(Onze heures seize minutes)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et
des services sociaux ouverte. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du
réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des
agences régionales.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M.
le Président. Mme Hivon (Joliette)
est remplacée par M. LeBel (Rimouski); Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Pagé (Labelle); M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)
est remplacé par M. Paradis (Lévis).
Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je demanderais le consentement
des collègues pour pouvoir excéder l'heure
qui était prévue, de la commission. Alors, nous avons le consentement pour excéder l'heure ce matin?
M.
Caire :
...certaines petites contraintes. Consentement, mais il est possible que nous
ayons à quitter.
Le
Président (M. Tanguay) : Oui, O.K., pas de problème.
Nous essaierons de nous faire une raison et de poursuivre sans vous.
M.
Caire :
Je sais que ça va vous attrister au plus haut point, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup de le
mentionner, ça nous prépare. Alors, également,
consentement. Alors, merci beaucoup.
Auditions (suite)
Ce matin, nous allons débuter avec l'Ordre des travailleurs
sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec ainsi que, par la suite,
l'Ordre professionnel des diététistes du Québec. Alors, je souhaite la
bienvenue aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et
thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir vous présenter. Par la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes
pour une présentation, après s'ensuivra un
échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
M. Leblond (Claude) :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis
Claude Leblond. Je suis travailleur social et président de l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et
familiaux du Québec. Je suis accompagné, à ma
gauche, de Mme Lucie D'Anjou, qui est travailleuse sociale, membre
du conseil d'administration de l'ordre. Mme D'Anjou oeuvre depuis plus de 13 ans
à l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec. Elle
enseigne également
à l'École de service social de l'Université
Laval. À ma droite, M. Pierre-Paul Malenfant, également
travailleur social, deuxième vice-président de l'ordre. M. Malenfant est
coordonnateur régional à la qualité et à la sécurité civile de l'Agence de la santé et des services sociaux du
Bas‑Saint‑Laurent. Il agit aussi en tant qu'expert en réponse
psychosociale à l'échelle du Québec.
Je tiens également à souligner la présence avec nous de notre
directeur général et secrétaire, M. Sylvio
Rioux, là, qui est ici, dans la salle, et de M. Jacques
Carl Morin, qui est membre de notre conseil d'administration, nommé par
l'Office des professions à titre de représentant
du public.
Alors, M. le Président, M. le ministre, mesdames
et messieurs, députés et membres de la
commission, je tiens d'abord à vous
remercier, au nom des 12 000 travailleurs sociaux et thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec, de nous offrir cette opportunité de
participer aux consultations en lien avec le projet
de loi n° 10.
En tant
qu'experts du domaine des services sociaux, c'est
très largement sous l'angle de l'accessibilité et de la prestation des services sociaux généraux et spécialisés que nous
souhaitons intervenir. Les travailleurs sociaux les plus expérimentés
parmi nous, pour ne pas dire les plus âgés, ont vécu l'époque où les familles
n'avaient pas accès à des services de santé
gratuits et universels. Grâce aux politiques sociales que nous nous sommes
collectivement offertes, nous vivons aujourd'hui au sein d'une société plus
juste, plus équitable. Les travailleurs sociaux ont contribué à
l'édification de cette société et entendent en préserver les acquis et en promouvoir
la continuité.
• (11 h 20) •
Après
réflexion quant à la façon d'aborder ce projet de loi, nous avons choisi la voie de la collaboration. C'est la voie
que choisiraient, je le crois sincèrement, la
grande majorité des travailleurs sociaux se retrouvant face à des enjeux
complexes et déterminants. Cela dit, M. le ministre, je dois vous dire que nous sommes inquiets et préoccupés. D'abord,
nous aurions cru que, sur un projet de loi de cette importance, le ministre aurait choisi la voie de la consultation
préalable. Ce ne fut pas le cas. Nous sommes
inquiets quant à l'accessibilité aux services sociaux généraux. Nous sommes
surtout préoccupés pour les personnes et les groupes les plus vulnérables, qui, nous le craignons, subiront les contrecoups de cette
réforme qui repose beaucoup
trop largement sur une vision médicale et curative de la santé au détriment des
services sociaux, et ce, même si nous sommes tout à fait d'accord avec
l'idée d'améliorer la structure et le fonctionnement.
Tout est perfectible.
D'abord,
entendons-nous sur une chose fondamentale, c'est la
personne — la personne et non pas le patient — qui
devrait être au coeur du système. Le réseau
de la santé et des services sociaux doit non seulement soigner les
personnes, il doit les aider à se maintenir
en santé, à ne pas tomber malades et à poursuivre leur vie. Et une façon de
prévenir la maladie, c'est de se préoccuper des déterminants sociaux,
comme le soutenait d'ailleurs, à juste titre, le premier ministre,
M. Couillard,
dans son discours d'ouverture de la présente session parlementaire. Et je me
permets de le citer au texte :
«Je donne à la santé — a-t-il
dit — un
sens plus large, bien au-delà des quatre
murs d'un bloc opératoire[...].
«Le
système de santé lui-même ne compte que pour 30 % de ces déterminants. Le
reste est constitué des éléments suivants : l'âge, le sexe, le patrimoine biologique des
individus, le niveau socioéconomique, l'emploi
[...] les conditions de travail, l'éducation, les habitudes de vie, l'environnement physique, la petite enfance, le tissu
et le soutien social, ce qui inclut
l'expression culturelle. [...]Un État
qui se préoccupe de la santé doit [...] conserver un horizon qui inclut [...]
le système de soins mais aussi le dépasse largement.» Fin de la citation.
Au fond, ce
que nous dit le premier ministre, c'est qu'il existe un lien direct entre les
déterminants sociaux et la santé de
la population. En d'autres termes, la performance du système de santé et de
services sociaux, y compris le contrôle des
coûts à moyen et long terme, dépend de sa capacité de prioriser la prévention
et la lutte contre les inégalités
sociales en agissant sur les déterminants sociaux de la santé. Or, ce sont les
services sociaux, tant généraux que
spécialisés, dispensés dans le réseau de la santé et des services sociaux et au
sein des organismes communautaires
qui agissent sur les déterminants sociaux. Et ce sont justement ces services
sociaux que, malheureusement, le projet de loi
n° 10 défend mal.
Nous avons
élaboré un certain nombre de recommandations qui portent sur des principes qui,
à notre avis, doivent être intégrés
dans le projet de loi et sur des éléments structurels et de fonctionnement.
Nous avons peu de temps pour revenir sur
l'ensemble du mémoire, mais nous savons que vous en avez pris connaissance.
Alors, toutes ces recommandations pointent
cependant vers un seul et même objectif :
consacrer et préserver le caractère essentiel de la mission sociale de
l'État au sein du réseau de la santé et des
services sociaux et garantir l'accessibilité, la quantité et la qualité des
services sociaux dans tout leur continuum de façon à répondre aux
attentes et aux besoins de la population.
Au niveau des grands principes, nous
recommandons au ministre d'inclure au projet de loi une disposition visant à garantir l'accessibilité aux services
sociaux conformément à l'article 5 de la
Loi sur les services de santé et services sociaux, également de reconnaître
l'importance des déterminants sociaux et d'en tenir compte, de réintégrer dans
le projet de loi la représentation citoyenne au sein des conseils
d'administration, de préserver le caractère unique et indépendant des organismes communautaires et de leur garantir un
financement adéquat, de procéder à des consultations dans le but
d'élaborer et d'adopter la politique nationale de prévention attendue depuis si longtemps.
Afin de
lancer un signal clair quant à sa volonté de préserver la mission sociale du
réseau de la santé et des services sociaux, nous demandons au ministre
de s'engager à ce qu'une des personnes du duo président-directeur général et président-directeur général adjoint des futurs
CISSS soit un travailleur social ou tout autre professionnel issu des
services sociaux. Cette recommandation s'applique
également à la constitution du comité d'experts chargé de conseiller le
ministre quant au choix des administrateurs.
Dans ce même esprit, nous recommandons la
création de directions des services sociaux au sein de chaque établissement pour assurer la prise en compte des
besoins de la population en termes de services sociaux et d'en assurer
une dispensation de qualité.
Enfin, nous recommandons la mise en place d'un
comité consultatif chargé de mesurer les impacts de cette réforme sur la réponse aux besoins psychosociaux
offerte aux personnes et aux groupes les plus vulnérables.
En terminant, nous réitérons au ministre, au gouvernement
et à l'ensemble des parlementaires notre volonté de collaborer dans le but d'amender le projet de loi afin qu'il
accorde aux services sociaux toute la place qu'ils
devraient avoir dans une politique de santé
globale. Au bout du processus, il n'y aura en effet qu'un seul gagnant ou un seul perdant : le citoyen.
Nous ne devons jamais perdre cela de vue. Je vous remercie, M. le Président.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, nous allons débuter maintenant
la période d'échange avec les parlementaires, et, à ce titre, pour un bloc de 22 minutes,
je cède la parole au ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M.
Barrette : Merci,
M. le Président. Alors,
M. Leblond, Mme D'Anjou et M. Malenfant, bienvenue. Je suis très intéressé aux commentaires que vous venez de faire puis je suis content
que vous veniez nous donner un éclairage différent sur la structure... bien, peut-être pas la structure,
mais sur le projet de loi comme tel. Donc, vous
l'abordez sous l'angle, évidemment... — comme
vous l'avez dit, d'une façon claire, nette et précise — sous
l'angle des services sociaux.
Écoutez,
d'entrée de jeu, j'aimerais ça revenir sur vos inquiétudes et vos préoccupations, puis j'aimerais ça que vous m'expliquiez
où vous voyez... Je comprends les inquiétudes, parce que, fondamentalement,
les gens qui viennent ici ont des inquiétudes, là, dans leurs domaines respectifs, mais où, dans le projet
de loi, là, il y a des éléments qui suscitent chez
vous cette inquiétude-là et ces préoccupations-là quant à l'atteinte aux services sociaux qui
existent déjà dans notre système de
santé? Et je vous pose cette
question-là parce que, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le projet de loi, sa finalité étant de faire
en sorte qu'on arrive à intégrer les soins et services sociaux que l'on donne à
la population, j'ai de la misère à voir comment — puis vous n'êtes pas le seul, là... les
seuls, en passant — les gens
puissent conclure, là, que, un, le projet de loi, il est dirigé vers l'hôpital, l'hôpital, l'hôpital, la vision
médicale, alors que je m'évertue à dire le contraire, et en quoi, dans
le projet de loi, vous voyez des dispositions qui menacent les services
sociaux.
M. Leblond
(Claude) : Je pense que nous avons répondu en bonne partie à
ces questions-là, M. le ministre, là, dans le mémoire, là. On ne peut pas dire, effectivement, que le passé est
garant de l'avenir, mais, au moment de la création des CSSS, j'avais,
ici, dit, en commission parlementaire, que, bien qu'étant d'accord avec les objectifs
visés par le projet de loi, nous demeurions
inquiets, dans un regroupement de ce type, qu'effectivement la mission des services sociaux soit préservée. Le ministre m'avait rassuré, me
disant qu'effectivement il n'y
avait aucun problème là-dessus
et qu'il y aurait non seulement préservation, mais développement. Dans les faits,
ce n'est pas ce qui est constaté 10 ans
plus tard. Il y a une pression — que nous considérons probablement comme étant légitime — effectivement, là, une
pression liée, là, à toute la pression de la
population, là, sur l'accessibilité aux soins médicaux et qui fait en sorte qu'effectivement ce qu'on a vu diminuer, c'est la quantité des services sociaux
généraux dans les établissements. Ce qui a augmenté en termes budgétaires, les 10 dernières années, là, en
termes de services sociaux, c'est dans... pour les populations les plus
vulnérables et la vocation spécialisée, là. Alors, on peut penser, par exemple,
au programme Jeunes en difficulté et à ces divers programmes clientèles là qui visent des
populations plus spécifiques. Mais, sur l'ensemble de la réponse
aux besoins psychosociaux des populations, il y a eu une diminution, là, des
services.
Le projet de loi qui est déposé ne nous dit pas qu'on va s'orienter vers autre chose,
mais ça ne prévient pas que, dans ces
grandes structures, où la pression va demeurer quant au besoin d'accessibilité
à des services médicaux, mais également
à l'impact, là, effectivement, des coûts desdits services et des technologies,
qu'effectivement ce qui restera comme
possibilité de choix pour un conseil d'administration donné ou pour la
gouvernance du système en lien avec
les souhaits du législateur va permettre, effectivement, non seulement de maintenir des services sociaux, mais d'en s'assurer le développement,
là, dans toute leur plénitude, là. Mais je peux laisser peut-être à mes collègues,
là, le...
• (11 h 30) •
M.
Malenfant(Pierre-Paul) : Si vous permettez, vous avez une bonne question, dans le sens
qu'effectivement on ne lit pas, là,
textuellement dans le projet de loi, exactement : Voici, nous allons diminuer les services
sociaux, et tout ça. Cependant, quand on touche à la structure du réseau de la santé et des services sociaux, ça a un effet direct. On ne peut pas
regarder les services, donc le contenu des services, qui sont rendus et le
détacher de la structure dans laquelle ces services-là
sont rendus. Et, dans le projet de
loi, on touche, entre autres, au nombre d'établissements, ce qui veut dire que toute la notion de
réseaux locaux de services... Prenons l'exemple du Bas-Saint-Laurent ou la
région de Québec, par exemple, un réseau local de services pour tout le territoire
de Québec, ce n'est plus très, très local. Au Bas-Saint-Laurent, la grandeur du territoire, ou bien donc sur la Côte-Nord, et tout ça...
Donc, on comprend que les distances vont faire en sorte que les gens
vont être moins près des prises de décision. Donc, le fait...
Vous avez des
milliers de personnes, présentement, au Québec, qui sont impliquées dans les conseils d'administration, qui sont dans les comités des
usagers et des résidents. Ces gens-là, c'est comme si on leur disait présentement : Écoutez, laissez faire, il y a maintenant
une entité régionale centrale qui va s'en occuper, et, bien, merci pour ce que vous avez fait jusqu'ici. Maintenant,
on sait que le réseau de la santé et
des services sociaux a été bâti, au
Québec, dans le ferment des mouvances
sociales des années 60, qui revendiquaient d'avoir des services de santé et des services sociaux
accessibles, transparents, à laquelle les citoyens seraient amenés à se
prononcer dans le processus d'administration de ces réseaux-là. On a ça,
et c'est une tendance qui est internationale. L'OMS va dans ce sens-là. En
Europe, les meilleurs systèmes de santé au monde vont dans ce sens-là, de
savoir que plus on est près des citoyens,
plus le citoyen se sent concerné, plus il s'occupe de sa santé. Et
on le fait comme travailleurs sociaux et travailleuses sociales, dans nos bureaux, comme cliniciens, on
accompagne les gens vers ce processus,
en anglais, qu'on appelle «empowerment», de se prendre en main, hein,
l'autosoin, de s'occuper de ses affaires. On le fait sur une base clinique et on le fait sur base communautaire
également. Et ici, bien, on vient dire, dans le projet de loi : Bien,
laissez faire, hein, le ministre va s'en occuper, et les CISSS, je
prends... qui va être à tel endroit, à un moment donné, dans les villes centres, vont s'en occuper. Alors, pour nous, on
est en train d'aller en porte-à-faux avec ce qui se fait depuis toujours dans
le réseau de la santé et ce qui se fait dans
les meilleurs systèmes de santé au monde, pensons, entre autres, dans les pays
scandinaves.
M.
Barrette : Juste pour vous... peut-être rectifier le tir, le projet de
loi ne vise pas à faire les choses tel que vous le décrivez, le projet de loi vise à faire en sorte, comme je l'ai dit à
plusieurs reprises, à faire en sorte que... Il y a un palier qui saute, qui est l'agence, vous n'en parlez pas, mais
j'imagine que vous n'êtes pas contre le fait qu'on fasse disparaître
l'agence, là. Vous ne l'avez pas abordé, mais vous l'aborderez. Et on veut
avoir une relation de donneur d'ouvrage et
de gens qui livrent la marchandise. Et ce n'est pas à Québec que les décisions
vont se prendre, c'est sur le terrain, dans le CISSS.
À
cet effet-là, j'aimerais ça vous poser une question, parce que c'est vrai que,
comme, M. Leblond, vous l'avez dit
tantôt, ça fait longtemps que vous êtes sur le terrain et que vous avez vécu un
certain nombre de choses, là, en termes de réforme. Moi, puis là vous allez peut-être me
corriger, mais j'ai toujours considéré que, dans la dernière réforme, les RLS, les CSSS, ça a eu du bon, quand même, ça.
Il y a eu une intégration qui s'est faite. Et je suis surpris de votre commentaire à l'effet que... Bien, je ne suis pas
surpris du fait qu'il n'y a pas eu de développement, parce que les
périodes budgétaires, dans les dernières années, n'ont pas été très bonnes,
surtout depuis 2007-2008, on se comprend, mais ça valait pour l'ensemble du système, là, ça. Mais n'est-il pas vrai — puis ça, je veux vous entendre, parce que je
ne vis pas quotidiennement dans votre
milieu — n'est-il
pas vrai quand même que les RLS et les CSSS, en termes d'intégration des
soins et services sociaux, ont eu des conséquences positives dans notre réseau,
par rapport à ce qu'il y avait avant?
M.
Leblond (Claude) : Le
regroupement santé, services sociaux date d'avant la création, là, des réseaux
locaux de services, hein, quand même, là, et
c'était, à la base, en tout cas, de la pensée, en tout cas, des gens qui ont
mis en place cette structure, qu'effectivement il y a une croyance profonde que les deux missions de
l'État, à la fois sur la santé, mais sur,
également, les services sociaux, feraient en sorte qu'on aurait des
communautés, là, plus en santé, mais également plus heureuses, dans la
définition plus large de la santé de l'OMS.
Ceci
étant dit, oui, tout à fait, le regroupement à travers les CSSS a eu des
impacts positifs, là. Pensons, entre
autres, là, à toute la question des projets
cliniques qui ont permis, effectivement, d'avoir des parcours clientèles intéressants
et dans lesquels il y a
des éléments très positifs. On n'est pas, à ce moment-ci, à recommander au
ministre de revoir la possibilité de scinder
le ministère pour que ce soient deux ministères différents qui prennent en
charge ces deux missions fondamentales, ce n'est pas ce qu'on est en train de dire à ce moment-ci. Ce qu'on
tente... ce sur quoi on tente d'éclairer le ministre, c'est sur le fait
que, dans la gouvernance qui est prévue, des établissements, telle que définie
dans la loi, il y a des risques importants
que, devant le fait qu'il y ait un manque de sous, ou de dollars, ou de millions
pour financer l'ensemble des besoins,
la réponse aux besoins de la population, ce soient les services sociaux et les
services aux plus vulnérables qui soient en péril. Et nos recommandations vont à l'effet de mettre en place, si
le ministre souhaite toujours aller dans cette voie, des remblais qui feront
en sorte qu'il y ait moins de risque d'effritement dans la réponse aux besoins
des populations.
M.
Barrette : Vous avez
terminé? Excusez-moi, je pensais que... Alors, non, alors, je comprends bien
votre point, parce que, pour moi,
c'est important, la réponse que vous venez de me donner, parce que ce que vous
nous dites, c'est que, appelons ça la première étape, l'étape de la
dernière réforme, il y a quand même eu des impacts positifs, et ces impacts-là se sont faits dans un esprit d'intégration
de soins de santé et de services sociaux, et aujourd'hui vous
aimeriez avoir des garanties de divers ordres que ça ne sera pas possible de
faire des choix qui iraient, sur une base
budgétaire, à l'encontre des services sociaux. Je comprends très bien votre
position, mais, juste pour vous éclairer à mon tour, le projet de loi, puis c'est une expression que j'ai utilisée beaucoup,
beaucoup dans ma tournée récente avec des
administrations de ces établissements-là, c'est la dernière étape qu'on fait. C'est-à-dire
que le projet de loi, dans sa finalité,
vient intégrer ce qui a déjà été intégré. Et vous, vous nous dites : Ce
qui a été fait à date a eu des impacts positifs. Mais vous craignez que, pour des raisons budgétaires, à un moment donné,
on vienne piger ou qu'on vienne déplacer des sommes d'argent et donc réduire les services sociaux au profit de
l'hôpital. Je suis avec vous là-dessus, là. Je suis d'accord qu'il doit
y avoir des garanties, mais je vous dis que la finalité n'est pas celle-là.
Mais je comprends vos inquiétudes.
Ma collègue la ministre déléguée, Mme Charlebois,
aura sûrement, maintenant, quelques questions et commentaires à vous
faire, je vais lui passer la parole, si vous me permettez.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, tout à fait. Merci, M. le ministre.
• (11 h 40) •
Mme
Charlebois :
Merci, M. le Président. Merci d'être là, vous trois, et de pouvoir faire part
de vos préoccupations. J'ai pris note
de vos recommandations. J'ai le goût de vous demander : Bien qu'il y a eu
une amélioration, comme vous le mentionnait le ministre, est-ce que vous
considérez qu'en ce moment, à travers les années, les services sociaux ont été bien protégés, à ce moment-ci? Et pourquoi
nous ne pourrions pas essayer différemment? Parce qu'il y a déjà une
clause qui dit que nous allons protéger les
programmes-services, les budgets par programmes-services. Pourquoi on ne
verrait pas un changement de culture? Et moi, je peux vous assurer que je
rencontre tous les groupes sociaux, les groupes communautaires.
Vous
savez, j'ai le goût de vous dire : On peut promettre plein de choses. J'ai
vu ça dans le passé, notamment avec le
communautaire, puis je me permets de vous le dire aujourd'hui parce que j'ai
entendu le député, hier, de Rosemont faire part d'engagements qu'il avait pris, leur gouvernement, non budgétés.
Alors, moi, plutôt que de parler et de ne pas agir, j'aime mieux qu'on
agisse et qu'on parle moins.
Ceci
étant, dans le projet de loi, moi, comme ministre qui est responsable des services sociaux — en
fait, c'est Réadaptation, Protection de la jeunesse et Santé publique — quand
vous parlez de première ligne, ça m'interpelle directement, parce que
Santé publique est très, très, très branché là-dessus, je me suis assurée que les programmes-services
seraient protégés. Ce que je veux m'assurer, c'est aussi que l'accessibilité
aux soins soit améliorée. Puis je veux aussi m'assurer que tout le monde
travaille ensemble. Parce que ce n'est pas le cas en ce moment.
Première
question : Est-ce
que vous considérez qu'en ce moment
les budgets ont été protégés, à travers les dernières
années, en services sociaux, en santé
publique, etc., ou si on a juste fait du vent? La deuxième, c'est : Pourquoi
ne pourrions pas faire différent en
protégeant dans la loi? Puis comment vous voyez la protection que nous
pourrions aborder davantage, mettre un cran supplémentaire à ce qu'on
dit, nous autres : Protection des budgets par programmes-services?
M.
Leblond (Claude) : Merci, Mme la ministre. Je vais reprendre certains aspects. Si j'en
oublie, là, vous me le rappellerez.
Mais je terminerai également mon intervention par rapport à la question
du ministre de la Santé et
Services sociaux, là.
Donc,
quand on parle de protéger les budgets, c'est deux choses distinctes, me
semble-t-il, que de protéger les budgets
et de s'assurer que les dépenses soient réalisées dans le programme
où elles sont budgétées. Parce qu'on
peut protéger des budgets, ne pas dépenser
dans ce poste budgétaire, transférer les sous dans un autre poste budgétaire,
et ainsi le dépenser. Alors, ce qu'on vous suggère dans notre mémoire,
c'est de s'assurer...
Mme
Charlebois :
M. le Président.
Le Président (M.
Tanguay) : Oui.
Mme
Charlebois :
Juste une petite intervention courte de deux mots. Je vous entends, là, sur la
protection des budgets dépensés, mais ce que
je veux vous dire, c'est que les budgets qui sont à l'article 55 doivent
être autorisés pour un transfert. Juste ça que je veux vous ajouter dans
votre... Tu sais, le transfert ne pourra pas se faire de façon automatique.
Continuez.
M.
Leblond (Claude) : Tu sais, j'ai exercé pendant 36 ans dans le
réseau de la santé et services sociaux au Québec. J'ai vu la mise en place de la Loi sur la
protection de la jeunesse. Alors, je suis assez vieux pour avoir été là avant
la Loi sur la protection de la jeunesse. J'ai vu les nombreuses
structures de développement à travers les centres de services sociaux. Viennent
ensuite les créations des CLSC, les transferts de mission d'un type d'établissement
à un autre, les créations de structures,
CLSC, CHSLD, les CSSS. Et là je quitterai sans doute avant la création des
CISSS, là. Et, dans ce continuum, le grand perdant aura été les services
sociaux généraux à la population du Québec.
Mme
Charlebois :
Dans le passé.
M. Leblond
(Claude) : Jusqu'à maintenant. Ce qui s'est développé quant aux
services sociaux et sur les... C'est clair,
là, dans les dépenses, là, du ministère, là, c'est... Effectivement, on a
augmenté les enveloppes budgétaires sur des clientèles vulnérables, la réponse aux besoins des clientèles très
vulnérables, du type, là, jeune en difficulté. Mais savez-vous ce que ça
prend pour devenir jeune en difficulté et ainsi recevoir des services et
qu'est-ce que ça coûterait si, effectivement,
on avait continué à offrir toute la gamme des services sociaux à la population
au Québec? C'est des choix qui sont différents.
La
création des CSSS n'a pas amené que des bénéfices, M. le ministre. Elle en a
apporté quelques-uns, mais on n'a pas d'étude globale qui nous permet
d'affirmer que, dans tous les territoires du Québec, les objectifs qui étaient
visés par la loi qui a créé les CSSS ont été
atteints. En tout cas, si vous les avez, vous nous les partagerez, parce que
nous, nous n'avons pas vu ces évaluations globales qui nous permettent
de mesurer qu'effectivement la réorganisation créant les CSSS a permis
d'atteindre les objectifs visés par la loi.
Et,
quant aux services sociaux, nous ne voyons pas, dans le projet de loi n° 10,
d'éléments qui nous permettent de conclure
qu'il y aura, quant aux services sociaux, une plus grande accessibilité, de
meilleurs parcours et une plus grande offre de services.
Le Président (M.
Tanguay) : Mme la ministre.
Mme
Charlebois :
Mais, déjà, si je vous parle de programmes-services, je vous entends parler sur
les budgets dépensés, j'en prends note, mais, déjà, qu'il faille une
autorisation pour faire un transfert de budget... par le ministre, là. C'est le ministre qui va les autoriser,
les transferts de budget, ça fait qu'il va certainement être mis au
fait, ce qui, en ce moment, est inexistant, et vous le savez bien.
Quant
aux CSSS, je sais que ça s'adresse plus à mon collègue le ministre de la Santé,
mais j'ai le goût de vous dire que je n'ai pas les études, moi, je ne
sais pas si lui les a. Mais j'ai le goût de vous dire que, chez nous, là,
Vaudreuil-Soulanges, là, avant, là, les
hôpitaux libéraient les lits et ne discutaient même pas avec le CLSC. Ils
libéraient les patients, avant la
réforme, là, puis on se ramassait sur le terrain, puis le CLSC ne voyait même
pas, puis, tout à coup, ils étaient mis devant les faits, puis ils n'avaient pas les ressources pour répondre.
Maintenant, ce que je peux vous dire, c'est qu'ils se parlent, il y a
toujours bien ça qui a été gagné. Il y a certains éléments comme ça.
Je
suis d'accord avec vous que les enfants, nos enfants au Québec, et toute la
société, je vous dirais... Moi, je ne suis
plus une enfant, mais j'ai aussi besoin de services de première ligne, j'ai
aussi besoin que je m'occupe de prévention pour moi-même, mais pour
l'ensemble de la population. C'est ça, mon rôle.
Alors,
vous comprenez bien que je vous entends me dire qu'il n'y a rien, dans le
projet de loi, qui vous permet de croire que ça va aller mieux. Vous
pensez qu'au contraire ça va continuer, la dilapidation des services sociaux.
Mais qu'est-ce qui vous fait penser, au
contraire, dans le projet de loi, que les services sociaux vont être dilapidés,
quand je vous donne les éléments, notamment... J'ai entendu la
représentation — on
a pris note, les deux — je
vous entends sur les dépenses. Mais il n'y a
rien, dans ce projet de loi là — en tout cas, à mon avis, puis éclairez-moi,
là — qui dit
qu'on va dilapider les services sociaux.
Moi, je peux comprendre que des changements dérangent, mais, de là à faire des
affirmations comme ça, je ne l'ai pas vu, moi, dans le projet de loi. Dites-moi
où vous avez vu ça.
Le Président (M.
Tanguay) : M. Leblond, en vous indiquant qu'il reste
1 min 30 s pour l'échange.
M. Leblond
(Claude) : Bien, peut-être rappeler que je ne dis pas ce que vous avez
dit, Mme la ministre. Je n'ai pas dit que le projet de loi amènerait une
dilapidation des services sociaux. Ce que j'ai dit, c'est que nous serions étonnés que, quant aux services sociaux, le projet de loi
permette d'atteindre les objectifs visés par la loi et que nous sommes inquiets et craintifs quant au fait que,
dans ces gros établissements, où la pression... Et, entre autres, la
pression médiatique va faire en sorte qu'on
va attirer le regard, entre autres, sur la réponse aux problèmes de santé, que le parent pauvre des
choix des conseils d'administration seront les services sociaux. Alors,
je n'ai pas affirmé que le projet de loi...
et qu'il y avait un choix du ministre de dilapider les services sociaux, loin
de moi cette analyse.
Mme
Charlebois :
C'est déjà plus clair.
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Peut-être un complément de réponse. Peut-être se
rappeler tous du fait qu'à l'époque, quand
le réseau de la santé et services sociaux a été créé, il s'appelait le
ministère des Affaires sociales, dans lequel
il y avait la santé. Et, avec le temps, on a changé le nom pour appeler ça le
ministère de la Santé et des Services sociaux.
J'ai pratiqué pendant une vingtaine d'années en CLSC, sur le terrain, en milieu
rural, avec les problèmes de base, à
un moment donné. Et les services sociaux, c'est de la périnatalité, de
l'enfance, jeunesse, famille, c'est la santé mentale, et tout ça. C'est là, ça existe, c'est présent, et
il y a un arrimage très important avec les organismes communautaires qui
offrent des services sur le terrain, eux autres aussi. Et l'expérience le
démontre, au Québec, avec la création des CSSS, les RLS, on constate que, dans
les petits établissements, les petits CSSS, hein, la qualité des RLS, elle est
intéressante...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci.
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : ...alors que, dans les très gros établissements, on
n'a pas encore commencé vraiment à asseoir tout le monde ensemble, là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Désolé, M. Malenfant, de
devoir vous couper la parole, c'est le rôle ingrat du président, qui
doit tenir le temps. À la demande du parti de l'opposition officielle, de la
députée de Taillon, je vous ai laissé poursuivre 30 secondes sur leur
temps. Alors, pour un bloc de 13 minutes, M. le député de Taillon.
• (11 h 50) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je peux vous
permettre de terminer votre phrase, mais sinon... Ça va? Votre idée est
complétée? Alors, bienvenue. Bienvenue à vous trois, M. Leblond, Mme D'Anjou.
Et
je veux, d'entrée de jeu, répondre tout de suite, parce que les minutes nous
sont comptées. Le ministre de la Santé
se demande pourquoi on semble douter de la place adéquate des services sociaux
dans le projet de loi n° 10. Je vous dirais que j'ai plusieurs, plusieurs motifs, moi, si j'étais à votre
place, qui me permettraient de douter de... Le premier, c'est d'abord
parce qu'on joue sur les mots, on appelle ce projet comme un projet qui abolit
les agences, alors que tout le monde dit que
ce qui a été aboli, ce sont les CSSS, qui ont été reconcentrés en méga-agences.
C'est ça, il faut que le ministre
l'entende, parce que c'est comme ça que c'est présenté, c'est comme ça que ça
se reflète. Et les unités des CSSS qui
sont proches des paliers des patients sont abolies et substituées. Donc, il y a
déjà un jeu de mots, là, qui questionne par rapport à la transparence.
Un deuxième élément
par rapport encore à la place qui serait maintenue ou qui serait perturbée et
peut-être même particulièrement diminuée, c'est le nombre d'usagers qui,
actuellement, à 3 100, participent, à des niveaux différents, aux
décisions, qu'on réduit à 15. Quand même, de 3 100 à 15, là, ce n'est pas
une petite chose.
Et je pourrais en
énumérer plusieurs, mais, mettons, le troisième élément, et là ça fait référence vraiment, et vous l'évoquez, au
droit des citoyens, au droit des Québécois, qui est le droit à l'accès à
des soins et à des services sociaux, et ça,
c'est dans la loi LSSSS, à l'article 5, où on dit : «Toute personne a
le droit de recevoir des services de
santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique,
humain et social, avec continuité et
de façon personnalisée et sécuritaire.» Et là on ne sent pas du tout l'urgence
du ministre de poser des gestes concrets pour améliorer tout ça.
Donc, moi, je
comprends un petit peu votre hésitation. Je vois que vous avez quand même
proposé certains éléments. Voudriez-vous nous en parler un peu, de vos mesures
qui, peut-être, aideraient à avoir une... à assurer une présence et une conscience, je dirais, des préoccupations sociales des
personnes qui ont un impact majeur sur la santé?
M.
Leblond (Claude) : Merci, madame. Bien, si on regarde la
recommandation n° 1, on a recommandé qu'on inscrive dans la loi le principe de la parité, là, au niveau des
équipes, président-directeur général ou présidente-directeur générale adjointe, là, pour qu'effectivement il y
ait minimalement une de ces deux personnes-là qui ait des compétences démontrées quant à sa capacité de prendre en
compte, là, toute la perspective sociale, là. Donc, elle devrait être, une
de ces personnes-là, soit un travailleur
social ou un expert, là, issu des services sociaux afin que les deux missions
soient prises en compte dans les choix et l'organisation de l'établissement.
On a recommandé au
ministre, également, d'inclure un article qui garantit le maintien de
l'accessibilité, dont vous parliez tout à l'heure, là, à l'article 5 de la Loi
sur les services de santé et services sociaux. Nous pensons que... dans la
gouverne également, dans le choix que le ministre fera, là quant aux experts
qui devraient l'éclairer pour la nomination
des membres du conseil d'administration, qu'il s'assure que ces experts-là
prennent en compte non seulement le fait
que le livrable ici, c'est la santé des personnes, là, mais qu'également ces
experts aient une connaissance de ce que c'est, mettre en place un
réseau de services sociaux, au Québec, dans toute sa globalité, là, dans tout
son continuum.
Nous
souhaitons également que le ministre puisse revoir le fait que, sur les
conseils d'administration, il n'y ait qu'un citoyen. Bon, M. Malenfant,
tantôt, a parlé, là, des expériences heureuses qu'il y avait dans certains RLS
de plus petite taille,
là où, effectivement, la prise en compte des besoins des populations se
traduisait ensuite dans des ententes de services et des corridors de
services, là.
Peut-être
que, dans le fond, quant aux services sociaux, l'évaluation de la situation
actuelle n'a pas... On a peut-être un remède qui s'applique, et là je ne
suis pas un expert, là, au niveau des services médicaux, là, mais mettons que
ce remède s'applique bien aux problèmes identifiés au secteur médical, il ne
s'applique certainement pas bien au secteur social.
Mme
Lamarre : Alors, ce que j'entends de votre réponse, c'est que... en
réaction peut-être à la question qui a été
posée tantôt par la ministre déléguée aux Services sociaux, qui dit : Il
n'y a rien qui dit, dans le projet de loi n° 10, qu'on va dilapider
les services sociaux. Il n'y a quand même rien qui vous confirme que ça va être
laissé, et ça vous rassurerait d'avoir
clairement, écrit noir sur blanc, des mesures qui vont confirmer la préservation et surtout le déploiement de services sociaux adéquats, parce qu'on
connaît l'impact de ces services
sociaux là sur la santé par la suite. Donc, je pense que c'est... votre
demande m'apparaît tout à fait compréhensible, d'autant plus qu'un des seuls sujets où le ministre s'est impliqué au
niveau des économies, le 220 millions qui y est associé, à part sauver
des employés sur lesquels on n'est pas tout
à fait sûrs que ça va se concrétiser... sur le 220 millions, le seul
morceau qui a été pris clairement d'une dimension plus clinique, je vous
dirais, c'est dans la santé publique. Alors, le ministre prévoit que, le
220 millions, il va y avoir un 20 millions qui va être pris à la
santé publique. Alors, non seulement il ne vous confirme pas les garanties que vous vous attendez au niveau des
services sociaux, mais le premier message qu'il envoie, il n'y en a pas beaucoup, là, des messages clairs, mais celui-là,
c'est de retirer des sommes dans la santé publique, alors que c'est très proche de votre mission au niveau du travail
social. Alors, je vais laisser la parole à mon collègue le député de Rosemont.
M. Lisée :
Merci. Merci beaucoup d'être là, M. Leblond, M. Malenfant, Mme
D'Anjou. Écoutez, ce que vous nous dites essentiellement, c'est la
crainte que la médecine dure avale la médecine douce. Et puis le ministre vous dit : Mais où est-ce que c'est écrit, ça?
Effectivement, ce n'est pas écrit, mais le passé est-il garant de l'avenir?
C'est ce que vous avez dit. La
Protectrice du citoyen est venue nous dire qu'effectivement, au cours des
dernières années et pendant la
réforme des CSSS, malgré les avancées, dans la plupart des cas, il y a eu une
dérive budgétaire du social, des services sociaux, vers la médecine curative, et c'est ce que vous appelez le
déséquilibre social. Et vous craignez que ça continue. Vous n'avez pas de raison de penser que ça ne
continue pas. Et vous demandez au ministre... de dire : Bien, donnez-nous
des garanties pour que ça ne continue pas.
Et, d'autre
part, vous dites... Finalement, la réponse à une des questions que vous posez...
Parce que le ministre répond à une commande du Conseil du trésor qui lui
dit : Je veux 200 millions tout de suite, avec cette réforme-là, en plus du reste que je veux. Alors, je suis sûr
qu'ils aimeraient mieux garder cet argent-là dans les services, je n'ai
aucun doute là-dessus, mais il est membre de
son gouvernement, il doit répondre à cette commande-là. Vous, vous dites :
Bien, écoutez, si c'est 200 millions que vous voulez, bien, d'abord, on
paie trop cher nos médicaments comparativement à la Colombie-Britannique, il y a au moins 200 millions par année à
aller trouver là. Mais, pour ce qui vous concerne et votre compétence,
vous dites : Bien, on sait qu'en ce moment 2 % du budget de la Santé
va à la santé publique, donc à la prévention
et à faire en sorte que les problèmes mineurs, s'ils sont utilisés en amont, ne
deviennent pas des problèmes majeurs qui sont plus coûteux dans le
curatif. Et vous dites : Bien, s'il y avait 5 % du budget de la santé
qui était mis à la santé publique, bien, ce
serait au moins 200 millions par année qu'on économiserait dans le
curatif. Ça fait que vous répondez à cette question.
Et finalement
ce n'est pas tant de... Vous avez non seulement la crainte que le glissement
des services sociaux vers le curatif continue — il
n'y a rien qui vous indique que ça ne continuera pas — mais,
en plus, c'est le contraire qu'il faudrait faire. Si on investissait
davantage... Et puis moi, je vous dis que nous allons porter cette
revendication, que, dans le plan de
développement du ministère de la Santé, il y ait un déplacement visible,
constant de la proportion budgétaire qui soit envoyée à la santé
publique et aux services sociaux par rapport à ça. Donc, là-dessus, je tenais à
relever votre argument, qui est fait de façon assez claire.
Maintenant,
vous dites, et ma collègue l'a dit : Bien, pour ne pas perdre l'expertise
qui était à la source du rapport Castonguay-Nepveu
sur la présence des usagers et des artisans, bien, au moins que les comités
d'experts soient moitié-moitié,
services sociaux, santé; qu'au moins le P.D.G. puis le P.D.G. adjoint soient
constamment un binôme venant de chacun
des deux secteurs. Et vous demandez que chaque réseau local de services soit
représenté au conseil d'administration. Mais là vous ne faites que
sauver les meubles par rapport à la situation antérieure de votre plus forte
représentation.
Mais j'aimerais vous entendre sur quelque chose
où vous dites : On craint beaucoup une perte d'expertise du fait de l'abolition pressentie des associations
d'établissements dont le financement provient des établissements et
organismes membres et dont l'existence remonte aux années 30. Et vous
dites : «Il s'agit d'une lourde perte d'expertise
pour mesurer la qualité et la quantité de soins et de services offerts...»
Expliquez-moi en quoi ces associations-là... Parce que, dans le public ou quand la CAQ en parle, etc., ça, c'est du
monde qui se réunissent aux frais des contribuables pour manger dans des
bons restaurants puis ça ne sert à rien. Alors, en quoi est-ce que ça sert à
quelque chose?
Le Président (M. Tanguay) :
M. Leblond.
• (12 heures) •
M. Leblond (Claude) : Je sors — et
Mme la ministre était là également hier, là — du congrès, du probablement dernier congrès, de l'Association des centres jeunesse du Québec.
L'expertise développée par la mise en commun des expertises diverses,
mais également de développement de projets novateurs d'intervention, la mesure
de ces éléments-là et
ensuite le partage aux 15 autres, mettons, centres jeunesse permettent effectivement de développer des services particuliers ou des façons de
répondre aux besoins des jeunes de façon spécifique, d'en mesurer les impacts,
de le partager avec les autres et ainsi de le distribuer un peu partout au Québec.
C'est la
même chose dans les problématiques de
dépendance, à travers les centres de réadaptation en dépendance, c'est la même chose — et
notre collègue ici, là, qui est à l'IRDPQ pourra vous en parler également, sur des problématiques liées à la déficience physique. Mais ce n'est pas au sein du ministère et au sein de chacun
des établissements qu'on doit reprendre la
roue. Si on partage en commun le développement des expertises et qu'on en assure la diffusion,
la mesure... c'est-à-dire la mesure avant et ensuite la diffusion, effectivement
ces approches novatrices permettent d'atteindre des résultats. Et là-dessus je
peux peut-être laisser la parole à Mme D'Anjou, là, si vous le souhaitez.
M. Lisée :
...question, puis il reste une minute.
Mme D'Anjou (Lucie) :
Il reste une minute. Bon, rapidement. Alors, oui, effectivement, l'endroit où
je travaille — alors, bien évidemment, je vais parler de
quelque chose de très, très concret pour moi — on travaille avec des organismes du milieu, avec des associations qui
sont très, très près de la population qui vivent des situations
extrêmement difficiles dans leur fonctionnement social. Donc, ces
organismes-là, j'y fais référence parce que, bon, je travaille aux programmes
des lésions musculosquelettiques et des grands brûlés puis, cette clientèle-là,
pour parler d'eux. Notre continuum de services qu'on a avec L'Enfant-Jésus et
qu'on a avec l'institut le fait aussi avec l'Association des grands
brûlés, le centre d'expertise
des personnes traumatisées crâniennes, c'est
la même chose. Les organismes du milieu, les associations qui sont là
connaissent cette population-là depuis des années, ils ont un bagage de
connaissances et d'expertises qui est tout à
fait pertinent pour nous, pour permettre que ces personnes qui retournent dans
leur milieu... fait en sorte qu'on
puisse intervenir sur des déterminants sociaux pour leur permettre, justement, de
retrouver un fonctionnement social optimal. Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Alors,
je cède maintenant la parole au représentant du deuxième groupe d'opposition,
le député de Lévis, pour un bloc de 8 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) :
Je vais être très concret, puis j'aime ça, le concret. J'ai eu la chance
régulièrement, puis récemment, puis
précédemment aussi, d'aborder des thèmes que vous avez abordés, notamment celui
dont vous venez de parler, celui des grands brûlés, de ce qu'on peut
faire pour ces gens-là. Vous avez parlé de clientèles vulnérables, vous avez parlé de l'inquiétude que vous aviez de
devenir les parents pauvres, à travers la mise en place
d'une réforme comme celle-là, de
préserver le souci de prévention. Vous m'avez parlé de clientèles vulnérables
dont on s'occupe beaucoup, mais il n'y a pas
seulement les plus vulnérables, faudrait-il, peut-être, intervenir avant qu'on
devienne, bon... et qu'on atteigne le fond du baril?
Restons dans le concret. Dans l'application de la réforme telle que proposée,
permettez-moi de comprendre, au nom des
citoyens, qui seront les grands perdants, nonobstant les budgets, la
préservation de ceux-ci, l'organisation du travail. Mais, sur le terrain, quand
vous parlez de grands brûlés, quand vous parlez de gens qui ont des
déficiences, des différences, qui, dans l'application actuelle de cette
réforme telle qu'on la connaît à travers votre vision,
seraient les grands perdants dans votre vision de services sociaux, qui
sont efficaces à l'ère de 2014?
M. Leblond
(Claude) : Ça, c'est une question difficile, hein, parce que, la
réponse, il faudrait la moduler selon les
lieux. Quelle sera la décision que prendra le CISSS de la Montérégie quant à la
priorisation de la réponse aux besoins, par exemple, des enfants sourds
versus des besoins de chirurgie bariatrique? Et plus les réseaux seront grands,
plus il sera difficile, me semble-t-il, à
13 personnes, de déterminer ou de faire...
comment on dit ça, le mot ne me revient pas, là, mais de faire le choix,
là...
M. Paradis (Lévis) :
Si vous voulez, le choix, oui.
M. Leblond (Claude) :
Est-ce que, dans la région de Québec, compte tenu de la conscience de...
l'apport de l'IRDPQ aux réponses des
personnes qui vivent des handicaps physiques importants et le statut qu'ils ont déjà
fera en sorte que le conseil d'administration du futur établissement
continuera à prioriser la réponse à ces besoins? Je ne le sais pas. Qu'est-ce
que ça sera en Gaspésie—Les
Îles? Je ne le sais pas non plus, là.
Donc, la réponse risque d'être modulée en
fonction des besoins de chacune des communautés. C'est pour ça également
que la structure à mettre en place pour répondre aux besoins d'une population
devrait être modulée en
fonction desdits besoins de la population.
M. Paradis (Lévis) :
Vous me parlez d'uniformisation, d'harmonisation, de décisions région par
région, en fonction de besoins évidents, c'est
un diagnostic. Le traitement pour ça... Revenons là-dessus. Le traitement pour
ça, justement, faire en sorte que chaque clientèle reçoive ce
dont elle a besoin, vous le voyez comment, noir sur blanc, pour vous
rassurer à ce chapitre-là?
M.
Malenfant (Pierre-Paul) : Si vous permettez. Écoutez,
il est démontré que, lorsqu'on travaille très proche du terrain, qu'on est dans les communautés...
Tout le travail qui est fait par les travailleurs sociaux qui sont organisateurs communautaires, par exemple prenez des services offerts par
Dr Julien en pédiatrie sociale, à un moment donné, donc, qui démontre... en santé
mentale aussi, il y a toute une expertise qui est là afin d'aller faire... en
anglais, on dit faire du «outreach» sur le
terrain. Ceux qui seront pénalisés, ce seront ceux qui vont être dans les
petites communautés qui sont déjà dévitalisées. Comment la personne du
petit village qui reçoit des services à domicile... Une personne âgée, par exemple, qui se pose la question : Est-ce qu'on reste
dans le village? On s'en va-tu? Qu'est-ce qu'on va faire? Ils ne savent pas trop, puis là, bien, woups! on a tel
problème, un petit tour à l'hôpital, et tout ça, enfin, bien, est-ce que le gros
CISSS qui est dans la ville centre...
Prenons l'exemple de la Montérégie, qui était
à Longueuil, à un moment donné... ou je prends comme dans le Bas-Saint-Laurent, à Rimouski, est-ce que le gros
CISSS va avoir les yeux dans le petit village de Sainte-Rita, par exemple, pour nommer celui-là, qui est à
200 kilomètres, enfin? Bien, je pense que de poser la question, c'est
d'y répondre. Ce n'est pas vrai que les gens appauvris, les gens qui sont
vulnérables de par leur état de santé ou par leur condition socioéconomique,
que ces gens-là vont avoir des représentants qui vont défendre leurs intérêts
au méga-CISSS, avec des administrateurs qui sont des hyperspécialistes, à un
moment donné.
On est
contents qu'il y ait des services sociaux à l'intérieur
de cette structure-là, mais — une petite parenthèse en passant — on a un 30 ans, présentement, là, à
travailler énormément sur le phénomène du vieillissement de la
population, et, ce qui est proposé dans le
projet de loi, il n'y a pas de place, là, pour les personnes âgées. Alors, les
petites communautés, les gens qui sont loin, les gens qui sont dans des
quartiers qui sont loin des lieux de décision, bien, ils vont se sentir encore
plus loin avec la structure qui est présentée là.
M. Paradis (Lévis) :
Je ne sais pas s'il va rester du temps, mais, en quelques secondes, vous posez encore à nouveau le diagnostic, vous l'expliquez bien.
Et le traitement que vous proposez pour éviter que ces plus vulnérables
des vulnérables puissent perdre leurs acquis, dans une réforme idéale, ce
serait quoi dans sa structure?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bien, je pense...
• (12 h 10) •
M. Leblond (Claude) :
Bien, on a identifié des éléments liés à la gouvernance, et à tous les niveaux,
là, qui permettent d'avoir une cohérence à partir des orientations
gouvernementales et du ministre, là, au niveau des équipes de... au niveau de la composition du conseil d'administration, où on souhaiterait que... C'est sûr que ça prend
des gens compétents. Mais ces gens
compétents là doivent provenir également des réseaux locaux de services,
dans une structure qui est beaucoup plus grande. Ils doivent aussi amener la
dimension des services sociaux et pas juste un sur 13, ou 14, ou 15, beaucoup
plus nombreux, la réadaptation, les jeunes, pourquoi pas les aînés?
Alors, il y a beaucoup d'éléments, je pense, qui
doivent être retravaillés à partir de la structure qui nous est proposée, si c'est celle-ci qu'ils doivent
poursuivre. Mais il y a des éléments quant à la gouverne qui devraient
assurer, effectivement, que les engagements du ministre vont se traduire
par des actions qui vont faire en sorte que, nous concernant, l'accessibilité aux services sociaux,
dans toute leur gamme, de la promotion de la santé à la prévention, là, des problèmes sociaux, qui fait partie de nos
responsabilités que vous nous confiez comme législateurs... et tous les services sociaux de première ligne, deuxième ligne, troisième ligne puissent être
offerts en quantité suffisante. C'est une
mission de l'État. Et les services sociaux ne sont pas au service de la santé,
ils sont en soi une responsabilité de l'État.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, ceci termine le bloc pour le deuxième groupe
d'opposition. Je cède maintenant la parole à la députée de Gouin pour un bloc
de trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M.
le Président. L'ancienne organisatrice communautaire en moi vous écoute
avec une attention que vous ne pouvez pas imaginer, un plaisir encore plus
important. En fait, moi, le sentiment que j'ai, c'est que vous nous dites : Il y a un problème de vision dans ce projet
de loi là. Et la vision que vous nous proposez, c'est celle — c'est
d'ailleurs votre recommandation 5 — de tenir compte, dans n'importe quelle
réforme ou implantation de structure d'un système de santé et de
services sociaux, hein, des déterminants sociaux de la santé. Si au moins on
s'entendait là-dessus, là, que ça, c'était la
base de quelque réforme que ce soit, on aurait quand même avancé, il me semble en tout cas. Moi, c'est
votre... c'est la compréhension que j'ai de ce
que vous dites. Vous nous dites, au fond :
Le social détermine largement la santé, ce n'est
pas l'inverse.
La question que je voudrais vous poser... Quand vous nous dites : Depuis
plusieurs années — et
je sais que c'est
vrai — il y a
eu des pertes, hein, au niveau des services sociaux, la santé a pris beaucoup
de place, elle coûte très cher, tout le monde comprend pourquoi, mais, à
travers tout ça, les services sociaux ont perdu de la place, et vous nous dites :
Ce qui a perdu de la place, c'est souvent le
secteur primaire, là, les services généraux à la population, moi, j'aimerais que vous expliquiez un petit peu plus
concrètement. Est-ce que ça veut dire que vous
trouvez qu'il y a moins de services
sociaux qu'avant dans les CLSC? Est-ce que ça veut
dire : Dans les centres jeunesse,
qui sont déjà deuxième ligne, quand même, il n'y a pas autant de
services qu'on voudrait? Est-ce que c'est ça
que vous nous dites?
M. Leblond
(Claude) : Ce qu'on dit... En partie,
là, oui, effectivement, là, ce qu'on a vu, c'est
effectivement... Et ça, c'est difficile pour nous, hein, nous ne sommes pas
l'organisme qui ramasse les chiffres, hein, c'est-à-dire qui a accès à l'ensemble
des chiffres pour pouvoir démontrer noir sur
blanc : il y a eu une diminution des budgets sur les
services sociaux généraux ou une diminution des activités liées à l'exercice des services sociaux généraux. Ce n'est pas nous qui avons ces bases de données là,
hein, c'est ailleurs, là.
Ce
qui est clair, c'est qu'effectivement les
budgets des services spécialisés, entre autres, là, en protection de la jeunesse, ont augmenté, et c'est tant mieux. Ces budgets-là ont augmenté aussi
parce qu'il y a des enfants qui sont morts au Québec, hein, quand même, là. On se souvient, là, des drames, également, qui ont
été mis devant le public, là. On se souvient de
l'affaire de Beaumont, ici, dans la région. Alors, il ne faudrait pas attendre
encore de revenir devant des situations dramatiques pour corriger le tir.
Donc, il faut
investir dans les services spécialisés au niveau des services sociaux. Mais,
pour moins investir dans les services spécialisés — parce
qu'on constate quand même une augmentation, là, des
signalements — bien,
il faudrait peut-être investir dans les
services accessibles à l'ensemble de la
population, et ça, c'est en diminution, ou
ce n'est pas en augmentation, et, si ce n'est pas
en augmentation, de soi, c'est en diminution.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup, M. Leblond. Alors, ceci met fin à la période d'échange. Il
nous reste à vous remercier, à vous, les
représentants, représentantes de l'Ordre des travailleurs sociaux et
thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.
J'invite
maintenant le prochain groupe à prendre place et, ce faisant, je suspends nos
travaux momentanément. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 14)
(Reprise à 12 h 18)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! J'invite
tous les parlementaires à bien vouloir
prendre place. Veuillez prendre place. Nous accueillons maintenant
les représentantes de l'Ordre professionnel des diététistes
du Québec. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
Pour
des fins d'enregistrement, je vous demanderais, dans un premier temps, de bien
vouloir vous identifier. Par la
suite, vous aurez... vous disposerez d'une période de 10 minutes pour
votre présentation, et ensuite, finalement, nous aurons un échange avec
les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Ordre professionnel des
diététistes du Québec (OPDQ)
Mme Bernier (Paule) : Merci, M. le Président. Et merci de nous écouter,
d'écouter les nutritionnistes à l'heure du
lunch, on l'apprécie.
Alors,
bonjour, mon nom est Paule Bernier. Je suis présidente de l'Ordre professionnel
des diététistes du Québec. Je suis accompagnée de Me Annie Chapados, qui est directrice générale de l'ordre, et de Mme Joanie
Bouchard, qui est diététiste et directrice des affaires professionnelles
à l'OPDQ.
Alors,
M. le Président, Mmes et MM. les députés, tout d'abord,
je voudrais vous remercier de nous permettre de vous présenter le résultat de nos réflexions et de nos appréhensions
quant aux enjeux soulevés par le projet de loi n° 10. Vous
comprendrez que notre analyse est faite sous l'angle de la protection du public
et de la qualité de l'acte, tel que le veut
la mission des ordres professionnels, mais également sous celui de la sécurité
des soins. Nous comprenons aussi que le ministre apportera des
précisions à cette réforme par voie réglementaire.
• (12 h 20) •
En commençant, j'aimerais rappeler ce que nous sommes et ce que nous faisons. L'OPDQ compte environ 3 000 membres, qui interviennent dans
l'ensemble du continuum de soins, et ce, à tous les paliers. Plus de 80 %
de nos membres exercent leur profession dans le secteur public de la
santé, et ce, en nutrition clinique, en santé publique et en gestion des services d'alimentation. Ils sont
présents dans tous les milieux, dont les
centres hospitaliers de courte durée généraux
et surspécialisés, les CLSC, les centres de réadaptation, les CHSLD, les
agences régionales de la santé et des services
sociaux et leurs directions de santé publique, divers organismes, dont l'INSPQ et l'INESSS, le Conseil
québécois d'agrément et, bien sûr, les divers ministères.
Pour ce qui est du
projet de loi, tout d'abord, nous réaffirmons que, dans l'ensemble, l'OPDQ est
favorable à un projet de loi dont l'objectif
est de favoriser et de simplifier l'accès aux services, contribuer à améliorer
la qualité des soins et d'accroître l'efficience et l'efficacité du
réseau.
Cela dit, nous
pensons que nous ne pourrons pas atteindre ces nobles objectifs sans que
certaines conditions soient respectées.
Il nous paraît
important, ainsi, de vous décrire la situation actuelle en matière de services.
Nous faisons le constat qu'il y a
actuellement une inadéquation entre les besoins de la population en services
nutritionnels, tels qu'ils sont définis
par les données probantes, et l'offre disponible. Selon nous, cette situation
compromet la qualité globale des soins et des services, la sécurité des
individus, l'accès aux soins, l'efficacité et la fluidité.
Rappelons que la
cause première contribuant au fardeau de la maladie, ce qu'on appelle «disease
burden» en anglais, donc la cause première, au Canada, ce
sont les facteurs liés à l'alimentation et à la nutrition. À titre
d'exemple, nous avons choisi la dénutrition
en soins de courte durée. La dénutrition, c'est
un phénomène qui se produit quand on ne donne pas au corps assez de calories, de protéines, de vitamines,
minéraux, donc il s'affaiblit. Vous conviendrez qu'un patient bien nourri guérit plus vite. Or, une
étude pancanadienne récente, qui inclut des hôpitaux du Québec, confirme
que 45 % des adultes qui sont admis aux
unités, le jour de leur admission aux unités de médecine et de chirurgie,
souffrent de dénutrition modérée ou sévère.
À l'heure actuelle, les patients dénutris qui entrent dans le système ne sont
pas identifiés et ne reçoivent donc pas les soins nutritionnels dont ils
auraient besoin. Or, la dénutrition est un facteur indépendant qui augmente la durée de séjour. De plus, les patients
dénutris présentent un taux de mortalité précoce plus élevé, et un
patient sur cinq sera réadmis dans les 30 jours
suivant son congé de l'hôpital. Tout cela exerce une pression supplémentaire et
inutile sur le système de soins et contribue à son inefficacité.
Ce
qui doit aussi retenir notre attention, c'est
que la dénutrition augmente les coûts d'hospitalisation d'au moins
2 500 $ par jour, par patient, étude canadienne. Tout cela sans dire
que la dénutrition est un facteur qui influence le développement de nombreuses complications. On peut citer ici, par
exemple, les coûts associés aux plaies de pression, qui sont de l'ordre
de 9 000 $ par patient, données canadiennes encore.
Ce qui est
intéressant, c'est que nous ne sommes pas les
seuls à faire le constat. Les médecins et les infirmières reconnaissent l'importance de la problématique de
la dénutrition. 45 % des médecins déclarent qu'il existe une
pénurie de nutritionnistes là où ils pratiquent.
Outre le fait qu'il doit y avoir un nombre
suffisant de nutritionnistes pour prendre en charge ces patients, il faut aussi reconnaître le rôle essentiel et
primordial des services alimentaires dans les établissements. Nous vous
rappelons que,
présentement, le budget moyen consenti à la
préparation des repas est de l'ordre de 8 $ par patient, par jour, ce
qui est même insuffisant pour combler les besoins d'un individu en santé.
Nous devons
vous dire que les fusions et le mécanisme de centralisation annoncés par ce
projet de loi provoquent beaucoup
d'inquiétudes chez les nutritionnistes gestionnaires des services
d'alimentation. Puisque les patients nous arrivent dénutris à l'hôpital,
cela indique que les soins de première ligne ne sont pas assez efficaces et que
les programmes de santé publique doivent être renforcés.
Notre inquiétude est aussi la suivante : Bien que le projet de loi souligne qu'une
direction régionale de santé publique sera
intégrée dans les futurs CISSS, il ne précise pas quelles modifications de
responsabilités cela engendrera.
Dans le même ordre d'idées, il faudra s'assurer
que les programmes existants de santé publique seront non seulement maintenus,
mais également considérés comme transversaux à l'ensemble des divers programmes
de soins cliniques dans les instances du CISSS.
Et je fais une petite parenthèse : La nutrition
transcende la prise en charge et le continuum de soins à tous les niveaux, dans tous les secteurs confondus, mais la
nutrition doit aussi transcender la structure d'une façon verticale et
décisionnelle, et ce, afin d'assurer la fluidité.
Nous
souhaitons donc que l'intégration des services
et la réforme des structures administratives
n'affectent en rien la santé publique et les programmes qui y sont
reliés.
Bien que problématique, la dénutrition n'est pas la seule raison pour laquelle il faut
accorder de l'importance à la nutrition dans
le continuum de soins. Citons le fardeau de la prise en charge inadéquate des
maladies chroniques, dont l'impact est
majeur non seulement pour le système de la santé, mais pour l'économie générale
de la province. Toutes les maladies
chroniques identifiées par le ministère ont une composante nutritionnelle.
L'OPDQ endosse la proposition antérieure
du ministère, soit la prise en charge des maladies chroniques par une équipe
interdisciplinaire de première ligne, mais l'inclusion du nutritionniste dans
l'équipe interdisciplinaire n'est, encore à ce jour,
qu'optionnelle.
Il ne faut pas oublier que les nutritionnistes
de la première ligne s'occupent aussi des patients qui sortent de l'hôpital. Nous sommes convaincus que
l'intégration proposée par le projet de loi pourrait permettre une meilleure
prise en charge des usagers, mais à la
condition d'affecter les ressources professionnelles adéquates et nécessaires.
À titre d'exemple, dans l'éventualité où la prise en charge des maladies
chroniques migrerait de la deuxième et troisième ligne vers la première ligne, vers les équipes
interdisciplinaires, il faudrait qu'il y ait un transfert des professionnels
vers la première ligne. C'est la
condition pour optimiser les performances des équipes
soignantes.
Vous aurez compris, M. le Président, que, malgré
notre appui de principe, nous tenons à exprimer une vive inquiétude de voir s'effectuer deux coups de barre
simultanément dans le réseau, soit des coupures massives de services
afin d'atteindre un objectif budgétaire et la réforme à venir telle que décrite
dans le projet de loi n° 10.
En ce qui concerne l'accès à l'information
médicale des patients, nous craignons également que l'étendue des nouveaux territoires et la taille de certains
centres empêchent la coordination et la fluidité de l'information entre les
établissements, d'autant plus qu'actuellement les nutritionnistes n'ont pas accès au Dossier santé Québec, ce qu'on appelle le DSQ.
Par ailleurs,
l'OPDQ s'attendrait à ce que les décisions des conseils d'administration des
CISSS tiennent compte du fait que les services nutritionnels
représentent un investissement rentable pour un établissement et qu'il faut leur allouer les ressources financières nécessaires.
En terminant,
j'aimerais vous parler d'un aspect non négligeable. Nous sommes heureux de
constater l'existence d'une commission multidisciplinaire
régionale. Le Comité d'inspection professionnelle de l'OPDQ a observé
que les projets découlant des
fonctions du conseil multidisciplinaire ont un impact très favorable sur la
qualité de l'acte professionnel, et ce,
au niveau, par exemple, de la tenue de dossiers, de la priorisation de la
clientèle et du continuum de soins. Ce soutien apporté par les
établissements facilite le travail des ordres professionnels en ce qui a trait
au contrôle de l'acte professionnel. Les
conseils multidisciplinaires contribuent aussi à renforcer
l'interdisciplinarité. Nous sommes donc très préoccupés par l'impact
potentiel de la fusion de ces conseils multi
et de leur éloignement dans des milieux de soins à la suite de la formation des mégacentres régionaux. Si la loi actuelle
prévoit que les conseils multi peuvent constituer des comités de pairs seulement lorsque requis, nous
croyons que les comités de pairs devraient dorénavant être prévus dans
chacun des établissements actuels, et leur rôle, inscrit dans le projet de loi
n° 10.
Je conclurai en vous parlant simplement de notre
profession. Comme spécialistes de l'alimentation et de la nutrition humaine, nous accompagnons toutes les
étapes de la vie, de la conception, même de la préconception aux soins
de fin de vie. La nutrition est un facteur déterminant de la santé physique, de
la santé mentale, du bien-être et aussi du succès des traitements médicaux,
chirurgicaux et oncologiques, notamment. Nous souhaitons ardemment que les orientations
ministérielles considèrent l'ensemble des besoins de la population. Nous sommes
convaincus qu'il sera essentiel de mettre les
nutritionnistes à contribution et de les consulter dans les nouveaux processus
et mécanismes décisionnels, où elles pourront apporter leurs connaissances des
besoins de la population. Je vous remercie.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup pour votre
présentation. Avec la permission des députés de la banquette ministérielle, nous vous avons permis d'excéder d'une minute, c'est
très bien, donc, ce qui fait en sorte que le ministre et ses collègues, Mme la
ministre déléguée disposent d'une enveloppe de
22 min 30 s. La parole est à vous.
• (12 h 30) •
M.
Barrette :
Merci, M. le Président. Mme Bernier, Mme Chapados et Mme Bouchard,
bienvenue. J'ai bien pris connaissance,
évidemment, de votre mémoire, qui est très
intéressant, je vous en remercie.
Vous abordez
le sujet de différentes manières, et, en plus, dans une certaine manière, votre
domaine d'expertise, et votre domaine
opérationnel, est aussi multifacétaire, en ce sens que, comme vous l'avez bien
dit, vous avez un impact, une
implication, dans une certaine mesure et dans certains cas, auprès des
patients. Vous avez un impact dans l'établissement,
puis vous avez un impact en dehors de l'établissement.
Aujourd'hui, là, avant toute réforme, quelle lecture faites-vous de votre situation? Puis je veux un peu vous aiguiller, là. Il y a des mots qu'on ne
veut pas utiliser, là, mais je vais l'utiliser, celui-là, puis vous allez comprendre pourquoi, là, ce n'est pas
méchant : Est-ce que vos talents
sont exploités à leur pleine capacité dans le réseau actuel, avant la
réforme?
Mme Bernier (Paule) : Non. La
réponse est non. Les talents ne sont pas exploités, parce que souvent qu'on
finit à faire du rapiéçage, à essayer d'éteindre des feux, alors qu'on pourrait
être aussi au niveau de la planification de services et s'assurer que tous les
services sont couverts.
Maintenant,
je prenais l'exemple de la dénutrition, par exemple, et je vous disais que les
patients ne sont pas identifiés. Présentement, ce qui se passe, et c'est
une étude pancanadienne qui le dénote et... Nous savons que les patients ne sont pas identifiés, parce que les nutritionnistes
ne peuvent pas, suite à un dépistage qui se ferait, de la dénutrition,
en centre hospitalier, ne peuvent pas répondre à la demande. Alors, au lieu
d'instituer un dépistage de la dénutrition,
qui se fait par deux questions vraiment simples, là, lors de l'admission...
Donc, la prise en charge n'est pas faite. Donc, au risque de ne pas le faire, on ne le fait pas, parce qu'il n'est
pas éthique de savoir qu'un patient est dénutri et, donc, de ne pas le
traiter. Ça, c'est un des aspects.
L'autre
aspect, c'est toute la gestion des services alimentaires, comment combler les
besoins nutritionnels des patients. On sait qu'en centre hospitalier on
a des gens très malades, surtout depuis les réformes — moi
aussi, ça fait plusieurs années que je
pratique. Donc, la population a changé dans les établissements. Avant, on
admettait un patient pour une simple
ablation de la vésicule biliaire, il restait 10 jours à l'hôpital.
Maintenant, ça se fait par laparoscopie, ils ne sont même plus admis à l'hôpital. Alors, la population est très
concentrée, le fardeau est très lourd. Les besoins nutritionnels des
patients sont très élevés. Nous devrions avoir recours beaucoup plus souvent au
soutien nutritionnel par sonde ou par voie
parentérale, par veine. Ce n'est pas fait. Mais, même en amont de ça, on
n'intervient pas assez rapidement auprès des patients.
M.
Barrette : Et ça, je ne veux pas vous mettre sur la sellette, là,
mais, dans votre lecture, c'est une question de ressources ou c'est une
question d'intérêt, dans notre réseau, là?
Mme Bernier (Paule) : Ah non! une
question de ressources, pas du tout d'intérêt. Au contraire, toutes les parties prenantes veulent avoir un dépistage
systématique de la dénutrition. Je vous dirais qu'on travaille avec
Agrément Canada aussi, parce que c'est l'organisme qui est mandaté pour faire
l'agrément dans les hôpitaux, pour instaurer une
sorte d'obligation. J'ai déjà fait part à la ministre Charlebois de notre désir
d'avoir une orientation ministérielle dans ce sens-là. Ça fait depuis 1996 que l'ordre demande des actions concrètes
en nutrition, d'une part, reliées à la malnutrition, mais aussi reliées
à la gestion des pathologies et à la prévention, quand on pense à la santé
publique.
M.
Barrette : J'aimerais ça aborder maintenant... D'abord, c'est très
intéressant ce que vous abordez. Je vais vous avouer que, dans la pratique médicale, ce n'est pas un élément qui est
très, très connu, je veux dire, ce que vous abordez, là.
Mme Bernier (Paule) : D'ailleurs,
une étude qu'on vient de terminer montre que les médecins canadiens pensent que la malnutrition est importante, mais
ils n'ont pas les connaissances pour la prise en charge et se
référeraient à des diététistes pour la prise en charge.
M. Barrette : J'ai tendance à être
d'accord avec vous. Là, je vais aborder ce sujet-là, au sens large de la diététique, là, d'un autre angle, et ça,
j'aimerais vous entendre là-dessus. Évidemment, là, le projet de loi
n° 10, il vise une intégration.
Bon, l'intégration, pour les soins et services, c'est peut-être un sujet qui
est moins transposable à la
diététique ou peut-être que ça peut l'être plus. Mais, spontanément, c'est
moins évident, parce que les gens,
spontanément, ne se réfèrent pas à vous, là. Si on demande à des
patients : Est-ce que vous... Ce n'est pas tout le monde qui sait
qu'il y a des diététistes, à l'hôpital, qui s'occupent d'eux autres.
Mme Bernier (Paule) : Mais ça, c'est
un peu le phénomène de la saucisse Hygrade, hein?
M. Barrette : Je le sais.
Mme
Bernier (Paule) : Plus on en
mange, plus elles sont fraîches. Bon. Alors, moins on est présents, moins
on a accès. Mais, encore cette semaine, j'avais une patiente, hier, qui
quittait, qui avait son congé, il fallait faire un suivi avec le CLSC, demande de services
interétablissements. Donc, ils le savent quand même, la couverture... Sinon,
ils sont obligés d'aller en privé. Mais est-ce que c'est ça qu'on veut
au Québec, ouvrir des brèches au privé? Ça, c'est une décision de société.
Mais
l'intégration, par contre, je vous dirais... Je vous parlais tout à l'heure du
transfert entre la troisième ligne et la première ligne pour la gestion des maladies chroniques. On a vu se
produire, dans un hôpital, à Montréal, récemment, une intention de couper tous les services d'endocrinologie — donc, la gestion du diabète — pour transférer ça. Les médecins travailleraient soit de leurs bureaux privés.
Mais, les nutritionnistes, elles, il n'y a pas de transfert dans la
communauté, et présentement cette
population-là qui est affectée n'aura plus de service, parce qu'il n'en existe
pas dans la communauté, des services. Dans les CLSC auxquels est affilié
le centre hospitalier, les nutritionnistes ne sont pas présentes.
M.
Barrette : Bien, c'est là où je voulais aller précisément... bien,
peut-être pas précisément pour cet exemple-là, mais dans le sens où votre secteur d'activité, dans le cadre d'une
organisation de type CISSS comme celle qui est dans le projet de loi... Est-ce que vous voyez la
possibilité d'une réorganisation de vos services en termes de... pour une
partie de concentration puis une partie de distribution — bien,
distribution au sens «distribution sur le territoire», là — de
vos services ou non, ou vous voyez autre chose, ou vous voyez le statu quo,
c'est-à-dire des diététistes par établissements comme maintenant?
Mme Bernier (Paule) : Si les
services ambulatoires sont transférés en première
ligne, il faudrait qu'il y ait un transfert. Mais, au-delà de ça, le nombre n'est
pas là. Il y a du saupoudrage. Je vous disais qu'on est partout, comme
la poudre de perlimpinpin, il y a des nutritionnistes un peu partout en
quantité variable.
M.
Barrette : Mais vous verriez... Est-ce que je dois comprendre que vous
verriez d'un bon oeil une activité extra-institutionnelle? C'est vrai, là, vous avez raison, en endocrino,
souvent on dit aux gens, pour toutes sortes de raisons, là, et évidemment, à prime abord, en général,
budgétaires, on dit aux médecins : Vous pouvez faire — surtout pour le diabète de type 2 — vos cliniques et votre suivi de patients...
pas vos cliniques, mais votre suivi à l'extérieur, dans vos cliniques.
Mme Bernier (Paule) : C'est ça.
M.
Barrette : Et souvent on les pousse à l'extérieur de l'hôpital.
Maintenant, mais vous avez tout à fait raison, les services d'appui, qui sont vous ou corollaires, si
vous me permettez, bien là, ils ne suivent pas. Est-ce que vous verriez
ça, vous ou...
Mme
Bernier (Paule) : Bien,
c'est ce que je vous dis. Oui, on verrait que, si, effectivement, il y a un
transfert d'un à l'autre à l'intérieur d'un
même établissement, ça pourrait permettre une certaine mobilité. Ce qu'il ne
faut pas, parce qu'il faut penser aussi à la performance des équipes
soignantes, ce qu'il ne faut pas, c'est avoir des professionnels qui se promènent d'une place à l'autre. Parce qu'il faut
qu'ils se sentent intégrés, il faut qu'ils connaissent les procédures,
les protocoles, et qu'ils développent une
chimie qui permette un travail sécuritaire et aux fines pointes des données
probantes.
M. Barrette : O.K. Merci. M. le
Président, je vais passer la parole à ma collègue la ministre déléguée.
Le Président (M. Tanguay) : Oui,
tout à fait. Mme la ministre.
Mme
Charlebois :
Merci. M. le Président, combien de temps il reste?
Le Président (M. Tanguay) : Il reste
un peu plus de 13 minutes.
Mme
Charlebois :
D'accord. Alors, bonjour, merci d'être là. Et j'ai été fort intéressée par
votre mémoire.
J'ai le goût
de vous amener sur la piste santé publique, parlons donc prévention, parce que
j'ai laissé la partie des hôpitaux,
etc., mais prévention au niveau de la santé publique, et parlons donc de
comment c'est constitué actuellement la santé publique au Québec. On a un directeur national, et c'est déployé
sur le terrain. Est-ce que vous considérez que la santé publique, en ce
moment, reflète bien les besoins en services de nutrition actuellement, mais
les besoins pas au niveau curatif, là, mais au niveau prévention?
• (12 h 40) •
Mme
Bernier (Paule) : ...de
promotion, on parle aussi de prévention secondaire, maintenant, avec les
maladies chroniques. Encore là, je ne me
prononcerai pas sur la structure comme telle, parce que ce n'est pas la
compétence d'un ordre professionnel de parler de structure comme telle, ce sont
les gens en administration de la santé qui
sont plus compétents que nous pour ça. Mais il y a énormément de talents dans
le réseau de la santé, parmi nos membres
nutritionnistes qui travaillent en santé publique. La question, encore,
demeure : Est-ce qu'il y a assez d'activités, en santé publique,
reliées à la promotion et à la prévention? Ce n'est pas certain. Ce n'est
vraiment pas certain. C'est toujours une quantité qui... C'est la quantité plus
que la qualité. La qualité est là.
Mme
Charlebois : Ce
que vous êtes en train de me dire, finalement, c'est les budgets qui permettent
une campagne. Comment vous voyez, en
prévention, parler de nutrition? En prévention, c'est des campagnes de
publicité, c'est de l'information...
Mme Bernier
(Paule) : Bien, il y a toutes sortes de programmes qui existent, là.
Ça, c'est vrai, mais il y a aussi toutes
sortes de programmes. Mais je voudrais juste mentionner qu'il n'y a pas de
nutritionniste en santé publique, il n'y
a pas de poste de nutritionniste, ce sont des agentes en promotion. Mais il n'y
a pas de... Quand on essaie, nous, de repérer le nombre de
nutritionnistes, là, on ne l'a pas par titre d'emploi.
Mme
Charlebois : O.K.
Dans les programmes cliniques actuels, vous avez parlé tantôt de la promotion
de la santé. Puis je suis bien d'accord avec vous, puis pourtant je m'alimente
bien, mais j'ai attrapé une grippe qui m'a été transmise par je ne dirai pas
qui. Mais, farce à part, outre les structures, outre la prévention dans le
système de santé publique, parlez-moi donc
de la première ligne. Est-ce que vous considérez que les services intégrés vont
faciliter le... Parce que moi, je
pense que, de pouvoir faire les services première, deuxième, troisième ligne,
puis que le dossier patient soit à un
endroit, puis que, les gens, au lieu de toujours répéter leur histoire, tout le
monde ait accès à ce dossier-là, moi, je pense que l'usager va être grandement
aidé plutôt que de voir l'expertise se disperser.
Alors, dans
une région donnée, dans un CISSS, est-ce que vous croyez que ça va être un
plus? Est-ce que ça va améliorer le rendement? Est-ce que, compte tenu
des ressources actuelles... J'entends que vous avez besoin de plus de ressources, ça, je l'ai entendu. Mais je veux
vous entendre sur... Sans vous faire parler de la structure, je veux
vous parler des services intégrés, vous comprenez? Parce qu'il y a un lien
direct, selon moi, entre la santé et les services sociaux, entre la santé et la prévention puis entre la
santé et comment bien s'alimenter avant l'opération, après l'opération,
mais aussi dans notre vie de tous les jours.
Mme
Bernier (Paule) :
Exactement. Mais là vous me parlez surtout d'information, c'est ce que vous
mentionnez. Et effectivement, présentement dans le système actuel, à
l'intérieur d'un même centre hospitalier, il y a des dossiers papier distincts pour les admissions, quand les
patients sont admis, et pour les services ambulatoires. C'est un
fouillis, ça prend un temps fou pour faire
une consultation qui prendrait 30, 40 minutes. Ça m'a pris deux heures, la
semaine dernière, justement parce qu'il y avait un manque de
coordination dans l'information.
Alors,
effectivement, le déploiement, s'il inclut l'informatisation des dossiers, puis
ça, en temps réel, et qu'il nous donne un accès libre et entier à
l'information, pourra être perçu comme une amélioration.
Mme
Charlebois : Good!
Est-ce que vous croyez que, comment vous dire ça, dans toute l'intégration de
ces structures-là dont vous venez de me
faire mention... est-ce que vous avez des craintes, vous, par rapport à tout
ça, là? Parce qu'on a entendu
beaucoup de personnes parler de craintes, puis je sais que mes collègues de
l'opposition, mes amis vont vous en parler, ils vont vous amener
là-dessus. Mais est-ce que vous voyez des choses à améliorer, carrément? Parce que j'entends pour les budgets, j'entends
pour le nombre de nutritionnistes, j'entends tout votre appel, puis on
s'est déjà rencontrées à ce sujet-là. Mais, au niveau des dispositions de la
loi, outre la représentation dont vous faites mention — j'en ai pris bonne note — est-ce que vous voyez des choses que nous
pourrions parfaire, qui feraient en sorte que la partie nutrition serait
mieux couverte?
Mme Bernier (Paule) : Je pense qu'un
des gros points, c'est l'article 94 qui stipule que le ministre,
annuellement, déterminera les budgets, fera part des budgets et des
orientations ministérielles. Et, si on veut atteindre les objectifs, humblement
nous vous soumettons que les nutritionnistes doivent faire part des personnes
qui devraient être consultées ou qui
pourraient apporter une information signifiante au ministre pour prendre
des décisions éclairées à cet égard. Ça, c'est d'une part. Les...
Une voix : ...
Mme Bernier (Paule) : Pardon?
L'autre chose, je n'irai pas dans les structures comme telles, mais je me réfère au modèle d'amélioration de Deming et
Shewhart où on parle des changements. Chaque changement demande... chaque amélioration demande un changement, mais ce
ne sont pas tous les changements qui mènent à une amélioration. Et il
faut savoir mesurer ce qu'on fait. Et nous n'avons pas présentement
d'indicateurs en nutrition clinique qui soient valables. Le seul indicateur que nous avons, c'est le coût-repas, qui,
vraiment, nous donne une fausse idée de ce qui se passe. Si les gestionnaires dépensent moins pour les
aliments, bien, ils sont plus performants, alors que... excuse-moi, là, mais, quand on est malade, si, normalement, on a
besoin de 1 500 calories, on en a besoin de 2 300, puis l'appétit
ne suit pas, d'où la dénutrition. Parce que les patients arrivent dénutris et
ils se détériorent. Alors donc, effectivement, ça, ça serait, dans les
orientations et... tu voulais continuer?
Mme
Chapados (Annie) : Oui. Je
voulais juste ajouter un petit élément. Au-delà des structures, au-delà du
projet de loi, au-delà, bien, des ressources, des effectifs, parce qu'on
s'entend que... moi, j'appelle ça — moi, je ne suis pas nutritionniste, alors, souvent, mes exemples sont
un peu plus imagés — ma
théorie du motton de spaghetti, là. On prend le spaghetti, on tire, puis le motton monte au grand complet. Au-delà de
tout ça, est-ce qu'il y a une amélioration à apporter, dans le vaste contexte? Je pense que c'est que
nous puissions obtenir un énoncé clair de principe à l'effet que la
nutrition trouve la reconnaissance, pas une reconnaissance factice, mais la
reconnaissance de sa plus-value dans l'ensemble du continuum de soins. Et, quand on mentionne... Et le ministre, M. le
ministre, plus tôt, a parlé des appréhensions de tout un chacun, des inquiétudes de tout un chacun, et
pourquoi il s'est... inquiet, parce qu'il répétait et répétait que, non, on
ne veut pas mettre les services sociaux de
côté, non, on ne veut pas... Probablement qu'on va se faire dire : Non, on
ne veut pas mettre la nutrition de côté. Bon. Il n'y a rien qui le dit
nulle part. Et je pense que, s'il y a une chose à améliorer... Et, certes, il y a un
mécanisme qui est prévu, il y aura des orientations ministérielles, mais même
là, en regard des orientations ministérielles, on dit : Oui, très
bien, mais est-ce que vous aurez en tête ce rôle fondamental de la nutrition?
Alors,
l'amélioration, là, je pense que c'est davantage une amélioration de la nature
de communication, de fluidité des
communications entre le gouvernement et les parties prenantes qui interviennent
en action directe auprès des patients, des clientèles, des populations,
etc. Et tout à l'heure, plus tôt, il a été mentionné : Oui, mais les médecins, oui, savent, connaissent l'apport que
vous pouvez avoir. C'est clair qu'un endocrinologue sait très bien qu'il
a besoin d'une nutritionniste dans son
équipe. Ça, c'est clair. Mais je peux vous dire aussi que l'OPDQ a développé
des partenariats de formation auprès d'associations médicales et qu'au départ
je me faisais dire par des médecins : Bien là, en dermatologie, je ne vois pas ce que la nutritionniste, à part
dire de boire moins de Coke puis manger moins de chips pour ne pas avoir de boutons, je ne vois pas ce qu'une
nutritionniste pourrait faire. Et c'était moi, non-nutritionniste, qui disait : Bien, excusez, c'est parce que,
les plaies de pression, là, il paraît que la nutrition est très, très, très
importante.
Donc, on voit
que la notion de qui fait quoi, quelle est la portée de l'intervention
nutritionnelle, ce n'est pas avéré et ça n'est pas si connu que ça. Dans
bien des cas, ça ne l'est pas, d'où l'importance qu'il y ait une orientation
claire.
Mme
Charlebois :
Est-ce que vous croyez que cette orientation-là doit figurer au projet de loi?
Votre axe de communication, est-ce que... mon Dieu! est-ce que vous la voyez
dans le projet de loi? Et j'ai le goût de vous dire : Vous le savez, je travaille sur un plan en
prévention... pas un plan, mais, en fait, une politique de prévention en santé.
Est-ce que vous voyez votre connaissance... j'allais dire votre «know-how», là,
mais votre connaissance dans ma politique de prévention en santé ou si vous voulez aller au-delà de cela, au-delà de
la santé publique, au-delà de... Où vous voyez votre rôle?
• (12 h 50) •
Mme
Bernier (Paule) : La
nutrition, je l'ai dit tout à l'heure, ça transcende. Ça transcende de la
préconception — pour
éviter des maladies du tube neural, ça prend des suppléments en vitamines... en
acide folique — jusqu'aux
soins de fin de vie, mais il faut la
hiérarchiser aussi dans le processus décisionnel. Vous me parlez de votre politique, oui, c'est une chose, c'est un morceau. Mais on ne peut pas regarder l'individu
comme... quand on parlait... On parle souvent des silos. On ne peut pas
regarder l'individu juste au moment de son épisode de soins ou juste en
préhospitalisation, il faut le regarder dans sa globalité. C'est ça qui manque
dans la vision sociétale qu'on a de nos patients.
Les patients,
là, c'est vous, c'est moi, c'est mon mari, c'est votre épouse, c'est tous les
gens qu'on aime. C'est ça, les patients, ce sont les gens dont on
s'occupe. Ce n'est pas quelqu'un qui prend un rendez-vous pour venir passer la
nuit à l'hôpital puis venir manger un bon petit repas, ce n'est pas ça, là.
C'est un traitement, O.K.?
Alors, c'est extrêmement important de prévenir,
oui, parce que ça coûte extrêmement cher, on veut sauver de l'argent. De rentabiliser les services... Combien
de fois on est aux soins intensifs, on voit des patients postchirurgie cardiaque, intubés, ventilés, sous
perfusion de vasopresseur, alors ils ne maintiennent pas leur
hémodynamie, pendant des semaines, et ça coûte cher, et ils ne s'en sortent pas
parce que leur biologie initiale n'était pas adéquate. Ça, c'est un exemple,
parmi tant d'autres, qui coûtent une fortune.
Une voix : Ça va?
Le
Président (M. Tanguay) :
C'est beau, merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange. Je cède maintenant
la parole à notre collègue députée de Taillon pour un bloc de 14 minutes.
Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, Mme Bernier, Mme Chapados, Mme Bouchard, bienvenue, merci pour votre présentation et aussi
pour le rappel, vraiment, de la place des nutritionnistes, des
diététistes dans la santé des gens. Donc, vraiment, je trouve que c'est quelque
chose qui est méconnu.
Je trouve
qu'on investit beaucoup, comme pharmacienne, dans les médicaments, par exemple, pour le traitement du diabète. Et je me suis toujours dit :
Dès qu'un patient diabétique a le diagnostic, si on pouvait lui permettre
d'avoir deux choses : une épicerie avec
une nutritionniste et quelqu'un qui viendrait voir son garde-manger à la maison
et qui ferait le ménage. Parce que je vois énormément de patients qui
font de leur mieux, qui font des efforts, qui coupent sur des choses qu'ils n'ont pas besoin de couper puis qui ne mangent pas
des choses auxquelles ils auraient droit. Et on n'a pas su positionner correctement
les nutritionnistes dans leur contribution déterminante, là, ces mesures-là,
elles auraient un impact pendant 10, 15, 20 ans.
Et je regarde
un peu le projet de loi et je me dis : On n'a pas priorisé, peut-être,
les choses qui apparaissent être prioritaires.
Nous avions, au sein de notre gouvernement, une politique de prévention qui était tout près d'être
déposée. J'entends que notre collègue va donner suite et j'en suis très
contente, parce que je pense que ce que vous décrivez comme besoins s'inscrit
dans des mesures préventives efficaces.
Mais, pour le commun des mortels, moi, il y a
des statistiques qui me frappent dans ce que vous avez dit. Par exemple, une
personne sur cinq est réadmise dans les 30 jours, donc elle est
hospitalisée, ça nous coûte très cher, elle doit y retourner dans les 30 jours.
Je vous dirais qu'il y a souvent des arrimages au niveau de la médication qui
ne sont pas faits, mais aussi au niveau
du statut nutritionnel, qui n'est pas bon, les gens sont mal alimentés, trop
faibles, ne récupèrent pas, ne récupèrent pas bien à la maison en
mangeant ce qu'ils pensent être bon mais qui ne l'est pas nécessairement, et
donc des retours.
On a beaucoup parlé, donc, dans... Le ministre,
dans le projet de loi n° 10, a parlé de Kaiser Permanente et de Cleveland Clinic. Ce matin, il y a
un très bon article par Robert Perreault, qui est un médecin qui connaît très, très bien... parce qu'il est allé dans ces
modèles-là, il les a vécus. Et il nous rappelle... Dans le fond, on pourrait recentrer ça en cinq grandes priorités, c'est :
la prévention — vous
y avez fait référence — la
première ligne forte, un système d'information — et
c'est vraiment ce que vous dites, un dossier partagé, quelqu'un...
on peut avoir l'information — une
participation citoyenne à leur santé — hein,
il faut que les gens participent à leur santé en les faisant mieux comprendre — puis
une gestion intelligente avec une reddition de comptes.
Moi, ce que j'entends de ces cinq mesures-là,
là, c'est que ça, c'est du concret, c'est de la réalité, ce n'est pas jouer dans des structures et se redonner plus,
moins ou moyen pouvoir, le déplacer des régions au centre, c'est vraiment
agir sur... porter des actions pour les citoyens.
Pour illustrer ça, pour que la population le comprenne bien, par rapport à des femmes enceintes, parce qu'on pense que vous vous inscrivez beaucoup dans la politique de
la prévention, décrivez-moi l'ensemble des actions qu'une nutritionniste
pourrait faire lorsqu'il y une femme qui prévoit être enceinte et qui l'est.
Qu'est-ce qu'on peut faire quand on a accès à une nutritionniste?
Mme Bernier (Paule) : Bien, d'abord,
déjà, les jeunes, je remarque qu'ils sont au courant, quand elles pensent vouloir avoir un enfant, commencent à
s'alimenter mieux et prendre des suppléments en vitamines, en acide
folique pour prévenir les anomalies du tube neural. C'est déjà une première
chose.
Mais, si on exclut les gens qui ont besoin et
peuvent bénéficier de programmes spéciaux, parce qu'ils sont à faibles revenus,
donc à risque d'avoir des bébés de petit poids, où ils reçoivent des
multivitamines, des suppléments alimentaires et des conseils d'une
nutritionniste, il y a aussi toute la gestion... Il y a des grossesses qui vont
très bien. Il y a des grossesses qui vont
très bien où il y a une prise de poids qui est exagérée, qui, éventuellement,
peut amener à des complications, tel le diabète, si ce n'est pas
immédiatement, ça peut être plus tard dans la vie. Et il y a des grossesses qui
ne vont pas bien, qui ont des complications, de tous ordres, là, et pour lesquelles
les nutritionnistes interviennent, nommément lors de diagnostics de diabète
gestationnel.
Alors, il est extrêmement important, pour la
viabilité et pour le développement du foetus et du bébé, d'avoir un contrôle de la glycémie, donc du taux de sucre,
le plus normal possible, d'éviter des variations en dents de scie au
cours de la journée. Et une nutritionniste, par son approche, quand elle fait
du counseling, elle évalue les habitudes alimentaires
de la personne, les met en lien avec ses besoins nutritionnels et est capable,
avec son mode de vie aussi, de lui faire changer ses habitudes justement
pour arriver à une finalité de contrôle du taux de sucre.
Mme
Lamarre : Vous diriez qu'actuellement vous réussissez à offrir ce
genre de services là à quel pourcentage des femmes qui sont enceintes?
Mme Bernier (Paule) : Je n'ai pas
les statistiques, mais il y a des nutritionnistes dans les cliniques de
grossesse à risque élevé. Les heures sont limitées, ça, je le sais, mais je ne
pourrais pas vous donner les statistiques quant à ça.
Mme
Lamarre : En quoi vous voyez que le projet de loi n° 10 pourrait
vous permettre d'offrir ça à plus de
personnes? Il me semble que votre problème, c'est un problème plus de budget,
de priorisation, de vision de votre rôle en prévention. Donc, le
changement, là, des agences, des CSSS, en quoi ça pourrait vous aider ou...
Mme Bernier (Paule) : Bien, s'il y a
une harmonisation des services entre les différents paliers, si on est capables de réaffecter les ressources aux bons
endroits, lorsqu'on peut les enlever ailleurs, mais, honnêtement, là,
dans le domaine de la nutrition, je ne vois
pas où on peut en enlever... et ce serait là. La structure comme telle, je
ne peux pas me prononcer si la structure
comme telle va faire en sorte qu'il va y avoir une amélioration, mais, je
répète, on a besoin d'indicateurs, on a besoin de mesurer. On ne peut pas
savoir si un changement est une amélioration
si on ne le mesure pas. Et, à cet égard, je répète, nous n'avons pas d'indicateur.
Il y a des indicateurs reliés à la dénutrition
et... Par exemple, aux Pays-Bas, ils ont choisi d'utiliser la prévalence de
dénutrition comme un indicateur de qualité. Il y a aussi toute la
question de la transparence des indicateurs qu'on pourrait utiliser.
Mme Lamarre : Donc, à ce moment-ci,
vous n'avez pas aucune confirmation que le projet de loi n° 10 va
améliorer la possibilité de vos interventions, là?
Mme Bernier (Paule) : Bien, je n'ai
pas de confirmation ou le contraire.
Mme
Lamarre : Ni d'infirmation. Mais il n'y a pas de réponse, en tout cas,
à vos besoins, qui sont bien ressentis et bien pertinents.
Mme Bernier (Paule) : Non.
Mme Lamarre : Je vous dirais, dans
les indicateurs de performance, je vous rejoins beaucoup. Est-ce qu'il y a des modèles où les indicateurs de performance
sont mieux organisés et vous permettent d'avoir... Avez-vous des
références qui sont...
• (13 heures) •
Mme Bernier
(Paule) : Bien, brièvement, là, et, dans le mémoire, j'en fais
mention, il y a les Pays-Bas. En fait, il y a eu une résolution du Conseil de l'Europe,
en 2003, pour attaquer la problématique de la dénutrition — je prends la dénutrition parce que c'est un exemple qui me vient facilement, là,
mais il y en a dans plein de domaines — et qui fait en sorte que maintenant
plusieurs pays européens travaillent avec les mêmes indicateurs de qualité, qui
ont d'abord été
développés aux Pays-Bas, et ça fait en sorte qu'à l'intérieur de 10 ans la
prévalence de la dénutrition a diminué. Parce qu'il y avait un retour...
Quand on a un indicateur... C'est bien beau avoir un indicateur, mais, si on
n'en fait rien, c'est totalement inutile. Il
faut retourner au chevet du patient, auprès des soignants, pour leur
dire : Bien là, on a fait une bonne
job, on n'a pas bien fait notre travail, qu'est-ce qu'on peut améliorer? Et
donc c'est un cycle, là, tout le temps dynamique.
Mme
Lamarre : Votre commentaire est très pertinent, et ça m'amène à un
reproche qui a été fait à la politique actuelle,
au projet de loi, c'est de politiser beaucoup le système de santé. Et vous y
faites référence, en nutrition, pour avoir des impacts, il faut très souvent maintenir une politique ou un soutien,
un service pendant 10 ans, 15 ans, commencer avec des tout-petits, commencer avec des femmes
enceintes pour pouvoir voir que les adolescents vont avoir une meilleure
santé dentaire, physique, mentale. Et donc
le fait de rendre notre système de santé très, très politisé... les P.D.G.,
tout ça, ça va être pour quatre ans,
on n'est même pas sûrs qu'ils vont avoir un deuxième mandat. Toutes les
décisions sont recentrées sur un ministre
qui, on le sait bien... Et je l'ai déjà dit, quel que soit le parti politique,
tous les partis veulent performer pendant les quatre années où ils sont
au pouvoir, et donc tout ce qui est impact à plus long terme est moins favorisé. Tout ce qu'il va dire... bien, on va
être capable de dire qu'on a passé tant de scans, on a opéré tant de cataractes, on a fait... Mais tout ce qui
est porté et qui finit par nous rapporter énormément d'économies puis de
bénéfices, parce qu'on a des gens plus en
santé, le modèle scandinave a beaucoup, beaucoup misé là-dessus et
apporte de très bons résultats.
Alors, ce que vous
nous dites, dans le fond, c'est qu'en nutrition il y a plusieurs de vos mesures
qui ont une portée mais à long terme, et le
fait de politiser et de faire en sorte que les décisions sont concentrées sur
un ministre, comme je le dis encore,
quel que soit le parti, mais qui aura quatre ans pour avoir des résultats, la
tentation... Est-ce que vous pensez
que la tentation va être plus grande d'encourager des mesures qui ont un impact
très, très vite que de celles qui ont un impact à moyen terme et des
économies à long terme?
Mme Bernier
(Paule) : D'abord, on va faire une distinction entre des politiques
nutritionnelles ou des politiques
alimentaires. C'est le même mot, là, la même racine, mais ce n'est pas la même
chose que politiser un dossier, on s'entend.
Mais effectivement il faut avoir des actions à très long terme, la vie durant,
et d'où l'importance, et on l'a dit et on le répète, que le ministre
soit entouré de gens qui peuvent lui donner les informations nécessaires quant
aux besoins en services nutritionnels de la population qui est à desservir.
Mme
Lamarre : Excellent. Je vous dirais que, comme dernière question, une
des priorités, là, c'est d'améliorer
l'accessibilité. Ce qu'on entend, c'est que, s'il n'y a pas vraiment de nouveau
budget pour l'instant, vous, votre accessibilité, elle n'est pas
optimale, et vous ne voyez pas comment elle peut s'améliorer. Est-ce que c'est
une meilleure répartition sur les territoires qui pourrait changer ça?
Mme Bernier (Paule) : Écoutez, moi, ce que je vous dis aujourd'hui, à tout le monde, O.K.,
que vous soyez d'un côté ou de
l'autre côté de la banquette une année ou l'autre année, le Québec se prive, depuis plusieurs années, des
services des nutritionnistes. En n'ayant pas assez de monde, il y a des trous de service. C'est ce qui fait qu'aux
États-Unis la dénutrition est un facteur de comorbidité qui ouvre la voie à un remboursement, à un paiement plus élevé,
parce qu'ils savent que ça engendre des coûts supplémentaires. Et là on parle de coûts, O.K., mais, sous ce discours-là,
là, j'ai toujours à l'esprit les souffrances, les pertes de revenus, les
aidants naturels qui ne sont pas au travail parce qu'ils s'occupent de leurs
proches à l'hôpital ou en réadaptation, O.K.? Alors, il faut regarder ça.
Et
je vous dis que les nutritionnistes sont là pour aider le système.
Utilisez-nous! Vous ne le faites pas, vous ne nous permettez pas d'agir
adéquatement, d'avoir une portée sur l'efficacité, l'efficience, la réduction
des coûts et la réduction des souffrances.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup. Merci de votre témoignage.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole au porte-parole du deuxième
groupe d'opposition, le député de La Peltrie, pour une période de
9 min 30 s.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Vous avez amené un élément
très intéressant au niveau de la
budgétisation. Vous dites : On souhaiterait avoir des budgets fixes, des
budgets qui sont dédiés. C'est une revendication qu'on a entendue souvent par d'autres groupes. Ce que je comprends,
c'est qu'actuellement, dans la
structure actuelle, c'est compliqué, c'est compliqué aussi pour obtenir vos
services, c'est un parcours du combattant, notamment chez les diabétiques, là,
ça peut être assez long avant d'avoir accès à un nutritionniste.
Donc,
il y a une opportunité, je pense, avec le projet de loi n° 10, la
restructuration du réseau, mais de quelle façon peut-on saisir cette
opportunité-là pour faire la place dont vous avez besoin?
Mme Bernier
(Paule) : Il y a des budgets, il y a des enveloppes qui sont données
par... Si on prend centre hospitalier, par
exemple, là, on va prendre l'exemple du centre hospitalier, il y a des budgets
qui sont assurés. C'est une enveloppe
qui est donnée, qui est consentie aux services de diététique, qui peut être
organisée, qui peut inclure la nutrition
clinique, donc le soin direct aux patients. Il y a d'autres endroits où les
budgets sont organisés par programmes,
donc ça va être un programme en diabète ou en oncologie, médecine familiale,
«whatever», et là il y aura un budget qui, des fois, va être par
programmes, mais des fois va être par services. Alors, c'est à géométrie
variable.
Je vous parlais tout à l'heure du
coût-repas. Alors, un gestionnaire va être considéré comme étant performant
s'il dépense moins, donc... Et l'enveloppe
budgétaire, l'année d'avant, risque d'être moindre, mais, des fois, il y a des
vases communicants entre les enveloppes de nutrition clinique et les enveloppes
du budget d'alimentation. Donc, il faut préserver une certaine indépendance de
ces enveloppes-là pour s'assurer que les fonds vont aux bons endroits.
M.
Caire :
Et comment on y arrive? Parce que je comprends ce que vous dites, là, mais
comment, dans le...
Mme Bernier (Paule) : ...c'est des mécanismes de gestion, là, qui ne sont pas vraiment de
notre ressort. C'est vraiment des règles administratives et... Oui, Mme
Bouchard.
Mme Bouchard
(Joanie) : Bien, peut-être à titre d'exemple, je ne dis pas que ça
serait nécessairement notre recommandation,
mais, en Ontario, le coût-repas est normé. Donc, c'est une directive
ministérielle. On décide d'allouer une
enveloppe pour le coût des aliments qui vont être offerts aux patients à chaque
jour. À ce moment-là, l'établissement doit
respecter ça, et on évite qu'à ce moment-là il y ait un peu cette image-là d'on
tire la couverte pour qu'il y ait des sous, pour que les nutritionnistes
voient les patients mais qu'en même temps on ait suffisamment d'argent pour
produire et distribuer les repas. Donc,
c'est des mesures qui existent, qui permettent, à ce moment-là, de standardiser
l'offre à ce niveau-là.
M.
Caire :
Ça fait longtemps que cette mesure-là a été intégrée en Ontario?
Mme
Bouchard (Joanie) : Ça fait quelques années. Il y a des normes aussi
qui sont disponibles, en Ontario,
dans le secteur des soins de longue durée, pour les effectifs en nutrition
aussi, donc parallèlement ça a été fait. Mais ça fait quelques années
que c'est fait, oui, dans les années 2000.
M.
Caire :
Vous dites que ça émane d'une directive ministérielle? C'est comme ça qu'ils
l'ont fait?
Mme Bouchard
(Joanie) : Oui.
M.
Caire : O.K. Puis donc l'impact, c'est d'assurer un budget
stable, prévisible pour tous les services de nutrition.
Mme Bouchard
(Joanie) : Non compressibles, oui.
M.
Caire :
Non compressibles.
Mme Chapados (Annie) : Oui. Parce qu'on s'entend, les jeux de tirage de
couverte, pour reprendre l'expression de Mme Bouchard, c'est un petit
peu ce que ça vient faire. C'est que vous avez des budgets qui sont
compressibles, et, dans un certain contexte
budgétaire, financier donné, bien, la tentation va être là de venir comprimer,
précisément. Il faut laisser une certaine indépendance entre les deux,
mais l'un a un impact sur l'autre, inévitable, d'où l'importance de les
préserver.
• (13 h 10) •
M.
Caire : Tantôt, je vous entendais parler de votre expérience
avec des médecins qui ne voyaient pas nécessairement l'intérêt de
travailler avec les nutritionnistes...
Mme Chapados
(Annie) : ...attention. Ce n'est pas qu'ils ne voyaient pas l'intérêt.
Je ne pense pas que ce soit un manque d'intérêt, au contraire. On l'a, notre
partenariat. On l'a, notre partenariat, précisément parce qu'ils ont dit : Oh, oui, d'accord. Puis, maintenant on agit
ensemble en matière de formation continue. Alors, ce n'est pas un manque
d'intérêt. Je pense que c'est peut-être par pure ignorance.
M.
Caire :
Mais on s'entend, vous et moi, que la raison importe peu. C'est le résultat qui
compte.
Dans
la nouvelle structure, telle qu'elle est proposée, comment on peut faire en
sorte que les nutritionnistes aient une place à la hauteur du service
que vous pouvez rendre? Parce que, dans le fond, ce que vous dites, c'est que
nous travaillons en amont. Et le résultat,
le fruit de notre travail, c'est des économies, qui sont un des objectifs visés
par le projet de loi. Puis de quelle
façon on peut s'assurer... Bon, je pense aux médecins, aux dentistes, aux
pharmaciens qui ont un...
Mme Chapados
(Annie) : Leur CMDP.
M.
Caire :
...leur CMDP, qui ont des directions dans le cas...
Mme Chapados
(Annie) : Nous, on a le conseil multidisciplinaire, et je vous
suggérerais...
M.
Caire :
Quel rôle, justement, ce conseil-là pourrait jouer au sein de la grande
structure?
Mme Chapados (Annie) : Alors, notre inspection professionnelle nous dit
que c'est une structure qui est très importante, facilitante, aidante
pour la qualité de l'acte professionnel. Donc, il faut le maintenir.
Le fait de rapatrier
tous ces conseils multi là dans un seul endroit, donc une personne ou un
conseil qui représente un grand nombre de
besoins, éloigne du patient, éloigne des besoins. Et ce qui est important et ce
que nous suggérons...
La loi sur la santé actuelle prévoit que les conseils multidisciplinaires
peuvent former des comités de pairs lorsque
requis. Nous proposons qu'il y ait un mécanisme ou une structure intermédiaire
qui pourrait être une permanence des
comités de pairs permanents ou obligatoires encadrés par la loi qui est à
venir. C'est une des choses qu'on voit, mais définitivement le... On dit
que plus on s'éloigne... puis je ne répéterai pas ce que d'autres intervenants
ont dit, mais c'est prouvé, là.
Alors, nous,
on croit aussi à une approche top... je m'excuse, c'est «top-down, bottom-up».
Alors, oui, ça prend des orientations
ministérielles, mais il faut être capable, par exemple, via des représentants
de l'ordre des diététistes ou des diététistes
en général... pouvoir aller voir quels sont les besoins à la base, comment ça
se passe sur le terrain. Encore là, je reviens
aux indicateurs, la nécessité de mesurer. Si on mesurait les conséquences, par
exemple, de la non-prise en charge... O.K.? On peut le calculer. Les
coûts de la non-prise en charge — je reviens à la dénutrition — là,
sur les plaies de pression, c'est comme 50 fois plus grand que si on
traitait tout le monde, si on dépistait puis on traitait tout le monde.
M.
Caire :
Bien, en fait, vous m'amenez à une réflexion. Souvent, le ministre va nous
dire : L'objectif du projet de loi,
c'est d'avoir une meilleure intégration des services. J'oserais dire aussi,
peut-être : Une meilleure communication de l'information, une plus grande clarté, une plus grande accessibilité de
l'information. Donc, est-ce que ça, ça n'irait pas dans le sens de ce
que vous venez dire? Si l'information est plus facile à obtenir, facile à
colliger, on est plus en mesure de mesurer la performance et les conséquences
directes des soins qui sont donnés ou qui ne sont pas donnés.
Mme
Chapados (Annie) : Alors,
d'ailleurs, nous l'avons mentionné que l'informatisation, et la disponibilité
de l'information médicale, est primordiale
et qu'un patient, par exemple, parte de l'hôpital ou arrive à l'hôpital, donc
qui a peut-être déjà été vu en CLSC, a un
épisode de soins et retourne, c'est primordial, ça. Pour nous, c'est très, très
important, et, si c'est ce projet de loi qui
permet cela, tant mieux. Si ce n'est pas ce projet de loi, il faut que ça se
fasse de toute façon. Je ne me
prononcerai pas à l'effet que, oui ou non, ce projet de loi répond à un besoin,
ça peut, mais je vous dis que le problème comme tel de circulation d'information et de disponibilité doit exister,
et, au-delà d'un... Parce qu'il y a des corridors de services
suprarégionaux qui sont prévus justement pour... Pour nous, ça concernerait,
par exemple, l'alimentation parentérale, par veine. Les patients qui ne peuvent
pas s'alimenter par la bouche, parce qu'ils ne sont pas capables d'absorber, ils ont besoin d'un accès veineux pour
recevoir des nutriments pour le reste de leur vie, et ça, présentement,
ce sont des programmes qui existent.
Alors, ce n'est pas juste à
l'intérieur d'un CISSS, j'imagine que
ça sera plusieurs... ce seront des
corridors suprarégionaux. Alors là, l'information aussi devra être très importante,
la dissémination de l'information.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à la période d'échange. Nous vous
remercions, vous, les représentantes, donc, de l'Ordre professionnel des
diététistes du Québec.
Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux
de la commission jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 16)
(Reprise à 15 h 4)
La
Présidente (Mme Montpetit) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du
réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des
agences régionales.
Je souhaite la bienvenue à nos invités,
l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. Pour les
fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé et par la suite nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. La parole est à vous.
Institut sur la
gouvernance d'organisations
privées et publiques (IGOPP)
M. Allaire (Yvan) : Merci, Mme la
Présidente. MM. et Mmes les députés, mon nom est Yvan Allaire, je suis président exécutif du conseil d'administration de l'institut. À ma droite, Michel Nadeau, qui
est directeur général de l'Institut sur la gouvernance; à ma gauche, M.
Gaston Bédard, qui était président du groupe
de travail, mis sur pied par l'IGOPP, sur les questions du système de santé québécois. M. Bédard est aussi président du conseil du CHUQ, Centre
hospitalier universitaire de Québec.
C'est avec plaisir que nous venons devant vous
présenter rapidement quelques observations sur le projet de loi n° 10.
Le projet de loi propose une transformation radicale de l'organisation de la gouvernance du système
de santé québécois. Cette transformation semble s'appuyer sur des
constats que partage le groupe de travail sur la santé de l'IGOPP, qui a rendu son rapport le
17 septembre dans un document qui s'appelle Faire mieux autrement, qui a
été rendu public à ce moment-là. Le mémoire reprend d'ailleurs, ici, les analyses contenues dans le rapport de ce
groupe de travail.
Un constat important
que nous faisons, c'est qu'un système de santé qui place le patient au
coeur de son fonctionnement devra accorder suffisamment d'autonomie aux entités
responsables de la prestation de soins et services, assurer une étroite coordination entre
les diverses entités dans une même région, et s'appuyer sur d'abondantes
et opportunes informations cliniques et
financières disponibles pour ceux qui en ont le plus besoin : les
professionnels soignants et les professionnels gestionnaires.
Le projet de loi n° 10 propose une série de
changements de grande importance, entre autres l'abolition des 18 agences de santé et de services sociaux et
la création de 20 centres intégrés de santé et de services sociaux,
CISSS. Ceux-ci deviennent, et c'est important en notre perception du projet de
loi, des centres opérationnels, des organismes d'exploitation et de coordination, et non pas des intermédiaires, des courroies de transmission
bureaucratiques. Les CISSS seront
dotés de conseils d'administration formés majoritairement de membres
indépendants et, possiblement, rémunérés.
Il faut bien
noter et comprendre que c'est en cela que le projet de loi n° 10
innove et tente de trancher les noeuds gordiens qui ont paralysé le
système de santé québécois.
Dans ce modèle, le ministre et le ministère
conservent le rôle de décideur ultime des priorités et des budgets mais ne gèrent pas le système de santé. À la gouvernance institutionnelle effectuée par
les conseils d'administration des CISSS vient se greffer une démarche de gouvernance stratégique sous la
responsabilité des dirigeants des CISSS. Dans ce système, les entités en contact direct avec les patients,
usagers ne sont plus chapeautées par un conseil d'administration. La
direction d'une entité jouit d'une autonomie réelle mais enchâssée dans un
système de gouvernance stratégique géré par la direction du CISSS.
Cette gouvernance stratégique comporte des
échanges sur le plan stratégique, le budget et les objectifs de performance de chaque entité tant d'un point de
vue financier que de la qualité et la promptitude des services. C'est
ainsi que le patient, usager devient au
centre de toute cette organisation. L'approbation éventuelle des plans et
budgets relève de la direction du CISSS. Il est de la plus haute
importance que les dirigeants des CISSS soient perçus comme hautement légitimes
et crédibles par les dirigeants des entités.
Plusieurs
aspects du fonctionnement du système actuel devront être modifiés pour réaliser
cette transformation. On en nomme plusieurs,
j'en choisis quelques-uns. Par exemple, les dirigeants des CISSS auront-ils
l'autorité pour nommer ou remplacer les directeurs généraux des entités
de leur région? Auront-ils l'autorité d'établir leur rémunération? Il devrait
en être ainsi.
Autre point : Dans le cadre d'une
gouvernance stratégique, les dirigeants des entités opérationnelles et les dirigeants du CISSS doivent tenir des discussions
sur leurs budgets, leurs plans stratégiques, leurs objectifs
opérationnels, les mesures de leur
performance. Or, le projet de loi n° 10 stipule, en son article 94, que cette
information — quant à la dimension des budgets — ne
sera divulguée aux CISSS qu'en début d'une année financière. Il faut absolument
mettre en place des mécanismes qui permettent aux entités opérationnelles de préparer
et de soumettre leurs plans et budgets et en obtenir l'approbation, avec ou
sans modifications, en temps opportun pour élaborer et exécuter les plans
d'action qui en découlent.
• (15 h 10) •
Au coeur, évidemment,
de cette opération, il y a toute la notion d'autonomie versus centralisation
et qui, évidemment, comporte un
certain nombre de paradoxes. La transformation proposée comporte un mélange
d'autonomie pour les CISSS et de centralisation accrue de pouvoirs pour le
ministre et le ministère. Ce choix de centralisation ministérielle est peut-être la conséquence du jeu politique, de ses règles et
de ses coutumes. Ce phénomène est-il incontournable? Est-ce une
conséquence inévitable de notre système démocratique? Tant que l'on répond oui
à ces questions, une propension à la centralisation ministérielle s'ensuit,
mais il faut en baliser l'étendue.
Évidemment,
un paradoxe s'ensuit également : Comment accorder une véritable autonomie à un conseil d'administration de CISSS mais lui retirer toute autorité sur
l'embauche et le remplacement du P.D.G. et du président-directeur général adjoint ainsi que sur l'établissement de la rémunération? Ces rôles constituent la pierre d'assise
d'une gouvernance efficace. Nous sommes
sceptiques, toutefois, quant à la nécessité de prévoir dans la loi la
nomination d'une président-directeur général adjoint.
On peut
comprendre que, pour mettre en place de façon rapide et coordonnée, une si
vaste réforme alors que les conseils d'administration des CISSS ne sont
pas encore constitués, le ministre s'attribue la responsabilité de nommer les premiers P.D.G. des CISSS. Le projet de loi devrait refléter cette circonstance mais stipuler clairement que, par
la suite, les conseils d'administration seront responsables de la nomination des P.D.G.
et des P.D.G. adjoints, de leur évaluation et de leur remplacement, s'il
y a lieu.
En son
article 31, le projet de loi
n° 10 élimine toute possibilité de rémunération variable et comporte même
des amendes pour quiconque contrevient à cette disposition. Établir des règles
universelles pour prévenir un certain type d'incident isolé dans le passé
n'aboutit que rarement à une gouvernance de qualité.
La même
motivation semble inspirer l'article 13 du projet de loi. Cet article
stipule que les P.D.G. et le P.D.G. adjoint doivent travailler
exclusivement pour l'établissement qui les emploie. Le conseil d'administration
doit, dès qu'il constate une contravention à cette disposition, en aviser le
ministre, mais le P.D.G. et le P.D.G. adjoint peuvent toutefois, avec le consentement du ministre, exercer des activités
didactiques rémunérées et, auprès d'un organisme sans but lucratif, des
activités non rémunérées. Ce genre de disposition infantilise le conseil
d'administration.
Autres exemples. À l'article 130, le
ministre se voit également octroyer des pouvoirs qui ne semblent pas nécessaires pour mener à bien sa mission mais qui
risquent de banaliser l'autonomie dont devraient jouir les conseils des CISSS : le projet de loi accorde de nouveaux
pouvoirs au ministre à l'égard des établissements régionaux et
suprarégionaux, notamment le pouvoir de prescrire les règles relatives à la
structure organisationnelle de la direction, à l'article 130.
À son article 59, alinéa 15°, on
stipule que «le ministre doit développer des outils d'information et de gestion
pour les établissements et les adapter aux
particularités de ceux-ci». Il nous semble que les CISSS devraient aussi
être capables d'établir les systèmes d'information qui leur sont nécessaires.
Les
excès de centralisation du projet de loi peuvent et devraient être corrigés.
Sinon, toute la démarche encourt deux risques : premièrement, les
gens sérieux et compétents que l'on souhaiterait nommer aux conseils des CISSS pourront être rebutés par une autonomie de
fonctionnement trop circonscrite, trop assujettie à la bureaucratie du
ministère, même pour des décisions qui devraient, de toute évidence, relever du
conseil; et, deuxièmement, quelle que soit la capacité
de travail du ministre, les autorisations, approbations, nominations,
interventions qui lui incombent dans le projet de loi sont si nombreuses
qu'elles nécessiteraient que le ministre soit appuyé par un appareil
bureaucratique encore plus considérable au ministère.
Point
important, point 3 : la composition de conseils d'administration des
CISSS. Le projet de loi comporte bon nombre
de choix judicieux en ce qui concerne la composition et la nomination des
membres des conseils, par exemple une représentation
des parties prenantes, une nette majorité de membres indépendants, une démarche
de nomination structurée pour
identifier des candidats de qualité et imperméabiliser le processus, autant que
faire se peut, à la partisanerie politique.
Le projet de loi propose aussi, en son
article 11, des profils de compétence pour les membres indépendants. L'intention est louable, mais le projet de loi
fait fausse route en attribuant un critère de compétence pour chaque
administrateur indépendant. Ces profils de compétence et d'expérience,
une norme de la gouvernance contemporaine, visent à rassembler au conseil des
individus qui, collectivement, possèdent ces compétences recherchées. Il est
inapproprié...
La Présidente (Mme Montpetit) : ...
M. Allaire (Yvan) : ...d'associer...
La Présidente (Mme Montpetit) : ...vous
informer qu'il vous reste une minute.
M. Allaire (Yvan) : Ah! bien,
parfait, c'est exactement ce qu'il me reste... ce dont j'ai besoin.
La Présidente (Mme Montpetit) :
Merveilleux.
M. Allaire (Yvan) : Il est
inapproprié d'associer une personne à une compétence.
De plus, alors que les compétences identifiées
aux alinéas 1° à 5° de l'article 11 sont pertinentes et usuelles, vérification, risques, ressources humaines,
gouvernance et éthique, il est difficile de comprendre à quelle compétence
font référence les alinéas 6°, jeunesse, et 7°, services sociaux.
Une
représentation équilibrée d'hommes et de femmes aux conseils des CISSS est un
objectif incontournable que le ministre doit atteindre par ses
nominations. Toutefois, exiger, comme le fait l'article 13, que toutes les
listes de noms fournies en vue d'une
nomination doivent être constituées à parts égales de femmes et d'hommes n'est
pas souhaitable et inutilement contraignant. Ce qui compte, c'est que le
ministre reçoive suffisamment de propositions de candidats et de candidates de
haute compétence pour atteindre l'objectif souhaité.
Les membres
des conseils des CISSS seraient nommés pour une période de trois ans, mais on
ne précise pas le nombre de
renouvellements de mandat qui seraient permissibles. Nous suggérons que la loi
limite à deux renouvellements, soit neuf ans, le terme maximal d'un
administrateur. Et nous ne voyons pas l'utilité, pour le conseil, d'élire parmi
ses membres le secrétaire du conseil, maintenant un emploi plutôt spécialisé.
D'autres suggestions. En conclusion, le projet
de loi n° 10 sur la réforme du système de santé au Québec constitue un grand pas vers un système qui place
le patient au coeur de son fonctionnement et met les responsabilités au
bon endroit. Nous souhaitons que les
quelques suggestions fournies dans ce mémoire contribueront à bonifier cette
réforme essentielle de notre système de santé. Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons donc débuter la
période d'échange, et je donne la parole au député de la banquette ministérielle
pour une durée de 21 minutes.
M.
Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Allaire, M. Nadeau, M. Bédard, merci d'être
venus aujourd'hui. Je dois vous avouer que votre comparution
était, pour moi, attendue, compte tenu évidemment de ce que vous venez de
présenter, qui va certainement à l'encontre de bien des positions qui sont
véhiculées depuis le début des audiences parlementaires de cette commission.
Et, d'entrée de jeu, M. Allaire, j'aimerais ça
vous dire une chose, et vous y avez fait allusion il y a quelques instants : Les pouvoirs qui sont critiqués — correctement, à mon avis — pour
ce qui est du projet de loi n° 10, pour le ministre, en termes de nomination ne sont que des pouvoirs qui sont dans le cadre d'une loi de
transition. Et normalement, comme
vous l'avez évoqué tout à l'heure, dans la réécriture obligatoire d'une LSSSS qui
doit suivre le projet de loi
n° 10, les règles de nomination des individus ou des postes que vous avez
énumérés tout à l'heure devront se standardiser, puis peut-être qu'on y reviendra dans la conversation que l'on
aura dans quelques instants, parce
que je vais vous poser la question :
Comment verriez-vous ce processus de nomination là dans un mode plutôt
standard, l'objectif ici, de ma part, étant
de faire en sorte que le gouvernement, au départ, ait la possibilité d'avoir la
capacité de s'assurer de la nomination optimale
à la case départ? Et, comme je le dis depuis le début, cet aspect-là du projet de loi n° 10 est ouvert à modifications mais n'a certainement
pas à être vu comme étant quelque chose de permanent.
Vous allez
constater... et je vous dis ça parce
que, quand vous allez entendre l'opposition officielle, on va vous amener exclusivement sur ce terrain-là — c'est le mode de démonisation qui existe, depuis
le début, de tous les intervenants du projet de loi — les nominations,
alors que les nominations font partie d'un projet de loi qui vise à mettre en
place une nouvelle structure qui fera en sorte que le
patient sera effectivement au centre des décisions, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Maintenant, j'aimerais vous entendre sur un ou
deux éléments. L'autre élément qui fait en sorte qu'il y a un certain nombre de
critiques de l'opposition et de d'autres vient du fait que... le fait de créer
cette intégration-là est une hérésie. Ce
n'est pas compliqué, là — vous
allez l'entendre ou vous l'avez peut-être déjà entendu si vous avez suivi les audiences — faire un ensemble qui est plus grand que les ensembles
individuels institutionnels actuellement est une hérésie,
ça ne se peut pas. Un conseil d'administration, tel que proposé, et la structure d'intégration,
telle que proposée, va mettre essentiellement le système à feu et à
sang. Pourtant, vous, comme organisation, à l'IGOPP, je comprends que vous avez une assez, et pas mal, grande expérience
dans le fonctionnement du réseau de la santé, parce que bien
de vos clients... bon nombre de vos
clients sont dans le réseau de la
santé et ils vous consultent pour des
questions de gouvernance, à un point tel que vous écrivez, à la page 4, qu'actuellement les règles de gouvernance actuelles mènent «à une gouvernance
bric-à-brac faite de responsabilité sans autonomie et de membres de conseil qui
n'ont pas une connaissance suffisante des enjeux du secteur pour gouverner efficacement».
Pouvez-vous
nous éclairer sur le constat que vous faites actuellement, qui vous amène à
tirer cette conclusion-là? Et comment — vous
l'avez quand même bien dit dans le mémoire, là, dans votre exposé — on
peut résoudre ces problèmes-là avec la solution proposée dans le projet
de loi n° 10?
• (15 h 20) •
M. Allaire
(Yvan) : Bien, je vais commencer et vais demander à Michel de
compléter. D'abord, l'organisation du
système de santé, c'est une entreprise, c'est une organisation, c'est un
organisme extrêmement complexe, mais on a ailleurs des organismes
complexes. On a des organismes complexes faits de multiples entités, avec des
vocations différentes, parfois géographiquement dispersées, et on a appris
ailleurs comment gouverner ces organismes-là.
Ce que nous
reconnaissons dans le projet de loi — en tout cas, nous tentons et nous pensons y
avoir vu — c'est une
tentative d'apporter le genre de structure de gestion et de gouvernance que
l'on retrouve dans le monde des organisations complexes, ailleurs que
dans le système de santé québécois, il y en a dans le secteur privé, il y en
dans le secteur parapublic, et que c'est,
selon nous, la voie à prendre pour faire progresser notre système et
aller dans le sens d'une efficacité de gestion et de gouvernance.
Une
gouvernance bric-à-brac présentement — oui, c'est le terme que j'ai utilisé — parce que, d'abord, un grand nombre
de conseils d'administration, c'est très difficile de trouver des membres indépendants, 200 fois huit personnes compétentes,
capables de gouverner un hôpital ou un lieu, un établissement. Là, on en arrive à, finalement, un groupe beaucoup plus
restreint parmi lesquels on devra choisir des gens vraiment compétents,
qui connaissent le milieu, qui seront capables de gouverner efficacement ce
système mais avec l'autonomie.
Et ce que je reprochais à cette gouvernance
préalable, c'est que non seulement les conseils étaient ainsi constitués, mais on avait là une grande difficulté
à vraiment gouverner, pour plusieurs raisons. Et, certainement — et ça, on y reviendra — les assemblées
publiques... Donc, on formait des comités exécutifs, comités exécutifs où les
vraies décisions se prenaient, les autres
membres du conseil se disaient non impliqués dans les décisions prises par le
comité exécutif, etc. Il y avait beaucoup de pathologies qu'on essaie d'éviter.
J'étais content de constater qu'on ne parle pas de comités exécutifs,
d'ailleurs, dans les conseils d'administration des CISSS.
M. Nadeau (Michel) : Notre
expérience, depuis au moins sept ans... Nous avons visité à trois reprises la
quasi-totalité des établissements de santé au Québec. Je suis allé dans toutes
les régions du Québec, le soir, les fins de
semaine, rencontrer les membres de conseils d'administration, et nous les avons
visités, presque les 200, et nous avons visité à au moins deux reprises.
Et évidemment, pour nous, nous sommes un organisme à but non lucratif, nous ne cherchons pas des revenus, mais, après six ans,
dire que ces 200 organismes là ont de la difficulté à faire le travail,
c'est difficile, mais on le fait. On le fait parce qu'on pense que...
Malheureusement, je vois des conseils d'administration, de bonnes personnes bien intentionnées, mais gérer des systèmes
complexes comme le sont les hôpitaux, ils n'avaient pas toujours la
matière. Évidemment, les médecins n'étaient pas là. En plus, c'étaient des
assemblées publiques, donc tous les groupes intéressés étaient dans les
tribunes, et là, bien, c'était un spectacle, chacun tirait de son bord pour
plaire à son public.
Or, dans ce
contexte-là, on voit qu'il faut améliorer la gouvernance du système de santé
par un nombre plus réduit d'institutions. Et nous en avons proposé 10,
vous en proposez 20, alors je pense qu'on peut régler là-dessus, là. Mais l'important, c'est que ces gens-là soient nommés à
partir d'un profil, d'une expertise, qu'ils soient un petit peu
rémunérés, compensation modeste, disons-nous, et qu'il y ait de vraies
assemblées publiques. Des vraies assemblées publiques à tous les six mois, tout le conseil d'administration, les cadres de l'hôpital
reçoivent le public, et là, le public, c'est une soirée pour eux — ce
n'est pas un spectacle où ils viennent assister — soirée pour eux, on
répond à toutes leurs questions, les médias sont là, et c'est ça, la vraie
démocratie.
M. Barrette : Et, si je comprends
bien votre propos, il y a des parties publiques dans la gestion actuellement,
mais ce n'est pas à ça que vous faites référence, là. Quand vous
dites «des vraies séances publiques», ce n'est pas essentiellement...
c'est totalement différent de ce qu'on voit actuellement dans notre réseau.
M. Nadeau
(Michel) : Ce qu'on voit actuellement, c'est une... bien, beaucoup de
présidents de conseil... je ne demanderai pas à M. Bédard de parler pour
le CHUQ, mais on se réunit avant, en caucus, là, et là on prend toutes les décisions, et là on répète. Le vrai conseil se
tient à huis clos, et là, ensuite, on arrive devant le public, là, où là les
différents groupes intéressés, les parties prenantes de l'hôpital viennent
intervenir, et là, bien, chacun joue sa partition. Mais le vrai débat... La démocratie, c'est des débats à
coeur ouvert où les gens disent vraiment ce qu'ils pensent dans
l'intérêt de l'hôpital, ou de
l'établissement, ou de la région. Et ça ne se produit pas parce que les séances
sont publiques actuellement. Or,
donnons donc à la démocratie la chance de s'exprimer dans de vraies séances
publiques. Or donc, nous, on pense que, ce faisant, on va ouvrir la
porte à une vraie gouvernance.
Et le
processus de nomination des membres, comme vous le souhaitez, une fois qu'on
aura nommé la première génération, comment on va faire... Je pense
qu'Yvan...
M. Allaire (Yvan) : On pourra y
revenir, mais je pense que, dans le sens de ce que dit Michel, c'est très important que ces assemblées publiques là soient
alimentées par une qualité d'information de haut niveau sur la performance de l'établissement, sur le
niveau de satisfaction de la clientèle. Enfin, on suggère une série
d'indicateurs véritables qui soient à la portée et soient accessibles, qui soient
présentés durant ces assemblées, de
sorte qu'on ait une vraie discussion sur les points forts et les points
faibles de l'établissement face à sa mission.
M. Barrette : Ça m'amène à aborder
un autre aspect qui, dans l'esprit du projet de loi n° 10 et dans mon esprit, est très important. Vous l'abordez aussi,
votre mémoire, sous l'angle de l'autonomie, et moi, je l'aborde aussi
sous l'angle de l'imputabilité, ça se
rejoint d'une certaine manière, l'objectif est de faire en sorte que... Là,
j'aimerais vous entendre là-dessus, je pense que le gouvernement ne peut
pas se retirer complètement du réseau de la santé,
il doit quand même être en mesure de donner des orientations, et, dans notre
vision, puis là je veux vous entendre là-dessus,
les CISSS ont l'autonomie pour livrer les livrables, et c'est un peu cette
relation-là... En fait, c'est exactement cette relation-là qu'on vise : le donneur d'ouvrage est quelqu'un
qui livre. Jusqu'où doit aller l'imputabilité et jusqu'où doit aller l'autonomie aussi? Parce que ces CISSS là ne
vont pas avoir un pouvoir de lever des fonds. À un moment donné, les
budgets doivent arriver. Je vous ai entendu puis je comprends très bien ce que
vous me dites en ce qui concerne la présentation
d'un budget éventuel. Les délais, vous avez raison, effectivement, ça devrait
avoir une période plus grande pour pouvoir
faire ça. Comment vous voyez cette relation-là? Quand vous parlez d'autonomie,
jusqu'où ça va? L'imputabilité, jusqu'où peut-elle aller?
M. Allaire (Yvan) : Il n'y a pas
d'autonomie totale dans un système. Il n'y a pas d'autonomie absolue, c'est une autonomie... C'est pour ça qu'on réfère
continuellement à autonomie enchâssée. Une autonomie enchâssée, dans un
système de gouvernance, ça veut dire qu'il y a... les Anglais diraient «checks
and balances» : j'ai de l'autonomie, mais
j'ai des comptes à rendre, et j'ai des comptes à rendre sur des indicateurs de
performance véritables et, en face de moi, j'ai quelqu'un qui a l'autorité
pour me changer comme dirigeant si je ne livre pas la marchandise. Donc, il y a
cette tension qui est saine, mais en même
temps, une fois qu'on a établi le budget, les objectifs, le plan stratégique, à
partir de ce moment-là je suis
autonome dans l'exécution. C'est à moi d'exécuter... enfin, c'est à moi, étant
le responsable d'une entité
opérationnelle, c'est-à-dire qu'à chaque fois qu'il y a une décision à prendre
je ne dois pas appeler pour me faire donner
des instructions sur qu'est-ce que je dois faire. Je rends compte, je rends
compte périodiquement, pas nécessairement seulement qu'annuellement.
Parce que c'est ça, l'espèce de dialogue continu
dont on parle. Rendre compte, il va y avoir de l'information continue. S'il y a déviation, qu'on s'en rende
compte rapidement et non pas attendre à la fin de l'année pour se rendre
compte qu'effectivement on a manqué complètement les objectifs budgétaires
qu'on s'était donnés, etc. Donc, c'est enchâssé et enveloppé dans un système
d'information, là, bilatéral, entre les CISSS et les entités opérationnelles. Entre le ministère, le ministre et les CISSS, oui,
bien sûr budget global, bien sûr budget réparti, bien sûr priorités au
Québec, mais après ça, une fois qu'on a dit ça aux CISSS, c'est à elles à
prendre le relais... c'est à eux — ce sont des centres — à eux
à prendre...
M. Nadeau (Michel) : C'est vraiment
la distinction entre gouvernance et gestion. Or, le ministre ne se retire pas,
le ministre occupe les pleins pouvoirs de la gouvernance. Il est choisi par la
population, il a l'autorité politique de
gérer le système de santé. En termes de gouvernance, il occupe les pleins
pouvoirs de la gouvernance de l'ensemble du système. Ensuite, il bâtit
des priorités, des budgets que le CISSS... Ça veut dire que, s'il y a un problème
à l'hôpital de La Pocatière, le ministre
ne devrait pas répondre à l'Assemblée nationale d'une critique de l'opposition,
disant : C'est le CISSS qui doit
y répondre. Moi, je leur ai donné des priorités, s'il y a des problèmes là-bas,
bien, adressez-vous à eux.
M. Bédard (Gaston) : Si vous me permettez...
M. Barrette : Oui.
M. Bédard (Gaston) : ...j'ajouterais
juste, effectivement : Mais, même dans le rapport du comité de travail,
pour nous c'était fondamental qu'il y ait des redditions de comptes. Ça, c'est
certain, on responsabilise les régions. On y
tenait, aux régions, qu'ils se coordonnent, qu'il y ait de l'autonomie de
travail à l'intérieur des balises, mais il y a des redditions de comptes
à avoir. Puis ça, il faut que ça se fasse à tous les niveaux, au niveau des
centres, mais à l'ensemble des prestateurs de services, des redditions de
comptes.
• (15 h 30) •
M.
Barrette : Si je peux vous éclairer aussi sur le projet de loi
n° 10, le pouvoir d'intervention
du ministre dans les organisations,
il n'est pas là, essentiellement, pour être exercé. Idéalement, il ne devrait jamais
être exercé. C'est un peu comme une sécurité. S'il
advenait, comme on l'a vu dans certains exemples qui ont été grandement
publicisés dans les trois, quatre dernières
années au Québec, de grands centres hospitaliers qui ont,
au niveau de la direction, pris, on va
dire, de mauvaises décisions, à un
moment donné le ministre,
je pense, doit avoir la capacité de voir que ça se passe mal et d'intervenir. Mais je suis d'accord
avec vous que ce... bien, vous ne l'avez pas dit comme ça, mais, moi, la
manière que je le dis, c'est que le ministre devrait avoir ce pouvoir-là de
sécurité mais ne l'utiliser jamais, idéalement.
M. Allaire
(Yvan) : En effet,
mais en même temps, dans la structure que vous proposez, un problème
comme celui auquel vous faites référence, il y aurait un CISSS en quelque part
dont relève cette entité.
M. Barrette : Bien, moi, je parle au
niveau du CISSS, là, parce que, statistiquement, il est toujours possible qu'il
y ait un CISSS déviant.
M. Allaire (Yvan) : Ah! bien là,
oui, mais, à ce niveau-là, bien sûr le grand patron...
M. Barrette : C'est à ce niveau-là
que le...
M. Allaire (Yvan) : ...le grand
patron reste le ministre.
M. Barrette : Voilà. C'est à ce
niveau-là que vise cette clause-là, là.
M. Nadeau
(Michel) : Oui, mais
n'oubliez pas, M. le ministre, qu'il
y a un conseil d'administration. Le
problème qu'on a eu avec le CHUM, c'est que le ministre congédiait le directeur
général, faisant fi du conseil d'administration. Ça, c'est arrivé dans le
passé.
M. Barrette : C'est vrai.
M. Nadeau
(Michel) : Le conseil d'administration existe, là. Il faut que ce soit lui qui détermine
les conditions du D.G. et que ce ne soit pas négocié entre le D.G. puis
le ministère.
M. Barrette : O.K. Ça, vous avez
raison, tout à fait.
Un élément,
M. Allaire, bien, vous trois, qui m'étonne beaucoup dans votre
commentaire, c'est que vous remettez en cause la nécessité d'avoir des
gens qui ont une compétence, par exemple, dans la jeunesse et les services
sociaux.
M. Allaire
(Yvan) : Ce n'est pas
qu'on... On ne remet pas en cause, mais un profil de compétence... D'abord,
un, ce qu'on commence par dire, c'est : Au point de vue de la compétence,
c'est un profil collectif, c'est l'ensemble du conseil. On retrouve un ensemble de compétences et non pas
monsieur X a telle compétence, madame Y a telle compétence. On
peut avoir des gens qui ont des compétences multiples et, globalement, on a
donc l'ensemble des compétences dont on a besoin. Ce n'est pas de remettre...
C'est juste une incompréhension, parce qu'on a... Le reste, c'est facile :
«vérification», «risques», «éthique», «gouvernance», «ressources humaines», tout ça est clair. Tout à
coup, on arrive à «jeunesse». Jeunesse, jeunesse. Ça veut dire quoi, un «profil de compétence jeunesse» ou un profil... Tu sais, il
faudra le préciser, parce que ce n'était pas clair pour nous.
M.
Barrette : Bien. Mais vous
êtes d'accord... Je comprends que vous êtes d'accord
avec le fait que le conseil d'administration doit être compétent dans
tous les secteurs des activités qu'il gère.
M. Allaire
(Yvan) : Absolument,
il doit avoir une compétence collective pertinente aux enjeux de l'organisation.
M. Nadeau (Michel) : C'est-à-dire
une compétence diversifiée, c'est-à-dire des gens qui viennent de différents
milieux, qui s'enrichissent, qui ne sont pas des clones des «old boys'
network», autrefois, qui étaient tous identiques.
Là, ce qu'on dit : Idéalement, essayons d'avoir des groupes qui
représentent les... ethnoculturels, les groupes linguistiques, tout ça. Il faut chercher à avoir le conseil le plus riche
possible. Mais on ne doit pas se donner trop de contraintes, parce que, souvent, si vous avez trop de contraintes, ça va
être difficile, des fois, de trouver des candidats compétents.
M. Barrette : Je comprends votre
point puis je suis assez d'accord avec ce que vous dites. Il ne me reste pas beaucoup
de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Montpetit) :
Trois minutes.
M. Barrette : Trois minutes. Il faut
absolument que j'aborde avec vous l'élément suivant. Évidemment, j'ai expliqué
la raison pour laquelle, dans le projet de loi n° 10, au départ il y avait
mon intention de pouvoir avoir une influence
sur les nominations, pour m'assurer que ça soit les bonnes personnes. O.K.,
parfait, on le critique, puis c'est d'ailleurs la critique
sempiternelle, là, qui permet de perdre bien du temps dans la discussion et ne
pas s'adresser à la vraie problématique.
Je réécris la LSSSS demain matin, là,
et là je normalise, entre guillemets, je standardise les nominations. On
les prend où, les candidats? Quel est le
chemin, le mode de sélection, le mode de recherche d'individus qu'on doit
mettre sur ces conseils d'administration là pour que le ministre, là, il ne
soit pas là? Et les six sont indépendants, là, on les...
Puis
la question que je vous pose est simple : On est dans cinq ans, on est
dans six ans, là, tout le monde a fait deux mandats, là, mettons, et là on
renouvelle, alors qu'est-ce que vous proposez comme mécanique pour s'assurer
qu'au renouvellement, là, un coup que j'aurai pu voir et m'assurer que... O.K.?
Puis, encore là, je ne suis pas parfait, mais je ne suis plus là, là, puis il y
a un autre gouvernement, il y a un autre parti politique, et on veut s'assurer
de l'indépendance mais aussi de la performance et la qualité de ces
conseils-là et de ces dirigeants-là. Qu'est-ce
que vous me suggérez, vous qui êtes des experts en gouvernance, à mettre
comme mécanique en place?
M.
Allaire (Yvan) : Bien, d'abord,
on l'a dit, on est assez favorables à la mécanique de départ qui est dans le
projet de loi n° 10, c'est-à-dire qu'il y
ait un groupe d'experts qui proposent
des noms au ministre, parmi lesquels ils choisissent les membres... les premiers conseils, là, pour les
former. Par la suite, pour les membres du conseil, il y a
un comité de gouvernance, comme ça se fait ailleurs. Le comité de
gouvernance, il y a une vacance — habituellement, ça arrive par vacance — il y a une vacance, les membres du conseil regardent le
profil qui a été établi, regardent cette vacance-là crée quelle absence
de compétence au conseil, ou souhaite-t-on une compétence additionnelle. Donc,
on définit quelle personne on cherche, et le comité de gouvernance propose au
conseil, le conseil propose au ministre qui, lui, nomme. Le ministre peut être
en désaccord et ne pas nommer la personne qu'on lui propose, mais au moins il y
a une démarche structurée qui a été faite pour arriver à proposer au ministre
un candidat.
Pour
le P.D.G., le président-directeur
général, le conseil fait la même
démarche : propose de nommer une personne. Le ministre a cependant
un droit de veto sur ça. Le ministre peut rejeter la candidature. Il faut quand
même que le ministre se garde des leviers, étant le patron ultime,
n'est-ce pas, du système. Mais il reste que c'est une... l'exercice
veto, c'est quand même un geste politiquement
important. Il y a quand
même une démarche pour choisir la
personne. Il y a eu peut-être,
même, des recherches de faites par des spécialistes de la recherche. On
propose un candidat ou une candidate.
La Présidente (Mme
Montpetit) : Je vous remercie, M. Allaire.
M. Allaire
(Yvan) : Merci.
La Présidente (Mme
Montpetit) : Alors, je cède la parole à l'opposition pour une durée de
13 minutes.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Allaire, M. Nadeau, M. Bédard, merci de
votre présentation. Merci aussi de mettre votre expertise au service de la commission.
J'ai
posé une question assez régulièrement à plusieurs groupes et je vais vous la poser aussi : Est-ce que
vous avez été consultés pour le projet de loi n° 10?
M. Allaire
(Yvan) : Est-ce qu'on a été...
Mme Lamarre :
Vous n'avez pas participé aux travaux qui ont conduit au projet de loi n° 10.
M. Allaire
(Yvan) : Non.
Mme Lamarre :
D'accord. Maintenant, est-ce que... Donc, je vais aller dans vos commentaires
plus... de contenu. Au niveau de la gouvernance, je suis vraiment très en
accord avec l'importance de réajuster les conseils d'administration et les organisations,
avec de meilleures règles de gouvernance. Et il me semble par contre qu'il y a,
dans un contexte de réseau complet de la
santé qui est en crise... Parce qu'il faut aussi voir qu'on introduit des règles
de gouvernance mais pas dans un contexte où on est sur une eau tranquille, mais
où on est vraiment en crise, en déficit d'accès — 2 millions de Québécois
qui n'ont pas accès à un médecin de famille sur 8 millions — et là
on voit qu'on canalise beaucoup,
beaucoup d'énergie sur des structures de gouvernance qui
sont souhaitables, et j'en suis, d'accord? Il y a un élément, dans le fond,
sur lequel je ne veux pas passer beaucoup de temps, même si le ministre
a évoqué qu'on pourrait en passer beaucoup, les règles de nomination. Je
pense que c'est très, très sain, puis on a juste à écrire, dans le projet
de loi, qu'après le premier mandat ce
ne sera plus le ministre qui va nommer, puis on trouvera des options.
Alors, moi, je pense que, si on est sûrs que c'est ça qu'on veut, on a juste à
l'écrire. Et, si ça avait été écrit, je pense qu'on n'en aurait pas parlé de cette
façon-là. Et, si l'intention, c'est vraiment
de remettre l'autonomie et la responsabilité
aux différents CISSS, eh bien,
il y a une façon très claire de rassurer tout le monde, et ça ne sera
pas long. Alors, j'arrêterai mes commentaires là-dessus, mais le message
est très, très clair à ce niveau-là.
Maintenant, vous avez
fait référence à vos visites dans différents établissements tout au long de
l'année, et l'accompagnement, et c'est tout
à votre honneur, parce que je
pense qu'il y a peu de gens qui ont
eu... qui se sont fait un devoir
d'accompagner et de devenir témoins de ça. Et on peut concevoir que, pour les
différents conseils
d'administration, c'est complexe de gérer
des hôpitaux. Maintenant, vous avez fait référence, très souvent justement,
au fait que c'était la gestion de l'hôpital,
et c'est sûr que, quand on pense à notre système de santé et au conseil d'administration, la première grande référence à laquelle
on pense, c'est l'hôpital, c'est notre morceau principal.
• (15 h 40) •
Or, ce qu'on entend depuis deux semaines ici,
c'est qu'un réseau de santé, c'est beaucoup plus que ça. Et ça devrait être de moins en moins l'hôpital,
puisque la durée de séjour devrait être de plus en plus courte. Et l'hôpital, sur lequel on a toujours centré nos modèles de
gouvernance, ou, en tout cas, de direction, ou de gestion, n'est plus la
référence. Il devrait être au contraire un parcours, un incident dans le
parcours de vie d'un patient et un parcours de santé d'un patient, où on commence par anticiper la
prévention, les mesures de santé publique, un soutien dans les cas de
déficience physique, intellectuelle, une récupération de tout ce qui est
récupérable. On a eu les orthophonistes qui sont venus nous dire que nos petits-enfants de trois ans étaient sur une liste
d'attente de trois ans avant d'avoir accès à des services. On se rend
compte de comment on les pénalise et comment on alourdit notre système de santé
très rapidement lorsqu'on n'intervient pas au bon moment à cet endroit-là.
Donc, moi,
quand je vois vos cinq éléments, je reconnais, pour avoir fait des exercices
de gouvernance à l'Ordre des
pharmaciens, au Conseil interprofessionnel du Québec, à l'Office des
professions, les grands thèmes et les
grandes qualités qu'on doit retrouver au
sein d'un conseil d'administration avec une gouvernance. Mais comment s'assurer
qu'à travers toute cette diversité et
tous ces niveaux d'intervention on ait, à travers 15 personnes, la
sensibilité nécessaire pour bien comprendre
et attribuer les bons budgets? Parce qu'on est vraiment dans ça, là : les
bons budgets, les bonnes priorités pour un ensemble de population qui a
des caractéristiques et des besoins fort différents.
M. Allaire
(Yvan) : Bien, écoutez, je pense que ce que vous venez d'exprimer et
de décrire devrait faire partie, justement,
du mandat et des objectifs que l'on donne à un CISSS. Je veux dire, ce n'est
pas que l'hôpital, le CISSS, c'est la responsabilité pour l'ensemble des
établissements d'une région, incluant des activités de prévention. Et donc, ce
que vous décrivez, si vous étiez membre du
conseil CISSS, vous pourriez faire état de ça et dire : Voilà, il faut
s'occuper de ça et en faire une priorité, et que ça soit ainsi, et que
l'on coordonne les activités des différents établissements pertinents pour
atteindre ces objectifs-là.
Et je pense
qu'on donne là un mécanisme et un moyen pour atteindre des objectifs comme
ceux-là, qui sont très difficiles à atteindre dans le système
actuellement, vous avez raison. Mais je pense que, là, avec ce qui est proposé,
notre compréhension de ce qui est proposé,
c'est un mécanisme qui pourrait fort bien aller dans le sens de ce que
vous proposez et la recherche d'une amélioration et d'une coordination de soins
au-delà de l'hôpital, avec, bien sûr, les soins aigus à ce moment-là.
Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose,
M. Bédard?
M. Bédard (Gaston) : Bien, en fait, il
faut se rappeler que, c'est sûr, le conseil d'administration est à un niveau d'orientation stratégique. Et puis ce qu'on
propose autant dans notre comité de travail, c'étaient des régions qui
étaient davantage coordonnées dans les activités vers le patient, vers la
patiente. C'est ça qui était le coeur de notre mémoire, puis c'est un peu ça qu'on commente dans le projet de loi
n° 10, pour s'assurer que ça, ça se vive par région. Le conseil verra à s'assurer que ça, c'est fluide,
dans ses décisions. Je ne pense pas que le conseil doit rentrer dans les
activités quotidiennes. S'assurer que les
liens sont faits et puis que l'équipe médicale est aussi en lien avec les priorités
de la région ou d'un centre en particulier, parce que ça peut être un
centre jeunesse ou un autre centre... puis ça, c'est majeur.
Rappelez-vous, notre rapport tient compte de la
région puis le patient au coeur de cette région-là. Ça, c'est vraiment très, très important pour nous. Donc, ce
n'est pas, selon nous, un défi d'avoir 50 personnes autour de la
table, ou 15. Je pense que 15 personnes avec les profils nécessaires qu'on
a de besoin, complémentaires, comme M. Allaire l'a mentionné tantôt, qui fait qu'on a une compétence collective dans son
rôle, puis encadrés dans des grandes orientations ministérielles qui sont assez précises, qui sont
claires, qui ont été négociées, avec des redditions de comptes, ça
devrait bien aller. Je ne vois pas de difficulté en termes d'orientation.
Mais, je rappelle, on l'a dit tantôt dans la
présentation de M. Allaire, c'est important que les régions aient l'imputabilité... l'autonomie, l'imputabilité
nécessaires, bien sûr sujettes à des redditions de comptes, puis en complicité
ou, bien, en synchronisation avec les grandes orientations ministérielles.
M. Nadeau
(Michel) : La force, la force de ces 15 personnes là, c'est la
connaissance du patient. Actuellement, on a des comités d'usagers, qui sont très sympathiques, mais ce n'est pas
suffisant. On ne connaît pas suffisamment les besoins des patients, des usagers. Et ça, les conseils
d'administration, c'est peut-être le seul endroit où, peut-être, on
prévoirait, nous... on proposerait une
augmentation du budget, la connaissance des besoins des usagers, pour être
certains qu'on couvre tous les besoins des usagers dans une région
donnée.
Vous avez raison, l'usager doit être capable de
se déplacer dans un rayon de 50 kilomètres pour avoir des soins optimaux, pour empêcher les rivalités entre
deux établissements qui sont à un kilomètre
l'un de l'autre, là. Mais, dans ce
contexte-là, si le conseil se donne de bons outils pour bien connaître les
besoins du patient, des usagers, il y
aura là un outil pour voir à ce que les joueurs soient bien servis.
Mme
Lamarre : Parce que je
regarde... En fait, je reviens, là, sur la gestion de risques et qualité, par exemple, et je vois des extrêmes énormes, et je me dis : Qui, dans le monde, a une
compétence pour être en même temps compétent en gestion de risques et qualité, quand on parle d'un traitement de
chimiothérapie pour un patient ou un traitement expérimental, et quand
on parle de populations ou de jeunes qui sont excessivement vulnérables, parce
qu'ils sont dans un contexte social où il y
a de la violence, où il y a de l'inceste, alors qui aura les compétences de
gestion de risques et de qualité? Et, si
j'ajoute le contrôle des médicaments à travers ça, je vous avoue qu'autant je
suis tout à fait... je comprends très
bien la pertinence d'avoir ça, autant je me dis... je ne vois pas... il me
semble qu'il manque quelque chose.
Et
juste... je vais passer la parole à mon collègue le député de Rosemont, mais il
y a une dimension aussi un peu magique dans les économies qui sont
prévues par le projet. On dit qu'on aura des économies de 220 millions.
Déjà, on prend un
20 millions de santé publique qu'on recentralise et, de façon réaliste...
Vous qui avez déjà fait, donc, ce genre d'opération là, est-ce que c'est
réaliste de penser que, sur les 1 300 postes, en en rapatriant 112 à
Québec, parce que c'est le projet qu'on a, ça va fonctionner?
M. Allaire
(Yvan) : M. Bédard.
M. Bédard (Gaston)
: Si vous me permettez. En fait, le coeur de notre travail qu'on a fait en
matière de gouvernance la dernière année
n'est pas tellement centré sur les économies. Si ça adonne, des économies,
comme on peut facilement le voir, ce n'était pas ça qui est le coeur de
notre réflexion, c'était la coordination des soins pour assurer une meilleure fluidité par région. Ça, c'était ça
qui était notre point de départ puis, même, notre point d'arrivée. Dans
les recommandations du comité, dont ils sont repris en partie dans le rapport,
c'est d'assurer une meilleure coordination de
l'ensemble des soins vers le patient, de différents niveaux, de différents
secteurs, ce qui n'empêche pas de tenir compte des particularités.
Puis
je vous le rappelle : Selon nous, le comité... C'est sûr que le conseil
d'administration est à un autre niveau, il ne peut pas tout gérer, là. Pourvu que ce soit bien encadré dans des
pratiques, des politiques qui sont bien définies en fonction des
priorités d'une région donnée, donc, quand on réfère à des données qu'on a de
besoin, le conseil, pour s'assurer que les
décisions sont bien prises, les argents ou les budgets qu'on a sont bien
partagés en fonction de ça, je pense que c'est ça qui est prioritaire. Donc, dans notre rapport, M. Allaire, je pense
qu'on faisait davantage référence à une gouvernance qui nous porte davantage vers le patient et
patiente. Ça, c'était important de se le rappeler, mais, pour nous, tout au
moins.
Mme Lamarre :
Merci.
La Présidente (Mme
Montpetit) : M. le député de Rosemont, il vous reste deux minutes.
M.
Lisée : Très bien. Alors, je vais poser mes questions
rapidement, et je vais solliciter votre esprit de synthèse aussi. Sur les questions de gouvernance, on nous a
rappelé, ici, la règle des 500 000. C'est-à-dire qu'au-delà de
500 000 salariés ou... pas de 500 000 salariés...
Mme Lamarre :
Habitants.
M.
Lisée : ...mais 500 000 habitants dans une zone,
c'était illusoire de penser qu'on pouvait gérer correctement. Or, dans certains cas, par exemple en Montérégie, la
CISSS proposée aurait 1 500 000 citoyens à traiter. Donc, c'est
trois fois la norme. Qu'est-ce que vous en pensez?
Sur vos quatre
piliers... La gouvernance stratégique, vous avez, quatrième pilier, motivation,
reconnaissance, récompense, rémunération et vous parlez de la rétroaction avec
les groupes clés. Alors, motivation et rétroaction, là on abolit un grand nombre de conseils d'administration, vous
dites : C'est un genre de bric-à-brac. D'accord? Mais il y avait quand même des gens, des bénévoles, des artisans,
des usagers qui donnaient de leur temps, qui étaient engagés, qui
étaient consultés, puis qui trouvaient qu'ils ne faisaient quand même pas une
mauvaise job, et qui, ce faisant, donnaient une valeur ajoutée — leur
temps, leurs connaissances — et
parfois participaient à des fondations, lever des fonds, et là, maintenant, ils ne seront plus mobilisés ainsi.
D'ailleurs, on leur dit : On n'a pas besoin de vous, on abolit vos
conseils d'administration. Alors, comment
est-ce qu'on va faire à la fois la rétroaction et la mobilisation si, d'un seul
coup, on dit à tous ces
gens-là : Savez-vous, vous avez tellement mal travaillé qu'on ne vous
réunit plus, puis on n'a aucune instance où vous réunir, valoriser votre
participation et vous inciter à nous faire de la rétroaction et à participer au
succès de votre institution?
• (15 h 50) •
M.
Allaire (Yvan) : Oui. Bien, écoutez, d'abord, chaque établissement,
qui s'appelle maintenant des entités de service, a toute latitude, dans
ce système, de mettre en place les groupes de consultation, les groupes de
bénévoles : vous participez à
l'opération. Il y a une différence entre être membre d'un conseil avec les
responsabilités décisionnelles pour
l'ensemble et être un bénévole qui veut vraiment contribuer à améliorer le
système, à recruter des fonds, à recruter... à travailler pour ça. Je
pense qu'une entité quelconque...
La Présidente (Mme
Montpetit) : M. Allaire, je vais devoir vous interrompre encore.
M. Allaire
(Yvan) : ...On reprendra...
La Présidente (Mme Montpetit) : Donc, je cède la parole au deuxième groupe de l'opposition pour 8 min 30 s.
M.
Caire :
Bonjour à vous trois, merci de votre présentation. J'aurais, d'entrée de jeu,
pour M. Bédard, une question. Parce que vous nous avez amenés sur un
terrain qui m'a interpellé en disant que le ministre ne devrait pas avoir à répondre à des questions
de gestion au niveau des CISSS, puis j'aimerais ça que vous
développiez là-dessus, parce que je vous avoue que ça heurte plusieurs
de nos principes démocratiques. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, peut-être
vous permettre de préciser votre pensée.
M. Nadeau (Michel) : Bien, je
pense qu'il faut... chaque... Il faut
avoir un système imputable, mais, lorsqu'il arrive un incident — les infections nosocomiales à
Saint-Hyacinthe — et
le problème rebondit à l'Assemblée
nationale parce qu'un membre de la Tribune de la presse ou quelqu'un a publié un
article dans Le Journal de Montréal, et là, à ce moment-là, ça devient un enjeu national, moi, je
pense qu'il importe de dire : On a une région, on a des sociétés
d'État au Québec, on a des organismes où il y a des gens intelligents qui sont
capables de gérer ça, ils ont la responsabilité, ils ont accès à des cadres. Alors, ça, dans la réponse de la députée tout à
l'heure — la
députée de Taillon — les
cadres sont là, hein? Les membres du
conseil ne sont pas des experts, les experts sont les cadres. Donc, le conseil
d'administration répond aux préoccupations
des gens. Et, s'il y a des incidents dans une région, ce n'est pas au ministre
à répondre, il doit envoyer les
intéressés au niveau de la région. Si c'était une question de politique, là,
évidemment, il peut changer la politique...
M.
Caire :
Oui. C'est parce que...
M. Nadeau
(Michel) : Mais, si c'est un incident...
M.
Caire :
Mais je...
M. Nadeau
(Michel) : ...si c'était un incident, c'est la région... les
gestionnaires de la région...
M.
Caire :
M. Bédard, je... Monsieur...
Une voix :
M. Nadeau.
M.
Caire : ...je vous arrête 30 secondes, là. Vous
dites : Si ce n'est pas une question de politique. Mais, vous êtes d'accord avec moi, l'Assemblée nationale, nous
sommes les responsables et les gardiens des deniers publics. Ce n'est
pas le gouvernement, là, on s'entend
là-dessus? Le gouvernement présente un budget, et, sous approbation ou non de
ce budget-là, l'Assemblée nationale
octroie des crédits au gouvernement pour qu'il puisse mettre en oeuvre son
budget, on s'entend?
M. Nadeau
(Michel) : Et ce gouvernement nomme des fonctionnaires responsables.
M.
Caire :
Tout à fait. Sauf que, ces fonctionnaires-là, au mieux, je vais les rencontrer
une fois par année puis je vais être capable de leur poser peut-être pour
10 minutes de questions. Vous et moi, on va échanger pendant huit minutes, là. Puis ça, c'est comme ça
continuellement. Donc, comment puis-je, moi, comme député, m'assurer que
les deniers publics sont bien dépensés,
efficacement, que la structure qui est en place répond aux exigences du public,
comme c'est mon devoir et mon travail,
prescrit par la loi, les trois fonctions d'un député, comment je peux faire ça
autrement qu'en questionnant le ministre?
Moi, je veux bien ce
que vous me dites, là, mais ce que ça implique, c'est qu'à volonté on va
demander à un gestionnaire de CISSS de venir
à l'Assemblée nationale répondre à nos questions. On va demander aux cadres de
venir s'asseoir ici pendant des heures et des heures, le temps qu'on puisse les
questionner adéquatement sur la façon qu'ils ont
non seulement de dépenser les deniers publics, mais de gérer le réseau de la
santé. Je ne suis pas sûr que ça serait une façon efficace de faire.
Il m'apparaît que le
ministre, et c'est le principe de la responsabilité ministérielle, le ministre
est la personne qui doit répondre de
l'administration que font les gens qu'il mandate et qui sont sous sa
responsabilité. Vous ne pensez pas que ça, ça serait une saine
gouvernance?
M. Nadeau (Michel) :
Non.
M.
Caire :
Bien, écoutez, on a un profond désaccord.
M. Nadeau
(Michel) : Non. Moi, je pense qu'il y a des assemblées publiques... S'il
y a un problème dans un hôpital dans votre
comté, évidemment les gens pourront, lors de l'assemblée régionale, s'exprimer.
Le problème doit rebondir...
M.
Caire :
Non, mais, monsieur...
M. Nadeau
(Michel) : ...c'est une question de politique nationale.
M.
Caire :
...la question n'est pas de s'exprimer, la question est de demander une
reddition de comptes. Bon, vous êtes
d'accord avec moi que les fonctionnaires du réseau de la santé, comme tous les
fonctionnaires, de toute façon, sont au service de leur ministre? Est-ce
qu'on s'entend là-dessus?
M. Nadeau
(Michel) : Oui, mais, si on nomme une structure régionale CISSS, là,
cette structure-là doit être imputable de quelque chose.
M.
Caire :
Non, mais ça, c'est le problème du ministre.
M. Nadeau (Michel) : Le ministre ne
peut pas être imputable de tout.
M.
Caire :
L'organisation que le ministre fait dans sa responsabilité qu'il a d'organiser
les soins, ça, c'est son problème. Hein, ce n'est pas le mien. Si lui décide de
créer les CISSS, bon, il propose un projet de loi, il le fait adopter. S'il décide de faire des CSSS, il fait
des... L'organisation ne relève pas de ma préoccupation. La performance,
l'efficacité et la bonne administration des deniers publics, oui.
Ce que je
comprends, là, c'est que les fonctionnaires devraient avoir toute autorité pour
régler les problèmes au quotidien, puis le ministre ne répond à aucune
question. C'est de la saine gouvernance, pour vous, ça?
M. Allaire (Yvan) : Alors, peut-être
que je peux essayer de clarifier la position.
M.
Caire : Oui, ça
serait une bonne idée.
M. Allaire
(Yvan) : Oui? Bon, voilà. Toute question où il y a un problème dans le
système peut être légitimement, bien
sûr, adressée au ministre. Il aura
reçu des gens responsables, peu importe où ils sont, quel est le problème,
quelle est la nature, quelles sont les mesures qui ont été prises, et bien sûr
répondra en fonction de cela à la question qui est posée.
Ce envers
quoi on met en garde, c'est que le ministre ensuite dise : Bien là, maintenant,
pour régler ça, je vais, moi, décider que je dois changer le directeur
de l'hôpital, de l'établissement là-bas...
M.
Caire : On
s'entend.
M. Allaire
(Yvan) : ...alors qu'il y a
un conseil d'administration, il y a des gens qui sont responsables de régler
le problème, mais que la pression ne soit pas telle que la seule solution, c'est
que le ministre lui-même décide que monsieur X ou
madame Y vont être mis à la porte parce il y a ci et cela. C'est la
différence. Mais bien sûr que les questions sont adressées, il a toutes les
ressources pour y répondre.
M.
Caire : M. Allaire,
on s'entend très bien. Et ce que je comprenais de l'intervention... Et, vous
savez, moi, je ne peux pas appeler dans un
CSSS X, Y, exiger de parler au P.D.G. et lui demander : Qu'est-ce qui
s'est passé? Je ne peux pas. Il ne me
répondra pas puis il va dire : Écoutez, la seule autorité que je
reconnais, c'est celle du ministre. Donc, cette reddition de comptes là,
directe, elle est impossible, la seule reddition de comptes possible, elle est
indirecte par la voix du ministre. Donc, je voulais être sûr qu'on s'entend
là-dessus.
M. Allaire (Yvan) : C'est ça, oui.
M.
Caire :
Ceci étant dit, vous avez fait des propositions que je trouve extrêmement
intéressantes et vous nous avez mis
en garde sur un certain nombre de choses. Vous dites que le ministre nomme les
gens d'un conseil d'administration sur des
profils de compétence, c'est une excellente chose, j'en suis. Il y a par
contre, dans la loi, une possibilité, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est celle que le
ministre a de discarter la liste qui lui est proposée et de ne pas en tenir
compte dans ses nominations. Ce qui nous fait craindre que le profil politique
devienne un profil dont on tient compte au moment de faire des nominations, ce
qui nous apparaît un peu contraire à la saine gouvernance, et j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Allaire
(Yvan) : Écoutez, ce genre de clause, je ne vous dirais pas qu'elle
est inhabituelle, mais il y a toujours une
espèce de clause de réserve de placée au cas où le processus aboutirait à des
conclusions qui ne sont pas acceptables. Je pense que le véritable garde-fou à cela, c'est qu'une telle démarche qui
aboutit à des propositions de noms de personnes et que systématiquement
on en fait fi, il y aurait un prix politique élevé à payer à cela. Il y aurait
un prix politique à payer à cela.
Moi, écoutez,
c'est la même chose que... bien, pas la même chose, mais enfin, aux sociétés
d'État, si on nomme des gens qui ne sont pas selon un profil proposé par
l'institution, par l'organisme lui-même, par la société... Ces profils-là
devraient être publics, et on doit, les partis d'opposition comme les médias,
interroger et dire comment la personne qui
vient d'être nommée répond-elle au profil qu'on a établi pour ce conseil. Et
évidemment, parfois, c'est peut-être un peu difficile d'y répondre, mais
ça ne peut pas être systématiquement cela. Sinon, là, on a un problème de
démocratie.
La Présidente (Mme Montpetit) : Il
vous reste 30 secondes.
M.
Caire :
Une dernière question. Bien, écoutez, je regardais les profils de compétence,
et, de notre avis, il y a un profil qui manquait, c'est le profil d'un
gestionnaire au sens vraiment large du terme. Parce qu'il y a toutes sortes de
compétences très précises, mais il m'apparaissait que, sur les candidats
indépendants, il aurait été souhaitable d'avoir un profil de gestionnaire. Je
ne sais pas ce que vous en pensez.
M. Allaire (Yvan) : Ah! écoutez, il
serait bien étonnant que, parmi les profils, parce qu'on parle d'un profil collectif et non pas personne par personne comme
c'est dans le projet présentement, il serait bien étonnant qu'il n'y ait
pas là des gestionnaires. C'est bien
difficile, je veux dire, d'avoir une expertise comme en gestion de risques, en
vérification sans avoir géré quelque chose en quelque part, à un moment donné.
Maintenant,
aussi, je dirais qu'au niveau du président du conseil on devrait tenir compte
de votre préoccupation. Le président
du conseil en particulier, il est difficile d'être un bon président de conseil
si on n'a pas l'expérience de gestionnaire.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. Allaire. Mme la
députée de Gouin, pour trois minutes.
• (16 heures) •
Mme David
(Gouin) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Messieurs, j'ai trois
minutes, je vais aller vite, en commençant d'abord par dire ceci
clairement —vous
ne serez pas surpris : Pour la formation politique que je représente, le
réseau public des services sociaux et de santé n'est pas une entreprise et ne
peut être géré comme une entreprise. Ce
n'est pas Bombardier, ce n'est pas Wal-Mart, ce n'est pas McDo, ce n'est pas
Tim Hortons, c'est le réseau public,
multiforme, complexe, implanté partout au Québec, y compris dans le moindre
village, de services sociaux et de santé.
Et donc le débat que nous avons, en fait, c'est intéressant parce que c'est la
tension dans ce système entre différents éléments. D'une part, la démocratie. Il faut qu'il y ait de la
démocratie dans ce système-là, il faut que les citoyennes, les citoyens se sentent représentés et pas seulement à l'Assemblée
nationale. Et c'est pour ça que leur participation, quant à nous, est importante. La prise en compte des particularités locales, sous-régionales — moi, j'ai beaucoup de difficultés
avec les CISSS parce que je me demande
vraiment comment ils vont faire pour prendre vraiment en compte, là, les
besoins des gens dans le moindre village du Québec — la prise en compte
aussi des besoins des travailleuses du réseau, et je fais exprès de le dire au féminin, ce qui nous amènera...
On n'aura pas le temps, mais je veux affirmer, évidemment, mon parfait
désaccord avec votre propos sur la parité qui serait une contrainte. Mais il
faut prendre en compte les besoins de ces travailleuses-là aussi, elles sont
l'armature du réseau, bien au-delà des gestionnaires.
Alors, il y
a, d'un côté, tout ça puis, de l'autre côté, bien, évidemment, la nécessité
d'une gestion efficace. Tout le monde est d'accord avec ça. Mais ce que
vous proposez, c'est une sorte de modèle unique, formaté, uniforme, un CISSS
par région qui va être capable de résoudre toutes ces tensions. J'ai de la
difficulté à vous comprendre.
M. Allaire
(Yvan) : D'abord, juste pour un point important, nous avons dit que la
parité hommes-femmes est incontournable.
Là, ce qui n'est pas souhaitable, c'est qu'à chaque fois qu'on fait une liste
on soit obligés d'avoir 2-2, 2-2, 2-2. Ce qui compte, c'est que le
résultat soit la parité.
Mme David (Gouin) : Mais, si on ne
fait pas des listes contraignantes...
M. Allaire (Yvan) : Bien, ça peut
être...
Mme David (Gouin) : ...le résultat
ne sera pas la parité, vous le savez très bien.
M. Allaire
(Yvan) : Bien, le ministre... On l'a dans les sociétés d'État puis on
n'a jamais fait cette démarche. On a une parité hommes-femmes dans les
sociétés d'État parce que c'est la loi, parce qu'on a dit que c'est ça.
Mme David (Gouin) : Parce que c'est
la loi, voilà!
M. Allaire (Yvan) : Mais oui, mais
là on s'engage à la parité... La loi n° 10 dit : La parité...
Mme David (Gouin) : Voilà!
M. Allaire
(Yvan) : ...donc on va l'avoir, la parité, mais pas nécessairement...
On n'a pas dit, dans les sociétés d'État :
À chaque fois qu'il y a une candidature, il faut qu'il y ait le même nombre de
candidats hommes, femmes proposés. Ce qu'on fait, on regarde le conseil
puis, avoir trois hommes, une femme, on choisit la femme parce que c'est ainsi qu'on va atteindre la parité. Ou il peut y avoir
trois femmes, un homme, ce qui est souvent le cas maintenant,
d'ailleurs. On a de la difficulté à trouver
un homme pour faire... En tout cas, disons que c'est la... Nous avons dit
clairement : La parité est incontournable.
Mme David (Gouin) : J'espère bien!
M. Allaire (Yvan) : Bien oui! Mais
c'est...
M. Nadeau
(Michel) : Je vais... Votre question, moi... la question... Le vrai
débat que vous posez : Est-ce que ça doit être des fonctionnaires
ou des citoyens qui gèrent le réseau de la santé?
Mme David (Gouin) : Mais,
franchement, est-ce que ça peut être un mélange?
M. Nadeau (Michel) : Bien, nous,
c'est pour ça qu'on croit...
Mme David (Gouin) : Je ne dis
pas : Que des citoyens, non plus, là.
M. Nadeau (Michel) : Si on veut que
les citoyens... donnons-leur de l'information...
Mme David (Gouin) : Bien voilà!
M. Nadeau (Michel) : ...donnons-leur
une participation dans des conseils d'administration efficaces.
La Présidente (Mme
Montpetit) : Je vous remercie. Ceci met fin à nos échanges. Je
remercie beaucoup nos invités de l'Institut sur la gouvernance d'organisations
privées et publiques.
Je vais suspendre les travaux quelques instants
et j'invite le prochain groupe à prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 3)
(Reprise à 16 h 6)
La
Présidente (Mme Montpetit) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. Merci
à nos invités. Je vous souhaite la
bienvenue. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous
présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire
votre exposé, et par la suite nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. La parole est à vous.
M. Nico Trocmé et Mme
Delphine Collin-Vézina
Mme Collin-Vézina (Delphine) :
Bonjour. Je suis Delphine Collin-Vézina, directrice du centre de recherche sur l'enfance et la famille de l'Université McGill, Chaire de recherche du Canada en aide sociale à l'enfance et professeure
agrégée à l'École de service social de l'Université McGill.
M. Trocmé (Nico) : Je suis Nico
Trocmé. Je suis directeur de l'École de service social à McGill.
Mme
Collin-Vézina (Delphine) :
Alors, bonjour. Merci d'abord de nous recevoir. C'est un très grand
privilège d'avoir l'occasion
de venir partager avec vous notamment nos préoccupations entourant le projet de loi n° 10, au sujet plus spécifiquement... Aujourd'hui,
nous allons discuter de nos préoccupations en lien avec l'intégration des
services de protection de la jeunesse à
travers, donc, les mégastructures des nouveaux établissements régionaux. Et
c'est en tant que chercheurs,
partenaires des centres jeunesse, mais aussi de nombreux établissements de santé et d'organismes
communautaires que nous avons déposé un mémoire afin de partager nos
craintes envers des impacts négatifs potentiels de la perte d'une indépendance
structurelle des centres jeunesse.
Cette inquiétude concerne principalement la
perte d'expertise clinique essentielle au déploiement de services de qualité pour les jeunes et les familles. Le
Centre de recherche sur les enfants et la famille de l'Université McGill, que je dirige, est riche d'une tradition de travaux cliniques
et de recherche auprès des enfants et des familles depuis 30 ans. Ce
groupe regroupe une centaine de chercheurs réguliers, chercheurs associés,
étudiants gradués et partenaires qui collaborent
étroitement pour développer des recherches portant sur les trajectoires de
services des jeunes et des familles suivis en protection de la jeunesse
ainsi que sur l'implantation, l'efficacité et le coût-bénéfice des programmes
de prévention et d'intervention en matière de protection de l'enfance.
Ces collaborations nous permettent d'apprécier toute la complexité du travail mené en
protection de la jeunesse, tant en
milieux urbains que ruraux, pour les francophones, anglophones et allophones du
Québec de même qu'auprès des communautés autochtones. Il nous apparaît
clairement que ce travail se distingue des interventions dans d'autres contextes liés à la santé et aux services sociaux.
Alors que le modèle médical vise l'établissement de diagnostics à partir de tests précis et
de la détermination d'un traitement spécifique qui permettra d'éradiquer un problème,
les intervenants en protection de la jeunesse naviguent dans des situations
ambiguës où la notion d'évaluation du risque comporte de multiples
déterminants.
On n'a qu'à
penser, à titre d'exemple, à la mère dépressive, isolée, qui fait face à plusieurs
conditions d'adversité, qui donne naissance à un enfant et pour lequel
le corps médical s'inquiète au sujet du milieu familial dans lequel il grandira. Ces craintes sont probablement justifiées, mais sur la base de quelle évidence et à partir de quel
niveau de gravité jugerons-nous nécessaire de placer ce bébé en famille
d'accueil, au risque de le priver de sa mère? De la même façon, comment peut-on discerner la punition
corporelle de la maltraitance physique, les conditions de pauvreté de la
négligence, les paroles inadéquates de la violence psychologique? Toutes ces
évaluations requièrent une expertise pointue de la part des intervenants en
protection de la jeunesse de même qu'un encadrement et un soutien important de
la part des gestionnaires de ce réseau.
Nous craignons que la perte de l'indépendance
structurelle des centres jeunesse modifie significativement l'évaluation et la
prise en charge des dossiers signalés à la protection de la jeunesse, ce que
suggèrent nos analyses comparatives avec les autres provinces canadiennes, tel
que mon collègue Nico Trocmé vous présentera à l'instant.
• (16 h 10) •
M. Trocmé (Nico) : En effet, ce qui
nous inquiète, c'est que le Québec a le système de service de protection de la jeunesse le plus efficace du Canada.
Je crois que vous avez avec vous le mémoire qu'on a déposé. Vous verrez tout
de suite que, par rapport aux autres provinces pour lesquelles nous avons
des données, le taux d'investigation
au Québec est le plus bas, il est à
13 pour 1 000 par rapport à l'Ontario, par exemple, qui se compare à
beaucoup de niveaux par rapport aux besoins de la population. Le taux
est haut en Ontario, il est à 54 pour 1 000. On a un système, au Québec,
qui est particulièrement bien développé, à
la fois autour de services de première ligne, de prévention, mais également un
système de triage où la moitié des signalements ne sont pas retenus suite à un
triage particulièrement efficace.
Si on pense
en fonction d'efficacité, justement, si on compare de nouveau le Québec aux
autres provinces — nos comparaisons
sont entre le Québec, la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et
l'Ontario — si on
compare le Québec aux autres provinces, on voit que le
Québec a également le taux de dossiers fermés sans que l'on fasse suite à des
services le plus bas. On ferme à un taux de neuf pour 1 000 par rapport à
40 pour 1 000, parlant de nouveau de l'efficacité
particulière du système québécois où les centres jeunesse sont déjà
particulièrement bien intégrés à l'intérieur du réseau des services et
ont un système de gestion du risque qui est très particulier à leurs fonctions.
Ce qui nous inquiète, c'est que cette
fonction de gestion du risque soit compromise dans un processus de
réorganisation où l'Ontario... où le Québec n'aurait plus nécessairement
accès au même soutien, à la même expertise.
Ça fait
depuis 15 ans que je travaille avec un nombre de provinces sur, justement,
cette question. J'étais impliqué, en Ontario pendant les années 90,
dans la révision de la loi en Ontario, où, en particulier, on avait fait face à
cette question de la réorganisation des
services ou pas. Et, suite à une analyse assez approfondie, la décision avait
été faite de ne pas intégrer les
services de protection. On est revenus à cette question de nouveau, en Ontario,
une seconde fois, dans les années 2000, et ma collègue Mme
Thompson, il y a deux ans, a été impliquée au niveau de l'Ontario également une
troisième fois. Toujours cette même question
revue. Toujours la même décision de garder les services structurés de
façon à la fois régionale, mais à l'intérieur de centres jeunesse spécialisés.
En Alberta, ce qui est intéressant... J'ai été
également impliqué de ce côté-là deux différentes fois dans des revues de système. Là, la difficulté, c'est que
l'Alberta a essayé justement de s'approcher du modèle québécois et a
essayé d'introduire une approche plus régionalisée avec une direction plus
régionalisée, avec des conseils d'administration au niveau des centres jeunesse. Ça n'a jamais bien fonctionné. Ils n'ont
jamais été capables de bien mettre ça en place. Suite à une analyse de
la situation, ils ont décidé de retourner à un système centralisé et se
retrouvent avec un taux à la fois d'investigation et de placement qui est beaucoup
plus élevé que le Québec.
On a, pour le moment, un système qui est
particulièrement bien équilibré de ce côté-là. C'est des décisions très complexes. Notre crainte, c'est que,
l'intégration de ces services à l'intérieur d'un système de services plus
élargi, il y ait une perte de cette
expertise, et que l'évaluation du risque, qui est assez complexe, sera
comprise, et que l'on finisse par voir,
comme on a vu en Alberta et en Ontario — en Ontario, on a finalement vu un doublement
dans le nombre d'enquêtes et un
accroissement de plus de 40 % dans le placement des enfants — que l'on finisse par voir une expansion
similaire si on ne protège pas bien ce système décisionnel qui repose sur une
infrastructure où la direction, le conseil d'administration
et l'administration, de façon générale, encadrent ces décisions
particulièrement complexes. Donc, ça, c'est notre inquiétude. Notre
recommandation, naturellement, serait que les centres jeunesse soient gardés à
part de la fusion proposée par la loi n° 10. Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie pour votre présentation.
Donc, je donne donc la parole à la banquette ministérielle pour une
durée de 22 minutes.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, Mme Collin-Vézina et Dr Trocmé, merci d'être venus.
D'entrée de
jeu, écoutez, je vais vous dire qu'on a beaucoup hésité avant d'inclure les
centres jeunesse dans notre projet de
loi. Et peut-être que ce que je vais vous dire maintenant va vous rassurer,
peut-être que non, et peut-être qu'on va trouver quelque chose entre les
deux, qui serait convenable pour les deux parties. Puis je vous explique
pourquoi.
Évidemment, la raison pour laquelle on a hésité
à les mettre, les centres jeunesse, c'est pour toutes les raisons que vous
venez d'expliquer. On comprend bien que la clientèle, et la pratique, que vous
avez dans ce secteur-là est particulière.
Elle est unique en ce sens qu'il n'y
a rien d'autre, là, qui correspond à
ça, ou même de près, là, dans le réseau, compte tenu
du spectre des choses que vous avez à faire avec votre clientèle. Alors, ça
nous a fait hésiter.
Mais la
raison pour laquelle... Donc, vous comprenez qu'on est dans la même
pensée que vous, là, je vous rejoins
sur la nécessité de ne pas altérer ce que vous faites, qui est meilleur qu'au Canada,
vous m'en convainquez, là. Je n'avais
pas ces statistiques-là, mais, manifestement, on est effectivement meilleurs. C'est la rumeur qui circulait, vous me le confirmez
de façon documentaire, vous documentez ce fait-là.
Maintenant, la clientèle jeunesse a aussi, régulièrement,
des interfaces avec le système de santé classique, on va dire : La santé mentale, la santé physique, et ainsi de suite. Et la raison pour laquelle on a voulu l'intégrer, c'est pour faire en sorte que, justement, l'intégration entre
ce que vous faites à la base et les besoins que vous avez, subséquents,
ponctuellement, souvent, soit facilitée. C'était ça qui était l'objectif, non
pas de défaire ce que vous faites ou de faire en
sorte que ça soit négligé, perturbé, altéré, mais bien de s'assurer que
l'arrimage, quand c'est nécessaire, entre ce que vous
faites dans votre milieu et le système de santé, entre guillemets, classique — parce
que vous me le permettez encore une
fois — se fasse d'une façon plus fluide. Moi, on me
raconte régulièrement les difficultés que vous avez parfois lorsque vous
frappez à la porte du système de santé plus classique. Et l'objectif était ça.
Et là j'aurais comme envie de vous
demander : Sachant ce que je vous dis aujourd'hui, là, est-ce que vous auriez spontanément... Parce que
peut-être que vous n'y avez pas réfléchi sous cet angle-là.
Est-ce que, spontanément, vous
avez des choses à nous proposer qui
résoudraient les problèmes que vous avez au quotidien en termes d'accès à l'autre côté de la montagne du système de santé? Alors, nous,
notre objectif était, en toutes circonstances, de préserver ce qu'on
peut considérer comme des acquis au Québec, c'est-à-dire ce que vous faites,
mais en même temps de vous assurer de l'intégration avec tout le reste du
système de santé, peu importe son aspect, cette intégration-là, parfois, qui
était difficile. C'est uniquement dans ce sens-là qu'on voyait les choses.
Et, ceci dit,
maintenant que vous le savez plus clairement, est-ce que ça vous inquiète
moins? Et, le cas échéant, est-ce que, dans ce cadre-là, il y aurait des
choses que vous pourriez nous suggérer de faire pour arriver à l'objectif que
moi, personnellement, et avec ma collègue la ministre déléguée, on s'était fixé?
Elle aussi, là, spontanément, à la case
départ... On avait, l'un et l'autre, là, le sentiment de vous garder tel quel
dans votre finalité jeunesse qui est celle que vous évaluez ou présentez par rapport au reste du Canada, mais en même
temps on voulait encore une fois vous ouvrir les portes
ou vous assurer des couloirs, des corridors, des financements, et ainsi de
suite. C'était ça, la finalité, et non de vous noyer dans un grand ensemble.
Mme Collin-Vézina (Delphine) : Si je
peux simplement ajouter un élément à ce que vous mentionnez, il y a eu, dans la révision de la Loi de la protection de
la jeunesse en 2007, déjà un effort de s'assurer que la concertation
entre la protection de la jeunesse et les
autres services soit davantage valorisée et facilitée et, une mise en valeur de
la nécessité pour la protection de la
jeunesse, dans des dossiers où elle n'était pas requise, de faire le pont avec
les services en santé et services
sociaux courants, là, comme vous les appelez. Et j'ai des exemples, dans mon
sujet d'expertise, où ce changement de loi a amené vraiment des
changements très importants, où beaucoup moins de dossiers sont pris en charge
par la protection de la jeunesse lorsque la sécurité et le développement de
l'enfant ne sont pas compromis, et les enfants vont être transférés vers des
services qui vont être plus adaptés à leurs besoins.
Donc, je vous
donne juste cet exemple chez des enfants qui, malheureusement, vivent des
agressions sexuelles et qui,
aujourd'hui, ont une porte qui s'appelle des centres spécialisés pour le
traitement des victimes. Et ce sont des dossiers qui ne sont plus vus en
protection de la jeunesse parce que les parents prennent des mesures pour protéger les enfants, et les familles sont référées vers d'autres ressources
qui sont beaucoup plus adaptées à leurs besoins. Alors, ces
corridors, ils existent — ils
ne sont pas parfaits, là, très certainement, mais ils existent — et la
révision de la loi, en 2007, favorisait de tels corridors.
• (16 h 20) •
M. Trocmé
(Nico) : Si je peux ajouter
un peu par rapport à mon expérience actuelle en Alberta, où ils sont
de nouveau en train de revoir la structure de leurs services et où ils
examinent avec une certaine envie le modèle québécois, justement, la difficulté... Parce
que la question de la collaboration à l'accès aux services, c'est une question partout. C'est une question à l'intérieur des organisations, entre les organisations, et absolument
tout ce qu'on peut faire pour
améliorer l'accès aux services et la collaboration est essentiel. La difficulté qu'ils sont en train de vivre maintenant en Alberta,
c'est qu'ils ont essayé d'intégrer certains services à l'intérieur d'organisations plus globales. Et là où ça commence à
poser des défis, c'est au niveau de qui a le mandat pour le dossier.
Quand il est question
de gestion de risques... Personne n'aime la gestion du risque dans les questions
de protection de la jeunesse, une
gestion très complexe. Et le partage de cette responsabilité finit souvent
par créer une certaine confusion, dans le cas de l'Alberta, où les responsables
protection de la jeunesse, les responsables plus santé mentale finissent par jouer une espèce de jeu entre eux pour voir,
bon, bien, qui va prendre responsabilité. Dans cette situation, il y a
tendance à essayer d'éviter le risque, d'où
intervenir plus souvent, placer en famille d'accueil plus souvent, mener à des
enquêtes plus souvent. Donc, c'est ça un peu.
La difficulté, c'est que, quand c'est un mandat
qui devient partagé entre trop de services... mon expérience, en tout cas, en Alberta et, de façon un peu
différente, en Ontario, est que la tendance, de nouveau du côté des
intervenants et des gestionnaires, est de minimiser le risque, de ne pas
prendre les décisions plus difficiles et de prendre la décision la plus facile,
qui est d'ouvrir le dossier et éventuellement de placer l'enfant. Et c'est ça
qui nous inquiète, c'est qu'il y a un
équilibre particulièrement efficace, qu'on a mis au point au Québec, qui
pourrait être déstabilisé, c'est : la question de la responsabilité
du mandat n'est pas très nette et très claire, et si l'organisation ne le
soutient pas.
Ce étant dit,
votre question par rapport à l'accès aux services est absolument essentielle.
Il n'y a aucun doute que c'est toujours un jeu entre les deux, mais on
s'inquiète particulièrement pour ce dossier pour ces raisons.
M.
Barrette : Écoutez, moi, vraiment, c'est le coeur du sujet pour nous,
parce qu'encore une fois c'était la raison. On comprend et on s'est fait
dire, et vous me le confirmez, qu'il y a une problématique, qui n'est peut-être
pas la fin du monde mais qui est réelle, entre ce que vous faites pour votre
clientèle jeunesse au sens plus, mettons, juridique, là — ce n'est
peut-être pas le bon terme, là — et l'accès aux services. À ce moment-là,
comment le faciliter, là? L'objectif, là,
ici, là, ça demeure, là, vraiment, pour nous, de vous donner les moyens d'avoir
accès plus facilement. Je comprends
très bien ce que vous me dites pour la santé mentale avec les risques. Puis là
je vois très bien le jeu, là, de pas dans ma cour, parce
qu'essentiellement c'est ça, là, ou le jeu de O.K., c'est dans ma cour, mais on
va le traiter facilement, on va l'envoyer en placement.
Bon, ça, c'est simple à comprendre. Du côté de
la santé physique, par exemple, est-ce que vous vivez des problèmes aussi
significatifs?
M. Trocmé
(Nico) : Écoutez, ce qui est
intéressant, c'est que, dans un certain sens, la proposition de la loi
n° 10 résout beaucoup ces difficultés. Bon, pour un centre jeunesse, si le
centre jeunesse est gardé à l'extérieur de cette transformation, les centres jeunesse, comme la population générale,
auront finalement un accès amélioré à une panoplie de services. Donc,
l'idée d'intégrer les services dans des organisations régionales a beaucoup de
bon sens par rapport à la population
générale, par rapport aux besoins des familles, mais également par rapport aux
besoins des centres jeunesse qui
essaient d'accéder à ces services. Que ce soient des services de santé, des
services de santé mentale ou des services de soutien à la scolarité, il
n'y a aucun doute que ces jeunes et ces enfants qui sont servis soit par la protection de la jeunesse ou sont simplement les
enfants des parents cherchant des services font face un peu aux mêmes
problématiques, et on est très contents de voir cet effort de mieux intégrer
les services de ce côté-là.
La question qu'on se
pose, vraiment spécifiquement, c'est au niveau des centres jeunesse. Et, juste
pour être très clair, M. le ministre, par rapport à notre position, parce que je crois que... Je ne sais pas si l'Association des centres jeunesse
a présenté ou va présenter, mais, juste pour être très clair, notre position,
c'est vraiment une position de chercheurs extérieurs au
système. Donc, je ne sais pas si on ne représente pas vraiment nécessairement
la position des centres jeunesse,
mais c'est plutôt nos observations par
rapport à ce qu'on a vu à la fois au Québec
et dans d'autres juridictions, de façon internationale, donc une espèce
d'appel à faire attention à ce dossier très particulier, comme vous l'avez noté d'emblée, une inquiétude que le mandat centre
jeunesse a des particularités qui doivent être traitées avec beaucoup de
délicatesse pour toute restructuration, et en vue des restructurations qui ont
mené, je prends le cas de l'Ontario, vraiment à un doublement de dossiers sur
cinq ans.
M.
Barrette : Qu'est-ce qui
s'est passé en Ontario, à ce
moment-là, pour arriver à ça? Est-ce que
le doublement est venu du fait du versant risque ou d'autres choses?
M. Trocmé (Nico) : Le doublement est venu de trois ou quatre différentes choses. D'un
côté, il y avait eu des coupures dans les services de
première ligne. Donc, ça, forcément, c'est une partie du problème. C'était au
temps du gouvernement Harris, qui, maintenant, est le gouvernement qu'on a au niveau fédéral. C'est des coupures qui
ont été très dures au niveau de la première ligne, et, du coup, des services plus spécialisés ont du
prendre une partie de cette responsabilité.
Il y a
eu l'introduction de façon centralisée d'un système de gestion de risques, qui,
en principe, est un système qui avait beaucoup de bon sens mais qui a
fini par être vécu par les intervenants comme non pas un soutien à leur processus décisionnel, mais un remplacement à leur
situation... au processus décisionnel. Et on a vu très rapidement que leur évaluation du risque a
commencé à changer avec l'introduction de ce nouveau système. Donc, c'est, dans
un certain sens, un clash entre les
pratiques et le soutien, qui étaient très régionalisés, et un nouveau système
de gestion de risques que le ministère avait introduit pour toute la
province.
Donc, c'était une
série de différents événements. La troisième chose, il y a eu des changements
de la loi, une expansion de la loi qui a
produit des effets auxquels les législateurs n'avaient pas... Ce n'était pas
nécessairement leur intention, mais
il y a eu... Pour certains types de mauvais traitements, particulièrement
l'exposition à la violence conjugale, le nombre de signalements a
quadruplé, sur une période de cinq ans, suite à un changement qui avait l'air
assez minime dans la législation. Donc, il y
avait plusieurs choses, en effet, mais ce qu'on a vu surtout, c'est ce
changement culturel, au niveau de la première ligne, par rapport à la
responsabilisation et la gestion de ce risque.
Donc,
c'est ça qui nous inquiète. Ça peut être un changement subtil, parfois, qui
peut mener à des conséquences qui sont...
Et c'est ce qu'on voit maintenant en Alberta, c'est très difficile de retourner
en arrière. Ils ont essayé de repasser un modèle un peu plus style québécois et ils ont été obligés de
l'abandonner parce qu'ils n'arrivaient plus à reresponsabiliser des équipes
plus régionales suite à des changements qui s'étaient fait il y a pratiquement
10 ans maintenant.
M. Barrette :
Je vais essayer de synthétiser un peu notre conversation. Vous me confirmez qu'il y a une plus-value à vous donner accès plus facilement
à certains autres services dans le système de santé, ce qui était notre
intention initiale, mais en même temps vous nous demandez de préserver une
façon de faire qui est propre aux centres
jeunesse du Québec. Alors, pour protéger ça dans le cadre du projet de loi
n° 10, quel est... Parce que vous avez l'avantage d'être, à toutes
fins utiles, neutres, presque. Vous n'êtes pas impliqués dans la gestion
officielle, et ainsi de suite, là. Alors, qu'est-ce que vous nous suggéreriez
pour réussir à faire les deux choses en même temps?
• (16 h 30) •
Mme Collin-Vézina
(Delphine) : Si je peux me permettre, à tout le moins, les centres
jeunesse peuvent conserver un statut séparé, indépendant, où la gestion de
risques va être évaluée par des personnes qualifiées, où il va y avoir une prise en charge qui va être
particulière. Mais vous avez raison de mentionner que les corridors de
référence, la possibilité de pouvoir connecter ces familles soit parce qu'elles
ne sont pas retenues en protection de la jeunesse... Ce sont, comme mon
collègue disait, seulement 50 % des dossiers qui sont retenus. Alors,
qu'est-ce qui arrive à ce 50 % non
retenu? Ce sont quand même des familles à risque, ce sont des familles dont on
a soupçonné qu'il y avait des événements
de maltraitance. Alors, c'est ce corridor de référence sur lequel on pourrait
travailler plus spécifiquement, plutôt que de vouloir amalgamer la
protection de la jeunesse dans les mégastructures, et ça pourrait être une
option, à tout le moins, à évaluer.
M. Barrette :
Bien, je ne sais pas, ça, c'est... Peut-être y a-t-il eu un problème de lecture
du projet de loi. Le projet de loi ne vise
pas à dénaturer les centres jeunesse et le projet de loi ne vise pas à faire en
sorte qu'une autorité quelconque ou
une tierce partie vienne vous dire : À partir de maintenant, vous allez
faire les choses différemment. Donc, je comprends que ce n'est pas...
Les
gens, à chaque fois que les gens viennent ici, voudraient que, pour leur
secteur d'activité, le projet de loi ait un article. C'est un projet de
loi d'intégration administrative, alors il ne peut pas y avoir un article pour
tout. Et c'est la raison pour laquelle on a
ces commissions parlementaires là, pour qu'on puisse échanger. Mais je peux
vous confirmer une chose :
L'objectif, au contraire, n'est pas de venir changer vos façons de faire. Au
contraire, si j'avais à mettre un article supplémentaire, ce serait pour
réaffirmer et protéger ce que vous faites. Ça, c'est clair. Mais en même temps,
comme je l'ai dit tantôt et à quelques
reprises, tout le lien avec le reste, ça, il faut qu'il soit facilité.
Maintenant, quand vous dites ce que
vous venez de dire, de la manière que vous venez de le dire, moi, je peux vous
dire que ça ne peut pas arriver dans ce que l'on veut faire.
Maintenant,
vous nous dites en même temps que vous voulez protéger ça et que ça doit
continuer comme c'était. Parfait,
moi, je suis bien d'accord avec ça. Mais, dans le cadre du projet de loi
n° 10, donc, ce qu'il vous faut, c'est des garanties. Est-ce que... puis je vais vous poser la question plus
directement : Avez-vous besoin d'une autonomie institutionnelle
pour continuer à faire ce que vous faites, par exemple?
M.
Trocmé (Nico) : Je ne sais pas si je peux répondre complètement à la
question, parce que ça passe un peu au-delà de notre expertise. Disons qu'il y
a un point où... Est-ce que c'est possible d'avoir une certaine autorité et
indépendance institutionnelle à l'intérieur de d'autres organismes? Bien, ça
dépend toujours un peu de comment tout ça s'organise.
Mais
je crois que la façon la plus simple d'y penser, et c'est malheureusement,
peut-être... c'est l'exemple le plus tragique, mais je crois que c'est
là où on voit l'importance de cet encadrement institutionnel et de cette
indépendance relative, c'est dans la situation où il y a une tragédie, où il y
a, par exemple, la mort d'un enfant qui était en train de recevoir des services
de la protection de la jeunesse. Le grand défi, dans ce genre de situation,
c'est à savoir, bon, qui va prendre
responsabilité. Et c'est le problème, par exemple, qui se pose, pour le moment,
en Alberta. C'est que ce n'est pas
clair qui prend responsabilité, et, du coup, les intervenants de première ligne
se sentent souvent rapidement ciblés par rapport à leurs processus décisionnels et finissent par passer à ce mode
beaucoup plus réactif dans leurs interventions. Le comité avec lequel je
travaille en Alberta inclut le chef de police de la ville de Calgary, et lui,
il est très clair, ça, je... quand il y a une tragédie, quand il y a un
problème à l'intérieur de la police, c'est lui qui prend responsabilité. Il a
un mécanisme indépendant d'évaluation de la
situation, une enquête qui se fasse de façon indépendante, mais c'est lui
vraiment le porte-parole pour l'organisation pour faire face à ce genre de
situation. Donc, c'est vraiment ça qu'il faut pouvoir maintenir. Pour le moment, c'est le D.G., le conseil d'administration et
le directeur de la protection de la jeunesse, dans un certain sens, dans
le modèle québécois, qui peuvent jouer ce rôle.
Est-ce
qu'il y a une façon différente de le structurer? Ça, je ne sais pas. Sans voir
vraiment les détails, je ne peux pas vous le dire. Tout ce que je sais,
c'est que c'est essentiel qu'il y ait une personne qui ait cette autorité, de
façon très indépendante, de pouvoir prendre
responsabilité pour s'assurer qu'à la première ligne les gens se sentent
soutenus dans leur processus
décisionnel et pour que le public ait vraiment confiance dans cette décision.
Donc, si on peut se servir un peu de la tragédie comme étant le test de
toute réorganisation, c'est là vraiment, je crois, qu'il faut se poser la
question.
L'autre
chose, de façon générale, est que ça, ça s'applique partout, personne n'aime le
changement, ça mène toujours à des
difficultés. Ça mène à des avantages, il n'y a aucun doute, mais ce qu'on voit,
dans le cas de la protection de la jeunesse en tout cas, c'est que les
changements importants qui ont eu lieu — et là je peux penser à une
troisième province, qui est le
Manitoba — peuvent
mener à un déboussolement des intervenants. Et là, pour le moment, on a,
au Manitoba, maintenant... Le Manitoba a le
taux de placement le plus élevé, non pas seulement du Canada, mais on a, je crois...
Il y a un article qui est sorti récemment aux États-Unis, qui a dit : On a identifié le Manitoba comme ayant le taux
de placement le plus élevé de tous les pays et de toutes les régions où on suit
le placement des enfants.
Donc, ces changements
peuvent mener à des changements de pratique qui sont très difficiles de... Tu
sais, une fois que les gens ne sont plus
prêts à gérer le risque de la même
façon, c'est très difficile de les
faire retourner en arrière. Donc,
c'est à la fois l'impact de ce genre de changements sur la
pratique qui nous inquiète, mais c'est tout particulièrement d'assurer qu'il
y ait une personne en autorité qui a vraiment le mandat, qui est bien reconnue
par le public, par les intervenants comme étant la personne qui est responsable
pour la gestion de ces centres.
Donc,
je sais que je ne réponds pas directement à votre question, mais c'est un peu ça, la limite
par rapport... Je peux vous dire que ça fonctionne
bien pour le moment, je ne peux pas vraiment vous dire comment ça fonctionnera
si on fait certains changements et pas d'autres.
La Présidente (Mme
Montpetit) : M. le ministre, il vous reste 15 secondes.
M.
Barrette : 15 secondes.
Vous me rassurez beaucoup. Au contraire, c'est très clair, ce que vous me
dites. Ce que vous me dites, c'est essentiellement : Ne changez pas ce qui fonctionne actuellement au quotidien, mais aidez-nous pour, à côté, les corridors de
services. Mais ne changez pas votre quotidien. C'est clair. Merci.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Je vous remercie. Alors, je donne la parole aux députés de
l'opposition pour une durée de
13 minutes.
Mme Lamarre :
Merci beaucoup. Alors, Dr Trocmé, Mme Collin-Vézina, merci. Merci de nous
apporter cette bonne nouvelle que, dans
notre société québécoise, les services de la protection de la jeunesse, à tout le moins dans l'évaluation que vous
en faites, fonctionnent relativement bien et assurent une protection, en tout
cas fonctionnent mieux que dans les autres provinces, et ça fait du bien parce
qu'on n'a pas eu beaucoup de bonnes nouvelles où on se positionnait mieux qu'ailleurs.
Alors, c'est très, très bien.
J'entends
la pertinence, là, de développer des
corridors de services. Je me demande juste... Là, vous venez, vous, nous
parler, mais, si on avait, par exemple, des organismes qui s'occupent de femmes
victimes de violence ou d'abus aux personnes âgées, est-ce qu'on ne pourrait
pas avoir aussi cette même préoccupation, c'est-à-dire les doubles volets? C'est sûr qu'il y a une sensibilité plus
grande avec la jeunesse, mais, quand même, il reste qu'on entend des
femmes qui sont vraiment dans des situations très difficiles, où la
confidentialité est également importante.
Est-ce qu'à votre
connaissance, et peut-être dans vos sphères de recherche ou avec des
collaborateurs, il y a le même problème pour d'autres groupes de citoyens du
Québec?
M. Trocmé
(Nico) : Je suis persuadé qu'il y a des retombées auxquelles il faut
faire très attention par rapport à ces services également. Une différence
importante, c'est que, dans le dossier protection de la jeunesse, il y a une décision qui est en train d'être prise au niveau
de l'intervenant, pour lequel on n'a pas vraiment l'équivalent dans les
autres situations. Une femme qui est victime
de violence, c'est elle, en fin de compte, qui prend la décision. Donc, ce
n'est pas la même situation.
Ce
qui nous inquiète ici, c'est que, dans un certain sens, l'enfant n'a pas de
pouvoir décisionnel. Ce n'est pas un client
qui est en train de décider : Je prendrai ce service, je ne le prendrai
pas. C'est l'État qui est en train de prendre cette décision pour l'enfant. Donc, c'est dans ces
circonstances-là où c'est particulièrement important de faire attention à
ce processus décisionnel et aux forces qui
mènent des intervenants à décider d'intervenir pour protéger ou ne pas
intervenir.
Mme Collin-Vézina (Delphine) : Et,
très certainement, la collaboration entre les acteurs qui sont impliqués tant auprès de l'enfant que de la mère victime,
par exemple, de violence conjugale serait excessivement importante. Et donc notre intervention, encore une fois, n'est
pas du tout... ne vient pas critiquer l'importance ou le souci que
chacun peut exprimer sur la nécessité de
développer une plus grande collaboration, mais la spécificité de l'évaluation
pour cet enfant demeure unique.
Mme Lamarre : D'accord. Je vais
laisser la suite à mon collègue député de Rosemont.
• (16 h 40) •
M. Lisée :
Merci, Mme la députée de Taillon. Dr Trocmé, Mme Collin-Vézina, merci beaucoup
d'être là tous les deux. Je veux
noter, pour ceux qui nous écoutent, que votre mémoire est déposé et cosigné par
11 autres de vos collègues qui forment, d'après ma petite connaissance
de l'enjeu, l'essentiel des chercheurs québécois dans le domaine — je ne
me trompe pas? Voilà — alors
donc, l'essentiel des chercheurs québécois dans le domaine, qui ont une
certaine neutralité, comme disait le ministre, parce qu'ils ne sont pas à
l'emploi des centres de protection de la jeunesse ni du ministère. Ils font des études, parfois ils sont très critiques, parfois
ils sont très laudatifs. Et là, vous, ce que vous dites : Écoutez...
Et je m'autorise la présence de la collègue de McGill pour dire : «If it
ain't broken, don't fix it.» Et ce que vous
nous dites, c'est : Non seulement ce n'est pas brisé, ce qu'on a réalisé
au Québec ces dernières années, non seulement ça fonctionne, mais ça
fonctionne mieux qu'ailleurs. Et ça ne fonctionne pas un peu mieux qu'ailleurs
au Canada, ça fonctionne beaucoup mieux qu'ailleurs au Canada, et les endroits
où on a essayé de faire ce que le projet de loi n° 10 pourrait tenter de faire ici, ça a été un recul,
et ils ont essayé de fixer ce qui était «not broken». En fait, ils l'ont brisé
et ils l'ont brisé tellement, maintenant ils essaient de le réparer puis ils
ont de la difficulté.
Alors, moi,
je suis très content d'avoir entendu le ministre, ici, nous dire qu'il avait
hésité avant de vous mettre... avant
de mettre les centres jeunesse dans le grand bain de cette réforme, de cette
réforme colossale, et qu'il est ouvert, justement, à cause de cette
hésitation et celle de la ministre déléguée, très ouvert à vous entendre
dire : Écoutez, gardez notre... enfin,
l'autonomie des centres... Je dis la vôtre parce que je sens que vous êtes bien
engagé là-dedans et que vous sentez aussi une solidarité avec... Donc,
gardez cette autonomie, faites en sorte que cela fonctionne, mais évidemment le ministre et chacun d'entre nous...
Et vous-même, au premier chef, avez identifié que, dans les interactions
entre les centres de protection de la
jeunesse et le reste du réseau de la santé, il y a des barrages, il y a des obstacles,
et c'est là-dessus qu'il faut se concentrer.
Et c'est pourquoi effectivement vos suggestions sur la façon d'aplanir ces
difficultés sont bienvenues.
Maintenant, si on devait appliquer le projet de
loi tel qu'il est — et
effectivement, là, il y a des zones d'ombre — il y a un problème qui se pose, et je pose
cette question-là : À supposer que finalement ça soit le projet de
loi... On sait que le directeur de la protection de la jeunesse a un pouvoir
considérable. Vous l'avez nommé, ce sont des enfants,
et donc il a un pouvoir quasi de fiduciaire. Qui, d'après vous, dans cette
nouvelle structure, nommerait le directeur et aurait-il l'autorité
nécessaire pour accomplir les tâches particulières qui lui sont données par la
loi?
Mme Collin-Vézina (Delphine) : C'est
une grande question que vous posez. En fait, ma réponse, puis elle va être partielle très certainement, mais c'est
que les personnes qui sont présentement à la direction générale, dans
tous les niveaux de décision de gestion en protection de la jeunesse, sont des
gens qui ont une expertise, et une expérience, remarquable, qui est unique et
qui n'est pas celle équivalente à ceux qui sont des dirigeants de la santé, et
il serait certainement dommage de perdre la
qualité de cette expertise au profit de structures plus englobantes. Et c'est
simplement ma réponse à votre question au sujet.
Qui
nommerait? Je n'en sais rien comme chercheure. Par contre, il serait très
important de nommer à la tête de ces institutions des personnes tout
aussi qualifiées qu'elles le sont présentement.
M. Lisée : Mais on les a, là.
En ce moment, on les a.
Mme Collin-Vézina (Delphine) : On
les a présentement.
M. Lisée : Alors, pourquoi
changer?
L'autre question, c'est... Bon, évidemment, dans
votre mémoire, vous êtes très pessimistes, vous dites : «Le modèle québécois actuel repose sur des
travailleurs sociaux de première ligne encadrés par des gestionnaires qui
savent user d'un jugement complexe et délicat pour distinguer les situations où
une intervention de la protection de la jeunesse est absolument nécessaire...» Et vous dites : Puisque c'est ça, le
projet de loi «risque fortement de déstructurer le modèle de protection de la jeunesse du Québec» et «de mener
à un accroissement dramatique du nombre d'évaluations des situations
signalées, sans pour autant bonifier les services...»
Et je trouve qu'il y a
un lien. Ce pessimisme-là — corrigez-moi si j'ai une mauvaise
lecture — est-il
tinté par le fait que les directions régionales des centres jeunesse, en
ce moment, comme les organisations syndicales, sont elles-mêmes très, très inquiétées, au-delà de la
réforme, sans même la réforme du projet de loi n° 10, par la réduction des
budgets qui est historiquement élevée — c'est la plus grosse coupure de l'histoire
cette année, 50 millions — additionnée aux autres coupures, enfin à l'appauvrissement de
certains organismes communautaires, qui fait que le continuum, en amont,
de prévention pour l'identification des
enfants à risque est en train de se réduire et la capacité des centres de
protection de la jeunesse de répondre
à la demande malheureuse est en train de s'amenuiser aussi? Est-ce que ces
inquiétudes-là s'empilent dans votre esprit?
M. Trocmé (Nico) : Autour de la
réduction des budgets, notre mémoire, et notre argument, tient avec ou sans réduction. Je reprends la situation
ontarienne où les budgets des centres jeunesse, entre 2003 et 2008, ont
doublé. D'autres services ont été coupés, mais les budgets des centres jeunesse
ont doublé, et le nombre d'enfants placés a augmenté de 40 %, et le nombre
de signalements retenus a augmenté, a doublé également.
Donc, à l'intérieur de la logique interne des
centres jeunesse, la question de comment les budgets jouent par rapport aux services est complexe, parce que,
jusqu'à un certain point, à partir du moment où un enfant est placé,
c'est une enveloppe budgétaire qui, à long
terme, augmente, qu'on le veuille ou pas. On a pris une certaine responsabilité
par rapport à cet enfant. Donc là, ce qui
nous inquiète, ce n'est pas spécifiquement autour de l'impact de ces
changements sur les budgets des centres jeunesse, mais c'est vraiment au niveau
de la structure décisionnelle et du soutien autour de cette structure
décisionnelle.
Je veux également noter autre chose, et
c'est : Notre argument n'est pas nécessairement que, dans toutes les circonstances, ce modèle est le modèle idéal. De
nouveau, je retourne à la situation en Alberta, où ils ont essayé de
faire un retour dans cette direction, et j'ai codirigé ensuite une enquête sur
l'impact de ce retour, et notre recommandation finale était de retourner au système centralisé, d'éliminer les conseils
d'administration et de retourner à un système centralisé décisionnel à
partir du ministère, donc une recommandation qui est très différente de celle
qu'on est en train de faire ici. La raison
pour cela, c'est que la pire des situations, c'est la situation où les gens ne
sont pas clairs par rapport à qui va
prendre la décision finale et qui a la responsabilité finale. Donc, quand on a
un système à moitié décentralisé, à
moitié régional, où l'autorité du centre jeunesse est à moitié dans les mains
du directeur de la protection de la jeunesse, mais ce directeur répond à deux différentes personnes, au ministère et
au directeur régional par exemple, on commence à avoir une situation où
la clarté n'est pas là pour soutenir ces décisions complexes. Il faut vraiment
des situations où c'est très clair qui répond à qui et qu'il n'y ait pas deux
responsables possibles.
Je retourne
de nouveau à l'Alberta. Les personnes qui prennent les décisions sur l'embauche
des directeurs sont différentes des personnes auxquelles les directeurs
répondent au niveau légal. Donc, le directeur de la protection de la jeunesse pour la province n'est pas la personne
qui prend la décision sur l'embauche des directeurs régionaux, et ça crée,
en fin de jour, une situation où personne n'est vraiment responsabilisé, et la
responsabilité finit par retomber sur l'intervenant, qui réagit comme on le
pense en se disant : Bien, je ne vais pas prendre trop de risques ici.
M. Lisée :
Je comprends. Donc, la chaîne d'imputabilité doit être claire, et le sort de
l'enfant en dépend, parce que des décisions rapides, délicates,
complexes doivent être prises, et chacun doit savoir quelle est son autorité et
de qui elle relève.
Mais, Mme
Collin-Vézina, je ne sais pas si vous l'avez vu, récemment Jacques Frémont, qui
est le président de la commission des droits et libertés de la personne
et de la jeunesse, a émis un avis disant — et là je reviens aux compressions budgétaires — qu'il y a un point au-delà duquel les
ressources ne sont plus disponibles pour protéger le droit de l'enfant
tel qu'il est défini dans la Loi de protection de la jeunesse. Est-ce que vous
partagez sa préoccupation?
Mme
Collin-Vézina (Delphine) : Bien, écoutez, je partage très certainement
sa préoccupation qui repose sur le fait que des ressources sont nécessaires pour pouvoir aider des enfants et
des familles qui sont dans des conditions extrêmes. On parle de familles
qui ont vraiment à faire face à un niveau d'adversité que bien peu d'entre nous
avons à faire face au quotidien. Alors, je
partage certainement, là, dans sa lignée d'esprit, que les ressources doivent
être mises en place pour pouvoir
répondre à leurs difficultés et que, sinon, on passe à un niveau où on va
simplement pallier à des difficultés très, très ponctuelles, un enfant qui fugue, un enfant qui s'implique dans des
gangs de rue, sans toutefois offrir à cette famille ou à cet enfant des services qui vont réellement lui
permettre de reprendre une trajectoire développementale plus optimale et
qui va simplement, là, pallier un symptôme très rapidement.
La Présidente (Mme Montpetit) : Je
vous remercie. Donc, je vais céder la parole au deuxième groupe de l'opposition
pour 8 min 30 s.
• (16 h 50) •
M.
Caire : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour à vous deux. Ce que je comprends, c'est que vous dites
que l'autonomie institutionnelle des centres jeunesse, c'est absolument fondamental au maintien de la qualité de la prestation
de services. Je pense que le ministre
a entendu votre message. Par contre, dans la foulée, vous avez aussi apporté le
problème des corridors de services, et j'aimerais ça vous entendre élaborer un
peu plus sur cette question-là.
Donc, quels
sont les problèmes auxquels vous faites face dans le contexte
actuel? Et, bon, le projet de loi
n° 10 amène quand même
une refonte assez majeure de nos systèmes avec un objectif d'une meilleure intégration, et,
Dr Trocmé, corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez quand même amené
l'élément que ça pouvait effectivement favoriser l'intégration des services et
améliorer l'accessibilité aux différents corridors de services. Donc,
j'aimerais ça vous entendre élaborer peut-être un peu plus sur cette question-là.
M. Trocmé (Nico) : Je crois qu'il y
a deux endroits spécifiquement où la question de l'accès aux services est particulièrement problématique. La première, comme le Dr Collin-Vézina a noté, c'est
pour le 50 % des familles qui
sont signalées et pas retenues. Donc, il faut s'assurer
qu'il y ait un système en place ou des services, et, pour le moment, il y a des accords de plus en plus clairs entre les
CSSS, par exemple, et les centres jeunesse pour s'assurer que les
familles qui ont des besoins, mais pas
nécessairement par le biais de la protection, reçoivent des services. Si la loi
n° 10 a l'impact qui est voulu par rapport à l'accès aux services,
nous présumons que ça ira dans le bon sens, de donner encore plus accès à des services à ces familles haut risque, tant
qu'il y a un mécanisme en place, pour bien s'assurer que les familles
haut risque sont bien reconnues par les
nouveaux centres. Donc, ça, c'est un premier niveau. C'est, dans un sens, les
familles qui ne reçoivent pas les services de la protection de la jeunesse,
s'assurer que ce n'est pas des familles qui tombent entre deux systèmes.
L'autre défi, c'est : à partir du moment où
la protection de la jeunesse commence à fournir des services, la protection de la jeunesse a accès à une panoplie
d'outils assez limités. Ils ont des services de placement, il y a des
services de soutien à la famille, des
services d'aide à la famille par rapport à leur façon de s'organiser avec leurs
enfants, etc., mais, si, par exemple,
il y a des problèmes de toxicomanie ou des problèmes de santé mentale au niveau
des parents, le centre jeunesse a besoin de s'assurer que ces services
sont disponibles par le biais d'autres systèmes. Donc, ils n'ont pas leur service interne de toxicomanie, de santé
mentale, etc. Donc, c'est par rapport à l'accès aux services pour les
clients des centres jeunesse que la question se pose.
Là, pour le moment, chaque centre jeunesse est
obligé de développer des protocoles d'entente avec chaque système de façon
différente. Ce que nous espérons, c'est qu'avec la loi n° 10 il y aura un
accès protocolaire un peu plus simple. Au
lieu de devoir passer par 15 différentes portes d'entrée, les centres
jeunesse auront un protocole à développer avec un système.
M.
Caire :
...il y a nécessairement matière à procéder à une certaine intégration des
centres jeunesse avec le réseau de la
santé, ne serait-ce que pour ces accès-là dont vous parlez, d'accès privilégiés
à ces services-là qui ne peuvent pas être donnés aux centres jeunesse,
qui ont leurs services spécialisés, leur expertise, on le comprend tous, mais
qui ne peuvent pas développer, effectivement, des expertises. Vous parliez de
toxicomanie, santé mentale, probablement santé physique aussi.
Donc, il faut
aussi réfléchir en termes d'intégration des centres jeunesse dans le continuum
de services. Ce que je comprends, c'est qu'il faut préserver l'autonomie mais
que, quand même, cette intégration-là, vous la voyez d'un oeil
favorable.
M. Trocmé (Nico) : Une intégration
qui se fait, pour le moment... bien, qui peut se faire par des protocoles d'entente, justement, mais il faut qu'il y ait un
système absolument pour qu'on puisse s'assurer, par exemple, qu'une
famille qui est déjà en train de recevoir
des services au niveau d'un centre jeunesse ne doive pas passer par
trois autres nouvelles évaluations en passant à un autre système. Donc, il faut
absolument qu'il y ait des paliers ou des corridors de services qui permettent
d'accélérer l'accès aux services pour ces familles.
M.
Caire :
Quand vous parlez de protocoles d'entente, vous parlez d'établissement à
établissement ou est-ce que vous ne
voyez pas plutôt une politique ministérielle qui pourrait favoriser une
meilleure intégration? J'essaie de voir, dans l'opérationnalité, là,
comment on pourrait le faire pour s'assurer que ça se fasse sans
nécessairement, puis le ministre y faisait
référence, sans nécessairement modifier un article de loi très précis ou faire
en sorte qu'il y ait... c'est
plus facile, après ça, dans le quotidien, de
modifier un protocole d'entente que de modifier une législation, là, vous comprendrez.
M. Trocmé (Nico) : Bien, oui, je
crois que, ça, on peut toujours débattre de cette question. Je ne crois pas qu'il y aura... Il n'y a jamais
une réponse simple à cette question : Est-ce
qu'il vaut mieux passer par des
protocoles une intégration des... Ce qui est très clair, c'est qu'il y a
quand même des variations régionales par rapport aux besoins des communautés et
des familles, et il se peut très bien qu'un protocole qui est développé dans
une grande ville, par exemple, va être très différent du protocole d'entente
qui sera développé dans les régions.
M.
Caire : Vous parlez
de régions, mais est-ce qu'on peut aller aussi loin que des localités très
précises, ou vraiment vous dites : Au niveau régional, je pense que c'est
un palier qui respecte l'expertise de chacun?
M. Trocmé (Nico) : Par rapport à ce
qu'on voit, par exemple, avec les centres jeunesse plus éloignés — on travaille de près, par exemple, avec les centres
jeunesse de Côte-Nord et d'Abitibi — ils
ont chacun développé des modèles très
différents de collaboration avec les communautés autochtones. Le Centre jeunesse de Côte-Nord a
développé des protocoles d'entente
avec des services qui sont gérés par les Premières Nations, tandis que le
Centre jeunesse d'Abitibi fournit ces
services pour les Premières Nations. Donc là, c'est un bon exemple de — en
principe — deux
centres jeunesse qui ont à peu près
la même taille, qui ont des régions qui se ressemblent de beaucoup
de façons, qui ont fini par développer des protocoles très différents.
M.
Caire : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Montpetit) :
Donc, je vous remercie pour votre présentation et pour les échanges.
Je vais donc suspendre les travaux quelques
instants et j'invite le prochain groupe à prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 17 heures)
La
Présidente (Mme Montpetit) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous souhaite la bienvenue. Je tiens
simplement à vous informer, avant que nous
ne débutions les travaux, qu'il est possible que nous soyons appelés pour un
vote dans les prochaines minutes. Donc, ne soyez pas surpris si je dois
vous interrompre.
Donc, pour
les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter et je
vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Donc, à vous la
parole.
Conseil pour la
protection des malades (CPM)
M. Dupuis
(Gabriel) : Gabriel Dupuis,
avocat en droit de la santé et conseiller pour le Conseil pour la protection
des malades.
M. Hurteau
(Pierre) : Alors, je suis
Pierre Hurteau, coprésident du comité des usagers du Centre
universitaire de santé McGill.
La
Présidente (Mme Montpetit) :
Alors, ne soyez pas surpris, je vous interromps. Les cloches nous
appellent au vote, et nous reprendrons plus tard.
Je suspends donc la commission.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 24)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous en
étions à la présentation des représentants du Conseil pour la protection des
malades.
Juste avant de vous permettre de débuter, et on
va vous permettre, évidemment, de repartir du début et avec le 15 secondes de passées, j'aimerais
recevoir, et je le demande, le consentement des collègues pour pouvoir
terminer un peu plus tard aujourd'hui.
Des voix : ...
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, consentement. Merci beaucoup. Alors, la parole est à vous pour
10 minutes. Merci.
M. Dupuis
(Gabriel) : Bonjour. Tout d'abord, je tiens à remercier la commission, donc M. son président, M. le ministre de
la Santé, les représentants des oppositions, de nous recevoir aujourd'hui pour
entendre nos commentaires sur le projet de loi n° 10, projet
de loi qui, comme vous le savez, est
l'une des plus grandes réformes que le réseau de la santé n'a jamais
connues. Donc, on est bien contents, évidemment, d'être présents ici pour vous
livrer nos observations.
Je vais me
permettre de glisser un mot sur le Conseil pour la protection des malades.
C'est un organisme qui a été fondé au
tout début des années 70 par M. Claude Brunet, un véritable pionnier de la
défense des droits des usagers. Il
faut comprendre que Claude Brunet était une
personne hébergée dans un CHSLD nommé Saint-Charles-Borromée, à Montréal,
qui vivait de graves problématiques de maltraitance, de soins qui n'étaient pas offerts aux usagers, et il
a été un des premiers à dire : Bien, nous, les usagers, nous devons
nous regrouper. Et c'est à ce moment qu'il a fondé ce qu'on appelait à l'époque Le Comité provincial des malades,
l'ancêtre du CPM. Et c'est justement à partir des revendications de
Claude Brunet et de ses complices de l'époque que nous avons maintenant les
comités des usagers et de résidents reconnus formellement dans la loi, dans la
Loi sur les services de santé et les services sociaux. Donc, si ces comités ont
une assise légale, c'est grâce aux revendications de Claude Brunet.
Donc, bien sûr, au CPM, on continue de
travailler avec les comités de partout au Québec, et nous travaillons également
avec le grand public. C'est-à-dire que toute personne qui vit un problème avec
le réseau de la santé peut nous contacter au
CPM, et notre équipe tentera d'aider cette personne à s'y trouver, à comprendre
quels sont ses recours et à voir comment elle peut résoudre son problème
en pratique. Donc, notre approche est à la fois un peu légale, en expliquant à
la personne quels sont ses droits, mais également très terrain, en amenant la
personne à déposer le bon formulaire, à cogner à la bonne porte.
Je vous dirais, de façon générale, que nos commentaires
par rapport au projet de loi n° 10 s'inscrivent en continuité avec le
concert d'organismes qui sont venus jusqu'à présent à cette commission pour
vous exposer leurs réserves par rapport à cette réforme.
Sommairement, on reconnaît que les objectifs du ministre
sont tout à fait louables. On dirait même plus... on dirait que la volonté de changement, elle est rafraîchissante, elle est
bienvenue. Cependant, nous pensons que ce n'est pas la réforme que les usagers désirent. Donc, je vous
dirais que, quand on parle de quelle est la vraie réforme, dans ce cas, que les usagers désirent, on pense que l'obsession
de toute réforme du réseau de la santé devrait, en premier lieu,
s'adresser à la première ligne de soins, qui
connaît des dysfonctionnements qui sont documentés année après année par les
experts du domaine,
comme le Commissaire à la santé et au bien-être. Donc, à l'échelle internationale, le Québec fait souvent pâle figure au niveau de l'organisation de sa première ligne, et nous pensons que c'est
le domaine auquel il faut s'attaquer en premier lieu, et nous invitons
fortement le ministre de la Santé à retourner à sa table de dessin pour offrir
cette réforme qui est méritée par les usagers du réseau de la santé.
Ça ne veut
pas dire que le CPM est une force du statu quo. Comme je vous le disais, on a
maintes fois demandé que des
changements concrets soient appliqués. On est en faveur d'une abolition des
agences. On pense qu'il peut y avoir là une simplification, une
meilleure imputabilité, mais on apprécierait que ce soit fait autrement.
On s'est énormément
questionnés sur le processus consultatif qui a mené à la présentation du projet
de loi n° 10. On ne comprend pas comment un projet de loi d'une
telle importance... Et, comme tout le monde le sait ici, le réseau de la santé au Québec, c'est quand même
30 milliards d'argent public, ce n'est pas rien. Et donc de changer d'une
façon aussi radicale un réseau comme
celui-là sans consulter les acteurs qui, comme nous, sont depuis 40 ans
avec les usagers, en amont,
c'est-à-dire avant de présenter un projet de loi, nous a paru très étonnant,
d'autant plus qu'on a l'habitude d'être consultés par le ministère de la
Santé.
Et je vous
donne une anecdote. On a déjà reçu une demande pour être consultés par rapport
à un projet qui visait à étudier, là,
le nom des différents établissements. Alors, on a jugé que ce n'était pas
exactement notre priorité. On a poliment décliné l'invitation. Donc, si
on nous demande d'être consultés lorsqu'il est le temps de parler de la
dénomination des établissements, est-ce
qu'on met un trait d'union ou pas dans le nom de l'établissement, on comprend
mal qu'on n'a pas été consultés en amont sur un projet comme celui-là.
On est inquiets également concernant plusieurs
problématiques qui concernent les usagers. Et mon collègue pourra également vous parler de plusieurs
problèmes plus spécifiques à l'île de Montréal. Tout d'abord, on craint que
les promesses d'économie se traduisent
plutôt en effets pervers, en effets indésirés qui vont au contraire amener une
moins grande qualité de services, notamment
par le fait que le réseau va être très mobilisé par l'absorption de cette
réforme-là. Et on l'a déjà vécu par
le passé avec les CSSS, on a vu que ça a quand même pris une énergie
considérable pour absorber cette réforme.
• (17 h 30) •
On craint aussi que les processus de
coordination ne se traduisent pas dans la réalité clinique. C'est-à-dire que, le modèle en soi, il est intéressant de
dire : On va avoir des organes de santé qui sont intégrés de façon
structurelle, mais, à notre avis, il faut
faire la distinction entre l'intégration administrative et l'intégration
clinique. Toute personne qui déjà eu
affaire à une grande organisation, à une grande entreprise, que ce soit dans le
domaine de la santé ou autres, sait que,
parfois, le département A ne
sait pas ce qui se passe dans le département B. Alors, le fait d'avoir la
même immatriculation au registre des entreprises n'est pas garant de
succès, là.
En fait, on craint que la spécificité de
certains établissements soit un peu perdue, notamment dans le domaine de la
santé mentale, où il est très important que les établissements puissent
maintenir leurs spécialités. Aussi, bien sûr qu'il
va y avoir une certaine harmonisation de l'offre de services des CISSS. Donc,
on craint qu'il y ait un nivellement vers
le bas, notamment dans le
domaine des soins à domicile. Et bien sûr,
lorsqu'on regarde la taille des CISSS, il y a lieu de se questionner, comme l'ont fait le Collège des médecins et d'autres
fédérations professionnelles, sur la fonctionnalité des mécanismes d'assurance qualité que la LSSSS
prévoit. À titre d'exemple, un peu comme le mentionnait l'association médicale québécoise, pourquoi ne pas scinder le CISSS de la Montérégie? Pourquoi
faut-il absolument un CISSS par région administrative, alors
qu'on a certains CISSS qui vont avoir des tailles complètement inédites?
Plus spécifiquement, sur la question des comités
des usagers, on voudrait mentionner qu'il y a un comité des usagers dans chaque
établissement, c'est un principe qui est prévu à la LSSSS. Avec le projet de
loi n° 10, et on a l'impression que ça
a échappé à la vigilance du législateur, les comités d'usagers vont se voir fusionner au
même titre que les autres instances
administratives de l'établissement. Pour nous, les membres des comités des usagers,
ce ne sont pas, en quelque sorte, des bureaucrates dont il faut
abolir les postes par attrition, là. Il
ne faut pas réduire le nombre de
citoyens impliqués dans le réseau de la santé. Alors, on demande que, si le projet
de loi n° 10 devait être adopté malgré tout, il y ait des aménagements
pour que les comités des usagers puissent conserver leur assise locale et
continuer d'agir à l'échelle locale.
De même, on
vous invite à prendre en considération la problématique d'un effet de la loi qui est que chaque comité des résidents dans un CHSLD peut déléguer une
personne à son comité des usagers, en fait elle doit le faire, et ça
risque donc d'amener une disproportion, un surnombre de gens issus des CHSLD
dans les comités des usagers par le simple effet de la loi.
Enfin,
quelques mots sur la gouvernance et l'imputabilité. Pour nous, un bon système
de gouvernance et d'imputabilité a
quatre composantes : un mandat, un pouvoir, une évaluation et une
reddition de comptes. On ne retrouve pas
ces éléments dans le projet de loi actuel, qui, selon nous, correspond à une
vision de l'imputabilité qui est différente de ce qui est actuellement prôné par les études en management. Pour
nous, on est en train de remplacer le système actuel par un système de
menace d'intervention à tout moment du ministre et on pense que ça va
introduire une culture, dans le réseau de la santé, qui ne sera pas dans
l'intérêt des usagers.
Et il y a aussi, comme plusieurs acteurs l'ont
mentionné, un risque de politisation, en raison des nominations du ministre, du système de santé. On ne veut pas
que les décisions soient prises sur la base de ce qui est favorable à un
député dans un comté X, on veut que les décisions soient prises sur la
base des besoins cliniques des populations.
Je vais céder la parole à mon collègue, qui va
pouvoir vous entretenir des problématiques montréalaises.
M. Hurteau
(Pierre) : Bon, alors, bonsoir. J'aimerais vous apporter une
perspective patient usager, une perspective terrain, celle du patient
que je suis au CUSM, celle des patients que je représente, les patients du
CUSM, à titre de coprésident
du comité des usagers, et aussi celle de nombreux patients usagers qui se sont
organisés dans une coalition montréalaise
des comités d'usagers. Et ça, je tiens à dire que ça s'est produit, cette
coalition, avant la présentation du projet de loi.
Je vais vous
aborder la question de deux angles. D'abord, l'accès aux soins. Les usagers
sont inquiets des grands bouleversements que
peut entraîner cette réorganisation administrative sur l'accessibilité aux
soins au lendemain de son entrée en vigueur. Quand on a besoin de services,
c'est souvent dans l'immédiat, les ennuis de santé
ne se planifient pas. Or, il existe déjà d'importants problèmes d'accès aux
soins dans un délai acceptable, que ce soit pour un médecin de famille, une consultation avec un spécialiste en
santé mentale ou pour une intervention chirurgicale. Le vieillissement
de la population augmente l'incidence des maladies chroniques, souvent multiples,
ce qui exige une plus grande coordination
des soins. Nos craintes sont à l'effet que des objectifs nobles à cet
égard — je les
salue — ne puissent être rencontrés adéquatement à court
terme.
Montréal vit une situation particulière en ce
qui concerne l'accès aux soins, et c'est pourquoi les comités d'usagers de Montréal se sont coalisés afin de travailler ensemble à l'amélioration
de cette situation. Le problème sera, sans
l'ombre d'un doute, accentué par l'ouverture du mégahôpital du CUSM dans six
mois. Plusieurs usagers sont inquiets parce
qu'ils devront chercher des soins ailleurs à cause de l'accent mis sur la
vocation tertiaire et quaternaire du nouvel hôpital. Mais où? Dans bien des cas, ils attendent dans l'anxiété
réponse à leurs questions, comme par exemple plusieurs patients
hémodyalisés qui ne savent toujours pas où ils recevront ce service lors de la
fermeture du Royal Victoria Hospital dans à peu près six mois au maximum.
Deuxième aspect, le patient partenaire. Il
existe une littérature abondante démontrant les effets bénéfiques à considérer
le patient comme un acteur partenaire dans la dispensation des soins. Le
patient veut contribuer à la façon dont les
services sont offerts. Il est démontré que cela a des effets bénéfiques sur la
santé de l'usager et contribue également à la réduction des coûts.
Le patient fait partie de la solution dans le
réseau de la santé, ce qui est différent que de dire que le réseau est là pour lui. Il est au centre non pas comme un
objet, mais comme un sujet. Or, le projet de loi réduit énormément le
nombre d'usagers impliqués par la réduction
du nombre de comités et l'affaiblissement de sa participation dans la
gouvernance. Cela n'est guère rassurant pour
la consolidation du patient partenaire à laquelle une institution comme le CUSM
et bien d'autres que je connais se vouent entièrement.
Les usagers demandent donc au ministre qu'il
revoie sérieusement toute cette question et que non seulement il consolide nos acquis, mais qu'il voie, dans son
projet, à améliorer la participation des usagers dans la gouvernance.
Les membres des comités des usagers se
dévouent bénévolement à l'amélioration des soins, mais il faut comprendre qu'il
ne s'agit pas d'un job pour eux, qu'ils sont souvent âgés, dans bien des cas,
et parfois affaiblis par la maladie. Dans ce contexte,
il ne faut pas... et je pense à des personnes, actuellement, excusez. Dans ce
contexte, il ne faut pas ajouter à leur mandat en créant des structures
trop grandes et comportant des missions variées et souvent très spécialisées.
La tâche risque de devenir impossible pour eux.
M. le ministre, aidez-nous à vous aider. C'est
l'occasion rêvée de mettre en pratique la philosophie du patient partenaire. Les comités des usagers et des
résidents font une différence dans les établissements à tous les jours, et ça,
je peux vous le garantir, et c'est à un coût franchement minime. Merci.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, nous allons maintenant enchaîner avec une période d'échange avec les parlementaires. Votre
présentation de 10 minutes a duré 14 minutes, donc, à la demande du
ministre, nous amputerons son temps, donc il passera de 20 minutes à
16 minutes pour échanger avec vous. Parole au ministre.
• (17 h 40) •
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, Me Dupuis, M. Hurteau, bienvenue. Il est très important
pour nous d'entendre et de comprendre vos
commentaires qui, vraiment, sont très constructifs et viennent des usagers. Et
je vais aborder... Bien, je vais faire deux, trois commentaires, quand même, au
départ, pour vous rassurer sur un certain nombre d'éléments.
Vous avez, Me
Dupuis, dans votre présentation, vous vous êtes interrogé sur la capacité
d'avoir une intégration clinique. Le
projet de loi, là, il vise à faire ça, essentiellement. Alors, si on n'arrive
pas, dans ce projet de loi là, à faire l'intégration
clinique réelle que l'on recherche, bien, on n'aura pas réussi un des objectifs
fondamentaux du projet de loi.
Et je vous
ferai la remarque suivante, générale, là, je ne vous vise pas
particulièrement : Les gens qui viennent nous faire part de leurs
inquiétudes — puis
c'est ça, le but, évidemment, de ces commissions parlementaires là — et aussi de leurs suggestions — ça aussi, c'est le but — bien, les gens viennent avec des
inquiétudes, en même temps disent que le statu quo, essentiellement,
n'est pas idéal, mais en même temps voudraient... craignent le futur, là. C'est
parce que ce discours-là, ça mène au statu
quo exclusivement. On ne peut pas être insatisfait d'aujourd'hui puis arriver
et dire : Bien, ne changeons rien, là parce qu'il y a un risque que
ça ne se réalise pas.
L'exercice que l'on fait, c'est pour le bénéfice
de vous, les gens que vous représentez, les usagers. Et, si on considère que le
risque que ce qui vienne au bout soit imparfait, alors, à ce moment-là, on va
rester tel quel, là. Et puis, tel quel, il
me semble que ce n'est pas l'idéal, vous l'avez dit vous-même. Vous me suggérez...
Vous me recommandez de retourner à ma planche à dessin pour m'adresser à
la première ligne, mais en même temps — et vous, M. Hurteau, vous y
faites référence — quand
on y arrive, à la deuxième, à la troisième ligne et à la quatrième ligne, ce
n'est pas nécessairement idéal dans le système dans lequel on vit aujourd'hui.
M. Hurteau, je
vais quand même répondre à certains éléments que vous avez soulevés, là. Le
CUSM, malheureusement ou
heureusement, c'est selon, là, ça dépend de quel point de vue on se place, le
CUSM a été dessiné pour avoir une capacité inférieure à celle
d'aujourd'hui. Et votre perception ou les commentaires que vous avez faits sont justifiés, et vous
avez tout à fait raison, sauf que la raison pour laquelle ça a été fait comme
ça, c'est que, comme vous dites,
c'est vrai, le CUSM doit avoir une mission tertiaire et quaternaire, d'une
part, et la capacité qui est diminuée, elle est faite, et ça a été voulu par tous les gouvernements précédents, pour
faire en sorte que les soins qui étaient donnés à une clientèle qui
venait de l'extérieur de l'île de Montréal et qui, normalement, étaient des
soins de proximité, comme l'hémodialyse, puissent être transférés, déplacés
près de chez eux.
En français,
là, plus direct, les gens qui viennent du 450 devraient avoir leur chaise de
dialyse près de chez eux plutôt que
de traverser un pont trois fois par semaine. Puis c'est la philosophie qui est
derrière. Et, la philosophie, je pense qu'elle
est saine puisqu'elle est dirigée vers le patient, la conséquence étant que le
CUSM, évidemment, a une diminution de sa capacité. Mais, normalement, si
les choses sont faites correctement, le patient ne devrait pas être pénalisé
par ça. Au contraire, ça devrait être favorisé... ça devrait le favoriser,
puisqu'il trouvera ses services à proximité de chez lui ou de chez elle.
Maintenant,
je vais aller dans la direction des usagers. Dans les différentes
représentations qui ont été faites à date, je ne sais pas si vous avez
suivi les audiences de façon continue ou non, il y a des gens, comme hier, qui
sont venus nous faire part d'une proposition
ou de propositions suggérant la possibilité d'avoir un comité national
d'usagers pour faire un peu le
contrepoids à toute cette restructuration-là. Vu que vous représentez, vous
aussi, globalement les usagers de la province, que pensez-vous de ça?
M. Dupuis
(Gabriel) : Oui. Tout d'abord, merci, M. le ministre, de nous avoir
accordé une partie de votre temps de parole pour terminer notre exposé.
Pour répondre à votre question très précisément,
en premier lieu, sur le comité national, c'est une sortie que nous avons faite conjointement avec la Coalition
Priorité Cancer et l'Alliance des patients. Donc, nous avions approuvé
cette idée. Mais, pour nous, c'est un comité qui va principalement travailler
avec le ministère de la Santé au niveau national.
Et il reste qu'au niveau local il est important d'avoir des acteurs qui
agissent dans vraiment les endroits où sont donnés les soins, auprès des populations. Et c'est pour cette raison-là
que nous sommes revenus, dans nos recommandations, sur l'importance que les comités des usagers ne
subissent pas le même sort que les autres structures des établissements,
c'est-à-dire CMDP, C.A., etc., et puissent,
eux, conserver leurs assises locales, étant donné la valeur toute
particulière des comités des usagers.
Enfin, aussi, je voudrais vous dire, par rapport
à l'argument du changement : Comme on le disait, on est en faveur du changement et on est bien conscients que
des réformes peuvent et doivent être entreprises dans le réseau de la santé. Et une expression que vous avez employée
dans les travaux parlementaires, que j'ai bien aimée, c'était de
dire : Ça n'arrivera pas par génération spontanée. On est tout à fait
d'accord avec ça. Par contre, on trouve que le réseau de la santé a une capacité d'absorption limitée des
réformes. Et, lorsqu'on décide d'y aller avec une réforme, il faut
s'assurer d'avoir une réforme qui a le
soutien, et qui va être en mesure de mobiliser les gens du réseau de la santé,
et qui répond aux besoins qui sont documentés, connus et les plus
urgents, donc d'où notre remarque sur la nécessité de travailler d'abord sur la
première ligne.
M. Barrette : O.K. Je reçois ça très
favorablement, là, ne pensez pas que je ne suis pas d'accord avec vous. Au contraire, je pense qu'il y a quelque chose à
faire en première ligne. Puis, puisque vous abordez le sujet... ou
peut-être, avant d'aborder le sujet, parce
que je vais demander d'élaborer là-dessus, ça m'intéresse vu de l'angle des
usagers, si on peut revenir au comité national des usagers. Donc, je
comprends que c'est une espèce de position commune avec la Coalition Priorité
Cancer. Donc, vous êtes en faveur de ça?
M. Dupuis (Gabriel) : Tout à fait.
M. Barrette : Maintenant, le rôle de
ce comité national là, vous le voyez comment? Vous le voyez... Hier, la Coalition Priorité Cancer, là, voyait... après
discussion, là, après la séance à laquelle ils avaient participé, ils
m'expliquaient qu'ils voyaient ça de façon plutôt temporaire, pour la
transition. Est-ce que c'est la même chose pour vous?
M. Dupuis (Gabriel) : C'est une...
M. Barrette : Et, je m'excuse, je me
suis peut-être mal exprimé. Eux autres me disaient qu'ils voyaient le mandat ou la mission d'un tel comité comme étant
consultatif pour bien faire la transition entre maintenant et ce vers quoi on se dirige avec le projet
de loi n° 10. Est-ce que vous partagez cette opinion-là?
M. Dupuis (Gabriel) : Je vous dirais
que le comité national, l'idée derrière ça, c'est qu'au niveau national on puisse avoir une diversité des points de vue, une diversité des... parce
que chaque organisme en défense des
droits des patients a quand même une spécificité qui est la sienne, un
regard qui est le sien. Et nous, au CPM, on est là depuis 40 ans, on a développé
un regard qui est quand même très, très ouvert, très, très grand, mais en même
temps on est conscients qu'il y a d'autres
organisations, puis on est très à l'aise avec ça. Et le comité national peut
certainement jouer un rôle dans la
transition si jamais adoption du projet de loi il y a, mais ça ne change rien à
notre position de principe. C'est un
peu comme un argument principal versus un argument subsidiaire. Donc, à titre
principal, nous, on vous conseille, avec
égard, de retourner, comme on dit, à la table à dessin et de mobiliser les
acteurs du réseau sur une nouvelle réforme. Mais, si le projet de loi
devait être adopté malgré tout, à titre subsidiaire, oui, un comité national,
pour au moins faire entendre la voix des patients, peut être souhaitable.
M. Barrette : O.K. Non,
mais, moi, la question que je vous posais, c'était sur la finalité et la durée
de vie d'un tel comité. Vous, vous le voyez à long terme, là.
M.
Dupuis (Gabriel) : Ça peut être utile à long terme. Ça, je vous dirais
que c'est des détails dont on pourrait toujours
rediscuter, là. C'est peut-être un niveau de détail qui n'est pas exactement là
où je veux aller. Mais, comme je dis, nous, on a une position qui est
claire sur le projet de loi n° 10, qui est qu'on aurait préféré qu'une
autre étude de réforme soit apportée.
M.
Barrette : Oui. Mais, une autre remarque, je pense que vous avez
raison, il y a un élément qui nous a échappé qui est celui du surnombre pour les représentants des résidents. Ça,
c'est vrai, on en prend bonne note puis on va faire une correction à cet
effet-là.
Si je reviens
maintenant... Écoutez, je ne peux pas faire autrement que vous poser la
question puis vous demander d'élaborer
là-dessus, là, puisque vous me le demandez. Et, je vous le dis tout de suite,
là, je veux bien retourner sur ma
planche à dessin, mais il y a des éléments, sur la planche, qui sont déjà dessinés
et qui ne vont pas disparaître, si vous
me le permettez, là, de le dire comme ça. Mais j'aimerais ça que vous élaboriez
aussi librement que vous le vouliez sur
ce que vous considérez comme étant plus pressant. Vous avez fait référence à la
première ligne, je pense que c'est ça, d'abord et avant tout, que vous
visez. Pouvez-vous être plus spécifique? En fait, si vous aviez à mettre les
points sur le dessin pour que je puisse peinturer aux numéros, là... Faites-moi
donc le dessin.
M.
Dupuis (Gabriel) : Oui. Je pense que le grand absent de la réforme, si
on parle aussi de générer des économies pour redonner l'argent aux
usagers, c'est tout le mode de rémunération des médecins. Le mode de
rémunération des médecins ne les incite pas,
au niveau de la première ligne, à avoir un travail qui est réellement
interdisciplinaire à offrir.
Au
fond, les usagers nous disent tous la même chose. On se promène partout, on
parle à tout le monde, on fait... On va, par exemple, demander à des
conférenciers réputés de venir animer nos événements, et, à chaque fois, la
même recommandation est émise : Ça nous
prend des cliniques ouvertes à des heures qui sont élargies, où une personne
peut se présenter avec un problème de santé relativement mineur et obtenir des
soins, de la multidisciplinarité, qu'on ait des infirmières, des nutritionnistes, toutes sortes de gens, et que ce soit
à l'échelle locale, à l'échelle de la proximité pour qu'on puisse
libérer les établissements hospitaliers de ce type de demandes qui n'est pas de
leur mission première, et ça serait... c'est ce que les usagers désirent.
Donc,
selon l'orientation politique, on peut dire qu'il faut que ça soit les CLSC, on
peut dire qu'il faut que ça soit les
GMF, mais, à la base, d'avoir un lieu de soins qui est local, qui est ouvert à
des heures élargies et où on peut rencontrer une diversité de professionnels du réseau de la santé, là. Ça, c'est la
base de ce qu'on veut en première ligne. Et le projet de loi, dans mon
interprétation, ne nous amène pas à avoir ça dans l'immédiat, là.
• (17 h 50) •
M.
Barrette : Je comprends bien
ce que vous dites, mais les usagers ne doivent pas vous dire que c'est lié au
mode de rémunération des médecins, par exemple.
M. Dupuis
(Gabriel) : Non, je vous dirais que ça, c'est tous les experts qu'on a
consultés afin de nous outiller et d'outiller nos membres, comme membres de
comités des usagers, à comprendre un peu ce qui se passe dans le réseau de la santé. Donc, bien sûr,
on travaille avec les proches aidants, avec les usagers directs, mais on
s'entoure de gens aussi qui étudient le système de santé et qui sont en mesure
d'émettre un jugement sur le système.
M. Barrette :
Et je ne peux pas m'empêcher de vous poser cette question-là, qui est vraiment
une question biaisée, mais je ne peux pas m'empêcher : Est-ce que les
usagers perçoivent qu'il y a assez de médecins au Québec?
M.
Dupuis (Gabriel) : Je vous
dirais que ce n'est pas une thématique que les usagers abordent directement avec nous. Quand les usagers
nous contactent, puis je reviens encore à mon exemple de la clinique où on peut
obtenir des soins dans un lieu de proximité, ça va être : Écoutez, mon
médecin a pris sa retraite. Là, je ne comprends pas, j'étais persuadé que les
médecins du GMF me prendraient. Ils ne veulent pas me prendre. Là, j'appelle au
GACO — et
le GACO nous montre, justement,
comment mettre en place un processus,
ce n'est pas un gage de qualité — je
n'arrive pas à avoir la ligne, c'est toujours
engagé. Donc, c'est de cette façon-là que les usagers vont nous amener la
problématique du médecin.
Quand on va parler
plutôt du nombre de médecins, etc., c'est plus qu'on consulte les universitaires,
bien sûr.
M. Barrette :
O.K. Toujours de la perspective des usagers, et je l'ai dit à plusieurs
reprises, et je l'ai même, évidemment, vécu, là, je l'ai vu des deux bords de
la lorgnette, là, vous n'avez pas abordé la problématique du cheminement du patient dans le système de santé. En général, les usagers considèrent que les soins qu'ils
reçoivent, quand ils le reçoivent, sont satisfaisants, même très bons. Je n'ai
jamais vu un sondage qui critiquait la qualité des soins au Québec, je n'ai jamais vu ça. On voit des gens qui ne
sont pas satisfaits quand il y a des complications, des choses comme ça, là. Je ne vous dis pas que c'est
parfait, mais je vous dis qu'en général les gens semblent satisfaits des
soins quand ils les ont, mais, dans le cheminement dans le système de santé,
c'est plus laborieux. J'aimerais ça que vous nous éclairiez là-dessus, vu de la
perspective des usagers. Vous avez abordé l'accès, mais après l'accès.
M. Dupuis (Gabriel) : Oui. Sur la
question de la qualité de soins, je ne peux pas m'empêcher de quand même
mentionner que le secteur des CHSLD a dû quand même faire l'objet d'un
sérieux coup de barre avec les années pour être en mesure d'améliorer la qualité qui est
offerte. On est contents de voir que des améliorations sont faites, mais
il reste encore du chemin à parcourir au niveau
des milieux d'hébergement, aussi au
niveau des ressources
intermédiaires.
Donc, quand
on parle que l'usager est content des soins, on le voit souvent dans une
perspective hospitalière, mais les
soins, c'est plus large que ça. Alors, je vous dirais que c'est sûr qu'une
chose qui préoccupe tout le monde, c'est les corridors de services, la continuité, le fait de ne jamais être échappé
à quelque part dans le processus. Ce qu'on
soumet, c'est que l'appartenance à une même
entité juridique, à une même immatriculation, à la limite au registre des
entreprises, n'est pas gage du fait
que les gens vont forcément travailler en étroite collaboration. On le voit dans certains CSSS où, si on essaie d'obtenir des
soins à domicile plutôt qu'être hébergé en CHSLD — normalement, ces
gens-là travaillent ensemble, le CLSC, le
CHSLD — c'est
difficile d'avoir une coordination. Donc, comme on dit, on pense qu'il ne faut
pas faire une association directe entre intégration administrative et
intégration clinique.
M. Barrette : Bien, moi, je vous
répondrais le contraire. Je vous répondrais qu'actuellement le mode d'organisation du Québec a fait la démonstration
qu'il n'était pas capable de faire ce que vous venez de dire et que, si
la construction actuelle ne le permet pas,
il est raisonnable de penser qu'une entité où il y a une intégration
administrative, à qui on donne la mission et
donc l'obligation de faire ça, et que ceux qui ont à gérer sont imputables de
le faire, il y a bien plus de
chances, avec un système comme ça, qu'on ait les résultats que vous recherchez
qu'actuellement, où ça n'arrive pas. Vous ne trouvez pas?
M. Dupuis (Gabriel) : Je vous
dirais, et vraiment avec les plus grands égards, que j'entends de votre part un
cri du coeur, une tentative de la dernière
chance d'enfin nous donner ce qu'on veut, au Québec, de notre réseau de la
santé. Mais, si c'est notre dernière chance,
si c'est notre dernière tentative, et d'y aller de la façon forte, avec une
grosse structure, faisons-le d'une façon qui va mobiliser les acteurs,
parce qu'on ne peut pas se permettre de se tromper.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange. Je vous remercie et je cède
maintenant la parole à notre collègue députée de Taillon pour un bloc de
12 minutes.
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Me Dupuis, M. Hurteau, merci d'être présents. Le
Conseil pour la protection des malades est reconnu — moi, je le connais
depuis plusieurs années — pour
son franc-parler, pour, vraiment, sa
capacité à témoigner de ce que les malades, les usagers, les citoyens vivent au
niveau du système de santé, et, dans ce contexte, je trouve que votre
intervention est très courageuse, elle précise bien les choses.
Je demande
toujours aux gens s'ils ont été consultés. Est-ce que vous avez été consultés
par le ministre avant la rédaction du projet de loi n° 10 ou dans
les travaux?
M. Dupuis (Gabriel) : Non, on l'a
appris lorsqu'il y a eu la fuite par Radio-Canada.
Mme Lamarre : D'accord. Alors, je
veux juste aussi vous confirmer que je ne vous ai pas consultés et que vous ne m'avez pas consultée, mais que je
constate, à la lecture de vos recommandations, qu'on arrive aux mêmes
priorités, et je les lis. Vous avez :
priorité première ligne, accès, continuité, interdisciplinarité, au travail
d'équipe. Alors, il y a un moment
donné où on est nombreux à dire au ministre que c'est ça qui préoccupe la
personne qui est à la maison actuellement puis qui nous regarde et qu'il
faut qu'il se passe quelque chose.
Parallèlement à ça, si le ministre veut faire
d'autres types de réformes, ça peut être son choix, mais la priorité prioritaire, c'est celle d'améliorer ça. Il ne
nous a pas fait la démonstration encore que le grand réaménagement auquel il nous expose va nous donner la moindre
garantie qu'on va avoir une amélioration de l'accès. Au contraire, les experts viennent nous dire : Quand on
rebrasse toutes ces structures, on paralyse le système pour encore trois ou
cinq ans. Et vous nous dites que, déjà, on en a assez d'attendre.
Et on pense qu'on est capables d'avoir mieux. Et
moi aussi, je pense qu'on est capables, même dans notre structure, d'avoir
mieux, et ce que ça prend, ça prend l'imputabilité dont le ministre parle et ça
prend le courage de demander de la reddition
de comptes, par exemple, aux GMF, par exemple, dans l'organisation des
structures, au niveau de la
collaboration. Alors, moi, je pense qu'il y a beaucoup encore de possibilités
dans notre système, mais ça nous prend vraiment quelqu'un qui va donner
l'autorité. Et vous êtes le premier à aborder certains enjeux au niveau du mode
de rémunération. Vous avez parlé de celui
des médecins, mais probablement aussi de tous les professionnels de la santé,
des façons de créer des incitatifs et des désincitatifs qui font en sorte qu'on
obtient de meilleurs résultats. Mais, dans le contexte
actuel, c'est sûr que le ministre a une autorité, a une capacité, certainement,
de demander et d'obtenir mieux.
Vous êtes les premiers à aborder peut-être plus
les problématiques de Montréal. Parce qu'étonnamment on a eu beaucoup de gens qui sont passés, on a parlé
des régions, on a parlé de Québec, Sherbrooke, mais, Montréal, vous êtes
les premiers. Et je dois vous dire quand même que, pour avoir été proche de
Montréal — je
suis en Montérégie, mais quand même — on doit reconnaître que, du côté de
l'agence, du modèle de l'agence, ce n'était pas optimal. Est-ce que vous
avez des suggestions? On a eu des experts qui sont venus nous dire qu'il y
avait un volume d'habitants, autour de 500 000,
par exemple, qui faisait en sorte que ça, ça nous donnait une meilleure
capacité à faire une intégration verticale, là, comme ce qui est proposé. Avez-vous d'autres problématiques ou d'autres
suggestions particulières? Puis vous évoquez aussi les problèmes du CUSM et du CHUM. Alors, vous pouvez répondre à
tout ça en même temps, si ça vous convient.
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, je répondrais d'abord... je voudrais en profiter pour
répondre au ministre en disant que les
patients, les usagers, nous ne sommes pas vraiment intéressés par les
statistiques, à savoir : Est-ce que, du point de vue populationnel, il y a assez de
médecins ou pas? Ce que nous constatons dans la vie de tous les jours,
c'est qu'il y a des problèmes et que nos usagers rencontrent des problèmes à
avoir accès à des soins de première ligne et même, souvent, de spécialistes.
Alors, ça demeure un problème.
Et
c'est sûr que, pour aborder la question de Montréal, ce que j'ai dit, c'est
vrai, ce que le ministre a dit, c'est vrai aussi, mais là ce qu'il n'a
peut-être pas tout à fait dit, c'est que, bien sûr, en 2007, les parties se
sont entendues sur un plan clinique qui
supposait la livraison de certaines marchandises qui n'ont pas été livrées,
hein? Alors, c'est pour ça que, quand
on parle d'anxiété, là, ce n'est pas quelque chose qu'on imagine. Il y a un de
nos usagers qui a passé à l'émission de Bazzo, là, cette semaine, qui est un jeune hémodialysé, il est vraiment
préoccupé, lui, là, parce que lui, il n'est pas intéressé d'aller à Lachine. On parle de proximité, le ministre a parlé lui-même de rendre ça proche de son
domicile, mais, quand on reste au
centre-ville puis qu'on va à Lachine, on est loin du compte,
là, hein?
Et,
pour revenir au plan clinique, là, je pourrais en parler pendant des heures,
là, mais c'est sûr que le ministre le sait, il est au courant, je ne lui apprends rien, qu'il y a
une réduction des volumes cliniques. Et les usagers et nous, là — je ne
crois pas que le ministre a compris ça dans ce sens-là, mais je veux le dire
clairement — nous
ne nous opposons pas à la mission tertiaire et
quaternaire, sauf qu'attachez les fils. Si on ne peut plus être reçus là — la question que j'ai posée tantôt, elle
n'est toujours pas résolue, on est à six mois — et je ne parle pas rien que des cas d'hémodialyse,
où va-t-on? On n'a
pas l'impression... Comme on dit au CUSM :
«Where is the plan?», tu sais, où est le plan? On ne le sait pas. On
arrive avec des solutions ici, un bout de ci, un bout de ça, et on n'a pas
l'impression, là... d'où le sentiment d'inquiétude,
parce qu'on sent que, je ne sais pas, là, c'est
comme pas organisé comme il le faut, là, je ne sais pas si... Peut-être ce l'est, mais,
si ce l'est, on aimerait ça être informés, ça
nous sécuriserait. Je ne sais pas si ça répond entièrement à votre
question.
• (18 heures) •
Mme Lamarre : Oui. Je voulais juste voir si...
M. Hurteau
(Pierre) :
Mais, c'est ça, moi, je ne suis pas un spécialiste de ça, là, mais vous
savez que les problèmes de santé mentale
sont particulièrement aigus à Montréal, ce n'est
pas, je ne sais pas, moi, dans une région plus éloignée qu'on aura la même
problématique d'itinérance, etc. Or, il y a des problèmes d'organisation de la
première ligne et ensuite de
coordination des soins de la première ligne avec la deuxième ligne en
psychiatrie, là. Alors, tout ça, c'est
ça qui fait que, comme j'ai dit tantôt, nous, là...
Écoutez,
là, moi, ça fait sept ans ou huit ans que je
travaille, là... bien, je travaille, entre guillemets, je suis
bénévole, mais dans cette organisation-là, et, comment que je
dirais, ce n'est pas moi qui va ici dire que,
la paperasse, il n'y en a pas de trop, et que, des structures, il n'y en a pas de trop, et qu'il y en a certaines
qui peut-être méritent de disparaître, parce qu'en sept ans on a voulu se faire
entendre, on n'a pas été entendus comme usagers, dans bien des cas, par ces
structures-là qui sont appelées à disparaître. D'accord, mais je reviens à ce
que j'ai dit tantôt, et c'est pour ça qu'on
a formé la coalition à Montréal, c'est que nous, on croit qu'on
fait partie de la solution. Ce n'est pas les
soins centrés sur le patient, c'est le patient en partenariat avec le réseau qui va
trouver des solutions. Et, quotidiennement, dans notre participation à de multiples comités, que ce soit celui de la
qualité, que ce soit celui de vigilance, que ce soit celui de soins de fin de
vie, on a des comités de transition pour les soins ambulatoires, mais on participe à tout ça, et on fait partie de la solution. Mais ça, il ne
faut pas le diminuer, il faut le cultiver, il faut l'engraisser, l'enrichir.
Mme
Lamarre : Si j'essaie de vous résumer, vous dites que vous n'êtes pas
parfaitement satisfaits, mais vous trouvez qu'il y a d'autres options
que celle que le ministre propose, qui pourraient peut-être être des voies
également qui donnent des résultats rapidement sans être nécessairement un bouleversement structurel où vous dites : On a déjà donné,
on a déjà fait des tests puis on n'a pas eu le résultat. Là, on est rendus à
avoir... Donnez-nous l'impact des services et des soins, après on vous laissera faire des petites choses si ça vous
tente de vous amuser avec les structures. Alors, ça, je vous entends bien. Donc, vous voulez une garantie
urgente d'accessibilité aux soins et vous voulez qu'on puisse vous le
dire clairement, et ça, ça devrait pouvoir se faire,
normalement.
Vous
savez que la proposition, c'est une
proposition qui est basée sur des règles de gouvernance. Et, dans la gouvernance, il y a différents éléments, et on les
retrouve, là, à l'article 11 de la page 9
du projet de loi. Mais il y a une dimension
qui est très importante dans tous les exercices de gouvernance, et je pense
qu'on se rejoint très bien là-dessus, c'est
la dimension de l'appropriation. Quel que soit le modèle de gouvernance qu'on
propose, s'il n'y a pas une appropriation
des gens, ça ne fonctionnera pas. Et ce que vous nous dites, c'est : L'appropriation par les usagers, elle est importante,
par les partenaires... Moi, j'aime beaucoup, effectivement, le
projet patient partenaire de l'Université de Montréal,
mais... c'est une dimension qui traverse
partout dans les pays du monde où on veut faire des
gains d'efficience, hein? Il y a des gains cliniques, mais il y a aussi des gains d'efficience. Je
veux dire, si vous êtes 100 patients qui travaillez dans le bon
sens, c'est bien plus facile que si on est
10 professionnels à essayer de vous amener dans la direction. Alors, cette contribution du patient qui participe...
mais il faut qu'il ait confiance, dans le fond, et c'est
ce que vous dites : Là, on n'a pas
confiance, on n'est pas sûrs et on ne comprend
pas le mécanisme qui nous est proposé.
L'appropriation,
elle est aussi importante, je vous dirais, au niveau des travailleurs du réseau
de la santé, au niveau des professionnels de la santé, au niveau des
gestionnaires. Et là on se rend compte qu'il
n'y pas de démarche qui a été faite, et, au contraire, on est dans un mode
précipité où on impose des mesures. Alors, toute la dimension d'appropriation
ou de non-appropriation, elle génère une résistance, et je pense qu'avec les
expériences antérieures, peut-être que vous
la soupçonnez... ou, en tout cas, je crois que vous voyez qu'il n'y a pas cette
énergie ou cette volonté, là, du système et des professionnels de vous accompagner dans votre démarche comme vous en avez
besoin.
M. Dupuis (Gabriel) :
Oui. Et je pourrais vous donner un exemple très précis...
Le
Président (M. Tanguay) : Pour un
dernier 10 secondes.
M.
Dupuis (Gabriel) : Moins précis! Oui, vous avez raison dans ce que
vous décrivez. Et ce qui est très
inquiétant, c'est qu'à quelque part le réseau
se gèle durant deux, trois ans où les gestionnaires vont dessiner des
organigrammes, engager des consultants,
créer des comités provisoires, mais là-dedans, là,
les besoins, là, qu'on doit régler maintenant, quand ils vont être réglés, on ne le sait pas.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup. Je dois maintenant avoir... obtenir le consentement des
collègues pour permettre à notre collègue de
Saint-Hyacinthe de pouvoir, j'imagine, je le présume, poser des questions et
échanger. Alors, est-ce que nous avons le consentement? Consentement. Alors,
je vous prie, chère collègue de Saint-Hyacinthe, pour un bloc de huit
minutes, d'échanger. Merci.
Mme
Soucy : Merci. Alors, bonjour. J'ai
lu votre rapport avec intérêt. Je constate que vous êtes très critiques
envers le projet de loi, vous avez des
préoccupations qui sont très compréhensibles, et que certaines de vos
préoccupations, que je partage, alors...
Mais, au-delà des structures, on doit se préoccuper — puis
je pense que tout le monde, ici... — de l'accessibilité et de la qualité des soins qui sont administrés aux patients.
Pour votre préoccupation en ce qui a trait avec les pouvoirs que le ministre s'attribue, effectivement, je suis d'accord
avec vous, avec votre préoccupation, parce que le ministre s'accorde
beaucoup de pouvoirs. Alors, je suis dans la
même lignée que vous.
Je
suis... J'aimerais ça vous entendre sur un des aspects que vous apportez, sur le fait que vous dites : Les... Votre préoccupation,
en fait, c'est qu'il y ait l'apanage des
personnes qui résident à proximité des centres administratifs et que les
autres ne puissent pas se déplacer. Alors, qu'est-ce que vous proposez à ce
problème-là?
M.
Dupuis (Gabriel) : Oui, bien, je vous dirais que c'est un drapeau qu'on lève pour amener les
parlementaires à se questionner sur cette
question. C'est qu'en fait il faut comprendre
que, dans les régions administratives comme
par exemple l'Abitibi-Témiscamingue, en
termes de kilomètres, le territoire du CISSS va être absolument énorme. Et,
même si on maintient, d'un point de vue
strictement formel, les mécanismes de participation citoyenne dans la LSSSS,
allant des forums des populations jusqu'aux comités des usagers, il reste que,
si les réunions se tiennent au centre administratif, comment on va pouvoir s'attendre à ce que les usagers, qui, typiquement,
sont souvent atteints de maladies chroniques ou peuvent avoir une
mobilité qui est réduite, vont accepter de faire des centaines de kilomètres? Si vous partez, par exemple,
de La Sarre pour aller
dans le secteur du Témiscamingue... Évidemment, ce qui va arriver en pratique,
c'est que ce sont les usagers qui sont proches du centre administratif qui vont
tenter leur chance pour être membres du C.A. ou pour être membres du
comité des usagers, et les gens qui sont des secteurs plus éloignés vont, fort
probablement, décider que c'est trop difficile, c'est
trop de déplacements. Dans la prise de décision, on craint que ça fasse
en sorte que les intérêts des régions plus en périphérie du centre
administratif soient un peu négligés.
• (18 h 10) •
Mme
Soucy :
O.K. Mais vous n'avez pas une proposition... Qu'est-ce qu'on fait avec
ça? Est-ce que vous avez une proposition à nous...
M.
Dupuis (Gabriel) : Bien, notre proposition, c'est que... Premièrement, les CISSS, on s'y oppose. L'ensemble de la réforme qui est proposée par le projet de loi n° 10, on s'y oppose. On est d'accord avec les objectifs, mais on pense que cette réforme-là est
partie sur de mauvaises bases et qu'il y a lieu de la revoir de A à Z. Donc, on
est opposés au projet de loi.
Maintenant, un des éléments qu'on a apportés — puis
on n'a pas été le
seul groupe à l'apporter — c'est, premièrement, de réfléchir, bien, c'est quoi, la taille idéale d'un CISSS. Est-ce que
nos CISSS sont trop gros? Est-ce
qu'on n'aurait pas pu faire 50 CISSS au lieu
de 20 quelques? Donc, on peut avoir des centres intégrés, mais
de cette taille-là, c'est discutable. Mais, comme je vous dis encore, nous, on maintient une opposition de
principe au projet de loi
n° 10.
Mme Soucy : Le ministre a dit, depuis le début du projet
de loi, que c'est une mesure qui est
transitoire. Alors, est-ce que
cela vous rassure ou est-ce que vous exigez des modifications pour que, dès maintenant,
on mette fin au risque de politisation tel que mentionné par plusieurs
autres intervenants qui sont venus préalablement?
M. Dupuis
(Gabriel) : Je vous dirais que l'avocat
en moi ne voit pas, à la fin du projet de loi, les dispositions transitoires qu'on retrouve normalement dans un projet de loi qui
est de nature transitoire. Donc, au simple point de vue formel, si le projet de loi est transitoire, bien, il faudrait que le projet de loi le dise, qu'il est transitoire.
Parce
que,
là, pour l'instant, on ne voit rien de transitoire là-dedans.
Au contraire, on voit un projet de
loi qui doit être implanté à
toute vitesse.
Aussi,
s'il est transitoire, bien, transitoire pour
aller vers quoi? Encore là, comme les acteurs du milieu n'ont pas été mobilisés, sollicités, consultés, on ne sait pas
non plus quelle serait la prochaine étape.
Alors, comme on le dit d'entrée de jeu, là, dans les premières pages du mémoire,
on est un peu contraints à se prononcer sur ce qui est devant nous, on ne peut
pas se prononcer sur des projets de loi hypothétiques.
Mme Soucy : Les risques de politisation, lesquels
que vous voyez? Donnez-nous un exemple.
M. Dupuis (Gabriel) :
Ça peut être de deux ordres, un premier ordre de politisation, c'est-à-dire que
les postes du réseau de la santé deviennent
un nid à nominations partisanes, où on pourrait donner une carrière
confortable à des gens
qui ont rendu service aux partis, là, comme ça s'est déjà vu
dans d'autres secteurs de l'État. Et le problème que cela amène, comme vous le savez, c'est la question de la compétence. On pourrait avoir des
gestionnaires qui gèrent de grands budgets, de grandes organisations, qui n'ont pas toute la compétence pour le faire.
Aussi, la
politisation peut se manifester dans, par exemple, les choix difficiles, lorsque
des problématiques budgétaires se présenteront, que devra faire le CISSS. Donc,
on ne veut pas que les choix que le CISSS fasse en termes d'investissement
ou de coupures soient dictés par des besoins politiques, là, c'est-à-dire
d'aller chercher le nombre de votes qu'il nous manquait dans telle boîte de vote à tel
endroit, là. Alors ça, on dit ça de façon complètement non partisane. On pense que ce n'est pas forcément un parti plus qu'un autre. Mais, quand on regarde la nature même du
CISSS et de sa gouvernance, c'est un risque qu'on identifie.
Mme Soucy : O.K., merci. Pour revenir aux CISSS, vous dites,
bon : On n'est
pas d'accord, les
entités sont trop grosses. Vous donnez
l'exemple dans ça que les CISSS de la Montérégie
devraient être scindés. En fait, c'est
une recommandation qu'on amène sur la Montérégie, bon, vu la taille, le nombre de la
population. Alors, je suis d'accord
avec vous dans ce cas-là.
Je voulais
vous ramener au fait que vous dites, d'entrée de jeu :
L'objectif est louable, mais on n'est pas d'accord
avec le projet de loi actuel. Vous êtes d'accord
avec moi qu'actuellement on n'a pas un
système... un réseau de la santé qui est très efficient et qui est accessible,
en ce moment. Alors, on ne peut pas faire le statu quo, il faut faire des modifications. Alors, j'aimerais
ça vous entendre un petit peu. Qu'est-ce qui vous rassurerait? Parce que vous
parlez de consultations. Je pense que
c'est ce qu'on
fait, l'exercice qu'on fait présentement, ça
en est, de la consultation. Qu'est-ce que vous vous attendez? Qu'est-ce
qui vous rassurerait par rapport à ça?
M. Dupuis (Gabriel) : Je vous dirais :
L'occasion actuelle, elle est presque historique. On parle enfin de
rebrasser tout le système de santé, d'envisager toutes les possibilités. Et, à
cet égard, on aurait aimé trouver quelque chose de différent comme proposition, quelque chose
qui, au lieu de nous amener sur des terrains de pure réforme de
structures, de pure appropriation de l'autorité en centralisant
vers le ministère, nous emmène vraiment, comme je l'ai mentionné,
vers un vrai développement de la première
ligne. Et, nous, la solution doit être centrée
sur la première ligne. Et ça implique donc... et c'est des mesures
concrètes que je nomme, par exemple de revoir le mode de rémunération
des médecins, de se donner enfin des cliniques où on pourrait être traité à
proximité, à des heures d'ouverture élargies et par une équipe
multidisciplinaire. Ça, on ne le voit pas.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps dont nous
disposons. Nous remercions donc les deux représentants du Conseil pour la
protection des malades.
Compte tenu
de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, après les
affaires courantes, afin de poursuivre les consultations particulières
et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 10. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 16)