(Onze
heures cinquante-sept minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé
et des services sociaux ouverte. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi
édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de
médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en
matière de procréation assistée.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Soucy (Saint-Hyacinthe) est remplacée par
M. Caire (La Peltrie).
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous recevrons les doyens des facultés de médecine des universités Laval, Montréal, McGill et de Sherbrooke ainsi que
Me Jean-Pierre Ménard. Nous ajournerons les travaux à
18 heures.
Pour
la suite des choses, considérant le retard que nous avons pris dû, et c'est tout à fait normal dans un Parlement, à l'expédition des affaires courantes, j'aurais
besoin d'un consentement pour terminer à 13 h 30. Y a-t-il
consentement? Consentement. Et, ceci
dit, le temps des parlementaires, des échanges avec les parlementaires sera
redistribué au prorata, ça n'enlève rien, le 10 minutes de
présentation de chaque, évidemment, personne qui viendra nous voir.
Auditions (suite)
Alors, bienvenue,
bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de
10 minutes, après il y aura les
échanges avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour les fins
d'enregistrement, de bien vouloir vous identifier et identifier les
personnes qui vous accompagnent ainsi que vos fonctions. Alors, la parole est à
vous.
Doyens des facultés de médecine des universités Laval,
de Montréal, McGill et de Sherbrooke
M. Eidelman (David H.) : Merci, M. le Président. M. le ministre, chers
membres de la commission. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui en tant que président de la conférence des doyens
des quatre facultés de médecine du Québec. Je suis David Eidelman et je suis accompagné de mes trois collègues, que
j'aimerais vous présenter : il y a le Dr Rénald Bergeron,
doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, Dre Hélène
Boisjoly, doyenne de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, et Dr Pierre Cossette, doyen de la
Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke. Nous tenons à remercier la
Commission de la santé et des services sociaux de nous offrir sa tribune afin
de nous exprimer sur le projet de loi n° 20.
Avant d'aller plus
loin, j'aimerais souligner que toutes les facultés souscrivent à l'intention du
gouvernement d'optimiser l'utilisation des ressources médicales et financières
du système de santé. Nous sommes d'accord que des changements doivent être apportés à l'organisation des soins et des
services pour offrir à la population québécoise des services de santé de qualité et accessibles. Dans
cet esprit, nous souhaitons collaborer étroitement à l'atteinte de cet
objectif.
• (12 heures) •
Toutefois, nous sommes profondément préoccupés par
l'impact négatif que le projet de loi pourrait avoir sur la formation de futurs médecins ainsi que sur la
croissance du nombre de médecins de
famille au Québec. En effet, celui-ci
ne reconnaît pas le rôle majeur que jouent
les médecins dans la formation de la relève, c'est-à-dire de la prochaine
génération de médecins de famille, de médecins spécialistes et des autres professionnels de soins de
santé. Il ne tient pas compte non plus de la recherche clinique qu'effectuent
certains de nos médecins. À la lecture du projet de loi, on y passe
entièrement sous silence les besoins particuliers de l'enseignement en médecine de
famille et on effleure à peine ceux de l'enseignement dans les autres spécialités, c'est pourquoi nous
proposons au gouvernement de prévoir des modalités particulières avec les universités afin de s'assurer que les médecins
cliniciens enseignants puissent accomplir à la fois leurs tâches académiques
et cliniques sans nuire de façon importante à l'une ou l'autre de ces
fonctions.
Par
ailleurs, le projet de loi, dans son état actuel, risque fort de conduire à un
empiétement du ministère sur la gestion des affaires académiques et la formation des étudiants en sciences de la
santé, qui, selon nous, doit demeurer une prérogative universitaire. Nous devons poursuivre le dialogue
et explorer ensemble des solutions viables qui nous permettront de préserver
la mission cruciale des médecins enseignants et chercheurs.
La formation
en médecine de famille est dispensée dans 48 unités de médecine familiale,
des UMF, rattachées aux quatre
facultés de médecine. Ce sont des centres universitaires, des milieux de soins,
de formation et de recherche et des foyers d'innovation
dans les modèles d'organisation de services. En plus de participer à la
formation de futurs médecins de famille, ces unités prodiguent des soins à un
demi-million de Québécois chaque année. Ensemble, les quatre facultés de médecine québécoises comptent actuellement un peu
plus de 4 000 étudiants aux études médicales de premier cycle et environ 4 000 autres en
résidence, dont un peu plus de 1 000 en médecine de famille. Le réseau d'enseignement couvre tout le Québec et s'étend
dans plusieurs milieux éloignés et ruraux. En plus de participer à la formation
des futurs médecins de famille, ces UMF
prodiguent des soins à un demi-million de Québécois qui y sont inscrits comme
patients et qui peuvent les fréquenter jusqu'à plusieurs fois par année.
La formation des résidents en médecine de
famille nécessite une participation importante et un engagement constant des médecins cliniciens enseignants. Les
stages en résidence de médecine de famille sont répartis entre les milieux de première ligne, par cela je veux dire suivi des
patients, sans rendez-vous, visites à domicile et soins de longue durée, et
les milieux de deuxième ligne en hôpitaux,
soit étages généraux et spécialisés, urgence, soins aux personnes âgées, soins
palliatifs, obstétrique et autres.
Les médecins
de famille cliniciens enseignants jouent également un rôle dans la formation de
premier cycle au doctorat en médecine, leur contribution à la formation
doctorale est essentielle et représente, selon les facultés, entre 20 % et 70 % de l'enseignement total. De
plus, les médecins de famille participent à la formation d'autres
professionnels de la santé tels que
les infirmières praticiennes spécialisées de première ligne et les pharmaciens.
Ils exercent aussi de plus en plus des tâches essentielles dans les
services d'urgence, les soins palliatifs, les soins aux personnes âgées, les
services de santé mentale et bien d'autres milieux.
Alors, à la
lumière de la pénurie de médecins de famille constatée au cours des dernières
années, un effort concerté de tous
les intervenants en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services
sociaux nous a permis de valoriser et
de positionner cette spécialité pour en améliorer l'attractivité et favoriser
le généralisme dans la formation médicale. Au cours des 10 dernières années, le nombre d'étudiants entrant au
programme de résidence en médecine familiale a doublé, et nous sommes en
voie d'atteindre notre cible de 55 %. D'après les projections actuelles,
ce nombre continuera d'augmenter pour
atteindre un sommet de 514 en 2017. Dans sa forme actuelle, le projet de
loi n° 20 pourrait sérieusement compromettre les gains réalisés quant à la perception positive de la
médecine familiale chez les étudiants comme choix de carrière prometteur
et avantageux.
Vous me permettrez
d'ouvrir une parenthèse sur la partie II du projet de loi n° 20
qui porte sur les activités cliniques et de recherche en matière de
procréation assistée. Les facultés saluent le désir du ministre de donner davantage
d'importance à l'évaluation éthique des projets de recherche en matière de procréation assistée et également son intention de demander à un organisme compétent comme le Collège des médecins du Québec d'élaborer, si nécessaire, des lignes directrices en matière de procréation
assistée. Toutefois, elles craignent un impact négatif du projet de loi sur le niveau d'activité dans les infrastructures académiques qui se trouvent dans leurs centres hospitaliers d'enseignement — ça veut dire les CHU. Il faut donc sauvegarder ces infrastructures et leur
mission académique, quel que soit le
mode de financement choisi
pour la procréation assistée.
En conclusion, la Conférence des doyens des
facultés de médecine du Québec soumet six principes, six principes qui doivent être garantis pour que les facultés
envisagent d'appuyer le projet de loi n° 20 : principe 1, la reconnaissance de l'importance cruciale d'une collaboration formelle et soutenue entre le
ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche
et de la Science et les facultés de médecine dans la transformation du réseau; principe 2, la reconnaissance du
statut de médecin de famille enseignant et chercheur et l'adaptation des exigences cliniques prévues aux exigences académiques; principe 3, la reconnaissance du statut de médecin
spécialiste enseignant et chercheur et l'adaptation des exigences
cliniques prévues aux exigences académiques pour eux aussi; principe 4, la
reconnaissance d'une pratique collective et interdisciplinaire de la médecine
de famille dans les milieux qui font de l'enseignement; principe 5, la reconnaissance
que les milieux cliniques et en particulier les UMF sont à configuration variable et nécessitent donc des ressources adaptées pour répondre aux besoins de
leur population et aux besoins de formation; et principe 6, la reconnaissance que des conditions matérielles
spécifiques sont essentielles si on veut assurer l'accessibilité et une
qualité d'enseignement.
La Conférence
des doyens des facultés de médecine du Québec ne peut donc pas donner son appui
au projet de loi actuel en l'absence de garanties de respect de ces six
principes. De ne pas distinguer d'entrée de jeu que les médecins oeuvrant dans les milieux d'enseignement
pratiquent leur profession selon des paramètres particuliers induirait un
risque élevé de traiter
inéquitablement ces médecins et de les soumettre à des obligations impossibles
à respecter. Au nom de mes collègues
de la Conférence des doyens des facultés de médecine du Québec, nous convions
donc le ministre et le ministère à un
dialogue ouvert et constructif en l'assurant de notre collaboration afin de
faire de ce projet de transformation du réseau de la santé un succès.
Merci beaucoup de votre attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, sans plus tarder, débutons la période d'échange. Je cède la parole au ministre de la Santé
pour une période de 14 min 15 s.
• (12 h 10) •
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Dr Eidelman, bienvenue.
Dr Boisjoly, Dr Cossette, Dr Bergeron. Alors, merci. Malheureusement, on a moins de temps, alors je vais aller certainement plus
directement au point pour qu'on puisse
avoir un échange productif. Je vais reprendre vos six éléments. Et, pour le
bénéfice des gens qui nous écoutent et des parlementaires qui nous accompagnent, je tiens à informer tout le monde
que, des rencontres sur ces six sujets-là, on en a eu plusieurs, et je
suis convaincu qu'on en aura d'autres.
Je vais
commencer par faire un premier commentaire qui est très important pour moi,
vous pourrez le commenter, là, évidemment je vais vous redonner la
parole. C'est sûr que ce projet de loi là vient modifier la perception que les jeunes étudiants en
médecine peuvent avoir de la médecine de famille, c'est évident, pour une
raison simple, et ce n'est pas à
cause du... C'est à cause du projet de loi, mais c'est incontournable. Et, peu
importe ce qui arrivera ou arriverait, ça
va devoir changer, c'est une finalité. La médecine de famille ne peut plus être
considérée comme étant un véhicule dans
lequel il n'y a pas... où il y a un maximum de qualité de vie puis il n'y a pas
un minimum de responsabilité sociale, hein,
l'état de la médecine de famille doit changer, ça, c'est la première chose. Et
de ne pas appuyer le projet de loi, à mon avis, sur la base du fait que la perception de la médecine de famille va
changer, c'est un mauvais chemin. La perception de la médecine de famille va changer parce que la médecine de famille
doit prendre d'autres voies, la voie du service à la population requis.
Maintenant,
et je vais vous redonner dans quelques instants la parole là-dessus, là, pour
ce qui est de trois de vos éléments,
là, qui sont le statut du médecin de famille en tant qu'enseignant, du médecin
spécialiste en tant qu'enseignant, c'est
évident qu'on le reconnaît, c'est déjà reconnu à bien des égards dans les
ententes avec les fédérations médicales. Le statut de pratique collective, les ressources et les conditions
physiques, ce que j'aimerais entendre de vous, c'est des choses factuelles. Par exemple, vous savez, et je
comprends qu'à ce jour on n'ait pas donné les équivalences, par exemple,
pour ce qui est des pondérations, je le
sais, là, c'est la critique première qui est véhiculée, et elles ne sont pas
données, ces équivalences-là,
maintenant, non pas parce qu'on n'en a pas — mais on va finir par les sortir pendant les
commissions parlementaires — parce qu'on a attendu les commissions
parlementaires pour recevoir vos propositions. Et là, aujourd'hui, bien j'aimerais entendre des propositions. Dans un
esprit de prise en compte de ce qui vient avec la charge d'enseignement,
c'est quoi que vous verriez? Et qu'est-ce
qu'il vous faut comme ressources? Je sais à peu près ce que vous allez
me dire, théoriquement, mais j'aimerais l'entendre.
Le projet de
loi n° 20, là, c'est un projet d'abord de capacité. Et, quand on dit
la capacité, comme je vous l'ai dit la dernière
fois qu'on s'est vus, c'est une question de nombre de patients qu'on voit dans
une année, par jour, pendant un nombre
de jours, une offre de services, une disponibilité, après on l'organise, la
capacité, et on la pondère. Et on prend, et je suis d'accord, en considération que, comme je l'ai dit à plusieurs
reprises, un patient qui est en fin de vie à domicile ne peut pas être compté pour un au même titre
qu'un adolescent de 18 ans qui voit le médecin parce qu'il a une entorse
après une partie de football, ce n'est pas
la même chose, on est d'accord avec ça. C'est la même chose pour l'enseignant,
mais en quelque part il faut des pondérations comme il nous faut des
commentaires précis le plus possible sur ce que vous demandez comme aménagements pour ce qui est des ressources
organisationnelles et physiques, c'est ça que je veux entendre, moi, aujourd'hui, pour que je puisse
adapter le projet de loi à ce que vous faites. Mais à la fin, qui devient le
début, le début est la capacité. Et après ça
je vous poserai une deuxième question, que vous devinez évidemment, mais
j'aimerais ça vous entendre sur les premiers éléments que je viens de dire.
M.
Eidelman (David H.) : Merci
beaucoup. M. le Président, le ministre nous a posé la question au sujet de nos
propositions. La première proposition qu'on
aimerait faire, c'est de renforcer la collaboration entre les facultés de
médecine et le ministère, surtout le
ministère de la Santé et des Services sociaux, pour être sûrs que nous trouvons
des solutions aux problèmes de la
population québécoise, y compris le besoin de capacité, qui sont consistantes
avec la mission éducative, avec le
besoin d'avoir un milieu où on forme bien les futurs médecins et les autres
professionnels de la santé, ça, c'est notre mission numéro un en tant
que doyens, mais nous croyons qu'il y a aussi d'autres choses qu'on peut faire
qui n'apparaît pas du tout dans le projet de
loi actuel, par exemple le rôle des autres professions et
l'interdisciplinarité. Ça, c'est une
méthode et un mécanisme bien prouvé ailleurs qui sert à aider la productivité
des médecins. Et, comme vous savez, comme le ministre va savoir et les
autres médecins présents vont savoir, la pratique de médecine est en pleine évolution, et nous formons nos étudiants en
médecine et nos résidents à travailler en plus étroite collaboration avec les
autres disciplines afin de permettre une efficacité accrue.
L'autre chose qui n'est pas dans le projet de
loi, c'est la reconnaissance que le problème de capacité est plus complexe que simplement le nombre de personnes par
jour. Quand on parle des enseignants, le travail d'enseigner est varié, et la difficulté et le temps que ça prend
est varié. Ça veut dire qu'il y a une différence entre former un
résident R5 — ça
veut dire dans la dernière année — dans certaines spécialités, où le
résident peut travailler en quasi-indépendance, et superviser un étudiant de premier cycle qui a beaucoup besoin de
supervision, et ça prend beaucoup de temps. Donc, ce n'est pas une
simple formule mathématique qui peut s'appliquer et qui peut résoudre le
problème.
Qui plus est,
beaucoup de nos enseignants ont d'autres tâches. Et je vais passer à mon
collègue, Dr Cossette, pour d'autres commentaires.
M.
Cossette (Pierre) : Bien,
dans les éléments, puis c'est là que ça devient difficile de le faire en commission parlementaire, c'est que ça
prend vraiment une structure de collaboration soutenue qui
dépasse beaucoup le simple échange d'information. Donc, il faudrait vraiment construire ces
éléments-là. Et on est très heureux de voir l'ouverture à tenir compte
de ces réalités-là, mais, pour nous, le détail, comment... «the devil is in the
details».
M. Eidelman (David H.) : Le diable
est dans les détails.
M.
Cossette (Pierre) : Le
diable... Merci de la traduction. Donc, à ce moment-ci, on est contents de voir
l'ouverture, mais, pour nous, de
pouvoir travailler sur ces éléments-là concrètement, noir sur blanc, c'est
essentiel, parce que le même principe
ici appliqué d'une certaine façon peut avoir des effets secondaires très graves
puis, s'il est bien appliqué, il peut avoir des effets bénéfiques
importants.
Puis l'autre
élément qui est très, très important pour nous, c'est la pratique collective.
Donc là, on rentre dans une logique d'objectifs individuels, et les
milieux d'enseignement... Puis je sais que vous avez déjà beaucoup d'ouverture là-dessus,
Dr Barrette, mais, pour nous, c'est important que ça soit dit, là. Une
équipe d'enseignement, il y a une énorme complémentarité parce que, pendant qu'un médecin va faire du haut débit
dans un sans rendez-vous, l'autre va faire une supervision un pour un
avec un étudiant très peu expérimenté, et puis on change de logique.
Puis il y a
un autre point que je veux faire absolument, c'est de dire que, pour nous, la responsabilité
sociale des médecins, de la médecine, c'est crucial. On enseigne ça et
on le fait. Donc, on a intégré ça dans nos curriculums, on l'enseigne en médecine de famille, on l'enseigne
dans toutes les spécialités. Et c'est une valeur à laquelle on adhère, c'est
déjà inclus dans nos missions, c'est déjà quelque chose qu'on fait. Donc, pour nous, c'est bien, bien important qu'on réalise
que les quatre facultés de médecine, on est
à l'avant-garde là-dedans, et, pour nous, c'est vraiment important de mettre
ça de l'avant.
M.
Eidelman (David H.) : Alors,
pour finir notre réponse, j'aimerais revenir sur le point principal. C'est que,
pour nous, c'est essentiel que le rôle de
médecin enseignant soit reconnu afin, là, qu'on puisse comprendre où il est. On
ne le voit pas dans le projet de loi n° 20 actuel, et c'est pour cette raison-là que le
projet actuel ne nous est pas acceptable du tout.
M.
Barrette : Alors, je vais
répéter ma question, puis j'espère, je vous invite, si c'est possible... Puis
vous pourriez me dire que ce n'est
pas possible, peut-être n'avez-vous pas fait votre réflexion jusque-là. Il y aura des pondérations, et nous avons l'intention de pondérer favorablement,
évidemment, parce qu'une pondération, c'est par définition favorable, l'activité de l'enseignant. Et, l'activité d'un
médecin, évidemment, il y a bien des choses qui sont des impondérables, ça
fait partie de la vie, et on pondère. Bon,
puis est un impondérable la distance du stationnement à l'hôpital, là, et ça,
on ne va pas pondérer la distance du
stationnement à l'hôpital, alors pas le téléphone ou la réunion à l'université,
ça, c'est vous autres qui avez à vous
occuper de ça, moi, je m'occupe de la partie clinique. Alors, des pondérations,
ça existe. Est-ce que vous seriez
confortables, par exemple, à ce qu'on pondère un patient qui... un résident qui
voit un patient pour qu'il compte pour deux, par exemple? Est-ce que
vous avez réfléchi à ce genre de chose là?
Et je vais
faire un dernier commentaire professionnel. Vous dites que les choses, en
médecine, ne se mettent pas dans des
chiffres. Bien, c'est bien plate, là, mais tout en médecine est dans des
chiffres. C'est comme une natrémie. On a
pris dans l'histoire des milliers de personnes puis on a déterminé quel était
un sodium normal, et ce n'est pas un chiffre, c'est une fourchette. Et c'est comme ça partout, et c'est le principe de
la moyenne. Une moyenne, c'est une moyenne. Et à un moment donné il faut avoir des paramètres qui soient évaluables
et applicables, et après ça on pondère pour justement prendre en compte le fait qu'une moyenne, c'est
une moyenne, et il y a des situations qui sortent de la moyenne qui peuvent
être normales quand même.
Avez-vous ou
non fait une réflexion sur ce que vous considérez applicable de façon pratique
à propos des six paramètres que vous
nous avez mentionnés? Vous me dites le statut. Vous voulez quoi exactement?
Vous me dites la pratique collective.
Vous voulez quoi exactement? Vous me parlez de l'interdisciplinarité. C'est à
vous autres à enseigner ça, ça ne se
fait pas sur le terrain. Et c'est quoi, les volumes? Et moi, je demande souvent
aux facultés de médecine, je vous l'ai déjà demandé précédemment, une
faculté de médecine devrait, dans son entraînement, faire en sorte que les résidents finissants aient un volume
d'activité raisonnablement proche de celui d'une personne qui pratique depuis
quatre, cinq ans. C'est quoi, ça, une
pratique, selon vous, normale depuis quatre, cinq ans? Avez-vous des choses
plus quantifiées à nous proposer?
M. Eidelman
(David H.) : Alors, merci de
cette question. M. le Président, d'abord, certainement les facultés sont
très ouvertes à la possibilité de... et pas seulement à la possibilité, mais de
former nos résidents pour qu'ils soient productifs
une fois qu'ils ont terminé. Mais je vais passer à mon collègue,
Dr Bergeron, pour répondre à la question en plus de détails.
• (12 h 20) •
M.
Bergeron (Rénald) : Je vais partir de votre première assertion,
Dr Barrette. Quand vous dites que la médecine familiale et les médecins de famille ne
produisent pas — vous
l'avez dit à plusieurs reprises — et
qu'ils ne produisent pas assez, alors
que plusieurs vous ont démontré que les règles que ce même gouvernement a édictées dans les dernières années considérant les PREM, les AMP, la pratique en urgence, la pratique en
milieu hospitalier a fait qu'au Québec... parce
que vous faites des comparaisons
entre le Québec et l'Ontario, a fait qu'au Québec 40 % à 50 %, 40 % en ville, 50 %
en région de nos médecins de famille
se préoccupent de la pratique hospitalière, ils travaillent, ils travaillent et
rendent des services à des patients
en grand nombre. Ils sont moins disponibles dans ce que vous appelez le service
d'accès et de soins courants en
première ligne, mais ils donnent des services très importants dans le système
de santé. Et, lorsqu'on leur dit qu'ils ne travaillent pas, ils ne
comprennent pas. Notre réseau...
Le Président (M. Tanguay) : ...à
l'échange avec le ministre.
M.
Bergeron (Rénald) : Merci.
Notre réseau d'enseignement, actuellement, ne comprend pas votre message de ne
pas donner du rendement. Et, deuxièmement, notre réseau offre au ministère
plusieurs ajustements de son réseau d'enseignement,
l'accès adapté, l'accréditation en modèle GMF, l'augmentation des capacités,
pour peu que les outils pour faire
ces augmentations-là soient disponibles, à savoir l'informatisation du réseau,
qu'on l'attend depuis 10 ans, à savoir
la participation... d'avoir des outils téléphoniques capables de suivre les
entrées des patients. On est prêts à faire beaucoup de choses. Nos directeurs de département nous donnent ces
possibilités-là, actuellement, de s'engager avec vous pour transformer
nos milieux.
M.
Barrette : Alors, dans les secondes qu'il me reste, et il ne m'en
reste pas beaucoup, je vais corriger ce que vous venez de dire. Ce que je dis, il est très clair, je dis que, toutes
catégories de services confondues, la quantité d'offre de services qui est offerte à la population est inférieure à la
capacité potentielle que les médecins peuvent donner. Et, quand je fais cette analyse-là et que je tire cette
conclusion-là, c'est en prenant en considération tous les types de
services, incluant, donc, l'hôpital.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant la parole à notre collègue
députée de Taillon pour 8 min 30 s.
Mme
Lamarre : Merci, M. le Président. Dr Bergeron, Dre Boisjoly,
Dr Cossette, Dr Eidelman, merci, merci d'être là. Merci aussi d'apporter cet éclairage, ce
témoignage de l'importance de la médecine de famille. Et je peux témoigner,
depuis les six, sept dernières
années, de tous les efforts que toutes les facultés ont faits pour vraiment
créer et... faire reconnaître, en
fait, les grandes qualités de la pratique en médecine familiale. Et je pense
que c'est une pratique qui doit être vraiment reconnue pour toutes les qualités et les contributions qu'elle apporte à
la population au quotidien, alors qu'on a peut-être, dans certains
contextes, omis de faire cette valorisation-là.
J'entends à
ce moment-ci la question du ministre et je vous comprends d'avoir un peu de
difficultés à y répondre. Je pense
qu'il y a des éléments de réponse qui se trouveraient dans la compréhension, la
conscience des règlements. Si vous
aviez accès aux règlements, ça permettrait de mieux comprendre puis de faire
des suggestions constructives, un peu plus
précises. Donc, il est certain qu'on parle... à ce moment-ci le ministre parle
de pondération, d'équivalence, mais c'est très difficile pour des gens qui êtes quand même des experts... Et je
vous prends à témoin, puis on a fait des points de presse là-dessus, vous êtes des gens particulièrement
capables de faire ces extrapolations-là, mais là il vous manque certainement
des outils. Et, quand on demande l'accès aux règlements, ça contribue à vous
aider, je pense, à faire cette analyse-là.
Maintenant, il
reste qu'on a effectivement, au niveau de la population, des besoins, alors de
quelle façon concrètement, dans les
enseignements que vous faites, vous voyez comment on pourrait aider l'ensemble
des médecins? Et moi, je pense qu'on parle beaucoup des médecins de
famille, mais j'aimerais aussi vous entendre parler sur les médecins spécialistes, parce que dans d'autres
provinces on utilise les médecins spécialistes différemment qu'au Québec
pour certaines fonctions hospitalières. Donc, si on partait de toute l'équipe
interprofessionnelle, comment on pourrait améliorer et donner de meilleures
garanties sur la prise en charge de l'ensemble de la population du Québec?
M. Eidelman (David H.) : O.K., merci. M.
le Président, j'aimerais souligner
que notre devoir principal, c'est de
former la nouvelle génération de médecins et d'autres professionnels de la
santé, et donc c'est dans ce contexte qu'on aborde ces questions-là. Et c'est vrai que nous attendons de voir les
règlements, mais c'est aussi... On s'attend d'avoir deux choses, c'est la reconnaissance de
l'importance de l'enseignement et aussi l'esprit... et un engagement
clair de la part du ministre et du ministère de travailler avec nous en collaboration
étroite et continue.
Et je crois que ma collègue, Dre Boisjoly,
va faire un autre commentaire.
Mme
Boisjoly (Hélène) : Au cours
des dernières années, le nombre d'entrées en résidence en médecine de famille
a beaucoup augmenté, et nos professeurs et les médecins également
qui enseignent ont fait énormément de travail, et pas seulement en médecine de
famille mais également pour l'enseignement de la spécialité, concernant l'interdisciplinarité.
Ce n'est pas seulement d'enseigner aux autres professionnels de la santé mais
de travailler en équipe avec les autres professionnels de la santé.
Pour revenir peut-être
plus précisément aussi à votre question, évidemment, sans connaître les
modalités d'application aux règlements, c'est un peu difficile pour nous,
là, de discuter de ces chiffres, de ces chiffres-là, mais je ferais un commentaire un peu général. Je pense aussi qu'il faut... La situation,
tout le monde est d'accord qu'il faut améliorer notre système, mais je pense qu'il faut... le problème est
d'une telle complexité qu'il faut mettre plusieurs joueurs en action. Et, si on tente... La proposition actuelle paraît peut-être un peu trop simple, et puis il faut aussi faire
appel au sens des responsabilités puis au professionnalisme des professionnels en
général puis des médecins en particulier, parce qu'un des risques, avec
ces pondérations, c'est que certaines populations de patients... parce que les
professionnels, éventuellement, vont
choisir les pratiques qui vont sembler les plus intéressantes pour eux, puis on
peut se retrouver avec certaines populations
vulnérables, en bout de ligne, qui ne sont pas soignées adéquatement. Alors, on
a aussi cette préoccupation-là pour la population.
M. Eidelman (David
H.) : Dr Cossette.
M. Cossette (Pierre) : Oui. Je voulais juste rajouter... Parce que, pour
nous, l'enjeu de l'accessibilité, on le voit bien, là, donc ce n'est pas... Le diagnostic, là, on n'a pas d'enjeu, pour
nous, là, sur le partage du diagnostic ou non, c'est plutôt sur le traitement, là. Et, à l'heure
actuelle, que ce soit en médecine de famille ou dans les autres spécialités,
l'idée d'une pratique de groupe avec
des groupes dynamiques qui ont les équipements qu'il faut puis qui sont
capables de se référer les patients
dans un réseau, là, avec un flux continu d'information, donc cette pratique-là
de groupe qu'on pense qui est
essentielle comme base à la fois de comptabilité, de reddition de comptes... Parce que ce n'est pas qu'on ne veut pas qu'il n'y ait pas de reddition de comptes, mais on
pense que nos milieux d'enseignement peuvent être des modèles de ça, doivent être des modèles de ça. Donc, il faut que
nos GMF comme nos groupes de médecins spécialistes, dans les hôpitaux universitaires, soient des modèles, mais, pour ça,
ça prend effectivement un réseau dynamique, qui est équipé, puis qu'il y ait
vraiment une approche de groupe plus
qu'individuelle, parce que dans un groupe de médecins spécialistes c'est la
même chose, tu
en as un qui va faire plus de la recherche, tu en as un qui va faire plus
d'administration, il y en a un qui va faire plus de l'ambulatoire, mais
ensemble ils ont un travail à faire. Donc, nous, ce qu'on aimerait, c'est que
notre réseau d'enseignement soit à la fine
pointe à la fois de la qualité mais aussi de l'accessibilité et des modalités
d'application. Donc, ça, c'est ce qu'on aimerait, c'est les modèles sur
lesquels on aimerait travailler.
• (12 h 30) •
Mme
Lamarre : Alors, on comprend bien qu'il y a vraiment un retard au
niveau de l'informatisation et du partage d'information qui nuit énormément, là, à l'atteinte de nos objectifs. Je
vous dirais aussi qu'il y a peut-être... On évoque très souvent la
notion de qualité de vie pour dire que les jeunes médecins veulent moins
travailler, mais moi, je pense qu'il y a une dimension qui est complètement
évacuée, c'est celle de la responsabilité professionnelle et de ce qui est considéré comme des bonnes pratiques médicales, ou
des bonnes pratiques pharmaceutiques, ou des bonnes pratiques de soins infirmiers en 2015. Et il y a énormément
d'imputabilité qui... de responsabilités qui sont maintenant attribuées aux professionnels, et donc, ces responsabilités,
on n'a jamais pensé à comment on les répartissait quand on travaillait en équipe ou en groupe. Mais il y a certainement
quelque chose aussi qui vient vraiment de la bonne volonté de gens de
bien travailler mais avec des normes qui sont de plus en plus rigoureuses, de
plus en plus exigeantes.
Comment vous voyez... Parce que, j'imagine, c'est ça que vous enseignez.
Alors, comment on peut quand même transformer
tout ça ou adapter tout ça pour être sûr qu'à un moment donné on ne traite pas
seulement 50 % de la
population parfaitement mais qu'on ne traite pas du tout 50 % de la
population — j'exagère,
là, je mets un peu en caricature — pour être certain qu'on
assure aussi une offre populationnelle satisfaisante?
Le Président (M. Tanguay) : ...une
minute pour l'échange.
M.
Eidelman (David H.) : Bien,
rapidement, c'est pour ça qu'on prône une pratique en collectif. Et aussi il
faut aussi revoir peut-être les modes
de rémunération des médecins. Comme vous pouvez lire dans les journaux
d'aujourd'hui, la capitation est un
modèle qui est utilisé ailleurs et qui a une certaine efficacité dans cette
direction-là sans devoir comptabiliser l'activité de chaque médecin une
par une.
Pour ce qui est de l'enseignement et la
recherche, il faut savoir qu'un des rôles très importants des facultés de médecine et les autres facultés de santé
professionnelles, c'est, comme mon collègue vient de le dire, de proposer des
modèles idéaux comment faire la pratique et aussi de faire des
expériences. Pour ça, ce n'est pas seulement les facultés qui doivent être impliquées, mais aussi il faut faire
un partenariat étroit avec le ministère de la Santé et des Services sociaux,
et pouvoir discuter avec eux d'une façon
régulière, et aussi organiser pour trouver des solutions. C'est très facile
peut-être de faire de la pondération,
mais ce n'est pas suffisant, il faut vraiment moduler et adapter la solution
selon les circonstances locales.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la
parole au collègue député de Lévis pour 5 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Merci, Dr Boisjoly, Dr Bergeron, Dr Cossette,
Dr Eidelman. Merci d'être là.
Vous
avez dit, et c'est en page 6 : «Il faut à tout prix éviter de
concevoir des lois et règlements qui pourraient remettre en question les acquis des dernières années.» Vous appuyez
beaucoup là-dessus. On a parlé de cibles à atteindre, des cibles qui étaient en voie d'être atteintes
notamment, du record que vous espériez aller chercher en 2017. En avril,
il y aura des données importantes qui tomberont également.
Est-ce que
vous sentez déjà maintenant, en fonction de ce dont on parle, en tout cas, une
attraction moins intéressante et des effets potentiellement mauvais sur
l'avenir dont vous nous parlez?
M. Eidelman (David
H.) : Merci. Je vais demander au
médecin de famille autour de la table à répondre.
M.
Bergeron (Rénald) : Vous
nous parlez sans doute de la sélection CARMS qui va avoir lieu dans quelques
semaines. Déjà, on a des indices d'avoir une
diminution d'entrées ou de choix comme premier choix de la médecine de famille par nos externes finissants. Nos médecins
qui participent à l'enseignement actuellement nous écrivent ces jours-ci,
on en a 500 qui ont signé une lettre puis
sur 800 environ, donc d'ici deux semaines on aura quasiment les... Tous les
médecins cliniciens enseignants du réseau nous signifient qu'ils ne
peuvent considérer de continuer à s'impliquer autant dans l'enseignement si on
applique ces méthodes de travail. Donc, pour nous, vous comprenez que, sans
avoir toutes les modalités, on ne peut pas
dire au nom de notre réseau : Nous souscrivons au projet de loi, alors
qu'eux nous disent carrément : J'arrête
de faire de l'enseignement au premier cycle de médecine à partir de telle date,
si la loi passe, et je m'en retourne dans
des pratiques sans souci d'enseignement. Déjà, certains médecins de nos UMF, et
ce, à travers toute la province, nous disent : Bien, moi, j'ai déjà
pris contact avec mon ancien bureau pour y retourner.
Donc, il y a
une fragilisation de nos réseaux actuellement, et nos médecins, nos directeurs
de département nous informent à la
semaine pour nous dire : Voici comment va notre réseau et l'inquiétude
qu'il vit. C'est pour ça que nous invitons
à la fois le gouvernement à réétablir un mode de communication plus valorisant
envers le médecin de famille... On a fait
des grands pas dans les 10 dernières années, on a doublé les capacités de
formation. La qualité des médecins qui sort, sur la capacité de soigner les gens, est très grande; maintenant, il faut
moduler les pratiques hospitalières, et ambulatoires, et dans les cliniques pour assurer un accès plus
fonctionnel et plus garanti. On est tous d'accord avec ça, et nos directeurs
de département des quatre facultés de
médecine souscrivent à ça et sont prêts à aller dans cette perspective-là avec
des changements
dans leurs milieux de formation comme tels. Nous, je pense qu'on ne peut pas en
faire beaucoup plus, mais ce qui nous
menace actuellement, c'est le désengagement des médecins qui sont déjà
impliqués dans l'enseignement. Les
médecins de famille, dans la FMOQ, ils sont 8 000, il y en a au-delà de
3 000 qui participent à l'enseignement, et ceux qui participent à l'enseignement plus intensif
dans les UMF, c'est environ 800. Si on perd ce monde-là à 25 %, là, le
55 % d'entrées dans nos
programmes, il n'arrivera pas, là. Et ça, c'est une menace que nous, on doit
porter, les quatre doyens.
M. Paradis
(Lévis) : Et je considère à
vous entendre, docteur, que ce n'est pas seulement une menace que l'on
anticipe, on est déjà...
M.
Bergeron (Rénald) : Bien, il
y a des gens qui se sont désaffiliés même de la RAMQ, quelques-uns. On a des
dizaines de médecins qui nous disent qu'ils
s'en vont modifier leurs pratiques d'enseignement pour le quitter,
l'enseignement.
Ça fait qu'on
ne peut pas penser arriver ici puis dire : Nous, pas de problème, la
nouvelle comptabilité. Ça pose problème à l'ensemble de notre réseau
d'enseignement, en plus à l'ensemble des autres médecins.
M. Paradis (Lévis) : Ce que vous
dites est sérieux, et les chiffres que vous avancez sont importants, ils sont significatifs. Conviendrez-vous... Parce qu'il y a
des données qui sont... il y a des chiffres qui sont donnés. Lorsqu'on
dit que le volume total d'actes diminue,
vous considérez... et vous en faisiez votre discours, tout à l'heure, en
disant : Ce n'est pas en fonction de ça qu'on peut dire qu'un médecin
de famille ne travaille pas suffisamment.
M.
Bergeron (Rénald) : On en a
plein, d'exemples qui nous décrivent leur pratique, actuellement, qui sont bien
au-delà de la pratique attendue, qu'on
demande actuellement. Et, tous les chiffres, on n'a pas vu la comptabilité non
plus pour être capable de dire : Oui, on accepte cette
comptabilité-là, on ne l'a jamais vue.
Par ailleurs,
nos médecins dans le réseau d'enseignement sont prêts à travailler de concert
avec le ministère et le ministère de l'Éducation pour faire des
adaptations. Il n'y a personne qui dit, dans notre réseau ou dans nos réseaux d'enseignement, qu'on ne veut pas faire des
adaptations, au contraire, on a déposé un certain nombre d'interventions
possibles à court terme.
Le Président (M. Tanguay) : ...15 secondes
qu'il reste.
M.
Cossette (Pierre) : Bien, c'est juste... C'est très important d'avoir
un mécanisme formel de collaboration qui n'est pas dans les airs, avec un échange sur papier de données, parce
que, des données troublantes, si on les voit, on va agir dessus. Mais à l'heure actuelle on a un petit
peu peur de perdre le bébé avec l'eau du bain, là. Parce que, pour nous, c'est très important
que notre capacité d'enseignement soit maintenue, elle fait partie de la solution.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Nous cédons maintenant la parole au collègue de Mercier pour
2 min 30 s.
M. Khadir : Merci, chers collègues. En fait, je réalise moi-même comme médecin — et
je crois que ce rappel est tout aussi
bénéfique pour le ministre actuel qui est médecin — que,
dans le fond, nous ne serions, ni vous ni nous, aucun de nous médecins s'il n'y avait des médecins de famille lorsqu'on a été formés au premier cycle et même au début du deuxième cycle, des médecins de famille pour nous
former, pour nous tenir la main et pour nous enseigner, et je mesure l'ampleur, en fait, d'une catastrophe qui s'en
vient. Je ne veux pas être alarmiste, mais les chiffres que vous venez
d'avancer sont proprement inquiétants.
Donc, si je comprends bien, dans votre premier principe
vous demandez une collaboration. Est-ce que ça veut dire que vous n'avez
pas été consultés sur le contenu de ce projet de loi et de ses intentions?
M. Eidelman (David H.) : Non, on n'a
pas été consultés. On travaille avec le ministère, mais on cherche une
collaboration beaucoup plus étroite et une collaboration continue. Ça veut dire
que la complexité de la mission académique
est telle que ce n'est pas par des simples mesures de chiffres ou de cibles et
quotas que ça peut se régler, et c'est une situation particulière.
M. Khadir : Le Collège des médecins est venu
dire toute son inquiétude, et ils n'ont pas été consultés; la Fédération
des médecins omnipraticiens, la Fédération
des médecins spécialistes non plus. Est-ce que vous connaissez des partenaires
médicaux, des associations de médecins ou de
professionnels qui ont été consultés dans le processus de ce projet de loi, de
son élaboration?
M. Eidelman (David H.) : À notre
connaissance, non.
M. Khadir : Est-ce que vous
connaissez ailleurs dans le monde ou dans d'autres provinces canadiennes des réformes du système de la santé qui ont eu un
quelconque succès et qui ont été opérées sans consulter des partenaires,
que ce soient les organismes réglementaires,
que ce soient les facultés de médecine ou les corps professionnels, et qui
ont réussi? Est-ce que vous en connaissez des exemples?
M. Eidelman (David H.) : Nous ne
sommes pas au courant d'une telle chose, non.
M.
Khadir : Moi, j'ai fouillé dans un livre qui vient de
paraître récemment sur les
comparaisons des systèmes de santé en
transition, puisque de nombreux systèmes de santé sont en transition partout à
travers le monde, et j'ai vérifié et je
pourrais le soumettre aussi à mon collègue ministre de la Santé, il n'y a aucun exemple, aucun exemple d'un ministère qui
a pu opérer des changements qui ont apporté une quelconque solution à des problèmes
structurels et qui ont été faits uniquement par le ministère concerné,
sans consultation des corps professoraux, des facultés de médecine ou d'un
quelconque partenaire dans le réseau.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci complète l'échange. Merci beaucoup aux doyens des
facultés de médecine des universités Laval, Montréal, McGill et de Sherbrooke.
Nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
(Reprise à 12 h 45)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre, donc, nos auditions. Nous
accueillons maintenant Me Jean-Pierre
Ménard. Bienvenue à votre Assemblée
nationale. Vous êtes accompagné par
des avocates que... nous vous
demanderions donc, vous, de bien vouloir vous présenter et de nous les
présenter. Vous disposez d'une période de 10 minutes, par la suite
un échange avec les parlementaires s'ensuivra. Alors, la parole est à vous.
M. Jean-Pierre Ménard
M.
Ménard (Jean-Pierre) : Très bien.
Merci, M. le Président. D'abord, présenter mes collègues, Me Julie-Kim
Godin, Me Laurence Sarrazin, Me Karine Tremblay. Ce sont des collègues
de mon cabinet.
Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM.
les députés, d'abord merci de nous recevoir aujourd'hui. Écoutez,
c'est un projet de loi qui nous touche beaucoup, beaucoup,
qui touche l'ensemble des citoyens, et je
pense que c'est important pour nous, on a cru utile de venir vous
faire un certain nombre de représentations
parce qu'évidemment c'est une problématique avec laquelle on oeuvre à
tous les jours.
Nous, depuis
une trentaine d'années, on défend les droits des patients, des usagers du
système de santé. On a vu apparaître
voilà une dizaine d'années un type de litige qu'on ne faisait pas auparavant,
des litiges liés à l'accessibilité. On
a commencé à en faire graduellement. Là, je vous dirais qu'aujourd'hui il n'y a
pas une semaine où quelque part au Québec
on n'a pas à intervenir pour permettre à des citoyens d'avoir accès à des
soins. Je trouve ça inacceptable, quant à moi, que des citoyens doivent faire appel à des avocats pour avoir des
soins. Je pense que ça traduit un niveau de dégradation de la problématique de l'accès. Donc, dans ce
contexte-là, c'est clair que tout ce que le ministre et tout ce que tout le
monde vient de dire par rapport au
problème d'accessibilité, on est d'accord tout à fait, on a un problème majeur
d'accessibilité aux soins de santé.
Et, bon,
deuxième chose avec laquelle on est tout à fait d'accord, on est d'accord avec
l'objectif du projet de loi puis
l'objectif énoncé par le ministre d'élargir l'accès aux soins, personne ne peut
être contre ça, il va y avoir une unanimité au Québec aussi, mais il faut... Alors, le débat, s'il ne se résumait
qu'à ça, ce serait facile. Ce qui est plus compliqué, par contre, c'est lorsqu'on regarde les moyens qu'on
suit pour régler cette problématique-là. Nous, essentiellement — puis ça, ça apparaît avec plus de détails dans notre mémoire — essentiellement c'est qu'on trouve que la
réforme qui est présentée ici est
beaucoup trop limitée pour régler le problème d'accès, une réforme qui se
limite essentiellement à l'établissement de quotas assortis de pénalités pour permettre un accès plus large des
patients nous apparaît absolument insuffisant pour répondre au problème.
Le problème de l'accès aux soins, il est beaucoup plus complexe que ça. Il
implique aussi de regarder d'abord les
autres champs professionnels, il implique de regarder l'organisation de toute
la première ligne, incluant les soins
à domicile, les CLSC, et tout ça. C'est un problème qui est global, et il ne
sera certainement pas réglé avec un projet de loi comme celui-là.
Par ailleurs,
au niveau du processus législatif qui est suivi... Puis là je vais parler comme
juriste. Comme avocats, on regarde
toujours ces choses-là aussi. Puis je pense que, jusqu'à maintenant, je vais
être... je prétends être le premier juriste qui vient pour parler de ces
choses-là.
Mais, dans le
monde des avocats, lorsqu'on regarde une loi, essentiellement, on est éduqués
à concevoir le processus législatif selon
certaines règles. D'abord, cette loi-là, ici, dans un premier temps, elle
touche deux objets qui sont totalement différents, totalement distinguables
l'un de l'autre, et on est pris pour faire un seul débat sur deux objets différents. Ça pose une difficulté. La procréation assistée, c'est un
sujet qui est assez important pour la société, qui aurait dû faire
l'objet, quant à nous, d'un débat distinct.
• (12 h 50) •
Par ailleurs,
si on regarde le projet de loi lui-même en termes de processus législatif,
l'éducation, premièrement, quand on
apprend le droit, c'est de dire : Bien, écoutez, les processus législatifs
généralement vont identifier toutes les normes et les principes importants qu'on va devoir suivre dans un
processus donné, les règlements, ça vient compléter, ça vient rajouter par-dessus. Ici, ce qui est
particulier, puis j'en ai parlé avec d'innombrables juristes, et tout le monde
a la même réflexion, ce projet de loi
là ne contient pas de substance, la vraie substance, elle va être dans les
règlements. Et ça, c'est majeur parce
que quelle est la conséquence de ça, c'est que ça nous empêche de faire un vrai
débat. Moi, je pense que le projet de
loi, il pourrait être adopté tel qu'il est actuellement, de façon absolue, et
ce serait impossible à quiconque de dire : Voici quel droit ça confère aux
citoyens d'avoir accès à quelque soin que ce soit. Autrement dit, le projet de
loi, dans sa facture actuelle, si on
ne lui donne pas plus de substance, il ne permettra pas à aucun citoyen de
revendiquer ou de solliciter un accès
plus rapide à un médecin dans quelque circonstance que ce soit. Et ça, c'est
majeur pourquoi? Parce que, si on
regarde un peu de la manière dont c'est formulé... Puis ça, c'est important
parce que, comme société, on va vivre avec après. Jusqu'à maintenant, toute la
question de l'accessibilité aux soins a été généralement organisée dans le
cadre de négociations collectives
entre le gouvernement puis les fédérations médicales, là on a les résultats
qu'on a aujourd'hui. Moi, comme... du
point de vue de quelqu'un qui travaille avec les usagers, qui défend les
usagers, je dis : Ce processus-là est un échec complet parce que ce
processus-là n'a pas réussi à garantir, à donner aux citoyens un accès
approprié au système de santé, aux
ressources médicales aussi, puis je pense qu'il est temps, comme société, qu'on
décide ici, là, de ne plus déterminer
les règles d'accès au système de santé puis aux soins médicaux, de ne plus être
tributaires de ce qui est négocié
dans des conventions collectives. Les normes d'accès aux soins médicaux
devraient être dans la loi, O.K., et les conventions collectives devraient être assujetties à ces lois-là.
Autrement dit, les règles d'accès aux
soins médicaux insérées dans la loi, là, deviennent des sujets non négociables
lorsque le gouvernement négocie avec les fédérations de médecins.
Là, le problème, c'est qu'actuellement, hein, d'abord,
il n'y a pas de norme dans la loi, il n'y a aucune norme d'accès, ça sera défini par règlement, et évidemment
le gros inconvénient sur le plan juridique, c'est que les règlements ne sont pas l'objet d'un débat public. Le
règlement qu'on va avoir, ça va être quoi? Est-ce qu'on peut penser qu'une fois
la loi adoptée... Puis c'est clair que cette
loi-là, elle va donner au ministre... — puis
c'est légitime de sa part de prendre cette
approche-là aussi en termes de stratégie — ça
va lui donner un pouvoir de négociation très fort avec les fédérations médicales, mais le problème, c'est que l'accès aux
soins, là, ce n'est pas négocié avec les fédérations médicales, il faut que ce soit négocié avec la population,
puis là les stratégies syndicales qu'on peut avoir dans la négociation
ne sont pas de pertinence lorsqu'on débat d'enjeux aussi importants que
ça. Il faut que la population sache à quoi s'en tenir.
Puis moi, je
regarde le projet actuellement. Qu'est-ce qui est proposé à l'article 3?
On dit que tout simplement on va imposer aux médecins une obligation de
suivre un nombre déterminé de patients. L'élément important,
ce n'est pas le quota; le quota, il est subsidiaire. L'élément important,
c'est «suivre». Qu'est-ce que ça va vouloir dire, l'obligation de
suivre?
Le ministre réserve ces points-là par règlement
mais s'en est ouvert de façon très détaillée dans une lettre aux médecins omnipraticiens le 17 décembre.
Alors, la liste qu'on a faite, nous, découle essentiellement de cette
analyse-là aussi. Alors donc, essentiellement, l'obligation de suivre, ici, elle n'est pas définie, mais ce que le ministre
nous a laissé entendre... Puis je
pense que le ministre a une idée bien précise, puis ce serait important
que la population connaisse c'est quoi, l'obligation de suivre, autrement dit les obligations du médecin
puis les droits des patients, tout
simplement. On a parlé beaucoup, bon,
de questions de taux d'assiduité, donc l'obligation pour le médecin de recevoir
son patient dans un délai déterminé.
Ça, c'est tout à fait souhaitable, puis c'est ça, l'accessibilité aussi, c'est
le droit du patient d'avoir accès à un médecin dans un délai médicalement
utile. Bon. Alors donc, essentiellement, dans l'obligation de suivre qui a été proposée ici, essentiellement, si on l'assortit de
quotas, tout le monde, tout le monde s'entend pour dire que l'effet pervers prévisible,
c'est que ça va amener les médecins à choisir des quotas de patients pas très
malades, puis ça va poser des problèmes pour
les clientèles vulnérables. Puis on a parlé de pondération, puis hier le
ministre a parlé ensuite que ce serait pondéré.
Magnifique, mais il n'y a pas beaucoup de monde qui s'entendent d'abord sur le
poids de la pondération puis la qualité
de cette pondération-là aussi, alors ça pose des difficultés. Puis il y a de
toute façon des gens qui vont rester à la marge de ces choses-là.
Ce que ça
change aussi de façon importante, ce processus-là, c'est que dorénavant c'est
le médecin qui va choisir ses
patients, le médecin va choisir son quota de patients, alors qu'actuellement,
là, tout le principe de notre système de santé, c'est un droit absolu du patient de choisir le médecin qui va le
traiter aussi. Alors là, il ne faut pas qu'on renverse ça pour dire : Vous allez prendre le médecin
qu'on voudra bien vous donner puis qui sera bien disponible à un moment donné, je pense qu'il faut le plus possible ramer
contre cette tendance-là. Pour le citoyen, là, la confiance qu'il a dans son
processus de soins est centrale par rapport
au droit de choisir son médecin, alors donc, essentiellement... Alors, ça, ça
pose donc des... ça dénature, quant à
moi, la relation patient-médecin. Ça va faire une compétition entre les
médecins aussi et entre les patients
surtout pour essayer d'avoir accès, parce que n'oublions pas qu'actuellement on
a 3,3 millions de Québécois qui ne sont pas inscrits, O.K.? Et le fait
d'être inscrit, ça ne garantit pas l'accès non plus.
Alors, moi,
je pense que ce projet-là, il ne peut pas avoir été déposé ou pensé sans qu'on
ait des études d'impact, des
projections. Puis, si le ministre en a, je l'inviterais à les rendre publiques,
les projections qu'on a sur, effectivement, l'accessibilité puis qu'est-ce que ça va donner. Pensons aux patients,
donc, non inscrits actuellement. Ceux qui ne sont pas inscrits, ils vont faire comment pour avoir
accès à des soins? Parce que, là, l'obligation de suivre est rattachée à un
patient inscrit, mais, pour les 3 millions
qui ne sont pas inscrits, ils ont des soins où? Ils vont avoir des soins...
L'accès adapté, si c'est dans le
projet de loi ou dans les règlements, on ne le sait pas. Ce serait comment?
Est-ce que ce serait l'accès adapté
selon l'horaire du médecin, selon l'horaire des patients? Est-ce que ça donne
accès aux patients le soir, les fins de semaine? Puis par ailleurs il ne
faut pas prendre à la légère non plus l'impact sur la pratique médicale, qui
fait qu'il peut y avoir comme effet concret
de limiter aussi l'offre de certains services. À moins de penser que tous les
médecins ont bluffé en disant : Bien, nous, on ne fera plus telle
pratique ou telle pratique, c'est clair que ça va restreindre la pratique
médicale.
Je vais aller
rapidement sur l'affaire des spécialistes. Pour les mesures pour les
spécialistes, on est d'accord avec tout,
tout, tout ce qui est bon pour augmenter l'offre de services, c'est ça, mais
sauf que ce que ça traduit, par exemple, le problème, c'est que ça fait apparaître... ça donne au ministre un
rôle un peu particulier, il va être un superdirecteur des services professionnels, il va diriger la pratique
médicale au niveau de la province. On pense que ce qui serait important,
ce serait... Actuellement, on a un problème important au
niveau de l'accès aux soins puis on le vit de toutes sortes de manières
possibles, c'est la direction bicéphale des établissements de santé. Il y a une
direction médicale, il y a une direction
administrative, puis depuis 40 ans... Moi, ça fait 35 ans que je
travaille là, mais dès que je suis arrivé on a vu ces problèmes-là. On a fait toutes sortes de mesures
pour essayer de rendre les médecins imputables de leur pratique puis les
gestionnaires à avoir un peu de contrôle sur
la pratique médicale, on a essayé toutes sortes d'affaires sans succès jusqu'à
maintenant.
Je
vais terminer rapidement avec la procréation médicalement assistée, juste par
une phrase, vous aurez le reste dans
mon mémoire. La réforme qu'on propose ici, pour moi, là, c'est qu'on fait payer
aux patients l'incurie du gouvernement qui
a négocié ce programme-là puis les abus financiers des cliniques privées puis
des professionnels qui ont été impliqués là-dedans. Je pense que ce
n'est pas acceptable qu'à cause de cette gabegie-là on impose aux patients une
réduction de services aussi drastique. Et par ailleurs il y a plusieurs dispositions
dans la loi qui, d'après moi, là, posent d'énormes difficultés en rapport avec
les chartes des droits.
Alors, je pourrai
répondre aux questions. Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci, Me Ménard. Alors, pour une période d'échange de
14 min 15 s, je cède la parole au ministre de la Santé.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Me Ménard,
Mes Godin, Sarrazin et Tremblay. C'est
ça? Alors, on n'a pas beaucoup
de temps, hein, ça fait que je vais essayer d'aller vite, moi aussi. J'en
suis bien désolé, j'aurais aimé ça
avoir un échange plus long avec vous. Savez-vous pourquoi j'aurais aimé ça
avoir un échange plus long avec vous?
Parce que fondamentalement vous êtes pour qu'on intervienne dans la situation
actuelle. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec la manière, mais vous
êtes pour qu'on intervienne face à la situation actuelle. Et la raison pour
laquelle le règlement n'est pas sorti, c'est
parce qu'on est ici pour entendre les suggestions, et là vous êtes le premier,
probablement, qui avez fait
des suggestions ou des allusions à des suggestions. Tous les commentaires que
vous venez de faire, là, on s'y est adressés.
Je vais vous en prendre un, le choix du patient,
puis je vais vous poser une question tout de suite, puis, si on peut avoir une réponse brève pour qu'on puisse
échanger, ça va être intéressant. Moi, là, j'ai proposé qu'on inscrive
nous-mêmes aux patients... aux médecins, puis il y a des gens qui sont
contre ça.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...
M. Barrette :
Qu'on inscrive, nous, pour donner le choix aux patients, et non le médecin qui
choisit.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Oui. Bon, alors...
M. Barrette :
Mais ça a l'air que c'est contre la Charte des droits.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Non, alors ça, M. le ministre, écoutez, je vais
honnête avec vous, là, j'aurais adoré appuyer
votre projet de loi, parce que je pense qu'une intervention est nécessaire
absolument. Moi, où j'ai un inconfort, c'est
lorsqu'on examine l'impact de ça sur les patients. Avec le plus grand respect,
je pense que votre méthode, malheureusement, ou le moyen que vous
proposez ici ne m'apparaît pas approprié. Puis j'ai intitulé mon mémoire Une réforme à risque pour les patients. Effectivement, le risque, il est sur les
patients, que ça ne fonctionne pas, parce que les médecins vont être capables de s'orienter vers des champs de
pratique où ils sont capables de protéger leur rémunération, puis on ne sait pas qu'est-ce que ça va donner. C'est pour
ça que je vous demandais voir s'il y avait des études d'impact.
Alors
donc, si vous voulez qu'on... Écoutez, moi, là, je pense qu'il faut qu'on norme
plus dans la loi ce genre de chose là. Puis ça, le mettre dans la loi,
il est déjà dans la Loi sur l'assurance maladie, l'article 2. Mais si...
M.
Barrette : Oui, mais dites-moi les éléments que je retiens des
interventions que vous avez faites. Vous avez fait un certain nombre d'interventions, puis je ne les critique pas, là,
à un moment donné, dans une société, on a le droit de s'exprimer encore, là, théoriquement, mais vous
avez fait deux textes, vous avez fait votre mémoire, vous avez fait votre
premier texte au dépôt de la loi et vous m'avez reproché de ne pas avoir le
courage d'aller plus loin, hein, c'est des...
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bien, regardez, M. le ministre...
M. Barrette :
Bien, vous l'avez écrit sur votre site.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Non, non, mais, regardez, d'abord, moi, ce que
j'ai signalé, c'est que cette réforme-là n'était pas suffisante. Le
reproche, il faut...
M. Barrette :
Ce n'est pas une critique. Ce n'est pas une critique, Me Ménard.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : D'accord.
M. Barrette : Jusqu'où vous iriez?
Dites-moi le modèle, là, qui réglerait, dans votre esprit, les problèmes?
M.
Ménard (Jean-Pierre) : Bon,
on va se comprendre. D'abord, je ne suis pas un expert en modèles
d'organisation, il y a des gens
beaucoup plus compétents que moi, d'une part, pour le faire, mais, moi, ce que
je voudrais, essentiellement, c'est
que du point de vue des patients, là, O.K., on garantisse justement le libre
choix du patient qu'on trouve dans la loi, des normes d'accès. Qu'est-ce que ça veut dire, «suivre»? Quand le
médecin suit le patient, qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Est-ce qu'il y a des règles par
rapport aux délais d'accès du médecin? Est-ce qu'il y a des processus par
lesquels le patient peut recourir, le cas échéant, quand son médecin ne lui
donne pas accès aussi en temps utile à des soins?
Il y a toute une série de normes qu'on peut regarder puis évidemment en
fonction de l'urgence et de la gravité du cas aussi, il y a toute une série de règles là-dessus, mais ce que je
pense qui est important, O.K., c'est que la population sache, à la fin
du projet de loi n° 20, là, qu'est-ce que ça lui donne de plus, ce
projet de loi là. O.K.? Qu'on lui dise essentiellement :
Bien là, écoutez, les médecins vont travailler plus fort, parfait, mais moi qui
tousse à matin puis je pense que j'ai
une bronchite, comment je vais faire pour avoir un médecin qui va me voir
aujourd'hui et non pas dans trois semaines, pour ne pas que j'aille à
l'urgence pour le faire?
Alors donc,
moi, je vous propose... Puis j'ai mis quelques recommandations dans mon texte
aussi pour effectivement peut-être
insérer dans la loi, pas dans les règlements,
dans la loi, les normes. Vous avez certainement votre idée très précise des normes qui vont être établies par règlement. Pourquoi ne pas les mettre dans la loi, que la population les connaisse
et... Moi, je vous invite à le faire, parce que
j'ai vu votre scénario de présentation aux omnipraticiens, puis il y a beaucoup de
bonnes idées là-dedans, O.K., mais je
pense que ça aurait intérêt
à être dans la loi puis qu'on les discute, puis comme société
la population va savoir à quoi s'attendre. Je crains beaucoup,
puis je vous le dis, M. le ministre, avec le plus grand respect, que tout ça, là, une fois le projet de loi adopté... qu'il y ait des
négociations derrière des portes fermées entre le ministre et les fédérations syndicales et qu'on se
retrouve avec le résultat de ça sans que la population ait un mot à dire. Je
pense que les normes d'accès, elles sont dans la loi, elles ne sont plus
négociables.
• (13 heures) •
M.
Barrette : Vous avez vu à
date que je n'étais pas le genre de personne à aller négocier derrière des
portes closes des sujets litigieux,
je les mets sur la place publique. Ceci dit, ceci dit, le règlement,
là, il va être déposé avant l'adoption
de la loi, et je suis ici pour entendre vos
suggestions, et c'est pour ça que j'insiste pour en avoir. Et, Me Ménard,
à plusieurs reprises, et c'est dans
votre conclusion, là, vous nous dites que, pour régler le problème, on serait
mieux de changer des approches aussi
fondamentales que le mode de rémunération, le contrôle et l'organisation de la
pratique médicale par les établissements
de santé, et ainsi de suite. Vous suggérez quoi exactement? Si vous étiez à ma
place, là, vous faites quoi?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon,
alors, regardez bien, là, travaillons à deux niveaux, O.K.? Il y a un premier niveau, il y a un problème à régler peut-être
ponctuel dans un avenir rapproché, puis ça, je pense qu'avec peut-être des normes
plus précises au niveau de la loi, peut-être aussi des... Puis il faudra
discuter avec le collège aussi là-dessus, la
manière d'encadrer l'activité médicale par rapport à ça, je pense qu'on est
capables de faire un petit bout de chemin. Mais c'est clair que le problème de fond, M. le ministre, il va
impliquer qu'on regarde ça de façon plus approfondie, puis le problème, c'est qu'on n'a pas votre vision. On a
votre vision par rapport à ça, mais quelle est votre vision de la première
ligne? Qu'est-ce que vous envisagez comme un
processus de soins, là, pour rendre les soins accessibles? Puis ce n'est pas
que le problème d'accessibilité aux soins
médicaux qui est important, il y a plein de monde dans le système de santé qui
n'ont pas accès à des services. Alors, il y
a un problème plus général, beaucoup plus large, d'accès, puis ça serait
important, je pense, qu'on connaisse
aussi votre vision par rapport à ça, parce que je pense qu'à un deuxième
niveau, là... qu'on se rassoit comme
société pas dans un cadre de confrontation mais dans un cadre de concertation
puis qu'on regarde, qu'on le
réexamine : Est-ce qu'il y a d'autres manières de faire, d'autres
processus de soins?, qu'on regarde un peu ce qui s'est fait ailleurs, qu'on regarde ce qu'on est capables
de faire. Il y a plein de monde ici qui ont d'excellentes intentions, qui
veulent que le système marche. Tout le monde
veut que le système marche, puis je pense qu'il faut éviter de le faire dans
un contexte de confrontation. Je pense que
ce n'est pas qui perd gagne, là, il faut que la population soit gagnante puis
il faut que ça se fasse. On est capables de se concerter quand il faut.
M.
Barrette : Parfait, Me Ménard, mais c'est parce que j'en appelle...
J'en appelle mais pas parce qu'il y a un jugement, j'en appelle parce que je sollicite votre connaissance. Ça
fait des années, là, je ne sais pas combien d'années, là, mais ça fait
au moins plus de 20 ans que vous êtes là-dedans, là, peut-être même 30,
hein?
M. Ménard (Jean-Pierre) : 35.
M. Barrette : 35.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Mais je
suis encore jeune, là.
M.
Barrette : Alors, j'en appelle à votre expérience, là. Vous, là, quel
moyen... Parce que je comprends que... puis
peut-être que... là, peut-être que je vous mets des mots dans la bouche, là, je
ne veux pas le faire, mais je comprends que, dans votre lecture de la société québécoise, il y a une capacité
non offerte à la population, hein, on peut donner plus de services qu'on ne donne actuellement. Maintenant,
quel est, dans votre esprit, là... Vous en avez vu, des choses. Vous en avez vu peut-être et, je dirais même, sûrement
plus que moi, là. Qu'est-ce qui, selon vous, donnerait des résultats plus
que ce que je propose?
Puis je vais
vous donner un exemple, là, O.K.? Vous l'avez évoqué vous-même dans un texte
précédent, vous avez évoqué le
salariat et la capitation, comme bien du monde évoque, hein, le député de
Mercier, là, lui, il a toujours ça comme proposition. Qu'est-ce que la capitation
et le salariat vont donner comme garantie d'accès? Zéro — puis là je veux vous entendre
là-dessus — à
moins de mettre des règles.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Moi, je ne
suis pas le partisan du salariat, ou de la capitation, ou quoi que ce soit,
je suis le partisan qu'on revoie ce qu'on
fait actuellement et qui ne fonctionne pas, qui ne donne pas de résultat.
Est-ce qu'il peut y avoir d'autre
chose? Est-ce qu'on devrait, par exemple... Puis, regardez, on peut peut-être
garder le paiement à l'acte, mais,
par exemple, est-ce qu'on devrait avoir des indices de performance plus précis,
exemple? Je prends juste ça. Puis, regardez, là, je ne suis pas dans mon
expertise, moi, je n'ai pas étudié là-dedans, malheureusement, il y a plein de monde qui vont venir vous donner des bonnes
idées là-dessus, là, mais je donne juste cet exemple, là, O.K., parce que comment... Autrement dit, l'État paie. Comment
s'assurer qu'on a le rendement? Le rendement, c'est quoi? C'est que le citoyen,
au bout de la ligne, il ait accès aux services en temps utile. Bon, est-ce
qu'on peut se donner des indices de performance? Est-ce qu'on peut se
donner des moyens de venir vérifier ces choses-là?
Parce qu'avec
ce que vous proposez ici, là, avec toute l'histoire, bon, de taux d'assiduité
et tout ça, c'est clair qu'au niveau
de la Régie d'assurance maladie, qui va contrôler ça, ça va être une assez
grosse bureaucratie pour savoir... bien en tout cas il va sûrement
falloir créer au moins un ou deux emplois, là, là, bon. Mais ce que je vous
dis, c'est qu'avec l'imagination qui existe
dans notre société puis la capacité de faire des choses qui n'ont peut-être pas
été faites encore ailleurs mais qu'on
regarde, qu'on s'ouvre l'esprit, là, qu'on regarde sans nécessairement tout
mettre par-dessus bord. Puis je ne
voudrais pas que vous m'attachiez, là, l'étiquette du partisan du salariat ou
de la capitation, peu importe. Ce que je
vous dis, c'est : Il y a des choses qui ont été essayées ailleurs avec des
réussites, des échecs, il y a des choses qu'on a même nous aussi, avec peut-être des améliorations aussi. Je vous dis
juste que le modèle actuel, il a fait toutes les preuves possibles qu'il ne fonctionne pas. Bon, alors, à
ce moment-là... Quand je dis qu'il ne fonctionne pas, c'est qu'il n'est pas
capable de livrer aux citoyens la raison
pour laquelle on paie le système, bon, c'est ça, l'échec du système. Alors
donc, à ce moment-là, qu'on regarde.
On peut-u enrichir ces processus-là sans nécessairement les mettre en question
complètement? Puis je donne juste
l'exemple des indices de performance. C'en est un, il y en a plusieurs autres
aussi qu'on peut imaginer, là. Puis
il ne m'en vient pas spontanément tout de suite, là, mais il y en a plusieurs
qu'on peut regarder. Puis, écoutez... Puis
ça me fera plaisir même de faire suivre d'autres idées, même en dehors du débat
d'aujourd'hui là-dessus, parce que je pense
qu'il faut que les citoyens se réapproprient effectivement le... Le système de
santé, il appartient aux citoyens, puis il faut que les gens sentent là-dedans qu'ils n'en sont pas des victimes,
il faut qu'ils sentent que quelque part ils en sont des artisans, des
partenaires aussi.
Alors, il
y a différents moyens, puis honnêtement, aujourd'hui, je ne m'en venais pas vous proposer la solution.
Si je l'avais trouvée, je vous la vendrais pas cher. Mais...
M.
Barrette : Bien, je vais le
prendre d'un autre angle, Me Ménard, à ce moment-là. Ce que je
comprends, là, c'est que, dans un
éventuel moyen, vous postulez qu'il faudrait avoir une capacité minimale de
service, parce qu'il faut quand
même les donner, les services.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui, tout
à fait.
M.
Barrette : Vous postulez
aussi que le patient devrait garder le choix. Ça va être le cas, je peux
vous le garantir.
Vous postulez
aussi qu'il doit y avoir des indicateurs, entre autres, basés sur la
performance, la performance étant un certain nombre de choses, ça peut
être une performance d'accès comme ça peut être une performance clinique. Là-dessus,
je ferai la parenthèse que ceux qui ont fait le financement à la performance,
ça n'a pas nécessairement donné les
résultats escomptés. Vous convenez parce
que vous l'avez dit, puis j'en suis
fort aise, que l'assiduité va avoir l'effet... peut-être pas parfait, mais va
favoriser la bonne relation avec le patient. Dans votre mémoire,
vous mentionnez l'accès adapté. Vous
dites que ce n'est pas nécessairement parfait, mais l'accès adapté, ça a quand même
un effet qui est positif. Tous les
gens qui sont venus à date, là, dont le collège des médecins de famille hier,
n'ont que des bons mots pour l'accès adapté,
mais à condition, hein, à la condition que le patient choisisse son patient et qu'il y ait
des règles de bonnes pratiques,
on est d'accord avec ça. Puis qu'il y ait des pondérations, là, pour les
volumes, on est d'accord avec ça.
Mais, quand on dit tout ça, Me Ménard, et
ce que vous dites, que je reprends à mon compte mais que je dis aussi — et je comprends que ce n'est pas encore dans
les règlements et que ça va l'être à un moment donné — il n'en reste pas moins qu'à la fin, là, à la fin, il y a une quantité de
services à exiger. Si la quantité n'est pas là... C'est beau, tout le reste, là, mais la quantité demeure le primum
movens de l'accès. Ce n'est pas le seul, mais ça demeure le primum movens
de l'accès. Ne trouvez-vous pas?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...ça, M. le
ministre, je ne nie pas ça. Je vous dis juste : Attention de quelle
manière on va rendre cette capacité-là accessible aux citoyens.
Moi, je pense
que ce qui est proposé dans le projet de loi, on met ça à haut risque pour les
patients. Ce n'est pas à haut risque
pour les médecins, parce que les médecins vont probablement être capables de
s'adapter puis de trouver des manières
de ne pas être trop pénalisés avec ces choses-là. Je pense qu'à la fin de la
journée, là, le risque le plus lourd, il est sur les épaules des
patients. C'est pour ça que ces mesures-là, M. le ministre... Écoutez, on ne
peut pas être contre l'élargissement des
ressources accessibles aux patients, c'est impossible, personne ne peut être
contre ça. Il faut travailler les
moyens. Puis ce que je vous dis, c'est que de la façon dont ça se fait
actuellement, surtout avec... ça se fait, je vous dirais, là, sans une
certaine forme d'acceptation du milieu médical, parce que, moi, ce que j'ai
peur, c'est aussi qu'on assiste... Parce que
n'oublions pas que dans... tu sais, tout le cadre général. Le médecin est un
libre entrepreneur, alors le médecin, il peut décider : Moi, des gens
vulnérables, je n'en suis plus, moi, des soins palliatifs, je n'en fais plus,
c'est trop lourd, etc. Alors, il
risque d'y avoir une redistribution de l'offre de services médicale qui va
préjudicier les patients. Puis ça,
avez-vous des mécanismes contre ça? Avez-vous envisagé ces scénarios-là? Est-ce
qu'on a fait des études d'impact pour voir un peu ces choses-là? Moi, je
ne le perçois pas, avec respect, M. le ministre.
M.
Barrette : ...et je vais vous répondre à cette question-là, parce que
la question est très pertinente : Il faut le prendre à l'envers. Le risque de distribution, de
redistribution de la clientèle va dépendre de notre capacité à pondérer correctement le patient et à mettre des règles qui
font en sorte que ceux qui ont des pratiques qui sont dans ce secteur-là
ne soient pas pénalisés, et ça va être le
cas. Ça, je peux vous assurer que ça va être le cas. Quand vous verrez les
règles, là, je pense que vous allez être rassuré.
Ceci dit, je
reviens en haut de la pyramide. En haut de la pyramide, dans la hiérarchie des
décisions, il y a l'impact qu'on recherche sur la capacité. La capacité,
c'est un problème. Le bon docteur, actuellement, qui fait des soins à domicile — je peux vous en nommer, là, ils sont dans
les médias, là — bien,
lui, je n'ai rien à lui demander de plus, il le fait correctement, là, et, avec les règles que l'on fait, ça ne change
rien à sa vie. Mais le médecin, lui, qui est à deux, trois jours par semaine, bien ce qu'on lui
demande, ce n'est pas de changer sa pratique autrement que d'être là cinq jours
semaine pendant 40 semaines. Et
ça, à un moment donné, il faut une règle. Et cette règle-là, ce n'est pas le
salaire, ce n'est pas la capitation,
ce n'est pas ça; c'est le projet de loi n° 20. Et les règles visent à
favoriser ça, ce que vous favorisez, vous aussi.
Le Président (M. Tanguay) : Encore
quelques secondes.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...problème
qu'on a, c'est que ce que vous nous dites là, là, ce n'est pas dans la loi,
alors c'est...
M. Barrette : C'est dans le
règlement.
M. Ménard (Jean-Pierre) : On ne le
sait pas, on ne l'a pas vu.
M. Barrette : Mais je comprends
qu'on s'entend sur les finalités.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder
la parole à notre collègue députée de Taillon pour
8 min 30 s.
• (13 h 10) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Me Ménard,
Mes Godin, Sarrazin et Tremblay, merci et bienvenue. On va aller rapidement, évidemment,
on a quelques minutes seulement. Je voudrais commencer par peut-être
le grand oublié de ce projet de loi là, les gens au niveau de la
procréation médicalement assistée. Je constate que vous êtes le troisième groupe, après l'association des
gynécologues et obstétriciens hier, le Collège des médecins et vous, à
recommander l'abolition de l'article 10.6 qui fait en sorte, pour les
gens qui nous écoutent, qu'un médecin ne pourrait plus diriger une femme à l'extérieur du Québec pour obtenir des
services de procréation assistée. J'aimerais avoir votre point de vue au
niveau juridique, au niveau légal.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : ...au point
de vue juridique, voici un article extrêmement sensible, au point de vue
légal. Puis là je ne parle pas au point de
vue médical, les mérites de tout ça, là. Moi, comme avocat, là, au point de vue
juridique, là, je vous dis : Ouf! Il y
a des problèmes avec beaucoup, beaucoup de dispositions à la fois du Code civil
et des chartes aussi là-dessus, parce
que c'est clair que d'abord c'est une restriction qui est assez considérable
et, d'après moi, qui porte assez
clairement atteinte au droit de la femme à la liberté de sa personne. On vient
d'avoir le jugement Carter de la Cour
suprême sur l'aide médicale à mourir qui a redéfini puis précisé encore la
portée du droit à la liberté, c'est le droit d'une personne de prendre
pour elle des décisions fondamentales, puis en matière de reproduction humaine
on est exactement dans ça, puis l'État ne
doit pas s'ingérer dans ces processus-là sans impératif majeur. C'est clair ici
qu'il y a une difficulté qui est majeure, là, O.K.?
C'est clair
qu'au niveau de la procréation, ici, ce qu'on instaure, ça m'apparaît
extrêmement restrictif et prohibitif, il
y a plusieurs articles qui autant sur le plan de la protection contre la
discrimination sexuelle, l'âge, la condition sociale sont problématiques ici. Je n'ai pas fait une
analyse article par article et règle par règle, là, mais, je vous dirais,
juriste 101, là, on a des problèmes avec plusieurs articles ici au
niveau de la charte aussi.
Puis, comme
je l'ai dit, moi, je trouve que ce qu'on fait avec la procréation assistée, on
fait payer aux patients, aux usagers,
là, la gabegie qui a entouré ce... — puis je prends le mot à dessein, là — la gabegie qui a entouré la mise en
oeuvre puis le fonctionnement de ce programme-là.
Mme
Lamarre : Alors, je vous remercie. J'espère que le ministre a bien
pris note parce qu'effectivement un projet de loi, ça rend imputable l'ensemble du gouvernement par la suite et
l'ensemble aussi des parlementaires qui y contribuent. Donc, j'espère que le ministre a bien entendu
toutes les mises en garde et les précautions auxquelles vous faites référence
par rapport à la légalité de cet article-là.
Pour le
projet de loi, en ce qui concerne les pratiques médicales et les pratiques de
spécialiste aussi, là aussi je vais le
faire un peu à l'inverse. Pour les spécialistes, comment vous trouvez qu'on
soit obligé de mettre dans une loi des délais, comme dire, par exemple, trois heures, il faut que le spécialiste voie
le patient à l'urgence à l'intérieur de trois heures après la demande de consultation, entre les heures de 7 heures
le matin et de 17 heures? Est-ce que vous connaissez d'autres législations
qui ont ça? Est-ce que...
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien,
écoutez, moi, d'abord, je suis un peu tombé sur le dos quand j'ai vu cette mesure-là parce que, écoutez, pour moi, là, ça
devrait aller tellement de soi qu'une petite organisation, vous savez, comme
un hôpital devrait être capable de dire à un docteur : Docteur, c'est-u
possible d'aller répondre? Bon. Alors, pourquoi est-ce que c'est rendu au niveau du gouvernement puis au niveau du
ministre? Puis, écoutez, je suis d'accord avec la mesure, mais je m'étonne de son existence parce que ça
traduit un problème majeur. Comment ça se fait qu'il n'y a pas un hôpital
qui est capable de dire ça à un docteur, O.K.? Bon, est-ce qu'on va devoir
adopter des règlements aussi pour dire aux docteurs :
Bien là, vous devrez arriver à 8 heures le matin puis vous devrez être
bien habillés, etc.? Je veux dire, jusqu'où on va aller là-dedans, là?
Je pense que, écoutez...
Puis vous savez que, là, on vient d'avoir une
énorme réforme avec le projet de loi n° 10, on a des entités
territoriales qui vont être responsables envers la population d'une offre de
services. Mais ce qui est particulier... Puis je me suis tapé de façon exhaustive le projet de loi n° 10 avec
ses amendements incorporés il y a quelques jours pour voir s'il y avait là-dedans quelque chose qui lui
permettrait maintenant, à un CISSS, de dire : Voici, on va vous faire une
offre de services médicaux. Il n'y a rien,
O.K.? On offre des services, point. L'offre de services médicaux, ça reste
encore beaucoup aux médecins à la déterminer.
Puis moi, je
regarde ça, on fait toutes sortes d'histoires... Parce que voyez-vous, là,
nous, à travers la pratique, là, on
fait un peu plus de la moitié de toutes les poursuites de la province dans le
système de santé, puis ça nous permet de voir tous les dysfonctionnements du système, on les voit presque tous en
échantillon, parce que c'est sûr que c'est la pointe de l'iceberg qu'on voit, là. Combien d'histoires
on a pour des problèmes d'accès aux services où, là, le médecin veut opérer,
mais c'est l'hôpital qui... on n'a pas les
ressources, on ne veut pas, on ne permet pas au médecin d'opérer, ou encore on
a à intervenir auprès de
l'hôpital : Bien là, le médecin exagère, il ne fait pas attention, bon, il
ne calcule pas qu'est-ce qu'il fait, il nous impose des contraintes trop
lourdes? Alors, on a une chicane souvent perpétuelle qui paralyse l'accès.
Comment ça se fait qu'en 2015, vu qu'on paie
toutes, toutes, toutes ces choses-là, on ne peut pas dire aux organisations : Bien là, vous allez vous
organiser sur une base territoriale ou régionale, vous allez vous entendre pour
faire une offre de services à la
population qui va comprendre les services médicaux, les services sociaux, etc.,
puis on va vous garantir l'accès?
Puis ça pourrait aussi toucher la première ligne également, aussi. On pourrait
donner des pouvoirs aussi de mieux
organiser la première ligne, aussi, on serait capables de faire beaucoup,
beaucoup de choses avec ça. Alors,
quand on parlait un peu des recettes aussi, des remèdes pour la première
ligne, ça, ça peut en être un aussi. Est-ce que les CISSS pourraient avoir une
plus grande responsabilité pour la première ligne? Avec le réseau local puis le
réseau territorial de santé, est-ce
qu'on pourrait dire : Bien, écoutez, au CISSS vous allez vous occuper
aussi de la première ligne médicale,
coordonnée avec les ressources de l'établissement? Parce que plus les gens
attendent pour consulter en première
ligne, plus quand ils vont consulter en deuxième ligne ça va être grave, ça va
coûter cher, il n'y a pas d'économie à faire là. Alors donc, c'est des
vases communicants, tout ça.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup. Moi, je veux vous remercier beaucoup parce que vous avez
vraiment... Dans votre mémoire — et j'invite les gens qui sont intéressés,
là — il y a
13 recommandations, donc vous avez vraiment abordé ce projet de loi là d'une façon constructive. En
même temps, plusieurs de ces recommandations-là sont majeures, et je
pense qu'elles amènent des réaménagements significatifs, là, dans le projet de
loi et probablement plus large que ça.
Je vais
attirer l'attention sur la recommandation 4, qui dit : «Inclure une
disposition législative dans le projet de loi n° 20 prévoyant
une mesure pour permettre l'accès aux soins médicaux de première ligne à
l'extérieur des heures "ouvrables"
traditionnelles, soit les soirs, les fins de semaine et les jours fériés.» Pour
moi, c'est important, c'est quelque chose
qui est déterminant, qui ne nous est pas du tout garanti dans la présentation
du projet de loi actuel, et qui non seulement améliore l'accessibilité, qui est vraiment notre priorité, mais aussi, lorsqu'il
n'est pas appliqué, engendre des coûts énormes et ne changera pas
l'accès à l'urgence qui est non pertinent.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Écoutez,
moi, je me demande si ce ne serait pas pertinent que je propose au ministre
d'incorporer dans le projet de loi une
disposition semblable à l'article 3 de la loi de santé et des services
sociaux, qui dit : La raison
d'être du système est la personne qui le requiert. Autrement dit, les services,
ils existent pour qui? Ils existent pour
le patient, pour le citoyen. Là, avec ces histoires d'horaire là, c'est au
patient à s'adapter à l'horaire des médecins aussi, puis en fin de compte tout l'accès possible des citoyens dépend
effectivement beaucoup de quelle manière le médecin organise sa
pratique.
On a parlé
tantôt d'accès adapté. C'est une bonne idée, l'accès adapté, puis, écoutez...
Bon, O.K. Mais allons voir les
modalités, O.K.? Est-ce que l'accès adapté, ça impliquerait que le médecin se
garde au moins une plage horaire quelque part pour voir le patient en
dehors des heures?
Écoutez, moi,
je suis un employeur aussi, j'ai mon cabinet, j'ai une quarantaine de personnes
qui travaillent pour moi. Je perds je
ne sais pas combien... Je paie je ne sais pas combien de jours par année à
l'ensemble de mes employés parce
qu'ils ont un rendez-vous chez le médecin. Pas un rendez-vous urgent, là, un
rendez-vous, O.K., mais il faut qu'ils le
prennent le jour entre 9 et 5, donc il faut qu'ils manquent une journée de
travail pour aller voir le médecin aussi. Puis, évidemment, pas question de le
remettre, parce que ça va prendre trois ou six mois avant de ravoir un
rendez-vous. Ça, sur le plan même
d'une société, c'est-u acceptable qu'on ait des choses comme ça? Écoutez, je
pense qu'il faut qu'on repense, il faut qu'on repense de fond, là, je
pense qu'on est dus — on
a déjà pris le terme pour d'autres sujets — d'avoir une véritable conversation nationale sur la question
de la santé, qu'est-ce qu'on veut comme système de santé, qu'est-ce qu'on
est prêts à se donner,
puis qui est imputable de qui, de quoi. O.K.? Il ne devrait pas y avoir de
sources de pouvoir un peu partout
dans le système de santé, une source organisée qui part du ministère puis qui
structure, parce qu'on paie, on paie tout,
puis ça, c'est des fonds publics partout. Alors, pourquoi on ne peut pas avoir
plus de contrôle, plus d'imputabilité là-dessus? Moi, c'est ma petite
réflexion personnelle.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Ceci met fin à
l'échange. Je cède maintenant la parole au collègue de Lévis pour
5 min 45 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le
Président. Merci, Me Ménard, d'être là, et vos collègues, Me Godin,
Me Sarrazin, Me Tremblay.
Je lis en
tout début... D'ailleurs, j'apprécie beaucoup ce que vous dites, parce que vous
avez une vision où vous dites :
Regardez, moi, j'ai d'abord un regard davantage centré sur les usagers, c'est
votre pratique depuis 35 ans, et j'apprécie ça parce que c'est à eux qu'on s'adresse également. Au bout du compte,
c'est eux aussi qui devront juger de la performance en fonction de leur santé, je pense, c'est
fondamental. Ce n'est pas seulement une question de chiffres, de pourcentages,
de médecins, de négociation, mais il y a l'usager à tous les jours dans ça.
Et je vous
dirai qu'on observe depuis quelques années un phénomène tout à fait nouveau
dans notre propre pratique, c'est-à-dire
les poursuites en responsabilité fondées sur un problème d'accessibilité. Et
j'imagine qu'un nouveau projet de loi
arrive, puis, comme avocats, juristes, vous vous dites : Bien, ça va
améliorer les choses. Donc, cette espèce de nouveauté là qu'on voit surgir devrait, à la lumière de ce que je vois,
diminuer, donc le travail pour les usagers sera mieux fait.
Est-ce que je
comprends que, malgré le fait qu'il vous manque énormément d'éléments... Et
vous l'avez dit et nous en sommes,
les règlements, on ne les a pas, puis c'est la chair autour du projet de loi,
comme par exemple votre souci d'avoir... par exemple où, là, on aurait
dû scinder le projet en deux pour adresser deux problématiques, notamment l'accessibilité au réseau de santé et la
procréation assistée. Mais je reviens sur ma première question : Avez-vous
l'impression qu'à la lumière de ce
que vous voyez maintenant on se dirige vers une diminution ou une augmentation
de ces cas que vous n'aviez pas vus et qui arrivent de plus en plus?
• (13 h 20) •
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Écoutez, moi, je rêve de tout coeur de ne plus les
voir, ces cas-là. Je vous l'ai dit, là, je trouve ça inadmissible, incroyable puis inconcevable, dans une société,
qu'on doive prendre un avocat pour se faire soigner, O.K.? Ce
n'est pas acceptable, ça, d'aucune façon. Puis moi, je ne voudrais plus les
faire, ces histoires-là, puis on y
répond de plus en plus, c'est plate, là, bon, mais il y a
des critères d'accès, il y a des règles d'accès, puis heureusement, quand on intervient, ça a un
certain succès. C'est plate à dire, là, puis je ne veux pas faire de
recrutement, pas du tout, ici,
je ne veux pas en faire, là, bon, mais il faut que ça cesse, ça aussi, O.K.?
Puis nous, on ne voit juste que la pointe de l'iceberg. Tous ceux qui sont mal pris et qui ne peuvent pas nous
appeler, là, ils font quoi aussi? Puis légalement on ne peut pas
répondre à tout non plus, il y a plein de choses pour lesquelles la loi ne
permet pas de régler.
Alors, moi,
ce que je pense qu'il faut qu'on travaille, c'est vraiment
de trouver une manière, là, de donner plus d'accès aux citoyens, plus de prise sur le système
puis une manière... Écoutez, on a deux pouvoirs importants au niveau... pour gérer ça. On a le pouvoir économique, c'est l'État
qui paie puis c'est l'État qui négocie aussi, un, puis le deuxième pouvoir bien important, c'est l'État qui
réglemente aussi. Donc, le projet de
loi n° 20, c'est un projet à la fois
de réglementation, qui va avoir une incidence sur la rémunération aussi, là, mais c'est l'État qui réglemente, l'État qui est capable
de déterminer des conditions, des règles aussi et tout ça, alors donc qu'on se
serve de ces deux leviers-là.
Là, on s'est
servi du levier de la négociation, jusqu'à maintenant, avec un résultat — puis je
vous le dis, là, comme citoyen puis
comme personne impliquée dans ces choses-là — que je trouve, quant à moi, inacceptable,
O.K.? Alors, le gouvernement s'est bien occupé des questions de
rattrapage des médecins, a été très sensible à ces choses-là, mais le gouvernement a été totalement insensible au
rattrapage de l'accès, O.K.? Alors, on n'a pas défendu correctement, quant
à moi, l'intérêt des citoyens. Puis, si
notre ministre actuel démontre une ouverture différente de celle qu'on a eue
dans le passé par rapport à ces
choses-là, je pense qu'on peut juste l'encourager dans cette direction-là, mais
il faut quelque part qu'il y ait
quelqu'un au Québec qui dise : Bon, bien, là, le système, il existe pour
qui? Il existe pour les patients. On va le réorienter pour les patients. On va essayer de le réorienter en
mobilisant — puis
c'est peut-être ça que j'ai peut-être une petite difficulté — en
mobilisant le plus possible les organisations, parce que je pense qu'il peut
être difficile de faire marcher ce
système-là en antagonisant les parties. C'est pour ça qu'il faut faire
attention. Je pense qu'il faut être prudent, dans ce contexte-là, pour
être sûr que tout le monde va marcher dans la même direction.
M. Paradis
(Lévis) : ...de
collaboration plutôt que de confrontation. Et on comprend bien l'essence puis
le but de l'exercice, il est bien
clair, pas besoin de se faire de dessin là-dessus. Puis là, à travers ce projet
de loi là, ce qu'on véhicule, en tout
cas, c'est le fait que les médecins de famille seront appelés à avoir des
quotas, à avoir davantage de patients, donc à régler ce problème
d'accessibilité là.
Ceux pour qui
vous parlez, c'est l'usager. L'usager, à travers ces chiffres qui sont
véhiculés, à défaut d'avoir des
règles très précises qui nous sont présentées, voit-il dans ce projet de loi là
la lumière au bout du tunnel ou il s'inquiète aussi?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : On pourrait
voir la lumière plus facilement si on voyait les règles. On ne les voit pas,
là, O.K.? Comme je vous dis, là, le problème, c'est là. Puis, écoutez, je ne
doute pas de la bonne foi du ministre, mais on pourrait-u voir les règles, O.K.? Moi, je vous le dis, là, c'est parce
que le problème, c'est que... Écoutez, il y a un paquet de monde à qui je parle, je parle à toutes sortes
d'organisations dans le monde de la défense des droits dans le système de santé, puis là on me
pose la question : C'est quoi? Ça donne quoi aux citoyens, le projet de
loi, là? Je dis : Je ne suis pas
capable de vous le dire, je ne connais pas ça sera quoi, l'obligation de
suivre. Tant qu'on ne saura pas ça, on ne sera pas capable de dire : Bien, les quotas, ça signifie ça, parce que
peut-être que l'obligation de suivre, elle ne sera pas douloureuse, puis les quotas vont être faciles à régler, puis,
mieux que ça, le médecin va dire : Non, pas 1 000, donnez-moi-z-en
1 500, bon, peut-être, il faut qu'on soit optimistes, bon, mais
actuellement on n'est pas capables de le dire.
Moi, je n'ai
pas de... je pense qu'on peut... C'est-à-dire personne ne doute de la mauvaise
foi de personne, là, ici, ou de la
bonne foi de tout le monde, mais je vous dis juste qu'avec ce qu'on voit...
Puis moi, je suis dans le monde des avocats,
on travaille avec ce qu'on voit et non pas ce qu'on imagine ou ce qu'on
souhaite. Alors, ce qu'on voit, je vous le dis, moi, je ne peux pas dire
plus que ce que j'ai dit aujourd'hui.
M. Paradis (Lévis) : ...l'inquiétude,
en tout cas, bon.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Il y a une
inquiétude qui est bien réelle parce que j'ai peur qu'on oublie du monde,
j'ai peur aussi qu'on ait peut-être un effet contraire à ce qu'on recherche, et
ça, attention à ces choses-là.
M. Paradis
(Lévis) : Bien, voilà. Vous
dites : J'ai peur qu'on oublie du monde, cette notion évoquée par certains
de dire : Est-ce que l'établissement,
lorsqu'on saura la façon de faire, fera en sorte qu'on privilégiera, par
exemple, des patients ou des usagers moins vulnérables que d'autres? Et
puis, à travers vos pratiques, quand vous êtes obligés de médiatiser
des cas puis de faire en sorte qu'on puisse intervenir pour qu'il y ait une
accessibilité, bien ça touche souvent des gens qui sont avancés dans une
détérioration de leur santé, vous vous inquiétez encore davantage des effets
potentiels.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à
l'échange. Je cède maintenant la parole au collègue de Mercier pour
2 min 30 s.
M. Khadir : Merci. Mes Godin, Sarrazin, Kim, bienvenue. Me Ménard. Je
constate, Me Ménard, que la profession d'avocat, de juriste se
féminise aussi, comme la profession médicale.
M. Ménard (Jean-Pierre) : C'est une
bonne intuition.
M. Khadir : Est-ce qu'il y a
des notables dans votre profession... Je sais qu'il y en a qui le pense, mais est-ce
qu'il y a des notables qui ont dit publiquement qu'elles privilégient trop la
qualité de vie, qu'elles sont, finalement, un peu paresseuses, qu'elles
ne travaillent pas assez?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Non, j'ai le
privilège d'être entouré par une équipe de jeunes avocates extrêmement douées, travaillantes...
M. Khadir : Non, mais en
général.
M. Ménard (Jean-Pierre) : En
général, écoutez...
M. Khadir : Je n'en ai pas
entendu, moi non plus.
M.
Ménard (Jean-Pierre) : Je
n'ai pas ce problème-là non plus. Puis je pense qu'il faut faire confiance aux
femmes, elles sont aussi bonnes que les hommes l'ont et l'ont toujours
été.
M. Khadir : Bon, très bien. Me Ménard, je ne sais pas si vous connaissez les
autres systèmes de santé, mais en Europe,
en moyenne, des pays de l'OCDE, là, sur le territoire européen, les
médecins gagnent en moyenne à peu
près la moitié, en termes de pouvoir d'achat, que les
médecins au Québec et au Canada, en moyenne. C'est grossier, mais c'est à peu
près ça, en moyenne la moitié. Mais
il y en a plus. Il y en a tellement plus en Italie, en France, dans les pays où on
n'a pas de problème d'accès qu'il y en a
même qui sont un peu sur le chômage, mais le système de santé n'y voit pas
un problème, en autant que les
patients sont servis. Donc, on n'a pas limité. On les paie moins, ils
travaillent ce qu'il faut, puis les gens sont contents.
Mais ça, vous
avez dit... Parce que ça touche un peu ce que vous avez dit, vous avez
dit : L'accessibilité et ses critères,
plutôt que d'être définis en fonction des besoins des usagers, ont été négociés
entre le ministère et les fédérations médicales, ceux qui ont
dirigé les fédérations médicales — puis ce n'est pas juste le ministre
actuel parce que ça fait 40 ans — Fédération
des médecins spécialistes, fédération des médecins... Vous, vous avez proposé, parce que
le ministre vous a demandé... — mais est-ce que j'ai bien compris? — vous
avez dit : Donnons dans la loi des droits aux patients. Donc, ça veut dire qu'il faut plus de droits aux
patients que de pouvoir au ministre, parce
que le pouvoir du ministre
pourrait se retrouver à négocier avec
les fédérations puis, suivant les considérations stratégiques et politiques
du moment, finir par donner les mêmes résultats.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bien, c'est ça qu'il faut faire attention, c'est que, écoutez... Puis je ne doute pas de tous les talents de
négociateur du ministre aussi, mais il y a des choses qui ne devraient pas être
négociables, O.K.? Puis moi, je pense que le droit d'accès d'un
patient à des soins médicaux, c'est non négociable. Les conditions devraient
être dans la loi puis
ne devraient pas... puis ça, ça devrait être un sujet qui ne fait plus partie
de la négociation, les négociations devraient s'adapter
comment rencontrer la norme légale.
M. Khadir : Puis une chose importante que vous êtes probablement le premier à
souligner avec autant d'emphase, vous
avez dit : La première ligne, ce n'est pas juste le service médical,
l'accès au médecin, c'est un ensemble, puis il n'y a pas de vision dans
ce projet de loi.
M. Ménard (Jean-Pierre) : C'est pas
mal plus large que ça.
M. Khadir : Donc, vous proposez qu'on ajoute dans un autre projet de loi... bien, en fait, nous, on a demandé le retrait de ce projet de
loi parce qu'il n'y a pas rien pour tenir compte de tous ces...
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
M. Khadir : ...donc de quelque chose qui tienne
de l'ensemble de l'offre de services de première ligne. Est-ce que je
vous ai bien compris?
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, merci à
Mes Ménard, Godin, Sarrazin et Tremblay pour votre présentation.
Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 27)
(Reprise à 15 h 23)
La
Présidente (Mme Montpetit) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre les sonneries de
leurs téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 20, Loi
édictant la Loi favorisant l'accès
aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant
diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Avant de
débuter les travaux, est-ce que je pourrais avoir le consentement pour prolonger la rencontre au-delà de l'heure prévue? Consentement?
Parfait.
Donc, je
souhaite la bienvenue à nos invités du Département d'obstétrique-gynécologie du
CHU Sainte-Justine. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter, vos noms
ainsi que vos fonctions. Et je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé, par la suite nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Sur ce, la parole est à vous.
Département
d'obstétrique-gynécologie
du CHU Sainte-Justine
Mme
Duperron (Louise) : Je suis
Louise Duperron, chef du Département d'obstétrique-gynécologie du CHU
Sainte-Justine et cogestionnaire médicale du programme mère-enfant.
M.
Dahdouh (Élias) : Dr Élias
Dahdouh, directeur médical du Centre de procréation assistée du CHU
Sainte-Justine.
Mme Martel
(Johanne) : Johanne Martel,
coordonnateur clinico-administratif pour la trajectoire mère-enfant.
Mme
Duperron (Louise) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je tiens à
vous remercier de nous donner
l'opportunité de nous exprimer sur nos réflexions quant au programme
de procréation médicalement assistée public et intégré dans le CHU mère-enfant
Sainte-Justine. Voici les points importants que nous souhaitons vous partager : l'accessibilité et la sécurité des
soins de procréation en milieu
hospitalier universitaire, l'importance
d'un encadrement universitaire en éthique, enseignement et recherche, la
préservation de la fertilité pour nos enfants atteints de cancer,
l'importance d'un programme de diagnostic préimplantatoire.
Le CHU mère-enfant Sainte-Justine a quatre
grandes missions : l'enseignement, la recherche, l'innovation et dispenser des soins de qualité aux femmes et aux
enfants du Québec. Afin de répondre à ces quatre grandes missions,
le CHU Sainte-Justine a su intégrer
sous un même toit le plus grand centre de grossesses à risque francophone du Canada,
un centre de thérapie foetale, un centre
intégré de diagnostic prénatal, un centre intégré de génomique pédiatrique et
un partenariat avec Génome Québec.
En 2012,
lorsque le ministère nous a demandé de créer un programme
de procréation médicalement assistée au CHU
Sainte-Justine, nous avons opté pour l'intégration du centre de procréation au
sein des activités des cliniques d'obstétrique et de gynécologie du programme mère-enfant. Cela
nous a permis de faciliter la trajectoire de soins de la clientèle, de maximiser l'efficience du personnel,
de maximiser l'utilisation des lieux et des plateaux techniques en tout
temps dans un souci de respecter le cadre budgétaire et d'y prodiguer des soins
de qualité. Nous pouvons maintenant vous confirmer que
nous avons rencontré nos objectifs, nos cibles de 400 cycles demandées par
le ministère, tout en respectant notre cadre budgétaire.
Maintenant, je cède la parole au directeur
médical, Dr Dahdouh.
M. Dahdouh
(Élias) : Merci,
Dre Duperron. Mme la Présidente, M. le
ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je voudrais, moi, développer trois points importants pour
expliquer notre mission au CHU Sainte-Justine.
En premier,
je vais parler de la mission clinique et soins sécuritaires. Il est évident, en
procréation assistée, quand on parle de sécurité, on parle sécurité de la
femme enceinte et surtout des enfants, donc ça passe donc évidemment par
une diminution du taux de grossesses multiples, le seul moyen de prévenir les
grossesses multiples étant de favoriser l'accès
à la fécondation in vitro et réduire les cycles de stimulation ovarienne avec
une insémination intra-utérine. En effet, il y a deux études randomisées
qui ont été subventionnées par le National Institutes of Health, aux
États-Unis, qui ont démontré clairement la supériorité
de la fécondation in vitro pour les taux de naissances vivantes,
comparativement aux traitements de
stimulation avec insémination, et avec un taux de grossesses multiples très
faible et en plus un coût par naissance
vivante qui est inférieur comparativement aux traitements par insémination et
superovulation. Donc, il est donc clair,
d'après ces données probantes, que la couverture et la fécondation in vitro
adoptant un transfert sélectif d'un seul embryon, qui est actuellement la pratique courante au Québec, est le
seul moyen efficace dans la réduction et la prévention de l'épidémie de grossesses multiples. Ceci
nécessite bien sûr de rendre la fécondation in vitro accessible et abordable
pour tous les couples infertiles de la province du Québec.
Le centre de procréation assistée, qui a été
inauguré en mai 2013, assure aux couples infertiles du Québec un accompagnement complet, individualisé à partir de
la conception jusqu'à la naissance, et ça rentre directement dans la mission du centre mère-enfant du CHU
Sainte-Justine. Depuis le début de nos activités cliniques, en mars 2013,
l'objectif clinique ciblé a été
atteint. Les derniers chiffres parlent d'un taux de grossesses évalué à à peu
près 40 %, avec un taux presque
inexistant de grossesses multiples. Une seule grossesse gémellaire a été
documentée, aucun cas d'hyperstimulation ovarienne sévère n'a été
documenté.
Nous sommes très heureux, M. le ministre, de
constater que, dans le projet de loi n° 20, la préservation de la
fertilité pour les patients devant subir des traitements de chimiothérapie a
été soutenue par le ministère. Nous avons développé
pour ça une expertise clinique notamment au niveau de la congélation des ovules
par technique de vitrification, qui vient s'ajouter à la technique déjà
bien établie de congélation de sperme.
Le deuxième
point, je vais parler de l'encadrement scientifique et universitaire du CHU
Sainte-Justine. Faisant partie de la mission du CHU, l'enseignement est
un élément important qui assurera une relève et une expertise dans différents domaines de la procréation assistée.
Ainsi, des résidents en obstétrique-gynécologie, des étudiants en médecine,
en éthique, en soins infirmiers, en génie
biomédical, en psychologie ont pu bénéficier de stages au CPA. Notre centre de
procréation assistée participe activement à
plusieurs projets de recherche, tant sur le plan local, provincial, national ou
international. On a déjà organisé deux
symposiums internationaux en procréation assistée, le premier était en octobre
2013, à peine six mois après
l'ouverture du centre, et un autre en octobre 2014, et on prévoit un autre en
octobre 2015. Plusieurs conférenciers
internationaux, que ce soit de l'Europe, des États-Unis, ont participé à cet
événement, et ce fut vraiment un franc succès.
• (15 h 30) •
Le troisième
point, je vais parler du diagnostic génétique préimplantatoire, qu'on appelle
le DPI. Le CPA du CHU Sainte-Justine a eu comme mandat provincial,
depuis son ouverture, de développer un programme national de diagnostic préimplantatoire pour les couples
porteurs de maladies génétiques sévères. Il constitue ainsi un programme
national dans le domaine en partenariat avec le centre de génomique pédiatrique
intégré et Génome Québec.
Le DPI est considéré comme une alternative au
diagnostic prénatal et pourrait éviter une interruption médicale de grossesse en cas de grossesse affectée, c'est une
expérience traumatisante pour les couples touchés. C'est une prise en charge, en fait, complète pour la prévention des
maladies génétiques en question. Je vous donne... Comme exemple, certaines
maladies génétiques peuvent être transmises
par le porteur dans 25 % à 50 % pour les futurs enfants, telle la
maladie de l'X fragile, qui est associée à un retard mental et à une
ménopause précoce, les maladies métaboliques, par exemple, qui sont très fréquentes au Lac-Saint-Jean, et la dystrophie musculaire. Le seul moyen actuellement de prévenir ces maladies génétiques,
c'est le diagnostic préimplantatoire. Ce diagnostic, en fait cette technique comporte
quatre étapes, la première étape étant la fécondation in vitro. On doit
faire subir au couple un cycle de fécondation in vitro, faire une biopsie embryonnaire, prendre l'ADN de la cellule,
l'analyser, faire l'analyse génétique, et après on fait un transfert sélectif
d'un embryon qui est exempt de la maladie génétique recherchée.
Donc, en conclusion, pour maintenir la réduction
des taux de grossesses multiples associées à la procréation assistée, la fécondation in vitro devrait être
disponible et abordable pour tous les couples infertiles du Québec.
Deuxièmement, pour assurer un
transfert intergénérationnel de connaissances scientifiques en procréation
assistée via le programme de résidence
et de «fellowship», les centres publics de PMA devraient être présents dans les
centres hospitaliers universitaires tels
que le CHU Sainte-Justine. Troisièmement, pour permettre des percées
scientifiques en procréation assistée mettant le Québec au premier rang
national et international, les recherches dans le domaine devraient être
maintenues au sein du CPA du CHU
Sainte-Justine. Quatrièmement, sachant que le CPA du CHU Sainte-Justine possède
une expertise de haut niveau en diagnostic génétique préimplantatoire et
en diagnostic prénatal, ce programme devrait être accessible à la population québécoise
afin de répondre aux besoins de la population. Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Nous allons donc débuter
la période d'échange avec la banquette ministérielle. M. le ministre, vous avez
25 minutes pour votre échange.
M.
Barrette : Combien?
La Présidente (Mme
Montpetit) : 25.
M.
Barrette : 25. C'est
parfait. Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, bienvenue. Alors, c'est très
intéressant comme présentation, ce que vous venez de faire.
J'aimerais
ça aborder tout de suite... bien peut-être pas tout
de suite mais... en fait tout de
suite quand même la problématique
dont vous n'avez pas parlé. Vous comprenez la situation, la raison pour
laquelle on embarque là-dedans, il y
a une problématique budgétaire de retour à l'équilibre au Québec,
et on considère que... Bon, ça fait partie des grands choix de société, là : Est-ce qu'on paie complètement, pas
complètement, pas du tout pour un programme comme celui-là? Là, je comprends que votre position serait de garder le régime tel quel,
c'est ce que je comprends de votre position, puis qui est une chose qui est évidemment...
que l'on considère qu'on ne peut pas faire, et d'où le projet de loi n° 20 qui contient ces restrictions-là.
Est-ce
que, dans votre estimé, dans votre expérience... Parce que vous avez quand même
une longue expérience, particulièrement vous, Dre Duperron, là,
vous voyez ça depuis longtemps, là. Est-ce que vous considérez que notre financement par les crédits d'impôt va mettre un
frein significatif à l'accès? Parce
qu'ici, là, le projet de loi, ce qu'il présente, évidemment, en termes de financement... ce qu'il propose, pardon, en
termes de financement, c'est un financement dégressif en fonction des revenus des gens. Dans notre
expérience, on pense que ce frein-là est raisonnable. Je voudrais vous entendre
là-dessus.
Mme Duperron (Louise) : Bien, je pense que, pour nous, c'est vraiment
important de maintenir l'accessibilité aux
soins et que ce soit équitable pour chacun, qu'on soit de niveau défavorisé, de
revenus moyens ou bien nanti, que tout le monde ait accès. Et je pense que ça
vous revient à vous, le ministère, de moduler la façon que vous allez demander
que ça... que vous allez payer les
soins, finalement, ou que vous allez demander que la clientèle paie une
certaine partie, je pense que ça vous revient. Nous, on veut que ce soit
équitable pour tout le monde.
M.
Barrette : Donc, ce que l'on présente, là, pour vous, vous ne percevez
pas ça comme étant un frein insurmontable à l'accès à la... Je comprends
que je vous pose... je vous demande une question de jugement de valeur dans une certaine mesure, peut-être pas de
valeur mais de porter un jugement sur nos propositions, mais, dans votre expérience... Parce que vous avez connu,
évidemment, la période où les gens payaient complètement, et là clairement
c'était un frein pour les gens, là. Il y
avait un crédit d'impôt à l'époque, mais ce n'était pas du même type. Et, en
fait, la question, je pourrais la
poser différemment : Est-ce qu'il y avait autant de gens avant qui
venaient d'un milieu plus modeste qu'aujourd'hui?
Probablement que non. Et là, aujourd'hui, j'ai l'impression que ce que l'on propose devrait suffisamment faciliter l'accès pour les gens qui ont des
revenus plus modestes mais ne pas freiner les autres. Puis en fait ma question plus précise : Les gens qui y
avaient accès dans le passé, ils étaient des gens de classe moyenne, là, ce
n'étaient pas nécessairement les gens plus fortunés, dans le temps, qui
payaient, là?
Mme Duperron (Louise) : C'est très difficile à évaluer sur le terrain,
voir qu'est-ce que ça va apporter comme modifications. On pense que ça
va diminuer l'accès, mais je n'ai aucun moyen pour évaluer ce que je peux
avancer.
M.
Barrette : Les balises que
l'on met... Parce que vous, vous voyez ça, évidemment, du côté... de l'angle du clinicien,
puis c'est tout à fait normal, là, et les balises que l'on propose sont
des balises qui viennent essentiellement du rapport
du Commissaire à la santé et au bien-être. Est-ce que vous avez des critiques à
faire, des modifications à proposer ou est-ce que vous êtes bien confortables
avec tout ce qui est là comme balises?
Mme Duperron
(Louise) : Moi, je suis assez...
M.
Barrette : Je comprends que
vous venez, là... — je
m'excuse de vous interrompre — je
comprends que vous venez en relation
avec la clinique de Sainte-Justine, mais, malgré tout, comme vous allez
certainement être appelée à jouer encore un rôle dans le public, vous
avez certainement une opinion sur les balises que l'on propose.
Mme Duperron
(Louise) : Je pense qu'on a participé à l'entrevue que le Commissaire
de la santé... au rapport Salois, on a fait
nos commentaires à ce moment-là. On est vraiment en accord avec la mise en place de balises.
Je sais que vous tenez beaucoup
à la balise de 42 ans. Nous, ici, on y croit, qu'il faut évaluer les patientes,
qu'il faut bien cadrer le système.
M.
Barrette : Alors là, vous
m'intéressez, parce que c'est à ça que ça sert, évidemment, ces audiences-là. Vous y
croyez, au 42 ans. Est-ce qu'à
ce moment-là vous considérez qu'on
est trop sévères avec le 42 ans ou qu'on devrait avoir des
circonstances où on dépasse?
Mme Duperron
(Louise) : Peut-être qu'on peut demander au Dr Dahdouh ce qu'il
fait dans les autres...
M. Barrette :
Ah! bien je pose la question aux trois, là.
Mme Duperron (Louise) : Ah! À moi?
Bien, moi, je pense que...
M.
Barrette : Non, non, mais, je veux dire, vous pouvez répondre qui vous
voulez, là.
Mme Duperron (Louise) : O.K. Moi, je
pense qu'à 42 ans c'est une
balise raisonnable. On sait que les taux de grossesses spontanées sont très faibles, que les grossesses avec
fertilisation in vitro, à 42 ans, le succès est aussi faible et qu'il faudrait peut-être penser à du don
d'ovule, penser à d'autres façons de faire que de favoriser la fertilisation in
vitro après 42 ans. Qu'est-ce
qu'on va faire? Qu'est-ce qu'on va apporter comme solution pour ces femmes-là?
Ça pourrait être du don d'ovule, ça
pourrait être d'autres solutions qui pourraient être discutables. Mais cette
balise-là, elle est de tous les pays. Même certains pays sont à
41 ans.
M.
Barrette : Oui, mais on me
fait souvent valoir comme critique que le fait qu'on mette une interdiction
absolue à 42 ans, ça pose
problème. Parce que c'est ce qu'il fait, le projet de loi, là, il rend illégale l'implantation au-delà de 42 ans.
Mme Duperron
(Louise) : Je pense le mot «illégal» vraiment est difficile à avaler
pour tout le monde parce qu'à 42 ans,
en bonne santé, avec une bonne évaluation médicale, avec un système qui permet
le don d'ovule, on peut avoir des
grossesses avec un taux de grossesses et de naissances vivantes satisfaisant,
qu'on ne mettra pas la clientèle en danger ni les enfants à naître en
danger.
M.
Barrette : Parce qu'on se comprend, là... Puis ça, les gens,
évidemment, quand je vais là, on n'en parle pas toujours très ouvertement. Vous êtes d'accord avec moi qu'il y a un
risque pour la mère et pour l'enfant au-delà de 42 ans, pour ce qui
est...
Mme Duperron (Louise) : Ça prend une évaluation médicale parce qu'au-delà
de 42 ans, si tu es en bonne santé, les risques sont quand même minimes si je les compare à une femme de
27 ans qui a une obésité, qui a du diabète et une hypertension
chronique, celle-là est beaucoup plus à risque de complications qu'une femme de
42 ans en bonne santé documentée.
M.
Barrette : Et est-ce que vous considérez aujourd'hui que, pour le plus
de 42 ans, il y a suffisamment de balises scientifiquement
reconnues pour le permettre?
Mme Duperron (Louise) : Oui. Dans la littérature médicale, il y a vraiment
des lignes de conduite en obstétrique-gynécologie pour suivre des femmes
dans la quarantaine.
M. Barrette :
Parfait. Et puis, du côté des balises, vous n'avez pas d'autres commentaires à
faire?
• (15 h 40) •
M. Dahdouh (Élias) : J'aimerais bien ajouter pour le point de 42 ans. Moi, j'ai eu
l'occasion de faire des stages en
Europe, en Espagne, en Belgique et aux États-Unis. En fait, en Belgique, ils ont mis... en Espagne
ils ont mis 42 ans comme une
balise pour arrêter la fécondation in vitro pour la femme par ses propres
ovules parce que les taux de naissances vivantes sont extrêmement bas, on parle d'un
taux de naissance qui peut être inférieur à 3 %. Donc, médicalement, ça ne marche pas, puis il faut que
la patiente pense à faire un don d'ovule.
Par
contre, pour le don d'ovule, il y a beaucoup de sociétés, comme la société
américaine de fertilité, qui ont émis des
«guidelines», des lignes directrices pour le don d'ovule, qui semble être que
c'est une voie sécuritaire pour permettre des grossesses après 42 ans si la patiente est médicalement évaluée
puis elle est apte à être enceinte. De
notre côté, au CHU Sainte-Justine, on
a un comité multidisciplinaire qui a été établi. Toute demande de don d'ovule
doit être évaluée par un comité
multidisciplinaire, incluant une évaluation médicale, surtout pour toutes les
patientes qui ont 45 ans ou plus. Donc, c'est ça, ma réponse.
M.
Barrette : O.K. Un
autre aspect... Parce que, là, on va aller... je vais vous poser des questions
plus spécifiques à votre clinique à vous, comme telle, là. Évidemment,
si la loi n° 20 est adoptée telle quelle, il va y avoir un impact certainement sur le volume de procédures faites au
Québec, et ça va avoir un impact, évidemment, sur l'activité, entre
guillemets, totalement publique. Dans la grande région de Montréal, avez-vous
réfléchi sur l'offre de services? Et je m'explique plus précisément :
Est-ce qu'à Montréal ou au Québec on devrait avoir une, deux, trois, quatre,
cinq, six, sept cliniques? Là, je dis cinq,
six, sept, là, simplement pour la conversation, là, mais je vais vous poser la
question dans l'autre extrême :
Est-ce qu'on a besoin de plus qu'une clinique? Je ne vous propose rien, là,
vous comprenez, là, je lance la...
M. Dahdouh (Élias) : Moi, je peux répondre qu'en fait personnellement le département de
gynéco-obstétrique a été invité en
2012 pour ouvrir un centre de procréation assistée public, donc le personnel a
été engagé, on a mis en place cette
clinique puis on a répondu à 100 % aux exigences que le... et aux
directives ministérielles dans le temps. Je pense que c'est au ministère de la Santé actuellement de
juger s'il y a nécessité d'avoir plusieurs cliniques ou non sur le terrain
actuellement.
M.
Barrette : ...poser la question plus directement : Quel est le
volume que vous pensez pouvoir faire chez vous?
Mme Duperron
(Louise) : De 800 à 1 000 cycles par année.
M. Barrette : Combien?
Mme
Duperron (Louise) : On pourrait monter de 800 à 1 000 cycles
par année.
M. Barrette :
C'est un maximum, ça, ou c'est le chiffre que vous souhaitez?
Mme Duperron (Louise) : C'est le chiffre qu'on peut faire actuellement
avec les locaux que nous avons, avec le
laboratoire que nous avons. Si la demande était d'augmenter, nous allons
regarder et placer ailleurs dans l'hôpital d'autres locaux pour fournir
à la demande du ministère.
M.
Barrette : O.K. Donc, mettons 1 000, là, pour prendre la marge
maximale que vous évoquez. Ça, c'est la marge que vous pouvez faire ou la frontière, la borne supérieure de ce que
vous pourriez faire avec les équipements actuellement et aussi avec les conséquences que ça a sur le
reste de l'hôpital, parce qu'évidemment j'imagine qu'il y a des conséquences,
là.
Mme Duperron
(Louise) : Bien, disons que, quand on a décidé, on a...
M. Barrette :
...mais il faut les accoucher à un moment donné, là, les madames, là.
Mme Duperron (Louise) : Bien, actuellement, ce qu'on fonctionne beaucoup,
c'est avec les régions aussi, on a un
contrat avec Sherbrooke, un contrat avec Chicoutimi, les gens qui nous sont
référés retournent dans leur milieu. Alors, ce n'est pas tous les gens qui viennent, toutes les personnes qui
viennent dans nos cliniques qui accouchent à Sainte-Justine. Ça, c'est
pour le volume accouchements.
Pour
ce qui est du volume de 800 à 1 000, on a la structure physique, les
laboratoires parce qu'au début le ministère nous avait demandé 400, pour les deux premières années, et d'augmenter
progressivement jusqu'à 1 000, donc on n'a pas voulu dépenser
inutilement l'argent et dire après ça : On va agrandir, on a bâti pour
répondre à une demande future.
M.
Barrette : O.K. Du côté du DPI, bon, c'est un débat en soi, le DPI,
là. Là, je comprends que vous voudriez offrir le service pour le Québec,
à toutes fins utiles, pas juste, évidemment, pour votre clientèle, là.
Mme Duperron
(Louise) : Oui.
M.
Barrette : Et, de ce côté-là, si on allait de l'avant — je mets tout ça avec des «si», là, je ne
sais pas si on va aller à Paris, on va peut-être aller à
Sainte-Justine — vous
avez la capacité, à Sainte-Justine, de servir le Québec?
Mme Duperron (Louise) : Oui, exactement. On a la plateforme génomique, on
a la plateforme pour faire tous les nouveaux tests à la mode, là, pour
le DPI, il n'y a aucun problème. L'équipe est en place.
M.
Barrette : Et, l'évaluation que vous avez faite, vous avez fait une
évaluation en fonction de l'état de situation actuel de la demande ou en
fonction de la clientèle que vous estimeriez dans le futur?
Mme Duperron (Louise) : Avec la clientèle actuelle et ce qu'on estime, on
a déjà une liste d'attente de 150 familles...
M. Dahdouh
(Élias) : 200, 200 familles.
Mme Duperron
(Louise) : On est rendus à 200. Donc, c'est un besoin réel.
M. Dahdouh (Élias) : Si on couvre toute la population du Québec, on prévoit un volume à peu près
de 150 cycles de DPI, et ceci juste
pour les maladies médicalement requis. On ne parle pas de dépistage
préimplantatoire, on parle de patients qui ont un risque de transmission de
maladies génétiques sévères qui dépasse 25 % à 50 % pour la population québécoise.
M. Barrette :
O.K. Et, en termes de coûts, vous avez estimé ça à combien?
M. Dahdouh (Élias) : Le cycle de FIV, actuellement, on a estimé... Il y a en fait deux
analyses génétiques. On parle de
cytogénétique pour les patients qui ont des anomalies chromosomiques, le coût
est estimé, par cycle, à peu près à 3 000 $.
Puis de l'autre côté on a les maladies monogéniques, où l'analyse génétique va
coûter entre 5 000 $ et 6 000 $ par cycle.
M.
Barrette : Bon. Alors, ça, la raison pour laquelle je vous pose cette
question-là, c'est parce qu'en lisant votre mémoire, là, vous parliez de
10 000 $ à 15 000 $. Ça m'a beaucoup tiqué.
M. Dahdouh (Élias) : Mais ça, c'est incluant aussi le cycle de fécondation in vitro, parce
qu'il faut ajouter le cycle de fécondation in vitro là-dessus.
M.
Barrette : Ah! O.K. Je n'avais pas compris la manière que c'était
écrit. Donc, vous, ce que vous dites, c'est que la partie diagnostic, la
partie non FIV est de 3 000 $ pour un...
M.
Dahdouh (Élias) : Incluant
la biopsie embryonnaire, l'analyse génétique. C'est ça qui coûte cher
actuellement dans le diagnostic préimplantatoire.
M. Barrette : Donc, si vous pouvez
me répéter, là... Là, vous dites 3 000 $ pour...
M. Dahdouh
(Élias) : Pour le CGH, pour
la cytogénétique, et 6 000$ pour analyse des maladies monogéniques,
en plus des coûts de la fécondation in vitro.
M. Barrette : O.K. Et les coûts de
FIV, chez vous, vous les estimez à?
Mme Martel (Johanne) :
4 750 $.
M. Barrette : Combien?
Mme Martel (Johanne) :
4 750 $, ce que vous nous donnez.
M. Barrette : Mais vous avez fait
une bonne évaluation qui inclut tout, là, les pieds carrés et tout?
Mme Martel (Johanne) : Oui.
Électricité, chauffage...
M. Barrette : Vous êtes bons, vous
êtes bons. 4 700 $, vous êtes bons.
M. Dahdouh
(Élias) : Actuellement,
Dr Barrette, on rentre parfaitement dans notre budget, on est très
contents parce qu'on rentre parfaitement dans le budget, donc...
M. Barrette : O.K., parfait. Y a-tu
d'autres commentaires que vous voudriez faire? Ça va? J'ai terminé, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, on va donc passer
à l'opposition officielle, à Mme la députée de Taillon, pour
15 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Dre Duperron,
Dr Dhadouh et Mme Martel, merci d'être là. Merci pour votre
mémoire, pour vos interventions.
On a eu quand
même d'autres organismes qui sont venus présenter et on a, entre autres,
beaucoup évoqué l'article 10.6
qui concerne le fait d'interdire à un médecin de référer une patiente à
l'extérieur du Québec. Est-ce que vous avez
déjà été témoins ou est-ce que des gens vous ont déjà parlé qu'ils ont eu à
aller à l'extérieur du Québec... ou est-ce que vous considérez que c'est
quelque chose qui est adéquat?
M. Dahdouh
(Élias) : C'est une très
bonne question. En fait, moi, personnellement, je ne parle pas d'une référence
à l'extérieur du Québec, je pense la plupart
des patientes qui partent, au Québec, pour aller chercher surtout un don
d'ovule qui n'existe pas au Québec,
parce que la loi canadienne, en fait, interdit de payer pour un don d'ovule,
donc il n'y a pas de banque d'ovules
au Canada. Donc, ces patientes n'ont pas besoin de référence, elles s'en vont
aller chercher des soins à l'extérieur du pays.
Cependant,
dans les cliniques où je connais qu'ils font des dons d'ovule, en Espagne, aux
États-Unis, ils sont en faveur d'un
transfert sélectif d'un seul embryon, donc ça, c'est la pratique actuelle pour
un don d'ovule, parce qu'on sait très
bien que le don d'ovule vient de patientes très jeunes. Donc, les chances de
grossesse, quand on transfère un embryon qui vient d'un ovule jeune, sont autour de 40 %, 50 %, donc il
est étonnant de voir des transferts de plusieurs embryons avec des
patientes jeunes. Donc...
Mme Lamarre : Donc, selon vous, il
n'y aurait pas beaucoup d'indications à avoir à envoyer des patientes à
l'extérieur du Québec ou...
Mme
Duperron (Louise) : On n'a
même pas besoin de les envoyer, l'Internet est là, monsieur Google est
là. Alors, les gens magasinent déjà,
magasinaient avant, alors on n'a pas besoin de leur interdire d'y aller. C'est
sûr que, si aux douanes vous mettez
un détecteur d'embryons, bien là ça sera à décider, là, mais, pour la loi, pour
dire qu'un médecin doit interdire, doit
empêcher sa patiente d'y aller, on n'a même pas besoin de faire ça parce
qu'elles y vont d'elles-mêmes, elles paient elles-mêmes les frais, puis
ça s'est toujours fait.
• (15 h 50) •
Mme
Lamarre : Mais, moi, ce que je comprenais de l'esprit du projet de
loi, peut-être que je me trompe, puis le ministre pourra me corriger
éventuellement, mais c'était justement de dire : Dans un contexte qui ne
remplit pas les critères qu'on aura
déterminés au Québec, si une femme va chercher ce don d'ovule ou ces
soins à l'extérieur, bien le médecin sera pénalisé de l'avoir encouragée
à le faire parce qu'il y aura éventuellement plus de risques pour cette femme-là et donc il y aurait hypothétiquement des
coûts que le système de santé subirait. Et ce que vous me dites, c'est que c'est déjà possible actuellement, que les femmes peuvent tout simplement demander ces dons d'ovule là,
et donc ça ne nous
met pas à l'abri du fait que des conditions particulières qui seraient non
reconnues acceptables ici fassent en sorte que la femme soit quand même
exposée à cette situation-là ici en ayant importé des ovules.
Mme
Duperron (Louise) : Je pense
que c'est ça. La loi peut dire qu'on interdit d'informer, la loi dit : On
vous interdit de favoriser ça, mais,
une fois qu'on a dit à la patiente : Madame, on ne peut pas vous offrir
les services ici, pour telle et telle
raison, quand elle rentre à la maison, c'est elle qui décide ce qu'elle fait.
Pour aller au Mexique, pour aller aux États-Unis, pour aller en Espagne,
elle n'a pas besoin d'une prescription médicale, elle va y aller d'elle-même.
Mme
Lamarre : Le fait d'écrire
ça, c'est d'abord un précédent en
termes d'interdiction au niveau du médecin, mais en même temps ça ne donne pas les garanties de ce qu'on recherche,
dans le fond. Bien, je vous remercie, c'est éclairant.
Il y avait également... Et je reconnais toute
l'expertise du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine dans toutes ces dimensions de procréation médicalement
assistée, puis vous êtes vraiment une référence. Il y a des normes... en fait il y a un guide qui doit être publié
incessamment par le Collège des médecins, dans lequel il semble qu'on aurait
certaines balises qui ont été mises dans le
projet de loi, et les gens, le collège entre autres et d'autres experts
disent : Bien, écoutez, il y a une évolution quand même dans ces
normes-là, et de les emprisonner dans un projet de loi alors que la science évolue et que certaines de ces
informations-là pourraient être changées dans deux ans, trois ans, parce que ce
ne seraient pas les lignes
directrices de traitement recommandées, ou les balises au niveau de l'âge, ou
différents paramètres, donc, le
Collège des médecins disait : Nous, on recommande que, dans le fond, on
ait recours aux lignes directrices de traitement,
qui sont beaucoup plus facilement actualisables en fonction des données
probantes de la science. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?
Mme
Duperron (Louise) : Je pense
que ce n'est pas à nous comme médecins, ici aujourd'hui, de statuer là-dessus,
je pense qu'il faut se remettre au Collège
des médecins, c'est eux qui sont là. Et je pense que, la logique derrière tout
ça, de dire effectivement que la
médecine évolue, les normes peuvent changer rapidement, alors, on va se rallier
aux recommandations du Collège des médecins.
Mme
Lamarre : Pouvez-vous nous donner un exemple peut-être d'une norme qui
n'était pas tout à fait la même il y
a cinq ans puis qui a changé dans les... pas dans les normes formelles mais
dans les approches thérapeutiques reconnues, là, dans les...
Mme
Duperron (Louise) : Je vais
prendre un exemple qui n'est pas de la procréation médicalement assistée, mais,
moi, quand j'ai commencé à pratiquer, il y a 30 ans, sauver un enfant de
28 semaines, c'était vraiment... on le regardait puis on se disait : S'il est vigoureux, on s'en occupe;
s'il n'est pas vigoureux, on ne s'en occupe pas. Maintenant, on est
rendu à sauver des 22, 23 semaines, alors vous voyez que la médecine
évolue.
L'autre exemple que je pourrais vous donner,
c'est les fibroses kystiques. Quand j'ai commencé, les fibroses kystiques
mouraient à l'adolescence. Maintenant, l'âge moyen de survie est de
51 ans.
Mme
Lamarre : Excellent. Intéressant. Vous avez parlé de la sécurité, et
je trouve que c'est une dimension qui est
vraiment importante. Pouvez-vous nous parler des risques qui peuvent être... en
tout cas des aspects de sécurité sur lesquels vous portez une attention
toute particulière?
Puis
j'ajouterais à ça... Et là c'est sûr que c'est une situation un peu délicate
pour vous, parce que vous êtes un des
trois centres publics qui offrez les services, mais, par rapport aux centres
privés ou de façon générale, est-ce que vous avez peur à certaines dérives, est-ce que vous avez peur à certains
risques, puisqu'on est dans la dimension de sécurité, d'offrir des
services de santé sécuritaires et adéquats?
Mme
Duperron (Louise) : Je vais
parler pour moi, puis après ça je pourrai laisser répondre Dr Dahdouh. Je
pense que, de notre côté, on a une
clinique de grossesses à risque, on a une bonne équipe de médecine interne qui
travaille avec nous, donc on est là
pour évaluer la santé de la patiente si jamais on nous la référait pour
dire : On est inquiets. Donc, je peux
assurer le pré-fertilisation in vitro. On
a une bonne équipe aussi, sérieuse, de psychologues, même de psychiatres,
au besoin, qui ont été formés, qui ont été à
Vancouver, pour les problématiques de procréation médicalement assistée.
Donc, on est
là pour bien encadrer la pratique avant. Après ça, si jamais,
pour une raison médicale, qu'on peut permettre
une grossesse avec fertilisation in vitro, mais il y a quand même des risques
à poursuivre, on a le support chez nous de grossesses à risque pour
suivre ces patientes-là.
M. Dahdouh
(Élias) : En fait, c'est
dans le même aspect. Quand on parle de sécurité, en fécondation in vitro,
on parle surtout de grossesses multiples. Actuellement, je pense, le problème est presque résolu, parce qu'on a un taux de grossesses multiples très faible. Puis, deuxièmement,
c'est la sécurité de la patiente. Il faut évaluer la santé, donc, physique de la patiente, s'assurer que
médicalement elle est apte à recevoir une grossesse. Comme Dre Duperron vient
de dire, dès qu'on a un doute, donc, nous,
on a un comité multidisciplinaire qu'on a formé à Sainte-Justine, on l'évalue en
grossesses à risque, qu'on appelle la clinique counseling prégrossesse, donc
les conseils, pour évaluer sa fonction médicale, si elle est apte à porter un
enfant, puis, deux, il y a une évaluation psychologique qu'on fait. Puis il n'y a
aucun cas actuellement à Sainte-Justine qui a un feu vert pour faire un
cycle de fécondation in vitro ou même des traitements, peu importe, insémination, s'il n'y a pas, donc, un feu
vert du côté médical que la patiente, la grossesse peut être sécuritaire
pour elle.
Mme
Duperron (Louise) : Il y a un autre point que je pourrais rajouter, si vous
me permettez. C'est que, lors d'une
technique de fertilisation
in vitro, il faut aller prélever
des ovules, alors parfois il pourrait y avoir des complications, des
saignements qu'on n'a pas prévus, et, étant dans un centre hospitalier, si jamais
on avait besoin d'aller au bloc opératoire, s'il y avait une complication sérieuse, on peut automatiquement aller au bloc
opératoire. Alors, c'est important pour nous, pour la sécurité de la
patiente, d'avoir tout en un même lieu.
Mme Martel (Johanne) : Peut-être
ajouter aussi qu'on a un comité d'éthique avec des membres qui sont indépendants du centre de procréation assistée,
qui viennent du comité éthique de l'hôpital, et qui viennent siéger, on se rencontre une fois par mois pour des situations
particulières qui... soumises par l'équipe du CPA. Donc, en termes de capacité parentale, évaluation
psychosociale, on discute de tout ça, là, et aussi au niveau
de la grossesse à risque, à savoir s'il
y a un risque pour la patiente.
M. Dahdouh
(Élias) : Et,
Mme Lamarre, on est particulièrement très contents parce que c'est la partie la
plus sévère à Sainte-Justine, puis on
est contents de ça. Dès qu'il y a un projet de recherche, même une recherche qu'on
pense que c'est acquis, c'est très
facile, le projet éthique est très sévère et regarde tous les aspects, puis il
nous donne des accords. Ça peut prendre deux à trois mois pour approuver
un projet de recherche qui nous semble parfois très banal.
Mme Lamarre : Et je vois que c'est
une des recommandations que le Collège des médecins avait aussi, il recommandait que «le directeur médical d'un centre
de procréation [...] assistée de niveau 3 où se pratique la fécondation in vitro soit
obligatoirement un médecin détenteur d'un certificat de spécialiste en
endocrinologie gynécologique de la reproduction et de l'infertilité».
Donc, il y a quand même des standards.
Sans nommer personne, est-ce qu'au Québec il y a
des cliniques où on n'a pas cette expertise-là à la tête des établissements?
M. Dahdouh
(Élias) : ...pas répondre à
cette question. Nous, on peut répondre qu'au CHU Sainte-Justine tout le monde rentre dans une spécialité et a une
expertise de centre tertiaire et quaternaire, les médecins qui travaillent chez
nous, au centre.
Mme
Lamarre : L'impact du projet de loi, en fait, c'est qu'on y va plus
par étapes, on veut qu'il y ait une stimulation
ovarienne en premier, on veut l'insémination et on garde la fécondation
in vitro en troisième lieu. Est-ce que c'est toujours pertinent de
passer à travers ces étapes?
M. Dahdouh
(Élias) : Ça dépend surtout
de l'âge de la patiente puis ce qui a changé dans les lignes directrices.
Quand moi, j'ai commencé mon cours de
médecine, dans les années 90, ma spécialité, ma sous-spécialité, beaucoup
de choses ont changé. Puis l'âge de
la patiente, l'âge de la femme, de la patiente est très important, c'est ça qui
va déterminer les lignes directrices
en termes de traitement de fertilité. Puis il y a deux nouvelles études que je
viens de mentionner qui ont été subventionnées
par le National Institutes of Health, il y en a une qui vient de sortir en
2014, donc une étude très récente,
qui a montré qu'après 38 ans, 40 ans les taux de grossesse par
insémination sont très faibles, on parle de 4 % à 5 % de
naissances vivantes par mois, comparé à la fécondation in vitro, où on
parle de 20 %, donc, 20 % par cycle.
Mme Lamarre : 20 % par rapport
à 4 %?
M. Dahdouh
(Élias) : 4 % à
5 %, moins que 5 %. Donc, peut-être ce serait une bonne option, chez
ces patientes-là, d'aller directement
à la fécondation in vitro. Chez les patientes jeunes, c'est sûr, on
favorise surtout des traitements par insémination, parce que ça peut
éviter une fécondation in vitro.
• (16 heures) •
Mme
Lamarre : D'autant plus que,
là, les années courent pendant ce temps-là, là, si on est rendu à 37 ans,
et que là, maintenant, il va y avoir une contribution des couples pour
les frais, finalement.
M. Dahdouh
(Élias) : Oui, exactement.
Puis en fait le problème majeur, dans la fertilisation in vitro, c'est que
plus l'ovule avance en âge, plus il serait
apte... en fait à risque de faire ce qu'on appelle des aneuploïdies, des
anomalies chromosomiques. Les
anomalies chromosomiques, c'est ce qu'on appelle les trisomies. Quand on arrive... Il y a un processus de sélection qui est plus fort que tout le monde, c'est la
nature. Donc, la première sélection, quand on fait une fertilisation in vitro, cet embryon, l'utérus va le reconnaître,
il va dire : Ah! il est anormal, je le rejette, il ne s'implante pas.
Deuxième étape de sélection, c'est les fausses couches. C'est le même problème
qui se manifeste différemment pour arriver aux trisomies qui sont heureusement, je dirais, les moins sévères, les trisomies 16,
18 et 21, qui échappent à ce processus de sélection. C'est le même problème,
c'est là les diminutions de taux de fertilité par rapport à l'âge de la
patiente.
Mme
Lamarre : Écoutez,
je pense que ce que vous... Ce qu'on voit aussi dans votre
mémoire, c'est que, d'une part,
vous félicitez et avec raison, je
pense, la reconnaissance de couverture des traitements de la préservation de la fertilité
pour des raisons médicales, par exemple préchimiothérapie, puis ça, je
pense que c'est tout à l'honneur du projet de loi et de ceux qui l'ont rédigé.
Vous évoquez quand même
une réalité que, selon l'Organisation
mondiale de la santé, l'infertilité
est considérée comme une maladie essentielle, alors c'est vraiment quelque
chose qui n'est pas juste accidentel, mais c'est vraiment considéré comme une maladie essentielle, et la
prévalence est de 15 % à 25 %
de la population en général, ce qui est quand même énorme. Est-ce que
vous êtes à même de constater ça?
M. Dahdouh
(Élias) : ...on est en train
de vivre, au Canada et au monde, dans les pays qu'on appelle industrialisés,
un changement social, ça veut dire que les
femmes actuellement, donc, pensent à avoir leur premier enfant, le premier
enfant, la première conception après 35 ans, ce qui est estimé qu'il y a
25 % à 30 % de la population canadienne qui accouchent après 35 ans. Quand on parle de 35 ans ou plus, du
même problème que je viens de citer il y a une augmentation des taux d'anomalie chromosomique, donc diminution
des taux de grossesse, augmentation des risques de fausse couche. Donc, c'est pour ça qu'on a écrit le
15 %-25 %. Ça dépend de la population, ça dépend de l'âge et la
première grossesse.
Par exemple,
en France, l'âge moyen d'avoir la première grossesse était 22 ans il y a
15 ans; actuellement, il est de
29 ans, 30 ans. Donc, c'est une réalité, donc, qu'il ne faut pas
sous-estimer, puis c'est pour ça que les traitements de fertilité sont
de plus en plus en demande.
Mme Lamarre : Compte tenu que les
femmes vivent jusqu'à 85 ans...
La
Présidente (Mme Montpetit) : Ça met fin à l'échange, je vous remercie.
Donc, le député de Lévis pour une période de 10 minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être là, Dre Duperron, Dr Dahdouh et puis
Mme Martel.
Je reviens
sur des données, si vous me permettez, des données chiffrées, histoire de
comprendre, hein? On fait oeuvre
d'éducation, l'objectif est d'apprendre également. Je reviens sur une donnée
que vous avez dite il y a quelques instants.
Vous avez dit que, pour des femmes — et corrigez-moi puis aiguillez-moi — de 37, 38 ans, le taux de réussite, je
le dirai comme ça, d'une fécondation in
vitro par rapport à une dame de 42 ans — on en parlait aussi il y a quelques instants,
bon, c'était encore efficace chez une femme
de 42 ans, parce qu'on en parle dans la loi également — le taux de réussite, en fonction de
l'âge, diminue drastiquement entre un moment et un autre.
M. Dahdouh
(Élias) : À partir de
35 ans il y a une diminution, une autre diminution à partir de
38 ans, mais la diminution
drastique, c'est à partir de 40 ans et plus, jusqu'à atteindre presque
une... Le taux est inexistant après 43 ans, même en fécondation in
vitro, par les propres ovules de la patiente.
M. Paradis (Lévis) : Alors, à 38
ans, le taux est quoi par rapport à 40 ans, où il chute...
Une voix : ...
M. Paradis (Lévis) : 25 %.
M. Dahdouh (Élias) : 25 % à
30 %.
M. Paradis (Lévis) : Et à
40 ans on tombe drastiquement avec presque...
M. Dahdouh (Élias) : On commence de
20 % jusqu'à atteindre, après 42 ans, moins que 5 %.
M. Paradis (Lévis) : Avec quasiment
de l'insuccès.
M. Dahdouh (Élias) : Exactement.
M. Paradis
(Lévis) : Alors, vous avez
dit qu'évidemment, l'évolution de la société, la condition humaine change.
Des femmes, vous le disiez, vous l'avez dit
aussi en statistiques, il y a 15 ans, il y a 20 ans, celles qui
avaient recours... ou le couple qui avait recours à la procréation
assistée n'avait pas le même âge qu'aujourd'hui.
Alors, vous
regardez statistiquement et vous constatez que les femmes, les couples plus
âgés maintenant s'adressent à la procréation assistée qu'avant. C'est
quoi entre il y a 15 ans de ça et maintenant, aujourd'hui?
M. Dahdouh
(Élias) : En fait, je peux
vous donner l'âge moyen des patientes qui se présentent à Sainte-Justine.
Actuellement, l'âge de la femme, c'est
36 ans et demi. Donc, avant,
j'estime qu'il y avait moins d'offre, mais je ne peux pas vous dire
comparativement à nous, chez nous, parce que ces chiffres n'existaient pas
avant.
M.
Paradis (Lévis) : J'écoute
et je comprends aussi. On parlait de femmes de 42 ans en vous demandant si
effectivement, à 42 ans,
une dame dirigée ou qui décide d'entreprendre, par exemple, cette démarche,
c'était risqué aussi pour santé. Est-ce
qu'on remarque également dans la population qui a recours à ce service à 36 ans, maintenant, étant l'âge moyen que vous
recevez, et vous me le dites... Est-ce qu'il y a des risques à la santé par rapport à une demande d'une cliente plus jeune ou c'est, à ce
chapitre-là, la même chose?
Mme
Duperron (Louise) : Ça
dépend de l'état de santé de base de la patiente. Alors, avoir une grossesse à
38 ans quand tu as un poids
santé, normal, quand tu n'as pas d'hypertension, pas de diabète, c'est 5 % à 7 % de faire de la prééclampsie, c'est
5 % à 7 % de faire du diabète de grossesse, les risques standard
pour tout le monde. Si tu as 38 ans, tu as de l'obésité, tu as de l'hypertension, bien là tu as 25 % de chances
d'avoir un bébé prématuré, du diabète de grossesse, la maladie de la prééclampsie, finir ton
accouchement par une césarienne. Alors, c'est quand on additionne les problèmes
de santé que tout se complique et peut chavirer très vite.
M. Paradis (Lévis) : Et si tu as 41 ans, puis que tu es en pleine forme, puis que tu
fais des... parce que c'est la mode puis on se tient en forme,
maintenant, puis on fait attention, puis que la santé est bonne et
l'alimentation...
Mme Duperron (Louise) : Alors, tu es comme à peu près Mme Tout-le-monde.
Tu as peut-être une légère augmentation
dans le 5 % à 7 % du diabète ou bien dans le 5 % à 7 % de
la prééclampsie. C'est les risques standards de Mme Tout-le-monde, que
tu aies 20 ans, 30 ans ou 40 ans.
M. Paradis (Lévis) : Alors, je simplifie, mais je comprends qu'évidemment l'évaluation de
l'état de santé fait toute la
différence. Ça fait qu'à la limite, à 42 ans, bien que les pourcentages
indiquent, par le biais des études, que les résultats ne seront probablement pas là, si on se fie à l'état de santé,
je veux dire, les risques, en tout cas, pour une dame qui n'est pas en
santé à 32 ans pourraient être encore plus importants que pour une plus
âgée.
Mme Duperron
(Louise) : Exactement, exactement.
M. Paradis (Lévis) : Vous dites : «[L'impact] direct de ce projet de loi — et c'est en page 4 — serait de limiter l'accessibilité aux
couples infertiles à bas revenus», et puis là vous parlez du coût d'un cycle de
fécondation in vitro étant de 10 000 $
à 15 000 $. Je continuerai sur la phrase, mais je reviens sur les
coûts notamment de lorsqu'on entreprend cette démarche parce qu'il y a
plusieurs personnes qui vivent une condition médicale d'infertilité qui
s'inquiètent du projet de loi n° 20, et de l'effet, et des
remboursements, nous disent : Il y a le montant, il y a le traitement,
mais il y a l'avant, il y a l'après, il y a
des montants à débourser qui vont au-delà de ce qu'on estime et de ce qui
pourrait être remboursé. Le coût total d'un traitement complet, c'est
quoi?
M. Dahdouh (Élias) : Ça dépend vraiment de l'âge de la patiente. Il y a un coût qui est fixe
qui est la fécondation in vitro, puis il y a en plus le coût des
médicaments. Plus la patiente est âgée et sa réserve ovarienne est basse, elle
va nécessiter plus de médicaments, donc le
coût des médicaments, qui sont des injections de gonadotrophine, va être plus
élevé. Et on estime actuellement le coût des
médicaments comparable, pour une patiente de 40 ans, qui est presque égal
au coût de fécondation in vitro.
M. Paradis
(Lévis) : Ça veut dire qu'on parle, quoi, d'un 4 700 $...
M. Dahdouh
(Élias) : Entre 4 000 $ et...
M. Paradis (Lévis) : Vous disiez tout à l'heure 4 750 $ et vous étiez heureux de
dire qu'on est dans ce standard-là. C'est la même chose. Au niveau,
donc, de cette prise de médication, on peut atteindre ce montant-là.
M. Dahdouh (Élias) : Exactement. Entre 3 000 $ et 6 000 $, dépendamment
de l'âge de la patiente et sa fonction de réserve ovarienne.
M. Paradis (Lévis) : Alors, nonobstant le fait qu'on couvre par crédits d'impôt, par
exemple, le traitement en tant que tel, on comprendra que ceux qui
devront et qui voudront entamer un processus auront, peu importe le revenu, à
débourser un montant qui sera manifestement important.
M. Dahdouh
(Élias) : Oui. Si c'est par crédits d'impôt, le montant va être
important, c'est sûr.
M. Paradis (Lévis) : Vous dites également dans cette même phrase : «De plus, les
couples auront accès à des traitements moins efficaces, ce qui comporte
un risque accru pour leur santé, ainsi que celle de leurs enfants.» Pour avoir entendu des gens qui se questionnaient sur
cette portion du projet de loi n° 20, notamment l'Association des
obstétriciens et gynécologues du
Québec, on disait qu'un effet potentiel serait qu'on ait justement recours à
une méthode qui est moins efficace
que la fécondation in vitro et à la limite qui pourrait porter atteinte à la
santé. Vous l'exprimez, vous l'écrivez. Le craignez-vous? Avez-vous l'impression que ça puisse être une tendance
si le projet de loi n° 20, tel quel, est adopté et qu'on
modifie le remboursement des traitements?
• (16 h 10) •
M. Dahdouh (Élias) : En fait, c'est que je peux vous dire que tous les programmes publics au
monde, incluant le Québec
actuellement, qui visaient à diminuer les taux de grossesses multiples en
procréation assistée étaient pour rendre la fécondation in vitro accessible et abordable. Ceci dit, le mot «accessible et abordable», je pense,
c'est au ministère et au gouvernement de décider comment il va rendre ce
traitement en procréation assistée accessible et abordable, mais actuellement c'est la seule voie bien reconnue
mondialement pour diminuer ce que j'appelle l'épidémie de grossesses
multiples en procréation assistée.
M. Paradis (Lévis) : Mais est-ce que je comprends, en extrapolant,
que, dans la mesure où ce traitement n'est plus remboursé totalement comme il l'est depuis 2010, en fonction, évidemment,
de condition médicale d'infertilité, on pourrait constater le recours à une technique qui... je ne dirai pas
«moins sécuritaire», mais en tout
cas, et vous l'écrivez, là,
qui comporte un risque accru pour leur santé?
M. Dahdouh (Élias) : C'est la stimulation ovarienne qu'ils peuvent entreprendre. Parce que,
quand on fait une stimulation ovarienne, en fait, on expose les
patientes à une réponse qui est, en fait, imprévisible, on ne sait pas comment
les ovaires vont répondre à la stimulation, donc il peut y avoir deux, trois,
quatre follicules, puis là les patientes vont avoir
soit des rapports sexuels soit des inséminations, ce qui peut augmenter les
chances de grossesse multiple. En fécondation in vitro, ces patientes vont avoir le prélèvement d'ovule, on va aller
mettre un seul embryon, donc le risque de grossesse multiple va être
diminué.
M. Paradis (Lévis) : Il y a des gens qui nous parlent de cette problématique, parce que c'en
est une, dans le projet de loi, pour
ceux et celles qui ont recours au traitement. Et même les professionnels qui
s'y rattachent nous disent : On manque d'outils actuellement.
Bon,
on en a parlé tout à l'heure, on a parlé des lignes directrices que doit
établir le Collège des médecins, on parle du mois de juin. On parle d'algorithmes de cheminement, on parle de
registre des naissances, des outils, donc, que l'on n'a pas présentement et qui sont somme toute
essentiels. Est-ce que, de fait, vous jugez qu'on manque d'outils actuellement
pour faire en sorte de pouvoir resserrer, en tout cas, ce programme-là et s'en
servir adéquatement?
Mme Duperron (Louise) : Juste pour la prise en charge du nouveau-né, on
n'a aucun registre des enfants qui sont nés de la procréation médicalement assistée. Est-ce que ces enfants-là
ont plus de malformations? Est-ce qu'ils ont plus de problèmes de santé? On n'a aucun registre,
aucun suivi. Déjà, ça, c'est un outil vraiment important qui manque à la
société québécoise.
M. Paradis (Lévis) : Étonnant qu'on n'ait pas ça parce que, bon, écoutez, depuis 2010 que le
programme est... bon, que le
remboursement se fait, mais on en rejase maintenant, en 2015. Qu'on n'ait pas
encore ces outils-là, j'imagine que c'est étonnant.
Je
vous pose une dernière question. À travers ce dont on parle, et je comprends
bien, et à travers ce que vous avez fait
et ce que vous saluez également lorsqu'on maintient, par exemple, la couverture
dans des conditions particulières, et
vous avez parlé de DPI également et le travail que vous faites, est-ce que le
projet de loi n° 20 tel quel, concernant la procréation assistée, pourrait ou risque d'avoir
un impact sur votre travail, votre clinique ou, peu importe ce qui se passe,
peu importe ce qui se décidera, ça ne
changera pas grand-chose? Je veux rien que comprendre l'impact sur qui vous
êtes, sur ce que vous faites et éventuellement sur votre...
Le Président (M. Tanguay) :
...en quelques secondes.
M. Paradis
(Lévis) : Impact ou pas du tout?
Mme Duperron
(Louise) : Seul l'avenir va nous le dire.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, évidemment, pour votre passage.
Et je suspends quelques
instants nos travaux. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 13)
(Reprise à 16 h 17)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons reprendre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes et représentants du
Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé et de
services sociaux de la Montagne. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez de 10 minutes, d'une enveloppe
de 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite vous aurez un
échange avec les parlementaires. Pour celle
qui fera ou celui qui fera la présentation, peut-être bien nommer les gens qui
vous accompagnent et leurs fonctions. Et, sans plus tarder, la parole
est à vous.
Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre
de santé et de services sociaux de la Montagne
Mme Manoli
(Sabrine) : En fait, nous allons partager la présentation, si ça ne
vous dérange pas.
Le Président (M.
Tanguay) : Parfait.
Mme Manoli
(Sabrine) : Donc, je vais
commencer par me présenter : Je suis Dre Sabrine Manoli, je suis médecin
de famille dans la région de Montréal depuis
sept ans. Je me concentre particulièrement sur la prise en charge, mais j'ai
fait plusieurs autres
activités médicales dans le passé. Je pratique en établissement au CLSC
Côte-des-Neiges et aussi en cabinet privé. Je fais aussi de
l'enseignement auprès des étudiants et des résidents de médecine familiale.
M. Aggarwal (Sanjay) : Je suis Sanjay Aggarwal. Alors, je vais m'excuser
d'abord pour mon accent, je suis venu de l'Ontario pour travailler à
Montréal, au CLSC Côte-des-Neiges, puis je fais l'Hôpital général juif aussi.
Mme O'Shaughnessy (Gael) : Je suis Gael O'Shaughnessy. Je travaille aussi au
CLSC Côte-des-Neiges, je travaille comme
médecin accoucheur, suivi de grossesse à l'hôpital juif, enseignement de
résidents, et aussi à mi-temps je travaille comme dépanneur en Ontario.
Mme Cromp (Andrée-Anne) : Je m'appelle Andrée-Anne Cromp, je suis résidente
en première année au CLSC de Côte-des-Neiges.
Après ma formation, je planifie faire du dépannage à travers la province et par
la suite faire de la prise en charge surtout en obstétrique et en
pédiatrie.
Mme Richter (Anne-Katrin) : Je suis Anne-Katrin Richter. Je suis médecin et
coordonnatrice clinique du CDAR, la
clinique demandeurs d'asile et réfugiés du CLSC Côte-des-Neiges. Je travaille
aussi au GMF de Côte-des-Neiges et je fais du dépannage dans le Grand-Nord,
dans les communautés inuites.
• (16 h 20) •
Mme Manoli (Sabrine) : Donc, bonjour, M. le ministre, membres de la
commission parlementaire. Merci de nous recevoir et de nous accorder
l'opportunité de partager avec vous nos réflexions sur le projet de
loi n° 20.
Nous
savons que plusieurs autres organismes officiels et associations médicales vont
venir vous présenter des points
beaucoup plus techniques, donc aujourd'hui on désire laisser un petit peu de
côté les statistiques et les chiffres et vraiment nous concentrer sur l'impact clinique d'une telle loi, nous
voulons nous concentrer sur le patient. Donc, nous nous présentons devant vous, oui, comme membres du
CMDP de la Montagne mais aussi comme médecins de famille qui travaillons dans les tranchées, dans la
première ligne, et qui avons au coeur la santé de nos patients. Nous souhaitons dialoguer avec vous et nous souhaitons partager avec vous notre
expérience médicale, nos observations, nos craintes et nos solutions.
Donc,
comme vous pouvez voir, vous avez vraiment un panel de médecins de famille assez
typique, des médecins de famille
québécois typiques avec une pratique médicale très variée.
Nous prenons soin de patients âgés de zéro à 100 ans et plus. Nous prenons soin d'eux tout au long de leur
continuum de soins, donc tout au long de leur vie, et donc on peut dire
qu'on a un contact extrêmement privilégié avec eux.
Nous
sommes d'accord avec vous, M. le
ministre, que des réformes du système de santé québécois actuel doivent être entreprises et que tous les Québécois doivent avoir un
accès rapide aux médecins et aux autres professionnels de la
santé, mais, de manière encore plus primordiale, les Québécois doivent avoir
accès à des soins de qualité, et c'est là notre crainte. Nous avons des
inquiétudes par rapport au projet de loi n° 20 tel qu'il est déposé.
Nous craignons qu'il n'adresse pas les
véritables lacunes du système de
santé et qu'il risque d'affecter
négativement la qualité des soins que nous
serons en mesure de prodiguer à nos patients; à tous les patients, c'est
certain, mais de manière encore plus spécifique à nos patients
vulnérables.
Donc, je vais céder
la parole à mon collègue, Dr Aggarwal, qui va vous parler un petit peu
plus des patients vulnérables en question.
M. Aggarwal (Sanjay) : Oui. Alors, on craint que, centré sur la
performance chiffrée, le projet de loi crée par inadvertance des incitatifs privilégiant le suivi des patients en santé
ou des patients avec des maladies chroniques qui ne sont pas
nécessairement très vulnérables. Il faut dire, c'est très important, que la
vulnérabilité est très difficile à capturer
par un système de pondération, car le diagnostic médical n'est qu'une
composante. Ce sont souvent les facteurs socioéconomiques qui rendent un
patient et ses soins vulnérables et complexes. Ça peut comprendre le manque de ressources financières, le manque de réseau
social, le manque de l'éducation et des barrières linguistiques et culturelles.
Par exemple, soigner le patient diabétique
qui est sans abri, qui est sans argent et qui est illettré est beaucoup plus
difficile que le patient diabétique qui a des ressources financières et
du support social.
Je passe la parole à
Dre Richter.
Mme Richter (Anne-Katrin) : J'aimerais prendre quelques instants pour vous
parler d'une population particulièrement vulnérable, les demandeurs
d'asile et les réfugiés nouvellement arrivés.
Le
Québec reçoit plusieurs milliers de demandeurs d'asile par année. Ces patients
ont une assurance médicale autre que la RAMQ. N'ayant pas de carte RAMQ,
ces patients ne peuvent pas être inscrits, alors à toutes fins ils sont invisibles dans la charge de travail du médecin.
Ils sont en grande majorité victimes de violence récente, ils vivent des
stress énormes et sont en grand nombre
atteints de maladies mentales et de maladies chroniques non diagnostiquées à
leur arrivée. Ils ont besoin d'un suivi serré et d'un lien thérapeutique
solide.
Avec
le projet de loi n° 20, je crains pour la santé de cette population.
Le médecin qui doit veiller sur sa productivité n'aura aucun incitatif et serait même pénalisé pour prendre en charge
cette clientèle lourde qui est non comptabilisable.
Je donne la parole à Dr Aggarwal.
M.
Aggarwal (Sanjay) : Alors,
j'aimerais aussi parler du lien thérapeutique, aussi. Le projet de
loi n° 20 touche au coeur
de la médecine familiale, c'est-à-dire la relation médecin-patient. Le lien
thérapeutique s'établit avec le temps. Comme toute relation, c'est en
écoutant que la compréhension et la confiance se développent.
La relation médecin-patient n'est pas
un luxe, c'est entre autres à un bon historique que le médecin peut juger
si des investigations ou des consultations
sont nécessaires. Par exemple, considérez une patiente qui se plaint de maux de
tête. Dans un contexte où l'emphase est sur la quantité de patients vus,
la tentation sera à demander un «CT scan» ou une consultation en neurologie pour pouvoir passer au prochain patient. Par
contre, établir la confiance et rassurer le patient prend plus de temps mais souvent coûte moins cher,
se traduit en moins de tests, moins de références aux spécialistes et
moins de visites à l'urgence. En effet, c'est le lien entre le médecin et le
patient qui est une thérapie en soi.
Il
faut souligner que les médecins de famille ne sont pas des infirmières de
triage surpayées. Nous sommes des spécialistes
dans les maladies courantes, il n'y a aucune autre spécialité qui connaît mieux
la prévention que la médecine familiale.
En outre, à la prévention, les approches non pharmacologiques demeurent des
préoccupations de la population québécoise, et c'est effectivement ça
qui peut contrôler les coûts de soins et des médicaments à long terme.
Je passe la parole à
Dre Cromp.
Mme Cromp (Andrée-Anne) : Le projet de loi n° 20 affecte non
seulement les médecins déjà en pratique active, mais aussi les résidents ainsi que les étudiants en médecine, peu
importe leur niveau. En imposant ces multiples balises et mesures, il est évident que le choix de la
médecine familiale comme spécialité, pour les futurs résidents, deviendra moins
attrayant. Alors que dans les dernières
années les programmes québécois de résidence en médecine familiale commençaient
tout juste à combler la très grande majorité
de leurs places, nous craignons que le nombre de demandes pour cette spécialité prendra un grand coup. Pour ce qui est
des résidents en première, deuxième ou même en troisième année de formation, plusieurs pensent déjà, malheureusement,
à un changement de programme de résidence ou même planifient déjà
exporter leur pratique une fois leur formation terminée.
Je repasse la parole
à Dre Manoli.
Mme Manoli (Sabrine) : Donc, à présent, nous voudrions vous faire part
de solutions possibles. Celles-ci, à prime abord, peuvent avoir l'air assez simples, mais je vous assure qu'elles
nous aideraient énormément sur le terrain, elles nous aideraient à être plus efficaces et donc, du même
coup, elles auraient l'effet d'augmenter l'accès aux soins. Donc, par souci
du temps, je vais vous les lister plus
brièvement, mais ça va nous faire plaisir d'en discuter un petit peu plus
durant la session de questions.
Donc,
premièrement, nous pensons que c'est primordial de favoriser l'interdisciplinarité
et le travail conjoint avec les spécialités paramédicales. Oui, en
effet, particulièrement les infirmiers et infirmières, travailler avec eux de
près peut rendre une clinique beaucoup plus efficace. On le fait déjà, mais il
n'y en a pas assez. Il en faut beaucoup plus, il faudrait vraiment optimiser le
ratio. Travailleurs sociaux, pour les patients avec des vulnérabilités
particulières, on devrait travailler coude à
coude avec eux, ils seraient vraiment des ressources assez particulières. Physiothérapeutes
et ergothérapeutes, des patients avec
des douleurs physiques, c'est certain qu'on n'a pas assez facilement accès à
leur expertise, même chose pour les psychologues, les nutritionnistes.
Et puis évidemment il faut travailler de plus proche avec les pharmaciens.
Un
autre point serait de faciliter les échanges entre les médecins omnipraticiens
et les spécialistes afin de simplifier le partage d'information et
d'éviter le dédoublement de travail.
Ensuite,
il faut continuer à optimiser les dossiers médicaux électroniques, qui ne sont
pas uniformément accessibles en ce moment.
Le
Président (M. Tanguay) : Il vous reste quelques secondes, et par la
suite il y aura un échange, comme vous l'avez bien dit.
Mme Manoli (Sabrine) : Parfait. Excellent. Donc, on peut passer à la
conclusion directement, on parlera des solutions plus tard, si vous
voulez, mais...
Le Président (M.
Tanguay) : ...
Mme Manoli (Sabrine) : En
conclusion, nous avons vraiment à coeur l'amélioration du système de santé,
mais nous avons plusieurs craintes, particulièrement par rapport aux
clientèles vulnérables, aux réfugiés. Et nous espérons partager avec vous nos solutions. On espère que vous les prendrez en
compte, en considération lorsque vous débattrez du projet de loi.
Le
Président (M. Tanguay) : Bien, merci beaucoup. Alors, ceci met la
table aux échanges. Je cède en ce sens la parole immédiatement au
ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Barrette :
Pour 23 minutes?
Le Président (M.
Tanguay) : 23 min 30 s.
M.
Barrette : Alors, bonjour. Juste en rafale, vous aviez trois éléments.
Il y en avait d'autres, en rafale, pour vos solutions?
Mme Manoli
(Sabrine) : Oui, les
solutions, oui, il n'y a pas de problème, donc : optimiser les dossiers
médicaux, optimiser le support administratif pour qu'on puisse se
concentrer plus sur les consultations médicales, continuer d'appliquer
les principes d'accès adapté, oui, mais on a besoin du support administratif
pour le faire, investir dans la prévention
des maladies plutôt que de valoriser une médecine curative, renforcer la
première ligne en travaillant avec elle et la rendant plus attrayante pour la relève et continuer de développer
des approches novatrices et valoriser celles qui se font déjà dans notre
système — il
y a beaucoup de choses qui se font, il faut continuer à les valoriser.
• (16 h 30) •
M. Barrette : Bon, on va reprendre
les choses. Je comprends, là, que vous venez ici faire une présentation pro-médecine familiale. Et, si vous pensez que le
projet de loi n° 20 n'est pas pro-médecine familiale, vous avez tort,
c'est un projet de loi qui vise à mettre l'emphase sur la valeur de la
médecine familiale.
Maintenant,
nous, comme gouvernement — et j'ai été surpris que vous n'adressiez pas cette
problématique-là — on
a quand même une problématique d'accès, au
Québec, vous n'avez pas parlé d'accès une fois dans votre présentation. Et
l'accès, que voulez-vous, ça passe par une
quantité, une offre de services, une capacité, là, que l'on organise, et ce que
vous me proposez dans les huit éléments que
vous venez d'énumérer, ce sont des éléments d'organisation du travail ou du
support du travail.
Le problème de la capacité, là, il est réel, et ça, je ne
peux pas passer à côté, là, il est réel, d'une part. Et, d'autre part, j'apprécie et je reconnais le souci que vous
portez à prendre soin des clientèles vulnérables, mais il n'y a
pas 8 millions de personnes
vulnérables au Québec, là. Et je
comprends qu'il y a
une lourdeur qui vient avec les personnes vulnérables, et c'est ce qu'on veut faire avec les pondérations
que l'on met de l'avant, les pondérations servent à faire en sorte que, quand on regarde vos
pratiques, vous ne soyez pas pénalisés pour quelqu'un... pour un patient vulnérable; puis un patient vulnérable, il faut
faire attention, là, pour la définition de ça, mais un vrai vulnérable, là, que
vous ne soyez pas pénalisés par le fait que vous le preniez en charge.
Et je vais
aller un pas plus loin, là. Si vous me dites que dans un système
bien pondéré vous allez choisir de ne pas prendre la clientèle vulnérable, si c'est bien pondéré, bien faites-le maintenant.
Mais vous ne le faites pas parce que vous êtes
des médecins, puis en médecine on ne va pas là pour juste faire les choses plus
simples, on y va aussi pour les plus compliquées, ça fait partie de
l'attrait de la profession.
Alors, si la
pondération est adéquate, vous n'en
avez pas, d'incitatif à négliger une clientèle vulnérable, vous n'en
avez pas. C'est une question de pondération.
Ça m'amène à
ma première question : Si vous aviez à participer à une pondération,
avez-vous des suggestions à nous
faire? Moi, je peux vous dire qu'il y a des médecins, là, qui m'ont contacté,
là, et qui me disent : Voici, là, un toxicomane, là, si on va dans
la pondération, ça devrait compter pour x patients de plus.
M.
Aggarwal (Sanjay) : Je pense
que comme on a discuté, pour la pondération, c'est sûr que ce qui se fait un
peu maintenant, c'est la pondération par diagnostic,
oui, mais je pense qu'il faut faire l'emphase qu'il y a... Par exemple, on peut avoir deux patients diabétiques, un qui
est très facile à soigner, un qui est beaucoup plus compliqué, et c'est les
facteurs socioéconomiques de vulnérabilité qui sont très importants. Comme on a
dit...
M.
Barrette : Je vous interromps, là. C'est parce que, ces facteurs-là,
on les utilise déjà dans la sélection ou la catégorisation des patients
vulnérables, on fait déjà ça, c'est comme ça que ça marche, le système, au
Québec, là...
M. Aggarwal (Sanjay) : Non, mais...
M.
Barrette : ...et classer un patient vulnérable entre autres, les
patients, en fonction de leur diagnostic et leur situation
socioéconomique.
M. Aggarwal (Sanjay) : Mais il y a
l'âge, mais je n'ai jamais... je ne pense pas qu'on prenne...
M. Barrette : Mon point ici, là, je
vous informe qu'on peut faire ça.
M.
Aggarwal (Sanjay) : Les
questions d'éducation, de revenus, de langue maternelle, les questions
culturelles, ça serait impressionnant si on peut prendre ça tout en
considération.
Mme Manoli
(Sabrine) : Mais on pourrait
vous aider avec la pondération, il n'y a pas de problème, mais je suis juste un petit peu surprise parce que, là, vous
m'avez dit : Un toxicomane va compter pour six. Donc là, on va donner
des cotes aux patients?
M. Barrette : J'ai dit «pour x»,
j'ai dit «x».
Mme Manoli
(Sabrine) : X, O.K., j'ai
compris six. Désolée. Donc, pour x, y, z, donc, on va donner des cotes
aux patients? C'est ça qui est un peu inacceptable pour nous. Un patient, c'est
un humain.
Puis, des
cotes, c'est qui, les bureaucrates qui vont coter? Vous allez vous baser sur
quoi? Ça revient un peu, tu sais, aux
anecdotes : Vous êtes sur une île, qui allez-vous tuer en premier?, là, je
veux dire, c'est très hypothétique. On ne peut pas comptabiliser des
patients.
M.
Barrette : La question ici pour l'État est que nous, là, on est ici
pour gérer le système de santé et on constate que, dans le volume d'activité qu'il y a au Québec, là — le volume d'activité, quand bien même on
prend en considération les lourdeurs, il faut le faire — le volume est sous ce qu'on peut donner,
selon nos estimés. Alors, qu'est-ce que vous nous suggérez pour aller le
chercher, ce volume-là?
Alors,
ce que vous nous dites, là, aujourd'hui, là, ce que je reçois de vous comme
commentaire, c'est que vous nous proposez le statu quo aidé :
Donnez-nous de l'aide. Alors, je vais prendre vos éléments, là.
Mme Manoli
(Sabrine) : Premièrement...
M. Barrette :
L'interdisciplinarité, vous pouvez le faire, hein, il n'y a personne qui vous
empêche de faire de l'interdisciplinarité aujourd'hui. L'accès chez le médecin
spécialiste, c'est dans le projet de loi n° 20.
L'accès
au DME, j'ai ma propre clé moi-même ici, là, hein, je l'ai moi-même, ma clé,
là. Je comprends que ce n'est pas
parfait, mais je l'ai. Et 35 % des médecins de famille sont branchés.
Pourquoi? Ce n'est pas moi qui les empêche, là, les médecins de famille, de se brancher au DSQ et de s'acheter un
DME en cabinet, ce n'est pas moi, là. Pourtant, il y a un support
économique.
Vous
demandez un support administratif. Bien là, moi, je comprends qu'à l'hôpital
vous ne l'avez pas nécessairement, mais en cabinet il y a une portion de
la rémunération qui paie ça.
L'accès adapté, c'est
votre cinquième. L'accès adapté, c'est quelque chose dont vous faites la
promotion, en médecine de famille. C'est une
décision volontaire, ce n'est pas à moi à imposer ça. Suggérez-moi de le mettre
dans la loi, je vais le mettre, mais normalement c'est à vous de décider
de changer votre pratique pour vous adapter aux besoins d'aujourd'hui. Et, oui,
l'accès adapté, ça augmente l'accès, c'est clair, mais pourquoi
les médecins de famille ne le font pas?
La
prévention, bon, la prévention, vous dites que vous êtes les meilleurs
spécialistes en prévention. O.K., mais je pourrais aussi dire que la
prévention, ça passe aussi par d'autres professionnels.
Après
ça, vous parlez de l'innovation et de la performance en première ligne. On est tous d'accord avec ça,
mais la capacité, là, elle est où
dans votre équation, elle est où? Il y a plein de choses que vous pouvez déjà
faire vous-mêmes et qui ne sont pas
faites actuellement. Et je vous
redirai ce que j'ai dit à plusieurs reprises : Si les choses avaient changé avant aujourd'hui, il n'y en aurait pas, de
projet de loi n° 20, parce que la population serait servie correctement.
Mme Manoli (Sabrine) : Donc, si je peux me permettre de répondre à la
question d'accès, vous parlez beaucoup
d'accès comme étant centré sur les médecins,
mais en fait qu'est-ce que nous, nous ne comprenons pas, étant en première ligne, c'est que ce n'est pas si difficile de nous voir, mais par contre
nous faisons beaucoup de suivis inutiles. Donc, souvent, on va voir un patient dépressif pour la première
fois. On a des infirmières de santé mentale, en GMF, on est chanceux. La liste d'attente pour voir ces infirmières-là
est plus longue que la liste d'attente pour me voir, donc je continue à faire
des suivis hebdomadaires. Ce n'est pas
normal. Ça, c'est une question d'accès. Si j'avais plus d'aide, si nous avions
plus d'aide des autres spécialistes,
nous pourrions déléguer ces patients-là et augmenter l'accès. Donc, ça, c'est
simple, là, ça se ferait maintenant.
Même
chose avec les physiothérapeutes. Le nombre de cas de CSST, de douleurs chroniques, de douleurs aiguës
qu'on voit à chaque semaine, on a les mains
liées. On leur donne des médicaments, des anti-infllammatoires, on fait le
suivi parce qu'il faut remplir les
papiers de CSST, mais un physiothérapeute, un ergothérapeute pourrait faire ces
suivis conjointement avec moi; pas nous remplacer mais le faire conjointement
pour un peu augmenter l'accès.
Nutritionnistes,
psychologues, c'est la même chose. Un patient dépressif a besoin de voir un
psychologue. Si on partageait la prise en charge de ce patient-là, ça me
libérerait des plages horaires pour pouvoir voir plus de patients. Donc, ça,
c'est pour la question d'accès.
Mme O'Shaughnessy (Gael) : ...Dossier santé Québec, donc, oui, plusieurs
d'entre nous sont branchés au Dossier santé
Québec, on peut avoir accès, mais c'est juste en lecture, c'est accès aux informations si on sait que c'est là, donc le patient est là avec nous dans le bureau. Mais, comme ça existe en
Ontario, tout est envoyé au médecin de famille, les labos, les
radiologies, les consultations régulières avec les spécialistes, c'est tout
envoyé au médecin, donc on peut avoir un dialogue
de qu'est-ce qui était déjà arrivé
avec le médecin, quand il est venu voir le spécialiste et maintenant il revient
nous voir, on peut avoir une conversation,
au lieu de dire : Qu'est-ce qui est arrivé la dernière fois que vous êtes
allé voir votre hématologue? Donc, c'est beaucoup plus efficace.
M.
Barrette : Je comprends que c'est plus performant, mais... C'est plus
performant, un dossier qui est complètement intégré, je suis d'accord
avec vous, mais ce que vous avez aujourd'hui est aussi plus performant que le
papier.
Mme Manoli (Sabrine) : Pas nécessairement. Nous, on a OASIS, au CLSC, et puis à la place de tourner les pages
comme ça, là, on les tourne comme ça, avec
le curseur sur la souris, là. Ce n'est pas nécessairement plus performant. Il
faut informatiser, oui, mais il faut le faire de manière efficace.
M.
Barrette : Mais encore une fois on ne s'adresse pas à la capacité.
Alors, moi, j'ai un problème avec la capacité.
Je
vais vous donner un exemple, là... je vais vous en donner deux. Votre collègue
à votre droite qui nous annonce qu'elle,
son objectif, en finissant sa résidence... Puis je comprends que vous décidiez
de faire ça, c'est votre choix, mais votre
choix est d'aller faire du dépannage. Bien, ce n'est pas exactement ça qui va
augmenter la prise en charge des patients, en quelque part, là, c'est du
dépannage.
• (16 h 40) •
Mme Cromp
(Andrée-Anne) : Oui, je
comprends, mais de mon côté... Je vais parler pour mon cas personnel à
moi, je me doute que mes autres collègues qui veulent faire du dépannage,
possiblement qu'ils vont peut-être se reconnaître dans ce que je vais dire, mais c'est
que, personnellement, j'ai le goût de faire du dépannage pour pouvoir voir
où dans la province j'aimerais pouvoir
travailler. J'aimerais pouvoir visiter notre belle province, voir les
différents centres hospitaliers, voir les endroits où il y aurait besoin
de médecins. Puis en plus je vais pouvoir parfaire ma formation de cette manière-là, je vais pouvoir voir un plus
grand éventail de patients, pouvoir faire de l'obstétrique, de l'urgence,
de l'hospitalisation. Je vous ai dit qu'après ça j'aimerais ça faire de la
prise en charge pédiatrie et obstétrique, mais on s'entend qu'en deux ans de médecine familiale je ne suis pas encore à
100 % sûre que c'est vraiment pédiatrie et obstétrique. C'est clair dans ma tête que je veux faire de la
prise en charge, mais personnellement, pour mes deux premières années de pratique, je crois que du dépannage, pour moi,
ça m'avantagerait, et je pense qu'aussi pour mes patients éventuellement.
M.
Barrette : Je vais vous poser une question très générale. Vous, vous
êtes chef de CMDP, c'est ça que j'ai compris, là?
M. Aggarwal (Sanjay) : Non, le chef
n'est pas ici.
M.
Barrette : Ah! O.K. Je pensais qu'il y avait une fonction que vous
aviez, là. Bon, regardez, je vais vous poser une question, n'importe
quel d'entre vous peut répondre, là. Juste comme ça, là, une pratique où on
fait 1 750 visites dans une année,
est-ce que c'est une pratique, en moyenne, qui est suffisante?
1 750 visites, là. Je vous donne un chiffre comme ça, là.
Mme Manoli
(Sabrine) : Encore une fois,
vous parlez de chiffres. Pour nous, des chiffres, c'est des chiffres. Mais
on parle de patients. Donc, c'est difficile,
ça dépend du contexte, ça dépend où est-ce que vous travaillez. En cabinet
privé, si on a un ratio infirmières-médecins... deux médecins pour une
infirmière, oui, on peut voir quatre, cinq, six patients à l'heure, c'est
beaucoup plus rapide. Puis je ne veux pas parler de chiffres, en fait, alors...
M. Barrette : ...personne ne veut
parler de chiffres, mais il faut parler de chiffres à un moment donné.
Mme Manoli (Sabrine) : On n'est pas
des comptables.
M. Barrette : Non, c'est correct.
Mme Manoli
(Sabrine) : Alors, nous, on parle de patients, puis je vous ai
dit que nous... En fait, c'est la première chose que je voulais dire,
c'est : On veut rester loin des chiffres.
M.
Barrette : ...vous, là, dans votre pratique de patients
vulnérables — puis
c'est louable, je vous félicite, puis c'est bien, vous avez à coeur
ça — vous
en voyez combien par jour de normal, là, pas de patients normaux, mais
qu'est-ce que vous considérez une journée normale?
Mme Manoli
(Sabrine) : Je me doutais
que vous alliez poser cette question-là. Bien, honnêtement, je travaille,
comme je vous ai dit, en cabinet, en CLSC.
Au CLSC, je veux dire, dans une demi-journée, c'est difficile d'en voir plus
que six, sept, mais en cabinet je suis
capable, en six heures, de voir au moins 20 patients. Donc, ça va vraiment
dépendre du contexte. Donc, je sais que je peux aller plus vite quand il
le faut puis...
M. Barrette : Mais c'est parfait, ce
que vous me dites, ça m'intéresse éminemment.
Mme Manoli
(Sabrine) : Cinq, six
heures. Donc, on peut augmenter, si vous voulez. Mais je ne sais pas pourquoi
vous revenez toujours aux chiffres.
M. Barrette : Non, mais en une
demi-journée, là... Non, mais c'est important parce que... Je vais prendre un exemple, là, on a une conversation, là, je vais
prendre l'exemple que je prends tout le temps, qui est simple : maintenant,
là, il y a des familles au Québec, là, qui
sont en train de planifier leurs vacances puis ils voudraient aller à Bora
Bora, puis il y en a un paquet qui
n'iront pas ni à Cuba, ni en Floride, ni dans les montagnes Blanches parce
qu'ils n'ont pas les moyens. À la fin, là, ils vont décider en fonction
de chiffres qui est leur revenu, leur capacité de payer.
Moi, je
regarde ça, là, puis je regarde la capacité de donner les services. Vous, vous
venez de me dire que, dans une
demi-journée en CLSC, où les patients sont souvent plus lourds, hein, je suis
d'accord avec vous, ce n'est pas toujours vrai, mais c'est souvent vrai... non, non, non, mais c'est souvent vrai,
là, je vais dans votre sens, vous voyez six patients dans une
demi-journée, et, dans un autre contexte, de cabinet, où c'est plus ce qu'on
appelle communément du pain quotidien, là,
en ce sens que c'est des cas plus mineurs, plus simples, une clientèle
différente, vous êtes capable d'en voir, vous avez dit, 20, une
vingtaine dans la demi-journée. Je pense que c'est ça que vous avez dit, là.
Mme Manoli (Sabrine) : Ça dépend,
oui.
M.
Barrette : Bien, mettons 15 dans la demi-journée, là. Bien, faites la
moyenne de vos jours, là, et vous allez voir que vous en faites probablement 3 000, visites par année,
là, à l'oeil, de même, juste comme ça. Alors, en quoi, en quoi — puis je vous pose la question puis
j'aimerais avoir votre réponse — en quoi regarder ça par la lunette, la
lorgnette du chiffre, c'est un péché mortel et une atteinte à la
pratique de médecine de famille?
Je vous pose la question parce que
vous, comme médecin de famille engagé, vous ne lésinez pas dans votre travail.
Je vais vous dire pourquoi vous ne lésinez
pas. Parce que, si vous voyez six patients vulnérables dans la demi-journée...
Pas vulnérables, lourds, parce que
vulnérables, là, dans la définition, je peux vous garantir que ce que le monde
est considéré vulnérable aujourd'hui
il ne l'est pas vraiment, là, puis vous le savez très bien. Ce n'est pas parce
qu'on est diabétique qu'on est
vulnérable, là. Alors, vous en voyez six, patients lourds, puis mettons que
c'est six patients lourds, là, puis je suis convaincu que ce à quoi faites référence, c'est lourd, bien vous êtes
pas mal efficace, puis je vous dis bravo. Puis, si vous me dites que vous, là... En voir une vingtaine
dans une demi-journée dans une clientèle plus normale, plus représentative
de la population générale, je vous dis que,
si tous les médecins travaillaient comme vous, il n'y aurait pas assez de
patients pour faire vivre les médecins. Et, si en plus il y avait
l'interdisciplinarité, bien là je peux vous dire qu'il faudrait en
inventer, des maladies, là.
Mon
point, c'est que les chiffres nous permettent de dire ça. Et j'aimerais savoir
des autres ici, là, peut-être pas vous
parce que vous êtes encore résidente,
mais, dans vos pratiques, là, est-ce que la pratique de votre collègue est une
hérésie?
Mme Manoli
(Sabrine) : Mais vous m'aviez posé une question avant, vous avez
demandé : En quoi est-ce que les
chiffres ne sont pas une bonne vision? Nous sommes convaincus que les chiffres
ne vont pas améliorer la qualité des soins ou même l'accès aux soins
parce que... Est-ce que vous, vous trouvez ça normal quand je vous dis que
c'est plus long de voir une infirmière, un physiothérapeute, une psychologue
que de me voir, moi?
M.
Barrette : Pas du tout. Ce que je vous dis, là, ce que je vous dis,
là, essentiellement... Puis vous avez raison de me poser cette question-là. Je ne conteste pas votre vision de la
médecine de famille, je suis d'accord avec la vision de votre médecine de famille. Ce que je dis
simplement, c'est que, ce que vous me dites en termes de rythme de travail,
adapté à la lourdeur des patients, vous me présentez
des chiffres tels que, si les médecins de famille uniformément faisaient
cette charge de travail là, il n'y aurait pas de problème d'accès au Québec,
c'est tout ce que je dis.
Alors,
je suis d'accord avec ce que vous me dites. Je vous réponds à l'argument que
les chiffres sont un... Parce que vous le présentez comme étant une
approche qui était dommageable pour la médecine de famille et les personnes vulnérables. La réponse, c'est non parce que dans
votre discours vous allez à l'étape n° 2, la première étape étant de
regarder la capacité. La capacité, ensuite, s'organise.
Et
vous me dites vous-même spontanément les chiffres que vous faites. Écoutez,
c'est de la musique à mes oreilles, c'est
de la musique à mes oreilles, là. Ce que vous me racontez, bien c'est parce
que, si je l'extrapole à tout le monde, il n'y a plus de problème d'accès. D'où ma question à vos collègues :
Est-ce que la pratique de votre collègue est diamétralement opposée à la
vôtre? Si elle ne l'est pas, bien vous allez dans mon sens.
Et
juste comme ça, là, est-ce que vous trois, les trois autres qui êtes en
pratique... Est-ce que, votre collègue, vous avez une pratique
semblable?
Mme Richter (Anne-Katrin) : Personnellement, je vois presque exclusivement
les demandeurs d'asile, alors la vaste majorité sont des patients qui
sont extrêmement lourds et vulnérables.
M.
Barrette : ...une demi-journée de ce type de patient là, c'est combien
en moyenne, de même, juste comme ça?
Mme Richter
(Anne-Katrin) : Une demi-journée, c'est cinq à six.
M.
Barrette : Six. Et ça, on considère... Et ça, là, je vous l'accorde,
c'est des patients lourds. Ils ne parlent pas la langue la plupart du temps, ils sont probablement craintifs, ils sont
hésitants, ils arrivent dans un nouveau système, ils ne savent pas trop; le contact ne doit pas être
évident. Je n'en ai jamais fait, mais je suis convaincu que c'est l'équivalent
de quand moi, j'avais à faire une dilatation
à un patient qui ne parle pas la langue, là, puis qu'on lui explique la
procédure. La procédure est plus
longue. Quand on a à lui expliquer les complications, là, ça ne va pas vite. Je
suis tout à fait en accord avec vous. Vous en faites six pendant une
demi-journée, c'est parfait, je vous dis bravo.
Mme Richter (Anne-Katrin) : ...cette clientèle, elle n'apparaît nulle part
dans les statistiques, vu que cette clientèle...
M. Barrette :
Mais on peut la faire apparaître.
M. Aggarwal (Sanjay) : Je pense que, là, on parle toujours de quantité.
Je comprends votre préoccupation, mais aussi il faut considérer la
qualité des visites, et, je pense, c'est très important.
Par
exemple, par exemple, je faisais la semaine passée l'hospitalisation à
l'hôpital juif. On a une patiente, c'est une dame qui avait 95 ou 94 ans, vivant seule, qui s'est présentée
à l'urgence, qui a été vue rapidement, qui a été prescrit des antibiotiques pour... vraiment, si on regarde
la note, c'était une indication pas claire, ce n'est pas vraiment très
définitif ou très... oui. Et là, deux
jours après, elle commence à avoir la diarrhée. Elle reste 10 jours à la
maison avec la diarrhée et...
M.
Barrette : Permettez-moi de vous interrompre parce qu'il ne reste
quasiment plus de temps. Parce que je vais vous poser une question. Je suis sûr que vous avez été
ultraprofessionnel, je suis sûr que vous avez été «by the book», je suis sûr que vous avez tout fait correctement,
j'en suis convaincu. Je suis sûr que vous n'avez pas pris trop... vous n'avez
pas tourné les coins ronds — c'est une expression en français pour dire
«cutting the corners», O.K. — je suis sûr que vous avez tout bien
fait.
Vous
étiez à l'hôpital, hein, vous dites, la semaine dernière. Non, non,
laissez-moi... je n'ai pas posé ma question encore. Vous étiez à l'hôpital, à l'Hôpital général juif, donc c'est un
hôpital, c'est des patients plus lourds. Vous aviez donc un certain nombre de patients à votre charge.
Sur votre petit carton, là, il y avait une liste de patients... ou vous aviez
des petits cartons avec l'adressographe,
hein, ça n'a pas changé, là, quand même. Vous en aviez combien, de petits
cartons, dans votre sarrau?
• (16 h 50) •
M. Aggarwal (Sanjay) : 26, à peu
près.
M. Barrette : 26. Vous avez suivi
dans la journée, et le lendemain, et le surlendemain, et le sursurlendemain
26 patients à l'Hôpital général juif, qui n'est pas un hôpital de médecine
de famille.
M.
Aggarwal (Sanjay) : Alors,
26 patients. Il faut dire que cette patiente-là est retournée avec la
diarrhée parce qu'elle
avait le «C. diff», pour des antibiotiques qui n'étaient pas nécessaires
parce qu'elle a été vue rapidement. Et ça, ça va montrer que le nombre de patients qui est vu
n'est pas une bonne indication de qualité de soins et des coûts non plus,
parce
que, là, cette patiente a dû rentrer
à l'hôpital, elle a eu des consultations avec les soins
intensifs, elle a eu de l'imagerie, elle
a eu beaucoup de prises de sang, et toute cette emphase sur les
patients, le numéro de patients en première ligne a fait qu'on a eu beaucoup
plus de coûts, qu'on a, en fait, fait du dommage à la santé des patients.
M.
Barrette : Je comprends ce
que vous dites, mais, corrigez-moi si je vais trop loin, vous avez pris en
charge cette journée-là, de jour,
26 patients par définition lourds, qui étaient là à tort ou à raison, là,
mais vous avez pris en charge 26 patients,
et, corrigez-moi — je
vous pose une question, mais il me reste quelques secondes — vous
êtes donc capable de prendre 26 patients à charge dans une journée
de cabinet.
M. Aggarwal (Sanjay) : Avec des
résidents, hein?
M. Barrette : Sans résident aussi,
là. Combien de moins, tiens?
M. Aggarwal (Sanjay) : Pardon?
M. Barrette : Combien de moins si
26, c'est trop en cabinet sans résident?
M.
Aggarwal (Sanjay) : Non,
mais c'est complètement différent parce que dans l'hôpital
on travaille avec les infirmières, on a...
Une voix : ...
M. Aggarwal (Sanjay) : Oui, mais
c'est...
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ça termine, merci beaucoup. L'échange se poursuit maintenant avec nos collègues de l'opposition
officielle. Je cède la parole à notre collègue de Taillon pour 14 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Dr Aggarwal, Dre Cromp,
Dre Manoli, Dre O'Shaughnessy et Dre Richter, merci,
merci d'être là. Vous représentez la
relève en médecine, vous représentez l'avenir de la médecine, et le fait que
vous soyez là aujourd'hui, ça veut dire que c'est une profession qui vous tient
à coeur et que la population vous tient
à coeur aussi, parce que je suis sûre que vous aviez beaucoup d'autres choses
puis que vous avez dû mettre pas mal de
temps à réfléchir sur ce document, à préparer votre argumentaire. Pour avoir
déjà passé en commission parlementaire, on a toujours des petits papillons dans l'estomac. Et donc que vous
soyez là, c'est une façon de venir témoigner aussi pour vos patients, et
je vous remercie.
En fait,
j'écoute, là, depuis plusieurs minutes maintenant, et ce qui ressort beaucoup
de ce dont vous venez de témoigner,
c'est que, ce que vous faites dans la région, dans le secteur de
Côte-des-Neiges, vous prenez la responsabilité populationnelle des gens qui sont là, et cette responsabilité-là comporte
des volets différents, complémentaires, propres à cette région-là... propres à
ce secteur, on n'est même pas dans une région, on est dans un secteur de
Montréal, et que des gens pourraient
venir — ma
collègue tantôt prendra la parole — de la Côte-Nord, pourraient venir d'une
autre région et qu'ils auraient
d'autres caractéristiques. Et ce qui est inquiétant dans le projet de
loi n° 20, c'est que le ministre nous parle de pondération, d'équivalence, et là on se dit : Mais comment
ces éléments mathématiques vont pouvoir tenir compte des
caractéristiques très spécifiques de la population qu'on a et des besoins très
particuliers?, que vous reflétez avec beaucoup,
beaucoup de pertinence. Et vous amenez entre autres le dossier des demandeurs
d'asile et des réfugiés. C'est la première
fois que je l'entends, mais effectivement c'est invisible dans la charge de
travail, dans les statistiques, ça n'entre pas, probablement, dans les
statistiques de la RAMQ, ce que vous faites à ce moment-ci, on pourra le
vérifier éventuellement.
Donc,
j'entends qu'il y a une volonté de votre part de bien faire, il y a une
ouverture aussi à ce que ça se fasse autrement, mais ce que vous dites,
c'est que ce qui est proposé dans le projet de loi n° 20, ça ne nous
donne pas les garanties, ça ne donne pas...
ce n'est pas la bonne solution. Et vous êtes ouverts à d'autres solutions, mais
celle-là vous préoccupe beaucoup.
Donc, moi, je pense que vous reflétez quelque chose qu'on a beaucoup entendu,
de beaucoup de médecins, où on veut
bien faire, mais on se dit, hein : Le diagnostic est bon, mais le choix du
traitement n'est pas bien validé, on n'a pas de données probantes sur le choix du traitement qui
nous est proposé par le ministre. On travaille avec des données
probantes, maintenant, donc on essaie d'avoir des données documentées.
Il y a un
élément nouveau, je vous dirais, que vous avez fait ressortir dans votre
document, qui m'apparaît très pertinent
et qui a un impact au niveau des coûts, c'est l'augmentation des références
inutiles aux collègues spécialistes. Et
ça, effectivement, dans la façon mathématique de voir ça, la tentation pour le
médecin de référer sur un symptôme qui peut sembler anodin mais qui peut
aussi être grave... Un mal de tête, ça peut aussi être un symptôme qui est très,
très significatif. Et donc, à ce moment-là, si vous voulez faire un bon
questionnaire, bien, vous avez le choix, vous passez 10, 15 minutes avec le patient ou vous dites : Bien, je vous
réfère rapidement à un neurologue. Et là ce qu'on doit comprendre... Et
peut-être vous pouvez me dire comment, dans le projet de loi n° 20,
on va arbitrer une référence nécessaire d'une référence non pertinente.
M.
Aggarwal (Sanjay) : Je pense
qu'on a les habiletés à faire ça, c'est notre formation, mais le problème, c'est
qu'évidemment, quand on parle d'un système,
on parle d'un système de mesures incitatives, hein, et qui favorise certains
comportements, puis si on dit aux médecins
de famille... Moi, j'ai parfois l'impression qu'on pense des médecins de
famille comme des gens qui font le
triage, et ce n'est pas le cas, on soigne la plupart des cas, la plupart des
patients, la plupart des présentations, la plupart des visites sans une
référence. Et moi, je m'inquiète que, quand le patient vient et on voit un cas un peu plus compliqué, mais on a cinq
minutes, 10 minutes, 15 minutes pour ce patient... C'est sûr, c'est
une tentation, dans le système, pour
le médecin à faire une référence qui n'est pas nécessaire mais qui va lui
sauver du temps, mais, pour le
système en entier, ça ne sauve pas du... Pour le patient, ça ne sauve pas de
temps, pas d'argent et ça ne mène pas nécessairement à une santé qui est
mieux pour le patient ou pour la population.
Mme
Richter (Anne-Katrin) : À
titre d'exemple, j'ai justement eu des cas... Puis, à vrai dire, c'est ce que
je fais à toutes les semaines ou quasiment à tous les jours. J'ai reçu
dernièrement une femme qui a été vue dans une clinique autre pour des douleurs au ventre. Elle a été référée en gynécologie,
elle avait passé un «CT scan», elle avait passé une IRM, puis finalement on lui avait dit de suivre
avec un médecin. Elle s'est trouvée dans notre clinique, où j'ai pu prendre
le temps, en faisant attendre mes autres
patients, pour découvrir que c'était une victime de viol, qui a été violée
lorsqu'elle était enceinte avancée,
elle avait perdu son bébé, puis elle souffrait de SSPT aigu, sévère avec une
dépression, puis sa douleur était sa
manière de revivre son trauma. C'est en prenant le temps avec elle, en faisant
plusieurs suivis avec elle que,
premièrement, j'ai pu découvrir, parce que c'est certain que, un médecin qui
prend 10 minutes avec elle, elle ne se serait jamais ouverte pour dénoncer ce qu'elle avait vécu. Et c'était
une cliente qui a eu besoin d'un suivi serré, puis, avec tout simplement ce lien thérapeutique qui s'est
développé, en soi ça a été une thérapie pour elle, elle s'est sentie comprise,
écoutée, valorisée, je la vois partir sur le
bon chemin. Elle nous revient, elle est plus fonctionnelle. Mais, ces patients,
il y en a, puis il y en a beaucoup, de
vulnérabilité, puis je pense que le fait qu'on n'en tient peut-être pas compte,
c'est tout simplement qu'on ne les
pas découverts encore, puis on ne peut pas les découvrir en passant trop peu de
temps avec eux.
• (17 heures) •
Mme Cromp
(Andrée-Anne) : Puis, si je
peux juste ajouter un commentaire sur l'importance du lien thérapeutique, on est tous d'accord, comme on l'a
déjà mentionné à maintes reprises avec le ministre, comme quoi il y a un problème d'accessibilité. Toutefois, je crois
que ça serait une erreur d'augmenter l'accessibilité en sacrifiant d'un autre
côté l'importance du lien thérapeutique.
Puis, si je
peux juste exprimer pendant 30 secondes mon expérience personnelle, je
viens juste de commencer ma résidence,
et sincèrement les plus beaux commentaires que j'ai de mes patients, c'est
quand ils me remercient d'avoir pris le temps de les écouter. Donc, je
pense que, ça, sincèrement, ça n'a pas de prix.
Oui, l'accessibilité est un problème, mais c'est
que, là, dans le fond, on va couper dans quelque chose pour promouvoir autre
chose. Ça ne réglera pas le problème, on va se retrouver avec d'autres
problèmes par la suite.
Mme
Lamarre : Bien, je pense que
vous évoquez... Effectivement, dans le système de pondération ou d'équivalence, il faudrait qu'il
y ait énormément de points bonis pour le lien thérapeutique avec un patient,
le lien de confiance, parce que c'est
souvent ça qui va faire économiser, hein? Si on avait commencé par la bonne
chose avec le patient, bien on aurait
peut-être évité beaucoup d'examens. Actuellement, effectivement, toute la
partie investigation, tests, médicaments,
jusqu'à un certain point on remet peu en question la pertinence, et là vous
avez peut-être le sentiment qu'on remet
plus en question le temps humain, le temps professionnel que vous passez avec
vos patients. Il faut trouver un juste milieu.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, je voulais vous laisser finir
votre phrase. Nous allons suspendre, nous sommes appelés, comme députés, à un
vote. Alors, nous revenons dans quelques instants, alors nous poursuivrons
nos débats. Merci pour votre compréhension.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 25)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant poursuivre nos
débats. Nous en étions à la période d'échange avec la collègue députée
de Taillon, il vous restait 4 min 52 s. La parole est à vous.
Mme Lamarre : ...on arrivait à la dimension, donc, où on avait
bien compris l'engagement que vous avez avec vos patients, mais il faut trouver un juste milieu. Et, de la même façon
qu'on a une préoccupation pour les patients dont vous avez témoigné, on doit aussi penser qu'on a 2 millions de Québécois qui n'ont pas accès à un médecin de famille, et, parmi ceux-là, les statistiques font qu'il y en a un certain nombre qui ont probablement un cancer et qui, par exemple, ne seront pas diagnostiqués du tout ou
seront diagnostiqués tardivement.
Donc,
qu'est-ce que c'est, votre solution?
Mais je veux vraiment laisser la parole à ma collègue aussi de Duplessis.
Donc, en quelques mots, est-ce que vous avez
déjà réfléchi à un système, par exemple, de rémunération hybride qui tiendrait
compte de la capitation, donc d'une
responsabilité d'une population, d'un territoire en même temps qu'une
rémunération à l'acte? Est-ce que
vous avez eu le temps, l'opportunité de réfléchir? Vous, vous avez travaillé
dans le Grand Nord, je ne sais pas,
vous avez peut-être vu d'autres modes aussi de reconnaissance par rapport à une
meilleure prise en charge de l'ensemble de la population.
Mme Manoli (Sabrine) : Bien, en fait, j'essaie de comprendre pourquoi on
parle de rémunération comme solution, je pense que vraiment on vous a
donné les solutions. Alors, quand on parle d'accès, faciliter l'accès aux
spécialités paramédicales. Chaque seconde
que je peux sauver, là, dans la journée, ça va me permettre de voir un autre
patient. Donc, si je peux déléguer un
patient à un physiothérapeute, à une infirmière, si on peut travailler
ensemble, pas déléguer mais travailler
ensemble et faire des suivis conjoints, déjà là, là, je libère beaucoup de
place, je vous assure, pour augmenter l'accessibilité.
Donc,
je pense, je ne vois pas vraiment... On a vraiment des responsabilités
médicales, je pense qu'on est tous fiers
de prendre soin de nos patients. Rémunération, pas rémunération, bon, je vais
vous laisser discuter de ça avec notre association.
Peu importe qu'est-ce que vous me payer, moi, je suis là pour prendre soin de
patients, et le plus de patients possible.
On a le même but, c'est d'augmenter l'accessibilité, mais surtout d'augmenter
l'accessibilité à des soins de qualité.
On
n'y arrivera pas tout seuls. Et c'est ça qui est un peu inquiétant de ce projet
de loi n° 20, on a l'impression de tout porter sur nos épaules. Les médecins, ils ne travaillent pas assez
fort, ils ne voient pas assez de patients. Je ne pense pas que c'est la
réalité.
Mais
je pense qu'on peut sortir du statu quo. M. le ministre a mentionné qu'on
prônait le statu quo. Aucunement. Au
contraire, on est très contents d'avoir ce dialogue. On pense qu'on peut
avancer ensemble, avoir un système de santé dont on est encore plus
fiers, mais, pour ce faire, il faut travailler ensemble avec tous les
spécialistes. Il y a...
Mme
Lamarre : ...interdisciplinarité mieux coordonnée et probablement un
meilleur système d'informatisation, une information plus facilement
accessible.
M. Aggarwal (Sanjay) : Si je peux dire rapidement, plus d'appui
administratif, parce que souvent on passe du temps à faire des tâches administratives. Et enfin il faut toujours se
souvenir, quand vous êtes en train de réviser ce projet de loi, que, là, on est là pour soigner des
patients qui sont les plus malades, qui sont les plus vulnérables. C'est ça que
le médecin devrait faire, je pense.
Et c'est sûr qu'un patient qui est en santé, là on parle aussi d'une gestion
partagée avec les autres
professionnels de la santé, mais je pense qu'il faut libérer les médecins pour
être là pour les patients qui sont malades.
Le
Président (M. Tanguay) : On va laisser notre collègue de Duplessis,
pour 1 min 30 s, poursuivre l'échange avec vous.
Mme Richard : Merci, M. le Président. Bonjour. Deux questions. Je vous ai entendus
parler beaucoup du fait que, bon,
imposer des quotas n'était pas nécessairement la bonne solution. Je suis d'accord
avec vous là-dessus. Tout le monde est
conscient aussi, autour de la table, qu'il faut favoriser un meilleur accès à
un médecin de famille. Deux questions en rafale parce que je n'ai pas
beaucoup de temps.
Est-ce
que vous ne pensez pas qu'en imposant des quotas comme ça, où vous aurez une
obligation de résultat — moi, j'ai l'impression
qu'on s'en va vers... presque à déshumaniser le système de santé, on s'en va
vers une industrie où c'est le quota
à tout prix — il
puisse y avoir, de un, des erreurs de diagnostic, des mauvais traitements? Vous
avez fait référence tantôt à un cas que vous avez vu.
Deuxièmement,
j'aimerais vous entendre — mais
malheureusement on n'a pas beaucoup de temps — sur les médecins dépanneurs.
Parce que, dans les régions comme la mienne, où le recrutement de médecins est
extrêmement difficile, comment vous voyez
ça, vous, les médecins qui vont venir faire du dépannage dans les régions comme
la nôtre et devoir combiner aussi avec un... quotas qui leur sont
imposés? Merci.
Le Président (M.
Tanguay) : Les deux volets en 30 secondes, je pense que vous êtes
capables.
M. Aggarwal (Sanjay) : Je pense, il faut toujours considérer que ce
projet de loi risque de réduire le nombre de médecins qui travaillent au Québec, et alors, avec tous les problèmes
qu'on a discutés, ça va aggraver le problème, en fait.
• (17 h 30) •
Mme Richard : Et par rapport à certains diagnostics qui pourraient être erronés parce
qu'on a moins de temps de faire l'histoire de cas avec le patient, là?
M. Aggarwal
(Sanjay) : On va avoir plus de visites à cause des soins mal fournis,
en fait.
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, dernier aspect.
Mme
Manoli (Sabrine) : Bien, je voudrais juste dire que dans votre coin
vous êtes chanceux, vous avez des médecins
incroyables, des médecins de famille qui font de tout, qui font n'importe quoi,
qui sont vraiment... oui, ils sont vraiment
incroyables. Je pense que c'est eux qui vont avoir le plus de difficulté à
vraiment rejoindre des quotas excessivement rigides, parce que ces
médecins-là sont tout sauf rigides.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la
parole à notre collègue de Lévis pour 9 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci d'être là, Drs Aggarwal, Cromp,
Manoli, O'Shaughnessy, Richter. C'est
rafraîchissant de vous entendre, et j'aime ça. Et, moi, pour moi, une
commission parlementaire, lorsqu'on fait
l'écoute et l'audition de mémoires, ça doit se passer en grande réceptivité,
c'est-à-dire c'est de l'écoute attentive, pas se baser sur de la confrontation,
puis aller au-delà de la mathématique. Et, en ce sens-là, bien, j'imagine et je
comprends bien que votre priorité, ce
soit la qualité des soins à être donnés. Puis en aucun temps quelqu'un ici ne
pourrait croire ou anticiper le fait
qu'à travers vos propos vous remettiez en question la qualité des soins que
vous donnez, parce que vous êtes des professionnels et, vous l'avez dit,
vous travaillez pour vos patients d'abord.
Ce
que je comprends... Et je le refais aussi parce que vous avez parlé de
pondération, que c'était important, en fonction d'une clientèle très
vulnérable, disons une clientèle lourde. Le ministre a parlé de vrai vulnérable
et de faux vulnérable. J'imagine qu'un
vulnérable, c'est un vulnérable, je ne vois pas qu'il y en ait des vrais et des
faux, mais en tout cas, bref, mettons
que ce sont des cas lourds. Et vous n'avez pas de grille de pondération, vous
n'avez pas ces éléments non plus vous
permettant de juger de la façon dont ce sera fait. Alors, je comprends
qu'aussi, à travers ce que vous analysez, au-delà de l'inquiétude que vous manifestez, il vous manque aussi des
éléments, ce projet de loi là, tel quel, j'imagine, ne vous donne pas
les réponses que vous attendez. Est-ce que je me trompe?
Mme Manoli (Sabrine) : Tout à fait, c'est quelque chose qu'on aurait
aimé voir. Mais il faut aussi comprendre que, de toute manière, un vulnérable sur papier n'est pas nécessairement
vulnérable dans la vraie vie. Vous-même, par exemple, vous n'êtes peut-être pas vulnérable aujourd'hui, mais demain
vous pourriez le devenir. Donc, c'est excessivement difficile à quantifier et à prédire, cette
vulnérabilité, de la même manière que quelqu'un qui est vulnérable mais sur
lequel... Alors, Dre Richter
vous a donné un bon exemple, elle a travaillé fort, fort, fort avec une
patiente vulnérable. Bien, je pense que cette patiente est de moins en
moins vulnérable.
Donc,
aller quantifier, à un moment donné il faut faire confiance au médecin. Si je
peux aller rapidement avec un cas, croyez-moi, je vais beaucoup plus
rapidement, mais, s'il faut que je prenne le temps de m'investir avec un
patient, je le fais aussi.
M. Paradis (Lévis) : Et je comprends fort bien parce que c'est le cas de bien des gens qui
nous regardent et nous écoutent parce
qu'ils le vivent. Au prononcé d'un diagnostic, au lendemain, par exemple, d'un
début de traitement, un patient qui manifestement le prend bien pourra
devenir plus vulnérable et demander davantage de temps parce qu'on a besoin de se faire répéter des choses, parce
qu'on a besoin de se faire davantage accompagner. Et je comprends que c'est
ça que vous nous dites. Vous craignez que
quelque part, à travers l'imposition mathématique dans un projet comme
celui-là, on perde cette notion-là ou
en tout cas certains soient tentés de la mettre un peu de côté. Est-ce que je
reflète bien ce que vous dites aussi?
Mme Manoli
(Sabrine) : Tout à fait.
M. Paradis (Lévis) : Est-ce que je comprends aussi fort bien qu'au-delà de la
mathématique — et vous
n'avez pas voulu vraiment l'aborder
parce que, bon, l'objectif n'était pas celui que vous vouliez porter — le message que vous voulez lancer et que vous lancez, c'est qu'il y a
moyen de faire autrement, passons à... mettons de côté le projet de
loi n° 20, donnez-nous des
outils, facilitez-nous la tâche, puis on va être en mesure de livrer la
marchandise, je le dis comme ça?
Mme O'Shaughnessy (Gael) : ...ça arrive dans les autres provinces, elles
sont beaucoup plus électroniques. Le dossier
santé électronique, oui, ça a commencé, c'est même juste 35 % qui y ont
accès, mais c'est d'avoir les dossiers dans
les bureaux et toutes les communications électroniques des spécialistes
envoyées aux médecins de famille. Comme ça, ça donne de l'information, ça, c'est quelque chose de qualifiable,
on peut rechercher facilement dans les dossiers pour trouver l'information au lieu de faire des essais
à plusieurs reprises pour trouver le bon document. Donc, c'est ça qui nous
sauve le temps et qu'on peut voir un autre
patient. On peut donner assez d'information aux spécialistes pour que le lien
se fait aussi.
M. Aggarwal (Sanjay) : En fait, on parle d'une infrastructure, une
infrastructure technique, multidisciplinaire, administrative qui manque
et qui...
Mme Manoli (Sabrine) : C'est
comme vous avez dit : Donnez-nous les moyens, et les mathématiques vont
suivre, c'est certain, je peux vous
garantir que les chiffres vont augmenter si on a les moyens. Parce que
de dire : Voyez plus de patients,
voyez plus de patients, puis qu'il y ait des failles dans le système,
bien ça va être fait tout croche, mais, si on renforce notre système, on
renforce les balises, les fondations de notre système, je ne vois aucune raison
pourquoi les mathématiques, les chiffres ne
vont pas augmenter tout seuls. Je vous le garantis, qu'ils vont le faire. On
aime ça, voir des patients. On veut être efficaces, on a été entraînés à
être efficaces. Ça va suivre, mais on a besoin des moyens.
M.
Paradis (Lévis) : Et je
comprends bien puis je pense que c'était facilement saisissable quand
vous parlez, par exemple,
d'outils, d'outils informatiques, d'informatisation. On parlait du DSQ, mais il
y a deux instants vous nous disiez : On n'a pas l'historique du
patient, on a peu de choses là-dessus. Je comprends fort bien. Puis, pour ceux
et celles qui comprennent le système
et qui s'imaginent votre pratique, d'avoir cet historique, déjà
d'être capable de poser ou de se faire une image de celui que l'on
traitera, je ne me trompe pas, ça fait gagner du temps, ça avantage.
Vous parlez
de... d'interdisciplinarité — «interdisciplinaire»,
c'est plus facile. Est-ce qu'il y a des embûches à ça? Vous la souhaitez, vous dites : Partageons davantage, vous avez dit tout à
l'heure : Je ne veux pas dire
déléguer, travaillons ensemble, mais parce qu'on parle aussi de délégation, en
disant : Il n'y a pas d'incitatif à déléguer, mais on a besoin de travailler de façon interdisciplinaire. Est-ce
qu'il y a des embûches à ça actuellement? Pourquoi ça ne se fait pas davantage
alors que vous le souhaitez? Qu'est-ce qui bloque?
Mme Manoli
(Sabrine) : ...qu'on
délègue, sauf qu'on délègue en faisant confiance au jugement d'une institution.
Par exemple, avant je travaillais à
Montréal-Nord, au CLSC Montréal-Nord. Je peux vous dire qu'ils ont la clinique
la plus fonctionnelle de planning, dans laquelle les infirmières font
des dépistages d'ITSS, font des «Pap tests», font du counseling de contraception. Quand il y a un patient plus compliqué, là
le médecin intervient, et les médecins font aussi des avortements thérapeutiques dans cette
clinique-là. À notre CLSC aussi, nous avons des conventions collectives, donc
on le fait, mais il faut faire confiance au jugement.
Dans les
embûches, bien, premièrement, c'est le nombre de ressources. Nous, on a des
infirmières fantastiques, à notre GMF, on est choyés. On n'en a pas
assez. On est une cinquantaine de médecins, on a deux infirmières GMF officielles et une infirmière auxiliaire qui
travaillent avec nous... et puis, bon, c'est sûr, d'autres infirmières au CLSC,
mais, de pair avec nous, on n'en a pas
assez. Les physios en particulier, physios, ergos, psychologues,
nutritionnistes, dans le système
public, il n'y en a pas beaucoup. La liste d'attente, c'est une liste d'attente
de plusieurs mois. Il faut aller, à ce moment-là,
au système privé, mais, nous, les patients qu'on voit ne peuvent pas se
permettre d'aller dans le système privé pour aller voir des physios ou des ergos, mais pourtant ce sont des
modalités de traitement dont on a besoin puis, pour nous, ce sont des outils de traitement. Alors,
quand on a des douleurs au genou, à la hanche, avant d'aller faire une
chirurgie orthopédique, qui coûte
excessivement cher, il faut faire un essai de physiothérapie; on n'arrive pas à
l'obtenir. Alors, on prescrit des
anti-inflammatoires, on tarde un peu, là, on retarde un peu le problème, et
éventuellement ils finissent sur la table d'opération, qui finit par
coûter beaucoup plus cher au système.
Mme
Richter (Anne-Katrin) : À
titre d'exemple encore, j'ai travaillé pendant 12 ans dans le Grand Nord
dans une communauté de
1 600 patients comme seul médecin, puis j'ai été capable de gérer la
population au complet parce qu'on
avait des infirmières avec un rôle élargi. L'interdisciplinaire se faisait
quotidiennement avec une équipe, une toute petite équipe qui était
disponible.
Maintenant,
de faire du multidisciplinaire avec un psychologue qui suit notre patient à
travers un... qui est dans un autre
secteur, ce n'est pas réaliste. Ils ne sont pas avec nous dans les mêmes
équipes. Même s'ils sont dans le même édifice, souvent ils sont distants, parce
qu'ils sont sur des étages différents. Alors, la multidisciplinarité devrait se
développer, mais ça prend des
petites équipes puis ça prend des gens qui travaillent auprès de nous pour
pouvoir réaliser ce projet.
M.
Aggarwal (Sanjay) : Et, vous
savez, on est très chanceux avec les professionnels avec qui on travaille, on
travaille à un CSSS qui est formidable, vraiment
moi, j'adore mon travail, et c'est
pour ça que j'ai resté au Québec, mais il faut juste davantage.
M. Paradis
(Lévis) : Je vous prends au
mot. Ce n'était pas ça, ma dernière question, mais je vous prends au mot,
dire : C'est pour ça que je reste au
Québec. Voyons plus loin. Avez-vous l'impression que, dans sa forme actuelle...
Parce que certains l'ont évoqué sur,
par exemple, la profession en tant que telle pour les futurs médecins. Le choix
de faire de la médecine de famille, par exemple, est-ce que vous pensez
aussi que le choix que vous avez fait pourrait être différent pour bien des médecins, de jeunes médecins qui
décideront que tout ça est trop contraignant et qui décideraient de ne pas
faire comme vous et de quitter le Québec?
Le Président (M. Tanguay) :
15 secondes.
• (17 h 40) •
M.
Aggarwal (Sanjay) : Oui. Et
je peux dire que beaucoup de mes amis qui ont gradué de McGill
et qui venaient de l'extérieur du Québec
sont partis à cause des AMP, des activités médicales, et des PREM. Et ils ont voulu rester parce qu'ils adorent la pratique ici, mais malheureusement
je connais beaucoup, beaucoup qui ont quitté.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec le collègue de Lévis.
Je cède maintenant la parole à notre collègue de Mercier pour trois
minutes.
M. Khadir : Merci,
M. le Président. Je voudrais juste...
Chers collègues, bienvenue à l'Assemblée nationale. Pour
ceux qui sont familiers du réseau de la
santé à Montréal, le CSSS de la Montagne, mais plus particulièrement le CLSC Côte-des-Neiges, où
oeuvrent la plupart de ces collègues médecins de notre ministre, est vraiment
emblématique de ce qu'on peut trouver
de mieux en termes de culture organisationnelle et culture professionnelle de dévouement
et, je dirais, d'une culture de
service orientée vers les patients en tenant compte de l'ensemble de leur problématique, c'est vraiment emblématique, et j'inviterais le ministre...
Parce que le ministre leur a demandé tout à l'heure :
Avez-vous des solutions? Je pense qu'il
n'y a rien de mieux... je m'adresse à
vous, M. le Président, pour rappeler au ministre qu'il n'y a rien de mieux, sa question, pour le mener à bien et à bout, pour
obtenir la réponse, d'aller visiter les CLSC.
Parce que
vous avez dit : La solution, ce n'est pas juste dans des quotas de
médecin, il faut renforcer la première ligne,
et la première ligne, ce n'est pas juste des médecins, c'est des infirmières,
vous avez tout nommé tout ça. Est-ce
que
les CLSC... Parce que votre CLSC fonctionne, mais ce n'est pas le cas
de tous les CLSC, il y en a beaucoup qui ont été, comment je pourrais dire, dénudés,
ont perdu leurs ressources. Est-ce
que des CLSC 24 heures sur 24,
sept jours par semaine et avec tout
le personnel dédié peut être une partie de la solution à l'échelle du Québec comme renforcement de première ligne?
Mme Manoli (Sabrine) : Bien, je
pense que ça va vous coûter excessivement cher pour le résultat final, là.
M. Khadir : ...excessivement cher. Vous savez, on est venu
nous dire ici, statistiques à l'appui, qu'à l'échelle canadienne
on est la province qui investit le moins par tête d'habitant en santé. Puis
ensuite on sait que, depuis 15, 20 ans, ce qui a coûté le plus en croissance de coûts, c'est les médicaments
trop chers qu'on paie, les équipements trop chers et les rémunérations
des médecins, notamment les spécialistes, qui ont gonflé énormément.
Donc, est-ce que
vous seriez d'accord à ce qu'on revoie la rémunération des médecins globalement, pas par des punitions mais globalement pour les ajuster, qu'on paie moins cher nos
médicaments puis qu'on fasse de meilleurs choix d'équipement pour consacrer une partie des ressources
à renforcer la première ligne? Est-ce
que ça pourrait être envisagé?
M.
Aggarwal (Sanjay) : Je pense
qu'il faut absolument qu'on regarde les coûts des médicaments, absolument, ça fait partie des soins, les
coûts de tous les tests qu'on fait. Et je pense qu'il faut considérer dans tout
ce projet de loi la question de qualité, parce que, là, je pense qu'on
ne peut pas séparer la question de qualité et d'accès... et des coûts, en fait,
parce que les trois vont ensemble.
M. Khadir : Pour avoir une... Vous savez, le réseau des CLSC
a été déjà payé, hein, tous ces établissements ont déjà été amortis et payés, ils sont là, toutes les
installations sont là, mais on n'a pas renforcé leur capacité. On les a
délaissés à cause d'une culture
médicale souvent propagée dans nos fédérations, dont vous connaissez la culture très
corporatiste, qui ne voulaient pas
travailler en interdisciplinarité. Parce
que, dans les CLSC, il faut pratiquer
la médecine tel que vous la pratiquez,
et il y a une partie des médecins qui n'aiment pas ça,
partager les responsabilités avec d'autres. Ça, c'est une réalité, il faut qu'on l'admette, hein? Donc, on
pourrait appuyer votre travail en appuyant partout la première ligne, n'est-ce
pas?
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes et représentants du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé et services sociaux de la
Montagne.
Nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 44)
(Reprise à 17 h 48)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, chers collègues! Nous allons poursuivre nos travaux et nous
recevons maintenant M. Jonathan Dumont.
Question
d'intendance, j'aurais besoin de votre consentement pour terminer une demi-heure plus tard, donc
excéder d'une demi-heure notre
journée aujourd'hui et de terminer à 18 h 30. Y a-t-il
consentement? Consentement est accordé.
Donc,
bienvenue à votre Assemblée nationale, M. Dumont. Vous disposez d'une période de
10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un
échange avec les parlementaires. La parole est à vous.
M. Jonathan Dumont
M. Dumont (Jonathan) : Alors, merci.
Bonjour, M. le ministre et MM. et Mmes les députés. Mon nom est Jonathan Dumont, j'ai 35 ans. Écoutez, je ne
fais pas partie d'aucune organisation quelconque, je suis un simple citoyen
qu'on a contacté hier à 21 heures et qui a fait le trajet
Candiac-Montréal, car j'ai cru que c'était important de venir discuter
de la seconde partie du projet de loi n° 20, soit le programme de
procréation assistée, et le tout basé sur l'expérience personnelle de moi et ma
femme.
• (17 h 50) •
Juste petite
anecdote comme ça. Sur la rue, tout à l'heure, j'ai croisé M. Péladeau et
je lui ai parlé un peu de ça, et il
m'a dit : Malheureusement, c'est la fin du programme, car ça n'intéresse
pas M. le ministre. Alors, j'espère, M. le ministre, que vous allez
avoir une certaine ouverture à l'exposé que je vais avoir aujourd'hui avec
vous.
Alors, ce
sujet me touche particulièrement puisque ma femme et moi, on a eu
personnellement recours à la procréation
assistée afin de donner naissance à nos enfants. Il est, selon moi, très
important, M. le ministre, de garder l'accès gratuit au programme de procréation assistée pour les couples
infertiles, et je dis bien infertiles. Je tenterai de vous exprimer les
raisons de mon opinion à travers mon expérience personnelle.
À
33 ans, et après plusieurs échecs infructueux d'avoir un enfant, ma femme
et moi avons décidé de consulter auprès de l'Hôpital Royal Victoria.
Après plusieurs examens, nous avons appris avec stupeur que non seulement ma femme était atteinte du syndrome des ovaires
polykystiques, mais que j'étais aussi infertile dû à un problème avec mon
chromosome Y. Et,
quand on dit «infertile», dans mon cas c'est qu'il n'y avait aucune possibilité
que j'aie un enfant de façon
naturelle ou à peu près pas. Ce fut un choc très dur à accepter, car nous
désirions tellement être parents et avoir un enfant à qui donner de l'amour. Je
vous garantis qu'il y a un sentiment d'impuissance face à ce genre de situation.
J'ai dû avoir des rencontres psychologiques afin d'apprendre à accepter
le tout.
Néanmoins,
notre désir d'avoir un enfant était toujours présent. Pour ma conjointe et moi,
le fait de vouloir un enfant était
bien plus qu'un droit, c'était un besoin et un désir fondamental. Une fois le
choc du diagnostic médical d'infertilité passé, nous nous sommes mis en mode solution afin de voir les options
qui s'offraient à nous. Nous avons donc d'abord exploré de l'adoption à l'étranger, mais après quelques recherches nous
nous sommes vite rendu compte que cette piste de solution ne convenait pas du tout, non seulement en raison des coûts
très élevés, mais aussi des complications que les parents ont souvent avec leurs enfants qu'ils ont adoptés.
Alors, nous nous sommes donc tournés vers le programme de procréation...
d'adoption québécois, mais celui-ci peut être extrêmement intrusif pour les
familles d'accueil, qui ne sont même pas certaines de pouvoir garder leurs
enfants à la fin.
Donc, après
des mois de réflexion et des rencontres avec des psychologues, il nous est
apparu que la meilleure solution pour nous permettre de fonder notre
famille était de tenter notre chance avec le programme de procréation assistée. Cette solution pourrait nous permettre,
à ma femme et moi, d'être... à ma femme d'être la mère biologique de notre enfant, n'entraînerait pas de coût
personnellement exorbitant, peu d'attente et ne nécessiterait que très peu
d'interventions de tierces parties.
Et, quand je parle de tierces parties, c'est que, par exemple, lorsqu'on fait
une adoption à l'étranger, il faut
rencontrer des psychologues, il faut rencontrer des juges, il y a d'autres
intervenants à voir outre le personnel médical. Donc, nous, il y avait
le personnel médical qui était là-dedans.
Donc, nous avons fait le choix de la fécondation
in vitro, et après seulement une tentative — nous, on a été chanceux — grâce à Dre Patricia Monnier et à toute
l'équipe de l'Hôpital Royal Victoria, ma femme et moi sommes les heureux
enfants de deux belles petites jumelles identiques, issues de la fécondation
d'un seul embryon, je tiens à le spécifier,
un seul embryon qui s'est divisé en deux, depuis le 20 novembre dernier.
Et je vais juste vous présenter, M. le ministre
et les députés... je vous présente Lilianne et Lauralie. Donc, ce sont deux
petits êtres extraordinaires qui sont nés à 37 semaines et un jour,
donc qui sont considérés à terme.
Ainsi, grâce
à l'accessibilité et la gratuité du programme actuel de procréation assistée
mise en place par le ministre Bolduc
à l'époque, ma femme et moi sommes des parents comblés par la vie.
Malheureusement, avec le projet de loi n° 20, d'autres couples risquent de ne pas avoir la même
chance que nous. Il m'apparaît évident que le gouvernement devrait reculer
avec l'idée d'enlever la gratuité du programme aux couples infertiles, pour
plusieurs raisons.
D'abord, au niveau psychologique, l'annonce d'un
diagnostic médical d'infertilité est très dure à accepter, croyez-moi. Plusieurs rencontres psychologiques ont
dû être nécessaires afin de vivre avec notre situation. Si le programme de procréation assistée n'avait pas été
accessible, notre détresse individuelle psychologique aurait été beaucoup plus
grande, car nous aurions dû vivre
avec un deuil dans notre souhait de fonder une famille. J'ai toujours voulu
être papa, je n'ose donc pas
m'imaginer quelle aurait été l'ampleur de ma propre détresse à moi. Et je vais
vous poser la question à tous ici : Sachant qu'il y a des solutions médicales acceptables disponibles au
Québec mais qu'elles sont coûteuses et possiblement inaccessibles pour la classe moyenne, comment
accepteriez-vous le fait de ne pas avoir d'enfant non pas par choix mais
en raison d'une maladie non désirée?
D'autre part, les impacts financiers de la fin
de la gratuité du programme de procréation assistée seraient très grands pour les couples infertiles. Une tentative
de fécondation in vitro peut coûter plus de 10 000 $. Nous avons
été très chanceux, car, dans notre
cas, la première a été la bonne. Cependant, pour beaucoup de couples, le succès
de la fécondation in vitro
arrive après deux ou même trois tentatives. Ainsi, les montants relatifs à la
fécondation in vitro peuvent facilement varier entre 10 000 $ et 30 000 $. Très peu de
couples de la classe moyenne ont accès à ces sommes d'argent facilement.
Malgré les crédits d'impôt, M. le ministre,
que vous envisagez, ils n'auraient d'autre choix que de faire des emprunts avec
des intérêts supplémentaires. Avec le coût
de la vie actuel, le prix des maisons, du pétrole, des aliments, des biens et
services, des automobiles, des taxes,
il est permis de croire que la fin de
la gratuité du programme ne ferait qu'endetter davantage les
individus concernés et rendrait donc
quasi inaccessible l'option de la procréation assistée pour beaucoup de couples
infertiles en raison, vous l'avez dit tantôt, de leur incapacité de payer.
L'Organisation
mondiale de la santé reconnaît, d'autre part, que l'infertilité est une
maladie. Le programme de procréation
assistée actuel permet aux individus qui en sont atteints non pas d'en guérir
nécessairement physiquement mais certes psychologiquement en rendant
accessible l'option aux couples de fonder une famille malgré tout.
Aussi, il
m'apparaît qu'il s'agit, à long terme, d'un traitement médical très rentable
pour la société. En effet, si je reprends
notre exemple de notre couple à nous deux, pour un couple... pour un coût,
pardon, à l'État d'approximativement 10 000 $,
ma femme et moi avons mis au monde deux belles petites jumelles en pleine
santé, identiques, qui un jour paieront des taxes et des impôts pour beaucoup plus de 10 000 $.
N'est-ce pas un bon retour sur l'investissement, M. le ministre?
En
conclusion, je comprends très bien que l'état des finances nécessite des compressions
budgétaires à tous les ministères. Je
suis même d'accord sur le fait que certains points du programme de procréation
assistée doivent être revus. Cependant, en 2010 le Québec s'est doté
d'un programme mondialement reconnu grâce auquel nous avons pu fonder notre famille. Sans ce programme, ou bien nous
n'aurions pas d'enfant aujourd'hui ou bien nous serions endettés, ce qui
aurait considérablement réduit notre pouvoir
d'achat pour plusieurs années à venir et donc qui aurait réduit notre côté à...
à contribuer, pardon, à l'épanouissement de l'économie du Québec.
Ma femme et
moi n'avons pas fait le choix de notre état médical, il est le résultat de
malheureuses circonstances totalement hors de notre contrôle. Avec les
progrès d'aujourd'hui, la médecine et la science nous offrent une option alternative plus que convenable à notre désir de
fonder une famille. Pourquoi vouloir réduire le pouvoir de choisir cette
option pour les couples infertiles, M. le ministre?
Je
suis donc d'avis qu'il est important de conserver la gratuité du programme de
procréation assistée pour les couples ayant
reçu par un médecin un diagnostic d'infertilité médical. Je vous saurais donc
gré, M. le ministre de la Santé, de
bien vouloir considérer ma demande afin de revoir et d'amender entre autres
l'article 13 de votre projet de loi afin de permettre aux couples infertiles d'avoir accès aux traitements de
procréation assistée avec La loi de l'assurance maladie.
Alors,
pour terminer, vous avez une photo encore de Lilianne et Lauralie. Depuis leur
naissance, elles sont en pleine forme
et en pleine santé. Sans le programme de procréation assistée, elles n'auraient
jamais vu le jour. Je vous remercie à l'avance, M. le ministre, de bien
vouloir prendre en très haute considération cette demande. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Dumont. Alors, nous
allons maintenant débuter une période d'échange avec les parlementaires,
et, pour une période de 14 minutes, je cède la parole au ministre de la
Santé.
M.
Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dumont. Bienvenue. Et
je pense que vous venez de faire un témoignage qui est extrêmement bien
senti et tout à fait à propos. Je comprends de votre commentaire aussi que vous
comprenez un peu les impératifs auxquels on
fait face. Et je dois vous avouer qu'ayant, pas moi personnellement, mais
été près de gens, des amis personnels qui
ont eu à vivre votre situation, c'est vrai, là, que c'est un choc, ça, je
conviens vraiment parfaitement avec
vous de ce que ça peut représenter comme choc, comme vision, comme conséquences
sur le moment et par la suite, et
toute l'aventure, parce qu'en quelque part c'est une aventure dans laquelle
vous vous êtes embarqués, avec
succès, puis je suis bien content, évidemment, que ça se soit bien terminé
comme ça pour vous. En même temps, on
se retrouve, nous, dans la situation dans laquelle on est. Et je comprends bien
de votre commentaire que vous avez pris connaissance du projet de loi,
vous l'avez lu en détail et vous venez faire des recommandations.
La
première question que j'ai à vous poser et qui est incontournable : Dans
votre situation, si vous aviez vécu... Là,
je ne veux pas que vous exposiez des choses, là, qui sont personnelles et
indiscrètes, là, mais, dans votre situation, est-ce que le programme de
crédit d'impôt aurait été quand même viable pour vous?
M. Dumont
(Jonathan) : Le programme de crédit d'impôt que vous voulez mettre en
place?
M. Barrette :
Qu'on propose, là, dans le projet de loi, là.
• (18 heures) •
M. Dumont (Jonathan) : Actuellement, moi, avant de venir vous voir, j'ai discuté avec
Jean-Guy Tremblay, qui est l'attaché politique
de mon ministre... de mon député, à La Prairie, et présentement la grille actuelle n'est pas disponible, c'est ça qu'on m'a dit. Dans les médias, ce qui est sorti,
c'est que, pour des couples de 50 000 $
et moins, ça serait une grille de... ça serait 80 % de crédit
d'impôt et, pour les couples avec 120 000 $ et plus, ça serait
20 %. Donc, on peut envisager... je ne sais pas, là, il n'y a pas de
chiffres qui sont sortis de votre part, mais les couples...
M. Barrette :
Avec ce que vous savez des médias, là.
M. Dumont
(Jonathan) : Oui. Bien, ça, ça vient des médias, oui, effectivement.
Est-ce qu'il y a une grille, M. le ministre, qui est sortie pour les couples,
par exemple...
M.
Barrette : ...en fonction de ce qui est connu actuellement, est-ce que
vous, avec ce que vous savez de ce qui est sorti dans les médias,
c'était quelque chose qui était une approche qui vous aurait permis d'y avoir
accès?
M. Dumont (Jonathan) : Je ne crois pas, M. le ministre. Parce que, si
j'envisage, par exemple, moi, que, notre couple, on fait partie de la classe moyenne, donc on peut
hypothétiquement penser que ce serait 50 %. M. le ministre, 50 %,
c'est quand même 5 000 $ à peu
près que moi, j'aurais payé de ma poche. Et en fait au départ j'aurais à payer
10 000 $. Le
10 000 $, je le trouve où? Donc, le 10 000 $, je l'emprunte
à la banque, et là j'ai des intérêts, nécessairement, avec la banque. Et, bon, bien, par rapport à ça, suite à
ça, suite à l'emprunt à la banque, bon, tu sais, vous me remboursez un crédit
d'impôt, donc là je rembourse un 5 000 $, mais il y a toujours bien
5 000 $ qu'il me reste à payer.
Nous, on a été
chanceux, dans notre cas, mais j'ai un couple d'amis très proche de moi, ils en
sont à leur deuxième tentative, ça n'a pas
marché. Donc là, on ne parle plus de 5 000 $, on parlerait de
10 000 $, et etc. Donc, quand on en vient à trois
tentatives, bien là c'est 15 000 $ plus les intérêts, donc on peut
facilement parler de 20 000 $.
Donc,
moi personnellement, M. le ministre, avec le coût des maisons actuel, le coût
du pétrole, le coût de tout, je fais
partie d'une famille de la classe moyenne, puis ce n'est pas avec un crédit
d'impôt que je vais réussir à avoir un enfant.
M.
Barrette : Et je vous pose encore la question, encore une fois, si ça
vous met dans l'embarras, dites-le-moi, puis on passera à un autre sujet, là, mais, si vous aviez eu une
mécanique de crédit d'impôt qui aurait fait en sorte que vous auriez eu
à débourser seulement le 5 000 $ mais pas à faire un emprunt de
10 000 $, par exemple, est-ce que ça aurait été viable pour vous
quand même?
M. Dumont (Jonathan) : Pas du tout, pas du tout. 5 000 $, M.
le ministre, c'est beaucoup d'argent, là, et parce que j'ai à faire un emprunt pour emprunter
5 000 $. Donc, ce n'est pas 5 000 $, dans le fond, là, ça
va être 7 000 $, avec les intérêts, 8 000 $. Et,
comme je vous dis, je vous le répète, moi, j'ai été très chanceux parce que
c'est la première tentative qui a fonctionné.
M.
Barrette : O.K. Non, c'est parce que j'allais vous dire que, dans ce
qui est proposé, il est possible, pour vous, que vous n'ayez pas à faire un emprunt de 10 000 $ mais que
vous ayez à aller directement au 5 000 $. Mais là vous me
dites que, dans votre situation, c'était une impossibilité. O.K.
Dans les...
Est-ce que c'est le seul élément du projet de loi qui pose, selon vous,
problème ou... Le reste du projet de loi, les balises, tous ces
éléments-là, est-ce que ça vous apparaît comme adéquat?
M. Dumont (Jonathan) : Moi, je parle
pour les couples infertiles, M. le ministre, puis...
M.
Barrette : ...je comprends, là, mais, pour les couples infertiles, il
y a toutes sortes de balises. Est-ce que le reste du projet de loi vous
apparaît approprié ou...
M. Dumont
(Jonathan) : Il y a
certaines balises du projet de loi qui sont appropriées, mais au niveau des
sous, pour les couples infertiles,
bien je trouve que ça n'a pas de bon sens, puis c'est pour ça que je suis ici
aujourd'hui devant vous.
M.
Barrette : O.K. Est-ce qu'à ce moment-là vous seriez en faveur qu'il y
ait... Est-ce que je dois comprendre de
votre position que, dans votre vision de la problématique, les couples
médicalement infertiles devraient avoir tout gratuit et les autres pourraient
avoir un coût... ou vous voudriez que tout soit tout gratuit?
M. Dumont
(Jonathan) : Les couples
avec un diagnostic médical d'infertilité devraient être traités à l'hôpital
ou par un médecin pour avoir le droit d'avoir des enfants. Moi, c'est mon opinion.
M. Barrette : Et pour les autres
situations?
M. Dumont
(Jonathan) : Les autres
situations, ils viendront défendre leur point de vue. Moi, je suis ici vraiment
pour mon point de vue, M. le ministre, aujourd'hui.
M.
Barrette : O.K., parfait. O.K. Et donc le reste du projet de loi comme
tel... Je ne parle pas, là, de la partie des médecins, là, parce que je ne pense pas que vous veniez pour ça, mais,
pour ce qui est de la procréation médicalement assistée, vous n'avez pas
vraiment de changement majeur à proposer ou...
M. Dumont
(Jonathan) : Bien, en fait,
le changement, c'est parce que, dans votre projet de loi, la balise qui est
vraiment ôtée, c'est que, dans le fond, vous
allez permettre les inséminations mais plus la procréation assistée, et c'est
ça qu'il faut changer, là, c'est que, pour les couples
infertiles, la procréation assistée, la fécondation
in vitro soit payée par l'État,
selon moi.
M. Barrette : M. le Président, si
vous n'avez pas d'objection, je passerais la parole à mon collègue.
Le
Président (M. Tanguay) :
Oui, tout à fait. Alors, je cède avec plaisir la parole au
collègue de Maskinongé.
M.
Plante : Merci beaucoup, M. le Président. M. Dumont, c'est avec, bien, beaucoup
d'attention, je vous dirais, et un
petit peu d'émotion que j'ai écouté votre témoignage parce que,
mes collègues le savent, le ministre aussi, j'ai, avec ma conjointe, passé par un processus semblable au vôtre qui malheureusement... on ne s'est pas rendus à la fécondation
in vitro, puisque la condition de santé de mon épouse ne le permettait pas. Par contre, je suis... tout le bout où vous
parlez, bon, de la difficulté à
apprendre la condition soit de santé ou médicale, le problème, de un, réaliser
qu'on a un problème, quand on est un
couple, ce n'est pas toujours évident. C'est très, très difficile et pour notre
conjointe et pour nous et pour nos proches aussi, parce qu'on sait que
le projet d'avoir un enfant ou des enfants, ce n'est pas un projet de couple seulement,
c'est un projet de famille souvent. Et je suis très, très heureux de voir la
photo de vos deux belles filles à l'arrière, qui me touche particulièrement.
Moi, je
voulais juste vous parler... Parce que vous savez qu'avec les resserrements
dans le projet de loi, oui, on parle
de la FIV, mais on continue quand même tout l'accompagnement des couples
infertiles. Puis on sait que, la majorité des couples, ça peut se résoudre par une insémination ou par des
problèmes où des prises de médicaments par la suite... Vous, vous êtes un cas très spécifique parce que
vous et votre conjointe aviez des problèmes, mais, dans certains cas, toute
l'autre étape, pour plusieurs couples, règle la situation et permet d'avoir un
enfant.
Donc, si j'ai
bien compris, ces balises-là ne vous dérangent pas, là, l'âge final de
42 ans, c'est correct, pour les dames,
tout ça, vous vivez bien avec ça, ce que vous avez de la difficulté, c'est
vraiment juste la partie fécondation in vitro?
M. Dumont (Jonathan) : Oui.
M. Plante :
J'ai une sous-question bien simple, et, vous allez voir, ça va être... Je
comprends que le 10 000 $ estimé, là, selon vos estimations, peut paraître un gros montant, mais vous avez
fait le même cheminement qu'on a fait puis que tous les couples font, là. Penser à l'adoption internationale, bon,
c'est déjà beaucoup de sous aussi, penser à l'adoption au Québec, là, le processus de Banque-mixte, là,
on sait tous que c'est des engagements financiers, puis qu'avoir un enfant,
c'est un engagement financier. Et je
comprends que ça peut paraître beaucoup, un 5 000 $ ou un
10 000 $ du coup. C'est sûr qu'il y a des remboursements
permis dans le projet de loi, là, par contre, au niveau des crédits d'impôt.
Par
contre, est-ce que vous seriez allés jusqu'au bout quand même, même s'il y
aurait eu une marge de 5 000 $? Financièrement, là, moi, je vais vous dire, si j'aurais pu le faire,
même si ça avait coûté 50 000 $, on y aurait été, là, je vous
le dis. Souvent, c'est le rêve d'une vie, d'avoir un enfant.
M. Dumont
(Jonathan) : En fait, je
vous le dis dans ma conclusion, je vous dis que c'est une option... on serait
peut-être allés à la fin aussi vers le programme de fécondation in vitro,
mais ce que je vous dis aussi, c'est qu'on se serait
endettés pour ça et que ça aurait réduit notre capacité de payer et de
contribuer à l'économie québécoise. Et je pense que ça, c'est important de le dire aussi parce que, tu sais, si
j'emprunte de l'argent ou si... Parce que j'ai une maison aussi à payer, là-dedans, j'ai une voiture à payer.
Donc, dans le fond, c'est un coût supplémentaire que j'aurais à payer, donc
j'aurais un endettement supplémentaire, et
je ne pense pas que c'est ça qu'on veut, là, au Québec, d'avoir des individus
avec un endettement supplémentaire, présentement, là.
M.
Plante : O.K. Puis, si je comprends bien à la fin vos recommandations,
puis M. le ministre a posé la question tantôt,
mais vous feriez vraiment une scission entre les couples qui ont un problème
médical et les autres couples, là, au niveau de la fécondation
in vitro.
M. Dumont
(Jonathan) : Bien, comme je
vous dis, moi, je suis un individu qui vient pour les couples... bien en
fait pour mon couple et les couples
infertiles. S'il y a d'autres gens qui veulent venir défendre leur point pour
d'autres situations, qu'ils viennent le défendre.
M. Plante : Parfait. Bien, merci
beaucoup.
M. Dumont (Jonathan) : Mais je pense
que c'est important de mettre les balises pour les couples infertiles.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
passer la parole, céder la parole à notre collègue députée de Taillon
pour une période de 8 min 30 s.
• (18 h 10) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci,
M. Dumont, d'être là, merci de votre témoignage, je pense que c'est vraiment très représentatif.
Puis que vous ayez pris la peine de rédiger ça et de venir nous l'exposer,
ça nous habite vraiment, je pense que ça nous permet de comprendre vraiment ce
que vous avez vécu.
Vous avez fait le processus à l'Hôpital Royal
Victoria. Vous, vous habitez Candiac, mais, quand vous étiez à l'Hôpital Royal Victoria, vous avez dû être avec
d'autres couples qui venaient de l'extérieur, parce qu'on le sait, c'est
concentré beaucoup dans la région de
Montréal, un peu à Laval, mais
autrement, ailleurs au Québec, ce n'est pas disponible. Donc, j'imagine, pour les gens qui viennent de
l'extérieur, il y a d'autres coûts. Est-ce qu'il y en a qui vous ont parlé des autres coûts qu'ils avaient?
M. Dumont
(Jonathan) : On a un couple
avec qui on a discuté qui venait de Val-d'Or,
et eux autres aussi, ils ont fait le programme de procréation assistée, de fécondation in vitro.
Et on sait, avec la fécondation in vitro, bon, bien, tu sais, il faut que
tu viennes, tu as plusieurs rendez-vous, donc au
niveau des coûts d'essence, tout ça, effectivement, ils ont beaucoup de
coûts d'aller-retour à faire, paiement d'hôtel aussi, parce que, comme vous
dites, c'est concentré dans la région de Montréal, c'est...
Mme Lamarre : Donc, pour eux, il y a
quelques milliers de dollars peut-être supplémentaires à...
M. Dumont (Jonathan) : Quelques
milliers de dollars supplémentaires, effectivement.
Mme
Lamarre : O.K. On
ne veut pas critiquer, mais on se rend compte qu'il y a un côté où il y avait
effectivement des balises à mettre autour de ce programme-là,
qui a été issu d'un projet de loi qui a été rapidement adopté, et il y
avait des balises. Et moi, je pense
qu'on a beaucoup d'éléments dans notre système de santé où on a des balises à mettre et des suivis. On parlait d'un registre des naissances qui était prévu lorsque
la loi a été instaurée, en 2010, mais qui n'a jamais vu le jour et qui nous aurait peut-être
permis de détecter plus rapidement certains écarts, certains correctifs, mais là clairement on est en train de mettre un obstacle très significatif parce qu'on prend la mesure, on prend le portrait
cinq ans plus tard, et là,
effectivement, il y a beaucoup d'argent qui est impliqué et on se dit : Il
faut absolument couper, et là on le fait de façon un peu plus
arbitraire.
Ce qu'on voit
dans certains mémoires, c'est qu'on fait référence au fait que la vasectomie,
la ligature de trompes, qui sont des
interventions qui, dans le fond, interrompent ou empêchent les gens d'avoir un
enfant, sont couvertes par l'assurance maladie.
M. Dumont
(Jonathan) : Tout à fait. Et aussi, excusez-moi
l'expression, là, mais de se raccorder une fois que tu as fait la
vasectomie, si tu veux te faire raccorder, ça aussi, c'est couvert.
Mme
Lamarre : Alors donc, il y a quand même ça aussi. Si on voulait
vraiment questionner, on pourrait requestionner
différentes dimensions, mais on ne le fait pas. Je pense qu'on fait bien de ne
pas le faire parce que je pense qu'un
enfant doit venir au monde le plus possible dans un contexte où il est
souhaité. Et ce que vous nous dites, c'est que vous, vous le souhaitiez ardemment et que c'était
un bon moment, puis c'était, dans le fond, une famille accueillante et
organisée qui voulait avoir cet enfant-là.
Vous
avez fait référence tantôt au fait que vous n'aviez pas eu accès au règlement,
donc à la grille. Effectivement, nous,
on le demande, on demande clairement d'avoir ça parce que c'est un élément
déterminant pour être capable d'apprécier jusqu'à quel point c'est un
obstacle ou ce ne l'est pas, cette dimension-là.
Mais
c'est sûr qu'avancer 5 000 $ net, après impôt, là, c'est très
exigeant, surtout sur un résultat qui n'est pas sûr. Dans les gens que vous
avez rencontrés, est-ce qu'il y en a plusieurs qui avaient eu à refaire
l'expérience plus d'une fois?
M. Dumont (Jonathan) : Comme je vous dis, en fait, le couple que je vous
parle, de Val-d'Or, qu'on a rencontré, eux, c'était la deuxième
tentative, et a on un couple d'amis personnel... Parce que, finalement, quand
tu commences à parler aux gens alentour de
toi, tu te rends compte qu'il y a des couples, là, que ce n'est pas si loin que
ça, là, tu sais. Donc, effectivement,
on a un couple d'amis qui est dans la même situation que nous, et ils en sont à
leur deuxième tentative. Donc, c'est ça.
Puis
on entend beaucoup parler de gens... En fait, le maximum, apparemment, ce que
les médecins m'ont dit à moi, nous,
on a été très chanceux, ça a marché la première fois, mais c'est à trois
tentatives, là, que, là, il y a vraiment le maximum des chances que la
fécondation in vitro fonctionne.
Mme
Lamarre : En fait, j'aime beaucoup aussi la partie où vous faites
référence au fait que vous avez donné naissance à deux petites filles,
Lilianne et Lauralie, qui, et vous le citez vous-même, là, le dites, bon,
finalement vont payer des taxes et
des impôts. On sait qu'au Québec on souhaite augmenter la natalité, on a besoin
de jeunes. On a besoin des Québécois
d'adoption, on a besoin de l'immigration, mais on a besoin aussi de jeunes
bébés à naître. Donc...
M. Dumont
(Jonathan) : ...pure laine.
Mme Lamarre :
Pardon?
M. Dumont
(Jonathan) : On a besoin de Québécois pure laine.
Mme
Lamarre : Ah! Bien, on a besoin de tous les Québécois, hein, de tous
les Québécois. Et je suis très contente donc de voir qu'il y a un intérêt pour les familles aussi, je pense que
c'est une référence sûre dans une société. Donc, je crois que vous avez
un cheminement qui est tout à fait logique et qui représente celui de beaucoup
de jeunes de votre âge.
On
a également reçu... on ne la recevra pas personnellement en commission, mais
elle nous a envoyé un mémoire, c'est Mme Marie-Ève Proulx, et elle
nous a transmis certaines statistiques qui sont intéressantes, entre autres,
par exemple, au Royaume-Uni, où on considère
justement qu'une naissance va amener, finalement, 8,5 fois plus de revenus
à l'État que les coûts de la fécondation in vitro. Donc, c'est toujours une
question de perspective, hein, est-ce qu'on voit
ça comme une dépense ou comme un investissement, et je pense que, si on a de
bonnes balises qui diminuent les risques de grossesses multiples... Puis il y a beaucoup d'organismes qui sont
venus nous dire qu'on avait vraiment une très belle stratégie, des approches, un encadrement rigoureux
puis qu'au Québec on faisait modèle dans le monde pour diminuer les risques de grossesses multiples. Vous, vous en
avez eu deux, mais c'est exceptionnel, ce n'est pas en lien avec le fait
que vous avez eu une fécondation in vitro.
Donc, je pense que c'est quand même très positif de voir qu'il y a des
conséquences positives à ça, donc, au Royaume-Uni, un investissement et
un retour quand même, un bénéfice.
Et
je rappelle que d'ici 2041, au Québec, on aura 30 % des gens qui auront 65
ans et plus, donc je pense qu'on va avoir
besoin de beaucoup de petites Lilianne et Loralie. Et on va essayer de ne pas
les surcharger trop en ayant quand même une approche responsable dans les coûts qu'on génère et, je pense, dans
les balises qu'on met à beaucoup d'endroits dans notre système de santé.
Il y en a beaucoup, d'endroits où il faut les mettre.
Donc,
le choix de la fécondation in vitro, je pense qu'il est particulier, et il faut
être prudent parce qu'il apporte beaucoup
de bénéfices. On a parlé de bénéfices de l'enfant, mais je pense que ce dont
vous témoignez aussi, c'est tout l'équilibre
du couple, hein, c'est tout le bien-être que vous avez et qui était menacé,
dans le fond, avec cette nouvelle-là.
M. Dumont (Jonathan) : Effectivement, effectivement. C'est sûr et
certain que... Écoutez, je ne peux même pas m'imaginer... Par exemple,
tu sais, si, ma femme et moi, on était en processus, et que, bon, finalement le
projet de loi passe tel quel, et puis, bon, le crédit d'impôt, puis tout ça,
donc là ça aurait été un obstacle supplémentaire pour nous, on n'aurait pas pu
avoir d'enfant. Là, moi, bien là je viens d'avoir 35 ans. Donc, c'est sûr
et certain qu'on aurait dû reporter le projet puis, tu sais, on vieillit quand
même, là, donc peut-être de deux, trois ans, donc ma femme aurait atteint 37 ans. Il y a des risques
supplémentaires non seulement par rapport à la trisomie, mais, tu sais, il y a
plusieurs, plusieurs choses qui
arrivent aussi, plusieurs autres risques qui arrivent. Et, non, non, écoutez,
ça n'a pas de bon sens, tu sais, il
faut... Oui, il y a des balises à mettre, mais, pour les couples infertiles, je
pense qu'il y a un gros questionnement à avoir.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la
parole au collègue député de Lévis pour 5 min 30 s.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Merci d'être là, M. Dumont. Écoutez, le ministre disait :
Je vais vous poser des questions, sentez-vous à l'aise, les collègues de
l'opposition aussi. Moi, je considère que, si vous êtes ici, en tout cas l'impression que j'ai, c'est que vous
avez besoin de dire haut et fort l'importance et ce que ça a eu comme effet dans votre vie, dans votre vie de parents
maintenant, dans votre vie de couple qui souhaitait fonder une famille. Alors,
je me permettrai... puis vous aurez la
liberté ensuite, vous disposez de la réponse, mais de me permettre de vous
faire parler davantage sur cet élément-là qui est extrêmement important.
Au bénéfice
des gens qui nous regardent, nous écoutent, vous écoutent, peut-être même votre
conjointe qui vous écoute
présentement, que je salue, que nous saluons, les deux petites également, à
33 ans c'est un projet de vie. Et, le fait d'être confronté à une condition médicale d'infertilité, dans votre cas,
au surplus, les deux étant touchés, il faut que les gens comprennent
que, dans votre tête à vous, là, c'était l'équivalent d'un deuil, là.
• (18 h 20) •
M. Dumont
(Jonathan) : Oui. Oui, tout
à fait, tout à fait, puis vous avez le mot, un deuil. Au départ, je vous le
dis, là, quand tu reçois le
diagnostic d'infertilité, c'est une claque en pleine face. Et puis la
fécondation in vitro, ça n'a pas été
notre première avenue non plus, parce que moi, tu sais, je ne voulais pas que
ma femme tombe enceinte d'un donneur. L'adoption, on a regardé les
autres options, tu sais, puis on ne voyait pas comment on pourrait avoir un
enfant avec l'adoption à l'étranger, ça coûte cher. Banque-mixte, on en a
parlé. Donc là, tu fais un deuil de tout ça, là.
Puis, je vous le dis, une chance que j'ai des
femmes dans ma vie. Ma mère est une personne exceptionnelle aussi, ma
grand-mère, ma femme. Je me souviens d'une soirée où elles m'ont ramassé en
petite boule, je pleurais mais totalement, là, tu sais, j'étais totalement
démoli, parce que c'est très dur à accepter, là, très, très, très dur, puis je vivais un deuil, moi, là, là, tu sais.
M. Paradis (Lévis) : Et vous avez
fait tout ce chemin-là pour ça, pour faire comprendre aussi au ministre, à travers son projet, qu'il y a des gens que vous
connaissez, des amis qui traversent cet épisode-là, qui, on l'espère, finira
de façon heureuse comme dans votre
cas, puis, dans d'autres cas, bien ça n'aboutira pas, pour dire : Écoutez,
ce n'est pas pour le plaisir de, bien
au contraire. Et, lorsque dans le projet on dit : Il faudra qu'il y ait
des tentatives pour justifier le fait
qu'on ait recours à la fécondation in vitro, et tout ça, comprenons bien
que, dans le couple chez la famille Dumont, le fait d'être confronté à ça
psychologiquement vous a demandé également, et vous le dites et vous en
témoignez. Vous avez demandé d'avoir de l'accompagnement, c'est à ce
point-là viscéral et important.
M. Dumont
(Jonathan) : Oui, tout à
fait, tout à fait, c'est très, très, très important. Puis je pense que, tu
sais, sans... l'accompagnement,
là-dedans, tu sais, étant autant familial que, tu sais, des ordres
professionnels et des psychologues qui m'ont
beaucoup aidé à comprendre, bon, notre état médical et qui m'ont aidé aussi à
réaliser que justement l'option de la fécondation in vitro était la
bonne pour nous.
M. Paradis
(Lévis) : Je ne peux pas
vous faire parler au nom des autres, hein, et pourtant vous connaissez des
gens qui traversent, bon, un épisode comme
celui-là et qui aujourd'hui se questionnent, et qui aujourd'hui sont peut-être
aussi en traitement. Et, pour d'autres, bien, c'est à venir, ils s'inquiètent
de ce qu'ils pourront faire parce qu'il y a des considérations platement
économiques, là. Puis c'est vrai que c'est dur de dire : Je veux une
famille, puis que les considérations
économiques décident d'un choix à poser, mais vous le dites très ouvertement,
dans votre cas, encore une fois, c'était ou ça aurait été impossible
ensuite pour être conséquent avec votre quotidien.
Est-ce que
vous êtes en train de nous dire qu'à travers les gens à qui vous parlez, votre
famille, votre mère, votre grand-mère,
les amis que vous avez côtoyés à l'hôpital pendant les traitements, ceux pour
qui ça n'a pas encore donné de résultat,
il y a une espèce de spectre d'inquiétude majeur, en disant : Écoutez, on
va peut-être passer sans avoir la chance de terminer notre projet de
vie?
M. Dumont
(Jonathan) : Moi, notre
couple d'amis, qui est quand même proche de nous, ils sont très inquiets par rapport
à ça parce qu'ils ne savent où ça s'en va, ce projet de loi là, puis ils sont
inquiets parce qu'effectivement, tu sais, si c'est des coûts, bien... Eux
aussi, ils font partie de la classe moyenne. Donc, ça va soit retarder ou
complètement annuler leur projet.
Et puis on
est allés présenter nos deux filles à Dre Patricia Monnier et l'équipe
médicale il y a un mois de ça, à l'Hôpital
Royal Victoria, puis je peux vous garantir qu'il y a un sentiment de panique,
apparemment, parmi les patients qui
sont là. Il y a plus de gens que d'habitude aussi, apparemment, à l'hôpital,
parce qu'on ne sait pas... bien, en fait, le projet de loi, bon, étant
sorti, il y a des familles qui sont très, très inquiètes par rapport ça. Ça,
c'est officiel.
M. Paradis
(Lévis) : M. Dumont,
avant de vous remercier à nouveau, on le sait, le Commissaire à la santé et au
bien-être l'a dit aussi, bon, il y a des
abus, il faut resserrer, il faut réglementer, il faut régir. Vous n'avez pas
les grilles, la pondération
concernant les crédits d'impôt, vous le dites, vous regardez les médias, on
aurait souhaité les avoir puis on ne
les a manifestement pas, mais vous auriez aimé aussi jeter un oeil là-dessus.
Ceci dit, est-ce que vous pensez que, de fait... Et je pense que votre message est là. Condition médicale
reconnue d'infertilité, le programme existe depuis 2010, ça fait quatre ans. Bonifions-le, réglementons-le,
évitons les abus, économisons jusqu'à 30 millions de dollars, selon ce que
dit le commissaire également, mais donnons la chance de vivre une vie de
famille complète.
M. Dumont
(Jonathan) : Oui. Tu sais,
un papier de médecin, là, condition médicale, infertilité, ça peut se faire.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder
la parole à notre collègue de Mercier pour deux minutes.
M.
Khadir : Bonsoir,
M. Dumont. Vous avez rendu un témoignage poignant et très à propos. Québec
solidaire a des soucis aussi, au
moment opportun on va en parler un peu plus, parce qu'on reconnaît, on est tous
conscients qu'en notre société les
valeurs, la définition même de famille changent, et il y a des couples de même
sexe aussi qui à juste titre ont le désir de fonder une famille, pour
partager le même amour dont vous avez témoigné, mais qu'on va traiter différemment parce que leur orientation sexuelle, qu'ils n'ont pas choisie, qui est la nature des choses pour
elles, pour ces personnes, fait en sorte qu'ils ne peuvent pas avoir d'enfant par
d'autre moyen et parfois ont besoin d'une fécondation... enfin, d'une
fécondation in vitro.
Mais, ceci
étant dit, en fait, ce que vous avez décrit dans votre situation, vous avez
dit : Lorsque c'est médicalement indiqué
en raison du fait qu'il y a une infertilité médicale... Vous appelez, autrement
dit, à la solidarité de notre système de
santé, qui offre des services gratuits lorsque les personnes sont malades, et
l'infertilité est une maladie, parce que vous considérez qu'autrement
les familles seraient endettées.
Est-ce que
vous considérez qu'il y a un problème à ce que des familles de classe moyenne
s'endettent puis font marcher
l'économie? Parce que ça fait le succès des banques, hein? Les banques, un peu
comme lorsqu'on demandait aux
étudiants d'augmenter leur endettement, c'est quand même une manière de diriger
l'économie vers d'autres secteurs. Est-ce
qu'il y a un problème à ça ou c'est juste une question de choix politique?
C'est quoi, le problème que les banques s'enrichissent et fassent rouler
l'économie? Autrement, le PIB, après tout, va augmenter.
M. Dumont (Jonathan) : Pendant que
nous, on s'endette.
Le Président (M. Tanguay) : En
15 secondes, M. Dumont.
M. Khadir : Mais, je veux
dire, c'est quoi, le problème?
M. Dumont (Jonathan) : Bien, en fait...
M. Khadir : Vous comprenez
l'ironie de ma question?
M. Dumont
(Jonathan) : Oui, oui, tout
à fait, tout à fait, tout à fait. Bien, je pense que, tu sais, nous, on
s'endette par rapport à ça, tu sais, puis pendant ce temps-là, bien, les
banques, eux, ça fait leur affaire.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, je vous remercie beaucoup.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les
affaires courantes. Merci, M. Dumont.
(Fin de la séance à 18 h 27)