(Neuf
heures vingt minutes)
Le
Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bon matin à chacun et chacune. Ayant
constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé
et des services sociaux ouverte. Je
demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le
tabagisme.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Paradis (Lévis) est remplacé par M. Surprenant (Groulx).
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous débuterons avec les remarques préliminaires, puis nous entendrons les représentants de la Compagnie de tabac sans fumée nationale, de l'Association des propriétaires de sheesha du Québec et de la Fédération
médicale étudiante du Québec.
Remarques préliminaires
Alors,
sans plus tarder, je vous invite, Mme
la ministre déléguée à la
Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, à
faire vos remarques préliminaires pour une durée maximale de six minutes.
Mme Lucie Charlebois
Mme
Charlebois :
Alors, merci, M. le Président. Et d'emblée je veux vous dire : Bonjour,
merci d'être là. Et vous allez me
permettre d'abord de saluer mes collègues de l'Assemblée nationale, les collègues parlementaires du gouvernement, mais
aussi des oppositions : de l'opposition officielle et de
la deuxième opposition. Merci d'être là, et nous allons tous travailler, en fait, à renforcer la loi contre le
tabagisme, le projet de loi n° 44. Alors, merci d'être là pour les consultations, à tous.
Et,
M. le Président, ça fait déjà maintenant plus de 20 ans que le Québec
s'attaque à cette problématique de santé publique
qu'est la lutte contre le tabagisme. Ce sont des millions de dollars qui sont
investis chaque année dans cette lutte au
Québec. Pourtant, encore aujourd'hui, au moins 10 000 Québécois et Québécoises meurent, chaque année, des
suites des maladies liées au
tabagisme. L'usage du tabac ne fait pas que raccourcir la vie des personnes, il
s'attaque aussi à leur qualité de
vie, et ce, de nombreuses années avant leur décès, avec tout ce que cela
implique comme drames humains. Bref, nous
croyons qu'il est temps de faire un pas de plus, M. le Président. J'ai pu
constater depuis les derniers mois que tous les parlementaires semblent partager une volonté commune, celle d'assurer au
Québec un avenir sans tabac. Il est vrai que la dernière révision de la loi a entraîné d'importants changements aussi
bien dans les habitudes tabagiques que dans les mentalités, mais force
est de constater qu'avec plus de 10 000 décès par année encore au Québec
il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Le Québec doit reprendre
sa place de leader dans la lutte au tabagisme.
Les
mesures législatives que nous proposons découlent notamment des recommandations
de la Commission de la santé et des
services sociaux dans le rapport publié en 2013. Vous vous souvenez sûrement,
M. le Président, des trois grandes priorités :
prévenir le tabagisme chez les jeunes, mieux protéger les non-fumeurs de la
fumée du tabac et motiver les fumeurs à
cesser de fumer. Fait important à souligner, je le rappelle parce que c'est, à
mon avis, très important, ces mesures prennent appui sur la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé
pour la lutte antitabac. Autrement dit, nos propositions, M. le Président, de changement législatif suivent
ce qui semble vouloir se dessiner comme une tendance. Nous devons nous montrer prudents devant toute nouvelle
réalité qui pourrait potentiellement banaliser le geste de fumer ou encore
accroître l'usage des produits du tabac, surtout auprès des jeunes, qui sont,
avec les non-fumeurs, au coeur de mes préoccupations.
Le projet de loi que nous avons déposé le démontre très bien, d'ailleurs. Je
sais que ces différentes mesures et
les changements qu'elles sous-tendent peuvent engendrer des inquiétudes chez
certains, alors que pour d'autres ces mesures
ne vont pas encore assez loin, et c'est pour partager les points de vue sur le
sujet que nous sommes maintenant réunis.
Je
considère que tous les débats qui entourent un projet de loi sont importants,
et les consultations nourrissent ces débats
tout particulièrement. Je tiens à remercier à l'avance toutes les personnes et
les groupes qui y prendront part. Que les
opinions convergent ou divergent, je tiens à assurer à tous une écoute des plus
attentives, car je sais que, derrière chaque avis, chaque opinion, chaque point de vue, se trouve tout de même une
grande préoccupation commune : la santé de la population
québécoise.
Je
suis convaincue que nous parviendrons
à peaufiner ensemble le projet de loi
n° 44 de manière à mener une
lutte contre le tabagisme encore plus
efficace au Québec, au bénéfice des générations actuelles et
futures. Ensemble, nous en sortirons
tous gagnants et gagnantes. Et — M. le Président, au risque de me répéter — nous
allons entendre tous les groupes en commission parlementaire, comme vous le savez, qui sont inscrits, mais je
veux aussi assurer les gens qui déposeront un mémoire que nous allons prendre le temps d'en
prendre connaissance et de tenir compte de leurs remarques. Merci beaucoup. Bonne commission.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le député de Rosemont
et porte-parole de l'opposition
officielle en matière de services
sociaux, de protection de la jeunesse, de soins à domicile et de prévention
à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
3 min 30 s.
M. Jean-François Lisée
M.
Lisée : Merci, M. le Président. Bien, moi aussi, je voudrais saluer les membres
de la commission, les collègues parlementaires de la majorité gouvernementale, la deuxième opposition,
en particulier la ministre et la remercier de déposer un projet
de loi qui... Quoi qu'il arrive de
ces discussions, nous sommes certains d'une chose, c'est que nous allons faire
des pas de plus dans la lutte au tabagisme ensemble.
Nous
avons, nous, de l'opposition, l'intention, nous l'avons dit, de déposer
quelques amendements supplémentaires. Mais
il s'agit d'un mouvement international important de santé publique, puisque,
malgré les avancées que nous avons faites
au cours des 20 dernières années, il reste que le tabagisme et ses impacts sur
la santé continuent de grever sérieusement
à la fois la vie des citoyens, la vie des
citoyens fumeurs, la vie des citoyens non-fumeurs, la vie des mineurs mais également le
système de santé, où 30 %
des hospitalisations continuent à être liées, d'une façon ou d'une autre, au
tabagisme. Et évidemment nous avons
devant nous des organisations qui produisent du tabac, qui produisent des
cigarettes et qui ont été extraordinairement efficaces, ces dernières années, à
freiner, réduire l'impact d'un certain nombre de mesures que nous avons prises. Moi, j'étais conseiller du
premier ministre au moment de la loi de 1998, la loi de M. Rochon, qui a un
peu fait en sorte que le Québec soit à
l'avant-garde là-dedans. Nous avons pris un peu de retard ces dernières années,
alors il nous appartient tous aujourd'hui de faire en sorte de combler
ce retard et d'être à nouveau dans le peloton de tête. Évidemment, des mesures sont proposées qui ont des impacts sur les gens
qui tiennent des dépanneurs, des restaurants, des distributeurs. Et cette fois-ci on s'intéresse aussi à la cigarette
électronique, au vapotage, qui est un phénomène nouveau, et beaucoup de
gens ont des choses à nous dire sur, bien, les détails de l'application, quels
seront peut-être des effets secondaires imprévus.
Alors,
comme le dit la ministre, nous, de notre côté, on est très ouverts à entendre
ce que chacun a à nous dire, éclairer
l'impact, comment est-ce que ces
mesures doivent être appliquées, renforcées, modifiées, adaptées pour en
arriver à l'impact que nous voulons, c'est-à-dire une réduction
significative du tabagisme dans les années qui viennent. Voilà, M. le
Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue de Rosemont. Alors,
j'invite maintenant notre collègue de Saint-Hyacinthe à faire ses
remarques préliminaires pour une durée maximale de 2 min 30 s.
Mme Chantal Soucy
Mme Soucy : Merci, M. le Président. Alors, salutations à tous mes collègues
parlementaires. Je voudrais aussi remercier
tous les organismes et associations qui ont déposé des mémoires et je veux
remercier également les citoyens de Saint-Hyacinthe d'avoir pris le
temps de m'envoyer leurs commentaires relatifs au projet de loi n° 44.
Alors, ma formation
politique, la Coalition avenir Québec, est favorable à la révision de la Loi
sur le tabac, considérant que le cancer est
la première cause de mortalité au Québec, considérant aussi que le tabac est
responsable de 30 % de tous les
cancers, sans oublier les impacts sur la vie des populations et les dépenses
publiques en santé qui sont reliées
au tabac. Alors, nous avons rencontré plusieurs acteurs du milieu de la santé
ainsi que des entreprises qui sont en lien d'affaires avec les cigarettes électroniques ou le tabac, nous avons été
à l'écoute de la population et nous serons également à l'écoute des
différents intervenants qui viendront nous présenter leurs mémoires.
Je
vous dirais qu'à quelques exceptions près la Coalition avenir Québec est
favorable à pratiquement toutes les mesures proposées par le
gouvernement dans le cadre de la révision de la Loi sur le tabac. Nous allons
présenter des amendements lors de l'étude
article par article pour bonifier le projet de loi, et, M. le Président, soyez
assuré de l'habitude de collaboration de la Coalition avenir Québec dans
les travaux parlementaires. Merci.
• (9 h 30) •
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup pour ces remarques préliminaires.
Auditions
Alors,
tel qu'annoncé un peu plus tôt, nous accueillons dans un premier temps les
représentants de la Compagnie de
tabac sans fumée nationale. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation d'une dizaine de minutes... pas d'une dizaine de
minutes, de 10 minutes. Par la suite, vous aurez le loisir et l'occasion
d'échanger avec les parlementaires.
Alors, pour les fins
d'enregistrement, je vous demanderais de bien vouloir prendre le temps de vous
nommer, préciser vos fonctions, et par la suite la parole évidemment est à
vous. Alors, merci. La parole est à vous.
Compagnie de tabac sans
fumée nationale ltée
M. Adams (Jeremy) : Merci, M. le
Président. Je m'appelle Jeremy Adams et je suis le directeur des affaires
gouvernementales et corporatives à la Compagnie de tabac sans fumée
nationale : CTFSN.
La
CTSFN est une société basée au Québec établie à Pointe-Claire. Nous sommes le
distributeur canadien de produits de tabac
sans fumée vendus au Canada sous les marques Copenhagen et Skoal. Le tabac
sans fumée est consommé oralement et
n'est pas fumé. Nos produits sont disponibles au Canada depuis 1913 et sont
vendus au Québec dans plus de 900 établissements de vente
de détail. Chez la CTSFN, nous sommes fiers d'être un chef de file dans la
fourniture responsable de produits du tabac
sans fumée aux consommateurs adultes de tabac. Un des buts de notre mission est
d'aider la réglementation raisonnable
du tabac à atteindre ses objectifs en appuyant l'élaboration et la mise en
oeuvre de règlements visant à améliorer la santé publique et à
reconnaître les droits individuels et les préférences des consommateurs.
Les
produits du tabac sans fumée sont disponibles dans un large éventail de
saveurs, certains ayant une saveur ou
un arôme dominants distingués autres que le tabac. De telles variétés de
saveurs n'ont rien de neuf : certaines des saveurs des produits du
tabac sans fumée, y compris pêche et pomme, ont été brevetées au XIXe siècle.
Nous
estimons que l'interdiction des produits du tabac sans fumée avec des saveurs
autres que le tabac n'est pas une
façon efficace de résoudre le problème du tabagisme sans fumée chez les
mineurs. De plus, les consommateurs de tabac
adultes ont de tout temps fait preuve d'un intérêt marqué pour le tabac sans
fumée avec des saveurs caractérisantes comme
la menthe et le thé des bois. Par conséquent, cette interdiction est injuste
pour les consommateurs de tabac adultes qui préfèrent ces saveurs de
produits du tabac sans fumée. Nous estimons également que toute réglementation
liée au tabac aromatisé devrait tenir compte
de l'histoire des aromes à l'intérieur de chaque catégorie de tabac. Au lieu
d'une interdiction privant les consommateurs de tabac adultes des
produits qu'ils préfèrent, l'accent devrait être mis sur la commercialisation responsable, la vente au détail
responsable et la réduction de l'accès des mineurs aux produits du tabac.
Et maintenant
j'aimerais introduire notre président, Jean-François Turcotte, à vous adresser.
M. Turcotte (Jean-François) : Merci
beaucoup. Jean-François Turcotte,
président de la compagnie sans fumée nationale.
Comme
Jeremy l'a déjà dit, notre compagnie maintient une forte présence dans la
province du Québec depuis plus d'un siècle. Notre siège
social est situé à Pointe-Claire, malgré que le Québec soit un de nos plus
petits marchés. Nous avons 56 employés, dont
le tiers sont au Québec. La plupart de ces 19 employés soutiennent nos
affaires nationales à partir de notre
siège social à Pointe-Claire. Nos contributions à l'économie québécoise
sont importantes : plus de 3 millions de dollars en salaires, en dépenses d'affaires et en impôt, presque
1 million en taxe sur le tabac et environ 2,5 millions versés à des fournisseurs québécois
pour soutenir nos affaires nationales, sans tenir compte bien sûr des impacts
économiques liés à toutes ces dépenses.
Le
gouvernement et le projet de loi
n° 44 ont trois objectifs que
j'aimerais adresser. Le premier objectif : prévenir la consommation des produits du tabac, particulièrement chez les jeunes.
L'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues — ECTAD — indique
une faible prévalence de consommation de tabac sans fumée chez les jeunes.
Selon l'ECTAD, en 2014, moins de 1 %
des jeunes âgés de 15 à 19 ans et des jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans ont
signalé avoir consommé du tabac sans
fumée dans les 30 derniers jours. Ces résultats n'ont pas changé depuis
1999, la première année que cette
question a été posée dans cette étude.
C'est aussi important de reconnaître que le prix du tabac sans fumée est très élevé : environ 20 $ la
boîte, plus TPS, ce qui est presque le double d'un paquet de cigarettes. De
plus, le marketing des produits de tabac est interdit au Québec, et il y
a aussi une interdiction sur la visibilité des produits au détail. Le deuxième objectif est de protéger les non-fumeurs
de la fumée secondaire; nos produits ne sont pas fumés. Le troisième objectif est de favoriser l'arrêt du tabagisme, de
réduire la prévalence de 22 % à 16 % d'ici cinq ans. Le tabac sans
fumée a des ventes très faibles par
rapport à tous les autres produits du tabac au Québec. Nos produits
représentent 0,05 % de tous les tabacs vendus au Québec. Dit
autrement, on parle de la moitié de 1/10 de 1 %. Alors, nous parlons d'un
petit marché, d'un produit établi et niche sans croissance significative.
Nous
avons des doutes importants quant à la définition du gouvernement «des produits
du tabac comportant une saveur», dans
le projet de loi n° 44. Spécifiquement, le projet de loi n° 44
interdit la vente de tous les produits du tabac comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac, parce qu'on
observe un intérêt pour ces produits chez les jeunes. Tel que rédigé, ce projet de loi pourrait avoir des conséquences
non souhaitées en ce qui concerne les produits du tabac sans fumée. La fabrication de nos produits est très complexe.
Plusieurs de nos produits contiennent des additifs ou des arômes mais n'ont pas de saveur
caractérisante. Nous demandons une exemption pour le tabac sans fumée pour
des raisons que, nous pensons... sont très
valides et raisonnables. Nous proposons un amendement au projet de loi
n° 44, que vous avez déjà reçu,
j'espère bien. La notion d'un amendement pour notre catégorie de produits n'est
pas nouvelle. Par exemple, dans
d'autres juridictions, en 2009, au niveau fédéral, le projet de loi C-32 a
offert une exemption pour le tabac
sans fumée et aussi le tabac à pipe à cause de leur faible prévalence chez les
jeunes. Aussi, au Manitoba, en 2014, le projet de loi n° 52 a
offert une exemption pour le tabac sans fumée et le tabac à pipe.
Alors,
en conclusion, pour les raisons que nous venons d'énumérer, nous croyons que le
tabac sans fumée devrait être exempté
du projet de loi n° 44. Je vous remercie pour votre attention. Si vous
avez des questions, ça nous ferait plaisir de les répondre.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, sans plus tarder, nous
allons maintenant débuter la période d'échange, et, pour un premier bloc
de 23 min 30 s, je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, M. Turcotte et
M. Adams, merci beaucoup d'être là et de nous faire part de vos commentaires et de vos réflexions. J'ai entendu vos
propos et j'ai le goût d'entrer dans le vif du sujet. Bref, est-ce que
vous reconnaissez que les produits du tabac, notamment les produits du tabac
sans fumée, dont vous parlez, ont des effets
importants sur la santé des gens? Parce qu'on sait que, le tabac — c'est prouvé — médicalement parlant, qu'il y a des
coûts reliés à la santé.
Vous
faisiez part des chiffres d'affaires, mais il y a aussi des coûts importants
pour la santé, des coûts importants dans
le système de santé mais aussi des coûts importants pour les personnes, mais
est-ce que vous reconnaissez que les produits du tabac sans fumée ont
aussi des effets nocifs importants pour les citoyens, pour la santé?
M.
Turcotte (Jean-François) : Merci. Bien, en ce qui concerne nos
produits, nous ne faisons aucune déclaration relative à la santé.
Par contre,
il y a un consensus de la communauté scientifique, médicale et de la santé
publique que la consommation du tabac
sans combustion est considérablement moins nocive pour la santé que les cigarettes.
Ce consensus est fondé sur des
résultats de recherches approfondies par plusieurs organismes de santé
publique, y compris l'OMS, le Comité scientifique
des risques sanitaires émergents et nouveaux de la Commission européenne, ainsi
que par le Collège royal de médecine
du Royaume-Uni. Alors, les effets nocifs causés par la consommation du tabac
sont principalement attribuables à la
cigarette. Les résultats scientifiques démontrent clairement qu'il y a un
continuum de risques associés aux produits du tabac. Les cigarettes conventionnelles sont à une extrémité du
continuum de risques présentant le risque le plus accru en raison de la
combustion et de l'inhalation de la fumée du tabac.
• (9 h 40) •
Mme
Charlebois :
Je vous entends, mais, quand vous dites : C'est moins nocif, j'entends en
même temps qu'il y a un certain
élément de nocivité. Est-ce que vous confirmez ça? Est-ce que vous reconnaissez
que le tabac sans fumée comporte aussi un danger?
M.
Turcotte (Jean-François) : Santé Canada et les autres autorités de
santé publique ont déterminé que les produits du tabac sans fumée créent une dépendance et peuvent causer des
maladies. Nous croyons que les consommateurs et les consommateurs potentiels de produits du tabac sans
fumée devraient être orientés par les messages des autorités de santé
publique au niveau mondial quant à tous leurs choix relatifs aux produits du
tabac sans fumée.
Mme
Charlebois :
Mais, si je ne me trompe pas, le rapport de l'OMS faisait part aussi de tous
les produits du tabac, non, dans
leurs recommandations, là, où ils nous demandent d'être prudents? À travers le
monde, la tendance, ça touche aussi le tabac sans fumée. Est-ce que je
me trompe?
M.
Turcotte (Jean-François) : C'est sûr que c'est un produit du tabac,
mais ce qu'on dit, c'est qu'il y a un continuum de risques et il y a des produits du tabac qui sont beaucoup plus nocifs
pour la santé que d'autres. Alors, pour ceux qui ne veulent pas ou ne
peuvent pas arrêter de fumer, il y a des produits beaucoup moins nocifs pour la
santé.
Mme
Charlebois : O.K. Donc, ce n'est jamais sans risque, mais vous
considérez que vous êtes le produit qui est moins à risque dans les
produits du tabac.
M. Turcotte (Jean-François) : Absolument.
Mme
Charlebois : Mais vous reconnaissez aussi que ça crée une
dépendance. La dépendance, c'est la même que de fumer, là. À partir du moment où il
y a du tabac, c'est une dépendance à la nicotine.
M. Turcotte (Jean-François) : Oui.
Le tabac crée une dépendance.
Mme
Charlebois : O.K.
Dites-moi dans quelle mesure on pourrait exempter les produits du tabac, là,
quand on... Si vous nous dites,
là : Vous devriez exempter les produits du tabac sans fumée, concernant
l'aromatisation des produits, dites-moi
comment êtes-vous capables de nous garantir que les jeunes ne vont pas
consommer davantage de produits, puisqu'elles vont être interdites, les
saveurs, dans toutes les autres sphères des produits du tabac.
M. Turcotte
(Jean-François) : Si on regarde l'histoire des produits du tabac sans
fumée — on parlait
de l'ECTAD — on parle d'une prévalence, chez les jeunes
et les jeunes adultes, de moins de 1 %. Ce niveau de prévalence n'a pas changé depuis 15 ans, alors on ne voit pas
vraiment de croissance, et c'est dans un environnement où les saveurs
étaient permises. Alors, c'est un ancien produit, c'est un produit établi niche
sans croissance significative.
M. Adams
(Jeremy) : Et aussi c'est un produit très cher, c'est 20 $ pour
chaque canette. C'est très cher pour les jeunes. Et il n'y a aucune
visibilité pour les ventes de détail aussi au Québec.
Mme
Charlebois :
Mais, considérant qu'on éliminerait la saveur des autres produits du tabac,
est-ce que vous ne pensez pas que les
jeunes vont être portés, même... Vous savez très bien que les jeunes sont
capables d'obtenir certains moyens,
revenus par leurs parents, par toutes sortes de façons. Est-ce que vous ne
croyez pas que le fait qu'il y a l'interdiction
des saveurs dans d'autres produits pourrait faciliter ou attirer les jeunes
vers vous? Je me pose la question. Tu
sais, puis il y en a déjà, puis on sait que c'est déjà interdit pour les
mineurs, là, puis on sait qu'il y en a qui utilisent ces produits.
M.
Turcotte (Jean-François) : C'est un produit qui est disponible dans
seulement 900 dépanneurs au Québec. Comme je dis, c'est assez niche. Ce
n'est pas un produit populaire certainement au Québec. Il n'y a aucune
histoire, vraiment,
culture d'utilisation du produit. Alors, les saveurs ont été offertes pendant
des années, et on n'a jamais vu de croissance significative, surtout à
comparé à d'autres catégories de produits du tabac.
Alors, on
parle de quatre variétés différentes qu'on offre. On offre 20 produits
différents dans quatre variétés : première variété, on parle de goût de
tabac plutôt naturel; deuxièmement, à la menthe et au thé des bois — thé des bois existe dans le tabac sans fumée depuis les années 1950; on a aussi des
mélanges sans saveur caractérisante; et finalement on a des saveurs aux fruits, oui : cerise,
pomme, pêche, agrumes et baies. Ce n'est vraiment pas là que le marché performe.
Récemment, nous avons annoncé qu'on discontinuait certains de ces produits
justement parce qu'il n'y avait aucune performance,
les ventes diminuaient d'année en année. Alors, c'est un produit qui n'est
quand même pas facile à utiliser, c'est utilisé oralement. Et ce n'est
pas pour tout le monde, c'est vraiment une petite niche.
Mme
Charlebois :
Quand vous dites que vous avez retiré des produits, c'est les produits à saveur
que vous avez retirés?
M. Turcotte (Jean-François) : Oui,
oui : pomme, pêche, baies, oui.
Mme
Charlebois :
O.K. Vous savez que la saveur doit être caractérisante, là, ce qu'on parle dans
le projet de loi, là, elle ne doit
pas être vendue comme telle, là, il ne faut pas voir les saveurs, il ne faut
pas goûter la saveur, il ne faut pas sentir
la saveur. C'est de ça qu'on parle dans le projet de loi. Il peut y en avoir
dans le produit, mais pas au point où on goûte, on sent et on fait une
publicité avec ça. Vous avez compris ça, j'imagine?
M.
Turcotte (Jean-François) : On comprend, et c'est vraiment là où on a
de la misère. De la manière que le projet de loi est écrit, on ne trouve pas que c'est assez spécifique. Alors, c'est
quoi, le goût du tabac? Est-ce qu'il y a un goût de tabac? Comme j'ai mentionné, la fabrication est très complexe. Les
produits sont fermentés, ils sont âgés pendant des années, et, oui, il y a des additifs et des
arômes. C'est complexe, un peu comme un scotch, si vous voulez. Alors, on a
20 produits. C'est sûr qu'il y en a, c'est
très clair, c'est à la cerise, alors il y a une saveur caractérisante, mais la
plupart de nos produits n'ont pas de
saveur caractérisante, mais ils ont tous un goût unique. Alors, comment on peut
dire : Un produit a un arôme ou
un goût autres que le tabac? Alors, c'est quoi, le tabac? Avec une cigarette,
c'est peut-être facile, mais, avec un
produit comme le nôtre, qu'on consomme oralement, c'est très différent. C'est
une différente sorte de produit du tabac.
Mme
Charlebois : Ça ne
goûte pas les arômes. C'est ce que vous me dites?
M.
Turcotte (Jean-François) : Oh mon Dieu! Chaque produit a un goût
complètement différent. Jeremy, je ne sais pas si...
M. Adams
(Jeremy) : Les produits naturels; il y a trois produits naturels. Les
trois produits sont différents l'un contre
l'autre, mais tous sont des produits du tabac sans fumée. Il y a peut-être un
arôme peut-être différent l'un à l'autre, mais tous sont le tabac.
Mme
Charlebois :
Je comprends que chaque tabac peut goûter... il y a une particularité, mais
est-ce que vous pensez que c'est la
saveur qui fait une différence ou bien si c'est le tabac qui est différent?
Parce que, tu sais, on prend les fruits ou n'importe quoi, là... les
fraises des États-Unis puis les fraises du Québec, elles sont bien meilleures,
les fraises du Québec, hein, on va
s'entendre là-dessus, mais, bon, dans le tabac, il doit y avoir différentes
saveurs de tabac, je ne sais pas, je ne connais pas ça à ce point-là,
mais est-ce que ça goûte les fraises, est-ce que ça goûte les pommes, est-ce que... C'est ça, ma question, dans le
fond : Est-ce que c'est ça qui modifie le goût du tabac ou bien si c'est
le tabac par lui-même qui a un goût différent?
M.
Turcotte (Jean-François) : On ne fabrique pas le produit, on est
l'importateur et le distributeur, alors je ne peux pas peut-être répondre
à toutes vos questions. Le tabac, il y a différentes sortes de tabac, mais
c'est les arômes et les additifs qui sont
rajoutés au produit qui font qu'on a différents produits. La plupart de nos
produits ne sont pas des saveurs
caractérisantes, O.K., comme la cerise. Oui, on vend des produits à la cerise.
C'est des produits qui existent dans le tabac oral depuis les années 1800. On n'a pas de produit à la fraise, au
chocolat ou aux bonbons. Ça n'existe pas dans notre catégorie.
Mme
Charlebois :
Mais finalement ce que vous me dites, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de
produits chez vous avec une saveur autre que le tabac. Donc, ça ne
devrait pas avoir une incidence chez vous.
M.
Turcotte (Jean-François) : Non. Le tabac à la menthe ou au thé des
bois... le thé des bois existe depuis les années 50; la menthe, depuis
les années 80 dans le tabac sans fumée. Et ça représente quand même un
pourcentage important de nos ventes au
Québec, oui, mais ce n'est pas un produit où on observe un intérêt marqué chez
les jeunes. C'est des adultes. C'est des hommes. Je dirais, 99 %,
c'est des hommes qui utilisent nos produits.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous avez une idée... Parce que, là, vous me parlez de menthe, de
thé des bois. C'est donc des saveurs.
Est-ce que vous pourriez me parler des maladies qui sont engendrées par le
tabac sans fumée? Il y a certainement des conséquences au niveau de la bouche ou au niveau de la
gorge, au niveau... Il me semble, j'ai déjà entendu parler des gens qui avaient développé non
seulement de la dépendance, mais certaines maladies importantes suite à la
consommation de ces produits-là. Moi, je
n'en ai jamais consommé, là, mais ça a l'air qu'on laisse ça comme ça, dans
la bouche, collé au palais ou je ne sais pas trop, là.
• (9 h 50) •
M.
Turcotte (Jean-François) : Oui. Bien, comme j'ai mentionné, on ne fait aucune déclaration relative
à la santé. Par contre, Santé Canada
prescrit des avertissements sur nos emballages. Il y a quatre avertissements
que les consommateurs voient à chaque fois qu'ils achètent un produit.
Mme
Charlebois :
...excusez, M. le Président, j'ai coupé monsieur.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui. Non, allez-y, allez-y, ça va bien.
Une voix :
Pardon?
Mme
Charlebois : Non,
mais je suis trop passionnée. Vos produits, ils se vendent dans quel format?
Qu'est-ce que ça ressemble, ce que
vous vendez? Avez-vous ça avec vous? Pourriez-vous nous montrer un peu à quoi
ça ressemble?
M. Turcotte
(Jean-François) : Je ne montrerai pas la marque. C'est une canne...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Turcotte
(Jean-François) : Je ne fais pas de publicité.
Mme
Charlebois :
Non, non.
M.
Turcotte (Jean-François) :
C'est une canne ronde, comme ça, une boîte ronde. Alors, il y a
du tabac dans la canne.
Mme
Charlebois :
La mise en garde est toute petite?
M.
Turcotte (Jean-François) :
Non, ce qui est petit, c'est notre marque de commerce. Alors, la mise en garde,
c'est 50 % de l'emballage, alors : ce produit crée une forte
dépendance, ce produit cause des maladies de la bouche, l'utilisation de ce produit peut causer le cancer, et ce produit n'est
pas un substitut sécuritaire à la cigarette. Ce sont les quatre avertissements
que Santé Canada nous demande de placer sur l'emballage, et c'est ce qu'on
fait.
Mme
Charlebois : Ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas tant
que ça des jeunes qui consomment ce produit-là, mais ce qu'on m'indique, c'est qu'il y a des joueurs de baseball ou
football ou, en tout cas, des sportifs qui consommeraient ces
produits-là. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il n'y a pas des jeunes qui
copient les modèles des adultes?
M.
Turcotte (Jean-François) : Bien, je vais me fier à la recherche qui a
été faite, ECTAD, qui indique que moins de 1 % des jeunes et des jeunes adultes utilisent ce produit du
tabac. Le Québec représente 2 % de notre marché canadien, 2 %. Alors, je dirais que ce chiffre est
beaucoup moins élevé que ça, même au Québec. Alors, c'est ce que je sais. Ce
sont les faits que ce n'est pas un produit très populaire chez les
jeunes et il n'y a pas de croissance significative.
Mme
Charlebois :
J'ai une dernière question, M. le Président, qui me laisse un petit peu perplexe,
dans le mémoire. Peut-être que vous allez
être capable de m'expliquer ça. Considérant qu'on sait que, même la fumée sans
tabac... Tu sais, je comprends que
vous me dites que 1 % de la population canadienne consomme ces
produits-là, tout ça, mais 1 %,
c'est quand même 1 %. On sait que vous admettez que ces produits-là
peuvent aussi causer des maladies. On ne dit pas : Cause
automatiquement, mais peut fortement causer des maladies.
Quand vous nous
parlez, dans votre mémoire, de «fourniture responsable de produits du tabac
sans fumée», qu'est-ce que c'est qu'une
«fourniture responsable», qu'est-ce que c'est qu'une commercialisation
responsable de produits qui peuvent
rendre les gens malades? J'ai un petit peu de difficultés à comprendre à partir
de quand on a une fourniture responsable d'un produit qui peut nous
rendre malades. C'est une drôle de question, mais...
M.
Turcotte (Jean-François) : Bien, le but du projet de loi n'adresse pas
nécessairement la santé, les effets de santé.
Si c'était le cas, sûrement que les cigarettes conventionnelles en feraient
partie. Nous sommes partenaires avec ACDA, l'Association canadienne des
dépanneurs en alimentation, et leur association régionale au Québec. Nous
sommes un partenaire de taille dans leur
programme de formation du détaillant responsable, alors, ça s'appelle Pièce
d'identité. Tous nos employés sont
certifiés annuellement dans le cadre du programme. Nous encourageons aussi les
dépanneurs à se joindre au programme
Pièce d'identité. Alors, ce qui est important pour nous, c'est de
s'assurer que les jeunes ne peuvent pas se procurer du tabac ou, certainement, nos produits de tabac. Alors, c'est
ça qui est très important. C'est un produit pour adultes, seulement pour les adultes, un produit légal, et
nous faisons ce que nous pouvons pour empêcher les jeunes de s'en procurer.
Mme
Charlebois :
Là-dessus, on a la même préoccupation, M. le Président. Mais, manifestement,
les jeunes y vont encore, alors il va falloir...
M. Turcotte (Jean-François) : C'est
ça. Oui, il faut continuer.
Mme
Charlebois :
Vous avez vu dans le projet de loi qu'il faut intensifier... Et, quand vous
dites : Oui, les cigarettes ne
sont pas assujetties, on parle de saveurs. Quand je vous questionne, c'est sur
les saveurs, évidemment. C'est dans ce sens-là que je vous parlais de
fourniture responsable et de commercialisation. Puis, oui, pour les cigarettes
aussi, il va y avoir une interdiction de
saveurs, c'est clair. Bien, c'est dans le projet de loi. On va voir à la fin
comment ça sera adopté avec
l'ensemble des collègues. Mais, comme je vous dis, c'est ce qui est stipulé dans le projet de loi. À ce moment ici, je crois que j'ai un
collègue, le député...
Le
Président (M. Tanguay) : Oui, et je me ferai un plaisir de lui céder
la parole. Nous sommes toujours sur le même bloc, pour la banquette ministérielle, un six minutes encore, et je cède
maintenant la parole au collègue de Sainte-Rose.
M.
Habel : Oui. Merci, M. le Président. J'ai une question assez simple
pour nos invités, que je salue d'ailleurs, et tous les autres
parlementaires. C'est l'équivalent du tabac à mâcher, le produit dont vous
parlez. J'aimerais juste comprendre les composantes du produit.
M.
Turcotte (Jean-François) : Oui. Le terme «tabac sans fumée», c'est ce
qu'on appelle le produit, c'est une traduction du terme anglophone...
Une voix : C'est une
catégorie.
M.
Turcotte (Jean-François) : ... — oui, c'est une catégorie — en anglais, on appelle ça «smokeless
tobacco». Il y en a qui vont appeler
ça du tabac à chiquer ou de la chique. Nos produits ne sont pas chiqués. Ça,
c'est des feuilles de tabac qu'on
chique, tandis que nos produits, c'est simplement une petite pincée ou un petit
sachet que les gens se placent entre la lèvre et la gencive. Alors, des
fois, on va appeler ça du tabac à chiquer, mais ce n'est pas chiqué.
M.
Habel : Mais quelles sont les composantes du produit? À l'intérieur,
il y a du tabac, mais est-ce qu'il y a d'autres composantes importantes?
M. Turcotte (Jean-François) : C'est
du tabac; des additifs, des arômes et du tabac.
M. Habel : Est-ce qu'il y a des
additifs dans le produit?
M.
Turcotte (Jean-François) : Des additifs et des arômes, oui, dans le
tabac, oui, ce qui crée un goût différent pour chaque produit.
M.
Habel : Est-ce que vous pouvez juste élaborer un peu plus sur le
produit en tant que tel, juste pour permettre aux auditeurs de
comprendre quel est le produit qu'on parle en ce moment?
M.
Turcotte (Jean-François) : Quel est le produit? Bien, comme je dis,
c'est du tabac. La fabrication est, comme j'ai dit, très, très complexe. Je n'ai pas la recette, malheureusement.
On est le distributeur canadien. Alors, on parle d'un tabac avec des arômes
et des additifs que les gens utilisent oralement, une pincée, de l'eau.
M.
Habel : Parce que c'est un peu différent d'une cigarette qu'on inhale.
Est-ce qu'il y a des produits chimiques dans votre produit?
M. Turcotte (Jean-François) : Des produits
chimiques?
(Consultation)
M.
Turcotte (Jean-François) :
Non, pas que je sache. C'est du tabac. C'est du tabac. À tous les trois mois,
nous envoyons un rapport à Santé
Canada avec tous les ingrédients. Le fabricant, d'ailleurs, envoie un rapport à
Santé Canada avec tous les
ingrédients et le processus de fabrication. Alors, ça, je n'ai pas ça avec moi,
mais c'est offert au gouvernement.
M. Habel : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au
premier bloc d'échange, et je cède maintenant la parole, pour une
période de 14 minutes, au représentant de l'opposition officielle, le
collègue de Rosemont.
M. Lisée :
Merci, M. le Président. Alors, M. Turcotte, M. Adams, bienvenue. M. Turcotte,
vous avez dit plusieurs fois : Je ne fais aucune déclaration sur la
santé. Ça veut dire quoi, ça?
M.
Turcotte (Jean-François) : Ça veut dire que nous ne faisons aucune
déclaration. On parle de Santé Canada, qui donne des avertissements...
M.
Lisée : ...donne des avertissements, vous les avez lus, mais
est-ce que vous êtes d'accord avec ces avertissements?
M.
Turcotte (Jean-François) : Est-ce que je suis d'accord? Je ne suis pas
un scientifique, alors je ne sais pas ce que... Ce que nous savons,
c'est ce que la communauté scientifique et médicale nous dit. Nous ne faisons
aucune déclaration positive ou négative.
M.
Lisée : Ou négative. Vous ne faites aucune admission sur la
nocivité du produit que vous distribuez. Est-ce que vous reconnaissez
que le produit que vous distribuez a des effets négatifs sur la santé des
utilisateurs?
M. Adams
(Jeremy) : Oui...
M. Lisée :
Oui, vous le reconnaissez.
M. Adams
(Jeremy) : ...il y a des risques avec utiliser les produits du tabac.
M. Lisée :
Pardon?
M. Adams
(Jeremy) : Il y a des risques quand on utilise les produits du tabac.
M. Lisée :
Il y a des risques. D'accord.
M. Adams
(Jeremy) : Il n'y a personne qui dispute ces faits.
• (10 heures) •
M.
Lisée : Bon. Alors
donc, vous êtes d'accord pour dire que les utilisateurs de votre produit
savent maintenant, parce
qu'il y a des avertissements, sur les produits, émis par Santé Canada, que
l'utilisation du produit peut avoir des risques pour leur santé, à la fois des risques pulmonaires, des risques pour la
mâchoire, et que ce n'est pas un bon substitut pour la cigarette. Vous
êtes d'accord avec ça?
M. Adams
(Jeremy) : C'est selon la Santé Canada, c'est vrai.
M.
Lisée : Bon. D'accord. Alors, si le projet de loi fait en sorte
de réduire les arômes... Parce que le projet de loi n'interdit pas votre produit. Le projet de loi,
s'il est adopté, va faire en sorte que les arômes, donc le menthol et le thé
des bois, qui sont vos deux
principaux arômes depuis des années, et quelques autres... Donc, vous pensez
que ça va réduire la consommation de votre produit si le projet de loi
est adopté.
M.
Turcotte (Jean-François) : Je crois que oui. Oui, je crois que les
adultes ont leurs préférences dans les différents goûts de nos produits. Et, si on en enlève — on parle d'en enlever la plupart maintenant,
de la manière que le projet de loi est écrit — qu'est-ce
que les consommateurs vont faire, je ne le sais pas exactement, mais...
M.
Lisée : Vous n'avez pas de prédiction sur la réduction de la
consommation qui découlerait de l'application du projet de loi tel que
rédigé.
M.
Turcotte (Jean-François) : Vraiment, je ne le sais pas. Je ne peux pas
prédire qu'est-ce que les consommateurs vont faire. Est-ce qu'ils vont
adopter la cigarette conventionnelle, traditionnelle? C'est possible, je ne le
sais pas.
M. Lisée :
En ce moment, quelle est la proportion de vos produits qui sont vendus qui sont
aromatisés?
M.
Turcotte (Jean-François) : Au Québec, je dirais, bien, peut-être
30 % aux fruits, un 30 % menthe, thé des bois et un 30 %
plutôt naturel.
M. Lisée :
O.K. Donc, s'il n'y a pas du tout d'arôme, il y aurait un potentiel de
réduction de la vente de vos produits de 60 %.
M. Turcotte
(Jean-François) : C'est possible.
M. Lisée :
C'est possible.
M.
Turcotte (Jean-François) : C'est possible. Comment les consommateurs
vont réagir, je ne le sais pas. On ne le sait pas.
M.
Lisée : Donc, on aurait 60 % de consommateurs de moins de
tabac sans fumée, et donc une réduction de 60 % des risques pour
leur santé.
M.
Turcotte (Jean-François) : On assume que ces consommateurs-là n'iront
pas ailleurs fumer ou utiliser d'autres sortes de produits du tabac qui
sont possiblement plus nocifs pour la santé.
M.
Lisée : D'accord. Alors, ce n'est pas impossible,
effectivement, qu'ils se replient sur autre chose, mais, puisque le projet de loi abolit les arômes sur l'ensemble
des produits de tabac, si c'était l'arôme qui les intéressait, c'est-à-dire,
le menthol, ils n'ont nulle part où aller.
M. Turcotte
(Jean-François) : Je ne comprends pas la question.
M.
Lisée : Si ce qu'ils aimaient dans le tabac sans fumée, c'était
le menthol et qu'il n'y a pas de menthol dans les cigarettes parce qu'on les interdit aussi, il n'y
a pas de menthol dans les autres produits du tabac, ils n'auront nulle part
où aller pour prendre du menthol que d'acheter de la menthe chez un herboriste.
M.
Turcotte (Jean-François) : C'est vraiment une différente sorte de
produit. Alors, on dit : Si on élimine le menthol dans la
cigarette, les gens vont venir vers le tabac sans fumée au menthol. C'est ce
que vous...
M.
Lisée : Non. Ce que je dis, c'est que, si on interdit le tabac
sans fumée au menthol et qu'on interdit les cigarettes au menthol, les gens qui aimaient l'idée du
menthol, vos consommateurs, ils ne pourront pas aller à un autre tabac. Ils
vont peut-être prendre du thé au menthol, finalement, si c'est vraiment le
menthol qui les intéresse.
M. Turcotte
(Jean-François) : Je ne peux pas prédire ce que les consommateurs vont
faire quand on va leur enlever leur tabac.
Est-ce qu'ils vont aller à une autre sorte de tabac ou possiblement se le
procurer à l'extérieur du réseau légal? C'est aussi possible.
M.
Lisée : O.K. Mais il est raisonnable de penser que, toutes
choses étant égales par ailleurs, l'interdiction des arômes va avoir un impact de réduction de la
consommation. Il va y avoir du déplacement de consommation, mais il est
certain qu'il va y avoir une réduction de consommation.
M.
Turcotte (Jean-François) : Il pourrait y avoir une réduction. Encore,
je ne peux pas prédire ce qui va arriver avec ce changement.
M.
Lisée : Parce qu'on parle beaucoup des jeunes. Moi, je veux
bien... effectivement, je suis d'accord qu'on réduise le point d'entrée.
Et votre produit n'est pas un produit de point d'entrée. Je veux dire, on a vu
les joueurs de baseball cracher constamment,
etc., ça n'a pas l'air à prendre chez les jeunes de cette génération-ci. Ça a
été le cas peut-être dans le passé.
Votre produit n'est pas un produit de point d'entrée pour les jeunes, mais
c'est un produit parmi d'autres qui fait partie de la prévalence du
tabac, et donc des impacts négatifs du tabac sur la santé.
Et,
si notre objectif général, c'est de réduire la prévalence de l'ensemble de la
consommation du tabac et que la mesure
proposée, donc, l'abolition des arômes, a cet impact-là de réduire
l'utilisation de votre produit et des autres, donc on a atteint notre
objectif de réduire l'utilisation du tabac dans le public.
M. Turcotte (Jean-François) :
Nous, ce qui nous inquiète, c'est les conséquences non souhaitées, c'est les produits... C'est pour ça que, dans notre
amendement qu'on suggère, on rajoute le mot «caractérisantes» : des
saveurs «caractérisantes». Nous avons des produits qui n'ont aucune
saveur caractérisante, mais on dit qu'il ne peut y avoir aucune saveur ou arôme autres que ceux du tabac.
Alors, pour ceux qui ont le but de mettre en application cette loi, de
l'enforcer, lesquels de nos produits seraient acceptables et lesquels seraient
bannis? C'est très difficile à déterminer lorsqu'on lit le projet de loi tel
qu'écrit.
M.
Lisée : Très bien. Moi, j'aurais une suggestion à vous faire.
Je sais que vous êtes dans cette business-là, vous distribuez du tabac
sans fumée. Il est probable que nous allions de l'avant avec l'interdiction des
arômes, mais je suis sensible à l'emploi à
Pointe-Claire, et donc je vous suggérerais de vous mettre à distribuer des
bonbons au menthol et des bonbons au
thé des bois pour justement essayer de rattraper un certain nombre des
consommateurs qui, à ce moment-là, n'auront
plus de tabac, parce que je tiens à ce que les emplois restent. Et, de toute
évidence, il y a des gens qui aiment la saveur du menthol et de thé des bois et, donc, il y a un marché, là, il
y a un marché qui va se libérer. Alors, je vous suggère de réfléchir à
ça.
Une
dernière question. Vous dites : Le Québec n'est que 2 % de votre
marché au Canada. Quelles sont les provinces les plus consommatrices de
tabac sans fumée?
M.
Adams (Jeremy) : ...
M.
Lisée : L'Alberta?
M.
Adams (Jeremy) : Alberta. 40 % de notre vente, 40 %.
M. Turcotte (Jean-François) : C'est
surtout un phénomène de l'Ouest.
M. Lisée : De l'Ouest
canadien.
M.
Turcotte (Jean-François) : Alors, l'Alberta, c'est le plus gros
marché. L'Ouest canadien représente environ 75 % des ventes.
M. Lisée : Et le Stampede est
un moment important dans la vente de vos produits?
M. Turcotte (Jean-François) : Des
cowboys.
M. Lisée : Très bien. Je vous
remercie beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour vos réponses.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de
9 min 30 s.
Mme Soucy : Bonjour. Merci d'être
ici. J'ai bien écouté vos arguments.
Vous êtes
d'accord pour dire que le tabac sans fumée crée une dépendance. Vous l'avez dit
tantôt. Vous êtes aussi d'accord pour
dire qu'il y a des dangers qui sont reliés à ça. Puis, selon une étude qui a
été publiée en 1992, ils disent que votre tabac... le produit, en fait,
crée une plus grande dépendance en raison qu'il contient deux fois et demie
plus de nicotine qu'une cigarette, par
exemple. Donc, la dépendance est d'autant plus grande, puisqu'il y a deux fois
et demie plus de nicotine.
On sait qu'au
Québec 3 % des jeunes au Québec consomment, selon les chiffres de Santé
Canada, qui a effectué une enquête
sur le tabagisme. Donc, ça gagne quand même de la popularité chez les jeunes
sportifs. Il y a également l'OMS qui
disait que la vente du produit a augmenté de 10 % durant les cinq
dernières années. On sait, vous en avez parlé tantôt, bon, le Québec,
c'est peut-être une petite part du marché. Par contre, vous avez dit :
L'Alberta, le Manitoba... On sait qu'il y a
50 % des joueurs de hockey qui consomment le tabac sans fumée. C'est une
étude qui a été publiée en 2013. Alors, ça me porte à vous poser la question. Vous disiez tantôt que le
gouvernement fédéral avait exclu le tabac sans fumée parce qu'il était moins populaire chez les jeunes. Par
contre, avec les nouvelles études qui ont été faites depuis l'exemption du
gouvernement fédéral, est-ce que les
arguments du gouvernement fédéral qu'ils ont utilisés en 2009 seraient les
mêmes aujourd'hui quand on voit qu'il
y a une augmentation quand même de popularité chez les jeunes? En fait, je ne
m'y connais dans ce type de produit
là, mais j'aurais le goût de vous demander qu'est-ce qui fait en sorte que les
jeunes consomment ça. C'est une mode chez les jeunes sportifs, entre
autres?
M.
Turcotte (Jean-François) : Bien, ce que vous me dites, ça me surprend
un peu. Alors, je ne sais pas quelles études disent ça.
Mme Soucy : Ah! je peux vous envoyer
toutes les études que...
• (10 h 10) •
M.
Turcotte (Jean-François) : Il y a une étude, une grosse étude, c'est
l'ECTAD. Alors, on parle de moins de 1 % — moins de 1 % — des jeunes et des jeunes adultes qui
utilisent ce produit. On parle de croissance dans les cinq dernières années, nous représentons la majorité de cette
catégorie et, je peux vous dire, dans les dernières années, on n'a pas vu de
croissance, on a vu un déclin dans les
ventes. Alors, les chiffres que vous présentez, je ne le sais pas, d'où ils
viennent, mais...
Mme Soucy : ...
M. Turcotte (Jean-François) : De
Santé Canada?
Mme
Soucy : Oui, qui ont fait une enquête sur le tabagisme. Je vais
partager l'information avec vous si vous voulez.
Également,
vous parliez d'arômes tantôt. On sait que, bon, votre tabac est aromatisé. Le
fait, en fait, que le tabac soit
aromatisé augmente la consommation chez les jeunes, parce qu'il y a un goût, ça
goûte bon, hein? En tout cas, les jeunes
qui commencent puis qui se mettent le tabac à chiquer dans la bouche... puis,
si le goût est désagréable, bien ils ne
seront pas tentés à réessayer l'expérience. Le fait que, votre tabac à vous, on
dit qu'il... 70 % de vos produits sans fumée sont aromatisés, comparativement à un tiers dans
les cigarettes qu'on connaît sur le marché. Alors, le fait qu'on enlève,
parce que le projet de loi le dit, que ça va
être... en tout cas, s'il est adopté tel quel, que ça va être interdit...
alors, pour vous, j'aurais tendance à vous demander : Votre marché,
votre business... vous craignez pour votre business à ce moment-là?
M. Turcotte
(Jean-François) : Sûrement, il y a un risque sur la business, mais,
quand on parle de produits aromatisés... Le
projet de loi adresse spécifiquement le tabagisme chez les jeunes, et, je vais
répéter, les jeunes ne s'intéressent pas en grand nombre à nos
produits. Nos produits ont toujours été aromatisés.
M. Adams (Jeremy) : Au
Québec, 99,95 % des ventes de tous les produits du tabac, c'est les
produits autres que le tabac sans fumée. Si on veut résoudre le problème
de tabagisme, ce n'est pas d'éliminer une catégorie très petite comme le tabac sans fumée.
M.
Turcotte (Jean-François) : Qui n'a pas de croissance, qui a une
histoire de tabac aromatisé offert à des adultes depuis les années 1800. Et je compare ça un peu au tabac à pipe :
les tabacs à pipe sont aromatisés. Je ne crois pas qu'il y a beaucoup de
jeunes qui fument...
Mme
Soucy : Bien, en tout cas, moi, les études que j'ai lues disaient que
ça gagnait de la popularité chez les jeunes sportifs. Quand on parle de football, de joueurs de hockey, ça gagne de
la popularité. Puis c'est de là où est-ce que je dis qu'il y a quand même une inquiétude. Ça gagne de
la popularité chez les jeunes. On sait que, le tabac, comme il contient
deux fois et demie plus de nicotine, la dépendance est beaucoup plus grande
rapidement.
Écoutez,
ça a beau être un petit marché, mais, quand on sait toutes les conséquences
qu'il y a, bien les dangers sont là. Puis vous-mêmes, vous l'avez dit.
M.
Turcotte (Jean-François) : Je comprends. Si le tabac sans fumée
gagnait en popularité, on verrait des augmentations
en vente. Ce n'est pas le cas. Si le tabac sans fumée augmentait en popularité,
on verrait un changement dans
l'ECTAD, ce qu'on ne voit pas. Au Québec, on parle de 900 dépanneurs, on
parle de 190 000 canettes par année qui sont vendues. C'est quatre canettes par dépanneur par semaine. On
parle de quelque chose qui est gros comme ça, à comparé au monde du
tabac.
Alors,
c'est sûr, c'est quand même du tabac, oui, mais c'est une très petite catégorie
établie niche qui s'adresse aux adultes.
Mme
Soucy : J'ai une dernière question pour vous : Selon vos
connaissances, est-ce qu'il existe une contrebande d'un produit
similaire au vôtre?
M.
Turcotte (Jean-François) : On ne sait pas. On sait qu'avec les
cigarettes, oui, il y a une grosse contrebande. Mais on ne l'a pas
vraiment étudiée, non. Je ne pourrais pas vraiment commenter sur ça.
Mme Soucy :
Vous ne savez pas s'il y a de la contrebande de votre produit.
M.
Turcotte (Jean-François) : C'est sûr que les gens achètent le produit
aux États-Unis quand ils peuvent. Le prix
est beaucoup moins cher. En ce qui concerne le crime organisé qui importe des
produits américains, je ne peux pas vraiment dire à quel niveau que ça
existe.
Mme
Soucy : Vous disiez tantôt que le prix était élevé, c'est pour ça que
c'était moins populaire chez les jeunes. Donnez-nous un ordre de
grandeur des prix de votre produit.
M. Turcotte
(Jean-François) : Nos produits se vendent pour 20 $, 20 $ la
canette, plus TPS... alors, c'est ça,
19,79 $, et on parle de taxe d'accise fédérale de 6,57 $. Alors, nos
produits sont... une chose que je n'ai pas mentionnée, sont différents,
sont humides. Il y a de l'eau dans le produit, alors ils sont pesants. Nos
produits sont taxés de la même manière que
les cigarettes, le tabac à rouler, qui est très léger et sec. Le fédéral taxe à
un minimum de 50 grammes pour ce genre de tabac. Nos produits
viennent dans des canettes de 34, 23 ou 14 grammes. Alors, on taxe l'air,
si vous voulez. Alors, 6,57 $ en taxe fédérale d'accise, 5,07 $ en
taxe sur le tabac du Québec, on parle de1 $
en TPS, et la balance, c'est vraiment nos coûts, les coûts de fabrication,
d'importation, les marges des grossistes, les marges de profit des dépanneurs, alors, ce qui fait que c'est un
produit très, très dispendieux, le double du prix d'un paquet de
cigarettes.
Mme
Soucy : Vous êtes seulement distributeurs. Ce n'est pas fait au
Québec, ce n'est pas fabriqué au Québec. Vous êtes des distributeurs,
c'est ça?
M. Turcotte
(Jean-François) : C'est ça, oui.
Mme Soucy :
C'est fait où?
M. Turcotte
(Jean-François) : C'est fait aux États-Unis, oui.
Mme Soucy :
O.K. Merci.
M. Turcotte
(Jean-François) : Merci.
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, merci beaucoup, MM. Turcotte et Adams. Nous vous
remercions. Vous représentez la Compagnie du tabac sans fumée nationale. Merci
pour votre présentation.
Je
vais demander maintenant aux représentants de l'Association des propriétaires
de sheesha du Québec de bien vouloir prendre place et, dans
l'intervalle, je suspends nos travaux.
(Suspension de la séance à 10 h 17)
(Reprise à 10 h 23)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
accueillons maintenant les représentants de l'Association des
propriétaires de sheesha du Québec. Alors, bienvenue à votre Assemblée
nationale. Vous disposez d'une période de
10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les
parlementaires. Dans un premier temps,
j'aimerais évidemment que vous puissiez vous nommer, pour les fins
d'enregistrement, et préciser vos fonctions. Et vous disposez donc, dès
maintenant, de 10 minutes. La parole est à vous.
Association des propriétaires de sheesha du Québec
M. St-Onge
(Patrick) : Parfait. Merci. Donc, premièrement, j'aimerais saluer la
ministre Charlebois, qui a déposé le
projet de loi, et aussi tous les membres de la Commission de la santé et des services
sociaux du Québec. Je me présente, mon
nom est Patrick St-Onge, je suis le président de l'Association des
propriétaires de sheesha du Québec, donc, l'APSQ. Je suis également aussi propriétaire du Café
Hookah Lounge, qui est un établissement qui est reconnu par le ministère
de la Santé et des Services sociaux du
Québec en tant que salon de cigares qui est spécialisé en chicha. Je suis
accompagné du vice-président de l'association, M. Stelios Lekakis, qui
est aussi un propriétaire d'un établissement reconnu par le ministère, soit le Café Ramses à Brossard, et je
suis accompagné de Martin Guimond, qui est le directeur des communications
de l'association.
Donc, notre association, c'est une association
informelle qui a été créée dans un seul objectif, c'est-à-dire de protéger et faire valoir les droits de tous les
salons de cigares qui sont reconnus par le ministère et qui sont spécialisés
en chicha. En date d'aujourd'hui, on est
seulement 10 établissements qui possèdent une telle exemption par rapport à la
chicha. On est ici pour débattre du projet
de loi n° 44 sur le tabac, projet de loi qui actuellement nous enlève
notre droit acquis de vendre du tabac aromatisé dans nos établissements
ainsi que sur nos terrasses. Notre argumentation porte principalement sur trois faits : un, le fait que nous jouissons
d'un droit acquis octroyé par le gouvernement du Québec depuis 2005; deux, le fait que nous n'accueillons
pas de mineur dans nos établissements; et, trois, le fait que nous avons
fait des investissements importants, pour ne pas dire majeurs, par rapport à ce
droit acquis en 2005.
Pour ceux et celles qui ne connaissent pas très
bien la chicha, bien, la chicha, c'est un produit du tabac qui est composé de mélasse, c'est une glycérine — environ 60 % à 80 % du produit,
c'est cela — qui,
elle, bien est mélangée avec des feuilles de tabac qui sont à l'état
naturel et qui sont coupées en morceaux, ce qui correspond à environ de 20 % à 40 % du produit. C'est un produit
qui est originaire du Moyen-Orient, qui est destiné à être fumé dans une pipe à
eau. C'est quelque chose qui se
consomme dans un contexte social. La plupart des gens qui fréquentent nos
établissements sont souvent entre amis, viennent pour relaxer, discuter
entre eux et se partagent une chicha. C'est un produit qui est consommé de manière occasionnelle et qui est
beaucoup moins accessible qu'une cigarette. En effet, allumer une chicha,
c'est un processus qui est fort complexe,
comparativement à une cigarette. Il y a vraiment plusieurs étapes à respecter
pour allumer une chicha : tout le montage de la pipe à eau, le remplissage
du foyer, allumer le charbon, etc. Pour la cigarette,
bien, c'est très simple, on a juste à la sortir de notre paquet, de nos poches
et juste l'allumer pour la consommer.
Le principal
objectif de ce projet de loi, de ce qu'on comprend, c'est que c'est une lutte
contre le tabagisme chez les mineurs,
chose que l'on soutient grandement et que l'on applaudit aussi mais, par
exemple, qui ne nous concerne en aucun
point. Nos établissements sont des endroits qui sont tous de 18 ans et
plus, ce qui signifie qu'il n'y a aucun mineur qui peut les fréquenter. La plupart d'entre nous possédons aussi un
permis d'alcool, ce qui vient justement renforcer le point précédent. On vit dans une société de libre
choix où chaque adulte peut jouir de la liberté de fréquenter ou non les
établissements qu'il désire, donc pourquoi
primer... brimer, excusez, une population adulte et avertie qui désire d'autant
plus consommer nos produits en toute
connaissance de cause, au nom des mineurs qui n'ont même pas accès à nos
produits, car ils n'ont tout simplement pas accès à nos établissements?
Nous possédons un droit acquis depuis 2005 qui
nous permet d'opérer en toute légalité. Nos établissements disposent aussi de tous les permis nécessaires,
comme le permis d'importation, le permis d'agent-percepteur, etc. Nous respectons toutes les lois qui sont en vigueur, en
plus de contribuer à l'essor économique du Québec par l'intermédiaire de taxes de toutes sortes, comme la taxe d'accise
sur le tabac, la taxe de vente du Québec sur le tabac, la TPS, la TVQ, etc.
Si l'on réunit ensemble la dizaine
d'établissements qui sont reconnus par le ministère, on peut constater que nous
contribuons à la création de plus
d'une centaine d'emplois au Québec en plus de générer des revenus significatifs
à l'État québécois qui sont
approximativement de 2,5 millions annuellement, selon nos estimations.
Plusieurs d'entre nous avons fait des investissements importants par
rapport à notre droit acquis : nous avons pris des baux commerciaux
prolongés, nous avons acheté des immeubles,
nous avons fait d'autres ouvertures de commerce; le tout, en partie, financé
par nos établissements, qui possèdent cette exemption. C'est exactement
le cas de M. Lekakis et moi-même.
Si le projet
de loi est adopté tel quel, il nous devient tout à fait impossible de survivre
en se recyclant en autre chose. Sans
notre exemption et, par conséquent, les revenus reliés à cette exemption, on
est carrément voués à la faillite, parce que nos immeubles et nos autres commerces dépendent de nos revenus
actuels. Sans ces revenus, sur lesquels nous comptons, nous ne sommes pas en mesure d'honorer le paiement
de nos dettes respectives. Bref, le projet de loi tel quel nous met carrément en faillite. Il
faut bien comprendre que la vente de chichas correspond à plus de 40 % de
nos ventes globales, ce qui est une partie énorme. Sans chicha, il nous
est impossible de survivre, car les gens qui fréquentent nos endroits viennent spécifiquement pour ce produit. Si notre
commerce, qui est exempté, ne l'est plus, bien tout le reste coule avec lui.
Une
autre réalité très importante est le fait qu'il y a beaucoup d'endroits à
chichas qui sont illégaux et qui opèrent au noir. Ces endroits-là ne paient pas de taxe, et c'est malheureusement
souvent à cause d'eux que les jeunes consomment notre produit, parce
qu'ils tolèrent la présence de mineurs à l'intérieur de leurs établissements.
Leur prix de vente est pratiquement à notre
coûtant réel, étant donné qu'ils ne paient pas les taxes, ce qui vient
fortement jouer sur l'incitation des
jeunes à fréquenter ces endroits, qui offrent un produit qui est à coût
moindre. Nous sommes d'avis que nous sommes une partie de la solution à ce fléau, qui est présentement hors de
contrôle. En instaurant une collaboration étroite entre le gouvernement et les établissements reconnus, il
serait plus facile de contrôler la distribution de ce produit aromatisé.
Nous avons tous les permis nécessaires en
place. De plus, nous sommes tous soumis à la réglementation sur l'estampillage.
Ceci signifie que nos produits sont timbrés, donc sont identifiables mais aussi
retraçables dans nos établissements respectifs.
En d'autres mots, l'estampillage fait en sorte que toutes les taxes sont payées
et que le produit est normalisé.
La
réalité est que, peu importe la nature d'une prohibition, celle-ci ouvre
forcément une porte toute grande à la contrebande. En autorisant les
10 établissements reconnus, il devient possible de contribuer à freiner
une partie de ce marché noir, qui, lui,
engendre beaucoup de pertes, notamment au niveau des revenus de l'État, en plus
d'inciter nos jeunes à fumer, ce que nous ne voulons absolument pas.
Afin
de faire valoir et respecter nos droits fondamentaux, nous sommes d'avis qu'il
faudrait exempter salons de cigares
reconnus de toutes les clauses du projet de loi déposé en ce qui concerne nos terrasses, mais principalement sur tout ce qui touche l'interdiction de vendre du tabac
aromatisé dans nos établissements.
Bref,
nous sommes d'avis que ce projet de
loi nous cible et qu'il ne s'attaque
pas au problème à la source. Nous sommes
des établissements reconnus qui possèdent un droit acquis depuis
2005, qui agissent selon les lois en
vigueur, qui contribuent à l'essor
économique de notre province depuis plus d'une décennie et qui ne contribuent aucunement
au fait que les mineurs fument de nos
produits, car ils n'ont tout
simplement pas accès à nos établissements. Par conséquent — le
but premier de ce projet de loi est de lutter contre le tabagisme chez les mineurs — la
question que nous nous posons est, donc, la suivante : À la connaissance
de tous les points exposés ici ainsi que dans le mémoire que nous avons déposé,
pourquoi sommes-nous visés par ce projet de loi? Nous sommes des honnêtes
citoyens qui désirent poursuivre leurs opérations telles qu'à la présente en
conservant notre droit acquis, octroyé en 2005. Merci beaucoup de votre écoute.
• (10 h 30) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter les blocs
d'échange, et, en ce sens, je cède la parole à Mme la ministre pour un bloc de
25 minutes.
Mme
Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. St-Onge, M. Lekakis et M.
Guimond. Merci d'être là et de venir
partager avec nous votre mémoire mais aussi vos préoccupations. Et ce que
j'entends, c'est que vous voulez collaborer à faire en sorte qu'au Québec
on ait moins de problématiques avec le tabagisme.
D'entrée de jeu, je vais vous demander de me définir ce qu'est votre droit acquis, parce que
je pense qu'on n'a pas la même
compréhension. Alors, où vous voyez l'application de votre droit acquis? Qu'est-ce que ça concerne, votre droit acquis?
M. St-Onge
(Patrick) : En fait, c'est que...
Mme
Charlebois :
J'aimerais ça vous entendre sur votre compréhension.
M. St-Onge (Patrick) : Excusez. En fait, c'est qu'en 2005 on était des établissements qui étaient déjà ouverts, et
le gouvernement du Québec nous a donné une exemption de pouvoir continuer à
opérer les opérations qu'on faisait à ce moment-là, qui sont toujours
les mêmes opérations qu'on fait aujourd'hui.
Mme
Charlebois :
...de consommer les produits avec une chicha.
M. St-Onge
(Patrick) : C'est ça.
Mme
Charlebois :
À l'intérieur.
M.
St-Onge (Patrick) : Chichas,
cigares, mais nous autres, on est plus spécialisés en chicha. Le cigare est une
clientèle complètement différente, là.
Mme
Charlebois : Parce que,
selon ce qu'on m'indique, c'est que le droit acquis ne touche pas les saveurs
et ne touche pas les terrasses, dont vous faites mention.
M. St-Onge
(Patrick) : Vous voulez dire qu'on n'a pas un droit acquis par rapport
aux saveurs.
Mme
Charlebois : Là-dessus,
non. Vous avez un droit acquis, selon ma compréhension, de fumer, de permettre
aux gens de fumer de la chicha, mais les
saveurs ne font pas partie du droit acquis, et la permission de fumer ces
produits-là sur la terrasse ne
faisait pas partie du droit acquis. Ce qui était le droit acquis, c'est l'utilisation de la chicha avec les produits du tabac. Vous êtes d'accord avec
ça?
M. St-Onge
(Patrick) : Oui, mais en fait...
M. Guimond (Martin) : Mais les
saveurs sont intrinsèquement, en réalité, incluses dans la chicha.
Mme
Charlebois : Non, mais dans le droit acquis... je comprends
que vous vendez vos produits du tabac avec une saveur, mais, dans le
droit acquis, revenons au droit acquis, là...
M. St-Onge (Patrick) : Bien, vous
parlez par rapport à la terrasse ou par rapport à l'intérieur?
Mme
Charlebois : Par
rapport aux saveurs. Restons sur les saveurs, mettons.
M. Lekakis
(Stelios) : À propos des saveurs, il n'existe pas du tabac à chicha
sans saveur. Il n'y en a pas sur le marché canadien ni américain.
Mme
Charlebois : Il
n'y en a pas du tout?
M. St-Onge
(Patrick) : Non, il n'y a pas de... Bien, c'est pour ça que je ne
comprenais pas la question, parce que la chicha, à la base, c'est aromatisé. Il n'y a pas... en fait, il existe
une autre sorte de tabac, mais c'est complètement une sorte de tabac qui est différente pour fumer la
chicha. En fait, ça ressemble un peu à un cigare qu'on met sur la pipe à eau.
Mme
Charlebois :
Parce que ce que j'avais lu, c'est que ça existait avec tabac seulement. Mais,
comme vous dites, ça doit être un produit différent. Moi, je n'en
consomme pas, là, ça fait que c'est pour ça que je vous pose des questions, mais est-ce que c'est possible, vous le
dites vous-même, là, d'avoir du tabac
mais dans une forme différente? Mais ce que vous vendez majoritairement,
ce que vous m'indiquez, c'est avec les saveurs.
M. St-Onge
(Patrick) : Ça, on
n'en vend pas dans nos établissements. Le tabac, c'est une mélasse... c'est 80 %, à peu près, d'une mélasse qui est glycérine puis c'est des feuilles de
tabac qui sont mélangées dedans, et ils ont des arômes rajoutés. Il n'y
a pas de chicha à saveur de tabac en tant que tel dans les produits qu'on
utilise, là.
Mme
Charlebois :
Comment se fait la mixture de tout ça? Bref, quels sont les arômes? Est-ce
qu'il y a des ingrédients chimiques?
Est-ce que vous pouvez m'expliquer un petit peu plus comment ça fonctionne,
pour les gens à la maison qui nous
écoutent mais aussi pour les consommateurs, mais pour moi, là, qui dois
légiférer puis pour mes collègues, là,
nous l'expliquer plus en profondeur, étant donné que je suis certaine que je ne
suis pas la seule qui ne fume pas de la chicha ici, là, mais juste pour
bien saisir comment ça se passe?
M. St-Onge
(Patrick) : Bien, en voulant dire quand nous, on achète notre tabac, il arrive, bon, scellé, tout ça?
Mme
Charlebois :
Comment vous préparez tout ça?
M. St-Onge (Patrick) : Bon. Quand on ouvre le paquet, c'est vraiment un tabac qui est très visqueux,
très liquide, là, c'est vraiment de la... 80 % du produit est de la
glycérine, et le 20 % qui reste, c'est des feuilles de tabac qui sont
mélangées dans cette glycérine-là, et il y a des arômes naturels qui sont
ajoutés, là. Mais tout est produit outre-mer, principalement
au Moyen-Orient, les pays arabes. Donc, c'est vraiment un produit que nous,
quand on le reçoit, bien, on le
transfère dans des pots. Après ça, on fait la manipulation, on prend le tabac,
on le met dans ce qu'on appelle le foyer, qui est la tête sur le dessus de la chicha. Donc, nous, on met le tabac
là-dedans, puis ensuite, bon, il y a tout le procédé d'assemblage. Mais nous, on prépare les chichas
pour nos clients, comme ça, bon, on sait qu'on offre un produit qui est
normalisé et que... Dans le fond, tout ce qu'ils ont à faire, les clients,
c'est d'allumer, de fumer la chicha.
M. Guimond
(Martin) : Essentiellement, c'est de la glycérine, des feuilles de
tabac et des saveurs, en réalité.
Mme
Charlebois : Il
n'y a pas de produit chimique dans vos affaires.
Une voix : Non. Bien, il n'y
a rien de rajouté dedans.
Mme
Charlebois :
Est-ce que c'est exact de dire qu'avant 1993 il n'y avait pas de saveur dans
les chichas, selon toute vraisemblance?
M. St-Onge (Patrick) : Bien, à notre
connaissance, depuis...
Mme
Charlebois : Vous,
vous êtes jeunes un peu pour me répondre à cette question-là, là, hein?
Des voix : Ha, ha, ha!
M. St-Onge (Patrick) : Bien, j'avais
quand même 13 ans, là, mais, bon... Mais c'était quoi?
M.
Guimond (Martin) : Est-ce qu'avant 1993 il y avait... est-ce que c'est
vrai de dire qu'il y avait des chichas qui n'étaient pas aromatisées?
M. St-Onge
(Patrick) : Bien,
possiblement. Je ne peux pas répondre à 100 % à cette question-là, mais, à
notre connaissance, la chicha existe
depuis vraiment très, très, très longtemps, et ils ont toujours... en fait, ça
vient, comme je disais, du
Moyen-Orient, c'est eux qui ont développé cette sorte de mélange de tabac là.
Mais je ne peux pas vraiment vous répondre par rapport...
Mme
Charlebois : ...dans
le monde, qui ont développé les saveurs.
M. St-Onge
(Patrick) : ...avec saveur de tabac en tant que tel, là, mais je sais
que, pour les arômes, ça existe depuis très, très, très longtemps.
M. Guimond
(Martin) : Du moins, depuis aussi longtemps que les deux salons ici
sont ouverts, du tabac à chicha sans saveur n'a jamais existé.
Mme
Charlebois : Avant
1993, puis ça...
M. Guimond
(Martin) : Non, non. Je veux dire, depuis que ces deux établissements
sont ouverts, on n'a jamais vu l'existence de tabac à chicha sans
saveur. Peut-être avant 1993. Il faudrait vérifier.
Mme
Charlebois :
Mais il existe, le produit, sauf que vous ajoutez des arômes. C'est ce que vous
m'avez dit tantôt.
M. Guimond (Martin) : Non, les
arômes sont déjà...
M. St-Onge
(Patrick) : Le produit arrive déjà tout fait, là, on n'a pas rien à
faire, là. C'est complètement un procédé de fabrication qui est fait
outre-mer, puis on ne serait pas capable de le reproduire ici, là.
Mme
Charlebois : Le
tabac, la glycérine et la saveur.
M. St-Onge
(Patrick) : J'ai déjà personnellement essayé de recréer ça avec de la
mélasse, des arômes, mais ça n'a rien
à voir, là. C'est comme impossible à recréer, là, sans avoir tout le procédé
derrière ça puis l'expertise pour le faire aussi, là.
M. Lekakis (Stelios) : Aussi, pour
ajouter que la chicha, comme dans le mémoire, c'est très difficile, dans le contexte, de se promener avec, tu sais, comme une
cigarette, e-cigarette, pipe à tabac. C'est vraiment... il faut être assis...
M. St-Onge
(Patrick) : Ce n'est pas quelque chose qu'on peut s'allumer sur le
coin de la rue, parce que, bon, tu
sais, il faut mettre de l'eau dans le vase, après ça il faut attacher le corps
à la chicha, mettre un tuyau, puis on donne un petit embout pour que ça soit plus salubre... bien, en fait, pour que
ça soit salubre, pour ne pas que tout le monde fume sur le même embout. Ça fait que tout le monde a un
petit embout en plastique qui est scellé et complètement aseptisé à
chaque utilisation. Après ça, il faut mettre le foyer, le tabac dans la tête,
il y a un petit papier d'aluminium qu'il faut faire
des trous pour laisser passer la chaleur du charbon qu'on met par-dessus avec
la petite soucoupe pour recueillir les cendres
du charbon. Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on prépare sur le coin d'une
rue facilement, là, donc c'est pour ça qu'on... Je pense que M. Lekakis
voulait dire que ce n'est pas très accessible, là, comparativement à un paquet
de cigarettes qu'on fait juste sortir de nos poches, là.
M. Guimond
(Martin) : J'ajouterais juste qu'en réalité le tabac qui est reçu,
bon, non seulement il est timbré, les taxes
ont été payées, donc il a été approuvé par le gouvernement, mais justement,
quand il arrive, les saveurs sont toutes séparées. Donc, si vous voulez avoir, exemple, pomme, fraise, raisin,
peu importe... les produits arrivent déjà tout préparés, donc, il y a une standardisation qui est faite.
Donc, quand il y a des analyses qui sont faites, que ce soit par le ministère
de la Santé ou peu importe, il y a une standardisation. Donc, on s'assure que
le produit soit toujours constant.
Mme
Charlebois :
Mais, quant au contenu du produit, c'est le fédéral qui analyse ça, là, le
timbrage, et tout ça. Est-ce que, quand les gens consomment des produits
de la chicha, il se dégage une fumée?
M. St-Onge
(Patrick) : Bien, en fait, la fumée qui se dégage, c'est qu'est-ce qui
est expiré par le fumeur de chicha.
Mme
Charlebois : Au
même titre qu'une cigarette.
M. St-Onge
(Patrick) : Ce n'est pas tout à fait pareil, mais, en fait, la fumée
qui est expirée est... bien, on n'est pas
experts en la matière, mais, selon nos lectures, c'est une fumée qui est
principalement composée d'eau et de glycérine.
Mme
Charlebois : Mais
il y a du tabac dedans?
M. Lekakis (Stelios) : Il
y a la fumée, mais ça traverse l'eau. D'abord, c'est filtré quand même par
l'eau. Ce n'est pas exactement la même chose comme une cigarette ou...
M.
St-Onge (Patrick) : Après ça, c'est filtré par les voies respiratoires
du fumeur et après ça c'est expiré dans l'air ambiant, mais...
• (10 h 40) •
Mme
Charlebois :
Mais il y a combustion. Vous convenez avec moi qu'il y a combustion, il y a de
la fumée.
M. Guimond
(Martin) : Il y a une tête de chicha, il y a des trous dessus, il y a
un charbon qui est installé par-dessus pour
avoir une chaleur, et après ça, quand les gens aspirent dans un tuyau, il y a
une espèce de pipe avec de l'eau, la
fumée passe dans l'eau, elle est filtrée par l'eau avant d'être aspirée dans
les poumons, et après ça la personne la
rejette. Il n'y a pas de fumée secondaire comme une cigarette où
les gens peuvent l'avoir dans le visage, parce que c'est seulement
quand on expire, parce que la fumée s'en va indubitablement dans l'espèce
d'urne qui sert de pipe à eau, en réalité.
M.
St-Onge (Patrick) : Contrairement à la cigarette... quand elle, elle brûle puis que le fumeur de cigarette
ne l'aspire pas, il y a
ce qu'on appelle la fumée latérale, qui, elle, s'échappe dans l'air, alors
qu'on n'a pas ça sur la chicha parce
que la fumée du tabac est aspirée directement à travers le vase, qui, lui, est composé d'eau. Et aussi ce n'est pas...
en fait, selon les lectures qu'on a lues,
c'est que c'est une distillation à
peu près à 200 °C, parce que le charbon n'est pas en
contact direct avec le tabac. Donc, c'est chauffé à l'extrême pour pouvoir
consommer le produit.
Mme
Charlebois :
Selon ce qu'on m'a dit, selon les études, on m'a dit qu'il restait quand même
un 25 % à l'extérieur, dans l'air, là,
de fumée secondaire, puis on sait les conséquences de la fumée secondaire dans
l'environnement, mais j'ai encore mieux que ça ici. Selon l'Organisation
mondiale de la santé — puis
vous devez être au courant de ça — en l'espace d'une seule session — puis là on ne parle pas de la fumée
secondaire, on parle de ce qui est inhalé — en une
seule session de pipe à eau de 60 minutes, on inhale un volume de fumée
équivalent entre 100 et 200 cigarettes. C'est quelque chose, ça, là, là.
M.
St-Onge (Patrick) : Bien, vous avez vos études, nous, on a les nôtres.
Nous avons lu beaucoup d'études en la matière, mais on n'est pas experts
pour pouvoir discuter d'effets sur la santé, puis ce n'est pas notre but
principal aujourd'hui, c'est de...
Mme
Charlebois : En fait, je veux juste vous dire que ce n'est
pas mes études. L'Organisation mondiale de la santé, d'après moi, ils ont quelques spécialistes qui travaillent là,
puis c'est eux qui émettent ce commentaire-là, là, qui ont fait l'analyse de tout ça. Je fais juste vous
mettre de... tu sais, là? Est-ce que vous avisez vos clients de tout ça quand...
M. St-Onge
(Patrick) : On avise que c'est un produit du tabac. Oui, ils sont
conscients de ce qu'ils...
M.
Guimond (Martin) : C'est sûr que l'association a fait énormément de
recherches depuis les derniers mois. Il
y a des conclusions qui ont été trouvées avec des études qui semblent être
différentes. Mais, d'un autre côté, on n'est pas des experts en la matière, donc on ne peut pas donner nécessairement
de pronostic sur la consommation de tout ça. Effectivement, les clients sont avisés. Les études que nous, on possède
semblent démontrer des chiffres un peu différents, mais, si
l'Organisation mondiale de la santé semble dire...
M. Lekakis
(Stelios) : Mme Charlebois...
Mme
Charlebois :
Oui, je vous écoute.
M.
Lekakis (Stelios) : ...en
parlant de la fumée secondaire... Tous nos cafés, pour avoir eu l'exemption,
sont menés avec un système de pression négative...
Une voix :
De ventilation.
M. Lekakis
(Stelios) : ...de ventilation, pardon, négative. D'abord, nos endroits
sont très, très bien ventilés, il n'y a
pas la boucane et la fumée qui stagnent dans l'air, qui restent dans l'air.
C'est pris, c'est filtré, puis il est sorti dehors. C'était ça, un des
prérequis pour avoir l'exemption comme telle en 2005.
M.
St-Onge (Patrick) : Si je
peux rajouter. C'est un peu comme si on prend un barbecue, tu sais, on ne va
pas faire du barbecue à l'intérieur de la maison, parce qu'on sait que, bon, ça peut être un danger pour la
santé. Donc, notre système de ventilation vient simuler un peu comme si on
faisait du barbecue à l'extérieur. Donc, à
l'intérieur, on a un bon système
de ventilation qui fait en sorte que c'est comme si on fumait à l'extérieur, finalement.
Mme
Charlebois : Moi,
je vous amène là parce que vous êtes en accord avec nous sur le fait qu'on
veut interdire la fumée sur les terrasses et je vous dis qu'il y a de la
fumée...
M. St-Onge (Patrick) : Bien, en
fait, on est à l'extérieur, donc on est dans un endroit ventilé, donc...
Mme
Charlebois : Mais vous comprenez le paradoxe un peu, là? Vous
êtes d'accord à ce qu'il
n'y ait pas de fumée sur les
terrasses, mais pas pour vous autres.
M.
St-Onge (Patrick) : Bien,
c'est surtout sur le fait que justement on a un droit acquis puis on a quand même fait des investissements importants
pour justement faire ces terrasses-là. Puis là, si on se fait enlever ce
droit-là, bien il n'y a personne qui va venir sur nos terrasses pour
consommer, parce qu'ils n'auront pas le droit justement
de consommer nos produits.
Mme
Charlebois : Mais,
le droit acquis, là, il n'est pas question de vous l'enlever, là. Ce qu'on parle dans le projet de loi, c'est des saveurs, et des
terrasses, et des mineurs.
M.
St-Onge (Patrick) : Mais 100 % de nos produits sont avec saveur. Donc, si
on n'a plus le droit de vendre de la chicha avec des arômes, on n'a plus
le droit de vendre notre produit.
M.
Guimond (Martin) : Je sais que le parallèle est un peu bizarre, mais,
sans vouloir faire de parallèle boiteux, je dirais, c'est comme de dire : Bien, on n'interdit pas les
voitures, on ne va juste pas vous donner de gaz, les roues seront interdites. Donc, je vais avoir une voiture, mais
je ne pourrai pas m'en servir. C'est un peu ça. C'est que, dans l'optique
où les produits de la chicha ont toujours
eu, du moins... peut-être avant 1993, mais du moins depuis que ces
établissements sont ouverts, des
arômes, leur enlever et leur dire : Oui, vous pouvez vendre de la chicha,
mais vous n'avez plus le droit de
mettre d'arôme, c'est pour eux de dire : Bien, c'est la fin de mon
commerce, parce que ces produits-là n'existent
pas. Donc, je vais avoir le droit de
vendre quelque chose qui n'existe pas, donc je ne pourrai pas en
vendre, donc je vais fermer, je
n'aurai pas le choix. Puis, eux, je sais que, depuis plusieurs
années, étant donné qu'ils ont un droit acquis... puis, même si, au
niveau de la loi, il n'y a
pas de définition de saveur au niveau de la chicha, eux ont considéré que les droits
acquis qui étaient faits, bien c'était un droit acquis.
Ils
ont investi plusieurs centaines de milliers... pour
certains, des millions de dollars, pour être capables de faire grandir leurs entreprises. Et, quand, en l'espace
de quelques mois, en réalité, on leur dit : Bien, vous
n'aurez plus le droit de vendre de
tabac aromatisé et qu'il n'existe pas de solution de rechange, bien, pour eux,
la solution, c'est une fin de non-recevoir, donc c'est terminé pour eux.
Mme
Charlebois : Quand
vous me parlez de centaines de millions d'investissement, c'est à faire
quoi dans le salon de chichas?
M.
Guimond (Martin) : Non, j'ai
dit : Plusieurs centaines de milliers et, pour certains, quelques millions de dollars.
Mme
Charlebois :
O.K. Mais c'est quoi, les investissements qui sont faits dans un salon de
chichas?
M. Guimond
(Martin) : Bien, je donne un exemple... Oui, allez-y, M. St-Onge.
M.
St-Onge (Patrick) : Bien, si on prend mon exemple, bon, ça fait
11 ans que le Café Hookah Lounge est ouvert, et, récemment, avec
l'argent que j'ai ramassé avec le Café Hookah Lounge, j'ai acheté un immeuble
et j'ai ouvert un pub irlandais, qui est un
commerce tout à fait différent, mais ça a été financé en partie par le Café
Hookah Lounge. Donc, si je me
retrouve à ne plus être capable d'opérer le Café Hookah Lounge, qui a un
certain nombre de revenus qui ont été établis pour justement le
remboursement de mes dettes, parce que Dieu sait que j'ai beaucoup de dettes,
moi, je suis carrément voué à la faillite,
parce que l'argent qui a été investi, il suit le commerce que j'ai ouvert et
l'immeuble. Donc, tout est interrelié.
Mme
Charlebois : Vous êtes en train de me dire que vous prenez
vos profits du salon de chichas, les personnes qui consomment les
produits du tabac paient pour le pub irlandais. C'est ça que vous me dites?
M.
St-Onge (Patrick) : Non. Je suis en train de dire que mon commerce,
que j'ai fait pendant 11 ans de temps, réinvestit dans la société
québécoise.
Mme
Charlebois :
Oui, mais vos paiements vont pouvoir continuer.
M. St-Onge (Patrick) :
Bien, pas si je n'ai pas si je n'ai plus de revenu.
Mme
Charlebois :
Bien, le pub irlandais ne va pas générer ces revenus?
M.
St-Onge (Patrick) : Moi, sur mon droit acquis, j'ai estimé selon un
revenu annuel que j'ai, qui, lui, contribue à payer mes dettes, mais, si
je n'ai plus ce revenu annuel là... Je suis encore lié par un bail commercial,
qu'il faut que j'honore mes paiements. Après ça, bien, j'ai d'autres paiements
pour... hypothèque, etc.
Mme
Charlebois :
Pour votre salon de chichas.
M. St-Onge (Patrick) :
Donc, si je n'ai plus de revenus qui sont reliés à ça, je suis avec un autre
commerce en démarrage qui n'est pas
encore à profit, donc, je me ramasse carrément à ne plus être capable d'honorer
mes paiements puis je vais être juste voué à la faillite.
Mme
Charlebois : O.K. Mais les investissements ne sont pas faits
en rapport avec le salon de chichas, vous vous êtes parti un autre
commerce. C'est ce que j'entends.
M. St-Onge
(Patrick) : Oui, c'est ça.
Mme
Charlebois :
Est-ce qu'il y a d'autres genres d'investissement?
M. St-Onge
(Patrick) : Il y a M. Lekakis aussi, là...
M.
Lekakis (Stelios) : Moi, j'aimerais juste mettre un point là-dessus,
que le café que j'ai présentement à Brossard... pour ouvrir le même café, je donne un exemple, ça me coûterait
100 000 $. J'ai fait mes estimés. J'ai payé trois fois le prix, justement parce que j'avais ici la liste
avec les places, avec l'exemption, qui est publiée sur le site Web de santé et
services sécurité Québec. Ensuite de ça, vu
que le permis ou l'exemption, il ne va pas avec l'incorporation ou personne
morale, quoi que ce soit, ça va avec
l'adresse. Puis, vu que les condos commerciaux, parce que ça occupe deux condos
commerciaux, étaient à vendre, je les ai
achetés. Je les ai achetés dans un centre commercial qui est à moitié vide. Si
je pensais dans ma tête que je
n'aurais plus ce droit acquis, l'exemption, je n'aurais jamais fait
l'investissement pour acheter deux
condos commerciaux à plein prix dans un centre commercial qui est à moitié vide
sur la rue Taschereau. Je n'aurais jamais fait ça.
Présentement, si le
droit acquis ou les saveurs qu'on peut servir aux clients sont enlevés, ensuite
de ça, je suis pris à la gorge, parce que je
ne pourrai pas faire mes paiements d'hypothèque. Puis, le café, aussi j'ai des
paiements à faire encore pour le clairer.
M.
Guimond (Martin) : Il y a les baux commerciaux aussi qu'il faut
considérer. C'est que souvent, dans la majorité des cas, à part certaines exceptions, les gens sont locataires. Et puis,
quand on signe un bail de 10 ans... Et puis en général c'est par période de cinq ans. Les baux
commerciaux, Dieu sait qu'ils ne sont malheureusement pas réglementés, donc,
c'est souvent des baux très compliqués. S'il
nous reste quatre ans de bail à 75 000 $, 80 000 $ ou
100 000 $ par année de
loyer et puis qu'on nous enlève le droit acquis, bien on se ramasse en défaut
de paiement, donc automatiquement on se fait saisir puis on doit fermer
les portes parce qu'on ne peut pas payer notre loyer.
Mme
Charlebois :
Vous m'avez montré un page complète, là, de gens qui sont exemptés, mais, moi,
là, selon les informations dont je dispose, il y a seulement
10 salons de chichas au Québec.
• (10 h 50) •
M.
St-Onge (Patrick) : Oui, mais le reste, c'est des salons de cigares
spécialisés en cigares. Il y a 25 établissements, je crois, sur la
liste : il y en a 10 spécialisés en chicha puis il y en a 15 spécialisés
en cigares.
M.
Lekakis (Stelios) : En 2005,
il y en avait 56 qui avaient fait l'application, la demande pour être exemptés et il y en avait 30 qui étaient
acceptés. De ces 30 là... ici, sur la liste, j'en ai 25, mais la liste n'est
pas à jour, parce que j'en connais deux qui sont fermés là-dedans.
C'est ça, la liste.
Mme
Charlebois :
...les salons de cigares, là. C'est ce qu'on vient d'expliquer.
M.
Lekakis (Stelios) : Les
salons de cigares, mais parce que c'est tout inclus dans la même exemption.
C'est : salons de cigares, tabac à pipe, pipes puis chichas.
Mme
Charlebois : Oui.
Dites-moi — vous
me dites que vos clients ne sont pas des mineurs, évidemment,
parce que vous êtes des établissements licenciés — quel
âge ont, en moyenne, vos clients? Est-ce
que mon père, s'il était vivant,
pourrait aller fumer de la chicha chez vous?
M.
St-Onge (Patrick) : Oui.
Mme
Charlebois : Mais
la moyenne de vos clients... la moyenne d'âge de vos clients, quel âge ont-ils?
Moi, j'ai la perception...
M.
St-Onge (Patrick) : Bien,
j'ai des clients réguliers qui sont dans la cinquantaine comme j'en ai qui sont
à 25 ans.
Mme
Charlebois :
La majorité?
M. St-Onge
(Patrick) : Je dirais, entre 25 et 30 à peu près.
M. Lekakis
(Stelios) : Moi, parce que
je travaille au café, puis souvent... 90 % des fois, même si le client a l'air de 30 ans, 35 ans, mais ils sont avec des
gens qui ont l'air un peu plus jeunes... parce que je veux que mon staff
apprenne : quand
je ne suis pas là, on carte tout le monde, tout le monde, tout le monde, même
des gens qui sont comme : Es-tu sérieux? Tu sais, ils me donnent un air d'être comme ça. Puis, en moyenne, je
dirais que ma clientèle est d'environ 25 ans, mais on en a de tous les
âges. Moi, j'ai des gens qui viennent au salon qui ont 50 puis même 60 ans.
Mme
Charlebois : Moi, je voulais juste voir la moyenne.
Dites-moi, est-ce que vous savez ou vous êtes capables d'évaluer... Parce que, je vous répète, là, une
cinquantaine de bouffées de chicha sur une durée moyenne d'une heure, ça veut dire : on poffe 50 fois sur une
heure, ça vaut deux paquets de cigarettes. Le monoxyde de carbone présent dans
la fumée de la chicha est en quantité sept
fois supérieur à celui de la fumée de cigarette. Alors, vous devez être
conscients qu'il doit y avoir des maladies qui découlent de fumée de la
chicha.
M.
St-Onge (Patrick) : Encore là, on n'est pas experts en la matière.
Nous avons lu des lectures là-dessus, mais...
M.
Lekakis (Stelios) : Dans le fond, on sait que le tabac, ce n'est pas
bon pour la santé. On connaît ça. On le sait, ça. Ce n'est pas quelque
chose qu'on ne sait pas.
M. Guimond
(Martin) : Ce n'est pas contredire nécessairement certaines études de l'Organisation
mondiale de la santé, c'est sûr, mais ce qui a été trouvé quand même
par l'association semblait être un peu différent. En tout cas,
sans être nécessairement des experts, mais...
Mme
Charlebois :
En fumez-vous, vous, de la chicha, les trois?
M. St-Onge
(Patrick) : Oui, à l'occasion.
M.
Guimond (Martin) : Les gens
ne fument pas de la chicha comme ils vont fumer une cigarette. En en prenant
comme un paquet, c'est...
Mme
Charlebois : Non.
Je comprends. Mais, «à
l'occasion», ça veut dire quoi? Une
fois par mois? Une fois par semaine?
M. St-Onge (Patrick) :
Bien, ça dépend, là. Ça dépend des phases, là, je vous dirais.
M. Lekakis
(Stelios) : Tout dépendant du stress; une à deux fois par semaine pour
moi.
M. St-Onge
(Patrick) : Mais, tu sais, c'est quelque chose...
Mme
Charlebois : O.K. Ça
veut dire que vous fumez environ la quantité... Si vous faites ça sur une
cinquantaine de bouffées pendant une heure, là, vous avez avalé, deux
fois par semaine, de 15 à 25 cigarettes à chaque fois.
M.
St-Onge (Patrick) : Selon vos
études, peut-être. Comme je vous dis, nous, on a des études qui sont
contradictoires avec ça. Mais, de
toute manière, nous ne sommes pas venus ici, là, pour débattre de l'aspect
santé. Ce n'est vraiment pas notre objectif aujourd'hui.
Mme
Charlebois :
L'essence du projet de loi va là : de protéger la santé des gens.
M.
St-Onge (Patrick) : Non,
mais il faut comprendre aussi qu'on est dans une société
de libre choix. Chaque adulte de 18 ans et plus a le choix d'aller fumer une
chicha, d'aller prendre un verre d'alcool qui... L'alcool aussi, on
sait, quand ce n'est pas avec modération, comme avec le tabac, mais, oui, ça
peut avoir un danger pour la santé, là.
M.
Guimond (Martin) : Au même
titre que les cigares. Si on fume un cigare, là... je ne voulais pas dire «un barreau
de chaise», mais un cigare quand même
relativement très long... C'est un choix qu'on fait de se
présenter dans un salon de cigares et d'en prendre un, en réalité.
Mme
Charlebois : Puis,
juste pour contrecarrer votre argumentaire sur les recettes fiscales, je veux
juste vous dire — c'est
un fait, ça, là, là, on a les chiffres : Pendant que les recettes fiscales
nous apportent 1 030 000 000 $, ça nous coûte en coûts
directs... Le gouvernement, c'est tout nous autres, hein, ce n'est pas la troisième
personne du Saint-Esprit, là. En 2002, nos
estimés nous disaient que ça coûtait 4 milliards de dollars. Ça fait
qu'honnêtement ce n'est pas le... Vous ne devriez pas utiliser ça comme
argument, bref. Non, mais je vous dis ça comme ça, là, tu sais.
Moi, je n'ai pas
d'autre question. Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions?
Le Président (M.
Tanguay) : Mais alors merci beaucoup. Ceci met fin à ce bloc
d'échange. Je me tourne maintenant vers notre collègue de Rosemont pour un bloc
de 15 minutes.
M. Lisée : Merci, M. le
Président. M. St-Onge, M. Lekakis, M. Guimond, merci d'être là avec nous.
Je tiens à
corriger un élément qui a été mentionné par vous et par plusieurs
autres personnes que j'ai rencontrées en préparation de cette commission.
On dit : Bon, écoutez, ce qui est important, l'objectif, c'est de réduire
chez les mineurs... Ce
n'est pas exactement ce que le projet de loi dit. Il a des
mesures sur les mineurs, entre autres l'interdiction de la consommation de cigarette à l'intérieur des
automobiles, mais je vais citer : «Ce projet de loi modifie la Loi
sur le tabac afin de restreindre davantage
l'usage du tabac, tant dans les lieux fermés qu'à l'extérieur — donc,
restreindre l'usage du tabac, point,
pour tous.» Alors donc, lorsque vous nous dites : Bien, nous, on n'a pas
de mineur... Très bien. Je vous félicite. Je vous félicite de carter, je vous félicite d'être sévères, je vous
félicite de carter tout le monde. Moi, ça me fait plaisir quand je suis carté, hein, ce n'est pas le cas de tout le monde, ça me fait plaisir, hein, cartez-moi tant que vous voulez. Mais
l'objectif, c'est de réduire la consommation du tabac. Et on sait que les
arômes, en général, font en sorte que les gens
ont l'impression que c'est moins nocif, parce qu'ils fument du menthol ou ils
fument de la gomme balloune ou ils fument autre chose, bon.
Vous nous
dites que la chicha est toujours aromatisée. Bon, c'est peut-être
le cas maintenant, ce n'est peut-être pas le cas avant,
mais je tiens à vous demander : Quel est l'avertissement qu'il y a
dans vos établissements sur la nocivité de votre produit?
M. St-Onge
(Patrick) : Autre que de
dire que c'est un produit du tabac, comme je dis, on n'est pas des experts,
on ne peut pas spécifier exactement c'est quoi, les dangers reliés.
M. Lisée : O.K., mais il n'y a pas un affichage disant : La
consommation de chicha peut provoquer des troubles respiratoires, le
cancer du poumon? Ça n'existe pas, ça, dans vos établissements?
M. St-Onge (Patrick) : Je dirais
non. Pas dans le mien. Peut-être dans les autres. J'ai déjà vu... dans d'autres
établissements, c'est écrit : Oui, consommer un produit du tabac peut être
un danger pour la santé.
M. Lekakis
(Stelios) : Du tabac avec
une barre là-dessus puis ils disent : 18 ans et plus. D'abord, les gens,
j'imagine qu'ils comprennent que le
tabac, c'est nocif. En plus de ça, moi, je serais prêt... puis, je pense, tout le monde serait prêt à mettre une
affiche qui dit que... comme on voit sur les paquets de cigarettes ou quoi que
ce soit, qui dit que le produit de tabac,
c'est nocif pour les poumons, etc. Mais je vais revenir à un point que vous
avez fait, que c'est pour restreindre le monde de fumer.
Là, je vais
parler juste pour la chicha. La chicha, comme on l'a expliqué tantôt, c'est
très difficile de se promener avec ça
dans votre auto, sur le trottoir, il faut vraiment se déplacer, aller
ouvrir la porte, rentrer dans un établissement, s'asseoir, puis les gens le préparent
puis ils te l'amènent. Ce n'est pas la même chose que...
M. Lisée : Je comprends très bien. C'est très
difficile de fumer de la chicha en conduisant. C'est une bonne chose,
c'est une bonne chose.
M. Lekakis (Stelios) : Très
difficile. Très dangereux.
M. Lisée : Mais, écoutez, si on avait une affiche qui
disait : Une seule session de pipe à eau de 60 minutes de chicha est équivalente à fumer entre 100 et 200
cigarettes, si c'était écrit ça, là, dans le salon, là, en gros, là :
Rester ici une heure, pomper pendant
une heure, ça égale à entre 100 et 200 cigarettes, pensez-vous que vous auriez
moins de consommateurs?
M. St-Onge (Patrick) : Pas
nécessairement, non.
M. Lisée : Pas
nécessairement?
M. Lekakis (Stelios) : Parce qu'ils
ne viennent pas tous les jours. Ils ne viennent pas là à tous les jours.
M. Lisée : Bien, à 200
cigarettes l'heure, j'espère qu'ils ne viennent pas tous les jours.
M. Lekakis
(Stelios) : Mais on peut dire que... j'imagine, c'est la même chose
avec un gros cigare. Tu sais, un gros cigare, sûrement, ça équivaut à...
M. Lisée : À combien de
cigarettes? 10? 15?
M. Lekakis
(Stelios) : Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire, parce que...
mais c'est sûr que ce n'est pas la même chose comme une cigarette, ce
n'est pas la même chose.
M. Lisée :
Il y a une chose que vous dites sur les endroits... Bon, vous, vous êtes une
dizaine d'établissements, vous avez
eu un droit acquis en 2005. On comprend que, si vous déplacez votre établissement,
le droit acquis disparaît. Donc, on
voit que le législateur, en 2005, s'est dit : Bon, il en reste 10, on va
les protéger, puis, un jour, il y en aura zéro, parce qu'ils vont finir par déménager ou... Bon. Alors, c'est presque
une clause crépusculaire, là. C'était l'idée de dire : Bon, bien ça, ça va
rester, mais, un jour, il y en aura de moins en moins. Mais ce que vous dites,
c'est qu'il y a beaucoup d'établissements
illégaux de chichas, qui eux, là, ne sont absolument pas réglementés, où, là,
il y a des mineurs, etc. Vous avez une évaluation du nombre des ces
établissements illégaux?
• (11 heures) •
M. Lekakis (Stelios) :
Moi, j'en ai parlé, parce que, quand on a formé l'association, je suis allé à
toutes les places pour avoir les
signatures puis en parler, qu'est-ce qu'on va faire le 18 août, puis il y en a
deux... une qui m'a dit : Il y a
une cinquantaine... Montréal, Laval. Puis
l'autre m'a dit : 75. Moi, j'habite à Laval puis je peux vous dire 10 à 15
que je sais, il y en a 10 que c'est vraiment des salons de chichas, puis
il y en a un autre cinq, six que c'est des restaurants qui, après avoir mangé... ils t'amènent le chicha. J'ai été en face du
collège Montmorency, le cégep, puis il y a un nouveau centre d'achats là, puis je me promenais, puis
j'ai vu ça, puis c'était juste un petit restaurant, mais le monsieur était
assis à côté de la porte puis...
bien, à côté de la porte, de la vitrine, puis j'ai vu qu'il fumait de la
chicha, puis je dis... tu sais, c'est ça.
M. Lisée :
Et ça, normalement, c'est illégal.
M. Lekakis
(Stelios) : C'est illégal, absolument.
M. Lisée :
O.K.
M.
St-Onge (Patrick) : On n'a même pas le droit de servir de la
nourriture avec la chicha. Donc, aussitôt qu'on mélange les deux
ensemble, c'est sûr que ça ne respecte pas les règlements, parce que...
M.
Lisée : O.K. Donc, 10, 50, 60, 75 établissements illégaux,
c'est un vrai problème. En fait, ce problème-là est plus important que le vôtre
si notre objectif est de réduire la consommation de tabac, y compris via la
chicha. Est-ce que vous avez la capacité de déposer des plaintes? Est-ce
que vous êtes au courant...
Une voix :
...
M. Lisée :
Oui? Alors, parlez-moi de ça un peu.
M. St-Onge (Patrick) : Bien, en fait, il y a un numéro de téléphone pour
le Service de lutte contre le tabagisme, puis ça, on a...
personnellement, moi, j'ai souvent appelé. Je sais que, plus haut sur ma rue...
je suis sur Saint-Denis à Montréal, je sais
que, plus haut, il y a un établissement qui a ouvert il y a peut-être deux,
trois ans de ça. J'appelle à peu près
trois, quatre fois par année pour juste déposer une plainte, je donne
l'adresse, l'endroit, je dis : Bien, écoutez, à ma connaissance, il
ne fait pas partie de la liste de salons de cigares qui sont reconnus
spécialisés en chicha, puis...
M. Lisée :
Il ne se passe rien?
M.
St-Onge (Patrick) : Je ne sais pas ce qui se passe, parce que ça fait
trois ans de ça puis il est toujours ouvert.
M. Lisée :
O.K. Donc, vous avez...
M. Lekakis
(Stelios) : Je peux?
M. Lisée :
Oui. Vous...
M.
Lekakis (Stelios) : Je peux ajouter là-dessus qu'il y a un salon à
Laval que... et je sais la date, c'est ouvert depuis 2007. Puis ma nièce, quand j'ai acheté mon salon de chichas, elle
avait 17 ans puis elle dit : Mon oncle, je vais venir à votre établissement. Puis je connais son
âge, c'est ma nièce. J'ai dit : Mais, tu n'as pas 18 ans. Bien, elle
dit : Ça ne m'empêche pas de
fumer. Elle m'a nommé... je ne nomme pas la place, mais elle m'a nommé la place
à Laval où elle dit qu'elle puis toutes ses amies s'en vont là.
D'abord,
moi, j'avais une question à poser. D'abord, j'ai appelé ce numéro, puis en même
temps j'ai profité à en parler avec
le monsieur qui a répondu le téléphone, puis il m'a dit : Si je peux te le
mettre comme ça, cet établissement, il a
un dossier gros comme une pizza de quatre pouces, il dit, des plaintes, puis
des amendes, puis tout ça. Mais, les amendes, je peux vous dire quelque
chose, qu'ici on voit que les amendes sont de 400 $ à 4 000 $,
puis ils ne sont pas visités à tous les
jours, ils sont visités une fois, deux fois par année. Là, l'argent qu'ils
sauvent sur les taxes qu'ils paient sur le produit du tabac, parce que, sur le produit du tabac, ils ne le paient
pas... D'abord, moi, je sais que, 10 000 $ par année... si c'était pour ne pas payer les taxes puis payer
10 000 $ en amende, je sortirais gagnant, je sortirais avec plus
d'argent dans mes poches. D'abord,
quand j'ai parlé avec le monsieur puis j'ai parlé de ça, il m'a dit oui. Il
dit : Avec le nouveau projet de
loi — ça,
c'était l'année passée que j'avais parlé avec — avec le nouveau projet de loi, avec la
nouvelle loi qui sort, en espérant
qu'on a plus de pouvoirs, plus des dents — c'était ça, ses mots exacts — pour être capables de, quand on rentre
là une, deux fois... Après ça, on peut
mettre un cadenas puis fermer l'établissement parce que c'est... Puis je vais
vous donner un exemple : Est-ce qu'on peut ouvrir un bar sans
permis d'alcool? Il va venir une fois; tu n'as pas de permis d'alcool. Il ne viendra pas après six mois ou 10 mois,
il va venir tout de suite. Puis, si encore il trouve que tu sers l'alcool,
bien il va venir tout de suite encore après
ça, jusqu'à tant que tu ne peux plus payer ces amendes-là. Mais, s'il va...
parce que le monsieur me l'a dit carrément, qu'ils sont «not enough
staff», pas assez de...
M. Lisée :
Oui. Ils sont en sous-effectifs.
M. Lekakis (Stelios) : C'est ça.
M.
Lisée : Ils sont victimes de l'austérité libérale.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Lekakis
(Stelios) : On n'embarquera pas dans ça.
M. Lisée :
O.K. Je taquine la ministre. Écoutez, je pense que, là, vous soulevez un
argument essentiel, vous soulevez un
argument essentiel, qu'effectivement... Nous, on est au courant qu'autour de
cégeps en particulier des jeunes vont
consommer la chicha avec l'impression que... puis effectivement vous le dites
dans votre... c'est convivial, on est assis
autour, on discute, c'est relaxant, c'est aromatisé. C'est terrible, parce que
la nocivité est massive. Elle est massive, cette nocivité. Et je pense
qu'effectivement, lorsqu'on discutera avec la ministre article par article, on
devra s'assurer qu'effectivement il y ait les capacités de fermer tous les
établissements illégaux et d'avoir un réel contrôle là-dessus.
Maintenant,
vous, vous avez les droits acquis. Il est certain que le produit que vous
utilisez est un produit nocif. Il est
nocif pour les adultes que vous contrôlez. Et, si notre objectif
global, c'est de réduire la consommation de tabac, y compris chez les adultes, globalement, il serait possible qu'on décide d'utiliser une clause crépusculaire,
aussi, plus rapide disant : Bon, vous êtes une dizaine
d'établissements, dans un certain nombre d'années, on va vous demander de vous reconvertir. Tu sais, vous parliez des baux
commerciaux de cinq ans, etc. Évidemment, je vais vous poser la question, vous allez dire : Bien, on aimerait mieux
pouvoir continuer longuement, mais, si on était en situation
de décider de donner une période de grâce aux 10 établissements, de
quelle longueur cette période serait-elle raisonnable, selon vous?
Une voix :
Aucune.
M. Lisée :
Aucune?
M.
Lekakis (Stelios) : Mais, personnellement, je viens d'acheter la bâtisse, les condos commerciaux ça fait un an
à peine. J'ai encore 24 ans
d'hypothèque à payer. Puis, après l'avoir payée, qu'est-ce que je fais,
qu'est-ce que je fais? Comme j'explique, le centre commercial, c'est 50 %
vide, puis c'est le chiffre exact, c'est 50 % vide. On avait une rencontre avec l'association des condos, puis
justement... 50 % pile, c'est vide. Qu'est-ce que je fais après? Ça ne se
loue pas.
M.
Lisée : Oui. Vous êtes des commerçants, alors, vous passez à
l'immeuble, vous passez au pub irlandais. Je veux dire, moi, mon père était entrepreneur, il passait d'un commerce à
l'autre. C'est très malléable d'être entrepreneur, on peut avoir d'autres marchés. Et qui sait si on
va se retrouver ici dans quelque temps pour légaliser la vente contrôlée
de la marijuana? Alors, ça, ça va être un
bon marché. Alors, d'ici 24 ans, peut-être que vous allez pouvoir vous
reconvertir.
Vous
voyez, je donne des solutions aux autres : des bonbons au menthol, ici la
commercialisation de la marijuana. Mais
le fait est qu'on est sensibles à vos arguments et au fait qu'en 2005 vous avez
eu des droits acquis, mais nous sommes convaincus de l'immense nocivité de la
chicha. On est convaincus aussi que vous avez raison de dire que les
établissements illégaux sont un
problème plus grave que le vôtre. On veut embrasser l'ensemble, l'ensemble du
sujet. Et donc je vais vous laisser
là-dessus en disant qu'on est sensibles à vos arguments mais que, dans un monde
idéal où on voudrait se diriger vers une consommation zéro de tabac,
c'est évidemment zéro pour l'ensemble des produits du tabac.
M.
Guimond (Martin) : ...qu'on croit que l'association, dans le fond,
pourrait travailler avec le gouvernement pour s'assurer, et de un, qu'il y a quand même une standardisation des
produits, que les taxes soient payées, que ceux qui sont fautifs et qui vendent des produits illégaux,
malheureusement, ne restent pas ouverts. Et, puis pour compléter juste
la dernière question que vous aviez
posée : les baux commerciaux, en général, peuvent être de cinq à
10 ans, 15 ans, 20 ans. Ça peut jouer dans ces ordres-là,
en général. Mais c'est souvent entre cinq et 15 ans. La seule différence,
c'est que, quand il y a des immeubles
commerciaux qui sont achetés — puis Dieu sait qu'un immeuble commercial sur
Saint-Denis, c'est plusieurs millions
de dollars — bien,
dans des cas comme ça, les baux... ça peut être, mettons, un emprunt à long
terme qui peut être de 15 ou 20 ans sur lequel on a basé notre chiffre
d'affaires de notre salon de chichas pour payer l'hypothèque.
M. Lisée :
Je vous remercie, puis je vous souhaite bonne chance pour votre pub irlandais.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de
10 minutes.
Mme
Soucy : Merci, M. le Président. Alors, ceux qui ont déjà fréquenté les
salons de chichas comme je les ai déjà
fréquentés quelques années savent que c'est un lieu où les gens vont socialiser...
beaucoup de communautés, différentes communautés
culturelles. Alors, j'invite la ministre à aller visiter un salon de chichas.
Il y en a plusieurs, d'ailleurs, sur l'île de Montréal. La plupart sont
sur l'île de Montréal.
M. Lekakis
(Stelios) : ...risquent d'avoir une amende.
Mme
Soucy : Alors, depuis le dépôt du projet de loi, avez-vous eu des
discussions avec le gouvernement sur votre droit acquis?
• (11 h 10) •
M. Lekakis (Stelios) :
Moi, j'ai... parce que mon député, à Brossard, La Pinière, c'est le
ministre Barrette. J'ai été le voir
puis j'ai discuté de tous mes «concerns», puis il m'a parlé à propos du... où
on est aujourd'hui. Il m'a dit qu'il faut
que je m'inscrive ici, que la loi n'a pas passé. Il m'explique qu'on est dans
une démocratie, puis on va parler de ça, puis on va avoir les
consultations des citoyens, puis après ça on va prendre notre décision.
Mme
Soucy : O.K. Direz-vous que
le gouvernement, à
l'heure actuelle, ne fait pas son
devoir pour appliquer la législation qui est déjà en place pour, justement,
fermer les commerces de salon illégaux?
M.
Lekakis (Stelios) : Moi, je
vais... ça, c'est mes pensées puis ma logique, que, si la loi, en 2005, la loi
qui a sorti... puis que le gouvernement a fait l'exemption de cette liste des
établissements, si la loi était appliquée à la lettre, je ne pense pas
qu'on serait ici aujourd'hui. Parce que, même dans la Commission de la santé et
des services sociaux qui a été créée en
2013, ils marquent... on a ici quelque part, ils marquent que les places à
chichas non reconnues doivent être
fermées et la prolifération d'autres qui ouvrent... ils doivent être saisis, tu
sais, comme, ils ne devraient pas ouvrir. Ces places-là... pas juste
qu'elles sont illégales, ils ne paient pas leurs taxes, tout ça, on comprend
ça, mais je suis convaincu qu'ils laissent
les mineurs rentrer. Puis, en plus de ça, vu qu'ils ne paient pas les taxes,
leur prix, c'est vraiment... c'est
ridicule, 10 $ pour une chicha avec un thé gratuit. Premièrement, on n'a
même pas le droit de faire ça, on n'a pas le droit de donner quelque
chose gratuit quand ça vient au tabac, alcool.
M. Guimond
(Martin) : ...si effectivement il y avait seulement eu, mettons,
depuis les 10 dernières années, 10 établissements
qui opéraient, je crois que, face à plusieurs qui disent : Mon Dieu! c'est
un problème en ce moment, il y en a
donc beaucoup, c'est un problème social, on ne serait vraiment pas là, parce
que les gens diraient : Il y en a 10.
Mme Soucy :
Selon vous, est-ce qu'il y en... vous en connaissez, des commerces qui ont été
fermés parce qu'ils fonctionnaient de façon illégale?
M.
Lekakis (Stelios) : Moi, j'en connais de un qui n'était pas loin...
c'était à Longueuil, moi, je suis à Brossard, c'était à Longueuil, puis
il n'est pas fermé à cause des amendes ou rien, il a fermé parce que le
propriétaire du centre commercial, quand le
bail a terminé, il était tanné d'avoir tout le monde qui s'en allait là, puis,
tu sais, comme, mettons, la descente... parce qu'il y a eu plusieurs
visites policières parce que lui, il servait de l'alcool aussi sans permis.
Mme
Soucy : Donc, pensez-vous, là, que l'application, si on avait le
projet de loi tel quel et puis... l'application de la nouvelle loi va contribuer, en fait, à augmenter les
établissements illégaux? C'est un peu ça, le danger, parce que...
M. Guimond
(Martin) : ...établissements légaux...
Mme Soucy :
C'est ça, exactement, qui respectent la législation.
M. Guimond
(Martin) : ...puis probablement qu'il y en a 25 illégaux qui vont
ouvrir. Fort probable.
M. Lekakis
(Stelios) : Eux autres, les endroits illégaux... Moi, je peux vous
dire quelque chose, parce que je voulais
aller voir. D'abord, j'ai rentré, je n'ai même pas fumé, j'ai bu mon thé,
puis... pardonnez le langage que je vais utiliser, mais je ne trouve pas
d'autre mot, mais ils s'en fichent un peu, de qu'est-ce que les lois disent.
Puis même ils disent qu'on est légal, parce
que moi, je lui dis : Est-ce qu'on a le droit de fumer, es-tu dans la
liste d'exemptions? Oui, oui, oui. Puis, en moi, j'ai ri, je suis crampé
parce que je sais qu'ils ne sont pas sur la liste, tu sais.
Sur
la rue Crescent, il y a une autre place là, tu vas là, puis... et ça, et à ta
fenêtre... la fenêtre est là, puis ils sont assis à la table, puis ils fument, puis c'est illégal. C'est comme si
quelqu'un fumait la cigarette. Est-ce que ça sera toléré? Mais c'est
toléré, puis ça ne fait pas juste quelques mois ou quelques semaines, ça fait
des années, des années.
Mme
Soucy : O.K. Pour les propriétaires qui ont une pipe à eau, là,
personnelle à la maison, est-ce que c'est facile de se procurer le tabac
aromatisé au Québec ou ils vont plutôt l'acheter sur le Web?
M.
St-Onge (Patrick) : Bien, nous, on est des points de vente. Sinon,
bien, au Canada, il n'y a pas de sites Internet qui peuvent vendre du
tabac parce que ce n'est pas légal. Ils sont souvent importés des États-Unis,
puis souvent le problème qui est là aussi,
c'est qu'eux écrivent en anglais, là, «flavored molasses» et non «flavored
tobacco». Donc, souvent, quand ça
passe aux douanes, bien les taxes ne sont pas payées non plus dessus, la taxe
d'accise n'est pas chargée parce que ce n'est pas détecté.
Mme
Soucy : Si les saveurs sont interdites, en plus, comment que... Dans
le fond, il va y avoir de plus en plus... ils vont l'acheter sur le Web.
M. Guimond
(Martin) : Ça n'empêchera pas les gens...
M. St-Onge
(Patrick) : Ça ne les empêchera pas...
M. Lekakis (Stelios) : Je peux ajouter là-dessus qu'il y en a aussi, des gens qui l'achètent à Montréal, aux réserves aussi. Parce
que, quand ils arrivent puis ils nous
disent : Oh! 100 grammes, combien? Quand je leur dis : 59 $ plus la TPS, qui est 5 %, ils font le saut. Ils font le
saut : Hein, moi, j'achète ça pour 20 $. Mais il n'y a pas ce petit
timbre. Je dis ça à tout le monde...
bien, tout le monde qui me parle comme ça : Il n'y a pas ce petit timbre
qui s'en va dire que les taxes puis les droits étaient acquis là-dessus.
Mme
Soucy : Selon vous, là, combien se chiffreraient les pertes
économiques pour Montréal? Je dis «pour Montréal» parce qu'on sait que
la majorité des salons sont sur l'île de Montréal. Alors, combien se
chiffrerait la perte?
M.
St-Onge (Patrick) : ...évaluer, mais il faudrait établir le nombre
exact d'endroits qui opèrent dans l'illégalité.
Mme Soucy :
Dans la légalité.
M. St-Onge
(Patrick) : Bien, en fait, non, ça serait dur d'évaluer ceux qui sont
illégaux.
Mme Soucy :
Non, je parle de ceux qui sont, bien entendu, dans la liste, là, d'exemptions.
M. St-Onge
(Patrick) : Ah! O.K. vous parlez de ceux qui sont légaux.
Mme Soucy :
Bien oui, parce que, du jour au lendemain, si on...
M.
St-Onge (Patrick) : Bien, nous, on a estimé des revenus... bien, pour
tout, globalement, collectivement, pour l'État québécois et aussi au
fédéral, on parle d'environ 3,7 millions annuellement.
Mme Soucy :
O.K. À Québec, il y avait plusieurs salons de chichas, puis, du jour au
lendemain, bien ils sont fermés, puis il y en a plusieurs, en fait, qui se sont
recyclés soit en salons de thé ou en petits cafés. Est-ce que vous pensez que
c'est envisageable de faire ça, supposons, sur l'île de Montréal ou...
M. St-Onge (Patrick) :
Bien, c'est dur de se recycler en autre chose parce qu'il faut tout refaire le
concept de A à Z, il faut rebâtir la
clientèle de A à Z. Donc, souvent, il faut qu'on fasse tout le design à
nouveau, il faut réinjecter, dépendamment
de ce qu'on veut faire, facilement 100 000 $ et plus juste pour
rénover la place et après ça il faut se bâtir la clientèle. Moi, je suis justement en ouverture avec un pub irlandais
puis j'ai investi beaucoup d'argent, mais, bon, c'est dans mon immeuble, ça fait que j'investis à long
terme pour quelque chose qui m'appartient, mais, pour l'instant, comme
on dit l'expression, je mange mes bas, là.
Mme
Soucy : Dans votre mémoire, vous avez expliqué le système de
ventilation que vous avez. Est-ce que vous avez déjà eu la visite d'un inspecteur pour justement mesurer
l'efficacité de ça pour... en fait, pour que les effets de la fumée
secondaire soient diminués.
M. St-Onge
(Patrick) : ...j'ai eu, je pense, depuis que je suis ouvert, une
inspection...
Mme Soucy :
Vous avez déjà eu une inspection?
M.
St-Onge (Patrick) : ...une inspection par les inspecteurs. Puis
j'avais un petit problème avec ma ventilation pour l'évacuation de l'air
puis je l'ai réglé une semaine après, mais c'est tout ce qu'il m'a mentionné,
là.
Mme
Soucy : Et puis ça faisait combien de temps que votre commerce était
ouvert lorsque vous avez eu l'inspection?
M.
St-Onge (Patrick) : Je n'ai pas de notion de temps, mais, je dirais,
après... C'était plus dans les débuts, là, peut-être quand j'avais
peut-être deux, trois ans d'ouverture.
M.
Guimond (Martin) : ...complément à une question précédente. Plusieurs
d'entre eux sont déjà des salons de thé
avec des permis d'alcool, ce qui fait que, dans le fond, se recycler, ils vont
dire : Oui, mais je vends déjà du thé. Ça fait que c'est simplement pour eux, dans le fond, une perte financière
de ne pas vendre la chicha qui accompagne le thé.
M. St-Onge
(Patrick) : On parle quand même d'environ 40 % de nos ventes, là,
qui sont spécifiquement par rapport à la chicha.
Mme Soucy :
O.K. Parfait. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions,
les représentants de l'Association des propriétaires de sheesha du
Québec.
J'invite
maintenant les représentantes, représentants de la Fédération médicale
étudiante du Québec à prendre place et je suspends nos travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprise à 11 h 25)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît!
Nous
accueillons maintenant les représentantes, représentants de la Fédération médicale étudiante du Québec.
Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je
vous demanderais, pour des fins d'enregistrement, de bien vouloir vous
nommer, préciser vos fonctions. Et voilà, la parole est à vous.
Fédération médicale
étudiante du Québec (FMEQ)
Mme Veilleux Carpentier (Ariane) :
On se nomme?
Le Président (M. Tanguay) : Oui.
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) :
Donc, Ariane Veilleux Carpentier,
présidente de la Fédération médicale étudiante du Québec.
Mme
McNeil-Gauthier (Anne-Lou) : Anne-Lou McNeil-Gauthier, vice-présidente
aux affaires internes de la Division internationale et communautaire de
la FMEQ.
M. Dallaire (Julien) : Julien
Dallaire, vice-président de la Fédération médicale étudiante du Québec.
M. Galiano
(David Alexandre) : David Galiano, délégué aux affaires
internationales et communautaires de la FMEQ et président
d'IFMSA-Québec, la Division internationale et communautaire de la fédération.
Mme Ruel-Laliberté (Jessica) :
Jessica Laliberté, déléguée aux affaires politiques de la Fédération médicale
étudiante du Québec.
M. Giguère
(Philippe) : Philippe Giguère, président de l'Association des
étudiants et étudiantes en médecine de l'Université de Montréal.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Mme Veilleux Carpentier (Ariane) :
Merci, M. le Président. Mme la ministre déléguée, Mmes et MM. les parlementaires membres de la commission, je
m'appelle Ariane Veilleux Carpentier, je suis présidente de la Fédération
médicale étudiante du Québec. Je suis
accompagnée aujourd'hui par Julien Dallaire, Jessica Ruel-Laliberté, Philippe
Giguère, David Alexandre Galiano et
Anne-Lou McNeil, qui sont des membres de la FMEQ et d'IFMSA-Québec, qui est la
partie internationale et communautaire de la FMEQ, qui représente les
3 900 membres en médecine du Québec.
Si nous
sommes une si grosse délégation aujourd'hui, c'est parce que nous sommes très
heureux d'avoir la chance de se prononcer
sur le projet de loi n° 44, puisque nous sommes convaincus que les actions
qui découleront de l'adoption de ce
projet de loi vont influencer notre pratique future. En plus de coûter
plusieurs milliards de dollars au système de santé en coûts directs
et indirects, le tabac serait responsable d'environ une mort sur cinq au
Canada. Avec toutes les connaissances
médicales et scientifiques actuelles, il est regrettable que celui-ci demeure
la première cause évitable de mortalité.
Afin de renverser cette tendance, plusieurs mesures se retrouvant dans le
projet de loi n° 44 seront efficaces.
Nous avons
aussi quelques propositions pour vous qui, selon nous, devraient compléter la
loi telle que proposée. J'aborderai notamment les changements
nécessaires afin de freiner l'attrait des produits du tabac chez les jeunes;
les modifications pour diminuer les impacts
de la fumée secondaire; et la cigarette électronique, une nouvelle réalité à
laquelle nous faisons face de plus en plus.
Chaque année,
plusieurs milliers de jeunes Québécois s'initient à la cigarette. Ce qui peut
n'être qu'une expérience pour
certains devient une dépendance pour d'autres. On sait qu'aux États-Unis
88 % des adultes fumeurs ont commencé à fumer avant l'âge de 18 ans, et il n'en faut pas plus pour nous
convaincre que la solution au problème du tabagisme passe par la
réduction de l'initiation du tabac chez nos jeunes.
Le projet de
loi n° 44 interdit d'emblée l'aromatisation de tout produit du tabac.
Cette interdiction est nécessaire, car il s'agit de la première étape
pour diminuer l'initiation tabagique. Les produits aromatisés sont loin de
perdre en popularité et représentent
71 % des produits de tabac consommés par les jeunes du secondaire sur une
période d'un mois. Fraise, chocolat, banane, café, menthol, toutes ces
saveurs sont créées pour masquer le goût du tabac, le rendant plus accessible. Aussi, il est très important que
l'inclusion du menthol soit maintenue. Au Québec, chez les jeunes du
secondaire, encore une fois,
26 % des fumeurs ont fumé des cigarettes mentholées au cours des
30 derniers jours. En diminuant la toux, les effets de brûlure et le goût âcre, c'est
le produit parfait pour commencer à fumer. Un autre moyen efficace utilisé
pour capter l'intérêt de nos jeunes est l'emballage des produits du tabac. Nous
trouvons décevant de constater que l'emballage
neutre et standardisé n'ait pas été retenu comme lutte de mesure antitabac,
mais nous sommes rassurés d'entendre
la ministre déclarer qu'elle comptait agir au niveau d'un emballage via un
projet de règlement qui imposerait une
taille minimale pour les mises en garde. Nous encourageons par contre la
ministre déléguée à prendre en compte la question suivante : Considérant les précédents règlements sur
l'emballage et la façon dont les cigarettiers ont réussi à les contourner pour en arriver aux emballages que nous
connaissons aujourd'hui, comment son projet de règlement saura-t-il s'assurer de ne pas subir le même sort après un ou
deux ans d'ajustement par l'industrie? Nous souhaiterions également que le projet de loi n° 44 s'attarde à la
question des cigarettes minces. Ces cigarettes s'associent à l'image de la
minceur et s'adressent principalement
à un jeune public féminin. Nous recommandons donc l'interdiction de toute
cigarette dont le diamètre est inférieur à 7,5 millimètres ou dont
la longueur dépasse 70 millimètres.
• (11 h 30) •
En ce qui
concerne les impacts de la fumée secondaire, nous sommes heureux de constater
que l'interdiction de fumer sur les
terrasses des restaurants et des bars se retrouve dans le projet de loi. Le
niveau de particules fines dans l'air est un bon indicateur de l'impact
de la fumée secondaire, et il s'avère que plusieurs sections extérieures de bar
ou de restaurant ont un excédent parfois
important par rapport aux normes de l'OMS, cet excédent étant délétère
principalement pour les employés de
ces restaurants et ces bars, qui sont, la plupart du temps, des jeunes. Il a
aussi été démontré qu'il existe une forte association entre la consommation de
cigarette et la consommation d'alcool chez les jeunes de la vingtaine fréquentant les bars. En éliminant les cigarettes
des terrasses du Québec, on diminue donc aussi la tentation de fumer chez
certains fumeurs occasionnels pour qui la cigarette s'associe à la consommation
d'alcool.
Certaines craintes ont été rapportées par le
milieu de la restauration face à l'impact économique d'une telle interdiction sur leur affluence. Il est bien de
rappeler que ces mêmes craintes avaient été formulées sur la Loi sur le tabac,
implantée en 2005, mais qu'ici, au Québec,
comme ailleurs au Canada, aucun impact négatif à long terme ne semble avoir
été rapporté. Et, il ne faut pas l'oublier,
Montréal est actuellement la seule grande ville au Canada où il est encore
possible de fumer sur des terrasses.
Nous appuyons
également l'interdiction de fumer dans un véhicule lorsqu'il y a des enfants de
moins de 16 ans à bord. Malgré des efforts de sensibilisation
substantiels, quelque 91 000 jeunes de 12 à 19 ans au Québec sont presque quotidiennement exposés à la fumée secondaire à
bord d'une voiture. La fumée de la cigarette est cancérigène, on le sait
tous, et les enfants sont particulièrement
vulnérables à ses méfaits étant donné leur système respiratoire immature, leur
métabolisme plus élevé et leur respiration
plus rapide. Elle est particulièrement désastreuse au niveau de l'hyperactivité
bronchique en aggravant les symptômes des
patients asthmatiques tout en augmentant le risque pour les enfants de le
devenir.
En 2014,
selon l'Institut de la statistique du Québec, 18 % des jeunes du
secondaire souffraient d'asthme, et plus d'un asthmatique sur quatre voyait ses crises d'asthme augmenter par la
fumée secondaire. Nous nous devons de faire passer la santé de notre
jeunesse avant la liberté de fumer, à l'instar des neuf autres provinces
canadiennes, puisque Québec est présentement
la seule province où il est encore permis de fumer avec un enfant à bord d'une
voiture. Dans le rapport de mise en
oeuvre de 2010 sur la Loi sur le tabac, on présente peu de données sur le degré
d'application des normes en lien avec les fumoirs. Dans certains
milieux, les fumoirs constituent la meilleure solution disponible pour permettre à des personnes vulnérables ou en perte
d'autonomie d'aller fumer. Toutefois, nous voulons protéger nos patients
de la fumée secondaire. Nous croyons donc
que les fumoirs peuvent être acceptables dans les établissements de santé à
condition qu'ils soient étanches et ne nuisent pas à la santé des autres
résidents.
Dans un tout
autre ordre d'idées, depuis quelques années, nous faisons face à une nouvelle
réalité : la cigarette électronique.
Bien que les connaissances concernant la sécurité et l'efficacité des
cigarettes électroniques comme méthode de
cessation tabagique ne soient pas encore complètes, elles sembleraient moins
dangereuses que le tabac combustible. Un encadrement législatif est cependant nécessaire pour protéger le public
des effets négatifs démontrés ou potentiels. Il ne s'agit que d'une précaution minimale qui
n'affecterait en rien l'accès aux produits actuellement disponibles. Nous
sommes aussi d'avis que le contenu
des cigarettes électroniques devrait être contrôlé. Actuellement, l'information
concernant la composition des
mélanges chimiques contenus dans les cigarettes électroniques est divulguée par
les fabricants directement, et une
enquête a récemment démontré que cette information est bien souvent fausse.
C'est pourquoi, en plus des éléments déjà
prévus dans le projet de loi n° 44, la FMEQ recommande que le gouvernement
du Québec défende ardemment auprès du
gouvernement du Canada l'imposition de normes gouvernementales concernant le
contenu des cigarettes électroniques.
En tant que futurs cliniciens, non seulement
nous avons un devoir d'informer la population sur les dangers du tabac et les encourager à cesser de fumer, mais
nous cherchons aussi à les appuyer dans leurs démarches. Dans cette optique
clinique, il nous semble intéressant de considérer le potentiel de la cigarette
électronique. Lors d'une brève revue de littérature,
nous n'avons trouvé qu'une étude, dont la méthodologie est imparfaite,
suggérant qu'elle puisse diminuer le nombre de cigarettes fumées par
jour et permettre la cessation. Il est tout aussi difficile d'évaluer les
risques relatifs à l'utilisation de la
cigarette électronique comme alternative à la cigarette conventionnelle lorsque
les études sur le sujet sont
qualifiées de contradictoires, méthodologiquement problématiques et souvent
sous-tendues par des conflits d'intérêts. Nous demandons donc au ministère d'inclure dans son projet de loi un
appui financier à la recherche, tant fondamentale que clinique, sur l'impact de la cigarette
électronique ainsi que sur son utilité clinique dans l'aide à la cessation
tabagique. Il serait aussi pertinent
de mandater l'INESSS et la RAMQ d'évaluer rapidement l'intérêt d'une couverture
du produit par le régime public d'assurance médicaments selon les
résultats, bien entendu, des études en question.
Sur ce, la
Fédération médicale étudiante du Québec souhaite remercier le ministère de la
Santé et des Services sociaux de lui avoir permis de s'exprimer sur ce
sujet, qui lui tient tant à coeur. Le tabac demeure la cause de mort prématurée et évitable de
plus de 10 000 Québécois par année. L'aromatisation des produits, le
marketing centré sur les jeunes et la
cigarette électronique font en sorte que tous les nouveaux fumeurs sont, la plupart du temps, des
adolescents. Pour les protéger et
diminuer l'incidence du tabagisme, nous réitérons l'importance de certains
éléments qui se retrouvent déjà dans le projet de loi n° 44 et
l'ajout de nos recommandations, soit l'interdiction de toute forme
d'aromatisation, incluant le menthol;
l'assujettissement de la cigarette électronique à la Loi sur le tabac;
l'imposition d'un emballage neutre et
standardisé aux compagnies de tabac; et, à défaut d'introduire l'emballage
neutre et standardisé, la standardisation des mises en garde sur les paquets; l'interdiction de présenter des
cigarettes sur toute affiche qui n'est pas issue du gouvernement; la considération de toute image du
tabac sur des affiches ou dans les médias comme étant de la publicité; l'interdiction de toute cigarette dont le diamètre
est inférieur à 7,5 millimètres ou dont la longueur dépasse
70 millimètres; l'interdiction de fumer dans les véhicules
transportant des enfants de moins de 16 ans; l'interdiction de fumer sur
les terrasses; la conformité de l'application des normes d'utilisation et
d'isolation des fumoirs déjà existants.
Le moment est
bien choisi pour que le ministère de
la Santé s'engage auprès des fumeurs
désireux d'améliorer leur santé en déterminant si la cigarette électronique
s'avère un bon outil de réduction des méfaits. Comme futurs professionnels de la santé, nous sommes toujours à
la recherche d'outils pour aider nos patients, et un de plus serait le
bienvenu pour combattre le tabac individuellement et collectivement.
Le projet de loi n° 44 représente un excellent point de départ pour
raviver la lutte contre le tabagisme au Québec. Nous espérons maintenant
que la commission maintiendra l'intégrité du projet de loi et adoptera les
amendements ici proposés aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande de Mme la
ministre, elle vous a permis de poursuivre
sur son temps, donc, de 10 minutes, votre présentation a été de
12 minutes. Maintenant, je cède la parole à Mme la ministre pour un
bloc de 23 minutes pour les échanges.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Alors, Mme Carpentier, Mme Laliberté, M. Dallaire, M.
Galiano, Mme McNeil et M. Giguère, merci
d'être là. Et je vais me permettre un petit commentaire de fifille : Je suis
contente de voir qu'il y a trois
filles étudiantes en médecine et trois garçons. On a la parité, alors c'est le
fun. Mais, blague à part, merci de votre présentation.
Honnêtement, j'ai apprécié la lecture de votre
mémoire. Et j'ai non seulement apprécié la lecture de votre mémoire, mais il y a certains concepts qui se sont
renforcés à la lecture de celui-ci, puisque, vous avez raison, en tout cas
je le pense, que les jeunes sont les
principales victimes du tabac en ce moment. En tout cas, c'est là qu'est axée
la promotion du tabac, je crois, et
c'est là que commence toute la dépendance. Et c'est de plus en plus difficile,
parce que les produits du tabac sont de plus en plus complexes — on va
se dire la vérité — et
c'est de plus en plus difficile de quitter cette habitude-là. Et c'est
inquiétant, parce que, quand on parle de réduire le taux de tabagisme, bien ça
commence là.
J'ai le goût
de vous amener tout de suite sur la cigarette électronique parce que c'est un
nouveau produit, parce que c'est, en
ce moment, en croissance de façon exponentielle. Moi, je vous dirais que,
depuis qu'on a déposé le projet de loi,
c'est clair que je vois ça pousser comme des champignons, même dans la
municipalité où je demeure, et je sens bien
qu'il y a quelque chose là. Puis, cet été, je suis devenue comme la
porte-parole de ne pas fumer sur les terrasses, de devoir encadrer la cigarette électronique,
d'interdire les saveurs. Et c'est assez amusant, parce que les gens me
rencontrent et me parlent de la
cigarette comme si on était devenus des grands amis tout à coup. Alors, je suis
impressionnée de voir comment, dans
la population, il y a un chemin qui a été parcouru à travers les années, parce
qu'on n'aurait pas pu faire ça,
honnêtement, dans les années 70. On est dans deux mondes très, très, très
différents, et les jeunes, vous contribuez à ça. Je veux vous entendre me parler de la cigarette électronique. Vous
en avez parlé un peu dans votre mémoire. Mais ce que je dis aux gens, puis dites-moi si je me trompe, c'est que souvent
la cigarette électronique... c'est vrai que, les études, on n'a pas encore complètement tout ce qu'il faut
pour statuer efficacement, dire : Bon, il n'y a vraiment pas de danger,
oui il y en a, c'est un bon moyen, c'est-u pas un bon moyen?
On a plusieurs
commentaires à l'effet que, oui, c'est quelque chose qui peut aider les gens à
arrêter de fumer. Par contre, j'en ai
croisé plusieurs cet été dans mes vacances, en allant jouer au golf,
notamment : plein de gens fumaient ça à l'intérieur sur les terrasses, mais fumaient à l'extérieur. Bref, double
consommation. Ça, j'ai vu ça beaucoup cet été et j'ai posé beaucoup de questions. Ça ne veut pas dire que tout le monde
fait ça comme ça, mais il y en a qui font ça comme ça. Il y en a qui
font juste fumer la cigarette électronique, mais ils ont tout le temps ça à la
bouche.
Est-ce que
vous croyez que, dans notre monde, si on veut faire en sorte que les jeunes ne
soient pas incités vers le tabagisme... Moi, j'ai l'impression que le fait que
la cigarette électronique est en croissance et que ce n'est pas réglementé
en ce moment, on est à l'étude là-dessus...
est-ce que vous croyez que ça renormalise le geste de fumer? Est-ce que c'est
un incitatif pour les jeunes? Et parlez-moi
donc des différentes sortes de cigarettes électroniques, tant qu'à y être. Vous
devez connaître ça un petit peu.
• (11 h 40) •
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Jessica Ruel-Laliberté,
déléguée aux affaires politiques, qui est l'experte de la cigarette
électronique, vous répondre.
Mme
Ruel-Laliberté (Jessica) : Merci. Donc, c'est sûr que, pour nous, le
fait d'avoir une cigarette électronique, ça banalise le fait de fumer, en ce sens qu'on voit les gens justement
partout... même, j'en ai vu à l'aéroport dans un voyage, puis ça fumait la cigarette électronique. Donc, ça
banalise le geste puis ça peut même pousser certains jeunes à l'essayer.
Le principal
problème qu'on a retrouvé, c'est qu'en faisant des... En recherchant des
études, on s'est rendu compte que
certaines compagnies mentionnent qu'il n'y a pas de nicotine dans les
cigarettes. Puis ils ont réalisé une étude qui a été
faite par l'Institut national de santé publique du Québec qui a prouvé qu'il y
avait de la nicotine dans certaines cigarettes
qu'ils mentionnaient qu'il n'y en avait pas. Donc, là est le problème, parce
que, si on veut l'utiliser comme outil de
cessation tabagique puis qu'on prend un produit qui est supposé ne pas contenir
de nicotine mais qu'au final on consomme un produit qui en contient,
bien, au final, on n'a pas arrêté de fumer, comprenez-vous?
Donc, c'est pour ça qu'on voulait vraiment que
le contenu soit réglementé. On sait que ça ne passe pas par le gouvernement du Québec, mais on voudrait vraiment,
là, que vous... j'ai juste le terme anglais en tête, là, mais que vous...
Une voix : ...
Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : Oui,
«advocate», là, mais...
Mme
Charlebois : Qu'on
fasse des représentations.
Mme
Ruel-Laliberté (Jessica) : Oui, c'est ça, excusez, que vous... oui,
une représentation au niveau de Santé Canada pour que le contenu soit réglementé. À tout le moins, on pourrait
permettre que, si des gens décident de fumer, bien, qu'ils puissent avoir une démarche qui soit rigoureuse et
qu'ils puissent prendre vraiment comme les timbres, là, des doses de
nicotine qui diminuent jusqu'à tant d'avoir une cigarette électronique qui n'en
contient pas.
On veut vraiment aussi que la cigarette
électronique soit assujettie à la Loi sur le tabac, justement parce que, comme je vous disais, ça banalise le fait de
fumer, de la voir partout, cette cigarette-là. C'est un beau produit, ça
fait... comment dire, les gens voient
la cigarette électronique comme quelqu'un qui ne fume pas, dans le fond. Ils se
disent : Ah! c'est un petit
produit pas de nicotine puis c'est donc bien beau. Mais, selon nous, ça
pourrait amener certains jeunes à aller vers la cigarette éventuellement.
Puis je ne sais pas si Philippe Giguère voulait
compléter ou...
M. Giguère
(Philippe) : Bien, je pense que ce qu'il est important de noter,
c'est : Comme on dit, les études ne semblent pas superconcluantes sur les impacts sur la santé, mais ce qui
est clair, c'est qu'il y en a. Donc, je pense que c'est important
justement de minimiser quand même la consommation de ce produit-là, au même
titre que celui de la cigarette.
Mme
Charlebois :
J'ai même lu en quelque part pendant l'été que plein de jeunes qui fument des
cigarettes avec des saveurs pensent
que c'est moins dommageable que fumer la cigarette, le tabac ordinaires. Et
c'est un peu ça aussi qui se produit
pour la cigarette électronique, parce que... en tout cas, j'ai découvert, parce
que je ne connaissais pas ça — quand j'ai commencé à travailler le projet de loi, j'ai découvert plein de
choses, on gratte, on approfondit — qu'il y a des cigarettes électroniques qui sont presque des jouets. C'est
coloré, l'empaquetage est... Alors, pour des jeunes, ça peut être attirant.
Puis c'est un peu ça pourquoi on veut
encadrer, pour faire en sorte qu'il y ait une interdiction, là, pour les
mineurs en partant et faire en sorte que ces produits-là soient comme
les paquets de cigarettes : cachés.
Je voudrais, pour le bénéfice de nos
auditeurs... puis vous avez bien dit, juste pour finir avec la cigarette électronique... je vous invite à faire des
représentations aussi au gouvernement fédéral. Oui, on en fait, nous aussi.
Parce que vous avez fait mention que,
le contenu, on ne le sait pas toujours. Mais non seulement on ne le sait pas
toujours, mais les mélanges sont
souvent faits dans les boutiques de «vape shop» puis on ne sait pas trop la
quantité de nicotine. Il y a un danger,
là aussi, dans l'emballage. Un enfant prend ça... Il y en a eu, des cas
d'empoisonnement que j'ai vus, j'ai lus dans les journaux, etc. Alors, il y a quelque chose là, là, puis je pense que
je vous invite aussi à faire des représentations au gouvernement
fédéral, puis je vous dirai que je pense que, là aussi, vous allez avoir une
oreille attentive à ça.
Est-ce que
vous pensez, pour finir avec la cigarette électronique, que le projet de loi va
restreindre l'accès à ceux qui
veulent l'utiliser?
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) :
Philippe Giguère, président de l'Association des étudiants et étudiantes
en médecine de l'Université de Montréal.
M. Giguère
(Philippe) : Bien, est-ce
qu'il va restreindre l'accès? Si on l'assujettit à la Loi sur le tabac, déjà les
mineurs n'y auront pas accès. Je pense
que l'impact principal que ça aurait, c'est que ça éviterait justement
cette double consommation là, dont
vous avez parlé. Pour quelqu'un qui voudrait cesser de fumer, je pense
qu'il aurait quand même accès.
Donc, je ne crois pas que, dans ce contexte-là, ça nuirait à l'accès au
produit, là.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, souvent, quand on entend parler de
la cigarette électronique, la plupart
du temps, les gens qui en parlent et qui sont les défenseurs de la cigarette
électronique, en quelque sorte...
souvent, ces gens-là nous parlent que c'est utile pour les gens qui veulent
arrêter de fumer? Vous êtes d'accord avec ma prémisse?
M. Giguère (Philippe) : Bien, je
suis d'accord que c'est quelque chose que les gens croient, oui.
Mme
Charlebois :
Oui. Puis ça peut être vrai dans plusieurs cas ou en tout cas dans certains
cas, mais moi — puis
je veux vous entendre là-dessus — je n'ai pas l'impression que, si les gens
s'en servent pour arrêter de fumer, ça va les empêcher d'arrêter de fumer. Ils vont pouvoir s'en servir mais dans un
certain emplacement, dans un certain encadrement. Je vais vous avouer que j'ai parlé avec d'anciens
fumeurs, dont je suis, j'ai parlé avec moi-même aussi. Mais, farce à part,
quand je vois des gens fumer dans un
restaurant, dans un lieu public ou... honnêtement, moi, qui ai déjà fumé, ça me
rappelle quelque chose que je ne veux
plus voir, pas dans mon environnement de travail, pas dans mon environnement de
loisirs, sauf là où la cigarette est
admise, et c'est à moi de faire des choix à partir de ce moment-là. Et les gens
avec qui j'ai parlé semblaient avoir la même indication.
Est-ce que
vous avez cette perception-là? Est-ce que vous jasez avec vos futurs patients?
J'imagine que vous en rencontrez plusieurs.
M. Giguère
(Philippe) : Oui. Bien, personnellement, je connais des gens qui
fument la cigarette conventionnelle et
qui fument la cigarette électronique puis j'ai même vu une étude qui démontre
que les perceptions en général sont que la cigarette électronique est un
produit moins nocif pour la santé.
Je pense
qu'en assujettissant ce produit-là à la Loi sur le tabac ce qu'on dit,
c'est : Fumer la cigarette électronique, c'est la même chose que fumer. Puis, de cette façon-là, on change
l'image du produit puis on change les lieux, dans le fond, où on va voir ce geste-là. Puis, en termes d'aide
à la cessation tabagique, je pense que, nous, notre message, c'est qu'on
aimerait savoir c'est quoi, l'utilité
réelle, pour qu'en tant que cliniciens on puisse faire des décisions informées.
Et, en bout de ligne, toutes nos
décisions doivent aussi être basées sur les préférences des patients. Puis il y
en a peut-être qui vont préférer ce
moyen-là à un autre. Donc, c'est juste un outil... ça pourrait être, en fait,
un outil de plus dans la lutte au tabagisme, mais ça prend ces
données-là, ça prend ces informations-là. Puis je pense qu'en ce qui nous
concerne on a l'impression que la science, si on veut, n'en est pas encore
rendue là.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous êtes à l'aise avec le fait... Vous savez qu'on a interdit les
saveurs dans les cigarettes, dans les
cigarillos, dans les chichas. Êtes-vous à l'aise avec le fait que nous, dans le
projet de loi et... pour la cigarette
électronique, les saveurs vont être exemptées, elles vont pouvoir avoir des
saveurs, mais on se garde une porte ouverte...
parce que vous savez que la loi peut être révisée à tous les cinq ans, alors,
on se garde une porte ouverte que, si
on s'aperçoit que les jeunes se lancent là-dessus, quoique c'est interdit puis
qu'il va y avoir des amendes beaucoup plus substantielles — vous
avez dû pouvoir voir ça aussi — autant pour les adultes qui vont procurer
des cigarettes aux jeunes que pour les
jeunes, le détaillant et le fabricant — tout le monde va y passer... Est-ce que vous
êtes à l'aise avec le fait qu'on
laisse les saveurs mais que par règlement, si on s'aperçoit qu'il y a une
recrudescence du tabagisme chez les jeunes
avec la cigarette électronique à saveur, on puisse tout de suite arrêter ça
avant la révision prochaine de cinq ans?
Une voix : Oui. Philippe
Giguère.
M. Giguère
(Philippe) : Bien, moi, l'impression que j'ai, c'est que, comme on
dit, on veut assujettir la cigarette électronique
à la Loi sur le tabac et, en même temps, nous, on voudrait que, dans la Loi sur
le tabac, il y ait une interdiction des saveurs. Donc, je crois qu'il
faudrait que ça soit la même loi pour tout, parce que sinon ça va peut-être
contribuer justement à cette perception-là
que la cigarette électronique est moins nocive parce que, bien, ce produit-là,
dans le fond, ce n'est pas comme fumer parce que ça goûte quelque chose
de différent, ça ne goûte plus le tabac.
• (11 h 50) •
Mme
Charlebois :
Bien, du fait qu'on n'a pas d'étude concluante, parce qu'il y a des études qui
nous disent que c'est moins nocif; il
y en a d'autres qui disent... Vous savez, vous avez de vos propres collègues
qui ne sont pas en accord avec vous, qui disent que c'est moins nocif,
il y en a d'autres qui disent que c'est plus nocif. En tout cas, il y a une multitude... puis on n'a pas encore les études
concluantes. Est-ce qu'il n'y a pas lieu, justement pour permettre aux gens...
parce que j'en connais qui ont arrêté de
fumer avec la cigarette électronique, là — on en connaît tous — est-ce qu'il n'y a pas lieu de la laisser là, mais de se garder une
porte ouverte par règlement pour changer ça rapidement si on s'aperçoit
qu'il y a des changements, tu sais, pour permettre l'arrêt tabagique?
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) : Je pense que, tu sais, quand on parle
d'aromatisation, tu sais, il ne faut pas se leurrer, il y a des modes
dans le tabac.
Comme vous
dites, la complexité des produits du tabac fait en sorte que, bien, dans les
années 2000, c'était le cigarillo qui
était à la mode. Maintenant, on voit que la cigarette électronique prend du
terrain, que la chicha est un produit aussi
qui intéresse de plus en plus les jeunes. Donc, on peut s'imaginer qu'en
enlevant les produits aromatisés sur tout, c'est-à-dire les cigarettes, les cigarillos, en diminuant l'accès à la
chicha, même en le rendant complètement banni, les jeunes qui vont s'initier au tabac... ce sera
peut-être directement avec la cigarette électronique. Donc, je pense que c'est
bien d'avoir une porte de sortie, mais je ne
sais pas pourquoi on attendrait de voir ce qui est probablement inévitable
avant de... tu sais, dans le fond, à la place de l'appliquer maintenant.
Je comprends les amendes, je pense que le fait
d'avoir des amendes, c'est toujours un incitatif à ne pas faire certaines choses, mais je pense qu'il y a beaucoup
de gens qui n'étaient même pas conscients des amendes actuelles s'ils
fournissaient à des jeunes du tabac, si le dépanneur fournit du tabac aux
jeunes. Le dépanneur doit le savoir, mais le jeune ne doit pas savoir que lui
peut possiblement avoir aussi des pénalités. Donc, je pense que c'est important
d'être cohérents dans notre application puis
de ne pas attendre l'inévitable, parce que c'est clair que, si on bannit tout
le reste, ça va être ça qui va être la voie d'entrée au tabagisme chez
nos jeunes.
Mme
Charlebois : D'accord, je vous entends. Maintenant, est-ce
que vous pourriez me parler — et ça m'intéresse beaucoup, parce qu'encore là on a entendu beaucoup
de choses — de
l'interdiction, qui est proposée dans le projet de loi, pour la fumée sur les
terrasses, dans les lieux publics, à l'extérieur, sur les conséquences de la
fumée secondaire surtout — je voudrais vous entendre parler de ça,
parce que vous en avez parlé — dans la voiture? Puis c'est vrai, c'est
27 fois plus concentré, la fumée, dans une
voiture. Et on sait que le métabolisme d'un enfant est beaucoup plus rapide,
donc consomme déjà plus, lui, quand il
respire de la fumée secondaire. Puis, en plus, c'est 27 fois plus concentré;
c'est aussi bien de lui acheter un clou dans le cercueil, mais, bon...
Alors,
on ne reviendra pas sur la fumée dans les autos, je pense que vous avez compris
que je ne suis pas très, très
favorable à ça, mais parlez-moi de la fumée secondaire notamment sur les
terrasses, parce qu'il y a différents points de vue et j'aimerais ça
vous entendre, en tant que futurs médecins, à savoir comment vous voyez ça.
Mme Veilleux
Carpentier (Ariane) : Comme je l'ai déjà mentionné dans le mémoire,
dans le fond, il y a deux sphères qui nous
inquiètent principalement : il y a, premièrement, la fumée secondaire puis
il y a aussi l'impact de perpétuer
certains comportements chez des fumeurs qui associent à l'aspect social de la
chose le fait de boire un verre, fumer sur une terrasse, puisque c'est
permis.
Si on parle juste de
la fumée secondaire, il s'avère que, bon, si on avait un fumeur sur une
terrasse tout seul, à deux mètres de lui, la quantité de particules fines
serait de zéro. Donc, dans le fond, dans un monde où on isolait ce fumeur-là, qui serait le seul sur la terrasse, à
deux mètres il n'y aurait pas d'enjeu. Les professionnels, dans le fond... en
fait, ceux qui seraient les serveurs ou qui
travaillent pour les bars et restaurants seraient possiblement exposés en
rentrant dans ce deux mètres-là. Tu sais, dans la réalité dans laquelle
on vit, sur une terrasse les fumeurs ne sont pas isolés de deux mètres de distance des autres consommateurs.
Puis, si on est sur une terrasse, dépendant des conditions météorologiques,
il peut y avoir une quantité assez importante de fumée qui se retrouve dans un
même endroit. Donc, les impacts de la fumée
secondaire sont probablement moindres qu'à l'intérieur parce qu'il y a l'air
extérieur, mais ils sont assez importants pour être au niveau des normes de l'OMS, qui, à partir d'un certain
point, augmentent le risque de maladies cardiovasculaires, augmentent les cancers du poumon. On en avait entendu
beaucoup parler, dans les années 90, à la fin des années 90, de tout ce qui avait été mis en place pour que les
travailleurs soient protégés de la fumée secondaire dans les restaurants, dans
les bars. Je pense que maintenant il faut étendre ça à l'extérieur pour
continuer de protéger ces gens-là, diminuer leur risque à zéro puis que ce soit
leur propre choix si eux souhaitent fumer, là, de façon personnelle.
Donc,
la fumée sur les terrasses est tout aussi délétère qu'à l'intérieur. Donc, il
faut absolument que ça soit conservé dans le projet de loi.
Mme
Charlebois :
Merci. Je suis d'accord avec vous. Vous m'avez parlé un peu de l'emballage
neutre standardisé, vous m'avez parlé
aussi des cigarettes minces. J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus :
Comment vous entrevoyez qu'on peut faire en sorte que les cigarettes
minces n'existent plus?
Mme Veilleux
Carpentier (Ariane) : Je vais laisser David Alexandre Galiano, qui est
délégué aux affaires internationales et communautaires de la FMEQ mais aussi
président d'IFMSA-Québec, vous répondre.
M. Galiano (David
Alexandre) : Donc, je vous remercie beaucoup pour la question.
Par rapport à l'emballage, les normes présentement, qui sont vieilles de 10 ans,
ont été contournées par l'industrie par
plusieurs mécanismes. Bien, par exemple, si on regarde les nouveaux paquets,
les nouveaux mécanismes d'ouverture permettent
de complètement éclipser, si on veut, ces avertissements de santé. Donc, c'est
pour ça que — nous,
on a vu l'exemple de l'Australie avec
l'emballage neutre — c'est
des mesures qui ont eu un impact, donc, on le mentionne dans le mémoire : c'est une chute du tabagisme de
15,1 % à 12,8 %, puis l'âge d'initiation au tabac est passé de 14,2 à
15,9 ans, ce qui est quand même
remarquable comme amélioration. Puis c'est adopté par plusieurs juridictions à
travers le monde aussi. Donc, nous,
ce qu'on dit, c'est que notre position officielle, c'est que l'emballage neutre
reste la meilleure façon de contrôler
l'emballage avec les avertissements de santé, et tout, mais que, si jamais ça,
ce n'est pas possible, il y a des solutions intermédiaires qui existent.
Donc, si on regarde, par exemple, l'Union européenne, il y a des dimensions minimales qui sont calculées en termes de
millimètres, donc, par exemple,
44 millimètres par 52 millimètres, minimum, et il doit couvrir 65 % du paquet. Donc,
c'est des choses qui sont en place et qui évitent que l'industrie contourne, si
on veut, les règlements que le gouvernement pourrait imposer.
Donc,
il faut vraiment se dire que l'emballage, c'est un outil de marketing. Donc, si
on interdit la promotion à la télévision,
dans les affiches, dans les médias, il faut se dire aussi que le paquet en tant
que tel est un outil de promotion et
de marketing par le biais de publicités et styles de vie. L'industrie a été
très, très forte pour évaluer le marché et pouvoir cibler les consommateurs, ce qui m'amène à parler
de la cigarette mince. Donc, on le sait, c'est souvent associé à une idée
de minceur, à une idée de perdre du poids,
donc, on fume des cigarettes minces. C'est un public cible très, très
sélectionné, donc les jeunes femmes...
Les paquets de cigarettes minces sont designés comme étant des boîtiers de
maquillage ou des bâtons à rouge à
lèvres. Donc, c'est pour ça que nous, on se dit que toutes ces techniques-là de
marketing sont extrêmement nocives et
ciblent particulièrement les jeunes et des groupes de la société au détriment
de leur santé. Donc, c'est pour ça qu'on
recommande... L'emballage n'a pas été mentionné dans le projet de loi, donc,
mais on est contents d'entendre que ça va
faire l'objet d'un règlement. Donc, on encourage vraiment la ministre et puis
le gouvernement à réglementer là-dessus, et puis surtout pour l'interdiction
des... à standardiser, si on veut, la taille et le diamètre des cigarettes pour
que justement ces techniques de marketing un peu insidieuses soient
éliminées.
Mme
Charlebois :
D'accord. J'ai une dernière question, M. le Président, et ça concerne les
fumoirs. J'ai entendu que vous voulez qu'on s'assure que ça fonctionne bien
puis que c'est bien installé, puis etc. Est-ce que je dois comprendre
que vous n'êtes pas en faveur d'une élimination des fumoirs dans les espaces
publics?
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Jessica Ruel-Laliberté
répondre.
Mme Ruel-Laliberté
(Jessica) : Parfait. Donc, notre position est plus nuancée, on va
dire, sur les fumoirs, c'est-à-dire qu'on ne
veut pas éliminer les fumoirs qui existent déjà, à condition qu'ils soient
sécuritaires puis qu'ils ne nuisent
pas aux autres résidents. On parle, bien entendu, là, des fumoirs dans des
centres d'établissement de santé, là, on ne parle pas d'un fumoir dans
un aéroport ou dans d'autres lieux communs.
La
raison est simple, c'est que, dans certaines unités psychiatriques, par
exemple, c'est très compliqué de gérer les sorties cigarette pour les patients puis... Dans le fond, les patients
peuvent sortir, mais c'est très compliqué puis ça demande beaucoup de temps aux infirmières de gérer ces sorties-là.
Donc, on se rend compte que, si on avait des fumoirs qui sont fonctionnels et qui ne nuisent pas, donc qui ne
propagent pas la fumée secondaire sur l'étage, bien ça pourrait, à tout le
moins, aider, là, les infirmières au niveau
du travail, gestion du temps, puis tout ça, puis ce serait beaucoup plus simple
dans certaines unités. Mais la condition
pour ça, c'est qu'on veut s'assurer que les fumoirs soient fonctionnels. S'il y
a des normes mais qu'on ne s'assure
pas que ces normes-là sont respectées, bien, tant qu'à ça, les fumoirs doivent
être fermés. Mais, si on peut
s'assurer que les fumoirs sont sécuritaires et que les normes sont respectées,
alors, dans ce cas-là, on est pour qu'ils restent là.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Pour les 40 secondes qu'il reste, le
député de Sainte-Rose.
• (12 heures) •
M.
Habel : Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais parler du cas du menthol, parce que
vous mettez dans votre mémoire qu'au Québec, chez les jeunes, 26 % des fumeurs ont fumé des cigarettes
mentholées au cours des 30 derniers jours. Et vous affirmez aussi un peu après que l'utilisation du menthol
désensibilise la langue ou diminue aussi l'intensité de l'irritation
causée par la cigarette.
Donc, selon vous, est-ce
que ça constitue une porte d'entrée pour les jeunes à commencer à fumer avec
ces cigarettes mentholées?
Une voix :
Merci pour la question. Je vais laisser Julien Dallaire, vice-président de la
fédération...
M.
Dallaire (Julien) : Oui, bien sûr, ça contribue à une porte d'entrée à
l'initiation tabagique. Le faux effet de fraîcheur que ça donne en fumant la cigarette peut enlever un
désavantage majeur chez les jeunes, qui peuvent être irrités par la fumée de cigarette. Si on enlève ça, le
goût désagréable de la cigarette qu'un jeune pourrait ressentir... En inhalant
le menthol, il s'habitue à la nicotine,
commence comme ça, puis éventuellement peut progresser vers... soit continuer
avec le menthol ou aller vers d'autres produits tabagiques.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour un
bloc de 15 minutes, je cède la parole au collègue de Rosemont.
M. Lisée :
Oui. Bonjour. Merci d'être là en force, c'est la relève médicale face au tabac.
Vous me donnez l'impression que nous sommes
entre bonnes mains pour l'avenir. Mais je vais vous demander d'enlever votre
chapeau de jeunes médecins puis de
garder votre caractéristique de jeunesse parce qu'on... et je vais vous
demander votre expérience personnelle,
parce qu'on dit : Bien, aujourd'hui, cette génération, comme toutes les
générations de jeunes, est très centrée sur la liberté individuelle, hein? Puis, je regardais, même sur Twitter
ce matin, il y a des gens qui disent : Ah! bien, moi, je suis
majeur et vacciné, arrête de me dire ce que je dois faire, ce que je peux
faire, ce que je peux fumer, ce que je peux... bon.
Est-ce
que vous sentez ça autour de vous ou est-ce que l'idée que faire reculer le
tabagisme est un objectif social légitime est ancrée?
Mme Veilleux
Carpentier (Ariane) : Merci pour la question. Vous posez une question
qui est quand même difficile compte tenu, je
pense, de notre environnement, où, tu sais — dans le fond, nous, on est des étudiants en
médecine — c'est très difficile de s'enlever ce chapeau-là.
Puis je comprends très bien la dynamique que vous décrivez, de liberté individuelle. Je pense qu'on le
ressent, même pour avoir vu des articles de certains sites très, très
populaires chez les jeunes,
dire : On va nous enlever la capacité de fumer sur les terrasses, ce qui
est probablement une des choses qui a le plus choqué chez les jeunes.
Je
vais prendre un peu de recul puis dire : Même, je pense que cette
dynamique-là de liberté individuelle, nos jeunes qui ne veulent pas se faire dire quoi faire... je pense que c'est la
caractéristique principale de c'est quoi, être jeune, puis de la jeunesse, puis toutes les générations ont passé
par là. Moi, j'ai 22 ans et je n'ai jamais vécu les bars fumeurs. Donc,
moi, je n'ai jamais vécu ça, et ça ne m'a
jamais... bon, ça ne m'a jamais manqué. Je ne suis pas fumeuse. Ça ne m'a
jamais manqué. Mais je n'ai jamais été exposée à ça. Je pense que... un
peu comme dans 10 ans, j'espère que les jeunes vont pouvoir dire qu'ils n'ont jamais vécu une terrasse
ou... dans le fond, autant les bars que les terrasses fumeurs. Donc, ça, je
pense que, si on est capable d'amener ça, dans quelques années on ne ressentira
pas l'impact... en fait, on va ressentir l'impact de cette interdiction-là
sans, dans le fond, avoir encore ce discours-là de liberté individuelle.
Est-ce
que ça va choquer certains jeunes, ce projet de loi là puis les modifications?
Je ne pense pas qu'on va faire des
heureux à tous coups. Puis je pense que ce n'est pas le but non plus, de rendre
les fumeurs... tu sais, on ne veut pas leur nuire, on ne veut pas qu'ils se sentent marginalisés, parce qu'ils ont
un problème. Ils n'ont pas juste le problème de santé, qui va peut-être apparaître dans 30 ans, mais
ils ont le problème de dépendance, qui est un problème de toxicomanie en soi.
Mais les bénéfices qui sont à gagner sur ça
sont tellement plus grands que, dans le fond, les conséquences de peut-être
sentir qu'ils vont perdre la liberté de fumer dans certains endroits ou
certains produits.
De plus, si on pense à certains
produits auxquels ils ne vont jamais s'initier avec les propositions du projet
de loi, les produits aromatisés, en les éliminant, pour les jeunes, ils ne vont
jamais y goûter, ils ne sauront même pas c'est quoi. Tu sais, il y aura
peut-être ces quelques années de... tu sais, bon, les jeunes qui sont dans la
vingtaine qui peut-être consomment ces
produits-là qui vont sentir un manque, ils vont peut-être tenter d'arrêter de
fumer, ce qui serait une bonne chose,
mais les autres jeunes n'auront jamais été exposés à ces produits-là, ne vont
pas commencer à fumer. Je pense que c'est vraiment là le plus gros gain
qu'on pourrait aller chercher.
M.
Lisée : Je voudrais revenir sur le menthol, dont mon collègue
de Sainte-Rose a parlé tout à l'heure. On voit que, dans la résistance à la législation proposée ici, mais c'était la
même chose ailleurs dans le monde, l'industrie du tabac insiste pour garder le menthol. Bon, ils sont
prêts à lâcher la gomme balloune, ils sont prêts à lâcher la cerise, bon, mais,
le menthol, ils y tiennent. Pourquoi, d'après vous?
Mme Veilleux
Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Julien Dallaire répondre.
M.
Dallaire (Julien) : Ne nous surprenons pas. Si l'industrie tient au
menthol, c'est parce que les grandes compagnies de tabac, celles qui ont
le plus fort lobby, les plus grands chiffres d'affaires, produisent uniquement
des cigarettes au menthol. Les cigarillos à la vanille, ou aux fraises, ou aux
bananes sont produits par des plus petites compagnies
qui ont un moins fort lobby. C'est pour la même raison que les associations de
dépanneurs qui ont des affinités avec
les industries du tabac défendent seulement le menthol. Dans ce cas-ci, c'est à
cause du pouvoir de lobbyisme qu'ils peuvent
avoir et les intérêts commerciaux qu'ils peuvent avoir. À notre sens, le
menthol devrait faire autant partie que n'importe quelle saveur parce
qu'elle est autant nocive pour la santé de nos jeunes.
M.
Lisée : Donc, ils défendent le menthol parce que ça fait
partie, hein, de leurs produits, c'est un produit fort, c'est un produit qui marche bien. Pourquoi il
marche si bien? Qu'est-ce que de mettre du menthol dans la cigarette a de
positif pour l'acheteur?
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) : Bien, je pense que le menthol,
peut-être, contrairement à d'autres saveurs, c'est peut-être une saveur plus universelle, tu sais, puis c'est une des
seules saveurs aussi qui se retrouvent dans le produit de cigarette en soi plutôt que dans les petits
cigares. Donc, quelqu'un qui voudrait se tourner vers une cigarette aromatisée,
le menthol serait le produit. Je pense qu'on
l'a quand même bien décrit dans le mémoire, il y a plusieurs effets... contrairement
à d'autres produits, il y a plusieurs effets
désensibilisants au niveau de la gorge, au niveau de la fraîcheur de la fumée
de cigarette. Donc, ça agit
directement sur les récepteurs de la chaleur, qu'on appelle les
thermorécepteurs, en les désensibilisant,
puis ce qui fait en sorte que c'est beaucoup plus facile à inhaler, notamment.
Donc, ça, c'est un des effets directs
associés à la sensation de fraîcheur. Je pense que c'est un produit qui est
plus facile à fumer peut-être que d'autres saveurs qui n'ont pas le même
effet analgésique sur la gorge, sur la langue.
M.
Lisée : Alors donc, le menthol, ce qu'il fait au tabac, au
goudron puis aux 40 autres additifs, il rend l'expérience de fumer plus agréable, c'est-à-dire
qu'il enlève plusieurs facteurs désagréables. Et, bon, on regardait des études là-dessus — dites-moi si c'est aussi votre opinion — c'est que le fumeur qui inhale le tabac avec
le menthol, sentant que c'est plus
frais, en inhale davantage. Il en inhale davantage, et donc c'est encore plus
nocif que s'il n'y avait pas de menthol.
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) : Oui. Il y a un effet effectivement au
niveau des quantités, parce qu'on ne sent
pas justement le même goût âcre ou qu'est-ce qui pourrait limiter la simple bouffée
de cigarette. Je pense qu'effectivement
il y a des études qui ont rapporté que peut-être l'inhalation était... et le
volume inhalé était plus important.
Toutefois,
c'est assez controversé à savoir si l'impact, sur la santé, de fumer une
cigarette versus une cigarette mentholée...
est-ce que c'est... Ça semble plutôt équivalent, je vous dirais, plutôt
équivalent, donc pas pire, sauf que c'est pire parce que ça masque le
goût du tabac, ça va chercher nos jeunes, ça crée une dépendance.
M.
Lisée : C'est-à-dire que, si on inhale davantage, c'est sûr
qu'on absorbe davantage de produits nocifs, et, si on trouve que c'est plus frais, on va en fumer
davantage que de la cigarette. Donc, l'impact de dire : On enlève le
menthol, si vous voulez fumer, fumez
de la cigarette, donc, il y a un certain nombre de gens qui vont dire :
Bien non, moi, j'aimais ça avec le menthol, sans le menthol je n'aime
plus ça, donc ça aura un impact de réduction de la consommation.
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) : Tout à fait, puis c'est exactement ce
qu'on recherche en incluant le menthol. Surtout, si on dit que, dans les 30 derniers jours, il y a environ
le tiers des jeunes fumeurs qui fument la cigarette mentholée, bien ça
fait déjà ces jeunes-là qui n'ont pas accès à ce produit-là... du moins plus
difficilement, là.
M.
Lisée : Sur la cigarette électronique, donc, effectivement, il
y a des collègues pneumologues, entre autres, qui disent : Écoutez,
c'est quand même extraordinaire comme point de sortie. Comme point de sortie,
pour des fumeurs réguliers, moi, je leur
prescris la cigarette électronique pour qu'ils puissent sortir du tabagisme.
Est-ce que c'est aussi votre avis?
Une voix :
Philippe Giguère va pouvoir répondre à cette question.
M. Giguère (Philippe) :
Bien, moi, je ne suis pas pneumologue. Aucun d'entre nous ne le sommes, on est
encore étudiants. Donc, écoutez, je
pense qu'il y a des gens qui sont plus experts que nous, peut-être qu'eux se
sentent à l'aise de prendre des décisions comme ça.
Je
crois par contre qu'en tant que médecin, justement, on doit s'appuyer sur des
données scientifiques, puis la grande majorité...
ou, en tout cas, beaucoup de médecins qui vont encourager leurs patients à
cesser de fumer ne seront pas des pneumologues,
seront aussi des médecins de famille, seront aussi des médecins dans toutes
sortes de milieux hospitaliers puis
qui n'ont pas nécessairement toutes les connaissances à jour par rapport à tous
les produits pour prendre ces décisions-là puis qui se basent plutôt sur, bien, des revues de littérature, des
méta-analyses puis qui ont besoin peut-être d'un niveau de preuve plus
élevé avant de prendre des décisions. Voilà.
• (12 h 10) •
M. Lisée :
Donc, vous êtes indécis sur ce sujet-là pour l'instant.
Une voix :
Disons, nuancés.
M. Lisée :
Nuancés.
M.
Giguère (Philippe) : Bien, moi, je ne me sentirais pas à l'aise de
faire cette recommandation-là en ce moment.
M.
Lisée : De prescrire la cigarette électronique à un fumeur en
disant : Bien, laissez tomber vos cigarettes, prenez la cigarette
électronique, vous, vous ne feriez pas ça.
Mme
Ruel-Laliberté (Jessica) : À condition qu'on puisse... Excusez. À
condition qu'on puisse s'assurer qu'il n'y a pas de nicotine dans les
produits qui sont offerts.
M.
Lisée : Bon. Là, vous nous dites : Bien, évidemment, un
des graves problèmes de la cigarette électronique, c'est l'absence de contrôle effectif sur le
contenu des produits, alors, il y en a qui sont dits sans nicotine alors qu'il
y a de la nicotine, on fait des tests, bon, mais ça, ça relève du
gouvernement fédéral.
Alors, ne serait-il
pas plus simple, si le Québec pouvait voter toutes ses lois, que vous puissiez
nous faire vos recommandations et que nous adoptions une loi qui couvre
l'ensemble du champ? Ce ne serait pas plus simple?
Mme Veilleux
Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Jessica Ruel-Laliberté répondre
à cette question.
Mme
Ruel-Laliberté (Jessica) : Je pense... À tout le moins, c'est ce que
je pense. Mais je ne pense pas qu'en ce moment vous avez le pouvoir de
le faire, donc...
M.
Lisée : C'est ça, le problème, c'est qu'on n'a pas le pouvoir
de le faire. Si on avait tous les pouvoirs à Québec, on discuterait
entre nous ici et on voterait un projet de loi, on aurait une loi, et ce serait
fini.
Une voix :
...
M. Lisée :
Alors, comme il y a une campagne fédérale en ce moment... on est toujours dans
le Canada pour l'instant, mais il y a une
campagne fédérale, donc je vous invite à interpeller les partis fédéraux. Je
comprends que c'est compliqué puis il faut attendre que l'Alberta soit
d'accord aussi, puis ils consomment beaucoup de produits de tabac sans fumée en Alberta, on a entendu parler de ça
aujourd'hui. Donc, le consensus est plus difficile à faire au niveau canadien,
mais, pour l'instant, donc, sur ces
questions de contenu des produits de la cigarette électronique, je vous invite
à aborder les candidats fédéraux,
également ceux du Bloc québécois et à faire en sorte que le Canada bouge, parce
que très souvent le Québec est obligé d'attendre, pour le bien commun,
que le Canada puisse faire quelques avancées aussi.
C'est
les questions que j'avais pour vous aujourd'hui. Merci beaucoup de votre
engagement contre le tabagisme, merci beaucoup de la qualité du mémoire
que vous nous avez présenté.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la
parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de
10 minutes.
Mme
Soucy : Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais vous
dire : Félicitations, vous faites honneur à votre fédération. Vraiment,
excellent mémoire; très nuancé, d'ailleurs.
Je
m'interroge sur les conséquences d'empêcher le vapotage sur les terrasses. Si
je prends pour acquis que les risques
pour la santé liés à la vapeur des cigarettes électroniques sont moindres que
la fumée secondaire des cigarettes régulières...
je sais qu'il reste beaucoup d'études à faire, mais, si on part de cette
prémisse-là, pensez-vous que c'est de mettre
un obstacle, en fait, aux consommateurs qui sont motivés d'arrêter de fumer
puis qui utilisent la cigarette électronique de les obliger d'aller... de sortir de la terrasse, en fait, puis
d'aller parmi les consommateurs de tabac? En fait, je me pose la question.
Puis, en tant que jeunes médecins, qu'est-ce qui, pour vous, est le plus
dommageable, en fait? Est-ce que c'est d'envoyer
l'utilisateur de cigarette électronique... d'aller fumer parmi le troupeau, si
je peux utiliser l'expression, là, de fumeurs
ou c'est de peut-être légiférer, en fait, pour dire : Bien, les cigarettes
électroniques, on les laisse sur la terrasse?
Mme
Veilleux Carpentier (Ariane) : Merci pour votre question. Je pense que
c'est une question qui en effet, là, amène, disons, un certain dilemme.
Je vous
dirais que, dans l'optique d'être cohérents avec ce qu'on a amené, d'être cohérents
avec le fait qu'on veut interdire de fumer sur les terrasses puis qu'on
veut que la cigarette électronique soit un produit considéré comme un produit du tabac, il ne faut pas créer, dans le
fond, une nouvelle mode de vapoter sur les terrasses. Peut-être que pour les
fumeurs ça va être effectivement... ils vont
devoir, ceux qui... les fumeurs qui vapotent et qui tentent d'arrêter de fumer,
si c'est ça qu'ils tentent de faire, ils
vont devoir aller avec les autres fumeurs, mais le plus grand danger, c'est de
créer, dans le fond, de nouveaux
fumeurs, de nouveaux vapoteurs chez nos jeunes qui fréquentent les terrasses,
qui fréquentent les bars, qui, eux,
dans le fond, vont continuer à perpétuer le geste de fumer, perpétuer
l'habitude, développer la dépendance à
la nicotine. Donc, juste en termes de cohérence, je pense, avec tout ce qu'on a
amené aujourd'hui, je ne pense pas que ce serait une option valable pour
nous de conserver le vapotage sur les terrasses.
Mme
Soucy : Si on considère que la cigarette électronique est un bon outil
pour cesser de fumer, est-ce qu'on devrait
considérer qu'elle pourrait contenir des doses variables de nicotine comme les
timbres, par exemple? Pensez-vous qu'il serait préférable que ça soit accessible dans les pharmacies pour
profiter, en fait, du conseil d'un expert en santé comme le pharmacien?
Mme Veilleux Carpentier (Ariane) :
Je vais laisser Philippe Giguère répondre à cette question.
M. Giguère
(Philippe) : Je ne pense pas que c'est quelque chose auquel on avait
réfléchi. Je pense que ça pourrait être
une bonne idée. Surtout si ça devient quelque chose qu'un médecin pourrait,
disons, prescrire officiellement à des patients,
ça serait raisonnable que ça soit dans les pharmacies. Puis, par rapport à la
dose de nicotine variable, je pense que,
dans l'optique où c'est une aide à la cessation tabagique, il faudrait qu'il y
ait une dose de nicotine qui peut être, disons, ajustable, diminuée avec le temps mais que ce soit clairement indiqué et
que ce soit bien réglementé, comme on l'a dit, pour que le consommateur
ait réellement ce qui est écrit sur l'emballage.
Mme
Soucy : Par exemple, je tiens à préciser, sans prescription, parce
que, si on légifère avec une prescription, l'accessibilité au médecin de famille n'étant pas commune au Québec, ça
devient plus difficile, donc on va... J'ai peur que ça décourage, hein,
juste les gens d'avoir un rendez-vous puis qu'ils continuent à fumer. Donc, il
faut que ce soit accessible, puis je pense que c'est important d'exclure la
prescription, là, que vous mentionnez.
M. Giguère
(Philippe) : Donc, nous... encore une fois je vais me répéter, mais,
nous, l'objectif, c'était d'assujettir à
la Loi sur le tabac. Donc, ça permettrait à n'importe qui d'acheter des
produits... bien, n'importe qui qui a au-dessus de 18 ans d'acheter le produit, mais ça pourrait être
éventuellement, s'il y a de la recherche, tout ça, justement un peu comme
les timbres, un produit qui est en vente libre
mais qui sur prescription serait peut-être remboursé à une certaine hauteur
par l'assurance maladie ou les assureurs, etc.
Mme
Soucy : Mme Ruel-Laliberté, vous mentionniez tantôt qu'en tant
qu'étudiante vous seriez beaucoup plus à l'aise de conseiller l'utilisation de la cigarette électronique s'il n'y
avait pas de nicotine. Alors, corrigez-moi si je fais fausse route,
mais, s'il n'y a pas de nicotine, il n'y a pas d'effet de sevrage non plus.
Donc, l'objectif même de la cigarette électronique n'est pas atteint.
M. Giguère
(Philippe) : ...peut-être que tu t'étais mal exprimée, mais, je ne
sais pas, je pense que l'objectif, ce serait,
quand il y a de la nicotine, que ça soit bien indiqué. Puis, oui, pour la
cessation tabagique, c'est utile d'avoir de la nicotine. Par contre, je pense qu'un des avantages que pourrait avoir la
cigarette électronique comme moyen de cessation tabagique, c'est le fait que, comme on disait, la dépendance n'est pas
seulement pharmacologique, elle est aussi sur les aspects un peu plus sociaux, sur le geste de
fumer, puis ça permet peut-être de faire le sevrage, si on veut, en deux temps,
donc, d'une part, le sevrage à la nicotine,
puis ensuite tranquillement, avec peut-être une cigarette électronique sans
nicotine, faire le sevrage davantage du geste et de ces moments, tu
sais, de pause, par exemple, au travail, etc.
Mme Soucy : J'ai une dernière
question. En tant que mère d'adolescentes, je suis préoccupée, en fait, par les
publicités, hein, qui font un lien entre la
consommation de tabac et la minceur, tu sais. J'ai un exemple parfait ici, là.
Alors, ce genre de publicité
m'inquiète, parce qu'on sait très bien que les adolescentes sont influençables
surtout quand ça a trait au paraître, au physique. En fait, je dis «les
adolescentes», mais c'est «les adolescents» aussi, là.
Alors,
pensez-vous qu'on devrait formellement interdire les publicités qui font un
lien entre la minceur et l'utilisation du tabac?
Mme Veilleux Carpentier (Ariane) :
Merci pour la question. Je la renvoie à David Alexandre Galiano.
• (12 h 20) •
M. Galiano
(David Alexandre) : Donc, évidemment, vous avez tout à fait raison,
c'est un grand problème, surtout pour la population qui est plus jeune,
qui est plus influençable, si on veut.
Si je ne
m'abuse, la publicité pour les produits du tabac, pour ce qui est de la
cigarette en tant que telle, est déjà interdite, mais il y a toujours
les noms qui sont possibles, comme — j'ai des exemples ici, juste
là : Virginia Slims, Vogue Superslims.
C'est des choses qui permettent d'attraper... mais je pense qu'aussi le fait
que la cigarette électronique, donc — on
en parlait tout à l'heure — ne
soit pas réglementée présentement et assujettie à la Loi sur le tabac, ça
permet justement toute cette publicité
qui promeut la cigarette électronique. Donc, c'est pour ça que je pense qu'il
faut vraiment renforcer le fait que la
cigarette électronique doit être assujettie à la réglementation sur le tabac.
Et ensuite aussi l'interdiction... justement, les Superslims, toutes ces
choses-là, si la taille était réglementée à 7,5 millimètres pour le diamètre
et ne pas dépasser 70 millimètres, on pense sérieusement que ça serait une
mesure excellente pour justement ne pas attirer ces populations qui sont
plus vulnérables ou plus influençables, si on veut.
Mme Soucy : Ne pas créer de mode, en
fait.
M. Galiano
(David Alexandre) : Exactement, parce que le plus dangereux, c'est
vraiment le style de vie que la cigarette
promeut, et c'est ça qu'on... C'est la mesure qu'on pense la meilleure, si on
élimine toute cette histoire de style de vie. Et ensuite la cigarette va apparaître comme étant le produit
qu'elle est, dans le fond : nocive, cancérigène et mauvaise pour la
santé.
Mme Soucy : Merci beaucoup. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les
représentantes, représentants de la Fédération médicale étudiante du
Québec.
Compte tenu de l'heure, je suspends nos travaux
jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
(Reprise à 14 h 7)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
allons reprendre nos travaux. Je demande à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre, donc, les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le
tabagisme. Nous entendrons cet après-midi l'Association pulmonaire du Québec, l'Institut de cardiologie de Montréal, le Centre
jeunesse de Montréal, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries
et tavernes du Québec ainsi que l'Association canadienne du vapotage.
Alors, je
souhaite maintenant la bienvenue au représentant de l'Association pulmonaire du
Québec. Bienvenue à votre Assemblée
nationale. Je vous demanderais de préciser votre nom, vos fonctions, dans un
premier temps, et par la suite, bien,
vous disposerez d'une période de 10 minutes de présentation. Nous aurons un
échange après avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Association pulmonaire du Québec (APQ)
M. Larivée (Pierre) : Merci
beaucoup. Alors, merci de bien vouloir recevoir l'Association pulmonaire du Québec cet après-midi. Mme la ministre, chers
membres de la commission, je me présente tout d'abord, je suis Pierre Larivée,
je suis médecin spécialiste en pneumologie depuis 1992, donc, je pratique au
Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Donc, sur une base quotidienne,
je suis pneumologue prenant en charge les patients atteints de maladie respiratoire et à même de constater les impacts
néfastes du tabagisme sur les patients porteurs de maladie respiratoire.
Je vous dirais, je suis également professeur titulaire à la Faculté de médecine
de l'Université de Sherbrooke. Je suis également
un programme de recherche en asthme. Et, bien entendu, aujourd'hui, je suis le
porte-parole de notre Association pulmonaire du Québec.
Peut-être
prendre deux minutes pour vous situer l'Association pulmonaire du Québec, pour
ceux qui sont moins familiers. C'est
un organisme à but non lucratif qui existe maintenant depuis 1938 et qui a
toujours été impliqué dans la lutte contre
les maladies respiratoires et également contre les principaux facteurs de
risque, telle la cigarette. L'APQ, historiquement,
était là pour la lutte contre la tuberculose, quand on a réussi à vaincre la
tuberculose. On s'est impliqués, par
la suite, dans les différentes maladies respiratoires. On joue un rôle
important dans l'enseignement aux patients, dans le soutien à la recherche en
santé respiratoire et, au quotidien également, sur le terrain, avec des lignes
téléphoniques, de l'information et
même des collaborations avec le ministère de la Santé sur le dossier du cancer
du poumon et du radon.
• (14 h 10) •
Je vous
dirais que je vais vous présenter de façon concise les points principaux du
mémoire de l'APQ, qui, d'entrée de
jeu, je vous le mentionne, appuie totalement, avec enthousiasme et beaucoup de
positif, le projet de loi n° 44 visant à renforcer la lutte contre le tabagisme, parce qu'aujourd'hui... Je
pensais à ça, en fait, hier soir, je me disais : Bien entendu, je suis le porte-parole de l'APQ, mais, au
quotidien, je suis un pneumologue et j'espère que dans la période de questions...
ça me fera plaisir de témoigner de mon
quotidien dans la prise en charge des maladies respiratoires et de vous donner,
en fait, des éléments plus vivants sur ce
que c'est, le cancer du poumon, pour la population québécoise, quel est le
fardeau du cancer du poumon. Et on
sait que le cancer du poumon serait totalement évitable, parce que la cause
numéro un, c'est le tabagisme. C'est le cancer le plus mortel pour
lequel on connaît la cause.
Donc,
j'aimerais ça tantôt peut-être partager quelles sont les statistiques
concernant le... Je sais que vous allez être bombardés de statistiques
et de chiffres, mais j'aimerais ça vraiment vous partager l'importance de ce
fléau au quotidien
pour la population québécoise et également d'une autre entité qui s'appelle la
maladie pulmonaire obstructive chronique.
Le mot «MPOC», des fois, est plutôt méconnu de la population. C'est une maladie
qui englobe, si on veut, une maladie
qu'on appelle l'emphysème et la bronchite chronique tabagique. Donc, la MPOC,
une maladie qui également vient
empiéter sur la qualité de vie des Québécois. On sait que la prévalence est
très significative, le taux de mortalité augmente malgré tout le progrès
qu'on fait dans le domaine biomédical. En cardiologie... je voyais le Dr Juneau
tantôt, puis on a réduit considérablement la
mortalité de la maladie cardiovasculaire. De façon très triste, la mortalité
reliée à la MPOC est encore en augmentation. Ces gens-là, j'en parlerai
en détail tantôt, mais il reste que la cigarette est responsable de la MPOC. Et, si on parle d'hôpitaux québécois, certainement
un sujet qui vous intéresse, je vous dirais que, quand on regarde à l'intérieur des maladies chroniques, il est
important de redire tout de suite d'entrée de jeu que la MPOC, à travers
les affections chroniques, c'est la première cause d'hospitalisation dans nos
hôpitaux. C'est spectaculaire, une
hospitalisation, un patient qui a une exacerbation de sa MPOC, ce qu'on appelle
une crise pulmonaire, une infection,
et qui se ramasse à l'hôpital. On sait qu'une hospitalisation dure en moyenne
10 jours, une durée de séjour significative,
et qui coûte à l'État 10 000 $. Donc, il y a des coûts énormes
également en ce qui concerne la prise en charge de la MPOC et ses
conséquences sur la qualité de vie du patient au quotidien.
Donc, je
pourrai répondre vraiment... et je me fais insistant, mais, je me disais,
j'aimerais ça que vous, du côté de la
vie politique, puissiez avoir vraiment le portrait, tu sais, du cancer du
poumon au Québec et de la MPOC. Vous allez entendre plein d'intervenants. Le Dr Juneau, j'imagine, va également
avoir cette anxiété de partager, de vous faire vraiment comprendre l'impact du tabagisme sur les maladies
cardiovasculaires. Moi, c'est mon rôle également, comme pneumologue et
comme porte-parole de l'APQ, de vraiment vous résumer l'impact du tabagisme sur
les maladies respiratoires.
Si on regarde
le projet de loi n° 44, l'APQ, évidemment, comme je disais, avec
enthousiasme et positif souligne le
projet de loi avec vraiment beaucoup d'enthousiasme, et on a volontairement mis
à part trois points importants pour nous.
Il y a trois points, comme vous avez vu dans le mémoire. Le point 1, en
fait, les recommandations étaient le premier point, qui concernait l'interdiction de fumer en présence de mineurs, de
jeunes de moins de 16 ans. Ça, c'est un point qui tenait à coeur, le Québec étant la seule province
qui n'avait pas encore adopté cette loi. Si vous le voulez bien, je pourrai
vous résumer l'impact de la fumée secondaire, certainement dans un milieu clos
comme est le véhicule automobile, et son impact
sur la santé des jeunes patients en termes d'exposition à la fameuse fumée
secondaire. Alors, ça me fera plaisir de vous résumer ça. On était
attristés de voir qu'au Québec, surtout des jeunes qui proviennent de milieux socioéconomiques défavorisés, on mentionne jusqu'à
27 % de jeunes personnes qui, quotidiennement, sont exposés à la fumée secondaire et avec toutes ses conséquences
sur leur état de santé. Donc, pour nous, la première recommandation était que l'association évidemment recommande
fortement au ministère de la Santé d'adopter le plus rapidement le projet
de loi n° 44 et particulièrement cet item voulant protéger la santé
respiratoire de nos jeunes Québécois.
Le deuxième
point, qui également nous tenait à coeur, c'était également de recommander
l'adoption rapide de l'abolition de
l'aromatisation des produits du tabac. On a tous connu l'historique de la loi
fédérale, le projet C-32, où déjà on a
fait un progrès, mais je vous dirais que, dans le monde de l'industrie
tabagique, c'est un jeu d'action-réaction, et rapidement on a contourné ce projet de loi pour s'assurer de
bien incorporer toutes sortes de substances aromatisantes et pour rendre
le tabac alléchant pour nos jeunes
adolescents, sachant que c'est une clientèle privilégiée, une clientèle cible,
certainement. Et on était troublés
par le fait que, comme vous le savez bien, la vente de produits aromatisés, de
cigares, de cigarillos est en
augmentation croissante; produits aromatisés bons au goût mais qui comportent
évidemment tous les effets néfastes du
tabagisme conventionnel. Donc, on était effectivement très attentifs à ça. Et
dans le but, encore une fois, de protéger la santé respiratoire des jeunes Québécois et des Québécois dans son
ensemble, notre recommandation était d'adopter ce projet de loi, cet
item particulièrement, très rapidement.
On débordait
également le projet de loi n° 44 et on s'est inspirés également des
progrès réalisés par l'Australie en
ce qui concerne l'adoption de l'emballage neutre et standardisé pour tous les produits
du tabac. En fait, si je vous résume un peu la position de l'Australie, c'est
qu'ils se sont attaqués en premier au problème. L'Australie oblige à tous les
marchands à emballer leurs produits du tabac dans des paquets standardisés et
neutres. Tel que vous le voyez dans le mémoire à la page 14, en fait, les
paquets se doivent d'être tout simplement horribles, d'avoir une couleur brune,
olive foncé, d'avoir un fini mat tout à fait
non attrayant. La loi interdit aussi d'y inclure des éléments de marque où on
pourrait comporter du graphisme, des slogans, des logos. Le seul aspect
définissant la marque pouvant apparaître sur le paquet est son nom dans
une petite police qui serait définie par la loi.
On sait que l'Australie a accompli des progrès
considérables en ce qui concerne la prévalence du tabagisme, avec des chiffres qui sont passés de 15 % en
2010 à 12,8 % en 2013. On est très conscients que nous plafonnons, au
Québec, avec une prévalence de tabagisme aux alentours de 23 %. On
rêve d'abaisser, tout comme le ministère le voulait... on souhaitait l'abaisser
dans des chiffres aux alentours de 16 %, idéalement à 10 %. Et on
croit qu'enfin d'enrayer le marketing d'un poison par des couleurs, des formes
ou du matériel novateur... L'Association pulmonaire du Québec réclame l'obligation d'un emballage neutre et
standardisé qui ne laisse aucune place à la publicité. On propose de prendre
en exemple l'Australie et son modèle unique
d'emballage, jugé peu attirant pour les jeunes, sans logo et comportant les
avertissements usuels, les mises en garde au niveau de la santé.
Donc, c'était
l'essence même... Encore une fois, on est très contents que nous sommes... en
fait, nous faisons face au projet de
loi n° 44. C'est des progrès. On veut continuer de faire des progrès
énormes dans la lutte contre le tabac. Je vous dirais également que l'association souhaitait également
qu'éventuellement il y ait même un moratoire sur les nouveaux produits de tabac, parce que, comme je disais
tantôt, c'est un jeu d'action-réaction. L'industrie réagit à la réglementation,
donc on devrait avoir un moratoire sur tous
les nouveaux produits de tabac, et également on pense qu'une prochaine étape,
ce serait une réflexion plus profonde encore
sur toutes les nouvelles pistes pour poursuivre notre combat envers le
tabagisme, qui, encore une fois, pour
moi, comme clinicien... je suis en mesure de constater les impacts journaliers,
principalement à travers
le cancer du poumon, la MPOC. Le Dr Juneau vous entretiendra de la maladie
cardiovasculaire, mais les pneumologues-pédiatres
qui font également partie de l'Association pulmonaire du Québec vous diraient
que, pour eux, c'est très important,
la fumée secondaire, parce que, la santé publique, les experts témoigneront
devant vous qu'il est clair que
l'exposition de nos jeunes enfants à la fumée secondaire, la fumée qui sort de
la cigarette qui grille, est très nocive, contient beaucoup de
carcinogènes.
Tout le monde
vont vous dire qu'il y a 7 000 produits chimiques, au moins 70
carcinogènes qui vont sortir de cette fumée
secondaire, cette fumée latérale, et il est important de vous mentionner que
cette fumée secondaire... en fait, pour un jeune enfant, il y a une augmentation réelle, lorsqu'on est exposé au
tabagisme passif, d'un nombre... d'augmenter le nombre d'otites, de
bronchites, de pneumonies. Alors, ça, c'est le quotidien des pédiatres et des
pneumologues et pédiatres. La fumée
secondaire augmente de façon remarquable le nombre de crises d'asthme chez les
jeunes patients asthmatiques et est
même un facteur de risque dans la mort subite du nourrisson. Donc, les gens en
pédiatrie, évidemment, salueront avec enthousiasme le point précis
qu'est l'interdiction de fumer en présence de mineurs dans les véhicules
automobiles.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Dr Larivée. Alors, à la
demande de Mme la ministre, je vous ai permis
de compléter en additionnant deux minutes à votre 10 minutes. C'est évidemment
amputé sur le temps de la ministre, qui,
je pense, a bien hâte d'échanger avec vous. Pour une période de
21 min 30 s, la parole est à vous, Mme la ministre.
• (14 h 20) •
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous, Dr Larivée, merci d'être
venu nous présenter votre mémoire, et
j'ai bien hâte effectivement de pouvoir vous redonner la parole, parce que la
fumée secondaire m'interpelle beaucoup, effectivement.
Et je vais vous
laisser expliquer ça mieux que moi puis je vais aussi, un petit peu plus tard,
vous questionner sur toutes les
conséquences du tabagisme et comment vous vivez ça dans votre vie, de voir des
patients atteints du cancer du
poumon, c'est quoi, l'évolution, comment on vit ça, comment les patients vivent
ça, parce que, tu sais, on peut parler des
coûts de santé, du système de santé, on peut parler des gens, mais il faut
parler du drame humain, je pense, puis le drame humain, ce n'est pas juste la personne qui est atteinte d'un
cancer du poumon, c'est la famille au complet qui est autour de cette personne-là qui en est affectée.
Et je vais vous laisser parler de ça, parce que, quand j'en parle, moi — parfois, on peut me dire toutes sortes de choses — comme étant émotive, on m'a dit même...
mais, je rassure tout le monde, là, je ne
suis pas émotive quant à ça. J'ai vu mon père décéder d'un cancer du poumon en
2000, et c'est factuel. Ce n'est pas qu'est-ce
qu'on souhaite pour nos proches, honnêtement, et je ne suis nullement émotive,
là. J'ai vu comment ça s'est déroulé.
Puis ce n'est pas juste moi à qui ça arrive, ça arrive à plein de gens dans le
Québec. Et je pense que j'ai fait mon deuil,
là. On va se dire la vérité, ce n'est pas avec émotion que je dis ça, c'est...
si on peut épargner d'autres gens de vivre cette souffrance-là, mais
aussi à leurs familles de vivre ça.
Alors, moi,
d'entrée de jeu, je veux vous redonner la parole puis que vous nous parliez
comme il faut des impacts de la fumée
secondaire, notamment pour les enfants. Et je vous ai entendu parler d'otites,
d'asthme, de mort subite du nourrisson,
de la MPOC. C'est toutes des choses que la population, à mon avis, a besoin
d'entendre, et ça ne va pas venir de
la ministre, ça va venir de quelqu'un du milieu médical qui vit avec ça tous
les jours. Alors, je vous laisse la parole pour que vous nous expliquiez mieux les conséquences de la fumée
secondaire. Ça, ça veut dire les gens qui entourent les gens qui fument,
là, notamment les terrasses, les voitures, etc., mais aussi dans les maisons
privées.
M. Larivée
(Pierre) : Bien, merci beaucoup. C'est extrêmement généreux de votre
part de me retransmettre la parole,
parce que, comme je disais d'entrée de jeu, j'avais cette anxiété-là de vous
partager cette information et parce que je me voyais aujourd'hui un rôle
important, comme pneumologue, de vous donner ce témoignage-là.
Je
commencerais, si vous voulez, par le cancer du poumon puis je terminerais par
la fumée secondaire. Je vous dirais,
actuellement, j'étais le médecin traitant ce week-end à l'hôpital, au CHUS,
puis, sur mes 35 patients hospitalisés... il faut dire qu'en pneumologie au CHUS on s'occupe également des soins
palliatifs, et je vous dirais que deux patients sur trois étaient en palliation en ce qui concerne leur cancer du
poumon. Donc, c'est une réalité. Si on regarde les statistiques, je vous
le rappelle encore, c'est que c'est le cancer le plus mortel, à la fois chez
l'homme et chez la femme.
Malgré tous
les progrès qu'on a faits au niveau tantôt que je mentionnais, de toute
l'imagerie, les tomographies, la
médecine nucléaire, il n'y a pas de bons moyens de dépister le cancer du poumon
en 2015, il n'y a pas de programme de dépistage. Il y a une question qui
demeure très controversée sur l'utilisation, justement, des tomographies pour
le dépistage des patients fumeurs, je ne
veux pas débattre de ça aujourd'hui, mais, au moment où on se parle, on n'est
pas efficaces à dépister le cancer du
poumon. Je vous dirais que, trois fois sur quatre, la réalité qui nous frappe
au quotidien, le Dr Ostiguy, qui est
ici, et moi-même, pneumologue, on est appelés pour voir des patients qui ont
une tache aux poumons. Trois fois sur
quatre, lorsqu'on procède à l'investigation de ces gens-là, la maladie est déjà
trop avancée. Lorsqu'on fait un bilan d'extension, on s'aperçoit qu'il y a déjà
des métastases, donc propagation de la maladie néoplasique à distance, atteinte des ganglions, atteinte du foie, atteinte
des os, atteinte du cerveau. Trois fois sur quatre, on doit annoncer... Et
l'âge est très variable, il y a des
gens de 35 ans, de 40 ans, de 50 ans. Le cancer du poumon n'a pas d'âge et est
relié à 90 % à la cigarette.
Donc,
j'allais dire que, trois fois sur quatre, bien entendu, on va offrir des traitements,
souvent, de radiothérapie ou de
chimiothérapie. Seulement 20 % à 25 % ont l'opportunité d'avoir une
intervention chirurgicale, une chirurgie — une lobectomie,
une pneumonectomie — pour
réséquer le cancer du poumon et en espérant d'avoir un impact sur sa survie
à cinq ans. Donc, on peut guérir... En fait,
il est important de vous mentionner que, malgré tous les progrès, malgré les
progrès au niveau de la chimio, de toute la technologie, des nouveaux
médicaments qui s'appellent la thérapie ciblée, également qui sont très coûteux, l'INESSS,
l'Institut national d'excellence en santé, est confronté, en fait, à
l'évaluation de nouvelles thérapies
pour le cancer du poumon, qui sont prometteuses, mais comment coûteuses. Et
malgré tout ça, quand on regarde la
survie, c'est la même survie qu'on avait dans les années 60, 70. Toutes
proportions gardées, on parle d'une survie,
à cinq ans, de seulement 10 % à 15 % des gens, toutes catégories
confondues. Donc, trois fois sur quatre, la tristesse au quotidien... J'ai fait ça hier avec un jeune
patient de 52 ans. J'ai dû lui dire que la maladie était déjà nettement
avancée, qu'on va procéder au
diagnostic et qu'on va le diriger dans une chimiothérapie palliative ou de la
radiothérapie palliative avec des succès thérapeutiques très modestes.
Donc,
il y a un impact énorme, et c'est très frustrant, parce que, comme
pneumologues, on connaît la cause, on est
très frustrés. Bien entendu, il faut mettre de l'argent dans la recherche et
dans l'élaboration d'un nouveau médicament, mais, à la base, on connaît la cause. Donc, c'est pour ça que tous les
pneumologues de la province de Québec se rallient, sans doute, au projet de loi n° 44 et son
impact sur, éventuellement, la réduction... parce que les chiffres
astronomiques qu'on voit aujourd'hui
sont le reflet de l'accentuation du tabagisme dans les années 70, 80.
L'accentuation du tabagisme dans ces
années-là, bien, on paie 20 ans, 30 ans plus tard à la fois en termes de cancer
du poumon et de la fameuse MPOC, que je reviendrai tantôt,
l'emphysème et la bronchite chronique, qui également est associée à un
impact majeur pour la qualité de vie des
Québécois. Souvent, quand on pense au cancer, au cancer du sein... Je rappelle
que le cancer du sein, malheureusement,
provoque le décès de deux fois plus de Québécoises que le cancer du sein... le
cancer du poumon tue deux fois plus
que le cancer du sein en raison de l'inefficacité de nos traitements et du
manque, encore une fois, de méthodes efficaces pour le dépister
précocement.
Le
tabagisme, la fumée secondaire. Encore une fois, en toute modestie, je suis un
médecin spécialiste en pneumologie, je
ne suis pas un expert en santé publique, je ne suis pas un expert en médecine
environnementale, mais, comme médecins spécialistes,
on lit évidemment avec grand intérêt tout l'impact de la fumée secondaire sur
l'état de santé et de nombreuses études
épidémiologiques. C'est un domaine, je dirais, qui n'est pas facile, parce que,
lorsqu'on parle d'évaluer l'impact de la fumée secondaire sur l'état de santé,
il y a plusieurs éléments de méthodologie, ce qu'il faut surveiller. Donc,
il est très difficile pour un clinicien de
bien évaluer la pesée de chacune des études qui sont publiées. Et ça, je vous
transmets cette information-là, parce
que plein d'individus vont dire : Bien oui, mais il y a une étude, une
telle étude, une telle étude, puis
les gens, les experts en santé publique, ils sont formés pour évaluer la
qualité de toutes ces études épidémiologiques. Malgré tout ça, la communauté médicale, particulièrement en santé
respiratoire, on est convaincus largement — la preuve a été largement faite — des
impacts néfastes de la fumée secondaire.
Si
on parle de risques d'apparition d'un autre cancer, en fait, donc, chez les
non-fumeurs... Le cancer du poumon, c'est
une maladie du fumeur, mais, à chaque année, il y a des gens qui développent un
cancer du poumon en raison de leur exposition significative, dans nos maisons,
à la fumée secondaire. Le risque relatif; on parle d'un risque accentué de 25 % de contracter un cancer du poumon
chez quelqu'un qui est exposé à la fumée secondaire. Il y a même des données
en ce qui concerne le risque de contracter un cancer du sein et l'exposition au
tabagisme passif.
Les
maladies cardiovasculaires... et là je vais laisser le Dr Juneau tantôt...
mais, même si je suis pneumologue, on
reconnaît largement que l'exposition à la fumée secondaire est impliquée dans
la pathogenèse, la pathophysiologie des
maladies cardiaques, de la maladie cardiaque athérosclérotique, l'angine et
l'infarctus du myocarde, les crises de coeur. En fait, il y a toute une mobilisation actuellement, entre autres, par
le collègue du Dr Juneau, le Dr François Reeves, qui est cardiologue et
qui reconnaît, de par ses travaux et ses publications, ses ouvrages, que la
santé cardiovasculaire est certainement
influencée par les facteurs de risque que vous connaissez : l'obésité, la
sédentarité, le cholestérol, le stress, le manque d'exercice. Mais plus on va, plus on reconnaît l'importance de
la qualité de l'air dans l'apparition de la maladie cardiovasculaire et
dans son entretien. Alors, ça, c'est quelque chose qui est très significatif.
• (14 h 30) •
L'exposition
à tous les produits toxiques... Et je fais la parenthèse, peut-être, sur les
produits toxiques. Encore une fois,
dans tous les bouquins, vous allez retrouver qu'il y a 7 000 produits
toxiques, 70 carcinogènes. Je ne vais pas vous les nommer. Mais il est évident que la fumée latérale, ce que
les Anglais appellent le «sidestream», est très toxique. On dit, par
exemple, qu'il pourrait y avoir trois fois plus de monoxyde de carbone dans la
fumée secondaire, je vous dirais, sept fois plus de benzène — c'est
des carcinogènes qui proviennent de la combustion, tout simplement — à peu
près 70 fois plus de nitrosamines,
également des carcinogènes, dans la fumée secondaire, 100 fois plus
d'ammoniac. L'ammoniac va contribuer à l'inflammation des voies
respiratoires.
Donc,
la fumée secondaire est certainement toxique. Et, comme je le mentionnais
tantôt, en pédiatrie, chez nos jeunes
enfants, l'exposition, particulièrement en auto, il va y avoir des quantités de
fumée considérables que souvent on va évaluer
par la mesure des particules fines générées par la fumée de tabac. Et les
preuves sont évidentes que, entre autres, en voiture automobile, les jeunes enfants sont exposés à des
concentrations toxiques, et c'est directement responsable de consultations par les papas et les mamans
d'enfants québécois au sans rendez-vous pour des otites, des bronchites, des
pneumonies. Et, l'asthme, qui est un
problème de santé important chez les jeunes, on parle d'une incidence de 15 à
20 %. Le contrôle de l'asthme est très difficile lorsqu'on vit en
présence d'un fumeur. Ça implique une quantité accrue de médication, de petites pompes de cortisone en
inhalation, de bronchodilatateurs. Ça implique pour les parents qui continuent
à fumer que leurs enfants soient
hospitalisés pour des crises d'asthme plus fréquemment. Ça implique des
consultations à la salle d'urgence et surtout un absentéisme à l'école
également.
Donc,
pour la communauté, pour les spécialistes en maladies respiratoires, pour
l'Association pulmonaire du Québec, il
n'y a pas de doute que la fumée secondaire est très nocive et qu'il faut
absolument appliquer le projet de loi n° 44 pour vraiment avoir un
élan positif dans la lutte contre la fumée secondaire.
Mme
Charlebois :
Qu'est-ce que vous auriez le goût de dire à des gens qui nous disent que sur
les terrasses on respire d'autres particules chimiques que la fumée
secondaire et que c'est aussi nocif?
M.
Larivée (Pierre) : Alors, ça, c'est un sujet, effectivement, je vous
dirais, épineux et controversé. L'association supporte l'interdiction de
fumer dans les terrasses.
Encore là, je
vous dirais, autant il y a d'études, autant il y a de méthodologies, autant il
y a de facteurs confondants. Il faut être très prudent lorsqu'on
interprète une étude de la qualité de l'air par la présence, comme vous l'avez
bien mentionné, de contaminants qui peuvent
provenir du produit de combustion des véhicules automobiles, tout simplement.
Donc, c'est certain qu'il faut vraiment être
expert pour bien juger de la qualité. Il n'en demeure pas moins qu'il y a
plusieurs études qui démontrent,
lorsqu'on procède à des échantillonnages de la qualité de l'air dans les bars
et dans les terrasses extérieures,
qu'on peut certainement dépister, si on considère que la quantité de particules
fines reflète bien l'exposition à la
fumée secondaire, qu'il peut y avoir des pics d'exposition en termes de
quantité de concentrations de particules fines qui dépassent largement la concentration qui est recommandée par
l'Organisation mondiale de la santé. Vous avez vu tous la présence, à Montréal, du Dr Kennedy,
qui est un expert en fumée secondaire dans les milieux extérieurs. C'est
un chercheur réputé, Ph. D., qui est
associé à l'Université Johns-Hopkins, qui est associé maintenant à l'Université
de Waterloo, et qui a procédé ici
même, à Montréal... Ça avait été mandaté par la coalition... la coalition
contre le tabac va sans doute vous
citer les études et de façon un peu aléatoire. Et on pourrait peut-être
critiquer les études. C'est parce qu'on peut dire : Est-ce que c'était rigoureux? Mais il n'en demeure pas
moins qu'on était facilement capable de dépister des concentrations qui
sont nettement au-dessus des normes recommandées. Et il y a tellement de
facteurs confondants, comme vous le savez : la surface de la terrasse, la
présence d'un auvent ou pas, la proximité à côté d'un fumeur.
Donc, bien
entendu, c'est un problème social, mais c'est un problème, avant tout,
également, de santé publique, à mon sens, et c'est pour ça qu'on
supporte positivement votre projet de loi, pour protéger... pour essayer
d'enrayer l'exposition, au tabagisme passif,
des gens. Et surtout, j'allais oublier, les travailleurs. Tu sais, on parle de
quelqu'un qui a une exposition
sporadique, mais évidemment imaginez quelqu'un qui travaille pour une période
de huit heures et qui est exposé,
dans son milieu de travail, à la fumée secondaire. Alors, il faut également
protéger la santé de ces travailleurs-là. C'est un point des plus
importants.
Mme
Charlebois :
Ce matin, on a entendu des propriétaires d'établissements où on peut fumer de
la chicha, on a aussi entendu... en
tout cas, il y a d'autres gens qui vont nous parler de choses, mais on a parlé
de... puis, bon, etc., mais j'aimerais
ça vous entendre me parler de comment vous voyez l'interdiction des saveurs à
travers le tabac proprement dit, les
chichas. Il y a eu aussi... je sais que ça ne concerne pas les poumons, mais,
quand même, vous êtes médecin avant d'être pneumologue et vous êtes certainement capable de me parler de ceux qui
vendent le tabac sans fumée, là. Comment vous voyez l'interdiction des
saveurs dans ces produits-là? Est-ce que vous voyez là une avancée qui va nous
permettre de justement réduire la prévalence
au tabac, notamment chez les jeunes, mais aussi sur l'ensemble de la population
ou si vous pensez que...
M. Larivée
(Pierre) : Non. Absolument. Je pense qu'il va y avoir un impact
collatéral de cette mesure du projet de
loi parce que le tabac à chiquer ou les autres tabacs sont également nocifs
pour la santé. Donc, le fait d'aromatiser rend agréable, et on oublie rapidement les conséquences néfastes pour la
santé. Donc, en appliquant l'interdiction de l'aromatisation évidemment à la cigarette et aux autres produits,
on fait clairement un pas vers l'avant. Je ne suis pas un expert en chicha,
mais je comprends que... puis peut-être que
le Dr Ostiguy pourra compléter demain, mais il est clair qu'il y a également...
En fait, lorsqu'on parle de produits de
combustion, tout simplement, même si on prétend que c'est filtré par un
réservoir d'eau, il n'en demeure pas moins que c'est toxique pour la
santé respiratoire, il n'y a pas de doute.
Donc, en
rendant ça moins agréable, il n'y a pas de doute qu'on espère, tout comme vous,
avoir un impact global sur la diminution du tabagisme en tant que tel et
des produits dérivés également. Tout à fait.
Mme
Charlebois :
...disait ce matin, là, ce qu'on m'indique, c'est qu'une cinquantaine de
bouffées de chicha sur une durée
moyenne d'une heure sont équivalentes à deux paquets de cigarettes. Le monoxyde
de carbone présent dans la fumée de la chicha est en quantité sept fois
supérieure à celui présent dans la fumée d'une cigarette.
M. Larivée (Pierre) : Tout à fait.
Mme
Charlebois :
Là, on m'a plaidé qu'il n'y avait pas beaucoup de propriétaires de chichas.
Ceux du tabac sans fumée m'ont plaidé
qu'ils n'étaient pas beaucoup, mais là, s'il y a plein de monde qui ne sont pas
beaucoup, ça doit finir par un tout, hein?
M. Larivée
(Pierre) : Exactement. Et l'aromatisation est également un piège
important. De rendre ça agréable, ça devient
une alternative au tabac conventionnel, qui donne pour les gens une mauvaise
haleine et tout ce que ça comporte. Donc,
ils peuvent être attirés fortement par des alternatives comme vous mentionnez,
tu sais. Donc, oui, tout comme vous, on pense qu'il va y avoir un impact
collatéral à ce projet de loi.
Mme
Charlebois :
On va certainement parler de cigarette électronique, il y a quelqu'un en
arrière de vous qui va en parler, en
tout cas, à tout le moins, et j'aimerais ça que vous me parliez des saveurs
pour la cigarette électronique. On parle de saveurs. C'est aussi bien
d'en parler pour la cigarette électronique. Comment vous voyez ça?
M. Larivée
(Pierre) : C'est sûr que
peut-être qu'au départ j'aime mentionner que le Dr Ostiguy était... J'ai
succédé au Dr Ostiguy — c'est le vice-président sortant — comme conseiller scientifique à
l'Association pulmonaire du Québec. Donc, l'APQ a volontairement été discrète dans son
mémoire pour laisser la parole au Dr Ostiguy, sans aucun doute, mais effectivement on a une opinion sur la cigarette
électronique, et j'aimerais partager cette opinion, premièrement, comme
pneumologue.
C'est clair
qu'on est confrontés, nous, comme cliniciens, il faut aller de l'avant et
s'impliquer dans la cessation tabagique.
Les médecins de première ligne sont largement impliqués, les pharmaciens, les
inhalothérapeutes, les infirmières en
santé respiratoire. On doit tous trouver des stratégies, s'impliquer pour
tenter d'aider nos patients à arrêter de fumer. Il est clair que ce n'est pas facile, vous le savez, il y a tout un
algorithme, toutes sortes de stratégies qui sont déjà connus, largement éprouvés et qui, pour certains patients,
nos patients, les patients des cardiologues, les patients de pneumologues,
les patients de médecins de première
ligne... certains présentent des maladies très avancées auxquelles il est
impératif... bien, pour tout le monde, il est impératif de cesser de
fumer, mais certainement, dans leur cas, c'est encore plus essentiel. Puis on est convaincus que
l'utilisation de la cigarette électronique de façon encadrée va sans aucun
doute être une alternative, une
possibilité, une méthode très intéressantes pour appuyer le patient dans sa
cessation tabagique. Il y a beaucoup
de controverses, puis vous êtes évidemment très conscients de toutes les
controverses. Est-ce que, bon, on a un impact
au niveau de la cessation tabagique? Le Dr Ostiguy va présenter, sans
aucun doute, particulièrement son étude, et les autres études, qui démontre que, lorsque c'est encadré avec un
support, on peut avoir des taux de cessation très intéressants. Il y a d'autres études où, encore
une fois, il faut regarder la méthodologie, est-ce qu'il y a vraiment,
également... ce n'est pas juste une
prescription, ce n'est pas juste à s'adonner à la cigarette électronique, mais
ça prend un suivi puis un encadrement pour mettre toutes les chances de
notre côté dans la cessation tabagique.
Donc, oui,
l'APQ souhaite qu'à la fois le fédéral et le gouvernement provincial légifèrent
rapidement pour la mise en vente de
la cigarette électronique. Puis évidemment on est tous inquiets. Il faut tous
légiférer sur le contenu, les méthodes de fabrication. C'est la loi
fédérale sur les aliments et les drogues, ni plus ni moins. Ce serait facile de
légiférer et de s'assurer de la qualité du
contenu des doses, parce que, quand on parle de thérapie de remplacement
nicotinique, il y a toute une
stratégie également de dosage. Donc, ça, il faut que ça soit fait dans un
premier temps et être encadré, par la suite, avec interdiction aux mineurs.
Donc, la cigarette électronique, potentiellement, est un outil très
intéressant, mais de façon encadrée.
Et actuellement c'est très aléatoire. Ce qui nous fait peur, c'est qu'il y a
peut-être 450 modèles différents de cigarette
électronique avec des contenus... Et je suis loin d'être l'expert et je n'ai
pas le temps et l'énergie de faire la visite de tous ces centres-là. Donc, on souhaite, un jour, qu'il y ait des
lieux qui soient identifiés et certifiés par le ministère comme étant
des gens compétents en la matière pour aider nos patients.
• (14 h 40) •
Le Président (M. Tanguay) : ...30
secondes avec votre échange avec la ministre.
M. Larivée (Pierre) : Alors, c'est
sûr que...
Le Président (M. Tanguay) : Mme la
ministre, vouliez-vous intervenir?
Mme
Charlebois :
Je voudrais juste vous poser une dernière question rapide : Est-ce que
vous considérez qu'inhaler le produit de la vapoteuse, c'est moins
dommageable pour la santé? Et dans quelle mesure vous considérez que c'est dommageable? C'est nocif quand même, mais dans
quelle mesure? Et est-ce que l'encadrement... Parce que j'entends tout le monde me dire que la cigarette électronique
peut aider des gens à arrêter de fumer, puis c'est généralement ça que les
gens veulent faire.
Alors, est-ce
que vous êtes favorable à ça, dans le sens où, si c'est réglementé, on ne
l'interdit pas, mais, moyennant certaines règles, vous pouvez vapoter?
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, avec l'accord de notre collègue de
Rosemont, vous allez répondre, donc, sur le temps de l'opposition
officielle. Alors, je vous en prie.
Mme
Charlebois :
Merci.
M. Larivée
(Pierre) : Merci beaucoup. Je vous dirais que, dans la cigarette, ce
n'est pas la nicotine... la nicotine est
responsable de la dépendance nicotinique, mais la maladie pulmonaire et la
maladie cardiovasculaire sont engendrées par tous les autres produits chimiques. Donc, les thérapies de
remplacement nicotinique sont à l'avant-plan des méthodes pour la cessation tabagique, et les pneumologues,
on n'a aucun scrupule à laisser des patients sous thérapie de remplacement
nicotinique pendant même des années si on
réussit à les empêcher de fumer. Et, vous savez, des fois, on donne une pilule,
comme cardiologue ou comme médecin de famille, pour le cholestérol,
parce qu'on dit : Bien, il y a une tendance à long terme d'être hypercholestérolémique. Fumeur un jour, fumeur toujours.
Donc, j'adhère un peu dans la même philosophie du Dr Ostiguy, que je n'ai aucun scrupule à laisser un patient sous
traitement de remplacement nicotinique à long terme si ça peut l'empêcher d'être exposé à la fumée
primaire de la combustion du tabac. Donc, en tant que telle, la cigarette
électronique nous apparaît sécuritaire.
C'est
sûr qu'il y a des données confondantes, le propylèneglycol, la glycérine
végétale, la combustion, il y a plein de bruits dans la littérature
médicale : Est-ce qu'il y a un risque d'émanation? Est-ce qu'il y a des
métaux lourds qui pourraient être également
émis de ce vapotage? On a vu des données concernant le formaldéhyde également.
Donc, c'est certain qu'on voudrait être appuyés par des données
scientifiques qui prouvent hors de tout doute... On sait que c'est nettement plus sécuritaire que la fumée, il n'y a
aucun doute là-dessus, il y a des chiffres... Le Dr Ostiguy vous dira que
c'est 708 fois... 800 plus sécuritaire que
la fumée de tabac. Donc, si c'est sécuritaire, est-ce qu'il y a des risques
avec les autres
constituants dans le principe électronique du vapotage? Il y a encore des
données qui nécessitent d'être obtenues. Puis il y a tout le dossier du
vapotage passif également. Le vapotage passif actuellement, à ce jour, il y a
très peu de données. C'est sans doute
sécuritaire, mais, encore une fois, l'association et moi-même a tendance à
préconiser le principe de la
précaution, c'est-à-dire qu'on veut que ce soit encadré, que ce soit utilisé
dans un encadrement minimal. Et, lorsqu'on se place du côté de la santé publique et du Dr Gervais, qui viendra
également exposer son point de vue, bien, tant et aussi longtemps qu'on
n'est pas rassurés sur son innocuité complète, bien, sur les terrasses, entres
autres, ça nous apparaît également très raisonnable et souhaitable qu'il y ait
interdiction de vapoter.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous sommes toujours sur le
bloc de l'opposition officielle. Merci, collègue de Rosemont. Il vous
reste 11 minutes.
M.
Lisée : Merci. Merci, Dr Larivée, d'être ici avec nous. Vous
êtes aux prises quotidiennement avec les conséquences du tabagisme.
Vous
nous avez parlé, tout à l'heure, de la fumée latérale, la fumée secondaire.
Évidemment, dans le projet de loi, il
y a des éléments qui ne sont pas vraiment controversés : interdire dans la
voiture pour les moins de 16 ans... On pourrait dire : Pour les moins de 18 ans. On pourrait dire : À chaque
fois qu'il y a un non-fumeur qui le demande. Enfin, les mineurs,
certainement, ce n'est pas controversé.
Ce
qui est un petit peu controversé, c'est les terrasses. Terrasses, espace de
liberté, hein? Il fait beau, on s'assoit, on discute, on boit, on fume. Alors, est-ce que c'est un espace de
liberté qu'on va enlever aux Québécois? Bien sûr, il y a 80 % des Québécois qui sont non-fumeurs. On
va parfois dans les terrasses en famille, 100 % des mineurs sont
non-fumeurs. Vous avez parlé, tout à
l'heure, de l'impact très mesurable de la fumée secondaire sur les mineurs, et
un sondage montre que la moitié des fumeurs sont d'accord avec
l'interdiction en terrasse.
Quand même, on est des législateurs, on écoute, il
y a des suggestions qui nous sont faites, et ce n'est pas notre tendance
naturelle de brimer la liberté, mais là il y a une suggestion qui a été faite
ce matin, j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a quelqu'un qui a dit :
Bien, on devrait diviser les terrasses ouvertes en deux sections, pour fumeurs
et non-fumeurs, afin de respecter une
distance de 1,5 mètre entre les deux sections pour que la fumée puisse se
dissiper sans incommoder les non-fumeurs. Qu'est-ce que vous en pensez?
M.
Larivée (Pierre) : Je vous dirais, ce qui m'embête là-dedans, c'est
est-ce qu'il y a un risque de communication, évidemment, par les aires ouvertes. Est-ce que, tôt ou tard, même s'il y
a un espace entre les deux, il va y avoir cette espèce de panache de fumée qui pourra peut-être circuler
et incommoder la personne qui se situe... Même si elle est un petit peu plus à distance, il y a toujours des risques. Il
faudrait que ça soit étudié. C'est une proposition qui peut être certainement
intéressante, mais il faudrait que ça soit étudié par des experts, justement,
comme on disait tantôt, pour voir est-ce qu'il y a une émanation, est-ce qu'il
y a une diffusion. Je suis un peu embêté de répondre avec précision.
J'appuierais
certainement de faire un modèle expérimental, si on pouvait le faire, avant
d'aller de l'avant puis de légiférer
sur une proposition qui pourrait être intéressante. Mais est-ce qu'il y a un
risque de diffusion, de contamination rapides? Ça m'embête, ça, à
première vue.
M.
Lisée : Moi, j'ai un argument qui me vient tout de suite à
l'esprit, c'est : Ça dépend de la direction du vent.
M.
Larivée (Pierre) : C'est clair. Il y a tellement de facteurs. Vous
avez tellement raison. La surface, il y a un auvent, la direction du
vent...
M.
Lisée : Puis est-ce que, si le vent tourne, on modifie, on
inverse la section fumeurs et la section non-fumeurs?
M. Larivée (Pierre) : Il n'y a pas de doute pour moi que... et vous
avez bien résumé, c'est une question également où il y a une connotation sociale très importante, la liberté du fumeur,
mais il faut penser également à la liberté du non-fumeur, il est clair. Et donc je m'appuierais de plusieurs
données et d'experts en la matière qui, comme je vous disais tantôt... entre
autres, du Pr Kennedy, qui est convaincu,
et qui, je crois, a présenté également ses travaux à la commission fédérale, et
qui démontrait que, sur les terrasses, il y
avait quand même des niveaux qui sont au-delà des recommandations de
l'Organisation mondiale de la santé.
Alors, pour moi, c'est
sans hésitation que j'appuie ce projet de loi sur les terrasses.
M.
Lisée : C'est le président du regroupement de l'Union des
tenanciers de bars, M. Peter Sergakis, qui a dit ça ce matin. Il y a une
autre citation que j'ai trouvée intéressante, il dit : Une terrasse
ouverte, sans aucun couvert, à moins qu'il y
ait des parasols, est zéro danger sur la santé publique ni pour les clients, ni
pour les non-fumeurs, ni pour les employés. Vrai ou faux?
M.
Larivée (Pierre) : Ah! je vous dirais, ça me ferait plaisir de
transférer cette question-là au Dr Gervais, de la Santé publique, qui va
se faire un plaisir d'y répondre. Mais moi, je serais très inquiet à essayer
d'adhérer à ça, effectivement, je me méfie
beaucoup. Et, encore une fois, j'opte vraiment dans le sens de la précaution
puis d'éviter, autant que faire se
peut, l'exposition à la fumée secondaire sur les terrasses, il n'y a pas de
doute. On est un peu intransigeants vis-à-vis ce point-là, je le
réitère.
M. Lisée : D'accord. Vous
avez parlé des otites tout à l'heure. Quelle plaie, les otites!
M. Larivée
(Pierre) : Absolument.
M. Lisée :
Et puis ça empire de génération en génération. Moi, je suis assez vieux pour me
souvenir d'une époque où il y en
avait peu, et puis là j'ai des enfants en bas âge, et ça n'arrête jamais, et
pourtant on ne fume pas dans la famille. Alors, je vous ai entendu dire tout à l'heure qu'il y avait un lien
entre fumée secondaire et otites. Pouvez-vous me l'expliquer?
M. Larivée (Pierre) : Avec plaisir.
C'est sûr que c'est intrinsèque aux jeunes enfants. Je veux dire, les otites surviennent après. Lorsqu'on contracte un rhume
banal, lorsqu'on a un rhume banal, il y a congestion nasale, puis il y a
un fameux conduit, qui s'appelle la trompe
d'Eustache, qui se trouve à être également congestionné et, assez rapidement,
il y a une espèce de pression négative qui
fait que les microbes attaquent l'oreille moyenne. Donc, ça, c'est la survenue
d'otites qui sont favorisées lorsque les enfants sont en milieu de garderie,
par exemple.
Maintenant,
lorsque nos jeunes enfants, nourrissons sont exposés à la fumée... On
comprendra rapidement, pour un
non-fumeur, que nous-mêmes, lorsqu'on est exposés quelques minutes, quelques
heures à la fumée secondaire, on vient les
yeux rouges, le nez un peu enchifrené, il y a de la congestion nasale. Pour ces
mêmes raisons, une congestion nasale, qu'on
appelle dans le domaine médical une rhinite non spécifique... Lorsqu'on
respire — le nez,
c'est un filtre — ça sert
à humidifier, à filtrer puis à réchauffer l'air. Lorsque le jeune enfant
respire la fumée secondaire, les produits toxiques induisent une inflammation au niveau de la muqueuse nasale, et on aura
une rhinite irritative lorsque le nez est complètement congestionné.
La
conséquence à ça, c'est l'otite, la tendance à l'augmentation du nombre
d'otites, qui va suivre par la suite. C'est juste une question de jeu de pression, trompe d'Eustache, oreille
moyenne et cette rhinite irritative, qui va être rapidement induite par l'exposition. Pourquoi ce n'est pas
chez les adultes? C'est qu'anatomiquement, les enfants, tous leurs conduits
auditifs externes sont plus petits à la base,
donc plus vulnérables à cette congestion nasale que des voies aériennes
supérieures d'adulte qui ont bien grandi et qui sont de calibres
normaux. Tout à fait.
• (14 h 50) •
M. Lisée :
Alors, dans le projet de loi, nous, au Parti québécois, on propose de rendre
l'emballage des produits du tabac
standardisé. Je comprends que c'est ce que vous réclamez aussi, comme
l'Australie, où il y a déjà des données probantes qui montrent une
réduction, donc, de l'achat, parce que c'est l'attractivité. Évidemment, si
l'emballage est attractif... Ce n'est pas
pour rien qu'ils font de la publicité, c'est pour que ça soit attractif. Et
nous, on demande aussi un moratoire
sur les nouveaux produits du tabac pour ne pas toujours être à la remorque et
revenir, parce que la créativité de l'industrie du tabac est très, très grande.
Alors, si on leur dit : Écoutez, on a ce qu'on a en ce moment, on vient
de se réunir, on a consulté, on adopte un
projet de loi. Si vous avez une nouvelle idée, venez-nous-en parler avant de
l'appliquer. Si on trouve ça bon, on vous donnera l'autorisation, mais
sinon c'est non. Vous, vous êtes pour ça?
M. Larivée (Pierre) : Je suis
tellement content de vous l'entendre dire, parce que c'étaient les deux points additionnels que l'association, en fait, a mis
dans son mémoire, d'une part, vraiment d'abolir tout ce qui s'appelle
créativité, le marketing pour les paquets. Ça, c'est clair dans notre
esprit. Puis on souhaitait vraiment un moratoire sur tous les nouveaux produits de tabac, parce qu'effectivement
c'est action-réaction, puis ça également, ça nous tient à coeur. Sinon,
c'est une question de temps qu'il y aura un réflexe assez rapide et beaucoup de
créativité. Donc, ça fait partie de la proposition
de l'APQ de suivre l'exemple de l'Australie avec... Et on rêve tous d'un Québec
en santé. Et il me semble que c'est
digne d'un Québécois de promouvoir la santé respiratoire, de donner l'exemple.
L'Ontario vient de légiférer sur les
terrasses en novembre, je crois. Il faut suivre le pas, on n'a pas le choix. Il
faut tous viser pour un Québec en santé, et certainement en santé
respiratoire et en santé vasculaire.
Donc, vous ne
pouvez pas savoir à quel point ça nous tient à coeur comme médecins de première
ligne, médecins spécialistes. Puis il faut vraiment appuyer ce projet de
loi là et en faire même plus, tel que vous le mentionnez, pour l'adoption de
l'emballage neutre.
M. Lisée :
Comptez sur nous, docteur, pour convaincre la ministre d'agir dans ces deux
directions, puis j'ai bon espoir de la convaincre.
Je vais vous
poser, en terminant — il nous
reste trois minutes, là — la question à trois cartoons de cigarettes, donc la
question qui coûte cher.
On nous
dit : Finalement, là, vous finassez, vous êtes un peu hypocrites, vous
devriez l'interdire, le tabac, tu sais. Tant qu'à être rendus là, là,
puis à nous traquer dans les terrasses puis dans les zones communes des
immeubles de cinq logements et plus, etc.,
pourquoi vous ne faites pas, là... posez le geste, là, interdisez-le, puis on
va en finir. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?
M. Larivée
(Pierre) : Bien, je vous dirais que les médecins en santé publique,
les médecins tout court, on croit beaucoup
à la sensibilisation de la population, l'enseignement, l'information, la
persistance, la persévérance. Des séances comme aujourd'hui, ça a une richesse tellement incroyable de pouvoir
échanger de façon démocratique sur des questions de santé, c'est
tellement une opportunité pour moi de pouvoir être avec vous, puis on va faire
un progrès.
Je suis
peut-être un optimiste, mais j'ai l'impression que les Québécois, on a fait un
certain progrès. C'est sûr qu'au quotidien,
des fois, je suis tellement étonné. Puis, quand j'annonce à un patient qu'il a
un cancer du poumon puis qu'il me
demande : Mais comment ça que j'ai ça?, tu sais, je lui dis : Pauvre
vous, c'est écrit sur votre paquet. Puis en aucun temps je ne veux le rendre coupable, tu sais,
jamais, ils sont complètement... Et ce n'est pas mon but, mais je dis par
contre : Il faut transmettre le
message pour votre famille, vos jeunes enfants. S'il vous plaît, vous, vous
avez embarqué dans les années 70-80, la population au complet fumait, c'était horrible. Mais je
crois beaucoup qu'il faut sensibiliser, enseigner, éduquer et je serais réticent, effectivement, à
une politique qui l'interdirait complètement, avec tout ce que ça
comporte — la
contrebande, etc.
Donc, je
pense que les Québécois vont être réceptifs, plus ça va et plus les évidences
sont là. Puis je suis confiant qu'on va réaliser des progrès. Puis je serais
tellement fier que, dans 10 ans, on puisse dire qu'on est la province
qui montre l'exemple. Puis c'est pour ça qu'on appuie sans hésitation votre
projet de loi.
M. Lisée : Je vous remercie
beaucoup, Dr Larivée.
M. Larivée (Pierre) : Ça me fait
extrêmement plaisir. Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de
Saint-Hyacinthe pour 9 min 30 s.
Mme
Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Les gens qui vous consultent
et puis qui reçoivent un diagnostic de MPOC, par exemple, quelles sont
les proportions de gens qui étaient des fumeurs?
M. Larivée
(Pierre) : Merci de poser cette question. La MPOC est essentiellement
reliée au tabagisme. On va dire que
80 % à 90 % des cas de maladie pulmonaire obstructive chronique ont
été engendrés par des fumeurs significatifs. En général, c'est des gens qui fument, depuis l'âge de 20 ans, un
paquet par jour et plus pendant 10, 15, 20 ans, 30 ans. Et la maladie, la MPOC, est insidieuse, parce qu'à
l'âge de 40 ans, même si on fume depuis l'âge de 20 ans ou
15 ans, les gens ne vont pas
consulter pour la MPOC, parce qu'ils sont un peu essoufflés, mais ils vont
attribuer ça soit à l'embonpoint ou au déconditionnement.
On dit aux
médecins de première ligne : Il est extrêmement important de dépister la
MPOC avec la spirométrie chez des
gens qui ont des symptômes et qui sont des tabagiques actifs ou des
ex-tabagiques, parce que, trop souvent, notre grande déception, aux
pneumologues et aux médecins, c'est qu'on diagnostique la MPOC dans la sixième
décennie, lorsque la maladie est franchement
installée. C'est la première fois, le patient a 65 ans, a des symptômes
d'essoufflement, de toux, d'expectoration,
on fait un test spirométrique, et il a déjà perdu 50 %, 60 % de sa
capacité pulmonaire. Et c'est une
maladie qui est irréversible. Donc, une fois que les dommages sont engendrés...
L'emphysème, c'est la destruction du
poumon, des alvéoles par la fumée de cigarette. Une fois que la maladie est
engendrée, on va supporter le patient avec un traitement
bronchodilatateur, on va s'impliquer dans la cessation tabagique, parce qu'il
n'est jamais trop tard pour arrêter de
fumer, même si la maladie est installée. Le seul facteur qui change le
pronostic de la maladie à long terme, c'est l'arrêt tabagique.
Alors, un
patient qui est porteur de la MPOC et qui fume activement, c'est sûr qu'on va
lui prescrire des aides pour mieux respirer, des traitements bronchodilatateurs,
mais, trop souvent, comme médecins, on oublie l'importance de s'impliquer dans la cessation tabagique, parce
que c'est vraiment ça qui va changer son pronostic de vie. Donc, dépistons
précocement. Et je vous dirais que c'est la
cause de la MPOC. Il y a d'autres causes plus rares, mais retenons pour cette
commission que le fléau qu'est l'emphysème dans nos hôpitaux, c'est causé par
le tabagisme.
Mme
Soucy : Ça m'amène à vous poser la question : Combien de
pourcentage cesse de fumer après ce diagnostic-là?
M. Larivée
(Pierre) : C'est très désolant, parce que souvent c'est des gens qui
ont des dépendances nicotiniques extrêmes.
Il ne faut jamais se décourager, dans l'intervention antitabac, ça prend
souvent six, sept, huit interventions ou tentatives. Il faut encourager le patient, il faut établir une relation
d'aide et ne jamais lancer la serviette. Et c'est ce qu'on fait également en éducation, que l'aide à la
cessation tabagique, ce n'est pas juste une prescription, ça prend un
traitement de support, une thérapie de groupe. On utilise beaucoup les
CSSS puis les aides d'abandon au tabac, parce que, oui, il y a l'intervention pharmacologique, mais, si on veut vraiment
maximiser nos chances, ça prend également un suivi puis un encadrement.
Et c'est là que la cigarette électronique, pour les gens qui ont eu les timbres
nicotiniques, les agents pharmacologiques, la varénicline, le bupropion, peut
certainement être une stratégie intéressante une fois encadrée.
Mme
Soucy : Donc, c'est ça, justement, j'allais vous demander : La
cigarette électronique, c'est un bon outil pour arriver au sevrage de
ces gens-là, qui sont vraiment addicts à la nicotine?
M. Larivée (Pierre) :
Potentiellement. Lorsqu'on connaîtra très bien le contenu, qu'on aura légiféré
sur le contenu et ses additifs et qu'il y
aura des modalités et des données probantes qui sont beaucoup plus
significatives, certainement que la
communauté médicale et en santé respiratoire, on va largement appuyer son
utilisation comme un arsenal supplémentaire dans nos outils pour
accompagner les patients dans la cessation tabagique, certainement.
Mme
Soucy : O.K. Donc, vous dites : Si la cigarette électronique est
homologuée, si c'est bien encadré puis avec l'aide d'un professionnel de
la santé, par exemple, vous la recommandiez.
M. Larivée
(Pierre) : Oui. Je vous dirais qu'on est encore impatients d'obtenir
les fameuses données probantes, tu
sais, sur l'efficacité à court terme, à moyen terme et à long terme. Il faut
toujours être prudents lorsqu'on parle de cessation tabagique, parce que souvent, des fois, même
l'industrie va nous donner des chiffres de succès à trois mois. Tu sais, ils
vont dire : Regardez, ça fonctionne, il y a
50 % d'abandon au tabagisme à trois mois. Mais quelle est l'abstinence qui
persiste au bout de six mois, au bout de
12 mois, tu sais. Et souvent c'est pour ça que, si on prend la
varénicline, en fait, on peut la
répéter. C'est un médicament qu'on peut donner et qu'on peut répéter un autre
trois mois, parce qu'on sait très bien qu'il y a des rechutes, des
récidives, et on pourrait même considérer un traitement à plus long terme pour
les cas récalcitrants.
Donc,
il y a beaucoup à faire vraiment dans bien cadrer et définir les modalités de
traitement. Et, un peu comme plusieurs
pneumologues et comme, je disais, Dr Ostiguy, qui va vous présenter... je vois
ça, chez certains patients, comme un
accompagnement même à long terme, tu sais. Mais effectivement, comme
pneumologue et comme clinicien, j'espère qu'on va avoir assez de données pour appuyer la Santé publique, pour
dire : Bien, regardez, ça semble absolument sécuritaire, on sait
que c'est beaucoup plus sécuritaire, on est convaincus maintenant que c'est
vraiment inoffensif. Et il y a toujours tout
l'aspect également de l'initiation au tabagisme chez nos adolescents également.
Donc, ça aussi, on attend des études.
Il y en a déjà qui sont disponibles qui vont soit nous réassurer, nous
inquiéter sur le risque également d'une
accentuation ou une augmentation du tabagisme chez les jeunes. Et ça, vous
allez être exposés à d'autres données de la part de mes collègues dans
les prochains jours, j'en suis convaincu.
• (15 heures) •
Mme Soucy :
Pensez-vous que le pharmacien, par exemple, serait un professionnel de la santé
accessible qui pourrait justement conseiller puis que la cigarette électronique
devrait être vendue dans les pharmacies?
M. Larivée
(Pierre) : Je suis un peu biaisé, parce que j'ai une jeune fille qui
étudie en pharmacie. Donc, effectivement, je
crois beaucoup à la collaboration, à la relation patient-pharmacien et de
l'implication des pharmaciens et des autres professionnels de la
santé... les pharmaciens, inhalothérapeutes, infirmières. Effectivement, ça
prend de l'accompagnement par un
professionnel formé, compétent, et certainement que la vente en pharmacie...
avec formation adéquate, que les
pharmaciens sont les personnes tout à fait indiquées pour nous aider à la lutte
contre le tabac, certainement.
Mme
Soucy : O.K. Donc, pour vous, là, si je vous demandais le lieu idéal,
en fait, pour accompagner les fumeurs au
sevrage, ça serait la pharmacie, avec l'aide de pharmaciens, comparativement
aux boutiques de cigarettes électroniques.
M.
Larivée (Pierre) : C'est sûr qu'il y a tout l'aspect de bien connaître
les réactions de sevrage nicotinique. Le pharmacien est un professionnel
de la santé qui a été formé à reconnaître les sevrages de dépendance
nicotinique, d'apporter le counseling, de
reconnaître les effets secondaires, etc. C'est sûr que, dans la
commercialisation de la cigarette électronique,
une fois que c'est homologué, il faudrait à ce moment-là que les distributeurs...
qu'il y ait une certification, à mon
sens, qu'il y ait vraiment une rigueur de dire : Bien, écoutez, c'est un
centre spécialisé, ça peut être un distributeur certifié, il a eu une formation adéquate, il a un bagage en arrêt
tabagique, il a un bagage en accompagnement, et ça, ça serait l'idéal. C'est donc qu'il y ait vraiment
des centres certifiés pour ne pas que n'importe qui s'improvise comme aidant
à la cessation tabagique.
Alors,
c'est ce que je souhaiterais, d'avoir une formation pour les milieux de
distribution. La pharmacie, spontanément...
la formation est déjà là. Déjà, c'est comme ça avec les timbres nicotiniques,
c'est comme ça avec les autres
produits dérivés pour la cessation tabagique. Donc, c'est sûr qu'on ne peut
qu'être favorables au rôle ou du support de nos collègues pharmaciens.
Mme
Soucy : On dit que les coûts qui sont reliés au tabagisme, c'est
environ 4 milliards pour le système de la santé. Si je vous
demandais le coût, pour la société, d'un traitement du cancer du poumon, par
exemple...
M.
Larivée (Pierre) : C'est une bonne question. Je n'ai pas les chiffres
précis en tête, mais, je peux vous dire, les traitements sont
extrêmement coûteux.
Lorsqu'on parle de
chimiothérapie, c'est surtout là que c'est coûteux. Bien, en fait, il y a les
hospitalisations, l'accompagnement, les soins palliatifs, ça, c'est évident, tu
sais, et, si on regarde l'arsenal pharmacologique, il y a la chimiothérapie conventionnelle, qui est bien
souvent toxique, comme vous le savez. Et actuellement les progrès en sciences
biomédicales font que la nouvelle tendance est au traitement qu'on appelle les
thérapies ciblées. On est extrêmement contents
maintenant de mieux comprendre toute la pathogenèse du cancer du poumon. Puis
une thérapie ciblée, c'est un médicament
qui se prend souvent oralement qui attaque une cible bien précise dans la
formation de la tumeur, du cancer pulmonaires et qui peut contrôler la
maladie, avec bien souvent moins d'effets secondaires. Paradoxalement, ces nouvelles thérapies ciblées sont très, très
coûteuses. C'est des sommes faramineuses mensuelles. Et, comme je disais
tantôt, l'INESSS est confronté... et c'est le quotidien de notre
Institut national de revoir des dossiers de l'industrie avec des nouvelles thérapies très prometteuses et qui, tant
mieux, vont améliorer le sort de ces patients-là, vont induire des périodes
de rémission. On ne parle pas de guérison. Mais, effectivement, c'est très
coûteux.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Dr Larivée, d'avoir pris
le temps d'échanger avec nous aujourd'hui — et vous l'avez très
bien fait — au
nom de l'Association pulmonaire du Québec.
J'invite
maintenant les représentants de l'Institut de cardiologie de Montréal à prendre
place, et nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 5)
(Reprise à 15 h 10)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant les représentants de l'Institut de cardiologie de Montréal.
Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre
présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Bien
prendre soin, s'il vous plaît, pour les fins
d'enregistrement, de vous nommer, préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder,
la parole est à vous.
Institut de cardiologie de Montréal
M. Juneau (Martin) : Merci beaucoup.
Très heureux d'être ici. Premièrement, une précision : je représente l'Institut de cardiologie de Montréal, Dr Poirier
représente l'Institut universitaire de cardio et de pneumo de Québec, donc,
les deux instituts de cardiologie, et on a eu aussi l'aval de l'Association des
cardiologues du Québec. Il y a plus de 400 cardiologues qui sont
essentiellement d'accord avec ce qu'on va vous dire.
Alors, je
vais essayer d'aller rapidement pour laisser pas mal de temps aux questions.
Comme vous le savez, le tabac, là, on
peut le répéter souvent, mais c'est toujours la première cause de mortalité
prématurée dans le monde, pas seulement
au Québec, mais partout dans le monde, même dans les pays émergents. Vous avez
beaucoup écouté de... Moi, j'ai été très impressionné par mon
prédécesseur, le Dr Larivée, là, quand il parlait de ses patients. C'est comme
ça en cardiologie aussi. Moi, ma plus jeune
patiente avait 24 ans. Elle a fait un infarctus massif, parce qu'elle fumait
deux paquets par jour tout en prenant
des anovulants. Alors, ça se fait encore au Québec, des jeunes femmes qui
prennent des anovulants et qui
fument. C'est complètement contre-indiqué, mais ça se fait encore. Alors,
malheureusement, on voit ça dans notre pratique, des gens très jeunes.
Arrêter de
fumer, c'est une urgence. Moi, quand j'entends, des fois, des gens dire :
Ça prend plus d'études avant de,
etc... C'est une urgence, arrêter de fumer. En 24 heures, vous améliorez déjà
votre santé cardiovasculaire en arrêtant de fumer, le taux de monoxyde de carbone, l'état sur les artères, etc.
Donc, 24 heures, déjà un effet, puis, à un an de l'arrêt de fumer, vous diminuez votre risque de 50 %
de récidive d'infarctus. Alors, nous, on a des patients — Paul et moi, on en voit tous les jours — qui ont fait des infarctus, qui ont eu de la
chirurgie cardiaque. Ils arrêtent de fumer; en dedans d'un an, c'est
50 %, même s'ils ont 70 ans puis qu'ils ont fumé toute leur vie. Donc,
pour nous, c'est vraiment quelque chose d'urgent. Alors, une seule cigarette,
une poffe de cigarette vasoconstricte les coronaires. Alors, si vous faites une
coronographie à un patient, vous le faites
fumer — on l'a
fait dans des recherches — vous voyez l'artère se vasoconstricter. Une seule poffe.
Alors, pour revenir au projet de loi, on est
bien heureux du projet de loi qui est proposé par la ministre. Évidemment, la question de fumer dans les voitures
en présence d'enfants, c'est évident, pour nous, il n'y a pas de discussion. Pour ce qui est des terrasses, on
appuie ça également; l'interdiction des saveurs dans les cigarettes de tabac,
les cigarillos également. Alors, autrement dit, tout ce qu'il y a dans le
projet de loi, des mesures positives, on est bien d'accord. Ce qu'on voudrait voir, d'autres l'ont mentionné, c'est
l'emballage neutre comme l'ont adopté l'Australie, la France,
l'Angleterre et l'Irlande. On pense que ça pourrait aider... une des multiples
mesures qui pourraient aider à faire baisser
le taux de tabagisme. Et on souhaiterait voir l'interdiction de fumer sur tous
les terrains d'hôpitaux. Je sais qu'il
y a des hôpitaux qui vont le faire. Le CUSM en particulier — le Dr Ostiguy va vous en parler — souhaiterait voir l'interdiction de fumer sur tous les terrains, et
pas seulement à neuf mètres, parce que, pour se rendre à l'hôpital, souvent
vous devez traverser une haie d'honneur de fumeurs, là. C'est très dérangeant.
Pour ce qui
est de la cigarette électronique, un petit commentaire général — on l'a entendu précédemment : c'est
pas mal sûr, selon la littérature actuelle,
que c'est beaucoup moins nocif que le tabac, de l'ordre de 10 à 450 fois
moins, selon les différents produits
qu'on retrouve. Il faut rappeler qu'il n'y a pas de combustion. La combustion
d'une cigarette, c'est à peu près 900
degrés centigrades, tandis que, une cigarette électronique, c'est à 60°. Donc,
il n'y a pas de combustion, c'est une
vaporisation. Je rappelle que ce n'est pas la nicotine qui tue, c'est la
nicotine qui fait qu'on a le goût de fumer, c'est ça qui crée la dépendance. Et il y a eu des quantités d'études en
cardiologie, par exemple, sur la nicotine et le coeur. Et c'est à peu près inoffensif. Un cardiologue
grec a encore publié récemment, justement : quand vous inhalez la
cigarette électronique versus une
cigarette de tabac... il n'y a aucun effet sur les coronaires quand vous prenez
la cigarette électronique versus la
cigarette de tabac. Plusieurs raisons à ça, outre les nombreux additifs, mais
il y a toute la question de la disponibilité au niveau des récepteurs cérébraux et cardiaques. Ça s'approche, la
nocivité, si on veut, ou l'effet de la nicotine dans la cigarette électronique, à ce qu'on trouve dans les
thérapies de remplacement comme les inhalateurs. Très semblable, sauf
qu'il y a une température un peu plus élevée.
Pour ce qui
est de l'efficacité, vous allez voir beaucoup d'études randomisées
contradictoires ou qui montrent que
ce n'est pas tellement efficace : de l'ordre de 5 % à 8 %. C'est
des vieilles études. En fait, c'est des études qui ont été faites avec des produits qui sont totalement
obsolètes maintenant, totalement dépassés. Ce n'est pas ce qu'on retrouve
sur le marché. Et j'ai un problème avec les
études randomisées chez nos fumeurs invétérés, parce qu'ils ont tout essayé
puis souvent plusieurs fois. Alors, d'arriver, moi, demain matin, dire à un
patient : J'ai une étude, je vous propose un placébo ou la cigarette électronique ou je vous propose la cigarette
électronique et une patch ou la varénicline, pour moi, ce n'est pas
éthique, parce que ces gens-là ont tout essayé, et c'est le temps, là, qui...
et ils vont me dire : Il n'est pas question
que je réessaie quelque chose qui n'a pas fonctionné pour moi. Dans mon
expérience — Dr
Ostiguy a un registre où il rapporte
40 % à 50 % d'efficacité — depuis deux ans où je propose la cigarette
électronique à mes patients fumeurs invétérés, j'obtiens à peu près du
succès chez un sur deux, ce qui est, pour moi, du jamais-vu. Je n'ai jamais eu
cette expérience-là avec les autres produits. Évidemment, on ne peut pas ne pas
parler de la crainte de renormalisation du tabagisme, que mes collègues de Santé publique
craignent beaucoup, mais je ne partage pas cette inquiétude-là quand je regarde les chiffres. Dans tous les pays où on
suit les statistiques de près, on voit exactement le contraire, en fait. C'est
que plus la cigarette électronique prend du
marché, plus le tabagisme baisse. Et, chez les jeunes, c'est la même chose.
Pour finir
sur la cigarette électronique : dans le projet de loi, c'est très
important de maintenir les saveurs. Tout le monde qui connaît la cigarette électronique va vous dire que ce n'est
pas utilisable s'il n'y a pas de saveur, le goût est très, très mauvais. Ça serait important de pouvoir
vapoter dans les boutiques qui en font la vente, parce que ça prend un bon 20 à 30 minutes d'explications et
d'échantillonnages. En fait, le fumeur veut essayer différentes... il y a
beaucoup de dispositifs, il y en a
des dizaines, et il y a beaucoup de saveurs puis il y a beaucoup de
concentrations aussi. Alors, est-ce qu'on
prend du 15 milligrammes par millilitre ou du 20, etc.? Alors, c'est seulement
après 20, 30 minutes, là, que la personne peut faire un bon choix.
Je dirais en conclusion : Il faut
réglementer. Tout le monde veut qu'on réglemente, on encadre la cigarette électronique, mais il ne faudrait pas réduire
l'accessibilité. Il ne faudrait surtout pas que ce soit prescrit médicalement.
Il ne faudrait pas que ce soit moins
accessible que le produit toxique, qui est en vente libre. Vous avez souvent
fait référence à Ottawa, là, au cours
de la journée. Je peux vous dire qu'on est allés à Ottawa, Dr Ostiguy et moi, on
est allés voir l'équipe de la
ministre et on a fait notre plaidoyer il y a déjà un an et on attend les
résultats. Donc, on est actifs sur les deux plans. Et je rappelle qu'il
reste 20 % de fumeurs qui sont pris avec un problème très, très difficile,
et, pour moi, la cigarette électronique doit être vue, si on joue bien nos
cartes, comme une solution, pas un problème. Et j'arrêterais ici.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter les échanges avec les parlementaires
en cédant la parole à Mme la ministre pour un bloc de
22 min 30 s.
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Alors, Dr Juneau, Dr Poirier, merci d'être là, de nous
partager vos connaissances.
Évidemment, je vais vous donner la parole, parce que, comme je l'ai fait tantôt
avec votre collègue, ça nous permet
de mieux comprendre les maladies qui sont engendrées par le tabagisme, le fait
de vous avoir ne serait-ce que nous
expliquer, faire la pédagogie des conséquences au tabagisme pour les gens qui
nous écoutent, et je ne vous cacherai pas
que mes collègues et moi comptons mettre ça sur les médias sociaux, vos
témoignages. Et, ce que ça engendre comme maladies, je pense que ça mérite d'être bien compris par l'ensemble de
la population parce que souvent les gens n'ont pas cette perception. Tu sais, on a tendance à banaliser dans la vie,
mais, quand on entend souvent les conséquences, à force de pédagogie, à
un moment donné, ça rentre. En tout cas, ça a été mon cas.
Je vous ai
entendu parler beaucoup de cigarette électronique. Évidemment, c'est un peu le
sujet du jour puis c'est quelque
chose qui est nouveau en soi et qui a une forte progression, vous en êtes
conscient. Et, comme vous l'avez dit et comme Dr Ostiguy le dit, il y a 40 % à 50 % d'efficacité, selon
vous. Vous n'avez jamais vu ça à quel point les gens arrêtent de fumer avec ce produit-là. Et vous semblez me
dire qu'on peut l'encadrer, mais certainement pas en faire un... si j'ai
bien compris — c'est ce que je veux vous demander — en faire un produit comme les autres
produits qui sont vendus à la
pharmacie, de cessation de tabagisme, parce que ça va restreindre l'apport en
ces produits-là. Est-ce que j'ai bien saisi votre propos?
• (15 h 20) •
M. Juneau (Martin) : Oui,
absolument. Il ne faut absolument pas que le produit moins toxique, la
meilleure alternative des deux, soit moins
accessible que l'autre. Et j'ai entendu à Ottawa, par exemple, cette
proposition-là : que ça soit
prescrit médicalement ou que ce soit seulement sous supervision médicale, alors
qu'on peut aller au coin de la rue puis
s'acheter un carton de cigarettes. Alors, ça serait, pour moi, aberrant que le
produit le moins pire des deux, certainement, soit moins accessible.
Mme
Charlebois :
Dites-moi, il y a quelque chose que, dans ma tête, j'ai de la difficulté à
comprendre, vous avez dit
tantôt : Plus le produit prend du marché, plus il y a de gens qui arrêtent
de fumer. C'est ce que vous avez dit. Normalement, à chaque fois que j'entends parler de la cigarette
électronique, en tout cas pour la plupart du temps, notamment de professionnels de la santé, mais aussi de gens qui
l'utilisent... Mes vacances ont servi de vacances exploratoires sur mon
projet de loi cet été, notamment sur la cigarette électronique, vous vous
doutez bien, et là je me rends compte que... J'ai
croisé des gens... puis je ne dis pas que c'est vrai pour tout le monde, hein,
on va statuer là-dessus tout de suite, là, j'ai croisé des gens qui ont arrêté
de fumer avec la cigarette électronique, j'ai croisé des gens qui fument ça
tout le temps, j'en ai d'autres que
j'ai croisés qui fument ça et la cigarette parce que ça leur permet de
fumer : étant donné que ce n'est pas encore réglementé, bien ils fument la cigarette à l'extérieur, puis,
quand ils rentrent en dedans, ils se mettent à fumer ça. Mais je n'ai
pas de statistique puis je ne suis pas en train de vous dire que tout le monde
fait ça.
Mais ce que
j'ai entendu de votre bouche, c'est que plus il y a croissance de vente de
cigarettes électroniques, plus il y a
d'arrêts tabagiques. À un moment donné, ça va atteindre un plafond, j'imagine.
Si... qu'on vend les cigarettes électroniques
dans le but de faire arrêter les gens de fumer, j'imagine qu'il va y avoir un
maximum. Moi, ce que je constate en
ce moment... pendant l'été, là, juste dans mon comté, là, j'ai vu cinq «vape
shops» se développer, dont une dans mon village que je n'avais jamais vue. Un matin, ça a poussé. J'ai
dit : Ah bien! regarde donc. Puis je ne suis pas en train de vous dire que ce n'est pas intéressant. Ça peut
être une façon pour les gens d'acquérir le produit, comme vous le dites,
puis ces gens-là vont sûrement expliquer
comment faire. Alors, est-ce que vous voyez, à un moment donné, un plafond à
ce qu'il y ait des magasins où ils vont
vendre les cigarettes électroniques? Et parlez-moi aussi de quel type de
cigarettes électroniques doivent être vendues dans ces boutiques-là,
parce qu'il y en a toutes sortes, de cigarettes électroniques : il y en a des belles petites colorées, il y a
toutes sortes de patentes. Puis «patentes», c'est le vrai mot, là. M. le
Président, je m'excuse du mot, je ne sais pas si c'est
antiparlementaire.
Le Président (M.
Tanguay) : Non.
Mme
Charlebois :
Mais — j'ai ça
à mon bureau parce qu'il y a des gens de coalitions qui m'ont remis ça — il y a des jeunes qui commencent à fumer avec des cigarettes électroniques — puis Dr Ostiguy me regarde avec des gros
yeux — mais
avec des cigarettes électroniques qui n'en sont pas des vraies mais qui sont
des affaires un peu moins dispendieuses puis
qui ne servent pas nécessairement à arrêter de fumer mais qui sont tout aussi
dommageables, et c'est là que je
pense à la renormalisation du geste de fumer. En tout cas, je veux vous
entendre un peu là-dessus, parce que, je vous le dis, là, tout l'été, partout où j'allais, quand je prenais une
terrasse... Ah! elle, elle va nous arrêter de fumer bientôt sur la terrasse; l'autre : Regarde, elle va
m'encadrer avec ma cigarette électronique; un autre : Bien, tu ne le
sauras pas parce que ça ne paraît
pas. En tout cas, j'ai entendu toutes sortes d'affaires. Mais parlez-moi de
l'explosion des boutiques versus
est-ce que vous pensez qu'il va y avoir un plafond à cette croissance-là, étant
donné qu'on fait arrêter les gens de fumer.
M. Juneau (Martin) : Il y a beaucoup
de questions, là. Je vais y aller...
Mme
Charlebois : Oui.
Je vous laisse aller.
M. Juneau
(Martin) : Je vais essayer une par une puis je vais passer la parole à
Paul. Si on regarde les chiffres américains,
britanniques, français, canadiens aussi... mais c'est très bien documenté en
Angleterre puis en France, on voit, là, que la cigarette électronique
augmente, augmente, puis ça gruge les parts de marché de la cigarette.
Alors, si
vous me dites : Oui, mais, à un moment donné, ça va arriver où?, il y a
des gens qui pensent, sérieusement... comme
Derek Yach, qui est un ancien responsable de la lutte au tabac à l'OMS, qui
n'est plus du tout là, là, qui est dans le privé maintenant... et qui
pensent que, si on joue bien nos cartes, si on réglemente bien puis qu'on lui
donne un petit avantage compétitif, puis
qu'on laisse le produit s'améliorer, puis qu'on resserre l'étau sur le tabac,
on pourrait se retrouver dans 15 ans
avec à peu près plus de tabagisme. Il y a des gens qui pensent ça. Il y a même
des courtiers qui pensent ça. Il y a
une analyste financière de la Wells Fargo qui dit depuis deux ans que peut-être
que dans 10 ans les ventes de tabac vont
être moins grandes que les ventes de cigarettes électroniques. Moi, je ne suis
pas aussi optimiste que ça, parce que je pense que les compagnies de tabac ont pas mal de tours dans leur sac
puis il va y avoir toutes sortes d'autres produits, mais c'est quelque chose qui est envisagé par des
gens qui regardent ça froidement, là, qui ne sont pas en santé, qui regardent
juste le marché.
Pour la multiplication des boutiques, je vous
dirais que beaucoup vont faire faillite. Il y en a trop. Moi, j'ai l'impression que ce qui va arriver, c'est qu'il va
y avoir des boutiques qui vont être plus performantes. Par exemple, on a beaucoup parlé : Les médecins ne savent pas
trop à qui référer, et tout ça. On a tous nos préférés un peu. On ne le dit
pas parce que ce n'est même pas légal, mais
on sait qu'il y a des gens sérieux puis des gens moins sérieux, et puis je
pense que les gens sérieux vont
profiter et les gens pas sérieux vont disparaître. Je pense qu'il va y avoir
beaucoup de boutiques qui vont fermer. Je pense que ça a commencé dans
certains milieux où il y a eu trop de prolifération.
Je ne sais pas si c'est... parce que vous aviez
beaucoup de questions, je ne sais pas si...
Une voix : Si je peux
rajouter...
Mme
Charlebois : Bien,
juste pour terminer sur cet aspect-là des gens sérieux et moins sérieux :
des petites cigarettes électroniques à 10 $, tiens, on va le nommer, là,
parce que ce n'est pas...
Une voix : ...
Mme
Charlebois :
...oui, ce n'est pas pantoute ce dont on parle depuis le début, mais ça existe,
on le sait, et c'est ça qui incite souvent les jeunes, par la bande, à
fumer, parce que c'est ça, le produit attrayant. Est-ce que vous pensez qu'il y
a quelque chose qu'on doit faire par rapport à ça?
M. Juneau
(Martin) : ...ça de la même façon. Si vous regardez le marché
américain, c'est beaucoup ces produits-là qui marchent. Nous, on est beaucoup avec les trucs qui se rechargent,
là, c'est ça que les gens achètent. C'est cher au début, mais c'est très, très peu cher quand vous vous en
servez tous les jours, là, juste le «refill». Mais, aux États-Unis, ce qui se
vend beaucoup par exemple, la Blu, bien
c'est un modèle jetable. Il y a plein de marques, il y a une centaine de marques
aux États-Unis, et ce qui est vraiment
populaire, c'est la cigarette que la personne choisit au dépanneur qui a, par
exemple, très peu de nicotine ou
beaucoup, là — les
forces sont inscrites, là — il y a la faible, la moyenne, la forte, et vous avez
l'équivalent de deux, trois paquets, là, par cigarette que vous achetez.
Et ça, si on
regarde l'expérience américaine, c'est en train de prendre le marché puis ça
affecte les ventes de tabac beaucoup.
Si vous lisez le rapport annuel de Philip Morris — c'est très instructif — vous allez voir qu'ils sont très, très au
courant de chaque dixième de pourcentage, et
ça baisse toujours un petit peu. Eux sont très contents du fait que la
cigarette électronique n'est pas satisfaisante pour les très grands
fumeurs, les fumeurs de trois paquets par jour, ceux qui se lèvent la nuit pour fumer. L'expérience n'est pas
satisfaisante, parce que vous savez peut-être en lisant nos choses que le
taux de nicotine aux récepteurs nicotiniques
au cerveau est beaucoup moins élevé avec une cigarette électronique qu'avec
une cigarette de tabac. Et les compagnies de
cigarettes électroniques tentent de trouver une solution à ça. Philip Morris
essaie toutes sortes d'additifs mais qui ne seront pas permis par la FDA.
Alors, moi, je pense que, l'inquiétude par rapport aux cigarettes jetables, qu'on va voir
arriver ici en masse, je ne la partage pas parce qu'ils ont la même expérience
qu'en Europe, où le taux de tabagisme baisse à mesure que ces trucs-là prennent
le marché.
Mme
Charlebois : Est-ce que c'est possible de penser que les
compagnies de tabac sont en train de faire l'acquisition de ces petites
cigarettes là et qu'ils vont mettre leur produit là-dedans, qui va créer une
dépendance?
• (15 h 30) •
M.
Juneau (Martin) : Bien, c'est sûr. Blu est indépendante. C'est le plus
gros vendeur aux États-Unis. Elle a été achetée par Lorillard, qui a été
revendue à Reynolds.
Philip
Morris, qui était en retard avec sa cigarette électronique désuète
complètement, la Mark Ten, est en train de dépenser 2 milliards... c'est 2 milliards de dollars de
dollars, 300 chercheurs à temps plein pour arriver avec un produit de
meilleure qualité, donner une meilleure expérience aux fumeurs. Alors, ils ne
se laisseront pas faire par les petites compagnies. Alors, ils sont en train
d'acheter toutes les petites compagnies puis ils sont en train de développer
leurs propres... Alors, Philip Morris arrive
avec deux cigarettes électroniques, je dirais, conventionnelles, c'est-à-dire
avec de la nicotine liquide, mais
aussi deux «noncombusted tobaccos», c'est-à-dire du tabac qui est chauffé dans
un vaporiseur. Ça, c'est la grosse
tendance. Ils sont convaincus, Philip Morris, que les grands fumeurs ne seront
jamais satisfaits de la nicotine liquide, ils veulent l'espèce de goût
que procure le tabac quand il... mais il n'est pas brûlé, il est chauffé. Et
pourquoi Philip Morris fait ça? Parce qu'ils reconnaissent que les risques pour
la santé sont tellement connus maintenant, il y a tellement de ravages qu'il y a une clientèle chez les acheteurs de
Philip Morris qui recherche un produit moins nocif. Alors, ils en ont et
ils vont sortir les quatre produits cette année. Je ne sais pas quel effet que
ça va avoir sur le marché.
Mais
c'est pour vous dire que les grandes compagnies sont là. Japan Tobacco, qui est
très établie ici, là — JTI-Macdonald, c'est Japan Tobacco — ils ont leur cigarette électronique. Il
reste NJOY, qui est la plus grosse indépendante aux États-Unis mais qui
dit qu'elle ne se fera jamais acheter, mais ce n'est pas sûr.
Mme
Charlebois : C'est un petit peu inquiétant, dans le sens où
j'ai peur qu'il se développe une dépendance qui amène vers un transfert
tabagique par la suite, mais, bon, on verra par la suite.
M.
Poirier (Paul) : Mais, si on regarde au niveau de la santé... puis
c'est vrai que les grandes compagnies sont en train d'acheter les indépendants, puis, quand vous regardez la
littérature, que ça augmente les vapoteurs puis ça diminue les
fumeurs... ça dépend des tranches d'âge, O.K.? Ça fait qu'il faut regarder les
tranches d'âge quand on parle de la renormalisation.
Et, une fois qu'on a dit ça, honnêtement, si on regarde la science puis on
regarde la nocivité de la nicotine au
niveau cardiovasculaire par rapport à la combustion, si, demain matin, vous me
disiez : Dr Poirier, qu'est-ce que c'est que vous pensez que
les fumeurs deviennent tous des vapoteurs?, je vous dirais : Parfait...
Mme
Charlebois :
Tant qu'ils restent au vapotage.
M.
Poirier (Paul) : ...dans une première étape. Parce que, je veux dire,
à un moment donné, il faut attendre les études, mais les études sont imparfaites et seront toujours imparfaites.
Puis je m'en souviens, moi, le Surgeon General, ça fait 50 ans que
c'est sorti, puis Dick Cheney avait ses pontages, puis il avait son coeur
mécanique, puis il avait des cigarettes à la Maison-Blanche.
Alors,
tu sais, à un moment donné, il faut prendre action, puis la cigarette
électronique, pour nous, c'est un excellent moyen d'arrêter de fumer et
ce n'est pas un pont vers des non-fumeurs. D'ailleurs, la majorité des
utilisateurs ou des nouveaux utilisateurs
sont souvent des fumeurs qui essaient de tenter de diminuer de fumer, surtout
chez les plus jeunes. On va parler
peut-être des adolescents tantôt. Dites à un adolescent de ne pas faire quelque
chose; il va le faire. Ça fait que,
quand ils me disent : Ils ont eu un essai de cigarette électronique dans
les 30 derniers jours, ça va en faire des futurs fumeurs, j'ai bien de
la misère avec cette littérature-là.
Mme
Charlebois : Juste une dernière question avant de passer la
parole à mon collègue de Vimont. Et, concernant les saveurs, vous avez entendu les jeunes médecins ce matin... bien,
c'est les jeunes étudiants en médecine qui disaient, eux autres, les saveurs, qu'ils étaient plus ou
moins favorables à ça, qu'on devrait avoir un petit peu quelque chose qui
est similaire dans tous les produits.
Comment
vous voyez ça, le fait que nous avons mis l'interdiction de saveurs sur
plusieurs produits mais pas sur la cigarette
électronique, sauf qu'on se garde une porte ouverte par règlement si on
s'aperçoit que nos jeunes commencent à consommer beaucoup ce produit-là
et/ou se remettent à la cigarette, que, là, on pourra toujours réglementer? Mais
comment vous, vous voyez ça?
Une voix :
Non. C'était «Sainte-Rose».
Mme
Charlebois :
Sainte-Rose. Excusez. Ce n'était pas Vimont. Sainte-Rose.
Une voix :
...
Mme
Charlebois :
Mais ça va être ta parole après. Allez-y, répondez.
M. Juneau
(Martin) : Bien, écoutez, je pense, premièrement, comme je disais
tantôt, sans saveur, la cigarette électronique, c'est inutilisable. Je
pense que ce n'est pas du tout le... Et, je comprends très bien, si on
l'interdit pour le
tabac, pourquoi pas la cigarette électronique?, mais je pense que, les gens qui
fument la cigarette, il ne faut surtout pas leur donner d'autres incitatifs à fumer la cigarette. Par contre, la
cigarette électronique, si on veut que les gens fassent le passage, il faut lui donner un certain avantage
compétitif. Moi, je suis pour les saveurs, je suis aussi pour l'accessibilité
non restreinte. Alors, si vous avez un produit non utilisable...
M.
Poirier (Paul) : Si je peux rajouter quelque chose; le fait de vous
garder une marge de manoeuvre à l'exclusion de certaines saveurs, dépendant de la littérature... ça a été fait
récemment. La cannelle, quand tu fais des études in vitro, c'est toxique pour le coeur, et la cannelle, dans
certains pays, est exclue. Bon, il y a cinq ans, ça ne l'était pas. Comprenez-vous? Alors, je pense, de se garder
cette marge de manoeuvre là pour cibler, avec la littérature scientifique
qui va émerger, je pense que c'est très louable, mais les saveurs, c'est
vraiment essentiel.
Le Président (M.
Tanguay) : Je cède maintenant la parole à notre collègue de
Sainte-Rose.
M.
Habel : Merci, M. le Président. Je comprends l'erreur de ma collègue,
parce que j'ai grandi à Vimont. Donc, c'est pour ça que madame s'est
trompée.
J'ai
une question par rapport à la cigarette électronique. Dans le mémoire, c'est
mentionné que c'est de neuf à 450 fois
moins nocif, là, donc. Je pense qu'il y a quand même un écart entre les deux,
là, mais, au moins, c'est moins nocif que la cigarette.
M.
Poirier (Paul) : Ça dépend de l'élément que tu regardes. Ça dépend. Tu
sais, ça dépend de ce que tu vois comme combustion dans le tabac puis quel élément tu regardes. Puis, dans les
études que les gens vont vous parler, du formaldéhyde... la fameuse
étude que le formaldéhyde est retrouvé dans la cigarette électronique, bien, le
courant qui brûlait, la combustion, était trop grand, puis ce n'est pas ce qui
se passe dans la vraie vie.
Alors,
tu sais, puis je vais vous dire ça avec un petit sourire, dans la littérature
scientifique, il y en a pour tous les goûts.
En cardiologie, nous autres, on aime bien débattre des choses puis on aime bien
avoir des études de 2 000, 3 000, 4 000 patients dans chaque groupe randomisé. Je n'aurai jamais ça
pour prendre une décision sur la cigarette électronique. Mais, dans la littérature, c'est comme dans
certaines choses, il y a les menteries, il y a les mensonges puis il y a les
statistiques. Alors, on peut leur faire dire n'importe quoi, dépendant
du biais qu'on a, et c'est pour ça qu'on a cette marge-là.
M.
Juneau (Martin) : Mais, pour revenir à neuf-450, c'est une étude où
vous avez un tableau. Je pourrai vous l'envoyer.
Bien, il est dans le rapport en lien. Si vous voyez, par exemple : tel
produit, bien c'est tant de milligrammes dans la cigarette de tabac puis tant de milligrammes dans l'autre...
Alors, des fois, ça va de neuf pour certains produits jusqu'à 450 pour
d'autres. C'est peut-être mal exprimé, mais c'est ça que ça veut dire.
M.
Habel : Parfait. Merci. Je comprends la nuance. Puis dans votre
mémoire vous mentionnez que la cessation de tabagisme avec l'utilisation de la cigarette électronique peut
atteindre 50 %. Je voudrais vous entendre sur un peu la dichotomie qu'on peut avoir à vouloir encourager
les gens à utiliser la cigarette électronique pour faire la cessation de
tabagisme, mais aussi la porte d'entrée que
ça peut constituer pour, par exemple, des nouveaux fumeurs qui pourraient
être incommodés par la fumée usuelle à utiliser ce produit.
Elle est où, la zone
grise, par rapport à ces deux situations-là?
M. Juneau
(Martin) : Bien, c'est deux questions ou...
M. Habel :
Non. Mais elle est où, la zone grise entre le fait que, par exemple, pour
certains ça va donner une efficacité pour la
cessation de tabagisme, mais pour d'autres ça peut constituer une porte
d'entrée pour l'utilisation de produits avec la nicotine à l'intérieur?
M.
Juneau (Martin) : Bien, d'abord, répondre : pour des gens qui
fument déjà, puis c'est, pour nous, là, qui voyons des patients des patients fumeurs — donc, il n'y a pas le problème de devenir
fumeur, ils le sont déjà —l'expérience nous montre que
les produits sur le marché, que ça soit des médicaments ou des patchs, des
gommes, tout ça, ça, avec un très bon support, là, par l'équipe, et tout
ça, vous pouvez atteindre des taux de 20 % après un an, 5 % si vous
le faites tout seuls, 20 % si vous êtes
très, très, très appuyés. Avec la cigarette électronique, on obtient jusqu'à
50 %. C'est notre expérience clinique. Beaucoup, beaucoup de cliniciens
vont vous dire ça.
Maintenant,
vous voulez dire : Comment ça peut induire... le fumeur, ça ne se pose
pas, la question. Mais, pour le
non-fumeur, écoutez, c'est toujours la question des jeunes. Le jeune de
12 ans qui a à décider... il a à décider, il voit ses amis fumer, il a à choisir à un moment donné.
Puis moi, je préfère qu'il choisisse la cigarette électronique. J'aimerais
mieux qu'il ne prenne rien, là. Moi, j'ai
deux filles : une de 18 ans, une de 24 ans. Elles ne fument pas,
elles ne prennent pas de cigarette
électronique... ou, en tout cas, je ne le sais pas. Et puis j'aimerais mieux,
si elles choisissaient, qu'elles choisissent la cigarette électronique.
Et ce qu'on assiste en France... moi, j'ai pas mal d'amis cardiologues en
France, puis ils me disent toujours que
fumer le tabac, c'est devenu ringard. Ça fait que ça a dénormalisé le tabac.
Alors, un jeune de 18 ans qui
fume en France... à moins d'être dans le milieu des artistes très, très, tu
sais, à la mode, là, en général, pour un jeune de 18 ans, fumer la
cigarette, c'est quétaine, tandis que la cigarette électronique, c'est plus
cool. Alors, vous allez me
dire : Oui, ça serait mieux qu'il ne fume pas du tout ou qu'il ne vapote
pas. Oui, mais, entre les deux, je préfère qu'il vapote. Est-ce qu'il va
aller vers le tabac? Bien, depuis sept, huit ans, en France, on n'a pas vu une
explosion des ventes de tabac chez les jeunes. C'est exactement le
contraire : ça n'arrête pas de baisser.
Puis, si vous regardez la position de
la Santé publique en Angleterre — on l'a mis dans le rapport — ils sont très... Ils étaient très réticents il y a sept,
huit ans. Maintenant, ils disent : Bien, il faut se rendre à
l'évidence, ça fait baisser le taux de tabagisme chez les fumeurs puis ça ne
renormalise pas le tabac chez les jeunes. Ça fait que c'est leur position.
Moi, je me fie sur les Anglais puis les Français, qui connaissent ça depuis
sept, huit ans, là.
M.
Habel : Dans un «vape shop», quelle est la proportion, par exemple,
des produits où qu'il y a de la nicotine et des produits qui n'ont pas
de nicotine à l'intérieur?
• (15 h 40) •
M.
Juneau (Martin) : Ce n'est vraiment pas intéressant, une cigarette
électronique sans nicotine, hein, je veux vous mettre ça clair, là, c'est juste pour le geste. Moi, j'ai des
patients qui, après un an, ont complètement arrêté de fumer puis qui vapotent en baissant les doses
progressivement, puis finalement il n'y a plus de nicotine dedans. Et puis je
leur dis : Mais pourquoi vous gardez ça? Bien, le geste est très
important.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Pour encore 1 min 15 s, Mme
la ministre.
Mme
Charlebois :
En fait, j'aurais souhaité avoir plus de temps pour vous entendre parler de
votre quotidien auprès de vos malades comme
l'a fait le pneumologue tantôt, mais on va manquer de temps, alors la dernière
question que je vais vous poser,
c'est sur les terrasses. Quand on parle de l'encadrement de la cigarette
électronique et des vapeurs de
cigarette électronique, j'ai des gens qui vapotent qui m'ont dit : Bien
là, tu vas m'envoyer fumer avec des fumeurs. Bien, j'ai dit : Tu n'es pas obligé d'aller avec eux, va
10 pieds plus loin. Comment vous voyez ça, vous, le vapotage sur
les terrasses?
M. Poirier
(Paul) : Bien, moi, je pense que, sur les terrasses, comme vous l'avez
mentionné, ça devrait être non accessible,
pour la simple et bonne raison que, bon... Les gens qui sont pro-cigarette
électronique sur les terrasses vont
vous dire : Oui, mais en dedans de tant de mètres, puis c'est moins
toxique, puis c'est ci, puis c'est ça. Mais, à un moment donné, il y a
la symbolique associée à l'arrêt tabagique, puis je pense qu'il faut être
conséquent avec ça, au même titre que de fumer dans un territoire d'hôpital ou
fumer à La Ronde, pour moi, ça ne fait pas de sens.
Alors, je pense que
la symbolique associée à ça, elle est sociale. Si vous me parlez : Du
niveau scientifique, est-ce que vapoter sur une terrasse est préjudiciable pour
la santé?, je suis obligé de vous dire que je suis loin d'être convaincu que
c'est préjudiciable pour la santé, mais il y a d'autres choses que la science
ici qui prévalent.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du
côté de notre collègue de Rosemont pour un bloc de
13 min 30 s.
M.
Lisée : Merci, M. le Président. Bien, je tiens à souhaiter la
bienvenue au Dr Juneau, au Dr Poirier. Dr Juneau, l'Institut de cardiologie de Montréal... dans la
circonscription de Rosemont, on est très heureux que vous y soyez, très
heureux des investissements qui s'y passent en ce moment, et puis votre
réputation internationale vous précède, également l'institut de cardiologie de
Québec.
Pour
résumer, ce que vous dites, c'est : vous êtes d'accord avec le projet de
loi n° 44, vous êtes d'accord avec les amendements que nous, du
Parti québécois, on veut apporter sur l'emballage neutre, le moratoire des
nouveaux produits. Ce que vous apportez
beaucoup, c'est sur la cigarette électronique. Vous dites : Dans votre
expérience, vous en avez vu passer,
des gens avec des problèmes de tabagisme. Vous dites : Là, pour la
première fois, on a un instrument. Quand
on dit au fumeur de passer à la cigarette électronique, dans 50 % des cas,
il arrête de fumer du tabac et il se met à la cigarette électronique. Et donc, oui, il garde sa dépendance à la
nicotine, mais il n'est pas en train de fumer 69 autres éléments
cancérigènes, et donc c'est un gain considérable.
Bon.
Et là vous nous dites : Donc, il faut aller au bout de cet argument et
rendre la cigarette électronique compétitive avec la cigarette normale, et donc il ne faut surtout pas enlever les
saveurs des cigarettes électroniques. Donc, si le projet de loi... si on vous écoute, on va dire :
Bon, là, si vous fumez des cigarettes normales, il n'y en a plus, de saveurs.
Si vous voulez du menthol, si vous voulez quelque chose, il y en a juste
dans la cigarette électronique. Donc, on va leur dire : Allez là. Vous dites aussi : Bien, il ne faut
pas enlever les présentoirs, il faut que les présentoirs restent. Il y a des
gens qui disent : Bon, bien, on
comprend votre argument, là, 50 % de réduction, c'est important, donc, on
va envoyer ça chez les pharmaciens.
Vous dites : Non, non, non, on n'envoie pas ça chez les pharmaciens, il
faut garder les endroits ou les petites
boutiques. Il faut non seulement les garder, mais en plus il faut former le
personnel pour qu'il puisse bien expliquer comment ça fonctionne, parce
que des fois on en perd, des fumeurs qui ont passé à la cigarette électronique,
parce qu'ils n'ont pas su comment ça
marchait. Ça fait que c'est important de leur expliquer. Bon. Et là, je vais
dire, puisque c'est ça, puisque le contre-argument, évidemment, des gens
de la santé publique — on
va les interroger sérieusement lorsqu'ils passeront — c'est
dire : Oui, mais ça normalise l'idée, ça renormalise l'idée de fumer chez
une nouvelle génération, vous, vous
dites : On n'a pas vu ça. Ça fait sept ou huit ans que la cigarette
électronique est présente en Angleterre, en France, on ne voit pas
renormalisation de l'idée de fumer, disons.
Bien,
dans ce cas-là, pourquoi ne pas aller plus loin et dire, puisqu'on parle
beaucoup des terrasses : On va donner un avantage comparatif à la cigarette électronique en disant :
Bien, c'est interdit de fumer du tabac sur les terrasses, mais, la cigarette électronique, c'est oui... ou,
disons, pendant cinq ans, pour donner un avantage comparatif net? Pourquoi vous
n'allez pas jusque-là?
M. Juneau (Martin) : ...
M.
Lisée : Vous iriez?
M. Juneau
(Martin) : Moi personnellement, mais je fais partie d'une société,
d'un groupe...
M. Lisée :
Alors, vous appliquez la ligne de parti?
Des voix :
Ha, ha, ha!
M.
Juneau (Martin) : Pas vraiment, pas vraiment, mais moi, j'ai mes
opinions très personnelles là-dessus, j'irais beaucoup plus loin, mais
je comprends très bien les craintes de mes collègues qui disent : Bien là,
il ne faut pas exagérer. Puis en plus je me
mets à la place du propriétaire du bar ou du restaurant, de toujours
surveiller : C'est-u de la vraie
fumée ou de la vapeur? Ça devient un peu compliqué, là. Alors, moi, je me
dis : Bien, c'est plus simple, on fait ça comme ça. Vous pourriez
poser la même question sur les parcs, fumer dans les parcs, sur la santé.
Et, entre vous et
moi, quelqu'un fume, à 200 pieds de vous, du tabac, est-ce que c'est nocif
pour la santé?
M. Lisée :
Est-ce que ce l'est?
M. Juneau
(Martin) : Non. C'est évident, mais on ne veut pas...
M.
Lisée : O.K. Mais, s'il est à un mètre de moi puis qu'il
vapote plutôt que de fumer, ça fait une grosse différence.
M. Juneau
(Martin) : Ah! absolument. Un vapoteur à un mètre de vous dehors;
zéro.
M.
Poirier (Paul) : Mais là l'argument devient plus social, et l'autre
chose qui va arriver, c'est que les compagnies de tabac, eux, pour augmenter leurs ventes, ils vont vous inventer une
cigarette électronique qui est en tous points égale et identique, avec la même forme, même saveur, même
couleur qu'une cigarette ordinaire. Et qui va dire... C'est-u le «doorman»
ou le gérant qui va venir vous voir puis qui va tester, votre cigarette, si ça
en est une vraie ou pas une vraie?
M.
Lisée : Ça fait que c'est encore la faute des compagnies de
tabac, qui rendent cette idée-là inapplicable, vous voyez.
M.
Poirier (Paul) : Non, non, mais, je veux dire, les compagnies de
tabac, ce n'est pas des OSBL, là, elles sont là pour faire de l'argent,
là, hein?
M.
Lisée : Puis ça marche. Je comprends, c'est un bon argument,
mais je voulais le tester avec vous, là, s'il y avait... donc, mais je
comprends l'idée de l'avantage comparatif.
M. Poirier
(Paul) : ...il y a le social.
M. Lisée :
Oui. Mais donc on doit trouver, on doit jauger un bon niveau d'avantages
comparatifs d'accès à la cigarette
électronique notamment ciblés envers les fumeurs actuels, parce que c'est ceux
qu'on veut cibler, et qui rendent l'accès à la cigarette électronique
plus facile que l'accès à la cigarette conventionnelle.
M.
Juneau (Martin) : ...pour l'acheter, tu sais. Parce qu'on a entendu
toutes sortes de propositions au Canada puis ici de rendre ça plus difficile, tu sais : prescription
médicale, seulement en pharmacie. Mais alors ça, c'est clair qu'il faut au moins que ça soit égal, puis moi, je
dirais même... Bon, je ne pense pas qu'on peut favoriser à l'achat, là, mais
c'est surtout : pour ce qui est de la réglementation, on doit être moins
sévère globalement.
M.
Poirier (Paul) : Parce que, si on regarde par rapport à l'accessibilité,
il n'y aura pas des «vapo shops» qui vont
lever partout en région. Dans un village de 200 personnes, peut-être que
le meilleur distributeur sera le pharmacien. Comprenez-vous? Alors, il
faut que ça soit accessible.
M.
Lisée : Oui. Mais vous ne proposez pas de revenir avec des
distributeurs de cigarettes électroniques dans les établissements. Vous,
vous diriez presque oui, là. Je vous regarde, là.
M.
Juneau (Martin) : Non, non. Bien, ça, des distributeurs, c'est :
il n'y a rien, il n'y a pas d'instructions, il n'y a pas de...
M.
Lisée : Il n'y a pas d'instructions. Vous proposez deux
avertissements différents de ceux de Santé Canada pour les cigarettes normales. Vous dites :
Pour les cigarettes électroniques, on devrait dire : Ce produit peut
contenir de la nicotine, la nicotine crée la dépendance. Ça, c'est une
chose. Et l'autre, ce serait : Ce produit peut être risqué pour la santé, mais ce risque est beaucoup moins élevé que
celui de fumer du tabac. C'est ça, c'est le principal message que vous
voulez envoyer : il est moins élevé que celui de fumer du tabac.
M.
Juneau (Martin) : Ce n'est pas parfait, on ne connaît pas tous les
effets, mais on sait que c'est beaucoup, beaucoup moins nocif que le tabac. Ça,
on est sûrs.
M.
Lisée : O.K. Restons sur les terrasses. J'ai cité tout à
l'heure le président de l'Union des tenanciers. Il dit : Ah! bien, il y a une solution pour les terrasses,
c'est qu'on sépare la terrasse en deux, on enlève un mètre entre les deux,
puis on dit : Il y a un coin qui est fumeur, puis l'autre coin est
non-fumeurs. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Juneau
(Martin) : Bien, pour la cigarette conventionnelle?
M. Lisée :
Oui.
M.
Juneau (Martin) : Bien, moi, je n'aime pas beaucoup l'idée, parce que,
si vous avez une concentration de fumeurs,
je ne sais pas moi, sept, huit tables où c'est concentré, puis vous, vous êtes
même à un mètre et demi... «un mètre» qu'il dit?
M. Lisée :
Un mètre, un mètre et demi, oui.
M.
Juneau (Martin) : Un mètre, c'est pas mal proche, dépendant de la
quantité de vent, est-ce qu'il y a un auvent, tout ça. Moi, je pense que c'est assez dérangeant pour la santé. Moi, ce
n'est pas tellement pour la nocivité pour le client qui est là une heure
ou deux, mais c'est pour les employés qui passent leur temps là-dedans.
M. Lisée :
C'est plus pour les employés que pour les...
M.
Juneau (Martin) : Les clients, dehors... C'est sûr que l'idéal, c'est
qu'il n'y en ait pas. Ce n'est pas extrême, là, mais c'est très dérangeant puis ce n'est pas agréable, et puis, pour
les employés, bien là, carrément, eux autres, ils sont exposés sans
arrêt.
M.
Lisée : Alors, ils apportent un autre argument sur la question
du vapotage. Il dit : Bon, nous, on a beaucoup d'employés qui sont des fumeurs. Évidemment, ils
n'ont pas le droit de fumer dans le restaurant ou dans le bar, donc ils vapotent. Mais là, si vous leur dites qu'ils ne
peuvent pas vapoter non plus dans le restaurant et dans le bar, bien, donc,
ils vont sortir plus souvent, ça va être moins surveillé.
Est-ce que vous
pensez qu'on devrait permettre aux employés de vapoter à l'intérieur du bar?
• (15 h 50) •
M.
Juneau (Martin) : Bonne question. Écoutez, nous, on a ce problème-là
dans les hôpitaux. C'est interdit de fumer
chez nous depuis 2000, bien avant la loi, et on a pris une position sur la
cigarette électronique. On s'est dit : Bien, peut-être que, si les
employés avaient un endroit pour fumer la cigarette électronique, on réglerait
le problème quand il fait moins 20°,
mais on a décidé de ne pas aller de ce côté-là puis de dire : Non, à
l'hôpital, c'est interdit. Et, si vous me
posez la question... dans les restaurants, ça devient compliqué sur les lieux
de travail de faire toujours le partage entre les deux. Moi, je serais
plutôt pour une mesure uniforme, ça serait plus simple.
M.
Lisée : Puis là on revient à la future cigarette électronique,
qui va être identique à la cigarette actuelle, et là on ne pourra pas
départager l'un ou l'autre.
M. Juneau
(Martin) : Qui est déjà là, hein? Il y en a déjà plusieurs.
M. Lisée :
Vous nous dites : Dans les hôpitaux, effectivement, sur le terrain de
l'hôpital, en ce moment, bon, à neuf mètres de la porte, c'est permis. Pour
vous, sur tout le périmètre de l'hôpital, ça devrait être interdit.
M.
Juneau (Martin) : Dans beaucoup d'hôpitaux, ils ont beaucoup de difficultés
à faire respecter le neuf mètres, ce qui fait que, quand les visiteurs
ou les patients ou les employés rentrent, vous avez vraiment une haie de
fumeurs à traverser qui est très, très
dérangeante. Et une des solutions, ce serait de carrément l'étendre à tout le
terrain. Moi, je suis très conscient que, si on fait ça... j'ai beaucoup
réfléchi à ça pour notre hôpital, là, on est en train de réviser notre politique, et c'est sûr que, si on fait ça, le
problème, ce n'est pas pour les patients qui ne viennent pas beaucoup... c'est
pour les employés — et beaucoup d'employés d'hôpitaux fument,
surtout dans les emplois les moins rémunérés — et qu'est-ce
qu'on fait avec ces employés-là. Il faut trouver une solution, et la solution,
ça serait d'avoir des programmes très, très bien structurés, financés
pour la cessation tabagique, ce qui n'est pas le cas en ce moment.
M. Lisée :
Est-ce que c'est stable, la prévalence, l'utilisation du tabac chez les
employés d'hôpitaux?
M. Juneau
(Martin) : Oui. Bien, chez nous en tout cas, là, c'est... ça dépend du
groupe d'employés, là.
M. Lisée :
Vous devez le prendre personnel un peu.
M. Juneau
(Martin) : Oui. Oui, oui, mais ils nous... c'est drôle, parce que
c'est un petit hôpital, chez nous, quand j'en croise un qui fume à
20 mètres, là, il a toujours une explication : Excusez...
M.
Lisée : Une explication : Je la tenais pour mon collègue.
C'est ça?
M.
Juneau (Martin) : C'est ça. Et c'est là que j'ai appris beaucoup sur
la différence entre la cigarette et la cigarette électronique. Ces vrais fumeurs là, là, les gros, gros fumeurs, je leur
dis toujours : Pourquoi vous n'avez pas passé à la cigarette
électronique? Ce n'est pas assez fort, l'effet au cerveau n'est pas assez fort.
M. Lisée :
Ce n'est pas assez fort. M. Poirier, vous vouliez ajouter?
M.
Poirier (Paul) : Oui. Bien, c'est parce que les gens vont... Toi,
comme réflexe, comme cardiologue, tu dis : Qu'est-ce que c'est que tu n'as pas compris? Parce que, je veux dire, je
ne peux pas croire qu'aujourd'hui, en 2015, avec l'éducation puis la science qu'on a, un fumeur fume. C'est la
dépendance. Et effectivement on leur parle du vapotage. Et, je veux dire, j'ai fait l'unité coronarienne
toute la semaine puis j'ai des récidives chez des fumeurs jeunes... puis que
tu leur dis : Bien là, il faudrait
peut-être penser à vapoter. Bien, ils se sont fait dire avec toute la publicité
qu'il y a que le vapotage, ce n'était
pas bon pour la santé puis que c'était aussi nocif. Alors, là aussi, dans le
projet de loi puis l'application, il va falloir corriger ce tir-là.
M. Lisée :
Vous dites aussi que la cigarette est permise dans 40 % des chambres
d'hôpital. C'est incroyable.
M. Juneau
(Martin) : Non, non, non, dans les CHSLD.
M. Lisée :
Dans les CHSLD.
M.
Juneau (Martin) : Ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est dans les
règlements, dans la loi. Nous, on n'est pas du tout touchés, c'est zéro
chez nous...
M. Lisée :
C'est zéro. O.K.
M.
Juneau (Martin) : ...mais un CHSLD ou les hôpitaux où les gens restent
très, très longtemps, vous avez ça comme exception.
M.
Lisée : On a parlé, plus tôt aujourd'hui, de la chicha et du
très grand nombre d'endroits où c'est illégalement fourni, surtout pour des jeunes, proche de cégeps,
etc., et de la nocivité massive, là. Une heure de chicha, c'est plus de
100 cigarettes, près de 200. Est-ce que
vous avez des cas de jeunes fumeurs qui vous arrivent avec des difficultés
pulmonaires importantes qui ont eu cette pratique-là?
M.
Juneau (Martin) : Je n'en ai pas vu, peut-être à cause du coin de la
ville où on est. Je n'ai pas vu de fumeurs de chicha ou alors j'ai...
c'est un hasard, là. Je ne sais pas si toi, tu en as vu.
M.
Poirier (Paul) : Non, mais c'est surtout, nous, parce qu'on est
l'institut de cardio et de pneumo. Alors, si tu as assez fumé pour avoir un cancer, tu peux peut-être
avoir assez fumé pour avoir un problème cardiaque, et c'est surtout associé à la marijuana, je vous dirais, dont la
concentration des toxines a changé avec les hybridations puis les créativités
horticoles.
M.
Lisée : Alors, parlez-moi-z-en un peu plus, là. Donc, vous
dites que vous avez des jeunes patients avec des problèmes pulmonaires
ou cardiovasculaires liés à la consommation de marijuana.
M.
Poirier (Paul) : Oui, qui est de plus en plus toxique parce que la
concentration des toxines est plus grande que ce qui était accessible
dans les années 70.
M. Lisée :
Vous semblez parler d'expérience.
M. Poirier
(Paul) : Non, je regarde Martin.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le
Président (M. Tanguay) : ...au bloc dévolu à notre collègue de
Rosemont. Alors, nous devons, malheureusement, céder la parole... malheureusement quant au sujet qui a été abordé, mais
évidemment avec beaucoup de plaisir, à notre collègue de Saint-Hyacinthe
pour un bloc de neuf minutes.
Mme Soucy :
Merci, M. le Président. Bien, si vous voulez compléter votre...
M.
Poirier (Paul) : Non, mais ce qu'il faut voir avec toutes ces
problématiques-là... Moi, je suis aussi associé avec l'American Heart
Association, et la légalisation de la marijuana dans les États américains, ça,
c'est un problème cardiovasculaire qui va
être important à gérer, nous, en cardiologie. Et, bon, la semaine dernière, à
l'unité coronarienne, j'ai eu deux infarctus sur la coke :
40 ans et moins.
Une
voix : ...
M.
Poirier (Paul) : Oui. Alors, tu sais, c'est de plus en plus... je ne
dirais pas «prévalent», mais c'est gros, là. Alors, la cigarette, c'est
très important encore.
Mme
Soucy : Merci. Puis je vais vous demander... Tantôt, vous avez
dit : Bien, tu sais, il faut rétablir le tir. Moi, je vais vous demander, là, d'être précis. Puis
j'avais cette discussion-là avec le Dr Larivée tantôt. Parce que nous
sommes des parlementaires, on n'a pas
nécessairement... Bon, je pense qu'il n'y a pas personne ici qui a, finalement,
une formation médicale. Donc, c'est
important. Ça a pris quand même plusieurs intervenants avant que vous nous
dites : Bien, on fait la distinction entre le social et le
scientifique.
Moi,
ce qui m'intéresse, là, c'est le scientifique, ce qui a rapport avec ce qui
concerne les terrasses. Vous demandez de
ne pas trop restreindre l'usage, les lieux de la consommation de la cigarette
électronique. Le projet de loi, il prévoit l'interdiction de fumer, de vapoter sur les terrasses publiques. Donc,
les fumeurs réguliers de la cigarette régulière vont devoir quitter la terrasse pour aller fumer à
l'extérieur à neuf mètres de l'établissement. Les vapoteurs vont devoir aussi
aller rejoindre le troupeau de fumeur si
c'est interdit sur les terrasses, alors ils vont être exposés à la fumée de la
cigarette, donc, puis également ils peuvent avoir une certaine tentation
s'ils sont au début de leur sevrage.
Alors,
à partir de ces faits-là, là, je voudrais vous entendre sur l'aspect
scientifique et non pas sur l'aspect social, qui dit : Bien, il faut être cohérents avec notre approche.
Dites-nous, vous ne pensez pas que c'est plus nocif... ou plutôt s'il faut prendre le risque de mettre les
cigarettes électroniques sur les terrasses vu l'effet possible? Donc, vous ne
pensez pas que, juste pour le risque... que le risque est élevé ou il
est minime pour l'interdire, la cigarette électronique?
M.
Juneau (Martin) : Vous parlez juste du risque, là... O.K. Alors,
vapoter sur une terrasse, pour moi, le risque est minime, ça, c'est clair. Supposons, lui, il en a une, là; je vais
avoir une fraction de la nicotine expirée ou... En fait, ça ne sort pas du bout, là, ça sort juste de ses
poumons. C'est une petite vapeur qui retombe, j'aurais peut-être 1/100 de
la dose de nicotine. Puis,
honnêtement, c'est tellement inoffensif pour la santé, la nicotine à ces doses-là.
Ce n'est pas ça qui va me rendre
dépendant, là, d'avoir côtoyé un vapoteur pendant 10 minutes, si vous me
demandez : Sur le plan scientifique, c'est clair.
Mme
Soucy : O.K. Donc, nous, parlementaires, on pourrait avoir la
conscience tranquille en prenant un risque de permettre la cigarette électronique sur une terrasse, considérant,
là, les effets positifs. Puis vous dites : Bien, il y a très peu de
chances. C'est ce que j'en conviens, hein?
M. Juneau
(Martin) : Sur le plan de la santé, oui.
Mme
Soucy : O.K. Tantôt, vous avez parlé d'avantages compétitifs. Dans ce
cas-là, si on exclut... Parce que tantôt vous disiez : Bien, personnellement, je pense qu'il n'y en a pas,
de problème, moi, je le permettrais, la cigarette électronique sur la
terrasse, mais, comme je fais partie d'une association, je vais dans le sens de
l'association.
• (16 heures) •
M. Juneau
(Martin) : Non, non, je parlais de la société en général. Je pense, ça
serait mal accepté.
Mme
Soucy : Ah! O.K. Bien, d'abord, c'est quoi, les avantages compétitifs
que vous parlez? Nommez-moi des avantages compétitifs?
M.
Juneau (Martin) : J'ai dit : Il ne faut pas lui enlever
d'avantages puis idéalement il faudrait lui en donner. Alors, ce qu'on a entendu depuis des années, c'est
plus : On va restreindre, ça doit être interdit, il ne devrait pas y avoir
de nicotine, il ne devrait pas y avoir de
saveur, on devrait le prescrire, etc., donc ça a toujours été comme plus
difficile que l'accès au tabac. Alors, je dirais, au moins égal, puis
idéalement, dans un monde idéal, un petit peu mieux.
Mme Soucy :
O.K. Donc, on doit mettre des points...
M.
Juneau (Martin) : Vous avez... Excusez. Vous avez déjà... j'ai oublié
de le mentionner, vous avez le prix, qui
est très avantageux. C'est trois à quatre fois moins cher pour un fumeur de,
disons, un à deux paquets par jour de vapoter.
Mme
Soucy : Si je reviens aux points de vente accessibles, que ce soient
les boutiques de vapotage, les pharmacies, seriez-vous en faveur de maintenir les points de vente dans les
dépanneurs, considérant que vous... Je ne suis pas sûre si c'est vous qui l'avez dit ou si c'est
Dr Larivée tantôt qui disait que la formation à l'acheteur devrait prendre
entre 20 et 30 minutes pour
l'achat d'une cigarette électronique. Donc, est-ce qu'on devrait continuer à
les vendre dans les dépanneurs, alors qu'on sait que, là, dans un
dépanneur, c'est plus ou moins possible de le faire?
M.
Juneau (Martin) : C'est une question bien difficile, puis on a abondamment
discuté de ça. Je pense que, les cigarettes
électroniques rechargeables, celles qui sont le plus vendues maintenant, c'est
sûr que, pour moi, c'est un problème de
vendre ça en dépanneur, parce qu'il y a beaucoup d'enseignement à donner, il
faut l'essayer, etc. Je pense que c'est plus le marché des jetables. Alors, le problème ne se pose pas beaucoup
aux États-Unis parce que c'est des jetables, le marché. Alors, nous, on va les voir arriver, les jetables, là, d'ici un
an, je pense, ça va avoir pris le marché, ça fait que le problème va
moins se poser. En ce moment, j'avoue, c'est un problème, ça.
Par contre, comme
mentionnait Paul tantôt, il y a beaucoup d'endroits où il n'y a pas de boutique
spécialisée puis il n'y a pas de pharmacie
aussi. Il y a des villages, là, alors... il reste juste le dépanneur pour avoir
l'accès. Alors, ce n'est pas idéal,
mais, faute de mieux, je pense qu'il faut s'en contenter. Mais c'est clair que
ce n'est pas idéal. Quelqu'un qui s'en va acheter ça dans un dépanneur
sans savoir ce qu'il fait, il n'aura probablement pas une bonne expérience.
Mme
Soucy : Donc, pour conclure, je veux juste revenir, là, sur le
problème qui, vous dites, est vraiment social. À ce moment-là, vous seriez... si je vous demandais, là : Êtes-vous
en faveur qu'on la permette, la cigarette électronique, sur les
terrasses?
M. Juneau
(Martin) : Non. Non, parce que, comme je vous dis, je fais une
distinction nette entre l'effet sur la santé
puis l'image qu'on projette, tu sais, de voir les gens vapoter, le pauvre
propriétaire qui va être obligé de faire la police, les clients même qui
vont dire : Il y a un fumeur. Je trouve que... Plus simple.
M. Poirier
(Paul) : Il y a des cas dans les Cage aux Sports, hein, où est-ce que
c'est allé jusqu'à se colletailler serré
parce qu'il y a des gens qui vapotaient. Ce n'est pas publié dans la
littérature scientifique, mais c'est des choses qu'on entend parler par
les patients.
Mme
Soucy : Donc, les lieux de vente des cigarettes électroniques, si on a
à retenir les pharmacies, les boutiques spécialisées, qui vont avoir le temps d'expliquer à l'acheteur les
mesures à prendre, ça serait suffisant, pour vous. O.K. Puis je vais finir avec ça parce que c'est
important. Dans le fond, là, vous mettez vraiment l'importance de dire :
Bien, il faut investir dans la
recherche pour savoir c'est quoi, les bienfaits de la cigarette électronique,
pour avoir de la littérature scientifique qui...
M. Juneau
(Martin) : Bien, il faut toujours investir dans la recherche dans tous
les domaines, mais moi, je pense qu'on
a assez de données maintenant pour prendre des décisions. Comme disait Paul à
l'étudiant tantôt, il lui a parlé, tu sais :
Dans la pratique, tu n'auras pas toujours des études, tu sais, depuis
20 ans prospectives à 5 000 patients de chaque bord pour te prouver que tel traitement est mieux
que l'autre, alors, à un moment donné, il faut décider avec ce qu'on a puis
ajuster le tir.
Alors, je
pense, oui, il faut qu'on continue la recherche là-dessus. Il faut voir aussi
que la recherche vise une cible qui
bouge tout le temps, parce que la cigarette électronique, elle change de trois
mois en trois mois, et ça va beaucoup évoluer, alors il faut se tenir très,
très à l'affût puis s'ajuster.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, Drs Juneau et
Poirier, c'est malheureusement tout le temps dont nous disposons, merci
pour votre présentation.
J'invite les représentants du Centre jeunesse de
Montréal de prendre place, et nous suspendons nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 5)
(Reprise à 16 h 11)
La
Présidente (Mme Montpetit) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je
souhaite la bienvenue à nos invités du Centre jeunesse de Montréal. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de
bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite,
nous procéderons à la période d'échange avec les parlementaires. La
parole est à vous.
Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire
(CJM-IU)
Mme Hill
(Lesley) : Bonjour. Je suis
Lesley Hill, directrice du programme jeunesse au CIUSSS du Centre-Est-de-l'Île-de-Montréal,
incluant le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire.
M.
Chartrand (Ronald) : Bonjour. Mon nom est Ronald Chartrand, je suis
psychoéducateur-consultant pour le Centre jeunesse de Montréal.
Mme la
Présidente, nous voulons vous remercier de cette opportunité de contribuer au
débat entourant le projet de
loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme. Nous
venons ici aujourd'hui pour appuyer les mesures proposées,
particulièrement celles visant à protéger la santé des jeunes.
Le Centre
jeunesse de Montréal-Institut universitaire fait partie du CIUSSS du
Centre-Est-de-l'Île-de-Montréal et a pour mission d'assurer la protection et le
bien-être des enfants et des adolescents suivis sous la Loi de la protection
de la jeunesse, la Loi sur le système de
justice pénale pour les adolescents et la loi sur la santé et des services
sociaux. Le centre jeunesse joue un rôle de premier plan auprès des enfants,
des jeunes et des familles les plus vulnérables de Montréal. Le Centre jeunesse de Montréal-Institut
universitaire rend annuellement des services à plus de 13 000 jeunes
et familles. Il gère un réseau de près de
560 familles d'accueil accueillant plus de 1 100 enfants et
jeunes ainsi que 25 ressources
intermédiaires hébergeant 150 jeunes. Le centre jeunesse offre aussi un
réseau spécialisé en réadaptation avec hébergement
incluant quatre centres de réadaptation et 25 foyers de groupe desservant
700 enfants et jeunes. Le centre jeunesse compte au total 45 points
de service répartis sur l'île de Montréal. Il reçoit près de
200 stagiaires annuellement des réseaux
collégiaux et universitaires et accueille un réseau impressionnant de bénévoles
pour soutenir ses actions. Il offre
une gamme de services de santé et services sociaux incluant des services de
prévention et est engagé dans la
promotion des saines habitudes de vie chez les jeunes. En juin 2013, le comité
de direction s'est officiellement engagé
à mettre en oeuvre une politique qui envoie un message clair et sans équivoque
à l'effet que le centre jeunesse deviendra
un établissement sans fumée. À ce jour, le centre jeunesse est rendu à la
quatrième et dernière phase d'implantation de ce projet. Ainsi, à
compter du 1er janvier 2016, le Centre jeunesse de Montréal-Institut
universitaire deviendra un établissement sans fumée dans l'ensemble de ses
45 points de service.
Il
est reconnu que, malgré l'importante réduction de la prévalence au niveau de
l'ensemble de la population, la prévalence
du tabagisme demeure plus élevée dans les populations défavorisées et les plus
vulnérables. Depuis le début des
années 2000, le tabagisme est majoritairement responsable des écarts de santé
observés entre les groupes de population défavorisés et la population générale. Les études démontrent que plus
des deux tiers des jeunes en centre jeunesse sont fumeurs, donc près de 70 % des jeunes en
centre jeunesse sont fumeurs, alors que chez la population générale de jeunes
au secondaire elle se situe autour de 20 % à 22 %.
Il
s'avère également que 30 % des jeunes ayant participé à l'étude s'initient
au tabac en centre jeunesse. Le Centre jeunesse de Montréal-Institut
universitaire est préoccupé par ces statistiques. Un sondage Entreprise en
santé révèle que 25 % du personnel fume et que, de ce nombre, 51 %
souhaite arrêter. Le personnel clinique devant modeler des comportements prosociaux et favorables à la santé,
le centre jeunesse a un intérêt particulier à soutenir les intervenants
dans la poursuite de leur objectif.
En
bref, le projet établissement sans fumée vise à promouvoir et protéger la santé
des usagers et du personnel; protéger les non-fumeurs et éviter
l'initiation des jeunes aux produits tabagiques; mettre fin à la consommation
des produits du tabac, incluant la cigarette
électronique, dans toutes les installations et terrains du centre jeunesse;
diffuser l'information aux consommateurs quant aux méfaits associés à la
consommation des produits du tabac; soutenir les jeunes ainsi que le personnel qui amorcent une démarche en vue de cesser
de fumer; réduire la consommation des jeunes et du personnel. À ce jour, des résultats préliminaires sont observables
dans les points de service devenus sans fumée. Aucun jeune n'a en sa possession des produits du tabac lorsqu'il est
présent sur son lieu d'hébergement. Conséquemment, aucun jeune n'est
initié au tabagisme durant son séjour. Personne ne fume sur les terrains des
installations du centre jeunesse. En
conséquence, nous observons une diminution importante de la consommation des
produits du tabac par les jeunes et le personnel.
Le
centre jeunesse a misé sur une démarche de soutien et d'accompagnement des
jeunes et du personnel ayant également comme objectif une diminution
significative du nombre de fumeurs lorsque les jeunes quittent après un épisode de services en centre jeunesse. Nous
devrons élaborer un plan d'action pour rejoindre et soutenir les parents de
nos jeunes qui s'engagent dans une démarche
de cessation tabagique avec les ressources du milieu ou du moins qu'ils soient mieux équipés pour soutenir l'arrêt
tabagique de leurs jeunes. Des démarches devront être aussi entreprises pour faire du réseau des familles d'accueil et des
ressources intermédiaires des milieux de vie sans fumée. Une loi qui prévoit
l'interdiction totale de fumer à l'intérieur
comme à l'extérieur des installations publiques oeuvrant auprès des jeunes
aurait pour effet de prévenir
l'initiation au tabagisme de plusieurs centaines de jeunes vulnérables en plus
d'aider des milliers d'autres à se débarrasser précocement de leur
dépendance.
Mme Hill (Lesley) : Le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire salue le projet
de loi n° 44 et appuie fortement les mesures suivantes
contenues dans le projet de loi en ce qui a trait aux jeunes :
l'interdiction de vendre, d'offrir en vente
ou de distribuer un produit de tabac comportant une saveur ou un arôme autres
que ceux du tabac, notamment ceux
liés au menthol, à un fruit, au chocolat, à la vanille, au miel, aux bonbons ou
au cacao ou dont l'emballage laisse croire qu'il s'agit d'un tel produit;
l'interdiction à une personne majeure d'acheter du tabac pour un mineur;
l'interdiction de fumer dans les
véhicules automobiles à bord desquels se trouve un mineur de moins de 16 ans;
l'interdiction de fumer sur les terrains
mis à la disposition d'un établissement d'enseignement qui dispense, selon le
cas, des services d'éducation préscolaire,
des services d'enseignement primaire ou secondaire, des services éducatifs en
formation professionnelle ou des
services éducatifs pour les adultes en formation générale aux heures où cet
établissement reçoit des élèves mineurs; l'interdiction de fumer sur les terrains d'un centre de la petite
enfance ou d'une garderie aux heures où ce centre ou cette garderie
reçoit des enfants.
De
plus, nous réclamons les amendements suivants : étendre l'interdiction de
fumer à l'ensemble des installations et
terrains des centres jeunesse où sont hébergés... ou qui sont fréquentés par
les jeunes; étendre l'interdiction de fumer aux aires de jeu pour enfants; étendre l'interdiction sur les terrains
d'écoles primaires, secondaires et les cégeps afin qu'il soit interdit
de fumer en tout temps.
Nous
croyons qu'il est possible, au Québec, de se doter d'établissements du réseau
de la santé qui sont véritablement favorables à la santé. L'expérience
du Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire en fait foi.
En
conclusion, en tant que société, nous devons saisir l'occasion d'affirmer haut
et fort que le Québec investit dans
l'avenir de sa jeunesse en assurant une protection maximale et des conditions
favorables au développement et au bien-être
des enfants et des jeunes. Renforcir la loi de lutte contre le tabagisme
contribuera à l'atteinte de ces buts. Merci.
• (16 h 20) •
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup pour votre
présentation. Je cède donc la parole à la partie ministérielle pour une
durée de 21 min 30 s.
Mme
Charlebois : Merci, Mme la Présidente. C'est toujours un
plaisir que de vous voir à la présidence, Mme la députée de Crémazie.
Alors,
bonjour, Mme Hill et M. Chartrand, merci d'être venus nous présenter
vos préoccupations et vos points de
vue sur le projet de loi dont on discute depuis le matin, là, la loi qui vise à
renforcer la lutte contre le tabagisme. Et non seulement on parle de santé publique, mais on parle aussi des
centres jeunesse, deux missions qui me tiennent beaucoup à coeur, comme
vous le savez.
J'ai
pris connaissance de votre mémoire. J'écoutais vos propos et je me demandais,
justement quand vous parliez de vos
points de service, vos familles, là, je me disais : Comment ils voient ça
pour les ressources intermédiaires, les familles, tout ça?, mais vous
avez un petit peu mentionné que vous souhaitez que même les familles d'accueil
et les ressources intermédiaires soient sans fumée. J'imagine que c'est votre
monde qui va s'assurer de la chose.
Mme Hill (Lesley) : On est dans les perspectives d'avenir. Donc, présentement, le projet
comportait quatre phases pour
l'ensemble des installations du centre jeunesse, l'hébergement pour les jeunes
mais les points de service, les bureaux aussi. Donc, c'est totalement
sans fumée pour le personnel et pour les jeunes hébergés.
Maintenant,
on ne s'est pas encore attaqués à la question, je vais le dire comme ça, c'est
beaucoup plus complexe quand on
arrive dans les milieux de vie des gens, surtout quand on parle de familles
d'accueil, mais c'est clair pour nous que, dans une prochaine phase, on va
avoir à au moins faire de l'enseignement et s'assurer que les jeunes ne soient
pas exposés à une fumée secondaire nocive pour leur santé.
Mme
Charlebois : Alors, si je comprends bien, vous ne nous
recommandez pas de mettre ça maintenant dans le projet de loi?
Mme Hill
(Lesley) : Pour les centres jeunesse et l'ensemble des établissements
publics du réseau de la santé.
Mme
Charlebois : Oui, mais pas pour les familles d'accueil et
les ressources intermédiaires, pas tout de suite.
M.
Chartrand (Ronald) : Moi, je dirais : Non, pas tout de suite,
parce qu'actuellement le défi, c'était auprès des jeunes qui reçoivent des services au quotidien,
sauf que, comme on le disait, puis Mme Hill l'a dit, il va falloir faire
un plan d'action. On a commencé, naturellement, par une certaine
sensibilisation auprès des parents des jeunes qui sont hébergés en leur envoyant la politique, en leur envoyant des dépliants,
l'importance de ne pas fumer au domicile puis dans l'auto, mais, d'avoir
une action éducative continue, on n'en est pas là actuellement, le plan
d'action est à faire.
Mme
Charlebois : J'ai été frappée de vous entendre dire :
30 % de jeunes commencent à fumer dans les centres jeunesse, et
25 % du personnel fume. Et du même coup vous nous dites qu'en deux ans et
demi, parce que vous avez commencé en juin
2013 et ça va se terminer en décembre 2015, vous arrivez à faire de vos
établissements, vos 45 points de
service, si j'ai bien entendu, des établissements sans fumée. C'est beaucoup de
gens, là, que vous avez accompagnés ou... En tout cas, j'aimerais ça vous entendre me parler de c'est quoi, votre
démarche de soutien, c'est quoi, l'accompagnement que vous fournissez.
Est-ce
qu'on pourrait s'inspirer de ce que vous faites? Où avez-vous été chercher tout...
Vous avez dû aller chercher de l'aide pour faire ces mesures
d'accompagnement là. Bref, si on étend ça à travers l'ensemble des centres
jeunesse, comment vous vous... Puis j'aurais
même... je pourrais y aller, Mme la Présidente, pour la question complémentaire
qui va aller avec ça, les
conséquences, parce qu'on sait que parfois les jeunes fuguent, et vous nous
dites dans votre mémoire que les
jeunes qui ne fument plus fuguent moins. Dans ma tête, je pensais justement le
contraire, que, parce qu'ils n'avaient plus
accès au tabac, ils allaient fuguer, mais, non, vous nous dites le contraire,
vous dites : Depuis qu'on est un établissement sans fumée, ils ne
cherchent plus à fuguer, ils sont plus à l'aise dans nos installations. Est-ce
que j'ai mal compris?
Mme Hill
(Lesley) : On n'a pas vu une augmentation de fugues par rapport au
tabagisme.
Mme
Charlebois :
O.K. Mais il n'y a pas de diminution non plus?
Mme Hill
(Lesley) : Il n'y a pas de diminution non plus, non.
Mme
Charlebois : O.K. Bien, parlez-moi, dans ce cas-là, des
démarches de soutien et d'accompagnement puis comment vous avez bâti ce que vous avez bâti, comment vous avez fait
pour amener vos établissements à... En deux ans et demi, là, c'est
relativement court.
M. Chartrand
(Ronald) : Bien, la politique a été adoptée en juin 2014 au conseil
d'administration.
Mme
Charlebois :
Ce n'est pas 2013?
M. Chartrand
(Ronald) : C'est 2014.
Mme
Charlebois :
2014. O.K.
M. Chartrand (Ronald) : C'est encore
plus récent, oui.
Mme
Charlebois : Bien oui.
M.
Chartrand (Ronald) : Écoutez, en deux volets, on visait, comme on l'a
dit dans le mémoire, les jeunes. On a travaillé
à différents niveaux avec les équipes d'éducateurs qui accompagnent ces
enfants-là, avec les jeunes aussi à bâtir des projets, avec les services de santé du centre jeunesse, parce qu'il
y a des infirmières puis il y a des infirmiers aussi. Tout ça, là, dans
le fond, ça a été de dire aux gens : On va faire un défi collectif auprès
des enfants. Ça fait qu'il y a différentes
activités qui ont été mises en place, des activités d'éducation, des activités
sur les saines habitudes de vie, sur changer des pratiques, avoir
davantage d'activités sportives, et, comment je vous dirais, les jeunes se sont
impliqués.
Peut-être dire... au
début, j'aurais peut-être dû le dire, c'est qu'avant d'implanter la politique
on est allés par sondage, en fonction des
besoins : Qu'est-ce qui vous aiderait pour arrêter de fumer?, autant au
niveau des jeunes que le personnel,
puis on a pris le temps de rencontrer 200 personnes avant de faire adopter
la politique, différents... autant le conseil
multi que les parents, que les jeunes, les syndicats. On a vraiment fait le
tour pour justement préparer, préparer ces
activités-là qui seraient mises en place, donc des activités pour les enfants
avec le personnel du centre jeunesse, les jeunes qui ont aussi
collaboré, ils ont préparé des capsules vidéo, ils ont préparé différents types
d'activité, pour en arriver à une date
butoir. Comme disait Mme Hill, on est allés en quatre phases avec une date
butoir, une période qui durait cinq
mois, les gens savaient qu'on avait cinq mois pour arriver. Par exemple, la
première phase se terminait au 31 décembre l'an dernier. Ça fait que tout le monde s'est préparé puis a fait des
activités pour arriver au 31 décembre, puis le 31 décembre on
était devenus sans fumée.
En
ce qui concerne le personnel, le personnel, lui, a été accompagné, on a eu le
soutien de la Santé publique de Montréal. Et, à Montréal, l'ensemble des
CSSS ont été mis à contribution par les centres d'arrêt tabagique, qui ont
contribué autant à faire des kiosques, à faire des interventions dans des
équipes. Parce qu'on avait fait un monitorage pour
identifier le type d'action qu'on fait. Tu as des équipes où tu pouvais te
retrouver avec un taux de fumeurs de 40 %; puis d'autres, 14 %, ça fait que le niveau d'intervention a été
adopté en fonction des cibles qu'on visait puis du volume de fumeurs. Ça pouvait aller... Par exemple, je
vous donne un exemple, une équipe de fumeurs où tu pouvais avoir 45 % des gens. Ça fait qu'un spécialiste de l'arrêt
tabagique a été intégré dans une équipe et a présenté son action, comment
il pourrait faire pour accompagner ces gens-là. Puis, l'idée que j'ai en tête,
il y avait... dans une équipe, il y avait huit personnes qui fumaient, puis sur les huit personnes il y en a cinq qui
ont accepté de poursuivre avec le spécialiste en arrêt tabagique dans les prochains mois puis les prochaines
semaines. Ça fait qu'autrement dit... une action qui a été ciblée en
fonction du réel problème, des actions éducatives puis des actions
d'accompagnement autant pour les jeunes que le personnel. Mais les jeunes, là, c'était vraiment centré avec le personnel
du centre jeunesse, les médecins et les infirmières.
Mme
Charlebois : Avez-vous rencontré plus de résistance chez le
personnel, chez les adultes, que chez les jeunes?
M. Chartrand
(Ronald) : Peut-être dire...
Mme
Charlebois :
Je pose la question, parce que la dépendance est plus profonde, à mon avis.
M.
Chartrand (Ronald) : On n'a pas rencontré la résistance dont on
pensait au début. Quand on a rencontré les jeunes au tout début, les jeunes s'inquiétaient pour leurs intervenants,
parce que, les intervenants, les jeunes, ils disaient : Bien, comment ils vont faire? Tu sais, ils
viennent fumer... en moyenne, ils ont sept à huit pauses cigarette par jour, là
ils vont tomber à deux pauses par
jour : une le matin, une l'après-midi, puis en plus ils ne fumeront plus
avec nous, parce que nous, on n'a
plus de cigarettes, on ne peut plus avoir de cigarettes. Donc, l'intervenant
qui veut fumer, bien ça lui oblige une
marche de... ceux qui ont le plus à faire, c'est cinq minutes pour se rendre à
l'extérieur des terrains. Mais, les gens, il n'y a pas eu énormément de résistance. Comme je vous disais, dans les
sondages qu'on a faits, au départ, il y a 80 % des gens qui étaient d'accord avec la politique, sans
savoir les moyens d'accompagnement qu'on mettrait en place, puis 60 % au
niveau des jeunes.
Comme
vous l'avez dit tantôt, il y a des gens qui nous disaient : Vous allez
avoir des fugues, vous allez avoir des désorganisations;
on n'a pas eu ça. Vous allez avoir des plaintes au commissaire aux plaintes; on
en a eu, à ma connaissance, une, puis
c'est quelqu'un qui a appelé pour dire : Comment ça se fait que vous
n'appliquez pas la politique aux ressources intermédiaires? On s'est
dit : Ça va venir un jour, mais on n'en est pas là.
Mais
moi, je dis : Il faut prendre le temps au niveau du processus, c'est une
question d'accompagnement, d'éducation, puis mettre à contribution les ressources du milieu. Il y en a, des
ressources du milieu, puis il y a des ressources compétentes. Je ne sais
pas si ça répond.
• (16 h 30) •
Mme
Charlebois :
Oui, ça me répond très bien. Puis vous avez tout à fait raison qu'il y a déjà
des ressources existantes, il faut juste les
adapter à nos besoins. Dans les centres jeunesse, c'est un besoin; ailleurs, ça
peut être un autre besoin. Mais je
suis heureuse de constater... Est-ce que vous avez parlé avec d'autres
dirigeants d'autres centres jeunesse? Est-ce
que vous pensez que vos collègues dans d'autres centres jeunesse à travers le
Québec seraient favorables à ce que vous recommandez?
M.
Chartrand (Ronald) : Moi, je suis convaincu que l'ensemble des centres
jeunesse sont favorables. D'ailleurs, il
y a des centres jeunesse... il y a le Centre jeunesse de
l'Abitibi-Témiscamingue, qui, eux, sont des précurseurs. Ils n'ont pas une politique, mais ils sont déjà un site sans
fumée depuis... je crois que c'est deux ans, au moins deux ans. En Gaspésie,
le Centre jeunesse de Gaspésie aussi, ils
sont dans une démarche. Les autres souhaiteraient avoir un appui clair au niveau
d'une loi. Ça serait très aidant pour mettre en place des mesures.
Mme
Charlebois :
Alors, vous souhaitez qu'on ajoute des amendements dans la loi pour
renforcer... puis interdire l'usage du tabac dans les centres jeunesse,
que ce soit à l'extérieur, etc., partout sur le terrain et dans
l'établissement?
Mme Hill
(Lesley) : Oui.
Mme
Charlebois :
D'accord. Dites-moi, est-ce qu'il y a, dans votre personnel, des gens qui vous
ont parlé de vapoter?
Mme Hill (Lesley) : On n'a pas été très confrontés à la cigarette électronique encore. Ce
qui est très problématique présentement
chez les jeunes au niveau de la consommation, au-delà des cigarettes, c'est
tous les produits aromatisés, les
cigares à saveur de fruit, de vanille, de chocolat, etc. Donc, on a eu
connaissance qu'il y avait beaucoup de jeunes qui s'initiaient avec ces
produits-là.
Mme
Charlebois : Et pourtant c'est interdit aux mineurs. Mais là
vous avez vu les amendements... bien, en fait, dans le projet de loi, vous avez vu certainement les amendes qui
sont suggérées, qui vont être substantielles et pour le jeune, et pour l'adulte qui va apporter les
cigarettes au jeune, et pour tout le
monde, là. Si on détecte qu'un adulte
va dans un établissement acheter des
cigarettes pour un jeune, il va être fortement... et l'établissement et tout le monde va être pris à partie avec
des amendes substantielles. Alors,
ça, ça va sûrement ralentir des gens. Mais je suis heureuse de constater,
moi, que votre centre jeunesse et d'autres
ont déjà une démarche d'initiée et que, si vous me dites : On va vérifier
ça avec... Vous aviez l'association
qui, maintenant, est rendue à l'INESSS, là. Si on est capable de partager votre
expérience avec l'ensemble des
centres jeunesse quant à la démarche... et je pense que les membres de la
commission entendent bien votre suggestion de faire en sorte que tous
les centres jeunesse soient... qu'il soit interdit de fumer en tout temps.
Je veux vous entendre
parler des terrains d'écoles primaires, secondaires et cégeps. D'où vous vient
cette... C'est-u pour accompagner vos jeunes qui sont en centre jeunesse?
Comment vous voyez ça?
Mme Hill (Lesley) : Non, c'est vraiment pour promouvoir des environnements libres de tabac
et de l'air pur pour l'ensemble des
enfants du Québec. Donc, au-delà des centres jeunesse, on est préoccupés pour
la santé des enfants. On sait que les
jeunes imitent beaucoup les adultes et, après ça, ils se contaminent entre eux.
Mais ça commence avec des modèles autour des enfants, qui ne fument pas,
ou le moins possible, dans leur présence. Donc, beaucoup d'enfants vulnérables
vivent dans des familles où il y a présence de cigarettes. Si on peut au moins
leur donner des endroits, à l'école, dans
les terrains de jeu, dans les centres jeunesse, dans l'ensemble des endroits
fréquentés par les jeunes... si on peut
leur donner des environnements sains et des modèles sains aussi d'adultes
autour d'eux qui vont promouvoir la santé, les éduquer en lien avec les effets néfastes du tabac, on pense qu'on va
soutenir notre jeunesse davantage quand vient la décision de choisir
s'ils s'embarquent dans le tabagisme ou pas.
Mme
Charlebois :
On nous a dit plus tôt que, dépendamment de l'espace, la densité... Comment
vous dire? Comme, dans les parcs, les aires
de jeu, si on est à une certaine distance, il y a plus ou moins de danger, mais
ce que je vous entends me dire, puis
dites-moi si je me trompe, c'est que l'exemple de fumer, pour un jeune, c'est
ce qui... ce n'est pas la fumée
secondaire à 200 pieds qui vous énerve, c'est le geste de fumer, de ne pas
avoir un comportement exemplaire devant des enfants.
Mme Hill (Lesley) : Il faut être conscient des deux, et c'est une des choses qui a poussé
le Centre jeunesse de Montréal à installer sa politique sans fumée.
Quand tu as des éducateurs qui sortent dehors avec les jeunes pour aller fumer,
quel type de modèle qu'on donne à nos jeunes? Donc, les employés ont dû faire
un effort supplémentaire pour s'adapter à
cette politique, mais ils l'ont
achetée quand même assez facilement, en ce sens que c'est très clair pour nous
qu'on sert de modèles. Je pense que tout le
monde dans cette pièce est présentement ou a déjà été un héros ou une héroïne
pour un enfant quand on est papa, maman,
coach de soccer, enseignant, éducateur, travailleur social. Donc, il faut être
conscient de cette partie-là aussi, qui est que ces habitudes sont apprises
avec les gens autour de nous.
Mme
Charlebois : Je partage votre opinion. Alors, je n'ai pas
d'autre question pour l'instant, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Alors, je passe la
parole à l'opposition officielle pour une durée de 13 minutes.
M. Lisée : Merci beaucoup. Merci beaucoup d'être là. Merci de votre
engagement, de votre travail et de la difficulté supplémentaire que vous
vous êtes imposée, finalement, parce que ça devait paraître un défi quasi
insurmontable compte tenu du fait que
70 % de vos jeunes fument au départ, ce qui est beaucoup plus que la
moyenne des ados, et qu'ils sont aux
prises avec un certain nombre de problèmes. On aurait pu penser que, bien,
écoutez, c'est une échappatoire qu'ils ont,
ça fait partie de... Est-ce que ça va compliquer notre vie de faire ça en plus
de ce qu'on leur demande, de les structurer, de les aider avec des
problèmes de toxicomanie?
Alors, dites-moi
comment... Tu sais, vous avez dit, bon : 80 % d'entre eux étaient
favorables au programme, bien comme on est
favorable à la vertu, je suppose, avant de savoir l'effort que ça va nous
demander. Est-ce que, dans l'implantation, il y a eu un moment où vous
vous êtes dit : Ces jeunes-là, on leur en demande trop?
M. Chartrand (Ronald) :
...non, on n'a pas eu ça. Puis, si je réfère à la première phase, là, qui est
un gros centre, là — c'est le Mont-Saint-Antoine à Montréal, il y
a beaucoup de garçons dans un environnement dans l'est de Montréal, à proximité du métro — tu as toutes les conditions pour dire :
Bien, je vais aller en fumer une, je m'en vais au métro puis... Non,
parce que les jeunes ont adhéré à ça.
Si
on prend le temps, avec les jeunes puis le personnel, de bâtir des projets puis
éduquer, que les gens comprennent... Vous,
vous le savez, vous êtes au courant, tout le monde prend le temps de lire, vous
êtes au courant de la nocivité de ces produits-là.
Puis Mme Hill a parlé de modèles. Les éducateurs se posent en modèles. Tu sais,
on disait : Bien, ce n'est pas
juste quand ils sont sur les sites d'hébergement qu'ils vont arrêter de fumer
en présence des jeunes, c'est même quand ils sont en sortie avec les jeunes. Puis c'est important, le rôle de
modèle. Nos jeunes, quand on dit : Ils fument à 70 %... Bien, vous irez dans les familles. Beaucoup dans
ces familles-là fument davantage que d'autres familles. De toute façon, c'est très bien démontré, là, par la Santé
publique. Et, les jeunes, je vous dirais que, quand on prend le temps... c'est
des jeunes qui sont intelligents,
quand on prend le temps de parler avec eux puis de les informer, ils sont
capables de faire des choix. Les
jeunes disent : C'est une dépendance avant tout. Il y a une fille qui me
disait : J'ai d'autres dépendances. Si je suis capable de me débarrasser de celle-là, là il y en a peut-être
d'autres que je vais être capable de me débarrasser.
M. Lisée :
Bien, justement, est-ce qu'il y a de la consommation aussi de mari, de hachich?
Et comment c'est combiné avec la cigarette?
Mme Hill (Lesley) : Absolument. C'est prouvé que les enfants et les jeunes qui consomment
du tabac sont aussi beaucoup plus
propices à tomber dans une polytoxicomanie, donc. Les études prouvent ça. On a
beaucoup de jeunes aux prises avec
des difficultés ou des dépendances à d'autres types de substances
psychoactives, donc. On a aussi des corridors de services avec les
centres de réadaptation en dépendances pour aider nos jeunes à cet effet-là
aussi.
M. Lisée :
Bon, ce sont tous des mineurs. Alors, où achètent-ils leurs cigarettes?
Mme Hill (Lesley) : C'est une bonne question. Mais ils arrivent toujours à s'en procurer
quand ils en veulent. Je dirais qu'il
y a une étude qui a dit... en fait, les jeunes nous ont dit clairement qu'au
moins 25 % d'entre eux les achetaient tout seuls dans les points de
vente, ils ne se faisaient pas demander une carte d'identité pour prouver leur
âge. Donc, il y en a un bon nombre qui s'approvisionnent seuls.
M.
Lisée : Oui. Donc, ils entrent dans un dépanneur, ils demandent
à acheter des cigarettes, il n'y a pas de cartage. Bon, alors, si des associations de dépanneurs vont
venir nous dire qu'à 92 % le cartage se fait, il y a comme un problème
de statistiques, là.
Mme Hill
(Lesley) : Les jeunes disent le contraire.
M. Lisée :
Oui. Et donc 25 % dans les points de vente normaux. Et les autres?
• (16 h 40) •
M.
Chartrand (Ronald) : Bien, moi, je dirais qu'il y a une partie qui est
amenée par la famille, parce que, dans les
règles, les parents, antérieurement, donnaient la permission de fumer aux
jeunes. La famille, ça peut être le frère âgé qui apportait les cigarettes. Actuellement, comme je vous disais, sauf
pour la dernière phase, là, qu'on débute actuellement, l'ensemble des autres points de service, les
jeunes n'ont plus accès à la cigarette, ça fait qu'il n'y en a pas. Puis, si
jamais un jeune en amenait, ce qui
est fait, c'est que les cigarettes sont saisies et remises à son parent pour
qu'il y ait une discussion entre l'intervenant, le jeune puis le parent.
Actuellement, on est
en train de monitorer, faire un monitorage. C'est sûr qu'on a 100 % des
jeunes qui ne fument pas quand ils sont
hébergés, mais, quand ils quittent, quand qu'ils ont des congés... Le Service
de santé rencontre individuellement
chaque jeune du centre jeunesse pour voir il y a combien de jeunes qui ont
vraiment cessé d'arrêter de fumer, en
dehors des peut-être 70 cigarettes qu'ils fumaient quand ils étaient
hébergés, il y en a combien qui continuent à en fumer cinq, 10 quand ils
sont en congé, il y en a combien qui ont complètement arrêté de fumer.
M. Lisée :
...des interventions auprès des parents aussi pour les sensibiliser à...
M.
Chartrand (Ronald) : Oui. On
a commencé des interventions de sensibilisation auprès des parents, entre autres, par un... Ils ont été informés de la politique, tous les parents
des jeunes, informés des ressources qui existent à Montréal pour
les aider, informés des effets de la fumée secondaire dans les autos et à la
maison. Mais, comme on le disait tantôt,
on va se doter d'un plan d'action pour vraiment
regarder comment on va aller plus loin avec les parents, parce qu'on parle de modelage, d'être modèles. Il y a une chose que je me suis rendu compte :
autant dans ces familles-là... beaucoup de fumeurs, beaucoup de jeunes qui fument que dans les équipes
d'intervenants... quand on a fait le monitorage par équipe avec groupes de jeunes, où il y avait le plus
d'intervenants qui fumaient, c'est là que tu avais le plus de jeunes. Ça fait
que c'est clair que le modeling est
important. C'est pour ça que faire un Québec sans fumée pour les enfants, pas
juste les enfants des centres
jeunesse, ça a une importance, parce que vous les savez, et les spécialistes vous
l'ont dit, tous les problèmes de santé que ça cause.
M.
Lisée : ...l'approvisionnement. Alors, on dit : Bon,
25 % dans les points de vente réguliers, il y a les parents, les frères. Est-ce qu'il y avait des revendeurs?
Est-ce qu'il y a des jeunes qui s'approvisionnaient et revendaient à d'autres
jeunes?
Une voix :
...
M. Lisée : Oui, vous avez vu
ça? Et est-ce qu'il y en a qui s'approvisionnaient à la contrebande?
Mme Hill
(Lesley) : On n'a pas de
statistique là-dessus, mais c'est ceux qui partent, hein, ils partent du centre
jeunesse, puis ils peuvent revenir avec des
cigarettes, mais ce n'est pas toujours évident pour nous, où ils vont se
procurer ces cigarettes-là.
M. Lisée :
O.K. Maintenant, vous, vous proposez d'étendre votre expérience, qui est très
positive, à l'ensemble des centres jeunesse. Qu'est-ce qu'ils en disent,
les autres centres jeunesse, de ça?
Mme Hill
(Lesley) : C'est sûr qu'on
n'a plus d'Association des centres jeunesse du Québec, mais c'est clair...
M. Lisée : ...cette
association-là? Qui a aboli ça?
Mme Hill
(Lesley) : Il y a certaines
personnes qui sont rendues à l'INESSS. Mais on n'a pas eu une discussion
là-dessus, avec les autres centres jeunesse,
en groupe. Ce que je peux dire avec pas mal de certitude, c'est que les autres
centres jeunesse exprimaient beaucoup
d'intérêt par rapport à cette initiative-là du Centre jeunesse de Montréal
ainsi que l'initiative d'Abitibi-Témiscamingue.
M. Chartrand
(Ronald) : Il y a un intérêt réel de la part des autres centres
jeunesse, parce qu'antérieurement j'étais
aussi à l'ACJQ puis il y avait un regroupement de médecins puis infirmières qui
travaillaient dans l'ensemble des centres
jeunesse, puis, dans le plan qu'on avait, c'était de faire une présentation de
ce qui se faisait à Montréal. Ça avait été demandé par les autres
centres jeunesse. Ça fait qu'il y a un intérêt qui est là.
M. Lisée :
...qui nous suivent, là, ce qu'on est en train de constater, c'est que le
projet de loi n° 10 du gouvernement libéral actuel, qui a regroupé les organisations de santé, a aussi aboli
un certain nombre d'associations d'établissements de santé, dont l'Association des centres jeunesse,
qui donc n'existe plus, et qui servait, entre autres, à ce genre de coordination, et là ça complique votre travail, le
fait que l'association n'existe plus, pour ce genre de programme concerté
que vous pourriez développer.
Mme Hill
(Lesley) : ...que, si cette
mesure-là est mise dans la loi aujourd'hui, ça va aider les centres jeunesse,
parce que ça prend énormément de volonté,
dans un établissement où tu as 70 % de ta clientèle qui fume, pour
s'attaquer à cette problématique-là
et prendre les mesures requises. Donc, nous, on croit qu'inclure cette
mesure-là dans ce projet de loi va aider les établissements.
M.
Chartrand (Ronald) : Oui. Je veux juste apporter une précision. C'est
sûr que ça touche le personnel du centre jeunesse, ça touche les bénévoles du centre jeunesse et les gens qui
sont à proximité, mais il y a aussi les contractuels. Celui qui a un
contrat au niveau de la peinture, par exemple, bien, ça va être
écrit dans son contrat que, quand il vient sur terrain du centre jeunesse, bien il s'abstient de fumer. Tu sais, c'est
au-delà... Dans ce sens-là, la loi vient aider tous les gens qui ont à
venir à l'intérieur ou sur les terrains du centre jeunesse.
M. Lisée : Donc, auparavant, il
y avait des abris pour les fumeurs. Et c'est devenu quoi, ces abris-là?
M. Chartrand (Ronald) : Les abris qu'on avait ont été transformés dans
des aires de repos pour les jeunes puis le personnel, dans des espaces verts. Ça sert à d'autres vocations maintenant
où les jeunes peuvent aller se divertir, là, jouer, prendre un lunch,
là. C'est complètement changé. Il n'y a plus d'abri, là, nulle part.
M. Lisée : O.K. Donc là, maintenant,
donc, ça a été transformé positivement en lieu de relaxation, de...
M.
Chartrand (Ronald) : Exactement.
Dans des espaces verts, je dirais. On a étudié les espaces verts des terrains
de certains centres jeunesse à Montréal pour agrémenter davantage l'espace
vert.
M. Lisée : Très
bien. Alors, vous proposez, au-delà
de votre action, que vous voulez généraliser à tous les centres jeunesse, d'étendre l'interdiction de fumer à
l'ensemble des installations et terrains où sont hébergés... ou qui sont
fréquentés par les jeunes, étendre
l'interdiction de fumer aux terrains et aires de jeu pour enfants en général,
étendre l'interdiction sur les
terrains d'écoles primaires et secondaires et cégeps afin qu'il soit interdit
de fumer en tout temps. Pour les cégeps, il y a des gens qui vont
dire : Bien, écoutez, ils sont majeurs, là, au cégep.
Mme Hill
(Lesley) : Sauf qu'on sait
qu'il y a beaucoup de jeunes adultes qui s'initient quand même
au tabagisme au collège ou à l'université.
Donc, je pense que c'est un effort à donner dans les établissements publics du Québec. Après ça,
on ne suit pas les gens chez eux. Mais, si on peut donner des environnements à nos jeunes... Puis, pour moi, «jeunes», ça n'arrête pas nécessairement
à l'âge de 18 ans ou 17 ans et 364 jours. Donc, on doit vraiment
essayer de donner un environnement favorable à l'ensemble de nos jeunes du Québec
dans l'ensemble des établissements publics, à notre avis.
M.
Lisée : Très bien. Mme Hill, M. Chartrand, je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme
Montpetit) : Je vous remercie. Donc, pour la suite des choses, je cède
la parole à la deuxième opposition pour une période de
8 min 30 s.
Mme Soucy :
Merci, Mme la Présidente.
(Interruption)
Mme
Soucy : Alors, un petit
problème ici de cellulaire. Premièrement, félicitations pour votre initiative
dans les centres jeunesse, hein? On
sait que les jeunes sont sous la responsabilité de l'État, donc, pour moi, c'est évident que le
gouvernement a le devoir de donner des bons exemples à ces enfants.
Votre
projet d'environnement sans fumée était vraiment inspirant pour les
autres établissements du réseau de la santé. Pour réussir ça, ça vous a pris, bon, de l'implication de tout le monde. Ça passe aussi par un changement de culture. Parlez-nous un petit peu de l'ampleur de
cette implication-là que ça a pris pour réussir ça, le nombre d'heures
consacrées, la logistique à travers ça pour arriver au résultat qu'on
connaît.
M. Chartrand
(Ronald) : La logistique?
Mme Hill (Lesley) : Bien, moi, je partirais juste en disant que ça prend une orientation claire et une vision claire. Donc, il faut être prêt à ce que ça
vente un petit peu. Après ça, dans la logistique, je laisse Ronald répondre.
M.
Chartrand (Ronald) : Bien, naturellement, ça prenait une équipe de base, une équipe forte de base, avec un...
Là, c'est parce que je rentre dans le
détail, là. C'est ce que vous voulez? La logistique; bien, moi, j'étais chargé
de projet. On a impliqué les chefs de services de santé, comme je vous
le disais, parce que toutes les actions auprès des jeunes étaient de la responsabilité... bien, une partie
des actions importantes du service de santé; une conseillère cadre
spécialiste en toxicomanie, parce que,
là, on parle de dépendance; une coordonnatrice de la Santé publique qui est venue nous appuyer; quelqu'un au niveau des ressources humaines, au
départ, parce qu'on s'est dit : Bon, comment vont réagir les syndicats?
Ça prenait quelqu'un, là, qui vienne nous épauler; puis un responsable des
communications parce qu'il y avait un enjeu
important de communication. Comme je vous le disais, au fur et à mesure, il
fallait que l'information circule autant auprès des jeunes que du
personnel.
Cette
équipe-là, à l'intérieur de chaque phase — on avait quatre phases — c'est le même coeur, puis, dépendamment
des phases, se sont ajoutées d'autres
personnes. Si on arrive dans une phase où il y a un nouveau directeur d'école,
bien on va l'impliquer, On va
impliquer un nouveau chef des services techniques, parce que, tu sais, il y a
un volet technique là-dedans. Ça fait
que l'équipe grossissait dépendamment des
phases puis était en lien constamment avec les gens, les jeunes, les
parents des jeunes et les intervenants qui avaient à vivre la phase présente.
Je ne rentrerai pas trop dans...
• (16 h 50) •
Mme Hill (Lesley) : Peut-être, j'ajouterais, parce qu'on n'en a pas parlé,
mais, pour le petit nombre qui en avait besoin, on avait aussi des consultations médicales et des thérapies de
remplacement de la nicotine, donc gomme Nicorette, ou patchs, ou... mais
sous prescription médicale.
Mme
Soucy : Aviez-vous un budget
pour ce projet-là en particulier ou vous l'avez pris dans l'enveloppe globale?
M.
Chartrand (Ronald) : Il y avait
un budget qui provenait du ministère
de la Santé et Services sociaux, un
budget qui avait été convenu pour
supporter le centre jeunesse, là, à
l'intérieur de deux ou trois années,
là, pour réaliser le projet.
Mme Soucy :
...le budget qui vous avait été accordé?
M. Chartrand
(Ronald) : Le budget, écoutez, environ, je crois que c'est
140 000 $, environ.
Une voix :
...
M. Chartrand
(Ronald) : 120.
Mme
Soucy : Tu sais, vu l'ampleur de ce que ça vous a pris pour arriver à
ce résultat-là, est-ce que c'est réaliste, selon vous, qu'on impose ça aux autres établissements? Parce qu'au début
tout le monde avait la volonté, hein, donc la volonté était là, mais là
l'imposer aux autres établissements, ça ne veut pas dire que la volonté de tout
le monde est là d'entrée de jeu.
Mme Hill
(Lesley) : Sincèrement, je pense qu'on n'a pas le choix que d'aller
dans cette direction-là dans l'ensemble des
établissements d'un réseau public de santé quand on voit combien que ça coûte à
un État, ces problèmes reliés au tabagisme, au niveau de la santé.
Mme
Soucy : Tantôt, vous avez effleuré le sujet des conventions
collectives. En fait, je voulais savoir est-ce que les conventions collectives
permettaient aux employés de fumer en présence des enfants.
M. Chartrand
(Ronald) : Naturellement, oui, ça le permettait, ça faisait...
Mme Hill (Lesley) : Ce n'était pas
inscrit...
M.
Chartrand (Ronald) : Non, ce n'est pas inscrit dans les conventions.
Ce qui est inscrit dans les conventions... en tout cas, dans les conventions avec les deux syndicats où sont
actuellement les centres jeunesse, c'étaient deux périodes de repos par jour : une le matin, une
l'après-midi, dépendamment du climat de groupe. Si le climat de groupe ne s'y
prête pas, ta présence est requise
auprès des enfants. Donc, comme les jeunes ne fument plus, ça implique qu'ils
évaluent entre eux s'il y aura la
possibilité de prendre une pause. Prendre une pause, ça veut dire prendre une
marche puis aller fumer à l'extérieur pas en présence des jeunes.
Mme Soucy : Pas à l'intérieur des
murs du centre.
M.
Chartrand (Ronald) : Jamais à l'intérieur des murs. Ça, c'est depuis
1994, là, qu'ils ne peuvent pas fumer à
l'intérieur des murs. Mais là ce n'est même pas sur les terrains, il faut
qu'ils aillent à l'extérieur des terrains, puis pas à la vue des
enfants.
Mme Soucy : O.K. Puis ça, la
négociation, ça a bien été avec le...
M.
Chartrand (Ronald) : Oui. Je
suis même surpris, parce que je m'attendais... Je me suis dit : Quand va
arriver l'hiver, là, dans la première
phase, comment ça va être, là? Ça s'est bien déroulé. Puis, en même temps, les gens, ils disent... il y
en a qui ont eu comme réflexe de
dire : Il y a des thérapies de remplacement qui existent, là,
pour les adultes. Il y a des ordonnances collectives qui existent. Il y a
des gens qui ont été chercher des thérapies de remplacement puis il y a des
gens qui ont le réflexe de dire : Bien, je prends l'avion, des fois je
suis huit heures sans fumer, mon quart de travail, c'est sept heures, tu
sais? Les gens se rendent compte que, tu sais, ce n'est pas si...
Mme
Soucy : Tantôt, vous me
disiez que vous avez... vous m'avez confirmé, en fait, que vous avez eu un
budget spécial qui avait été accordé pour ce projet-là. Est-ce que le
faire... l'imposer, en fait, aux autres centres va exiger également cette
enveloppe-là, de l'argent destiné pour ce projet-là?
M.
Chartrand (Ronald) : Moi, je
dirais, cette enveloppe-là; probablement pas, dépendamment de l'ampleur de l'organisation puis du centre jeunesse. Puis, en
même temps, on apprend... On a bâti
une expérience avec des partenaires. On
peut apprendre de cette expérience-là aussi puis la répliquer dans une certaine
mesure, là, sans nécessairement dire : C'est la même chose. Mais il y
a des choses qu'on a apprises là-dedans,
il y a des outils qui ont été bâtis, tu sais, il y a des outils qui ont été bâtis, des vidéos qui ont été
bâtis, il y a des programmes d'activités qui ont été bâtis pour
les jeunes. Ça fait que ça sera à...
Mme Soucy : O.K. Donc, ce serait à
coût nul.
M. Chartrand (Ronald) : Je dirais
que ça sera à évaluer.
Mme
Soucy : À évaluer. O.K. À
la fin, combien de personnes vont avoir arrêté de fumer grâce à votre
initiative.
M. Chartrand (Ronald) : Arrêté de
fumer?
Mme Soucy : Oui, qui vont avoir
cessé le tabagisme.
M.
Chartrand (Ronald) : Ça, actuellement, on n'est pas en mesure de vous le dire, sauf qu'ils ne fument pas
durant... mais on est en train... Pour ce
qui est de la phase I, comme je le disais tantôt, chaque jeune est rencontré
par une infirmière ou un infirmier pour voir où il en est rendu dans sa
consommation. Puis, au niveau du personnel, il y a un questionnaire qui va être, début septembre, remis à chacun des chefs de
service. Ça va être regardé en équipe, puis là ils vont évaluer, ils
vont regarder il y en a combien qui ont arrêté complètement, il y en a combien
qui ont diminué...
Mme Soucy : O.K. Ça va être
disponible à la fin de la dernière étape. O.K.
M.
Chartrand (Ronald) : Ça va
être disponible puis ça va être fait pour chacune des phases pour faire un
rapport, là, au ministère, là, à la fin de l'opération.
Mme Soucy : Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Mme Hill, M. Chartrand, je vous
remercie pour votre présentation.
Et donc
je suspends les travaux pour permettre à l'autre groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 16 h 59)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux et nous accueillons
maintenant les représentants et représentantes de la Corporation des
propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les
parlementaires. Je vous demanderais d'entrée de jeu de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions. Et la
parole est à vous. Merci.
Corporation des propriétaires
de bars, brasseries
et tavernes du Québec inc. (CPBBTQ)
M. Poulin (Renaud) : Renaud Poulin, P.D.G. de la Corporation des
propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec.
Mme Gagnon
(Lise) : Lise Gagnon; je
fais partie du conseil
d'administration de la Corporation
des propriétaires de bars.
M. Hamel (Olivier) : Olivier Hamel; je fais partie du conseil d'administration de la corporation des propriétaires de
bars du Québec.
• (17 heures) •
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) :
Et Jean-Jacques Beauchamp; je suis le président
du conseil d'administration de la corporation
des propriétaires de bars du Québec et je tiens à vous remercier de nous avoir
invités à la commission aux fins de vous soumettre nos principales observations
et interrogations relativement au projet de loi n° 44. Notre corporation existe depuis 1993 et regroupe près de
1 400 membres propriétaires et tenanciers d'établissements licenciés
partout dans la province.
La loi
québécoise encadrant le tabac dans les débits de boissons est déjà l'une des
plus strictes au monde. Les autres juridictions
ayant des interdictions de la sorte accordent le plus souvent des exemptions
permettant, par exemple, d'avoir des fumoirs séparés et ventilés.
En plus
d'interdire complètement les fumoirs, le Québec propose maintenant d'interdire
de fumer sur toutes les terrasses et
à proximité de tous les établissements. Avec l'interdiction de fumer autant à
l'intérieur que sur les terrasses, les
établissements québécois n'auront, à toutes fins pratiques, plus aucun espace à offrir à leurs clientèles de
fumeurs. Ceci crée une situation
très difficile qui aurait pu être évitée si le gouvernement avait accepté en
2005 de créer des fumoirs fermés et
ventilés, comme cela se fait presque partout ailleurs dans le monde. Selon les
groupes antitabac, il s'agit simplement
de suivre une tendance, mais cette soi-disant tendance n'existe nulle part ailleurs
qu'en Ontario. On ne retrouve d'interdiction de fumer sur les terrasses
extérieures dans aucun État américain, pas plus que dans un seul pays d'Europe.
Même les juridictions qui ont interdit de
fumer à l'intérieur avant que le Québec ne suive leur exemple en 2006 n'ont
jamais interdit de fumer sur les terrasses. Ceci inclut l'État de
New York en 2003; la Californie en 1994 pour les restaurants, en 1998, pour les bars; l'Irlande et la Norvège en
2004; et la Suède et l'Italie en 2005. La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac clame que Montréal est la seule
grande ville canadienne sans interdiction de fumer sur les terrasses. Il y a
également Winnipeg et Québec qui n'ont pas
de tel règlement. Dans la plupart des villes où il existe une telle
interdiction, c'est la municipalité
elle-même qui a adopté la mesure. Or, bien que les municipalités du Québec
aient aussi ce pouvoir, pas une seule
n'a senti le besoin de le faire. Les établissements québécois ont déjà la
possibilité de déclarer leurs terrasses zones sans fumée, à la demande de leurs clients ou de leurs employés.
Or, on connaît peu de cas où ils ont utilisé ce privilège.
Quant au
contexte économique, en dépit des affirmations des groupes antitabac, la Loi
sur le tabac a provoqué de fortes
pertes financières. Les propriétaires de bars ne sont pas les seuls à
l'affirmer. Même Loto-Québec l'a reconnu noir sur blanc dans un de ses mémoires. La fameuse nouvelle clientèle
qui avait été annoncée en 2005, lors de l'adoption de la loi, ne s'est pas manifestée. L'industrie
brassicole fait état d'une baisse actuellement, là, cumulative de 36 % des
achats depuis 2006. Je tiens à vous référer
au tableau que vous avez en annexe, qu'on vous a produit. Ce sont des
statistiques qui émanent des
brasseurs du Québec toutes chaudes et toutes récentes. Il y a une baisse,
depuis 2005, de 36 % des achats effectués auprès des brasseurs.
Pour amortir les impacts économiques, la loi de
2005 a reconnu aux commerçants le droit de conserver des terrasses, qui leur a permis de retenir une partie
importante de leurs clientèles. En dépit de cette concession, de nombreux
établissements ont fermé leurs portes ou ont
dû réduire leurs activités en 2006. Les pertes d'emploi, comme les pertes
économiques, ont été importantes.
L'interdiction du tabac sur les terrasses ne rayera pas entièrement notre industrie
mais l'affaiblirait une fois de plus.
Ce serait une mesure très regrettable de la part du gouvernement, qui s'est
fait élire sur la promesse de créer
250 000 emplois et de favoriser la croissance des PME. Bien que le
gouvernement prétende cibler les multinationales
du tabac, seuls les propriétaires de bars et les restaurants feront les frais
de ce projet de loi. La seule mesure qui
inquiète vraiment l'industrie du tabac actuellement, c'est l'emballage neutre,
ce qui ne semble pas être de juridiction exclusive québécoise, mais bien
fédérale.
Au niveau de
l'application, le projet de loi interdit en sus de fumer dans un rayon de neuf
mètres de l'entrée d'un édifice
ouvert au public. Or, dans certains endroits, comme au centre-ville de
Montréal, les trottoirs ont moins de neuf mètres de largeur, et les commerces se succèdent de manière serrée et continue,
créant une interdiction de fumer de facto sur de vastes zones urbaines.
Le projet de loi permet d'établir un abri pour fumeurs dans un site extérieur
appartenant à l'établissement, mais cet abri
ne peut être installé à moins de neuf mètres de la porte d'entrée d'un commerce. Cette mesure discrimine fortement les établissements en milieu
urbain serré et les petits établissements dont la propriété extérieure ne
s'étend pas à neuf mètres de la porte.
Le projet de loi prévoit des amendes qui peuvent aller jusqu'à 50 000 $ — et
à 100 000 $ en cas de récidive — non seulement
pour les clients surpris sur le terrain extérieur d'un commerce, mais aussi
pour le commerçant lui-même. Cette disposition est démesurée et injuste. Comment le commerçant
est-il censé savoir ce qui se passe hors de son établissement, surtout s'il n'a pas de terrasse et que son
personnel est confiné à l'intérieur et qu'il y a des obligations imposées par la SLVQ de surveiller ses appareils de loterie
vidéo quand il en a? On ne peut pas quitter le plancher pour aller vérifier,
à 30 pieds de l'établissement, s'il y a quelqu'un qui fume et lui interdire de le faire. Dans ce
contexte, comment peut-on légitimement
parler de présomption de tolérance de la part du commerçant, comme le stipule
pourtant la Loi sur le tabac?
Au niveau de
la santé publique, les promoteurs du projet
de loi justifient l'interdiction de
fumer sur les terrasses en évoquant
la protection des travailleurs. Or, le projet
de loi permet pourtant de fumer à
l'intérieur des salons de cigares et
des bars à chichas. On peut présumer que les employés de ces établissements sont beaucoup plus exposés à la fumée que ceux des terrasses extérieures. Quand on a
demandé au Dr Philippe Couillard en 2005, alors ministre de la Santé, si les
employés des salons de cigares avaient aussi
droit à un environnement sans fumée, il a répondu que les employés avaient
le choix de travailler ou non dans ces établissements. Pourquoi la loi reconnaît-elle ce choix aux employés de salons de
cigares et pas à ceux des terrasses,
pourtant moins exposés? Le projet de
loi fait ainsi deux poids, deux
mesures et manque d'équité. Par
ailleurs, nous faisons actuellement campagne pour protéger notre clientèle du GHB — la
drogue du viol — parfois
versée dans les verres des clientes à leur insu. Le projet de loi, en forçant
les clientes à s'éloigner de l'établissement pour fumer, les force aussi à quitter de vue leurs verres pendant une
période prolongée, ce qui facilite la tâche aux individus voulant droguer
leurs consommations.
Au niveau des
produits alternatifs, l'interdiction de la cigarette électronique aura des
conséquences sur la sécurité dans les établissements. La majorité des
employés dans notre secteur d'activité sont des fumeurs. Plusieurs se sont tournés vers la cigarette électronique, ce qui
leur permettait de demeurer dans l'établissement et d'assurer en tout temps la surveillance des lieux. L'interdiction de la
cigarette électronique augmentera l'attroupement autour des commerces et
par conséquent amplifiera le problème de la tranquillité publique.
Selon nous, la loi proposée serait l'une des
plus sévères au monde et elle ne répond pourtant à aucun besoin exprimé par la population, les employés ou
même les municipalités québécoises, qui auraient le pouvoir de réglementer ce
domaine et qui ont choisi de ne pas le faire. Le projet de loi repose aussi sur
des distances limites ou des concepts, là, d'abri fumeurs qui sont totalement
inapplicables en milieu urbain. Il tient aussi les propriétaires de bars
responsables de ce qui se passe en dehors de leurs établissements alors qu'ils n'ont aucun moyen concret d'y exercer une surveillance.
Aussi importante que soit la question de l'impact du tabac sur la santé, le projet
de loi, tel qu'actuellement conçu, n'implique
pas seulement le tabac et la santé, il touche également
à l'équité, à la responsabilité, au commerce, à l'emploi, aux revenus
légitimes d'hommes et de femmes honnêtes à la grandeur de la province.
À quelques
exceptions près, le projet de loi est un reflet d'une liste d'épicerie des demandes
du lobby antitabac. MM. et Mmes les
députés, vous avez déjà entendu et vous allez continuer d'entendre, dans
les prochains jours, des groupes présentant
la réalité de façon à légitimer leurs demandes et à servir leurs intérêts. Ils
vous soumettront, entre autres, que, si le
taux du tabagisme diminue, c'est un signe que les mesures qu'ils ont proposées
fonctionnent et que le gouvernement
doit continuer de les appuyer et de les
augmenter. Par contre, ils vous diront que, si le taux de tabagisme stagne ou
qu'il augmente, c'est un signe que
l'industrie du tabac est en train de gagner la bataille et que le gouvernement doit appuyer les mesures
qu'ils proposent. Si nous soumettons, nous, que les mesures ont un impact économique négatif potentiel, ils
minimiseront l'impact, disant qu'il est mineur ou nul. Si notre industrie
démontre hors de tout doute qu'il y a eu un impact
réel, alors ils vont soumettre que le gouvernement doit faire passer les
considérations de santé publique avant les considérations économiques,
de toute façon.
• (17 h 10) •
Si les
propriétaires de bars parlent de
tabac et de santé, ils vous diront que nous ne sommes pas qualifiés pour le
faire. Si par contre ces groupes veulent
parler de l'industrie des bars et de la vie nocturne, alors eux, ils
sont qualifiés pour le faire. Si
notre industrie présente des données ou une étude faites par des
commerçants, alors... celle qu'on vous présente, là, qui est de l'Association des brasseurs du
Québec, alors, si notre industrie
présente les données d'une telle étude, alors cette étude est biaisée et non crédible. Si on présente une étude faite
par des organismes publics et parapublics, alors il s'agit d'étude objective et crédible. Évidemment,
la réalité est toujours présentée en noir ou en blanc : soit vous dites
que la loi va causer une catastrophe
économique, soit vous dites que la loi n'aura aucun impact économique.
Malheureusement, la réalité est tout
autre. On comprend que vous vouliez attaquer les compagnies de tabac. Or, avec
le projet de loi n° 44, ce n'est pas aux cigarettiers que vous vous
en prenez, c'est aux propriétaires de bars et à leurs employés.
En
conclusion, nous considérons donc que l'interdiction de fumer sur les terrasses
vient briser un équilibre entre les droits des fumeurs et des
non-fumeurs qui avait fini par faire consensus. Le poids financier de cette
interdiction, qu'accompagnent d'autres restrictions difficiles à appliquer en
pratique, frappera lourdement les bars, tandis que des établissements comme les salons de cigares et les bars à chichas ne
seront soumis à aucune restriction. À nos yeux, il faut rejeter ou grandement amender ce projet de loi,
l'un des plus restrictifs au monde, difficile à appliquer et discriminatoire,
qui fera perdre de nombreux emplois dans
l'industrie et dont l'acceptabilité sociale est plus qu'incertaine. La loi
actuelle, elle fait le travail en
respectant l'individu. Les propriétaires de bars, au cours des années, depuis
2005, ont investi de fortes sommes
pour accommoder l'application de la loi, et on va continuer de le faire. En sus
d'avoir à appliquer des mesures concernant
le tabac, il y a aussi les MEV qui s'en viennent, qui sont d'autres dépenses
qu'on devra assumer à compter de
2016. Alors, pourquoi pénaliser notre industrie quand la majorité des terrasses
au Québec sont ouvertes six mois par année? Le tout est humblement
soumis.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, à la demande de Mme la ministre, elle vous a octroyé de
son temps. Donc, de 10 minutes, vous
avez eu une présentation de 13 min 30 s pour vous permettre
évidemment de tout exprimer votre
pensée. Et maintenant la période d'échange, sans plus tarder, Mme la ministre,
pour un bloc de 20 min 30 s.
Mme
Charlebois : Alors, M. Beauchamp, Mme Gagnon, M. Hamel
et M. Poulin, merci de vous être déplacés, de venir nous faire part de vos préoccupations. Sachez que les
préoccupations de tous sont entendues, pas spécifiquement un groupe par rapport à un autre, mais les
préoccupations de tout le monde. C'est d'ailleurs pour ça qu'on reçoit les gens
qui ont signifié leur intérêt de venir en commission parlementaire.
Et
je vais me permettre de corriger certains éléments de votre mémoire, ensuite on
va pouvoir participer à un échange, parce
qu'il y a des éléments sur lesquels je me questionne, mais en tout cas je ne
suis pas tout à fait d'accord, quand vous dites : Selon les groupes antitabac, il s'agit seulement de suivre
une tendance, mais soi-disant cette tendance n'existe nulle part, excepté en Ontario. On retrouve une
interdiction de fumer sur les terrasses extérieures dans aucun État américain,
pas plus que dans un seul pays d'Europe.
Mais ici, au Canada, là, que je sache, il y a l'Ontario, l'Alberta, la
Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick...
bref, les provinces, sauf le Manitoba et la Colombie-Britannique, toutes ont
interdit la fumée sur les terrasses. Est-ce que vous êtes au courant de
ça?
M.
Poulin (Renaud) : Juste avancer — je vais vous répondre à ça : Nous, on
est une association de propriétaires de
bars, on n'a pas de fonds publics pour faire les recherches. On fait les
recherches du mieux qu'on peut, on fait les recherches aussi avec des gens qui travaillent dans les
autres provinces, puis tout ça. L'information qu'on avait, elle était beaucoup
plus provinciale ou municipale que tout ça.
On ne prétend pas que nos données sont parfaites, mais on les a quand même
transmises du mieux qu'on pouvait.
Mme
Charlebois :
O.K. Alors, bien, je vous informe qu'il y a d'autres juridictions qui l'ont
fait.
Et
je veux aussi vous dire que, quand vous nous faites part qu'à l'intérieur des
salons de cigares et bars à chichas... Je ne sais pas si vous avez entendu leur
présentation ce matin. Eux autres aussi, ils ont un impact, dans le sens où,
quand on parle d'interdiction de
saveurs, etc., ils nous ont fait part de leurs préoccupations. Alors, c'est
plus ou moins vrai qu'ils ne seront pas impactés, eux aussi. Je voulais juste
vous en informer. Parce que je comprends, là, que pour vous vous n'êtes pas là à temps plein à lire toute la
réglementation puis à voir tous les mémoires
de tout le monde, mais je voulais aussi vous informer de ça et aussi vous dire que, quand
vous dites que, selon vous, la loi proposée serait l'une des plus sévères
au monde, elle ne répond pourtant à aucun
besoin exprimé par la population, les employés, ou même les municipalités québécoises... auraient le pouvoir de réglementer, etc., et qui
ont choisi de ne pas le faire...
Il y a eu
un sondage Léger Marketing. Ce n'est pas le ministère de la Santé, ce n'est pas les élus que nous sommes, c'est Léger Marketing qui a fait un sondage entre
le 9 et le 15 juillet qui nous a dit que 71 % des Québécois étaient d'accord
à ce qu'on abolisse la fumée de tabac sur
les terrasses. Je vous le relate comme ça, parce que, comme vous dites, vous
n'avez pas le moyen de suivre toutes les statistiques, toutes les choses, puis
je comprends ça, j'étais en affaires avant.
M. Poulin
(Renaud) : ...Mme la ministre.
Mme
Charlebois :
Pardon?
M. Poulin
(Renaud) : On peut vous répondre. Nous, on fait nos sondages avec les
gens qui fréquentent nos établissements.
Qu'est-ce qu'on déplore un peu des sondages, c'est qu'ils vont un peu plus
large, ils questionnent des gens qui
ne fréquentent pas nos établissements puis qui disent : Ah! ils vont se
dire pour. Mais, nous, soyez assurés d'une chose, si les sondages dans nos commerces nous diraient que
les gens qui les fréquentent, ils n'en veulent pas sur le tabac, on serait les premiers à l'interdire. Il y a déjà des
commerçants qui l'ont fait. Vous savez aussi bien que, les sondages, on peut
les faire parler à qu'est-ce qu'on
dit aussi. Nous, on en avait un aussi qu'on a fait il y a quelques années qui
disait un peu le contraire. Tout dépend de comment on pose la question
aussi.
Mme
Charlebois : Vous avez raison. Puis j'ai fait plein de
terrasses cet été, puis, les gens, quand ils me voyaient arriver, devinez à quoi ils pensaient, hein?
L'interdiction de fumer. Et je vous dirai que même les fumeurs se sentaient
bien à l'aise, en tout cas peut-être parce
qu'ils m'aiment beaucoup, là, mais on va dire ça comme ça. Je veux aussi vous
amener sur le fait que vous dites qu'on va briser un équilibre. Puis je ne veux
pas que vous pensiez, là, que je suis en opposition
avec vous autres, là. Je fais juste vous amener des points sur lesquels, c'est
sûr, on va être interpelés. Et, quand on
dit qu'on garde un équilibre entre les droits des fumeurs et des non-fumeurs,
bien, dans la Charte des droits... fumer, ce n'est pas un droit, en passant, puis sur le droit des fumeurs prime
sur le droit à la santé des individus. Ça, ça fait partie de la Charte
des droits et libertés. Alors, il faut faire attention quand on écrit des
choses comme ça.
Bon,
un coup qu'on a tout dit ça, là, on a rectifié certains faits, vous me parlez
de la baisse des ventes de 36 % depuis 2006. Est-ce que vous
considérez qu'il n'y aurait pas d'autre facteur ou... Peut-être que le tabac
est un des facteurs, puis je ne contredis
pas votre donnée, là. Ce que je veux savoir, c'est est-ce que vous ne pensez
pas qu'il y a d'autres facteurs qui
ont pu réduire vos ventes ou vos achats chez les brasseurs. Exemple, un autre
facteur qui pourrait être assez important, c'est le taux à 0,08
d'alcoolémie.
M. Poulin
(Renaud) : On pense comme
vous, on ne prétend pas que la baisse est due à seulement qu'à un seul et unique facteur. Quand on discute avec les gens
de l'industrie, on va identifier plusieurs facteurs. Le premier facteur,
c'est les lois, qui sont sévères, sur l'alcool. C'est le premier facteur. Et le
deuxième facteur, c'est le tabac.
Si vous regardez le tableau, en 2007,
il y a eu un impact important quand la loi a passé, c'était vraiment le tabac.
On discutait juste de ça. Si vous regardez
les chiffres de la société des loteries vidéo, le volet loteries vidéo, on
parle de perte de revenus de
250 millions. Mais il y a différents facteurs. Mais nous, on n'a pas le
choix, nos clients qui viennent chez nous, la majorité des clients sont
fumeurs, et on doit aussi les respecter. On a participé en 2005 à trouver des solutions pour accommoder ces gens-là. La terrasse
a été la solution, ce qui a permis, d'après nous, là, de causer beaucoup
moins de pertes financièrement. Et on remercie encore M. Couillard, dans le
temps, qui avait été ouvert là-dessus.
Mme
Charlebois : Parce que vous nous faites mention, là :
Sur les terrasses, c'est interdit, puis il y a plein de places où les gens ne pourront plus fumer. Vous
êtes conscients que le neuf mètres s'applique mais jusqu'à la fin du terrain,
donc, les gens peuvent fumer sur le trottoir. Ça, vous savez ça?
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : C'est parce que, là, vous déplacez le
problème. Ça va être un autre problème, là. Moi, j'ai un commerce qui est en face d'une station de métro. Alors,
les gens, ils vont aller sur le trottoir, ça va causer un problème de... pas de santé publique, mais de
propreté, on va devoir intervenir là-dessus. Moi, chez moi, j'ai une terrasse.
Je ne pourrai pas avoir mon abri fumeurs,
cet hiver, sur la terrasse, du moins quand la loi va entrer en vigueur. Je ne
pourrai pas non plus la déplacer, parce que neuf mètres, c'est
30 pieds.
Alors,
si j'ai deux entrées par l'arrière, est-ce que le neuf mètres s'applique
uniquement sur la voie publique ou par
mon entrée arrière, qui est par une entrée dérobée par un terrain à l'arrière?
Ça, il faudrait peut-être... je ne dis pas «accommoder», mais préciser. Si le neuf mètres s'applique sur la voie
publique — moi, je
suis sur un coin de rue — alors c'est neuf mètres d'un côté et neuf mètres de
l'autre, c'est 30...
• (17 h 20) •
Mme
Charlebois : Bien, c'est neuf mètres de votre porte
d'établissement, là, sur le terrain de l'établissement.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : Bien, si je suis sur le coin de la rue, Mme
la ministre, là, c'est neuf... ça va être juste un côté, je vais
permettre de fumer à...
Mme
Charlebois :
Non, non, mais neuf mètres sur votre terrain.
M. Beauchamp (Jean-Jacques) :
Bien, mon terrain, il est sur le coin de la rue, là.
Mme
Charlebois :
Bien, c'est ça. Mais à la limite de votre terrain, au coin, là, ça va
s'arrêter, là.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : Ça fait un éventail de neuf mètres tout le
tour, là : ça fait 30 pieds d'un côté, 30 pieds de l'autre puis
30 pieds en avant.
Mme
Charlebois :
Bien, vous allez avoir de la place pour mettre votre fumoir.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : Ça fait 270 degrés, là. On va faire quoi?
On va aller de l'autre côté de la rue? J'ai une station de métro, je
vais aller dire aux gens : Tu n'as pas le droit...
Mme
Charlebois :
Mais il n'y a pas de trottoir au bout de votre établissement, là?
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Bien oui, je suis sur un coin de rue en avant d'une
station de métro. Alors, comment je vais gérer ça?
Mme
Charlebois : Mais, si vous faites un coin, là, le trottoir
doit faire le coin aussi, il doit y avoir deux angles...
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Oui, oui, tout à fait, tout à fait, mais c'est...
Mme
Charlebois :
...ça doit être perpendiculaire, je ne peux pas croire; le monde ne marche pas
par les airs.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : Non, non, Mme la ministre, c'est parce que
neuf mètres, c'est 30 pieds, à peu près, là, O.K.? D'un côté, j'ai une
rue puis, de l'autre côté, j'ai l'autre rue. Où va s'appliquer le 30 pieds?
Mme
Charlebois : Ça va se finir avec votre terrain de votre
établissement. Alors, mettons que ça, ici, là, c'est votre terrain, hein? Bien, ici, le trottoir, là,
les deux côtés, là, les gens vont pouvoir aller fumer. Le 30 pieds, là, il
n'est plus là, là.
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Ils ne pourront pas aller fumer, c'est une
interdiction de neuf mètres.
Mme
Charlebois :
Sur votre terrain d'établissement.
M. Poulin
(Renaud) : Mais, Mme la ministre...
Mme
Charlebois :
Comprenez-vous ce que je veux dire?
M. Poulin (Renaud) : ...on comprend, mais on ne comprend pas votre
solution, parce qu'on ne peut quand même pas envoyer nos clients sur le trottoir. C'est une place publique. C'est
impensable. Les gens, ils vont se regrouper là en 10 puis en 15. Les policiers, ils vont les faire
évacuer. Les gens ne peuvent pas se regrouper. Il y a des lois municipales
qui empêchent ça, là. On va créer un autre
problème, puis, la responsabilité, qui qui va l'avoir vis-à-vis des policiers
s'il se passe quelque chose sur le trottoir? Ça va être les commerçants?
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : C'est quoi, les critères? C'est les policiers qui
vont appliquer ça.
Mme
Charlebois : Comment vous gérez ça l'hiver, quand les
terrasses sont fermées? Les restaurants sont là... Là, ce n'est pas vous, les restaurants, mais je
connais des propriétaires de restaurants, c'est la même affaire, puis ils vont
dehors, les gens.
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Chez nous, là, moi, j'ai un abri...
Mme
Charlebois :
Avez-vous un restaurant?
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : ...un abri fumeurs, je me suis acheté un
abri Tempo, là, puis ils s'en vont fumer là, dans le fond de la terrasse, qui
est fermée et à aires ouvertes. Alors là, je ne pourrai plus faire ça, parce
que mon entrée arrière, là, c'est
neuf mètres. Vous dites : C'est sur la... Je comprends ce que vous dites,
mais, si on interprète la loi dans sa facture proposée, on peut
l'interpréter et dire : Non, non, c'est à neuf mètres, 30 pieds, de ta
porte. Mais moi, là, à 30 pieds, là, j'arrive chez le voisin. Tu sais, il
faudrait peut-être...
Mme
Charlebois :
30 pieds sur votre terrain.
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Tu sais, il faudrait peut-être s'accommoder
là-dessus, là. S'il y avait une ouverture gouvernementale nous permettant...
Mme
Charlebois :
Pour le fumoir, avec ventilation.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : ...pour un fumoir fermé, avec un certain
pourcentage de piétage, peut-être que...
M. Hamel
(Olivier) : Mais j'ai juste une... Mme la ministre, bonjour.
Mme
Charlebois :
Oui. Excusez-moi.
M.
Hamel (Olivier) : Oui. Olivier Hamel. Je suis propriétaire d'un
billard qui est situé au deuxième étage dans un centre d'achats. Il y a plusieurs commerces adjacents, donc, ma porte
d'entrée est située à côté de la porte de plusieurs autres commerces, donc, on ne peut pas gérer
dehors. Ça fait 15 ans qu'on fait ça. Je veux dire, les employés doivent rester
en haut. Donc, si je comprends bien, les
policiers, qui vont appliquer la loi, qui appliquent d'ailleurs très bien les
lois... je vais être obligé d'avoir,
à neuf mètres de ma porte d'entrée, pas de fumeur. Puis il y a plusieurs autres
commerces qui sont là, il y a des
salons de coiffure, il y a du monde qui fume dehors. Ça va être le chaos, là.
Puis déjà nous autres, on a beaucoup,
beaucoup de difficultés à appliquer la réglementation, parce que la loi
antitabac a forcé les gens à aller dehors, donc, plusieurs essaient de
sortir avec leurs verres, plusieurs personnes tentent...
Une voix :
...
M.
Hamel (Olivier) : O.K. Plusieurs personnes tentent de sortir dehors
avec leurs boissons alcoolisées, il faut effectuer beaucoup de contrôle à ce niveau-là le soir, et puis
physiquement ce n'est pas possible. Tu sais, on ne peut pas aller dehors
puis continuellement gérer. Nous autres, notre job, dans le fond, c'est
d'assurer la sécurité des gens qui sont à
l'intérieur de notre commerce, avoir une sécurité aussi à l'extérieur. Mais
déjà on a beaucoup, beaucoup de lois à appliquer, on a beaucoup de
choses, on a beaucoup de règlements concernant des employés, des vérifications
quand il y a des loteries vidéo, plusieurs
choses, la sécurité, et tout ça. Mais, en plus, être obligés d'aller au
rez-de-chaussée, payer un employé qui
est là à temps plein pour vérifier le neuf mètres, c'est inapplicable. Puis qui
va fumer? La coiffeuse à côté de chez nous? Je ne le sais pas, madame,
là, je ne peux pas comprendre.
Puis,
en plus de ça, juste un autre point, c'est que récemment... le vapotage est de plus en plus populaire, puis moi, j'encourageais fortement mes employés... On
est dans un établissement 18 ans et plus, donc un établissement où est-ce
que les gens qui ont à fumer fumaient
probablement déjà. Donc, mes serveuses ou mes serveurs sont là, puis là je leur
dis : Là, vous pouvez vapoter. C'est comme
un prétexte, dire : Là, vous allez vous mettre à vapoter au lieu d'être
obligés de descendre en bas puis de,
justement, commettre quelque chose qui serait illégal, de quitter son poste de
travail. Donc là, en plus, on va
interdire, là, ce petit vacuum là, là, qu'on avait, là, qui faisait descendre
un petit peu la pression, là, en disant :
Écoutez, achetez-vous des cigarettes électroniques, tout ça. Je ne pourrai pas
physiquement gérer cette réglementation-là, ça va être impossible.
Mme Gagnon
(Lise) : Mme la ministre, nous sommes des citoyens ici, là, nous
sommes aussi des entrepreneurs, on a des entreprises et des emplois à
protéger.
Admettons que, dans mon bar, moi, à
Québec, ici, là, j'ai de la place à installer un abri à neuf mètres de ma porte
d'entrée, est-ce qu'il faudrait savoir s'il
est à neuf mètres de la porte d'entrée ou à neuf mètres du permis de la
terrasse? Ça veut dire
qu'instinctivement les gens qui vont vouloir aller peut-être dans ce nouvel
abri là pour fumer vont avoir le réflexe
de partir avec leurs consommations, qu'ils ont tous le réflexe de partir avec
leurs consommations. Ils vont tous l'avoir. Il va falloir qu'on mette
quelqu'un sur le coin pour dire : Non, non, non, tu ne peux pas t'en aller
là, parce qu'il n'y a pas de permis dans
l'abri, là. La police, elle va passer puis elle va me donner un ticket de
300 $, puis le prochain, ça va
être 500 $. Ça fait qu'il va falloir mettre quelqu'un sur le coin de la
terrasse pour dire au client : Tu ne peux pas t'en aller là. Les clients vont croire qu'on n'a pas
pris leur point de vue, et c'est vrai... ce qu'on mentionnait dans notre chose,
c'est vrai que, la loi, on a dépensé des
dizaines de milliers de dollars pour s'installer, pour faire une place à nos
fumeurs. Puis, dans mon établissement — je vous jure que je n'exagère pas — 75 % des gens fument. Ceux qui ne
fument pas, bien ils restent en
dedans puis ils n'ont pas de fumée de cigarette, puis ils sont bien contents,
puis les autres, ils vont fumer dehors.
Puis qu'est-ce qu'ils font l'hiver? Ils vont quand même fumer dehors, même
s'ils gèlent. Mais ils fument. Ils vont fumer pareil. Mais il y a plein
de choses dans la loi qui ne pourront pas fonctionner, qui sont inapplicables.
Mme
Charlebois :
Est-ce que la limite du neuf mètres de votre terrain pose problème, vous aussi?
Mme
Gagnon (Lise) : Oui. Il va falloir dépenser combien de milliers de
dollars, s'il y a une situation financière, pour installer un abri là? Puis là il va falloir qu'on engage quelqu'un
pour surveiller, là, le client qui ne voudra pas aller là-bas. La ville
va nous demander un plan d'architecte, va nous demander des plans
d'implantation, un certificat de localisation,
ça ne finira plus. On ne pourra pas mettre un abri Tempo là, avec des autos qui
passent, parce que je vais avoir trop peur qu'il arrive un accident.
Alors, ils vont s'en aller là. Et puis ils n'iront pas, ils vont rester chez
eux.
Mme
Charlebois :
Mais là, en ce moment, l'hiver, ils vont fumer sur la terrasse?
Mme
Gagnon (Lise) : Ils fument sur la terrasse. Même s'il fait froid, ils
fument sur la terrasse. La plupart... tous les bars que je connais...
ils restent à l'intérieur.
Mme
Charlebois :
Les non-fumeurs sont sur la terrasse aussi en ce moment, en été, avec les
fumeurs?
Mme Gagnon
(Lise) : Oui.
Mme
Charlebois :
Et les serveurs, serveuses sont aussi avec tout le monde qui fume?
Mme Gagnon
(Lise) : Oui, parce qu'ils fument tous.
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : ...partout dans l'établissement.
Mme Gagnon
(Lise) : Non, non.
Mme
Charlebois : Non, non. Il n'est pas supposé d'avoir de fumée à
l'intérieur.
M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Non. Excusez-moi. Les serveurs servent intérieur
et extérieur. À l'intérieur, on ne fume pas, c'est bien sûr.
Mme
Charlebois :
O.K. J'ai eu peur pendant 30 secondes.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Oui. N'ayez crainte.
Mme
Gagnon (Lise) : ...ça va bien. Ça a pris du temps. Combien de temps
que ça nous a pris à dire au client qui, spontanément, sortait sa cigarette : Non, non, tu ne peux pas? Ça
nous a pris sept, huit mois, neuf mois. Ça s'est bien passé, parce qu'il y avait une autre alternative. Mais,
avec les baisses qu'on a eues, les baisses de Loto-Québec qu'on a eues, c'est sûr que, les gens, ça va être encore un...
C'est une industrie, et je pense qu'on a fait notre part à date, là. On a fait
notre part à date, là. Tous nos employés fument.
Mme
Charlebois :
Est-ce que, depuis la loi de 2005, il y a beaucoup d'établissements qui ont
fermé?
Mme
Gagnon (Lise) : Dans mon coin — je suis dans le coin du nord de la ville, le
bar est sur le boulevard de l'Ormière — j'ai vu fermer un établissement qui avait 40
ans. Lui, il a ouvert, il a fermé, il a ouvert, il a fermé. Bon, là,
depuis deux, trois ans, il est fermé. Un autre sur la rue Racine, deux ou trois
petits bars dont j'ai oublié les noms, là, il
y en a tellement... Ceux qui sont là toujours, ce sont des gens qui sont en
affaires depuis très longtemps comme moi. Ils ne sont pas remplacés.
Ceux qui ont fermé, il n'y a personne qui a...
Mme
Charlebois : Ceux qui ont fermé, vous pensez que c'est
attribuable à l'arrêt de tabagisme de 2005 à l'intérieur des
établissements?
Mme Gagnon
(Lise) : Bien, ça n'a pas fermé là, là, sur le coup, vous savez, ça a
été une diminution du chiffre d'affaires,
puis, malgré les bars qui ont fermé, moi, dans mon secteur — je vous parle de mon secteur — le chiffre d'affaires, là, il n'a pas
augmenté, là.
• (17 h 30) •
M. Hamel
(Olivier) : Mais je pense qu'il y a un vent... comme on dit, on a un
vent de face, là. Il y a les lois sur l'alcool
au volant, qu'on comprend, il y a
les lois sur le tabagisme, les taxes sont très, très élevées concernant
des panoplies de permis. Il y a peut-être
une question de popularité. Des discothèques, par exemple, on n'en voit pratiquement plus au Québec. Donc, c'est ce qui
fait qu'aujourd'hui... Avant, ça fermait souvent, puis on avait un
autre nom, puis ça repartait. Aujourd'hui, bien, on voit, ça disparaît, ça disparaît. Je
connais beaucoup les Laurentides, là. Avant, les villages avaient
leur petit bar où que le monde
allait socialiser. Ils sont pratiquement tous fermés aujourd'hui, tu sais. Donc, c'est clair, là, l'industrie est tough, là, puis
ce serait un autre élément...
Mme
Charlebois : Ce que vous me dites, c'est qu'il n'y a pas que
ça, mais que ça, ce serait comme un surplus qui ferait en sorte que ça
vous ajouterait une difficulté. C'est ça que vous me dites?
M. Poulin
(Renaud) : ...c'est que
c'est évident qu'on va avoir des pertes causées par ça. Si vous prenez votre
projet de loi, si vous ne voulez pas vous asseoir avec les commerçants pour trouver
des solutions, il va y avoir des pertes. On ne peut pas envoyer les gens
à 30 pieds, c'est impossible.
Mme
Charlebois : Avez-vous une suggestion à me faire pour faire en
sorte qu'on puisse être uniformes pour les restaurants, bars, et tout ça, pour les terrasses, une autre modalité ou
quelque chose? Avez-vous pensé à une alternative?
M. Poulin
(Renaud) : Idéalement, si on
aurait un espace fumeurs, sur la terrasse, moitié-moitié pour les deux clientèles, ça pourrait être une solution. Je
ne vais pas m'avancer là-dessus, là, mais c'est des idées que les gens nous
ont données. Mais, je vous le dis, pour le
neuf mètres, on ne voit pas de solution. Et, malheureusement, on ne peut
pas vivre juste pour le tabac. Il y a
des règlements aussi qui nous concernent, que ce soient les ventes de
stupéfiants dans les commerces... On
ne pourra pas laisser un commerce sans surveillance. On a des lois, il faut les
respecter. Il y a plein de choses.
On ne peut pas fonctionner, malheureusement, comme ça. Si vous avez des solutions à nous
apporter, on va les écouter, mais
nous, on n'en a pas trouvé. Ça fait que ça, c'est la grande inquiétude des
commerçants, c'est vraiment le neuf mètres, parce que ça va débouler
dans des problèmes autres que le tabac, là.
Mme
Charlebois : C'est qu'on a questionné tantôt, un petit peu tôt, les médecins, et on leur a demandé, hein, pour la distance, à savoir si on mettait la moitié
de la terrasse non-fumeurs et l'autre moitié fumeurs, puis ce qu'on nous
indiquait, c'est qu'il y avait des conséquences quand même. Je ne sais pas si
vous avez entendu ça avant.
M. Poulin
(Renaud) : Oui, on l'a
entendu, mais, des solutions miracles, il n'y en aura pas en société, hein,
sinon il faudrait éliminer beaucoup
de choses quand même. Si on veut vivre en société, il faut trouver
aussi des compromis un peu pour tout le monde. Si on veut l'appliquer, la ligne dure, bien faites ce que vous avez à
faire, puis il va y avoir des conséquences quand même aussi.
M. Hamel
(Olivier) : Les commerces
qui n'ont pas de terrasse, comme le mien — on n'a pas de terrasse chez nous — donc,
c'est extrêmement difficile d'appliquer la loi déjà présentement. Ça fait que, si on ajoute le neuf mètres, ça va rendre, je veux dire, là, une complexité
incroyable, ça va nous coûter des frais d'avoir des surveillants qui ne vont
faire que ça. Donc, c'est clair, là. Moi, je
l'ai vécu déjà, cet impact-là. Ça fait que, ceux qui ont présentement des terrasses, s'ils perdent ce droit-là, il va y avoir des
impacts financiers importants.
Mme
Charlebois : En 20 secondes, une réponse facile. Sur vos
1 400 membres, combien il y en a qui ont des terrasses?
M. Poulin
(Renaud) : La majorité, la
majorité, parce qu'en 2005-2006 il y
a beaucoup de gens qui ont
construit des terrasses pour accommoder leurs fumeurs. Il y en a quand
même beaucoup. Même à Montréal, il y a eu plusieurs interdictions sur certaines
rues, puis la ville a apporté certains...
Mme
Charlebois :
50 %? 75 %? 80 %?
M. Poulin (Renaud) : Ah! grosso
modo... on ne l'a jamais vérifié, mais au moins 70 %.
Mme Gagnon
(Lise) : Ce serait facile de
le savoir avec les permis parce qu'ils donnent toujours un permis différent
pour la terrasse, on doit avoir un permis.
Et moi personnellement... on avait déjà une terrasse, et j'ai bâti, nous avons bâti,
et puis ça n'a pas été une petite affaire,
là, suivant la structure de la maison, une terrasse à l'arrière, puis je vous
dirais qu'elle est utilisée à 95 % seulement que par les fumeurs.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous nous tournons maintenant vers
notre collègue de Rosemont pour une période de 14 min 30 s.
M. Lisée : Bonjour, M. Beauchamp, Mme Gagnon, M. Hamel, M.
Poulin. Merci pour votre franchise. Moi, je suis content qu'il y ait des
gens qui viennent, comme vous, qui nous disent : C'est un problème, ça va
nous poser un problème, c'est inapplicable.
On a besoin de ça, on a besoin de vous entendre, on a besoin de vous lire puis
on va discuter avec vous, puis les questions
que je vais vous poser, elles ne seront pas toutes faciles, mais je sais
l'intérêt des terrasses dans la vie
des Québécois. C'est essentiel, les terrasses. Dès qu'il fait
beau, on se jette sur la terrasse, hein? Moi, mon père était entrepreneur, il a eu des restaurants,
il a eu une taverne, il a eu une brasserie. C'est un signe d'orgueil dans la
famille qu'on avait la première terrasse
dans la région de Thetford Mines. C'est Jean-Claude Lisée qui a fait ça. On est
fiers de ça, parce que ça fait partie de la qualité de la vie. Vous êtes de
Thetford Mines?
M. Poulin (Renaud) : Oui, j'ai
sûrement dû la fréquenter dans ma jeunesse.
M. Lisée : C'est vrai. Bien oui, à l'ancien hôtel-manoir au
coin. Oui, oui, c'est mon père qui a eu ça, oui. Alors donc, ça fait partie de notre vie, ça fait partie
de notre qualité de vie, puis le travail que vous faites puis les 1 400
membres de vos associations font
partie de la qualité de vie des Québécois. Puis, je suis d'accord
avec vous, votre fardeau réglementaire, il est trop lourd. Mais là on
essaie de faire quelque chose pour la santé publique. Puis, vous avez raison,
là, bon, les compagnies de cigarettes évidemment
sont aussi visées, hein? Le menthol, vous allez voir, ils vont venir défendre
la qualité du menthol, puis ils ne veulent pas l'emballage standardisé, puis
ils sont dans la mire pas mal. Bon. Mais effectivement nous, notre objectif, ce n'est pas de
fermer des brasseries, puis des tavernes, puis des bars au Québec.
Ce n'est pas notre objectif, absolument pas.
Mais je vais
mettre en question une couple de vos affirmations. Vous dites :
Ça ne répond à aucun besoin. Je ne vais
pas lire ce que nous envoie la coalition antitabac puis la société du cancer,
je vais lire l'analyse d'impact du ministère
de la Santé et des Services sociaux, O.K.? Eux sont payés pour nous donner
l'heure juste. Sur la fumée secondaire à l'extérieur,
il dit : «...les problèmes de santé et [de] mortalité reliés à
l'exposition à la fumée de tabac dans
l'environnement. Les risques qui y
sont associés sont sérieux et scientifiquement démontrés. Cette fumée contient
plus de 7 000 substances chimiques,
dont 69 substances cancérogènes — comment ils peuvent mettre 69 substances
cancérigènes dans une cigarette? Il
faut qu'ils se lèvent de bonne heure pour faire ça, hein, bon, mais, en tout
cas, c'est là. On y associe le cancer du poumon et de
graves maladies cardiovasculaires et respiratoires. Elle est également une
cause de mort subite du nourrisson et d'insuffisance pondérale à la naissance.
Elle serait particulièrement nocive pour les enfants et les jeunes. En 2006, le
Surgeon General des États-Unis a conclu qu'il n'existait pas de seuil
sécuritaire en matière d'exposition à la [fumée secondaire] — pas de
seuil sécuritaire. Des données récentes montrent que la [fumée secondaire]
serait problématique même dans un
environnement extérieur, sous certaines conditions — nombre de fumeurs, vélocité du vent,
température de l'air, configuration
des lieux[...]. Nous savons maintenant que cette [fumée secondaire] extérieure
est aussi toxique que celle se
retrouvant à l'intérieur, bien qu'elle se dissipe plus rapidement. L'exposition
des non-fumeurs québécois à la [fumée
secondaire] diminue d'année en année, [mais] le Québec se situe [...] toujours
au-dessus des moyennes canadiennes.»
Bien, une
fois qu'on a lu ça, là, on se dit : Bien, il faut faire quelque chose,
même sur les terrasses. Est-ce que vous
êtes d'accord avec le principe que, si on arrive à faire quelque chose sans que
ça soit trop compliqué pour vous, c'est un bon objectif de santé
publique?
M. Poulin
(Renaud) : On ne peut pas
être contre ça. C'est normal qu'en tant que société on vise... mais il faut
trouver des solutions aussi pour les
commerçants, pour l'application. Si on est capables de s'asseoir comme qu'on a
fait en 2005 puis regarder toutes les
solutions qui vont être apportées, on est d'accord avec vous aussi que... Il
faut l'améliorer, on est d'accord.
M. Lisée :
Toute la question du neuf mètres est problématique, elle est clairement
problématique, puis, avec la ministre,
avec la deuxième opposition, on va essayer de travailler, puis c'est pour ça
que la ministre vous demandait des suggestions.
C'est certain, là, que, la façon dont vous l'interprétez ou peut-être la façon
dont c'est rédigé, la façon dont le
règlement va être écrit — on aura peut-être l'occasion de se reparler — nous, on veut faire en sorte que ça ne soit
pas si compliqué.
Mais je suis
un peu surpris des données que vous nous apportez. Vous dites : Si on fait
la démonstration hors de tout doute
que c'est négatif, les gens vont dire : Bien... Mais je ne trouve pas que
vous faites la démonstration hors de tout doute. Vous nous dites : Il se boit moins de bière au Québec depuis
20 ans. C'est vrai. Il se boit beaucoup plus de vin aussi. La population vieillit. Une population
vieillissante sort moins. C'est plate pour vous autres, mais c'est vrai. Alors,
je ne trouve pas que vous faites la
démonstration hors de tout doute. M. Poulin, vous êtes cité par la coalition
antitabac à avoir dit qu'il n'y avait pas eu plus de faillites l'année
de l'introduction de la loi de 2005 que dans les autres années.
M. Poulin
(Renaud) : ...plus quand
même. Je ne sais pas comment qu'ils ont cité mes paroles, mais il y en a eu quand même. Mais qu'est-ce que j'ai voulu dire,
c'est qu'il n'y a pas eu la catastrophe économique. Si vous prétendez...
peu importe la loi, peu importe le projet de
loi, ça a toujours un impact généralement sur un commerçant. On l'a vécu
aussi avec le projet de loi pour les jeunes
qui ne pouvaient plus consommer d'alcool à 22 ans. On a eu un impact qu'on
ne pensait pas. Je veux dire, le tabac, il y
a eu un impact. Puis, si vous consultez aussi vos entreprises comme
Loto-Québec, regardez la société des
loteries vidéo, ils vont vous le dire clairement que, la première année, il y a
eu 17 % de revenus qui ont baissé, puis on
parle de 250 millions de perte que cette loi-là, elle a apportés. Ce n'est
pas nous qui le disons. Quand on parle avec
l'Association des brasseurs... On est d'accord que les gens consomment moins
dans les établissements, mais il y a
des facteurs qui les poussent à sortir plus rapidement. C'est ces facteurs-là
que nous, on veut essayer de contraindre
aussi. On n'est pas là pour pousser les gens à consommer, mais on est là aussi
pour les accueillir. On est dans un
secteur hôtelier, on est là pour les accueillir, puis le fumeur, c'est un
client, comme le non-fumeur, aussi pour nous, là.
• (17 h 40) •
M. Lisée :
Il y a votre collègue Sergakis, de Montréal, qui avait une bonne citation ce
matin. Il disait : Les non-fumeurs, je
les aime bien, mais notre clientèle ciblée, ce n'est pas idéalement les
non-fumeurs, parce que les non-fumeurs, avec respect, la majorité, ils boivent de l'eau puis ils mangent de la
salade, hein? C'est la réalité. Pour les bars, un vrai client, c'est
celui qui prend de l'alcool, et c'est majoritairement des fumeurs.
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Non. Vous permettrez de lui laisser ses propos, qu'on
n'endossera pas.
M. Lisée :
Vous ne l'endossez pas.
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Non. On a plus de respect que ça pour la population
québécoise.
M.
Lisée : Là, on a une population
de 80 % de non-fumeurs, c'est quand même
votre marché, et, parmi les fumeurs, qui
sont les 20 % restants... je suis d'accord
qu'intuitivement ils sont des plus grands utilisateurs de bars, de tavernes et
de brasseries que la moyenne, la
moitié d'entre eux, dans le sondage qu'on a cité de Léger, disaient qu'ils
étaient favorables à l'interdiction
sur les terrasses. Vous, vous dites que votre expérience auprès de vos clients
montre que la résistance est beaucoup plus importante que ça.
M. Poulin (Renaud) : Si nos clients nous diraient le contraire, on ne serait pas ici aujourd'hui. Un commerçant consulte ses
clients, consulte régulièrement puis il est là pour satisfaire la majorité. On
est dans le commerce. Votre père était
dans le commerce, on est dans le commerce. Soyez assurés, si on aurait une
clientèle qui dirait : On ne fréquente plus votre commerce parce que
ça fume, on n'y va plus, on n'y va pas, naturellement, on va apporter... La loi
nous permet de le faire. Il y a
certains commerçants qui sont allés dans cette direction-là, très peu sont
allés là. Puis, je vous dirais, aussi
il y a d'autres commerçants qui aimeraient que ce soit interdit... certains
commerçants, mais ils n'iront pas, parce qu'ils savent que la majorité
de leur clientèle va quitter ce commerce-là. Ça fait que...
M.
Lisée : Bon, oui, effectivement, il y a certains commerces à caractère plus familial. Le
Normandin, par exemple, je
pense, qui est... les terrasses sont non-fumeurs, c'est plus familial. Il y a
une solution que vous avez citée tout
à l'heure, c'est : Bon, bien, si
on avait une moitié de terrasse fumeurs, une moitié de terrasse non-fumeurs...
Puis on en a discuté avec les experts
pneumologues tout à l'heure. On disait : Bien là, s'ils sont à un mètre
ou à deux mètres de distance, avec le vent, ça va revenir au même.
Vous citez un cas,
dans une juridiction, que fumer est interdit jusqu'à 22 heures. Bien là, on
pense qu'après 22 heures il n'y a
plus d'enfants puis il n'y a plus d'adolescents... enfin, d'adolescents, on ne
sait pas, mais, en tout cas, il n'y a plus d'enfants. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui pourrait vous sourire, cette idée qu'il y ait une heure limite
à partir de laquelle fumer serait permis?
Une voix :
...
M. Lisée :
Les mineurs sont interdits en tout temps sur vos terrasses.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) :
C'est permis, les mineurs, chez nous, si on a une terrasse qui sert des repas
dans un bar, accompagnés d'un adulte. Alors, il faudrait peut-être interdire
des enfants dans les bars, mais, avant ça, peut-être nous permettre de faire un abri fumeurs d'un certain
pourcentage de pieds à établir, là, un certain volume, un certain espace et de définir... de le fermer avec
ventilation adéquate, etc. Ça serait moins pire et ça serait sûrement un bon
accommodement pour nous.
M.
Lisée : Ce que vous
dites, là, c'est que, dans d'autres juridictions, il y a
des fumoirs isolés avec ventilation, vous voulez dire, sur la terrasse.
Donc, il y a une partie de la terrasse qui est un fumoir isolé avec
ventilation.
M. Poulin (Renaud) : Il y en
a aussi à l'intérieur. Ceux qui vont en Floride, ça fume dans les bars. Chaque juridiction
est un peu différente, là. Il y en a
qui sont... on ne peut pas tous les préciser, là, mais chaque État ou
chaque province a décidé d'appliquer sa loi. Mais ça fume dans les bars
encore en Amérique du Nord, ça, c'est évident, là.
M.
Lisée : C'est des
coûts considérables quand même de faire cette installation-là qui aurait sa
propre ventilation. Est-ce que ça vaudrait la peine?
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) :
Mais, regardez, on est habitués d'investir dans nos commerces depuis 2005, là.
On en a dépensé, de l'argent, on a... tu sais, on...
M. Lisée : ...que ça vaudrait le coût d'investissement, de dire : J'ai un segment de la terrasse qui est isolé du reste?
Mais là, s'il a sa propre ventilation, c'est fermé à l'extérieur, on ne peut
pas...
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : ...fumer quelque part...
M. Lisée :
Ils peuvent fumer quelque part.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) :
...puis ils reviennent à l'intérieur ou sur la partie où ce n'est pas permis. Ils
peuvent s'asseoir et prendre leurs
consommations, manger là où on a des établissements qui ont des cuisines. Alors, ça, ça
serait peut-être une avenue à considérer sérieusement par le gouvernement.
M. Lisée :
...où les serveurs n'ont pas à avoir accès parce qu'ils n'ont pas à servir dans
cet espace-là.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) :
Les serveurs dans des bars, ils servent à beaucoup de fonctions, entre autres ils ont à servir la clientèle mais aussi à s'assurer que les règlements
sont suivis, qu'il n'y a pas de vente de stupéfiants, qu'il n'y a
pas de mineur, qu'il n'y a pas ci, qu'il n'y a pas ça. Il y a plein de
règlements.
M.
Lisée : Mais ce ne serait pas une zone fumeurs de la terrasse,
ce serait un fumoir où les gens se déplaceraient pour fumer et
reviendraient à leur table.
M. Beauchamp
(Jean-Jacques) : Si tu veux fumer, tu vas là, et on peut contrôler la
propreté, les mégots de cigarette, qui sont vraiment...
je vous ferai grâce de mes commentaires là-dessus, là, mais des dizaines et des
centaines de mégots sur les trottoirs, c'est assez...
M.
Lisée : Oui, tout à fait. Bon, écoutez, sachez que notre objectif, en tant que parlementaires,
c'est de réduire, évidemment, la prévalence du tabagisme. Vous savez, ça coûte
4 milliards de dollars par année à l'État en frais de santé.
Puis c'est sûr qu'il y a
des mesures qui rendent la vie un peu plus compliquée aux fumeurs. Le but du
jeu, c'est de faire en sorte
qu'il y ait des milliers de gens qui se disent : Bien
là, si c'est comme ça, je vais arrêter. C'était comme ça en 2005, c'était comme ça en 1998. Alors, c'est sûr que ça
crée un inconfort aux fumeurs, c'est le but du jeu, mais on ne veut pas
créer d'inconfort aux entrepreneurs. Alors, c'est pour ça que je suis ouvert à
vos suggestions.
Mme
Gagnon (Lise) : Je pense
que vous avez soulevé un point important, là. Quand on parle d'un endroit sur la terrasse où il y aurait le droit de fumer... il
faut essayer d'éviter aussi que les gens abandonnent leurs consommations, c'est
un coin de la terrasse où il y a déjà un
permis d'alcool où ils pourraient aller avec leurs consommations et fumer leurs
cigarettes et ils ont le droit de fumer
juste là. Comme, quand ils sortent actuellement avec leurs consommations pour fumer sur... l'endroit sur la terrasse, ils apportent
leurs consommations. On ne peut pas demander encore à nos gens de surveiller
les loteries vidéo, les vendeurs de drogue,
ta, ta, puis de checker la bière de Jean puis de checker le gin de l'autre, là.
On ne peut pas faire ça.
M. Lisée :
Je comprends très bien. M. Hamel.
M. Hamel (Olivier) : Oui. C'est ça, à toutes les fois, là, que les
gens franchissent la porte d'un commerce, d'une certaine façon, ça crée toujours
une problématique. Moi, dans mon cas, je la vis toujours. Je veux dire, si je
fais un contrôle sur une personne... On prend les cartes d'identité à chaque
fois que quelqu'un rentre, même s'ils ont 25 ans maintenant. Bien, à chaque
fois qu'ils sortent, qu'ils rentrent, qu'ils sortent, tu sais, on peut les
reconnaître, mais c'est toujours une étape de plus de contrôle. Tu sais, on n'a
pas avantage à ce que nos clients sortent de notre établissement ou sortent... Tu sais, si on pouvait avoir un fumoir, quelque chose, là, sur les terrasses, c'est clair que ça serait beaucoup plus
avantageux. Puis il y a aussi la question de coûts aussi qui est reliée à ça, d'avoir un
employé qui ne fait que ça. Le neuf mètres, comme je vous ai dit tantôt,
ça ne peut pas s'appliquer. Physiquement, ça ne peut pas s'appliquer.
M. Lisée :
Je vous remercie, tous les quatre.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant la parole à
notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de 9 min 30 s.
Mme Soucy :
Merci. Bonjour. Je vais revenir sur le resserrement de la législation qu'il y
avait eu en 2005.
Vous
ne pouvez pas attribuer tous les effets négatifs de la législation au seul fait
qu'il y avait eu une législation en 2005... en fait, vous ne pouvez pas attribuer
l'effet en disant : Bien, il y a eu un resserrement de la législation, donc
il y a eu diminution de nos recettes, hein, des revenus de votre entreprise.
Vous ne pensez pas qu'il peut y avoir des causes externes à ça, comme par
exemple... je prends, par exemple, la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, la nouvelle
tendance aussi de cuisiner à la maison. Avec tous les livres de recettes qui
sortent, bien les gens sont peut-être plus sédentaires,
ils restent peut-être plus à la maison, donc ils consomment à la
maison. Également, avec la loi pour le 0,8, les gens vont avoir tendance à consommer un petit peu plus à la maison que peut-être dans les bars. Parce que, si je regarde,
selon les sources du ministère
de l'Économie, la consommation de bière depuis 2003, il y a
eu une augmentation des bières de la microbrasserie et puis une augmentation également
de la consommation de l'alcool à la maison. Il y a eu très peu de pertes économiques, selon les chiffres, qui sont
attribuables, là... bien, en fait, depuis 2005. Pensez-vous que... En fait,
je reprends, là, les propos que vous avez
eus en 2005. Vous avez dit, M. Poulin, cette année-là, l'année de la législation,
en fait, pour l'interdiction de fumer à
l'intérieur des bars, avant qu'elle rentre en vigueur, vous avez dit :
Bien, écoutez, ça va être la
catastrophe économique, les bars vont fermer, les gens ne viendront plus, puis
ça s'est avéré que finalement il n'y
a pas eu plus de faillites en 2007-2008 qu'il y en a eu précédemment, avant la
nouvelle entrée en vigueur de la législation.
Alors,
vous nous servez aujourd'hui le même discours, hein, le même discours, que ça
va être la catastrophe si on légifère
dans cette avenue-là. Avez-vous des
études pour nous le démontrer, là, tu sais, nous, parlementaires, là... est-ce que vous
avez des études indépendantes qui démontrent, je ne sais pas, une habitude de
consommation du fumeur versus les
non-fumeurs? Avez-vous quelque chose à nous montrer? Parce que, si on se fie à ce
qui s'était dit en 2006 puis que finalement il n'y a pas eu de perte
économique associée à la législation de 2005...
• (17 h 50) •
M. Poulin (Renaud) : Bien, je vais vous répondre. En 2005, j'ai participé à toutes les
discussions, puis, je peux vous dire,
il y a avant et après, et, s'il n'y
avait pas eu les concessions qui ont
été faites, si on n'avait pas eu les terrasses, si le neuf mètres aurait
été appliqué, on aurait sûrement vécu une catastrophe, O.K.?
Le
gouvernement a accepté de s'asseoir avec les commerçants puis
de regarder des solutions et a accepté aussi de faire une tournée d'information. Partout à travers le Québec, il y a
eu des choses qui ont été faites qui ont aidé. Mais, vous pouvez prendre tous les chiffres que vous
voulez, vous les avez vous-mêmes de vos propres organismes, comme Loto-Québec, on parle de 17 %.
Parlez-en avec ces gens-là. La première année, c'est 17 %. Parlez-en avec
l'Association des brasseurs, ils vont
vous le dire. Bon. Quand on dit qu'il y a eu une baisse de 36 %, on ne
prétend pas que c'est dû au tabac
seulement. Qu'est-ce qu'on prétend, c'est qu'il y a deux éléments
importants : les lois plus
sévères sur l'alcool — c'est sûrement l'élément le plus important — et il y a aussi le tabac. Puis, quand on
affecte un client, quand on dit à un client de ne pas venir dans un commerce, vous comprenez, c'est un peu normal
qu'il ne le fréquente pas. Puis on est d'accord
avec vous qu'il y a eu un déplacement du
consommateur vers certains produits, tout ça, mais il y a
une réalité quand même, puis,
s'il y a eu des commerces... je ne sais pas comment vous
ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas de commerce, il y a plein de
commerces, partout au Québec, qui ont fermé.
Puis,
quand il y a un élément catastrophique, un commerce ne ferme
pas demain matin, là. Je veux dire, ce n'est pas parce qu'il y a eu une loi sur le tabac que, le commerce, ça veut dire que ses revenus vont baisser. Il va essayer de survivre, il va essayer... Vous savez, en
commerce, c'est quoi. Ça peut être six mois après, ça peut être un an et demi
après, ça peut être deux ans et demi
après. Mais il y a eu quand
même des commerces qui ont fermé. Est-ce que
le tabac a été un facteur? Nous, on pense que ça a été aussi un facteur
pour différents commerces.
Mme
Soucy : Si je vous disais qu'il y a
quand même quatre provinces, Terre-Neuve, Nouvelle-Écosse, l'Alberta, l'Ontario, qui interdisent de fumer sur les
terrasses puis il y en a que ça fait 10 ans puis qu'il n'y a pas eu
de perte économique associée à cette réglementation-là... pourquoi le Québec
serait différent des autres provinces?
M. Poulin (Renaud) : Parce que le Québec est une province différente. Le Québec ne s'est
jamais préoccupé des commerçants, n'a
jamais pris des mesures pour aider les commerçants. Si vous faites le tour de
l'Ontario, vous avez une limite de permis qui va être donnée, parce que,
quand on met des mesures qui affectent un commerce, il faut mettre une
mesure qui va aider le commerce.
Mme Soucy :
Des ratios.
M. Poulin (Renaud) : C'est ça. Là, c'est la libre entreprise
pour tout le monde. On est une des seules qui le fait. Partout aux États-Unis maintenant, bien, pas juste pour la question du
tabac — c'est
toute la problématique aussi de la drogue,
tout ça — on met
des ratios, on aide les commerçants et on leur demande aussi de respecter les
lois et de faire respecter la loi. Ici, au Québec, on ne s'est jamais préoccupé de rien, on a
toujours mis des mesures, des mesures et des mesures, puis il y a des conséquences à
ça : des gens qui ont perdu leurs investissements, puis il y a des gens qui perdent leurs
emplois. C'est ça qui s'est produit.
Mme
Soucy : Mais où est-ce que je vous donne raison, c'est qu'on ne
peut pas vous tenir responsables, si une personne va à l'extérieur de votre commerce, en ce qui a trait au neuf
mètres, là. Je pense qu'il s'agit d'une lacune, là, du projet de loi. Si on enlevait cette présomption-là
de culpabilité, seriez-vous plus rassurés, seriez-vous en faveur du neuf
mètres?
M. Poulin (Renaud) : Bien, l'expérience nous dit que non, parce que, si on écoutait la
ministre tout à l'heure, les clients
vont se ramasser sur un trottoir public,
on va avoir un autre problème autre que le tabac. On ne peut pas laisser
les groupes se rassembler sur un trottoir
public, on ne peut pas faire ça. Il y
a des conséquences à tout ça. Comment
que les policiers vont le gérer? Ça va être assez difficile.
Mme
Soucy : Oui. Ils ne
passeront pas la soirée là, là. Ils ne passeront pas la soirée sur le trottoir,
là, tu sais, ils vont aller fumer, ils vont revenir. Puis on dit «le
trottoir» si on se fie aux grands centres, parce que, si c'est dans une
banlieue, il y a de la place, là. Mais, si on enlevait, là, cette...
M. Poulin
(Renaud) : Mais, juste pour
intervenir... Vous permettez? Mais le
tabac a changé le consommateur. Quand
les gens... maintenant, surtout les jeunes, quand ils sortaient à
l'extérieur, ce n'était pas pour
cinq, six minutes, des fois ils
passaient 30 minutes, des fois ils courtisaient les autres filles à côté, mais qu'est-ce qu'on a vu depuis 2006, un phénomène, c'est que les gens sortent à l'extérieur, et ils ont même
de l'alcool dans leurs véhicules. En fumant, ils consomment en même temps. C'est toutes des choses que la Loi du tabac nous
a amenées qu'on ne connaissait pas avant, qu'on a dû gérer. À Montréal, les deux premières semaines qu'il y a
eu la loi, si vous reprenez encore les coupures de journaux, c'était effrayant, qu'est-ce qui s'est passé, là. La ville ne
comprenait pas, il y avait des mégots partout,
et ça se ramassait partout.
Mme Soucy :
Oui. Allez-y, madame.
Mme Gagnon
(Lise) : Excusez si je reviens encore à ça. Il faudrait vraiment faire
en sorte que les clients n'abandonnent pas
leurs consommations. Tu peux les envoyer dans le stationnement, mais ils vont
devoir y aller avec leurs
consommations, et ça, les policiers surveillent ça. Tu n'as pas le droit d'être
dans le stationnement avec ta consommation. Ça va prendre un... excusez,
ça va prendre un autre watcheur pour watcher ça aussi, là.
Mme Soucy :
Non, mais, si on enlève votre présomption de culpabilité, là...
Mme Gagnon (Lise) : Oui, mais il va descendre avec son verre en dehors de la terrasse, puis
il va être dans le stationnement puis il n'a pas le droit d'avoir sa
consommation dans le stationnement. Ça fait que la police passe.
Mme
Soucy : Il y a
une question aussi de responsabilité personnelle, je veux dire, il faut qu'il finisse
son verre avant de sortir dehors.
Une voix :
Ça ne marche pas de même.
M. Hamel (Olivier) : Écoutez, l'année dernière, on disait qu'on voulait fermer
les bars à six heures du matin pour ne
pas que le monde sorte tous dehors en
même temps. Mais tout le monde comprend qu'à chaque fois qu'il y a un client qui n'est pas dans le bar mais qui se tient dans
le parking, ça cause des problèmes.
On ne peut pas chercher à vouloir ça, là. Les jeunes vont continuer... Moi, je suis un établissement qu'il y a
beaucoup de jeunes. Ils vont continuer à vouloir sortir dans des bars, aller s'amuser, jouer au billard,
mais, à chaque fois qu'on a 25, 30 clients qui sont à l'extérieur, bien là ça
devient compliqué à gérer.
Mme
Soucy : Tu sais, parce que, si je prends, là... Est-ce que certains de
vos membres voudraient revenir en arrière puis permettre de fumer à
l'intérieur des bars, par exemple?
Des voix :
Non.
Mme
Soucy : Alors, l'interdiction de fumer à l'intérieur des bars s'est
avérée positive, parce qu'au début vous étiez réticents, là, à cette
législation-là.
M.
Beauchamp (Jean-Jacques) : Actuellement, là, c'est le neuf mètres
puis la question d'avoir une possibilité de faire un abri extérieur pour que les fumeurs, qu'on souhaite de moins
en moins nombreux dans les prochaines années, puissent au moins aller là où ça peut être contrôlé et qu'on protège la
majorité de la population, qu'on nous autorise un certain pourcentage de superficie sur nos terrasses
et déterminer, avec les membres, avec les intervenants, là, le
ministère, etc., qu'on puisse s'accommoder...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, ceci met fin à votre
présentation. Merci donc aux représentantes, représentants de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et
tavernes du Québec. Je demande aux représentants de l'Association
canadienne du vapotage de bien vouloir s'avancer.
Nous suspendons
quelques instants.
(Suspension de la séance à
17 h 58)
(Reprise à 18 h 3)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre s'il vous plaît! Nous
accueillons maintenant les représentants de l'Association canadienne du
vapotage. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous
disposez d'une période de présentation — votre présentation — de 10 minutes. Par la suite, vous aurez
un échange avec les parlementaires.
Je vous demanderais, pour des fins d'enregistrement, de bien vouloir vous
nommer, de préciser vos fonctions, et par la suite vous avez, donc,
10 minutes. La parole est à vous.
Association canadienne du vapotage
M. Lakhani
(Beju) : Thank you. Mr. Chairman, through you, my name is Beju
Lakhani, I'm the president
of the Canadian Vaping Association. On behalf of the
Canadian Vaping Association as the sole representative of the vaping industry in Canada, I want to thank you for the
opportunity to present today on Bill 44, An act to bolster tobacco
control.
I'll
introduce myself again, I'm the president of the Canadian Vaping Association
and founder and CEO of Evolution Cigarettes Incorporated, a federal corporation
based in Mississauga, Ontario. My company manufactures e-liquids for use in personal vaporizers. Here with me today is fellow
board member of the Canadian Vaping Association Mr. Daniel Marien and owner of the banner La Vape Shop in Québec
and Mr. Julien-Pierre Maltais, a member of the CVA and general
manager of Vaporus.
We
have submitted a formal report for the Committee's consideration and we want to
take the allotted time to emphasize some of the points in our submission and, at the same time,
provide this Committee with more information about our organization.
The
Canadian Vaping Association is a national non-profit organization that was
formed in late 2014 to represent the vaping industry throughout Canada. In
partnership with the Electronic Cigarette Trade Association, we also provide a self-regulatory framework for this industry. These regulations
range from mandatory e-liquid testing, appropriate labelling, child-resistant bottles and restrictions to minors, amongst
others. These self-imposed regulations have been in place since late
2011, and membership pay to participate, indicating our industry's desire for
appropriate regulation. I would respectfully
assert that our membership has taken substantial risks to pursue a mission very
much aligned with yours : to provide healthier choices and to move
towards a smoke-free Québec.
We have also been taking part
in the Ontario public hearings on this issue initiated earlier this year and
are working in conjunction with several legislative authorities in this regard,
including Manitoba and British Columbia. We
also have an ongoing discussion with members of the federal Government, and
therefore we view ourselves as a valid partner for legislators to
properly address these matters.
Now,
I will turn it over to Mr. Marien and Mr. Maltais, who will state our
position in French. We look forward to an exchange afterwards. I'll be happy to
contribute in English, as you would not understand my French anyway. So thank you.
M. Marien
(Daniel) : Bonjour, je
m'appelle Daniel Marien, je suis un des propriétaires de La Vape Shop, une
bannière au Québec. Je suis aussi un des
«board members» de CVA pour notre organisation. Ça fait que merci, M. le
Président. Depuis 2010, l'industrie
du vapotage est en constante croissance, ce qui représente des centaines
d'employés et plusieurs milliers de clients, générant environ 50
millions de dollars de revenus pour le gouvernement. Le nombre de points de vente au Québec est estimé à plus de 183. La
croissance de l'industrie du vapotage au Canada n'est pas le résultat des
campagnes médiatiques ou publicitaires
coûteuses menées par les compagnies de tabac. Dans les faits, cette croissance
est plutôt le résultat direct de la grande
demande pour ces produits chez les fumeurs. Je vous rappelle qu'il y a plus de
1,5 million de fumeurs au Québec. La grande
majorité des propriétaires de magasin sont d'anciens fumeurs qui, comme moi, ont arrêté de fumer pour vapoter. Ils ont
fait le choix d'une alternative plus saine lorsqu'ils ont compris tout le
potentiel qui réside dans cette
technologie et le principal bénéfice qui en découle, c'est-à-dire le vapotage
est une alternative plus santé que fumer la cigarette.
Des études
scientifiques et médicales qui appuient nos affirmations sont incluses en
annexe dans le mémoire que vous avez
en votre possession. En résumé, les études titrent les conclusions
suivantes : vapoter est au moins 95 % plus santé que fumer la cigarette et ne cause
pratiquement aucun effet secondaire; la majorité des vapoteurs sont d'anciens
fumeurs; la cigarette électronique développe moins de dépendance que la
cigarette composée de tabac.
Comme la
grande majorité de nos estimés collègues de l'industrie, nous croyons que le
vapotage est une alternative pour
contrer l'usage de la cigarette traditionnelle. C'est pour cela que nous
croyons que le projet de loi n° 44 propose une définition erronée
de ce qui constitue le tabac. Nous avons été très étonnés, lorsque nous avons
pris connaissance de l'article 1 et de
l'article 1.1 du projet de loi, de constater que vapoter, dorénavant,
équivaudrait à fumer la cigarette. M. le Président, cela semble contredire la position du ministre de la Santé et
des Services sociaux, Gaétan Barrette, qui a affirmé qu'il considérait
la cigarette électronique comme étant une alternative efficace pour cesser de
fumer.
À maints égards, le gouvernement québécois a été
un modèle pour plusieurs pays quant à l'implantation des mesures antitabac efficaces afin de réduire
l'impact néfaste du tabagisme. Une fois de plus, le Québec a l'occasion d'agir
à titre de précurseur en s'assurant que les fumeurs d'âge adulte ont accès à
des produits alternatifs qui réduisent les risques de problèmes de santé
causés par le tabac.
Nous appuyons les principes du projet de loi n°
44 et accueillons avec enthousiasme une réglementation gouvernementale dans ce marché. Cependant, nous croyons que l'objectif
ultime est de maximiser les gains pour la santé et d'en minimiser les risques. Nous jugeons que le projet de loi dans sa
forme actuelle aurait un impact négatif majeur sur l'industrie en
croissance, par conséquent nuira aux adultes qui sont à la recherche d'une
option pour cesser de fumer. Nous insistons
sur le fait que les atomiseurs personnels et les cigarettes électroniques ne
sont pas des produits de tabac, mais des alternatives à la cigarette, et
c'est pour cette raison qu'ils doivent être définis et réglementés
différemment, vraisemblablement sur une loi
commerciale ou manufacturière. Nous sommes d'accord que la vente doit être
interdite aux mineurs, que les
restrictions du vapotage à l'intérieur sont inévitables. Nous croyons également
que la promotion et la publicisation de vapotage comme étant un style de
vie branché n'est pas appropriée.
Alors, bien
que nous soyons en accord avec l'esprit du projet de loi n° 44, nous
prions la commission de considérer les
amendements spécifiques suivants :
autoriser le vapotage à l'intérieur dans les lieux interdits aux mineurs;
permettre aux commerçants qui
interdisent l'accès aux mineurs de faire l'étalage de leurs produits et
marchandises pour que les clients puissent
en faire l'essai en magasin; permettre aux commerçants qui interdisent l'accès
aux mineurs de faire la promotion de leurs produits à l'intérieur même
de leurs boutiques.
Je cède maintenant la parole à M. Maltais.
• (18 h 10) •
M. Maltais (Julien-Pierre) : Bonjour,
M. le Président. Mon nom est Julien-Pierre Maltais, je suis directeur des opérations pour la compagnie Les magasins
Vaporus inc. M. le Président, nous croyons que les amendements que M. Marien vient de mentionner auront pour effet
spécifiquement d'éviter que les mineurs aient accès aux produits auprès des détaillants et d'assurer qu'ils ne soient pas
exposés au vapotage dans les lieux publics qui leur sont accessibles. Quant
aux fumeurs adultes, ils bénéficieront d'un
meilleur accès à l'information, ce qui peut grandement influencer lors d'une
prise de décision quant au choix d'une
méthode pour cesser de fumer. Ces amendements enverraient le message que
vapoter est plus sain que fumer la
cigarette et éviterait ainsi d'assujettir ceux qui ont fait un choix santé à la
fumée secondaire de la cigarette.
Rappelez-vous, M. le
Président, que la technologie de notre industrie a fait des pas de géant depuis
qu'elle a été mise sur le marché.
D'ailleurs, la CVA collabore avec le Conseil canadien des normes sur une
proposition de mise en place d'une
commission technique pour créer une norme ISO sur les produits dont se servent
les vapoteurs. Cette norme établirait des règles de sécurité et une
méthodologie de tests, et ce, afin d'en sécuriser l'utilisation. Les études et
les recherches réalisées par le corps
médical au Québec, entre autres par les Drs Ostiguy et Juneau, et à travers le
monde ont démystifié le mythe qui
perdurait dans les médias sur ce qui entoure la cigarette électronique et le
vapotage. D'ailleurs, la technologie
ne cesse de s'améliorer de jour en jour. Cette quête constante de projets... de
progrès, pardon, se reflète dans une
toute nouvelle technologie avec brevet mise au point par une compagnie des
Pays-Bas qui permet d'éviter les coups
secs — communément
appelés «dry hits» dans l'industrie — les brûlures, la surchauffe et les vapeurs
potentiellement toxiques que sont susceptibles de causer les dispositifs
de vapotage de moindre qualité.
Finalement, l'Association
canadienne du vapotage est en accord avec le fait qu'une réglementation est
nécessaire et fait que sa mission... de travailler avec le gouvernement
pour améliorer le projet de loi n° 44. Néanmoins, nous invitons la commission à consulter rigoureusement
les membres de l'industrie du vapotage en ce qui concerne le projet de
loi n° 44 et ses amendements.
Donc, nous recommandons à la
commission d'attendre que le Conseil canadien des normes formule des standards
ainsi que des règles de sécurité et... s'appuie sur les conclusions des recherches
et des études de cas avant de réguler l'industrie.
Nous croyons que la loi antitabac en vigueur est efficace, puisque nous
constatons une nette régression de la proportion
de fumeurs au Québec au cours des dernières années. Cependant, nous estimons
que le gouvernement a une occasion d'exploiter les effets positifs du
vapotage dans une perspective de santé publique et surtout d'éviter que le marché du vapotage devienne clandestin. Cette
perspective est à envisager si le projet de loi n° 44 est adopté dans sa
forme actuelle.
Je vous remercie de votre attention, au nom de
la CVA. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je cède
maintenant la parole à Mme la ministre pour un premier bloc d'échange
d'une durée maximale de 23 min 30 s.
Mme
Charlebois : Merci,
M. le Président. Alors, monsieur... Je ne veux pas prononcer incorrectement
votre nom. On dit «Lakhani»? Comment on prononce votre nom?
M. Lakhani (Beju) : It's Beju
Lakhani.
Mme
Charlebois :
Lakhani?
M. Lakhani (Beju) : Yes.
Mme
Charlebois : O.K. M. Marien et M.
Maltais, merci d'être ici et de nous faire part de vos commentaires,
présentations.
Comme je le dis à tous les groupes,
sachez que tout ce qui est dit ici — et même il y en a qui déposent des mémoires
qui n'auront pas le privilège de venir en
commission parlementaire — tout va être lu et tout va être pris en considération avant de faire l'adoption de la loi. Évidemment,
on est en étape de consultation, ce n'est pas pour rien; c'est pour entendre et
c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Je vous ai entendu parler de collaboration, M. Marien, oui, avec
les cigarettiers. Est-ce que vous avez...
Une voix : ...
Mme
Charlebois : Bien,
je vous ai entendu dire ça dans le début de votre présentation.
M. Marien (Daniel) : Je n'ai pas
parlé de collaboration avec les cigarettiers.
M. Maltais (Julien-Pierre) : Ce que M. Marien a
mentionné, c'est que la popularité...
M. Marien
(Daniel) : Ah! ce que je
disais, c'est au niveau de la promotion. C'est que la popularité de la
cigarette électronique actuellement
au Québec ne découle pas d'aucune publicité comme les compagnies de tabac vont
faire pour mousser la popularité de
leurs produits, elle découle plus simplement de l'utilisation, des résultats
que les gens ont entre eux puis de la façon exponentielle que ça s'en va
au public. Mais c'est vraiment du bouche à oreille.
Mme
Charlebois :
O.K., mais il n'y a pas de collaboration comme telle avec...
M. Marien (Daniel) : Non, vraiment
pas du tout.
Mme
Charlebois : Et
non plus avec l'industrie du tabac?
M. Marien (Daniel) : Non.
Mme
Charlebois : Parmi
vous autres, là, il n'y a personne qui est relié à l'industrie du tabac.
M. Marien
(Daniel) : Non, il n'y a
personne, à ma connaissance, qui est relié avec l'industrie du tabac. On est...
M.
Lakhani (Beju) : I
should say just as forcefully as I possibly can that our organization, the CVA, is fundamentally anti-tobacco across the board. We do
not have tobacco as our members, there is no ownership by tobacco companies. Most of us, including myself, are former smokers and
want nothing to do with tobacco.
Mme
Charlebois :
...j'ai compris, vous êtes des anciens fumeurs, mais vous êtes devenus des
vapoteurs. M. Marien, ça fait combien de temps que vous vapotez?
M. Marien (Daniel) : ...quatre ans.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous avez l'intention, ultimement, d'arrêter de fumer ou de vapoter?
M. Marien
(Daniel) : Bien, ma perception de vapoter? Ce n'est pas fumer. On
utilise un produit qui n'a pas les 4 200 produits chimiques qui se
trouvent dans une cigarette. Puis personnellement, moi, dans ce que j'utilise
comme liquides, il n'y a pratiquement plus de nicotine à l'intérieur, donc...
Mme
Charlebois : ...
M. Marien
(Daniel) : Oui. Je vous
dirais qu'il y a l'équivalent peut-être de ce que je fumerais dans deux
cigarettes dans une journée en nicotine, contrairement aux 50 que je
fumais avant, voilà quatre ans.
Mme
Charlebois :
C'est une nette amélioration, mais il y a encore une dépendance, vous convenez
de ça avec moi?
M. Marien
(Daniel) : Oui, oui. Je dirais, il y a des journées que je n'utilise
aucune nicotine non plus dans mes liquides.
Ça peut dépendre du niveau de stress. C'est un peu comme quelqu'un qui mange sa
palette de chocolat : parce qu'il est très nerveux, il a besoin de
sucre.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous avez... Parce que vous avez parlé d'études scientifiques, et,
honnêtement, pour ma connaissance, il
n'y a pas d'étude qui nous fait preuve de rien de long terme. Les études que
vous relatez, c'est toujours des
affaires à court terme, ça fait qu'on n'a pas les conséquences. Je comprends
puis je sais... puis je l'ai entendu, puis j'ai rencontré le Dr Ostiguy,
là, je sais qu'il y a des gens qui arrêtent de fumer avec ça.
M. Marien
(Daniel) : Bien, ce serait très difficile de donner un exemple, une
étude basés sur les 20 dernières années parce que ça n'existait pas,
tout simplement. Donc, si on prend les études qu'on a — on a
plusieurs études qu'on a annexées — les études qu'on a sont les études les plus
à jour qu'on peut avoir, parce que, une étude qui daterait de 2001, la
cigarette électronique n'existait pas à ce point-là. Donc, les études qui sont
démontrées en ce moment sont les plus à jour qu'on peut avoir puis elles sont
généralement très positives.
Mme
Charlebois :
Compte tenu des connaissances qu'on a en ce moment, est-ce que vous êtes à
l'aise avec le fait qu'on interdise le vapotage aux mineurs?
M. Marien
(Daniel) : Bien, le vapotage doit être interdit aux mineurs, et c'est
ce que CVA, on dit comme point.
Mme
Charlebois : Au
même titre que la cigarette?
M. Marien
(Daniel) : Bien, au même titre que la cigarette, oui. Que ça soit avec
ou sans nicotine, ce n'est pas quelque
chose que, comme organisation, on préconise de vendre aux jeunes. Puis tous les
commerçants que je connais qui ont
des businesses qui sont standard, si on dirait, demandent les cartes d'identité
à l'entrée de leurs établissements, même
si pour l'instant ce n'est pas une loi. Nous, depuis quatre ans, on n'a jamais
vendu à un mineur. Puis chaque mineur qui
traverse la porte est mis à l'extérieur puis est carté s'il n'a pas l'air
d'avoir 25 ans et plus, comme dans un dépanneur.
Mme
Charlebois :
Je comprends votre malaise d'être associé à des produits du tabac, je vous ai
entendu dire ça tantôt, là, je l'ai
entendu. Mais, en fait, ce qu'on veut vous dire, c'est qu'on veut l'encadrer,
la consommation de cigarette électronique. C'est ce qui est un peu stipulé dans
le projet de loi. Là, vous me dites que vous êtes à l'aise avec la non-consommation des mineurs. Est-ce que vous êtes
à l'aise... comme ici, là, est-ce que vous seriez à l'aise de voir du
monde vapoter ou si on pourrait considérer que ça ne fait pas plus de sens que
de fumer?
M. Marien
(Daniel) : Bien, au niveau de fumer en public, l'effet négatif de
fumer en public, c'est qu'il y a une fumée
secondaire pour les gens alentour de nous, il y a aussi l'effet que les gens
vont recevoir notre fumée... pas au niveau du point de vue santé, mais, au niveau du point de vue visuel, que ça
peut être dérangeant. Donc, dans un restaurant, si je suis en train de manger
un steak en famille puis que je ne vapote pas, que quelqu'un envoie ça vers ma
table, ça pourrait me déranger. Donc, ce que nous, on préconise, c'est
que les endroits qui sont 18 ans et plus, comme les boutiques de cigarettes
électroniques, aient le droit d'utiliser la cigarette électronique à
l'intérieur.
Mme
Charlebois :
Qu'est-ce que vous faites des... je ne sais pas, moi, des restaurants, où on
peut aller avec notre famille, des
clubs de golf, puis tout ça, là? Là, on l'interdirait puis ailleurs on ne
l'interdit pas? Comme tantôt, on avait les tenanciers de bar, là. On pourrait
laisser le vapotage à l'intérieur, mais, par contre, sur une terrasse de
restaurant, on va l'interdire?
M. Marien
(Daniel) : Bien c'est sûr que c'est un... comment est-ce qu'on appelle...
un «framework» à faire. Je ne peux pas vraiment le dire. Moi, je ferais ça
comme ça. Mais c'est surtout au niveau des boutiques. Au niveau des boutiques, on a une éducation à faire avec nos
clients, donc. Les gens qui viennent en boutique, dans nos magasins, ils
vont traverser les portes, bien souvent, avec zéro connaissance de ce qu'est
une cigarette électronique, ils vont...
Mme
Charlebois : ...
M. Marien (Daniel) : Oui?
Mme
Charlebois : Je
vous ai coupé. Excusez-moi.
• (18 h 20) •
M. Marien
(Daniel) : Ils vont avoir vu
un petit modèle, dans un dépanneur, qu'on achète, on retire de l'emballage
puis qu'on utilise directement en tirant
comme sur une cigarette, mais 90 % de tout ce qui est vendu, ce n'est pas ça
que les gens utilisent. Donc, à ce moment-là, on se doit, comme
tenanciers d'établissement, de donner l'indication propre à la personne qui vient. Je vais donner un
exemple : on pourrait envoyer quelqu'un voir un lien sur YouTube,
mais il y a certaines personnes qui
sont plus âgées qui n'ont pas d'ordinateur, qui n'ont pas accès à YouTube,
qui ne connaissent pas ça, on doit
leur montrer de A à Z comment ça fonctionne, parce qu'il faut l'ouvrir, mettre
le liquide à l'intérieur, remplacer l'élément. Ça fait que c'est une
éducation qu'on a à faire avec nos clients, c'est très important.
Mme
Charlebois : Si je vous disais...
Parce que, ce que je comprends, puis, à moins que je ne comprenne pas bien, là, vous me corrigerez, ce que je
comprends : que vous êtes d'accord avec l'ensemble de la réglementation,
sauf pour l'intérieur des boutiques
où se vendent les cigarettes électroniques. Vous souhaiteriez que les gens
puissent l'utiliser pour au moins l'essayer.
M.
Lakhani (Beju) : Yes, I can answer that one. I
think that what we've come here to ask for today is an appropriate regulation
which would mean adult-only spaces should be left up to the individual business
to decide. That's taking into consideration some of your early points about
long-term studies despite the fact that there is actually quite a substantial
body of evidence around secondhand vapor that already exists, showing that it's
virtually harmless. We still acknowledge
that there is a process here for long-term studies to come in, and that's the
accommodation we're looking for, it's
the idea that adults should be allowed to make that decision within spaces in
which only adults are present, and businesses
should be allowed to make that decision as well. So, that's the official CVA
position on where e-cigarettes or vaping should be allowed.
Mme
Charlebois :
Pour avoir discuté avec des propriétaires de restaurants, bon, etc., selon ce
qu'on me dit, c'est que ça devient complexe d'identifier quelqu'un qui fume,
quelqu'un qui vapote, tu sais, quand tu es dans le lot d'activités de restauration ou tout autre, puis de commencer à
dire : O.K., toi, tu as le droit, toi, tu n'as pas le droit, O.K.? Puis il y en a, vous le savez, des petites
vapoteuses, là... pas ce que vous vendez, vous autres, mais il y a des petites
affaires, là, dans un petit paquet qui...
Une voix :
...
Mme
Charlebois : Exact. Ça fait que
c'est là où je vous dis que peut-être un encadrement, sauf pour les boutiques, tu sais... Parce que le but n'est pas
de l'interdire, la cigarette électronique. C'est plutôt d'encadrer la pratique
au même titre que la cigarette et faciliter
l'application de la réglementation, parce que, si on fait un règlement puis on
n'est pas capable de l'appliquer, c'est aussi pire que de ne pas en
faire, à mon avis.
Alors, il ne faut pas
empêcher les gens d'avoir accès, mais il faut quand même... Parce que, c'est
vrai, il y a des gens qui réussissent
à arrêter de fumer avec ça. Il y en a qui vapotent pendant longtemps. Il y en a
d'autres que j'ai même vus... Pendant
l'été, je n'ai fait que ça pendant mes vacances, parler du tabac. Tout le monde
m'en parlait, tout le monde m'a parlé de vapotage, tout le monde. C'était
comme si c'était écrit dans mon visage, là, pendant toutes mes vacances.
Alors, j'ai rencontré des gens qui faisaient
toutes sortes de choses. Je l'ai dit à plusieurs reprises aujourd'hui. Il y en
a qui ont arrêté de fumer avec ça, il
y en a d'autres qui vapotent, comme vous, depuis longtemps puis qui ne pensent
pas d'arrêter puis il y en a d'autres
pour qui le vapotage est comme une soupape parce que, dès qu'ils sortent d'un établissement...
Parce qu'en ce moment ce n'est pas réglementé. Quand ça va le devenir,
réglementé, j'ai hâte de voir ce qu'ils vont
faire. Mais ils vapotent en dedans puis ils fument dehors, ça fait que, là, il
y a comme un autre impact. Mais ce n'est pas tout le monde qui fait ça,
là. Je veux dire, je ne veux pas le généraliser parce que...
M. Marien
(Daniel) : ...c'est un petit pourcentage de la clientèle.
Mme
Charlebois : Oui, puis je ne
veux pas généraliser parce que je n'ai pas les statistiques officielles
là-dessus. Puis, ce que j'entends
surtout des médecins, de votre association, c'est pour permettre aux gens
d'utiliser ça pour ne plus fumer. Alors, je ne pense pas que
l'encadrement va faire en sorte que ça va empêcher les gens d'utiliser les
cigarettes électroniques. Vous parlez ici à une ex-fumeuse, là, j'ai arrêté,
moi, de fumer.
Une voix :
Moi aussi.
Mme
Charlebois : Bon. Ça fait que,
si ça a été possible pour moi qui étais une bonne fumeuse... Puis je ne suis
pas meilleure que l'ensemble de la
population, là, ça a été difficile, je ne m'en cache pas, mais j'ai réussi.
Mais, si ça a été possible, c'est
possible pour d'autres. Ceux qui veulent vraiment arrêter de fumer, ce n'est
pas le fait qu'on va encadrer la cigarette
électronique, je pense — et, vous me corrigerez, je veux vous entendre là-dessus — qui va faire en sorte que, si tu veux
t'en servir pour pouvoir arrêter de fumer, bien, tu vas pouvoir le faire, mais
tu sais qu'il y a un encadrement réglementaire, que tu ne peux pas utiliser ça
partout. Est-ce que vous êtes d'accord avec ma prémisse?
M. Marien (Daniel) : Bien, qu'on ne peut pas
l'utiliser partout, oui, parce qu'il y a des endroits... C'est comme je
disais tantôt, c'est au niveau des endroits majeurs. Je me vois très mal
utiliser une cigarette électronique dans un McDonald's
rempli d'enfants, mais, dans un club de pool, pour jouer au billard, je me vois
plus utiliser ça là. Mais là, encore là, c'est une question de
perspective puis c'est une question de la façon que ça serait encadré. J.-P.?
M. Maltais (Julien-Pierre) : Oui,
définitivement. Donc, il y a certains endroits qui peut-être vont se prévaloir
d'un droit de dire que, non, ils refusent
les gens avec des cigarettes électroniques, ils refusent que les gens utilisent
leurs cigarettes électroniques à
l'intérieur. Je crois que c'est leur droit. Si un établissement interdit les gens
d'entrer avec une tuque ou un couvre-chef quelconque, le choix est à la
personne de le retirer ou d'aller dans un autre endroit.
Je réitère la position de M.
Marien sur le fait que l'encadrement qu'on peut offrir en boutique est
excessivement important. Il y a une
multitude de modèles qui sont disponibles, il y a beaucoup de réservoirs et de
trucs comme ça, donc, l'industrie a
beaucoup évolué dans les dernières années. C'est important que des magasins
puissent l'expliquer aux gens devant
eux, donc pas simplement quelqu'un qui rentre qui dit : Je souhaiterais
passer à la cigarette électronique, confie de l'argent au magasin, le magasin leur donne un produit, puis les gens
doivent aller sur YouTube, comme disait M. Marien, pour trouver
comment ça fonctionne.
Mme
Charlebois :
...d'enfants, tout ça, là. C'est ce que vous suggérez, là?
M.
Maltais (Julien-Pierre) : Tout à fait, tout à fait. 18 ans et plus,
toujours. Puis, comme M. Marien disait, l'industrie s'est un peu autorégulée en ce sens que, comme il
disait, la plupart des magasins que je connais... en fait, tous vont demander
les cartes aux gens. Ça, ça ne vient pas d'une directive gouvernementale, c'est
simplement nous qui trouvons que ça tombe sous le gros bon sens de
demander aux gens une pièce d'identité lorsqu'ils entrent en boutique.
M. Lakhani (Beju) : ...to that. The Canadian Vaping Association proactively instituted
rules that forbid any member from selling
any of these products to minors. In fact, all members of the Canadian Vaping
Association must have a published
sign on the window of the store forbidding entry to minors. The Electronic
Cigarette Trade Association has similar
rules in place since 2011. Many companies, including my own company, are
members of both associations and have been self-regulating in this
fashion for some time.
Mme
Charlebois : Bravo! Mais ce n'est pas tout le monde qui l'a,
alors c'est pour ça qu'on va devoir réglementer. Là, je m'entendais en
écho, c'est...
M. Marien (Daniel) : ...c'est ça
qu'on veut, justement, que l'industrie soit réglementée, pour qu'on puisse
continuer d'avoir des businesses qui
sont florissantes.
Tantôt, je parlais,
rapidement, au niveau de l'éducation d'un client. Je voulais juste vous montrer
deux choses différentes vu que vous
n'êtes peut-être pas tous familiarisés avec qu'est-ce que c'est, une cigarette
électronique. Je ne l'utiliserai pas,
mais ça, c'est un modèle que vous avez sûrement tous vu, généralement, c'est un
modèle qui est assez générique. Il y
a une façon de le remplir à l'intérieur, il y a un élément qu'il faut changer
de façon périodique pour ne pas qu'il
y ait de dépôts à l'intérieur qui finissent par avoir un mauvais goût puis qui
peuvent produire des choses qui sont néfastes
s'ils restent là. Puis il y a des modèles qui sont beaucoup plus gros qui vont
être un modèle comme celui-là, ici, que j'ai apporté juste pour le montrer. C'est la
même chose, mais c'est deux fonctionnements qui sont complètement séparés.
Puis je ne serais pas à l'aise d'envoyer qui
que ce soit à la maison avec une unité comme ça en l'ayant vendue sans qu'il
ait l'explication appropriée.
Celui-là ici, c'est un petit
chargeur qu'on branche. Quand c'est chargé, c'est terminé. Celui-là, il
fonctionne avec trois batteries
différentes qu'on met sur un chargeur. Les batteries doivent être chargées
d'une certaine façon, doivent être
manipulées, entretenues d'une certaine façon. Donc, c'est très important que ça
soit bien expliqué au niveau, bien, de la sécurité surtout de
l'utilisateur.
Mme
Charlebois : Qu'est-ce
que vous pensez des cigarettes électroniques à 10 $ qui sont vendues dans
les dépanneurs?
M. Marien
(Daniel) : Bien, les cigarettes électroniques de dépanneur, on a tous,
dans l'industrie, la même opinion là-dessus.
On va regarder sur un emballage que c'est écrit «1 200 poffes», mais,
étant une ancienne fumeuse, vous le savez, que quelqu'un peut prendre
une poffe d'une demi-seconde sur une cigarette ou peut prendre une poffe, bien
fâché, de 4,5 secondes. Donc, c'est
1 200 poffes de combien? Puis qu'est-ce qui arrive, c'est que... Si on
regarde une cigarette électronique, on
a un réservoir, on voit le niveau de liquide à l'intérieur. Dans les jetables
de dépanneur, il n'y a pas de réservoir, ils arrêtent de fonctionner
quand ils sont à sec. Donc, c'est quelque chose qui...
M.
Lakhani (Beju) : Yes, I can also speak about some of the differences
there with the c-store products. You know, we're of the opinion that however you start
your journey to move away from tobacco, it's up to you. I think it's a great thing no matter what you do. What we have
found, however, is that many of the more complicated devices that you
see being sold in specific vape shops are actually more effective. So,
actually, again, it's similar to my story. I started with one of those devices. Like, I moved to this device because I found
that it was more effective. And that's where the education really comes in, because the 10-dollar device anyone can pick
up and use, but, you know, if you are committed to getting off of
cigarettes, you're probably going to need something a little bit better.
• (18 h 30) •
Mme
Charlebois : Deux petites questions. J'en ai une qui
concerne... J'en ai une que j'ai perdue, mais elle va revenir pendant que je vais vous poser celle-là.
Vous savez que les experts de l'Organisation mondiale de la santé et le Surgeon General des États-Unis mettent en garde la
population sur les risques à la santé liés à la nicotine elle-même
pour les enfants, les adolescents
mais également pour les foetus et les femmes enceintes. Comment
vous pouvez nous recommander l'usage
de la cigarette électronique? Comment vous pouvez faire en sorte qu'on puisse permettre ça? Vous nous recommandez de la permettre
dans les lieux publics, alors que les personnes dont je viens de vous faire
mention sont à risque, selon l'Organisation mondiale de la santé.
M. Lakhani (Beju) : Well, I can answer that. There is two
parts to that. So, the first part is whether or not those people should use e-cigarettes
at all, and the answer is clearly no. If you look at any active member right
now, you'll see very clearly there is
a warning label saying that pregnant women should not use these products. It's
on my product. With respect to public
places, I think the message we're making quite clear here is that we want
adult-only spaces to be allowed, and then people should be able to make
a choice. So, hence, there won't be any children in that space.
And,
secondarily, I think it's important to look at what secondhand vapor is actually producing in terms of nicotine exposure. Those are important numbers to look at. And the studies that we've
done and some of the information that we're providing in our follow-up will show that the
secondhand exposure to nicotine in the by-product of someone vaping close
by is virtually zero, certainly not enough to pose any kind of health hazard to
anyone of those groups that you just cited. So, we're still saying adult-only spaces, but, you
know, the secondhand-vapor question really
doesn't drive us towards any sort of risk. That's
an important point.
Mme
Charlebois : Bien, il commence à y avoir des études qui nous
permettent de penser que, oui, il y a certains produits
dans l'atmosphère, mais ce n'est pas en quantité énorme comme le tabac, je vous
le concède. Deux questions importantes, à mon sens, qui vous
concernent.
Les saveurs.
Vous savez que pour tout l'ensemble des produits du tabac on a interdit les saveurs, que ce soit dans les cigarettes, les
cigares, dans les chichas, etc., et aussi dans le tabac sans fumée. Le
vapotage, on l'a laissé, mais on s'est gardé
une porte ouverte dans la réglementation possible éventuelle si on s'aperçoit qu'il y a
une croissance des ventes chez les jeunes qui les amènent, par la suite,
vers le tabac.
M. Marien
(Daniel) : On n'est pas une industrie
de tabac, la première des choses, c'est que ce qu'on vend, ce n'est pas du tabac. Deuxième chose, il y a
des études qui ont paru en France, puis je vais laisser M. Maltais vous le dire,
parce que je crois qu'il est plus direct sur moi sur cette étude-là.
M. Maltais
(Julien-Pierre) : Bien, en
fait, il y a plusieurs études qui ont confirmé que les saveurs faisaient
partie intégrante du processus de la cigarette électronique.
On va
remarquer beaucoup de gens qui vont commencer avec des saveurs assez
simples, des saveurs tabac, des saveurs
plutôt neutres. C'est souvent ce à quoi ils sont habitués. Donc, un fumeur qui
a fumé une vingtaine d'années, peu importe,
est habitué à un certain goût lorsqu'il a la dynamique de porter quelque chose à sa bouche et d'exhaler de la fumée ou de la vapeur. Ces gens, par
la suite, ont tendance à aller vers
différentes saveurs. La raison est, selon moi, assez simple : les papilles gustatives et le goût reviennent beaucoup lorsqu'on
arrête de fumer, tous les ex-fumeurs ici pourront en témoigner. Donc, plusieurs études ont relevé le fait que les saveurs étaient
excessivement importantes dans le processus. Et les saveurs n'ont pas de genre, n'ont pas de
sexe et n'ont pas d'âge. Des clients de 58 ans, dans la soixantaine peuvent
adorer la saveur à la fraise tout comme ils
peuvent adorer les saveurs menthol, melon, peu importe. Plusieurs
gens que je connais et des hommes de
grande stature vont utiliser des saveurs qui pourraient paraître un peu
sucrées. J'aime beaucoup le melon. Il y a plusieurs
gens que je connais qui aiment «des saveurs», comme les politiciens aiment bien
les appeler habituellement. Ces saveurs-là, nous ne les voyons pas comme
étant une menace ou une manière d'amener les jeunes vers le vapotage.
Mme
Charlebois : ...je
vous mentionnais, c'est... je ne dis pas que c'est automatiquement ça qui va arriver, mais, si
on s'aperçoit que ça devait arriver, qu'ils s'initient à la cigarette
électronique avec saveur et nicotine — parce que, même s'il n'y en a pas dans l'air, la nicotine crée une dépendance, ça, c'est inévitable — si
on vient qu'à s'apercevoir dans un an, dans
deux ans... parce que vous savez qu'on ouvre la loi à tous les cinq ans
seulement, si on s'aperçoit que les statistiques, la prévalence au tabac augmente chez les jeunes parce qu'ils ont commencé par la... ça ne va pas se bâtir en six mois, ça, cette statistique-là, là. Ce que je veux vous dire, c'est que, si
ça arrivait, on pourra réglementer, mais pour l'instant on laisse les saveurs là pour permettre aux gens
d'utiliser vos produits pour en venir à une cessation de tabagisme. Vous êtes à
l'aise avec ça?
M.
Marien (Daniel) : Au niveau
des saveurs, il n'y a pas un utilisateur de cigarette électronique qui
n'a jamais fumé, O.K.? On s'entend que le pourcentage de gens qui
utilisent la e-cig puis qui n'étaient pas fumeurs au départ est très moindre. Mais quelqu'un qui n'a jamais
fumé et utiliserait une cigarette électronique ne sera pas tenté à aller vers
une cigarette, parce qu'une cigarette,
pour tous ceux qui ont déjà fumé une cigarette, qui ont déjà été fumeurs, ça
n'a pas un goût extraordinaire. Donc,
quelqu'un qui n'était pas fumeur puis qui utilise une cigarette électronique de
façon récréative, sans nicotine peut-être bien, ne va jamais tomber dans
le goût de «je vais aller fumer une cigarette», parce qu'il n'y a personne ici
qui mangerait un gâteau au tabac. Ça fait que ces gens-là vont venir, ils ne
vont pas utiliser une cigarette électronique
avec des saveurs de tabac, ils vont vouloir une saveur de gâteau, une saveur
de... écoutez, il y en a tellement, des
saveurs, piña colada... nommez-les. Donc, ils ne seront jamais attirés par un
goût de tabac, parce que ce n'est pas ça que ces gens-là recherchent du
tout. Ce n'est vraiment pas un «gateway» vers la cigarette.
Mme
Charlebois : Puissiez-vous dire vrai. Alors, on n'aura
jamais besoin de réglementer si tel est le cas. Puis, concernant les
lieux publics, je veux juste vous dire qu'au-delà des études scientifiques ma
préoccupation, c'est la renormalisation du geste de fumer. C'est un peu ça
aussi pourquoi on réglemente.
Maintenant, la
promotion...
Le Président (M.
Tanguay) : 10 secondes.
Mme
Charlebois : 10 secondes? Je veux vous parler de promotion.
Dans les boutiques, si on laisse l'affichage de l'intérieur seulement
pour les boutiques spécialisées, seriez-vous à l'aise avec ça?
M. Marien
(Daniel) : Ça prend l'affiche extérieure qui dit...
Mme
Charlebois :
...ne voit pas de l'extérieur.
M. Marien
(Daniel) : Non, mais l'affiche de la compagnie...
Mme
Charlebois : ...Vape shop je ne sais pas quoi, là, bien là
on sait qu'on s'en va... moi, je sais bien que je m'en irais dans une boutique de vapotage, mais, les
publicités, bref, les formats que vous avez, si on ne les voit que de
l'intérieur, êtes-vous à l'aise avec ça?
M. Lakhani (Beju) : We think that that's appropriate. What
is really important here is that persons over the age enjoy they are allowed to go into the shop and
have a relatively unfiltered shopping experience so that they can make the
right decision for them as they switch off
of cigarettes. That's really what we are pushing for with the in-store display.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant nous tourner vers
notre collègue de Rosemont pour une période de 14 minutes.
M.
Lisée : Oui. Bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
Welcome to the National Assembly. D'abord, je voudrais savoir... Ça évolue très, très rapidement. Au Québec, en ce
moment, votre évaluation, il y a combien de boutiques de vapotage?
M.
Marien (Daniel) : 183, au Québec,
qui sont des boutiques dédiées à la cigarette électronique, plus, bien, les
tabagies et tous les dépanneurs qui vendent
les modèles jetables maintenant en magasin. Mais, des magasins de cigarettes
électroniques, il y a 183 magasins, environ, différents.
M. Lisée :
Et de ceux-là quelle proportion sont membres de votre association?
M.
Marien (Daniel) : On a à peu près
une douzaine de bannières. Comme, un exemple, ma bannière, c'est plusieurs
magasins, la bannière que J.-P. travaille
pour, c'est plusieurs magasins. On a douze bannières qui sont avec CVA en ce moment.
M. Lisée : Douze bannières
qui regroupent, sur 183, quoi, la moitié, les deux tiers?
M. Marien (Daniel) : Ça serait dur à
dire exactement. Je dirais, un petit peu moins que la moitié.
M. Lisée : Moins que la
moitié.
M. Marien (Daniel) : Un petit peu
moins que la moitié.
M. Lisée : ...votre volonté,
c'est de recruter la quasi-totalité?
M. Marien (Daniel) : ...possible.
C'est qu'on était à l'ouverture de notre association, donc, on a fait une
restructuration pour les frais mensuels puis on croit avoir plus d'adhésions
très récemment, dans un court terme.
M. Lisée : Quel est l'intérêt
d'une boutique de s'associer à votre association?
M. Marien
(Daniel) : Bien, c'est pour aider justement à CVA à pouvoir
travailler, à engager les professionnels avec qui on travaille pour qu'on puisse avoir une législation qui est
juste et équitable pour notre industrie, le plus possible, dans les
provinces à travers le Canada au complet.
M. Maltais
(Julien-Pierre) : ...aussi. Selon moi, les gens qui, bon, se joignent
à une association comme CVA démontrent
clairement un intérêt dans le futur de la cigarette électronique. C'est sûr
qu'il y a beaucoup... comme M. Marien disait,
il y a beaucoup de tabagies qui décident d'inclure la cigarette électronique
dans leurs présentoirs. Il y a beaucoup d'autres magasins qui décident d'incorporer la «vape» dans les produits
qu'ils vendent. Le fait de se rallier derrière un groupe qui justement est entendu aujourd'hui à
l'Assemblée nationale démontre... les gens qui veulent venir nous rejoindre,
ça démontre vraiment qu'ils veulent un
avenir sain de la cigarette électronique, un avenir où il y a des régulations,
des régulations qui font du sens, des
régulations qui sont bonnes pour l'industrie et qui sont bonnes aussi pour les
consommateurs.
• (18 h 40) •
M. Lisée :
Quelle est, d'après vous, l'ampleur du problème des boutiques qui sont
illégales ou qui vendent à des
mineurs ou qui ne partagent pas votre éthique?
M. Maltais
(Julien-Pierre) : Selon moi,
c'est assez peu. Ces boutiques-là, si elles vont ouvrir, devraient fermer
sous peu. Donc, habituellement, c'est des boutiques qui ne portent
pas une grande attention aux clients ou à la qualité de leurs produits.
Comme M. Marien a précisé au début de la présentation, le succès de la
cigarette électronique, c'est simplement du
bouche à oreille. Il n'y a pas de publicité, il n'y a personne qui se paie des
montgolfières à l'effigie de leur bannière.
Donc, si le mot se passe qu'il y a une compagnie qui ne porte pas attention à
ses produits, ne porte pas attention à ses clients, cette compagnie-là
ne pourra simplement pas continuer d'exister passé une année, même pas.
M. Lisée :
Bon, on le sait, il y a une augmentation, donc, de la consommation via la
cigarette électronique, et les cigarettiers
investissent. Philip Morris, Reynolds, Imperial Tobacco investissent dans la
cigarette électronique. Pourquoi, selon vous?
M. Marien (Daniel) : Parce qu'on
leur enlève une grosse part de marché.
M. Lisée : Comment est-ce que
ça va modifier votre industrie, l'arrivée des cigarettiers?
M. Maltais
(Julien-Pierre) : Bien, c'est dur à dire, parce que ce n'est pas
quelque chose qui est arrivé encore.
Je vous
dirais que, pour l'instant, au niveau des businesses comme les nôtres, les gens
qui achètent leurs cigarettes au dépanneur de façon régulière à tous les
jours depuis les 25 dernières années... certaines de ces personnes-là vont essayer une cigarette électronique jetable, vont
apprécier leur expérience plus ou moins puis ils vont se dire : Je vais
aller voir un magasin de cigarettes
électroniques, je vais l'essayer. Il y a beaucoup de personnes qui vont rentrer
puis qui vont dire : J'ai acheté
ça, as-tu quelque chose de mieux? Puis, à ce moment-là, on a tous des stations
d'essai pour différents modèles. Pourquoi avoir à essayer? Parce qu'un
fumeur qui fume cinq cigarettes par jour puis un fumeur qui fume 45 cigarettes
par jour n'ont pas le même besoin en cigarette électronique. Il va avoir besoin
d'un modèle avec plus de batterie et plus de
performance pour pouvoir faire sa journée. Parce que l'idée, c'est que, une cigarette,
tu en as besoin d'une, bien moi,
j'ouvrais mon jacket puis j'en prenais une. Je n'en avais plus, je prenais le
paquet de plus qu'il y avait dans le
coffre à gants. Une cigarette électronique, il faut qu'il y ait assez de
courant pour faire sa journée pour que le fumeur ne soit pas tenté de
s'acheter un paquet de cigarettes.
M. Lisée :
Normalement, les cigarettes électroniques qui sont produites par les
cigarettiers vont être disponibles dans vos boutiques?
Une
voix : Non.
M. Lisée :
Non? Pourquoi pas?
M.
Maltais (Julien-Pierre) : Ce qu'on peut voir aux États-Unis en ce
moment sur, bon, certaines compagnies de
tabac qui semblent se lancer dans l'aventure de la cigarette électronique,
exemple, Mark Ten, que j'ai vue — j'étais aux États-Unis cette fin de semaine — ce sont de petits modèles, comme disait M.
Marien, des modèles «cigalike», qu'on appelle
dans l'industrie, donc qui ressemblent à une vraie cigarette, et ce ne sont pas
des modèles que des compagnies, disons,
comment dire... je ne dirais pas «sérieuses», mais, je dirais, qui veulent
répondre à plusieurs besoins, des besoins différents vont être portées à aller chercher. Le modèle que M. Marien a
montré auparavant est somme toute assez petit, assez discret, donc la plupart des gens iraient vers ce modèle-là plutôt
qu'une petite cigarette électronique de dépanneur. Donc, nous, l'attrait
ne semble pas être très, très fort pour ça, non.
M.
Lisée : Mais, s'ils devaient développer des cigarettes plus
sophistiquées, est-ce que vous avez une opposition de principe à les
avoir dans vos boutiques?
M. Lakhani (Beju) : I'm the one person on the panel who
doesn't own a shop, but I can address a little bit about the issue of big tobacco and the notion that they might try to buy
their way into the vaping world.
If
you look at the history of this industry and what's actually happening, big
tobacco's forays into vaping and e-cigarettes
have always come through distribution channels that they can control, so they
were going to see store... as something
that was a fairly high barrier to entry in the form of a cigalike in a closed
system. They are absolutely against what
we do. The open system actually creates a much more even playing field. In the
US, they're quite opposed to our industry. It's vaping versus what
they're doing in e-cigarettes.
Another point that's actually rather
interesting is, if you look at public confidence among the base of their
consumers that are
buying those cigalike products, specifically former smokers like us, 70% say
they would never buy another big tobacco
product, which is why those acquisitions that they made — brands
like Blu and Green Smoke — immediately saw their sales drop off. When
you have people like us, who are former smokers, who are people who are very
anti-tobacco, there's a level of
trust in our effort to try and bring the best product forward to consumers so
they can actually get something to help them.
M. Marien (Daniel) :
Au niveau des cigarettes elles-mêmes, si elles seraient fabriquées par des
compagnies de tabac, ce n'est pas
quelque chose qui intéresserait vraiment les détaillants, parce que les
détaillants, en général, vont acheter un produit qui vient de leur pays, un
produit canadien. Donc, au niveau des ventes de liquides, et compagnie, les
compagnies du Canada préfèrent
s'approvisionner dans des succursales puis des manufactures canadiennes parce
que c'est fait ici.
M.
Lisée : Il n'y a rien qui interdirait aux cigarettiers d'ouvrir
leurs propres boutiques s'ils développaient, enfin, un catalogue, parce que leur intérêt, c'est de
garder le marché, et, si le marché des fumeurs de cigarette normale se transforme en fumeurs de cigarette électronique,
leur intérêt, ça va être de trouver des façons de vous prendre ce marché-là
à vous, les indépendants.
M.
Marien (Daniel) : C'est pas mal certain que c'est ce qu'ils vont avoir
dans l'oeil comme point de mire, parce que, selon le Forbes Magazine,
c'est ce qui va arriver en 2021.
M. Lisée :
2021?
M. Marien
(Daniel) : Oui, la courbe de croissance se joindrait en 2021.
M.
Lisée : Donc, de la baisse de la consommation de cigarette
normale et de la hausse de cigarettes électroniques.
Bon,
on a eu des témoignages, là, de pneumologues qui sont assez probants sur la
question de l'utilité de la cigarette électronique pour cesser de fumer.
Ils étaient assez convaincus de la non-nocivité ou de la faible nocivité de la
fumée secondaire. En ce moment, il y a
quelques études qui semblent dire, bien, le contraire. La nocivité est
nettement moindre que la fumée
secondaire de la cigarette traditionnelle, ça, c'est certain, mais je regarde,
par exemple, les chercheurs de l'Université
de Southern California qui, l'an dernier, disaient : Bon, bien, c'est vrai
qu'il n'y a pas les mêmes cancérigènes que
dans la cigarette normale, mais la fumée secondaire électronique contient du
chrome, qu'on ne retrouve pas dans la fumée
secondaire traditionnelle, jusqu'à quatre fois plus de nickel que la fumée
secondaire traditionnelle. Plusieurs autres métaux toxiques comme le zinc et le plomb ont été détectés dans la fumée
secondaire électronique, mais en concentrations moindres que dans la
traditionnelle. Le professeur Constantinos Sioutas a expliqué que ces
concentrations de métaux toxiques sont inquiétantes, même si, règle générale,
la fumée secondaire électronique, c'est moins dangereux que la traditionnelle.
Les
chercheurs croient que les métaux proviennent de la cartouche de la cigarette
électronique et qu'on pourrait amenuiser
le problème en modifiant les méthodes de fabrication. Est-ce que vous êtes
conscients de ce problème, et est-ce que c'est quelque chose auquel vous
pouvez remédier?
M. Lakhani (Beju) : Yes. I'm happy to answer that
question. So, the study in question was actually looking at the big tobacco products that are
very different than these products. They are closed system products in which
the liquid is contained
in a sealed cartridge. That's when they're referring to the presence of metals,
and whatnot. Similar studies that were
conducted on the vapor products that we're producing did not find the same
result. I'm familiar with that study. What I would say is that there is an evolving field of research and there are
many studies that show that the vapor we're producing is actually quite
harmless.
M.
Lisée : O.K. Donc, juste pour traduire pour les gens qui nous
écoutent, la réponse est que l'étude en question portait sur les
cigarettes électroniques produites par les cigarettiers et non pas par la
méthode que vous avez.
M.
Marien (Daniel) : C'est que c'est une étude qui est produite sur les
cigarettes vendues par les cigarettiers, les sauces qui sont «sealées», qui sont jetables. Ça fait que les
cartouches à l'intérieur de ceux-là, c'est des cartouches qui sont
scellées avec du liquide dans une espèce de bourre, puis il y a une torsade
électrique à l'intérieur.
M. Lisée :
...la cigarette électronique que vous vendez.
M.
Marien (Daniel) : ...de ce qui est vendu, non. Donc, qu'est-ce qui
arrive, c'est que le client, comme je disais tantôt, n'a pas une petite
vitre sur le côté pour voir la quantité de liquide qu'il y a à l'intérieur,
donc, à un certain point, il va tirer sur sa
cigarette électronique, donc l'élément va s'allumer, mais il s'allume dans une
cartouche qui est complètement vide
de liquide, mais c'est impossible de le savoir parce que c'est un tube blanc
qui est complètement opaque, d'où la
différence entre une cigarette qu'on retrouve dans un magasin, dans une
boutique de cigarettes électroniques, qui est rechargeable,
réutilisable, et une jetable.
M.
Lisée : Et donc le consommateur, lui, de cigarette
électronique, bon, il en voit une au dépanneur, ça peut être celle-là,
il peut y avoir ce problème-là.
Lorsque
vous dites que vous êtes en train de discuter d'un groupe de travail avec Santé
Canada pour une norme ISO sur la
composition, est-ce que ça pourrait déboucher sur une composition réglementée
qui exclurait ce type de risque là?
• (18 h 50) •
M. Lakhani (Beju) :
It's... well, certainly yes, that type of risk. The standards that we look into
would definitely involve
thorough testing of the by-product of the liquids and the vapor. We already actually do have a testing
standard in place
through the Electronic Cigarette Trade Association that does look at what the liquid is composed of
and we're searching
for things like diketones, that's formaldehyde. They actually look at the pH
balance, the amount of nicotine and making sure that it's within an
acceptable amount.
So there's testing taking place, and
what we're looking to further do with working through the ISO standard is really make that as rigid as
possible so that there's very little room for products to come through that
might produce these types of results.
M.
Lisée : ...ISO, c'est...
corrigez-moi si j'ai tort, c'est une réglementation volontaire, elle n'est pas
imposée. Ce sont les fabricants qui
décident volontairement de dire : Je vais me conformer à la règle ISO, je
vais mettre ça sur mon produit. Mais ne serait-il pas nécessaire
que ça soit de la réglementation imposée à tous?
M.
Marien (Daniel) : Bien,
c'est tout ce que, justement, les bons commerçants font en ce moment. C'est
pour ça qu'on a fondé des
associations, c'est pour ça qu'on s'en occupe, c'est pour ça qu'on essaie de
rentrer des gens avec nous dans l'organisation, histoire que les personnes
s'unissent ensemble puis s'en aillent dans un droit chemin dans cette
industrie-là, pour qu'elle soit réglementée. Ça fait que pour l'instant, en
tant que commerçant qui a une quinzaine de magasins,
je dois avoir dit non à... je ne sais pas le nombre de personnes qui n'étaient
pas en âge dans les quatre dernières, mais je leur ai toutes présenté la
porte, puis on n'en a jamais vendu aux mineurs.
La loi n'est pas là,
mais on l'applique déjà, même si elle n'est pas là, parce qu'on a une conscience
sociale.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant nous tourner vers
notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de 9 min 30 s.
Mme
Soucy : Merci. Alors, on est d'accord, hein, pour s'assurer d'une
bonne réglementation et que ça soit exclusivement réservé aux adultes,
qu'il y ait des lieux qui soient définis.
Seriez-vous ouverts à
ce qu'on impose un permis du ministère de la Santé pour s'assurer de la
conformité, premièrement, du produit qui est vendu dans les boutiques et
s'assurer que les gens qui conseillent donnent la bonne information?
M.
Lakhani (Beju) : Yes, I can answer that. I
believe that the step that the federal Government took earlier this year and the recommendations of the ASA
Committee did advise that a third category of product be created to allow for a
market authorization pathway for these products. We fully support that. We do
believe that going through a Health Canada market authorization process is
vital for this industry. It insures the safety of the consumers, consumer
confidence in the products that they're
buying. It also insures that manufacturers, retailers, the whole community is
held to a certain standard, which we very much believe in.
Mme Soucy : Merci. Les intervenants
en santé qui sont venus ici, ils étaient tous contre le fait de vapoter à l'intérieur. Vous, vous dites : Bien, on
aimerait ça que ça soit ouvert aux bars puis aux boutiques. Il ne faut pas
minimiser non
plus le geste de fumer, l'acte comme tel. Pensez-vous que d'autoriser la
cigarette électronique dans les bars pourrait susciter une tentation
chez les anciens fumeurs puis qu'ils pourraient recommencer à fumer?
M. Marien (Daniel) : Moi, je vous
dirais qu'à la sortie d'un bar, si je sors à l'extérieur, je vais voir 25, 30, 40 personnes enlignées sur le trottoir en train de
fumer une cigarette. Que je sois n'importe où dans le bar, si je me tourne
de côté, c'est ce que je vais voir par la
fenêtre à l'extérieur. Donc, d'un point de vue de normaliser le geste, non, je
ne pense pas que ça pourrait vraiment faire une différence.
M. Maltais
(Julien-Pierre) : Aussi, si je peux me permettre, une étude de la
Harvard School of Health avait été conduite
l'année passée, si je ne m'abuse, montrant que moins de 1 % des gens qui
utilisent une cigarette électronique ne
sont pas fumeurs. Donc, sur la quasi-totalité des gens qui utilisent une
cigarette électronique, ce sont des gens qui sont dans un processus d'abandon du tabac. Donc, les
gens ne seraient pas incités à aller vers la cigarette électronique juste
pour le plaisir.
Mme
Soucy : O.K. Parce qu'on s'entend pour dire que c'est complexe, hein,
pour le consommateur. Le terme «cigarette»,
bon, on sait que ça désigne un produit qui fonctionne à l'électricité, sans
combustible puis, bon, qui est destiné, là, à faire l'acte de fumer.
Tu sais, il y
en a qui sont à vapeur, il y en a d'autres qui sont à fumée artificielle puis
qui ressemblent visuellement à de la vraie boucane de cigarette.
M. Marien (Daniel) :
...artificielle?
Mme Soucy : Pardon?
M. Marien (Daniel) : Qu'est-ce qui
serait à fumée artificielle?
Mme Soucy : Bien, ceux qui
ressemblent, là... tu sais, que la fumée est plus opaque, là, plus...
Une voix : Bien, c'est de la
vapeur, c'est la même chose.
Mme Soucy : Oui, oui, c'est de la
vapeur, mais...
Une voix : Tous les systèmes
produisent la même...
Mme
Soucy : ...mais on s'entend
pour dire qu'il y en a... bien, tu sais, ils sont tous aromatisés, mais il y en
a qui contiennent de la nicotine, il y en a
qui n'en contiennent pas, alors c'est compliqué, là, pour quand même
le consommateur. Serait-il, en fait,
souhaitable de quitter les mots «cigarette électronique» pour s'éloigner justement
du monde du tabac pour ceux qui ne
contiennent pas de nicotine? Parce
que je sais qu'il y a
eu un projet de révision de la directive sur les produits et tabacs à Bruxelles en 2012, puis ils se sont penchés sur la question
justement pour éviter que des compagnies de tabac
rachètent des compagnies de cigarettes électroniques. Donc, ça réglait le
problème.
M. Maltais
(Julien-Pierre) : C'est
aussi important peut-être de vraiment différencier cigarette et nicotine. Ce n'est pas deux choses qui sont intrinsèquement
liées, elles ne vont pas nécessairement ensemble. Donc, de dire que celles
contenant de la nicotine sont des cigarettes électroniques, que celles n'en
contenant pas sont... un autre mot, bien, je pense qu'on peut trouver une désignation qui
engloberait tout. Donc, je pense que c'est excessivement important
aussi d'enlever les mots «nicotine» et «cigarette» et ne pas nécessairement
les mettre ensemble tout le temps.
Mme
Soucy : Et pour les clients
qui n'aimaient tout simplement pas la vapeur de la cigarette électronique dans
les bars, avec votre demande, ces gens-là font quoi?
M. Lakhani (Beju) : Answering about secondhand vapor, I...
So, it is important to understand here that there is a difference between something being a health risk
and being a nuisance. I can find something is a nuisance in a bar, that doesn't entitle me, as an individual, to
say : I don't want to be around it. I think that, in the case of vapor,
what we are looking at is something
that has a significant public health upside and certainly, for that individual,
possesses a significant upside, and, while it may be a nuisance to some
people, it's certainly not posing a health risk.
Mme
Soucy : Alors, pour conclure, qu'est-ce que vous répondez? Parce qu'en
fait les médecins qui sont venus ici aujourd'hui, ils nous ont
dit : Bien, non, ça ne contient pas... la vapeur, ce n'est pas nocif comme
tel pour la santé, mais, socialement, ce n'est pas acceptable. Alors, c'est pour
ça qu'ils ont tendance à ne pas vouloir l'autoriser sur les terrasses, par exemple.
M. Marien
(Daniel) : Je suis d'accord avec le fait que ça peut incommoder une
personne qui est assise à côté de moi
sur une terrasse, c'est possible, mais, si on est dans n'importe quel
événement, dans n'importe quels bars, concerts, et compagnie, ils utilisent des machines à vapeur un petit peu partout
dans ces établissements-là, puis l'usage est légal et
permis à l'intérieur, ce qui va produire l'équivalent d'à peu près
30 000 cigarettes électroniques en même temps en l'espace de
30 secondes.
Mme Soucy : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Thank you very, very much for your presentation. Merci beaucoup d'avoir été parmi nous,
donc, aux représentants de l'Association canadienne du vapotage.
Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de
la commission à demain, mercredi 19 août, à 9 h 30. Merci
beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 58)