loi sur la protection de la jeunesse afin de
s'attaquer notamment à la surreprésentation des enfants autochtones dans le
système de protection de la jeunesse. Je les remercie vraiment de leur apport
et de leur collaboration entière à la réalisation de cette réforme. En fait, je
suis très fier des travaux qui ont été menés au cours des derniers mois afin de
présenter ce projet de loi. Je tiens à saluer tous ceux qui y ont travaillé de
près ou de loin. Il s'agit d'un premier jalon dans ce grand parcours qui nous
amènera à mieux protéger tous les enfants du Québec.
En terminant, je tiens à mentionner à tout
le monde ma pleine collaboration pour l'amélioration de ce projet de loi. Je
sais qu'ici plusieurs... tous les députés ont à coeur ce projet de loi là, et
on va travailler ensemble pour l'améliorer. Merci donc à tous les membres de
cette commission pour leur collaboration. Merci, Monsieur le Président, et bons
travaux à tous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre.
J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de
Notre-Dame-de-Grâce à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale
de quatre minutes. À vous la parole.
Mme Weil : Oui, merci,
Monsieur le Président. Donc, je vous salue ainsi que votre équipe, monsieur le
Président. Je salue aussi le ministre et toute son équipe, l'appui qu'il aura,
incluant la Directrice nationale de protection de la jeunesse. D'ailleurs, on
parlera beaucoup de cette fonction, pour être éclairés par rapport à son rôle.
C'est bien important...
Mme Weil : ...et tous les
collègues députés de la banquette ministérielle et des oppositions. Je remercie
aussi ma collègue la députée de Bourassa-Sauvé de m'accompagner quand elle le
pourra, parce qu'elle a d'autres occupations aussi. Alors, merci pour sa
présence.
Alors, nous sommes à une étape extrêmement
importante. Toujours, si on parle avec des collègues, c'est souvent la
meilleure étape, c'est d'écouter les experts, les vrais experts qui sont... qui
viennent nous parler de leur expérience et qui ont toute une... Tous ces
experts ont une connaissance fine d'un aspect d'un projet de loi. Et donc ça
commence aujourd'hui. Et c'est avec, je vous dirais, un sentiment d'émotions.
Un peu comme le ministre le dit, je pense que les collègues partagent ce
sentiment d'émotion. On est là pour nos enfants et nos ados. On est là pour
notre avenir, l'avenir de nos enfants. Et c'est tout le Québec, évidemment, qui
a été ébranlé. On le sait, la genèse de ce projet de loi, et, évidemment, la
suite, une commission qui a fait un rapport extraordinaire, une mine d'or de
réflexions, je le trimballe avec moi quand je peux, mine d'or, de réflexions,
de recommandations. Et j'apprécie l'ouverture du ministre qui dit, il me l'a
déjà dit aussi personnellement, ou c'était peut-être lorsqu'on faisait un
débat, mais qu'il est prêt à le bonifier. Donc, on va être vraiment à l'écoute
des experts et des groupes. On aura l'occasion de parler. C'est sûr que toutes
les recommandations n'ont pas été retenues pour diverses raisons, et on ira au
fond des choses.
Alors, c'est de la fébrilité que je
ressens, et le ministre l'a bien saisi, parce qu'on est tous là pour la bonne
cause et on va tous vouloir, je pense, bien travailler ensemble. Mais on va
insister, aussi, sur certains éléments, justement, pour être sûr qu'on est
allés jusqu'au fond d'une question pour avoir les changements, les
modifications qu'il faut pour que le système fonctionne mieux. En anglais, on
parle de «seemlessly», je suis sûr que le ministre comprend ce concept, donc
sans faille. Mais aussi, que les gens se parlent et se consultent, mais qu'il y
a ait aussi un chien de garde pour l'enfant, parce que tous les systèmes ne
sont pas parfaits, malgré toutes les réformes qu'on peut amener. Alors, je
remercie d'avance tous les groupes qui vont venir nous parler. Nous avons hâte
de les entendre. C'est un moment très, très précieux. Merci, monsieur le
président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. J'invite maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute. À vous la parole.
M. Zanetti : Merci, monsieur
le Président. Merci, monsieur le Ministre, toutes les personnes qui sont
présentes, ici, pour travailler à ce projet de loi. Très brièvement, c'est un
plaisir, une joie et un honneur d'être ici pour moi, à travailler à ce projet
de loi qui est essentiel. Puis je vais m'assurer que, vraiment, on maintienne
le cap vers là où s'en va le projet de loi actuel, c'est-à-dire que l'intérêt
de l'enfant soit vraiment placé au centre de nos préoccupations. Alors, voilà,
je vous remercie. J'ai bien hâte de commencer le travail avec vous.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. J'invite maintenant le porte-parole du troisième
groupe d'opposition et député de René Lévesque à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute. Je vous cède la parole.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, chers membres de cette
Commission de la santé et services sociaux. C'est une première pour moi dans
cette commission. J'ai l'habitude d'être assis ailleurs. Alors, merci de
ma'accueillir dans cette commission qui sera, je l'espère, fort intéressante,
fort pertinente. C'est moi qui ai demandé à mon chef de siéger sur cette
commission, parce que j'avais un intérêt marqué pour le sort de nos jeunes
enfants, et notamment pour le sort des jeunes enfants sur la Côte-Nord. Vous le
savez, les statistiques sont afférentes en matière de protection et de
situations dramatiques qu'il y a pour les jeunes sur la Côte-Nord. Ma collègue
de Duplessis a fait un excellent travail sur la commission Laurent. Donc, c'est
moi qui vont continuer ce chemin avec elle. Donc, merci beaucoup, et j'ai bien
hâte de commencer nos travaux. Merci, monsieur le président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Merci pour vos remarques préliminaires.
Nous allons maintenant débuter les auditions. Mais avant, Mme Laurent, est-ce
que vous nous entendez bien?
Mme Laurent (Régine) : Oui,
monsieur le Président. Bonjour. Je vous entends très bien.
• (10 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Et nous aussi, alors, ça, c'est un bon début.
Alors, alors nous allons pouvoir débuter. Je souhaite la bienvenue à madame
Régine Laurent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échanges avec les
membres de la commission. Je vous invite à vous présenter, puis à débuter votre
exposé. Je vous cède la parole. À vous.
Mme Laurent (Régine) : Merci,
monsieur le président...
10 h (version non révisée)
Mme Laurent (Régine) : ...Merci
à vous tous de me recevoir. Pour ma présentation, je vais prendre appui sur le
titre de la commission créée par le gouvernement et que j'ai eu l'honneur de
présider, la Commission spéciale sur les droits et la protection de la
jeunesse. Je vais vous faire part de mes commentaires sur ce projet de loi 15,
Loi d'exception pour nos enfants en besoin de protection. Mais je ne pourrai
faire abstraction de l'importance que ce régime de protection s'inscrive dans
une société bienveillante à l'égard des enfants et des jeunes, une société qui
assure en amont la défense des droits de tous les enfants et la protection de
la jeunesse.
En commentaire général, vous dirais que,
dans l'ensemble, je peux affirmer que ce projet de loi 15 répond à
plusieurs de nos recommandations quant aux changements législatifs qui
concernent la Loi sur la protection de la jeunesse. Le préambule est
intéressant, et on recommandait d'ajouter un préambule à la LPJ pour expliciter
l'objet de la loi et guider l'interprétation de ces dispositions. J'étais donc
heureuse de constater qu'un préambule était proposé dans l'article 1 du
projet de loi.
Mais le libellé du considérant relatif à
l'intérêt de l'enfant me questionne. Pour la Commission, il était essentiel que
l'intérêt de l'enfant soit au-dessus des autres considérations. Et, en ce sens,
l'intérêt de l'enfant devrait être la considération primordiale et non une
considération primordiale, une considération parmi d'autres. Pour la
Commission, il s'agissait de faire passer l'intérêt de l'enfant avant toute
autre considération. Eh oui, cela pouvait avoir pour effet de faire passer les
intérêts des parents et d'autres intervenants en second plan. Un changement de
terme qui porte un changement de paradigme. J'estime que ce changement est
nécessaire pour les enfants couverts par la LPJ. Et je crois que les Québécois
et Québécoises sont d'accord avec cette orientation. Alors, je me questionne :
Pourquoi ne pas avoir été plus affirmatif et régler cela une fois pour toutes?
Mais, de façon générale, j'aimerais
comprendre. Je me questionne sur la portée précise du projet de préambule. Pour
nous, à la Commission, en formulant notre première recommandation qui était que
soit institué un commissaire au bien-être et aux droits des enfants afin de
s'assurer de respecter et faire la promotion des droits de tous les enfants et,
du même souffle, qu'une charte des droits des enfants soit adoptée. On
proposait que la charte énonce les droits fondamentaux de l'enfant. Je crois qu'il
aurait été important que nous connaissions les intentions du gouvernement quant
à la suite qu'il entend donner à ces recommandations de la Commission qui
concernent tous les enfants, soit avant ou au moment où la présentation des
modifications à la LPJ.
Maintenant, dans le chapitre II,
Principes généraux, droit de l'enfant, de ses parents et responsabilité des
parents, c'est une recommandation à laquelle vous avez répondu positivement en
mettant des chapitres distincts : principes directeurs, droits de l'enfant
et obligations des parents. Le projet de loi répond aussi aux demandes de la
Commission. Le projet de loi propose des changements à l'article 4 de la
LPJ qui clarifie que toute décision doit viser à une continuité des soins ainsi
que la stabilité des liens de l'enfant et des conditions de vie appropriées,
mais aussi et surtout, à prendre en compte sa stabilité affective, à prendre en
considération les liens affectifs que l'enfant peut avoir développés avec des
personnes significatives autres que ses parents biologiques. De plus,
l'obligation de planifier sans délai un projet alternatif permanent dès que
l'enfant est retiré de sa famille assure le droit de l'enfant à cette
stabilité. Lors des audiences de la Commission, nous avons entendu de nombreux
témoignages poignants sur les effets néfastes et à long terme lorsque l'enfant
est ballotté d'un milieu à un. Pensons aux troubles d'attachement que ces
enfants traînent presque toute leur vie.
L'article 6, lui, énonce très bien,
d'une part, l'importance du respect du droit de l'enfant à une information
claire, adaptée à son âge, d'autre part, le droit pour l'enfant ou ses parents
d'être accompagnés et assistés par une personne de leur choix lorsqu'ils
désirent obtenir des informations ou lorsqu'ils rencontrent la DPJ ou toute
autre personne qui l'autorise.
Quant à la confidentialité des
renseignements, lors des travaux de la Commission, à de très nombreuses
reprises, mes questions étaient : La confidentialité pour protéger quoi?
Pour protéger qui? Où est l'intérêt de l'enfant sous ce couvert de
confidentialité? Alors, les modifications proposées aux divers articles sont
très positives à mes yeux. De plus, le fait que l'article 35.4 précise
qu'il sera dorénavant possible d'exiger que soit communiqué un renseignement
concernant l'enfant, un parent ou toute autre personne mise en cause... que
cette disposition s'applique aux personnes liées par le secret professionnel,
sauf avocat et notaire, est, pour moi, un grand soulagement. D'autant que cela
devrait contribuer à briser les silos où se trouvaient isolément des
renseignements pourtant cruciaux à la prise de décision concernant les
enfants...
Mme Laurent (Régine) :
...sous protection. Dans le même ordre d'idée, je salue le nouveau libellé
proposé à l'article 36 de la LPJ qui doit permettre d'avoir accès aux jugements
ou actes de procédure en matière familiale. Permettre d'avoir accès à toutes
les informations de la prise de décision, c'est aussi travailler dans l'intérêt
de l'enfant.
Quant à la conservation du dossier de
l'enfant, lors des travaux de la commission, nous avons pu constater que
plusieurs jeunes adultes avaient été dévastés suite à la destruction de leur
dossier. Par les modifications proposées, beaucoup d'enfants pourront retrouver
le droit à leur propre histoire et c'est important.
Quant au passage à la vie adulte, les
articles qui visent ce passage à la vie adulte, ils me paraissent bien faibles.
Par exemple, dans l'article 4 du projet de loi prévoit l'ajout que, dans
l'année précédant les 18 ans, le DPJ informe l'enfant des services
offerts, surtout offerts par des personnes, des établissements ou des
organismes. L'article 35 prévoit un ajout afin que le DPJ ou la personne
autorisée puisse, dans les six derniers mois d'une ordonnance prenant fin à la
majorité, autoriser des séjours prolongés de l'enfant dans un milieu prévu par
le plan d'intervention. Ces deux ajouts à la loi qu'on peut saluer, mais qui
sont nettement insuffisants pour réellement préparer et soutenir les jeunes dans
leur transition à la vie adulte. La Commission a préparé tout un chapitre de
son rapport à cette période cruciale de transition vers la vie adulte des
jeunes qui ont eu un parcours en protection de la jeunesse. Il est impératif
que ces jeunes aient un réel soutien, accompagnement, entre autres, au
logement, à la scolarisation, la qualification professionnelle, aux revenus. En
audience des jeunes nous ont dit : Arrêtez d'être une usine à itinérance.
Donc, il faut les consulter, il faut les occuper... les écouter, pardon, et
bien les accompagner. De plus, des familles, des jeunes, des familles d'accueil
ont démontré à la commission l'importance pour des jeunes d'être accompagnés
au-delà de 18 ans. Une de nos recommandations est de permettre aux jeunes
qui le souhaitent de demeurer dans la famille d'accueil jusqu'à 21 ans.
Cette possibilité est malheureusement absente du projet de loi.
J'arrive aux dispositions particulières
concernant les enfants autochtones. Le projet de loi affirme avec justesse
plusieurs droits des enfants autochtones et leurs familles, qu'on avait
affirmés dans notre rapport. L'obligation de tenir compte des facteurs
historiques, sociaux, culturels qui leur sont propres, ces facteurs sont
clairement définis dans le projet de loi. Je suis en accord avec les
dispositions introductives, les principes généraux de même qu'avec les sections
sur l'intervention sociale et judiciaire, l'adoption et tutelle coutumière
autochtone. Je veux croire que ces modifications à la Loi de la protection de
la jeunesse ne sont que transitoires puisqu'une de nos recommandations en la
matière est de supporter le droit à l'autodétermination et à l'autonomie
gouvernementale en matière de protection de la jeunesse pour les autochtones.
Pour tous les enfants du Québec... Et je
reviens en lien avec le début de mon intervention, je veux revenir sur le fait
que, parmi les orientations qui ont guidé les travaux de la commission, le
volet de la prévention était central et omniprésent. D'ailleurs, le premier
chapitre du rapport de la commission s'intitule Promouvoir et respecter le
droit des enfants. C'est pour bien asseoir cette orientation que la première
recommandation du rapport de la Commission ou, je dirais, là, recommandation
phare est celle d'instituer un commissaire pour promouvoir le bien être et les
droits de tous les enfants du Québec. Même si ça ne concerne pas, ceci dans la
Loi sur la protection de la jeunesse, qui est un devoir pour moi de profiter de
mon passage devant vous pour réitérer l'importance de cette recommandation.
Cette recommandation se poursuit par la création d'un commissaire adjoint dédié
au bien être et aux droits des enfants autochtones, nommé après consultation
des représentants autochtones. Parce que pour la Commission, la situation des
enfants autochtones doit faire l'objet d'une attention particulière.
• (10 h 10) •
Une autre recommandation forte de notre
rapport demande l'adoption d'une Charte des droits de l'enfant qui affirme ses
droits fondamentaux. Pour les membres de la Commission, l'adoption de cette
charte enverrait un message fort, clair que l'enfant est une personne, un
citoyen à part entière et que le respect de ses droits nous concerne
collectivement.
En conclusion, vous nous avez entendus,
les changements proposés répondent en grande partie à nos recommandations en
regard de la Loi de la protection de la jeunesse. Le projet de loi, évidemment,
par vos travaux, va être bonifié. Mais par la suite je souhaite de tout coeur
que ce projet de loi soit adopté rapidement. Rappelez-vous que vos collègues
parlementaires, ça a fait consensus. Ils ont siégé à la commission spéciale.
Rappelez vous aussi qu'il faut aller rondement parce qu'il faudra du temps pour
ce projet de loi, il faudra du temps pour la formation et le temps presse pour
les enfants et les familles qui ont besoin de nous. Merci pour votre écoute.
Merci, monsieur le président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Laurent...
Le Président (M. Provençal)
: ...pour votre exposé. Nous allons débuter la période
d'échanges. Monsieur le ministre, la parole est à vous.
M. Carmant : Merci
beaucoup, monsieur le Président. D'entrée de jeu, bonjour, Madame Laurent, et
merci beaucoup pour ce que vous avez fait, pour tout le travail qui a été fait
par la Commission et sous votre leadership. J'ai bien entendu tous les points
que vous avez mentionnés.
Je pense celui qui ressort d'emblée,
c'est : vous parlez du commissaire et de la charte. Nous avons déposé un
plan de match en plusieurs phases qui incluait l'étude, là, du commissaire et
de la Charte. Mais je vais profiter de votre passage aujourd'hui pour avoir
peut-être un peu plus de détails sur ce que vous voyez comme étant le rôle du
commissaire versus le rôle des directrices nationales, parce qu'il y a beaucoup
de gens qui semblent vouloir confondre les deux. Pourtant, c'était deux
recommandations distinctes de la commission. Et, dans un deuxième temps,
également, voir également la place de la Charte des jeunes versus la Charte des
droits et libertés, là, qui est beaucoup plus générale. Donc, peut-être
commencer par ces deux points-là?
Mme Laurent (Régine) :
Oui. Merci, monsieur le ministre. Alors, je vais commencer par la fin. Pour
nous, la Charte des droits des enfants, c'est essentiel. Effectivement, les
enfants ont des droits, au Québec, mais c'est inscrit dans des chartes qui
concernent l'ensemble des citoyens de zéro à 99 ans. Or, durant nos
travaux, et les études ailleurs l'ont prouvé, il faut une institution
particulière dédiée uniquement à la promotion et aux droits des enfants.
Et là j'arrive aussi avec le commissaire.
Le commissaire, son rôle, c'est d'intégrer la parole des enfants dans
l'exercice de ses responsabilités. C'est avoir une espèce de vigie. C'est
surveiller la mise en oeuvre de programmes en disant : Est-ce que ça, ça
améliore ou non le bien-être des enfants? Il y a quelque chose aussi qu'on a
mis dans le rapport, c'est que le commissaire doit aussi porter une attention
particulière aux enfants qui ont moins de 25 ans ou issus de groupes qui
ont des difficultés. Donc, c'est de prévoir aussi une espèce de surveillance
des enfants qui décèdent chaque année au Québec, notamment les enfants sous
responsabilité de l'État, pour avoir une vision globale de ce qui se passe avec
les décès de nos enfants au Québec. Donc, tout ça, c'est vraiment un chapeau de
surveillance, de bien-être et des droits des enfants.
La Direction de la protection de la
jeunesse, comme on l'a bien inscrit dans le rapport, et je disais je n'ai pas
eu le temps d'en parler dans mon dix minutes, mais ce que vous avez inscrit
dans le projet de loi, ça répond et même ça va plus loin que ce que nous avions
demandé. Pour nous, ça prenait une espèce de chef d'orchestre au niveau national,
et je le dis avec beaucoup de respect, un chef d'orchestre au niveau national
pour, d'une part, s'assurer d'harmoniser les pratiques, qu'il y ait quelqu'un
qui s'assure d'avoir un suivi global, au niveau du Québec, de la trajectoire de
soins des enfants, de quelqu'un qui va exercer les contrôles requis aussi pour
s'assurer que c'est mis en place. Une fois qu'on a donné des directives, bien,
ça prend quelqu'un pour aller s'assurer que ces directives sont suivies. Donc,
pour nous, c'était ça, un peu rapidement, le rôle de la personne qui exerce la
fonction de directeur national de la protection de la jeunesse.
Monsieur le ministre, est-ce que j'ai
répondu à toutes vos questions? Il y en avait plusieurs, quand même, je suis
désolée.
M. Carmant : Non, non,
c'est excellent. Est-ce qu'actuellement la CDPDJ joue ce rôle, là, de chien de
garde, ou de surveillance, ou... Est-ce que ce serait la cible de commissaire?
Parce que, dans le rapport, on semblait vouloir aller vers autre chose que la
CDPDJ.
Mme Laurent (Régine) :
C'est clair, pour nous, monsieur le ministre, sans équivoque, que le
commissaire qui est dédié uniquement à la protection et aux droits des enfants
doit... cette portion-là qui est maintenant à la CDPDJ. Pour nous, c'est clair.
Et partout on l'a vu où il y a eu cette mise en place de cette institution
dédiée uniquement aux enfants, ça porte fruit. Alors, c'est pour ça, c'est très
clair pour nous qu'il faut que ce soit le commissaire qui occupe ces
fonctions-là.
M. Carmant : Parfait,
merci. Dans un autre ordre d'idées, passage à la vie adulte. Comment vous voyez
qu'on puisse aller plus loin? J'ai entendu la notion de 21 ans. Les
juristes nous disent que la loi s'applique jusqu'à 18 ans. Donc, ça aurait
été difficile, là, d'aller...
M. Carmant : ...mettre un
point sur jusqu'à 21 ans, mais on peut continuer à regarder avec eux, mais
voyez vous d'autres choses qui nous permettraient d'aller plus loin ou de
faciliter le passage à la vie adulte au niveau législatif?
Mme Laurent (Régine) :
C'est à dire que deux choses. Un, bon, la loi s'applique jusqu'à 18 ans.
Moi, je fais confiance à tous les juristes de l'État pour trouver une façon que
des enfants puissent rester dans leur famille d'accueil jusqu'à 21 ans
parce ça... J'ai parlé de qualification professionnelle. Je donne un exemple,
monsieur le ministre. Un enfant, ça se peut que ce soit à dix sept ans et demi
puis il dise: Hopelay! Peut-être que moi, j'aimerais ça être cuisinier dans la
vie. Bien, ça va prendre un certain temps. Et le fait qu'il reste dans la
famille d'accueil, bien, il ne se ramasse pas dans la rue, et avec ses rêves
brisés. Donc, c'est vraiment important.
De l'autre côté aussi vous m'aviez demandé
ce qu'on pourrait faire de plus. Par exemple, je pense qu'en cours de travaux
nous avions demandé au gouvernement d'élargir et de faciliter le programme de
qualification. Et ça, ça a été fait, mais on avait demandé aussi, et je ne sais
pas où c'est rendu, qu'il y ait plus de promotion de ce programme de qualification
qui soit fait auprès des jeunes qui sont sous l'autorité de l'État.
On peut aussi mieux faire, et bien avant
le six mois, parce que quand on parle des jeunes, on parle de les rendre
autonomes dans toutes les sphères de la vie. Et pour nous, c'est clair que ça
ne s'apprend pas en six mois. Alors, il faut un programme, peut être dès l'âge
de 16 ans, 17 ans, pour commencer à leur faire comprendre comment ça
fonctionne, les amener, par exemple, bien avant, visiter qu'est-ce que ça veut dire,
quand tu es dans un logement, ça comprend quoi comme responsabilité, comment on
peut t'aider à acquérir des compétences-là pour être autonome dans un logement,
aller faire l'épicerie.
Puis des sommes qui, pour nous, paraissent
banales, courantes dans la vie, mais pour des jeunes, par exemple, qui ont
passé leur... toute leur adolescence... adolescence en centre jeunesse, c'est
un apprentissage à faire. Par exemple, les aider au niveau du revenu. Est-ce
que, par exemple, on ne pourrait pas avoir des revenus d'aide particulier pour
les enfants qui auraient été sous l'autorité de l'État? Donc, ce sont des
exemples. Et il y a des organismes pour les jeunes qui les aident énormément.
Donc, il faut absolument soutenir ces organismes communautaires qui font un
très bon accompagnement des jeunes, et arrêter de travailler en silo, et
permettre à ces organismes communautaires d'être dans les centres jeunesse,
d'être avec les jeunes, de développer ces liens de confiance qui vont faire que
les jeunes vont probablement se laisser accompagner aussi par ces organismes
communautaires.
M. Carmant : Merci
beaucoup. Puis effectivement on a rehaussé le programme PQJ. On a... Et on veut
continuer à le faire. Un autre point assez important, c'était au niveau des
Premières Nations et Inuites. On comprend le point que vous faites, mais pour
nous ça devenait... Ça demeure important d'avoir des ententes, surtout pour
gérer la question des jeunes des communautés autochtones qui sont hors
territoire. Comment vous voyez la gestion de ces jeunes et de ces familles-là
dans le contexte?
Mme Laurent (Régine) :
Ce que les témoins autochtones de différentes nations nous ont très, très bien
expliqué, monsieur le ministre, c'est qu'en bout de piste, ils ont besoin
d'être accompagnés, d'être financés pour qu'eux-mêmes développent leurs propres
programmes de protection de leurs enfants. Et j'ai salué ce qu'il y a dans le
projet de loi. C'est vraiment excellent, mais à la limite, certains et quand
même plusieurs témoins nous ont dit: Nous, on aimerait pouvoir être accompagnés
et développer notre propre, entre guillemets, notre propre loi de protection de
la jeunesse. Et c'est pour ça qu'on a dit: C'est supporter ce droit à
l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale en matière de protection
de la jeunesse pour les communautés qui le souhaitent.
• (16 h 20) •
Donc, ça permet de respecter tout ce qu'il
y a dans le projet de loi avec lequel je suis en accord, mais d'aller plus loin
et d'avoir ce sentiment qu'eux-mêmes sont les meilleures personnes placées pour
prendre soin de leurs enfants. Et quand vous parlez des communautés, des
enfants qui sont hors réserve, bien, je pense que ce qui s'applique aux enfants
en réserve, mot que je déteste, mais pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas l'appliquer
aux enfants qui sont... qui sont hors réserve? D'ailleurs, une des raisons pour
lesquelles on parle de l'autodétermination, c'est d'avoir de moins... de
moins... de moins en...
Mme Laurent (Régine) : ...mais
en moins de gens qui sont sortis des réserves parce que pour toutes les raisons
historiques que vous savez, que ça remet le cauchemar des pensionnats. Donc il
faut tout faire pour garder les enfants dans les réserves. Et ceux qui sont
hors réserve, monsieur le ministre, on pourrait, avec les communautés, comment
les réintégrer dans leur milieu parce qu'on a eu des témoignages extrêmement
poignants qui nous a expliqué à quel point cet attachement à la Terre était
majeur dans le développement des enfants et dans leur équilibre.
1car Oui, je comprends, mais je parlais
plutôt des familles qui décident par exemple d'habiter dans des communautés, à
Joliette ou ailleurs. Tu sais, comment on s'informe de leur origine, de quelle
nation ils viennent? Si c'est des couples multinations, comment on fait pour
une famille, par exemple, qui vient de Colombie-Britannique, qui s'installe au
Québec? Donc, il y a plusieurs choses qui me font encore réfléchir. Avez-vous
une opinion là-dessus?
Mme Laurent (Régine) : Je
comprends. On n'est pas allé aussi pointu, Monsieur le ministre, et j'en suis
désolée. Les témoignages qu'on a eus étaient vraiment de façon globale et
peut-être qu'effectivement, avec les Premières Nations, ce sera peut être une
bonne porte pour essayer de voir comment gérer, effectivement, ces problèmes
particuliers. Mais je me souviens de témoignages où des représentants
autochtones me disaient : Bien, on est capables aussi de prendre soin de nos
enfants qui ont besoin de protection même s'ils n'habitent pas sur la réserve.
Alors, ça ne pourrait pas aller plus loin, malheureusement.
1car Parce que je l'ai bien... bien, on l'a
bien noté dans le préambule, là, comme vous dites, c'est les... ils sont les
mieux placés pour prendre soin de leurs enfants, puis ça, je suis tout à fait
d'accord. Et j'ai bien noté également le considérant numéro 2 sur la
considération primordiale. Monsieur le Président, je passerais la parole à la
députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Alors Madame la députée de Lotbinière-Frontenac, je vous
cède la parole. Il vous reste, à titre indicatif, 3 minutes.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Merci. Donc, bonjour, madame
Laurent. Le projet de loi va assurer une représentation systématique des
enfants par un avocat lorsqu'un dossier est porté devant le tribunal. Qu'est-ce
que vous pensez de cette mesure-là, puis est-ce que ça va protéger l'enfant?
C'est ça. Est ce que ça va protéger l'enfant selon vous?
Mme Laurent (Régine) : Pour
moi, madame la députée, c'est essentiel et c'est clair dans le projet de loi,
il faut qu'il y ait une garantie, puis je ne sais plus quel qualificatif
employer, une garantie très, très, très forte que l'enfant ait son propre
avocat. Et de plus, dans le projet de loi, il y a l'obligation de fournir l'ensemble
de l'information à l'avocat de l'enfant. Mais quand je vous parlais tantôt du
commissaire au bien être et aux droits des enfants, on allait plus loin en
demandant à ce que le commissaire, il y a une espèce de certification des
avocats qui représentent un enfant. Alors, c'est extrêmement important pour
s'assurer que les droits de l'enfant soient respectés. Et ça, ça lui prend son
avocat à lui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Puis, est-ce que vous pouvez illustrer de
quelle façon les mesures d'assouplissement de l'échange de renseignements entre
les différents professionnels pour contribuer à protéger l'intérêt de l'enfant?
Mme Laurent (Régine) : Oui,
je peux vous donner un exemple. Et ce n'est même pas pour dire à quel point
c'était en silo. J'ai souvenir d'une famille d'accueil qui nous raconte en
audience qu'elle a reçu une petite fille et, dans sa bienveillance, papa et
maman bienveillants de la famille d'accueil, ils lui ont préparé un bain avec
de la mousse et tout ça, et quand la petite fille est rentrée dans la salle de
bain, bien, elle a complètement décompensé, là, et violemment, et pour
apprendre par après que, bien, c'est dans la salle de bains que la petite fille
a été abusée chez elle. Donc, la famille d'accueil nous dit : Mais il semble
que c'est une information importante. Alors, sous couvert de confidentialité,
on ne lui avait pas donné cette information.
Il peut y avoir de l'information aussi qui
vient de travailleuses sociales qui sont au courant de certains problèmes vécus
par les parents, mais que, à cause du secret professionnel, ne donnent pas
cette information. Alors, dans le rapport, nous, ce qu'on dit, c'est que
l'information doit être transmise...
Mme Laurent (Régine) : ...dans
l'intérêt de l'enfant. , c'est dans l'intérêt de l'enfant qu'on connaisse ces
informations-là, toutes les informations qui le concernent.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, merci, Mme la députée, merci, M. le ministre. Maintenant,
je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Vous disposez,
madame, de 10 min 10 s.
Mme Weil : Merci, Monsieur le
Président. Alors, on ne vous voit pas, mais on vous entend, et votre voix est
claire, et votre vision affirmative est vraiment très claire aussi. Merci
beaucoup, Mme Laurent, d'être avec nous.
Dans un premier temps, félicitations pour
ce travail colossal. Je trimballe le rapport avec moi, au besoin, et, bon, avec
des collants puis des trucs soulignés, puis à chaque fois qu'on le regarde, on
trouve une perle de plus. Et juste un commentaire. C'est sûr qu'on... Je suis
très contente des commentaires du ministre, dans le sens de vraiment vous
écouter. Il a posé les mêmes questions que j'allais vous poser, mais j'y reviendrai.
Mais on voit que le rapport a une durabilité. Donc, je voulais vous entendre
là-dessus, dans le sens que vos recommandations vont vivre dans le temps. C'est
tellement profond, et il y aura, j'ai l'impression, beaucoup...
Parce que vous mentionnez beaucoup dans
votre rapport des expériences d'ailleurs, par exemple, la question d'un
protecteur de l'enfant. Je vais commencer avec cette question-là. Donc, un
commissaire, et vous parlez d'autres provinces qui ont justement ce
commissaire. Est-ce que vous pourriez nous parler, dans un premier temps, de
cette expérience, ailleurs au Canada ou dans le monde, où, vraiment, les
résultats sont tangibles, et comment ils l'ont mis sur place essentiellement?
Mme Laurent (Régine) : Merci,
madame la députée. Effectivement, nos recommandations ont une durabilité. Le
rapport s'intitule, effectivement, Instaurer une société bienveillante pour nos
enfants et nos jeunes. Donc, pour nous, c'est tout un projet de société qui est
là, donc, qui doit s'instaurer année après année.
Je peux honnêtement vous dire qu'une des
choses que j'ai beaucoup, beaucoup appréciée, quand l'équipe de recherche a
fouillé... et la présentation des témoins concernant ce commissaire au
bien-être et aux droits de l'enfant. C'est un des pans qui m'a beaucoup
emballée, parce qu'on a su, comme vous le dites si bien, ailleurs, comment ça a
donné des résultats probants pour les enfants, et comment est-ce que susciter
la participation des enfants, c'est très, très important. Et apprendre les
enfants à... c'est l'apprentissage de la citoyenneté aussi. Et ils nous ont dit
à quel point les enfants, parce qu'on les considère comme une personne, et
qu'on leur dit : Bien, voici vos droits, voici comment l'exercer, voici...
Donc, cet apprentissage-là, ailleurs, ils nous ont dit comment ça a aidé à la
construction même et au développement de l'enfant, parce qu'il se sent
respecté, ses droits aussi.
Donc, ailleurs, ça a été vraiment de... On
a eu des témoignages, à la commission, qui me donnent encore des frissons, là.
C'était tellement intéressant sur ce que ça apporte aux enfants. Et même qu'il
y a eu des... certains témoins nous ont dit comment est-ce que ce
commissaire-là, que les enfants, sachant qu'ils ont quelqu'un juste pour eux,
que ça a même eu des effets en éducation, en santé. Donc, c'est vraiment un
projet de société. Il faut voir ce commissaire-là comme une espèce de grand
parapluie pour tous les enfants du Québec. Et c'est surtout d'agir en amont qui
est extrêmement important dans la mission du commissaire.
Mme Weil : Merci. Je dois
dire, quand j'ai lu... Et c'est vraiment votre recommandation phare, c'est
comme ça que je le décris à ceux qui sont intéressés par ce sujet,
recommandation phare qui a fait ses preuves ailleurs. Et donc, si j'ai bien
raison, il y a le côté développement de l'enfant, où on va susciter son
engagement, etc., puis il y a le côté chien de garde. C'est bien ce qu'il y a
là-dedans, il me semble, si je résume?
• (10 h 30) •
Mme Laurent (Régine) : Bien,
je ne sais pas si... Nous, on ne l'a pas vu comme chien de garde, mais c'est
surtout, et pour nous, c'était important... c'est la notion de bien-être et des
droits des enfants. Alors, dans notre rapport, c'est vraiment ce bien-être là,
donc cette surveillance du bien-être de tous les enfants. Et c'était important
de parler de, tous les enfants, agir en amont pour qu'il y ait de moins en
moins d'enfants qui se retrouvent aux...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Laurent (Régine) : ...que
sont la DPJ.
Mme Weil : Mais là, ça
m'amène... J'avais une autre question, mais on va rester là-dessus. Quand vous
dites, vous, vous ne l'avez pas vu comme un chien de garde dans le sens qu'il
peut intervenir, à un moment donné où l'enfant l'interpelle, pour dénouer un
malentendu, dénouer quelque chose. Parce que, par la force des choses, il y a
beaucoup de gens qui m'appellent avec les problèmes qu'ils ont, puis j'essaie
de m'adresser au ministre quand je peux, parce qu'au-delà de ça, c'est ce que
les députés font, on interpelle le ministre. Et donc c'est cette frustration
qu'ils ont d'une voix neutre, à l'extérieur du système, qui serait capable
d'écouter et d'amener une solution avant que les choses s'enveniment encore
plus, et des fois, c'est rendu très loin. Qu'est-ce que vous en dites, qui joue
ce rôle actuellement?
Mme Laurent (Régine) : Là-dessus,
effectivement, madame la députée, sur le fond, effectivement, le commissaire,
ce n'est pas un chien de garde, mais pour nous, c'était tellement important de
toujours parler du bien-être, alors je ne voudrais pas que ce soit ce vocable
de chien de garde qui circule. Pour nous, ce qu'on veut instaurer dans la
société, c'est la notion de bien-être et des droits des enfants. Donc, ce
commissaire, effectivement, c'est le grand chapeau qui va regarder la situation
de tous les enfants au Québec. Et vous avez raison aussi qu'un enfant ou un
adolescent, mettons, de 12, 13 ans... Et, pour nous, c'était important
dans le rapport qu'il y ait une mise en place, puis les moyens technologiques
nous le permettent aujourd'hui, que tous les enfants du Québec puissent
contacter le commissaire.
Donc, effectivement, un enfant peut
contacter le commissaire, et je pense, par exemple, à des jeunes qui sont en
centre jeunesse. Alors, pourquoi est-ce qu'ils ne pourraient pas... le
commissaire pour valider : Est-ce que, ça, c'est correct? Est-ce que, ça,
ça respecte mes droits ou non? Donc, effectivement, vous avez raison, mais
c'est juste que je souhaite ardemment que ce soit le bien-être qui soit mis de
l'avant.
Mme Weil : Je vous
entends et je vais m'assurer de faire attention aux mots qu'on utilise. C'est
sûr qu'on a tendance à utiliser ce mot «chien de garde», mais, donc, une voix,
hein, il va porter la voix de l'enfant.
Mme Laurent (Régine) : Oui.
Mme Weil : C'est comme
ça qu'on pourra le dire. La judiciarisation...
Mme Laurent (Régine) : Vous
avez tout à fait raison.
Mme Weil : D'accord.
Merci. Alors, il y a un chapitre sur la judiciarisation puis le problème des
délais, des délais en justice, il y a tout un chapitre là-dessus. C'est sûr
qu'on va... le Barreau va venir, Commission des droits de la personne. Mais
est-ce que vous avez un commentaire là-dessus? Au-delà des ressources,
évidemment, c'est comme dans tous les secteurs, actuellement, publics, c'est un
manque de ressources, et la justice, je le sais bien, il y a une lenteur
additionnelle. Comment privilégier les enfants dans ce système de justice?
Mme Laurent (Régine) : Ce
que nous avons indiqué dans notre rapport, c'est par exemple vous le savez
sûrement mieux que moi l'ensemble des députés, mais la médiation est peu
utilisée en protection de la jeunesse, et on pense que ça pourrait être
effectivement intéressant, et nous ce qu'on a proposé, c'est qu'il ait un juge
qui agisse dans ce processus de médiation, et qu'il y ait des gens formés, des
médiateurs formés en jeunesse pour agir et exercer cette médiation. Ça, ça a
donné des fruits dans... ailleurs, dans d'autres causes ou avec des adultes. On
pense qu'effectivement cette médiation pourrait accélérer les choses.
L'autre point intéressant dans la
médiation, c'est que vous le savez aussi, toutes les parties ont la parole, et
on n'est pas dans un processus de... on n'est pas un processus contradictoire.
Autant des parents que des jeunes ont déploré ce processus contradictoire qui
se passe en cour. Donc, c'est la médiation que nous avons mis de l'avant pour
vraiment que ce soit... qu'il y ait une promotion de cette médiation pour que
ce soit moins long, moins pénible pour... autant pour les jeunes que pour les
parents. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Mme Weil : Oui, je
l'avais vu. Je voulais vous entendre là-dessus parce que la médiation, oui, en
effet, vous l'aviez dit, ce n'est pas assez utilisé. Mais avec les stratégies
que vous proposez, c'est bien parce que le Barreau, on entendra le Barreau, je
pense que c'est bien aujourd'hui, donc on pourra parler de ces questions. Puis
ensuite, il y a l'avocat, dorénavant il y aura un avocat pour chaque enfant.
Donc, tous ces gens peuvent travailler ensemble pour encourager la médiation.
Moi aussi, j'étais surprise, déçue de ne
pas voir vraiment un plan de match annoncé dans... et une obligation pour les
18 ans et plus. Je comprends. Ils sont à l'extérieur de...
Mme Weil : ...du
périmètre de la justice, mais d'autres d'autres expériences ailleurs dans le
monde, d'ailleurs, la Californie serait le modèle, apparemment, en matière
de... Donc, les gens sortent de la protection de la jeunesse et ça continue
après, donc, c'est dans leurs lois, ils assurent une continuité. Je voulais
vous entendre là-dessus parce que des expériences qu'on a pu regarder, même, je
pense que certaines provinces aussi, mais les expériences que vous avez vues
ailleurs et les résultats, il y a une étude qui dit que...
Le Président (M. Provençal)
: Madame la députée, je m'excuse de vous interrompre, mais
votre temps est vraiment...
Mme Weil : Une minute?
Le Président (M. Provençal)
:Non, il ne reste plus de temps,
malheureusement.
Mme Weil : D'accord,
mais je pense qu'on est sur la même page sur cette question.
Le Président (M. Provençal)
: Assurément.
Une voix : Tout à fait.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Je m'excuse, mais je dois gérer le temps. Je vais
maintenant céder la parole au député de la deuxième opposition, député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui, merci,
monsieur le président. Est-ce qu'on pourrait, les deuxième et troisième
oppositions, avoir le temps de la personne qui représente... le membre de la
commission qui n'est pas là, avec le consentement des autres?
Le Président (M. Provençal)
: ...le consentement. Consentement? Oui. Alors à ce
moment-là, vous aurez droit à 3 minutes 47 secondes.
M. Zanetti : Ah!
parfait.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous cède la parole.
M. Zanetti : Merci.
Merci beaucoup, Mme Laurent, pour cette présentation, puis tout ce que...
tout le travail extrêmement important que vous avez accompli. Dans votre
présentation tout à l'heure, vous avez dit quelque chose, puis j'aimerais avoir
des détails par rapport à ça, c'est à dire, vous disiez que dans le
préambule... j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas pleinement satisfaite de
la façon dont la primauté de l'intérêt de l'enfant a été exprimée là. Vous
sembliez dire que ça pourrait être plus clair, que ça pourrait être plus
marqué. Est-ce que j'ai bien compris, puis si oui, comment... est-ce que vous
avez une proposition de formulation, ou comment vous verriez un raffermissement
de cet élément-là, important?
Mme Laurent (Régine) :
Oui. Merci, M. le député. L'intérêt de l'enfant, c'est vraiment au cœur des
travaux de la commission. Et quand on voit, autant dans les considérants que
dans les propositions dans certains articles, on voit : doit être une
considération primordiale. Et ce qui me questionne, c'est que quand on lit ça,
ça veut dire que c'est une considération parmi d'autres. Ce n'est pas du tout
l'esprit dans lequel nous avons travaillé. Pour nous, l'intérêt de l'enfant
doit être la considération. À la limite, je dirais même là, ça doit être la
seule considération. Mais ça ne s'écrit pas, je comprends, dans un projet de
loi. Mais elle... ça doit être clair et je vous l'ai dit en présentation,
l'intérêt de l'enfant, là, oui, ça veut dire que l'intérêt des parents risque
de passer en second plan. C'est ça l'intérêt de l'enfant. L'intérêt de
l'enfant, c'est accepter ce nouveau paradigme là. Ça veut dire beaucoup de choses,
ça bouscule, mais à mon avis, ce n'est absolument pas le mien seulement, l'avis
de la Commission, c'est absolument nécessaire. On ne touche pas souvent à la
Loi sur la protection de la jeunesse. Et pour moi, c'est majeur que ce soit
extrêmement clair que l'intérêt de l'enfant, c'est la... seulement, la
préoccupation primordiale. Alors c'est dans ce sens-là que j'avais demandé que
ce soit plus affirmatif, cette partie-là.
M. Zanetti : Je
comprends très bien. Merci, c'est très, très aidant. Une autre question. Vous
mentionniez que l'idéal serait, pour les nations autochtones, qu'elles puissent
être à la fois financées et accompagnées pour créer leur propre système de DPJ,
de protection de la jeunesse. Est-ce que, dans les témoignages que vous avez recueillis,
les souhaits étaient exprimés, disons, précisément dans le fait d'avoir un
système pour l'ensemble des nations autochtones, ou un par nations autochtones,
ou un mélange des deux, c'est-à-dire des directions, des systèmes qui
pourraient regrouper plusieurs nations puis d'autres qui pourraient être
individuels, ou... Comment ça c'est... les souhaits se sont manifestés lors de
vos... bien, de la Commission.
• (10 h 40) •
Mme Laurent (Régine) :
Alors, ce qui était clair, monsieur le député, c'est que les différentes
nations qui sont venues à la commission ont toutes dit : On est capable de
prendre soin de nos enfants, on les aime, nos enfants. Ils nous ont aussi
dit : Vous devez être capable de respecter le temps et le choix des
différentes communautés. Ils nous ont dit, je traduis, là, c'est qu'il y a des
communautés qui vont vouloir entamer rapidement ce processus pour avoir leur
propre façon de prendre... des enfants. Peut-être ça va être une loi...
Mme Laurent (Régine) : ...ça
peut être autre chose, mais vous devez respecter les besoins et les choix des
différentes communautés. Je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu des demandes
claires que plusieurs communautés ensemble puissent avoir le même règlement, la
même loi, mais c'est possible, M. le député.
M. Zanetti : Je vous remercie
beaucoup. C'est très apprécié.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, monsieur le député. Je cède
maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de trois minutes
47 secondes.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, madame Laurent. Merci
beaucoup d'avoir gouverné ces travaux-là avec beaucoup d'attention. C'est-u
correct? Ça va-tu?
Mme Laurent (Régine) : Oui,
désolée.
M. Ouellet : O.K.
Mme Laurent (Régine) : C'est
chez moi.
M. Ouellet : Vous pouvez
prendre l'appel. Il n'y a pas de problème.
Mme Laurent (Régine) : Ça va
s'arrêter. Non, non, ça va s'arrêter.
M. Ouellet : Donc, ce que je
disais, Mme Laurent, merci beaucoup pour le travail. Puis j'aimerais vous
emmener sur deux pistes que j'aimerais des clarifications de votre part. Dans
le rapport de votre commission, vous faites référence d'une des recommandations
qui nous amène à déclarer qu'un seul parent peut consentir aux soins et
services pour son enfant suivi en protection de la jeunesse. J'aimerais que
vous nous exposez pourquoi on devrait aller de l'avant, parce que le projet de
loi est muet sur cette variable-là et j'aimerais savoir pourquoi on devrait aller
de l'avant.
Mme Laurent (Régine) : Vous
avez raison, monsieur le député. Le projet de loi est muet là-dessus, mais pour
nous, c'est important. Je vous donne un exemple très concret qui est frappant,
un enfant qui a été abusé par son père, disons, et la maman voudrait bien que
l'enfant soit suivi par un professionnel de la santé et le père refuse. Alors
l'enfant, qui a grandement besoin de ces soins-là, n'y a pas droit. Alors c'est
pour ça qu'on dit qu'un seul parent peut consentir aux soins et services. Je
vous donne l'exemple qu'on nous a donné en audience. C'est que si aujourd'hui
vous amenez votre enfant chez le dentiste, le dentiste ne vous demande pas le
consentement, est-ce que l'autre parent est consentant? Alors pourquoi est-ce
que des enfants qui sont en besoin de protection, qui ont encore plus besoin
d'avoir ces soins-là et ces services, bien, qu'un des deux parents puisse
l'empêcher d'avoir droit à ces soins et ces services? Alors, pour nous, c'était
important qu'un seul parent puisse consentir. On parle de soins, là. Alors
c'est important que l'enfant qui a besoin de soins, un des deux parents puisse
consentir à ces soins et à ces services.
M. Ouellet : Et, Mme Laurent,
vous ne faites pas une distinction si la personne fautive a été déclarée
coupable ou pas, là. C'est-à-dire qu'il y a eu une constatation d'un
traumatisme vécu chez l'enfant, qu'il soit été jugé ou non, ce n'est pas
important. Ce qui est important, c'est le bien être de l'enfant et est-ce qu'on
pourrait effectivement permettre à un seul parent de donner une autorisation
pour apporter des soins, c'est ce que vous nous dites, là.
Mme Laurent (Régine) : Vous
avez tout à fait raison, M. le député. L'idée, ce n'est pas qu'est-ce qui
arrive au parent, c'est l'intérêt de l'enfant. C'est lui qui est au milieu de
ce cercle-là et qui a besoin de bienveillance. Et si cet enfant là, au milieu
du cercle, a besoin de soins ou de services, bien, il faut les lui donner, puis
arrêter de demander : Bien, c'est quoi qu'il arrive avec le parent? C'est quoi
qu'il arrive avec l'autre parent? Non. Il faut donner les soins et les services
dont l'enfant a besoin.
M. Ouellet : Dans votre
rapport, au chapitre 12, vous voulez reconnaître les impacts des conflits
familiaux et de la violence conjugale sur les enfants. Quelles dispositions ou
quelles choses on devrait adopter dans le projet de loi pour être en accord
avec cette volonté que les impacts... qu'il y a des impacts des conflits
familiaux et de la violence conjugale sur le bien être des enfants?
Mme Laurent (Régine) : Oui.
Je vais vous donner ma réponse en deux volets. Peut-être qu'il y a des choses
qui ne sont pas dans le projet de loi spécifique, le p.l. 15, mais, pour nous,
c'était important et c'est... Il y a quelque chose dans le projet de loi. Le
fait qu'on puisse avoir accès aux informations en matière familiale qui sont
sous d'autres juridictions, c'est important parce qu'on a eu des exemples où il
y a eu de la violence conjugale et on ne peut pas en parler. On n'a pas les
dossiers en matière familiale. Donc, ça causait un préjudice. Et par exemple,
la mère qui ne pouvait pas faire... qui disait : Bien, voyons, il est violent,
il est violent. Mais bon. Alors vous voyez le problème que ça pose pour les
enfants. Et c'était important aussi de faire reconnaître ça parce qu'il y avait
tout un imbroglio qu'on a compris, comment est-ce qu'on parle de violence
conjugale et que souvent, on parle de conflit sévère de séparation. Alors, les
mères...
Mme Laurent (Régine) : ...Avait
sur elle tout le fardeau de démontrer que c'est la violence conjugale, et non
pas que ce soit traité par les intervenantes comme un conflit sévère de
séparation qui oblige et la mère et les enfants à avoir des contacts qu'ils ne
souhaitent pas avec quelqu'un qui a été... Qui est violent.
Donc, pour nous, ce volet là, familial,
c'était effectivement important pour les mères, mais surtout pour les enfants.
Il y a des enfants qui nous ont dit : Moi, je ne voulais pas le voir, mon
père, mais on m'obligeait à y aller, je savais, j'ai vécu comment il avait été
violent. Donc, il faut reconnaître que oui, la violence, c'est envers la mère,
parfois envers les enfants, mais que quand il y a une violence dans la famille,
dans le milieu, bien, les enfants, il y a des impacts et il faut en tenir
compte dans la prise de décision pour aider l'enfant.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Laurent, pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin qu'on puisse accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 52)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et
des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la
période d'échange. Alors, je vous invite à vous présenter et je vous cède la
parole.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Monsieur
le Président, Monsieur le Ministre, Mesdames et messieurs les députés, mon nom
est Pierre-Paul Malenfant. Je suis travailleur social et président de l'Ordre
des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.
Je suis accompagné aujourd'hui de madame Marie-Lyne Roc, qui est travailleuse
sociale et directrice des affaires professionnelles à l'ordre.
Tout d'abord, au nom de l'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, je
tiens à remercier la Commission pour cette invitation à se prononcer sur le
projet de loi 15 révisant la Loi de la protection de la jeunesse. L'Ordre
a pour mission de soutenir, d'encadrer et de surveiller l'exercice
professionnel de ses 15 000 membres, dont près du tiers travaillent
auprès des jeunes et des familles. D'emblée, nous croyons important de rappeler
que bien que le projet de loi à l'étude aujourd'hui réponde à certaines
recommandations phares du rapport de la commission Laurent, bien d'autres
actions concrètes devront être mises en place pour changer les choses en
protection de la jeunesse au Québec. En ce sens, nous n'insisterons jamais
assez sur l'importance de ne pas voir ce projet de loi comme l'unique réponse
aux drames que nous avons vus dans les dernières années, mais bien comme un des
changements à faire.
Cela étant dit, l'ordre accueille
favorablement le projet de loi 15 et souscrit aux grands principes qu'il
guide, soit la primauté de l'intérêt de l'enfant. En effet, bien que figurant
déjà dans la loi depuis environ 40 ans, l'intérêt de l'enfant est
clairement réaffirmé et fait l'objet de précisions dans le projet de loi.
Notons par exemple à l'article 6 qui affirme la préséance de la stabilité
des liens et de la continuité des soins plutôt que le maintien à tout prix dans
le milieu familial d'origine. Une clarification que nous accueillons
favorablement puisque cela s'inscrit en phase avec les connaissances concernant
les liens d'attachement sur le développement des enfants. Si les précisions
apportées sur la notion d'intérêt de l'enfant semblent assez claires, tel que
libellé, il serait impératif de s'assurer que les différents intervenants
gravitant autour des enfants, comme les travailleurs sociaux, les avocats, les
juges, en développent une interprétation commune. En ce sen, le développement
de stratégies par les milieux de pratique eux-mêmes semble une voie
intéressante. D'autres moyens, tels que la formation continue ou la création de
guides, de normes, contribueront aussi à s'assurer que les décisions qui sont
prises respectent les visées de la loi.
L'ordre constate aussi que le projet de
loi 15 révise certaines règles concernant la confidentialité et le partage
de renseignements. Nous accueillons favorablement ce changement dans la
perspective où ceux-ci faciliteront l'accès à des informations nécessaires afin
de permettre aux intervenants de prendre des décisions éclairées. Néanmoins,
bien que cette révision soit déjà accompagnée de certaines conditions particulières,
l'ordre recommande de mettre en place des mécanismes de vigilance afin de
s'assurer que le partage d'informations se fonde sur les meilleures pratiques
en matière de respect de la vie privée des individus et évite de leur porter
préjudice tout en priorisant d'abord l'intérêt de l'enfant.
Toujours dans cette perspective d'assurer
le meilleur intérêt de l'enfant, l'ordre est préoccupé par le déclin constant
depuis plusieurs années, du recours aux mesures volontaires et par
l'augmentation du nombre de dossiers judiciarisés. Comme vous le savez, le
processus judiciaire occasionne non seulement du stress et de l'incertitude,
mais aussi des délais qui retardent ou limitent le déploiement des services
nécessaires afin d'assurer le bien être des enfants et de mettre fin aux
situations de compromission. L'Ordre reçoit donc positivement toute disposition
pouvant limiter le recours au tribunal ou simplifier le processus judiciaire.
Nous saluons particulièrement la possibilité de prolonger d'un an les régimes volontaires
ainsi que l'assouplissement des règles quant au projet d'entente volontaire et
au règlement à l'amiable qui permettront notamment de prendre une décision avec
un seul parent.
Cependant, dans un contexte de pénurie de
personnel et de surcharge des intervenants, l'Ordre s'inquiète des
répercussions de l'article 48 sur la qualité des rapports d'expertise qui,
dorénavant, devront être déposés plus tôt au tribunal. Par ailleurs, l'ordre
est favorable aux nouveautés favorisant dans le projet de loi... visant à
faciliter ou améliorer le parcours des jeunes lors de passages en protection de
la jeunesse et même après. Nous le savons, la période de transition vers la vie
adulte présente son lot de défis, particulièrement pour les jeunes recevant des
services de la protection de la jeunesse. Et tout soutien supplémentaire lors
de ce passage ne peut être que positif. En ce sens, l'ordre voit...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...d'un bon oeil la possibilité de prolongation des séjours dans un milieu de
vie lorsque cela est souhaité par le jeune. Question de favoriser une
transition réussie, l'Ordre tient ici à réitérer une recommandation importante
formulée par la commission Laurent, soit la mise en place d'un programme de
postplacement pouvant aller jusqu'à l'âge de 25 ans. Ce programme devrait
compter des mesures visant à agir notamment sur les déterminants sociaux de la
santé et du bien-être tels que la scolarisation, l'accès à un logement et un
revenu adéquat pour ne nommer que ceux-là.
L'ordre tient également à saluer
l'augmentation du délai de conservation des dossiers tel que proposé à
l'article 23 du projet de loi. Ces changements, qui cherchent à permettre
aux jeunes ayant reçu, au cours de leur vie, des services de la protection de
la jeunesse d'avoir accès à leur histoire et leur parcours à un moment qui leur
conviendra, s'inscrivent en phase avec les témoignages entendus à la commission
Laurent. Il est également judicieux de prévoir de l'accompagnement psychosocial
pour ces jeunes de 14 ans et plus qui souhaiteraient accéder à leur
dossier vu la nature délicate des informations qui peuvent y figurer. Il serait
important que les ressources nécessaires soient en place pour assurer un
soutien professionnel adéquat à ces jeunes.
Par ailleurs, sur les questions de
gouvernance, l'ordre tient à saluer la création de la fonction de directeur
national de la protection de la jeunesse ainsi que la création d'un forum des
directeurs. Bien que l'ordre encourage le développement et l'harmonisation des
pratiques cliniques au sein de la protection de la jeunesse, il estime
important que ces nouvelles instances tiennent compte des réalités singulières
de chaque région. Qu'on pense ici aux différences qu'on peut avoir, par
exemple, dans le centre-ville de Montréal, dans l'ouest de la ville... de l'île
de Montréal, sur la Basse-Côte-Nord, par exemple, aux Îles de la Madeleine.
Alors, il y a des particularités de ces protections de la jeunesse là, donc
d'en tenir compte.
L'ordre considère également que le
développement des orientations et des normes de pratiques cliniques applicables
à la DPJ devrait également se faire en étroite collaboration avec les autres
professionnels dont la mission est de surveiller et d'encadrer la pratique
professionnelle de leurs membres.
L'Ordre propose aussi que le rôle du
directeur national de la protection de la jeunesse s'inscrive dans une logique
de gouvernance propre aux réalités des services sociaux. En effet, en accord
avec le chapitre 14 du rapport de la Commission Laurent, l'ordre estime
nécessaire d'instaurer dans chacun des établissements du réseau de la santé et
des services sociaux une direction de professionnels des services sociaux. Cela
permettrait notamment d'assurer un leadership transversal des services sociaux,
favorisant ainsi une cohérence et une continuité entre la DPJ avec les
programmes jeunesse, avec les autres programmes services, que l'on pense ici
aux services sociaux généraux, aux services en santé mentale, en dépendance, en
déficience intellectuelle et au trouble du spectre de l'autisme et/ou en
déficience physique. Cette gouvernance devra évidemment s'inscrire dans une
offre de services locaux décentralisés en arrimage avec le milieu
communautaire.
Enfin, bien que le législateur dédie un
chapitre entier aux peuples autochtones dans le projet de loi, force est de
constater que celui-ci ne répond pas à leurs revendications historiques en
faisant abstraction à des conclusions de la commission... je vous parle de la
Commission vérité et conciliation, la commission Viens, la commission Laurent,
qui misent toutes, sans ambiguïté, sur l'autodétermination des communautés en
matière de protection de l'enfance, s'ajoutant à cela l'adoption de la
loi C-92, qui reconnaît la compétence des peuples autochtones en matière de
services à l'enfance et à la famille. L'Ordre estime que le législateur rate
ici une occasion de faire un pas important vers la reconnaissance de la
compétence des peuples autochtones pour assurer le développement et la sécurité
de leurs enfants. Nous invitons, en ce sens, les parlementaires à être à
l'écoute des représentants et des organisations autochtones qui se présenteront
devant vous.
• (11 heures) •
En conclusion, bien que ce ne soit pas
l'objet direct du projet de loi, l'ordre ne pouvait se présenter aujourd'hui
devant vous sans rappeler l'importance de s'attaquer aux conditions de pratique
à la DPJ que nous jugeons actuellement périlleuses et à haut risque de
préjudices pour les enfants et les familles. Afin de freiner l'exode du
personnel expérimenté à la DPJ et de favoriser le recrutement et la rétention
des intervenantes, l'Ordre estime que le gouvernement doit tout mettre en
oeuvre pour favoriser des milieux de travail sécuritaires et stimulants qui
offrent notamment du soutien, de la formation et du mentorat. Si nous
souhaitons vraiment mettre les enfants au cœur de notre priorité comme société,
nous devons également miser sur la prévention et le développement de réels
services de proximité, c'est-à-dire des services de première ligne situés dans
les quartiers, dans les régions, proches des citoyens, qui favorisent le
développement d'une relation de confiance avec les populations locales et qui
permettent de rejoindre les familles des enfants plus vulnérables afin d'éviter
qu'ils se retrouvent à la DPJ. Nous devons aussi agir collectivement sur les
déterminants sociaux de la santé et du bien-être comme la pauvreté et les
inégalités sociales. Nous avons tous un rôle à jouer pour que les enfants
puissent se développer et s'épanouir dans les meilleures conditions.
Enfin, au nom de l'ordre, je souhaite
réitérer notre volonté de...
11 h (version non révisée)
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...Collaborer
aux différents travaux qui viseront à mettre en place les mesures nécessaires
pour réellement changer la donne en protection de la jeunesse et éviter que les
situations hautement préjudiciables pour les enfants et les familles... Je vous
remercie de votre attention et nous sommes prêts à recevoir vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous allons débuter cette période d'échange avec monsieur le ministre. Alors,
je vous cède la parole, monsieur le ministre.
M. Carmant : Oui. Merci,
monsieur le président. Merci beaucoup pour votre témoignage, merci d'être là.
Vous vous êtes déplacés aujourd'hui, très heureux de vous voir. Bien, en
premier lieu, je pense que c'est important pour moi de vous rassurer que le
projet de loi est un élément clé des changements qu'on veut faire au niveau de
la protection de la jeunesse, mais également travaille sur un plan de match en
trois phases où plusieurs changements ont déjà été amorcés pour améliorer les services
en amont, améliorer les services de première ligne et, justement, faire que les
soins... La protection de la jeunesse devienne les soins intensifs des services
sociaux et non plus la salle d'urgence, comme c'est trop souvent le cas
actuellement.
Dans votre rapport, vous parlez d'un rôle
d'acteur de premier plan de l'État dans la protection de la jeunesse. Pouvez-vous
m'expliquer un peu plus ce que vous entendiez par ça?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
C'est dans le sens que, vous comprenez, le Québec, en 1977, s'est doté de la
loi 24, une loi qui était à l'avant-garde et qui était reconnue
internationalement comme une façon dont l'État pouvait protéger les enfants. Et
on pense que ce rôle-là doit être maintenu, voire même développé. Donc, je
pense que c'est la responsabilité de tous les citoyens, des familles, des
parents, des communautés, de l'animateur de loisirs ou du professeur, des
professionnels qui gravitent autour des enfants tout au long de leur vie. Et,
bien entendu, tout ça dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse
mais également dans l'ensemble des recommandations qui ont été faites à la
commission Laurent.
J'ai avec moi ici, là, ce que vous avez
rendu public, le projet de loi. Il y a là beaucoup d'éléments très intéressants.
L'an passé, lorsque la commission Laurent a remis son rapport, j'avais fait une
déclaration à l'effet : est-ce qu'il ne serait pas intéressant d'avoir une
loi-cadre? Parce que tout est dans le rapport de la commission Laurent. C'est
556 pages, c'est des heures d'auditions. Il y a à peu près tout le monde
au Québec qui étaient concernés qui ont témoigné. Et il y a là tous les
ingrédients pour faire en sorte qu'on puisse protéger et assurer le bien être
des enfants, pas juste à la protection de la jeunesse mais dans l'ensemble des
services du réseau de la santé et partout dans la société.
M. Carmant : Et on
travaille tous pour être une société bienveillante, comme vous dites. Ensuite,
on parlait surtout de... Vous disiez qu'il y avait un intérêt également pour
l'interprétation du principe de primauté de l'enfant. Vous avez même mentionné
une certaine inquiétude quant à son interprétation, qu'elle soit variable d'un
endroit à l'autre ou d'un individu ou d'un intervenant à l'autre. Quel serait
l'outil pour s'assurer qu'il y ait uniformité dans l'interprétation de ce
principe? Est-ce que ce qu'on a déjà sur pied, là, les tables de justice,
protection de la jeunesse ou d'autres tables qu'on veut mettre sur pied, là, au
niveau des forums des DPJ, est ce que vous avez réfléchi à quel serait le
meilleur moyen de s'assurer qu'il y ait une harmonisation dans la compréhension
du concept?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Ça, peut être Mme Roc... préciser.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Oui.
En fait, on en a discuté et, effectivement, il y a plusieurs avenues possibles.
Le but, c'est que les gens puissent vraiment développer une façon commune et
partagée à travers des ateliers, mais pas seulement sur la loi mais qu'est ce
qu'on entend par l'intérêt de l'enfant. Par exemple, dans des situations d'abus
sexuels, qu'est ce que ça a comme impact en termes... Sur l'intérêt de
l'enfant. Alors, c'est ces éléments là qui font en sorte que quand les
différents partenaires puissent en discuter, aussi, vérifier leur
compréhension, bien, c'est ces éléments-là qui vont arriver, puis aussi avec la
jurisprudence, bien évidemment, à nous amener à avoir une compréhension commune
et partagée. Parce que c'est sûr que le projet de loi a certains leviers mais
c'est vraiment dans l'application et dans la pratique qu'on voit qu'il y a plus
de difficultés. Donc, ça va prendre des forums communs...
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...entre
les différents partenaires. Donc, ce n'est pas juste l'affaire de la DPJ, c'est
tous les acteurs concernés parce qu'en faveur de l'intérêt de l'enfant, bien,
en fin de compte, est ce que je peux donner telle information? Est-ce que je
devrais intervenir de telle façon? C'est ce qu'on voulait préciser dans le
rapport.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Pour compléter, dans le sens que, vous savez, il y a beaucoup de chercheurs
qui se penchent sur ces questions-là, que ce soit au Québec ou à
l'international enfin, et je pense qu'il y a des... là, je dirais, il y a des
consensus qui s'établissent, et en tant qu'ordre, de notre côté enfin, on
recommande également afin d'établir des normes. Vous savez, un ordre
professionnel vise la protection du public afin, hein, à surveiller, à un
moment donné, la pratique de nos membres, enfin. Mais lorsqu'on produit des
guides ou des normes, enfin, c'est très important que tout ça soit fait, enfin,
en collaboration avec l'ensemble, enfin, des gens qui sont impliqués au premier
niveau, là.
M. Carmant : Et est-ce
que ces forums existent? Il faut les créer.
Mme Roc (Marie-Lyne) :
Il faut les créer effectivement, et de façon, je vous dirais aussi, régulière.
Donc est-ce que ça serait des forums sur une base donc statutaire aussi ou
annuellement, avec des sujets précis qui font en sorte que les différents
points de vue peuvent être un petit peu à être mis à concurrence, là?
M. Carmant : D'accord.
Ensuite, une autre chose qui m'a interpellé, c'était vous parliez de mécanismes
de vigilance afin que le partage d'informations se fasse de façon adéquate.
Comment instaurer ce mécanisme de vigilance là? Et le fait de partager
l'information entre professionnels, n'est-ce pas quelque chose de suffisant ou
de requis, selon vous?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Il existe déjà des mécanismes...
M. Carmant : Comment ça
peut déraper? C'est ça que j'essaie de comprendre.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Il y a déjà des mécanismes qui existent. Maintenant, il faut toujours...
Écoutez, j'ai été pendant 25 ans en CLSC. Enfin, j'ai fait plusieurs
programmes, dont jeunesse, et tout ça enfin, et régulièrement lorsqu'on était
appelé par la DPJ concernant une situation, est ce que je peux... Je peux-tu
donner de l'information ou pas en donner enfin. Alors, on est toujours hésitant
par rapport à ça. Et on pense qu'il y a une volonté chez le législateur
d'ouvrir. À mon avis, il ne doit pas y avoir aucune restriction empêchant,
enfin, l'échange d'informations lorsqu'un enfant est en danger, enfin. Vous
savez, la loi P-38, hein, concernant les personnes est un danger pour
elles-mêmes ou pour autrui, enfin, fait en sorte qu'il n'y en a pas de
barrière. Maintenant, quand on est là à la protection de la jeunesse, on doit
un petit peu y aller dans ce sens-là. Je ne pense pas, moi, car aucun enfant
qui est maltraité, négligé, abusé, enfin, qui doit doit être considéré sous
l'angle de dire : Bien, je ne peux pas en parler, a vu le conseil... le
secret professionnel. Alors, on pense qu'il y a une culture à installer, à
peaufiner, là, par rapport à ça pour éviter la rigidité, enfin, là parce qu'on
parle du bien être et de la sécurité des enfants.
• (11 h 10) •
M. Carmant : Et alors on
est vraiment au même endroit, mais j'avais l'impression dans votre discours que
vous aviez quand même une certaine inquiétude sur ce que ce phénomène dérape,
là, entre guillemets, là. Moi, je pense que l'information doit absolument être
partagée, non? Mme Laurent nous parle d'une famille d'accueil qui reçoit
un enfant, c'est primordial qu'elle ait l'information par rapport à son... en
son nom.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
effectivement, vous le savez et nous, les ordres professionnels, on est
toujours dans ces questions de secret professionnel, de levée du secret
professionnel, de confidentialité. En fait, c'est vraiment l'exercice du
jugement, puis du jugement professionnel, puis ça, c'est au cœur des décisions.
En fait, il faut être capable de discriminer qu'est ce qui est nécessaire et
pertinent de divulguer, et ça, ça demande vraiment en fait de la formation. Et
quand on vous parlait tout à l'heure de viser l'intérêt de l'enfant, puis de
viser aussi son bien être, je dois être capable de savoir qui est mon
interlocuteur et qu'est-ce qu'il a besoin comme information pour pouvoir agir
dans le sens du meilleur intérêt d'un enfant, et ça, ça demande finalement des
balises. Donc, les balises viennent avec de la formation, de la formation
continue, des cadres de référence, des ateliers de... pour aussi... de
supervision. Il y a toutes sortes de formes. Donc nous, on parle d'un mécanisme
de vigilance. Ça, ce sont des...
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...vraiment
des éléments pour s'assurer que ça soit fait, mais de façon pour ne pas nuire,
parce qu'on peut nuire en donnant de l'information aussi.
M. Carmant : Non, je vous
entends, puis j'entends souvent le mot formation. Un autre point intéressant,
bien, en fait, que j'aimerais discuter avec vous, c'est... vous avez parlé
du... que pour les intervenantes, le prolongement du délai, là, avant de passer
en cour pour le dépôt des rapports pourrait être un enjeu. Nous, la législature,
nous a mentionné que souvent ou la majorité des décisions prises sont
reportées, justement à cause du court délai. Comment arriver à un équilibre,
là, entre informer les avocats, le juge de la position qu'on va avoir dans le
dossier et versus donner du temps à nos intervenantes? Je suis d'accord avec,
elles sont déjà très, très occupées, pour ne pas dire débordées. Comment on
arrive à cet équilibre-là, là?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bon,
je ne sais pas aujourd'hui, là, quelle est ce qu'on appelle dans notre jargon
la charge de cas, là, combien... l'intervenant, l'évaluation orientation à la
protection de la jeunesse a de familles à s'occuper. Puis, quand on parle de
dossiers, là, il y a peut-être un enfant signalé, mais peut-être un autre enfant
de la famille, puis il y a deux parents, puis il y a bien du monde. Alors c'est
très complexe, c'est très délicat, hein? Vous comprenez pour les professionnels
comme les travailleurs sociaux d'aller à la cour faire des recommandations
devant un juge, devant les parties, ça peut avoir des impacts très, très
importants. Donc, c'est très délicat. Il faut donner le temps aux
professionnels afin de bien comprendre une situation. Vous savez, nous, la base
de notre profession, c'est l'évaluation du fonctionnement social d'une personne
dans son environnement, hein, son fonctionnement conjugal, son fonctionnement
dans son entourage, son fonctionnement avec ses parents, avec ses enfants, avec
son conjoint, mais de tout documenter ces éléments-là, ça demande du temps et
c'est souvent très difficile à réaliser. Et si on demande un délai plus rapide,
à ce moment-là, on est inquiet à savoir si les rapports ne seront pas d'une
moindre qualité. Alors là-dessus, moi, je pense qu'il faut augmenter les
ressources. Prenez des jeunes intervenants qui sortent de l'université, qui se
retrouvent à un moment donné à travailler à la protection de la jeunesse, ils
ont tout un accompagnement. Il y a du coaching et tout ça, mais avant d'arriver
à être, je dirais agile, d'être vraiment bon pour produire un rapport
pertinent... puis, vous comprenez qu'il y a l'autre partie aussi qui va va dire
des choses. Donc, c'est un travail qui est très difficile et on pense, là,
qu'il faut faire en sorte qu'on ait plus d'intervenants qui pourront prendre
plus de temps pour la faire.
M. Carmant : D'accord.
Peut-être une dernière question avant de passer la parole. Sur la gestion avec
les partenaires des Premières Nations, pour nous, c'est difficile de voir
comment on peut ne pas avoir d'entente nation à nation quand on doit prévoir
qu'on va devoir gérer des enfants, par exemple, qui habitent avec leur famille
hors territoire, des enfants de... ou de mariages internations. Donc, ça nous
prend quand même une entente, je crois, nation à nation pour pouvoir gérer ces
cas-là. Vous, est-ce que vous voyez... parce que je vous ai entendu, là, à
propos de donner plus de place. Je pense, dans le rapport, on dit clairement,
là, que les Premières Nations sont les mieux placées pour gérer leurs enfants. Mais
je pense qu'il faut quand même avoir une certaine entente entre la nation
québécoise et les Premières Nations sur notre territoire... sur le territoire.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...prend
l'exemple des Attikameks, qui quand même, depuis une quinzaine d'années,
travaillent de ce côté-là en vertu de l'article, je pense, 37.5. Ils sont
arrivés à une entente, donc ils développent leur autonomie. Mais il y a
aussi... j'ai pris connaissance récemment, là, du projet de loi, là, du Conseil
attikamek d'Opitciwan. À un moment donné, c'est très, très intéressant afin de
voir la façon dont tout est organisé dans leurs communautés pour assurer la
protection des enfants. Nous, on vous invite vraiment à écouter ce que les
Premières Nations ont à dire. On a été pendant des siècles dans une approche
auprès des autochtones, des Premières Nations et des Inuits, à un moment donné,
à l'effet qu'ils n'étaient pas capables et qu'on doit les mettre dans des
réserves, hein, qu'ils ne sont pas capables. Je pense que nous, on doit ouvrir
maintenant. Puis, quand on regarde le mouvement international, le désir des
communautés autochtones de se prendre en charge, je pense qu'on doit...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...ouvrir la voie, vraiment, pour faire en sorte que les communautés
autochtones puissent, par elles-mêmes, assurer la protection de leurs enfants.
Les éléments qu'il y a dans le projet de loi sont peut-être, je dirais, une
transition et peut-être le moment qui permettrait, à un moment donné,
d'accompagner, en vertu de 37.5, en vertu de ce qu'il y a dans le
chapitre 5 du projet de loi, de les accompagner. Maintenant, on pense que
les communautés autochtones, ce n'est pas dans cette perspective-là qu'ils
doivent s'inscrire. Ils demandent de s'inscrire, vraiment, dans
l'autodétermination. Et, de notre côté, on est d'accord avec cette
perspective-là.
M. Carmant : Est-ce
qu'il reste du temps?
Le Président (M. Provençal)
: Non, M. le ministre.
M. Carmant : Non.
Désolé. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, avant de céder la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, je voudrais faire un petit rappel au niveau des sonneries
des appareils électroniques, parce qu'on a quelques sons qui arrivent, là,
pendant que les gens s'expriment. Alors, par respect pour les gens qui
discutent. Merci beaucoup. Alors, madame la députée de Notre-Dame-de-Grâce, je
vous cède la parole.
Mme Weil : Bonjour.
Merci beaucoup de venir en présentiel, aussi. Ce n'est pas tout le monde qui a
l'occasion de le faire, alors merci de votre présence. Votre perspective est
vraiment intéressante, vous avez parlé d'une loi-cadre. Et c'est drôle parce
que, quand on regarde ce rapport et la richesse de ce rapport, on se dit :
Mais il faut absolument que... Je parlais avec Mme Laurent de l'avis de ce
rapport et que ce rapport est durable. Mais, pour l'implanter, c'est tout un
travail. Donc, ce que vous dites... Et parce que ça peut toucher plusieurs
ministères, premièrement, et aussi la première ligne. Donc, c'est ça que vous
entendez. Donc, comment nouer tous ces liens, faire en sorte que tout le monde
travaille ensemble dans l'intérêt de l'enfant, par la formation, la
communication, le travail ensemble, et tout ça? Donc, c'est un travail
colossal.
Dans le projet de loi, voyez-vous des
endroits où on peut, par rapport à vos recommandations, notamment, ancrer dans
le projet de loi... Parce que le projet de loi est devant nous, on a ça, pour
l'instant, on a cet outil important. Est-ce que vous avez des... Parce que vos
recommandations, certaines, oui, ça touche le projet de loi, d'autres vont plus
large. Alors, c'est une question peut-être un peu technique par rapport à la
législation, mais on peut tout faire en législation. Quelles seraient vos
priorités?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Dans le sens que, comme on le dit au début, on considère qu'il s'agit d'un
bon projet de loi. On comprend que c'est un projet de loi sur la protection de
la jeunesse. La protection de la jeunesse, ce sont les soins intensifs de la
jeunesse. Je pense que c'est correct qu'on ait une loi pour les soins intensifs
de la jeunesse. Maintenant, on doit ouvrir les perspectives pour faire en sorte
que, quand qu'on parle du bien-être des enfants, ce n'est pas juste à la
protection de la jeunesse, c'est l'ensemble de la société, c'est le milieu
scolaire, c'est les animateurs en loisirs, c'est les coachs de hockey, c'est
les services communautaires, les organismes communautaires qui sont partout.
Alors, on ne s'est pas attardé, dans le
projet de loi, est-ce qu'il y aurait un endroit pour le mettre. Je ne suis pas
convaincu, je ne suis pas juriste, mais je reviens avec l'idée, à un moment
donné, est-ce qu'on ne doit pas ouvrir de façon plus large une perspective
législative pour faire en sorte que l'ensemble... Parce que vous savez, un
Québec fou de ses enfants, on en a eu d'autres aussi, là, à un moment donné. Il
y a beaucoup de chercheurs qui se sont penchés, qui font des recommandations,
et tout ça. Et le tout ça est dans l'air, oui. Maintenant, est-ce que ça serait
pertinent d'avoir une loi-cadre qui irait chercher les ficelles, à un moment
donné, de toutes les composantes de la société? On est en réflexion là-dessus.
• (11 h 20) •
Mme Weil : Je comprends
votre point. En effet, une loi-cadre qui irait chercher d'autres ministères,
notamment, et qui ferait en sorte que tout le monde travaille ensemble. Mais
merci pour cette perspective, c'est intéressant.
J'aimerais vous parler rapidement, aussi,
justement, de la transition vers l'âge adulte. Il y a eu des études là-dessus
quand on accompagne bien plus longtemps que 19 ans, donc jusqu'à 23, on
parle de 24 dans le rapport. Il y a des expériences ailleurs, dans d'autres
provinces, mais aux États-Unis aussi, qui ont vraiment montré une réussite.
Est-ce que je pourrais vous entendre un peu plus sur votre perspective des
besoins types de services, au-delà de l'employabilité, mais des types de
services, étant donné le profil du jeune qui sort, et c'est votre expertise, je
vois, qui sort de la protection de la jeunesse?
Mme Roc (Marie-Lyne) :
Bien, en fait, vraiment, ça s'inscrit dans...
Mme Roc (Marie-Lyne) :
...Ce que vous dites, l'état des connaissances par rapport aux besoins d'une
personne, à 18 ans, on n'est pas encore une personne complètement formée,
hein? on sait qu'en fait, un adulte... On est vraiment adulte vers l'âge de
25 ans. Et comprenant le profil des enfants issus ou qui ont eu un
parcours en protection de la jeunesse, on sait que, souvent, il y a des besoins
particuliers. Ou même, aussi, il y a eu des lacunes ou des carences qu'il faut
être capable de combler. Donc, pour nous, c'est vraiment l'idée d'accompagner
la personne plus longtemps. Et quand on parle de stabilité, continuité des
soins, c'est d'avoir ça dans l'esprit. Mais souvent, les personnes ne veulent
plus non plus avoir cette espèce de lien d'appartenance avec la protection de
la jeunesse. Donc, il faut avoir des transitions en lien pour être dans une
participation citoyenne à part entière. Donc, il faut miser sur des programmes
qui encouragent la scolarisation, qui encouragent de pouvoir s'insérer dans la
vie socioprofessionnelle, d'avoir tous ces éléments-là au plan social, d'avoir
un revenu aussi décent dans le but de pouvoir vraiment devenir un citoyen à
part entière et de sortir de cette espèce, aussi, d'étiquette d'enfant de la
protection de la jeunesse.
Mme Weil : Oui, donc...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...si vous permettez.
Mme Weil : Oui, allez-y.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
En termes de complément, je voudrais vous raconter une expérience
professionnelle que j'ai vécue au début de ma carrière, dans le
Bas-Saint-Laurent. Un groupe de jeunes, 25 jeunes fortement défavorisés,
là, O.K., on ne les choisissait pas parce qu'ils étaient très bons, parce
qu'ils avaient beaucoup de problèmes. 25 jeunes dans un programme de
8 mois, on leur donnait une paye et on leur montrait comment se trouver un
logement dans le village, comment on travaille. On leur fournissait des
équipements de travail, ils allaient bûcher dans le bois, ils travaillaient en
serre. Ensuite de ça, dans leur démarche, à un moment donné, ils allaient faire
des recherches d'emploi: comment on fait un CV, comment on se présente chez un
employeur. Et je vous dirais aujourd'hui, j'ai encore des émotions parce que je
vois de ces jeunes-là qui étaient des jeunes adultes à l'époque, je les vois
dans ma communauté aujourd'hui. Il y en a qui se sont mariés, qui ont élevé des
enfants, qui travaillent, qui sont actifs, se sont épanouis alors qu'ils sont
sortis de leur milieu hyperdéfavorisé parce qu'on les a pris, jour après jour,
semaine après semaine, pour les accompagner vers l'autonomie.
Mme Weil : ce projet?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
C'est un projet qui était financé à l'époque par une entente
fédérale-provinciale pour le développement de l'employabilité chez les jeunes
fortement défavorisés.
Mme Weil : Et ils
avaient quel âge?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Les jeunes avaient entre 16 et 25 ans.
Mme Weil : Ah! C'est
intéressant. Mais c'était à l'extérieur du périmètre de protection de la
jeunesse. Mais ce que vous dites, c'est...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Ça nous dit que c'est des modèles qui fonctionnent.
Mme Weil : Absolument.
Oui. Très bien. Il reste combien de minutes?
Le Président (M. Provençal)
: 3 minutes, madame.
Mme Weil : 3 minutes. Ah oui! Les familles d'accueil. Vous avez un
chapitre sur les familles d'accueil. Est-ce que vous pourriez peut-être
revenir... Qu'elles n'ont pas une place assez marquée dans le projet de
loi 15 et elles jouent un rôle essentiel, c'est bien ça? «à notre avis,
parmi ces ressources, il en est un qui mériterait une... qui mériterait, à
notre avis, d'occuper une place plus marquée dans le projet de loi 15, il
s'agit des familles d'accueil de proximité.»
Mme Roc (Marie-Lyne) :
Ce n'est pas nous. On... ce n'est pas nous, ça. En fait, on ne s'est pas
prononcé tellement sur les familles d'accueil. En fait, on a plus misé sur la
question de la transition, mais on n'a pas... Notre rapport, notre mémoire ne
traite pas...
Mme Weil : Oui. Non, je
confonds avec les psychoéducateurs, là, parce que vous êtes à peu près dans des
domaines connexes. Est ce que vous avez... Donc, vous n'avez pas d'expérience
dans ce domaine-là.
Mme Roc (Marie-Lyne) :
On n'a pas d'expérience, c'est-à-dire que, nous, dans le mémoire, ce qu'on a
plus misé, c'est sur la question de la transition, ces éléments-là qu'on avait
aussi fait valoir lors de notre mémoire dans le cadre de la Commission
spéciale. Mais sur la question des familles d'accueil, nous, on va vraiment
dans le sens des recommandations de la Commission, c'est-à-dire d'avoir
vraiment une révision de tout le programme au niveau des familles d'accueil.
Parce qu'on est très conscient du manque de familles d'accueil au Québec puis
des besoins particuliers aussi d'un type de familles d'accueil.
L'apparentement, là, entre la famille et l'enfant est aussi un enjeu majeur.
Donc, et on sait que les familles d'accueil jouent un rôle essentiel dans le
développement des enfants et peuvent assurer, justement... En ayant plus de
familles d'accueil, on peut éviter le ballottage, qui est aussi...
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...un
des problèmes dont on est bien conscient, donc...
Mme Weil : Et en leur donnant
accès à des informations importantes concernant l'enfant et son vécu.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Encore
là, de l'information pertinente et nécessaire.
Mme Weil : Mais avec
précaution.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Tout à
fait.
Mme Weil : Et là, il reste...
Le Président (M. Provençal)
:Trente secondes.
Mme Weil : Trente secondes.
Le Président (M. Provençal)
:Allez-y.
Mme Weil : Bon, en trente
secondes, quelle serait la question... Bien, essentiellement, et vous en parlez
beaucoup, c'est comment faire... Les ressources humaines à la DPJ, leur besoin
d'appui, de formation, puis qu'est ce qu'on pourrait faire pour renforcer cet
aspect-là dans le projet de loi. On parle beaucoup de gens qui quittent le
navire, qui n'ont pas assez d'appui, des intervenants qui y vont solo sans
pouvoir consulter. En quelques secondes.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Il
faut quand même dire, là, que la dernière réforme du réseau a fait en sorte
qu'il y a eu un exode, hein, de professionnels qui ont quitté la DPJ vers
d'autres programmes. Mais je vous dirais, écoutez, il y a 800 étudiants qui
sortent du bac en travail social à chaque année, il y en a 5000 qui font la
demande. Donc, ce n'est pas parce que les jeunes ne veulent pas aller
travailler en travail social ou dans d'autres professions de ce genre-là. C'est
que les programmes sont contingentés et je pense qu'on doit les décontingenter.
On doit ouvrir à un moment donné le nombre de jeunes qui puissent rentrer dans
les programmes, là, pour arriver à compenser cet exode-là.
Mme Weil : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci pour cette précision. La suite
de cet échange appartient au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, monsieur
le président. Alors j'ai entre 3 et 4 minutes. Je vais aller droit au but à un
point que je trouve important, qu'on doit développer davantage, la question de
la confidentialité. D'un côté, on comprend bien quand Mme Laurent dit : Ça n'a
pas de bon sens... Je ne sais pas si vous entendiez tout à l'heure sa
présentation, mais elle a donné un exemple dans lequel ça n'a pas de bon sens
que l'information sur le jeune n'ait pas été transmise. Ça empêche la famille
d'accueil de bien en prendre soin.
En même temps, quand il n'y a pas de
confidentialité, difficile de créer un espace où le jeune peut véritablement
parler parce qu'il peut avoir l'impression que tout ce qu'il va dire, tout ce
qu'il va faire va être retenu contre lui, partagé à tout le monde. Tout le
monde va le savoir. C'est comme... Il peut avoir l'impression qu'il n'a pas
d'intimité. Ce n'est pas bon, tu sais, ça va... Bon.
Alors, comment concilier ces deux choses-là? Puis
est-ce que vous pourriez donner d'abord un exemple de choses négatives qui
pourraient avoir... de conséquences négatives sur l'enfant que pourrait avoir
un trop grand partage d'informations? D'une part. Puis ensuite de ça, quel
genre de balises pourraient être mises pour avoir le maximum d'informations
transmises à la famille d'accueil, par exemple, sans que ça ait un impact
négatif sur l'enfant? Est-ce que vous auriez des propositions de critères par
rapport à ça?
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...excellente
question qui d'ailleurs fait l'objet de toute une formation qu'on donne en
formation continue à nos travailleurs sociaux. Donc, c'est la preuve que ça
demande... C'est vraiment une question d'exercice du jugement. Puis je vous
dirais que des balises, il faut faire très attention aussi. Oui, il faut en
mettre, mais ça ne peut pas être des pratiques, là, systématiques. Je suis
devant la famille d'accueil, je fais telle, telle, telle chose, puis, avec
l'école, je fais telle, telle chose. On est vraiment devant des situations où, devant
chaque enfant, devant chaque collaborateur, il faut toujours se poser la même
question : Qu'est ce que j'ai besoin de dire? En vertu de quoi je le fais?
Puis, est-ce que cette personne pourra vraiment apporter une différence si je
donne cette information? Donc, c'est des questions, là, je vous dirais
fondamentales pour pouvoir par la suite décider de donner l'information et ça,
ça demande effectivement du savoir-faire, ça demande de la préparation.
• (11 h 30) •
Alors je vous dirais que pour une famille
d'accueil, par exemple, est-ce qu'on a besoin... est ce que la famille
d'accueil a besoin de savoir que l'enfant a vécu dans un... a été séquestré
dans un garde-robe pendant tant d'heures, ligoté et avec un manque de
nourriture, ou ce qu'il a besoin de savoir, c'est s'il est laissé seul dans la
chambre, il peut crier et donc venir lui donner... Alors c'est ça dont on
parle, c'est de vraiment être capable de dire, et là, ça demande des
connaissances : La famille d'accueil n'a pas besoin de connaître le drame
autour de cet enfant. Elle a besoin de comprendre le comportement de l'enfant
pour pouvoir l'accompagner. Alors ça, c'est vraiment... Mais ça, c'est des
connaissances...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...professionnel.
Et ça demande une connaissance de l'enfant aussi. Donc, les familles d'accueil
doivent être capables d'être outillées pour porter assistance, pour pouvoir
accompagner l'enfant. Parce que vous vous imaginez, en connaissant ça, le
parent arrive puis veut... Alors, c'est là qu'il y a tous les préjugés, parce
qu'il faut comprendre des situations. C'est pour ça que, même à l'école aussi,
les enseignants n'ont pas une formation de professionnel en relation d'aide,
ils ont un autre type, mais ils ont besoin de connaître des informations pour
comprendre le comportement de l'enfant pour ne pas le stigmatiser, par exemple,
en classe. Donc, c'est ce genre d'élément là. C'est pour ça qu'on vous dit :
Nous, c'est une formation qu'on donne à nos professionnels, puis ils sont déjà
formés. Alors, on ne pourra pas faire fi de ces aspects-là.
Le Président (M. Provençal)
:On va terminer...
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Oui, allez-y.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Très simplement, si on peut résumer, c'est d'éviter les extrêmes, oui, dans le
sens de ne donner aucune information et, à l'autre extrême, à un moment donné,
donner toute l'information. Il faut toujours garder à l'esprit l'intérêt de
l'enfant, la protection de l'enfant.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. On va compléter cet échange
avec le député de René-Lévesque. C'est à vous.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, monsieur le président. Donc, j'aimerais faire du rebond sur cet
échange que vous avez avec le collègue de Jean-Lesage. Donc, il faut que les
familles d'accueil puissent avoir accès à de l'information qui va les aider à
comprendre dans quel contexte le jeune a évolué. Ça, je pense qu'on est
d'accord là-dessus.
Lorsqu'on a parlé à des familles d'accueil,
ce qu'ils nous ont dit : Nous, on aimerait savoir des informations
pertinentes qui vont nous permettre d'être capables de mieux agir avec
l'enfant. Exemple, si l'enfant a vécu un traumatisme d'être enfermé dans un
garde-robe, et, à chaque fois qu'il voit un garde-robe, pris de panique, crise,
violence, violence extrême dans certains cas, c'est important que la famille
d'accueil sache que, malgré le traumatisme vécu, il y a des stigmates qui lui
sont restés, et que la famille d'accueil doit les connaître pour éviter de
placer ce jeune-là dans une situation qui cause les crises. Ça fait que ça,
vous êtes d'accord avec ça?
Mme Roc (Marie-Lyne) : Encore
là, comme je vous dis, oui. Pour pouvoir... Il faut comprendre que la famille
d'accueil, ce n'est pas non plus... son rôle est d'accompagner, mais il faut...
Nous, on a vraiment une perspective : ce sont plusieurs collaborations,
c'est un accompagnement, c'est toute une société qui accompagne un enfant.
Donc, la famille d'accueil, oui, a besoin de savoir certaines informations.
Mais, en même temps, espérons-le, cet enfant-là va avoir aussi d'autres
professionnels qui vont l'accompagner pour pouvoir aussi traiter de ces
difficultés dont vous parlez.
Donc, effectivement, c'est vraiment le
juste équilibre. D'en dire assez pour pouvoir apporter les meilleurs soins,
apporter le meilleur accompagnement, puis, en même temps, en dire pas trop pour
que, finalement, au bout du compte, on dévoile tout, et ça s'implique aussi pas
seulement les enfants, mais ça implique aussi... Et de devoir toujours répéter,
c'est une façon aussi de causer préjudice parce que c'est l'intimité de la
personne, c'est l'intimité de l'enfant et aussi d'autres personnes qui sont
parfois concernées par sa situation.
M. Ouellet : Rapidement,
j'aimerais vous donner au point 8 de votre mémoire. Vous apporter une
importante distinction à savoir qu'il faudrait considérer des réalités
singulières de chaque région, dans un contexte particulier, vécues par les
différentes DPJ. Comment on matérialise ça dans un projet de loi? Comment on
prend conscience des réalités régionales dans un souci d'une meilleure
intervention et d'une meilleure protection de l'enfant, là? J'essaie de
transcrire, comme législateur, vos... vos préoccupations, pardon, dans des
amendements, dans un projet de loi. Comment je fais ça?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Dans le sens que, bon, il y a la question de la protection de la jeunesse, mais
la protection de la jeunesse, son rôle, c'est de protéger les jeunes. Maintenant,
quand qu'on arrive avec des jeunes qui soient soit à la protection de la
jeunesse ou qui ne sont pas à la protection de la jeunesse, quel est
l'environnement social dans lequel ils vivent? Quels sont les services qui sont
disponibles? Et on doit en tenir compte. Est-ce que parce qu'un jeune vit dans
un village isolé au Bas-Saint-Laurent, dans ma région, que ce jeune-là, il va
se retrouver plus à la protection de la jeunesse parce qu'il n'y a pas de
services autour de chez lui? Quand qu'on voit plusieurs points de chute de
CLSC, de points de services de CLSC à peu près fermés, alors qu'auparavant on
avait des services à ces endroits-là, ce sont les services sociaux généraux, ce
sont les services de première ligne, c'est les services de prévention, les programmes
SIPPE qui sont dans ces milieux-là. Alors donc, la protection de la jeunesse
peut difficilement...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...bien là, l'enfant a tel, tel problème, il aurait besoin, à un moment donné,
d'un tel service, mais le service est à 50 km, est à 100 km. Alors,
c'est ça, à un moment donné, qu'on amène, d'en tenir compte.
M. Ouellet : Donc ce que
vous nous dites : Ayez une attention... particulière, pardon, pour faire
un 360 autour de la DPJ régionale pour savoir : Autour d'elle, est-ce que
les moyens sont suffisants? Est-ce que les ressources sont disponibles? Parce
qu'un bon plan d'intervention dans Montréal-Nord, mettons, ne pourrait pas être
un excellent plan d'intervention du côté du Bas-Saint-Laurent parce qu'il y a des
réalités qui sont propres à chaque territoire, et, si on veut réussir
l'intervention pour le bénéfice de l'enfant, il faut tenir compte de ce
contexte-là. C'est-ce que... C'est un peu le message que vous nous demandez
d'avoir en tête pour l'intervention. Mais de façon législative, c'est peut-être
un peu plus difficile d'essayer de circonscrire ça dans une loi.
Mme Roc (Marie-Lyne) :
....être capable de proposer quelque chose. Nous, on vous amène les éléments
qu'on ressort. Parce qu'effectivement, comme disait notre président, c'est
qu'en fait, vous savez, on le sait, il y a des communautés ethnoculturelles qui
sont surreprésentées. Toutes les DPJ, oui, il faut absolument qu'il y ait une
harmonisation des pratiques, mais il faut avoir assez d'agilité, je vous
dirais, pour être capable de prendre en compte les réalités distinctes de
chacune des régions. Puis il y a des expertises qui peuvent se développer au
regard du profil des personnes qui habitent ce territoire-là. Donc, je vous
dirais qu'il faut absolument qu'il y ait ce type de sensibilité pour avoir des
lignes directrices communes, mais avoir assez de flexibilité pour être très
pertinent en fonction des besoins du milieu.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, je remercie Mme Roc et
M. Malenfant pour votre participation et votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux quelques instants
pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup surtout d'avoir été ici,
en présence.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise à 11 h 45)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.
Alors, M. Leclerc et Mme St-Gérard, merci de votre participation,
merci. Et vous disposerez maintenant de 10 minutes pour votre exposé. Et,
par la suite, nous aurons les échanges avec les membres de la commission.
Alors, je vous cède la parole. Merci.
M. Leclerc (Denis) :
Merci. Alors, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mesdames et
messieurs les députés, membres de la Commission, bonjour. Je me présente, je
suis Denis Leclerc, psychoéducateur et président de l'Ordre des
psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. Et je suis accompagné de Rose
St-Gérard, psychoéducatrice et chargée d'affaires professionnelles à l'ordre.
Nous remercions la commission pour cette
invitation, et il nous fait plaisir de vous présenter aujourd'hui les
réflexions et recommandations de l'Ordre concernant le projet de loi 15.
Compte tenu de notre mission première, qui est la protection du public, nous
sommes évidemment préoccupés par la situation des jeunes vulnérables et de
leurs familles. Les psychoéducateurs et les psychoéducatrices sont des
professionnels qui interviennent auprès des personnes de tous âges qui vivent
des difficultés d'adaptation. On les retrouve dans une diversité de milieux,
principalement au sein des établissements du réseau de la santé et des services
sociaux, ainsi qu'en milieu scolaire. De plus, les psychoéducateurs et
psychoéducatrices font partie des professionnels autorisés par le Code des
professions pour évaluer une personne dans le cadre d'une décision du Directeur
de la protection de la jeunesse ou du tribunal, en application de la Loi sur la
protection de la jeunesse, ce qui justifie d'autant plus notre présence ici
aujourd'hui.
L'approche psychoéducative est un élément
distinctif qui caractérise notre profession. Autant lorsqu'il s'agit d'évaluer
que d'intervenir, nous focalisant à la fois sur les forces et les
vulnérabilités des personnes impliquées, celles de leur environnement, ainsi
que l'interaction entre les...
M. Leclerc (Denis) : ...personnes
et leur environnement. Inévitablement, les psychoéducateurs et
psychoéducatrices prônent l'importance de la collaboration entre tous pour
mieux aider les personnes vulnérables. En cohérence avec cette approche, comme
nous l'avons soutenu lors de notre audition et dans notre mémoire présenté à la
Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la
jeunesse, l'ordre préconise l'idée que l'amélioration des services destinés aux
enfants en besoin de protection ne peut reposer uniquement sur la DPJ. La
responsabilité de la protection de la jeunesse doit être davantage partagée. Cette
conviction a teinté notre analyse du présent projet de loi et l'élaboration de
certaines de nos recommandations.
Notre analyse du projet de loi nous amène
d'abord à saluer certaines modifications qui tiennent compte des récentes
réflexions autour des droits et de la protection des enfants. L'ajout d'un
préambule à la loi, qui met l'emphase sur plusieurs orientations centrales,
nous semble très pertinent. Parmi ces orientations, celles visant à renforcer
la primauté des intérêts de l'enfant dans toute décision le concernant nous
apparaissent justifiées et même essentielles. D'ailleurs, plusieurs
dispositions du projet de loi renforcent cette primauté de l'intérêt de
l'enfant. C'est pour cette raison que nous formulons trois recommandations
visant à former adéquatement l'ensemble des acteurs concernés par la protection
de la jeunesse, soit les intervenants de la DPJ, les membres de la magistrature
ainsi que les principaux partenaires à cette nouvelle orientation centrale de
la Loi sur la protection de la jeunesse.
L'ordre salue également l'attention
qu'apporte le projet de loi à la dernière étape de la trajectoire des enfants
pris en charge par la DPJ par l'ajout de différentes mesures de soutien au
passage à la vie adulte. Toutefois, les dispositions prévues aux
articles 34 et 35 nous apparaissent insuffisantes en regard de cette
intention. Tout particulièrement, le projet de loi n'ajoute qu'une obligation
d'informer les jeunes des services de soutien auxquels ils pourraient avoir
recours. L'ordre considère que le projet de loi doit faire un pas de plus en
intégrant une obligation d'accompagnement pour les jeunes qui le désirent et
non uniquement d'information.
L'ordre salue les dispositions du projet
de loi qui témoignent de l'importance sociétale que prend la protection des
enfants en situation de vulnérabilité. Cela se traduit notamment par l'ajout
d'un poste de directeur national de la protection de la jeunesse. L'ordre croit
que les responsabilités et les pouvoirs de cette personne clé... que cette
personne clé détiendra lui permettront d'exercer un leadership sur les
directeurs nommés pour chacun des établissements exploitant un centre de
protection de l'enfance et de la jeunesse.
De plus, la structure proposée d'un forum
des directeurs chargé d'harmoniser les pratiques cliniques et d'assurer la mise
en œuvre des orientations et normes établies nous apparaît être un moyen
prometteur pour redonner au réseau des services à la jeunesse sa vitalité.
L'ordre émet toutefois le souhait qu'à travers cette recherche d'harmonisation
des pratiques, l'autonomie et le jugement de ces professionnels soient
réaffirmés et facilités.
Nous tenons tout particulièrement à
souligner l'importance accordée à la mobilisation des ressources du milieu et à
la collaboration entre elles, principes clairement énoncés dans le préambule de
la loi. Nos recommandations antérieures vont dans le sens d'agir en amont en
s'appuyant sur des ressources déjà présentes dans la vie de l'enfant telles que
les services de garde, l'école et les milieux communautaires permettant à la
Loi sur la protection de la jeunesse de demeurer une loi d'exception. Les
articles 4.4 et 4.5 reprennent précisément cette idée de collaboration et
de concertation des ressources du milieu pour que leurs interventions
s'accordent... cette orientation en faveur d'une plus grande complémentarité
des actions des différentes ressources et acteurs.
• (11 h 50) •
Nous soumettons d'ailleurs l'idée que les
travaux qui incomberont au directeur national et au forum des directeurs pour
la mise sur pied des meilleures pratiques s'intéressent aux moyens concrets qui
viendront soutenir la concertation. Pour qu'une telle concertation soit
réellement efficace, elle doit en grande partie reposer sur un partage
d'informations entre les différents partenaires. Ainsi, une condition
importante, une collaboration efficace et fructueuse réside dans la
connaissance que chacun doit avoir des besoins de l'enfant. La loi actuelle et
le projet de loi permettent aux intervenants de la DPJ d'obtenir toute
l'information nécessaire à la réalisation de leur mandat, même lorsque protégée
par le secret professionnel. L'ordre souscrit aux dispositions qui facilitent
l'intervention et les décisions de la DPJ en faveur de l'intérêt de l'enfant.
L'ordre considère toutefois que, lorsque l'intérêt de l'enfant le justifie, la
communication de certaines informations aux établissements, organismes ou
personnes qui gravitent autour de l'enfant devrait également être facilitée...
M. Leclerc (Denis) : ...nous
sommes d'avis que les dispositions prévoyant que les informations détenues par
la DPJ puissent, dans certaines circonstances, être partagées avec ses
partenaires ne sont pas suffisamment claires dans le projet de loi. Rappelons
que les professionnels qui exercent en milieu scolaire ou dans les milieux de
garde, par exemple, sont souvent des intervenants impliqués depuis longtemps
dans la vie de l'enfant et de sa famille. Ils possèdent une connaissance fine
de l'enfant et pourraient, à ce titre, être des collaborateurs importants dans
la continuité des services offerts à celui-ci, mais n'ont pas accès à des
informations détenues par les intervenants de la DPJ. Comme ils font partie du
milieu de vie de l'enfant, le manque d'information occasionne des situations
précaires, voire à risque pour l'enfant et sa famille. Il va sans dire qu'un
tel partage d'informations ne peut se faire sans balises.
L'ordre reconnaît évidemment que les
certaines informations détenues par la DPJ sur la situation de l'enfant et de
sa famille sont très sensibles et possiblement préjudiciables. De plus, le
droit à la confidentialité doit être pris en compte de même que la complexité
de certaines situations prises en charge par la DPJ, qui demandent, pour être
saisie dans toutes leurs dimensions et implications, de solides compétences
cliniques et de jugement professionnel. C'est pour cette raison que nous
recommandons que, dans l'intérêt de l'enfant, les informations confidentielles
plus sensibles, potentiellement préjudiciables puissent être transmises par la
DPJ à des professionnels membres d'ordres. Ces intervenants présentent les
garanties déontologiques suffisantes et l'encadrement par un ordre
professionnel pour que les informations reçues de la DPJ soient protégées. De
plus, ils ont la compétence nécessaire pour avoir une compréhension clinique de
la situation de l'enfant et de sa famille.
Finalement, l'ordre salue l'inclusion d'un
chapitre dédié aux dispositions applicables aux membres des Premières Nations
et Inuit. Ces nouvelles dispositions confirment que l'évaluation de la
situation d'un enfant ne peut se faire sans tenir compte des facteurs sociaux,
historiques et culturels qui distinguent les jeunes de ces communautés.
Depuis 2016, l'ordre collabore avec
plusieurs partenaires, dont des représentants des différentes communautés
autochtones, dans le cadre d'un projet basé sur la conviction qu'une plus
grande présence d'intervenants autochtones est une solution durable pour des
services culturellement sécurisants, sensibles, stables et de qualité pour les
enfants et les familles autochtones.
Fort de cette conviction, l'ordre
recommande d'instaurer le poste de directeur national adjoint de la protection
de la jeunesse dédié au bien être et aux droits des enfants autochtones, nommé
après consultation des représentants autochtones. Siégeant au Forum des
directeurs, cette personne aiderait, notamment, à ce que les décisions prises à
cette table n'éclipsent pas l'unicité et la diversité des besoins des
communautés autochtones en matière de protection de la jeunesse. Merci de votre
attention. Et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cet exposé. Nous allons initier cette
période d'échanges avec Monsieur le Ministre. Alors, monsieur le Ministre, je
vous cède de la parole.
M. Carmant : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Merci, Monsieur Leclerc, Madame St-Gérard, de votre
présence ce matin. Merci également pour le mémoire que vous avez déposé, les
explications que vous venez nous partager. Premier point, c'était sur l'aspect
formation. On en a entendu parler également par les travailleurs sociaux juste
avant vous. Comment voyez-vous le rôle de la directrice nationale de la
protection de la jeunesse dans ce processus, là, de formation des intervenants,
des autres partenaires, etc.? J'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que
nous, quand on a décidé... dans la description de tâches qu'on inclut dans le
projet de loi, ça ressemble vraiment à ce que les recommandations de la
commission Laurent nous ont fait. Donc, j'aimerais voir si vous vous aviez une
vision différente du rôle de la directrice nationale.
M. Leclerc (Denis) : Non, je
pense que le rôle de la directrice nationale, pour ce qui est de la formation,
peut être effectivement très important. Nous pensons qu'en matière de formation
deux dimensions sont importantes, la première étant de développer des
formations qui sont bien fortes, bien campées sur les données probantes, sur
les données fortes de la science et de la réalité de la protection des enfants
vulnérables. Donc, à ce titre là, nous pensons qu'il y a un souci, puis la
directrice de la protection... la directrice nationale pourra veiller à ce que
le contenu des formations se base sur de tels types de données. Mais peut-être
le rôle le plus important de la directrice, c'est une uniformité de la
diffusion de ces données-là, et donc des formations qui y sont reliées au
niveau de l'ensemble...
M. Leclerc (Denis) : ...réseau.
Nous avons souvent soulevé, puis nous en avons fait référence dans notre
mémoire que plusieurs intervenants nous ont souligné un certain vide avec la
disparition de l'Association des centres jeunesse qui assurait une certaine
uniformité, une certaine diffusion sur l'ensemble du territoire des meilleures
données, des meilleures pratiques. Et on espère que le rôle de directrice
nationale ainsi que du Forum des directeurs pourront justement pallier à cette
inégalité qui pouvait être observée parfois.
M. Carmant : D'accord. Puis
vous avez mentionné à la fin d'un codirecteur ou d'une directrice, directeur
adjoint pour les affaires autochtones ou les Premières Nations, versus ce que
je pensais qui... c'était d'aller vers un commissaire qui serait plus dédié aux
Affaires autochtones ou aux Premières Nations. Voyez-vous une différence entre
les deux ou un avantage de l'un par rapport à l'autre?
M. Leclerc (Denis) : Bien, je
pourrai commencer la réponse. J'inviterai ma collègue Rose St-Gérard à
compléter. Je pense qu'il y a de l'écho, hein, je m'en excuse si c'est le cas.
Je pourrai demander à ma collègue par la suite de compléter, c'est son
expertise, beaucoup. Mais évidemment, quand vous parlez de... nous, on parle
d'un directeur national adjoint, vous parlez d'un commissaire, bien
honnêtement, les nuances des rôles de l'un et de l'autre, c'est un peu
difficile pour nous de bien les connaître, on n'est pas juristes puis tout ça.
Mais ce qui pour nous est important, puis c'est pour ça peut être la notion de
directeur national adjoint, c'est que cette personne-là soit impliquée avec le
Forum des directions pour qu'elle fasse partie des échanges et des décisions et
tout ça, pour que cette diffusion là, par rapport à cette réalité là, soit
toujours... à la limite ce n'est pas autant un chien de garde que quelqu'un qui
peut contribuer à amener une certaine expertise ou un certain regard dans ça.
Mais j'inviterais peut-être Rose à compléter au besoin.
Mme St-Gérard (Rose) : Bien,
en fait, effectivement, comme le disait monsieur Leclerc, la distinction entre
commissaire et directeur, pour nous, on n'a pas fait une grande analyse de la
question. Ce qui était vraiment plus important, c'est d'avoir une voix à ce
niveau de gestion dans la structure qui serait dédiée aux droits et aux besoins
des enfants autochtones. Vous avez mis de l'avant un très beau chapitre dans le
projet de loi qui, vraiment, mesure et tient compte des dispositions
applicables aux Premières Nations et Inuits. On trouvait qu'il y avait ce
besoin aussi dans la structure organisationnelle de faire écho de cette volonté
de prendre en compte les besoins des enfants autochtones.
M. Carmant : D'accord, merci
beaucoup. Et il faut que je vous entende parce que c'est un peu naturel, la
prochaine question qui découle : Quel serait le rôle des ordres, de votre
ordre, par exemple, dans ce forum? Est-ce que vous voyez une position
là-dedans? Comment vous voyez ça?
M. Leclerc (Denis) : Pour...
vous posez la question, monsieur le ministre, à savoir en lien... en soutien au
forum ou en participation aux forums?
M. Carmant : Bien, comment
vous voyez ça de votre côté? Est-ce que c'est du soutien? Est-ce que c'est de
la participation? Nous, on est ouverts à vos suggestions.
• (12 heures) •
M. Leclerc (Denis) : Écoutez,
je pense que c'est important de bien comprendre, bien intégrer, dans le fond,
le rôle des différents acteurs et les ordres professionnels, nous sommes trois
ordres professionnels principalement, qui avons l'activité... dont nos membres
sont autorisés à faire l'activité réservée d'évaluer au niveau de la DPJ. Donc
à ce titre-là on devient, un, d'une certaine manière, des incontournables, mais
par le fait même des collaborateurs importants. Et évidemment, notre collaboration,
on souhaite la mettre de l'avant tout le temps. Donc, est-ce que... on parlait
tout à l'heure de la diffusion des données probantes et on parlait de la
meilleure manière de mettre de l'avant les meilleures pratiques. Bien, à ce
moment... à ce niveau-là, évidemment, les ordres sont là.
Ensuite de ça, c'est tout l'encadrement
qui est une responsabilité, j'aurais tendance à dire, partagée, hein. Vous
savez, le milieu... les DPJ elles-mêmes encadrent leurs intervenants, la
structure, les établissements, mais les ordres encadrent également, hein, au
niveau d'exigences de formation continue, au niveau d'inspections, au niveau de
diffuser des guides de pratique et ainsi de suite. Et je pense que c'est
important que les participants de la commission, notamment, sachent que les
trois ordres concernés principaux, principalement les travailleurs sociaux que
vous avez rencontrés tout à l'heure et les criminologues que vous rencontrerez,
bien, on est souvent en grande... en collaboration pour s'assurer également
d'avoir le plus possible une cohérence dans la manière dont on avance nos
positions, là, respectives.
M. Carmant : D'accord. Puis
surtout, mon point, c'était aussi de voir...
12 h (version non révisée)
M. Carmant : ...comment
diffuser l'information le plus largement possible aussi. Tu sais, il y a la
Protection de la jeunesse, mais, comme vous l'avez si bien dit, il y a tous les
autres services qui sont en appui pour les enfants.
M. Leclerc (Denis) : Bien,
tout à fait, M. le ministre, hein? Vous savez, puis on a souvent échangé, puis
on met souvent de l'avant, puis on l'a mis très, très clairement de l'avant,
nous, dans notre mémoire, mais aussi dans le mémoire pour la commission
Laurent, l'importance que l'ensemble des acteurs soient parties prenantes, pour
éviter que la DPJ soit dans le fond un peu à l'image, là, de l'urgence, qui
reçoit beaucoup trop de problèmes qui ne relèvent pas de son expertise, et
également l'importance de collaborer avec ces réseaux.... ces ressources-là
tout au long du processus, avec toute la prudence nécessaire, évidemment.
M. Carmant : Un point que
vous avez soulevé, une recommandation, la recommandation numéro 6, était sur la
mesure de l'efficience des services. C'est une question sur laquelle je me pose
toutes sortes de questions. Et auriez-vous une façon... Quels seraient les
critères, selon vous, qui devraient être mis de l'avant pour mesurer la qualité
du service? On mesure trop souvent la quantité des services, malheureusement,
avec nos indicateurs. Quelles seraient, selon vous, des mesures de qualité des
services?
M. Leclerc (Denis) : Évidemment,
ce n'est pas une réponse qui est simple, hein? C'est beaucoup plus facile
d'avoir des évaluations quantitatives que qualitatives, on en convient tous, et
à ce titre-là on peut convenir que pour les établissements ce n'est pas simple
de le faire. Ceci dit, en parallèle à cela, il y a des guides de pratique, il y
a des données probantes qui sont mises de l'avant, il y a des façons dont les
professionnels donnent des services basées sur différentes orientations, là,
cliniques qui sont solides, et tout ça n'est jamais évalué, ou évalué de façon
souvent un peu... très, très proximale, supposons, une évaluation annuelle avec
le supérieur, et ainsi de suite. Mais ce n'est pas mis en place dans les
établissements. Donc, on met en place des orientations sur des données
probantes et tout ça, puis en bout de ligne c'est comme si on se croise les
doigts en espérant qu'elles vont être appliquées. Mais ce qu'on mesure, c'est
strictement le rendement, puis lui, bien, souvent, on va tous convenir que, des
fois, le rendement, il va nuire à... il va aller à l'encontre, dans le fond,
d'une intervention basée sur des données excessivement rigides, parce que
peut-être que ça peut prendre plus de temps, ça demande une cueillette de
données plus large et ainsi de suite. Donc, des fois, le rendement, il est un
petit peu... il va à l'encontre, en tout cas, donc, de l'information... On n'est
pas contre, évidemment, il n'y a personne qui peut être contre l'idée d'avoir
également quelque chose, là, qui encadre une efficience quand même dans un
établissement, mais on déplore ça. Puis je pense que là-dessus, vous souligniez
tout à l'heure la collaboration puis la contribution des ordres. Je pense que
sur ces choses-là, les ordres peuvent être grandement contributifs pour établir
des modes d'évaluation qui seraient un petit peu plus proches ou qui
tiendraient compte davantage, un peu, de données qualitatives et non uniquement
quantitatives.
M. Carmant : O.K. Un point un
peu plus sensible. Je sens dans votre discours, tout comme... un peu comme les
travailleurs sociaux, une certaine hésitation, je dirais peut-être, avec le
partage d'information. Tu sais, vous finissez en concluant que le partage
d'information... entre membres d'ordres. Je pense que Mme Laurent avait une
vision, puis les commissaires avaient une vision beaucoup plus large du partage
d'information. Je pense que le projet de loi décrit quand même bien, des deux
côtés, qu'on va chercher le plus d'information possible, on permet à des gens
d'en fournir le plus possible. Est-ce que je me trompe ou... Comment voyez-vous
le partage d'information?
M. Leclerc (Denis) : En fait,
nous sommes... D'entrée de jeu, là, nous rejoignons tout à fait l'orientation
de Mme Laurent là-dessus, et j'espère... Merci de me donner l'occasion de bien
clarifier. Dans un premier temps, le partage d'information vers la DPJ était
déjà important, puis on considère qu'il demeure et qu'il doit le demeurer. Et
ensuite de ça, on pense qu'il doit également y avoir la possibilité de partager
l'information dans l'autre direction. On ne parle pas de bidirectionnel, parce
qu'on est très conscients que ce n'est pas le même niveau d'échange. Mais, dans
la direction des... quand c'est dans l'intérêt de l'enfant, on pense que c'est
important de pouvoir aller vers les partenaires. Vous avez vous-même, M. le
ministre, lors de votre allocution de lancement de la loi, parlé en....
M. Leclerc (Denis) :
...l'important de partager l'enfant avec une famille d'accueil, supposons, des
choses comme ça... et on souscrit tout à fait à cela. Ceci dit, on sait qu'il y
a souvent une grande hésitation de la part des intervenants de la DPJ à
dire : Oui, mais les informations sont tellement confidentielles qu'on
n'ose pas les partager. On ne sait pas comment ça va se promener. Est-ce que ça
va se promener, supposons, en milieu scolaire? Est-ce que ça va se promener
d'une classe à l'autre et ainsi de suite? Donc, il y a une hésitation sur la
dimension très, très sensible de certaines informations. Ce qu'on dit, c'est
qu'à ce moment-là, il peut y avoir une gradation, et que ce qu'on met de
l'avant, c'est l'idée que certaines informations qui, d'un côté, on considère
qu'elles seraient utiles, mais d'un autre côté, elles sont très sensibles et ça
pourrait nous amener à ne pas vouloir le faire. Bien, on puisse le faire, mais
à la direction ou à l'intention d'un membre d'un ordre professionnel qui est
encadré par un code de déontologie, par un encadrement des ordres, et qui a une
rigueur obligatoire par sa fonction et par le fait de faire partie d'un ordre
sur le respect de la confidentialité et du secret professionnel. Donc, à ce
titre là, on a d'ailleurs reconnu dans l'autre sens puisque qu'on dit
même : Même avec le secret professionnel qui est important, on peut des
fois partager vers la DPJ. Bien, on se dit : Utilisons ce secret
professionnel là également dans d'autres directions lorsqu'on n'est pas tout à
fait à l'aise de partager parce que c'est très sensible, mais on pense que ça
pourrait être pertinent. Donc, faisons confiance dans nos partenaires membres
d'ordres qui peuvent être des psychoéducateurs, des travailleurs sociaux, des
psychologues ou autres.
M. Carmant : Parfait,
c'est... merci de la clarification. Monsieur le président, je passerais la
parole à ma collègue députée de Roberval si... avec votre consentement.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. 1 min 30 s
Mme Guillemette : Merci,
monsieur le ministre. Donc, bien, je suis contente de la clarification de la
question parce qu'on sait que dans les équipes, au niveau du SIPPE dans les
CLSC, il n'y a pas que des psychoéducateurs, il y a également des éducateurs spécialisés
qui font partie de ces équipes-là, qui ont des suivis à faire et qui ne font
pas partie d'ordres, qui n'ont pas d'ordre. Donc, il y aura un enjeu à ce
niveau-là dans le partage d'informations. Et ce que je voudrais savoir, la
recommandation 11, vous dites de mettre en place des mesures pour éliminer les
obstacles freinant l'accès aux services des CLSC par les parents. Donc,
j'aimerais vous entendre un peu sur les obstacles qui peuvent être... qui
peuvent avoir préséance.
Mme St-Gérard (Rose) :
Malheureusement, ce n'est pas notre recommandation. C'est... on a
10 recommandations, mais... mais on peut...
Mme Guillemette : Bien,
parfait. Donc... mais... bien, on va continuer sur l'ordre. Donc, vous voyez
ça...
M. Leclerc (Denis) : Madame?
Ce que je réalise, excusez, c'est que vous avez fait référence à une
recommandation que nous avions pour la commission Laurent et non pour le projet
de loi.
Mme Guillemette : D'accord.
Mme St-Gérard (Rose) :
Désolé.
Mme Guillemette : S'il me
reste encore du temps, j'aimerais vous entendre comment vous voyez la relation
avec les équipes SIPPE, ceux qui n'ont pas d'ordre, et les ordres
professionnels. Comment on marie ça et on le fait correctement, là, en
protégeant et l'enfant, mais en donnant assez l'information aux personnes qui
ont à intervenir?
• (12 h 10) •
M. Leclerc (Denis) : Vous
savez, tout membre d'ordres professionnels est habitué de travailler avec des
membres d'une équipe multidisciplinaire. Parfois, ce sont d'autres membres
d'autres ordres professionnels ou du même ordre. Et souvent, évidemment, puis
vous avez nommé des techniciens en éducation spécialisée, supposons, bien, ce
sont des intervenants qui ne sont pas membres d'ordres professionnels. Et à
l'intérieur de ces équipes-là, il y a beaucoup de partage d'informations dans
les structures et dans les règles qui sont établies dans chacun de ces
établissements-là. Nous, on ne nie pas ça, hein, on ne dit pas qu'on ne peut
pas partager d'informations envers des gens qui ne sont pas ordre. Notre vision
n'est pas du tout, supposons, corporatiste ou quoi que ce soit. L'idée, c'est
simplement, je le répète comme je l'ai présenté au ministre, c'est de
dire : Parfois, la DPJ détient des informations où elle se dit «Cette
information-là est sensible, mais elle serait pertinente pour le milieu.» Et
pour m'assurer que je ne la lance pas dans le vide... je le fais à l'intention
d'un professionnel qui aura le souci de maintenir cette information-là, de la
gérer de la meilleure manière possible. Tout comme l'intervenant lui-même le
fait lorsqu'il a une personne qui est dans son bureau. Comme psychoéducateur en
milieu scolaire, je travaillais là, bien, je ne partageais pas tout ce que
j'avais comme information, mais je pouvais décider de ce qui se partageait.
Donc, c'est un peu cette responsabilité-là, mais ça n'enlève pas la
collaboration avec les intervenants qui ne sont pas membres...
M. Leclerc (Denis) :
...absolument.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre cet échange avec
Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui, merci,
monsieur le Président. Bienvenue. D'ailleurs, je vais poursuivre sur cette
question, lorsque la vie et la sécurité d'un enfant est en danger. Moi, j'ai
siégé... puis j'ai une collègue ici qui a siégé sur la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs. Et d'ailleurs, la commission Laurent en
parle, parce qu'il y a des endroits communs d'intérêt. Et la police nous disait
qu'ils n'avaient pas accès à l'information, qui était cruciale pour pouvoir
intervenir. Donc, est-ce qu'on... pensez-vous... Bon, cette notion de vie en
danger ou sécurité physique, dans votre domaine d'accès...
Puis je comprends très, très bien vos précautions,
comprends très, très bien, vous l'avez bien expliqué. Et que dans la vie,
normalement, les ordres professionnels peuvent se partager ces informations
sensibles, mais la police, non, actuellement, d'après ce qu'ils nous ont dit,
puis plusieurs corps de police nous l'ont dit. Et dans la protection de la
jeunesse, on a des fugueuses. Elles sont dans des centres, et elles sont très à
risque, et les policiers ont besoin d'information. Est-ce que vous avez une
perspective sur ces enjeux-là? Est-ce que ça prend une qualification interne,
pas dans la loi nécessairement, mais une compréhension?
Parce que les intervenants, évidemment,
ils n'avaient pas le droit de partager de l'information, alors ça les freinait
dans leurs efforts. Alors donc, cette disposition est bien reçue. Cette
recommandation est très bien reçue dans ce milieu-là. Est-ce que vous avez des
commentaires de précaution, je ne sais pas, avec votre expertise, comme vous
avez dans les autres domaines? C'est-à-dire que vous recommandez de professionnel
à professionnel. Dans ce domaine qui est particulier, avez-vous des
recommandations?
M. Leclerc (Denis) : Votre
question me permet de ramener, encore une fois, une précision. Notre
orientation principale et de base, c'est, d'abord, de dire que nous sommes
favorables à ce qu'il y ait davantage de partage d'information, et que ça se
fasse dans l'intérêt de l'enfant, évidemment, d'abord et avant tout. Donc,
quand vous nous parlez... quand vous situez un élément où la vie de l'enfant...
ou des éléments de sécurité, pour nous, c'est assez clair qu'on est dans la
situation de l'intérêt de l'enfant, et je pense que, dans un tel cas, il ne
devrait pas y avoir trop d'hésitations.
Ensuite de ça, ce qu'on s'est dit, c'est,
il faut juste le deuxième niveau. C'est comme de dire : On a deux questions à
se poser. Est-ce que ce serait dans l'intérêt de l'enfant que ce soit partagé,
d'abord? Et, de deux, est-ce que c'est très sensible, donc il faut faire
attention dans la manière de partager? Parce qu'on pourrait avoir une
information relativement banale, mais qui est dans l'intérêt de l'enfant. Et on
est très à l'aise à la partager, et la DPJ, souvent, le faisait déjà. Alors que
d'autres fois, ça peut être très sensible.
Dans ce deuxième niveau là, nous, on a
amené la notion de membre d'ordre, mais on peut amener d'autres notions. Moi,
je ne suis pas très familier avec le monde policier, mais je sais très bien que
les policiers ont à composer quotidiennement avec des informations sensibles,
qu'ils ne partagent pas de façon élargie. Alors, c'est un autre type
d'encadrement.
Mais dans le fond, c'est simplement...
Nous, on se dit, quand il y a des informations qui sont sensibles, on s'assure
d'à qui on les donne. Et moi, je pense qu'on est bien placés, nous, comme ordre
professionnel, à soulever que de le partager avec un membre d'ordre. On dit :
Nous, là, on encadre ces gens-là, puis on est confiants qu'ils vont bien
utiliser cette information-là. Mais les policiers pourraient répondre la même
chose, et moi, je n'aurais pas d'objection. Ce n'est pas une question
d'exclusivité. C'est par rapport à notre expertise et à nos membres. On dit :
Ces gens-là peuvent recevoir des informations confidentielles et bien les
gérer.
Mme Weil : C'est très bien,
ce que vous dites, d'ailleurs, parce qu'une porte est ouverte maintenant avec
le projet de loi, une fois que ce sera adopté. Mais ce que vous dites, il y a
des genres de mises en garde, donc, la DPJ, une formation, etc. Parce que pour
l'instant, c'est non, c'est non. Mais là, ils vont, et à l'interne... je
regarde la directrice nationale... donc, justement, les bonnes pratiques,
qu'est-ce qu'il faudrait instituer, donc. Bien, merci pour cette question.
Ma collègue, je pense... Il reste combien
de minutes?
Le Président (M. Provençal)
: Cinq minutes, madame.
Mme Weil : O.K. J'aurai une
autre question rapide, puis... Mais c'est... vous mentionnez... puis j'ai posé
la question à ceux qui sont venus avant vous... les familles d'accueil, que peu
est dit sur les familles d'accueil dans le projet de loi. «À notre avis, elles
devraient occuper une place plus marquée», parce qu'elles jouent un rôle
important. Peut-être, vous entendre sur cette question?
M. Leclerc (Denis) : Bien...
M. Leclerc (Denis) :
...les familles d'accueil sont souvent perçues, puis ma collègue pourra
peut-être compléter, sont souvent perçues comme étant un peu des intervenants
parallèles au système. Pourtant, elles sont excessivement intégrées. Et
souvent, bon, le ministre l'avait souligné, j'en ai fait référence tout à
l'heure, que souvent ils ne reçoivent pas l'information qui pourrait leur être
utile pour bien bien accompagner l'enfant qui leur est confié. Mais il c'est
aussi... à travers tout ça, on pense qu'il devrait y avoir... mais on ne s'est
pas autant arrêté sur la manière d'écrire sur plan légal la chose, mais on
trouve qu'elles sont encore une fois établies quasiment par politesse et un peu
en parallèle, plutôt que d'être intégrées dans l'ensemble du système. Rose a peut-être
un complément d'information à apporter là-dessus.
Mme St-Gérard (Rose) :
Bien, en effet, pour nous, il nous apparaît comme d'une grande importance qu'on
met de l'avant avec le projet de loi no 15, l'importance de la
mobilisation, la concertation et la collaboration entre les ressources, de
reconnaître aussi les ressources de type familial ou les familles d'accueil de
proximité, qui établissent des liens significatifs avec les enfants et, dans le
continuum de services, ont une valeur ajoutée à la stabilisation de l'enfant
qui est en situation de compromission. Donc, pour nous, c'est très important
d'en tenir compte.
Mme Weil : Très bien,
merci beaucoup. Avec votre permission...
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Alors, madame la députée de
Bourassa-Sauvé, à vous la parole.
Mme Robitaille : Combien
de minutes, monsieur le Président?
Le Président (M. Provençal)
: 3 min 30 s.
Mme Robitaille :
Parfait. Bonjour, merci. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je voulais vous
parler de comment bonifier la loi pour adapter les services aux communautés
ethnoculturelles. Moi, je suis la députée de Bourassa-Sauvé. C'est
Montréal-Nord, la grande... bien, la majorité de nos citoyens maintenant sont
issus de l'immigration. Beaucoup de nos citoyens font partie de minorités
visibles. Et quand on lit le rapport Laurent, on constate que les enfants noirs
sont plus susceptibles de se retrouver en protection de la jeunesse que
d'autres enfants.
Alors moi, je voulais vous entendre là-dessus.
Vous parliez tout à l'heure de responsabilités partagées. Vous disiez que le
rôle n'était pas seulement à la DPJ, on l'a dit, le ministre l'a dit, on l'a
tous dit. Mais vous, comment vous voyez cette problématique-là? Comment vous
pensez qu'on peut mieux aider les communautés noires défavorisées de lieux
comme mon comté, par exemple, à faire face à tous ces eujeux-là? Et vous, comme
Ordre des psychoéducateurs, comment vous pensez que vous pouvez jouer un rôle
là-dedans?
M. Leclerc (Denis) : L'enjeu
que vous soulevez est excessivement pertinent et important, évidemment. Nous ne
pensons pas, ceci dit, que c'est nécessairement un changement dans la loi.
Donc, on n'est plus dans les éléments de pratique. Donc, à ce moment-là, c'est
de s'assurer que les bonnes pratiques se font et qu'elles tiennent compte
également de ces diversités culturelles, ethnoculturelles, et autres. Donc, je
pense que ça, c'est un élément. Donc, tout à l'heure, on parlait de formation,
bien, alors, pour nous, de bien former des intervenants à ces dimensions-là, de
bien accompagner, de donner des lignes directrices qui, oui, sont universelles,
mais parfois elles sont ajustées aux réalités autant ethnoculturelles que
territoriales, hein? Le président de l'Ordre des travailleurs sociaux avant moi
soulignait les différences entre intervenir à Montréal et intervenir sur la
Basse-Côte-Nord, ou aux Îles-de-la-Madeleine, ou autres. Bien, c'est un peu
aussi des éléments. Donc, tous ces éléments-là en font partie.
Mais je reconnais tout à fait que, par
rapport à certaines communautés, vous avez parlé de... communautés noires,
notamment, bien, il y a des questionnements qu'on doit avoir, hein, sur
peut-être certaines réalités qui sont moins bien adaptées dans nos pratiques.
Mais je répète que je ne pense pas que la loi pour autant doive être changée
pour répondre à cette dimension-là. En tout cas, on n'a pas vu d'éléments dans
la loi qui nécessitaient peut-être un ajustement.
• (12 h 20) •
Mme Robitaille : Donc,
bien, je vois... Donc, une meilleure formation, une meilleure communication,
j'imagine, avec les parents, avec les gens de ces familles là. Parce que la
communication, souvent, elle ne passe simplement pas.
M. Leclerc (Denis) :
Bien, tout à fait, là, on est davantage dans l'ordre des pratiques, des bonnes
pratiques, puis également de ne pas écarter le souci qui est à la base de votre
question, à savoir : Est ce que...
M. Leclerc (Denis) :
...il y a des réalités auxquelles on devrait se pencher puis ne pas se
dire : Bien, non, non, la loi, c'est la même pour tout le monde puis on
l'applique de la même manière. Mais une fois qu'on... La loi est la même, mais,
après ça, il y a des façons de travailler les choses, de travailler avec les
communautés, d'échanger. Vous avez parlé de la question de la langue. Bien,
parfois, les parents ne parlent même pas ni l'anglais ni le français, alors, à
ce moment-là, c'est des réalités que les intervenants sur le terrain, de toute
façon, ils doivent ajuster. Mais on peut aller un peu plus loin que juste
dire : Bon, bien là, on va trouver un traducteur. Mais qu'est-ce qu'il y a
en arrière de tout cela? Je pense qu'il y a des réflexions importantes. Je ne
prétends pas que ce n'est pas fait, mais je souscris, comme vous, que... je pense
qu'il y a encore du travail à faire pour aller un peu plus loin...
Le Président (M. Provençal)
: Merci. J'invite le député de Jean-Lesage à poursuivre cet
échange.
M. Zanetti : Merci
beaucoup. Sur la question de la confidentialité, là, j'entends votre
assentiment à dire : Il faut favoriser le partage d'informations. Vous
donnez deux critères : quand c'est dans l'intérêt de l'enfant et que ce
n'est pas du contenu trop sensible, là, ce que j'ai compris. Pouvez-vous
imaginer une situation dans laquelle le partage d'informations irait trop loin?
Quelle serait la limite à ne pas franchir, selon vous?
M. Leclerc (Denis) :
Bien, en fait, j'essaie de trouver une image. Mais, pour moi, c'est qu'il est
difficile d'avoir un cas précis où la dimension va trop loin dans la mesure où
pratiquement toute information peut être pertinente, en autant que c'est dans
l'intérêt de l'enfant de la transmettre. Il a été dit... puis je vais donner
une image parce qu'elle me semble forte, également, mais elle touche pas,
justement... c'est plus facile, en plus, parce qu'elle ne touche pas le travail
d'un professionnel. Un enfant en bas âge qui est placé parce qu'il a eu des
abus sexuels, puis je me souviens que la responsable des familles d'accueil
disait : Le parent de famille d'accueil ne le sait pas, et, quand il
arrive à la maison puis qu'il lui donne un bain, bien, vous comprenez qu'ils ne
comprennent pas la réaction de l'enfant, alors que l'enfant est là justement
parce que ces situations-là étaient des situations d'abus. Donc, c'est une
information excessivement sensible, celle d'un abus sexuel, qui ne doit pas
être partagée sans prudence. Mais, dans ce cas-là, ne pas la partager peut
créer un préjudice.
Alors, c'est toujours faire cet
équilibre-là entre le partage de l'information, l'importance par rapport à
l'intérêt de l'enfant, et comment la partager, et donc à qui la partager. Donc,
ce qu'on dit, c'est, quand on arrive avec des informations sensibles... Puis,
dans ce cas-là, elle n'est pas d'une membre d'ordre professionnel, c'est une
personne d'une famille d'accueil. Mais, si on arrivait dans une école où il y a
une multitude d'intervenants, puis qu'on se disait : Il y a une
information qui est sensible, qui pourrait être pertinente, mais on ne veut pas
qu'elle se promène partout au niveau de l'école, bien là, on peut interpeller
un intervenant membre d'un ordre professionnel, et ça nous donne une manière de
pouvoir le faire avec prudence. Donc, c'est toujours... je vous ramène dire,
quand vous me demandez un exemple, bien, c'est plus toujours jauger les deux
éléments. Puis il n'y a peut-être pas tant d'informations qui ne peuvent jamais
être partagées, mais il faut être prudent quand même.
M. Zanetti : Je
reposerais ma question, mais autrement. Dans le fond, tout le dilemme que pose
cet enjeu-là, c'est : À quoi sert, finalement, la confidentialité dans le
cas d'une relation d'aide avec un enfant?
M. Leclerc (Denis) :
D'abord, la confidentialité, c'est un principe qui est très fort pour tout
membre d'ordre professionnel. Les informations qu'on a sont confidentielles,
et, à ce titre-là, bien, on doit les respecter. Mais, dans le cas qui nous
occupe, c'est de se dire : L'enfant, actuellement, vit une situation, il y
a une situation importante. Est-ce que les intervenants, pour continuer à aider
cet enfant-là, devraient savoir cette information-là? Un enfant qui vit une
situation où la DPJ est entrée chez eux, il y a eu peut-être le placement d'une
petite soeur, mais pas lui, le père a été arrêté dans ce cadre-là. Bon,
j'improvise, je m'en excuse. Bien, est-ce que l'école ne devrait pas savoir
qu'il se vit quelque chose d'important à la maison en lien avec une
intervention de la DPJ? Probable. Puis, même dans les conditions actuelles, ils
le sauraient. Mais l'idée est de dire : Qu'est-ce qui est important pour
aider cet enfant-là dans la continuité de son vécu, puis en continuité de
l'intervention de la DPJ? La DPJ a tout intérêt à ce qu'on puisse... malgré
l'intervention qui est excessivement perturbante pour un enfant, bien, elle a
tout intérêt à faire en sorte que les...
M. Leclerc (Denis) : ...qui
sont autour de cet enfant-là, puissent continuer à intervenir en accord et...
pour soutenir cet enfant-là, entre autres, dans toute sa détresse, au moment où
l'intervention se fait. Donc, il y a toute une collaboration qui peut aider
autant la DPJ que l'enfant et le milieu.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Une voix : Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons terminer cette période d'échange avec le
député de René Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Donc, je veux revenir sur la discussion que les
collègues ont eue sur les réalités régionales. Vous voyez les statistiques tout
comme moi. Il y a des communautés qui sont surreprésentées, il y a des jeunes,
dans des régions du Québec, qui sont sous-représentés à la DPJ. Bref,
statistiquement, on sait que, dans certaines communautés ou dans certaines
régions du Québec, il y a des enfants qui sont plus à risque que d'autres. Et
je comprends, dans la discussion qui a eu lieu tout à l'heure, que c'est peut
être difficile d'inscrire dans la loi des dispositions menant à aplanir ces
disparités-là. Mais est-ce que vous seriez d'avis... Parce que le ministre en a
fait mention tout à l'heure, il y a un nouveau préambule qui apparaît à
l'intérieur même du projet de loi. On pourrait faire cette distinction-là au
nom du bien être de l'enfant. Je m'explique. Considérant que les enfants peuvent
vivre des situations socioéconomiques différentes, ou ont des réalités
sociosanitaires, pardon, différentes, ou vivent dans des régions qui ont des
indices de dévitalisation différents, est-ce que ça pourrait donner une
indication au gouvernement de mettre des efforts supplémentaires, justement,
pour assurer que les services et les moyens et les ressources soient
disponibles là où on en a besoin, dans des régions criantes, ou dans des
secteurs, ou dans des communautés qui, malheureusement, sont surreprésentées?
M. Leclerc (Denis) : Vous le
soulevez pour inclure dans le préambule, et, à ce titre-là, bon, pour être
honnête, on ne s'est pas arrêté à ça, mais je trouve que l'idée peut être
intéressante, dans le même ordre d'idées qu'il y ait eu quand même des mesures
par rapport aux autochtones. Mais dans le préambule et en amont des mesures
pour les autochtones, bien, on dit que l'intervention doit se faire en tenant
compte des facteurs historiques, sociaux, culturels qui distinguent les jeunes
des communautés autochtones, mais on pourrait avoir ce même souci-là de
manière... en préambule pour tenir compte, de façon générale, des
particularités régionales et ethnoculturelles des communautés avec lesquelles
on travaille. Tout à fait. Peut-être, j'inviterais Rose, qui, elle, a travaillé
beaucoup avec les communautés autochtones, mais qui connaît bien également
l'ensemble de l'intervention, à compléter la question plus précise.
Mme St-Gérard (Rose) : Oui, en
effet, comme, votre préoccupation, elle est intéressante, que de l'inclure dans
le préambule, mais, déjà, le préambule faisait mention des déterminants qui
sont importants par rapport à la primauté de l'enfant. Donc, quand on est en
train d'analyser la primauté de l'intérêt de l'enfant, il faut nécessairement
prendre en facteur ces facteurs socioculturels qui le détermine, et cette
analyse doit faire une intervention beaucoup plus ciblée et complète, qui va
répondre aux besoins de l'enfant. Donc, effectivement, dans le préambule, il y
avait déjà des belles choses qui ont été statuées. D'aller plus loin par
rapport à vos recommandations, ça serait certainement aidant pour des enfants
qui vivent dans des conditions complètement différentes des grands centres. Ça
serait un ajout qui serait intéressant, et ça va dans le même sens que, nous,
on a nommé dans le mémoire, par rapport à la primauté de l'intérêt de l'enfant
qui en fait partie
M. Ouellet : Rapidement, je
voudrais revenir sur les dispositions sur le partage d'information qui ne sont,
à votre avis, pas suffisamment claire. Est-ce qu'on devrait effectivement
clarifier? Parce que, tout au long des choses qu'on a entendues lors de la
commission, les jeunes nous disaient : Bon, la DPJ faisait ce qu'elles
pouvait ou intervenait en fonction d'un cadre qui n'était pas clair. Là, on a
l'opportunité de l'éclaircir pour donner un guide le plus clair possible pour
que ce soit au bénéfice de l'enfant. Plusieurs spécialistes viennent nous
dire : Bien, ça va être au jugement du professionnel si cette information-là
devait être transmise ou pas. Il y a encore... à mon avis, il y a encore une
grande part, trop grande part d'interprétation sur la qualité de l'information
à transmettre ou du moins sa confidentialité. Ne devrait-on pas, comme
législateur, clarifier des détails et des caractéristiques qui fait que ce
genre d'information, de façon très précise, devrait être transmis à l'ensemble
des intervenants pour favoriser le bien être de l'enfant?
• (12 heures) •
M. Leclerc (Denis) : Bien, ça
va un petit peu... ça va dans le sens, effectivement, de ce que... Oh! il y a
un écho. Ça va dans le sens de ce qu'on a effectivement établi, mis de l'avant,
c'est-à-dire l'importance de... excusez, j'ai été distrait, l'importance,
effectivement, de bien établir cette transmission. Et on pense que... Vous
savez, même dans l'ancienne loi, on pouvait retrouver certains éléments ou une
formulation qui disait...
12 h 30 (version non révisée)
M. Leclerc (Denis) :
...quand on juge que c'est absolument
important, on peut transmettre, mais c'était très, très timide et ça ne se
traduisait pas. On voit un peu plus loin dans la formulation, mais on pense
qu'on devrait être un peu plus clair. On ne s'est pas arrêté sur la manière de
le formuler, mais on convient comme vous que ce n'est peut-être pas
suffisamment clair. Mais en même temps, je comprends la réticence des
intervenants de DPJ qui disent nous, on a les informations très, très
confidentielles et on veut éviter que ça tombe dans une image de voyeurisme, de
tout savoir et tout ça. Ce n'est pas nécessaire que tout le monde le sache,
évidemment. Et ce n'est pas toute information qui est pertinente. Alors, il
faut jauger ça. Et on soumet, là, bien humblement, là, l'idée d'essayer d'aller
un petit peu plus loin. Mais on se fie peut-être au travail des législateurs,
de trouver les bonnes formulations.
Mais je conclus avec ça, l'idée est plutôt
d'amener une culture où on ne fait pas juste partager parce que ça sert
l'intérêt de l'enfant oui, mais de la DPJ, mais également parce que ce sont des
partenaires importants puis on peut travailler en collaboration. Et c'est cette
culture-là qui est peut-être moins présente historiquement. J'ai été professionnel
dans des milieux, j'ai fait des signalements et on dirait que ça pouvait faire
trois ans que je travaillais avec un jeune, et au moment où je fais le
signalement, je suis éclipsé complètement du suivi de ce qui se passe par
rapport à ce jeune-là. Pourtant, je pense que je pouvais à ce moment-là
continuer à être un collaborateur et continuer à être important pour le jeune.
Et parfois, c'est le jeune lui-même qui me ramenait l'information que la DPJ ne
m'avait pas transmise. Alors, vous voyez un peu. C'est des situations comme
celle-là qu'on pense que, en bout de ligne, cette culture-là de travailler en
silo, on doit essayer de passer à autre chose.
Une voix : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Je remercie Mme St-Gérard et
monsieur Leclerc pour leur participation et leur contribution à nos travaux. La
Commission suspend les travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 30)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on va reprendre nos travaux.
Bienvenue à la Commission de la santé et des services sociaux. La Commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi numéro 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de
la jeunesse et d'autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons les
personnes et groupes suivants : l'Alliance du personnel professionnel et
technique de la santé et des services sociaux du Québec, M. Jean-Pierre Hotte,
l'Assemblée des Premières Nations Québec Labrador et le Barreau du Québec.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé
et des services sociaux. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
présenter votre exposé. Et, par la suite, il y aura un échange avec les membres
de la commission. Alors, je vous cède immédiatement la parole. Merci de votre
présence.
M. Garceau (Steve) : Monsieur
le Président, monsieur le Ministre, Mesdames et messieurs les députés, merci de
nous recevoir aujourd'hui. Permettez-moi tout d'abord de vous présenter celui
qui m'accompagne, Maxime Vallée-Landry, coordonnateur au secteur de l'organisation
du travail à l'APTS. L'APTS est une organisation syndicale qui représente plus
de soixante mille professionnelles et techniciennes qui pratiquent dans le
réseau pour plus d'une centaine de titres d'emploi. Parmi ces 60 000 membres,
l'APTS compte une très grande majorité du personnel des services en protection
de la jeunesse, soit quelque 10 000 intervenants...
15 h 30 (version non révisée)
M. Garceau (Steve) : ...notre
organisation a donc une compréhension fine des services jeunesse et des défis
auxquels font face les jeunes qui en bénéficient. Pour ma part, je suis Steve
Garceau et je suis représentant national à l'APTS. J'ai travaillé pendant 12 ans
en centre jeunesse, 9 ans à titre de psychoéducateur, avec ce que ça
représente de fierté, mais aussi de déchirements.
Personnellement, dans le milieu, on est
rendus à se dire qu'on va tous être confrontés à un drame majeur pendant notre
passage à la protection de la jeunesse. Personnellement, j'ai vécu des
situations excessivement difficiles, voire indescriptibles. Et chaque fois
qu'un drame comme celui de Granby arrive, c'est avec la même douleur que je
pense aux enfants, aux familles et aux personnes qui les accompagnent. Parmi
elles, il n'y en a pas une que je connaisse qui n'a pas cette mission à cœur :
Sauver des enfants, c'est notre raison d'être. D'emblée, je veux saluer
l'initiative du gouvernement de rouvrir la Loi sur la protection de la jeunesse
et vous répéter que l'apts a reçu favorablement ce projet de loi. Je pense que
nous partageons tous ici une conviction, c'est que dorénavant le bien être de
nos enfants doit primer. Des améliorations importantes en ce sens sont à noter.
Nous saluons notamment la mise en place de la représentation systématique des
enfants par avocat, l'amélioration des partages des renseignements ainsi que la
bonification du panier de services jeunesse.
Cependant, certains éléments ne sont pas
encore à la hauteur de nos ambitions collectives. À l'APTS. On croit qu'on peut
aller plus loin pour assurer le bien être des jeunes de la province. Ça
commence par nous assurer de ne rien laisser échapper dans la réécriture de
cette loi sur laquelle on va se reposer pour protéger nos enfants. Vous-même le
disiez le 10 décembre dernier, monsieur Carmant. Les articles 3 et 4
de la LPJ apportent une certaine confusion sur le terrain, à savoir que les
intervenantes sont déchirées entre protéger l'enfant et le maintenir dans son
milieu familial. L'APTS considère que la modification proposée dans le PL 15
ne dissipera pas ce flou. Comme l'a réitéré Mme Laurent ce matin, c'est
crucial que les principes généraux de cette loi établissent clairement la
primauté du bien être de l'enfant. C'est d'ailleurs l'objet de notre première
recommandation, qui empêche un glissement vers le retour d'un milieu familial à
tout prix, et ce, aux dépens de l'intérêt de l'enfant.
Aussi, l'article 76.2 est celui qui a
soulevé le plus d'inquiétudes de la part des intervenantes et procureurs
consultés. Son ajout prévoit en substance que toute demande pour une ordonnance
sur mesure d'urgence doit faire l'objet d'une signification aux parents, et ce,
24 heures à l'avance. Cela veut dire que l'entrée en vigueur d'une mesure
d'urgence visant par exemple à protéger un enfant qui risque de subir un abus
sexuel pourra être reportée par la Cour. On risque donc d'exposer l'enfant à
des situations compromettantes pour sa sécurité à cause de contraintes administratives.
On propose donc de retirer l'article 76.2 dans son intégralité, ou, à
défaut, d'ajouter un alinéa à l'article 76. 1 pour prévoir quelles
nouvelles obligations vont être effectuées dans la mesure du possible et selon
les modalités pertinentes dans le contexte. Nous ne pouvons tout simplement pas
nous permettre de faire courir des risques aussi graves aux enfants. Monsieur
le ministre, les enfants n'ont pas le temps d'attendre.
Nous voulons aussi attirer votre attention
sur l'article 85 point 1 de la Loi sur la protection de la jeunesse,
qui présume de l'aptitude de l'enfant de 14 ans et moins à témoigner. En
l'état, cet article fait porter sur l'enfant le poids de sa propre protection
en l'obligeant à venir témoigner pour prouver qu'il en est incapable ou encore
pour prouver que témoigner porte atteinte à sa sécurité ou à son développement.
Vous admettrez que c'est paradoxal. Vous comprendrez donc notre surprise de
constater qu'aucune modification n'est prévue dans le projet de loi pour
corriger le tir. Pour déclarer un enfant inapte à témoigner, il faut qu'une des
parties soulève un doute quant à son inaptitude, puis que le tribunal lui-même
procède à l'interrogatoire de l'enfant pour trancher sur la question. Cela peut
avoir des conséquences extrêmement graves pour la santé psychologique de
l'enfant, notamment en réactualisant son traumatisme.
Même si les parties consentent de visu à
l'inaptitude de l'enfant à témoigner, aucune disposition ne permet de le
soustraire à l'interrogatoire par le tribunal. Il faut modifier la LPJ pour que
plus jamais des enfants en bas âge, victimes de sévices graves, ne se
retrouvent questionnés par un juge dans des conditions qui nuisent à leur santé
psychologique et émotionnelle. Heureusement, ces situations peuvent être
évitées en harmonisant les principes généraux du témoignage prévus à la Loi sur
la protection de la jeunesse à ceux au Code civil. C'est d'ailleurs l'objet de
notre troisième recommandation. Je ne vous cache pas non plus qu'il y a
beaucoup d'intervenantes et de procureurs du DPJ se réjouiraient de voir un
comité d'experts se pencher sur la possibilité d'établir un âge minimal en deçà
duquel les enfants sont automatiquement considérés inaptes à témoigner. Voilà
pour ce qui est du texte de loi à proprement parler.
Ceci dit, une loi reste à l'état de
symbole tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas appliquée. En l'occurrence,
ce travail d'application va revenir en écrasante majorité au personnel en
centre jeunesse et...
M. Garceau (Steve) :
...aux membres de l'APTS qui travaillent à titre d'intervenantes. Mon rêve, et
je sais que mon organisation et mes confrères et consoeurs le partagent, c'est
qu'on sort tous d'ici avec cette même conviction que le bien-être des enfants
est indissociable de celui du réseau.
Alors, oui à plus d'accompagnement
psychosocial. Oui à des services offerts avec l'intensité requise. Oui à
favoriser les contacts de l'enfant avec les personnes qui lui sont chères. Oui
à une transition plus plus fluide vers l'âge adulte, et on peut même en faire
plus. Tous ces services sont indispensables, et les personnes qui travaillent
en protection de la jeunesse sont les premières à se réjouir à l'idée de
pouvoir donner ces services. En revanche, ils et elles sont aussi catégoriques.
Le réseau, dans son état actuel, n'est pas en mesure d'assurer des services
supplémentaires.
Monsieur le ministre, le plus gros du
travail reste à faire. Vous avez le devoir de rendre la LPJ effective. Pour ça,
des investissements conséquents et pérennes sont incontournables. Ne manquez
pas, s'il vous plaît, l'occasion qui se présente à vous de doter le Québec d'un
bouclier de protection budgétaire pour les services de protection de la
jeunesse. Confions annuellement le mandat à une entité indépendante de
déterminer les ressources nécessaires pour livrer des services jeunesse à la
hauteur de nos ambitions, par exemple, le Vérificateur général. Confions à la
directrice nationale de la protection de la jeunesse, celui de s'assurer que
les DPJ régionaux aient accès à ces sommes. Ayons l'audace et le courage au
Québec de mettre un instant de côté les allégeances politiques pour le
bien-être des milliers d'enfants. C'est maintenant ou jamais. Il en va de leur
santé, de leur sécurité, voire de leur vie.
Je veux aussi vous rappeler les propos du
premier ministre lui-même, qui déclarait en octobre dernier que les personnes
les mieux placées pour connaître la meilleure façon de faire sont celles qui
travaillent sur le terrain. C'est particulièrement vrai lorsque vient le temps
de déterminer les mesures qui s'imposent pour assurer le bien-être de l'enfant.
Pourtant, des délais maximaux sont encore prévus pour les ententes sur les
mesures volontaires. Que se passe-t-il donc quand les intervenantes considèrent
qu'il faut prolonger ces ententes? Ils et elles doivent s'en remettre aux
tribunaux, ajoutant à la surcharge de travail et à celle du palais de justice.
Profitons donc aussi de ce projet de loi
pour mettre les beaux principes en application et reconnaître une bonne fois
pour toutes l'expertise socioclinique des professionnels impliqués. En plus de
leur donner les moyens de nos ambitions, laissons-leur la latitude de faire
leur travail en collaboration avec les familles et les enfants. Retirer les
délais maximaux prévus à l'article 53 de la LPJ est un bon point de départ
pour le faire. Le bien-être des enfants est tout simplement inatteignable, sans
une franche revalorisation et une considération accrue et systématique de
l'expertise des professionnels qui se donnent tous les jours pour assurer
l'épanouissement de nos jeunes.
Finalement, le bien-être de nos jeunes va
passer par un leadership fort, clairement défini et paritaire en matière de
protection de la jeunesse. L'APTS salue la création et l'institution dans le
projet de loi d'une directrice nationale de la protection de la jeunesse, mais
la structure proposée pour ce poste suscite énormément de questions. Des
questions quant au partage des compétences entre la DNPJ et les ordres
professionnels. Des inquiétudes sur les contours des pouvoirs de la DNPJ et sur
son imputabilité. Des craintes quant à sa dépendance au ministère et à son
positionnement non pas comme une alliée des enfants et de ceux qui les
accompagnent, mais comme une énième instance de direction centralisée. Nous
manquons malheureusement de temps pour vous les exposer plus en détail, mais
Maxime et moi serons heureux de revenir là-dessus durant la période de
questions.
Pour finir, j'aimerais rappeler que l'APTS
a toujours prôné que la clé pour améliorer les conditions des enfants au Québec
se trouvait en amont de la protection de la jeunesse. En ce sens, nous
maintenons que la priorité du gouvernement doit être de renforcer les services
de première ligne et de prévention. Parce qu'ultimement ce que nous visons tous
et toutes, c'est que la protection de la jeunesse, qui nous occupe aujourd'hui,
soit le tout dernier recours. Merci beaucoup.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci, monsieur Garceau, pour votre exposé. Nous allons
débuter cette période d'échange avec monsieur le ministre. Alors, monsieur le
ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant :Merci
beaucoup, monsieur le Président. Merci Monsieur Garceau, monsieur
Vallée-Landry, pour le mémoire et puis pour votre présence ici aujourd'hui.
Allons-y avec le premier point. Alors, on
parle de renforcer la primauté et l'intérêt de l'enfant. Plusieurs nous ont dit
de renforcer le préambule, quand on parle de "une priorité" versus
"la priorité", mais vous, dans votre mémoire, vous parlez surtout de
modifier l'article 4 en y retirant la dernière phrase, qui est... bien, je
peux vous la lire, là: "Le maintien de l'enfant dans son milieu doit être
privilégié, à condition qu'il soit dans l'intérêt de...
M. Carmant : ...cet enfant.
Donc, vous, vous pensez que ce serait encore plus clair si on retirait cette
phrase?
M. Garceau (Steve) : Merci,
M. le ministre, pour la question. Effectivement, c'est... votre compréhension
est la bonne. Nous, on croit que dans le libellé actuel du projet de loi 15, la
confusion historique qui a été longtemps évoquée entre... et le déchirement
entre maintenir un enfant et essayer le retour de l'enfant dans un milieu
familial à tout prix va être encore là. Nous, ce qu'on propose, c'est de
retirer notamment la dernière phrase, comme vous l'avez mentionné, mais aussi
les mots et ce qui est marqué qu'il n'est... «s'il n'est pas possible de
maintenir l'enfant dans le milieu familial». De cette façon-là... Puis on se
comprend bien, là, c'est implicite. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait un
seul critère qui prime, et c'est l'intérêt de l'enfant. Nécessairement, si le
retour de l'enfant dans le milieu familial est dans son intérêt, on s'entend
que la réflexion clinique juridique va s'entourer autour de ça. Mais, pour
nous, on pense qu'il faut encore plus être explicite dans le projet de loi et
maintenir le seul et unique critère qu'est l'intérêt de l'enfant, puis dans
lequel découlent évidemment la stabilité et la continuité des liens.
M. Carmant : Parfait. C'est
clair. Aussi, une chose qui m'a surpris un peu, c'était que... la question de
l'aptitude des enfants plus jeunes à témoigner. C'est la première fois que j'en
entendais parler. Donc, j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus,
tu sais, de me montrer une situation où c'est... ça peut être préjudiciable au
bien-être de l'enfant. Puis est-ce que vous pensez que la mesure qu'on prend
que chaque enfant soit représenté par un avocat vient pallier à ça? Puis, tu
sais, vous dites que ça a l'air de quelque chose qui serait quasiment
souhaitable par plusieurs personnes qu'on mette une limite d'âge, mais c'est
vraiment la première fois que j'entends parler de ça. J'aimerais vous entendre
un petit peu plus sur ce sujet-là.
M. Garceau (Steve) :
Absolument. Merci, M. le ministre, pour la question. Tout ça est issu aussi de
consultations, là, je tiens à le mentionner, de nos membres, des intervenantes,
mais aussi des juristes qui travaillent depuis plusieurs années à la Protection
de la jeunesse. En fait, ce que la loi sur la protection, à l'article 85,
prévoit, c'est que l'enfant doit absolument passer devant le tribunal pour
déclarer son inaptitude à témoigner. Ce qu'on a vu dans plusieurs districts du
Québec, c'est que les questions qui étaient adressées à l'enfant pour démontrer
son inaptitude pouvaient être, et pardonnez-moi le mot, un peu insignifiantes:
À quelle école vas-tu? Quelle est la couleur de ton gilet? Alors, si l'enfant
répond... a une bonne réponse là-dessus, on le déclare apte à témoigner des
sévices, des sévices graves qu'il a vécus. Pour nous, c'est complètement contre
l'intérêt de l'enfant. On pense qu'il devrait y avoir non seulement un... On
pourrait avoir un consentement entre les parties pour déclarer l'enfant inapte
à témoigner puis on pourrait se rapprocher aussi davantage du Code civil, qui
prévoit déjà ce type... On le cite dans nos mémoires, les articles 28-43, par
exemple, du Code civil et du Code de procédure civile. Si on se rapproche de
ça, on pense qu'on va atteindre un objectif de préserver les enfants. Des
témoignages qui peuvent raviver des traumatismes.
M. Carmant : D'accord. Puis
est-ce qu'il y a un âge, ou c'est plutôt le statut neurologique, là, ou le...
Quel est le facteur, selon vous, là...
M. Garceau (Steve) : En fait,
l'essence de notre...
M. Carmant : ...qui détermine
le plus, là? Parce que je vois que les questions que vous posez sont un peu
pour vérifier le niveau, le statut neurologique de l'enfant, là. Mais quel est
le critère, selon vous, là, qui importe le plus?
M. Garceau (Steve) : Merci.
Dans notre mémoire, on a fait volontairement le choix de ne pas statuer sur un
âge, parce qu'on ne considérait pas que nous avions l'expertise, comme
organisation syndicale, de déterminer un âge. Ce que je peux vous dire, c'est
qu'on entend des fois six, sept ans, mais, tu sais, je ne veux pas m'avancer
là-dessus. Nous, ce qu'on recommande vraiment, c'est un comité d'experts qui
pourrait se pencher sur la question pour le déterminer, cet âge minimum là.
M. Carmant : D'accord. Là, je
comprends tout à fait. Recommandation numéro 6, sur les délais maximaux des
ententes, la plupart des mémoires nous félicitent d'avoir inclus cette
clause-là. Vous, vous dites qu'on n'est pas allés assez loin. Expliquez-moi,
s'il vous plaît.
M. Garceau (Steve) : Merci.
En fait, là, on salue l'avancement. Tu sais, je veux quand même qu'on soit
clairs, là, on est favorables à un avancement entre deux et trois ans de
mesures volontaires. Par contre, on s'est retrouvés dans des situations où
est-ce qu'on était dans l'obligation de judiciariser des dossiers, alors...
M. Garceau (Steve) : ...qu'on
arrivait peut-être à terme, on aurait signé une autre mesure volontaire de
peut-être six mois ou un an supplémentaire à terme. Il y a aussi les délais des
tribunaux où est-ce qu'on encombre, à notre avis, le système judiciaire en
plus, des fois, d'arriver avec des situations, où est-ce qu'on va travailler...
ça va venir interrompre, ça va venir - c'est ça - interrompre un peu le lien de
confiance, la relation qu'on a travaillée avec les personnes, en mesures
volontaires, avec les usagers, dans lesquelles on dessert les services. Nous,
ce qu'on se dit, c'est que s'il y a une collaboration, s'il y a une poursuite
commune d'objectifs entre le directeur de la protection de la jeunesse, les
enfants et les parents pour mettre fin à la situation de compromission, on doit
absolument envisager ce sens-là en plus d'aider à alléger la charge de travail
de nos intervenantes, alléger la charge de travail de nos juristes et de ne pas
imposer. Parce que, quand les intervenantes vont au tribunal, après deux ans de
mesures volontaires, il ne faut pas oublier qu'on doit faire l'ensemble de la
déclaration pour laquelle la sécurité, le développement est compromis, donc de
retourner dans toute l'antériorité de l'histoire, ce qui n'est pas
nécessairement plaisant pour les parents, les enfants, parce qu'on doit tout
raviver, encore une fois, certains événements du passé, qu'on avait peut-être
réussi à travailler, à mettre de côté et évoluer dans la dynamique clinique,
dans l'accompagnement.
Donc, pour toutes ces raisons-là, nous, on
pense qu'on a toute l'expertise nécessaire à l'intérieur de la Protection de la
jeunesse pour évaluer la pertinence ou non de soumettre un dossier au tribunal,
une situation au tribunal.
M. Carmant : D'accord, je
comprends. Au niveau de la directrice nationale, on a vraiment suivi les
recommandations de la Commission Laurent. Pour eux, c'était important, même, je
dirais, clé le rôle de sous-ministre adjoint qui venait avec cette position-là.
Vous, vous parlez plutôt d'un rôle du type protecteur du citoyen. Qu'est-ce qui
justifie votre demande?
M. Garceau (Steve) : En fait,
nous, on croit vraiment qu'on doit avoir une entité indépendante qui va être
une grande vigie pour l'ensemble d'intérêts des enfants. On considère
actuellement que, dans sa forme, dans le projet de loi 15, la directrice
nationale de la protection de la jeunesse est un peu, je dirais, juge et
partie, donc elle va instaurer des directives cliniques, des normes de
pratique, ces choses-là et, ensuite de ça, elle va se retrouver avec un pouvoir
d'enquête pour venir... Tu sais, il y en a beaucoup de pouvoirs d'enquête. Il y
a la CDPDJ, il y a le Protecteur du citoyen, il y a les mécanismes de plaintes
internes, ces choses-là. Nous, on voyait vraiment, puis c'est conformément au
mémoire que nous avions déposé à la Commission spéciale sur les droits de
l'enfance et la protection de la jeunesse, vraiment une entité complètement
indépendante à tout appareil politique pour vraiment être le porte-parole des
enfants au Québec.
M. Carmant : Êtes-vous en
train de définir le commissaire?
M. Garceau (Steve) : Je vous
laisse...
M. Carmant : D'accord. Je
termine. Mais parlant de ça, du commissaire, vous avez parlé également, là, de
ce rôle d'imputabilité puis de guichet. On a entendu récemment, là, des enjeux
avec la Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse. Êtes-vous
inquiet de ce que vous avez entendu récemment sur le terrain? Est-ce que c'est
une réalité?
• (15 h 50) •
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci,
monsieur le ministre. Bien, effectivement, on a une certaine crainte de qui va
avoir les pouvoirs et l'indépendance nécessaire pour faire ce type d'enquête
là. Donc, pour nous, on se pose la question comment et... Il n'y a aucune
indication, en fait, dans le projet de loi sur comment cette... la... va être
capable de mettre ça en oeuvre, et, pour nous, ça l'amène beaucoup plus de
questions que de solutions pour l'instant.
Donc, on se demandait s'il n'y avait pas
moyen de le définir d'une façon beaucoup plus directe à ce moment-là
puisqu'actuellement ce qu'on a comme impression, c'est que la Commission des
droits de la personne et de la jeunesse est en train de perdre des pouvoirs par
rapport à ça, mais que ceux qui vont être donnés via les pouvoirs des
commissions d'enquête à la directrice nationale de la protection de la jeunesse
ne seront pas utilisés dans le même sens que c'était auparavant et non plus de
la manière que c'était amené dans le rapport de la Commission Laurent...
M. Vallée-Landry (Maxime) :
...où on avait une entité strictement indépendante qui a cette capacité-là, qui
ne s'occupe que des droits des enfants.
M. Carmant : D'accord.
Mais sachez que, sur le napperon, là, comme on dit, qu'on a déposé, le
commissaire est vraiment dans la phase 2, et ça reste un objectif pour
nous. M. le Président, si vous...
Le Président (M. Provençal)
: 4 minutes.
M. Carmant : Si vous
acceptez, je passerais la parole au député de Dubuc.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Monsieur le député de Dubuc, à vous.
M. Tremblay : Merci,
monsieur le président. D'abord, bonjour à vous. Je tiens à saluer, évidemment,
votre engagement. Je ne voudrais pas être redondant. Vous avez parlé, tout à
l'heure, de manquer de temps, un peu, vers la fin de la présentation. Il a été
question de structure, il a été question d'implication accentuée de la part des
professionnels. Vous avez parlé de la direction. Ce matin, on a évoqué les
forums potentiels. On a parlé aussi des disparités au niveau des régions, au
niveau des types de réalité. Une dame qui a évoqué la possibilité d'avoir des
forums plus adaptés pour intervenir selon les contextes des localités. Si vous
pouviez continuer, comment vous envisagez les structures additionnelles pour
mieux intervenir?
M. Garceau (Steve) :
Merci beaucoup pour la question, monsieur le député. Effectivement, dans notre
mémoire, on en fait état. Nous, on croit que, pour avancer dans le bon sens
dans l'intérêt des enfants, on doit, conformément à toutes les pratiques
actuelles de relations industrielles, d'administration publique, les meilleures
pratiques en gestion, impliquer les gens qui proviennent de la base, nos
professionnels dans les pistes de solution. Si on regarde, actuellement, dans
le libellé, au niveau de la directrice nationale... dans le projet de
loi 15, au niveau de la directrice nationale de la protection de la
jeunesse, on voit une structure que j'appellerais un peu top-down. Donc, nous,
on pense que nos intervenantes, les organisations syndicales qui oeuvrent en
protection de la jeunesse doivent être davantage impliquées dans toute l'élaboration
de ce projet collectif, ce projet de société là pour les enfants.
Et là vous amenez la piste au niveau de
décentraliser au niveau régional par rapport aux particularités de chacune des
régions. Et, pour nous, ça, c'est quelque chose qu'on accueillerait très
favorablement. S'il y a des consultations spécifiques, il y a des forums
spécifiques, dans chacune des régions, pour travailler différents enjeux des
particularités régionales, on sait intervenir dans des régions comme Montréal,
par exemple, avec une grande diversité ethnoculturelle ou intervenir, des fois,
en région avec d'autres types de problématiques qu'on voit en protection de la
jeunesse, ce n'est pas toujours les mêmes enjeux.
Ceci étant dit, on pense quand même que
l'intérêt de l'enfant, pour revenir à l'intérêt de l'enfant, doit toujours être
défini de la même façon. Dans le sens où est-ce que l'article 38 de la
protection de la jeunesse prévoit les situations où est-ce l'intérêt de... où
est-ce que la sécurité et le développement de l'enfant est compromise, puis on
doit absolument continuer à se coller là-dessus pour que ça soit uniforme au
Québec.
M. Tremblay : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Une minute.
M. Tremblay : Bien,
écoutez, je ferais un peu de millage sur une question, peut-être. Il a été
aussi évoqué des connaissances fines au niveau... Vous parlez des réseaux puis
des possibilités de partenariats. Il a été question des connaissances fines au
milieu scolaire. À votre avis, les intervenantes, ou les enseignantes, ou en
service de garde, à votre avis, est-ce qu'ils sont outillés pour collaborer et
participer, par exemple, à un réseau comme celui-là, de cumul de données en
région, selon votre avis? Est-ce qu'ils sont en mesure de documenter?
M. Garceau (Steve) : En
fait, je crois que oui. Je pense que tous nos partenaires ont les outils
nécessaires pour atteindre cet objectif-là. Est-ce que... Il faut toujours
continuer à prévenir, sensibiliser, informer les gens sur les motifs de
protection de la jeunesse, quand signaler une situation, etc. Il faut toujours
continuer cette éducation-là. Il faut aussi continuer à sensibiliser la
population pour que... Tu sais, parce que l'esprit, aussi, du rapport Laurent,
c'était d'avoir une responsabilité collective, hein, c'est que tous les
citoyens, citoyennes du Québec aient une sensibilité par rapport aux enfants,
qu'ils soient leurs voisins, leurs neveux, leurs nièces, ces membres de la
famille là, les membres de la communauté. Alors, il faut absolument continuer
une vigie au niveau de ces enfants-là. Nous, on est absolument d'accord avec
ça. Puis, oui, on pense que, nos partenaires, on les...
M. Garceau (Steve) : ...sont
capables de documenter certains, certains éléments.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre nos échanges avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce, à vous.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Garceau, M. Vallée-Landry. Vous avez beaucoup
de passion et de compassion, on le sent. Vous avez beaucoup d'expérience. C'est
émouvant, émouvant de vous entendre, et on salue votre courage vraiment et
votre résilience, et c'est bien. Heureusement que des gens, personnes aussi
dédiées. Puis, vous comprenez tellement bien les rouages du système, c'est
aussi très éclairant.
Ce que je trouve intéressant, c'est que
vous avez consulté des avocats qui sont vraiment dans la pratique, qui sont là
tous les jours, ils voient les problèmes. Je dois dire que j'ai eu des
discussions avec des avocats qui travaillent dans le domaine, et c'était
beaucoup moins technique que ce que ,vous, vous apportez, mais ils faisaient
des commentaires semblables. Donc, ils essayaient de comprendre en quoi il y
avait vraiment un changement et tout ça. Donc, il y a quelque chose à aller
chercher dans ces deux... ces deux analyses. Les juristes qui sont dans le
système et ceux qui, comme vous, sont dans le système et le regard de
l'extérieur un peu, qui trouvent qu'on met vraiment l'intérêt de l'enfant en
priorité.
Alors, je vais vous demander peut être de
revenir sur, c'est à votre page 2, toute la recommandation que dans le
nouvel article 4 de la loi, tel que proposé dans p.l. 15, retirer la
mention «n'est pas possible» qui se trouve à trois endroits et ôter la dernière
phrase, bon, tout ça, et une certaine confusion qui... bien, «principes
généraux des modifications encore trop frileuses». Et qu'est-ce que vous avez
entendu des gens sur le terrain et donc qu'est ce qui pourrait améliorer
concrètement qu'est-ce qu'ils vivent ,et pourquoi le problème? Parce que, ce
que je dois vous dire, c'est : Si on ne pratique pas dans ce domaine-là,
ce n'est pas évident, surtout pour des députés, même si je suis avocate, et
c'est pour ça que je suis très curieuse de comprendre qu'est ce qui ne marche
pas et qu'est-ce qui pourrait améliorer le projet de loi dans le sens de la
volonté de tous, d'après ce que je comprends.
M. Garceau (Steve) : Merci
pour la question, Mme la députée, très appréciée. Merci pour le beau témoignage
aussi à notre égard, c'est toujours apprécié, c'est une belle dose de
reconnaissance.
La confusion que j'essayais de mettre en
lumière tantôt dans mon allocution et en répondant au ministre Carmant, elle
existe depuis longtemps. M. Camil Bouchard le dénonçait alors qu'il était
ministre lui-même. Il y avait eu un projet de loi sur le sujet qui proposait
sensiblement ce que nous proposons aujourd'hui. La confusion, elle existe chez
les intervenants. Elle existe aussi chez les juristes à l'heure actuelle. La
confusion est la suivante, c'est qu'on est toujours pris avec l'écriture de la
loi actuelle. Il y a comme... Il y a comme dans la loi actuelle, une
instauration d'une certaine, puis je vais l'expliquer comme ça, là, une
certaine hiérarchie de l'intérêt de l'enfant qui est le retour dans le milieu
familial. Ça peut expliquer en grande partie certains aller-retour qui se sont
faits entre différents milieux. Essayer un retour chez le parent alors que dans
une situation, par exemple, on avait une grand-maman qui, pour toutes les
raisons du monde, s'est occupée de son enfant toute sa vie. Et là, la Loi de la
protection de la jeunesse rentre puisque la mère n'était pas disponible et ces
choses-là. Et là la loi, ce qu'elle nous dit, c'est que si ce n'est pas
possible de retourner l'enfant dans un milieu familial, envisager un autre
milieu. Alors, implicitement, ce que ça ne nous dit, puis elle est là, la
confusion, c'est l'intérêt de l'enfant, c'est un peu de retourner l'enfant dans
le milieu familial. Alors, on fait des essais, on travaille ad vitam aeternam
avec le parent, et là, finalement, on l'a dit plus souvent qu'autrement, le
temps est extrêmement précieux pour un enfant. Plus on joue avec le temps e
d'un enfant, plus ça peut avoir un impact sur son développement, sur son lien
d'attachement à ces choses-là. Alors, si on veut vraiment renforcer la loi pour
qu'elle soit centrée sur la stabilité et la continuité des liens et sur
l'intérêt de l'enfant évidemment, on doit éviter cette confusion. Ceci étant
dit, on n'est pas en train de dire qu'il faut retirer les enfants. Ce qu'on est
en train de dire ça, c'est : Il est possible que l'intérêt de l'enfant, ça
soit de le maintenir et de le retourner dans son milieu familial. Mais on veut
éviter ce retour-là ou ces essais-là, ces tentatives de retour à tout prix.
• (16 heures) •
Mme Weil : Ça, je
comprends la confusion. Mais dans votre recommandation, c'est à dire au fil des
années, dans la pratique, mais en quoi le projet...
16 h (version non révisée)
Mme Weil : ...le projet de loi
ne vient pas solidifier donc cette confusion, et en retirant la mention
"n'est pas possible", selon vous, ça règle ou en partie, ça règle
l'enjeu? Dans le nouvel article 4 tel que proposé, retirer la mention
"n'est pas possible". Juste expliquer cette recommandation qui
viendrait clarifier ou rendre plus solides les objectifs de la commission
Laurent et du ministre.
M. Garceau (Steve) : Effectivement,
dans le projet de loi 15 actuel, on voit... c'est davantage un
réaménagement où est-ce qu'on reprend des principes qui sont dans les articles 2
et 3 aussi. Quand on lit dans le projet de loi 15, on lit encore
"lorsqu'il est dans l'intérêt de l'enfant, il n'est pas possible de
confier l'enfant à ces personnes, la décision doit alors tendre à le confier à
un milieu de vie s'y rapprochant". Donc, comme je le disais tantôt, on est
encore en train de suggérer dans la loi que la première chose à faire, c'est de
tenter un retour dans le milieu familial. Pour nous, la première phrase est
suffisante. Si on lit notre recommandation, là, en annexe, notamment de notre
mémoire, quand on lit, "toute décision en vertu de la présente loi doit
viser la continuité des soins... la stabilité des liens d'un enfant à des
conditions de vie appropriées à ses besoins de son âge." Nous, on
considère dans notre analyse que c'est suffisant pour se concentrer sur
l'intérêt de l'enfant, puis prendre la meilleure décision dans son intérêt.
Mme Weil : ...sans exception,
donc, c'est surtout le libellé, la façon que c'est écrit qui n'est pas assez
fort. J'aimerais vous amener sur le... le ministre vous a posé des questions,
mais le rôle neutre dont... vous, vous parliez du poste de directeur national.
Mais le commissaire qui est proposé dans le rapport et dans les
recommandations, qui est vraiment, comme Mme Laurent le disait ce matin, peut
être... je pense que c'est bien elle qui le disait, la recommandation phare du
rapport. Est ce que vous êtes... que pensez-vous d'avoir donc une personne
avec, bon, une institution indépendante qui pourrait intervenir? Et puis là, le
mandat est assez large, en prévention, mais aussi même plus en amont. Il fait
du "reaching out", en bon français, envers les enfants pour les
impliquer, etc., préoccupé par la prévention et tout. Et ensuite aussi, on
dirait un genre de rempart neutre. Qu'est-ce que vous pensez de cette
recommandation?
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci
madame la députée. Effectivement, pour nous, c'est primordial. C'est une
recommandation phare de laquelle on était partis. Pour nous, ce rôle-là était,
selon nous, à mettre de l'avant en premier lieu, puisque c'est le principal
outil de défense pour les enfants et qui pourrait avoir une portée qui ne
serait pas teintée politiquement ou conditionnée par des obligations
budgétaires ou liées à des enjeux déterminés par le gouvernement ou par les
différents gouvernements qui vont se succéder dans le futur. Donc, pour nous,
cette position-là, elle est effectivement essentielle pour assurer un regard
externe et de donner une voix à ces enfants-là, qui puisse être entendue et qui
ne soit pas, contrairement, disons, à la Commission des droits de la personne
et de la jeunesse, mélangée avec d'autres d'autres enjeux. Donc, d'avoir
vraiment cette capacité d'avoir uniquement ce sujet-là, défendu par une seule
et unique personne qui porte ce dossier-là.
Le Président (M. Provençal)
:Vous avez le droit. Allez-y.
Mme Weil : Donc, j'allais
vous poser la question, mais je pense que vous avez répondu, vous l'avez
mentionné, mais c'est vraiment le fait que c'est sa mission exclusive,
contrairement à la Commission des droits de la personne, qui en a deux,
principales missions, donc qui n'est pas entièrement dédié aux enfants. Mais à
part ça, voyez-vous une différence dans le rôle qu'il... bien, le rôle que
jouerait le commissaire et le rôle joué actuellement auprès des enfants et des
jeunes de la CDPDJ?
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci,
madame la députée. Il y avait la portion et là j'y vais de mémoire, là, pour le
rapport de la Commission spéciale, ce rôle de porte-parole des...
M. Garceau (Steve) : ...enfant
aussi, qui, pour moi est quand même... est, pour nous, quand même essentielle,
et qui n'existe pas tant aujourd'hui et qui permettrait justement d'avoir
peut-être une plus grande publicité pour leur réalité, et une voix qui serait
portée directement à l'Assemblée nationale.
Mme Weil : Très bien, merci.
Le Président (M. Provençal)
: Maintenant, nous allons poursuivre cet échange avec le
député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Le forum des directeurs, comment... parce que c'est ce que je comprends qui est
votre... un des objectifs, là, que vous avancez... comment est ce qu'on
pourrait y impliquer, si on veut, la base, c'est-à-dire les intervenants de
terrain? Comment est-ce qu'on pourrait... Est-ce qu'on pourrait faire en sorte
qu'on ne soit pas dans une structure qui est, comme vous le décrivez, «top-down»,
par exemple?
M. Vallée-Landry (Maxime) :
Merci pour la question, monsieur le député. En fait, là, de notre côté, là, on
considère que... Notamment, dernièrement, il y a eu des travaux sur la révision
des standards de pratique, par exemple, au niveau de l'évaluation, orientation
des pratiques en protection de la jeunesse. Il y a eu, dans ce cadre-là, des
forums... de consulter... Le ministère a mis en place des forums de
consultation auprès des intervenantes. Et ça, ce que ça crée, ça crée une implication
et une mobilisation chez les membres. Ça leur donne un certain pouvoir
décisionnel, parce que c'est eux qui maîtrisent l'expertise sur le terrain,
c'est quoi qui est réaliste de faire, par exemple, comme normes d'évaluation,
dans une semaine, en regard du contexte juridique de la région, en regard de la
distance à parcourir pour aller faire des évaluations, ces choses-là, plein de
caractéristiques de charges de travail.
Donc, quand les gens, ils ont leur voix,
quand les gens impliqués sur le terrain, quand les organisations syndicales
sont impliquées, on est capable collectivement de construire un projet de
société qui fait du sens pour tout le monde. Donc, nous, c'est vraiment
l'objectif, c'est vraiment la vision qu'on a. Puis si les gens adhèrent à notre
mission, si les gens, sur le terrain, adhèrent, sentent un sentiment
d'appartenance, on travaille sérieusement sur les enjeux de charges de travail,
ça va faire en sorte, peut-être, qu'on va éviter tout l'exode qu'on voit
actuellement en protection de la jeunesse, et ces choses-là. Ça fait qu'on est
vraiment dans des recherches de solutions pour essayer de revamper un peu la
mission de la protection de la jeunesse, stopper un peu l'hémorragie, puis on
pense que c'est une partie de la solution.
M. Zanetti : Donc, si on
essaie d'inclure, dans le forum des directeurs, qu'il ne soit plus un forum un
forum des directeurs, mais un forum, par exemple, des directeurs et des
intervenants du terrain... des intervenants du terrain, ça pourrait être, selon
vous, une idée intéressante, motivante, aussi, pour le milieu puis les
travailleuses et travailleurs?
M. Vallée-Landry (Maxime) :
Oui, merci. Bien, c'est exactement ça. Et, tu sais, quand on regarde aussi la
définition dans le projet de loi 15, on voit, par exemple, que toute la
préparation des rencontres est faite par la directrice nationale de la
protection de la jeunesse. Nous, on voit quelque chose de beaucoup plus
paritaire, beaucoup plus participatif, au niveau du fonctionnement de cet éventuel
forum-là. Donc, effectivement, nous, c'est clair que ça nous apparaît être une
piste de solution avantageuse pour tous.
• (16 h 10) •
M. Zanetti : Sur la question
de la Direction nationale de la protection de la jeunesse, qui est aussi une
sous-ministre, est-ce que... qu'est-ce qui est problématique là-dedans? Dans le
fond, dans le fait de dépendre du ministre, et donc du gouvernement et aussi,
bon, d'un parti politique, est-ce que c'est ça qui est problématique pour vous,
le fait qu'elle soit dans une position où vous pensez qu'elle va défendre,
disons, le bilan d'un gouvernement, plus que les enfants? C'est-u ça que
vous... Je vous prête des mots, là, mais allez-y.
M. Garceau (Steve) : Bien,
merci, monsieur le député. Je pense qu'en posant la question, vous lui avez
grandement répondu. C'est une grande crainte qu'on a. On a la crainte également
que les enjeux qui peuvent être liés à d'autres réalités que celle de la
protection de la jeunesse viennent s'immiscer dans le travail qu'elle va faire,
et donc, des intérêts contraires au bien-être de l'enfant, comme des intérêts
financiers, puissent être descendus via ce rôle-là. Donc, pour nous, la notion
d'indépendance était vraiment primordiale, et la notion de capacité de défendre
le réseau, défendre la mission...
M. Vallée-Landry (Maxime) :
...aussi, donc pas uniquement une stratégie de la... on détermine des normes,
on les fait descendre sur le terrain, mais aussi cette capacité de dire
qu'est-ce qui se passe en bas, qu'est-ce qui se passe dans la réalité des
intervenantes et le faire remonter en haut, tout en haut de la hiérarchie, pour
que les gens comprennent c'est quoi qui se passe réellement et quels sont les
véritables besoins, et, en gros, tenir son bout et aller chercher les ressources
qui nécessaires pour faire vivre ça, puisque c'est... Pour nous, c'est quand
même important, là, de comprendre que cette mission-là, on l'a à coeur, on veut
la défendre, et, pour ça, il faut la rendre effective. Et tout beau projet de
loi, si on n'a pas les ressources effectives pour les mettre en oeuvre, bien,
ça ne demeure qu'une loi. Nous, notre objectif, c'est de faire vivre ce
droit-là, donc que ce droit-là soit effectif.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous allons terminer cet échange
avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, monsieur Gareau, M.
Vallée-Landry. Bien, je suis content de vous avoir parce que je veux avoir, de
mon côté, une discussion de législateur, mais j'aurai besoin de réponses
d'opérateurs sur le terrain.
J'ai bien compris votre sensibilité quant
à enlever le mot «n'est pas possible» dans le projet de loi. Je comprends que,
pour vous, «n'est pas possible», ça donne l'impression qu'il doit y avoir une
tentation, on doit tenter quelque chose. Et c'est là que vous donnez, par des
exemples, tout à l'heure, que, bien, peut être que ce n'est peut être pas la
bonne chose à faire d'essayer de replacer quelqu'un si la situation est
problématique. Mais lorsqu'on met des mots, ça a une certaine force, mais
lorsqu'on en enlève aussi, on perd certaines forces.
Alors, j'aimerais juste valider avec vous
certaines propositions qui pourraient peut être remplir l'objectif de la loi,
c'est-à-dire de garantir aux enfants un milieu sain, sécuritaire pour leur bien
être physique et psychologique, mais aussi d'être un élément déclencheur,
justement, pour sortir ces enfants-là de ces milieux-là. Donc, lorsqu'on
regarde à l'article 4 : «lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel
maintien dans son milieu familial n'est pas possible», je suis d'accord avec
vous qu'on devrait l'enlever. Mais est-ce qu'on ne devrait pas plutôt
inscrire : lorsque le milieu familial est problématique ou met à risque la
santé et la sécurité de l'enfant? Je pense que c'est important, dans la loi,
qu'on ait un déclencheur qui fait qu'on doit se raccrocher à quelque chose qui
fait qu'on prive des parents du Québec de la présence de leur enfant à leur
côté. C'est pour ça que, si on enlève le «dès que possible», je ne suis pas
convaincu qu'on est en train de faire la bonne chose en ne le remplaçant pas en
quelque chose de plus fort. Donc, c'est pour ça que j'aimerais vous entendre.
Vous vous dites : enlevons-le «dès que possible» parce que... «ce n'est
pas possible», pardon, parce que ça ne semble pas être indiqué. Mais la
contrepartie, moi, je pense qu'il faut qu'on maintienne dans la loi une
indication qui fait que ce milieu-là est toxique, ou ce milieu-là est problématique,
ou représente un risque ou un danger. Il faut que les intervenants, tout le
monde, s'en préoccupent et qu'il y ait une situation qui fait que cet enfant-là
soit sorti de ce milieu-là.
M. Garceau (Steve) : Merci
pour la question, monsieur le député. En fait, je répondrais assurément à la
crainte ou à ce que vous mentionnez : le seul et unique rempart, à notre
sens à nous, qui doit se retrouver dans la Loi sur la protection de la
jeunesse, c'est l'intérêt de l'enfant. Et je le disais, tantôt, un peu dans mon
allocution, évidemment que, si l'intérêt de l'enfant... des parents qui ont
vécu des situations difficiles, l'enfant a été placé chez un grand-parent, a
été placé dans une famille d'accueil, ou ces choses-là, ou dans les milieux de
vie de la sorte, évidemment, si la situation se résorbe, il m'apparaît clair,
dans un paquet de situations cliniques, que l'intérêt de l'enfant, ça va être
de retourner dans son milieu familial. Il y a des gens, il y a toutes sortes de
gens à qui on offre des services, par exemple, qui vivent des situations
ponctuelles. Donc, maman décède, papa, beaucoup de difficultés à s'adapter à la
situation, consommation, peut être problèmes de santé mentale, mais papa
chemine, fait ses choses, est capable de... et les enfants sont capables de
retourner vivre.. Ça fait qu'il y en a plein, des histoires, où est ce qu'on
est capable d'appliquer le retour dans le maintien... dans le milieu familial,
et ça correspond en tout point à l'intérêt de l'enfant.
Ça fait que notre proposition ne vise en
aucun temps, et moi, je tiens à rassurer tout le monde, en aucun temps à se
dédouaner de cette obligation d'évaluer le meilleur intérêt de l'enfant dans le
cadre d'un retour dans le milieu familial. Par contre, on veut éviter, puis là
je réitère un peu ce que j'ai dit, on veut éviter toute cette confusion
problématique là qui, un peu, nous liait les mains autant sur le terrain,
autant...
M. Garceau (Steve) : ...des
juristes à essayer et réessayer le retour dans un milieu familial.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Ouellet : Je vous entends
bien, mais on dirait qu'en enlevant ces mots-là, je ne vous donne pas plus
d'outils. Il y a encore matière à interprétation, puis je ne remets pas en
cause la qualité de votre jugement sur le terrain, mais comme législateur, on
dirait qu'on n'est pas capable de tracer une ligne entre ça, c'est quelque
chose qu'il faut prescrire et ça, c'est quelque chose qu'on doit proscrire.
Donc, mon intérêt est de trouver le mot juste pour dire, comme intervenant, il
n'y a pas place à interprétation. C'est clair, le milieu est toxique, le milieu
est dangereux. Il y a un risque pour l'enfant. Voici les mécanismes, puis là,
on les place par la suite chez des grands-parents ou les autres membres de la famille
élargie ou, si ce n'est pas le cas... puis là, je suis d'accord avec vous, on
enlève dès que possible puis ça peut être un milieu familial, mais je pense
qu'on fait fausse route si on enlève le "n'est pas possible" et on le
remplace pas par quelque chose d'aussi... de plus clair, qui nous dit : Le
jugement sera avec l'intervenant et les personnes qui seront autour pour
s'assurer que l'enfant a un milieu sain, d'avoir un jugement sur le milieu
familial. Puis là, je n'en ai pas. ...l'impression que je vous laisse encore,
puis ce n'est pas ça que je veux faire, là...
Le Président (M. Provençal)
: M. le député...
M. Ouellet : ...je pense
qu'on rate un peu la cible.
Le Président (M. Provençal)
:Monsieur le député, je vous ai quand
même laissé une bonne latitude. Alors m'excuserez, mais le temps est vraiment
terminé. Alors, je remercie messieurs Garceau et Vallée-Landry pour leur
contribution et leur participation. Je suspends les travaux quelques minutes
afin de pouvoir laisser place au prochain groupe. Alors, merci de votre
participation et de votre contribution.
M. Garceau (Steve) : Merci à
vous de nous avoir accueillis.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Provençal)
: ...je souhaite la bienvenue à monsieur Jean-Pierre
Hotte... consultant, excusez, dans le domaine social. Je vous rappelle que vous
aurez dix minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous allons
procéder aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.
M. Hotte (Jean-Pierre) :
Bien, merci, monsieur le Président. Alors, merci de me donner l'opportunité de
présenter mon mémoire en regard du projet de loi no 15. Alors, comme vous
le savez, ce projet de loi résulte directement des recommandations du rapport
de la commission Laurent, un rapport exceptionnel, tant par sa démarche que par
son contenu, qui nous trace la voie afin de construire une société
bienveillante envers ses enfants. Le projet de loi no 15 constitue certes
une pièce maîtresse dans la construction de ce projet de société. Toutefois, ce
projet de loi, malgré tout le positif qu'on peut lui reconnaître, constitue une
condition nécessaire, mais non suffisante pour la réalisation de ce projet
primordial permettant d'améliorer le sort des enfants au Québec. Bref, mon
mémoire s'appuie totalement sur la prémisse que le projet de loi no 15 et
les recommandations de la commission Laurent doivent être réfléchis comme un
tout indissociable. D'ailleurs, le dépôt du projet de loi no 15 était
accompagné d'une ébauche d'un plan de mise en oeuvre des recommandations de la
commission Laurent, confirmant d'une certaine manière que l'un ne va pas sans
l'autre.
Si on veut un avant et un après commission
Laurent, sans aucun doute, il faut apporter des modifications significatives à
la Loi sur la protection de la jeunesse. Il faut également redresser la
situation de façon majeure dans le réseau de la protection. La désignation
d'une directrice nationale de la protection de la jeunesse qui apparaît dans le
projet de loi no 15 de même que l'identification des principales
responsabilités qui lui sont conférées confirment l'ampleur du chantier à
mettre en place. Cet enjeu déterminant nécessite cependant une reddition de
comptes. Je propose donc que la directrice nationale de la protection de la
jeunesse doive déposer un rapport annuel présentant l'état global de la
situation dans le réseau de protection de la jeunesse en regard de ses
responsabilités.
Cependant, la restauration du réseau de
protection passe inévitablement par des actions prioritaires qui sont en dehors
de ce réseau. Plus que jamais, les enfants ont besoin d'une voix au Québec, une
voix forte, compétente, crédible, entièrement dédiée au bien-être des enfants, avec
une vision large couvrant le... spectre, pardon, de la prévention jusqu'à
l'intervention spécialisée, assurant une vigilance qui déborde le réseau de
protection, et même largement celui de la santé et des services sociaux, une
vigilance avec un regard sur des enjeux touchant famille, éducation,
municipalités, communautés autochtones, communautés ethnoculturelles, systèmes
de justice, sécurité publique, et autres.
C'est pourquoi je recommande ardemment la
nomination à très court terme d'un commissaire au bien-être et aux droits des
enfants, tel que préconisé par la commission Laurent. Ces deux personnes,
directrice nationale de protection de la jeunesse et commissaire au bien-être,
assumeront un leadership fondamental dans l'architecture du projet de société
visée à travers des rôles différents, mais essentiels. De fait la restauration
du réseau de protection ne peut se réaliser sans une contribution soutenue de
tous les autres acteurs clés, et le temps presse.
Si on veut freiner l'hémorragie frôlant 120000 signalements
par année au DPJ, si on veut recourir à cette loi de façon exceptionnelle,
comme on l'inscrit dans le projet de loi 15, alors de façon urgente il
faut mettre en place de nombreuses recommandations formulées par la Commission
Laurent. Agir tôt. Agir en prévention. Agir ensemble en intersectorielle.
Briser des silos et bien sûr, investir pour le bien être des enfants, des
jeunes, et ce, dans plusieurs ministères. Comme société, on ne doit plus
accepter qu'un enfant de cinq ans sur quatre parte du mauvais pied à la
maternelle, un sur trois en milieu défavorisé. On ne doit plus accepter que
près de 25 pour cent des élèves dans nos écoles et aient des besoins
particuliers étiquetés EHDAA dans le jargon scolaire avec bien peu de réponses
possibles à ces besoins malheureusement.
On ne doit plus accepter que demander de
l'aide pour son enfant ou pour soi comme parent relève du parcours du
combattant, ne plus accepter que les jeunes autochtones soient surreprésentés
en protection de la jeunesse, ne plus accepter que nos jeunes de 10 à
17 ans consomment trois fois plus de psychostimulants qu'ailleurs au
Canada ni que des jeunes soit abattus en pleine rue. Pour toutes ces raisons et
bien d'autres, la nomination d'un commissaire au bien être et aux droits des
enfants doit se trouver au sommet de la pile parmi les suites à donner au
rapport de la Commission Laurent...
M. Hotte (Jean-Pierre) :
...ce n'est pas un luxe, c'est une
nécessité. Par ailleurs, de façon plus spécifique, le mémoire souligne une
douzaine de modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse proposées
dans le projet de loi 15, qui sont fortement souhaitables et qui auront un
effet significatif sur les pratiques en protection. Parmi celles-ci, bien sûr,
l'introduction de la notion de l'intérêt primordial de l'enfant, qui vise à
mettre fin à une ambiguïté qui dure depuis trop longtemps avec des effets
collatéraux sur la stabilité nécessaire pour les enfants. Il faudra cependant
se donner les moyens de monitorer l'évolution de la stabilité souhaitée pour
ces enfants.
Le mémoire souligne aussi l'importance de
l'introduction d'un préambule à la Loi sur la protection de la jeunesse et
notamment porte une attention toute particulière sur l'enjeu de responsabilité
collective, sans aucun doute un enjeu crucial s'il en est un, pour nettement
démarquer l'avant et l'après commission Laurent. Le mémoire met l'emphase sur
la nécessité pour l'ensemble des ressources de la communauté de collaborer plus
que jamais à tout mettre en œuvre en amont afin que le moins d'enfants possible
doivent requérir la présence du DPJ dans leur vie. Et non seulement ils doivent
collaborer en amont, ils doivent être présents pour assurer tout le soutien
requis aux enfants et aux parents durant la trajectoire en protection de la
jeunesse et au-delà de cette trajectoire, lorsque le DPJ se retire de la
situation.
Dans cette perspective, une de mes
recommandations soutient très fortement une proposition de la Commission
Laurent afin de modifier en profondeur les façons de faire pendant l'étape dite
de l'application des mesures en protection de la jeunesse, en misant sur la
contribution de tous les acteurs requis selon la situation d'un enfant et de sa
famille, peu importe l'appartenance à un établissement spécifique, à un
organisme spécifique et encore moins l'appartenance spécifique à la DPJ.
Certaines recommandations de mon mémoire portent sur d'autres enjeux
préoccupants, notamment en ce qui concerne les modifications proposées en
regard des communautés autochtones, en regard de la situation des enfants
témoins de violences conjugales, en regard des enfants expulsés des écoles, en
regard également de la situation des enfants sujets de plusieurs resignalements
en protection de la jeunesse.
Enfin, le mémoire reconnaît l'ampleur du
défi sous-jacent à la réalisation des recommandations de la Commission Laurent
et des modifications de la Loi sur la protection de la jeunesse proposées dans
le projet de loi 15. C'est pourquoi le mémoire souligne quelques conditions
gagnantes pour assurer le succès du projet de société espéré, tel que investir
en prévention, créer des places en CPE, notamment dans les milieux défavorisés,
investir dans les services psychosociaux en milieu scolaire, investir dans la
création de logements abordables, de camps de jour accessibles aux enfants à
besoins particuliers dans les municipalités, investir dans les services en
santé mentale, en dépendance, dans le domaine du trouble du spectre de
l'autisme, dans des programmes jeunes en difficulté et aussi en matière de
violence conjugale, investir et favoriser une plus grande autonomie des
communautés autochtones, investir dans la modernisation du processus judiciaire
à la Chambre de la jeunesse, investir dans le réseau de la protection de la
jeunesse, se doter de mécanismes d'évaluation rigoureux pour mieux suivre
l'évolution du bien être des enfants et des objectifs poursuivis par les
modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse, recevoir de façon
régulière l'état de situation sur le bien être des enfants de la part du
commissaire au bien être, ainsi qu'à travers le bilan annuel de la Directrice
nationale de la protection de la jeunesse. Ceci, afin de mieux guider les
actions à privilégier par tous les acteurs concernés, et ce, en continu. Bref,
s'assurer que nous pourrons vérifier au fil du temps si nos enfants, nos jeunes
se portent mieux et si le recours à la Loi sur la protection de la jeunesse
devrait... devient vraiment l'exception. Voilà qui résume les principaux enjeux
se retrouvant dans mon mémoire. Merci de votre attention.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, monsieur Hotte, pour votre présentation.
Nous allons débuter cette période d'échanges avec monsieur le ministre. Alors,
M. le ministre, je vais vous céder la parole.
• (16 h 30) •
M. Carmant : Merci beaucoup,
monsieur Hotte. C'est toujours un plaisir de voir, toujours un plaisir de vous
lire, un mémoire qui a été construit de main de maître avec des... beaucoup de
conseils très intéressants que j'aimerais approfondir avec vous. Dans le
mémoire, vous parlez... en fait, la recommandation 1, au tout début, on parle
de que le directeur doit tout mettre en œuvre afin de favoriser une
collaboration étroite avec l'ensemble des ressources du milieu. Puis, je pense
que vous le savez, mon intention est vraiment d'agir le plus possible en amont.
Comment mieux exprimer cette intention sans nécessairement impliquer le DPJ?
Parce que c'est presque un peu trop tard quand ça devient le rôle du directeur.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui,
oui. Vous permettez? Oui?
M. Carmant : Oui.
M. Hotte (Jean-Pierre) : O.K.
Mais...
16 h 30 (version non révisée)
M. Hotte (Jean-Pierre) : ...merci,
M. le ministre. Bien, effectivement, l'ajout que je propose n'enlève pas,
évidemment... il y a un considérant qui est déjà là, qui est considérant que la
protection des enfants est une responsabilité collective, qu'elle exige la
mobilisation et la collaboration de l'ensemble des ressources du milieu afin de
limiter l'intervention de l'autorité de l'État dans la vie des familles. En
application de la présente loi, là, pour que ce soit réservé à des situations
exceptionnelles.
Donc, ceci étant dit, pour moi, ça, c'est
excellent. Ce qui était insuffisant selon moi, c'est que je vous dirais qu'on
interpelle davantage les DPJ pour qu'eux aussi s'ouvrent davantage à la
communauté, faire appel à la communauté dans toutes les étapes du processus,
dès la réception en traitement des signalements, faire appel à... faire des
références, etc., des liens avec des programmes qui existent, comme vous
connaissez, tels que... ou d'autres. Pendant l'évaluation, il y a encore
de l'espace pour aller chercher des collaborations. Et à l'étape orientation,
si on travaillait dans une perspective avec un programme comme Ma famille, ma
communauté, on pourrait interpeller des acteurs CPE, centres de pédiatrie
sociale, intervenants, professionnels non enseignants de milieux scolaires et
autres pour créer un filet de protection autour de cette famille-là, qui, on le
sait... c'est... on a mis en place ce type d'exercice, ont recours moins aux
tribunaux parce qu'on a une meilleure volonté. On a un filet de protection qui
est plus serré, moins de risques. On a plus d'acteurs pour... qui rassurent la
DPJ aussi sur l'évolution de la situation. Alors, c'est ce que je voulais, dans
le fond, qui soit inséré aussi dans le préambule. Ce n'est pas juste à la
communauté de s'ouvrir et de dire : Oui, on est... à la collaborer, mais je
voulais absolument qu'il y ait aussi une tendue de la part des DPJ. Ça ne veut
pas dire qu'ils ne tendent pas de main, mais si on l'inscrit dans le préambule,
ça vient renforcer. Je pense que c'est l'idée.
M. Carmant : Je comprends
mieux le point. Une autre chose aussi, tous les programmes que vous avez
mentionnés, j'ai... notre gouvernement les a rehaussés... Ma famille, ma
communauté, négligence, CAF, mais le réflexe persiste. On appelle la DPJ.
Qu'est-ce qu'on pourrait insérer dans le préambule qui pourrait modifier ou
faciliter ce changement de culture?
M. Hotte (Jean-Pierre) :
Bien, déjà, dans le préambule, considérant que j'ai souligné tantôt, c'est un
appel... et le rapport de la commission Laurent est très éloquent là-dessus.
Dans le fond, malgré... si on adoptait toutes des recommandations au projet de
loi 15, si on ne change pas le reste, on y arrivera pas. Donc, oui, ça
prend des investissements, mais ensuite, bien, ça prend... il faut agir en
amont, je n'ai pas à vous expliquer ça à vous, je sais que vous êtes convaincu
là-dessus. Agir très tôt, plus on va y arriver, mieux ça sera, mais ça demande
une collaboration. Moi, ce que je crois fondamentalement, c'est que le terrain
est fertile, mon expérience... d'enfants m'a démontré que la mobilisation des
communautés, les gens souhaitent, une fois qu'ils ont goûté à travailler
ensemble, ne souhaitent plus revenir dans des façons isolées et puis on ne veut
plus travailler en silo. Je pense ça a été maintes fois nommé, mais c'est sûr
que ça demande, par exemple, du côté des milieux communautaires, ils
souhaitent, et avec raison, des budgets avec une perspective de plus grande
pérennité pour ne pas avoir à courir toujours après des investissements qui sont
souvent sur du court terme. Donc, plus les réseaux petite enfance, organismes
communautaires, milieux scolaires seront mieux outillés et plus on travaillera
de façon collaborative.
Je pense que quand on fait une lecture,
surtout sur la base locale dans les réseaux locaux de services, on est en train
d'expérimenter cette approche-là en Estrie actuellement, il y a une volonté
très grande de tous les acteurs parce qu'on ne peut pas les...
individuellement, il n'y a personne qui peut arriver à régler de façon
satisfaisante ces situations-là qui sont hautement complexes. Tantôt, ça
demande des services spéciaux pour les enfants, orthophonie, orthopédagogie, au
niveau de la santé mentale, troubles du spectre de l'autisme. Pour les parents,
bien, on a aussi parfois des troubles mentaux, des problèmes de dépendance. On
a des gens qui ont une grande souffrance, des... aussi au plan économique,
problèmes de littératie. Ce n'est pas des mauvais parents, c'est des gens qui
ont besoin d'aide, mais l'aide...
M. Hotte (Jean-Pierre) : ...ça
doit venir de... Il n'y a pas un intervenant protection de la jeunesse qui peut
avoir toute cette expertise- là, puis ce n'est pas en suivant 20, 25,
30 familles qu'on peut arriver à régler. Je n'y crois plus. Alors pour
moi, la clé, c'est vraiment de travailler en équipe. Il faut que le directeur
de protection de la jeunesse fasse appelle l'équipe, fasse confiance. Puis, on
a ce filet de protection tissé serré, ma conviction profonde, c'est que là on
va changer le cours des choses.
M. Carmant : Parfait,
merci beaucoup. Vous demandez, dans la recommandation 2, à la directrice
nationale de déposer un rapport annuel. On reçoit déjà le rapport annuel des
directeurs de la protection de la jeunesse. Qu'est-ce qui serait différent?
Quelle serait la plus-value? Comment voyez-vous la distinction entre les deux?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui.
C'est une base, ça, le bilan annuel des DPJ, mais ce n'est pas que c'est
mauvais, mais on est... vous l'avez même dit ce matin, on est dans des volumes.
Combien d'enfants en attente? Bien, c'est quoi les problématiques? Combien de
signalements, etc.? Combien d'enfants en application des mesures? Combien
enfants placés? Ça, je veux bien, mais c'est pour ça que je nommais les
paragraphes a) à d) qui sont dans le projet de loi 15 qui donnent les
responsabilités, donc qu'on sache les orientations données par la directrice
nationale quelles sont-elles? Est-ce qu'elles sont mises en application? Les
standards de pratique qui doivent être révisés, quels sont-ils? Comment ils
sont suivis? Est-ce qu'on évolue? Est-ce que l'aiguille va dans la bonne
direction? On veut mieux suivre la trajectoire des enfants, bien, qu'est ce
qu'on fait à cet égard-là? Est-ce qu'on est capable de mieux suivre la trajectoire
des enfants? On veut recourir moins fréquemment aux tribunaux, donc comment...
où est-ce qu'on en est? Donc, avoir des enjeux et aussi remettre en place des
indicateurs de performance. Le réseau de protection, est-ce qu'il protège bien
les enfants? Mais ça, pour moi, ce n'est pas juste des statistiques sur on a
donné des... dans 30 jours et ci ou ça, c'est est-ce que les enfants
sont... On veut parler de stabilité, c'est aussi au cœur du projet de
loi 15. Est-ce que les enfants sont encore déplacés comme des boîtes de
conserve? Ce serait inacceptable. Mais on ne mesure plus le taux de déplacement
des enfants. Les enfants qui sont resignalés, ça veut dire qu'on n'a pas bien
fait notre job. Si j'utilise l'expression, si les enfants reviennent, et la commission
Laurent nous a dit à quel point ça revient. Donc, il a trop der resignalements.
Voici des indicateurs qui devraient... de performance, pour moi, du système de
protection. Martin Goyette et d'autres collègues, dans des recherches, nous ont
dit que les enfants qui sont placés en famille d'accueil au centre de
réadaptation non seulement ils ne reprennent pas des retards, mais accroissent
les retards au plan scolaire, au plan de la santé physique, il y a des lacunes
aussi. Donc, c'est leur développement. Voici des exemples de ce que j'aimerais
voir apparaître dans un rapport annuel de la directrice nationale de la
protection de la jeunesse.
M. Carmant : D'accord.
Merci. Et la distinction est claire. Recommandation 6 : mauvais
traitements psychologiques découlant de l'exposition à la violence conjugale.
Dans la loi actuelle, l'article 38 c) parle déjà d'exposition à la
violence conjugale. Qu'est-ce que votre proposition vient ajouter exactement?
• (16 h 40) •
M. Hotte (Jean-Pierre) : En
fait, elle vient surtout s'assurer qu'on va distinguer parce qu'à l'article
38 c), dans la loi actuelle, les enfants exposés à la violence conjugale
se retrouvent avec, si je me souviens bien, neuf autres emblématiques. Donc, on
est un peu dans un... il y avait déjà une amélioration à la loi a été faite en
2006 parce qu'avant, quand on parlait de négligence, un terme encrier, il y
avait un peu de tout ça. Et on a ajouté un champ de mauvais traitements
psychologiques, risques sérieux, c'était un pas dans la bonne direction. Là, je
pense qu'on pourrait aller une coche plus loin. Pour moi avec ce qu'on a vécu,
particulièrement dans la dernière année, le nombre de féminicides, une
sensibilisation accrue avec raison à cette problématique qui peut mettre des
vies en danger, d'avoir des enfants exposés, puis ça, les nombreuses recherches
le démontrent, là, que des enfants témoins de violence conjugale, ça crée un
traumatisme extrêmement sévère. Donc, je crois qu'il faut en faire un alinéa à
par, un, pour être sûr qu'on est capable de bien mesurer l'ampleur du
phénomène, deux, éventuellement avec l'aide de chercheurs, on pourrait
probablement voir ce qui doit être fait en amont, au niveau peut être
d'organismes communautaires, pour comment on peut mieux détecter, diminuer l'impact,
agir plus tôt. Et aussi, lorsque c'est le cas, en protection de la jeunesse,
est ce qu'il n'y a pas lieu d'avoir des pratiques de pointe qui sont mieux
définies que ce que l'on a actuellement, ou sinon que....
M. Hotte (Jean-Pierre) : ...ce
n'est pas un ajout. C'est... On en fait un cas particulier pour lui donner
encore toute cette mesure-là, à mon point de vue.
M. Carmant : O.K., le séparer
de la liste que l'on voit à 38 ici.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui,
exact.
M. Carmant : Monsieur le
Président, il me reste combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: Quatre minutes.
M. Carmant : O.K., d'accord.
Peut-être une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Je
voulais vous demander... Excusez-moi, j'ai un blanc de mémoire, là. Bien, en
fait, je passerais la parole à ma collègue de Roberval.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Roberval, c'est à vous la parole.
Mme Guillemette : Merci,
Monsieur le Président. Merci, M. Hotte, pour votre présence avec nous, et toute
l'expertise que vous avez au niveau de nos jeunes. Je vous entendais parler
d'agir tôt, de ce qu'il faudrait faire au niveau du logement, au niveau... Mais
je ne vous ai pas entendu parler des compétences parentales dans la prévention.
Je pense qu'on aurait un petit bout à faire au niveau des compétences
parentales. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Tout
à fait. Bien, en fait, je dois vous dire que l'expérience que j'ai eue pendant
plusieurs années, comme président d'Avenir d'enfants, m'a donné des leçons
extrêmement importantes. Et donc il y a tout le réseau des organismes
communautaires famille, que vous connaissez sûrement, qui apporte une
contribution très, très importante. Et je pense que, quand je disais qu'il faut
travailler en amont, agir tôt, etc., ça, c'est certainement... Pour moi, c'est
clair que beaucoup de parents peuvent bénéficier... mais ça veut dire aussi,
dans nos pratiques, qu'il faut aller... puis ça, ça a été nommé à plusieurs
reprises aussi... il faut aller au-devant des familles les plus vulnérables.
Quand on parle d'agir tôt, un programme
comme SIPPE, vous y avez fait allusion ce matin... Bien, même à l'avis de
grossesse aussi, qui est un apport, qui est... on n'a pas besoin d'inscrire ça
dans la loi... Mais, dans le fond, il y a toute une série d'éléments qui
viennent contribuer à ce qu'on détecte plus tôt les situations à risque, qu'on
intervienne, qu'on soutienne des parents qui sont loin d'être des mauvais
parents, des parents qui sont soit démunis pour toutes sortes de raisons. Mais
vous avez raison, c'est un point central.
Donc, quand je parle de prévention, agir
tôt, agir en amont, c'est clair que, pour moi, le soutien aux parents... Puis
même pendant la trajectoire de la protection de la jeunesse. Le but, ce n'est
pas de les disqualifier. Mais quand je parle de l'approche Ma famille, ma
communauté, c'est justement... c'est... donc, quand on est dans, par exemple,
une situation de négligence avec de très jeunes enfants, pour la DPJ, c'est
risqué. Mais si on veut un filet de protection, alors l'idée, c'est, quand on
arrive à l'étape dite orientation, on...
Puis quand... On parle souvent de
confidentialité, mais 99 % du temps, les parents vont être d'accord à
ouvrir des portes sur la confidentialité. Si on dit : Est-ce qu'on pourrait
avancer qu'on pense que ça pourrait aider vos enfants au niveau du
développement?, ils pourraient être autour de la table. On pourrait avoir un centre
de pédiatrie sociale, qui pourrait vous aider, vous, mais aider vos enfants
aussi. On pourrait avoir, si les enfants sont plus vieux, une psychoéducatrice
de l'école, parce qu'on pense que ça pourrait être... Vous voyez un peu l'idée.
Donc, on ne disqualifie pas les parents.
On reconnaît qu'ils ont besoin de soutien, on met un soutien. Pour la DPJ,
c'est rassurant. Il y a des yeux, des oreilles qui vont lui permettre de voir
si la situation évolue bien, puis il peut se retirer. L'idée, c'est que le
parcours du DPJ doit être le plus court possible. Eh bien, pour ça, bien, il
faut qu'on ait vraiment un filet d'actions, puis que ça continue. Puis là quand
on parle de continuité d'interventions, si ces gens-là sont dans le décor, il
ne faut pas les enlever. Il faut, au contraire... Alors, le DPJ, lui, dès...
quand il se retire, il faut que les gens puissent continuer. Donc, ces
parents-là, ils ne recommencent pas à raconter leur histoire cinq fois, 10
fois, 15 fois. Moi, c'est ça, le souci, là. Parce qu'on a des beaux principes,
diligence, intensité d'intervention, continuité. Malheureusement, là où le bât
blesse, c'est dans la réalité. Mais vous touchez à un point central, là.
Mme Guillemette : J'ai le
temps pour une autre question?
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, non.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup. M. Hotte.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons poursuivre notre échange avec la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bienvenue, M.
Hotte, grand plaisir d'avoir la chance de pouvoir vous entendre et bénéficier
de votre expertise et votre intérêt à ce sujet très important pour la société
québécoise. On a plusieurs groupes, qui sont déjà venus aujourd'hui, qui ont
exprimé très clairement qu'il faut aller plus fort, plus vite pour reconnaître
l'autonomie des nations autochtones en matière de protection de la jeunesse.
Vous faites une recommandation. J'aimerais vous entendre parler là-dessus, et
comment...
Mme Weil : ...faire cette
transition. On dirait que, comment dire, les conditions sont gagnantes pour
avancer dans ce dossier parce que c'est vraiment la première fois que j'entends
tant de groupes et d'institutions en parler. Ils ont pris conscience des
rapports, ils sont sensibilisés. Alors, comment avancer et, oui, de quelle
façon vers l'autonomie totale, complète?
M. Hotte (Jean-Pierre) :
Merci, Mme la députée. Effectivement. Bien, je tiens à dire d'abord que j'ai
souligné dans mon mémoire que les recommandations qui sont faites dans le
projet de loi 15 apportent des améliorations entre autres sur la sécurité
culturelle. En tout cas, il y a une série d'éléments qui sont vraiment
intéressants. Ma crainte basée sur le passé, mais aussi parce que j'ai eu
l'occasion dans mon parcours d'avoir de nombreux contacts avec des communautés
autochtones, avec aussi la Commission des services sociaux des Premières
Nations, et quand je regarde l'article 37.5 dans la loi actuelle qui
permet de donner plus d'autonomie aux communautés autochtones, bien, je trouve
qu'il y en a tellement peu de communautés qui sont arrivées, c'est comme un
parcours qui est lourd, qui est compliqué.
Puis la commission Viens est venue
confirmer des choses, la commission Laurent a appuyé à nouveau là-dessus, je
suis persuadé que les représentants des communautés autochtones que vous allez
entendre dans les prochains jours vont certainement mieux exprimer les choses
que moi, mais pour moi, c'est clair qu'il est temps de leur permettre d'avoir
davantage d'autonomie et de tenir compte de leur histoire, de leur culture, de
leur faire confiance. Et on devrait aller plus vite que ce qu'on a fait.
Donc, si on modifie la loi, «période de
transition», ça me fait un petit peu peur. Je ne dis pas qu'il n'en faudra pas,
mais ça fait des décennies, là, puis a... On peut compter les communautés qui
ont eu accès à l'autonomie avec 37.5 sur les doigts d'une main. Alors, il faut
aller plus vite. Ce que je voyais, c'est que dans un contexte aussi plus large.
Le gouvernement fédéral a mis en place la loi C-92, qui permet un accès
avec une plus grande autonomie à toutes les communautés autochtones à travers
le Canada, incluant le Québec évidemment. Ils ont de plus, récemment, convenu
d'une entente avec les communautés autochtones. Et il y a du financement, de
toute façon, à mon point de vue très significatif, qui vient soutenir ces...
qui viendrait soutenir les communautés qui veulent accéder dans ce type de
démarche là. Des contacts que j'ai pu avoir des communautés autochtones, ils ne
souhaitent que ça, avoir l'opportunité de développer.
Ça ne voudrait pas dire qu'ils n'auront
pas besoin d'aide, mais ce que j'ai vu, par exemple, moi, au niveau de la
petite enfance avec la Commission des services sociaux des Premières Nations,
avec le soutien... d'enfant, ils ont fait des choses extraordinaires,
admirables et même dont on pouvait s'inspirer pour des communautés non
autochtones. Donc, l'idée, pour moi, c'est est-ce qu'on ne peut pas aller un
peu plus loin, un peu plus vite.
• (16 h 50) •
Mme Weil : Merci.
J'aimerais peut-être revenir sur le rôle du directeur national de la protection
de la jeunesse et tout en regardant le filet social que fournit, et dans
certaines communautés, c'est quand même assez fort, ça peut être assez fort,
c'est-à-dire le travail... Parce que j'ai des exemples concrets où la DPJ
travaille avec les organismes communautaires. D'ailleurs, il y a deux projets
Centre-Sud, donc c'est le CIUSSS Centre-Sud, la DPJ et puis aussi à... et puis
à peu près en même temps parce que les deux faisaient face... Bon, on fait face
à la surreprésentation des communautés noires.
Donc, je les ai appelés pour m'enquérir
parce que c'est beaucoup dans... Ma collègue va en parler aussi. Mais on le
voit dans l'Ouest, dans tout ce qui est centre ouest, mais aussi Montréal-Nord
et, à ma surprise, les deux ont dit: Bien, en effet, on a été proactifs. Et
c'est deux projets pilotes, à peu près, qui avaient commencé en même temps,
mais je ne suis pas sûre qu'il y avait vraiment entre ces deux DPJ. Alors, j'ai
trouvé ça encourageant. Je me disais avec un directeur national qui peut aller
sur le terrain aussi pour voir ces expérimentations qui se font ici et là,
aider d'autres à faire la même chose, c'est-à-dire quand on défonce le mur
entre l'institutionnel et le communautaire. Comment vous voyez ça...
Mme Weil :
...le rôle que peut jouer le directeur
national.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien,
ce que vous dites, c'est le…
Mme Weil : Pour faire ce
lien, là, ce lien avec la communauté
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui,
tout à fait. Pour moi, c'est de la musique à mes oreilles, parce que c'est ce
que je souhaite vraiment et je crois qu'on ne peut même pas penser à faire
autrement. Le réseau de protection, actuellement, craque de partout. Quand on
regarde l'État aussi, la dynamique au niveau des ressources humaines, ça tourne
comme dans un moulin et on ne peut pas penser que des jeunes intervenants,
devant des situations aussi complexes en protection de la jeunesse, peuvent y
arriver tout seuls. Et je ne pense pas qu'ils le croient eux-mêmes.
Il faut une approche plus communautaire et
aussi le communautaire a appris et nous apprend aussi et travaille avec des
gens qui... vous parlez des communautés immigrantes première génération qui ont
vécu parfois des traumatismes dans leur pays avant d'arriver ici ou à cause des
barrières de la langue ou de la culture, sont méfiants ou ne comprennent pas ou
ne savent pas ce qui existe ou que... donc, voir la DPJ arriver. Donc oui, le
communautaire, c'est un pont, ça met un lien parce qu'ils peuvent faire
confiance à ces organisations-là qui sont là, vraiment, ils le sentent, pour
les aider. Ils peuvent avoir peur du DPJ, peur que la DPJ va leur enlever leur
enfant, etc. Donc je trouve qu'il faut travailler en équipe, organismes
communautaires, de façon très importante. Pour moi aussi, il y a le rôle, selon
l'âge des enfants, des CPE, des milieux scolaires, des centres de pédiatrie
sociale. Dans le fond, il faut mettre l'ensemble des ressources, puis compte
tenu de l'état des ressources actuellement, on ne peut pas... on ne peut plus
travailler... on a dit "briser le silo", mais faut arrêter de... Donc
oui, il y a des projets pilotes, il y a des belles choses, vous faites bien de
le nommer, il y en a dans de nombreuses régions. On est plus loin que les
projets pilotes et c'est pour ça que je souhaite qu'on pousse un peu plus...
quand je nommais un considérant de plus dans le préambule, pour forcer la main,
je pourrais dire, et peut-être qu'ils n'aimeront pas ça, mais un peu au DPJ,
pour dire : Il faut travailler avec avec tous ces acteurs là, sinon on y
arrivera pas. C'est ça l'intérêt, pour moi, primordial de l'enfant, c'est qu'on
travaille tous ensemble dans l'intérêt des enfants.
Mme Weil : Et êtes-vous
d'accord... développer une relation de confiance?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Ah!
tout à fait.
Mme Weil : Parce que ça
aussi, hein, c'est...
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien,
elle existe à plusieurs endroits, mais.... Mais quand on parle de la situation,
par exemple, en violence conjugale, les organismes qui aident les femmes, en
particulier les femmes, dans... lorsqu'une femme établit un lien de confiance
dans un moment de très grande souffrance, dans une très grande solitude, avec
la crainte de perdre ses enfants si la DPJ arrive dans le décor, bien, c'est
important, là, qu'ils ne disparaissent pas parce que le DPJ arrive. Il faut
travailler ensemble. Alors, la confiance entre les organisations, puis
évidemment que les femmes, les parents, les jeunes puissent faire confiance au
DPJ.
Le Président (M. Provençal)
: Madame la députée de Bourassa-Sauvé, va vous adresser...
Mme Robitaille : Oui, merci.
Et le ministre, sait comment moi, c'est de la musique à mes oreilles quand je
vous écoute puis je pense que... et le ministre sait comment moi aussi, je
considère que le communautaire est vraiment un partenaire fondamental, là, pour
justement l'harmonie au sein des familles, pour aider la DPJ, et que... il doit,
ça doit être des vases communicants et c'est tout le monde qui est partie de
ça. Mais, dites-moi, monsieur, est-ce que... Donc, je comprends, déléguer peut
être plus au communautaire, lui donner un plus grand rôle, mais est ce que en
ce moment, le communautaire, là, d'après ce que vous voyez, est bien équipé
pour justement répondre à ça, est-ce qu'il faudrait mieux le financer?
Qu'est-ce qu'il faudrait lui donner, justement, pour qu'il joue pleinement son
rôle, puis vraiment bien épauler la DPJ et puis nos services sociaux?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Si
je commence par la fin de votre question, oui, parce que dans mon préambule, je
pense que vous avez entendu, j'en ai nommé une série, là, mais c'est sûr qu'il
faut investir. Puis, dans le communautaire, il faut investir, mais... faire
confiance au communautaire, travailler avec le communautaire, moi, ce que
j'invite aussi, vous avez vu ma proposition qui est une proposition de la
Commission Laurent, mais j'y crois fondamentalement, lorsqu'on arrive à l'étape
d'application des mesures dans la loi, au lieu que le DPJ autorise uniquement
des gens qui sont actuellement dans la direction de protection de la jeunesse
ou dans le CIUSSS, là, ou le CISSS, j'aimerais qu'ils, justement, puissent
autoriser davantage des intervenantes des...
M. Hotte (Jean-Pierre) : ...communautaires,
des centres de pédiatrie sociale, des milieux scolaires, etc. Je pense que,
pour les parents et pour les jeunes, ce serait aussi un signal très, très
différent. Ça n'enlève pas la loi, actuellement l'article 33 est clair, ça
permet aux DPJ de faire ça, il n'y a pas de modification à faire là- dessus.
Donc, on envoie le... qu'on travaille plus
en équipe, ensemble et qu'on est là pour les aider. Quand on retire un enfant
de son milieu familial, c'est une lame à deux tranchants. Et donc, oui, on le
fait pour sa sécurité, mais si on n'est pas en mesure d'apporter l'aide,
l'assistance, le soutien, l'intervention nécessaires, bien, on déracine
l'enfant de sa famille. C'est difficile de recoller les pots cassés.
Donc, plus on est capable de travailler
avec une force de frappe plus grande, un filet de protection plus solide, bien,
je pense que mieux ce sera et pour les enfants, mais probablement aussi pour
les parents.
Mme Robitaille : Et comment
on fait, d'un point de vue mécanique, là, pour pouvoir déléguer plus au
communautaire?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Ça
ne demande rien de compliqué parce que l'article 33 de la loi actuellement
permet déjà aux DPJ de confier des autorisations à une personne. Ça n'a pas
besoin d'être un professionnel, pas besoin d'être membre d'un ordre
professionnel, ça peut être des techniciens, des éducateurs spécialisés. Ça
peut être, bon, des gens de différentes expertises dans les milieux
communautaires, centres de pédiatrie sociale, milieux scolaires. Ça pourrait
être quelqu'un même dans un autre type d'organisation. Et ça, ça existe. Ça
existe, mais ce n'est pas utilisé, à peu près jamais utilisé, et il est temps
qu'on dépoussière ça. D'ailleurs, le manuel de référence sur la Loi de la
protection de la jeunesse, qui date de 2010 - auquel j'avais contribué
d'ailleurs - dit clairement que la DPJ peut... Dans le fond, je vous le lis,
là, à la page 535, dans le manuel de référence, «la DPJ peut autoriser une
autre personne, par exemple un intervenant d'un autre établissement, d'un
organisme communautaire, à exercer certaines responsabilités. Le choix d'une
personne est autorisé - ici, on réfère à l'article 33 - pour exercer un
mandat... repose sur une base clinique en tenant compte notamment des besoins
de l'enfant, de l'expertise de l'intervenant, de l'importance de la continuité
des services». On a déjà tout ça puis on ne l'utilise pas.
Mme Robitaille : L'idée de
projet pilote de ma collègue est une bonne idée, de faire plus de projets
pilotes et les soutenir, et tout ça.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Tout
à fait.
Mme Robitaille : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons terminer
cet échange avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, monsieur
le Président. La recommandation 6 de votre rapport concernant, là, les
mauvais traitements psychologiques découlant de l'exposition à la violence
conjugale, c'est un ajout que vous feriez à l'article 38 de la LPJ
actuelle, donc pas du projet de loi 15. Dans le projet de loi 15, là
- je ne suis pas retourné le voir là, mais - il me semble que, de mémoire, il y
a comme une mention de la question de la violence conjugale comme un type
d'exemple de motif de compromission qui pourrait justifier le retrait d'un
enfant, en tout cas, l'intervention de la DPJ. Est-ce que vous trouvez que
c'est suffisant, ce qui est là dans le projet de loi 15, ou est-ce que
vous pensez qu'il faut ajouter un article séparément, là, de ne pas simplement
en faire un exemple, mais de dire c'est un motif en soi, là, à part entière?
• (17 heures) •
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien,
merci de votre question. Ça va me permettre de préciser, là, en fait, à
l'article 38 c), actuellement, on dit : «mauvais traitements
psychologiques : lorsque l'enfant subit de façon grave ou continue des
comportements de nature à lui causer un préjudice de la part de ses parents ou
d'une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires
pour mettre fin à la situation. Ces comportements se traduisent notamment par
de l'indifférence, du dénigrement, du rejet affectif, du contrôle excessif, de
l'isolement, des menaces, de l'exploitation, entre autres si l'enfant est forcé
de faire un travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par
l'exposition à la violence conjugale ou familiale.» Bien, vous voyez un peu
dans... La violence conjugale et familiale est comme mise... Je ne dis pas que
les autres éléments ne sont pas importants, mais quand je regarde l'impact
qu'a... pour les enfants le fait d'être témoin de violence portée à l'égard de
sa mère, quand on voit que même des femmes sont tuées suite à...
17 h (version non révisée)
M. Hotte (Jean-Pierre) : ...violence
et ce que ça donne comme conséquences aussi pour les enfants, pour le reste de
leurs jours. Il me semble qu'il faut le mettre à part, d'une part, pour mieux
cerner c'est quoi, l'ampleur de ce phénomène-là, permettre ensuite qu'on
puisse, avec l'aide des chercheurs, voir qu'est-ce qui doit être fait si on
voit que ça augmente ou est-ce que ça diminue, comment évolue la situation. Si
ça augmente, ça veut dire qu'on n'agit pas de façon efficace en amont, qu'est-ce
qui manque, quelque chose au niveau de la police, des organismes
communautaires, au moins, qu'on puisse soulever des questionnements. Et ensuite
l'autre élément, pour moi, c'est qu'en mettant ce type de situation là avec un
statut particulier, bien, ça va nous permettre, au niveau des meilleures
pratiques à développer, d'avoir probablement l'occasion de développer une
meilleure expertise, sachant c'est quoi, le volume, qu'est-ce que ça
représente, quelle est la réalité dans chacune des régions du Québec, etc.,
donc mieux documenter, mieux se préparer, souhaiter, en fait, qu'on retrouve de
moins en moins de ce type de situation là. C'est pour ça, c'est comme... je
n'aime pas l'idée, il me semble que c'est trop grave pour le mettre comme un
neuvième item d'un article.
M. Zanetti : Je comprends.
Merci, ça va être beau pour moi.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. Hotte, pour votre
participation et votre contribution à nos travaux. Je suspends les travaux pour
pouvoir permettre au prochain groupe de se préparer. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprise à 17 h 27)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue à l'Assemblée des Premières Nations Québec Labrador.
Alors je veux vous rappeler que vous avez dix minutes pour votre exposé. Et,
par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors je vous cède la parole.
M. Picard
(Ghislain) : (S'exprime dans sa langue) Donc, bonjour à toutes
et à tous, monsieur le Président, Monsieur le Ministre, distingués membres de
cette commission parlementaire qui étudie le projet de loi 15. Et je veux
évidemment reconnaître le chef Jean-Claude Mequish de la communauté de la
Première Nation attikamek d'Opitciwan qui m'accompagne aujourd'hui. Le chef
Mequish ne prendra pas nécessairement la parole pour l'introduction, mais est
tout à fait disposé à répondre à des questions qui pourraient sans doute
toucher la Loi de la protection sociale attikamek d'Opitciwan, qui est une loi
qui est entrée en vigueur le 17 janvier dernier et qui est une loi qui a
été initiée par la communauté attikamek d'Opitciwan.
D'entrée de jeu, ce que je voudrais
peut-être dire, c'est sans doute que plusieurs d'entre vous savez que ce n'est
pas la première fois que je présente en commission parlementaire, à chaque fois
que l'opportunité nous est donnée, on prend le temps de façon respectueuse de
venir présenter nos recommandations, nos préoccupations, nos commentaires sur
des projets de loi qui pourraient avoir un impact sur l'ensemble des
communautés que nous représentons. Donc, c'est en tout respect que je me
présente devant vous aujourd'hui, sachant également que la Commission de la
santé des... de la santé et des services sociaux des Premières Nations Québec
Labrador, qui doit présenter demain, va se pencher beaucoup plus en détail sur
le projet de loi 15, ce que je ne ferai pas aujourd'hui. Mais ce que j'ai
l'intention de faire aujourd'hui, c'est vraiment, en tout respect, faire en
sorte un peu de sortir un peu de nos zones de confort. Je pense que c'est
important pour moi de livrer le message que je compte livrer aujourd'hui parce
qu'il en va d'une relation qui se veut respectueuse, relation que plusieurs
qualifient de nation à nation. Nous, on dit souvent de gouvernement à
gouvernement. Et je pense que c'est important qu'on fasse ce point-là et,
souhaitons-le, aujourd'hui, qu'on puisse également engager une discussion dans
cet esprit-là. Donc, je vous remercie beaucoup.
Depuis l'adoption de la Loi sur la protection
de la jeunesse en 1977 et sa mise en application en 1979, elle a été modifiée
quatre fois : en 84, en 94, en 2006 et en 2017. Cette loi coloniale a été
imposée aux Premières Nations et ses effets dévastateurs se font toujours
sentir sur nos enfants, nos familles et nos communautés. Commission
parlementaire après commission parlementaire, nous avons dénoncé ces situations
et demandé à ce que des changements importants et immédiats soient apportés à
la loi provinciale.
• (17 h 30) •
What is the situation?
The majority of our recommendations have been ignored, resulting in a higher
rate of permanent placements and adoptions for our children. The time has come
to put an end to any form of assimilation that continues to persist. The
conclusions of numerous commissions of inquiry are clear on this subject, the
system is broken. No matter what changes you make to it, if you have no
intention of taking our recommendations seriously, it will continue to fail us,
to fail our children, regardless of which party is in power. Today, the FNQL's
presence before this parliamentary commission is in line with a context that
goes far beyond commenting...
17 h 30 (version non révisée)
M. Picard
(Ghislain) : ...on Bill 15, with regard to
child protection, the Chief of the Assembly of First Nations Québec and Labrador wish to remind the QuébecGovernment that this issue is linked not only to the wellness of their
children, but also to the exercise of the rights to self-determination and self-governance,
which are essential components of cultural survival and the future of our
peoples.
First Nations have never...
their rights, and even less the right to decide on the future, education and
wellness of their children throughout the territory. In this sense, the AFNQL
wishes to firmly convey a clear message as part of the commission. First Nations' governments are more determined than ever to move towards the full exercise of
their rights with regard to the protection of their children and families. This
march towards self-determination will be done alone if necessary, and an
interference of any government
will not be tolerated.
Currently, the Government of Québec shows contempt for First Nations wishing to exercise what they hold
most precious, the rights and the protection of their children. By filing a
legal challenge, by reference to the court of appeal of Québec, in December 2019, of an act respecting
First Nations, Innuits and Metis children, youth and families, C-92, your Government is trying to deny our inherent
rights and our ability to legislate. Not only does it contribute to holding
back the collective healing processes and progress of our people, but it also
sends damaging messages to our fellow citizens about our ability to care for
our children.
There is no longer a need
to demonstrate any of this. The various commissions of inquiry have endorsed the importance of the safety of indigenous children and youth being overseen by
their communities, and on the undeniable fact that even the report of the
special commission on the
rights of children and youth protection, la commission Laurent, commissioned by that Legault Government, itself reaffirm.
Les propos de Mme Laurent,
interviewée lors de la publication de son rapport, ne pouvaient être plus
éloquents, et je cite : «Les autochtones sont les mieux placés pour
identifier les besoins de leurs enfants et y répondre.»
Je me permets de couper court parce que le
temps passe. La série noire des exemples d'un déni systématique de nos droits
inhérents se poursuit alors que la communauté attikamek d'Opitciwan vient de se
doter de sa propre Loi sur la protection de l'enfance dans le cadre reconnu par
le fédéral en vertu de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les
familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, C-92. Alors que la
cause se trouve devant les tribunaux, le ministre Lafrenière y est allé
publiquement de commentaires empreints de mépris envers nos ordres juridiques
lorsqu'il a fait une analogie mal placée entre la loi d'Opitciwan et un fromage
gruyère. À la lumière des décisions et des positions du gouvernement du Québec
depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ, c'est plutôt la soi-disant relation de
nation à nation, tant souhaitée par le premier ministre, qui est parsemée de
trous et qui se désagrège de jour en jour en raison d'un manque de cohérence et
de vision gouvernementale envers les droits des Premières Nations.
Les chefs de l'APNQL sont déterminés, tel
qu'ils l'ont notamment exprimé officiellement par l'adoption d'une déclaration
sur les territoires et des ressources, en novembre dernier, à mettre en oeuvre
tous les moyens nécessaires pour protéger leurs droits inhérents dans tous les
domaines touchant le mieux-être et l'avenir de leurs populations. Les services
de protection de l'enfance en sont un aspect essentiel, et nos gouvernements
sont les mieux placés pour les gérer.
En quoi cette capacité vient-elle à mettre
en danger les compétences que le Québec exerce pour sa population? L'APNQL
soutient que le dépôt de ce projet de loi ne contribue pas à transformer la
relation entre le Québec et les Premières Nations. Il prend place sur fond
d'une contestation judiciaire de mauvaise foi qui s'appuie sur une chasse
gardée des champs de compétences, et ce, au détriment de nos enfants et de
leurs familles. Cette commission parlementaire se tient alors que le Canada, par
le biais de ses ministres fédéraux concernés, a adressé des communications au
ministre responsable des Affaires autochtones, l'enjoignant à reconnaître, dans
un esprit d'autodétermination et de réconciliation, la compétence législative
des collectivités autochtones sur les services à l'enfance et la famille qui
découle du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Dans cette
communication, la ministre fédérale des...
M. Picard
(Ghislain) : ...Services aux autochtones Patty Hajdu souligne
l'absurdité de l'entêtement du Québec en la matière en affirmant sans équivoque
la validité de la Loi de la protection sociale attikamek en ces termes, et je
cite : «les dispositions de la loi d'Opitciwan qui porte sur les services
à l'enfance et la famille, telles que définies par la loi fédérale, ont
désormais la force de loi à titre de loi fédérale au Québec.» Fin de la
citation. Pourtant, depuis l'entrée en vigueur de la loi d'Opitciwan, nous
constatons que le Réseau de la protection de la jeunesse du Québec utilise
maintenant l'article 81.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse pour
informer la communauté que des audiences au Tribunal de la jeunesse sont
dorénavant prévues pour tous les parents et enfants placés et résidant à l'extérieur
de la communauté. Même s'il s'agit d'une exigence à remplir en vertu de
l'article 81.1, il semblerait qu'environ 50 enfants inscrits sur la
liste de banc de la communauté d'Opitciwan auraient été placés majoritairement
dans des familles allochtones sans que la communauté n'en ait été informée.
Le Président (M. Provençal)
: En tout respect, monsieur Picard, je vais vous demander de
conclure parce que...
M. Picard
(Ghislain) : Il me reste un paragraphe.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous donne la permission de le lire.
M. Picard
(Ghislain) : Merci beaucoup, merci, c'est apprécié. Qu'est-ce
qui a incité le réseau québécois à modifier si rapidement ses pratiques?
Pourquoi la communauté d'Opitciwan découvre-t-elle que ces enfants ont été
placés sans qu'elle en soit avisée comme requis par la loi? Il ne s'agit ici
que de quelques exemples qui démontrent, encore une fois, que le gouvernement
du Québec utilise ses lois pour tenter d'opprimer les Premières Nations sans
respecter leurs droits. Où est donc la primauté du droit?
En conclusion, la seule loi digne de nos
enfants sera celle que nos gouvernements des Premières Nations choisiront
d'appliquer par l'exercice de leurs droits en la matière. (Il s'exprimer dans
sa langue.) Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. Picard, pour votre exposé. Alors je vais
maintenant passer la parole au ministre. Monsieur le ministre.
M. Carmant : «Kwe», chef Picard, chef Mequish. Merci d'être là. Je pense
que votre discours est quand même clair. Moi, je me positionne, comme ministre
délégué à la Santé et des Services sociaux, dans le but de protéger le mieux
possible les enfants. Et je pense que j'ai été clair, dans le... on est clair,
dans le préambule, c'est absolu pour nous que les Premières Nations sont le
mieux placé pour s'occuper de leurs enfants. Ça, je pense qu'on peut être
d'accord là-dessus.
• (17 h 40) •
Là où on aimerait être sûr d'offrir une
protection sans risque, c'est vraiment, comme vous mentionnez, peut-être, ceux
qui choisissent premièrement d'être hors communauté, avoir une certaine... Tu
sais, on travaille fort, dans le projet de loi, pour harmoniser les pratiques.
On est quand même... Je dois partager avec vous mon inquiétude d'avoir
plusieurs lois différentes... non seulement des nations différentes mais des
communautés différentes, qui s'appliquerait sur... Par exemple, à Montréal, par
exemple. Donc, comment vous voyez ça? partagez-nous votre vision pour voir
comment on peut travailler mieux ensemble pour ceux qui sont... Choisissent
d'être hors communauté.
M. Picard
(Ghislain) : Merci beaucoup pour votre commentaire et question,
Monsieur le ministre Carmant. Et je vais sans doute inviter le chef Mequish à compléter
puisque lui vit une situation beaucoup plus terrain que, moi, je peux le vivre.
Mais ce que je dirais, d'abord et avant
tout, c'est, comme je le disais en début, d'entrée de jeu, ce n'est pas la
première fois que l'APNQL prend le temps de se présenter en commission
parlementaire pour tout type de loi qui pourrait avoir un impact sur les
communautés. Et dans certains cas, dans plusieurs cas, même, on a toujours
avancé le souci d'harmoniser nos pratiques, d'harmoniser nos pratiques au
niveau de nos communautés avec ce qui existe autour de nous en législation
québécoises et même, dans certains cas, la législation fédérale.
Maintenant, ce qu'on a ici, c'est vraiment
un contexte tout à fait différent. C'est qu'on a une première. Opitciwan, c'est
la première communauté au Québec, la quatrième au Canada à avoir sa propre loi.
Et ça, je pense qu'on a déjà fait nos représentations là-dessus en disant que
c'est le souhait des communautés. Opitciwan ne sera pas la seule parce qu'il y
a 15 autres communautés qui suivent et qui se préparent également à
emboîter le...
M. Picard (Guy) : ...avec
la voie tracée par Obedjiwan. Et donc je reviens à mon commentaire initial, le
souci d'harmonisation a toujours été présent. C'est ce qu'on a fait valoir à
plus d'une occasion, écoutez, depuis les 25-30 dernières années, mais
force est de constater que ce n'est pas souvent à l'avantage des communautés
qu'on peut s'entendre. Mais j'inviterais évidemment là le chef Mequish à
ajouter à ce que je viens de dire.
M. Mequish (Jean-Claude) : ...chef
Picard, je voulais tout d'abord saluer toutes les membres qui sont là à la
commission aujourd'hui. Bien je répondrais, suite à l'intervention de monsieur
le ministre de la protection sociale, tout d'abord personne ne choisit d'aller
vivre hors réserve. Ils font... ils décident d'aller vivre parce qu'on a un
manque flagrant de logements. On a une crise de logement social. C'est pour ça
que nos membres, là, décident d'aller vivre en communauté.
Je répondrais aussi, on a eu un début de
collaboration des deux CIUSSS, Mauricie puis le Saguenay-Lac-Saint-Jean. On
s'était aperçu qu'avant même la rentrée en vigueur de notre loi, le
17 janvier, il y a comme eu un changement de ton de la part des deux
CIUSSS. Nous autres, on... c'est clair pour nous autres qu'il y a peut être un
message qui est venu d'en haut pour, justement, et je ne sais trop quoi, je ne
veux pas trop, trop m'avancer aussi dans mes pensées. Je pense qu'aujourd'hui
on est là pour ça. Nous autres, on continue, on maintient le cap. On veut bien,
nous autres, prendre nos enfants, de veiller nos enfants avec notre loi. Vous
savez très bien que la DPJ et la loi de la protection des jeunes, la loi du
Québec, certains de nos enfants qui ont été mis... placés en majorité dans des
familles allochtones, sont revenus ici, ils ont tout perdu. Ils ont perdu la
langue, leur culture, leur identité. Ils doivent réapprendre quand ils arrivent
ici dans les communautés après être placés dans... en majorité d'un déplacement
dans les communautés, bien, dans les villes, dans les familles allochtones.
Merci.
M. Carmant : Je suis
très sensible à ce que vous venez de mentionner et je pense qu'il faut qu'on
doive continuer à travailler ensemble. Comme qualifiez-vous la... tu sais, le
travail des deux CIUSSS que vous avez mentionnés? Comment ça passe?
M. Mequish (Jean-Claude) : Bien,
comme je vous ai dit tantôt au début, il y avait une bonne collaboration. Les
dernières semaines et le mois de janvier, là, ça a comme... il y a comme eu une
volte-face, là, un changement de ton, puis les pourparlers, là, ils ont quand
même durci, là. Je vous dirais, en tout cas, oui on a reçu une lettre de leur
part parce qu'on a tout de suite acheminé une lettre de ma part, que j'ai
signée, aux deux CIUSSS, là. Mais, eux autres, ils entendent continuer à faire
en sorte à travailler à une collaboration, là, entre la communauté d'Obedjiwan
puis les deux CIUSSS.
M. Carmant : D'accord.
Etcomment vous voyez ça, par exemple, harmoniser vos... votre loi avec celle,
par exemple, des Attikameks de Manawan? Comment vous voyez ça? Surtout...
encore moi, mon inquiétude principale, c'est vraiment pour ceux qui sont hors
communauté, et je comprends ce que vous m'avez dit., pis je le respecte tout à
fait, mais c'est une réalité qui m'inquiète un peu. Je dois le partager avec
vous
M. Mequish (Jean-Claude) : Bien,
premièrement, nous autres, en tout cas, on s'enligne par une entente de
collaboration avec l'entente qu'ils ont signée, là, Weimontaci puis Manawan,
dans les...
M. Mequish (Jean-Claude) :
...chaque semaine, on les voit s'asseoir avec nous autres pour justement
regarder peut-être les dossiers de nos mères qui sont... qui résident soit dans
la région Saguenay-Lac-Saint-Jean, région aussi de la Mauricie. Ça un fait
partie de nos prochaines étapes, là, à travailler ensemble. Moi, tout ce que je
veux, là, c'est une collaboration de la part de tout le monde, là, que ce soit
les deux CIUSSS, aussi peut-être même de votre part, monsieur le ministre.
M. Carmant : Donc, il y
a quand même de l'ouverture pour une entente pour harmoniser les pratiques, si
je vous entends bien, là?
M. Mequish (Jean-Claude) :
Oui. C'est ce que je souhaite. Tout d'abord, je pense que je vais vous rappeler
qu'au tout début de l'élaboration de notre loi, la rédaction... le comité de
travail qu'on avait mis en place, le conseil avait signé une résolution. Tout
au long du processus de rédaction, il y avait juste le fédéral qui était venu
s'asseoir à la table de coordination. On avait invité à Québec aussi. Puis on
n'a pas eu de réponse de leur part. Je savais aussi que le Québec, il
contestait la loi au niveau de la constitutionnalité de C-92.
J'aurais aimé pareil s'il avait accepté
l'invitation qu'on avait lancée. On avait pu, suite là, mettre en place un
travail de collaboration. Au cours des dernières semaines, là, juste avant la
rentrée en vigueur, là, j'ai... Monsieur le ministre des Affaires autochtones,
Ian Lafrenière, il m'avait écrit, il m'avait texté, il m'avait appelé. C'était
un peu... trop peu, trop tard, là, en tout cas. Tu sais, à quelques jours de la
rentrée de notre loi, il m'avait fait signe qu'il voulait s'asseoir, qu'il
voulait parler avec nous autres. Mais on souhaite encore. On a encore une
ouverture, là.
M. Carmant : D'accord.
Et on va travailler avec cette ouverture-là. Est-ce que vous voulez commenter
sur le projet de loi ou vraiment pas du tout? Est-ce que... Est-ce que je peux
vous poser quelques questions?
M. Mequish (Jean-Claude) :
Le projet... La loi C-15?
M. Carmant : Oui.
M. Mequish (Jean-Claude) :
Bien, moi, je suis là, comme j'ai mentionné, avec.... Je me suis dit quand il
m'a invité, je vais écouter puis je vais observer, là. Je suis là en tant
qu'observateur.
Le Président (M. Provençal)
: M. Picard.
• (17 h 50) •
M. Picard
(Ghislain) : Non. Bien, écoutez, merci pour la question. Et
comme je l'ai précisé plus tôt, il reviendra à la Commission de la santé et des
services sociaux de commenter en détail le projet de loi 15. Mais
j'aimerais quand même, en complément de ce que le chef Mequish a avancé comme
exemple, et je pense que c'est très, très éloquent. Et si ça arrive à
Obedjiwan, bien, ça va... ça risque d'arriver ailleurs. Ce que vous dites
finalement, monsieur le ministre, c'est que votre préoccupation touche les
enfants qui sont en dehors de la communauté. Donc, moi, ça me fait dire que
vous n'êtes pas opposé à l'idée qu'une communauté se dote d'une loi, d'un cadre
législatif. Est-ce que c'est exact? Donc ça, c'est une question.
L'autre élément que je veux ajouter, le
chef Mequish et moi-même avons présenté le projet de loi de la protection
sociale attikamek d'Obedjiwan le 10 novembre dernier à Wendake. Comment se
fait-il que le Québec ait choisi de réagir lorsque cette loi-là est entrée en
vigueur le 17 janvier? Ça, je... Pourquoi avoir laissé un vide alors qu'il
y avait une opportunité à ce moment-là de peut-être préparer le terrain pour
l'entrée en vigueur de la loi? Donc, ça, il faudra que quelqu'un me l'explique.
Pourquoi attendre à minuit moins cinq pour réagir? C'est sûr que, je pense,
autant à nous de notre côté que du côté de la communauté d'Obedjiwan, on arrive
mal... On saisit mal quelle était l'intention ici.
M. Carmant : Bien,
écoutez, je serai bref, mais je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a
des enjeux au niveau du fédéral et nous, au niveau de nation à nation, où on
trouve qu'il y a des enjeux de champ de...
M. Carmant : ...mais c'est sûr
que nous, notre priorité, c'est la protection des enfants. Et, encore une fois,
je le répète, c'est bien un statué dans la loi, pour nous, ce sont les
Premières Nations qui sont le mieux placés pour prendre soin de leurs enfants,
puis ça, je le répéterais sans arrêt. Monsieur le président, je passerais la
parole à ma collègue de Roberval.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, Mme la députée.
Mme Guillemette : Combien de
temps, monsieur le président?
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup. «Kwe», chef Mequish. «Kwe», chef Picard. Chef Mequish, j'ai eu
l'occasion d'aller dans votre communauté à plusieurs reprises pour aller
travailler pendant plusieurs années. Je connais bien votre communauté, votre
réalité. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'aimerais vous entendre sur le
volet de l'importance de la sécurisation culturelle au niveau de la protection
de la jeunesse chez vous, ou chef Mequish, ou chef Picard.
M. Picard
(Ghislain) : Chef Mequish, répond.
M. Mequish (Jean-Claude) :
Oui. Oui, un des volets, on travaille là-dessus avec le CIUSSS, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est parce que nous autres, c'est... on fait affaire
à... même sont situés dans la région en Mauricie. Nous autres, au niveau de nos
membres qui ont besoin de rencontrer des docteurs, des médecins, là, c'est au
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y a un travail qui a été amorcé là-dessus avec
notre directrice de la santé, puis je pense que c'est un membre du conseil qui
détient le dossier de la santé. Aux dernières nouvelles, ça avançait bien au
niveau de la sécurisation culturelle. Le CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean, je
pense qu'ils sont très, très, très conscients, l'importance de travailler
là-dessus pour justement sécuriser nos membres, là, qui... comme je vous l'ai
dit tantôt, ils font affaire dans les centres hospitaliers
Saguenay-Lac-Saint-Jean, Roberval, Chicoutimi, Alma, dans ces endroits-là. Avec
ce qu'on a eu, l'affaire Joyce Echaquan, là, beaucoup, beaucoup de nos membres,
là, se sont... beaucoup de méfiance, quand qu'on a vu les vidéos qui a circulé,
je pense que vous l'avez tous vu, l'affaire Joyce Echaquand. Mais on travaille
là-dessus au niveau... On a une très bonne collaboration de la part du
CIUSSS-Saguenay-Lac-Saint-Jean pour la sécurisation culturelle.
Mme Guillemette : Merci, chef
Mequish. Je suis très heureuse d'entendre ça. Merci beaucoup, chef Picard, de
votre présence aujourd'hui. Ça sera tout, monsieur le président, pour moi.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, nous allons poursuivre avec la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, Monsieur le
Président. Et ma collègue va vouloir aussi poser des questions à, alors «kwe»,
chef Picard et chef Mequish. Je suis étonnée, depuis le début de cette
consultation, de l'adhésion de ceux qui sont venus, d'intervenants, pour dire :
C'est le temps, c'est le temps d'avancer, c'est le temps d'aller vers
l'autonomie, les nations. Et c'est comme si, bon, avec... C'est sûr que les
différentes commissions, les recommandations de la commission Laurent...
Comment vous voyez ce processus? Là je comprends tous les enjeux que vous avez
mentionnés, le ministre aussi, dans le sens, où on est rendus, mais au point de
vue de la population, on dirait que les choses ont cheminé beaucoup. Comment
vous voyez l'épe où vous allez acquérir cette autonomie? Comment les nations,
ensemble... J'ai eu l'occasion d'aller au Lac-Simon, c'était lors d'une
consultation avec l'actuel ministre, il n'était pas ministre, il était député,
mais pas ministre responsable des Communautés autochtones, et on a eu l'occasion
d'échanger avec la nation, et on a soupé, on a échangé. C'était vraiment
formidable. J'avais la chance d'être assise à côté d'une travailleuse sociale
qui m'a expliqué exactement de de A à Z comment ils gèrent des problèmes très,
très, très sérieux...
Mme Weil : ...dans leur
communauté et avec réussite. Elle dit : C'est des cas que vous ne pourriez
même pas imaginer qu'on pouvait faire en sorte que cet enfant soit encore
heureux d'être avec sa famille à cause de choses qui se sont passées. Alors,
nous, on les accompagne là-dedans, et personne d'autre ne pourrait faire ce
travail à cause de notre histoire et de nos connaissances de génération en
génération. Alors, j'ai trouvé ça que... c'était un privilège pour moi, parce
que c'est sûr que je n'ai jamais eu ce dossier-là, mais le débat public est
imprégné, actuellement, de cette volonté. Je pense que c'est un éveil «coast to
coast», vraiment, au Canada, pour toutes sortes de raisons et des drames
tragiques qu'on apprend.
Mais comment vous vous voyez, donc, cette
transition? Je ne sais pas techniquement comment ça se ferait, mais, disons,
une entente, un désistement de la cour. Bon, au niveau du gouvernement, c'est
sûr que c'est le gouvernement qui a... Mais je voulais plus savoir comment vous
vous organisez, si chaque nation s'organise avec l'expertise d'autres, partage
de meilleures pratiques. C'est un peu comme ça que ça se ferait, cette
opération de.. Il y a l'aspect politique, mais je ne parle pas de l'aspect
politique, je parle plus de l'aspect prise en main, là, vraiment pour s'assurer
que tout va bien et... Un peu comme on discute dans le réseau, actuellement,
qui est... pas brisé, là, mais on parle de notre réseau de la santé qui est
brisé, on parle des difficultés énormes dans le réseau de la protection de la
jeunesse, donc tous les intervenants parlent de comment on peut travailler
ensemble. Alors, ce serait un peu de vous entendre là-dessus.
• (18 heures) •
Ghislain Picard Bien, écoutez, j'essaie
d'être concis mais clair en même temps. Je crois qu'une des premières
représentations que nous avons faites en commission parlementaire pour traiter
de ces dossiers-là remonte à 2005, et le thème du mémoire qui avait été déposé
à ce moment-là, c'est de dire les choses comme elles sont. Et c'est ce que vous
expliquez en partie, puis la communauté du Lac-Simon est un exemple. Mais il
faut savoir aussi que c'est à géométrie variable à l'échelle du Québec.
Donc, depuis au moins 2005 et même avant,
nos équipes s'affairent à essayer de relever la capacité au niveau local. Et il
y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de professionnels, maintenant, chez nous dans
le domaine des services sociaux, beaucoup plus que ce qu'on a pu voir il y a
une trentaine d'années, même quarantaine d'années. Donc, il y a eu une évolution,
une formation marquée aussi, hein, une formation marquée au niveau de nos
professionnels, mais marquée aussi par, je dirais, le niveau de placement au
niveau de nos nations. Donc, ce qui me fait dire que la démarche qui a été
initiée par la communauté d'Opitciwan a été extrêmement rigoureuse, comme le
seront celles qui vont suivre pour les 15 autres communautés. Et je pense
que les communautés s'entendent pour dire : Voici ce que nous fournit la
loi fédérale C-92, c'est exactement les ingrédients dont on a besoin pour
encourager les communautés. Lorsqu'on parle pleine reconnaissance de
l'autodétermination de leur autonomie, c'est les conditions réunies, là, pour
encourager les communautés comme Opitciwan et d'autres à se doter des moyens
nécessaires.
Il y aura toujours la partie capacité au
niveau financier. Ça demeure un défi tant avec le Québec qu'au niveau du
gouvernement fédéral. Mais c'est là qu'on en aurait, par exemple, dans une
hypothèse d'entente-coordination, comme le prévoit la loi fédérale, convenir
des responsabilités des uns et des autres, hein? C'est vraiment ce que la loi
fédérale proposait, c'est une démarche à trois, là, fédérale, provinciale et
Premières Nations. Le Québec a choisi une autre direction pour des raisons
expliquées par le ministre un peu plus tôt, mais en même temps, si on est
devant une contestation de la loi fédérale mais en même temps de la capacité de
nos communautés, bien, ça ralentit le processus qui devrait contribuer à mieux
outiller les communautés. Et ça, ça nous rapporte à peu plus loin
malheureusement. Donc, on est fins prêts, là, au niveau local, au niveau des
communautés, au niveau des nations, mais encore faut-il qu'on ait vraiment
toutes les conditions réunies, là, pour pouvoir livrer.
Mme Robitaille : Merci,
monsieur le président...
18 h (version non révisée)
Mme Robitaille : ...merci,
merci, merci d'être là tous les deux chefs, chef Mequis, chef Picard. Je
voulais saluer, en passant, votre patience, votre patience à revenir, à nous
expliquer, à nous expliquer, ce n'est pas la première fois que je vous vois
ici, à l'Assemblée nationale, à, justement, expliquer le point de vue des
Premières Nations qui est vraiment important, et puis vous répétez, répétez. Ma
collègue parle d'un éveil, bien, en tout cas, il y a un momentum, tant mieux,
mais je comprends votre frustration. Vous parlez aussi d'un système brisé, de
deux mondes finalement, puis vous dites: Bien, la DPJ, ils ont beau faire tout
ce qu'ils veulent, mais il y a deux mondes puis de toute façon, pour y arriver,
il faut qu'on soit autonome, il faut, au moins, qu'on soit autonome pour ça,
pour la protection de nos enfants.
J'aimerais que vous disiez aux gens qui
nous écoutent, en ce moment, parce que le gouvernement nous dit: Bien, la Loi
sur la DPJ, l'article 37.5 permet des ententes avec le gouvernement fédéral...
pardon, provincial, avec les Premières Nations, ils peuvent conclure des
ententes avec le gouvernement provincial, il y en a trois depuis trois. Depuis
trois ans, là, il y a certaines communautés atikamekw qui ont conclu des
ententes avec le gouvernement provincial, et là ils vont vous dire: Bien,
coudon, ce n'est pas satisfaisant, ça, en quoi... Et là ce serait important
d'expliquer aux gens qui nous écoutent, en quoi, pour vous, cette loi-là, C-92,
qu'est-ce qu'elle donne de plus, quels pouvoirs il y a, dans cette loi-là, de
plus... aux articles, je pense, aux articles de 9 à 17, là, qui donnent des
pouvoirs supérieurs à ce que vous pourriez avoir dans le contexte législatif
actuel au provincial. En quoi, pour vous, c'est important d'aller chercher des
pouvoirs équivalents à C-92?
M. Picard
(Ghislain) :Bien, ce que je vous dirais,
première chose, c'est qu'il y a des communautés qui ont effectivement regardé
du côté de 37.5, en disant: Bien, voici la voie qu'on veut privilégier, mais
c'est des communautés aussi qui se sont maintenant tournées du côté de C-92. Et
la raison était finalement, je vais l'expliquer très, très simplement, c'est
que, c'est quoi, la différence entre plus d'autonomie et une pleine autonomie?
Les communautés ont choisi la voie de la pleine autonomie, et ça, c'est un
droit qui leur appartient et pourquoi il en serait autrement. Je dirais même,
et je le dis en tout respect pour les communautés dites conventionnées, hein,
trois nations naskapie, crie et inuite, même la nation inuite qui est conventionnée
regarde du côté de C-92. Donc, c'est quand même assez éloquent, là, comme
exemple, je pense que la communauté, même si on n'a pas... je veux dire, les
Inuits ont une entité politique administrative qui leur sont propres, mais on
réussit quand même à échanger. Donc, je pense que c'est vraiment le fond, c'est
vraiment la différence entre, finalement, une autonomie dans un cadre que tu ne
contrôles pas, que tu ne décides pas et l'autonomie dans un cadre que tu as
toi-même structuré et dont tu as décidé du contexte. Donc, je pense qu'il y a
quand même une différence importante ici.
Et je vais terminer en disant, et je
trouve que c'est un bel exemple aussi, parce qu'on l'a entendu, à plus d'une
occasion publiquement, le ministre Lafrenière lui-même disait que le problème,
là, c'est que les Premières Nations ont toujours été appelées à s'adapter au
système, alors que ça devrait être le contraire. Je n'oserais pas le citer,
mais c'est à peu près dans ces mots-là qu'il expliquait un peu la chose, en précisant
qu'il comprenait un peu l'attitude de nos communautés dans ce sens-là.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, monsieur
le Président, «kwe», chef Picard, «kwe», chef Mequish. Merci beaucoup pour
votre témoignage, votre présence. J'ai trouvé votre prise de parole, au début,
très courageuse, et elle disait des choses qui, effectivement, doivent être
dites. Puis je voulais vous témoigner que je partage parfaitement votre avis
sur... bien, sur tout ce que vous avez dit, puis plus particulièrement sur
l'importance de décoloniser...
M. Zanetti : ...la loi et les
services sociaux en général, mais la question de la protection de l'enfance. Et
je partage aussi cette déception quant au fait qu'on a une opportunité d'aller
plus loin, là, et qu'on ne le fait pas jusqu'au bout. Évidemment, on va... Le
projet de loi est en étude détaillée bientôt et on va pouvoir avoir des
occasions de proposer des changements, des amendements. Alors je souhaite qu'il
y ait une ouverture et que ce soit en cohérence avec l'idée selon laquelle les
Premières Nations sont les meilleures... les mieux placées pour décider de ce
qui se passe avec leurs enfants.
J'ai une question à poser au chef Mequish par
rapport au système et à la loi que vous avez mis en place pour la protection de
la jeunesse. Si j'ai bien compris, là, au fond, c'est une loi qui est là
pour... qui s'applique à la communauté d'Opitciwan, mais est-ce que c'est quelque
chose... Est-ce que chaque communauté, par exemple, qui en ce moment réfléchit
à faire la même chose, veut avoir sa propre loi, son propre système? Ou il y
a... Avez-vous un souhait de faire un système par nation ou d'avoir un système
par communauté? Ou peut-être que certaines vont décider de faire des systèmes
communs et d'autres non? Je serais curieux d'entendre ce que vous avez... ce
que vous pensez de ça.
M. Mequish (Jean-Claude) : Évidemment,
on a déjà rencontré deux communautés, celle de Mashteuiatsh puis Wemotaci. Ils
voulaient savoir comment qu'on s'est pris à travailler là-dessus, à élaborer
notre propre loi. Je vous dirais là-dessus qu'au niveau des autres communautés,
on a eu aussi des... il y a quelques chefs qui m'avaient appelé. Ils voulaient
avoir une rencontre. Puis la question au niveau des nations, juste un système,
étant donné que nous autres, on est la nation attikamek, on ne pouvait pas y
aller au niveau de la nation attikamek, vu que les deux autres communautés
avaient déjà une entente avec le 37-5, là. Je ne sais pas, dans un avenir
rapproché... Je ne peux pas te répondre là-dessus au niveau des autres
communautés. Mais comme je vous ai dit, il y a quelques communautés qui nous
ont contactés. Ils demandent à nous rencontrer. Je ne peux pas... Je n'ai pas
vraiment beaucoup, beaucoup de réponses à ta question, mais on est là, nous
autres, on est prêts à rencontrer les autres communautés.
M. Zanetti : Merci, bien, ça
répond bien, là. On sent qu'il y a de l'appétit pour, justement, un peu suivre
le même chemin que vous, là, dans d'autres communautés au Québec, là. C'est ce
que je comprends.
M. Mequish (Jean-Claude) : Oui,
c'est bien ça. Bien, c'est sûr qu'avec la pandémie qu'on a, ce n'est pas
évident, là, tu sais, de se déplacer en présentiel, mais il y a la technologie,
là, qui nous permet aussi de faire des rencontres par visio.
M. Zanetti : Bien, je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:On va terminer cet échange avec le
député de René-Lévesque.
• (18 h 10) •
M. Ouellet : Merci beaucoup,
monsieur le Président. Donc à mon tour, messieurs, de vous saluer, un «kwe»
très sincère. Chef Picard, si je comprends bien ce que vous nous dites
aujourd'hui, c'est que C-92, on ne peut pas le nier, il existe. Il y a des
communautés qui veulent aller de l'avant, la communauté d'Obedjiwan est un
exemple. Il y en aura d'autres. Mais vous nous dites aussi que pour le moment,
il y a des communautés qui n'ont pas levé la main et donc le projet de loi en
question pourrait s'appliquer à eux. Est-ce que j'ai tort d'affirmer ça?
M. Picard
(Ghislain) :Oui, bien, écoutez, on n'a
pas fait le tour de l'ensemble des communautés. C'est quelque chose qu'on va...
qu'on vérifie régulièrement. Comme je le disais, il y a maintenant au moins 15
communautés, là, qui veulent entamer la même démarche, qui est celle
d'Obedjiwan, similaire à celle d'Obedjiwan.
Et ceci dit, là, écoutez, on ne fait pas de
promotion. Tout ce qu'on fait, c'est notre devoir de renseigner les communautés
sur ce que C-92 dit, ce que C-92 leur offre. Donc, ultimement, c'est leur
choix. Et comme je le disais plus tôt, bien, les communautés qui avaient, à un
certain moment, regardé du côté de 37-5, bien, ont mis ça de côté pour se
concentrer davantage sur la loi...
M. Picard
(Ghislain) : ...ce qu'elle prévoit. Mais je veux quand même
revenir, peux être en partie, sur la question de monsieur Zanetti. On a passé
une décennie, l'ensemble des nations, incluant des communautés conventionnées,
pour regarder le concept d'adoption coutumière. On a réussi à changer le Code
civil, à faire amender le Code civil pour qu'il y ait une reconnaissance de
cette pratique-là au sein de nos nations. Donc, il n'y a rien d'impossible, là.
Mais il s'agit qu'il y ait de la volonté, et à votre question, je pense que
c'est vraiment : Est ce que les conditions politiques sont au rendez-vous
pour avoir ce type de discussion là? C'est la question qu'on pose ici parce
qu'à chaque fois, à chaque fois, systématiquement, on revient... vous portez,
vous livrez le même message et il y a comme... je ne sais pas comment
l'interpréter. Il y a comme une primauté qui nous exclut et c'est ça qu'on
dénonce aujourd'hui. S'il n'y a pas de volonté ou un contexte qui privilégie
aussi nos façons de voir et de faire, on retourne chez nous bredouilles et avec
comme conséquence, bien, des lois comme C-92. Et c'est ça qui invite les
communautés, d'ailleurs, à jeter un regard de ce côté là.
M. Ouellet : Votre mémoire
met quand même le doigt sur certaines dispositions qui devraient être changées
si on adopte la loi telle que proposée. J'aimerais peut-être attirer votre
attention sur la recommandation 10. Vous demandez d'exempter les
organismes des Premières Nations de l'application de l'article 21 du
projet de loi. J'aimerais savoir pourquoi, parce que cet article-là nous amène
à la diffusion ou la divulgation d'informations. Pourquoi c'est important pour
vous que cela ne s'applique pas?
M. Picard
(Ghislain) :Comme je le disais plus tôt,
je laisse le soin à notre équipe, là, de la santé et des services sociaux, de
vraiment venir vous présenter en détail les commentaires concernant le projet
de loi 15 demain. C'est prévu.
M. Ouellet : O.K. Parfait. Je
vous remercie.
M. Picard
(Ghislain) :Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie les chefs... et Picard pour leur
collaboration, leur participation à nos travaux. Je suspends les travaux pour
permettre au prochain groupe de se présenter. Alors merci beaucoup d'avoir été
présents à nos travaux en présentiel et en visioconférence. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
(Reprise à 18 h 18)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on reprend nos travaux. Je
vais avoir besoin d'un consentement pour un 5 minutes additionnelles pour
nous assurer qu'on a l'entièreté du temps pour le groupe qui est le Barreau du
Québec. Consentement? Merci. Je souhaite la bienvenue aux représentants du
Barreau du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre présentation.
Par la suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission.
Donc, je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci.
Mme Claveau (Catherine) : Monsieur
le Président, Monsieur le ministre de la Santé et des Services sociaux,
mesdames et messieurs les députés, je me présente, je suis Catherine Claveau,
bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Maître Dominique Trahan, maître
Fanie Pelletier et Me Anna Victoria Aguerre, avocats et membres du Groupe de travail
sur le projet de loi 15.
Le Barreau du Québec vous remercie de
l'avoir invité à participer aux consultations particulières entourant ce projet
de loi tout aussi important qu'attendu par la société québécoise. Sachez que la
protection de la jeunesse interpelle particulièrement le Barreau du Québec dans
le cadre de sa mission de protection du public. La protection de la jeunesse
est une responsabilité collective et repose sur un filet de sécurité sociale,
communautaire mais aussi judiciaire. Rappelons que lors de son adoption en
1977, la Loi sur la protection de la jeunesse s'est caractérisée par la volonté
de déjudiciariser la protection des enfants en limitant l'intervention de
l'État et en la subordonnant au respect des droits reconnus à l'enfant et à ses
parents. Plus de 45 ans plus tard, force est de constater que les dossiers
complexes ont proliféré et qu'ils ont nécessité l'intervention des tribunaux,
des avocats et autres acteurs judiciaires. Malheureusement, en raison d'un
manque important de ressources, la justice n'a pas pu remplir efficacement son
rôle. En effet, sur le terrain, on assiste à d'importants délais judiciaires
causés par un système de protection de la jeunesse qui tourne au ralenti. Pour
les différents acteurs oeuvrant en matière de la protection de la jeunesse,
qu'il s'agisse des avocats, des juges ou intervenants sociaux, cette réalité
alourdit leurs tâches, alors que la nature même des dossiers est
émotionnellement et psychologiquement exigeante.
• (18 h 20) •
En fait, on parle beaucoup du système
judiciaire, mais il ne faut jamais perdre de vue que ce sont des humains qui
composent, voire soutiennent, ce système à bout de bras, tout particulièrement
depuis deux ans. Ils sont littéralement à bout de souffle. Cet état de fait
n'est donc pas sans conséquence sur le bien être psychologique des
professionnels du droit.
Le manque de ressources a également des
graves répercussions sur les enfants que l'on cherche à protéger. En effet,
dans bien des cas, ces derniers doivent attendre plusieurs mois avant qu'un
juge statue sur leur situation. Ces délais sont non seulement déraisonnables
lorsque l'on tient compte de la notion du temps chez l'enfant, telle
qu'enchâssée dans la loi, mais ils sont également susceptibles de miner la confiance
du public envers la justice. Ainsi, nous invitons le législateur à s'attarder
sur cette nécessaire adéquation entre la disponibilité des ressources et
l'atteinte des objectifs visés par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Il demeure toutefois que, de façon
générale, le Barreau accueille favorablement le projet de loi 15, qui est
porteur de plusieurs avancées qui sont soulignées dans notre mémoire. Étant
donné les délais qui nous sont impartis, j'attirerai votre attention sur
certains enjeux soulevés par ce projet de loi. Tout d'abord, nous appuyons la
création d'un poste...
Mme Claveau (Catherine) :
...de Directeur national de la protection de la jeunesse. Cependant, comme le
directeur est aussi un sous-ministre, nous nous demandons si ce poste aura la
neutralité et l'indépendance nécessaires permettant d'atteindre les objectifs
de concertation, d'harmonisation et d'imputabilité poursuivis. Également, nous
estimons que le législateur devrait clarifier ses pouvoirs et la façon dont ils
seront exercés pour une meilleure prévisibilité juridique et pour
l'imputabilité des personnes visées par ces décisions et ces directives. Nous
invitons finalement le législateur à prévoir explicitement que le pouvoir de collecte
des données dévolues au Directeur national de la protection de la jeunesse soit
appliqué au niveau judiciaire.
Nous invitons également le législateur à
clarifier le moment de l'intervention de l'avocat représentant l'enfant dans la
loi. Dans la mesure où il est un sujet de droit, nous sommes d'avis que la
représentation d'un enfant par un avocat doit être la règle et non l'exception.
Cette idée a par ailleurs été retenue dans le projet de loi numéro 2
portant sur la réforme du droit de la famille et cela va jusqu'à inclure
l'accès universel à l'aide juridique pour les enfants. Nous sommes donc d'avis
que l'enfant doit pouvoir bénéficier d'une voix à travers son avocat, et ce,
dès le début du processus des mesures volontaires.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de
loi ne permet pas de centraliser des informations relatives à un enfant. Nous
suggérons de ce fait la mise en place d'une règle de type un enfant, un dossier
facilement accessible par les différents intervenants et contenant les informations
à jour et disponibles en temps réel. Nous estimons qu'il devrait revenir au
Directeur national de la protection de la jeunesse de mettre en place un
protocole visant à ce que les règles de complétion des dossiers soient
uniformes partout au Québec.
Le projet de loi contient également un
important volet en matière autochtone. D'emblée, nous accueillons favorablement
plusieurs nouveautés qui répondent à des demandes de longue date et qui sont
autant d'avancées vers des services mieux adaptés et respectueux des droits et
des réalités des enfants, des familles et des communautés autochtones.
Un certain arrimage demeure cependant à
faire avec les dispositions prévues à la Loi fédérale sur les enfants, les
jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Plus
précisément, nous référons à l'ajout du principe d'égalité réelle entre les
enfants autochtones et les autres enfants pour assurer des services adaptés aux
besoins particuliers des enfants, des familles et des communautés autochtones.
En ce qui a trait aux conseils de famille,
nous recommandons d'élargir leur champ d'action en amont, soit dès le
signalement. Nous sommes d'avis que dans certaines situations, un conseil de
famille constitué dès le signalement d'un enfant peut suffire à mobiliser le
filet de sécurité de l'enfant, cibler des moyens concrets pour mettre fin au
danger et ainsi éviter une déclaration de compromission. Nous préconisons aussi
une obligation de proactivité accrue du DPJ dans la formation d'un conseil de famille,
soit l'obligation de vérifier activement auprès de la famille leur consentement
à un tel processus.
En matière de délais maximaux de
placement, nous saluons l'extension possible de ces délais pour les enfants
autochtones. Toutefois, cette possibilité d'exemption ne doit pas se limiter
aux situations où il y a un conseil de famille. Nous estimons donc que toute
décision concernant un enfant autochtone doit pouvoir être revue régulièrement
sur la base de l'intérêt de l'enfant, indépendamment de la présence ou non d'un
conseil de famille.
En milieu autochtone, le portrait de la
prestation des services est le reflet de la diversité des réalités et besoins
des différentes communautés. En effet, 19 DPJ desservent les
55 communautés autochtones et plusieurs d'entre elles ont des ententes qui
leur confèrent un certain niveau d'autonomie dans la prestation des services.
Aussi, comme vous le savez, depuis le 17 janvier dernier, la communauté
atikamekw Opitciwan, en Mauricie, est devenue la première au Québec à se doter
de sa propre loi en matière de protection de la jeunesse.
Le projet de loi 15 contient des
nouveautés intéressantes qui confèrent une autonomie et une prise en charge
accrues pour les familles et les communautés autochtones, comme les conseils de
famille. Toutefois, nous sommes d'avis que le législateur doit aller plus loin
et inscrire le droit à l'autodétermination des peuples autochtones pour les
services à l'enfance et à la famille dans la LPJ, comme c'est le cas dans la
loi fédérale et dans la Déclaration des Nations unies pour les droits des
peuples autochtones.
Enfin, nous sommes conscients que les
améliorations apportées à la loi ne pourront bénéficier pleinement aux enfants
et aux familles autochtones que si elles se reflètent concrètement sur le
terrain, dans les pratiques, les...
Mme Claveau (Catherine) :
...outils utilisés et la formation dispensée aux intervenants. À cet égard,
nous réitérons que l'allocation des ressources financières et humaines
adéquates est primordiale pour assurer le succès des mesures prévues au projet
de loi.
Avant de terminer, nous tenons à souligner
que les modifications proposées au projet de loi 15 témoignent de
l'intention du législateur de vouloir mettre à jour le droit québécois de
l'enfance en faveur du meilleur intérêt de l'enfant. De manière plus
spécifique, nous saluons la réaffirmation et la clarification de certains
principes clés qui doivent guider les décisions prises en vertu de la Loi sur
la protection de la jeunesse, telles que la continuité des soins ainsi que la
stabilité des liens.
Nous saluons également l'intégration à la
loi de la notion de l'intérêt de l'enfant autochtone, du principe de la
continuité culturelle pour les enfants autochtones ainsi que la reconnaissance
des liens d'attachement multiples et du rôle des conseils de famille. À notre
avis, il s'agit là d'avancées fort prometteuses qui permettront de briser le
cycle de la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de
protection de la jeunesse ainsi que les effets dévastateurs du placement de ces
enfants dans des milieux non autochtones. Cette volonté réelle du législateur
est porteuse d'espoir quant à l'avenir du système de protection de la jeunesse
au Québec. La protection de la jeunesse mérite que sa réponse soit effectuée de
manière attentive et non précipitée pour en arriver à des normes efficaces et
pérennes.
Nous vous remercions pour votre attention
et pour cette invitation. Et nous sommes maintenant prêts à recevoir vos
questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter cette
période d'échanges avec Monsieur le Ministre. Donc, Monsieur le ministre, je
vous cède la parole.
M. Carmant : Bonjour.
Merci beaucoup pour votre représentation et pour votre mémoire. Le premier
point qui m'a un peu surpris, c'était à propos du changement de libellé au
niveau de l'intérêt de l'enfant. Vous semblez vouloir dire qu'on pourrait,
plutôt qu'améliorer... prioriser cet intérêt de l'enfant, avoir un effet
inverse. Pouvez-vous exactement nous expliquer ce point de vue? Puis qu'est-ce
qu'on peut faire pour corriger cette situation, selon vous?
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, je vais demander à Me Trahan de répondre à cette question.
M. Trahan (Dominique) :
En fait... Si on m'entend bien, oui? Ça va. D'accord, merci. En fait, il s'agit
plutôt de le mettre comme un principe également. Ce n'est pas de le réduire ou
ce n'est pas qu'on n'est pas en accord, c'est de le mettre comme principe en
référence, donc encore plus élevé.
M. Carmant : O.K. Donc,
un «la» plutôt que «une», c'est ça?
M. Trahan (Dominique) :
Ça pourrait être ça, entre autres, oui.
M. Carmant : O.K.,
d'accord. O.K., je comprends tout à fait. Merci beaucoup.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Si je peux me permettre d'ajouter, pour faire un complément à ce qui vient
d'être donné comme réponse. En fait, c'est vraiment de garder l'idée que
l'intérêt de l'enfant doit être l'objectif poursuivi derrière toute décision
qui est prise à son égard. Donc, c'est beau parler de principe fondamental, de considération
primordiale, comme c'est prévu dans le projet de loi, mais ça doit être plus
qu'une simple considération. Ça doit être vraiment l'objectif derrière toute
décision qui est prise à son égard. Merci.
• (18 h 30) •
M. Carmant : Parfait, on
s'entend là-dessus. Une autre petite surprise aussi, c'était la préservation
des dossiers jusqu'à l'âge de 43 ans. On a utilisé le modèle que je
connais bien, là, des hôpitaux pédiatriques. Mais vous, vous avez une
inquiétude par rapport à ça. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce qui en ressort,
puis comment peut peut s'assurer... Parce que c'était une demande de plusieurs
anciens de la DPJ, d'avoir la chance de consulter leur dossier, pas
nécessairement immédiatement après la sortie de la DPJ.
Mme Claveau (Catherine) :
Me Trahan, je vais vous laisser...
M. Trahan (Dominique) :
Ah! oui, parfait. Oui. Alors, en fait, on parlait de 25 ans, jusqu'à l'âge
de 25 ans, parce qu'effectivement on se disait que l'enfant pourra avoir
accès à ces informations et manifester le désir de conserver ses dossiers puis
de pouvoir y accéder. 43 ans, une question qu'on avait, nous, était d'où
provenait ce chiffre-là exactement. Alors, évidemment, il faut le prolonger.
Initialement, on est d'opinion que c'est jusqu'à l'âge de 25 ans. Et puis,
si jamais l'enfant veut le consulter, bien, il y a accès. Quelle est la
nécessité? Je comprends le 43 ans, etc. Mais je pense que c'est de
s'assurer que ça lui soit disponible.
M. Carmant : O.K. Bien,
comme je vous dis, c'est le modèle, un peu, médical, là, où les dossiers sont
conservés 25 ans après la majorité, là. Mais l'enjeu de 25 ans...
18 h 30 (version non révisée)
M. Carmant : ...on a discuté,
c'est qu'on trouvait que c'était court. Certains peuvent avoir la nécessité de
consulter leur dossier au moment de se marier, au moment d'avoir un enfant.
Puis tu sais, de nos jours, ça arrive rarement, ou pas typiquement avant 25
ans.
M. Trahan (Dominique) : Il
est certain que... Écoutez, si les institutions décident que c'est 43 ans, et
que ça permet aux enfants d'y accéder, dans la mesure où que cette
disponibilité-là, c'est seulement pour eux, ce n'est pas un problème en soi.
Non plus que... Je ne crois pas que c'est ça qui va faire la différence au
niveau de l'intérêt de l'enfant puis des décisions judiciaires qui ont été
prises, qui est la pierre angulaire de tout le processus.
M. Carmant : O.K. Mais
avez-vous une inquiétude?
M. Trahan (Dominique) : Bien,
comme je vous ai dit, dans la mesure où ces dossiers-là servent à l'enfant, à
lui-même, et c'est lui qui y a accès, ça va, et non pas que ça pourrait être
consulté pour voir ce qui est arrivé dans le passé et à la génération
antérieure, etc., quand on est saisi d'un signalement qui concerne l'enfant
d'un enfant, par exemple.
M. Carmant : D'accord.
Mme Claveau (Catherine) : Dans
le fond, c'est ça, la limite, c'est si, effectivement, c'est l'enfant lui-même
ou le jeune adulte qui le consulte, il n'y a pas vraiment d'objection. Mais si
c'est ouvert à d'autres personnes qui pourraient, justement, l'utiliser pour
des enfants des enfants, ça risque quand même, là, à donner une perception
tronquée.
M. Carmant : On m'a expliqué
que seul un juge pourrait ordonner... permettre à quelqu'un d'autre d'avoir
accès au dossier.
M. Trahan (Dominique) : Non,
mais... Ça va? C'est que c'est... Effectivement, mais un dossier informatique,
on a déjà vu que ça pouvait être utilisé, n'est-ce pas?
M. Carmant : Ah! je
comprends. D'accord, je comprends votre point.
M. Trahan (Dominique) : Alors,
c'est un peu ça, là. C'est cette protection-là à laquelle on tient.
M. Carmant : O.K., c'est
clair, merci. Revenons sur le rôle de la directrice nationale de la protection
de la jeunesse. Peut-être élaborer un peu plus? Vous avez été rapidement, là,
sur vos inquiétudes. Peut-être nous en dire un peu plus?
M. Trahan (Dominique) : Alors,
c'est une question d'indépendance pour la personne qui occupe ce rôle-là. C'est
sûr qu'elle devra avoir un leadership auprès des directeurs de la protection de
la jeunesse. Mais compte tenu qu'elle a un rôle national, la notion
d'indépendance est, pour nous, très importante, parce que c'est autre chose que
le ministère ou les commettants. C'est la même chose aussi...
Cette personne-là va possiblement faire
des rapports. Et également, on parle des rapports à un ministre, qui est
responsable de la loi, et ce ministre devrait également, dans ses fonctions,
devoir... ou avoir l'objectif de faire en sorte que ce que l'on recommande,
soit à la DNPJ, ou soit à un commissaire, ou autre organisation neutre... mais
là on parle des NPG... que toute recommandation soit mise en place, et que l'on
voie aussi si ça touche d'autres ministères, que le ministre responsable de la
loi voie à ce que l'on puisse les implanter, et assez rapidement. Alors, c'est
dans ce contexte-là qu'on considère que l'indépendance de la fonction est fort
importante.
M. Carmant : D'accord. Vous
avez aussi parlé de quelque chose que nous, on voyait très positivement,
c'était le droit aux enfants d'avoir un avocat, pas juste dans des conditions
d'exception, mais tout le temps. Puis encore là, vous aviez certaines hésitations,
que j'aimerais mieux comprendre.
M. Trahan (Dominique) : Oui,
certainement.
M. Carmant : Puis surtout
l'histoire que... dès le début... Moi, je pensais que c'était inhérent, là.
M. Trahan (Dominique) : Parfait.
Alors, effectivement, vous avez raison. On vous amène plus loin. C'est ça, la
différence, et possiblement la difficulté de perception, là. Et d'ailleurs,
contrairement à la loi actuelle, le projet de loi que vous mettez en place fait
en sorte que tous les enfants seront représentés par avocat, dans le cadre d'un
processus judiciaire, on s'entend. Et là-dessus, ça va très bien. Là où on vous
amène plus loin, c'est que, dans le cadre des mesures volontaires, quand on
soumet à des parents et à des enfants... Et particulièrement, je vais référer à
l'expression «pour les enfants sans voix», qui sont représentés par avocat dans
ce processus de mesures volontaires là...
M. Trahan (Dominique) :
...ces enfants, comme le dit l'expression, sont sans voix, et les seuls qui
pourraient à la rigueur parler pour et au nom de l'enfant sont des gens du
système social. Alors, entre nous, ça protège le système social d'avoir une
représentation par avocat à cette étape-là également parce que ce n'est pas la
suggestion du système, ça sera la suggestion de l'enfant. Et les avocats
d'enfants sont habitués parce qu'ils demandent à la cour, quand ils
représentent un enfant sans voix, d'agir selon les paramètres de la loi. Et, si
on considère... je vous parle d'un processus judiciaire, qu'à l'occasion une
expertise serait nécessaire, il nous est loisible de le faire. Alors, dans ce
contexte là, évidemment, pour des mesures volontaires, on ne parlera pas
d'expertise, mais c'est la... on s'assure d'une neutralité dans une décision
qui sera prise suite à des représentations pour un enfant qui est sans voix.
Alors, c'était le but de la suggestion que l'on vous fait.
M. Carmant : D'accord,
je comprends bien. Et certains ont soulevé la nécessité de formation
additionnelle. Est-ce que vous, vous voyez que c'est un besoin ou on a... je
veux dire, les personnes qui vont représenter ces enfants-là ont toutes les
compétences requises?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, écoutez, à l'heure où on se parle, il y a plusieurs avocats qui sont
spécialisés en protection de la jeunesse. Tous nos avocats doivent respecter
leur code de déontologie... et les oblige à n'agir dans un domaine de droit que
s'ils se sentent suffisamment compétents, et... ce qui veut dire qu'il les
oblige à suivre la formation continue. Au Barreau, on offre plusieurs
formations continues. On a même un guide des meilleures pratiques pour l'avocat
en protection de la jeunesse. Donc, évidemment, nous, on est toujours
volontaires pour ajouter de la formation pertinente, mais, au moment où on se parle,
ce qu'on dit, c'est que, quand même, on peut faire confiance aux avocats qui se
présentent en protection de la jeunesse... sont pour la majorité suffisamment
formés.
M. Trahan (Dominique) :
Et je rajouterais à ça, si on me permet, tous les acteurs judiciaires impliqués
dans le processus, que l'on parle d'avocats de parents ou d'avocats du
directeur de la protection de la jeunesse, on touche à un moment donné ou un
autre des procédures à faire avec les enfants. Alors, ça s'applique à toute
catégorie d'avocats.
M. Carmant : D'accord,
merci. Monsieur le Président, avec votre permission, je passerais la parole à
la députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour. Tout à l'heure, vous avez
parlé du manque de ressources puis de disponibilité et de délais de justice. Ça
serait quoi, vos solutions, vous, pour éviter les délais?
• (18 h 40) •
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, à la base, vraiment, il y a une question d'ajouter des ressources au
tribunal, entre autres, ça peut être nommément un ajout de juges, le personnel
de la Cour, pour qu'il y ait de... plus de dates de journées d'audience pour
permettre, là, que les dossiers puissent... c'est un exemple que je vous donne,
là, puissent pouvoir être fixés, là, dans les meilleurs délais.
M. Trahan (Dominique) : Si
on me permet, je rajouterais également... Au fil des ans, il a été fait mention
par d'autres intervenants qu'il y a eu plusieurs... ou un certain nombre de
modifications à différentes étapes de la Loi de la protection de la jeunesse.
Et le délai qu'on retrouve à l'article 79 ou 76.1, qui est actuellement de
60 jours, en 1980 ou en 1978, lors du début de l'application de la loi, il
était de 14 jours. Et, quand on fixait des dates après une audition
d'urgence, on était au 14e jour. On a extensionné ces délais-là à
30 jours. Et, à cette époque-là, après ça, on a fixé les dates à
30 jours. Maintenant, on est à 60 jours et on fixe les causes en
urgence à 60 jours.
Alors, à chaque fois qu'on prolonge les
délais dans la loi, ils sont utilisés au maximum. Et c'est à cause de quoi?
Souvent, on nous dit que c'est pour donner du temps aux intervenants de faire
des rapports, mais on se rend compte que... peut-être qu'il y a besoin de plus
d'intervenants, il y a besoin de plus de monde au judiciaire. Parce que ce
n'est pas en extensionnant les délais qu'à chaque fois on va arriver à régler
le problème de travailler dans l'intérêt de l'enfant, pour qui le temps est important.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Ensuite, vous, vous dites que la DPJ a
l'obligation de saisir systématiquement le tribunal en urgence...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : ...et d'aviser toutes les parties concernées
du non-respect de l'ordonnance ou de l'impossibilité de maintenir les
conditions exigées par le tribunal. Est-ce que... Bien, moi, pour moi, je
pensais que c'était systématique. Si ça ne l'est pas, est-ce que vous pouvez me
donner des exemples?
M. Trahan (Dominique) : Bon,
alors, on le suggère, pas de saisir en urgence le tribunal, c'est d'aviser les
autres parties de la non-exécution d'une ordonnance ou de la non-faisabilité
d'exécuter l'ordonnance pour que les parties et la cour, on puisse convoquer
les gens et revenir devant le tribunal. Parce qu'effectivement, compte tenu des
ressources, compte tenu d'un paquet de raisons, il peut arriver qu'un volet
d'une décision... Exemple, on demande qu'un enfant puisse bénéficier de soins
ou de suivi psychologique à l'intérieur d'un délai x, et, à la fin de ce
délai-là, on n'a pas trouvé de psychologue pour assurer le suivi et que
l'enfant puisse bénéficier d'une thérapie.
Bon, alors, est-ce qu'on laisse traîner le
dossier seulement au moment où on reviendra avec une révision judiciaire à la
fin de l'ordonnance? C'est ce qu'on veut éviter par notre suggestion...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Je comprends.
M. Trahan (Dominique) : ...si
vous me comprenez. Oui.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Oui, je comprends. Il me reste quelques secondes.
Le Président (M. Provençal)
:20 secondes.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Rendre davantage inclusive l'expression
«personne à qui la loi confie des responsabilités envers l'enfant». Comment on
rend ça plus inclusif?
M. Trahan (Dominique) : Bien...
Oui, c'est encore ouvert - excusez-moi. À cet endroit-là, dans le texte de loi,
c'était de s'assurer que tous les acteurs, que l'on parle d'acteurs judiciaires
ou d'acteurs sociaux... Je dis bien «sociaux». Oui, c'est ça. Je fais l'accord,
là, c'est ça qui me fait réfléchir - pardon. Alors donc, juges, intervenants
sociaux, enfants, parents, tout le monde se doit mutuellement du respect. C'est
dans ce sens-là que cette suggestion-là ou cette proposition-là est faite dans
notre mémoire parce qu'on parle de juste deux catégories de personnes à cette
disposition-là dans l'amendement tel que proposé.
Alors, pour nous, des intervenants
sociaux, ils doivent recevoir respect autant d'un parent que d'un adolescent,
autant que des avocats, et vice versa, le juge doit respect aux travailleurs
sociaux, aux intervenants sociaux. Et c'est important de le mentionner parce
que, comme on le dit, c'est quelque chose de collectif.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
maintenant poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, Monsieur le
Président. Merci et bienvenue. J'ai quelques questions, et c'est dans votre
mémoire, donc, à la page 12. «Le Barreau du Québec constate que le
législateur intègre, à la disposition traitant de la communication, un nouveau
volet.» Donc, c'est toute cette question de communication. Et vous faites,
donc, vous dites qu'un nouveau volet qui vise les droits de contact avec
l'enfant. «Or, le droit à la confidentialité et le droit à des contacts sont
deux éléments distincts. La mise en œuvre de ces deux droits requiert une prise
en compte de facteurs différents afin de s'assurer que le meilleur intérêt de
l'enfant est adéquatement considéré.»
On a beaucoup parlé de communication,
d'avoir accès à des renseignements personnels, etc. Pourriez-vous peut-être
revenir sur cette recommandation que vous faites de clarifier le langage qui
est utilisé dans le projet de loi?
M. Trahan (Dominique) : Certainement.
Alors, à l'endroit où ça se trouve, tel que vous le mentionnez, c'est les
contacts et les communications que l'enfant peut avoir avec quelqu'un. Alors,
c'est de ça dont il est question à cet endroit-là. Donc, un contact, c'est une
visite chez quelqu'un, avec quelqu'un, pendant qu'il est centre, pendant qu'il
est en famille d'accueil. Une communication, c'est un téléphone, c'est un
écrit, peut-être, mais c'est ce dont il s'agit. Je ne sais pas si ça éclaircit
la situation.
Mme Weil : Oui. Donc, c'est
vraiment dans la législation d'être clair et précis par rapport à ce dont on
parle.
M. Trahan (Dominique) : Exact,
parce que c'est différent. Puis je suis convaincu que quand c'est le temps
d'autoriser un ou l'autre, bien, il y a des moyens à prendre pour le faire, et
ça nécessite plus ou moins de contrôle ou encore...
M. Trahan (Dominique) : ...de
permettre une accessibilité.
Mme Weil : Aussi, si vous
pourriez peut-être vous adresser à votre recommandation. L'implication des
parents, lorsque l'enfant est retiré de son milieu familial, doit être
clarifiée. Là aussi, vous proposez une clarification, et c'est votre
4.1 proposé... Ça, c'est un sujet bien important, bien, tous les sujets
sont importants, mais quand même sensible, On le sait, quand les familles nous
interpellent avec ces genres de problèmes. Donc, est-ce que vous le voyez? 4.1,
lorsque l'enfant est retiré de son milieu, l'implication des parents. Peut-être
expliquer cette recommandation que vous faites.
M. Trahan (Dominique) : Bien,
c'est un peu... Rapidement et pour imaginer les choses, je vous dirais que
c'est un peu encore dans la dispense des services. Une fois qu'une ordonnance
de cour est rendue, qui entraîne un placement, et qu'il est possible que l'on
retourne l'enfant chez lui parce que les gens auront bénéficié des services et
que ces services-là auront porté fruit, bien, c'est dans ce contexte-là qu'on
parle d'implication des parents et que c'est important de le mentionner.
Mme Weil : Et la
clarification, ça s'adresse à quoi, précisément, qui n'était pas clair, selon
vous, dans le projet de loi? Parce que vous parlez d'une clarification.
Pouvez-vous expliquer, peut-être, ou...
M. Trahan (Dominique) : Bien,
on parle de prendre en... La proximité des ressources choisies, exemple, dans
notre tableau à la page 15, on se dit qu'à ce moment-là il devient
important d'être spécifique dans ce qu'on recherche auprès des parents pour
pouvoir faire en sorte que, oui, ce qu'on veut qu'ils obtiennent soit
disponible et sans trop de difficultés. Vous savez, je donnerais un exemple, il
y a plusieurs années, quand on appelait un travailleur social, on pouvait
laisser un message à une adjointe. Maintenant, on laisse des messages sur une
boîte vocale, et il y a bien de ces gens-là qui sont fort démunis, et, quand
ils tombent sur un message, ils raccrochent. Je pense, c'est des choses. Alors,
de les accompagner dans la disponibilité des ressources, je pense que ça
devrait faire partie des tâches. Et, dans ce... C'est un peu dans ce contexte
là qu'on faisait la suggestion. Parce que les parents, ce sont également des
parties au dossier, puis, si on veut que les enfants puissent peut-être rester
avec eux, encore faut-il que tout le monde en ait la chance.
Mme Weil : Combien de
minutes?
Le Président (M. Provençal)
: 5 minutes.
Mme Weil : La judiciarisation
et comment peut-on remédier à ça? Il y a tout un chapitre dans le rapport de la
commission spéciale. Donc, qu'est-ce que... Parmi les solutions, la médiation,
ils recommandent la médiation. Est ce que vous pourriez vous adresser à cette
question là et les délais qui sont de plus en plus longs, comment dire, les
répercussions, évidemment, sur l'enfant et la famille à cause de ces délais?
Comment remédier à toutes ces questions-là? Et quels sont les efforts,
actuellement, en médiation? Et est ce qu'il y a eu des... un peu de succès avec
la médiation?
• (18 h 50) •
M. Trahan (Dominique) : Là,
tout d'un coup, il y a de l'écho, hein.
Mme Weil : Ah! il y a un
écho.
M. Trahan (Dominique) : Mais
à tout événement, la médiation, il y a effectivement un projet pilote dans la
région de Québec qui est en branle et qui devrait s'implanter. Mais
actuellement il y a plein de modes alternatifs de règlement des conflits, même,
en matière jeunesse, il y a les conférences de règlement à l'amiable, il y a
les projets d'entente. C'est sûr que les mesures volontaires en font également
partie. Alors, dans ce contexte-là, ce sont les moyens pour essayer de
désembourber le système. Mais il faut être conscient d'une chose, il y a des
cas très graves et beaucoup de ces cas-là ne se régleront pas par les processus
de règlement à l'amiable ou les modes alternatifs de règlement des conflits.
Alors, exemple, on a suggéré, à un moment
donné, je sors un peu du sujet, mais ça fait partie des suggestions qu'on a
faites, de permettre à un autre tribunal, exemple, le Tribunal des droits de la
personne, d'entendre les requêtes en lésion de droits. Parce qu'actuellement
les requêtes en lésion de droits, ça peut être consommateur de temps. Et, si, à
la Chambre de la jeunesse, on se concentre sur les cas de compromission qui...
M. Trahan (Dominique) : ...ou
en 95, bien, ça permet de les entendre et ça permet de dégager certains débats
et... de peut être un autre tribunal ou une autre juridiction pour les
entendre. Alors, ça fait partie des suggestions qu'on peut avoir à différents endroits
dans notre mémoire... pardon.
Mme Weil : Avec le temps qui
me reste, je crois... Une dernière question puis je vais passer la parole à ma
collègue, s'il reste du temps. Commissaire ou commissaire qui serait créé, un
poste de commissaire, on a eu beaucoup, déjà d'interventions. La commission
actuellement... ils appellent ça leur recommandation phare. Moi, je l'ai vu
comme la recommandation phare, donc une entité indépendante, parce que vous
parliez de l'indépendance du directeur national, mais le directeur national,
moi, je le vois bien intégré dans le système du ministère, et etc., donc. Mais
une voix autre à l'extérieur, neutre, capable de non seulement en amont, mais
aussi en aval, à tout moment, être là pour l'enfant. Qu'en pensez-vous de cette
recommandation qui n'a pas pour l'instant été retenue?
M. Trahan (Dominique) : Alors,
qu'on l'appelle Ombudsman de l'enfant, commissaire, Commission des droits de la
personne, volet jeunesse exclusif, il est sûr que cette entité-là devra avoir
des effectifs pour accomplir ses tâches. Et actuellement, la Commission des
droits de la personne qui, au début de la loi, était un organisme relié au
ministère de la Justice, mais qui s'appelait la Commission des droits de la
jeunesse, si ma mémoire est bonne, je peux faire erreur sur le nom, jouait ce
rôle-là, mais évidemment, ce n'était peut être pas suffisant non plus. Et
compte tenu des droits de l'enfant, ça a été jumelé à la Commission des droits
de la personne. Maintenant, est-ce que ça serait un commissaire? Est ce que ça
serait un chapeau égal à l'intérieur de la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, il est certain que cette fonction-là doit être
occupée. Et dans notre mémoire, vous verrez qu'on demande d'octroyer plusieurs pouvoirs
supplémentaires à la Commission. Alors si ça devient le commissaire, bien ça
devrait être des pouvoirs qui appartiennent au commissaire et que cet organisme
là aussi fasse des rapports. Parce que dans la loi, vers la fin, à
l'article 155 ou 156, on me pardonnera mon erreur de chiffre, mais la
Commission fait des rapports aux cinq ans. Et quant à nous, ces rapports-là
devraient être faits plus fréquemment sur les problématiques jeunesse, à tout
le moins, et aussi sur les avis, pour faire en sorte que le Ministère, le
ministre, puisse prendre les moyens nécessaires pour régler des problèmes de
fond qui sont importants. Quand je dis : De fond, fondamentaux et non pas
des problèmes financiers, mais des problèmes de fond quant à l'application de la
loi ou quand on constate que dans une région X, ça ne va pas bien pour telle et
telle raison, alors c'est tous des sujets comme d'autres intervenants ont pu
mentionner qui devraient appartenir à ce titre ou à cette fonction.
Mme Weil : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, monsieur
le président. Merci beaucoup pour vos présentations, vos interventions.
Concernant le rôle de la DNPJ, vous avez déjà un peu parlé de la question de la
neutralité, le fait que ça pose problème, que ce poste-là soit un poste de
sous-ministre également. Comment verriez-vous... comment est-ce qu'on pourrait
rectifier ça? Est-ce que... comment verriez-vous le processus, par exemple, de
nomination de cette personne-là? Puis, quel genre d'indépendance pensez-vous
qu'on devrait lui octroyer?
M. Trahan (Dominique) : Alors.
Il est certain que... on parle d'attachement de l'enfant, mais tant que la DNPJ
n'est pas attachée à personne, je pense que ça serait mieux. S'il est attaché
aux enfants, ça serait très bien. Et dans ce contexte-là, les nominations, je
ne dirais pas législatives, mais les nominations...
M. Trahan (Dominique) :
...qui émanent du gouvernement, je pense
qu'il y a certainement un moyen de s'assurer qu'elles aient des fonctions ou
des... une neutralité nécessaire à la fonction et dans ce contexte-là, il me
semble que c'est de s'assurer d'un leadership à l'égard des gens qu'elle a à
gouverner, entre autres les directeurs de la protection de la jeunesse. Tantôt,
un autre intervenant disait : Il faut s'assurer que les directeurs de la
protection de la jeunesse fassent confiance aux organismes communautaires et
puissent y recourir. Bien, c'est la même chose, si on demande au DPJ d'agir de
cette façon-là, il faut que la personne qui le fasse puisse bénéficier d'une
indépendance pour le faire.
M. Zanetti : Est-ce que
vous... est-ce que je comprends que vous verriez d'un bon oeil que, par
exemple, la DNPJ soit nommée par les DPJ, par le Forum des DPJ? Forum des
directeurs?
M. Trahan (Dominique) : Je ne
pense pas que... bien, je ne pense pas que ça assure l'indépendance qu'on
recherche.
M. Zanetti : O.K. Alors, vous
verriez, mettons, une nomination aux deux tiers de l'Assemblée nationale ou
aux...
M. Trahan (Dominique) : Ça
pourrait être une option.
M. Zanetti : O.K. C'est bon.
Bien, merci, à moins que vous ayez d'autres commentaires par rapport à ça, si
vous voyez d'autres options que vous voulez nommer ou soumettre à la
réflexion...
M. Trahan (Dominique) : On
les fera parvenir.
M. Zanetti : Ah! bien,
parfait. Excellent.
M. Trahan (Dominique) : Si...
non, mais, à brûle-pourpoint, les gens qui sont avec moi en ont peut être, là,
mais...
M. Zanetti : Parfait. Parce
que sinon, il y a ce mécanisme-là. Sinon, j'imagine, une espèce de mécanisme
qui pourrait être une nomination issue vraiment du milieu, de façon très large.
Je ne sais pas exactement, là, mais en tout cas, si vous avez des suggestions,
effectivement, faites-nous-les parvenir. Moi, je serais très curieux d'entendre
ça.
Une voix : Oui.
Effectivement, c'est ça. Nous, on ne s'est pas penchés, vraiment, là, dans
le... plus le détail de cette question-là, mais, avec plaisir, on pourra
creuser puis vous revenir, peut être, avec des suggestions.
Une voix : Je vous remercie.
M. Zanetti : Merci beaucoup,
c'est tout pour moi.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, on va compléter cet échange avec le député
de René Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup,
monsieur le président. Donc à mon tour de vous saluer, mesdames, messieurs. En
début de la journée, j'ai eu une discussion avec les gens de l'APTS et, quand
je regarde votre mémoire, vous semblez satisfait de... puis ce n'est pas un
reproche, en passant, vous semblez satisfait de l'article 4 tel que
proposé. Mais les gens de l'APTS, eux, l'étaient moins. Donc, les opérateurs
sur le terrain nous disent que, au final, on devrait enlever la notion de
"n'est pas possible". Et j'ai eu cette discussion-là avec eux ce
matin, à savoir, j'étais un peu partie prenante de cette volonté d'enlever "n'est
pas possible" parce que je trouvais que ça laissait place à beaucoup trop
d'interprétation. Qu'est-ce qui est possible? Qu'est-ce qui ne l'est pas?
Est-ce que j'ai tenté des choses qui étaient possibles, ou est ce que je n'ai
pas tenté ou j'ai tendu vers... pardon, l'impossibilité? Et j'ai amené le
concept, plus tôt, de circonscrire un lieu qui est non bénéfique pour l'enfant,
un lieu qui est non sécuritaire pour sa santé physique et psychologique. Bref,
j'ai la chance d'avoir le Barreau avec moi ce soir. J'aimerais savoir si,
effectivement, pour vous, l'article 4, il est suffisant et si la notion de
"n'est pas possible"... est ce que ça on devrait changer ça pour le
circonscrire à quelque chose qui est plus tangible, qui laisse moins place à
l'interprétation?
• (19 heures) •
M. Trahan (Dominique) : Bien,
il faut en profiter parce qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps pour être
ensemble. Alors, je vais essayer d'aller direct au point à ce moment-là. Bien,
moi, je vous dirai que nous sommes également des acteurs terrain et non pas
social, mais judiciaire. Et on applique l'article en question et il faut le
lire dans son entièreté, et pas sortir cette phrase-là et les situations qui
sont visées par tous les sous-paragraphes. Parce que quand vous lisez chacun des
sous-paragraphes, ils font référence à recourir à des ressources différentes si
le retour à la maison n'est pas possible. Alors dans le premier... le deuxième
paragraphe, si vous me permettez, "lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un
tel maintien dans son milieu n'est pas possible, la décision doit tendre à
confier l'enfant à des personnes qui lui sont les plus significatives."
Alors, je vous fais abstraction de la lecture du reste de l'article, puis on
parle aussi de famille élargie.
Ensuite, le paragraphe suivant, si le
paragraphe au-dessus, ce n'est pas bon, bien, à ce moment-là, on recourt à des
tiers. Alors, c'est de viser des situations différentes...
19 h (version non révisée)
M. Trahan (Dominique) : ...et
donc, si on ne peut pas le faire, bien, ça nous donne des alternatives. Et
ensuite... Oui.
M. Ouellet : Bien, je
suis d'accord. Mais moi, c'est la notion de possible. Je trouve ça large comme
terme. Est-ce qu'on ne pouvait pas le circonscrire en si le milieu est
inadéquat, si le milieu est possible, ça donne l'occasion de tenter les choses.
M. Trahan (Dominique) :
Bien, il y a possible et... Bien, c'est parce qu'il faut le faire. Il faut le
faire, mais il ne faut pas le faire à n'importe quel prix. Et il faut le faire
dans l'intérêt de l'enfant. Alors, si au niveau de la preuve, puis ça, c'est à
la cour, entre autres, si au niveau de la preuve il est démontré qu'il y a des
gens qui sont... Woups! J'ai de l'écho tout d'un coup. Je m'excuse, là. Il est
démontré qu'il y a des alternatives, bien, on peut les utiliser. Mais après ça,
bien, si jamais ce n'est pas possible, on ne parle pas de probable, on parle de
possible, ça peut être une question, mais ça fait très longtemps que ce terme
est... est présent dans la loi.
Et dans ce contexte-là, je ne pense pas que
c'est ça qui est tellement problématique. Parce qu'il faut savoir que tous les
acteurs qui sont à la cour, et même dans le processus social, toutes les
décisions qu'ils prennent, c'est dans l'intérêt de l'enfant. Et c'est pour ça
qu'il y a des juges ou encore des personnes qui sont habilitées à prendre des
décisions parce que c'est à eux à pondérer les choses et à dire: Bien, en
fonction de ce que j'ai entendu dans ce cas-là, il est préférable que l'on
choisisse un retrait parce que les gens ne sont pas arrivés à ce qu'ils
devaient faire pour recevoir à nouveau leur enfant. Alors, possible, je ne
pense pas que ça soit un gros dilemme à faire.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie les représentants du Barreau du Québec pour
leur participation, leur contribution à nos travaux. Je vais maintenant
ajourner les travaux à demain, mercredi 9 février, après les affaires
courantes. Merci beaucoup, beaucoup de votre participation et de votre
contribution.
Une voix : Merci à vous. Merci...
(Fin de la séance à 19 h 4)