(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le
Président (M. Merlini) :
Alors, à l'ordre, s'il
vous plaît! Bon matin et bonjour à
vous tous. Ayant constaté le quorum,
je déclare donc la séance de la Commission
de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les
personnes présentes dans la salle du
Conseil législatif de bien vouloir
éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.
La commission est réunie ce matin afin de
poursuivre et terminer les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi
n° 157, la Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la
Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière
de sécurité routière.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements
aujourd'hui?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chevarie
(Îles-de-la-Madeleine) sera remplacé par M. Matte (Portneuf); Mme Vallières (Richmond) par M. Giguère
(Saint-Maurice); M. Turcotte (Saint-Jean) par M. Bourcier
(Saint-Jérôme); et M. Paradis (Lévis) par M. Jolin-Barrette (Borduas).
Auditions (suite)
Le Président (M. Merlini) : Très
bien. Je vous remercie beaucoup.
Ce matin, nous entendrons les groupes
suivants : le Bureau de coopération interuniversitaire, l'Ordre des pharmaciens du Québec, la Corporation des propriétaires
immobiliers du Québec et l'Association des médecins psychiatres.
Le premier
groupe étant le Bureau de coopération interuniversitaire, je vous souhaite
d'abord la bienvenue. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous
invite à présenter les personnes qui vous accompagnent. Également,
ensuite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission.
Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.
Bureau de coopération
interuniversitaire (BCI)
M. Bédard (Claude) : Alors, merci,
M. le Président. Mmes et MM. les députés, alors permettez-moi de me présenter, Claude Bédard, directeur général du BCI. Je suis accompagné de
MM. Robert Beauregard, vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes, vice-recteur exécutif, et Sylvain
Allaire, directeur Santé et mieux-être au travail, tous les deux de
l'Université Laval.
D'entrée de jeu, nous souhaitons remercier la
Commission de la santé et des services sociaux de nous offrir l'occasion de
présenter le point de vue des établissements universitaires. Nous tenons en
particulier à remercier la ministre déléguée
à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux
Saines habitudes de vie, Mme Lucie Charlebois, d'avoir amorcé ce
processus et de nous y avoir conviés.
Dans le cadre
de consultations publiques portant sur l'encadrement du cannabis en prévision
de sa légalisation au Canada, les
chefs des établissements universitaires du Québec ont fait part de leur
position sur ce sujet à la ministre Charlebois
dans une lettre signée par le président du BCI, M. Michel Patry, datée du 12
septembre 2017. Ils y exprimaient plusieurs
appréhensions quant aux conséquences de la légalisation sur leur mission, leurs
usagers et leur personnel, et soulignaient qu'elle risquait de nuire à
leur mandat d'offrir un environnement sain aux étudiants et aux personnes qui y
travaillent.
Ceci étant
dit, les établissements accueillent néanmoins favorablement le projet de loi
n° 157 compte tenu des commentaires énoncés ci-dessus, qui sont
contenus aussi dans le mémoire déposé à la commission.
Nous
souhaitons également attirer l'attention de la commission sur la nécessité pour
les universités d'obtenir des règles claires de la part du gouvernement
quant à l'application éventuelle de cette loi, mais également des ressources financières et humaines pour en assurer son
application. Veuillez noter que le document que nous avons soumis à l'attention
des membres de la commission recueille l'avis de la grande majorité des
établissements universitaires québécois.
Alors, cela
étant dit, nous souhaitons maintenant porter à votre attention quelques
préoccupations et suggestions importantes
concernant ce projet de loi. Pour ma part, je céderai maintenant la parole à
mes collègues sur ces questions.
M. Beauregard (Robert) :
Merci, M. Bédard. Le principal article du projet de loi qui suscite l'intérêt
des établissements universitaires est
l'article 12, qui édicte la Loi encadrant le cannabis. Donc, à moins d'avis
contraire, les références aux articles cités dans le mémoire concernent
ceux de cette Loi encadrant le cannabis.
Les
établissements universitaires québécois ont accueilli avec appréhension le
projet de loi C-45 lorsqu'il a été déposé
à la Chambre des communes à Ottawa en avril 2017. Plusieurs raisons nous
poussaient à nous montrer défavorables à la légalisation du cannabis. Toute politique favorisant l'augmentation
de la consommation de cannabis par la population universitaire, qu'elle
ait lieu ou non sur les campus, est nécessairement contraire aux intérêts des
établissements.
D'une
part, les éléments de preuves scientifiques actuellement reconnus, soulignés
par l'Association médicale canadienne
dans le contexte des débats entourant ce projet de loi, démontrent que le
cannabis est nocif au développement du cerveau jusqu'à l'âge de 25 ans,
ce qui inclut une partie très importante de la population étudiante
universitaire.
D'autre part, les établissements considèrent que
la légalisation va à l'encontre de leur mandat d'offrir un environnement sain
et sécuritaire aux étudiants et aux personnes qui y travaillent.
Les
établissements universitaires du Québec sont donc d'avis que le statu quo
aurait été préférable. Nous avons dû
nous résoudre à ce que la légalisation du cannabis aille de l'avant dès le mois
de juillet prochain. Nous avons cependant formulé le souhait que le gouvernement du Québec propose un cadre
législatif à la fois clair et strict qui permettrait de limiter
l'exposition des étudiants et du personnel des universités au cannabis.
À la lecture
du projet de loi, nous pouvons affirmer que celui-ci apporte effectivement des
réponses satisfaisantes à nos
principales préoccupations en ce qui concerne la vente, la possession et la
consommation du cannabis ainsi que la culture
de la plante. De façon générale, nous accueillons favorablement les
dispositions pour lesquelles des orientations claires étaient attendues. Nous soulignons toutefois certaines questions
qui restent sans réponse et nous espérons que les règlements supplémentaires
seront adoptés d'ici juillet 2018.
À propos de
la possession du cannabis, le paragraphe 1° de l'article 7 de la Loi encadrant
le cannabis interdira à quiconque d'avoir en sa possession du cannabis dans les
établissements qui dispensent des services d'éducation pour tous les ordres d'enseignement qui précèdent le
niveau universitaire. C'est donc dire qu'il sera permis à une personne
majeure de posséder du cannabis lorsqu'elle se trouve dans un établissement
universitaire.
Cependant,
même si les étudiants et les membres du personnel des établissements
universitaires sont des adultes ayant
des droits spécifiés par le projet de loi en matière d'usage du cannabis, nous
pensons qu'il serait préférable d'y interdire la possession de la même manière que dans les établissements de tous les
autres ordres d'enseignement. Nous le demandons par souci d'uniformité et de clarté, mais aussi parce que plusieurs
universités ont des bâtiments dans lesquels les locaux sont mis à
la disposition des étudiants d'institutions d'enseignement collégial de façon
continue ou servent de services de garde.
• (9 h 40) •
Bien que le
paragraphe n° 1 interdise déjà la possession de cannabis dans les
bâtiments mis à la disposition de ces catégories
d'usagers, les adultes qui fréquentent les universités et qui auront du
cannabis en leur possession ne feront pas la distinction entre les bâtiments
universitaires où la possession est prohibée et ceux où elle ne l'est pas. Il
serait donc plus sécuritaire
d'inclure les bâtiments mis à la disposition des établissements universitaires
parmi ceux où la possession du cannabis
est interdite. Nous appréhendons également que le droit de posséder certaines
quantités de cannabis soit confondu avec le droit de le consommer.
D'autre part,
si le droit d'avoir du cannabis en sa possession en milieu universitaire était
maintenu, les établissements ne
s'attendent pas à pouvoir assurer un contrôle étroit des dispositions de
l'article 8 du projet de loi fédéral C-45, qui stipule que la quantité maximale de cannabis séché permise
dans un lieu public est fixée à 30 grammes. Nous n'avons pas les ressources pour effectuer le contrôle des
personnes ayant du cannabis en leur possession, encore moins pour mesurer le
poids de leurs effets, d'autant qu'il existe
six autres catégories de produits de cannabis dont le poids peut être converti
pour connaître leur équivalent en grammes de
cannabis séché. Bien sûr, cette faille dans le projet de légalisation découle
des propositions du gouvernement fédéral et non du projet de loi n° 157,
mais nous souhaitons attirer l'attention du gouvernement du Québec à ce sujet
puisqu'il pourrait être appelé à adopter des mesures en conséquence dans la Loi
encadrant le cannabis ou avec des règlements ultérieurs.
Nous
soulignons enfin que les dispositions sur la possession de cannabis sont
énoncées différemment de celles sur l'alcool.
L'article 91 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques
interdit de garder ou de posséder de l'alcool
au Québec, à l'exception de certains lieux ou contextes où cela est permis. En
revanche, l'article 7 de la Loi encadrant le cannabis énumère les lieux où la possession de cannabis est
interdite. Pour les gouvernements, la méthode d'interdiction par défaut, avec liste d'exception, qui est privilégiée
dans la loi sur l'alcool offre des avantages à la prudence. On pense
qu'on devrait adopter une approche similaire pour le cannabis.
À propos de
la culture du cannabis, notre principale préoccupation concerne les résidences,
et nous sommes... Selon nous, l'interdiction évoquée dans le projet de loi,
sans équivoque et claire, règle directement la question de la culture de
la plante de cannabis dans les résidences universitaires. Donc, cela, pour
nous, est satisfaisant.
La vente des
produits du cannabis. L'article 21 confie exclusivement la vente de cannabis à
la Société québécoise du cannabis,
une filiale de la Société des alcools du Québec. Nous sommes entièrement
d'accord avec cette mesure. Cela nous apparaît en effet comme le
meilleur moyen de contrôler l'accès au cannabis licite.
Nous devons
toutefois attirer l'attention du gouvernement sur l'absence de mesures
concernant la distribution gratuite
de cannabis. L'article 462.1 du Code criminel précise que le fait de distribuer
une drogue illicite, que la distribution soit faite à titre onéreux ou
non, est assimilé à vendre ladite substance. La vente de cannabis et,
conséquemment, sa distribution gratuite ne
seront plus interdites par le Code criminel dès lors qu'il sera légalisé.
Puisque la Loi encadrant le cannabis
restreindra la vente uniquement à la Société québécoise du cannabis, il serait
avisé de maintenir l'interdiction de
sa distribution gratuite par toute entreprise, association ou organisme. Nous
souhaitons par-dessus tout éviter que certains d'entre eux exploitent
cette faille pour donner au public des produits du cannabis.
Cette mesure
ne devrait toutefois pas être interprétée de manière à interdire en privé le
partage gratuit de cannabis entre consommateurs. Nous soulignons qu'en milieu
universitaire la question de la distribution gratuite ne posera pas de problème si le gouvernement accède à notre demande
d'y interdire la possession de la même façon que dans les établissements
des autres ordres d'enseignement.
En ce qui concerne la vente de cannabis par
Internet, nous sommes préoccupés par la question qui touche la livraison des colis qui contiendront des produits
du cannabis. Il faudrait éviter que les colis puissent être laissés dans un lieu public comme un édifice universitaire ou un hall
d'entrée d'une résidence étudiante. Les établissements devront alors devoir
adopter des règlements et des procédures qui viseraient à empêcher l'accès par
des tiers à ces colis. Nous recommandons que
le mode de livraison avec signature du client soit obligatoire suite aux achats
de cannabis par Internet afin d'éviter tout dépôt dans un endroit
accessible au public.
La
consommation et lieux d'usage. Les établissements universitaires appliquent la
Loi concernant la lutte contre le
tabagisme, qui interdit de fumer dans les campus. Cette interdiction s'applique
notamment à l'intérieur des bâtiments. Nous
nous attendions à ce que la Loi encadrant le cannabis soit aussi stricte en ce
qui concerne l'inhalation de cannabis dans
les lieux fermés. Le paragraphe 2° de l'article 11 le confirme, il sera
interdit de fumer dans les locaux ou les bâtiments mis à la disposition d'un établissement
postsecondaire, ce qui répond exactement à nos attentes. Nous comprenons que
les résidences universitaires qui souhaitent aménager un tel espace ou
autoriser l'inhalation de cannabis dans les fumoirs existants ou répondant aux normes spécifiées pourront se prévaloir de ce
droit. Les résidences qui choisiront de ne pas le permettre devront donc
signifier aux résidents que le droit de fumer ne s'étend pas au cannabis.
En
ce qui concerne l'usage de fumer à l'extérieur, nous sommes satisfaits du
paragraphe 4° de l'article 15, qui stipule
que c'est interdit sur les terrains où sont situés les bâtiments mis à la
disposition d'un enseignement postsecondaire. Cependant, les universités
possèdent des terrains sur lesquels il ne se trouve aucun bâtiment. Il serait
préférable que les établissements puissent se prévaloir de la Loi encadrant le
cannabis pour interdire toute consommation de cannabis par inhalation sur l'ensemble
de leur campus.
Les
établissements universitaires devront faire preuve de diligence
raisonnable en prenant des précautions nécessaires afin de prévenir la consommation de cannabis par inhalation dans les bâtiments et les zones où cet usage
est interdit. Les règlements
encadrant cette consommation seront donc pleinement compatibles avec la Loi
concernant la lutte contre le tabagisme,
que les établissements universitaires établissent déjà. Il
n'y aura donc pas lieu de faire de distinction entre les produits fumés.
Oui?
Le
Président (M. Merlini) :
Malheureusement, le temps est écoulé pour la présentation de l'exposé. Nous allons
commencer immédiatement la période d'échange où je suis certain que vous pourrez
rajouter des points qui sont dans votre
discours, que vous vouliez présenter ce matin. Mme la ministre et députée de
Soulanges, vous commencez les échanges. Vous disposez de
15 minutes. À vous la parole.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. D'abord, saluer M. Allaire, M. Bédard et M.
Beauregard. Merci d'être venus nous
présenter vos réflexions. Je vais vous permettre de... Je vais essayer de vous
questionner sur les derniers pans de
votre mémoire. Comme ça, vous allez avoir la chance de nous signifier, quant au
financement... Je pense, c'est à peu
près ce qui restait, là, de ce que vous vouliez nous parler.
Mais,
d'abord, vous parlez de l'âge de consommation, et vous dire que ce qu'on vise
au Québec, ce n'est pas une augmentation
de la consommation du cannabis, mais plutôt ramener les gens qui sont déjà sur
un marché illicite sur un marché
licite. C'est-à-dire qu'on ne veut plus qu'ils consomment du crime organisé,
bref, et/ou de gens qui vendent des choses illégales. Et on n'a pas l'intention
de faire de la publicité. On n'a pas l'intention, bref, de mettre en place des
moyens qui vont nous permettre d'augmenter les ventes. Ce qu'on veut, c'est
vraiment encadrer ce qui existe déjà.
Et
j'ai vu que vous parlez dans votre mémoire des environnements sains qui sont
déjà là, des milieux universitaires, tout
ça, et que vous auriez préféré le statu quo, si j'ai bien compris, là.
Peut-être que je suis allée trop vite dans ma réflexion. Alors, si
l'environnement est si sain que ça, comment expliquer que c'est 42 % de
l'entièreté des consommateurs québécois de cannabis qui ont entre 18 et 24 ans? C'est, la majorité, des
clientèles universitaires, entre vous et moi. Puis, pour avoir déjà parlé avec des gens qui sont dans le milieu
universitaire, ça arrive, là, dans les partys de début de session. Tu sais,
on ne se cachera pas, là, qu'il y a des petits joints qui se fument. C'est déjà
là, là.
M. Beauregard (Robert) : Oui, Mme la ministre, absolument, on fait les mêmes
constats et on en est désolés. Cependant,
si le niveau universitaire était traité comme les autres niveaux
d'enseignement, on aurait plus d'outils pour intervenir quand il y a des situations hors de contrôle qui se
produisent. Là, en ayant la permission, ça va être beaucoup plus compliqué pour nous de travailler pour
contrôler les débordements, les situations qui peuvent devenir dangereuses,
qui peuvent être compliquées à gérer. On est conscients qu'il y a utilisation...
Mme
Charlebois :
Ce que vous voulez dire, c'est l'interdiction de possession, n'est-ce pas?
M. Beauregard
(Robert) : Pardon?
Mme
Charlebois : Ce que vous voulez me dire, c'est
l'interdiction de possession, pas l'interdiction de consommation. C'est
déjà interdit sur les campus.
M. Beauregard (Robert) : Oui. Bien, que le niveau universitaire soit traité comme
le niveau collégial, c'est ça qu'on
demande. Pour nous, si ça était appliqué, ça nous simplifierait beaucoup l'application
des règlements qu'on a pour tenter d'assurer au maximum un environnement
d'études sain.
Mme
Charlebois : Ce que je crois, en ce moment, dans le projet
de loi, là, c'est qu'on a les mêmes règles concernant la possession tant
au collégial qu'à l'universitaire, mais il faut avoir 18 ans, effectivement.
Pour les
lieux de consommation, je veux juste vous rassurer, il est permis d'avoir des
fumoirs là où il y a de la recherche dans les universités. Ce n'est pas pour la
consommation de tous et chacun, là, c'est vraiment où sera fait de la recherche en lien avec la
consommation de cannabis, et c'est à l'article 14, je crois, si je ne me
trompe pas, oui, exactement : «Un
local où il est permis de fumer du cannabis à des fins de recherche peut être
aménagé dans un centre de recherche exploité
par un établissement de santé [...] un établissement d'enseignement collégial
ou universitaire.» C'est dans ce sens-là qu'il peut y avoir des fumoirs. Mais des fumoirs pour fumer du cannabis
autant que du tabac, c'est interdit dans ce qui est prescrit dans le
projet de loi. Ce n'est pas une loi encore. Elle n'est pas adoptée. On est
encore dans le processus d'amélioration.
Maintenant,
dans les résidences, ça, c'est différent, c'est un milieu de vie. Effectivement,
les personnes auront le droit de
consommer, selon le projet de loi n° 157, du cannabis dans leur résidence,
mais pas ailleurs, ni sur le terrain ni dans l'établissement. Je veux
vous entendre là-dessus. Vous êtes en accord avec cette prémisse?
• (9 h 50) •
M. Allaire (Sylvain) : Donc, au
niveau des résidences, effectivement, vous mentionnez qu'il est possible qu'il y ait consommation de cannabis. Présentement, dans bien des universités, avec la Loi du
tabac, présentement, il y a
interdiction de fumer, donc, au niveau du tabac. Les universités espéraient que, pour le cannabis, ça serait exactement les mêmes règles qui pourraient
être appliquées à ce moment-là.
Mme Charlebois :
O.K., de donner l'autorisation aux universités d'être plus restrictives que ce
que le projet de loi demande, c'est ça?
M. Allaire
(Sylvain) : Oui. Puis présentement les universités sont plus
restrictives dans certaines résidences où il y a présentement interdiction de fumer directement mentionnée dans
les baux de location. Donc, on voudrait appliquer les mêmes règles en ce
qui concerne le cannabis.
Mme Charlebois :
J'entends votre demande. J'aurai certainement des échanges avec ma collègue
ministre responsable de l'Enseignement
supérieur, mais aussi avec l'ensemble des députés, parce que je l'ai dit hier,
puis je ne sais pas si vous m'avez
entendue, mais, avec l'ensemble des députés du gouvernement, on va avoir des
discussions sur des possibles amendements, mais aussi avec les députés
de l'opposition parce que nous considérons tous que c'est un projet de loi assez important pour que nous
puissions travailler ensemble pour répondre au meilleur intérêt de l'ensemble
des Québécois. C'est sûr qu'on ne fera pas l'unanimité avec un projet de loi.
Il y en a toujours qui voudraient quelque chose de différent. Mais on va, en tout cas, répondre à la majorité des
Québécois. Puis ce qu'ils nous ont dit, les Québécois, en consultations préprojet de loi,
c'est : Soyez prudents, soyez plus restrictifs, puis révisez rapidement
votre loi pour qu'on puisse voir l'évolution de la légalisation, parce
que le cannabis, on l'a dit d'entrée de jeu, ce n'est pas un phénomène nouveau,
mais la légalisation en est un.
Et je profite de l'occasion pour inciter tout le
monde à ne plus appeler ça autrement que du cannabis non thérapeutique. Vous ne l'avez pas fait, là. Vous
n'avez pas appelé l'autre... Mais je le dis tout le temps quand j'ai une chance
parce que je trouve que l'autre mot qui est
utilisé souvent par le gouvernement fédéral amène à une banalisation, puis ce
n'est pas ça qu'on veut, ce n'est pas ça
qu'on souhaite. C'est un produit qu'il faut prendre le temps d'avoir beaucoup
de prévention, de l'information, de
l'éducation. Il faut signifier à l'ensemble de la population, pas juste aux
jeunes, là, c'est quoi, le cannabis,
quelles sont les conséquences possibles, quels sont les enjeux reliés à ça,
mais aussi qu'est-ce que c'est, une
consommation responsable. J'ai 58 ans puis j'en connais qui ont consommé
plus jeunes, puis qui en consomment encore, puis qui n'ont pas eu de conséquence fâcheuse. Mais il y en a d'autres
pour qui ça cause des problèmes. Alors, il faut au moins donner l'information puis savoir c'est quoi,
du cannabis, qu'est-ce qu'il y a dedans, c'est quoi, la teneur en THC,
c'est quoi, des cannabinoïdes, expliquer tout ça au monde.
Revenons aux
questionnements. «Consommation et lieux d'usage». Je veux vous rassurer aussi
quant à la livraison dans les
résidences. Non seulement il faudra qu'il y ait signature, mais il va falloir
fournir des pièces d'identité. Il va falloir que ça soit très, très rigoureux, et la Société québécoise du cannabis
va s'assurer de ça avec la SAQ. Et, comme vous le savez, on va profiter
de l'expertise de la SAQ pour faire la distribution du produit.
«Consommation et lieux d'usage». Oui, je vous en
ai parlé à l'article 14, que c'était uniforme partout, mais parlez-moi de ce que vouliez nous parler.
«Financement de la prévention et de la recherche en milieu universitaire». Vous
aviez... Je pense, c'est le bout qu'il vous
manquait à nous renseigner dans votre mémoire. Ça fait que je vous le laisse
nous l'exposer parce que je pense que c'est suffisamment important.
Puis je veux terminer... Je ne sais pas s'il
reste beaucoup de temps, M. le Président.
Le Président (M. Merlini) : Il
reste sept minutes, Mme la ministre.
Mme Charlebois :
Je veux aussi avoir un petit son de cloche de votre part. Hors milieu
universitaire, si on ne permet pas de
fumer le cannabis dans les résidences et dans les logements ailleurs dans le
Québec et si on l'enlève aussi dans
les milieux publics, où les gens vont consommer? Est-ce que c'est une façon de
faire l'interdiction de consommation du
cannabis? On fait-u indirectement ce qu'on n'est pas capables de faire
directement à cause de la légalisation avec C-45? Ça, c'est ma deuxième
question. Mais je vous laisse d'abord me parler du financement.
M. Beauregard
(Robert) : Oui. Donc,
à propos du financement de la recherche, étant donné qu'une forte proportion de la population étudiante des
établissements universitaires est âgée entre 18 et 25 ans, qui est un âge
critique, là, encore pour des
potentiels impacts sur la santé, nous croyons qu'il est essentiel que des
enveloppes soient octroyées pour financer les activités de
sensibilisation, de prévention, de sécurité et de réduction des impacts en
milieu universitaire. Les
établissements entendent donc mettre en place des programmes et des activités
correspondant aux orientations suivantes au cours des prochaines années : rappeler que, malgré la
légalisation du cannabis, plusieurs règles en encadrent et limitent l'usage au Québec et en milieu universitaire,
sensibiliser les étudiants et le personnel aux risques du cannabis et
promouvoir auprès d'eux une consommation responsable — donc,
on n'est pas dans la prohibition, mais dans la consommation responsable, la sensibilisation,
l'information — et
accompagner les personnes dépendantes. Donc, quand il y aura des
difficultés, des problèmes, avoir les outils pour les accompagner.
Les
universités sont également à l'avant-garde de la recherche sur plusieurs
dimensions et domaines liés aux drogues en général et au cannabis en particulier. La légalisation du cannabis
présente une occasion sans précédent pour nos experts chercheurs de mener des projets de recherche sur
la consommation et ses impacts. Afin de ne pas rater l'occasion, il est primordial de consacrer des enveloppes à cette
recherche. Nous sommes donc satisfaits de constater que la Loi encadrant
le cannabis prévoit la constitution d'un fonds de prévention et de recherche en
matière de cannabis.
En réponse à
votre seconde question, on n'est pas dans la prohibition. On ne veut pas faire
indirectement ce qu'on cherche à faire dans la légalisation. Mais on
veut reconnaître que le milieu de l'éducation est un milieu qui a ses particularités. Et, pour nous, on mentionnait
l'approche du contrôle des boissons alcooliques. La consommation d'alcool
est permise, mais on mentionne qu'on
aimerait prendre une approche similaire, dans le contrôle du cannabis, qu'on
prend dans le contrôle de l'alcool,
entre autres. Tu sais, c'est interdit, mais on précise les endroits où c'est
permis, plutôt que de le permettre
puis après préciser là où c'est permis. C'est une approche inverse, mais, pour
nous... Dans le projet, on est plutôt
dans l'approche inverse de celle de l'alcool. On préférerait prendre celle de
l'alcool. Donc, il se consomme de l'alcool sur les campus, ne vous inquiétez pas, mais c'est interdit de consommer
de l'alcool dans les campus. Et c'est une approche similaire qu'on souhaite. C'est interdit, mais
après on vient préciser comment, par des règlements, c'est possible de le
faire. Et là il y a toutes sortes de
circonstances qui font qu'on consomme effectivement de l'alcool dans les
campus. Et donc le cannabis, on voudrait une approche similaire.
Donc, je
pense, ça permet d'illustrer ce qu'on recherche comme visée. Mais, pour nous,
l'idée de l'interdire a priori, considérant la nature du milieu, puis de sa
mission d'enseignement et de formation, puis les risques particuliers de cette population-là, puis après on peut le
permettre, dans des circonstances très précises, dans les bars, dans les
partys, et là on a des règlements
pour le faire avec des sanctions quand on déroge, etc., ça nous permet de
faciliter l'approche d'encadrement de la consommation à l'université.
Mme
Charlebois :
O.K. Je comprends mieux votre point de vue. Je veux aussi vous rassurer sur...
parce que vous avez parlé de
distribution gratuite de cannabis. Ça vous inquiète. Je veux juste vous dire
que, dans C-45, la distribution gratuite
est interdite. Or, la loi fédérale prévaut sur... Tu sais, c'est toujours le
plus rigoureux des deux qui prévaut, et, en ce sens-là, ce n'est pas
permis de faire de la distribution gratuite.
Combien il me reste de temps, M. le Président?
Le Président (M. Merlini) :
2 min 30 s.
Mme
Charlebois :
Eh mon Dieu! Ça passe vite. Est-ce que vous avez eu déjà des discussions avec
la ministre de l'Enseignement supérieur au sujet des lieux de
consommation, tout ça? Est-ce que vous avez déjà établi ou fait vos remarques
avec elle?
M. Bédard
(Claude) : Non, pas à ma connaissance. Alors, on a fait valoir notre
position, comme on l'a dit, là, dans une lettre qui vous a été adressée,
d'ailleurs, au mois de septembre, mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu de
forum, là, où on a discuté, toutes les universités, avec le ministre
responsable, là, sur ce sujet encore.
Mme
Charlebois :
Bien, je vous invite à lui faire parvenir une lettre dans ce sens-là, le même
genre de projet de lettre que vous m'aviez fait, et on va faciliter les
discussions. C'est certain que je vais avoir des discussions avec elle
notamment pour les cégeps et les universités, mais j'aurai les mêmes
discussions avec mes collègues.
Maintenant, est-ce que vos étudiants ont pris
position? Est-ce qu'ils ont transmis des commentaires à l'effet... Est-ce que
leur position est la même que la vôtre?
M. Beauregard (Robert) : Pas à ma
connaissance. Moi, j'ai sondé... Hier, on a eu une rencontre avec notre fédération d'associations de campus de premier
cycle. On leur a posé la question. Ils nous ont dit que non, à ce moment-ci,
ils ne sont pas là dans leur réflexion.
Donc, on n'a pas pu avoir d'avis de leur part à propos de ça, en tout cas.
Puis, à ma connaissance, je n'ai pas entendu d'autre opinion, là,
divergente ou convergente.
• (10 heures) •
Mme
Charlebois :
Vous corroborez un peu ma thèse que la légalisation va être un processus
évolutif. Donc, il va falloir
réviser la loi rapidement. Est-ce que vous considérez que, dans l'ensemble, le projet
de loi... Il y a-tu d'autres éléments sur
lesquels vous voudriez nous porter une attention et même des éléments qui ne
touchent pas nécessairement le monde
universitaire, mais qui par ricochet pourraient avoir... Est-ce qu'on continue
de faire de la prévention, par exemple? On commence à la fin du primaire, secondaire, au collégial, dans les
universités... Est-ce qu'on continue? Sous quelle forme vous voyez ça?
M. Beauregard (Robert) :
Absolument. Peut-être on peut donner l'exemple... À l'Université Laval, on a un
programme qui s'appelle Mon équilibre UL, où
on a des cours d'un crédit, où les étudiants s'inscrivent, qui traitent
plusieurs aspects
de la santé globale et de l'approche des études et de... bien, de la santé et
de la prévention, tant l'alimentation, l'activité
physique, la consommation de tabac, d'alcool, et de drogues, et de... donc,
toutes sortes d'aspects qui sont traités de façon assez formelle, et qui connaissent un grand succès. Aussi, on
traite de la procrastination, remettre ses devoirs à plus tard, toutes
sortes d'aspects de la vie universitaire.
Mais, pour
faire la promotion de saines habitudes de vie, c'est très important dans notre approche de développement durable mais dans un sens incluant des aspects
sociaux, des aspects de sensibilisation. Et la démarche de l'Alliance santé
Québec également va dans ce sens-là, plutôt que dans le curatif,
d'accentuer notre effort de prévention, de sensibilisation, de formation à un équilibre de vie. Donc, on n'est
pas dans le puritanisme, l'interdiction et dire : Il ne faut jamais
consommer de substances, pas de café,
parce qu'on n'est pas des amish. Mais
un équilibre de vie, c'est possible, et donc la consommation de cannabis
devrait se situer dans cette perspective-là. Et certainement qu'on va prendre
en charge...
Le Président (M. Merlini) : Mme la
ministre...
M. Beauregard (Robert) : ...des
campagnes à ce sujet-là.
Le
Président (M. Merlini) : Malheureusement, Mme la ministre, le bloc de
temps est écoulé. Je dois maintenant aller du côté de l'opposition
officielle. M. le député de Labelle, vous disposez de neuf minutes. À vous la
parole.
M. Pagé :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous et à toutes. Bienvenue chez vous,
à l'Assemblée nationale. Merci d'être avec nous et de nous apporter
votre réflexion.
Je ne pense
pas... parce que je n'ai pas eu le temps de tout lire, mais avoir entendu une
chose qui, pour moi, me semblait fort importante, parce qu'on l'avait
entendue beaucoup lors des consultations, c'était la création d'un observatoire. Et certaines universités aussi nous
avaient dit : Nous avons des chaires de recherche qui pourraient
collaborer. Donc, notre position,
qu'on a mise en place, qu'on a présentée en septembre dernier, c'était la
création d'un observatoire et, je
pense que ça m'apparaît comme fort important, en collaboration avec des chaires
de recherche universitaires. Alors, pourriez-vous
nous dire si vous y tenez toujours? Parce qu'il y a des universités qui sont
venues nous en parler lors des consultations du mois d'août et septembre
dernier.
M. Bédard (Claude) : Oui,
absolument. Écoutez, les universités sont un réservoir important d'expertises,
de connaissances sur toutes les questions
qui sont reliées à l'usage des drogues, etc. Et puis moi, je pense que se
priver de ce trésor de connaissances,
qui est un bien public aussi, alors... Toutes les universités sont des
institutions publiques, au Québec, alors
on trouve que ce serait malheureux de passer sous silence ce que les
universités peuvent faire et contribuer dans une meilleure connaissance du phénomène et du contrôle. Alors, c'est pour ça
qu'on l'a mentionné aussi, en fin de mémoire, là, d'encourager la constitution d'un fonds qui
pourrait être, entre autres, alloué à la poursuite d'activités de recherche
avec ceux qui sont déjà en poste et qui font déjà ces activités dans nos
campus.
M. Pagé : O.K. Oui?
M.
Beauregard (Robert) : L'idée
d'observatoire va un peu plus loin que simplement la recherche. C'est l'idée
de surveillance de l'évolution. On parle
d'aspect évolutif, dans l'implantation de la loi, donc un observatoire peut
permettre de mutualiser les efforts
de la recherche, puis de les rendre plus visibles, plus publics, et contribuer
mieux à l'évolution du contrôle et de la façon dont on encadre la
consommation du cannabis, je pense.
M. Pagé :
Je vous remercie de le rappeler parce que c'est un sujet, évidemment, qui n'est
pas abordé par tout le monde, mais qui est fort important, à mon avis,
pour qu'on puisse évoluer de la meilleure façon possible et avec les meilleures pratiques possibles aussi, selon ce
qu'on pourra constater au départ et dans quelques années. Alors, je pense
que nous, on va certainement se proposer de
faire ce genre d'amendement ou encore de proposition au gouvernement.
Je veux
revenir sur les lieux de consommation parce que c'est vrai que c'est compliqué.
On a beau dire : Ça va être
légal de consommer, mais, si on interdit partout, il faut quand même trouver
quelque part, hein? Et moi, j'ai été surpris de voir... quand je suis allé au Colorado, en 2016, j'ai passé trois,
quatre jours à me promener un peu partout dans les municipalités, et, à ma
grande surprise, à aucun endroit ça ne sentait le cannabis. Et, quand je me
suis posé la question, c'est qu'il y a
des endroits parfaitement désignés où on peut consommer. Entre autres, il y a un peu comme les «cigar lounges», là, des endroits où... bien, ça existe,
d'ailleurs, au Québec, où on peut aller consommer une cigarette ou
certains produits, mais pas pour le cannabis.
Sur les
campus universitaires et à certains endroits, je ne sais pas si c'est
à toutes les universités, mais il y a des bars.
Ça existe. Est-ce que vous imaginez qu'il pourrait y avoir un bar cannabis sur
des campus universitaires? Est-ce que cela pourrait exister? Évidemment,
ça serait interdit partout, sauf dans des endroits très, très contrôlés, spécifiques
et aménagés aussi en conséquence.
M.
Beauregard (Robert) :
C'est un peu ce que j'avais en tête, tantôt, quand j'évoquais la façon dont on
contrôle la consommation d'alcool dans les universités. La consommation
d'alcool, de façon générique, est interdite dans les universités, mais il y a
des bars dans lesquels on peut consommer de l'alcool, ou des partys, et c'est
encadré par des règlements, dans chaque
université, où qu'ils définissent exactement le périmètre de ça. Et donc on
peut imaginer une situation similaire pour la consommation de cannabis,
effectivement. Je ne sais pas si vous avez plus de...
M.
Allaire (Sylvain) : Moi, j'aurais peut-être une précision à apporter,
ou une inquiétude en même temps, c'est plus
au niveau des périodes d'ouverture de ces bars-là de cannabis, si vous voulez.
Dans les activités normales du quotidien, s'il y a une consommation, avec l'ensemble des activités sur un campus,
tout ce qui est règles de sécurité et de sûreté pourrait être remis en
péril s'il y a des consommations.
Je vous donne
simplement un exemple au hasard, peu importent les universités, mais, si nous
avons des étudiants ou encore du
personnel qui doivent opérer de la machinerie lourde, dans des sciences et
génie, ayant consommé, bien, je pense qu'on augmente le risque d'incident
ou d'accident. Donc, la période d'ouverture et le temps, pour moi, devient
quelque chose d'important pour les universités.
M. Pagé : Je pense qu'à
partir du moment où on se met d'accord sur un lieu de consommer, ensuite, c'est
l'encadrement de tout cela qui va en découler. Mais je pense qu'on recherche
les mêmes objectifs.
Toujours un
peu dans le même esprit, nous avons dit que nous allions plus loin que la
position gouvernementale, qui était
la suivante : nous, c'est interdiction partout où la cigarette et/où
l'alcool est interdit. Donc, dans les lieux publics, en ce qui nous concerne, c'était non, aucune
consommation, sauf les endroits qui pourraient être désignés et bien encadrés
par les municipalités.
Hier, nous sommes allés plus loin, en
disant : Cela devrait être fait, si jamais le gouvernement accepte, après consultation des établissements scolaires. Si nous
y allions de cette façon-là... Parce que vous demandez un droit de regard,
même un droit de réglementer, mais est-ce qu'on va donner un droit de
réglementer aux municipalités, aux campus universitaires, à tout le monde? Si
on allait avec ce que je viens de dire mais que ce règlement-là découlerait de
la municipalité après vous avoir consultés, est-ce que vous seriez à l'aise
avec cette formule, avec cette façon de faire?
M. Beauregard (Robert) : On
n'a pas discuté de ça, donc je suis un peu mal à l'aise de vous répondre.
M. Pagé : Ce n'est pas que je
voulais vous piéger.
M.
Beauregard (Robert) :
Non, non, non, je comprends ça. Mais comme ça n'existait pas avant, là, il faut
imaginer toutes les situations. On est dans...
M. Pagé : ...droit nouveau,
hein?
M. Beauregard
(Robert) : Oui, c'est
ça. Donc, je suis un peu embêté de vous répondre. Juste redire qu'on souhaite
l'interdiction sur les campus, avec une
possibilité... une formule pour encadrer, effectivement, là où c'est possible.
Tu sais, dans notre esprit, dans les
bars où il y a possibilité de consommer de l'alcool, on n'a pas le droit de
fumer dans ces lieux-là. Donc, tu
sais, l'aspect fumer, pour nous, c'est un peu un analogue de toutes les lois et
règlements sur le tabagisme, puis l'aspect
intoxicant, pour nous, c'est un analogue de l'alcool, qui est une substance
permise mais encadrée. Et donc c'est nos
deux repères pour déterminer notre position. Donc, l'appareillage législatif et
réglementaire qui permet d'encadrer le droit de fumer et la consommation
d'alcool, pour nous, sont des balises quand même solides sur lesquelles
s'appuyer pour la suite des choses. Et donc
on souhaite un alignement du développement de l'appareillage légal et
réglementaire qui suive des principes
similaires. Donc, l'alcool, ça serait l'analogue. Donc, la façon dont on
réglemente la consommation d'alcool serait l'analogue pour contrôler la
consommation de cannabis sur les campus.
• (10 h 10) •
M. Pagé :
O.K. Je vois bien. Je sais qu'il ne me reste qu'une seule minute, le président
va me le dire très bientôt. Vous avez parlé de financement, mais
financement pour faire de la sensibilisation auprès des étudiants, du
personnel, accompagner le personnel ou encore
des étudiants qui pourraient avoir des problèmes de dépendance. Je vais vous
avouer que je suis inquiet et toujours
surpris de voir, à ce moment-ci, à quelques semaines, quelques mois de l'entrée
en vigueur de cette loi-ci et celle du fédéral, qu'on en soit encore à des
intentions et que tout ça ne soit pas clairement défini et mis en place.
Est-ce qu'il y a eu des contacts avec le ministère
de l'Éducation qui vous a dit : Prévoyez votre stratégie et donnez-nous la hauteur de vos demandes et de vos
besoins pour qu'on puisse être en action dès le mois de janvier? Est-ce que ce travail-là est fait? Est-ce que vous êtes
capables de nous fournir vos besoins de façon très claire à ce moment-ci? Puis ce n'est pas un
reproche que je vous fais, mais on sait depuis deux ans et demi que ça s'en
vient, le dépôt du projet de
loi au fédéral, et il a clairement donné ses indications au mois d'avril
l'année dernière.
Le Président (M. Merlini) : Une très
brève réponse, très, très brève.
M.
Beauregard (Robert) : Comme M. Bédard mentionnait à la ministre
tantôt, on n'a pas eu d'échange avec le ministère de l'Éducation encore,
donc ça inclut sur ce sujet-là.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup, M. le député de Labelle, pour ce bloc d'échange. Nous allons maintenant
du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous
disposez de six minutes. À vous la parole.
Mme
Lavallée : Merci. Merci
d'être là. Je vais commencer puis, après, je vais laisser la parole à mon
collègue. Je reviendrais sur votre principe de non-malfaisance. Oui,
dans la loi, on veut permettre la consommation de cette substance-là à partir de 18 ans, sous prétexte qu'on va enlever des
jeunes dans le milieu illicite, au niveau de la consommation. Et, si c'est ce critère-là qui nous
guide, on devrait permettre la consommation à partir à partir de 13, 14, 15 ans, 16 ans parce que les jeunes en
bas de 18 ans aussi consomment. Donc, si c'est ce critère-là qui devrait
nous guider, on devrait légaliser avant.
Nous,
on a fait le choix de plus promouvoir l'âge de 21 ans parce que, pour un gouvernement responsable, c'est d'envoyer
un signal fort qu'avant 21 ans on considère qu'il y a des dangers, que ce
n'est pas banal et qu'on doit peut-être
faire plus de prévention auprès de ces
jeunes-là, plutôt que de banaliser en
le permettant à partir de
18 ans. Et vous, vous parlez du principe de la non-malfaisance.
C'est la première fois que j'entendais ça. J'aimerais ça que vous en parliez.
M. Beauregard (Robert) : Bien, on
rappelle les connaissances qu'on a actuellement en santé, des dommages causés par la consommation de cette famille de
drogues là, on pense effectivement qu'il y a encore de la recherche à faire pour mieux mesurer. Ce n'est pas tout le monde qui va être affecté, ce n'est pas tout le monde qui va être
affecté de la schizophrénie parce
qu'il a consommé un joint entre 18 et 25 ans. Mais on pense qu'il y a encore
de la recherche à faire pour mieux comprendre ça avant d'ouvrir trop.
Pour
nous, le milieu universitaire étant un milieu où la clientèle se trouve en
majorité entre l'âge de 18 et 25 ans, à peu près 70 % de la
fréquentation est dans cette bracket-là, si on inclut l'université du troisième
âge puis toutes sortes de choses.
Bien, ça reste qu'on est dans une population particulièrement à risque. Donc, on demande
d'avoir une prudence peut-être un peu
plus grande que ce qui est prévu et
d'inclure le niveau universitaire dans les... de le traiter comme le milieu
collégial, finalement. Donc, dans le projet de loi actuel, c'est notre demande.
On
ne s'est pas prononcés sur l'âge de la légalisation. On a juste rappelé ce
qu'on connaît par la science. Et on n'est
pas le législateur, mais on a demandé que le niveau universitaire soit traité
comme le niveau collégial pour des raisons de prudence et pour donner les outils de mieux encadrer. Et comme j'ai
mentionné, dans les bars, probablement qu'il y aura une possibilité de faire
comme c'est le cas de l'alcool, mais ça nous donne plus de moyens pour mieux
encadrer, puis minimiser le risque, puis
faire mieux la prévention, faire mieux le travail qu'on a à faire pour assurer
un environnement sain d'étude
et de travail à l'université.
Mme
Lavallée : Donc, par prudence, on devrait être plus sévères au début,
quitte à s'ajuster en fonction des connaissances en établissant 21 ans
comme le... J'aime le principe que vous mettez dans votre mémoire, disant qu'on
devrait l'interdire partout sauf exception. Donc, c'est plus facile aussi à
gérer puis...
Une voix :
...
Mme
Lavallée : Comme l'alcool, effectivement.
M. Beauregard (Robert) : On pense que le
principe, la façon dont on traite l'alcool, c'est le bon principe pour traiter aussi cette substance-ci. On ne veut pas
revenir à la prohibition de l'alcool. Je pense qu'on a maturé par rapport à ça et je pense qu'on peut avoir une position mature par rapport à la
consommation du cannabis. Mais il faut avoir une certaine prudence puis il faut évoluer étape par étape. Mais la position
de principe qu'on énonce très clairement, c'est encore une fois de traiter le niveau
universitaire comme le niveau collégial, d'avoir le même niveau
de prudence au niveau universitaire
qu'on a au niveau collégial. C'est clairement notre demande ce matin.
Mme
Lavallée : Merci.
Le Président (M.
Merlini) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, messieurs, merci d'être présents aujourd'hui à l'Assemblée. Lorsque la Fédération des cégeps est
venue, elle nous a dit : Écoutez, nous, on souhaite que ce soit interdit sur les
campus collégiaux, mais on a une
certaine difficulté avec les résidences parce que, bon, là, on se
retrouve dans la chambre de la personne, la charte s'applique, tout ça, donc on exclurait les résidences. Est-ce
que c'est la même réalité pour les universités? Dans
le fond, l'interdiction du campus, sauf les résidences, on ferait une
exception?
M. Beauregard (Robert) : C'est clair que
la réalité des résidences est différente de celle de l'ensemble du campus,
puis c'est un milieu de vie. Mais la chambre
du résident puis les lieux publics dans les résidences, c'est des choses
différentes aussi. Il y a des cuisines collectives dans les résidences, il
y a des lieux de socialisation dans les résidences. Donc, la résidence, ce n'est pas que des chambres, ce n'est
pas qu'une suite de chambres. Puis c'est là qu'on tombe dans des zones
grises, dans les espaces publics, dans les résidences. Je ne sais pas si tu
veux aller plus loin.
M.
Allaire (Sylvain) : Je
reprends de quoi qu'on a mentionné déjà. Dans les résidences, présentement, la majorité des baux de location, à part quelques
exceptions, et je parle pour Laval, présentement, c'est des baux où il est interdit de fumer. Donc, les personnes qui sont en
résidence, il y a déjà une interdiction de fumer. Et c'est pour ça qu'on
demandait que l'application pour le
cannabis consommé sous forme de combustion comme telle, on applique la même loi que celle du tabac pour les résidences.
M.
Jolin-Barrette : Sur la
question de la possession, en fait... parce que, bien entendu, on peut interdire,
dans le fond, le fait de fumer le
cannabis, mais, sur la question de la possession, qu'est-ce qu'on fait, à
partir du moment où... Supposons qu'on interdit la possession de
cannabis sur le campus. Mais, dans sa résidence, comment on gère ça?
M.
Beauregard (Robert) :
...la même règle qu'on applique pour la consommation d'alcool. Donc, les
résidents, dans leurs chambres,
peuvent consommer de l'alcool, ils peuvent posséder de l'alcool, mais, dans les
lieux publics, dans les résidences, ça se passe comment?
M. Allaire
(Sylvain) : En ce qui concerne présentement les lieux publics, pour le
tabac, dans les résidences comme telles, il n'y a pas de consommation à
l'intérieur des résidences.
Le
Président (M. Merlini) :
Messieurs Claude Bédard, M. Robert Beauregard et M. Sylvain Allaire, représentant le Bureau de coopération
interuniversitaire, merci de votre présence ce matin et votre contribution aux
travaux de la commission.
Je suspends
nos travaux quelques instants et j'invite l'Ordre des pharmaciens du Québec à
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 18)
(Reprise à 10 h 20)
Le Président (M. Merlini) : Nous
reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir maintenant d'accueillir l'Ordre des pharmaciens du Québec.
Je ne crois pas que c'est votre première présence en commission parlementaire, alors vous
connaissez les habitudes. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Je
vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent. Et ensuite, nous
procéderons aux échanges avec les membres de la commission. À vous la parole,
et bienvenue à la CSSS.
Ordre des pharmaciens du
Québec (OPQ)
M. Bolduc
(Bertrand) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, distingués
membres de la Commission de la santé
et des services sociaux, bonjour. Je désire d'abord vous remercier de
l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui de venir vous présenter nos réflexions sur le projet de loi n° 157,
un projet de loi d'une très grande importance, car il aura un impact
très concret sur la vie de nombreux Québécois.
Je suis
accompagné aujourd'hui de mes deux collègues, Manon Lambert, directrice
générale et secrétaire de l'ordre, ainsi que Mme Danielle Fagnan,
directrice des services professionnels.
Je pense que
vous êtes tous familiers avec le rôle des ordres professionnels. Donc, très
brièvement, l'Ordre des pharmaciens
du Québec a pour premier mandat la protection du public. Pour ce faire, nous
mettons en place des mécanismes d'admission,
d'inspection et d'enquête. Les pharmaciens doivent exercer en fonction des
standards de pratique développés par
l'ordre. Les 9 500 pharmaciens du Québec sont touchés, d'une façon ou
d'une autre, par l'un de nos mécanismes d'inspection au minimum une fois
tous les cinq ans. L'inspection est, d'ailleurs, au coeur de notre stratégie
pour assurer que les Québécois reçoivent des
services pharmaceutiques de très grande qualité, autant en établissement de
santé qu'en milieu communautaire.
Dans notre
mémoire tout comme dans nos discussions ici, nous ferons référence aux deux
types de cannabis, soit le cannabis utilisé à des fins non médicales et le
cannabis utilisé à des fins médicales. Vous comprendrez que la position
de l'ordre est très différente selon le type de cannabis auquel nous ferons
référence.
D'abord, débutons avec le cannabis utilisé à des
fins non médicales. De notre point de vue, il doit y avoir une interdiction
formelle concernant la production ou la vente de ce type de produit par un
pharmacien.
Bien que le projet de loi octroie le droit
exclusif de la vente de cannabis à des fins non médicales à la Société québécoise du cannabis, le gouvernement laisse une
porte ouverte au privé en permettant la création de projets pilotes dont les normes et obligations pourront différer
du cadre proposé dans la loi. Cette brèche doit, à même le projet de loi,
exclure spécifiquement toute possibilité de
vente de cannabis à des fins non médicales par un pharmacien, qu'il le fasse
dans sa pharmacie ou non.
Sur les plans
déontologique et éthique, il nous apparaîtrait hautement illogique qu'un
pharmacien puisse dispenser ou produire du cannabis à des fins non
médicales, sachant qu'il peut être nocif pour des clientèles à risque comme les
femmes enceintes ou les patients atteints de
troubles de santé mentale. La vente de ce produit, tout comme celle du tabac,
est totalement incompatible avec l'exercice
de la pharmacie. De plus, il doit y avoir une cohérence avec le cadre
législatif sur la vente du tabac, qui est formellement interdite non seulement
dans les pharmacies, mais aussi dans les boutiques ou les magasins
adjacents aux pharmacies.
Dans notre mémoire, nous vous demandons
d'apporter un changement à l'article 55 du projet de loi et nous recommandons que le gouvernement approuve
éventuellement des changements au code de déontologie du pharmacien de même qu'à la Loi sur la pharmacie afin de
s'assurer que tout soit en place pour éviter une telle éventualité. Je vous
invite à vous référer aux recommandations 3, 4 et 5 de notre mémoire.
Maintenant, l'article 26 du projet de loi
prévoit que la Société québécoise du cannabis devra communiquer à l'acheteur des renseignements prescrits par
règlement du ministre. C'est, selon nous, une très bonne chose. Dans une
approche de réduction des méfaits,
nous recommandons que les possibles interactions médicamenteuses et les
contre-indications fassent partie des renseignements transmis à la population.
Le cannabis peut interagir avec de nombreux médicaments.
Les employés
des succursales de la Société québécoise du cannabis devraient disposer d'un
outil de communication afin
d'informer les éventuels consommateurs quant aux risques d'interaction
médicamenteuse avec le cannabis. De plus, ces employés devraient suivre une formation de
base qui les sensibiliserait à ce sujet afin qu'ils puissent à leur tour le
faire avec les consommateurs. Sans en
faire des experts ou des pharmaciens, les employés de la société pourraient
référer la population à leurs pharmaciens en cas de questionnement.
Nous savons
que les gens qui consomment du cannabis sont à plus grand risque de psychose.
L'ordre souhaite que des corridors de
services soient prévus pour diriger les patients présentant des signes de
psychose ou ayant besoin de soutien
en toxicomanie. Sans la présence de tels corridors, les professionnels n'auront
d'autre choix que de référer ces patients à l'urgence... qui sont
d'ailleurs déjà assez occupées.
Par ailleurs, l'accès à ces services ne devrait pas requérir
une référence médicale. Dès que le besoin est détecté, que ça soit par un pharmacien, une infirmière d'Info-Santé
ou encore un employé de la Société
québécoise du cannabis, un
corridor donnant accès à une évaluation devrait être prévu afin de pouvoir
intervenir à temps.
Actuellement, pour avoir accès à un programme d'intervention pour un premier épisode
psychotique, les règles varient d'une
région à l'autre. Il faudrait éviter
que ce soit le cas lorsque le cannabis à des fins non médicales sera disponible
au Québec.
La lutte
contre le tabagisme encadre bien la promotion du tabac et l'usage qui peut en
être fait au Québec. L'ordre appuie
les dispositions interdisant la promotion du cannabis à des fins non médicales
et recommande que le projet de loi demeure
le plus restrictif possible en matière de publicité. Quant à l'emballage, le
gouvernement pourra édicter par règlement les normes s'y rattachant. Selon l'ordre, les dispositions sur le tabac
sont les normes minimales qui doivent s'appliquer, puisqu'elles font
l'objet d'un consensus social.
Je désire
conclure cette partie en saluant la constitution d'un comité de vigilance. Nous
profitons de notre présence ici pour
souligner que l'expertise d'un pharmacien sera particulièrement pertinente sur
un tel comité en raison des enjeux grandissants relatifs aux drogues et
aux médicaments.
La crise des
opioïdes est un exemple où l'expertise des pharmaciens est cruciale. 72 %
des répondants à un sondage du Conseil interprofessionnel du Québec
mentionnent qu'ils ont recouru aux services d'un pharmacien au cours des deux dernières années, à égalité avec les
médecins, et ce, beaucoup plus qu'à tout autre professionnel de la santé. Comme
vous le savez, le pharmacien bénéficie d'une
disponibilité et d'un contact privilégié avec la population. Cela lui procure
un regard particulier sur l'évolution des
tendances, notamment en matière de consommation de drogues. Pour ces raisons,
l'ordre croit qu'un poste doit être dédié à un pharmacien au sein du comité de
vigilance.
Maintenant,
avant de conclure et de passer aux questions, permettez-moi de vous faire part
rapidement de notre position sur le cannabis utilisé à des fins
médicales.
L'ordre, via
ses instances officielles, a fait une longue réflexion sur la question de la
distribution du cannabis médical en
pharmacie. Notre position a évolué au cours des derniers mois. Notre conseil
d'administration a notamment rencontré Dr
Mark Ware, du Centre universitaire de santé McGill, qui est directeur général
du Consortium canadien pour l'investigation
des cannabinoïdes dans le cadre de cette réflexion. Nous en sommes venus à la
conclusion que, malgré le statut
particulier du cannabis médical, les patients qui l'utilisent ne sont pas
différents des utilisateurs de n'importe quel autre médicament. Ils devraient, en ce sens, pouvoir bénéficier de
l'expertise d'un professionnel de la santé pour en retirer le maximum
d'efficacité et de bénéfices en toute sécurité. Et c'est précisément le rôle du
pharmacien.
Je ne vous
apprendrai rien en vous mentionnant que les utilisateurs de cannabis médical
reçoivent actuellement le produit par
la poste ou, pire, de façon illicite. Ils ne bénéficient d'aucun suivi
particulier de la part du pharmacien, et parfois le pharmacien ne sait
pas que le patient l'utilise.
Intégrer le
pharmacien dans la chaîne de distribution permettrait notamment de s'assurer
que le produit apparaisse au dossier
électronique du patient et éventuellement au Dossier santé Québec. De plus,
ceci permettrait au pharmacien de
déterminer pour chaque patient si le cannabis peut interagir avec certains de
ses médicaments. Le pharmacien sensibiliserait
ses patients sur les effets secondaires et spécifierait les contre-indications.
Il pourrait aussi accompagner le patient en le conseillant, par exemple, sur la
meilleure façon pour lui de prendre son traitement. Bref, la protection
du patient ayant recours au cannabis médical est tributaire de cette
surveillance et d'un suivi clinique.
Néanmoins, ça
prend des conditions minimales pour la distribution en pharmacie : que le
produit soit approuvé par Santé
Canada ou qu'il soit disponible de façon encadrée et que l'utilisation se fasse
dans un projet de recherche encadré par un comité d'éthique comme celui
mis en place par le Collège des médecins.
Pour
terminer, l'article 51 du projet de loi prévoit la constitution du Fonds
de prévention et recherche en matière de
cannabis. Bien que l'actuel projet de loi encadre essentiellement l'utilisation
du cannabis à des fins non médicales, l'ordre recommande que le financement
puisse être aussi affecté à la recherche sur l'utilisation du cannabis à des
fins médicales. Un tel financement
permettrait d'améliorer les connaissances sur le produit, sur son utilisation.
Ces données seraient aussi fort utiles pour les professionnels de la
santé qui devront évaluer le besoin clinique et la pertinence de l'utilisation
de ce produit chez un patient donné.
Mmes, MM. les
parlementaires, l'essentiel de notre position sur le sujet vous a été présenté,
et nous sommes ouverts à vos questions. Merci.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Bolduc, pour la
présentation de votre mémoire ce matin. Nous allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale. Mme la
ministre, députée de Soulanges, vous disposez de 15 minutes. À vous
la parole.
• (10 h 30) •
Mme
Charlebois :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bolduc, Mme Lambert et Mme
Fagnan — c'est
ça? — merci d'être là et de nous faire connaître
vos positions. C'est d'autant plus intéressant qu'hier on a reçu l'association
des pharmaciens indépendants. À plusieurs
égards, vos points de vue se ressemblent. J'imagine que vous avez discuté
ensemble, fort probablement. Maintenant, je vais discuter avec vous, du point de vue du cannabis thérapeutique d'abord, avant d'aller au non-thérapeutique.
Pour
ce qui est du cannabis thérapeutique, à ma connaissance, puis
hier ça a été discuté aussi, puis je veux valider avec vous si j'ai
compris les bonnes choses, c'est que le cannabis thérapeutique doit
absolument, un, être reconnu par Santé
Canada comme étant un médicament. Je ne sais pas si j'ai le bon mot. En tout
cas, sinon, même au Québec, on ne peut
rien faire, dans le sens où on ne peut pas... Mais, moi, là, où j'ai un
problème, c'est qu'il n'est pas reconnu comme médicament, mais, en même temps, il se vend du cannabis thérapeutique
approuvé par... là, je ne comprends pas. Il y a comme une incohérence
dans ma tête que je n'arrive pas à arrimer.
M. Bolduc (Bertrand) : Ça aurait été plus facile si le cannabis médical
aurait été approuvé comme un médicament comme tous les autres. Malheureusement, il n'a pas été approuvé par
Santé Canada, il a été approuvé par la Cour suprême du Canada. Alors, ce n'est pas tout à fait le
processus auquel on est habitués, et c'est pour cela qu'il n'est pas en
pharmacie présentement, et ça, ça fait quand même plusieurs années.
Évidemment,
ce produit-là n'est pas développé par le même système habituel, par les
compagnies pharmaceutiques qui font
des études cliniques et qui nous donnent des données probantes qui nous
permettent éventuellement de travailler avec une monographie de produits claire. C'est pour ça que les ordres de
pharmaciens, au Canada, ont toujours été contre la distribution en
pharmacie.
Maintenant,
notre position évolue parce que les connaissances évoluent également. Il y a
maintenant des données probantes,
quelques indications bien spécifiques qui montrent que les patients peuvent
bénéficier. Et le cannabis médical est
rarement un produit d'utilisation de première ligne. C'est souvent en deuxième,
et même troisième, ou quatrième ligne de traitement, donc présence
d'autres médicaments, donc problèmes potentiels d'interaction et de suivi.
Alors,
suite à ça, on se demande qu'est-ce qui est le mieux pour le patient. Est-ce
que c'est d'aller ailleurs, ou le recevoir
par la poste et ne pas avoir cette surveillance et ce suivi-là que le
pharmacien offre, ou de permettre en pharmacie, selon les conditions que nous avons exprimées, c'est-à-dire soit il est
approuvé par Santé Canada — et plusieurs compagnies se
dirigent dans cette direction-là — ou comme un produit de nature expérimentale,
si on veut, et là on le fait sous le chapeau d'un projet de recherche clinique qui est encadré par le Collège des
médecins également? Alors, à ces conditions-là, on pense qu'en
pharmacie, c'est le meilleur endroit pour le cannabis médical. Peut-être que
Manon veut rajouter.
Mme Lambert (Manon) : Alors, je dirais que ce qu'on suggère, c'est une ouverture prudente. On
sait que les promoteurs du marché
médical sont extrêmement agressifs. Dans leurs allégations d'efficacité, ça va
de A à Z et à double Z, ce qui n'est pas les connaissances qu'on a actuellement.
Donc, il y a essentiellement trois indications pour lesquelles, actuellement, le cannabis... il semble y avoir des
données probantes intéressantes, donc... Et, après discussions à Dr Ware
puis avec Santé Canada, il y a des
préoccupations, effectivement, qu'on ait des professionnels réglementés qui en
fassent la distribution pour...
professionnels réglementés par un code de déontologie, qui ne pourront pas
faire des allégations que c'est
efficace contre je ne sais pas quelle maladie. Mais donc les pharmaciens, avec
leur code de déontologie, bien, doivent se baser sur les données de la
science.
Comme
disait Bertrand, au départ, on était très frileux, parce que, quand la Cour
suprême a autorisé l'utilisation, il n'y
avait pas de mécanisme de réglementation fédérale. Maintenant, il y en a un.
Santé Canada a bonifié l'encadrement de
la production. Maintenant, on est relativement assurés de produits de qualité,
et les données de la science ont évolué. Malgré ça, ce qu'on propose, c'est vraiment une ouverture très prudente.
Et d'ailleurs une de nos recommandations, c'est que peut-être l'usufruit de la vente de cannabis à des fins non
thérapeutiques, une partie de la vente puisse être utilisée pour améliorer la recherche, pour qu'on puisse statuer une fois pour toutes sur
l'efficacité versus les risques de l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques, et tout ça dans un contexte qu'on
connaît bien, dans un contexte scientifique, où on va aller chercher des données fortes et importantes,
et on n'exposera pas les patients à des risques inopportuns, parce qu'on
ne sait pas trop si effectivement c'est efficace ou pas puis parce qu'on ne connaît pas tant que ça les
risques, donc approche très prudente.
Mme
Charlebois :
J'aime ça vous entendre, parce qu'en
même temps c'est de l'information pour la population, ce que
vous venez de faire, là, parce qu'en
ce moment ce que j'ai entendu, c'est, premièrement, c'est qu'il y en a qui
s'automédicamentent, qui évaluent leur affaire eux autres mêmes, mais il
y en a d'autres pour qui... parce que ça m'a frappée
pendant les consultations, et puis, à un moment donné, je l'ai même dit
publiquement, ils n'avaient pas... on l'a dit hier, les médecins ne prescrivent pas beaucoup au Québec, pour ne pas
dire à peu près pas, de cannabis thérapeutique, mais les médicaments ailleurs... voyons, pas les pharmaciens, les
médecins ailleurs le font, et il y a un lobby qui dirige les gens vers
ça.
C'est
inquiétant dans le sens où j'entends votre recommandation, mais là je me
dis : En même temps, par téléphone, tu as une prescription d'un médecin qui ne te connaît pas, qui ne sait
pas les autres médicaments. Lui as-tu tout dit quand tu lui as parlé? Bref, j'invite la population à
beaucoup de prudence à travers ça. Une fois que je vous ai parlé de ça, parce
que ça, c'est le dossier du cannabis
thérapeutique... puis vous expliquez très bien le pourquoi il n'y a pas de
prescription au Québec. Ce n'est pas
juste le Collège des médecins qui l'interdit, c'est Santé Canada, c'est
les recherches qui doivent être poursuivies, etc.
Revenons
donc au cannabis non thérapeutique, puis je vous remercie d'utiliser ce
terme-là et de ne pas utiliser un
autre terme, parce que, pour moi, ça part là la banalisation, c'est dans
l'utilisation des mots. Et je comprends que vous n'êtes pas d'accord
avec le projet pilote de cinq succursales autres que par la Société québécoise
du cannabis.
Mme Lambert (Manon) : En fait, on ne se prononce pas sur le reste du
secteur privé pour le non-thérapeutique. Par contre, nous, ce qu'on dit, c'est que les pharmacies devraient
d'emblée... les pharmacies ou les boutiques adjacentes aux pharmacies devraient d'emblée être exclues de
la possibilité d'avoir un projet pilote. Pour nous, c'est incompatible la vente, la production de cannabis à des fins non
thérapeutiques par un pharmacien, à l'instar du tabac, de la même façon
qu'on serait très inconfortables de vendre de l'alcool dans les boutiques
adjacentes.
Pour
nous, là, c'est un ensemble cohérent et c'est incompatible avec le rôle du
pharmacien. Comment un pharmacien
pourrait vendre du cannabis à un jeune qui est à risque éventuellement
d'épisodes psychotiques? Comment un pharmacien pourrait vendre du
cannabis à des fins récréatives à un patient pour lequel il pourrait y avoir
des interactions? Je dis «pourrait» parce
qu'on sait très bien que le cannabis peut avoir des interactions, mais comme
c'est illégal, on n'a pas de données
encore très formelles, et tout ça. Donc, on est à la recherche, nous, comme
professionnels de la santé, de
données solides qui vont nous donner... comme les médicaments, on sait que tu
entres en interaction avec tel médicament, tel médicament, puis tu fais
une surveillance et tout ça. On n'a pas ça avec le cannabis à des fins
récréatives. Donc, on ne veut pas mettre la population à risque dans nos
pharmacies.
Mme Charlebois :
Oui, puis c'est professionnel de votre part, parce qu'effectivement tous les
médicaments ont une interaction entre
eux, mais le cannabis en est une autre interaction possible. À la limite,
j'allais vous dire : Il y a même des vitamines que tu ne peux pas
jumeler avec certains médicaments. Bon, puis ça, c'est tout autre chose.
Vous
nous parlez de formation de base pour les travailleurs de la Société québécoise
du cannabis et vous nous exposez très
clairement la complexité de votre rôle et de votre profession. Qu'est-ce que
vous voudriez voir inclus? Parce que,
ça aussi, là, quand vous dites : Il va falloir qu'ils conseillent en
fonction de ce qu'ils prennent comme médicaments, ça commence à être
limite, là. C'est bien plus le rôle du pharmacien de faire ça que de nos
travailleurs en Société québécoise du cannabis, vous ne pensez pas?
M. Bolduc (Bertrand) : Oui et non, parce que, par exemple, à partir du
1er juillet 2018, il y a des gens qui vont pouvoir s'en
procurer et qui vont se lever le matin...
Je
vous donne un exemple. Vous vous levez ce matin puis vous vous êtes fait mal
dans le dos. Vous allez dire : Bon,
bien, peut-être que ça m'aiderait. Alors, vous allez à une succursale de la
Société québécoise du cannabis et vous allez
dire : Bien, moi, j'ai mal dans le dos, je viens me chercher du cannabis.
Puis là il faut que les employés disent : Bien, si c'est pour un usage médical, et que tu as mal
dans le dos parce que... et que tu prends déjà d'autres médicaments pour ça,
il faudrait absolument que tu consultes ton pharmacien pour voir si c'est
approprié, idéalement avoir une prescription médicale pour ce genre de
traitement là.
On
veut éviter que les gens se dirigent vers les succursales pour l'usage médical
de ces produits-là. Et là je parle d'un
mal de dos, ça pourrait être un patient qui a le cancer, qui a des nausées à
cause de son traitement, ça pourrait être quelqu'un qui a de la sclérose en plaques, etc. Ces gens-là doivent être
suivis de façon médicale, prennent déjà plusieurs médicaments, et là on
arrive avec une option qui devient disponible de façon non médicale, mais...
Donc,
on veut que le personnel de vos succursales puisse être en mesure de
dire : Un instant, vous seriez mieux de... À partir de là, le patient ou la personne, le consommateur fera
son choix, mais au moins il y a une mise en garde, basée sur des
éléments probants, des éléments objectifs qui font en sorte que les gens
pourront dire : Ah! c'est vrai, peut-être que je devrais d'abord consulter
mon médecin et mon pharmacien et, par la suite, faire un choix suite à ça.
• (10 h 40) •
Mme
Charlebois : Oui, je comprends mieux, parce
qu'effectivement, tu sais, on ne peut pas devenir pharmacien avec une
formation de base pour travailleur en Société québécoise du cannabis.
Est-ce
que, comment vous dire ça... Dans les autres projets pilotes, est-ce qu'il y a
d'autres projets pilotes que vous voudriez voir? Outre la recherche, outre la
vente, que vous me dites ne pas être en accord, est-ce qu'il y a d'autres
projets pilotes qu'il pourrait être intéressant d'élaborer pour le gouvernement
du Québec?
M. Bolduc
(Bertrand) : On peut imaginer plusieurs choses. Par exemple, on a...
La douleur chronique est un grand problème,
hein, et ça nous occasionne des problèmes avec les opioïdes, là, et on essaie
du mieux qu'on peut, tant au niveau
des médecins et des pharmaciens, de bien contrôler l'utilisation de ces
produits-là. Ceci étant dit, l'utilisation du cannabis thérapeutique au niveau de la douleur chronique est une des
indications où il y a beaucoup de potentiel. Et des projets avec des
cliniques de la douleur, que ce soit dans nos centres universitaires ou
ailleurs, pourraient nous aider à aller chercher des données probantes, et là
on aurait encore plus de choses pour bien travailler avec les patients.
Donc,
la douleur chronique, des cliniques de la douleur, on aurait peut-être une
opportunité de développer des données qui nous permettraient de réduire
le risque des opioïdes et leur utilisation et d'aller vers des produits qui
sont efficaces et sécuritaires. Et ça, c'est
le genre de projets pilotes qui sont non liés à la distribution, qui sont liés
à l'utilisation médicale, qui pourraient être intéressants.
Mme
Charlebois : Il y a des gens, effectivement, qui nous ont
dit, quand ils sont venus en commission... puis je ne nommerai pas de maladie parce que je ne veux
pas que les gens pensent que j'adhère à toutes les philosophies, là, mais
il y a des maladies... Il y a un monsieur,
entre autres, qui nous a dit... depuis l'âge de neuf ans qu'il consommait, puis
lui, ça l'a aidé à survivre, mais
pour des raisons qui lui appartiennent. Puis il y en a d'autres, pour toutes
sortes de maladies, qui disaient,
pour leur enfant, c'était... Bon, je vous laisse ça comme ça, mais encore là,
je pense que la science doit faire son oeuvre. Vous avez tout à fait
raison.
Est-ce que vous vous êtes penchés sur
d'autres aspects du projet de loi? Exemple, les lieux de consommation, la possession, l'âge. Y a-tu d'autres sujets que
vous avez abordés avec l'ordre, avec votre conseil d'administration et/ou
vos pharmaciens?
Mme Lambert (Manon) : Bien, évidemment, la question des lieux, c'est un peu moins dans notre
expertise, dans notre champ de
pratique. L'âge, c'est bien certain qu'on invite les parlementaires à beaucoup
de prudence. On n'a pas statué, là,
sur un âge limite, mais les données, et c'est des données quand même assez
solides, les données nous indiquent que
la consommation chez les jeunes peut avoir un impact chez certains d'entre eux.
Encore là, on a possiblement besoin encore
de mieux qualifier quelles sont les clientèles à risque, mais c'est sûr que
tant que le cerveau n'est pas mature, on peut avoir des risques,
notamment, de premier épisode psychotique et problèmes d'apathie aussi,
éventuellement.
Donc,
on invite les parlementaires à la prudence. Est-ce que c'est 18, est-ce que
c'est 21, est-ce que c'est 25? On ne
s'est pas prononcés formellement. Chose certaine, il va falloir suivre
l'évolution de ce dossier-là, parce qu'il y a un risque non négligeable
qui est là. Puis le problème, c'est qu'on ne sait pas, à ce moment-ci... on ne
peut pas dire, le portrait-robot, même si on
commence à avoir certains critères, le portrait-robot de la personne qui va
avoir des problèmes, c'est ça qu'on devrait... Donc, dans ce cas-là, il
faut user de prudence.
Mme
Charlebois :
La science dit que c'est 25 ans où le cerveau cesse de se former.
Mme Lambert
(Manon) : Oui.
Mme
Charlebois :
Alors, c'est là qu'il faudrait mettre l'âge, selon vous. C'est ce que je
comprends. Mais qu'est-ce qu'on fait avec
les gens qui consomment dans l'illégalité des produits qui ne seront pas
homologués, je ne sais pas comment le dire, de qualité?
Mme Lambert (Manon) : Bien, c'est là qu'on dit : Il faut user de prudence. On n'a pas
dit : Il faut mettre l'âge à 25
ans. Il faut certainement mettre en place un système de veille qui va nous
aider à mieux caractériser ce risque-là, parce que, bon, ce n'est pas tous les jeunes de moins de 25 ans qui vont faire
un épisode psychotique en fumant un joint, là. On s'entend là-dessus.
Par
contre, est-ce qu'on peut accumuler davantage de données? Et, dans notre
mémoire, on parle beaucoup aussi de
s'assurer de réduire les méfaits, c'est-à-dire les corridors de services,
s'assurer que, si on a les symptômes d'un premier épisode psychotique, bien, que nos pharmaciens
soient formés là-dessus, parce qu'ils voient la clientèle, que les professeurs,
les gens d'Info-Santé... et qu'on ait les ressources pour diriger rapidement
ces clientèles-là.
Donc,
on utilise, je dirais, un principe de précaution, parce que, vous avez tout à
fait raison, l'interdiction n'empêchera
pas ces jeunes-là de consommer. Donc, surveillance et surtout, peut-être,
information, promotion pour qu'on puisse arriver à une consommation le
plus responsable possible chez les catégories de clientèle à risque.
Le Président (M.
Merlini) : Merci. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec le
gouvernement. Nous allons maintenant du côté
de l'opposition officielle. Le temps file. M. le député de Labelle, vous
disposez de neuf minutes. À vous la parole.
M. Pagé :
Oui, merci, M. le Président. Bon, beaucoup de choses fort intéressantes. Je
vous remercie.
Comme
j'ai dit aux gens hier, qui représentent l'association des pharmaciens du
Québec — je ne me
souviens pas exactement
l'appellation — c'est un
volet dont on n'a pas suffisamment parlé. Je pense qu'il va falloir s'organiser
pour que, dans le projet de loi, tout cela
soit inclus. On comprend les raisons pour lesquelles on n'en était pas encore
là, mais vos propos sont, pour moi, très, très importants.
Votre première
recommandation : «Que le gouvernement du Québec accompagne formellement
l'Ordre des pharmaciens du Québec
afin de faire la représentation requise pour qu'une modification au règlement fédéral soit portée, permettant aux pharmaciens la pratique privée.»
Bon, moi, je suis d'accord avec ça, mais, en même temps, je me dis, je pense qu'on pourra regarder avec la partie gouvernementale, est-ce que nous sommes obligés d'aller demander à Ottawa ou
est-ce que nous sommes capables, à l'intérieur de notre réglementation, de nos pouvoirs législatifs, de le faire pour
que ce soit chez vous. Parce que,
nous, nous l'avons dit dès le départ que, pour des fins médicales, ça doit se
retrouver chez vous, parce que vous êtes les professionnels de la santé.
Alors, il n'y a aucune ambiguïté, hein? Je veux juste vous
rassurer à cet égard-là. Nous allons
collaborer avec le gouvernement afin de voir de quelle façon on pourrait
s'assurer qu'on puisse répondre positivement à votre première
recommandation.
La
recommandation 2, quand vous parlez de projets de recherche, effectivement, je
pense que c'est un volet qui est très
important pour... si je vais dans le sens de votre recommandation, le projet de
recherche sur l'efficacité, l'innocuité, les effets, bon... tout cela, mais je pense de façon beaucoup plus
large. Et, à cet égard-là, pour que l'on puisse prendre des bonnes décisions
dans l'avenir, vous étiez là tantôt avec les universitaires, nous avons aussi
demandé qu'il y ait aussi un observatoire
en collaboration avec les chaires de recherche universitaire. Présentement, on
a un comité consultatif, mais il va falloir l'alimenter, le comité
consultatif.
Est-ce
que vous croyez que c'est une bonne façon de faire de créer cet observatoire
qui avait d'ailleurs été demandé à
quelques occasions lors des consultations? On comprend que ce n'est pas tout le
monde qui est dans ce milieu-là qui va le demander, là, mais est-ce que
vous êtes d'accord avec cette proposition?
M. Bolduc (Bertrand) : Absolument.
Absolument.
Mme Lambert (Manon) : J'ajouterais par contre qu'un observatoire ne
nous donnera peut-être pas la profondeur des données probantes dont on a besoin. Je pense que ce n'est pas
mutuellement exclusif. Donc, il faut un observatoire, mais il faudrait davantage investir dans la
recherche carrément sur l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques. On
est contents actuellement. Ce qu'on
sait, c'est qu'il y a des compagnies pharmaceutiques qui ont commencé de la
recherche clinique qui est quand même
assez rigoureuse, hein? Faire des projets de recherche pour déterminer si c'est
efficace ou pas, si on est dans le cadre, là, de fabulations de
promoteurs ou si on est dans de l'efficacité réelle, ça demande des études
exigeantes. C'est des études coûteuses, puis on n'a pas vu beaucoup d'appétit
de l'industrie jusqu'à maintenant pour investir là-dedans.
C'est
pour ça qu'on se dit : Est-ce qu'on ne pourrait pas utiliser une partie
des sommes pour pouvoir supporter et
soutenir cette recherche-là pour s'assurer qu'on fasse le point une fois pour
toutes sur les indications et le risque-bénéfice de l'utilisation du
cannabis à des fins thérapeutiques.
• (10 h 50) •
M.
Pagé : Oui. Bien, en fait, c'est parce que nous sommes
justement d'accord avec cela que nous voulons aller de façon plus large et en périphérie avec cet
observatoire qui pourra également alimenter nos réflexions pour les différentes
prises de décision. Et je fais du pouce sur
ce que vous venez de dire. À partir du moment où on a des données probantes,
est-ce que vous croyez que... et qu'on le
considère comme un médicament, puis vous le dites, puis ce n'est peut-être pas
parfois en première ligne, mais dans
certains cas, effectivement, on a été témoin de gens qui nous ont confirmé que
c'était le médicament qui les aidait
vraiment. À partir de ce moment-là, devrait-on demander à ce qu'il soit
autorisé au remboursement de l'assurance médicaments comme les autres
médicaments?
Mme Lambert (Manon) : Bien, dans la mesure où effectivement on a un médicament... donc, la définition de médicament, c'est notamment un médicament qui
est autorisé par Santé Canada, ce qui n'est pas tout à fait le cas encore
pour le cannabis. Dans la mesure où il est
traité comme un médicament, oui, effectivement, éventuellement il faudra, pour s'assurer de l'accessibilité
économique des patients, il faudra le rembourser.
Maintenant,
il y a encore un petit peu de chemin avant de se rendre là, mais, oui, vous
avez totalement raison. On
ne l'a pas mis dans le mémoire actuellement, parce
qu'on ne voulait pas dire qu'il
fallait le faire actuellement, mais c'est des choses dont on a discuté à
l'interne chez nous.
M. Pagé : On en convient avec vous, je ne pense pas que ça va
être demain matin, mais on convient tous qu'on se rend de plus en plus compte que, pour une certaine clientèle, les
effets thérapeutiques sont probants, là. Et c'est la raison pour
laquelle je posais la question, mais il va falloir continuer à documenter. Je
suis d'accord avec vous.
Votre
recommandation 6, vous faites référence à l'achat par
Internet. Vous dites, ça devrait donc transiter chez vous, mais là je vais vous amener un petit peu plus loin, puis vous savez que j'en ai discuté avec vos collègues
d'hier. Nous, la vente en ligne, nous
disons oui, mais en autant que ça soit fait sur le site de la SQC et que la
personne aille chercher elle-même dans un point de chute quelconque.
On
comprend que, bon, il va y avoir 15 points de vente au cours de l'été,
mais le ministre des Finances a dit : Au final, ça sera 150, 200, 250,
nous ne le savons pas. Mais, même avec 150 ou 200, avec la grandeur du territoire
québécois, on sait qu'à
certains endroits, ça va être compliqué pour les gens de faire plusieurs
dizaines de kilomètres pour aller chercher.
Puis on ne veut pas que ça soit le facteur qui fasse la prévention quand il va
mettre ça dans la boîte aux lettres, parce
qu'il n'aura pas le temps de faire ça
puis il n'aura pas les compétences pour ça malgré tout le respect que j'ai pour
leur travail.
Cela dit, il
y a par contre des pharmacies un
peu partout à travers le Québec. Est-ce
que vous avez réfléchi? Est-ce que
vous seriez d'accord, si nous proposions que les points de chute dans
les endroits où il n'y a pas de... qu'il n'y aura pas de comptoir de la SQC, pourraient être chez
vous, juste pour que la personne aile le chercher chez vous moyennant un certain dédommagement? Pas pour en faire la
vente sur les étagères, là. Ce n'est pas ça, là, que je vous dis. Mais je sais
même qu'il y a des bureaux de poste dans plusieurs
pharmacies. Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir un point chute qui pourrait être chez vous? D'une part,
symboliquement, c'est un peu plus fort que de recevoir ça dans sa boîte aux
lettres. La personne doit se
présenter. Donc, il y a un certain contrôle, et en même temps, quand la personne se présente et qu'elle a peut-être envie
d'avoir un peu d'information, je pense que c'est un peu plus l'endroit pour
avoir de l'information que si c'est carrément avec le facteur, là.
M. Bolduc
(Bertrand) : Oui. Bien, symboliquement, le message n'est pas très bon.
Alors, la réponse à votre question, c'est
non. Il y a des bureaux de poste partout au Québec, et présentement on ne
reçoit pas de caisse de la SAQ dans
les pharmacies où il n'y a pas de succursale de la SAQ. Alors, c'est le même
principe pour le cannabis non thérapeutique, c'est non à toute
distribution en pharmacie, directe ou indirecte. S'il y a un bureau de poste
dans une pharmacie, ça se peut, mais, à
partir de là, c'est un comptoir qui est complètement indépendant du laboratoire
en arrière. Et on ne sait pas ce
qu'il y a dans le paquet. Et les gens commandent tout ce qu'ils veulent par
Internet, et ils commandent peut-être même déjà des médicaments à
l'extérieur du Canada, et ça arrive au bureau de poste dans la pharmacie. Mais ça, pour nous, la réponse, c'est non. Le
cannabis non thérapeutique, sous toutes ses formes, ne doit pas être en
pharmacie. À partir de là, si le bureau de poste est là, bien là, ça...
M. Pagé :
Oui, allez-y.
Mme Lambert
(Manon) : J'ajouterais par
contre que là où on est ouvert, l'ordre, puis d'ailleurs on demande aussi
qu'il y ait des sommes qui puissent être
réservées pour la formation des professionnels, là où on est ouverts, nous,
c'est de... On
va inciter nos pharmaciens... Premièrement, on voudrait offrir de la formation
et on va inciter nos pharmaciens à ouvrir la discussion avec les personnes qui les consultent professionnellement, à
faire de la prévention, promotion, consommation responsable, s'assurer qu'effectivement, si on a des gens qui consomment
déjà des médicaments, s'assurer qu'ils vont travailler. Donc, non, on ne veut pas que nos pharmaciens soient
complètement, comment je dirais ça, absents du dossier du cannabis thérapeutique, mais on ne veut pas qu'ils
aient à décider entre : je donne ce produit-là à cette personne-là et
je pense professionnellement que je ne devrais pas le faire, là.
Le
Président (M. Merlini) : Malheureusement, M. le député, le bloc
est terminé. Les échanges sont extraordinaires, mais le temps nous limite, malheureusement. M. le député de Borduas, vous avez un bloc d'échange de six minutes. À
vous la parole.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, bonjour. Merci de participer
aux travaux de la commission.
Dans un premier temps, je voudrais qu'on aille vers votre recommandation 8, au niveau du corridor de services. Vous dites, dans le fond, il faut donner accès aux soins de santé, aux
professionnels de la santé sans nécessairement être obligé d'aller voir le médecin pour être référé
dans le système. Comment ça pourrait prendre forme, là? Est-ce qu'il va
falloir réfléchir aussi avec le ministère de la Santé? Mais comment est-ce que
vous le voyez, ça?
Mme
Lambert (Manon) : Bien, dans
certaines régions, c'est déjà le cas, là. On n'est pas obligé de retourner le
patient à son médecin traitant, lorsqu'il en a un, hein, ça, c'est la première
question, pour que lui fasse une évaluation et dise : O.K., je donne un papier de référence, un peu comme une
référence à un spécialiste, je donne un papier de référence pour diriger cette personne-là vers les cliniques
de premier épisode où là tu as souvent des ressources spécialisées.
Alors, généralement, en médecine, ça fonctionne un peu comme ça,
quand tu veux référer à des ressources spécialisées, bien, ça prend une
consultation médicale.
Nous, ce
qu'on dit, c'est que, dans le contexte actuel, dans le contexte, évidemment, où on va libéraliser l'utilisation
du cannabis, où il y aura peut-être des
essais pour certaines personnes, bien, il ne faudrait pas que, parce que le
jeune, par exemple, n'a pas de
médecin de famille, qu'on doive l'envoyer à l'urgence pour avoir un papier pour
qu'éventuellement il soit référé. C'est une utilisation inappropriée des
ressources, puis on risque fort de perdre le patient entre les deux.
Ça fait que ce qu'on dit, c'est que, si... puis
ils n'ont pas travaillé avec les médecins psychiatres là-dedans. Si on avait un
peu des outils pour les pharmaciens avec certains signaux d'alarme — on le
fait déjà dans le cadre de la loi
n° 41 — certains
signaux d'alarme, par exemple, pour le pharmacien... mais ça pourrait être des
signaux d'alarme qui peuvent être
constatés par la population en général. On l'a avec les professeurs dans
certains centres. Bien, à ce moment-là, référence du pharmacien, il est évalué au... il est envoyé directement à
la clinique premier épisode, puis on n'a pas besoin d'avoir un intermédiaire entre les deux. Peut-être
que le pharmacien va se tromper, parce que ce n'est pas un spécialiste du diagnostic, mais, en même temps, peut-être
qu'il ne se trompera pas puis qu'on va avoir quelqu'un qui va avoir accès
rapidement à des services de qualité. C'est un peu dans ce sens-là.
Donc,
actuellement, il y a des régions où ça se passe comme ça puis il y a des
régions où ils demandent la référence médicale.
Nous, on dit : Ça devrait être uniforme au Québec, surtout à partir du
moment de la légalisation. On devrait pouvoir avoir accès beaucoup plus
librement à ces ressources-là.
M.
Jolin-Barrette : Donc, au
niveau national, le chemin soit préétabli, si jamais il y a quelqu'un qui
rentre dans une pharmacie avec certains troubles de consommation, tout
ça, vous puissiez le diriger directement vers la clinique appropriée puis qu'il
soit pris en charge.
Mme
Lambert (Manon) : Pris en
charge, évalué, puis, comme je dis, peut-être que le pharmacien va se tromper, mais,
s'il ne se trompe pas, bien, on aura bien traité une personne.
M.
Jolin-Barrette : Puis dans
les régions, actuellement, où ça existe, comment ça fonctionne? Est-ce que
c'est le pharmacien qui appelle la clinique puis qui dit : Voici,
ou il dit au patient : Je vous conseillerais d'aller à la clinique?
Mme
Lambert (Manon) : Actuellement, le pharmacien n'est pas très impliqué là-dedans, je vous dirais, parce que, bon, souvent, il y a une espèce de gêne pour
un professionnel de la santé de, comment je dirais ça, de discuter de consommation de drogues illicites, ou, en fait, il y a certainement une
gêne du patient de parler avec son pharmacien de consommation de drogues
illicites même si souvent on peut s'en douter. Mais, quand le patient ne nous
le dit pas officiellement puis qu'il ne veut
pas nous parler de ça, on ne peut pas... Ce qu'on dit par contre, c'est qu'à
partir du moment où ça va être légalisé, on pense que ça, cette gêne-là,
va tomber, puis là il va pouvoir y avoir de la discussion.
M. Jolin-Barrette : Sur la question
du financement des formations par les ordres professionnels, c'est quoi,
l'enveloppe que ça prendrait pour avoir le financement approprié à la hauteur
des formations que vous voulez offrir?
Mme Lambert
(Manon) : Bien, développer
une bonne formation, là, pour l'ensemble des membres, par exemple, une formation webinaire, là, ça coûte à peu près
100 000 $. Tu sais, c'est à peu près ça. Il faudrait... évidemment,
on parle de notre ordre, mais on
pense qu'il y a d'autres professionnels de la santé certainement qui vont être
impliqués. Donc, je pense que... puis
on peut travailler ensemble. On travaille de plus en plus ensemble, les ordres,
en interdisciplinarité. Donc, il pourrait peut-être y avoir quelque chose de développé de façon
coordonnée par plusieurs ordres, là. Ça ne serait pas des sommes hyperimportantes, puis on serait
assurés que tous les professionnels ont la même base au départ, là, sur
les grands enjeux, là.
M. Jolin-Barrette : Vous souhaitez
également un siège sur le comité de vigilance.
M. Bolduc (Bertrand) : Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : Dans le
fond, il va y avoir un certain nombre de places limité, donc comment vous voyez
ça? Un pour les pharmaciens, un pour le domaine
de la santé également, les autres professionnels, ou vous êtes ouverts...
• (11 heures) •
M.
Bolduc (Bertrand) : ...la
vigie qui devrait se faire suite à la légalisation ou la distribution par la
société, il va y avoir des choses de
détectées ou détectables, et les pharmaciens ont un oeil un peu plus... je
dirais, assez aiguisé pour voir les
choses arriver. Évidemment,
j'ose imaginer qu'il y aura quelqu'un de la communauté médicale là, il va sans dire,
mais d'avoir un pharmacien qui a une
habitude de voir : Bien, ce genre de réaction là, c'est suite à la
consommation commune de x médicaments
et de cannabis... Donc, c'est ce genre de chose là, pour voir le genre de
comportement de la clientèle. Je pense qu'un pharmacien qui, déjà,
pratique, par exemple, là, au niveau des opioïdes de façon plus habituelle,
c'est quelqu'un qui peut voir des patterns, des comportements qui
pourraient inciter à la prudence et à peut-être mettre d'autres réglementations en place éventuellement.
Le Président (M. Merlini) : Ça met
un terme à ce bloc d'échange avec le deuxième groupe d'opposition.
Mme Fagnan, Mme Lambert et M. Bolduc,
représentant l'Ordre des pharmaciens du Québec, merci de votre présence. Merci
de votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends
donc nos travaux quelques instants et j'invite la Corporation des propriétaires
immobiliers du Québec à prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 1)
(Reprise à 11 h 5)
Le
Président (M. Merlini) :
Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir maintenant
d'accueillir la Corporation des
propriétaires immobiliers du Québec, mieux connue sous son acronyme, la CORPIQ. Vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et je vous invite également
à présenter les gens qui vous accompagnent. Ensuite, nous procéderons aux
échanges avec les membres de la commission. La parole est à vous et bienvenue à
la CSSS.
Corporation des
propriétaires immobiliers
du Québec inc. (CORPIQ)
Mme
Forest (Mylène) : Merci, M. le Président. Madame et messieurs, membres de la commission, Mme la ministre, bonjour. Mon nom est Mylène Forest. Je suis la présidente sortante du
conseil d'administration de la CORPIQ, qui regroupe actuellement 25 000 propriétaires et gestionnaires d'immeubles de toutes
tailles. Je suis accompagnée aujourd'hui de notre directeur
des affaires publiques, M. Hans Brouillette, ainsi que d'un propriétaire membre
de la CORPIQ qui a récemment
vécu une problématique au cannabis dans son immeuble.
Vous avez reçu notre mémoire, et, comme vous le
constatez, il appuie le projet de loi n° 157, qui vient éviter, à notre avis, des conséquences graves qui auraient
pu découler de la permissivité de la loi fédérale. Toutefois,
il y a souvent une différence entre la loi écrite et la réalité. Et,
bien que le projet de loi soit rassurant, il y a encore beaucoup de préoccupations
de la part des propriétaires et aussi de nos locataires non-fumeurs.
Pour vous en
parler et pour vous expliquer nos recommandations, je vais céder la parole à M. Hans Brouillette.
M.
Brouillette (Hans) :
Bonjour. Le projet de loi n° 157 du gouvernement
du Québec reçoit l'appui général des
propriétaires de logements. L'interdiction
de produire du cannabis à des fins personnelles à domicile constitue la
meilleure solution et la meilleure approche pour le Québec, combinée à
la jurisprudence actuelle qui reconnaît le droit aux propriétaires d'interdire, dans leurs baux, de fumer. Bon, évidemment,
on pense que les moyens, du moins sur papier, sont là pour faire face à la nouvelle réalité. Toutefois,
beaucoup de problèmes sont à prévoir parce qu'il y a un
monde entre le texte de loi et les moyens concrets pour faire respecter la loi
et les règlements d'immeubles par les locataires.
On a sondé
nos membres, on les a consultés. Les trois quarts sont inquiets ou même très
inquiets face à la légalisation du
cannabis. Bien sûr, il y a plusieurs préoccupations comme le laisser-faire des autorités policières,
la lenteur du tribunal de la Régie du logement, qui constitue notre
recours en cas de problème, donc, pour les propriétaires d'immeubles, l'incohérence de certaines décisions des
régisseurs. Et, globalement, la déficience du système envoie le message
qu'on peut cultiver, on peut
consommer en toute impunité. Donc, c'est un problème de gestion important pour
les propriétaires de logements.
Dans un tel
contexte, évidemment, le laxisme, la déresponsabilisation et les
conflits potentiels, c'est sûr que la décision du gouvernement fédéral
de légaliser le cannabis suscite de vives réactions de la part de nos membres.
Et ça ne rendra évidemment pas plus tolérable la fumée
secondaire pour les locataires voisins qui tiennent à vivre dans un environnement
qui leur procure une pleine jouissance des lieux et leur permet de garder la
santé.
Bon, premier
point important, maintenir l'interdiction de cultiver du cannabis à
des fins personnelles. La CORPIQ a
fait savoir aux élus responsables du dossier au gouvernement fédéral qu'il n'y
avait aucune justification que la
culture de cannabis soit permise dans
les logements, alors que les consommateurs pourront s'approvisionner dans des
points de vente légaux ou même en
ligne, à plus forte raison quand... interdiction de cultiver, à plus forte
raison, quand l'habitation n'appartient pas à l'occupant.
Évidemment,
on pense tout de suite aux dommages aux logements et aux problèmes de
sécurité : humidité élevée, des
lampes chauffantes qui, dans des conditions dangereuses, alimentent, éclairent
les plants, également des modifications du système de ventilation. On pense aussi aux impacts financiers pour
les propriétaires, mais aussi pour les autres locataires de l'immeuble. On pense ici aux primes d'assurance
qui augmenteraient évidemment s'il y avait culture de cannabis, à la
difficulté de revendre aussi la propriété parce qu'on doit déclarer ce fait
important au moment de transiger.
On a un cas,
là, très récent. Donc, en 2017, un propriétaire de Lanaudière membre de la
CORPIQ qui était pris avec une situation où le locataire détenait un
certificat pour cultiver 25 plants dans son logement, la police a refusé d'intervenir, et il a dû contacter son assureur
pour se protéger. Il n'avait pas le choix de déclarer la situation, et
l'assureur lui a annoncé que les
primes allaient augmenter de 800 $ à 4 000 $. Alors, ça, ça a un
impact sur les loyers de l'ensemble de
l'immeuble, à moins, bien sûr, qu'il réussisse, dans le mois qui suit, à se
débarrasser des plants. Donc, les hausses de prime d'assurance sont
directement transférables aux locataires.
• (11 h 10) •
On pense
également, en termes de coûts, donc, à la perte de valeur aussi pour des
immeubles où de la culture de cannabis
se déroule. Bien sûr, il faut une meilleure protection des immeubles. On sait
que certaines provinces vont permettre la culture à domicile, mais la
juridiction est complètement différente. Les droits des propriétaires sont beaucoup
plus solides, et donc utiles, là, dans les
autres provinces qu'au Québec. Donc, première recommandation, et c'est dans ce
sens que va le projet de loi n° 157, qu'il soit interdit de cultiver du cannabis à
des fins personnelles tel que le prévoit, donc, le projet de loi.
Deuxième
point, permettre la modification des baux existants. Alors, on sait qu'évidemment
le taux de prévalence au tabac est un
peu plus élevé chez les jeunes et chez les personnes à faibles revenus, donc
des clientèles très présentes dans les
logements locatifs. Et on sait aussi par sondage que 40 % des propriétaires... ou même, je dirais,
40 % des propriétaires ont la
majorité de leurs baux qui permettent de fumer ou une totalité de leurs baux
qui permettent de fumer, et un autre
17 % aussi qui ont certains baux qui permettent de fumer. Donc, un
propriétaire sur deux a un ou des baux qui
permettent de fumer. Et donc la CORPIQ propose aussi à ses propriétaires, à ses
membres, dans une annexe au bail, l'interdiction de fumer, donc de le
prévoir, là, à même le bail.
C'est
important. Il y a quand même beaucoup de gens qui fument. Il y a beaucoup plus
de gens qui ne fument pas également dans les logements. Le cannabis et
le tabac, en général, constituent une menace à l'obligation d'assurer la jouissance paisible des lieux. Ça, c'est une
obligation légale que les propriétaires ont. Ils doivent procurer, pendant toute
la durée du bail, jouissance paisible des
lieux au locataire. Ils ont une obligation de résultat. Si le locataire se
plaint de fumée, on doit agir. Et on
doit non seulement agir, mais on doit s'assurer qu'il y aura un résultat, à
défaut de quoi il peut y avoir même des diminutions de loyer.
Alors,
difficile, évidemment, de modifier un bail qui est déjà en vigueur. Ça, c'est
une grande difficulté parce qu'il faut
faire la preuve de dommages, donc, devant la Régie du logement. C'est
difficile, quoique, dans le cas évidemment de nouveaux baux, il est
relativement facile et reconnu par le tribunal que le propriétaire a le droit
de faire une telle modification.
Donc,
recommandation n° 2, qu'il soit réputé valide d'ajouter au bail une
interdiction de consommer du cannabis. On
parle ici des baux existants, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, qui
permettraient déjà de fumer, donc qu'on puisse ajouter une clause interdisant spécifiquement de consommer du
cannabis. Et d'ailleurs le bail lui-même devrait comporter une case à cocher, s'il est permis de fumer ou non. C'est ce
qu'on avait déjà demandé, mais qu'on n'a toujours pas obtenu, de la part
de la Régie du logement.
Exercer un
contrôle plus efficace aussi. Donc, oui, on a la loi, mais on veut avoir, sur
le terrain, un contrôle plus efficace.
Et actuellement notre recours, qui est la Régie du logement, bien, c'est un
recours qui est très lent. La Régie du logement met des mois à entendre des
causes prioritaires ou urgentes. Et on comprend qu'avec 33 000 dossiers en
attente notre seul recours, là, il
est à peu près impossible à exercer dans des délais raisonnables pendant qu'on
a des plaintes de locataires contre la fumée secondaire.
On a des
décisions molles aussi du tribunal. En l'absence de précision dans le Code
civil, c'est des décisions qui vont dans un sens, des fois dans l'autre. Alors,
considérant les délais trop longs au niveau de la Régie du logement, bien,
il faudrait accélérer, par des mesures qui ont déjà été proposées... pour
améliorer la performance du tribunal.
On a aussi,
dans le projet de loi, des inquiétudes concernant le pouvoir des inspecteurs
d'entrer sans mandat dans des
logements où on soupçonne qu'il se fait de la culture de cannabis.
Actuellement, on ne voit pas ça. Donc, ça nous inquiète de savoir qu'on ne pourra pas faire des
inspections inopinées dans des logements où on soupçonne la culture de
cannabis.
On a
également des inquiétudes concernant le montant des amendes, qui nous apparaît
dérisoire par rapport aux avantages
que pourrait tirer un locataire de la culture de cannabis, que ce soit à des
fins personnelles ou même à des fins commerciales.
250 $, là, d'amende pour une première infraction, ça nous apparaît très,
très peu convaincant et très peu dissuasif.
Et également
la question du cannabis thérapeutique produit à domicile, c'est tout un volet
important. Les choses changent, là. À
partir du moment où le produit devient légal, on peut s'approvisionner dans des
points de vente ou même en ligne. On ne voit pas et on ne comprend pas pourquoi des logements
qui doivent servir de résidence devraient continuer de pouvoir être
utilisés pour cultiver du cannabis avec un permis. Alors, bien sûr, ça relève
de la loi fédérale. On le comprend. Mais, pour nous, ça demeure une aberration.
Et
voilà. Donc, évidemment, on craint, bien sûr, le taux de prévalence au
cannabis, qu'il soit en hausse. Donc, c'est
très important de s'assurer qu'on mettra tous les efforts pour réduire la
consommation et contrôler la
consommation. Il en va de la santé de la société et du bien-être, dans
notre cas, pour ce dont on peut parler, de nos locataires. Merci.
Le Président (M.
Merlini) : Merci beaucoup, M. Brouillette, pour la présentation de
votre exposé.
Nous
allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous disposez de, devinez quoi,
15 minutes.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Mme Forest, M. Brouillette et M. Milot,
j'ai le goût de vous demander, d'entrée
de jeu... Parce que,
Mme Brouillette, vous avez fait... C'est
ça, hein? Je ne suis pas en train de
mêler les noms. Oui, c'est... Non, non, je les mélange.
Mme
Forest, vous avez indiqué d'entrée de
jeu que M. Milot, il était avec vous
puis qu'il avait vécu des désagréments concernant un de ses édifices ou
ses édifices, je ne le sais pas, là, un logement où il y a eu du cannabis thérapeutique, et on n'a pas entendu c'était quoi,
la problématique. Et moi, j'en ai parlé pendant les consultations, mais j'en ai parlé à
d'autres gens outre les consultations, parce
qu'évidemment je suis un petit peu identifiée celle à qui les gens, comme les députés de l'opposition, viennent se
confier, et certaines personnes m'ont dit... Puis je ne dis pas, là, que... Je
n'ai pas d'analyse scientifique, là, sur la quantité qu'ils m'ont dit d'une
telle affaire par rapport à telle autre affaire, là. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il y a plus
de monde là qu'ailleurs. Mais il y en a qui m'ont dit : Franchement, là,
une quantité minime de plants ne peut
pas endommager un logement parce que
le taux d'humidité n'est pas suffisant, parce que... Je vous répète ce que j'ai entendu. Je n'ai aucune
expérience là-dedans.
Alors,
j'aimerais ça entendre M. Milot, à savoir qu'est-ce qui s'est passé dans son logement, et, de deux, savoir si vous avez beaucoup de cas comme son cas,
et à partir de quelle quantité ça arrive qu'il y a des problèmes.
Avez-vous des connaissances là-dessus? Puisque vous êtes les représentants des édifices à logements, vous devez entendre
parler régulièrement de cette problématique-là.
M.
Milot (Patrick) : Bon, je
vais faire ça le plus bref possible. Pour commencer au début, au mois d'avril,
j'ai acheté, j'ai acquis un immeuble
à logements et j'ai fait le tour de mes locataires. Un de mes locataires m'a
fait rentrer, m'a mentionné que ses
disjoncteurs électriques commençaient à faire des «faux blacks», à disjoncter,
en fait. Donc, il m'a fait rentrer en
dedans, et j'ai pu constater qu'il avait des plants de marijuana, de cannabis,
carrément, en dedans, et il me demandait
de faire augmenter le système électrique pour augmenter ça. Là, moi, je fais
face à des plants de pot, carrément, et
je ne sais pas trop sur quel pied danser. Dans le fond, il me mentionne
que l'ancien propriétaire a fait venir la police, c'est déjà arrivé avec l'autre propriétaire
d'avant, et la police n'a rien pu faire parce qu'il a montré... Il
avait un papier médicinal comme quoi
qu'il avait le droit de faire pousser ses plants et il mentionnait que l'ancien
propriétaire avait eu une
amende.
Donc,
c'était à éviter pour moi. J'ai fait plusieurs appels. Je voulais savoir quels
étaient mes droits, quels étaient ses droits, savoir qu'est-ce que je
peux faire avec ça.
J'ai
appelé Santé Canada. Eux autres m'ont
indiqué de... m'ont référé, en fait, à leur site, m'ont dit d'aller voir
sur leur site, qu'ils ne pouvaient pas rien
faire pour moi, que ça existait, des documents légaux pour faire des
plantations.
J'ai appelé La Croix verte, qui était le fournisseur
de mon locataire, pour savoir un peu comment ça marchait. En fait, ils
m'ont indiqué comment ça marchait, des plantations, mais ils ne pouvaient pas
m'aider.
Je
me suis rendu chez la police directement pour savoir s'ils pouvaient m'aider, qu'est-ce qu'on peut faire avec ça, et ils
m'ont indiqué que, s'il avait un
permis légal, ils ne peuvent pas m'aider puis ils ne peuvent pas rentrer en
dedans. Donc, je n'étais pas plus avancé.
J'ai
appelé à la Régie du logement. Je me suis dit : Eux autres, ils vont
peut-être m'aider dans le domaine. Ils m'ont dit que c'était un cas particulier, qu'ils ne pouvaient pas vraiment m'aider, qu'ils n'avaient pas vu ça, dans le fond, qu'on ne pouvait pas évincer quelqu'un s'il avait des documents
légaux.
Donc,
avec tout ça, j'ai appelé la CORPIQ pour venir en «backup», pour m'aider. Ils
m'ont indiqué de faire venir un pompier préventionniste pour venir constater vraiment
qu'est-ce qui se passe à l'intérieur.
Puis je leur réfère ça rapidement parce que, un, on s'entend qu'il y a un
danger pour le feu. On le voyait amplement que c'étaient des grosses lampes 1 000 watts puis qu'il y avait
beaucoup de chaleur. J'ai eu des plaintes d'autres locataires qui avaient peur
que justement ça pogne en feu puis
que la fumée... Eux autres, ils plantaient puis ils fumaient aussi. Donc, la
fumée du cannabis, ça rentrait dans
leurs logements et ils menaçaient de quitter aussi mes logements. Donc, j'ai eu
des plaintes de locataires.
• (11 h 20) •
Puis,
avec ça, bien, dans le fond, il y avait beaucoup d'humidité, beaucoup
d'humidité. Je voyais qu'il y avait des coulisses dans les fenêtres, carrément, puis les champignons qui
commençaient à pousser dans le coin
des fenêtres. Donc, il fallait que j'agisse vraiment rapidement.
En plus, avec tout
ça, j'ai eu une soumission pour une décontamination parce qu'il va falloir que
je fasse décontaminer mes affaires, un coup
que le locataire va être parti, pour la sécurité puis la santé de mes prochains
locataires. Et, pour refinancer ou
vendre mon logement, on s'entend qu'il faut que je fasse décontaminer, sinon il
n'y a aucun prêteur, aucune institution qui va vouloir prêter, dans le
fond, pour un financement.
Donc, avec tout ça, j'ai fait venir un
pompier préventionniste et il a constaté les lieux. Il a fait un rapport et il
a amené ça à la police. La
police — j'ai été
extrêmement chanceux dans mon cas à moi — a pu voir que, dans le fond, le permis n'était pas au nom, à l'adresse de mon
logement, mais était en changement d'adresse puisqu'il était nouvellement
locataire de mon immeuble. Donc, en ce
moment même, il n'avait pas le droit de faire pousser des plantations. Donc,
ils m'ont demandé... On a saisi les
plants, mais le problème n'était pas carrément réglé parce que lui, il pouvait
faire repousser des plants puis il ne me laissait pas rentrer. Ça fait que je
n'aurais jamais pu voir s'il en faisait pousser. Puis il fumait encore.
Donc,
je voulais l'évincement du locataire. J'ai demandé à la régie. Ils m'ont dit
que ça prenait de six mois à un an et même
plus pour évincer un locataire pour acte criminel, parce que c'est un acte
criminel qu'il a fait. Mais j'ai été encore une fois extrêmement chanceux parce qu'on commençait à mal s'entendre
puis il a arrêté de me payer. Il m'a dit que c'était son seul revenu, donc il ne pouvait plus me payer,
il a arrêté de me payer. Ça fait que j'ai demandé à la régie des conseils.
Ils m'ont dit : À la place de faire un dossier pour un dossier criminel qui
va...
Mme
Charlebois :
Juste une minute! Vous me dites que c'était son seul revenu. Il vendait du
cannabis?
M. Milot
(Patrick) : Il vendait du cannabis.
Mme
Charlebois : Ah! ce n'était pas pour sa propre consommation,
finalement, le thérapeutique, c'était, entre guillemets...
M. Milot
(Patrick) : Ça a de l'air qu'en fin de compte il en vendait aussi pour
son propre revenu.
Mme
Charlebois :
O.K., merci.
M. Milot
(Patrick) : Oui, c'est ça. Ça fait que...
Mme
Charlebois :
Combien il avait de plants?
M.
Milot (Patrick) : Il en avait 11, 11 plants. Puis je voyais des
coulisses d'humidité. Vraiment, c'était flagrant puis ça commençait...
Donc,
où que j'en étais rendu avec ça, ça fait que, c'est ça, j'ai voulu le mettre
dehors, puis la Régie du logement m'a
dit : S'il ne te paie pas, tu devrais aller vers un non-paiement et non un
acte criminel parce que tu n'es pas sorti du bois avec un acte criminel. Ça fait que je suis allé vers un
non-paiement de dossier. Ça a pris un mois. On a eu une audience à la régie. Ils ont fait venir un avocat. Ils
m'ont poursuivi pour avoir enlevé des plants. Ça a été compliqué. On a remis
l'audience à la régie le mois plus tard. En
fin de compte, j'ai réussi à m'en sortir parce qu'ils ne se sont pas présentés.
Mais,
en conclusion, j'ai été vraiment chanceux du fait que l'adresse n'était pas
bonne et qu'ils ont arrêté de me payer,
sinon c'est sûr qu'ils seraient encore présentement là, et Dieu sait s'ils
auraient fait encore des plantations chez nous.
Mme
Charlebois :
Ça fait que les dommages, c'étaient les risques d'incendie, la moisissure
puis...
M.
Milot (Patrick) : Moi, j'ai dû payer... Dans le fond, j'ai une
soumission à 8 000 $ pour décontaminer tout le logement.
Mme
Charlebois :
O.K. Alors, vous êtes en faveur du fait qu'on dise interdiction de...
M. Milot
(Patrick) : Vraiment.
Mme
Charlebois : Est-ce que vous avez fait, la CORPIQ, des
représentations au gouvernement fédéral concernant le cannabis
thérapeutique? Parce que vous savez que ça ne relève pas de nous, là.
M.
Brouillette (Hans) : Bien oui, évidemment. On a rencontré les
autorités l'été dernier. Mais malheureusement aucun argument, aucune... une grande écoute, mais juste de l'écoute,
aucun argument. Nous, notre principal point, c'était le suivant : à partir
du moment où le produit devient légal et on peut s'approvisionner, mais pour
quelle raison on permettrait de cultiver dans des logements? Là, on ne parle
pas d'une maison qui appartient à l'occupant, là. On parle de logements
qui ne sont absolument pas prévus pour ça, même, dans certains cas, des vieux
logements.
Mme
Charlebois : En ce qui concerne le quatre plants qu'ils ont
mis, ici, au Québec, ce qu'on propose dans le projet de loi n° 157, c'est zéro plant. Ça fait que c'est notre
projet de loi qui prévaut. Bien, en tout cas, si la loi est adoptée. Là,
il parle du médicinal?
M. Brouillette
(Hans) : On félicite le... Oui, évidemment, on comprend que le
médicinal, ça peut être...
Mme
Charlebois :
Bien, je pense qu'il était rendu ailleurs. Vous n'étiez plus sur le médicinal,
je crois, hein?
M.
Brouillette (Hans) : Écoutez, pour nous, là, que ça soit médicinal ou
non, la culture, ça a les mêmes conséquences.
Supposons qu'on prend le projet de loi fédéral puis on dit : On permet de
cultiver quatre plants, on sait très bien, puis ça, on l'a dit au gouvernement
fédéral, qu'il n'y en aura pas, de contrôle sur les quatre plants. Il faut
envoyer le message que c'est
interdit, que ça soit quatre, que ça soit 10. Celui qui va avoir la permission
de quatre, il va se rendre à 10 et à 20. Alors, pour nous, ça n'a pas sa
place à partir du moment où le produit est accessible autrement.
Mme
Charlebois :
Au renouvellement d'un bail, vous pouvez... Bien, même au premier bail, vous
pouvez interdire la consommation de tabac et de cannabis, fumé
évidemment. Au renouvellement aussi, j'imagine?
M. Brouillette (Hans) : Regardez, il
y a deux... Évidemment, un nouveau bail, ce n'est pas un problème. Au moment du renouvellement, on doit envoyer un avis
au locataire lui disant qu'on modifie une des conditions au bail, mais le locataire a le droit de refuser. Ça peut être pour le loyer, mais ça peut
être aussi pour des conditions du bail, il a le droit de refuser. À partir du moment où le locataire refuse, je ne peux pas, unilatéralement, modifier le bail. Donc, je vais devoir me rendre devant la Régie du
logement, démontrer les
inconvénients, et là ça va prendre... C'est des délais qui sont entre
six et neuf mois, là, d'attente, et c'est seulement qu'après la période de renouvellement
de baux.
Alors, nous, ce qu'on dit, ce qu'on propose, c'est que, dans le
cas des baux qui ont déjà été signés au moment où la loi est entrée en vigueur... Au départ, les gens
n'avaient pas besoin, les propriétaires n'avaient pas besoin d'interdire le
cannabis. C'est un produit déjà illégal. Au
moment de l'entrée en vigueur de la loi, on pourrait dire : Tous les baux
qui ont été signés avant peuvent être
modifiés unilatéralement par le propriétaire sur avis aux locataires. Donc, tu
n'avais pas le droit de fumer avant
du cannabis. Bien, on te demande de ne pas fumer non plus maintenant. On
modifie le bail, donc que ce soit
inopposable, que le locataire ne puisse pas s'opposer à cette interdiction-là.
On ne peut pas l'empêcher de fumer, mais on peut l'empêcher de fumer du
cannabis. Pour les autres baux qui interdisent déjà de fumer, bien, ça
continue.
Mme Charlebois :
Avez-vous vérifié le côté juridique de l'affaire?
M. Brouillette
(Hans) : Bien, nous, on y va avec la jurisprudence. Pour le moment, ce
qu'on voit, c'est que la Régie du
logement accepte de modifier des baux lorsqu'il y a un préjudice qui est
démontré. On a des cas, des gens que des cancers se sont déclarés, des problèmes d'emphysème, problèmes
respiratoires. La régie dit : Bon, bien, au moment de signer le bail, il n'y avait pas cette
condition-là. Là, un voisin, ou un propriétaire, ou une personne enceinte est à
risque, alors on va modifier le bail. Mais, attention! dans certains
cas, ça a conduit à des diminutions de loyer. Donc, très important... Mais ce
fardeau-là de démontrer le problème, c'est quand même long, là, en termes de
mois d'attente.
Mme Charlebois :
Que dites-vous à des gens qui disent : Si on ne peut pas fumer dans le
logement... S'il y a des amendements
qui sont proposés dans le projet de loi pour exclure la fumée de cannabis à
l'extérieur, où vont-ils pouvoir fumer?
M. Brouillette
(Hans) : Oui, c'est une question qu'on a entendue beaucoup dans les
médias dernièrement. En fait, nous,
on prend le problème exactement à l'inverse. Le logement d'une personne, son
habitation, est son dernier refuge. Si
je suis sur la rue, il y a de la pollution, il y a du bruit, il y a des
dangers. Au travail, je peux avoir un environnement malsain. Il peut y avoir des gens qui vont fumer,
effectivement, dans des lieux publics. Est-ce que je peux, au moins, dans
ma demeure, dans mon logement, dans mon
cocon, être protégé? Sinon, quoi, alors ça fume dans le logement d'à côté,
je prends ma chaise de jardin, ma couverture
et je vais m'installer dans le parc le temps qu'il ait fini de fumer? Ce n'est
pas réaliste. La plupart des locataires sont
non-fumeurs. On doit leur assurer un environnement sans fumée. C'est une obligation légale de
leur procurer pleine jouissance paisible des lieux.
Donc, c'est
important pour nous de ne pas faire en sorte que le locataire fumeur reste là pendant
15 ans et qu'à chaque année j'ai des nouveaux locataires qui quittent ou
même qui choisissent de ne pas louer parce qu'il y a des odeurs de
cannabis dans les corridors et dans les logements.
Mme Charlebois :
Dans le fond, ce que je vous entends dire, c'est que vous y allez sur le
principe de précaution de l'environnement des autres locataires.
M. Brouillette
(Hans) : Exactement. On a d'avance l'assurance que les locataires vont
se plaindre. Alors, on ne va pas
s'embarquer dans des problèmes où il va falloir diminuer le loyer, trouver des
solutions, aller se battre en cour contre le locataire fumeur. Si on
peut prévenir les problèmes, on va le faire. Si les gens ne collaborent pas
parce qu'ils ne respectent pas le règlement
de l'immeuble, on ira devant le tribunal, mais en dernier recours.
Permettez-nous d'interdire de fumer.
Je sais très bien... Et on est tout à fait d'accord avec les propriétaires qui
choisissent de permettre de fumer, hein? 40 % des propriétaires permettent de fumer dans la majorité de
leurs baux. C'est leur choix. Peut-être que les configurations des
immeubles, ou l'emplacement des balcons, ou le type de clientèle qu'ils ont ne
posent pas problème. Alors, on ne recommande
pas ça, nous, à nos propriétaires, mais on dit : Il faut avoir le choix et
la possibilité de protéger les non-fumeurs.
Mme Charlebois :
Est-ce que vous seriez à l'aise à ce que les gens consomment sur le terrain de
l'édifice à logements?
M. Brouillette
(Hans) : Nous, on ne veut pas, encore une fois, entrer dans ça.
Évidemment, vous avez des terrains où
il y a des balançoires pour les enfants. Puis vous avez des terrains où c'est à
peu près plus le stationnement, là, ça fait qu'il n'y a personne qui ne se tient là, qui prend du soleil sur le
terrain. Donc, je pense que ça va varier d'un endroit à l'autre. Ça peut même varier d'un
balcon à l'autre. Vous avez des balcons qui sont en aval du vent, où c'est sûr
que le locataire sur son balcon va
respirer la fumée secondaire, puis vous avez des balcons en amont du vent où il
n'y a aucun problème. Alors, on laisse les propriétaires gérer ces
aspects-là.
Le
Président (M. Merlini) : Mme la ministre, je dois vous dire que votre temps est malheureusement écoulé à votre
bloc d'échange. Nous allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de
Labelle, vous avez neuf minutes. À vous la parole.
• (11 h 30) •
M. Pagé :
Oui, merci, M. le Président. En fait, quand je vous entends, je me dis :
La journée où on va pouvoir consommer des produits dérivés en toute
sécurité, soit vaporiser ou encore manger des jujubes ou des muffins, je ne
pense pas que ça va causer de problème, là, j'imagine que vous ne vous
objecterez pas à cela. C'est bien cela?
M. Brouillette (Hans) : Exactement.
Alors, effectivement, on parle ici de fumée, hein, fumée secondaire, en particulier. Pour nous, ce n'est pas... on n'a jamais
eu de plainte relativement à la consommation de cannabis sous d'autres
formes, ça n'affecte en rien ni l'immeuble ni les voisins.
M. Pagé : Puis, en plus, je vais même tenter de vous
rassurer un peu, parce que la tendance mondiale des gens qui sont venus déposer des statistiques est vraiment à la baisse pour le cannabis consommé de façon brûlée,
là, ce qu'on appelle un joint,
comparativement à la hausse pour le cannabis consommé de façon vaporisée ou
encore ce qu'on appelle les jujubes,
les muffins, les galettes, et tout le reste. Donc, à terme, si cette tendance
continue, je pense que ça risque de régler en partie le problème.
Bon, évidemment,
la première ligne de votre conclusion, quand vous dites : «La CORPIQ ne
croit pas que les Canadiens soient
prêts pour la légalisation du cannabis»... va aussi loin que celle adoptée par
le gouvernement fédéral. Je vous rassure d'une chose, là, il n'y a aucune formation politique
ici qui avait ça dans son programme électoral, hein? Je vous comprends de le rappeler, mais nous sommes
face à une réalité, et on se doit de s'imposer le meilleur encadrement possible. On est en train d'écrire un droit
nouveau, comme il y a 97 ans quand on a légalisé l'alcool, là,
hein, c'est ce qu'il faut se dire,
alors on cherche le meilleur compromis, je dirais, pas juste compromis,
équilibre. Je pense qu'il faut parler d'équilibre
entre les droits des uns et des autres. J'entends très bien
ce que vous dites et je peux très
bien comprendre vos
inquiétudes. Sauf que, dans cette recherche d'équilibre, j'essaie de voir...
Restons, pour les fins thérapeutiques, pour quelqu'un qui doit effectivement... qui a une ordonnance médicale, une
prescription et qui voudrait le faire pousser chez lui, est-ce qu'il y a quand même
des conditions qui pourraient être acceptables? Parce que les cas qu'on nous
rapporte, les cas, comme vous avez décrit
tantôt, c'est des gens évidemment qui ont besoin de lumières chauffantes pour faire
pousser plus rapidement,
j'imagine, puis on a entendu, oui, des histoires d'horreur lors de notre
tournée, là, évidemment, la moisissure,
et tout ça, parce que ce n'était pas des plants qui poussaient de façon
naturelle. Mais moi, on me dit : C'est aussi possible de faire pousser un plant de façon naturelle. Il va certainement prendre plus de temps, mais, s'il y en a un ou deux qui
poussent, comme n'importe quelle plante que j'ai chez moi et que vous avez certainement
chez vous, ça n'endommage pas plus.
Est-ce que,
si on encadrait avec des mesures, très,
très strictes et interdisant toute
forme de production non naturelle, est-ce
que ça devient un peu plus acceptable, dans un premier temps, à tout le moins,
pour les gens qui en consomment pour des fins médicales?
M.
Brouillette (Hans) : Je vous
dirais deux choses là-dessus. La première, c'est que, bon, on comprend, pour la
croissance des plants accélérée... et peut-être
qu'on pourrait avoir des plants qui vont croître de façon naturelle, sans lampe
spéciale, mais quelqu'un
qui veut s'approvisionner à des fins médicales va avoir besoin d'une production
tout au long de l'année, et nous, on
a besoin de certains taux d'humidité pour protéger nos immeubles. Mais la
croissance des plants, par exemple,
en hiver, si je suis en début de croissance, mes plants sont en début de
croissance, ils ont besoin d'un fort taux d'humidité, alors que, dans un immeuble, il faut que le taux d'humidité
soit bas, en hiver, pour protéger l'immeuble et le logement de la condensation.
Donc, il y a des contrastes entre les besoins des plantes et
la protection des immeubles. Ça, c'est un point.
Bon, c'est
sûr que les propriétaires ne sont pas enclins... n'ont pas l'intention de
modifier les configurations des logements
pour absorber une culture. De toute façon, ce n'est pas la place. Nous, on
pense que le fait que les locataires pourront
s'approvisionner... ils ne devraient pas avoir à... ils ne devraient pas
pouvoir produire dans les logements, alors... C'est très important pour nous, on parle des cas, là, où... des
certificats de 25 plants, même 30 plants, on a vu ça, 50 plants,
ce qui est très important...
M. Pagé : ...mais vous comprenez qu'on n'est pas là-dedans,
là. Là, vous parlez de choses totalement illégales, qui, de toute façon, même si on allait jusqu'où la loi C-45 du
fédéral permettrait d'aller, soit quatre plants... alors, vous parlez de
cas extrêmes qui, de toute façon, évidemment, ne seront absolument pas permis.
M.
Brouillette (Hans) : Non,
non, je vous parle de cas légaux, là, des 25 plants permis par Santé Canada
avec un permis, avec un certificat,
là. Il y a des gens qui ont des chambres complètes avec des
plants, là, des dizaines de plans. Ils
ont un permis pour ça. Nous, ce qu'on dit... Puis pour répondre à votre question
initiale, là, on pourrait légiférer et dire : Bon, bien, on va
mettre ça dans la loi. N'oubliez pas une chose, là : en pratique, il faut
contrôler ça, que ce soit les quatre plans que propose le fédéral, que ce soit
les plans autorisés par Santé Canada pour des fins thérapeutiques, qui contrôle ça? Comment on
entre dans un logement, un lieu privé, pour vérifier l'état
des lieux, pour vérifier la conformité du
permis dans le cas de cannabis thérapeutique? On est confronté à ça. Même les
propriétaires, ils ont le droit de faire une inspection de leur logement, mais ils doivent donner 24 heures
de préavis au locataire. Et le locataire qui a une plantation illégale, même au bout de 24 heures, il ne
laissera pas entrer le propriétaire. Le propriétaire va devoir s'adresser au
tribunal, obtenir une ordonnance
d'accès. Et là, on parle d'un mois, minimum. Alors, on est confronté à ça, là,
la loi, les restrictions et, en pratique, l'application.
M. Pagé : O.K. Je vais vous avouer très candidement, la partie
que le fédéral autorisait pour des fins thérapeutiques jusqu'à
20, 25 plants, vous venez de me l'apprendre. Je vous le dis, là, je m'en
confesse, je ne savais pas que cela existait. Et effectivement c'est très inquiétant. Je vais vous avouer que, là, on ne parle pas de la même
chose. Je croyais que, dans tous les
cas de figure, c'était quatre plans qui étaient le maximum. Alors, là-dessus,
vous venez de m'apprendre quelque chose. Et effectivement ça m'apparaît
comme plutôt abusif.
Mais, si on
revient à un ou deux plants... Parce que le problème que nous allons avoir, il
y a déjà plusieurs juristes qui l'ont
dit, le Québec peut restreindre ce qui va être légalisé par Ottawa, mais ne
peut pas aller complètement à l'encontre et passer de... Le fédéral va permettre quatre plans. Et si le Québec
dit zéro, bien, il y a plusieurs juristes qui disent : On va rapidement se retrouver en cour. Et cette
partie de la loi ou ce règlement sera inconstitutionnel. Alors... Et, dans deux
cas comme celui-là, on dit que c'est
la loi fédérale qui prime. Bon. Alors donc, la volonté québécoise ne pourrait
pas s'exprimer.
Alors là, je
reviens encore à ma question : Si le fédéral gagne et que nous devons
légiférer puis qu'on dit : Bien, parfait,
on va limiter à un plan, est-ce que vous avez réfléchi à des conditions? Parce
que mon feeling, là, c'est qu'on risque d'arriver à cela, là, à terme, là. Ça va peut-être prendre six mois, un
an, deux ans, mais si on arrive à cela, avez-vous réfléchi à des conditions qui seraient, à toutes fins
pratiques, plus raisonnables, plus acceptables pour que les gens puissent faire
pousser minimalement un plan chez eux, un ou deux?
M. Brouillette
(Hans) : Bon. Écoutez, c'est sûr qu'un plan, ce n'est pas énorme,
hein? Le problème, c'est que le
fédéral propose des choses ou adopte des choses, mais il n'a aucun argument,
aucun moyen de contrôler ça. On l'a vu, ils ont retiré la mesure d'un mètre, hein? Les plans, les quatre plans
ne devaient mesurer plus qu'un mètre. Puis ils se sont dit : Bien, peut-être qu'on ne pourra pas
dans le fond vérifier c'est quoi, un mètre, on ne peut pas vraiment contrôler
ça. Bien, c'est la même chose pour
les quatre plans. Ils poussent ça aux provinces, aux villes, aux autorités
municipales aussi, en se disant : Bien, nous, c'est quatre plans qu'on
permet. Oui, mais qui va contrôler ça? Le un plan, qui va la contrôler?
Il ne faut pas envoyer le message qu'un
plan, deux plans, quatre plans, c'est correct. Les gens vont dire : Bien,
j'en ai huit. Puis, dans le fond, je
n'en ai pas vraiment huit, parce qu'il y en a quatre qui sont matures puis les
autres ne sont pas encore matures. Puis les petites boutures, là, bien,
finalement, on ne les compte pas.
Alors, on
rentre dans quelque chose qui n'est pas applicable. On envoie le mauvais
message. Alors, pour nous, c'est une
inquiétude. Je suis d'accord, un plan, ce n'est pas ça qui va ruiner le
logement. Mais comment on va l'appliquer? On voit déjà les débordements. Donc,
envoyons un message clair avec des sanctions claires. Et d'ailleurs on propose,
je termine rapidement là-dessus, mais on
propose dans notre mémoire que, lorsqu'il y a contravention à la loi en matière
de culture, on devrait avoir le droit de
résilier notre bail sans que la Régie du logement émette une simple ordonnance.
Ça ne fait pas peur à personne, ça, une
ordonnance. Je veux dire, regarde, je viens de gagner quelques mois avant de
pouvoir me débarrasser de mes plants.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme à ce
bloc d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons maintenant du
côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez un
bloc de six minutes. À vous la parole.
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être
présent aujourd'hui. Merci pour votre témoignage aussi. Je pense que ça illustre très bien les réalités auxquelles les
propriétaires sont confrontés aussi puis l'aspect, dans le fond, que... comment on doit gérer ça aussi,
cette légalisation-là, d'autant plus qu'actuellement il y a des propriétaires
qui se retrouvent avec des situations où
c'est cultivé illégalement, et c'est problématique parce que c'est une
propriété qui est privée. Il y a
beaucoup de petits propriétaires au Québec que c'est leur fonds de pension,
d'avoir un logement, d'avoir un duplex,
d'avoir un triplex. Et ces gens-là se retrouvent pénalisés. Et ils n'ont pas
nécessairement de moyen d'intervention pour
corriger la situation. Donc, je pense qu'on va devoir avoir une discussion ici pour voir comment est-ce qu'on peut
trouver des solutions.
Vous en
parliez tout à l'heure, vous dites, à votre recommandation 6, ça nous
prend un moyen pour vérifier. Là, vous dites : On voudrait avoir un
inspecteur, quelqu'un qui est habilité à rentrer dans le logement. Comment
est-ce que vous voyez ça? Parce qu'il y a certaines difficultés.
Exemple, en matière municipale, oui, l'inspecteur municipal peut pénétrer, parfois. En santé et sécurité, il y a un
inspecteur qui a certains pouvoirs. Mais là, on parle du domicile des gens.
Dans quelle perspective vous voyez quelqu'un qui pourrait pénétrer dans
l'habitation d'un individu?
M.
Brouillette (Hans) : Très bonne question. Pour des motifs de sécurité.
Alors, pas pour des motifs farfelus, là. On parle vraiment, à partir du moment où on a un doute raisonnable, où
on est convaincu qu'il se produit une activité illégale telle qu'une
plantation, il faut pouvoir intervenir pour des motifs de sécurité. On avait un
propriétaire qui, justement, voulait vérifier dans quelles conditions étaient
cultivés les 25 plants autorisés par Santé Canada. Il est entré avec un électricien, et ils ont vu les installations, les
lampes, et quand ils ont débranché, le feu a pris. Les pompiers sont
intervenus. Alors, pour des raisons
de sécurité, non seulement pour le logement, mais surtout pour les occupants
voisins, donc, des gens qui n'ont aucune idée de ce qui se passe dans le logement d'à côté,
mais qui sont à risque d'être victimes eux aussi de l'incendie, alors,
pour des raisons de sécurité, on doit pouvoir pénétrer. Effectivement, les
inspecteurs municipaux peuvent pénétrer dans
des logements, faire des inspections de routine. On ne veut pas qu'il y ait de
l'abus, là, ce n'est pas ça, mais il faut s'assurer de la sécurité des
lieux. Et les plantations, ce n'est pas compatible avec la sécurité.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Qu'est-ce que vous pensez, si, dans le projet de loi, on inscrit directement, à
la fois pour les propriétaires de logements, pour les baux déjà
existants, qu'il y a une interdiction, dans le fond, de consommer du cannabis, bien, en fait, de fumer du cannabis?
Déjà, on ferait une intervention dans le droit privé, dans le fond, que tous
les baux, ça serait comme ça, et une
intervention également en droit privé, au niveau des copropriétés, pour dire
que c'est interdit, à moins que le
syndicat des copropriétaires l'autorise par voie réglementaire, par le
règlement de l'immeuble.
M. Brouillette (Hans) : Bon, quand
on parle des baux existants, certains baux permettent déjà de fumer. Les propriétaires ne veulent pas changer ça, ils
veulent continuer de permettre aux locataires de fumer. C'est juste le cannabis,
là. Donc, on ne passe pas d'une situation où il est interdit à une situation où
il est permis. Donc, c'est interdit, il y a simplement
une continuité. Si le propriétaire veut le permettre aussi, le cannabis, il le
fera. Donc, on ne parle pas de modifier tous les baux, là,
nécessairement.
Dans le cas
des copropriétés, ce qui est difficile, oui, bien sûr, les copropriétaires ou
le syndicat de copropriété peut
adopter une réglementation en disant : Bien, ça va être interdit de fumer.
Sauf que, là, si un copropriétaire qui fume dit : Non, moi, je refuse, moi, je veux continuer de fumer, là, on
va se retrouver devant le tribunal. Ça ne sera pas facile. Mais devant le tribunal, et ce n'est pas la Régie
du logement, là, ici, là. On parle de la Cour du Québec. Donc, le droit
d'une personne de fumer dans sa propre demeure dont il est propriétaire, et qui
a des droits, lui aussi, en tant que membre du syndicat de copropriété, ça ne
sera pas facile.
Donc, oui, il
y aura certainement des règlements, il y en a probablement déjà, mais quand les
droits vont s'opposer, ça va finir devant le tribunal.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Donc,
là, vous nous invitez aussi, au niveau de la production pour le cannabis
médicinal, à, en fait, à le proscrire. À faire des démarches avec le
gouvernement fédéral pour le proscrire. La culture à domicile.
M. Brouillette (Hans) : La culture à
domicile n'a pas sa place dans les logements locatifs. On ne peut pas le contrôler. Si c'est le propriétaire, dans sa
maison unifamiliale, qui décide de ruiner les lieux parce que sa santé est plus
importante, c'est correct. Mais la santé des
autres est importante, la protection de nos immeubles, et les assurances, c'est
des questions importantes. Alors, à partir
du moment où on peut s'approvisionner à l'extérieur, dans des lieux autorisés,
il n'y a pas de raison de permettre la
culture à domicile. Là, on comprend que les gens n'avaient pas d'autre choix,
là. S'ils ont besoin de cannabis pour
des fins médicales et qu'ils ne peuvent pas s'approvisionner ailleurs que dans
le parc, auprès de gens de mauvaise réputation, bien, ils cultivaient à
domicile. Mais ça n'a plus sa place.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Une
question sur le montant des amendes. Vous souhaitez qu'elles soient quadruplées.
Je pense que le montant des amendes, c'est
entre 250 $ et puis 700 $. Donc, vous souhaitez que le montant soit
quadruplé?
M.
Brouillette (Hans) : Le
montant actuellement n'est absolument pas dissuasif. C'est même un risque, un bon
risque à prendre, de dire : Bien, ça me coûte 250 $ si je me
fais prendre. Ça va coûter pas mal plus cher de faire des inspections, alors probablement qu'on ne verra
même pas d'inspecteurs. Vous savez, pour changer des comportements, disons, délinquants, il faut deux choses : il
faut un risque élevé de se faire prendre et il faut aussi une sanction
suffisamment dissuasive. Le risque
n'est pas très élevé d'avoir un policier qui cogne à la porte et l'amende aussi n'est pas une conséquence,
surtout si la personne s'adonne à la revente du cannabis. 250 $, ça vaut
le coût.
Le Président (M. Merlini) : Merci, M.
le député de Borduas. Malheureusement, votre temps est déjà écoulé. Mme Forest, M. Brouillette et M. Milot
représentant la CORPIQ, merci de votre présence et de votre contribution aux
travaux.
Je suspends donc quelques instants, et j'invite
l'Association des médecins psychiatres à prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 46)
(Reprise à 11 h 47)
Le
Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Notre
dernier groupe cet avant-midi est l'Association des médecins psychiatres. Je vous invite donc à vous présenter lors du
début de votre exposé. Vous avez 10 minutes pour le faire, et ensuite nous procéderons aux échanges
avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.
Association des médecins
psychiatres du Québec (AMPQ)
Mme
Igartua (Karine J.) : Merci. M. le Président, Mme la ministre et
membres de la commission, merci de nous recevoir. Je m'appelle Karine Igartua. Je suis la présidente de
l'Association des médecins psychiatres du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui
par Dr Guillaume Barbès-Dumin... Guillaume Barbès-Morin, pardon, qui est
médecin psychiatre, secrétaire de l'association, et psychiatre clinicien
à Rouyn-Noranda.
Je veux
d'abord vous féliciter pour cet exercice de funambule extrêmement difficile
auquel vous travaillez depuis des mois avec beaucoup d'énergie. C'est
très difficile d'essayer de trouver un projet de loi qui soit le plus équilibré
possible pour protéger à la fois les
libertés individuelles, tant des fumeurs que des non-fumeurs, mais aussi
protéger la population des dangers
réels reliés à l'intoxication du cannabis, que ce soit... tant au niveau des
accidents routiers que des échecs
scolaires, que du présentéisme au travail ou des troubles qui nous concernent
plus, comme les dépendances et les déclenchements des psychoses.
Je représente
le point de vue des psychiatres. Nous sommes des médecins. Nous sommes des
cliniciens. Nous ne sommes pas des théoriciens. On voit du vrai monde dans la
vraie vie. Et notre souci principal est donc de limiter les dégâts du cannabis sur les parcours scolaires, sur
le développement psychologique et sur la santé mentale des Québécois,
plus particulièrement chez notre jeunesse.
Nos
recommandations viennent donc d'un principe de précaution. Vous savez, le
cannabis légal, c'est un petit peu
comme un adolescent. On donne un petit peu de latitude. Si ça va bien, on
élargit au besoin. Mais de faire l'inverse, ce serait dangereux.
De façon
générale, l'AMPQ se réjouit du projet de loi n° 157. En effet, on tient
d'emblée à saluer les éléments suivants :
la création du fonds de prévention et de la recherche qui permettra de financer
des activités, des programmes et des
soins qui seront vraiment de plus en plus nécessaires avec la légalisation du
cannabis, on salue aussi les restrictions importantes apportées à la promotion, à la publicité, à l'emballage, qui
vont certainement contribuer à éviter de promouvoir la consommation de
cannabis.
• (11 h 50) •
Les lieux
publics où il sera permis de fumer le cannabis sont dans le projet de loi et
doivent demeurer très limités pour
éviter de favoriser l'acceptabilité sociale du produit. Comme le gouvernement
se réserve le droit de déterminer par règlement
d'autres lieux où il serait interdit
de fumer, il serait intéressant d'ajouter à la liste des lieux là où c'es
interdit de consommer l'alcool. En
effet, avec le cannabis, on a deux considérations, celle, d'abord, de ne pas
importuner les autres avec la fumée
secondaire, comme la cigarette, et l'autre, d'éviter de voir les personnes
s'intoxiquer sur la voie publique, comme avec l'alcool. Il faudrait donc
songer peut-être à déterminer des fumoirs intérieurs et extérieurs.
Je vais
vous parler un petit peu du modèle de distribution. Nous saluons ce
modèle, qui est rigoureusement réglementé et qui n'est soumis à aucune logique de profit. Ça favorise ainsi les objectifs
de la santé publique. Il faut donc absolument
maintenir ce modèle et maintenir l'interdiction de la promotion et de la
publicité.
Toutefois,
nous comprenons mal comment cette logique pourrait être préservée dans le cadre
d'un projet pilote impliquant la
distribution via un réseau privé, tel que le gouvernement souhaite se
réserver le droit d'autoriser. On comprend mal l'intention du législateur derrière cela. Quel genre de commerce privé
pourrait s'intéresser, dans une optique de ne pas générer des profits?
En l'absence de réponse importante, de réponse logique à ça, dans un souci de
précaution et un souci de cohérence, nous recommandons donc de fermer la porte
au marché privé dans le projet de loi.
De plus,
l'article 25 du projet de loi prévoit qu'un préposé à la vente doive suivre une
formation relative à la vente de
cannabis. C'est très bien, l'AMPQ recommande que cette formation puisse
outiller les préposés à reconnaître les signes de psychose ou de dépendance et de les référer, les consommateurs, vers
des ressources locales appropriées en santé mentale.
Donc, on souhaite que ça fasse partie intégrale de la formation des préposés.
Je vais vous
parler des concentrations maximales de cannabinoïdes. Vous savez, les
concentrations en THC sont en croissance dans le cannabis depuis une
trentaine d'années. Selon la DEA, la Drug Enforcement Agency, aux États-Unis,
le cannabis illicite, en 1995, était à une teneur d'environ 4 % en THC.
Or, en 2014, la teneur avait triplé à 12 %, et ça, c'est dans le marché illicite. Quand on regarde les
concentrations qui sont disponibles dans les régions du monde où il y a
un marché légal, donc au Colorado et en Hollande, on a des taux de THC, dans le
cannabis, qui augmentent jusqu'à 30 %.
Pourquoi? Parce que les agriculteurs
peuvent peaufiner leur agriculture pour aller chercher des concentrations de
plus en plus élevées. De plus, il y a un
nouveau produit qui s'appelle le shatter, qui est une espèce de concentré qui a
l'air d'un morceau de vitre ambrée,
c'est pour ça qu'on appelle ça du shatter, où, là, on retrouve des taux de THC
de 85 % à 90 %. On a
essayé, dans ces États-là, de limiter a posteriori la concentration en THC. En
Hollande, ils ont essayé de la limiter
à 15 % en 2011, au Colorado, à 16 % en 2016. Les deux ont échoué dans
cette tentative-là. Le lobby du cannabis devient de plus en plus
important et ça devient politiquement difficile, a posteriori, de mettre une
limite.
Donc, on vous
propose, on vous suggère d'emblée, par principe de précaution encore, de
déterminer, dès la rentrée en vigueur
de la légalisation, une concentration maximale de cannabinoïdes. Si vous faites
ceci par règlement, ça vous donne la
latitude de changer au fur et à mesure que les connaissances avancent, sans
avoir à changer la loi comme telle.
Vous allez
sûrement me demander quelle est la concentration sécuritaire. La réponse, c'est
que la recherche ne le dit pas. D'une part, beaucoup de nos...
Le Président (M. Merlini) : ...
Mme Igartua (Karine J.) : Trois
minutes? D'une part, beaucoup de nos projets de recherche sont basés sur des
utilisateurs de cannabis au moment où le
cannabis était beaucoup moins concentré qu'il ne l'est maintenant, donc il y a des données qui manquent. Ce qu'on sait, par
contre, c'est que le risque est linéaire : plus vous en consommez, plus il
est puissant, puis plus vous commencez jeune, plus il y a des risques,
tant pour la dépendance que pour la psychose.
Donc, on vous
suggère de considérer deux paliers : une concentration de cannabis maximale
légale, qu'on pourrait fixer vers
15 % ou 16 %, qui est ce qu'on a visé dans les autres juridictions,
et qui, je vous le rappelle, est déjà au-dessus de ce qui se retrouve sur le marché illégal dans
les endroits où il n'y a pas de marché légal, et une concentration moindre
pour la population qui serait plus
vulnérable. Donc, par exemple, les moins de 21 ans, on pourrait fixer une
concentration à moitié. Vous allez me
dire : C'est un chiffre scientifique? Non, c'est totalement arbitraire,
mais l'alternative, entre tracer une
ligne arbitraire... c'est ne pas en tracer, puis de ne pas en tracer, bien, ça
laisse le loisir aux concentrations d'augmenter. Je suis sûre que vous
allez me poser des questions là-dessus, ça fait qu'on pourra en reparler.
Je veux aussi
mettre l'accent sur le fait les études épidémiologiques longitudinales puis le
comité de vigilance scientifique sont
essentiels dans votre projet de loi. Il y a une soixantaine, sinon plus, de
cannabinoïdes différents dans le
cannabis, dont on connaît encore mal les effets. Le CBD serait potentiellement
antipsychotique, serait bon pour la douleur, serait bon pour l'anxiété. Le THC, lui, par contre, serait celui qui
induirait la psychose. Donc, on pourrait se retrouver, à un moment
donné, à vouloir avoir des ratios de CBD versus THC. La science n'est pas
rendue là encore. Et les 58 autres
cannabinoïdes, on ne le sait pas. Donc, il faut absolument qu'on profite de
l'opportunité de la législation pour mieux
étudier la substance. La recherche est essentielle, et le gouvernement doit se
donner, dans ce projet de loi, les moyens de mieux comprendre les effets sur la santé et la latitude pour ajuster
ses règlements sur les concentrations maximales des divers cannabinoïdes
contenus dans le cannabis au fur et à mesure que les données seront là.
Je veux
finalement vous parler des corridors de service en santé mentale. Vous savez,
les deux risques majeurs, c'est la
dépendance et la psychose. Vous savez que la psychose, plus on intervient tôt,
plus on a des chances de succès. Il y
a, à travers le Québec, des programmes de premier épisode de psychose. Vous
avez entendu l'AQPPEP vous parler avant Noël. Ces équipes-là sont
débordées. Elles n'existent pas dans toutes les régions du Québec, donc il
faudrait vraiment que le gouvernement
accélère les investissements dans ces programmes et n'attende pas que la — SQC? En tout cas, oui — la
SQC génère des profits pour s'assurer que ces équipes-là sont pleinement
fonctionnelles et capables de répondre aux besoins de la population.
Et, si j'ai un 30 secondes...
Le Président (M. Merlini) : Oui,
vous l'avez.
Mme Igartua (Karine J.) : Je veux
aussi insister sur l'importance d'éduquer les jeunes. J'aimerais bien voir,
dans le cursus secondaire, un programme de
formation pour les jeunes qui leur montrerait non seulement quels sont les
effets des drogues, mais d'avoir des
habiletés sociales pour être capables de négocier avec leurs pairs quand on
leur en offre puis peut-être qu'ils
ne veulent pas en prendre, et aussi des stratégies pour réduire les risques.
Parce qu'on sait qu'ils vont
consommer, mais s'ils peuvent consommer dans le sous-sol chez eux plutôt que
dehors dans la rue, s'ils peuvent consommer
avec des gens à qui ils font confiance plutôt qu'avec des étrangers dans le
parc, s'ils peuvent ne pas conduire en
consommant, bref, toute une gestion des risques autour de la consommation, je
pense que ça serait très, très, très pertinent.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Igartua, de votre
présentation. Nous allons débuter les échanges avec Mme la ministre et
députée de Soulanges. Vous disposez de 15 minutes. À vous la parole.
Mme
Charlebois : Alors, bonjour, Mme Igartua et
M. Barbès-Morin. Merci d'être là pour nous donner votre point de vue, parce que c'est fort important. Il y a plusieurs
questions qu'on aura, tous les parlementaires ici réunis. Vous le savez, il y a
des choses sur lesquelles ont n'est pas en accord, notamment
l'âge, ça fait que je vais commencer là. Puis je dis notamment en accord... pas en accord, ce n'est pas... je ne
vise pas personne, là, mais on n'est pas en accord, on a le
droit. On a le droit, ça fait partie de notre privilège parlementaire.
Moi, je suis
une partisane du 18 ans, puis je vous explique pourquoi... j'ai vu dans votre mémoire que vous
étiez plus partisans du 21 ans.
À ma connaissance, puis je prends toujours le temps d'expliquer mes
connaissances, 21 ans n'est pas
basé sur une ressource scientifique, sur des données probantes, mais plus...
parce que le fonctionnement du cerveau, le développement du cerveau se termine à 25 ans, vous le dites
vous-même. Alors, pourquoi prôner pour le 21 ans, alors que le
cerveau n'est pas fini de former, quand on sait que la majorité de ceux qui
consomment, en ce moment, ont entre 18 et 24 ans? Bref, 42 % de
l'ensemble des utilisateurs. Puis ce n'est pas parce qu'on veut favoriser ou
augmenter la consommation. Parce que je le
sais, que ça peut développer des psychoses, mais ça ne développe pas des
psychoses pour tout le monde — ça, ça sera une autre
question. Mais sur quoi vous basez-vous pour aller sur le 21 ans?
• (12 heures) •
Mme Igartua (Karine J.) : Le
21 ans, on vous l'avait expliqué, c'est simplement un âge de compromis
entre 25 et 18. Comme je vous disais,
il n'y a pas une concentration qui est sécuritaire, il n'y a pas un âge limite
non plus qui est sécuritaire. C'est
toujours une question linéaire. C'est un petit peu comme l'alcool au
volant : 0,08, c'est arbitraire,
on a pris ce chiffre-là. Est-ce que
0,09, c'est vraiment, vraiment très dangereux puis 0,07, non? Nous autres, ce
qu'on s'est dit, 25 ans, ça ne passera jamais, on s'est dit :
On va miser sur le 21 ans.
Ceci étant
dit, vous avez choisi le 18, c'est très
bien. On veut avoir d'autres
alternatives, à ce moment-là, pour essayer
de protéger les cerveaux, d'où l'idée d'avoir des concentrations moindres. Et
ça, si vous étiez ouverte, on pourrait même
dire des concentrations moindres pour les 25 ans et moins. Mais on essaie toujours
de protéger les cerveaux de la jeunesse.
Mme
Charlebois : Oui,
allez-y.
M.
Barbès-Morin (Guillaume) :
Si je peux me permettre aussi, la question des données probantes, c'est toujours très
intéressant. On essaie d'utiliser ça pour avoir les avis les mieux éclairés
possible par la science. Par contre, le cannabis, si vous
avez des enfants puis vous désirez leur mieux-être pour toujours, si vous vous
basez vraiment sur les données probantes, le mieux serait qu'ils ne consomment
pas, tu sais?
Mme
Charlebois :
Exact.
M.
Barbès-Morin (Guillaume) :
C'est tout. Mais là, donc, il faut faire attention de dire : Bien, notre
position, ce n'est pas des données
probantes. En fait, c'est une position de compromis. Parce qu'ultimement, les données probantes,
ce que ça dit, c'est qu'il n'y a pas de bénéfice à consommer, à quelque âge que
ce soit, outre certaines situations très particulières.
Alors,
si on revient à notre position de 21 ans, bien là je reviens à ce que le
Dr Igartua disait... Mais c'est un sujet dans lequel, dans tous les échanges que j'ai vus à la commission, il
faut faire attention aux données probantes parce que la recherche de données
probantes, des fois, ça peut être un piège, là, comme dans ce cas-là.
Mme
Charlebois :
Je vous entends, mais j'entends que c'est subjectif.
Une voix :
...
Mme
Charlebois : O.K. Et je veux juste vous dire que le Québec
adopte 18 ans, mais plein d'autres provinces ont mis exactement le même seuil que l'alcool.
Parce que, si on considère que quelqu'un est adulte à 18 ans pour voter,
pour consommer de l'alcool, pour faire plein
de choses, on s'est dit que... Ça ne veut pas dire de les laisser consommer
puis de les laisser à eux-mêmes, là. Il faut
faire de la prévention puis, à mon sens, à partir de l'école primaire, au
secondaire, au collégial, à
l'université et même chez les parents — même chez les parents. Je pense qu'on a
intérêt. L'ensemble de la population n'est pas consciente.
Ça,
c'est comme quand on parlait de tabagisme les premières années. Je me souviens
très bien, j'ai fumé, adolescente,
puis je me rappelle mon père qui me disait : Ne fume pas, ce n'est pas bon
pour la santé. Puis, s'il y a quelque chose
qui est clair, c'est de... fumer, ce n'est pas bon pour la santé, là. Il n'y a
rien de bon là-dedans, là. Mais lui, il avait un cendrier plein. Mais je
n'avais pas d'explication sur le pourquoi. Aujourd'hui, on les a, les
explications. Les enfants, les jeunes, les adolescents les ont. On
pourrait faire la même chose avec le cannabis, puisque, à mon sens, les jeunes
consomment déjà. Notre majorité du 100 % qui consomment, là, il y en a
42 % entre 18 et 24 ans.
Alors,
moi, je vous donne mon point de vue puis vous allez entendre d'autres points de
vue tantôt. Mais, ceci étant dit, je
suis contente que vous me disiez que c'est subjectif, mais que vous le faites
dans le bon intérêt, avec vos convictions à vous. Mais moi, je vous
dis... Bon.
Parlons
des maladies psychotiques. Est-ce que tous les consommateurs vont avoir des
maladies psychotiques ou si c'est des
gens qui ont des antécédents dans leurs familles, ou biologiques, ou... Moi, je
ne m'y connais pas, je vous pose la question à vous.
Mme Igartua (Karine J.) : Je vais
commencer de répondre puis... En fait, la réponse, c'est qu'on ne sait pas qui
va développer la psychose. Ça fait que les
gens disent : Ah! bien oui, bien, ça a déclenché, mais il l'avait déjà.
Bien, il l'avait déjà... S'il n'y avait pas de signe avant, il ne l'avait
pas, avant, tu sais?
On
commence à avoir des études génétiques pour voir... Parce qu'il y a deux
profils de gens qui font des psychoses. Il y a des gens qui font des psychoses sans cannabis. Ils semblent avoir
un profil génétique différent de ceux qui font des psychoses avec cannabis. Et il semble aussi que
leurs parcours diffèrent. C'est-à-dire quelqu'un qui développe une psychose
avec du cannabis, s'il arrête de consommer, il a un pronostic beaucoup meilleur
que celui qui en fait sans cannabis.
Il y a
une constellation d'environ 260 gênes qu'on est en train d'essayer de
comprendre l'amalgame de ces gênes-là pour
essayer de déterminer qui va être à risque de psychose. Mais la vraie réponse,
c'est qu'en ce moment on ne sait pas chez
qui ça va le déclencher. On sait que, si on prend tous les consommateurs
confondus, tout le monde ensemble qui a fumé une fois dans sa vie jusqu'à tous les jours, on augmente le risque
de 40 %. Mais chez qui? Ça, on
ne le sait pas encore.
On
sait que, si on prend les consommateurs qui fument à tous les jours, les
intensivistes qu'on appelle, là, eux autres,
on augmente de 390 %, donc quatre fois plus de psychoses. Encore là, on ne
sait pas chez lequel. C'est comme jouer à la roulette russe.
Mme
Charlebois : Bien, je suis contente de vous l'entendre dire
parce qu'il y a des prétentions, puis je l'ai entendu de mes propres oreilles, à l'effet que ça ne crée
pas de psychoses ou de maladies mentales, mais qu'elles sont exacerbées.
Donc, vous me dites : On n'est pas certains.
Mme Igartua (Karine J.) : On est en train de dire : Il y a deux
sortes de psychoses.
Mme
Charlebois :
Oui. Je l'ai entendu.
Mme Igartua (Karine J.) : Il y en
a qui vont se développer sans, et celles-là, si elles fument, ça va les
exacerber aussi.
Mme
Charlebois :
Ça va être pire.
Mme Igartua (Karine J.) : Mais il
y en a qui se développent avec, et, si on arrête de fumer, ils ont un pronostic
meilleur, même meilleur que celui qui l'a développé sans puis qui ne va
jamais fumer.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Puis c'est une nuance importante que vous emmenez là. Puis un autre facteur
qui est relié à cette chose-là... Parce
qu'en général les psychoses graves comme la schizophrénie, ça se déclenche
jeune, ça se déclenche à la fin de
l'adolescence, chez les garçons, un peu plus tard chez les filles, mais pas
beaucoup plus tard. C'est une période
très importante, entre autres, parce que, si vous arrivez à compléter un
secondaire V, si vous arrivez à compléter
une formation professionnelle, une formation au cégep, si vous arrivez à
développer des habiletés à vivre seul en
appartement — tout ça,
ça se fait dans ce secteur-là du développement humain, là — et qu'ensuite la psychose se met en branle, lorsque vous arrivez dans une clinique
de premier épisode, une clinique de réadaptation, l'objectif du travail de cette équipe-là, ça va être de vous ramener le
plus près possible du plus haut niveau de fonctionnement que vous avez atteint, parce que c'est très difficile de réussir
à prendre, quelqu'un qui a vécu une psychose et de l'amener à mieux que
ce qu'il a vécu avant.
Si,
malheureusement... Là il y a un chiffre qui est important ici, c'est qu'en
général, chez les consommateurs de cannabis,
on va dire, là, qui étaient dus pour faire une psychose, qui étaient dus pour
avoir une schizophrénie, on considère en
moyenne que, s'ils consomment du cannabis, ça va accélérer l'apparition des
symptômes trois à quatre ans plus tôt. Alors, on va dire, mettons, mon
fils est dû pour faire une psychose — ce que je ne souhaite
pas — à
21 ans et que malheureusement il se met
à fumer du cannabis, ça va arriver trois à quatre ans plus tôt peut-être. Et
peut-être que, dans ces années-là, il n'aura pas réussi à aller chercher
son secondaire V, son attestation, etc., de se faire une copine, de se créer un réseau social, des habilités de vie qui
vont lui permettre de fonctionner de façon autonome ensuite, et ça va être
extrêmement difficile de lui donner ça, même
avec les meilleurs soins qui existent. Donc, tout le débat autour qui l'est,
qui ne l'est pas, c'est très important.
L'autre
question, je pense, qu'il faut prendre en considération, c'est l'âge d'arrivée
des symptômes. Et c'est pour ça qu'on
a insisté sur l'adolescence, là. Jusqu'à quel âge il faut... Bien, en fait, si
on était capables de dire qui est susceptible, il faudrait dire : Bien, toi, mon grand, jamais, puis le plus tard
possible, si possible. Ça fait que ne sachant pas c'est qui, ces gens-là, bien, on espère avoir les moyens en
éducation, quels que soient les moyens, de réussir à faire valoir que le
plus tard, c'est mieux, et le moins concentré, etc.
Mme
Charlebois : Est-ce que vous savez... Puis je ne suis pas
certaine que vous allez avoir la réponse, mais je vous la demande quand même. Est-ce que vous êtes
au courant si la fumée secondaire de cannabis peut avoir un impact chez le voisin, chez... Quelqu'un qui fumerait à
côté de moi, est-ce que ça va m'atteindre aussi autant que... bien, peut-être
pas autant, mais, en tout cas, est-ce que ça peut me toucher autant
biologiquement?
M.
Barbès-Morin (Guillaume) : Je ne peux pas vous dire avec exactitude.
Ce que je peux vous dire, c'est que... Je
ne sais pas si vous vous souvenez de Ross Rebagliati, là, le «snowboarder»
canadien qui a perdu sa médaille d'or. Il disait que c'étaient les fumées secondaires. Ce qui est sûr, c'est qu'on
peut le détecter. Si c'est vrai, ce qu'il disait, on peut le détecter. Et c'est
un sujet d'étude, là, qui existe déjà et qu'il va être important de faire.
C'est clair dans le cas de la fumée secondaire de tabagisme. Ça va être
important de pouvoir le déterminer aussi pour le cannabis.
Mme Igartua (Karine J.) : Il n'y
a pas de raison de penser que ça ne serait pas dommageable. La concentration
serait moindre, donc ça serait moins
dommageable parce que la concentration est moindre, mais il n'y a pas de raison
de penser que, parce que ça a passé dans l'air ambiant avant de passer
dans tes poumons, que ça a été désactivé, là.
• (12 h 10) •
Mme
Charlebois : Je veux vous rassurer sur la façon que la
Société québécoise du cannabis va fonctionner : pas de publicité; les seules informations qui vont
apparaître, c'est les informations du contenu du produit. J'ai pris bonne note
de votre teneur en THC maximale, j'en ai pris bonne note. On aura certainement
des réflexions à ce sujet-là en termes de santé publique.
Je veux vous amener
sur le comité de vigilance. Vous en avez parlé et, je ne sais pas... Vous en
avez pris connaissance sûrement dans le
projet de loi. L'article 58, là, on parle : le comité de vigilance va
pouvoir «donner [son] avis au
ministre sur toute question relative [qui lui est soumise]; évaluer
l'application des mesures [dans] la présente loi[...]; [et] saisir le ministre de tout phénomène émergent
en matière de cannabis[...]; [et] effectuer tout autre mandat que le ministre
lui confie.
«Il
peut [aussi] exiger de la Société québécoise du cannabis [ou] une personne
autorisée par celle-ci à transporter ou
à entreposer du cannabis pour son compte, le cas échéant, ou [un] producteur de
cannabis qu'ils lui fournissent tous renseignements
ou documents qu'il juge nécessaires à la réalisation de son mandat.» Bref,
c'est pour de la recherche, en termes plus clairs.
Est-ce
que vous considérez que le mandat du comité de vigilance... Et je sais que ce
n'est pas de la recherche, là, ce n'est pas là que ça va se faire, c'est à
l'Institut national d'excellence et l'institut de santé publique. Puis il peut
y avoir un mandat qui est donné par
le directeur national de santé publique, puis c'est ce qui va arriver,
sûrement. Mais vous savez que ce
rapport-là va être transmis au ministre, qui, lui, va le rendre public
30 jours après qu'il l'a entre ses mains. C'est un rapport annuel.
Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous auriez voulu voir dans le mandat du
comité de vigilance?
Mme Igartua (Karine J.) : Bien,
en fait, une de nos recommandations, c'était de rajouter de suivre l'évolution
des connaissances en matière de
cannabinoïdes afin d'émettre des recommandations basées sur la science. En
particulier, ça fait référence à ce
que je vous expliquais tantôt, qu'il y a plus d'une soixantaine de
cannabinoïdes qu'on ne connaît pas encore dans le cannabis, qu'on ne
sait pas encore quels sont leurs effets.
Et, vous savez, c'est
superintéressant, tantôt, vous avez entendu parler des études de Dr Ware, il
explique très clairement aussi que la façon
dont on consomme le cannabis va faire varier les différents cannabinoïdes qui
vont émerger. C'est-à-dire, si on chauffe à une telle température, on va
avoir quelque chose de différent de si on chauffe à une autre température. Donc, si on fume versus si on vapote,
on va avoir différentes constellations de cannabinoïdes qui vont ressortir,
en différentes concentrations. Et on comprend encore mal l'effet de chacune de
ces substances.
Donc, en
fait, la recherche, superimportant. Et on voudrait que ce comité-là puisse
suivre cette recherche-là de façon à pouvoir modifier par règlement.
Comme là on vous propose, par exemple, un THC maximum, mais peut-être qu'un jour on voudra proposer un CBD minimum ou un
xyz maximum, là, quand on aura d'autres cannabinoïdes qu'on comprendra
mieux.
Mme
Charlebois :
Quand vous dites que vous voudriez voir quelqu'un qui a des connaissances
scientifiques, est-ce que vous avez
examiné la composition qui est suggérée à l'article 59, qui dit que, bon,
les gens qui sont nommés par le
ministre dont la majorité possèdent collectivement une compétence ou une
expérience significative en santé publique, toxicomanie, intervention
auprès des jeunes, en matière municipale, sécurité publique, dont les autres
possèdent collectivement une expérience
significative de gouvernance et d'éthique, évidemment, gestion de risques, bon,
finances, puis tout ça. Mais est-ce
que pour vous, dans ce que je viens de vous énumérer, il y a quelque chose qui
se rapproche du scientifique ou si vous voudriez le voir rajouter?
Mme
Igartua (Karine J.) : Bien,
on voulait juste voir rajouter le mot «scientifique» pour que ce soit clair.
Mme
Charlebois : O.K.
Il me reste-tu du temps, M. le Président?
Le Président (M. Merlini) : 20
secondes.
Mme
Charlebois :
Bien, je vais vous remercier. En 20 secondes, je n'ai pas le temps de vous
poser une question, c'est clair. Mais je sais que mes collègues des oppositions
vont avoir des questions très intéressantes aussi.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la ministre, pour ce bloc
d'échange avec nos invités. M. le député de Labelle, vous avez un bloc
de neuf minutes pour échanger avec nos invités. À vous la parole.
M. Pagé :
Oui. Merci, M. le Président. Merci pour votre contribution et vos nombreuses
recommandations, dont plusieurs sont
fort pertinentes et nous amènent, dans plusieurs cas, à aller un peu plus loin,
notamment vos recommandations, là, 2,
3, 4 à l'égard du taux de THC, comment... Moi, je pense qu'il y a quelque chose
là sur lequel il va falloir que nous échangions
et explorions les possibilités de parce que je pense qu'il y a quelque chose là
de fort intéressant qui pourrait peut-être
faire un compromis qui rallierait tout le monde, là, autour du fameux
18-21 ans, là, qui... Alors, je veux vous remercier à cet égard-là.
Et j'ose même
explorer une question. Est-ce que, même, le niveau de taxes ou le prix pourrait
varier en fonction du niveau du THC? Est-ce qu'on pourrait imaginer quelque
chose comme cela? Parce qu'évidemment ça pourrait faire une différence,
peut-être, lors de l'achat par les consommateurs.
Mme
Igartua (Karine J.) : ...je ne suis pas économiste, là, alors
ce n'est pas vraiment mon domaine.
M. Pagé : Oui, O.K.
Mme
Igartua (Karine J.) : Je
pourrais vous dire que, sur le marché illicite Internet ou... médical, on va dire — Internet, c'est déjà le cas — donc, on paie plus cher quand la teneur est
plus élevée. Donc, si vous voulez faire concurrence au marché illicite, c'est quelque chose que vous pourriez
envisager. Mais ce n'est vraiment pas notre domaine de compétence,
l'économie, là.
M. Pagé :
O.K. Mais, vous voyez, vous m'apprenez encore quelque chose. Parce que je n'ai
pas eu l'occasion de commander par Internet encore, alors... Bon,
écoutez...
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Peut-être pour complément à la réponse, j'invite tout le monde à aller voir ces sites-là de commandes en ligne. C'est
fabuleux. Moi, c'est mes patients qui m'initient à ça, là. Il y en a un, hier,
qui m'a apporté sa boîte qu'il avait reçue de Santé... par Postes
Canada. Et les prix, là, vous pouvez avoir des spéciaux intéressants avec des phénomènes de fidélisation, tant de points si vous
invitez un ami, etc. C'est extrêmement agressif comme marketing. Et on peut aller chercher du 4,24 $ de l'once...
du gramme sur le marché légal du médical actuellement, là, pour des
concentrations de THC autour de 10 %.
M. Pagé :
Oui. Je vous dirais, ça fait partie des raisons pour lesquelles nous demandons
beaucoup plus d'encadrement autour de
la vente en ligne. Et là on pourra rediscuter de ce sujet-là ultérieurement,
mais je veux revenir à votre première recommandation, je ne sais pas si
c'est parce que c'est la plus importante, mais votre première recommandation qui est un sujet sur lequel, pour
l'instant, je pense qu'on n'a pas encore trouvé l'équilibre entre la position
gouvernementale et la nôtre.
Et je pense d'ailleurs que c'est la
même position aussi pour la deuxième opposition. Ils pourront en discuter avec vous. Vous dites très clairement : Modifier
l'article 55 de façon à exclure la possibilité de confier, dans le cadre
d'un projet pilote, la vente du
cannabis à une entreprise privée dans le but qui serait de générer des profits.
Moi, j'aime ça, là, parce que c'est
totalement clair. Puis vous n'avez pas élaboré beaucoup là-dessus. Je vous
laisse l'occasion d'élaborer du comment, du pourquoi de l'écrire aussi clairement puis... Parce que vous en fait
avez mention, mais vous n'avez pas élaboré beaucoup. Alors, même si, comme vous nous dites, vous n'êtes
pas économistes, je pense qu'il y a une raison derrière cette première
recommandation.
Mme Igartua (Karine J.) : Bien, en fait, on voit mal comment une
entreprise privée pourrait s'intéresser au commerce si ce n'est pas pour
générer des profits. Puis, pour générer des profits, bien, ça présume qu'on
augmente la consommation. Nous autres, ce
qu'on vise, c'est de réduire la consommation ou, minimalement, de réduire la
consommation chez les gens qui sont à risque. Je n'ai pas plus
d'élaboration que ça à vous faire, là.
M. Pagé :
Bien, écoutez, ça a le mérite d'être clair, et nous sommes exactement à la même
place. Alors, là-dessus, il n'y a aucun problème, on se rejoint
parfaitement.
Vos recommandations
n° 11, 12, 13 commencent toutes les trois par la même phrase : «que
le gouvernement finance», «que le
gouvernement finance» et «que le gouvernement finance», bon, que ça soit la
prévention destinée aux jeunes, aux adolescents, des campagnes de
sensibilisation et tout le reste. Alors, une des raisons pour lesquelles nous
souhaitons qu'il soit inscrit clairement dans la loi que, malgré
l'article 3 qui dit que la SQC n'a pas d'objectifs de profitabilité... Nous voulons qu'il soit inscrit
clairement dans la loi que 100 % des profits générés... Parce qu'il risque
d'y en avoir, des profits générés. Et là je
ne parle même pas des taxes qui vont générer probablement pour l'État quelque
chose comme autour de 150 millions de
dollars, probablement, dès la première année. Mais, s'il y a profits, nous,
nous voulons inscrire dans la loi que
100 % des profits devraient être réinvestis pour les saines habitudes de
vie, la santé publique, la dépendance, effectivement, toutes les
campagnes de sensibilisation et de prévention.
Et
il y a des États américains qui étaient avec nous via visioconférence, le 19 et
20 juin dernier, lors de la rencontre avec les experts, à Montréal, et qui nous le disaient : Écrivez-le
dans la loi pour que ça soit dit de façon claire. Vous n'êtes pas allés
jusqu'à le dire de cette façon-là. Est-ce que vous croyez qu'on devrait
l'inscrire dans la loi?
Mme Igartua (Karine J.) : Oui,
puis je n'ai aucune objection. Je vous rajouterais, dans la liste que vous avez
mise, les premiers épisodes psychose, de s'assurer le financement des premiers
épisodes de psychose.
• (12 h 20) •
M. Pagé :
Oui. Je pense que, dans la nomenclature, il y a les communautés autochtones. Je
pense que ça prend un financement particulier. Les municipalités, aussi,
clairement. D'ailleurs, c'est l'État de la Californie qui a identifié que 20 % des profits vont vers les
municipalités parce qu'elles ont à appliquer le cadre réglementaire en grande
partie. Alors, oui, je pense qu'il
faudrait définir tout cela. À la limite, ça pourrait être par voie de
règlement, où on pourrait aller un peu plus loin. Mais je pense qu'il
faut l'inscrire très clairement. Je vous remercie.
Vos
recommandations n° 5 et 6 parlent, dans ce cas-ci, d'études,
recommandation n° 6, d'ajouter à l'article 58 : «suivre l'évolution des connaissances en matière
de cannabinoïde afin d'émettre des recommandations basées sur la science».
Évidemment, non seulement je suis d'accord avec tout cela, mais nous demandons,
encore une fois, et vous l'avez peut-être
entendu, si vous étiez ici ce matin, à ce qu'il soit écrit très clairement dans
la loi la création d'un observatoire. Ça
aussi, ça nous a été dit par un assez bon nombre de personnes, lors des consultations de l'été dernier, un observatoire qui pourrait être en collaboration avec les chaires de recherche
universitaires afin d'alimenter le comité de surveillance qui fera des recommandations
suite à la filiale de la SAQ.
Est-ce que, justement,
vous croyez que cet observatoire devrait être nommé dans la loi? Parce que, si
on veut alimenter le comité de surveillance,
vos recommandations 5 et 6, est-ce que ça passe par
l'observatoire, entre autres — entre autres?
Mme Igartua (Karine J.) : Je
n'aurais pas la définition de l'observatoire, là, qu'est-ce qui serait inclus
ou pas inclus là-dedans.
Je vais retaper le clou sur l'importance
d'avoir des données. Je ne sais pas si tu veux leur parler de validité
des études longitudinales.
M.
Barbès-Morin (Guillaume) : Oui. Bien, ça revient à toute la validité,
la science, ce dont on dispose, là, cette question-là. Beaucoup de la littérature qu'on a actuellement a été faite
à une époque où le THC était à une concentration, en moyenne, 2 %, 3 %, 4 %. Là, on
se retrouve avec plein de monde qui se basent sur... on appelle ça de la
science, des données valides, alors
qu'il y a des experts qui disent : Tout ça, ce n'est plus valide. Il faut
maintenant refaire ces longues études là avec les nouvelles souches
qu'on a, ce qui est mis en marché actuellement.
Comme
on parlait tantôt, là, plutôt autour de 12 %, la moyenne dans le marché
illicite aux États-Unis en 2016, là. Mais
il faut suivre ça parce que les données qu'on avait, il y a encore pas très
longtemps, elles ne sont plus nécessairement aussi valides. Il faut être très ancré là-dedans. Comment le faire?
Comment le nommer? Comment s'assurer que ce soit là? Bien, vous êtes probablement plus habiles que je
peux l'être pour savoir comment le faire, là, mais je pense que c'est important
que ce soit perçu comme étant une des choses qu'on trouve très importantes à ce
moment-là.
M. Pagé :
O.K.
M. Barbès-Morin (Guillaume) : ...nouvelle
littérature actuellement.
M.
Pagé : O.K. Vous avez parlé de fumoir. C'est rare que des
jeunes sont venus nous le suggérer. Parce que je pense qu'il va falloir définir des endroits. Et, de plus en plus, il
semble y avoir un certain consensus pour limiter quand même passablement, je dirais même plus que ce que
la loi prévoit jusqu'à maintenant. Moi, j'entends qu'on va peut-être
aller un peu plus loin que ce que le projet de loi prévoit jusqu'à maintenant
pour limiter les endroits où on pourra consommer.
Donc, l'idée de fumoir m'apparaît assez intéressante. Bon, vous en êtes venus à
cette conclusion de quelle façon lorsque vous suggérez cela?
Le Président (M. Merlini) : Une
très, très brève réponse, s'il vous plaît.
Mme
Igartua (Karine J.) : Je
vous invite à vous promener au parc La Fontaine avec votre famille, vos deux
jeunes enfants, puis vous voulez
jouer au ballon, puis ça fume sur une... trois, quatre jeunes sont sur une
couverture en train de fumer à trois
pieds de vous. Je ne suis pas sûre que ça rend votre séjour au parc aussi
agréable. Et vous n'êtes pas nécessairement dans le terrain de jeu des enfants,
là, vous êtes dans le gazon comme tout le monde.
Donc, quand
je parle de fumoir, ça peut être des fumoirs autant dans les parcs, des régions
désignées dans les parcs, que des fumoirs intérieurs, mais de limiter pour que
les gens qui ne veulent pas sentir cette odeur-là puis ils ne veulent
pas que leurs enfants soient exposés à ça ne soient pas obligés de se cacher
pour être libres d'être à l'air frais.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup. Ça met un terme à ce bloc d'échange. Nous allons du côté du deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de six
minutes. À vous la parole.
Mme
Lavallée : Oui. Merci. Merci
pour votre présence ici. Je reconnais quand
même, vous me corrigerez... la
formation de psychiatres, c'est proche 10 années d'université? Donc, c'est quand même beaucoup d'études, là. Vous parlez de choses que vous connaissez. Ça, c'est à part la
pratique que vous avez eue suite à l'obtention de votre diplôme. Donc, pour moi, je trouve que c'est... ça me rassure,
lorsque je vous entends, parce que vous avez des connaissances que moi, je
n'ai pas.
Avec la
légalisation du cannabis et le projet
de loi n° 157, c'est sûr qu'on
nage dans l'inconnu. On n'a pas encore de
recherches qui nous permettent d'être rassurés puis de pouvoir dire qu'est-ce
qu'on peut faire pour le futur. Et, dans ce contexte-là, il m'apparaît important que, comme gouvernement, on soit prudents
et peut-être plus sévères pour commencer, quitte à s'ajuster suite à ce qu'on va pouvoir
constater. Et la base de la prudence, pour moi, c'est d'établir l'âge de
21 ans, qui est un âge de compromis comme vous l'avez dit tout à
l'heure.
Donc, oui,
peut-être qu'à un moment donné on pourra s'ajuster en fonction des recherches.
Mais actuellement on n'a aucune
recherche, et je trouve que c'est inquiétant. Et de parler à des gens comme
vous qui avez une connaissance beaucoup
plus pointue que, l'ensemble des parlementaires, on a ici, à l'Assemblée
nationale, devrait nous inciter effectivement à reconsidérer les
positions qu'on va prendre dès le début et de s'ajuster par la suite.
Donc,
j'imagine que, pour vous, ce serait rassurant qu'on puisse s'entendre sur un
âge précis. Parce que, de toute façon,
on est conscients qu'avant 18 ans il y a des jeunes qui consomment. Ça
fait que, si notre critère, c'est de dire qu'on légalise à 18 ans parce qu'il y a des gens qui consomment avant
21 ans, à ce titre-là, on devrait dire : Bien, pour protéger nos jeunes, on va légaliser à partir de l'âge où
on sait qu'ils commencent à consommer, donc à 13, 14 ans, donc. Alors
que notre critère devrait être de
dire : On est prudents, on établit 21 ans, mais on met beaucoup,
beaucoup d'emphase sur la prévention en envoyant un signal fort aux jeunes,
dire : Bien, on considère qu'avant 21 ans ce n'est pas prudent parce
qu'on n'a pas assez de données, puis qu'on
fasse un travail de prévention qui est le rôle d'un parent en réalité aussi, là,
auprès de son jeune.
Mme Igartua (Karine J.) : Vous
savez, le 21 ans, c'est une ligne qu'on peut tracer, le 25 ans aurait
été une ligne encore plus prudente à tracer. Et ça, vous déciderez, là. Ça sort
de notre giron. Mais je veux vous inciter à tracer d'autres lignes aussi
parce que, si on ne la trace pas, on laisse le champ libre complètement.
Donc,
j'aimerais beaucoup que vous considériez de tracer une ligne sur la
concentration maximale de cannabis et
même de tracer une deuxième ligne pour les plus jeunes. Et là vous pourriez
décider si c'est 21, ou si c'est en bas de 21, ou même en bas de 25. Mais je
pense que c'est important de tracer la ligne, quitte à la changer plus tard.
Mais tracez-là parce que, si vous ne
mettez pas une concentration maximale, ça va exploser ici comme ça l'a fait
partout, et là les objectifs de santé publique vont être tout croches.
Vous savez,
un des experts britanniques disait qu'il suggérait avant aux gens de ne pas
prendre du hasch, mais de consommer
du pot parce que c'était moins concentré que le hasch, donc c'était moins
dangereux. Et là, avec les teneurs en
THC qui augmentent, ce n'est plus vrai. Alors, en termes de conseils, vous
savez, il y a CAMH, le Centre for Addiction and Mental Health, qui est la grosse institution à Toronto en
psychiatrie, qui a émis aujourd'hui des recommandations disant que pour
réduire les risques, il fallait réduire l'intensité, la teneur de THC.
Il n'y aura
pas de ligne parfaite. Comme je vous le dis, c'est le 0,08. On a décidé 0,08
parce qu'il fallait tracer une ligne en quelque part. Pour les jeunes
conducteurs, on a tracé une autre ligne qui était zéro parce qu'on disait :
C'est plus dangereux pour les jeunes
conducteurs. Bien, on devrait faire la même chose pour le cannabis. On devrait
tracer une ligne maximale et tracer une autre ligne pour les gens pour
qui c'est plus dangereux, donc les jeunes.
Mme Lavallée : Merci.
Le Président (M. Merlini) : Il vous
reste une dernière minute, M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui.
J'aimerais ça que vous nous disiez rapidement, là, les conséquences d'un individu, d'un jeune qui fait une psychose. Ça
va être quoi, les symptômes, quand vous le recevez, là, dans votre
bureau ou à l'urgence, là? Comment ça se passe? Puis c'est quoi, la réalité?
• (12 h 30) •
M.
Barbès-Morin (Guillaume) : Bien, une psychose, quelle que soit
l'origine de la psychose, c'est une perte de contact avec la réalité. Ça fait qu'on n'apprécie plus ce qui se
passe autour de nous, à l'intérieur de nous de la même façon que quand tout va bien. On peut se mettre à
entendre des choses qui ne sont pas présentes, voir des choses, imaginer
toutes sortes de phénomènes, se sentir épié,
se sentir surveillé, avoir l'impression que les gens sont contre nous, que la
police nous recherche, une multitude de
symptômes possibles qui nous amènent souvent, généralement, à être très apeurés,
très anxieux. Avec ça viennent toutes sortes
d'autres symptômes : incapable de se concentrer, incapable de faire la
part des choses, là, sur l'information qui rentre. Ça fait que ça rend
généralement totalement dysfonctionnel.
Les
psychoses aiguës, c'est une période de dangerosité, souvent, là, parce qu'on
perd le contrôle sur ce qu'on fait, souvent
à l'hôpital, et par la suite, bien, le cerveau reprend tranquillement son
fonctionnement habituel, dépendamment de ce qui nous a affectés. Parce que, bon, il y a des psychoses...
Certaines substances... C'est ça, l'objectif,
hein, faire une psychose quand on
s'intoxique pour triper, mais ça... graduellement, mais, lorsque c'est de la
schizophrénie, bien c'est plus compliqué, ça prend une médication. Ça
fait que ça, c'est l'état aigu. À long terme, malheureusement, viennent souvent avec ça... Plus la psychose dure longtemps,
que ce soit très intense ou à faible bruit, ce qu'on voit, c'est qu'il y a
une diminution de certaines capacités du
cerveau, beaucoup dans ce qu'on appelle les fonctions
supérieures : la capacité d'abstraction, la capacité de
concentration, la mémoire, toutes sortes de choses qui font en sorte que plus
ça diminue pendant la psychose, plus c'est
difficile de se réadapter par la suite, d'où notre insistance sur les premiers
épisodes psychotiques, d'où notre
demande qu'ils soient financés de façon spécifique et non pas juste comme on a
vu beaucoup dans la dernière année : une redistribution
des ressources pour financer temporairement le nouveau dada du
moment. Là, on pense que ça demande
un réinvestissement significatif pour aider, détecter ces jeunes-là,
pour pouvoir les prendre en charge rapidement,
pas après six mois sur une liste d'attente, rapidement, pas en
désinvestissant les autres services de la communauté.
Je
suis de Rouyn-Noranda. On n'a pas de programme comme ça. S'il faut en
implanter un sans nouveaux argents, il
faut absolument couper ailleurs.
Ce n'est pas ça qu'on veut faire. On veut être capables d'aider ces jeunes-là,
les détecter, les aider pour les
sortir le plus rapidement possible d'un état de psychose, qui peut amener
des catastrophes aiguës, mais qui
amène à des catastrophes aussi à long terme... incapables de reprendre une
fréquentation scolaire et l'ensemble des autres facteurs qui forment une vie
pleine et entière.
Le
Président (M. Merlini) : Dr
Igartua et Dr Barbès-Morin, représentant l'Association des médecins psychiatres
du Québec, merci de votre présence ce matin et votre contribution aux travaux
de la commission.
Et la commission
suspend ses travaux donc jusqu'à 14 heures. Bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à
12 h 32)
(Reprise à 14 h 2)
Le
Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc notre
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande donc à toutes les personnes
présentes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre
toute sonnerie de tout appareil électronique.
La
commission est réunie cet après-midi afin de poursuivre et
de terminer les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société
québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et
modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.
Cet après-midi, nous
entendrons les groupes suivants. Il y en a six à notre horaire. Non, ça, c'est
hier, ça. Excusez-moi. Je ne vous remettrai pas les groupes d'hier. Cet
après-midi, nous entendrons Neptune Technologies et bioressources, le Barreau du Québec, le Conseil québécois sur le tabac
et la santé les directions de santé publique du Québec, l'Institut national de santé publique du Québec,
ce qu'on appelle ici l'INSPQ, et on va terminer avec l'Association québécoise
pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues.
Alors, je souhaite
donc la bienvenue aux représentants de Neptune Technologies et bioressources.
Vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation. Je vous invite évidemment à présenter les gens qui vous
accompagnent. Et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres
de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.
Neptune
Technologies et bioressources inc.
M.
Timperio (Michel) : Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les
députés, membres de la commission, tout
d'abord, merci de nous recevoir. Je me présente, Michel Timperio. Je suis
président de la division cannabis de Neptune Technologies et bioressources. Également présente avec moi, Mme Caroline
Lavoie, consultante spécialisée sur les enjeux liés au cannabis, et qui
nous accompagne dans notre dossier.
Neptune est une société de produits de santé et de
bien-être qui existe depuis 18 ans. Nous offrons diverses solutions et
formulations clé en main, incluant des huiles de source marine et botanique.
Notre expertise dans l'extraction d'huile
est reconnue mondialement. Comme nous disposons déjà d'une expertise en
extraction d'huile, nous avons décidé de nous lancer dans l'extraction
d'huile de cannabis et de chanvre pour diversifier nos activités.
Dans
ce but, nous avons annoncé, en septembre dernier, un investissement de
5 millions de dollars pour que notre usine de Sherbrooke puisse procéder en toute conformité à l'extraction
d'huile de cannabis. Seulement avec cette usine, nous serons capables éventuellement de produire plus de 1 000
tonnes d'huile par année, ce qui permettra de fournir l'ensemble du marché canadien et plus. Nous
prévoyons produire des huiles contenant évidemment du THC et du CBD en différentes concentrations. Certaines seront
commercialisées sous une marque de
Neptune et d'autres seront produites pour d'autres entreprises.
Dans ses
dernières données sur la production et la vente de cannabis à des fins médicales,
Santé Canada révélait que les ventes
d'huile de cannabis connaissent un taux de croissance soutenu et supérieur à
celui du cannabis séché. En d'autres
mots, les consommateurs ont un intérêt pour la consommation d'huile de
cannabis, un produit sans fumée. De par
leur mode de consommation sans combustion, les huiles de cannabis sont moins
nocives pour la santé que le cannabis fumé. Étant donné l'approche de
réduction des méfaits adoptée par le gouvernement, nous croyons que le projet
de loi n° 157 devrait faire une distinction entre les
produits fumables de cannabis et les produits non fumables, particulièrement en ce qui concerne les restrictions des lieux de consommation. Bien que nous voyons d'un bon oeil l'approche tabac plus, nous
aimerions qu'il soit explicitement permis de consommer des huiles de cannabis à
l'intérieur d'édifices publics et privés, en
particulier les lieux fermés, énumérés dans le projet de loi, qui ne sont pas
principalement réservés aux mineurs.
Toujours
dans une optique de réduction des méfaits, nous croyons que la SQC doit
refléter le risque réduit des huiles pour la santé dans la sélection et
la présentation de ses produits. Ainsi, nous recommandons qu'une place prépondérante soit faite aux huiles de cannabis à
la SQC, tant en succursale que sur son site Web. Pour que les consommateurs aient le maximum d'information sur
les produits disponibles, y compris les options sans fumée, nous demandons que les dispositions sur la publicité et
la promotion permettront aux producteurs de transmettre de l'information sur les effets des produits, leur intensité, leur niveau de risque et
les modes de consommation suggérés. Ces informations ne devraient pas être considérées comme de la
promotion ou de la publicité dans le projet de loi. D'ailleurs, pour s'assurer
que l'information circulant dans le public
et auprès des autorités soit objective, nous recommandons d'utiliser le fonds
de prévention et de recherche pour financer un institut des données probantes
sur le cannabis.
Un autre
élément fondamental à intégrer au projet de loi est une distinction entre le
tétrahydrocannabinol, mieux connu
sous le THC, et les autres cannabinoïdes, dont le CBD. Comme vous le savez, le
THC est responsable des effets psychoactifs
typiquement associés au cannabis. Quant à lui, le CBD n'a pas d'effet
psychoactif. D'ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé concluait récemment que le CBD ne présente pas de
risque d'abus ou de dépendance. Nous sommes donc d'avis que le projet de loi devrait spécifier auxquels cannabinoïdes
s'appliquent les diverses dispositions et qu'il devrait encadrer le THC de façon plus stricte que le CBD à cause de son
effet psychoactif et de son risque accru pour la santé.
Vu ces
considérations, le mandat de la SQC devrait être également précisé pour établir
une distinction entre le THC et le
CBD dans la liste des produits à être distribués et mentionner où pourront être
distribués les autres produits, y compris ceux qui ne sont pas psychoactifs. À
ce titre, il est également important de prendre en compte les produits
de chanvre étant donné que le CBD peut être issu d'une plante de cannabis comme
d'une plante de chanvre.
Nous croyons
que les lieux de vente de produits du cannabis doivent être déterminés en
fonction de la teneur en THC autour
de trois volets : le régime de distribution dit médical, chargé de vendre
et de gérer tous les produits de cannabis prescrits par des médecins et d'assurer le suivi des patients, le régime
de distribution aux adultes encadrant des produits à teneur significative en THC — ce système, géré par la Société québécoise
du cannabis, vendrait aux consommateurs adultes un ensemble de produits contenant du THC à des fins récréatives
ou de bien-être, ces produits pourraient également contenir différents taux de CBD pour répondre aux
divers objectifs de consommation — et, troisièmement, le régime de
distribution de vente libre pour les produits à dominante CBD et à faible taux
de THC.
• (14 h 10) •
Nous espérons que ces éléments de réflexion
alimenteront la vôtre en tant que législateurs. Dans ce but, nous proposons la mise sur pied d'un comité d'experts
chargé d'analyser les divers seuils de risque et de conseiller le gouvernement sur les scénarios de
commercialisation pour chacun. Aussi, au plan de la gouvernance, nous
recommandons que les consommateurs et
les producteurs puissent siéger au comité de vigilance ou à un de ses
sous-comités afin qu'une diversité de perspectives pertinentes servent
la SQC dans ses actions.
En terminant, je tiens à souligner que Neptune a
fort à coeur le développement d'une industrie québécoise de production et de transformation du cannabis. Nous
croyons que cette industrie pourrait constituer un écosystème d'innovation et une opportunité économique
significative pour les communautés québécoises. Le gouvernement du Québec
doit continuer d'inciter le gouvernement
fédéral à assurer l'attribution des licences entre les provinces de façon
proportionnelle à la taille du marché de chaque province.
De plus, nous
recommandons fortement que la SQC privilégie l'approvisionnement local grâce à
la mise sur pied d'espaces réservés Origine Québec pour valoriser les
produits locaux.
Enfin, la
mise sur pied de nouveaux outils, de programmes spécifiques au cannabis et
l'accès aux entrepreneurs à des programmes existants pourraient soutenir
les entreprises québécoises entrant dans le secteur du cannabis.
Merci pour votre écoute.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Timperio, pour
la présentation de votre exposé. Nous allons débuter les échanges avec
la partie gouvernementale. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous avez
un bloc de 15 minutes. À vous la parole.
Mme Charlebois :
Merci, M. le Président. D'abord, vous remercier d'être présents en commission.
C'est apprécié que vous veniez nous
présenter votre expertise puisque ce sujet-là n'a pas été, ou très peu, touché
en commission parlementaire.
Il me semble que je vous ai vu dans les consultations préalables à
l'élaboration du projet de loi. Est-ce que je me trompe? Non?
M. Timperio (Michel) : Non, ce
n'est pas le cas.
Mme Charlebois :
O.K. Bon, bien, j'ai dû vous confondre avec quelqu'un d'autre.
M. Timperio (Michel) : Souvent,
comme ça, là, on se reconnaît, on pense s'être déjà vus.
Mme Charlebois :
Non, mais c'est parce que, même, je me souviens que, lors d'une consultation,
j'avais très, très mal au dos, puis
il y a quelqu'un qui m'a offert de l'huile de cannabis. C'est pour ça que je
vous dis ça. Ça m'avait un peu frappé l'imaginaire. Alors, c'est ça. Bien,
merci d'être là. C'est fort apprécié. Je vais tout de suite aller dans le vif
du sujet.
Vous nous
demandez de distinguer les huiles des produits fumables. Là, je regarde dans le
projet de loi pour faire la distinction parce que, nous, il y a un sens au mot
«fumer», c'est : «Pour l'application du présent chapitre,
"fumer" vise également
l'usage d'une pipe, d'un bong, d'une cigarette électronique ou de tout autre
dispositif...» Ça fait que ça veut dire
que les huiles ne sont pas dedans, dans le mot «fumer». Et, dans les «lieux
fermés», il y a une liste de lieux fermés où il est interdit de fumer. Là, ce que vous nous suggérez... Parce que ça
m'interpelle. Je vous explique dans quel sens. Parce qu'on a mis là-dedans les services de garde. On a
mis plein de choses. Est-ce qu'on va permettre aux gens de consommer des huiles pendant qu'ils sont au travail? Pas
sûr. Comprenez-vous ce que je veux dire? La distinction va nous amener là.
M. Timperio
(Michel) : Oui, bien, c'est une distinction qui doit être faite. Mme
la ministre, avec tout respect, c'est
que votre projet de loi est essentiellement axé un petit peu sur le modèle du
tabac, et il faut penser que cette industrie-là, surtout avec la
légalisation, va bénéficier d'investissements majeurs. Alors, c'est une
industrie qui s'est créée, qui est encore
plus grande que l'industrie des spiritueux au niveau mondial. Donc, chez nous
s'amorce, dans le fond, une réflexion et
une discussion qui vont porter très loin du point de vue développement
économique. Et, dans ce sens-là, les huiles, j'en parle de façon spécifique parce que les huiles
sont appelées à être un intrant dans plusieurs types de produits. Entre autres,
on a parlé de CBD dans notre mémoire, qui
n'est absolument pas psychoactif, mais qui est un antidouleur important. Donc, le mode de consommation à travers l'innovation va
également nous éloigner des marchés illicites parce qu'on va offrir des modes de consommation qui sont complètement
différents et qui ne comporteront pas non seulement un problème par
rapport à l'environnement social, mais qui vont amener, dans le fond, des
bénéfices sur la santé.
Donc, il faut...
Ce n'était pas clair. On l'a apporté, nous, parce qu'on trouvait que ce n'était
pas clair parce que vous tenez compte
presque exclusivement de produits fumables. Et il y a toute une panoplie de
produits qui va se développer, du
point de vue technologique et du point de vue biochimique, qui va amener des
molécules différentes qui vont entrer comme intrants dans différents
produits qui n'auront rien à voir avec ce qu'on connaît de la cigarette.
Mme Charlebois :
Je comprends et je vous entends. Mais, en même temps, là où je m'interroge,
c'est qu'on a eu ce matin, si je ne
me trompe pas, l'ordre des psychiatres, et ils nous disent qu'il n'y a pas...
Puis il y a d'autres — l'Ordre des
pharmaciens — qui nous
disent qu'il n'y a pas de recherche scientifique à jour, que les recherches
qu'on a, c'est sur les produits des
années 70. Est-ce qu'on a des recherches, sur les huiles, probantes, des
données scientifiques probantes? Je
ne veux pas vous apparaître comme rébarbative à votre affaire, là. Ce n'est pas
ça du tout, du tout, du tout. C'est parce qu'on est en train de rédiger une loi, puis ça va changer le cours des
choses, puis je vous entends me proposer quelque chose. Je ne suis pas nécessairement contre, mais je veux juste
m'assurer que je suis avec une base de données scientifique, parce que, si je regarde, là, dans les «lieux
fermés» : «Sous réserve des articles 12 à 14, il est interdit de fumer du
cannabis...» On dit bien «fumer»,
puis là ça n'inclut pas les huiles parce que ça dit «fumer». Puis là vous venez
de m'interpeller dans l'autre sens.
Vous m'avez dit de distinguer, mais dans l'autre sens... Ça m'a interpellée
parce qu'on a mis en 3° : «Les résidences
privées où sont fournis des services de garde en milieu familial au sens de la
Loi sur les services [...] éducatifs à l'enfance, aux heures où les
personnes [...] offrent [des] services...» Vous, vous dites que, bon, ça
n'interpelle pas les cannabinoïdes, ils
n'interpellent pas les... Les psychotiques ne sont pas là. Je vous entends me
dire ça. Mais on a-tu des preuves
scientifiques? Parce que, si la responsable en service de garde consomme ça,
puis que je n'ai pas de preuves... Je suis en train de faire une loi,
là. Me suivez-vous dans mon raisonnement? Ça m'inquiète.
M.
Timperio (Michel) : ...Mme la ministre, puis je ne vous sens pas rébarbative, en passant. En fait, je vous
sens plutôt dans le mode de vouloir
comprendre et qu'on doive expliquer un peu notre position. C'est un peu pour ça
qu'on se présente en commission, parce qu'on a vu, à quelque part dans
le projet de loi, que cet aspect-là n'était pas du tout couvert. Et il faut se mettre dans l'idée que la science, du point de
vue de... Disons, le développement des ressources au niveau
cannabinoïdes et les bénéfices qui vont en découler s'amorce présentement
beaucoup parce que qui voudrait investir dans une ressource alors que c'est
illégal? Donc, il y a beaucoup d'argent qui va entrer en recherche.
Et
d'ailleurs, Neptune, je vous annonce qu'on a déjà un programme de recherche qui
s'amorce avec l'Université de
Sherbrooke parce que, pour nous, c'est très important parce qu'on n'a jamais
rien fait qui est basé sur autre chose que la science. Mais il faut se dire au
départ que, si... À titre d'exemple, l'Organisation mondiale de la santé
mentionne que le CBD, qui est l'autre
cannabinoïde qui est dans la plante, ne pose pas aucun risque du point de vue
santé et dépendance. Et, déjà, c'est peut-être un peu plus anecdotique
que souhaiterait les pharmacies... les pharmaciens et le Collège des médecins, peut-être plus anecdotique, mais il y a
déjà énormément de cas qui démontrent, entre autres, que le CBD consommé
avec une prescription a des impacts assez
importants sur certains problèmes ou certaines conditions. Évidemment, il va
falloir qu'il y ait
beaucoup plus d'investissements qui soient faits. Mais il faut comprendre que
le CBD est un ingrédient qui, en soi, va peut-être être beaucoup plus
nutraceutique que nécessairement pharmaceutique.
Comme,
on voit, à titre d'exemple, aujourd'hui, en tablette, des Advil, on les voit en
tablette, là, mais évidemment c'est
quand même un produit qui est biochimique, qui soulage la douleur. Dans ce
cas-ci, on parle d'un produit totalement naturel, qui, dans certains cas, est prouvé qui réduit la douleur,
réduit les nausées, accommode, dans le fond, les problèmes d'insomnie,
et il n'y a pas de risque pour la santé.
Alors,
je vous entends quand vous dites : Avez-vous de la recherche ou de la
science? C'est en train de se bâtir parce
que, là, vous venez de reconnaître une nouvelle industrie qui, à quelque part,
va générer énormément de revenus et
qui va amener énormément d'investissements dans la recherche et le
développement, dont, dans le fond, des données probantes sur les
résultats de... sur certaines conditions.
Mme
Charlebois : Bien, je ne suis toujours pas convaincue parce
que, là, je ne sais pas comment vous le dire, là, je suis à l'envers de
ce que vous me dites, là, dans le sens où... Vous me faites une proposition,
puis je l'entends, là. Mais là où
j'accroche, c'est dans ce que j'ai déjà fait... Tu sais, quand on dit : Il
est interdit de fumer, ça ne vous touche pas, puis c'est tant mieux, parce que ça veut dire qu'autrement dit vous
avez le droit d'administrer ce produit-là dans ces lieux-là parce que
vous n'êtes pas en train de fumer. Vous comprenez ce que je veux dire?
M. Timperio
(Michel) : Oui.
Mme
Charlebois : Elle est faite indirectement, la distinction.
Mais ça m'inquiète quand même parce que, oui, j'entends que vos
recherches sont en train d'être faites, mais elles ne sont pas finalisées.
C'est là où les pharmaciens m'ont rejointe
un petit peu ce matin. Puis je me dis : Quand est-ce qu'on va être en
mesure... Qui va être en mesure de nous
dire... Puis, tu sais, je regarde... Santé Canada, même, ne veulent pas dire
que c'est... Ils acceptent les prescriptions, mais ce n'est pas
considéré comme un médicament, le cannabis, ça fait que l'huile de cannabis
n'est pas considérée non plus. C'est là où
je suis comme un peu ambivalente parce que, même là, je trouve que c'est
bizarre qu'on dise que c'est
prescriptible, mais pas un médicament reconnu par Santé Canada, par le Collège
des médecins, par l'ensemble de l'oeuvre, mais en même temps on donne
des prescriptions. Bon, ça, c'est une chose.
Puis l'autre chose,
bien, c'est qu'on est en train de faire quelque chose d'important, là, qui va
être là pour trois ans avant la révision. Sur quelle base je vais m'appuyer?
• (14 h 20) •
M.
Timperio (Michel) : Avec tout le respect que j'ai, Mme la ministre,
là, pour ce que vous faites, parce que, clairement, ce n'est pas facile, c'est complexe, ça arrive dans un délai
qui est absolument un défi incroyable, il y a une mauvaise compréhension, entre autres, de ce que
sont les cannabinoïdes parce que, quand je vous parle, à titre d'exemple, de pouvoir permettre les
huiles dans des endroits publics, simplement que les modes de consommation et
les types de cannabinoïdes qui vont être
présents n'auront aucun impact psychoactif dans certains cas. Donc, c'est pour
ça qu'on suggère la création d'un
comité d'experts qui va vous aider dans votre démarche également
à mitiger un peu plus cet aspect-là, du point de vue de l'application de la loi, parce qu'on peut dire : On interdit tout, alors que, dans les
faits, on interdit quelque chose qui n'a rien à voir avec une
comparaison avec la consommation de cigarettes ou autres en termes de mode de
consommation.
Donc,
je saisis très bien vos préoccupations. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on
recommande, dans le fond, qu'on élargisse
un peu le débat pour être sûr que, quand on fait une loi, bien, qu'elle tienne
compte des réalités aussi de ce qui va être proposé.
Mme
Charlebois :
En fait, on ne l'interdit pas, même que...
M.
Timperio (Michel) : Oui, c'est ça,
vous n'interdisez pas, mais on veut que vous le clarifiiez parce que,
nous, quand on lit le projet de loi, on a le droit.
Mme
Charlebois :
Oui, je comprends mieux. Oui, oui, vous avez raison.
M.
Timperio (Michel) : On a le
droit et on pense que c'est important que ce soit clarifié parce qu'à quelque part ça va de soi qu'il
y a comme quelque chose qui est oublié, là.
Mme
Charlebois :
Oui. Je vous comprends.
M. Timperio
(Michel) : Et j'espère qu'on ne se tire pas dans le pied parce que
nous, on est fervents croyants qu'il y a des types d'huile qui n'ont rien à voir avec des
effets psychoactifs et qui apportent, disons, peut-être une relaxation,
qui réduisent des problèmes d'anxiété et
qui, dans le fond, n'ont aucun impact au niveau de l'environnement social en termes de
dérangement.
Mme
Charlebois : Vous
nous parlez des boutiques de cannabis. Dans la formation des travailleurs, il va-tu falloir faire une
distinction là aussi? Puis qui va les former pour faire la distinction entre
les huiles, entre le cannabis séché, le cannabis frais? Puis, vous me le
dites, là, le cannabinoïde, le THC, et tout ça, ce n'est pas pareil dans les
huiles?
M.
Timperio (Michel) : Moi, je
vous dirais qu'on est au début, je pense, d'une éducation, là, parce que
les gens ont démonisé le cannabis.
Bon, il y a eu des préjugés par rapport au cannabis, pour
toutes sortes de raisons, associés au THC. Donc, il y a une éducation à
faire.
Et, quand
vous me parlez de milieux de travail, il
y a évidemment une responsabilité corporative. Je pense que, là, on
se fait présenter, comme entreprise, quelque
chose qui est nouveau, là. Toutes les
entreprises sont dans le même bateau, et on devra avoir des programmes de sensibilisation, des programmes d'information sur qu'est-ce
qui peut être toléré ou pas, parce qu'on peut-u empêcher quelqu'un, à titre
d'exemple, quand les comestibles ou les «edibles», qu'on appelle en anglais, là, seront approuvés, de prendre un
morceau de chocolat noir qui est infusé avec un peu de cannabis, de CBD, qui
n'a rien à voir avec un impact psychoactif,
ou une gomme? En fait, il y a tellement de produits qui vont être développés,
de modes de consommation. On est au
début d'une industrie gigantesque. Et, pour le Québec, je vous dirais, Mme la ministre,
j'ai senti beaucoup de réserve de la
part du gouvernement, avec raison, parce que le THC, là, ça doit être traité de
façon plus stricte, et le mode de distribution privilégié par le
gouvernement est le bon pour le THC.
Et ça nous
amène à vous dire que, pour les autres cannabinoïdes, il faudrait peut-être
réfléchir sur d'autres types de
distribution qui vont permettre une démocratisation, en fait, de la
distribution parce qu'ils n'ont rien
à voir avec un impact psychoactif. Donc, on en parle, de ça aussi, parce que
vous parlez de projets pilotes puis... Donc, on trouve qu'il doit y avoir une ouverture par rapport à ça puis on vous félicite d'en avoir une. Que ça soit juste comme un projet pilote, je pense que c'est sain parce qu'on évolue, là, on avance. D'ailleurs, vous reconnaissez vous-même que, dans votre projet de
loi, là, avec l'exposé qu'on vous
fait, woups! il y a des points de clarté à apporter. Donc, c'est
positif et ça va devoir continuer d'être positif, du point
de vue de la réflexion et du débat, pour bonifier la loi au fur et à mesure que
cette industrie-là prend forme.
Mme
Charlebois : Alors là, vous me suggérez, dans des projets pilotes, de pouvoir expérimenter les huiles avec cannabinoïdes uniquement
hors le circuit de la Société québécoise du cannabis. C'est ça que vous m'avez
suggéré? J'ai-tu bien compris?
M.
Timperio (Michel) : Bien,
moi, je vous dirais que, oui, il
y a une réflexion à avoir parce que
vous parlez de projets pilotes. Puis peut-être que la distribution doit être repensée en fonction des types de cannabinoïdes. Et, là encore, on va avoir besoin peut-être de gens qui ont une expertise pour, disons,
étaler ou faire un étalon sur la question du risque, disons, dépendamment des concentrations. Qu'est-ce qui serait à considérer comme quelque
chose qui n'est pas à risque? Et, à ce
moment-là, pourquoi,
à ce moment-là, ne pas permettre la distribution dans d'autres...
à titre d'exemple, dans les domaines...
ou les magasins qui vendent des produits naturels, les pharmacies, pour qu'est-ce qui est un peu plus, je vous dirais, thérapeutique, parce qu'on est un petit
peu... On en parle. On est connectés sur l'idée que ce qui est thérapeutique
pourrait effectivement être pris en
charge par les pharmaciens pour être en mesure de recommander, de façon peut-être un peu plus professionnelle...
Même si ça marche, ça fonctionne par prescription présentement, le pharmacien
est certainement très outillé pour faire les bonnes choses et faire aussi un
suivi patient.
Alors, ça évolue.
Puis je pense qu'il faut avoir une ouverture d'esprit. Il ne faut pas
banaliser, mais il ne faut pas démoniser parce qu'on est à l'aube de quelque
chose de très, très, je pense, dynamique au niveau économique, et ça pourrait apporter quelque chose au Québec qui est
nouveau et qui... Quand je parle de chanvre, j'en parle parce qu'il y a tout un
écosystème, peut-être, à développer autour du chanvre. Il y a une industrie à
Asbestos, là, qui ouvre, qui fait des matériaux de construction à partir
du chanvre, alors qu'il y a du CBD aussi dans le chanvre. Donc, on a une
industrie nutraceutique qui peut être stimulée par une partie de la production
du chanvre. Un autre type d'industrie peut l'être. Il y a comme une grappe industrielle en région, même, parce que ça peut
être très profitable pour les régions. Je parlais aux gens de l'Union des producteurs agricoles. Le
chanvre peut pousser à l'extérieur. Ça n'a pas besoin d'être poussé en
serre. Et il y a des propriétés, dans le chanvre, incroyables.
Donc, nous,
on est preneurs, déjà, de chanvre. Le résidu pourrait être utilisé par d'autres
industries. Donc, il y a toute une
espèce de petite grappe industrielle et un centre d'expertise, je pense. Nous,
on cherche à développer à Sherbrooke...
On a créé un consortium avec l'Université de Sherbrooke. Si on est le
moindrement imaginatifs et créatifs et qu'on
ne s'emballe pas dans nos peurs, je pense que, du point de vue de l'économie du
Québec, si on prend le taureau par les cornes, on peut faire quelque
chose de très grand et de très profitable pour les Québécois.
Le
Président (M. Merlini) : Mme la ministre, le temps est écoulé pour
votre bloc d'échange. Déjà. Nous devons aller du côté de l'opposition. M. le député de Saint-Jérôme, vous
disposez d'un bloc de neuf minutes. À vous la parole.
M. Bourcier : Merci, M. le
Président. Vous me laisserez saluer les gens qui sont venus ici, à l'Assemblée nationale — bienvenue — et faire une rapide introduction en vous
disant qu'avec le projet de loi n° 45 sur le cannabis le gouvernement d'Ottawa propose, mais, à la lumière
de ce que j'entends, je suis ici avec mon collègue député de Labelle, bien, le gouvernement fédéral n'a pas de contrôle
et le Québec subit évidemment les problèmes que tout ça découle. Alors, quand le Québec s'objecte, bien, évidemment, le
fédéral s'impose. Alors, c'est une autre belle raison, parmi tant d'autres,
pourquoi c'est important pour le Québec de
faire de la souveraineté son cheval de bataille, s'occuper de nos propres
affaires. Mais, bon, ça, c'était mon introduction. Il fallait que je la
dise. Ça me fait du bien.
Monsieur,
madame, vous êtes dans les produits du mieux-être depuis 18 ans, là. Je vois
ça, que vous avez 18 ans d'expérience.
J'ai vu dans votre documentation que vous fabriquez de l'huile de krill.
Maintenant, moi, je suis curieux parce
que c'est quand même des produits particuliers. Pouvez-vous nous donner un
exemple de description d'application d'huile de cannabis? Comment est-ce
qu'on applique ça?
M. Timperio (Michel) : En
fait, je vous dirais qu'on n'est plus dans l'huile de krill. Je voudrais aussi,
quand même, apporter quand même un
bémol. Il y a quand même beaucoup de contrôles présentement par Santé Canada,
beaucoup de contrôles. Je pense qu'il
y a des audits. C'est très difficile d'obtenir une licence. Et, quand on en a
une, on est assujettis à des moyens
de contrôle assez importants. Donc, je ne voudrais quand même pas banaliser ce
que Santé Canada fait.
D'autre
part, pour vous donner un exemple, nous, on ne fait plus d'huile de krill parce
qu'on a vendu nos affaires de krill.
On a conservé l'usine parce que les équipements peuvent facilement être
utilisés pour extraire de l'huile de cannabis. On a vendu la propriété intellectuelle et également les clients simplement
parce qu'on devait opérer dans une industrie qui est beaucoup plus large
pour justifier les investissements qu'on a faits à Sherbrooke.
Donc,
pour vous donner un exemple, pour répondre à votre question, à titre d'exemple,
il pourrait y avoir des huiles de krill... C'est un bon exemple. Il va y
avoir des huiles qui seraient formulées avec du CBD parce qu'on sait que la présence de phospholipides, qui est un élément
constituant du krill, stimule l'absorption. Bon, à titre d'exemple, on pourrait
aussi peut-être le combiner avec du THC puis
réduire la quantité de THC dans une gélule pour avoir à peu près les mêmes
effets. Donc, c'est un exemple. Et les
huiles vont être très, très conditionnées à ce genre d'innovation là ou de
production parce qu'elles se prêtent
à peu près à toutes sortes de choses. On pourrait avoir éventuellement des
bières infusées au cannabis.
Donc,
on est au début de quelque chose de très grand. Puis je veux quand même
l'apporter ici parce que vous êtes nos
décideurs, et c'est très important que vous vous mettiez en mode de réaliser
qu'au-delà de la sécurité, puis, je pense, vous le contrôlez bien avec
la société d'État, il y a énormément de possibilités de développement.
• (14 h 30) •
M.
Bourcier : Concernant le CBD, un des ingrédients actifs dans le
cannabis, alors, moi, la question que j'ai à vous poser, c'est que... Est-ce
que c'est possible d'avoir de l'huile de cannabis avec seulement une teneur en
CBD mais sans THC? Est-ce que c'est possible?
M. Timperio
(Michel) : Absolument, absolument.
M. Bourcier : Donc, vous m'expliquez, c'est en forme de gélules
qu'on peut prendre ça? Est-ce que c'est par vapotage? Y a-tu d'autres
manières...
M. Timperio
(Michel) : Il y a
d'autres modes. Ça peut être aussi simplement des gouttes. Ça peut être par
voie... ce qu'on appelle en anglais — je
vais le dire en anglais — «sublingual
strips», des bandes sublinguales. Ça peut être aussi par la voie dermique. Il y a toutes sortes de possibilités, disons, d'absorber le CBD. Et le CBD, oui... et
notre expertise dans le domaine de l'extraction nous permet d'extraire de la plante
100 % de contenu CBD. Donc, il
faut penser qu'au Québec
on a quand même des entreprises qui ont une certaine expertise. Nous sommes une entreprise
qui a quand même été capable d'exporter un produit à travers le
monde à partir d'un programme de recherche de l'Université de Sherbrooke. Et
le cannabis, c'est quelque chose, je pense, au Québec que... si on encourage de
façon stratégique et intelligente, de façon très rationnelle le
développement de cette industrie-là, on est à l'aube de quelque chose de très
grand.
M. Bourcier :
Au chapitre des effets bienfaiteurs du CBD, là, vous me contredirez si je suis
dans l'erreur, on parle de... il n'y a presque aucun effet psychoactif. On
parle que c'est prometteur pour les gens qui font de l'épilepsie, maladie
de Crohn, colite ulcéreuse, maladie de
Parkinson. Est-ce qu'il y a d'autres effets bénéfiques que vous pouvez associer avec
l'ingrédient du CBD? Avez-vous des études là-dessus?
M. Timperio
(Michel) : ...réduction des crises épileptiques, de la fréquence des
crises épileptiques. Je vous encourage de
regarder un vidéo qui s'appelle... C'est Charlotte, une jeune fille au Colorado
qui... Un producteur a été même contre
la loi parce que... par voie de compassion, a décidé de donner à cette
enfant-là un mélange de THC et de CBD. Cette
enfant-là avait des crises d'épilepsie au rythme d'une au 30 minutes, 300
par semaine, et après une semaine elle a arrêté complètement d'avoir des
crises épileptiques. C'est anecdotique, mais c'est un cas. Mais je vous en
donne.
Alors,
il va y en avoir, de la science, autour du CBD. Et vous avez raison, ce n'est
pas psychotique. Et, quand je vous parlais de la création d'une
industrie du chanvre, au Manitoba, on fait beaucoup de pousse de chanvre, mais
nos cultivateurs ont des terres, dans
certains cas, qui ne sont pas toujours utilisées de façon optimale, et il y a toute
une industrie à bâtir autour de ça.
M. Bourcier :
Est-ce que vous avez la prétention de prévoir que, dans certains lieux où c'est
interdit de fumer, faire usage d'huile de cannabis avec des teneurs de
CBD, ça serait correct? C'est quoi, votre opinion là-dessus?
M. Timperio
(Michel) : Notre opinion, c'est, encore une fois, je pense qu'il faut
être en mesure de bien cerner les
risques. Dans le CBD, nous, on prétend qu'il n'y en a pas, et l'Organisation
mondiale de la santé également, au même titre que National Academy of Sciences, il n'y a pas de risque associé
au CBD. Donc, on se dit : Bien, s'il y a quelqu'un qui a du CBD dans un produit, qu'il le prenne avec
un «strip», qu'il le mette sur sa langue, ou qu'il décide éventuellement,
parce que ça va être légalisé, de le prendre à l'intérieur d'un chocolat noir,
bien, pourquoi on empêcherait ça, de le prendre
dans un lieu public? Quel argument on pourrait avoir pour l'interdire de façon
rationnelle, quand, dans ce cas-ci, on
parle d'un ingrédient, d'un mode de consommation qui n'est absolument pas,
absolument pas nuisible et qui donne des
bénéfices à la personne qui le consomme? Elle est où, la rationnelle de
l'interdire? C'est juste ça qu'on veut quand même faire valoir.
M. Bourcier :
C'est important, pour vous, de distinguer le cannabis avec sa teneur en THC et
l'autre ingrédient, qui est le CBD, qui est pour vous beaucoup plus
bienfaiteur que le premier?
M. Timperio (Michel) :
Absolument. Et on espère que vous serez, tout comme nous, aussi convaincus.
M. Bourcier : Merci beaucoup.
Est-ce qu'il y a d'autres...
Le Président (M. Merlini) : M.
le député de Labelle, il vous reste 1 min 45 s.
M. Pagé :
En fait, c'est parce que je n'ai pas assisté à la... ça fait que je ne sais
pas... Il y a peut-être... La seule chose
que je pourrais vous demander... Parce que j'ai manqué le début de votre
intervention. Je sais que vous prévoyez, à votre recommandation n° 9, de financer un institut de données
probantes. Comment vous voyez cet institut-là? Nous, on souhaite qu'il y ait un observatoire en lien
avec des chaires de recherche. Est-ce que ça, ça pourrait faire le travail?
Ou comment vous le voyez, cet institut?
M. Timperio
(Michel) : En fait, vous proposez quelque chose auquel on
adhérerait immédiatement. Parce
que ça prend des scientifiques pour nous éclairer un petit
peu dans la démarche. Et ce qu'on
propose doit être également, aussi, je pense, étalonné avec des
mesures scientifiques pour conforter dans ce qu'on dit et, dans le fond, de
travailler en fonction de «data», de données qui sont probantes pour
être en mesure de prendre les bonnes décisions.
M. Pagé : O.K.
Excellent. Merci.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour ce bloc
d'interventions. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe
d'opposition. M. le député de Borduas, vous disposez de six minutes. À vous la
parole.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être présents aujourd'hui, à l'Assemblée nationale,
et de contribuer à nos travaux. D'entrée de jeu, vous dites, à votre recommandation 1... vous voulez que la loi soit plus précise au niveau des
quantités qui sont permises. Actuellement, dans le projet de loi, là, c'est
30 grammes cannabis séché,
150 grammes à la maison... bien, 30 grammes dans l'espace public,
150 grammes à la maison. On nous renvoie
à l'annexe 3 de la loi fédérale pour faire le comparatif avec les autres
quantités. Qu'est-ce que vous voudriez qui soit écrit dans la loi provinciale, au niveau des quantités? Quand
vous dites qu'on devrait l'identifier clairement,
à quoi vous faites référence?
M.
Timperio (Michel) : Parce
qu'en fait il n'y a pas de question d'huile, dans la loi, du tout, du tout.
Alors, on apporte un élément qui vous
amène à avoir une forme de réflexion par
rapport à ça. Et les quantités qui
sont suggérées, selon moi, pour la matière sèche, ça pourrait être
l'équivalent pour les huiles, en termes de possession.
M. Jolin-Barrette : Donc,
30 grammes d'huile de cannabis.
M.
Timperio (Michel) : 30...
Oui, 30 grammes. Dans ce cas-là on parle de 30 millilitres. C'est un
millilitre pour un gramme.
M. Jolin-Barrette : Donc, c'est des petites
bouteilles, ça?
M. Timperio (Michel) : Oui. C'est
une petite bouteille. Puis on peut prendre avec des gouttes, puis...
M.
Jolin-Barrette : O.K. Puis
là vous dites : La Société
québécoise du cannabis doit offrir
une place importante aussi aux
huiles dans les marchés... bien, en fait, dans les magasins qui vont être
ouverts.
M.
Timperio (Michel) : La
rationnelle derrière ça, c'est que vous ne voulez pas favoriser quelque chose
qui se fume. On interdit... ou on
fait toutes sortes de sensibilisation pour réduire, dans le fond, le tabagisme parce que ça se fume, ça se prend par combustion. La même chose va pour le cannabis. Donc, si
on peut favoriser des modes innovants, du point de vue de comment on consomme les cannabinoïdes, bien,
je pense que c'est dans l'intérêt de la société aussi de promouvoir ces dosages-là ou ces
formes-là.
M.
Jolin-Barrette : Mais là, la
question qui se pose, c'est au niveau de la consommation.
Puis ça a été soulevé tout à l'heure, dans
le fond, c'est sur... la
réglementation vise... une réglementation où le produit est fumé. Supposons, prenons les espaces de jeu avec les enfants,
prenons les parcs, prenons les campus universitaires, c'est ce qu'il est possible
de contrôler. Là, si on met l'accent sur les
huiles, supposons, ou autres choses, le contrôle devient beaucoup
plus difficile.
M.
Timperio (Michel) : Mais,
encore là, c'est pour ça qu'on parle d'un comité d'experts pour faire mention
ou, en tout cas, évaluer le risque associé aux cannabinoïdes,
qu'on veut promouvoir ou qu'on veut rendre disponibles... peut-être pas
promouvoir, peut-être que c'est un mot à bannir de ma bouche aujourd'hui, mais qu'on veut rendre disponibles. Donc, votre modèle présentement est vraiment
calqué sur le modèle du tabac. On vous dit que ça va changer beaucoup
et donc qu'il
va falloir être plus ouverts par
rapport à ce que... qu'est-ce qui
peut être consommé, mais toujours avec des données probantes qui vont venir renforcer, disons, votre confort, comme
législateurs, du point de vue de qu'est-ce qui devrait être permis et pas, qu'est-ce qui devrait être
vendu et pas. Alors, je vais utiliser une expression anglaise, c'est «work in
progress»...
M. Jolin-Barrette : Pour vous, ça ne devrait pas être uniquement vendu à la Société québécoise du cannabis?
M. Timperio
(Michel) : On devrait modaliser nos réseaux de distribution en
fonction de la dangerosité du produit. Si
quelque chose n'est pas considéré dangereux pour la santé, non nuisible pour l'environnement social, quels sont nos
arguments pour l'empêcher? La question est adressée à vous parce que moi, personnellement, comme citoyen... je ne dirais pas comme consommateur, mais comme citoyen
très objectif et préoccupé par la chose, je peux difficilement imaginer qu'on puisse faire ça, qu'on ne puisse
pas permettre la distribution ailleurs, s'il n'y a pas de raison... s'il y a des
raisons de ne pas le faire... s'il n'y a pas de raison de ne pas le faire.
M. Jolin-Barrette : Et, quand vous parlez,
supposons, de la dangerosité du
produit, dans le fond, il
faut y aller vraiment au cas
par cas. C'est ce que vous nous invitez à faire?
M.
Timperio (Michel) : Il faut
mieux comprendre ce qu'est le cannabis du point de vue de son contenu.
Il y en a 85, cannabinols.
M. Jolin-Barrette : ...l'expérience débute, dans le fond. C'était un produit qui était
illicite. Là, on va vers le marché licite.
Vous ne pensez pas qu'on doit y aller progressivement en étant plus restrictif,
au départ, en le vendant à la Société
québécoise du cannabis d'une façon qui est la plus responsable possible et de
voir l'expérience qui sera vécue sur le territoire
québécois, avant d'élargir, considérant que les experts ne s'entendent pas
tous? On l'a vu sur le débat sur l'âge, on l'a vu sur le débat sur l'espace
public. Nous, notre rôle, c'est peut-être un peu de voir l'expérience qu'il va y avoir et, par la suite, éventuellement,
de réviser.
• (14 h 40) •
M.
Timperio (Michel) : Je ne suis pas en désaccord avec l'idée d'y aller
progressif, mais il faut aussi, je pense, être conscients qu'il faut avoir une ouverture puis mieux comprendre ce
qui se passe, ce qu'il en est du cannabis. Et, dans ce sens-là, d'interdire tout parce que, dans le fond, on est inquiets sans
grande connaissance... Et je dis ça en tout respect parce que c'est vrai
pour tout le monde aussi, là, incluant moi, là. Donc, c'est important de faire
la distinction.
Et
on vous appelle, dans ce sens-là, à être d'accord avec l'idée d'une chaire,
recommandation de comités d'experts, qui
va venir éclairer la chose. Parce que, présentement, ce n'est pas très, très
clair, et on se fonde purement sur la peur, d'une certaine façon. Et, si on veut éradiquer le marché noir, rien de
mieux que l'innovation. Rien de mieux que l'innovation parce qu'ils n'ont pas les moyens d'innover.
Aujourd'hui, c'est une industrie qui se crée de façon légale. Il va s'investir
beaucoup de sous. Mais la meilleure façon d'éradiquer le marché noir, c'est
l'innovation. Et il va falloir penser aussi distribution, éventuellement.
M.
Jolin-Barrette : Parfait. Sur le comité de vigilance, vous souhaitez
qu'il y ait des producteurs et des consommateurs qui y siègent?
M.
Timperio (Michel) : Oui, parce qu'on pense qu'on doit être appelés à
la réflexion. On va être des partenaires. On supporte le gouvernement dans son choix de distribution, évidemment,
par la voie de la SQC, et on pense qu'on peut apporter certains éclairages, certaines perspectives qui ne seraient
peut-être pas pensées par quelqu'un qui est purement scientifique. Donc, une combinaison de gens qui
sont intéressés, de l'industrie, des chaires de recherche, etc. En tout cas, on
voudrait bien participer à ça. On serait prêts à participer à cette initiative.
Le
Président (M. Merlini) : Mme Caroline Lavoie et M. Michel Timperio,
représentants Neptune Technologies et bioressources, merci de votre
présence en commission, merci de votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les
travaux quelques instants, et j'invite le Barreau du Québec à venir prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à
14 h 42)
(Reprise à 14 h 45)
Le
Président (M. Merlini) :
Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir maintenant
d'accueillir une délégation du Barreau du Québec, qui est habituée aux commissions
parlementaires. Alors, vous savez que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous invite à présenter
toutes les personnes qui vous accompagnent, et ensuite nous procéderons
aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole
est à vous.
Barreau
du Québec
M.
Grondin (Paul-Matthieu) :
Alors, Mme la ministre, M. le
Président, bonjour. Je m'appelle
Paul-Matthieu Grondin. Je suis
bâtonnier du Québec. Avant de vous présenter mes copanélistes,
j'aimerais vous parler de l'artisane principale du mémoire qui vous a été présenté, qui s'appelle
Ana Victoria Aguerre, qui est avocate au Barreau du Québec, qui ne
nous accompagne pas aujourd'hui pour un événement heureux, donc, elle vient tout juste de partir en
congé de maternité. Donc, je sais qu'elle nous écoute, alors, Ana,
j'espère que nous allons bien te défendre. Voilà.
Alors, je vous présente peut-être, de gauche à
droite, rapidement, donc, Ali Pacha, qui est chef de cabinet au Barreau du Québec; j'ai Charles Wagner, qui peut répondre à toutes vos questions en droit
du travail; à ma droite, j'ai Pascal
Levesque, qui est président de notre comité de droit pénal et criminel, donc,
de ce côté-là, il va pouvoir répondre à vos questions; ensuite, Luc Hervé Thibaudeau,
qui est, on dit, donc... le droit de la consommation, donc il n'est pas un
expert en consommation, mais bien en droit de la consommation. Donc, c'est important
de faire la distinction.
Alors, je
vous le dis, c'est avec beaucoup d'intérêt que le Barreau du Québec témoigne aujourd'hui devant vous relativement au projet de loi n° 157.
En tant
qu'ordre professionnel, le Barreau
du Québec a pour mission la
protection du public. La légalisation et l'encadrement du cannabis
comprennent différents enjeux de société, à la fois d'ordre juridique, de santé et de
sécurité publique qui interpellent le
Barreau dans l'exercice de cette mission. Ce faisant, nous vous remercions
d'avoir convié le Barreau à partager avec vous notre position sur la
question de la légalisation et de l'encadrement du cannabis au Québec.
S'il est incontestable, pour le gouvernement
fédéral, que la criminalisation du cannabis a failli à protéger la population, particulièrement les jeunes
consommateurs, un consensus se dégage au sein des experts, notamment dans le
domaine médical, voulant que les
conséquences à moyen et long terme découlant de la consommation de cannabis
restent encore à confirmer. Ce faisant, nous tenons à souligner
l'importance des mesures de sensibilisation, de prévention et d'éducation,
notamment en matière juridique.
Il y a un
besoin urgent et réel d'informer la population des impacts de la consommation,
de la production et de l'achat du
cannabis sur la santé, mais aussi sur les droits applicables. Nous invitons
donc le législateur à accompagner le
projet de loi d'une campagne d'éducation et de sensibilisation sur les
conséquences médicales et juridiques découlant de la consommation du
cannabis, et ce, en prévision de l'entrée en vigueur des projets de loi fédéral
et provincial.
Dans la
perspective de la légalisation du cannabis, il est important de déterminer un
âge minimal pour la vente, l'achat, la possession et la consommation de
cannabis. D'une part, la conciliation des prérogatives de santé publique milite pour un âge plus élevé. Le cerveau se
développant jusqu'à 25 ans, les conséquences de la consommation à un jeune
âge sur celui-ci peuvent être plus
importantes. D'autre part, les prérogatives de sécurité publique militent vers
un âge plus bas. Tout groupe de consommateurs, en deçà de l'âge légal,
continuera à se procurer du cannabis auprès du marché noir. Ce sont
également ces personnes qui subiront les conséquences négatives des
condamnations criminelles, lesquelles peuvent avoir des impacts majeurs sur la
vie personnelle et professionnelle, et ce, pendant de longues années.
Ce faisant,
nous accueillons favorablement la proposition faite dans le projet de loi,
quant à l'âge légal pour la consommation de cannabis, puisqu'elle semble
s'inspirer de l'âge légal fixé pour le tabac et l'alcool, des substances légales mais contrôlées et dont les effets sont
tout aussi nocifs, sinon plus, diraient certains experts, que ceux du cannabis.
Le projet de
loi prévoit une règle de tolérance zéro pour tout conducteur qui, suivant une
analyse effectuée au moyen de matériels de détection de drogues
approuvés, révèle quelques présences de cannabis ou d'autres drogues dans son organisme. Le Barreau du Québec prend acte de la
volonté de la ministre de mettre en veilleuse l'application de cette règle
d'ici à ce que la science et la technologie permettent de détecter la
consommation récente de cannabis.
Nous invitons
donc le législateur à revoir les articles modifiant le Code de la sécurité
routière en lien avec la règle de
tolérance zéro proposée par le projet de loi à la lumière de cet important
engagement. Plus particulièrement, nous invitons le législateur à conserver, dans le projet de loi, une règle de
tolérance zéro pour les jeunes conducteurs exclusivement, à l'instar de
ce qui est actuellement prévu pour l'alcool.
Par ailleurs,
nous suggérons une gradation des conséquences pénales découlant d'une
infraction afin d'éviter la suspension
automatique du permis pour une durée de 90 jours. Une telle suspension
automatique frapperait plus durement les jeunes en région, ceux-ci ne
pouvant, bien sûr, souvent pas bénéficier de services de transport en commun
comme alternative.
• (14 h 50) •
Cette mesure,
assortie d'une gradation, nous apparaît raisonnable compte tenu de l'expérience
des jeunes conducteurs, du manque de données objectives et stables sur la
corrélation entre la présence du THC dans la salive ou le sang et
l'affaiblissement de la capacité de conduire eu égard à des prérogatives de
dissuasion de la consommation.
Des normes
strictes sont essentielles à l'atteinte des objectifs d'information, de
prévention et de dissuasion qui doivent chapeauter l'encadrement du cannabis au
Québec dans son ensemble et plus particulièrement pour les jeunes. Ce faisant,
nous accueillons favorablement le régime proposé par le projet de loi en ce qui
concerne l'affichage dans les points de vente et la publicité.
En ce qui
concerne le régime applicable à l'emballage, nous croyons que le législateur
doit aller plus loin et imposer que
la vente de cannabis se fasse uniquement dans un emballage neutre, à l'instar
de l'approche australienne en la matière. Par ailleurs, nous constatons que les normes additionnelles relatives
aux contenants, emballages et présentation du cannabis pourront être édictées ultérieurement par
règlement. Nous invitons le législateur à déterminer rapidement des normes plus
strictes en matière d'emballage.
Actuellement,
le projet de loi prévoit l'interdiction de fumer dans plusieurs lieux publics,
mais également en milieu de travail.
Toutefois, cette disposition se trouve actuellement dans la section intitulée
«Lieux fermés». Elle pourrait être interprétée
comme une interdiction s'appliquant exclusivement dans des milieux de travail
fermés et, de ce fait, avoir une portée trop restrictive. À notre avis, cette
disposition devrait être modifiée pour qu'on y trouve une mention spécifique
à la Loi sur la santé et la sécurité au
travail, laquelle prévoit une définition de «lieu de travail» plus large,
comprenant «un endroit où, par le fait ou à l'occasion de son travail,
une personne doit être présente, y compris un établissement et un chantier de construction».
En ce sens, nous suggérons au législateur de s'inspirer de ce qui a été proposé
en Ontario, dans la loi de 2017 sur le cannabis, plus particulièrement à
l'article 11 de la loi.
Le
Barreau du Québec accueille favorablement la création d'un monopole d'État pour
la vente et la distribution du
cannabis au Québec, soit la Société québécoise du cannabis, filiale de la
Société des alcools du Québec. En effet, un monopole d'État faciliterait les contrôles de qualité des produits avant
leur mise en marché. Ces contrôles sont d'autant plus nécessaires que la concurrence dans la production du cannabis et
des produits à base de cannabis peut affecter la qualité des produits. Nous constatons toutefois que le
projet de loi prévoit la possibilité, pour le gouvernement, de permettre, par
règlement, des cas où un producteur de
cannabis pourrait vendre son produit à une autre personne que la société, à
certaines conditions. Nous nous
interrogeons quant aux objectifs poursuivis par cette disposition et quant aux
situations visées par cet article.
Nous ne pouvons que souhaiter que de telles activités commerciales soient tout
au moins aussi sévèrement encadrées, sinon plus, que les activités de
vente qui seront menées par la société.
Nous
accueillons favorablement la disposition, dans le projet de loi, prévoyant le
dépôt par la ministre de la Santé et
des Services sociaux d'un rapport au gouvernement sur la mise en oeuvre de la
loi trois ans après son entrée en vigueur et, par la suite, tous les cinq ans. Dans la même veine, le Barreau propose
également une étude d'impact de la mise en oeuvre de la loi provinciale sur la santé publique,
notamment pour les populations vulnérables. Plus particulièrement, nous
suggérons d'examiner l'effet des
mesures relatives à la santé prévues et d'évaluer régulièrement leur
efficacité, non seulement en termes de réduction du fardeau pour la
santé, mais aussi de la réduction des inégalités de santé.
Le
projet de loi prévoit que le gouvernement peut adopter des règlements dans
l'année suivant l'entrée en vigueur de
la Loi encadrant le cannabis. En outre, le projet de loi prévoit que ces
règlements ne sont pas soumis aux obligations de publication usuelles et
peuvent s'appliquer de manière rétroactive. Plus particulièrement, le projet de
loi prévoit que ces règlements peuvent
porter sur toute mesure nécessaire à l'application des dispositions de la loi
ou à la réalisation efficace de son objet.
L'objet
de la loi est large, ce qui laisse entendre que l'habilitation réglementaire du
gouvernement peut porter sur plusieurs éléments compris dans le projet de loi.
De façon générale, la rétroactivité porte atteinte à la sécurité juridique et
à la prévisibilité de la règle de droit. Les
citoyens doivent pouvoir connaître à l'avance les règles juridiques qui
s'appliquent à eux et adapter leurs
comportements en conséquence, surtout dans un contexte où les règles proposées
ne sont pas rendues publiques avant leur entrée en vigueur.
Mesdames
et messieurs, nous sommes maintenant disponibles pour vos questions. Mes propos
réitèrent un peu ce que vous aviez probablement lu dans le mémoire...
(panne de son) ...questions. Merci beaucoup, M. le Président.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le bâtonnier, pour la
présentation de votre mémoire... représentant le Barreau, évidemment. Mme la ministre, députée de Soulanges, vous
disposez de 15 minutes pour votre bloc d'échange, à vous la parole.
Mme
Charlebois : Alors, je m'adresse à plusieurs maîtres,
Bachand, Wagner, Thibaudeau, Levesque et Grondin. Je me trompe? Tout va bien? Et je salue celle qui
a rédigé le mémoire, si j'ai bien compris, c'était la seule et unique femme
au Barreau?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Ce n'est pas la seule...
Mme
Charlebois :
Je ne vois que des gars, là.
M.
Grondin (Paul-Matthieu) :
Bien oui, bien, vous avez raison. C'est pour ça qu'on aurait aimé avoir Ana
avec nous. C'est une coïncidence malheureuse. Nous sommes tous contents d'être
là, mais c'est vraiment Ana qui a travaillé très, très fort sur le
mémoire. Voilà
Mme
Charlebois : Je
vous taquine, je vous taquine. Je suis un peu féministe, ça fait que, de temps
en temps, je le fais sortir, ça me
fait du bien. Puis il faut s'amuser un peu, hein? La dernière journée de consultations, on a le droit d'avoir un petit peu de... bon.
M.
Grondin (Paul-Matthieu) : O.K.
Puis vous me permettez d'en profiter, dire que, tout récemment, au Barreau,
en 2014, notre membership est devenu féminin, donc, à majorité.
Mme
Charlebois :
Ah!
M.
Grondin (Paul-Matthieu) :
Donc, c'est arrivé en 2014, et la tendance n'est pas près de se renverser,
voilà.
Mme
Charlebois :
O.K.
Une voix :
...
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme
Charlebois : O.K. Non, c'est un concours de circonstances. C'est
parce que la dame qui devait être là est partie en congé de maternité.
J'ai pris connaissance de votre mémoire et j'ai quelques questions. Je ne vous cacherai
pas que, n'étant pas avocate de
formation, je vais vous soumettre des choses, et peut-être que l'interprétation
du projet de loi, vous l'avez vue d'un angle juriste... Et je vais aussi m'inspirer des
informations des juristes ou, en tout
cas, on va prendre en note ce que
vous avez soulevé.
Vous
avez vu, précédemment, le groupe qui était devant vous, pour les huiles,
il a suscité comme des questionnements dans mon esprit. Parce qu'il
venait me dire : Il va falloir distinguer l'huile des produits fumés.
Bien, ça m'a tellement interpellée
que, là, je me suis dit : Bien, c'est ça, on a pensé au fumer, à ceux qui
fument le cannabis, mais qu'avons-nous
fait de ceux qui vont consommer les huiles? Ça fait que là il va falloir
réfléchir là-dessus. Parce que c'est écrit :
«Interdit de fumer du cannabis dans les services de garde à domicile.» On n'a
pas parlé du tout, du tout, du tout de ce
qui concerne les huiles. Ça fait que ça, c'est un amendement qui viendra
sûrement. Et je remercie le monsieur, mais... C'est ce que je disais aux journalistes, ce matin : Jusqu'à
6 heures ce soir, on va apprendre des choses, puis on va pouvoir
bonifier le projet de loi.
Vous nous suggérez
une révision aux cinq ans qui va tenir compte de l'état de la recherche, de
l'expérience canadienne et québécoise
suivant la législation du cannabis. Que pensez-vous du fait que, la première
fois, on revoit la législation, la
première fois de tout, trois ans, tout de suite après l'implantation? Parce que
moi, je pense que le phénomène va
aller rapidement. Tu sais, le cannabis, on le connaît. Mais la légalisation est
tout un autre phénomène. Et là on fait, pour bien faire, l'ensemble des
parlementaires, mais moi, je suis consciente que rapidement il va falloir
revoir certains pans de la loi. Que pensez-vous du premier trois ans,
pour ensuite s'étaler à tous les cinq ans?
M.
Grondin (Paul-Matthieu) :
...on était satisfaits du processus de révision de la loi en général. Ça, c'est très
clair. Je peux peut-être... sur votre intervention
précédente, par contre, vous me permettez peut-être de réagir. Parce qu'on
porte à mon attention
l'article 18 du projet, donc... voilà : «Le gouvernement peut, par
règlement, rendre applicable tout ou partie des dispositions du présent chapitre à d'autres formes d'usage du
cannabis ou prévoir toute autre norme applicable à ces formes d'usage.»
Donc, vous avez peut-être là un début de réponse...
Mme
Charlebois :
Par règlement. Oui.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Vous avez peut-être un début de réponse dans votre
projet.
Mme
Charlebois : Oui,
mais c'était pour peut-être plus les
produits dérivés, les produits qu'on accepte, vous avez vu, le cannabis frais, le cannabis séché, les
huiles, tout ça. Mais on va revoir, parce que vous avez raison, et peut-être
que ça va dans l'article dont vous me
faites mention. Mais on va quand même examiner ça de près parce qu'on veut
s'assurer de ne pas échapper rien.
Et
puis vous soulevez le libellé sur l'interdiction de fumer dans un milieu de
travail — puis je
reviens encore avec mon histoire
d'huile, là — qui
devrait être modifié pour qu'on y retrouve une mention spécifique à la Loi sur
la santé et sécurité de travail,
laquelle prévoit une définition du lieu de travail plus large. Est-ce que vous
parliez des milieux fermés puis des milieux ouverts?
M.
Grondin (Paul-Matthieu) :
Oui. Je vais peut-être passer la parole à mon... Je connais la réponse,
mais je vais passer la parole à mon copanéliste, Charles Wagner.
M.
Wagner (Charles) : En fait, absolument,
on prévoit ici dans les milieux de travail ouverts et fermés, ce qui
vient inclure notamment les milieux de construction, où ce n'est pas nécessairement
fermé, là, en l'espèce.
Mme
Charlebois : ...il y a quelque chose à faire là. Je l'ai pris en note, et on avait déjà une
réflexion là-dessus, mais là
vous venez confirmer notre réflexion.
Vous
me parliez de vente par personne autre, aussi de distribution. Je n'ai pas très
bien compris, là, de quoi vous parliez
parce que ça allait vite, puis, en même temps, je vérifiais d'autres affaires. La vente par une personne
autre que la société du cannabis,
vous avez dit, la distribution, je n'ai pas saisi, là, où vous vouliez aller.
C'est vers la fin de votre mémoire.
Une voix :
...
Mme
Charlebois : Bien, moi, je suis dans le résumé, je vous
dirais. «Il questionne la possibilité pour le gouvernement de permettre par règlement des cas où un producteur de
cannabis pourrait vendre son produit à une autre personne que la société
sous certaines conditions.» Vous avez vu ça dans le projet de loi?
• (15 heures) •
M.
Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, ce serait l'article 22 de la Loi
encadrant le cannabis, qui est proposé par l'article 12 du projet
de loi. Puis là je vais juste y aller rapidement.
Mme
Charlebois :
Ça va être intéressant, l'article par article, hein? Je vais y arriver.
M.
Thibaudeau (Luc Hervé) :
Tout dépend, Mme la ministre, du réseau de distribution que vous avez en tête.
En ce moment, vous avez décidé de limiter la distribution au détail à la Société québécoise du cannabis. Je pense que le projet de loi vous permet
d'étendre cette distribution-là à d'autres personnes. Comme le bâtonnier vous
l'a dit, nous, on applaudit effectivement que ça soit limité, pour la
vente au détail, aux sociétés d'État.
Maintenant, quand vous parlez
de révision de la loi sur un plan quinquennal, je pense que c'est quelque chose que vous allez pouvoir remarquer assez rapidement, au niveau de la
distribution, qu'est-ce qui fonctionne bien et qu'est-ce qui fonctionne mal. Et dans ce contexte-là, effectivement, je crois que le législateur aurait intérêt à étudier assez rapidement la question du réseau de
distribution. C'est sûr qu'on n'est pas en matière de distribution de lait ou
de distribution de produits agricoles, où il
y a des plans conjoints, mais il pourrait facilement y avoir matière à
en créer dans un futur assez rapproché.
On ne sait pas quels effets va avoir la légalisation de la distribution du cannabis,
et je pense que cette disposition-là
vous donne quand même une certaine latitude pour pouvoir réagir plus rapidement
que dans un délai de cinq ans.
M.
Grondin (Paul-Matthieu) : Et
je vous lis peut-être la disposition qui vous donne... donc, c'est vraiment
l'article proposé, qui est 20. Donc, je vous le lis très rapidement :
«Sauf s'il l'expédie à l'extérieur du Québec, un producteur de cannabis ne peut vendre
du cannabis qu'à la Société québécoise du cannabis.»
C'est
ensuite où il y aurait cette disposition-là qui vous donnerait une discrétion
réglementaire un peu plus large : «Toutefois,
le gouvernement peut, par règlement, prévoir les autres cas où un
producteur de cannabis peut vendre ce produit à une autre personne que la société ainsi que les conditions qui
s'appliquent à cette vente. Un tel règlement peut également prévoir
les conditions applicables au transport et à l'entreposage de tout cannabis
vendu par un producteur à une personne autre que la société.»
Donc, voilà, ça donne
une ouverture réglementaire large, et c'est ce qu'on dit dans notre mémoire.
Mme
Charlebois : Oui.
Je vois deux choses, là, puis je vais parler avec mes juristes. Ça me suscite
un questionnement, honnêtement, là,
je vous le dis franchement, mais je vais certainement parler avec mon
monde pour qu'on m'explique ça plus clairement,
parce que je le vois comme... Il y a deux choses. Il y a peut-être
les pousses qui pourront être transportées ou, en tout cas, des plants qui pourraient être transportés pour faire
de l'extraction pour l'huile. C'est là où je vois ça, là, et/ou peut-être qu'il y avait une réflexion autour des projets
pilotes, là, mais je vais certainement demander des clarifications parce que
ça m'apparaît... Ça ne m'est plus clair, là, dans ma tête, là, honnêtement,
puis si ce n'est pas clair pour moi, je ne pense pas que ça va être clair pour les autres non plus, là. Ça fait
qu'on va clarifier ça avant de passer à l'article par article. Il y a
des choses à l'article 20. Je le prends en note.
Dites-moi,
quand vous parlez de... pas de paquet neutre, là, parce que le paquet neutre,
c'est consacré au tabac, mais quand vous parlez d'étiquetage et tout, ce qu'on
souhaite faire, en fait... parce
qu'il y a des gens qui ont peur, quand
on parle, dans le texte de loi, on parle de publicité relative à de
l'information. Peut-être, le mot «publicité», on pourrait le transformer en d'autre chose, là, parce qu'il y
en a qui voient tout de suite publicité. Ce qu'on souhaite faire, en fait,
c'est, sur les produits, mettre un
descriptif, dans ce produit-là, il y a tel pourcentage de THC puis il y a tel
pourcentage de cannabinoïde ou il y a
telle autre affaire. Moi, je ne m'y connais pas dans tous les ingrédients que
contiennent les produits du cannabis, mais c'est plus dans ce sens-là
qu'on voit ça.
Est-ce que ça vous
satisfait, ça, cette description-là? Parce que ce qu'on n'envisage pas, c'est
de faire de la publicité, c'est d'augmenter les ventes, c'est de faire en sorte
que le marché prenne de l'expansion, contrairement au monsieur qui vous a précédés, là. Je comprenais qu'il y avait un
engouement pour l'huile, mais nous, ce qu'on souhaite faire, c'est vraiment ramener les gens du marché
illicite vers le marché licite. Est-ce que vous seriez en accord avec ce
genre de descriptif là sur les types de cannabis?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Je vais peut-être céder la parole à notre expert en
droit de la consommation.
M.
Thibaudeau (Luc Hervé) : À vrai dire, Mme la ministre, en matière de protection
des droits des consommateurs, c'est
le principe de base, c'est l'information. L'information au consommateur, ça lui
sert non seulement de savoir qu'est-ce qu'il
achète, mais, dans le cas comme le cannabis, ça lui sert aussi de savoir si le
produit qu'il achète est légal ou non, hein,
où est-ce qu'il peut le fumer, où est-ce qu'il peut le consommer. Tout à
l'heure, je pense que la question avait été soulevée, comment qu'on va faire pour différencier les produits de
cannabis qui peuvent être fumés et ceux qui ne peuvent pas être fumés en
public ou dans certains lieux qui sont mentionnés par la loi? Ça, c'est dans un
premier temps.
Dans
un deuxième temps, au niveau de la santé des consommateurs, c'est également
très important d'avoir des avis, et
c'est mon opinion, et c'est aussi l'opinion de mon ordre professionnel, et je
suis content qu'il l'ait endossée, des avis
très sérieux quant aux risques. On a beau dire, effectivement, qu'on ne connaît
pas encore tous les effets du cannabis, mais je pense que c'est le gros bon sens de dire que ce n'est pas la
meilleure chose qui va vous permettre de vivre jusqu'à 200 ans. Et ça, je crois
que ça devrait être clairement mentionné sur les paquets de cigarettes...
pardon, sur les paquets ou sur les emballages de cannabis.
Et,
dans un troisième temps, effectivement, qu'est-ce qu'il y a dans ce produit-là
pour ceux, effectivement, qui sont, si
vous permettez l'expression, un peu plus connaisseurs en la matière, d'où ça
vient, quelles variétés que c'est, quel est le contenu, effectivement, comme on voit sur les paquets de cigarettes,
quel est le contenu en goudron, quel est le contenu en nicotine. Et là je parle de cigarettes, bien
entendu. Il doit sans doute y avoir... Et je pense que les experts qui étaient
là avant nous avaient pas mal plus de
détails sur les substances qui peuvent être contenues dans les produits de
cannabis.
Et
quatrièmement, justement, au niveau préventif... et encore une fois, le droit
de la protection du consommateur, c'est
un droit préventif qui avertit le consommateur, effectivement, des résultats
qui peuvent s'ensuivre. Et là je pense aux photos sur les paquets de
cigarettes.
Mme
Charlebois :
Vous émettez des réserves par rapport au règlement qu'on pourra édicter à la
suite du projet de loi puis vous nous parlez de rétroactivité.
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, parce que la raison pour laquelle on parle de ces
règlements-là, c'est, premièrement, de pouvoir réagir rapidement, parce que ce
n'est pas parce qu'on va la réviser
dans trois ans qu'il n'y aura pas, dans un an, quelque chose qu'il va falloir
tout de suite s'ajuster. Puis on se
garde un pouvoir réglementaire dans certaines avenues pour pouvoir réagir
rapidement. Mais vous, vous l'avez vu de quel angle pour pouvoir me
dire : Attention, là! il y a quelque chose là?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Oui. Alors, c'est une très bonne question parce que
c'est une question qui est plutôt technique. Donc, le Barreau se soucie
beaucoup de la prévisibilité du droit en général. C'est un principe que le
Barreau... parce que c'est rare que vous allez entendre un soulèvement
populaire contre la rétroactivité des lois, hein? Il n'y aura pas de
manifestation dans les rues, bientôt, pour ça. Mais le Barreau est un peu le
chien de garde de cette non-rétroactivité
des lois et de la publicité des règlements aussi, là, hein? C'est les deux
choses qu'on dit à ce niveau-là. Donc, on le dit dans beaucoup de
projets de loi. Ça, il faut le savoir, là, ce n'est pas spécifique à ce projet
de loi ci.
Mais ce qui
est bon pour le citoyen, c'est que le droit soit prévisible, et donc il y a des
principes généraux en droit contre la
rétroactivité des lois. Ici, ce serait théoriquement permis qu'un règlement
soit rétroactif et/ou non publié selon les
standards usuels. Donc, il y a cette petite partie là. C'est un dada du Barreau
de venir le répéter souvent quand on fait nos présentations, donc on le
répète ici encore une fois.
Mme
Charlebois : O.K.
Ça fait que ce n'est pas typique à ce projet de loi là.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Ce n'est pas typique à ce projet de loi là, mais
c'est un principe qui est quand même souvent oublié, mais important,
puis on pense que c'est notre rôle de le répéter souvent.
Mme
Charlebois : Vous
nous parlez aussi...
Le Président (M. Merlini) : ...Mme
la ministre.
Mme
Charlebois : Ah
non! tolérance zéro.
Le
Président (M. Merlini) : Bien oui. Bien oui, malheureusement, votre
temps est écoulé avec ce bloc d'échange. M. le député de Labelle, vous
avez un bloc d'échange de neuf minutes. À vous la parole.
M. Pagé :
Étant donné qu'on collabore tellement bien, Mme la ministre, c'était quoi, la
question que vous vouliez poser?
Mme
Charlebois :
C'est sur la tolérance zéro, parce qu'il nous dit... Ah! bien merci, vous êtes
donc bien gentil. Vous nous parlez de
la tolérance zéro puis des articles qui suivent ça puis vous dites : Vous
devriez... Mais, en fait, vu qu'on ne
peut pas appliquer la tolérance zéro tout de suite parce qu'on n'a pas les
appareils, ils vont demeurer en suspens. C'est juste ça que je voulais dire, mais je comprenais que vous trouviez
nos mesures très sévères à l'endroit des jeunes.
M.
Thibaudeau (Luc Hervé) : Oui. Bien, je peux peut-être me permettre d'y
aller juste sur cette partie-là pour les...
Mme
Charlebois : Mais
je ne veux pas empiéter sur le temps de mon collègue, là.
M.
Thibaudeau (Luc Hervé) :
Dans le fond, j'imagine, c'est votre choix, à savoir si je réponds ou pas.
C'est ça?
M. Pagé :
Vous pouvez répondre. On collabore très bien puis on a tous le même intérêt
ici, dans la salle. Alors, allez-y.
M.
Thibaudeau (Luc Hervé) : Oui. Donc, très rapidement, donc, on trouvait
que la mesure, là, des 90 jours pour les jeunes, il pourrait y
avoir une gradation à la place de cette sanction-là immédiate. On ne propose
pas de gradation particulière. Puis on
s'inquiétait surtout des jeunes en région qui perdaient leur permis versus les
jeunes en ville puis les facilités de transport. Donc, voilà.
• (15 h 10) •
M. Pagé :
Et d'ailleurs je vais... Il me fait plaisir... De toute façon, c'est un peu sur
le même sujet, parce que ma première
question, c'était justement la façon dont vous introduisez... Oh! il n'y a pas
de page? Ça doit être la page 3. Le premier
picot : «Le Barreau suggère l'application de la règle tolérance zéro pour
les jeunes conducteurs exclusivement.» Alors là, j'ai comme... O.K., les
jeunes conducteurs exclusivement.
Donc, vous
seriez pour, j'imagine, avec la lecture de ce que j'entends, un peu comme la tolérance zéro présentement au niveau de l'alcool pour les
jeunes. Je pense, jusqu'à 21 ans, c'est tolérance zéro. Par la suite, ils
tombent dans la catégorie du 0,08, là, si je ne me trompe pas. Alors, est-ce que
c'est un peu ce dont vous souhaitez, tolérance zéro 18-21, 18-25, 18...
Vous le voyez comment, jusqu'à quel âge, d'une part? Et, ensuite, est-ce que
vous vous prononcez sur le 0,2 nanogramme,
0,4? Je pense que la loi fédérale permet d'aller jusqu'à 0,5, quelque chose comme ça, là, je ne me... Alors, vous voyez ça comment?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Alors, je
vais céder la parole à notre président de comité du droit criminel et pénal.
M. Levesque (Pascal) : Effectivement, ça serait de s'harmoniser avec le régime de
l'alcool. Arrivé à un certain âge,
21, on vient qu'à tomber dans le régime général du Code criminel, essentiellement. Et là c'est les facultés
affaiblies, c'est la... bon, il va y
avoir l'équivalent de l'éthylomètre pour le cannabis. On n'en est pas rendu là
au niveau de la science, vous l'avez
mentionné, puis les policiers, il faut qu'ils soient formés puis tout ça. Mais,
éventuellement, c'est ça que ça va être.
M.
Pagé : Oui. Bien, vous comprenez la complexité de détecter...
ce n'est pas tellement la présence du THC dans le corps, c'est la capacité de conduire. C'est là où est le problème,
parce que la science présentement peut détecter, mais on peut détecter quelqu'un qui a consommé il y a
une semaine, deux semaines, on dit même jusqu'à trois ou quatre semaines.
Alors, vous comprenez... je ne sais pas si
certains d'entre vous avez déjà consommé. Normalement, le lendemain, tu es
supposé être en bonne condition et apte à
conduire. Donc, c'est la capacité de conduire et c'est la raison pour laquelle,
nous, on aurait préféré que le fédéral... la
deuxième opposition l'a demandé, nous aussi, qu'on retarde l'adoption de cette
loi au fédéral pour nous permettre d'avoir
tous les outils. Parce que là on écrit des lois et ce qu'on comprend, c'est
qu'on ne pourra pas les faire
appliquer, cette fameuse tolérance zéro, à l'égard de la capacité de conduire.
Alors, c'est effectivement très problématique.
Pour
rester un peu sur le sujet du 18 ans, nous accueillons favorablement la
position faite dans le projet de loi quant à l'âge légal de la consommation de cannabis. À la page suivante, vous
dites : «De plus, un âge minimal supérieur à 18 ans serait susceptible d'être contesté sur la base
d'une discrimination fondée sur l'âge en vertu de la Charte canadienne des
droits et libertés et la Charte des droits
et libertés de la personne.» C'est la première fois que je l'entends, ce
volet-là. On nous disait jusqu'à tout
récemment qu'un peu partout dans le monde et toutes les provinces avaient
justement légiféré ou proposaient de
légiférer au même niveau que la consommation de l'alcool, soit 18 ou 19. Il y
aurait un cas, là, il y a une province où c'est 18 au niveau de l'alcool
et 19 au niveau du cannabis.
J'aimerais
ça vous entendre là-dessus, parce que c'est la première fois en tout cas, moi,
que je l'entends, cet argument en lien avec la Charte des droits et
libertés, et là ça m'interpelle aussi, là. Parce qu'on ne souhaiterait pas
légiférer et finalement se faire dire quelques mois plus tard : Non, vous
ne pouvez pas, là.
M.
Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Je peux peut-être me permettre une
réponse. Dans ce cas-ci, nous, on voulait être certains que ce ne soit pas un âge beaucoup plus élevé. Donc là,
pour l'instant, à 18, 19 ans, tout ça, ça semble être dans les eaux de ce qui serait considéré légal par
les tribunaux. C'est sûr que, si on y allait beaucoup plus haut, là, on aurait
un problème. Donc, j'imagine que vous êtes dans la bonne direction à ce
stade-ci, là.
M.
Pagé : Alors, dans l'hypothèse où on aurait un âge différencié,
18 alcool et 19 cannabis, selon vous, ça pourrait passer la rampe.
M.
Grondin (Paul-Matthieu) : Le problème, ce n'est pas la différence
entre les deux. Le problème, c'est chacun pris séparément, mais dans ces
eaux-là, comment dire, on nous forme toujours, hein, en tant qu'avocat, à ne
pas vous parler en certitudes, mais on devrait être corrects.
M.
Pagé : C'est bon. À la page 4, 6... à la page 6, quand vous
nous dites, à l'avant-dernier paragraphe : «Nous constatons toutefois que le projet de loi prévoit
la possibilité pour le gouvernement de permettre par règlement des cas où
les producteurs de cannabis pourraient
vendre son produit à une autre personne», alors là, j'imagine, vous faites
référence à l'article 55 qui permet des projets pilotes.
Est-ce
que c'est bien à l'article 55 dont vous faites référence? Parce que l'article
55, comme vous le savez, permet des
projets pilotes, et, compte tenu que c'est assez ouvert, ce n'est pas tout à
fait clair, jusqu'à maintenant, est-ce que ces projets pilotes là... parce que là, selon les derniers propos, ce que
l'on a entendu hier, ça peut être pour de la recherche. Parfait. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus.
Mais compte tenu que vous vous prononcez en faveur d'un monopole d'État, est-ce que... ce qu'on écrit à la loi, à l'article 55, qui pourrait, je pense,
en tout cas, ma compréhension, permettre aussi des
projets de vente au détail au privé, vous en pensez quoi?
M.
Grondin (Paul-Matthieu) :
Donc, très rapidement, l'article auquel on fait référence, là, dans la note de bas
de page du mémoire,
très techniquement, c'est l'article que j'ai lu tantôt à
votre collègue la ministre, donc c'est l'article proposé, qui est 20, où il pourrait... en tout cas, nous, on pense qu'il pourrait être interprété de façon large et
permettre ce type de choses, bien sûr,
à charge d'explication, là, si vous
voulez, mais la position du Barreau du Québec, c'est que le monopole d'État est une bonne chose. Mais les lois sont là pour
être essayées, pour être refaites, donc c'est une opinion que nous
avons, et, dans ce cas-ci, le projet de loi semble permettre d'autres choses.
Je
veux faire attention aux opinions qui sont sans nuance. Donc, oui, c'est notre
proposition. Nous ne sommes pas le
législateur, nous sommes là pour pointer des articles, dans le projet de loi,
pour vous dire : Voici ce que ça pourrait peut-être permettre.
Maintenant, le remède, bien sûr, il vous appartient.
M. Pagé :
Je comprends. Je comprends très bien. Vous avez vu comme moi sûrement, il y a
quelques jours, il y a deux, trois jours ou
en fin de semaine, je pense, il y avait un article où on se demandait ce que le
fédéral allait faire par rapport aux gens qui ont déjà été reconnus
coupables de possession. Vous en pensez quoi? Je sais que ça se passe plus au fédéral, mais on est quand même curieux de
se faire une tête comment on devrait gérer cela. Parce qu'on nous interpelle beaucoup, et honnêtement c'est un peu
difficile de se faire une tête, que je suis illégal dans une loi mais une
loi qui va changer quelques mois plus tard
pour les gens qui ont déjà des casiers et tout ce que ça peut vouloir dire
comme conséquences. Est-ce que vous
en avez discuté? Sûrement. Et est-ce qu'on peut connaître un peu le fruit de
votre réflexion?
Le Président (M.
Merlini) : En 30 secondes, s'il vous plaît.
M. Pagé : Pas déjà?
Le Président (M. Merlini) : Bien
oui.
M.
Levesque (Pascal) : On va attendre de voir. Je n'ai pas vraiment... On
n'a pas vraiment d'opinion sur... voir ce
que le fédéral va faire. Ça va être un peu à lui, comme c'est sa compétence, de
déterminer qu'est-ce qu'il va faire en matière de pardon et de
suspension du casier judiciaire.
Cela étant
dit, le Québec a compétence en matière d'administration de la justice. Le
ministère de la Justice peut peut-être faire quelque chose au niveau de
ses directives sur le traitement de ces dossiers-là. Il peut peut-être essayer d'atténuer la présence des dossiers. Par exemple,
je donne juste un exemple comme ça, dire à ses procureurs : Écoutez,
si la personne a des antécédents en matière de possession simple, on n'en fera
pas état devant la cour. Je lance ça, mais évidemment,
la compétence en matière d'administration de la justice, en matière pénale et
criminelle pour la province est un petit peu limitée. Elle ne peut pas
faire non plus n'importe quoi.
Mais, pour le fédéral, on va attendre. On ose
espérer qu'ils vont y penser puis qu'ils vont avoir un système de réglementation pour permettre aux gens, un peu
comme on a fait et comme ils ont fait dernièrement en matière de... bien,
pas qu'ils ont fait, mais qu'ils ont proposé
concernant les crimes supposément pour l'orientation sexuelle. Alors là, il y a
une espèce d'amnistie générale avec un processus. On peut penser qu'ils vont
peut-être travailler là-dessus.
Le Président (M. Merlini) : Merci,
Me Lévesque. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons vers le deuxième groupe
d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez un bloc de six minutes.
À vous la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour à vous tous. Merci d'être présents aujourd'hui en
commission parlementaire.
J'aimerais
juste qu'on revienne sur l'échange que vous avez eu avec le député de Labelle
sur la question de l'âge. Donc, si
jamais le législateur québécois décidait de fixer à 21 ans, très
certainement la mesure pourrait être sauvegardée. Et c'est possible, en
vertu de la charte québécoise, de fixer un âge différent que celui de l'âge de
18 ans.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Donc, c'est possible de faire ce que vous voulez
faire. Nous, la réserve qu'on émet,
c'est qu'à chaque fois qu'on augmente l'âge il y a un risque de débat
judiciaire qui s'accroît. C'est la réponse la plus poussée que je peux
vous donner dans ce cas-ci.
M.
Jolin-Barrette : Au même
titre que l'âge légal pour voter au Canada, c'est 18 ans et que, dans la
majorité des provinces canadiennes, l'âge pour consommer l'alcool, c'est
19 ans.
M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc,
ça, c'est un fait.
M.
Jolin-Barrette : C'est un
fait. Donc, moi, je pourrais attaquer la disposition aussi dans une autre
province canadienne, fondée sur la charte, si j'avais du temps.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Donc, ça, ça relève peut-être de l'avis juridique,
mais je comprends que c'est un commentaire que vous émettez.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Alors, je voulais vous entendre sur les mineurs. Dans le fond, le régime actuellement prévoit que... Puis vous avez fait
des représentations au fédéral pour ne pas criminaliser les jeunes et pour faire en sorte que ça serait peut-être un constat
d'infraction qui serait donné à un mineur qui se retrouverait en possession de
cannabis.
Ce matin, on
a eu des gens qui sont venus nous dire : Bien, vous devriez peut-être
avoir un traitement non judiciarisé et
orienter les jeunes vers une ressource d'accompagnement plutôt que de donner un
constat d'infraction. Qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité-là?
M. Levesque
(Pascal) : Oui, effectivement, déjà de passer, on est... Quand on a vu
le fait de décriminaliser et de seulement pénaliser, c'était déjà bien.
Et, oui, effectivement, si on avait la possibilité pour les gens, les
intervenants qui traitent avec les jeunes
d'aller vers une non-judiciarisation, ça donnerait une panoplie aux jeunes. Je
pense puis j'ai une idée en tête, le
policier communautaire qui connaît son jeune se dit : Bon, là, je vais lui
donner un avertissement ou je vais faire une autre mesure avant de
passer directement à l'amende. Effectivement, ça peut être plus approprié.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je veux qu'on parle de la question de la
production à domicile. La position de notre formation politique, c'est d'interdire la production à domicile à des
fins non médicinales. La position du gouvernement également, ça a été d'interdire, dans le fond, la
production à domicile. Dans l'espace public, on entend beaucoup des gens
qui disent : Bien, écoutez, le fédéral
permet quatre plants, puis le provincial proscrit, interdit le fait d'avoir
quatre plants à la maison.
Est-ce
que vous pensez que le fait d'adopter une telle disposition dans la législation
québécoise, ça respecte les compétences du Québec?
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Donc, très honnêtement, nous avons eu cette
discussion à l'interne. On savait que
la question s'en venait un petit peu. La réponse est peut-être peu
satisfaisante. Nous ne le savons pas. On pense qu'il pourrait y avoir un débat judiciaire. La réponse
n'est pas... Ce n'est pas du blanc ou noir. On a eu beaucoup de discussions
à l'interne. On a essayé d'arriver ici avec une réponse claire pour vous
éclairer, mais la réalité, c'est que nos opinions divergeaient. Dans plusieurs moments donnés, nos opinions concordent,
mais ici il y a plusieurs principes en jeu. Puis ce serait une cause qui serait intéressante à voir débattue et décidée,
mais nous n'avons pas cette réponse et nous n'avons pas assez confiance
à notre opinion pour vous en livrer une qui soit plus claire que celle que je
vous donne là.
M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends que ça se plaide des deux
bords, mais très certainement, si jamais on adoptait la disposition telle qu'elle est présentement, ce que nous
souhaitons de notre côté, c'est que, si jamais la disposition était
contestée, le Procureur général aurait des arguments en faveur de la validité
de la disposition qui serait adoptée.
M. Grondin
(Paul-Matthieu) : Bien, ça, ça m'apparaît... Je pense que je peux
répondre oui à cette question-là. Mais est-ce qu'il y aurait un débat
judiciaire par la suite? Probablement puis...
M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai quelques questions en matière de droit
du travail pour les employeurs. Les chambres de commerce sont venues nous présenter la position des employeurs en
matière de droit du travail. Ils disaient : Écoutez, nous, ce qu'on
vous demande de modifier dans la loi, c'est d'imposer une infraction pénale,
qui serait imposée par la CNESST, pour des
employés qui viendraient au travail sous l'influence du cannabis. On
souhaiterait également que ces gens-là qui seraient pris à avoir un
accident de travail sous l'influence, bien, ils ne puissent plus être
assujettis à une indemnisation en vertu de
la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Et on
voudrait que l'employeur ait la possibilité
de poursuivre au civil son employé qui consommerait. Qu'est-ce que vous pensez
de cette possibilité-là sur les droits des travailleurs versus les
droits des employeurs?
Le Président (M. Merlini) : En une
minute, s'il vous plaît.
M. Wagner
(Charles) : En fait, ce qu'il faut voir, c'est que chaque partie a ses
obligations propres à la santé et sécurité. Maintenant, on ne formulera
pas une opinion à savoir si on devrait recommander une poursuite au civil des employeurs. Notre objectif est évidemment la
protection du public, et c'est la raison pour laquelle on a mentionné, là,
d'élargir ici un peu la disposition par
rapport aux milieux fermés et milieux ouverts, là, tels les chantiers de
construction, comme je le mentionnais
à Mme la ministre. Mais c'est toujours... C'est certain qu'il faut garder en
tête que la Loi sur la santé et
sécurité du travail, à l'article 49 et à 51, de même que le Code criminel,
puis d'ailleurs les fédérations hier vous l'ont rappelé aussi, il y a des obligations propres à chaque partie.
Donc, maintenant, est-ce qu'un employeur pourrait par la suite... Comme je vous dis, là, ça relèverait
de l'opinion, mais ce que je comprends dans le projet de loi, c'est qu'on
n'en est pas là ici.
Le Président (M. Merlini) :
Merci, Me Wagner. Me Le Grand Alary, Me Thibaudeau, Me Levesque, M. le bâtonnier, Me Grondin, Me Wagner et Me Pacha,
représentant le Barreau du Québec, merci de votre présence. Merci pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends quelques instants et j'invite le
Conseil québécois sur le tabac et la santé à prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 25)
(Reprise à 15 h 30)
Le Président (M. Merlini) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous avons maintenant
le plaisir d'accueillir le Conseil québécois sur le tabac et la santé. Je vous invite à vous
présenter lors du début de votre
exposé. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et ensuite on aura
les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La
parole est à vous.
Conseil québécois sur le
tabac et la santé (CQTS)
M. Drolet
(Marc) : Bonjour. Mon nom
est Marc Drolet. Je suis directeur
général pour le Conseil québécois
sur le tabac et la santé. Je suis accompagné de Mario Bujold, qui est
conseiller stratégique pour notre organisation.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, au nom du Conseil québécois
sur le tabac et la santé, je vous
remercie de cette occasion qui nous est offerte de communiquer nos
préoccupations et recommandations sur
le projet de loi n° 157. Notre organisme est préoccupé par la
légalisation prochaine du cannabis étant
donné les liens étroits entre la consommation de cannabis et de
tabac. Nous sommes aussi inquiets du fait que le cannabis est la drogue illégale la plus consommée par les Québécois
et que sa légalisation pourrait en accroître l'usage et possiblement nuire
aux gains en tabagisme. Nous souhaitons
féliciter Mme Charlebois et le gouvernement du souci de prévention exprimé dans les mesures du projet de loi soumis. Ces mesures sont particulièrement importantes pour diminuer les risques que
représente la légalisation auprès des jeunes, des jeunes adultes et des fumeurs
de tabac.
Au
Québec, on retrouve trois à quatre fois plus de consommateurs de cannabis chez
les fumeurs de tabac que chez les
non-fumeurs, sans compter que les fumeurs de cannabis ajoutent souvent du tabac
dans leurs joints. Les fumeurs de tabac
et de cannabis sont aussi plus portés à consommer l'une ou l'autre de ces
substances. Nous sommes convaincus que les moyens qui encadreront la législation seront déterminants pour ce changement de
normes sociales afin que ça puisse passer d'une menace à la santé et sécurité de la population à une opportunité
liée à la consommation de cannabis, l'objectif étant de légaliser la consommation de
cannabis sans la banaliser, comme l'a mentionné fréquemment Mme la ministre.
Alors, je cède la
parole maintenant à M. Bujold, qui va vous exprimer, en gros, nos
recommandations.
M. Bujold (Mario) : Nos trois premières recommandations concernent les responsabilités de
la Société québécoise du cannabis. Notre organisme, le CQTS, croit que
cette nouvelle société pourrait davantage
favoriser l'atteinte de l'objet
du projet
de loi, qui, je le rappelle, vise à
prévenir et réduire les effets du cannabis afin de protéger la santé et la
sécurité de la population, particulièrement celle des jeunes.
Cela
se réaliserait de la manière suivante : premièrement, en ajoutant aux
responsabilités de cette société celle d'éduquer
les consommateurs sur les risques potentiels du cannabis sur la santé et la
sécurité, de promouvoir la consommation
responsable, en plus de faire
connaître les ressources d'aide et y diriger les personnes qui veulent cesser
de consommer du cannabis; deuxièmement,
en précisant que le conseil
d'administration de cette société
devrait inclure des personnes qui
possèdent des compétences dans les domaines de la santé, de la sécurité
publique, de l'éducation, de la recherche
et de la prévention des toxicomanies; troisièmement, en intégrant dans ses obligations que les points de vente qu'elle ouvrira se trouvent
à plus d'un kilomètre des écoles, cégeps, universités, centres de formation,
organismes communautaires et parcs.
Par ailleurs, à l'exemple de plusieurs municipalités, notre organisme se préoccupe
aussi de la possibilité de fumer du
cannabis sur la place publique. À notre avis, la consommation de cannabis se
compare davantage à celle de l'alcool qu'à celle du tabac compte tenu de ses effets psychotropes sur le comportement de ses utilisateurs et
des risques qu'elle représente pour
la sécurité de la population. Les
chercheurs qui ont étudié cette question affirment que limiter la consommation
de la marijuana en public permet de réduire
l'exposition à la fumée secondaire de cannabis et encore plus de retarder
l'initiation des jeunes ou qu'ils ne commencent jamais à en consommer.
Nous recommandons donc que le Québec interdise la consommation de cannabis sur la place publique de manière à en diminuer
l'initiation et l'usage, particulièrement chez les jeunes, à l'image de
ce qui se fait en Ontario et Nouveau-Brunswick.
Un autre enjeu
important concerne la possibilité de faire ou non de la promotion et de la publicité
de cette substance. Nous recommandons à ce sujet quatre modifications.
Premièrement,
retirer la mention «autrement que dans le cadre d'une mise en marché régulière
effectuée par le producteur» du
paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 41. Cela permettrait d'éviter que
quiconque puisse notamment incorporer
des rabais lorsque des formats de plus grande quantité sont achetés, ce qui
pourrait encourager une plus forte consommation du produit.
Deuxièmement,
retirer du paragraphe 8° du premier alinéa de l'article 46 la mention suivante
qui permet la publicité dans les
journaux et magazines écrits, dont au moins 85 % des lecteurs sont
majeurs. Cela permettrait d'éviter que la Société québécoise du cannabis ou un producteur puissent
faire des annonces pleine page dans la grande majorité des journaux et
magazines du Québec dans le but d'encourager la consommation de cannabis.
Troisièmement, afin d'éviter que les formes, couleurs, mentions sur les produits et
autres artifices véhiculent des messages
qui pourraient encourager la consommation, le CQTS demande aussi au gouvernement qu'il adopte un emballage
standardisé et neutre pour les produits de
cannabis, à l'étiquetage strictement informatif. Cette modification au projet
de loi permettrait aussi d'appliquer
au cannabis la même
règle qui est en voie d'être adoptée pour le tabac par le gouvernement fédéral, ce qui serait
beaucoup plus cohérent.
Quatrièmement,
nous recommandons d'appliquer au cannabis à des fins médicales les mêmes
restrictions en matière de promotion,
de publicité et d'emballage pour éviter que cette immense échappatoire soit
mise à profit par les fabricants pour promouvoir la consommation de
cannabis auprès de l'ensemble de la population.
Afin
d'éviter des dérapages en ce qui concerne les projets pilotes de vente au
détail de cannabis par l'entreprise privée,
nous recommandons de suspendre les dispositions de l'article 55 du projet
de loi pour une période minimum de trois
ans, soit la période prévue pour que le ministre de la Santé et des Services
sociaux fasse rapport à l'Assemblée nationale sur la mise en oeuvre de
la Société québécoise du cannabis et détermine si un modèle différent serait
avantageux.
Notre
dixième recommandation concerne l'âge légal. On en a beaucoup parlé, on l'a
dit, il est scientifiquement établi
que le développement du cerveau des jeunes se poursuit jusqu'à l'âge de
25 ans et que la consommation de cannabis avant cet âge peut
affecter le développement cognitif des adolescents et des jeunes adultes. Dans
une perspective de protection de la santé
publique, et en appui à la position de plusieurs organismes, dont l'Association
des médecins psychiatres du Québec,
qui en ont parlé ce matin, l'Association médicale du Québec, les
centres de réadaptation en toxicomanie Portage, la Fédération des chambres de
commerce du Québec et la Fédération des comités de parents du Québec,
le CQTS recommande que l'âge légal pour posséder et acheter du cannabis à des
fins non médicales au Québec soit fixé à 21 ans. Ce choix lancerait un message plus clair à la
population sur la dangerosité du cannabis, notamment quant à ses effets sur
le développement cognitif des adolescents et
jeunes adultes, et protégerait plus efficacement ces groupes de ce risque. Cette
décision permettrait aussi de tracer la voie à une révision de l'âge légal pour
acheter et posséder du tabac ainsi que de l'alcool, deux produits dont
la consommation combinée de substances est particulièrement néfaste à la santé.
Le gouvernement a dit qu'il craignait qu'en établissant
à 21 ans plutôt que 18 ans l'âge légal pour acheter du cannabis
cela pourrait amener plus de jeunes adultes
à s'approvisionner auprès des réseaux de vente illégale. Une étude sur les
effets de la
légalisation du cannabis au Colorado a démontré que le prix, plutôt que l'âge, est un aspect déterminant pour amener
les consommateurs à s'approvisionner auprès des réseaux illégaux. De
plus, la mise en place de stratégies qui visent un contrôle accru des réseaux
de vente illégale de cannabis pourra éviter que les jeunes adultes
s'approvisionnent auprès de ces réseaux, à l'image de ce qui s'est fait,
dans la lutte contre le tabagisme, avec succès depuis plusieurs années.
Le tableau à
la page 11 de notre mémoire illustre la situation de six États
américains qui ont légalisé le cannabis. Pour chacun de ces États, l'âge légal a été fixé à 21 ans et, dans
la majorité des cas, l'âge légal pour le tabac a été haussé
également à 21 ans par souci de protection de la santé publique et
d'uniformité. Il est important de noter ici que, dans chacun de ces États, l'âge de la majorité est établi à
18 ans. Dans l'éventualité où le
gouvernement du Québec choisirait de ne pas retenir cette mesure de fixer l'âge légal à 21 ans, nous
recommandons minimalement de limiter la concentration de THC dans le
cannabis que les jeunes de 18 à 25 ans pourraient acheter.
Par ailleurs, à l'exemple de ce qui a été fait en matière de lutte contre le tabagisme, nous recommandons aussi de préciser les responsabilités du Fonds de
prévention et de recherche en matière de cannabis en y ajoutant la
notion de service, d'information et
de soutien à celle de soins curatifs déjà indiquée dans le projet de loi. Cela
permettrait la mise en place
d'une ligne d'information et de soutien sur le cannabis ainsi qu'un site
Internet qui regrouperait l'ensemble des renseignements utiles sur le sujet.
En terminant, vous trouverez également, à l'avant-dernière page de notre mémoire,
certaines de nos préoccupations supplémentaires concernant des activités
et programmes de prévention de méfaits du cannabis que le fonds devrait prendre
en compte en vertu du paragraphe 3° de l'article 51.
• (15 h 40) •
M. Drolet
(Marc) : Voici, il est important... Puis c'est ce qu'on a appris dans le tabagisme, c'est que c'est plus facile de restreindre et de libérer par la suite.
Et ça a été dit à quelques reprises au cours des échanges, donc, de partir avec
une position un peu plus ferme et d'élargir
par la suite que de faire l'inverse, c'est-à-dire de tenter d'élargir, par
contre de restreindre par la suite, une fois qu'on a ouvert les portes.
L'autre chose
aussi, c'est qu'on voudrait qu'une attention particulière soit faite aux
enfants, et aux adolescents, et aux
jeunes adultes dans tout ce qui sera fait au niveau prévention ou
communication, que des programmes spécifiques soient faits là. On se fait interpeler beaucoup. On a des gens qui
sont sur le terrain et on nous pose énormément de questions là-dessus, sur qu'est-ce qu'on
doit faire. Donc, les informations sont importantes, et il
y a des besoins déjà
marquants qui nous sont communiqués.
Le Président (M. Merlini) : Merci,
messieurs, pour la présentation de votre exposé. Nous allons débuter immédiatement
les échanges avec les parlementaires. Mme la ministre et députée de Soulanges,
vous avez un bloc de 15 minutes. À vous la parole.
Mme
Charlebois : Alors, bien, merci, M. Drolet et M. Bujold. Je
vous voyais depuis, je pense, hier, hein? Vous étiez là hier ou vous
étiez là toute la journée aujourd'hui?
Une voix : Toute la journée aujourd'hui.
Mme
Charlebois : Oui. Puis vos visages ne m'étaient pas inconnus.
Mais là je me replace dans le contexte. Merci d'être là pour votre présentation. J'apprécie que vous preniez le temps
de venir nous faire part de vos préoccupations.
Je vais aller
tout de suite dans le vif du sujet. Un sujet qui vous a
interpellé et qui m'interpelle dans vos propos, c'est fixer l'âge à 21 ans, l'âge minimal requis. Vous me citez des gens
qui vous appuient. On peut faire l'inverse aussi, puis je pense que ce
n'est pas là qu'il faut qu'on aille. On va revenir aux citoyens, à la personne
qui consomme du cannabis déjà,
qui a 18 ans. Je vous ramène dans un tableau comparatif de provinces, puis je
ne pense pas qu'au Québec on est si... Oui, on est une société
distincte, mais pas si différente que ça, que d'autres consommateurs. Au Québec, on met l'âge de 18 ans parce que c'est l'âge de la majorité, mais c'est aussi
l'âge de consommer de l'alcool itou. En Ontario, ils ont mis l'âge de
19 ans parce que c'est l'âge qu'ils ont mis pour la consommation
d'alcool. Au Nouveau-Brunswick, ils
ont mis l'âge de 19 ans pour les mêmes raisons de ce que je vous dis. Ensuite, Terre-Neuve —Labrador, 19 ans, la même chose. Et là j'ai demandé de mettre mon
tableau à jour parce que je sais que la plupart des provinces, pour avoir
parlé avec eux au téléphone, et le ministre
de la Santé s'enlignent plus sur l'âge de la majorité et 19 ans. Quelques-uns
vont faire autre chose.
Je regarde...
Vous m'avez fait mention des États-Unis, du Colorado entre autres, pour ne pas
le mentionner. Vous nous mentionnez
qu'ils ont fixé l'âge à 21 ans. Pourtant, les statistiques nous prouvent que la
vente de cannabis est en augmentation. Moi, je crois que c'est bien plus
en raison du modèle de vente qu'ils ont, qui nous différencie d'eux. Nous, on a la Société québécoise du cannabis, où
sera le seul lieu de vente, qui va permettre justement de rejoindre ces personnes-là puis de pouvoir... Moi, ce que je
vois, c'est de pouvoir entretenir une conversation, donner des informations,
poursuivre sur le plan de prévention qu'on aura fait à travers les écoles et
tout, mais on va pouvoir poursuivre notre communication avec eux et avoir des
statistiques probantes pour savoir à qui on parle puis que doit-on faire pour améliorer... parce que la Société québécoise du
cannabis ne va pas être évaluée sur ses performances de vente. L'objectif,
ce n'est pas d'en vendre plus, c'est de
ramener le monde du marché illicite vers un marché licite. Alors, l'évaluation
va se faire aussi dans ce sens-là, comment ils ont donné de
l'information, qu'est-ce qui se passe, etc.
Moi, je pense
que, dans ce sens-là... Puis je respecte votre point de vue, mais je vous
explique pourquoi on a fait le choix
du 18 ans. Oui, le cerveau termine sa formation à 25 ans. Mais 21 ans, les
psychiatres nous l'ont dit, c'est aléatoire, là, ce n'est pas la science qui dit 21 ans. La science dit : 25
ans, le cerveau est formé. Puis, quant à ça, le psychiatre qui est venu nous a dit : Ça
serait mieux de n'en consommer jamais, tu sais, ça serait encore mieux, ça.
Alors, dans ce sens-là, moi, j'aime
mieux me donner la chance de parler avec ces jeunes-là, de leur donner de la
véritable information, et, si ça... On va
avoir des statistiques, là, parce que, quand ils vont acheter, on va avoir des
statistiques d'âge, etc. On va être en mesure de réagir rapidement puis
de dire : Bien là, il y a quelque chose qui se passe, il y a un phénomène.
Mais j'entends aussi votre peur, puis c'est
légitime parce qu'on l'a tous en quelque part. Il y a des gens qui consomment actuellement puis il y en a d'autres
qui ne nous le disent pas, qu'ils consomment, mais là ils commencent à en parler un petit peu plus librement, puis il y
en a qui... Alors, moi, je pense que les questions qu'on se pose, on aurait dû
se les poser bien avant. Honnêtement, là, je vous le dis comme je le pense.
Puis je ne remets pas en question votre réflexion, là. Je vous dis juste
pourquoi moi, je pense que 18 ans est préférable.
Voulez-vous réagir à mes propos? Je vous laisse
la possibilité de réagir, c'est sûr.
M. Bujold
(Mario) : Avec plaisir. Dans
le domaine de la lutte contre le tabagisme, que vous connaissez très bien
aussi, il y a eu une étude, en fait, qui a été réalisée aux États-Unis et qui a évalué
que, si on faisait passer l'âge de 18 ans à 21 ans pour le tabac, il
y a 15 % de moins de jeunes
adultes qui commenceraient à fumer. Des études semblables n'ont pas été faites pour le cannabis, à ma
connaissance. Mais ce qui est clair dans l'étude, c'est que ça dit que le
message que ça envoie, de dire :
On légalise à 18 ans plutôt qu'à 21 ans, il y a
une compréhension qui est très différente, et la dangerosité ou la compréhension du danger que peut représenter
l'usage du cannabis, qu'on peut avoir, si c'est à 18 ans ou à 21 ans,
n'est pas la même. Et, dans ce sens-là, ça
fait une différence et ça peut faire en sorte... parce que, dans le tabac, ça a
été démontré, il y a eu des études
qui l'ont mesuré, mais le cannabis, ce n'est pas fait encore, mais ça pourrait
faire en sorte qu'il y ait moins de jeunes adultes qui commencent à
fumer.
Donc, c'est
sur cette base-là que nous, on croit qu'on aurait plus de gains, en termes de
santé publique, à fixer à 21 ans
l'âge. Puis, en même temps, comme on l'a mentionné dans la présentation, ça
devient une opportunité pour revoir l'âge
légal pour le tabac et pour l'alcool. Et le groupe de travail du gouvernement fédéral, qui a produit un rapport et des recommandations au fédéral en vertu... juste avant le projet de loi pour l'aider à faire
son projet de loi, mentionnait dans son
rapport, et on le mentionne dans notre mémoire également, qu'en fait l'Organisation
mondiale de la santé reconnaît que
les réglementations qui existent pour le tabac et pour l'alcool sont
inférieures à ce qu'elles devraient être en fonction du risque que ça représente pour la santé, et, si
on peut améliorer ces réglementations-là, ce serait tout à notre avantage
en termes de santé publique.
Donc, c'est
sur cette base-là. Mais je comprends en même temps ce que vous dites puis je
saisis très bien tout ça. Mais je
pense qu'on aurait, comme société... Et pourquoi le Québec ne serait-il pas un
précurseur dans ce domaine-là? Ce
n'est pas parce que la plupart des provinces au Canada ont fixé ça à
19 ans ou à 18 ans qu'on ne devrait pas le fixer à 21 ans. Moi, je pense que ça démontrerait
d'autant plus la crédibilité et le sérieux de toute la démarche, qui est de
prévenir et de réduire la consommation de cannabis.
Mme
Charlebois :
Mais je suis portée à vous dire que ce n'est pas un signe de confiance envers
notre jeunesse. On leur dit : Tu
pourras voter à 18 ans, mais tu ne pourras plus boire, fumer du tabac
ni... Honnêtement, je pense, les jeunes, rendus à 18 ans, contrairement à vous, qu'ils sont capables de
faire des choix moyennant qu'on leur donne l'information. Juste pour vous dire, aux États-Unis, pourquoi ils
ont mis 21 ans pour la consommation de cannabis, c'est parce que l'alcool,
c'est 21 ans. C'est parce qu'aux
États-Unis ils ont une culture totalement différente de ce qui se passe au
Canada, là. C'est vraiment... En tout cas, je n'irai pas plus loin que
ça pour les États-Unis, mais ça ne nous ressemble pas, comme, pantoute, là. Mais je vous entends. Puis notre
objectif est le même, en fait, hein? Ça fait que ce n'est pas important de se
tirailler là-dessus. Il faut garder en vue
l'objectif, soit de contrôler ce qui s'en va vers le marché illicite, le
ramener vers un marché licite, et éventuellement réduire la
consommation. On a le même objectif, je pense, en ce sens-là.
M. Bujold
(Mario) : Si vous me
permettez simplement de donner une précision sur la situation des États-Unis?
L'âge légal pour voter est à 18 ans. Dans le cas de plusieurs États, puis
c'est ça qui est mentionné dans notre tableau, l'âge pour le tabac était à 18 ans, et, quand est venu le temps de
légaliser le cannabis, ils ont dit : On va le mettre à 21 ans
et on va hausser l'âge pour le tabac à 21 ans.
Mme
Charlebois : Il y
a une augmentation de la consommation dramatique au Colorado.
M. Bujold (Mario) : Ça dépend de
quelle façon on le regarde, effectivement.
• (15 h 50) •
Mme
Charlebois :
Ça fait qu'en tout cas je demeure sur ma position, bien que j'entends la vôtre.
Mais on va suivre ça serré, honnêtement. Puis je pense qu'on a un projet de loi
qui, dans son ensemble, est très, très, très prudent, restrictif. On a entendu l'ensemble de la
population. La preuve, c'est qu'on a un bureau de vente. On a mis des
dispositions... Puis, je veux vous
rassurer, sur tout ce qui est l'aspect publicité, c'est non. C'est exactement
comme le tabac. Tout ce qui est l'aspect informatif sur les paquets, ça
va être les ingrédients, un peu comme le tabac. On s'en va dans le même sens.
Puis, je vous
le dis, là, je veux vous rassurer, on ne travaille, l'ensemble des
parlementaires, pas à augmenter les ventes, là, puis c'est dans la
mission de la Société québécoise du cannabis, là, de s'assurer de ça. Elle va
être évaluée là-dessus aussi, la Société
québécoise du cannabis. C'est pour ça qu'on va faire aussi de la formation aux
travailleurs qui vont être là. Mais on va faire de la formation à
l'ensemble du personnel qu'on a dans les instances gouvernementales parce que je me suis aperçue, puis vous devez être
au courant de ça, que les médecins
ont une formation très de base en ce
qui concerne les drogues, notamment le cannabis, les infirmières, les psychoéducateurs. En tout cas, il y a plein de monde... Les policiers. On a de
l'ouvrage à faire pour ceux qui sont déjà en place et ajuster le cursus de ceux
qui s'en viennent parce que c'est un nouveau phénomène.
Le cannabis,
ce n'est pas nouveau, là. On ne se dira pas : On va faire ça comme ça puis
ça n'existe pas... Ce n'est pas vrai, là. J'en connais plein, de
monde... Puis ce n'est pas parce que j'en fume, là. Je n'en fume pas. J'ai
essayé ça deux fois jeune, puis ça a arrêté drette là, là. Mais ce que je
veux vous dire, c'est que j'en connais plein, de monde qui ont fait des consommations responsables, qui en
fument encore. Il y en a d'autres qui ont fumé beaucoup
jeunes puis qui ont eu des problèmes.
Je connais plein de monde qui oeuvre autour de cette sphère-là, puis c'est dans
l'illégalité. Pourtant, ça ne les
restreint pas du tout, du tout, du tout. Or, moi, je pense qu'on doit plutôt
aller vers eux, faire de la prévention, comme vous le dites, faire beaucoup d'éducation et se donner la chance de leur parler puis
d'avoir des statistiques probantes pour que le comité de vigilance fasse
rapport au ministre de la Santé pour qu'on puisse réagir rapidement.
Je vous amène
sur les lieux publics et la distance des écoles parce que ça aussi, c'est un
sujet important. Et j'ai entendu... Je ne me souviens plus la distance
que vous avez proposée. Vous allez pouvoir me le repréciser. Mais ne pensez-vous pas que ce serait bien que les élus
municipaux... Parce que, tu sais, élu municipal ou élu au provincial, on
sert les mêmes citoyens, hein? Moi,
les citoyens de mon comté sont aussi des citoyens de chaque municipalité, qui ont des représentants au niveau municipal, puis ils ont
aussi une représentante au niveau provincial, qui est moi. Alors, ne pensez-vous pas qu'on doit aller plus vers
l'instance qui est proche du citoyen pour permettre aux municipalités de déterminer quels sont les
lieux publics qui sont admissibles ou pas parce qu'ils connaissent leurs
lieux, ils connaissent leur population,
ils connaissent très bien
leur proximité, et aussi en ce qui
concerne la distance avec les écoles?
Parce que, tu sais, une grande ville, une petite municipalité...
Tu sais, dans les régions, il n'y a rien de pareil. Moi, je pense que...
Puis ça, c'est
mon opinion, mais je veux entendre la vôtre. Est-ce que vous ne croyez pas que
les élus municipaux, avec leur schéma
d'aménagement, tout ça, pourraient très bien nous aiguiller sur où ils voient
les bureaux de vente? Non seulement
ils veulent peut-être une distance avec les écoles, mais ils veulent peut-être
une distance avec d'autres choses
aussi. Il y a peut-être
d'autres éléments qu'ils vont dire : Ça, on ne veut pas ça là, on
voudrait ça là. Puis les lieux publics de
consommation, ils sont déjà là-dedans pour l'alcool parce que l'alcool, c'est eux
autres qui réglementent les lieux publics où c'est possible de consommer
et ne pas consommer. Alors, je veux vous entendre là-dessus.
M. Bujold
(Mario) : Bien, écoutez,
pour la question de la distance, on parlait, nous, d'un kilomètre, donc, des
écoles et autres types de lieux où on
retrouve des jeunes et jeunes adultes. Bien
sûr qu'il peut y avoir des collaborations avec les municipalités sur les critères qui peuvent permettre d'établir à quelle distance de
tel type de lieu, et tout ça. Mais je pense
qu'il y a un principe de base qui est : On ne veut pas
rendre le produit accessible auprès des clientèles qui sont plus à risque
et pour lesquelles on veut éviter qu'il y ait une consommation de cannabis ou
que ça irait en augmentant.
Pour ce qui est de la responsabilité des municipalités quant aux lieux où on interdit de fumer dans les
endroits publics, je vous dirais,
moi, ce que je sens actuellement, c'est qu'il
y a deux messages de la part des municipalités. On entend, depuis plusieurs jours, des municipalités
dire : Nous, on prend position et on veut interdire totalement sur la
place publique. D'autres disent : Bien, c'est le gouvernement qui devrait
nous dire quoi faire. D'autres disent, entre autres
l'Union des municipalités : Bien, on devrait laisser le pouvoir aux municipalités. Je fais juste un parallèle avec la Loi sur le tabac qui a été adoptée
en 2015. Si on avait laissé aux municipalités le soin de décider si elles
voulaient interdire de fumer sur les
terrasses des bars, des restaurants ou sur les terrains de jeux des enfants, on
n'aurait pas la situation qu'on connaît
au Québec en termes de protection de la santé, bien sûr. Puis il y a des
municipalités qui avaient déjà pris les devants, hein? Vous vous rappelez, il y avait des municipalités qui ont
dit : Nous, on va interdire de fumer, déjà, dans nos parcs, c'est fait, c'est réglé. Donc, ils n'ont pas
attendu le gouvernement. Mais ce que la majorité des municipalités disaient,
c'est : Donnez-nous un cadre, après ça, on va le gérer, ce cadre-là, puis
on va y aller en fonction de notre réalité.
Donc, il faut
que le cadre soit facilitant pour les municipalités, et, à partir de là, les
municipalités vont faire leur travail. Moi, c'est ce que je pense de ça.
Mme
Charlebois :
Mais on a été... parce que là, ce qu'on fait avec le cannabis, c'est un peu
comme avec le tabac, c'est dans les
mêmes... Fumer, c'est fumer, là. Fumer que ce soit du cannabis ou du tabac,
c'est fumer. Dans le projet de loi, c'est
les mêmes règles, là. Alors, ce que... Tu sais, un terrain où il y a des
enfants, tu n'auras pas plus le droit de fumer un joint là, là. Tu ne
peux pas fumer de tabac dans un parc, un terrain de soccer, etc. Mais ce que je
vous dis, c'est qu'il y a peut-être
des places où ça sera permis pour certains endroits. Je vous explique pourquoi
je vous parle de ça, parce que, ce
matin, on a eu la CORPIQ puis on a eu d'autres associations de propriétaires
de logements qui ne veulent pas, eux,
que les citoyens fument dans leur logement puis ils veulent mettre la clause
restrictive dans leurs baux. Si on l'interdit dans les logements, si on
l'interdit dans tous les espaces publics, les gens vont consommer où?
Le Président (M. Merlini) : Très, très
brève réponse, s'il vous plaît.
M. Bujold
(Mario) : La question est
complexe. La réponse, je peux la faire brièvement. Mais, pour moi, c'est...
Le principe de précaution puis le principe
de santé publique doivent primer dans tout ça. Je comprends très bien que des
fumeurs de cannabis vont vouloir pouvoir
fumer quelque part. Nous, on ne demande pas qu'il y ait une
interdiction de fumer dans les
logements. Par contre, on trouve que, sur la place publique, il y a un effet là
qui s'apparente plus à celui de l'alcool,
et on devrait le traiter plus comme l'alcool, et on ne permet pas la consommation d'alcool sur la place publique. Donc, c'est notre...
Mme
Charlebois : C'est
les villes qui gèrent ça, les villes.
Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme
la ministre. Votre temps est écoulé.
Nous allons du côté de l'opposition
officielle. M. le député de Labelle, vous avez votre bloc de neuf minutes. À
vous la parole.
M.
Pagé : Oui, merci, M. le Président. En fait, continuons un peu sur le même sujet. Nous, on souhaite que ça
soit interdiction dans les lieux publics. Et
vous le mentionnez, puis souvent on l'oublie, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, c'est ce qu'ils ont décidé aussi, là. Il n'y a pas de consommation dans les lieux publics. Et, je pense, vous étiez ici ce matin quand je relatais que, l'année dernière, en 2016,
je suis allé au Colorado, puis, à ma grande surprise, on ne sentait pas le
cannabis nulle part. Mais il y a des
endroits désignés où on peut... Il y a des salons où on peut aller consommer
comme un bar où on peut aller consommer de l'alcool. Ça, ce
genre de salon là, est-ce que vous pensez que ça peut faire partie de la solution?
M. Bujold (Mario) : Ça pourrait. C'est au conditionnel parce que, dans le cas du tabac, j'y
fais référence parce que c'est un
domaine que je connais beaucoup, il y a les salons de chicha. Quand est venu le
temps d'adopter la Loi sur le tabac, ces salons-là existaient, et, si on avait
pu faire en sorte qu'ils disparaissent, ça aurait été préférable, pour éviter
que des gens commencent à en consommer.
Dans
le cas du cannabis, on établit des règles, O.K.? Ce n'est pas exclu que ça
pourrait se faire et qu'on ait des lieux
identifiés, mais, je vous dirais, à titre de projet pilote pour qu'on puisse
être capables de mesurer l'effet de ça, hein? On pense, c'est important, de faire des projets pilotes. Ça pourrait
être une belle occasion, plus que pour des points de vente au détail, comme on le mentionne dans notre
mémoire... Mais, à ce moment-là, je pense, ce serait très pertinent pour
être capable de mesurer l'effet de ça, parce
qu'on est devant du vague, hein? On le sait, là, la science a peu de réponses
à nos questions sur les effets qu'aura la
légalisation du cannabis. Par contre, il faut être très prudent. Il faut être
responsable. Puis, je pense, le
gouvernement l'est tout à fait. Puis c'est dans tous ces détails-là qu'on va
faire la différence et qu'en bout de ligne on va se retrouver avec une
société en meilleure santé.
M.
Pagé : O.K. J'aime bien l'idée du projet pilote. Et là je pense
qu'on vient de trouver la vocation de l'article 55, effectivement. Par contre, nous, même si nous
disons que nous souhaitons, comme l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, qu'il n'y ait pas de consommation dans les lieux
publics, nous disons à la fois que l'on pourrait demander aux municipalités
d'identifier quand même un lieu public où on
pourrait consommer parce qu'il est vrai aussi que... Je veux bien essayer
d'encadrer ça le plus possible, mais, si on
ne peut pas fumer dans les multilogements, si on ne peut pas fumer... puis
qu'il n'y a que quelques salons au Québec qui sont des projets pilotes... Il
faut que les gens puissent, à certains endroits... et d'autant plus que, vous le savez comme moi, ça existe
déjà et pas à peu près. Alors, si on l'encadre mieux et que tous les fumeurs... Parce qu'il n'y aura pas que des
fumeurs. Il y a des gens aussi qui vont consommer des produits vaporisés,
ce qui ne dérangera pas. Et la tendance, c'est plus vers les produits
vaporisés, en plus, que les produits fumés. Mais, s'il y a un endroit bien défini clairement, bien encadré via un
règlement municipal parce qu'on leur a donné le pouvoir, est-ce qu'il
n'y a pas là une solution à notre problème d'identifier les endroits pour
fumer?
• (16 heures) •
M.
Drolet (Marc) : Dans votre question, il y a plusieurs éléments. Vous avez mentionné l'article 55,
nous, on souhaiterait l'exclusion totale de cet article pour des fins
commerciales. Donc, c'est une chose, fumer dans les lieux publics... Ce qu'on sait très bien,
avec l'alcool et le tabagisme, c'est que de voir les autres faire, c'est un
incitatif important. Il y a une
raison pourquoi on ne voit plus les gens à la télé caler une bouteille de
bière, un verre de bière, on voit moins de choses. Alors, plus on voit ce qui se passe, plus c'est un incitatif important,
donc c'est important que les gens ne
soient pas à la vue et au su de tout le monde et que ça, ça ait un effet
d'entraînement. Donc, ça, c'est une des bases de notre préoccupation, d'où la recommandation peut-être de faire un projet
pilote, mais, encore là, il faut que ça soit mesuré et évalué dans sa réussite. Ceci étant dit, les
salons, ça devient un peu un autre type d'incitatif à la consommation. Donc,
la prudence, c'est ce qui prévaut dans notre cas, là.
M. Pagé :
Bon. Au début de...
Une voix :
...
M. Pagé :
Oui, allez-y, allez-y.
M. Bujold (Mario) : ...à ce qui a été dit en lien avec ce que vous demandiez aussi. En
fait, ce n'est pas impossible qu'on
puisse envisager qu'il y ait des lieux, dans une municipalité, si la
municipalité détermine que c'est nécessaire que ces lieux-là existent, pour pouvoir fumer du cannabis à l'extérieur,
mais il faut que ce soit bien encadré, tout ça, pour ne pas que ça
devienne vraiment, là, une jungle...
M. Pagé :
Absolument. Mais on s'entend...
M. Bujold (Mario) : Et c'est sûr que ce serait un moindre mal que de
permettre de fumer partout sur la place publique.
M. Pagé :
Voilà. Voilà.
M. Bujold (Mario) : On ne parle pas des lieux où le tabac est déjà interdit, mais les
autres lieux. L'exemple de ce matin
est probant : de se retrouver au parc La Fontaine ou dans un parc en train
de prendre un pique-nique, puis les gens à côté fument du cannabis, ça
ne devrait pas exister, ça ne devrait pas être souhaitable dans une société.
M.
Pagé : Tandis que, si, à la limite, la ville de Montréal
prévoit un endroit bien précis, au parc La Fontaine, où vous pouvez, dans un
coin retiré, aller consommer et ensuite revenir à votre à votre table de
pique-nique, je pense que, là, ça
devient plus acceptable, et on est plus dans l'équilibre recherché dans ce
projet de loi là. Quand vous avez dit moindre mal, moi, je parle plutôt
d'équilibre, là, parce que c'est la recherche que nous recherchons, là, pour le
projet de loi.
Votre
proposition 9, vous y avez fait référence, là, l'article 55, j'y ai
fait référence tantôt un peu en blaguant sur le sujet, parce que souvent nous parlons de cette vision différente des
choses. Votre interprétation semble la même que la nôtre, c'est qu'elle permettrait...
l'article 55 permettrait d'ouvrir, donc, à des projets pilotes pour vendre
au privé, donc avec une notion à but
lucratif, faire de l'argent avec ça. Vous, vous dites, bon, de suspendre la
disposition de l'article 55 pour
un minimum de trois ans. Est-ce que vous avez dit pour un minimum de trois ans
parce que c'est le moindre mal, c'est
la zone d'équilibre avec ce qui est proposé, ou bien vous souhaiteriez tout
simplement qu'on l'élimine tout court, puis,
de toute façon, on pourra revenir dans trois ans, dans cinq ans? La ministre
nous dit souvent : Dans trois ans, je vais revoir la loi. On va changer de gouvernement, il peut arriver toutes
sortes de choses, ça peut être dans un an, ça peut être dans cinq ans,
peu importe, n'importe quel gouvernement qui voudra rouvrir la loi pourra le
faire au moment qu'il le souhaite. Alors, à
ce moment-là, ne souhaiteriez-vous pas ultimement qu'on dise plutôt :
Retirons, abolissons, enlevons tout simplement l'article 55, et si,
plus tard, on veut regarder autre chose, on pourra le regarder plus tard?
M. Drolet
(Marc) : Notre perspective,
c'est que c'est une ouverture sur quelque
chose qu'on ne sait pas, dans
un contexte où il y a énormément d'inconnu. On pensait que c'était une porte
ouverte, et de suspendre, c'est une... Et peut-être que vous, en tant que législateur,
vous aviez vu quelque chose dont on n'était pas au courant. Donc, c'est pour
ça qu'on a mentionné la suspension plutôt
que l'élimination. Cependant, il y a... et ça a été mentionné par les représentants du Barreau tout à l'heure, ils ont mentionné l'article 20, que nous... on n'avait pas aussi
vu que ça, ça pouvait permettre un élargissement commercial, et il faut
voir qu'est-ce qui va arriver avec ça. Donc, on n'est pas des législateurs, on
vous propose ça, si c'est l'élimination ou
la suspension, ce sera à vous de décider, cependant, l'élément commercial, pour
nous, est préoccupant, on ne veut surtout pas banaliser, et je pense que
c'est le voeu de la ministre.
M. Pagé : Donc, si le
commercial est préoccupant, à but lucratif, aussi bien l'enlever.
M. Bujold
(Mario) : Bien, c'est dans
ce sens-là. J'allais ajouter en disant que, pour moi, cette possibilité-là, de
permettre à l'entreprise privée de vendre du
cannabis, va à l'encontre de l'objet même du projet de loi. On est contraire
dans le principe parce que — puis
ça a été dit ce matin, mais je me plais à le répéter — une
entreprise privée qui ne ferait pas de
profit ne voit pas son intérêt à vendre du cannabis, même dans le cadre d'un
projet pilote. Donc, à mon avis, ça n'a pas sa place.
M. Pagé : O.K...
Le Président (M. Merlini) : Allez-y,
je vous le permets.
M. Pagé :
Votre recommandation deux, là, vous souhaitez que le conseil d'administration
soit plus clairement identifié... de
gens qui ont des compétences, entre autres. C'est exactement ce que nous avons
dit au mois de septembre dernier,
mais nous allons plus loin en disant qu'aussi le conseil d'administration
devrait relever non pas du ministre des Finances, qui pourrait être tenté à certaines obligations de rendement,
mais plutôt de la ministre de la Santé publique, qui a une vision
totalement différente des choses. Ce croyez-vous pas que ça devrait être cela?
M. Bujold (Mario) : Tout à fait.
M. Pagé : Merci.
M. Drolet
(Marc) : En fait, quand on avait présenté notre mémoire en septembre
aux consultations publiques, puis on
vous avait vus à ce moment-là, c'est ce qu'on recommandait, que l'institution
soit pilotée par... mais on comprend que
les compétences ne sont pas nécessairement là pour le déploiement commercial.
Cependant, qu'il y ait un droit de regard, c'est très important. Je
pense que le ministère de la Santé doit avoir une place importante là, oui.
Le
Président (M. Merlini) : Merci, M. Drolet. Nous allons maintenant du
côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez
six minutes pour vos échanges. À vous la parole.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. M. Drolet, M. Bujold, bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui
en commission parlementaire pour nous
exposer votre mémoire. Écoutez, j'ai suivi la discussion tout à l'heure, qui
était fort intéressante, et puis la ministre disait, pour baser son
argumentaire : Au Québec, on est une société distincte. Ça fait que ce qui se passe aux États-Unis bien,
c'est un pays complètement différent. Moi, je lui répondrais : Bien, à la
base, on est tous des humains, et la
consommation de substances, que ce soit de l'alcool, du tabac ou du cannabis,
bien, ça a le même effet sur la population nord-américaine. Honnêtement, c'est
comment est-ce qu'on est en contact avec la substance, comment on évolue, tout ça, mais, pour des
exemples plus canadiens, puis c'est là que je vous rejoins... Écoutez, je vous
donne l'exemple du Manitoba. Le Manitoba, il
y a un article de Radio-Canada, là, du 5 décembre qui dit : «L'âge
légal pour posséder, acheter ou
consommer de la marijuana sera de 19 ans, a déclaré le gouvernement du
Manitoba en prévision de la légalisation du cannabis prévue au Canada le 1er juillet
2018. "Le gouvernement travaille avec diligence et veut protéger tous les Manitobains", a déclaré la ministre
de la Justice, Heather Stefanson.» Et là ça continue, mais on dit : «Bien
que l'âge légal pour consommer de l'alcool au Manitoba soit de
18 ans dans la province, la ministre croit que celui pour consommer du cannabis doit être supérieur.» Et je
la cite : «Nous avons des preuves scientifiques qui démontrent que le
cannabis peut causer des dommages au
cerveau. Nous voulons prendre la bonne décision pour la santé de nos jeunes.»
Alors,
là, on a un exemple complet... bien, concret de droit comparé avec une province
canadienne, où on voit que l'âge pour
consommer du tabac, l'âge pour consommer de l'alcool ne sera pas le même que
celui pour consommer du cannabis. Donc, je voulais vous entendre
là-dessus, sur un comparable concret qu'on a au Canada.
M. Bujold (Mario) : Bien, c'est clair, pour moi, qu'il n'y a pas là une problématique
grave, qu'on ait des âges différents, encore plus dans une perspective
de transition, c'est-à-dire que, si notre objectif, c'est de revoir également l'âge légal pour acheter du tabac ou de l'alcool,
c'est tout à fait pertinent et c'est très défendable aussi. Et, contrairement
au tabac et à l'alcool, qui ont tout
un historique, hein, légal de vente et toute une histoire avec des soubresauts,
bien, le cannabis, on part de zéro.
On a la possibilité de marquer dans le temps ce qui va se faire en termes de
santé publique reliée au cannabis. Puis
ce qu'on dit dans notre mémoire, là, c'est vraiment une occasion de passer
d'une menace à la santé publique à une opportunité
de faire des gains en termes de santé publique. Ce projet de loi là, il est là,
il répond à ça et il offre vraiment ce
potentiel-là, et, pour nous, c'est important. Et on ne voit pas pourquoi ça ne
serait pas possible. Il n'y a pas... Je ne pense pas qu'il va y avoir un soulèvement populaire de ceux qui fument du pot
si le gouvernement dit : C'est 21 ans parce qu'on a constaté
qu'il y a plus de risques à le mettre à 18 ans.
• (16 h 10) •
M.
Drolet (Marc) : J'aimerais ça ajouter quelque chose aussi. C'est que,
dans une perspective stricte de santé publique,
il y a des études clairement faites, puis je peux vous en citer une, The
Lancet 2010, qui dit : «L'alcool, c'est la drogue la plus dangereuse.» Donc, 21 ans pour
l'alcool, ça serait juste mieux. Même chose pour le tabac, on aimerait ça
avoir le tabac à 21 ans, ça serait juste mieux. Le cannabis, pourquoi
pas 21 ans aussi, ça serait juste mieux. Si, pour des raisons politiques, techniques ou autres, on ne
peut pas avoir ça, alors soit, mais donnons-nous la porte ouverte d'aller
plus loin puis de possiblement au moins entendre ces messages-là.
M. Jolin-Barrette : Mais ultimement c'est un choix politique qui est fait. Dans le fond, on
est face à un choix de société, et
là, ce qui semble être décidé par le gouvernement du Québec actuellement, c'est
un choix politique de le fixer à
18 ans. Pour d'autres substances, supposons pour le tabac, en Ontario,
vous avez mis un tableau, avec un exemple nord-américain, avec la
Californie, bon, les États américains, mais, au Canada, on voit qu'en Ontario
l'âge légal pour fumer une cigarette en
Ontario pourrait être porté à 21 ans. Donc, à la suite des recommandations
d'un comité directeur chargé de la
modernisation de la stratégie Ontario sans fumée, ils réfléchissent à fixer ça
à 21 ans pour la cigarette. L'alcool demeure à 19 ans. Même chose en Colombie-Britannique aussi, ils
réfléchissent à fixer l'âge à 21 ans pour la consommation de tabac,
et l'âge légal pour consommer de l'alcool, c'est 19 ans aussi.
Donc,
des comparatifs canadiens, on fait une lutte contre le tabac. On dit aux gens
depuis des décennies : Écoutez, la
consommation de tabac, ça a des conséquences sur votre santé. Et là il y a des
gouvernements provinciaux, des gouvernements
qui sont des partenaires de la part... du gouvernement du Québec qui disent à
leur population, suite aux études,
peut-être devrions-nous hausser l'âge pour la consommation de tabac. Alors, je
vais dans le sens où vous nous dites : Pourquoi ne pas fixer à
21 ans ou un peu plus tard la consommation de cannabis?
Outre
ces arguments-là et les arguments au niveau de la prévention, comment est-ce
qu'on fait pour sensibiliser les
jeunes au niveau de la consommation de cannabis, de prévenir cette
consommation-là pour ceux qui sont mineurs?
Le Président (M.
Merlini) : En 30 secondes.
M. Bujold
(Mario) : 30 secondes?
Le Président (M.
Merlini) : 30 secondes.
M. Bujold (Mario) : En faisant beaucoup, en ne faisant pas que des
campagnes d'information, mais en étant présents sur le terrain, en ayant des programmes, en ayant l'occasion d'avoir des
échanges avec ces jeunes-là pour qu'ils comprennent bien les enjeux
derrière la consommation de cannabis.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Drolet et
M. Bujold, représentants le Conseil québécois sur le tabac et la
santé, de votre présence aujourd'hui et de votre contribution aux travaux de la
commission.
Je
suspends donc quelques minutes, et je demanderais à la direction de la santé
publique du Québec à prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 13)
(Reprise à 16 h 21)
Le Président (M. Merlini) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons donc nos travaux après cette pause
salutaire.
Nous recevons maintenant
la direction de la santé publique du Québec. Vous êtes habitués aux commissions
parlementaires. Vous avez 10 minutes
pour faire votre présentation — je vous invite à présenter les gens qui vous
accompagnent — et ensuite on procède aux échanges avec les
membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.
Directions de santé
publique du Québec
Mme
Loslier (Julie) : Merci, M. le Président, Mme la
ministre, M. le sous-ministre et membres de la commission. On vous
remercie de nous entendre. Donc, je me présente, je suis Julie Loslier, je
suis la directrice de santé publique de la Montérégie. Je suis accompagnée du Dr François Desbiens, qui est
directeur de santé publique de la Capitale-Nationale, et du Dr Richard Massé, qui est directeur de
santé publique de Montréal. Donc, on va tenter de vous résumer, en quelques
minutes, le mémoire qui a été cosigné par l'ensemble des directeurs régionaux
de santé publique du Québec.
C'est la
troisième fois qu'on se fait entendre dans le cadre de la légalisation du
cannabis, et on tient d'abord à saluer les efforts qui ont été faits par le gouvernement pour que le projet de loi respecte les objectifs de prévention et de
réduction des méfaits. On est tout à fait conscients que ça a dû représenter un travail colossal. Donc, sans
repasser l'ensemble du projet
de loi, on va tenter d'insister, dans
les prochaines minutes, sur des éléments qui nous semblent davantage
à surveiller pour s'assurer de garder le cap sur les objectifs santé.
Donc, commençons par quelques mots sur les
pratiques commerciales. Selon nous, la Société québécoise du cannabis,
c'est probablement la meilleure approche pour éviter le piège d'un
marché avisé de croissance commerciale qui
mènerait, selon nous, inévitablement vers une augmentation de la
consommation. Et actuellement force est de constater que la pression de l'industrie du cannabis est
forte, et que, de la même façon que ça a été fait par l'industrie du tabac,
toute faille va être exploitée. C'est
pour cette raison qu'il nous semblait essentiel d'éliminer absolument
toute forme de promotion et de publicité.
Par exemple, on a été inquiets de voir que le projet de loi permet la
publicité dans les journaux et les magazines dont au moins 85 % du
lectorat est adulte. On peut comprendre que ça comprend environ tous les
journaux qui sont largement distribués
pour notre région, dans la grande région de Montréal, par exemple, le Journal
Métro ou le 24 heures. Selon nous, cette publicité devrait être totalement interdite, comme ce l'est
pour le tabac, ce qui a été gagné au terme de décennies d'efforts.
On sait que
la pression de l'industrie va aussi être très forte pour que l'industrie du
cannabis se dote d'une image de
marque, ce qui est un puissant moteur commercial, particulièrement chez les
jeunes. On réitère donc l'importance que le cannabis soit vendu dans un
emballage sans couleur, sans logo et sans marque. Toujours en termes de
promotion, une de nos plus grandes
inquiétudes concerne les pratiques commerciales agressives qu'adopte
actuellement l'industrie du cannabis
médical. On est conscients que ce n'est pas l'objet du projet de loi actuel,
mais ce marché croît à un rythme qui est effréné, et on peut se demander pour quelle raison, en quoi un
médicament a besoin d'être vendu sous la forme d'un calendrier de
l'avent ou de jujubes; on peut se poser la question.
En fait, les
techniques marketing que cette industrie-là adopte sont extrêmement
sophistiquées et ça contribue à glorifier
le produit puis à le rendre plus attrayant aux yeux de tous. Il nous semble
donc primordial qu'il y ait une cohérence quant aux restrictions pour le cannabis thérapeutique et non
thérapeutique, encore une fois, pour éviter les effets pervers et sa
banalisation.
En ce qui
concerne la vente en ligne, on croit que c'est une bonne idée que la Société
québécoise du cannabis soit responsable de la vente en ligne. Toutefois, ça va
être un défi que l'information soit bien présentée dans un objectif de réduction des méfaits qui va être adapté aux
consommateurs, tout comme ce sera fait finalement par les préposés qui seront en magasin. Pour y arriver, on recommande
que le site soit développé avec un haut niveau de personnalisation des transactions, avec des informations, des conseils
de prévention qui sont adaptés au profil des consommateurs. On sait qu'il
y a des avancées technologiques en
intelligence artificielle qui nous permettent de faire ce genre de choses, puis
on devrait y consentir les ressources. En ce sens, on propose donc
d'inclure cet aspect dans l'appel d'offres du gouvernement.
On comprend
aussi l'intérêt de laisser la porte ouverte à des projets pilotes pour
éventuellement tester d'autres formes de distribution, mais avec un «mais»,
c'est-à-dire qu'il ne faut pas oublier qu'on amorce un tout nouveau
marché, on n'a jamais connu ça, et que
chaque pas devra être rigoureusement évalué. Pour cette raison, on suggère de
retarder l'amorce des projets pilotes
jusqu'à ce que le réseau étatique de distribution soit suffisamment implanté et
que tous y aient accès, pour qu'on puisse avoir évalué l'impact populationnel
de ce réseau de distribution de la SQC sur la consommation, sur la norme sociale, par exemple. On pense qu'une
mixité des modes de distribution en début de processus créerait de la confusion puis pourrait venir teinter les
résultats de l'évaluation. De plus, s'il y a des projets pilotes qui sont mis
en place, ils ne devront pas
permettre aux producteurs de vendre, ce qu'on appelle l'intégration verticale.
Ils ne devront pas non plus permettre
le franchisage, donc l'intégration horizontale, et ils devront être soumis aux
mêmes règles que la SQC, notamment en
termes de formation du personnel ou en termes de promotion. Finalement,
toujours en lien avec les projets pilotes,
tout comme pour la SQC, il devrait y avoir une évaluation rigoureuse qui sera
faite de ces projets-là sur la base de critères bien établis, et c'est
un mandat qu'on propose de donner au comité de vigilance.
Quelques
autres préoccupations en rafale pour les minutes qui me restent. D'abord, le
projet de loi mentionne que le
premier conseil d'administration de la Société québécoise du cannabis devra
comprendre une expertise en santé publique, en toxicomanie, et en intervention auprès des jeunes. On croit que les
conseils d'administration ultérieurs devraient maintenir cette expertise
pour maximiser les chances de maintenir à long terme la perspective initiale de
protection de la santé.
En ce qui
concerne les produits comestibles ou autres produits dérivés, on suggère de
retarder le plus possible leur commercialisation, du moins jusqu'à ce
qu'on ait plus de données sur leurs effets et sur la sécurité de leur
utilisation.
Dans
un tout autre ordre d'idées, on a été bien heureux de constater la création
d'un fonds de prévention et de recherche. Les besoins vont être grands
en ressources, tant pour les directions de santé publique que pour les autres partenaires. À cet effet, on souhaite souligner
l'importance que ces fonds demeurent en prévention et qu'ils ne soient pas
dirigés vers les services curatifs qui sont, eux, bien couverts par le nouveau
plan interministériel en dépendance.
On souhaite
aussi souligner que la création du comité de vigilance nous semble une
excellente mesure, et il nous apparaît essentiel que l'ensemble des
rapports et des avis du comité puisse être rendu public.
En ce qui
concerne les lieux de consommation, évidemment, on en entend de plus en plus
parler, on entend parler de municipalités qui souhaitent interdire la
consommation dans les lieux publics. À cet égard, il y a selon nous un risque
de confusion et d'inéquité pour les citoyens
avec ce genre de latitude quant à la consommation dans les lieux publics. La loi sur le cannabis en termes de lieu de
consommation devrait, selon nous, être conforme à celle adoptée pour le tabac
et déterminée par une réglementation dont l'essentiel devrait être enchâssé
dans le présent projet de loi.
Finalement, on
réitère notre position en faveur d'un âge légal de 18 ans pour rejoindre
les principaux consommateurs actuels
et pour être cohérents dans nos messages de prévention avec les autres produits
de consommation.
En
conclusion, vous arrivez au terme de plusieurs journées d'audition, et je suis
certaine que les gens qui se sont présentés
devant vous avaient plusieurs objectifs qui différaient un et l'autre. Je veux
vous rappeler que pour les directeurs régionaux de santé publique,
l'objectif premier, c'est de promouvoir et de protéger la santé de la
population. Nous croyons qu'il est possible
de maintenir le cap sur la santé avec l'actuel projet de loi. Mais les
expériences montrent que l'équilibre est fragile et que le risque de
banalisation et d'augmentation de la consommation est bien présent. On réitère
donc notre appui à une approche qui est
teintée de prudence et qui progresse au rythme des données d'évaluation et de
recherche qui devront être rigoureuses. Merci.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dre Loslier pour la
présentation de votre mémoire. Nous allons débuter immédiatement les périodes
d'échange avec les parlementaires. Mme la ministre, députée de Soulanges,
vous disposez de 15 minutes. À vous la parole.
Mme
Charlebois :
Merci. Merci, Dre Loslier, Dr Desbiens et Dr Massé d'être ici et
de nous faire part des priorités de
l'ensemble des directeurs de la santé publique, les directeurs régionaux de
santé publique. C'est fort important. Écoutez, vous avez entendu le débat sur l'âge légal de consommer. Je n'irai pas
là-dedans. Vous avez établi 18 ans, puis j'adhère à cette position-là. Vous avez entendu mes
positions. Vous savez les positions de d'autres partis. Ceci étant dit, je
pense qu'on a fait nos points, puis
quand même qu'on en parlerait encore trois heures, je pense que tout le monde a
les mêmes arguments d'un bord ou de l'autre. Ça fait que je pense qu'on
a fait le point là-dessus. On va passer à d'autres sujets.
Vous nous
avez fait part... Je vais y aller par les lieux publics. Je vais commencer par
la fin de votre mémoire. Vous nous
recommandez de faire une interdiction, genre, comme pour la consommation du
tabac. Ce que nous proposons dans le projet
de loi, c'est «tabac plus», parce
qu'on a ajouté les terrains, campus universitaires et des collèges. Cependant, je pense qu'avec
les municipalités nous pourrions avoir des discussions, et ils ont
un champ de compétence, eux, en fonction de leurs compétences, parce que ce sont des élus aussi, où ils
pourraient encore restreindre davantage dans certains lieux publics de leurs municipalités.
Qu'en pensez-vous?
• (16 h 30) •
Mme
Loslier (Julie) : En fait,
d'abord dire qu'on adhère au «tabac plus», le plus est important
ici, effectivement. Pour
répondre au reste de votre question, je vais laisser le Dr Desbiens.
M. Desbiens (François) :
Bien, on adhère au «tabac plus». Puis pourquoi ne pas laisser la possibilité
aux municipalités, c'est pour avoir une approche harmonisée qui ferait en sorte
qu'un citoyen qui demeure à Lévis ou qui demeure
à Québec, bien, il se promène d'un endroit à l'autre puis,
pour faciliter sa compréhension d'où il peut utiliser le cannabis puis son application, puis un élément
d'équité, on trouve que ça devrait être normalisé par la loi actuelle, par sa
réglementation. Ainsi, ce serait uniformisé et ce serait beaucoup
plus facile de compréhension pour le citoyen et aussi pour
l'application par les corps policiers ou les autres inspecteurs
qui devraient faire respecter la législation. On pense qu'en termes d'équité entre les
choses, on pense que, par rapport aux lieux de vente, les municipalités devraient avoir une capacité réglementaire.
Votre question était sur les lieux de
consommation...
Mme
Charlebois : Oui,
mais quand même, c'est bon.
M.
Desbiens (François) :
Mais on pense que... sur les lieux de vente, notre mémoire
mentionne qu'à ce moment-là il y a
une lecture pour chacune des municipalités par
rapport à la proximité des écoles ou
autres infrastructures municipales, ou
scolaires, ou de loisirs, qu'il devrait y avoir un choix municipal là-dedans.
Ils pourraient être guidés par une réglementation souple qui donne des possibilités d'ajustement dans chacune des villes concernées. Mais pour les
lieux de consommation, à l'instar du tabac, on pense que ça devrait être
normalisé provincialement par la loi actuelle.
Mme
Charlebois : Est-ce
que, si on normalise par la loi provinciale,
«tabac plus», ça vous convient? Parce
que vous comprenez qu'il reste des lieux publics où ce sera possible de
consommer du cannabis.
M. Desbiens (François) :
Bien, si la loi prévoit que c'est légal de consommer, il faut qu'il y ait des
lieux de consommation. Puis il ne faut pas
que ces lieux de consommation là soient, je dirais, tellement
restrictifs qu'il n'y aura pas de consommation ou, s'il y en a, ça sera continuellement hors légal, là, illégal, excusez l'expression,
ou ce sera dans des lieux où on ne veut pas que ça fume, comme des
fumoirs.
Mais
on est très heureux, nous, comme directeurs de santé publique, qu'on ne fume
plus dans des lieux publics ou des
salles de rencontre. En 1985, quand j'ai commencé à travailler, il y avait
cinq fumeurs dans une pièce, puis tout
le monde fumait. Mais, si on a des fumoirs pour le
cannabis qui se fume, bien, pourquoi que les gens qui fument du tabac ne
pourraient pas recommencer à fumer dans des
fumoirs? Je veux dire, on pense qu'il
y a là une congruence pour les lieux
fermés. Pour les lieux publics, bien, on ne
pense pas que l'analogie à l'alcool devrait s'appliquer, parce que,
si on interdit de fumer du cannabis
dans des lieux publics, à l'instar de l'alcool, puis que des propriétaires
peuvent interdire de fumer dans les
logements locatifs, bien, les jeunes qui sont principalement les fumeurs entre
15 et 24, 25 ans, qui sont principalement
des locataires, s'ils ne sont pas chez eux, ils vont faire quoi, là, quand...
Ils vont fumer où, là?
Ça
fait que je ne dis pas ça parce que je veux les encourager à fumer, mais, si c'est
légal, il y a quelque
chose qui...
Mme
Charlebois :
D'incohérent.
M.
Desbiens (François) :
Minimalement, on doit permettre que ça puisse se réaliser correctement, à
moindre mal, à moindres conséquences.
Mme
Charlebois : Et, à
mon sens, c'est là qu'il y a un danger de banalisation, parce qu'ils vont être tellement tout le temps dans l'illégalité qu'il n'y aura
plus d'intervention pour les empêcher, parce que, s'ils n'ont plus de lieux
puis... Bon, en tout cas, moi, c'est
comme ça que je le vois. Ça fait qu'à un moment donné on va tomber dans la...
C'est interdit en ce moment, puis Dieu sait qu'on en sent parfois.
Je
vous ai entendu parler des salons... bien, des restaurants, mais il reste des
salons de cigares, le tabac, incluant les
chichas. Vous savez qu'actuellement il en reste 22 dans tout le Québec, hein?
Est-ce que vous voyez d'un bon oeil... Moi, je vais vous dire comment je
vois ça puis... Bien, je vous le dirai après. Est-ce que vous voyez d'un bon
oeil d'instaurer des salons de cannabis?
Moi, bien, je vais vous le dire tout de suite, à mon sens, c'est comme de
remettre en place tout ce qu'on est
en train de démanteler. Il en reste juste 22. Il y en avait beaucoup plus que
ça lors de la première Loi sur le
tabac que M. Rochon avait établie, si je ne m'abuse, en 1998. Est-ce qu'on va
être en train de remettre en place un modèle qu'on a réussi à presque
éliminer? Là on s'en va vers ça, là.
M. Desbiens
(François) : ...de poursuivre la discussion avec vous, Mme la
ministre.
M.
Massé (Richard) : Certainement pas, Mme la ministre. On a vécu avec un
anachronisme qu'on essayait de contrôler,
pour lequel on vit avec une image du passé,
qui n'est pas vraiment fructueux. Donc, pour nous, les salons de chicha, c'est plutôt un problème, ce n'est pas une solution. Et puis de
rajouter le cannabis par-dessus ça, là, dans le fond, pourquoi ne pas étendre au tabac aussi puis
pourquoi... Dans le fond, là, on remet en question une longue lutte pour être capable d'avoir des endroits qui sont bien, bien
établis, qui ne sont pas problématiques comme ces cafés-là. Puis on n'est
pas les seuls. En Europe aussi, ils ont remis en question un peu ce genre de
pratiques là. Donc, je pense qu'on doit effectivement ne pas aller dans le sens
de permettre qu'il y ait des salons ou des cafés qui deviennent des fumoirs.
Puis,
pour ce qui est des lieux publics, il faut qu'il y ait des endroits où est-ce
que les gens puissent fumer. Il faut peut-être
qu'il y ait des endroits où est-ce que les gens ne puissent pas fumer puis
qu'on donne, le gouvernement avec les municipalités, la possibilité de
dire que, s'il y a des endroits qui sont protégés, il y a des moments qui
pourraient être protégés, et ça, ça se
décide en commun. Je vois très bien une collaboration qui pourrait bien
s'installer, qui pourrait être fructueuse
pour aider les citoyens à se retrouver dans ce méli-mélo, parce qu'on pourrait
se retrouver dans un mélange de toutes sortes de choses qui va être non
gérable.
Mme Charlebois :
Parce qu'il y a des municipalités en ce moment qui sont plus restrictives sur
le tabac que le gouvernement l'est, là, à ma connaissance en tout cas.
M. Massé
(Richard) : Oui, mais la Loi sur le tabac est assez explicite
actuellement qu'elle a relativement normalisé les choses, ce qui était beaucoup plus variable avant, puisque c'était
les municipalités qui avaient vraiment pris l'initiative. Je pense que
maintenant le gouvernement québécois et les autres provinces canadiennes ont
pris l'initiative qui évite justement cette disparité très grande.
Mme Charlebois :
C'est ça, puis, à mon sens, de mettre les mêmes lieux pour le tabac que pour le
cannabis, ça va être clair dans la tête des Québécois où c'est possible,
où ce n'est pas possible.
M. Massé
(Richard) : Tout à fait.
Mme Charlebois :
Il ne reste pas tant de places que ça où ce sera possible là.
M. Massé
(Richard) : Ce qui n'est pas le cas avec l'alcool. Si on prenait une
approche alcool qu'on sait qui est préconisée,
cette approche-là est vraiment différente. Elle est, en fait, inversée, lieux
publics, privés et pose vraiment d'autres enjeux, d'autres problèmes.
Mme Charlebois :
Je vais vous amener sur la possession personnelle du cannabis. On a choisi,
dans le projet de loi n° 157, de mettre
les mêmes quantités que le cannabis thérapeutique, puis c'est clair que, si je
dis 30 grammes de cannabis
séché, ce n'est pas la même quantité pour le cannabis frais, les huiles, etc.,
mais c'est tous des comparables, là. Évidemment, vous connaissez assez
bien ça.
Est-ce que
vous croyez qu'on a fait un bon choix que de prendre les mêmes quantités qui
sont permises pour le cannabis thérapeutique pour un citoyen que pour le
cannabis non thérapeutique? Puis je l'appelle non thérapeutique à escient, vous
le remarquez, parce que je ne veux pas utiliser l'autre mot. Je trouve que ça
banalise, l'autre mot.
M. Massé
(Richard) : Bien, écoutez, 30 grammes, c'est déjà une quantité
relativement importante, donc on pense que
c'est certainement acceptable. Maintenant, pourquoi faire des mesures
différentes? Là, il n'y a pas une donnée qui nous permet de dire que
c'est la bonne mesure. Mais, 30 grammes, c'est reconnu à beaucoup
d'endroits, ça permet la consommation d'une personne amplement, on pourrait
dire, là. Donc, on pense que c'est tout à fait acceptable.
J'en profiterais pour déborder un peu, pour
dire, une de nos préoccupations, c'est que, du côté du cannabis thérapeutique, on voit qu'il y a des enjeux de
marketing qui ne sont pas sur le même piédestal du tout que le cannabis non
thérapeutique. Ça nous inquiète vraiment
parce qu'on voit des stratégies de marketing qui sont nettement dangereuses
et qui pourraient être un glissement. Puis
on a vu, au Colorado, un glissement entre thérapeutique, non thérapeutique.
Donc, il faut faire bien attention et
probablement faire des recommandations au gouvernement fédéral, parce que là ça
implique un autre niveau de gouvernement, pour être sûrs qu'on ne va pas
permettre ce marketing, je vais l'appeler débridé, excusez-moi, du cannabis
thérapeutique.
Mme Charlebois :
Mais vous avez tout à fait raison, et j'aurai besoin d'appui quand j'aurai des
recommandations à faire ou, en tout
cas, des commentaires à faire au gouvernement fédéral, parce qu'on a entendu
hier, puis je l'avais déjà entendu,
il y a des promotions pour des quantités, puis, en tout cas, bref, ce n'est pas
ce qu'on souhaite au Québec. Ça n'arrivera pas à la Société québécoise
du cannabis. Ce ne sera pas ni la quantité, ni le... non, non. Le but, ce n'est
pas d'augmenter le marché, là, c'est de
ramener les gens du marché illicite vers un marché licite, mais pas d'en faire
la promotion pour en vendre plus, là.
Au contraire, comme je le disais, la Société québécoise du cannabis ne va pas
être jugée sur sa performance à
vendre, elle va être jugée sur sa performance comment elle fait les choses,
puis comment on informe les gens,
puis comment on sera jugés aussi dans l'ensemble du gouvernement pour dire
comment on fait notre prévention, puis etc.
Côté
publicité, je vous ai entendus, puis ça m'a interpelée. Vous avez vu, je me
suis revirée, j'ai posé des questions. Ça
m'a titillée. J'ai dit : Mon Dieu! je n'ai pas vu ça passer. À l'article 46, vous m'avez parlé, Dre Loslier,
de la publicité, là, pour 85 % des lecteurs majeurs puis là vous
m'avez dit : Même le Journal Métro pourrait... Là, ça m'a fait... Qu'est-ce que c'est ça? Et je vous ramène à l'article
46, parce qu'il y a différents articles, jusqu'à l'article 8a, là, qui donnent
d'autres restrictions, bon, qui associent directement ou indirectement... C'est interdit d'associer ça, l'usage du cannabis
ou un accessoire à un style de vie. Destiner aux mineurs, c'est interdit, fait
de manière trompeuse...
Bref, ça
s'apparente beaucoup à ce qu'on fait
déjà pour le tabac, mais je vois, là,
que, dans les journaux et magazines écrits
de moins... Bref, c'est un article qui s'apparente beaucoup à ce qu'on fait déjà
dans le tabac. Où vous voudriez nous voir
préciser ça? Parce qu'il y a beaucoup d'interdictions jusqu'à 8 qui fait en sorte que
ce n'est à peu près pas possible. Nous autres, ce qu'on
souhaite, c'est de l'information, pas de la publicité de vente, là.
• (16 h 40) •
Mme
Loslier (Julie) : En fait,
si je ne me trompe pas, toute information est interdite en ce moment pour le tabac. Il me semble
que, selon le projet de loi actuel, il y a une permissivité quand même
qui est plus grande. Vous maîtrisez probablement mieux que moi tous les
différents articles, mais ce qu'on dit, c'est que toute publicité, que ça soit
de l'information, que ça soit... En ce moment, comme c'est là, il n'y a rien qui empêcherait une pleine page sur le
cannabis. Tout ça, c'est des rappels
à la substance et ça nous semble être dangereux. Est-ce que j'ai mal compris
par rapport au tabac? Mais ça nous
semblait quand même, d'un point de vue de permissivité, plus grand que
ce qu'il y a actuellement pour le tabac.
M. Massé
(Richard) : Si je peux me
permettre, pour le tabac, ça a été une longue lutte pour arriver à dire qu'on
interdit toute publicité pour le tabac. Et
là on voit comme une ouverture potentielle, limitée, mais quand même
qui est potentielle, qui nous
apparaît importante, parce que le 85 % de population
adulte, ça peut être beaucoup, beaucoup de journaux,
et là des restrictions, des restrictions, des restrictions après, que vous
mentionnez, pour essayer de dire : Bien oui, on permet, mais, dans le
fond, on permet moins, puis on permet
moins, puis on permet moins. L'approche «tabac plus»... pourquoi ne pas dire : On interdit toute publicité
pour les produits du cannabis? Et, comme je dis, on est arrivés à ça au tabac puis il me semble que c'est une
approche qui est logique, qui est fructueuse. On aurait pensé, on pense, que ça
serait une approche qui serait probablement plus claire.
Mme
Charlebois : Je vous entends puis je vous le dis, je vous
écoute, là, ça m'interpelle. La seule chose que... Tu sais, parce que c'est un phénomène nouveau
qu'est la légalisation, puis on a... Ce n'est pas comme le tabac, qu'on a
été informés, il y a 8 000 substances
chimiques dans chaque cigarette. En
tout cas, tu sais, mais on n'a pas
ça, là, avec le cannabis. On est au début de l'apprentissage.
Tu sais,
comme je disais à des gens hier, moi, adolescente, mon père me disait : Ne
fume pas, ce n'est pas bon, mais il y
avait le cendrier plein à côté de lui, puis il fumait comme un engin, puis il
ne le faisait pas pour mal faire. C'était comme ça à l'époque. Mais, quand j'ai commencé à apprendre tout ce qu'il
y avait là-dedans puis pourquoi ce n'était pas bon de fumer, là, ça m'a donné les munitions pour arrêter, honnêtement.
Bien, c'est un peu ça aussi que, dans ma tête, je
voyais pour le cannabis. Je trouve qu'on manque d'informer la population, et
c'est ce que moi, je voyais comme, tu sais, donner des renseignements factuels,
mais peut-être qu'il faudrait formuler ça différemment. Dr Massé...
M. Massé
(Richard) : On est tellement
contents qu'il y ait de l'information qui doive être passée au public et puis les publics cibles. Et puis vous avez tout à
fait raison, c'est essentiel, mais on ne pense pas que c'est aux entreprises
à faire cette chose-là. On pense que c'est au gouvernement et puis aux
organismes qui ont le mandat de prévention.
Le danger,
c'est que les organismes qui vont faire ça, ils vont le faire avec d'autres
objectifs qui sont les vôtres, qui
sont essentiellement à la fois de rendre licite ce qui est illicite,
mais aussi d'avoir un marché contrôlé et de passer des messages de prévention ciblés aux personnes. Donc
là, en laissant ça aux entreprises, cette responsabilité-là, d'après moi, il y a un glissement là qui nous
apparaît fort dangereux.
Mme
Charlebois : En
fait, ce n'est pas aux entreprises, c'est à la société québécoise. O.K. On en
reparlera.
Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme
la ministre. Malheureusement, votre temps est écoulé. Nous allons maintenant
du côté de l'opposition officielle. M. le
député de Labelle,
vous avez un bloc de neuf minutes. À vous la parole.
M. Pagé : Merci,
M. le Président. Merci pour votre
réflexion, votre mémoire. Il y a beaucoup de choses là-dedans. Bon, vous abordez,
dans la première partie, promotion, publicité, emballage, tout le volet aussi
du site de la SQC, parce que
je pense que vous êtes d'accord avec le fait que quelqu'un qui devrait acheter
en ligne devrait s'approvisionner à la Société québécoise du cannabis.
C'est bien cela?
Mme Loslier (Julie) : Oui.
M. Pagé : Oui, O.K. Bon, là, maintenant, vous savez qu'on a
un problème, parce que, bon, la loi prévoit qu'on puisse acheter à la Société québécoise du cannabis
en ligne. La loi prévoit aussi, à l'article 21, que «quiconque contrevient aux dispositions du premier alinéa commet une
infraction et est passible d'une amende de 5 000 à 500 000 $. En cas de récidive...» Ça, c'est
pour des gens qui vendraient à quelqu'un qui veut consommer, mais qui n'est pas
la SQC. Sauf qu'il y a un problème, si la
personne veut acheter mais que l'entreprise est hors Québec, parce qu'on ne
pourra pas faire appliquer la loi québécoise à une entreprise de la
Colombie-Britannique.
Alors, moi, j'invite bien amicalement... parce
que la ministre a dit tantôt qu'elle va parler encore à son homologue fédéral afin de bonifier la loi
fédérale. Il faudrait que le fédéral inscrive dans sa propre loi que quiconque
vendrait à un Québécois, ou un
Ontarien si la même loi s'applique en Ontario, mais quiconque vendrait hors
Québec, qu'il serait passible aussi
d'une amende, d'interdire. En fait, ils perdraient même leur permis. Je pense
qu'il faut qu'on en arrive à cela, parce
que sinon, ça voudrait dire que les Québécois ne pourraient pas
s'approvisionner au Québec autrement qu'à la SQC, mais hors Québec, ça
serait facile de le faire. Alors, je pense qu'il y a un vide là, là, sur lequel
il faut combler.
Par contre,
là où je veux vous amener... Mon problème dans tout ça, c'est que quelqu'un qui
peut acheter, recevoir dans sa boîte
aux lettres n'aura jamais de contact avec un conseiller. Je ne les appelle pas
les vendeurs, dans la Société québécoise du cannabis, je les appelle les
conseillers, qui vont pouvoir à la fois faire de la prévention.
Quelle est la
solution, selon vous, pour justement qu'il y ait un contact personne à
personne, pour que... Moi, je dis, la
personne devrait commander en ligne, mais aller chercher à un comptoir, mais
des comptoirs, il n'y en aura pas partout. Alors, on a soulevé : est-ce que ça pourrait être dans les
pharmacies, par exemple? Quelle est la solution? Ou bien, si vous me dites : Bien non, il peut le recevoir dans
sa boîte aux lettres... et ça sera le facteur qui va faire la prévention, quoi?
Alors, comment on joue ça, cet aspect-là?
Mme
Loslier (Julie) : Bien,
d'abord, je pense qu'il faut faire attention avec la question de la boîte aux
lettres, hein, pour vérifier que la
personne qui reçoit le cannabis est bien majeure et répond bien à l'identité de
celle qui l'a acheté. Il faut qu'il y ait une certaine vérification.
Donc, pour le facteur, il faut être prudent.
Pour ce qui
est de la vente en ligne, vous avez raison de dire qu'on appuyait la vente en
ligne par la SQC. Actuellement,
l'Internet, c'est la principale source d'information et de consommation,
surtout chez les jeunes, qui sont nos plus grands consommateurs. Et ce
qu'on sait de plus en plus, c'est que les modèles de communication virtuelle qui sont basés sur des algorithmes d'intelligence
artificielle, qui peuvent interagir avec le consommateur, c'est de plus
en plus exploité pour certains troubles du
comportement, entre autres, qu'on parle... on peut penser à la cyberdépendance.
On pense que c'est une avenue qui est
intéressante et qui devrait être exploitée pour le cannabis, donc de développer
des algorithmes qui permettent à
l'acheteur de rentrer certaines informations sur son profil de consommation et
de recevoir des conseils personnalisés, tout comme ça va être fait avec
des préposés en magasin.
Donc, c'est
pour ça qu'on pense que dans l'appel d'offres pour le développement du site
Internet, il devrait y avoir des
experts qui possèdent cette expérience-là en algorithmes d'intelligence
artificielle et des experts de santé publique pour les bons conseils de
prévention.
M. Pagé : Je comprends bien
ce que vous dites et, oui, j'achète ça, mais mon problème, c'est que, si on
peut s'approvisionner aisément n'importe où à travers le Canada, là, j'ai un
autre problème, parce que je ne suis pas sûr que les autres sites qui vont être
fabriqués... ou si c'est carrément un distributeur, un producteur qui peut
vendre directement à un citoyen québécois,
là, j'ai un problème important. Donc, il faut que le fédéral, obligatoirement,
interdise, quand une province le demande, interdise, sous peine de
perdre son permis de production, à un producteur de la Colombie-Britannique de vendre à un Québécois qui
veut acheter. Si on a cela dans la loi fédérale, on va contrôler plus
l'achat en ligne, que les Québécois achètent au Québec, donc à la SQC.
Mme Loslier
(Julie) : Tout à fait.
M. Pagé :
Il faut absolument faire quelque chose du genre.
Mme Loslier
(Julie) : Je vous appuie tout à fait.
• (16 h 50) •
M.
Pagé : O.K., on s'entend là-dessus. Bon, le projet pilote,
juste avant vous, les gens sont venus dire : Bien, pas avant trois ans et même, peut-être même,
idéalement, pas du tout. Mais bon, je ne veux pas leur mettre des mots dans la
bouche, mais je pense qu'on n'était pas loin de cela. À tout le moins, pas
avant trois ans.
Vous,
vous apportez une nuance, pas avant qu'il y en ait 50. Mais 50, le
déploiement... bon, l'Ontario est pris avec la même situation, puis je
pense qu'ils vont en avoir, c'est 40 dès le 1er juillet. Au Québec, il y en
aura 15, mais le déploiement peut se faire
très, très rapidement, là. 50, est-ce qu'on va l'avoir atteint dans
12 mois, dans 24, dans 36? Je pense
que ça va se faire très rapidement.
Le 50, moi, j'aimais mieux l'idée, dans le compromis, dans la recherche
d'équilibre, de dire : Bien,
trois ans, au moins, on a un laps de temps et on peut vraiment
ensuite observer comment les choses se passent.
Alors,
j'essaie de comprendre pourquoi votre 50 au lieu de se donner vraiment
un laps de temps. Tant qu'à moi, ça ne devrait pas exister, à tout le moins à court terme, pour minimalement les cinq premières années, mais bon, déjà avec
le trois ans, je trouvais ça pas si mal. Mais pourquoi avoir choisi le 50? Parce que,
je ne sais pas, si vous connaissez le
déploiement des 50, ça va se faire en combien de temps, là, mais... Puis encore
là, aussitôt qu'on déploie les 50, on n'aura pas l'expertise. On n'aura pas pu observer les comportements, parce que
les 50, quand ils vont être déployés, le temps qu'on puisse voir le
profil des consommateurs et tout le reste, alors...
M.
Desbiens (François) :
C'est une très bonne question puis demandez-nous pas les évidences
scientifiques pour justifier le 50, O.K.?
M. Pagé :
Justement, je voulais vous demander...
M.
Desbiens (François) :
Parce qu'il n'y en a pas vraiment.
Notre position, c'est de dire que les projets pilotes ne doivent pas empêcher
la SQC de s'installer comme il faut et de faire son offre de service, avec des
gens qui vont être formés
adéquatement, pour bien conseiller les gens, puis passer les messages de
prévention, puis pour faire une offre de service.
On
dit, par ailleurs, quand on regarde d'autres sociétés, d'autres États qui ont
commercialisé le cannabis, il y a des OBNL,
il y a des coopératives. Disons qu'on peut comprendre que le projet
gouvernemental du projet de loi, d'avoir des projets pilotes, pourrait faire en sorte de tester des projets pilotes
qui n'auraient pas la philosophie de commercial, de faire en sorte de
faire des profits et qui seraient aussi contributives à offrir des produits
dans une stratégie d'informer les consommateurs, pour qu'on ait moins de
consommateurs à terme.
Donc,
quand on a discuté entre nous, on a fait consensus sur un 50, mais ce qu'on
veut, c'est que la SQC puisse s'installer comme il faut le plus vite
possible, puis 15 qui est prévu, mais 15, ça ne couvre pas grand place, ça, là,
là, au niveau du Québec, là. Je ne sais pas
s'il va y en avoir un à Baie-Comeau, s'il va y en avoir à Val-d'Or, s'il va y
en avoir un à Amqui ou à... Donc, on disait : Il faudrait qu'il y
en ait plus avant qu'on puisse penser au projet pilote, mais on partageait l'opinion des gens qui ont passé avant
nous ici au micro, il faut que la SQC puisse s'installer comme il faut. Les projets pilotes ne sont pas la solution. C'est
la SQC puis ses points de vente qui vont être la solution, parce qu'on va
avoir une offre de service qui va encadrer,
qui va passer des messages de prévention, mais les projets pilotes pourraient
tester des choses, comme des coopératives de
consommateurs, des OBNL, qui n'ont pas une philosophie de marché, de
profits puis qui pourraient compléter par la suite.
Mme Loslier (Julie) : Puis peut-être compléter en disant qu'il va y avoir des délais
qui vont être imposés par notre recommandation de bien évaluer la distribution, l'impact de la
distribution étatique avant d'aller vers des projets pilotes.
M.
Desbiens (François) :
Mais ce qui est le plus important, c'est que, si on s'en va dans des projets pilotes, puis notre mémoire le mentionne, puis Dre Loslier l'a
mentionné, il faut éviter l'intégration verticale. On va avoir des producteurs qui vont avoir des projets pilotes... ou l'intégration horizontale,
où on va avoir des franchisés qui vont faire en sorte qu'à ce moment-là il y a aussi une recherche de profits, une
recherche de rentabilité, d'optimisation dans toutes les choses. Et la fidélité d'avoir des
consommateurs puis de les maintenir fidèles, bien là, ça va aller à l'encontre
d'une approche de santé publique.
M. Pagé :
J'imagine que vous...
Le
Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle.
Malheureusement, votre temps est écoulé. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Repentigny, vous disposez de six minutes. À vous la parole.
Mme
Lavallée : Merci beaucoup. Merci d'être là.
On
parle de santé publique, puis santé publique, que ce soit aux États-Unis, ou
que ça soit au Canada, ou au Québec, c'est
de la santé publique. Donc, c'est une préoccupation qu'on doit avoir. Le groupe
qui est venu avant vous nous ont donné
un tableau où on voit que sept États américains ont établi l'âge légal pour
consommer du cannabis à 21 ans, dont la Californie, qui est quand même un État qui est réputé pour être assez
avant-gardiste. Et il y a quatre États qui ont décidé, dans un souci de santé publique, de réviser même
l'âge pour consommer du tabac, donc de ramener ça à 21 ans, alors que ça avait
été 18 ans, puis encore là, l'État de la Californie est là-dedans, et
Washington a un projet de loi où ils sont en train de rehausser l'âge où
on peut accéder au tabac.
Tout
à l'heure, mon collègue a parlé de la Colombie-Britannique et l'Ontario qui
pensent rehausser l'âge pour acheter
du tabac, l'âge légal, à 21 ans. Donc, on a eu des problématiques avec le
tabac, où l'âge légal était 18 ans, et là aujourd'hui on se dit : Mais, avec toutes les campagnes antitabac
qu'on a mis en place, parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des
dommages causés par le tabac, on réfléchit à rehausser ces âges-là.
Donc,
où je me questionne, c'est que là on est devant un phénomène où on veut
légaliser le cannabis, où on n'a pas
encore de rapport qui nous dit les conséquences de ça. Il n'y a personne qui est capable de nous le dire, puis là
on se questionne, à savoir : Est-ce qu'on met ça à 18 ans ou 21 ans? Puis mon questionnement à moi, c'est de dire : Est-ce
qu'on ne serait pas mieux d'y aller
sur la ligne dure, quitte à réviser lorsqu'on aura des rapports auxquels on
pourra accéder pour nous rassurer? Comme on est en train de se
repositionner sur l'âge pour le tabac, j'ai de la misère à comprendre que, lorsqu'on a un souci de santé publique, on n'ait
pas cette préoccupation, alors qu'on
ne sait pas dans quoi on s'embarque.
Ne pensez-vous pas
qu'on devrait avoir à adopter la ligne dure, quitte à revenir un petit peu en
arrière?
Mme Loslier (Julie) : Merci de votre question. En fait, vous avez raison de dire que les
principes de santé publique, qu'on
soit au Canada ou aux États-Unis, sont les mêmes. Un des principes qui est à la
base du projet de loi, c'est la réduction des méfaits. C'est de dire
qu'actuellement, dans un régime de prohibition les consommateurs ont plus de
méfaits que ça le sera avec un
produit licite, où on pourra contrôler la qualité, où on pourra donner des
conseils de prévention, on pourra faire
de la recherche. Actuellement, mettre l'âge à 21 ans, ça revient à
dire : Nos objectifs de santé publique, derrière le bien-fondé même
de la légalisation, on empêche les 18-21 ans d'y avoir accès et on les garde
dans le marché illicite.
Donc,
ce qu'on dit, ce n'est pas que c'est une bonne chose de consommer avant
21 ans. Ce qu'on dit, c'est que les
gens consomment déjà, bien avant 18 ans, même, hein? Les gens, que ce soit pour
le cannabis ou pour l'alcool, consomment
avant 18 ans, même si c'est interdit. Ce qu'on dit, c'est qu'on devrait
permettre d'avoir accès à une substance mieux contrôlée à notre plus
grande population de consommateurs.
Mme
Lavallée : Mais alors qu'on réfléchit sur la possibilité de donner
accès au tabac à l'âge de 21 ans, alors qu'on a légalisé ça à 18 ans auparavant...
Ici, c'est encore 18 ans. Mais les dommages sur la santé ont fait en sorte que
des provinces se questionnent sur le fait de rehausser... en ayant des grosses
campagnes. Les campagnes antitabac, là, c'est des campagnes d'information, et
notre rôle, comme... Je pense, quand
on travaille en santé publique, notre rôle, c'est de faire de la prévention,
d'informer.
Lorsqu'on
dit à des jeunes : On ne permet pas l'usage du cannabis ou du tabac avant
21 ans, c'est qu'on considère que le
produit est dangereux, et voici pourquoi on considère le produit dangereux.
Parce que, vous l'avez dit, avant 18 ans... Il y en a beaucoup qui consomment à 17 ans, à 16 ans, à
15 ans. Est-ce qu'on va légaliser à ces âges-là pour sortir ces jeunes-là aussi du milieu illicite, tu sais? Moi,
c'est cet argumentaire-là que j'ai un peu de misère avec ça, là, actuellement.
M.
Massé (Richard) : Un autre argument, c'est un argument de cohérence,
qui est vraiment important. On voit tous
les méfaits qui sont occasionnés par le tabac, par l'alcool, et puis
potentiellement, la marijuana a aussi des méfaits, mais les deux autres sont déjà très bien reconnus
puis malheureusement trop bien connus pour toutes leurs conséquences.
De dire qu'on
mettrait 21 ans pour le cannabis puis qu'on laisserait à 18 ans pour
les deux autres, ça poserait clairement un
problème. Donc, un des problèmes, c'est que les personnes vont se retrouver
dans une situation illégale et vont
continuer de l'utiliser. On parle de 40 % des gens, à cet âge-là, qui vont
l'avoir essayé dans la dernière année, là. C'est quand même une
proportion importante, puis on ne pourra pas, à ce moment-là, être capable de
les rejoindre. Ils vont être dans un marché
illicite. On ne pourra pas leur donner des messages de prévention.
Rejoignons-les. Mais on voit qu'il y
a un enjeu de cohérence derrière tout ça, de là le fait de maintenir
18 ans. Je pense que c'était la ligne qui avait été choisie dans la
situation actuelle.
Mais,
si vous décidiez de rehausser l'ensemble des accès, pour le tabac, pour
l'alcool, pour le cannabis, à 19 ans ou à 20 ans, c'est un choix
sociétal. Mais nous, on n'est pas là actuellement, on est sur la réalité. La
réalité, c'est qu'il y a 40 %, deux sur
cinq personnes qui l'essaient dans une base occasionnelle, et puis que ces
gens-là, on doit être capable de pouvoir les rejoindre, de là le fait
qu'on est d'accord avec 18 ans.
Les
gens ont utilisé des messages en disant : Mais le cerveau continue de se
développer jusqu'à 25 ans. Mais les mêmes études disent que l'endroit où est-ce
qu'il est le plus vulnérable c'est avant, c'est dans l'adolescence, avant
18 ans. Donc, à 18 ans, déjà... Ça ne
veut pas dire qu'il n'y a pas des choses qui arrivent au niveau du
développement des personnes, mais que vraiment, la partie importante, c'est
avant que ça se produit, là.
Le
Président (M. Merlini) : Dr Desbiens, Dr Loslier et Dr Massé,
représentant les directions de santé publique du Québec, merci de votre
présence et de votre contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends quelques instants et j'invite maintenant l'INSPQ, soit l'Institut
national de santé publique du Québec, à prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 17 heures)
(Reprise à 17 h 2)
Le Président (M. Merlini) :
Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant l'Institut national de santé publique du Québec, qu'on appelle affectueusement l'INSPQ. Vous êtes
habitués aux commissions
parlementaires. Je vous invite à vous
présenter au début de votre exposé. Vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation. Et ensuite nous aurons
les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à
vous.
Institut national de
santé publique du Québec (INSPQ)
M. Poirier
(Alain) : Merci, M. le Président. Mme la
ministre, les membres de la commission,
je suis Alain Poirier, vice-président à l'institut,
l'INSPQ comme vous l'appelez. Je suis accompagné de trois experts, François
Gagnon, qui est conseiller
scientifique à l'institut, Dr Morin, qui est médecin spécialiste en santé
publique aussi... et santé publique et
médecine préventive, et Mme Maude Chapados, qui est aussi conseillère
scientifique à l'institut. Les trois ont travaillé sérieusement sur le
dossier de l'encadrement du cannabis à des fins non médicales et sont les
principaux auteurs du mémoire que nous avons
déposé, dans lequel il y a plusieurs recommandations que nous n'aurons pas le
temps de revoir, mais on pourra répondre aux questions.
Vous savez
que l'institut est un centre d'expertise de référence en matière de santé
publique qui a pour rôle de partager des connaissances sur différents
enjeux de santé publique. Ça explique effectivement qu'on est déjà venus à plusieurs reprises ici pour éclairer le processus
de décision, entre autres choses. C'est écrit formellement dans sa loi. Alors,
conformément à notre mission, nous allons
aujourd'hui attirer votre attention sur quelques préoccupations. On commencera
par les bons coups, bien sûr, de cette loi, mais il y a quelques préoccupations
qu'on voudra évoquer.
Alors, merci
beaucoup de nous avoir invités. Vous avez compris, comme beaucoup d'organismes
et institutions, qu'on est très
heureux. On accueille très favorablement le projet de loi et on salue, bien
sûr, la priorité — le
contraire serait étonnant — qu'il accorde aux objectifs de santé
publique. On va couvrir trois grands aspects qui se retrouvent, sous une
forme ou une autre, dans notre
mémoire : la logique sans but lucratif, que plusieurs ont rappelé, mais
qui est très importante, mais quelques
glissements potentiels — je dis bien potentiels — à cette logique, et on terminera avec
quelques bonifications avant de répondre aux questions.
Alors, la
prémisse sur laquelle on veut insister, qui devrait, selon nous, continuer à
guider le gouvernement, c'est l'importance
d'éviter le plus possible la logique commerciale. La littérature scientifique
sur les politiques publiques en matière
de tabac et d'alcool, de même que les expériences d'autres juridictions qui ont
légalisé le cannabis médical et non médical,
démontre que les systèmes de production et de distribution qui sont fondés sur
une logique à but lucratif sont plutôt difficilement conciliables avec
l'atteinte d'objectifs de santé et de sécurité publique. Les analyses
démontrent ailleurs... d'ailleurs, pardon,
que la hausse de la consommation de cannabis est associée à sa
commercialisation et non pas au
changement de statut légal. Il y a des démonstrations assez claires dans plein
d'autres juridictions. Ça a été rappelé tout à l'heure. Cette promotion commerciale... en fait, la promotion
commerciale, c'est la logique intrinsèque de cette idée, elle souhaite une augmentation du volume de
consommation par une hausse du nombre d'usagers. À l'opposé, une approche
à but non lucratif s'accorde beaucoup mieux avec la prévention, et c'est
l'objectif du projet.
Alors, la
création de la Société québécoise du cannabis, qui va agir comme monopole d'achat, c'est le meilleur rempart — c'est
un bon endroit pour en parler ici, à Québec — contre
l'intégration verticale ou horizontale du marché, plusieurs l'ont déjà
mentionné, et donc se préserver aussi des pressions commerciales qui y sont
associées.
La société représente également un dispositif capable
d'assurer le contrôle de la qualité des produits, et avec la volonté, bien sûr, d'intégrer les consommateurs
actuels au marché légal sans favoriser la consommation de la substance. C'est important chaque fois qu'on va parler d'âge
ou d'autres incitatifs. On n'est pas là pour dire que c'est une bonne idée
de consommer, mais, comme d'autres l'ont
dit... de réduire les méfaits qui existent déjà. Les faits sont là pour le
prouver, donc, cette volonté gouvernementale d'être guidés par une
volonté de... une mission de santé publique plutôt que des objectifs visant à
générer des revenus d'État.
Alors, il y a
plusieurs autres dispositions dans le projet de loi, au-delà de la société, qui
vont dans le même sens. L'obligation
du ministre de déposer des rapports, le comité de vigilance, le fonds de
prévention et de recherche, ce sont toutes
des bonnes idées pour éviter cette logique commerciale. Mais, voilà, ça répond
aux préoccupations que l'institut a
eu l'occasion précédemment de faire valoir, de même que plusieurs experts. Et
donc c'est une approche prudente, qui se veut évolutive, qu'on
encourage.
Maintenant,
j'ai évoqué, dans le deuxième aspect, qu'il y avait quelques glissements
possibles, potentiels, qui pourraient
fragiliser cette logique qu'on vient de louanger. On appelle ça des
glissements, que ça soit dans les articles actuels ou dans des règlements à venir, qui pourraient ouvrir à la
notion de commercialisation et au développement du marché. On va revoir
rapidement...
Premièrement,
le versement de dividendes provenant de la vente de cannabis au fonds général
du gouvernement ne met pas la SQC à
l'abri d'un virage commercial. Il faudrait s'assurer de rencontrer adéquatement
les besoins de financement en prévention, en réduction de méfaits, en
réadaptation, en recherche avant de permettre que ces surplus servent à financer d'autres activités de l'État.
En ce sens, les versements devraient être mieux encadrés par des mécanismes
de reddition publics. Ils pourraient, par
exemple, faire l'objet d'un préavis à l'Assemblée nationale et être documentés
par le ministre de la Santé et des Services sociaux dans son rapport
quinquennal sur l'application de la loi.
Un deuxième
aspect, toujours pour éviter le virage commercial et pour s'assurer de la
pérennité de la mission de la prévention de la SQC, c'est que la
majorité des membres du conseil d'administration devrait, de façon permanente et non transitoire,
provenir des secteurs de santé publique, de toxicomanie, d'intervention auprès
des jeunes. L'article actuel, le
23.6, pourrait prévoir aussi une mesure réglementaire qui vise à identifier
d'office des organismes détenteurs de cette expertise reconnue.
Troisième
lieu de préoccupation. La mise en place des projets pilotes devrait être
limitée à des organisations à but non
lucratif soumises aux mêmes obligations que celles encadrant les pratiques de
la vente de la société. L'article 55 tel que libellé actuellement
ouvre la porte à la vente de cannabis par des entreprises privées à but
lucratif. Or, ces entreprises encouragent la
consommation pour augmenter leurs profits. C'est leur logique, on l'a mentionné
précédemment. Donc, en limitant le nombre de ces projets, de grandes
bannières de vente au détail pourraient être autorisées, par décret
gouvernemental, à vendre du cannabis. Cela n'est pas souhaitable non plus.
Quatrième point.
Selon le projet de loi, des produits de cannabis comestibles pourraient
éventuellement être vendus par la Société
québécoise. M. le Président, jusqu'à présent, pas beaucoup de gens ont évoqué
cet enjeu, mais la vente autorisée de
comestibles pourrait, comme il a été observé ailleurs, entraîner une
déclinaison d'une gamme presque illimitée
de produits de cannabis. Ça nous inquiète car la diversification des produits
constitue une stratégie de développement
de marché qui, dans le cas du tabac, que je connais très bien, est largement
documentée pour sa capacité à attirer
de nouveaux consommateurs. Si les produits de cannabis comestibles peuvent être
vus comme une alternative souhaitable à sa forme fumée, le risque
demeure élevé qu'il devienne attrayant auprès des jeunes et d'un public de
non-usagers qui n'aime pas la fumée comme telle.
Par
ailleurs, les comestibles ont des effets retardés dans le temps, prolongés dans
la durée et moins facilement prévisibles, nous posent donc des enjeux — pas juste à nous mais à tout le monde — de sécurité routière, de sécurité en milieu de travail et d'intoxication aiguë chez les
adultes et les enfants. Alors, ces fameux comestibles ne devaient être
autorisés qu'avec une grande prudence.
• (17 h 10) •
Notre cinquième point.
Les dispositions en matière de promotion, publicité et emballage gagneraient à
être renforcées par rapport au projet actuel
pour ne pas promouvoir la vente des produits de cannabis. Il y a une différence
ici entre information et promotion.
Alors,
d'abord, la publicité devrait être tout simplement interdite complètement et
pas seulement celle destinée aux
mineurs. Ça inclut la publicité dans les journaux et magazines, quel que soit
le lectorat visé, la radio,
télévision, mais aussi sur le Web.
Ma
première intervention publique, il y a 30 ans, c'était une lettre d'opinion au Devoir,
parlait de la démonstration entre... le lien entre la publicité et
l'impact du tabagisme. On ne veut pas reculer là où on était, alors que le
tabac est consommé depuis 500 ans, depuis que les Européens sont arrivés en
Amérique du Nord. On a l'occasion de mieux commencer tout l'encadrement,
notamment en matière de publicité.
L'emballage,
d'autres l'ont dit avant nous, c'est aussi un outil promotionnel. On travaille
fort, dans le domaine du tabac, pour
en faire un produit neutre. Il faudrait que ce soit la même chose, et, bien sûr, avec des informations sur la santé, la
sécurité et les teneurs, sur la concentration de THC et de CBD. Peu en ont
parlé, mais notre mémoire développe plus cet élément.
Notre
dernier point, sur les glissements possibles, c'est que le projet de loi ne devrait pas permettre la vente de cannabis directement à une autre personne que par la SQC. Tout ça,
c'est pour éliminer le développement de marchés pour les producteurs
industriels de cannabis.
On veut terminer sur quelques
sujets au-delà de ces possibles glissements.
L'industrie
du cannabis médical. Certains autres l'ont évoqué, mais on est préoccupés que
les restrictions dans le projet de
loi n° 57 ne s'appliquent pas au domaine du cannabis médical. On a besoin
d'une harmonisation. Il a été bien décrit
qu'il y a plusieurs pratiques de mise en marché employées par cette industrie
qui visent à augmenter l'attrait aux produits et inciter à la consommation.
Alors, à la limite, le cannabis médical pourrait venir concurrencer la SQC et déstabiliser le nouveau cadre réglementaire
québécois. Il faut donc que ces deux systèmes, médical et non médical, soient
bien articulés pour être soumis aux mêmes
exigences. On suggère même qu'un scénario de vente de cannabis médical
en pharmacie mérite d'être examiné.
Je termine avec, en
rafale, quelques éléments.
La
sanction des mineurs pour la possession du cannabis, ce n'est pas une bonne
idée. Dans le domaine du tabac, moi
qui suis ici depuis des années en commission parlementaire, j'ai entendu
maintes fois l'industrie du tabac dire qu'il fallait le faire. Ce sont les gens et les adultes, dans le processus de
distribution jusqu'au consommateur, qui ont des amendes, et c'est comme
ça qu'il faut continuer à le faire.
Les
municipalités, pour la restriction, on n'a pas le temps d'en parler, mais c'est
essentiellement le «tabac plus» que nous privilégions, sinon les
consommateurs se retrouvent dans une impasse.
Quelques
articles devraient le clarifier. On pense que seuls les produits de cannabis
séché et de vapotage ayant une teneur
maximale en cannabinoïdes devraient être autorisés et non pas tous ceux qu'on a
dans le projet de loi actuel. Le système de contrôle de qualité des
produits devrait être renforcé et un système de traçabilité mis en place.
Concernant
la sécurité routière — je termine là-dessus — les dispositions devraient être bonifiées
pour s'assurer que la présence de
facultés affaiblies chez un conducteur dépisté par un test salivaire, le jour
où les outils seront disponibles, soient confirmées par des tests de
sobriété normalisés pour toute une série de raisons.
Voilà
résumées rapidement quelques-unes de nos 23 recommandations. Avec plaisir, on
répondra à vos questions.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Poirier, pour la
présentation de votre exposé. Nous allons débuter effectivement les échanges avec les
parlementaires. Mme la ministre, députée de Soulanges, vous disposez de 15 minutes.
À vous la parole.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, je vais aller
tout de suite sur les glissements, moi, parce que ce qui fait l'affaire... On n'en parlera pas
éternellement. Les premières dispositions, je n'irai pas là-dessus. Je vais
vous questionner sur les glissements éventuels. Et j'ai entendu ceux qui
vous ont précédé, les directeurs de santé publique régionaux, et j'ai entendu leur préoccupation, qui est la même, je
pense, que vous avez, au niveau de la publicité. Ça semble être les
mêmes préoccupations que vous avez, que ceux qui vous ont précédés. Est-ce que
je comprends bien?
M. Poirier (Alain) : Oui.
Mme
Charlebois :
Alors, je l'ai entendu puis je veux que vous le sachiez parce que ce qu'on
souhaite, c'est informer les gens, pas faire
de la publicité. On ne peut pas faire par la porte d'en arrière ce qu'on ne
veut pas faire par la porte d'en avant. Je suis en train de déformer
l'adage, mais ça me fait du bien quand même.
En ce qui concerne les membres du conseil
d'administration, à l'article
23.6, qu'est-ce que vous voudriez voir précisé?
M. Poirier
(Alain) : Il est dit, dans
le projet de loi, si on l'a bien compris, que c'est de façon
temporaire : Voilà la composition que nous attendons d'un conseil d'administration.
Il n'est pas dit exactement quelle sorte de conseil d'administration permanent
nous aurions par la suite. Actuellement, il y a 12 membres au conseil d'administration de la
Société des alcools du Québec. J'ai révisé leur C.V., et ils sont tous du monde
du marketing, du commerce, de la mise en
marché, de l'entrepreneuriat. Alors, évidemment, c'est peut-être parfait, on pourrait en rediscuter pour la Société des alcools, mais ce n'est pas ce
genre de profil là, de façon permanente, qu'on voudrait voir dans le conseil d'administration. Donc, à moins que
nous ayons mal lu, il y a cette nuance qui devrait être précisée.
Maude, veux-tu compléter?
Mme Chapados (Maude) : Oui. En fait,
la disposition transitoire à l'article 8, qui prévoit quand même des représentations d'une compétence collective, que
ce soit en santé publique, en intervention en toxicomanie ou en intervention
auprès des jeunes, c'est souhaitable. Mais
c'est tellement souhaitable, en fait, qu'on ne voudrait pas que ce soit
uniquement transitoire, mais que ça
soit transposé de façon permanente à la composition du conseil d'administration
et pour la majorité des membres
votants. Donc, pour s'assurer de la pérennité du mandat de protection de la
santé qui est confié à la SQC, bien,
c'est qu'on s'assure que la majorité des membres, de façon permanente,
représentent ce type d'expertise là, d'une part.
Et, d'autre
part, on croit qu'il serait pertinent d'ajouter une expertise dans ces profils
recherchés là, une expertise de
gestion à but non lucratif. Au Québec, on a quand même beaucoup d'entreprises à
but non lucratif. C'est une expertise et
ça serait intéressant, justement dans cet esprit de maintenir la pérennité de
définition de la mission de la SQC, que ça soit représenté également.
Mme
Charlebois : Je vous entends
sur les dispositions transitoires. Mais, à 23.6, l'article 23.6, on va examiner
ça. Je vous entends sur l'expertise en santé publique. Et là je vois, c'est
mentionné : «La société nomme les membres du conseil, autres que le
président de celui-ci et le président-directeur général, en tenant compte des
profils de compétence et de
l'expérience établis par le conseil.» Alors, vous voudriez qu'à l'article 23.6
on stipule quels sont les profils de compétence et non pas laisser ça au
conseil d'administration. C'est ça que vous me dites?
Mme Chapados (Maude) : Oui, d'autant
plus qu'en fait l'enjeu, c'est que les premiers membres du conseil
d'administration vont être nommés par la SAQ, donc, et on veut que ça soit
collectivement une représentation des expertises.
J'ai certains de mes collègues qui, à eux seuls, pourraient représenter une
expertise en intervention auprès des jeunes,
intervention auprès de la toxicomanie et en santé publique. Donc, est-ce qu'à
lui seul il pourrait représenter cette expérience collective? En fait,
c'est ça, on veut que ça soit spécifié et précisé.
Mme
Charlebois : Merci
de votre commentaire. Maintenant, sur le versement des dividendes en
prévention, réduction des méfaits, puis vous
m'avez nommé un autre item, vous savez qu'on a mis un montant de base parce
qu'au début on devra établir... Puis
je n'ai pas eu la chance de le dire au groupe qui vous a précédé, parce qu'ils
parlaient de 50 boutiques de la
Société québécoise du cannabis, on va faire notre possible pour en développer
pour servir la population. Je
rappelle que ce n'est pas parce qu'on veut faire de l'augmentation des ventes,
là. J'ai vu vos statistiques du Colorado. C'est assez hallucinant de voir combien ça a augmenté, les profils de
consommation. Ce n'est pas ce qu'on souhaite faire au Québec, là. Ce
qu'on veut, c'est ramener les gens du marché illicite vers un marché licite,
«that's it».
Et je reviens donc au versement des dividendes
en prévention et réduction des méfaits. Et, je pense, c'est le traitement de la dépendance que vous avez
mentionné. Je vous entends. Je vous dis qu'on a déjà consacré 25 millions,
de base, pendant cinq ans, chaque année
pendant cinq ans. Et, s'il y avait des profits, on avait indiqué que la moitié
pouvait servir justement à la
prévention et l'autre moitié pourrait servir à d'autres... mais pas pour le
fonds consolidé. C'était plus dans l'esprit de... Parce que, moi, dans
mon esprit à moi, former des policiers, s'assurer qu'on est en réduction des méfaits à tous les niveaux, que ce soit tant au
municipal que... tu sais, le municipal aussi va avoir de la prévention... de la
formation de nos intervenants dans tout le
réseau, quant à moi, c'est de la prévention, là. Alors, est-ce que vous seriez
à l'aise si la prévention était interprétée
dans un sens plus large? Parce que, quand je vous parle de former des
policiers, bien, c'est de la
prévention, mais dans un sens plus large. Quand je vous parle, aux instances
municipales, de voir à ce qu'il y a une application uniforme et qu'ils
sont dans la prévention aussi, vous êtes à l'aise avec ça?
• (17 h 20) •
M.
Poirier (Alain) : Tout à fait. Pour nous, la définition de la prévention n'est surtout pas que dans les
mains du réseau de la santé. Dans
tous les déterminants de la santé qui nous préoccupent, la société
elle-même, les municipalités, les
écoles, de la prévention, agir, là, avant, en amont, ce n'est pas quand les
gens sont rendus en réadaptation, même si les services sont très utiles. Donc, on se préoccupe beaucoup
des services aux gens dans le réseau
de la santé et services sociaux, mais la perspective de santé publique
nous amène à travailler avec de
multiples intervenants sur le terrain à tous les niveaux. C'est l'intersectorialité, comme c'est bien décrit dans
votre Politique gouvernementale de prévention en santé, madame.
Mme
Charlebois :
Merci beaucoup de le rappeler à tous mes collègues. Et nous aurons un plan
d'action qui va suivre bientôt.
Je vous ai
entendu parler de sanctions aux mineurs pour possession. Ce n'est pas une bonne
idée, vous nous dites. J'aimerais ça
vous entendre davantage, que vous nous explicitiez pourquoi. La sanction, ce
n'est pas tant... Ce qui était recherché,
ce n'était pas tant... rien que sur le plan monétaire, mais plutôt de les
diriger vers des travaux communautaires, mais des ressources aussi qui
pourraient les aider. Qu'en pensez-vous?
M. Morin
(Réal) : En fait, si on
avait une preuve d'efficacité, que c'est absolument par la sanction aux mineurs
qu'on réduirait l'initiation précoce et la
hausse de la consommation chez les jeunes, on pourrait toujours en discuter.
Mais, un, ce n'est pas démontré.
Deux, c'est qu'on vise à protéger les jeunes dans le projet de loi. En quoi le
fait de les menacer par une sanction,
s'ils ont quelque quantité sur eux, est de nature à les protéger? On ne voit
pas non plus. Et ça peut donner l'impression
qu'on les culpabilise d'en avoir, alors que quelqu'un leur en a fourni. Et là
ça revient aux discours et aux pratiques
courantes en tabac et en alcool, aux pratiques reconnues où on dit : On va
toujours bien sanctionner les gens qui approvisionnent les jeunes plutôt
que de virer le fardeau du côté des jeunes.
M. Poirier (Alain) : Tu veux rajouter,
François?
M. Gagnon
(François) : Si je peux rajouter à ça, c'est en complément
d'information. Les études sur les régimes de contravention pour le cannabis, donc en ajout à ce que Réal a dit,
les études autour de ça montrent que les sanctions monétaires pour
possession ne font pas changer les patrons de consommation, d'une part.
D'autre part,
ça montre que ça expose des populations déjà fragilisées à des conséquences
sociales et de santé assez
importantes. Les évaluations qui ont été faites en Australie, par exemple, ont
montré que les populations autochtones étaient,
d'une manière disproportionnée, représentées dans ces sanctions-là. Aux
États-Unis, on a vu que l'infraction de possession est beaucoup plus appliquée, puis là je prends les termes qui
sont employés dans les rapports américains, pour les Noirs, trois fois plus que pour les populations blanches. Donc, en
termes généraux, à l'INSPQ, on ne privilégie pas les approches de
sanction punitive pour la possession de substances.
Mme
Charlebois : Vous
privilégiez donc l'approche prévention, éducation, sensibilisation,
information?
M. Gagnon (François) : Oui, oui.
Mme
Charlebois : O.K.
Concernant les lieux de consommation, parce que, vous savez, c'est un sujet qui
est beaucoup discuté, vous avez parlé de
tabac plus. Ça vous satisfait, un peu comme ceux qui vont ont précédé. Et vous
nous mentionnez : Ne laissez pas
les municipalités... à moins que j'aie mal lu, là, que les municipalités
n'aient pas de droits de resserrer
davantage. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi? Parce que je me disais que, si on
laisse tabac plus... Puis peut-être que,
dans certaines municipalités, il y a des lieux où ils se disent : Bien, ce
n'est pas stipulé dans tabac plus, mais nous autres, on pense que, là,
ça n'a pas de bon sens. Pourquoi on ne pourrait pas les laisser...
M. Morin
(Réal) : Ce qui nous
préoccupe, c'est évidemment la santé des gens. Et, si des mesures restrictives
font en sorte que le seul endroit où
on puisse consommer du tabac fumé, c'est dans notre logement, notre domicile,
et qu'en plus on a des situations de
plus en plus nombreuses... On nous a rapporté encore aujourd'hui... On a
entendu à distance la corporation des
propriétaires d'établissements résidentiels, que, finalement, on va interdire
de ce côté-là. On crée une impasse.
C'est le mot qu'on a utilisé. Et les directeurs de santé publique ont utilisé à
peu près la même approche. On crée une impasse. Si, dès lors où on voit déjà
que les fumeurs de cigarettes se préoccupent de la fumée secondaire dans leur
logement et de la nuisance aux voisins, et
qu'ils sortent à l'extérieur sur le trottoir, dans l'environnement proche, pour
fumer leur cigarette, et que cette
alternative-là n'existe même pas pour les fumeurs de cannabis, qu'arrive-t-il?
C'est le fameux point d'interrogation qui arrive à chaque fois que cette
question-là est posée.
Ça fait que nous, on dit : Si on arrive
avec une approche aussi restrictive que celle dont on a entendu parler la
semaine dernière, d'une municipalité du Québec où tous ceux qui l'ont entendu
aux nouvelles ont dit : Ça veut dire que
c'est impossible de fumer légalement nulle part et même pas chez soi, dans le
contexte des baux et du respect qu'on veut pour nos proches et pour les
voisins, il faut sortir de cette impasse. À savoir est-ce que c'est
nécessairement, strictement,
l'approche tabac? On pense que c'est la balise la plus cohérente. La fumée de
tabac, la fumée de cannabis, faisons-en une analogie, une analogie qui
tient debout, une analogie où la santé des personnes exposées, c'est la préoccupation à ce moment-là. Et aussi, au regard
de la présence des enfants, les parcs, donc c'est la bonne chose à faire.
Est-ce
qu'on peut ajouter des restrictions, sur une base municipale, à certaines
circonstances? Nous, on a dit dans le
mémoire : Effectivement, les circonstances où il y a des festivités
particulières, où les enfants sont très présents, oui, on peut restreindre
davantage. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à des restrictions dans des lieux
collectifs majoritairement adultes
parce qu'il y a une concentration de personnes, même à l'extérieur, où on ne
voit pas d'inconvénient pour la santé, pour être incommodant? Peut-être,
mais sans qu'on aille jusqu'à décrire, nous, comme institut, des endroits où,
oui, peut-être, etc. On dit : C'est
l'approche tabac plus qui doit prévaloir, et surtout éviter les décisions
extrêmes d'impasse, qui, de toute
façon, sont basées davantage sur : Je refuse de voir que ça existe, ce
produit-là. Il va exister de manière légale. Et là c'est un jugement moral, ce n'est pas un jugement de santé. C'est
un jugement d'objection à la notion même d'un produit qu'on veut rendre légal et qui devra faire partie, à quelque
part, d'un environnement. Et, oui, les citoyens vont devoir voir la présence de ce produit-là dans des
environnements, certes, contrôlés, mais il faut accepter cette situation-là,
éviter l'impasse, qu'on soit raisonnables et
qu'on évite des positions draconiennes contraires à la possibilité de consommer
à quelque part.
Le Président
(M. Merlini) : M. le député de Dubuc.
Mme Charlebois :
Juste le laisser poser une question, si vous me...
Le Président
(M. Merlini) : Il reste deux minutes.
M. Simard : Merci, M. le Président. Tout d'abord, ce matin ou
après-midi, on a rencontré un groupe qui nous parlait de deux régimes de vente, c'est-à-dire pour les gens de 18 ans
et plus et les gens de 18 ans et moins. On parlait ici de 18 ans et plus, 15 % de THB, puis de
18 ans et moins, 8 % de CHB. J'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Vous
êtes des spécialistes dans le domaine, donc j'aimerais vous entendre à ce
niveau-là.
M. Morin (Réal) : J'ai... des psychiatres ce matin. Nous étions à
distance et on était intéressés. On n'avait pas entendu ce propos-là
jusqu'à aujourd'hui. On ne s'est pas fait une tête là-dessus, à vrai dire.
Quand on travaille... On travaille depuis
20 ans et plus sur l'alcool. On sait que les concentrations en alcool sont
quelque chose d'important. On sait,
par exemple, par rapport à la fameuse question des produits fortement
alcoolisés chez les jeunes, 11,9 % d'alcool dans les bouteilles de Four Loko, dans un contenant à usage
unique, en principe, pour une personne, c'est quatre consommations standard et plus. C'est l'intoxication garantie
pour un mineur qui prend ça. Donc, Mme la ministre, on vous informe
qu'on va avoir un avis là-dessus sous peu.
Alors
donc, les doses, les quantités d'agents psychoactifs, c'est important à
considérer. En général, on le fait en utilisant
des facteurs dissuasifs comme les prix. C'est-à-dire qu'on ne mettra pas les
produits à 4 % au même prix que les produits à 15 %. À savoir
est-ce que certains acheteurs légaux, à 18 ans, pourraient se voir permis
des quantités, des concentrations moindres
que les plus de, mettons, 21 ans? C'est une question sur laquelle on n'a
pas réfléchi. Est-ce que ça aurait
des impacts? Peut-être. Il faudrait étudier cette question-là. Mais j'ai
entendu ça pour la première fois aujourd'hui, et, pour être francs, nous n'y avions pas pensé. Mais c'est
certainement, pour un comité de vigilance ou dans la suite des choses dans un système évolutif, des réflexions
qu'on pourrait avoir. Alors, c'est de façon très, très spontanée, ce que je
peux vous dire aujourd'hui, mais, encore une fois, sans que nous y ayons pensé
au départ.
Le Président
(M. Merlini) : Un complément très rapide.
Mme Chapados
(Maude) : Très rapide. En fait, la question de la limitation du THC
est importante. Est-ce que c'est tant
par rapport à l'âge que de façon globale, et les ratios CBD qui doivent être...
On devrait s'assurer que, minimalement, il y ait au moins 1 % de
CBD qui viendrait justement possiblement neutraliser un peu les effets néfastes
du THC, qui peuvent venir provoquer des psychoses chez les jeunes, notamment.
Donc, il y a une réflexion qui est à avoir.
Le Président
(M. Merlini) : Merci, Mme Chapados. C'est tout, M. le député
de Dubuc. Le temps est écoulé.
M. Simard :
C'est bien correct.
Une voix :
...
Le
Président (M. Merlini) : J'imagine que oui. Alors, M. le député
de Labelle, c'est à votre tour maintenant, votre bloc d'échange de neuf
minutes. À vous la parole.
• (17 h 30) •
M. Pagé :
Oui, merci, M. le Président. Merci à vous d'être présents parmi nous. Même si
nous tirons vers la fin, vos propos sont fort éclairants, toujours très
pertinents. Je vous en remercie. Plusieurs bonnes propositions.
La
proposition 4, effectivement, d'identifier clairement des gens qui ont des
compétences au niveau du conseil d'administration,
nous en avons fait la demande dès le mois de septembre dernier. Je pense qu'il
faut aller dans ce sens-là. Alors, on appuie totalement votre
proposition.
Par
contre, certaines organisations
avaient dit également lors des consultations qu'on souhaitait que cette
société québécoise relève plutôt du... il y en
a qui disaient du ministre de la
Santé, moi, je disais plutôt de la ministre de la Santé publique parce que ça va encore beaucoup plus loin
en termes non seulement de symbolique, mais rendre des comptes à la
ministre de la Santé publique, ce n'est pas la même chose que rendre des
comptes... je dis souvent, c'est plutôt le ministre des malades que le ministre
de la Santé... plutôt que de rendre des comptes au ministre des Finances. Ne
croyez-vous pas que cette société devrait relever plutôt de la ministre de la
Santé publique?
Le
Président (M. Merlini) : ...question.
M. Poirier (Alain) : On pense que la loi est plus forte que le ministre. Ici, la loi est
claire sur les compétences, le mandat
et le rôle de l'encadrement du cannabis. C'est surtout sous cet aspect-là, en
fait, qu'on a positionné notre mémoire, nos commentaires. Maintenant, comment dire, la coordination à
l'intérieur du Conseil des ministres et des responsabilités, je pense que l'institut n'a pas la capacité je
dirais, de préciser qui devrait s'assurer de l'encadrement de la loi une fois
adoptée par l'Assemblée nationale.
M. Pagé :
On convient tous que le ministre des Finances est celui qui commande un
rendement à la SAQ, et l'expérience nous a montré jusqu'où ça nous a menés, là,
aujourd'hui, alors... tandis que la mission, la responsabilité de la ministre de la Santé publique est fort
différente. Donc, on ne veut surtout pas, pour reprendre votre expression,
qu'il y ait un glissement. Alors,
c'est la raison pour laquelle nous, nous souhaiterions que ça relève plutôt de
la ministre de la Santé publique.
Toujours
dans cette crainte de glissement — j'aime bien votre expression — votre recommandation n° 11
dit : «Que les projets-pilotes
soient limités à des organisations à but non lucratif.» Moi, j'aurais préféré
que vous disiez clairement, pour
éviter toute forme de glissement : On suggère qu'il n'y ait pas de
projets-pilotes, peut-être, comme certains nous ont dit, pas avant trois ans ou pas avant qu'il y en ait une
cinquantaine, de points de service. Parce qu'un organisme à but non
lucratif, une coopérative est considérée comme un OBNL, mais une coopérative...
moi, j'en ai chez nous, là, plusieurs, ils ont aussi une forme... une notion de
rendement, même si c'est un OBNL.
Ce
que vous, vous... Pour rester dans cette logique de prévenir à toute forme de
glissement, est-ce que... Je ne sais pas
si vous vous êtes consultés, si vous avez parlé avec les gens qui vous ont
précédés, ne serait-il pas mieux de dire : Suspendons cet article 55, et peut-être que dans trois ans, dans
cinq ans, on pourra y aller avec des OBNL sous quelque forme que ce
soit?
M.
Gagnon (François) : Bien, je crois qu'on a dit dans notre mémoire
qu'il fallait le reporter, d'une part. Donc, ça répond en partie à votre question. D'autre part, on a aussi suggéré
que ce soit restreint effectivement à des organismes à but non lucratif. On aurait peut-être dû
dire : À des organismes à but non lucratif qui ont une mission de
prévention et de réduction des méfaits. Ça aurait peut-être été plus
clair.
Puis,
dans ce sens-là, nous, on pense que c'est important. On a toujours dit que ce
système-là allait évoluer comme tous
les autres systèmes, d'ailleurs, puis qu'il fallait maintenir un certain niveau
de recherche, d'évaluation pour pouvoir se rajuster quand le temps sera venu de se rajuster parce qu'on constatera
qu'il y a des problèmes avec le système actuel.
Donc,
dans ce sens-là, on voyait déjà des possibilités d'organismes à but non
lucratif, par exemple, dans une région où il n'y aurait pas assez de personnes
pour soutenir une succursale de la SAQ... ou de la SQC, plutôt, dans une
région comme ça où on pourrait vouloir aussi offrir une offre de prévention
puis de réduction des méfaits qui serait socialement, culturellement mieux
adaptée au milieu que ce que pourrait faire une approche standardisée de la
SQC. Pourquoi est-ce que la SQC ne pourrait
pas vendre des produits à cet organisme à but non lucratif là qui est... dans
une mission de réduction des méfaits
puis de prévention, puis être très près de la population, connaître bien sa
population, puis adapter les messages?
Donc, c'est un
premier cas de figure auquel on pensait. Un autre, par exemple, ça aurait pu
être une salle de vapotage, carrément, un
salon de vapotage de type lounge. Nous, on a parlé de la combustion à
l'intérieur comme quelque chose qu'on
ne voulait pas, qu'on ne souhaite pas. Mais on pense que, si on a des problèmes
de cohabitation dans l'espace public,
on pourrait imaginer des solutions pour réduire un peu la pression, bien, on
pourrait vouloir évaluer ce que ça donne qu'une salle consacrée au vapotage où des adultes consentants iraient...
toujours dans une optique de but non lucratif, de prévention et de
réduction des méfaits, là. Ce serait un organisme qui aurait cette mission-là
aussi mais qui pourrait accueillir les gens,
leur offrir des conseils de consommation plus sécuritaires, de la prévention,
puis finalement qu'on pourrait vapoter dans ces lieux-là. C'est quelque
chose qu'on pourrait vouloir explorer dans les projets-pilotes.
C'est
deux exemples, je pense, qu'on
pourrait en fournir puis en imaginer beaucoup d'autres, là. Les pharmaciens ont parlé de
projets pilotes de recherche un peu plus tôt, ce matin, si je me rappelle bien.
Donc, il y en a d'autres qu'on pourrait
imaginer, mais... Donc, vous voyez un peu l'esprit. Dans ce sens-là, on dit,
nous : Il faut fermer quand même la porte à toute organisation à but
lucratif.
M.
Pagé : Parfait. Votre
recommandation 13, «que l'approvisionnement se faire obligatoirement auprès de la SQC», est-ce que c'est la même chose pour la vente
en ligne?
M. Gagnon
(François) : Excusez-moi, je n'ai pas compris la question.
M. Pagé :
Est-ce que c'est la même chose pour la vente en ligne? Parce que la
recommandation 13 dit : «Que l'approvisionnement se fasse obligatoirement
auprès de la SQC.»
Mme Chapados
(Maude) : Oui, tout à fait, si ça concerne la vente en ligne également.
M. Pagé :
Oui.
Mme
Chapados (Maude) : Oui, tout à fait. En fait, le dispositif de la SQC pour la vente en ligne, pour nous, on
voit que c'est un incontournable. C'est justement
une possibilité, probablement, de pallier au nombre limité, à tout le moins
au départ, aussi à
offrir un accès informé à du cannabis dans des régions plus éloignées qui ne
seraient pas desservies par un point
de détail, donc. Puis il y a très certainement, bon, nos collègues de santé publique en ont
parlé, une façon de réfléchir justement cette vente en ligne. Que ça soit par la
production d'un dossier client qui... et de la réfléchir en termes toujours de
réduction des méfaits et de prévention. Pour nous, la vente en ligne devrait se
faire de la même façon qu'elle sera faite dans les points de détail.
C'est certain
qu'il y a un défi qui réside dans le fait que ça soit un site transactionnel
convivial, qui ne soit pas trop rébarbatif, mais en même temps, qui soit
quand même un lieu où l'usager serait amené à se poser des questions sur son profil de consommation, en fait. Et il
pourrait y avoir un programme d'autolimitation volontaire qui n'empêcherait
pas nécessairement que la transaction s'effectue, mais que, s'il
y a dépassement, très certainement, il pourrait être en avisé dans le cadre de ses transactions en ligne. Et justement
toutes les questions de conseils, d'interventions pourraient être faites en fonction du profil de l'usager. Il
pourrait y avoir des petites cases où, par exemple, à tout coup, au moment de
la transaction, il y aurait les
montants, les dépenses, les quantités de cannabis que l'usager a utilisées dans
le dernier mois, dans la dernière
année. C'est toutes des informations qui conscientisent l'usager. Et, comme ça
se fait actuellement en matière
de cannabis médical ou en matière de cannabis illicite en ligne, très certainement, il faudrait toujours qu'il y ait une petite boîte de «chat» où
un intervenant soit disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ou
par téléphone.
Alors, c'est toutes des façons. Il y a des
façons de le penser pour que ça soit sécuritaire.
M. Pagé : Oui. Parlant de sécurité, est-ce que
la personne qui achète en ligne devrait recevoir le colis directement dans sa boîte aux lettres ou devrait se déplacer
pour aller cueillir son produit dans une société, ou à la pharmacie, ou
ailleurs?
Mme
Chapados (Maude) : Dans la
mesure où c'est passé pour peut-être pallier à l'absence de points de détail de
la SQC, il y a des façons de demander, d'exiger des contrôles par la poste.
M. Pagé : ...
Le
Président (M. Merlini) :
Merci, M. le député de Labelle, votre temps est malheureusement écoulé. Nous
allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez un bloc de six minutes. À vous
la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Merci d'être là, de contribuer aux travaux de la commission. D'entrée de jeu, j'aimerais qu'on revienne sur
votre proposition relativement aux jeunes. Le fait de supprimer l'infraction
pénale à hauteur de 100 $ et de dire : Bien, dans le fond, vous
n'avez plus le droit de posséder... Bien, en fait, on supprime la référence à cinq grammes de cannabis. Sur
l'aspect punitif, l'aspect de créer une infraction pénale de 100 $, je
comprends. Si on supprime
l'interdiction, de dire : Vous n'avez pas le droit d'avoir cinq grammes,
vous ne trouvez pas que c'est un peu
un message contradictoire? Parce que, sur la question de la sanction, je suis
d'accord avec vous, de dire : On n'a pas nécessairement à imposer une amende pour la possession. Mais, sur le
message qu'on envoie aux jeunes, de dire : Bien, tu n'as pas le
droit d'avoir une quantité de stupéfiants sur toi, vous ne trouvez pas qu'il y
a un...
• (17 h 40) •
M. Poirier (Alain) : En général, que
ce soit pour le tabac ou le cannabis, ce n'est jamais une bonne idée de
consommer. Si on voulait revoir l'âge pour le tabac, on pourrait dire
99 ans, sur le plan de la santé. Maintenant, il y a beaucoup d'autres considérations qui nous amènent
à regarder, dans l'encadrement général, la logique générale d'un projet de loi. Qui est responsable? Qui peut être
responsabilisé? Qui s'est engagé, par contrat ou pour une autre forme, de faire
la production, la distribution, etc.? Ce sont des adultes.
J'ai vécu ici
plusieurs commissions parlementaires sur le tabac. L'industrie réclame toujours
ça, de culpabiliser autres
qu'eux-mêmes, quand on parle de la filière de l'industrie. On ne veut pas voir
ça. Alors que, justement, on veut sortir de la criminalité et du problème de la
simple possession, toute la population, de conserver cette interdiction seulement pour les jeunes, ça nous apparaît
contradictoire. Et il ne faut surtout pas faire la promotion du produit. Alors,
ça, il faut toujours constamment le
rappeler. Ce n'est pas parce qu'on enlève des méfaits sociaux qu'on veut par
ailleurs en faire la promotion. Tout le monde s'entend là-dessus, c'est
bien clair. Ça fait que ça, il faut le rappeler constamment.
Maintenant, plus spécifiquement sur l'âge légal,
François.
M. Gagnon
(François) : Oui. Je ne vais pas répéter les mêmes propositions que
j'ai données tantôt ou les mêmes arguments
que j'ai donnés tantôt, mais, donc, il faut quand même rappeler que les
interdictions de possession n'ont pas vraiment
d'utilité sur les patrons généraux de consommation. Donc, la littérature
évaluative sur cette question-là est assez claire. Par ailleurs, les
interdictions de possession, en général, montrent qu'on a des ciblages de
certaines populations particulièrement marginalisées et défavorisées, et la
sanction pénale à leur endroit n'est pas vraiment productive.
M.
Jolin-Barrette : ...c'est
que vous, vous dites : On devrait enlever l'interdiction de posséder du
cannabis de cinq grammes. Puis
vous dites aussi : On devrait enlever la sanction pénale. Il y a certains
groupes qui sont venus aujourd'hui, plus tôt, puis ils ont dit :
Bien, écoutez, on ne devrait pas les pénaliser, mais on devrait quand même
maintenir cette interdiction-là, on devrait
les orienter vers des ressources alternatives non judiciarisées, leur
dire : Bien, écoutez, tu as été pris
avec cinq grammes de cannabis, on ne souhaite pas que tu consommes, puis
voici les conséquences à consommer, puis voici le programme de formation, de prévention associé à ça. Mais vous,
vous dites dans votre mémoire : On enlève les deux, on enlève
l'interdiction de posséder cinq grammes.
M.
Gagnon (François) : O.K. Je comprends que ce à quoi vous faites
référence, c'est quelque chose qui a été un peu testé au Portugal. Donc, au Portugal, on a enlevé la criminalisation
de la possession puis on a mis en place ce qu'on a appelé des commissions de dissuasion de la
toxicomanie. Donc, les personnes, quand elles sont prises en possession de
substances illicites, quelles qu'elles
soient, sont référées à ces instances-là. Il y a une instance, cette
instance-là évalue le profil de
consommation, évalue la situation sociale puis la consommation des gens, en
général, puis, s'il y a lieu, font des démarches,
incitent les gens à entrer dans des démarches de désintoxication ou de
dépendance, donc. Il y a un corridor de services qui est établi à partir
de ça.
Est-ce qu'on
a les ressources au Québec pour faire ça? Tout à fait, je pense. On pourrait
développer ce genre de mécanisme là.
Ceci dit, est-ce que c'est ça qu'on vous recommande, dans le cadre du projet de
loi? Nous, on se penche sur l'interdiction puis une sanction punitive.
On dit qu'on devrait l'enlever.
M.
Jolin-Barrette : Pour les
deux. D'accord. Pour ce qui est du corridor de services, justement, vous
souhaitez qu'on se dirige dans cette direction-là? Parce que ce matin on a eu
un exemple d'un cas où on nous disait, dans le fond : Pour être référé, pour la personne qui se retrouve
en possession, on devrait l'orienter vers un professionnel de la santé sans nécessairement être obligé d'aller voir un
médecin. Est-ce que vous êtes favorables à ça, qu'on développe des outils,
un corridor de services?
M. Morin
(Réal) : Bien, certainement.
Puis c'est certainement utile. Mais une chose qui me frappe à chaque fois
qu'on parle, bon, de la réalité de la
légalisation, tout ça, et ce qui s'en vient, c'est que ça présume toujours
qu'on va être dans des excès de
consommation, qu'il y aura de plus en plus de consommateurs et qu'il faut
intensifier les efforts de prise en charge, et tout ça. Certes, il y a des
besoins de référence, de mécanisme, déjà, maintenant. Il y en avait, des
besoins, dans les années passées.
40 %, 42 %, dit-on, des 18-24 ans ont consommé dans la dernière
année. Il y a certainement eu des épisodes d'intoxication plus graves
pour lesquels des corridors de services étaient requis.
Prenons...
ayant dans l'esprit que les mesures de prévention et la loi elle-même, qui est
le principal mécanisme de prévention — c'est la qualité de la loi
qui sera votée — et
que les mesures de prévention complémentaires de type éducation, etc., feront le travail qu'on souhaite, transférer les gens
de l'illicite vers le licite et éviter des accroissements de consommateurs, à ce moment-là, renforçons ce
qu'on fait déjà. Parce qu'on sait déjà qu'il y a une consommation. Mais ne laissons pas entendre, comme trop souvent on le
fait, qu'avec une bonne loi, malgré une bonne loi, on aura des hausses faramineuses de consommation. Il faut éviter ça.
Puis il faut que nos mesures soient suffisamment fortes pour qu'on puisse
se féliciter d'avoir pu déplacer les consommateurs actuels sans recruter de
nouveaux consommateurs.
Quand on
parle de prudence pour les produits comestibles, ça, ça arrive dans un contexte
où les gens ne consomment pas
actuellement ce genre de produit là. Et on pourrait voir des gens qui jamais ne
fumeraient... vont voir là une occasion de devenir consommateurs. C'est ce qui nous préoccupe, le transfert,
comme souhaité dans la loi, l'évitement de nouveaux consommateurs et des
mesures de prévention appropriées à cet effet-là.
Le
Président (M. Merlini) : Mme Chapados, M. Gagnon, Dr Morin et Dr
Poirier, représentant l'Institut national de santé publique du Québec, merci de votre présence cet après-midi et
de votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends
quelques instants et j'invite l'Association québécoise pour la promotion de la
santé des personnes utilisatrices de drogues de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
(Reprise à 17 h 50)
Le
Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux et nous
allons terminer ces auditions publiques avec l'Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de
drogues. Je vous invite à vous présenter
lors du début de votre exposé. Vous disposez de 10 minutes, et ensuite on
procédera aux échanges avec les membres
de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.
Association québécoise
pour la promotion de la santé
des personnes utilisatrices de drogues
Une voix : Merci.
M. Mary (Jean-François) : Donc, je
suis Jean-François, à la direction générale de l'AQPSUD.
L'AQPSUD est
un organisme provincial qui regroupe des individus qui consomment
des drogues ou qui consommaient des
drogues, dans un but de promotion de la santé et de défense des droits. Toutes
nos actions sont faites selon une
approche de réduction des méfaits, par et pour les personnes
qui font usage. Notre volet d'activité le plus connu est le magazine L'Injecteur, qui est conçu
intégralement par des personnes qui consomment ou consommaient et dont nous
distribuons 15 000 copies par année partout au Québec depuis
11 ans.
A priori,
nous n'aurions pas participé aux présentes consultations. Ce n'est pas en
raison du fait que la légalisation
du cannabis ne nous concerne pas, bien au
contraire. Mais actuellement nous faisons face à une augmentation importante
des surdoses qui s'accompagnent aussi par le
décès de nombreuses personnes que nous connaissons. Nos priorités se situent à ce niveau, en plus des
épidémies de VIH et d'hépatite C auxquelles nous faisons déjà face depuis de
nombreuses années. Ces intoxications
sont liées en partie à la contamination de l'approvisionnement par des opioïdes
très puissants, dont le fentanyl, mais surtout par un contexte que la
prohibition a contribué à créer.
Face à cela,
l'AQPSUD s'est dotée d'une position claire en faveur de la décriminalisation
totale et de la régulation de toutes
les drogues. À nos yeux, le cannabis est une substance parmi d'autres
substances prohibées et notamment une de
celles dont la dangerosité est la plus faible. Cette position ne vise pas à
banaliser la consommation de drogues, mais plutôt à protéger le public des conséquences disproportionnées de la
prohibition. Cette position est d'ailleurs partagée par de nombreux
experts internationaux et par la majorité des acteurs en réduction des méfaits.
Nous
participons aujourd'hui, car nous considérons qu'il est essentiel que la voix
des personnes utilisatrices de drogues, et en l'occurrence de cannabis,
soit entendue.
Sur la
question du cannabis, nous avons entendu beaucoup de choses qui, sans être
nécessairement toutes fausses, peuvent
être exagérées. Pour tout élément regardé isolément et dans les plus petits
détails, il est très facile de n'en retenir que les craintes et les
menaces. Lorsque l'on parle de substances jusque-là prohibées, cela est
d'autant plus vrai.
La prohibition
des drogues s'est accompagnée de campagnes de peur, de dissémination de
stéréotypes qui a eu pour effet de
stigmatiser les personnes qui les consomment, mais aussi de faciliter la
circulation d'études scientifiques parfois biaisées, mais plus souvent
mal interprétées ou comprises, afin d'accentuer un discours moralisateur.
Nous savons
pourtant désormais que le contexte environnemental et les facteurs
biopsychosociaux d'un individu vont
principalement caractériser les conséquences négatives reliées à la
consommation de drogues et leur ampleur, bien au-delà de la substance elle-même. Ce contexte conditionne beaucoup plus
les problèmes vécus en lien avec la consommation. Cela est vrai pour le
pot, mais ça l'est aussi avec des drogues comme l'héroïne.
Pour relativiser tout cela, il convient
d'adopter une attitude pragmatique et d'éviter d'avoir recours au réflexe
prohibitionniste de la sanction et de la coercition, qui a fait la preuve de
son échec depuis plus d'un siècle.
Car c'est un
fait, l'humain consomme des drogues au moins depuis les Sumériens. En tout cas,
depuis qu'on a une histoire écrite, nous consommons des substances qui
altèrent notre conscience, à des fins médicinales, spirituelles ou récréatives. Pourtant, ce n'est que depuis la
généralisation de la prohibition que nous vivons les conséquences négatives
de grande envergure. La légalisation du cannabis est une occasion de permettre
le développement d'une culture de consommation responsable, et elle doit
exclure toute forme de marchandisation et toute recherche de profit.
Maintenant
que j'ai introduit le sujet, je vais passer la parole à ma collègue, Vanessa
Lefebvre Constantineau.
Mme
Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Merci, Jean-François. Donc, nous
sommes totalement en accord avec le
fait que l'exposition au cannabis chez certains jeunes peut apporter des
risques sociosanitaires. Par contre, la consommation des mineurs, elle existe, elle est présente, et la
coercition n'a pas permis de limiter l'accès jusqu'à présent. Ainsi, il apparaît
absurde de persévérer dans cette voie. Les mesures psychosociales sont plus à
même d'apporter des bénéfices pour les mineurs, plutôt que des mesures
sanctionnaires.
En ce qui
concerne l'âge, nous considérons que la réglementation devrait être la même que
pour l'alcool et le tabac. Et, en ce
qui concerne la culture personnelle, tout comme pour l'alcool, la culture du
cannabis devrait être permise en adéquation avec la provision du projet
de loi fédéral.
La culture personnelle présente de nombreux
avantages, notamment en des termes de qualité, de coût, de contrôle, tout comme cultiver un potager ou de se
faire son propre alcool. L'autoproduction de cannabis fait partie d'une
culture ancestrale dont l'interdiction serait disproportionnée par rapport aux
risques qu'elle présente.
En ce qui concerne le risque pour les tiers, de nombreuses plantes, dont des végétaux
communs dont la toxicité est plus
élevée que le cannabis, comme certaines solanacées, des poinsettias, la
digitale, qui existent déjà... Pour ce
qui est de la culture intérieure et des risques potentiels, il s'agirait
de simplement réglementer par le biais du Code du bâtiment.
Actuellement, les prix du cannabis sont faussés.
Ce faisant, beaucoup de consommateurs ont pris l'habitude d'acheter leur cannabis en plus grande quantité
pour réaliser des économies substantielles. Pour encourager le développement
d'une consommation responsable, il se doit
de développer des pratiques où ils permettent naturellement aux consommateurs
de limiter la quantité qu'ils achètent,
selon leurs réels besoins. Actuellement, un réseau de vente adéquat à
établir... Pardon. Actuellement, on
sait que pour 28 grammes, on représente une économie de 3 $ à
6 $ sur le gramme, tandis que l'achat du gramme varie de
5,75 $ à 8 $.
Donc, il nous
faudra être vigilants à l'offre réelle du marché illégal pour que les clients y
voient un avantage réel, mettre un système de livraison efficace qui
s'adapte aux horaires des consommateurs afin d'ajuster son offre aux différentes régions et à la densité de la
population, de façon à concurrencer le marché illégal, qui est très bien
organisé, déjà, à ce niveau-là.
Concernant
les lieux de consommation, on est vraiment préoccupés aussi par le fait que les
municipalités et les propriétaires
peuvent littéralement avoir un contrôle sur l'ensemble de leurs territoires.
Dans le cas de la conception de ces règlements,
cela nécessite d'impliquer des experts qui ont une compétence pour déterminer
quelle règle sera vraiment développée.
L'exclusion
des personnes ayant un casier judiciaire, aussi, en lien avec la prohibition du
cannabis, est incohérente, selon
nous, la SQC ayant été déclarée coupable déjà en lien avec la... Il reste deux
minutes? Oh! Bien, je vais passer la parole à ma collègue Mélodie Talbot
immédiatement.
Mme Talbot (Mélodie) : Donc, je vais
y aller de façon assez globale pour rester dans notre temps. Donc, je voulais vous parler du cannabis et de la conduite
avec facultés affaiblies. Dans le fond, le cannabis est un produit dont
la présence dans le sang est prolongée, puis
ça peut être détectable pendant plusieurs semaines dans le corps. Puis, pendant
ces semaines-là, il
n'y a aucun effet sur le corps, la motricité, ni les réactions. Donc, on pense
que le système en place, qui est des
tests psychomoteurs, est suffisant parce que, dans le fond, on ne dispose pas
des moyens adéquats pour déceler une consommation récente. Mais c'est
quelque chose qui... définitivement, on devra s'adapter à ça.
Le Président (M.
Merlini) : Prenez votre temps.
Mme
Talbot (Mélodie) : En ce qui concerne le comité de vigilance, nos
préoccupations concernent principalement la composition du comité. Nous considérons que ce comité devrait relever
du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le comité devrait être composé à 50 %
d'acteurs en santé publique et en dépendance, minimum. Ils pourraient venir du
milieu communautaire, universitaire. Ça
pourrait être des utilisateurs, utilisatrices de drogues, précisément,
consommateurs et consommatrices de cannabis.
Pour
conclure, déjà, même si nous exprimons certaines réserves concernant des
éléments de ce projet de loi qui, selon
nous, devra subir des ajustements, comme n'importe quel projet de loi, nous
considérons qu'on est dans la bonne voie.
La
prohibition des drogues au Canada a vu le jour sans aucun appui basé sur la
pharmacologie ou la santé publique. Ce
mode de régulation a toujours été promu sur des bases essentiellement
moralisatrices et ont toujours servi à ostraciser certains groupes de la population. Avec
l'accroissement de la répression et l'augmentation des taux d'incarcération
dans les années 1960, le terme
«gare à la drogue» est venu cristalliser cet ensemble de politiques et de
pratiques. Si la guerre, dont les
victimes principales sont les personnes qui font usage de substances... nous
espérons que les personnes ayant été condamnées en lien avec
l'application des lois en matière de cannabis seront amnistiées.
C'est
maintenant à nous de mettre les outils en place pour qu'une culture de
consommation responsable se fasse, comme
on a fait avec l'alcool auparavant. Mais évitons de refaire les mêmes erreurs
qu'on a faites avec celle-ci. Faisons en
sorte que la consommation de cannabis se fasse en développant une culture de
consommation responsable dès maintenant. Merci. Je m'appelais Mélodie
Talbot.
Une voix :
...
Mme Talbot
(Mélodie) : Ah! merci.
• (18 heures) •
Le
Président (M. Merlini) : Merci.
Merci de votre présentation de ce mémoire. Nous allons débuter les échanges.
Félicitations pour votre présentation. Mme la ministre et députée de Soulanges,
15 minutes pour... Allez-y.
Mme
Charlebois : M.
Mary, Mme Talbot et Mme Lefebvre, merci d'être là et merci d'être là en cette
fin de journée avec cette bonne
humeur. Ça fait du bien. Oui, honnêtement, moi, je suis de votre tempérament. J'aime ça
quand il y a une joie de vivre qui s'installe, et on la sent bien. Merci
beaucoup.
Je
vais commencer par la fin de vos présentations. Je fais ça depuis le début de
la journée. Je ne sais pas pourquoi, au
lieu de commencer au début, je commence par la fin. Vous avez parlé de la
conduite automobile — c'est vous, je pense, qui en a parlé, hein? — et de conserver les tests psychomoteurs.
Mais je veux vous rassurer : La tolérance zéro ne sera pas appliquée tant et aussi longtemps qu'on n'aura
pas des tests concluants qui seront approuvés par Santé Canada, mais
aussi par la Sécurité publique au Québec. Parce qu'en ce moment, il n'y a pas
de test salivaire qui nous indique une consommation
récente, et vous avez tout à fait raison qu'il reste des traces dans le sang
pendant plusieurs jours, mais ça ne
veut pas dire que tu es inapte à conduire, là. Ce n'est pas comme une
consommation qui vient de se faire. Alors, on est conscients de ça, ça
fait qu'on va garder exactement ce qui se fait en ce moment, soit la conduite
avec les capacités affaiblies. Je voulais
juste vous rassurer, parce que je trouve ça suffisamment important, puis il
faut que la population aussi sache
vers quoi... Puis quand on aura les appareils et les équipements et la
formation des policiers faite, on va le signifier publiquement, là. On ne va pas arriver comme... On
ne va pas faire des surprises aux gens, là. À mon sens, ça ne se fait pas.
Maintenant,
je vous ai entendus parler de lieux de consommation, puis vous avez peur qu'on
laisse des pouvoirs aux municipalités. C'est vous qui en a parlé.
Mme Lefebvre
Constantineau (Vanessa) : ...principe qu'on expliquait plus tard, oui,
c'est moi.
Mme
Charlebois :
Bien, c'est ça, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus, parce que ce
qu'on fait en ce moment, c'est Tabac plus,
vous l'avez entendu, puis on en a parlé avec les directions de santé publique
précédemment, et l'Institut national
de santé publique, et il y a certains pouvoirs qu'ont les municipalités dans
leurs schémas d'aménagement, un,
d'établir où seront les points de vente et, deux, peut-être qu'on pourrait leur
dire : Il y a peut-être certaines restrictions à certains moments. Un peu qu'est-ce qu'a dit
l'Institut national de santé publique en dernier, de voir s'il n'y a pas des
dispositions, qu'on pourrait laisser les
municipalités réglementer en partie. Mais je voudrais vous entendre plus sur la
peur que vous avez, parce que c'est des élus comme nous...
Mme
Lefebvre Constantineau (Vanessa) : ...la crainte qu'une personne qui
consomme à l'intérieur de chez elle, qui
justement, exemple, a un enfant, veut sortir dehors sur son balcon fumer, ne
peut pas versus le propriétaire qui louerait des appartements à leurs locataires, il ne veut pas que ses locataires
fument ou consomment dans son logement, mais la personne qui ne peut pas
consommer dans son logement ne peut pas non plus aller sur son balcon fumer.
C'est cette optique-là. C'est un donnant-donnant.
Mme
Charlebois : C'est
le manque de lieux de consommation que vous avez peur?
Mme
Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Bien, c'est vraiment le lieu de
consommation qui nous effraie effectivement. Vas-y, JF.
M. Mary (Jean-François) : Puis qu'est-ce qui est réellement problématique
dans les lieux où il est possible de fumer,
en réalité, c'est la fumée secondaire, c'est la combustion, donc, ça devrait
être exactement la même chose que le tabac.
Si ce n'est les problèmes reliés à la combustion, il n'y a pas de problème si
ce n'est des questions morales et éthiques. Mais, en fait, on devrait avoir les mêmes vis-à-vis de l'alcool et du
tabac, des boissons sucrées, de la malbouffe à la rigueur. Il y a tout un ensemble de choses sur lesquelles
on devrait avoir ces réflexions-là. Le réel problème, c'est la combustion.
On a déjà des lois qui s'appliquent pour le
tabac, qui traitent des fumées secondaires reliées à la combustion. Appliquons
ces lois-là avec le cannabis pour ce qui est
de la combustion de cannabis. Parce que les autres formes, le vapotage, par
exemple, n'est pas une combustion.
Mme
Charlebois : Vous avez aussi parlé des systèmes de livraison
efficaces. C'est quoi, pour vous autres, des systèmes de livraison efficaces? Un système de livraison efficace...
Est-ce que le système... parce que vous avez vu qu'on a, oui, les boutiques qu'on veut développer à la
Société québécoise du cannabis, mais il y aura un site Internet, parce que...
Mme
Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Bien, c'est aussi simple pour vous
éviter le fait que quelqu'un décide de
se tourner vers le marché illégal. S'il est trois heures du matin, puis que je
n'ai plus de pot, puis je capote, puis que tous vos magasins sont fermés, puis que je n'ai aucune option, je vais
appeler mon dealer. C'est surtout dans cette optique-là qu'on veut éviter ça, dans ce sens-là. Mais
pourquoi la livraison? Un système adéquat — c'est parce que le système dans le marché illégal est présentement vraiment bien
organisé — ça serait
d'aller concurrencer ce marché-là. Parce que, si vous voulez vraiment faire de l'ensemble de la
légalisation du cannabis... c'est un marché qu'il va falloir aller toucher.
Puis c'est un marché qui... Je suis
désolée, mais je connais beaucoup de gens qu'eux autres, ils ne veulent rien
savoir de se déplacer. Il y a des
gens à mobilité réduite là-dedans, il y a des gens qui se mettraient dans des
risques. Il est là, le risque, finalement, il est là le débat.
Mme
Charlebois : Un
service de livraison à domicile, bien, c'est sûr que ça ne pourrait pas être
sept sur sept, 24 sur 24, là. Vous me parlez...
Mme Lefebvre
Constantineau (Vanessa) : À partir de là, ça ne m'appartient pas, honnêtement.
Mme
Charlebois :
Non, mais tu sais...
Mme
Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Tu sais, vraiment, moi, ce que je dis, c'est qu'il y a un réel problème
puis il y a vraiment une façon de se loader en ce moment.
M. Mary (Jean-François) : La question sur l'approvisionnement, c'est... Puis ça, ça va
se poser partout au Canada, cette question-là, de passer d'un marché illégal ou légal,
surtout quand on fait face à un marché illégal qui a eu 90 ans à s'organiser. Donc, c'est un marché qui est très
bien établi, à qui on a laissé toute la marge de manoeuvre pour
s'établir et prendre la totalité d'un
marché. Et cette adaptation-là, tu sais, quand on parle de 15, 20, 30, 50
boutiques, on reste largement en dessous du réseau actuel de fourniture.
Et
d'ailleurs, on sous-estime globalement le nombre de
consommateurs. D'ailleurs, le Colorado, quand on voit des chiffres
qui augmentent, puis la même chose s'est produite au Portugal, d'ailleurs, dans
les premières années de décriminalisation,
c'est que, tout d'un coup, tout un volet caché de consommateurs qui passaient totalement
inaperçus parce qu'on voyait les consommateurs problématiques qu'on était
capables d'estimer, mais 90 % des consommateurs, qui n'étaient pas des consommateurs problématiques,
étaient entièrement cachés. Donc, on sous-estime, en réalité, les tendances
de consommation reliées aux substances
prohibées. Il faut être capable, si on veut vraiment
éliminer le marché illégal, d'être capable de fournir cette clientèle-là
sans augmenter les parts de marché, sans augmenter le nombre de clients potentiels, c'est une clientèle énorme. Et donc il faut
créer un système qui répond aux besoins de cette clientèle-là, et
on a un enjeu particulier au Québec et dans d'autres endroits au Canada :
on a un territoire qui est immense.
Donc,
c'est sûr qu'on a des enjeux logistiques. Et c'est là où des modèles
décentralisés, donc, de livraisons, pourraient voir le jour et fonctionner. Après la modalité, sept jours sur sept, ça,
ce n'est pas de notre ressort. Nous, on recommande qu'il y ait un système efficace de livraison
et de mise en marché en magasin. Après, ça relève d'autres instances d'évaluer...
Mme
Charlebois : Je comprends que ce n'est pas de votre ressort, mais elle me parlait, dans son
introduction, que quelqu'un capote à
trois heures du matin parce qu'il est en manque de stock. Bien, là, nous
autres, on ne pourra pas tenir les
boutiques 24 heures par jour, sept jours par semaine. Sauf que... Puis
j'ai entendu... Il y a beaucoup de gens qui nous rappellent ça, qu'il y a 15 boutiques... Il y en a d'autres
qui nous parlent de 50. On va répondre à la demande, mais ça ne va pas tout se faire dans la première
journée, là, on s'entend? Puis il va falloir évaluer les besoins puis, bon, il
y a tout ça. Ça, c'est une chose.
Puis il y aura le site Internet qui sera mis en place, et il faut
que vous sachiez qu'avec le gouvernement
fédéral, il y a comme une entente que... Puis on va pouvoir préciser ça et leur
demander, quand nous, on a légiféré, qu'on a notre site Internet, qu'on est en fonction, que les autres autour ne
puissent pas vendre à nos Québécois. Et ce sera notre site Internet qui
fournira les Québécois
Une fois que je vous ai dit ça, vous
avez aussi parlé du prix. J'ai entendu ce matin, avec le cannabis thérapeutique,
et ça m'a interpellé, puis je l'avais déjà
entendu, pour être bien franche, là, ce n'était pas la première fois, mais je
vous dirais que, ce matin, ça m'a ramené dans la vie courante, il y a des
rabais de quantité, il y a des publicités sur le cannabis thérapeutique. Ce n'est pas ce qu'on souhaite, au Québec,
faire la valorisation du produit. On veut ramener ceux qui sont sur le marché
illicite vers le marché licite, mais on ne souhaite pas... C'est quoi, le prix,
selon vous? Parce que, là, il dit... Là, je vais vous demander le prix aujourd'hui,
puis peut-être que, dans six mois, ça sera un prix différent. Mais, en ce
moment, là, c'est quoi, le prix qui serait logique pour concurrencer le marché
noir?
Mme Lefebvre
Constantineau (Vanessa) : Le prix logique? Écoute, si on se fie sur le
prix...
M. Mary (Jean-François) : Bien, peut-être qu'il y a un autre enjeu, en fait. Au-delà du
prix, c'est une question de valeur.
C'est-à-dire qu'actuellement la valeur du cannabis est entièrement faussée parce
qu'elle est mise en place par le crime
organisé, qui... D'abord, le coût du cannabis, en tant que plante, est
illusoire, là. Il y a beaucoup d'entreprises qui veulent faire beaucoup d'argent avec le cannabis. Et d'ailleurs
nous, on s'oppose à toute forme de marchandisation du cannabis. On considère que ça ne devrait pas être
un produit qui est mis à disposition pour un quelconque profit. Puis il faut être
clair avec ça. Et ça inclut le marketing, etc., dans cette logique-là. Et donc il faut
amener des réflexions sur la valeur. Quelle
est la valeur réelle pour permettre aux producteurs de le produire et d'en
vivre? Parce qu'il faut quand
même que le producteur, en tant qu'agriculteur — puis
nous, on le voit au niveau des agriculteurs — il soit capable d'en vivre. Donc, il y a un enjeu, une réflexion, qu'on n'a pas actuellement. On ne dispose pas de ces informations-là, parce que c'est un marché qui est
faussé actuellement. Mais on sait que le cannabis a un prix dérisoire à la
production.
• (18 h 10) •
Mme
Charlebois :
...télé hier soir une compagnie qui disait 0,82 $.
M. Mary
(Jean-François) : À peu près. C'est en dessous d'un dollar, certainement.
Mme
Charlebois :
De coût de production, évidemment.
M. Mary (Jean-François) : Donc, pour favoriser une consommation responsable,
en équipe puis avec nos membres, les
réflexions qu'on a eues, c'est de se dire : Actuellement, comment
fonctionne le marché? Et pourquoi un grand nombre de personnes achètent des
grandes quantités de cannabis en même temps pour bénéficier d'économie d'échelle? Parce que leurs moyens ne leur
permettent pas d'acheter le cannabis au 3,5 grammes, qui est l'unité de base de
vente du cannabis, actuellement. Ils vont l'acheter à l'once, à deux onces, trois onces, à la livre, ce
qu'on ne souhaite pas non plus, dans
un marché, puisque, de toute façon, dans la loi fédérale, c'est limité à une
once, là, à 30 grammes. Donc, de
toute façon, ça ne sera pas possible. Et comment on peut faire... Par contre,
disposer de grandes quantités, ça favorise une surconsommation. Pour pallier aux deux enjeux, nous, ce qu'on
recommande, c'est de s'aligner sur le prix économiquement viable à la
fois pour le consommateur et pour le producteur de cannabis sans générer des
profits inacceptables. Et là, donc, on
arrive dans les prix à l'once actuels, qu'on a détaillés d'ailleurs dans notre
mémoire, qui nous donnent... Toi, tu les avais notés, d'ailleurs, dans
ta présentation, les prix à l'once? Tu peux-tu nous redire les prix à l'once?
Mme Lefebvre
Constantineau (Vanessa) : Oui, les prix à l'once, on avait 100...
Pardon?
Une voix :
Entre 125 $ puis 200 $.
Mme Lefebvre
Constantineau (Vanessa) : Oui, entre 125 $ puis 200 $ selon
la qualité...
M. Mary (Jean-François) : Donc, 125 $ à 200 $ l'once, ce qui
revient à un prix de 3,50 $ à un maximum de six dollars.
Mme
Charlebois :
Le gramme?
M. Mary
(Jean-François) : Le gramme.
Mme Lefebvre
Constantineau (Vanessa) : Oui, quand que tu achètes à l'once. Mais s'il
est quand même...
Mme
Charlebois :
Il y a quand même une grande... Ça varie beaucoup, là, de 3,50 $ à six...
M. Mary (Jean-François) : Oui, ça varie beaucoup, tout à fait. Oui, parce que c'est un marché qui est biaisé.
Une voix :
...
Mme
Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Bien, ils disent qualité. Tu sais, on se dit : Qualité, mais ça va
être aussi le revendeur, comment que,
lui, il l'a payé, puis souvent ça n'a même pas rapport avec la qualité, puis on
va se le dire, là.
Mme Talbot
(Mélodie) : Bien, souvent, il y a quand même
une notion de qualité. Tu sais, comme, si tu achètes quelque chose, un produit qui est québécois, par
exemple, qui a été fait à l'extérieur, ça, ça va être un produit qui va être à 125 $ l'once. Tandis que, si tu prends un
cannabis qui, lui, est extrêmement potent au
niveau du THC puis du cannabidiol, bien là, tu vas avoir quelque chose à
200 $, mais ça, c'est des prix qui sont incroyablement chers.
Mme
Charlebois :
Alors donc, est-ce que nous devrions penser, à la Société québécoise du
cannabis, d'avoir différents prix selon la teneur en THC, cannabinoïde, etc.?
M. Mary (Jean-François) : La qualité ou la nature. Tu sais, est-ce que de
la production extérieure ne peut pas être
vendue au même tarif que de la production hydroponique ou aéroponique. Les
coûts de production ne sont pas les mêmes
non plus, d'ailleurs. Les intrants ne sont pas les mêmes, les coûts de
production ne sont pas les mêmes. Et d'ailleurs, nous, ça nous étonne qu'on n'ait pas retenu un modèle de gestion de
l'offre sur certains produits au Québec. On aurait pu très bien voir un régime qui fait une place à
la gestion de l'offre, où on note ce marché-là, des compagnies comme Tweed,
Hypothecary, on leur ôte la totalité du
marché, on a un plus grand contrôle aussi sur la qualité, puisque le MAPAQ fait
un contrôle de la qualité. Nous, on a des doutes aussi sur les contrôles
de qualité de Santé Canada. On l'a vu avec le pot médicinal. Il y a eu différents enjeux avec des insecticides ou des
engrais qui ont été utilisés. Le problème avec le cannabis, c'est qu'étant donné qu'il est produit par
«batch», bien, les «batchs» étaient déjà fumés quand les avis ont été reçus.
Pour nous, c'est problématique, on
devrait le réglementer comme on le fait avec différents produits alimentaires.
Et, au Québec, on a une compétence en la matière. Et ça nous permettrait
d'éviter d'avoir recours à ces compagnies qui sont là uniquement pour le
profit sur le dos des consommateurs.
Mme
Charlebois :
Je vous entends. Mais, en même temps, j'ai entendu des consommateurs qui m'ont
parlé justement de la gestion de l'offre,
puis qui m'ont parlé du prix du lait. Là, je dis : Bon, O.K. Puis ils ont
dit : Ça va faire en sorte que le cannabis va prendre de la valeur.
M. Mary (Jean-François) : Tout dépend du raisonnement... Et c'est là qu'il
faut avoir un questionnement au niveau de
la valeur réelle du cannabis quand on me parle d'une valeur qui est non
marchande. Parce qu'on reste dans un modèle où on ne veut pas de marchandisation. Donc, on parle d'une valeur non
marchande. On va le vendre dans une valeur non marchande avec la création d'un fonds de prévention. Et on veut faire
vivre les SQC. Donc, c'est des salaires, des coûts de structure, et un fonds de prévention et le
revenu des agriculteurs. Et ça devrait s'arrêter là, la notion du prix et du
tarif.
Mme
Charlebois : Or donc, ce que vous me dites : Les seuls
qui pourraient faire du profit avec le cannabis, dans toute cette chaîne, ce
serait les agriculteurs.
M. Mary (Jean-François) : Bien, il faut qu'ils en vivent. Est-ce que c'est
du profit ou est-ce que c'est de la survie? Il faut qu'ils vivent de la
production du cannabis. Mais je préfère voir des agriculteurs vivre du cannabis
que des compagnies comme Tweed ou Hypothecary, personnellement.
Mme
Charlebois :
Non, bien, je vous écoute, je vous questionne...
M. Mary (Jean-François) : ...en bourse, etc., là. Il y a d'autres enjeux,
là, avec ces entreprises-là, hein? C'est des entreprises mercantiles
quand même.
Une voix :
Avec des entreprises...
M. Mary
(Jean-François) : Avec des lobbyistes, avec...
Mme
Charlebois :
Mais les agriculteurs aussi, c'est des entreprises, là. On ne va pas se
leurrer, hein?
M. Mary
(Jean-François) : Oui, mais pas cotées en bourse.
Mme Charlebois : J'ai 70 % d'agriculture dans mon comté. Je sais très bien que ce sont de gigantesques
entreprises.
M. Mary
(Jean-François) : Oui, oui.
Mme Charlebois :
Culture personnelle, je vous laisse là-dessus, mais je ne pourrai pas avoir de
réponse. Vous nous disiez :
Réglementer par la Régie du bâtiment seulement. Je n'ai pas trop compris où
vous vouliez aller, mais peut-être que mes collègues vous poseront des
questions dans ce sens-là.
Le Président
(M. Merlini) : Merci. On va se tourner vers l'opposition
officielle, qui a un bloc maintenant de neuf minutes. M. le député de Labelle,
à vous la parole.
M. Pagé :
Bien, allons-y peut-être avec cette question-là, la question que la ministre
vient de vous poser, là.
Mme Lefebvre Constantineau
(Vanessa) : On disait de laisser ça au Code du bâtiment par rapport
aux installations électriques, moisissures
que ça pourrait apporter. La crainte des propriétaires présentement, c'est
justement les
feux avec les installations, les moisissures ou peu importent les raisons qui
sont apportées. Ça serait de le réglementer par le biais du Code de bâtiment ou la Régie du logement parce que ça
décrète justement des propriétaires, etc., du bâtiment finalement.
M. Pagé :
Oui. En même temps, ce matin, ils nous ont dit : Bon, si c'est un plant, à
la limite deux, ça ne semblait pas causer de problèmes en tout cas parce
que je pense que leur problème...
Mme Lefebvre Constantineau
(Vanessa) : Ça fait que de deux à quatre...
M. Pagé :
...qu'ils ont vécu, c'est pour ceux et celles qui voulaient faire pousser des
10, 20, 25 plants à l'intérieur. Là,
c'était plus problématique. Alors, on comprend que... En tout cas, à la fin,
c'est ce qu'ils nous ont dit : Pour un plant ou deux, ça ne devrait
pas causer des gros problèmes de moisissures ou autre chose.
On aurait dû
vous passer au début de nos consultations et non à la fin parce que vous nous
amenez un éclairage différent
effectivement sur tout ce que l'on entend, et je trouve ça fort intéressant de
vous entendre, et j'ai bien entendu que
vous prenez position très clairement pour une société d'État, hein, vous ne
souhaitez pas que ce soit le privé qui vende le cannabis? C'est bien
clair, ça, dans votre esprit?
M. Mary
(Jean-François) : D'État ou
entièrement à but non lucratif, mais l'État... si l'État répond : On a des
réserves par rapport à la SAQ, ça fait que... Est-ce que l'État va mener le
même...
M. Pagé : Oui, oui,
clairement.
M. Mary
(Jean-François) : ...modèle
de commercialisation que la SAQ? Est-ce qu'il y a vraiment une différence
entre le privé et la SAQ? On en doute. On veut un modèle différent de la SAQ.
M. Pagé :
Bien, là-dessus, en fait, j'aurais pu être un peu plus explicite, là, mais,
bon, peut-être parce que, là, on est rendus aux 55e ou
60e consultations. Mais, dans notre esprit, en tout cas, chez nous ici,
puis je pense que pour la plupart, la
société d'État, c'est une société qui ne sera pas soumise à des obligations de
rendement comme la SAQ. Et même,
nous, on va plus loin, on va jusqu'à dire que s'il y a profits, 100 % des
profits, il devrait être inscrit dans la loi qu'ils devraient aller vers... pour contrer la
dépendance, pour les municipalités, pour faire de la promotion, de la
sensibilisation, les saines habitudes
de vie et la prévention, bon, voilà. Alors, là-dessus, je pense que nous sommes
à la même place. C'est bien ça?
M. Mary (Jean-François) : Oui.
M. Pagé :
O.K. C'est quoi, selon vous, les conditions gagnantes pour passer du marché
illicite au marché licite? Puis, si
on veut mettre l'accent, là, dans un premier temps, là, sur ce qu'il faut faire
pour essayer de convaincre le plus rapidement
possible les gens de... N'allez plus acheter au coin de la rue, là, regardez,
là, maintenant, il y a des comptoirs, et
ces comptoirs, ce réseau de vente, c'est un produit de qualité, etc.? Parce que
je ne suis pas si certain qu'on va rejoindre la clientèle qui consomme
régulièrement, qu'on va les rejoindre aisément pour qu'ils puissent passer vers
le marché licite et qu'ils puissent
consommer un produit de qualité et en même temps, bien, faire un peu de
prévention, même un peu ou beaucoup. Alors, ça serait quoi, les
conditions gagnantes pour qu'on puisse passer d'un marché à l'autre?
• (18 h 20) •
Mme Talbot
(Mélodie) : Je pense que, si on répond à la clientèle comme il faut,
je pense que c'est
ça qu'il faut faire. Mais comment répondre à cette clientèle-là
comme il faut? En fait, dans le milieu illégal, souvent tu vas aller voir ton
vendeur, il n'aura pas 10 sortes, là. Tu sais, il va t'en proposer deux
qui vont avoir un taux de THC soit élevé ou bas dépendamment de ce que tu veux ou du cannabidiol ou pas, dépendamment de
ce que vous voulez, puis aussi des sortes comme le sativa qui va plus réveiller, puis du indica qui va plus vous
fatiguer. Puis si, dans le marché légal, on offre quelque chose qui ressemble justement au marché de la
santé, donc on peut offrir vraiment ce que le client veut avec une description,
tu sais, qui est tout à fait vraie,
tu sais, sans déroger pour vendre, bien, oui, je pense que c'est ça, puis
d'avoir une qualité, puis d'avoir une
transparence aussi, tu sais, de ne pas... Si la culture est
faite d'une telle manière, le dire; s'il
y a des agents de... tu
sais...
Une voix : Par rapport au
prix aussi.
M. Mary
(Jean-François) : L'exemple
de la Hollande n'est pas tout à fait transposable, parce que c'est quand même particulier en Hollande, mais c'est une
décriminalisation avec une commercialisation, de tolérer dans les «coffee
shops». C'est très particulier, comme
modèle, la Hollande, mais s'il y a quelque
chose où la Hollande a très bien
réussi, c'est... pour les personnes
hollandaises d'ailleurs, parce qu'il
y a des «coffee shops» plus utilisés
par les touristes puis il y a des «coffee shops» beaucoup plus pour les
Hollandais. On retrouve très peu de Hollandais dans les «coffee shops» touristiques. Mais, dans les «coffee shops»
hollandais, ils sont arrivés à créer une expérience aussi, tu sais. Les gens se
sentent bien d'aller poser des questions
à leur commis dans le «coffee shop». Ils reçoivent de l'information factuelle sur le cannabis qu'ils vendent sans aucun jugement. Il
n'y a pas une promotion de la vente, parce qu'ils ont des limites, d'ailleurs, sur les quantités vendues, en
Hollande. Mais ils offrent cette qualité-là, un lieu où on peut aussi consommer
sur place en... C'est
assez... Plutôt que d'essayer de faire un lieu où on va vendre du cannabis en
disant : On te vend du cannabis, mais c'est vraiment mauvais pour
toi, on vend du cannabis en prenant le consommateur pour une personne
intelligente et capable de faire des choix raisonnés, et c'est ça qu'il faut.
En
fait, il faut parler à l'intelligence du consommateur et il faut vendre le
cannabis pour ce qu'on souhaite faire. On
veut légaliser la substance, bon, bien, acceptons-le. Acceptons-le, et donnons
l'information transparente, et ouvrons des
discussions, parce que c'est le seul moyen, même si on veut atteindre les
objectifs de prévention, c'est par ce moyen-là qu'on va l'atteindre. Vis-à-vis des jeunes, c'est tout à fait marquant.
On parlait tantôt de la coercition, des amendes, ça m'amène encore une fois là-dessus. Si on veut
rejoindre les jeunes, ce n'est pas avec des amendes et des sanctions qu'on
va y arriver pour les jeunes qui ont des
consommations problématiques. Ceux qui n'ont pas de consommations
problématiques, ils n'apparaîtront jamais dans les cartes de l'État. De
toute façon, ils consomment du cannabis, ils continueront à consommer du
cannabis, ils n'auront jamais aucun problème de cannabis.
Ceux
qui ont des problèmes de cannabis, ils vont avoir aussi d'autres problèmes à
l'école, ils vont avoir d'autres problèmes
de scolarisation, d'autres problèmes sociaux, et il faut être capable d'aborder
ces questions-là. Ce n'est pas en y allant par la sanction, et par des
amendes et par la coercition, que les travailleurs sociaux qui vont aborder ces
questions-là vont être capables de gratter
avec le jeune ce qu'il se passe en dessous, dans les causes sociales qui sont
en dessous de ces problèmes-là. Et, si on veut réussir la légalisation,
c'est cette ouverture-là qu'il faut arriver à faire.
M.
Pagé : Oui, j'entends bien. Oui, j'entends bien, merci. À la
page 13 de votre document, vous abordez, je pense, un sujet que personne n'a abordé avant vous, qui
sont les exigences d'absence de dossier criminel : «Exclusion des personnes ayant un casier judiciaire en lien avec
la prohibition du cannabis.» Bon, le fédéral songe, avec peut-être l'amnistie
pour les gens qui auraient des casiers,
juste... Est-ce vous faites certaines distinctions quand vous dites cela? Je
m'explique : Est-ce que ça
serait, quand vous dites ça, seulement pour les gens qui, aujourd'hui, ce pour
quoi ils auraient été reconnus coupables,
ne le seraient pas? Par exemple, je suis en possession de 20 grammes sur
moi. Je suis coupable aujourd'hui, mais
à partir du 1er juillet, je ne le serai pas. Est-ce que c'est seulement
pour cette catégorie de gens là ou ça inclurait des gens, quand vous dites ça, là, peu importe qui,
là? Tu as un casier judiciaire en lien avec une ultra consommation ou tu as
été un vendeur; jusqu'où vous allez quand écrivez cela?
Mme
Lefebvre Constantineau (Vanessa) : On y va globalement, l'amnistie
totale en lien avec la prohibition totale.
M. Mary (Jean-François) : Parce que l'idée, c'est de sortir des personnes
d'un réseau criminalisé illégal pour les
intégrer dans une économie légale, qu'on souhaite... Donc, on souhaite les
inclure, les sortir de l'illégalité pour les inclure dans un modèle légal. Et qui actuellement dispose de l'expertise
au niveau de la production, de la commercialisation, de la nature des produits? Bien, ce sont les
consommateurs et ce sont les vendeurs, parce que, bien souvent, les vendeurs
de cannabis sont aussi des consommateurs de cannabis.
Nous
avons d'ailleurs, dans ce même mémoire, tu sais, demandé un souci de cohérence.
Par rapport à l'alcool et au tabac,
on a une position que l'association canadienne aussi des usagers de drogue
porte sur la décriminalisation totale de
toutes les substances puisque ces gens-là, qui sont maintenus dans un réseau
illégal, ils ne sont pas... il y en a certains qui... les gros bonnets, qu'on parle souvent, eux sont là pour le
profit. La majorité des vendeurs de drogue, en général, et de cannabis sont soit des vendeurs de
subsistance, soit des vendeurs consommateurs. Est-ce qu'ils vendent de la
drogue par choix? Non, ils vendent
parce qu'ils se retrouvent dans un contexte social où leur source de revenus ne peut être garantie que par la vente de substances prohibées que par
un commerce illicite. On s'attend d'un État de faciliter l'intégration de ces
personnes-là dans un marché légal et de les intégrer à l'économie légale.
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, ça met un terme à ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. M. le député de Borduas,
vous avez six minutes. À vous la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci de participer aux
travaux de la commission parlementaire. Si vous voulez, on va poursuivre sur le même sujet. Vous nous dites, dans le fond, peu importe l'infraction criminelle
qui a été commise, les individus devraient être habilités à travailler dans un
magasin de la Société québécoise du cannabis, en lien avec une infraction criminelle, on
s'entend, en lien avec une substance prohibée, supposons, prévue à la loi.
M. Mary
(Jean-François) : ...certaines drogues et substances, la LCDS, c'est
bien connu.
M. Jolin-Barrette : Exactement. Bon. Supposons... pour le cannabis, je peux
comprendre votre raisonnement. Quelqu'un qui produirait du fentanyl puis qui aurait été
condamné, vous dites : Bien, ce serait approprié que cet individu-là
travaille à la Société québécoise du cannabis.
M. Mary (Jean-François) : Pour quelle raison, est-ce que le fentanyl se
retrouve sur le marché actuellement? Je vous pose la question.
M.
Jolin-Barrette : Je ne peux pas vous dire.
M. Mary
(Jean-François) : Exactement.
Le fentanyl se retrouve sur le marché actuellement, essentiellement en lien
avec la prohibition. Certains consommateurs maintenant vont chercher le
fentanyl, mais c'est une conséquence de ça. Si on n'était pas dans un régime de prohibition,
cette course à la substance la plus forte et la plus facile à trafiquer, parce que c'est pour ça que le fentanyl est apparu, parce que
de très petites quantités sont capables d'approvisionner un bassin de clientèle énorme, c'est une conséquence de la
prohibition. On serait restés... l'alcool, la prohibition de l'alcool a suivi
exactement le même phénomène, puisque les vins et bières ont quasiment
disparu, pendant la prohibition, au profit des alcools forts qui étaient beaucoup plus rentables et faciles à trafiquer par les
bootleggers de l'époque. Et on voit exactement
le même phénomène avec les autres substances, que ce soit la
méthamphétamine ou que ce soit le fentanyl, c'est exactement le même schéma, c'est un schéma
prohibitionniste.
Ce schéma-là,
par la fin de la prohibition, il va s'annuler par... les consommateurs ne
choisissent pas de consommer une
substance qui a une majorité de chances de les tuer, ils ne choisissent pas...
ce n'est pas du suicide, c'est une consommation.
Les consommateurs problématiques, il
y a des causes sociales et environnementales et sociétales en dessous de
la consommation, qui fait qu'ils ont une consommation problématique. Donc, le
consommateur de fentanyl n'est pas considéré dans la question.
M.
Jolin-Barrette : Même là-dessus,
là, au niveau du producteur, du distributeur actuellement, c'est une substance illégale.
M. Mary
(Jean-François) : Dans ce projet de loi là, on parle de cannabis, donc on parle de la loi sur certaines
drogues ou substances et ce qui se rapporte au cannabis, donc les dossiers
reliés au cannabis.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais là
vous me parlez des gens qui pourraient travailler à la Société québécoise du cannabis,
vous visez uniquement les gens qui ont un dossier criminel en fonction d'une
infraction reliée au cannabis. C'est ce que vous visez ou vous visez
tout? Vous visez tout.
M. Mary (Jean-François) : Non, généralement,
pour quelle raison on va...
M.
Jolin-Barrette : Mais je
veux juste vous arrêter là. Je comprends, là, votre système
prohibitionniste, tout ça, la conséquence,
tout ça, on peut faire une analyse sociologique. Mais pratico-pratique, là, le
vendeur, là, qui va être là, qui a un
dossier criminel, je comprends que vous dites, dans votre mémoire, c'est un
individu qui connaît les propriétés, qui connaît... qui en a peut-être consommé aussi, mais vous dites, c'est lui,
l'expert dans ce domaine-là. C'est le raisonnement que vous avez.
M. Mary (Jean-François) : Oui, tout
à fait. Et pour quelle raison est-ce qu'on exclut du marché du travail quelqu'un
pour une faute, un crime qu'il a commis par le passé et pour lequel il a payé déjà?
Pour quelle raison on va maintenir,
dans une situation d'exclusion économique, un individu et qu'on ne
lui permet pas de se réintégrer socialement?
M. Jolin-Barrette : Là-dessus, il y
a de nombreux emplois qui demandent de ne pas avoir de casier pour de multiples
raisons, alors...
M. Mary
(Jean-François) : Pour de
multiples raisons. Dans la vente, dans un lieu de vente de cannabis, quelles
seraient ces raisons-là? Je comprends que,
dans un CPE, quelqu'un qui a commis des abus sexuels sur des enfants ne
puisse pas y travailler, c'est tout à fait logique.
M.
Jolin-Barrette : C'est un
dossier criminel. Si vous avez eu un dossier criminel, il y a certains emplois que vous ne pouvez pas exercer. Alors, le critère,
c'est le dossier criminel, mais je comprends votre point de vue, mais, du côté
de ma formation politique, on ne le partage pas du tout.
M. Mary (Jean-François) : Tout à
fait.
M.
Jolin-Barrette : Sur
l'aspect des jeunes, tout à l'heure, vous avez dit : Bon. Bien, il faut
regarder pourquoi ils consomment, tout ça. Moi, ce qui m'intéresse, le
choix du gouvernement, la légalisation va être à 18 ans au Québec. Comment est-ce qu'on fait pour accompagner les
jeunes de moins de 18 ans, au
niveau de la prévention, avant même le
premier épisode de consommation?
M. Mary (Jean-François) : On le fait
déjà. En fait, on a déjà, dans le milieu scolaire...
M.
Jolin-Barrette : Je vous
dirais qu'il y a certaines lacunes parce qu'il y a énormément de consommation.
Alors, comment est-ce qu'on fait pour faire de la prévention?
• (18 h 30) •
M. Mary
(Jean-François) : En
sciences humaines, on aura toujours... L'humain est tellement capable
d'adaptation et présente une telle
diversité qu'on aura toujours des lacunes. Par contre, on a déjà des systèmes en place dans les écoles, même dans la protection de la jeunesse, pour que
les jeunes problématiques reçoivent un accompagnement. Il y a des lacunes, il y a peut-être des investissements à faire, il y a des améliorations à faire, mais ce système-là existe.
Et ce système-là est juste pour les
jeunes. Notamment le fait qu'après 14 ans cet accompagnement-là, il puisse
se faire en total... tu sais, sans que
les parents soient prévenus, parce que c'est des approches de santé et de
services sociaux. Et, par ce biais-là, on est capables de travailler avec ces jeunes-là et non
pas travailler contre ces jeunes-là. Et c'est là l'essentiel : travailler
pour la jeunesse et non contre la jeunesse.
Le Président (M. Merlini) : Merci.
Notre temps est écoulé.
Mémoires déposés
Avant de
conclure, je vais procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas
été entendus lors des auditions. Il
s'agit des mémoires du Syndicat de la fonction publique du Québec, le Syndicat
québécois de la construction, l'Ordre
des infirmières et infirmiers du Québec, le Collège des médecins du Québec,
Altasciences, l'Association canadienne des
compagnies d'assurances de personnes, la Fédération des médecins spécialistes
du Québec, le Réseau québécois des villes
et villages en santé, la Sûreté du Québec, le Protecteur du citoyen, la Ville
de Montréal, Canopy Growth Corporation, l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement
pharmaceutique de La Feuille verte, et The Green Organic Dutchman
Holdings.
Nous avons
tenu neuf jours d'auditions, pour un total de 38 heures. 55 groupes
ont été entendus. Nous avons reçu un
total de 63 mémoires, dont 48 mémoires provenant des groupes entendus
et 15 mémoires provenant de groupes non entendus.
Mme Lefebvre Constantineau,
Mme Talbot, M Mary, représentant l'Association québécoise pour la
promotion de la santé des personnes
utilisatrices de drogues, je vous remercie de votre présence ce soir et votre
contribution aux travaux de la commission.
Et la commission, ayant terminé son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Merci et bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 32)