(Neuf heures cinquante-sept
minutes)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones
cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi
modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacé par M. Schneeberger
(Drummond—Bois-Francs).
Le
Président (M. Tanguay) :
J'aimerais maintenant, chers collègues, vous demander s'il y a consentement pour terminer au-delà de
l'heure prévue. Y a-t-il consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Tanguay) :
Oui, il y a consentement. Alors, ce matin, nous allons débuter avec les
remarques préliminaires. Et, par
la suite, nous recevrons les
directeurs de la protection de la jeunesse, les représentants et représentantes
des directeurs de la protection de la jeunesse, et le Conseil de la nation
atikamekw.
Remarques préliminaires
Alors, sans plus tarder, maintenant, pour une
période de six minutes, je cède la parole pour ses remarques préliminaires à la ministre déléguée à la
Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux
Saines habitudes de vie. La parole est à vous.
Mme Lucie Charlebois
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous saluer et vous dire à quel point
on est contents de... En tout cas,
moi, je suis contente de tous vous retrouver, collègues du gouvernement et
collègues des oppositions. Je nous
souhaite une bonne participation à cette commission parlementaire. Et vous
dire, M. le Président, qu'aujourd'hui on amorce les consultations particulières sur le projet de loi n° 99,
comme vous l'avez mentionné, qui vient modifier de façon substantielle la Loi sur la protection de la
jeunesse, ce qu'on appelle communément dans notre jargon à nous la LPJ.
C'est plus court, vous allez nous entendre dire ça tout au long de la
commission.
Alors, ce
projet de loi, que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 3 juin dernier, me
tient particulièrement à coeur, comme
vous devez vous en douter. Il concerne les enfants, les familles les plus
vulnérables du Québec et nous interpelle tous individuellement et
collectivement.
Alors, depuis
ma nomination à titre de ministre déléguée, j'ai eu l'occasion de visiter
plusieurs établissements offrant des
services de protection, de réadaptation pour les jeunes en difficulté. J'ai
aussi rencontré un grand nombre de jeunes, de parents, d'intervenants,
d'éducateurs impliqués auprès de ces jeunes et de leurs familles. J'ai pu
constater moi-même sur le terrain, en
échangeant avec eux, certaines difficultés d'application de la Loi sur la
protection de la jeunesse.
• (10 heures) •
Aujourd'hui
et tout au long de ces consultations, je serai à l'écoute, tout comme
l'ensemble de mes collègues des différents
groupes et organismes qui viendront s'exprimer sur le projet de loi et sur
l'application de la loi. Il est essentiel pour moi et pour nous tous d'entendre l'ensemble des points de vue qui seront exposés afin que le projet de loi reflète le plus large consensus
possible.
La Loi sur la
protection de la jeunesse a maintenant plus de 37 ans d'histoire, M. le Président. Adoptée en 1977 et entrée en vigueur en 1979 — bref, janvier
1979 — cette
loi s'applique à des situations exceptionnelles, a indéniablement constitué un moment charnière dans l'évolution de la protection de l'enfance au Québec. Elle reconnaît l'intérêt
de l'enfant, le respect de ses droits comme le principe premier qui doit
guider toute décision et toute intervention. Elle reconnaît également
la responsabilité première d'assurer que la protection des enfants
appartient à leurs parents, d'où l'importance de prendre tous les moyens
nécessaires pour les aider à bien jouer leur rôle.
La loi a
connu d'importantes modifications au fil des ans, et qui ont notamment
permis de l'adapter à l'évolution des
pratiques sociales, des pratiques judiciaires et au développement des connaissances. Depuis l'entrée
en vigueur de cette dernière révision en juillet 2007, plusieurs
rapports, avis, commentaires sur l'application de la loi ont été soumis au gouvernement du Québec. Aussi, dès mars 2011, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère
de la Justice ont
mis en place un comité de travail afin d'examiner les difficultés
soulevées ainsi que les pistes de solution à mettre de l'avant pour
répondre à ces rapports, avis et/ou commentaires.
Je rappelle
ici au passage que la Loi sur la protection de la jeunesse est une loi sous la responsabilité conjointe du ministère de la Santé et des Services sociaux et
aussi, quant à l'intervention sociale, du ministère de la Justice, qui est
chargé, lui, de l'application des dispositions relatives à l'intervention
judiciaire. À cet égard, le projet de loi n° 99 est le fruit d'une étroite
collaboration entre les deux ministères et plusieurs partenaires que je tiens à
remercier d'emblée.
Alors, le
projet de loi nous propose un grand nombre de modifications qui peuvent être
regroupées... En fait, j'ai sept
objectifs, mais je vous dirais qu'il y en a huit. Il y en a un qui est un petit
peu moins sexy, je vais dire ça comme ça. Le premier, c'est d'harmoniser les dispositions de la Loi de la
protection de la jeunesse visant les enfants confiés à un milieu de vie substitut. Le deuxième, c'est
favoriser la stabilité et la continuité des enfants, notamment pour les
enfants autochtones et pour les jeunes en transition vers la vie autonome. Le
troisième, c'est favoriser les ententes entre les parties. Le quatrième,
concilier la protection des enfants et le respect de leur vie privée. Le
cinquième, moderniser le processus
judiciaire. En six, revoir certaines règles relatives à l'hébergement en centre
de réadaptation. En sept, assurer une meilleure protection aux enfants,
notamment aux enfants victimes d'exploitation sexuelle, M. le Président, et aux
enfants domiciliés au Québec adoptés par des personnes domiciliées hors Québec.
Comme vous pourrez le constater, il s'agit d'un
projet de loi qui propose des modifications importantes afin d'apporter des solutions concrètes aux difficultés
soulevées pour mieux protéger les enfants, mieux soutenir les parents et
mieux outiller les intervenants sociaux et
judiciaires. Je souhaite donc que ces consultations nous permettent de
bonifier le projet de loi à la lumière des
commentaires formulés par l'ensemble des groupes et organismes que nous
entendrons, dont l'expérience et l'expertise sont indispensables à la
poursuite de nos travaux.
Un merci
particulier à mes collègues parlementaires à l'avance, dont la collaboration
est si importante dans la révision
d'une loi, notamment de cette Loi de la protection de la jeunesse. Je vous remercie
à l'avance. Nous allons avoir des bons travaux, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, heureux de constater,
tout comme moi, que la collaboration de tous les collègues vous est
acquise. Alors, merci beaucoup.
Maintenant,
pour une période de 3 min 30 s, je cède la parole au porte-parole de
l'opposition officielle en matière de services sociaux, de protection de
la jeunesse, de soins à domicile, de santé publique et de prévention. La parole
à notre collègue de Rosemont.
M. Jean-François Lisée
M. Lisée :
Merci, M. le Président. Donc, bonjour à tous les membres de la commission. Moi
aussi, ça me fait un grand plaisir de vous retrouver. Bonjour à ceux qui
vont venir témoigner devant nous.
La protection
de la jeunesse, ça devrait être la prunelle de nos yeux, la prunelle de nos
yeux. L'enfance, l'éducation, la jeunesse, parfois on dit : Est-ce
que ça devrait être une priorité? Bien non, M. le Président, c'est la priorité
permanente de la nation. La question ne doit jamais se poser : Est-ce que
c'est une priorité? C'est toujours la priorité.
Et,
aujourd'hui, je suis très content de pouvoir discuter avec les intervenants et,
ensuite, avec les collègues de la révision
de la loi parce qu'elle en a bien besoin. Puis elle en a bien besoin simplement
à cause de l'écoulement du temps, simplement
à cause du fait que, la dernière fois, il y a eu une révision importante et
qu'il faut en tirer les leçons, positives et négatives, faire les ajustements nécessaires, mais aussi parce que,
cette dernière année, on a pu constater sur le terrain les dysfonctionnements importants, les vies qui
ont été mises à risque, toutes les fugueuses, bien sûr, les problèmes que ça a posés, la facilité avec laquelle
les proxénètes ont pu avoir accès à certains de nos jeunes les plus
vulnérables.
On a vu aussi
l'expert André Lebon, qui avait été mandaté par la ministre
pour faire le point sur la situation à Laval, ensuite
dire ce qui était le fond de sa pensée. Il considérait qu'il y avait une grave crise dans notre système de protection de la jeunesse et que le point de rupture était
atteint, et que des réformes majeures étaient nécessaires. Et je sais que
la ministre et moi avons un différend sur l'impact de 20 millions de coupures dans les centres
jeunesse. La ministre estime que ça
n'a aucun impact. Moi, comme plusieurs autres, pensons que ça a eu un impact
important et que... Une des raisons pour lesquelles il n'y a pas suffisamment de suivi auprès de jeunes en
difficulté et que tant d'intervenants changent, et que tant de personnes partent, c'est que la lourdeur de la
tâche est trop grande et que les ressources ne sont pas au rendez-vous.
Alors, je vois que le projet de loi qui nous est déposé ne dit rien au sujet du
problème des ressources et je pense qu'on va en entendre parler abondamment
parmi les gens qui sont sur le terrain et qui vont venir nous parler de ça.
Nous sommes
satisfaits de plusieurs des propositions de modification qui sont avancées par
le gouvernement, nous allons les appuyer. Nous considérons cependant
qu'il faut faire davantage sur certains aspects, et c'est dans un esprit constructif que nous allons proposer à la ministre
des propositions d'amendement qui seront sûrement nourries, comme nous le faisons toujours, par les propositions qui
sont faites par les gens qui viennent nous parler, nous faire des
suggestions. La ministre et moi avons
travaillé de concert sur une autre grande loi, sur le tabagisme, et nous avons
pu arriver à un certain nombre de consensus qui ont permis de faire en
sorte que nous soyons tous les deux très fiers de ce que nous avons accompli,
et c'est dans cet esprit que je compte engager la discussion pour cette Loi sur
la protection de la jeunesse. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup pour ces remarques préliminaires. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en
matière de protection de la jeunesse. Pour une période de
2 min 30 s, la parole est à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.
M.
Sébastien Schneeberger
M.
Schneeberger :
Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord, je tiens à saluer la ministre, ses
collègues ministériels et son équipe, aussi le député de l'opposition
officielle et aussi les gens qui viennent nous présenter des mémoires
aujourd'hui.
Alors, la
révision de la Loi sur la protection de la jeunesse se fait dans un contexte
tendu que les organisations sont nombreuses à avoir rappelé. Tout
d'abord, la baisse de 20 millions de dollars par année des subventions aux
centres jeunesse, les récentes données de
2014‑2015, qui démontrent qu'aucun centre jeunesse n'est en mesure de respecter
le délai de huit jours qui devrait s'écouler
entre le signalement d'un cas et le premier contact de l'intervenant avec le
jeune ou sa famille. Les nombreuses fugues
qui ont été enregistrées suite à la révision de la Loi sur la protection de la
jeunesse en 2006 ont obligé les centres à
enlever les serrures qui barraient l'entrée de la majorité des unités. Ces
fugues sont parfois liées à un réseau
de proxénétisme. Un rapport interministériel avait identifié les centres
jeunesse comme un haut lieu de recrutement de mineurs pour
l'exploitation sexuelle des jeunes.
Dans ce
contexte, les objectifs du projet de loi semblent aller dans le bon sens avec,
notamment, la prise en compte de l'identité culturelle des enfants, qui
est une avancée importante, notamment pour les enfants autochtones, sous-représentés par rapport à leur poids
démographique. Aussi, la reconnaissance de risques sérieux d'exploitation
sexuelle comme motif de compromission à la sécurité ou au développement de
l'enfant est également une avancée importante dans la situation que l'on
connaît.
Malheureusement,
néanmoins, un enjeu majeur semble avoir été oublié, enjeu par ailleurs souligné
dans plusieurs mémoires, l'ouverture
aux familles d'accueil du statut de partie aux procédures judiciaires
impliquant des enfants ou des adolescents qu'elles suivent depuis au
moins six mois. D'ailleurs, la Loi sur les services à l'enfance et à la famille
de l'Ontario, l'équivalent de notre loi ici,
permet à une famille d'accueil d'accéder à ce statut de partie lors du
processus judiciaire.
• (10 h 10) •
L'exercice auquel nous serons conviés est très
important pour la protection de nos enfants. Nous n'avons tout simplement pas le droit à l'erreur. Comme
parlementaire, je m'engage, au nom de ma formation politique, à
travailler et à bonifier le projet de loi
qui est devant nous pour le respect de nos enfants et pour ceux qui interviennent
à chaque jour afin de rendre possible l'égalité des chances pour tous.
Merci, M. le Président.
Auditions
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue de Drummond—Bois-Francs. Alors, sans plus tarder, maintenant nous accueillons les représentantes,
représentants des directeurs de la protection de la jeunesse. Dans un
premier temps, vous disposez d'une période
de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires.
Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien prendre soin de
vous nommer ainsi que de préciser vos fonctions. Alors, sans plus
tarder, la parole est à vous.
Directeurs régionaux de
la protection de la jeunesse
M. Baraby
(Denis) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de nous avoir invités à donner notre point de vue sur le projet de loi n° 99 modifiant
la Loi sur la protection de la jeunesse et autres dispositions. Je suis
Denis Baraby, directeur de la protection
de la jeunesse pour la région des
Laurentides. Je suis accompagné par
Mme Dominique Jobin, qui est directrice de la protection de la jeunesse pour
la région de la Capitale-Nationale, de M. Éric Salois, qui est directeur de la protection de la jeunesse pour la région de Lanaudière, et par Me
Louis Leclerc, qui est avocat au contentieux du CIUSSS du
Centre-Sud-de-Montréal.
Nous agissons
aujourd'hui à titre de porte-parole des 19 directeurs
de la protection de la jeunesse, à qui la Loi sur la protection de la
jeunesse confère la charge et l'imputabilité d'assurer la protection des
enfants sur l'ensemble du territoire québécois.
Vous avez
entre les mains le mémoire des DPJ, dans lequel vous retrouverez nos recommandations ainsi qu'une lettre d'appui
signée par l'ensemble des directeurs des programmes jeunesse qui
collaborent quotidiennement avec les DPJ
à relever les défis que nous confère la loi. Considérant le temps qui nous est
alloué, nous nous attarderons à trois des sept objectifs visés par le projet
de loi n° 99.
D'entrée de jeu, ce projet de loi nous rallie,
et c'est avec enthousiasme que nous l'accueillons. De manière générale, il contient des éléments rencontrant nos
convictions et propose plusieurs modifications importantes qui permettront de mieux protéger les enfants tout en incarnant de façon
plus tangible les principes fondamentaux
de la Loi sur la protection de la
jeunesse. Ces principes constituent par ailleurs une assise clinique
indispensable à l'établissement d'une relation d'aide soucieuse de la
dignité des personnes et axée sur le potentiel des familles.
M. Salois
(Éric) : Concernant l'introduction de la notion de milieu de vie
substitut, pour nous, tous les enfants retirés de leur milieu familial
doivent bénéficier des mêmes droits, peu importe le type de milieu de vie
substitut qui les accueillera. Selon la loi
actuellement en vigueur, cette possibilité n'est pas aussi claire, car les
dispositions relatives aux périodes
maximales de placement s'appliquent spécifiquement aux enfants qui sont
hébergés en famille d'accueil ou en centre
de réadaptation, et non à tous les enfants retirés de leur milieu familial. En
introduisant la notion de milieu de vie substitut, le législateur prévient des dérives potentielles quant aux
délais impartis pour clarifier le projet de vie des enfants confiés à
des personnes significatives.
Rappelons-nous que les
recherches sur l'attachement et celles sur le développement du cerveau
soulignent l'importance d'intervenir le plus
tôt possible dans la vie des enfants afin de leur assurer un milieu de vie
stable. De plus, la loi et l'ensemble
de nos tribunaux reconnaissent que la notion de temps n'est pas la même pour
les enfants que pour les adultes.
L'introduction de la notion de milieu de vie substitut est essentielle afin que
la loi offre à chaque enfant retiré de son milieu familial une chance
égale de profiter dans les meilleurs délais de la stabilité et de la continuité
des liens nécessaires à son sain
développement. Il s'agit pour nous d'une avancée importante du point de vue de
l'intérêt des enfants. Par conséquent, nous souscrivons aux
modifications proposées.
Concernant la
notion de famille d'accueil de proximité, depuis l'entrée en vigueur de la Loi
sur la représentation des ressources, les personnes significatives pour
un enfant qui se voient confier celui-ci en vertu de la loi doivent être rétribuées par les établissements à titre de
famille d'accueil de proximité. Dans l'état actuel des choses, l'attribution
de ce statut ne va pas de soi pour les tribunaux,
puisqu'il ne possède aucune assise légale. Afin d'assurer la conformité des
droits pour tous les enfants retirés de leur
milieu familial, l'introduction de la notion de famille d'accueil de proximité
est nécessaire.
Concernant
l'objectif de favoriser la préservation de l'identité culturelle des enfants
autochtones et l'implication des communautés,
nous soutenons sans réserve l'ajout au sujet de l'identité culturelle
autochtone apparaissant notamment à l'article 3. L'identité culturelle
doit systématiquement faire partie des éléments à considérer dans la
détermination de l'intérêt de l'enfant
autochtone. Les modifications proposées sont particulièrement importantes pour
les enfants ayant un projet de vie
hors de la communauté. Nous rappelons que la préservation de l'identité
culturelle des enfants sous protection doit demeurer une responsabilité
partagée entre les DPJ et les représentants des communautés autochtones.
Ceci dit, le
législateur devrait toutefois clarifier ce qu'il entend par «être membre d'une
communauté autochtone» en application
de la loi. Le libellé proposé au dernier paragraphe de l'article 1 ne permet pas de l'établir et n'est pas
une définition au sens strict comme les autres alinéas et paragraphes de cette
disposition.
Mme Jobin
(Dominique) : Concernant maintenant
l'objectif de favoriser la conclusion d'ententes entre les
parties, la loi a toujours
favorisé une intervention sociale sensible et respectueuse des drames
humains qui se jouent au sein de l'intimité des familles. Dès son
adoption en 1979, le législateur a reconnu une certaine primauté de l'intervention
sociale, notamment en permettant aux
parents et à l'enfant de consentir à l'intervention sans l'implication du tribunal. Cette prémisse est fondamentale.
Les parents et les enfants qui sont parties prenantes des décisions qui les
concernent se sentent davantage
considérés. Ils sont plus susceptibles d'adhérer au plan de protection retenu
et de s'engager activement dans la
démarche d'intervention. L'expérience acquise depuis l'avènement de la
loi nous permet de réaffirmer avec force et conviction la nécessité de renforcer ce principe. Bien que la
judiciarisation soit nécessaire dans plusieurs situations et contribue, sans contredit, à protéger efficacement
les enfants, il ne faut pas sous-estimer le stress qu'elle génère et les
blessures morales et affectives qu'elle inflige trop souvent dans le contexte
du débat contradictoire.
Concernant la possibilité de prolonger et
modifier l'entente provisoire, lorsque les membres d'une famille reconnaissent les faits, qu'ils démontrent vouloir
prendre les moyens pour corriger la situation et qu'ils ont le potentiel
pour y parvenir, la judiciarisation de leur situation pour des contraintes
légales ne fait aucun sens pour eux comme pour
nous. À l'heure actuelle, dans plusieurs situations, certaines contraintes
légales ne nous permettent pas de finaliser un processus d'intervention consensuel avec les familles, ce qui nous
oblige à judiciariser. Ceci nous place devant un dilemme très inconfortable, et la possibilité qu'une
entente sur mesure provisoire soit renouvelable pour une période
supplémentaire d'au plus de 30 jours nous
apparaît comme une avenue incontournable. Par ailleurs, nous tenons à souligner
que, dans le contexte autochtone,
cette possibilité de renouveler l'entente provisoire contribuera à faciliter
l'utilisation des conseils de famille et permettra de tenir compte des
réalités coutumières et territoriales.
Concernant
l'introduction de la possibilité de convenir d'une entente sur une intervention
de courte durée, le projet de loi propose également la possibilité de
convenir d'une entente de courte durée d'un maximum de 60 jours. Ce changement proposé à la loi vient codifier une
pratique établie depuis près de 30 ans dans le réseau de la protection
de la jeunesse. Ce type d'intervention
s'adresse aux situations de moindre intensité qui se dirigent vers une
fermeture à court terme. Elle assure
une continuité des services offerts à l'enfant et à ses parents par
l'intervenant qui a évalué la situation. Elle encourage la mobilisation et la collaboration des parents en leur
donnant l'occasion d'exercer leurs responsabilités parentales et d'apporter une réponse rapide aux
besoins de leur enfant. Elle fait en sorte que l'intervention cesse dès
que la sécurité ou le développement de
l'enfant n'est plus compromis. Par conséquent, il nous apparaît essentiel que
les modifications proposées
relativement à la possibilité de renouveler une entente provisoire et de
conclure une entente sur une intervention de courte durée soient
adoptées intégralement, et ce, sans compromis.
M. Baraby
(Denis) : En conclusion, M.
le Président, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la protection de
la jeunesse en 1979, de très grands pas ont
été franchis. Nous travaillons de plus en plus en concertation avec la famille,
son environnement et l'ensemble des
ressources du milieu dans la poursuite d'un même but, soit celui de protéger
les enfants et d'assurer leur
bien-être. Le présent projet de loi constitue, selon nous, une opportunité pour
notre société de s'ajuster aux nouvelles
réalités sociales afin de répondre avec justesse aux besoins des enfants. Ces
enfants n'ont, malheureusement, pas l'occasion
de se faire entendre en commission parlementaire. Leur expérience est pourtant
essentielle à la compréhension des
enjeux et défis qui doivent être pris en compte dans le présent contexte. Parce
que nous avons le privilège de les côtoyer de près et surtout parce que leur intérêt nous tient sincèrement à
coeur, nous avons tenté dans le présent mémoire de porter leur point de
vue en même temps que le nôtre. Merci de votre attention.
• (10 h 20) •
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, maintenant, pour une période de 17 min 30 s, je
cède la parole à Mme la ministre.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, vous saluer,
M. Baraby, M. Salois, Mme Jobin et M. Leclerc. Merci d'être là et de représenter vos collègues directeurs et
directrices de protection de la jeunesse. Vous avez un rôle fort
important et vous savez à quel point ces jeunes-là ont besoin de votre aide et
de votre impartialité, j'allais dire, dans l'élaboration d'un plan de vie, mais
aussi de tout ce qui concerne leur protection.
Alors, je
vais aller au vif du sujet. Et je
veux juste vous dire et vous rassurer tous d'entrée de jeu en commission
parlementaire, j'ai beaucoup de réflexions d'amorcées. Oui, il y a des
possibilités d'amendement, mais je préfère attendre la fin des consultations, par respect pour tous
ceux qui vont venir, entendre tous les points
de vue. À la suite de tout ça,
on verra pour les amendements parce que je
considère que, si on n'écoute pas, bien, on n'en fera pas, de consultations,
ça ne vaut pas la peine. Sans ça, je
pourrais déposer mes amendements ce matin. Alors, je vous annonce que je vais
entendre tout au long, puis oui, on est conscients qu'il y a des choses à
améliorer, puis il y aura des amendements.
Je veux vous
entendre sur certains sujets. Je vais commencer par le... Vous le savez, j'ai
une préoccupation très grande pour ce qui concerne les fugues. On en a beaucoup
entendu parler, les fugues qui ont lieu dans certains centres jeunesse plus que d'autres, mais, en quelque part,
vous le savez, comme le dit mon collègue de l'opposition, j'ai
mandaté M. Lebon pour aller examiner si les
processus étaient tous respectés, tout ça. Il nous a fait des recommandations
auxquelles j'adhère pour une bonne partie,
mais il nous a dit : Coordonner et animer une réflexion ciblée sur la
façon d'établir une transition entre
le recours à l'encadrement intensif et le retour aux unités ouvertes qui tienne
compte des facteurs de risque pour
les jeunes dont la fugue est soit chronique, soit de façon à les mettre en
danger. J'ai entendu beaucoup de choses, notamment sur l'encadrement
intensif, la grande liberté, l'entre-deux. Qu'est-ce que vous pensez qui serait
une bonne idée? Avez-vous des propositions à nous formuler en ce sens-là?
Mme Jobin
(Dominique) : Bien, au
printemps, vous n'êtes pas sans savoir que nous avons participé à un
comité d'experts sur le sujet qui a traité
largement, notamment, de l'encadrement intensif, et, effectivement, cette notion-là de transition entre la période d'encadrement
intensif vers l'unité ouverte nous apparaissait comme une voie à exploiter, puisqu'elle permet à certains jeunes... Parce que
ça ne serait pas pour l'ensemble des jeunes, là, de pouvoir bénéficier de cette transition-là, parce qu'il y en a qui sont
prêts à retourner à leur unité ouverte. Mais, pour certains jeunes, ça crée
un stress important chez eux, le fait de
retourner en unité ouverte. Donc, pour ne pas briser le lien qui s'est établi
avec les éducateurs puis le travail qui a été entamé, on était
favorables à ce qu'il y ait une période d'environ cinq jours qui permettrait à un jeune de pouvoir bénéficier de
certaines sorties dans le milieu ouvert pour essayer de voir s'il est vraiment
prêt et s'il se sent capable, là, d'affronter,
là, ce que représente vivre dans une unité ouverte aussi avec d'autres jeunes,
etc. Donc, oui, nous étions favorables à cette avenue-là.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous prônez qu'il y ait un intervenant pivot qui le suive de l'unité
ouverte à l'encadrement intensif et qui
ramène dans l'unité ouverte? Tu sais, toujours un même intervenant qui peut
suivre le même jeune parce qu'il y a
un lien d'attachement, il y a un lien de proximité qui fait en sorte que... Je ne le sais pas, je veux vous entendre là-dessus.
M. Salois (Éric) : Oui, mais moi, je
vous dirais que c'est quelque chose qui se fait déjà. Lorsqu'un jeune est transféré, qu'on va l'envoyer en unité fermée, son
éducateur de suivi de l'unité ouverte vient le rencontrer, vient le voir
régulièrement dans l'unité d'encadrement intensif pour parler avec lui, voir
son cheminement. Il participe au plan d'intervention
qui est fait au sein de l'unité d'encadrement intensif. Donc, c'est déjà une
mesure qui est d'actualité et qui doit
continuer parce que vous le nommez bien, il y a toute la notion du lien qui est
établi entre l'éducateur de suivi spécifique au jeune... avec le jeune
lui-même.
Mme
Charlebois : Je reste sur les fugues parce qu'on a entendu
toutes sortes de choses puis je veux entendre de votre bouche, vous qui
êtes des experts puis qui travaillez avec ces jeunes-là continuellement, est-ce
que vous croyez qu'empêcher les jeunes de
sortir carrément d'un centre jeunesse, c'est une bonne façon d'éviter les
fugues? Est-ce que vous croyez que ça
les empêcherait de se mettre en danger? Est-ce que vous croyez que la loi
actuelle vous donne tous les moyens
pour protéger ces jeunes-là, d'assurer leur sécurité? Quelles mesures de
contrôle vous voyez pour les empêcher de
se mettre à risque, finalement? Je le sais, j'ai entendu que les fugues font
partie — puis
je le sais que la population
va avoir de la misère à entendre ça, mais
vous allez pouvoir me l'expliquer davantage — ça fait partie de leur cheminement, en quelque sorte, ils vont expérimenter des
choses, ils reviennent, puis j'aimerais ça que vous me parliez de la durée
des fugues parce que ce n'est pas tout le monde qui sort pour longtemps. Des
fois, c'est une heure de retard, c'est déclaré une fugue.
Alors, j'aimerais ça que vous me parliez et que
vous me brossiez un portrait un peu global, c'est... Est-ce qu'empêcher les
jeunes de sortir va nous empêcher d'avoir des fugues? Commençons par ça, puis
ensuite, le reste.
M. Salois
(Éric) : On ne pense pas
qu'il faudrait revenir en arrière pour dire qu'on va barrer toutes les portes
des centres de réadaptation. Il faut se rappeler que... je veux parler pour ma
région, mais je pense que les statistiques sont assez similaires, il y a
80 %, à peu près, des jeunes qui, pendant leur séjour, ne feront pas
aucune fugue. Donc, on parle de 20 % des jeunes qui vont faire une fugue,
et, de ce 20 % là, la majeure partie vont faire une, deux fugues et ne se
mettront pas nécessairement dans une
situation de danger. Parce que vous l'avez dit, dès qu'un jeune... Exemple, je
vais vous donner un exemple, il est en
sortie pendant la fin de semaine, il n'est pas de retour. Il devait rentrer à
sept heures, le soir. Il est huit
heures, on n'a pas de nouvelles de ce jeune-là, on doit le déclarer en fugue.
C'est peut-être juste que ses parents sont
en auto, sont en retard, mais on doit quand même le codifier, c'est la règle
qu'on s'est donnée au niveau provincial.
Mais
il reste quand même, effectivement, un groupe de jeunes qui fuguent
régulièrement et qui vont se mettre en danger.
Et, quand on dit qu'ils vont se mettre en danger, ce qui a fait beaucoup partie
de l'actualité, c'est les jeunes qui vont
se retrouver dans un réseau au niveau de l'exploitation sexuelle. C'est un
petit groupe de jeunes qui sont confrontés à ça, et il faut s'y
adresser, c'est quelque chose de grave et d'important.
L'autre
proportion de jeunes qui, pour nous autres, vont se mettre en danger, c'est
souvent des jeunes qui vont avoir une
santé fragile au niveau mental. C'est des jeunes qui ont des idéations
suicidaires et c'est des jeunes... C'est la proportion qui est la plus grande des jeunes qui vont fuguer, pour
laquelle on pense qu'ils peuvent se mettre en danger. Et, à ce
moment-là, bien, ces jeunes-là, il faut, effectivement, s'y adresser.
Le
règlement — parce
qu'il y a la loi, mais il y a le règlement au niveau de l'encadrement
intensif — on est
d'avis que, le règlement, on devrait le
voir, le clarifier sur jusqu'où on peut aller, effectivement, pour dire à un
jeune : Écoute, on est inquiets pour toi, tu es dans une mauvaise
période. On pense que, si tu fugues, tu vas te mettre en danger et on va intervenir pour que tu ne puisses pas quitter les
lieux parce qu'on va te protéger. Moi, je pense qu'il va falloir le
cibler sur ces jeunes-là. On pense qu'il va
falloir le cibler sur ces jeunes-là, et non pas d'arriver avec une mesure qui
va s'adresser à l'ensemble de tous
les jeunes qui ne nécessitent pas ce type de mesure là, où ces jeunes-là vont à
l'école à l'extérieur, ils ont beau
être en centre d'accueil, mais ils ont des sorties dans le milieu familial, il
y en a qui travaillent, etc. Donc, on pense
qu'il va falloir revoir davantage au niveau du règlement, de clarifier
davantage jusqu'où on peut aller et que ça va respecter la Charte des droits et libertés parce qu'on joue toujours
là-dedans, hein, au niveau de ne pas brimer les droits de l'enfant
versus la nécessité d'agir pour le protéger.
Mme
Charlebois :
Une dernière petite question avec une réponse rapide sur les fugues, puis
ensuite j'ai d'autres choses. Est-ce
que vous croyez que la mesure que Laval a mise en place, c'est-à-dire une porte
barrée, pas barrée... Je m'explique, c'est-à-dire que c'est une mesure
qui est là pour empêcher les jeunes à risque, justement, pendant des situations
données x... Puis je ne nommerai pas d'événement, mais, quand il y a un
événement public qui est connu puis qui peut
mettre les jeunes à risque, ils donnent un carton à ceux qui peuvent sortir,
ils présentent ça puis ils peuvent sortir.
Puis, pour les autres qui n'ont pas le carton en question, ils ne peuvent pas
sortir parce qu'ils sont considérés à risque. Puis je sais que le nombre de fugues a diminué grandement depuis ce
temps-là, est-ce que vous considérez que ça pourrait être une mesure qui est à envisager? Et est-ce que
ça s'applique à l'ensemble des centres jeunesse? Parce que ce n'est
peut-être pas le cas pour tout le monde.
Mme Jobin
(Dominique) : Bien, écoutez, moi, je pense qu'on peut être favorables
à une mesure comme celle-là pour certains jeunes qui ne se qualifient
pas nécessairement pour l'encadrement intensif, mais pour lesquels on a des doutes sérieux parce que, quand ils reviennent de
leurs sorties, ils ont des vêtements particuliers, parce qu'on le sait
qu'ils ont des relations avec des jeunes qui
sont à risque aussi d'exploitation sexuelle. Bref, ces jeunes-là qui ne
présentent pas les comportements pour
les qualifier en encadrement intensif, que ces jeunes-là bénéficient aussi
d'être maintenus dans leur unité
ouverte parce qu'ils gardent le lien avec leur éducateur et avec leur milieu de
vie, oui, on pense que ça peut être une
mesure qui peut être envisagée. Mais encore, comme M. Salois vous disait, pas
pour l'ensemble des jeunes, mais pour certains jeunes qui sont ciblés
par ces mesures-là.
Mme
Charlebois : Pour
une durée limitée aussi.
Mme Jobin (Dominique) : Oui, tout à
fait.
• (10 h 30) •
Mme
Charlebois :
Parce que ça dépend, ça peut être pour un certain temps. Alors, mon autre
question, parce que le temps passe
vite, ça concerne la FFARIQ, que vous connaissez bien. Ils nous ont fait part
de leur demande de modification à la
LPJ pour faire en sorte que les familles d'accueil soient reconnues
systématiquement comme parties au
processus judiciaire pour les jeunes qui leur sont confiés. J'aimerais vous
entendre sur ce que vous en pensez, c'est quoi, les impacts si nous consentons à une telle modification. Voyez-vous
d'autres alternatives qui pourraient nous être proposées que ce qu'eux
nous proposent?
M. Salois
(Éric) : Écoutez, effectivement, on est au courant de ça. On n'est
pas, nous, en accord avec le fait qu'ils se retrouvent partie au dossier, mais on est en accord, par contre,
qu'ils puissent faire valoir le fait d'être partie intéressée. Et là notre avocat pourrait peut-être... S'il y en
a qui veulent avoir des éclaircissements à ce niveau-là, partie
intéressée, c'est qu'ils vont être entendus, ils vont pouvoir exprimer leur
point de vue sur des recommandations, etc., concernant cet enfant-là. Mais, comme partie au dossier, ils vont
être représentés par avocat, ils vont pouvoir participer à l'ensemble
des débats, ils vont pouvoir avoir accès à
l'ensemble d'informations confidentielles qui concernent la mère, le père,
etc., et ça, pour nous, on trouve qu'on franchit une barrière qu'on ne
devrait pas.
Mme
Charlebois : Ma
compréhension, c'était que, quand on disait... Vous l'appelez «partie
intéressée». Ma compréhension, c'est que,
«partie intéressée», ils n'avaient pas le droit à un avocat, puis pas le droit
de requestionner. Parce que ce qu'on
m'a expliqué, c'est que, oui, ils peuvent dire ce qu'ils ont à dire, mais ils
ne peuvent pas questionner l'autre
partie, ce qu'on m'a répété. Alors, c'est un peu ça qu'ils souhaitaient,
pouvoir avoir un avocat qui questionnerait la partie... bref, la DPJ, probablement... en tout cas, ceux qui ont à être
questionnés dans un processus autour d'un enfant.
Et
ce qu'on m'expliquait aussi, puis ça, ce n'est pas nécessairement juste dans la
loi, il y a dans les règlements... c'est qu'ils souhaitaient être
entendus tout au long, tu sais, du projet de vie de l'enfant parce qu'il y a
plein de choses qu'ils savent que les intervenants ne
savent pas nécessairement tous les jours dans leur vie quotidienne. Qu'est-ce
que vous pensez de ça?
M. Leclerc (Louis) : Bien, en fait, c'est la grande distinction entre ce qu'on appelle
«partie intéressée» de «partie au
dossier». L'article 6 de la LPJ prévoit déjà que toute personne pourrait être
entendue. À l'article 81, on voit aussi déjà le statut entre une partie et une personne intéressée. Une partie au
dossier, comme M. Salois l'a mentionné, va faire partie du débat, va recevoir l'ensemble des pièces qui
seront déposées dans le dossier judiciaire, pourra être représentée par
un avocat, prendre part au débat, interrogatoire, contre-interrogatoire. Donc,
il y a tout un aspect au niveau, un, de la confidentialité qui appartient à
l'enfant, aux parents, mais il y a aussi tout l'enjeu, au niveau du débat
contradictoire, d'augmenter la longueur de
ces débats-là si on ajoute déjà une partie. Il faut savoir que, dans une salle
de cour, vous avez un représentant du
DPJ, donc souvent un avocat du DPJ, vous avez une mère, un père, vous avez un
enfant. Donc, toutes ces parties-là sont représentées par avocat. Donner
le statut de partie à la famille d'accueil fait en sorte qu'on ajoute une autre
personne au débat — donc,
il y a des enjeux — alors
que la loi permet à ces personnes-là d'être entendues lorsque requis.
Mme
Charlebois : Je m'excuse d'insister, mais je vous entends,
ils peuvent participer, mais ils ne peuvent pas questionner, d'une part,
ce qu'on m'a dit, puis apparemment qu'il y a lieu de questionner parfois
certaines affaires.
Et, deuxièmement, pourquoi
l'Ontario l'a fait? Est-ce qu'il y a une mesure qui pourrait être entre partie intéressée et partie au dossier? Est-ce qu'on
pourrait se coller sur ce que l'Ontario a fait? Est-ce que vous entrevoyez
une possibilité de cheminement?
M. Salois
(Éric) : Je reviens au malaise qu'on a de pouvoir questionner... Ce
n'est pas juste de pouvoir questionner. Si on
dépose une évaluation psychologique, psychiatrique concernant un parent qui est
hautement confidentielle, ça veut dire que la famille d'accueil va
pouvoir recevoir ça. Ça ne veut pas dire qu'elle va être aussi représentée par avocat. Elle n'est pas obligée d'être
représentée par avocat, elle peut décider de se représenter seule. Ce n'est pas juste la DPJ qu'elle va pouvoir
questionner, c'est le parent qu'elle va pouvoir questionner, c'est l'ensemble
des gens qui vont être appelés à témoigner
qu'ils vont pouvoir questionner, que ce soit le psychologue, le psychiatre,
quelque expert qui va être présent à la cour, et on ne pense pas que c'est de
la responsabilité de la famille d'accueil.
Et, pour nous, la
famille d'accueil, on doit travailler avec la famille d'accueil, on n'est pas à
travailler contre la famille d'accueil.
Quand j'entendais : Oui, mais il y a des choses, des fois, qu'ils savent
qu'un intervenant ne sait pas, bien,
on a un problème s'ils n'ont pas
transmis l'information ou s'il
n'y a pas un canal de communication qui fait que toute l'information utile et pertinente ne transite pas entre la famille d'accueil et l'intervenant. Moi, je pense que c'est principalement au DPJ de voir
à établir les meilleures recommandations possible, mais c'est ultimement
au juge, avec l'ensemble de la preuve qui est présentée devant lui, à
prendre une décision. Et la famille d'accueil va pouvoir se faire entendre sur son point de vue à elle, comme les
parents, comme l'enfant, comme le DPJ, comme les experts, et c'est au juge, à
ce moment-là, d'apprécier l'ensemble
de cette preuve-là pour rendre la meilleure décision possible dans les
critères que la loi lui indique.
Mme
Charlebois : Est-ce qu'il arrive que les juges, en ce
moment, donnent un petit peu ce privilège-là aux familles d'accueil de, justement, pouvoir questionner
parfois? Et, de deux, est-ce qu'il n'y a pas lieu de trouver une mesure transitoire? Comme je vous disais, je vous
entends, j'entends aussi la FFARIQ. Y a-tu moyen d'arriver à quelque chose qui pourrait satisfaire un
petit peu leur implication? Parce que,
moi, ce qu'on m'indique — puis
je vous le dis, là, c'est des informations que j'ai — c'est
qu'ils connaissent beaucoup des dossiers des enfants. Pour en connaître dans
mon comté, ils savent à peu près
tout ce qui touche la vie de l'enfant qui leur est confié et de la famille
proche. Alors, quand on me parle de
confidentialité, moi, des fois, j'ai entendu des choses comme députée que je me
dis : Wow! Ils ne sont pas tant dans
la confidentialité que ça, là, ils en savent, des choses autour de
l'enfant. Il faut qu'ils les sachent, les informations, à quelque
part, s'ils veulent vraiment s'occuper de l'enfant convenablement. Qu'est-ce
que vous en pensez?
Le Président (M.
Tanguay) : Pour les quelques instants qu'il nous reste pour cet
échange, alors la parole est à vous.
M.
Leclerc (Louis) : Effectivement, un juge peut accorder le statut de partie à une famille d'accueil s'il
le juge opportun dans l'intérêt
de l'enfant et pour les besoins de l'enquête. Ça existe, il y a
des situations. Et cette possibilité-là, lorsqu'on
fait cette démonstration-là, à ce
moment-là la famille d'accueil devient partie et a le privilège de pouvoir
faire une preuve, questionner. Donc, oui, ça
existe à l'heure actuelle, cette possibilité-là, et il y a des jugements où la
famille d'accueil est reconnue comme partie au dossier.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour une période
d'échange de 10 min 30 s, je cède la parole à notre
collègue de Rosemont.
M. Lisée :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être là, tous les quatre. Je vais
commencer par vous demander... Vous êtes présents aujourd'hui à titre de
directeurs de la protection de la jeunesse. Auparavant, on aurait entendu
l'Association des centres jeunesse du Québec. Quelle est la différence?
M.
Baraby (Denis) : Évidemment,
auparavant, l'Association des centres jeunesse était une instance où
l'ensemble des centres jeunesse travaillaient ensemble. Un des principaux
mandats de l'association, c'était de travailler à ce qu'il y ait de la cohésion et une pratique professionnelle, je vous
dirais, équivalente dans à peu près toutes les régions du Québec. Alors, je vous dirais, ça, c'est le
principal mandat. Actuellement, le défi, effectivement, c'est pour les DPJ
de retrouver un genre de forum comme ça,
mais il y a déjà des instances qui sont en place au niveau ministériel. Je
pense, entre autres, à des tables nationales
en jeunesse où on peut avoir ces échanges-là. Mais la différence, ici, on vient
vous parler, c'est... les propos qu'on
tient, c'est quand même le fruit d'une démarche qui était en soi identique à ce
qui se passait à l'époque de l'ACJQ.
M. Lisée : Mais, lorsque vous
aviez l'association, que le gouvernement a abolie, comme plusieurs autres
associations, vous vous réunissiez entre vous sans la présence du
sous-ministre. C'était une organisation à la fois de formation, d'échange de bonnes pratiques, et vous décidiez ensemble de
ce que vous alliez dire. Là, les forums ministériels dans lesquels vous
êtes, c'est toujours en présence de vos patrons, non?
M. Salois
(Éric) : Effectivement, en ce moment, dans les forums qu'on a, il y a
des représentants du ministère qui sont
présents. Pour ce qui est du mémoire qui vous est déposé aujourd'hui, de
l'exercice qui s'est fait aujourd'hui, ça s'est fait entre DPJ, où, quand on a eu le dépôt de la loi, etc., bien là, à
ce moment-là, il y a eu un enjeu de se concerter, d'avoir des
sous-groupes de travail de DPJ et d'avocats de contentieux. Mais, à ce
moment-là, pour faire un exercice comme celui-là, il n'y avait pas de
représentant du ministère qui était présent, c'est vraiment la position des
DPJ.
• (10 h 40) •
M. Lisée :
Donc, vous avez été obligés de faire vous-mêmes ce que vous faisiez
régulièrement avec une institution qui
s'appelait l'association, qui était financée, qui était ordonnée. Donc, vous êtes obligés de faire à la
mitaine maintenant ce que vous faisiez à l'époque de façon
plus correcte, mais que le gouvernement a décidé d'abolir. Est-ce que vous pensez que c'était une bonne chose d'abolir l'association?
Mme Jobin (Dominique) : Une bonne
chose? Moi, je pense que, de toute façon, il va falloir qu'il y ait une
instance pour réunir les DPJ. Ça, je pense qu'on en parle largement, là, actuellement.
Comme M. Baraby vous parlait précédemment,
l'instance de la table nationale pour les jeunes en difficulté
nous permet certains échanges, là, avec les directeurs jeunesse, qui sont aussi nos principaux partenaires dans
l'offre de services à la jeunesse. Mais on sait qu'il y a sur la table,
là, des discussions, là, pour réanimer une table, là, d'échange pour les DPJ.
M. Lisée : Donc, je conclus — je ne
vous demande pas une réponse — vous êtes en processus d'essayer de réparer une partie des dégâts. Vous n'auriez pas
besoin de faire ça si l'association existait toujours. C'est le cas dans un certain nombre
d'autres secteurs d'activité.
Je vais vous
parler de ce que M. André Lebon a déclaré à La Presse en juin
dernier. Vous le connaissez bien, il a travaillé
dans vos milieux pendant une vingtaine d'années. Il a été mandaté pour regarder
spécifiquement ce qui se passait à Laval et il a dit à la journaliste Katia Gagnon, il dit...«Après une
longue réflexion, l'homme de 68 ans a décidé de se confier à La Presse, car il
constate que ceux qui oeuvrent dans le réseau se sentent muselés. "Je me
suis dit : ‘Si moi, pour qui ce
n'est pas un enjeu, perdre sa job, je ne vous parle pas, qui d'autre va la
faire?'"» Pourquoi il dit ça, que les gens dans le milieu
sont muselés?
M. Salois
(Éric) : On a été surpris,
on n'a pas compris. En tout cas, de la place où on est, on n'a pas
l'impression du tout que, nous autres mêmes, mais que les intervenants aussi
qui oeuvrent au quotidien... On ne leur donne pas de consigne, et il n'y a pas de mot d'ordre comme quoi qu'on leur dit de
ne pas parler, d'aucune façon. On a été très surpris quand on a lu cet article-là,
effectivement.
M. Lisée : O.K. Il y a deux ans, l'association qui existait
était sortie pour dire que la coupure de 20 millions, c'était
la goutte qui ferait déborder le vase et
que, pour la première fois, les directeurs de DPJ pensaient ne pas pouvoir
répondre correctement à la demande. Ça, ce n'était jamais
arrivé. Ils ont dit ça avec courage, ils ont dit ça... Même si c'était
une association, vous êtes quand même des employés de l'État.
Et après l'association a été abolie, et puis là on n'a plus jamais
réentendu personne se plaindre du manque de moyens. Est-ce que ce n'est pas ça,
l'omerta?
M. Baraby
(Denis) : Bien, écoutez,
moi, je vais me permettre une réponse. D'une part, je vous dirais, on est
là pour débattre de modifications sur la LPJ. C'est sûr qu'il y a des inégalités dans le financement, j'en suis, c'est reconnu. C'est
reconnu par notre ministère, dans la
région des Laurentides, par exemple, c'est une des régions les moins bien
nanties en matière de protection de la
jeunesse. Alors, effectivement, ça nous force, comme plein de mes collègues, à
être dans des processus constants de revoir nos pratiques, de moderniser
nos pratiques, de s'assurer qu'on tire le maximum de notre personnel.
Mais, en parallèle, je vous dirais que tous ces
échanges-là, association des centres jeunesse ou pas, on les a avec nos instances ministérielles. Il y a des
canaux que... Moi, je peux vous dire, au cours des deux, trois dernières
années, j'ai eu des discussions franches,
ouvertes avec les instances ministérielles, où on a nommé ces difficultés-là.
Et, écoutez, on les nomme, là. Je pense que ça appartient à tous et
chacun de le faire. Mais, quant aux coupures de 20 millions, vous parleriez aux directeurs de programmes jeunesse,
et ils vont vous dire que ça met de la pression énorme sur les services
et probablement toutes les directions de
différents programmes. On est rendu un CISSS maintenant, on est encore plus
au fait de ce qui se
passe dans l'ensemble des directions. Évidemment, le contexte budgétaire qui
affecte la province, tous les programmes
les subissent, incluant la protection de la jeunesse. Évidemment, si on parle
plus pour notre camp, bien, les jeunes, c'est notre préoccupation
première, puis on veut que ces... C'est la relève du Québec aussi, là.
M. Lisée :
En fait, tout le monde se plaint, sauf les médecins et les médecins
spécialistes, qui ont vu doubler leur rémunération.
Bon. Mais ils se plaignent quand même. Ça, j'accorde ça. Puis je souligne votre
courage de dire ça parce que la
ministre estime que les 20 millions de dollars, ça n'a rien fait, ça n'a
pas créé de pression, au contraire. Alors, vous, vous dites que ça a
créé une pression énorme, je retiens ça.
M. Lebon
dit : «Actuellement, on est devant un leurre. On prétend qu'on ne
coupe pas, qu'on investit : moi, je pense que la façon dont on
coupe, c'est d'ajouter au mandat, d'ajouter des tâches. On en couvre plus large
avec les mêmes effectifs ou moins d'effectifs. On a un devoir de moyens, et, actuellement,
les moyens s'effritent.» C'est vrai, ça, n'est-ce pas?
Une voix : Mais...
M. Baraby (Denis) : Je peux
continuer?
Une voix : Tu peux continuer.
M. Baraby
(Denis) : En fait, on a un
réseau, maintenant, qui est, je pense, mieux attaché. Alors, la
grande pression que je vous parlais,
je peux vous dire que les situations complexes, maintenant, je vous dirais,
c'est moins complexe à régler, ces
situations-là, entre nous parce qu'on est tous des collègues, alors qu'auparavant on
avait les silos des nombreux établissements. Dans les Laurentides,
c'étaient 12 établissements différents. Alors, il y avait des problèmes dans
une situation, chacun vivait sa pression puis essayait de ne pas porter celle
de l'autre. Aujourd'hui, on est tous la même organisation. Alors, il y a eu des changements, je pense, qui
peuvent, à certains égards, être profitables. On est encore en période d'ajustement, il est peut-être
trop tôt pour dire que tout est parfait ou que tout est imparfait. Mais on est
dans une grande transition, puis moi, comme DPJ, je peux vous dire que
je serai présent, j'en vois des bénéfices.
M. Lisée : Effectivement, moi, je parle à des gens dans des
CISSS et des CIUSSS, et il y a des gains d'efficacité qui sont faits.
Mais les gains d'efficacité n'ont aucune commune mesure avec la pression budgétaire
supplémentaire.
M. Lebon dit,
en parlant des gestionnaires : «Ce ne sont plus des cliniciens, ce sont
des gestionnaires. Les chefs sont au
service des commandes administratives. Les nouvelles consignes. La liste de rappel.
Gérer les absences, les cas conflictuels.
Ce n'est plus une gestion clinique. Résultat, le soutien clinique est effectué
par des conseillers qui relèvent de la direction. [...]Quand on regarde
c'est quoi, le [problème] optimal pour la réadaptation et qu'on regarde les
conditions d'exercice actuelles, on est dans un porte-à-faux extraordinaire.»
Ça veut dire
que vous qui êtes formés comme des cliniciens, qui connaissez ça, vous êtes tellement
dans des tâches administratives, on
vous a tellement accumulé de tâches que vous ne pouvez plus faire
votre tâche de clinicien correctement. Est-ce que vous constatez ça
aussi?
M. Salois
(Éric) : Je vous parlerais
de Lanaudière. Personnellement, si je suis dans une fonction de gestion
et de directeur, c'est cette fonction-là que
je veux occuper parce que je peux être encore proche du clinique. Les cas
les plus complexes remontent jusqu'à
moi. La DPJ adjointe aussi traite beaucoup de ces situations-là, et les chefs de service
sont encore dans du clinique. Par contre,
les équipes ont grossi. Donc, il a fallu qu'on pense à leur donner du support
pour ne pas qu'ils se retrouvent seulement que dans de l'administratif.
Vous avez
nommé... On a du personnel, ça roule. On a du jeune personnel, ils ont besoin
de ce support-là. Sinon, on va tous
les retrouver en maladie. Donc, on met ces choses-là en place, et force est de
constater aussi qu'en mettant ça en
place on arrive à assurer de la qualité puis aussi assurer qu'ils puissent
traiter le nombre de dossiers qu'on souhaite qu'ils puissent traiter
pour être capables de s'adresser aux problématiques de listes d'attente, etc.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci à vous. Alors, nous poursuivons les échanges, et je cède
en ce sens, pour une période de sept minutes, la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous quatre. Ma question n'est pas
adressée particulièrement à un de vous. Par
contre, j'irais un peu dans le même sens que la ministre tantôt puis je
voudrais peut-être souligner son ouverture. En tout cas, ce que j'en ai
entendu.
Au niveau de
l'attribution... au niveau des familles d'accueil, sur le statut juridique, là,
et en mettant en lien avec mon entrée en matière tout à l'heure, les
familles d'accueil qui ont des enfants depuis plus de six mois, au niveau du mémoire, là — en tout cas, à moins que j'en aie manqué des
bouts — vous
n'en parlez pas vraiment. Tout à l'heure, je vous ai entendu, vous, dire... oui, on vous consultait déjà, mais, bon,
c'est selon le bon vouloir du juge. Maintenant, moi, je voudrais savoir votre position là-dessus,
est-ce que vous seriez favorables, mettons, pour... Là, on pourrait, bon...
Là, on parle de six mois, mais, là-dessus,
bon, ce n'est pas une question de mois, là, ce n'est pas mon but de préciser le
mois, mais je voudrais savoir l'approche au
niveau des familles d'accueil quand on parle de garde que je qualifierais de
long terme parce que je pense que, pour un
enfant, là, les semaines, c'est très long, des fois. Ce serait quoi, votre
statut ou votre position là-dessus qui pourrait être...
M.
Baraby (Denis) : Je veux
juste rappeler, le premier projet de vie pour un enfant, quand nous le retirons
de son milieu familial, c'est d'essayer de
travailler pour le retourner auprès de ses parents, s'assurer qu'on mobilise
les parents. Évidemment, un
partenaire, je dirais, de premier plan dans tout ce plan, ce plan
d'intervention là, dans cette démarche-là, ce sont nos familles d'accueil, puis, là-dessus, je pense qu'on
reconnaît le rôle important que les familles d'accueil ont à jouer. J'ai participé aux travaux de révision de
la loi, ce sujet-là a été discuté, il avait été question à un certain
moment donné d'un statut intermédiaire.
Est-ce que de trouver une façon dans la loi pour donner une voix davantage aux
familles d'accueil... je pense que, tous mes collègues, on est ouverts à ça.
C'est de
trouver, je vous dirais, la façon mitoyenne de répondre à ça tout en respectant
aussi le droit, entre autres... Puis
M. Salois donnait l'exemple de parents, et le fait de donner le statut de
partie donnait ouverture à toute, toute, toute l'information, et c'est là-dessus, je pense, qu'il faut trouver le bon
dosage entre tout ça. Et il y a tout l'enjeu aussi des durées de placement. On parle de six mois, mais, selon
l'âge des enfants, avant que le tribunal ait à statuer sur un projet de
vie pour un enfant, ça peut aller jusqu'à
deux ans. Donc, il faudrait aussi, à ce moment-là, que ce droit-là aille en
concordance aussi un petit peu avec les durées de placement pour, justement,
éviter qu'il y ait peut-être aussi des enfants qui se retrouvent en conflit de loyauté entre leur famille d'accueil, avec qui
ils ont développé des liens, mais aussi leurs parents, de qui ils sont
issus biologiquement, là.
• (10 h 50) •
M.
Schneeberger :
O.K. Bon, je comprends vos approches, mais moi, pour faire du terrain, je peux
vous dire... Tout à l'heure, vous
mentionniez que, bon, vous preniez déjà en compte, là, les dires, là, des
familles d'accueil et autres. Moi, ce
n'est pas toujours ce que j'ai entendu sur le terrain, malheureusement, je veux
dire, parce que, des fois, il faut qu'ils
se battent pour faire entendre leur opinion. Et l'enfant, lui, si son milieu,
il est bien, il s'ouvre, il s'ouvre aux parents, là, je veux dire, pas adoptifs, mais à la famille d'accueil ou les gens
qui sont autour de lui. Et puis ces enfants-là, ils parlent, puis souvent, bien, je pense, c'est quand même les
mieux placés parce que, souvent, la guerre entre les parents, et autres,
là, on s'entend que c'est très émotif, il
n'y a pas plus émotif que ce domaine-là, et la réalité, des fois, est autre.
Alors, je pense que les dires de
l'enfant à la famille d'accueil, je pense que ça serait très important de
prendre ça en contexte puis de prendre ça en considération quand il vient un
jugement parce que la réalité, elle est là, là. Tu sais, je veux dire, on
peut bien dire le processus judiciaire, mais le juge, il se fie à ce qu'il y a
dans le rapport... en ce moment à ce que l'enfant a dit. Et l'enfant, je pense
que, là-dedans, il fait partie intégrante du processus ou il devrait, en tout
cas.
Mme Jobin
(Dominique) : Je pense que le but, ce n'est pas de ne pas faire
entendre les familles d'accueil. Je pense
que les familles d'accueil sont toujours appelées soit... Si on est dans une
procédure judiciaire, ils vont être appelés à se faire entendre et à parler aussi de la réalité de l'enfant dans
leur milieu familial substitut. On travaille aussi beaucoup avec les
familles d'accueil en mesures volontaires. On va tenter d'avoir leur point de
vue le plus possible, on va les inclure
aussi dans le plan d'intervention. Les familles d'accueil ont une place
importante dans l'évolution d'un dossier qui est suivi au long cours,
là. Donc, le but, ce n'est pas de les faire taire et de ne pas les entendre. La
différence, c'est d'être partie intéressée
ou partie au dossier. C'est là, la différence. On veut peut-être un peu plus
limiter la présence de la famille d'accueil
comme une partie au dossier pour toutes les raisons que M. Salois vous a
données tout à l'heure. C'est toute la question de la confidentialité à
l'égard des parents principalement.
M.
Schneeberger :
Bien, c'est sûr qu'on parle beaucoup de confidentialité, mais, je veux dire, on
est là pour protéger les enfants, et non
protéger les parents, là. Moi, c'est un peu mon point de vue. Des fois, j'ai
l'impression qu'on veut plus protéger
les parents que l'enfant là-dessus, là. Alors, tu sais, c'est facile de
dire : Ah! bien, on ne peut rien dire, c'est confidentiel. Mais,
des fois, on ne protège pas puis on n'aide pas vraiment la cause.
Vous mentionnez aussi au niveau du... vous avez
souligné quelques points au niveau du processus judiciaire. On sait qu'il y a des délais interminables au
niveau de la justice, puis, malheureusement, vous en faites partie.
Qu'est-ce qui pourrait être amélioré
vraiment, là, pour réduire les délais? Est-ce que vraiment, entre guillemets,
il ne devrait pas y avoir une sorte — je
vais l'exprimer ainsi — de voie rapide ou «fast track», là, pour
toutes les causes au niveau de la DPJ? Parce que, là, on parle des enfants, c'est eux autres, ils attendent. Le petit
mousse, là, qui ne sait pas pourquoi... la situation, qu'est-ce qui se passe autour de lui, bien, des
fois, c'est des semaines, des mois avant qu'il y ait une décision. Est-ce
qu'il ne devrait pas y avoir une
amélioration ou peut-être moins aller avec le processus judiciaire, tu sais,
peut-être de la médiation beaucoup plus, là, des cas de même?
Le Président (M. Tanguay) : En
quelques instants.
Mme Jobin
(Dominique) : ...projet de loi n° 99, c'est justement de
favoriser la conclusion d'ententes entre les parties qui permet, justement, au DPJ de pouvoir continuer à travailler
avec une famille de façon consensuelle pour éviter, justement, d'avoir
affaire à l'appareil judiciaire, qui, là, augmente les délais. Souvent, on va
débuter une intervention auprès d'une
famille, on est sur le point de régler la situation pour conclure pour des
mesures, et le temps nous manque parce
qu'il nous manque à peu près une semaine ou deux pour être capables de conclure
la situation puis de proposer des mesures volontaires. Alors, l'objectif
de favoriser la conclusion d'ententes entre les parties va d'abord...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, nous remercions
les représentantes, représentants des directeurs de la protection de la
jeunesse. Alors, je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 56)
(Reprise à 11 h 2)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants du Conseil de la nation atikamekw. Alors, bienvenue à
l'Assemblée nationale du Québec. Vous
disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Je vous demanderais de
prendre le temps de bien vous nommer et de préciser vos fonctions pour les fins
d'enregistrement. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Conseil de la nation
atikamekw (CNA)
M. Awashish (Constant) : Bonjour. (S'exprime
dans sa langue).
Merci. Bonjour, M. le Président. Mesdames,
messieurs, Mme la ministre, chers membres distingués de cette commission, permettez-moi d'abord
de nous présenter, moi-même ainsi que ceux qui m'accompagnent. Pour ma
part, je suis le grand chef de la nation
attikamek, président du Conseil de la nation atikamekw. Je suis accompagné — dans
l'ordre, de ma gauche à ma droite, en commençant par mon extrémité gauche — du
directeur des services sociaux Onikam du
Conseil de la nation atikamekw, M. Pierre Blais. Par la suite,
nous avons Anne Fournier, qui est avocate pour les services sociaux au Conseil de la nation atikamekw; Mme Alice
Cleary, directrice à la protection sociale du Conseil de la nation atikamekw; moi-même; ici, à ma
droite, Jolianne Ottawa, membre élue et responsable de la santé et
services sociaux au sein du conseil de
Manawan, et, finalement, Mme Martine Côté, avocate pour les services
sociaux d'Obedjiwan.
Donc, je vous remercie tous d'avoir bien voulu nous accorder ce temps de parole afin que nous
puissions partager nos observations
ainsi que nos préoccupations en ce
qui concerne le projet de loi n° 99. Merci également de nous permettre d'être entendus aujourd'hui et écoutés dans le cadre de vos travaux. Nous
sommes ici aujourd'hui avec le sentiment et la ferme croyance d'être dans un dialogue de nation à
nation, dialogue dans lequel la nation attikamek présente son point de
vue sur un sujet qui, souvent, attise les passions et enflamme les débats.
Nous sommes
ici également de
bonne foi parce que
nous croyons à cette commission et qu'elle saura reconnaître le statut particulier et unique de nos propres institutions et qu'elle pourra également reconnaître l'expertise et faciliter le développement de nos services afin qu'ils puissent être adaptés culturellement à
notre clientèle. Je m'adresse donc à vous en vertu du pouvoir accordé par le Conseil de la nation atikamekw, et
plus particulièrement de ses membres, qui m'ont élu par suffrage universel, dont je suis le premier porte-parole en tant que grand chef président pour vous faire part de nos inquiétudes et de défendre nos intérêts
dans notre volonté d'assumer les responsabilités pleines et entières de la protection de
ce qui est le plus précieux pour nous en tant que nation, soit nos enfants.
D'abord,
pour mieux connaître la nation attikamek, permettez-moi de vous présenter qui
est la nation attikamek. La nation attikamek est composée de trois
communautés, soit Manawan, Wemotaci, Obedjiwan. Elle compte environ
7 500 membres.
Je voudrais
vous mentionner également un fait dont nous sommes très fiers, 96 %
des membres attikameks parlent toujours la langue maternelle, soit l'attikamek. Malgré plusieurs
tentatives d'acculturation, nous sommes toujours présents.
Puisque
nous sommes dans les chiffres, je
crois bon et pertinent de mentionner
que 60 % des membres ont moins de
25 ans et que l'âge médian par communauté, en commençant par Wemotaci, est
de 20 ans, Manawan, 19 ans, Obedjiwan, 20 ans. Si nous
comparons avec la ville de La Tuque, l'âge médian de la ville de La Tuque est
de 42 ans.
Maintenant,
voici des chiffres qui concernent le nombre de personnes par logement. À
Wemotaci, il compte environ 6,8 personnes, à Manawan, 7,1 personnes, et
Obedjiwan, six personnes par logement, comparativement à la ville de La
Tuque, qui compte 2,4 personnes par logement. Ceci démontre clairement
que notre réalité est particulière et que les réponses doivent être
adaptées à ces réalités. Nous sommes ceux qui vivent cette réalité au
quotidien, et qui retirent l'expérience nécessaire, et qui peuvent permettre de
mieux développer l'approche adaptée à notre réalité.
C'est en 1982
que les trois communautés s'unissent et créent le Conseil de la nation
atikamekw pour offrir des programmes et services aux membres de la
nation. C'est en 1984 que les services sociaux sont pris en charge par le
Conseil de la nation atikamekw au bénéfice des trois communautés.
Par la suite, après plusieurs années d'opération
et en raison des difficultés, comme tout le monde connaît, de la LPJ en milieu autochtone, mais plus
particulièrement pour nous, les Attikameks, c'est en 1990 que la nation se dote
d'une politique sociale attikamek qui comprend trois volets, dont celui de la
politique sur l'enfance et de la jeunesse. Cette politique est venue mettre la table dans le développement d'un système
particulier de protection de la jeunesse, soit le système d'intervention
attikamek. Elle fut d'ailleurs mise en place à titre de projet pilote en 2000,
année même où le projet de loi n° 166, loi modifiant la protection de la
jeunesse, fut déposé, soit le 1er décembre 2000.
En 2001,
grâce aux travaux et à l'expérimentation de l'application du système
d'intervention d'autorité attikamek, communément
appelé SIAA... Je pense qu'ici il est important de mentionner, cependant, et de
vous rappeler devant vous, membres
distingués de cette commission, que les démarches entreprises dans le domaine
par les Attikameks — et
qui en sont les pionniers — ont permis la modification de la Loi sur la
protection de la jeunesse le 21 juin 2001 de manière à introduire 37.5 dans la Loi de la protection de la
jeunesse. L'article permet à une nation ou une communauté autochtone
d'appliquer un régime particulier de protection de la jeunesse.
Ainsi, suite
à l'introduction de 37.5, le Conseil de la nation atikamekw, en 2002, a
formellement manifesté son intention
de négocier avec le gouvernement du Québec un régime particulier adapté de
protection de la jeunesse. Une première
ébauche d'entente a été produite avec la collaboration de la direction de la
protection de la jeunesse, mais, par la suite, plus rien. Malgré l'insistance, de notre part, de reprendre le
dialogue, il n'y a rien eu de concluant jusqu'en 2009, où la négociation a été reprise à ce moment suite à
un dépôt favorable à notre cause par un comité clinique qui était
composé du ministère de la Santé et des
Services sociaux ainsi que les centres jeunesse de la Mauricie et de
Lanaudière, et, bien entendu, le Conseil de la nation atikamekw. Nos intervenants ont
apprécié cette phase de négociation, qui s'est voulue constructive. Mais, tant qu'un signal n'est pas
donné par le plus haut niveau politique, la bureaucratie gouvernementale
semble demeurer à l'intérieur de ces paramètres. Donc, actuellement, aucune
entente n'a été conclue. On en conclut que la DPJ demeure imputable malgré la
possibilité offerte par les législateurs avec l'article 37.5.
Le projet de
loi n° 99 pourrait être ce
signal, et nos commentaires n'ont pour but que de le bonifier. Comme je
l'ai mentionné au début, il s'agit de nos
enfants. Dans un passé assez récent, toute une génération a été perturbée,
arrachée de leur milieu et de leurs parents.
C'est une partie de notre histoire qui ne sera jamais oubliée. Des séquelles
sont présentes et demeureront
présentes pendant longtemps. Nous voulons et nous devons être les décideurs
pour nos enfants qui ont et auront
besoin d'une intervention. Nous voulons redonner l'espoir et reconstruire la
fierté de nos jeunes, et c'est avec une approche culturellement adaptée
que nous pouvons y arriver.
Je vais
maintenant laisser la parole à Anne Fournier ainsi qu'à ceux et celles qui
travaillent quotidiennement dans ce domaine,
et qui pourront vous éclairer davantage sur les commentaires qui sont inclus
dans le mémoire et qui vous ont été transmis
le 7 septembre dernier. Merci de m'avoir écouté, et prochainement j'espère vous
dire : Merci de m'avoir entendu, «meegwetch». Je passe donc la
parole à Mme Anne Fournier, avocate.
• (11 h 10) •
Mme
Fournier (Anne) : Merci beaucoup, grand chef. Bien entendu, la nation
attikamek est satisfaite de l'inclusion,
à l'intérieur du projet de loi n° 99, de certains droits particuliers qui
sont consentis aux autochtones. Dans le projet de loi, on parle de l'enfant qui est membre d'une communauté
autochtone, mais le CNA demanderait à ce que ces droits soient plutôt accordés à l'enfant qui est membre d'une nation
autochtone ou vraisemblablement admissible à l'être parce qu'on ne veut pas priver l'enfant autochtone
des droits qui lui sont, par ailleurs, prévus par la loi pour le seul
motif qu'il ne serait pas encore inscrit au registre des Affaires indiennes.
Par exemple,
si on prend une situation concrète, des enfants dont les parents sont
attikameks, et la situation des enfants
est signalée dès leur naissance par l'établissement de santé, ces enfants-là ne
sont pas encore inscrits. Donc, ils ne sont
pas encore membres d'une communauté ou d'une nation, mais ils sont
vraisemblablement admissibles à l'être. Si on regarde rapidement ce qui se fait à ce niveau-là ailleurs au Canada, au
Manitoba, la loi parle d'avoir des motifs de croire que l'enfant est inscrit à titre d'Indien. Alors,
ce n'est pas «inscrit», c'est «avoir des motifs de croire». En Alberta, on
dit «s'il y a des raisons de croire que
l'enfant est autochtone». Alors, c'est des exemples qu'on a fait ressortir dans
d'autres législations ailleurs au pays pour peut-être nous inspirer.
Rapidement, sur l'intérêt de l'enfant, bien
entendu, le CNA est satisfait qu'il y ait des dispositions qui soient prises pour préserver l'identité culturelle de
l'enfant autochtone. Et tout ça, je parle particulièrement des articles 3 et
4 de la Loi sur la protection de la
jeunesse. Par contre, la préservation de l'identité culturelle de l'enfant
autochtone devrait être prise en
compte dans l'évaluation de son meilleur intérêt non seulement dans les
situations de protection de la jeunesse, mais en toute autre matière, en matière de garde d'enfant, par exemple,
en matière d'adoption, quant aux décisions relatives aux soins de l'enfant. Dans d'autres provinces, par
exemple en Ontario, il y a quelqu'un qui a mentionné tout à l'heure la
Loi sur les services à l'enfance et à la famille de l'Ontario. Cette loi-là
traite de plusieurs de ces matières. En conséquence, l'objectif de préserver l'identité culturelle de l'enfant autochtone qui
est prévu à cette loi s'applique autant en protection de la jeunesse qu'en adoption. Alors, le CNA suggère
de modifier l'article 33 du Code civil du Québec de manière à ce qu'il
soit tenu compte de la préservation de l'identité culturelle de l'enfant
autochtone chaque fois que la question de son meilleur intérêt est discutée,
donc en toute matière. Je cède la parole à Me Côté.
Mme Côté
(Martine) : Donc, le nouvel article 37.6 du projet de loi n° 99
prévoit qu'une communauté autochtone peut prendre entente avec un
établissement, c'est-à-dire avec un centre jeunesse, pour procéder au
recrutement et à l'évaluation des familles
d'accueil, dans le respect des critères généraux déterminés par le ministre,
des personnes qui sont en mesure d'accueillir l'enfant autochtone. Le
CNA estime que ces critères devraient être établis après consultation des
communautés autochtones et/ou des nations, et nous croyons qu'une particule de
phrase devrait être ajoutée à cet effet à l'article 37.6
Par ailleurs,
avec l'abolition des agences de santé et de services sociaux est venue aussi
l'abolition de la notion de reconnaissance des familles d'accueil, et nous estimons qu'il
faudrait déterminer clairement si les communautés
autochtones qui n'ont pas de statut d'établissement ont la possibilité de signer elles-mêmes des ententes avec
leurs familles d'accueil. Il faudra
aussi évaluer si le fait de ne pas avoir de statut d'établissement viendra
aussi créer le même type de problématique pour le CNA une fois que l'entente 37.5 sera signée, puisque le CNA
n'aura pas de statut d'établissement et il ne souhaite pas, une fois
l'entente 37.5 signée, agir comme mandataire du centre jeunesse, puisqu'il sera
autonome en termes de prestation de services.
Par ailleurs, selon les articles 1 et 37.6, les
personnes en mesure d'accueillir l'enfant dans une communauté autochtone sont
considérées comme des familles d'accueil en termes d'application de la loi. Or,
c'est...
Le
Président (M. Tanguay) : Me Côté, je vous demanderais peut-être de
conclure parce que nous sommes sur le temps
depuis maintenant 3 min 30 s... sur le temps d'échange avec les
parlementaires. Alors, pour que ce soit un dialogue, je vous inviterais
peut-être à conclure, et vous aurez l'occasion dans les réponses de pouvoir
compléter. Merci.
Mme Côté
(Martine) : On voulait seulement apporter le fait que la formule
actuarielle qui a été déterminée pour établir
un taux comparable de paiement pour les familles d'accueil va venir créer des
inéquités, et on se questionne là-dessus.
Et le dernier
aspect qu'on voulait traiter... Bien, je vais arrêter là-dessus puis je vais
laisser, là, pour la période de questions.
Le Président (M.
Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Alors, des 10 minutes de
présentation, nous en avons consacré 14, et ça a été amputé sur le temps
d'échange dont dispose la ministre. Il vous reste, Mme la ministre,
13 min 30 s. La parole est à vous.
Mme
Charlebois :
D'accord. Bien, d'abord saluer le grand chef, M. Constant Awashish — c'est comme ça qu'on le prononce? — Mme Fournier, Me Côté, M. Pierre Blais,
Alice Cleary et Mme Jolianne Ottawa. Merci d'être là et de nous partager
vos réflexions. C'est fort important dans le cheminement d'un projet de loi
d'entendre toutes les parties, dont vous êtes.
Je vais aller
tout de suite au vif du sujet, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps. Je
vous ai entendus et j'ai lu dans
votre mémoire que le Conseil de la nation atikamekw propose dans votre mémoire
d'utiliser la... voyons, je vais le dire,
l'expression «nation autochtone» plutôt que «communauté autochtone». J'aimerais
que vous m'expliquiez davantage la
différence entre les deux termes. Et pourriez-vous me préciser les critères que
nous pourrions utiliser comme définition lorsqu'un enfant est admissible aussi à la Loi de la protection de la
jeunesse, tant qu'à y être? Je vous regroupe ça, là, parce que je vais laisser la parole à mon collègue
d'Ungava aussi à la fin. Alors, il faut lui laisser du temps, lui, il a des
choses à vous demander.
M.
Awashish (Constant) : Merci, Mme
la ministre. Pour répondre à votre question, nous, les Attikameks, nous
avons toujours pensé et nous croyons fermement que nous sommes une nation, et
il est important pour nous, en tant qu'Attikameks,
que le terme «nation» soit inclus dans la Loi sur la protection de la jeunesse.
Donc, c'est simple comme ça. Nous, c'est vraiment un concept qui est
cher pour nous. Nous sommes une nation à part. Nous avons notre langue particulière. Nous avons notre culture qui est
particulière. Nous sommes composés de trois communautés, c'est vrai,
mais nous parlons d'une seule voix, nous
parlons en tant que nation. Donc, c'est important pour nous que le terme
«nation» soit inclus dans ce projet de loi. Merci.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous pourriez me préciser les critères qui définiraient quand est-ce
qu'un enfant peut être admissible à la Loi de la protection de la
jeunesse parce que vous en avez parlé aussi dans votre mémoire, les critères?
M. Awashish (Constant) : Je vais laisser
la parole à...
Mme
Charlebois :
Pour vous autres, là, quels sont les critères qui définiraient quand un enfant
est admissible à la Loi de la protection de la jeunesse?
Mme Fournier (Anne) : Bien, quand
est-ce qu'un enfant... On se fie à l'article... Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question. On se fie à l'article
1, qui définit le mot «enfant», donc toute personne de moins de 18 ans. Pour ce qui est de l'enfant autochtone, bien, on
peut peut-être s'inspirer de l'Alberta, qui dit : S'il y a des raisons de
croire que l'enfant est autochtone ou s'il y a des motifs raisonnables de
croire que l'enfant est autochtone, je pense qu'on peut utiliser...
Mme
Charlebois :
...vous parlez de ça, là, des délais d'inscription, et tout, là.
• (11 h 20) •
Mme
Fournier (Anne) : ...parce que, si la situation d'un enfant est
signalée dès sa naissance, forcément il n'est pas encore inscrit nulle
part. Donc, il n'est pas membre ni d'une nation ni d'une communauté autochtone.
Alors, il faut nécessairement, de notre point de vue, amener un autre
critère. Et c'est pour ça que je suis allée voir dans d'autres lois ailleurs au Canada s'il n'y avait pas lieu
de s'en inspirer, puis je pense qu'en Alberta, bien, ce n'est quand même
pas si mal, «s'il y a
des raisons de croire que l'enfant est autochtone».
Et puis d'ailleurs, quand on travaille la Loi sur la protection de la jeunesse, on travaille toujours
sur la notion de motif raisonnable de croire qu'il y a des motifs de
compromission, alors c'est quelque chose qui est déjà connu.
Mme
Charlebois : Ma dernière question avant de passer la
parole au député d'Ungava :
Est-ce qu'à votre avis... j'aimerais
ça vous entendre, bref, sur les avantages, pour les communautés autochtones...
bref, les nations autochtones, de modifier l'article 33 du Code civil.
Vous en parlez dans votre mémoire à la page 12, et vous mentionnez que vous souhaitez qu'il y ait une modification au Code
civil en ajoutant : «Dans le cas d'un enfant membre d'une
communauté autochtone, est également prise
en considération la préservation de son identité culturelle.» J'aimerais que
vous me parliez davantage de cela et
me dire aussi quels sont... Parce que vous avez commencé à en parler tantôt,
mais vous l'avez touché brièvement
parce qu'on vous bouscule un petit peu dans le temps, on est tous bousculés,
alors quels autres exemples de problématiques
qui sont vécues qui, avec la modification de l'article 33, pourraient vous
permettre de bonifier ou améliorer la façon de toucher ces éléments-là?
Mme
Fournier (Anne) : Bien, en somme, l'article 33 du Code civil et
l'article 3 de la LPJ, c'est quasiment un copier-coller. Alors, on se dit : Si, dans l'évaluation de
l'intérêt de l'enfant en matière de protection de la jeunesse, quand il
s'agit d'un enfant autochtone, on doit tenir compte de l'importance de
préserver son identité culturelle, bien, on se demande pourquoi il faut restreindre ça uniquement aux situations de
protection de la jeunesse. Pourquoi on ne peut pas faire comme d'autres provinces l'ont fait? Par
exemple, en Ontario, il y a la Loi sur les services à l'enfance et à la
famille, donc, qui
traite autant, notamment, de l'adoption que de la protection de la jeunesse.
Alors, dans cette loi-là, quand on parle
de préserver l'identité culturelle ou l'identité autochtone de l'enfant, bien,
la loi affecte toutes les décisions qui sont prises, donc autant en adoption qu'en protection de la jeunesse, et je
ne saurais pas vous dire si la loi concerne d'autres matières. Alors, on
voudrait, tout simplement, que ce soit cohérent. Ce serait beaucoup plus
cohérent pour nous que l'article de base,
qu'il s'applique en toute matière, l'article 33 du Code civil puisse avoir le
pendant, là, la même rédaction que ce qui est proposé à l'article 3 de
la LPJ actuellement.
Mme
Charlebois :
Vous dites toute matière, ça veut dire tout, là, l'éducation... tout, là, c'est
ça que vous voulez me dire?
Mme Fournier
(Anne) : Bien, toutes matières pour lesquelles il peut y avoir un
litige devant le tribunal, en matière de
garde d'enfant, en matière d'adoption, décision relative aux soins, quand il y
a un litige sur les décisions prises en vertu de l'autorité parentale.
Mme
Charlebois :
Je vais passer la parole à mon collègue d'Ungava, il a une question pour vous.
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, collègue d'Ungava, la parole est à vous.
M.
Boucher : Oui. Bonjour, M. le grand chef. Bonjour à ceux qui vous
accompagnent. Écoutez, vous n'avez pas à
me convaincre bien longtemps, là, de votre position par rapport à la
préservation de la culture. Ma conjointe est elle-même issue d'une nation autochtone, sa mère a été
élevée à l'orphelinat, bon, pour des raisons, là, que je ne vous
exprimerai pas ici, mais disons que leur culture a pratiquement été effacée,
puis, aujourd'hui, à l'âge adulte et à l'âge avancé, ils commencent à peine,
là, à retrouver leurs racines. Donc, ça, là-dessus, vous n'avez pas besoin de
me convaincre sur l'importance de ça puis l'attachement aux racines.
Vous
avez quand même, malgré tout, des liens avec les intervenants de la DPJ,
j'aimerais que vous me disiez, bon, comment ça va avec la DPJ, quel est
le niveau de collaboration puis comment ça se passe, là.
Le Président (M.
Tanguay) : ...
M.
Blais (Pierre) : Les
relations qu'on a avec la DPJ ne sont pas nécessairement encadrées. Ça
se fait beaucoup de façon
relationnelle avec les gens, là, les adjoints ou avec les DPJ direct, par le
mode relationnel. Je vous dirais que c'est en évolution. Le fait qu'il
semble qu'on s'en va vers 37.5 puis qu'on réclame plus d'autonomie ça n'empêche
pas qu'eux autres, au niveau de leur
imputabilité, ils ne desserrent pas les dents. O.K. ? Il y a des choses qu'ils
ne nous laissent pas et qu'ils
gardent, et ça nous contraint souvent à avoir des situations... L'exemple que
je peux donner, c'est lorsqu'on a des dossiers
qu'on doit amener au tribunal. O.K.? La
DPJ nous laisse traiter le dossier, des mesures temporaires de
protection, mais, pour aller au fond, ils
reprennent le dossier. Donc, ça fait des situations où est-ce qu'on a
un suivi avec des familles qui se
fait pendant plusieurs mois, et, lorsqu'on arrive au tribunal, on doit
le céder, O.K., à la DPJ. Oui, il y a
des éléments de collaboration, mais,
au niveau des décisions, ce n'est plus la même chose. Ce n'est plus la même
chose. Ça fait que la relation qu'on a avec les DPJ s'améliore, mais il
manque un cadre alentour de tout ça.
M.
Boucher : O.K. À votre connaissance, auprès des autres nations
autochtones, là, ailleurs au Québec, est-ce que c'est le même genre de
situation? Est-ce que c'est mieux? C'est pire?
M.
Blais (Pierre) : Je vous dirais, si je regarde, là, juste faire un
parallèle juste au niveau de la nation attikamek, les services sociaux d'Obedjiwan opèrent avec la DPJ
de façon un peu différente, O.K., où est-ce que la DPJ est beaucoup plus
présente. Ils n'ont pas nécessairement le
système SIAA, ils sont en train de développer un système pas
nécessairement aussi avancé qu'au niveau du
SIAA, mais la relation est différente parce que la DPJ est beaucoup plus
présente et elle est même beaucoup plus présente dans la communauté.
O.K.? Ça fait que ça crée ça comme différence.
M.
Boucher : Une autre petite question. Bon, on sait que vous occupez un
territoire quand même relativement grand,
bon, Manawan qui est au nord de Lanaudière, Wemotaci au nord de la Mauricie,
bon, Obedjiwan qui est au nord du Lac-Saint-Jean.
Est-ce que vous relevez toutes de la même DPJ ou vous avez à vous séparer entre
deux, trois directions, là?
M.
Blais (Pierre) : On est avec deux DPJ, Lanaudière et La
Mauricie : Lanaudière pour ce qui est Manawan, ce qui est en haut
de Joliette et la Mauricie pour Obedjiwan et Wemotaci.
M.
Boucher : Juste une petite dernière question, si vous permettez,
aussi. Quand vous parlez, bon, de l'expression «un enfant qui est membre d'une nation autochtone ou qui pourrait être
admissible», vous vous référiez à la définition de l'Alberta où, si on a des raisons de croire qu'il
est autochtone... Vous ne pensez pas qu'en adoptant une expression comme
ça... Parce qu'on sait que la Cour suprême,
bon, a élargi un peu le sens du mot «autochtone» en incluant maintenant
les Indiens non inscrits, les Métis. Est-ce que ça ne pourrait pas causer de la
confusion ou amener une imprécision?
Mme Fournier
(Anne) : Bien, le pire qui pourrait arriver, c'est que, les
communautés autochtones, ceux qui dispensent
des services en matière de protection de la jeunesse soient avisés beaucoup
plus souvent qu'ils ne le devraient. Ça fait que je pense que c'est un
risque qu'on peut courir.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour la poursuite des échanges, je cède la
parole à notre collègue de Rosemont pour une période de
10 min 30 s.
M.
Lisée : Merci, M. le Président. M. le grand chef, messieurs
dames, très heureux de vous accueillir ici. Je vais vous poser une question assez précise, là. Vous
dites dans votre mémoire que... vous demandez que les familles d'accueil
qui hébergent des enfants autochtones soient
rétribuées selon le même taux que les autres familles d'accueil et
qu'elles aient droit aux mêmes bénéfices. Ça
me semble l'évidence même, mais, puisque vous le proposez, c'est que vous
constatez que ce n'est pas le cas. Alors, pouvez-vous nous expliquer ce qui se
passe?
• (11 h 30) •
Mme
Côté (Martine) : Considérant que, les familles d'accueil, la notion
d'adhésion à une unité syndicale reconnue ne fait pas partie des coutumes et des valeurs des Premières Nations,
les communautés ont mentionné qu'elles n'avaient pas d'intérêt pour la Loi sur la représentation des
ressources, même si elle s'applique à nous. Il a donc été décidé qu'il y
aurait un comité tripartite composé de
ministère de la Santé et des Services sociaux, Affaires indiennes et
Développement du Nord Canada et de la
commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec
visant à établir ce qu'on appelle un
taux comparable. C'est un taux qui est différent des taux qui sont actuellement
inclus dans les conventions collectives et par lequel les familles
d'accueil non autochtones sont rétribuées. Donc, notre taux à nous, ce qui a
été convenu, c'est que c'est un taux qui est
unifié. Donc, peu importe si l'enfant qui est hébergé a plusieurs
problématiques ou peu de problématiques, les familles d'accueil reçoivent
exactement le même taux.
Donc,
c'est qu'il y a un instrument de classification des services, on regarde quels
services devront être accordés par la
famille d'accueil. Par contre, ça ne change strictement rien au taux
comparativement aux familles non autochtones, qui se retrouvent avec un
taux qui est complètement différent. Donc, ce qu'on voit actuellement, c'est
que ça entraîne des iniquités parce que, là, de plus en plus de familles
d'accueil du réseau autochtone, constatant qu'elles ont le même taux que leurs voisins, refusent d'accueillir les
enfants qui ont plus de problématiques. Donc, on se retrouve à ne plus
savoir où placer ces enfants-là qui ont
besoin de soins particuliers, que ce soit en matière de santé mentale ou de
problématiques physiques particulières. Ou
des enfants qui sont plus turbulents, on n'arrive plus à trouver de famille
d'accueil pour les accueillir, considérant que les gens se comparent.
Et donc on a de la
difficulté à avoir toutes les informations à savoir quand ils ont établi la
formule actuarielle, quelles sont les
composantes qui ont été retenues. Mais ce qu'on est parvenu à savoir, c'est
qu'entre autres il y a une prime pour
les placements sans préavis, qui est de 250 $ par mois, que les familles
d'accueil n'ont pas. Et on a posé des questions là-dessus, puis on s'est fait dire : Vous avez un taux comparable,
vous ne pouvez pas tout avoir. Donc, ça, c'est la réponse qu'on a reçue.
Il
y a aussi une allocation de formation continue qui est 650 $ par année
pour les familles du réseau québécois, et les familles du réseau
autochtone n'ont pas cette allocation de formation continue. Par contre, elles
ont les mêmes obligations de formation continue. Alors, on se questionne à
savoir qui viendra assumer les coûts pour la formation continue des familles
d'accueil qui acceptent de prendre les enfants autochtones.
M. Lisée :
Bien, écoutez, vous faites une excellente plaidoirie, vous pouvez compter sur
moi pour essayer de convaincre la ministre
et son administration d'aller dans ce sens-là, mais je dois vous dire que...
Donc, si je comprends bien, cette
revendication-là, elle a été présentée, la réponse qu'on vous a donnée,
c'est : Vous avez déjà le taux comparable, vous ne pouvez pas tout
avoir. Qui vous a donné cette réponse-là?
Mme
Côté (Martine) : C'est venu
lors de la table ronde régionale, qui inclut tous les directeurs services
sociaux et la Commission de la santé et des services sociaux, où on était réuni
et où on nous a présenté ces taux-là.
M. Lisée :
Quand?
Mme Côté
(Martine) : En décembre, décembre 2015.
M.
Lisée : En décembre
dernier, d'accord. Bon, bien, très bien. Et est-ce que vous
voulez que cet élément-là, ce principe-là
soit inscrit dans la loi ou dans la réglementation?
Ou à quel endroit? L'important, c'est que ça marche, c'est ça?
L'important, c'est que ça marche.
Mme
Côté (Martine) : C'est d'avoir l'équité puis surtout toutes les
informations nécessaires pour être en mesure de prendre une décision qui
est libre et éclairée et qui respecte les droits de nos familles d'accueil.
M. Lisée :
Écoutez, ça me surprend beaucoup parce que, bon, ça c'est l'ensemble du dossier
des ressources intermédiaires, des
ressources intermédiaires familiales, dans lequel il y a des associations
syndicales. Et je respecte tout à fait
votre droit de ne pas vouloir être accrédités syndicalement, mais il y en a qui
ne sont pas syndiqués et qui, quand même, sont soumis à la grille d'évaluation. Et puis, en un sens, je comprends
que vous la vouliez parce que la grille d'évaluation permet de distinguer les cas à multiproblème des
cas plus légers, et donc on paie davantage les cas à multiproblème. Mais
je tiens à vous aviser que c'est une arme à
double tranchant parce qu'il y a des intervenants qui viennent puis qui
disent : Bon, bien, finalement, on
trouve que les cas sont beaucoup moins lourds qu'on pensait et on réduit votre
financement alors que les diagnostics n'ont pas changé. Ou, lorsque la
grille est bien appliquée, donc pas pour des raisons d'austérité, lorsqu'elle est bien appliquée, si vous avez un
cas à multiproblème, et, grâce aux bons soins de la ressource et de la
famille, disons, il fait des progrès notables, bien là, vous êtes coupés parce
que vous avez fait des progrès.
Alors,
heureusement, les gens qui sont dans ces situations-là veulent le bien des
enfants, donc ils ne s'arrêtent pas pour
avoir plus d'argent. Mais c'est un outil qui est vicié à la base, et moi, je
demande à ce qu'on revoie l'outil en entier. Mais, en tout cas, je pense que l'équité est indispensable là-dessus. Ce
sera donc une des discussions que nous pourrons avoir dans les
discussions article par article.
Moi, je tiens
simplement, parce que le temps file, à vous dire que si, dans ce projet de loi,
nous pouvons rétablir le fil du temps
et de la culture qui a été cassé de façon terrible, détestable, condamnable
dans le passé dans les relations avec les autochtones et de faire en
sorte qu'effectivement on crée une continuité entre l'enfant autochtone qui est
placé et l'organisation ou la famille qui
l'accueille pour lui permettre de maintenir son lien avec sa culture, moi, je
serai fier de faire ça, je serai
content de faire ça. Et je suis sûr que la ministre est d'accord et que tous
mes collègues sont d'accord, c'est un cas
concret, là, où on passe du principe à l'application, et je suis très heureux
que nous puissions avoir cette
discussion, et retisser ce lien, et
permettre à des enfants autochtones qui sont en difficulté, qui sont placés de
ne pas être séparés de leur culture d'origine, d'être en proximité et de
pouvoir ainsi nourrir leur identité. Je vous remercie beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.
Alors, pour la poursuite du débat, je cède maintenant la parole à
notre collègue de Drummond—Bois-Francs
pour une période de sept minutes.
M.
Schneeberger : Oui. Merci,
M. le Président. Grand chef, «kwei».
Bonjour à tous. Vous mentionnez dans votre mémoire... vous parlez de
volonté d'être consultés avant que les enfants soient placés. Moi, j'aimerais
ça que vous spécifiiez un peu...
Parce que, bon, tantôt, vous avez nommé des textes juridiques, et autres, là,
mais le tous les jours, là, dans vos communautés,
quel genre de consultation... qu'est-ce que vous aimeriez qui soit échangé
concrètement, là, pour faire le lien avec votre façon de faire dans vos
communautés?
Une voix : ...davantage la question?
M.
Schneeberger : Oui. Vous parlez d'être consultés, là. Vous
parlez d'une volonté d'être mieux consultés au niveau de prendre en charge des enfants, là, quoi que ce soit. Donc,
moi, ce que je voudrais savoir plus précisément, dans vos
communautés, admettons qu'il n'y aurait pas de DPJ, vous,
quand vous avez des enfants ou une famille problématique, c'est quoi, la manière, comment vous intervenez
dans vos communautés, là, dans vos coutumes normales? Je pense que ça,
c'est important de prendre ça en considération dans la façon de faire pour
faire un lien adéquat, là, avec notre façon de faire et la vôtre.
M. Blais
(Pierre) : Les
particularités, puis je pense que le grand chef les a nommées en entrée de jeu
lorsqu'il parlait des statistiques, qu'il
parlait, là, que finalement des logements à sept personnes, à six
personnes... Les communautés, si on regarde les trois communautés, c'est
7 700 personnes. Ces trois communautés, il y en a une qui a 1 200,
2 400, 2 400. Ça ressemble un peu
à ça. Ça fait que, dans les communautés, les gens se connaissent. Dans les
services sociaux qu'on a dans les
communautés, on a des intervenants attikameks qu'ils connaissent. Donc, la
possibilité de créer un filet de
sécurité, d'aller chercher une matante pour être capable de prendre soin de la
famille en attendant que les parents se replacent, c'est des modalités qui se font de cet ordre-là, O.K., qui ne
peuvent pas se faire ailleurs parce que c'est connu, parce que c'est
petit.
Et ça fait
partie aussi, là, de la culture, et il y a toute la question
de famille, famille élargie, O.K., où le rôle de la matante, le rôle de
l'aîné, le rôle de la Kukum, du Mushum jouent un rôle là-dedans, dans la
compréhension de la situation et dans l'application de mesures pour
corriger la situation, toute la question de famille élargie, O.K.,
qui est mise à contribution rapidement
dans le processus. Et ce qui est la philosophie de base au niveau
de l'intervention, c'est qu'on travaille
le plus longtemps possible en volontariat, de mettre la famille à
contribution pour régler sa situation par elle-même. Et c'est la philosophie, avant
qu'on rentre la cavalerie, O.K., toutes les démarches vont être faites pour
travailler en concert avec la famille.
M.
Schneeberger : Alors, à
ce moment-là, vous, ça serait un besoin que ce soit pris en considération au
niveau de la procédure, que ce soit... Quand
vous parliez de consultation, ça doit être ça, je suppose, je veux dire, il
faut que nous, on ait le temps de se parler, qu'on puisse... en état
d'intervenir...
M. Blais
(Pierre) : Tout le processus, ce qui était mentionné par rapport à la
signature de 37.5, ça fait quand même une réflexion qui dure de 16 ans.
O.K.? Toute la réflexion a été faite au niveau de l'application du SIAA. O.K.?
Le Système d'intervention de l'autorité attikamek a été fait sur une
philosophie qui tient en considération la culture, la consultation et la famille élargie, et compagnie. Tout est basé
là-dessus, et ça fait 16 ans que c'est réfléchi. C'est réfléchi avec des notables, c'est réfléchi avec des aînés,
c'est réfléchi avec plein de... toujours en tenant compte des lois parce
que la nation attikamek souhaite la même chose que tout le monde, protéger les
enfants, sauf à sa façon, dans sa culture, dans le respect des gens.
M.
Schneeberger :
Tout à l'heure, vous souligniez, là, le nombre de personnes par logement.
Est-ce que c'est un facteur relié... qui est directement au... qui peut
être une problématique au niveau de la vie familiale, et autres, là, la surpopulation des personnes dans les logements?
Est-ce que c'est une problématique au
niveau de la vie familiale qui
est en cause au niveau... qui peut créer des problématiques?
• (11 h 40) •
M.
Awashish (Constant) : Bien,
c'est évident qu'une situation comme ça, ça peut rendre propices des
problèmes au sein de communautés, au sein de
familles, mais on est aussi les seuls à avoir expérimenté, à vivre au quotidien
ce genre de situations. Donc, je
pense qu'on est les seuls qui peuvent apporter une solution, qui peuvent
apporter une réponse à ces problèmes-là. Je pense que je comprends votre
question, vous parliez de consultation, je pense qu'en amont la nation attikamek doit être consultée, et non à travers
des intermédiaires. Il faut parler directement avec la nation attikamek.
Nous sommes une nation, nous sommes une
langue qui est particulière, unique, nous occupons un territoire, nous
pratiquons une culture encore aujourd'hui. Malgré beaucoup de... comme j'ai
mentionné tantôt, des tentatives d'acculturation, d'assimilation, nous sommes encore vivants. Puis aujourd'hui, grâce à
vous, grâce au système démocratique, grâce à l'état de droit, les droits autochtones sont de plus en
plus reconnus, et nous voulons avoir notre place, nous voulons avoir
notre mot à dire avec nos enfants, des
décisions à prendre sur nos enfants. C'est à nous de prendre les décisions et
d'adapter, justement, le système à notre culture, simplement ça.
Une voix : Oui.
Mme Ottawa (Jolianne) : 30 secondes.
Une voix : Oui.
Mme Ottawa
(Jolianne) : Oui. Merci de me laisser la parole. Vous savez, avant que
la LPJ existe, on avait notre propre
système, on avait notre propre façon de fonctionner, on élevait nos enfants
nous-mêmes puis on laissait la famille nous
aider à élever nos enfants. Moi, présentement, je suis ici. Je suis une mère de
quatre enfants, j'ai ma soeur qui est à la maison, qui s'occupe de mes enfants aussi, j'ai ma belle-mère, ça fait
que je suis entourée. Puis c'est ça d'être consulté, c'est d'abord, avant tout, de mettre un
intervenant à la LPJ, la DPJ dans nos dossiers, dans nos problèmes... c'est
nous, on est capables de s'arranger avant.
Ça fait qu'on peut se mobiliser puis regarder qu'est-ce qui va être bon pour
notre enfant, pour notre enfant attikamek.
Puis nous,
notre façon de voir les choses puis d'établir les services — parce que je suis infirmière de
formation puis je suis encore très, très
auprès des patients — avant de
mettre des intervenants comme travailleur social ou peu importe, on met d'abord des intervenants communautaires que
nous, on appelle les kokomocic. C'est un peu semblable comme au reste du
Québec, qui est le programme SIPPE, mais adapté à notre culture. Ça fait que
nous, avant de faire intervenir des travailleurs
sociaux ou peu importe, professionnels, on fait d'abord appel aux kokomocic qui
interviennent auprès des familles
pour les informer, donner l'éducation nécessaire ou quoi que ce soit avant. Ça
fait qu'on a tout notre système avant de mettre les lois que vous avez.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, nous vous remercions infiniment, représentantes et
représentants du Conseil de la nation atikamekw.
Alors, compte
tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mercredi 21 septembre
2016, après les affaires courantes, afin de poursuivre son mandat.
Merci.
(Fin de la séance à 11 h 43)