(Neuf heures quarante-neuf minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous. Bienvenue à notre
rencontre de ce matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la
bienvenue et je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); Mme Sauvé (Fabre),
par Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); M. Marissal (Rosemont), par
M. Zanetti (Jean-Lesage); M. Arsenau (Îles-de-la-Madeleine), par
M. Ouellet (René-Lévesque).
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Ce matin, nous débuterons par les
remarques préliminaires puis nous entendrons les personnes et groupes
suivants : Mme Régine Laurent, l'Ordre des travailleurs sociaux et
des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et l'Ordre des psychoéducateurs
et psychoéducatrices du Québec.
Remarques préliminaires
J'invite maintenant le ministre délégué à la
Santé et aux Services sociaux. M. le ministre, vous disposez de
six minutes pour les remarques préliminaires.
M. Lionel Carmant
M. Carmant : Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour, tout le monde. Très heureux d'être ici avec vous ce matin.
Je tiens à saluer la présence de mes collègues de Soulanges,
Lotbinière-Frontenac, Dubuc et de Roberval. Merci beaucoup d'être là
aujourd'hui. Je tiens à saluer la présence de la directrice nationale de la
protection de la jeunesse. Merci d'être là. Je tiens à saluer également les
collègues des oppositions, opposition officielle, deuxième opposition,
troisième position. Merci d'être là. Je pense que c'est un grand jour pour tout
le monde aujourd'hui.
• (9 h 50) •
Je tiens d'abord à vous remercier de votre
présence à cette séance préliminaire de consultations sur le projet de loi
n° 15, loi modifiant la protection de la jeunesse et d'autres dispositions
législatives. Je vous rappelle que ce projet de loi est le fruit de la
commission spéciale constituée suite à la tragédie de Granby, qui a changé nos
vies. Composée de 12 commissaires, dont cinq experts,
quatre élus des différents partis à l'Assemblée nationale ainsi qu'une
présidente et deux vice-présidents, cette commission a tenu une très vaste
consultation publique qui a permis d'entendre plusieurs milliers de personnes
de tous les horizons.
Il y a huit mois à peine, notre gouvernement
recevait le rapport de cette commission formée en mai 2019, et nous nous étions
engagés à le mettre en oeuvre. Aujourd'hui, nous tenons parole. Ce rapport,
maintenant connu sous le vocable de rapport
Laurent, est l'exercice de la réflexion la plus imposante entreprise depuis
l'instauration du système de protection de la jeunesse, quelque
65 recommandations qui se déclinent en près de 250 actions que nous
réalisons en trois phases, selon un plan que j'ai présenté en décembre dernier,
en plus de ce projet de loi.
Bien que
d'autres modifications législatives aient été apportées depuis 1977, il y a
eu huit projets de loi en tout, le projet de loi n° 15 constitue la plus grande révision que la Loi de
la protection de la jeunesse ait connue depuis 44 ans. Il contient
60 articles, qui viennent modifier, remplacer ou ajouter près d'une
centaine de dispositions de la Loi sur la protection
de la jeunesse, en introduisant notamment un préambule et en consacrant un
chapitre distinct pour les dispositions relatives aux autochtones, qui
reprennent l'essentiel des recommandations des rapports Viens et ENFFADA.
L'élément clé de ce projet de loi vise à placer
l'intérêt de l'enfant au centre de la loi, de façon primordiale et prioritaire,
pour que toute décision qui soit prise le concernant envisage cet intérêt de
façon primordiale. Nous nous sommes donné les moyens pour que cette notion
devienne une condition sine qua non à toute décision.
Ça ne veut pas dire que les parents n'ont plus
leur rôle à jouer, bien au contraire. Ils demeurent des acteurs principaux dans le développement et le bien-être
de leurs enfants. Nous sommes et serons toujours là pour les appuyer et
appuyer toutes les familles vulnérables. Cependant, et j'insiste lourdement, le
bien-être de l'enfant est ce qui doit être considéré en premier lieu. Il est
révolu le temps où un enfant devait payer le prix d'une mauvaise interprétation
de la loi ou souffrir d'une situation sur laquelle il n'a aucun contrôle.
Parfois, il arrive qu'un enfant soit mieux de rester en famille d'accueil
plutôt que d'être ballotté d'un milieu à un autre. Il faut le reconnaître, la
notion de temps aussi est très différente chez les enfants. Le placer dans une
situation d'incertitude est traumatisant. L'enfant peut développer des
problèmes d'attachement ou d'autres problèmes à plus long terme.
Ce projet de loi prévoit
aussi que le ministre de la Santé et des Services sociaux est d'office le
conseiller du gouvernement sur toute question relative à la protection de la
jeunesse et aux enfants en situation de vulnérabilité et qu'il doit être
consulté lors de toute décision ministérielle mettant en cause l'intérêt des
enfants ou le respect de leurs droits en matière de protection de la jeunesse.
Par ailleurs, le projet de loi modifie la Loi
sur le ministère de la Santé et des Services sociaux pour préciser que le ministre de la Santé et des Services
sociaux doit promouvoir des mesures propres à répondre aux besoins des
enfants et des familles en situation de
vulnérabilité ou à prévenir la compromission de la sécurité ou du développement
des enfants.
De façon plus générale, le projet de loi
n° 15 vise à améliorer la communication des renseignements confidentiels,
harmoniser et améliorer les pratiques cliniques en matière de protection de la
jeunesse, notamment par la nomination d'une directrice nationale de la
protection de la jeunesse, dont on vient préciser les responsabilités et les
pouvoirs, faciliter le passage des jeunes à la vie adulte et reconnaître que
les autochtones sont les mieux placés pour répondre aux besoins de leurs
enfants de manière appropriée.
Je veux également souligner toute l'importance
que ce projet de loi accorde aux Premières Nations et Inuits. C'est avec les
groupes autochtones des communautés conventionnées et non conventionnées et les
Inuits que les propositions d'intervention en protection de la jeunesse en
contexte autochtone ont été développées.
Plusieurs rapports d'enquête nous proposaient
des solutions concrètes pour adapter les services aux enfants autochtones. Ce
que nous proposons aujourd'hui est une mise en oeuvre de plusieurs
recommandations des rapports de l'ENFFADA et de la commission Viens. C'est avec
et pour tous nos partenaires des Premières Nations et Inuits que des
adaptations sont proposées à la Loi sur la protection de la jeunesse afin de
s'attaquer notamment à la surreprésentation des enfants autochtones dans le
système de protection de la jeunesse. Je les remercie vraiment de leur apport
et de leur collaboration entière à la réalisation de cette réforme.
En fait, je suis très fier des travaux qui ont
été menés au cours des derniers mois afin de présenter ce projet de loi. Je
tiens à saluer tous ceux qui y ont travaillé de près ou de loin. Il s'agit d'un
premier jalon dans ce grand parcours qui nous amènera à mieux protéger tous les
enfants du Québec.
En terminant, je tiens à mentionner à tout le
monde ma pleine collaboration pour l'amélioration de ce projet de loi. Je sais
qu'ici plusieurs... tous les députés ont à coeur ce projet de loi là, et on va
travailler ensemble pour l'améliorer. Merci, donc, à tous les membres de cette
commission pour leur collaboration. Merci, M. le Président, et bons travaux à
tous.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Notre-Dame-de-Grâce à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes. À vous la
parole.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil : Oui. Merci, M. le
Président. Donc, je vous salue ainsi que votre équipe, M. le Président. Je
salue aussi le ministre et toute son équipe, l'appui qu'il aura, incluant la
directrice nationale de protection de la jeunesse — d'ailleurs, on parlera
beaucoup de cette fonction, pour être éclairés par rapport à son rôle, c'est
bien important — et
tous les collègues députés de la banquette ministérielle et des oppositions. Je
remercie aussi ma collègue la députée de Bourassa-Sauvé de m'accompagner, quand
elle le pourra, parce qu'elle a d'autres occupations aussi. Alors, merci pour
sa présence.
Alors, nous sommes à une étape extrêmement
importante. Toujours... si on parle avec des collègues, c'est souvent la
meilleure étape, c'est d'écouter les experts, les vrais experts qui sont... qui
viennent nous parler de leur expérience et qui ont toute une... tous ces
experts ont une connaissance fine d'un aspect d'un projet de loi. Et donc ça
commence aujourd'hui, et c'est avec, je vous dirais, un sentiment d'émotion, un
peu comme le ministre le dit, je pense que les collègues partagent ce sentiment
d'émotion. On est là pour nos enfants et nos ados, on est là pour notre avenir,
l'avenir de nos enfants.
Et c'est tout
le Québec, évidemment, qui a été ébranlé. On le sait, la genèse de ce projet de
loi et, évidemment, la suite, une commission qui a fait un rapport
extraordinaire, une mine d'or de réflexions — je le trimballe avec moi
quand je peux — mine
d'or de réflexions, de recommandations. Et j'apprécie l'ouverture du ministre
qui dit... il me l'a déjà dit aussi, personnellement, ou c'était peut-être
lorsqu'on faisait un débat... mais qu'il est prêt à le bonifier. Donc, on va
être vraiment à l'écoute des experts et des groupes, on aura l'occasion de
parler. C'est sûr que toutes les recommandations n'ont pas été retenues, pour
diverses raisons, et on ira au fond des choses.
Alors, c'est de la fébrilité que je ressens, et
le ministre l'a bien saisi, parce qu'on est tous là pour la bonne cause et on
va tous vouloir, je pense, bien travailler ensemble. Mais on va insister,
aussi, sur certains éléments, justement, pour être sûrs qu'on est allés
jusqu'au fond d'une question pour avoir les changements, les modifications
qu'il faut pour que le système fonctionne mieux — en anglais, on parle
de «seemlessly», je suis sûr que le ministre comprend
ce concept — donc,
sans faille, mais aussi que les gens se parlent et se consultent, mais qu'il y
a ait aussi un chien de garde pour
l'enfant, parce que tous les systèmes ne sont pas parfaits, malgré toutes les
réformes qu'on peut amener.
Alors, je remercie d'avance tous les groupes qui
vont venir nous parler. Nous avons hâte de les entendre. C'est un moment très,
très précieux. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. J'invite
maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute. À vous la parole.
M.
Sol Zanetti
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Merci, M. le ministre, toutes les personnes qui sont présentes ici pour
travailler à ce projet de loi. Très brièvement, c'est un plaisir, une joie et
un honneur d'être ici, pour moi, à travailler à ce projet de loi qui est essentiel.
Puis je vais m'assurer que, vraiment, on maintienne le cap vers là où s'en va
le projet de loi actuel, c'est-à-dire que l'intérêt de l'enfant soit vraiment
placé au centre de nos préoccupations. Alors, voilà, je vous remercie. J'ai
bien hâte de commencer le travail avec vous.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. J'invite maintenant le porte-parole du troisième
groupe d'opposition et député de René-Lévesque à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute. Je vous cède la parole.
M. Martin Ouellet
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, à mon tour de vous saluer, chers membres de cette Commission de la santé et services sociaux. C'est
une première pour moi dans cette commission, j'ai l'habitude d'être assis ailleurs. Alors, merci de m'accueillir dans
cette commission, qui sera, je l'espère, fort intéressante, fort
pertinente.
C'est moi qui ai demandé à mon chef de siéger
sur cette commission, parce que j'avais un intérêt marqué pour le sort de nos
jeunes enfants et notamment pour le sort des jeunes enfants sur la Côte-Nord.
Vous le savez, les statistiques sont
afférentes en matière de protection et de situations dramatiques qu'il y a pour
les jeunes sur la Côte-Nord. Ma collègue de Duplessis a fait un excellent
travail sur la commission Laurent, donc c'est moi qui vais continuer ce chemin
avec elle. Donc, merci beaucoup, et j'ai bien hâte de commencer nos travaux.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Merci pour vos remarques préliminaires.
Auditions
Nous allons
maintenant débuter les auditions. Mais avant, Mme Laurent, est-ce que vous
nous entendez bien?
Mme Régine Laurent
Mme Laurent (Régine) : Oui, M. le
Président. Bonjour. Je vous entends très bien.
• (10 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Et nous aussi, alors, ça, c'est un bon début.
Alors, nous allons pouvoir débuter. Je souhaite la bienvenue à Mme Régine
Laurent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je
vous cède la parole. À vous.
Mme Laurent (Régine) : Merci, M. le
Président. Merci à vous tous de me recevoir. Pour ma présentation, je vais
prendre appui sur le titre de la commission créée par le gouvernement et que
j'ai eu l'honneur de présider, la commission spéciale sur les droits et la
protection de la jeunesse. Je vais vous faire part de mes commentaires sur ce
projet de loi n° 15, loi d'exception pour nos enfants en besoin de
protection. Mais je ne pourrai faire abstraction de l'importance que ce régime
de protection s'inscrive dans une société bienveillante à l'égard des enfants
et des jeunes, une société qui assure en amont la défense des droits de tous
les enfants et la protection de la jeunesse.
En commentaire général, je vous dirais que, dans
l'ensemble, je peux affirmer que ce projet de loi n° 15 répond à plusieurs
de nos recommandations quant aux changements législatifs qui concernent la Loi
sur la protection de la jeunesse. Le préambule est intéressant, et on
recommandait d'ajouter un préambule à la LPJ pour expliciter l'objet de la loi
et guider l'interprétation de ces dispositions. J'étais donc heureuse de
constater qu'un préambule était proposé dans l'article 1 du projet de loi.
Mais le libellé du considérant relatif à
l'intérêt de l'enfant me questionne. Pour la commission, il était essentiel que
l'intérêt de l'enfant soit au-dessus des autres considérations. Et, en ce sens,
l'intérêt de l'enfant devrait être la considération primordiale et non une
considération primordiale, une considération parmi d'autres. Pour la
commission, il s'agissait de faire passer l'intérêt de l'enfant avant toute autre
considération. Eh oui, cela pouvait avoir pour effet de faire passer les
intérêts des parents et d'autres intervenants en second plan. Un changement de
terme qui porte un changement de paradigme. J'estime que ce changement est
nécessaire pour les enfants couverts par la
LPJ. Et je crois que les Québécois et Québécoises sont d'accord avec cette
orientation. Alors, je me questionne : Pourquoi ne pas avoir été
plus affirmatif et régler cela une fois pour toutes?
Mais, de façon générale, j'aimerais comprendre
le... Je me questionne sur la portée précise du projet de préambule. Pour nous,
à la commission, on formulait notre première recommandation, qui était que soit
institué un commissaire au bien-être et aux droits des enfants, afin de
s'assurer de respecter et de faire la promotion des droits de tous les enfants
et, du même souffle, qu'une charte des droits des enfants soit adoptée. On
proposait que la charte énonce les droits fondamentaux de l'enfant. Je crois
qu'il aurait été important que nous connaissions les intentions du gouvernement
quant à la suite qu'il entend donner à ces recommandations de la commission,
qui concernent tous les enfants, soit avant ou au moment où la présentation des
modifications à la LPJ.
Maintenant, dans le chapitre II,
Principes généraux, droit de l'enfant, de ses parents et responsabilité des
parents, c'est une recommandation à laquelle vous avez répondu positivement en
mettant des chapitres distincts : principes directeurs, droits de l'enfant
et obligations des parents.
Le projet de loi
répond aussi aux demandes de la commission. Le projet de loi propose des
changements à l'article 4 de la LPJ qui clarifient que toute décision doit
viser à une continuité des soins ainsi que la stabilité des liens de l'enfant et des conditions de vie
appropriées, mais, aussi et surtout, à prendre en compte sa stabilité
affective, à prendre en considération les
liens affectifs que l'enfant peut avoir développés avec des personnes
significatives autres que ses parents biologiques. De plus, l'obligation
de planifier sans délai un projet alternatif permanent dès que l'enfant est
retiré de sa famille assure le droit de l'enfant à cette stabilité. Lors des
audiences de la commission, nous avons entendu de nombreux témoignages
poignants sur les effets néfastes et à long terme lorsque l'enfant est ballotté
d'un milieu à un autre. Pensons aux troubles d'attachement que ces enfants
traînent presque toute leur vie.
L'article 6,
lui, énonce très bien, d'une part, l'importance du respect du droit de l'enfant
à une information claire, adaptée à son âge, d'autre part, le droit pour
l'enfant ou ses parents d'être accompagnés et assistés par une personne de leur
choix lorsqu'ils désirent obtenir des informations ou lorsqu'ils rencontrent la
DPJ ou toute autre personne qui l'autorise.
Quant à la
confidentialité des renseignements, lors des travaux de la commission, à de
très nombreuses reprises, mes questions étaient : La confidentialité pour
protéger quoi? Pour protéger qui? Où est l'intérêt de l'enfant sous ce couvert de confidentialité? Alors, les
modifications proposées aux divers articles sont très positives à mes
yeux. De plus, le fait que
l'article 35.4 précise qu'il sera dorénavant possible d'exiger que soit
communiqué un renseignement concernant l'enfant, un parent ou toute
autre personne mise en cause, que cette disposition s'applique aux personnes liées par le secret professionnel, sauf avocat et
notaire, est, pour moi, un grand soulagement. D'autant que cela devrait
contribuer à briser les silos où se trouvaient isolément des renseignements
pourtant cruciaux à la prise de décision concernant les enfants signalés ou
sous protection.
Dans le même ordre
d'idées, je salue le nouveau libellé proposé à l'article 36 de la LPJ, qui
doit permettre d'avoir accès aux jugements ou actes de procédure en matière
familiale. Permettre d'avoir accès à toutes les informations de la prise de
décision, c'est aussi ça, travailler dans l'intérêt de l'enfant.
Quant à la
conservation du dossier de l'enfant, lors des travaux de la commission, nous
avons pu constater que plusieurs jeunes adultes avaient été dévastés suite à la
destruction de leurs dossiers. Par les modifications proposées, beaucoup
d'enfants pourront retrouver le droit à leur propre histoire, et c'est
important.
Quant au passage à la
vie adulte, les articles qui visent ce passage à la vie adulte, ils me
paraissent bien faibles. Par exemple, l'article 4 du projet de loi prévoit
l'ajout que, dans l'année précédant les 18 ans, le DPJ informe l'enfant des services offerts, surtout offerts par
des personnes, des établissements ou des organismes. L'article 35
prévoit un ajout afin que le DPJ ou la personne autorisée puisse, dans les six
derniers mois d'une ordonnance prenant fin à la majorité, autoriser des séjours prolongés de l'enfant dans un milieu
prévu par le plan d'intervention. C'est deux ajouts à la loi qu'on peut
saluer mais qui sont nettement insuffisants pour réellement préparer et
soutenir les jeunes dans leur transition à la vie adulte. La commission a
préparé tout un chapitre de son rapport à cette période cruciale de transition vers la vie adulte des jeunes qui ont
eu un parcours en protection de la jeunesse. Il est impératif que ces
jeunes aient un réel soutien, accompagnement, entre autres, au logement, à la
scolarisation, la qualification professionnelle, aux revenus. En audience, des
jeunes nous ont dit : Arrêtez d'être une usine à itinérance. Donc, il faut
les consulter, il faut les occuper... les écouter, pardon, et bien les
accompagner.
De
plus, des familles des jeunes... des familles d'accueil ont démontré à la
commission l'importance pour des jeunes d'être accompagnés au-delà de
18 ans. Une de nos recommandations est de permettre aux jeunes qui le
souhaitent de demeurer dans la famille d'accueil jusqu'à 21 ans. Cette
possibilité est malheureusement absente du projet de loi.
J'arrive
aux dispositions particulières concernant les enfants autochtones. Le projet de
loi affirme, avec justesse, plusieurs droits des enfants autochtones et
leurs familles qu'on avait affirmés dans notre rapport. L'obligation de tenir compte des facteurs historiques, sociaux,
culturels qui leur sont propres, ces facteurs sont clairement définis
dans le projet de loi. Je suis en accord
avec les dispositions introductives, les principes généraux de même qu'avec les
sections sur l'intervention sociale et judiciaire, l'adoption et tutelle
coutumière autochtone. Je veux croire que ces modifications à la Loi de la
protection de la jeunesse ne sont que transitoires puisqu'une de nos
recommandations en la matière est de supporter le droit à l'autodétermination
et à l'autonomie gouvernementale en matière de protection de la jeunesse pour
les autochtones.
Pour tous les enfants
du Québec... Et je reviens en lien avec le début de mon intervention, je veux
revenir sur le fait que, parmi les orientations qui ont guidé les travaux de la
commission, le volet de la prévention était central et omniprésent. D'ailleurs, le premier chapitre du rapport de la commission
s'intitule Promouvoir et respecter le droit des enfants. C'est pour bien
asseoir cette orientation que la première recommandation du rapport de la
commission ou, je dirais, là,
recommandation-phare est celle d'instituer un commissaire pour promouvoir le
bien-être et les droits de tous les enfants du Québec. Même si ça ne
concerne pas spécifiquement la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est un
devoir pour moi de profiter de mon passage devant vous pour réitérer
l'importance de cette recommandation. Cette recommandation se poursuit par la
création d'un commissaire adjoint dédié au bien-être et aux droits des enfants
autochtones, nommé après consultation des représentants autochtones. Parce que,
pour la commission, la situation des enfants autochtones doit faire l'objet
d'une attention particulière.
• (10 h 10) •
Une autre
recommandation forte de notre rapport demande l'adoption d'une charte des
droits de l'enfant qui affirme ses droits
fondamentaux. Pour les membres de la commission, l'adoption de cette charte
enverrait un message fort, clair que
l'enfant est une personne, un citoyen à part entière et que le respect de ses
droits nous concerne collectivement.
En
conclusion, vous nous avez entendus, les changements proposés répondent en
grande partie à nos recommandations en regard de la Loi de la protection de la
jeunesse. Le projet de loi, évidemment, par vos travaux, va être bonifié. Mais
par la suite je souhaite de tout coeur que ce projet de loi soit adopté
rapidement. Rappelez-vous que, vos collègues parlementaires, ça a fait
consensus. Ils ont siégé à la commission spéciale. Rappelez-vous aussi qu'il faut aller rondement parce qu'il faudra du
temps pour ce projet de loi, il faudra du temps pour la formation, et le
temps presse pour les enfants et les familles qui ont besoin de nous. Merci
pour votre écoute. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci beaucoup,
Mme Laurent, pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Carmant :
Merci beaucoup, M. le Président. D'entrée de jeu, bonjour, Mme Laurent, et
merci beaucoup pour ce que vous avez fait, pour tout le travail qui a été fait
par la commission et sous votre leadership.
J'ai bien entendu
tous les points que vous avez mentionnés. Je pense, celui qui ressort d'emblée,
c'est... Vous parlez du commissaire et de la charte. Nous avons déposé un plan
de match en plusieurs phases, qui incluait l'étude, là, du commissaire et de la
charte. Mais je vais profiter de votre passage aujourd'hui pour avoir peut-être
un peu plus de détails sur ce que vous voyez comme étant le rôle du commissaire
versus le rôle de directrice nationale, parce qu'il
y a beaucoup de gens qui semblent vouloir confondre les deux, pourtant c'était
deux recommandations distinctes de la
commission, et, dans un deuxième temps, également, voir également la place de
la charte des jeunes versus la Charte des droits et libertés, là, qui
est beaucoup plus générale. Donc, peut-être commencer par ces deux points-là?
Mme Laurent (Régine) : Oui. Merci, M. le ministre. Alors, je vais
commencer par la fin. Pour nous, la Charte des droits des enfants, c'est
essentiel. Effectivement, les droits... les enfants ont des droits au Québec,
mais c'est inscrit dans des chartes qui concernent l'ensemble des citoyens de
zéro à 99 ans. Or, durant nos travaux... et les études ailleurs l'ont
prouvé, il faut une institution particulière dédiée uniquement à la promotion
et aux droits des enfants.
Et là j'arrive aussi
avec le commissaire. Le commissaire, son rôle, c'est d'intégrer la parole des
enfants dans l'exercice de ses responsabilités. C'est avoir une espèce de
vigie. C'est surveiller la mise en oeuvre de programmes en disant : Est-ce
que ça, ça améliore ou non le bien-être des enfants? Il y a quelque chose aussi
qu'on a mis dans le rapport, c'est que le
commissaire doit aussi porter une attention particulière aux enfants qui ont
moins de 25 ans ou issus de groupes qui ont des difficultés. Donc,
c'est de prévoir aussi une espèce de surveillance des enfants qui décèdent chaque année au Québec, notamment les enfants sous
responsabilité de l'État, pour avoir une vision globale de ce qui se
passe avec les décès de nos enfants au Québec. Donc, tout ça, c'est vraiment un
chapeau de surveillance du bien-être et des droits des enfants.
La direction de la
protection de la jeunesse, comme on l'a bien inscrit dans le rapport, et, je
disais, je n'ai pas eu le temps d'en parler dans mon 10 minutes, mais ce
que vous avez inscrit dans le projet de loi, ça répond et même ça va plus loin
que ce que nous avions demandé. Pour nous, ça prenait une espèce de chef
d'orchestre au niveau national, et je le dis avec beaucoup de respect, un chef
d'orchestre au niveau national pour, d'une part, s'assurer d'harmoniser les
pratiques, s'assurer qu'il y ait quelqu'un qui s'assure d'avoir un suivi
global, au niveau du Québec, de la trajectoire de soins des enfants, quelqu'un
qui va exercer les contrôles requis aussi pour s'assurer que c'est mis en
place. Une fois qu'on a donné des directives, bien, ça prend quelqu'un pour
aller s'assurer que ces directives sont suivies. Donc, pour nous, c'était ça,
un peu rapidement, le rôle de la personne qui exerce la fonction de directeur
national de la protection de la jeunesse.
M.
le ministre, est-ce que j'ai répondu à toutes vos questions? Il y en avait
plusieurs, quand même, je suis désolée.
M. Carmant :
Non, non, c'est excellent. Est-ce qu'actuellement la CDPDJ joue ce rôle, là, de
chien de garde, ou de surveillance, ou... Est-ce que ce serait la cible du
commissaire? Parce que, dans le rapport, on semblait vouloir aller vers autre
chose que la CDPDJ.
Mme Laurent
(Régine) : C'est clair pour nous, M. le ministre, sans équivoque, que
le commissaire qui est dédié uniquement à la protection et aux droits des
enfants doit... (panne de son) ...cette portion-là qui est maintenant à la
CDPDJ. Pour nous, c'est clair. Et partout, on l'a vu, où il y a eu cette mise
en place de cette institution dédiée uniquement aux enfants, ça porte fruit.
Alors, c'est pour ça, c'est très clair pour nous qu'il faut que ce soit le
commissaire qui occupe ces fonctions-là.
M. Carmant : Parfait, merci. Dans un autre ordre d'idées, passage à la vie adulte,
comment vous voyez qu'on puisse aller
plus loin? J'ai entendu la notion de 21 ans. Les juristes nous disent que
la loi s'applique jusqu'à 18 ans. Donc, ça aurait été difficile,
là, d'aller mettre un point sur jusqu'à 21 ans, mais on peut continuer à
regarder avec eux, mais voyez-vous d'autres choses qui nous permettraient
d'aller plus loin ou de faciliter le passage à la vie adulte, au niveau
législatif?
Mme Laurent
(Régine) : C'est-à-dire que... Deux choses. Un, bon, la loi s'applique
jusqu'à 18 ans. Moi, je fais confiance à tous les juristes de l'État pour
trouver une façon que des enfants puissent rester dans leurs familles d'accueil
jusqu'à 21 ans parce que ça... J'ai parlé de qualification
professionnelle. Je vous donne un exemple, M. le ministre. Un enfant, ça se
peut que ce soit à 17 ans et demi qu'il dise : Oupelaïe! Peut-être
que moi, j'aimerais ça être cuisinier dans la vie. Bien, ça va prendre un
certain temps. Et, le fait qu'il reste dans la famille d'accueil, bien, il ne
se ramasse pas dans la rue, et avec ses rêves brisés. Donc, c'est vraiment
important.
De
l'autre côté, aussi, vous m'aviez demandé ce qu'on pourrait faire de plus. Par
exemple, je pense qu'en cours des travaux nous avions demandé au gouvernement
d'élargir et de faciliter le programme de qualification, et ça, ça a été fait,
mais on avait demandé aussi, et je ne sais pas où c'est rendu, qu'il y ait plus
de promotion de ce programme de qualification qui soit faite auprès des jeunes
qui sont sous l'autorité de l'État.
On peut aussi mieux
faire, et bien avant le six mois... Parce que, quand on parle des jeunes, on
parle de les rendre autonomes dans toutes les sphères de la vie. Et, pour nous,
c'est clair que ça ne s'apprend pas en six mois. Alors, il faut un programme, peut-être dès l'âge de 16 ans,
17 ans, pour commencer à leur faire comprendre comment ça
fonctionne, les amener, par exemple, bien avant, visiter, qu'est-ce que ça veut
dire quand tu es dans un logement, ça comprend quoi, comme responsabilité,
comment on peut t'aider à acquérir ces compétences-là pour être autonome dans
ton logement, aller faire l'épicerie. Des choses qui, pour nous, paraissent
banales, courantes dans la vie, mais, pour des jeunes, par exemple, qui ont
passé leur... toute leur adolescence en centre jeunesse, c'est un apprentissage
à faire. Par exemple, les aider au niveau du revenu. Est-ce que, par exemple,
on ne pourrait pas avoir des revenus d'aide particuliers pour les enfants qui
auraient été sous l'autorité de l'État? Donc, ce sont des exemples. Et il y a
des organismes pour les jeunes qui les
aident énormément. Donc, il faut absolument soutenir ces organismes
communautaires, qui font un très bon accompagnement des jeunes, et arrêter de
travailler en silo, et permettre à ces organismes communautaires d'être dans
les centres jeunesse, d'être avec les jeunes, de développer ces liens de
confiance qui vont faire que les jeunes vont probablement se laisser
accompagner aussi par ces organismes communautaires.
M. Carmant :
Merci beaucoup. Puis, effectivement, on a rehaussé le programme PQJ. On a... Et
on veut continuer à le faire.
Un autre point assez
important, c'était au niveau des Premières Nations et Inuits. On comprend le
point que vous faites, mais, pour nous, ça devenait... Ça demeure important
d'avoir des ententes, surtout pour gérer la question des jeunes des communautés
autochtones qui sont hors territoire. Comment vous voyez la gestion de ces
jeunes et de ces familles-là dans le contexte?
• (10 h 20) •
Mme Laurent
(Régine) : Ce que les témoins autochtones de différentes nations nous
ont très, très bien expliqué, M. le ministre, c'est qu'en bout de piste ils ont
besoin d'être accompagnés, d'être financés pour qu'eux-mêmes développent leurs
propres programmes de protection de leurs enfants. Et j'ai salué ce qu'il y a
dans le projet de loi. C'est vraiment excellent, mais, à la limite, certains et
quand même plusieurs témoins nous ont dit : Nous, on aimerait pouvoir être
accompagnés et développer notre propre... entre guillemets, notre propre loi de
protection de la jeunesse. Et c'est pour ça qu'on a dit : Bien, c'est
supporter ce droit à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale en
matière de protection de la jeunesse pour les communautés qui le souhaitent.
Donc, ça permet de
respecter tout ce qu'il y a dans le projet de loi, avec lequel je suis en
accord, mais d'aller plus loin et d'avoir ce sentiment qu'eux-mêmes sont les
meilleures personnes placées pour prendre soin de leurs enfants. Et, quand vous
parlez des communautés, des enfants qui sont hors réserve, bien, je pense que
ce qui s'applique aux enfants en réserve, mot que je déteste, bien, pourquoi
est-ce qu'on ne pourrait pas l'appliquer aux enfants qui sont hors réserve?
D'ailleurs, une des raisons pour lesquelles on parle de l'autodétermination,
c'est d'avoir de moins... de moins en moins
de gens qui sont sortis des réserves parce que... pour toutes les raisons
historiques que vous savez, que ça remet le cauchemar des pensionnats. Donc, il
faut tout faire pour garder les enfants dans les réserves. Et ceux qui sont
hors réserve, M. le ministre, on pourrait, avec les communautés... comment les
réintégrer dans leur milieu, parce qu'on a eu des témoignages extrêmement
poignants qui nous ont expliqué à quel point cet attachement à la terre était
majeur dans le développement des enfants et dans leur équilibre.
M. Carmant :
Oui, je comprends, mais je parlais plutôt des familles qui décident, par
exemple, d'habiter dans des communautés à
Joliette ou ailleurs. Tu sais, comment on s'informe de leur origine, de quelle
nation ils viennent? Si c'est des
couples multinations, comment on fait pour une famille, par exemple, qui vient
de Colombie-Britannique, qui s'installe au Québec? Donc, il y a
plusieurs choses qui me font encore réfléchir. Avez-vous une opinion là-dessus?
Mme Laurent
(Régine) : Je comprends. On n'est pas allés aussi pointu, M. le
ministre, et j'en suis désolée. Les témoignages qu'on a eus étaient vraiment de
façon globale et peut-être qu'effectivement, avec les Premières Nations, ce
sera peut-être une bonne porte pour essayer de voir comment gérer,
effectivement, ces problèmes particuliers. Mais je me souviens de témoignages
où des représentants autochtones nous disaient : Bien, on est capables
aussi de prendre soin de nos enfants qui ont besoin de protection même s'ils
n'habitent pas sur la réserve. Alors, ça ne pourrait pas aller plus loin, malheureusement.
M. Carmant :
Parce que je l'ai bien... bien, on l'a bien noté dans le préambule, là, comme
vous dites, c'est les... ils sont les mieux placés pour prendre soin de leurs
enfants, puis ça, je suis tout à fait d'accord. Et j'ai bien noté également le
considérant n° 2, sur la considération primordiale.
M. le Président, je passerais la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M.
Provençal)
: Alors, Mme la députée de
Lotbinière-Frontenac, je vous cède la parole. Il vous reste, à titre indicatif,
trois minutes.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Merci. Donc, bonjour,
Mme Laurent. Le projet de loi va assurer une représentation systématique
des enfants par un avocat lorsqu'un dossier est porté devant le tribunal. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là, puis est-ce
que ça va protéger l'enfant? C'est ça, est-ce que ça va protéger l'enfant,
selon vous?
Mme Laurent
(Régine) : Pour moi, Mme la députée, c'est essentiel, et c'est clair
dans le projet de loi, il faut qu'il y ait
une garantie, puis je ne sais plus quel qualificatif employer, une garantie
très, très, très forte que l'enfant ait son propre avocat. Et de plus, dans le projet de loi, il y a
l'obligation de fournir l'ensemble de l'information à l'avocat de
l'enfant. Mais, quand je vous parlais tantôt du Commissaire au bien-être et aux
droits des enfants, on allait plus loin, en
demandant à ce que le commissaire, il y a une espèce de certification des
avocats qui représentent un enfant. Alors, c'est extrêmement important pour s'assurer que les droits de l'enfant
soient respectés. Et ça, ça lui prend son avocat à lui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Puis est-ce que vous pouvez illustrer de
quelle façon les mesures d'assouplissement de l'échange de renseignements entre
les différents professionnels... pour contribuer à protéger l'intérêt de
l'enfant?
Mme Laurent
(Régine) : Oui, je peux vous donner un exemple. Et ce n'est même pas
pour dire à quel point c'était en silo. J'ai souvenir d'une famille d'accueil
qui nous raconte en audience qu'elle a reçu une petite fille et, dans sa bienveillance, papa et maman bienveillants
de la famille d'accueil, ils lui ont préparé un bain avec de la mousse,
et tout ça, et, quand la petite fille est rentrée dans la salle de bain, bien,
elle a complètement décompensé, là, et violemment, et pour apprendre par après
que, bien, c'est dans la salle de bain que la petite fille a été abusée chez
elle. Donc, la famille d'accueil nous dit : Mais il semble que c'est une
information importante. Alors, sous couvert de confidentialité, on ne lui avait
pas donné cette information.
Il peut y avoir de
l'information aussi qui vient de travailleuses sociales qui sont au courant de
certains problèmes vécus par les parents mais qui, à cause du secret
professionnel, ne donnent pas cette information. Alors, dans le rapport, nous,
ce qu'on dit, c'est que l'information doit être transmise dans l'intérêt de
l'enfant, c'est dans l'intérêt de l'enfant qu'on connaisse ces informations-là,
toutes les informations qui le concernent.
Le Président (M.
Provençal)
: Alors, merci, Mme la députée,
merci, M. le ministre. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce. Vous disposez, madame, de 10 min 10 s.
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Alors, on ne vous voit pas, mais on vous entend, et
votre voix est claire, et votre vision affirmative est vraiment très claire
aussi. Merci beaucoup, Mme Laurent, d'être avec nous.
Dans un premier
temps, félicitations pour ce travail colossal. Je trimballe le rapport avec
moi, au besoin, et, bon, avec des collants puis des trucs soulignés, puis, à
chaque fois qu'on le regarde, on trouve une perle de plus. Et, juste un
commentaire, c'est sûr qu'on... Je suis très contente des commentaires du
ministre, dans le sens de vraiment vous écouter. Il a posé les mêmes questions
que j'allais vous poser, mais j'y reviendrai. Mais on voit que le rapport a une
durabilité. Donc, je voulais vous entendre là-dessus, dans le sens que vos
recommandations, elles vont vivre dans le temps. C'est tellement profond, et il
y aura, j'ai l'impression, beaucoup...
Parce que vous
mentionnez beaucoup dans votre rapport des expériences d'ailleurs, par exemple
la question d'un protecteur de l'enfant, je vais commencer avec cette
question-là, donc, un commissaire, et vous parlez d'autres provinces qui ont
justement ce commissaire. Est-ce que vous pourriez nous parler, dans un premier
temps, de cette expérience, ailleurs au Canada ou dans le monde, où, vraiment,
les résultats sont tangibles, et comment ils l'ont mis sur place,
essentiellement?
Mme Laurent
(Régine) : Merci, Mme la députée. Effectivement, nos recommandations
ont une durabilité. Le rapport s'intitule, effectivement, Instaurer une
société bienveillante pour nos enfants et nos jeunes. Donc, pour nous,
c'est tout un projet de société qui est là, donc, qui doit s'instaurer année
après année.
Je peux honnêtement
vous dire qu'une des choses que j'ai beaucoup, beaucoup appréciée, quand
l'équipe de recherche a fouillé, est la présentation des témoins concernant ce
Commissaire au bien-être et aux droits de l'enfant. C'est un des pans qui m'a
beaucoup emballée, parce qu'on a su, comme vous le dites si bien, ailleurs,
comment ça a donné des résultats probants pour les enfants et comment est-ce
que susciter la participation des enfants, c'est très, très important. Et
apprendre les enfants à... c'est l'apprentissage de la citoyenneté aussi. Et
ils nous ont dit à quel point les enfants, parce qu'on les considère comme une
personne et qu'on leur dit : Bien, voici vos droits, voici comment
l'exercer, voici... Donc, cet apprentissage-là, ailleurs, ils nous ont dit
comment ça a aidé à la construction même et au développement de l'enfant, parce
qu'il se sent respecté, ses droits aussi.
Donc, ailleurs, ça a
été vraiment de... On a eu des témoignages, à la commission, qui me donnent
encore des frissons, là. C'était tellement intéressant sur ce que ça apporte
aux enfants. Et même qu'il y a eu des... certains témoins nous ont dit comment
est-ce que, ce commissaire-là, les enfants, sachant qu'ils ont quelqu'un juste
pour eux, ça a même eu des effets en
éducation, en santé. Donc, c'est vraiment un projet de société. Il faut voir ce
commissaire-là comme une espèce de grand parapluie pour tous les enfants du
Québec. Et c'est surtout d'agir en amont qui est extrêmement important dans la
mission du commissaire.
Mme Weil :
Merci. Je dois dire, quand j'ai lu... Et c'est vraiment votre
recommandation-phare, c'est comme ça que je le décris à ceux qui sont
intéressés par ce sujet, recommandation-phare qui a fait ses preuves ailleurs.
Et donc, si j'ai bien raison, il y a le côté développement de l'enfant, où on
va susciter son engagement, etc., puis il y a le côté chien de garde. C'est
bien ce qu'il y a là-dedans, il me semble, si je résume?
Mme
Laurent (Régine) : Bien, je ne sais pas si... Nous, on ne l'a pas vu
comme chien de garde, mais c'est surtout, et
pour nous, c'était important... c'est la notion de bien-être et des droits des
enfants. Alors, dans notre rapport, c'est
vraiment ce bien-être-là, donc cette surveillance du bien-être de tous les
enfants. Et c'était important de parler de, tous les enfants, agir en amont pour qu'il y ait de moins en moins d'enfants
qui se retrouvent aux soins intensifs que sont la DPJ.
• (10 h 30) •
Mme Weil :
Mais là ça m'amène... j'avais une autre question, mais on va rester là-dessus.
Quand vous dites que vous, vous ne l'avez pas vu comme un chien de garde, dans
le sens qu'il peut intervenir, à un moment donné où l'enfant l'interpelle, pour
dénouer un malentendu, dénouer quelque chose — parce que, par la force des
choses, il y a beaucoup de gens qui
m'appellent avec les problèmes qu'ils ont, puis j'essaie de m'adresser au
ministre quand je peux, parce
qu'au-delà de ça c'est ce que les députés font, on interpelle le ministre — et
donc c'est cette frustration qu'ils
ont... d'une voix neutre, à l'extérieur du système, qui serait capable
d'écouter et d'amener une solution avant que les choses s'enveniment encore plus, et, des fois, c'est rendu très loin,
qu'est-ce que vous en dites? Qui joue ce rôle actuellement?
Mme Laurent (Régine) : Là-dessus,
effectivement, Mme la députée, sur le fond, effectivement, le
commissaire, ce n'est pas le chien de garde, mais, pour nous, c'était tellement
important de toujours parler du bien-être, alors je ne voudrais pas que ce soit
ce vocable de «chien de garde» qui circule.
Pour nous, ce qu'on
veut instaurer dans la société, c'est la notion de bien-être et des droits des
enfants. Donc, ce commissaire, effectivement, c'est le grand chapeau qui va
regarder la situation de tous les enfants au Québec. Et vous avez raison aussi
qu'un enfant ou un adolescent, mettons, de 12, 13 ans... Et, pour nous,
c'était important, dans le rapport, qu'il y ait une mise en place, puis les
moyens technologiques nous le permettent aujourd'hui, que tous les enfants du
Québec puissent contacter le commissaire. Donc, effectivement, un enfant peut
contacter le commissaire. Je pense, par exemple, à des jeunes qui sont en
centre jeunesse. Alors, pourquoi est-ce qu'ils ne pourraient pas contacter le commissaire
pour valider : Est-ce que ça, c'est correct? Est-ce que ça, ça respecte
mes droits ou non?
Donc, effectivement,
vous avez raison, mais c'est juste que je souhaite ardemment que ce soit le
bien-être qui soit mis de l'avant.
Mme Weil :
Je vous entends et je vais m'assurer de faire attention aux mots qu'on
utilise. C'est sûr qu'on a tendance à utiliser ce mot, «chien de garde»... mais
donc une voix, hein? Il va porter la voix de l'enfant.
Mme Laurent
(Régine) : Oui.
Mme Weil :
C'est comme ça qu'on pourra le dire. La judiciarisation...
Mme Laurent
(Régine) : Vous avez tout à fait raison.
Mme Weil :
D'accord. Merci. Alors, il y a un chapitre sur la judiciarisation puis le
problème des délais, des délais en justice, il y a tout un chapitre là-dessus.
C'est sûr qu'on va... le Barreau va venir, Commission des droits de la personne,
mais est-ce que vous avez un commentaire là-dessus? Au-delà des ressources,
évidemment, c'est comme dans tous les
secteurs, actuellement, publics, c'est un manque de ressources, et, la justice,
je le sais bien, il y a une lenteur additionnelle, comment privilégier
les enfants dans ce système de justice?
Mme Laurent
(Régine) : Ce que nous avons indiqué dans notre rapport, c'est, par
exemple... vous le savez sûrement mieux que moi, l'ensemble des députés, mais
la médiation est peu utilisée en protection de la jeunesse, et on pense que ça
pourrait être effectivement intéressant. Et, nous, ce qu'on a proposé, c'est
qu'il ait un juge qui agisse dans ce processus de médiation et qu'il y ait des
gens formés, des médiateurs formés en jeunesse pour agir et exercer cette
médiation. Ça, ça a donné des fruits dans... ailleurs, dans d'autres causes ou
avec des adultes. On pense qu'effectivement cette médiation pourrait accélérer
les choses.
L'autre point
intéressant dans la médiation, c'est que, vous le savez aussi, toutes les
parties ont la parole, et on n'est pas dans un processus de... on n'est pas
dans un processus contradictoire. Autant des parents que des jeunes ont déploré
ce processus contradictoire qui se passe en cour. Donc, c'est la médiation que
nous avons mis de l'avant pour vraiment que ce soit... qu'il y ait une
promotion de cette médiation pour que ce soit moins lourd, moins pénible
pour... autant pour les jeunes que pour les parents. Je ne sais pas si ça
répond à votre question?
Mme Weil :
Oui, je l'avais vu. Je voulais vous entendre là-dessus parce que la médiation,
oui, en effet, vous l'aviez dit, ce n'est
pas assez utilisé. Mais, avec les stratégies que vous proposez, c'est bien
parce que le Barreau... on entendra le Barreau, je pense que c'est bien
aujourd'hui, donc on pourra parler de ces questions. Puis ensuite il y a
l'avocat. Dorénavant, il y aura un avocat pour chaque enfant. Donc, tous ces
gens peuvent travailler ensemble pour encourager la médiation.
Moi aussi, j'étais
surprise, déçue de ne pas voir vraiment un plan de match annoncé dans... et une
obligation pour les 18 ans et plus. Je
comprends, ils sont à l'extérieur du périmètre de la justice, mais d'autres
expériences ailleurs dans le monde, d'ailleurs, la Californie serait le
modèle, apparemment, en matière de... Donc, les gens sortent de la protection
de la jeunesse, et ça continue après. Donc, c'est dans leurs lois, ils assurent
une continuité.
Je voulais vous entendre là-dessus parce que...
des expériences qu'on a pu regarder, même je pense que certaines provinces aussi, mais les expériences que vous avez vues
ailleurs et les résultats... Il y a une étude qui dit que...
Le
Président (M. Provençal)
:
Mme la députée, je m'excuse de vous interrompre, mais votre temps est
vraiment...
Mme Weil : Une minute?
Le Président (M. Provençal)
: Non, il ne reste plus de temps, malheureusement.
Mme Weil : D'accord. Mais je
pense qu'on est sur la même page sur cette question.
Le Président (M. Provençal)
: Assurément.
Mme Laurent (Régine) : Tout à fait.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Je m'excuse, mais je dois gérer le temps. Je vais
maintenant céder la parole au député de la deuxième opposition, député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui. Merci, M. le Président. Est-ce qu'on
pourrait, les deuxième et troisième oppositions, avoir le temps de la
personne qui représente... le membre de la commission qui n'est pas là, avec le
consentement des autres?
Le Président (M. Provençal)
: ...avec le consentement. Consentement? Oui. Alors, à ce
moment-là, vous aurez droit à 3 min 47 s.
M. Zanetti : Ah! parfait.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous cède la parole.
M. Zanetti : Merci. Merci
beaucoup, Mme Laurent, pour cette présentation puis tout ce que... tout le
travail extrêmement important que vous avez accompli. Dans votre présentation
tout à l'heure, vous avez dit quelque chose, puis
j'aimerais avoir des détails par rapport à ça, c'est-à-dire vous disiez que...
dans le préambule, j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas pleinement
satisfaite de la façon dont la primauté de l'intérêt de l'enfant a été
exprimée, là. Vous sembliez dire que ça pourrait être plus clair, que ça
pourrait être plus marqué. Est-ce que j'ai bien compris? Puis, si oui,
comment... est-ce que vous avez une proposition de formulation ou comment vous
verriez un raffermissement de cet élément-là, important?
Mme Laurent
(Régine) : Oui. Merci, M. le
député. L'intérêt de l'enfant, c'est vraiment au coeur de ces travaux de
la commission. Et, quand on voit... autant dans les considérants que dans les
propositions dans certains articles, on voit : Doit être «une
considération primordiale». Et ce qui me questionne, c'est que, quand on lit
ça, ça veut dire que c'est une considération parmi d'autres. Ce n'est pas du
tout l'esprit dans lequel nous avons travaillé. Pour nous, l'intérêt de
l'enfant doit être la considération. À la limite, je dirais même, là, ça doit
être la seule considération. Mais ça ne s'écrit pas, je comprends, dans un
projet de loi, mais elle doit... ça doit être clair.
Et je vous l'ai dit en présentation, l'intérêt
de l'enfant, là, oui, ça veut dire que l'intérêt des parents risque de passer
en second plan. C'est ça, l'intérêt de l'enfant. L'intérêt de l'enfant, c'est
accepter ce nouveau paradigme là. Ça veut dire beaucoup de choses, ça bouscule,
mais, à mon avis, c'est absolument... pas le mien seulement, l'avis de la
commission, c'est absolument nécessaire. On ne touche pas souvent à la Loi sur
la protection de la jeunesse. Et, pour moi,
c'est majeur que ce soit extrêmement clair que l'intérêt de l'enfant, c'est
«la», «la», seulement, la préoccupation primordiale. Alors, c'est dans
ce sens-là que j'avais demandé que ce soit plus affirmatif, cette partie-là.
M. Zanetti : Je comprends très
bien. Merci. C'est très... très aidant.
Une autre question. Vous mentionniez que l'idéal
serait, pour les nations autochtones, qu'elles puissent être à la fois financées et accompagnées pour créer leur
propre système de DPJ, de protection de la jeunesse. Est-ce que, dans les témoignages que vous avez recueillis, les
souhaits étaient exprimés, disons, précisément dans le fait d'avoir un
système pour l'ensemble des nations autochtones, ou un par nations autochtones,
ou un mélange des deux, c'est-à-dire des directions, des systèmes qui
pourraient regrouper plusieurs nations puis d'autres qui pourraient être
individuels, ou... Comment ça s'est... les souhaits se sont manifestés lors de
vos... bien, de la commission?
• (10 h 40) •
Mme Laurent
(Régine) : Alors, ce qui
était clair, M. le député, c'est que les différentes nations qui sont
venues à la commission ont toutes dit : On est capables de prendre soin de
nos enfants, on les aime, nos enfants. Ils nous ont aussi dit : Vous devez
être capables de respecter le temps et le choix des différentes communautés.
Ils nous ont dit... je traduis, là, c'est qu'il y a des communautés qui vont
vouloir entamer rapidement ce processus pour avoir leur propre façon de prendre
soin des enfants. Peut-être, ça va être une loi, peut-être, ça peut être autre
chose, mais vous devez respecter les besoins et les choix des différentes
communautés. Je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu des demandes claires que
plusieurs communautés ensemble puissent avoir le même règlement ou la même loi,
mais c'est possible, M. le député.
M. Zanetti : Je vous remercie
beaucoup. C'est très apprécié.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole
au député de René-Lévesque. Vous disposez de 3 min 47 s.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, à mon tour de vous saluer, Mme Laurent. Merci beaucoup
d'avoir gouverné ces travaux-là avec beaucoup d'attention.
(Interruption)
M. Ouellet : C'est-tu correct? Ça
va-tu?
Mme Laurent (Régine) : Oui. Désolée.
C'est chez moi. Ça va s'arrêter.
M. Ouellet : Vous pouvez prendre
l'appel, il n'y a pas de problème.
Mme Laurent (Régine) : Non, non, ça
va s'arrêter.
M. Ouellet : Donc, ce que je disais,
Mme Laurent, merci beaucoup pour le travail. Puis j'aimerais vous emmener sur deux pistes que j'aimerais des
clarifications de votre part. Dans le rapport de votre commission, vous
faites référence d'une des recommandations
qui nous amène à déclarer qu'un seul parent peut consentir aux soins et
services pour son enfant suivi en protection
de la jeunesse. J'aimerais que vous nous exposiez pourquoi on devrait aller de
l'avant, parce que le projet de loi est muet sur cette variable-là, et
j'aimerais savoir pourquoi on devrait aller de l'avant.
Mme Laurent (Régine) : Vous avez
raison, M. le député, le projet de loi est muet là-dessus, mais, pour nous,
c'est important. Je vous donne un exemple très concret qui est frappant :
un enfant qui a été abusé par son père, disons, et la maman voudrait bien que
l'enfant soit suivi par un professionnel de la santé, et le père refuse, alors
l'enfant qui a grandement besoin de ces soins-là n'y a pas droit. Alors, c'est
pour ça qu'on dit qu'un seul parent peut consentir aux soins et services.
Je vous donne l'exemple qu'on nous a donné en
audience, c'est que, si, aujourd'hui, vous amenez votre enfant chez le
dentiste, le dentiste ne vous demande pas le consentement : Est-ce que
l'autre parent est consentant? Alors,
pourquoi est-ce que, des enfants qui sont en besoin de protection, qui ont
encore plus besoin d'avoir ces soins-là et ces services, bien, un des
deux parents puisse l'empêcher d'avoir droit à ces soins et ces services?
Alors, pour nous, c'était important qu'un seul
parent puisse consentir. On parle de soins, là. Alors, c'est important que,
l'enfant qui a besoin de soins, un des deux parents puisse consentir à ces
soins et à ces services.
M. Ouellet : Et, Mme Laurent, vous
ne faites pas une distinction si la personne fautive a été déclarée coupable ou pas, là. C'est-à-dire qu'il y a eu une
constatation d'un traumatisme vécu chez l'enfant, qu'il soit... été jugé
ou non, ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est le bien-être de
l'enfant et est-ce qu'on pourrait effectivement permettre à un seul parent de
donner une autorisation pour apporter des soins. C'est ce que vous nous dites,
là.
Mme Laurent (Régine) : Vous avez
tout à fait raison, M. le député. L'idée, ce n'est pas qu'est-ce qui arrive au
parent, c'est l'intérêt de l'enfant. C'est lui qui est au milieu de ce
cercle-là et qui a besoin de bienveillance. Et, si cet enfant-là, au milieu du
cercle, a besoin de soins ou de services, bien, il faut les lui donner puis
arrêter de demander : Bien, c'est quoi qu'il arrive avec le parent? C'est
quoi qu'il arrive avec l'autre parent? Non. Il faut donner les soins et les
services dont l'enfant a besoin.
M. Ouellet : Dans votre rapport, au
chapitre 12, vous voulez reconnaître les impacts des conflits familiaux et
de la violence conjugale sur les enfants.
Mme Laurent (Régine) : Absolument.
M. Ouellet : Quelles dispositions ou
quelles choses on devrait adopter dans le projet de loi pour être en accord
avec cette volonté que les impacts... qu'il y a des impacts des conflits
familiaux et de la violence conjugale sur le bien-être des enfants?
Mme Laurent (Régine) : Oui. Je vais
vous donner ma réponse en deux volets. Peut-être qu'il y a des choses qui ne
sont pas dans le projet de loi spécifique, le p.l. n° 15,
mais, pour nous, c'était important et c'est... il y a quelque chose dans le
projet de loi. Le fait qu'on puisse avoir accès aux informations, en matière
familiale, qui sont sous d'autres juridictions, c'est important. Parce qu'on a
eu des exemples où il y a eu de la violence conjugale et on ne peut pas en
parler, on n'a pas les dossiers en matière familiale, donc ça causait un
préjudice. Et, par exemple, la mère qui ne pouvait pas faire... qui
disait : Bien, voyons, il est violent, il est violent, mais, hum... bon. Alors,
vous voyez le problème que ça pose pour les enfants.
Et c'était important
aussi de faire reconnaître ça parce qu'il y avait tout un imbroglio, qu'on a
compris, comment est-ce qu'on parle de violence conjugale et que souvent on
parle de conflit sévère de séparation. Alors, les mères avaient sur elles tout
le fardeau de démontrer que c'est de la violence conjugale et non pas que ce
soit traité par les intervenants comme un conflit sévère
de séparation qui oblige et la mère et les enfants à avoir des contacts qu'ils
ne souhaitent pas avec quelqu'un qui a été... qui est violent.
Donc, pour nous, ce
volet-là, familial, c'était effectivement important pour les mères, mais
surtout pour les enfants. Il y a des enfants qui nous ont dit : Moi, je ne
voulais pas le voir, mon père, mais on m'obligeait à y aller. Je savais, j'ai
vécu comment il avait été violent. Donc, il faut reconnaître que, oui, la
violence, c'est envers la mère, parfois envers les enfants, mais que, quand il
y a une violence dans la famille, dans le milieu, bien, les enfants, il y a des
impacts, et il faut en tenir compte dans la prise de décision pour aider
l'enfant.
M. Ouellet :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup,
Mme Laurent, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin qu'on puisse accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à
10 h 47)
(Reprise à 10 h 52)
Le Président (M.
Provençal)
: Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre
des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous procéderons à la période d'échange. Alors, je vous invite à vous
présenter et je vous cède la parole. Merci.
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les
députés, mon nom est Pierre-Paul Malenfant. Je suis travailleur social et
président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je suis
accompagné aujourd'hui de Mme Marie-Lyne Roc, qui est travailleuse
sociale et directrice des affaires professionnelles à l'ordre.
Tout d'abord, au nom
de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux
du Québec, je tiens à remercier la
commission pour cette invitation à se prononcer sur le projet de loi n° 15
révisant la Loi de la protection de la jeunesse. L'ordre a pour mission
de soutenir, d'encadrer et de surveiller l'exercice professionnel de ses
15 000 membres, dont près du tiers travaillent auprès des jeunes et
des familles.
D'emblée, nous
croyons important de rappeler que, bien que le projet de loi à l'étude
aujourd'hui réponde à certaines recommandations-phares du rapport de la
commission Laurent, bien d'autres actions concrètes devront être mises en place
pour changer les choses en protection de la jeunesse au Québec. En ce sens,
nous n'insisterons jamais assez sur l'importance de ne pas voir ce projet de
loi comme l'unique réponse aux drames que nous avons vus dans les dernières
années, mais bien comme un des changements à faire.
Cela étant dit,
l'ordre accueille favorablement le projet de loi n° 15 et souscrit aux
grands principes qu'il guide, soit la primauté de l'intérêt de l'enfant. En
effet, bien que figurant déjà dans la loi depuis environ 40 ans, l'intérêt
de l'enfant est clairement réaffirmé et fait l'objet de précisions dans le
projet de loi. Notons, par exemple, l'article 6 qui affirme la préséance
de la stabilité des liens et de la continuité des soins plutôt que le maintien
à tout prix dans le milieu familial d'origine, une clarification que nous
accueillons favorablement puisque cela s'inscrit en phase avec les connaissances
concernant les liens d'attachement sur le développement des enfants.
Si les précisions
apportées sur la notion d'intérêt de l'enfant semblent assez claires telles que
libellées, il serait impératif de s'assurer
que les différents intervenants gravitant autour des enfants, comme les
travailleurs sociaux, les avocats, les juges, en développent une
interprétation commune. En ce sens, le développement de stratégies par les milieux de pratique eux-mêmes semble une voie
intéressante. D'autres moyens, tels que la formation continue ou la
création de guides, de normes, contribueront aussi à s'assurer que les
décisions qui sont prises respectent les visées de la loi.
L'ordre constate
aussi que le projet de loi n° 15 révise certaines règles concernant la confidentialité
et le partage de renseignements. Nous
accueillons favorablement ce changement dans la perspective où ceux-ci
faciliteront l'accès à des informations nécessaires afin de permettre aux
intervenants de prendre des décisions éclairées. Néanmoins, bien que cette
révision soit déjà accompagnée de certaines conditions particulières, l'ordre
recommande de mettre en place des mécanismes de vigilance afin de s'assurer que
le partage d'information se fonde sur les meilleures pratiques en matière de respect
de la vie privée des individus et évite de leur porter préjudice, tout en
priorisant d'abord l'intérêt de l'enfant.
Toujours dans cette
perspective d'assurer le meilleur intérêt de l'enfant, l'ordre est préoccupé
par le déclin constant, depuis plusieurs années, du recours aux mesures
volontaires et par l'augmentation du nombre de dossiers judiciarisés. Comme
vous le savez, le processus judiciaire occasionne non seulement du stress et de
l'incertitude, mais aussi des délais qui retardent ou limitent le déploiement
des services nécessaires afin d'assurer le bien-être des enfants et de mettre
fin aux situations de compromission.
L'ordre reçoit donc
positivement toute disposition pouvant limiter le recours au tribunal ou
simplifier le processus judiciaire. Nous saluons particulièrement la
possibilité de prolonger d'un an les régimes volontaires ainsi que l'assouplissement des
règles quant aux projets d'ententes volontaires et aux règlements à l'amiable
qui permettront notamment de prendre une décision avec un seul parent.
Cependant, dans un contexte de pénurie de personnel et de surcharge des
intervenants, l'ordre s'inquiète des répercussions de l'article 48 sur la
qualité des rapports d'expertise qui, dorénavant, devront être déposés plus tôt
au tribunal.
Par
ailleurs, l'ordre est favorable aux nouveautés favorisant, dans le projet de
loi... visant à faciliter ou à améliorer le parcours des jeunes lors de
passages en protection de la jeunesse et même après. Nous le savons, la période
de transition vers la vie adulte présente
son lot de défis, particulièrement pour les jeunes recevant des services de la
protection de la jeunesse, et tout soutien supplémentaire lors de ce passage ne
peut être que positif.
En ce sens, l'ordre
voit d'un bon oeil la possibilité de prolongation des séjours dans un milieu de
vie lorsque cela est souhaité par le jeune.
Question de favoriser une transition réussie, l'ordre tient ici à réitérer une
recommandation importante formulée par la commission Laurent, soit la mise en
place d'un programme de postplacement pouvant aller
jusqu'à l'âge de 25 ans. Ce programme devrait compter des mesures visant à
agir notamment sur les déterminants sociaux de la santé et du bien-être
tels, que la scolarisation, l'accès à un logement et un revenu adéquat, pour ne
nommer que ceux-là.
L'ordre tient
également à saluer l'augmentation du délai de conservation des dossiers, tel que
proposé à l'article 23 du projet de loi. Ces changements, qui cherchent à
permettre aux jeunes ayant reçu, au cours de leur vie, des services de la
protection de la jeunesse d'avoir accès à leur histoire et leur parcours à un
moment qui leur conviendra, s'inscrivent en phase avec les témoignages entendus
à la commission Laurent. Il est également judicieux de prévoir de
l'accompagnement psychosocial pour ces jeunes de 14 ans et plus qui
souhaiteraient accéder à leurs dossiers, vu
la nature délicate des informations qui peuvent y figurer. Il serait important
que les ressources nécessaires soient en place pour assurer un soutien
professionnel adéquat à ces jeunes.
Par ailleurs, sur les
questions de gouvernance, l'ordre tient à saluer la création de la fonction de
directeur national de la protection de la jeunesse ainsi que la création d'un
forum des directeurs. Bien que l'ordre encourage le développement et
l'harmonisation des pratiques cliniques au sein de la protection de la
jeunesse, il estime important que ces
nouvelles instances tiennent compte des réalités singulières de chaque région, qu'on
pense, ici, aux différences qu'on peut avoir, par exemple, dans le
centre-ville de Montréal, dans l'ouest de la ville... de l'île de Montréal ou
sur la Basse-Côte-Nord, par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine. Alors, il y a
des particularités de ces protections de la jeunesse là, donc d'en tenir
compte.
L'ordre considère
également que le développement des orientations et des normes de pratiques
cliniques applicables à la DPJ devrait également se faire en étroite
collaboration avec les ordres professionnels dont la mission est de surveiller
et d'encadrer la pratique professionnelle de leurs membres.
L'ordre propose aussi
que le rôle du directeur national de la protection de la jeunesse s'inscrive
dans une logique de gouvernance propre aux réalités des services sociaux. En
effet, en accord avec le chapitre 14 du rapport de la commission Laurent,
l'ordre estime nécessaire d'instaurer dans chacun des établissements du réseau
de la santé et des services sociaux une direction professionnelle des services
sociaux. Cela permettrait notamment d'assurer un leadership transversal des
services sociaux, favorisant ainsi une cohérence et une continuité entre la DPJ
avec les programmes jeunesse, avec les autres programmes services, que l'on
pense, ici, aux services sociaux généraux, aux services en santé mentale, en
dépendance, en déficience intellectuelle et au stress... au trouble du spectre
de l'autisme et/ou en déficience physique. Cette gouvernance devra évidemment
s'inscrire dans une offre de services locaux décentralisés en arrimage avec le
milieu communautaire.
Enfin, bien que le
législateur dédie un chapitre entier aux peuples autochtones dans le projet de
loi, force est de constater que celui-ci ne répond pas à leurs revendications
historiques en faisant abstraction à des conclusions de la commission... je
parle de la commission vérité et conciliation, la commission Viens, la
commission Laurent, qui misent toutes, sans
ambiguïté, sur l'autodétermination des communautés en matière de protection de
l'enfance, s'ajoutant à cela
l'adoption de la loi C-92, qui reconnaît la compétence des peuples
autochtones en matière de services à l'enfance et à la famille. L'ordre estime
que le législateur rate, ici, une occasion de faire un pas important vers la reconnaissance de la compétence des peuples
autochtones pour assurer le développement et la sécurité de leurs
enfants. Nous invitons, en ce sens, les parlementaires à être à l'écoute des représentants
et des organisations autochtones qui se présenteront devant vous.
• (11 heures) •
En
conclusion, bien que ce ne soit pas l'objet direct du projet de loi, l'ordre ne
pouvait se présenter aujourd'hui devant
vous sans rappeler l'importance de s'attaquer aux conditions de pratique à la
DPJ, que nous jugeons actuellement périlleuses
et à haut risque de préjudices pour les enfants et les familles. Afin de
freiner l'exode du personnel expérimenté à la DPJ et de favoriser le recrutement et la rétention des intervenants,
l'ordre estime que le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour
favoriser des milieux de travail sécuritaires et stimulants, qui offrent
notamment du soutien, de la formation et du mentorat.
Si
nous souhaitons vraiment mettre les enfants au coeur de notre priorité comme
société, nous devons également miser sur la prévention et le
développement de réels services de proximité, c'est-à-dire des services de
première ligne situés dans les quartiers, dans les régions, proches des citoyens,
qui favorisent le développement d'une relation de confiance avec les
populations locales et qui permettent de rejoindre les familles et les enfants
plus vulnérables afin d'éviter qu'ils se retrouvent à la DPJ. Nous devons aussi
agir collectivement sur les déterminants sociaux de la santé et du bien-être,
comme la pauvreté et les inégalités sociales. Nous avons tous un rôle à jouer
pour que les enfants puissent se développer et s'épanouir dans les meilleures
conditions.
Enfin,
au nom de l'ordre, je souhaite réitérer notre volonté de collaborer aux
différents travaux qui viseront à mettre en place les mesures nécessaires pour
réellement changer la donne en protection de la jeunesse et éviter que... les
situations hautement préjudiciables pour les enfants et les familles.
Je vous remercie de
votre attention, et nous sommes prêts à recevoir vos questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter cette période
d'échange avec M. le ministre. Alors, je vous cède la parole, M. le ministre.
M. Carmant :
Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre témoignage, merci d'être
là. Vous vous êtes déplacés, aujourd'hui, très heureux de vous voir.
Bien, en premier
lieu, je pense que c'est important pour moi de vous rassurer que le projet de
loi est un élément clé des changements qu'on veut faire au niveau de la
protection de la jeunesse, mais également on travaille sur un plan de match en trois phases, où plusieurs changements ont déjà
été amorcés pour améliorer les services en amont, améliorer les services
de première ligne et, justement, faire que les soins... la protection de la
jeunesse devienne les soins intensifs des services sociaux et non plus la salle
d'urgence, comme c'est trop souvent le cas actuellement.
Dans votre rapport,
vous parlez d'un rôle d'acteur de premier plan de l'État dans la protection de
la jeunesse. Pouvez-vous m'expliquer un peu plus ce que vous entendiez par ça?
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : C'est dans le sens que, vous comprenez, le Québec, en
1977, s'est doté de la loi 24, une loi qui était à l'avant-garde et qui
était reconnue internationalement comme une façon dont l'État pouvait protéger
les enfants. Et on pense que ce rôle-là doit être maintenu, voire même développé.
Donc, je pense que c'est la responsabilité de tous les citoyens, des familles,
des parents, des communautés, de l'animateur de loisirs ou du professeur, des
professionnels qui gravitent autour des enfants tout au long de leur vie, et,
bien entendu, tout ça dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse,
mais également dans l'ensemble des recommandations qui ont été faites à la
commission Laurent.
J'ai avec moi, ici,
là... lorsque vous avez rendu public le projet de loi, il y a là beaucoup d'éléments
très intéressants. L'an passé, lorsque la commission Laurent a remis son
rapport, j'avais fait une déclaration à l'effet : Est-ce qu'il ne serait pas intéressant d'avoir une loi-cadre? Parce que
tout est dans le rapport de la commission Laurent. C'est 556 pages,
c'est des heures d'auditions, il y a à peu près tout le monde, au Québec, qui
étaient concernés qui ont témoigné et il y a
là tous les ingrédients pour faire en sorte qu'on puisse protéger et assurer le
bien-être des enfants, pas juste à la protection de la jeunesse, mais
dans l'ensemble des services du réseau de la santé et partout dans la société.
M. Carmant :
Et on travaille tous pour être une société bienveillante, comme vous dites.
Ensuite, on parlait surtout de... vous disiez qu'il y avait un intérêt
également pour l'interprétation du principe de primauté de l'enfant. Vous avez
même mentionné une certaine inquiétude quant à son interprétation, qu'elle soit
variable d'un endroit à l'autre, ou d'un individu ou d'un intervenant à l'autre.
Quel serait l'outil pour s'assurer qu'il y ait uniformité dans l'interprétation
de ce principe? Est-ce que ce qu'on a déjà sur pied, là, les tables justice,
protection de la jeunesse ou d'autres tables qu'on veut mettre sur pied, là, au
niveau des forums des DPJ... est-ce que vous avez réfléchi à quel serait le
meilleur moyen de s'assurer qu'il y ait une harmonisation dans la compréhension
du concept?
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Ce serait peut-être Mme Roc... préciser.
Mme Roc
(Marie-Lyne) : Oui. En fait, on en a discuté, et effectivement il y a
plusieurs avenues possibles. Le but, c'est que les gens puissent vraiment
développer une façon commune et partagée, à travers des ateliers... mais pas
seulement sur la loi, mais qu'est-ce qu'on entend par l'intérêt de l'enfant.
Par exemple, dans des situations d'abus sexuels, qu'est-ce que ça a comme
impact en termes... sur l'intérêt de l'enfant. Alors, c'est ces éléments-là qui
font en sorte que... quand les différents partenaires puissent en discuter,
aussi vérifier leur compréhension. Bien, c'est ces éléments-là qui vont
arriver, puis aussi avec la jurisprudence, bien évidemment, à nous amener à
avoir une compréhension commune et partagée.
Parce que c'est sûr
que le projet de loi a certains leviers, mais c'est vraiment dans l'application
et dans la pratique qu'on voit qu'il y a plus de difficultés. Donc, ça va
prendre des forums communs entre les différents partenaires. Donc, ce n'est pas
juste l'affaire de la DPJ, c'est tous les acteurs concernés. Parce qu'en faveur
de l'intérêt de l'enfant, bien, en fin de
compte, est-ce que je peux donner telle information? Est-ce que je devrais
intervenir de telle façon? C'est ce qu'on voulait préciser dans le rapport.
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : ...compléter, dans le sens que, vous savez, il y a
beaucoup de chercheurs qui se penchent sur ces questions-là, que ce soit au
Québec ou à l'international, je pense qu'il y a des... là, je dirais, il y a
des consensus qui s'établissent. Et, en tant qu'ordre, de notre côté, on
recommande également d'établir des normes. Vous savez, un ordre professionnel
vise la protection du public, à surveiller, à un moment donné, la pratique de
nos membres. Mais, lorsqu'on produit des guides ou des normes, c'est très
important que tout ça soit fait en collaboration avec l'ensemble des gens qui
sont impliqués au premier niveau, là.
M. Carmant :
Et est-ce que ces forums existent? Il faut les créer?
Mme Roc
(Marie-Lyne) : Il faut les créer, effectivement, et de façon, je vous
dirais, aussi, régulière. Donc, est-ce que ça serait des forums sur une base,
donc, statutaire, aussi, ou annuellement, avec des sujets précis qui font en
sorte que les différents points de vue peuvent être un petit peu... être mis à
concurrence, là?
M. Carmant : D'accord. Ensuite,
une autre chose qui m'a interpelé, c'était... vous parliez de mécanismes de vigilance afin que le partage d'information se
fasse de façon adéquate. Comment instaurer ce mécanisme de vigilance là?
Et le fait de partager l'information entre
professionnels, n'est-ce pas quelque chose de suffisant ou de requis, selon
vous?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Il
existe déjà des...
M. Carmant : Comment ça peut
déraper? C'est ça que j'essaie de comprendre.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Oui. Il y a déjà des mécanismes, là, qui existent. Maintenant, il faut
toujours... Écoutez, j'ai été pendant 25 ans en CLSC, j'ai fait plusieurs
programmes, dont jeunesse, et tout ça, et régulièrement, lorsqu'on était appelé
par la DPJ concernant une situation, est-ce que je peux... je peux-tu donner de
l'information ou ne pas en donner? Alors, on est toujours hésitant par rapport
à ça. Et on pense qu'il y a une volonté, chez le législateur, d'ouvrir.
À mon avis, il ne doit pas y avoir aucune
restriction empêchant l'échange d'information lorsqu'un enfant est en danger.
Vous savez, la loi P-38, concernant les personnes, «est un danger pour
elle-même ou bien donc pour autrui», fait en sorte qu'il n'y en a pas, de
barrière. Maintenant, quand on arrive en protection de la jeunesse, on doit un
petit peu y aller dans ce sens-là. Je ne pense pas, moi, qu'il n'y a aucun
enfant qui est maltraité, négligé, abusé qui doit être considéré sous l'angle
de dire : Bien, je ne peux pas en parler, vu le conseil... le secret
professionnel. Alors, on pense qu'il y a une culture à installer, à peaufiner,
là, par rapport à ça pour éviter la rigidité, là, parce qu'on parle du
bien-être et de la sécurité des enfants.
• (11 h 10) •
M. Carmant : Et alors on est vraiment
au même endroit, mais j'avais l'impression, dans votre discours, que vous aviez quand même une certaine inquiétude sur
ce que ce phénomène dérape, là, entre guillemets, là. Moi, je pense que l'information doit absolument être
partagée. Donc, Mme Laurent nous parlait tantôt d'une famille
d'accueil qui reçoit un enfant, c'est primordial qu'elle ait l'information par
rapport à son...
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
effectivement, vous le savez, et nous, les ordres professionnels, on est
toujours dans ces questions de secret professionnel, de levée du secret
professionnel, de confidentialité. En fait, c'est vraiment l'exercice du
jugement puis du jugement professionnel, puis ça, c'est au coeur des décisions.
En fait, il faut être capable de discriminer qu'est-ce qu'il est nécessaire et
pertinent de divulguer, et ça, ça demande vraiment, en fait, de la formation.
Et, quand on
vous parlait tout à l'heure de viser l'intérêt de l'enfant puis de viser aussi
son bien-être, je dois être capable de savoir qui est mon interlocuteur
et qu'est-ce qu'il a besoin comme information pour pouvoir agir dans le sens du
meilleur intérêt d'un enfant. Et ça, ça demande, finalement, des balises. Donc,
les balises viennent avec de la formation,
de la formation continue, des cadres de référence, des ateliers de... pour
aussi... de supervision. Il y a toutes sortes de formes. Donc, nous, on
parle d'un mécanisme de vigilance. Ça, ce sont des... vraiment des éléments
pour s'assurer que ça soit fait, mais de façon pour ne pas nuire, parce qu'on
peut nuire en donnant de l'information aussi.
M. Carmant : Non, je vous entends.
Puis j'entends souvent le mot «formation». Un autre point intéressant, bien, en fait, que j'aimerais discuter avec vous,
c'est... vous avez parlé du... que, pour les intervenantes, le
prolongement du délai, là, avant de passer
en cour, pour le dépôt des rapports pourrait être un enjeu. Nous, la
législature nous a mentionné que souvent... ou la majorité des décisions
prises sont reportées, justement, à cause du court délai. Comment arriver à un
équilibre, là, entre informer les avocats, le juge de la position qu'on va
avoir dans le dossier et versus donner du temps à nos intervenantes, qui, je
suis d'accord avec vous, sont déjà très, très occupées, pour ne pas dire
débordées? Comment on arrive à cet équilibre-là, là?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bon, je
ne sais pas aujourd'hui, là, quelle est ce qu'on appelle dans notre jargon la charge de cas, là, combien un
intervenant à l'évaluation, orientation à la protection de la jeunesse a de
familles à s'occuper. Puis, quand on parle de dossiers, là, il y a peut-être un
enfant signalé, mais il y a peut-être un autre enfant de la famille, puis il y
a deux parents, puis il y a bien du monde. Alors, c'est très complexe, c'est
très délicat. Vous comprenez, pour les professionnels comme les travailleurs
sociaux, d'aller à la cour faire des recommandations devant un juge, devant les
parties, ça peut avoir des impacts très, très importants. Donc, c'est très
délicat. Il faut donner le temps aux professionnels afin de bien comprendre une
situation.
Vous savez, nous, la base de notre profession,
c'est l'évaluation du fonctionnement social d'une personne dans son environnement, hein, son fonctionnement
conjugal, son fonctionnement dans son entourage, son fonctionnement avec ses parents, avec ses enfants, avec son
conjoint. Mais de tout documenter ces éléments-là, ça demande du temps
et c'est souvent très difficile à réaliser.
Et, si on demande un délai plus rapide, à ce moment-là on est inquiets à savoir
est-ce que les rapports ne seront pas d'une moindre qualité. Alors, là-dessus,
moi, je pense qu'il faut augmenter les ressources.
Prenez des jeunes intervenants qui sortent de
l'université, qui se retrouvent, à un moment donné, à travailler à la
protection de la jeunesse, ils ont tout un accompagnement, il y a du coaching,
et tout ça. Mais, avant d'arriver à être, je dirais,
agile, d'être vraiment bon pour produire un rapport pertinent... Puis vous
comprenez qu'il y a l'autre partie, aussi, qui va dire des choses. Donc, c'est
un travail qui est très difficile, et on pense, là, qu'il faut faire en sorte
qu'on ait plus d'intervenants qui pourront prendre plus de temps pour la faire.
M. Carmant : D'accord. Peut-être une
dernière question avant de passer la parole. Sur la gestion avec les
partenaires des Premières Nations, pour nous, c'est difficile de voir comment
on peut ne pas avoir d'entente nation à nation quand on doit prévoir qu'on va
devoir gérer des enfants, par exemple, qui habitent avec leurs familles hors
territoire, des enfants de... ou de mariages internations. Donc, ça nous prend
quand même une entente, je crois, nation à nation pour pouvoir gérer ces
cas-là. Vous, est-ce que vous voyez... Parce que, je vous ai entendu, là, à
propos de donner plus de place, je pense, dans le rapport, on le dit
clairement, là, que les Premières Nations sont les mieux placées pour gérer
leurs enfants. Mais je pense qu'il faut quand même avoir une certaine entente
entre la nation québécoise et les Premières Nations sur notre territoire... sur
le territoire.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...prend
l'exemple des Attikameks qui, quand même, depuis une quinzaine d'années,
travaillent de ce côté-là en vertu de l'article, je pense, 37.5, sont arrivés à
une entente, donc ils développent leur autonomie. Mais il y a aussi... j'ai
pris connaissance récemment, là, du projet de loi, là, du conseil attikamek
d'Opitciwan. À un moment donné, c'est très, très intéressant de voir la façon
dont tout est organisé dans leur communauté pour assurer la protection des
enfants.
Nous, on vous invite vraiment à écouter ce que
les Premières Nations ont à dire. On a été pendant des siècles dans une
approche, auprès des autochtones, des Premières Nations et des Inuits, à un
moment donné, à l'effet qu'ils n'étaient pas capables et qu'on doit les mettre
dans des réserves, hein, qu'ils ne sont pas capables. Je pense que nous, on doit ouvrir, maintenant. Puis, quand on regarde
le mouvement international, le désir des communautés autochtones de se prendre en charge, je pense qu'on doit ouvrir
la voie, vraiment, pour faire en sorte que les communautés autochtones
puissent par elles-mêmes assurer la protection de leurs enfants.
Les éléments qu'il y a, dans le projet de loi,
sont peut-être, je dirais, une transition et peut-être le moment qui
permettrait, à un moment donné, d'accompagner, en vertu de 37.5, en vertu de ce
qu'il y a dans le chapitre V du projet de loi... de les accompagner.
Maintenant, on pense que, les communautés autochtones, ce n'est pas dans cette
perspective-là qu'ils doivent s'inscrire. Ils demandent de s'inscrire,
vraiment, dans l'autodétermination, et, de notre côté, on est d'accord avec
cette perspective-là.
M. Carmant : Est-ce qu'il reste
du temps?
Le Président (M. Provençal)
: Non, M. le ministre.
M. Carmant : Non? Désolé. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, avant de céder la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, je voudrais faire un petit rappel au niveau des sonneries
des appareils électroniques, parce qu'on a quelques sons qui arrivent, là,
pendant que les gens s'expriment. Alors, par respect pour les gens qui
discutent... Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, je
vous cède la parole.
Mme Weil : Bonjour. Merci
beaucoup de venir en présentiel, aussi. Ce n'est pas tout le monde qui a
l'occasion de le faire, alors merci de votre présence.
Votre perspective est vraiment intéressante.
Vous avez parlé d'une loi-cadre. Et c'est drôle parce que, quand on regarde ce
rapport et la richesse de ce rapport, on se dit : Mais il faut absolument
que... Je parlais avec Mme Laurent de
la vie de ce rapport et que ce rapport est durable, mais, pour l'implanter,
c'est tout un travail. Donc, ce que vous dites... parce que ça peut
toucher plusieurs ministères, premièrement, et aussi la première ligne. Donc,
c'est ça que vous entendez. Donc, comment nouer tous ces liens, faire en sorte
que tout le monde travaille ensemble dans l'intérêt
de l'enfant, par la formation, la communication, le travail ensemble, et tout
ça, donc, c'est un travail colossal.
Dans le projet de loi, voyez-vous des endroits
où on peut, par rapport à vos recommandations notamment, ancrer dans le projet
de loi... Parce que le projet de loi est devant nous, on a ça pour l'instant,
on a cet outil important. Est-ce que vous avez des... Parce que vos
recommandations, certaines, oui, ça touche le projet de loi, d'autres vont plus
large. Alors, c'est une question peut-être un peu technique par rapport à la
législation, mais on peut tout faire en législation : Quelles seraient vos
priorités?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Dans
le sens que, comme on le dit au début, on considère qu'il s'agit d'un bon
projet de loi, on comprend que c'est un projet de loi sur la protection de la
jeunesse. La protection de la jeunesse, ce sont les soins intensifs de la
jeunesse. Je pense que c'est correct qu'on ait une loi pour les soins intensifs
de la jeunesse. Maintenant, on doit ouvrir les perspectives pour faire en sorte
que, quand on parle du bien-être des enfants, ce n'est pas juste à la
protection de la jeunesse, c'est l'ensemble de la société, c'est le milieu
scolaire, c'est les animateurs en loisirs, c'est les coachs de hockey, c'est
les services communautaires, les organismes communautaires, qui sont partout.
Alors, on ne s'est
pas attardés, dans le projet de loi, est-ce qu'il y aurait un endroit pour le
mettre. Je ne suis pas convaincu, je ne suis pas juriste, mais je reviens avec
l'idée, à un moment donné : Est-ce qu'on ne doit pas ouvrir de façon plus large une
perspective législative pour faire en sorte que l'ensemble... Parce que, vous
savez, Un Québec fou de ses
enfants, on en a eu d'autres
aussi, là, à un moment donné, il y a beaucoup de chercheurs qui se sont
penchés... qui font des recommandations, et tout ça. Et tout ça est dans l'air,
oui. Maintenant, est-ce que ça serait pertinent d'avoir une loi-cadre qui irait
chercher les ficelles, à un moment donné, de toutes les composantes de la
société? On est en réflexion là-dessus.
• (11 h 20) •
Mme Weil : Je comprends votre point, en effet une loi-cadre qui irait chercher
d'autres ministères, notamment, et qui ferait en sorte que tout le monde
travaille ensemble. Mais merci pour cette perspective, c'est intéressant.
J'aimerais
vous parler rapidement aussi, justement, de la transition vers l'âge adulte. Il
y a eu des études là-dessus, quand on accompagne bien plus longtemps que
19 ans, donc jusqu'à 23, on parle de 24 dans le rapport. Il y a des
expériences ailleurs, dans d'autres provinces, mais aux États-Unis aussi, qui
ont vraiment montré une réussite. Est-ce que
je pourrais vous entendre un peu plus sur votre perspective des besoins, des
types de services, au-delà de l'employabilité, mais des types de
services, étant donné le profil du jeune qui sort, et c'est votre expertise, je
vois... qui sort de la protection de la jeunesse?
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien, en fait, vraiment, ça s'inscrit dans ce que
vous dites, l'état des connaissances par rapport aux besoins d'une
personne. À 18 ans, on n'est pas encore une personne complètement formée,
hein? On sait qu'en fait un adulte... on est vraiment adulte vers l'âge de
25 ans. Et, comprenant le profil des enfants issus ou qui ont eu un
parcours en protection de la jeunesse, on sait que, souvent, il y a des besoins
particuliers. Ou même, aussi, il y a eu des lacunes ou des carences, qu'il faut
être capable de combler. Donc, pour nous, c'est vraiment l'idée d'accompagner
la personne plus longtemps.
Et, quand on parle de
stabilité, continuité des soins, c'est d'avoir ça dans l'esprit. Mais souvent
les personnes ne veulent plus, non plus, avoir cette espèce de lien
d'appartenance avec la protection de la jeunesse. Donc, il faut avoir des
transitions en lien pour être dans une participation citoyenne à part entière.
Donc, il faut miser sur des programmes qui encouragent la scolarisation, qui encouragent
de pouvoir s'insérer dans la vie socioprofessionnelle, d'avoir tous ces
éléments-là au plan social, d'avoir un revenu, aussi, décent dans le but de
pouvoir vraiment devenir un citoyen à part entière et de se sortir de cette
espèce, aussi, d'étiquette d'enfant de la protection de la jeunesse.
Mme Weil :
Oui, donc...
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : ...
Mme Weil :
Oui, allez-y.
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : En termes de complément, je voudrais vous raconter une
expérience professionnelle que j'ai vécue au début de ma carrière, dans le
Bas-Saint-Laurent. Un groupe de jeunes, 25 jeunes fortement défavorisés,
là, O.K., on ne les choisissait pas parce qu'ils étaient très bons : parce
qu'ils avaient beaucoup de problèmes. 25 jeunes dans un programme de huit mois,
on leur donnait une paie et on leur montrait comment se trouver un logement
dans le village, comment on travaille. On leur fournissait des équipements de
travail, ils allaient bûcher dans le bois, ils travaillaient en serre. Ensuite
de ça, dans leur démarche, à un moment donné, ils allaient faire des recherches
d'emploi : comment on fait un C.V., comment on se présente chez un
employeur. Et, je vous dirais, aujourd'hui, j'ai encore des émotions parce que
je vois de ces jeunes-là qui étaient des jeunes adultes, à l'époque, je les
vois dans ma communauté aujourd'hui. Il y en a qui se sont mariés, qui ont
élevé des enfants, qui travaillent, qui sont actifs, se sont épanouis, alors
qu'ils sont sortis de leur milieu hyperdéfavorisé, parce qu'on les a pris, jour
après jour, semaine après semaine, pour les accompagner vers l'autonomie.
Mme Weil :
...ce projet?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : C'est un projet qui était financé, à l'époque,
par une entente fédérale-provinciale pour le développement de
l'employabilité chez les jeunes fortement défavorisés.
Mme Weil :
Et ils avaient quel âge?
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Les jeunes avaient entre 16 et 25 ans.
Mme Weil :
Ah! c'est intéressant. Mais c'était à l'extérieur du périmètre de protection de
la jeunesse. Mais ce que vous dites, c'est...
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Ça nous dit que c'est des modèles qui fonctionnent.
Mme Weil :
Absolument. Oui. Très bien. Il reste combien de minutes?
Le Président
(M. Provençal)
: Trois minutes,
madame.
Mme Weil : Trois minutes. Ah oui! Les familles d'accueil. Vous
avez un chapitre sur les familles d'accueil, est-ce que vous pourriez peut-être
revenir... qu'elles n'ont pas une place assez marquée dans le projet de loi
n° 15. Elles jouent un rôle essentiel, c'est bien ça? «À notre avis»...
«Parmi ces ressources, il en est une qui mériterait, à notre avis, d'occuper une place plus marquée dans le projet de loi
n° 15, il s'agit des familles d'accueil de proximité.»
Mme Roc (Marie-Lyne) : Ce n'est
pas nous, on... Ce n'est pas nous, ça. En fait, on ne s'est pas prononcés
tellement sur les familles d'accueil. En fait, on a plus misé sur la question
de la transition, mais on n'a pas... Notre rapport, notre mémoire ne traite
pas...
Mme Weil : Oui. Non, je
confonds avec les psychoéducateurs, là, parce que vous êtes à peu près dans des
domaines connexes. Est-ce que vous avez... Donc, vous n'avez pas d'expérience
dans ce domaine-là.
Mme Roc (Marie-Lyne) : On n'a
pas d'expérience, c'est-à-dire que, nous, dans le mémoire, ce qu'on a plus
misé, c'est sur la question de la transition, ces éléments-là qu'on avait aussi
fait valoir lors de notre mémoire dans le cadre de la commission spéciale.
Mais, sur la question des familles d'accueil, nous, on va vraiment dans le sens
des recommandations de la commission, c'est-à-dire d'avoir vraiment une
révision de tout le programme au niveau des familles d'accueil. Parce qu'on est
très conscients du manque de familles d'accueil, au Québec, puis des besoins
particuliers aussi d'un type de familles d'accueil. L'apparentement, là, entre
la famille et l'enfant est aussi un enjeu majeur, donc. Et on sait que les
familles d'accueil jouent un rôle essentiel dans le développement des enfants
et peuvent assurer, justement... En ayant plus de familles d'accueil, on peut
éviter le ballottage, qui est aussi un des problèmes dont on est bien
conscients, donc.
Mme Weil : Et en leur donnant accès
à des informations importantes concernant l'enfant et son vécu.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Encore là, de
l'information pertinente et nécessaire.
Mme Weil : Mais avec précaution.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Tout à fait.
Mme Weil : Et là il reste...
Le Président (M. Provençal)
: 30 secondes.
Mme Weil : 30 secondes.
Le Président (M. Provençal)
: Allez-y.
Mme Weil : Bon, en 30 secondes,
quelle serait la question... Bien, essentiellement, et vous en parlez beaucoup,
c'est comment faire... les ressources humaines, à la DPJ, leur besoin d'appui,
de formation, puis qu'est-ce qu'on pourrait faire pour renforcer cet aspect-là
dans le projet de loi. On parle beaucoup de gens qui quittent le navire, qui
n'ont pas assez d'appui, des intervenants qui y vont solo sans pouvoir
consulter. En quelques secondes.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Il faut
quand même dire, là, que la dernière réforme du réseau a fait en sorte qu'il y
a eu un exode, hein, de professionnels qui ont quitté la DPJ vers d'autres
programmes. Mais, je vous dirais, écoutez, il y a 800 étudiants qui
sortent du bac en travail social à chaque année, il y en a 5 000 qui font
la demande. Donc, ce n'est pas parce que les
jeunes ne veulent pas aller travailler en travail social ou dans d'autres
professions de ce genre-là, c'est que
les programmes sont contingentés, et je pense qu'on doit les décontingenter. On
doit ouvrir, à un moment donné, le nombre de jeunes qui puissent rentrer
dans les programmes, là, pour arriver à compenser cet exode-là.
Mme Weil : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci pour cette précision. La suite
de cet échange appartient au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Alors, j'ai entre trois et quatre minutes. Je vais aller droit au but à un
point que je trouve important, qu'on doit développer davantage, la question de
la confidentialité. D'un côté, on comprend bien quand Mme Laurent dit :
Ça n'a pas de bon sens... Je ne sais pas si vous entendiez tout à l'heure sa
présentation, mais elle a donné un exemple dans lequel ça n'a pas de bon sens
que l'information sur le jeune n'ait pas été transmise. Ça empêche la famille
d'accueil de bien en prendre soin.
En même temps, quand il n'y a pas de
confidentialité, difficile de créer un espace où le jeune peut véritablement
parler, parce qu'il peut avoir l'impression que tout ce qu'il va dire, tout ce
qu'il va faire va être retenu contre lui, partagé à tout le monde, tout le
monde va le savoir. C'est comme... il peut avoir l'impression qu'il n'a pas
d'intimité, puis ça, ce n'est pas... ce n'est pas bon, tu sais, ça va... Bon,
alors, comment concilier ces deux choses-là?
Puis est-ce que vous
pourriez donner, d'abord, un exemple de choses négatives qui pourraient
avoir... de conséquences négatives sur l'enfant qu'il pourrait y avoir à un
trop grand partage d'information, d'une part? Puis, ensuite de ça, quel genre
de balises pourraient être mises pour avoir le maximum d'information transmise
à la famille d'accueil, par exemple, sans que ça ait un impact négatif sur
l'enfant? Est-ce que vous auriez des propositions de critères par rapport à ça?
• (11 h 30) •
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...excellente
question, qui, d'ailleurs, fait l'objet de toute une formation qu'on donne en
formation continue à nos travailleurs sociaux. Donc, c'est la preuve que ça
demande... c'est vraiment une question d'exercice du jugement.
Puis je vous dirais que des balises, il faut
faire très attention aussi. Oui, il faut en mettre, mais ça ne peut pas être
des pratiques, là, systématiques : Je suis devant la famille d'accueil, je
fais telle, telle, telle chose, puis, avec l'école, je fais telle, telle chose.
On est vraiment devant des situations où, devant chaque enfant, devant chaque
collaborateur, il faut toujours se poser la même question : Qu'est-ce que
j'ai besoin de dire? En vertu de quoi je le fais? Puis est-ce que cette
personne pourra vraiment apporter une différence si je donne cette information?
Donc, c'est des questions, là, je vous dirais, fondamentales pour pouvoir, par
la suite, décider de donner l'information, et ça, ça demande effectivement du
savoir-faire, ça demande de la préparation.
Alors, je vous dirais que, pour une famille
d'accueil, par exemple, est-ce qu'on a besoin... est-ce que la famille
d'accueil a besoin de savoir que l'enfant a vécu dans un... a été séquestré
dans une garde-robe pendant tant d'heures, ligoté et avec un manque de
nourriture? Ou ce qu'il a besoin de savoir, c'est : s'il est laissé seul
dans la chambre, il peut crier, et donc venir lui donner... Alors, c'est ça
dont on parle, c'est de vraiment être capable de dire... Et là ça demande des
connaissances. La famille d'accueil n'a pas besoin de connaître le drame autour
de cet enfant, elle a besoin de comprendre le comportement de l'enfant pour
pouvoir l'accompagner. Alors, ça, c'est vraiment...
Mais ça, c'est des connaissances professionnelles et ça demande une
connaissance de l'enfant aussi. Donc, les familles d'accueil doivent être capables d'être outillées pour porter
assistance, pour pouvoir accompagner l'enfant. Parce que, vous vous
imaginez, en connaissant ça, le parent arrive puis veut... Alors, c'est là
qu'il y a tous les préjugés, parce qu'il faut comprendre des situations. C'est
pour ça que, même à l'école aussi, les enseignants n'ont pas une formation de
professionnel en relation d'aide, ils ont un autre type, mais ils ont besoin de
connaître des informations pour comprendre le comportement de l'enfant pour ne
pas le stigmatiser, par exemple, en classe. Donc, c'est ce genre d'éléments là,
c'est pour ça qu'on vous dit : Nous, c'est une formation qu'on donne à nos
professionnels, puis ils sont déjà formés. Alors, on ne pourra pas faire fi de
ces aspects-là.
M. Zanetti : Merci.
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: On va terminer... Oui, allez-y.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Très
simplement, si on peut résumer, c'est d'éviter les extrêmes, dans le sens de ne
donner aucune information et, à l'autre extrême, à un moment donné, donner
toute l'information. Il faut toujours garder à l'esprit l'intérêt de l'enfant,
la protection de l'enfant.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. On va compléter cet échange avec le député de
René-Lévesque. C'est à vous.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, j'aimerais faire du rebond sur cet échange que vous avez avec
le collègue de Jean-Lesage. Donc, il faut que les familles d'accueil puissent
avoir accès à de l'information qui va les aider à comprendre dans quel contexte
le jeune a évolué. Ça, je pense qu'on est d'accord là-dessus.
Lorsqu'on a parlé à des familles d'accueil, ce
qu'ils nous ont dit : Nous, on aimerait savoir des informations
pertinentes qui vont nous permettre d'être capables de mieux agir avec
l'enfant. Exemple, si l'enfant a vécu un traumatisme d'être enfermé dans une
garde-robe et à, chaque fois qu'il voit une garde-robe, prise de panique,
crise, violence, violence extrême dans
certains cas, c'est important que la famille d'accueil sache que, malgré le
traumatisme vécu, il y a des stigmates qui
lui ont resté, et que la famille d'accueil doit les connaître pour éviter de
placer ce jeune-là dans une situation qui cause les crises. Ça fait que,
ça, vous êtes d'accord avec ça?
Mme Roc (Marie-Lyne) : Encore là,
comme je vous dis, oui, pour pouvoir... Il faut comprendre que la famille d'accueil, ce n'est pas non plus... son
rôle est d'accompagner, mais il faut... Nous, on a vraiment une perspective :
ce sont plusieurs collaborations, c'est un
accompagnement, c'est toute une société qui accompagne un enfant. Donc,
la famille d'accueil, oui, a besoin de
savoir certaines informations. Mais, en même temps, espérons-le, cet enfant-là
va avoir aussi d'autres professionnels qui vont l'accompagner pour
pouvoir aussi traiter de ces difficultés dont vous parlez.
Donc, effectivement, c'est vraiment le juste
équilibre, d'en dire assez pour pouvoir apporter les meilleurs soins, apporter
le meilleur accompagnement, puis, en même temps, en dire pas trop pour que,
finalement, au bout du compte, on dévoile tout, et ça n'implique, aussi, pas
seulement l'enfant, mais ça implique aussi... Et de devoir toujours répéter,
c'est une façon aussi de causer préjudice parce que c'est l'intimité de la
personne, c'est l'intimité de l'enfant et aussi d'autres personnes qui sont
parfois concernées par sa situation.
M.
Ouellet : Rapidement,
j'aimerais vous amener au point 8 de votre mémoire, vous apportez une
importante distinction, à savoir qu'il faudrait considérer les réalités
singulières de chaque région, dans un contexte particulier vécu par les
différentes DPJ. Comment on matérialise ça dans un projet de loi? Comment on
prend conscience des réalités régionales dans un souci d'une meilleure
intervention et d'une meilleure protection de l'enfant, là? J'essaie de
transcrire, comme législateur, vos... vos préoccupations, pardon, dans des
amendements, dans un projet de loi. Comment je fais ça?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Dans le
sens que, bon, il y a la question de la protection de la jeunesse, mais, la
protection de la jeunesse, son rôle, c'est de protéger les jeunes. Maintenant,
quand on arrive avec des jeunes qui soient soit à la protection de la jeunesse
ou qui ne sont pas à la protection de la jeunesse, quel est l'environnement
social dans lequel ils vivent, quels sont les services qui sont disponibles? Et
on doit en tenir compte. Est-ce que parce qu'un jeune vit dans un village isolé
au Bas-Saint-Laurent, dans ma région, ce jeune-là, il va se retrouver plus à la
protection de la jeunesse parce qu'il n'y a pas de service autour de chez lui?
Quand on voit plusieurs points de chute de
CLSC, de points de service de CLSC à peu près fermés, alors qu'auparavant on
avait des services à ces endroits-là, ce sont les services sociaux
généraux, ce sont les services de première ligne, c'est les services de
prévention, les programmes SIPPE qui sont dans ces milieux-là, alors... Donc,
la protection de la jeunesse peut difficilement dire : Bien là, l'enfant a tel, tel problème, il aurait
besoin, à un moment donné, de tel service, mais le service est à
50 kilomètres, est à 100 kilomètres. Alors, c'est ça, à un moment
donné, qu'on amène, d'en tenir compte.
M.
Ouellet : Donc, ce que vous
nous dites : Ayez une attention particulière pour faire un 360 autour de
la DPJ régionale pour savoir, autour d'elle, est-ce que les moyens sont
suffisants, est-ce que les ressources sont disponibles. Parce qu'un bon plan d'intervention dans Montréal-Nord, mettons, ne
pourrait pas être un excellent plan d'intervention du côté du Bas-Saint-Laurent
parce qu'il y a des réalités qui sont propres à chacun des territoires, et, si
on veut réussir l'intervention pour le bénéfice de l'enfant, il faut tenir
compte de ce contexte-là. C'est ce que... C'est un peu le message que vous nous
demandez d'avoir en tête pour l'intervention, mais, de façon législative, c'est
peut-être un peu plus difficile d'essayer de circonscrire ça dans une loi, je
comprends.
Mme Roc (Marie-Lyne) : C'est moins
notre expertise, là, d'être capables de proposer quelque chose. Nous, on vous
amène les éléments qu'on ressort. Parce qu'effectivement, comme disait notre
président, c'est qu'en fait, vous savez, on le sait, il y a des communautés
ethnoculturelles qui sont surreprésentées. Tous les DPJ, oui, il faut
absolument qu'il y ait une harmonisation des pratiques, mais il faut avoir
assez d'agilité, je vous dirais, pour être capable de prendre en compte les
réalités distinctes de chacune des régions, puis il y a des expertises qui
peuvent se développer au regard du profil des personnes qui habitent ce
territoire-là. Donc, je vous dirais qu'il faut absolument qu'il y ait ce type
de sensibilité pour avoir des lignes directrices communes, mais avoir assez de
flexibilité pour être très pertinent en fonction des besoins du milieu.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Ouellet : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je remercie Mme Roc et M. Malenfant pour
votre participation et votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux quelques instants pour
laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup, surtout, d'avoir été ici en
présence.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise à 11 h 45)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.
Alors, M. Leclerc et Mme St-Gérard, merci de votre participation,
merci. Et vous disposerez maintenant de 10 minutes pour votre exposé. Et
par la suite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Alors,
je vous cède la parole. Merci.
Ordre des
psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ)
M. Leclerc (Denis) : Merci. Alors,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, bonjour. Je me présente, je suis
Denis Leclerc, psychoéducateur et président de l'Ordre des
psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. Et je suis accompagné de
Rose St-Gérard, psychoéducatrice et chargée d'affaires professionnelles à
l'ordre.
Nous remercions la commission pour cette
invitation, et il nous fait plaisir de vous présenter aujourd'hui les réflexions et recommandations de l'ordre concernant
le projet de loi n° 15. Compte tenu de notre mission première, qui
est la protection du public, nous sommes
évidemment préoccupés par la situation des jeunes vulnérables et de leurs
familles.
Les psychoéducateurs et
psychoéducatrices sont des professionnels qui interviennent auprès des
personnes de tous âges qui vivent des difficultés d'adaptation. On les retrouve
dans une diversité de milieux, principalement au sein des établissements du
réseau de la santé et des services sociaux ainsi qu'en milieu scolaire. De
plus, les psychoéducateurs et psychoéducatrices font partie des professionnels
autorisés par le Code des professions pour évaluer une personne dans le cadre
d'une décision du directeur de la protection de la jeunesse ou du tribunal, en
application de la Loi sur la protection de la jeunesse, ce qui justifie
d'autant plus notre présence ici aujourd'hui.
L'approche psychoéducative est un élément
distinctif qui caractérise notre profession. Autant lorsqu'il s'agit d'évaluer
que d'intervenir, nous focalisons à la fois sur les forces et les
vulnérabilités des personnes impliquées, celles de leur environnement ainsi que
l'interaction entre les personnes et leur environnement. Inévitablement, les
psychoéducateurs et psychoéducatrices prônent l'importance de la collaboration
entre tous pour mieux aider les personnes vulnérables.
En cohérence avec cette approche, comme nous
l'avons soutenu lors de notre audition et dans notre mémoire présenté à la
Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la
jeunesse, l'ordre préconise l'idée que l'amélioration des services destinés aux
enfants en besoin de protection ne peut reposer uniquement sur la DPJ. La
responsabilité de la protection de la jeunesse doit être davantage partagée. Cette
conviction a teinté notre analyse du présent projet de loi et l'élaboration de
certaines de nos recommandations.
Notre analyse du projet de loi nous amène
d'abord à saluer certaines modifications qui tiennent compte des récentes réflexions autour des droits et de la
protection des enfants. L'ajout d'un préambule à la loi, qui met
l'emphase sur plusieurs orientations centrales, nous semble très pertinent.
Parmi ces orientations, celles visant à renforcer la primauté des intérêts de
l'enfant dans toute décision le concernant nous apparaissent justifiées et même
essentielles. D'ailleurs, plusieurs dispositions du projet de loi renforcent
cette primauté de l'intérêt de l'enfant.
C'est pour cette raison que nous formulons trois
recommandations visant à former adéquatement l'ensemble des acteurs concernés
par la protection de la jeunesse, soit les intervenants de la DPJ, les membres
de la magistrature ainsi que les principaux partenaires à cette nouvelle
orientation centrale de la Loi sur la protection de la jeunesse.
L'ordre salue également l'attention qu'apporte
le projet de loi à la dernière étape de la trajectoire des enfants pris en
charge par la DPJ par l'ajout de différentes mesures de soutien au passage à la
vie adulte. Toutefois, les dispositions prévues
aux articles 34 et 35 nous apparaissent insuffisantes en regard de cette
intention. Tout particulièrement, le projet de loi n'ajoute qu'une
obligation d'informer les jeunes des services de soutien auxquels ils
pourraient avoir recours. L'ordre considère
que le projet de loi doit faire un pas de plus en intégrant une obligation
d'accompagnement pour les jeunes qui le désirent et non uniquement
d'information.
L'ordre salue les dispositions du projet de loi
qui témoignent de l'importance sociétale que prend la protection des enfants en
situation de vulnérabilité. Cela se traduit notamment par l'ajout d'un poste de
directeur national de la protection de la jeunesse. L'ordre croit que les
responsabilités et les pouvoirs de cette personne clé... que cette personne clé
détiendra lui permettront d'exercer un leadership sur les directeurs nommés
pour chacun des établissements exploitant un centre de protection de l'enfance
et de la jeunesse.
De plus, la
structure proposée d'un forum des directeurs chargé d'harmoniser les pratiques
cliniques et d'assurer la mise en
oeuvre des orientations et normes établies nous apparaît être un moyen
prometteur pour redonner au réseau des services à la jeunesse sa
vitalité. L'ordre émet toutefois le souhait qu'à travers cette recherche
d'harmonisation des pratiques, l'autonomie et le jugement de ses professionnels
soient réaffirmés et facilités.
Nous tenons tout particulièrement à souligner
l'importance accordée à la mobilisation des ressources du milieu et à la collaboration entre elles,
principes clairement énoncés dans le préambule de la loi. Nos
recommandations antérieures vont dans le sens d'agir en amont en s'appuyant sur
des ressources déjà présentes dans la vie de l'enfant, telles que les services
de garde, l'école et les milieux communautaires, permettant à la Loi sur la
protection de la jeunesse de demeurer une loi d'exception. Les
articles 4.4 et 4.5 reprennent précisément cette idée de collaboration et
de concertation des ressources du milieu pour que leurs interventions
s'accordent. L'ordre appuie cette orientation en faveur d'une plus grande
complémentarité des actions des différentes ressources et acteurs.
• (11 h 50) •
Nous soumettons d'ailleurs l'idée que les
travaux qui incomberont au directeur national et au Forum des directeurs pour
la mise sur pied des meilleures pratiques s'intéressent aux moyens concrets qui
viendront soutenir la concertation. Pour qu'une telle concertation soit
réellement efficace, elle doit en grande partie reposer sur un partage d'information entre les différents partenaires.
Ainsi, une condition importante d'une collaboration efficace et
fructueuse réside dans la connaissance que chacun doit avoir des besoins de
l'enfant.
La loi actuelle et le projet de loi permettent
aux intervenants de la DPJ d'obtenir toute l'information nécessaire à la
réalisation de leur mandat, même lorsque protégée par le secret professionnel.
L'ordre souscrit aux dispositions qui
facilitent l'intervention et les décisions de la DPJ en faveur de l'intérêt de
l'enfant. L'ordre considère toutefois que, lorsque l'intérêt de l'enfant
le justifie, la communication de certaines informations aux établissements,
organismes ou personnes qui gravitent autour de l'enfant devrait également être
facilitée.
Nous sommes d'avis que les dispositions
prévoyant que les informations détenues par la DPJ puissent, dans certaines circonstances, être partagées avec ses
partenaires ne sont pas suffisamment claires dans le projet de loi.
Rappelons que les professionnels qui exercent en milieu scolaire ou dans les
milieux de garde, par exemple, sont souvent des intervenants impliqués depuis longtemps dans la vie de l'enfant et de sa
famille. Ils possèdent une connaissance fine de l'enfant et ils pourraient, à ce titre, être des collaborateurs
importants dans la continuité des services offerts à celui-ci mais n'ont
pas accès à des informations détenues par les intervenants de la DPJ. Comme ils
font partie du milieu de vie de l'enfant, le manque d'information occasionne
des situations précaires, voire à risque pour l'enfant et sa famille.
Il
va sans dire qu'un tel partage d'information ne peut se faire sans balises.
L'ordre reconnaît évidemment que certaines informations détenues par la DPJ sur
la situation de l'enfant et de sa famille sont très sensibles et possiblement
préjudiciables. De plus, le droit à la confidentialité doit être pris en compte
de même que la complexité de certaines situations prises en charge par la DPJ
qui demandent, pour être saisies dans toutes leurs dimensions et implications,
de solides compétences cliniques et de jugement professionnel.
C'est
pour cette raison que nous recommandons que, dans l'intérêt de l'enfant, les
informations confidentielles plus sensibles ou potentiellement
préjudiciables puissent être transmises par la DPJ à des professionnels membres
d'ordres. Ces intervenants présentent les
garanties déontologiques suffisantes et l'encadrement par un ordre
professionnel pour que les informations reçues de la DPJ soient protégées. De
plus, ils ont la compétence nécessaire pour avoir une compréhension clinique de
la situation de l'enfant et de sa famille.
Finalement, l'ordre
salue l'inclusion d'un chapitre dédié aux dispositions applicables aux membres
des Premières Nations et Inuits. Ces nouvelles dispositions confirment que
l'évaluation de la situation d'un enfant ne peut
se faire sans tenir compte des facteurs sociaux, historiques et culturels qui
distinguent les jeunes de ces communautés.
Depuis
2016, l'ordre collabore avec plusieurs partenaires, dont des représentants des
différentes communautés autochtones, dans le cadre d'un projet basé sur
la conviction qu'une plus grande présence d'intervenants autochtones est une
solution durable pour des services culturellement sécurisants, sensibles,
stables et de qualité pour les enfants et les familles autochtones.
Fort
de cette conviction, l'ordre recommande d'instaurer le poste de directeur
national adjoint de la protection de la jeunesse dédié au bien-être et
aux droits des enfants autochtones, nommé après consultation des représentants autochtones. Siégeant au Forum des directeurs,
cette personne aiderait notamment à ce que les décisions prises à cette table n'éclipsent pas l'unicité et la diversité
des besoins des communautés autochtones en matière de protection de la jeunesse.
Merci de votre
attention. Et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci beaucoup pour cet
exposé. Nous allons initier cette période d'échange avec M. le ministre. Alors,
M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Leclerc, Mme St-Gérard, de
votre présence ce matin. Merci également pour le mémoire que vous avez déposé
et les explications que vous venez nous partager.
Premier point,
c'était sur l'aspect formation, on en a entendu parler également par les
travailleurs sociaux juste avant vous. Comment voyez-vous le rôle de la
directrice nationale de la protection de la jeunesse dans ce processus, là, de
formation des intervenants, des autres partenaires, etc.? J'aimerais vous
entendre là-dessus. Parce que nous, quand on a décidé... Dans la description de
tâches qu'on inclut dans le projet de loi, ça ressemble vraiment à ce que les
recommandations de la commission Laurent nous ont faites. Donc, j'aimerais voir
si vous, vous aviez une vision différente du rôle de la directrice nationale.
M. Leclerc
(Denis) : Non, je pense que le rôle de la directrice nationale, pour
ce qui est de la formation, peut être effectivement très important. Nous
pensons qu'en matière de formation deux dimensions sont importantes, la
première étant de développer des formations qui sont bien... bien campées sur
les données probantes, sur les données fortes de la science et de la réalité de
la protection des enfants vulnérables. Donc, à ce titre-là, nous pensons qu'il
y a un souci, puis la directrice de la protection... la directrice nationale
pourra veiller à ce que le contenu des formations se base sur de tels types de
données.
Mais peut-être le rôle
le plus important de la directrice, c'est une uniformité de la diffusion de ces
données-là et donc des formations qui y sont reliées au niveau de l'ensemble du
réseau. Nous l'avons souvent soulevé, puis nous en avons fait référence dans
notre mémoire, que plusieurs intervenants nous ont souligné un certain vide
avec la disparition de l'Association des centres jeunesse, qui assurait une
certaine uniformité, une certaine diffusion, sur l'ensemble du territoire, des meilleures données, des meilleures pratiques.
Et on espère que le rôle de la directrice nationale ainsi que du Forum
des directeurs pourront justement pallier à cette inégalité qui pouvait être
observée parfois.
M. Carmant :
D'accord. Puis vous avez mentionné, à la fin... d'un codirecteur ou d'une
directrice, directeur adjoint pour les affaires autochtones ou les Premières
Nations, versus ce que je pensais qui... qu'on pensait plus, c'était d'aller vers un commissaire qui serait
plus dédié aux affaires autochtones ou aux Premières Nations. Voyez-vous
une différence entre les deux ou un avantage de l'un par rapport à l'autre?
M. Leclerc
(Denis) : Bien, je pourrai commencer la réponse, j'inviterai ma
collègue Rose St-Gérard à compléter — je pense qu'il y a de l'écho,
hein, je m'en excuse, si c'est le cas. Je pourrai demander à ma collègue, par
la suite, de compléter, c'est son expertise beaucoup. Mais évidemment, quand
vous parlez de... Nous, on parle d'un directeur national adjoint, vous parlez
d'un commissaire. Bien honnêtement, les nuances des rôles de l'un et de
l'autre, c'est un peu difficile, pour nous, de bien les connaître, on n'est pas
juristes, et tout ça. Mais ce qui, pour nous,
est important, puis c'est pour ça, peut-être, la notion de directeur national
adjoint, c'est que cette personne-là soit impliquée avec le forum des
directions pour qu'elle fasse partie des échanges et des décisions, et tout ça,
pour que cette diffusion-là, par rapport à cette réalité-là, soit toujours... À
la limite, ce n'est pas autant un chien de garde que quelqu'un qui peut contribuer à amener une certaine expertise ou un
certain regard dans ça. Mais j'inviterais peut-être Rose à compléter au
besoin.
Mme St-Gérard
(Rose) : Bien, en fait, effectivement, comme le disait
M. Leclerc, la distinction entre commissaire et directeur, pour nous, on
n'a pas fait une grande analyse de la question. Ce qui était vraiment plus
important, c'est d'avoir une voix, à ce niveau de gestion dans la structure,
qui serait dédiée aux droits et aux besoins des
enfants autochtones. Vous avez mis de l'avant un très beau chapitre, dans le
projet de loi, qui, vraiment, mesure et tient compte des dispositions applicables aux Premières Nations et
Inuits. On trouvait qu'il y avait ce besoin aussi, dans la structure
organisationnelle, de faire écho de cette volonté de prendre en compte les
besoins des enfants autochtones.
M. Carmant : D'accord, merci
beaucoup. Et il faut que je vous entende... parce que c'est un peu naturel, la prochaine
question qui découle : Quel serait le rôle des ordres, de votre ordre, par
exemple, dans ce forum? Est-ce que vous voyez une position là-dedans? Comment
vous voyez ça?
M. Leclerc (Denis) : Vous posez la
question, M. le ministre, à savoir en lien... en soutien au forum ou en
participation au forum?
M. Carmant : Bien, comment vous
voyez ça de votre côté? Est-ce que c'est du soutien? Est-ce que c'est de la
participation? Nous, on est ouverts à vos suggestions.
• (12 heures) •
M. Leclerc (Denis) : Écoutez, je
pense que c'est important de bien intégrer, dans le fond, le rôle des
différents acteurs. Et les ordres professionnels, nous sommes trois ordres
professionnels, principalement, qui avons l'activité...
dont nos membres sont autorisés à faire l'activité réservée d'évaluer au niveau
de la DPJ. Donc, à ce titre-là, on devient, un, d'une certaine manière,
des incontournables, mais, par le fait même, des collaborateurs importants. Et
évidemment, notre collaboration, on souhaite la mettre de l'avant tout le
temps. Donc, est-ce que... On parlait tout à l'heure de la diffusion des
données probantes et on parlait de la meilleure manière de mettre de l'avant
les meilleures pratiques. Bien, à ce moment... à ce niveau-là, évidemment, les
ordres sont là.
Ensuite de ça, c'est tout l'encadrement qui est
une responsabilité, j'aurais tendance à dire, partagée, hein? Vous savez, le milieu... les DPJ elles-mêmes
encadrent leurs intervenants, la structure, les établissements, mais les
ordres encadrent également, hein, au niveau d'exigences de formation continue,
au niveau d'inspection, au niveau de diffuser
des guides de pratique, et ainsi de suite. Et je pense que c'est important que
les participants de la commission, notamment, sachent que les trois
ordres concernés, principaux, principalement les travailleurs sociaux que vous
avez rencontrés tout à l'heure et les
criminologues que vous rencontrerez, bien, on est souvent en grande... en
collaboration pour s'assurer également
d'avoir le plus possible une cohérence dans la manière dont on avance nos
positions, là, respectives.
M. Carmant : D'accord. Puis surtout
mon point, c'était aussi de voir comment diffuser de l'information le plus
largement possible aussi. Tu sais, oui, il y a la protection de la jeunesse,
mais, comme vous l'avez si bien dit, il y a tous les autres services qui sont
en appui pour les enfants.
M. Leclerc (Denis) : Bien, tout à
fait, M. le ministre, hein? Vous savez, puis on a souvent échangé, on met
souvent de l'avant, puis on l'a mis très, très clairement de l'avant, nous,
dans notre mémoire mais aussi dans le mémoire pour la commission Laurent,
l'importance que l'ensemble des acteurs soient partie prenante pour éviter que
la DPJ soit, dans le fond, un peu à l'image, là, de l'urgence qui reçoit
beaucoup trop de problèmes qui ne relèvent pas de son expertise, et également
l'importance de collaborer avec ces ressources-là tout au long du processus,
avec toute la prudence nécessaire, évidemment.
M. Carmant : Un point que vous avez
soulevé, une recommandation, la recommandation n° 6,
était sur la mesure de l'efficience des
services. C'est une question sur laquelle je me pose toutes sortes de
questions. Et auriez-vous une façon... Quels seraient les critères, selon
vous, qui devraient être mis de l'avant pour mesurer la qualité des services?
On mesure trop souvent la quantité des services, malheureusement, avec nos
indicateurs. Quelles seraient, selon vous, des mesures de qualité des services?
M. Leclerc (Denis) : Évidemment, ce
n'est pas une réponse qui est simple, hein? C'est beaucoup plus facile d'avoir
des évaluations quantitatives que qualitatives, on en convient tous. Et, à ce
titre-là, on peut convenir que, pour les
établissements, ce n'est pas simple de le faire. Ceci dit, en parallèle à cela,
il y a des guides de pratique, il y a des données probantes qui sont
mises de l'avant, il y a des façons dont les professionnels donnent des
services basés sur différentes orientations, là, cliniques, qui sont solides,
et tout ça n'est jamais évalué ou évalué de façon souvent un peu... très, très
proximale, supposons une évaluation annuelle avec le supérieur, et ainsi de
suite. Mais ce n'est pas mis en place dans les établissements.
Donc, on met en place des orientations sur des
données probantes, et tout ça, puis, en bout de ligne, c'est comme si on se
croise les doigts en espérant qu'elles vont être appliquées, mais ce qu'on
mesure, c'est strictement le rendement, puis, lui, bien, souvent... On va tous
convenir que, des fois, le rendement, il va nuire à... il va aller à
l'encontre, dans le fond, d'une intervention basée sur des données
excessivement rigides, parce que peut-être que ça peut prendre plus de temps,
ça demande une cueillette de données plus large, et ainsi de suite. Donc, des
fois, le rendement, il est un petit peu... il va à l'encontre, en tout cas,
donc, de l'information que ça nous prend. On n'est pas contre, évidemment, il
n'y a personne qui peut être contre l'idée d'avoir également quelque chose, là,
qui encadre une efficience, quand même, dans
un établissement, mais on déplore ça. Puis je pense que là-dessus... vous
souligniez tout à l'heure la collaboration puis la
contribution des ordres, je pense que, sur ces choses-là, les ordres peuvent
être grandement contributifs pour établir des modes d'évaluation qui seraient
un petit peu plus proches ou qui tiendraient compte davantage, un peu, de
données qualitatives et non uniquement quantitatives.
M. Carmant : O.K. Un point un peu
plus sensible, je sens, dans votre discours, tout comme... un peu comme les
travailleurs sociaux, une certaine hésitation, je dirais, peut-être, avec le
partage d'information. Tu sais, vous finissez en concluant que le partage
d'information entre membres d'ordres... Je pense que Mme Laurent avait une
vision puis les commissaires avaient une vision beaucoup plus large du partage
d'information. Je pense que le projet de loi décrit quand même bien, des deux
côtés, qu'on va chercher le plus d'information possible, on permet à des gens
d'en fournir le plus possible. Est-ce que je me trompe ou... Comment voyez-vous
le partage d'information?
M. Leclerc (Denis) : En fait, nous
sommes... D'entrée de jeu, là, nous rejoignons tout à fait l'orientation de
Mme Laurent là-dessus, et j'espère... Merci de me donner l'occasion de
bien clarifier. Dans un premier temps, le partage d'information vers la DPJ
était déjà important, puis on considère qu'il demeure et doit le demeurer.
Ensuite de ça, on pense qu'il doit également y avoir la possibilité de partager
l'information dans l'autre direction. On ne parle pas de bidirectionnel parce
qu'on est très conscients que ce n'est pas le même niveau d'échange, mais dans
la direction des... quand c'est dans
l'intérêt de l'enfant, on pense que c'est important de pouvoir aller vers les
partenaires. Vous avez vous-même, M. le ministre, lors de votre allocution de
lancement de la loi, parlé, entre autres, de l'importance de partager...
l'enfant avec une famille d'accueil, supposons, des choses comme ça, et on
souscrit tout à fait à cela. Ceci dit, on sait qu'il y a souvent une grande
hésitation de la part des intervenants de la DPJ, à dire : Oui, mais les
informations sont tellement confidentielles qu'on n'ose pas les partager, on ne
sait pas comment ça va se promener, est-ce que ça va se promener... prenons en
milieu scolaire, est-ce que ça va se promener d'une classe à l'autre, et ainsi
de suite? Donc, il y a une hésitation sur la dimension très, très sensible de
certaines informations.
Ce qu'on dit, c'est qu'à ce moment-là il peut y
avoir une gradation et que ce qu'on met de l'avant, c'est l'idée que certaines informations qui... d'un
côté, on considère qu'elles seraient utiles, mais, d'un autre côté, elles
sont très sensibles, et ça pourrait nous
amener à ne pas vouloir le faire, bien, on puisse le faire mais à la direction
ou à l'intention d'un membre d'un
ordre professionnel qui est encadré par un code de déontologie, par un
encadrement des ordres, et qui a une rigueur obligatoire, par sa
fonction et par le fait de faire partie d'un ordre, sur le respect de la
confidentialité et du secret professionnel.
Donc, à ce titre-là, on a d'ailleurs reconnu
dans l'autre sens puisque qu'on dit même : Même avec le secret
professionnel qui est important, on peut des fois partager vers la DPJ, mais
aussi utilisons ce secret professionnel là également dans d'autres directions
lorsqu'on n'est pas tout à fait à l'aise de partager parce que c'est très
sensible, mais on pense que ça pourrait être pertinent. Donc, faisons confiance
dans nos partenaires membres d'ordres, qui peuvent être des psychoéducateurs,
des travailleurs sociaux, des psychologues, ou autres.
M. Carmant : Parfait, c'est... merci
de la clarification. M. le Président, je passerais la parole à ma collègue
députée de Roberval si... avec votre consentement.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. 1 min 30 s.
Mme Guillemette : Merci, M. le
ministre. Donc, bien, je suis contente de la clarification de la question, parce qu'on sait que, dans les équipes au niveau
du SIPPE dans les CLSC, il n'y a pas que des psychoéducateurs, il y a
également des éducateurs spécialisés qui font partie de ces équipes-là, qui ont
des suivis à faire et qui ne font pas partie d'ordres, qui n'ont pas d'ordre.
Donc, il y aura un enjeu à ce niveau-là dans le partage d'information. Et ce
que je voudrais savoir... La recommandation 11, vous dites de «mettre en
place des mesures pour éliminer les obstacles freinant l'accès aux services des
CLSC par les parents». Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur les obstacles
qui peuvent être... qui peuvent avoir préséance.
Mme
St-Gérard (Rose) :
Malheureusement, ce n'est pas notre recommandation. C'est... on a
10 recommandations, mais on peut...
Mme Guillemette : Bien, parfait.
Donc... mais... bien, on va continuer sur l'ordre. Donc, vous voyez ça...
M. Leclerc
(Denis) : Madame, ce que je
réalise, excusez, c'est que vous avez fait référence à une
recommandation que nous avions pour la commission Laurent et non pour le projet
de loi.
Mme Guillemette : D'accord.
Mme St-Gérard (Rose) : Désolée.
Mme Guillemette : S'il me reste
encore du temps, j'aimerais vous entendre : Comment vous voyez la relation
avec les équipes SIPPE, ceux qui n'ont pas d'ordre, et les ordres
professionnels? Comment on marie ça et on le
fait correctement, là, en protégeant l'enfant mais en donnant assez
d'information aux personnes qui ont à intervenir?
• (12 h 10) •
M. Leclerc
(Denis) : Vous savez, tout membre d'ordre professionnel est habitué de
travailler avec des membres d'une équipe multidisciplinaire. Parfois, ce sont
d'autres membres d'autres ordres professionnels ou du même ordre. Et souvent, évidemment, puis vous avez nommé les techniciens
en éducation spécialisée, supposons, bien, ce sont des intervenants qui ne sont pas membres d'ordres
professionnels. Et à l'intérieur de ces équipes-là, il y a beaucoup de
partage d'information dans les structures et dans les règles qui sont établies
dans chacun de ces établissements-là.
Nous, on ne nie pas ça, hein, on ne dit pas
qu'on ne peut pas partager d'information envers des gens qui ne sont pas ordre.
Notre vision n'est pas du tout, supposons, corporatiste ou quoi que ce soit.
L'idée, c'est simplement... je le répète comme je l'ai présenté au ministre,
c'est de dire : Parfois, la DPJ détient des informations où elle se dit :
Cette information-là est sensible, mais elle serait pertinente pour le milieu,
et, pour m'assurer que je ne la lance pas dans le vide, bon, bien, je le fais à
l'intention d'un professionnel qui aura le souci de maintenir cette
information-là, de la gérer de la meilleure manière possible, tout comme
l'intervenant lui-même le fait lorsqu'il a une personne qui vient dans son
bureau. Comme psychoéducateur en milieu scolaire, j'ai travaillé là, bien, je
ne partageais pas tout ce que j'avais comme
information, mais je pouvais décider de ce qui se partageait. Donc, c'est un
peu cette responsabilité-là, mais ça n'enlève pas la collaboration avec
les intervenants qui ne sont pas membres d'ordres, absolument pas.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Mme Guillemette : Bien, je vous
remercie beaucoup.
Le
Président (M. Provençal)
: Nous allons poursuivre
cet échange avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui, merci, M. le
Président. Bienvenue. D'ailleurs, je vais poursuivre sur cette question.
Lorsque la vie, et la sécurité, d'un enfant est en danger... Moi, j'ai siégé
puis j'ai une collègue ici qui a siégé sur la Commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs, et d'ailleurs la commission Laurent en
parle, parce qu'il y a des endroits communs d'intérêt, et la police nous disait
qu'ils n'avaient pas accès à l'information qui était cruciale pour pouvoir
intervenir. Donc, est-ce qu'on... Pensez-vous... Bon, cette notion de vie en
danger ou sécurité physique, dans votre domaine d'accès... Puis je comprends
très, très bien vos précautions, je comprends très, très bien, vous l'avez bien
expliqué, et que, dans la vie, normalement les ordres professionnels peuvent se
partager ces informations sensibles, mais la police, non, actuellement, d'après
ce qu'ils nous ont dit, puis plusieurs corps de police nous l'ont dit. Et, dans
la protection de la jeunesse, on a des fugueuses, elles sont dans des centres,
elles sont très à risque, et les policiers ont besoin d'information. Est-ce que
vous avez une perspective sur ces enjeux-là? Est-ce que ça prend une
qualification interne, pas dans la loi nécessairement, mais une compréhension?
Parce que les intervenantes, évidemment,
n'avaient pas le droit de partager de l'information, alors ça les freinait dans
leurs efforts. Alors donc, cette disposition est bien reçue, cette
recommandation est très bien reçue par ce milieu-là. Est-ce que vous avez des
commentaires de précaution, je ne sais pas, avec votre expertise, comme vous
avez dans les autres domaines? C'est-à-dire que vous recommandez de
professionnel à professionnel, mais, dans ce domaine qui est particulier,
avez-vous des recommandations?
M. Leclerc (Denis) : Votre question
me permet de ramener, encore une fois, une précision. Notre orientation
principale et de base, c'est d'abord de dire que nous sommes favorables à ce
qu'il y ait davantage de partage d'information et que ça se fasse dans
l'intérêt de l'enfant, évidemment, d'abord et avant tout. Donc, quand vous nous
parlez... quand vous situez un élément où la vie de l'enfant... ou des éléments
de sécurité, pour nous, c'est assez clair qu'on est dans la situation de
l'intérêt de l'enfant, et je pense que, dans un tel cas, il ne devrait pas y
avoir trop d'hésitations.
Ensuite de ça, ce qu'on s'est dit, c'est :
il faut juste le deuxième niveau, c'est comme de dire... On a deux questions à
se poser : Est-ce que ce serait dans l'intérêt de l'enfant que ce soit
partagé, d'abord? Et, de deux, est-ce que c'est très sensible, donc il faut
faire attention dans la manière de le partager? Parce qu'on pourrait avoir une
information relativement banale mais qui est dans l'intérêt de l'enfant, et on
est très à l'aise de la partager, et la DPJ, souvent, le faisait déjà, alors
que, d'autres fois, ça peut être très sensible.
Dans ce deuxième niveau là, nous, on a amené la
notion de membre d'ordre, mais on peut amener d'autres notions. Moi, je ne suis
pas très familier avec le monde policier, mais je sais très bien que les
policiers ont à composer quotidiennement avec des informations sensibles qu'ils
ne partagent pas de façon élargie. Alors, c'est un autre type d'encadrement,
mais, dans le fond, c'est simplement... Nous, on se dit : Quand il y a des
informations qui sont sensibles, on s'assure d'à qui on les donne. Et moi, je
pense qu'on est bien placé, nous, comme ordre professionnel, à soulever que
le... de le partager avec un membre d'ordre. On dit : Nous, là, on encadre
ces gens-là puis on est confiants qu'ils vont bien utiliser cette
information-là, mais les policiers pourraient répondre la même chose, et moi,
je n'aurais pas d'objection. Ce n'est pas une question d'exclusivité. C'est par
rapport à notre expertise et à nos membres, on dit : Ces gens-là peuvent
recevoir des informations confidentielles et bien les gérer.
Mme Weil : C'est très bien, ce que
vous dites, d'ailleurs, parce qu'une porte est ouverte maintenant avec le
projet de loi, une fois que ce sera adopté, mais ce que vous dites, il y a des
genres de mises en garde, donc la DPJ, une formation, etc. Parce que, pour
l'instant, c'est non, c'est non, mais là ils vont... et à l'interne... je
regarde la directrice nationale, donc, justement, les bonnes pratiques,
qu'est-ce qu'il faudrait instituer, donc. Bien, merci pour cette question. Ma
collègue, je pense... Il reste combien de minutes?
Le Président (M.
Provençal)
: Cinq minutes, madame.
Mme Weil : O.K. J'aurai une autre
question rapide puis... Bien, c'est... Vous mentionnez, puis j'ai posé la
question à ceux qui sont venus avant vous, les familles d'accueil, que peu est
dit sur les familles d'accueil dans le projet de loi : «...à notre avis,
devraient occuper une place plus marquée», parce qu'elles jouent un rôle
important. Peut-être vous entendre sur cette question.
M. Leclerc (Denis) : Bien, on
considère que les familles d'accueil sont souvent perçues, puis ma collègue
pourra peut-être compléter... sont souvent perçues comme étant un peu des intervenants
parallèles au système. Pourtant, elles sont excessivement intégrées. Et
souvent, bon, le ministre l'avait souligné, j'en ai fait référence tout à
l'heure, que souvent ils ne reçoivent pas l'information qui pourrait leur être
utile pour bien accompagner l'enfant qui leur est confié. Mais c'est aussi... à
travers tout ça, on pense qu'il devrait y avoir... mais on ne s'est pas autant
arrêté sur la manière d'écrire sur le plan légal la chose, mais on trouve
qu'elles sont encore une fois établies quasiment par politesse et un peu en
parallèle plutôt que d'être intégrées dans l'ensemble du système. Rose a
peut-être un complément d'information à apporter là-dessus.
Mme St-Gérard (Rose) : Bien, en
effet, pour nous, il nous apparaît comme d'une grande importance qu'on mette de
l'avant, avec le projet de loi n° 15, l'importance de
la mobilisation, la concertation et la collaboration entre les ressources, de reconnaître aussi les
ressources de type familial ou les familles d'accueil de proximité, qui
établissent des liens significatifs avec les enfants et, dans le continuum de
services, ont une valeur ajoutée à la stabilisation de l'enfant qui est en
situation de compromission. Donc, pour nous, c'est très important d'en tenir
compte.
Mme Weil : Très bien, merci
beaucoup. Avec votre permission...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
à vous la parole.
Mme Robitaille : Combien de minutes,
M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: 3 min 30 s.
Mme Robitaille : Parfait. Bonjour,
merci. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je voulais vous parler de comment bonifier la loi pour adapter les services
aux communautés ethnoculturelles. Moi, je suis la députée de
Bourassa-Sauvé, c'est Montréal-Nord. La grande... bien, la majorité de nos
citoyens maintenant sont issus de l'immigration. Beaucoup de nos citoyens font
partie de minorités visibles. Et, quand on lit le rapport Laurent, on constate
que les enfants noirs sont plus susceptibles de se retrouver en protection de
la jeunesse que d'autres enfants. Alors, moi, je voulais vous entendre
là-dessus.
Vous parliez tout à l'heure de responsabilité
partagée. Vous disiez que le rôle n'était pas seulement à la DPJ, on l'a dit,
le ministre l'a dit, on l'a tous dit. Mais vous, comment vous voyez cette
problématique-là? Comment vous pensez qu'on peut mieux aider les communautés
noires, défavorisées, de lieux comme mon comté, par exemple, à faire face à
tous ces enjeux-là? Et vous, comme Ordre des psychoéducateurs, comment vous
pensez que vous pouvez jouer un rôle là-dedans?
M. Leclerc (Denis) : L'enjeu que
vous soulevez est excessivement pertinent et important, évidemment. Nous ne
pensons pas, ceci dit, que c'est nécessairement un changement dans la loi.
Donc, on est plus dans les éléments de pratique. Donc, à ce moment-là, c'est de
s'assurer que les bonnes pratiques se font et qu'elles tiennent compte
également de ces diversités culturelles, ethnoculturelles, et autres. Donc, je
pense que ça, c'est un élément.
Donc, tout à l'heure, on parlait de formation,
bien, alors, pour nous, de bien former les intervenants à ces dimensions-là, de
bien accompagner, de donner des lignes directrices qui, oui, sont universelles,
mais parfois elles sont ajustées aux réalités autant ethnoculturelles que
territoriales, hein? Le président de l'Ordre des travailleurs sociaux, avant
moi, soulignait les différences entre intervenir à Montréal, intervenir sur la Basse-Côte-Nord,
ou aux Îles-de-la-Madeleine, ou autres, bien, c'est un peu aussi des éléments.
Donc, tous ces éléments-là en font partie.
Mais je reconnais tout à fait que, par rapport à
certaines communautés, vous avez parlé des communautés noires, notamment, bien, il y a des questionnements qu'on doit avoir,
hein, sur peut-être certaines réalités qui sont moins bien adaptées dans
nos pratiques. Mais je répète que je ne pense pas que la loi, pour autant,
doive être changée pour répondre à cette
dimension-là. En tout cas, on n'a pas vu d'élément dans la loi qui nécessitait
peut-être un ajustement.
• (12 h 20) •
Mme
Robitaille : Donc, bien, je
vois... Donc, une meilleure formation, une meilleure communication, j'imagine, avec les parents, avec les gens de ces familles-là. Parce que la
communication, souvent, elle ne passe simplement pas.
M. Leclerc (Denis) : Bien, tout à
fait, là, on est davantage dans l'ordre des pratiques, des bonnes pratiques,
puis également de ne pas écarter le souci qui est à la base de votre question,
à savoir est-ce que, justement, il y a des réalités auxquelles on devrait
se pencher, puis ne pas se dire : Bien, non, non, la loi, c'est la même
pour tout le monde, puis on l'applique de la même manière. Mais une fois
qu'on... La loi est la même, mais, après ça, il y a des façons de travailler
les choses, de travailler avec les communautés, d'échanger. Vous avez parlé de
la question de la langue. Bien, parfois, les parents ne
parlent même pas ni l'anglais ni le français. Alors, à ce moment-là, c'est des
réalités que les intervenants sur le terrain, de toute façon, ils doivent
ajuster. Mais on peut aller un peu plus loin que juste dire : Bon, bien là, on va trouver un traducteur. Mais
qu'est-ce qu'il y a en arrière de tout cela? Je pense qu'il y a des réflexions
importantes. Je ne prétends pas que ce n'est pas fait, mais je souscris, comme
vous, que je pense qu'il y a encore du travail à faire pour aller un peu plus
loin.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. J'invite le député de Jean-Lesage à poursuivre cet
échange.
M. Zanetti : Merci beaucoup. Sur la
question de la confidentialité, là, j'entends votre assentiment à dire :
Il faut favoriser le partage d'information.
Vous dites... Vous donnez deux critères : quand c'est dans l'intérêt de
l'enfant et que ce n'est pas du contenu trop
sensible, là, ce que j'ai compris. Pouvez-vous imaginer une situation
dans laquelle le partage d'information irait trop loin? Quelle serait la limite
à ne pas franchir, selon vous?
M. Leclerc (Denis) : Bien, en fait,
j'essaie de trouver une image, mais, pour moi, c'est qu'il est difficile
d'avoir un cas précis où la dimension va trop loin, dans la mesure où
pratiquement toute information peut être pertinente, en autant que c'est dans
l'intérêt de l'enfant de la transmettre. Il a été dit... Puis je vais donner
une image parce qu'elle me semble forte également, mais elle ne touche pas,
justement... c'est plus facile, en plus, parce qu'elle ne touche pas nécessairement
le travail d'un professionnel : un enfant en bas âge qui est placé parce
qu'il y a eu des abus sexuels, puis je me souviens que la responsable des
familles d'accueil disait : Le parent de famille d'accueil ne le sait pas,
et, quand il arrive à la maison puis qu'il lui donne un bain, bien, vous comprenez
qu'il ne comprenne pas la réaction de l'enfant, alors que l'enfant est là
justement parce que ces situations-là étaient des situations d'abus. Donc,
c'est une information excessivement sensible, celle d'un abus sexuel, qui ne
doit pas être partagée sans prudence, mais, dans ce cas-là, ne pas la partager
peut créer un préjudice.
Alors, c'est toujours faire cet équilibre-là
entre le partage de l'information et comment... l'importance par rapport à
l'intérêt de l'enfant, et comment la partager, et donc à qui la partager. Donc,
ce qu'on dit, c'est : Quand on arrive avec des informations sensibles...
Puis, dans ce cas-là, il n'y a pas de membre d'ordre professionnel, c'est une
personne d'une famille d'accueil. Mais, si on arrivait dans une école, où il y
a une multitude d'intervenants, qu'on se disait : Il y a une information
qui est sensible, qui pourrait être pertinente, mais on ne veut pas qu'elle se
promène partout au niveau de l'école, bien là, on peut interpeler un
intervenant membre d'un ordre professionnel, et ça nous donne une manière de
pouvoir le faire avec prudence.
Donc, c'est toujours... Je ramène à dire :
Quand vous me demandez un exemple, bien, c'est plus, toujours, jauger les deux
éléments. Puis il n'y a peut-être pas tant d'informations qui ne peuvent jamais
être partagées, mais il faut être prudent quand même.
M. Zanetti : Je reposerais ma
question mais autrement. Dans le fond, tout le dilemme que pose cet enjeu-là,
c'est : À quoi sert, finalement, la confidentialité dans le cas d'une
relation d'aide avec un enfant?
M. Leclerc (Denis) : D'abord, la
confidentialité, c'est un principe qui est très fort pour tout membre d'ordre
professionnel. Les informations qu'on a sont confidentielles, et, à ce
titre-là, bien, on doit les respecter. Mais, dans le cas qui nous occupe, bien,
c'est de se dire : L'enfant, actuellement, vit une situation, il y a une
situation importante. Est-ce que les intervenants, pour continuer à aider cet
enfant-là, devraient savoir cette information-là? Un enfant qui vit une
situation où la DPJ est entrée chez eux, il y a eu peut-être le placement d'une
petite soeur, mais pas lui, le père a été arrêté dans ce cadre-là, bon,
j'improvise, je m'en excuse, bien, est-ce que l'école ne devrait pas savoir
qu'il se vit quelque chose d'important à la maison en lien avec une
intervention de la DPJ? Probable. Puis même, dans les conditions actuelles, ils
le sauraient, mais c'est... L'idée est de dire : Qu'est-ce qui est
important pour aider cet enfant-là dans la continuité de son vécu puis en
continuité de l'intervention de la DPJ? La DPJ a tout intérêt à ce qu'on
puisse... malgré l'intervention qui est excessivement perturbante pour un
enfant, bien, elle a tout intérêt à faire en sorte que les intervenants qui
sont autour de cet enfant-là puissent continuer à intervenir en accord et en...
pour soutenir cet enfant-là, entre autres dans toute sa détresse, au moment où
l'intervention se fait. Donc, il y a toute une collaboration qui peut aider
autant la DPJ que l'enfant et le milieu.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Zanetti : Je vous remercie.
Le
Président (M. Provençal)
: Nous allons terminer
cette période d'échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président.
Donc, je veux revenir sur la discussion que les collègues ont eue sur les réalités régionales. Vous voyez les
statistiques tout comme moi, il y a des communautés qui sont surreprésentées, il y a des jeunes, dans des
régions du Québec, qui sont surreprésentés à la DPJ. Bref,
statistiquement, on sait que, dans certaines communautés ou dans certaines
régions du Québec, il y a des enfants qui sont plus à risque que d'autres.
Et je comprends, dans la discussion qui a eu
lieu tout à l'heure, que c'est peut-être difficile d'inscrire dans la loi des
dispositions menant à aplanir ces disparités-là, mais est-ce que vous seriez
d'avis... Parce que le ministre en a fait
mention tout à l'heure, il y a un nouveau préambule qui apparaît à l'intérieur
même du projet de loi, on pourrait faire cette
distinction-là au nom du bien-être de l'enfant. Je m'explique. Considérant que
les enfants peuvent vivre des situations
socioéconomiques différentes, ou ont des réalités sociosanitaires différentes,
ou vivent dans des régions qui ont des
indices de dévitalisation différents, est-ce que ça pourrait donner une
indication au gouvernement de mettre des efforts supplémentaires, justement, pour assurer que les services, et les
moyens, et les ressources soient disponibles là où on en a besoin, dans des régions criantes, ou dans des
secteurs, ou dans des communautés qui, malheureusement, sont surreprésentées?
M. Leclerc (Denis) : Vous le
soulevez pour l'inclure dans le préambule, et, à ce titre-là, bon, pour être
honnête, on ne s'est pas arrêtés à ça, mais je trouve que l'idée peut être
intéressante, dans le même ordre d'idées qu'il y a eu quand même des mesures
par rapport aux autochtones. Mais, dans le préambule et en amont des mesures
pour les autochtones, bien, on dit que l'intervention doit se faire en tenant
compte des facteurs historiques, sociaux, culturels
qui distinguent les jeunes des communautés autochtones, mais on pourrait avoir
ce même souci-là de manière... en
préambule pour tenir compte, de façon générale, des particularités régionales
et ethnoculturelles des communautés avec
lesquelles on travaille. Tout à fait. Peut-être, j'inviterais Rose, qui, elle,
a travaillé beaucoup avec les communautés autochtones mais qui connaît
bien également l'ensemble de l'intervention, à compléter la question plus
précise.
Mme St-Gérard (Rose) : Oui, en
effet, comme, votre préoccupation, elle est intéressante, que de l'inclure dans
le préambule, mais déjà le préambule faisait mention des déterminants qui sont
importants par rapport à la primauté de
l'enfant. Donc, quand on est en train d'analyser la primauté de l'intérêt de
l'enfant, il faut nécessairement prendre en facteur ces facteurs
socioculturels qui le déterminent, et cette analyse doit faire une intervention
beaucoup plus ciblée et complète qui va répondre aux besoins de l'enfant. Donc,
effectivement, dans le préambule, il y avait déjà
des belles choses qui ont été statuées. D'aller plus loin par rapport à vos
recommandations, ça serait certainement aidant pour des enfants qui
vivent dans des conditions complètement différentes des grands centres. Ça
serait un ajout qui serait intéressant, et ça va dans le même sens que nous, on
a nommé, dans le mémoire, par rapport à la primauté de l'intérêt de l'enfant
qui en fait partie.
M. Ouellet : Rapidement, je voudrais
revenir sur les dispositions sur le partage d'information qui ne sont, à votre
avis, pas suffisamment claires. Est-ce qu'on devrait effectivement clarifier?
Parce que, tout le long des choses qu'on a entendues lors de la commission, les
gens nous disaient : Bon, la DPJ faisait ce qu'elle pouvait ou intervenait
en fonction d'un cadre qui n'était pas clair. Là, on a l'opportunité de
l'éclaircir pour donner un guide le plus clair possible, pour que ce soit au
bénéfice de l'enfant. Plusieurs spécialistes viennent nous dire : Bien, ça
va être au jugement du professionnel si cette information-là devrait être
transmise ou pas. Il y a encore... à mon avis, il y a encore une grande part,
trop grande part d'interprétation sur la qualité de l'information à transmettre
ou du moins sa confidentialité. Ne
devrait-on pas, comme législateurs, clarifier des détails et des
caractéristiques qui fait que ce genre d'information,
de façon très précise, devrait être transmis à l'ensemble des intervenants pour
favoriser le bien-être de l'enfant?
• (12 h 30) •
M. Leclerc
(Denis) : Bien, ça va un
petit peu... ça va dans le sens, effectivement, de ce que... Oh! il y a un
écho. Ça va dans le sens de ce qu'on a effectivement établi, mis de l'avant,
c'est-à-dire l'importance de... — excusez, j'ai été distrait — l'importance,
effectivement, de bien établir cette transmission. Et on pense que... Vous
savez, même dans l'ancienne loi, on pouvait retrouver certains éléments ou une
formulation qui disait : Quand on juge que c'est absolument important, on
peut le transmettre, mais c'était très, très timide et ça ne se traduisait pas.
On va un peu plus loin dans la formulation, mais on pense qu'on devrait être un
peu plus clair. On ne s'est pas arrêté sur la manière de le formuler, mais on
convient, comme vous, que ce n'est peut-être pas suffisamment clair. Mais, en
même temps, je comprends la réticence des intervenants de DPJ qui disent :
Nous, on a des informations très, très confidentielles et on veut éviter que ça
tombe dans une image de voyeurisme, hein, de tout savoir, et tout ça. Ce n'est
pas nécessaire que tout le monde le sache, évidemment, et ce n'est pas toute
information qui est pertinente. Alors, il faut jauger ça. Et on soumet, là,
bien humblement, là, l'idée d'essayer d'aller un petit peu plus loin, mais on
se fie peut-être au travail des législateurs de trouver les bonnes
formulations.
Mais, je
conclus avec ça, l'idée est plutôt d'amener une culture où les... on ne fait
pas juste partager parce que ça sert
l'intérêt de l'enfant, oui, mais de la DPJ, mais également parce que ce sont
des partenaires importants, puis on peut travailler en collaboration. Et c'est cette culture-là qui est peut-être
moins présente historiquement. J'ai été professionnel dans les milieux, j'ai fait des signalements, et
on dirait que ça pouvait faire trois ans que je travaillais avec un jeune,
et, au moment où je fais le signalement, je suis éclipsé complètement du suivi
de ce qui se passe par rapport à ce jeune-là. Pourtant, je pense que je
pouvais, à ce moment-là, continuer à être un collaborateur et continuer à être
important pour le jeune. Et parfois c'est le jeune lui-même qui me ramenait
l'information que la DPJ ne m'avait pas transmise.
Alors, vous voyez un peu, c'est des situations
comme celles-là qu'on pense qu'en bout de ligne, cette culture-là de travailler
en silo, on doit essayer de passer à autre chose.
M. Ouellet : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie Mme St-Gérard et M. Leclerc pour
leur participation et leur contribution à nos travaux.
La commission suspend les travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 15 h 30)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, on va reprendre nos travaux.
Bienvenue à la Commission de la santé et des
services sociaux. La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la
protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons les personnes et
groupes suivants : l'Alliance du personnel professionnel et technique de
la santé et des services sociaux du Québec, M. Jean-Pierre Hotte, l'Assemblée
des premières nations Québec, Labrador et le bureau du Québec.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé
et des services sociaux. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
présenter votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres
de la commission. Alors, je vous cède immédiatement la parole. Merci de votre
présence.
Alliance du personnel
professionnel et technique
de la santé et des services sociaux (APTS)
M. Garceau (Steve) : M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir
aujourd'hui. Permettez-moi, tout d'abord, de vous présenter celui qui
m'accompagne, Maxime Vallée-Landry, coordonnateur au secteur de l'organisation
du travail à l'APTS.
L'APTS est une organisation syndicale qui
représente plus de 60 000 professionnelles et techniciennes qui pratiquent dans le réseau pour plus d'une centaine
de titres d'emploi. Parmi ces 60 000 membres, l'APTS compte
une très grande majorité du personnel des
services en protection de la jeunesse, soit quelque
10 000 intervenants, notre organisation à donc une
compréhension fine des services jeunesse et des défis auxquels font face les
jeunes qui en bénéficient.
Pour ma part, je suis Steve Garceau et je suis
représentant national à l'APTS. J'ai travaillé pendant 12 ans en centre
jeunesse, neuf ans à titre de psychoéducateur, avec ce que ça représente
de fierté, mais aussi de déchirements. Personnellement... dans le milieu, on
est rendus à se dire qu'on va tous être confrontés à un drame majeur pendant
notre passage en protection de la jeunesse. Personnellement, j'ai vécu des
situations excessivement difficiles, voire indescriptibles. Et, chaque fois
qu'un drame comme celui de Granby arrive, c'est avec la même douleur que je
pense aux enfants, aux familles et aux personnes qui les accompagnent. Parmi
elles, il n'y en a pas une que je connaisse qui n'a pas cette mission à
coeur : sauver des enfants, c'est notre raison d'être.
D'emblée, je veux saluer l'initiative du
gouvernement de rouvrir la Loi sur la protection de la jeunesse et vous répéter
que l'APTS a reçu favorablement ce projet de loi. Je pense que nous partageons
tous ici une conviction, c'est que dorénavant le bien-être de nos enfants doit
primer. Des améliorations importantes en ce sens sont à noter. Nous saluons
notamment la mise en place de la représentation systématique des enfants par
avocat, l'amélioration des partages des renseignements ainsi que la
bonification du panier de services jeunesse.
Cependant, certains éléments ne sont pas encore
à la hauteur de nos ambitions collectives. À l'APTS, on croit qu'on peut aller
plus loin pour assurer le bien-être des jeunes de la province. Ça commence par
nous assurer de ne rien laisser échapper
dans la réécriture de cette loi sur laquelle on va se reposer pour protéger nos
enfants. Vous-même le disiez en
décembre dernier, M. Carmant, les articles 3 et 4 de la LPJ apportent
une certaine confusion sur le terrain, à savoir que les intervenantes
sont déchirées entre protéger l'enfant et le maintenir dans son milieu
familial. L'APTS considère que la
modification proposée dans le p. l. n° 15 ne dissipera pas ce
flou. Comme l'a réitéré Mme Laurent ce matin, c'est crucial que les
principes généraux de cette loi établissent clairement la primauté du bien-être
de l'enfant. C'est d'ailleurs l'objet de notre première recommandation, qui
empêche un glissement vers le retour d'un milieu familial à tout prix, et ce,
aux dépens de l'intérêt de l'enfant.
Aussi, l'article 76.2 est celui qui a
soulevé le plus d'inquiétudes de la part des intervenantes et procureurs
consultés. Son ajout prévoit en substance que toute demande pour une ordonnance
sur mesure d'urgence doit faire l'objet d'une signification aux parents, et ce,
24 heures à l'avance. Cela veut dire que l'entrée en vigueur d'une mesure
d'urgence visant, par exemple, à protéger un enfant qui risque de subir un abus
sexuel pourra être reportée par la cour. On
risque donc d'exposer l'enfant à des situations compromettantes pour sa
sécurité à cause de contraintes administratives. On propose donc de
retirer l'article 76.2 dans son intégralité ou, à défaut, d'ajouter un
alinéa à l'article 76.1 pour prévoir quelles nouvelles obligations vont
être effectuées dans la mesure du possible et selon les modalités pertinentes
dans le contexte. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de faire
courir des risques aussi graves aux enfants. M. le ministre, les enfants n'ont
pas le temps d'attendre.
Nous voulons aussi attirer votre attention sur
l'article 85.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui présume de
l'aptitude de l'enfant de 14 ans et moins à témoigner. En l'état, cet
article fait porter sur l'enfant le poids de sa propre protection en l'obligeant
à venir témoigner pour prouver qu'il en est incapable ou encore pour prouver que témoigner porte atteinte à sa sécurité ou à
son développement. Vous admettrez que c'est paradoxal. Vous comprendrez
donc notre surprise de constater qu'aucune modification n'est prévue dans le
projet de loi pour corriger le tir. Pour
déclarer un enfant inapte à témoigner, il faut qu'une des parties soulève un
doute quant à son inaptitude, puis que le tribunal lui-même procède à l'interrogatoire de l'enfant pour trancher
sur la question. Cela peut avoir des conséquences extrêmement graves
pour la santé psychologique de l'enfant, notamment en réactualisant son
traumatisme.
Même si les parties consentent de visu à
l'inaptitude de l'enfant à témoigner, aucune disposition ne permet de le
soustraire à l'interrogatoire par le tribunal. Il faut modifier la LPJ pour que
plus jamais des enfants en bas âge, victimes de sévices graves, ne se
retrouvent questionnés par un juge dans des conditions qui nuisent à leur santé
psychologique et émotionnelle. Heureusement, ces
situations peuvent être évitées en harmonisant les principes généraux du
témoignage prévus à la Loi sur la protection de la jeunesse à ceux au Code
civil. C'est d'ailleurs l'objet de notre troisième recommandation. Je ne vous
cache pas non plus que beaucoup d'intervenantes et de procureurs du DPJ se réjouiraient de voir un comité d'experts se
pencher sur la possibilité d'établir un âge minimal en deçà duquel les enfants sont automatiquement considérés inaptes à
témoigner. Voilà pour ce qui est du texte de loi à proprement parler.
Ceci dit, une loi reste à l'état de symbole tant
et aussi longtemps qu'elle n'est pas appliquée. En l'occurrence, ce travail
d'application va revenir en écrasante majorité au personnel en centre jeunesse
et particulièrement aux membres de l'APTS
qui travaillent à titre d'intervenantes. Mon rêve, et je sais que mon
organisation et mes confrères et consoeurs
le partagent, c'est qu'on sort tous d'ici avec cette même conviction que le
bien-être des enfants est indissociable de celui du réseau.
Alors, oui à plus d'accompagnement psychosocial.
Oui à des services offerts avec l'intensité requise. Oui à favoriser les
contacts de l'enfant avec les personnes qui lui sont chères. Oui à une
transition plus fluide vers l'âge adulte, et
on peut même en faire plus. Tous ces services sont indispensables, et les
personnes qui travaillent en protection de la jeunesse sont les
premières à se réjouir à l'idée de pouvoir donner ces services. En revanche,
ils et elles sont aussi catégoriques : le réseau, dans son état actuel,
n'est pas en mesure d'assurer des services supplémentaires.
M. le ministre, le plus gros du travail reste à
faire. Vous avez le devoir de rendre la LPJ effective. Pour ça, des
investissements conséquents et pérennes sont incontournables. Ne manquez pas,
s'il vous plaît, l'occasion qui se présente à vous de doter le Québec d'un
bouclier de protection budgétaire pour les services de protection de la
jeunesse. Confions annuellement le mandat à une entité indépendante de
déterminer les ressources nécessaires pour livrer des services jeunesse à la
hauteur de nos ambitions, par exemple le Vérificateur général. Confions à la directrice nationale de la protection de la
jeunesse celui de s'assurer que les DPJ régionaux aient accès à ces
sommes. Ayons l'audace et le courage au Québec de mettre un instant de côté les
allégeances politiques pour le bien-être des milliers d'enfants. C'est
maintenant ou jamais. Il en va de leur santé, de leur sécurité, voire de leur vie.
Je veux aussi vous rappeler les propos du
premier ministre lui-même, qui déclarait en octobre dernier que les personnes
les mieux placées pour connaître la meilleure façon de faire sont celles qui
travaillent sur le terrain. C'est particulièrement vrai lorsque vient le temps
de déterminer les mesures qui s'imposent pour assurer le bien-être de l'enfant.
Pourtant, des délais maximaux sont encore prévus pour les ententes sur les
mesures volontaires. Que se passe-t-il donc
quand les intervenantes considèrent qu'il faut prolonger ces ententes? Ils et
elles doivent s'en remettre aux tribunaux, ajoutant à la surcharge de
travail et à celle du palais de justice.
Profitons donc aussi de ce projet de loi pour
mettre les beaux principes en application et reconnaître une bonne fois pour
toutes l'expertise socioclinique des professionnels impliqués. En plus de leur
donner les moyens de nos ambitions, laissons-leur la latitude de faire leur
travail en collaboration avec les familles et les enfants. Retirer les délais
maximaux prévus à l'article 53 de la LPJ est un bon point de départ pour
le faire. Le bien-être des enfants est tout simplement inatteignable sans une
franche revalorisation et une considération accrue et systématique de
l'expertise des professionnels qui se donnent tous les jours pour assurer
l'épanouissement de nos jeunes.
Finalement, le bien-être de nos jeunes va passer
par un leadership fort, clairement défini et paritaire en matière de protection
de la jeunesse. L'APTS salue la création et l'institution, dans le projet de
loi, d'une directrice nationale de la protection de la jeunesse, mais la
structure proposée pour ce poste suscite énormément de questions, des questions
quant au partage des compétences entre la DNPJ et les ordres professionnels, des
inquiétudes sur les contours des pouvoirs de la DNPJ et sur son imputabilité,
des craintes quant à sa dépendance au ministère et à son positionnement non pas
comme une alliée des enfants et de ceux qui les accompagnent, mais comme une
énième instance de direction centralisée. Nous manquons malheureusement de
temps pour vous les exposer plus en détail, mais Maxime et moi serons heureux
de revenir là-dessus durant la période de questions.
Pour finir, j'aimerais rappeler que l'APTS a
toujours prôné que la clé pour améliorer les conditions des enfants au Québec
se trouvait en amont de la protection de la jeunesse. En ce sens, nous
maintenons que la priorité du gouvernement doit être de renforcer les services
de première ligne et de prévention. Parce qu'ultimement ce que nous visons tous
et toutes, c'est que la protection de la jeunesse, qui nous occupe aujourd'hui,
soit le tout dernier recours. Merci beaucoup.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. Garceau, pour votre exposé. Nous allons
débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, M. le ministre, je
vous cède la parole.
M. Carmant : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci, M. Garceau, M. Vallée-Landry, pour le mémoire et
puis pour votre présence ici aujourd'hui.
Allons-y avec le premier point. Alors, on parle
de renforcer la primauté et l'intérêt de l'enfant. Plusieurs nous ont dit de
renforcer le préambule, quand on parle d'une priorité versus la priorité, mais
vous, dans votre mémoire, vous parlez surtout de modifier l'article 4 en y
retirant la dernière phrase, qui est... bien, je peux vous la lire, là :
«Le maintien de l'enfant dans son milieu familial doit être privilégié, à
condition qu'il soit dans l'intérêt de cet enfant.» Donc, vous, vous pensez que
ce serait encore plus clair si on retirait cette phrase?
M. Garceau (Steve) : Merci, M. le
ministre, pour la question. Effectivement, c'est... votre compréhension est la
bonne. Nous, on croit que, dans le libellé actuel du projet de loi n° 15,
la confusion historique qui a été longtemps évoquée entre... et le déchirement
entre maintenir un enfant et essayer le retour de l'enfant dans un milieu
familial à tout prix va être encore là. Nous, ce qu'on propose, c'est de
retirer notamment la dernière phrase, comme vous l'avez
mentionné, mais aussi les mots et ce qui est marqué qu'il n'est... «s'il n'est
pas possible de maintenir l'enfant dans le milieu familial». De cette
façon-là... Puis on se comprend bien, là, c'est implicite. Nous, ce qu'on veut,
c'est qu'il y ait un seul critère qui prime, et c'est l'intérêt de l'enfant.
Nécessairement, si le retour de l'enfant dans le milieu familial est dans son
intérêt, on s'entend que la réflexion clinique juridique va s'entourer autour
de ça. Mais, pour nous, on pense qu'il faut encore plus être explicite dans le
projet de loi et maintenir le seul et unique critère qu'est l'intérêt de
l'enfant, puis dans lequel découlent évidemment la stabilité et la continuité
des liens.
M. Carmant : Parfait. C'est clair.
Aussi, une chose qui m'a surpris un peu, c'était que... la question de
l'aptitude des enfants plus jeunes à témoigner. C'est la première fois que j'en
entendais parler. Donc, j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus,
tu sais, de me montrer une situation où c'est... ça peut être préjudiciable au
bien-être de l'enfant. Puis est-ce que vous pensez que la mesure qu'on prend
que chaque enfant soit représenté par un avocat vient pallier à ça? Puis, tu
sais, vous dites que ça a l'air de quelque chose qui serait quasiment
souhaitable par plusieurs personnes qu'on mette une limite d'âge, mais c'est
vraiment la première fois que j'entends parler de ça. J'aimerais vous entendre
un petit peu plus sur ce sujet-là.
M. Garceau
(Steve) : Absolument. Merci,
M. le ministre, pour la question. Tout ça est issu aussi de
consultations, là, je tiens à le mentionner, de nos membres, des intervenantes,
mais aussi des juristes qui travaillent depuis plusieurs années à la protection
de la jeunesse. En fait, ce que la Loi sur la protection, à l'article 85,
prévoit, c'est que l'enfant doit absolument passer devant le tribunal pour
déclarer son inaptitude à témoigner. Ce qu'on a vu dans plusieurs districts du
Québec, c'est que les questions qui étaient adressées à l'enfant pour démontrer
son inaptitude pouvaient être, et pardonnez-moi le mot, un peu
insignifiantes : À quelle école vas-tu? Quelle est la couleur de ton
gilet? Alors, si l'enfant répond... a une bonne réponse là-dessus, on le déclare
apte à témoigner des sévices, des sévices graves, qu'il a vécus. Pour nous, c'est complètement contre l'intérêt de
l'enfant. On pense qu'il devrait y avoir non seulement un... On pourrait
avoir un consentement entre les parties pour déclarer l'enfant inapte à
témoigner puis on pourrait se rapprocher aussi davantage du Code civil, qui
prévoit déjà ce type... On le cite dans nos mémoires, les articles 2843,
par exemple, du Code civil et du Code de procédure civile. Si on se rapproche
de ça, on pense qu'on va atteindre un objectif de préserver les enfants des
témoignages qui peuvent raviver des traumatismes.
M. Carmant : D'accord. Puis est-ce
qu'il y a un âge ou c'est plutôt le statut neurologique, là, ou le... Quel est
le facteur, selon vous, là...
M. Garceau (Steve) : En fait,
l'essence de notre...
M. Carmant : ...qui détermine le
plus, là? Parce que je vois que les questions que vous posez sont un peu pour vérifier le niveau, le statut neurologique de
l'enfant, là. Mais quel est le critère, selon vous, là, qui importe le
plus?
M. Garceau (Steve) : Merci. Dans
notre mémoire, on a fait volontairement le choix de ne pas statuer sur un âge
parce qu'on ne considérait pas que nous avions l'expertise, comme organisation
syndicale, de déterminer un âge. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on entend
des fois six, sept ans, mais, tu sais, je ne veux pas m'avancer là-dessus. Nous, ce qu'on recommande vraiment, c'est un
comité d'experts qui pourrait se pencher sur la question pour le
déterminer, cet âge minimum là.
M. Carmant : D'accord. Là, je
comprends tout à fait. Recommandation n° 6, sur les
délais maximaux des ententes, la plupart des mémoires nous félicitent d'avoir
inclus cette clause-là. Vous, vous dites qu'on n'est pas allés assez loin.
Expliquez-moi, s'il vous plaît.
M. Garceau (Steve) : Merci. En fait,
là, on salue l'avancement. Tu sais, je veux quand même qu'on soit clairs, là,
on est favorables à un avancement entre deux et trois ans de mesures
volontaires. Par contre, on s'est retrouvés dans des situations où est-ce qu'on
était dans l'obligation de judiciariser des dossiers, alors qu'on arrivait
peut-être à terme, on aurait signé une autre mesure volontaire de peut-être six
mois ou un an supplémentaire à terme. Il y a aussi les délais des tribunaux où
est-ce qu'on encombre, à notre avis, le système judiciaire, en plus, des fois,
d'arriver avec des situations où est-ce qu'on va travailler... ça va venir
interrompre, ça va venir, c'est ça, interrompre un peu le lien de confiance, la
relation qu'on a travaillée avec les personnes, en mesures volontaires, avec
les usagers, dans lesquelles on dessert les services. Nous, ce qu'on se dit,
c'est que, s'il y a une collaboration, s'il y a une poursuite commune
d'objectifs entre le directeur de la protection de la jeunesse, les enfants et
les parents pour mettre fin à la situation de compromission, on doit absolument
envisager ce sens-là, en plus d'aider à alléger la charge de travail de nos
intervenantes, alléger la charge de travail de nos juristes, et de ne pas
imposer... Parce que, quand les intervenantes vont au tribunal, après deux ans
de mesures volontaires, il ne faut pas oublier qu'on doit faire l'ensemble de
la déclaration pour laquelle la sécurité, le développement est compromis, donc
de retourner dans toute l'antériorité de l'histoire, ce qui n'est pas
nécessairement plaisant pour les parents, les enfants, parce qu'on doit tout
raviver encore une fois certains événements du passé, qu'on avait peut-être
réussi à travailler, à mettre de côté et évoluer dans la dynamique clinique,
dans l'accompagnement.
Donc, pour
toutes ces raisons-là, nous, on pense qu'on a toute l'expertise nécessaire à
l'intérieur de la protection de la jeunesse pour évaluer la pertinence
ou non de soumettre un dossier au tribunal, une situation au tribunal.
M.
Carmant : D'accord, je comprends. Au niveau de la directrice
nationale, on a vraiment suivi les recommandations de la commission
Laurent. Pour eux, c'était important, même, je dirais, clé le rôle de
sous-ministre adjoint qui venait avec cette position-là. Vous, vous parlez
plutôt d'un rôle du type protecteur du citoyen. Qu'est-ce qui justifie votre
demande?
M. Garceau (Steve) : En fait, nous,
on croit vraiment qu'on doit avoir une entité indépendante qui va être une
grande vigie pour l'ensemble d'intérêts des enfants. On considère actuellement
que, dans sa forme, dans le projet de loi n° 15, la directrice nationale
de la protection de la jeunesse est un peu, je dirais, juge et partie, donc
elle va instaurer des directives cliniques, des normes de pratique, ces choses-là,
et, ensuite de ça, elle va se retrouver avec un pouvoir d'enquête pour venir... Tu sais, il y en a beaucoup, de pouvoirs
d'enquête. Il y a la CDPDJ, il y a le Protecteur du citoyen, il y a les
mécanismes de plainte internes, ces choses-là. Nous, on voyait vraiment, puis
c'est conformément au mémoire que nous avions déposé à la Commission spéciale
sur les droits de l'enfance et la protection de la jeunesse, vraiment une
entité complètement indépendante à tout appareil politique pour vraiment être le
porte-parole des enfants au Québec.
M. Carmant : Êtes-vous en train de
définir le commissaire?
M. Garceau (Steve) : Je vous
laisse...
M. Carmant : D'accord. Je termine.
Mais, parlant de ça, du commissaire, vous avez parlé également, là, de ce rôle
d'imputabilité puis de guichet. On a entendu récemment, là, des enjeux avec la
Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse. Êtes-vous inquiet
de ce que vous avez entendu récemment sur le terrain? Est-ce que c'est une
réalité?
• (15 h 50) •
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci,
M. le ministre. Bien, effectivement, on a une certaine crainte de qui va avoir
les pouvoirs et l'indépendance nécessaire pour faire ce type d'enquête là.
Donc, pour nous, on se pose la question comment et... Il n'y a aucune
indication, en fait, dans le projet de loi, sur comment cette... va être
capable de mettre ça en oeuvre, et, pour nous, ça amène beaucoup plus de
questions que de solutions pour l'instant.
Donc, on se demandait s'il n'y avait pas moyen
de le définir d'une façon beaucoup plus directe, à ce moment-là,
puisqu'actuellement ce qu'on a comme impression, c'est que la commission des
droits de la personne et de la jeunesse est en train de perdre des pouvoirs par
rapport à ça mais que ceux qui vont être donnés via les pouvoirs des commissions d'enquête à la directrice
nationale de la protection de la jeunesse ne seront pas utilisés dans le
même sens que c'était auparavant et non plus de la manière que c'était amené
dans le rapport de la commission Laurent, où on avait une entité strictement
indépendante qui a cette capacité-là, qui ne s'occupe que des droits des
enfants.
M. Carmant : D'accord. Mais sachez que, sur le napperon, là,
comme on dit, qu'on a déposé, le commissaire est vraiment dans la
phase 2, et ça reste un objectif pour nous. M. le Président, si vous...
Le Président (M. Provençal)
: Quatre minutes.
M. Carmant : Si vous acceptez,
je passerais la parole au député de Dubuc.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. M. le député de Dubuc, à vous.
M. Tremblay : Merci, M. le Président. D'abord, bonjour à vous.
Je tiens à saluer, évidemment, votre engagement. Je ne voudrais pas être
redondant. Vous avez parlé, tout à l'heure, de manquer de temps, un peu, vers
la fin de la présentation. Il a été question de structure, il a été question
d'implication accentuée de la part des professionnels. Vous avez parlé de la
direction. Ce matin, on a évoqué les forums potentiels. On a parlé aussi des
disparités au niveau des régions, au niveau des types de réalité. Une dame qui
a évoqué la possibilité d'avoir des forums plus adaptés pour intervenir selon
les contextes des localités. Si vous pouviez continuer, comment vous envisagez
les structures additionnelles pour mieux intervenir?
M. Garceau (Steve) : Merci
beaucoup pour la question, M. le député. Effectivement, dans notre mémoire, on
en fait état. Nous, on croit que, pour avancer dans le bon sens dans l'intérêt
des enfants, on doit, conformément à toutes les pratiques actuelles de
relations industrielles, d'administration publique, les meilleures pratiques en
gestion, impliquer les gens qui proviennent de la base, nos professionnels,
dans les pistes de solution. Si on regarde, actuellement,
dans le libellé, au niveau de la directrice nationale... dans le projet de loi
n° 15, au niveau de la directrice nationale de la protection de la
jeunesse, on voit une structure que j'appellerais un peu «top-down». Donc,
nous, on pense que nos intervenantes, les organisations syndicales qui oeuvrent
en protection de la jeunesse doivent être davantage impliquées dans toute
l'élaboration de ce projet collectif, ce projet de société là pour les enfants.
Et là vous amenez la piste au niveau de
décentraliser au niveau régional par rapport aux particularités de chacune des régions, et, pour nous, ça, c'est
quelque chose qu'on accueillerait très favorablement. S'il y a des
consultations spécifiques, il y a des forums
spécifiques, dans chacune des régions, pour travailler différents enjeux, des
particularités régionales... on sait
qu'intervenir dans des régions comme Montréal, par exemple, avec une grande
diversité ethnoculturelle, ou intervenir, des
fois, en région, avec d'autres types de problématiques qu'on voit en protection
de la jeunesse, ce n'est pas toujours les mêmes enjeux.
Ceci étant dit, on pense quand même que
l'intérêt de l'enfant, pour revenir à l'intérêt de l'enfant, doit toujours être
défini de la même façon, dans le sens où est-ce que l'article 38 de la
protection de la jeunesse prévoit les situations où est-ce que l'intérêt de...
où est-ce que la sécurité, et le développement, de l'enfant est compromise,
puis on doit absolument continuer à se coller là-dessus pour que ça soit
uniforme au Québec.
M. Tremblay : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Une minute.
M. Tremblay : Une minute? Bien,
écoutez, je ferais un peu de millage sur une question, peut-être. Il a été
aussi évoqué des connaissances fines au niveau... Vous parlez des réseaux puis
des possibilités de partenariats. Il a été
question des connaissances fines au milieu scolaire. À votre avis, les
intervenantes, ou les enseignantes, ou en service de garde, à votre
avis, est-ce qu'ils sont outillés pour collaborer et participer, par exemple, à
un réseau comme celui-là, de cumul de données en région, selon votre avis?
Est-ce qu'ils sont en mesure de documenter?
M. Garceau (Steve) : En fait,
je crois que oui. Je pense que tous nos partenaires ont les outils nécessaires
pour atteindre cet objectif-là. Est-ce que... Il faut toujours continuer à
prévenir, sensibiliser, informer les gens sur les motifs de protection de la
jeunesse, quand signaler une situation, etc. Il faut toujours continuer cette
éducation-là. Il faut aussi continuer à sensibiliser la population pour que, tu
sais... parce que l'esprit, aussi, du rapport Laurent, c'était d'avoir une
responsabilité collective, hein, c'est que tous les citoyens, citoyennes du
Québec aient une sensibilité par rapport aux enfants, qu'ils soient leurs
voisins, leurs neveux, leurs nièces, ces membres de la famille là, les membres
de la communauté. Alors, il faut absolument continuer une vigie au niveau de
ces enfants-là. Nous, on est absolument d'accord avec ça. Puis, oui, on pense
que nos partenaires ont les compétences, sont capables de documenter certains
éléments.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre nos échanges avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. À vous.
Mme Weil : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Garceau, M. Vallée-Landry. Vous avez beaucoup
de passion et de compassion, on le
sent. Vous avez beaucoup d'expérience. C'est émouvant, émouvant de vous
entendre, et on salue votre courage, vraiment, et votre résilience, et
c'est bien. Heureusement qu'il y a des gens, personnes aussi dédiées. Puis vous
comprenez tellement bien les rouages du système, c'est aussi très éclairant.
Ce que je trouve intéressant, c'est que vous
avez consulté des avocats qui sont vraiment dans la pratique, hein, qui sont là
tous les jours, ils voient les problèmes. Je dois dire que j'ai eu des
discussions avec des avocats qui travaillent dans le domaine, et c'était
beaucoup moins technique que ce que vous, vous apportez, mais ils faisaient des
commentaires semblables. Donc, ils essayaient de comprendre en quoi il y avait
vraiment un changement, et tout ça. Donc, il y a quelque chose à aller chercher
dans ces deux analyses, les juristes qui sont dans le système et ceux qui,
comme vous, sont dans le système et le regard de l'extérieur un peu, qui
trouvent qu'on met vraiment l'intérêt de l'enfant en priorité.
Alors, je vais vous demander peut-être de
revenir sur, c'est à votre page 2, toute la recommandation que... dans le
nouvel article 4 de la loi, tel que proposé dans p.l. n° 15,
retirer la mention «n'est pas possible» qui se trouve à trois endroits et ôter
la dernière phrase, bon, tout ça, et une certaine confusion qui... bien,
«principes généraux, des modifications encore trop frileuses», et qu'est-ce que
vous avez entendu des gens sur le terrain, et donc qu'est ce qui pourrait
améliorer concrètement qu'est-ce qu'ils vivent, et pourquoi le problème. Parce
que ce que je dois vous dire, c'est : Si on ne pratique pas dans ce
domaine-là, ce n'est pas évident, surtout pour des députés, même si je suis
avocate, et c'est pour ça que je suis très curieuse de comprendre qu'est-ce qui
ne marche pas et qu'est-ce qui pourrait améliorer le projet de loi dans le sens
de la volonté de tous, d'après ce que je comprends.
M. Garceau
(Steve) : Merci pour la question, Mme la députée, très
appréciée. Merci pour le beau témoignage aussi à notre égard, c'est
toujours apprécié, c'est une belle dose de reconnaissance.
La confusion que j'essayais de mettre en lumière
tantôt dans mon allocution et en répondant au ministre Carmant, elle existe depuis
longtemps. M. Camil Bouchard le dénonçait alors qu'il était ministre
lui-même. Il y avait eu un projet de loi sur le sujet qui proposait
sensiblement ce que nous proposons aujourd'hui. La confusion, elle existe chez
les intervenantes. Elle existe aussi chez les juristes à l'heure actuelle. La
confusion est la suivante, c'est qu'on est toujours pris avec l'écriture de la
loi actuelle. Il y a comme... il y a comme, dans la loi actuelle, une instauration d'une certaine... puis je vais
l'expliquer comme ça, là, une certaine hiérarchie de l'intérêt de l'enfant qui
est le retour dans le milieu familial. Ça peut expliquer en grande partie
certains aller-retour qui se sont faits entre différents milieux : essayer
un retour chez le parent alors que, dans une situation, par exemple, on avait
une grand-maman qui, pour toutes les raisons du monde, s'est occupée de son
enfant toute sa vie, et là la Loi de la protection de la jeunesse rentre, parce
que la mère n'était pas disponible et ces choses-là. Et là, la loi, ce qu'elle
nous dit, c'est que, si ce n'est pas possible de retourner l'enfant dans un
milieu familial, envisagez un autre milieu. Alors, implicitement, ce que ça
nous dit, puis elle est là, la confusion, c'est : L'intérêt de l'enfant,
c'est un peu de retourner l'enfant dans le milieu familial. Alors, on fait des essais, on travaille
ad vitam aeternam avec le parent, et là, finalement... On l'a dit, plus
souvent qu'autrement, le temps est extrêmement précieux pour un enfant, plus on
joue avec le temps d'un enfant, plus ça peut avoir un impact sur son
développement, sur son lien d'attachement à ces choses-là. Alors, si on veut
vraiment renforcer la loi pour qu'elle soit centrée sur la stabilité et la
continuité des liens et sur l'intérêt de l'enfant, évidemment, on doit éviter
cette confusion-là.
Ceci étant dit, on
n'est pas en train de dire qu'il faut retirer les enfants. Ce qu'on est en
train de dire, c'est : Il est possible que l'intérêt de l'enfant, ça soit
de le maintenir et de le retourner dans son milieu familial, mais on veut
éviter ce retour-là ou ces essais-là, ces tentatives de retour à tout prix.
• (16 heures) •
Mme Weil :
Ça, je comprends la confusion. Mais, dans votre recommandation...
c'est-à-dire au fil des années, dans la
pratique, mais en quoi le projet de loi ne vient pas solidifier, donc, cette
confusion? Et, en retirant la mention «n'est pas possible», selon vous,
ça règle... ou en partie ça règle l'enjeu? Dans le nouvel article 4 tel
que proposé, retirer la mention «n'est pas possible», juste expliquer cette
recommandation qui viendrait clarifier ou rendre plus solides les objectifs de
la commission Laurent et du ministre.
M. Garceau
(Steve) : Effectivement, dans le projet de loi n° 15 actuel, on
voit, c'est davantage un réaménagement où est-ce qu'on reprend des principes
qui sont dans les articles 2 et 3 aussi. Quand on lit... Dans le projet de loi n° 15, on lit encore :
Lorsqu'il est... «...dans l'intérêt de l'enfant, il n'est pas possible de
confier l'enfant à ces personnes, la
décision doit alors tendre à le confier à un milieu de vie se rapprochant...»
Donc, comme je le disais tantôt, on est encore en train de suggérer,
dans la loi, que la première chose à faire, c'est de tenter un retour dans le
milieu familial. Pour nous, la première phrase est suffisante. Si on lit notre
recommandation, là... en annexe notamment de notre
mémoire, quand on lit : «Toute décision [...] en vertu de la présente loi
doit viser la continuité des soins ainsi [...] la stabilité des liens d'un enfant et des conditions
de vie appropriées à ses besoins de son âge», nous, on considère, dans
notre analyse, que c'est suffisant pour se
concentrer sur l'intérêt de l'enfant puis prendre la meilleure décision dans
son intérêt.
Mme Weil : ...sans
exception. Donc, c'est surtout le libellé, la façon que c'est écrit, qui n'est
pas assez fort.
J'aimerais
vous amener sur le... le ministre vous a posé des questions, mais le rôle
neutre dont... vous, vous parliez du poste de directeur national, mais,
le commissaire qui est proposé dans le rapport et dans les recommandations, qui
est vraiment, comme Mme Laurent le disait ce matin, peut-être — je
pense que c'est bien elle qui le disait — la recommandation-phare du
rapport, est-ce que vous êtes... que pensez-vous d'avoir, donc, une personne
avec, bon, une institution indépendante qui
pourrait intervenir — et
puis, là, le mandat est assez large — en
prévention, mais aussi, même, plus... même en amont, il fait du
«reaching out», en bon français, envers les enfants pour les impliquer, etc., préoccupé par la prévention, et tout, et ensuite,
aussi, on dirait, un genre de rempart neutre? Qu'est-ce que vous pensez
de cette recommandation?
M. Vallée-Landry
(Maxime) : Merci, Mme la députée. Effectivement, pour nous, c'est
primordial. C'est une recommandation-phare de laquelle on était partis. Pour
nous, ce rôle-là était, selon nous, à mettre de l'avant en premier lieu,
puisque c'est le principal outil de défense pour les enfants et qui pourrait
avoir une portée qui ne serait pas teintée politiquement, ou conditionnée par
des obligations budgétaires, ou liée à des enjeux déterminés par le
gouvernement ou par les différents gouvernements qui vont se succéder dans le
futur. Donc, pour nous, cette position-là, elle est effectivement essentielle
pour assurer un regard externe et de donner une voix à ces enfants-là, qu'ils
puissent être entendus, et qui ne soit pas, contrairement, disons, à la
commission des droits de la personne et de la jeunesse, mélangée avec d'autres
enjeux, donc d'avoir vraiment cette capacité d'avoir uniquement ce sujet-là,
défendu par une seule et unique personne qui porte ce dossier-là.
Mme Weil :
...
Le Président (M.
Provençal)
: Vous
avez le droit. Allez-y.
Mme Weil : Donc,
j'allais vous poser la question, mais je pense que vous avez répondu, vous
l'avez mentionné, mais c'est vraiment le fait que c'est sa mission exclusive,
contrairement à la Commission des droits de la personne, qui en a deux
principales, missions, donc qui n'est pas entièrement dédiée aux enfants. Mais,
à part ça, voyez-vous une différence dans le rôle qu'il... bien, le rôle que
jouerait le commissaire et le rôle joué actuellement auprès des enfants et des
jeunes de la DPJ... la CDPDJ?
M. Vallée-Landry
(Maxime) : Merci, Mme la députée. Il y avait la portion... et là j'y
vais de mémoire, là, pour le rapport de la commission spéciale, ce rôle de
porte-parole des enfants aussi, qui, pour moi, est quand même... est, pour nous, quand même essentiel, et qui
n'existe pas tant aujourd'hui, et qui permettrait justement d'avoir peut-être
une plus grande publicité pour leur réalité et une voix qui serait portée
directement à l'Assemblée nationale.
Mme Weil :
Très bien. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Maintenant, nous allons poursuivre cet échange avec le député de Jean-Lesage.
M.
Zanetti : Merci beaucoup. Le Forum des directeurs, comment... parce
que c'est ce que je comprends qui est votre... un des objectifs, là, que vous
avancez, comment est-ce qu'on pourrait y impliquer, si on veut, la base,
c'est-à-dire les intervenants de terrain? Comment est-ce qu'on pourrait...
Est-ce qu'on pourrait faire en sorte qu'on ne soit pas dans une structure qui
est, comme vous le décrivez, «top-down», par exemple?
M. Garceau
(Steve) : Merci pour la question, M. le député. En fait, là, de notre
côté, là, on considère que... notamment, dernièrement, il y a eu... on est... il
y a des travaux sur la révision des standards de pratique, par exemple, au niveau de l'évaluation, orientation
des pratiques en protection de la jeunesse. Il y a eu, dans ce cadre-là,
des forums de consultés... le ministère a mis en place des forums de
consultation auprès des intervenantes, et ça, ce que ça crée, ça crée une
implication et une mobilisation chez les membres. Ça leur donne un certain
pouvoir décisionnel, parce que c'est eux qui maîtrisent... c'est eux qui
maîtrisent l'expertise sur le terrain, c'est quoi qui est réaliste de faire,
par exemple, comme normes d'évaluation, dans une semaine, en regard du contexte
juridique de la région, en regard du...
voyons, de la distance à parcourir pour aller faire des évaluations, ces
choses-là, plein de caractéristiques de charge de travail. Donc, quand les gens, ils ont leur voix,
quand les gens impliqués sur le terrain, quand les organisations
syndicales sont impliquées, on est capables,
collectivement, de construire un projet de société qui fait du sens pour tout
le monde.
Donc, nous, c'est
vraiment l'objectif, c'est vraiment la vision qu'on a. Puis, si les gens
adhèrent à notre mission, si les gens, sur le terrain, adhèrent, sentent un
sentiment d'appartenance, on travaille sérieusement sur les enjeux de charge de
travail, ça va faire en sorte, peut-être, qu'on va éviter tout l'exode qu'on
voit actuellement en protection de la jeunesse et ces choses-là. Ça fait qu'on
est vraiment dans des recherches de solutions pour essayer de revamper un peu
la mission de la protection de la jeunesse, stopper un peu l'hémorragie, puis
on pense que c'est une partie de la solution.
M. Zanetti :
Donc, si on essaie d'inclure, dans le Forum des directeurs, qu'il ne soit plus
un forum des directeurs, mais un forum, par exemple, des directeurs et des
intervenants du terrain... des intervenants du terrain, ça pourrait être, selon
vous, une idée intéressante, motivante aussi pour le milieu puis les
travailleuses et travailleurs?
M. Garceau
(Steve) : Oui, merci. Bien, c'est exactement ça. Et, tu sais, quand on
regarde aussi la définition dans le projet de loi n° 15, on voit, par
exemple, que tout le... voyons, la préparation des rencontres est faite par la
directrice nationale de la protection de la jeunesse. Nous, on voit quelque
chose de beaucoup plus paritaire, beaucoup plus participatif au niveau du
fonctionnement de cet éventuel forum là. Donc, effectivement, nous, c'est clair
que ça nous apparaît être une piste de solution avantageuse pour tous.
• (16 h 10) •
M. Zanetti :
Sur la question de la direction nationale de la protection de la jeunesse, qui
est aussi une sous-ministre, est-ce que... qu'est-ce qu'il y a de problématique
là-dedans, dans le fond, dans le fait de dépendre du ministre, et donc du
gouvernement et aussi, bon, d'un parti politique? Est-ce que c'est ça qui est
problématique pour vous, le fait qu'elle soit en position où vous pensez
qu'elle va défendre, disons, le bilan d'un gouvernement plus que les enfants?
C'est-tu ça que vous... Je vous prête des mots, là, mais allez-y.
M. Vallée-Landry
(Maxime) : Merci, M. le député. Je pense qu'en posant la question vous
lui avez grandement répondu. C'est une grande crainte qu'on a. On a la crainte
également que les enjeux qui peuvent être liés à d'autres réalités que celle de la protection de la jeunesse viennent
s'immiscer dans le travail qu'elle va faire, et donc que des intérêts
contraires au bien-être de l'enfant, comme des intérêts financiers, puissent
être descendus via ce rôle-là.
Donc, pour nous, la
notion d'indépendance était vraiment primordiale, et la notion de capacité de
défendre le réseau, défendre la mission aussi, donc pas uniquement une
stratégie de la... on détermine des normes, on les fait descendre sur le
terrain, mais aussi cette capacité de dire qu'est-ce qui se passe en bas,
qu'est-ce qui se passe dans la réalité des intervenantes, et le faire remonter
en haut, tout en haut de la hiérarchie pour que les gens comprennent c'est quoi
qui se passe réellement et quels sont les véritables besoins, et, en gros,
tenir son bout et aller chercher les ressources qui sont nécessaires pour faire
vivre ça, puisque c'est... Pour nous, c'est quand même important, là, de
comprendre que, cette mission-là, on l'a à coeur, on veut la défendre, et, pour
ça, il faut la rendre effective. Et tout beau projet de loi, si on n'a pas les
ressources effectives pour les mettre en oeuvre, bien, ça ne demeure qu'une
loi. Nous, notre objectif, c'est de faire vivre ce droit-là, donc que ce
droit-là soit effectif.
M. Garceau
(Steve) : Je me permettrais aussi...
Le Président (M.
Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous
allons terminer cet échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour
de vous saluer, M. Gareau, M. Vallée-Landry. Bien, je suis
content de vous avoir parce que je veux avoir, de mon côté, une discussion de
législateur, mais j'aurai besoin de réponses d'opérateurs sur le terrain.
J'ai bien compris
votre sensibilité quant à enlever le mot «n'est pas possible» dans le projet de
loi. Je comprends que, pour vous, «n'est pas possible», ça donne l'impression
qu'il doit y avoir une tentation, on doit tenter quelque chose. Et c'est là que vous donnez par des exemples, tout à
l'heure, que, bien, peut-être que ce n'est peut-être pas la bonne chose à faire
d'essayer de replacer quelqu'un si la situation est problématique. Mais,
lorsqu'on met des mots, ça a une certaine force, mais, lorsqu'on en
enlève aussi, on perd certaines forces.
Alors, j'aimerais
juste valider avec vous certaines propositions qui pourraient peut-être remplir
l'objectif de la loi, c'est-à-dire de garantir aux enfants un milieu sain,
sécuritaire pour leur bien-être physique et psychologique, mais aussi d'être un
élément déclencheur, justement, pour sortir ces enfants-là de ces milieux-là.
Donc, lorsqu'on
regarde à l'article 4 : «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel
maintien dans son milieu familial n'est pas possible», je suis d'accord avec
vous qu'on devrait l'enlever. Mais est-ce qu'on ne devrait pas plutôt inscrire :
«Lorsque le milieu familial est problématique ou met à risque la santé et la
sécurité de l'enfant»? Je pense que c'est important, dans la loi, qu'on ait un
déclencheur qui fait qu'on doit se raccrocher à quelque chose qui fait qu'on
prive des parents du Québec de la présence de leur enfant à leur côté. C'est
pour ça que, si on enlève le «dès que possible», je ne suis pas convaincu qu'on
est en train de faire la bonne chose en ne le remplaçant pas avec quelque chose
de plus fort. Donc, c'est pour ça que j'aimerais vous entendre.
Vous, vous
dites : Enlevons le «dès que possible» parce que... «ce n'est pas
possible», pardon, parce que ça ne semble pas être indiqué. Mais, la
contrepartie, moi, je pense qu'il faut qu'on maintienne dans la loi une
indication qui fait que ce milieu-là est toxique ou ce milieu-là est
problématique ou représente un risque ou un danger. Il faut que les
intervenants, tout le monde, s'en préoccupent et qu'il y ait une situation qui
fait que cet enfant-là soit sorti de ce milieu-là.
M. Garceau
(Steve) : Merci pour la question, M. le député. En fait, je répondrais
assurément à la crainte ou à ce que vous mentionnez : Le seul et unique
rempart, à notre sens à nous, qui doit se retrouver dans la Loi sur la
protection de la jeunesse, c'est l'intérêt de l'enfant. Et je le disais tantôt,
un peu, dans mon allocution, évidemment que,
si l'intérêt de l'enfant... des parents qui ont vécu des situations difficiles,
l'enfant a été placé chez un grand-parent, a été placé dans une famille d'accueil, ou ces choses-là, ou dans des
milieux de vie de la sorte, évidemment, si la situation se résorbe, il
m'apparaît clair, dans un paquet de situations cliniques, que l'intérêt de
l'enfant, ça va être de retourner dans son milieu familial. Il y a des gens, il
y a toutes sortes de gens à qui on offre des services, par exemple, qui vivent
des situations ponctuelles. Donc, maman décède, papa, beaucoup de difficultés à
s'adapter à la situation, consommation, peut-être problème de santé mentale,
mais papa chemine, fait ses choses, est capable de... et les enfants sont capables de retourner vivre... Ça
fait qu'il y en a plein, des histoires où est-ce qu'on est capables
d'appliquer le retour dans le maintien... dans le milieu familial, et ça
correspond en tous points à l'intérêt de l'enfant.
Ça fait que notre
proposition ne vise en aucun temps, et moi, je tiens à rassurer tout le monde,
en aucun temps à se dédouaner de cette obligation d'évaluer le meilleur intérêt
de l'enfant dans le cadre d'un retour dans le milieu familial. Par contre, on
veut éviter, puis là je réitère un peu ce que j'ai dit, on veut éviter toute
cette confusion problématique là qui, un
peu, nous liait les mains, autant sur le terrain, autant du côté des juristes,
à essayer et réessayer le retour dans un milieu familial.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci.
M. Ouellet :
Je vous entends bien, mais on dirait qu'en enlevant ces mots-là je ne vous
donne pas plus d'outils. Il y a encore matière à interprétation. Puis je ne
remets pas en cause la qualité de votre jugement sur le terrain, mais, comme
législateurs, on dirait qu'on n'est pas capables de tracer une ligne
entre «ça, c'est quelque chose qu'il faut prescrire, et ça, c'est quelque
chose qu'on doit proscrire».
Donc,
mon intérêt est de trouver le mot juste pour dire, comme intervenant : Il
n'y a pas place à interprétation, c'est clair, le milieu est toxique, le
milieu est dangereux, il y a un risque pour l'enfant, voici les mécanismes,
puis là on les place par la suite chez des grands-parents, ou les autres
membres de la famille élargie, ou, si ce n'est pas le cas... Puis là, je suis
d'accord avec vous, on enlève le «dès que possible», puis ça peut être un autre
milieu familial, mais je pense qu'on fait fausse route si on enlève le «n'est
pas possible» et on ne le remplace pas par quelque chose d'aussi... de plus
clair qui nous dit : Le jugement sera avec l'intervenant et les personnes
qui seront autour pour s'assurer que l'enfant a un milieu sain, d'avoir un
jugement sur le milieu familial. Puis là je n'en ai pas. En enlevant ça, là,
j'ai l'impression que je vous laisse encore, puis ce n'est pas ça que je veux
faire, là...
Le Président (M.
Provençal)
: M. le député...
M. Ouellet :
...je pense qu'on rate un peu la cible.
Le Président (M.
Provençal)
: M. le député, je vous ai
quand même laissé une bonne latitude. Alors, vous m'excuserez, mais le temps
est vraiment terminé.
Alors, je remercie
MM. Garceau et Vallée-Landry pour leur contribution et leur participation.
Je suspends les
travaux quelques minutes afin de pouvoir laisser place au prochain groupe.
Alors, merci de votre participation et de votre contribution.
Une voix :
Merci à vous de nous avoir accueillis.
(Suspension de la séance à
16 h 19)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Pierre Hotte...
consultant, excusez, dans le domaine social. Je vous rappelle que vous aurez
10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons procéder
aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.
M. Jean-Pierre Hotte
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien,
merci, M. le Président. Alors, merci de me donner l'opportunité de présenter
mon mémoire en regard du projet de loi n° 15. Alors,
comme vous le savez, ce projet de loi résulte directement des recommandations
du rapport de la commission Laurent, un rapport exceptionnel, tant par sa
démarche que par son contenu, qui nous trace la voie afin de construire une
société bienveillante envers ses enfants.
Le projet de loi n° 15
constitue, certes, une pièce maîtresse dans la construction de ce projet de
société. Toutefois, ce projet de loi, malgré tout le positif qu'on peut lui
reconnaître, constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour la
réalisation de ce projet primordial permettant d'améliorer le sort des enfants
au Québec. Bref, mon mémoire s'appuie
totalement sur la prémisse que le projet de loi n° 15
et les recommandations de la commission Laurent doivent être réfléchis comme un tout indissociable. D'ailleurs,
le dépôt du projet de loi n° 15 était accompagné d'une ébauche d'un plan
de mise en oeuvre des recommandations de la commission Laurent, confirmant,
d'une certaine manière, que l'un ne va pas sans l'autre.
Si on veut un avant et un après commission
Laurent, sans aucun doute il faut apporter des modifications significatives à
la Loi sur la protection de la jeunesse. Il faut également redresser la
situation de façon majeure dans le réseau de la protection. La désignation
d'une directrice nationale de la protection de la jeunesse, qui apparaît dans
le projet de loi n° 15, de même que l'identification
des principales responsabilités qui lui sont conférées confirment l'ampleur du
chantier à mettre en place. Cet enjeu déterminant nécessite cependant une
reddition de comptes.
Je propose donc que la directrice nationale de
protection de la jeunesse doive déposer un rapport annuel présentant l'état
global de la situation dans le réseau de protection de la jeunesse en regard de
ses responsabilités.
Cependant, la restauration du réseau de
protection passe inévitablement par des actions prioritaires qui sont en dehors
de ce réseau. Plus que jamais, les enfants ont besoin d'une voix au Québec, une
voix forte, compétente, crédible, entièrement dédiée au bien-être des enfants,
avec une vision large couvrant le spectre de la prévention jusqu'à
l'intervention spécialisée, assurant une vigilance qui déborde le réseau de
protection et même largement celui de la
santé et des services sociaux, une vigilance avec un regard sur des enjeux
touchant famille, éducation, municipalités, communautés autochtones,
communautés ethnoculturelles, systèmes de justice, sécurité publique, et
autres.
C'est pourquoi je recommande ardemment la
nomination à très court terme d'un commissaire au bien-être et aux droits des
enfants, tel que préconisé par la commission Laurent. Ces deux personnes,
directrice nationale de protection de la jeunesse et commissaire au bien-être,
assumeront un leadership fondamental dans l'architecture du projet de société
visée à travers des rôles différents mais essentiels. De fait, la restauration
du réseau de protection ne peut se réaliser sans une contribution soutenue de
tous les autres acteurs clés, et le temps presse.
Si on veut freiner l'hémorragie frôlant
120 000 signalements par année au DPJ, si on veut recourir à cette
loi de façon exceptionnelle, comme on l'inscrit dans le projet de loi
n° 15, alors, de façon urgente, il faut mettre en place de nombreuses
recommandations formulées par la commission Laurent : agir tôt, agir en
prévention, agir ensemble en intersectoriel, briser des silos et bien sûr
investir pour le bien-être des enfants, des jeunes, et ce, dans plusieurs
ministères. Comme société, on ne doit plus accepter qu'un enfant de cinq ans
sur quatre parte du mauvais pied à la maternelle, un sur trois en milieu
défavorisé. On ne doit plus accepter que près de 25 % des élèves dans nos
écoles aient des besoins particuliers étiquetés EHDAA dans le jargon scolaire
avec bien peu de réponses possibles à ces besoins, malheureusement. On ne doit
plus accepter que demander de l'aide pour son enfant ou pour soi comme parent relève du parcours du combattant, ne plus
accepter que les jeunes autochtones soient surreprésentés en protection
de la jeunesse, ne plus accepter que nos jeunes de 10 à 17 ans consomment
trois fois plus de psychostimulants qu'ailleurs au Canada ni que nos jeunes
soit abattus en pleine rue.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres, la
nomination d'un commissaire au bien-être et aux droits des enfants doit se
trouver au sommet de la pile parmi les suites à donner au rapport de la
commission Laurent. Ce n'est pas un luxe, c'est une nécessité.
Par ailleurs,
de façon plus spécifique, le mémoire souligne une douzaine de modifications à la
Loi sur la protection de la jeunesse, proposées dans le projet de loi n° 15, qui sont fortement
souhaitables et qui auront un effet significatif sur les pratiques en protection. Parmi celles-ci, bien
sûr, l'introduction de la notion de l'intérêt primordial de l'enfant,
qui vise à mettre fin à une ambiguïté qui
dure depuis trop longtemps avec des effets collatéraux sur la stabilité
nécessaire pour les enfants. Il faudra cependant se donner les moyens de
monitorer l'évolution de la stabilité souhaitée pour ces enfants.
Le mémoire souligne aussi l'importance de
l'introduction d'un préambule à la Loi sur la protection de la jeunesse et,
notamment, porte une attention toute particulière sur l'enjeu de responsabilité
collective, sans aucun doute un enjeu crucial, s'il en est un, pour nettement
démarquer l'avant et l'après commission Laurent.
Le mémoire met l'emphase sur la nécessité pour
l'ensemble des ressources de la communauté de collaborer plus que jamais à tout
mettre en oeuvre en amont afin que le moins d'enfants possible doivent requérir
la présence du DPJ dans leur vie. Et non
seulement ils doivent collaborer en amont, ils doivent être présents pour
assurer tout le soutien requis aux enfants et aux parents durant la
trajectoire en protection de la jeunesse et au-delà de cette trajectoire,
lorsque le DPJ se retire de la situation.
Dans
cette perspective, une de mes recommandations soutient très fortement une
proposition de la commission Laurent afin de modifier en profondeur les
façons de faire pendant l'étape dite de l'application des mesures en protection
de la jeunesse, en misant sur la contribution de tous les acteurs requis selon
la situation d'un enfant et de sa famille, peu importe l'appartenance à un
établissement spécifique, à un organisme spécifique et encore moins
l'appartenance spécifique à la DPJ.
Certaines recommandations de mon mémoire portent
sur d'autres enjeux préoccupants, notamment en ce qui concerne les
modifications proposées en regard des communautés autochtones, en regard de la
situation des enfants témoins de violences conjugales, en regard des enfants
expulsés des écoles, en regard également de la situation des enfants sujets de
plusieurs resignalements en protection de la jeunesse.
Enfin, le mémoire reconnaît l'ampleur du défi
sous-jacent à la réalisation des recommandations de la commission Laurent et des modifications de la Loi sur la protection de la jeunesse proposées dans le projet de loi
n° 15. C'est pourquoi le mémoire souligne quelques conditions gagnantes
pour assurer le succès du projet de société espéré, tel qu'investir en
prévention, créer des places en CPE, notamment dans les milieux défavorisés,
investir dans les services psychosociaux en milieu scolaire, investir dans la
création de logements abordables, de camps de jour accessibles aux enfants à
besoins particuliers dans les municipalités, investir dans les services en
santé mentale, en dépendance, dans le domaine du trouble du spectre de
l'autisme, dans des programmes jeunes en difficulté et aussi en matière de
violence conjugale, investir et favoriser une plus grande autonomie des
communautés autochtones, investir dans la modernisation du processus judiciaire
à la chambre de la jeunesse, investir dans le réseau de la protection de la
jeunesse, se doter de mécanismes d'évaluation rigoureux pour mieux suivre
l'évolution du bien-être des enfants et des objectifs poursuivis par les
modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse, recevoir de façon
régulière l'état de situation sur le bien-être des enfants de la part du
Commissaire au bien-être, ainsi qu'à travers le bilan annuel de la directrice
nationale de la protection de la jeunesse, ceci afin de mieux guider les
actions à privilégier par tous les acteurs concernés, et ce, en continu. Bref,
s'assurer que nous pourrons vérifier, au fil du temps, si nos enfants, nos
jeunes se portent mieux et si le recours à la Loi sur la protection de la
jeunesse devrait... devient vraiment l'exception.
Voilà qui résume les principaux enjeux se
retrouvant dans mon mémoire. Merci de votre attention.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. Hotte, pour votre présentation.
Nous allons débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, M. le
ministre, je vais vous céder la parole.
• (16 h 30) •
M. Carmant : Bien, merci beaucoup,
M. Hotte. C'est toujours un plaisir de vous voir, toujours un plaisir de
vous lire, un mémoire qui a été construit de main de maître avec des...
beaucoup de conseils très intéressants, que j'aimerais approfondir avec vous.
Dans le mémoire, vous parlez... En fait, la
recommandation 1, au tout début, on parle que «le directeur doit tout
mettre en oeuvre afin de favoriser une collaboration étroite avec l'ensemble
des ressources du milieu». Puis, je pense que vous le savez, mon intention est
vraiment d'agir le plus possible en amont. Comment mieux exprimer cette
intention sans nécessairement impliquer le DPJ? Parce que c'est presque un peu
trop tard quand ça devient le rôle du directeur.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui, oui.
Vous permettez? Oui?
M. Carmant : Oui, oui
M. Hotte (Jean-Pierre) : O.K.
Parfait. Merci, M. le ministre. Bien, effectivement, l'ajout que je propose
n'enlève pas, évidemment... Il y a un considérant qui est déjà là, qui est
«considérant que la protection des enfants est une responsabilité collective,
qu'elle exige la mobilisation et la collaboration de l'ensemble des ressources
du milieu afin de limiter l'intervention de l'autorité de l'État dans la vie
des familles en application de la présente loi», là, pour que ce soit réservé à
des situations exceptionnelles.
Donc, ceci
étant dit, pour moi, ça, c'est excellent. Ce qui était insuffisant, selon moi,
c'est que... je vous dirais, qu'on
interpelle davantage les DPJ pour qu'eux aussi s'ouvrent davantage à la
communauté, faire appel à la communauté dans toutes les étapes du
processus, dès la réception en traitement des signalements, faire appel à...
faire des références, etc., des liens avec des programmes qui existent, comme
vous connaissez, tels que CAFE ou d'autres. Pendant l'évaluation, il y a encore de l'espace pour aller chercher des
collaborations. Et, à l'étape orientation, si on travaillait dans une perspective avec un programme comme Ma
famille, ma communauté, on pourrait interpeler des acteurs, CPE, centres
de pédiatrie sociale, intervenants, professionnels non enseignants de milieux
scolaires, et autres, pour créer un filet de
protection autour de cette famille-là, qui... on le sait, c'est... on a mis en
place ce type d'exercice, on recourt moins
aux tribunaux parce qu'on a une meilleure volonté. On a un filet de protection
qui est plus serré, moins de risques. On
a plus d'acteurs pour... qui rassurent la DPJ aussi sur l'évolution de la
situation. Alors, c'est ce que je voulais, dans le fond, qui soit inséré aussi dans le préambule. Ce
n'est pas juste à la communauté de s'ouvrir et de dire : Oui, on est prêt
la collaborer, mais je voulais absolument qu'il y ait aussi une main tendue de
la part des DPJ. Ça ne veut pas dire qu'ils ne tendent pas de main,
mais, si on l'inscrit dans le préambule, ça vient renforcer. Je pense que c'est
l'idée.
M. Carmant : Je comprends mieux le
point. Une autre chose aussi, tous les programmes que vous avez mentionnés, j'ai... notre gouvernement les a
rehaussés, SIPPE, Ma famille, ma communauté, Négligence, CAFE, mais le réflexe persiste, on appelle la DPJ. Qu'est-ce qu'on
pourrait insérer dans le préambule qui pourrait modifier ou faciliter ce
changement de culture?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien, déjà,
dans le préambule, le considérant que j'ai souligné tantôt, c'est un appel...
et le rapport de la commission Laurent est très éloquent là-dessus. Dans le
fond, malgré... si on adoptait toutes les
recommandations au projet de loi n° 15, si on ne change
pas le reste, on n'y arrivera pas. Donc, oui, ça prend des investissements, mais ensuite, bien, ça
prend... il faut agir en amont, je n'ai pas à vous expliquer ça à vous, je
sais que vous êtes convaincu là-dessus. Agir très tôt, plus on va y arriver, mieux
ça sera, mais ça demande une collaboration.
Moi, ce que je crois fondamentalement, c'est que
le terrain est fertile, mon expérience à Avenir d'enfants m'a démontré que, la
mobilisation des communautés... les gens souhaitent... une fois qu'ils ont goûté
à travailler ensemble, ne souhaitent plus revenir dans des façons isolées puis
on ne veut plus travailler en silo, je pense, ça a été maintes fois nommé. Mais
c'est sûr que ça demande... par exemple, du côté des milieux communautaires,
ils souhaitent, et avec raison, des budgets avec une perspective de plus grande
pérennité pour ne pas avoir à courir toujours après des investissements, qui
sont souvent sur du court terme. Donc, plus les réseaux petite enfance,
organismes communautaires, milieux scolaires seront mieux outillés et plus on
travaillera de façon collaborative.
Je pense que, quand on fait une lecture, surtout
sur la base locale, dans les réseaux locaux de services, on est en train
d'expérimenter cette approche-là en Estrie actuellement, il y a une volonté
très grande de tous les acteurs, parce qu'on n'a pas les... individuellement,
il n'y a personne qui peut arriver à régler de façon satisfaisante ces
situations-là, qui sont hautement complexes. Tantôt, ça demande des services
spécifiques pour les enfants, orthophonie, orthopédagogie, au niveau de la
santé mentale, troubles du spectre de l'autisme. Pour les parents, bien, on a
aussi parfois des troubles mentaux, des problèmes de dépendance. On a des gens
qui ont une grande souffrance, des... aussi au plan économique, problèmes de
littératie. Ce n'est pas des mauvais parents, c'est des gens qui ont besoin
d'aide, mais l'aide, elle doit venir de... Il n'y a pas un intervenant en
protection de la jeunesse qui peut avoir toute cette expertise-là, puis ce
n'est pas en suivant 20, 25, 30 familles qu'on peut arriver à régler... Je
n'y crois plus. Alors, pour moi, la clé, c'est vraiment de travailler en
équipe. Il faut que le directeur de protection de la jeunesse fasse appel à
l'équipe, fasse confiance. Puis on a ce filet de protection tissé serré, ma
conviction profonde, c'est que là on va changer le cours des choses.
M. Carmant : Parfait, merci
beaucoup. Vous demandez, dans la recommandation 2, à la directrice
nationale de déposer un rapport annuel. On
reçoit déjà le rapport annuel des directeurs de la protection de la jeunesse.
Qu'est-ce qui serait différent? Quelle serait la plus-value? Comment
vous voyez la distinction entre les deux?
M. Hotte (Jean-Pierre) : C'est
une base, ça, le bilan annuel des DPJ, mais... ce n'est pas que c'est mauvais,
mais, vous l'avez même dit ce matin, on est dans des volumes. Combien d'enfants
en attente? Bien, c'est quoi, les problématiques? Combien de signalements,
etc.? Combien d'enfants en application des mesures? Combien enfants de placés? Ça, je veux bien, mais c'est pour ça
que je nommais les paragraphes a à d qui sont dans le projet de loi
n° 15, qui donnent les responsabilités, donc qu'on sache est-ce qu'il y a des
orientations données par la directrice nationale, quelles sont-elles? Est-ce
qu'elles sont mises en application? Les standards de pratique qui doivent être
révisés, quels sont-ils? Comment ils sont suivis? Est-ce qu'on évolue? Est-ce
que l'aiguille va dans la bonne direction? On veut mieux suivre la trajectoire
des enfants, bien, qu'est ce qu'on fait à cet égard-là? Est-ce qu'on est
capable de mieux suivre la trajectoire des enfants? On veut recourir moins
fréquemment aux tribunaux, donc comment... où est-ce qu'on en est? Donc, avoir
des enjeux...
Et aussi remettre en place des indicateurs de
performance. Le réseau de protection, est-ce qu'il protège bien les enfants?
Bien, ça, pour moi, ce n'est pas juste des statistiques sur on a donné des
services dans 30 jours et ci ou ça, c'est est-ce que les enfants sont...
On veut parler de stabilité, c'est aussi au coeur du projet de loi n° 15.
Est-ce que les enfants sont encore déplacés comme des boîtes de conserve? Ce
serait inacceptable. Mais on ne mesure plus le taux de déplacement des enfants.
Les enfants qui sont resignalés, ça veut dire qu'on n'a pas bien fait notre
job, si j'utilise l'expression, si les enfants reviennent, et la commission
Laurent nous a dit à quel point ça revient. Donc, le taux de resignalements.
Voici des indicateurs qui devraient... de performance, pour moi, du système de
protection.
Martin
Goyette et d'autres collègues, dans des recherches, nous ont dit que les
enfants qui sont placés en famille d'accueil,
au centre de réadaptation, non seulement ils ne reprennent pas des retards,
mais accroissent les retards au plan scolaire, au plan de la santé
physique, il y a des lacunes aussi. Donc, c'est leur développement. Voici des
exemples de ce que j'aimerais voir apparaître dans un rapport annuel de la
directrice nationale de la protection de la jeunesse.
M. Carmant : D'accord.
Merci. Et la distinction est claire. Recommandation 6 : mauvais
traitements psychologiques découlant de l'exposition à la violence
conjugale. Dans la loi actuelle, l'article 38c parle déjà d'exposition à la
violence conjugale. Qu'est-ce que votre proposition vient ajouter exactement?
• (16 h 40) •
M. Hotte (Jean-Pierre) : En
fait, elle vient surtout s'assurer qu'on va distinguer... parce qu'à
l'article 38c, dans la loi actuelle, les enfants exposés à la violence
conjugale se retrouvent avec, si je me souviens bien, neuf autres
problématiques. Donc, on est un peu dans un... Il y avait déjà une amélioration
à la loi qui a été faite en 2006, parce qu'avant, quand on parlait de
négligence, un terme encrier, il y avait un peu de tout dans ça, et on a ajouté
le champ de mauvais traitements psychologiques, risques sérieux, c'était un pas
dans la bonne direction. Là, je pense qu'on pourrait aller une coche plus loin.
Pour moi, avec ce qu'on a vécu, particulièrement dans la dernière année, le nombre de féminicides, une sensibilisation accrue, avec
raison, à cette problématique qui peut mettre des vies en danger, d'avoir les
enfants exposés... puis ça, les nombreuses recherches le démontrent, là, que,
des enfants témoins de violence conjugale, ça crée un traumatisme extrêmement
sévère. Donc, je crois qu'il faut en faire un alinéa à part, un, pour être sûr
qu'on est capable de bien mesurer l'ampleur du phénomène, deux, éventuellement
avec l'aide de chercheurs, on pourrait probablement voir qu'est-ce qui doit
être fait en amont, au niveau peut-être d'organismes communautaires, comment on
peut mieux détecter, diminuer l'impact, agir plus tôt. Et aussi, lorsque c'est
le cas, en protection de la jeunesse, est-ce qu'il n'y a pas lieu d'avoir des
pratiques de pointe qui sont mieux définies que ce que l'on a actuellement ou,
sinon... L'idée, pour moi, ce n'est pas un ajout, c'est... on en fait un cas
particulier pour lui donner encore toute cette mesure-là, à mon point de vue.
M. Carmant : O.K., le séparer de la
liste que l'on voit à 38c.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui, exact.
M. Carmant : M. le Président, il me
reste combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: Quatre minutes.
M. Carmant : O.K., d'accord.
Peut-être une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Je
voulais vous demander... Excusez-moi, j'ai un blanc de mémoire, là. Bien, en
fait, je passerais la parole à ma collègue de Roberval.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Roberval, c'est à vous la parole.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président. Merci, M. Hotte, pour votre présence avec nous, et toute
l'expertise que vous avez au niveau de nos jeunes. Je vous entendais parler
d'agir tôt, de ce qu'il faudrait faire au niveau
du logement, au niveau... mais je ne vous ai pas entendu parler des compétences
parentales dans la prévention. Je pense
qu'on aurait un petit bout à faire au niveau des compétences parentales.
J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Tout à
fait. Bien, en fait, je dois vous dire que l'expérience que j'ai eue pendant
plusieurs années comme président d'Avenir d'enfants m'a donné des leçons
extrêmement importantes. Et donc il y a tout le réseau des organismes
communautaires famille, que vous connaissez sûrement, qui apporte une
contribution très, très importante. Et je
pense que, quand je disais qu'il faut travailler en amont, agir tôt, etc., ça,
c'est certainement... Pour moi, c'est clair que beaucoup de parents
peuvent bénéficier... mais ça veut dire aussi, dans nos pratiques, qu'il faut
aller... puis ça, ça a été nommé à plusieurs reprises aussi, il faut aller
au-devant des familles les plus vulnérables.
Quand on parle d'agir tôt, un programme comme
SIPPE, vous y avez fait allusion ce matin, bien... même l'avis de grossesse aussi, qui est un apport, qui est... on n'a pas
besoin d'inscrire ça dans la loi. Mais, dans le fond, il y a toute une série d'éléments qui viennent contribuer
à ce qu'on détecte plus tôt les situations à risque, qu'on intervienne,
qu'on soutienne des parents qui sont loin d'être des mauvais parents, des
parents qui sont soit démunis pour toutes sortes de raisons. Mais vous avez
raison, c'est un point central.
Donc, quand je parle de prévention, agir tôt,
agir en amont, c'est clair que, pour moi, le soutien aux parents... puis même
pendant la trajectoire de la protection de la jeunesse. Le but, ce n'est pas de
les disqualifier. Mais, quand je parle de l'approche Ma famille, ma communauté,
c'est justement, c'est... donc, quand on est dans, par exemple, une situation
de négligence avec de très jeunes enfants, pour la DPJ, c'est risqué. Mais, si
on veut un filet de protection, alors l'idée, c'est : quand on arrive à
l'étape dite orientation, on...
Puis, quand... On parle souvent de
confidentialité, mais, 99 % du temps, les parents vont être d'accord à
ouvrir des portes sur la confidentialité. Si on dit : Est-ce qu'on
pourrait avoir un CPE, on pense que ça pourrait aider vos enfants au niveau du développement?, ils pourraient être autour de
la table. On pourrait avoir un centre de pédiatrie sociale qui pourrait
vous aider, vous, mais aider vos enfants aussi. On pourrait avoir, si les
enfants sont plus vieux, une psychoéducatrice de l'école, parce qu'on pense que
ça pourrait être... Vous voyez un peu l'idée.
Donc, on ne disqualifie pas les parents. On
reconnaît qu'ils ont besoin de soutien, on met un soutien. Pour la DPJ, c'est
rassurant. Il y a des yeux, des oreilles qui vont lui permettre de voir si la
situation évolue bien, puis il peut se retirer. L'idée, c'est que le parcours
du DPJ doit être le plus court possible. Eh bien, pour ça, bien, il faut qu'on
ait vraiment un filet de protection puis que
ça continue. Puis là, quand on parle de continuité d'intervention, si ces gens-là
sont dans le décor, il ne faut pas les enlever. Il faut, au contraire... Alors,
le DPJ, lui, dès... quand il se retire, il faut que les gens puissent
continuer. Donc, ces parents-là, ils ne recommencent pas à raconter leur
histoire cinq fois, 10 fois, 15 fois. Moi, c'est ça, le souci, là. Parce
qu'on a des beaux principes, diligence, intensité d'intervention, continuité,
malheureusement, là où le bât blesse, c'est dans la réalité. Mais vous touchez
à un point central, oui.
Mme Guillemette : J'ai le temps pour
une autre question?
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, non.
Mme Guillemette : Merci beaucoup,
M. Hotte.
Le
Président (M. Provençal)
: Nous allons poursuivre
notre échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bienvenue, M. Hotte,
grand plaisir d'avoir la chance de pouvoir vous entendre et bénéficier de votre
expertise et votre intérêt à ce sujet très important pour la société
québécoise. On a plusieurs groupes qui sont déjà venus aujourd'hui, qui ont exprimé
très clairement qu'il faut aller plus fort, plus vite pour reconnaître
l'autonomie des nations autochtones en matière de protection de la jeunesse.
Vous faites une recommandation. J'aimerais
vous entendre parler là-dessus, et comment faire cette transition. On dirait
que, comment dire, les conditions sont gagnantes pour avancer dans ce
dossier, parce que c'est vraiment la première fois que j'entends tant de
groupes et d'institutions en parler. Ils ont pris conscience des rapports, ils
sont sensibilisés. Alors, comment avancer, et, oui, de quelle façon, vers
l'autonomie totale, complète?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Merci,
Mme la députée. Effectivement. Bien, je tiens à dire d'abord que j'ai souligné
dans mon mémoire que les recommandations qui sont faites dans le projet de loi
n° 15 apportent des améliorations, entre autres, sur la sécurité
culturelle. En tout cas, il y a une série d'éléments qui sont vraiment
intéressants. Ma crainte est basée sur le passé, mais aussi parce que j'ai eu
l'occasion, dans mon parcours, d'avoir de nombreux contacts avec des
communautés autochtones, avec aussi la commission des services sociaux des
Premières Nations, et, quand je regarde
l'article 37.5 dans la loi actuelle, qui permet de donner plus d'autonomie
aux communautés autochtones, bien, je trouve qu'il y en a tellement peu,
de communautés qui sont arrivées... c'est comme un parcours qui est lourd, qui
est compliqué.
Puis la
commission Viens est venue confirmer des choses, la commission Laurent a appuyé
à nouveau là-dessus, je suis persuadé que les représentants des
communautés autochtones que vous allez entendre dans les prochains jours vont
certainement mieux exprimer les choses que moi, mais, pour moi, c'est clair
qu'il est temps de leur permettre d'avoir davantage d'autonomie et de tenir
compte de leur histoire, de leur culture, de leur faire confiance. Et on
devrait aller plus vite que ce qu'on a fait.
Donc, si on modifie la loi, «période de
transition», ça me fait un petit peu peur. Je ne dis pas qu'il n'en faudra pas,
mais ça fait des décennies, là, puis on a... On peut compter les communautés
qui ont eu accès à l'autonomie, avec 37.5, sur les doigts d'une main. Alors, il
faut aller plus vite.
Ce que je voyais, c'est que, dans un contexte
aussi plus large... Le gouvernement fédéral a mis en place la loi C-92 qui
permet un accès avec une plus grande autonomie à toutes les communautés
autochtones à travers le Canada, incluant le Québec, évidemment. Ils ont de
plus, récemment, convenu d'une entente avec les communautés autochtones. Et il
y a du financement, de toute façon, à mon point de vue, très significatif, qui
vient soutenir ces... qui viendrait soutenir les communautés qui veulent
accéder dans ce type de démarche là. Des contacts que j'ai pu avoir des
communautés autochtones, ils ne souhaitent que ça, avoir l'opportunité de
développer. Ça ne voudrait pas dire qu'ils n'auront pas besoin d'aide, mais, ce
que j'ai vu, par exemple, moi, au niveau de la petite enfance, avec la
commission des services sociaux des Premières Nations, avec le soutien Avenir
d'enfants, ils ont fait des choses extraordinaires, admirables et même dont on
pouvait s'inspirer pour des communautés non autochtones. Donc, l'idée, pour
moi, c'est : Est-ce qu'on ne peut pas aller un peu plus loin, un peu plus
vite?
• (16 h 50) •
Mme Weil : Merci. J'aimerais
peut-être revenir sur le rôle du directeur national de la protection de la
jeunesse et tout en regardant le filet social qu'eux fournit, et, dans
certaines communautés, c'est quand même assez fort, ça peut être assez fort,
c'est-à-dire le travail... Parce que j'ai des exemples concrets où la DPJ
travaille avec les organismes
communautaires. D'ailleurs, il y a deux projets Centre-Sud, donc c'est le
CIUSSS du Centre-Sud, la DPJ, et puis aussi à Batshaw, et puis à peu
près en même temps parce que les deux faisaient face... bon, on fait face à la surreprésentation des communautés noires. Donc, je
les ai appelés pour m'enquérir, parce que c'est beaucoup dans... ma collègue va en parler aussi, mais on le voit dans
l'ouest, dans tout ce qui est centre-ouest, mais aussi Montréal-Nord,
et, à ma surprise, les deux ont dit : Bien, en effet, on a été proactifs.
Et c'est deux projets pilotes, à peu près, qui avaient commencé en même temps,
mais je ne suis pas sûre qu'il y avait vraiment... entre ces deux DPJ. Alors,
j'ai trouvé ça encourageant. Je me
disais : Avec un directeur national qui peut aller sur le terrain aussi
pour voir ces expérimentations qui se font ici et là, aider d'autres à
faire la même chose... c'est-à-dire qu'on défonce le mur entre l'institutionnel
et le communautaire. Comment vous voyez ça le rôle que peut jouer le directeur
national?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien, ce
que vous dites, c'est le...
Mme Weil : Pour faire ce lien, là,
ce lien avec la communauté...
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui, tout à
fait. Pour moi, c'est de la musique à mes oreilles, parce que c'est ce que je
souhaite vraiment, et je crois qu'on ne peut même pas penser à faire autrement.
Le réseau de protection, actuellement, craque de partout. Quand on regarde
l'État aussi, la dynamique au niveau des ressources humaines, ça tourne comme
dans un moulin, et on ne peut pas penser que des jeunes intervenants, devant
des situations aussi complexes en protection de la jeunesse, puissent y arriver
tout seuls. Et je ne pense pas qu'ils le croient eux-mêmes.
Il faut une approche plus communautaire, et
aussi le communautaire a appris et nous apprend aussi... il travaille avec des
gens qui... Vous parlez des communautés immigrantes première génération qui ont
vécu parfois des traumatismes dans leur pays avant d'arriver ici ou à cause des
barrières de la langue ou de la culture, sont méfiants ou ne comprennent pas ou
ne savent pas ce qui existe ou que... donc, voir la DPJ arriver... Donc, oui,
le communautaire, c'est un pont, ça met un lien parce
qu'ils peuvent faire confiance à ces organisations-là qui sont là vraiment, ils
le sentent, pour les aider. Ils peuvent avoir peur du DPJ, peur que la DPJ va
leur enlever leur enfant, etc. Donc, je trouve qu'il faut travailler en équipe,
organismes communautaires, de façon très importante.
Pour moi, aussi, il y a le rôle, selon l'âge des
enfants, des CPE, des milieux scolaires, des centres de pédiatrie sociale. Dans
le fond, il faut mettre l'ensemble des ressources, puis, compte tenu de l'état
des ressources actuellement, on ne peut pas... on ne peut plus travailler... on
a dit «briser le silo», mais il faut arrêter de... Donc, oui, il y a des projets pilotes, il y a des belles
choses, vous faites bien de le nommer, il y en a dans de nombreuses
régions. On est plus loin que les projets pilotes, et c'est pour ça que je
souhaite qu'on pousse un peu plus... quand je nommais un considérant de plus
dans le préambule, pour forcer la main, je pourrais dire... et peut-être qu'ils
n'aimeront pas ça, mais un peu au DPJ, pour dire : Il faut travailler avec
tous ces acteurs là, sinon on n'y arrivera pas. C'est ça, l'intérêt, pour moi,
primordial de l'enfant, c'est qu'on travaille tous ensemble dans l'intérêt des
enfants.
Mme Weil : Et êtes-vous d'accord à
développer une relation de confiance?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Ah! tout à
fait.
Mme Weil : Parce que ça aussi, hein,
c'est...
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien, elle
existe à plusieurs endroits, mais... Mais, quand on parle de la situation, par exemple, en violence conjugale, les organismes
qui aident les femmes, en particulier les femmes, dans... lorsqu'une
femme établit un lien de confiance dans un moment de très grande souffrance,
dans une très grande solitude, avec la crainte de perdre ses enfants si la DPJ
arrive dans le décor, bien, c'est important, là, qu'ils ne disparaissent pas
parce que le DPJ arrive. Il faut travailler ensemble. Alors, la confiance entre
les organisations, puis évidemment que les femmes, les parents, les jeunes
puissent faire confiance au DPJ.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Bourassa-Sauvé va vous adresser...
Mme Robitaille : Oui, merci. Et le
ministre sait comment, moi, c'est de la musique à mes oreilles quand je vous
écoute puis je pense que... et le ministre sait comment moi aussi, je considère
que le communautaire est vraiment un partenaire fondamental, là, pour, justement,
l'harmonie au sein des familles, pour aider la DPJ, et que... il doit... ça
doit être des vases communicants, et c'est tout le monde qui est partie de ça.
Mais, dites-moi, monsieur, est-ce que...
Donc, je comprends, déléguer peut-être plus au communautaire, lui donner un
plus grand rôle, mais est-ce qu'en ce moment le communautaire, là,
d'après ce que vous voyez, est bien équipé pour, justement, répondre à ça?
Est-ce qu'il faudrait mieux le financer? Qu'est-ce qu'il faudrait lui donner,
justement, pour qu'il joue pleinement son rôle puis vraiment bien épauler la
DPJ et puis nos services sociaux?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Si je
commence par la fin de votre question, oui, parce que, dans mon préambule, je
pense que vous avez entendu, j'en ai nommé une série, là, mais c'est sûr qu'il
faut investir. Puis, dans le communautaire, il faut investir, mais faire
confiance au communautaire, travailler avec le communautaire. Moi, ce que
j'invite aussi, vous avez vu ma proposition, qui est une proposition de la commission
Laurent, mais j'y crois fondamentalement, lorsqu'on arrive à l'étape
d'application des mesures dans la loi, au lieu que le DPJ autorise uniquement
des gens qui sont actuellement dans la direction de protection de la jeunesse,
ou dans le CIUSSS, là, ou le CISSS, j'aimerais qu'ils, justement, puissent
autoriser davantage des intervenantes des milieux communautaires, des centres
de pédiatrie sociale, des milieux scolaires, etc. Je pense que, pour les
parents et pour les jeunes, ce serait aussi un signal très, très différent. Ça
n'enlève pas la loi, actuellement l'article 33 est clair, ça permet au DPJ
de faire ça, il n'y a pas de modification à faire là- dessus.
Donc, on envoie le signal qu'on travaille plus
en équipe, ensemble, et qu'on est là pour les aider. Quand on retire un enfant
de son milieu familial, c'est une lame à deux tranchants. Et donc, oui, on le
fait pour sa sécurité, mais, si on n'est pas en mesure d'apporter l'aide,
l'assistance, le soutien, l'intervention nécessaires, bien, on déracine
l'enfant de sa famille, c'est difficile de recoller les pots cassés.
Donc, plus on est capable de travailler avec une
force de frappe plus grande, un filet de protection plus solide, bien, je pense
que mieux ce sera et pour les enfants, mais probablement aussi pour les
parents.
Mme Robitaille : Et comment on fait,
d'un point de vue mécanique, là, pour pouvoir déléguer plus au communautaire?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Ça ne
demande rien de compliqué parce que l'article 33 de la loi, actuellement,
permet déjà au DPJ de confier des autorisations à une personne. Ça n'a pas
besoin d'être un professionnel, pas besoin d'être membre d'un ordre
professionnel, ça peut être des techniciens, des éducateurs spécialisés. Ça
peut être, bon, des gens de différentes expertises, dans les milieux
communautaires, centres de pédiatrie sociale, milieux scolaires. Ça pourrait
être quelqu'un même dans un autre type d'organisation. Et ça, ça existe. Ça
existe, mais ce n'est pas utilisé, à peu près jamais utilisé, et il est temps
qu'on dépoussière ça.
D'ailleurs, le manuel de référence sur la Loi de
la protection de la jeunesse, qui date de 2010 — auquel j'avais
contribué d'ailleurs — dit
clairement que la DPJ peut... Dans le fond, je vous le lis, là, à la
page 535, dans le manuel
de référence : «...le DPJ peut autoriser une autre personne, par exemple
un intervenant d'un autre établissement [...] d'un organisme
communautaire, à exercer certaines [...] responsabilités. Le choix d'une
personne autorisée — ici,
on réfère à l'article 33 — pour
exercer un mandat de protection repose sur une base clinique en tenant compte,
notamment, des besoins de l'enfant, de l'expertise de l'intervenant [...] de
l'importance de la continuité des services.» On a déjà tout ça puis on ne
l'utilise pas.
Mme Robitaille : L'idée de projet
pilote de ma collègue est une bonne idée, de faire plus de projets pilotes et
les soutenir, et tout ça.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Tout à
fait.
Mme Robitaille : Merci.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons terminer cet échange
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
La recommandation 6 de votre rapport, concernant, là, les mauvais
traitements psychologiques découlant de l'exposition à la violence conjugale,
c'est un ajout que vous feriez à l'article 38 de la LPJ actuelle, donc pas
du projet de loi n° 15. Dans le projet de loi n° 15, là, je ne suis
pas retourné le voir là, mais il me semble que, de mémoire, il y a comme une
mention de la question de la violence conjugale comme un type d'exemple de
motif de compromission qui pourrait justifier le retrait d'un enfant, en tout
cas l'intervention de la DPJ. Est-ce que
vous trouvez que c'est suffisant, ce qui est là, dans le projet de loi n° 15,
ou est-ce que vous pensez qu'il faut ajouter un article séparément, là,
de ne pas simplement en faire un exemple, mais de dire : C'est un motif en
soi, là, à part entière?
• (17 heures) •
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien, merci
de votre question. Ça va me permettre de préciser, là. En fait, à l'article 38c, actuellement, on dit :
«Mauvais traitements psychologiques : lorsque l'enfant subit, de façon
grave ou continue, des comportements de nature à lui causer un préjudice
de la part de ses parents ou d'une autre personne et que ses parents ne
prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation. Ces
comportements se traduisent notamment par de l'indifférence, du dénigrement, du
rejet affectif, du contrôle excessif, de l'isolement, des menaces, de
l'exploitation, entre autres si l'enfant est forcé de faire un travail
disproportionné par rapport à ses capacités,
ou par l'exposition à la violence
conjugale ou familiale.» Bien, vous voyez un peu dans... La violence conjugale
et familiale est comme mise... Je ne
dis pas que les autres éléments ne sont pas importants, mais, quand je regarde
l'impact qu'a, pour les enfants, le
fait d'être témoin de violence portée à l'égard de sa mère, quand on voit que
même des femmes sont tuées suite à ces
violences et ce que ça donne comme conséquences pour les enfants pour le reste
de leurs jours, il me semble qu'il faut le mettre à part, d'une part pour mieux cerner c'est quoi, l'ampleur de ce
phénomène-là, permettre ensuite qu'on puisse, avec l'aide des chercheurs, voir qu'est-ce qui doit
être fait, si on voit que ça augmente ou si... est-ce que ça diminue, comment évolue la situation. Si ça
augmente, ça veut dire qu'on n'agit pas de façon efficace en amont. Qu'est-ce
qui manque? Quelque chose au niveau de la police, des organismes communautaires? Au
moins, qu'on puisse soulever des questionnements.
Et ensuite, l'autre élément pour moi, c'est
qu'en mettant ce type de situation là avec un statut particulier, bien, ça va
nous permettre, au niveau des meilleures pratiques à développer, d'avoir
probablement l'occasion de développer une meilleure expertise, sachant c'est
quoi, le volume, qu'est-ce que ça représente, quelle est la réalité dans
chacune des régions du Québec, etc., donc mieux documenter, mieux se préparer
à... souhaiter, en fait, qu'on retrouve de moins en moins de ce type de
situation là.
C'est pour ça que je trouve que c'est comme dans
un fourre-tout. Je n'aime pas l'idée. Il me semble que c'est trop grave pour le
mettre comme un neuvième item d'un article.
M. Zanetti : Je comprends. Merci. Ça
va être beau pour moi.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup,
M. Hotte, pour votre participation et votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux pour pouvoir permettre
au prochain groupe de se préparer. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 04)
(Reprise à 17 h 27)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue à l'Assemblée des Premières Nations Québec, Labrador.
Alors, je veux vous rappeler que vous avez 10 minutes pour votre exposé, et par
la suite nous procéderons aux échanges. Alors, je vous cède la parole.
Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador
(APNQL)
M. Picard (Ghislain) : (S'exprime dans une langue autochtone). Donc, bonjour à
toutes et à tous, M. le Président, M. le ministre, distingués membres de cette
commission parlementaire qui étudie le projet de loi n° 15. Et je veux évidemment reconnaître le chef Jean-Claude Mequish,
de la communauté de la première nation attikamek d'Opitciwan, qui m'accompagne aujourd'hui. Le chef Mequish ne prendra
pas nécessairement la parole pour l'introduction mais est tout à fait disposé à répondre à des questions qui pourraient
sans doute toucher la Loi de la protection sociale atikamekw d'Opitciwan, qui est une loi qui est
entrée en vigueur le 17 janvier dernier et qui est une loi qui a été
initiée par la communauté attikamek d'Opitciwan.
D'entrée de jeu, ce que je voudrais peut-être
dire, c'est sans doute que plusieurs d'entre vous savez que ce n'est pas la
première fois que je présente en commission parlementaire. À chaque fois que
l'opportunité nous est donnée, on prend le temps, de façon respectueuse, de
venir présenter nos recommandations, nos préoccupations, nos commentaires sur des projets de loi qui pourraient
avoir un impact sur l'ensemble des communautés que nous représentons.
Donc, c'est en tout respect que je me présente devant vous aujourd'hui, sachant
également que la Commission de la santé et des services sociaux des Premières
Nations Québec, Labrador, qui doit présenter demain, va se pencher beaucoup
plus en détail sur le projet de loi n° 15, ce que je ne ferai pas
aujourd'hui. Mais ce que j'ai l'intention de faire aujourd'hui, c'est vraiment,
en tout respect, faire en sorte un peu de sortir un peu de nos zones de
confort. Je pense que c'est important pour
moi de livrer le message que je compte livrer aujourd'hui parce qu'il en va
d'une relation qui se veut respectueuse, relation que plusieurs qualifient
de nation à nation. Nous, on dit souvent «de gouvernement à gouvernement». Et
je pense que c'est important qu'on fasse ce point-là et, souhaitons-le,
aujourd'hui, qu'on puisse également engager une discussion dans cet esprit-là.
Donc, je vous remercie beaucoup.
Depuis l'adoption de la Loi sur la protection de
la jeunesse, en 1977, et sa mise en application, en 1979, elle a été modifiée
quatre fois : en 1984, en 1994, en 2006 et en 2017. Cette loi coloniale a
été imposée aux Premières Nations, et ses effets dévastateurs se font toujours
sentir sur nos enfants, nos familles et nos communautés. Commission
parlementaire après commission parlementaire, nous avons dénoncé ces situations
et demandé à ce que des changements importants et immédiats soient apportés à
la loi provinciale.
• (17 h 30) •
What is the situation? The
majority of our recommendations have been ignored, resulting in a higher rate
of permanent placements and adoptions for our children. The time has come to
put an end to any form of assimilation that continues to persist. The
conclusions of numerous commissions of inquiry are clear on this subject: the
system is broken. No matter what changes you make to it, if you have no
intention of taking our recommendations seriously, it will continue to fail us,
to fail our children, regardless of which party is in power.
Today, the FNQL's presence
before this parliamentary commission is in line with a context that goes far
beyond simply commenting on Bill 15, with regard to child protection, the
chiefs of the Assembly of First Nations Québec and Labrador wish to remind the Québec Government that
this issue is linked not only to the wellness of their children, but also to
the exercise of the rights to self-determination and self-governance, which are
essential components of cultural survival and the future of our peoples.
First Nations have never ceded
their rights, and even less the right to decide on the future, education and
wellness of their children throughout the territory. In this sense, the AFNQL
wishes to firmly convey a clear message as
part of the Commission: First Nations' governments are more determined than ever to move towards
the full exercise of their rights with regard to the
protection of their children and families. This march towards
self-determination will be done alone, if necessary, and the interference of
any government will not be
tolerated.
Currently, the Government of Québec shows contempt for First Nations wishing to exercise what they hold
most precious, the rights and the protection of their children. By filing a
legal challenge, by reference, to the Court of appeal of Québec in December 2019, of An act respecting
First Nations, Inuit and Metis children, youth and
families, C-92, your Government
is trying to deny our inherent rights and our ability to legislate. Not only
does it contribute to holding back the collective healing processes and
progress of our peoples, but it also sends damaging messages to our fellow
citizens about our ability to care for our children.
There's no longer a need to
demonstrate any of this. The various commissions of inquiry have endorsed the importance of the safety of indigenous children and youth
being overseen by their communities and on the
undeniable fact that even the report of the
Special Commission on the Rights of Children and Youth
Protection, la commission Laurent, commissioned by the Legault Government, itself reaffirms.
Les propos de
Mme Laurent, interviewée lors de la publication de son rapport, ne
pouvaient être plus éloquents, et je
cite : «Les autochtones sont les mieux placés pour identifier les besoins
de leurs enfants et y répondre.»
Je me permets de couper court parce que le temps
passe. La série noire des exemples d'un déni systématique de nos droits
inhérents se poursuit alors que la communauté attikamek d'Opitciwan vient de se
doter de sa propre loi sur la protection de l'enfance dans le cadre reconnu par
le fédéral en vertu de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les
familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, C-92. Alors que la
cause se trouve devant les tribunaux, le
ministre Lafrenière y est allé publiquement de commentaires empreints de mépris
envers nos ordres juridiques, lorsqu'il a fait une analogie mal placée
entre la loi d'Opitciwan et un fromage gruyère. À la lumière des décisions et
des positions du gouvernement du Québec depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ,
c'est plutôt la soi-disant relation de nation à nation, tant souhaitée par le
premier ministre, qui est parsemée de trous et qui se désagrège de jour en jour
en raison d'un manque de cohérence et de vision gouvernementales envers les
droits des Premières Nations.
Les chefs de l'APNQL sont déterminés, tel qu'ils
l'ont notamment exprimé officiellement par l'adoption d'une déclaration sur les territoires et les ressources en novembre
dernier, à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour protéger
leurs droits inhérents dans tous les domaines touchant le mieux-être et
l'avenir de leurs populations. Les services de protection de l'enfance en sont
un aspect essentiel, et nos gouvernements sont les mieux placés pour les gérer. En quoi cette capacité vient-elle
mettre en danger les compétences que le Québec exerce pour sa
population?
L'APNQL
soutient que le dépôt de ce projet de loi ne contribue pas à transformer la
relation entre le Québec et les Premières Nations. Il prend place sur fond
d'une contestation judiciaire de mauvaise foi, qui s'appuie sur une chasse
gardée des champs de compétences, et ce, au détriment de nos enfants et de
leurs familles.
Cette commission
parlementaire se tient alors que le Canada, par le biais de ses ministres
fédéraux concernés, a adressé des
communications au ministre responsable des Affaires autochtones, l'enjoignant à
reconnaître, dans un esprit d'autodétermination et de réconciliation, la
compétence législative des collectivités autochtones sur les services à l'enfance et la famille, qui découle du droit
inhérent à l'autonomie gouvernementale. Dans cette communication, la
ministre fédérale des Services aux autochtones, Patty Hajdu, souligne
l'absurdité de l'entêtement du Québec en la matière, en affirmant sans
équivoque la validité de la Loi de la protection sociale atikamekw en ces
termes, et je cite : « Les dispositions de la loi d'Opitciwan qui porte
sur les services à l'enfance et la famille tels que définis par la loi fédérale
ont désormais la force de loi à titre de loi fédérale au Québec.» Fin de la
citation.
Pourtant, depuis
l'entrée en vigueur de la loi d'Opitciwan, nous constatons que le réseau de la
protection de la jeunesse du Québec utilise maintenant l'article 81.1 de
la Loi sur la protection de la jeunesse pour informer la communauté que des
audiences au Tribunal de la jeunesse sont dorénavant prévues pour tous les
parents et enfants placés et résidant à
l'extérieur de la communauté. Même s'il s'agit d'une exigence à remplir en
vertu de l'article 81.1, il semblerait qu'environ 50 enfants
inscrits sur la liste de ban de la communauté d'Opitciwan auraient été placés
majoritairement dans des familles allochtones sans que la communauté n'en ait
été informée.
Le Président
(M. Provençal)
: En tout respect,
M. Picard, je vais vous demander de conclure parce que...
M. Picard
(Ghislain) : Il me reste un paragraphe.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vous donne la
permission de le lire.
M. Picard
(Ghislain) : Merci beaucoup, merci, c'est apprécié. Qu'est-ce
qui a incité le réseau québécois à modifier si rapidement ses pratiques?
Pourquoi la communauté d'Opitciwan découvre-t-elle que ses enfants ont été
placés sans qu'elle en soit avisée, comme requis par la loi? Il ne s'agit ici
que de quelques exemples qui démontrent encore une fois que le gouvernement du
Québec utilise ses lois pour tenter d'opprimer les Premières Nations sans
respecter leurs droits. Où est donc la primauté du droit?
En conclusion, la
seule loi digne de nos enfants sera celle que nos gouvernements des Premières
Nations choisiront d'appliquer par l'exercice de leurs droits en la matière.
«Tshinashkumitnau.» Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. Picard, pour votre exposé. Alors, je vais maintenant
passer la parole au ministre. M. le ministre.
• (17 h 40) •
M. Carmant : «Kwei», chef Picard, chef Mequish. Merci d'être là. Je pense
que votre discours est quand même clair. Moi, je me positionne, comme ministre
délégué à la Santé et des Services sociaux, dans le but de protéger le mieux
possible les enfants. Et je pense que j'ai été clair, dans le... on est clair,
dans le préambule, c'est absolu, pour nous, que les Premières Nations sont le
mieux placés pour s'occuper de leurs enfants. Ça, je pense qu'on peut être
d'accord là-dessus.
Là
où on aimerait être sûrs d'offrir une protection sans risque, c'est vraiment,
comme vous mentionnez, peut-être, ceux qui choisissent, premièrement,
d'être hors communauté, avoir une certaine... Tu sais, on travaille fort, dans
le projet de loi, pour harmoniser les pratiques, on est quand même... Je dois
partager avec vous mon inquiétude d'avoir plusieurs
lois différentes, non seulement des nations différentes, mais des communautés
différentes, qui s'appliqueraient sur... par exemple, à Montréal, par
exemple. Donc, comment vous voyez ça? Partagez-nous votre vision pour voir
comment on peut travailler mieux ensemble pour ceux qui sont... choisissent
d'être hors communauté.
M. Picard (Ghislain) : Merci beaucoup pour votre commentaire et
question, M. le ministre Carmant. Et je vais sans doute inviter le chef Mequish à compléter, puisque lui vit une situation
beaucoup plus terrain que moi, je peux le vivre.
Mais ce que je
dirais, d'abord et avant tout, c'est, comme je le disais en début, d'entrée de
jeu : Ce n'est pas la première fois que l'APNQL prend le temps de se
présenter en commission parlementaire pour tout type de loi qui pourrait avoir
un impact sur les communautés. Et, dans certains cas, dans plusieurs cas, même,
on a toujours avancé le souci d'harmoniser nos pratiques, d'harmoniser nos
pratiques au niveau de nos communautés et avec ce qui existe autour de nous en
législation québécoise et même, dans certains cas, la législation fédérale.
Maintenant, ce qu'on
a ici, c'est vraiment un contexte tout à fait différent. C'est qu'on a une
première. Opitciwan, c'est la première communauté au Québec, la quatrième au
Canada, à avoir sa propre loi. Et ça, je pense qu'on a déjà fait nos
représentations là-dessus en disant que c'est le souhait des communautés.
Opitciwan ne sera pas la seule, parce qu'il y a 15 autres communautés qui
suivent et qui se préparent également à emboîter le pas avec la voie tracée par
Opitciwan.
Et donc je reviens à
mon commentaire initial, le souci d'harmonisation a toujours été présent. C'est
ce qu'on a fait valoir à plus d'une occasion, écoutez, depuis les 25,
30 dernières années, mais force est de constater que ce n'est pas souvent
à l'avantage des communautés que nous représentons. Mais j'inviterais
évidemment, là, le chef Mequish à ajouter à ce que je viens de dire.
M. Mequish
(Jean-Claude) : «Meegwetch»,chef Picard. J'aimerais tout
d'abord saluer tous les membres qui sont là, à la commission, aujourd'hui.
Bien, je répondrais suite à l'intervention de M. le ministre de la Protection
sociale. Tout d'abord, personne ne choisit d'aller vivre hors réserve. Ils
font... ils décident d'aller vivre parce qu'on a un manque flagrant de
logements. On a une crise de logement social, c'est pour ça que nos membres,
là, décident d'aller vivre hors communauté.
Je répondrais aussi... on a eu un début de
collaboration des deux CIUSSS, Mauricie puis Saguenay—Lac-Saint-Jean. On s'est
aperçus qu'avant même la rentrée en vigueur de notre loi, le 17 janvier,
il y a comme eu un changement de ton de la
part des deux CIUSSS. Nous autres, on... c'est clair pour nous autres qu'il y a
peut-être un message qui est venu
d'en haut pour, justement... je ne sais trop quoi, je ne veux pas trop, trop
m'avancer, aussi, dans mes pensées.
Je pense qu'aujourd'hui on est là pour ça. Nous
autres, on continue, on maintient le cap. On veut bien, nous autres, prendre
nos enfants, de veiller nos enfants avec notre loi. Vous savez très bien que,
la DPJ, la loi de la protection des jeunes, la loi du Québec, certains de nos
enfants qui ont été mis... placés, en majorité dans des familles allochtones, sont revenus ici, ils ont tout perdu.
Ils ont perdu leur langue, leur culture, leur identité. Ils doivent
réapprendre, quand ils arrivent ici, dans les communautés, après être placés
dans... en majorité d'un déplacement dans les communautés, bien, dans les
villes, dans les familles allochtones. Merci.
M. Carmant : Je suis très
sensible à ce que vous venez de mentionner et je pense qu'il faut qu'on doive continuer à travailler ensemble. Comment
qualifiez-vous la... tu sais, le travail des deux CIUSSS que vous avez
mentionnés? Comment ça passe?
M. Mequish (Jean-Claude) : Bien,
comme je vous ai dit tantôt, au début, il y avait une bonne collaboration. Les
dernières semaines et le mois de janvier, là, ça a comme... il y a comme eu une
volte-face, là, un changement de ton, puis les pourparlers, là, ils ont quand
même durci, là, je vous dirais. En tout cas, c'est... Oui, on a reçu une lettre
de leur part, parce qu'on a tout de suite acheminé une lettre de ma part, que
j'ai signée, aux deux CIUSSS, là. Mais eux autres, ils entendent continuer à
faire en sorte à travailler à une collaboration, là, entre la communauté
d'Opitciwan puis les deux CIUSSS.
M. Carmant : D'accord. Et
comment vous voyez ça, par exemple, harmoniser vos... votre loi avec celle, par
exemple, des Attikameks de Manawan? Comment vous voyez ça? Surtout... encore,
moi, mon inquiétude principale, c'est vraiment pour ceux qui sont hors
communauté. Et je comprends ce que vous m'avez dit pis je le respecte tout à
fait, mais c'est une réalité qui m'inquiète un peu, je dois le partager avec
vous.
M. Mequish (Jean-Claude) : Oui.
Bien, premièrement, nous autres, en tout cas, on s'enligne, par une entente de
collaboration, avec l'entente qu'ils ont signée, là, Wemotaci puis Manawan.
Dans les prochaines semaines, on prévoit s'asseoir avec eux autres pour,
justement, regarder peut-être les dossiers de nos membres qui sont... qui
résident soit dans la région Saguenay—Lac-Saint-Jean, région, aussi, de la Mauricie.
Ça fait partie de nos prochaines étapes, là, à travailler ensemble. Moi, tout
ce que je veux, là, c'est une collaboration de la part de tout le monde, là,
que ce soient les deux CIUSSS, aussi, peut-être même de votre part, là, M. le
ministre.
M. Carmant : Donc, il y a quand
même de l'ouverture pour une entente pour harmoniser les pratiques, si je vous
entends bien, là?
M. Mequish (Jean-Claude) : Oui,
c'est ce que je souhaite. Tout d'abord, je pense que je vais vous rappeler
qu'au tout début de l'élaboration de notre loi, la rédaction... le comité de
travail qu'on avait mis en place, le conseil avait signé une résolution. Tout
au long du processus de rédaction, il y avait juste le fédéral qui était venu
s'asseoir à la table de coordination. On avait invité le Québec aussi puis on
n'a pas eu de réponse de leur part. Je savais aussi que le Québec, il
contestait la loi au niveau de la constitutionnalité, le C-92. J'aurais aimé
pareil s'il avait accepté l'invitation qu'on avait lancée. On aurait pu, tout
de suite là, mettre en place un travail de collaboration.
Au cours des dernières semaines, là, tout juste
avant la rentrée en vigueur, là, j'ai... M. le ministre des Affaires
autochtones, Ian Lafrenière, il m'avait écrit, il m'avait texté, il m'avait
appelé. C'était un peu... trop peu, trop tard, là, en tout cas. Tu sais, à
quelques jours de la rentrée de notre loi, il m'avait fait signe qu'il voulait
s'asseoir, qu'il voulait parler avec nous autres. Mais on souhaite encore... on
a encore une ouverture, là.
M. Carmant : D'accord. Et on va
travailler avec cette ouverture-là. Est-ce que vous voulez commenter sur le
projet de loi ou vraiment pas du tout? Est-ce que je peux vous poser quelques
questions?
M. Mequish (Jean-Claude) : Le
projet... La loi C-15?
M. Carmant : Oui.
• (17 h 50) •
M. Mequish (Jean-Claude) :
Bien, moi, je suis là, comme j'ai mentionné, avec Ghislain, quand il m'a
invité, je vais écouter puis je vais observer, là. Je suis là en tant
qu'observateur.
Le Président (M. Provençal)
: M. Picard.
M. Picard
(Ghislain) : Non... Bien, écoutez, merci pour la question. Et,
comme je l'ai précisé plus tôt, il reviendra à la Commission de la santé et des
services sociaux de commenter en détail le projet de loi n° 15.
Mais j'aimerais quand même, en complément de ce que
le chef Mequish a avancé comme exemple... Et je pense que c'est très, très
éloquent, et, si ça arrive à Opitciwan, bien, ça va... ça risque d'arriver
ailleurs. Ce que vous dites, finalement, M.
le ministre, c'est que votre préoccupation touche les enfants qui sont en
dehors de la communauté. Donc, moi, ça me fait dire que vous n'êtes pas
opposé à l'idée qu'une communauté se dote d'une loi, d'un cadre législatif.
Est-ce que c'est exact? Donc, ça, c'est une question.
L'autre élément que je veux ajouter, le chef
Mequish et moi-même avons présenté le projet de loi de la protection sociale
atikamekw d'Opitciwan le 10 novembre dernier à Wendake. Comment se fait-il
que le Québec ait choisi de réagir lorsque cette loi-là est entrée en vigueur,
le 17 janvier? Ça, je... Pourquoi avoir laissé un vide, alors qu'il y avait une opportunité, à ce moment-là, de
peut-être préparer le terrain pour l'entrée en vigueur de la loi? Donc,
ça, il faudra que quelqu'un me l'explique.
Pourquoi attendre à minuit moins cinq pour réagir? C'est sûr que, je pense,
autant à nous, de notre côté, que du côté de
la communauté d'Opitciwan, on arrive mal... on saisit mal quelle était
l'intention ici.
M. Carmant : Bien, écoutez, je
serai bref, mais je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des enjeux au niveau du fédéral et nous, au niveau de nation
à nation, où on trouve qu'il y a des enjeux de champ de compétence. Mais
c'est sûr que, nous, notre priorité, c'est la protection des enfants. Et,
encore une fois, je le répète, c'est bien statué
dans la loi, pour nous, ce sont les Premières Nations qui sont le mieux placées
pour prendre soin de leurs enfants, puis ça, je le répéterai sans arrêt.
M. le Président, je passerais la parole à ma collègue de Roberval.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée.
Mme Guillemette : Combien de temps,
M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
Mme Guillemette : Merci beaucoup.
«Kwei», chef Mequish. «Kwei», chef Picard. Chef Mequish, j'ai eu l'occasion d'aller dans votre communauté à
plusieurs reprises pour aller travailler pendant plusieurs années. Je
connais bien votre communauté, votre réalité. Merci d'être avec nous
aujourd'hui. J'aimerais vous entendre sur le volet de l'importance de la
sécurisation culturelle au niveau de la protection de la jeunesse, chez vous.
Ou chef Mequish ou chef Picard.
M. Picard (Ghislain) :
...chef Mequish répond.
M. Mequish
(Jean-Claude) : Oui. Oui, un
des volets qu'on travaille, là-dessus, avec le CIUSSS de Saguenay—Lac-Saint-Jean.
C'est parce que nous autres, on fait affaire à... même si on se situe dans la
région, en Mauricie, nous autres, au niveau de nos membres qui ont besoin de
rencontrer des docteurs, des médecins, là, c'est au Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Il y a un travail qui a été amorcé là-dessus avec notre directrice de la santé,
puis je pense que c'est un membre du conseil qui détient le dossier de la
santé.
Aux dernières nouvelles, là, ça avançait bien au
niveau de la sécurisation culturelle. Le CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
je pense qu'ils sont très, très, très conscients de l'importance de travailler
là-dessus pour, justement, sécuriser nos
membres, là, qui, comme je vous l'ai dit tantôt, font affaire dans les centres
hospitaliers Saguenay—Lac-Saint-Jean,
Roberval, Chicoutimi, Alma, dans ces endroits-là.
Avec ce qu'on
a eu, l'affaire Joyce Echaquan, là, beaucoup, beaucoup de nos membres, là, se
sont... beaucoup de méfiance, quand on a vu les vidéos qui ont circulé,
je pense que vous l'avez tous vu, l'affaire Joyce Echaquan. Mais on travaille
là-dessus au niveau... on a une très bonne collaboration de la part du CIUSSS Saguenay—Lac-Saint-Jean
pour la sécurisation culturelle.
Mme Guillemette : Merci, chef
Mequish. Je suis très heureuse d'entendre ça. Merci beaucoup, chef Picard, de
votre présence aujourd'hui. Ça sera tout, M. le Président, pour moi.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, nous
allons poursuivre avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le Président.
Et ma collègue va vouloir aussi poser des questions. Alors, «kwei», chef Picard
et chef Mequish. Je suis étonnée, depuis le début de cette consultation, de l'adhésion
de ceux qui sont venus, d'intervenants, pour dire : C'est le temps, c'est
le temps d'avancer, c'est le temps d'aller vers l'autonomie, les nations. Et c'est comme si, bon, avec... c'est sûr
que les différentes commissions, les recommandations de la commission
Laurent, comment vous voyez ce... Là, je comprends tous les enjeux que vous
avez mentionnés, le ministre aussi, dans le sens «où on est rendus». Mais, au
point de vue de la population, on dirait que les choses ont cheminé beaucoup.
Comment vous voyez l'étape où vous allez acquérir cette autonomie? Comment les
nations, ensemble...
J'ai eu l'occasion
d'aller au Lac-Simon, c'était lors d'une consultation avec l'actuel ministre — il
n'était pas ministre, il était député, mais pas ministre responsable des
communautés autochtones — et
on a eu l'occasion d'échanger avec la nation, et on a soupé, on a échangé,
c'était vraiment formidable. J'avais la chance d'être assise à côté d'une
travailleuse sociale qui m'a expliqué exactement, de A à Z, comment ils gèrent
des problèmes très, très, très sérieux dans leur
communauté, et avec réussite. Elle dit : C'est des cas que vous ne
pourriez même pas imaginer qu'on pouvait faire en sorte que cet enfant soit
encore heureux d'être avec sa famille, à cause de choses qui se sont passées.
Alors, nous, on les accompagne là-dedans, et personne d'autre ne pourrait faire
ce travail, à cause de notre histoire et de nos connaissances de génération en
génération. Alors, j'ai trouvé ça que... c'était un privilège pour moi. Parce
que c'est sûr que je n'ai jamais eu ce dossier-là, mais le débat public est
imprégné, actuellement, de cette volonté. Je pense que c'est un éveil
«coast-to-coast», vraiment, au Canada, pour toutes sortes de raisons et des
drames tragiques qu'on apprend.
Mais comment vous,
vous voyez, donc, cette transition? Je ne sais pas, techniquement, comment ça
se ferait, mais, disons, une entente, un désistement de la cour. Bon, au niveau
du gouvernement, c'est sûr que c'est le gouvernement qui a... Mais je voulais
plus savoir comment vous vous organisez, si chaque nation s'organise avec l'expertise d'autres, partage de meilleures
pratiques. C'est un peu comme ça que ça se ferait, cette opération de... Il y
a l'aspect politique, mais je ne parle pas de l'aspect politique, je parle plus
de l'aspect prise en main, là, vraiment, pour s'assurer que tout va bien et...
Un peu comme on discute dans le réseau, actuellement, qui est... pas brisé, là,
mais on parle de notre réseau de la santé qui est brisé, on parle des
difficultés énormes dans le réseau de la protection de la jeunesse, donc, tous
les intervenants parlent de comment on peut travailler ensemble. Alors, ce
serait un peu de vous entendre là-dessus.
• (18 heures) •
M.
Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, j'essaie d'être concis mais
clair en même temps. Je crois qu'une des premières représentations que nous
avons faites en commission parlementaire pour traiter de ces dossiers-là
remonte à 2005, et le thème du mémoire qui avait été déposé à ce moment-là, c'est
de Dire les choses comme elles sont. Et c'est ce que vous expliquez en
partie, puis la communauté du Lac-Simon est un exemple, mais il faut savoir
aussi que c'est à géométrie variable à l'échelle du Québec.
Donc, depuis au moins
2005 et même avant, nos équipes s'affairent à essayer de relever la capacité au
niveau local. Et il y a beaucoup, beaucoup,
beaucoup de professionnels, maintenant, chez nous, dans le domaine des
services sociaux, beaucoup plus que ce qu'on a pu voir il y a une trentaine
d'années, même quarantaine d'années. Donc, il y a eu une évolution, une
formation marquée aussi, hein, une formation marquée au niveau de nos
professionnels, mais marquée aussi par, je dirais, le niveau de placement au
niveau de nos nations.
Donc, ce qui me fait
dire que la démarche qui a été initiée par la communauté d'Opitciwan a été
extrêmement rigoureuse, comme le seront celles qui vont suivre pour les
15 autres communautés. Et je pense que les communautés s'entendent pour
dire : Voici ce que nous fournit la loi fédérale C-92, c'est
exactement les ingrédients dont on a besoin pour encourager les communautés.
Lorsqu'on parle pleine reconnaissance de l'autodétermination, de leur
autonomie, c'est les conditions réunies, là, pour encourager les communautés comme
Opitciwan et d'autres à se doter des moyens nécessaires.
Il y aura toujours la
partie capacité au niveau financier. Ça demeure un défi tant avec le Québec
qu'au niveau du gouvernement fédéral. Mais c'est là qu'on aurait pu, par
exemple, dans une hypothèse d'entente de coordination comme le prévoit la loi
fédérale, convenir des responsabilités des uns et des autres, hein? C'est
vraiment... Ce que la loi fédérale proposait, c'est une démarche à trois,
là : fédéral, provincial et Premières Nations. Le Québec a choisi une
autre direction, pour des raisons expliquées par le ministre un peu plus tôt.
Mais, en même temps, si on est devant une contestation de la loi fédérale mais
en même temps de la capacité de nos communautés, bien, ça ralentit le processus
qui devrait contribuer à mieux outiller les communautés. Et ça, ça nous reporte
à peu plus loin, malheureusement.
Donc, on est fins
prêts, là, au niveau local, au niveau des communautés, au niveau des nations,
mais encore faut-il qu'on ait vraiment toutes les conditions réunies, là, pour
pouvoir livrer.
Le Président (M.
Provençal)
: ...
Mme Robitaille : Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci. Merci d'être là tous
les deux, chef Mequish, chef Picard. Je voulais saluer, en passant,
votre patience, votre patience à revenir, à nous expliquer, à nous expliquer,
ce n'est pas la première fois que je vous vois ici, à l'Assemblée nationale,
justement, à expliquer le point de vue des Premières Nations, qui est vraiment
important, et puis vous répétez, répétez. Ma collègue parle d'un éveil. Bien,
en tout cas, il y a un momentum, tant mieux. Mais je comprends votre
frustration.
Vous parlez aussi
d'un système brisé, de deux mondes, finalement, puis vous dites : Bien, la
DPJ, bien, ils ont beau faire tout ce qu'ils veulent, mais il y a deux mondes,
et puis, de toute façon, pour y arriver, il faut qu'on soit autonome, il faut
au moins qu'on soit autonome pour ça, pour la protection de nos enfants.
J'aimerais que vous disiez aux gens qui nous écoutent en ce moment... Parce que
le gouvernement nous dit : Bien, la loi sur la DPJ, l'article 37.5
permet des ententes avec le gouvernement fédéral... pardon, provincial avec les
Premières Nations, ils peuvent conclure des ententes avec le gouvernement
provincial, il y en a trois. Depuis trois ans, là, il y a certaines communautés
attikameks qui ont conclu des ententes avec le gouvernement provincial, et là
ils vont vous dire : Bien, coudon, bien, ce n'est pas satisfaisant, ça, en
quoi... Et là ça serait important d'expliquer aux gens qui nous écoutent en
quoi... pour vous, cette loi, là, C-92, qu'est-ce qu'elle donne de plus, quels
pouvoirs il y a, dans cette loi-là, de plus aux articles... je pense que c'est
aux articles de 9 à 17, là, qui donnent des pouvoirs supérieurs à ce que vous
pourriez avoir dans le contexte législatif actuel au provincial. En quoi, pour
vous, c'est important d'aller chercher des pouvoirs équivalents à C-92?
M. Picard
(Ghislain) : Bien, ce que je vous dirais, première chose, c'est
qu'il y a des communautés qui ont effectivement
regardé du côté du 37.5, en disant : Bon, voici la voie qu'on veut
privilégier, mais c'est des communautés aussi qui se sont maintenant
tournées du côté de C-92. Et la raison était, finalement... je vais l'expliquer
très, très simplement, c'est que c'est quoi,
la différence entre plus d'autonomie et une pleine autonomie? Les communautés
ont choisi la voie de la pleine autonomie, et ça, c'est un droit qui leur
appartient. Et pourquoi il en serait autrement? Je dirais même, et je le dis en tout respect pour les communautés dites
conventionnées, hein, trois nations, naskapie, crie et inuite, même la nation inuite qui est
conventionnée, regardent du côté de C-92. Donc, c'est quand même assez
éloquent, là, comme exemple.
Je pense que
la communauté, même si on n'a pas... je veux dire, les Inuits ont une entité
politique administrative qui leur sont propre, mais on réussit quand
même à échanger. Donc, je pense que c'est vraiment le fond, c'est vraiment la
différence entre, finalement, une autonomie dans un cadre que tu ne contrôles
pas, que tu ne décides pas et l'autonomie dans un cadre que tu as toi-même
structuré et dont tu as décidé du contexte. Donc, je pense qu'il y a quand même
une différence importante ici.
Et je vais terminer en disant, et je trouve que
c'est un bel exemple aussi, parce qu'on l'a entendu à plus d'une occasion
publiquement : Le ministre Lafrenière lui-même disait que le problème, là,
c'est que les Premières Nations ont toujours été appelées à s'adapter au
système, alors que ça devrait être le contraire. Je n'oserais pas le citer,
mais c'est à peu près dans ces mots-là qu'il expliquait un peu la chose, en
précisant qu'il comprenait un peu l'attitude de nos communautés dans ce
sens-là.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
«Kwei», chef Picard. «Kwei», chef Mequish. Merci beaucoup pour votre
témoignage, votre présence. J'ai trouvé votre prise de parole au début très
courageuse, et elle disait des choses qui, effectivement, doivent être dites.
Puis je voulais vous témoigner que je partage parfaitement votre avis sur...
bien, sur tout ce que vous avez dit puis plus particulièrement sur l'importance
de décoloniser la loi et les services sociaux en général, mais la question de
la protection de l'enfance. Et je partage aussi cette déception quant au fait qu'on a une opportunité d'aller plus loin, là, et
qu'on ne le fait pas jusqu'au bout. Évidemment, on va... le projet de
loi est en étude détaillée bientôt, et on va pouvoir avoir des occasions de
proposer des changements, des amendements. Alors, je souhaite qu'il y ait une
ouverture et que ce soit en cohérence avec l'idée selon laquelle les Premières
Nations sont les meilleures... les mieux placées pour décider de ce qui se
passe avec leurs enfants.
J'ai une question à poser au chef Mequish
par rapport au système et à la loi que vous avez mis en place pour la
protection de la jeunesse. Si j'ai bien compris, là, au fond, c'est une loi qui
est là pour... qui s'applique à la communauté d'Opitciwan, mais est-ce que
c'est quelque chose... Est-ce que chaque communauté, par exemple, qui en ce moment réfléchissent à faire la même chose,
veut avoir sa propre loi, son propre système ou il y a... Avez-vous un souhait de faire un système par nation ou d'avoir
un système par communauté? Ou peut-être que certaines vont décider de faire des systèmes communs et d'autres non. Je
serais curieux d'entendre ce que vous avez... ce que vous pensez de ça.
M. Mequish (Jean-Claude) : Évidemment,
on a déjà rencontré deux communautés, celle de Mashteuiatsh puis Wemotaci. Ils
voulaient savoir comment qu'on s'est pris à travailler là-dessus, à élaborer
notre propre loi. Je vous dirais là-dessus qu'au niveau des autres communautés
on a eu aussi des... il y a quelques chefs qui m'avaient appelé, ils voulaient
avoir une rencontre.
Puis la question au niveau des nations, juste un
système, étant donné que nous autres, on est la nation attikamek, on ne pouvait
pas y aller au niveau de la nation attikamek, vu que les deux autres communautés
avaient déjà une entente avec le 37.5, là.
Je ne sais pas, dans un avenir rapproché, je ne peux pas te répondre là-dessus
au niveau des autres communautés.
Mais, comme je vous ai dit, il y a quelques communautés qui nous ont contactés,
ils demandent à nous rencontrer. Je ne peux pas... Je n'ai pas vraiment
beaucoup, beaucoup de réponses à ta question, mais on est là, nous autres, on
est prêts à rencontrer les autres communautés.
M. Zanetti : Merci. Bien, ça répond
bien, là. On sent qu'il y a de l'appétit pour, justement, un peu suivre le même
chemin que vous, là, dans d'autres communautés au Québec, là. C'est ce que je
comprends.
M. Mequish (Jean-Claude) : Oui,
c'est bien ça. Bien, avec la... c'est sûr qu'avec la pandémie qu'on a, ce n'est
pas évident, là, tu sais, de se déplacer en présentiel, mais il y a la
technologie, là, qui nous permet aussi de faire des rencontres par visio.
M. Zanetti : Bien, je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: On va terminer cet échange avec le
député de René-Lévesque.
• (18 h 10) •
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, à mon tour, messieurs, de vous saluer, un «kwei» très sincère.
Chef Picard, si je comprends bien ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est
que C-92, on ne peut pas le nier, il existe. Il y a des communautés qui veulent
aller de l'avant, la communauté d'Opitciwan est un exemple, il y en aura
d'autres. Mais vous nous dites aussi que, pour le moment, il y a des
communautés qui n'ont pas levé la main, et donc le projet de loi en question
pourrait s'appliquer à eux. Est-ce que j'ai tort d'affirmer ça?
M. Picard
(Ghislain) : Oui, bien, écoutez, on n'a
pas fait le tour de l'ensemble des communautés. C'est quelque chose qu'on va... qu'on vérifie régulièrement. Comme je le
disais, il y a maintenant au moins 15 communautés, là, qui veulent entamer la même démarche, qui est
celle d'Opitciwan, similaire à celle d'Opitciwan. Et, ceci dit, là,
écoutez, on ne fait pas de promotion. Tout ce qu'on fait, c'est notre devoir de
renseigner les communautés sur ce que C-92 dit, ce que C-92 leur offre. Donc,
ultimement, c'est leur choix. Et, comme je le disais plus tôt, bien, les
communautés qui avaient, à un certain moment, regardé du côté de 37.5, bien,
ont mis ça de côté pour se concentrer davantage sur la loi fédérale et ce
qu'elle prévoit.
Mais je veux quand même
revenir peut-être, en partie, sur la question de M. Zanetti. On a passé une décennie,
l'ensemble des nations, incluant les communautés conventionnées, pour regarder
le concept d'adoption coutumière. On a
réussi à changer le Code civil, à faire amender le Code civil pour qu'il y ait
une reconnaissance de cette pratique-là au sein de nos nations. Donc, il
n'y a rien d'impossible, là, mais il s'agit qu'il y ait de la volonté.
Et à votre question, je pense que c'est
vraiment : Est-ce que les conditions politiques sont au rendez-vous pour avoir ce type de discussion là? C'est la
question qu'on pose ici, parce qu'à chaque fois, à chaque fois,
systématiquement, on revient vous porter, vous livrer le même message, et il y
a comme... je ne sais pas comment l'interpréter, mais il y a comme une primauté
qui nous exclut, et c'est ça qu'on dénonce aujourd'hui. S'il n'y a pas de
volonté ou un contexte qui privilégie aussi nos façons de voir et de faire, on
retourne chez nous bredouilles et avec comme conséquence, bien, des lois comme
C-92. Et c'est ça qui invite les communautés, d'ailleurs, à jeter un regard de
ce côté-là.
M. Ouellet : Votre mémoire met quand
même le doigt sur certaines dispositions qui devraient être changées si on adopte la loi telle que proposée. J'aimerais
peut-être attirer votre attention sur la recommandation 10. Vous
demandez d'exempter les organismes des Premières Nations de l'application de
l'article 21 du projet de loi. J'aimerais savoir pourquoi, parce que cet article-là nous amène à la diffusion ou la
divulgation d'informations, pourquoi c'est important pour vous que cela
ne s'applique pas.
M.
Picard (Ghislain) : Comme je le disais plus tôt, je laisse le soin à
notre équipe, là, de la santé et des services sociaux de vraiment venir vous présenter en détail les commentaires
concernant le projet de loi n° 15 demain. C'est prévu.
M. Ouellet : O.K. Parfait. Je vous
remercie.
M. Picard (Ghislain) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie les chefs Mequish et Picard pour leur
collaboration, leur participation à nos travaux.
Je suspends les travaux pour permettre au
prochain groupe de se présenter. Alors, merci beaucoup d'avoir été présents à
nos travaux en présentiel et en visioconférence. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
(Reprise à 18 h 18)
Le Président (M. Provençal)
: Alors, on reprend nos travaux. Je
vais avoir besoin d'un consentement pour un cinq minutes additionnel, pour nous
assurer qu'on a l'entièreté du temps pour le groupe qui est le Barreau du
Québec. Consentement? Merci.
Je souhaite la bienvenue aux représentants du
Barreau du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre
présentation. Par la suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de
la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation.
Merci.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) : M. le
Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les
députés, je me présente, je suis Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je
suis accompagnée de Me Dominique Trahan, Me Fanie Pelletier et
Me Ana Victoria Aguerre, avocats et membres du groupe de travail sur le
projet de loi n° 15.
Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir
invité à participer aux consultations particulières entourant ce projet de loi
tout aussi important qu'attendu par la société québécoise. Sachez que la
protection de la jeunesse interpelle particulièrement le Barreau du Québec dans
le cadre de sa mission de protection du public.
La protection de la jeunesse est une
responsabilité collective et repose sur un filet de sécurité sociale,
communautaire mais aussi judiciaire. Rappelons que, lors de son adoption, en
1977, la Loi sur la protection de la jeunesse s'est caractérisée par la volonté
de déjudiciariser la protection des enfants en limitant l'intervention de
l'État et en la subordonnant au respect des droits reconnus à l'enfant et à ses
parents. Plus de 45 ans plus tard, force est de constater que les dossiers
complexes ont proliféré et qu'ils ont nécessité l'intervention des tribunaux,
des avocats et autres acteurs judiciaires.
Malheureusement, en raison
d'un manque important de ressources, la justice n'a pas pu remplir efficacement
son rôle. En effet, sur le terrain, on assiste à d'importants délais
judiciaires causés par un système de protection de la jeunesse qui tourne au
ralenti. Pour les différents acteurs oeuvrant en matière de la protection de la
jeunesse, qu'il s'agisse des avocats, des juges ou intervenants sociaux, cette
réalité alourdit leurs tâches, alors que la nature même des dossiers est
émotionnellement et psychologiquement exigeante.
• (18 h 20) •
En fait, on parle beaucoup du système
judiciaire, mais il ne faut jamais perdre de vue que ce sont des humains qui
composent, voire soutiennent ce système à bout de bras, tout particulièrement
depuis deux ans. Ils sont littéralement à bout de souffle. Cet état de fait
n'est donc pas sans conséquence sur le bien-être psychologique des
professionnels du droit.
Le manque de ressources a également de graves
répercussions sur les enfants que l'on cherche à protéger. En effet, dans bien
des cas, ces derniers doivent attendre plusieurs mois avant qu'un juge statue
sur leur situation. Ces délais sont non seulement déraisonnables lorsque l'on
tient compte de la notion du temps chez l'enfant, telle qu'enchâssée dans la
loi, mais ils sont également susceptibles de miner la confiance du public
envers la justice. Ainsi, nous invitons le législateur à s'attarder sur cette
nécessaire adéquation entre la disponibilité des ressources et l'atteinte des
objectifs visés par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Il demeure toutefois que, de façon générale, le
Barreau accueille favorablement le projet de loi n° 15, qui est porteur de
plusieurs avancées qui sont soulignées dans notre mémoire. Étant donné les
délais qui nous sont impartis, j'attirerai votre attention sur certains enjeux
soulevés par ce projet de loi.
Tout d'abord,
nous appuyons la création d'un poste de directeur national de la protection de
la jeunesse. Cependant, comme le directeur est aussi un sous-ministre,
nous nous demandons si ce poste aura la neutralité et l'indépendance
nécessaires permettant d'atteindre les objectifs de concertation,
d'harmonisation et d'imputabilité poursuivis.
Également, nous estimons que le législateur
devrait clarifier ses pouvoirs et la façon dont ils seront exercés, pour une meilleure
prévisibilité juridique et pour l'imputabilité des personnes visées par ses
décisions et ses directives. Nous invitons finalement le législateur à prévoir
explicitement que le pouvoir de collecte des données dévolues au directeur
national de la protection de la jeunesse soit appliqué au niveau judiciaire.
Nous invitons également le législateur à
clarifier le moment de l'intervention de l'avocat représentant l'enfant dans la
loi. Dans la mesure où il est un sujet de droit, nous sommes d'avis que la représentation
d'un enfant par avocat doit être la règle et non l'exception. Cette idée a par
ailleurs été retenue dans le projet de loi n° 2 portant sur la réforme du
droit de la famille et cela va jusqu'à inclure l'accès universel à l'aide
juridique pour les enfants. Nous sommes donc d'avis que l'enfant doit pouvoir
bénéficier d'une voix à travers son avocat, et ce, dès le début du processus
des mesures volontaires.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi ne
permet pas de centraliser les informations relatives à un enfant. Nous
suggérons, de ce fait, la mise en place d'une règle de type un enfant, un
dossier, facilement accessible par les différents intervenants et contenant les
informations à jour et disponibles en temps réel. Nous estimons qu'il devrait
revenir au directeur national de la protection de la jeunesse de mettre en
place un protocole visant à ce que les règles de complétion des dossiers soient
uniformes partout au Québec.
Le projet de loi contient également un important
volet en matière autochtone. D'emblée, nous accueillons favorablement plusieurs nouveautés qui répondent à des demandes de
longue date et qui sont autant d'avancées vers des services mieux adaptés et respectueux des droits
et des réalités des enfants, des familles et des communautés
autochtones.
Un certain arrimage demeure cependant à faire
avec les dispositions prévues à la loi fédérale sur les enfants, les jeunes et
les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Plus précisément,
nous référons à l'ajout du principe d'égalité réelle entre les enfants
autochtones et les autres enfants pour assurer des services adaptés aux besoins
particuliers des enfants, des familles et des communautés autochtones.
En ce qui a trait aux conseils de famille, nous
recommandons d'élargir leur champ d'action en amont, soit dès le signalement. Nous sommes d'avis que, dans
certaines situations, un conseil de famille constitué dès le signalement
d'un enfant peut suffire à mobiliser le filet de sécurité de l'enfant, cibler
des moyens concrets pour mettre fin au danger et ainsi éviter une déclaration
de compromission. Nous préconisons aussi une obligation de proactivité accrue
du DPJ dans la formation d'un conseil de famille, soit l'obligation de vérifier
activement auprès de la famille leur consentement à un tel processus.
En matière de délais maximaux de placement, nous
saluons l'extension possible de ces délais pour les enfants autochtones.
Toutefois, cette possibilité d'exemption ne doit pas se limiter aux situations
où il y a un conseil de famille. Nous
estimons donc que toute décision concernant un enfant autochtone doit pouvoir
être revue régulièrement sur la base de l'intérêt de l'enfant,
indépendamment de la présence ou non d'un conseil de famille.
En milieu autochtone, le portrait de la
prestation des services est le reflet de la diversité des réalités et besoins
des différentes communautés. En effet, 19 DPJ desservent les
55 communautés autochtones, et plusieurs d'entre elles ont des ententes
qui leur confèrent un certain niveau d'autonomie dans la prestation des
services. Aussi, comme vous le savez, depuis le 17 janvier dernier, la
communauté attikamek Opitciwan, en Mauricie, est devenue la première au Québec
à se doter de sa propre loi en matière de protection de la jeunesse.
Le projet de loi n° 15 contient des
nouveautés intéressantes qui confèrent une autonomie et une prise en charge
accrues pour les familles et les communautés autochtones, comme les conseils de
famille. Toutefois, nous sommes d'avis que le législateur doit aller plus loin
et inscrire le droit à l'autodétermination des peuples autochtones pour les
services à l'enfance et à la famille dans la LPJ, comme c'est le cas dans la
loi fédérale et dans la Déclaration des Nations unies pour les droits des peuples
autochtones.
Enfin,
nous sommes conscients que les améliorations apportées à la loi ne pourront
bénéficier pleinement aux enfants et aux familles autochtones que si elles se
reflètent concrètement sur le terrain, dans les pratiques, les outils utilisés
et la formation dispensée aux intervenants. À cet égard, nous réitérons que
l'allocation des ressources financières et humaines adéquates est primordiale
pour assurer le succès des mesures prévues au projet de loi.
Avant de terminer,
nous tenons à souligner que les modifications proposées au projet de loi
n° 15 témoignent de l'intention du législateur de vouloir mettre à jour le
droit québécois de l'enfance en faveur du meilleur intérêt de l'enfant. De
manière plus spécifique, nous saluons la réaffirmation et la clarification de
certains principes clés qui doivent guider les décisions prises en vertu de la
Loi sur la protection de la jeunesse, tels que la continuité des soins ainsi
que la stabilité des liens.
Nous saluons
également l'intégration à la loi de la notion de l'intérêt de l'enfant
autochtone, du principe de la continuité culturelle pour les enfants
autochtones ainsi que la reconnaissance des liens d'attachement multiples et du rôle des conseils de famille. À notre avis, il
s'agit là d'avancées fort prometteuses qui permettront de briser le
cycle de la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de
protection de la jeunesse ainsi que les effets dévastateurs du placement de ces
enfants dans des milieux non autochtones.
Cette volonté réelle
du législateur est porteuse d'espoir quant à l'avenir du système de protection
de la jeunesse au Québec. La protection de la jeunesse mérite que sa réponse
soit effectuée de manière attentive et non précipitée pour en arriver à des
normes efficaces et pérennes.
Nous vous remercions
pour votre attention et pour cette invitation. Et nous sommes maintenant prêts
à recevoir vos questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter cette période
d'échange avec M. le ministre. Donc, M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant :
Bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation et pour votre mémoire. Le
premier point qui m'a un peu surpris,
c'était à propos du changement de libellé au niveau de l'intérêt de l'enfant.
Vous semblez vouloir dire qu'on pourrait, plutôt qu'améliorer... mettre
la... prioriser cet intérêt de l'enfant, avoir un effet inverse. Pouvez-vous
exactement nous expliquer ce point de vue? Puis qu'est-ce qu'on peut faire pour
corriger cette situation, selon vous?
Mme Claveau
(Catherine) : Oui, je vais demander à Me Trahan de répondre à
cette question.
M. Trahan
(Dominique) : En fait... On m'entend bien, oui? Ça va? D'accord,
merci. En fait, il s'agit plutôt de le mettre comme un principe également. Ce
n'est pas de le réduire ou ce n'est pas qu'on n'est pas en accord, c'est de le
mettre comme un principe en référence, donc encore plus élevé.
M. Carmant :
O.K. Donc, un «la» plutôt que «une», c'est ça?
M. Trahan
(Dominique) : Ça pourrait être ça, entre autres, oui.
M. Carmant :
O.K., d'accord. O.K., je comprends tout à fait. Merci beaucoup.
Mme Aguerre (Ana
Victoria) : Si je peux me permettre d'ajouter, pour faire un
complément à ce qui vient d'être donné comme réponse, en fait, c'est vraiment
de garder l'idée que l'intérêt de l'enfant doit être l'objectif poursuivi
derrière toute décision qui est prise à son égard. Donc, c'est beau parler de
principe fondamental, de considération primordiale, comme c'est prévu dans le
projet de loi, mais ça doit être plus qu'une simple considération, ça doit être
vraiment l'objectif derrière toute décision qui est prise à son égard. Merci.
• (18 h 30) •
M. Carmant : Parfait, on s'entend là-dessus. Une autre petite surprise aussi,
c'était la préservation des dossiers jusqu'à l'âge de 43 ans. On a
utilisé le modèle, que je connais bien, là, des hôpitaux pédiatriques. Mais
vous, vous avez une inquiétude par rapport à
ça. Pouvez-vous m'expliquer ce qui en ressort puis comment on peut s'assurer...
Parce que c'était une demande de plusieurs anciens de la DPJ, d'avoir la chance
de consulter leurs dossiers, pas nécessairement immédiatement après la sortie
de la DPJ.
Mme Claveau
(Catherine) : Me Trahan, je vais vous laisser...
M. Trahan
(Dominique) : Oui, parfait. Oui. Alors, en fait, on parlait de
25 ans, jusqu'à l'âge de 25 ans, parce qu'effectivement on se disait
que l'enfant pourra avoir accès à ces informations et manifester le désir de conserver ses dossiers puis de pouvoir y accéder.
43 ans, une question qu'on avait : D'où était... d'où provenait ce
chiffre-là exactement? Alors, évidemment, il faut le prolonger. Initialement,
on est d'opinion que c'est jusqu'à l'âge de 25 ans, et puis, si jamais
l'enfant veut le consulter, bien, il y a accès. Quelle est la nécessité? Je
comprends le 43 ans, etc., mais je pense que c'est de s'assurer que ça lui
soit disponible.
M. Carmant :
O.K. Bien, c'est comme je vous dis, c'est le modèle, un peu, médical, là, où les
dossiers sont conservés 25 ans après la majorité, là. Mais l'enjeu de
25 ans qu'on a discuté, c'est qu'on trouvait que c'était court. Certains
peuvent avoir la nécessité de consulter leurs dossiers au moment de se marier,
au moment d'avoir un enfant. Puis, tu sais, de nos jours, ça arrive rarement ou
pas typiquement avant 25 ans.
M. Trahan
(Dominique) : Il est certain que, écoutez, si les institutions
décident que c'est 43 ans et que ça permet aux enfants d'y accéder, dans
la mesure où que cette disponibilité-là, c'est seulement pour eux, ce n'est pas
un problème en soi, non plus que... Je ne crois pas que c'est ça qui va faire
la différence au niveau de l'intérêt de l'enfant puis des décisions judiciaires
qui ont été prises, qui est la pierre angulaire de tout le processus.
M. Carmant : O.K. Mais avez-vous une
inquiétude?
M. Trahan (Dominique) : Bien, comme
je vous ai dit, dans la mesure où ces dossiers-là servent à l'enfant, à
lui-même, et c'est lui qui y a accès, ça va, et non pas que ça pourrait être
consulté pour voir ce qui est arrivé dans le passé
et à la génération antérieure, etc., quand on est saisi d'un signalement qui
concerne l'enfant d'un enfant, par exemple.
M. Carmant : D'accord.
Mme
Claveau (Catherine) : Dans
le fond, c'est ça, la limite. C'est... Si, effectivement, c'est l'enfant lui-même
ou le jeune adulte qui le consulte, il n'y a
pas vraiment d'objection. Mais, si c'est ouvert à d'autres personnes qui
pourraient justement l'utiliser pour des enfants des enfants, ça risque quand
même, là, à donner une perception tronquée.
M. Carmant : On m'a expliqué que
seul un juge pourrait ordonner... permettre à quelqu'un d'autre d'avoir accès
au dossier.
M. Trahan
(Dominique) : Non, mais... — ça
va? C'est que c'est... Effectivement. Mais, un dossier informatique, on
a déjà vu que ça pouvait être utilisé, n'est-ce pas?
M. Carmant : Ah! je comprends.
D'accord. Je comprends votre point.
M. Trahan (Dominique) : Alors, c'est
un peu ça, là. C'est cette protection-là à laquelle on tient.
M. Carmant : O.K. C'est clair.
Merci.
Revenons sur le rôle de la directrice nationale
de la protection de la jeunesse. Peut-être élaborer un peu plus? Vous avez été
rapidement, là, sur vos inquiétudes. Peut-être nous en dire un peu plus?
M. Trahan (Dominique) : Alors, c'est
une question d'indépendance pour la personne qui occupe ce rôle-là. C'est sûr
qu'elle devra avoir un leadership auprès des directeurs de la protection de la
jeunesse. Mais, compte tenu qu'elle a un rôle national, la notion
d'indépendance est, pour nous, très importante, parce que c'est autre chose que
le ministère ou les commettants.
C'est la même chose aussi, cette personne-là va
possiblement faire des rapports. Et également on parle des rapports à un
ministre qui est responsable de la loi, et ce ministre devrait également, dans
ses fonctions, devoir... ou avoir l'objectif de faire en sorte que ce que l'on
recommande, soit à la DNPJ, ou soit à un commissaire, ou autre organisation neutre,
mais là on parle de la DNPG... que toute recommandation soit mise en place, et
que l'on voie aussi si ça touche d'autres ministères, que le ministre
responsable de la loi voie à ce que l'on puisse les implanter, et assez
rapidement.
M. Carmant : D'accord.
M. Trahan (Dominique) : Alors, c'est
dans ce contexte-là qu'on considère que l'indépendance de la fonction est fort
importante.
M. Carmant : D'accord. Vous avez
aussi parlé de quelque chose que nous, on voyait très positivement, c'était le
droit aux enfants d'avoir un avocat, pas juste dans des conditions d'exception,
mais tout le temps. Puis, encore là, vous aviez certaines hésitations que
j'aimerais mieux comprendre.
M. Trahan (Dominique) : Oui,
certainement.
M. Carmant : Puis surtout l'histoire
que, dès le début... Moi, je pensais que c'était inhérent, là.
M. Trahan (Dominique) : Parfait.
Alors, effectivement, vous avez raison, on vous amène plus loin. C'est ça, la
différence, et possiblement la difficulté de perception, là. Et d'ailleurs,
contrairement à la loi actuelle, le projet de loi que vous mettez en place fait
en sorte que tous les enfants seront représentés par avocat, dans le cadre d'un
processus judiciaire, on s'entend. Et là-dessus, ça va très bien.
Là où on vous amène
plus loin, c'est que, dans le cadre des mesures volontaires, quand on soumet à
des parents et à des enfants... et particulièrement je vais référer à
l'expression «pour les enfants sans voix», qui sont représentés par avocat dans
ce processus de mesures volontaires là, ces enfants, comme le dit l'expression,
sont sans voix, et les seuls qui pourraient, à la rigueur, parler pour et au
nom de l'enfant sont des gens du système social. Alors, entre nous, ça protège
le système social d'avoir une représentation par avocat à cette étape-là
également parce que ce n'est pas la suggestion du
système, ça sera la suggestion de l'enfant. Et les avocats d'enfants sont
habitués parce qu'ils demandent à la cour, quand ils représentent un enfant
sans voix, d'agir selon les paramètres de la loi. Et, si on considère — je
vous parle de processus judiciaires, là — qu'à l'occasion une expertise
serait nécessaire, il nous est loisible de le faire.
Alors, dans ce
contexte-là... évidemment, pour des mesures volontaires, on ne parlera pas
d'expertise, mais c'est la... on s'assure d'une neutralité dans une décision
qui sera prise suite à des représentations pour un enfant qui est sans voix.
Alors, c'était le but de la suggestion que l'on vous fait.
M. Carmant :
D'accord. Je comprends bien. Et certains ont soulevé la nécessité de formation
additionnelle. Est-ce que vous, vous voyez que c'est un besoin ou on a... je
veux dire, les personnes qui vont représenter ces enfants-là ont toutes les
compétences requises?
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, écoutez, à l'heure où on se parle, il y a
plusieurs avocats qui sont spécialisés en protection de la jeunesse. Tous nos
avocats doivent respecter leur code de déontologie... et les oblige à n'agir
dans un domaine de droit que s'ils se sentent suffisamment compétents, et ce
qui veut dire qu'il les oblige à suivre la formation continue.
Au Barreau, on offre
plusieurs formations continues. On a même un guide des meilleures pratiques
pour l'avocat en protection de la jeunesse. Donc... Évidemment, nous, on est
toujours volontaires pour ajouter de la formation pertinente, mais, au moment
où on se parle, ce qu'on dit, c'est que, quand même, on peut faire confiance,
nos avocats qui se présentent en protection de la jeunesse sont, pour la
majorité, suffisamment formés.
M. Trahan
(Dominique) : Et je rajouterais à ça, si on me permet, tous les
acteurs judiciaires impliqués dans le
processus, que l'on parle d'avocats de parents ou d'avocats du directeur de la
protection de la jeunesse, ont tous, à un moment donné ou un autre des procédures, affaire avec les enfants.
Alors, ça s'applique à toutes catégories d'avocats.
M. Carmant :
D'accord. Merci. M. le Président, avec votre permission, je passerais la parole
à la députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président
(M. Provençal)
: Oui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour. Tout à l'heure, vous avez
parlé du manque de ressources, puis de disponibilité, et de délais de justice.
Ça serait quoi, vos solutions, vous, pour éviter les délais?
• (18 h 40) •
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, à la base, vraiment, il y a une question d'ajouter
des ressources au tribunal, entre autres. Ça peut être nommément un ajout de
juges, de personnel de la Cour, pour qu'il y ait plus de dates de journées
d'audience, pour permettre, là, que les dossiers puissent... c'est un exemple
que je vous donne, là, puissent pouvoir être fixés, là, dans les meilleurs
délais.
M. Trahan
(Dominique) : Si on me permet, je rajouterais également. Au fil des
ans, il a été fait mention par d'autres intervenants qu'il y a eu plusieurs...
ou un certain nombre de modifications à différentes étapes de la Loi de la
protection de la jeunesse. Et le délai qu'on retrouve à l'article 79 ou
76.1, qui est actuellement de 60 jours, en 1980 ou en 1979, lors du début
de l'application de la loi, il était de 14 jours. Et, quand on fixait des
dates après une audition d'urgence, on était au 14e jour. On a extensionné
ces délais-là à 30 jours. Et, à cette époque-là, après ça, on a fixé les
dates à 30 jours. Maintenant, on est à 60 jours et on fixe les causes
en urgence à 60 jours.
Alors, à chaque fois
qu'on prolonge les délais dans la loi, ils sont utilisés au maximum. Et c'est à
cause de quoi? Souvent, on nous dit que c'est pour donner du temps aux
intervenants de faire des rapports, mais on se rend compte qu'il y a
peut-être... il y a besoin de plus d'intervenants, il y a besoin de plus de
monde au judiciaire. Parce que ce n'est pas en extensionnant les délais qu'à
chaque fois on va arriver à régler le problème de travailler dans l'intérêt de
l'enfant, pour qui le temps est important.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Ensuite, vous dites que la DPJ a
l'obligation de saisir systématiquement le tribunal en urgence et
d'aviser toutes les parties concernées du non-respect de l'ordonnance ou de
l'impossibilité de maintenir les conditions exigées par le tribunal. Est-ce
que... Bien, moi, pour moi, je pensais que c'était systématique. Si ça ne l'est
pas, est-ce que vous pouvez me donner des exemples?
M. Trahan
(Dominique) : Bon, alors, on le suggère, pas de saisir en urgence le
tribunal, c'est d'aviser les autres parties de la non-exécution d'une
ordonnance ou de la non-faisabilité d'exécuter l'ordonnance, pour que les
parties et la cour, on puisse convoquer les gens et revenir devant le tribunal.
Parce qu'effectivement, compte tenu des ressources, compte tenu d'un paquet de
raisons, il peut arriver qu'un volet d'une décision...
Exemple, on demande
qu'un enfant puisse bénéficier de soins ou de suivi psychologique à l'intérieur
d'un délai x, et, à la fin de ce délai-là, on n'a pas trouvé de psychologue
pour assurer le suivi et que l'enfant puisse bénéficier d'une thérapie. Bon, alors,
est-ce qu'on laisse traîner le dossier seulement au moment où on reviendra avec
une révision judiciaire à la fin de l'ordonnance? C'est ce qu'on veut éviter
par notre suggestion...
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Je
comprends.
M. Trahan
(Dominique) : ...si vous me comprenez, oui.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Oui,
je comprends. Il me reste quelques secondes.
Le Président (M. Provençal)
: 20 secondes.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
«Rendre davantage inclusive l'expression "personne à qui la loi confie des
responsabilités envers l'enfant."» Comment on rend ça plus inclusif?
M. Trahan (Dominique) : Bien... — oui,
c'est encore ouvert, excusez-moi — à cet endroit-là, dans le texte de loi,
c'était de s'assurer que tous les acteurs, que l'on parle d'acteurs judiciaires
ou d'acteurs sociaux... Je dis bien «sociaux»?
Oui. C'est ça. Je fais l'accord, là, c'est ça qui me fait réfléchir. Pardon.
Alors donc, juges, intervenants sociaux, enfants, parents, tout le monde
se doit mutuellement du respect. C'est dans ce sens-là que cette suggestion-là
ou cette proposition-là est faite dans notre
mémoire parce qu'on parle de juste deux catégories de personnes à cette
disposition-là, dans l'amendement tel que proposé.
Alors, pour nous, des intervenants sociaux, ils
doivent recevoir respect autant d'un parent que d'un adolescent, autant que des
avocats, et, vice versa, le juge doit respect aux travailleurs sociaux, aux
intervenants sociaux. Et c'est important de le mentionner parce que, comme on
le dit, c'est quelque chose de collectif.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons maintenant poursuivre
cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le Président.
Merci et bienvenue. J'ai quelques questions, et c'est dans votre mémoire, donc,
à la page 12. «Le Barreau du Québec constate que le législateur intègre à
la disposition traitant de la communication
un nouveau volet», donc c'est toute cette question de communication, et vous
faites... donc, vous dites que... «un nouveau volet qui vise les droits
de contacts avec l'enfant. Or, le droit à la confidentialité et le droit à des
contacts sont deux éléments distincts. La mise en oeuvre de ces deux droits
requiert une prise en compte de facteurs différents afin de s'assurer que le
meilleur intérêt de l'enfant est adéquatement considéré.»
On a beaucoup parlé de communication, d'avoir
accès à des renseignements personnels, etc. Pourriez-vous peut-être revenir sur
cette recommandation que vous faites de clarifier le langage qui est utilisé
dans le projet de loi?
M. Trahan (Dominique) : Certainement.
Alors, à l'endroit où ça se trouve, tel que vous le mentionnez, c'est les
contacts et les communications que l'enfant peut avoir avec quelqu'un. Alors,
c'est de ça dont il est question à cet endroit-là. Donc, un contact, c'est une
visite chez quelqu'un, avec quelqu'un, pendant qu'il est en centre, pendant
qu'il est en famille d'accueil. Une communication, c'est un téléphone, c'est un
écrit, peut-être, mais c'est ce dont il s'agit. Je ne sais pas si ça éclaircit
la situation.
Mme
Weil : Oui. Donc, c'est vraiment, dans la législation,
d'être clair et précis par rapport à ce dont on parle.
M. Trahan (Dominique) : Exact, parce
que c'est différent. Puis je suis convaincu que, quand c'est le temps
d'autoriser un ou l'autre, bien, il y a des moyens à prendre pour le faire, et
ça nécessite plus ou moins de contrôle ou encore de permettre une accessibilité.
Mme Weil : Aussi, si vous pourriez
peut-être vous adresser à votre recommandation... «L'implication des parents
lorsque l'enfant est retiré de son milieu familial doit être clarifiée», là
aussi, vous proposez une clarification, et c'est votre 4.1 proposé. Ça,
c'est un sujet bien important... bien, tous les sujets sont importants, mais
quand même sensible, on le sait, quand les familles nous interpellent avec ces
genres de problèmes.
Donc, est-ce
que vous le voyez, 4.1, lorsque l'enfant est retiré de son milieu,
l'implication des parents? Peut-être expliquer cette recommandation que
vous faites.
M. Trahan (Dominique) : Bien, c'est
un peu... Rapidement et pour imager les choses, je vous dirais que c'est un peu
encore dans la dispense des services. Une fois qu'une ordonnance de cour est
rendue, qui entraîne un placement, et qu'il est possible que l'on retourne
l'enfant chez lui parce que les gens auront bénéficié des services et que ces
services-là auront porté fruit, bien, c'est dans ce contexte-là qu'on parle
d'implication des parents et que c'est important de le mentionner.
Mme
Weil : Et la clarification,
ça s'adresse à quoi, précisément, qui n'était pas clair, selon vous, dans le
projet de loi? Parce que vous parlez d'une clarification. Pouvez-vous
expliquer, peut-être, ou...
M. Trahan
(Dominique) : Bien, on parle
de prendre en... La proximité des ressources choisies, exemple, dans notre tableau, à la page 15, on se dit qu'à
ce moment-là il devient important d'être spécifique dans ce qu'on
recherche auprès des parents pour pouvoir
faire en sorte que, oui, ce qu'on veut qu'ils obtiennent soit disponible et
sans trop de difficultés.
Vous savez, je donnerais un exemple, il y a
plusieurs années, quand on appelait un travailleur social, on pouvait laisser
un message à une adjointe. Maintenant, on laisse des messages sur une boîte
vocale. Et il y a bien de ces gens-là qui sont fort
démunis et, quand ils tombent sur un message, ils raccrochent. Je pense que
c'est des choses... Alors, de les accompagner
dans la disponibilité des ressources, je pense que ça devrait faire partie des
tâches.
Et, dans ce... c'est un peu dans ce contexte-là
qu'on faisait la suggestion, parce que, les parents, ce sont également des
parties au dossier. Puis, si on veut que les enfants puissent peut-être rester
avec eux, encore faut-il que tout le monde en ait la chance.
Mme Weil : Combien de minutes?
Le Président (M. Provençal)
: Cinq minutes.
Mme Weil : Cinq minutes. La
judiciarisation et comment peut-on remédier à ça, il y a tout un chapitre dans
le rapport de la commission spéciale. Donc, qu'est-ce que... Parmi les
solutions, la médiation. Ils recommandent la médiation.
Est-ce que vous pourriez vous adresser à cette question-là, les délais qui sont
de plus en plus longs, comment dire, les répercussions, évidemment, sur
l'enfant et la famille à cause de ces délais? Comment remédier à toutes ces
questions-là? Et quels sont les efforts, actuellement, en médiation? Et est-ce
qu'il y a eu des... un peu de succès avec la médiation?
• (18 h 50) •
M. Trahan (Dominique) : Là, tout
d'un coup, il y a de l'écho, hein?
Mme Weil : Ah! il y a un écho.
M. Trahan (Dominique) : Mais, à tout
événement, la médiation... Il y a effectivement un projet pilote dans la région
de Québec, là, qui est en branle et qui devrait s'implanter, mais actuellement
il y a plein de modes alternatifs de
règlement des conflits, même en matière jeunesse : il y a les conférences
de règlement à l'amiable, il y a les projets
d'entente. C'est sûr que les mesures volontaires en font également partie.
Alors, dans ce contexte-là, ce sont les moyens pour essayer de
désembourber le système. Mais il faut être conscient d'une chose : il y a
des cas très graves, et beaucoup de ces cas-là ne se régleront pas par les
processus de règlement à l'amiable ou les modes alternatifs de règlement des
conflits.
Alors, exemple, on a suggéré, à un moment donné,
je sors un peu du sujet, mais ça fait partie des suggestions qu'on a faites, de
permettre à un autre tribunal, exemple le Tribunal des droits de la personne,
d'entendre les requêtes en lésion de droits. Parce qu'actuellement les requêtes
en lésion de droits, ça peut être consommateur de temps. Et, si, à la chambre
de la jeunesse, on se concentre sur les cas de compromission qui viennent en 38
ou en 95, bien, ça permet de les entendre et ça permet de dégager certains
débats et de... peut-être un autre tribunal ou une autre juridiction pour les
entendre. Alors, ça fait partie des suggestions qu'on peut avoir à différents
endroits dans notre... mémoire, pardon.
Mme Weil : Avec le temps qu'il me
reste, je crois...
Des voix : ...
Mme Weil : Une dernière
question, puis je vais passer la parole à ma collègue, s'il reste du temps.
Commissaire, le commissaire qui serait créé, un poste de commissaire, on a eu
beaucoup, déjà, d'interventions. La commission,
actuellement... tu sais, ils appellent ça leur recommandation-phare, moi, je
l'ai vu comme la recommandation-phare, donc une entité indépendante... parce
que vous parliez de l'indépendance du directeur national, mais, le directeur national, moi, je le vois bien intégré
dans le système du ministère, et etc., donc, mais une voix autre à
l'extérieur, neutre, capable de non
seulement en amont, mais aussi en aval, à tout moment, être là pour l'enfant,
qu'en pensez-vous, de cette recommandation, qui n'a pas, pour l'instant,
été retenue?
M. Trahan (Dominique) : Alors, qu'on
l'appelle ombudsman de l'enfant, commissaire, Commission des droits de la
personne, volet jeunesse exclusif, il est sûr que cette entité-là devra avoir
des effectifs pour accomplir ses tâches. Et, actuellement, la Commission des
droits de la personne... qui, au début de la loi, était un organisme relié au ministère
de la Justice, mais qui s'appelait la commission des droits de la jeunesse, si
ma mémoire est bonne, je peux faire erreur sur le nom, jouait ce rôle-là, mais
évidemment ce n'était peut-être pas suffisant non plus, et, compte tenu des
droits de l'enfant, ça a été jumelé à la Commission des droits de la personne.
Maintenant, est-ce que ça serait un commissaire?
Est-ce que ça serait un chapeau égal à l'intérieur de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse? Il est certain que
cette fonction-là doit être occupée, et, dans notre mémoire, vous verrez qu'on demande d'octroyer plusieurs
pouvoirs supplémentaires à la commission. Alors, si ça devient le commissaire,
bien, ça devrait être des pouvoirs qui appartiennent au commissaire et que cet
organisme-là aussi fasse des rapports. Parce que, dans la loi, vers la fin, à
l'article 155 ou 156, on me pardonnera mon erreur de chiffre, mais la
commission fait des rapports aux cinq ans, et, quant à nous, ces rapports-là devraient être faits plus fréquemment, sur les
problématiques jeunesse, à tout le moins, et aussi sur les avis pour faire
en sorte que le ministère, le ministre, puisse prendre les moyens nécessaires
pour régler des problèmes de fond qui sont importants — quand
je dis «de fond», fondamentaux, et non
pas des problèmes financiers, mais des problèmes de fond — quant
à l'application de la loi ou quand on constate que, dans une région X,
ça ne va pas bien pour telle et telle raison.
Alors,
c'est tous des sujets, comme d'autres intervenants ont pu mentionner, qui
devraient appartenir à ce titre ou à cette fonction.
Mme Weil : Merci.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup. Nous allons poursuivre avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup pour vos présentations, vos interventions.
Concernant le rôle de la DNPJ, vous avez déjà un peu parlé de la question de la
neutralité, le fait que ça pose problème que ce poste-là soit un poste de
sous-ministre également. Comment verriez-vous... Comment est-ce qu'on pourrait
rectifier ça? Est-ce que... Comment verriez-vous le processus, par exemple, de
nomination de cette personne-là? Puis quel genre d'indépendance pensez-vous
qu'on devrait lui octroyer?
M. Trahan (Dominique) :
Alors, il est certain que... On parle d'attachement de l'enfant, mais, tant
que la DNPJ n'est pas attachée à personne, je pense que ça serait mieux. Si
elle est attachée aux enfants, ça serait très bien. Et, dans ce contexte-là, les nominations, je ne dirais pas législatives,
mais les nominations qui émanent du gouvernement, je pense qu'il y a
certainement moyen de s'assurer qu'elles aient des fonctions ou des... une
neutralité nécessaire à la fonction. Et, dans ce contexte-là, il me semble que
c'est de s'assurer d'un leadership à l'égard des gens qu'elle a à gouverner,
entre autres les directeurs de la protection de la jeunesse.
Tantôt, un autre
intervenant disait : Il faut s'assurer que les directeurs de la protection
de la jeunesse fassent confiance aux organismes communautaires et puissent y
recourir. Bien, c'est la même chose. Si on demande au DPJ d'agir de cette
façon-là, il faut que la personne qui le fasse puisse bénéficier d'une
indépendance pour le faire.
M. Zanetti :
Est-ce que vous... Est-ce que je comprends que vous verriez d'un bon oeil que,
par exemple, la DNPJ soit nommée par les DPJ, par le forum des DPJ, Forum des
directeurs?
M. Trahan
(Dominique) : Je ne pense pas que... bien, je ne pense pas que ça
assure l'indépendance qu'on recherche.
M. Zanetti : O.K. Alors, vous verriez, mettons, une nomination aux deux tiers de
l'Assemblée nationale ou...
M. Trahan
(Dominique) : Ça pourrait être une option.
M. Zanetti : O.K.
C'est bon. Bien, merci, mais, à moins que vous ayez d'autres commentaires par
rapport à ça, si vous voyez d'autres options que vous voulez nommer ou
soumettre à la réflexion...
M. Trahan
(Dominique) : On les fera parvenir.
M. Zanetti :
Ah! bien, parfait. Excellent.
M. Trahan (Dominique) : Si... non, mais, à
brûle-pourpoint, les gens qui sont avec moi en ont peut-être, là,
mais...
M. Zanetti : Parfait.
Parce que, sinon, il y a ce mécanisme-là, sinon, j'imagine, une espèce de
mécanisme qui pourrait être une nomination issue
vraiment du milieu, de façon très large. Je ne sais pas exactement, là, mais,
en tout cas, si vous avez des suggestions, effectivement,
faites-nous-les parvenir. Moi, je serais très... très curieux d'entendre ça.
Mme Claveau (Catherine) : Oui. Effectivement. C'est ça, nous, on ne s'est
pas penchés vraiment, là, dans le... plus
le détail de cette question-là, mais, avec plaisir, on pourra le creuser, puis
vous revenir, peut-être, avec des suggestions.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci.
M. Zanetti : Je
vous remercie beaucoup. C'est tout pour moi.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci. Alors, on va compléter
cet échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames,
messieurs. En début de la journée, j'ai eu
une discussion avec les gens de l'APTS, et, quand je regarde votre mémoire,
vous semblez satisfaits de... puis ce n'est pas un reproche, en passant,
vous semblez satisfaits de l'article 4 tel que proposé, mais les gens de
l'APTS, eux, l'étaient moins. Donc, les opérateurs sur le terrain nous disent
qu'au final on devrait enlever la notion de «n'est pas possible».
Et j'ai eu cette
discussion-là avec eux ce matin, à savoir... J'étais un peu partie prenante de
cette volonté d'enlever «n'est pas possible» parce que je trouvais que ça
laissait place à beaucoup trop d'interprétation : Qu'est-ce qui est
possible? Qu'est-ce qui ne l'est pas? Est-ce que j'ai tenté des choses qui
étaient possibles ou est-ce que je n'ai pas tenté? Ou j'ai tendu vers...
pardon, l'impossibilité? Et j'ai amené le concept, plus tôt, de circonscrire un
lieu qui est non bénéfique pour l'enfant, un lieu qui est non sécuritaire pour
sa santé physique et psychologique.
Bref, j'ai la chance
d'avoir le Barreau avec moi ce soir. J'aimerais savoir si, effectivement, pour
vous, l'article 4, il est suffisant et si la notion de «n'est pas
possible»... est-ce que, ça, on devrait changer ça pour le circonscrire à
quelque chose qui est plus tangible, qui laisse moins place à l'interprétation?
• (19 heures) •
M. Trahan (Dominique) : Bien, il
faut en profiter parce qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps pour être
ensemble. Alors, je vais essayer d'aller direct au point, à ce moment-là. Bien,
moi, je vous dirai que nous sommes également des acteurs terrain, et non pas
social, mais judiciaire, et on applique l'article en question, et il faut le
lire dans son entièreté, et pas sortir cette phrase-là et les situations qui
sont visées par tous les sous-paragraphes... parce que, quand vous lisez chacun
des sous-paragraphes, ils font référence à recourir à des ressources
différentes si le retour à la maison n'est pas possible.
Alors, dans le premier... le deuxième
paragraphe, si vous me permettez : «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant,
un tel maintien dans son milieu n'est pas possible, la décision doit tendre à
confier l'enfant à des personnes qui lui sont les plus significatives», alors
je fais abstraction de la lecture du reste de l'article, puis on parle aussi de
famille élargie. Ensuite, le paragraphe suivant, si, le paragraphe au-dessus,
ce n'est pas bon, bien, à ce moment-là, on recourt à des tiers. Alors, c'est de
viser des situations différentes.
M. Ouellet : Mais la notion de...
M. Trahan (Dominique) : Et
donc, si on ne peut pas le faire, bien, ça nous donne des alternatives et
ensuite... Oui.
M. Ouellet : Bien, je suis
d'accord, mais, moi, c'est la notion de possible, je trouve ça large comme
terme. Est-ce qu'on ne pouvait pas le circonscrire en «si le milieu est
inadéquat», «si le milieu est...» «Possible», ça donne l'occasion de tenter des
choses.
M. Trahan (Dominique) : Bien,
il est possible... Bien, c'est parce qu'il faut le faire. Il faut le faire,
mais il ne faut pas le faire à n'importe quel prix. Et il faut le faire dans
l'intérêt de l'enfant.
Alors, si, au niveau de la preuve, puis ça,
c'est à la cour, entre autres, si, au niveau de la preuve, il est démontré
qu'il y a des gens qui sont... — woups! j'ai de l'écho tout d'un coup, je
m'excuse, là — il
est démontré qu'il y a des alternatives, bien, on peut les utiliser. Mais après
ça, bien, si jamais ce n'est pas possible... on ne parle pas de probable, on
parle de possible, ça peut être une question, mais ça fait très longtemps que
ce terme-là est présent dans la loi.
Et, dans ce contexte-là, je ne pense pas que
c'est ça qui est tellement problématique. Parce qu'il faut savoir que, tous les
acteurs qui sont à la cour, et même dans le processus social, toutes les
décisions qu'ils prennent, c'est dans l'intérêt de l'enfant. Et c'est pour ça
qu'il y a des juges ou encore des personnes qui sont habilitées à prendre des
décisions, parce que c'est à eux à pondérer les choses et à dire : Bien,
en fonction de ce que j'ai entendu dans ce cas-là, il est préférable que l'on
choisisse un retrait parce que les gens ne sont pas arrivés à ce qu'ils
devaient faire pour recevoir à nouveau leur enfant.
Alors, «possible», je ne pense pas que ça soit
un gros dilemme à faire.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie les représentants du Barreau du Québec pour
leur participation, leur contribution à nos travaux.
Je vais maintenant ajourner les travaux à
demain, mercredi 9 février, après les affaires courantes. Merci
beaucoup, beaucoup de votre participation et de votre contribution.
Une voix : Merci à vous.
(Fin de la séance à 19 h 04)