To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, November 8, 2017 - Vol. 44 N° 165

Special consultations and public hearings on Bill 148, An Act to regulate generic medication procurement by owner pharmacists and to amend various legislative provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Fernet avocats inc.

Mme Mélanie Bourassa Forcier

Mémoires déposés

Autres intervenants

M. Richard Merlini, président

M. Gaétan Barrette

M. Dave Turcotte

M. François Paradis

*          M. Paul Fernet, Fernet avocats inc.

*          Mme Andrée-Anne Fernet, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures douze minutes)

Le Président (M. Merlini) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.

La commission est réunie cet après-midi afin de procéder et de continuer les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 148, Loi encadrant l'approvisionnement en médicaments génériques par les pharmaciens propriétaires et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements cet après-midi?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Cet après-midi, nous entendrons les personnes suivantes : Me Paul Fernet et Me Andrée-Anne Fernet, de Fernet avocats inc., et Me Mélanie Bourassa Forcier, professeure agréée en droit, de l'Université de Sherbrooke.

Je souhaite donc la bienvenue à Me Paul Fernet et Me Andrée-Anne Fernet. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire votre exposé. Nous procéderons ensuite à la période d'échange avec le ministre et avec les membres des deux oppositions. Je vous invite donc à prendre la parole. À vous.

Fernet avocats inc.

M. Fernet (Paul) : Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier la commission pour l'invitation qu'elle m'a adressée à participer au débat entourant l'analyse du projet de loi n° 148.

Je suis, comme M. le président le disait, accompagné d'Andrée-Anne Fernet, qui exerce à mon cabinet, qui est spécialisée en droit pharmaceutique.

Mme Fernet (Andrée-Anne) : Bonjour.

M. Fernet (Paul) : J'ai eu à quelques reprises le privilège, par le passé, de présenter le point de vue d'organismes, tels l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et l'Ordre des pharmaciens du Québec, dans le cadre d'études menées par la Commission de la santé et des services sociaux.

Le projet de loi annonce l'introduction d'un nouveau règlement, le Règlement encadrant l'approvisionnement en médicaments génériques par les pharmaciens propriétaires. Selon la lettre du projet de règlement, un pharmacien ne pourra dorénavant s'approvisionner en médicaments génériques auprès d'un même fabricant pour plus de 50 % de la valeur totale annuelle de ses achats pour de tels produits inscrits à la liste de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Comme nous l'avons exprimé à notre mémoire résumant notre analyse sur la question, nous comprenons que cette nouvelle interdiction vise à renforcer certaines des récentes dispositions introduites à la Loi sur l'assurance médicaments au chapitre des pratiques commerciales interdites et non pas à investir le champ de compétence des pharmaciens, qui, pour sa part, prévoit une réserve complète du droit de propriété en pharmacie aux seuls membres de l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Le législateur a cru nécessaire de préciser, à l'article 27 de la Loi sur la pharmacie, que «seuls peuvent être propriétaires d'une pharmacie, ainsi qu'acheter et vendre des médicaments comme propriétaires d'une pharmacie, un pharmacien [ou] une société de pharmaciens». Ce lien entre la propriété des pharmacies et l'achat des médicaments nous semble très important. La liberté pour un pharmacien d'acheter les médicaments de son choix s'inscrit dans une perspective d'indépendance professionnelle et de protection du public. Nous comprenons que l'interdiction édictée par le projet de loi n° 148 vise, sans nul doute, l'émancipation des pharmaciens propriétaires quant à l'achat des médicaments de marque privée ou alors des formulaires mis en place par leurs partenaires d'affaires. Paradoxalement, le futur règlement s'articule en limitant cette liberté de choix du pharmacien quant à l'achat de ses médicaments.

Au-delà de quelques éléments de réflexion énoncés dans notre mémoire et portant sur l'impact des nouvelles mesures proposées par le projet de loi, telle la prise en compte des produits biologiques ultérieurs des médicaments génériques de source unique ou alors l'alourdissement des devoirs administratifs du pharmacien, nous croyons qu'une intervention législative qui viserait les décisions qui, trop souvent, se prennent en amont de la seule volonté du pharmacien pourrait s'avérer efficace.

Nous avons antérieurement fait état qu'aucune plus-value à la chaîne de distribution des médicaments ne découlait de l'utilisation des produits de marque privée ou des formulaires et autres programmes dits de conformité mis en place par les chaînes, bannières et franchiseurs, tels qu'imposés à leurs membres pharmaciens.

L'impact des interdictions édictées par les articles 80.1 et 80.2 du chapitre des pratiques commerciales interdites nouvellement introduites à la Loi sur l'assurance médicaments se constate déjà clairement dans l'industrie. Ces dispositions modifient des pratiques qui avaient cours depuis des années. Les interdictions visant les fabricants, les grossistes et les intermédiaires à imposer des contraintes à l'approvisionnement, ou alors des ententes à caractère exclusif, ou encore prévoyant des obligations en lien avec la vente d'une marque spécifique de médicaments rendent au pharmacien une indépendance professionnelle qu'il avait trop souvent perdue.

De la même manière, nous croyons que l'ajout de quelques paragraphes supplémentaires à cet article 80.2 pourrait permettre un retour du balancier en faveur des pharmaciens propriétaires, que ce soit lors de l'ouverture ou de l'achat d'une pharmacie, des prises de décision en lien avec les opérations de son établissement, tel l'achat des médicaments, ou alors, finalement, quant à la disposition de son entreprise. Ces ajouts à la Loi sur l'assurance médicaments adresseraient le problème là où il se situe, soit au moment de la conclusion d'une convention d'affiliation uniquement rédigée par la partie dominante à de tels contrats d'adhésion.

Le projet de loi n° 148 propose donc l'introduction d'un nouveau règlement qui limitera, tout au moins partiellement, le recours aux médicaments de marque privée. De l'avis des analystes du ministère, la modification législative et réglementaire proposée s'inscrit dans une perspective d'ensemble qui vise à assainir les pratiques commerciales dans le domaine du médicament, du fabricant jusqu'au pharmacien propriétaire, et à favoriser une meilleure concurrence sur le marché.

Nous supportons donc entièrement l'objectif poursuivi par le projet de loi n° 148. Nous croyons cependant que l'ajout de nouvelles interdictions au chapitre des pratiques commerciales interdites ou alors l'introduction d'un règlement d'application en support à ces interdictions visant plutôt les partenaires d'affaires des pharmaciens permettrait un assainissement plus efficace des pratiques prévalant toujours dans le marché, assurant au pharmacien une plus grande liberté dans ses achats de médicaments et une réaffirmation de la réserve du droit de propriété en pharmacie, ces outils étant le gage d'une meilleure indépendance professionnelle. De telles dispositions, tout en permettant le déplacement des parts de marché des fabricants génériques, tel qu'anticipé par le ministère, éviteraient à ce dernier et à la régie d'atteindre aux habilitations professionnelles des pharmaciens.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de votre écoute.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Me Fernet, pour votre exposé. Nous allons immédiatement commencer la période d'échange en commençant par M. le député de La Pinière et ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous disposez d'un bloc de 21 minutes. À vous la parole.

• (15 h 20) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Me et Me Fernet, merci d'être venus aujourd'hui, puis merci, certainement, des propos que vous venez de tenir à l'égard de tout l'ensemble de ce que l'on a fait. Je dois d'abord prendre ce moment-là pour vous remercier de vos conseils précédents, lorsque vous êtes venus et avez déposé différents mémoires aux autres projets de loi qu'on a traités. Comme vous le voyez, ça nous a inspirés et ça nous a alimentés pour... nous conforter peut-être, nous alimenter aussi certainement pour prendre les décisions que l'on a prises en 81 et 92. Alors, vous êtes en partie, certainement, responsables, entre guillemets, des directions que l'on a prises, on va dire ça entre guillemets. Et souvent, en politique, on dit qu'on a besoin de corroborateurs, c'est un mot qui est souvent utilisé en politique, mais en réalité on a besoin de conseils d'experts qui ont une vision objective de la situation, comme ce que vous avez fait dans le passé et que vous revenez souligner aussi aujourd'hui. J'en profite donc pour vous remercier une nouvelle fois. Je l'avais fait les autres fois où vous êtes venus, mais, comme on arrive à la conclusion de cet exercice-là, je dirais... Quand je dis «conclusion», je le dis dans le sens où il y avait un chemin, vous l'avez bien vu.

Vous avez fait des interventions qui étaient à plusieurs niveaux sur la problématique, entre guillemets — on va dire ça comme ça pour être poli, là — de l'intégration verticale. Et, comme vous l'avez dit, oui, ça vient briser un certain nombre de choses et ramener le plus possible une indépendance du pharmacien. Et, quand j'entends les commentaires que vous venez de faire, oui, vous visez juste, effectivement, ça vise à faire ça. Et effectivement ça s'adresse à un certain nombre de problématiques, de relations parfois trop intenses entre divers partenaires dans le cheminement du médicament entre son fabricant et le point de service qui est celui de la pharmacie.

Maintenant, vous l'avez évoqué à plusieurs reprises, et je dois vous avouer que vous suscitez ma curiosité quand vous nous dites que c'est une bonne chose que l'on fait dans l'ensemble de ce dont je viens de parler, mais il manquerait quelques articles. Alors, je vous laisse la parole avec le plus grand intérêt pour nous indiquer peut-être plus précisément la teneur de quelques articles supplémentaires que vous nous suggériez. C'est à ça que sert ces consultations-là. Vous nous faites des suggestions que l'on prend en compte, et on voit la faisabilité de ça. Vous êtes des experts en droit pharmaceutique, alors je pense que vos commentaires sont on ne peut plus pertinents. Si vous pouviez préciser un petit peu sur les quelques articles que vous verriez utiles à être ajoutés à notre corpus actuel.

M. Fernet (Paul) : Bien, écoutez, M. le ministre, merci de votre question. Il est certain que la question du choix des médicaments génériques par un pharmacien, c'est une toute petite partie, je vous dirais, de ses habilitations professionnelles. Et la teneur de mon propos, que ce soit aujourd'hui ou par le biais de mon document dont j'ai fait parvenir copie à tous les députés, mon propos, c'est que peut-être y aurait-il avantage, étant donné l'impact très signifiant qui découle des nouvelles mesures du chapitre des pratiques commerciales interdites, peut-être y aurait-il opportunité d'aller un peu plus loin et de couvrir d'autres aspects que le simple aspect de l'achat des médicaments génériques. Et j'entends par là toute la question de la liberté des opérations d'une pharmacie. J'entends par là aussi, outre les opérations d'une pharmacie, au niveau de la disposition des pharmacies.

Aujourd'hui, je vous dirais que trop souvent, malheureusement, les intérêts commerciaux prévalent sur les intérêts professionnels. Et c'est ce que j'adresse, dans le fond, quand je vous dis que quelques articles supplémentaires pourraient aider à assainir davantage le marché. Outre le fait qu'il y a la question des médicaments génériques, comme je le disais, bien, il y a un certain nombre, aussi, de réalités que vivent les pharmaciens, et ces réalités-là font en sorte que ces décisions professionnelles ne sont pas toujours aussi libres et indépendantes qu'ils le souhaiteraient. Je fais le parallèle entre l'indépendance et le droit de propriété en pharmacie. On sait tous que le droit de propriété en pharmacie est réservé exclusivement aux pharmaciens, comme je le mentionnais, à l'article 27 de la Loi sur la pharmacie. On sait aussi que c'est une exception en Amérique du Nord. Il y a quelques autres réserves partielles du droit de propriété. On sait ces choses-là. Pour ma part, le droit de propriété, s'il est bien exercé, il est garant de l'indépendance du pharmacien, et c'est l'état de droit au Québec. Alors, si on veut que cet état de droit là, au Québec, qui réserve la propriété exclusivement aux pharmaciens soit bien appliqué, il faut s'assurer que c'est le cas et que, par le biais d'ententes contractuelles, on ne vienne pas créer des impairs ou des limitations aux pharmaciens.

Je vais vous donner deux exemples. Par exemple, dans le choix des collaborations professionnelles d'un pharmacien, il n'est pas toujours évident qu'un pharmacien peut séparer ou partager son acte professionnel avec un collègue ou une consoeur de son choix. Et ça, ça ne m'apparaît pas normal. Au niveau de la direction de sa pharmacie, au niveau de la vente de sa pharmacie, il m'apparaît qu'il y a des limitations qui sont introduites par voie contractuelle et qui visent des réalités qui sont commerciales mais qui ne sont pas des réalités professionnelles. Et, en ce sens-là, le parallèle que je fais avec les pratiques commerciales interdites, si les paragraphes d'interdiction qui ont été introduits à 80.2 ont produit un résultat si signifiant, la question, c'est : Pourquoi ne pas aller un peu plus loin?

M. Barrette : Là, je vous comprends mieux, et corrigez-moi si ma compréhension vous apparaît inexacte. Ce à quoi vous faites référence et les éléments qui sont suggérés par votre commentaire traitent des contrats défranchisés dans le cas de franchisés parce qu'évidemment, lorsqu'une pharmacie est totalement indépendante, elle est indépendante. Et, si je vous comprends bien, dans ce cas-là, les articles auxquels... pas vous faites référence, mais que vous suggérez ne sont pas nécessaires — peut-être que je le dis mal, mais je vais reformuler mon commentaire — puis, si c'est ça, je suis d'accord avec vous, là. C'est clair que, dans la relation contractuelle que les pharmaciens franchisés ont avec une bannière ou d'autres contrats avec une autre entité, il y a souvent des provisions qui amènent des conditions, des restrictions, des obligations dans la circulation du médicament, lire ici achat, vente, volume, et ainsi de suite. Est-ce que je comprends que c'est cet élément-là auquel vous faites un peu, beaucoup référence?

M. Fernet (Paul) : M. le ministre, vous avez tout à fait raison, c'est ce à quoi je fais référence. Je ferais, par contre, peut-être une petite précision. Quand vous avez parlé de pharmacies indépendantes, vous avez opposé ce concept-là à celui de franchisage. Or, je vous dirais que, de notre avis, à l'heure actuelle, dans la province de Québec, des pharmacies réellement indépendantes, il y en a moins d'une centaine.

M. Barrette : Je ne les opposais pas, Me Fernet, sur le volume, mais je les opposais sur le concept légal. Mais je suis parfaitement d'accord avec vous. À certains égards, je me demande si les pharmacies totalement indépendantes ne sont pas aujourd'hui une espèce en voie de disparition.

M. Fernet (Paul) : Bien, tout à fait. Vous avez tout à fait raison. Et c'est la raison pour laquelle je voulais faire la mention qu'on parle des chaînes, des bannières et des franchiseurs. Et il ne s'agit pas ici, comme le veut l'expression consacrée, de jeter le bébé avec l'eau du bain, là. Ces organisations-là sont très régulièrement en support, également, aux pharmaciens du côté administratif. C'est au niveau de l'envahissement du droit de propriété en pharmacie qu'on a déjà, par le passé, témoigné et, je le réaffirme aujourd'hui, on est vraiment très inquiets. Si on ne veut pas perdre la signification de cet article 27 là de la Loi sur la pharmacie, qui, encore une fois, garantit l'indépendance du pharmacien, c'est une norme d'ordre public, je pense que ça mériterait d'être adressé par des analyses et par certaines interdictions supplémentaires.

M. Barrette : Oui, parce que les informations... et, encore là, corrigez-moi si je me trompe, moi, les informations informelles que j'ai sont à l'effet qu'il y a des pharmaciens qui se disent propriétaires, mais ils sont dans une situation contractuelle telle que c'est beau s'ils peuvent décider eux-mêmes de vendre leur pharmacie, là, et c'est beau s'ils peuvent décider eux-mêmes de la couleur des carreaux au plancher ou de la peinture sur les murs. Ça va aussi loin que ça. Vous me le confirmez donc, là. Alors donc, c'est vraiment à cet effet-là, c'est dans cet angle-là et à cet effet-là que vous nous proposez de rajouter des articles.

Maintenant, vous êtes un expert en droit pharmaceutique, vous avez une expérience beaucoup plus grande que la mienne dans ce domaine-là. Et je vous poserais une question purement juridique : Est-ce qu'on peut faire ça? Vous allez me dire : Oui, on peut passer des lois sur n'importe quoi. Non, mais vous avez raison. Mais je vous répondrais, du tac au tac : Il y a quand même une jurisprudence, des chartes, et ainsi de suite. Est-ce qu'à votre avis on peut aller suffisamment loin pour avoir l'effet que vous recherchez? Et là je ne vous dis pas ça parce que je suis contre ce que vous nous dites, au contraire. C'est une interrogation que je me pose parce que je me la suis posée moi-même dans les études de 81 et 92, surtout le 92, évidemment.

• (15 h 30) •

M. Fernet (Paul) : Je suis absolument convaincu que c'est possible. Et, encore une fois, il ne s'agit pas de remettre en question l'entièreté de l'industrie. Ce n'est pas ça, le point, là. Mais il y a des dépassements, j'ai donné quelques exemples. Vous avez sans doute eu l'occasion de prendre connaissance, dans le mémoire que j'ai déposé ici, de deux exemples de clauses contractuelles et qui, à mon avis, ne peuvent pas être tolérés dans un système où on veut reconnaître le droit de propriété en pharmacie au seul pharmacien. Vous savez, quand un pharmacien, dans son établissement, ne peut plus prendre aucune décision sans l'accord de son franchiseur, mais quelle est la liberté, à ce moment-là, du pharmacien d'implémenter des nouveaux services, de procéder à des changements? Ce n'est pas acceptable. Alors, à partir du moment où la loi supporte l'objectif qui est visé par la réserve du droit de propriété, de mon point de vue, oui, par voie réglementaire, avec plus de souplesse d'ailleurs, comme je le disais, peut-être en support à des articles qui sont introduits à la Loi sur l'assurance médicaments, par exemple le chapitre des pratiques commerciales interdites, bien, par voie réglementaire, de venir plus finement placer des balises pour faire en sorte de redonner aux pharmaciens un véritable droit de propriété, sans encore une fois remettre en question l'utilité de l'industrie, je pense que c'est possible.

M. Barrette : Alors là, à ce moment-là... Parce que vous savez, c'est intéressant, la discussion qu'on a, parce que ça m'est passé par la tête, là, cette affaire-là, dans le passé, mais je ne l'ai pas explorée aussi à fond que vous l'avez fait ou que vous le présentez aujourd'hui. Mais la question que je m'étais posée, au moment où j'ai réfléchi à ça, et vous m'interpellez aujourd'hui sur le même sujet, dans l'état actuel des choses, où il y a des contrats qui sont déjà signés, est-ce que je peux... On l'a dit, il y a quelques instants, là, il y en a peut-être une centaine qui sont... où il y a des gens, là, qui sont vraiment des exceptions, là, qui décident d'être des indépendants dans le sens absolu du terme, j'en connais quelques-uns, puis ils sont bien heureux. La problématique, c'est qu'un jeune qui arrive en pratique, en général, il signe, il accepte ce carcan-là. C'est une espèce... c'est une boîte très fermée, là, ce contrat-là.

Est-ce qu'aujourd'hui on est capables d'introduire un changement rétroactif à ce point-là, là, où ce que vous nous suggérez, si on applique ça, ça va nous amener vers une transformation progressive et très lente du milieu? Parce que ça demande quand même que l'individu accepte de ne pas signer un tel contrat. Alors, votre optique, est-ce que c'est d'imposer un nouveau régime, dans la suggestion que vous nous faites, ou de mettre de nouvelles règles qui, prospectivement et lentement... Parce que, sortant des facultés de pharmacie, il va peut-être y en avoir... bien là, j'hypothétise, là, il va peut-être y en avoir un sur deux qui va aller vers la voie de l'indépendance et encore un sur deux qui va aller vers le modèle en cours actuellement, pour lequel vous formulez des critiques qui, à mon avis, sont très justifiées. Comment vous voyez ça? Vous voyez une action législative rétroactive ou prospective?

M. Fernet (Paul) : Moi, je vois une action qui fait en sorte qu'elle rentre en vigueur immédiatement.

M. Barrette : Rétroactive?

M. Fernet (Paul) : Bien, rétroactivement...

M. Barrette : Bien, quand je dis rétroactivement, je veux dire...

M. Fernet (Paul) : Oui, oui, au moment de l'adoption ou de la sanction, là, de...

M. Barrette : Non, mais je m'excuse, là, Me Fernet, c'est juste que je me suis peut-être mal exprimé. Est-ce que vous voyez une action législative que vous nous suggérez ayant un impact immédiat de casser les liens contractuels qui existent aujourd'hui?

M. Fernet (Paul) : Mais il ne s'agit pas de casser tous les liens contractuels. D'abord, il y a une première nuance à faire. Pour prendre un exemple, si un contrat contient, je ne sais pas, je vais donner un exemple, une centaine de clauses, il s'agit souvent de trois, quatre ou cinq clauses qu'il suffit, à ce moment-là, de modifier ou d'adapter.

D'autre part, pour répondre plus juridiquement à votre question, toute convention contractuelle qui est conclue entre des parties et qui va à l'encontre d'une loi d'ordre public, elle est réputée n'avoir jamais existé, alors qui fait qu'il n'y a aucun problème d'application. C'est beaucoup plus un problème d'acheminer finement les nouvelles interdictions, de les expliquer et de les annoncer, et elles vont rentrer en vigueur immédiatement. Les lois professionnelles et les règlements en découlant, les règlements d'application des lois professionnelles étant toutes considérées d'ordre public.

Alors, évidemment, je ne vous dis pas que ceci se fera sans heurt, mais il faut adresser la question, je pense. Puis, comme vous le dites si bien, je ne pense pas qu'on puisse attendre les renouvellements de chacun des contrats, qui, pour la plupart, contiennent des clauses de renouvellement automatiques de toute façon. Alors, non, il faut que ça rentre en vigueur, il faut qu'il y ait un coup de barre qui soit donné. Il n'y a pas des milliers de sujets qu'il faut adresser.

Et je pense que l'indépendance du pharmacien, au niveau de ses opérations de pharmacie ainsi que tout ce qui concerne l'acquisition ou la vente d'une pharmacie... Il ne faut plus que les ventes de pharmacie soient dictées par des opportunités de réseau, hein? J'ai des exemples de dossiers, dans ma clientèle, où, à un pharmacien, il est interdit de vendre à profit une pharmacie pour régulariser sa situation financière, parce que son franchiseur, simplement, ne veut pas perdre ce point-là de vente.

Et ça, à mon point de vue, c'est de transformer ce qui est des considérations professionnelles... Je ne vous dis pas que les professionnels n'ont pas des intérêts économiques. C'est entendu. Mais le professionnel, on le sait tous, il va y avoir une préoccupation pour sa clientèle, les transferts vont se faire. Ce genre de préoccupation là, commerciale, n'existe pas dans des sociétés par actions commerciales. Et c'est la raison pour laquelle on a adopté le droit de propriété en exclusivité aux pharmaciens au Québec.

M. Barrette : Je comprends très bien ce que vous me dites. Moi aussi, j'ai des exemples. Je suis sûr que ce n'est pas les mêmes parce que c'est assez... ce que vous décrivez, c'est assez fréquent, merci, hein? Alors là, faites attention à vous, quand vous allez quitter, là. Moi, on me dit toujours que je vais trop loin, là; vous allez encore plus loin que moi, vous allez vous faire interviewer sûrement.

Je ne sais pas si mes collègues ont des questions. Sinon, j'en ai une autre, question, là, par rapport à votre mémoire, un autre sujet... Oui, je comprends très bien ce que vous me dites, je vous remercie de nous faire part de votre vision là-dessus, c'est un pas de plus, on va dire ça comme ça. Je le renote et je vais prendre certainement en considération. Maintenant, vous avez, dans votre mémoire, fait référence au biosimilaire. Vous y voyez un problème ou vous y voyez un point d'interrogation, je dirais. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?

M. Fernet (Paul) : Oui, en quelques instants parce qu'en réalité ce n'est pas vraiment un problème, l'utilisation des produits biologiques ultérieurs. À l'heure actuelle, quand ils apparaissent à la liste, ils ne sont pas regroupés avec les produits précurseurs, qui fait qu'on n'a pas de problème de remboursement si vous voulez. Donc, on ne peut pas vraiment les considérer comme des génériques.

Mais il y a un certain flottement, il y a des considérations, parfois, dans différents pays. Je sais que dans certains pays, en Europe, on considère davantage ces produits-là comme étant des produits génériques, des choses comme ça. Juste mettre en garde que, s'il fallait que ces produits-là ne soient pas clairement exclus de la mécanique, vous allez avoir... (panne de son) ...alors, avec quelques produits biosimilaires puis vous allez automatiquement dépenser le 50 %.

M. Barrette : Je suis d'accord avec vous. Je voulais juste que vous précisiez votre pensée, là. J'ai la même lecture que vous, là, je me demandais si vous aviez un angle différent, là. Je suis bien d'accord avec vous que ça, ça demande une attention différenciée, on va dire ça comme ça, là, par rapport aux génériques, entre guillemets, classiques. Excellent. Bien, merci beaucoup de votre intervention. C'est très clair, très juste et très intéressant.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le ministre, pour ce bloc d'échange. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Saint-Jean, la parole est à vous pour un bloc d'échange de 13 minutes. À vous la parole.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Merci à vous de nous présenter votre point de vue. À la lecture de votre mémoire, peut-être que j'ai été distrait, mais, durant votre présentation, je ne vous ai pas vraiment entendu expliquer en détail votre point de vue par rapport au fardeau administratif et les pénalités. J'ai peut-être été distrait, là, durant votre présentation, mais j'aimerais vous entendre davantage sur cette question-là.

M. Fernet (Paul) : Merci, M. le député. Non, effectivement, vous n'avez rien manqué parce que je n'en traite que très sommairement dans mon document. Je pense que d'autres organismes, telle l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, ont dû certainement y référer de façon plus soutenue.

Par contre, ce que je sais pour avoir été en pratique moi-même pendant un assez bon nombre d'années, c'est que le fardeau administratif du pharmacien, il devient de plus en plus important. Et le régime, bon, il ne s'agit pas encore là de remettre en question l'utilité, la plus-value pour la population du Québec, et tout le reste, je pense qu'on a un système qui est extraordinaire, je vous dirais, du point de vue de la population puis de la couverture. Par contre, on peut convenir que c'est un régime qui est un peu compliqué.

Et ce que je voulais ici avancer comme propos, sensibiliser les députés, c'est qu'à toutes les fois qu'on introduit un nouveau rapport, une nouvelle formule, une nouvelle façon de calculer, ça, ça veut dire que le pharmacien, là, dans ses achats au quotidien, il va falloir qu'il calcule où est-ce qu'il est rendu, il va falloir qu'il fasse des additions, il va falloir qu'il fasse des soustractions, il va falloir qu'il adapte, en quelque sorte, ses habitudes d'achat avec la réalité du règlement. Et, je ne dis pas que c'est impossible de le faire, puis ça va se faire. Mais il va y avoir aussi, après ça, des rapports, il va y avoir des contrôles de la régie. Quand la régie va vouloir faire des contrôles, on va demander des productions, pendant de longues périodes de temps, d'achats, de ventes pour colliger tout ça. C'est de l'ouvrage. Et je vous dirais que ça s'ajoute, certains auraient dit, à toutes les fois qu'il y a un changement dans le régime, particulièrement au niveau des modalités de remboursement, que les pharmaciens se déguisent en agents d'assurance. Ils passent leur temps à expliquer la facture, à expliquer c'est quoi, la coassurance, c'est quoi... bon.

Alors, maintenant, écoutez, est-ce que c'est le prix à payer pour avoir le régime qu'on connaît, qui doit s'autofinancer? Est-ce que c'est le prix à payer pour avoir un régime qui se maintient puis qui a une pérennité? Bon, évidemment, ce n'est pas à moi qu'appartient la réponse. Mais simplement pour vous signaler que toutes les fois qu'on introduit une nouvelle mesure comme celle-là, ça s'ajoute au reste. Puis les pharmaciens passent déjà beaucoup, beaucoup de temps à faire de l'administration, je vous dirais.

• (15 h 40) •

M. Turcotte : Donc, je vous remercie.

Le Président (M. Merlini) : ...

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Hier, on a entendu les représentants de l'association étudiante en pharmacie de l'Université Laval, on a eu une discussion que... je ne reviendrai pas sur le fond parce que ce n'est pas ça qui est important, mais sur un aspect qui a été abordé lors de nos échanges, c'est sur la question de... Pour les prochaines personnes, bon, les prochains citoyens qui vont se présenter à leur pharmacie pour honorer une prescription qu'ils vont recevoir, il peut y avoir un ajustement qui se fait dans le choix du médicament générique, un versus un autre, pour arriver au 50 % de la pharmacie en question, du pharmacien. Mais pour ceux qui ont déjà, actuellement, un médicament qui a été choisi, donc d'un fabricant, il devra y avoir une certaine réorganisation, donc une certaine sélection de... bon, un certain nombre de clients vont pouvoir continuer à garder ce fabricant-là, d'autres, bon, auront un autre générique dans certains cas. Parce que, si, tout le monde, c'était 50 %, bien, on ne ferait pas ce projet de loi là, là. Ça doit être parce qu'à quelque part il y en a qui dépassent le 50 %. Donc, ça nécessite quand même un certain temps, faire ça. Bon, on a entendu de leur part que, dans certains cas, ils pouvaient peut-être avoir certaines réactions différentes à un médicament plutôt qu'un autre parce que... bon. On a démontré une étude.

Mais mon point, c'est... Lors de l'adoption de ce projet de loi là, qui deviendra une loi qui sera appliquée dès ce moment-là, dans l'année qui vient, le pharmacien, dans l'année 1 de cette application-là, aura davantage de travail parce qu'il n'aura pas juste à faire tout ce que vous avez mentionné, de la comptabilité, tels médicaments, là, tel fournisseur versus un autre, etc., mais aussi de réajuster ceux qui sont déjà dispensés, donc ceux qui seront vendus. Donc, est-ce qu'avoir une période de transition un certain nombre de mois ou d'années pour faire en sorte que les pharmaciens puissent habituer leurs clientèles, bon, expliquer à la clientèle aussi qu'il devrait y avoir un certain changement dans certains cas, puis le temps aussi de s'ajuster avec un nouveau système parce que ça va prendre sûrement un système informatique pour faire tout ça, là, ça ne se fera pas tout à la mitaine, là, est-ce que d'avoir une période de transition ou une période de grâce, si on peut dire, pourrait être une solution envisageable, selon vous?

M. Fernet (Paul) : Merci pour votre question. Écoutez, je suis en accord avec une bonne partie des éléments que vous avez considérés dans votre question. Est-ce qu'une période de transition est nécessaire ou essentielle? Je vous dirai que je n'en suis pas certain. Je vais vous expliquer pourquoi. D'abord, c'est difficile de mesurer l'ampleur des problèmes qui vont être créés en pharmacie, mais je suis d'accord avec vous qu'il va y en avoir, c'est clair. Mais par contre, les pharmaciens à l'heure actuelle achètent quand même déjà rarement pour 100 % de leurs médicaments chez un même fabricant. Alors, si vous avez — pour prendre un exemple, on discute — un pharmacien qui achète à 70 %, bien là, il y a un 20 % à aller récupérer. Pour ces 20 % là, il y a des patients qui vont se trouver à changer de médicament.

Une première chose qu'il est important de comprendre, c'est qu'au niveau des effets cliniques il pourrait y avoir, on estime, entre 5 % et 10 % de clients... surtout pour des molécules avec des fenêtres thérapeutiques étroites, il pourrait y avoir, à ce moment-là, des réajustements en soins qui sont nécessaires. Mais ce n'est pas fréquent, mais ce n'est pas inexistant. Il faut en tenir compte, c'est certain. Par contre, là où vous avez réellement un point, c'est que le pharmacien, il va devoir non seulement tenir toute l'administration qui découle et il va falloir qu'il explique à ses patients aussi pourquoi la petite pilule jaune est devenue verte. Maintenant, ça, je vous dirai que les pharmaciens font ça probablement déjà depuis 35 ans, raison pour laquelle je vous dirais que, bon, un moratoire ou une période de transition, j'ignore... Mais c'est des réalités que vivent les pharmaciens déjà au quotidien depuis des dizaines d'années effectivement.

M. Turcotte : O.K. Pour ce qui est des pénalités, vous abordez cette question-là aussi très brièvement, est-ce que... Tu sais, parce qu'au fond les pénalités qui sont mentionnées dans le projet de loi, c'est à peu près les mêmes que pour, bon, une enfreinte à la question des factures détaillées ou d'autres éléments. Est-ce que, selon vous, c'est justifié, les montants qui sont mentionnés dans le projet de loi ou on devrait revoir ces montants de pénalité là?

M. Fernet (Paul) : Écoutez, moi, je trouve que c'est très élevé, 100 000 $, c'est une pénalité qui est très signifiante pour un individu ou alors un individu qui est actionnaire unique d'une société par actions, qui est destiné à son exercice professionnel. Que des pénalités puissent, pour des grandes corporations, aller jusqu'à un million de dollars, si vous faites la proportion, ça ne fait pas 100 000 $ pour un individu, pour moi, ça, ça m'apparaît bien clair. Est-ce que, dans certains cas, la pénalité peut mériter d'être aussi dissuasive?

Je vais vous donner un exemple. À l'article 80.3, on précise qu'un pharmacien ne peut pas prendre d'entente puis donner des avantages à un propriétaire de résidence de personnes âgées. Puis ça, c'est essentiel, c'est au-delà de son code de déontologie, c'est incorrect, ce n'est moralement pas acceptable, finalement. Alors, que la pénalité soit de 100 000 $, dans ces cas-là, personne ne va avoir trop de problèmes. Mais ici, c'est des factures, c'est des achats, c'est des questions administratives au bout de la ligne. Et je dirais qu'à moins de cas où est-ce qu'on fait franchement fi de l'application des règlements puis qu'on ne s'occupe de rien, je vous dirais que 100 000 $ pour un dépassement au-delà du 5 % de marge de manoeuvre, là, qui est prévu, là, ça m'apparaît beaucoup, effectivement. Je ne pense pas que ce serait moins dissuasif si la pénalité était moins élevée.

M. Turcotte : Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Merlini) : Il vous reste 3 min 40 s, M. le député.

M. Turcotte : O.K. Merci. Rapidement. Le 50 %, c'est sur la valeur monétaire. Chaque molécule, chaque médicament a un prix qui varie. Dans certains cas, il y en a qui valent plus que d'autres. C'est sûr que, là, on fait abstraction des médicaments d'origine, donc qui peuvent, dans certains cas, être beaucoup plus élevés, là, en termes de prix, que certains génériques. Mais ça peut faire en sorte que rapidement on peut passer le cap entre le... Parce qu'il y a une certaine zone tampon, entre 50 % et 55 %, là, qu'on dit : Bon, bien, on le tolère, mais l'année prochaine on va vous... vous allez être imputés de ce pourcentage-là sur l'année suivante. Mais ça peut venir quand même plus rapidement qu'on pense, tu sais?

Et, comme vous avez mentionné, on ne sait pas encore les conséquences qu'on peut avoir, en pharmacie, l'application de... Donc, je comprends que les amendes vont être graduées, là, donc première offense, deuxième, s'il y a récidive, etc. Mais est-ce qu'il y a quelque chose qu'on pourrait améliorer, dans le projet de loi, qui ferait en sorte qu'on pourrait atteindre le même objectif mais avoir une certaine souplesse dans l'application de ça pour ne pas non plus pénaliser les pharmaciens eux-mêmes, qui sont déjà surchargés de tâches et autres, puis tout ça, puis que leur principal objectif, dans la vie, c'est de soigner les gens puis de les aider et non pas juste faire de l'administration, là?

M. Fernet (Paul) : Bien, écoutez, M. le député, je réponds déjà partiellement à cette question-là dans mon mémoire, quand je dis qu'on devrait aller placer les interdictions au bon endroit, en amont du pharmacien. Vous savez, les chaînes, les bannières, les franchiseurs sont tous liés à des grossistes, par où passent les achats. Alors eux, les renseignements, je peux vous dire qu'ils les ont, puis ils les ont... sinon d'une façon quotidienne, ils peuvent les avoir à chaque commande. Alors, c'est beaucoup plus facile évidemment que, pour le pharmacien, de commencer à tenir...

M. Turcotte : ...je n'ai pas beaucoup de temps. Au fond, ce que vous dites, là, c'est : Au lieu que le pharmacien lui-même ferait le rapport, ça pourrait être le grossiste?

M. Fernet (Paul) : Bien, écoutez, moi, ce que je dis surtout, c'est que l'interdiction de vendre à un pharmacien au-delà de 50 % de ses volumes annuels, c'est beaucoup plus facile à contrôler en amont. Je sais que ces questions-là ont déjà été envisagées par le biais d'ententes. Mais pourquoi ne pas le rendre transparent? Pourquoi l'adresser au pharmacien? Je ne dis pas que le pharmacien n'a pas de responsabilité dans ça. Mais c'est beaucoup plus compliqué pour le pharmacien que pour les gens qui vendent les médicaments à la limite. Et puis, à défaut de mettre de côté le projet de loi n° 148 — comme on dit, nous autres, on est d'accord avec l'objectif à 100 % — bien, je créerais au moins l'obligation du côté des grossistes, des franchiseurs et des bannières, qui sont certainement outillés pour le respecter très facilement.

M. Turcotte : Merci beaucoup.

M. Fernet (Paul) : Merci, monsieur.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean, pour ce bloc d'échange. Maintenant, vers le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Lévis. Vous disposez de 8 min 30 s. À vous la parole.

• (15 h 50) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Fernet... Me Fernet, Me Fernet, bonjour. Vous dites, dans le mémoire, dans votre mémoire, au départ : Ce projet de loi étonne, mais, vous venez de le dire également, on est d'accord avec l'objectif final. Mais, si je comprends bien ce que vous venez de dire, je l'aborderai rapidement avant d'aller sur une autre notion, on ne s'adresse pas aux bonnes personnes. Dans le meilleur des mondes, le travail ne se fait pas à l'endroit de ceux vers qui il devrait se faire.

M. Fernet (Paul) : Écoutez, l'objectif avoué, je pense, puis les analyses du ministère le rendent bien, c'est de régler, tout au moins partiellement, le problème des marques privées, des médicaments maison, puis tout ça. Je dis qu'en adressant la question aux pharmaciens on règle le problème. Je dis qu'il y aurait moyen de le régler sans attacher...

M. Paradis (Lévis) : ...

M. Fernet (Paul) : ...bien, sans envahir, d'une certaine façon, ou intervenir, c'est un meilleur terme, dans l'article 27 de la Loi sur la pharmacie, qui prévoit, lui, que le pharmacien, il peut acheter et vendre des médicaments. C'est son habilitation première, prévue à la loi. Puis je fais le lien avec le droit de propriété. Bon, maintenant, une fois que ça, c'est dit, les pharmaciens, ils connaissent déjà des restrictions. Ils ont des normes professionnelles, il y a déjà, on l'a dit tout à l'heure, l'article 80.3 qui lui interdit de faire des choses.

À la limite — je vais essayer de rendre mon propos clair — de laisser l'interdiction aux pharmaciens, c'est une chose, mais allons au moins la placer aussi au bon endroit, et c'est ce que je veux dire, en rajoutant des interdictions à l'article 80.2 ou alors en adoptant un règlement d'application des interdictions qui sont prévues à 80.2. Le paragraphe 5°, notamment, de l'article 80.2 prévoit déjà qu'on ne peut pas forcer un pharmacien à utiliser de façon préférentielle des marques. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de raffiner cette interdiction-là par le biais d'un règlement qui peut être beaucoup plus précis? C'est ma prétention.

M. Paradis (Lévis) : Et, si j'extrapole, ce que vous êtes en train de me dire, c'est que l'on contraint, encore une fois, quelqu'un, et ce n'est pas un tort en soi, mais à défaut, puis, en fonction de ça, on laisse le champ libre à quelqu'un qui pourrait aussi avoir une incidence sur l'objectif à atteindre.

M. Fernet (Paul) : Évidemment, on ne lui laisse pas indirectement le champ libre parce que le pharmacien, si... il s'acquitte correctement de ses nouvelles obligations par voie de conséquence. Mais je...

M. Paradis (Lévis) : ...responsabilité...

M. Fernet (Paul) : Oui, tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : ...devrait aussi être partagée.

M. Fernet (Paul) : Absolument.

M. Paradis (Lévis) : Et ça, ça s'ajoute parce que, c'est intéressant... Le droit de propriété, vous en avez parlé, vous dites : Il y a des réalités que vivent les pharmaciens, c'est ce que vous avez dit tout à l'heure, il faut préserver ce droit de propriété, préserver leur indépendance. Puis là on a fait le lien puis on a parlé de notions contractuelles, et vous avez été très clair en disant : Oui, il y a des contrats, on n'est pas obligés de saboter le contrat au complet, mais il y a des notions qu'il faut revoir là-dedans, il y a des éléments qu'on peut revoir et corriger pour permettre au pharmacien d'atteindre l'objectif premier de sa profession, qui n'est pas tant un épisode commercial, mais un épisode de soin client et de contact client, si je vous comprends bien et si j'ai bien saisi ce que vous me disiez il y a deux instants. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 148, est-ce que ça menace l'un et l'autre, le droit de propriété puis la notion d'indépendance?

M. Fernet (Paul) : Non, définitivement. Ça l'aide, mais on pourrait aller plus loin. Je dois vous faire une parenthèse, vous avez parfaitement saisi, votre exposé... je n'aurais pas pu dire mieux, là. Alors, c'est exactement ça, le problème. Mais, non, le projet de loi n° 148, je pense, va en partie aider le pharmacien à réaffirmer son indépendance professionnelle en limitant, je vous dirais, l'espace commercial pour les produits de marques privées.

Quant à moi, je l'ai déjà exprimé par le passé, je ne les aurais tout simplement plus remboursés, un peu comme l'Ontario. Maintenant, pour différentes considérations, on peut voir les choses autrement, c'est parfait. Mais, oui, je pense que l'article... c'est-à-dire le projet de loi n° 148 va aider les pharmaciens dans leur indépendance professionnelle sur l'aspect de l'achat des médicaments.

M. Paradis (Lévis) : Ceci dit, l'abolition que vous abordez a été aussi mentionnée, d'autres voies aussi, cette pratique-là potentielle, faisons en sorte de les interdire. On vient régler le problème, à ce moment-là, si on s'adresse à des marques maison ou à des marques privées.

Première partie de votre mémoire, Analyse et réflexions sur l'impact... intitulée Le médicament «générique» / problèmes d'application, vous dites : «Les biosimilaires.

«L'article 1 du futur — et là je le lis pour les gens qui n'ont pas lu votre mémoire — "Règlement encadrant l'approvisionnement en médicaments génériques par les pharmaciens propriétaires" ne fait aucune mention des médicaments biosimilaires ou autrement désignés "produits biologiques ultérieurs".»

Alors, je comprends qu'on devrait davantage détailler à la lumière de ce que vous nous indiquez. Ça rejoint quelque part une recommandation de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, qui dira : «Ce seuil de 50 % serait aussi interprété selon une définition abstraite de ce qu'est un médicament générique. Ainsi, dans ce même ordre d'idées, le projet de loi mériterait d'être bonifié par l'ajout d'une définition de ce en quoi consiste un médicament générique. En effet, comment faire la différence avec les médicaments biosimilaires, par exemple, médicaments qui sont généralement très coûteux et qui pourraient avoir un impact direct sur le seuil de 50 %?»

Alors, il y a quelque chose qui se rejoint quelque part. Est-ce que — j'imagine — dans votre vision on devrait définir de façon plus précise ce qu'est un médicament générique pour éviter un peu ce que vous avez abordé puis ce que l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, en tout cas, considère être une inquiétude?

M. Fernet (Paul) : Sans nul doute. Des définitions qui font en sorte d'éviter des incidents de parcours, c'est toujours utile. Cela étant, je sais qu'il n'est pas facile toujours de définir finement, notamment, juste la définition d'un médicament. Vous pouvez en avoir différentes définitions, selon que vous vous portiez au niveau fédéral, ou au niveau provincial, ou dans différentes provinces. Mais, tout à fait, ce qui est la réalité que vous décrivez, M. le député, c'est exactement ce qu'on vise. C'est ce que je comprends que l'AQPP a visé aussi. Il faut simplement s'assurer que les produits biologiques ultérieurs, qu'on appelle les biosimilaires, ne soient pas compris dans le calcul, finalement, du 50 %. Est-ce qu'on le raffine par le biais d'un règlement d'application? Est-ce qu'on le raffine par une définition? Écoutez, je pense que toutes les formules... Du moins qu'on atteint l'objectif, c'est ça, l'important.

M. Paradis (Lévis) : ...il n'y a rien de plus intéressant que la clarté. Alors, de le définir, j'imagine que ça peut déjà régler le problème.

M. Fernet (Paul) : Les vertus de la clarté sont indéniables.

M. Paradis (Lévis) : M. Fernet, je vous pose une dernière question. Vous avez manifesté des inquiétudes, notamment à l'égard des... puis vous êtes un spécialiste en droit pharmaceutique, mais de ce droit de propriété, cette volonté d'indépendance. Et ces inquiétudes que vous manifestez, qui vont plus loin, qui sont plus larges que le projet de loi n° 148, sont le reflet de ceux et celles que vous côtoyez, de pharmaciens qui se sentent emprisonnés dans un carcan rigide qui les dévie de leur objectif premier.

M. Fernet (Paul) : M. le Président, c'est une... pardon, M. le député, je voulais dire, c'est une réalité que j'observe quotidiennement, qui a... Quand je dis qu'on est préoccupés, je vous assure que je n'exagère pas sur le mot. Il faut faire quelque chose. Je ne peux pas être plus clair que ça. Sans doute qu'il y aurait des analyses à effectuer du côté des parlementaires, du côté des ministères pour peut-être mieux documenter. Mais, de mon côté, je vous dirais que la presque entièreté des contrats et des situations que vivent les pharmaciens comportent des difficultés au niveau du respect de leur droit de propriété. Je l'ai exprimé par le passé, ça ne me gène pas du tout de le réaffirmer aujourd'hui. Mais le message que je lance aujourd'hui, c'est : C'est nos lois, au Québec, c'est l'État de droit du Québec, c'est... À moins qu'on veuille remettre en question le droit de propriété, l'exclusivité du droit de propriété, qui est une caractéristique propre à notre système, je pense qu'il faut intervenir. C'est sérieux.

M. Paradis (Lévis) : Merci.

M. Fernet (Paul) : Merci, M. le député.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Lévis. Me Paul Fernet et Me Andrée-Anne Fernet, merci pour votre présence et votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc quelques instants pour permettre à notre prochain invité de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir Me Mélanie Bourassa Forcier, professeure agréée en droit de l'Université de Sherbrooke. Vous connaissez nos us et coutumes. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous aurons la période d'échange avec M. le ministre et les membres des deux oppositions. À vous la parole.

Mme Mélanie Bourassa Forcier

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes, MM. les députés, merci de me donner l'occasion de me prononcer sur le projet de loi n° 148 et de discuter avec vous, membres de la commission.

Mon nom est Mélanie Bourassa Forcier. Je suis professeure agrégée à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, directrice des programmes de droit et politique de la santé et des programmes de droit et sciences de la vie. Je suis aussi chercheuse fellow auprès du groupe de recherche le CIRANO.

Je tiens à mentionner que, dans le cadre de mon travail à titre de chercheuse, j'ai réalisé des contrats de recherche pour le Commissaire à la santé et au bien-être, pour des compagnies pharmaceutiques novatrices, pour des compagnies pharmaceutiques de médicaments génériques ainsi que pour l'association des pharmaciens propriétaires du Québec. J'ai aussi, à titre d'avocate, réalisé, dans le passé, des mandats juridiques avec un cabinet d'avocats de la région de Montréal.

J'aimerais bien profiter de cette opportunité qui m'est donnée aujourd'hui pour vous parler des ententes confidentielles avec l'industrie pharmaceutique, du débat relatif au régime d'assurance médicaments qui devrait peut-être être public et universel, des honoraires des pharmaciens ou encore de mon dernier projet relatif à la malbouffe en pharmacie, mais je vais me contenter de me prononcer sur l'objet de la commission, le projet de loi n° 148.

Donc, je comprends que ce projet de loi découle directement de l'entente intervenue entre le ministre et les fabricants de médicaments génériques, entente qui, pendant son existence, évitera les appels d'offres tel que proposé par le projet de loi n° 81. Lorsque j'ai présenté en commission portant sur le projet de loi n° 81, j'ai indiqué qu'il était préférable, selon moi, dans un premier temps, de tenter d'atteindre une telle entente avant d'aller de l'avant avec les appels d'offres qui représentaient peut-être des risques évitables par entente. Je suis heureuse que le ministre ait eu du succès dans ses négociations.

Par ailleurs, toujours lors de cette présentation, je mentionnais que présentement, en raison de la présence de marques maison au privé de médicaments génériques, il se trouve, dans le système, des économies possibles, mais dont nous ne pouvons, nous, consommateurs, bénéficier. Le projet de loi n° 148 aura nécessairement pour effet de limiter le recours aux marques privées, ce qui se traduit probablement en partie dans les économies qui découleront de l'entente conclue avec les fabricants de médicaments génériques.

Il m'est aujourd'hui difficile d'apporter des précisions ou des suggestions relativement au projet de loi n° 148 considérant le fait qu'il m'est impossible de bien évaluer s'il représente le meilleur outil politique et l'outil politique le plus coût efficace. Ainsi, je me contenterai de soulever deux questions. Premièrement, pourquoi ne pas avoir simplement interdit le recours aux marques privées? Était-ce parce que l'impact économique d'une telle mesure s'avérait tellement négatif pour les chaînes que ses bénéfices économiques étaient ainsi effacés? Était-ce parce qu'il était de toute façon impossible pour le ministre de bénéficier d'économies additionnelles et donc qu'il était préférable de ne pas affecter l'écosystème généré par la présence de marques maison? Dans l'affirmative, j'appuie le projet de loi.

Deuxièmement, M. le ministre, vous indiquiez, il y a quelques mois, ceci : «La main invisible d'Adam Smith, selon laquelle le marché génère toujours le plus bas prix possible, ça a l'air qu'elle est très invisible dans le marché du médicament.» Certains médias titraient, quant à eux : Barrette veut rétablir la «main invisible» dans le marché du médicament générique. Avec respect, la proposition du projet de loi n° 148, qui s'ajoute à plusieurs autres, je me demande si cette proposition, en fait ne fait pas en sorte de créer une main qui est beaucoup plus visible, soit celle de la main du ministre dans le marché du médicament.

Je suis consciente que le marché pharmaceutique est un marché imparfait, composé d'un nombre considérable d'externalités et donc que l'intervention gouvernementale est requise afin de se rapprocher d'un point d'équilibre. J'aurais pensé toutefois que la mise en place de balises claires quant au respect de l'indépendance du pharmacien, qui ont été imposées par l'adoption du projet de loi n° 92 et qui s'ajoutent à son code de déontologie, étaient suffisantes. Le projet de loi n° 148 laisse croire que nous sommes encore dans l'incertitude quant à la qualité de cette indépendance. Est-ce le cas? D'un autre côté, si la protection de cette indépendance représente l'un des objectifs du projet de loi, n'est-il pas paradoxal de la limiter en imposant des limites d'approvisionnement aux pharmaciens?

Je termine en vous réitérant ce que j'ai mentionné lors de ma dernière présentation en commission. Plusieurs projets de loi ont été adoptés depuis les dernières années, et jamais n'a été révisée notre Politique du médicament, qui est maintenant hautement désuète. Il serait pertinent de revoir notre Politique du médicament afin de nous assurer que l'ensemble de ces projets de loi ainsi que ceux à venir s'inscrivent bien dans une vision sociétale globale ayant fait l'objet d'un certain consensus sociétal. Je vous remercie.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Me Bourassa Forcier, pour votre exposé. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange avec le député de La Pinière et ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre, vous disposez de 22 min 30 s. À vous la parole.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Me Bourassa Fortier... Forcier, pardon, merci de revenir devant nous. Et je ferai le même commentaire que j'ai fait avec votre prédécesseur en vous remerciant d'abord pour les interventions que vous avez faites dans le cheminement de tous les projets de loi et lois que nous avons adoptés dans le secteur du médicament et de l'inspection. Je pense que votre assiduité à nos travaux parlementaires est à être soulignée par la qualité de vos interventions, comme je l'ai dit avec votre prédécesseur. Et je dirais que nous, les parlementaires, avons besoin de commentaires venant d'experts qui ont une vision la plus objective possible, l'objectivité absolue, et ça m'inclut, étant impossible, on s'entend là-dessus. C'est le principe d'incertitude d'Heisenberg, là, on ne peut pas... un système ne peut pas s'observer sans le modifier. Vous avez tout à fait... Je vous remercie, c'est-à-dire, et vous avez tout à fait raison sur certains éléments que vous avez abordés.

Mais le fait, pour vous, de participer, ça nous aide beaucoup et ça nous permet d'appuyer ou d'orienter certaines de nos décisions sur la base de commentaires extrêmement pertinents. Je vous remercie également de nous avoir déposé votre mémoire. Et j'ai constaté, en le feuilletant, il y a quelques instants, que vos propos s'y retrouvaient, notamment pour ce qui est de la désuétude, qui est écrite exactement comme ça, je suis allé là directement. Alors, ça souligne que vous êtes très cohérente et vous êtes très à date aussi dans votre mémoire. Je le dis humoristiquement, là, évidemment.

• (16 h 10) •

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : ...mini-commentaire, c'est... bien que nous ayons retardé la mise à jour, parce que c'était juste impossible d'être vraiment à jour, on a décidé de sortir le livre, mais il n'est toujours malheureusement pas à jour, parce que vous êtes trop actif.

M. Barrette : ...je dois avouer qu'en feuilletant, certains éléments que j'ai regardés, maintenant... disons qu'il n'est peut-être pas à jour, mais c'est une question de mois, là, ce n'est pas une question d'années, là. Alors, c'est assez difficile d'avoir des documents de ce calibre-là qui sont totalement à jour.

Sur ce que vous venez de nous dire et avant d'aller plus directement à la question que j'aurais à vous poser par rapport à ce que vous nous avez dit dans votre introduction, je vais peut-être répondre aux questions que vous posez, même que vous posez directement, là. Je l'ai noté ici et je vous dirais que le fil conducteur, d'abord, de ma réponse, est le suivant... et j'utilise le terme que vous avez utilisé, vous-même, qui est un terme que je n'utilise pas souvent, parce qu'il n'y a rien de biologique dans le monde commercial, mais souvent, dans la société, on utilise des termes médicaux et/ou biologiques pour traiter de la chose économique. Telle mesure est un cancer, telle chose est... Bon.

Alors, aujourd'hui, dans le monde économique, on parle d'écosystème, et c'est un beau mot qui, je pense, s'applique bien au monde économique. Je pense qu'il pourrait y avoir d'autres mots aussi, mais on parle souvent d'écosystème, vous en avez parlé dans ces termes-là vous-même. Et écosystème, bien, ça m'intéresse, cet angle-là, et je le prends à dessein pour répondre à votre question, parce qu'écosystème, par définition, sur le plan biologique, traite d'un équilibre entre différentes forces, entre proie et prédateur, entre chaîne biologique, chaîne alimentaire. Il y a une question d'équilibre sur le plan biologique, lorsqu'on parle d'écosystème, et évidemment il y a les conséquences d'un déséquilibre.

Je pense que, dans ce cas-là et pour la discussion que nous avons à l'instant, c'est un bon mot. Et quand vous me posez la question de savoir pourquoi je n'ai pas simplement interdit les marques privées et que vous me reprochez... je le dis avec toute la réserve possible, là, je sais que vous ne me le reprochez pas, mais vous avez, avec humour, rappelé des propos que j'ai tenus à propos de la main visible qui devient invisible. Vous avez raison. Je vous dirais que, dans le merveilleux monde public, c'était peut-être mieux d'avoir une main invisible dont on sait ce qu'elle fait qu'une main invisible dont on ne sait pas ce qu'elle fait. Des fois, la transparence, elle est plus pertinente dans la visibilité de la main que dans son invisibilité qui, elle, est assez imprévisible, merci, en ce qui me concerne.

Et je reviens au concept d'écosystème. L'écosystème, en soi, ça témoigne d'un équilibre qui est toujours imparfait. S'il était parfait, il n'y aurait pas d'évolution, si on est un partisan de la théorie de l'évolution, pour faire un parallèle jusqu'au bout, et il y a donc une évolution. C'est imparfait, par définition. Et si j'avais eu, moi, à faire une loi parfaite, je l'aurais faite, mais pour faire une loi parfaite... D'abord, est-ce que j'ai la prétention d'être capable de faire une loi parfaite? Je vous annonce que non, je n'ai pas cette prétention-là.

Mais je peux dire une chose, par exemple, les lois qu'on passe sont des lois qui, par définition, sont imparfaites parce qu'elles ne vont pas exactement à 100 % jusqu'où on voudrait aller, tel qu'on en a parlé il y a quelques minutes. Vous avez assisté à l'échange qu'on a eu avec votre prédécesseur, et c'est comme ça. Quand bien même je veux le faire, je ne peux pas nécessairement le faire, ne serait-ce que par le fait que je n'ai pas nécessairement tous les éléments pour faire une loi parfaite. Alors, étant imparfait, bien, il y a des éléments que je n'ai pas faits.

Alors, quand vous me demandez pourquoi je n'ai pas aboli les marques privées, je vais vous la donner, la réponse. C'est simple : parce que, dans le merveilleux monde qui, lui, n'est pas un écosystème, mais qui est celui du juridique, dont vous êtes issue, vous savez comme moi qu'il y en a eu plein de manoeuvres dans le passé dans différentes provinces pour contourner l'interdiction des marques privées, et il y a eu des manoeuvres qui ont été réussies. Elles ont été... et, quand je dis réussies, elles ont été juridiquement réussies jusqu'aux plus hautes instances.

Alors, quand moi, je me retrouve devant une situation où je suis bien d'accord que ça aurait été une bonne affaire d'abolir les marques privées et que je constate que ça devient une guerre perpétuelle de contournement soit des lois, soit des concepts juridiques qui les sous-tendent, bien, je regarde ce que je peux faire puis je fais autre chose. C'est ça, la raison fondamentale. La raison fondamentale, c'est ça. J'avais un obstacle juridique, et, pour le franchir, cet obstacle-là, ça aurait exigé de moi personnellement, là, dans une certaine mesure, et du gouvernement de s'embarquer dans une procédure judiciaire qui aurait pris des années, des années et des années, comme vous le savez sans doute.

Maintenant, ça amène la question, par la suite, de la main visible versus la main invisible. La main invisible, je pense que vous allez être d'accord avec moi qu'elle était tellement invisible qu'on ne savait pas trop ce qu'elle faisait, là, et qu'il y avait lieu conséquemment de mettre en place cette loi-là. Eh oui, vous avez raison, la main est plus visible, et la résultante de ça, bien, ça a été, oui, vous l'avez souligné au début de votre introduction, une entente négociée versus un appel d'offres pour lequel vous êtes venue nous dire qu'il pourrait il y a avoir potentiellement des conséquences néfastes. On l'a pris en considération ça aussi.

Je ne reviens pas sur ma position de la pertinence d'avoir à notre main la possibilité de faire les appels d'offres. La possibilité de faire des appels d'offres a été le levier qui nous a amenés à une meilleure négociation. Est-ce que, dans cinq ans, à la fin de l'entente en cours, on n'ira pas en appel d'offres? Bien, je n'exclus pas ça du tout, là. C'est tout à fait possible, mais l'écosystème dont on parle vous et moi aura changé dans cinq ans. Il aura, comme tous les écosystèmes, évolué. C'est ça, la réponse à ça.

Dans la logique, dans l'exercice de la décision, le cheminement qui m'a mené à prendre cette décision-là, il y avait des contingences que je devais prendre en considération, que j'ai prises en considération, bref le pour et le contre de chacune des décisions, et ça donne ça. Je vous accorde que, dans un monde idéal, oui, c'est ça qu'il aurait fallu faire. Et comme aussi dans un monde idéal, la main invisible d'Adam Smith fonctionne. C'est juste que, dans mon expérience personnelle et non personnelle d'observation de tout système économique, c'est rare qu'elle marche, la main invisible d'Adam Smith, à sa pleine capacité, qui est celle qui de générer, par la concurrence, le plus bas prix possible. Et moi, je pourrais passer les prochaines 15 minutes qu'on a ensemble à vous donner des exemples.

Puis je pense que vous êtes d'accord en quelque part avec ça, mais je tentais, de par ma longue introduction moi-même, à répondre aux deux questions que vous m'avez posées. Oui, ça vise à faire en sorte que la politique... pas la politique, mais que le pharmacien soit le plus possible indépendant, et l'indépendance absolue exigerait de moi que je fasse un pas supplémentaire. Bien là, je reviens au cher écosystème duquel on parle. Ça m'aurait ou ça créerait aujourd'hui un certain nombre de vagues supplémentaires, qui pourraient plaire à certains, moins plaire à d'autres, mais la politique étant l'art du compromis, le compromis étant, par définition, circonstanciel, c'est là où on est aujourd'hui.

Pour ce qui est de la Politique du médicament, intéressant. Est-ce que tout est désuet dans la Politique du médicament? Je pense que non. Je ne pense pas que tout est désuet dans la Politique du médicament. Est-ce qu'il y a des choses à améliorer? Je pense que oui. Est-ce qu'il y a lieu de s'adresser à ça éventuellement? Je pense que oui. Maintenant, si je reviens à notre article de loi aujourd'hui... pas notre article, mais notre loi aujourd'hui, 148, est-ce que, compte tenu de tout ce qu'on vient de se dire vous et moi, il y a des éléments là-dedans qui manquent? Est-ce qu'il y a des choses à peaufiner? Avez-vous des suggestions spécifiques à nous faire? Moi, je suis très intéressé à recevoir votre opinion là-dessus compte tenu des commentaires que vous et moi avons partagés à l'instant.

• (16 h 20) •

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Merci, M. le ministre. Je dois vous dire que, quand j'ai lu le projet de loi, je me suis dit : O.K. Je n'ai pas eu de réaction émotive, positive ou négative, là. Je me suis dit : Probablement que politiquement, c'est impossible de supprimer les marques privées. Ou même si on les supprimait, — on en avait discuté en commission parlementaire en lien avec le projet de loi n° 81 — même si on les supprimait, est-ce que les économies qui se retrouvent là se retrouveraient dans les poches des consommateurs ou se retrouveraient plutôt, finalement, chez les fabricants? Puis si ce n'est pas possible qu'elles se retrouvent dans les poches des consommateurs, qu'elles soient chez les fabricants ou dans les chaînes, bien, dans le fond, laissons le système comme il est plutôt que de tout ébranler. Donc, ça a été ma réflexion.

Mon autre réflexion, ça a été de me dire : Je pense que, théoriquement parlant, on a la même réflexion qu'en lien avec le projet de loi n° 81. C'est de dire, ça limite la flexibilité ou l'indépendance du pharmacien dans son choix de médicaments. Une fois qu'il a atteint le 50 %, cette flexibilité-là ou cette indépendance-là, elle n'est plus là. Mais est-ce que le fait de créer cette limite à l'indépendance du pharmacien dans son choix, mais qu'en même temps de lui donner une plus grande latitude, parce qu'il est moins pris avec la question des marques privées dans ses choix, en bout de ligne, on se retrouve peut-être à un résultat équivalent en termes de promotion de l'indépendance du pharmacien? C'est pour ça que ça générait pour moi... En fait, je me disais : C'est la continuité de l'entente. Dans la mesure où c'est quelque chose qu'il n'était pas possible d'atteindre, la suppression des marques privées, une économie additionnelle, j'appuie le projet de loi.

Le seul petit élément... puis aussi, ma présentation était courte parce que j'ai écouté toutes les autres présentations qui ont eu lieu avant, puis il y a beaucoup de choses qui ont été dites. Je pense que la question de la définition de ce qu'est un médicament générique ou l'adoption d'un règlement venant préciser la loi pour la question des biosimilaires, parce qu'effectivement, comme le disait Paul Fernet, on peut rapidement entrer dans le 50 % avec les biosimilaires, c'est quelque chose qui est pertinent à considérer. Si on met une définition dans la loi de ce qu'est le médicament générique, puis on exclut les biosimilaires, bien que c'est assez évident que ça va toujours coûter très cher, les biosimilaires, il reste qu'une loi, c'est beaucoup plus difficilement modifiable qu'un règlement.

Donc, je m'interroge. Je me dis peut-être que ça... en fait, j'avais pris pour acquis qu'on préciserait la portée de la loi dans, peut-être, un règlement d'application où on mettrait des, finalement, des portes de sortie pour certaines situations. Donc, c'est mon commentaire particulier en lien avec le projet de loi.

M. Barrette : Moi, je suis tout à fait d'accord avec vous, là. Je demandais à mes collègues la provision dans notre règlement, dans notre loi actuelle. On est sur la même longueur d'onde, là. C'est clair que pour nous, le biosimilaire, ce n'est pas un générique au sens classique du terme. On se comprend, et vous tout à fait raison, ça ne peut pas être considéré sur le même pied qu'un générique dit classique, là, pour ce qui est de la sémantique des choses.

Pour ce qui est de 148 comme tel et du 50 %, on ne peut pas le prendre de façon isolée. Je pense que vous l'avez compris, là. Vous l'avez même évoqué d'une certaine manière, 148, c'est un projet de loi qui est complémentaire aux ententes qu'on a signées. Pour aller chercher les économies qu'on est allés chercher, qui sont quand même substantielles, probablement que vous allez en convenir, bien, c'est soit des appels d'offres, avec le risque que vous avez déjà évoqué dans vos comparutions précédentes, ou bien c'est un autre chemin qui, lui, crée une condition économique visible, pour ce qui est de la main, qui favorise l'entente, ou qui permet, ou garantit, dans l'écosystème de la relation fabricant-pharmacien-acheteur, d'avoir accès à un marché, tout simplement. Ce n'est pas une loi qui est autoportante, ce n'est pas une loi qui vit toute seule. C'est une loi qui vit avec quelque chose qui découle de 81, mais ce qui en découle n'est pas une loi, évidemment, c'est l'entente qu'on a convenue. Alors, ça vient avec ça.

Maintenant, par contre, votre commentaire est intéressant, parce que, si le pharmacien était totalement indépendant, là... Oublions l'entente que l'on a avec les fabricants. Si le pharmacien était totalement indépendant, y aurait-il des circonstances où des monopoles pourraient être mis en place quand même? Ne pensez-vous pas plutôt que cette règle-là, même si je n'avais pas d'entente, même si je n'en avais pas et que le pharmacien étant indépendant, il n'y aurait pas des mécaniques commerciales qui ressembleraient à ce qu'on a brisé avec toutes nos lois, là, et règlements, qui reviendraient à des monopoles qui existent actuellement par certaines bannières? Je parle de possibilité, là, je vous dis... On ne nomme personne, là.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui. Vous voulez dire, si on ne limitait pas le choix du pharmacien dans son choix du médicament, est-ce qu'effectivement il resterait indépendant, compte tenu du marché ou des pratiques stratégiques des fabricants et des chaînes?

M. Barrette : C'est-à-dire, moi, ce que je dis, c'est que l'écosystème du commerce de la... l'écosystème de la chaîne du médicament, pour son côté commercial... pas clinique, à la fin, quand on sert le médicament aux citoyens, là, mais l'écosystème qu'on a constaté, qui en était un d'intégration verticale, avec des structures connues, des intégrations verticales qui avaient des contraintes et obligations contractuelles, bien, ça, ça s'est fait dans des relations entre vendeur, intermédiaire et acheteur, à la fin, qui est le pharmacien.

Un pharmacien indépendant, dans cet écosystème-là, n'aurait-il pas été malgré tout soumis à d'autres formes de contraintes, de contrats, d'aménagements, d'ententes visibles, invisibles qui auraient pu quand même amener à des monopoles, qui méritent d'être brisés, pour toutes sortes de raisons, à mon sens, là, sans élaborer là-dessus? Et, à ce moment-là, 148 pourrait être en soi autoporteur.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bon, si je sépare un peu votre... Bien, en fait, il y a deux éléments. Je pense que, si on laissait l'indépendance au pharmacien, si on lui laissait le choix du médicament, le gouvernement n'affecterait pas l'indépendance du pharmacien par une main invisible, mais je suis effectivement certaine que son indépendance, compte tenu du marché actuel, serait affectée par un autre acteur, tout à fait. Ce pour quoi je fais du droit pharmaceutique, c'est parce que c'est un milieu qui est passionnant, ne serait-ce qu'au niveau des stratégies commerciales. C'est fou, ce qui se passe dans ce domaine-là, c'est incroyable.

Donc, pour répondre à votre question, compte tenu du marché actuel, compte tenu des ententes que... Me Fernet l'indiquait, là, le pharmacien n'est pas présentement indépendant. Il doit, de façon... en fait, presque continuellement, il doit s'associer à une chaîne pour devenir un pharmacien propriétaire. Il y a déjà là une question... Il y a une dépendance, même, financière qui se crée dès le départ. Donc, non, le pharmacien, compte tenu du marché actuel, même si on lui laissait le choix, comme gouvernement, il ne serait pas toujours parfaitement indépendant.

M. Barrette : À ce moment-là, si je vous comprends bien, vous acquiescez au fait... puis je dis ça juste pour la logique, là, vous comprenez... bien, vous le comprenez, c'est évident, là, mais le lien, vous le constatez, là, le lien entre 148 et les ententes, qui ne sont pas divulguées, là, mais que l'on a faites.

Mais là je vais vous poser, pas la question qui tue, parce que c'est maintenant l'expression consacrée au Québec, là, depuis quelques années...

Il me reste combien de temps, là?

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre, il vous reste 3 min 30 s.

M. Barrette : Trois minutes. Excellent, on a le temps d'avoir encore cet échange-là.

Alors, si 148, à vos yeux, est compréhensible et justifié en relation avec une entente, c'est ce que je pense qui est votre position, bien, allons justement dans un autre territoire, sur un autre terrain qui est celui qui a été abordé et que vous abordez, vous aussi, qui est celui de l'indépendance du pharmacien.

Je vous soumets ceci. La Politique du médicament, là, c'est une politique qui ne traite pas fondamentalement de l'indépendance du pharmacien. C'est la politique de la dispensation du service pharmaceutique avec la valeur ajoutée de chacun des professionnels, et ainsi de suite, et des relations entre les professionnels entre eux.

Maintenant, sur l'indépendance du pharmacien, là, ou sur la pratique pharmaceutique en dehors du côté purement professionnel du conseil pharmaceutique, dans ce que l'on a fait à date, là, on a fait beaucoup de choses, je pense qu'on a fait avancer les choses, les gens le reconnaissent. Qu'est-ce qui manque? Votre prédécesseur, lui, me suggérait d'aller beaucoup plus loin. Est-ce que vous êtes de la même école? Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous auriez à me suggérer? Je profite de l'occasion de vous avoir devant nous et de votre expertise pour bénéficier de vos constats et suggestions éventuels.

• (16 h 30) •

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Oui. C'est intéressant, votre question, parce que justement, comme je l'indiquais, je fais un projet sur toute la question de la présence d'aliments malsains en pharmacie, puis on a essayé de voir, dans le cadre de ce projet-là, si on devait ou si on pouvait finalement s'inspirer de ce qui s'est passé dans le cas du tabac pour arriver à la conclusion que le fait, pour un pharmacien, de vendre, dans la partie commerciale, par exemple, des aliments sans... même pas des aliments, non, je dirais des produits sans valeur nutritive, fortement additionnés de sucre, par exemple, si ça, c'était contraire à son code de déontologie et au Code des professions, ou à son rôle de promoteur de la santé publique. Puis, dans le cadre de ce projet-là, on a tenté de voir qu'est-ce qui pourrait faire en sorte que le pharmacien ne pourrait pas le faire à cause d'ententes avec des chaînes ou des bannières et on a voulu aller examiner les différents contrats qui existaient entre pharmaciens et bannières ou chaînes. C'est tout à fait opaque.

Donc, c'est vraiment difficile, pour moi... Puis je sais que Me Fernet a peut-être plus de connaissances à ce sujet-là parce qu'il travaille directement avec les contrats qui sont créés, mais, pour quelqu'un de l'extérieur, c'est fortement opaque. La seule chose qu'on peut savoir, c'est à travers différentes décisions judiciaires où on a abordé une clause, ici et là, de contrat de franchise, par exemple, qui limitait l'indépendance du pharmacien ou qui faisait en sorte de le pousser à aller à l'encontre de son code de déontologie, par exemple. Donc, ça nous a fait dire que, clairement, il y avait une problématique à cet égard-là parce que, toujours dans le cadre du projet, on a parlé à certains pharmaciens qui nous ont dit qu'ils étaient liés par ces ententes-là puis qu'ils ne pouvaient pas faire ce qu'ils voulaient. Et, en bout de ligne, quand on pense au rôle du pharmacien, qui est, oui, de s'assurer de la santé de son patient, mais aussi ça a toujours été celui de faire la promotion de la santé du public, et donc ça s'inscrit dans une perspective qui est beaucoup plus globale que celle de rendre un service dans sa pharmacie, qui est la section pharmacie située à l'arrière du commerce. C'est beaucoup plus large que ça. Et son rôle de promoteur de la santé du public vient avec toute la question de services en matière de prévention.

Donc, nécessairement, la question de l'indépendance du pharmacien, de l'impact des contrats de franchise sur cette indépendance-là, ça fait partie de ce qui devrait être considéré par le gouvernement comme un élément, par exemple, de notre politique du médicament qui serait revue.

M. Barrette : Alors, vous, vous êtes protagoniste de plus d'indépendance, mais aussi de règles qui forcent ou permettent de recentrer le pharmacien sur son rôle fondamental.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Tout à fait.

M. Barrette : O.K. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec notre invitée. M. le député de Saint-Jean, vous disposez d'un bloc de 14 min 30 s. À vous la parole.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. De ce que je comprends, à moins que je me trompe, proprement dit, dans le projet de loi, outre, bon, les précisions, les analyses qui viennent d'être faites dans les échanges avec M. le ministre, il n'y a pas rien dans le projet de loi qui vous empêche de dormir. Donc, c'est bien le cas?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Non, non. Je ne dors pas particulièrement bien, mais pas à cause du projet de loi.

M. Turcotte : Donc, il n'y a rien là que vous vouliez, là, comme occasion, nous présenter dans le projet de loi qui mériterait une modification?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Mon objectif, c'était de susciter la réflexion pour vous, parlementaires, d'avoir ces éléments-là en tête dans votre décision d'appuyer ou non le projet de loi.

M. Turcotte : Donc, maintenant qu'on a dit ça, je vais profiter de l'occasion pour vous poser des questions sur d'autres enjeux que vous avez abordés dans votre présentation. Mais je commencerais plutôt par quelque chose qui est dans le projet de loi, mais que vous avez un peu abordé la question sans l'aborder directement, là. Selon vous, est-ce que c'est envisageable, à la lecture que vous faites du projet de loi, de contourner la règle du 50 % par une association de fabricants, ou par des filiales, ou autres? Donc, selon ce que vous connaissez de l'industrie et ce que vous lisez du projet de loi, est-ce que c'est assez étanche pour atteindre l'objectif qui est dans le projet de loi? Est-ce que l'écrit est assez fort pour atteindre l'objectif du projet de loi?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bonne question. Merci pour cette question aussi parce que j'ai entendu la présentation de mon collègue de l'université de Carleton, Marc-André Gagnon, et c'est une de ses craintes, qu'il y ait des stratégies qui se développent pour finalement contourner l'objectif du projet. Puis je me suis demandé : O.K., est-ce que c'est quelque chose qui est vraiment réaliste, cette crainte-là?

M. le ministre l'a indiqué, en Ontario, par exemple, on a interdit les marques privées, sauf que c'est assez intéressant parce que ce qui arrive, c'est qu'en fait on ne reconnaît pas les fabricants, si vous voulez, entre guillemets, de marques privées comme étant des fabricants. Donc, ils ne peuvent pas se retrouver sur la liste des médicaments remboursables parce que les fabricants de marques privées ne sont pas, en fait, des manufacturiers, hein? Ils achètent, entre guillemets, du manufacturier, et de façon marginale. Donc, ce n'est pas ce qui semble être pratique commune. Ce qui se passe, semble-t-il, c'est que ces fabricants secondaires là, si l'on veut, louent des locaux des fabricants de marques primaires pour que, pendant la période de location des locaux, ils soient considérés comme les manufacturiers. Donc, on essaie finalement de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. C'est toute une stratégie commerciale, puis ce n'est pas la première stratégie qu'on note dans le marché pharmaceutique, puis là je ne vise pas chaînes ou fabricants. Peu importe, il y en a partout.

Donc, ça pourrait être une crainte réaliste. Maintenant, est-ce qu'il y a assez d'intérêts financiers pour les fabricants pour le faire compte tenu du fait qu'ils conservent quand même ce 50 % là? Ils n'avaient jamais le 100 %. Je pense, c'est beaucoup là la question. Est-ce qu'il y a vraiment un intérêt à développer toute une stratégie commerciale qui finalement ne pourra pas être une pratique commune, une pratique répandue? Parce qu'en Ontario c'est marginal. Donc, il faudrait quand même que ce soit marginal. Donc, c'est une crainte. Je pense que c'est pertinent d'y réfléchir, de voir quelles seraient les stratégies, en effet, qui pourraient être développées, est-ce qu'il y a vraiment un intérêt commercial à le faire, et ensuite de mettre les balises nécessaires pour ne pas que ça se produise. Moi, je n'avais pas pensé que ça pourrait être ce qui découle de l'application du projet de loi n° 142. Je n'avais pas pensé que ça pourrait se produire. Mais c'est peut-être une crainte qui est réaliste.

M. Turcotte : O.K. Quand vous parlez de la politique du médicament, vous lancez en quelque sorte un certain appel au gouvernement. Au-delà d'un certain nombre de projets de loi qui deviennent des lois, on devrait travailler sur une politique du médicament qui pourrait par la suite nécessiter une loi ou un projet de loi qui appliquerait certaines mesures qui se retrouveraient dans cette politique-là... mais plutôt d'avoir la réflexion globalement sur la question du médicament et non pas à la pièce ou répondre à certaines situations qu'on voit apparaître ou qu'on veut régler. Dans une telle politique, le ministre vous a dit, vous a mentionné tantôt... à sa lecture, l'ensemble de la politique actuelle n'est pas nécessairement toute mauvaise. Est-ce que, dans la politique actuelle, il y a des choses qui, selon vous, mériteraient d'être améliorées ou ajoutées et que ça nous amènerait vers la bonne direction?

• (16 h 40) •

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Bien, en fait, la pertinence de revoir la politique... C'est qu'une politique, lorsqu'on la met en place, il y a un forum de consultation qui est créé, il y a une consultation avec la population qui est faite. Il y a des principes, des valeurs qui ressortent de ces consultations-là. Et j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de projets de loi qui ont été mis en place avec des objectifs... On a tenté d'éteindre des feux parfois, mais c'était beaucoup une réaction à court terme pour régler un problème puis ça ne s'inscrit pas dans un contexte global. Et là je crois qu'il est temps de se dire : Bon, voici tout ce qu'on a fait, ça s'inscrit où dans les axes de notre politique? Est-ce que ça, ça s'inscrit dans la question de l'accès? Oui. Donc, est-ce que, là, ce qui reste à l'intérieur de notre politique, c'est toujours conforme à ce qui a été mis en place? C'est un peu un effort de rétrospection, mais aussi de voir ce qu'on veut pour l'avenir.

Il y a beaucoup de projets de loi qui ont été mis en place, qui confèrent quand même un pouvoir discrétionnaire important au ministre. Comment souhaite-t-on que ce pouvoir-là soit exercé? Parce que ça donne beaucoup de marge de manoeuvre. Donc, on pourrait, à travers l'exercice de ce pouvoir-là, aller à gauche ou à droite puis que ça ne soit pas nécessairement conforme à une vision sociétale qui a fait l'objet d'un consensus.

Donc, ce que je dis, c'est qu'il faut revoir la politique. On parlait beaucoup d'utilisation optimale des médicaments dans le cadre de la politique. Maintenant, on veut toujours cette utilisation optimale là, mais qu'est-ce qu'on a mis en place pour favoriser une utilisation optimale des médicaments?

Par exemple, à l'époque, les ententes avec l'industrie pharmaceutique n'existaient pas. Dans d'autres pays, les ententes avec l'industrie pharmaceutique visent à une réduction du prix des médicaments, mais, de plus en plus, on vise à utiliser ces ententes-là pour favoriser l'utilisation optimale des médicaments. Donc, ça, ce volet-là, ce n'est pas un volet qu'on a exploité, nous, ici. Est-ce qu'on veut l'exploiter? Donc, c'est vraiment de se repositionner par rapport à ce qu'on avait dit en 2007 puis se dire : Bon, maintenant, qu'est-ce qu'on veut, nous, aujourd'hui, compte tenu des derniers développements législatifs, mais aussi dans la société médicale et la société en général?

M. Turcotte : Dans votre introduction, vous avez mentionné une certaine liste d'éléments que vous n'aborderez pas ici pour vous concentrer sur le projet de loi. Dans cette liste-là, il y avait entre autres un enjeu que vous avez finalement abordé, la question de la présence de la malbouffe ou des aliments, là, qui ne sont pas sains et en santé. Vous avez abordé aussi la question de la rémunération des pharmaciens. Est-ce que vous avez quelque chose que vous aimeriez... Parce qu'on a un peu de temps et une occasion pour en entendre, donc est-ce que vous avez quelque chose à nous dire sur cette question-là?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Sur la question de la rémunération des pharmaciens, je tiens d'abord à saluer les efforts du ministre pour favoriser une plus grande transparence de la facture en pharmacie. Je pense que ça, c'est un plus pour les consommateurs. Mais il me reste toujours cette préoccupation qui est celle-ci, c'est la variation qui existe entre les honoraires des pharmaciens lorsqu'ils vendent à un assuré du secteur public par rapport aux honoraires existants des pharmaciens lorsqu'ils vendent à des assurés du secteur privé. Il peut y avoir des variations importantes puis c'est tout à fait inconstant d'une pharmacie à une autre. Et j'ai l'impression que ça crée certaines iniquités, le fait qu'il puisse y avoir une variation très importante des honoraires, et peut-être qu'il devrait y avoir des actions qui soient mises en place pour peut-être... sans nécessairement atteindre exactement le même... On n'est pas dans un même contexte. On parle d'assureurs privés, assureurs publics. Je ne dis pas que les honoraires devraient être exactement les mêmes, mais au moins d'essayer d'atteindre une plus grande constance au niveau des honoraires des pharmaciens lorsqu'ils vendent à des assurés du secteur privé et de donner...

Ça, c'est un sujet qui est quand même délicat à aborder, surtout pour les acteurs de l'industrie qui doivent m'écouter. Vous savez que présentement les pharmaciens ne veulent pas nécessairement donner l'information sur leurs honoraires aux assureurs privés. Donc, l'information est donnée aux patients, puis ils considèrent que la disposition qui exige la transparence n'est applicable qu'à la relation pharmacien-patient, et peut-être que de donner des lignes directrices plus claires sur la portée de cette disposition-là... Est-ce que les assureurs peuvent obtenir les informations pour transmettre, de façon générale, l'information aux assurés? Je ne parle pas ici de dirigisme. Je dis bien que... Par exemple, moi, si j'entre mon code postal sur le site Internet de mon assureur, on peut m'indiquer quels sont les honoraires dans les différentes pharmacies. Puis, à la limite, parce que je sais très bien que parfois les honoraires sont influencés par la qualité des services qui sont donnés dans la pharmacie, donc ça se peut que ça soit plus cher parce qu'on a plus de services, d'indiquer sur le site : Mais vous avez tel, tel, tel service aussi qui vient avec ça, je pense que ce n'est que d'accroître la transparence et de faciliter un meilleur choix pour le consommateur. Donc, voilà en ce qui concerne les honoraires des pharmaciens.

M. Turcotte : En même temps, je vous écoute, puis, à part d'être un... je m'en allais dire un citoyen impliqué, mais, dans ce cas-ci, ce n'est pas nécessairement le cas, mais d'un consommateur averti, vraiment, avec une volonté, là, même, pour aider l'entreprise ou son organisation, quelqu'un qui est assuré puis que c'est l'assurance qui paie, entre guillemets, les médicaments... Dans les faits, ce n'est pas tous... c'est les citoyens qui... Là, maintenant, avec la facture détaillée, on voit le détail quand on va chercher... mais quelqu'un qui a une assurance puis que, dans certains cas, bien, ça ne lui coûte rien, tel médicament, qu'il aille à une pharmacie ou à une autre, de voir la facture détaillée ou d'avoir l'information avec le code postal, que vous mentionnez, ça peut avoir un impact sur le prix de sa cotisation d'assurance l'année prochaine ou dans les années prochaines. Mais, en même temps, il faut que la personne veuille vraiment aider à... Ce n'est pas un citoyen seulement qui peut faire la différence dans ce cas-ci, là... ou un employé, plutôt, que je devrais dire, qu'un citoyen, là.

Le Président (M. Merlini) : En une minute, maître.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Petite nuance. C'est qu'en fait il y a quand même la coassurance qui a un impact. Puis, surprenamment, j'ai souvent des gens du public qui m'appellent pour me parler de ce qu'ils ont dû payer à la pharmacie, puis peut-être que, pour vous et moi, ça ne fait pas nécessairement une grosse différence, la coassurance, sur la partie de l'honoraire, mais ça affecte certains individus. J'ai été surprise de ça et je crois qu'une plus grande transparence, ça ne veut pas dire que les gens vont utiliser l'information, mais on permet aux gens de faire des choix éclairés s'ils le veulent. C'est l'objectif. Voilà.

M. Turcotte : Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean, pour ce bloc d'échange. Maintenant, je me tourne vers le porte-parole du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Lévis, vous disposez de 9 min 30 s. À vous la parole.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Me Bourassa Forcier, merci d'être là. C'est intéressant. Il y a beaucoup de pistes.

Je vais continuer simplement ma... En tout cas, je vais commencer par celle-là, sur la notion de la transparence, et des honoraires, et de la facture maintenant que reçoit le client. Et je sais que vous êtes en... et vous le prouvez à travers les champs sur lesquels vous intervenez et les intérêts que vous avez. D'ailleurs, j'en aborderai un autre par la suite. Avez-vous l'impression que, depuis la mise en place... Parce que vous venez de me dire : Il y a des gens qui me téléphonent, qui me contactent pour me dire : Oups, là, je réagis à des chiffres que je vois... Parce que l'objectif était celui-là aussi, de permettre au citoyen, d'abord et avant tout... puisque, vous l'avez dit, la notion de diriger un client vers un établissement unique parce que l'honoraire est moins important, pour une assurance privée, on le sait, là, c'est impossible à faire, puis d'ailleurs on en a déjà abondamment parlé. Est-ce que, depuis que c'est en place, vous sentez que le client maintenant se sert de ces informations-là pour modifier — je le mets entre guillemets, là, très gentiment — son magasinage quand il a besoin, par exemple, de services de professionnels en pharmacie?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : C'est une bonne question. Je n'ai pas eu de... Il n'y a personne qui m'a dit que ça leur avait été utile, puis je ne suis pas du tout surprise, en fait, parce que qu'est-ce que ça implique? Ça implique d'aller dans chacune des pharmacies pour recevoir une facture détaillée, puis la plupart des gens, bien, n'ont pas le temps ou l'énergie de faire ça. C'est pour ça que je pense que d'avoir accès à de l'information qui est plus globale à travers, par exemple, des sites Internet, ce serait beaucoup plus utile. Je ne crois pas que la mesure, telle qu'elle est présentée à l'heure actuelle, si on adopte une interprétation stricte de son implication, a un impact particulier, positif pour les consommateurs, sauf certains consommateurs. Il y en a toujours, des gens qui vont prendre la facture puis qui vont dire : Là, je vais aller dans les pharmacies de mon quartier pour voir où ça me coûte moins cher. Donc, à mon avis, l'impact est très, très, très marginal.

• (16 h 50) •

M. Paradis (Lévis) : Remarquez que, et je le dis comme ça, on est bien loin, là, des coupons de fin de semaine où, pour les besoins d'une épicerie, on magasinerait à droite et à gauche pour aller chercher quelque chose. Mais ce réflexe-là, citoyen-patient, il n'est pas ancré encore sur ceux et celles qui reçoivent cette information-là.

Vous êtes la troisième personne à nous dire spécifiquement qu'il y aurait eu une autre possibilité aussi au projet de loi n° 148, puis vous l'avez déjà abordée avec le ministre, c'est le fait qu'on aurait pu abolir carrément les marques maison. Et d'ailleurs c'est ce qu'avait abordé M. Gagnon. Vous en avez parlé. C'est ce qu'a abordé votre collègue spécialiste en droit de la pharmacie, Me Fernet, il y a un instant. Et là, bien, on l'a su dans le discours et l'échange que vous avez eu, il y a des complications, il y a des notions juridiques, etc. Mais, à la lumière de vos connaissances, est-ce que cette avenue-là aurait pu être prise puis est-ce qu'elle serait applicable ou les contraintes dont on a parlé il y a quelques instants, c'est bien beau de le mentionner puis de l'évoquer, mais, manifestement, ce n'est pas applicable?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Si je vous donne ma réponse avec mon chapeau d'académique, c'est quelque chose qui aurait été possible. On aurait très bien pu suivre l'exemple de l'Ontario même si ce n'est pas un exemple qui est parfait.

M. Paradis (Lévis) : ...avec des effets supplémentaires et plus tangibles que ce qu'on va peut-être vivre là. Je vous pose la question, là. On est dans l'académie, là.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Comme je vous dis, ma réponse d'académique, où je ne considérerais peut-être pas le marché, ce serait de dire que c'est possible. J'ai une formation de base en économie de la santé. J'ai fait une maîtrise sans avoir de baccalauréat en économie, et, dans le cadre de cette maîtrise-là, on m'a appris à prendre en compte l'effet sur le marché d'une politique.

Donc, oui, on a des politiques qui sont idéales d'un point de vue théorique, mais qui ne sont pas du tout idéales lorsqu'on les applique compte tenu de leur effet sur le marché. Donc, si je prends en compte cette considération-là, le marché, je peux difficilement vous donner une réponse parce que je ne suis pas celle qui a rencontré les acteurs touchés par, par exemple, une mesure qui serait de cette ampleur-là. Et je suis consciente que les chaînes sont très présentes et ont une force particulière au Québec. Et donc l'impact de cette mesure-là aurait pu affecter des chaînes de façon importante, et c'est, à mon avis, pour ça que j'ai posé la question au ministre : Est-ce que d'affecter l'écosystème, les chaînes, en mettant une mesure comme ça, ça créait un impact négatif dans le marché plus important que les bénéfices qui allaient en résulter? Si les bénéfices...

Donc, comme je le mentionnais, les économies qui sont dans le système, dont on ne peut pas bénéficier parce que c'est les chaînes qui en bénéficient à cause de l'achat des produits auprès des fabricants de marques primaires, si on ne peut pas bénéficier parce qu'on n'a pas de levier pour bénéficier de ces économies-là, bien, possiblement que c'est mieux d'affecter le moins possible cet écosystème-là, de ne pas tout chambouler si, en bout de ligne, ça ne nous apporte rien. Mais je n'ai pas rencontré les acteurs. Donc, je suis consciente qu'il y a un élément probablement politique important là.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends. Et je prendrai une image, parce qu'il n'est pas loin de 17 heures, puis on s'approche du souper. Je veux dire, j'ouvre un livre de recettes, et la plus belle des recettes, très complexe, elle se fait. Vais-je la réussir puis est-ce que ça va donner le résultat escompté? C'est un autre... Il y a la théorie et il y a la pratique, bien sûr.

Mais, M. le Président, je vous demande mon temps parce que je n'ai pas parti mon petit chronomètre puis je ne voudrais pas, là, me lancer dans...

Le Président (M. Merlini) : Trois minutes, M. le député.

M. Paradis (Lévis) : Bon, merveilleux! Vous avez beaucoup parlé de la pratique commerciale versus... puis, je pense, c'est important, la pratique commerciale, avec tout ce que ça suppose. D'ailleurs, votre champ d'études également, relativement aux produits offerts en pharmacie en opposition avec la pratique pure du travail de pharmacien, est extrêmement intéressant. Alors, il y a des réalités commerciales puis il y a donc la pratique pure de la pharmacie, et ça, c'est intéressant parce que le but ultime, le disiez-vous, c'est éventuellement de permettre à des pharmaciens de retrouver, s'ils l'ont déjà eu... ou, pour le moins, d'avoir les coudées plus franches dans l'exercice de leur profession. Ça ne passe que par la revue, et la révision, puis une vision également de la politique du médicament. Est-ce que c'est atteignable réellement pour ceux et celles qui vous contactent, pour ceux et celles pour qui aussi vous réfléchissez? Est-ce que c'est un objectif qui vous semble atteignable de permettre à un pharmacien de retrouver... Parce que les nouveaux pharmaciens nous le disent, hein : On aimerait ça avoir les coudées franches. Est-ce que vous pensez que c'est un objectif qui est atteignable?

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Que de leur octroyer une plus grande indépendance?

M. Paradis (Lévis) : Oui, en raison des pratiques commerciales dont on vient de parler, qui sont...

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Tout à fait, oui. J'ai fait ma thèse sur l'influence des lobbys ou des acteurs sur la prise de décision politique, et c'est assez clair qu'à partir du moment où on a un regroupement d'acteurs influents qui est favorable à la mise en place d'une politique x, que cette politique-là risque de pouvoir être mise en place malgré la présence de d'autres acteurs aussi influents, mais qui n'obtiennent pas nécessairement l'appui de l'opinion publique dans une situation particulière.

Dans le cas de toute la question de l'indépendance des pharmaciens, je pense que la plupart des pharmaciens, même ceux qui sont associés à des chaînes, se trouvent limités dans leur contrat de franchise. Ils aimeraient avoir une meilleure reconnaissance de leur rôle d'acteur, de promoteur de la santé du public, avant qu'on les perçoive comme commerçants. Et donc, certainement, dans un cas comme ça, il y aurait un bon appui d'une bonne partie des pharmaciens, de la population aussi, certainement, donc, et possiblement aussi des médecins. Donc, je crois que, dans un cas comme ça, ce n'est pas irréaliste que de penser que ça pourrait être mis en place.

M. Paradis (Lévis) : Il y a une notion de mobilisation.

Mme Bourassa Forcier (Mélanie) : Et voilà, oui, tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites : Les acteurs les plus importants, dans une vision moyen terme ou long terme d'une refonte de la politique des médicaments, en regard de l'indépendance, c'est d'abord et avant tout le professionnel qui veut exercer de façon la plus pure possible le métier qu'il a décidé d'étudier.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Lévis. Ça met un terme à ces échanges. Me Mélanie Bourassa Forcier, professeure agrégée en droit de l'Université de Sherbrooke, merci de votre présence et votre contribution aux travaux de la commission.

Mémoires déposés

Avant de conclure nos auditions, je procède donc au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Il s'agit de l'Association des bannières et chaînes de pharmacies du Québec, l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, le Groupement provincial de l'industrie du médicament, l'Association canadienne du médicament générique et l'Association québécoise des distributeurs en pharmacie.

J'en profite également pour remercier la contribution de tous les parlementaires qui ont pris part à ces auditions publiques : M. l'adjoint parlementaire et député des Îles-de-la-Madeleine, M. le député de Trois-Rivières, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, M. le député de Dubuc, M. le député d'Argenteuil, Mme la députée de Richmond, évidemment le député de La Pinière et ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le député de Saint-Jean et M. le député de Lévis.

Je remercie également tout le service du secrétariat, nos pages, et évidemment ma stagiaire de Jean-Charles-Bonenfant, Mme Justine Lalande.

La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne donc les travaux sine die. Bonne fin de soirée à tous.

(Fin de la séance à 16 h 58)

Document(s) related to the sitting